Ps .s. ere pd HR Lente ere - «ke RRAAÉRS ELLES SALR ESS) ARS PET ET PR A SRE ARR ANA ASE: % nn nn 2e CRETE RE EE re SSTETA PES En Rémi CI TRY ON CRE RARES RTS TEE PCR PR TES MARCEU LÉ A 2 rh él 2 n COMPTES RENDUS HEBDOMADAIRES SÉANCES ET MÉMOIRES SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE COMPTES RENDUS HEBDOMADAITRES SÉANCES ET MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE TOME DEUXIÈME — HUITIÈME SÉRIE ANNÉE 1885 TRENTE-SEPTIÈME DE LA COLLECTION Avec figures PARIS G. MASSON, ÉDITEUR LIBRAIRE DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE 120, BOULEVARD SAINT=GERMAIN 1885 1 BHALATAMOC l HOOOIE | a88l = : FOTOS) AÏ 46 au au SSP SCA UE À EE Se 5 4 x 4} Se cirelne HER Fa 2 - ’ ss 107 à 2 0 ‘ ? ve : 4 HO Pr VO V AUATIQN NOBAAM ND) | Broad 34 aimicess il A BAtANATUE | TC DRE # | : PVR LISTE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE AU 31 DÉCEMBRE 1885 ABRÉVIATIONS A A M, associé de l’Académie de médecine. AEP, agrégé à l'École de pharmacie. AFM, agrégé à la Faculté de médecine. AH, accoucheur des hôpitaux. ANM,aide-naturaliste au Muséum. CAM, correspondant de l’Académie de médecine. CH, chirurgien des hôpitaux. Mar, membre de l’Académie française. MAM, membre de l’Académie de médecine. MAS, membre de l'Académie des sciences. Mn, médecin des hôpitaux. P CF, professeur au Collège de France. PEP, professeur à l'École de pharmacie. PE v, professeur à l'École vétérinaire. PF M, professeur à la Faculté de médecine. PFS, professeur à la Faculté des sciences. PM, professeur au Muséum. P U, professeur à l'Université. COMPOSITION DU BUREAU Secrétaire général............. Secrétaire général adjoint.... Secrétaires ordinaires......... M. Bert (Paul). M. d'Arsonval (A.). M. Hanot (V.). M. Dumontpallier. M. S'raus {[.). M. Henneguy (F.). M. Larcher (0.). M. Blanchard (R.). M. Vignal (W.) M. Chatin (J.). M. Hardy. MEMBRES HONORAIRES MM. Chevreul (M.-E.), MAS,PM. Gosselin (A.-L.),MAM,MAS,PFM honoraire. Guéneau de Mussy (H.), M A M. | MM. Pasteur (Louis), MA F,MAS, A A M. Quatrefages de Bréau (J.-L.-A. de), MAS,AAM, PM. MEMBRES TITULAIRES HONORAIRES MM. Balbiani (G.),P cr, 18, rue Soufflot. Ball (B.), m 4 mu, P F M, 179, boule- vard Saint-Germain. Bert (Paul),M AS,PrSs, député, 9, rue Guy de la Brosse. Berthelot (M.-P.-E.), M AS, M AM, PCF, au palais de l’Institut. Blot, M A M, 26, avenue de Messine. Bouchereau, M x, 1, rue Cabanis. Bouchut, M H, A F M, 58, rue de la Chaussée-d’Antin. Bourneville (D.), mx, député, 14, rue des Carmes. Brown-Séquard, c AM, Pc F,15, rue Soufflot. Charcot (J.), M AM, MAS, PF M, 117, boulevard Saint-Germain. Chan (G.-A.), MA M, MAS, PE°P, 4, avenue de l'Observatoire. Chatin (Joannès), A E P, maitre de conférences à la Faculté desscien- ces, 128, boulevard Saint-Ger- main. Cornil (V.),MA M; PF M, MH, séna- teur, 19, rue Saint-Guillaume. Duguet, A FM,Mu, 60, rue de Lon- dres. Galippe (V.), chef du laboratoire de la clinique d'accouchements, 48, rue Sainte-Anne. VI EEE TE Ne MM. Gallois, rue des Saints-Pères, A0. Goubaux, M AM,PE v, à Alfort. ‘Gréhant (N.), A Nm, 17, rue Ber- thollet. Grimaux, À F M, professeur à l’É- cole polytechnique et à l'Institut agronomique, 123, boulevard Montparnasse. Hallopeau, AF M, MH, 90, rue d’As- torg. Hardy, 90, rue de Rennes. “Hayem (G.),PFM,MH, 7, rue de Vigny. Hénocque, directeur-adjoint du la- boratoire- de médecine au Col- lège de France, 97, avenue de Villiers. Javal, directeur du laboratoire d’ophthalmologie de l'École des Hautes Études, député, 58, rue de Grenelle. Joffroy, AFP,Mx, 26, rue Godot de Mauroi. Laborde (V.), chef des travaux phy- siologiques à la Faculté de mé- decine, 45, rue de l'École de mé- decine. Laboulbène, MAM,PFM,M Hu, 181, boulevard Saint-Germain. Lancereaux, (E.), M AM, AFM, MH, 44, rue de la Bienfaisance. Leblanc,x 4 M, 19, rue du Faubourg- Poissonnière. Lebret. Leven, 12, rue Richer. MM. Liouville, AFM, député, 3, quai Malaquais. Guys,MAM,Mn, 20, rue de Grenelle. Magnan, M x, 1, rue Cabanis. Magitot, 8, rue des Saints-Pères. Malassez, directeur adjoint du la- boratoire d’anatomie générale au Collège de France, 168, bou- levard Saint-Germain. Marey, mas, Mmam,Pcr,11, boule- vard Delessert. Milne-Edwards (Alph.), MAS, MA, PM,PE P, 7, rue Cuvier. Ollivier (Aug.), A F M, M EH, 5, rue de l'Université. Onimus, 7, place de la Madeleine. Poncet (de Cluny), 76, rue Notre- Dame-des-Champs. Ranvier, MAM,PCF, 88, avenue d'Orléans. Raymond (F.), AF M, MH, 8,rue Greffulhe. Regnauld (J.), MA M, PFM, 83, bou- levard Saint-Michel. Robin (Albert), AFM,Mux, 4, rue de Saint-Pétersbourg. Sappey, MAM,PFM, 16, rue de Fleurus. | Trasbot, PE v, à Alfort. Vaillant (L.), PM, 10, quai Henri IV. Verneuil, mA M, P EF M, 11 boule- vard du Palais. Vidal, mA M,M x, 47, rue Cambon. Vulpian, MAS, MAM,PFM,MH ho- noraire, 24, rue Soufflot. MEMBRES TITULAIRES MM. Arsonval (A. d’), directeur du la- boratoire de physique biologique au Collège de France, 28, avenue de l'Observatoire (1880). MM. Beauregard (Henri), AEP, ANM, rue Cuvier, 57 (6 décembre 1884). Blanchard (Raphaël), AFM, secré- taire général de la Société zoolo- = \Vt —— MM. gique de France, 9, rue Monge (16 février 1884). Bloch, 13, rue du Conservatoire (9 août 1884). Bouchard, PFM,Mu, 474, rue de Rivoli. Bourquelot, pharmacien des hôpi- taux (7 juillet 1885). Budin (Pierre), AFM, AH, 22, rue de l’Odéon (1878). Chamberland, directeur-adjoint du laboratoire de M. Pasteur, 45, rue d'Ulm (décembre 1883). Cotard, maison Falret, à Vanves. Dastre (A.), professeur-suppléant à la Faculté des sciences, maitre de conférences à l’École normale, 23, rue de Verneuil (1881). Déjerine, AF M, Mu, 14, rue Jacob (19 juillet 1884). Duclaux, PFS, professeur à l’Ins- tüitut agronomique, 15, rue Male- branche (11 avril 1885). Dumontpallier, x 4,24, rue Vignon. Duval (Mathias), MAM, PFM, pro- fesseur à l'École d’anthropo- logie et à l’École des beaux- arts, 11, cité Malesherbes (juil- let 1876). Féré (Ch.), chef des travaux ana- tomiques à la clinique des mala- dies du système nerveux, 5, rue Chomel (28 février 1885). Franck (Francois), directeur-adjoint du laboratoire de physiologie du Collège de France, 5, MM. rue Saint- Philippe-du - Roule (1° juin 1878). Gellé, 7, rue Sainte-Anne (412 jan- vier 1884). Grancher, PF M,Mx, 36, rue Beau- jon. Henneguy (Félix), préparateur au Collège de France, 17, rue du Sommerard (mars 1883). Künckel d’'Herculais (Jules), A N M, 20, villa Saïd. Landouzy, AF M, Mu, 4, rue Chau- veau-Lagarde (1 877). Larcher (0.), 97, grande rue de Passy (inars 1883). Mégnin (Pierre), 19, rue de l’Hôtel- de-Ville, à Vincennes (7880). Nepveu, 66, rue Hauteville. OEchsner de Coninck (William), prs, à Montpellier (mai 1885). Quinquaud, AFM, MH, à, rue de l’'Odéon (mars 1 879). Regnard (Paul), professeur à l’Ins- titut agronomique, directeur- adjoint du laboratoire de physio- logie expérimentale de l'École des Hautes-Études, 46, boulevard Saint-Michel (1878). Rémy(Ch.),A FM, 74, rue de Rome (12 décembre 1885). Richet (Ch.),, 4m, 15, ruede l’Université (juillet 1881). Straus (Is.), AF M, MH, 10, rue de Madame (août 1881). Vignal (William), répétiteur au Collège de France, 90, rue d’As- sas (14 juin 1884). x ER RO URUUUU MEMBRES ASSOCIÉS MM. Beale. Beneden (P.-J. van), € A M, P u, à Louvain (Belgique). Bowman. Chauveau, à Lyon. Donders, p u, à Utrecht (Hollande). Guérin (Jules), M À M, à Paris. Huxley (Th.-H.), F RS, à Londres. Jones (Wharton). MA A SIP ELM PE V.: MM. à Leroy de Méricourt, À À M, 5, rue Cambacérès, à Paris. Lortet, PF M, à Lyon. Ludwig (Carl), p u, à Leipzig. Ollier, AAM,PFM, à Lyon. Owen (Richard), À A m, FRS, à Londres. Paget (James). Vogt (Carl), P u, à Genève. MEMBRES CORRESPONDANTS NATIONAUX MM. Arloing, PFS,AFM,PE vV, à Lyon. Baréty, à Nice. Beaunis, p F M, à Nancy. Cazeneuve (Paul), p Fr M, à Lyon. Chaussat, à Aubusson. Coyne, P F M, à Bordeaux. Daremberg, à Menton. Dareste (Camille), directeur du la- boratoire de tératologie de l'École des Hautes Études, à Paris. Debierre (Ch.), À F M, à Lyon (26 dé- cembre 1885). Delore, à Lyon. Desgranges, à Lyon. Dufour (Gustave), à Toulouse. Dugès (Alfred), consul de France à Guanajuato (Mexique). Dupuy, à Paris. Duret, professeur à l’Université catholique, à Lille. Estor, à Montpellier. Gimbert, à Cannes. Herrmann (Gustave), P F M, à Lille (26 décembre 1885). Jobert (CI.), P rs, à Dijon. Jolyet, P F M, à Bordeaux. Leloir (Henri), P F Mu, à Lille (20 juin 1885). MM. Lennier (G.), directeur du Muséum, au Havre (26 décembre 1885). Lépine, p FM, à Lyon. Leudet (Émile), à Rouen. Livon, professeur à l’École de mé- decine, 14, rue Peirier, à Mar- seille (20 juin 1885). Luton, à Reims. Martins (Charles), À A M, PF M, à Montpellier. Maurel, médecin principal dela ma- rine,12,rueJacob(20 juin1 885). Morat, p F M, à Lyon. Nicati, à Marseille. Oré, P F M, à Bordeaux. Pelvet, à Dives. Peyraud, à Libourne. Pierret, p F M, à Lyon. Pitres, doyen et P F M, à Bordeaux. Renaut (J.),P Fr m, à Lyon. Rouget (Charles), À A M, P M, à Paris. Testut (Léo), p F M, à Lille (20 juin 1885). Thierry (Émile). Tourneux (Frédéric), P Fr M, à Lille (20 juin 1885). Tripier, P F M, à Lyon. X a MEMBRES CORRESPONDANTS ÉTRANGERS MM. Allemagne. Bois-Reymond (Emil du), P Berlin. Helmhol{z, p u, à Berlin. Leuckart (R.), P u, à Leipzig. Virchow (R.), P u, à Berlin. Ua Autriche-Hongrie. Adamkiewiez (Albert), P u, à Cra- covie (26 décembre 1885). Brücke (Ernst), P u, à Vienne. Lenhossek (de), P u, à Budapest. Belgique. Crocq, à Bruxelles. | Frédéricq (Léon), p u, à Liège (26 dé- cembre 1885). Gluge, à Bruxelles. Plateau (Félix), p u, à Gand (26 dé- | cembre 1885). Wehenkel, p E v, à Bruxelles. Brésil Abbott, à Bahia. Motta-Maïa, à Rio de Janeiro. Danemark. Hannover, P U, à Copenhague. | Espagne. Tolosa y Latour, à Madrid (26 dé- cembre 1885). États-Unis. Leidy (Joseph), p u, à Philadelphie. Grande-Bretagne, Beevor (Ch.-Edw.), 33, Harley street, W., à Londres {26 décem- bre 1885). MM. Berkeley (M.-J.), à Kings-Cliff. Horsley (Victor), 80, Park street, Grosvenorsquare, W.,-à Londres (26 décembre 18851. Maclise, à Londres. Marcet, à Cannes (Alpes-Maritimes). Redfern, à Belfast. Simon (John), à Londres. Williamson, à Londres. Italie. Lussana, P u, à Palerme. Martini, à Naples. Moleschott, p u, à Turin. Perroneito (Eduardo), ? u, à Turin (26 décembre 1885). Vella, à Sienne. Principauté de Monaco. S. À. Albert, prince héréditaire de Monaco, rue Saint-Guillaume, à Paris (26 décembre 1885). Portugal. Mello (de), à Lisbonne. Russie. Menäelssohn (Maurice), à Saint- Pétersbourg (20 juin 1885). Mierzejewsky, à Saint-Pétershbourg. Pelikan, à Saint-Pétersbourg. Tarchanoff (de), P u, à Saint-Péters- bourg. Suisse. Duby, à Genève. Frey, P u, à Zurich. Miescher, à Bâle. Prévost, à Genève. COMPTES RENDUS HEBDOMADAIRES Se 4e DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE SÉANCE DU II JANVIER 1885 Sommaire. — PHiLiPeAux : Génération en quinze jours du preumogastrique chez - les jeunes rats albinos et chez les cobayes. -- GH. RICHET : Calorimétrie par rayonne- ment. -— CH. RicHer : Influence de la cocaïne et du chloroforme sur la production de chaleur. — Acserr RoBix et Henri BENJAMIN : Polyurie du cheval. — À, HENOCQUE : Hé- matoscope destiné à l'examen spectroscopique du sang non dilué. —Cux. E. Qurnauann : Force motrice mesurée au dynamomètre lorsqu'on excite directement le nerf ou le muscle. —AuG. CHARPENTIER : Action du chlorhydrate de cocaïne sur la fermentation alcoolique et sur la germination. -- DeBterre et Linosster : Médication ferrugineuse. — BoTraRD : Piqüre de la vive. Présidence de M. d’Arsonval, vice-président. DE LA RÉGÉNÉRATION EN QUINZE JOURS DU NERF PNEUMOGASTRIQUE CHEZ LES JEUNES RATS ALBINOS ET CITEZ LES JEUNES COBAYES, par M. PuiLIPEAUX. Le 1% juin 1884, j'ai coupé sur huit jeunes rats albinos et chez huit jeunes cobayes âgés de quatre mois, le nerf pneumogastrique en prati- quant au cou une incision longue de 2 centimètres; j'ai fait ensuite un point de suture sur les parties molles ; tous ces animaux ont été bien soignés au point de vue de la nourriture et de la propreté des cages. Vingt jours après l'opération, voyant ces animaux bien portants, j'ai coupé sur eux l'autre nerf pneumogastrique de la même facon; or aucun d'eux n'a succombé. Il est permis d’en conclure que déjà à ce moment les deux! bouts du nerf pneumogastrique droit étaient réunis et que la communication physiologique fonctionnelle s'était rétablie. On sait en effet, qu'un mammifère ne peut pas vivre plus de deux à six jours avec les deux nerfs pneumogastriques coupés. Voulant savoir en combien de jours avait dû se faire la réunion des deux bouts du nerf pneumogas- trique droit et la régénération du bout périphérique, j'ai répété mes expériences sur d'autres rats albinos et sur d’autres cobayes ; or ces ani- maux mouraient lorsquela section du second nerf pneumogastrique étail faite huit, dix ou douze jours après la première opération; ils survi- vaient au contraire lorsqu'on laissait écouler quinze jours entre la section du premier nerf pneumogastrique et celle du second. Ges expériences autorisent done à conclure que quinze jours suffisent chez les jeunes rats et de jeunes cobayes pour que les deux bouts d’un nerf pneumogastrique coupé se réunissent, pour que le bout phériphérique se régénère, de manière à recouvrer ses propriétés physiologiques et pour que ce nerf récupère ainsi, en partie au moins, ses no Brozocie. Comptes RENDUS. — 8€ Série, T. FE. ( 2 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. LA CALORIMÉTRIE PAR RAYONNEMENT. Note de M. Ch. Ricuer. Dans sa communication du 27 décembre 1884, faite à la Société de Biologie, M. d'Arsonval revient sur les avantages et les inconvénients de la méthode calorimétrique par rayonnement et sur les moyens de la mesurer. J'aurais à cet égard quelques observations à ajouter. I. La méthode calorimétrique par rayonnement, que nous avons employée simultanément (1), a un inconvénient fondamental, c’est celui de la correction par changement de la température extérieure. En effet, je laisse de côté l'action des poussières ou l'oxydation du cuivre, qui évidemment n’exercent que peu d'influence, et qu'on peut facilement éviter, comme l’a montré M. d’Arsonval, en recouvrant de peinture l'appareil de cuivre, au risque ‘de diminuer la sensibilité. I n'y apas non plus à tenir compte des changements barométriques, qui, en une demi-heure, ou une heure, temps que nécessite l'expérience, sont tout à fait insignifiants. Reste donc l'influence de la température extérieure, qui est considé- rable. Quoiqu'on puisse corriger les changements de température, cette correction ne vaut assurément pas une température invariable. Or cette constance du milieu extérieur peut se réaliser, si l’on se place dans une cave ou dans une chambre non chauffée. Dans la plupart de mes expériences, quoique la chose fût assez pénible, je me suis mis dans cette dernière condition : en prenant la précaution de rester à plusieurs mètres de distance de l'appareil, la température ne variait que de 2,3, 4, 5 vingt-cinquièmes de degré. M. d'Arsonval a imaginé un double calorimètre par compensation qui corrige ainsi les oscillations de la température. Or cette compensation, qui a de grands avantages dans certains cas, est à peu près inutile quand la température ne varie que dans les limites indiquées plus haut. En effet, d’après les mesures prises, dans ma boule calorimétrique, chaque élévation de 1/25 de degré détermine l'écoulement de 1,32 d’eau. Cela fait, pour 5/25 de degré (oscillation qu'on peut ne pas dépasser dans une chambre bien fermée et non chauffée), une dila- tation (ou contraction) maximum de 6*,60. Je suppose qu'il s'agisse d'un lapin pesant 3 kilogrammes : cela fait pour 1 kilogrammeé de lapin, une différence de 2,2, variation qui est en réalité insignifiante, et qui reste bien au-dessous des variations physiologiques individuelles normales. La correction est d’ailleurs des plus simples, étant donné qu'on connait la dilatation pour 1/25 de degré, il suffit d'ajouter ou de retrancher un (4) Bullet. de lu Sociélé de Biologie. Séance du 30 novembre 188%. SÉANCE DU 11 JANVIER. 3 chiffre constant ; les variations hygrométriques ou barométriques pou- vant être absolumen négligées. Je prends un exemple. Voici une expérience faite sur un lapin dont le cerveau avait été piqué anciennement, et auquel on n'avait rien fait depuis quelques jours (poids de 2,900 gr.). Ainsi que je l'ai toujours fait, je n’écris que les centimètres cubes, et non les dixièmes de centimètres cubes. Lonbts ÉC. D'EAU | ÉC. D'EAU EC: D'EAU rapporté rapporté avec la à À kilogr. | à 1 kilogr. correction de lapin de lapin sans aveé de correction correction température de de température | température HEURES TEMPÉRATURE 5/21 43 4/25 | 44.3 58 Go, 6/25. 56.7 78 du 700 re CG 83 Si | Te 95 10/25 | 89 113 6° 10/25 | 107 Se =) GO ou: D © D + € (ee) © © Autre expérience, —= Lapin de 3,200 grammes. 10° 11/25 10° 5/25 10° 8/25 109 14/25 10° 14/25 10° 7/25 19° 8/25 10° 14/25 QG) ND ND = YO OO C2 Or 10 3 COMMUNES u e © Æ D 10 © & + On voit que trouver 43 au lieu de 42, 39 au lieu de 37, cela n'a pas une grande importance. Ce n’est pas à dire pour cela que les corrections ne doivent pas être faites : au contraire, il faut les faire rigoureusement, tout en n'oubliant pas que les oscillations du thermomètre sont beaucoup plus rapides que celles du calorimètre. Ainsi je ne nie pas du tout que la compensation de M. d'Arsonval ait des avantages. A tout prendre, ce calorim ètre compensateur de notre ingénieux con- frère est un perfectionnement dont je tiendrai certainement compte, et SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. S qu'il sera facile d'appliquer au calorimètre à siphon. Ce que je ne puis absolument pas admettre, c'est que tout calorimètre qui n’est pas com- pensateur est par cela même erroné, et donnant de fausses indications. Je viens de montrer plus haut quelles sont les limites de l'erreur, et comment on peut y remédier. Il me parait inutile d'insister; car la démonstration est formelle. IT. Quant à la méthode d'inscription, qui diffère dans l'appareil ‘de M. d'Arsonval et dans le mien, je persiste à croire que l'écoulement d'un débit d’eau est plus facile à voir qu'un changement de pression mano- métrique, quel que soit le procédé employé pour le rendre plus sensible. Sur ce point, il me semble indiscutable que 30 centimètres cubes d'eau sont une mesure plus facile qu'une pression d’un millimètre d’eau, tant au point de vue de l'inscription graphique qu'au point de vue de lobser- vation proprement dite. Il est vrai qu'avec le calorimètre à siphon on ne peut rétrograder; mais cela n'a aucun inconvénient, puisque nos observations ne portent que sur un temps limité, et que je n'ai cherché à connaitre que le #naximum de calorique dégagé en une heure par tel ou tel animal. A vrai dire, la méthode d'inscription, que ce soit avec un débit d’eau, ou avec une oscillation manométrique, ne me parait pas de bien grande importance. Chaque observateur procède à sa guise ; pour ma part, il me semble que mes graphiques sont suffisamment nets, pour ne pas vouloir les modifier en adoptant la méthode que propose notre con- rene (tn) Ge que je ne comprends pas bien, c’est que M. d’Arsonval dise que le calorimètre à siphon ne peut donner que des indications relatives, non absolues. Ce n’est pas seulement un caloriscope, chose qui n’est nulle- ment à dédaigner; c'est encore un calorimètre. I suffira d'établir à quelle quantité de chaleur répond telle ou telle dilatation de la boule. C'est ce que j'essaye de faire en ce moment, par une méthode toute spéciale; quand mes expériences auront atteint la rigueur nécessaire, j'en donnerai le résultat. Mais il va de soi que ce que peut donner le manomètre, le siphon peut le donner, aussi bien, sinon mieux. Le tout est d’avoir un récepteur calorimétrique bien approprié. IL. À posteriori la possibilité d’avoir des résultats exacts avec ma méthode calorimétrique est confirmée par la concordance presque com- plète de mes résultats avec ceux des autres observateurs. Ainsi j'ai vérifié que les lapins rasés perdent plus de chaleur que les lapins garnis de leur fourrure; qu'il en est de même quand on les mouille d’eau ou d'huile (55 au lieu 37.— Soit, si l’on fait 37, chiffre moyen normal (4) Comparer e graphique donné par M. d’Arsonval (Travaux du laboratoire de M. Murey, L&. IV, p. #06, p. 124), avec ceux que j'ai donnés dans les Bulletins ‘le la Soc. de Biologie, 1884, p. 712. SÉANCE DU A1 JANVIER. , © d'un lapin de trois kilogr. pour un kil. de son poids — 100. Pour les lapins rasés ou huilés, la radiation calorique sera égale à 156). J'ai même annoncé, dans la séance du 13 décembre 1884, qu'un lapin mouillé, puis séché, dégageait beaucoup plus de chaleur qu'à l’état nor- mal. J'ignorais que M. d'Arsonval eût fait antérieurement la même expé- rience avec le même résultat (1). Enfin, j'ai vérifié ce fait, que M. d'Arsonval avait indiqué, qu'aux tempé- ratures voisines de 0°, l'animal dégage beaucoup moins de chaleur qu'à la température de 8 à 15°, — Sur ce point mes résultats sont extréme- ment nets. Calorique dégage par un kilogr. de lapin Rapv. à 100 k en centim. cubes Moyenne à la température de 10° 37 100 Lapin = nt LIN CN DÉT MAC 43 — — =, 2° al 30 — = — (LE 1% 38 sul ra nur 20 54 Moyennes des cobayes à — 10° 82 100 Les mêmes à uit 39 47 Mais ce qui ma paru le plus intéressant, au point de vue de la confir- mation de la méthode, c’est la concordance de mes recherches relatives à l'influence de la taille, avec les travaux des observateurs classiques sur la production de CO°. Voici en etfet les chiffres trouvés par Regnault et Reiset, d’une part, dans leur célèbre mémoire, et d'autre part par Letellier (2). Quantité de CO2 par 1 kilogr. d'animal et par heure Lapin de 2,755 gr. 1.24% — de 2,780 1.107 — de 4,140 1.039 = 06 660 0.998 — de 3,433 0.680 — de 3,999 1.472 des o77r 0.741 des 706 1.205 3 lapins de 6,940 gr. 1.400 3) Moyenne du poids = 3200 moyenne —\Mier 4145 Douze petits oiseaux de 28 gr. moyenne — 13 gr. 034 Cobayes de 700 gr. moyenne — 2 gr. 526 Douze tourterelles de 160 gr. moyenne — #4 gr. 581 (1) Mon ignorance est excusable, puisque notre confrère ne l’a publiée que dans la séance du 27 décembre 1884, p. 766. (2) Cité par Gavarret. De la chaleur animale, p. 287. 6 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. ar #4 En prenant comme unité la quantité de CO émise par 1 kilogr. de lapin, nous trouvons la proportion suivante : Lapins de 3.200 gr. 1. Cobayes de 700 gr. 2 Tourterelles de 160 gr. 4. Moineaux de 28 gr. dde GO — Or les chiffres trouvés par moi pour la chaleur dégagée sont les sui- vanis : RAPPORT | RAPPORT CHALEUR À DE CHALEUR DE C0O* Lapins de 3000 grammes. .... 37 Cobayes de 650 grammes .. . 2. DE 82 Cobayes de 150 grammes / 4. 150 Moineaux de 20 grammes. .... de 2 450 Que l'on compare les deux rapports, et on saisira bien leur analogie ; pour mieux dire, leur identité. Il me semble que cet accord surpre- nant entre la (héorie et l'expérience est bien rarement obtenu dans nos recherches physiologiques : c'est une confirmation, que je ne eraindrai pas d'appeler éclatante, de la précision de ces expériences. Certes elles n'introduisent rien de nouveau dans la science. Maisn'est-ce rien que de confirmer l'exactitude d’une loi. N'est-ce rien que de démontrer expérimentalement qu'il y a identité entre la fonction calorifique et la pro- duction de CO?. Cependant jamais aucun expérimentateur n'avait fait cette recherche. Elle m'a paru mériter qu'on s’y arrête. Cela me semble d'autant plus nécessaire qu'en ne tenant pas compte de cette influence de la taille, on est amené à formuler des conclusions inexactes. Ainsi on ne doit pas dire qu'un kilogramme de lapin produit plus qu'un kilog. de cobayes : cela n’est vrai que si le lapin est plus gros que le cobaye. En effet, de tout jeunes lapins, pesant 220 grammes, m'ont donné 103 et 125%, ce qui, rapporté à la normale des lapins (37) donne pour les tout petits lapins des chiffres extrêmement forts; tandis que les cobayes de 700 gr. donnent le chiffre de 82 seulement. En un mot, je le répète, la proportionnalité de la production de la chaleur animale à la taille, est une loi fondamentale qui domine tout; loures les conditions physiologiques, quelles qu'elles soient, exercent moins d'influence que la taille de l'animal. Je donne ici un graphique qui exprime bien cette proportionnalité. Si le graphique n'est pas direct, mais simplement transerit de manière donner la mesure des volumes d’eau écoulée, cela tient à ce qu'il faut “apporter toujours les chiffres obtenus à un même poids (4 kilog. ou fractions de kilogr.) d'animal. Sans cela les mesures ne sont pas compa- d SÉANCE DU Al JANVIER. CN RARE [| JE 2 ee | 7 re _ no ARE ES j FERRÉ SÉSADAREME SHC FE CHALEUR DÉGAGÉE PAR DES OISEAUX DE TAILLES DIFFÉRENTES. En bas, l'ordonnée indique les minutes; à gauche de la figure, les quantités d'eau écou- lées. — Pour l’oie et le canard, les quantités sont rapportées à 1 kilogr. du poids de l'animal. Pour les pigeons, pesant 350 gr., à un demi-kilogr. Pour les moïineaux, pesant 20 gr., à 1/4 de kilogr. 8 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. rables. J'essaye en ce moment une méthode qui me donnera directe- ment l'inscription graphique, non pas seulement en valeur absolue, mais encore par rapport au poids de l’animal (). Tous ces faits, sur lesquels j'ai insisté, un peu longuement peut-être, me permettent donc de conclure à l'exactitude de la méthode calorimétrique que j'ai indiquée. L'accord rigoureux qui est entre mes expériences et les expériences anciennes de Regnault et Reiset m'autorise à cette conclusion, et me permet de poursuivre mes recherches. DE L'INFLUENCE DE LA COCAINE ET DU CIHLOROFORME SUR LA PRODUCTION DE EIALEUR Note de M. Ch. Ricner. s Dans une des dernières séances de la Société de Biologie, M. Laborde avait mdiqué que la cocaïne augmente notablement la température des animaux intoxiqués avec cette substance : il m'a engagé à rechercher s’il y avait, en même temps qu'hyperthermie centrale, accroissement dans la production de. chaleur. En effet, pour l’éempoisonnement par la cocaïne, comme pour la fièvre nerveuse, on peut toujours se demander si l'excès de la température tient à une production supérieure ou à une moindre déperdition de chaleur. Les résultats expérimentaux ont été des plus nets : ils ont montré que l'hyperthermie coïncide avec une déperdition plus grande de calorique. Par conséquent la cocaïne active la production de chaleur, en même temps que la déperdition. C'est une substance qui donne la fièvre, qui accélère les fonctions chimiques des tissus, par une stimulation du système ner- veux. Elle agit comme [a piqüre du cerveau, et, quoique le mécanisme soit bien différent, au fond c’est toujours une stimulation du système ner- veux qui accélère les fonctions chimiques. Production de chaleur Poids en cent. cub. d'eau 1er jour 3.320 Injection de 2 centigr. 5 de cocaïne. 1/2 h. après 59 2 — 3.240 — de3 — 0 — ne 56 3e — 3.200 — de# — 0 = su 5 4e — 3.220 de Set et 0 ONE DES 61 6e — 3.185 — def — 0 — 1/2 h. après 90 Le méme jour 3 h. après Vin (1) Dans l'interprétation de mon expérience du {3 décembre, M. d'Arsonval fait remarquer, avec raison, que, puisque l'oie ne perd pas plus de chaleur que le lapin, quoique sa température soit de 2°,5 environ plus élevée, c'est que son tégament protège mieux que le tégument du lapin. Je n'v contredis point. Mais j'ai dit seulement que l'oie et le lapin, perdant la même quantité de chaleur. produisent la même quantité de chaleur. Gela va de soi, puisque la température est la même, avant et après l'expérience, pour chacun de ces deux animaux. SÉANCE DU À1 JANVIER. 9 Si l’on rapporte ces chiffres à la quantité normale de chaleur produite par un lapin de même poids, on voit qu'il y à un excèsnotable. Si l'on fait 31 égal à 100, on a, pour les chiffres d’un lapin qui a recu de la cocaïne, 160, 150, 122, 165, 135. | Dans d'autres expériences, pour un autre récepteur calorimétrique, la moyenne étant de 62, j'ai trouvé. 2app. à 100 Injection de 3 centigr. 7 118 — CLEAN 05 153 Je ferai remarquer aussi la diminution rapide de poids de l'animal. Cela se comprend bien; car les eombustions exagérées provoquées par l'alcaloïde dela coca se font aux dépens des tissus, et, par conséquent, l'a- nimal doit maigrir : il a en effet en cinq jours maigri de 135 grammes. Mes observations relatives au chloroforme portent sur des lapins à qui le chloroforme à été injecté sous la peau. On sait que le chloroforme administré ainsi (1) ne produit pas l'anesthésie, mais des troubles divers du système nerveux, variant avec la dose du poison. Si l’on injecte une très forte dose de chloroforme (5,6,8 gr.) à un lapin de 3 kil., l’affaiblissement du système nerveux amène un énorme abaisse- ment de température ; et en même temps la production de chaleur dimi- nue. Ainsi Je trouve 33,33, 22, 20, pour la calorimétrie d'un lapin, qui a recu de fortes doses de chloroforme. Mais si la dose est plus faible, soit environ d'un gramme pour un lapin de 3 kilogr., la production de chaleur est augmentée, et dans une pro- portion notable. Quantite de chaleur Rapp. à 100 . Poids — 2.880 Injection de 1 cent. e. 5 de chlorof. 61 165 Poids = 3.240 — def — 0de chlorof. 58 1453 Même lapin le lend. — deS8 — Odechlor.imm.après 42 113 Même lapin : 2 h. après 33 89 Même lapin 20 h. après 28 75 Il est vraisemblable qu'à cette faible dose le chloroforme agit comme une substance caustique qui irrite les muscles et les nerfs de la cuisse au milieu desquels on l’injecte, et qu'il produit ainsi, par irritation nerveuse, de l’hyperthermie : cette action étant bien différente de celle qu'il exerce quand il pénètre par voie d'inhalation dans le sang et dans le système nerveux. (1) Voyez les communications de M. Bouchard et de M. Laborde à la Société de Biologie, 1883-1884, 10 SOCIÉTÉ DE DIOLOGIE. DE LA POLYURIE DU CHEVAL, par Albert Rogin et Henri BENJAMIN. Cette affection, vulgairement désignée dans le nom de pisse, survient ordinairement pendant les chaleurs de l'été; plus rarement, elle règne épizootiquement (Paris 1830). Elle apparait aussi pendant les épreuves de l'entrainement, dans l’anémie idiopathique, dans la Iymphadénie pulmonaire (Nocard), les dernières périodes de la morve, dans la phtiste pulmonaire (Trasbot et Nocard) ; enfin elle à été signalée à la suite de la consommation d'avoines échauffées (Chuchu et Signol). Le cas que nous avons étudié ne reconnaît aucune de ces étiologies ; si la polyurie est survenue en plein été, on ne saurait incriminer ni la fatigue ni la nourriture. Le sujet était un cheval hongre, de race nor- mande, très distingué, ayant de superbes allures, et âgé de six ans. Pen- dant une première période qui dura près de trois mois, l'animal fut sujet à de petites crises de polyurie, et surtout à d'impérieux besoins d'uriner alors même que la quantité de l'urine ne paraissait pas très augmentée. En même temps, il perdait sa vigueur, ses allures, se balancait dans ses brancards, et présentait une mollesse des plus accentuées. Puis comme symptôme tout à fait insolite, survinrent les symptômes d'un violent effort de reins. Au moindre mouvement, l'arrière-train vacillait sensiblement, et la moindre pression sur la colonne vertébrale détermi- nait une flexion exagérée et probablement fort douloureuse, si l’on en juge par la rapidité avec laquelle le sujet cherchait à s'y soustraire, en s’affaissant sous le contact de la main. Puis vint une deuxième période de polyurie franche ; et enfin une troisième période caractérisée par le retour progressif à la santé. Voilà donc une variété de polyurie qui à évolué d’une manière toute spéciale, et mérite une place à part en raison des circonstances insolites qui l'ont accompagnée, dela race du sujet, de la durée de la maladieetdes symptômes lombaires assez singuliers qui viennent d'être relatés. L'urologie de cette affection a présenté, elle aussi, trois phases fort distinctes : 1° Une phase préparatoire, caractérisée par une dénutrition rapide € probablement par une dénutrition globulaire qui s’est cliniquement tra- duite par une état anémique progressif. La constatation de ce stade préparatoire dont l’étude de l'urine peut donner la révélation, à un intérêt diagnostique et thérapeutique puis- qu'elle appellera l'attention sur l’imminence de la polyurie, et qu'elle constituera un motif suffisant pour mettre l'animal au repos absolu. Les caractères urologiques dominants sont : l'élévation de la densité (1041), l'augmentation des matériaux solides par litre (95 gr. 94) des matières extractives, du chlorure de sodium, etc., tandis que l’urée se SÉANCE DU .11 JANVIER. 11 maintient à un chiffre relativement abaissé, que lacide hippurique diminue très sensiblement, et que l’urohématine s'élève à d'énormes proportions. 2 Une phase d'état dans laquelle les caractères de l'urine offrent la plus grande similitude avee ceux que l’on peut observer dans la polyurie ordinaire, ce qui permet de les réunir dans une formule commune qui prend toute l'importance d'un syndrome. L'étude de trois cas de polyurie nous à donné, en effet, le syndrome suivant : A. Disparition des caractères physiques habituels de l'urine de cheval. Elle devient limpide, perd son odeur caractéristique, et sa coloration devient plus pâle. B. Diminution de la densité (1006-101%-1016). GC. Diminution de sédiment. Disparition presque complète des nodules de carbonate de chaux (fait observé déjà par Lassaigne et par Clé- ment). Augmentation de l’oxalate de chaux. Présence possible de la graisse. D. Diminution des matériaux solides (14 gr. g.10— 37 gr. 50). Diminution de l’urée (7 gr. 40 — 12 gr. 85 — " gr. 96). Diminution de chlorure (4 gr. 50 — 3 gr. 21). E. Absence d'albumine et de glycose. F. ÜUrohématine variable sans augmentation ni diminution caracté- ristiques. — Proportion faible de l’indican — Absence de pigments anor- maux. n 3° Enfin, une phase de guérison où l'urine tendant à reprendre sa phy- sionomie habituelle, peut être considérée comme un élément de pronostic d'une certaine valeur. En effet, couleur, consistance, odeur redeviennent normales; la densité et les matériaux solides remontent au chiffre physiologique ; le carbonate de chaux réapparaît dans les sédiments ; l’indican et l’urohé- matine oscillent autour de leurs proportions régulières. Si le chlorure de sodium reste encore un peu élevé, et si l’urée ne remonte pas tout à fait à son taux normal, ce sont à peu près, les seules différences sensibles qu'on soit à mème de constater. Si l’on compare la polyurie de l'homme avec celle du cheval, on remar- que que l’étiologie des polyuries symptomatiques n'a dans les deux cas que des points de contact fort restreints : cependant l'observation de MM. Trasbot el Nocard qui ont constaté de la polyurie chez un cheval atteint de tuberculose pulmonaire peut être rapprochée de faits analo- gues que l’un de nous a observés depuis longtemps chez l'homme, et qui seront prochainement communiqués à la Société. Quant à la polyurie essentielle, nous relèverons seulement qu'on n’a point encore vu chez le cheval sa forme chronique, et que le carbonate de chaux qui a dans la 12 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. polvurie du cheval une action thérapeutique presque spécifique, n’a eu aucune influence sur deux cas de polyurie essentielle que l’un de nous a récemment observés et traités chez l'homme. HÉMATOSCOPE DESTINÉ A L'EXAMEN SPECTROSCOPIQUE DU SANG NON DILUÉ, par A. HENOCQUE. Je présente à la Société un petit appareil de construction tres simple que j'emploie pour l'étude spectroscopique du sang,et qui a été construil suivant mes indications. L'hématoscope est essentiellement constitué par deux lames de glace superposées de facon à ce que, réunies en contact à l’une de leur extrémité, elles s’écartent d'un demi-millimêtre à l’autre extrémité, circonscrivant ainsi un espace prismatique en quelque sorte capillaire. Les deux lames de verre sont encadrées de cuivre. La plus large qui mesure 25 millimètres en largeur sur 400 millimètres en longueur, est munie d’une échelle graduée en millimètres, de 0 à 100; à la partie gauche du cadre est fixé par une charnière le cadre qui supporte la seconde lame. Celle-ci offre une largeur de 7 millimètres,et une longueur de 100 millimètres. La charnière permet de rapprocher les cadres, ou de les écarter comme deux feuillets d’un livre/ et une vis micrométrique appuyant sur un res- sort de cuivre et traversant les deux cadres, sert à maintenir fixe l’écartement des deux cadres, ou même à le faire varier. Un point de repère tracé d’avance sur la vis permet de disposer les plaques à la distance fixe de un demi-millimètre ou 500 millièmes de millimètres. L'espace circonserit par les lames de verre constitue un prisme ayant les dimensions suivantes, 100 millimètres de haut sur une base de 7 millimètres et de 0,50 millimêtres; et pour apprécier l’épais- seur d’une tranche du liquide qu'on y observe, il suffit de noter le nombre de millimètres de l'échelle et de le multiplier par 5 pour obtenir en micra ou millièmes de millimètre la hauteur de la couche du liquide. L'hématoscope destiné à l'examen par les spectroscopes à vision directe, ou par le microspectroscope est applicable à tous les instruments de ce genre et même aux spectroscopes horizontaux. Pour examiner du sang avec cet appareil, il suffit de déposer sur l’un des bords du cadre supérieur taillé en biseau, quelques gouttes de sang, et aussitôt ce liquide pénètre par capillarité et par son propre poids entre les deux lames; on peut alors examiner avec le spectroscope le sang sous des épaisseurs progressivement variables, et étudier les divers phénomènes d'absorption produits par le sang, le sang défibriné, le SÉANCE DU 11 JANVIER. 13 re, sang arlériel ou enfin le sang veineux, c’est-à-dire l'apparition des bandes d’oxyhémoglobine, leur augmentation progressive d'intensité, de largeur, et enfin leur confusion ou leur réunion; il en est de même pour l'hémoglobine réduite, ou pour les altérations telles que la production de méthémoglobine. Au point de vue de l’analyse qualitative du sang, je considère l’héma- toscope comme préférable aux cuves prismatiques et aux cuves à écarte- ment variable, aux tubes et à tous les dispositifs qui nécessitent la dilu- tion du sang, parce qu'il supprime les manipulations et les modifications dans la composition du sang qui résultent de son mélange avec un sérum artificiel, L'hématoscope permet d'apprécier la quantité relative de l'oxyhémo- globine contenue dans le sang, si l'on opère suivant la méthode que j'ai instituée, et dont je vais exposer le principe. Lorsque l'on examine dans l'hématoscope, du sang extrait des artères des capillaires ou du sang défibriné, l’on peut noter à quelle épaisseur (exprimée en millièmes de millimètre) on voit apparaître les deux bandes d’oxyhémoglobine, à quelle épaisseur elles sont confondues, ou bien à quel moment le vert apparait ou disparait. Parmi ces diverses phases des phénomènes d’ab- sorption, j'en ai choisi une qui me parait la plus facile à apprécier parce qu'elle représente une sorte de procédé photométrique. En effet, lorsqu'on examine du sang défibriné, par exemple du sang de cobaye, on voit dans l'hématoscope vers la division 6, c'est-à-dire sous une épaisseur de 30 micra, les deux bandes de l’oxyhémoglobine très nettes, et si on les mesure dans le microspectroscope avec l'échelle de Abbe, on voit qu'elles occupent en millionimètres ou longueur d'onde de 590 à 570 pour la première, et de 550 à 530 pour la seconde, mais en réalité celle-ci paraît presque double de la première, dans les spec- troscopes à vision directe. Or, si l’on fait progresser alternativement à droite et à gauche, l’'héma- toscope, sous la fente du spectroscope, on arrive après quelques tâtonne- ments à déterminer le moment où les bandes présentant les largeurs in- diquées offrent aussi une leinte sombre d'égale intensité. C'est alors que je note l'épaisseur de la couche du sang observée, en lisant simplement sur l'échelle le nombre de millimètres. Dans l'expérience prise pour exemple je trouve qu'il faut examiner le sang au niveau de 6 millimé- tres; c’est donc une épaisseur de 6 X à, soit: 30 micra ou millièmes de millimètres. Si je mélange ce sang, avec du sérum arüliciel, j'obtiens, pour un mé- lange de 4 gouttes de sérum pour 46 gouttes de sang, le chiffre de 20, soit 20 X 5 ou 100 micra. Par conséquent dans le premier cas, 1l à fallu une épaisseur de 30 micra pour produire le phénomène que j'appelle « eon- süitution des deux bandes égales. » Et dans le second cas, ila fallu 100 micra. I v à done possibilité de comparer au début, dans le cours 44 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. et à la fin d'une expérience, la quantité relative de l’oxyhémoglobine. L'on voit ainsi combien est sensible cette méthode d'appréciation des quantités relatives. Je suis arrivé à constater ainsi des variations de il 11 50 auquel j’ajoutais progressivement 1 à 10 gouttes de sérum artificiel pour 50 gouttes de sang, ou de À à 10 gouttes de sérum pour 11 gouttes de sang. Enfin, j'ai l’espoir de démontrer prochainement que cette méthode d'examen permettra la détermination quantitative absolue de l’oxyhé- moglobine ; mais les recherches que je poursuis dans ce but, dans le sang de l’homme et des animaux ne sont pas encore assez nombreuses pour que j'en publie les résultats. Dans la pratique expérimentale ou clinique, lorsqu'il s’agit seulement d'examiner les quantités relatives de l’oxyhémoglobine par l'étude des deux bandes égales, on peut employer une plaque hématoscopique encore plus simple, et qui est constituée par 2 lames de glace fixées l’une au- dessus de l’autre par deux agrafes de laiton, de facon qu'elles aient un écartement fixe de 30 millièmes de millimètre pour une longueur de 60 millimètres. Ces hématoscopes réduits sont peu coûteux, et d’une grande utilité lorsqu'on veut pratiquer rapidement une série d'examens dans le cours d'une expérience; ils ont un dernier avantage, c’est de permettre la constatation ultérieure et la démonstration par la photo- graphie d’une certaine partie des phénomènes observés en employant un procédé que je décrirai prochainement. — à —de la quantité d'oxyhémoglobine contenue dans du sang défibriné DE LA FORCE MOTRICE, MESURÉE AU DYNAMOMÈTRE LORSQU'ON EXCITE DIRECTEMENT LE NERF OU LE MUSCLE, par Ch. E. Quinquaur. 1. — On sait qu'après la section d’un nerf, il survient une dégénération secondaire coïncidant avec une perte, en quatre jours, environ, de l’exei- tabilité motrice du nerf; mais la variation du pouvoir moteur, après une section nerveuse, n'a pas été mesurée avec assez de précision : c'est dans le but de résoudre ce problème que nous avons institué les expériences qui suivent (la technique employée a été celle que M. Gréhaut et moi avons décrite dans notre Mémoire sur l’urée poison (Journal de MM. Robin et Pouchet, octobre-novembre 1884). Première série d'expériences. Le 12 janvier sur un chien de 12%, on fait la section du nerf sciatique gauche, à 11° 12%; on l’excite et les muscles du tendon d’A- chuille soulèven£ un poids de 8K, HO NII EE IR ON DRE LR PA RRRER RAI TS CAN M Me D OR CREME AU A RRRÉREREMAR HUE SE SÉANCE DU 1 JANVIER. 15 D TE EE ANA RECRUE A NAAUS MAC ES Me IT AU ELLE ARTE UNS LE CARE RRPE REA ES EU ANSE 8 DR AIDRO Se FARUe Me RUE. EC ITEls 1h SOPRADLES A M AAA Re (HS DO DLE SAN MER ARR ie te AIR PSN D ECS be ANR VS AN ent AN 1 i2K. Deuxième série. Le 8 janvier, à 114,40%, on sectionne le nerf sciatique gauche d'un chien pesant environ 11K; on excite le nerf, et les muscles correspondants soulèvent un poids de 15F, Avant la section nerveuse, la force musculaire obtenue en excitant directe- ment le musele correspondant, était de 3K 1/2; 72 heures après, elle n'était plus que de 11/2. On s'explique facilement pourquoi cette force est inférieure à celle qui est obtenue en excitant le nerf. Dans ce dernier cas, on excite tous les muscles qui se rendent au tendon d'Achille, tandis que, dans le premier cas, on excite un seul muscle partiellement. Troisième série d'expériences. Le 9 janvier à 3! du soir, on sectionne le nerf sciatique gauche d'un chien de 13K; on excite ce nerf et la puissance muscu- ERES LITE UN CNE CACer LE MN ON PE LA AU SEMTRRE SA DES ee ONE RUES ARR ES Ma A2EM2 ÉD SE A ENtER A LAS BEN Te Avant la section nerveuse, la force musculaire obtenue en excitant le muscle directement était de 3*; 44h après la section, elle n'était plus que de 1/2k. _ De toutes ces expériences, nous pouvons conclure que la force mo- trice, après une section nerveuse, n'a pas diminué ou n’a subi qu'une légère diminution, vingt-quatre heures après la section ; néanmoins, la diminution de cette puissance peut s’accentuer même vingt-quatre heures après la section du nerf, lorsque l'animal s'affaiblit à la suite d’une hé- morrhagie d’une large plaie en suppuration ou de toute autre cause. A partir de cette période, la puissance diminue graduellement jusqu'à la quatre-vingtième heure. A cette époque, le muscle se contracte encore quand on excite le nerf sectionné, mais la force motrice est tellement affaiblie, qu'elle est à peine égale ou inférieure à un demi-kilogr. De plus, on sait depuis longtemps que l’excitabilité motrice du nerf se perd vers le quatrième jour chez le chien en bonne santé. Mais ici une question se pose : cette perte de la force motrice tient- elle à l'absence d’excitabilité nerveuse ou d'excitabilité musculaire? Les expériences des physiologistes, en particulier, celles de Longet, démon- trent que l'irritabilité musculaire survit à l’irritabilité nerveuse. Est-on bien certain que l'irritabilité musculaire n'a pas été atteinte? Nos expé- 16 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. riences démontrent que la force musculaire elle-même est diminuée, lors- qu'on excite le muscle directement et que l’on mesure sa puissance au dynamomètre quarante-huit heures où soixante-douze heures après la section du nerf correspondant. Il y aurait donc, d'une part, abolition sraduelle de l’excitabilité motrice du nerf, et, d'autre part, diminution de l'excitabilité musculaire. IT. — Lorsqu'un nerf moteur est sectionné depuis vingt-quatre heures, l'excitabilité motrice de son segment périphérique s'est-elle acerue comme le pensent certains physiologistes, où bien a-t-elle diminué par rapport à celle du nerf sectionné depuis peu? M. le professeur Ranvier résume ainsi son opinion : « En expérimen- « tant avec tout le soin possible, nous servant pour cela des moyens que « nous venons d'indiquer et qui sont du reste ceux généralement em- « ployés aujourd'hui, nous verrons qu'il est très difficile de se former une « Opinion sur ce point. Nous avons fait l'observation sans parti pris et « avec la plus entière bonne foi, et il nous à semblé que c'était le nerf « coupé depuis vingt-quatre heures qui était le plus excitable. Dans « quelques expériences cependant, nous avons cru constater l'inverse. » (Leçons sur l'histologie du système nerveux, par L. Ranvier, L. 1°, 1878, p. 281.) En mesurant la force d’un muscle qui entre en activité sous l'influence de l'excitation à l’aide d’un courant induit interrompu, d'un segment périphérique d'un nerf ‘sectionné depuis vingt-quatre heures, on cons- tate que la force motrice est absolument la même lorsque le nerf est sec- lionné depuis vingt-quatre heures ou récemment. Toutefois, chez les ani- maux affaiblis par une cause quelconque, on voit survenir un certain degré de diminution de la force motrice. Première expérience du 6 janvier: on sectionne le sciatique gauche d'un chien à 148 30 ; on à 10F 1/2 comme force. Le 7 janvier à 11 30%, ou excite le nerf, et on à comme force musecu- TELIRS LME A ln a eee A 0e MONTE A1! 40% (24h après), on alone le Soeioue droit et, en l'excitant, on obtient une force musculaire de 10% 1/2. Deuxième expérience du 9 janvier, à 3! du soir : on sectionne le sciatique d'un chien ; le 40 janvier à 12h15® (21h après), on excite ce nerf, et on a comme lOrcemmusculaire ira ER ALME Ne MIE IN A 121 30%, on sectionne le nerf sciatique dr si, et l'on a comme force muscu- laire 13% à L4K. HI. — L'influence cérébro-spinale agit en augmentant la force mo- irice qui est à son maximum lorsque le nerf est en communication avec les centres nerveux, et qui s’affaiblit un peu lorsque ce même nerf en est séparé. Première expérience le 8 janvier sur un chien tres vigoureux. On découvre le scialique, on l'excite et la force motrice est de... 9$ SÉANCE DU 11 JANVIER. 17 On sectionne la moelle épinière à la région dorsale ; douze minutes après, on excite le nerf, et la force motrice est trouvéeégale à ..., 7k Quinze minutes après, on sectionne le nerf et la force musculaire n’est plus GINENCIENT HN ENS DE NAME PAC RS ERUE SRI RONA RUE Deux autres expériences donnent les mêmes résultats. Deuæième expérience du 28 décembre sur un chien de 12£, En excitant le sciatique droit en communication avec la moelle épinière et le cerveau, on a inemoscemoirice des etre: Lamine eMasiet. dOE ra t20k Le nerf étant sectionné, la force n’est plus que. ..... ja, He 6 AGE IV. — Reste à rechercher combien de temps la force motrice per- siste après la mort. Pour étudier ce fait, nous avons déterminé la mort par piqûre du bulbe, puis nous avons suivi, de cinq en cinq minutes, la perte de la puissance motrice. Première expérience du 28 décembre sur un jeune chien : piqûre du bulbe à He dandion of #ne D RAC RFI 10% 1/2 HE 2 (1 EE DÉAAN eBs à NB EE LS LRU ei CRD PAUSE DURE os elite tolalohenereshele MÉLANIE CNOMRONE 415 41/2 AU SE té ARE MOST A EL I A SE Sa pee ARE ANSE ALAIN ES A Ru Ne mr OS 51% On ne produit aucune déviation de l'aiguille du dy- namomètre. Deuxième expérience du 30 décembre sur un chien vigoureux, piqûre du bulbe & AM ES AM SE 0 *.t ee 00000. "0 see 9k AR GTR AR NPA AR AR NA U A Et ee 12h ee see. © e 3X 42h, 7% L'excitation du nerf ne détermine aucune déviation de l'aiguille du dynamomèlre. La force motrice, en tant que force capable d'exécuter un travail, se perd en moyenne de 34 à #4 minutes après la mort. Ce travail a été fait au Muséum d'histoire naturelle dans le laboratoire de physiologie générale, dirigé par M. le professeur Ch. Rouget. ACTION DU CHLORHYDRATE DE COCAINE SUR LA FERMENTATION ALCOOLIQUE ET SUR LA GERMINATION, par le D' AuG. CHARPENTIER, professeur à la Faculté de médecine de Nancy. Tout le monde connait les expériences par lesquelles CL Bernard à montré que le chloroforme et léther exercent une action anesthésique sur tous les éléments vivants, ce qui en fait les véritables « réactifs de ja vie », suivant son expression. BroLocrEe. COMPTES RENDUS. — 8€ SÉRIE, T. Il, N° 1. 2 18 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. La cocaïne, ce remarquable anesthésique local, a-t-elle des propriétés semblables? Telle est la question que je me suis posée. J'ai étudié tout d’abord l'effet d’une proportion assez faible de chlor- hydrate de cocaïne sur la fermentation alcoolique du sucre, sur la fer- mentation spontanée de l’urine et sur la germation du cresson alénoïis. Sous l'influence de 3 centigrammes de ce sel introduits dans 25 cen- timètres cubes d'urine, la fermentation de celle-ci n’a pas paru différer de celle d’une même quantité d'urine pure servant de terme de compa- raison. De mème, la fermentation d'une solution sucrée ensemencée de levure de bière n’a pas paru souffrir de la présence de 3 à 10 centigrammes du même sel pour 30 centimètres cubes de la solution (formule de Pasteur). La germination du cresson alénois a été retardée par 10 centigrammes de cocaïne pour 30 grammes d’eau ordinaire, solution avec laquelle on à imbibé une éponge parsemée de graines de cette plante. Une autre éponge semblable imbibée seulement de 30 grammes d’eau à donné plus rapidement des plantes bien plus hautes, plus fortes, à cotylédons plus développés et mieux pourvues de chlorophyvile. A s’en tenir à ces faits, la cocaïne n'aurait pas d'influence sur les fer- mentations et aurait à peine une certaine action sur les phénomènes de dévoloppement et de nutrition de la graine mise en expérience. Mais si l’on élève la dose du chlorhydrate de cocaïne, on obtient nette- ment, au moins pour la fermentation alcoolique et pour la germination du cresson, qui ont seuls fait l'objet de nos dernières recherches, une véritable anesthésie. Si l’on prend par exemple deux tubes contenant la même quantité de la solution sucrée de Mayer, composée de sucre candi, de pepsine, de sulfate de magnésie et de phosphates, que dans l’un d’eux on introduise > pour 100 de chlorhydrate de cocaïne et qu'on ensemence les deux solutions avec une trace de levure, on voit la solution pure devenir rapi- dement trouble, présenter un développement considérable des cellules de levure et une fermentation active, tandis que l’autre solution reste claire, ne présente pas trace de fermentation et ne montre au mieros- cope aucune trace de levure nouvelle; seules une ou deux petites taches sur le fond du tube représentent les cellules introduites dans le tube. Mais ces cellules, ainsi arrêtées dans leur vie et leur développement, ne sont pas lLuées par le poison, elles sont seulement anesthésiées ; en effet, si l’on décante avec la plus grande précaution la solution empoisonnée et qu'on la remplace par une solution sucrée nouvelle et pure,: le dévelop- pement des cellules de levure a lieu et la fermentation se produit à un degré très intense. De la même facon, on a pu anesthésier la graine du cresson alénois en la placant dans une solution de chlorhydrate de cocaïne à 3 pour 100; SÉANCE DU 11 JANVIER. 19 la germination n'a pas lieu dans cette solution, tandis qu'elle se produit très facilement dans la même quantité d’eau. Mais la graine anesthésiée n'est pas morte, et il suffit de la laver et de la placer dans l’eau pure pour que le développement se produise. Le sel de cocaïne dont je me suis servi dans ces expériences et dans les précédentes (suspension des fonctions cérébrales chez la grenouille) a été préparé par M. Petit. Je communiquerai prochainement à la Société les résultats que j'ai obtenus relativement à l’action locale de la cocaïne sur les muscles et sur Le Nneris: À PROPOS DE LA MÉDICATION FERRUGINEUSE, par MM. DEBIERRE et LINOSSIER, professeurs agrégés à la Faculté de Médecine de Lyon. (Note présentée par M. R. Blanchard.) Les opinions des nombreux auteurs qui ont traité de la médication fer- rugineuse peuvent se ramener à l’une des deux propositions suivantes : 1° Le fer est le remède spécifique de l'anémie; il fournit aux globules du sang un élément indispensable à la formation de l'hémoglobine. 2° Le fer n'est qu'un stimulant de la digestion et tout autre médicament possédant cette action stimulante peut rendre le même service que lui dans le trai- tement de l’anémie. HAYEM (Ve la médication ferrugineuse. Bulletin de thérapeutique, t. C, p. 289-324, 1881) s'est déclaré le champion de la première opinion ; Du- JARDIN BEAUMETZ (/éflexions critiques sur l'emploi du fer dans le traitement de la chlorose. Bulletin de thérapeutique, t. XC, p. 391-401, 1876) s'est rallié à la seconde. La quantité de fer normalement contenue dans le sang augmente-t-elle sous l'influence de la médication ferrugineuse? Tel est le premier point à résoudre pour quiconque veut choisir entre les deux théories en pré- sence. Cette question pourtant n’a jamais été résolue expérimentalement. Quelques-uns comme Tiedemann et Gmelin, Claude Bernard se sont préoccupés seulement de savoir si Le fer était absorbé. D'autres ont fondé leur opinion sur les variations, soit du nombre des globules, soit du pouvoir colorant du sang. Personne ne semble avoir entrepris jusqu'ici de doser le fer dans le sang avant el après une médication ferrugineuse assez prolongée; c’est ce que nous avons fait dans l'expérience suivante. Un fort chien pesant 17 kilog. a été placé, le 45 avril, dans la cage à expériences et asireint à un régime rigoureusement régulier. Sous l’in- fluence de limmobilité, la proportion de l’urée, dont la quantité dans 20 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. l'urine s'élevait à 12 et L4 gr. par litre d'urine au moment de la mise en cage, est tombée peu à peu au chiffre de 8 grammes par litre, et s’y est maintenue. Il est à noter, pour expliquer ce chiffre minime, que l’alimen- tation donnée au chien était à peu près exclusivement végétale. A ce moment (30 avril), l'animal fut anémié expérimentalement par une saignée de 420 grammes, et soumis à la médication ferrugineuse.1l recut chaque jour avec ses aliments 0,40 de tartrate ferrico-potassique et de citrate de fer ammoniacal, soit 10 grammes en 95 jours. Le 3 juin, quarante-huit heures après la cessation du traitement ferru- gineux, on soumet l'animal à une nouvelle saignée et on examine son sang. Voici les principales données numériques de l'expérience. Le poids de l’animal s’est élevé de 17 kilog. à 17 kilog. 5. Le sang de la première saignée contenait par kilog. 0 gr. 518 de fer. Après l'expérience la proportion s'est élevée à 0,557. Nous avons donc constaté que sous l'influence du traitement ferrugi- neux, la proportion de fer peut devenir chez un animal sain, anémié ex- périmentalement, supérieure à ce qu’elle était à l’état normal. L’accroissement a été dans l'expérience de 7,53 p. 100. Comme contrôle, nous avons dosé l’hémoglobine à l’'hémochromomètre de Malassez et nous avons trouvé les résultats suivants : Avant l'expérience 5° — Omlis 048 d'hémoglobine d'où CR = 0,100 mil. eu. Après l'expérience 59,5 = Os 053 — d'où CR — 0,110 mill. cu. L'augmentation de l’hémoglobine serait,d'après ces chiffres,de 10 p.100, soit un peu plus forte que l'augmentation du fer. Cette discordance entre des chiffres qui devraient être identiques, s'explique facilement, sil'on con- sidère que la variation à l'hémochromomètre n’a été que d’un demi-degré ; et que la variation de 10 p. 100 est la plus petite que puisse accuser ce procédé d'analyse. Lenombre desglobules a peu augmenté; résultats con- formes à ceux obtenus par M. le professeur Hayem qui, dans certaines circontances, a même constaté une diminution. — Leur nombre a passé de 3,545,000 à 3,689,000, soit une augmentation de #,06 p. 100. Enfin, nous avons dosé avant et après l'expérience les gaz contenus dans 100 cc. de sang artériel. Les résultats sont les suivants: Acide carbonique 31,6 4,52 Oxygène _ 4 avant l'expérience. 20,8 $ après l'expérience. 24. 8 Azote 2,8 He (0 Les gaz expirés contenaient : Acide carbonique 4,10 D,2 avant l'expérience. après l'expérience. Oxygène ) 15 14 SÉANCE DU À1 JANVIER. 91 Pendant toute la durée du traitement ferrugineux, l’urée fut dosée ré- gulièrement dans l'urine ; cette analyse nous donna les résultats suivants assez inattendus. À partir du moment où fut commencée la médication ferrugineuse, la proportion d’urée diminua peu à peu. Elle était alors de 12 gr. par jour; le 25 mai, elle tomba à 10 gr. 5 et le AE juin à 7 gr. 9. Après l'expérience terminée, la proportion d'urée dans l'urine remonta peu à peu; le 5 juin, elle était de 8,16 par jour; quelques jours après, elle était revenue au taux normal. Nous ne voulons pas tirer d'une expérience unique des conclusions absolues. Cependant voici les résultats qui semblent en ressortir : 1° Sous l'influence de la médication ferrugineuse, la teneur du sang en fer augmente sensiblement, et beaucoup plus vite que la proportion des globules. Ce résultat est tout à fait concordant avec les conclusions du professeur Haye. 2 La proportion de l’urée diminue dans l'urine. Ce résultat est en contradiction flagrante avec les chiffres donnés par Pétrowski. Mais il est à remarquer que les conditions ne sont plus ici les mêmes. Les obser- vations de Pétrowski ont été faites sur des malades anémiques, qui n'é- taient pas astreints à un régime fixe. Il est même probable que, dans leurs cas particuliers, la médication ferrugineuse devait avoir comme adjuvant une nourriture surabondante et probablement fort azotée. Il n’est donc pas surprenant que Pétrowski ait constaté chez tous ses malades une augmentation de l’urée. Dans notre expérience au contraire, le chien a été nourri constamment avec la même quantité d'une nourriture aussi identique à elle-même que possible. L'animal ne faisait aucun exercice. Il est donc impossible d'attribuer à une autre cause qu'à la médication ferrugineuse la diminution de l’urée. La saignée ne saurait être incriminée, puisque la diminution à été lente et s'est accentuée de plus en plus à mesure que s’éloignaient les effets de la saignée. Nous rappelons que l'animal a augmenté de poids, ce qui s'explique parfaitement par une diminution dans la combustion des albuminoïdes. | _ Mais si le fer agit comme modérateur des combustions, comment ex- pliquer les chiffres obtenus dans l'analyse des gaz du sang et de la res- piration? [ls dénotent, en effet, une activité respiratoire beaucoup plus grande sous l'influence du fer. Le sang a dissout beaucoup plus de gaz et ce gaz est plus complète- ment uülisé, puisque la proportion d'oxygène est moindre dans l'air ex- piré. Tout d’abord, nous voyons qu'il ne faut pas accorder à ces chiffres une trop grande importance, bien que nous soyons entourés de toutes les précautions usitées en pareil cas. 29 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Nous n'avons, dans les deux expériences, recueilli le sang dans l'artère fémorale, que quand l'animal, placé depuis un long moment sur la gout- üière à expérience, semblait respirer très naturellement; mais nous ne pouvons cependant affirmer que, dans les deux expériences faites à un mois de distance, la fonction respiratoire s’accomplit d’une manière abso- lument identique. D'ailleurs, le fer ne pourrait-il pas surexiter la com- ‘bustion des hydrocarbonés en modérant celle des matières albuminoïdes ? Nous savons pertinemment que ces deux phénomènes sont indépendants, puisque l'exercice musculeux, par exemple, fait varier l'un dans des pro- portions considérables, tandis que l’autre est à peine influencé. Nous nous réservons de revenir sur ce point, quand nous pourrons discuter un plus grand nombre d'expériences. Les deux faits saillants sur lesquels nous appelons l'attention, sont : 1° Augmentation de la teneur du sang en fer. 9° Diminution de l’urée : Il nous reste à indiquer comment nous avons effectué le dosage du fer. Le sang est évaporé lentement dans une capsule de platine avec 10 p. 100 environ de son poids de soude caustique, puis caleméavec pré- caution au bain de sable. Quand il n’émet plus de fumée, on porte la cap- sule sur la flamme d'un calcinateur, on élève la température au rouge et on achève la combustion en projetant dans la capsule un peu d’azotate de potasse finement pulvérisé. L'opération se fait très facilement. Quand elle est terminée, on main- lient un instant la masse à l’état de fusion tranquille, puis on laisse re- froidir. La masse refroidie est traitée par l’eau régale jusqu'à dissolution com- plète. Si la combustion n’a pas été bien conduite, il se dépose parfois au bout d’un instant un peu d'oxyde ferrique, sous forme d'une poudre im- palpable rouge-brique. Dans ces cas, il est nécessaire de filtrer le liquide, de laver le filtre, de le calciner avec un peu d'azotate de potasse, de reprendre le produit de la caleination par l'eau régale et d'ajouter à la solution précédemment obtenue le produit de cette opération. On sursature alors le liquide porté jusqu'à l'ébullition avec de l’'ammo- niaque. L’oxyde ferrique se précipite. On le jette sur un filtre, on le lave à l'eau bouillante, puis quand le liquide filtré ne précipite plus par lazo- tate d'argent, on procède à la dissolution du précipité. A cet effet, on in- troduit la douille de l'entonnoir dans un bouchon percé et on ferme avec ce bouchon un petit ballon à fond plat de 100 grammes environ. Grâce à ce dispositif, on peut maintenir aussi longtemps qu'on le veut du liquide sur le filtre, et il suffit de soulever légèrement le bouchon pour le faire couler. Quand son action dissolvante est épuisée, on jette alors sur le SES SÉANCE DU 1Â1 JANVIER. 23 filtre de l'eau acidulée d'acide chlorhydrique; 50 ce. d’eau accidulée avec un demi-centimètre cube d'acide chlorhydrique nous ont toujours suffi pour dissoudre complètement l'oxyvde de fer provenant de la calcination de 60 gr. de sang. Il est très important de ne pas dépasser 1 cc. d'acide chlorhy- drique, sinon la précision du dosage au permanganate de potassium serait beaucoup diminuée. On sature complètement l'acide chlorhydrique par du carbonate de sodium jusqu'à apparition d'un léger précipité qu'on fait disparaître par l'addition d’une goutte d'acide sulfurique, et on opère la réduction à l'aide de l'hydrogène sulfuré et le dosage à l’aide du permanganate de potassium, en suivant le procédé indiqué par l'un de nous. (Journal de pharmacie el de chimie, janvier 1885.) NOTE SUR LA PIQURE DE LA VIVE, par M. BoTTARD, INTERNE A L'HÔPITAL DU HAVRE, présentée par R. Dupois. Il y a quelques mois, notre ami Léon Gressin, docteur à Monti- villiers (Seine-Inférieure), présentait comme thèse inaugurale le ré- sultat de nos recherches au laboratoire de physiologie maritime du Havre sur l'appareil à venin des poissons du genre Vive (Trachinus), re- cherches auxquelles M. le professeur Rémy a bien voulu donner la sanc- tion de sa haute autorité. Dans le travail de notre ami, n’a pu trouver place l'observation suivante qui est intéressante à plus d’un titre. Elle relate minutieusement la bles- sure faite par une Petite Vive (Trachinus Vipera Lin.) à un médecin qui a déerit lui-même tout ce qu'il a éprouvé. La blessure à été très grave, à cause du phlegmon qui a suivi!la piqûre envenimée, et M. le docteur Emery Desbrousses à failli perdre le membre blessé. Voici d’ailleurs son observation que nous devons à l’obligeance de M. Frémont, médecin- major de 1"° classe au Havre, et que nous présentons comme complément du travail de notre ami L. Gressin. Observation. — Le 7 juin 1881, étant médecin-major de 1" classe, en congé à Cabourg (Calvados), je m'amusais à pêcher la crevette, avec ma famille, vers 3 heures de l'après-midi. À un moment donné, j'apercus dans mon filet et au milieu des crev ettes un petit poisson de la grosseur d’un goujon (je n'avais jamais vu de vives). Je voulus le rejeter à la mer et le poussai tout simplement avec l’indicateur de la main gauche. Mon mouvement avait été très brusque et cependant je ressentis immédiatement une douleur intense et J'éprouvai la sensation d’une coupure. Je constatai alors une plaie linéaire, comme en 94 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. aurait fait une lancette, sur le côté unguéal interne de la première pha- lange de l'index gauche. La plaie saignaït, je pressai fortement pour ac- tiver l'écoulement du sang ; je sucai la plaie, je la lavai à plusieurs reprises dans l’eau de mer. Pendant deux ou trois minutes, la douleur était supportable, mais après ce court délai, elle prit une telle violence que je quittai la pêche et ren- trai en courant à la maison. Je fis monter mon domestique à cheval et lui dis de courir à Dives (2 kilomètres) et de me rapporter un flacon d'acide phénique et un flacon d’ammoniaque. Je n’eus que la force de donner ces ordres ; la douleur était si atroce que je courais dans la maison et me serais jeté par une fenêtre, tant la souffrance devenait intolérable. Pres- que instantanément l'indicateur enflait, puis successivement tous les doigts de la main, le poignet et l'avant-bras. Ce gonflement considérable s'était effectué en un quart d'heure. La douleur diminua alors un peu et je me mis la main et l’avant-bras dans un seau d'eau froide. Environ vingt-cinq minutes après l'accident, on m'apportait les deux flacons de- mandés à la pharmacie de Dives. Je versai tout le contenu du premier flacon qui me tomba sous la main, dans une grande cuvette d’eau {c'était de l'acide phénique) et j'y plongeai le membre malade. Le soulagement fut presque immédiat et le gonflement disparaissait à vue d'œil. Après un quart d'heure de ce bain local, je ne souffrais plus, le gonflement restait limité à l'index gauche. Le point piqué était insensible et entouré d’un petit cercle rouge et luisant. Comme pansement, je m'appliquai sur le doigt un petit cataplasme arrosé avec de l’eau phéniquée. Je me félici- tais de ma bonne inspiration d'avoir obtenu un si prompt résultat (j'ai su plus tard que j'aurais dû me servir d’ammoniaque, que ce venin si subtil était un acide et que les alcalins le neutralisent). Cet accident avait eu lieu un samedi. Le lendemain, après une bonne nuit, je me ressentais à peine de ma piqûre. Je conservai cependant le bras en écharpe, par simple précaution. Pendant deux ou trois jours, je ne songeai plus à cet accident etje me croyais guéri; dans la journée du mardi 11, je me ser- vis beaucoup de ma main gauche. Je jardinaï assez longtemps et fis une promenade en voiture ou je conduisais moi-même. La nuit du 41 au 42 fut mauvaise ; douleur très vive, élancements, fièvre. — Le phlegmon commencait et se limita rapidement à lindex et au médius dela main; les deux autres articulations métacarpophalan- giennes de ces doigts furent envahies et le gonflement avait gagné à peu près le tiers de la paume de la main... Aucun engorgement ganglionnaire. — A partir de ce moment j'éprouvai les douleurs horribles du phlegmon, je fus en proie à la fièvre et à l'insomnie. Le 17, je me rendis à Caen et allai trouver M. Denis Dumont, chirur- gien de l’Hôtel-Dieu qui me fit immédiatement plusieurs incisions, dont une très profonde dans le voisinage de l'articulation métacorpophalan- gienne de l'index. Après ces incisions qui ne donnèrent issue qu'à quel- RO O7 SÉANCE DU Â1 JANVIER. ques gouttes de pus, je fus placé dans un grand bain et n’éprouvai qu’un soulagement momentané. Le 19, M. Denis Dumont vint à Cabourg dans la soirée, et me fit de nouvelles incisions. Le 22, je me rendis à Ouistreham où je devais retrouver M. Denis Du- mant et là, sur un lit d'auberge, après m'avoir anesthésié, mais incom- plètement, 1l me pratiqua 10 incisions nouvelles. Je dois dire que pres- que dès le début du phlegmon, j'avais éprouvé des phénomènes de véri- table empoisonnement: troubles gastriques et troubles vaso-moteurs. Après les repas (très légers, bien entendu) je perdais subitement connais- sance, pendant 10 minutes à un quart d'heure ; tout le côté gauche du corps se couvrait de plaques rouges, surtout à la face ; il n’y eut jamais de vomissements. Les forces déclinaient, je ne dormais qu'avec du chloral. À partir du 23, les douleurs s’amendèrent; je me contentai de prendre trois bains locaux phéniqués et je pansai ma main à l'alcool camphré. — Une longue eschare très adhérente s'étendait de l’extrémitéde l'index à la deuxième articulation de ce doigt; il existait à ce niveau une cavité sus- ceptible de loger deux noisettes. A ce moment-là, M. Denis Dumont considérait la perte des deux pre- mières phalanges de mon index comme la solution la plus heureuse de mon accident. Dès que je fus transportable, je partis pour Paris (29 juin), et je mon- trai de suite mon doigt à un chirurgien, qui, après avoir enlevé par la dis- section, une partie de l’eschare, me fit le pansement de Guérin et me re- commanda de le garder cinq jours. Au bout de quarante-huit heures, la souffrance était devenue tellement intolérable et l'odeur tellement infecte que j'enlevai mon appareil. La plaie avait presque doublé en ces deux jours, et j'ai la conviction que j'aurais trouvé mon doigt tout entier dans la ouate, si j'avais pu supporter ce pansement pendant cinq jours. Sur les conseils d’un de mes amis, M. P... médecin principal et profes- seur agrégé de chirurgie au Val-de-Grâce, je revins aux bains phéniqués et fis un simple pansement au vin aromatique. Un peu plus tard, je m'appliquai un emplâtre à base de plomb, qui eut le mérite de faire dis- paraître la douleur. Vers la fin d'août, j'enlevai moi-même avec une pince, l’eschare qui tenait fortement au périoste, et huit jours plus tard, la cicatrisation était complète. Je conservai mon doigt, mais il était atrophié et la première articulation phalangienne ankylosée, la cicatrice adhérente était douloureuse. Actuellement, trois ans et trois mois après l'accident, la situation est la même, la névrite persiste et je ne puis toucher un corps résistant, sans douleur. Pendant longtemps le sens du tact avait disparu. En résumé, il y à eu deux phases dans mon accident. La première, caractérisée par une douleur immédiate, atroce ; un gonflement presque 26 _ SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. instantané, disparaissant très vite et me laissant une plaque anesthésique à l'endroit piqué. La deuxième phase, celle du phlegmon, avec tout son cortège d'accidents et des symptômes d'intoxication générale (troubles du sympathique ?) L'animal qui m'a piqué était de petite taille et portail sur le cou une petite lame triangulaire rétractile. C'est par cette arête que je fus piqué. Il y a peut-être des saisons et le mois de juin en particulier, où le venin des vives est plus actif (époque du frai) car les piqûres sont fréquentes et les accidents aussi graves que le mien sont rares. Je redoutais le tétanos, et c’est une complication que l’acuité de la douleur doit faire craindre. ÊMERY DESBROUSSES. Médecin principal de 2° classe. Paris. — Imprimerie G. Rougier et Cie, rue Cassette, 1. 29 ee —————————————— ———————————————— — ———— SÉANCE DU 17 JANVIER 1885 Lagonne: Recherche expérimentale des alcaloïdes toxiques dans l'organisme et leur détermination à l'aide de la méthode graphique. — P. Bert: Action de la cocaïne sur la peau. — P. Recxarp: Action de la cocaïne sur la fermentation alcoolique. — P. Regnaro: Résultat de l'immersion d'un poisson dans une solution faible de chlorhydrate de cocaïne. — M. LauLaxié : Le rentlement caudal (tête de la ligne prumitive) et la part du névraxe dans sa formation. — Doréris: Analyésie des voies génitales obtenue par l'application locale de la cocaine, pendant le travail de l'accouchement. — DuBois: Action de la cocaïne sur la germination. — L. Cuagnx Monstres nouveaux chez les ascidies. Présidence de M. Hanot, vice-président. NOTE SUR LA RECHERCHE EXPÉRIMENTALE DES ALCALOIDES TOXIQUES DANS L'ORGANISME ET LEUR DÉTERMINATION A L'AIDE DE LA MÉTHODE GRAPHIQUE, A PROPOS DE L'INTOXICATION ACCIDENTELLE D'UN CHiEN PAR L'ACONITINE, par M. le Docteur J.-V. LABORDE. La recherche des alcaloïdes toxiques dans le liquide ou les tissus de lorganisme, constitue un des points les plus délicats en même temps que des plus importants de la toxicologie, dans ses applications à la médecine légale. Les efforts de la chimie restent souvent impuissants pour carac- tériser le poison, surtout quand il s’agit d'un de ces principes immédiats végétaux d'une grande activité, qui produisent leurs effets physiologiques et toxiques à des doses presque infinitésimales. Il appartient, en ce cas, à l'expérimentation de donner la solution du problème, grâce à l’extrème sensibilité du réactif plysiologique, c'est-à- dire de l'organisme animal en fonction. Nos études sur ee sujet nous ont amené à montrer de quelle ressource pouvait être l'intervention de la méthode graphique pour la détermination de modifications fonctionnelles, sans elle insaisissables, et constantes, sous l'influence de certains poisons très actifs, et par conséquent pour la déter- mination de doses quasi infinitésimales de ces poisons, alors que la chi- mie était absolument impuissante. C'est principalement à propos de l'aconiline cristallisée que nous avons fait, depuis longtemps déjà, cette démonstration en fixant le tracé carac- téristique des moditications du fonctionnement cardiaque chez la grenouille BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8e SÉRIE, T. II, N° 2. 4 30 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 1 se 1 sousl'influence des doses les plus minimes D L'un de nos préparateurs des travaux physiologiques, M. le docteur P.Rondeau a fait récemment, de son côté, une très heureuse application de cette méthode à l'étude de la vératrine, en déterminant et en fixant la modification de la courbe de la contraction musculaire, suite de l’action de milligramme (1). dr Rs d'une dose minima de cette substance Ce à 16 de milligramme. ) Ur, nous venons d’avoir l’occasion de vérifier ces résultats dans un cas qui réalise exactement les conditions d’une recherche médico-légale, avec cette seule différence qu'il s'agit d'un animal au lieu d’un être humain. Voici le fait : Un jeune chien de la race des chiens dits de montagne, par conséquent de belle taille, avait été préposé, depuis quelques jours, à la garde d’une cour, dans une fabrique de produits chimiques, lorsque le matin du troi- sième ou du quatrième jour, il fut trouvé mort. Les seuls symptômes qui aient été constatés par l’un des fgarcons sont des vomissements assez vio- lents. Dans cette usine qui est précisément celle de notre collaborateur chi- miste M. Duquesnel, on s'occupe particulièrement de la fabrication d’al- caloïdes médicamenteux, et parmi ceux qui pouvaient être surtout ineri- minés, au moment |de l'accident, se trouvaient l’aconitine et la vératrine cristallisées. On pouvait, entre autres possibilités, supposer que des filtres jetés et abandonnés dans la cour avaient été léchés par l'animal. Quoi qu'il en fût, les matières de vomissements furent autant que pos- sible recueillies, et M. Duquesnel en put extraire d’abord un produit brut et coloré, purifié et décoloré ensuite, qui lui donnèrent les réactions d’un alcaloïde. : Mais quel étaitcet alcaloïde ? Etait-ce la vératrine ou l’aconitine ? C'est ce qu'il fut impossible de déterminer par les réactions chimiques. M. le docteur Rondeau, et moi, nous nous mimes en devoir de faire simultanément la recherche expérimentale, lui en vue de l’action de la vératrine sur la courbe de la contraction musculaire, moi en vue de l’in- fluence de l’aconitine sur les contractions cardiaques. La recherche de M. Rondeau ne donna pas de résultat positif, ainsi qu'en témoigne le graphique que je mets sous les yeux de mes collègues ; bien que des doses relativement élevées du produit aient été injectées à la grenouille en expérience. | Il n’en fut pas de même de mon investigation, car à une dose qui était a peine la moitié de celle employée par mon collègue, j’obtenais le tracé (4) Des uconits et de l'aconitine, étude chimique, plysiologique, Loxicologi- que, ele, par LaBonpe et DUQUEsxEL. 1882-83. G. Masson — p. 120-121. LS SÉANCE DU 17 JANVIER. 31 typique des modifications des battements du cœur sous l'influence de l'aco- nitine; modifications qui consistent en une accélération, avec irrégularités représentant une sorte de trémulation ataxique du myocarde, et tendance à la tétanisation. On peut superposer le tracé ici obtenu au tracé typique et constant que j'ai consigné dans mes premières et anciennes recherches, ils offrent une analogie telle que le doute ne pouvait être permis. Nous avons donc ici à la fois la preuve négative, en ce qui concerne la vératrine, et la preuve positive, en ce qui concerne l’aconitine. Ajoutons que l'essai du produit sur un très jeune cobaye a donné des symptômes fonctionnels qui peuvent, comme je l’ai également démontré, fournir certaines présomptions, mais qui rapprochés de la preuve car- diographique constituent un complément précieux de démonstration. Enfin l’état anatomique de certains organes, notamment l'injection par- tielle de la muqueuse de l'estomac, et les plaques congestives des pou- mons, état qui, seul et par lui-même, ne pouvait avoir une signification caractéristique, prenait une réelle importance comme témoignage secon- daire à côté de la preuve essentielle. Il y a donc là une application précieuse de la méthode expérimentale et graphique à la recherche des poisons dans l’organisme, qui mérite, ce nous semble, à un haut degré, l'attention du physiologiste et du médecin légiste. NOTE SUR L'ACTION DE LA COCAINE SUR LA PEAU, par M. Paul BErr. On sait que les badigeonnages d’une solution de chlorhydrate de co- caïne faits sur la surface de la peau ne produisent aucun effet : il faut employer l'injection hypodermique pour obtenir une analgésie. Il m'a paru intéressant d'étudier la sensibilité de la peau débarrassée de sa couche cornée et revêtue seulement de sa couche muqueuse. Pour faire ces observations, j'ai utilisé les plaies causées par l'application de vésicatoires. Dans une première série, j'ai injecté une solution de cocaïne dans la sérosité d’une cloque; — ‘dans une seconde, J'ai badigeonné avec cette solution la surface dénudée par l’excision de la cloque ; — dans une troisième, j'ai recouvert la surface mise à nu de linge fenêtré ou de charpie imprégnés de la solution de cocaïne. Quel qu’ait été le mode d'application, j'ai obtenu dans ces trois séries une analgésie très marquée au bout de cinq minutes. J'ai pu, sans que les malades aient manifesté la moindre douleur, enfoncer la pointe d'une aiguille jusqu’à une profondeur d’un demi-millimètre. Toutefois cette diminution de la sensibilité était très limitée en étendue, les points voi- 32 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. s… pe Sins, quin'avaient pas recu la solution de cocaïne, étaient toujours très sensibles. En général, l'analgésie a disparu après dix ou douze minutes. Chez quelques malades, elle à été suivie de phénomènes douloureux de re- tour. L'un d'eux a même accusé pendant trois jours des picotements pénibles dans Les points où l'aiguille avait été enfoncée. J'ai déjà dit que l'action de la cocaïne m'avait semblé très limitée en étendue : voici deux faits qui démontrent cette localisation. J'ai recouvert la surface dénudée de la peau avec de la charpie imbi- bée d’une solution de cocaïne au 1/60. Or, en examinant l'état de la sensibilité après sept ou huit minutes, j'ai été surpris de constater une juxtaposition incohérente de points sensibles et de points douloureux. Ainsi, au milieu de la surface analgésiée, je rencontrais de nombreux points sur lesquels la piqûre de laiguille était douloureuse au moindre ‘contact. Il m'a semblé que ces points sensibles correspondaient aux in- tervalles des brins de charpie. Pour me convaincre de l'existence de ces intervalles, j'ai, chez un au- tre malade, recouvert la surface mise à nu d’un morceau de linge fenétré imprégné de la solution de cocaïne. Les trous ronds perforés dans l’étoffe avaient quatre millimètres de diamètre, et ils étaient également distants de quatre millimètres les uns des autres. En examinant après cinq minutes l'état de la sensibilité, j'ai reconnu que toute la surface de la peau cor- _respondant aux perforations du linge était restée sensible, alors que les parties recouvertes par l’étoffe étaient analgésiées. Je pouvais impuné- ment promener l'aiguille sur tous les points recouverts, tandis que tout le cercle correspondant à la perforation était douloureux à la piqûre. Le procédé dont je me suis servi pourrait être utilisé avantageusement dans Ja petite chirurgie : on diminuerait la douleur causée par l'exeision de la cloque d'un vésicatoire où d'une brûlure, en injectant quelques souttes d'une solution de cocaïne dans la sérosilé. La localisation de cette action fait qu'on pourrait essayer la cocaine avec succès pour panser des plaies très limitées et tres douloureuses comme le zona, les hémorrhoïdes, et surtout la fissure à lanus, où Ja douleur est à la fois cause et effet du mal, ete. Ces observations ont été faites à l'hôpital de la Pitié, sur des malades du service de M. le professeur Brouardel. ACTION DE LA COCAINE SUR LA FERMENTATION ALCOOLIQUE, par M. P. REGNARD. Dans la dernière séance de la Société, M. Charpentier à présenté une note fort intéressante mais dont quelques détails sont en contradiction avec les résultats que nous avons nous-méême obtenus en étudiant l’action SÉANCE DU À17 JANVIER. 39 LL LE NT RG RE RS du chlorhydrate de cocaïne sur la fermentation. — Depuis longtemps déjà nous recherchons par la méthode de l'enregistrement l’action des alcaloïdes sur la fermentation alcoolique, nous avons successivement passé en revue tous les alcaloïdes de l'opium, de la belladone, des stry- chnées ete. Toutes ces substances à la dose d’un demi-millième, se mon- trent fort actives et dans les planches que nous publierons prochainement on verra combien elles modifient non seulement les résultats, mais la marche de la fermentation. Or le chlorhydrate de cocaïne à cette dose est tout à fait sans action : La courbe ci-dessous ne laisse aucun doute sur ee point. La cocaïne n’est donc pas un poison de protoplasma géné- ral, ni un anesthésique de ce protoplasma comme l'éther et le chloro- forme qui, eux, agissent à ces faibles doses. Pour anesthésier la levure, M. Charpentier est obligé d'employer des doses non pas de 1/2 pour mille mais de 50 pour mille, soit 400 fois plus fortes que celles dont je me sers. Or, on peut le dire, à ces doses là tout agit sur lalevure. Dans notre travail d'ensemble, on verra des fermenta- tions entravées par des quantités moins fortes de simple sel de cuisine, de sulfate de soude, d'alcool, etc. Dans ces cas-là, la fermentation reprend dès qu'on a lavé la levure à l’eau, ou simplement quand on à étendu le li- quide trop concentré. C’est done une critique d'autant plus bénigne que je me permets de faire à l’auteur de la communication, que lui-même il reconnait au début de son travail que la cocaïne à faible dose est sans action sur l’activité de la levure. SUR LE RÉSULTAT DE L'IMMERSION D'UN POISSON DANS UNE SOLUTION FAIBLE DE CHLORHYDRATE DE COCAINE, par M. P. REGNARD. Lorsqu'on plonge un eyprin dans une solution au 2/00°° de chlorhy- drate de cocaïne, on voit l'animal s’agiter vivement d’abord, puis respi- rer avec une grande rapidité. Au bout de 10 à 15 minutes, l'animal se trouve sur le flanc, monte à la surface de l’eau, puis tout d'un coup cesse 34 SOCIÉTÉ DE DIOLOGIE. absolument de respirer : la bouche demeure fermée et les ouïes sont tout à fait immobiles. L'animal est inerte, paralysé de tous les muscles : de l'avis de tous ceux qui voient l'expérience il est mort. Si on le retire alors, et si on le met dansl’eau pure, il demeure dans l’état de mort appa- rente pendant trois ou quatre heures, davantage même quelquefois, puis la respiration recommence, et douze heures après l'animal est abso- lument revenu à son état primitif. Si, avec les précautions que M. le professeur Jolyet et moi nous avons fait connaître, on analyse les gaz de l’eau où l'animal a séjourné pendant sa léthargie on voit qu'ils n’ont pas varié et que la respiration a été aussi nulle chimiquement qu’elle paraissait l'être physiquement. — Aïnsi de l'eau qui contenait 8,8 d'oxygène et 16°°,2 d'acide carbonique, renfer- mait encore exactement la même quantité de chaque gaz après qu'un poisson cocaïné y avait séjourné une heure. A quoi attribuer cet état singulier ? Est-ce à une action générale de la cocaïne sur la peau? c’est peu probable, car des grenouilles plongées dans la solution dont nous nous servons sont anesthésiées, maïs ne mani- festent pas la mort apparente : à priori nous croyons plutôt qu'il s’agit d’une anésthésie des nerfs branchiaux, d’où abolition du réfléxe respi- ratoire: suppression par cela même du mouvement des ouïes et de la bouche. Les mouvements reprendraient quand la cocaïne serait éliminée. Si en effet on laisse l’animal dans la solution pendant plus d’une heure, il finit par succomber sans qu'on puisse voir à quel moment; il ne se réveille pas de l’état où on l'a plongé. Quoi qu'il en soit de l'explication, le fait même est facile à vérifier et il est onstant. . SUR LE RENFLEMENT CAUDAL (TÊTE DE LA LIGNE PRIMITIVE) ET LA PART DU NÉVRAXE DANS SA FORMATION, par M. LaAuLANIÉ. (Note présentée par M. Mathias DuvaL.) Dans son travail sur la ligne primitive, M. Mathias Duval a désigné sous le nom de trenflement caudal ou tête de la ligne primitive l'extrémité antérieure de cette dernière formation qui, on le sait depuis Dursy, pré- cède l'apparition du sillon dorsal. Or le renflement caudal présente, sur les blastodermes des trois premiers jours, des apparences particulières et donne lieu sur les coupes transversales à des images sur lesquelles je désire revenir, beaucoup moins pour signaler des faits nouveaux que pour apporter une appréciation peut-être nouvelle touchant la valeur du renflement caudal et les phénomènes dont il est le théâtre. Dans l'étude qui va suivre j’observerai l’ordre chronologique rétrogade, SÉANCE DU Â7 JANVIER. 39 c’est-à-dire que je décrirai tout d'abord un embryon de troisième jour pour remonter ensuite la série. Sur les embryons de la fin du troisième jour, le névraxe se jette dans une tache obscure limitée en arrière par un contour circulaire très net et à convexité postérieure. Au delà vient une zone claire en croissant, traversée dans son axe pour les vestiges de la ligne primitive et limitée en arrière par le repli caudal qui commence à se dessiner. Sur les coupes sériales pratiquées sur le renflement caudal on apercoit les détails suivants : La plus antérieure laisse voir à la place du tube neural une masse pleine elliptique, étranglée vers la région ventrale et figurant ainsi un contour rappelant celui de la moelle et de la corde réunies. Je propose de donner à cette partie, qui n’est pas autre chose que le prolongement de la moelle et de la corde, le nom de bourgeon chordo-médullaire. Ce bcurgeon chordo-medullaire présente dans sa portion médullaire une dif- férenciation très évidente. Les cellules périphériques ont déjà une dispo- sition radiée très manifeste témoignant de leur orientation vers la forma- tion du tube neural. Les cellules centrales ont tous les caractères des éléments mésodermiques. Le bourgeon chordo-médullaire est d’ailleurs très nettement distinct, par ses parties latérales, des lames vertébrales dont le volume ne dépasse pas sensiblement celui des lames vertébrales que l’on trouverait un peu plus haut en plein tube neural. Dans les coupes suivantes le bourgeon chordo-médullaire s’altère visiblement: dans sa portion médullaire il conserve encore les mêmes caractères, la différenciation et la netteté de ses contours, mais du côté de la corde, il est peu distinct et se confond latéralement avec la masse mésodermique. — Plus bas le bourgeon est représenté dans sa totalité parune tache obs- cure rectangulaire qui ne se différencie du mésoderme, avec lequel elle est en continuité évidente, que par sa compacité et sa densité spéciale qui la rendent opaque. — A l'extrémité de la série, le bourgeon chordo-mé- dullaire s’est élargi et par une dégradation insensible il se confond peu à peu avec le mésoderme qui acquiert en même temps son épaisseur maxi- mum. Dans toute la série précédente le bourgeon chordo-médullaire se con- fond en haut avec l’ectoderme, en bas avec l’entoderme. Il y a là deux faits concomitants et solidaires : 1° l’élongation du tube neural et de la corde ; 2° l’épaississement du mésoderme. En ce qui touche le premier point, il est elair qu'à leur extrémité pos- térieure lamoelle et la corde se confondent pour constituer un bourgeon plein qui se jette en arrière dans le mésoderme et perd progressivement la netteté de ses contours pour former une masse terminale diffuse et confondue avec le mésoderme, que ce bourgeon se différencie peu à peu du côté de la moelle par l'ordonnance radiée des cellules périphériques et la migration des cellules mésodermiques, du côté de la corde par une dé- limitation nette de ses contours qui isole définitivement le squelette pri- 36 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. oo mitif. Tel est le mécanisme de la formation de la moelle après l'ocelusion du sillon dorsal. Sa réalisation entraine quelquefois des apparences sin- gulières qui ne sont d’ailleurs que des incidents sans grande importance, car ils ne sont pas constants : Je veux parler de la différenciation incom- plète des parois du tube neural qui présente sur sa face ventrale un ori- fice au niveau duquel le mésoderme intra-neural, reliquat de la différen- ciation, se continue avec le mésoderme extra-neural. N'y aurait-il pas là un souvenir éloigné de l'orifice neurentérique qu'on trouve encore chez certains oiseaux ? C'est un point à examiner. Revenons maintenant à l’élongation du névraxe et à l'épaississement du mésoderme. Nous avons vu qu’à son extrémité postérieure le bourgeon chordo-médullaire perd progressivement la netteté de ses contours et se dégrade insensiblement pour se confondre avecle mésoderme en méme temps qu'il augmente peu à peu de diamètre. Or, sur les coupes faites à ce niveau, il est évident que cette fusion de l'extrémité postérieure du bourgeon chordo-médullaire avec Le méso- derme est l'expression d'un phénomène semblable à celui qui amène la fusion de l’ectoderme et du mésoderme au niveau de la gouttière primi- tive. Je veux dire qu'en même temps qu'il s'agrandit par une élongation progressive, le bourgeon chordo-médullaire prolifère et jette ainsi dans le mésoderme une série de générations cellulaires qui augmentent son épaisseur et lui communiquent ces caractères extérieurs qui lui ont valu le nom de renflement caudal. Cette relation devient encore plus sensible si on réfléchit que l’épaississement du renflement caudal marche de pair avec le degré de fusion du bourgeon chordo-médullaire avec le mésoderme et qu'il atteint son maximum au momentmême où le bourgeon arrive à son maximum d'énergie formatrice. Au delà, c’est-à-dire en un point où on ne trouve plus dans les coupes la tache obscure et mal déli- mitée qui indique la présence du bourgeon chordo-médaullaire, la tête de la ligne primitive reprend des dimensions beaucoup plus modestes et revêt les caractères classiques bien connus. Il me paraît découler des faits qui précèdent la conclusion que l'épais- seur remarquable du: renflement eaudal exprime tout simplement la prolifération du bourgeon chordo-médullaire qui contribue ainsi à la formation des mésodermes. La prolifération du névraxe et l’épaississement consécutif du méso- derme sont encore plus évidents au niveau du renflement caudal sur des embryons moins âgés et sur lesquels le sillon dorsal est encore ouvert en arrière. lei le sillon dorsal se confond par une très grande étendue de sa face ventrale avec le mésoderme et cette fusion doit conserver, ce me semble, la même valeur que plus haut. Elle trahit l'activité formatrice des lames médullaires et démontre leur intervention dans la formation du mésoderme. — Je conelurai done : 1° Le névraxe s'allonge après l'occlusion du sillon dorsal par l'émission SÉANCE DU 17 JANVIER. 3 em on LR ARR ne ee d'un bourgeon mésodermique (bourgeon chordo-médullaire) sur lequel la différenciation isole progressivement le tube neural et la corde. 9° Le renflement caudal est un épaississement du mésoderme dù à la prolifération de l'extrémité postérieure du névraxe qui désormais prend une part prépondérante à la formation du mésoderme et destitue la ligne primitive de ses fonctions et de son importance premières. 30 Cette substitution du névraxe à la ligne primitive dans la constitu- tion du mésoderme laisse intacte d’ailleurs la séparation établie par Dursy entre le sillon primitif et le sillon dorsal. La ligne primitive conserve toujours le caractère d'une formation ancestrale qui représente vraisemblablement le blastopore des vertèbres inférieurs. Bien plus, les constatations actuelles autorisent la présomption que chez les vertébrés supérieurs la ligne primitive n'est plus qu'un inei- dent provisoire et passager dont les fonctions pourront être recueillies entièrement plus tard par l'ectoderme invaginé du névraxe. J ‘inclinerais volontiers vers cette opinion que l'une des prochaines abréviations qui viendront simplifier l'ontogénie des mammifères et des oiseaux amènera la suppression de la ligne primitive. DE L’ANALGÉSIE DES VOIES GÉNITALES OBTENUE PAR L'APPLICATION LOCALE DE LA COCAÏNE, PENDANT LE TRAVAIL DE L'ACCOUCHEMENT, par DOLÉRIS. De nombreuses tentatives ont été faites pour atténuer ou supprimer la douleur ressentie par les femmes pendant l'accouchement. Sans entrer dans la discussion des critiques qui ont été dirigées contre les divers agents tour à tour employés, on peut considérer comme un résultat acquis que la principale objection à leur emploi est basée sur l'atteinte que ces agents exercent sur les centres nerveux et sur la diminution de l'excita- bilité réflexe qui en est la conséquence. Le travail doncne deviendrait indo- lore, par l'effet de ces anesthésiques, qu'à la condition de subir un ralen- tissement préjudiciable. L'élément douleur mérite d'être envisagé avec intérêt dans la succes- sion des phénomènes qui accompagnent la marche de la parturition. — La distribution nerveuse dans l'appareil de la génération parait telle que les impressions sensitives marchent parallèlement avec les réflexes con- tractiles involontaires et les efforts volontaires eux-mêmes. C’est d'abord quand la première période du travail s'achève, c’est-à-dire quand la tête va franchir le col utérin, que les douleurs revétent un caractère d’acuité remarquable. À ce moment les plexus ganglionnaires, abondants dans la région péri-cervicale et dans la zone des culs-de-sac du vagin, sont impressionnés. C'est ensuite quand la région fœtale va traverser le périnée que la souffrance acquiert son maximum. Les nombreux rameaux 38 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. sensitifs des régions périnéale et vulvaire sont tiraillés et distendus d’une facon violente. Si l’on envisage donc cette marche croissante de la sensibilité, on trouve qu’elle est en rapport avec la nécessité d'efforts croissants et le maintien de réflexes moteurs qui autrement pourraient s’affaiblir et dis- paraitre. Toutefois, on sait que la sensibilité générale n’est pas indispensable à l'acte de l'accouchement ; et des femmes, dont l’axe médullaire était envahi par un processus pathologique qui annihilait le rôle sensitivo- moteur du système nerveux ont pu accoucher sans difficulté. L’exeitation réflexe paraît donc seule nécessaire. D'autre part, il faut distinguer dans les phénomènes douloureux res- sentis, entre la souffrance résultant des impressions de la surface interne de la muqueuse des voies génitales et celle qui est le fait d'impressions plus profondes, telles que la compression des gros plexus nerveux de l’excavation pelvienne. Peut-on supprimer la première sans entraver la marche du travail? Si ce résultat est possible, il y aura certainement avantage à l'obtenir, d’au- tant plus que la douleur peut, par elle-même, causer des troubles dange- reux. Ainsi, l'excès de souffrance ressentie à la période de la dilatation du col, peut, chez les femmes impressionnables, en particulier chez les névropathes, amener des accidents dont on ne saurait mesurer la limite et la portée : nausées, vomissements, état syncopal, crises convulsives, éréthisme général, etc. Concurremment, on voit souvent se produire le spasme du col ou rigidité spasmodique des bords de l'orifice, avec ralen- tissement ou arrêt du travail. D'un autre côté, lorsque la partie fœtale arrive à la vulve, si la douleur estintense, les femmes éperdues craignent de pousser et de seconder, par leurs efforts volontaires, l’action spontanée de la matrice. On assiste alors à des alternatives diverses, suivant que la parturiente affolée de souffrance finit par pousser sans relâche et malgré les avis de l’accoucheur, au point de déterminer la rupture du périnée; ou suivant que timorée et paraly- sée en quelque sorte par une sensation qu'elle redoute, elle refuse d'’ai- der au travail. Dans ce dernier cas, l'accouchement s’attarde, les parties molles finissent par devenir insensibles, les efforts de l’utérus nullement secondés peuvent s’épuiser et l’inertie survient. Il y a donc intérêt à retirer à la souffrance des femmes en couches ce qu’elle a d’excessif, spécialement aux deux phases principales de l’ac- couchement : dilatation du col; expulsion de la partie fœtale à la vulve. Instruit par un premier essai tenté il y a trois semaines, je me disposais à essayer de ce médicament .chez les parturientes. Dans ce premier cas, auquel je fais allusion, j'ai pu appliquer le speculum et pratiquer le curage de l'utérus pour l’extraction d’un polype placentaire après l’avor- tement, chez une femme affectée d’un spasme vaginal incoercible, qui ne SÉANCE DU 17 JANVIER. 39 ee ——_—_—————————— permettait l'examen qu'à grand'peine, et dans l’utérus de laquelle je n’a- vais pu introduire l'hystéromètre qu'avec grande difficulté. La douleur fut complètement supprimée par le badigeonnage des parües, pratiqué pendant un quart d'heure avant l'opération, au moyen d’une solution de chlorhydrate de coc 100° J'ai entrepris, avec la collaboration de M. Dubois, des essais analogues, chez les femmes en travail. Les observations ont été relevées avec la plus scrupuleuse attention tantôt par moi, tantôt par M. Boisleux externe à la clinique d'accouchements et tantôt par l’une des mai- tresses sages-femmes. Nous nous sommes servis d’une solution de chlo- À : rhydrate de cocaïne à T00” et de pommade à l’axonge au même titre, Nos expériences ont porté sur huit femmes. Dans six cas le résultat a été très net. Je ne puis ici qu'enregistrer les faits généraux sans entrer dans les détails. J'ai constaté que des primipares, chez lesquelles la dila- tation du col déterminait des souffrances considérables, au point que la femme poussait des cris continuels, au moment des contractions, ont été subitement calmées après une ou deux minutes de badigeonnage du col avec la cocaïne. Chez d’autres, arrivées à la période d'expulsion, et que la douleur immobilisait à chaque contraction de l'utérus, la souf- france a été diminuée au point que, selon leur dire, elles ne souffraient plus que dans le bas-ventre etne redoutaient plus de pousser à la volonté de celui qui les assistait. Je n’ai enregistré ces résultats que parce qu'ils m'ont paru nets, et tellement évidents qu'il n'y a aucun doute à con- server sur l’action analgésique du médicament. L'effet a été surtout évi- dent dans la dernière phase du travail. Chez les deux dernières femmes, l'épreuve a été sinon tout à fait néga- tive, au moins très peu probante. Je m'en étonnais beaucoup et je n’accep- tais déjà la preuve de l'efficacité de la cocaïne qu'avec réserves. Je pensais même que des conditions inconnues pouvaient rendre certaines femmes réfractaires à son action, lorsque je parvins à tirer la solution au clair. Les femmes qui séjournent à la clinique, recoivent avant d’accoucher et au début du travail des injections au sublimé corrosif au titre de 4 p. 1000 ou 2000. Or, la muqueuse génitale reste imprégnée de ce liquide dont une partie se retrouve nécessairement dans le vagin. Le sublimé décom- pose avec la plus grande rapidité les alcaloïdes, et nul doute que chez les deux femmes réfractaires la chose se soit passée de la sorte, car toutes deux appartenaient au dortoir des femmes enceintes et toutes deux avaient subi des irrigations avec la liqueur de Van-Swieten. Je signale ce fait, afin de mettre en garde les expérimentateurs qui voudraient es- sayer de la cocaïne, contre l’action du sublimé sur cet alcaloïde. Nous ne nous en tiendrons pas à ces premières tentatives etnous pensons les renouveler de facon à mettre hors de contestation l’action analgésique 40 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. —— du chlorhydrate de cocaïne sur la muqueuse génitale dans l'accouche- ment. Nous n'avons procédé qu'avec des tâtonnements, quant à la quan- üté et autitre des solutions ou des pommades employées. On arrivera facilement à une normale, mais quant à présent nous pouvonsdire que ein- quante à soixante gouttes de notre solution à a ou trois à quatre gram- mes de pommade sont d’un emploi absolument exempt de dangers, pendant la durée entière du travail. On peut, si l’on veut, étendre davan- tage la solution en ajoutant un peu d’eau. Enfin, il est à peine nécessaire de dire que la marche régulière de l'accouchement n’a jamais été re- tardée dans nos expériences, et que seule la sensibilité générale à été obnubilée tandis que la sensibilité réflexe à paru persister intégralement. Les contractions utérines ont subïl' accroissement habituel en intensité, en durée et en fréquence. ACTION DE LA COCAINE SUR LA GERMINATION par M. Durois. Dans une note présentée à la dernière séance de la Société, M. Char- pentier a fait connaitre les résultats d'expériences d’après lesquelles il à cru pouvoir conclure que la cocaïne agissait sur la germination à la manière des anesthésiques. Nous regrettons que nos expériences et nos observations personnelles ne nous permettent pas d'adopter ces conclu- sions. C'est en vain que nous avons cherché jusqu'à présent à établir une relation entre le mode d'action intime des alcaloïdes et des liquides orga- niques, au nombre desquels se trouvent les anesthésiques. Déjà, ily a quelques mois, nous avions communiqué des recherches faites, dans ce sens, sur les actinies, au laboratoire de physiologie mari- time du Havre. Depuis cette époque, nous avons multiplié les expériences sur les indi- vidus appartenant aux principaux groupes de la série animale et de la sèrie végétale, pris aux diverses périodes du développement : nous avons toujours tte que les alcaloïdes ne se comportaient pas comme des poisons généraux. En effet, tandis que ceux-ci conservent une activité très grande partout où il y a des cellules quelles qu'elles soient, les alcaloïdes au contraire perdent de leur intensité toxique au fur et à mesure que l’on descend dans la série animale, pour devenir aussi inactifs que des cristal- loïdes quelconques dans la série végétale. Nous avons souvent rémArqUÉ, en expérimentant sur des mollusques ou des cœlentérés marins, qu'une injection d’une faible quantité d’eau douce était parfois plus toxique SÉANCE DU 17 JANVIER. kl SR qu'un égal volume d'une solution d'un alcaloïde dans l’eau de mer dont quelques gouttes auraient suffi pour détruire un vertébré de forte taille. La cocaïne agirait-t-elle sur la germination d'une facon toute spéciale? C'est ce que nous avons cherché à déterminer en opérant comparative- ment avec le chlorhydrate de cette base et des chlorhydrates d’autres alcaloïdes. Dans quatre capsules de verre contenant du sable blanc lavé et séché nous avons versé 5 centimètres cubes de diverses solutions d’alca- loïdes à 4 p. 100 : 4° solution de chlorhydrate de strychnine; 2° solution de chlorhydrate de morphine; 3° solution de chlorhydrate de quinine; 4° solution de chlorhydrate de cocaïne. Dans les quatre capsules on à semé des graines de cresson alénois. Dès le commencement du troisième jour la germination avait commencé dans les quatre vases; elle était plus avancée dans celui qui contenait de la strychine et moins avancée dans celui qui renfermait de la quinine; elle était au même point Imtermédiaire dans le vaseà morphine et dans le vase à cocaïne. Dans deux autres capsules préparées de la même manière, mais dont l’une ne contenait que de l'eau pure et l’autre une solution de chlorhydrate de cocaïne, la ger- mination s'était montrée dès le deuxième jour (temps. moy. 16 à 18°). Tous ces vases étaient placés dans une méme cloche de verre. La cocaïne ne diffère donc pas sous ce rapport de beaucoup d’autres alcaloïdes que nous avons étudiés comparativement avec ceux que nous venons de citer. D'ailleurs quoi que nous ayons fait, il ne nous a pas été possible de pro- voquer, avec les alcaloïdes, le phénomène que nous considérons comme caractéristique des poisons généraux, à savoir, la déshydratation du pro- loplasma que nous avons antérieurement décrite à propos de l'alcool, de l'éther et du chloroforme. Le phénomène de la déshydratation du protaplasma des échéverias se produit également avec les vapeurs d'autres substances, dans un laps de temps toujours égal, pour une même substance, mais variable de l'une à l’autre : aldéhyde ordinaire, 19 heures; essence de térében- thine, 49 heures ; essence d'amandes amères, 15 heures; paraldéhyde, 12 heures ; acide acétique cristallisable, 5 heures ; ammoniaque (solu- tion), 2 heures ; benzine, une heure ; sulfure de carbone, une heure; chloroforme, une heure. Ces trois derniers composés anésthésient les cobayes presque aussi rapidement Les uns que les autres. En plus de l’action exercée sur le principe fondamental du protaplasma, sur l’eau, l’action du toxique se porte également, dans certains cas, sur un principe immédiat différencié, ayant une fonction spéciale, souvent très importante, comme la chlorophylle qui prend dans les échéverias, sous l'influence de l'acide acétique, une teinte rosée et sous l'influence de l'am- moniaque une coloration violacée. Nous proposons la dénomination de SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. ds 19 poisons mixtes pour ces agents qui paraissent assez nombreux et sont en même temps des poisons spéciaux et des poisons généraux. En étudiant les phénomènes qui accompagnent d'ordinaire les empoisonnements ob- servés chez l’homme, on remarque que presque toujours les symptômes caractérisques d’une intoxication spéciale sont accompagnés d'un en- semble d'accidents qui constitue une sorte de fond commun à tous les empoisonnements et que l’on a considéré à juste titre comme l'indice d'un empoisonnement général : si done on voulait trouver quelque rapport entre l’action d’un alcaloïde et d’un poison général, il faudrait remonter et non descendre dans la série des êtres vivants. On constaterait alors que dans l'immense majorité des intoxications on observe une déper- dition rapide, parfois énorme d'eau, soit par les vomissements, soit par les selles, les sueurs. ete. Ce fait n'avait pas échappé aux anciens toxico- logistes qui pensaient que c'était là le résultat d’un effort fait par la na- ture pour éliminer le poison. Il y a longtemps que Claude Bernard à fait justice de ces prétendus efforts de l'organisme ; la nature ne fait pas d’ef- forts, si l’eau sort des tissus c’est qu'elle en est chassée par le poison; il n’y a là que des phénomènes de substitution et de dissociation qui sont du ressort de la mécanique chimique ou de la physique appliquée à la biologie. À ces intoxications par les poisons connus, on doit joindre certaines affections pathologiques commela fièvre typhoïde qui, d'après le professeur Bouchard, est un véritable empoisonnement et peut-être le choléra lui-même qui présente au plus haut point l’ensemble des acci- dents qui caractérisent les empoisonnements. Les mots d’hydratation et de déshydratation, que nous employons faute d'expression meilleure, ne sont pas, nous le savons, à l'abri de toute critique puisqu'il s’agit en définitive de phénomènes complexes. Quoi qu'il en soit, la fixation de l'eau sur les aliments, qui s'opère dans les diverses phases de la digestion, pré- cédant immédiatement l'absorption et l’assimiliation, la séparation de ces mêmes éléments de l’eau par suite de la désassimilation montrent bien que l'on doit attacher une grande importance au mouvement de ce liquide neutre dans les êtres vivants; dans l'étude de la calorification son rôle n'est pas moins considérable: mais, par ces indicatious som- maires nous n’avons actuellement qu'un désir, celui de faire sortir l’eau de l’'humble rôle de simple véhiculé qu’on lui fait jouer trop volontiers en physiologie. MONSTRES NOUVEAUX CHEZ LES ASGIDIES, par L. CHABRY: Dans le cours de recherches que je poursuis, au laboratoire de Con- carneau, sur la segmentation normale des ascidiés simples, j'ai eu occa- HT LAS SÉANCE DU 17 JANVIER. = O9 sion d'observer la formation d’un grand nombre de segmentations mons- trueuses, dont quelques-unes appartiennent à des genres tératologiques nouveaux. Les monstres que j'ai étudiés n'étaient formés que d'un petit nombre d'éléments, et ne dépassaient pas les états de morula ou de gastrula ; mais plusieurs me paraissent susceptibles d’un plus grand développement. Ils se rapportent à deux classes différentes, selon qu'ils proviennent d’un vitellus qui s’est segmenté dans sa totalité ou d'un vitellus dont une partie a échappé à la segmentation; je ne m'occuperai que des monstres de la seconde catégorie, auxquels je donne le nom général de fractions d'individu. La formation et la signification de ces êtres est facile à comprendre par un exemple. Pour former un demi-individu, le vitellus se segmente d'abord de la manière normale en deux cellules, qui représentent cha- cune une des moitiés du corps de la larve ; puis, l’une de ces cellules et par conséquent la moitié correspondante du corps subit un arrêt de développement, tandis que l’autre poursuit son évolution normale. Il en résulte la formation d'une demi-morula, puis d'une demi-gastrula cor- respondant, selon le cas à la moitié droite ou à la moitié gauche de la morula normale. Ce demi-individu ne ressemble du reste par sa forme, à la moitié d'un individu normal, que dans les premières phases du développement, c'est-à-dire, aux stades de huit à seize cellules ; au delà de ce terme, l’amas des cellules devient de plus en plus irrégulier, et, bien que comparable morphologiquement à une moitié du corps normal, en diffère beaucoup par la forme. La monstruosité de ces êtres reconnait donc deux causes puisqu'une moitié seulement de l'individu se développe et que cette moitié est elle-même irrégulière. Le mécanisme de la for- mation des quarts d’individu et des trois quarts d'individu est le mème. Les premiers résultent du développement d’une seule des cellules d’un œuf arrivé au stade de quatre éléments ; les seconds résultent du déve- loppement de trois de ces cellules. Je ne fais que signaler l'existence de ces monstres dont je réserve la description pour un travail spécial. Dans d’autres cas, il arrive que des quatre cellules, qui forment l’œuf à un certain stade, deux seulement se développent et donnent deux amas cel- lulaires distincts, deux petites morula correspondant chacune à un quart de la morula normale. L'individu morphologique est alors dissocié en deux monstres distincts. Dans ce cas, les deux cellules qui se développent sont situées en diagonale, c’est-à-dire, que l’une étant, par exemple, l'initiale de la moitié antérieure droite du corps, l’autre représente la moitié postérieure gauche. La formation des fractions d’individu (qui n’est qu'un cas extrême de la monstruosité par arrêt de développement) confirme ce que la physiologie générale enseigne sur l'indépendance de la vie des éléments cellulaires; mais le résultat le plus important qui ressort de leur étude est le fait suivant que je me borne à énoncer. La forme extérieure générale d’un étre, aux premières périodes de la seg- SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. eu PS mentation, résulte d'un état d'équilibre entre les forces d'attraction ou de cohésion de tous les éléments cellulaires qui forment cet etre. Cet état d'équilibre est tel qu'un des éléments étant enlevé, l'équilibre est rompu et le reste du système subit un changement de forme extérieure qui amène un autre état d'équilibre. La forme nouvelle ainsi réalisée est un mons- tre, dans lequel l'absence de certaines cellules à déterminé la disposition irrégulière des cellules subsistantes. —————_——— Paris. — Imprimerie G. Ruvcier et Cie, rue Cassette, |. 45 SÉANCE DU 24 JANVIER 1885 Gavoyx : Kinésiomètrie cérébrale. — H. BEAuREGARD : La balænoptère de Cavalaire. — P. Recnarpn : Influence des hautes pressions sur l’éclosion des œufs de poisson. — Dr Gazræpe : Note sur les rapports de la densité des dents avec leur composition chimique. — A. D’ArsonvaL : Calorimétrie par rayonnement. Critique expérimen; tale. — A. D’ArsonvaL : Calorimétrie par rayonnement. Applications diverses. — R. Dusors : Action combinée de la cocaïne et du chloroforme. — R. Dupors: Ré- sistance à la dessiccation des œufs stériles et non stériles. Présidence de M. Paul Bert. KINÉSIOMÉTRIE CÉRÉBRALE, PAR M. GAvoy (1). KINÉSIOMÈTRE CÉRÉBRAL, D' GAvoy. Cet instrument, comme son nom l'indique, est destiné à mesurer l’amplitude des mouvements du cerveau, déterminés par l'action de la pesanteur pendant les différentes attitudes. Il se compose d'un demi-cercle horizontal A, gradué sur son Jimbe. Au centre est une aiguille montée sur l'axe d’une petite roue B. Ce demi-cercle est fixé par deux languettes très flexibles, 4, en acier, à une lame mince, souple, formant ressort, recourbée à ses deux extrémités, qui sont percées de trous pour laisser passer une vis D, dont la tête est carrée. Une tige E, en acier, se meut autour d’un axe horizontal, dans une fenêtre pratiquée, sur la lame C. — Cette tige, qu'on peat allonger ou raccourcir à volonté, est terminée en raquette à sa partie inférieure et en forme de T à sa partie supérieure F, qui est maintenue, par les languettes a, en contact per- manent avec la circonférence de la petite roue B. (4) Cette communication a été faite dans la précédente séance. 5 Brococt1r. COMPTES RENDUS. — 8e SÉRIE, T. Il, N° 2. l 46 SOCIÉTÉ. DE: BIOLOGIE. Conclusions. En appliquant méthodiquement le kinésiomètre cérébral sur le crâne et en donnant ensuite au sujet une attitude opposée à celle qu'il occupait au début, j'ai constaté, par diverses expériences répétées plusieurs fois, que : 4° Dans ces différentes atlitudes de la tête, la masse cérébrale se porte, sous l'influence dela pesanteur, vers les parties Les plus déclives de la cavité encéphalique. 2 Le lobe frontal incline de 9 millimètres vers Le lobe occipital (appli- cation en avant du Bregma). 3° Le lobe occipital se déplace de 5 millimètres vers le lobe frontal ‘appl. au Lambda). %° Dans le décubitus latéral, l'hémisphère supérieur se porte de 1 millimètres vers l'hémisphère sous-jacent (appl. à l'extr. supér. de la cire. pariétale). 5° Dans l'attitude verticale, l'hémisphère descend de 4 à 5 millimètres ‘appl. au 1/3 supér. cire. pariétale). 6° Dans l'attitude verticale la tète en bas, l'hémisphère se porte de 3 millimètres vers la voûte du crâne (appl. au-dessus de la suture écailleuse). Application. — Le sujet étant couché dans le décubitus dorsal, par exemple, après avoir enlevé sur le crâne une rondelle osseuse de un cen- limèêtre de diamètre, on enfonce dans la substance cérébrale, à travers le trou pratiqué, l'extrémité en raquette de la tige E, mise préalablement à une longueur déterminée. Un aide maintient les deux bouts de la lame OC, pendant qu'on enfonce avec le tournevis dans les parois du crâne suc- cessivement chacune des vis D. L’aiguille amenée au zéro, on donne au sujet une attitude opposée à celle qu'il occupait au début de l'expérience, déeubitus horizontal sur le ventre, je suppose ; la substance cérébrale en se déplaçant entraine avec elle la raquette incluse dans sa masse; la tige se meut autour de son axe, et son extrémité en T effectue un mouvement en sens contraire, en frottant contre la circonférence de la petite roue B. Ce frottement communique à la roue un mouvement circulaire; l'axe de cette roue auquel est fixée l'aiguille, pivote et déplace l'aiguille d'un certain nombre de degrés. Lorsque la tige E à toute sa longueur, cing degrés du limbe correspon- dent à un déplacement de un millimètre fait par l'extrémité de la raquette; il est donc facile, à l'aide de la formule ci-jointe, de calculer l'amplitude des mouvements qu'aura effectués la masse cérébrale. La faculté d’allon- zer ou de raccourcir la tige E, permet de faire porter l'expérience à telle profondeur, dans la masse cérébrale, qu'on le désire. Lo 4: SÉANCE DU 24 JANVIER. Il est utile et frès important de remarquer que pendant toute la durée de l'expérience, il ne s'échappe pas une goutte de sang ou dé liquide céphalo-rachidien. N — longueur de la tige E; + = nombre de degrés correspondant à un déplacement de un millimètre fait par la raquette. DONS formule : # == { NOTE SUR LA BALÆNOPTÈRE DE CAVALAIRE, par M. H. BEAUREGARD. Le 29 novembre 1884, un cétacé fut capturé dans le golfe de Cava- laire (côtes méditerranéennes). J'ai pu étudier l'animal sur place trois ou quatre jours après sa mort, c'est-à-dire dans d'excellentes conditions. C'était un individu femelle mesurant 5,30 de longueur. Ses fanons, sa nageoire dorsale, ses plis sous le ventre le classent dans le genre Bal:- noplera. La répartition des couleurs est la suivante : le dos est noir ardoisé ; le ventre et la gorge sont blanes : d’un blanc pur, nacré, dans la région de l’ombilic, d’un blane crayeux dans la région des plis ; le fond des plis est lavé de gris ; le chevron blanc qu’on observe sur la face dorsale dela nageoire chez la Balænoptera rostrata faitici complètement défaut. Enfin, les fanons encore très petits sont grisätres surtout à leur face posté- rieure. A ne s'en rapporter qu'à ces caractères de couleur, l’animal appar- tient à l'espèce 2. Musculus. C'est ce que vient confirmer l'étude du squelette que nous avons faite à notre retour de Paris. Comme chez l'espèce PB. Musculus, la formule vertébrale s'exprime par C, 7 : D, 14 : Let C. 41. Soit en tout 62 vertèbres. Les os en V com- mencent à la 38° vertèbre. — Enfin, on compte 14 paires de côtes. Le sternum encore complètement cartilagineux a une forme irrégulie- rement losangique qui rappelle assez bien celle du sternum de la Balæ- noptera musculus échouée en 1823, à Cap Breton. En résumé, le célacé capturé à Cavalaire est un très jeune individu de l'espèce 2. Musculus, espèce qui échoue assez fréquemment sur nos côtes. Dans les comptes rendus de l'Académie royale de Belgique, une note a été insérée, le 45 décembre 1884, par le professeur F. P. Van Beneden, relativement à l'individu que nous avons étudié. Le savant cétalogue en fait une Balænoptera rostrata. Les caractères que nous énumérons plus haut suffiront à convaincre M. Van Beneden qu’il a fait une erreur qui lient évidemment à la créance qu'il a accordée à des renseignements non autorisés, À SOCIÉTÉ DE BIOLOGIK D INFLUENCE LES HAUTES PRESSIONS SUR L'ÉCLOSION DES ŒUFS DE POISSON, par M. P. REGNARD. Dès l'année dernière, nous nous étions posé le problème suivant : si un poisson pond ses œufs au-dessus d'un grand fond, ou (ce qui doit arriver plus souvent) si les œufs fécondés et déposés sur des algues, sont détachés de ce support et tombent lentement jusqu'au fond de l'O- céan, peuvent-ils dans ces conditions nouvelles de pression se dévelop- per ? Nous n'avons pu nous livrer à cette étude que maintenant, parce que les œufs qui sont propres à cette étude, ceux des salmonides, ne se ren- contrent qu'en hiver. Dans l'appareil que nous avons déjà décrit, nous avons placé suecessi- vement dix lots d'œufs : chacun a passé six heures sous pression. Le n° 1 à 100 atmosphères, correspondant à 1,000 mètres d’eau. Le n° 2 à 200 atmosphères, soit 2,000 mètres d’eau. Le n° 3 à 300 atmosphères, valant 3,000 mètres d’eau. Le n° 4 à 400 atmosphères, représentant 4,000 mètres d’eau. Le n° 5 à 500 atmosphères, (5,000 mètres d’eau). Le n° 6 à 650 atmosphères, valant 6,500 mètres d’eau et représentant le plus grand fond connu. Deux mille œufs (1) restaient à la pression normale dans la pisei- facture comme témoins. Deux jours après l'expérience, le lot n°6 était blanchätre, les œufs étaient morts ettombaient en putrilage. Cinq jours après, on constatait la destruction du n° 5 et du n° 4. Trois semaines après, en revanche, les deux mille œufs du piscifacteur éclosaient, et en même temps les lots L et 2. Le lot n° 3 était en retard de deux jours, mais tous les œufs donnaient néanmoins des embryons bien vivants et non monstrueux. De sorte que si on représente par le signe plus les œufs éclos et par moins les œufs morts, l'expérience peut se figurer ainsi : + 1,000. + 2,000%. + 5.000%. | — %,000%. — 5,000%. — 6,500". La barre qui sépare les œufs développés des œufs morts est entre 3,000 et 4,000 métres d'eau. Ceci concorde avec tout ce que nous avons vu jusqu'à ce jour : c'est là qu'est le point critique qui sépare les deux faunes ; la faune ordinaire et la faune abyssale. Toute expérience dite à haute pression, devra donc toujours être faite au-dessus de 400 atmosphères, (1) Ces œufs nous ont été remis par M. de Feligande, de Saint-Genest-J'En- fants SÉANCE DU 2% JANVIER, 19 quelle que soit sa durée, puisque jusqu'à ce point les phénomènes vitaux sont peu influencés. Toute expérience qui sera faite à une pression moindre donnera des résultats souvent peu différents de ce qu'ils au- raient été à la pression ordinaire. NOTE SUR LES RAPPORTS DE LA DENSITÉ. DES DENTS AVEC LEUR COMPOSITION CHIMIQUE, par M le Dr. Gatipre. Dans une précédente communication, j'ai établi ce que j'entendais par coefficient de résistance des dents, et j'ai montré que ce coefficient variait non seulement d’individu à individu, mais encore que, dans un même appareil dentaire, les dents ne présentaient pas toutes les mêmes carac- tères physiques. Il me reste maintenant à démontrer que les variations de la densité traduisent des variations parallèles dans la composition chi- mique des dents. Aeby (Gorup Bezanez) avait établi que la densité des 6s variait en rai- son inverse de l’eau et des matières organiques. Il était donc permis de supposer qu'il en serait de même pour les dents. C'est en effet ce que nous avons vérifié en comparant la densité des dents, à leur composition centésimale en éléments minéraux d’une part et en éléments organiques de l’autre. Nous pouvons donc formuler la loi suivante basée sur de nombreuses analyses chimiques, La densité des dents est d'autant plus considérable que leur teneur en matières organiques est plus faible et la proportion d'éléments minéraux plus élevée. Toutefois il faudrait bien se garder de croire que la densité soit ma- thématiquement proportionnelle à la composition chimique des dents, c'est-à-dire qu'elle soit directement proportionnelle à la teneur en ma- tières minérales, et inversement proportionnelle à la quantité des com- posés organiques. En effet, les matières organiques, pas plus que les matières minérales, ne sont des corps homogènes de composition chimique constante. De plus pour un même poids de matière organique ou de matière inor- ganique, le nombre et la composition des éléments constitutifs sont va- riables. C'est ainsi pour ce qui regarde les matières non minérales que le tissu fondamental de la dent n’a pas la même densité que l’eau, les ma- tières grasses et les différents tissus constitutifs de la pulpe. De mème pour les corps morganiques dont on constate l'existence dansles dents et qui présentent des densités différentes. Le carbonate de chaux n’a pas la même densité que le carbonate de magnésie et leur proportion varie 30 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. suivant des lois non encore déterminées. Le phosphate de chaux n'a pas non plus la même densité que le phosphate de magnésie, et leur propor- tion réciproque est également variable. En résumé, on peut conclure, qu'en raison de l’hétérogénéité des matières constitutives de la dent et des variations existant dans leurs proportions réciproques, il n’est pas possible d'établir uniquement par le calcul le rapport entre la densité et la proportion des matières organiques et inorganiques. Ces variations ne se font pas dans un rapport simple, et il faut recourir à l’analvse chi- mique pour les établir d'une facon exacte. Quoi qu'il en soit, s’il n’est pas possible de déduire par le calcul la te- neur d’une dent en matériaux organiques et inorganiques, il n’en est pas moins vrai que la densité varie avec la proportion des matériaux organiques et inorganiques et dans le sens de ces derniers. Les écarts en général ne dépassent pas 1 0/0, et l’on peut établir que d'une facon générale, les dents ayant une densité supérieure à 2 renferment plus de 70 0/0 de matières minérales (1). CALORIMÉTRIE PAR RAYONNEMENT. CRITIQUE EXPÉRIMENTALE, Note de M. À. D ARSONVAL. I. Dans une note du 27 décembre dernier, j'ai fait connaitre les causes d'erreur inhérentes au calorimètre par rayonnement, et j'ai donné les moyens d'éviter ces causes d'erreur. Pour conserver à l'instrument tou- jours le même pouvoir émissif, j’avais conseillé de recouvrir sa surface d’une couche de peinture. Depuis, j'ai reconnu qu'il suffit de frotter le mélal de temps à autre avec le mélange suivant : alcool et éther sulfu- rique, parties égales, tenant en suspension de la eraie ou du tripoli. — On enlève ainsi les corps gras adhérents au métal, corps gras dont la présence modifie considérablement le pouvoir émissif, ce qui est d'accord avec ce que j'ai dit au sujet des animaux huilés. J'ai insisté d'autre part sur la nécessité d'éviter la cause d'erreur pro- venant des variations de lâ température ambiante. J'ai indiqué pour cela deux procédés différents : le premier consistant à munir le manomètre d'un réservoir compensateur ; le second qu’on réalise en installant l'ap- pareil, sans vase compensateur, dans une cave ou toute autre pièce non chauffée. Afin d'éviter cet inconvénient, tout en réalisant un milieu ambiant à température constante, j'utilise un procédé que j'ai signalé déjà dans (4) Laboratoire de la Clinique d’accouchements, SÉANCE DU 24 JANVIER. 51 mes études antérieures de calorimétrie animale : il repose sur la fixité absolue de température de l’eau s’écoulant des canalisations de la ville par un robinet assez largement ouvert. Cette température en effet varie à peine de 1/10 de degré en 24 heures. — Comme dans ma première méthode, je place le calorimèêtre dans un réservoir cylindrique traversé par un courant d'eau. L’instrument se trouve ainsi dans des conditions physiques excellentes, car il rayonne dans une enceinte de forme géomé- trique dont les parois restent toujours à la même température. Ce réser- voir, de même forme que le calorimèêtre, se compose simplement de deux cylindres concentriques en zinc limitant une cavité annulaire de 2 à > centimètres d'épaisseur dans laquelle coule constamment l'eau de la ville. — Le calorimètre proprement dit est placé concentriquement dans la cavité centrale sur un support en bois qui empêche tout contact immédiat. — Il n’est même pas besoin de renouveller l’eau de l'enceinte protectrice. Ce matelas liquide s’échauffe très lentement et garantit le calorimètre contre toutes les variations du milieu extérieur pendant un: temps plus que suffisant pour les expériences d’une journée. — Grâce à ce dispositif, qui ne complique pas la méthode, on peut AL ler l'appareil dans le laboratoire ou dans l’amphithéâtre, ce qui en faci- lite considérablement l'usage. — Pour mesurer l’échauffement de l'air du réservoir calorimétrique je me suis servi, comme on l’a vu, de l’aug- mentation de pression mesurée par un manomètre, et non de l’augmen- lation de volume de cet air. En voici les raisons; elles sont multiples : 1° En mesurant l’échauffement de l'air par un manomètre, je n’ai pas à tenir compte du volume primitif de cet air. Que le calorimètre con- tienne 1 litre ou 100 litres d'air, l'augmentation de pression sera exacte- ment la même pour une même élévation de température. De sorte qu'il est facile de faire des calorimètres fournissant des indications identiques simplement en leur donnant la même surface extérieure. 2° Rien qu'à l'inspection du manomètre on sait quelle est l’augmenta- tion de température du calorimètre, sans connaître le volume de l'air en vertu de la formule bien connue. PH PAU EE œl) Pour un manomètre à eau, chaque degré centigrade d'augmentation de la température du calorimètre fait monter. la colonne manométrique de 4 centimètres, comme il est facile de s’en assurer. 3° Enfin : la quantité de chaleur perdue par l'appareil est rigoureu- sement proportionnelle à la hauteur du manomètre. Y ne peut pas en être de mème dans la méthode par la dilatation. La sensibilité de l'appareil va forcément en diminuant, puisque l’échauffement expulse du calori- mètre une masse d'air, non négligeable, qui n’est plus soumise à la dila- tation une fois qu'elle est hors de l'appareil. De sorte qu'en employant cette méthode de mesure, on ne peut pas dire qu’un animal qui a fai 2 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. couler par exemple 200 centimètres cubes d'eau a dégagé deux fois plus de chaleur que celui qui en fait couler seulement 100. Toutes ces raisons m’avaient fait rejeter depuis longtemps la méthode volumétrique pour la remplacer par la méthode manométrique (1). IT. Je répondrai à. présent tout particulièrement à certaines assertions contenues dans la première communication faite par M. Richet dans la séance du 11 janvier. Notre collègue persiste à croire que la sensibilité du calorimètre manométrique est très inférieure à celle du calorimètre à siphon. C’est là une erreur qu'il m'est facile de dissiper en citant les nombres suivants. Lapin de 2 k. 250 gr. donne au manomètre 240 m/m Pigeon de @ 350 — 115 Cobaye de 0 650 — 155 Cobaye de 0 900 — 180 L'appareil employé est mon calorimètre ordinaire constitué par un cy- lindre couché horizontalement ayant 30 centimètres de diamètre, et 40 centimètres de longueur. C’est l'instrument que je mets sous les yeux de la société. — Pour augmenter la sensibilité de l’appareil (ce qui, on le voit, est parfaitement inutile), on peut simplement incliner le manomètre à eau. Pour une même différence de niveau on à ainsi une course de la colonne d'eau aussi longue qu'on le désire. Ce dispositif est plus simple que le manomètre à deux liquides. Quant à l'inscription il suffit, pour l’avoir continue, de relier la branche libre du manomètre à un tambour à levier, comme je l’ai déjà dit dans ma note du 30 novembre. J'ai dit que l'appareil de M. Richet était un caloriscope et non un ca- lorimètre parce que, jusqu'à cette discussion notre collègue ne s'était nul- lement préoccupé de graduer son instrument en calories et qu'il n'avait indiqué aucune méthode pour cela, contrairement à ce que j'ai fait dès ma première communication. — Où je ne saurais être d'accord avec mon distingué collègue, c’est lorsqu'il compare ses graphiques à ceux que j'ai donnés en 1878. En effet, mes courbes représentent en calories les phases du dégagement de chaleur; quelles que soientles oscillations de ce dégagement, l'instrument les traduit instantanément sur le graphique. Cela tient à la méthode même qui n’a pas de {emps perdu. Il n’en peut être de même avec le calorimètre par rayonnement. Il est impossible de traduire en calories les indications de cet appareil tant qu'il n'est pas arrivé à un état stationnaire. En effet c’est seulement quand le régime est établi que l'instrument perd par l'extérieur autant (4) Voir Wigsxecc. Notice sur les régulateurs d'Arsonval, Paris, 1877. FAR AR + SÉANCE DU 2% JANVIER. Dr) qu'il gagne par l'intérieur. Tant que l'état stationnaire n'est pas atteint, on ne peut pas savoir ce que perd l'instrument ni par conséquent ce qu'il gagne, c'est-à-dire la quantité à mesurer. Cela tient, je le répète, à ce que le calorimètre par rayonnement à un temps perdu considérable, puisqu'il met plus de 3/4 d'heure pour s'équi- librer ; tandis que dans’ma première méthode le {emps perdu est pres- que nul, vu que la chaleur est enlevée aussitôt qu’elle est produite pa le jeu même dé l'instrument. — Les courbes données par M. Richet n'ont qu'une valeur relative ; il lui est impossible de les traduire en’‘calories, tandis que les miennes ont une valeur absolue en calories. — Donc, pour me résumer, le calorimètre par rayonnement ne peut donner des résultats exprimables en calories que lorsqu'il est arrivé à l'état stationnaire. C'est une vérité évidente pour les physiciens. III. À posteriori, notre collègue croit trouver une preuve de l’exacti- tude de sa méthode par la concordance fortuite qu'il trouve entre la calorimétrie directe, et la calorimétrie chimique ou indirecte par dosage de CO*. — C’est là une preuve dont je nie formellement la valeur. J’affirme, et mes expériences le prouvent, qu'il y a rarement identité entre les nombres fournis par les deux méthodes. Mais avant d'aller plus loin je ne peux m'empêcher d'attribuer à une inadvertance cette phrase im- primée par notre collègue : « N'est-ce rien que de démontrer expérimen- « talement qu’il y a identité entre la fonction calorifique et la produc- « tion de CO*. Cependant jamais aucun expérimentateur n'avait fait cette « recherche. Elle m'a paru mériter qu'on s'y arrête. » Qu’a donc fait Lavoisier quand il enfermait un cobaye dans son calo- rimètre de glace et qu'il trouvait que la chaleur dégagée correspondait au CO? produit? N'est-ce pas sur cette identité entre la fonction calori- fique et la production de CO? que l'illustre fondateur de la chimie a basé son admirable explication de la chaleur animale ? Qu'ont fait Dulong et Desprétz dans leurs expériences classiques ? Et avec bien plus d’exacti- tude encore puisqu'ils mesuraient simultanément : 1° La chaleur produite; 2° Le CO? dégagé; 30 L'oxygène absorbé. — Je dis qu'iln'y a presque jamais identité entre les nombres de calories fournis par la méthode chimique et la méthode calorimétrique. J'en ai donné des preuves depuis longtemps, et voici ce que j'écrivais à ce sujet le 11 juillet 1881 dans les comptes rendus de l’Académie des sciences, en parlant de mon premier calorimètre : « De plus, un mécanisme très simple permet de doser en .même temps « les gaz de la respiration, ainsi que l’urée ou les excreta. 54 SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE. « Cet appareil donne, par conséquent, simultanément : « 4° L'enregistrement automatique de la chaleur dégagée ; « 2 Les déchets provenant des combustions respiratoires. « On a voulu calculer, à l’aide des produits de la respiration, la quan- tité de chaleur dégagée par un animal, en tant que chaleur. Cela n'est pas possible, Les combustions organiques ne sont pas directes ; à une même quantité d'oxygène absorbé ou d'acide carbonique émis peuvent correspondre des quantités de chaleur fort différentes. « Beaucoup de réactions qui se passent dans l'organisme s’accompa- gnent d'un dégagement de chaleur sans dégagement de gaz; tels sont les phénomènes d'hydratation, de saponification, de dédoublement, etc. M. Berthelot a particulièrement insisté sur ces faits. Mes expériences confirment pleinement cette manière de voir, comme je le montrerai ul- térieurement. « Aujourd'hui je n’en citerai que deux : « 4° La calorimétrie directe m'a montré que l'œuf en incubation ab- sorbe, pendant les premiers jours, beaucoup de chaleur, comme l'avait vu M. Moitessier par un autre procédé. Cette absorption de calorique coïncide avec une absorption d'oyygène et un dégagement abondant d'acide carbonique. La méthode chimique conclurait à un dégagement de chaleur. « 2 Pendant le sommeil ou le repos complet, l'animal absorbe beau- coup d'oxygène et fait peu de chaleur, l'émission d’acide carbonique va- riant peu. « En un mot, je ne trouve presque jamais de concordance entre Îa chaleur mesurée directement et la chaleur calculée d’après les combus- tions respiratoires. Cela tient d'abord à ce que les combustions organi- ques sont de l’ordre des fermentations, comme l’enseignait depuis long- temps Claude Bernard, et aussi à une autre cause qui n'a pas été signalée et qui se dégage des résultats fournis par l'incubation. « Un animal n’est pas seulement le siège d’oxydations ou de combus- tions, comme on l'a enseigné jusqu'à Claude Bernard ; tout organisme vivant est en même temps un appareil réducteur faisant des synthèses pour son propre compte (4). Aux combustions organiques correspond un dégagement de chaleur. « Les synthèses organiques, au contraire, s’accompagnent d'une ab- sorption : l'œuf en incubation en est une preuve frappante. « La méthode chimique ne tient compte que des combustions; elle représente la somme. La calorimétrie directe tient compte à la fois des phénomènes de destruction et de création organique dont la simultanéité (1) Voir CLaune BerxarD, Lecons sur les phénomènes de la vie communs aux ant- maux et aux végétaux. Paris, 1.-B. Baïllière, 1878, SÉANCE DU 2% JANVIER. 59 rm rene em _ — RE caractérise la vie ; elle représente la différence, qui apparait sous forme de chaleur. « Donc, bien loin de s’exclure ou de se contredire, ces deux méthodes doivent se prêter un mutuel appui. Il nv a rien d'étonnant à ce que leurs résultats ne soient pas concordants. Ces différences, loin d’entraver les recherches, me paraissent au contraire destinées à éclairer les mécanismes encore si obseurs qui pré- sident à la nutrition comme je tâcherai de le démontrer prochaïine- ment (1). » Je n’ai rien à changer à ce que je disais alors. Moins que jamais je crois aux combustions directes dans l'organisme. Tout prouve de plus en plus que les combustions organiques sont des fermentations à plus ou moins longue portée ; que par conséquent la chaleur qui se dégage n’est pas le résultat immédiat du CO? qu'on mesure, Qu'on ne s’y méprenne pas, je suis loin de nier qu’il n’y ait pas un rapport entre la chaleur dé- gagée et le C0? produit ; ce que je nie c'est que ce rapport soit constant, etqu'il y ait identité et surtout simultanéité entre ces deux faits. Vouloir mesurer la chaleur produite dans un organisme en dosant les gaz de la respiration est aussi impossible que d'espérer savoir ce qui se passe dans une maison en analysant ce qui entre par la porte et ce qui sort par la cheminée, suivant le mot profondément vrai de Mülder. — La méthode calorimétrique directe et la méthode chimique peuvent s'entr’aider pour élucider le problème de la chaleur animale, mais il est impossible de les substituer l’une à l’autre. CALORIMÉTRIE PAR RAYONNEMENT. APPLICATIONS DIVERSES. Note de M. À. D'ARSONVAL. Dans la séance du 29 novembre dernier, j'ai décrit à la Société une nouvelle méthode calorimétrique Done l'homme. J’ai annoncé que J'avais déjà publié cette méthode et que j'en avais fait des applications diverses. Je crois utile de mettre sous les yeux de la Société la reproduction tex- tuelle de l’artiele que j'ai publié à ce sujet le 18 octobre 1884, dans le journal bien connu, la Lumière électrique : « Dans une série d'articles publiés précédemment, j'ai fait connaitre diverses méthodes calorimétriques qui sont His aux recherches électriques. (4) Travail fait au laboratoire delMédecine du Collège de France, ne SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Ces méthodes reposent, comme on l’a vu, sur l’invariabilité de la tem- pérature du calorimètre. Il faut pour cela disposer d'une source de froid compensatrice. Pour de petits appareils la chose est relativement facile, mais lorsqu'on doit faire de la calorimétrie sur de grands animaux ou sur l'homme, il faut autant que possible simplifier l’appareil instrumental. C'est pour atteindre ce but que, vers la fin de l'année passée, j'ai essayé une autre méthode, d’une installation simple et d’une exactitude très suffisante pour ce genre de recherches. C'est une variante de la méthode calorimétrique par rayonnement, à laquelle j'ai apporté plusieurs perfectionnements qui en rendent l'usage très pratique. Voici en quoi consiste l'appareil destiné à la calorimétrie humaine. Le calorimètre proprement dit est composé de deux vases cylindriques métalliques concentriques, limitant deux cavités : la première (1) annu- laire (fig. 1), hermétiquement close, et communiquant seulement par le tube (3) avec un manomètre (4), dont on verra tout à l'heure l'usage. Cette cavité est pleine d'air. La seconde cavité (2) constitue l’intérieur du calorimètre, dans lequel est placé la source de chaleur (un homme dans la figure 1). Le calorimètre est suspendu au plafond par une poulie (6) et équilibré par un poids (7). Sa base repose sur un socle (8) muni d'une rainure circulaire pleine d’eau faisant fermeture hydraulique. Pour pénétrer dans l'instrument, on le’soulève au-dessus du sol et on le laisse retomber dans la raïinure une fois en place. Cette manœuvre ne présente aucune difficulté, grâce à la suspension de l'instrument. Au-des- sous du socle débouche un tuyau (9) de 6 à 8 centimètres de diamètre, qui passe à travers la cloison. : La ventilation a lieu simplement par l'appel de la cheminée (9) dans laquelle brûle un bec de gaz. L'air extérieur arrive en (10) par le haut du calorimètre, et comme la ventilation se fait de haut en bas, la tempéra- ture est bien uniforme dans l’intérieur de l'appareil. Supposons maintenant l'appareil relié à un manomètre simple par le tube (3), si une source de chaleur est placée en (2) elle échauffe l'air de (4) et la température monte jusqu'à ce que la perte par rayonnement soit égale à la production. Cette augmentation de température se traduit à l'extérieur par le mouvement de la colonne du manomètre qui en donne la mesure. Ce calorimètre n’est autre chose, comme on le voit, qu'un grand ther- momètre à air creux, dans la cavité duquel la source de chaleur se trouve enfermée. On reconnait aisément dans ce dispositif le principe de mes régulateurs directs décrits précédemment, et on comprend, sans que j'insiste, les avantages au point de vue dela mesure exacte de la tempé- rature du calorimètre. D’après la loi de Newton, la quantité de chaleur rayonnée (c’est-à-dire produite) en un temps donné est proportionnelle à l'excès de température SÉANCE DU 24 JANVIER. Fi) SR ELEC du ealorimètre sur le milieu ambiant pour des différences inférieures à 30°. Si on employait un manomètre à air libre pour mesurer l’échauffement de la cavité (4), il faudrait tenir compte des variations barométriques et thermométriques du milieu ambiant pendant la durée de l'expérience. Pour éliminer à la fois ces deux corrections, je relie la seconde branche du manomètre à un grand flacon (5) qui se trouve dans la même pièce que le calorimètre. Avec cette disposition le manomètre indique constamment la différence LL) LL LIL OL LOL US Fig. L. Fig, ?. de température du calorimètre et du milieu ambiant, c'est-à-dire précisé- ment la quantité à mesurer. L'ensemble de l'appareil est done un thermomètre différentiel à air analogue, aux dimensions près, à l'appareil de Leslie et tout aussi sen- sible que ce dernier. | Il faut à présent graduer l'instrument expérimentalement pour en faire un appareil de mesure. Cette graduation est des plus simples. Je place dans l’appareil une source constante de chaleur dont l'intensité est connue à l'avance et j'observe l'indication du manomètre correspondante. On peut prendre comme source de chaleur soit un bec d'hydrogène pur dont la chaleur de combustion est connue, soit une spirale de platine chauffée par un courant, soit un simple jet de vapeur à 100°. Je n'insiste pas sur les détails de cette opération, n’ayant besoin ici que d’en donner le prin- cipe. Cette graduation une fois terminée, la simple lecture du manomètre donne à chaque instant la chaleur produite par l'être en expérience, 55 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Pour inscrire les indications de l'appareil sous forme de courbe conti- nue, j'ai fait construire le manomètre différentiel inscripteur figuré sché- matiquement ci-contre (fig. 2). Les deux branches du manomètre (#) el (5) sont terminées chacune par une capsule métallique que clôt une membrane mince de caoutehone (b et (2). Ces deux membranes sont reliées entre elles par une traverse rigide (3) qui fait mouvoir un levier (6) dont Ja pointe vient {raverser une courbe en (7) sur le evlindre enregistreur. Comme les membranes (4) et Fig. 3 Fig. 4. (2) ont exactement la même surface, aucun mouvement ne se produit si on exerce des pressions égales en #4 et 5. L'appareil n’est donc influencé que par les différences de pressions à mesurer. En réduisant les proportions de cet appareil, j'ai pu en faire un vrai calorimètre bijou, construit tout en verre et présentant néanmoins une grande sensibilité. Il est figuré ci-contre (fig. 3). IL se compose de deux calorimètres en verre soufflé (1) et (2) qui lorment les deux boules d’un thermomètre différentiel de Leslie. Un robinet (3) sert à réunir les deux masses d'air à volonté. On peut opérer dans l’un ou l’autre calorimètre et l'instrument se trouve ainsi plus symétrique. Il peut d’ailleurs recevoir tout autre forme appropriée au but qu'on se propose. En voyant la simplicité et la précision de ce pelit appareil, il m'est venu naturellement à l’idée de m'en servir pour mesurer la chaleur déga- gée par un courant électrique. Je n’ai eu pour cela qu’à plonger une spirale de platine, traversant un bouchon, dans l’intérieur du calorimètre pour faire de cet instrument un ampère-mètre ou un volt-mèêtre à volonté suivant la grosseur, c’est-à- dire la résistance de la spirale. SÉANCÉ DU 24 JANVIER. 9 DD _—_ D'une part, les indications de l'appareil sont proportionnelles à la quan- tité de chaleur qui lui est fournie en un temps donné. D'autre part, la chaleur engendrée dans le fil par le courant est proportionnelle à RE, d’après la loi de Joule ; il s'ensuit que l'on peut facilement déduire I. En plaçant un fil fin, l'instrument devient un volts-mêtre dont les indications sont proportionnelles à E? en remplacant, dans la formule de Joule, par sa valeur ER ürée de la formule d'Ohm. Dans ce cas particulier, l'instrument est de la plus grande simplicité. Il peut se réduire à un thermomètre ordinaire de Leslie dont une des boules est traversée par le fil de platine, comme l'indique la figure 4. Cet instrument peut servir à la mesure des courants allernatifs : sa sensibilité est très grande et son prix des plus modiques. Comme dans les électro-dynamomètres, ses indications sont proportionnelles au carré de l'intensité. En conservant la disposition de la figure 3, on peut remplacer aisé- ment la spirale. Il est bon de remplir la cavité (4) de pétrole où de tout autre liquide isolant non volatil; l’un des calorimètres peut servir de volts-mètre, l’autre d’ampères-mètre, totalisateurs ou différentiels, à volonté. J'étudie en ce moment la meilleure disposition pratique ; j'ai cru néan- inoins devoir publier ces recherches, quoique incomplètes, dans un bul d'utilité dont je laisse aux électriciens le soin d'apprécier l’oppor- tunité. » On trouve dans la figure 3 la disposition du double calorimetre com- pensateur et différentiel, disposition que j'ai décrite à la société dans ma communication du 27 décembre dernier. . Ce petit calorimètre tout en verre de la figure 3 permet de faire une foule d'expériences de physique ou de chimie biologique des plus inte- ressantes. Dans des communications ultérieures je reviendrai sur ce point. Je me contente pour l'instant de signaler à la Société l'application que j'en ai faite pour étudier la chaleur développée par les fermentations et par la coagulation du sang. ACTION COMBINÉÉ DE LA COCAÏNE ET DU CHLOROFORME, par M. R. Dusois. Dans une note précédente, nous avons démontré en nous appuyant sur des expériences de physiologie générale que la cocaïne n’agissait pas à la manière des anesthésiques généraux. Nous sommes arrivé au méme résultat en nous servant d'un procédé plus simple, üt) SOCIÉTÉ DE HOLOGIE, EST de D A ST DS ARS ANSE | D CDR DD gr PRET RE Grâce aux recherches de M. le professeur Paul Bert sur l'action phy- siologique des mélanges titrés d’air et de chloroforme, on sait maintenant qu'à une athmosphère anesthésique de composition déterminée corres- pondent des effets également bien déterminés. Avee un mélange contenant quatre grammes de chloroforme pour 100 litres d'air, on arrive à produire la mort au bout de plusieurs heures sans déterminer l’anesthésie chirurgicale. C’est la dose limite inférieure : si la cocaïne était un anesthésique général, son action s’ajouterait à celle du chloroforme, et on obtien- drait alors, par l’action combinée d’une dose suffisante de cocaïne et d'un mélange à 4 0/0, une anesthésie manifeste. Il n'en est rien. Un chien de taille moyenne auquel nous avions admi- nistré en injection hypodermique cinq centigrammes de chlorhydrate de cocaïne était encore éveillé après avoir respiré pendant trois quarts d'heure un mélange d’air et de chloroforme à 4 0/0. Ce même chien, ainsi que trois autres de taille plus faible qui avaient également recu en injection hypodermique 0.05 centigrammes de chlo- rhydrate de cocaïne, soumis à l’action de forts mélanges à 12 et 150/0 ont mis environ deux fois plus de temps pour s'endormir que s'ils avaient été soumis simplement à l’action du mélange anesthésique sans injection préalable de cocaïne. De plus, pendant presque toute la durée du sommeil il à été pos- sible de provoquer des mouvements réflexes par le pincement des pattes. Mais, ce qui nous a le plus frappé,'c'est’que jusqu'à la mort, en irritant la cornée, on a pu provoquer le réflexe palpébral qui disparaît d'ordi- naire rapidement avec de tels mélanges. Dans ces quatre expériences l’abaissement de la température a été très faible: dans un cas, au début de l’inhalation, elle s’est élevée de quelques dixièmes de degré pour s’abaisser ensuite. Enfin, la résistance des animaux à la mort n'a pas été sensiblement modifiée. Ainsi, loin de favoriser l’action du chloroforme, la cocaïne l’atténue plutôt; ajoutons cependant que dans aucun des quatre cas, nous n'avons observé de période d’'agitation. Le gérant : G. Masson. Paris. — Imprimerie G, Rorciur et Cie, rue Cassette, L, 61 SÉANCE DU 31 JANVIER (885 R. Dupois : Résistance ‘à la dessiccation des œufs stériles. — A. HEÉNocQuE : Photo- graphie du sang. — A. Hénocque : Moyen de faciliter l'examen spectroscopique direct du sang. — Laporpe et Houpné : Colchicine cristallisée (de Houdé), physiolo- gie et toxicologie. — H. Beaunis : Section des nerfs pneumogastriques. — Eu. Bour- quELor : Identité de la diastase chez les différents êtres vivants. Présidence de M. d'Arsonval. NOTE SUR LA RÉSISTANCE A LA DESSICCATION DES OEUFS STÉRILES ET NON STÉRILES, par M. R. DuBois. Dans la même portion d'un oviducte de couleuvre à collier, ayant trouvé des œufs disposés alternativement en série, de volume à peu près égal, mais dont les uns avaient subi un commencement de déve- loppement, alors que les autres n’en montraient aucune trace, nous avons pensé à les soumettre, dans les mêmes conditions, à une des- siccation rapide. Ainsi que nous l’avons indiqué, il y a quelques mois, les œufs stériles se sont desséchés beaucoup plus vite que les œufs non stériles. Nous nous sommes demandé alors s’il n’en serait pas de même en opé- rant sur des œufs de papillons de vers à soie fécondés ou non fécondés. Ayant parqué isolément des femelles accouplées et des femelles seules, nous avons obtenu des œufs de deux sortes. La moyenne de trois pesées de cent œufs chacune était : Pour les œufs des femelles accouplées . . . . gr. 45 Pour les œufs des femelles isolées. .,. . . . 1 gr. 48 Neuf jours après la ponte, un poids égal de chaque espèce d'œufs a été placé, dans les mêmes conditions dans le vide sulfurique. Les œufs de la première catégorie ont perdu : EME OUEN AE AN O0) detleurpoide Le 2 OURS AREA NAN er 0" 0/0 Lé' SSJOUT PANNE NU TETE Ten 0" 070 BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8e SÉRIE, T. Il, N° 4. 62 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Les œufs de la deuxième catégorie ont perdu : 0 Lee jour 4 M 00 012,66 0/0 1e etre leo jo 8 100070 Le Sejour pa Ne 20000 Le poids total perdu sous l'influence de la dessiccation rapide par les premiers, en trois jours, a donc été de 3 0/0, et pour les seconds de 21 0/0. | L'expérience n'a pu être poussée plus loin en raison des nombreuses éclosions qui se sont produites dans les œufs de papillons fécondés. Ce développement hâtif doit-il être attribué à la dessiccation ? Doit-on rapprocher ce fait dé celui des animaux qui d'ovovivipares deviennent vivipares sous l'influence d'une privation d’eau et d’une exposition au soleil? C'est ce qu'il y aurait lieu d'examiner à nouveau. Les œufs de poule se comportent différemment : fécondés ou non, ils perdent de leur poids dans une proportion à peu prés identique. Nos observations, sur ce point ne font que confirmer celles de MM. Pré- vost et Dumas sur le même sujet. Mais il convient de faire remarquer que dans l'œuf de poule la quantité de matière nutritive passive, pour ainsi dire, qui doit servir de provision à l'embryon pendant son développement dans l'œuf, est comparativement beaucoup plus considérable que dans les œufs à évolution rapide. LA PHOTOGRAPHIE DU SANG, par À. HENOCQUE. Je présente à la Société des clichés et des éprouves photographiques obtenus avec mes « plaques hématoscopiques » et qui démontrent que la photographie permet d’epprécier la quantité relalive de l’oxyhémoglo- bine et de l'hémoglobine lorsqu'on se place dans les conditions que j'ai déterminées. Ces plaques hématoscopiques représentent un espace prismatique ca- pillaire dans lequel le sang est examiné sous une épaisseur variant de À à 150 millièmes de millimètre, et par conséquent on observe une teinte rouge foncé à l'extrémité ouverte et une teinte nulle à l'autre, de sorte qu'il existe une dégradation progressive dans la couleur et dans l’épais- seur permettant l'examen spectroscopique suivant le procédé que j'ai décrit dans l’avant-dernière séance. Ces plaques peuvent être très facilement photographiées de facon qu'on peut contrôler et démontrer les résultats obtenus avec l'analyse spectrale. SÉANCE DU 934 JANVIER. 63 Je procède de la manière suivante : les plaques hématoscopiques chargees de sang sont placées dans un châssis à positifs, et recouvertes d’une plaque au gélatino-bromure, où bien de papier Morgan ; elles sont ensuite exposées à la lumière d'un bec de gaz à distance fixe, pendant quinze se- condes et le cliché négatif ainsi obtenu est développé suivant les procédés ordinaires. Ainsi qu'on peut le constater par les épreuves que je présente, la pho- tugraphie reproduit en négatif ou en positif la teinte dégradée du sang, par une coloration noire ou brun foncé, mais avec une précision re- marquable. On voit, dans Les premiers clichés que la photographie du sang veineux, du sang artériel, du sang défibriné, et du sang d'un animal anémié par des hémorrhagies répétées, démontre des différences très nettes entre ces divers états du sang. Un autre cliché obtenu avec du sang défibriné placé dans les six plaques dont je me sers, et photographié, ne montre aucune différence appréciable dans la teinte observée, ce qui prouve que ces plaques sont bien planes et bien graduées. Or, quatre de ces plaques contenant du sang défibriné et mélangé avec un sérum artificiel dans la proportion de 1,2 et 3 gouttes de sérum pour 39, 38, 37 gouttes de sang, présentent des différences nettement appré- ciables. Il résulte donc de mes recherches que l’on peut reconnaitre par la photographie des différences de 70 de la quantité d’oxyhémoglobine contenue dans le sang défibriné ; c’est une précision de 2,25 0/0, dont je puis répondre avec mes moyens actuels. La photographie du sang combinée avec l'examen spectroscopique per- mettra l'étude comparative des substances colorantes du sang. MOYEN DE FACILITER L'EXAMEN SPECTROSCOPIQUEÉ DIRECT DU SANG, par A. HÉNOCQUE Lorsque des observateurs peu familiarisés avec le spectroscope exa- minent le sang à la surface de l'ongle, les. teintes bleues et violettes du spectre affaiblissent l'impression produite par les bandes d'absorption du sang, C’est pourquoi j'ai cherché à réduire le spectre aux couleurs néces- saires, en employant des diaphragmes placés soit sur le prisme, soit sur l'oculaire; mais dans ces cas la lumière est diminuée, de facon que j'ai dû renoncer aux dispositifs habituellement employés. J'ai trouvé qu'une petite plaque de gélatine colorée en jaune par la gomme-gutte où la laque jaune, appliquée ou collée contre la fente du spectroscope, est le moyen le plus simple et le plus pratique d’absorber 64 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. \ les rayons colorés à partir du vert, c’est-à-dire le moyen d'isoler « la plage » nécessaire pour l'examen du sang. On peut également placer sous les préparations hématoscopiques une lamelle de verre colorée en jaune par la laque. Ce mode de démonstration peut étre utilisé pour des recherches ana- logues, dans lesquelles il faut isoler certaines portions du spectre. LA COLCHICINE CRISTALLSÉE (de HOUDÉ) PHYSIOLOGIE ET TOXICOLOGIE. Note préliminaire, par LABORDE et Houpé. Il y à environ dix mois, nous présentions à la Société une note de M. Houpé sur une colchicine cristallisée obtenue par ce chimiste, et qui paraissait réaliser les conditions de pureté chimique d’un principe immé- diat jusqu'alors inconnu. Les premiers essais physiologiques que nous fimes, à cette époque, de cette substance, démontraient son peu d'acti- vité relative, et faisaient prévoir son peu de toxicité; si bien que nous avions pu annoncer, à la suite de la communication de M. Houdé, que ce composé rentrait dans la catégorie des principes immédiats végétaux, qui, pour produire leurs effets physiologiques, demandent à étre dosés par centigrammes, au lieu de l'être par milligrammes, et même par frac- tions de nilligramme, comme les produits très actifs. Ce résultat général de nos premiers essais à été pleinement confirmé par nos recherches ultérieures et plus complètes, dont nous donnons ci- après le résumé : I. — Chez le cobaye, du poids moyen de 300 grammes (nous choisis- sons, en ce cas, les jeunes animaux, parce qu'ils constituent un réactif plus sensible à l’action des poisons), la colchicine doit être portée, en injection sous-cutanée, à la dose de cinq centigrammes, pour donner leu à des effets caractéristiques, qui sont les suivants : Un peu d’agitation au début; urination et défécation rapides et souvent multiples ; Insensibilisation et méme parésie motrice, du côté seulement de la patte qui a recu l'injection, et qui reste en arrière dans la marche ; Quelques haut-le-corps, annonçant chez ces animaux une influence vomitive : c'est la première phase, comme la phase prodromique de l’ac- tion de la substance; Dans la seconde période ou période d'état qui, d’ailleurs, arrive et se prononce lentement, l'animal devient triste, se blottit dans un coim, ramassé sur lui-même, le poil hérissé, dans un état d’anhélation parti- culier, avec inspirations saccadées et bruyantes, agité par de pelits Cres- SÉANCE DU 31 JANVIER. 65 Ep —_—— EE RE —— saillements fibrillaires bien sentis par la main appliquée largement sur le corps, incapable de se mouvoir, même sous des incitations réitérées, et reduit à -une sorte de collapsus flaccide, bien que réagissant encore par des réflexes vifs, et de petits cris inconscients, aux excitations péri- phériques ; finalement, et après un temps qui, dans les conditions dont il s’agit, se prolonge de quatre à six heures, et quelquefois plus, l’ani- mal succombe à cet état asphyxique, lent et progressif. A l'autopsie, on trouve constamment des lésions correspondant à ce processus asphyxique, savoir : le cœur distendu par du sang noir et des caillots mous, passifs, encombrant surtout les cavités droites ; ecchy- moses à la fois pointillées et en plaques des poumons : écume bronchique ; infiltration congestive du foie et des reins; vessie rétractée, revenue sur elle-même, et contenant, en conséquence, pas du tout ou très peu d'urine. Les mêmes effets s’'observent sur le lapin, à très peu de différence près, moyennant une dose proportionnée au volume et à la force de l’animal. II. — L'action de la colchicine qui, chez l'herbivore, semble se con- centrer sur les fonctions de respiration et de circulation, prend chez le carnivore, notamment chez le chien, une physionomie symptomatique nouvelle, qui implique spécialement la sphère gastro-intestinale, quel que soit, d’ailleurs, le mode d'introduction dans l'organisme : injection hypodermique, intra-veineuse, ou ingestion par l'estomac, avec les seules différences de rapidité et d'intensité d'action corrélatives à ces divers modes d'absorption. Ce qui domine toujours, et au fond, ce sont les selles diarrhéiques précipitées, nombreuses, fétides et à la fin sanguinolentes, avec ténesme et violentes coliques; les vomissements réitérés, glaireux et bilieux ; un état de tristesse avec collapsus, une sorte de stupeur, et un épuisement tel qu'en vingt-quatre heures, un chien de 10 à 24 kilogrammes, se réduit et se ratatine au point de perdre cinq ou six fois son volume. De même que chez le cobaye, les phénomènes toxiques mettent une. certaine lenteur à se prononcer chez le chien, et cela, à des doses relati- vement élevées (de 25 à 50 centigrammes), même à la suite de l'injection intra-veineuse, où nous avons vu les vomissements et les défécations diar- rhéiques ne survenir qu'au bout d'une heure, après l'introduction de plus de 50 centigrammes du principe actif, par fractions successives de 12 centigrammes. Ces injections partielles et directes dans le sang nous ont, d’ailleurs, permis de saisir et de constater, du côté de la fonction respiratoire et de la fonction cardiaque, des modifications importantes, que nous ferons tout à l'heure connaitre. Sur le chien qui suecombe à cette intoxication lente, avec épuisement profond, suite de déperditions abondantes, et complication terminale de phénomènes asphyxiques, l’on constate, à l’autopsie, du côté des princi- paux viscères, notamment des poumons et du cœur, des lésions de même 66 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. nature que celles qui ont été signalées plus haut sur le cobaye; mais nous y trouvons, en outre, les lésions gastro-intestinales macroscopiques répondant habituellement aux symptômes violents d'excrétion patholo- gique, du côté de ces organes : injection vive et étendue de la muqueuse de l'estomac et de tout le canal intestinal, plus prononcée dans la pre- mière portion de l'intestin grèle, où l’on voit de véritables ulcérations avec hémorrhagies capillaires à la surface. Ainsi s'expliquent les selles sanguinolentes de la période d'action de l’intoxication. UT. — Le tableau symptomatique des effets de la colchicine se repro- duit exactement chez l'homme, ainsi qu’en témoignent un essai accidentel sur l’un de nous, et deux autres sur des malades. Ayant absorbé, par mégaerde, avec une pipette, un liquide en prépara- tion, contenant une dose de colchicine évaluée à plusieurs centigrammes, M. Houdé qui s’est couché (il était 10 heures du soir), est pris, cinq heures après, d’une céphalalgie violente, avec sensation de pesanteur de l’esto- mac {comme si ce dernier était écrasé par un poids de 20 kilogr); puis survenaient les vomissements qui se succédaient jusqu'à quinze fois, d’a- bord alimentaires, ensuite muco-glaireux, finalement bilieux, et alter- nant avec des selles diarrhéiques se répétant jusqu’à vingt-cinq fois dans le reste de la nuit, horriblement fétides, précédées de coliques et d’é- preintes très douloureuses; — le tout accompagné de sueurs profuses, d'état lipothymique, de tremblement, de refroidissement des extrémités. À la suite de l'énorme fatigue provoquée par ces accidents, auxquels M. Houdé n'a, du reste, opposé aucun remède, le sommeil à fini par s'établir; et il ne lui est resté qu'une grande faiblesse, durant quelques jours. Un de ses élèves ayant pris un centigramme de colchicine vers 10 heures du soir, eut successivement, à 5 heures du matin, six selles diarrhéiques en une demi-heure. Un homme, sujet à de violentes attaques de goutte, concierge, prend, sur les conseils de l’un de nous, cinq granules de colchicine à un milli- gramme (un granule toutes les deux heures). Au bout de cinq heures seu- lement, il est pris de malaise nauséeux, le vomissement survient vers la dixième heure, et en même temps trois selles diarrhéiques, qui se suc- cèdent à une heure environ de distance. Fait remarquable, dès que la première évacuation à eu lieu, l'accès douloureux de goutte auquel cet homme était, en ce moment, en proie, a immédiatement cessé. Un autre malade, soigné par un confrère et médecin des hôpitaux auquel il fut prescrit, en une seule fois, une pilule de colchicine de un centigramme, éprouva, quatre heures après, une violente céphalalgie, suivie de vomissements et de selles diarrhéiques réitérées; il conserva un état nauséeux durant trois jours. On remarquera dans ces symptômes qui, on le voit, sont constants et SÉANCE DU 931 JANVIER. 67 caractéristiques, chez l’homme comme chez l'animal, le temps relative- ment long qu'ils mettent toujours à se produire, mais en revanche, leur ténacité et leur durée. IV. — Les effets généraux et locaux de la colchicine chez l’animal à sang froid (grenouille), se rapprochent beaucoup (en dehors, bien en- tendu, des accidents gastro-intestinaux), de ceux qui viennent d’être rapidement signalés : inertie immédiate et plus ou moins complète de la patte injectée; abolition des mouvements respiratoires du flanc, après certaines modifications de rythme, où l’on saisit surtout de l'accélération; — phénomènes de collapsus et de stupeur, après une courte période d'excitation; conservation des réflexes en dehors de la sphère touchée localement par la substance; enfin, modification du fonctionnement car- diaque, qui sera graphiquement fixé plus tard, et qui semble essentielle- ment consister en un ralentissement final, avec tendance à la durée systolique, à la rétractation et à la tétanisation. Pour donner un apercu des modifications et des troubles cardio-respi- ratoires, que nous analyserons, en détail, dans une seconde et prochaine note, nous nous contenterons aujourd'hui de produire des tracés pris, d'un côté, sur le cobaye, de l’autre sur le chien, soumis à l'influence de la colchicine, tracés qui montrent : Un ralentissement notable du cœur, avec augmentation de la force d'impulsion, dans le cas d'injection intra-veineuse à doses fractionnées de 5 à 40 centigr., chez le chien, dans la première phase; Des modifications progressives dans la fonction respiratoire, aboutis- sant, chez le cobaye, à l'arrêt asphyxique, avec survie momentanée des contractions cardiaques, très ralenties et considérablement affaiblies. . Nous reviendrons ultérieurement sur la courbe de la contraction mus- culaire, étudiée par notre préparateur, M. Rondeau, comparativement avec celle de la vératrine cristallisée, laquelle est de nature à fournir, de même que les tracés cardiographiques, des résultats d'un certain intérêt. V. — L'action de la colchicine sur les diverses sécrétions et excrétions se révèle, d’une facon très active, par les symptômes prédominants de l’intoxication, qui portent, comme nous l'avons vu, sur les divers émonc- toires, sans en excepter la salive, notablement augmentée chez le chien, surtout à la suite de l'introduction intra-veineuse : il était, d’après cela, facile de présumer les principales voies d'élimination du poison; et la recherche tant chimique qu'expérimentale nous a permis, en effet, de le déceler, d'une facon certaine, et par ordre de décroissance : 4° Dans l'urine et la vessie où l’on en trouve le plus; 2° Dans les matières de vomissements (mucus glaireux, bave du chien) ; 68 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE, a —_—_————————ZZ 3° Dans les excréments. Nous n’en avons pas trouvé de trace dans le sang, même dans un cas d'injection intra-veineuse, la recherche ayant été faite dans les douze heures qui ont suivi l'expérience. Le procédé pour extraire la colchicine des liquides et des tissus de l'organisme est le suivant : VI. — Recherche toricologique de la colchicine cristallisée. Qu'il nous soit permis, avant de traiter la partie toxicologique, de pro- tester contre les allégations erronées d’un chimiste de Vienne, M. Zeisel, qui prétend que la colchicine cristallisée de Houdé n’est pas de la colchi- cine pure, mais bien une combinaison de la colchicine avec le chloroforme. Des essais préalables nous autorisent à déclarer et à affirmer que notre colchicine cristallisée, brûlée en présence de la chaux dans un tube à combustion, n’a pas donné naissance à du chlorure de chaux, que les liqueurs filtrées et acidulées n’ont pas produit par l'addition de nitrate d'argent le précipité blanc cailleboté si caractéristique de chlorure d’ar- gent, et que, par conséquent, notre alcaloïde ne renferme pas de chlore, et par cela même pas la moindre trace de chloroforme. Maintenant, nous revenons au but de la présente communication, c’est-à-dire au problème toxicologique de la colchicine. 4° Le toxique étant introduit dans l'organisme, par quels procédés avons-nous recherché le poison? 2 À quels caractères avons-nous pu sûrement le reconnaitre? PROCÉDÉ DE RECHERCHE DU POISON. Le procédé que nous avons employé est exactement analogue à celui qui nous a permis d'extraire la colchicine cristallisée des semences de colchique, sauf quelques légères modifications. Un animal ayant succombé à l’'empoisonnement par la colchieine, voici la méthode de recherche que nous avons suivie : Les organes lacérés et coupés en petits morceaux avec le plus grand soin et à l’aide d’un instrument bien lavé, on les met en macération pen- dant vingt-quatre heures avec de l'alcool à 96 degrés, en prenant la pré- caution d’agiter le mélange à plusieurs reprises, et en l’additionnant de quelques grammes d'acide tartrique pulvérisé. On filtre et on exprime fortement, puis le magma est de nouveau ma- laxé avec de l'alcool qui est filtré et réuni à la première liqueur. On sépare l'alcool par distillation et on obtient un résidu aqueux, à peine coloré, et tenant en suspension un assez grand nombre de globules graisseux qu'on élimine par filtration. Le liquide ohtenu est limpide, on l’agite à plusieurs reprises avec du SÉANCE DU 931 JANVIER, 69 chloroforme chimiquement pur qui dissout la totalité de la colchide et qui, par évaporation spontanée, abandonne l'alcaloïde à l’état amorphe. Celui-ci est redissous dans un peu d'alcool à 40° centigrades, et le liquide est confié à l'expertise physiologique, dont M. Laborde va faire connaître les effets coneluants. L'un de nous, M. Houdé, dans une note préalable présentée à la So- ciété, et plus tard complétée dans diverses publications, a décrit les ca- ractères et les propriétés chimiques de la colchicine, il serait superflu d'y insister. Cependant, quelques auteurs ont prétendu qu’elle pouvait être con- fondue avec la vératrine ; et comme les deux substances appartiennent, on le sait, à la même famille végétale, il importe de mettre en parallèle les réactions respectives, qui distinguent nettement, selon nous, la véra- trine et la colchicine. Caractères différentiels de la vératrine et de la colchicine. VÉRATRINE. COLCHICINE. Caractères or- Produit des effets ster-) Ne produit pas d'effets ganoleptiques.Odeur.(nutatoires répétés. \sternutatoires. Brûlante, qui produit Douceâtre. Après cinq sur les lèvres, la langue minutes, une grande et toute la bouche unelamertume se manifeste \sensation piquante, quifdansla gorge,avec séche- se prolonge durant unelresse. Saveur. ui heure. sent, avec une sensationflocale. — Pas de pico- de chaleur, une sorte de FE ni de brülures sentiment de strangula- sur 1 a membrane pitui- tion. taire. Réaction. Très alcaline. Alcalinité à peine sen- ( ( / | Dans la gorge, on res\ Pas d'action irritante | sible. Coloration d’un vert- ue puis jaune, et Caractères chimi- \enfin rouge-sang. Si l’on ques. Coloration. jpersis cette coloration A cide chlorydrique. persiste pendant plu- sieurs mois sans changer] \d’ aspect. Cet acide produit un el fible coloration jaune-| citron qui devient rose et enfin d’un rouge sang. Le liquide devient fluor DEC ou , Acide sulfurique.{etprésenteune teinte verte (oo a Fos non persistante. Cette di- | pÉMESensblE D'un vert à peine sen- chroïcité se maintient jus- quà ce que la solution ait pris une teinte rouge- |sang. 70 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. D Eee Coloration verte d’a- bord, puis d’un rouge era- moisi qui tire au pourpre Coloration àpeinerosée. Jtrès fugace. Après cinq Sion ajoute del’'ammonia-/minutes d’ attente, elle dis- que, il se forme un préci-\paraît; le liquide est d’un pité sang caillé, soluble/jaune Citron. dans Az0* : le liquide re-| Si on y ajoute AzHF, la devient presque incolore.\coloration ] Jaune passe au Rue cerise qu'un excès \z0 détruit et ramène Ja in teinte jaune-citron. Acide azotique. = RS ne Coloration jaune qui COQ a HONTE Réactif de Frohle. $passe rapidement au ed PU LISE AE ha uge. ; Il n’y a donc pas de confusion possible avec la vératrine. Enfin, la caféine, la codéine, la morphine, la papavérine, la brucine, traitées par l'acide nitrique à chaud fournissent des colorations roses, mais aucune d'elles n’a la moindre analogie avec la coloration rouge-cra- moisi, puis violacée, que prend la colchicine sous l'influence de ce réactif. La différenciation chimique de la colchicine est donc, on le voit, des plus nettes; et malgré certaines analogies sur lesquelles nous ne pouvons ici insister, au point de vue symptomatologique, avec la vératrine, elle peut être aussi parfaitement différenciée par le réactif physiologique, ainsi qu'il nous a été permis de le faire dans le cas expérimental ci-après : Deux cobayes intoxiqués par une dose totale de dix centigrammes de colchicine, ont été soumis en entier (excepté les poils et la peau) à l’ana- lyse chimique. En même temps que l'extrait retiré des cadavres donnait des réactions absolument caractéristiques que nous répétons devant la Société, l'injec- tion sous-cutanée de 1/2 cent. cube environ de cet extrait à un tout jeune cobaye provoquait le tableau typique des symptômes que nous avons décrits plus haut chez cet animal, et qui, du reste, a succombé. Nous compléterons dans une prochaine note l'étude physiologique de la colchicine, surtout en ce qui concerne ses effets sur le système nerveux. et le mécanisme saisissable de son action. SUR LA SECTION DES NERFS PNEUMOGASTRIQUES, par H. BEAUNIS. Dans une des séances précédentes, M. Philipeaux à fait une communi- cation sur la régénération des pneumogastriques à la suite de leur section à quinze jours d'intervalle (comptes rendus de la Société de Biologie, 1 SÉANCE DU 31 JANVIER, séance du 41 janvier 1885). Je viens communiquer à la Société quelques expériences que j'ai faites dans ces dernières années sur le même sujet. Mais ces expériences diffèrent de celles de M. Philipeaux en deux points essentiels. En premier lieu, la section des pneumogastriques a été séparée par un intervalle de temps bien plus considérable ; en second lieu, tous mes animaux sans exception ont succombé après la section du deuxième pneumogastrique. Je serai très sobre de développements et me contenterai d'exposer les faits que j'ai observés. Mes expériences ont porté sur huit lapins et deux cobayes. Ma première expérience remonte à l’année 1881. Le 11 janvier 1881, je sectionnai sur un lapin le pneumogastrique droit; le 19 avril de la même année, soit quatre-vingt-dix-neuf jours après, je sectionnai le pneumo- gastrique gauche. L'animal, à ma grande surprise, mourut quatre heures après cette seconde opération avec les symptômes classiques et à l’au- topsie présenta les lésions bien connues consécutives à la double section des pneumogastriques. Je me proposai dès lors de reprendre cette ques- tion d'une facon systématique. J'ai fait jusqu'à ce jour, dix expériences que je résumerai très briève- ment, me contentant d'indiquer ici l'intervalle de temps qui a séparé la première section de la seconde et la durée de survie de l'animal après la section du second pneumogastrique. LAPINS SURVIE. Intervalle écoulé entre la première et la deuxième section. il 77 jours 40 heures 2 99 jours 4 heures 3 175 jours 21 heures 4 326 Jours 12 heures au plus 6] 360 jours 53 heures 6 360 jours 46 heures 7 390 jours 26 heures 8 542 jours 20 heures COBAYES. 9 362 jours 12 heures 10 362 Jours 12 heures En résumé, l'intervalle entre les deux sections a varié entre soixante- dix-sept jours (minimum) et un an et demi (maximum). Dans tous les cas, les animaux sont morts après la deuxième section et la durée de la survie à été de quatre heures au minimum et de cinquante-trois heures au maximum. Les symptômes et Les lésions ont du reste été identiques à ceux qu'on rencontre chez les lapins et les cobayes auxquels on fait la section coup sur coup des deux pneumogastriques. Seulement les lésions pulmonaires = Ke 72 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. étaient en général plus marquées, ce qui se concoit facilement, la survie étant en moyenne plus longue qu'après la section simultanée des deux pneumogastriques. Les altérations pulmonaires ont par là meme le temps d'acquérir plus d’étendue et d'intensité. Ainsi sur trente-trois cas de section simultanée des deux pneumogastriques je n'ai rencontré que quatre fois l'hépatisation rouge et jamais l’hépatisation grise, tandis que dans les dix expériences de section des deux pneumogastriques à long intervalle, j'ai constaté quatre fois de lhépatisation rouge et une fois de l'hépatisation grise (sur le lapin mort après cinquante-trois heures). Quelle est maintenant la cause de la mort? On ne peut incriminer l’état de santé des animaux ni l'opération en elle-mème en tant qu'opération. C'est en réalité une des plus simples de la physiologie opératoire. Les animaux étaient tous dans un excellent état de santé; ainsi, le lapin opéré un an et demi après la première section pesait 3.758 ; un autre 3*,598 et ainsi de suite. Le nerf sectionné en premier lieu n'était-il pas régénéré? C'était bien invraisemblable. Les deux bouts du nerf coupé sont en effet réunis par une petite nodosité ressemblant à un ganglion et l'examen microscopique démontre du reste, soit dans le tronc même du pneumogastrique, soit dans ses diverses branches et en particulier dans les récurrents, la pré- sence de nombreuses fibres nerveuses. Ces fibres nerveuses diffèrent bien, il est vrai, par certains caractères histologiques, des fibres nerveuses normales, en ce qui concerne l’état de la myéline, mais on pouvait con- sidérer la réunion et la régénération histologiques du nerf coupé comme accomplies. En était-il de même de la régénération que j'appellerai physiologique ? Pour résoudre la question je me suis adressé à l’action d'arrêt du pneu- mogastrique sur le cœur et à son action sur le larynx. Or, pour ce qui concerne le premier point, l'excitation soit du pneumogastrique régénéré au-dessus ou au-dessous du point de réunion, soit du bout central du pneumogastrique intact a produit d’une facon très nette l'arrêt du cœur, aussi bien avec l'excitation mécanique (pression entre les mors d'une pince) qu'avec l'excitation électrique. Pour ce qui regarde l’action sur les cordes vocales, j'ai mis à nu sur l'animal (1) par l’inecision de la membrane thyro-hyoïdienne l'ouverture supérieure du larynx et j'ai pu constater que les cordes vocales avaient à droite et à gauche toute leur mobilité; en sectionnant alors le pneumogastrique resté intact, je paralysais instan- tanément la corde vocale correspondante landis que celle qui correspon- dait au pneumogastrique réuni conservait sa mobilité. La régénération physiologique était donc accomplie comme la régénération histologique. Et cependant ce pneumogastrique régénéré ne suffit plus à l'existence (4) Lapin ayant subi six mois auparavant la section d'un pneumogastrique. f F SÉANCE DU 341 JANVIER. 713 dès que l’autre pneumogastrique vient à être sectionné. Telle est la conclusion qui dérive de ces expériences, expériences qui sont en désac- cord complet avec celles de M. Philipeaux ainsi qu'avec celles plus an- ciennes de Fontana. SUR Z'IDENTITÉ DE LA DIASTASE CHEZ LES DIFFÉRENTS ÊTRES VIVANTS, par M. Em. BourRQuELoT. Le mot diastase étant devenu dans ces derniers temps pour quelques physiologistes un terme général, remplacant les expressions ferment so- luble, zymase de Béchamp, ou euzyme des allemands, je dois dire que je lui ai conservé ici sa signification primitive, et que j'entends par diastase ou ferment diastasique, toute substance fermentaire possédant entre autres propriétés celle de saecharifier l'empois d’amidon On doit à Baranetsky (4) une étude approfondie des ferments diasta- siques extraits par lui de différents végétaux. De ses recherches, il ressort que tous ces ferments sont vraisemblablement identiques (2). Mais les observations de Baranetsky se sont bornées aux organes des plantes, en sorte qu'il reste à savoir si la diastase qu’on rencontre dans la salive ou le suc pancréatique des animaux supérieurs est identique à celle qui est secrétée par le foie d’un grand nombre d’invertébrés (3) et si ces deux iastases sont elles-mêmes identiques à la diastase végétale. La question comporte deux ordres de recherches. On sait que parmi les ferments solubles, quelques-uns exercent leur activité fermentaire sur plusieurs composés organiques. L'émulsion par eux jouit de Ia pro- priété de dédoubler plusieurs glucosides, tels que l’'amygdaline, la sa- licine, ete. D’autres, au contraire, n’agissent que sur un seul compose : ainsi l’invertine n’exerce d’action fermentaire que sur le sucre de canne qu'elle dédouble en glucose et en lévulose. Il y à donc en premier lieu à examiner si les ferments diastasiques de source différente exercent leur action fermentaire sur les mêmes composés. Pour tous les physiologistes, la diastase de l'orge germé et la diastase de la salive déterminent la saccharification de l’empois, du glycogène, et de certaines dextrines, mais pour quelques uns elles possèdent encore d'autres propriétés particulières à chacune d'elles. (1) BaraxersxY. Die Stærkeumbildenden Fermente in den Pflanzen. Leip- sig, 1878. (2) p. 39. (3) Voir pour les Céphalopodes : Em, Bourquelot, Recherche sur les phéno- mènés de la digestion chez les Mollusques Céphalopodes. Thèse pour le doctorat ès sciences, p. 29 el suiv. 1884. + de SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Ainsi d'apres Stædeler (4) la diastase de la salive humaine pourrait dédoubler la salicine en glucose et alcool salicylique. Cette propriété en ferait un ferment tout à fait distinct de la diastase de l’orge germé qui ne la possède pas. D'après Charles Richet (2) la salive de l’homme; d’après Graham (3), la diastase de l'orge germé pourrait dédoubler le sucre de canne. L'étude de la diastase du foie des céphalopodes m'a montré que ce ferment n'avait d'action ni sur la salicine, ni sur le sucre de canne. Elle n'est pourtant pas différente des diastases dont il vient d'être question. Si en effet, on examine de près les conditions dans lesquelles ont été faites les observations des expérimentateurs qui précèdent, observations qu'on a toute raison de croire exactes, on verra qu'il est impossible d'en conelure que l’un ou l’autre des ferments diastasiques considérés par eux puisse exercer d'action sur la salicine ou le sucre de canne. Relativement à ce dernier, si l’on prend de la salive fraiche, si on la filtre rapidement au travers de l'appareil Klebs et Tiugel, si on l’addi- tionne d'une solution de sucre de canne stérilisée, en prenant soin de rester toujours, à l'abri des germes de l'air, on constate qu’on peut con- server indéfiniment le mélange, sans qu'il se produise d’interversion. Cette même salive essayée sur l’empois d’amidon le saccharifie rapide- ment. Elle renferme donc de la diaslase qui n’agit pas sur le sucre de canne. Mais qu'on prenne de la salive sans précaution, qu'on abandonne à l'air; cette salive peut acquérir la propriété inversive. Elle se peuple de champignons inférieurs, et c'est l’'invertine séerétée par ces microphytes qui est la cause déterminante de l’interversion du sucre et non la dias- lase de la salive. On concoit même que chez certains individus la bouche soit le siège d’un développement de champignons secréteurs d'invertine, dans lequel cas leur salive est directement inversive. Même remarque à l'égard de lopinion de Graham. Ce n'est pas la diastase de l'orge qui produit l’'interversion, c'est l'invertine sécrétée par certaines moisissures qui végètent sur l'orge pendant la germination. M n'est pas nécessaire, en effet, d’être profond observateur pour décou- vrir sur l'orge germé et en particulier sur les grains cassés des fructifi- cations de Penicillium glaucum, et ce champignon séerète de l'in- vertine (4). (4) Sragpezer. Kleinere Mittheilungen über die Wirkung des menschlichen Speichels auf Glucoside (J. f. pract. Chemie, t. LXXII, p 250. (2) Du suc gastrique chez l'homme et les animaux. Thèse pour le doctorat es sciences, p. 116, note. 1878, Paris. (3) Gramam. Chimie de la panification. Trad. de l'anglais, 4882, A VITE, p. 67, 1883, p. 31. (4) Duczaux. Microbiologie, p.196. SÉANCE DU 931 JANVIER. = (214 D'ailleurs si au lieu d'employer la macération de malt on sépare par plusieurs précipitations à l'alcool, la diastase, on constate que celle-ci n’a plus d'action sur le sucre de canne. Ou bien l’invertine est restée dans les eaux sucrées, ou plutôt elle à été détruite par le traitement alcoolique (£). Quant au dédoublement de la salicine par la salive humaine, je ne l'ai jamais observé. S'il existe, il faut donc le considérer comme accidentel, sans rapport avec la diastase, mais produit sans doute aussi par les infi- niment petits. En résumé la diastase des céphalopodes, celle de la salive et celle du malt n'exercent d'action fermentaire que sur l’empois, le glycogène et certaines dextrines. C’est déjà là un argument important en faveur de la thèse que je veux établir, à savoir qu'il nv a qu'un seul ferment diastasique chez les êtres vivants. Mais ce n’est pas tout. Lorsque la diastase agit sur l’amidon, il se pro- duit un travail fermentaire particulier consistant dans la transformation de l’amidon en maltose et dextrines. Ce travail est-il le même pour cha- cun des ferments diastasiques considérés; c’est la question que je vais examiner. Il ne peut être ici question d’un travail exécuté par des quantités égales de ces différents ferments. Ceux-ci n’ont jamais été isolés à l’état de pu- reté. La solution du problème serait donc impossible, si la diastase ne possédait une propriété très curieuse que je vais essayer de mettre en relief par une comparaison. Supposons une colonie d'ouvriers chargée de construire un mur avec une quantité de matériaux déterminée. Si la colonie est nombreuse, le temps favorable, le mur sera construit rapidement. S'il y a peu d'ou- vriers, la construction sera lente, mais le’ mur n’en sera pas moins construit. De mème, étant donnés deux poids égaux d’empois, si on les traite chacun par des proportions différentes d’une mème diastase, le travail fermentaire s'effectuera plus ou moins vite; mais il s'achèvera dans les deux cas. Cette comparaison n’est pas juste au point de vue absolu; mais elle l’est dans des limites suffisantes pour les besoins de mes recherches, limites que je vais d’ailleurs préciser après avoir indiqué ce que j'entends par pouvoir réducteur. Prenons À gr. d’amidon, et supposons que cet amidon totalement transformé en glucose réduise un poids de liqueur de Fehling égal à 100. Ce gramme d’amidon transformé d'abord en empois, puis traité par la diastase pendant un temps donné, ne réduira qu'un poids inférieur de (4) Mayer. Enzymologie, 1882, Voir Journ. de Ph. et de Ch., t. VILL, p. 67, 1883. LA #2, RE Es re Le n 76 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. liqueur. C’est le chiffre exprimant ce poids que j'appellerai le pouvoir réducteur présenté par la substance fermentescible au moment de l’essar. Cette notion établie, voici ce qu'on remarque dans l’action diastasique sur l’empois, lorsqu'on fait varier la durée de l’action, les proportions de ferment, ou la température. 1° Le pouvoir réducteur atteint rapidement un chiffre qui n’est dépassé ensuite qu'avec une extrème lenteur; en sorte qu'on peut considérer ce chiffre comme un maximum représentant le travail fermentaire achevé. 2° Les proportions de ferment, si on ne les fait pas varier extrême- ment, n'ont pas d'influence sur la valeur finale de ce pouvoir réducteur. 3° Pourvu que la température ne dépasse pas 50° et soit supérieure à 10°, elle n’a pas non plus d'influence sur cette valeur finale. On voit en définitif, qu'on peut, en ne perdant pas de vue ces trois pro- positions se mettre dans des conditions telles que la comparaison soit juste, et, par conséquent, comparer le travail fermentaire exécuté par des proportions variables de ferment. Or, en examinant dans ce sens l’action de la diastase des céphalopodes sur l’amidon, les dextrines ou le glycogène, on trouve que les pouvoirs réducteurs acquis par ces hydrates de carbone sont exprimés par les mémes chiffres que lorsqu'on emploie la diastase de la salive ou celle du malt. : Nous avons donc encore ici une preuve manifeste que tous ces fer- ments diastasiques considérés jusqu'à présent comme pouvant présenter des propriétés particulières à chacun sont identiques. La diastase est donc un de ces agents chimiques qui, déterminant des phénomènes nécessaires à l'entretien de la vie, se retrouvent identiques chez tous les êtres vivants. Le gérant : G. Masson: Paris. — Imprimerie G. Roucier er Cie, rue Cassette, !. . i 11 SEANCE DU 7 FÉVRIER [885 Dr V. Garxppe : Densité relative des dents du maxïllaire supérieur et du maxillaire inférieur. — F. Tourneux et G. HerRMANY : Développement de l'extrémité inférieure de la moelle épinière, et vestiges de cette extrémité persistant au niveau du coc- cyx pendant toute la période fœtale chez l'homme. — Auc. CHARPENTIER : Remar- ques et expériences sur l’anesthésie de la fermentation et de la germination par la cocaïne. — |Cu.-E, Quinquaun : Désoxygénation du sang chez l'animal vivant, transformation de l'hémoglobine en méthémoglobine. — DucLaux : Valeur alimen- taire de diverses substances pour l’aspergillus niger. — DeGaAGny : Nouvelles obser- vations sur la fécondation chez les végétaux. — Rapureau : Observation sur la communication précédente. — Cu. FÉRÉ : Troubles trophiques du bassin consécu- tifs à l’amputation du membre inférieur. — Cu. Ricuer : La calorimétrie. — Paur Bert : Régénération des nerfs pneumogastriques. Présidence de M. Paul Bert. NOTE SUR LA DENSITÉ RELATIVE DES DENTS DU MAXILLAIRE SUPÉRIEUR ET DU MAXILLAIRE INFÉRIEUR, par le D' V. GALIPPE. (Communication de la séance du 31 janvier.) Il nous reste maintenant à constater si les idées que nous venons d'exposer sont conformes ou non aux données de la clinique. Dans le cours de nos recherches, nous avons établi un fait qui nous parait être d’une grande importance, c’est le suivant : La densité moyenne générale des dents du maxillaire supérieur est plus considérable que la densité moyenne des dents du maxillaire inférieur. Toutefois si au lieu de comparer la densité de’toute la série des dents appartenant à un maxillaire, on prend par exemple la densité des inei- sives centrales ou latérales supérieures et qu'on les compare avec leurs homologues du maxillaire inférieur, on trouvera la densité tantôt supé- rieure, tantôt inférieure. En effet, si nous comparons la densité moyenne des dents supérieures à la densité moyenne des dents inférieures de toutes les bouches que nous avons eu l’occasion d'examiner, nous trouvons : Densité moyenne des dents supérieures — 2.1 » » inférieures \—02:1075 Bien qu'un fait positif puisse se passer d'interprétation ou d'explica- BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8€ SÉRIE, T. Îl, N° 5. 18 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. tion, nous pensons néanmoins pouvoir exposer les observations sui- vantes : si l’on considère ce qui se passe dans l’acte de la mastication, on voit que le maxillaïre inférieur mobile vient à la fois frapper et presser le maxillaire supérieur immobile et faisant partie intégrante de la base du crâne. On peut comparer le maxillaire inférieur à un marteau et le supérieur à-une enclume. Le maxillaire inférieur vient frapper le maxil- laire supérieur avec une force proportionnelle à l'énergie des muscles masticateurs. Si violents, si instantanés que soient le choc ou la pression exercés sur le maxillaire supérieur, le maxillaire inférieur, grâce à l’élas- licité des muscles élévateurs, tend à revenir à son point de départ, et, dans tous les cas, l'effort exercé ne conserve pas son intensité d’une facon permanente ; le maxillaire supérieur au contraire en raison de sa fiuité, subit ces chocs d’une facon intégrale; il en résulte que si la résistance des dents qu'il porte était moindre ou seulement égale à celle des dents du maxillaire inférieur, au lieu de l'emporter sur celles-ci, elles ne pourraient supporter les fatigues auxquelles elles sont soumises. Telle est, croyons-nous, la manière la plus simple d'expliquer la pré- dominance des dents supérieures sur les dents inférieures. On serait tenté de conclure à première vue de ce fait, que si le coe/fi- cient de résistance des dents du maxillaire supérieur l'emporte sur le coef- ficient des dents inférieures, ces dernières doivent se carier plus facile- ment que les premières. J1 appartenait à l'observation clinique de répondre à cette question. Or, pour nous éclairer, nous possédons un document d'une valeur imcon- testable, c'est le mémoire publié de 1866, par notre collègue et ami M. le D: Magitot, sur la carie dentaire, mémoire devenu classique dans le monde entier. Il nous à paru intéressant à vingt ans de distance de comparer nos résultats à ceux obtenus par M. Magitot, en dehors des idées qui nous guident aujourd’hui. M. Magitot a dressé un tableau de la répartition de la carie dentaire suivant les diverses espèces de dents, sur 10.000 caries relevées. Bien que nous ne sachions pas à combien d'individus observés ces caries cor- respondent, ce document ne nous présente pas moins toutes les garanties désirables pour établir une comparaison. Or, pour le point particulier que nous traitons actuellement, nous voyons que sur 10.000 dents cariées, 6.004 appartenaient à la mâchoire supérieure et 3,996 à l’inférieure, exception faite pour la première et la deuxième grosse molaire qui se carieraient plus fréquemment à la mâchoire supérieure qu'à l'inférieure. Comme on le voit, la différence est énorme et infirme eñ apparence les résultats que nous avons exposés plus haut. L’explication de ce fait est assez complexe et mérite de noùs arrêter quelques instants. Bien que nous nous réservions de faire une étude spé- SÉANCE DU 1 FÉVRIER. 79 ciale de l’étiologie de la carie dentaire, nous ne pouvons cependant pas passer sous silence une des causes qui agissent le plus efficacement sur le développement de la carie. Nous voulons parler d’abord des fermenta- tions locales qui se font soit au niveau du collet des dents, soit entre les dents, dans les espaces libres, limités par leurs faces latérales et ensuite du rôle joué par la salive normale, de réaction neutre ou alcaline et par la salive morbide, c'est-à-dire, à réaction nettement acide. En raison des lois de la pesanteur la salive s’accumule dans les régions sublinguales de la bouche et vient baigner les dents inférieures. Au contraire, les dents supérieures sont moins abondamment irriguées que les inférieures, il en résulte que suivant une observation déjà an- ciennement faite (Boudet, 1842), alors que la réaction de la salive est neutre ou alcaline au niveau des incisives inférieures, elle est trouvée très fréquemment acide au niveau des incisives supérieures. Les fermentations acides qui se produisent au niveau des dents infé- rieures sont ou neutralisées ou extrêmement diluées par l’afflux incessant de la salive dans les parties déclives de la bouche, de telle sorte que l’action des acides organiques ou ne s'exerce pas ou est réduite à fort peu de chose. Les dents du maxillaire supérieur au contraire présentent des conditions bien plus favorables au développement de ces fermenta- tions locales. Si les conditions de chaleur et d'humidité y sont réalisées, les produits des fermentation ne sont pas à chaque instant balayés par des flots de salive et les acides peuvent exercer plus activement leur action dissol- vante sur l'émail et ouvrir un chemin aux parasites. D'après nos observations les courbures réciproques des deux arcades dentaires ne seraient pas indifférentes, et auraient une certaine influence sur la distribution de la carie, au niveau des grosses molaires inférieures. La salive éprouve des changements de réaction dans des circonstances fréquentes dont toutes ne sont pas également connues et dont quelques- unes même ont été regardées à tort comme indifférentes. Cette question mériterait à elle seule de retenir longtemps notre atten- üon et de faire l’objet d’un chapitre spécial; nous nous contenterons seu- lement ici de quelques indications sommaires. On sait que dans l'immense majorité des cas la fièvre a pour effet de déterminer l'acidité de la salive et que cette acidité généralement propor- tionnelle à l'intensité des accidents fébriles, disparait avec eux. Toutefois la fièvre n’est pas un facteur nécessaire de l'acidité de la salive et certaines affections de la muqueuse pharyngienne ou buccale, très vrai= semblablement d'origine parasitaire déterminent l'acidité de cette sé- crétion. De même le mauvais fonctionnement du tube digestif, alors même qu'il ne s'accompagne pas de fièvre, peut provoquer l'acidité de cette sé- crétion. Dans certaines affections fébriles la salive est tantôt acide, tantôt alca- 80 SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE. line. En 1879, avec la collaboration de mon ami le D' L. Moreau, aujour- d'hui professeur à l'École de médecine d'Alger, j'ai pu constater que dans la variole hémorrhagique ou dans la diphthérie, la salive suivant les malades observés était quelquefois alcaline. Nous avons observé la même irrégularilé dans la fluxion déterminée par la périostite alvéolo-dentaire. Il résulte de ce qui précède que si la salive devient acide, grâce à l’une des influences dont nous venons d’énumérer les principales, les dents supérieures ainsi que les inférieures pourront être altérées, mais dans la majorité des cas, les dents supérieures seront atteintes plus profondé- ment pour les raisons à la fois physiques et chimiques que nous avons indiquées plus haut. Quelquefois l'acidité de la salive est si considérable, qu'il y à une véri- table dissolution des principes minéraux de la dent, si bien que celle-ei peut être aplatie entre les doigts. Cette affection extrèémement doulou- reuse en raison des complications pulpaires qu’elle entraine, a pour ca ractéristique une extrème acidité de la salive, et dans ce cas les dents su- périeures et les dents inférieures sont également atteintes, ces dernières résistant cependant plus longtemps. En présence de ce fait, on se demande si l’on a affaire à un phénomène de dédoublement ayant pour effet de mettre un acide en Liberté, ou d'un phénomène de fermentation; on peut encore se demander si la salive est sécrétée avec cette propriété d’être acide. En effet, malgré l'emploi fré- quent et prolongé de solutions alcalines concentrées, la salive redevient presque aussitôt acide, de sorte qu’en tenant compte de cette neutralisa- tion rapide du sel alcalin, il est délicat d’invoquer un simple phéno- mène de fermentation. D'autre part, nous avons fait l'expérience suivante. Dans la bouche d'un malade atteint d'une acidité très grande de la salive, ayant eu pour résultat la perte de toutes les dents, nous introduisons un corps étranger volumineux, dont l'effet immédiat est de provoquer une salivation très abondante. La salive recueillie dans un récipient fut trouvée alcaline, donc elle était sécrétée avec ses earactères normaux. Peu d’instants après, la bouche du malade était redevenue acide. Mitscherlich, et plus récemment, mon maitre et ami M. le P' Béclard, ont fait des observations analogues sur des malades atteints de fistule du canal de Sténon. Ces observations démontrant que la salive paro- tidienne devient très rapidement acide dans certaines conditions et que néanmoins quand elle est sécrétée avec abondance elle reste alcaline. En effet, chaque fois que la salive parotidienne coulait lentement par la fistule, on constatait son acidité, mais dès qu’elle coulait abondamment sous l'influence de la mastication, elle redevenait alcaline. Il reste dans ces (uestions un point obscur très intéressant à élucider. NET SÉANCE DU 7 FÉVRIER. 81 NOTE SUR LE DÉVELOPPEMENT DE L'EXTRÉMITÉ INFÉRIEURE DE LA MOELLE ÉPINIÈRE, ET SUR DES VESTIGES DE CETTE EXTRÉMITÉ PERSISTANT AU NIVEAU DU COCCYX PENDANT TOUTE LA PÉRIODE FOŒTALE CHEZ L'HOMME, par MM. EF. TouRNEUX ET G. HERRMANN. (Communication de la séance précédente.) Ecker (Zcones physiologicæ Leipzig 1859, IV. Lief. 31. Tafel) et Rosen- berg (Ueber die Entwicklung der Wirbelsæule, ete. Morphologisches Jahr- buch 1876) ont montré que pendant les premiers mois de la vie embryon- paire chez l’homme, le cylindre médullaire s'étend en bas jusqu'à la terminaison des vertèbres caudales et que son extrémité inférieure, se soulevant en arrière, vient se terminer à une faible distance de l'épi- derme. Pour expliquer la situation et les rapports de la moelle chez l'adulte, Les auteurs ont admis qu'une différence de croissance entre la colonne vertébrale et la moelle épinière, faisait remonter cette dernière à l'intérieur du canal vertébral, d'où étirement de son extrémité inférieure dans le filum terminale, et formation de la queue de cheval. Cette expli- cation ne peut évidemment s'appliquer qu'aux régions sacrée et lombaire qui possèdent un canal vertébral ; la portion coccygienne de la moelle embryonnaire subit une évolution toute différente, ainsi que nous avons pu l'observer sur une série de fœtus humains pris à différentes périodes de la vie fœtale. Un embryon & de 3,2/4 centimètres, décomposé en coupes transver- sales sériées, nous apprend tout d'abord qu'au niveau de son extrémité inférieure, la moelle épinière est creusée de plusieurs cavités tapissées par un épithelium prismatique. Le canal central est double ou triple suivant les points envisagés, sans qu'on puisse constater sur nos coupes sériées de ramification descendante ; il semble plutôt que l'extrémité inférieure de la moelle se soit recourbée et pelotonnée comme si elle avait ren- contré un obstacle à son allongement. Chez un fœtus © de 7,5/10,5 centimètres, également décomposé en coupes transversales, la portion coccygienne de la moelle épinière, en contact avec la face postérieure des vertèbres coccygiennes, n'est plus représentée que par un mince cylindre épithélial sans cavité centrale. Par contre, la portion recourbée ou réfléchie de la moelle, qui prolongeant la portion coccygienne se dirige des vertèbres vers la peau, a persisté et semble même avoir augmenté de volume. Chez un fœtus © un peu plus développé de 7,9/10,5 centimètres, décomposé en coupes sagittales, l'allongement de la colonne vertébrale a exagéré la courbure de la moelle épinière, dont l'extrémité caudale décrit maintenant une anse à sommet inférieur. Nous désignerons la branche postérieure de cette anse médullaire, étendue obliquement de bas en haut et d'avant en arrière des dernières vertèbres coceygiennes à la peau sous le nom de vestiges coccygiens de la moelle épinière. La moelle pro- 82 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. prement dite se termine en s’effilant vers la deuxième vertèbre sacrée, mais elle est encore réunie par une traînée épithéliale (portion cocey- gienne de la moelle) au sommet inférieur de l’anse médullaire. Sur un fœtus © de 13,5/20 centimètres (coupes sagittales), nous cons- tatons pour la première fois la disparition complète par atrophie de la portion coceygienne de la moelle épinière. La branche postérieure de l’anse médullaire persiste seule en arrière des deuxième et troisième ver- tèbres coccygiennes. Les tubes qui la composent sont tapissés tantôt par un épithélium prismatique stratifié et tantôt par un épithélium pavimen- teux stratifié: l'épaisseur des parois épithéliales mesure 45 5 en moyenne. La forme variable de l’épithélium des excavations médullaires pour- rait s’expliquer par ce fait que l'extrémité inférieure de la moelle épinière ne s’est point complètement différenciée, et que son épithélium a con- servé par places les caractères du feuillet externe du blastoderme dont il dérive. Chez un fœtus © de 16/23,5 (coupes sagittales), les vestiges coccygiens de la moelle épinière occupent une longeur de 2 millimètres, en regard des troisième et quatrième vertèbres coccygiennes. Comme chez le fœtus précédent, le revêtement épithélial des tubes ou cavités médullaires affecte les deux formes prismatique et pavimenteuse. Sur un fœtus © de 20/31 centimètres, (coupes sagittales), les vestiges étendus directement en arrière de la quatrième vertèbre coccygienne, mesurent une longueur de 1 mill, 3. Sur un fœtus © de 27/38 centimètres les vestiges médullaires, situés en arrière de la dernière vertèbre du coccyx, immédiatement au-dessous des follicules pileux, semblent avoir subi un commencement d’atrophie. Leur longueur n’est plus que de 1 millimètre, et par places la lumière des tubes a disparu par accolement et fusion des parois épithéliales opposées. Enfin sur un fœtus à terme mesurant 29/41 centimètres, les vestiges coccygiens de la moelle sont encore reconnaissables en arrière de la troisième vertèbre du coccyx, dans la couche superficielle du pannicule adipeux sous-cutané, sur une longueur de 1 millimètre. | En résumé la portion de la moelle embryonnaire, en contact avec les vertèbres du coceyx (portion coccygienne), s’atrophie et disparait sur le fœtus de 13,5/20, c’est-à-dire au début du cinquième mois lunaire, tandis que la portion terminale, réfléchie en arrière et en haut, continue à évo- luer jusqu’à la naissance (vestiges coccygiens de la moelle). Nous n'avons pas encore recherché la présence de ces vestiges médullaires chez Pa- dulte, mais on peut supposer qu'ils persistent au moins pendant les pre- mières années qui suivent la naissance. C'est probablement à leur hyper- trophie, combinée à la malformation des dernières vertèbres coccygien- nes, qu'il faut attribuer la plupart des tumeurs sous-coccygiennes connues sous le nom de tumeurs mixtes ou de tératomes, et dans lesquelles on rencontre des épithéliums divers, des nodules cartilagineux, etc. SÉANCE DU 7 FÉVRIER. 83 Nous signalerons à ce propos un épithelioma congénital situé à la pointe du coecyx chez un enfant de cinq ans. Cette tumeur opérée par M. Paquet qui a bien voulu nous en confier l'examen, avait le volume d'une grosse noix ; elle était constituée essentiellement par des conduits dont le revêtement épithélial affectait la forme prismatique stratifiée et rappelait d'une manière frappante la structure des parois du tube médul- laire chez l'embryon. Les fistules congénitales signalées par Terrillon et par Féré (Bull. de la Soc.anat.1818. Essai sur les fistules congénitales de la région lombo-sacrée, Revue de chirurgie 1882.), ne nous paraissent pas devoir se rapporter aux faits que nous venons de mentionner. Elles siègeaient en effet au niveau de la, base du sacrum, à l'extrémité supérieure de la rainure inter-fes- sière, bien plus haut par conséquent que nos vestiges coccygiens. REMARQUES ET EXPÉRIENCES SUR L’ANESTHÉSIE DE LA FERMENTATION ET DE LA GERMINATION PAR LA COCAINE, par LE D' AUG. CHARPENTIER, profes- seur à la Faculté de Nancy. (Commnnication de la séance précédente.) Dans la séance du 17 janvier dernier, M. Regnard et M. Dubois ont élevé contre la conclusion de ma dernière note sur la cocaïne, certaines objections auxquelles les lignes suivantes ont pour but de répondre. Sur le terrain de la fermentation alcoolique, M. Regnard refuse à la cocaïne la qualité d'anesthésique pour deux raisons principales : la pre- mière est la dose trop considérable qui serait nécessaire pour suspendre la vie de la levure; j'ai dit en effet que de faibles doses sont sans action: la solution que j'ai employée avec succès est de 5 p. 100 ; sans doute n'est-ce pas là un minimum, en tout cas l'argument n’est pas plus vala- ble que celui qui consisterait à dire que l’atropine, par exemple, n’est pas un poison pour le lapin parce que la dose qui tue l’homme ne tue pas le lapin. Ce qu'il y a de certain, c’est qu'à la dose de 5 p. 100 le chlorhy- drate de cocaïne suspend toute vie dans la levüre, et cela tant que dure le contact; de plus la levure n'est pas tuée, et reprend sa vie dans une solution convenable. Mais, dit M. Regnard, cette action de la cocaïne, à la dose que vous employez, est la même que celle d’une foule de substances : « à cette dose, tout agit sur la levûre. » Les expériences suivantes montrent au contraire qu'il y a de notables différences dans l’action de substances même assez voisines. J'ai pris trois tubes semblables renfermant la même quantité de li- queur de Mayer (eau, sucre, pepsine, phosphates de soude et de chaux, 84 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. sulfate de magnésie), dans laquelle la levure se développe admirable- ment. Dans l’un j'ai ajouté 5 p. 100 de chlorhydrate de cocaïne, dans un autre 5 p. 100 de chlorhydrate de strychnine (solution faite à chaud), dans le troisième 3 p. 400 de chlorhydrate de morphine. Puis une même quantité de levure, préalablement battue dans de l'eau, a été introduite dans chacun des tubes, et mêlée aux liquides par agitation. Les trois tubes ont été mis dans un même vase que l'on à placé sur le couverele d’un étuve d’Arsonval chauffée à 38 degrés. La température du vase était de 25 degrés environ. Le lendemain, le tube à morphine était en pleine fermentation, et la levure s'était abondamment développée. Le tube à cocaïne était tout à fait clair, la levure s'était déposée au fond, le liquide ne renfermait que de très rares cellules isolées. Le tube à strychnine était légèrement lou- che, mais aucun gaz ne se dégageait; son liquide examiné au micros- cope montrait beaucoup de vibrioniens, mais pas de cellules de levure. La réaction si sensible du bichromate de potasse et de l’acide sulfurique dé- celait à peine une trace d'alcool. Ainsi, des deux substances comparées à la cocaïne, l’une au moins, la morphine, s’est montrée sans action notable. Quant à l’autre, elle à em- pêché la fermentation, en apparence comme la cocaïne. Mais a-t-elle simplement suspendu la vie de la levure, ou bien l’a-t-elle tuée ? Pour le savoir, j'ai décanté soigneusement, à l'aide d’un petit siphon, tout le liquide du tube à strychnine, la levure seule restant au fond; j'y ai introduit en abondance une nouvelle solution sucrée et pepsinée, et jai replacé le tube sur l’étuve; il n'y a eu ni fermentation alcoolique, ni dé- veloppement de levure. La strychnine a donc aboli la vie de cette der- nière. Quant à la cocaïne, elle l’a seulement anesthésiée, pour me servir de l'expression de Claude Bernard ; en effet, le tube à cocaïne soumis aux mêmes opérations que le précédent, a montré une fermentation intense etun abondant développement de levure dans la nouvelle solution. I y a plus: la cocaïne, à une dose double (10 p. 100), ne tue pas encore la levure, qui reprend son développement au bout d’un certain temps après avoir été placée dans une nouvelle solution pure et stérilisée. Il m'est donc difficile d'accepter les vues de M. Regnard, au moins sous la forme où elles ont été présentées. La cocaïne anesthésie la levure comme elle anesthésie tout ce qu’elle touche, nerf sensitif, nerf moteur, muscle, cervéau, bulbe, moelle, ete. Il faut évidemment pour cela une certaine dose, mais qui ne semble pas exagérée. Maintenant, la cocaïne agit-elle identiquement de la même facon que les autres anesthésiques ? C’est là un point que je n'ai pas examiné, mais qui ne me paraît pas plus probable qu'à M. Regnard, et pour lequel les expériences de M. Dubois semblent indiquer d’ailleurs une solution né- gative, ob di AE SÉANCE DU 7 FÉVRIER. 85 Mais M. Dubois me semble aller trop loin quand il arguë de ces expé- riences pour refuser à la cocaïne toute action anesthésique (disons, si l'on veut, suspensive) sur la germination. Pour cet auteur, il n'y aurait d'anesthésiques que parmi les liquides organiques. Nous nous permettrons cependant de lui rappeler un anes- thésique qui ne figure pas dans ces derniers, le protoxyde d'azote, bien connu dans le laboratoire de la Sorbonne. Quant aux alcaloïdes, faut- il, comme le veut M. Dubois, les ranger tous en bloc dans un groupe à part, et les séparer complètement des anesthésiques ? Ge serait mécon- naître singulièrement les différences considérables qui séparent des subs- tances physiologiquement aussi disparates que la strychnine et la cura- rine, que la morphine et la digitaline; ce serait méconnaitre aussi les affinités non douteuses qui existent, par exemple, entre les propriétés physiologiques de la morphine et celles du chloroforme. I n'ya pas de groupes dans la nature, moins pour les poisons que pour toute autre chose. Chacun d'eux produit, indépendamment de son ac- tion principale, une évolution toxique particulière et des actions secon- daires plus ou moins nombreuses et intenses, comme l’a bien montrémon maitre M. Vulpian. De plus, l’action physiologique des substances toxi- ques n’est pas le moins du monde parallèle et leur fonction chimique, au moins telle qu'on connait actuellement cette dernière. Aussi n’accep- terons-nous pas @ priori la classification de M. Dubois, qui refuse à la cocaïne la qualité d'anesthésique parce qu’elle est un alcaloïde. Quant à l’objection que cet auteur dirige contre nos expériences en particulier, elie ne peut se soutenir devant le fait que M. Dubois a expé- rimenté avec des solutions à 4 p. 100, tandis que j'ai dit avoir obtenu la suspension de la germination seulement avec uue dose de 5 p. 100 de chlorhydrate de cocaïne. Ce ne sont pas là des conditions comparables. Je reviendrai du reste ultérieurement sur cette question de l’anesthésie des graines. En somme, ma conclusion reste intacte : la cocaïne suspend la vie de la levure, de la graine, comme elle suspend l’activité de tous les éléments avec lesquels elle est en contact (au moins dans les limites de mes expé- riences). Elle est donc anesthésique, au sens'où l’entendait Claude Ber- nard. La cocaïne est un anesthésique spécial (1), et les expériences de M. Regnard et M. Dubois feront sans doute la lumière sur son mode intime d'action, mais je persiste à croire que c’est bien un anesthésique. (1) Les sels de cocaïne fabriqués jusqu'ici sont-ils bien des substances chimi- quement pures? C'est ce qui est douteux (voir les notes communiquées par M. Laborde), et peut-être y a-t-il là la raison de certaines divergences. Il est certain que la cocaïne de Merck, que je viens de recevoir, ne ressemble pas à celle de Petit qui a servi jusqu'à présent à mes expériences. 86 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. DÉSOXYGÉNATION DU SANG CHEZ L'ANIMAL VIVANT, TRANSFORMATION DE L'HÉMOGLOBINE EN MÉTHÉMOGLOBINE, par M. Ch. E. Quinquaun.. Notre ïllustre physiologiste, CT. Bernard, avait tenté de résoudre cette question en injectant l’acide pyrogallique dans le sang. Voici ses propres paroles : « L’acide pyrogallique avait donné au sang, au moment où il passait dans le poumon, une couleur noire et une consistance boueuse, mais il n'avait pas pris l'oxygène aux globules. » (Lecons sur les effets des substances toxiques et médicamenteuses, p. 222.) Plus loin p. 293, il ajoute : « ce résultat est intéressant en ce qu'il prouve que l’oxygène que contiennent les globules du sang n'est pas susceptible d’être pris par l'acide pyrogallique. » Personne (C. R. de l’Académie des Sciences, L. 69, 1869, p. 74) démontre que l'acide pyrogallique est un toxique : il émet l’idée que le phosphore tue en s'emparant violemment de l'oxygène du sang : cette idée théorique a besoin, dit-il, d’être confirmée par de nouveaux faits. Dans ce but, il introduit 2 à 4 gr. d'acide pyrogallique dans l’esto- mac d’un chien, et les accidents observés prennent tous les caractères de ceux que cause le phosphore, y compris la dégénéresence graisseuse, « vomissements spumeux bruns, tristesse profonde, tremblement, ventre rétracté pour chercher à dilater plus fortement la poitrine, mort après 50 heures »; mais Personne n'a pas fait d'analyses directes des gaz du sang, etson raisonnement par analogie ne peut pas être considéré comme une démonstration rigoureuse. Nous avons institué des expériences qui montrent la mesure du phénomène. 1" Æxpérience du 25 janvier à 11° 15"; on introduit dans l'estomac d’un chien, de poids moyen, 41#,50 d'acide pyrogallique en solution dans 155° d’eau ordinaire; au préalable on enlève 10“ de sang artériel qui contiennent 3,7 C0? et 2,5 d'oxygène, c'est-à-dire 25 p. 4 la température rectale est de 39°. À 41 45 t. r. 37°,8 ; à 11" 507 vomisse- ments abondants, petites convulsions cloniques dans les membres à 12: 15%; le sang artériel est de couleur brunâtre, sépia et renferme seulement 4%, 85 de CO? et 0®,6 d'oxygène, c’est-à dire 6* pour 4100: d'oxygène; à 12" 30% la température rectale est de 36°, 8; respiration irrégulière, inspiration et expiration saccadées se faisant en 2 ou 3 temps, t. r. 352,1; à 1:52 l'animal succombe: 2 Expérience du 29 janvier faite sur un chien de petite taille, dans l'estomac duquel on introduit, à midi, 15 gr. d'acide pyrogalli- que au 4/5°. Au préalable, on dose les gaz du sang contenus dans 13‘ de sang de l'artère carotide: on trouve 5,7 de CO? et 1°,55 d'oxygène. A 19" 45" l’ex- SÉANCE DU 7 FÉVRIER. 87 traction des gaz du sang donne 3°, 75 de GO? et 0,55 d'oxygène. Lesang offre une couleur sépia et possède une consistance de gélée demi- fluide. 3 Æxpérience du 2 février à 10% 25". On introduit dans l'estomac d'un chien de petite taille 8 gr. d'acide pyrogallique en solution au 1/11 ; à 12" 45% le sang est d'un brun foncé; on extrait les gaz contenus dans 50: de sang, lequel renferme 6°, 3 de CO2 et 1%, 45 d'oxygène, cest-a-dire 9,9 d'oxygène pour 106; 20 minutes après, 49% de sang contien- nent 4%, 35 CO? et un centim. d'oxygène c. à d.2*% d'oxygène seulement pour. °/,. L'animal meurt peu de temps après. 4 Expérience du même jour. On introduit dans l'estomac d’un chien de 42 kil., 20 gr. d'acide pyrogallique; on analyse les gaz du sang avant la mort. 60: de sang renferment 3° de gaz, c'est-à-dire 5 °/0. 5° Lxpérience du 4 février. On introduit dans l'estomac d'un jeure chien 40 gr. d'acide pyrogallique t. r, 39°,7 ; 10" 55% €. r. 39°; à A1 15° tr. 37°: à 14" 30" t. r. 36°,3;: 50° de sang artériel donnent 7*2 de CO? et 0,9, ce. à d. 1,8 oxygène p. °/, ; à 11" 45" convulsions sous forme de tremblements dans les membres. L'extraction des gaz du sang artériel donne les résultats suivants : 60% de sang renferment 7*,7 de GO? et 0,4 d'oxygène, c’est-à-dire 0®,65 d'oxygène p.°/,. Remarque. Le sang se désoxygène donc graduellement à mesure que l'intoxication s’accentue, grâce à l'absorption gastro-intestinale ; toute- fois l'oxygène ne disparait pas complètement, même au moment de la mort. — Notons les phénomènes convulsifs et les respirations irrégulières avec ou sans arrèt lorsqu'on approche du moment de la mort. Mécanisme de désoxyyénation. — Les divers troubles symptomatiques sont dus à une dyscrasie sanguine : le sang prend une couleur sépia, café au lait, lorsqu'il est étendu en couche mince, noirâtre (même dans les artères) lorsqu'on l’examine en couche épaisse ayant la consis- tance d’une gelée demi-molle. La couleur noire se montre dans l'artère 4 à 5 minutes après l'introduction de l'acide pyrogallique dans l'estomac. A ce moment, si on examine le sang au spectroscope, on constate trois bandes d'absorption : deux à la place ordinaire des deux bandes de l'oxyhémoglobine et une troisième dans le rouge ; tous ces caractères dénotent le présence de la méthémoglobine. Pour bien voir cette troisième bande il faut : 1° rétrécir la fente du spectroscope, et faire l'observation sur une solution concentrée par exemple au 1/15%°, au 1/10, on voit très bien la bande d'absorption située dans le rouge; on l’apereoit à peine dans une solution de sang au 1/50. L'acide pyrogallique agit-il sur le sang, dans les vaisseaux, à l'abri du contact de l'air? Dans une intoxication par l'acide pyrogallique, CL. Ber- 83 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. nard trouva les poumons d’un gris noir sale, tandis que le foie, la rate, les reins présentaient la couleur normale; aussi Bernard ajoute : « l'as- pect des organes intérieurs soustraits à l'air prouve suffisamment que l'acide pyrogallique n'agit pas sur le sang dans les vaisseaux à l'abri du contact de l'air, et que ce ne doit être qu’au moment où le sang traverse le poumon et se met en contact avec l'air que cette action se produit. Nous avons prouvé qu'il en est ainsi en mettant au contact de l'acide pyrogallique avec du sang artériel recueilli avee une seringue à l'abri de de l'air. Ce sang n’est devenu noir qu'au moment où l’on a fait entrer de l'air dans le tube. » (Lecons sur les effets des substances toxiques et médicamenteuses, p. 223.) Dans nos expériences les doses ont été 8 à 10 plus fortes que celles qui avaient été imjectées par CL. Bernard et les viscères ont présenté une teinte brunâtre ou grisâtre. De plus, en introduisant dans le vide 30* de sang pris à l’abri de l'air dans l'artère carotide d’un chien, puis en faisant pénétrer dans ce même vide une solution d'acide pyrogallique privée de gaz, le sang devient couleur sépia, offrant les deux bandes ordinaires et la troisième dans le rouge: on peut en conclure que l'acide pyrogal- lique peut agir sur le sang à l'abri du contact de l'air. Oxydations au niveau des tissus. En analysant simultanément le sang de l'artère au niveau de la fémorale et le sang de la veine (ex. la crurale) d’un organe, d'un tissu avant l'intoxication et après l’intoxication, on peut mesurer le degré d’oxydation : ainsi dans une expérience nous trou- vons avant l’'empoisonnement que 15* de sang artériel contiennent 3°,4 d'oxygène et le sang veineux 1%,5; on peut en déduire que 1,9 d’'oxy- gène ont disparu au niveau des capillaires. D'un autre côté les mêmes analyses faites après l’intoxication montrent que le sang artériel ne renferme. plus que 14,2 d'oxygène et le sang veineux 0,7 d'oxygène, c'est-à-dire que 0%,5 d'oxygène ont disparu, c'est-à-dire environ % fois moins qu'à l’état normal : les oxydations se sont done ralenties, au cours de l'intoxication. Les dosages de CO? parlent dans le même sens : voici un chien qui avant l'intoxication exhalait 15,28 de CO? en 6 minutes, tandis qu'il n'en exhale plus, dans le même temps, que 0,57 après l’intoxication. — De plus la température s’abaisse toujours notablement comme le montrent nos expériences. — La capacité respiratoire de sang diminue, soit que l’on opère in vitro, ou sur l'animal vivant. De plus, l'irritabilité neuro-musculaire et la force du muscle n’ont pas diminué au moment de la mort, mais leur diminution après la cessation de la vie est plus rapide qu'à l’état physiologique. Ce travail a été fait au Muséum d'histoire naturelle, dans le Labora- toire de M. le professeur Ch. Rouget, SÉANCE DU 7 FÉVRIER. 89 RECHERCHES SUR LA DESTRUCTION DE L'HÉMOGLOBINE PAR L’ACIDE CARBONIQUE par MM. BROUARDEL et Paul LoYE. Les acides minéraux et organiques détruisent l’'hémoglobine, ainsi qu'on le constate aisément par l'examen au spectroscope. Que l’on emploie l'acide sulfurique ou l'acide tartrique, l'acide phosphorique, l'acide sulfureux, etc., ce résultat est toujours le même : il y a disparition des deux raies de l’hémoglobine. Il nous à paru intéressant de rechercher si l'acide carbonique agit sur celte substance comme les autres acides. Pendant plusieurs jours, nous avons fait passer un courant de gaz carbonique dans le sang, et nous avons constaté une diminution dans la capacité respiratoire du liquide sanguin soumis à cette expérience. Toutefois, cette diminution, quoique toujours constante, n'était pas considérable. Nous avons pensé alors qu'en augmentant la puissance de l’acide carbonique, nous obtiendrions les résultats signalés à propos des acides ordinaires. Nous avions le choix entre trois procédés : ou Lien nous pouvions comprimer à plusieurs atmosphères du gaz carbonique dans du sang ; — ou bien nous pouvions faire distiller de l’acide carbo- nique liquide dans une bouteille contenant du sang : — ou bien nous pouvions employer l'acide carbonique solide et le mettre en contact (sous pression) avec le liquide sur lequel nous voulions expérimenter. Nous avons choisi ce dernier procédé. M. Dueretet a bien voulu nous construire, sur les indications bienveillantes de M. le D' Regnard, une bouteille en fonte munie d'une elef et fermant hermétiquement. Au fond de cette bouteille, nous avons placé un cylindre d'acide carbonique solide ; puis nous avons introduit un volume de sang représentant à peu près la moitié du volume de la bouteille. Après quatre heures de contact, nous avons ouvert la clef et nous avons retiré le sang; celui-ci, tout d’abord spumeux, revint bientôt à l'état liquide et prit une teinte laquée. Sa capacité respiratoire fut trouvée égale à 12,4 pour 100, alors que la capacité respiratoire du sang normal était de 24. Nous avions donc obtenu une destruction de la moitié de l'hémoglobine de ce sang. L'examen spectroscopique décelait encore la présence de l'hémoglo- bine, puisque celle-ci n'avait pas disparu complètement. Et, cependant, il était d’un réel intérêt de démontrer par un second procédé qu'il y avait véritablement eu destruction de la matière colorante du sang. Nous avons alors mélangé quelques gouttes de sang à une certaine quantité d’eau de facon à ce que les deux raies caractéristiques soient apparentes au spectroscope : puis, nous avons introduit une partie de ce liquide avec un cylindre d'acide carbonique dans la bouteille en fonte qui avait servi à l'expérience précédente. Au bout de quatre heures, nous avons retiré 90 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Po mn ARE à 2 MORE un liquide blanchâtre et non plus rosé, qui, examiné au spectroscope, n'a présenté aucune des deux raies d'absorption. Il y avait bien réellement ici destruction complète de l'hémoglobine. Nous avons pris soin, dans ces expériences, de nous assurer que la pression et la température n'étaient pour rien dans les résultats obtenus. Ces expériences, faites avec deux méthodes, nous permettent donc d'affirmer que l'acide c& bonique agit comme les autres acides, et détruit l'hémoglobine du sang. Si sette destruction n'est pas habituellement apparente, cela tient à ce que, sousla pression normale, la puissance acide du gaz carbonique n'est pas assez forte. | Nous avons essayé d'obtenir une confirmation des résultats de nos expériences par la méthode colorimétrique. En prenant comme unité une couche d'un liquide obtenu avec le sang normal épaisse de 1 centi- mètre, nous avons constaté que pour obtenir la même coloration, il fallait diminuer de moitié l'épaisseur de la couche liquide quand il s'agissait du sang traité par l’acide carbonique solide, I y à donc ici inversion des résultats obtenus par la méthode de la capacité respiratoire et par la méthode spectroscopique. Si la moitié de l'hémoglobine à été détruite, nous devrions avoir au colorimètre une épaisseur double pour obtenir la même coloration; nous avons au contraire une épaisseur moitié moindre. La méthode colorimétrique se trouve done ici en défaut; il n'est pas vrai de dire que la quantité d'hémoglobine est toujours en rapport avec la puissance colorante. OBSERVATION DE M. RABUŸEAU À LA SUITE DES COMMUNICATIONS PRÉCÉDENTES. On sait que les carbonates alcalins détruisent l’hémoglobine... Aïnsi les carbonates d’ammonium, de sodium, de potassium, de Lithium, étant administrés à doses trop fortes ou trop prolongées, produisent l’anémie consécutive à l’altération, puis à la disparition d’un certain nombre de globules rouges. Le fait de la destruction de l'hémoglobine n'avait pas été constaté sous l'influence du gaz carbonique qui se trouve constamment en circulation dans le sang. Il s'agit ici de lhanhydride carbonique CO?, lequel est seul connu, l'acide carbonique hypothétique, H?C0#, n'ayant pu être isolé sous la pression atmosphérique ordinaire. Les résultats qui viennent d'être signalés sembleraient faire admettre la formation de l'acide carbonique proprement dit sous de hautes pres- sions. Ou, du moins, en admettant la formation de cet acide sous de fortes SÉANCE DU 7 FÉVRIER. 91 pressions, il s’établirait une corrélation entre les effets des carbonates alcalins et de l'acide carbonique. On aurait par exemple : H?C0*. . . . Carbonate d'hydrogène au acide carbonique pro- prement dit : Na HC0*. . . Bicarbonate de sodium ou carbonate d’hydrcgène et de sodium. Na AO NC Carbonate de sodium. Or, le bicarbonate et le carbonate neutre de sodium détruisent l’'héma- globine. : Il est donc rationnel d'admettre que, si le gaz carbonique détruit égale- ment cette substance sous des pressions très élevées, c'est que ce gaz fixe, sous ces fortes pressions, une molécule d’eau H?0, et se transforme en acide carbonique vrai. CO? + H?0— H?C0*. SUR LA VALEUR ALIMENTAIRE DE DIVERSES SUBSTANCES POUR L'ASPERGILLUS NIGER, par M. Ducraux. Les connaissances que nous avons sur la valeur relative des diverses matières alimentaires se trouvent à peu près complètement résumées dans la division classique qu'on en a faite en aliments albuminoïdes ou plastiques, et en aliments respiratoires, qu'on subdivise à leur tour en aliments gras, amylacés et sucrés. Cette classification est à la fois incomplète el grossière. Incomplète, en ce qu'elle ne fait aucune place pour l'alcool, les acides organiques et les autres composés hydrocarbonés qu'une expérience séculaire doit nous faire considérer comme alimentaires. Grossière, en ce qu'elle met au mème rang des matériaux de valeur évidemment fort diverse, par exemple, le sucre de lait et le sucre ordinaire. Il faudrait, pour arriver à un classement plus précis, suivre les ali- ments dans les transformations qu'ils subissent dans l’organisme jusqu'au moment où ils arrivent à ce milieu intérieur nutritif qui les présente à l’état utilisable: Il faudrait rechercher si ces transformations sont plus ou moins faciles, et dans le cas où elles aboutiraient à des termes différents, si leurs produits ont la même valeur alimentaire pour les cel- lules qui s’en nourrissent. On voit sans peine la difficulté de cette étude, et pourquoi elle est seu- . lement ébauchée. Nous n’en possédons que des fragments épars. Nous ne savons mênie pas ce qui se passe dans le canal intestinal, car au delà de 99 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. lestomac, et parfois dans l'estomac lui-même, les matières sont tellemen modifiées par la présence des microbes que nous ignorons le plus souvent sous quelles formes elles sont absorbées. J'ai essayé de mettre plus directement l'aliment en contact avec les cellules qu’il doit nourrir en m'adressant au monde des microbes, qu'on peut faire vivre à l’état pur en présence de matériaux nutritifs divers. Il me fallait pour cela une espèce polyphage. J'ai choisi l’aspergillus niger de M. Raulin, à cause de la facilité avec laquelle on l’obtient et on le conserve pur, à l’aide du liquide nutritif recommandé par ce savant dans un travail devenu classique. Dans ce liquide, tout est minéral, et le seul aliment organique est le sucre candi. Quand ce sucre est présent, la plante pousse avec une fécon- dité merveilleuse. Cherchons si elle pousse aussi bien avec un autre sucre ou, plus généralement, avec un autre aliment hydrocarboné. L'expérience montre qu'avec le sucre de lait, la mannite, la germina- tion des spores ensemencées, si rapide et si régulière avec le sucre candi, demeure rudimentaire. Les tubes mycéliens restent grèles et courts. Au lieu de former un feutrage épais couvert d’une forêt de tubes sporifères, ils forment dans les cas les plus favorables des îlots séparés où les fructi- fications sont rares ou absentes. En somme, au moins pour cette phase de la végétation, ils ne sont nullement l'équivalent du sucre candi. Mais faisons pousser, à l’aide du sucre candi, une végétation abondante et active, et alors remplacons ce sucre par de la lactose ou de la mannite. Nous verrons l'aspergillus utiliser ces matériaux, les brûler, avec plus de peine il est vrai que Île sucre, mais en faisant passer leur procès de combustion par les mêmes termes intermédiaires, dont le plus intéressant est l’acide oxalique. Pendant ce temps la plante vit, augmente de poids, arrive à fructification si elle n'y était pas arrivée, bref, a l’air de pouvoir vivre aux dépens des aliments qu'on lui a offerts. Donc, si la lactose et la mannite ne sont pas des aliments de construction des tissus jeunes, ils sont des aliments d'entretien de la plante adulte. Cherchons maintenant comment se comportent les matières amylacées. Essayons de faire pousser des spores d’aspergillus à la surface d’un liquide dans lequel nous avons remplacé le sucre par de l’empois d’ami- don. La culture réussit mieux que sur le sucre de lait. La plante pousse péniblement tout d'abord. Elle risque fort, pendant ces débuts difficiles, d’être envahie, troublée dans son évolution, et finalement écrasée par une espèce, en moyenne beaucoup plus vivace et moins délicate, Le peni- cillium glaucum. Mais peu à peu, l’aspergillus, s'il reste pur, étend et épaissit son mycélium et finit par donner une végétation aussi belle que dans le sucre. Le secret de ses hésitations du début est celui-ci. Il ne sécrète pas normalement la diastase qui peut lui permettre de liquéfier l’'empois, et de s'en faire un maltose alimentaire. Il ne la sécrête que lorsqu'il a pu commencer par un moyen ‘quelconque une alimentation = SÉANCE DU 7 FÉVRIER. 93 amylacée, en vertu de ces relations singulières entre le mode d’alimen- tation et la nature des diastases sécrétées que j'ai signalées le premier, je crois. Il vit donc, tout d’abord, à l’aide des petites quantités de sucre que tout empois contient, arrive peu à peu à sécréter de la diastase voulue et à liquéfier son substratum. Une fois cela fait, il y vit à peu près comme dans du sucre. Si on facilite ses premiers pas en lui donnant à consommer de l’empois additionné d’une petite quantité de sucre, il con- somme d’abord et surtout ce dernier, liquéfie l’amidon pendant ce temps, et le consomme ensuite. Il peut donc se développer et vivre aux dépens de ce corps, mais il préfère le sucre. Il préfère aussi l’amidon cuit à l’amidon cru, en présence duquel ses spores restent inertes, mais qu'il détruit et utilise quand il est en plein développement. Au bout de 24 heures, les globules d’amidon sont étoilés par des stries et des sillons partant du hile, puis ils se corrodent par places, se divisent en fragments irréguliers et finissent par disparaitre. On trouve dans le liquide du sucre réduisant la liqueur de Fehling. Le mode et les produits d'attaque sont les mêmes que dans la digestion chez les granivores. Comme l’amidon cuit, l’amidon cru est done à la rigueur un aliment d'entretien, pas un aliment de croissance. Il en est de même pour les composés hydrocarbonés tels que l'alcool, l'acide lactique, l'acide acétique, la glycérine, l'acide tartrique. Avec ceux dont la molécule est la plus simple, tels que l'alcool, l’acide acétique, la plante refuse absolument dé pousser, mais elle peut les brüler, toujours avec production intérimaire d'acide oxalique, quand elle est à l’état adulte. Avec les composés plus complexes, tels que les acides tartrique, citrique, la spore pousse, subit même son évolution complète et la plante arrive à fructification, mais péniblement, et en donnant fréquemment des formes avortées. En somme, aucun de ces aliments ne vaut le sucre. Il ne se valent pas non plus entre eux. Quand on lui offre un mélange, la plante va d’abord à l'aliment qui lui convient le mieux et ne passe à l’autre que lorsque le premier se fait rare ou manque. Elle indique donc elle-même ses préférences. Ainsi qu'on lui donne à consommer de l'acide acétique mélangé à de l'acide lactique, tartrique ou butyrique, elle com- mencera par l'acide acétique, du moins pour des doses faibles de ces acides. Il y à en effet ici une question de doses beaucoup plus étroite pour les substances acides que pour les corps neutres. L’acide acétique, par exemple, est respecté à la dose de 1, 5 p. 100 mais est brülé et utilisé à des doses inférieures. L’acide butyrique est toxique à la dose de 1 p.100, mais au-dessous il est consommé. L’acide tartrique peut être supporté et consommé à des doses beaucoup plus élevées, atteignant 12 à 15 p. 100. Ce n'est donc pas seulement une question d’acidité du milieu, mais aussi de nature de l’acide, ét de même qu’il y a des doses mortelles ou toxiques, 94 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. me il y a aussi des doses alimentaires, toujours plus faibles que les pre- mières. Aliment et poison de sont donc pas ici des termes opposés et con- tradictoires. NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LA FÉCONDATION CHEZ LES VÉGÉTAUX, par M. DEGAGNy, présentées par M. MALASSEZ. La substance pollinique. Étudiée comme le noyau secondaire, dans des conditions favorables elle offre les notions nouvelles qui suivent : Arrivée sur l’ovule, c’est une substance protoplasmique, hyaline, sans granulation, ni différenciation intérieure, progressant comme les amides, en se nourrissant, par affinité et cohésion avec les portions voi- sines, et les matières cellulaires avec lesquelles elle se combine plus ou moins, comme le prouve le réactif colorant qui teint légèrement son pourtour. Dans son intérieur elle possède un état moléculaire et une cohésion voisine de celle des liquides, comme le prouvent les ondula- ions dans les boursouflements. Elle possède des propriétés et des qualités ibabnies suivant les endroits où on l’étudie : Du stigmate au micropyle, au sac, aux parois du sac, elle a un pouvoir de dissolution diastasique considérable. Elle ramène tous les éléments vers l’état embryonnaire, à une cohésion précédente dans tout protoplasma, toute différenciation. | Aussitôt arrivée sur les corps protoplasmiques synergidaires, elle acquiert une nouvelle propriété, avec un nouvel aspect et des réactions différentes. À son pouvoir de dissolution il s'ajoute un pouvoir de proli- fération et de segmentation qu'elle communique immédiatement aux deux organes qui fournissent les phénomènes de segmentation de prolifération l’œuf et le noyau secondaire. Les synergides sont non seulement des organes de réception et de direction comme on l’a dit, mais surtout des organes de répartition, de pondération, et d'élaboration destinés à assurer et à mesurer lacte fécondateur. La substance pollinique ne peut jamais y entrer en quantité considérable. Elles forment des poches closes, peu extensibles,.à pres- sion intérieure invariable, et uniforme sur toutes les parois à cause de la poussée exercée dans tous les sens par les vacuoles- qui sont de masses liquides élastiques. Leurs corps protoplasmiques absorbent, tantôt par endosmose, tantôt par mélange direct la substance pollinique qui arrive au contact soit par en haut, soit sur les côtés, Une petite quantité suffit à l'imbibition des deux soit directement, soit par effet mutuel. Is élaborent une substance nouvelle dont on peut suivre les zones de formation et dont les qualités, = SÉANCE DU 7 FÉVRIER. 95 la cohésion, l’état moléculaire, ainsi que l’indique le réactif, sont diffé- rents de ceux de la substance pollinique. Les synergides sont d'autre part dans l'impossibilité d’opposer obsta- cle à la progression de la substance pollinique, qui forme entre elles et la paroi des nappes considérables suivant son abondance. De là, la substance pollinique file vers la paroi, descend le long du sac et forme à sa surface un enduit plus ou moins épais, quelquefois invisible. Elle dissout le nucelle, et prépare la substance avec laquelle la couche endospermique formera l’albumen. L'oosphère. Ses rapports sont indiqués dans la suite de sa croissance depuis les dernières biparütions. À un moment donné, maintenue par la gravitation exercée sur elle par le noyau secondaire, elle prend une position plus centrale. Deux compartiments s’y forment. Le noyau ou œuf est maintenu à égale distance des deux parois dans une position intermédiaire par une membrane (organe filamenteux des Allemands) qui n’est autre chose que son protoplasme, mal nourri, éloigné de tout échange nutritif facile. L'oosphère est toujours plus immédiatement en rapport avec l’une des synergides isolée du noyau du sac et de son protoplasme par le compartiment inférieur. Avant la fécondation, par suite de cet isolement l’œuf se trouve placé dans des conditions de vitalité très précaire, subissant une régression particulière qui amène chez lui une cohésion et un état moléculaire nouveau. Certains corps, reproducteurs d’orga- nismes végétaux, champignons, mucorinées, myxomycètes, algues, ete. subissent aussi, avant la reprise de leur croissance, une période ana- logue de vie latente. Le noyau secondaire. Il est isolé de l’une des synergides par l’œuf, et le compartiment inférieur, il est toujours en rapport immédiat, soit directement soit par son protoplasme avec l’autre synergide. Dans le cas où il arriverait au contact avant la fécondation de l'œuf mis en rapport avec l’autre synergide, soit. lui, soit son protoplasme et, tous les cas se présentent, il subit fatalement par endosmose, ou par mélange direct l’action de la substance élaborée par l’une des synergides. Dans tous les cas l’interposition du compartiment inférieur empêche toujours le contact avec l’oosphère et son action du noyau sur celle-ci : Les antipodes. Après les dernières bipartitions, ces cellules ont conservé des rapports protoplasmiques avec le quatrième noyau infé- rieur (polaire), par conséquent avec le noyau secondaire, après la fusion, rapports qui n'ont fait que se fortifier, les antipodes grossissant très vite. Par leur prompt développement elles ont donc exercé un rôle de nutrition et de direction bien manifeste sur celui-ei en le ramenant dans une position centrale. Concurremment avec l'appareil supérieur elles lui ont fait exécuter ces mouvements alternatifs de va-et-vient, où 96 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. on le trouve à certains moments, suivant les différences d'intensité des échanges nutritifs, tantôt en haut tantôt en bas. Résumé. — Les faits nouveaux acquis dans ces observations sont Les suivants : 1° Notions nouvelles sur le tube et la substance pollinique, ses qualités différentes, ses deux propriétés, avant et après l’action des corps proto- plasmiques synergidaires. 2 Le rôle de pondération et d'élaboration des deux synergides. 3° Les variations d'états moléeluaires et de cohésion des deux proto- plasmes et la formation de la substance fécondatrice. % L'isolement de l’œuf; la formation du compartiment inférieur, ses effets. 5° L'identité d'action de la substance fécondatrice sur les deux orga- nes appelés à proliférer, l’œuf et le noyau secondaire. L'identité d'action de la substance pollinique sur tous les organes dissous. | 6° Le rôle d'équilibre et de nutrition des antipodes. 7° La démonstration expérimentale à l’aide du réactif colorant, de l'unité de cause de tous les phénomènes qui précèdent la reprise de la segmentation de l'œuf; cette unité de cause résidant dans les phéno- mènes moléculaires qui se passent aussi bien dans les protoplasmes mis en présence, et amenés au lieu d’emploi par divers appareils, que dans l’œuf lui-même qui ne se segmentera qu'après avoir acquis un nouvel état moléculaire. NOTE SUR LES TROUBLES TROPHIQUES DU BASSIN CONSÉCUTIFS A L'AMPUTA- TION DU MEMBRE INFÉRIEUR, PAR LE D' CH. FÉRÉ. On connait bien aujourd’hui les déformations du bassin qui se déve loppent en conséquence de lésions congénitales ou infantiles de l'articulation coxo-fémorale : ces déformations très importantes au point de vue de l’obstétrique, s’accompagnent souvent d'un développement défectueux des os considérés isolément. Le fait sur lequel nous voulons appeler l’attention est moins bien connu, croyons-nous. Il s’agit d’une femme de 66 ans morte à la Salpétrière, dans le service de M. Charcot, au mois dejuillet 1883, et qui avait été amputée par Amussat à l’âge de 6 ans. L’amputation avait porté sur la cuisse droite au tiers supérieur. Cette femme a tenté sans succès des appareils prothé- liques, et on peut dire que toute sa vie elle a marché sans se servir de son moignon à l’aide d’une béquille. Nous n’insisterons pas sur l’état des centres nerveux : la moelle qui SÉANCE DU 7 FÉVRIER. 97 En a été étudiée par M. Bernard, présentait les lésions déjà signalées dans ces circonstances. Quant au cerveau, on n’y voyait aucune lésion macros- copique, et la symétrie de la région rolandique supérieure est parfaite, ce qui, soit dit en passant, met en doute une fois de plus l’existence des ‘atrophies secondaires signalée dans ces sortes de cas ; la partie infé- rieure du sillon de Rolando est un peu avancée mais, de 3 millimètres et cette asymétrie est sans signification. L'état du bassin est plus intéressant. À première vue la moitié droite paraît moins développée ; mais en y regardant de près, on voit qu’en réalité les dimensions de la cavité pelvienne ne sont pas modifiées d’une facon très considérable : les diamètres obliques du détroit supérieur sont égaux; la courbe de la ligne innominée est sensiblement la même d’un’ côté et de l’autre;la largeur des deux ailes sacrées est aussi la même. La seule modication qui existe à cet égard, est relative au détroit inférieur Un plan vertical passant par la base du sacrum et la symphyse pubienne laisse toute l'épaisseur de la pointe du coccyx à sa gauche, la ligne des apophyses épineuses du sacrum s’inclinant vers la gauche. Distance ischio-coccygienne à droite à gauche 71 m. 70 L'asymétrie est due à une diminution de volume des os et de leurs diverses parties. On peut se rendre compte des différences qui existent des deux côtés par les quelques mensurations suivantes : Les trous sacrées sont plus larges à droite. Relevons encore le développement proportionnel extrêmement consi- dérable de l’épine pubis du côté gauche. Ce développement s'explique par le rôle nécessairement exagéré qu'ont de jouer les addueteurs de la cuisse restée intacte. Les autres points d’insertions musculaires n’offrent point de ce côté de saillie extraordinaire. La diminution de volume de l'os iliaque droit trahie par les mesures que nous venons de rapporter, est encore mieux mise en lumière par la pesée : il y a en effet une différence de poids de près d’un tiers entre ces deux os : l'os iliaque gauche pesant sec 113 gr., le droit seule- ment 74,5. Ainsi une amputation de cuisse datant de la première enfance peut déterminer des troubles trophiques du bassin du côté correspondant, partie en conséquence du défaut de fonctionnement des muscles qui s’y insérent, partie peut-être, en conséquence de la lésion ascendante des éléments de la moelle qui président à la nutrition du membre inférieur. Mais ces troubles n'amènent qu'une diminution d'épaisseur de los iliaque et dela moitié correspondante du sacrum, et nemodifientpas nota- blement les dimensions du canal pelvien, ce qui existe, au contraire, dans 98 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. les cas d'affection ancienne de la hanche, lorsque les surfaces des arti- culations du bassin et les soudures des épiphyses ont subi une altération profonde. Remarquons enfin que le poids du corps n’a pas déterminé du côté sain la modification de courbures de la ligne innominée que l’on observe dans les autres cas. Cette différence d'épaisseur fait croire à un examen en. que l'aile droite est plus large, quand en réalité il n’en est rien. à droite à gauche Distance de l’épine pubienne à l’épine iliaque anté- rieure et supérieure . . . . - TE 134 Distance du fond de la Huticre de dois à one Alfpubiennes er JUN à sh 9% 90 Distance du fond de ia ie tn psoas à épis iliaque antérieure et supérieure. . . . . 97 97 Distance de l’épine “Hatane à l’angle ou di | DIDIS RE AP AE "eu BATEE LE ST ENS 9% Distance de l’épine name à au sérrne 4 la tubé- rosité ischiatique . . - . 5 49 60 Distance du bord inférieur “ a, ie bte au sommet de la tubérosité ischiatique . + . . . 46 50 Distance du fond de l’échancrure sciatiquefà la partie HUE RS moyenne de la crête iliaque. - . . : ; 89 102 Distance de l’épine iliaque postero- Ce à Des ilaque antérieure et inférieure A0 USE 123 132 Epaisseur de la branche horizontale du bel Éd Ve 10 14 Hauteur de cette branche. . . . . j MERE NA ul 16 Distance du sommet de la oounie oeoute à l'éminencetléo-pechnées tree AMEN NACRE RCE RENDE 74 82 Longueur de la tubérosité ischiatique te 02e 40 60 Epaisseur le Rte RO TO A TN Te 16 26 Diamètre de Ia He CA de D AA NP A RE 42 47 Épaisseur de l'os iliaque à la partie postérieure. . . 21 26 Epaisseur de lderetenaque 20 PER 10 16 Épaisseur de l'os au niveau de l’échancrure. . . . . 15 20 Epaisseur de/l'aile dusacrnm.i. MM IN PTE 25 30 DE LA CALORIMÉTRIE, note DE M. Ch. RicHer. Les discussions n'ayant d'intérêt que lorsqu'elles sont appuyées sur des faits nouveaux, je ne rentrerai pas, n'ayant pas de nouvelles expé- riences à donner, dans le débat qui s’est élevé entre M. d’ SxeenyAl et SÉANCE DU 7 FÉVRIER. 99 moi au sujet de la valeur comparée des calorimètres à siphon ou à manomètre. M. d'Arsonval préfère sa méthode et ses graphiques; il me permettra sans doute de préférer ma méthode et mes graphiques. Je persiste à croire qu’une inscription graphique de chaleur ne peut être absolue quand on ne tient pas compte du poids de l’animal; elle est certainement relative au poids de l'animal. Je persiste à croire, au risque de paraître paradoxal, que l'écoulement de 30 centimètres [cubes d’eau est plus facile à mesurer qu’une pression d’un millimètre d’eau. Laissons cela, puisque aussi bien ce sont les faits qui jugeront, c'est-à- dire l’importance et l'exactitude des résultats obtenus. Je ne voudrais pas cependant que l’on se méprit, comme l’a fait notre excellent confrère, sur le sens de mes paroles relatives au dosage de C0? comparé à la calorimétrie. En séparant une de mes phrases du reste de mon article, M. d'Arsonval à donné à penser que je m'étais attribué l'honneur d’avoir songé le premier à comparer C0? excrété, à la chaleur produite. Heureusement je ne suis pas arrivé à ce degré d’igno- rance ou de présomption. J'ai dit seulement que la comparaison de la fonction respiratoire des animaux de taille différente, avec la chaleur produite par des animaux de taille différente n’avait pas été faite (1). C’est là un rapprochement, intéressant, je crois : ce n’est assurément rien de plus,et je n'en ai parlé que pour donner une démonstration très précise de l'exactitude de mes mensurations calorimétriques. Une autre méprise de M. d’Arsonval, c’est de croire que j'ai pensé à établir un rapport entre la chaleur de combustion du C de CO? et la cha- leur dégagée par l'animal. Je ne m'en suis nullement préoccupé. J'ai dit que, si l’on prend l’excrétion du CO? comme l'indice de l’activité respira- toire d’un animal, comme son coefficient chimique, pour ainsi dire, on à entre lapins, cobayes, pigeons, moineaux, une sorte de hiérarchie, qui peut se traduire par les chiffres 1, 2,3, ete., et que’si l’on prend leur puissance calorimétrique (calculée par rapport à 1 kil. de poids), on a une seconde série hiérarchique entre lapins, cobayes, pigeons, moineaux, qui est absolument parallèle à la première Le coefficient chimique cor- réspondant au coefficient calorique, qu'importe, dans cette comparaison, que les corps qui donnent CO? soient exothermiques ou endothermiques ? Il suffit, ce qui est incontestable d’ailleurs, qu'ils soient pour les divers animaux également exothermiques ou endothermiques. J'ai done, en apportant les chiffres de Regnault et Reiset, et en les comparant à mes résultats de calorimétrie, simplement montré que l’activité chimique des animaux de tailles différentes était parallèle à leur activité calorimétrique. (4) Voy, ma lecon sur le rôle de Lavoisier en physiologie, Revuec sientifique, 1884, &, XXXIV, p. 143. 100 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE SUR LA RÉGÉNÉRATION DES NERFS PNEUMOGASTRIQUES, par M. Pau BERT, M. Philipeaux a, dans une des dernières séances, parlé de la section sucessive des nerfs pneumogastriques. On peut, dit-il, la pratiquer sur des rats à quelques semaines de distance, couper, l’un des pneumogastriques, puis le second, sans compromettre la vie de l'animal. Depuis, M. Deaunis a déclaré que chez le cobaye ni le lapin, la survie n'avait eu lieu, bien que le premier pneumogastrique fût, dans l’un des cas, coupé depuis 542 jours. Le plus curieux, c'est que la régénération nerveuse devait être parfaite, puisque, en excitant le pneumogastrique primitivement coupé, au-dessus de la cicatrice on arrétait le cœur, et au-dessous on arrétait la respiration. Je rapporterai, à titre de contribution à l'étude de cette question, le passage suivant d’un livre que j'ai publié en 1869. « Les nerfs pneumogastriques coupés s’altèrent après la section comme les « autres nerfs, puis se rétablissent dans leurs fonctions normales; on connait « des cas de survie après la section successive, à plusieurs mois de distance, « des deux pneumogastriques. « Nous en possédons un en ce moment. C’est un métis de chacal et de chien, « auquel M. Philipeaux a coupé l’année dernière le pneumogastrique gauche « (l'animal avait alors trois mois). Nous avons coupé l’autre pneumogastrique « cinq mois et demi après; l'animal n’a pas paru souffrir. Deux mois et demi « plus tard, nous isolons le pneumogastrique gauche; son excitation arrête le « cœur et la respiration. Nous le coupons; la respiration n’a pas semblé chan- « ger; il y a de cela un mois aujourd'hui, et l'animal est bien portant, et ne « présente rien du côté de la respiration : il est trop farouche pour qu’on puisse « lui attacher le pneumographe. » (Lecons sur la Physiologie comparée de la respiration, p.446.) Ce métis a survécu. Quelques semaines plus tard, j'ai coupé à nouveau le pneumogastrique droit. Mais cette fois l'animal a succombé avec les phénomènes ordinaires de la mort par section des deux pneumogas- triques. Le gérant : G. Masson. Paris, — Imprimerie G. Rouaier et Cie, rue Cassette, Î. IAE SEANCE DU 14 FÉVRIER 1885 Dr V. Gaurre : Influence du sexe sur le coefficient de résistance et sur Ja fréquence de la carie des dents. — BrouarnEeLz et Paurz Loye : Action physiologique de la thalline, de l'antipyrine et de là kairine. — Dr S. Pozzr : Tracé sphymographique pris en ballon à une hauteur de 2150 mètres. — OrscHeNER DE ConiNex : Contribu- tion à la synthèse des alcaloïdes. — K. Dugois : Action du protoxyde d'azote sur les échéverias. — Bourqueror er Gariprpe : Emploi des filtres en terre poreuse pour la stérilisation à froid des liquides organiques. — Cérébrotome du Dr Gavoy. Présidence de M. d'Arsonval. DE L'INFLUENCE DU SEXE SUR LE COEFFICIENT DE RÉSISTANCE ET SUR LA FRÉQUENCE DE LA CARIE DES DENTS, par le D' V. GALiPPE. (Communication de la séance précédente.) Lorsqu'au début de ce travail nous nous sommes proposé de rechercher si le sexe exercait une influence réelle et appréciable sur le coefficient de résistance des dents, nous nous sommes trouvé en présence de grandes difficultés. En effet, quand nous prenions au hasard un système dentaire ayant appartenu à une femme, nous le trouvions très fréquemment réduit à un très petit nombre de dents, ce qui nous rendait très difficile la détermination de la densité générale; si, d'autre part, nous choisissions des bouches garnies de la presque totalité de leurs dents, nous nous trou- vions évidemment en présence de faits exceptionnels. Toutefois, nos observations, ainsi que les inductions que l'on peut tirer de l'examen du système osseux chez l'homme et chez la femme, nous ont permis de con- clure que d’une facon générale, la densité des dents de la femme est inférieure à celle de l'homme. Hätons-nous d'ajouter toutefois que sur ce point, comme sur beaucoup d’autres, il y a des femmes qui ont des qua- lités masculines et qui nous offrent des éléments de résistance véritable- ment exceptionnels. Mais il est un fait plus rigoureusement établi; c’est le suivant : la gros- sesse a pour effet de diminuer la densité des dents, c’est-à-dire de leur faire perdre une notable proportion de leurs éléments minéraux, en un mot de les rendre plus aptes à la carie. BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8e SÉRIE, TA AIERNCAIOE 102 SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE. Cette observation a été faite depuis très longtemps et si les diverses interprétations qui en ont été données ont été ou erronées ou insufi- santes, le fait en lui-même n'en est pas moins solidement établi. M. Magitot, dans le travail déjà cité par nous, à mis en évidence l'in- fluence prépondérante du sexe sur la fréquence de la carie. Nous avons pu maintes fois constater la réalité de cette influence à l'hôpital de la Clinique d’accouchements et nous convaincre par le seul examen des accouchées, que cette aptitude plus grande de la femme pour la carie dentaire s'accusait de bonne heure et coïncidait souvent avec la puberté, s'accentuant à chaque grossesse, suivant en cela les perturba- tions nutritives imposées à la femme par chacune des grossesses subin- trantes. Cette infériorité dentaire incontestable de la femme apparaît peut-être moins singulière si l’on songe à faire application à la pathogénie de la carie dentaire d’une série de considérations de physiologie normale et pathologique, qui, dominant la pathologie féminine tout entière, semblent donner la raison de la fréquence singulièrement prédominante de certaines affections chez la femme, de la lithiase biliaire par exemple, bien connue pour une maladie féminine. Personne n'ignore la série de considérations humorales (se résumant dans le grand fait de la moindre alcalinité des humeurs de la femme) par lesquelles notre collègue le professeur Ch. Bouchard (1) a cherché à expli- quer, non seulement la plus grande fréquence de la lithiase biliaire chez la femme, mais encore a pu donner la raison de son éclat à la puberté, de son renforcement à chacune des parturitions et de son déclin à la méno- pause. C’est par application de ces mêmes données d'humorisme sexuel, que mon maître et ami L. Landouzy à, dans une lecon faite à la Charité, en 1883, tenté de donner la pathogénie d’une autre affection, le rétrécisse- ment mitral pur, manifestement encore prédominante chez la femme, puisque celle-ci en paraît atteinte trois fois au moins plus communément que l’homme. « Cest, dans la moindre alcalinité des humeurs de la femme, d’une « part — résultat de son éveil ou de son fonctionnement génital, — dans « certaines particularités anatomiques, d'autre part, que M. Landouzy « cherche la pathogénie du rétrécissement mitral pur, de cette maladie « vraiment originale, qui, dans son étiologie, dans son affectation « sexuelle, dans son moment d'apparition, dans son évolution (si influen- « cable par la vie génitale), diffère si complètement des autres maladies « du cœur, de l'insuffisance mitrale, notamment, landis qu'on lui retrouve « tant de traits communs dans l'histoire pathogénique de la lithiase « biliaire. » 4) Maladies par ralentissement de la nutrition, Leçons de la Fa culté, 1879-80. SÉANCE DU A4 FÉVRIER. 103 oo Nous ne voulons retenir de ces enseignements de pathologie générale féminine que ce qui a trait au sujet que nous traitons, savoir : que la femme a «par le fait de son état de femme des humeurs moins alcalines « que l’homme ». Cette moindre alcalinité féminine a sa raison d'être dans deux ordres de facteurs, les uns d'ordre dynamique ou fonctionnel, les autres d’ordre organique où anatomique. Au point de vue dynamique où fonctionnel, la nutrition de la femme est retardée; au joint de vue anatomique ou organique, le sang de l'homme contient plus de globules que le sang de la femme; il en résulte que les humeurs sont plus afcalines chez l’homme que chez la femme. Il était donc intéressant de rechercher si la femme, en raison de cette moindre alcalinité de ses humeurs présentait une aptitude plus grande que l’homme au développement de ce phénomène dont nous ne connais- sons que la résultante, savoir : l’acidité de la salive. Ïl est bien évident que si l’alcalinité de la salive est momdre chez la femme que chez l'homme, cette sécrétion, même sous des influences dont le retentissement ne se ferait pas sentir chez l'homme, pourra éprouver des modifications plus ou moins profondes dont la plus saillante est l'acidité. | L'examen de la salive chez la femme nous donne une preuve de l’exac- titude de cette induction. : En 1879 et 1880, nous avons fait dans le service de M. Depaul, à l’an- cien hôpital des Cliniques, une nombreuse série d'observations sur les réactions de la salive chez les femmes enceintes ou nouvellement aceou- chées, ainsi que chez les nourrices. Il résulte de ces observations qu'en dehors de tout état fébrile, la salive est acide chez cette catégorie de femmes dans la majorité des cas. D'autre part, il ressort d'observations prises comparativement par nous en dehors de cet hôpital, chez des hommes et chez des femmes placés dans des conditions comparables, que la réaction de la salive est moins souvent alealine chez la femme que chez l’homme, et, qu'en revanche, elle est trouvée très fréquemment acide. Quand cette alcalinité existe, elle est souvent si faible qu'elle n’est qu'une ressource insuffisante pour la saturation des acides qui se forment dans la bouche. L'élimination d'acide carbonique est plus considérable chez l'homme que chez la femme. La différence serait surtout marquée à l’époque de la puberté où elle serait presque du double (Andral et Gavarret) [D'autre part, Samson à constaté aussi sur les grands animaux (cheval, bœuf) une exha- lation d'acide carbonique plus considérable chez les mâles que chez les femelles (Beaunis et Bouchard). C'est ainsi que nous pouvons nous expliquer que, chez quelques femmes, des troubles, même non fébriles, de l'appareil utérin, suffisent 101 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. pour provoquer l'acidité de la salive. J'ai eu l'occasion d'observer une femme dont la salive devenait acide pendant la fonction menstruelle, celle-ci s’accompagnant de malaises divers. Bien longtemps avant nous (1836), Donné avait fait une remarque semblable. Outre ces phénomènes locaux, on observe encore pendant la mens- truation que le choc du cœur est plus fort, la respiration accélérée; la quantité d’urée est diminuée. Il en résulte qu’à cette période l’alcalinité des humeurs est moindre. Ce n’est pas seulement dans la fréquente acidité de sa salive que la femme puise un des éléments prédisposant à la carie dentaire. D'une facon générale, ainsi que nous l’avons dit, les dents ont une den- sité inférieure à celle des dents de l’homme, c’est-à-dire qu’elles ren- ferment moins d'éléments minéraux; leur coefficient de résistance est donc inférieur à celui des dents de l’homme. Or, si nous prenons la femme à l’époque de la parturituon, nous ver- rons combien cette infériorité lui est préjudiciable. Bon nombre de femmes restées jusqu'à leur première grossesse avec un nombre restreint de dents cariées, voient, à la suite d’un accouche- ment, une ou plusieurs dents envahies par la carie. Ge fait se renouvelle à chaque grossesse, souvent en s’aggravant. Cest là une observation presque vulgaire. Dans notre état social actuel, la femme n’est guère préparée, par son édu- cation physique antérieure, à la fonction physiologique qu'elle doit rem- plir, et si, d'autre part, des maternités successives, se reproduisant à de courts intervalles, lui sont imposées, des manifestations les plus diverses de sa déchéance physique, ne tardent pas à se manifester. La femme enceinte, qui ne recoit pas, par une alimentation spéciale, les éléments nécessaires à la formation des différents tissus constituant le fœtus et, en particulier, le système osseux, pourra, à la rigueur, suppor- ter une première grossesse; mais si elle est appelée à remplir cette méme fonction plusieurs fois de suite, sans recevoir de soins spéciaux el une alimentation particulière, à force de prendre sur son propre fonds, son économie périclitera et nous verrons apparaitre une série d'accidents, dont nous ne voulons retenir que la carie dentaire qui est la plus fré- quente (1). NOTE! SUR L'ACTION PUYSIOLOGIQUE DE LA THALLINE, DK L'ANTIPYRINE ET DE LA KAIRINE, par MM. BROUARDEL et PAUL LOYE. La thérapeutique allemande vient de nous enrichir d’un nouvel antipyrétique, le tétra-hydro-paraquinanisol, désigné sous le nom de 4) Laboratoire de la Clinique d'accouchements. SÉANCE DU À FÉVRIER. 105 — Thalline. Cette substance, dontil est très difficile de se procurer le moindre échantillon, forme plusieurs sels, le sulfate, le chlorhydrate, le tartrate, qui ont été étudiés par M. Jaksch à Vienne. Dans un certain nombre de maladies fébriles, telles que fièvre typhoïde, pneumonie, fièvre intermit- tente, etc., les sels de thalline ont abaïssé la température de plusieurs degrés au bout de trois ou quatre heures: grâce à ces succès, ils ont pris une place importante dans la médication antithermique. Nous avons examiné les propriétés physiologiques de ce nouveau médicament et nous avons cherché à les comparer à celles des deux autres agents antipyrétiques arrivés d'Allemagne quelque temps avant lui, l’antipyrine et la kairine. I. — Action sur le sang. — Des expériences présentées à la Société de Biologie, dans la séance du 3 mai 1884, nous avaient permis de démon- trer l’action de la kairine sur le sang : cette substance diminue la capacité respiratoire en détruisant l'hémoglobine. Les recherches que nous venons de faire au laboratoire de physiologie de la Sorbonne nous autorisent à croire que la thalline à une influence analogue. Si l’on ajoute à du sang de porc quelques gouttes d'une solution de sulfate de thalline, on voit la couleur rouge disparaitre : le sang prend une teinte brun-chocolat semblable à celle que nous avions remarquée par le mélange avec la kairine. Examine-t-on la capacité respiratoire d’un sang additionné de thalline, on constate qu'elle est tombée à 2.8 alors que celle du sang normal était de 23. Il y a ainsi une destruction presque complète de l'hémoglobine. L'étude spectroscopique confirme ce résultat ; les deux raies Caracté- risques de l’hémoglobine disparaissent peu à peu, tandis qu'il apparaît dans le rouge la bande spéciale signalée par M. Quinquaud pour la kairine. Au contraire, le sang additionné d'une solution d’antipyrine ne diminue nullement sa capacité respiratoire. Il semble même rester plus longtemps rouge que le sang normal au contact de l'air et il se putréfie moins rapidement. [I — Action sur la fermentation. — M. le D' Regnard a bien voulu nous prêter pour cette étude l'appareil dont il se sert pour enregistrer la fermentation de la levure de bière. L'intervention de la kairine nous a donné des résultats à peu près négatifs : la fermentation a suivi sa marche normale. Avec l'antipyrine, nous avons observé un ralentis- sement que nous avons pu rendre encore plus évident par l’augmen- tation des doses. III. — Action sur la germination. — Des graines de cresson alénois humectées d'eau ordinaire ont poussé vigoureusement en quatre jours. D’autres graines mouillées avec une solution d’antipvrine au 1/100 n'ont 406 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE, pas germé dans le même temps: enfin, un troisième lot de graines, humecté d’une solution de kairine au 4/100, a donné après quatre jours de très légères traces de germination. Au bout de huit jours, alors que les graines normales sont en pleine végétation, on constate que celles qui ont été antipyrinisées n'ont pas laissé sortir le moindre germe, et que, parmi les graines kairinisées, quelques-unes seulement montrent leurs radicules. Conclusions. — L'abaissement de température obtenue avec la thalline parait être de la même nature que celui que l’on obtient avec la kairine : il est dû à une destruction de l'hémoglobine du sang. Ces deux substances ont d’ailleurs une parenté chimique qui explique ces analogies. L'une et l’autre doivent être rejetées en thérapeutique. L’antipyrine n'a certainement pas le même mode d'action pour la fermentation et la germination : son influence semble s'exercer direc- tement, d’après ce que nous voyons. Ainsi, alors que l’on peut abaisser promptement la température d'un animal sain en lui administrant de la Kkairine, on n'obtient pas d’action antithermique avec l’antipyrine : il faut, pour que cette dernière amène un abaissement rapide, que l'organisme soit dans un état fébrile parti- culier. Nous avons administré à un petit chien de 2 kilogr. deux grammes d'antipyrine pendant deux jours de suite sans obtenir la moindre dépression thermique : nous n'avons observé que des vomissements. TRACÉ SPHYGMOGRAPHIQUE PRIS EN BALLON A UNE HAUTEUR DE DEUX MILLE CENT CINQUANTE MÈTRES, par le D'S. Pozz, professeur agrégé à la Faculté, chirurgien de Lourcine. Les ascensions en ballon, sont maintenant si multipliées que les phéno- mènes physiologiques produits par le changement brusque de pressions sont aujourd’hui parfaitement connus. Je n'aurais donc pas osé présenter à la Société de Biologie des observations désormais banales. Mais parmi les relations qui ont été publiées, je n’en connais pas qui donne le tracé sphygmographique. C'est ce qui m'a engagé à publier ce document, retrouvé après bien des années, au milieu de vieilles notes. J'ai fait l'ascension à laquelle il se rapporte à Lyon, au moment des sessions del’Association francaise pour l'avancement des sciences,le28 août 1873. Dans la nacellese trouvaient avec moi MM. Poitevin fils l’aéronaute), le D' Henri Coutagne, de Lyon, et le professeur Charles Marüns, de Montpellier. Ce dernier, dans notre décente très périlleuse, s’est luxé le le tendon du muscles jambier postérieur, lésion rare, dont il à fait le sujet d’une communication très intéressante à l’Académie de médecine. SÉANCE DU 1% FÉVRIER. 40 i Partis du Pare de la Tête d'or à 10 heures 57 minutes du matin, nous descendions à 1 heure 5 minutes près du petit lae des Rousses, à côté de la frontière suisse. La hauteur minima marquée par le baromètre à été de 571 millim. C'est au moment où il marquait 572 que le D° Cou- tagne prit le tracé de ma radiale gauche. Poitevin estimait que nous étions alors à environ 2,150 mètres de hauteur. La température était de 17°. Bien que deux de mes compagnons eussent ressenti de forts bourdonnements d'oreilles, je n'en avais été nullement incommodé; j'avais seulement une sensation de chaleur au visage. Mon pouls battait 96 pulsations à la minute. Il y avait une heure un quart que nous avions quitté la terre; nous nous étions très rapidement élevés au-dessus de 1000 mètres, et depuis une heure environ la hauteur du ballon n'avait varié que de # ou 500 mètres. Je puis affirmer que je n'avais aucune émotion. Voici les principales particularités du tracé, comparé à celui qui a été pris, dès le lendemain, à Genève avec le même sphygmographe sur la même artère : Fig. 2. Tracé sphygmographique pris à Genève (Pozzi). Ascension très brusque ; — léger plateau; — descente assez rapide, marquée par un dicrotisme très accusé. Ces particularités sont en rapport avec l’abaissement de la pression artérielle due à la décompression rapide dans les couches supérieures de l'atmosphère. Elles pouvaient êtres prévues à priori, et constituent la contre-partie des intéressantes expériences de Vivenot avec l'air comprimé. Ici, comme dans une expérience de laboratoire, il n'y a eu aucune influence perturbatrice de ce facteur unique, la décompres- sion rapide. C'est ce qui donne à cette observation une valeur bien diffé- rente de celle qu'ont les tracés pris sur le sommet d'une montagne. Le travail musculaire exagéré et la fatigue agissent incontestablement sur le tracé s’il est pris aussitôt l'ascension terminée ; si on ne le prend qu'après plusieurs heures de repos, on doit craindre l'effet de l’accoutu- mance. = SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. CONTRIBUTION A LA SYNTHÈSE DES ALCALOÏDES, par M. OECHSNER DE CONINCK. Les bases de la série pyridique et de la série quinoléique continuent à attirer l'attention du monde savant. En effet, l'étude de leurs produits d'oxydation et d'hydrogénation a fait faire des progrès considérables à la question si importante, à tous les points de vue, des alcaloïdes. Examinons d'abord les produits d'oxydation. Les bases pyridiques et quinoléiques sous l'influence d’oxydants tels que le permanganate de potassium, l’acide chromique, le bichromate de potassium et l'acide sulfurique, fournissent des acides dits carbopyridiques qui sont analo- gues à l’acide benzoïque, à l'acide phtalique, etc. Ces mêmes acides car- bopyridiques prennent naissance, lorsqu'on oxyde, par les mêmes agents les alcaloïdes fixes, la quinine, la cinchonine, ete. Tel a été le premier et principal rapprochement établientre les bases de la série pyridique ou quinoléique et les alcaloïdes. l L'étude des produits d’hydrogénation a fourni des résultats plus re- marquables, car elle à conduit à la découverte de toute une série de corps nouveaux et à la synthèse de l’un des principaux alcaloïdes volatils, la pipéridine. Les bases de la série pyridique peuvent fixer dans des condi- tions particulières, deux ou six atomes d'hydrogène. Les dihydrures pyridiques ont été rencontrés dans les produits de la putréfaction animale par MM. Gautier et Etard. Ces savants ont isolé et décrit notamment une dihydrocollidine, C° H!° Az, qui a été caractérisée par l’analyse, par ses propriétés physiques et chimiques, par ses réac- tions. Les dihydrures pyridiques réduisent avec la plus grande énergie les perchlorures métalliques (perchlorures de fer, d’or, de platine, d’étain, etc.). Ils sont extrêmement instables, leurs sels se décomposent très rapidement ; la moindre influence oxydante les détruit, et il ne faut pas s'étonner s’il a fallu tant de temps et de peine pour les isoler. J'ai réalisé la synthèse d’une dihydrocollidine, en partant de la £ collidine que j'ai découverte dans les huiles de cinchonine (provenant du traitement de cet alcaloïde par la potasse caustique). Je l'ai obtenue par l’action combinée du phosphore rouge et de l'acide iodhydrique sur la base en question: C5 H' Az + H? = C5 H!* Az Elle se rapproche tout à fait par ses propriétés générales de la base de MM. Gautier et Etard; celle-ci bout à 205°, la base de synthèse bout à la méme température; ses propriétés réductrices, l'instabilité de ses sels, sa facile oxydation à l'air, sont très caractéristiques. La préparation de ces SÉANCE DU 1% FÉVRIER. 109 dihydrures artificiels offre des difficultés considérables ; aussi peut-on leur appliquer la même remarque qu'aux dihydrures naturels. Les bases de la série pyridique peuvent également fixer six atomes d'hy- drogène ; les conditions qui président à cette fixation d'hydrogène sont très spéciales et difficiles à réaliser. Les hexahydrures pyridiques se dis- üinguent, par un caractère essentiel, des dihydrures dont il vient d'être parlé, par leur stabilité. Je rappellerai d'abord que la synthèse de la pipéridine a été exécutée par M. Ladenburg en soumettant la pyridine à l’action de l'hydrogène naissant, La réaction très simple, s'exprime par l'équation : COR PAT EPA CHIEN Dans l'espoir de réaliser la synthèse de la cicutine (homologue supé- rieur de la pipéridine), j'ai fait réagir le sodium et l'alcool sur la 8 col- lidine. J’ai rencontré de grandes difficultés dans les nombreux essais que j'ai dû tenter (difficultés principalement dues à la facile polymérisation des bases pyridiques sous l'influence du sodium). Enfin j'ai réussi à fixer six atomes d'hydrogène sur la base et la réaction, CHA Z AH CH AZ m'a fourni un corps présentant la même composition que la cicutine, bouillant vers 175°, et présentant un certain nombre de propriétés chi- miques semblables à celles de la cicutine. Les travaux de MM. Hofmann et Ladenburg ont montré, au moment où j'obtenais ces résultats, que la cicutine doit être l'hexabhydrure d'une collidine particulière différente de la 8 collidine. J'ai donc été amené à considérer l’hexahydrure de cette dernière base comme isomérique avec la cicutine, et je lui ai donné pour cette raison le nom d’isocicutine. Il fallait justifier ce nom par l'étude des propriétés physiologiques : les résultats auxquels nous sommes arrivés M. Bochefontaine et moi, et qui sont exposés dans une note que j'aurai l'honneur de présenter à la So- ciété, montrent que l’isocicutine, sauf quelques différences, agit et tue comme la cicutine elle-même. L'étude des hexahydrures pyridiques a aussi permis d'établir la véri- table composition de la cicutine. L'ancienne formule CFH1°AZz doit être définitivement rejetée. Si nous considérons maintenant, à un point de vue général, l’isomérie dans la série pyridique, nous voyons qu'il ny a qu'un hexahydrure de pyridine, car il n’y a qu'une pyridine. Mais la théorie prévoit l'existence de trois picolines, il y aura trois hexahydrures corrrespondants. Neuf lutidines peuvent exister, et par conséquent neuf hexahydrures. Enfin on ne compte pas moins de 22 collidines possibles; il yfaura 22 hexahy- drures à huit atomes de carbone, et sur ces 22 composés, 21 seront isomé- riques avec la cicutine. 110 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Il y a donc là toute une série de corps importants à étudier, et si l’on évalue aussi le nombre des dihydrures pyridiques pouvant exister, on reconnaît qu'on se trouve en présence d’un monde nouveau à explorer. I1 me reste à parler des hydrures quinoléiques, et de la constitution des alcaloïdes fixes, tels que la cinchonine, la brucine, la quinine, etc. Les bases de quinoléine fixent directement 4 atomes d'hydrogène, en raison même de leur constitution. C’est là un fait dûment constaté. Les tétrahydrures quinoléiques se rapprochent par leur instabilité, par leurs propriétés réductrices des dihydrures pyridiques; toutefois, ils sont un peu moins instables que ces derniers. On verra tout à l'heure en quo cette observation m'a servi. Un chimiste russe éminent, M. Wischnegradsky, se fondant sur des raisons théoriques que je n’ai pas à reproduire ici, a émis en 1880, l'hypothèse suivante : « La molécule des alcaloïdes fixes doit renfermer à l'état d'hydrures les « bases pyridiques et quinoléiques. » Étudiant, à la même époque, les produits de décomposition de la cin- chonine par la potasse caustique, j'ai cherché à confirmer cette hypo- thèse si remarquable, en isolant quelqu'un de ces hydrures. J'ai reconnu bientôt qu'il fallait renoncer à découvrir aucun des dihydrures pyridiques pouvant préexister dans la molécule de cinchonine. Ces corps sont beau- coup trop instables. Mais les hydrures quinoléiques sont moins facilement décomposables ; aussi, en modifiant les proportions respectives de cinchonine et de potasse qui devaient réagir, ai-je été assez heureux pour isoler après de longs et pénibles fractionnements, un trétrahydrure quinoléique CPH°Az. J'ai répété ces expériences avec la brucine, et j'ai reconnu que cet alcaloïde fournit le même tétrahydrure sous l’action de la potasse. Il est done démontré que la molécule de la cinchonine et de la brucine renferme un noyau quinoléique hydrogéné. Je n'insiste pas sur les pro- priétés de la base nouvelle; j'aurai l'honneur prochainement d'exposer à la Société les réactions qui m'ont servi à caractériser cet important com- posé. Je ferai seulement remarquer, en terminant, que si la question de la synthèse des alcaloïdes volatils est aujourd’hui résolue ou sur le point de l'être, celle des alcaloïdes fixes a fait un pas décisif en avant depuis que l'hypothèse de M. Wischnegradsky a été confirmée. ACTION DU PROTOXYDE D'AZOTE SUR LES ÉCHÉVERIAS, par R. DuBois. Les liquides organiques neutres dont les vapeurs sont anesthésiques possèdent la propriété de chasser l’eau contenue dans le parenchyme des feuilles des échéverias. SÉANCE DU 14 FÉVRIER. at Ces vapeurs sont des anesthésiques généraux et aussi des poisons généraux susceptibles de porter leur action sur un principe que l’on rencontre dans tous les tissus vivants, quels que soient d’ailleurs leurs caractères morphologiques, sur l’eau que l’on doit considérer comme le principal élément de constitution moléculaire du protoplasma. Le protoxyde d'azote agit-il à la manière des vapeurs dont nous venons de parler? Pour être fixé sur ce point, nous avons introduit dans un récipient de verre susceptible de supporter de fortes pressions un echeveria retusa. La petite plante à été, pendant trois jours, abandonnée à elle-même dans ce récipient en présence du protoxyde d'azote contenant 1/8 de son volume d'air, sous une pression de huit atmosphères. Le troisième jour la petite plante était dans le même état qu'au début de l'expérience. Placée alors sous une cloche, en présence des vapeurs de chloroforme, l’eau contenue dans le tissu des feuilles à commencé à s'échapper de tous les points, sous forme de gouttelettes, au bout d'une heure. Le protoxyde d'azote, méme sous forte pression, n’agit donc pas sur les tissus des échéverias comme les vapeurs des anesthésiques généraux. Il serait intéressant de placer une sensitive dans un mélange anesthé- sique d'oxygène et de protoxyde d'azote, sous pression, comme dans la méthode du professeur Paul Bert, et de voir si, dans ces conditions, l’anesthésie se produit. Si nos vues sont exactes, il ne doit pas en étre ainsi. L'absence de ces végétaux à cette époque de l'année nous à empeché de faire les expériences nécessaires pour être définitivement fixé sur la valeur de l’objection qui nous a été présentée par M. Charpentier. Nous regrettons d'être forcé de remettre à une époque ultérieure la vérification expérimentale de cette vue théorique. NOTE SUR L'EMPLOI DES FILTRES EN TERRE POREUSE POUR LA STÉRILISATION A FROID DES LIQUIDES ORGANIQUES, par MM. BouRQUELOT et (GALIPPE. Dès le commencement de l’année 1883, dans un but différent, nous avions recherché un moyen de stériliser à froid les liquides organiques. A cette époque, nous avions fait usage de vases en terre poreuse em- ployés pour les piles, en leur donnant une disposition analogue à celle de l’appareîl décrit par M. Duclaux (1). Ces appareils fonctionnaient à l'aide d'une trompe ou d'une machine pneumatique. (4) Mémoire sur le lait. Annales de l’Institut agronomique, 1879-80, p. 40. 419 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. x Nous n'avons pas tardé à nous apercevoir que des liquides que nous estimions devoir être stérilisés perdaient leur transparence après un nombre de jours variant suivant certaines conditions, dont les principales étaient sous la dépendance du filtre en terre poreuse lui-même et aussi de la température ambiante. Nous avons eu également recours à l'appareil dont il vient d’être ques- tion, et dont le principe est dû à MM. Klebs et Tiegel, connu également sous le nom de filtre Pasteur. Bien que les résultats se soient montrés de beaucoup supérieurs à ceux obtenus précédemment par nous, ils ne pré- sentaient point un caractère de constance suffisant pour nous donner une sécurité absolue. Lorsque M. Chamberland (1) préconisa l'emploi de la bougie en terre poreuse qui porte son nom, nous crûmes toucher à la solution du pro- blème que nous avions si longtemps poursuivi. Le filtre de M. Chamberland est trop connu pour que nous en donnions ici une description. Il nous suffira de rappeler qu'il fonctionne sous une certaine pression et que le liquide pénètre dans la bougie filtrante de l’ex- térieur à l'intérieur. Cette disposition ne pouvait convenir à la réalisation de nos expériences. Aussi, laissant de côté l’armature métallique du filtre, nous nous sommes servis de la bougie comme d'un tube en terre poreuse, et nous l’avons introduit dans un appareil à filtration par le vide, reproduisant exacte- ment, sauf le volume plus considérable, le filtre de Klebs et Tiegel ou de Pasteur. Cet appareil a été stérilisé à une température variant entre 150° et 160° C., en nous entourant de toutes les précautions indiquées, puis scellé au mastic de Golaz. Dans cet appareil, le liquide placé dans l’intérieur de la bougie filtrait à travers ses parois. Parmi les expériences, au nombre d’une dizaine, que nous avons faites, nous rapporterons les suivantes : I. — Le 28 décembre 1884, nous filtrons de la salive. Bien que les conditions de température ne fussent pas très favorables, la salive, tout d’abord absolument transparente, n'a pas tardé à se recouvrir à sa sur- face d’une couche miroitante; puis elle s’est troublée petit à petit, et, moins d’un mois après le début de l'expérience, le liquide était comple- tement trouble. Examiné au miscroscope, ce liquide s'est montré renfer- mer un nombre extrêmement considérable de bactéries mobiles. IT. — Nous avons obtenu un résultat identique en filtrant un mélange de salive et d’eau distillée. (Expérience du 29 décembre 1884.) # (4) Ch. Chamberland. Sur un filtre donnant de l’eau physiologiquement pure. Comptes rendus, # août 1884. SÉANCE DU Î4 FEVRIER. 105 II. — Ce qui tend à prouver qu'il y a entre les bougies Chamberland de notables différences, c’est que nous avons en expérience une filtration de salive dans laquelle le liquide, bien que recouvert à sa surface d'une pellicule miroitante caractéristique, reste néanmoins transparent dans les couches sous-jacentes. IV. — Le 24 décembre 1884, nous filtrons un mélange d'urine acide en voie d’altération et d’eau distillée. Dès le 1° janvier 4885, en dépit d’une température relativement basse (15 à 16°), la surface du liquide se couvre d'une couche caractéristique s'accentuant de jour en jour. Moins d’un mois après le début de l'expérience, le liquide était complètement trouble. Au bout d’un certain temps, un dépôt s’est sensiblement formé, et le liquide est devenu moins trouble. Examiné le 12 février au microscope, ce liquide ne contenait plus que de rares microorganismes doués de mouvements rapides; en revanche, il ÿ en avait un très grand nombre immobiles, isolés ou groupés. L’urine était fortement ammoniacale. V. — Le 31 janvier 1885, nous filtrons un mélange d’urine alcaline et d'urine acide, toutes deux en voie d’altération, auquel on ajoute de l'urine fraiche. A notre grand étonnement, le liquide a filtré sans qu’il fût nécessaire de faire le vide. Le tube était intact, et la filtration s’est faite du reste comme dans les cas précédents et sur toute la hauteur du tube. Dès le lendemain, l'urine était en voie de décomposition; celle-ci à déterminé un trouble complet du liquide Le jour suivant. Examinée le 13 février, cette urine ne montrait que de rares orga- nismes mobiles; un grand nombre, au contraire, étaient à l’état de repos. L'urine était fortement alcaline. Cette expérience présente ce fait à noter que la bougie employée s'était montrée beaucoup plus perméable que dans les expériences précé- dentes ; l’altération du liquide s’est également montrée beaucoup plus tôt. VI. — Le 30 décembre 1884, nous filtrons un mélange d’eau distillée et de matières fécales. Le liquide est resté absolument transparent pen- dant environ trois semaines. Au bout de ce temps, il s’est troublé très abondamment. Examiné le 13 février 1885, nous avons constaté que le liquide conte- nait un grand nombre de microorganismes isolés ou groupés et, extré- mement actifs. VIL. — Nous avons un certain nombre d'expériences en cours dont nous ferons connaître prochainement les résultats. Nous pouvons conclure de ce qui précède : 1° Il y a entre les bougies Chamberland livrées au commerce de très 114 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. notables différences, s'accusant à la fois dans la facilité plus ou moins grande avec laquelle elles laissent passer le liquide et dans la perfection de la filtration. 2° Jusqu'à ce Jour celles que nous avons eues entre les mains ne nous ont pas permis de stériliser à froid des liquides organiques (salive, urine, matières fécales). Au bout d'un temps variant entre quelques jours et quelques semaines, suivant la porosité de la bougie et de la température ambiante et peut-être encore d’autres conditions non déterminées, ces liquides contenaient des microorganismes. CÉRÉBROTOME DU D' Gavoy Description. — Le dispositif instrumental du cérébrotome se compose d'une planchette rectangulaire, de 30 centimètres de longueur, supportée à ses angles par quatre vis de réglage. Sur cette planchette reposent deux plateaux conjugués en cuivre, ayant à leur centre une ouverture elliptique, interceptant entre eux un intervalle, égal à l'épaisseur de la lame du couteau. Ce couteau, glissant d'avant en arrière à travers cet espace, produit les coupes du cerveau, placé dans l'ouverture elliptique. Les deux plateaux peuvent être élevés au moyen de quatre vis micro- métriques, lorsqu'on désire augmenter l'épaisseur des coupes ; ce mou- vement est lu sur quatre guides gradués en buffle. Au centre de la planchette est fixée une lame en verre dépoli, de forme elliptique, sur laquelle repose le cerveau; autour de cette lame de verre est un anneau denté en cuivre, encastré dans le bois, mais mobile et maintenu par un dispositif spécial. Le principe du procédé opératoire repose : 1° Sur l'observation personnelle que la substance cérébrale fraiche mise en contact avec une compresse sèche ou une feuille épaisse de papier buvard, prend avec elle une adhérence telle qu’il est de toute impossibilité de l'enlever sans entraîner en même temps la substance cérébrale. 2° Sur l'idée première de pratiquer les coupes de bas en haut, entre la masse cérébrale et la surface du cerveau qui repose sur le point d'appui; c'est donc cette surface même qui, séparée de la masse cérébrale, cons- tituera la coupe. Manuel opératoire. — Sur une section faite sur un cerveau frais, on met une compresse sèche; le cerveau, reposant sur la compresse, est SÉANCE DU 14 FEVRIER. 115 placé sur la lame de verre dépoli; on étale bien la compresse et on la maintient dans cette position en appliquant l'anneau denté par dessus dans la rainure. La compresse ainsi bien fixée, et par suite le cerveau qui lui est intimement adhérent, les plateaux conjugués sont mis à leur place ; on fait glisser d'avant en arrière le couteau dans l’espace compris entre les plateaux; rien n'a bougé, le couteau n’a fait que passer sans laisser de trace visible ; on renverse le cérébrotome, lecerveau se détache, tombe dans les mains d’un aide et la coupe est ainsi mise à découvert. On enlève les plateaux, puis l’anneau, ensuite la compresse sur laquelle la coupe adhère; elle est portée dans un bain soit pour glisser la coupe sur une lame de verre, soit pour dureir la substance cérébrale. On fait de cette manière des coupes sucecessives en moins de 30 se- condes, depuis de 1/3 millimètre jusqu'à 25 millimètres d'épaisseur. Cet instrument m'a servi à faire sur des cerveaux frais des coupes, compre- nant la totalité de l’'encéphale, pendant les années 1883 et 1884. J'ai l'honneur de présenter à Messieurs les membres de la Société de Biologie quelques spécimens de ces coupes faites dans les trois ordres de plans, montées entre deux lames de verre. La légèreté de ce cérébrotome, son petit volume, son maniement facile, ne nécessitant pour faire les coupes aucune préparation préalable du cerveau ni l’adjonction d’'acces- soires spéciaux, en font un instrument essentiellement pratique, utile autant pour les travaux anatomiques sur le cerveau que pour les travaux pathologiques. J'ose espérer qu'il rencontrera un bon accueil. Le gérant : G. Masson. Paris. — Imprimerie G. Roucigr et Cie, rue Cassette, I. 117 SEANCE DU 21 FÉVRIER 1885 Cu. CHamBerLan» : Sur la filtration parfaite des liquides. — Dr V. GaziPre : Observa- tions relatives à la communication précédente. — RaBureAU : Sur la classification des aliments. — P. ReGxarp : Expression graphique de la fermentation. Action des poisons végétaux. — GELLÉ : Phénomènes subjectifs à l'audition. — OESscHENER DE Comnex : Présence de alcaloïdes pyridiques dans différents alcools. — LauLANIÉ : Nouvelle espèce d’élément anatomique. La cellule placentaire de quelques rongeurs. Présidence de M. Paul Bert. SUR LA FILTRATION PARFAITE DES LIQUIDES, par M. CH. CHAMBERLAND. Dans la dernière séance de la Société, un de nos savants collègues, M. le D' Galippe, a présenté en son nom et au nom de M. Bourquelot une note sur l'emploi des filtres en terre poreuse pour la stérilisation à froid des liquides organiques. Les expériences relatées dans cette note ont été faites, soit avec le filtre Pasteur, soit avec les bougies qui portent mon nom et qui ne sont qu'une modification du tube employé par M. Pasteur. Les conclusions de MM. Galippe et Bourquelot sont que, jusqu’à ce jour, ilne leur a pas été possible de stériliser à froid les liquides organiques (salive, urine, matières fécales). Or, depuis plusieurs années, le filtre de M. Pasteur est employé, pour ainsi dire, chaque jour dans son labora- toire, dans le but de séparer les microbes des milieux dans lesquels ils se sont développés et, dans la séance de l’Académie des sciences du 4 août 1884, mon éminent maître, M. Bouley, présentait en mon nom un filtre pratique donnant à domicile de l’eau absolument privée de microbes ou de leurs germes. En même temps j'annoncçais que ce filtre permettait d'obtenir, avec la plus grande facilité, tous les liquides ou infusions organiques à l’état de pureté parfaite, c'est-à-dire ne contenant ni microbes, ni germes. Aujourd'hui on se sert presque exclusivement de ce dernier appareil dans le laboratoire de M. Pasteur, parce qu'il donne un volume de liquide filtré incomparablement plus grand que celui qu’on peut obtenir avec le filtre qui avait été employé jusque-là. Nous n'avons jamais eu l'occasion de constater l’altération des liquides après leur filtration. Les conclusions BIOLOGIE. COMPTES RENDUS, — 8€ SÉRIE, US OUT: 118 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. de MM. Galippe et Bourquelot sont done en opposilion complète avec les résultats que nous avons obtenus. Au lieu de rechercher la cause d’erreur qui a pu se glisser dans les expériences de MM. Galippe et Bourquelot, je demande à la Société la permission de lui indiquer brièvement, mais exactement, notre manière de procéder. Voici le filtre de M. Pasteur. — Il se compose d’un tube en porcelaine dégourdie gros comme un tuvau de pipe fermé à l’une de ses extrémités et ouvert à l’autre. On enroule un tampon de coton autour du tube près de l’extrémité ouverte, et on le place, la partie fermée en bas, dans un ballon dont le col porte un étranglement. Le tampon de coton vient: s'appuyer sur cet étranglement de sorte que le tube reste suspendu dans le ballon. Celui-ci est muni de deux tubulures, l’une ouverte danslaquelle on met un tampon de coton, l’autre fermée et effilée par laquelle on transvase le liquide filtré. On flambe tout l'appareil dans un fourneau à gaz. Puis on fait couler du mastic Golaz sur le coten de facon à boucher hermétiquement l’espace compris entrele tube filtrant et le col du ballon. L'appareil étant ainsi préparé, on verse le liquide à filtrer dans le col, on adapte la tubulure ouverte du ballon à une machine pneumatique et on fait le vide. Sous l'influence de la pression atmosphérique le liquide filtre lentement à travers les parois du tube de porcelaine et tombe dans le ballon. Lorsqu'on juge qu'on a recueilli une quantité suffisante de liquide, on rend lentement l'air dans le ballon, on le sépare de la pompe, on coupe l’effilure fermée, on la flambe avec une lampe à alcool, et on transvase le liquide filtré dans des flacons Pasteur préalablement flambés. Ce sont ces flacons qui sont placés à l’étuve et dans lesquels on ne voit apparaitre aucun organisme microscopique, quelle que soit la nature du liquide filtré. Voici maintenant l'appareil que j'ai imaginé. Il se compose d'un tube de porcelaine dégourdie fermé à son extrémité supérieure, et soudé par son extrémité inférieure sur une bague de porcelaine émaillée: qui porte un prolongement en forme de tube renflé par lequel s'écoule le liquide filtré. Sur la bague on place une rondelle de caoutchouc, on introduit la bougie dans un cylindre métallique portant un pas de vis à sa partie inférieure. À l’aide d’un écrou, percé d’un trou qui laisse passer le prolongement de ia bougie, on serre la bague émaillée contre la partie inférieure du tube métallique de facon à produire une fermeture hermé- tique. Le tube métallique se visse par sa partie supérieure, soit sur le robinet d'une conduite d’eau, soit sur le robinet d’un récipient à parois résistantes contenant le liquide à filtrer. Sous l'influence de la pression de l’eau dans le premier cas, et sous l'influence d'une pression artificielle produite par une pompe de compression dans le second, le liquide rem- plit l’espace compris entre la paroi métallique et la bougie filtrante el liltre de l'extérieur à l'intérieur de celle-ci, avec une vitesse plus ou SÉANCE DU 21 FÉVRIER. 119 ET EEE TT TE I moins grande, suivant que la pression est elle-même plus où moins grande. Pour constater que ce liquide est privé de mierobes, il faut que Le vase où on le recoit ainsi que l’intérieur de la bougie en soient privés au préa- lable. À cet effet, on adapte au prolongement de la bougie un tube de caoutchouc sur lequel on fait une ligature; l'autre extrémité du tube tra- verse l'écrou métallique et s'adapte sur le col un peu effilé d’un ballon à peu près identique à celui qui sert dans le filtre Pasteur. Tout cet en- semble, c’est-à-dire la bougie, le tube de caoutchoue, l’écrou et le ballon sont plongés dans de la vapeur d’eau chauffée à 120° dans un autoclave pendant une demi-heure. Les germes sont ainsi détruits. Après refroi- dissement, la boûgie est introduite dans le tube’ métallique ; on serre l’écrou et on fait fonctionner l’appareil. Le liquide s'écoule dans le ballon d'où on le transvase ensuite dans des flacons Pasteur. On peut, en quel- ques heures, filtrer plusieurs litres de liquide. J'ai filtré de cette facon de l'urine acide ou rendue alcaline, du sérum du sang, des bouillons ou des infusions organiques diverses, et Jamais ces liquides n’ont montré ensuite le moindre développement de microbes, quelle que soit la température où ils aient été placés. Voici comme exemple de l'urine rendue neutre et filtrée depuis le 6 décembre dernier. Pour constater que l’eau filtrée est privée de microbes, on la sème dans des flacons contenant des liquides stériles préalablement éprouvés. Il n’y a jamais d’altération. Je dois signaler deux faits qui pourraient induire en erreur les obser- vateurs qui seraient tentés de répéter ces expériences : 4° Lorsqu'on filtre une macération de viande faite à froid, et même du sérum du sang, il arrive fréquemment que ces liquides mis à l’étuve se troublent au bout de quelques jours. Un examen superficiel pourrait faire croire à la présence de microbes, mais au microscope on constate facilement que le dépôt est uniquement constitué par des matières amorphes qui étaient dissoutes à l’origine et qui se sont précipitées en- suite. On peut d’ailleurs semer ce dépôt dans les flacons de bouillon stérile Sans provoquer d’altération. On est obligé quelquefois de filtrer plu- sieurs fois le même liquide pour qu'il conserve indéfiniment sa limpidité. 2° Lorsqu'on filtre des liquides contenant des microbes en voie de développement et de reproduction, il ne faut pas laisser la filtration s'effectuer pendant longtemps, car alors ces microbes se reproduisent en poussant des ramifications dans l’intérieur mème des pores du filtre (lesquels pores contiennent du lique nutritif) et ils finissent par passer de l’autre côté de la paroi. À ce moment le liquide filtré est envahi. C’est ainsi qu'en se servant du filtre Pasteur, on voit souvent, si on laisse du liquide dans l’intérieur du ballon, ce liquide s’altérer après quinze Jours ou trois semaines sous l'influence de microbes qui ont fini, en se multipliant, par traverser La paroi du tube filtrant. 120 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. On voit méme apparaître quelquefois des moisissures dont le déve- loppement des tubes mycéliens est facile à suivre à travers la porcelaine. De là la nécessité de transvaser les liquides filtrés. De là aussi, pour le dire en passant, la nécessité de nettoyer fréquemment les filtres ordinaires de facon à enlever la matière organique qui se dépose autour du tube, et dans laquelle les organismes microscopiques pourraient se multiplier. Je suis convaincu que si MM. Galippe et Bourquelot veulent bien répéter leurs expériences dans les conditions précises que je viens d'indiquer, ils obtiendront comme nous, avec la plus grande facilité, des liquides filtrés qui se conserveront indéfiniment. OBS“RVATIONS RELATIVES A LA COMMUNICATION PRÉCÉDENTE, par le D' V. GALIPPE. N'ayant jamais songé à mettre en doute l'exactitude des résultats obte- nus antérieurement par MM. Pasteur et Chamberland, nous ne retiendrons de la communication de notre collègue que les deux. arguments visant notre travail. Nous aurions pu à la rigueur, comme M. Chamberland l’a peut-être supposé, prendre pour des microorganismes des granulations inorga- niques amorphes. Nous avions connaissance de l'observation de M. Du- claux qui avait reconnu dans du lait après quelques semaines d’un repos absolu, la présence d’un dépôt de substance solide constitué par une 2000 tance qui était du phosphate tribasique de chaux. Dans nos expériences, surtout dans celles qui ont trait à la salive el aux matières fécales, nous avons observé des microorganismes ayant des formes parfaitement définies, doués de mouvement et suscepübles de fixer des matières colorantes, ce qui nous à permis d'en faire des préparations par différentes méthodes; nous n’avions donc pas affaire à des particules poussière dont les éléments avaient moins de de millimètre, subs- inorganiques. M. Chamberland reconnait d'autre part, que des moisissures peuvent se développer sur la partie interne et supérieure de la bougie et traverser sa paroi. Or, entre le germe d’un microorganisme et un tube de mycélium il y a autant de différence qu'entre un brin d'herbe et un chéne. Où passe le chêne peut passer le brin d'herbe! Dans les expériences nombreuses que nous avons faites, nouslavons observé une genèse différente ; c'est à la partie inférieure du tube où se trouvent réunis à la fois et les germes SÉANCE DU 21 FÉVRIER. 194 et les conditions d'humidité propres à leur développement, que nous avons toujours vu les tubes de mycélium traverser la paroi du filtre en terre poreuse. Cette observation nous a permis de recueillir, de cultiver et de décrire une nouvelle espèce de champignon au sujet duquel nous ferons très pro- chainement une communication à la Société de Biologie. En résumé, étant donné qu'on laisse le liquide filtré dans l'appareil qui a servi à l'obtenir, il y a entre les conclusions de nos expériences et les observations de M. Chamberland une concordance parfaite, SUR LA CLASSIFICATION DES ALIMENTS. Note de M. RABUTEAU, Après avoir fait allusion à la division des matières alimentaires en aliments albuminoïdes ou plastiques, et en aliments respiratoires «qu'on subdivise à leur tour en aliments gras, amylacés et sucrés », M. Duclaux ajoute (p. 91 de nos comptes rendus) : « Cette classification est à la fois incomplète el grossière. Incomplète en ce qu'elle ne fait aucune place pour l'alcool, les acides organiques et les autres composés hydrocarbonés.… Grossière en ce qu'elle met au même rang des maté- riaux de valeur évidemment fort diverse, par exemple le sucre de lait et la lactose ». Plus loin, dans un autre ordre d'idée, il ajoute : « Il en est de même pour les composés hydrocarbonés tels que l'alcool, l'acide acé- tique, la glycérine, l'acide tartrique. » J'ai reproduit textuellement, en soulignant les lignes qui contiennent une appréciation trop sévère et des erreurs que je pourrais également qualifier de grossières, en employant l'expression de M. Duclaux. Ce qu'il y a d’établi aujourd'hui, c’est la division des aliments : 4° en albuminoïdes ou azotés, 2° en ceux qui ne sont pas azotés, 3° en aliments minéraux. La subdivision des aliments non azotés, qu'on appelle plus spécialement respiratoires, n’est incomplète que dans l'appréciation exprimée plus haut. Nos physiologistes, Longet entre autres, dont le livre est encore clas- sique, rangent, parmi ces aliments, non seulement les corps gras, mais les substances hydrocarbonées et même l'alcool qui, pour lui, serait brülé dans l'organisme. Quant aux acides organiques, chacun sait que plu- sieurs sont des aliments, depuis que Wôhler à démontré, dès 1824, leur combustion dans l'organisme (1). Plusieurs sont non seulement des ali- (1) J'ai exposé ici même, et publié ailleurs, que plusieurs autres acides et sels organiques, tels que le quinate, l'aconitate, le méconate de sodium sont brûlés dans l’organisme. 122 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. ments, mais des médicaments du groupe des fempérants, tels que les prin- cipes liquides de divers fruits et végétaux acides. La limonade citrique, la limonade tartrique rentrent parmi ces médicaments. L'erreur que je tiens principalement à relever est la suivante : M. Duclaux répartit l'alcool, la glycérine, les acides acétique, tartrique parmi les substances hydrocarbonées. Il ignore, par conséquent, qu'on appelle exclusivement substances hydrocarbonées Les substances qui con- tiennent les éléments de l'eau associés au carbone, que ce sont des hydrates de carbone. Telles sont les substances suivantes avec leur formule générale respective : C6 H!2 O5 (:22 H?22 O!1 CS H!° O° D LT, A, glycoses saccharoses amyloses On voit que la glycose contient 6 molécules d’eau H°? O, associées à 6 atomes de carbone; que les saccharoses, telles que le sucre de canne, le sucre de lait, contiennent 41 molécules d’eau associées à 12 atomes de carbone. La saccharose proprement dite ou sucre de canne, la lactose ou sucre de lait rentrent dans le même groupe, et ce serait commettre une erreur grossière que de les séparer. Ni l'alcool C?H°O, ni 2 glycérine CSH$0*, ne sont des substances hydrocarbonées. Un mot sur la séparation des acides gras volatils entre eux et mélan- gés avec l'acide lactique. M. Duclaux prétend les séparer et doser par distillations fractionnées. Je répète que ce procédé ne peut donner aucun résultat satisfaisant. Je reviendrai d’ailleurs sur cette question qui à occupé divers chimistes. Quant à l’acide lactique, il est impossible de le séparer et doser par distillation. Cet acide se décompose par la chaleur en lactide, en acide dilactique et en d’autres produits. Il en est du reste de même de presque tous, sinon de tous les acides qu'on peut rapporter à des carbures d'hydrogène plurivalents. EXPRESSION GRAPHIQUE DE LA FERMENTATION. — ACTION DES POISONS VÉGÉTAUX, par M. P. REGNARD. En continuant notre étude sur la fermentation en fonction du temps, il nous à semblé intéressant de rechercher quelles pouvaient être les substances toxiques végétales ayant quelque influence sur le protoplasma. C’est qu'eneffetcessubstancessontdes produits de ce protoplasma même, elles vivent à côté de lui dans la plante. Si, comme le venin des animaux, ces produits toxiques pouvaient agir sur le v égétal qui leur a donné nais- SÉANCE DU 21 FÉVRIER. 123 >| — æ — sance, on comprendrait mal que les plantes pussent se défendre contre leurs propres secrétions, étant donnés les échanges nombreux qui se passent entre les cellules végétales, étant donné aussi ce fait, que le poison est répandu dans presque tout le végétal. et non pas localisé en un point limité comme les venins animaux. Nous avons donc, dans l'appareil enregistreur que nous avons déjà fait connaître, placé 10 grammes de levure haute avec 2 grammes de sucre glucose pur et desséché et 250 grammes d'eau. Dans chaque expé- rience nous avons ajouté 10 centigrammes d’un des alcaloïdes dont nous allons nous occuper. Cette dose (10 centigrammes pour 250 grammes) est à peu près la dilution des alcaloïdes dans les sucs végétaux eux- mêmes. Les figures placées ci-dessous montrent que si quelques alcaloïdes Fig. 4. Expression graphique de la fermentation. — Action de divers poi- sons végétaux. 121 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE végétaux agissent sur la cellule de levure, il y en a d’autres, au contraire, qui semblent n'avoir sur elle aucune influence. Nous citerons de suite parmi ces derniers, la morphine et ses sels, les substances qui entrent dans le curare, la colchiceime et la cocaïne, comme nous l'avons précédemment démontré. En examinant la courbe donnée par la levure en présence de ces substances, on voit qu’elle est à peine modifiée. On notera pourtant que les strychinées contenues dans le curare et la vératrine ont un peu accru la rapidité de la fermentation et excité pour ainsi dire le phénomène. Mais ce fait de l'excitation de la fermentation est bien plus net si on regarde ce qui se passe en présence de la strychnine. Ce poison qui excite la cellule nerveuse, excite aussi la cellule de levure; le fait n'est pas absolument nouveau; il est signalé par Duclaux, mais la méthode graphique le met particulièrement en vue. Ne semble-t-il pas expliquer pourquoi les brasseurs anglais persistent à ajouter des doses faibles de strychnine aux substances fermentantes dans la fabrication des diverses ale. S'il existe des poisons qui excitent la fermentation, il en est d’autres plus nombreux qui la ralentissent et qui sont des poisons pour le proto- plasma végétal comme pour nous-mêmes. En tête se place la digitaline qui anéantit presque complètement la puissance fermentante de la levure ; immédiatement après vient l'a- tropine, puis les sels de quinine, l’ésérine, la nicotine et la cicutine. Fig. 2. Expression graphique de la fermentation. — Action de la cicutine et de l'ésérine. En examinant les courbes placées ci-contre on voit que ces substances SÉANCE DU 21 FÉVRIER. 195 augmentent le temps perdu de la fermentation et, ralentissent tellement celle-ci, qu’elle arrive rarement à être complète. Fig. 3. Expression graphique de la fermentation. — Action de la nicotine. Ces faits sont-ils particuliers à la cellule de levure? Nous ne le pensons pas et, pour les contrôler, nous avons institué tout un ordre d'expériences à part. Sur de jeunes arbres, nous pratiquons un trou dans lequel nous scellons un tube avec du mastic, et nous injectons de force dans les tissus du végétal les diverses substances toxiques que nous venons d’énu- mérer : ces recherches sont presque terminées, et nous en donnerons prochainement le détail; disons seulement que jusqu'à présent, elles noùs ont fourni des résultats très comparables à ceux que nous venons de faire connaitre. DE QUELQUES PHÉNOMÈNES SUBJECTIFS DE L'AUDITION, par M. GELLÉ. l A l'usage ordinaire du diapason unique que l’on emploie à la constata- tion de l’état de l'audition, en otologie, j'ai voulu ajouter l'étude de la perception des sons simultanés et des sons résultants, des battements sur- tout, qu'ils produisent dans des conditions d’expérimentation données. On sait qu'on doit s'attendre à la formation de sons résultants dans l'air lorsque deux centres d'ébranlement de deux systèmes d'ondes primaires sont assez voisins pour que la masse intermédiaire soit fortement ébranlée par les deux sons. C’est aussi le cas de la genèse des battements quand les deux diapasons sonnent simultanément en face de la même oreille, pourvu que les deux instruments soient de tonalités à peine différentes. Chacun sait comment on fait naître les battements en désaccordant au moyen d’une boulette de cire l’un des deux diapasons identiques. 196 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Ces battements, que je choisis à dessein de fréquence moyenne et très faciles à distinguer se composent d’intermittences régulières de renforce- ment du son (il faut éviter le roulement ou grondement peu distinct pour les sujets). Ces battements, produits par deux diapasons la 3 identiques dont l’un est désaccordé, ont une tonalité intermédiaire à celles des deux généra- teurs: on s’en rend compte facilement par le procédé suivant : Un tube interauriculaire de caoutchouc, long de 60 centimètres, réunit les deux oreilles: sur le milieu de l’anse on pose les tiges des deux diapa- sons: le battement est bientôt reconnu, puis on enlève l’un des diapasons, le désaccordé: aussitôt on percoit le son de tonalité élevée du second. Enfin, ce deuxième diapason est enlevé tandis qu’on replace le premier et le son devient très bas relativement : sans grande recherche on trouve que le ton du battement est intermédiaire aux tonalités des deux diapa- sons qui lui donnent naissance. Quand ces deux diapasons sonnent à une même oreille, l'intensité du phénomène sonore est au maximum, et nul ne peut le méconnaitre; le renforcement produit d'une facon intermittente excite vivement les nerfs de l'audition. Il n’en est plus de même si les instruments sont placés l’un en face de l'oreille droite, l’autre de l'oreille gauche. [ci au premier moment le battement est indistinct et la sensation est forte et continue sans renfle- ment: peu à peu le battement apparait nettement mais très faible. Chez les personnes dont l'oreille est musicale, c’est-à-dire qui sont musiciennes, le premier temps est fort court, et la sensation du battement est rapide et précise tout d’abord. Il y a là évidemment intervention de l'élément psychique, de l'éducation du sens. Cependant même en ce cas, le sujet est frappé de la diminution marquée de l'intensité du phénomène. L'étude des conditions de la formation des battements dans cette audi- tion bilatérale de deux diapasons peu différents de tonalité, explique à mon sens le résultat. Dans ce dispositif, un diapason sonnant à chaque oreille, les deux centres d’ébranlement des ondes sonores sont isolés; il n'y a plus là comme intermédiaire la masse d'air qui recoit communication de l’ondu- lation sonore: et cela explique déjà pourquoi le son percu est plus faible que dans le cas où les deux diapasons vibrent auprès de la même oreille. L'expérience suivante me parait rendre la chose évidente, parce que l'isolement des deux foyers sonores de l'air ambiant y est complet. On adapte à l'oreille gauche de l’observateur un tube de caoutchouc long de plusieurs mêtres et dont Pextrémité libre aboutit à une chambre éloignée ; au signal donné, le diapason normal est placé vibrant par un aide en face de l'orifice de ce tube, tandis que l'opérateur porte à son oreille droite le diapason désaccordé. Les deux sons frappent simultanément et également les deux oreilles, SÉANCE DU 21 FÉVRIER. 197 sans que rien ne soit communiqué à l'air ambiant; or, la sensation du battement a lieu très distincte; cependant elle est beaucoup plus faible que dans le cas où les deux diapasons vibrent en face d'une seule oreille, à l'air libre. Cette expérience répétée nombre de fois en multipliant les précautions d'isolement a donné toujours les mêmes résultats, pourvu qu'on ait soin que les instruments donnent des sons d'une intensité égale. Ainsi, en l'absence de masse d'air commune, avec deux foyers sonores isolés, la sensation du battement existe : on est conduit à conelure que la formation de cette sensation secondaire est subjective. Iei ce ne sont pas les renforcements et les chocs de l’onde sonore qui causent la sensation; ce sont deux sensations latérales qui se fondent dans le sensorium commun et produisent finalement la sensation centrale du battement. Ce battement subjectif est d'intensité nécessairement beaucoup plus faible puisque la colonne d'air de renforcement fait défaut. On a peut-être ainsi l'explication de la fréquence des cas où le sujet n'a que difficilement, tardivement, et après plusieurs essais, la sensation du battement dans ces conditions; il lui manque l'éducation du sens; les musiciens au contraire annoncent le percevoir immédiatement. Ne trouve- t-on pas là évidente l’action psychique? Dans la pratique, j'ai trouvé beaucoup de sourds qui percoivent très bien les battements quand les diapasons sont présentés en face de la même oreille ; les intermittences de renforcement régulier sont un excitant éner- gique des nerfs sensibles et accroissent la perception du son. D'un autre côté, j'ai constaté l'absence totale, l'incapacité complète de la perception des battements quand les deux diapasons sont placés isolés à chaque oreille, chez certains sujets atteints d'affections cérébrales, d'aphasie, de troubles ou de perte de mémoire, etc., alors même que le phénomène était très bien senti, si les deux diapasons sonnaient auprès de la même oreille. | Cette subjectivité des sons résultants était admise autrefois par la généralité des physiciens. Depuis qu'au moyen des flammes de Kænig, des résonnateurs d'Helmoltz et des membranes vibrantes, on a pu enregistrer et rendre manifestes ces renforcements intermittents et réguliers, lobjec- tivité si vivante du phénomène a fait négliger son côté subjectif. Cependant M. Helmoltz a été conduit à admettre la possibilité de la formation de ces phénomènes sonores subjectifs, précisément dans les cas où l'isolement des deux foyers sonores était tel qu'aucune masse d’air intermédiaire ne pouvait servir de lien entre les deux courants ondulatoires, d’origine dif- férente. Ailleurs, il conclut à la possibilité de ces formations subjectives, en constatant l'impossibilité d'agir par les résonnateurs sur l'intensité du son résultant. Enfin, il a ébauché une explication peu physiologique du reste, en admettant que si l'air ne vibre pas, tout au moins l'appareil 198 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. transmetteur, tympan et chaine des osselets, est mis en vibration dans ce cas. La formation de sensations subjectives (battements) dans l'audition bilatérale de sons très rapprochés et simples, me parait ressortir des faits que j ai exposés. SUR LA PRÉSENCE DES ALCALOIDES PYRIDIQUES DANS DIFFÉRENTS ALCOOLS, par M. OËCHSNER DE CONINCK. J'ai rencontré la pyridine, premier terme de la série pyridique, dans l'alcool méthylique et dans l'alcool amylique bruts. Voici le procédé que j'ai suivi pour isoler et caractériser cette base: 1 kilogramme d'esprit de bois brut, préalablement débarrassé par le procédé industriel de l’'ammoniaque et de la méthylamine qui l’accom- pagnent ordinairement, a été traité par un léger excès d'acide chlorhy- drique pur. Le liquide acide, après avoir été agité, a été placé dans un grand ballon muni d’un appareil à 5 boules Henninger et Lebel, le bal- lon plongeait lui-même dans un bain-marie. J'ai distillé, en ayant soin de ne pas dépasser la température de 90°; le liquide distillé a été soi- gneusement condensé dans un matras à long col entouré d’eau glacée pour pouvoir être examiné à part. Le résidu a été traité par une lessive de potasse jusqu’à réaction franchement alcaline, puis J'ai dirigé à tra- vers la liqueur un courant de vapeur d’eau. Le liquide entrainé, soigneu- sement condensé, a été, au bout d'un certain temps, épuisé par l’éther. Celui-ci a abandonné par évaporation une base colorée en brun douée de l'odeur pénétrante et fétide de la pyridine. Le liquide obtenu dans la première distillation à été soumis à un trai- tement semblable, mais n'a pas fourni de produit basique liquide. Afin de caractériser la pyridine, je l'ai transformée en chloroplatinate, et ce sel à été traité par un excès d’eau distillée qu'on à fait bouillir pen- dant une heure environ. Il s’est bientôt déposé un sel jaune clair, inso- luble dans l’eau froide, différent du chloroplatinate primitif. Recueïlli sur ‘un filtre, séché à 105° et analysé, il a donné des nombres conduisant bien à la formule de la pyridine C'H°A7. Les échantillons d'esprit de bois brut que J'ai examinés renfermaient 0,1 à 0,2 pour 1,000 de pyridine. La réaction de l'eau bouillante sur les chloroplatinates des alcaloïdes pyridiques est tout à fait caractéristique. Je crois devoir entrer dans quelques explications à ce sujet. Le chloroplatinate d’une base pyridique possède la composition nor- male; mais l’eau bouillante lui fait perdre deux molécules d'acide chlo- À 1 ü 4 SÉANCE DU 21 FÉVRIER. 129 rhydrique et le transforme en un sel auquel j'ai donné le nom de sel mo- difié. Ce composé est insoluble, inaltérable à l’air, il résiste aux dot chi- miques les plus énergiques et se prête par conséquent fort bien au dosage des alcaloïdes pyridiques. Sa formation, qui a lieu dans des conditions déterminées, permet de l’'employer pour déceler de petites quantités de ces mêmes alcaloïdes (1). En 1883, MM. Guareschi et Mosso ont annoncé qu'ils avaient rencontré une base présentant les principales réactions des alealoïdes, dans l'alcool ordinaire du.commerce, et ils ont regardé cette base comme de la pyri- dine où l’un de ses homologues (2). J’ai examiné plusieurs échantillons d'alcool éthylique commercial, et j'y ai rencontré effectivement des pro- duits basiques, mais jamais les chloroplatinates de labase ou des bases isolées ne m'ont fourni la réaction si nette et si caractéristique que je viens d'exposer. J'en conclus donc avec la plus grande certitude que ces produits basiques ne renfermaient pas d'alcaloïdes pyridiques. J'avais communiqué au mois de mai 1884 ces résultats à mon regretté ami M. Henninger; il m'engagea à rechercher la pyridine ou l’un de ses homologues dans l'alcool amylique brut. Il mit à ma disposition environ 900 grammes de produit en me priant de reprendre d’abord la marche suivie par un savant chimiste autrichien M. Haiïtinger, qui avait isolé une petite quantité de prridine dans un alcool amylique commercial (3). En suivant le procédé de ce savant et en dosant la base à l’état de sel modifié, j'ai trouvé dans l'échantillon qui m'avait été remis environ 0,3 pour 1000 de pyridine. Le procédé que j'ai décrit au commencement de cette note m'a fourni 0,4 pour 1000 de la même base. La concordance des résultats est done très suffisante, comme on en peut Juger. La présence d’un alcaloïde tel que la pyridine dans l'alcool amylique, pourrait expliquer peut-être l’action particulièrement énergique de cet alcool sur l’économie. (1) J'ai dit dans une précédente note que j'avais découvert un tétrahydrure quinoléique en soumettant à la distillation fractionnée les huiles de cinchonine etde brucine (Société de biologie, séance du 14 février 1885). Ce tétrahydrure donne comme les alcaloïdes pyridiques un chloroplatinate facilement décomposable par l’eau bouillante. Le sel modifié qui prend naissance m'a servi à caractéri- ser la nouvelle base; ce que je viens de dire des sels modifiés pyridiques s’ap- plique en tous points à ce composé. Je crois que la réaction de l’eau bouillante sur les sels de platine des alcaloïdes pyridiques et hydroquinoléiques résout le problème de l'analyse quantitative de ces bases. (Voir pour plus de soie Bulletin de lu société chimique, 1883, L. XL, p. 271 à 277). (2) Bulletin de lu société chimique de Paris, t. XL p. 334 à 336. (3) Monatshefte fur Chemie, Lt. AIT p. 688. 130 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Je me propose de rechercher la présence des alcaloïdes pyridiques dans d’autres alcools. J'aurai l'honneur, dans une prochaine communication, d'exposer à la Société de Biologie de nouvelles expériences sur la recherche des alca- loïdes pyridiques. SUR UNE NOUVELLE ESPÈCE D'ÉLÉMENT ANATOMIQUE. — LA CELLULE PLACEN- TAIRE DE QUELQUES ROUGEURS, par M. LaAuLanE. (Note présentée par M. Marxias DuvaL). L'élément que je désigne sous ce nom forme à lui tout seul le stroma de la section maternelle du placenta fœtal, ou, sous une autre forme plus expressive, la section maternelle du placenta fœtal est formée par une seule cellule qui a pour mesure toute l'étendue de cette partie de la caduque, et dépasse ainsi, par ses dimensions exceptionnelles, tout ce que l'on savait sur le diamètre des cellules. C'est particulièrement dans le placenta des cobayes que l'élément nou- veau dont il va être question atteint sa plus grande netteté et son plus grand développement. Sur les coupes axiales, sa section figure, comme celle du placenta lui-même dont elle forme la charpente, une ellipse déprimée à son bord chorial et dont le grand axe mesure 1 cent. oi à ; ll l'axe vertical atteint seulement à cent. ea Or, en quelque point qu'on examine ce singulier stroma, on le voit O ) constitué partout par une substance protoplasmique finement granuleuse parfaitement continue et homogène, et parsemée d’un nombre considérable de très beaux noyaux sphériques dont quelques-uns présentent des traces de division. Cette masse protoplasmique, contenue dans toute l'étendue du placenta fætal, est creusée de lacunes sanguines dépourvues d'endothéliun et dans lesquelles les hématies sont, par conséquent, au contact direct du proto- plasma, Ces lacunes forment d’ailleurs un réseau très riche et d’un des- sin fort élégant, qui transforme la cellule placentaire en une masse tra- Sant, [ beculaire et spongieuse, Ce réseau sanguin forme un certain nombre de (® (®) ; territoires distincts, perpendiculaires à la surface du placenta et dont l’axe est occupé par une énorme lacune sanguine. Celle-ci procède du pédoncule placentaire et tient sous ses dépendances la circulation du petit territoire dont elle forme l’axe. Il y a là les indices d'une sorte de lobulation du placenta qui s'affirme encore par ce fait que chaque lobule SÉANCE DU 21 FÉVRIER. 131 est pénétré progressivement de sa périphérie au centre par les villosités choriales qu’on voit encore arrêtées, au 20° jour de la gestation, à une distance notable de la partie centrale du iobule (cotylédon). Ce fait n'est pas indifférent à l'étude de l'élément que nous examinons ici. Il revêt en effet une physionomie très différente selon qu'on l'examine dans ja région périphérique ou la région centrale du lobule. Ici les travées protoplas- miques sont libres de toute connexion avec le chorion; elles ont dès lors une très grande épaisseur et peuvent être très commodément étu- diées. Dans la zone de pénétration choriale les mêmes travées sont tra- versées par une villosité fœtale fort déliée, en sorte que chacune d’elles concourt à circonscrire par ses faces latérales une lacune sanguine et est parcourue dans son axe par une villosité choriale. Quoi qu’il en soit, pénétrées ou non par les villosités choriales, nos travées protoplasmiques sont en parfaite continuité les unes avec les autres et forment un tout homogène auquel il est impossible de refuser l'unité et l'individualité qui s'attache à tout être continu pouvant vivre d'une vie indépendante. Comme cette continuité est ici la chose nouvelle et discutable, 1l 1m- porte d’y insister : et d’abord, les objectifs les plus pénétrants et les plus définissants ne parviennent pas à résoudre le stroma protoplasmique que nous étudions, en cellules distinctes. Cette impuissance des objectifs pourrait, ilest vrai, ne pas être considérée comme un élément décisif de démonstration. Aussi m'attacherai-je surtout à mettre en relief la distri- bution si irrégulière, et on pourrait dire si désordonnée, des noyaux. En certains points, ils forment en effet, des groupes très compacts où on les voit jetés les uns sur les autres. Ailleurs, ils deviennent plus rares pour disparaître complètement, et il est assez fréquent de voir des travées entières dépourvues de noyau. Toutes ces apparences sont assez signifi- catives pour ne laisser aucun doute dans l'esprit de l'observateur et lui imposer au contraire la conviction que le protoplasma se mouvait silen- cieusement pendant la vie, imprimant aux noyaux des oscillations qui dépassaient considérablement les limites d'un territoire cellulaire. La continuité est donc établie. Or, quelle valeur pourrait-on attribuer à une masse protoplasmique vivante multinucléaire continue et irréduc- tible, sinon celle d’une cellule ? Il faudra donc désormais compter avec cet élément nouveau, dans l'histoire générale des cellules, et adopter comme mesure extrême de la grandeur de cés éléments les valeurs que nous lui trouvons ici chez le lapin, le rat ou le cobaye, et qui peuvent atteindre deux centimètres de largeur sur un centimètre de hauteur. S'il fallait insister et indiquer avec plus de précision la place de la cellule placentaire en anatomie générale, peut-être oil légitime de la rapprocher de ces éléments dits cellules interstitielles qui ont en com- mun avec elle une fonction squelettique. Maïs comme, d'autre part notre 132 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. oo sr cellule est traversée par une superbe circulation sanguine, que la pré- sence naturelle des globules sanguins en plein protoplasma n’a été si- gnalée, jusqu'ici, que dans les cellules vaso-formatives, c’est probable- ment à côté des cellules angioplastiques que je pourrai plus tard mettre la cellule placentaire. La cellule placentaire s'éloigne encore par un autre côté, qui n est pas le moins intéressant, des autres éléments anatomiques. Comme elle a pour mesure le placenta fœtal lui-même, et que celui-ci est naturellement proportionnel à la taille des espèces animales auxquelles il appartient, il va de soi que la cellule placentaire obéit à la même proportionnalité. Elle constitue donc un élément qui, après s’étre singularisé par son vo- lume exceptionnellement démesuré, se singularise encore par cette cir- constance qu'elle croit proportionnellement à la taille des espèces animales. Le gérant : G. Masson. Paris. — Imprimerie G. RouGier et Cie, rue Cassette, I, rl tn D 133 SEANCE DU 28 FÉVRIER 1885 J. V. LaBorpe : Action physiologique d'un glucoside de Boldo. — E, Grey et Cu. Ricaeu : Dosage de l’azote total par l'hypobromite de sodium titré. — R. BouLarr et À. Prurer : Papilles foliées de quelques mammifères. —Brown-Séquarn : Alté- rations de nutrition qui suivent la section du nerf sciatique {et du nerf crural, chez les cobayes. Présidence de M. d’Arsonval. ETUDE EXPÉRIMENTALE SUR L'ACTION PHYSIOLOGIQUE D'UN GLUCOSIDE DÉ Boo, par J. V. LABORDE. Le Boldo, Boldea ou Boldoa fragrans (A. L. de Jussieu), Peumus Boldus (H. Baiïllon), est un petit arbre aromatique, originaire de la Boli- vie, de la famille des Mominiacées. Bourgoin et Verne retirèrent,en 4874, de cet arbuste, un alcaloïde, la Boldine, dont une étude physiologique convenable n’a pu être faite jusqu'à présent, à cause de la très petite quantité relative contenue dans les feuilles du Boldo. | Plus récemment M. Chapoteaut parvenait à extraire des mêmes feuilles un principe, qui s'y trouve en plus grande proportion, et qui, d’après sa composition et ses propriétés chimiques, semble appartenir à la fa- mille des glucosides. C’est de ce principe, sommairement décrit par Chapoteaut, dans une note à l’Académie des sciences le 98 avril 1884, que j'ai fait une étude physiologique, résumée dans les conclusions ci-après : RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS. 1° Le Boldo, par l’un de ces principes qui semble chimiquement cons- titué par un glucoside, exerce primitivement sur le système nerveux cen- tral une action hypnotique, amenant le sommeil avec toutes ses consé- quences de suspension momentanée des actes fonctionnels de la vie consciente et de relation; BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8€ SÉRIE, T. Il, N° 8. 134 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. ———————_—_—__—_—_—_——æ 2 Cette action prédominante s’accompagne d’un certain degré d’anesthésie générale et des sens spéciaux, notamment du sens de l’audi- tion;.et de l'abolition du réflexe oculo-palpébral. L'état de sommeil est précédé et accompagné d’une incoordination motrice, analogue à celle qui caractérise l'ivresse alcoolique, et qui se manifeste surtout aux doses voisines de la dose toxique ; %o L'influence du glucoside du Boldo sur les actes fonctionnels de la respiration et de la circulation, découle immédiatement de son action hypnotique: elle calme et régularise les mouvements respiratoires et les battements du cœur; elle en réduit aussi le nombre, jusqu’à en amener dans les conditions des effets toxiques et mortels, la cessation progres- sive et définitive, en commencant par les mouvements respiratoires; cela par une extension probable de son influence au centre respirateur bulbaire ; 5° L'abaissement ‘hermique, mais un abaissement très modéré est aussi un des résultats de l’action physiologique générale du Boldo; 6° Il a une influence excitatrice sur les diverses sécrétions, particu- lièrement sur la sécrétion biliaire, et sur celle de l'urine, par lesquelles il paraît s’éliminer; l'élimination par l'urine se révèle facilement par l'odeur aromatique et caractéristique de la substance, que l’on développe à l’aide de l’ébullition en présence de quelques gouttes d'acide sulfu- rique, et de l’addition d’un alcali (soude ou potasse); 7° Les effets physiologiques du glucoside du Boldo se manisiestent, de la même facon, mais aux degrés divers commandés par le mode d'in- troduction et d'absorption, à la suite des injections intra-veineuse et sous-cutanée, et de l’ingestion stomacale ; 8° L'introduction par l'estomac peut provoquer, à certaine dose, la nausée et le vomissement; mais la dose efficace pour produire le som- meil n’est pas nécessairement, notamment chez le chien, une dose vomitive ; % Les effets toxiques mortels qui exigent des doses très élevées (05,40 à 0#, 60 pour le cobaye du poids moyen de 350 à 450 grammes; 10 à 45 grammes pour le chien de 9 à 12 kilogrammes) s'expriment par la suspension primitive et progressive des mouvements respira- toires, au milieu d’un sommeil tranquille et non interrompu, sans réaction apparente d'aucune sorte, notamment sans secousse convulsive. 40° Le peu de toxicité du glucoside parait tenir à ce qu'il est totale- ment, ou à peu près, privé de l’alcaloïde qui semble coexister avec lui dans la plante, puisqu'il résulte d’un essai suffisant que nous avons pu faire avec ce dernier, qu'il est essentiellement toxique et convulsivant. ÉRIC ER Ee RRE EUT MNT ta SÉANCE DU 28 FÉVRIER. 135 = Ces résultats de l'étude expérimentale fournissent un certain nombre d'indications relatives aux applications rationnelles du glucoside du Boldo à la thérapeutique; et parmi ces applications, il en est une qui se dégage immédiatement de son action physiologique prédominante, hypnotique ou somnifère : c'est l'application aux cas pathologiques dans lesquels il est nécessaire de combattre l'insomnie, et d'obtenir un som- meil tranquille et paisible. Le Boldo, sous ce rapport, présente des avantages marqués sur la plu- part des autres hypnotiques, notamment sur l’opium, en ce qu'il ne semble pas, à dose physiologique, amener les troubles fonctionnels immédiats ou consécutifs qu'entrainent d'habitude les préparations opiacées. Il est vrai que la dose du glucoside boldique demandera, pour pro- duire ses effets, à être relativement très élevée, si nous en jugeons par ce qui se passe chez l'animal, puisqu’en ingestion stomacale, il faut cal- culer la dose efficace ramenée à l’unité de poids, à 05 30 centigrammes environ par kilogramme. Mais les conditions pathologiques, et les susceptibilités individuelles peuvent avoir sur ce chiffre brut une influence réductrice marquée, si nous nous en rapportons à un essai que nous avons fait dans un cas de colique hépatique, symptomatique de lithiase biliaire, et dans lequel le Boldo a amené une sédation très notable avec retour de sommeil absent depuis plusieurs nuits. Or, la dose totale, en ce cas, n’a pas dépassé 4 à 5 grammes par prises successives de À gramme à la fois; mais il s’a- gissait d’une femme, habituellement très sensible aux effets médica- mentaux. Quoi qu'il en soit, le peu et, il est permis de le dire, l'absence presque de toxicité de la substance dont il s’agit, peut en permettre ai- sément et sans appréhension, l'élévation de la dose; et c'est pourquoi l'essai en est facile en clinique. Cet essai n’est pas seulement indiqué dans le cas d’insomnie, qu'elle qu'en soit du reste, la cause, mais aussi dans les cas où il y a lieu de régu- lariser, de rétablir ou d'accroître certaines sécrétions, notamment et d'après les résultats expérimentaux, la sécrétion biliaire, celles de la salive et de l’urine. La forme de potion nous paraît être la mieux appropriée à l'emploi thérapeutique du glucoside du Boldo. On pourra aussi faire facilement l'essai de la forme pilulaire. 136 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. DOSAGE DE L'AZOTE TOTAL DE L’URINE PAR L'HYPOBROMITE DE SODIUM TITRÉ. Note de MM. E. GLey et Ou. RICHET (1). L'un de nous a présenté il y a deux ans à la Société de Biologie un pro- cédé analytique qui permet de doser lurée, non plus par la méthode des gaz, en dosant l'azote gazeux, mais en dosant la quantité d'hypobro- mite qui a été décomposé dans la réaction et transformée en acide brom- bydrique. Nous avons cherché à employer ce même procédé pour le dosage de l’'ammoniaque. , On sait que M. Kjeldahl (2), a imaginé un procédé ingénieux, qui a élé perfectionné par M. Pflüger (3), et qui consiste à traiter l'urine par l'acide sulfurique bouillant, de manière à oxyder toutes les matières orga- niques et à les brûler, en même temps que les matières azotées sont transformées en ammoniaque à l’état de sulfate d'ammoniaque. M. Rabuteau a depuis longtemps montré que l'hypochlorite de soude peut servir à doser l’ammoniaque des urines (4). Récemment notse bien regretté collègue et ami Henninger avait pré- sentéici même un procédé qui permet de doser l’ammoniaque par l'hypo- bromite, en employant la méthode des gaz (5). C’est le dosage par l’hypobromite que nous avons entrepris, non plus par la méthode des gaz, mais en titrant l’hypobromite, et ce procédé nous a donné de bons résultats, d'autant plus intéressants, qu'il s’agit là d’une méthode générale, applicable probablement à toutes les substances orga- niques. Le titrage d'hypobromite se fait avec une solution de protochlorure d’étain dans l’acide chlorhydrique, d’après la réaction Sn Cl? + H Br O + 2H CI = Sn O!C * +H Br + H°0 l'indice est l’iodure de potassium qui donne de l’iode libre, dont on apprécie facilement la coloration. Tout ceci étant dit pour mémoire, car les détails sont indiqués dans notre précédent travail. jomme l’urée, l'ammoniaque est oxydé par l’hypobromite. (Az H°)? + (HBrO)'—(H O)*° + {(H Br) * + Az° Mais la quantité d'hypobromite mise dans la réaction, et surtout celle d'ammoniaque, interviennent pour déterminer une réaction plus ou moins marquée. (1) Bullelin, 1882, p. 456, et Arch. de physiologie, 1883, p. 636. (2) Travaux du labor. de M. Hausen à Copenhague, mai 1883. (3) Arch. für die Gesammte Physiologie, 1884, p. 654.1 (4) Bull. Soc. Biol. (5) Bull. Soc. Biol. 1884. SÉANCE DU 28 FÉVRIER. 137 Voici en effet, si l’on met la même quantité d'hypobromite, quelle est, exprimée en centimètres cubes de la solution stanneuse, la quantité d'am- moniaque décomposée. Avec 0,27 d'Az H*‘. 1° de Sn Cl‘ vaut 0,00513 de Az H°. D 192500 1 0,135 it 0,135 is DOS D DS20) EE DUS20) DIDAOS AN LE DOTOA = D 02100) 2 DOLSSN D051511 2 iièu 0,00306 — ne 0,00300 — ne 000196 2 1 0,00482 — 0000 2 ja D 00260 an DD0Z10N ds 0,00450 — Le 0,00450 — ui 0,00422 — vi 0,00422 — 11 n’est donc pas indifférent de mettre plus ou moins d'Az H°; et il n’est possible de comparer deux dosages que si l’on met des quantités rigoureusement identiques d’Az H. D'autre part, la solution plus ou moins diluée n’exerce pas d'influence. Aïnsi avec des solutions contenant par litre 185", 9; 4, 5; 2, 95; et 1,195 d’Az H*, nous avons trouvé, en mettant le même poids d’Az H*. En mettant 0.036. sol. sol. sol. sol. sol. En mettant 08,018 sol. En mettant 0,054 sol. sol. sol. sol. sol. sol. sol. à 485 1% de Sn = 0,00404 à 9 — — 0,00409 àa45 — — 0,00400 EE VS = 0,00391 à 14.195 — — 0,00400 à18#. — — 0,00349 à 9 —° — 0,00346 à 4.5 — —= 0,00349 à 295 -— — 0,00346 à 2.95 — == 0,00346 à 18 — — 0,00422 à 9 —— —= 0,00439 àAAS — — 0,00428 Ainsi avec ce procédé, on évite les erreurs dues à la pesée de l'étain ; il suffit d’avoir ce qui est bien plus facile, une solution rigoureusement ütrée d'un sel ammoniacal pur, et de déterminer quelle est, pour une quantité donnée d’ammoniaque, la valeur d’étain équivalente. Alors un premier titrage détermine approximativement la quantité d’Az H* qui est dans la liqueur qu'on dose. 138 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Supposons par exemple qu'on ait déterminé au préalable la valeur de * l’étain en ammoniaque. Si l’on met 0,045 d'Az H* dans la liqueur exami- née, on trouve un certain titre répondant, je suppose, à 188 d'Az H* par litre : on fera alors un second titrage en mettant en contact avec l'hypo- bromite une quantité d’Az H*, précisément égale à 0,045. Les expériences réussissent alors bien, comme l’indiquent les chiffres suivants : Titre réel: 11,37. Titre trouvé : 11,36. R. 6,823 R. 10,123 T. 6,843 T. 40,120 R. 2,957 R. 10,25 T. 2,250 T. 40,45 R. 41,95 RO T. 41,34 T. 8,94 On peut donc par ce procédé doser très vite, très facilement et avec une exactitude suffisante, l’azote total, non seulement des urines, mais de la plupart des matières azotées. Nous avons contrôlé l'expérience en transformant une solution pure d'urée par l'acide sulfurique bouillant en ammoniaque. En mettant de 25% d’une solution d’urée à 20 grammes par litre, soit 0,5 d'urée dans 5® d'acide sulfurique, nous avons trouvé en Az H" : SEX ANS ITA 2 — — 6.010 ae = 6 »,833 1° dosage 9,833 2° dosage La quantité théorique étant 6 grammes. Avec l’urine, on obtient aussi des résultats très nets; mais nous réser- vons ces résultats pour une communication prochaine. SUR DIVERS POISONS CURARISANTS DE L'ORDRE DES AMMONIUMS QUATERNAIRES. Note de M. RABUTEAU. 1° Zodure, oxyde et sulfate de phényldiméthylallylammonium. Cette étude est la suite de celles que j'ai faites sur plusieurs iodures et oxydes d’ammoniums quaternaires, ainsi que sur divers composés SÉANCE DU 28 FÉVRIER. 139 RE d’arsoniums et de stiboniums quaternaires (1). J’ai démontré que ces poisons agissent comme le curare, c'est-à-dire qu'ils abolissent la fonc- tion des nerfs moteurs, tout en laissant intacte la contractilité mus- culaire. Parmi les sels d’ammoniums quaternaires dont j'ai traité, les uns dérivaient directement de l’ammoniaque ; les autres, de l’aniline ou phénylamine. Ils contenaient divers radicaux alcooliques que j'y avais introduits, tantôt le méthyle, tantôt l’éthyle, l’amyle. Ceux que je viens d'étudier contiennent d’autres radicaux, savoir: l'allyle, CH, le propyle, CH, le butyle, G*H°, associés à l’état d'iodure avec la phényldiméthy- lamine. H Soit l’'iodure d'ammonium, AzH'I — 4 AZI ; H Si l'on remplace successivement, dans cette molécule, les trois premiers atomes d'hydrogène par des radicaux monoatomiques, tels que le phé- nyle, OSHŸ, le méthyle, CH*, on a les composés suivants : CoH5 | C6H5 CsH5 H CH | CH Ne I H AZI H AZI CH: AZ H H H Iodure de phénylam-| lIoduredephénylméthy- Iodure de phényldimé- monium, ou iodhydate | lammonium {sel d’ammo- | thylammonium (sel d'am- d'aniline (sel d’ammo-|nium secondaire). monium ternaire). nium primaire). Ces trois combinaisons, l’une primaire, la suivante binaire, et la troisième ternaire, n'agissent nullement comme des substances cura- risantes. Il n’en est plus de même, si l’on remplace le dernier atome d'hydrogène par un radical manoatomique, ainsi que je l’ai constaté en substituant, à ce dernier atome d'hydrogène, tantôt l’allyle, tantôt le propyle, tantôt le butyle, dont les formules sont citées plus haut. J'ai obtenu ainsi un certain nombre de poisons (iodures, oxydes et sels oxygénés d’'ammoniums quaternaires). Ces combinaisons viennents’ajouter aux nombreux agents curarisants que j'ai fait connaître, et dont le chiffre théorique semble, d'après mes expériences et mes calculs, devoir s'élever, dès aujourd'hui, à plus de vingt mille, y compris les phospho- niums, arsoniums et stiboniums quaternaires. (1) Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 7 avril 1873. — Comptes rendus de la Société de biologie 1882, pages 127, 195, 409, 443. — Mémoires de la Société de biologie, 1883, p. 30. 440 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Les combinaisons que j'ai étudiées sont : 1° l’iodure de phényldiméthyl- allylammonium, ainsi que l’oxyde, le sulfate et l’alun de cet ammonium quaternaire ; 2° l'iodure de phényldiméthylpropylammonium ; 3° l'iodure de phényldiméthylbutylammonium. CSH° iodure de phényldiméthylallylammonium CH AZI CH CH: J'ai obtenu ce sel en chauffant, dans un tube scellé, à une température variant de 120 à 150 degrés, un mélange de 12 parties de phényldimé- thylamine et de 17 parties d'iodure d’allyle. La combinaison s'effectue facilement. Lorsqu'elle s’est produite, on observe, dans le tube, un magma cristallisé et même des cristaux isolés. Le sel d’ammonium quaternaire qui s’est formé est très soluble dans l'eau, très déliquescent, de sorte qu'on ne peut guère l'obtenir cristallisé de ses solutions aqueuses. Pour le purifier, je le lave avec l’éther qui enlève, soit l'excès d’iodure d’allyle, soit l'excès de phényldiméthylamine, dont il reste presque toujours une certaine quantité à l’état libre. Cet iodure, de même que tous les curares artificiels que j'ai obtenus, possède une amertume extrême. Cette amertume, lorsqu'elle à été cons- tatée, indique que la combinaison chimique des substances mises en contact s’est effectuée ; à ce moment, le sel d’ammonium quaternaire s'est formé. J'ai expérimenté, avec le sel précédent, sur les grenouilles et sur les cochons d'Inde. Je citerai les expériences suivantes: 10 J'injecte, chez un cochon d’Inde pesant 480 grammes, sous la peau des aines et des aisselles, en tout 10 centigrammes d’iodure de phényl- diméthylammonium dissous dans 25 centigrammes d’eau. Pendant les cinq premières minutes qui suivent l'injection, l'animal parait peu affecté. Bientôt ses mouvements deviennent pénibles, puis impossibles. I ne peut plus se tenir sur ses pattes, sa tête s'incline sur le sol; ilne présente plus aucune réaction aux excitations mécaniques. Les batte- ments cardiaques s’affaiblissent et cessent d’être perceptibles à l’auscul- tation et la mort paraît complète dix minutes après l'injection de la substance toxique. J’ouvre l'animal à ce moment. Les oreillettes battent encore ; les ventricules sont au repos. Les noumons sont un peu conges- tionnés par place, ce qui résulte sans doute de l’asphyxie produite par la cessation de la contraction des muscles respiratoires dont les nerfs ont paralysés. Si l’on applique l'électricité sur les muscles des parties postérieures, préalablement mis à nu, on voit que ces muscles se contractent très SÉANCE DU 28 FÉVRIER. AAt a ‘bien. Si, au contraire, on applique l'électricité sur les nerfs sciatiques isolés avec une baguette de verre, on ne provoque aucune contraction. Il y a donc paralysie du système nerveux moteur. A la dose de % centigrammes, l’animal peut ne pas succomber. Il : élimine peu à peu la substance toxique. L’élimination est à peu près complète en vingt-quatre heures. Plus tard, les urines ne présentent plus la réaction des iodures, à moins qu'on ne les ait évaporées et calcinées avec un peu de potasse pure et repris le résidu par une petite quantité d’eau distillée. 2° J'injecte, sous la peau du dos et d'une cuisse chez les grenouilles, 1 à 2 centigrammes du même sel dissous dans 25 centigrammes d’eau. Pendant les trois à cinq premières minutes, les grenouilles paraissent ne rien éprouver ; puis, de la cinquième à la dixième minute, la paralysie s'établit. Ces animaux, étant mis sur le dos,ne peuvent plus se retourner. La paralysie est complète en général en moins de quinze minutes. À ce moment, le cœur continue de battre et cela pendant un temps considérable (j'ai vu les battements persister plus d’un jour). Les muscles des cuisses et les nerfs sciatiques, étant mis à nu, on constate: 1° que les muscles se contractent vivement sous l'influence de l'excitation élec- trique ; 2° que les nerfs sciatiques, étant excités par l'électricité, ne provoquent pas de contraction. Il y a donc paralysie du système moteur . et conservation de la contraclilité musculaire. La sensibilité demeure intacte. Pour mettre ce résultat en évidence, et pour mieux étudier le méca- nisme de Pintoxication, on opère de la manière suivante : Sur une gre- nouille, on applique à l'origine d’un membre postérieur, une ligature qui comprend ce membre tout entier moins le nerf sciatique, puis on injecte la substance toxique sous la peau du dos de l’animal. Le poison se diffuse dans l'organisme, excepté dans la patte préservée par la ligature. Lorsque l’intoxication s’est produite, on remarque que l'exeitation du nerf sciatique de la patte qui a été liée fait contracter les muscles de cette patte, tandis que l'excitation du nerf sciatique de l’autre patte qui n'a pas été liée ne produit aucun mouvement. Lorsqu'on excite l’animal en un point quelconque, par pincement ou par piqûre, on n’ob- serve des mouvements que dans le membre qui a été préservé du poison par la ligature, ce qui prouve que la sensibilité réflexe n'a pas été attemte, et que le nerf moteur n’est point paralysé à son origine, mais seulement à ses extrémités terminales. Hydrate de phényldiméthylallylammonium. — En traitant l'icdure précédent par l’oxyde d'argent humide récemment précipité, il se forme de l'iodure d'argent et un oxyde hydraté : 149 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. C5HS on ee Az © AgHO — Agi + | CH | 3 3 è ne ETC CH C'H5 TT Hydrate de phényldimé- HO thylallylammonium. Cet oxyde hydraté est une base énergique analogue à la potasse KHO, dont le métal K serait remplacé par le groupe jhényldiméthylallylam- monium, compris entre parenthèses. Il possède une réaction fortement alcaline, une saveur caustique suivie d’une amertume considérable. Il précipite les métaux de leurs solutions, même ceux des métaux alcalino- terreux ; toutefois il ne précipite pas les sels des métaux alcalins. J'ai essayé cet oxyde hydraté sur les grenouilles et les cochons d'Inde. Je me suis servi d’une solution au vingtième. Cette solution n'est pas très caustique et permet par conséquent l’expérimentation. Les résultats ont été semblables à ceux que j'avais observés après l'injection de l'iodure. Toutefois, les doses nécessaires pour produire les mêmes effets sont moindres, parce que le poids moléculaire de loxyde est moins élevé que celui de l’iodure (1). Le rapport est approximative- _ment de 2 à 3. J’ajouterai que j'ai constaté, chez les grenouilles, de légers mouvements convulsifs, surtout aux extrémités des pattes postérieures. On sait d’ailleurs que le curare provoque parfois des convulsions. Les cochons d'Inde ont succombé dix minutes après l'injection de 7 à 8 centigrammes d'oxyde hydraté ; les grenouilles, quinze à vingt minutes après l'injection de 1 à 2 centigrammes. Lors même que l’excita- tion des nerfs sciatiques ne provoquait chez ces dernières aucun mouve- ment, le cœur à continué de battre pendant 24 et 36 heures, et les muscles, pendant ce temps, ont conservé leur contractilité. La dessic- cation en avait été empêchée en mettant les grenouilles au fond d'un bocal avec une petite quantité d’eau. Sulfate de phényldiméthylallylanmonium. — Ce sel est très soluble dans l’eau et très déliquescent. Il est également soluble dans l'alcool et dans l’éther. Je n'ai pu le faire cristaLiser. Il est neutre aux réactifs colorés et possède une saveur très amère. Je l'ai obtenu en neutralisant l’oxyde précédent par lacide sulfurique dilué. J'ai expérimenté, avec ce sel, comme avec l’iodure et l'oxyde hydraté. Les phénomènes observés ont été les mêmes que les précédents à des (1) Le poids moléculaire de l'iodure de phényldiméthylally)lammonium est égal à 289, tandis que celui de l’oxyde hydraté est égal à 179, SÉANCE DU 28 FÉVRIER. 4143 doses intermédiaires à celles de l'iodure et de l'hydrate. Ce sel a égale- ment produit la paralysie des extrémités des nerfs moteurs, en laissant intacte la sensibilité et la contractilité musculaire. SUR LES PAPILLES FOLIÉES DE QUELQUES MAMMIFÈRES. Note par MM. R. Bourarr et À. PILLIET. Nous avons adressé récemment à la Société de Biologie (novembre 1884) une note sur l'organe folié dans la langue des Singes. Nous venons ici compléter cette première étude, par la description de cet organe dans la langue d’un certain nombre de Mammifères, où il n'avait pas été signalé jusqu’à ce jour, du moins avec sa véritable signification. En effet, c'est seulement en 1870 que Franz Wyss a décrit les papilles foliées chez le Lapin, l'Écureuil et la Taupe, comme des organes du goût, et qu'il y a retrouvé les bourgeons gustatifs que Lœven et Schwalbe avaient trouvés sur les terminaisons du glosso-pharyngien dans les papilles cratériformes. Les descriptions antérieures de C. Mayer et des autres auteurs, portant sur les plis plus où moins nombreux, plus ou moins larges, qui peuvent exister sur les parties latérales de la langue des Mammifères, n'ont donc qu'un intérêt historique, puisque ni l’his- tologie, ni la physiologie de l'organe n’avaient été faites. Nous allons indiquer sommairement le résultat des examens que nous avons pu faire, au laboratoire de M. le professeur Pouchet. L'organe folié semble manquer chez les Cheiroptères, les Carnassiers, les Phoques, les Jumentés, les Ruminants et les Cétacés. Nous disons semble manquer, car nous n'avons pu examiner qu'un nombre restreint d'espèces, et il nest nullement prouvé qu'on ne puisse trouver cet organe chez quel ques-uns des animaux qui constituent les ordres en question. En tout cas, on ne rencontre pas de papilles foliées chez les Chauves-Souris, des genres Vespertillo et Roussette, les seuls que nous ayons pu examiner. Pour les Carnassiers, elles font défaut chez le Lion, le Tigre, la Pan- thère , le Jaguar, l’Ocelot, le Chat, le Chien, l’Hyène, la Civette, la Genette, la Fouine, le Putois, le Blaireau, l’Ours. Pourtant il existe chez le Paradoxure, des papilles latérales rappelant exactement leur disposi- tion. Les Jumentés, tels que le Cheval, l'Hémione, le Daw, le Rhinocéros, le Tapir, en sont dépourvus, ainsi du reste que le Bœuf, le Mouton, plusieurs Antilopes, le Chameau, le Lama, la Girafe, parmi les Ruminants. Les Cétacés Balœæna antipodum, Bal. museulus, Balan, Sibbaldii, Dau- phin vulgaire et Marsouin n’en montrent aucune trace. L’organe folié existe par contre, à différents degrés de développement, 144 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE chez les Quadrumanes, comme nous l’avons dit dans notre première note, les Rongeurs, les Insectivores, les Proboscidiens,les Porcins, les Édentés, les Marsupiaux: Il est toujours composé d'une série de papilles allangées verticalement, disposées sur un seul rang en hauteur, et situées sur les parties latérales ou bords de la langue, rapprochées de la base et s’éten- dant sur une longueur variable d’un demi à deux centimètres par exemple, chez les espèces de taille moyenne. Sa forme est très variable, même chez les animaux d’un même ordre. Sur une coupe de ces papilles, parallèle à leur grand axe, on les voit composées de plusieurs papilles dermiques. Les fossés qui les séparent sont chargés sur leurs deux bords, de bourgeons du goût, dont la structure est bien connue, leur abondance dans cet organe en ayant fait un objet de choix pour lès observations des histologistes. M. le professeur Ranvier a élucidé parfai- tement cette question, au point de vue historique et critique, en décri- vant l'organe folié du Lapin (Traité technique). Nous n'y reviendrons donc pas. Nous avons retrouvé sur tous les animaux dont nous allons parler, les glandes séreuses, sous-muqueuses, qu'Ebner a décrites chez le Lapin, comme annexées à l'organe folié, et s’ouvrant au fond de ses sillons. 1. Rongeurs. Chez les Rongeurs, les papilles foliées se présentent sous deux aspects. Le Lapin, le Castor, la Marmotte ontun organe folié composé de deux plaques allongées sur les parties latérales des bords de la lan- gue, formées chacune d'un plus ou moins grand nombre de lamelles serrées les unes contre les autres, comme nous l'avons dit plus haut, à la manière des feuillets d’un livre, ou des crêtes du bout des doigts. Chez l'Agouti, nous voyons des fentes rappelant celles d'une persienne: elles offrent du reste comme celles des animaux précédents, sur leurs deux bords, des bourgeons du goût bien nets, semblables à ceux qu'on trouve dans les papilles cratériformes du même animal. IT. /nsectivores. Nous avons examiné la langue du Tenree, du Tupaia, du Desman et du Hérisson, ce dernier seul, nous a offert deux papilles foliées figurant assez bien un W. II. Proboscidiens. L'Éléphant a des papilles foliées très nombreuses, commencant à quatre centimètres environ, au-dessous et en avant, des papilles cratériformes. D'abord petites. épaisses et bilobées, elles ne tardent pas à prendre la forme de fentes longues et profondes, d'une dimension comparativement énorme. Elles se rapprochent progressivement les unes des autres, diminuent de hauteur, et finissent par passer à de simples plis, vers la pointe de la langue. É _ 52 TD SÉANCE DU 28 FÉVRIER. 445 Nous comptons quarante-quatre de ces papilles de chaque côté de la langue. à Nous n'avons pas trouvé de bourgeons gustatifs, mais on ne peut tirer de ce fait aucune conclusion, la pièce ayant plusieurs années de séjour dans l’alcool. Un grand nombre de nos pièces étaient d’ailleurs dans ce cas, et nous ne parlerons des bourgeons du goût qu’à propos de celles que nous avons pu avoir fraiches. IV. Porcins. Chez l'Hippopotame, les papilles foliées sont au nembre de onze de chaque côté, elles sont ellipsoïdes, chacune des éminences papillaires est séparée en deux par un sillon profond, aux deux extré- mités de la plaque foliée, elles perdent graduellement leurs caractères, et passent à de simples plis, portant des papilles filiformes. Chez le Porc et le Phocochère, nous ne trouvons plus que quatre fentes, pour repré- présenter l'organe folié. Un certain nombre des bourgeons du goût pré- sentent une base large, par où pénètrent les nerfs du derme, et nous ont paru offrir ainsi quelque rapprochement avec les papilles dermiques, proprement dites : . V. Édentés. Nous n'avons pu examiner, que le Tatou : chez cet animal, on voit en arrière du V lingual, deux petites cupules, on fond desquelles se montrent des éminences très délicates, qui, selon toute probabilité, correspondent à des papilles foliées. VI. Marsupiaux. Il y achez les Marsupiaux deux types de papilles foliées. Chez le Kanguroo de Bennet, elles sont peu apparentes et ont l'aspect de petits orifices entourés d’un mince bourrelet, disposés en série latérale et en trou de flûte. L'organe est plus net chez le Kanguroo-Rat. Chez la Sarigue, il existe cinq papilles foliées de chaque côté du V lingual. Les trois premières présentent cette particularité, d’être libres sous forme de petites languettes verticales. Les deux dernières sont des saiïllies elliptiques, avec un très léger sillon à la partie antérieure. En résumé, comme Wyss l'avait dit, les papilles foliées ne sont que des papilles cratériformes, aplaties latéralement, et dont le fossé est comblé en haut et en bas, on peut comprendre cet organe comme un V lingual rejeté latéralement. Nous le voyons exister chez des animaux ayant un régime très diffé- rent, il coexiste, excepté chez l'Hippopotame avec des papilles filformes, fongiformes et cratériformes, et bien que ces dernières soient en général peu nombreuses, partout où existe l’organe en question. Il n’en est pas moins des animaux, comme les Singes Anthropomorphes 1246 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. ————_—_—_—_—_—_—_——…—…—"…— —…—…—.——…—…—.…—…—.———————— qui possèdent de nombreuses papilles cratériformes, et de nombreuses papilles foliées, et d’autres, qui, n'ayant que trois papilles cratériformes, manquent néanmoins d'organe folié. Il semble donc qu'il n’y a pas de relation entre le nombre des papilles cratériformes et la présence de papilles fc'iées, quoiqu'elles soient égale- ment innervées par le glosso-pharyngien, et on ne peut par suite sup- poser que ces dernières suppléent aux premières. Tood et Bowman leur refusent un rôle gustatif, En second lieu, si les papilles foliées de l'Éléphant par exemple, man- quent réellement de bourgeons du goût, fait que nous avons attribué au mauvais état de conservation de la pièce examinée, on se trouverait en présence de deux sortes de papilles foliées, les unes avec bourgeons, les autres sans organes gustatifs. Enfin, il ne faut pas oublier que les papilles foliées passent souvent à de simples plis sans bourgeons, et par suite, on peut supposer que les plis prononcés qui existent aux parties latérales de la langues chez les Makis et les Ruminants, au lieu et place de papilles foliées, représentent un organe folié rudimentaire. Il en est de même chez l'Homme où Krause a compté de chaque côté cinq de ces plis. CAUSES DES ALTÉRATIONS DE NUTRITION QUI SUIVENT LA SECTION DU NERF SCIATIQUE ET DU NERF CRURAL, CHEZ LES COBAYES, par M. BROwWN- SÉQUARD. On sait que des altérations considérables de nutrition ont lieu aux pattes des cobayes après la section des nerfs sciatique et crural. La perte de quelques phalanges (sinon même d’une grande partie du membre) est un résultat constant de cette section. On a considéré ces lésions comme dépendant de l'absence d’une influence trophique que l’on suppose être nécessaire à la nutrition. J'ai dit et maintenu que ces lésions sont l'effet de morsures des parties anesthésiées. Ces animaux deviennent tous épi- leptiques (que l’on puisse ou non déterminer l'attaque par l'irritation de la zone que j'ai appelée épileptogène). Dans l'attaque la patte passe et repasse convulsivement près de la bouche et sa peau y est déchirée par les dents, dans un spasme des muscles masticateurs. Cela ayant eu lieu, l'animal, au sortir de l'attaque, ou ses compagnons mangent toutes où presques toutes les parties änesthésiées, Des expériences que j'ai faites en octobre dernier, démontrent que lorsque dans l’attaque la patte ne peut pas atteindre la bouche, il n'y a SÉANCE DU 28 FÉVRIER. 147 plus d’altération grossière de la nutrition dans les parties paralysées par suite d’une section de leurs nerfs. Les ongles ne tombent pas, la peau semble n'être en rien altérée. De plus, la cicatrisation des plaies s'opère parfaitement. Je fais voir à la Société six cobayes à l’appui de ces asser- tions. Chez quatre d’entre eux, le procédé employé pour empêcher que la patte, paralysée par la section du sciatique et du crural, fût portée ou plutôt jetée à la bouche dans les attaques d’épilepsie, à consisté à couper une partie plus ou moins grande d’une moitié latérale de la moelle épi- nière au niveau de la dixième vertèbre dorsale. Chez tous les animaux que je montre, on voit que la peau semble être dans un état parfaitement normal : les poils y sont aussi nombreux et aussi longs que chez les ani- maux sains. Chez l’un de ces cobayes, âgé de deux à trois mois à l’époque où on l’a opéré (en octobre dernier comme les autres), il y a aujourd'hui (quatre mois et demi après les lésions à la moelle et aux nerfs) de l’anes- thésie à un degré considérable aux deux membres postérieurs. Le membre gauche (côté des lésions) est aussi long, dans ses diverses parties, que le droit. Le membre paralysé est raide, étendu, mais on peut le fléchir complètement avec un peu de force. Dans la marche il se fléchit un peu à chaque pas, puis s'étend de nouveau. Les orteils, crochus, restent dans un état de flexion que l’on a grand peine à vainere. La température est. la même aux deux membres postérieurs. Il y a fort peu d’atrophie dans les masses musculaires de la jambe et de la cuisse. Les ongles n’ont rien de particulier, leur état paraissant tout à fait normal. Chez un autre des cobayes que je montre, après la section (très haut) du nerf sciatique et du crural, j'ai amputé le membre au milieu de la cuisse, puis réuni les lèvres de la plaie à l’aide d’une suture. La plaie s’est cicatrisée admirablement et le moignon est maintenant dans un excellent état. Ces faits montrent que les altérations si considérables de nutrition à la suite de la section des nerfs sciatique et crural, chez les cobayes, dépendent de causes accidentelles et non de l'absence d'une prétendue influence trophique de la moelle épinière. Le gérant : G. Masson. Paris. — Imprimerie G. Rouarer et Cie, rue Cassette, I. 145 SÉANCE DU 7 MARS 1885 Dans la séance du 28 février 1885, M. le docteur Féré a été élu membre titulaire de la Société de Biologie. M. Brown-Séquarp : Epilepsie spinale par une lésion du cervelet. — M. RABUTEAU: Poisons . curarisants. — Alun de phényldiméthylallylammonium. — Gracomo- Luwsroso : Arthropathie ataxique. — Grénanr et Quinquaup: Pression nécessaire pour déterminer la rupture des vaisseaux sanguins. — GELLÉ: Gravité des lé- sions auriculaires compatible avec la persistance d’une certaine auditioni Présidence de M. Paul Bert. PRODUCTION D'ÉPILEPSIE SPINALE PAR UNE LÉSION DU CERVELET par M. BROWN-SÉQUARD. J'ai été témoin, il y a quelques mois, d'un fait expérimental du plus vif intérêt, montrant que l’état morbide spécial de la moelle épinière, que j'ai le premier décrit sous le nom d’épilepsie spinale, peut être produit par une lésion du cervelet. Je vais exposer brièvement les principaux détails de ce fait remarquable, qui a été vu; avec moi, par mon adjoint M. Hénocque et le D' Kahn. 9 octobre 1884. — Gros chien épagneul, extrêmement vigoureux. — Je fais passer une tige métallique, de 4 à 5 millimètres de diamètre à travers le crâne et le cervelet, de haut en bas. Ainsi que l’a montré l’'autopsie, l'instrument a atteint, mais très légèrement, le plancher du quatrième ventricule, après avoir traversé le cervelet, à sa partie posté- rieure, à droite, mais très près de la ligne médiane. Il y a eu fort peu. d'hémorrhagie et les phénomènes qui vont être décrits ont dépendu de la déchirure des éléments nerveux du cervelet et non d’une pression exercée par du sang épanché. Le premier effet observé a été un accès de contracture aux membres antérieur gauche et postérieur droit. Cet accès a duré d’une à deux minutes. Bientôt après il s’est reproduit et a cessé tout aussi prompte- ment. BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8e SÉRIE, T. Il, N° 9, 150 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Sept minutes après la lésion du cervelet l'animal étant maintenu sur son dos, pour m'assurer s’il y avait de la contracture, j'ai distendu le membre postérieur gauche, qui était fléchi et en apparence absolument souple et j'ai produit une attaque d’épilepsie spinale. Il y a eu des convul- sions cloniques extrêmement violentes dans le membre tiraillé (le posté- rieur gauche), se montrant surtout dans les muscles fléchisseurs ; en même temps le membre postérieur droit s’est étendu subitement et est resté très raide, dans lextension; ie tronc s’est légèrement courbé en avant (emprosthotonos) et les membres antérieurs ont eu un peu de rigidité. Au bout d’une minute et demie l'attaque à cessé. À plusieurs reprises sous l'influence de la même cause extérieure (extension un peu vive du membre postérieur gauche) j'ai reproduit cette crise convulsive. Les tiraillements, les extensions et d’autres irritations mécaniques du membre postérieur droit n'ont pas produit d'attaque. À l’aide de l'appareil de Dubois-Reymond, au maximum de sa force, la galvanisation des masses musculaires postérieures de la cuisse gauche a déterminé une attaque d'épilepsie spinale, identique à celle que j'ai décrite. Une crise de même nature, mais un peu différente à certains égards, a été déterminée par la galvanisation de la peau de l’abdomen à gauche. Au lieu d’emprosthotonos il y a eu alors de l’opisthotonos par suite d’une contracture considérable des muscles des gouttières verté- brales au cou et au thorax. La tête entraînée en arrière formait un angle presque droit avec le corps; elle était, de plus, un peu déjetée à droite. Le membre antérieur gauche, au lieu de se contracturer, avait de légères convulsions cloniques. La galvanisation de la peau de l'abdomen, à droite, produit aussi une attaque semblable à celle que cause l’irritation, à gauche, mais avec bien moins d'intensité. Si, au lieu de galvaniser les masses musculaires de la partie posté- rieure de la cuisse, à gauche, on les soumet à de fortes pressions (mala- xation), les attaques ci-dessus décrites ne se produisent pas, mais il survient des convulsions cloniques dans les fléchisseurs de la cuisse et de Ja jambe de ce côté. Une espèce d'attaque très différente se montre lorsqu'on irrite par de vives pressions (malaxation) les masses musculaires de la partie anté- rieure de la cuisse gauche. Le membre irrité s'étend brusquement et reste rigide dans l’extension, tant qu'on continue la malaxation. De plus, de 4 à 8 secondes après l'apparition de cette énergique rigidité du mem- bre gauche, le postérieur droit se raidit aussi dans l'extension. Cet état de convulsion tonique persiste plus longtemps dans ce membre (environ 2 minutes) que dans le gauche. Enfin, dans cette altaque, une contracture avec extension se montre aussi dans le membre antérieur gauche, mais elle disparaît aussitôt que cesse la malaxation. : Très peu de temps après la piqûre du cervelet, j'ai constaté le fait SÉANCE DU 7 MARS. 151 singulier que des mouvements rythmiques d'une parfaite régularité avaient lieu dans une partie assez considérable du peaucier de la partie antérieure de l’abdomen, à droite. À chaque contraction, le fourreau du prépuce était entraîné à droite et en haut. Il y avait vingt de ces mouve- ments par minute dans l'intervalle des attaques, mais ce nombre s’aug- mentait temporairement pendant chaque accès. Le rythme de ces mou- vements n'était pas le même que celui de la respiration qui était plus rapide et plus forte qu’à l’état normal. L'introduction d’un thermomètre dans le rectum a donné lieu à des convulsions cloniques des muscles fléchisseurs de la cuisse et de lajambe à gauche, et à de la contracture avec extension, dans le membre posté- rieur droit. En retirant le thermomètre il n'y a eu que de légers mou- vements réflexes, dans le membre postérieur droit. La température était de 41°4, un quart d'heure après la lésion. L'animal a conservé toute sa connaissance. Il à paru d’abord fort peu sentir les irritations mécaniques ou galvaniques de la peau, aux mem- bres postérieurs. Plus tard il est devenu hyperesthésique de partout; mais il a toujours éprouvé de vives douleurs sous l'influence de la galva- nisation des muscles des membres postérieurs. A la face la sensibilité était partout normale. L'œil gauche était fermé spasmodiquement; le droit, à demi-ouvert ; les deux pupilles égales et mobiles. Les diverses sortes d'attaque que j'ai mentionnées cessaient instanta- nément ou à bien peu près lorsque les orteils étaient violemment fléchis. En cela l’animal était donc absolument semblable aux malades de notre espèce, atteints d’épilepsie spinale, par suite d’une affection organique de la moelle épinière. Quand on faisait durer, chez ce chien, la cause excitatrice extérieure qui provoquait ces attaques, la flexion violente des orteils diminuait mais n'arrêtait pas l'accès. La galvanisation ou la malaxation des diverses parties du membre postérieur droit n’ont produit qu'un effet local, la contracture des mus- cles extenseurs de ce membre. Ce fait montre clairement qu'une irritation encéphalique est capable de produire dans la moelle épinière un état dynamique semblable à celui que détermine, chez l'homme, certaines affections organiques de ce dernier centre nerveux. En résumé il y a eu dans ce cas, sous l'influence d’une irritation du cervelet : 4° de l’épilepsie spinale à un très haut degré, avec une exagé- ration considérable de l’excitabilité réflexe dans certains points; 2° pro- duction de mouvements rythmiques d’une parfaite régularité dans une portion du peäucier abdominal du côté de la lésion du cervelet. 152 -__ SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. SUR LES POISONS CURARISANTS. — ALUN DE PHÉNYLDIMÉTHYLALLYLAMMONIUM, Note de M. RABUTEAU. J’ait fait connaître, dans la séance précédente (pages 138 et suivantes des Comptes rendus), les effets de diverses combinaisons d’un ammo- nium quaternaire, du phényldiméthylallylammonium. On a vu que ces combinaisons agissent comme des poisons curarisants énergiques. D’a- près quelques expériences que j'ai faites depuis, l'énergie en serait même plus considérable que je ne le pensais d’abord, ce qui tient sans doute au poids moléculaire élevé du radical quaternaire. Les recherches que je publie aujourd’hui sont d’un ordre non seule- ment toxicologique mais chimique. Il s’agit d’un alun d'ammonium qua- ternaire, le premier qui ait été préparé, du moins à ma connaissance, de sorte que, si je ne me trompe, j'aurai traité pour la première fois, devant notre Société, de ces sels doubles dont le nombre théorique serait quatre fois plus considérable que celui des ammoniums composés qua- ternaires, et pourrait dès aujourd’hui s’évaluer à 80,000. Alun de phényldiméthylallylammonium. — On sait que les aluns sont des sulfates doubles d’un métal ou radical monoatomique (1) et d’un métal tétratomique (2). L’alun ordinaire, ou sulfate double de potassium et d'aluminium, est le type de cette série de composés : K2S0* + AI (S0'}3 + 24 H20 . ... . . . + + « Alun ordinaire. Na SON AU ARR ENS RER I NME Alunidesodiune TLESOSE Se et ERA re Eten) et PAluntdethaltiune (Az H*}? SO* + AP (S0*)5 + 24 H20. . . ..... Alun ammoniacal ou alun'd’'ammonium. Tous ces aluns ont pour caractères communs : 1° de cristalliser en octaèdres, rarement en cubes (alun cubique, alun de Rome); 2° de con- tenir 24 molécules d’eau de cristallisation. Or, le sulfate double que j'ai préparé présente la propriété de cristalliser, avee 24 molécules d’eau, dans le système cubique, avec quelques particularités de forme qui seront signalées. Remplacons, dans l’alun ammoniacal ordinaire, les quatre atomes d'hydrogène de l’ammonium par les radicaux alcooliques du phényldimé- thylallylammonium, nous aurons l’alun quaternaire : [Az (C5 Hi) (CH) (CH?) CG H5)?? SO: A2 SO + 24 H20 (4) Potassium, sodium, rubidium, cæsium, thallium (qui fonctionne égale- ment comme triatomique), ammonium. (2) Les métaux tétratomiques qui donnent des aluns, sont l’aluminium, le fer, le chrome, le manganèse, le gallium. SÉANCE DU 7 MARS 153 Pour le préparer, j'ai mélangé des solutions aqueuses de sulfate de phényldiméthylallylammonium et de sulfate d'aluminium dans le rap- port des poids moléculaires de ces deux sels, soit approximativement de poids égaux, attendu que ce rapport est celui de 288 à 243 (1). L’alun de phényldiméthylallylammonium est incolore, d’une saveur à la fois amère et astringente, d’une réaction acide. Il se dépose, de ses solutions aqueuses concentrées par évaporation, en cristaux du système cubique. Les cristaux que j'ai observés sont rarement des cubes réguliers (fig. 1); ce sont, le plus souvent, des tétraèdres tronqués (fig. 2), des octraèdres tronqués (fig. 3). J'ai observé quelquefois des hexadièdres, surtout dans les masses cristallines agglomérées. On voit que cet alun quaternaire affecte des formes plus variées que celles qu’affectent les aluns minéraux, qui cristallisent généralement en octaedres d’une ré- gularité parfaite. 11 donne avec l’ammoniaque un précipité blanc d’alumine hydratée. IL coagule l’albumine de l'œuf. Le coagulum est soluble dans un léger excès de l’alun et dans un grand excès d’albumine. Fig. ? Expériences. — J'ai étudié les effets de l’alun de phényldiméthylally- lammonium sur les grenouilles et sur les cochons d'Inde. 1° J’injecte chez une grenouille, sous la peau du dos et d’une cuisse, (4) Soit le sulfate de phényldiméthylallylammonium, dont la formule est in- diquée plus haut. En réunissant les atomes et en en multipliant le nombre par leur poids respectif, on a : 22 0132 HUE 0089 NF = Den Par conséquent, le poids moléculaire She =}: de ce sel est égal à 288. C6 UE GE 288 Soit, d'autre part, le sulfate d'aluminium, AP (S0*}. On a : AR 275 NC 192 — 35 SŸ — 32 X 3— 96 Par conséquent le poids moléculaire D 6 SOUS Aa du sulfate d'aluminium est 243. Al2 (50) — 243 454 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 2 centigrammes de cet alun dissous dans 40 centigrammes d’eau. — Dès la 3° minute qui suit l'injection, la grenouille est déjà fatiguée. A la 5° minute, étant mise sur le dos, elle ne peut plus se retourner. Enfin, à la 8° minute, tout mouvement spontané a cessé, si ce n’est que j’observe parfois du tremblement aux extrémités des pattes, ce qui tient sans doute à ce que le poison, qui est astringent, ne s’est pas encore suffisamment diffusé aux extrémités. Le pincement, la piqûre, ne provoquent aucune réaction ; néanmoins le cœur bat encore. J’abandonne la grenouille dans un bocal avec un peu d’eau. Le lendemain, le cœur étant mis à nu, pré- sente quelques mouvements des oreillettes lorsqu'on l’excite. Les muscles des pattes postérieures, étant mis à nu, se contractent sous l'influence de l'électricité, mais moins bien que dans les expériences faites avec l’iodure de phényldiméthylallylammonium, ce qui tient sans doute à l’action de l'aluminium qui se trouve en petite quantité dans l’alun quaternaire. Les nerfs sciatiques, isolés avec une baguette de verre, et excités de même par l'électricité, ne provoquent aucune contraction. Chez une autre grenouille, j'injecte 1 centigramme du même sel dis- sous dans 20 centigrammes d’eau. — Les phénomènes sont les mêmes que les précédents, sous l’influence de 2 centigrammes, avec cette difté- rence qu'ils sont en retard sur ceux-ci de deux à trois minutes seulement. Douze minutes après l'injection, alors que toute réaction a cessé, je mets à nu un nerf sciatique. L’excitation de ce nerf par l'électricité ne pro- voque pas de mouvement; cependant les muscles, excités directement, se contractent assez vivement. J’abandonne la grenouille dans un bocal avec un peu d’eau. Le lendemain, le cœur, les muscles se contractent encore sous l’influénce de l'électricité. L’excitation des nerfs moteurs ne provoque aucun mouvement. Chez une autre grenouille, j'injecte 5 milligrammes du même alun dis- sous dans 10 centigrammes d’eau. — Cette fois, Les effets sont assez tar- difs. Ce n’est que vers la 12° minute que l’animal présente une fatigue considérable. Vers la 25° minute, la grenouille ne présente plus de mou- vements spontanés. Néanmoins elle s’agite plus ou moins faiblement sous l'influence du pincement. Plus tard, elle devient inerte. Le lendemain, elle se trouve dans la même situation que les précédentes qui avaient recu 1 et 2 centigrammes du poison. Enfin j'ai injecté, chez une quatrième grenouille, seulement 2 milli- grammes et demi d’alun quaternaire dissous dans 5 centigrammes d’eau. — Sous l'influence de cette faible dose, la grenouille, après une période de fatigue, a survécu. Je l’ai conservée dans un bocal avec un peu d’eau ordinaire où j'ai reconnu la présence d’un léger excès de sulfates sur la quantité que cette eau contenait naturellement, ce qui indiquait que la- nimal avait peu à peu éliminé le poison. 20 J'ai injecté chez un cochon d’Inde pesant 350 grammes, sous la peau SÉANCE DU T MARS. 155 des cuisses et des aisselles, 10 centigrammes d’alun de phényidiméthylal- lylammonium dissous dans 2 grammes d’eau. Pendant les cinq premières minutes, l'animal n’a point paru fatigué. À la dixième minute, la fatigue était déjà considérable. Bientôt les mou- vements devinrent impossibles surtout ceux des pattes postérieures ; puis ceux des pattes antérieures. Sa tête, penchée, inclinée sur le sol, ne pou- vait se relever. Les mouvements respiratoires étaient possibles. Enfin l'animal succomba quinze minutes après l'injection. — A l’'autopsie, qui fut faite presque aussitôt, les oreillettes se contractaient faiblement; les muscles des pattes postérieures, mis à nu, se contractaient sous l'influence de l'électricité; les nerfs sciatiques ne provoquaient aucun mouvement ou un mouvement très faible, ce qui tient, sans doute, à la cause déjà invoquée précédemment, à la qualité astringente de l’alun qui ne se dif- fuse pas aussi bien que l’iodure simple d'un radical alcalin ou ammo- niacal. Le sang contenu dans le cœur gauche était beaucoup moins rouge que d'ordinaire, comme il arrive dans l'empoisonnement par le curare, à cause de l’état asphyxique résultant de la paralysie des nerfs dilatateurs de la poitrine. Chez un autre cochon d'Inde pesant 620 grammes, j'injecte, de la même manière, 5 centigrammes d'alun quaternaire dissous dans un gramme d'eau. L'animal ne parait rien éprouver de cette injection ni au bout de cinq et dix minutes, ni plus tard. Je remarque toutefois qu'il ÿ à un peu de fièvre. Son nez, son corps sont plus chauds qu'auparavant et que ceux d'un autre cochon d'Inde qui se trouve à côté de lui et qui n’a rien recu. — Je l'emporte chez moi pour recueillir ses urines. Il mange avec appé- Lit, et se porte très bien le lendemain. Les urines de cet animal, recueillies pendant vingt-quatre heures, sont alcalines. Elles ne contiennent pas d’albumine, mais elles renferment une faible quantité de sucre. En effet, elles se colorent légèrement en brun par l'ébullition avec un fragment de potasse. On sait d'ailleurs que le curare peut produire une glycosurie passagère. Tels sont les résultats de mes recherches sur diverses combinaisons d’un ammonium quaternaire où j'ai introduit le radical allyle, ce que je n'avais pas entrepris encore. .Les faits sont venus confirmer ce que j'avais exposé sur le mode d'action des combinaisons quaternaires de l’azote, du phosphore, de l’antimoine et de l’arsenic. Ce sont également des poisons curarisants. Prochainement je traiterai d'autres ammoniums composés, contenant les radicaux propyle et butyle. Le point sur lequel je tiens à insister aujourd'hui, bien qu'il relève plutôt de la Chimie pure que de la Biologie, c’est celui qui marque l’exis- tence des aluns d’ammoniums quaternaires. On ne connaissait jusqu'ici qu'une trentaine d’aluns et, dans ce nombre, seulement cinq aluns am- 156 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE, _moniacaux proprement dits (1); mes recherches indiquent théoriquement l'existence de près de vingt-cinq mille aluns ammoniacaux quaternaires, indépendamment de ceux que l’on pourrait certainement obtenir avec les phosphoniums, arsoniums et stiboniums quaternaires, ce qui en por- terait le nombre à plus de cent mille. ETUDE EXPÉRIMENTALE SUR L’ARTHROPATHIE ATAXIQUE, par M. le D' Gracomo LUMBROSO. — Travail du laboratoire de M. VuLpiAN, présenté par M. BOCHEFONTAINE. Les arthropathies des ataxiques, décrites pour la première fois par M. Charcot, ont été étudiées ensuite en Angleterre’et en Allemagne : elles sont considérées par la plupart des savants comme des faits patholo- giques bien établis. Pourtant elles offrent encore quelques points à éclaircir, à savoir le processus au moyen duquel le système nerveux peut produire une pareille lésion, sa voie périphérique par les nerfs trophi- ques ou les vaso-moteurs, et la connaissance du point central de la moelle dont la lésion peut engendrer une telle maladie. Ce n’est pas dans le but d’élucider entièrement la question, mais seule- ment pour y apporter, s’il était possible, quelque tribut, que je pensai à entreprendre des expériences sur les animaux. Mon excellent maitre, M. le professeur Vulpian, approuva cette idée et me permit d’expérimenter dans son laboratoire, sous sa direction. Qu'il me soit ici permis de le remercier, ainsi que M. Bochefontaine, son chef de laboratoire, qui a bien voulu m'aider dans mes expériences. D'abord j'expérimentai sur les cobayes et les chiens, chez lesquels, au moyen d'un perforateur, je produisis des lésions dans la moitié postérieure de la moelle épinière. Je n'ai jamais obtenu de résultat par ce procédé; j'ai bien produit des paralysies temporaires et même défini- tives, et divers autres troubles, mais il n’est rien survenu dans les arti- culations. Je ne donnerai donc pas ici le détail de ces expériences. N’obtenant pas de résultat, en blessant directement la moelle, je pensai à faire des lésions qui se rapprocheraient davantage du fait pathologique et je coupai quelques racines postérieures avant leur com- munication avec les antérieures, entre le ganglion et la moelle. Les résultats de ma première expérience sont tels que je erois utile de les publier. (1) Aluns ammoniacaux d'aluminium de fer, de chrome, de manganèse, de de gallium. J'ai étudié antérieurement ce dernier alun (Comptes rendus de la Société de Biologie, 1883, p. 312). SÉANCE DU 7 MARS, 157 Le 20 juin 1884, sur un gros chien mâle, jeune, endormi au moyen d’une injection de chloral dans les veines, on a fait dans la région dorso-lom- baire, sur la ligne médiane, une section de la peau longue de 8 centi- mètres environ. Le rachis correspondant a été ouvert et l’on a mis ainsi à découvert la dure-mère rachidienne. On à coupé du côté droit trois racines postérieures entre le ganglion et la moelle. C'était la dernière dorsale et les deux premières lombaires. La plaie a été convenablement pansée. L'examen fait une demi-heure après l'opération, quand le chien fut réveillé de la chloralisation, montra que l'animal trainait en marchant, à la facon des ataxiques, la patte postérieure droite. Dans cette patte la sensibilité sous toutes ses formes avait presque disparu; la température était un peu augmentée; les réflexes diminués. Rien d’anormal dans les autres pattes. L'état général de l'animal était satisfaisant. Le jour suivant le chien était dans les mêmes conditions ; la plaie allait très bien, elle fut en peu de jours cicatrisée. Au 15 juillet on observe que le chien est triste. Quand on oblige l'animal à marcher, on remarque que la patte antérieure gauche est augmentée de volume, et considérablement œdématiée. Le gonflement à son maximum dans l’arti- culation du coude, il diminue progressivement jusqu’à la patte. Dans l’ar- , O ticulation du coude gauche qui est quatre fois plus volumineuse que la droite on constate l'existence d’un liquide. La peau est normale ; la sen- sibilité est très peu diminuée; la pression et les mouvements ne sont pas douloureux, et ces derniers sont encore assez considérables eu égard à l'importance de l’œdème. Température normale. L'état des réflexes n’a pas été examiné. Pendant deux jours tout reste stationnaire. Ensuite le gonflement diminue lentement, le liquide contenu dans l'articulation a disparu le » août. L'articulation est presque revenue au volume normal. Ce jour-là le chien est sacrifié. Autopsie. Je me bornerai à donner le résultat de l'examen de chaque patte affectée. L’articulation du coude gauche ouverte ne présente rien d’a- normal, elle ne contient pas de liquide ; les surfaces articulaires ne pré- sentent pas d’altérations. Les tissus périarticulaires sont un peu plus épais que ceux de l’autre patte; ils sont encore un peu empâtés; ce sont eux qui rendent l'articulation un peu plus grosse que l’autre. Les os paraissent être dans l’état normal. Les muscles de la patte postérieure droite sont énormément diminués de volume; la peau est normale. A l'examen de la moelle épinière on trouve de la méningite localisée au lieu de l’opération. A la coupe transversale de la moelle on trouve une alté- ration manifeste des cordons postérieurs, et d’une partie des cordons 158 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. latéraux, beaucoup plus marquée à droite. Les cornes postérieures sont aussi altérées. Cette lésion s'arrête bientôt en bas, mais en haut, ou plutôt en avant, elle continue, atteignant une partie des cordons laté- raux, et toujours plus marquée à droite, jusqu'au commencement de la moelle cervicale. Nous n'avons pas examiné le bulbe. Examen histologique. Le cartilage du coude est normal. L’os décalcifié et coloré a été exa- miné avec soin et on peut dire qu’il est normal, sauf quelques points très rares où l’on trouve les signes de la résorption. Les muscles sont tout à fait normaux. Les nerfs de la patte colorés au picrocarmin et à l'acide osmique, présentent quelques fibres manifes- tement dégénérées ; ces fibres sont rares, mais le fait est hors de doute. La moelle épinière, dans le point de la lésion présente la dégé- nération ci-dessus indiquée, mais de jlus on rencontre soit dans la substance blanche, soit dans la grise les signes manifestes de l’hypérémie, de l’inflammation : les vaisseaux sont en grande quantité et agrandis, pleins de globules dont beaucoup sont sortis au dehors. Le tissu connectif est augmenté. Quant aux cornes postérieures on trouve que la gauche opposée à la lésion est plus altérée que la droite; les cellules sont en partie disparues, beaucoup sont altérées, ont perdu beaucoup des ramifications et le pro- toplasme est réduit à une masse brillante, vitreuse. La partie de la moelle descendante en rapport avec la région opérée est normale à l'examen histologique. Mais en remontant nous trouvons, Comme nous avons déjà dit, la lésion dégénératrice des cordons latéraux, à propos de laquelle nous notons : 4° qu’elle n’occupe pas le point de la dégénération descendante du faisceau pyramidal croisé; elle est plus en avant; 2° que les fibres plus petites sont dégénérées, les grosses sont normales; 3° qu'encore ici les signes de l’hypérémie sont manifestes. Les cornes postérieures sont altérées dans une petite étendue de la région opérée. Dans la région cervicale on trouve une longueur de deux centi- mètres et demi où la corne postérieure gauche est manifestement altérée, alors qu’elle ne l'était pas dans les coupes inférieures plus près de la lésion expérimentale. En deux mots elle présente la même altération des cellules, les mêmes signes d’hypérémie rencontrés au niveau de la lésion. La corne postérieure droite est là presque normale. La lésion de la corne postérieure gauche occupe principalement la moitié posté- rieure. Comme je l'ai déjà dit, le bulbe, à mon grand regret, n'a pas été examiné. SÉANCE DU 7 MARS. 159 Je termine par quelques considérations sur cette observation à propos de l’arthropathie, laissant de côté toutes les autres qu'elle peut suggérer et sur lesquelles je porterai une autre fois mon attention. Tout l'ensemble symptomatologique présenté par notre chien ressemble à ce qu'on observe dans les arthropathies ataxiques (apparition brusque, absence de douleur, œdème, liquide dans l'articulation, point de réac- tion, ete., etc.), contrairement à ce que l’on observe dans les arthropa- thies qui surviennent par lésions des nerfs, soit expérimentalement, soil accidentellement sur l'homme. Point à remarquer aussi: cette arthropa- thie n’a pas été la conséquence immédiate de la lésion expérimentale. En effet, elle a paru presque un mois après l'opération et dans une partie qui ne correspond pas à cette opération. J’insiste sur ce point parce qu'il démontre, je pense, les bonnes conditions de l'expérience, en vertu des- quelles le fait expérimental se rapproche encore mieux de ce qu'on trouve chez l'homme. La lésion de l'articulation est venue, il est vrai, sous lin- fluence de la section des trois racines postérieures, mais conséeutivement à la lésion destructive des fonctions de la moelle, par des procédés lents d'altération anatomique et de perturbation physiologique d’une partie éloignée de cette moelle. Nous avons donc produit chez notre chien une arthropathie qui, par sa flacon d'évoluer, rappelle ce qu'on observe chez les ataxiques. Cette arthropathie n'a pas d’analogie avec celle des ataxiques au point de vue de l’examen anatomique. Pourtant nous croyons, tout en ne tenant pas compte du point douteux de la résorption, que ce point négatif n’est pas absolument en opposition avec l'observation clinique, parce que cette forme correspond à celle que chez l’homme, on appelle bénigne, et dans laquelle l'articulation revient à son état normal ou presque. En étudiant maintenant la moelle épinière, nous trouvons un point dans la région cervicale qui étant seul affecté, correspond à l’origine des nerfs de l'articulation qui a présenté l’arthropathie. Ge point est la moitié postérieure de la corne postérieure gauche. Nous pouvons donc, avec ce fait expérimental, confirmer une fois de plus l'opinion de M. Charcot, que la lésion des centres engendre ces arthropathies. Il ne faut pas passer sous silence les fibres manifestement dégénérées, trouvées dans la patte gauche malade : elles sont le trait d'union entre l’arthropathie et le centre de la moelle. En terminant cette note, je remarque la lésion du cordon cervical, produite probablement par l'intermédiaire des vaisseaux. Car il ne faut pas oublier les signes manifestes d’hypérémie dans toute l'étendue de la moelle. Comment expliquer du reste, la dégénération des deux cordons latéraux ascendants? Certainement elle n’occupait pas le point habituel de ces lésions descendantes, elle était plus en avant ; de plus, elle 160 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. nous montrait seulement des altérations des petites fibres contrairement à ce qu’on observe dans la lésion descendante. Sans vouloir entrer plus avant dans une semblable question, nous nous bornerons à l'avoir énoncée, espérant bientôt pouvoir présenter encore d’autres faits correspondants à celui qui vient d’être rapporté. * MESURE DE LA PRESSION NÉCESSAIRE POUR DÉTERMINER LA RUPTURE DES VAISSEAUX SANGUINS. Note de MM. GRÉHANT et QUINQUAUD. Nous avons été conduits par nos expériences relatives aux effets de l'insufflation pulmonaire à rechercher quelle est la pression nécessaire pour déterminer la rupture des vaisseaux sanguins; Haller, Clifton Wintringham, Béclard ont déjà fait quelques recherches sur ce sujet, mais leurs mesures manquent de précision. Noûs nous sommes servis d’un manomètre à air libre de Regnault installé au laboratoire de recherches physiques à la Sorbonne que M. le Professeur Jamin a bien voulu mettre à notre disposition; cet appareil se compose d’une pompe à eau mue par un levier horizontal qui aspire l’eau dans un bocal et l'envoie dans un réservoir en fer forgé contenant un litre de mercure; la partie inférieure du réservoir est unie par un tuyau de fer avec un tube de verre disposé verticalement dans l’axe d’un escalier tournant; le long du tube qui s'élève à 10 mètres de hauteur et qui est formé de parties réunies par des colliers de Regnault, on a fixé une échelle divisée en mètres, décimètres, centimètres et millimètres. Nous avons fait fixer par M. Golaz, à la partie supérieure du réservoir, un robinet de laiton à trois voies présentant une branche horizontale sur laquelle on peut visser différents ajutages; dans un bout d'artère déta- chée on introduit un ajutage présentant un étranglement recouvert d’un tube mince de caoutchouc, l'artère est fortement fixée par des liens: nous nous servons de petite ficelle cirée et nous avons soin de ne pas couper les membranes du vaisseau ; le second bout de l’artère est fermé par un mandrin de laiton qui présente exactement le même diamètre et la même forme que l’ajutage. On comprime lentement l’eau dans le réservoir, le mercure s'élève peu à peu, tandis que l’eau pénètre dans l'artère qu’elle distend, l’un de nous suit avec le doigt le niveau du mer- cure en montant dans l'escalier; à un certain moment la colonne de mer- cure descend brusquement au moment de la rupture du vaisseau, on lit sur l'échelle la hauteur qui a été atteinte. Après chaque expérience, nous dévissons l’ajutage et nous examinons la situation et la forme de la fente qui s’est produite, à la surface intérieure et à la surface extérieure A a NS SÉANCE DU 7 MARS. 161 du vaisseau; nous inserivons seulement les expériences dans lesquelles la rupture s’est faite entre les deux ligatures. Quand la rupture a lieu au niveau d'une ligature, c’est que le lien trop serré a coupé les tuniques du vaisseau. Dans les tableaux suivants nous avons inscrit les résultats que nous avons obtenus en convertissant en atmosphères et dixièmes d’atmosphère les hauteurs de mercure mesurées en centimètres. Résistance des artères de l'homme AGE ARTÈRE AU MOMENT DE LA RUPTURE PRESSION enfant 2 ans carotide 6, 8 carotide 7319 — 3 carotide D, 2 — DA homme 20 carotide droite 4, 5 — gauche 6, 8 femme 27 carotide droite 6, 2 — gauche 8, # homme 30 carotide droite k, 7 — gauche Dig femme 70 carotide droite 4, 5 — gauche 4, homme 72 carotide droite 3, 8 — gauche 3, 8 — 74 carotide droite 8, 9 — gauche 75 © — 76 carotide droite 4, — gauche 3, 8 — 76 carotide droite 4, 3 — gauche 3, — 78 carotide droite 2, 4 — gauche 3, femme 79 . carotide droite 6, 2 — gauche 8, 4 Résistance des artères et des veines du chien Anièredcaronideli lie Artère carotide droite. . . 8, 3 1 CarOtide he cs 2 — carotide gauche. . . 5,1 A QUES) AN LISA US Veine jugulaire externe. . 3,7 Artère carotte 2t41"19 Artère carotide droite. . . 6, 9 —= — 7. L — —| | gauche} Eos 2 D TU ES ES SONO EE AN -Waliaque droite PERS SN HhEGMIes 5 Simla lo ee TON Æhiliaque gauche ee Tronc brachio-céphalique. 2, 7 “ÆPerosse del aonte ANNE Veine cave inférieure . . . 2 — veine jugulaire . . . 6, 6 162 i SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Nos mesures démontrent que les pressions nécessaires pour rompre les artères sont beaucoup plus grandes que celles qui existent normale- ment dans ces vaisseaux, ainsi, la pression du sang dans l'artère caro- tide d’un chien étant de 15 centimètres environ, ce vaisseau s’est rompu dans un cas à 7, 4. dans un autre cas à 11°, 2 c’est-à-dire sous des pressions de 562€ et de 851° de mercure, pressions 37 fois et 56 fois plus grandes que la pression artérielle normale. Une veine jugulaire s’est rompue à 6", 6. Nous n'avons jamais atteint la limite d’élasticité des artères ; un peu avant le moment de la rupture si l’on décomprimait en ouvrant convenablement le robinet à trois voies fixé au réservoir, on voyait le vaisseau revenir à son calibre primitif; il en était de même pour les veines; après avoir obtenu la rupture d’une veine, la rétraction du vaisseau était si considérable qu'il était fort diffi- cile de retrouver l'endroit par lequel l'air s'était échappé. Nous avons mesuré avec un Palmer, petit sphéromètre très pratique permettant d'évaluer les vingtièmes de millimètre, les diamètres des artères pendant la compression; le diamètre d’une artère iliaque était égal à 4mv, 5 sous la pression de 58° de mercure, il devint 6", 35 sous la pres- sion de 237€ et au moment de la rupture qui eut lieu sous la pression de 306c ou de 4 atmosphères le diamètre était de 6"", 75; ainsi lorsqu'on atteint de fortes pressions, le calibre de l'artère varie très peu. DE LA GRAVITÉ DES LÉSIONS AURICULAIRES COMPATIBLE AVEC LA PERSISTANCE D'UNE CERTAINE AUDITION, PAR M. GELLÉ. On à dit avec raison que l’on ne saurait préjuger sûrement de la faculté d'entendre d’un individu à la seule inspection de sa membrane du tympan. De même, il est impossible sur le cadavre, à la vue des lésions auri- culaires d'apprécier le degré de la surdité que le sujet offrait de son vivant; et bien plus, en présence de lésions extrêmement étendues de la caisse du tympan et de son contenu il est presque impossible d'affirmer que l'individu, dont l'oreille moñtre de pareilles altérations, était totale- ment sourd. On peut en effet démontrer à l’autopsie de sujets dont l’ouïe bien que très abaissée n'était cependant pas totalement éteinte des lésions les plus graves, et les plus destructives de toute transmission sonore: mais alors le labyrinthe et les nerfs auroistiques sont restés sains. SÉANCE DU 7 MARS. 163 en J'ai l'honneur de vous montrer des coupes de rochers d'individus sourds, même sourds d'enfance, mais chez qui on a constaté nettement l'audition de certaines paroles et de certains sons ; or, de l'examen de ces pièces, il ressort que des deux côtés, il existe une enfoncure extrême du tympan, avec déformation, et adhérence totale de la face interne à la paroi interne de la caisse, au moyen de productions plastiques, sclé- reuses, solides qui comblent la gaisse et englobent la chaîne entière des osselets ankylosée et immobilisée. La cavité tympanique n'existe ‘plus; non plus que les cellules mastoïdes comblées et remplacées par du tissu osseux compact. — Tout le rocher est éburné, difficile à seier et lourd, - et poli sur la coupe comme l'ivotre. Aucun mouvement ne peut être imprimé aux osselets, ni à la base de l’étrier. Une coupe antéro-postérieure du rocher, passant à travers le vesti- bule, met sous les yeux la platine de l’étrier soudée dans la fenêtre ovale et immobile; et dans la rampe du limacon béante. On remarque au niveau de la membrane de la fenêtre comme un bouchon grisâtre, dense, fibroïde, adhérent, qui oblitère totalement l'orifice tympanique du limacon. Une aiguille fichée en ce point transperce le tissu morbide, dense et serré, et va sortir à travers la caisse du tympan, sur le quart postéro- inférieur de la membrane tympanique. Ici donc, les deux fenêtres labyrinthique de chaque oreille sont abso- lument fermées, et l'appareil de transmission immobilisé et raide; cependant toute perception auditive n'était pas éteinte; cela s'explique par l’état d’intégrité dans lequel on trouve le limacon et le vestibule et leur contenu. Chez certains sujets, dont l'audition amoindrie extrèmement, était absolument manifeste encore cependant, j'ai pu constater, ainsi que l'ont fait Moar et Burckardt-Mercay, l'existence de l'ankylose des osselets et de la soudure de l’étrier sur la fenêtre ovale: mais la fenètre ronde était restée libre, et peu épaissie. Dans ces conditions, la conservation de l’'ouie semblait devoir s'expliquer naturellement par la possibilité de la transmission des vibrations du tympan à l'air inclus et de là à travers la membrane de la fenêtre ronde au labyrinthe. Cela, on le voit, ne man- quait pas d'être intéressant, étant donnée la théorie physiologique du passage du courant vibratoire par la chaine des osselets. Mais voici que les pièces que je place sous vos yeux semblent démon- trer que malgré la disparition complète des deux fenêtres labyrinthiques, l’ébranlement ondulatoire peut encore pénétrer et agiter le labvrinthe intact, bien que très faiblement, il est vrai. Ceci démontre aussi la trans- mission directe des bruits solidiens aux nerfs labyrinthiques, c'est-à-dire la pénétration des vibrations à travers la partie solide du rocher jusqu'au contenu labyrinthique et au nerf sensible, 164 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Ce ne sont pas seulement des bruits, des sons vagues, mais c’est aussi la parole qui peut être ainsi perçue, dans des limites restreintes s'entend, malgré la destruction des voies normales de transmission. Il ressort également de l'examen des préparations, prises sur des sourds d'enfance, que je viens de soumettre, que l’atrophie labyrinthique, l'otopiésis n’est pas la suite nécessaire de l’oblitération des fenêtres et de l'ankylose de l’étrier; j'ai déjà plusieurs autopsies très démonstratives à l’appui de cette thèse. Le gérant : G. Masson. Paris. — Imprimerie G. Roucier et Cie, rue Cassette, I. Po en nn M re ee mo ER SÉANCE DU 14 MARS 1885 M. Ragureau : Dosage des sels ammoniacaux par l'hypochlorite et l'hypobromite de sodium. — Brown-Séquarp : Inhibition de la sensibilité à la douleur sous l'in- fluence de l'irritation de la muqueuse laryngée par la cocaïne. — A. HÉNOoQuE : Arrêt de convulsion de cause toxique, par la flexion forcée des orteils. — Max WassermaAnn : Peptonurie et peptone pendant la digestion. Louis Sicarp : Per- sistance de l'excitabilité du nerf sciatique après l'abaissement de la température centrale chez le lapin. — Krancors-Francx : Lésion congénitale du cœur chez un chien de deux ans. — Bocu£ronTAINE ét OEcusner : Expériences pour servir à l'étude des effets physiologiques de l'hexahydrure de $ collidine ou ïisocieutine. — OEcusxer DE ConiNcx : Présence de la pyridine dans l'ammoniaque du commerce. — CrABry : Mécanisme de l'aile membraneuse des coléoptères. — Auc. CHARPENTIER : Action de la cocaïne et d’autres alcaloïdes sur certains infusoires à chlorophylle. Ve Présidence de M. d'Arsonval. À PROPOS DU DOSAGE DES SELS AMMONIACAUX PAR L'HYPOCHLORITE ET L'HYPO- BROMITE DE SODIUM. — POSITION DE LA QUESTION ET PRIORITÉ, par M. RABUTEAU. Dans une communication faite, le 28 février, par MM. Gley et Ch. Richet, on lit incidemment (p. 136) : « M. Rabuteau a depuis longtemps montré que l’'hypochlorite de soude peut servir à doser l’ammoniaque des urines ». Et, à l'appui de cette proposition se trouve cité un renvoi aux Bulletins de la Société de biologie. Je ferai remarquer d’abord que je n'ai rien publié à ce sujet, dans les comptes rendus ni dans les mémoires de la Société. Il m'a donc paru nécessaire d'exposer brièvement les résultats de mes recherches qui ont été publiées ailleurs. Il y à une quinzaine d'années, je m'occupais de l’élimination des sels ammonicaux introduits dans l'organisme. Or, comme après l’ingestion de ces composés, je trouvais dans les urines une quantité d’az ote beaucoup plus considérable que celle qui pouvait provenir de la décomposition de l’urée par l'hypochlorite de sodium, il était naturel de penser que cet excès provenait de l'azote de sels ammoniacaux éliminés en même temps que l’urée. Etudiant alors de près la question, je constatai que l’hypo- chlorite de sodium décomposait totalement les sels ammoniacaux dont il mettait l'azote en liberté (1). J’adressai à ce sujet une note à l'Aca- (4) Lorsqu'on fait passer un courant de chlore dans une solution aqueuse d’ammoniaque pour obtenir de l'azote par un procédé bien connu, l’ammo- niaque n’est pas décomposée totalement ; il reste dans l'appareil une grande quantité de chlorure d’ammonium : 3CI Æ 4A2H5 — 3AZH"*CI + Az BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 88 SÉRIE, î TAN ANEMIIUE 166 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE démie des sciences : « D'un nouveau dosuge simple et rapide des sels ammoniacaux ; de la cause pour laquelle ces sels ne peuvent exister norma- lement dans l'organisme qu'en quantité infinitésimale. » (Comptes rendus de l’Acad. des Sc., 20 juin 1870.) Ces données furent mises en pratique dans diverses expériences où Je m'appliquai à doser l'azofe total provenant de l’urée et de divers sels ammoniacaux ingérés, notamment du chlorure d’ammonium (4) ef du sesquicarbonate d’ammonium (sel volatil d'Angleterre) (2) et, de plus, à évaluer quantitativement les quantités de ces mêmes composés qui pouvaient s'être éliminés. L’azote obtenu pouvant avoir deux origines, savoir, l’urée et le composé ammoniacal accidentel, il faut faire deux opérations pour évaluer la qualité d'ammoniaque que ce liquide pourrait contenir soit à l’état de liberté soit à l’état de combinaison. On traite par l’hypochlorite de sodium un poids donné d'urine, 10 grammes par exemple. Soit V le volume d'azote obtenu. Ensuite on fait bouillir 10 grammes de cette urine avec 1 gramme de carbonate de sodium qui décompose les sels ammoniacaux et en dégage l'’ammoniaque. Au bout de cinq minutes d’ébullition, et même moins, il ne se dégage plus d'ammoniaque; l'urine ne contient plus de composé ammoniacal (La magnésie hydratée pourrait être employée au lieu du carbonate de sodium). Les liqueurs filtrées et refroidies sont traitées comme précé- demment par l'hypochlorite. Soit V' le volume d’azote obtenu cette fois. La différence V — V' représente le volume d'azote provenant des compo- sés ammoniacaux qui auraient existé dans l'urine. On sait que 1 volume d’azote obtenu correspond à 2 volumes d'ammo- niaque. Par conséquent, il n’y a qu’à multiplier par 2 le volume de gaz recueilli dans l’éprouvette, et recourir à la formule P = V 4,3 D pour avoir le poids de l’ammoniaque (3) contenue soit à l’état de liberté, soit à l’état de combinaison dans la liqueur soumise à l'analyse. Je suis revenu sur ce sujet, en 1873, dans mes Æ‘léments d'Urologie. On s’occupait alors du dosage de l’urée par l'hypobromite de sodium au Lorsqu'on emploie l'hypochlorite de sodium, tout l'azote se dégage non seulement de l’'ammoniaque libre, mais d'un sel ammoniacal quelconque, par exemple du corbonate d'ammoniaque. 2AzH° + 3NaCIO — 3NaCl-+ 3420 + Az? (AzHi)2CO® 3NaCIO — 3NaCl —- 4H20 + CO? + A7? Carbonate Hypochlorite d’ammonium de (ou d’ammoniaque). sodium. Le gaz carbonique reste dans la liqueur à l'état de carbonate de sodium. (1) Union médicale, 2 septembre 1871. (2) Gazelte heb. de méd, et de chir., 15 décembre 1871. (3) La densité D de lammoniaque gazeuse est égale à 0,596, \ "CC SÉANCE DU 1% MARS. 167 —_ lieu de l'hypochlorite de sodium. J’essayai le dosage des sels ammonia- caux par l'hypobromite; et c’est ici que se place la question de priorité que je suis obligé de revendiquer. J'ai écrit dans mon Urologie (note de la page 150) que, dans le dosage des sels ammoniacaux, « l’hypobromite de sodium se comportait comme l'hypochlorite de sodium. » L'équivoque est impossible devant une citation si précise, j'ajouterai que si je ne me suis pas servi beaucoup de lhypobromite, c'est que, pour les dosages précis qui rendent indispensable l'emploi d’une assez grande quantité d'urine, l'emploi de l'hypochlorite de sodium, qui agit moins vivement que Fhypobromite, me semble beaucoup plus commode. Reste la question du dosage total de l'azote après destruction des matériaux azotés par l'acide sulfurique. J'aurai sans doute l’occasion de revenir sur cette question qui est moins nouvelle qu'on ne le pense. J'objecterai seulement que le sulfate d’ammonium, se décomposant à 180 degrés, il est à craindre qu'une partie de ce sel ne se perde lorsque l'acide sulfurique est porté vers son point d'ébullition. INHIBITION DE LA SENSIBILITÉ A LA DOULEUR DANS LE CORPS TOUT ENTIER SOUS L'INFLUENCE DE L'IRRITATION.DE LA MUQUEUSE LARYNGÉE PAR LA COCAÏNE, par M. BRowN-SÉQUARD. L'anesthésie qui se montre dans une partie de la surface du #orps sous l'influence de la cocaïne est-elle due à une action purement locale de cette substance? Ne résulle-t-elle pas plutôt d’une irritation des nerfs centripètes de la partie sur laquelle on l’applique, produisant dans un point des centres nerveux l'inhibition de la puissance de percevoir les impressions sensitives capables de donner lieu à de la douleur ? Les faits que je vais rapporter montrent que c'est cette dernière interprétation qu'il nous faut adopter. On sait que j'ai trouvé que le larynx (et à un moindre degré les parties voisines, y compris même la peau du cou) a la puissance de produire, sous l’influence de certaines irritations mécaniques, chimiques ou galva- niques, une inhibition générale de la puissance de percevoir les impres- sions dolorigènes. L’acide carbonique et les vapeurs de chloroforme en * particulier, à la condition qu’on évite leur entrée dans les poumons et qu'on les fasse passer avec rapidité sur la muqueuse laryngée, donnent lieu, surtout chez le singe, à une analgésie complète ou presque complète dans toutes les parties du corps. Ainsi que je l'ai signalé depuis assez longtemps déjà, à part quelques troubles passagers de la circulation et de la respiration, il n’y a rien de changé dans l’état de l'animal ainsi 168 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. ——_—_—_—_—_—_—_—_———…—…—…—…————————————— ———————— —_…—…—…————— analgésié. Il possède toutes les fonctions cérébrales, celles des organes des sens, la sensibilité tactile, le sens musculaire et la sensibihté des synoviales. Il marche, court, saute avec la même agilité, la même force qu'à l’état normal. Parmi les autres particularités dignes d'intérêt chez les animaux soumis à cette espèce d'anesthésie, je rappellerai : 4° qu'elle peut se montrer immédiatement où presque aussitôt après l'excitation de la muqueuse laryngée par l'acide carbonique ou les vapeurs de chloro- forme ; 2° qu'elle peut durer un temps très considérable : — plusieurs heures chez le chien, plus d'un jour chez le singe ; 3° qu'elle est sujette, surtout à son début, à des fluctuations très grandes d'intensité ; 4 que presque toujours les plaies faites quelque temps avant on pendant son existence ou méme assez longtemps après qu'elle à cessé, restent ou deviennent analgésiques plus où moins complètement jusqu'à leur cica- trisation. Je vais faire voir que la cocaïne appliquée à la muqueuse laryngée peut agir exactement comme l'acide carbonique et le chloroforme et pro- duire tous les effets que je viens de mentionner. Maïs avant de rapporter les détails principaux d'une expérience typique, je tiens à mettre en garde contre plusieurs causes d'erreur ceux qui voudraient voir les faits que j’annonce. En premier lieu, les solutions de chlorhydrate cle cocaïne que l'on emploie d'ordinaire sont beaucoup trop faibles pour irriter suffi- samment les ramifications des nerfs laryngés supérieurs. J'ai fait usage d'une solution au digième. En second lieu, il faut se garder de faire Pin- jection dans un seul point. J'ai échoué chez deux chiens qui étaient dans ce cas : ils n'ont eu qu’un léger degré d'analgésie. Dans le cas où j'ai Le mieux réussi, une ou deux gouttes avaient été injectées dans le vestibule laryngien, deux gouttes dans la cavité glottique et j'en avais fait arriver sous la muqueuse nombre de gouttes dans des points différents. En troi- sième lieu il est essentiel de ne pas employer une quantité de cocaïne ca pable de produire un effet toxique, bien qu'il soit accompagné dun degré assez notable d’anesthésie. Comme j'ai trouvé que de simples piqüres du larynx où même des parties voisines, peuvent déterminer de l'analgésie (très rarement, ce- pendant, plus qu'à un léger degré), il importe lorsqu'on a à faire des in- jections sur et sous la muqueuse laryngée de s'assurer, après l’introduc- tion de la canule, de l'état de la sensibilité. Je n'ai pas besoin de dire que jai toujours pris cette précaution et en particulier dans l'expérience dont je vais donner les détails. On verra que, dans ce cas, tout s'est passé exactement comme si, au lieu de cocaïne on avait employé de l'acide car- bonique pour irriter la muqueuse laryngée. Sur un chien terrier adulte, d'environ 7 kilogrammes, à 8 h. 25 m. du matin, j'injecte sur el sous la muqueuse laryngée, ainsi que Je lai dit plus haut, environ 3 centigrammes de chlorhydrate de cocaine dissout dans 30 centigrammes d’eau. — À 8 h. 27 m., je trouve que SÉANCE DU 1% MARS. 169 la peau dans toutes les parties du corps, la plaie du cou et les yeux sont analgésiés, à ce point qu'un courant faradique très puissant (c'est-à- dire environ deux cent-cinquante fois plus fort que le courant minimum capable de donner une sensation à la pointe de la langue de l'homme) ne cause aucune douleur. La mise à nu du nerf sciatique droit et un fort tiraillement de ce nerf, ne sont pas sentis, cependant l’analgésie n’est pas complète aux lèvres et aux narines et l'animal éprouve de la douleur sous l'influence d'un courant extrêmement énergique. — À 8 h. 44 m., il y a un retour partiel de sensibilité aux yeux, mais pas ailleurs. Un tiraillement du nerf sciatique droit, assez violent pour déterminer une contracture persistante, ne cause aucune douleur.—A 9 heures, analgésie partout, excepté aux lèvres, aux narines et aux yeux où la sensibilité est cependant encore loin d'être normale. Le nerf sciatique droit, soumis à l’action d'un appareil de Dubois-Reymond ne donne de douleur que par un courant trois cents fois plus fort que le courant minimum capable de se faire sentir à la pointe de la langue. — A 9 h. 55 m., le nerf sciatique droit est msensible au courant galvanique maximum (deux mille fois plus fort qu'un courant que la langue peut sentir). — À 10 h. 30 m., le nerf sciatique est redevenu sensible au même point qu'à 9 heures. La sensi- bilité est très légèrement revenue partout. — Le toucher, les sens, le mouvement volontaire sont à l’état normal. Le lendemain, à une heure de l'après-midi, je constate que des plaies faites la veille aux quatrè membres sont absolument analgésiques. De nouvelles plaies sont tout aussi sensibles qu'à l'état normal et il en est ainsi de l'anus, des lèvres, des yeux et des narines. La sensibilité était donc complètement revenue, excepté aux plaies. Je fais alors (à 1 h. 35 m.) une seconde série d’injections, goutte par goutte, d'une solution de 3 centigrammes de chlorhydrate de cocaïne dans 30 centigrammes d'eau, dans les mêmes parties du larynx qu'hier. Quelques minutes après je constate que les plaies nouvelles sont tout auss! analgésiques que les anciennes. Les yeux et les lèvres deviennent analgé- siques, les narines restent assez sensibles. L'anus est insensible. — A 3 h. 26 m., le nerf sciatique droit ne donne lieu à de la douleur que sous un courant faradique très fort. Deux jours plus tard et aussi quatre jours et enfin six jours plus tard (une semaine après les premières injections), la sensibilité générale est à l'état normal, excepté aux plaies qui sont toutes analgésiques et au nerf sciatique qui ne cause de douleur que sous un courant très fort. Ce fait montre clairement que la cocaïne injectée sur et sous la mu- queuse laryngée, à dose non toxique peut agir (je dis peut agir, car elle ne semble pas agir toujours) absolument comme l'acide carbonique ou le chloroforme, Icrsqu'on emploie ces substances de faconà irriter cette mu- queuse, en évitant qu'elles pénètrent dans les poumons. Il est impossible de ne pas considérer l’analgésie dans ce cas, comme 470 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE, l'effet d’une irritation des nerfs laryngés supérieurs agissant sur les cen- tres nerveux pour y déterminer l'inhibition de la puissance de percevoir les impressions dolorigènes. La dose de cocaïne était beaucoup trop faible pour produire les effets dus à une action directe de cette substance sur les centres nerveux, la recevant par le sang, après son absorption par les vaisseaux laryngés. D’autres expériences m'ont montré qu'une dose plus considérable produit des effets toxiques sans faire disparaitre complète- ment la sensibilité. Dans un excellent travail de M. Vulpian (1), on peut lire qu'après l'injection de 40 centigrammes de chlorhydrate de cocaïne dans une veine, les effets toxiques se sont montrés, mais n’ont pas causé une anesthésie complète. Les nombreuses expériences de M. Laborde (2) montrent aussi qu'une dose même toxique de cocaïne ne détruit pas la sensibilité complétement. Il est, conséquemment, certain qu'une dose re- lativement faible, comme celle que j'ai employée dans l'expérience relatée ci-dessus a produit l’analgésie, non par suite de son entrée dans le sang, mais comme conséquence d’une irritation de la muqueuse laryngée. ARRÊT DE CONVULSIONS DE CAUSE TOXIQUE, PAR LA FLEXION FORCÉE DES ORTEILS, par À. HÉNOCQUE. A l’occasion de la communication de M. le professeur Brown-Séquard, je crois devoir rapporter un exemple d’inhibition de convulsions toxiques que j'ai observé dans une des expériences que j'ai pratiquées sur l’action de l’antipyrine à dose toxique. Chez un lapin qui présentait des con- vulsions toniques et cloniques des membres antérieurs à la suite d’injec- tion sous-cutannée d’antipyrine, j'ai pu arrêter momentanément ces convulsions par la flexion brusque et forcée des orteils d’une patte postérieure. Cette expérience a été publiée dans la thèse de M. Arduin sur l’antipyrine (Doin, 1885). NOTE SUR LA PEPTONURIE ET SUR LA PEPTONE PENDANT LA DIGESTION, par M. Max WassermaANN, présentée par M. GRIMAUX. La peptonurie, constatée par Maixner et par von Jaksch fils dans un grand nombre d’affections, notamment dans la pneumonie fibrineuse et dans le rhumatisme articulaire aigu, au moment de la disparition de (1) Comptes rendus de l'Académie des sciences, 17 novembre 1884, p. 837. (2) Comptes rendus de lu Société de biologie, 1884, p. 632 et 752: SÉANCE DU L4 MARS. 174 la douleur, semble être presque constante dans les affections osseuses suppuratives. Je l'ai trouvée dans tous les cas de coxalgie suppurée, avec abcès par congestion, d’ostéite, de nécrose, de carie et de mal de Pott, que j'ai examinés. L’élimination de la peptone par l’urine cesse lorsque la suppu- ration osseuse se tarit. J'ai également recherché la peptone dans le sang de la veine porte pendant la digestion. Les expériences de Drosdoff [Zeitsch. für physiolo- gische Chemie 1877) constatant la présence de petites quantités de pep- tone dans le sang de la veine porte ne sont pas concluantes, car l’albu- mine n’était pas complètement éliminée du sérum, et les réactions de la peptone ne sont caractéristiques que lorsque l'acide acétique et le ferro- cyanure de potassium ne donnent plus de trouble au bout de quelques heures. J'ai enlevé l’albumine au moyen de ce réactif et puis j'ai précipité le ferrocyanure de potassium par l'acétate de cuivre. Le liquide privé de cuivre au moyen de l'hydrogène sulfuré, finalement concentré au bain- marie ne donne plus de réaction de biuret (coloration rose au moyen du sulfate de cuivre et de la potasse), réaction si sensible pour la peptone. Le sang analysé était pris dans la veine porte de trois chiens, cinq heures après l'ingestion de viande; les chylifères étaient gorgés de chyle. La quantité du sang était de 180, 200 et 210 cc. dans les trois expériences. De même le sang dela veine porte et le sang de la fémorale sont exempts de peptones après un jeûne de 24 et de 40 heures. Schmidt-Mülheim n’a pas trouvé de peptones dans le liquide du canal thoracique, n1 dans le liquide transsudé dans l'abdomen après ligature du canal thoracique sur des chiens en pleine digestion. De méme dans le sang de la veine porte, il n’a pas trouvé des peptones autrement que par traces comme dans le sang de la carotide. Hofmeister et Schmidt-Mülheim ont même quelquefois trouvé le sang absolument exempt de peptone, mais le procédé dont ils se servent, ébullition du liquide avec l’acétate de sodium et le chlorure ferrique, ne suflit pas pour enlever complètement l’albumine, et ce défaut explique la réaction faible de biuret, occasion- née par des quantités très faibles d’albumine. Il semblerait donc que le tissu adénoïde ou l’épithélium de l'intestin retransforment la peptone en albumine. 172 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. NOTE SUR LA PERSISTANCE DE L'EXCITABILITÉ DU NERF SCIATIQUE APRÈS L'ABAISSEMENT DE LA TEMPÉRATURE CENTRALE CHEZ LE LAPIN, par LouIs Sicarp, préparateur de physiologie à la Faculté des Sciences de Lyon. L’excitabilité du nerf moteur persiste plus longtemps après la mort chez les animaux à température variable que chez les animaux à tempé- ture constante. L'écart est fort considérable puisque cette persistance qui n’a qu'une durée de quelques minutes dans le second cas se prolonge pendant de longues heures dans le premier et peut même atteindre et dépasser deux jours (grenouille), si l'on a soin de mettre le cadavre à l'abri de la dessiccation. Cette différence tient sans aucun doute à la température du milieu organique dans lequel vivent les éléments des nerfs. CI. Bernard nous dit bien, en effet, en parlant d'un lapin dont on avait provoqué le refroidissement par une section de la moelle dans la région cervicale : « Il y a plus de vingt minutes que l’animal est mort, et les « propriétés que nous examinons (propriétés du nerf) ne sont encore en « rien affaiblies, et si l’animal n’eût pas été amené à cet état d’abaisse- « ment des fonctions dans lequel vous l'avez vu, au bout de quelques « instants les propriétés nerveuses et musculaires auraient complètement « disparu (1). » Mais il ne nous renseigne pas sur la durée de l’excita- bilité des nerfs et sur les modifications qu'elle subit sous l'influence de l’abaissement de la température centrale. Aussi avons-nous poursuivi, dans le laboratoire de physiologie de la Faculté des sciences de Lyon, deux séries d'expériences pour nous éclairer sur ces points. Une première série a eu pour but de fixer dans quelles limites pouvait varier la durée de l’excitahilité du nerf dans les conditions normales de empérature. Le sujet d'expériences a été le lapin. Le nerf interrogé a toujours été le sciatique. Nous avons pris comme moment de la mort. de l'animal, l'instant où la circulation du sang s’arrétait après la section du bulbe, et pour noter cet instant avec précision, nous provoquions cet arrét en enlevant rapidement le cœur par une ouverture pratiquée au préalable sur l’un des côtés du thorax. Le nerf était interrogé par des courants induits d’une très faible intensité, la source d'électricité restant aussi constante que possible. Les contractions du gastrocnémien, indices de l'excitation du nerf, étaient enregistrées à l'aide d’un myographe à transmission. Quand le sciatique sur lequel nous avions opéré cessait d’étre excitable, celui du côté opposé qui était resté dans des conditions absolument physiologiques, était interrogé à son tour. Pendant l'expé- rience, on s’efforcait d'éviter autant que possible l'influence dessiccative de l'atmosphère Ces premières expériences nous ont montré que l’excitabilité ne per- SÉANCE DU 14 MARS. 173 ——_—_—__——————————————— —— — ————— — ——"" ———————————….…"’.…’_’-_.….…....…..- - sistait certainement pas au delà de 25 minutes. Dans les conditions normales, le plus souvent, c'est de 21 à 23 minutes après l'arrêt de la circulation que l’excitabilité disparait ; ce qui nous permet de prendre 92 minutes comme chiffre moyen, chiffre qui a été indiqué par quelques auteurs, et notamment par M. Chauveau à propos du spinal et du pneu- mogastrique du cheval. Une seconde série a eu pour but de fixer les limites dans lesquelles la durée de l’excitabilité était prolongée par suite du refroidissement de l'animal. A l'exemple de CL. Bernard, nous avons provoqué le refroidissement par la section de la moelle entre la 5° et la 6° vertèbre cervicale. La température rectale était notée avant la section : quand le refroidisse- ment désiré était obtenu, l'expérience était conduite avec les mêmes précautions que précédemment. 1° Dans une première expérience, la température rectale était de 37°,5 avant la section de la moelle. Le lapin, abandonné à lui-même se mit à peu près en équilibre de température avec le laboratoire, puisque sa température rectale était de 17° tandis que là température du laboratoire notée avec le même thermomètre était de 16°,5 (Nous n'avons jamais pu pousser le refroidissement plus loin, l'animal n'at- teignant cette température qu’au moment où il est sur le point de succomber). Dans ces conditions, après un abaissement de tempéra- ture de 20°,5, nous avons constaté la persistance de: l’excitabilité pendant 1 heure 53 minutes. — Comparant ce résultat à ceux fournis par les lapins sacrifiés sans section préalable de la moelle, nous voyons que les deux durées sont entre elles comme 4 est à 5 ou même 5 1/2. 2 Dans une seconde expérience contrôlant la première et en différant lé- gèrement cependant, nous avons obtenu un refroidissementde19°,5 (399,5 avant la section, 20° au moment de la mort). Le nerf est resté excitable pendant 1 heure 50 minutes ; ce qui nous donne encore sensiblement le même rapport. Nous avons tenu à constater la durée de l’excitabilité pour des tempé- ratures intermédiaires entre la température normale et la tempé- rature minima à laquelle nous avions pu amener le lapin. Ainsi : 3° Après un abaissement de 17 (la température rectale passant de 39° à 22°) l’excitabilité a persisté pendant 1 heure 33 minutes. 4° Après un abaissement de 15° (de 39° à 24°) l'excitabilité a persisté pendant 1 heure 12 minutes. 5° Après un abaissement de 10° (de 38° à 28°) la durée de cette excita- bilité n'a plus été que de 48 minutes. : 174 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 6° Enfin après un abaissement de 6° (de 39° à 33°) nous n'avons pu constater l’excitabilité que pendant 33 minutes 1/2, après l'arrêt de la crculation. Si l’on jette les veux sur les chiffres qui précèdent, on s’apercevra sans peine que le refroidissement provoqué n'a pas besoin d'être intense pour prolonger l'excitabilité du nerf moteur, mais que cette prolongation est d'autant plus grande que le refroidissement est poussé plus loin. Cependant il nv a pas proportionnalité entre le refroidissement et la prolongation de l’excitabilité — comme il est facile de le voir en compa- rant l'expérience 5 à l'expérience 4 ou 2. Dans l'une, pour un refroidissement de 10°, l’excitabilité a duré 48 minutes, soit une prolongation de 26 minutes. Dans les autres, pour un abaissement de 20°, l’excitabilité a persisté 4 heure 50 minutes, soit une prolongation de À heure 28 minutes, c'est-à-dire plus que triple. Et en effet, par d’autres comparaisons analogues, nous avons pu constater qu'un abaissement de température déterminé amenait une prolongation de l’excitabilité de plus en plus grande à mesure que cet abaissement partiel de température s’ajoutait à un refroidissement total de l’animal de plus en plus accentué. En résumé, de ces expériences, nous pouvons conclure : 4° Que dans les conditions normales l’excitabilité du sciatique du lapin persiste environ 22 minutes après l'arrêt de la circulation. 3° Que le refroidissement du corps provoqué par la seclion de la moelle prolonge la durée de l’excitabilité du nerf moteur et n'a pas besoin d'être intense pour produire cette prolongation. 3° Que la prolongation de l’excitabilité du nerf moteur est plus sensi- ble à mesure que le refroidissement de l'animal est plus accentué, et que, pour des différences de température égales entre elles, la durée de l’exei- tabilité se trouve prolongée de quantités croissantes à mesure que le refroidissement est plus prononcé. LÉSION CONGÉNITALE DU COŒUR CHEZ UN CHIEN DE DEUX ANS, par M. FRANCÇOIS-FRANCK- Je présente à la Société un jeune chien d'environ deux ans qui offre un cas curieux de lésion cardiaque, probablement congénitale, et dont l'étude rapprochée de celle qu’on peut faire chez l'homme m'a paru mé- riter quelque intérét. Cet animal que je destinais à des expériences sur le cerveau, fut cura- risé mercredi dernier, 11 mars, à 2 heures de l'après-midi; la trachéotomie faite, le chien étendu sur la gouttière, je fus frappé, en appliquant la main sur sa poitrine, de sentir un frémissement vibratoire d’une extrême intensité, + I SÉANCE DU 14 MARS. 179 oo oo annonçant l'existence d'un souffle très grave qui existait en effet. J’aban- donnai dès lors mon premier projet d'expérience pour examiner avec détail les symptômes présentés par l'animal, et l'examen qui en fut fait a permis de constater les phénomènes suivants, dont les membres de la Société peuvent prendre connaissance en étudiant l'animal lui-même et en examinant les tracés qu'il a fournis. 4° Le thrill a son maximum au côté gauche de la poitrine, à la base du cœur; il a les caractères d’un frémissement à vibrations amples et peu fréquentes. [1 va en décroissant vers la pointe du cœur et à ce niveau on cesse de le percevoir; le doigt n’est plus impressionné que par les changements de consistance diastolique et systolique des ventricules. Ge frémissement débute avec la systole ventriculaire et se termine exacte- ment avec elle; il se renforce un peu après le début de la systole ventri- culaire. Un appareil explorateur à air, muni d'une mince membrane de caout- chouc et d’un bouton saillant qu'on applique dans le troisième espace intercostal, à transmis à un tambour à levier enregistreur très sensible les vibrations perceptibles au doigt et a permis d'en déterminer très exactement les rapports avec la systole ventriculaire. Ces tracés sont mis sous les yeux de la Société. 2° Comme il était à prévoir, le souffle correspondant à ce thrill a son maximum à gauche, à la base du cœur, est systolique et s'atténue vers la pointe. Il ne se propage pas dans la région du cou ni dans l'aorte abdo- minale. Aucun frémissement du reste n'est perceptible ni inseriptible sur le trajet de différents vaisseaux. On entend nettement à la pointe le claquement auriculo-ventriculaire et à la base le claquement sigmoïdien. Le second temps ne s'accompagne d'aucun souffle. 3° Le pouls artériel (fémoral) offre ses caractères normaux, avec une amplitude et une brusquerie exagérées cependant. Les tracés présentés en font foi. 49 On crée facilement au niveau de l'artère fémorale la production d’un double souffle crural avec le rebord du pavillon du stéthoscope mo- dérément appuyé. Le premier des deux souffles est progressif (sÿnchrone avec l'expansion artérielle); le second est rétrograde (synchrone avec l’aftaissement de l'artère (1). Je rappelle à ce propos qu'il n'y a aucun signe d'insuffisance aortique. A) Nous avons fait il y à deux ans, M. Potain et moi, une étude détaillée du caractère et du mode de production des doubles souffles cruraux; nos re- cherches seront prochainement soumises à la Société. J'indique ici simplement ce fait que le second des deux souifles est certainement rétrograde, en ce sens qu'il est dû à une onde centripète, le premier étant le résultat d'une centrifuge, Nous insisterons plus tard sur la démonstration de ces faits. 176 SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE. d° En faisant communiquer la trachée de l'animal avec un tambour enregistreur, pendant une interruption de linsufflation dans la position expiratrice, j'ai enregistré les changements de volume du cœur, par l'in- termédiaire du déplacement de l'air du poumon : on retrouve sur ces courbes la trace atténuée des vibrations extérieures, ce qui, du reste, n'implique nullement que ces vibrations se produisent au niveau de l’ar- tère pulmonaire, tout ébranlement intra-thoracique pouvant se traduire de la même facon. Go La pression artérielle de ce chien est normale, assez élevée même pour un animal curarisé à ce degré et d'une aussi petite taille (7 kilos) : elle dépasse 150 mm. Hg, et ses variations cardiaques sont de 9 mm. 7° Aucune trace de trouble de la cireulation veineuse : ni tension des jugulaires, ni reflux veineux cervical ou hépatique; pouls veineux nor- mal (affaissement systolique); pas la moindre cyanose ni avant la cura- risation, ni pendant l'insufflation, ni même actuellement, Sans insister autrement sur les détails de cette analyse, je me conten- terai d'en tirer la conclusion provisoire que voici : La lésion que présente ce chien n'est ni mitrale, ni tricuspidienne; elle ne paraît pas consister en un rétrécissement aortique étant donnés les caractères du pouls et la valeur de la pression moyenne. Il s'agit peut-être d’un rétrécissement de l'artère pulmonaire, bien que la rareté extrême de cette lésion n'engage guere à admettre cette hypothèse. Je croirais plutôt à une anomalie congénitale de la cloison interventricu- laire, caractérisée par un développement incomplet de la cloison vers le haut, comme j'en ai déjà observé un cas sur le chien en 1881. Quand l'animal, qui parait maintenant complètement rétabli des acei- dents curariques, aura été suffisamment étudié soit par moi-même, soit par ceux que son cas pourrait intéresser, il sera sacrifié et le cœur sou- mis à l'examen des membres de la Société. EXPÉRIENCES POUR SERVIR A L'ÉTUDE DES EFFETS PHYSIOLOGIQUES DE L'HEXAHY- DRURE DE & COLLIDINE OU ISOCICUTINE, par MM. BOCHEFONTAINE et OECHSNER DE CONINCK. Nous donnons dans cette note les expériences les plus démonstratives concernant l'hexahydrure de £ collidine dont l’un de nous à fait con- naitre les propriétés chimiques à la Société dans une de ses dernières séances. I. Dans une première série d'expériences, on a injecté sous la peau de l’avant-bras de plusieurs grenouilles, d’un côté, une goutte, soit 5 centi- grammes d'hexabydrure de 8 collidine ou isocicutine pure obtenue syn- thétiquement. SÉANCE DU 14 MARS. 477 Six minutes après l'injection, l'animal opéré parait engourdi. On le place sur le dos, et c'est à grand'peine qu'il peut se retourner sur le ventre. Huit minutes plus tard (14 après Pinjection), les mouvements spon- tanés sont entièrement abolis et le retour à l'attitude normale est impos- sible. Il v à des convulsions partielles des masses musculaires des membres. Le cœur bat vingt-quatre fois par minute, il y à vingt-six respirations pendant ce même temps. Les mouvements réflexes provoqués par le pincement d’un membre sont affaiblis. Les paupières sont fermées et quand'on les touche légère- ment la grenouille enfonce le globe oculaire dans l'orbite. Vingt-quatre minutes après l'injection les mouvements réflexes ont en- tièrement disparu quand on pince l’une ou l’autre patte postérieure. La contractilité musculaire paraît diminuée. Le nerf sciatique d’un côté est mis à découvert, sectionné, et ses deux bouts sont pris sur un fil: l’exci- tation électrique du bout central ne produit aucun mouvement ; l’excita- tion du bout périphérique détermine des mouvements très faibles dans les orteils correspondants. Le lendemain, à huit heures et demie du matin, la grenouille est en rigidité, on la croit morte. Cependant le cœur bat encore, il y a, par mi- nute, vingt systoles ventriculaires et quarante systoles auriculaires. Les muscles sont contractles. La grenouille est morte à la fin de cette journée. Au lieu d'isocicutme pure. on a employé dans d’autres expériences sur la grenouille, de l’isocicutine additionnée de 4 volume d'alcool. Les effets produits par l'injection hypodermique d'un volume de solution égal à celui qui avait été injecté dans les expériences précédentes avec l’isoci- eutine pure ont été les mêmes. Par conséquent, il suffit de 2 1/2 cen- tigrammes d'isocicutine pour tuer une grenouille de taille ordinaire. Enfin, on a répété ces expériences avec de l’isocicutine additionnée de quatre fois son volume d’eau et d'alcool. Les grenotulles ont été engour- dies..Elles ont à peu près entièrement perdu leur motilité spontanée en conservant leur excito motricité nervo-musculaire, puis elles sont reve- nues à l’état normal. Une dose de 12 à 43 milligrammes d'isocicutine nest donc pas mortelle pour la grenouille. Toutes les grenouilles auxquelles on a donné une dose d'isocicutine suffisante pour abolir lexcito-motricité nervo-museulaire sont mortes un jour ou deux après l'expérience. Celles qui ont survéeu ont été toujours incomplètement engourdies et n’ont pas perdu cette excito-motricité. Pour mieux étudier l’action de l’isocicutine sur cette propriété nervo- 178 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE musculaire, on à refait méthodiquement l'expérience de CI. Bernard sur les substances curarisantes. L'artère iliaque d’un côté étant liée sur des grenouilles vigoureuses, bien musclées, on à introduit sous la peau d’un avant-bras, de 25 milli- grammes à à centigrammes d'isocicutine pure ou mélangée avec un vo- lume égal d'alcool et d'eau. Ces batraciens ont perdu comme dans les expériences précédentes, leurs mouvements spontanés, puis les mouve- ments réflexes ont été considérablement affaiblis dans les membres dont la circulation sanguine était normale. Dans le membre postérieur correspondant à l'artère iliaque liée, les réiexes sont également affaiblis manifestement, mais moins que dans le membre opposé. L'excito-motricité est abolie, ou à peu près abolie, dans le membre pos- térieur où la circulation continue, tandis qu'elle est plus évidente dans celui dont l'iliaque est obturée. Lorsque l’animal est sur le point de mourir on voit encore nettement que le pouvoir réflexe est aboli complètement, alors qu'il reste des traces d’excito-motricité dans le membre où la circulation du sang ne cesse qu'avec la mort. On n'a pas observé de phénomènes d'irritation notable au niveau des points où les injections ont été pratiquées. IT. Chez le cobaye l'isocicutine a été injectée sous la peau, comme sur les grenouilles. Un individu pesant 480 grammes a recu de la sorte cing centigramimes de substance additionnée de deux fois son volume d’eau alcoolisée, à 3 h. 20 minutes. Au bout d'un quart d'heure l'animal est trouvé en réso- lution complète. On se hâte de constater l’état du cœur en palpant le thorax: les battements sont très ralentis; ils s'arrétent presque à ce mo- ment, l'animal est mort. Un autre individu pesant 500 grammes s’est affaissé sur le flanc, dix- huit minutes après avoir recu neuf centigrammes de la même substance additionnée d'alcool et d’eau dans la même proportion que pour l’expé- rience précédente. Il a eu de agitation des membres. La respiration était alors notablement ralentie. Vingt-trois minutes après l'injection, la respiration de plus en plus ra- lentie et faible est régulière. Le cœur est très ralenti. La résolution de- vient complète, la respiration cesse ainsi que les battements du cœur. Douze minutes après la mort, on excite le nerf sciatique mis à nu, avec la pince de Pulvermacher, et l’on voit que l'excitation provoque des mou- vements très marqués dans le membre correspondant. Sur d’autres cobayes du poids de 420 grammes,2 centigrammes 1/2 d'isocicutine injectés sous la peau du flanc ont eu pour effet un peu d'affaiblissement passager. SÉANCE DU 14 MARS 179 On n'a pas remarqué sur le cobaye plus que sur la grenouille d’acci- dents locaux sous l'influence du liquide injecté. IIE. Nous n'avons pu faire que l’expértence suivante sur le chien, parce que la substance nous faisait défaut. À 3 h. 10 minutes, sur un chien de chasse mâtiné, on injecte sous la peau en divers points du corps À gr. 28 centigrammes d'’isocicutine. A 3 h. 20 min., agitation : l'animal ne tient plus en place; miction. À 4 h. 95 minutes, l’animal a un frisson général léger, bientôt suivi d’un frisson violent sans raideur des membres : il s'affaisse sur le flanc et ne peut plus se remettre sur ses pattes. Battements du cœur très forts aunombre de #20 par minute. Parinstants l'animal pousse des petits eris plamdifs et fait des efforts mutiles pour se relever. Vingt-deux respirations par minute. L'animal s'agile en vain pour se lever quand on l'appelle: 1l tourne la tête du côté de la personne qui lui parle et flaite de Ia queue. Les paupières sont demi-closes et les pupilles dilatées; les mouvements réflexes oculo-palpébraux sont conservés. %h.35 minutes. Bâäillements, frissons légers généraux et répétés. Même état du reste. 4h. 40 minutes. Respiration difficile, saccadée, irrégulière, bâillements énergiques pour respirer. 4 h. 50 minutes. La respiration va s’affaiblissant. Par instants on a de la peine à sentir les battements du cœur quand on palpe la région pré- cordiale. La muqueuse buccale est violacée. La faiblesse augmente. ‘Ce- pendant l'animal à conservé son intelligence. 6 h. 30 minutes. Mort sans convulsions. La substance nous faisant défaut nous n'avons pu recommencer cette expérience après avoir établi la respiration artificielle, pour voir si l’on parviendrait ainsi à empêcher la mort. Cependant, malgré l'absence de cette recherche sur le chien, nous per- sons que les expériences, envisagées dans leurs résultats généraux et surtout au point de vue particulier des batraciens, démontrent quel'hexa- hydrure de 8 collidine possede les mêmes propriétés principales que la cicutine. Cet alcaloïde de synthèse abolit les propriétés des centres nerveux, agissant probablement surtout sur le bulbe et la moelle épinière; c’est ainsi qu'il détermine la mort. En même temps qu'il agit sir ces parties du système nerveux il se comporte à la périphérie des nerfs à la manière du curare, pour em- pêcher les excitations centrifuges d'être transmises aux muscles. Lorsque les doses de l’hexahydrure de 8 collidine données à la gre- nouille ne déterminent pas la mort, l'animal ne perd pas complètement sa motilité, et jamais alors l’excito-motricité nervo-museulaire n’est abolie. 180 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Nous proposons donc pour l’hexahydrure de 8 collidine, isomère de la cicutine, le nom d’/socicutine qui rappelle les ressemblances de cet alca- loïde avec la cicutine. SUR LA PRÉSENCE DE LA PYRIDINE DANS L'AMMONIAQUE DU COMMERCE, par M. OECHSNER DE CONINGK. La pyridine n'existe pas seulement dans différents alcools, tels que l’alcoo! méthylique brut et l'alcool amylique ordinaire, on la rencontre aussi dans l’ammoniaque du commerce. Voici le procédé qui m'a permis d'isoler cet alcaloïde dans un grand nombre d'échantillons d’ammoniaque commerciale : Je distille lammo- niaque dans un appareil muni d’un récipient tubulé plongeant dans l’eau glacée. Toute l’ammoniaque gazeuse s'échappe par le tube de dégage- ment; le liquide distillé, soigneusement condensé, est traité par un léger excès d'acide chlorhydrique, puis concentré à petit feu dans un appareil distillatoire. Toute perte est ainsi évitée. Je précipite par le chlorure de platine en solution concentrée, puis je continue l’évapora- üon. Lorsque tout le chloroplatinate est déposé, je Le jette sur un filtre, et je le lave à l'alcool de manière à entrainer le chlore platinique en excès; je le traite ensuite par une grande quantité d’eau que je maintiens à l’ébullition pendant le temps nécessaire pour produire le sel modifié sur lequel j'ai déjà attiré l'attention de la Société. Ge sel est lavé, séché à 105° puis soumis à l'analyse. Les dosages de chlore et de platine ont bien conduit à la formule de la pyridine. On obtient ainsi très exactement + la teneur de l’ammoniaque du commerce en } yridine ; j'ai trouvé des nombres variant entre 0,2 et 0,3 pour 1000 de pyridine. M. Ost(1), qui a rencontré la même base dans l’ammoniaque commer- ciale, a indiqué un procédé d'extraction, qui, au point de vue qualitatif, est certainement à l'abri de toute critique. Mais pour isoler la pyridine, il soumet le chloroplatinate de la base à des cristallisations fractionnées. Or, dans le cours de ces cristallisations, il me semble difficile que le chloroplatinate ne subisse pas une altération particulière décrite par Anderson. Je crois, en d’autres termes, qu'il se forme dans les conditions où l’auteur à opéré, une petite quantité de sel double (combinaison du chloroplatinate avec le sel modifié), dont la présence peut troubler les résultats analytiques quantitatifs. En transformant dès le début le chloro- platinate en sel modifié, on évite cet inconvénient, et on a un moyen sûr de doser la pyridine. Je mentionnerai quelques réactions qualitatives qui m'ont rendu de réels services dans la recherche de la pyridine. (4) Journal für praktische Chemie (2), t. 28, p. 271. SÉANCE DU 14 MARS. 181 —_—————_—__—__—_—_—_—________—__——____—_—_—_—_———— Le liquide ammoniacal, étant distillé comme je l'ai dit plus haut, est traité par l'acide chlorhydrique, est additionné d’un excès de lessive de potasse concentrée ; la pyridine mise en liberté est extraite direc- tement au moyen de l’éther. Celui-ci est évaporé doucement; la pyridine libre est transformée en iodométhylate. On opère alors de la manière suivante : 1° On dissout l’iodométhylate dans l'alcool à chaud, on ajoute quelques gouttes d’une lessive de potasse à 45°; une belle coloration rouge apparaît aussitôt, et elle est accompagnée de la formation d’une matière colorante dont je décrirai prochainement les réactions particu- lières. 20 Une petite quantité de l'iodométhylate de pyridine est mélangée dans un tube à essai avec quelques fragments de potasse caustique et une très petite quantité d’eau. On chauffe légèrement: une coloration rouge apparaît aussitôt ; on chauffe plus fort; on percoit alors une odeur âcre et pénétrante, sui generis, facile à distinguer, odeur, qui, comme l’a démontré M. Hofmann, est due à la formation d’un dihydrure de picoline. Ces deux réactions sont très sensibles et permettent de déceler la présence de petites quantités d’alcaloïdes pyridiques. Je montrerai bientôt qu'il existe parfois une faible proportion de pyridine dans les méthylamines commerciales ; en même temps je men- tionnerai les essais que j'ai faits pour rechercher la même base, ou ses homologues, dans les pétroles bruts. MÉCANISME DE L'AILE MEMBRANEUSE DES COLÉOPTÈRES, par M: CHABRY. L'aile membraneuse des coléoptères est, à l’état de repos, repliée trans- versalement sous les élytres. Comme il n’existe dans l'épaisseur de cette mince lame chitineuse aucun organe musculaire au niveau des plis il est intéressant d'observer par quel mécanisme a lieu son déploiement. Sur une aile isolée de rhinocéros on constate qu’il suffit de tirer en sens in- verse le bord externe et le bord interne pour déterminer le déploiement automatique de toutes les parties. On constate également que l'aile détachée du corps a deux situations d'équilibre, la première lorsqu'elle est complètement étalée, la seconde lorsqu'elle est complètement fermée; les positions intermédiaires se détruisent d’elles-mêmes, comme il arrive pour la lame d'un couteau demi-ouvert qui s'ouvre ou se ferme spontanément. En résumé l'aile des coléoptères est au point de vue mécanique une machine pliante formant un système à liaisons complètes et possédant deux positions d'équilibre. 10. 182 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. C’est sous ce point de vue que nous en ferons l'anatomie. L'observation montre que les plis de l'aile se produisent toujours aux mêmes endroits et dans le même sens et limitent entre eux des parties qui restent planes aussi bien lorque l’aile est étalée que lorsqu'elle est repliée. J'appelle ces parties planes des volets, ils constituent les organes premiers de la machine pliante. La forme de chaque volet est un polygone qui présente à considérer des côtés et des angles; chaque côté s’articule avec le côté d’un volet voi- sin ou forme un bord libre de l'aile. Un volet qui fait partie du bord libre de l'aile est un volet marginal; un volet qui ne possède aucun bord libre (c’est-à-dire qui est entouré de tous côtés par d’autres volets) est un volet central. Le point où se réunissent les angles de plusieurs volets est un sommet. Chaque sommet est caractérisé par Le concours de plis, dont le nombre égale celui des volets qu'ils séparent'et ne peut être inférieur à quatre. / Les plis sont les articulations que forment entre eux les côtés des volets, ils sont dorsaux ou ventraux selon que le sinus du pli regarde la face ventrale ou dorsale de l'aile. S'il y a quatre plis concourant à un même sommet, il y en a trois de dorsaux et un de ventral ou réciproquement, si le nombre est supérieur à quatre, il est pair et il y a toujours deux plis de plus d’une espèce que de l’autre. Les angles des volets adjacents dis- posés autour d'un même sommet ont des valeurs qui sont soumises à deux lois : 4° leur somme est égale à quatre droits parce que l'aile étant déployée est plane; 2° la somme des angles de rang pair égale la somme des angles de rang impair parce que l’aile étant pliée est également plane. Pour construire une machine pliante fonctionnant comme une aile don- née, il faut découper dans du carton des volets géométriquement sem- blables à ceux de l’aile proposée et les rapprocher dans le mème sens et en les unissant par des charnières de ‘papier mince ou de fil. L'’assem- blage ainsi obtenu se ploie ou se déjloie automatiquement dans toutes ses parties lorsqu'on tire en sens inverse sur les deux volets marginaux les plus rapprochés de l’aisselle de l'aile. Ge schéma de l'aile est incom- plet en ce que son équilibre est indifférent dans toutes lés positions. M.le professeur Pouchet, à l’instigation duquel j'ai fait ces recher- ches, a montré dans l’un de ses cours une aile ainsi construite. L'anatomie de l’aile montre que les volets doivent en général leur rigi- dité aux nervures qui les parcourent. Les articulations ou plis sont déter- minés par un amincissement de la chitine et probablement aussi par une nature plus molle de cette substance. Les articulations aux sommets sont les plus intéressantes : souvent les angles de deux volets qui concourent à un même sommet sont pourvus de crêtes saillantes. Ces crêtes arrivent au contact dans le voisinage du sommet par une surface de révolution dont l'axe passe par le sommet même et il se forme ainsi entre deux volets voi- sins une véritable articulation condylienne analogue au point de vue de sa SÉANCE DU L# MARS. 183 composition anatomique, comme au point de vue mécanique, aux articu- lations des pattes des crustacés et notamment à celle du doigt mobile de la pince. Les articulations des sommets sont loin de posséder toujours une semblable perfection, je n'ai du reste examiné que deux ou trois espèces. ACTION DE LA COCAÏNE ET D'AUTRES ALCALOÏDES SUR CERTAINS INFUSOIRES A CHLOROPHYLLE, par le D' AUG. CHARPENTIER, professeur à la Faculté de Nancy. Ayant à ma disposition de nombreux infusoires à chlorophylle de l’es- pèce zygoselmis orbicularis, j'ai eu l’idée de les soumettre à l’action de plusieurs alcaloïdes très toxiques pour les animaux supérieurs. Ges petits êtres, composés d'une seule cellule ronde de 20 x de diamètre en moyenne, cellule verte, à noyau rouge plus ou moins gros, munie de deux longs flagellums très ténus, fourmillent dans l’eau qui les contient et où ils s’agitent avec vivacité. L'eau chargée de ces infusoires parait uniformément verte et présente dans son intérieur et à sa surface de nombreuses bulles d'oxygène quand elle est exposée à la lumière. J'ai d’abord essayé l’action d’une goutte d'une solution de chlorhy- drate de cocaïne au 25° introduite sous la lamelle couvre-objet du mi- croscope à l’aide duquel j'étudiais ces zygoselmis. Ceux-ci, d’abord très vivaces et présentant des mouvements rapides, s'arrèêtèrent peu à peu et devinrent complètement immobiles. J'introduisis alors dans 2 centimètres cubes d'eau verte chargée de zygoselmis 2 milligrammes de solution de cocaïne à 1/95 : les mouvements des infusoires s’arrétèrent rapidement et les cellules vertes tombèrent toutes au fond de l’éprouvette en formant une couche nettement limitée, laissant parfaitement clair le liquide au-dessus d’elle. Il n’y eut plus de dégagement d'oxygène à la lumière. J'essayai successivement l’action de la cocaïne à 1/5000, à 1/10000, à 1/70000, à 1/100000. Toutes les solutions produisirent le même effet, la dernière plus lentement : arrêt des mouvements des infusoires, chute de ceux-ci au fond du vase sous forme de couche verte, abolition de la fonction chlorophyllienne. Dans chacun de ces essais, une éprouvette chargée de la même eau verte, mais sans cocaïne, servait de contre- épreuve. Ces êtres, si sensibles à l’action de la cocaïne, sont-ils tués par cette substance, ou simplement anasthésiés ? La dose efficace de l’agent toxi- que ne peut rien nous apprendre pour résoudre la question; il y a anes- thésie, d’après Claude Bernard, quand il y a suspension des fonctions 184 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. vitales, avec retour à la vie quand la substance toxique est éloignée. Or ici, quelques soins que nous ayons pris pour soustraire les infusoires immobilisés à l'influence de la cocaïne, jamais nous n'avons observé de: réapparition des mouvements de la fonction chlorophyllienne. Toujours les infusoires se sont ensuite désagrégés; ils étaient définitivement morts. J'ai voulu savoir dès lors si les autres alcaloïdes exercaient au même degré une action toxique sur ces êtres, et j'ai fait les essais suivants : Avec le sulfate d’atropine à 1 p. 1000, mort des zygoselmis. à À p. 5000, aucun effet. — à 1 p. 2000, mort. Avec le chlorhydrate destrychnine à À p. 2000, mort rapide. à À p. 10000, rien. — à 1 p. 5000, mort. Avec le chlorhydrate de morphine à 1 p. 2000, aucun effet. 1 p. 1000, aucun effet. p. 500, aucun effet. P- 50, arrêt des mouve- f ments de presque tous les infusoires, sauf de 1 sur 12 ou 15, qui restent == à À à 1 peu vigoureux. La cocaïne exerce donc réellement sur les zygoselmis une action élec- tive et définitivement toxique. Il faut 20 fois plus de strychnine pour les tuer et 400 fois plus d’atropine. La morphine a sur eux une action assez faible. Le gérant : G. Masson Paris. — [mprimerie G. Roucrer et Cie, rue Cassette, L. 185 SÉANCE DU 21 MARS 1885 M. Browx-Séquarp : Du rôle de l'arrêt des échanges entre le sang et les tissus, de la contracture et de l'inhibition des nerfs et des muscles après la mort. — M. DEGAGNY : Nouvelles observations sur la fécondation des végétaux. Le tube pollinique, sa nature, ses rapports avec l'appareil femelle. — Eu. BourqQuELoOT : Fermentation alcoolique « élective » d'un mélange de lévulose et de maltose. — LÉON Brasse : Moyen de débarrasser les graines des germes de microbes adhérents à leur surface. ® — À. Cerres: Emploi des matières colorantes dans l'étude physiologique et histo- logique des infusoires vivants. — Grénaur et QuinquauD: Mesure de la rupture latérale des artères. | < Présidence de M. Paul Bert. Du ROLE DE L'ARRÊT DES ÉCHANGES ENTRE LE SANG ET LES TISSUS, DE LA CONTRACTURE ET DE L'INHIBITION A L'ÉGARD DU DEGRÉ D ÉNERGIE ET DE LA DURÉE DES PROPRIÉTÉS DES NERFS ET DES MUSCLES APRÈS. LA MORT; par M. BROWN-SÉQUARD. Les notions que nous possédons sur le degré d'énergie et la durée de l'excitabilité des nerfs moteurs (motricité) et de l'irritabilité musculaire, après la mort, ont besoin d’être examinées de nouveau en tenant compte d'un certain nombre de particularités, dont j'ai signalé l'existence depuis longtemps ou récemment, mais que néanmoins bien peu de physiolo- gistes semblent connaître. Parmi ces particularités, celles qui ont le plus de puissance sont : 1° Le degré d'énergie et la durée des actions des nerfs et des muscles, un peu avant et au moment de la mort; 2° l’état du sang dans les vaisseaux de ces parties (asphyxie plus ou moins complète ou arrêt des échanges) ; 3° une contracture post-morlem où anté-mortem, mais se continuant après la mort; 4° l’inhibition simultanée des nerfs ou des muscles ou celle d’une seule de ces parties; 5° la dynamogénie simultanée de ces parties ou celle de l’une d'elles. I. — Je laisse de côté ici tout ce qui est relatif au degré d'énergie et à la durée des actions des nerfs et des muscles, ayant montré depuis longtemps déjà combien est immense l'influence de ces actions sur [a durée de l'irritabilité musculaire (et conséquemment sur celle des nerfs B oLociE. COMPTES RENDUS. — 8€ SÉRIE, r. LE, n° 11. 186 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. moteurs), durée qui peut être réduite à quelques minutes seulement ou persister pendant nombre d'heures (1). IL. — L'arrêt des échanges entre les tissus et le sang est un élément d'une très grande importance pour la prolongation de l’excitabilité des nerfs moteurs et celle de l’irritabilité musculaire après la mort. Cet arrêt, comme je l'ai montré (2), s'accompagne d’un abaissement rapide de température, auquel est dû, en partie, la longue persistance des pro- priétés des tissus nerveux et contractiles. Mais l’abaissement de la tem- pérature de l’animal est loin d’être la seule ou même la plus importante cause de cette prolongation de vitalité. En effet, lorsque, par exemple, l'arrêt des échanges est produit par une hémisection transversale du bulbe rachidien ou de la moelle cervicale, il se montre, ainsi que l’abais- sement de température qu'il occasionne, dans les deux moitiés du corps. Or, si l’on tue l'animal, par ouverture du thorax, on trouve que l’aug- mentation d'énergie de la motricité des nerfs et de l’irritabilité des mus- cles, peut ne se montrer que dans certaines parties d’un côté, tandis qu'un état inverse survient dans les parties correspondantes de l’autre côté. Dans la mort par décapitation où, ainsi que je l'ai montré, il y a, le plus souvent, arrêt des échanges entre les tissus et le sang et, par suite, pas de convulsions, l’irritabilité musculaire, chez l’homme, peut durer un temps extrêmement long. Chez les deux suppliciés qui m'ont servi à montrer que la rigidité cadavérique peut disparaitre et laisser revenir la contractilité, sous l'influence d’injections sanguines, l’irritabilité musculaire n’avait fait place à la rigidité que de 13 à 14 heures après la décapitation, bien que celle-ci ait eu lieu dans un des cas en juillet et dans l’autre en août. Nysten a même vu, chez un supplicié, l'irritabilité musculaire durer 26 heures après la décapitation. On voit clairement par ce qui précède, combien il est important de tenir compte de l'arrêt des échanges dans les recherches sur la durée des propriétés des nerfs et des muscles, après la mort. IT. — Un autre élément de la plus haute importance dans la question de la durée de la vitalité des nerfs et des muscles, après la mort, est resté inconnu des physiologistes, jusqu'en 1881. Mon premier travail à ce sujet (3) était encore bien incomplet. Depuis, J'ai eu l’occasion, sur des (1) Voyez mon travail sur les relations entre l'ürrilabilité musculaire, lu rigidité cadavérique et lu putréfraction, dans le Journal de Physiologie, vol. IV, 1861. p: 266. (2) Comptes rendus des séances de F Académie des Sciènées, 20 février 1882. 3) Comptes rendus de la Société de Biologie, 1881, p. 325. SÉANCE DU 21 MARS. 187 centaines d'animaux, d'avoir la preuve, en étudiant soit le degré, soit la durée des propriétés des nerfs et des muscles aprèsla mort, que l’on court de très grands risques en ne tenant pas compte de l’état de tonicité ou de contracture légère ou considérable, des divers muscles qu'on examine. L'expérience suivante dans laquelle j'ai constaté que de très grands changements d'énergie des nerfs phréniques (1) ont eu lieu simultanément avec des variations de l’état de contraction tonique des faisceaux mus- culaires du diaphragme, est décisive pour montrer combien sont grandes les fluctuations de ces deux particularités : la contracture et l'apparence du degré de puissance des nerfs moteurs. Sur un lapin ayant eu une hémisection du bulbe rachidien à gauche el dont la température est rapidement descendue à 37°,2, j'ouvris le thorax et l'abdomen et Je constatai que partout dans ces parties comme aux membres, l'arrêt des échanges existait. Examinant alors le degré d’éner- gie des nerfs phréniques, je constatai, à l’aide de l'appareil Dubois-Rey- mond, les différences que montrent les chiffres suivants, le temps indiqué comptant à partir de l'instant où le thorax a été ouvert: rime Nerf droit 60 Nerf gauche 82 9 m. — 65 — 78 12 m. — 65 — 69 1% m. —- 80 — 70 23 m. — We — 79 9 m. — 63 — 60 1 h. 16 m. — 70 —— 35 2 h. 44 m. — mort — On voit que le nerf droit gagne en force, en apparence (de 60 à 80), puis descend à 63 et remonte à 70 et enfin semble mort. De même on voit le nerf gauche descendre de 82 à 65, monter ensuite à 75 et ne tomber à 7 qu'après 2 h. 44 m. Or, tous ces changements avaient, sous mes yeux, leur cause dans l’état variable de contraction tonique de l’une ou de l’autre des deux moitiés du diaphragme. Comme exemple de contracture dans les muscles des membres, je mentionnerai le fait suivant observé chez un cobaye, {tué instantanément el sans convulsions, par une forte dose d'acide prussique, injectée sous la peau, à la région lombaire. Deux heures et douze minutes après la mort l'excitabilité des nerfs brachiaux des deux côtés, à l’aisselle, était bien plus grande qu'à un moment quelconque jusque-là. Une raideur évidente quoique peu marquée, qui s'était montrée dans les deux membres thoraciques, au moment de la mort, avait disparu deux heures douze (1) C'est surtout dans le diàäphragme que l’on observe de la contracture après la mort, mais cette tonicité morbide peut se montrer dans tous les autres muscles, 155 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE minutes après. Il y avait done eu un {obstacle à la manifestation de la puissance de ces nerfs dans l'existence d’une contracture dans ces membres. IV. — A l’époque où j'ai publié les résultats de mes premières recherches sur la possibilité de produire dans les nerfs et dans les muscles, comme dans les centres nerveux, de l'inhibition et de la dynamogénie, je n'avais pas encore trouvé les faits si curieux que j'ai depuis étudiés, montrant que la tonicité musculaire acquérant le degré qui constitue la contracture, peut se montrer, disparaitre et se montrer de nouveau, après la mort. Depuis ‘que je connais bien les métamorphoses de cette espèce, je me suis demandé si, dans mon ignorance de leur existence, je n'avais pas été conduit par elles à une opinion erronée à l'égard de l’inhibition et de la dynamogénie dans les tissus nerveux et contractiles. Des expériences extrémement nombreuses m'ont fourni des preuves surabondantes que mon opinion était parfaitement exacte. Je vais donner quelques-unes de ces preuves à l'égard de l’inhibition des nerfs moteurs, me proposant de fournir dans une autre communication les preuves relatives à la dyna-. mogénie des nerfs et celles qui établissent queles tissus contractiles peuvent aussi être inhibés et dynamogéniés. La première preuve que je donnerai se trouve dans un fait bien inattendu que j'ai déjà publié (1), mais que j'ai étudié depuis lors avec tout le soin qu'il mérite. En attendant que j'en fasse connaitre toutes les particularités, dans un autre travail, je me borneraï à le mentionner aujourd'hui. On s'assure qu'un nerf moteur, tenant encore à la moelle épinière, chez un animal vivant ou mort depuis peu de temps (10, 15 ou 20 minutes et quelquefois plus longtemps), ne donne des signes de vitalité, quand ilest excité à l’aide de l’appareil de Dubois-Reymond, qu'autant que la bobine mobile est en dedans d'une certaine distance de la base, 30 centimètres par exemple. Cette distance ayant donné la mesure du degré d’excitabilité du nerf, on fait passer, pendant quelques instants, un courant considérablement moins fort, la bobine étant 55 centimètres, par exemple. IL va sans dire qu'ik ny à pas d'effet visible, l'excitabilité du nerf n'étant pas mise en jeu. Il devrait donc n'y avoir aucune éspèce d'effet. Il y en a un au contraire et il est très re- marquable : le nerf a perdu de son excitabilité, à un degré très notable et quelquefois très considérable. Au lieu de réagir, à 30 centimètres comme il le faisait, il ne produit plus d'action du muscle que lorsque l’in- tensité du courant est quadruplée ou quintuplée. Ce n'est pas là le résultat d’un changement purement physique. L'irritabilité museulaire n’est pas modifiée et il paraît évident que tout consiste en une inhibition 1) Comptes rendus de lu Société de Biologie, 1881 p. 209-10, SÉANCE DU 21 MARS. 189 de la puissance du nerf sous l'influence d’une très faible excitation. C'est ce que je ferai voir lorsque je montrerai plus tard que les courants très forts produisent un effet inverse, c'est-à-dire de la dynamogénie. Ces changements purement dynamiques (en plus ou en moins) n'ont pas lieu lorsque le nerf est séparé de la moelle épinière. La seconde espèce de preuve que je désire donner de la possibilité d'inhiber la motricité des nerfs est encore plus décisive que la pre- mière. Dans un grand nombre de cas, j'ai trouvé les particularités sui- vantes : Après avoir écrasé tout d'un coup la moelle lombaire, chez un lapin, j'ai constaté immédiatement que lun des nerfs phréniques faradisé, au maximum de l'appareil déjà indiqué, ne produisait aucun effet sur le diaphragme. Examinant alors ce muscle J'ai trouvé qu'il n’était pas con- tracturé et qu'un courant assez faible (à 21) le mettait en jeu. Environ trois minutes après la mort causée par une injection d'acide phénique dans l'abdomen, chez un cobaye, je trouve que le nerf phré- nique droit est mort, alors que le diaphragme, non contracturé, se meut sous un courant à 17. Dix minutes après la section du cou d'un cobaye de gauche à droite, je trouve que le nerf phrénique gauche est mort, le diaphragme, à gauche, agissant encore à 15 pour un courant sur son tissu. À ce même moment le nerf phrénique droit agissait à 25 et le diaphragme, à droite, à 20. Non seulement le nerf phrénique, comme dans ces différents exem- ples, peut être trouvé sans excitabilité alors que le diaphragme est en- core à son degré normal ou presque normal d'irritabilité, mais encore ce nerf peut perdre sa motricité d’une manière complète sous l'influence d’une cause qui produit un effet inverse dans le diaphragme. Sur un chat, ayant eu la moitié droite de la tête écrasée subitement, les deux nerfs phréniques perdirent bientôt toute excitabilité, alors que le dia- phragme dynamogénié, à droite, se contractait sous un courant extrême- ment faible (à 50). Des expériences ayant pour objet les nerfs des membres ont donné des résultats analogues. Il ressort clairement de ces faits que les nerfs moteurs peuvent, comme les centres nerveux, être inhibés. SUITE AUX NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LA FÉCONDATION CHEZ LES VÉGÉ- TAUX. — LE TUBE POLLINIQUE, SA NATURE, SES RAPPORTS AVEC L'APPAREIL FEMELLE, par M. DEGAGNY. _ Le nouveau contingent que j'apporte a trait aux rapports du tube pol- linique, à son arrivée au moment de la fécondation et aux réactions qu'il détermine dans l'appareil supérieur femelle. 190 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Dans une préparation d’Aelleborus niger, que j'ai disposée autrement que mes précédentes préparations, où je n'avais pas à faire voir le tube pollinique ni ses rapports, on peut voir le tube pollinique, bien séparé des téguments qui ont été écartés par un procédé spécial. On peut suivre ce tube dans toute sa portion micropylaire. D'abord à son arrivée sur le tégument avant de pénétrer dans le micropyle, le tube, ou plutôt la subs- tance pollinique, ce qui ne préjuge rien, s’est modelée, comme du plâtre mou sur l'anfractuosité précédant l’antre du micropyle, puis elle a pénétré dans le micropyle dont elle donne exactement la forme et l'empreinte. Arrivée sur la calotte du nucelle la substance s’y est comme épatée cherchant les interstices nécessaires à sa pénétration. Elle forme sur la calotte nucellaire un disque assez large de 10 à 15 centimètres de millimètre en circonférence. Or il ne faut pas oublier que les téguments qui ici ont été écartés, sont unis étroitement au nucelle. La substance s’est donc introduite entre les téguments et le nucelle, jusqu’au moment où la poussée normale qui la faisait avancer a cessé par le fait de son introduction à travers les interstices des cellules du sommet nucellaire. A ce moment ayant vaincu la résistance qu'elle rencontrait, la pression du côté latéral s’est arrêtée. La substance s'arrête donc à une certaine distance entre les téguments et le nucelle. Cette substance pénètre à travers plusieurs rangées de cellules. IT est facile de s’en convaincre avec un bon objectif à immersion. La coulée principale se fait dans l’interstice axile. Elle pénètre dans les deux synerzides, ou plutôt dans les vacuoles con- sidérables ménagées auprès des synerzides singulièrement agrandies par le moment de la fécondation. Dans le Monotrope hypopitys et le Torenca asiatica, sujets spéciaux d'étude de Strasshurger, ces détails n’ont pu lui être fournis, du moins aussi complètement; le tube pollinique arriva sur des sacs embryonnaires à nu; il n’a pas à traverser d'obstacles. IL s’épate bien quelquefois mais légèrement. Ici les obstacles à vaincre sont différents; cette circonstance et le procédé technique employé nous conduisent à de nouvelles notions qui pourront s'ajouter utilement à celles dejà acquises. La substance a donc pénétré par différents chemins dans l'appareil femelle. La synerzide droite et le protoplasma abondant qui l’environne sont fortement colorés, ils contiennent plusieurs noyaux. La synerzide droite, granuleuse, grisâtre, est moins colorée. Sa vitalité, son évolution était moins avancée au moment de l’action du liquide fixateur. Le réactif colorant le prouve. L'oosphère est au-dessous; on voit qu’elle subit l’action fécondatrice. Le noyau secondaire s'approche. Nous avons vu que son contact devait être plus immédiat qu'il n’est ici. Nous avons vu aussi quelle production considérable de noyau avait déter- miné son contact avec l'appareil femelle. C’est un sujet sur lequel il sera 2 SÉANCE DU 21 Mars. 191 nécessaire de compléter l'observation qui est loin d’avoir fourni tous ses documents. Une autre préparation est disposée encore de manière à montrer l’arrivée de la substance pollinique. Il est facile de vérifier que le tube pollinique ne pénètre pas tout d’une pièce, ne s’introduit pas entre les synerzides, ou ne se mêle pas à l’une d'elles comme le présentent les schémas acceptés jusqu'alors. De l'appareil femelle, reste l’oosphère à droite avec son enveloppe cellulosique ; à la place des synerzides, existe un coagulum de protoplasma aux nombreuses vacuoles sphériques, places des noyaux nombreux dis- parus. La vue de cette masse protoplasmique prouve l'intensité de l'élaboration accomplie à l’arrière de la substance pollinique, l'étendue de cette élaboration ne se limitant pas à une synerzide maïs s’accomplis- sant dans toutes les deux. De ces faits je tire les conclusions suivantes : 1° Le tube pollinique à son arrivée sur l’ovule est une substance protoplasmique d'une nature particulière à déterminer, mais très fluide. 2° Cette substance, dans les ovules où le sac embryonnaire ne se pré- sente pas à nu devant le micropyle, s’introduit dans le sac embryonnaire à travers les interstices des cellules. 3° Arrivée dans l'appareil femelle, elle se méle aux protoplasmes des deux synerzides et de l'oosphère. Elle produit plusieurs noyaux et non un seul qui irait, comme l'avance Strasshburger, se méler à celui de l’oosphère. 5° Dans d’autres cas la substance s'arrête en grande partie sur le sommet nucellaire, une très faible quantité pénétrant dans le sac em- bryonnaire. SUR LA FERMENTATION ALCOOLIQUE « élective » D'UN MÉLANGE DE LÉVULOSE ET DE MALTOSE, par M. Em. BOURQUELOT. Si l’on examine à des intervalles rapprochés le pouvoir rotatoire d’une solution de sucre interverti soumise à la fermentation alcoolique, et si l’on compare ce pouvoir rotatoire aux quantités d'alcool produites, ou encore au pouvoir réducteur du sucre non attaqué, on reconnait facilement que le glucose fermente tout d'abord, et le lévulose en dernier lieu. Dubrunfaut qui le premier, en 1847, observa cette particularité, créa pour la définir l'expression de « fermentation élective ». Il supposait que la levure possède la propriété de choisir entre les aliments qu’on lui fournit. 192 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. —————@ Une telle propriété n’est pas spéciale à la levure. M. Duclaux a montré en effet que si l’on donne à consommer à l’Aspergillus niger un mélange d'acides acétique, lactique et butyrique, la plante « endique ses préférences » en commençant /par détruire l'acide acétique. Cette propriété n’est même pas particulière aux végétaux inférieurs. Ainsi CI. Bernard avait dès 1853, essayé de faire, relativement aux sucres alimentaires, un tableau dans lequel ces sucres étaient rangés d'après leur destructibilité par l'économie. Enfin nous avons montré récemment, M. Dastre et moi, que si l’on injecte dans le système veineux ou artériel un mélange à parties égales de glucose et de maltose, mais en quantité telle qu'il y ait excès de ces sucres à l'égard de la consommation, on retrouve dans l’urine un mélange de sucres dans lequel le glucose est en moindre proportion que le maltose, ce qui indique en quelque sorte que le premier est préféré au dernier. En réalité, tous ces faits sont des cas particuliers d'une question étendue, que j'intitulerais volontiers provisoirement : « la nutrition élective, » constituant par conséquent un chapitre défini de la physio- logie générale. Le fait découvert par Dubrunfaut n'a pas été jusqu’à présent, malgré son importance, l'objet d’un examen méthodique. L'observation a été confirmée dans son ensemble; mais elle est restée incomplète en ce sens qu’on n’a pas cherché à déterminer les conditions précises de l'élection, qu'on n'a pas établi par exemple si la décomposition du lévulose se produit seulement lorsque le glucose est entièrement détruit, ou s'il y à simultanément mais d’une facon inégale fermentation des deux sucres. C’est le problème ainsi posé que j'ai cherché à résoudre. Mais au lieu d'étudier le sucre interverti sur la composition duquel il y a encore quelques divergences d'opinion, j'ai choisi un mélange de lévulose pur et de maltose pur. La pureté de ces sucres supprime toutes les incerti- tudes qu'entrainerait inévitablement la présence de sucres étrangers. Ce choix présente en outre un avantage. Le lévulose et le maltose ont un pouvoir rotatoire très élevé et de signe contraire. Pour le 1% a D = — 100, pour le 2° D = +-139,3. Avec un tel mélange l'allure géné- rale du phénomèné en devient plus frappante, et de petites erreurs d'expé- riences ne peuvent exercer qu'une influence négligeable sur les résultats. Des raisons du même ordre m'ont fait prendre dans tous mes essais des quantités égales de chacun des sucres. Tous ont été faits avec une solution renfermant à l’origine pour 400 c.c. 2 gr. de maltose et2 gr. de lévulose p. 0/0. On ajoutait 0 gr. 50 centigr. de levure haute pour 100 cent. cubes. Un pareil mélange présente avec le tube de 20 centim. une rotation à droite de + 9% minutes. L'analyse d'un mélange de maltose et de lévulose nécessite deux opérations. ] SÉANCE DU 21 MARS 193 1re, Observation au polarimètre. — Soit d minutes la déviation à droite observée. Il est évidentque si on enlève de 100 cent. cubes de solution su- crée la quantité de maltose représentée par d': g — d X 5.082 (5.982 re- présente en milligr. la proportion de maltose renfermée dans 100 cent.c. d’eau distillée qui à 15° et au tube de 20 centim. détermine une déviation de 1 minute) il restera un liquide inactif par compensation, dans lequel les proportions des deux sucres actifs seront inversement proportion- nelles à leur pouvoir rotatoire. Si donc on appelle x la proportion totale en milligr. de maltose renfer- mée dans 100 cent. cubes et y celle du lévulose on a. T— 100 NON GE) d'où (1) 139 x — 139 qi 100 y 2e. Détermination de la quantité de liqueur sucrée nécessaire pour déco- lorer 5 centimètres cubes de liqueur cupro-potassique correspondant à 25 mil- ligrammes de lévulose. Soit x centimètres cubes cette quantité. La proportion de lévulose qu'elle n 100? la proportion de maltose est 100 Mais on sait que 271 de maltose peuvent être remplacés pour la réduction par renferme est 1 nx k ; 18nx ; 180 de lévulose: 100 peuvent donc être remplacés par de lévulose, en 2710 sorte que l'on à : nr 18nx 3 — | 25 (2) 100 Ÿ 2710 à On tire facilement de ces équations les valeurs de x et de y. Une première série de recherches a été faite à la température du labo- ratoire, soit 18° 1/2. Le tableau suivant donne dans la 1"° colonne la durée de la fermentation, dans la 2° la déviation de la solution, la 3° la quantité de maltose restant p. 0/0, la 4° celle de lévulose, et la 5° la différence entre les proportions de chacun des sucres restants p. 0/0 — différence qui donne l'élection. Exp. À. 18 1/2 Différence Durée Déviation : Maltose p. % Lévulose p. % en lévulose 0 + 94 2000 2000 0 9 heures + 106' 1751 1536 215 16 + 104 1517 1243 < 274 33 + 70 97% 763 | 214 19% SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE. — — EE —— — = On voit à l'inspection de ce tableau qu'il n'y a pas fermentation sue- cessive de chacun des deux sucres. Il y a bien, semble-t-il, de la part du ferment préférence à l'égard du lévulose, mais les deux sucres sont simul- tanément quoique inégalement attaqués. Je laisse de côté, pour aujour- d’hui la suite de cette fermentation. On pouvait supposer pour expliquer ces premiers résultats que l'activité fermentaire s'adresse à la fois aux deux sucres qui présentent à la dé- composition une résistance inégale ; en quelque sorte comme le courant d'une rivière agirait à la fois sur deux pierres d’égales dimensions, mais d'inégale densité, et leur communiquerait à chacune une vitesse inégale. Mais s’il en est ainsi, on pourra exagérer la différence entre les quan- tilés consommées, en augmentant l’activité de la levure. Effectuons done une fermentation à une température plus favorable, à 31° par exemple. Exp. B. 31° Exces Durée Déviation Maltose p. % Lévulose p. % de maltose 0 1 op 2000 2000 () 0) — 126° 1679 4271 408 16 + 120 1250 730 220 33 + 1 587 bBID 260 276 Les résultats sont, comme on le voit, d'accord avec la supposition ci- dessus. Toutefois il restait une expérience à faire pour la jusüfier plei- nement. À partir de 350 environ l’activité de la levure va en décroissant. Si done on détermine une fermentation à une température supérieure à 38°, l’activité devant être moindre, l'élection devra diminuer. Or, à ma grande surprise, dans une série d'essais effectués à 40° 1/2, j'ai constaté que l'élection s’accroissait dans des proportions extraordi- naires, à ce point, qu'au bout de 33 heures il restait dans la solution une proportion de maltose supérieure à celle de lévulose de 1223 milligr. Ce résultat indiquait qu'il y avait dans le phénomène de l'élection un facteur de la plus haute importance : la température. D'une part, il faisait espérer que relativement au mélange de lévulose ) 1 5 et de maltose, on pourrait atteindre une sorte de température critique à laquelle l'énergie de la levure étant très atténuée, le lévulose seul fer- menterait. D'autre part, il laissait supposer qu'à une certaine température Infé- rieure à 48°, il n’y aurait [plus élection et même que l'élection pourrait être renversée. Ces prévisions se sont trouvées justifiées. SÉANCE DU 21 MARS. 195 La température critique doit correspondre ici à 41° 1/2 ou 42°. Voiei en effet, les résultats auxquels on arrive à 41° Durée Déviation Maltose Lévulose Différence 0 + 9% 2000 2000 0 12 h. 10914 1704 »79 1.125 18 h. — 236 153% 163 1.371 Voici en second lieu ceux auxquels on arrive à 11° 1/2 Durée Déviation Maltose Lévulose Différence ( + 04 2000 2000 0 12 h. Je /s0) 1797 1799 2 18 h. 280! 1738 1732 En résumé, il y a à considérer dans la fermentation élective deux points très différents. 1° La fermentation. Celle-ci dépend d'une propriété de la cellule que possède à un haut degré la cellule de levure. La levure fournit à chaque instant une certaine quantité d'énergie, qui s'adresse à la fois aux deux sucres fermentescibles etles décompose dans des proportions déterminées d’après la résistance de ces sucres à la tem- pérature de la fermentation. 2 L'élection qui peut être diminuée ou augmentée, suivant qu'on abaisse ou élève la température, quoique d’une facon inégale. Ainsi _ les coefficients de solubilité de corps inégalement solubles ne s’acerois- sent pas dans les mêmes proportions avec la température. L'élection est donc un phénomène absolument matériel et nécessaire. Comme consé- quence pratique, il ressort de ces expériences que si on veut effectuer au moyen des végétaux inférieurs des séparations de corps à propriétés rapprochées, il importe de se préoccuper tout d’abord de cette tempé- rature critique dont j'ai parlé ci-dessus à laquelle l'élection est la plus parfaite. On comprendra également que l'élection peut être, par exemple, dans un certain sens chez les animaux à sang chaud, et dans un autre chez les animaux à sang froid. 196 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. UN MOYEN DE DÉBARRASSER LES GRAINES DES GERMES DE MICROBES ADHÉRENTS A LEUR SURFACE, par LÉON BRASSE. (Note présentée par M. FRANÇOIS-FRANCK). Dans ses dernières recherches sur la germination des graines en l’ab- sence des microbes répandus ordinairement dans le sol, M. Duclaux est arrivé à détruire complètement les microbes aussi bien dans les liquides qu’à la surface des graines semées, par un procédé que malheureusement il ne nous à pas fait connaitre. Les méthodes employées à cet effet pouvant être d’un usage assez répandu, nous pensons qu'il n’est pas sans intérêt de communiquer à la Société de Biologie un procédé auquel nous nous sommes adressé depuis quelque temps avec succès, pour éliminer à la surface de nos graines, les germes de microbes qui auraïent pu par leur développement ultérieur, modifier le résultat de nos ex- périences. La plupart des graines, en effet, même celles à testa lisse comme! les graines du lin, du cresson alénois et à plus forte raison celles du haricot, peuvent retenir à leur surface des infiniment petits qu'il est à peu près impossible de tuer autrement que par voie humide. Presque tous les désinfectants puissants exercent leur action destructive non seu- lement sur les germes de microbes mais aussi sur la faculté germinative de la graine. Il fallait donc trouver un désinfectant assez énergique qui détruisit les germes assez rapidement pour que son influence n'ait pas eu le temps de se faire sentir sur la graine. Or le gaz chlore est le meil- leur des désinfectants connus, et cependant les jardiniers se servent d’eau chlorée très étendue pour hâter la germination de leurs graines. Il s'agissait done de se placer dans les limites où son pouvoir désinfec- tant est assez considérable pour tuer tous les germes de microbes tout en laissant inaltéré le pouvoir germinatif de la graine. A cet effet, on immerge les graines dans une solution saturée de gaz chlore étendue de son volume d’eau, on agite afin que les graines soient mouillées sur toute leur surface. Tout cela demande à peine une demi- minute et l’on commence aussitôt la répartition des graines dans les flacons de culture disposés pour les recevoir, c’est-à-dire contenant les liquides nutritifs préalablement stérilisés, qu'on veut mettre en expé- rience. Il me parait inutile d’insister sur le détail des opérations qui est suffisamment connu de tous ceux qui se sont occupés de la culture des microbes. Je dirai seulement que dans mes expériences, Je ne prends jamais les graines légères qui restent à la surface, je m'adresse de pré- férence à celles du fond. J'en prends 5, par exemple, avec une pince flambée et je les place une par une dans une petite nacelle de platine également flambée. C'est cette nacelle qu'on introduit ensuite dans le RES SÉANCE DU 12 MARS. 197 flacon de culture; de la sorte on réduit au minimum le temps pendant lequel celui-ci se trouve en communication avec l'atmosphère. Les cultures sont ensuite mises en observation à l’étuve, on rejette alors celles où l’on voit le liquide se troubler par suite du développement des microbes : c'est ordinairement cequi arrive pour les premiers flacons ensemencés, le contact avec l’eau de chlore n'ayant pas été assez pro- longé. Pour les autres, on peut les conserver comme je l'ai fait pendant deux mois sans les voir jamais se troubler. De plus un examen microsco- pique attentif n'y à jamais décelé la présence d’un organisme vivant, et si l’on avait ensemencé des graines préalablement tuées par une tempé- rature de 110° et traitées à l’eau dè chlore (après qu'on les avait aban- données quelque temps à l'air pour qu’elles pussent reprendre des germes), on constatait qu'au bout des deux mois la composition du liquide sucré n'avait pas varié. DE L'EMPLOI DES MATIÈRES COLORANTES DANS L'ÉTUDE PHYSIOLOGIQUE ET HISTOLOGIQUE DES INFUSOIRES vivants, par À. CERTES. La propriété de certaines matières colorantes qui se fixent, sans les tuer, sur les éléments cellulaires des vertébrés et des invertébrés à été signalée pour la première fois à la Société de Biologie en 1875 par M. Pouchet (1), en 1877 par M. E. Mer (2). De mon côté J'ai reconnu dès 1881 (3), que les infusoires vivants se . coloraient et continuaient à vivre un certain temps dans une solution faible de bleu de quinoléine ou cyanine. Presque en même temps le doc- teur Brandt (4) et le docteur Henneguy (5) obtenaient les mêmes résultats, (1) Fixation du carmin par les éléments anatomiques vivants. — Pouchet (en commun avec M. Legoff). Société de Biologie — 11 décembre 1875. (2) Recherches sur l'absorption cutanée dans l’helix pomatia, par E. Mer. — Société de Biologie — 14 avril 1877. (3) Sur un procédé de coloration des infusoires et des éléments anatomiques pendant la vie, par A. Certes. — Comptes rendus, 21 février 1881 — et Société zoologique de France, 25 janvier 1881. — Notes complémentaires, Société z00- logique, 8 mars et 26 juillet 1881. — Zool. Anzeiger 1881, no 81, p. 208 et n° 84 p. 287. (4) Docteur.K. Brandt. Färbung lebender einzelliger Organismen. — Biol. Central. n° 7, 15 juillet 1881. (5) Coloration du protoplasma vivant, par le brun Bismarck, par M. L, F. Hen- neguy, Soc. philomatique, 12 février 1881. 198 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. le premier avec l'hématoxyline et le brun Bismarck, le second avec le brun Bismarck. Poursuivant ces recherches, j'ai expérimenté sur les indications obligeantes du docteur Henneguy, le violet dahla, puis successivement un grand nombre de substances colorantes parmi lesquelles le violet BBBBB, la chrysoïdine, la nigrosine, le bleu de mé- thylène et l’iodgrün. Toutes ces substances, à des degrés divers, ont la propriété de colorer le noyau qui, dans les infusoires vivants, reste inco- lore avec le bleu de quinoléine et le brun Bismareck. Plus récemment encore, dans une communication à l'Association francaise pour l’avance- ment des sciences, j'ai montré que les substances colorantes pouvaient être utilisées pour l'analyse microscopique des eaux (1). Dans ce dernier travail, j'insistais sur l'importance que l'avenir me paraissait réserver aux réactifs colorants, dans l'étude de la biologie des protozoaires. « Certains organismes, écrivais-je en 1882. morphologiquement sem- « blables avec nos moyens actuels d'investigations, se comportent très « différemment vis-à-vis des mêmes réactifs colorants. Les affinités chi- « miques ne sont pas toujours les mêmes pendant la vie et après la mort, «et il semble qu'il y ait des relations entre la diversité de constitution du « protoplasma que nous révèlent la diversité des réactions et le rôle phy- « siologique ou pathogène de certains microbes. En d’autres termes, là où «il n’y a pas d'espèces morphologiques, les réactifs comme les inocula- « tions nous montrent des espèces physiologiques distinctes. » « N’est-il pas remarquable, par exemple, que le violet dahlia, le bleu « de méthylène et liodgrün, qui, maniés avec précaution, ne colorent que « le noyau des infusoires vivants, colorent également, mais toujours en «entier, un grand nombre de bâtonnets et de filaments bactéridiens ? On “est ainsi amené à considérer les éléments chromatiques du proto- « plasma comme diffus dans ces microbes, tandis qu'ils sont différenciés «et condensés sous forme de noyau et de nueléole, dans les mfusoires « proprement dits. » La thèse que je soutenais en 1882 s’est trouvée confirmée depuis, par des faits nombreux et probants; mais si les matières colorantes sont entrées dans la technique histologique courante des infusoires et des microbes tués et fixés dans leurs formes, il ne semble pas que l’étude des organismes vivants ait été reprise par d’autres observateurs à l’aide des réactifs colorants signalés par Brandt, par Henneguy et par moi-même. Peut-être doit-on attribuer cette lacune à la difficulté que l’on éprouve à se procurer des réactifs fidèles. On ne trouve, en effet, dans le com- merce, sous le nom de violet dahlia, de bleu de quinoléine, de 5leu de méthylène, que des produits disparates qui ne donnent pas Loujours les (1) Analyse micrographique des eaux, par A. Certes. — Ass, franc. pour l’avancement des sciences. Congrès de La Rochelle 1882, et brochure axec pl. chez Bernard Tignol. SÉANCE DU 21 MARS. . 199 réactions que l’on en attendait. Il est donc intéressant de signaler des produits bien définis avec lesquels ces expériences puissent être reprises d’une manière sûre et c’est ce qui m'a engagé à entretenir la Société des recherches que j'ai faites en dernier lieu avec un violet dahlia n° 170 de Poirrier, une malachite-grün et un bleu de méthyl, venant de Berlin. Un éminent chimiste M. Bardy, a bien voulu, sur ma demande, analyser ce dernier produit et y a reconnu un bleu soluble de diphény- lamine ou de méthyldiphénylamine. Les solutions aqueuses très diluées de dahlia n° 170 et de malachite- grün colorent le noyau d’un grand nombre d’infusoires ciliés et flagellés. Le bleu de diphénylamine au contraire, même en solution d’une couleur intense (4 à 9/1000), n’est nullement toxique pour les infusoires qui y vivent et s'y développent sans qu'il y ait d'autre coloration que celle que produit nécessairement, dans les vacuoles stomacales, l'ingestion d'aliments colo- rés. Cette propriété du bleu de diphénylamine sur laquelle j'aurai à revenir plus longuement, paraît partagée par deux substances colorantes bien définies que je dois à l’obligeance de M. Bardy, mais avec lesquelles je n'ai pas encore pu faire d'expérience de longue durée: en première ligne le bleu BBSE de Poirrier, à un moindre degré le bleu coton C3B du même. Bien que l'étude des infusoires à l’aide des réactifs colorants soit à peine ébauchée, il y a dès à présent un certain nombre de faits bien éta- blis qui me paraissent offrir un réel intérêt au point de vue physiologique, et histologique ; mais avant de les faire connaître, je dois préciser les conditions de mes expériences. Pour la coloration du noyau par le dahlia 470 et la malachite-grün, les précautions à prendre sont les mêmes que celles que j'ai indiquées dans mes précédentes communications. Il faut écarter avec soin toutes les causes défavorables à la vie des infusoires, et par conséquent employer de préférence, pour faire les solutions colorantes, l’eau même des infusions où vivent les organismes qu'on veut étudier. Ces substances sont d’ail- leurs solubles presqu'au même degré,dans l’eau demer et dans l’eau douce. Dans le cas où il se formerait un précipité, il est préférable de filtrer La solution. La résistance à l’action toxique des réactifs colorants n’est pas la mème pour toutes les espèces. On doit donc le plus souvent procéder par tätonnement et suivant les infusoires que l’on à en vue, varier la dose, en employant successivement des solutioñs de plus en plus étendues. D'une manière générale je puis dire que j'ai réussi avec des solutions de 1/10000 maximum à 4/100.000 et au-dessous. La coloration du noyau est toujours très nette avec le dahlia et la ma- lachite-grün. Avec ces réactifs on reconnait que le noyau se comporte différemment dans des espèces quelquefois très voisines, et que dans la même espèce la répartition de la matière chromatique ou peut-être même l'affinité du noyau pour les matières colorantes, varie selon que les in- 200 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. fusoires sont plus ou moins éloignés d’une période de reproduction par conjugaison. Ces résultats ne font d’ailleurs que confirmer les observa- tions du professeur Balbiani. La malachite-erün par exemple, colore d’une manière intense en vert émeraude les doubles noyaux des Sfylonichia mylilus, des diverses Ovytriches, des Litonotus, etc. alors que le noyau simple des Paramecium aurelia se colore plus faiblement. La coloration devient diffuse si le noyau est fragmenté, comme c'est le cas chez les Paramécies qui sortent d’une période de conjugaison. Avec le dahlia, la coloration, plus intense dans le noyau, s'étend cepen- dant, mais plus faiblement, au reste du parenchyme. Souvent il existe une zone plus colorée à la partie antérieure de l’animal et les expansions sarcodiques elles-mêmes, formées, comme l'a démontré M. Ranvier et comme je l’ai annoncé moi-même (1), par de la matière glycogène, prennent une teinte faible qui ne paraît pas exister sur les infusoires traités par d’autres matières colorantes. Les vacuoles stomacales, au contraire, sont toujours très fortement colorées quel que soit le réactif employé et bien qu'ils’agisse dans toutes mes expériences, non d’un liquide tenant en suspension de fines parti- cules colorées, mais d’une solution colorante proprement dite qu'aucun filtre ne saurait décolorer. Gette coloration intense est due aux aliments ingérés, matières végétales ou animales mortes, et cela est si vrai que si l’on observe un petit infusoire vivant avalé par un infusoire carnassier, il n’acquiert cette coloration intense que lorsque tout mouvement a cessé et qu'il a été tué par l’action des sues gastriques. L'étude des phénomènes digestifs est surtout facile, avec le bleu de di- phénylamine et les bleus de Poirrier (BBSE et C3B) dont les solutions, même fortement colorées, ne paraissent pas toxiques pour les infusoires alors qu'un grand nombre de bâtonnets et filaments bactéridiens se colo- rent et meurent rapidement. Sans vouloir tirer des conclusions trop hà- tives des phénomènes que j'ai observés, il n’est peut-être pas inutile de les signaler à l'attention des observateurs. Les Paramécies de diverses espèces maintenues dans une solution à 4/1000 et à9/1000 de bleu de diphé- nylamine ont leurs vacuoles stomacales bourrées d'aliments colorés en bleu intense. Mais, si on prolonge l’observation sur un individu isolé, on voit peu à peu ces vacuoles passer du bleu foncé au violet, puis au violet pâle, puis au rose et enfin se décolorer presque complètement. M. Bardy, qui à bien voulu, sur ma demande, étudier les réactions chimiques de cette substance, a reconnu qu'elle se décolorait avec les alcalis et qu’elle pouvait être le siège de phénomènes de réduction qui se traduisent par une décoloration momentanée. Quoi qu'il en soit, ces (4) Sur la glycogénèse chez les infusoires par À Certes. — Comptes rendus Ac. des sc., 12 janvier 1880. SÉANCE DU 21 MARS. 201 faits me paraissent pouvoir être rapprochés de ceux signalés par le D° Ebrlich dans un travail tout récent (1) qui m'a été obligeamment com- muniqué par M. le D° Malassez pendant la rédaction de cette note. Les expériences d'Ehrlich ont été faites sur les tissus des vertébrés avec le bleu de méthyl, peut- Être même avec le bleu dont je me sers en ce mo- ment. Quant à la vacuole contractile, elle ne se colore jamais, sauf peut-être avec le dahlia qui teinte faiblement les expansions sarcodiques. Le résultat négatif auquel je suis arrivé avec les autres substances colorantes exclut absolument le rôle d’organe aquifère que quelques auteurs avaient voulu attribuer à la vacuole contractile et semble confirmer l'opinion de ceux qui, comme M. Engelmann (2), la considèrent comme remplissant les fonc- tions d’un organe excrétoire. Le dahlia n°170 et la malachite-grün, de-même que les réactifs colorants que J'ai signalés autrefois, troublent profondément la vitalité des in- fusoires. Ils amènent au bout d’un certain temps, dans la plupart des espèces, un ralentissement des mouvements qui doit être attribué à une sorte de paralysie. Les contractions de la vacuole contractile deviennent d'abord moins fréquentes et ce phénomène morbide nous paraît expli- quer l'hydropisie qui se manifeste toujours avant la mort des infusoires traités par les réactifs colorants. Cettehydropisie, trèsapparente dans les diverses espèces de Paramécies, de Coleps, de Glaucoma, de Stentors, et en général dans tous les infu- soires à cuticule, facilite singulièrement l'étude à de forts grossissements de tous les détails de structure . J'ai même assisté à un singulier phénomène de desquamation interne sur des Stentors qui vivaient depuis trois jours dans une solution de bleu Poirrier (G3B) qui paraît moins inoffensif pour ces infusoires que le bleu de diphénylamine. L’ac- cumulation du liquide avait transformé les individus observés en une sorte de grosse bulle de savon dont la paroi renfermait les noyaux en chapelet et l'appareil ciliaire buccal. À un moment donné, peut-être sous la pression du cover, l’un des individus s’est entr'ouvert et a rejeté à l'extérieur cette énorme vacuele enfermée dans une paroi propre et presque aussi grosse que lui. Puis il s’est refermé, s’est mis à nager et a repris son existence vagabonde, que j'ai pu suivre un certain temps, comme s'il n'avait pas eu à souffrir de cette opération, tandis que la vacuole gisait inerte à l'endroit où elle avait été rejetée et se colorait en bleu. (1) Prof. D'P. Ehrlich. Zur biologischen Verwertung des Methylenblau (Cen- tralblatt. f. d. med. Wissenchaften 1885, n° 8). (2) Prof. Th. W. Engelmann in Utrecht. Zur Physiologie der contractil en Vacuolen der Infusions thiere. (Zool. Anz. 1878, p. 121). 14: 202 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. L'action paralysante de la malachite-grün n’est pas tout à fait la même que celle des autres réactifs colorants, et c’est sans doute ce qui permet aux infusoires traités par ce réactif de vivre plus longtemps. Si cette expression pouvait s'appliquer aux infusoires, je dirais que c'est un poison musculaire. En effet, après l’action de la malachite, beau- coup d'organismes meurent en état d'extension; chez les Vorticelles le pédoncule contractile devient inerte et sa partie centrale se colore bien avant que les cils vibratiles perdent leur mouvement et que le péri- stôme cesse de se contracter. Traités par la malachite, les trypanosomes de l'estomac de l’huitre (7ryp. Balbianü, Certes) meurent également avec leur membrane contractile complètement étalée. Il y a donc,.chez les infusoires, une différenciation histolologique plus profonde que celle que l’on avait reconnue jusqu'ici entre les divers tissus doués de motibilité volontaire ou involontaire. Enfin je signalerai que la double coloration du noyau en vert et du protoplasma en violet s'obtient par l'emploi simultané du dahlia n° 170 et de la malachite-srün. Je ne doute pas d’ailleurs, qu’à l’aide des réactifs colorants du proto- plasma vivant, on ne puisse multiplier les expériences physiologiques et éclairer, sur beaucoup d’autres points, la biologie des infusoires et des autres protozoaires. L'étude des Rotifères et des Annélides microscopiques est aussi appelée à profiter dans une large mesure de cette nouvelle méthode, car on constate, soit dans letube digestif de ces animaux, soit dans ses annexes, des localisations et des décolorations que l’on pourra sans doute rattacher aux expériences de Mer et d’Ehrlich. J'ai même assisté à des phénomènes de desquamation interne analogues à ceux que j'ai décrits chez les Stentors. Il me reste à parler du bleu de diphénylamine dont j'ai déjà dit quelques mots en traitant des phénomènes digestifs des infusoires. Contrairement à ce qu'on pouvait prévoir, ce réactif qui colore d’une manière intense les débris végétaux, les organismes morts et même cer- tains microbes vivants, ne colore ni la cuticule, ni le parenchyme, ni le noyau, ni la vacuole contractile des infusoires. Il n’y a d'exception que pour la partie centrale du pédoncule contractile des vorticelles. J'ai essayé tour à tour des solutions à 14/1000, à 2/1000, à 9/1000 et, toujours, j'ai vu les infusoires continuer à vivre et à se développer lors- que les autres conditions de chaleur, de lumière, d'aération du milieu leur étaient favorables. Des infusoires marins (Cryptochilum nigricans Maupas), vivent et se multiplient depuis plus de dix jours dans ce milieu fortement coloré. Cette propriété du bleu diphénylamine est précieuse à plus d’un point de vue. Comme je l'ai déjà dit, elle permet de poursuivre pendant un temps suffisamment long l'étude des phénomènes digestifs des infusoires, SÉANCE DU 21 MARS. 203 des rotifères et autres organismes microscopiques. Elle n'est pas moins utile au point de vue purement optique (1). Dans ce milieu fortement coloré, les infusoires apparaissent brillam- ment éclairés et parfaitement incolores, sauf les vacuoles stomacales. Observés à de forts grossissements tous les détails de structure se voient avec une netteté admirable. La seule précaution à prendre est de comprimer légèrement les infusoires et de ne conserver sous la lamelle qu'une mince couche de liquide. J'ai aussi essayé la culture des microbes sur des plaques de géla- tine colorées par le bleu de diphénylamine. Ces premiers essais ont été couronnés de succès. Le développement des colonies se produit normalement. La plupart restent incolores ; d’autres, d'apparence iden- tique, sont colorées. Il vous appartient plus qu’à moi de répéter ces expé- riences et de voir si l'étude des microbes pathogènes peut tirer quelque profit de cette nouvelle technique, soit au point de vue de la diagnose des espèces, soit au point de vue de leur évolution. Ce que je puis affir- mer dès à présent, c'est que des espèces non agrégées dans l’infusion mère se développent en longs filaments bactéridiens dans les solutions colorées. A l’appui de ces diverses observations, j'ai l'honneur de placer sous vos yeux des préparations microscopiques d’infusoires vivants traités par le dahlia, la malachite et le bleu de dyphénylamine, des cultures d’infusoires en solution colorée ayant plus de dix jours de date, enfin des cultures d’eau de la Vanne sur des plaques de gélatine colorée par le même bleu de dyphénylamine. MESURE DE LA RUPTURE LATÉRALE DES ARTÈRES, par MM. GRÉHANT et QUINQUAUD MM. Gréhant et Quinquaud présentent l'appareil qu'ils emploient pour mesurer la pression qui détermine la rupture des vaisseaux sanguins et qui à été décrit dans la séance du 7 mars. | Pour montrer à la Société quelques expériences, on emploie un mano- (1) M. L. Errera, dans le même but, a préconisé l'emploi de l’encre de Chine diluée. Ce liquide n’est pas une vraie solution colorante. Les particules colorées y sont seulement en suspension. Je n’ai pas besoin de faire ressortir les d.ffé- rences profondes qui séparent ce procédé du mien. (CF, Bull. de la Soc: belg de Micr. X, p. 18+-1884). ss PE RE çe Le. 120% s G- 204 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. mètre métallique de Bourdon dont la graduation a été vérifiée et reconnue exacte à l’aide du grand manomètre à air libre installé dans le laboratoire de M. le professeur Jamin. Une artère carotide d'homme se rompt sous la pression de 6 atmos- phères. Une artère carotide de chien résiste jusqu’à 7 atmosphères et une veine jugulaire du même animal jusqu'à 5 atmosphères. Le gérant : G. Masson. Paris, — Imprimerie G. Roucrer et Cie, rue Cassette, F. ep SÉANCE DU 28 MARS 1885 CH. Féré : Sur l’obélion du gorille. — M. Browx-Séquarp : Recherches sur l'augmentation de la tonicité musculaire et sur l’inhibition de la propriété essen- tielle des tissus contractiles. — M. Browx-Séquarn : Des effets produits par les irritations cutanées. — M. P. Recxaro : Appareil permettant de suivre par la vue les phénomènes qui se passent sous l'influence des hautes pressions. — M. A. p'ArsonvaL : Danger des condensateurs employés pour supprimer l’extra- courant des machines électriques. — M. A. p’Ansonvaz : Appareil à projections simplifié. — M. A. n’Arsonvar : Colomb-mètre totalisateur. — M. Barnier : Les veaux cynocéphales. — Ramon EsrrapA : Piqüre de turicata. Présidence de M. d’Arsonval. NOTE SUR L'OBÉLION DU GORILLE, par CH. FÉRÉ. La région de l’obélion localisée par Broca environ à l’union du quart postérieur aves les trois quarts antérieurs de la suture sagittale, offre chez l'homme un intérêt considérable non seulement au point de vue de son développement, mais encore au point de vue de son évolution et des lé- sions pathologiques qui peuvent s’y produire. C’est à ce niveau en effet, que le développement des pariétaux est le plus tardif; c'est dans cette région que l’on rencontre les perforations spontanées du crâne (Larrey), que produisent de préférence les céphalœmatomes internes et externes, et que l’on voit apparaître tout d’abord l’atrophie sénile symétrique des pariétaux (1). Cette région de la suture sagittale présente chez l'homme une complexité moindre et elle est quelquefois le siège de dispositions anormales; c’est ainsi qu'on y rencontre chez quelques jeunes enfants une fontanelle losangique à grand axe transversal, fontanelle de Gerdy. On retrouve quelquefois chez l'adulte la trace de cette fontanelle qui a été comblée par un os wormien de même forme. On admet généralement que chez les singes et même chez les pri- mates, cette région de la suture sagittale ne présente pas les mêmes particularités de développement; et M. Chambellan (2) n’a jamais vu par (1) Ch. Féré. — Atrophie sénile symétrique sur des pariétaux (Bull. Soc. anat., 1876, p. 485. — Contribution à l'étude de la pothogénie et de l'anatomie patholo- gique du céphalæmatome (Rev. mensuelle de Méd. et Chir. 1880. (2) Chambellan. — Etude anatomique et anthropologique sur les os wormiens. Thèse, 1883. BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8€ SÉRIE, T. II, N° 12. 206 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE — exemple d'os wormien obélique chez les singes, ni sur cinquante-trois crânes d’' anthropoïdes qu'il a examinés. Cependant le jeune sujet qui est mort l'année dernière au Muséum nous fournit quelques raisons de-‘croire que chez le gorille au moins, l’évolution des pariétaux à la région sagittale est la même que chez l’homme. On peut voir en effet sur le crâne de ce jeune gorille, dans la région correspondante à l’obélion de l’homme un os wormien losan- gique, à grand axe transversal, représentant exactement la forme de la fontanelle de Gerdy. Chez l’homme, la région de l’obélion a des rapports assez constants avec le tourbillon des cheveux (1), nous avons recherché ce même rapport chez le gorille, mais nous n'avons pu découvrir aucune trace du tour- billon ni dans la région céphalique ni dans la région cervicale. RECHERCHES SUR L'AUGMENTATION DE LA TONICITÉ MUSCULAIRE ET SUR L'INHI- BITION DE LA PROPRIÉTÉ ESSENTIELLE DES TISSUS CONTRACTILES, par M. BROWN-SÉQUARD. Dans une précédente communication (2), j'ai montré combien il importe de tenir compte de l’état de tonicité (normale ou morbide) des muscles, lorsqu'on veut étudier soit le degré d'énergie, soit la durée, après la mort, de la motricité des nerfs et de l'irritabilité musculaire. Je erois devoir mentionner encore quelques faits pour prouver que des change- ments dans l’état de contraction tonique des muscles peuvent se montrer sous l'influence des causes les plus variées. Sous l'influence d'irritations cutanées ou sous-cutanées, j'ai constaté que des contractures, plus ou moins énergiques, ou de simples augmen- tations de la tonicité musculaire peuvent survenir dans nombre de parties du corps. Lesirritations que j'ai étudiées sontlessuivantes : 1° applications de chloroforme, de chloral anhydre, d'acide sulfurique fumant, de chlo- rure de méthylène, d'essence de moutarde, de glace, de chaleur (cautère actuel), de galvanisme, à la surface de la peau; 2 injections sous-cutanées d'un grand nombre de substances, mais surtout d'acide prussique, de digitaline et d’éther sulfurique. Les effets de ces irritations à l'égard de la production de contracture, de dynamogénie où d’inhibition varient considérablement suivant le point où l’on à fait l'application ou l’injec- tion, Mais, pour un même point, les effets sont généralement les mêmes. Ainsi, quand c’est la peau du thorax, près du bras, ou les nerfs sous- (1) Ch, Féré. — Des rapports du tourbillon des cheveux avec l'obélion (Rev, WAnthrop. 1881, p. 481. (2) Voy. Comptes rendus de lu Société de Biologie, 1885, p. 188. SÉANCE DU 28 MARS. 207 cutanés de cette partie, qui ont été irrités, on constate de la contracture dars presque tous les cas au diaphragme du côté opposé (1). Aux mem- bres il y a alors le plus souvent une simple augmentation du ton muscu- laire, mais il y a quelquefois une franche contracture, tantôt du côté correspondant, tantôt du côté opposé, Des lésions unilatérales de la moelle épinière, du bulbe rachidien, ou d’une autre portion de la base de l’encéphale, déterminent aussi, à des degrés extrêmement variés, une augmentation de la tonicité musculaire. Si la lésion est à l’encéphale ou à la partie supérieure de la moelle cervi- cale, un certain degré de cette augmentation ou une contracture plus ou moins énergique se montre dans nombre de parties et le plus souvent au diaphragme et au membre thoracique du côté opposé et au membre abdominal du côté correspondant. Quelquefois cet ordre est renversé et, dans des cas plus rares, ces phénomènes se montrent d'un seul côté du corps, tantôt dans celui de la lésion, tantôt dans l'opposé. La section des nerfs d’un membre, et surtout celle du sciatique, est aussi suivie très souvent de l’augmentation de la tonicité musculaire dans des parties éloignées, surtout aux membres et au diaphragme. Mais ce n'est pas seulement une augmentation. de tonicité que nous voyons, dans ces différents cas, c'est aussi un état inverse. Lorsqu'un côté du diaphragme, par exemple, est contracturé, on peut constater que l'autre côté est plus relâché qu’à l’état normal. Dans les membres, après la section des tendons, Je me suis assuré que sous l'influence des irrita- tions périphériques ou centrales, mentionnées ci-dessus, il y à souvent une diminution de tonicité musculaire d'un côté, pendant qu'il y a augmentation du côté opposé. Ces changements persistent fréquemment, et même quelquefois s’aug- mentent après la mort. De plus, ainsi que je l'ai dit dans mon précédent travail (p. 187), ils présentent des fluctuations notables. La fréquence de ces phénomènes montre combien est impérative la nécessité de tenir compte de l’état de contraction tonique des muscles, dans toute recherche ayant pour objet l'étude du degré d'énergie ou de la durée de la motri- cité des nerfs et de l’irritabilité musculaire. Les lois relatives à l'augmentation d'énergie ou de durée de l’excitabi- lité des nerfs moteurs, soit après leur section, pendant la vie ou après la mort, soit par suite de certaines lésions des centres nerveux (section de la moelle cervicale, du bulbe, etc.), devront être étudiées de nouveau, non plus en examinant seulement les contractions musculaires produites par l'excitation des nerfs, mais aussi en tenant compte de l'état tonique (1) Ce fait est contraire à l’une des lois de Pfläger sur les phénomènes réflexes, mais il en est de même de beaucoup d'autres faits et, en particulier, de la contraction vasculaire réflexe, qui, ainsi que je l'ai trouvé chez l’homme a lieu du côté opposé à celui d’une irritation des nerfs de la peau. 208 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. PE PME a 2e SOA PRE Ses des muscles au moment de chaque excitation. Je puis en dire autant des lois relatives aux effets divers produits par des courants galvaniques continus, à la fermeture et à l'ouverture des courants. IL. Depuis que je connais les faits relatifs à l'augmentation de tonicité musculaire, j'ai fait de nombreuses recherches sur la question de savoir si l'irritabilité musculaire peut, comme la motricité des nerfs, être inhibée. J'ai eu fréquemment la preuve que cette inhibition de la pro- priété d’un tissu si différent des tissus nerveux, peut avoir lieu, aussi bien que l'inhibition des cellules et des fibres nerveuses. Elle se produit par une irritation directe des centres nerveux ou par action clairement réflexe. Elle se manifeste par une diminution immédiate ou par la perte soudaine ou rapide de la puissance contractile des muscles, sous l'influence d'une irritation plus ou moins lointaine. Cest au diaphragme surtout que j'ai pu en constater positivement l'existence. En effet, dans ce muscle, il est facile de juger s’il y a ou non de la contracture et même de décider si la tonicité est normale ou non. Toutes les espèces d'irrita- tions périphériques ou centrales peuvent produire l’inhibition de la pro- priété spéciale aux tissus contractiles, mais la meilleure irritation à cet égard est celle que cause l'acide prussique lorsqu'on en injecte une dose capable de tuer instantanément et sans convulsions, sous la peau du thorax, près de l’aisselle. Il n’est pas rare alors de voir un des côtés du diaphragme (à gauche, si c'est à droite que l'injection à été faite) perdre presque instantanément une partie ou la totalité de sa puissance contrac- tile, alors que les faisceaux de ce muscle ne montrent aucune trace de contracture. On ne pourrait pas dire que c’est à une action directe, chi- mique ou autre, que cette perte d'irritabilité musculaire ëst due, car si l'acide prussique avait le pouvoir d’altérer ainsi les tissus contractiles, ce fait auraitlieu partout à gauche comme à droite et non pas dans certaines parties d’un côté et dans certaines autres du côté opposé. De plus, on ne verrait pas, sous l'influence du même agent, l'irritabilité musculaire s’accroitre considérablement dans certains points alors qu'elle disparait dans d'autres. Enfin si cette action directe de l'acide prussique existait, elle se montrerait dans les muscles dont les nerfs ont été coupés avant l'injection du poison : or, il n’en est pas ainsi. Il est donc certain que par une influence nerveuse, l'irritabilité musculaire peut être mhibée. IIS. En tenant compte des changements en plus ou en moins de la toni- cité musculaire, j'ai repris toutes mes recherches de l’année 1881 (1)etj'ai obtenu des preuves évidentes que je ne m'étais pas trompé en affirmant que les nerfs et les muscles peuvent étre dynamogéniés. Je le montrerai dans une prochaine communication. (4) Comptes Rendus de la Société de Biologie, 1881, p. 16, 28, 194, 206 et 208. DAT 2" PO SÉANCE DU 28 MARS. 209 LE RON EE EEE OS ON Ut LE teRr ns te ER ÉTUDE DES EFFETS PRODUITS PAR LES IRRITATIONS CUTANÉES POUR SERVIR A L'EXPLICATION DES INFLUENCES THÉRAPEUTIQUES EXERCÉES PAR LES CONTRE- IRRITANTS, par M. BROWN-SÉQUARD. Jene puis m'empêcher de m'étonner que les médecins s’occupant de thérapeutique, en soient encore à se contenter, pour s'expliquer les effets bienfaisants des contre-irritants, de la production d’une contrac- tion vasculaire réflexe. Il y a bien longtemps que j'ai été conduit à faire voir que cette contraction, dont j'ai du reste été le premier à signaler le rôle, est tout aussi insuffisante pour l'explication des effets thérapeu- tiques, qu'elle l’est pour celle des effets morbides (production de névroses et altérations de nutrition) que l’irritation des extrémités périphériques. ou celle des troncs des nerfs peuvent produire. Dans l'ouvrage, d’ailleurs excellent, de Nothnagel et Rossbach (4) on peut voir que les irritations cutanées sont considérées comme produisant leurs effets physiologiques et thérapeutiques entièrement par l'intermédiaire d’une action réflexe sur les vaisseaux sanguins. À peine fait-on une part très faible à la dila- tation vasculaire que l’on ne considère d’ailleurs que comme des effets ou d’épuisement des fibres nerveuses vaso-constrictrices où d'une irri- tation extrêmement énergique. De plus on considère la douleur comme un élément sinon essentiel en lui-même, mais comme inévitable dans la production des effets physiologiques ou thérapeutiques des irrilations cutanées. Il y a longtemps que j'ai montré que les irritations périphériques, venant des muqueuses ou de la peau, produisent des effets morbides ou thérapeutiques, par suite de leur action sur des fibres nerveuses à courant centripète incapables de donner lieu à de la douleur où à une sensation quelconque. Quant à la dilatation vasculaire, j'ai montré dans plusieurs communi- cations faites à la Société en 1871 et 1872, en mon nom et au nom du D' Lombard, qu'un simple pincement de la peau peut produire dans certains points une contraction vasculaire et dans d’autres une dilata- tion. En général, un pincement sur un membre y produit un relâchement vasculaire partout, alors que le membre homonyme de l’autre côté montre un resserrement vasculaire. Je me borne à rappeler ces particularités en y ajoutant que l'étude du mode d'action des irritations périphériques, en thérapeutique, comme en physiologie, sera nécessairementincomplète si l'on netient pas compte des phénomènes de contracture (ou au moins d'augmentation de tonicité) (1) Nouveaux éléments de matière médicale et de thérapeutique, traduction de l'allemand, par M. Alquier. Paris, 1880, p. 395 et suiv. 210 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. + dans les muscles de la vie animale, et des actes d’inhibition et de dynamogénie qui peuvent être produits dans les diverses parties du système nerveux et dans les tissus contractiles. J'ai trouvé qu'il n’est pas possible d'ivriter, même sans grande énergie, une partie quelconque de l'organisme sans changer l'état dynamique du système nerveux dans presque toutes sinon dans toutes ses parties. C'est ainsi que la section du nerf sciatique d’un côté produit instantanément un trouble tel, dans les centres nerveux et dans les nerfs, que la zone dite motrice acquiert une plus grande puissance du côté correspondant et perd au contraire sa puissance en partie ou en totalité, au côté opposé, en même temps que des changements analogues se font dans les deux côtés du reste de l'en- céphale et que la moelle épinière, les nerfs sensitifs et moteurs et les muscles présentent aussi des altérations de puissance en plus ou en moins, presque partout. C'est ainsi que la section de ce nerf est suivie au bout de quelque temps chez certains animaux d’un développement morbide de l’excitabilité de la partie supérieure de la moelle épinière et par suite d’une affection épileptiforme. C’est ainsi, aussi que cette même irritation produit tous les effets que nous voyons se montrer à la suite de l’hémisection latérale de la moelle épinière dorsale. Les thérapeutistes feraient faire d'immenses progrès à leur art s'ils tenaient compte des effets que peuvent produire des irritations périphé- riques et s’ils étudiaient ces effets au point de vue de leurs applications dans la pratique médicale (1). SUR UN APPAREIL PERMETTANT DE SUIVRE PAR LA VUE LES PHÉNOMÈNES QUI SE PASSENT SOUS L'INFLUENCE DES HAUTES PRESSIONS, par M. P. REGNARD. Jusqu'à présent, dans toutes les expériences que nous avons faites sur l'influence des hautes pressions, nous n'avons jamais pu que constater le résultat final. Les animaux étaient en effet renfermés dans une culasse d'acier résistant à 4000 atmosphères : on constatait l’état où ils se trou- vaient après avoir supporté ces pressions, mais il était impossible de voir ce qui se passait aux différentes périodes de l'expérience, ni au moment où les animaux étaient décomprimés. Faire un appareil en verre résistant à de semblables efforts, il était impossible d’y songer. J'ai tourné la difficulté de la manière suivante. J'ai fait dans mon bloc d'acier, deux trous dans lesquels j'ai placé deux garnitures percées elles-mêmes. Dans la figure ci-contre, on en a (1) Voyez mon livre : — Lecons sur les nerfs vaso-moteurs, sur l’épilepsie, etc. Paris 4872. — Seconde lecon, p. 27-96. SÉANCE DU 28 MARS 211 D Se a RS représenté une en exécution, l’autre en coupe. Dans cette dernière on apercoit un cône B maintenu dans un mastic H très solide, formé de gutta et de glu marine. Ge cône B ésten quartz et par conséquent d’une très grande résistance. Il est tellement transparent qu'il n'obtrue en rien la lumière. Il est évident qu’un semblable cône est placé dans la garniture opposée. On peut donc à travers ces deux quartz, qui résistent très bien à 600 atmosphères, voir ce qui se passe dans la tranche de liquide à laquelle ils correspondent. Mais il serait fort imprudent de mettre l’œil à l'orifice. Il n’est rien de si solide qui, à de telles pressions, ne puisse se rompre tout à coup, la mort de l’observateur serait le résultat certain d'un pareil accident. Pour y obvier nous lancons à travers les deux orifices un rayon de lumière électrique qui, à la sortie, rencontre un objectif. Cet objectif recueille l'image de ce qui se passe dans l'appareil et la projette sur un écran, si agrandie que, non seulement l'observateur, mais tout un audi- toire peuvent l’apercevoir. C'est avec cet instrument, qui fonctionne très-bien, que nous allons suivre les phénomènes intermédiaires entre l'entrée et la sortie des animaux soumis aux hautes pressions. Nous en rendrons compte à la Société. SUR LE DANGER DES CONDENSATEURS KMPLOYÉS POUR SUPPRIMER L'EXTRA- COURANT DES MACHINES ÉLECTRIQUES. Note de M. À. D'ARSONVAL (1). J'ai fait connaître déjà à la Société un procédé très efficace pour sup- primer les dangers pour l'homme de l’extra-courant de rupture dans les puissants générateurs mécaniques d'électricité employés aujourd’hui dans l’industrie. Dans une des dernières séances de l’Académie des sciences M. J. Ray- naud proposait un autre moyen pour atteindre le même but. Ce moyen consiste à mettre les bornes de la machine en communication avec les deux faces d’un condensateur formé de feuilles d’étain et de papier, ana- logue au condensateur de Fizeau qu'on trouve dans le socle de toutes les bobines de Ruhmkorff. On sait que ce dispositif atténue considérablement dans cette bobine l’étincelle de rupture du courant. J'ai aussitôt expéri- menté ce dispositif et voici ce que j'ai observé: sur les bornes de ma ma- chine de Gramme donnant 30 volts et 2 ampères en court cireuit, j'ai établi un condensateur Fizeau provenant d’une bobine donnant 15 centi- (1) Communication faite dans la séance du 21 mars. 912 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. mètres d’étincelle. L'extra-courant provenant de cette machine Gramme, avant l'interposition du condensateur, était parfaitement supportable et nullement dangereux; après l’interposition, l'étincelle de rupture a été fur- tement diminuée, comme on devait s'y attendre ; mais, chose curieuse, l'énergie de la secousse a été considérablement accrue, à tel point que huit ou dix ruptures de circuit ont suffi à tuer un cobaye. Je revien- drai sur l'explication qu'il convient de donner de ce phénomène. Pour le moment, je conclurai simplement que l’interposition, en dérivation, d’un condensateur sur les bornes d’une machine, diminue les chances de dété- rioration de la machine par l’extra-courant de rupture, mais que ce dispositif accroût au contraire considérablement les dangers pour l’homme. En pratique il doit donc être rejeté. SUR UN APPAREIL A PROJECTIONS SIMPLIFIÉ. Note de M. A. D'ARsSONvAL (1). Tout le monde connaît les grands avantages que présentent pour les dé- monstrations ou même les recherches, les appareils à projection. — Les appareils construits jusqu’à ce jour donnent de bons résultats mais pré- sentent deux inconvénients : ils sont chers et nécessitent une source lumi- neuse spéciale (lampe Drummon ou électricité). — Le modèle que je présente à la Société, et qui a été construit sur mes indications par M. Lutz, 82, boulevard Saint-Germain, à pour but de simplifier le maniement de ces précieux instruments et d’en généraliser l'emploi. La partie optique est la même que celle des grands appareils et donne les mêmes résultats. Tout luxe a été supprimé dans le montage qui est réduit à un véritable schéma (deux planchettes à angle droit). A la lumière électrique ou oxydrique, d'un emploi compliqué et coù- teux, est substituée une simple lampe à pétrole qui, grâce à saconstruc- tion particulière, donne une belle lumière blanche équivalente comme intensité à 85 bougies environ, on peut ainsi éclairer un disque de plus de 2,50 de diamètre presque aussi vivement qu'avec la lumière oxydrique. J'étudie en ce moment une lampe à gaz et naphtaline qui donnera plus de 200 bougies. Tel qu'il est l'appareil est actuellement des plus pratiques à cause de la simplicité de son maniement, et aussi de la modicité de son prix qui ne dépasse pas 80 francs, alors que les appareils similaires en coûtent plus de 400. (4) Communication faite dans la séance du 21 mars. SÉANCE DU 98 MARS. 213 SUR UN COULOMB-MÈTRE TOTALISATEUR, Note pE M. A. D'ARSONVAL (1). Dans beaucoup d'expériences d'électricité et pour certaines recherches d'électro-physiologie, il est utile de savoir, à la fin d’une expérience quelle est la quantité totale d'électricité ayant traversé le cireuit ou l’or- ganisme. J’ai employé à cet effet le moyen suivant qui est très simple et très exact : Le courant traverse un sel de mercure en solution (cyanure de préférence) par l'intermédiaire d'électrodes de mercure. Dans ces conditions l’électrolyse a lieu sans polarisation des électrodes. Le mer- cure se dissout au pôle positif et se dépose en égale quantité au pôle né- gatif. Pour avoir la quantité d'électricité qui a traversé l'appareil au bout d’un temps déterminé, il suffit de lire le volume du mercure déposé au pôle négatif. La quantité d'électricité, d’après la loi de Faraday, est directement proportionnelle à ce volume. L'appareil peut affecter diffé- rentes formes qui en augmentent, suivant les cas, la sensibilité et la conductibilité. Une disposition avantageuse consiste à constituer le pôle négatif par un petit vase poreux qu'on remplit de mer- cure et quon termine par un tube capillaire en verre dans lequel on voit le niveau du mercure. Le métal qui se dépose dans le vase sous l'influence du courant fait monter la colonne de mercure dans le tube . capillaire. On peut ainsi en lire le volume avec une grande exactitude tout en réduisant au minimum la résistance intérieure de l'appareil. SUR LES VEAUX CYNOCÉPHALES, par M. BARRIER (d’Alfort),. Depuis une dizaine d'années, j'ai eu l’occasion d'observer peut-être une quinzaine de sujets anomaux du genre de ceux dont je désire entretenir la Société et qui m'ont été adressés par divers vétérinaires de mes con- frères. Tous ces sujets étaient conformés sur le même type et tous appartenaient à l'espèce bovine. Ils sont connus dans la médecine des animaux sous le nom de veaux à tête de bouledogue. L'aspect tout particulier de leur tête rend en effet bien compte de cette désignation. On peut les caractériser en disant que, chez eux, existe un véritable arrêt de développement de toutes les extrémités. (1) Communication faite dans la séance du 21 mars. 921% SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Ainsi la tête se montre avortée dans deux régions distinctes : les régions faciale et auriculaire. Le mufle est fortement refoulé en arrière, quant aux oreilles, elles sont courtes et tronquées transversalement à leur longueur, exactement comme chez les chiens auxquels ces individus ont été comparés. Mais ces modifications ne sont que superficielles; elles n’entrainent nullement l’atrophie des appareils olfactif et auditif corres- pondants. Les membres, aussi bien les antérieurs que les postérieurs, sont remar- quables par leur faible longueur, surtout à partir du genou et du jarret (carpe et tarse). Lorsque les animaux sont placés en station quadrupé- dale, la longueur de leur corps contraste singulièrement avec celle de leurs membres ; ils ressemblent sous ce rapport aux chiens bassets et ont même souvent, comme eux, les pattes torses, c'est-à-dire convexes en dedans. La région coccygienne est également avortée; le plus souvent la queue est fort rudimentaire, déviée, contournée ou redressée comme celle du lapin; mais souvent aussi cet organe fait complètement défaut. On peut se rendre compte de ces diverses particularités sur les photo- graphies que je fais circuler. Ce ne sont pas les seules Dent que j'ai pu observer. Les deux derniers sujets que j'ai recus étaient affectés d’une imperfo- ration de l'anus. Diverses tentatives avaient été faites pour établir une communication artificielle entre le rectum et l'extérieur ; aucune n'a pu aboutir à un résultat satisfaisant. Dans les observations précédentes qu’il m'a été donné de faire, mon attention ne s’est point portée sur cette particularité, ni sur.le vice de conformation qu'il me reste à signaler. J’appelle donc l'attention sur ces faits, car il serait intéressant de savoir s'ils sont, ainsi que je le crois, l'accompagnement habituel des anomalies précédentes. Sous ce rapport, les deux seuls sujets que j'aie bien étudiés étaient atteints d’atresia urethralis ; tous deux étaient mâles. Chez eux, le rectum venait se terminer par un goulot étroit dans les voies urinaires, en arrière du col de la vessie et, très exactement, à l’origine du canal de l’urèthre, lequel venait d’ailleurs s'ouvrir comme d’habitude sous le ventre, près de l’ombilic. L'entrée du fourreau (prépuce), dans les deux cas, était souillée par des urines mélangées avec du méconium. Quant au rectum, au-dessus de son étranglement terminal, il se montrait déme- surément dilaté et rempli de méconium; avant de s'ouvrir dans l'urèthre, 1 s’infléchissait brusquement en avant et en bas, formant ainsi une sorte de eul-de-sac postérieur en regard du point où aurait dû se trouver percé l'anus, mais à une distance d'au moins 7 ou 8 centimètres. C'est à la petitesse de l'anus uréthral interne que l’on doit attribuer la mort des deux sujets dont il est question, mort survenue au bout de quatre ou cinq jours. Lo (B}d SÉANCE DU 28 MARS. em Cette imperforation de l'anus et cette embouchure anormale du rectum dans les voies urinaires ne sont pas toujours fatalement une cause de mort pour les animaux quien sont affectés. Je me rappelle avoir vu, dans une foire, une toute jeune velle de deux mois environ qui offrait ce vice de conformation et chez laquelle les excréments s'évacuaient par la vulve. L'atresia urethralis est évidemment le résultat de la persistance d’une disposition normale de la vie embryonnaire. On sait, en effet, que chez l'embryon les voies digestives et génito-urinaires s'ouvrent tout d'abord dans une espèce de cavité cloacale primitive. Ce n'est que plus tard que le cloisonnement de cette cavité survient et différencie alors les deux sortes de conduits. Ces faits sont connus depuis longtemps chez l'homme et chez les ani- maux. Je ne les souligne ici que pour établir leur concomitance avec les arrêts de développement de la face, des oreilles, des membres et du coccyx, et pour appeler l'attention des observateurs sur cette conco- mitance. La cause des malformations dont je viens de parler est peu connue en vétérinaire. Mais on comprend que l'imagination du vulgaire ne soit pas aussi embarrassée pour expliquer le mode de production des veaux à tête de bouledogue, que je propose d'appeler plus scientifiquement veaux cynocéphales. Toujours c’est à la frayeur résultant de l'apparition subite d’un bouledogue furieux ou d’un chien enragé pendant la durée de la gestation ou peu de temps après la saillie, que les propriétaires rappor- tent la cause première de ce genre d'anomalies. La Société trouvera bon que je n'insiste pas sur une pareille explication qui ne repose du reste sur aucune observation sérieusement contrôlée, Dans tous les cas connus de cynocéphalie, il n’a été relevé aucune particularité intéressante concernant la gestation et la parturition. Il est bon d'ajouter que les vices de conformation caractérisant d’or- dinaire la cynocéphalie n’ont jamais été constatés, en France tout au moins, sur les ascendants mâles ou femelles des produits atteints de cette monstruosité ; je ne sache pas non plus que la reproduction de quel- ques-uns d’entre eux ait été observée. 916 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. PIQURE DE TURICATA (ARGAS TURICATA, ALFR. DUG.). OBSERVATION PRISE PAR MON ÉLÈVE RAMON ESTRADA A L'HOPITAL DE GUANAJUATO (MEXIQUE). Sebastian Perez, hispano-mexicain, 24 ans, non marié; travaillant la terre; constitution ordinaire; tempérament nerveux; alcoolique (1). Entré à l'hôpital le 22 septembre pour se faire soigner d’une piqûre de turicata, située à la partie supérieure de la région sternale: il ignore ses antécédents paternels. Cet homme a eu quelques affections fébriles, plusieurs nerveuses, deux blennorrhagies et une orchite (épididiymite ?) de même nature. Il dit : que le 17 du mois indiqué il à couché dans une pièce contiguë à une étable à pores (je dois faire observer que la turicata infeste ces ani- maux); un moment après s'être couché il a senti plusieurs piqüres qu'il a reconnues pour être de ces arachnides, car il était tellement habitué, pour ainsi dire, à les souffrir qu’il les reconnaissait par la simple sensa- tion du tact, comme on distingue la piqûre du pou, de la puce ou de la punaisse. D'abord il se contenta de se gratter, essayant de s'endormir, mais une piqüre à la poitrine lui causa une forte démangeaison et l’excita à chercher l'animal qu'il trouva encore adhérent à la peau : la cuisson continua, mais enfin le malade dormit bien pour cette nuit. Le jour suivant apparut une petite papule qui était si peu moleste que le malade, livré à ses travaux ordinaires, se gratta à peine trois où qua- tre fois dans la journée. — Le jour d’après, même état. 20. La papule s’entoure d’une avréole rouge et la cuisson s'accompagne de douleur. Dans l'après-midi Perez abandonne son travail, en proie à un grand malaise et pris d’un frisson violent. À la nuit, en se couchant, il éprouve une sensation de tension, de chaleur et d’élancement à la poi- trine, et trouve la papule entourée de vésicules fines; l’auréole rouge, qui avait le diamètre d’une pièce de cinq francs, a grandi et autour d'elle rayonnent en bas et sur les côtés des raies et des taches rosées. Après le frisson survient une forte fièvre qui lui enlève tout appétit, tellement qu'après avoir travaillé toute la matinée et marché assez longtemps pour arriver chez lui, depuis 7 heures du matin il ne prit plus aucun aliment. Cette nuit-là on lui donna un bain de pieds chaud ; il sua assez abondam- ment, mais le jour suivant le trouva dans le même état. 21. Plusieurs frissons, fièvre intense, céphalalgie aiguë. L'inflammation a beaucoup augmenté; le paroi de la poitrine est enflée et à l'endroit de la piqûre on observe un point noir grand comme une petite lentille: on (1) Les gens peu aisés s’enivrent avec le mercal, eau-de-vie obtenue par la fermentation de la sève de l’Agave americana, nommé ici Maguey. SÉANCE DU 21 MARS. 917 ne voit plus de petites pustules mais bien une excoriation déterminée, d'apres le malade, par la fréquence des grattages. Cet état s'aggrave à la nuit : le malade ne prend encore aucun aliment et boit seulement une grande quantité d’eau qu’il désire beaucoup. 29. L'inflammation augmente ; les douleurs sont vives et lancinantes; il y a du subdélire qui dure peu mais oblige le malade et sa famille à demander les secours de l'hôpital. À ce moment le point noir a les di- mensions d'une pièce de cinq centièmes (environ 1 centimètre et demi) : c'est une petite plaque gangréneuse, et l’inflammation a tous les carac- tères d'une lymphangite aiguë. — Traitement: — Purgatif salin; toucher l’eschare avec l'acide phénique ; onguent napolitain belladoné et cata- plasmes émollients sur la poitrine. Aliments : atole (1), bouillon, soupe et pain. — Température à la nuit 40°,9. — Le purgatif à produit 10 selles. 23. L'eschare grandit : frissons violents; douleurs fortes ; température : m. 39°,9; s. 419,7. — Vin de quinquina 90 grammes en cuillerées; même pansement ; même alimentation. 2%. L'eschare perd sa forme circulaire ets’étend rapidement, surtout à sa partie inférieure ; elle a 8 centimètres de long sur 5 de large dans ses plus grandes dimensions. Tempér. m. 39°,9; s. 41,6. — Même traitement; plus limonade ad libitum. — Lait, bouillon, pain, soupe. 25. L’eschare augmente. Frissons fréquents ; céphalalgie aiguë. Tem- pér.: m. 40°; s. 41°,8. Mêmes aliments.— Vin de quinquina 120 grammes, acétate d'ammoniaque 8 gr., sirop d'orange 30 gr., en cuillerées. — Pom- made au sulfate de fer (6 grammes pour 30); cataplasmes émollients. — On continue la limonade. 26. La céphalagie est peu intense et les douleurs modérées, mais la gangrène avance en surface. Température : m.39°,3; s. 39°, 6. — Même traitement ; aliments idem. 27. Etat général très amélioré, moins la gangrène qui gagne encore du terrain. Tempér. : m. 382,5; s. 38°,7. La même potion; limonade; cataplasmes et pommade antiseptique. — Aliments ut supra. 28. La plaque gangréneuse arrive à l’appendice xyphoïde et à la four- chette du sternum: transversalement elle s'étend d’un mamelon à l’autre. Elle commence à se ramollir et à se détacher à son bord supérieur, sur- tout dans le creux sous-claviculaire gauche. L'état général s'améliore et la gangrène paraît se limiter, mais pas dans toute la circonfèrence. Tempér.: m. 37°,7;s. 38°,1. Même traitement. 29. Gangrène bien limitee : l'élimination de son bord supérieur s'accen- (1) L'atole se prépare avec le maïs décortiqué par l’eau de chaux, bouilli ensuite, passé au tamis et mêlé à de l’eau, de sorte qu'il ne contient guère que de la fécule : c’est une bouillie claire. 9218 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. tue : état général encore meilleur. Températ. : m.37°,4;s. 37,7. — Même traitement. 30. Tout le bord gauche de l’eschare est détaché: l’état général est très satisfaisant ; le malade demande une augmentation de ration ali- mentaire. Tempér: m. 37°; s. 37°,2. — Traitement: Lotions et pommade antiseptiques; vin de quinquina 90 grammes en cuillerées; lait, atole, bouillons, soupe, poulet, pain. : Octobre, 4. L’eschare est détachée dans les trois quarts de son péri- mètre, tout marche parfaitement. Températ. : m. 38°; s. 37°. — Mêmes traitement; même alimentation. 9, 3,4 et 5. Dans ces quatre jours s'élimine l'eschare qui n'a intéressé que la peau et la glande mammaire gauche. — Température 37°. 6. Pansement deux fois par jour avec du cérat au baume de copahu et Jotions phéniquées. La perte de substance qui était arrivée à 200 centi- mètres carrés environ, se réduit à peu près à 30, — Le malade mange bien et se trouve si bien qu'il désire son exéat. — L'ulcère se couvre de bourgeons charnus de bon aspect; il y a peu de suppuration et la cica- trisation avance rapidement. Ici s'arrête l'observation d'Estrada, parce que la plaie est devenue simple et est traitée comme telle. Je n'ai vu le malade qu'une fois et c'était après la chute de la plaque gangréneuse. Il paraît que depuis, Ja cica- trisation a progressé très lentement, et aujourd'hui 1% décembre, le Dr Vincente Gomez, qui est chargé du service, me dit qu'il penseà appli- quer des greffes cutanées pour finir de fermer la plaie: celle-ci, quoique superficielle est encore de la largeur de la paume de la main. J'ai traduit servilement l'observation de l'élève afin d'éviter d'y mettre du mien, mais ce jeune homme est intelligent et je puis garantir l’exac- titude de sa narration. Ce fait concorde du reste avec des notes que m'a remises un élève à moi, le D' Jesus Aleman, de Moro Léon. Il parait qu'il y a des individus réfractaires à l’action de la turicata, mais en général la piqüre de cet acaridien occasionne des frissons, de la fièvre, de la céphalalgie et de la courbature pendant quelques jours, et tout s'arrête là ; mais sile malade a le malheur de se gratter, il se forme une plaie qui peut quelquefois, comme on le voit, dégénérer en gangrène étendue. J'ai vu souvent des personnes moins gravement atteintes, mais qui gardaient pendant cinq, six mois et plus des ulcérations très rebelles, accompagnées de cuissons intolérables. L'observation actuelle me parait intéressante en elle-même, et surtout parce qu'en France on n'est guère porté à croire aux récits des per- sonnes qui affirment que la piqüre de certains argas est souvent sé- rieuse. Je ne parle ici que de la turicata qui est un argas du Mexique que j'ai publié sous ce nom dans le journal la Naturaleza de Mexico. SÉANCE DU 28 MARS. 219 Nous avons à Guanajuato un autre acaridien du méme genre, la garra- pata (Argas Megnini, Alfr. Dugès) qui, à ma connaissance, n'a jamais donné lieu à des accidents graves, de sorte qu'il est très probable que certaines espèces sont plus nuisibles que d’autres. Les lavages antiseptiques dont 1l est fait mention dans l'observation élaient composés comme il suit : décoction de quinquina 500 grammes, alcool à 35° B. 60 grammes, acide phénique cristallisé 45 grammes. — La pommade contenait : vaseline 60 grammes, charbon en poudre, poudre de quinquina et camphre aà 10 grammes, acide phénique 2 gr. 50. Le gérant : G. MASssON. Paris. — Imprimerie G. Roucier et Cie, rue Cassette, L. 4 RU 4 (LUE NE Rage Ste À CANSED | CPICTUNENEES À NPA ER" SÉANCE DU II AVRIL 1885 Em. BouqueLor : Fermentation alcoolique « élective » d'un mélange de glucose et de lévulose. — Cr. FéÉRé: Contribution à la physiologie des mouvements volontaires. — R. Lépne : Recherches expérimentales sur la congestion du foie et l’ictère d'o- rigine cardiaque. — L. FOURMENT : Nouveau compresseur. — R. Dugois : Phospho- rescence des poissons. — Gavoy: Fibres arciformes des hémisphères cérébraux. Pauz GiBrer : Atténuation du virus rabique. Présidence de M. Hanot. Il ny à pas eu séance le samedi, 4 avril, pendant les vacances de Pâques. Dans la séance de ce jour, 11 avril, M. Ducraux a été élu membre titulaire de la Société de Biologie. Par suite d’une erreur de mise en pages, la note publiée à la page 216 des Comptes rendus (Note sur la piqûre de turicata), n’a pas de nom d'auteur. Elle doit être signée ALFRuD Ducës. SUR LA FERMENTATION ALCOOLIQUE « ÉLECTIVE » D'UN MÉLANGE DE GLUCOSE ET DE LÉVULOSE, par M. Em. BOURQUELOT. Les résultats auxquels je suis parvenu dans l'étude de la fermentation alcoolique d’un mélange de maltose et de lévulose (1), résultats en dé- saccord avec ceux que faisaient prévoirles travaux anciens de Dubrunfaut, m'ont engagé à revoir la fermentation du sucre interverti qui avait été l’objet des recherches du chimiste dont je viens de parler; j'ai étudié en même temps, et comparativement la fermentation d’un mélange à parties égales de glucose et de lévulose. Le but que je me proposais était : double 4° je voulais savoir si le sucre interverti, et le mélange de glucose-lévulose se conduiraient de la même facon, en présence de la levure de bière à toutes les températures; 2° j'espérais trouver en outre des faits analogues à ceux que j'ai signalés dans ma note du 21 mars dernier. | Les solutions soumises à la fermentation renfermaient ou 4 p. ‘/, de (1) Comptes rendus de la Société de Biologie, 8e série, t. Il, p. 191. BIoLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8e SÉRIE, T. II, N° 43. 999 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. sucre interverti, ou 2 p.°/, de chacun des sucres glucose et lévulose : elles étaient additionnées de 0 gr. 50 de levure haute p. °/4. En prenant pour pouvoir rotatoire du glucose a D=— +53, 4 et pour pouvoir rotatoire du lévulose «D = — 100; la solution devait donner une déviation de — 4°, 52’. J'ai vérifié qu'il en était réellement ainsi. Pour ce mélange, comme pour celui de maltose-lévulose, l’analyse nécessite deux opérations, 1° une observation au polarimètre, 2° un essai à la liqueur cupro-potassique. Ces deux opérations fournissent les éléments de deux équations qui mènent à la détermination des deux inconnues du problème : proportion de glucose et proportion de lévulose. J'ai déterminé plusieurs séries de fermentations aux températures de 19°, 20°, 30° et 40°. Comme les mêmes faits se sont toujours reproduits, et cela soit avec le sucre interverti, soit avec le mélange de glucose et de lévulose, je me contenterai de transerire ici les tableaux se rapportant à une de ces séries qui correspond à la fermentation du sucre interverti. Ces tableaux donnent dans la 1" colonne la durée de la fermentation, dans la 2° la déviation observée, dans la 3° la quantité en milligrammes de glucose restant pour °/,, dans la 4° celle de lévulose, et dans la 5° la différence entre les proportions de ces deux sucres, restants p. °4 — différence qui donne l'élection. Exp. AM? Durée Déviation Glucose p. 0/0 Lévulose p. 0/9 Différence 0 — 1° 52° 2000 2000 0 10 — 1° 54’ 1742 1881 139 39 — 1° 54° 1392 1694 302 D9 — 1° 56” 907 1451 D44 . 70 — 1° 48° 1338 1294 096 8/4 — 1° 44° 991 , 1161 610 108 4000 315 935. 620 HN = DOUTE 173 727 554 PLp NB NON 20 20 — 1° 54° 1443 1721 2178 40 — 1° 50° 1032 1468 430 64 — 1° 42/ 0804 1279 ATD 86 — 1° 28° 0608 1058 450 103 — 1° 12’ 0384 0806 422 Exp. Ca 802 9 — 1° 54’ 1043 1508 465 14 — 1° 42’ 7139 1245 206 18 74088927 A64 998 D93/ 23 1/2 — 1° 14’ 249 751 202 46 — 1° 46° 082 428 346 SÉANCE DU À1 AVRIL. 223 Exp. D, t — 40° Durée Déviation Glucose p. 0/0 Lévulose p. 0/0 Différence De 0 60) 819 1354 535 1% 190) 529 1084 99 18 — DO 389 890 905 On voit à l'inspection de ces tableaux que 1° les deux sucres sont simultanément et inégalement consommés à toutes les températures: 2 que le glucose est toujours consommé en plus forte proportion que le lévulose, au moins dans les premiers temps de la fermentation; 3° que la plus forte différence se produit à la température la plus basse. Ce dernier résultat est contraire à celui que j'ai observé dans la fer- mentation d'un mélange de malto$e-lévulose. Avec ce dernier mélange en effet, on observe la plus grande différence à la température la plus élevée, tandis qu à 12 degrés les deux sucres. sont consommés à peu près en parties égales. CONTRIBUTION A LA PHYSIOLOGIE DES MOUVEMENTS VOLONTAIRES, par Ch. FÉRÉ Le naturaliste Péron avait, dès 1800-1804, constaté que les indigènes de la Nouvelle-Hollande et les Malais de l’île Timor, offraient une puis- sance d'effort musculaire beaucoup moindre que celle des marins fran- cais qui purent leur être comparés. M. Manouvrier (1) à fait la même remarque sur la plupart des sauvages exhibés au jardin zoologique d’Acelimatation; et nous avons pu voir aussi que sur un certain nombre de nègres l'énergie de l'effort de pression mesurée au dynamomètre manuel est moindre que chez la moyenne des Européens. D'autre part, Broca avait entrepris, dans les dernières années de se vie, des recherches dont nous n'avons pas retrouvé la trace dans ses publi- cations, mais qui, nous devons le dire, ont été le point de départ de nos propres études. Il s'agissait de rechercher l’état des forces constaté à la main, au moyen du dynamomètre de Mathieu, chez des sujets apparte- nant à différentes classes de la société. Le résultat de ces recherches nous montre que la pression produite par l'effort de flexion des doigts est moins forte chez les ouvriers dont la profession est exclusivement manuelle que chez les ouvriers d’art qui dépensent moins de force mus- culaire, mais dont l'intelligence est plus en jeu; et enfin elle est plus considérable encore chez les sujets adonnés aux professions libérales, (4) L. Manouvrier. — La fonction psycho-motrice (Revue philosophique 1884, juin, p. 645). 994 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. dans les mêmes conditions d'âge. L'influence de la taille est peu consi- dérable. Un certain nombre d'observations sur les femmes nous per- mettent de reconnaître que chez elles aussi la plus grande énergie de l'effort momentané coïncide avec la plus grande activité des fonctions intellectuelles. M. Manouvrier (1) à fait des recherches dynamométriques sur des sujets qu'il a choisis parmi ceux qui n'exercent point professionnelle- ment leurs muscles, et il pense que l’énergie de la contraction musculaire pourrait être mise en rapport avec le volume du cerveau; mais la preuve n’est pas faite. Quoi qu'il en soit, il nous semble que des observations qui précèdent on est en droit de tirer cette conclusion que l'énergie de l'effort momentané est en rapport avec l'exercice habituel des fonctions intellectuelles. Toutefois on peut objecter qu'il est impossible d'établir quel rôle l’ali- mentation et l'hygiène individuelle jouent dans la production de ces dif- férences d'énergie du mouvement volontaire. Il importait donc d’appor- ter de nouveaux faits pour mettre hors de doute l'influence du travail intellectuel. C’est une notion vulgaire que sous l'influence de certains états mor- bides, du délire, de l'excitation maniaque, etc., les efforts musculaires acquièrent une énergie inusilée; mais cette exagération n’a jamais été régulièrement pesée. Dans ses études de dynamométrie M. Manouvrier avait déjà noté que le seul fait d’'expérimenter en publie exagère l’éner- gie du mouvement: rien n'est plus exact; et on peut ajouter que l’expé- rience faite en présence d’un sujet de l’autre sexe l’exalte souvent encore : ce pouvoir exeilo-moteur est, autant que j'en ai pu juger, pro- portionnel à l'excitation génésique : il mériterait d’être étudié en détail au point de vue de son action élective. Ces faits sont sans doute intéressants, mais ils sont insuffisants pour établir le rôle de l’action psychique que nous pouvons mettre en évi- dence par un autre procédé. , Il faut remarquer tout d’abord que sur le même sujet par l'exploration dynamométrique on obtient à peu près constamment le même résultat avec le même instrument, il semble que l'exercice influe peu; c’est une observation que font MM. Manouvrier et Dignat, et qui, en somme, est assez juste : depuis cinq ans, j'ai fait sur moi-même plusieurs milliers d’explo- rations par séries séparées d'intervalles de plusieurs mois, et je n’ai noté que des accroissements très peu marqués et lents. C’est un point qui (4) L. Manouvrier. — Note sur la force des muscles fléchisseurs des doigts chez l’homme el chez la femme, et comparaison du poids de l’encéphale à divers termes anatomiques et physiologiques (Assoc. franc. pour l'avancement des sciences. La Rochelle 1882, p. 605). Rens: à — b OC SÉANCE DU 11 AVRIL. sfr 220 méritait d’être établi avant d'apprécier les différences journalières provo- quées par les influences que nous nous proposons d'étudier. Sous l'influence du travail intellectuel la force dynamométrique aug- mente et dans des proportions d’un sixième, d'un cinquième, d'un quart, même suivant le genre de travail, suivant que l'attention a été fixée d’use facon plus où mois soutenue. Dars un bon nombre d’explo- rations jai noté une tendance à l'égalisation entre les deux mains, c’est- à-dire que la main gauche qui est plus faible que la droite de 10 kil. environ gagne souvent plus que la droite sous l'influence de l'excitation psychique provoquée par le travail intellectuel. Cette exagération de l’énergie est du reste momentanée, elle cesse en général quelques minutes après la cessation de l'excitation qui l’a provoquée. Ces expériences, qui montrent que l'exercice momentané de l'intelligence provoque une exagéra- tion momentanée de l'énergie des mouvements volontaires, viennent à l'appui de notre première conclusion, et elles nous rendent compte de ce fait déjà observé que les explorations dynamométriques faites le matin, après le repos, donnent en général une pesée moindre que celles qui sont faites plus tard quand les fonctions psychiques se sont déjà exercées. Chez les hypnotisables on peut voir la force dynamométrique doubler sous l’in- fluence d’une hallucination, d’une idée obsédante, etc. Pour apprécier la valeur dynamogénique des fonctions psychiques, il faut étudier exclusivement des opérations intellectuelles qui s’accom- pagnent du moins de mouvement possible, comme écouter un discours, lire, etc., car l'exercice de la parole et de l'écriture fait intervenir un élé- ment nouveau. Ce n’est pas en effet seulement sous l'influence d'un effort intellectuel que la force dynamométrique augmente, l'exercice d’un membre autre que celui qu'il s’agit d'explorer peut produire un effet analogue, quoique moins intense. Si par exemple on fait avec un pied sur une pédale les mouvements nécessaires pour mettre en marche une roue, on constate qu'après un très petit nombre de tours la force dynamométrique de la de la main correspondante puis de l’autre a augmenté d’un sixième, ou d’un cinquième, rarement plus. L'exercice de la parole peut produire les mêmes effets en conséquence des mouvements qu'il nécessite. Aussi Yoyons-nous que les manifestations psychiques les plus excito-motrices sont celles qui s’accompagnent de signes phonétiques, de signes écrits ou de mouvements mimiques. D'autre part si pendant une ou deux minutes, on fait, avec la main qu'il s’agit d’éprouver une série de mouvements de flexion à vide, le dynamomètre trahit bientôt une augmentation de la force de pression. Ces expériences nous montrent que lorsqu'un centre cérébral entre en action, il exerce une action dynamogénique sur son centre et sur les centres voisins. [Il est légitime de soupconner que la paralysie du même centre est susceptible de développer une action inhibitoire corrélative ; 1O [Da GE SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. on pourrait comprendre ainsi comment, même en l'absence de dégénéra- tion descendante bilatérale, « toute lésion destructive des régions mo- trices du cerveau produit un affaiblissement musculaire dans les quatre membres (1)»; M. Brown-Séquard a déjà fait valoir cette interprétation à plusieurs reprises devant la société de Biologie. Signalons enfin que les mouvements passifs provoquent exactement la même excitation motrice que nous venons de signaler à la suite des mouvements actifs ; l'excitation parait même plus intense. Sur des sujets sains les mouvements passifs de flexion des doigts peuvent augmenter l'énergie de la pression de plus d'un quart. Ce résultat acquiert une im- portance considérable si on le rapproche du fait suivant : L'histoire des épidémies spasmodiques nous montre que chez les né- vropathes plus sensibles d’une manière générale à tous les agents dyna- mogéniques et inhibitoires, la seule vue d’un mouvement rythmique provoque l'incitation à ce mouvement. Ce phénomène d’induction psycho-motrice peut se montrer à l’état sporadique comme M. Ch. Richet en à signalé un exemple (2). Si prenant un sujet de ce genre nous le prions de regarder avec attention les mouvements de flexion que nous faisons avec notre main, au bout de quelques minutes, il déclare qu'il a la sensation que le même mouvement se fait dans sa propre main, bien qu'elle soit complètement immobile; et au bout de quelques instants en effet sa main commence à exécuter irrésistiblement des mouvements rythmiques de flexion. Or, si au lieu de laisser l'expérience en arriver à ce point, on l’arrè{: au moment où le sujet commence à avoir la sen- sation du mouvement qui ne se fait pas encore, en lui placant un dyna- nomèêtre dans la main, on constate que l’énergie de la pression à aug- menté d’un tiers ou de la moitié. Ces faits nous paraissent propres à montrer que l'énergie d'un mouvement est en rapport avec l'intensité de la représentation mentale de ce méme mouvement. L'influence excito-motrice des mouvements passifs est due précisément à ce qu'ils provoquent un rappel énergique de l’image motrice. Cette influence des mouvements passifs trouve son Re torn dans le traitement de certaines impotences fonctionnelles. Lorsque dans ces cas on à excité isolément les muscles, soit par le massage, soit par l'élec- trisation localisée, la fonction de chaque muscle peut se trouver rétablie par un mécanisme analogue à celui que nous venons d'indiquer c’est-à- dire par le réveil de son centre psycho-moteur; mais la fonction du membre peut néanmoins n'être pas rétablie en raison de l'absence de de synergie, de coordination des mouvements musculaires. Gelte coordi- (4) Pitres.— Note sur l’état des forces chez les hémiplégiques (Arch. de Neurolo- gie, 1882, t. IV, p. 40). (2) Bull. Soc. Biologie, 1882, p. 31. SÉANCE DU AÀ1 AVRIr. 297 nation est quelquefois restaurée très promptement par la pratique des mouvements provoqués qui complètent la rééducation. L'action centrale des excitations périphériques peut être mise en lu- mière par d’autres faits expérimentaux chez les hypnotisables, sur les- quels les agents dynamogènes manifestent leur influence d’uné manière plus nette. Si sur un de ces sujets à l’état de veille on excite mécanique- ment un muscle par le massage, on provoque rapidement la tétanisation de ce muscle; la répétition d’un mouvement passif mettant en jeu le même muscle produit le même effet; il en est encore de même lorsque ce muscle est mis volontairement en action. L'identité du résultat mon- tre l'identité du processus. Lorsqu'on excite un muscle par un procédé quelconque on agit sur son centre psycho-moteur auquel on rappelle une image motrice. Si l'excitation est exagérée, la tétanisation s'étend aux muscles énergiques et même à tous les muscles du membre; et lors- qu’on fait porter une nouvelle excitation sur un muscle antagoniste du premier muscle excité, il se produit souvent une convulsion épilepti- forme qui peut entrainer la perte de connaissance et se généraliser à tout le corps. Cette succession de phénomènes ne peut se comprendre que par l'excitation des centres supérieurs qui se produit d'autant plus faci- lement que le sujet est doué d’nne hyperexcitabilité psycho-motrice mieux caractérisée. Nous avons eu surtout en vue dans cette note préparatoire dé mettre en lumière l'influence de l'excitation psychique d’où qu’elle vienne sur l'énergie des mouvements volontaires et en particulier de l'effort mo- mentané; l'effort soutenu, la résistance à la fatigue, résultat d’une sorte d’automatisme en diffère, et mérite une étude spéciale. Signalons enfin pour terminer que si l’activité psychique à une in- fluence sur l'énergie des mouvements volontaires, les mouvements volontaires peuvent aussi avoir une influence sur l’activité psychique : un certain nombre d'individus se mettent instinclivement en marche lorsqu'ils veulent concentrer les efforts de leur intelligence, et chez quelques-uns l'effet du mouvement est assez marqué pour qu'ils puissent en rendre compte; l’exaltataticr des manifestations de la mémoire a surtout été facilement constatée. L'ensemble de ces observations nous montre que chaque fois qu’un centre cérébral entre en action, il détermine une excitation de tout l’ap- pareil, par un processus encore indéterminé. Gette remarque a son im- portance au point de vue de l'hygiène et de la pédagogie, en mettant en: relief l'utilité de l'exercice? du plus de fonctions possible dans l’intérêt du développement de l’ensemble et de telle fonction particulière. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. RO 19 QO RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LA CONGESTION DU FOIE ET L'ICTÈRE D'ORIGINE CARDIAQUE, par R. LÉPINE. Le point de départ de mes recherches a été le fait clinique de l’aug- mentation de volume du foie, que l’on voit assez souvent dans les affec- tions cardiaques à la période d’asystolie et qui s ÉRONNENNE parfois, fort rarement il est vrai, d'ictère. Si chez un chien on injecte dans les veines une dose suffisante d’un sel potassique, les battements du cœur s’affaiblissent et même, au bout de quelques minutes, se suspendent. Or, dans cette période d’asystolie aiguë, si l’on ouvre rapidement l'abdomen, on constate que le foie est brusquement devenu gros, dur, de couleur rouge sombre et que si l'on y pratique une incision, le sang jaillit des veines sus-hépatiques: En ouvrant le thorax, on trouve les veines caves gorgées de sang, ainsi que les cavités droites du cœur. Si au lieu de produire une asystolie aiguë entraînant promptement la mort, on oblitère plus ou moins complètement la veine cave inférieure (en introduisant par la jugulaire externe un tube portant une ampoule de caoutchouc que l’on pousse dans la veine cave inférieure jusqu'au-dessus du diaphragme et en dilatant convenablement cette ampoule), on pro- voque de même une énorme congestion du foie et on a l'avantage, l’ani- mal survivant alors un quart d'heure ou une demi-heure, de pouvoir étudier les modifications de la sécrétion urinaire. Dans ce cas on constate - assez souvent (au moins une fois sur cinq) que l'urine sécrétée quelques minutes après le début de l’oblitération de la veine cave inférieure ren- ferme du pigment biliaire tandis qu'elle n’en présentait pas avant l'expé- rience (1). Il résulte des travaux du professeur C. Ludwig et de ses élèves que la résorption de la bile dans le foie a lieu par l'intermédiaire des Iympha- tiques et non directement par les vaisseaux sanguins. Dans le cas qui nous occupe ilest clair qu'il ne peut en être autrement; car, vu l’exagération de la tension dans le résrau sanguin du foie, il parait impossible que la bile puisse y pénétrer directement. !1) Si l’ampoule siège au-dessous du diaphragme juste au niveau de l’'embou- .chure des veines sus-hépatiques, de manière à oblitérer à peu près complète- ment ces dernières sans interrompre le cours du sang dans la veine cave infé- rieure, la congestion hépatique est beaucoup moins prononcée, la survie plus grande, et il n’y a pas de pigment biliaire dans l'urine. Ce résultat n’est para- doxal qu'en apparence : on comprend que la faible tension du sang de la veine porte ne soit pas suffisant pour amener une aussi forte congestion du foie que lorsqu'il y a dans les veines sus-hépatiques reflux du sang de la veine cave inférieure engorgéc. et À. SÉANCE DU A1 AVRIL. 999 Pourquoi le pigment biliaire ne peut-il être décelé dans l'urine qu'une . fois sur cinq environ? probablement parce qu'il faut, comme on sait, qu’il y en ait dans le sang une certaine quantité pour qu’il passe dans l'urine. La question se réduit donc à celle-ci : quelles sont outre la congestion hépatique, les conditions favorables à la résorption d’une forte quantité de bile? — Je ne me flatte pas de les connaître toutes ; il est probable que la réplétion préalable des voies biliaires, peut-être une exagération mo: mentanée de la sécrétion, ete., jouent un grand rôle; mais, de plus, j'ac- corde une certaine part à la contraction tonique du cholédoque et du canal cystique. Si elle fait défaut, en d’autres termes, si la bile peut s’écouler dans le duodénum ou dans le vésicule, sa tension dans les voies biliaires ne sera pas assez forte pour qu'elle pénètre en masse dans les Iymphatiques. Ce n’est pas une simple vue de l'esprit fondée sur les beaux travaux expérimentaux de notre collègue le docteur Laborde qui m'a conduit à tenir grand compte du spasme des voies biliaires, c’est aussi, dans quelques cas, l'observation directe, car j'ai vu parfois, au moment de la production de la congestion, le canal cholédoque rétracté, et dur comme une corde. D’autres raisons encore me paraissent prouver la réalité de ce facteur, je les ferai connaître ultérieurement. Ainsi, d'après moi, le spasme des canaux biliaires contribue à la pro- duction de l’ictère dans le cas de congestion hépatique. Réciproquement la congestion hépatique pourrait bien jouer un rôle dans la pathogénie de certains ictères émotifs subits, dits spasmodiques ; car le spasme seul les explique difficilement. M. le professeur Potain a déjà supposé qu'il existait alors une dilatation paralytique des vaisseaux du foie. Il n’est pas impossible que le cœur contribue aussi à la production de la conges- tion hépatique, que sous l'influence d’une forte émotion, d'une ter- reur, etc. il y ait un état demi-syncopal; d’où augmentation de tension dans la veine cave inférieure et dans les veines sus-hépatiques. Lorsque il y a trois ans, j'ai entretenu de ce sujet la Société des sciences médicales de Lyon, M. le docteur Boucaud a rapporté un cas d’ictère émotionnel qui s'était accompagné d’une augmentation de volume du foie. NOUVEAU COMPRESSEUR, par M. L. FOURMENT. Les compresseurs employés jusqu’à présent pour les études microgra- phiques ont tous le défaut d'être d’un prix assez élevé; en outre, la plupart présentent dans leur construction et leur usage de sérieux incon- vénients. J'en citerai quelques-uns plus particulièrement. Certains compresseurs mobiles sur la platine du microscope nécessitent l'emploi de porte-objets 230 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. spéciaux de forme ronde ou carrée, ce qui oblige à reporter les prépa- rations sur les lames de format courant en leur faisant courir les risques d’une seconde manipulation. D'autres d’un mécanisme compliqué et de volume assez encombrant exigent des couvre-objets d’une dimension spéciale ainsi que des instruments complémentaires, ce qui en rend la manœuvre très délicate. Dans les compresseurs se vissant sur la platine les inconvénients se montrent tout à fait sérieux; deux surtout. Le premier résulte de ce que chaque fabricant ayant établi son modèle pour fonctionner sur ses propres microscopes, ce compresseur ne peut rendre aucun service avec un microscope provenant d’une autre maison, d’où un réel embarras dans un laboratoire où fréquemment les microscopes en usage sont de plusieurs constructeurs. Le second inconvénient et le plus grave réside dans l’action même du compresseur; en effet la lame portant la préparation à observer se trouve, par la pression exercée sur elle, immobilisée sur la platine, sans qu'il soit possible de la faire bouger pour examiner successivement les différents points de la préparation. C’est surtout lorsqu'on observe un animal vivant que cet inconvénient devient très manifeste; dès que l’on veut faire mouvoir sous le champ du microscope on doit alors cesser la compression, l'animal se trouvant libre, se déplace et abandonne une x position favorable pour l'observation et parfois impossible à retrouver. Ces mécomptes m'étant fréquemment survenus dans mes recherches d'helminthologie, j'ai cherché à établir un compresseur permettant : 1° son fonctionnement sur tous les microscopes indistinctement; 2° le déplacement de la préparation sans cesser la compression; 3° l'emploi des porte-objets et couvre-objets de format habituel et enfin d'un mécanisme assez simple pour que son prix d'achat soit à la portée de la plus modeste bourse d'étudiant. U Le compresseur {en cuivre nickelé) qui fait l’objet de cette note (1) se compose d'une plaque à pans coupés présentant en son milieu une ou- verture circulaire de 20 millim. de diamètre; près de l’une de ses extré- _mités existe un petit support formant pont lequel porte un ressort plat en acier et deux petits tourillons soutenant une tige légèrement coudée. Au-dessus de la fenêtre circulaire citée plus haut cette tige se termine (4) Il à été construit chez M. Vérick. PPT ERS SÉANCE DU 11 AVRIL 931 en un demi-cercle muni de deux petits pivots supportant un anneau évidé destiné à presser sur la lamelle couvre-objet. À l’autre extrémité de la tige se trouve une vis qui permet, suivant le sens où on la tourne, d'augmenter, de diminuer ou de cesser la compression. — (Voir la figure.) | | La manœuvre de ce compresseur est des plus simples: on place la préparation à observer sur la lame formant la base de cet appareil, de telle facon que l’objet soit au-dessus de Ia fenêtre, puis on porte sur le microscope et en tournant la vis on abaïsse l’anneau sur le couvre-objet et l’on comprime au point voulu l'organisme à étudier. La lame porte-objet se trouvant enchâssée dans le compresseur et celui-ci étant mobile sur la platine on peut, avec la plus grande facilité faire passer tous les points de la préparation sous le champ du micros- cope. Par la simplicité de son mécanisme, ce compresseur peut, chose pré- cieuse en voyage, être réparé sans difficulté par le premier horloger venu; de plus la modicité de son prix, qui est à peine le cinquième de celui des appareils analogues, permettra au micregraphe d’en posséder plu- sieurs ; lorsqu'il aura à sa disposition un certain nombre d'individus de la même espèce, il pourra ainsi les observer comprimés dans des posi- tions différentes, avantage inappréciable pour l’exacte interprétation des divers organes. NOTE SUR LA PHOSPHORESCENCE DES POISSONS; par R. DuBois. J'ai recu du Havre un petit esturgeon expédié vivant encore par les soins de M. Doray, pharmacien, le 7 avril dernier. Ce poisson arrivé le 8 au matin à Paris, emballé dans de la paille, était très phosphores- cent le soir même du jour de son arrivée : le corps était rigide mais iln’y avait aucune trace de putréfaction. La phosphorescence se montrait sur tous les points du corps par ilots irréguliers; la paille qui touchait l’ani- mal était également phosphorescente. Le siège 1e la production de la lumière était dans un mueus épais, gluant, répandu partout, principale- ment sur les nageoires. Ce mucus avait une réaction franchement acide. Ce mucus isolé, restait lumineux, une goutte d’ammoniaque déposée à sa surface faisait immédiatement disparaitre la lumière : il en était de même lorsqu'on traitait par l'acide acétique pur. Mais en exposant pen- dant quelques instants seulement la plaque de verre portant ce mucus éclairant aux vapeurs dégagées par un flacon ouvert contenant de l’am- moniaque, la lueur disparaissait il est vrai, mais elle reparaissait facile- ment lorsqu'on exposait ensuite la plaque à l’action des vapeurs d'acide 9392 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE a ————————— — —… —.—. ———_—_—————————…——— —————_———_—_—————...…—— acétique, à la condition que le contact des vapeurs d’ammoniaque n'ait pas été prolongé. Le sulfhydrate d'ammoniaque gazeux faisait disparaître complètement et définitivement la lumière au bout de dix minutes. Un morceau de la peau de cet esturgeon placé sous une cloche au-des- sus du chloroforme a cessé de briller au bout d’un quart d'heure ; remis à l’air libre la lumière a reparu presque aussitôt; placé de nouveau pen- dant une demi-heure sous la cloche la luminosité a complètement dis- paru, elle n’a pas reparu le lendemain. Dans le protoxyde d'azote la lumière persistait le lendemain. Le résul- tat élait identique dans l’hydrogène. Un fragment de peau lumineux a brillé pendant plusieurs heures dans l'acide carbonique à la pression nor- male, le lendemain, il n’y avait pas de lueurs appréciables. L’acide car- bonique à la pression de cinq atmosphère éteint la lumière en quelques minutes. L’oxygène à la pression normale n’a pas exercé une modification ma- nifeste de l'intensité éclairante. Un fragment de peau brillant placé dans l'oxygène à des pressions va- riant entre à et 7 atmosphères s’est éteint progressivement; il ne présen- tait plus au moment où il a été retiré de l'appareil qu'une très faible lueur qui ne s’est pas ranimée à l’air libre. Dans le vide ou mieux dans l'air raréfié à une pression de 4 centimètres de mercure seulement, la lumière a acquis une intensité remarquable qui a duré plus de quatre heures; au bout de ce temps le fragment lumineux a été remis à la pression ordinaire : il brillait le lendemain, mais plus faiblement. Le séjour dans l’eau douce d’un fragment de peau phosphorescent fait disparaître la lumière si ce séjour est un peu prolongé. La lumière persiste pendant longtemps dans l’eau de mer même après avoir exercé une pression de 7 à 800 atmosphères, pendant dix minutes, sur un fragment de peau contenu dans ce liquide. La dessiccation d'un fragment de peau lui fait perdre sa phosphores- cence : elle peut renaître sous l'influence de l'humidité à la condition que la température de ce fragment n'ait pas été portée à 30° pendant la dessic- cation. A la température de 30° environ, à l'air libre ou dans un tube humide, ce mucus perd sa lumière : elle peut reparaître spontanément si on ne dépasse pas cette température. À la température de 40° la faculté photogénique est définitivement perdue. A une température de —6° centig. la lumière disparait au bout de quinze minutes : elle reparait à 2°. Un abaissement de température de — 12° ne fait pas disparaître la fa- culté photogénique qui se manifeste de nouveau à — Le. En appliquant les deux réophores d’un excitateur sur un papier salé où SÉANCE DU A1 AVRIL. 233 l’on à transporté depuis la veille un peu de mucus, on constate avec un courant induit d'intensité moyenne, que la lumière est exagérée aux deux points excités, mais principalement au pôle posiuf; peut-être l'acidité entre-t-elle ici en jeu; l’exagération de la lumière persiste dans les points touchés après l’exeitation. Un petit triangle de papier à filtrer imprégné de ce mucus et placé sur du papier de soie imbibé d’eau salée, était entouré le lendemain d’une auréole ovale très régulière, devenue plus lumineuse que le triangle lui-même : cette auréole débordait le triangle d'un centimètre au moins dans tous les sens, le phénomène s'était développé dans l'obscurité du cabinet noir. La phosphorescence s'étend et se développe rapidement sur la viande de porc fraiche. Il n’en est pas de même sur la morue salée, le porc salé. La luminosité disparaît sur les fleurs de giroflée et de narcisse, mais elle persiste sur la surface d'une coupe verticale faite sur un champignon de couche. Elle se maintient depuis plus de douze heures sur la peau du dos d’une grenouille; mais elle disparait presque immédiatement sur les muqueuses ou la peau d'animaux à sang chaud, même avec réaction légèrement acide. Ge fait s'explique sans doute par l'élévation de la température. On ne saurait donc attribuer à une cause absolument identique les cas de phos- phorescence observés chez l’homme dans quelques maladies : tout au plus y aurait-il analogie. Les cullures que nous avons entrèprises nous renseigneront prochai- nement sur les rapports qui existent entre les microorganismes que l’on rencontre dans ce mucus et la production ou la cessation de la phospho- rescence. FIBRES ARCIFORMES DES HÉMISPHÈRES CÉRÉBRAUX, par M. GAvoy. La substance médullaire des hémisphères cérébraux est formée par des faisceaux de fibres groupés suivant trois systèmes nettement déter- _ minés : 1° des fibres commissurantes, qui unissent les cellules nerveuses d'un hémisphère à leur homologue de l'hémisphère opposé ; 2° des fibres convergentes, reliant les cellules corticales aux noyaux opto-striés; 3° des fibres arciformes, conjuguant lés uns aux autres, dans chaque hémisphère, les divers points de la surface corticale. Les deux premiers systèmes ont été déjà décrits. Mes recherches sur la distribution de ces groupes de fibres m'ont amené à quelques diffé- rences dans les descriptions généralement émises. 23/4 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Le troisième système, indiqué seulement par quelques auteurs, n’a pas été décrit. — On connait sous le nom de fibres propres de Gratiolet, un faisceau qui unit la base de deux circonvolutions; j'ai pu me rendre compte qu'il existe plusieurs autres groupes de fibres arciformes, que j'ai dessinées dans quelques planches encore inédites, décrivant des anses curvilignes à concavité dirigée en dehors, embrassant la base des régions qu'elles relient. A la région antérieure d’un hémisphère cérébral, on trouve un faisceau curviligne, le faisceau arciforme frontal, qui se porte des régions infé- rieures et antérieures de ce lobe aux régions pariétales supérieures: à la région postérieure, un autre faisceau, le faisceau arciforme occipital, décrit une anse du lobulus extremus de l’occipital vers le lobule pariétal supérieur ; un troisième faisceau situé vers la région médiane, le faisceau longitudinal supérieur, réunit la partie inférieure et antérieure du lobe frontal au lobule paracentral et au lobule carré; du lobe occipital, un faisceau de fibres, le faisceau longitudinal inférieur, pénètre dans le lobe sphénoïdal, se dirige en avant où il s’'épanouit, et probablement aussi vers l’insula; enfin un faisceau, les fibres arciformes moyennes, relie la partie postérieure du lobe frontal à la partie antérieure et supérieure du lobe sphénoïdal, en décrivant une courbe qui embrasse les circonvolutions de l’insula, traverse l’avant-mur et forme une partie de la substance innominée. Les dispositions que je viens d'indiquer des fibres arciformes de l’hé- misphère ont été constatées à l’aide de coupes minces successives sur des cerveaux frais et à l’aide de pièces durcies par une méthode qui permet de décliver la substance médullaire aussi facilement qu’un faisceau de fibres ligneuses, ainsi que je le fais devant vous sur cet hémisphère céré- bral. Cette pièce a été préparée par un procédé analogüe à celui que M. Luys a employé pour préparer les pièces naturelles qu'il a présentées à l’Académie des Sciences pour la démonstration de la marche des fibres convergentes. ATTÉNUATION DU VIRUS RABIQUE PAR SON PASSAGE DANS L'ORGANISME DE LA POULE, par le D' PAUL GIBIER (1). Le 25 février 1884, je présentais à l’Académie des Sciences une note où J'établissais que les oiseaux et notamment les poules peuvent contrac- ter la rage et guérir spontanément. Voici, en effet, le premier coq qui m'a servi, il y à plus d’un an, à faire ces expériences : on peut voir qu'il 1. Travail du Laboratoire de Pathologie comparée du Muséum d'Histoire naturelle, 19 Co (214 SÉANCE DU 11 AVRIL. est aujourd'hui bien portant et vigoureux. Je terminais cette note en disant que j'aurais à rechercher si les oiseaux peuvent contracter deux fois la rage et si le virus rabique subit des transformations en s’acclima- tant chez ces animaux, J’ai prouvé que les oiseaux ne peuvent contrac- ter la rage qu'une fois; il me restait à connaitre les modifications du virus après son acclimatement sur la poule. Je présente aujourd'hui un chien qui a été inoculé une première fois le 22 mai dernier par injection sous-cutanée de trois gouttes d’une dilution de matière cérébrale prove- nant d’une poule inoculée elle-même dix-sept jours auparavant avec une parcelle de cerveau d’un coq atteint de rage expérimentale. En même temps que ce chien et avec le même virus un cobaye et un rat furent inoculés par injection intra-crânienne; ces deux animaux moururent après avoir présenté les symptômes ordinaires de la rage. Quant au chien qui avait recu l’inoculation sous la peau du crâne, il éprouva, vingt-cinq jours après cette opération et pendant toute une semaine, des accidents, peu graves du reste, caractérisés surtout par de l'inappétence, des vomissements et de la tendance au repos, puis il se remit complètement. Deux mois après, le 25 juillet, une deuxième inoculation fut faite au chien, de la même manière et dans le mème point, avec une dilution de substance cérébrale rabique prise sur un coq contaminé par du virus provenant d’un mamumifère (rat). L'inoculation intra-crânienne fut faite simultanément à un.cobaye et à un rat qui suceombèrent avec les symp- tômes et dans les délais habituels. Le chien ne présenta rien d’anormal. Le 27 octobre, une troisième inoculation sous-cutanée fut pratiquée selon le même procédé avec de la substance cérébrale rabique de rat. Au bout de trois mois l’animal était toujours bien portant. Enfin, pour éprouver d'une facon certaine si l’immunité lui était acquise, le 24 janvier 1885, j'inoculai mon chien dans la chambre anté- rieure de l’œil droit préalablement ponctionnée (1) quatre gouttes d’une dilution de matière nerveuse prise sur le bulbe d’un chien mort de rage commune et sortant de l'infirmerie de M. Bourrel, le vétérinaire bien connu. Un jeune chien d’un an fut inoculé de la même manière pour servir de témoin; il succomba à la suite d'un accès de rage furieuse, le 9 février, seize jours après l’inoculation. Voici quels furent les symptômes éprouvés par le chien que je pré- sente aujourd’hui : le {1 février on le trouva triste, les yeux larmoyants et jetant un liquide spumeux par les narines; il se tenait couché dans un coin de sa cage, sans manger. Il resta ainsi pendant trois jours, puis se rétablit complètement. Aujourd'hui, comme on le voit, il est dans un par- fait état de santé. 4. Paul Gibier. — Recherches expérimentales sur la rage. — Asselin et Houzean, 1884. 236 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Il serait désirable, je le reconnais, d’avoir plusieurs cas semblables pour se prononcer. Sans un accident qui m'est arrivé, j'aurais sans doute deux chiens réfractaires à la rage à présenter, au lieu d’un, car j'avais primitivement inoculé deux chiens, le 22 mai 1884, mais à la seconde inoculation comme l’un de ces animaux était très méchant et ne voulait pas se laisser approcher, je lui fis dans le membre postérieur en me ser- vant de la cage de sûreté une injection de morphine qui produisit des effets désastreux, car l’animal ne s’en rétablit pas et mourut dans la nuit suivante ; il avait résisté à la première inoculation sous-cutanée de virus provenant de la poule. S'agit-il réellement ici d’un cas de vaccination, ce qui me semble très probable, ou bien suis-je tombé par hasard sur un chien naturellement réfractaire? C'est ce que je serais certainement en mesure de dire si je disposais de moyens suffisants pour faire des recherches-de cette nature. Quoi qu'il en soit, ce fait bien qu'isolé, me semble mériter d’être pris en considération. En résumé, si l’inoculation intra-crânienne du virus rabique prove- nant de la poule, amène la mort chez le chien, cette inoculation prati- quée suivant la méthode que je viens d'indiquer, paraît n'être pas suivie d'accidents mortels et conférer à cet animal l’immunité contre la rage. Etant donnés les résultats que j'ai obtenus avec le froid (1), il se pour- rait que l’inoculation hypodermique de virus refroidi à 40° produisit les mêmes effets : c’est ce que je me propose de mettre à l'épreuve. 1. Académie des Sciences, 11 juin 1883. Le gérant : G. Masson. Paris. — Imprimerie G. Roucier et Cie, rue Cassette, I, SÉANCE DU 18 AVRIL 1885 E. Gzey et Un. Ricuer : Sensibilité gustative pour les alcaloïdes. — Cu. Ricuer : Cic- tion toxique suivant la température. — J. V. LaBorne : Prétendus succédanés de cocaine comme anésthésiques locaux de l'œil. — Action physiologique de la cocaine amorphe et de la cocaïne liquide comparée à l’action de la cocaïne cristallisée. — Cu. Féré : Nécropathie et dynamogénie. — H. BeaureGaRD : Structure des élytres et des ailes des vésicauts. — Browx-Séquarp : Transfert de l'anesthésie, de l'hypé- resthésie, de la paralysie. de la contracture, de l'hypothermie et de l'hyperthermie, causées par des lésions organiques. — Brown-Séquard : Nouveaux faits relatifs à la rigidité cadavérique. — F. Tourxeux : Développement de l'épithélium et des glandes du larynx et de la trachée chez l’homme. Présidence de M. Hanot. DE LA SENSIBILITÉ GUSTATIVE POUR LES ALCALOÏDES. Note de MM. E. GLEY et CH RICHET.… L'un de nous a présenté à la Société de Biologie une note (1) sur la sensibilité gustative pour les divers métaux. La conclusion était qu'il fallait, par exemple, un milligramme environ de cuivre par litre, 4 mil- lig. d'argent, 10 millig. de mercure, pour que ces métaux fussent appré- ciables par le goût. Il nous a paru intéressant de rechercher quelle était la limite pour les alcaloïdes dont l’amertume est, en général, très considérable; jusqu'à présent, aucune recherche méthodique d’ensemble n'a été faite sur ce point. Comme dans nos recherches antérieures, nous avons constaté que la sensibilité gustative varie suivant les personnes qui expérimentent, et varie même quelquefois suivant l’état physiologique ou psychologique _ d'une personne donnée. é Quelques précautions sont à prendre; d'abord il ne faut pas employer d’eau distillée, comme cela était nécessaire quand il s'agissait de solu- üons métalliques (l'eau contenant des sels qui précipitent les métaux lourds). En second lieu, il faut prendre la même quantité volumétrique du liquide, attendu que ce n’est pas seulement la dose relative, dilution plus ou moins grande, mais encore la quantité absolue de substance qui joue un rôle. Enfin, il faut mettre un certain intervalle entre les essais (4) Buliet. de la Soc. de Biol., 29 décembre 1883. Brarocre. Comptes RENDUS. — $6 SÉRIE, r. U, n° 43, 238 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. gustatifs; car il y a des arrière-goûts, des post-sensations, qui persistent parfois fort longtemps. Nous avons pris comme limite, non pas la plus ou moins grande amer- tume, car certains alcaloïdes provoquent des sensations tout autres que l’amertume, mais les saveurs, quelles qu'elles soient, et nous: avons ainsi déterminé, par comparaison avec l’éau ordinaire, quelle est la quantité d'alcaloïae, dissoute à l'état de sel dans un litre d'eau, qui peut, lorsqu'on prend 5 centimètres cubes de la solution, se distinguer de l’eau ordinaire en égale quantité. I va sans dire que ces chiffres sont loin d'être coloc mais, toute- fois, les expériences étant faites dans les mêmes conditions, ils sont comparables entre eux. Pour quelques substances l'amertume ou la saveur n'est percue qu'à la base de la langue ; ainsi, pour la stryehnine el surtout pour le sulfate de quinine, ce n'est qu'en goûtant tout à fait à la base qu on peul recon- naitre des solutions dilué Voici les chiffres que nous avons obtenus : Degré de la Quantité de substance Alcaloïdes dilution Des litre nécessaire pour étre S pes ue Stry chnine monochloré ce. FAN De 0006 0 000003 Sirychnine et Un OU 0,00000% Nicotine (1) 0, 003 0,000015 21 50° Éthylstrpgchnine ot : 6, : 004: ©: 0,00002 17 Quinine ( fs 0, O0 0,00002 Coichicine 0, 0045 0,0000225 Cinchonime 0, O16 0,00008 Vératrine O, 02 6,0001 Pilocarpine 0, 7025 0,000125 Atropir.e 6, 03 0,00015 Aconitine (2)n © 0505 0,00025 Cocaïne 0, 15 0,00075 Morphine 0, 45 0,00075 Méthylamine OA S 0,00075 Ammoniaque 0, 4 0,002 Urée 714 5 0,035 (4) A cette dose, la nicotine donne lieu, non pas à une sensation gustaltive, mais à une sensation olfactive ; la preuve, c’est que la sensation produite dis- parait, si on se bouche le nez. Il faut aller jusqu'à la dose de 05, 4 par litre pour éprouver sur la langue, le nez bouché, une sensation ire qui n’est PAS non plus une sensation, à proprement parler, gustative, mais tactile. f2) Pour l'aconitine, même obsérvalion que pour la nicotine. a sent une 5 eur nettement vireuse, Maïs qui n'est pas vraiment une saveur : c'est une odeur qui disparait quand on se bouche le nez, SÉANCE DU 1À8 AVRIL. . 239 a ————————————— a — il résulte de ces faits que la dose sensible à la gustation est extrême- ment variable, puisqu'il fautune dose 2000 fois plus considérable de morphine que de strychnine pour éveiller une sensation. On remarquera aussi qu'il n'y a pas de rapport entre la toxicité et l'amertume, puisque l’atropine, beaucoup plus texique que la quinine, est cependant bien moins sensible au goût. DE L'ACTION TOXIQUE SUIVANT LA TEMPÉRATURE. Note de M. Cu. RICHET. J'ai montré (4) que chez les animaux à sang froid l'élévation de la témpérature rend les poisons plus dangereux; ainsi, un poisson, par exemple, qui vit quatre heuresdans une solution contenant 5 gr. de KE par litre, à 45°, ne peut vivre que trois quarts d'heure dans la même so - lution, si la température en est de 24°. L'expérience suivante, très simple, démontre le même fait d'une ma- nière assez élégante. Il s’agit de prouver que la température rend les substances toxiques, en s'élevant, plus toxiques. On prend pour cela de l'urine fraiche qu'on ensemence avec quelques gouttes d'urine putréfiée, et à laquelle on ajoute une quantité de bichlo- rure de mercure telle que l'urine contienne par litre 0, 05 de sel. On sépare l'urine en deux parties ; l’une est laissée au froid, à la température ordi- naire de 40 à 15°, l’autre est mise dans l’étuve à 40°. Or, toujours l'urine mise au froid est putréfiée au bout de 5 ou 8 jours, tandis que l'urine mise à l’étuve demeure inaltérée indéfiniment. Ainsi dans ce der- nier cas l’action toxique du mercure sur les microbes est considérable- ment augmentée. IL va sans dire que la quantité de 0,05 par litre ne doit pas être dépassée, elle doit être atteinte; car en decà, comme au delà de cette limite, l’ex- périence ne réussit pas. |. DES PRÉTENDUS SUCCÉDANÉS DE LA COCAÏNE COMME ANESTHESIQUES LOCAUX DE L'ORIL : LA CAFÉINE ET LA THÉINE. IL. DE L'ACTION PHYSIOLOGIQUE DE LA COCAINE AMORPHE ET DE LA COCAINE LIQUIDE (de DUQUESNEL) COMPARÉE A L'ACTION DE LA COCAÏNE CRISTALISÉE, par M. J. V. LABORDE. 1. L'analogie chimique et certaines analogies dans l’action physiologique générale ont pu faire présumer que la caféine, la théine, la {héobromine, (1° Bullet. de la Soc, de Biol. 1883, p. 587. 240 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE el en général les alcoloïdes de cette famille chimique, possédaient la remarquable propriété d’anesthésiation locale de la cocaïne, notamment celle qu'elle exerce sur la conjonctive cornéenne. Il est même des auteurs qui affirment avoir constaté ces effets avec la caféine. Je ne sais de quelle caféine ils se sont servis, mais de nombreux essais, dont j'avais, d'ailleurs, déjà dit un mot à la Société lors de mes premières communications sur la cocaïne, de nombreux essais, dis-je, réalisés avec des produits (caféine et théine) préparés avee le som habituel qu'il y met, par M. Duquesnel, et d'une pureté chimique non douteuse, m'ont donné constamment des résultafs négatifs à ce sujet. Jamais, quelque insistance que j'y ai mise, je n'ai pu déterminer, avec des solutions suffisamment concentrées, une insensibilisation notable de la cornée : c’est tout au plus si j'ai obtenu, avec la caféine un certain degré de mydriase persistante, chez le lapin. Le seul produit de la même série, qu ‘il ne m'a pas été encore possible d'expérimenter, à ce point de vue, n’en ayant pas eu dont la pureté pût m'être garantie, à ma disposition, c’est la mathéine. J'espère être bientôt en mesure de combler cette petite lacune. Qu'il me soit permis de répéter, à ce propos, que l’une des conditions ‘ssentielles de la production de l'anesthésie localisée de l'œil, à l’aide d'un des alcaloïdes végétaux qui possèdent la propriété d'agir localement sur les expansions nerveuses sensitives, et même sur les trones nerveux avec lesquels ils sont mis en contact (et cette propriété appartient à presque tous les alcaloïdes véritablement actifs), la condition essentielle, dis-je, est que ces substances ne soient pas douées d’une action érritante capable de provoquer immédiatement l'injection, la congestion, et consé- quemment l'inflammation des tissus avec lesquels ils sont mis en contact : d’où résultent l'hyperesthésie et la douieur qui sont la suite nécessaire de cet état pathologique, c’est-à-dire un effet tout contraire de celui que l’on cherche, l'anesthésiation. Les phénomènes d'irritation locale sont particulièrement déterminés sur la conjonctive oculaire, qui s'y prête d'une facon presque excep- tionnelle; et c’est pourquoi, 1l est d’une grande difficulté de doser cer- tains alcaloïdes de manière à éviter ces effets irritatifs, qui s'opposent fatalement à leur action anesthésiante. Toutefois, ce n’est pas là le cas de la caféine et de la théine, dont nous parlons tantôt : l'inertie de ces substances, relativement à l'anesthésiation locale de l'œil, ne tient pas à une action irritative de leur part; mais à leur propriété véritablement négalive, à cet égard. Il n’en est pas de méme des deux autres produits; que nous avons déjà signalés : un glucoside du Boldo, et une gelsémine cristallisée, dont nous sommes parvenu, pour le premier surtout, à déterminer le dosage approprié à l'action anésthésique locale, sans l'effet irritatif contra- SÉANCE DU 48 AVRIL. 241 riant. J'attends d'etre en possession d'une nouvelle provision de ce pro- duit, en ce moment épuisé par nos précédentes expériences, pour entre- tenir la Société de ces résultats particuliers. IL. Mais je tiens, en terminant, à montrer, par deux nouveaux exemples, combien peuvent différer par leur action physiologique ou certaines par- ticularités de cette action, les substances les plus voisines par leur pro- venance et leur composition chimiques. Mes collègues, que cette question intéresse — et elle est des plus intéressantes — n'ont peut-être pas oublié qu'il est à peu près de règle — comme l'ont démontré les recherches de mon excellent collaborateur pour la partie chimique, M. Duquesnel — que les plantes actives renferment plusieurs principes immédiats : Une base principale cristallisée, une base amorphe, et souvent une base liquide, produit de transformation ou d’altération. Ce fait établi par nous pour l’aconit et l’aconitine, s’est parfaitement vérifié pour la coca et la cocaïne. Je vous ai montré, en effet, les trois produits retirés de la coca : la cocaïne cristallisée et ses diverses combi- naisons salines, dont nous nous sommes presque exclusivement occupé jusqu’à présent dans nos études/physiologiques ; puis une cocaïne amorphe et neutre, et une cocaïne liquide, que je vous représente aujourd'hui. Eh bien ! il résulte des recherches expérimentales que j'ai faites avec ces deux derniers produits, que tandis que le produit liquide est doué de propriétés très actives, se rapprochant beaucoup de celles de la cocaïne cristallisée, surtout au point de vue de la toxicité et du caractère convul- sivant de ses effets, la cocaïne neutre, amorphe peut être relativement considérée comme étant absolument inactive. Mais, en outre, ni l’une ni l’autre de ces substances ne produisent aucun effet anesthésique sur la conjonctive oculaire; loin de là, la co- caïne liquide provoque, par son action irritative violerte, une hvperalgie très accusée, avec larmoiement abondant. Voilà donc trois produits extraits de la même plante, de la même partie de cette plante (feuilles), pouvant et devant, en conséquence, être consi- dérés comme de véritables « frères » chimiques, — et qui offrent une remarquable différence au point de vue de leur action physiologique. C'est une nouvelle confirmation du principe physiologique, qui peut. eroyons-nous, être dès à présent érigé en loi, et que nos recherches expérimentales sur les alcaloïdes de l’aconit, du quinquina, etc, el même sur certains produits minéraux, notamment les bromures, ont contribué à établir, à savoir : Que la parenté chimique n'implique pas nécessairement la même action physiologique; et que les plus légères variétés en apparence du côté botanique, entrainent, du {côté physiolo- gique des différences appréciables, même quand il s’agit de produits isomères. 9249 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE D'où — il faut le répéter sans relâche — la nécessité inéluctable de l'expérimentation préalable appliquée à l'étude et à la connaissance de toute supstance médicamenteuse. NÉVROPATHIE ET DYNAMOGÉNIE, par M. Cu. FÉRÉ. . Dans ma dernière conimunication j'ai essayé de montrer l'influence momentanée de l'excitation psychique et de certaines excitations exté- rieures sur l'énergie dela contraction musculaire mesurée à la maïn par le dynamomètre. J'ai signalé l’excitabilité plus considérable des névro- pathes et en particulier des hystériques. Je rapporterai aujourd'hui une série d'expériences pratiquées sur un sujet de ce genre et bien propres à mettre en lumière la légitimité de mes conclusions en exagérant les résultats. Il s'agit d'une hystérique du service de M. Charcot, d'une grande hystérique hypnotisable. Elle est anesthésique double, mais avec prédo- minance à gauche; une série d’explorations dynamométriques à l’état de veille, nous montre que sa force de pression est en moyenne de 23 pour la main droite et de 15 pour la main gauche. Cette force est peu considé: rable, surtout eu égard à constitution en apparence vigoureuse de cette femme; mais on sait qu'en général les hystériques ont une faiblesse musculaire manifeste surtout du côté où prédomine aussi l’anesthësie. Les expériences ont été faites à des intervalles plus ou moins longs et toujours précédées d’une exploration dynamométrique permettant de constater que la moyenne n’était pas modifée : la constance du résultat nous met à l'abri de toute cause d’erreur provenant de la volonté du sujet. Les chiffres suivants nous paraissent suffisamment expressifs : À droite A gauche as Force dynamométrique normale. . | 23 15 b. F. Après vingt mouvements passifs de flexion des doigts de la main droite. “ie A 44° C. p° Après vingt mouvements actifs bLnEs î 45 20 d. F. Après avoir compté jusqu ‘à quarante-cinq. À 4 24 e. F. Après un effort pour additionner mentale- ment les deux BOITES B00 EL TA NAN #1 36 ‘Ges:chiffres montrent bien que dès qué l’intélligence intervient dans le mouvement, l’action dynamogénique de l'excitation qu'il a produite SÉANCE DU 418 AVRIL. 243 Ut hat Res nn ns Li Le M ERRES PR RE A tend à diffuser du côté opposé ; eb dans l'effort intellectuel, il y a une certaine tendance à l’équilibration de la force des deux mains. Les hallucinations provoquées qui exagèrent aussi la force dynamo- métrique peuvent servir à confirmer ce résultat. | À droite A gauche f. F. Après vingt mouvements actifs du membre 1 e inférieur droit (flexion des deux segments). . . 46 28 - Getie expérience montre que l'exercice d’un membre inférieur & une action dynamogénique prédominante sur le membre supérieur du même: côté; quelquefois même cette action est exclusive au membré corres- poñdant. La synergie des deux membres du même eôté est encore: misé en évidence par ce fait, que lorsqu'on fait un effort de là main: droite, par exemple pour serrer le:dynamomètre, c'est dans le membre inférieur droit, .et en particulier dans le triceps fémoral que l'on éprouve une sensation de contraction qui quelquefois s’effectue réellement. On peut peut-être légitimement conclure de ce fait que l'exercice d'un: membre dynamogénise l’autre en évoquant dans son centre psychique : des représentations motrices, qui peu à peu diffusent du côté opposé. Nous pouvons indiquer à ce propos des chiffres qui montrent bien,: comme nous le disions dans la dernière séance, que le développement, de l'énergie du mouvement sous l'influence de la représentation mentale de ce mouvement : 16 g) La main droite du sujet.est étendue sur son genou, l'expérimentateur place sa propre main droite à proximité, fixe sur elle l'attention du sujet: et répète vingt fois le mouvement de ‘lexion des doigts; à ce moment, là force dynamométrique de Ia main droite du sujet est de 46 au lieu de 23, elle à doublé, celle de la main gauche est un peu diminuée (12 au: lieu de 16). Cette diminution de la force du côté gauche nous montre que lorsque là force psychique est dirigée avec intensité sur un membre, il se fait une sorte de compensation aux dépens des autres. Le même effet est constaté lorsque dans le somnambulisme on suggère à un sujet qu'il est doué d’une: grande force dans un membre celle du congénère diminue : inversement lorsqu'on provoque une paralysie psychique d'un membre, l'énergie de l’autre s’exagère, il y a moins perte que modification de distribution. Si ce caractère était général dans les hémiplégies par suggestion il four- nirait une donnée importante pour le diagnostic; car on sait que dans les hémiplégies par lésion cérébrale matérielle, il y à au contraire diminution de la force du côté opposé. J'avais cru pouvoir déduire de certaines observations que l'excitation sénésique est capable de déterminer une augmentation momentanée de la force dynanmiométrique. En cherchant ia confirmation de cette propo- sihion j'ai été amené à la découverte de quelques faits intéressants, ; Dei SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. M. Chambard a signalé chez certains somnambules l'existence de zones érogènes, dont l'irritation provoque des sensations de congeslion des organes génitaux et des idées érotiques. Ces zones qui se rencontrent principalement sur le cou et sur les parties voisines du thorax et de la tête ne perdent pas leurs propriétés à l’état de veille; elles existent d'ail- leurs chez un grand nombre de sujets qui n’ont jamais eu d'attaques de somnambulisme spontané ou provoqué, peut-être existent-elles chez tout le monde à un certain degré. Dans l’idée de rechercher si ces zones excito-génitales étaient en même temps excito-motrices, j'ai exercé sur elles une compression légère et j'ai constaté que la pression dynamomé- trique s'élevait à 38 ou 40, à gauche à 32 ou 36 suivant qu'il s'agissait d'une zone cervicale ou d’une zone sternale qui offrent une activité diffé- rente. Sur ce même sujel j'ai exploré les zones hystérogènes au même point de vue, et j'ai pu m'’assurer qu'elles sont dynamogènes dans la même mesure que les zones érogènes. J'ai constaté en outre l'existence de zones dynamogènes pures sur lesquelles la pression la plus énergique ne produit rien de plus qu'une exagération de la pression dynamomé- trique. Deux zones de ce genre situées latéralement en arrière du bregma de chaque côté de la ligne médiaire exercent une action croisée sur les mains dont elles élèvent la pression jusqu’à 42 pour la main droite, jusqu'à 35 pour la main gauche. Ces faits sur lesquels je ne veux pas insister plus longuement pour le moment, me paraissent établir un lien entre les actions dyna- mogéniques et les actions convulsivantes (zones hystérogènes, zones épileptogénes), les secondes n'étant que l'exagération des premières, et nous permettent de comprendre comment des excitations dynamo- géniques, comme l'exercice intellectuel , si elles sont exagérées, sont susceptibles de déterminer des états névropathiques plus caractéri- sés, et susceptibles de se transmettre par hérédité, exactement comme les cochons d'Inde qui rendus épileptiques par des excitations périphé- riques, comme dans les expériences de M. Brown-Séquard, transmettent leur névrose à leurs descendants. Je reviendrai ailleurs sur le rôle patho- génique du surmenage intellectuel. STRUCTURE DES ÉLYTRES ET DES AILES DES VÉSICANTS, par M. H. BEAUREGARD. On sait que les Vésicants se font remarquer parmi les Coléoptères, par la mollesse de leurs élytres. J'avais pensé qu'ils le devaient à la compo- sition chimique de leurs téguments qui renfermeraient des proportions SÉANCE DU 18 AVRIL 245 de sels moindres que chez d’autres espèces. Il ne paraît pas en être ainsi; mais l'étude de la structure de ces organes nous rend parfaitement compte de cette particularité. J'ai en effet étudié comparativement les élytres de certains coléoptères à téguments durs (Geotrupes) et celles des Vésicants et voici ce que j'ai vu : Chez tous les Vésicants, l’élytre est formée de deux couches de chitine superposées, mais séparées l’une de l'autre par un espace où cir- culent des trachées et où se trouvent des cellules hypodermiques et du sang. Les deux couches de chitine sont en continuité par les bords mar- ginal et sutural de l’élytre. De plus, de place en place, sur les coupes surrénales à la surface de l'organe, on apercoit des travées qui unissent entre elles les deux surfaces chitineuses. J'avais pensé tout d’abord que ces travées pouvaient représenter la coupe des plans longitudinaux répondant aux nervures de l'élytre, mais par des coupes dans différentes directions, j'ai bientôt pu me convaincre. que lesdites travées sont simplement des piliers d'écartement qui sou- tiennent les deux lames de l’élytre, mais ne répondent pas à des plans qui diviseraient l’espace compris entre elles en logettes distinctes. Ces piliers d'écartement se retrouvent chez tous les Vésicants avec leurs mêmes caractères c'est-à-dire grèles, relativement écartés, plus ou moins étalés à leur extrémité inférieure (Meloe). Quand on examine en surface les élytres des Vésicants, on observe à des distances assez irrégulières, des poncluations un peu enfoncées, ordi- nairement réfringentes arrondies, qui ont été signalées par certains observateurs mais n'avaient pas été expliquées. Ces ponctuations ne sont autre chose que les bases des colonnes d’écartement dont nous venons de parler. Les coupes sur les élytres dures de Geotrupes donnent une tout autre apparence. D'abord les lames chitineuses sont beaucoup plus épaisses, et ne laissent entre elles qu'un espace très restreint qui se réduit encore considérablement par l'épaisseur des piliers d'écartement. Si bien que l’élytre est pour ainsi dire formée d’une seule lame de chitine épaisse, dans laquelle quelques cavités où circulent l'air et le sang, se recon- naissent avec peine. Ainsi s'explique facilement la différence de consis- tance entre les élytres des deux types ci-dessus. Ailes. — L'aile membraneuse des Vésicants comme celle de tous les coléoptères se replie transversalement dans sa partie postérieure pour se loger sous les élytres. Mais la portion qui se replie ainsi est peu considé- rable, le mécanisme de cette aile est le suivant : Deux nervures principales, l’une marginale, l’autre médiane s'étendent de l'articulation de l'aile vers son bord postérieur (extrémité externe à l'état d'extension). La nervure marginale fait saillie à la surface supé- rieure de l'aile, la nervure médiane fait saillie à la surface inférieure: 246 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. elle est en outre couverte de poils. Toutes deux sont séparées par un assez large espace où la chitine est mince. Quand les muscles qui doivent déplisser l'aile tirent la nervure mar- ginale au dehors et en avant, la nervure médiane frotte sur le dos de l'insecte, oppose une certain résistance à l'entrainement, et la portion chi- tineuse plus mince qui sépare ces nervures et qui était plissée longitudi- nalement se déplisse. C’est à ce moment que se déplisse aussi l'extrémité postérieure de l'aile qui était pliée transversalement. Pour comprendre ce dernier mouvement qui est absolument automatique, je renverrai aux applications données par M. Chabr, il y a quinze jours, et j'ajouterai que dans le eas particulier qui m'occupe, l'automatisme paraît dû àäee fait que chacune des nervures, la marginale et la médiane envoie une petite branche transversale. Que les extrémités de ces branches restent écartées l’une de l’autre par un certain espace, rempli par la chitine, mais qu'en somme ces deux extrémités sont indissolublement liées lune: à l’autre, si bien que lorsque l'une d'elles change de plan, l’autre est ‘éntrainée dans une nouvelle direction. Si nous supposons l'aile ouverte; et allant se fermer lorsque les deux nervures se rapprochent, leurs branches! transversales d'abord parallèles deviennent perpendiculaires l’une à l'autre, et dans ce mouvement l'inférieure seule change de direction et entraîne avec elle la portion inférieure de laile qui se plisse. DU TRANSFERT DE L’'ANESTHÉSIE, DE L'HYPERESTHÉSIE, DE LA PARALYSIE, DE LA CONTRACTURE, DE L'HYPOTHERMIE ET DE L'HYPERTHERMIE, CAUSÉES PAR DES LÉSIONS ORGANIQUES; par M. BROWN-SÉQUARD. Il ya déjà longtemps que j'ai montré que l'anesthésie qui suit la section : d’une moitié latérale de la base de l’encéphale (la droite, par exemple) peut étre transférée du membre abdominal du côté opposé (le gauche) au membre abdominal du côté correspondant {le droit), si Von vient à couper la moitié latérale gauche de la moelle dorsale. Si la lésion encéphalique a produit de l’hyperesthésie à droite, la lésion médullaire peut la trans- férer de droite à gauche, de sorte que l’on peut voir l'anesthésie retu- placer l'hyperesthésie au membre abdominal droët et une augmentation de sensibilité se substituer à la perte de cette propriété au membre abdomi- nal gauche. W ÿ à donc alors, à la fois, transfert d’anesthésie et d’hyper- esthésie, ' J'ai aussi depuis longlemps fait savoir que la paralysie due à une lésion encéphalique peut disparaitre des membres où elle s’est montrée et, sous l'influence d’une nouvelle lésion encéphalique, apparaître dans les mem SÉANCE DU 18 AVRIL. 241 nn NU à. du Ne di bres restés sains après la première Iésion. Ainsi, par exemple, je fais sur un jeune chat une section transversale de la totalité des fibres du pédon- cule cérébral, à sa partie supérieure, à droite, et j'observe un degré assez marqué d'hémiplégie à gauche. Je coupe alors transversaléement la moitié droite de la protubérance annulaire (lésion qui, le plus souvent, chez les jeunes chats, détermine une paralysie directe) el je vois simultanément une hémiplégie très considérable survenir à droite et disparaitre, plus ou moins complètement, celle qui existait à gauche. Un transfert de pa- ralysie a —lonc lieu alors de gauche à‘droite. J'ai souvent observé le transfert de la contracture, surtout à la suite d'irritations périphériques. Ainsi, après avoir versé du chloral anhydre dans le canal auditif externe d’un chien, à droite, par exemple, je vois survenir de la contracture au membre antérieur droit. Je verse alors du chloral anhydre dans l'oreille gauche et tout aussitôt je vois disparaitre la contracture du membre antérieur droit et je constate que celle-ci se montre au membre antérieur gauche, un transfert ayant ainsi lieu d’un côté à l’autre (1). Dans ce cas il y a, sous l'influence de la première irritation, une augmentation rapide de la puissance d'action de certaines parties de la moelle épinière ou des nerfs brachiaux, du côté correspondant (à droite). C'est là un de ces actes que j'ai appelés dynamogéniques. Au moment de la seconde irritation il y a inhibition de l’état morbide à droite et simultanément dynamogénie à gauche. Quant au transfert de l'hypothermie et de l’hyperthermie, jemeborne- rai à rapporter quelques faits expérimentaux qui en démontrent l’exis- tence, laissant de côté, pour le présent, les questions si controversées touchant les modes d'influence du bulbe rachidien et de la moelle épinière sur les vaisseaux sanguins et la température des membres (2). Sur un chien épagneul, vigoureux, je constate que là température _ rectale est de 39, 4 et que les masses musculaires des deux jambes sont à 38°, 45. Je coupe la moitié latérale gauche de la moelle cervicale entre l’axis et la troisième vertebre et je trouve au rectum 39°, 7, à la jambe gau- che 39,1, à la droite 38°,7. La température générale (3) s’est donc élevée de 0°, 3 et celle de la jambe gauche de 6°, 65. Je coupe alors la moitié (1) Gette expérience réussit en moyenne chez deux ou trois animaux sur dix. J'en ai été souvent témoin non seulement sur des chiens, maäis aussi sur des lapins et des cobayes. (2) Voyez à l'égard de ces questions l'euvrage classique de M. Vulpian : — Lecons sur l'appareil vaso-moteur. Paris, 1875 et en particulier les lecons 5e, 6re et 72% (vol. I.) et la lecon 20%: (vol. Il). (3) Je n'ai pas besoin de dire qu'une élévation de température après une lésion de la mcelle épinière ne s’observe que très rarement. Chez l'homme on en a signalé üne Vingtaine de cas, à ma connaissance. Chez les animaux, je ne l'ai constatée que trois ins Sur un nombre immense d'expériences: 248 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. latérale droite de la moelle épinière, entre la sixième el la septième des vertèbres dorsales, et je trouve aussitôt après, 36°, 2 à la jambe gauche, 38°, 8 à la droite. Un peu plus tard la température rectale s'étant élevée jusqu’à 41°,2, la jambe droite a eu 39°, 8 et la gauche 38°, 5. Il y a donc eu un transfert d’hyperthermie relative de la jambe gauche à la droite et d'hypotherimnie relative de la jambe droite à la gauche. En effet, après la seconde lésion la jambe gauche a passé de 39°, 1 à 36°, 2, puis, le sang devenant plus chaud, à 38°, 5 en même temps que la droite passait de 38°, 7 à 38°, 8 puis à 39°, 8. Sur un chien griffon de moyenne taille, la température rectale était de 38°, 8 et les deux jambes étaient à 38°, 6. Je coupai le bulbe, dans sa par- tie postérieure à droite, et le rectum donna presque aussitôt après, 38°, 6, la jambe droite 38, 2 et la gauche 37°, 6. Je fis alors une hémisection com- plète de la moelle, à la hauteur de la septième vertèbre dorsale, à gauche, et jetrouvaiaurectum38°, 2, à la jambe gauche 37°,2 et à la droite 35°, 9. Après la première lésion la jambe droite avait 0°, 6 de plus que la gau- che ; après la seconde l’inverse existait : la gauche avait deux degrés de olus que la droite. Il y a donc eu transfert d'états thermométriques d’un membre à l’autre : le plus chaud est devenu le moins chaud et vice versd, Sur un gros lapin, la température du rectum étant à 38°,9 les deux jarrets étaient à 37°,4. Je coupai la moitié latérale droite de la moelle cervicale et la température rectale tomba rapidement à 37°,9, le jarret droit marquant 36°,1 et le gauche 35°. Je fis alors la section de la moitié gauche de la moelle dorsale (niveau de la septième vertèbre) et je trouvai au jarret gauche 35°,8, au droit 35°. IL y a donc eu, dans ce cas, comme dans les précédents, transfert d'hyperthermie et d'hypothermie relatives d’un côté à l’autre. Un grand nombre d’autres expériences sur des chiens, des lapins et des cobayes m'ont donné des résultats analogues à ceux que j'ai observés dans les trois cas dont je viens de donner les principaux détails. Il n'est pas douteux conséquemment que des paralysies et des contractures vasculaires dépendant d’une lésion du bulbe ou de la moelle cervicale et donnant origine à des différences de température entre les membres abdominaux, peuvent être transférées d’un côté à l’autre par suite d'une lésion à la moelle dorsale. Dans ces cas, comme dans ceux de transfert d’anesthésie, d'hyperes- thésie, de paralysie et de contracture, il y à, ainsi que je crois l'avoir démontré à l'égard de l’anesthésie et de l'hyperesthésie (1), tout autre chose que de simples effets de section de conducteurs. Il y a des effets dynamiques, se produisant à quelque distance des parties irritées méca- niquement (ou chimiquement lorsqu'on verse du chloral dans l'oreille) (4) Voyez mon travail intitulé : Recherches expér. et cliniques sur l’inhibition et la dynamogénie. Paris, 1882, p. 32. Hd SÉANCE DU J8 AFRIL. LL = =) et consistant soit en une diminution (inhibition), soit en une augmentation (dynamogénie) de certaines puissances. L'anesthésie, la paralysie des membres ou des vaisseaux sanguins sont des phénomènes d'inhibition, la contracture des muscles des membres ou des fibres musculaires des vaisseaux et l'hyperesthésie sont des phénomènes de dynamogénie. Je n'ai pas besoin de dire que l’hypothermie est le plus souvent l'effet d'une contracture vasculaire et que l’hyperthermie dépend le plus souvent l'une paralysie vasculaire. Or, nous savons que d'ordinaire l’anesthésie dans les cas de lésion de la moelle coexiste avec de l'hypothermie, ce qui montre la coexistence de l’inhibition (anesthésie) avec de la dynamo- génie (contracture vasculaire). De même nous savons que l’hyperthermie, dans les cas de lésion de la moelle, survient en général avec de l’hyperes- thésie et la paralysie des muscles des membres, ce qui montre encore la coexistence d'actes inhibitoires (paralysie des vaisseaux et des muscles volontaires) avec un acte dynamogénique (l'hyperesthésie). Il y a donc dans les différents cas de transfert, dont j'ai parlé, une coexistence d'actes inhibitoires et dynamogéniques. NOUVEAUX FAITS RELATIFS A LA RIGIDITÉ CADAVÉRIQUE ; par M. BROWN-SÉQUARD. Dans la séance précédente j'ai annoncé à la Société (1) que la rigidité cadavérique peut, à plusieurs reprises, varier considérablement, dimi- nuant à certains moments, s’augmentant à d’autres, dans une même partie. J'ai aussi annoncé que la rigidité détruite par des extensions et des flexions énergiques et multipliées d’un membre, peut y reparaître au bout d’un temps variable. En continuant mes recherches sur ces deux points sur des chiens et des lapins j'ai constaté les faits suivants : 1° Les augmentations et les diminutions alternatives de rigidité Abe morlem n'ont aucune régularité : ainsi, une augmentation considérable peut suivre une diminution très minime ou très grande et l’un de ces deux changements peut succéder à l'autre et très rapidement (en quelques heures) ou très lentement {après quelques jours). 2° Une augmentation de rigidité peut avoir lieu dans une partie d'un membre alors qu’une diminution temporaire se produit dans une autre partie du même membre. 3° C'est au coude et au genou surtout que ces fluctuations sont fré- quentes, mais elles peuvent exister aussi dans toutes les autres parties 1) Voyez les Mémoires de la Soc. de Biol. 1885, p. 35 (n° 13, 17 avril 4885) 250 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. des membres. Je n'ai pas encore pu m'assurer positivement si elles se montrent au tronc, au cou et aux mâchoires, les moyens de mesure m'ayant fait en partie défaut, mais les recherches que j'ai faites jusqu'à présent rendent très probable que dans tous les muscles le degré de la raideur cadavérique peut présenter des fluctuations. 4° La rapidité de réapparition de la rigidité cadavérique n est pas en raison inverse de sa durée au moment où on la détruit. Au contraire, il semble que le retour de la raideur soit souvent d'autant plus prompt que la durée de celle-ci a été plus considérable au moment où on la fait cesser. Ainsi dans le cas où la rigidité s'est montrée le plus rapidement imoins d’une demi-heure après sa destruction) l'animal était mort depuis déjà dix-neuf jours et plusieurs fois il m'est arrivé de voir la raideur dé- truite le lendemain de la mort, ne réapparaitre que quatre, dix ou même plus de vingt-quatre heures après la cessation de la raideur. 3° Le retour de ie rigidité détruite est possible partout, maiselle revient plus souvent et à un degré plus considérable à la hanche et à l'épaule qu'ailleurs. SUR LE DÉVELOPPEMENT DE L'ÉPITHÉLIUM w#l DES- GLANDES DU LARYNX ET DE LA TRACHÉE CHEZ L'HOMME, par M. F. TOURNEUX. L’épithélium qui constitue la paroi du bourgeon broncho-pulmonaire, aux dépens duquel se développeront toutes les variétés épithéliales du larynx, de la trachée, des bronches et des lobules du poumon, appar- tient à la catégorie des épithéliums stratifiés embryonnaires, c'est-à- dire formés de plusieurs plans de petites cellules polyédriques, irrégulie- rement tassées les unes contre les autres ; les épithéliums stratifiés em- bryonnaires, dont le type est l'épithélium des conduits de Müller (1), sont susceptibles d'évoluer dans deux sens différents et de donner nais- (4) Cet épithélium se transforme dans la moitié supérieure ou utérine du conduit génital en épithélium prismatique, et dans la moitié inférieure où vaginale en épithélium pavimenteux; l'épithélium stratifié de l’æsophage et du pharynx, formé pendant toute la période fœtale par un mélange d'éléments prismatiques ciliés et d'éléments pavimenteux, peut étre rapproché des épithé- liums stratifiés embryonnaires. Il nous a semblé que dès l'apparition des cils sur les éléments prismatiques (fœtus de 4,5/6 centim. et de 6/8, 5 centim.), on rencontrait superficiellement des cellules EE berne) abord rares et isolées, puis augmentant progressivement de nombre, et finissant par se subs stituer entièrement aux cellules cilées à l'époque de la naissance. ‘SÉANCE DU 18 AVRIL. 251 sance à des épithéliums pavimenteux siratifiés ou à des épithéliums prismatiques, soit qu'ils renferment à la fois les éléments générateurs de ces deux variétés épithéliales, soit qu'au contraire leurs éléments primordiaux puissent se différencier, suivant certaines conditions em- bryogéniques, en cellules pavimenteuses ou en cellules prismatiques. Quoi qu'il en soit du mécanisme de ces transformations épithéliales, on constate sur £es embryons humains du deuxième mois (18 millm.) que les parois latérales opposées du Jarynx sont Imtimement soudées entre elles, dans la région qui répondra aux fuiures cordes vocales. Sur un embryon de 32/40 millim. & « la lame épithéliale antéro-postérieure, comblant ainsi la fente glottique, se montre creusée sur la hgne mé- diané d'éxcavations irrégulières qui marquent vraisemblablement le pre- mier stade de sa division en deux moitiés latérales tapissant la surface des cordes vocales inférieuxes. Cette division est complète sur l'embryon de 6/8,5 centim. & @. L'épithélium de la trachée, d’une hauteur de 45 y, affecte maintenant la forme prismatique stratifiée, el ses éléments sont chargés de eils vibratiles déjà apprécicoles chez le fœtus de 4,5/6 cen- tim. a. Sur la face verticale ou glottique des cordes vocales inférieures, l'épithélium est pavimenteux stratifié. Chez le fœtus de 8,3/14centim. 6 4, l'épithélium cilié du larynx à n'a pas sensiblement augmenté d'épaisseur, mais 1l envoie dans Le tissu sous- jacent des bourgeons ereusés en doigt de gant, origine des glandules du larynx. La face verticale des cordes vocales inférieures est tapissée sur une étendue de 0%%,7 à partir du bord libre par un épithélum pavimen- teux stratifié très aplati qui se continue par une transition graduelle avec l'épithélium cilié du larynx. La corde vocale supérieure, ainsi que les parois ventriculaires, continuent à posséder un revêtement pris- matique cilié. Fœtus de 10/14,3 centim. & 4. — - Méme disposition générale que chez le fœtus précédent. Les bourgeons glandulaires sont plus allongée ; quel- ques-uns traversent le fibro-cortilage de l'épiglotte. Fœtus de 16/23,5 centim. © a et de 16/24 centim. Q b. — L'épithé- lium prismatique cilié du larynx atteint une épaisseur de 60 y. Dans la région précédemment indiquée de la corde vocale inférieure, l'épithé- lium pavimenteux stratifié mesure une hauteur de 95 u; la surface du chorion sous-jacent est encore absolument lisse, sans élevures papil- laires. Les bourgeons glandulaires plus nombreux et plus développés que dans les stades antérieurs, sont ramifiés par leur extrémité pro- fonde. Fœtus de:20/31 centim. © et de 21/32 centim. © a. — Epaisseur de l'épithélium cilié 70 y. ; Fotus à terme 35/50 & a. — L'épithélium pavimenteux stralifié qui chez les fœtus précédents tapissait seulement la face glottique des cordes vocales inférieures, empiète maintenant sur la face ventriculaire. Leur 252 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. épaisseur est toujours sensiblement inférieure à celle de l’épithélium cilié, et la surface du chorion sous-jacent est encore lisse. La corde vo- cale supérieure est toujours recouverte par un épithélium prismatique cilié. Enfant de huit jours. — L'épithélium pavimenteux stratifié des cordes vocales inférieures a augmenté d'épaisseur (60 L) et la surface choriale commence à développer des petites saillies papillaires. Enfant de six mois. — Les deux épithéliums pavimenteux et prisma- tique stratifié mesurent à peu près la même hauteur 70 à 75 y. Les papil- les choriales bien développées et enfoncées dans l’épithélium couvrent la face glottique sur une hauteur de À millim. environ à partir du bord libre. Enfin la surface de la corde vocale supérieure possède maintenant un revétement épithélial pavimenteux stratifié d'une épaisseur de 75 pu. Il est à remarquer que l'épithélium pavimenteux stratifié de la corde vo- cale supérieure, développé ainsi plus tardivement que celui de la corde vocale inférieure, renferme une moindre proportion de cellules pavimen- teuses, même chez l'adulte, et que le chorion sous-jacent ne se soulève jamais en élevures papillaires. : Signalons en terminant l'absence complète de follicules clos dans les parois ventriculaires à l’époque de la naïssance. Le gérant : G. Masson. Paris, — Imprimerie G. Rovcrer et Cie, rue Cassette, Î. 253 SÉANCE DU 25 AVRIL (1885 Ca. Féré : Epuisement et dynamogénie. — W. ViGnai : Chambre chaude à régu- lateur pour microscope. — Cu. Amar : Ouf de poule complet inclus dans un autre. Présidence de M. Hanot. EPUISEMENT ET DYNAMOGÉNIE, par CH. FÉRÉ. Nous avons vu dans nos recherches antérieures que chez une certaine catégorie de névropathes l'influence dynamogénique des exeitations psychiques où périphériques est beaucoup plus considérable que chez les sujets normaux, puisque l’exagération de la force dynamométrique ainsi développée est souvent double. Pourtant, il est possible de provo- quer chez les sujets sains une hyperexcitabilité analogue. Sous l'in- fluence de la fatigue déterminée par un travail intellectuel prolongé, la force dynamométrique diminue etoffre cette particularité qu'elle tend à s’égaliser de deux côtés, c'est-à-dire que la force diminue moins à gauche qu'à droite. Supposons par exemple à l'état normal 55 à droite et 45 à gauche, on trouvera sous l'influence de la fatigue 40 des deux côtés. Sous l'influence des mouvements passifs de flexion de la main la force dyna- mométrique peut remonter à 60 à droite et 50 à gauche : le rappel du mouvement a porté l'énergie de contraction à peu près au même degré que si l'excitation avait été faite à l’état normal; mais son effet relaüf à été beaucoup plus considérable. Les hystériques sont dans un état per- manent de fatigue psychique; mais des excitations diverses peuvent réveiller momentanément leur énergie. La même observation peut s'ap- pliquer aux neurasthéniques. J'ai constaté plusieurs fois que sous l'influence de la fatigue localisée d’un membre, de la main droite, par exemple, par la répétition du BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8€ SÉRIE, TI, NOUA%, SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Ro) Où re même effort de pression du dynamomètre, l’autre main n’a pas perdu son énergie, tout au contraire, elle marque un accroissement notable (1/5°). Cette observation pourrait servir à établir un lien entre les paralysies par épuisement et certaines paralysies par suggestion dans lesquelles, comme nous l’avons signalé, la force dynamométrique peut être exagérée du côté opposé. A l’appui de cette déduction, on peut citer ce fait que de même que l’affaiblissement de la contraction provoquée par la fatigue : générale peut être dissipé par les mouvements passifs, certaines para- lysies par suggestion peuvent être guéries par ces mêmes mouvements. Cette remarque est peut-être susceptible de trouver son application dans la thérapeutique des paralysies hystériques, dans la pathogénie des- quelles les altérations des fonctions psychiques jouent un si grand rôle. Nous avons fait remarquer précédemment que l'exercice de la parole était capable de déterminer une exagération de la force dynamométrique très prédominante du côté droit. L’excitation inverse peut être mise en lumière dans le cas d’aphasie motrice provoquée par suggestion. Si, en effet, sur une aphasique de ce genre, nous pratiquons des mouvements passifs de tous lés segments du membre supérieur droit, nous cons- tatons que, au bout d’un instant l'exercice de la parole redevient pos- sible pour cesser sitôt que les mouvements du bras cessent; le même résultat est obtenu si le sujet fait des mouvements actifs du bras droit. Cette observation qui, elle aussi, peut peut-être être utilisée pour le traitement de certaines aphasies hystériques, montre bien l'influence excitatrice des mouvements du bras sur les mouvements adaptés de la langue et sur les organes des signes. Elle peut aussi rendre compte de la persistance de la mimique des membres qui, la plupart du temps sans signification, est moins un adjuvant qu'un excitant de la fonction du langage. Et enfin elle indique que la prédominance fonctionnelle du membre supérieur droit, qui a son centre moteur dans l'hémisphère gauche et la localisation de la fonction du langage à gauche, n’est pas une simple coïncidence ; mais qu'il y a entre ces deux faits une relation de cause à effet : c'est parce qu'il s’est servi d’une manière prédomi- nante de son bras droit, soit par instinct, soit par contrainte, que l’enfant parle avec son Cerveau gauche. SÉANCE DU 25 AVRIL 253 CHAMBRE CHAUDE A RÉGULATEUR POUR LE MICROSCOPE, par M. W. VicnaL. Depuis la platine chauffante construite en 1865, par Max Schultze, pour permettre l'étude des tissus à la température normale, plusieurs appareils pour atteindre le même but furent construits par Stricker, Ranvier, Se- marmont et tout-dernièrement par Loewit. Mais aucun de ces appareils, si nous enexceptons celui de M. Ranvier, depuis que M. d’Arsonval à remplacé la marmite primitive par un petit modèle des étuves qu'il a imaginées et'qui portent son nom, ne permet d'obtenir sans qu’on reste constamment à la surveiller une température constante. Cette modification heureuse à bien des points de vue, n’est pas d’un emploi très commode, ear le réglage en est assez long jet la moindre bulle d’air laissée dans l'appareil empêche son fonctionnement, enfin il est assez encombrant. L'appareil que j'ai l'honneur de présenter à la Société, me parait remplir les conditions que doit présenter une chambre chaude appli- cable au microscope : petit volume, maniement facile et grande sûreté dans la constance de la température. Cet appareil n’est, somme toute, qu'une éluve à température constante de M. D’Arsonval modifiée pour pouvoir servir à l'étude des préparations microscopiques. IL se compose d’une boite rectangulaire en cuivre, à doubles parois, la cavité limitée par la paroi interne est la chambre chaude proprement dite, dont une des parois celle de droite est suppri- mée pour permettre l'introduction et la manœuvre dans son intérieur de la lame de verre portant la préparation. Sur l’un des côtés se trouve Île régulateur à membrane de caoutchouc de M. d’Arsonval, sur le haut deux petites tubulures servant à l'introduction de l’eau et à la mise en place du tube dans lequel l’eau monte et descend pour régler la température. En avant se trouve une autre petite tubulure destinée à l'introduction d’un thermomètre dans la chambre où se trouve logée la préparation, la partie de la chambre où est logé le thermomètre a ses parois garnies d'une feuille de carton de Bristol, afin que la cuve du thermomètre ne touche pas les parois de cuivre et indique ainsi une température plus haute que celle de la chambre chaude elle-même. L'appareil entier est : percé de haut en basd’un trou pour permettre à l'objectif d'arriver au voi- sinage de la prépation et laisser passer la lumière, ce trou pour éviter les courants d'air est fermé dans le bas par un disque de verre qu’on peut enlever pour le nettoyer. Une petite porte à glissière peut s’abaisser Jjus- qu'à arriver presque en contact avee la lame qui porte la préparation, on diminue ainsi de beaucoup la perte de chaleur dans la chambre chaude même. L'étuve porte en avant un divertieulum cylindrique semblable à celui 256 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. des entonnoirs à filtrations chaudes. L’extrémité de ce diverticulum est chauffée par un bec de gaz minuscule, dont la flamme est entourée d’un petit cylindre de verre, qui non seulement la protège contre les courants d'air qui pourraient l’éteindre, mais permet un emploi plus utile de la chaleur qu’elle dégage. Depuis trois semaines que je fais marcher cette chambre chaude, en la montant dans différentes conditions de milieu, je n'ai observé que des variations de quelques dixièmes de degré, lorsque je changeais brusquement le milieu dans lequel elle se trouvait, soit en ouvrant lar- gement une fenêtre à deux mètres d'elle, soit en placant à son voismage immédiat une source de chaleur, et dans un temps très court l'équilibre se rétablissait. OEUF DE POULE COMPLET INCLUS DANS UN AUTRE, par le D' CHARLES AMAT. J'ai l'honneur de présenter à la Société un œuf de poule, trouvé le 12 mars 1883 par M. G..., adjoint du génie militaire à Miliana (Algérie), dans un œuf servi à la coque. Très réduit de volume, il mesure vingt-trois millimètres suivant le grand axe et dix-huit seulement suivant le petit. Ces dimensions, compa- rées à celles d’un produit de volume ordinaire, dénotent pour le dernier diamètre un avantage marqué et justifient la forme presque sphérique ou du moins peu ellipsoïdale. L'aspect ovoïde proprement dit n'existe pas, d’où impossibilité de distinguer la grosse et la petite extrémité. Une section faite parallèlement au grand axe a conservé intactes toutes les dimensions en permettant l'examen du contenu. La coque d'épaisseur à peu près égale à celle des œufs de dimensions normales, ne présente comme particularité que quelques rugosités cal- caires à la face externe de chacun de ses pôles. Elle est tapissée intérieu- rement par une membrane coquillière assez mince. Quant au produit concrété qui, se modelant sur les parois, affecte une forme concave convexe, il n’est autre que le blanc et le jaune desséchés comme on le voit par simple transparence. La mobilité d'aujourd'hui contraste avec l’immobilité absolue des deux ou trois premiers mois. Le poids total du produit est mférieur à deux grammes. L’œuf contenant, un peu plus gros que d'ordinaire, présentait un blanc et un vitellus parfaitement distincts. Cette trouvaille singulière qui semblait constituer tout d’abord un fait absolument nouveau, perdait considérablement de sa valeur à la lecture SÉANCE DU 25 AVRIL. 257 du mémoire de Davaine sur les anomalies de l’œuf. Elles peuvent porter, comme cet auteur le rappelle dans les bulletins de la Société en 1860, tantôt sur la forme, tantôt sur l'absence, l'existence ou l’excès de quelques parties essentielles. Sans s’attarder à remémorer les exemples fournis, il est utile de dire que, parmi les cas anormaux signalés, celui qui excitant au plus haut degré la curiosité à paru le moins susceptible d'explication est l'inclusion d’un œuf dans un autre. Si d'assez nombreux exemples ont été observés, il importe d'établir que les œufs complets contenus, trouvés dans les œufs complets contenants, sont assez rares. La plupart du temps le produit inclus était constitué par la coque et le blanc sans vitellus. Parfois aussi on le trouvait dépourvu de coquille. Le mécanisme de l'inclusion d'un œuf dans un autre, complets ou incomplets, a été suffisamment fourni par Davaine. Les mouvements péristalliques de l’oviducte font progresser l'œuf; qu'une cause quelconque vienne les retarder ou les accélérer et l’on a un blanc surabondant, une coquille trop épaisse ou au contraire un blanc insuffisant, une coquille trop mince, parfois même complétement absente. Que l’on suppose les contractions péristalliques se produisant à rebours et l'œuf déjà formé s’adjoint en remontant ou en redescendant des couches qui dans les cir- constances habituelles sont intérieures à celles précédemment sécrétée. Le volume ordinaire d’un œuf met obstacle au cheminement en sens inverse de la route déjà parcourue car le calibre de l’oviducte s’aceroit d'avant en arrière proportionnellement aux dimensions que dans chaque partie de son trajet le produit doit acquérir. Pour ce motif, les œufs in- clus sont généralement d’une petitesse exceptionnelle et le plus souvent incomplets. Une telle réduction de volume a permis a celui dont il s’agit dans la présente note de revenir rapidement de la chambre coquillière au pavillon de la trompe. Là, ayant rencontré un vitellus récemment sorti de l’ovaire il l’a accompagné dans sa descente recevant avec lui même blanc, même membrane coquillière et même coquille. Si au lieu de remonter aussi haut, il n’était parvenu qu’à la chambre albumineuse ou avait séjourné plus longtemps dans la chambre coquillière, il aurait été pourvu soit d’un blanc et d’une coquille sans vitellus, soit d’une seconde coquille sans vitellus ni blane, ainsi que des exemples consta- tés le démontrent. En résumé, l'inclusion d’un œuf complet dans un autre sans être un fait d’une rareté extrême a paru assez intéressant pour mériter d'être signalé. Le gérant : G. Masson. Paris, — Imprimerie G. Rouaier et Cie, rue Cassette, I. 4 HUE) fa YA 261 SÉANCE DU 2 MAI 1885 Lagorpe er QuiNquauD : Action physiologique d’un glucoside du boldosur le sang, sur la respiration et sur la nutrition. — RaguTeau : Observation sur la fcommunication précédente. — Louis Ozrvier : Canalisation des cellules et continuité du protoplasma chez les végétaux. — A. p’ArsonvaL : Les électrodes impolarisables solides. — Brown-Séquarp : Remarques sur l'altération de sensibilité, connue sous le nom d'allochirie. — CH. Féré : Seusation et mouvement. — EuiLe Tairry: Deuxième note sur l’hybridité chez les animaux. — ArLoING : De la chaleur comme adjuvant des antiseptiques. — P. ReGxarp : Note sur un procédé de dosage de la chlo- rophylle. Présidence de M. Hanot. ACTION PHYSIOLOGIQUE D'UN GLUCOSIDE DU BOLDO SUR LE SANG, SUR LA RES- PIRATION ET SUR LA NUTRITION, par MM. LABORDE ET QuiNQUAUD. La substance que nous avons introduite dans les veines des animaux, provient du boldo et appartient aux glucosides: si on la chauffe avec l'acide chlorhydrique étendu, elle se dédouble en glucose, en chlorure de méthyle et en un corps soluble dans l'alcool et dans la benzine (Chapo- teaut, CG. R. Ac. Sciences, no 17, 28 avril 1884). L'action physiologique de ce glucoside a été étudiée par M. Laborde (Soc. de biologie, 28 fév. 1885). Action sur les gaz du sang. 1° Expérience du 10 avril 2 heures de l'après- midi. Dans la veine saphène d'un chien de 12 kil., on injecte 10° d'une solution qui contient 2 gr. de glucoside de boldo; quelques minutes après l'animal est plongé dans un sommeil complet. Avant l'injection on extrait les gaz du sang à l’état normal : 14 de sang artériel donnent les chiffres suivants: 5,3 d'acide carbonique, 2“, 27 d'oxygène et 02 d'azote. Pendant le sommeil boldique, on fait une nouvelle extraction des mêmes gaz : on trouve que 14“ de sang artériel renferment 3* 8 d'acide carbonique, 2::2 d'oxygène et 0‘3 d’azote. Une demi-heure après cette première injection, l'animal s'étant à demi BrOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8e SÉRIE, Ta Il, N° 46. 262 : SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. PAU réveillé, on introduit de nouveau dans les veines du même animal 2# de glucoside du boldo : après quelques minutes, lechientombe dans un sommeil profond, la résolution musculaire est complète. À ce moment on prend 4% de sang artériel, dont on extrait les gaz à l’aide de la pompe à mer- cure, on obtient ainsi 3*8 d'acide carbonique, et 22 d'oxygène. Ces chiffres démontrent, d'une manière rigoureuse, que, pendant le sommeil boldique, sommeil calme, sans aucun indice d’agitation, l'acide carbonique et l'oxygène diminuent dans le torrent circulatoire. Les caractères de ce sommeil ressemblent tellement à ceux du sommeil phy- siclogique qu'il est permis de supposer que les mêmes modifications des gaz se trouvent dans ce dernier. Pour obtenir les chiffres précités, il est indispensable que le sommeil bol- dique soit bien caractérisé; en effet, dans les cas où celui-ci est très léger, ces modifications dans la quantité des gaz du sang n'existent pas: en voici une preuve : 2e Expérience faite le 6 mars sur un petit chien du poids de 10 kilogr. On lui injecte dans les veines une petite quantité d'un reste de glucoside du boldo, bientôt après l'animal est plongé dans un état somnoient très nel. Avant l'injection L4 de sang soumis à l’action du vide donnent 5«9 d'acide carbonique et 2°7 d'oxygène. On prend de nouveau du sang, mais la somnolence avait déjà beaucoup diminué d'intensité. L'analyse des gaz donne 6" d'acide carbonique et 2x8 d'oxygène. Ces chiffres peuvent être considérés comme étant les mêmes que ceux qui correspondent à l'état normal. Action sur les phénomènes chimiques de la respiration. Nous venons de voir que l'acide carbonique avait diminué dans le sang. S'agit-il d'une diminution dans sa formation ou d'une élimination très active? Voici des expériences démontrant que la première supposition est la bonne. 1° Expérience du 15 avril. On fait circuler %5 litres d'air en 3'42 ”, la réspiration étant à 22. et la tr. à 39°7, ces 25 litres d'air entraînent 0 #79 d'acide carbonique. Le 47 avril à 3"40' € r. 398; à 3h55', on injecte dans lés veines 5e d’une solution de glucoside de boldo, légère agitation suivie d’un sommeil bien net. 4" nouvelle injection de 5e. r. 40. A 4M0', la respiration étant à 72, 95 litres d'air éxhalé renferment 0 #33 d'acide carbonique; 415" t. r. 3904, à 4" 25° réveil . . Cette expérience fait voir que lexhalation pulmonaire de acide carbonique est très diminuée. — En voici d’ailleurs une autre preuve : 2° Expérience du 21 avril. Sur un Jeunechien ayant une temp. de 39°4,. SÉANCE DU 2? MAI 263 on fait circuler en 3’ à travers ses poumons 95 litres d'air, qui enlèvent 0 # 52 d'acide carbonique. 22 avril, t. r. 3993 R — 20. À 11:3* injection dans la saphène de 4° de solution de glucoside du boldo : presque immédiatément le chien est plongé dans le sommeil. A 1187 imjection de 4 du même glucoside, on fait circuler, le som- meil étant bien net, 25 litres d'air qui circulent en 7’ et renferment 0#56 d'acide carbonique, la température est à 39°3. Ici encore l’exhalation pulmonaire de l'acide carbonique a diminué, car la circulation des 95 litres d'air a duré le double, Quelle est la cause de cette diminution dans la quantité de l'acide carbo- nique produit ? Le glucoside du boldo diminue la nutrition élémentaire. En effet, 10! de sang normal exhalent sur le mercure 715 d'acide carbonique, à la temp. de 18°, tandis que 10% du même sang, auquel on a ajouté 025 centigr. de glucoside n'exhalent plus que 4 d'acide carbonique à la temp. de 18°. D'ailleurs le même fait se reproduit quoique très atténué pour le sang pris sur un animal intoxiqué par le glucoside du boldo. La capacité respiratoire du sang mis en contact avec le glucoside, est un peu diminuée. : Ces résultats ne présentent pas seulement de l'intérêt au point de vue de l'influence propre de la substance dont il s’agit sur les modifications des gaz du sang, mais aussi relativement à l'assimilation qu'ils éta- blissent entre cette influence et celle du sommeil normal : influence se traduisant en définitive par une diminution dans les actes fonctionnels de nutrition et d'activité nerveuse. OBSERVATION SUR LA COMMUNICATION PRÉCÉDENTE par M. RABUTEAU. Il nous a été présenté dernièrement par M. Laborde, ici même, une substance liquide sous la dénomination de glycoside du Boldo. Je crois devoir faire remarquer que cette substance ne paraissait pré- senter aucun des caractères des glycosides. Ces caractères n’ont pas d’ail- SA leurs été indiqués. Le produit en question présentait une odeur rappelant celle de diverses huiles essentielles, telles que l'essence de térébenthine, ou plutôt, de l'essence d’eucalyptus. Si les expériences ont été faites avec ce même produit, et M. Laborde _ avoue que le fait est réel, la valeur en devient problématique puisqu'il s'agit d’une substance non déterminée. 264 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. SUR LA CANALISATION DES CELLULES ET LA CONTINUITÉ DU PROTOPLASMA CHEZ LES VÉGÉTAUX, par M. Louis OLIVIER. I. J'ai annoncé, il y a trois ans (4), que la photographie, appliquée à l'étude des infiniment petits, peut révéler des détails de structure qui n’impressionnent pas la rétine. A l’appui de cette assertion j'ai publié (2) la description d'un cliché où l’on voit sur les parois des cellules un en- semble de sculptures et de perforations, inappréciables au microscope. En cherchant à perfectionner cette nouvelle méthode d'investigation, j'ai reconnu dans les membranes cellulaires des végétaux l'existence d'un système de canaux sur lesquels je désire attirer l'attention de la Société. Quel que soit le grossissement auquel on observe les tissus vivants des plantes, on n’apercoit généralement aucune communication d’une cellule à l’autre (3). Aussi considère-t-on comme absolument indépendantes el tout à fait isolées les unes des autres les petites masses protoplasmiques qui constituent la matière vivante de chaque cellule : ces petites masses paraissent en effet enfermées chacune dans une alvéole complètement close (4). Il en résulte l'impossibilité d'attribuer à deux protoplasmas voisins d’autres rapports que des échanges osmotiques à travers la cloison pleine qui les sépare. Telle est la conception actuelle de l’organisation végétale ; les ouvrages classiques les plus récents l’exposent sans res- triction. f Mes recherches sur la matière m'ont conduit à un résultat tout diffé- rent. Dans l'épaisseur des parois membraneuses j'ai mis en évidence de nombreux canaux et constaté qu'ils assurent la continuité du protoplasma à travers les cloisons des cellules (3). L'existence de ces canaux, extré- mement ténus, qui traversent de part en part les parois cellulaires, ) Revue scientifique du 8 avril 1882, 3° série, &. If, p. 435. ) Ibidem, p. #3% et note de la page 435. (3) Sauf dans le cas des éléments grillagés, dont la structure et la loc tion toute spéciale sont aujourd'hui bien connues. (4) Les murs de cette prison sont formés de substance ternaire : cellulose, lignine, cutine, etc. (5) M. Tangl a décrit en 4880 des perforations dans les membranes cellu- laires de l'endosperme des Strychnos, Phœnix et Areca. En 1881, dans mes Re- cherches sur l'Appareil tégumentuire des Racines, j'ai signalé chez les Monoco- tylédones des tissus dont les cellules communiquent entre elles au moyen d’étroits canaux. M. Strassurger, M. Russow (1882), M. Gardiner (1882-1883) et M. Scharschmidt (1884), ont observé dans certains tissus, et notamment dans l’albumen de plusieurs graines, une disposition analogue, et l'ont mise en évi- dence par l'emploi de matières colorantes. (A 2 D SÉANCE DU 2? MAI. 265 échappe aux procédés ordinaires d'investigation, mais peut être attestée par l'emploi des méthodes suivantes : IT. On pratique des coupes minces (transversales et longitudinales) à travers des tissus vivants dont la croissance est terminée (1). II est important d'observer cette condition en dehors de laquelle on s’exposerait à prendre pour des canaux permanents les communications transitoires qu'offrent, dans une cellule en voie de division, les deux parties du protoplasma. 1. Photographie. — On fait la photographie directe des coupes au grossissement de 300 à 700 diamètres. En adoptant pour cette opération le dispositif que j'ai déjà décrit (2), on arrive à obtenir des clichés d’un intérêt particulier : sur ces clichés, examinés à la loupe, les membranes cellulaires apparaissent en effet dans un état de complication très sur- prenant (3) : elles se montrent diversement perforées, creusées de canaux véritables qui établissent une communication entre les contenus des cel- lules (4). Il semble impossible d'expliquer par un phénomène de diffrac- tion cette apparence de canaux sur la glace photographique. 9. Observation directe. — Après avoir constaté cette structure sur mes clichés, — méme sur des clichés anciens qui n'avaient pas été faits en vue de l'étude des membranes cellulaires, j'ai cherché à la voir directe- ment. Dans ce but j'ai observé mes préparations aux grossissements de 700 à 900 diamètres dans une chambre noire traversée par un micros- cope, de telle sorte que mon œil ne fût impressionné que par la lumière sortant de cet instrument. Dans ces conditions j'ai réussi à voir nettement les interruptions des parois cellulaires chez plusieurs plantes (5). Toute- fois ce procédé d'observation est dans la plupart des cas tout à fait insuf- fisant. 3. Coloration des coupes. —J'ai obtenu un meilleur résultat en colorant (4) Ex.: Cylindre central des racines loin du sommet, parenchyme et rayons médullaires des entre-nœuds des tiges après élongation, parties des feuilles dont le développement a cessé, etc. (2) Louis Olivier : Recherches sur l'appareil tégumentaire des Racines, Appen- dice, 1881 et Revue scientifique, 3° série, t. HI, p. #29 et suiv. (3) Ex.: Lappa communis var major, Ruyschia Souroubeu, Clusiu Libonian«, Buxus Sempervirens, Ruscus aculeatus. _ (4) Ces canaux diffèrent donc absolument des culs-de-sac souvent décrits sous le nom défectueux de canalicules dans les membranes très épaisses. (5) Triticum vulgare, Scindapsus pertusus, Tornelia fragrans, Raphidophora pinnata, Anthurium nitidum, Smilax excelsa, S. rotundifolia, Agave glauca, Ficus .elastica, F. carica, Buxus Sempervirens, Amorpha glabra, Cytisus alpinus, Robinia viscosa, Lunaria Annua, Jasminum humile. 266 © SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. a d'une facon exclusive soit les membranes cellulaires des préparations, soit les éléments de nature protoplasmique après fixation, turgescence ou contraction au moyen de réactifs appropriés (4). Dans le premier cas les cloisons, observées dans les conditions que je viens d'indiquer, présen- tent cà et là des lacunes incolores, du moins chez certaines espèces de végétaux. Dans le second cas on voit les parois des cellules se détacher en blanc sur un fond coloré : les canaux qui traversent ces cloisons sont alors appréciables, puisqu'ils sont colorés comme le protoplasma fonda mental lui-même (2). k. Injection dans les organes. — J'ai essayé de faire pénétrer lentement sous pression dans les organes à étudier un liquide qui colore le proto- plasma; puis j'y ai pratiqué des coupes. L'injection réussit rarement; mais quand elle à lieu d’une facon assez régulière, ce procédé conduit à un résultat identique au précédent (3). Ill. Cet ensemble de faits établit qu'au moins dans un grand nombre de cas les parois cellulaires livrent passage au protoplasma par d'étroites ouvertures; de sorte que, dans tels tissus où jusqu'à ces derniers temps on avait cru voir une multitude de petites masses protoplasmiques isolées, il ya en réalité un protoplasma unique et véritablement gigantesque. I m'a paru surtout intéressant de constater ce mode d'organisation dans les diverses parties d’une même plante. J'ai fait cette étude sur le Buis (Buxus sempervirens) : en appliquant les méthodes 1, 2 et 3 ci-dessus décrites, j'ai trouvé la continuité du protoplasma dans (à racine, la tige et les feuilles de cet arbre : je l'ai constatée et dans les tissus profonds et dans les tissus épidermiques. De mes observations je crois pouvoir con- clure que, chez cette espèce, le protoplasma se poursuit sans Interruption, à travers des cloisons incomplètes, depuis l'extrémité des racines Jusqu'à l'extrémité des feuilles. Le Ficus elastica offre une organisation analogue. J'exposerai prochainement les conséquences que ces faits entrainent pour la Physiologie des plantes et la Philosophie naturelle. 4) Voyez : L. Olivier : Les procédés opératoires en histologie végétale, 1885, Savy. (2) Ex. : Trilicum vulgare, Ficus elastica, Buxus Sempervirens, Robinia viscosa, Cytisus alpinus, Amorpha glabra. (3) Cytisus alpinus. : SÉANCE DU 2 MAI. 207 SUR DES ÉLECTRODES IMPOLARISABLES SOLIDES, note DE M. A. D'ARSONVAL. Quand on veut étudier l’action des courants continus sur les tissus vivants (nerfs ou muscles), il est indispensable d’écarter les phénomènes secondaires provenant de la polarisation des électrodes. On emploie à cet effet en électrophysiologie des électrodes impolarisables dont le principe est dû à J. Regnauld. On arrive à ce résultat en faisant arriver le courant aux tissus, non par des plaques métalliques, mais bien par des lames de zine baignant dans une solution de sulfate de zinc. Dans ces con- ditions, comme on le sait en physique, aucune force électromotrice secon- daire ne peut prendre naissance aux points d'entrée et de sortie du courant. — On ne peut mettre la solution de sulfate de zinc directement en contact avec les tissus qui seraient altérés par elle; on est obligé d'interposer une masse de terre glaise imprégnée d'une solution de chlorure de sodium ou de sérum n'altérant pas les tissus (procédé de du Bois-Reymond). Ces électrodes sont donc un peu compliquées et d'un maniement assez difficile pour qu'on ne s’en serve pas en dehors du laboratoire. Néanmoins, même pour les recherches cliniques comportant quelque exactitude, leur emploi est indispensable. Les électrodes impo- larisables que j'ai l'honneur de présenter à la Société évitent tous ces inconvénients. Elles ne diffèrent pas, ni par l'aspect extérieur ni par le mode d'emploi, des excitateurs qu'emploient généralement les cliniciens (plaques métalliques ou de charbon recouvertes de peau mouillée). Elles se composent d’une capsule d'argent dans laquelle on a coulé du chlorure d'argent fondu. Le tout est recouvert d'une peau de chamois. Pour les faire fonctionner on n'a qu'à les tremper dans l’eau salée et à les appliquer sur les tissus comme des excitateurs ordinaires. Le chlorure d'argent joue ici le rôle du sulfate de zine dans les électrodes de Regnauld, mais avec cet avantage qu'étant insoluble dans l’eau salée, il ne risque pas à venir au contact des tissus. On peut remplacer, pour la clinique, ces électrodes par de simples bou- tons en aggloméré de pile Leclanché (bioxyde de manganèse et charbon) ou même par des lames de plomb peroxydé (lames positives d’accumu- lateurs (A. Planté), recouverts de peau de chamois qu'on imbibe d’eau ordinaire. Tous ces systèmes d’électrodes sont absolument impolarisables et leur maniement est le même que celui des électrodes ordinaires. Si l’on fait traverser un nerf par un courant continu au moyen des électrodes à chlorure d'argent, on ne constate que des phénomènes de polarisation absolument insignifiants. Et néanmoins, les phénomènes de l’électrotonus se montrent avec leur netteté habituelle. On ne peut donc expliquer l’électrotonus par une polarisation secondaire résultant des effets électrolytiques du courant comme on a cherché à le faire depuis les 268 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. expériences classiques de Matteucci. Je reviendrai prochainement sur ce sujet en montrant à la Société les instruments et les méthodes nouvelles au moyen desquels j'étudie, d'une part : l'action de l'électricité sur les êtres vivants, et, en second lieu, la production d'électricité par ces mêmes êtres. Ces communications résumeront simplement les différentes expé- riences que j'ai montrées au collège de France depuis deux ans dans les lecons publiques que j'ai faites en remplacement de mon maitre M. Brown- Séquard. REMARQUES SUR L’ALTÉRATION DE SENSIBILITÉ, CONNUE SOUS LE NOM 2 D’ALLOCHIRIE, par M. BROWN-SÉQUARD. Dans un travail très intéressant (1), le professeur H. Obersteiner, de Vienne, a étudié sous le nom d’Allochirie, une altération de perception sensitive consistant en ce que le malade croit que l'impression sensitive a été faite sur un côté du corps alors qu'elle l’a été sur l’autre côté. Il rap- - porte à ce sujet plusieurs cas de maladie de la moelle épinière, qui lui ont fourni l’occasion d'observer ce phénomène et il mentionne des faits analogues publiés par divers cliniciens. Je crois avoir été le premier à mentionner ce trouble spécial de la sensibilité (2). Une femme ayant eu une section de la moitié latérale droite de la moelle épinière et du cordon postérieur gauche, au niveau de la septième vertèbre cervicale et pré- sentant tous les symptômes que j'ai décrits comme caractérisant l’'hémi- plégie spinale avec anesthésie croisée, eut d’abord, au côté hyperesthé- sique, une persistance complète de la puissance d'apprécier le lieu des impressions sensitives. Mais lorsqu'une amélioration survint dans son état, à d'autres égards, cette femme présenta quelques troubles en ce qui concerne la connaissance du lieu recevant une impression. Elle se trom- pait quelquefois, croyant qu'on touchait le pied gauche (anesthésique) alors qu'on touchait le droit (kyperesthésique). De plus elle ne savait pas tou- jours quelle était la partie du pied que l’on touchait. Ces troubles étaient survenus après l'apparition et la diminution de symptômes montrant qu'un travail inflammatoire s'était produit à la moelle épinière, autour de la plaie qui avait causé l'hémiplégie spinale. Un autre malade dont j'ai donné l’histoire (Loco cit., p.627), était atteint d’'hémiparaplégie, avec anesthésie croisée, causée par une tumeur syphi- litique, à la région dorsale de la moelle épinière, du côté droit. Ce malade (4) Brain, à journal of Neurology, vol. V. July 1881, p. 153. (2 Journal de la physiol. de l’homme, etc., vol. VI, 1863-1865, p. 585, 587, 619.et 627. £ SÉANCE DU 2? MAI. 269 4 ————"— " _ ———_——"—"—"—"— —"—"—"—"— "…" ” ”—— — e reconnaissait immédiatement quel était le point touché ou pincé à droite (côté kyperesthésique), aux orteils et à la jambe. Il n’en était pas ainsi dans les parties homologues à gauche (côté anesthésique). Lorsqu'on irri- tait les orteils ou la jambe de ce dernier côté, qui n’était pas absolument anesthésique, s’il lui arrivait de sentir (ce qui n'était pas fréquent) qu'il était touché ou pincé, il croyait d’abord que l'impression était faite à droite (côté hyperesthésique) et il ne reconnaissait qu'après quelque temps qu’elle provenait du côté gauche (côté anesthésique). Ces faits se ressemblent en ceci qu'ils montrent tous deux qu'une impression faite sur une moitié du corps peut ètre percue comme impres- sion provenant de l’autre moitié, mais 1ls diffèrent radicalement l’un de l’autre en ce que dans le premier, c'était l'impression faite sur le côté lyperesthésique qui était sentie comme provenant de l'autre côté et dans le second c'était, au contraire, l'impression faite sur le côté anesthésique qui était perçue comme si elle provenait de l’autre côté. Ces faits, ainsi que ceux rapportés par Obersteiner, par G. Fischer, par Hertzberg, par Leyden et par Hammond (1), ont ceci de commun que dans ces différents cas un état inflammatoire de la moelle épinière à pro- duit des relations nouvelles entre les éléments nerveux. Dans un cas de Ferrier où l’allochirie a existé par suite d’un coup sur la tête, c’est dans l’encéphale que la cause organique du phénomène a existé (2). _ Les cas d’allochirie dépendant de simples lésions de troncs nerveux, comme ceux de J. Hutchinson et de Pirogoff (cités par M. Longuet, p. 514) ne sont pas en opposition à cette idée qu'un changement organique, dû à un état inflammatoire, a été la cause du phénomène, puisqu'on sait que les blessures des nerfs sont souvent suivies d’altérations organiques de la moelle épinière. Mais cette supposition n'est pas nécessaire, car nous savons que de pures influences dynamiques peuvent engendrer tous les . phénomènes que causent les lésions organiques et vice versd. C’est ainsi que le transfert de l’anesthésie et de l’hyperesthésie peut avoir lieu, comme je l'ai montré, par l’action de lésions organiques tout aussi bien que sous des influences purement dynamiques. Ces dernières influences ont quelquefois une puissance extrême, comme le montre l’importante découverte de Dumontpallier (3) d'apparition d’anesthésie dans une par- tie d'un côté du corps, opposé à celui d’une irritation cutanée. (4) Voyez un savant travail sur tous ces faits, publié par M. Longuet dans l’Union Médicale, n° 43, 23 mars 1884, p. 513. (2) Dans un cas plus complexe, de Biermer (cité par Ladame, Symptomato- logie und Diagnostik der Hirngeschwulste, Würzburg, 1865, p. 47 et 49-50), un malade ayant deux tumeurs, l’une à la face postérieure du bulbe et l’autre au pédoncule cérébelleux, les impressions sensitives faites à droite étaient senties à gauche et vice vers. (3) Comptes rendus de la Société de Biologie pour 1879, p. 264. 270 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Jene crois pas qu'il y ait dans les faits d’allochirie rien de difficile à expliquer aujourd'hui que l'on sait que les deux moitiés de la moelle épi- nière, comme les deux moitiés de l’encéphale, ont de très nombreuses communications et que chacune de ces moitiés peut remplir le rôle de l'autre. Non-seulement des voies nouvelles peuvent être ouvertes par des altérations organiques dues à un travail inflammatoire, mais de simples changements dynamiques peuvent donner le même résultat. On comprend done aisément comment des impressions sensitives venués dun côté du corps, peuvent être percues comme si elles provenaient du côté opposé. SENSATION ET MOUVEMENT, par CH. FÉRÉ. Nous avons montré dans nos précédentes communications (1) que l'excitation psychique en général se traduit par une réaction motricé appréciable au dynamomètre. En outre, il ressortait de nos expériences que certaines excitations périphériques portant sur le sens musculaire, avaient une action analogue, mais qui, au lieu d’être générale, était plus. ou moins limitée, suivant que l'excitation avait été plus ou moins forte. Chemin faisant nous avons indiqué que les hallucinations provoquées des hypnotiques ont également la propriété d'exagérer la force dynamo- métrique. Nous pouvons ajouter que cette action dynamogénique se manifeste quel que soit le sens sur lequel porte l'hallucination; et en outre que, lorsque l'hallucination est rigoureusement unilatérale, la dyna- mogénie n'existe que du côté correspondant. On peut trouver là, soit dit en passant, un nouveau caractère de la sincérité des hallucinations pro- voquées. L'existence de cette propriété dynamogénique des hallucinations nous a conduit à rechercher si nous ne trouverions point quelque manifesta- tion analogue par l'excitation pure et simple des divers organes des sens. Nous avons trouvé, en effet, qu'une excitation forte portant soit sur la vue, soit sur l’ouïe, soit sur l’odorat, soit sur le goût, soit sur le tou- cher, détermine chez les sujets normaux une déviation notable de lai- guille du dynamomètre. La réaction varie avec l'intensité de l'excitation. Ces observations nous montrent que les sensations fournies par les divers organes des sens ont une commune mesure fournie par le dynamomètre ; toutes les sensations s'accompagnent d'une augmentation de potentiel qui parait constituer essentiellement la sensation. Cette constatation se 1\ P 99: je (1) P. 223, 242, 253. SÉANCE DU © MAI. 971 trouve d’ailleurs en parfait accord avec le mode de développements em- bryonnaire des organes des sens qui ont une origine commune ; mais elle nous montre que leur différenciation est moins complète qu'elle ne le parait au premier abord. Les névropathes et en particulier les hystériques qui présentent à l’état normal un certain degré d’anesthésie s'étendant au sens musculaire et entraînant une faiblesse musculaire corrélative, lorsqu'on parvient à réveiller artificiellement leur sensibilité, nous montrent ces phénomènes avec une exagération qui les fait mieux comprendre. Chez un sujet de ce genre, on peut voir la force dynamométrique doubler sous l'influence d'une excitation sensorielle un peu vive. Ce que fait la sensation ou l’hal- lucination, le souvenir qui n’est en somme qu'un rappel de sensation, peut aussi le provoquer quand il est très intense. Ces faits nous montrent qu'en somme {es fonctions psycho-plusiologiques convme les forces physiques se réduisent à un travail mécanique. L'étude d’un grand nombre d'hallueinations provoquées nous a montré que, lorsqu'il s'agissait d’une sensation subjective désagréable, comme la vue d’un crapaud visqueux, l'odeur d'œufs pourris, le goût amer, etc., il y avait une dépression assez notable. Nous nous étions hâté d'en con- clure que les sensations sont agréables ou désagréables suivant qu'elles déterminent une exagération ou une dépression du potentiel; mais cette conclusion est äu moins prématurée, car sur le même sujet et sur nous- même un badigeonnage du fond de la gorge avec le sulfate de quinine, la respiration de l’ammoniaque qui ne constituent pas des sensations agréables, déterminent constamment une exagération de force dynamo- métrique. Il sera pourtant nécessaire de tenir compte de ces faits dans les observations ultérieures. Quoi qu'il en soit, ces expériences nous montrent que l'étude des forces avec le dynamomètre ou mieux avec le dynamographe peut être appli- quée à la mesure des sensations, Les sensations qui se prêtent le mieux à l'étude sont les sensations de l’ouïe. En effet il est possible d’avoir une notion précise de la quantité de l’excitation; aussi est-ce sur les sensa- tions auditives que notre étude à porté tout d'abord. Nous y reviendrons en détail, mais nous pouvons dire tout de suite que l'excitation motrice croit avec l'intensité et décroit avec la hauteur du son. Les couleurs agissent aussi en raison de leur intensité; et il semble que c’est le rouge qui a une action prédominante. On connaît bien l'excitation particulière que cette couleur provoque sur les animaux. Si nous nous en rapportions à quelques expériences relatives aux hallucinations provoquées, nous serions porté à croire que les couleurs peuvent être classées au point de vue de leur pouvoir dynamogénique dans l’ordre suivant: rouge, orangé, vert, jaune, bleu. Mais nous ne voulons rien affirmer avant d'avoir des résultats concordants obtenus par des expériences différentes, qui jusqu'à présent n'ont été concordantes que pour le rouge. | 27? SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Nous avons vu précédemment que si un certain degré d'excitation cérébrale développe l'énergie musculaire, la fatigue intellectuelle l’'amoin- drit. Les excitations des organes des sens nous montrent des faits analo- gues. Si nous prions un sujet de la catégorie des hypnotisables de regar- der un objet médiocrement lumineux, il se produit tout de suite une excitation motrice, qui, au bout de quelques-instants, commence à décroi- tre quand le sujet commence à se plaindre de fatigue : si l’on prolonge l'excitation, le sommeil arrive. Un bruit continu, une vibration mécani- que continue, etc., produit exactement les mêmes effets avec le même ordre de succession. Lorsque, au lieu d'une excitation modérée et pro: longée, on fait une excitation brusque et très intense, le sommeil peut se produire d'emblée. Ces faits concordent avec ceux que M. Brown-Sé- quard à groupés sous les noms si heureusement formés d’ailleurs de dynamogénie et d'inhibition ; et ils nous montrent qu'en somme Îles exci- tations périphériques sont susceptibles de déterminer suivant leur inten- sité et leur durée des effèts excitants ou des effets dépressifs qui peuvent s’exagérer jusqu'à la convulsion ou jusqu'à la paralysie. Lorsque nous avons parlé des impressions auditives, nous n'avons eu en vue que les impressions uniformes, monotones, fournies par une même note. Les excitations auditives combinées constituant l'harmonie, à laquelle la mémoire et les associations d'idées peuvent ajouter une si gnification particulière, ont une action variable suivant les circon- stances. Aussi voit-on des résultats différents suivant qu'il s’agit de mor- ceaux tristes ou gais, les premiers sont dépressifs, les seconds sont excito-moteurs. Ces effets qui se constatent au dynamomètre avec la plus grande facilité sur des sujets non nerveux, viennent à l'appui de cette conclusion provisoire, sur laquelle nous avons fait tout à l’heure des ré- serves, que les sensations sont agréables ou pénibles suivant qu'elles augmentent ou diminuent le potentiel. Nous pouvons ajouter que sous l'influence des émotions agréables ou pénibles provoquées par tout autre procédé, on observe les mêmes va- riations dynamométriques; et lorsqu'un sujet est soumis à la polarisa- tion psychique (1), on voit la pression varier avec Pétat émolif. En tout cas, le fait lui-même nous indique qu'au point de vue pédago- gique au moins, il serait nécessaire de surveiller de plus près le choix des morceaux que l’on fait exécuter aux enfants. Il nous montre en outre que la musique est susceptible, comme l’expérience à semblé d’ailleurs le montrer depuis un temps immémorial, de rendre quelques services dans le traitement de l’aliénation mentale, à condition toutefois que son usage ait été réglé d'avance sur une étude méthodique. Cette indication, nous le répétons, est loin d'être nouvelle; toutefois nos observations (4) A. Binet et Ch. Féré, La polarisation psychique (Revue philosophique, avril 1884), SÉANCE DU ® MAI. 27e ajoutent cette notion que la musique n’agit pas seulement par le rhythme, comme on l’a affirmé jusqu’à présent (1), mais par le son lui-même. J'entreprends, de concert avec mon ami, M. le docteur Séglas, une étude détaillée des impressions auditives destinée à compléter ces consi- dérations générales. DEUXIÈME NOTE SUR L'HYBRIDITÉ CHEZ LES ANIMAUX, par EMILE THIERRY. Dans une première note, pour servir à l'histoire de l'hybridité chez les animaux, que mon savant confrère, M. Mégnin, a bien voulu communi- quer, en monnom, à la Société de biologie, dans sa séance du 2 février 188%, je disais en terminant : « Je tiendrai la Société de biologie au courant de cette observation que je poursuivrai aussi loin que possible pour étudier le retour en arrière ». Je viens aujourd’hui tenir cette promesse, grâce à l’obligeance extrême de M. Mégnin. Le premier mâle était un métis, demi-sang du sanglier et d’une truie de race francaise. Les produits avaient par conséquent 25 0/0 du sanglier et 75 0/0 du cochon domestique. Les deux petites femelles, résultant de ce second croisement, ont été couvertes très jeunes, à 4 mois 1/2, et tout à fait accidentellement par leur frère. Chacune d'elles à donné des produits ressemblant plus au sanglier qu'à la truie primitivement donnée au métis demi-sang. Mon observation a surtout porté sur les produits d’une de ces femelles qui avait tous les caractères extérieurs du sanglier et qui ne m'a présenté que 5 vertèbres lombaires à l'autopsie. Cette bête a donné 6 petits : 3 mâles et 3 femelles. Sur les trois mâles il en est un qui a tous les caractères du cochon domestique de la variété bourbonnaise. La tête est plus courte que celle du sanglier, les oreilles sont tombantes et portées en avant. Les soies sont moins touffues et ne sont pas garnies, à leur attache cutanée, de duvet ou de bourre qu’on trouve en si grande abondance chez le sanglier. Cet animal ne porte qu'une tache rousse de jeune marcassin sur la croupe et la cuisse droite. Parmi les trois femelles, une seule, qui a sur le dos et les lombes une forte tache de sanglier, ressemble complètement au mâle précédent. Mais les quatre autres, à part les soies tout à fait blanches, sans taches rousses, avec bourre abondante sur la peau, ressemblait absolument au sanglier. (4) Soula, Essai sur linfluence de la musique el son histoire en médecine. Thèse 1883. 972. . SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Les trois mâles sont châtrés. IIS sont toujours très sauvages et plus méchants que le mâle primitif. Les deux autres femelles sont également irès sauvages. Chez ces quatre animaux la tête est effilée et très longue, les oreilles sont droites et non portées en avant. La conque est encore assez grande chez deux mâles et chez une femelle. Mais chez l’autre femelle les'oreilles ont absolument la forme, les dimensions et la direc- tion des oreilles du sanglier. Sur les six animaux qui sont l'objet de cette note : deux ont été vendus. Quatre, dont un mâle châtré et trois femelles sont encore à l'Ecole de la Brosse ; car en raison de leurs formes il est presque impossible de les vendre. Je me propose de les montrer à mon savant et cher compatriote, M. Paul Bert, président de la Société de biologie. Trois métis d’autres portées ont été sacrifiés à l'Ecole. IIS ont donné une viande très saine, fine même et suffisamment grasse. Chez tous, le pannieule adipeux était rudimentaire. Un seul, une femelle, n'avait que cinq vertèbres lombaires. Les deux autres en avaient six. D'une facon générale j'ai remarqué que c'était particulièrement les femelles qui se rapprochaient davantage du type sanglier. Il me reste quatre animaux à sacrifier; mais je suis convaincu £ue deux femelles seulement, qui paraissent avoir le rachis d’une extrême brièveté, n'auront que cinq vertèbres lombaires. À cet égard je n'ai aucun doute. Tous les animaux métis, qui sont nés et ont été nourris à la ferme, ont grandi et engraissé d'autant plus vite qu'ils s'éloignaient davan- lage du sanglier. Cependant ils n'avaient aucun caractère de précocité. Quant à ceux qui ont les caractères zoologiques du sanglier, la croissance chez eux est extrêmement lente et l'engraissement incomplet et très tardif. Sur la portée d'une autre femelle — trois males et quatre femelles — J'ai fait une observation que je crois devoir noter. En même temps que les mâles, j'ai châtré les femelles. Trois de ces jeunes bêtes avaient la plus grande ressemblance avec le sanglier et la quatrième tenait surtout de la truie domestique. Les trois premières sont mortes de péritonite, tandis que la quatrième n'a éprouvé aucune maladie des suites de cette ovariotomie pratiquée avec tous les soins les plus scrupuleux. Mais je ne tire de là aucune conclusion, car, après tout, la mort peut être attri- buée à l’impéritie du chirurgien. Néanmoins je note le fait. Mon observation sur ces hybrides est terminée puisque je n'ai plus de male entier. Et d’ailleurs, dans l'intérêt de l'Ecole, je devais la terminer ; car on peut facilement engraisser (rois animaux médiocrement précoces pendant qu'on arriverait à peine à engraisser un métis. _ Je crois pouvoir conclure que les caractères du sus scrofa tendraient plutôt à se reproduire et à sé perpétuer, par l’accouplement entre métis, que les caractères du porc domestique. Je laisse à de plus savants le soin de chercher les causes de ce fait zoologique. 1 SÉANCE DU 2? MAI. AT DE LA CHALEUR COMME ADJUVANT DES ANTISEPTIQUES, note de M. ARLOING. Dans la séance du 48 avril, M. Ch. Richet annoncait que l'influence toxique du bichlorure de mercure sur les microorganismes de l'urine putréfiée était accrue par une température de + 40°. A cette occasion, il ne sera pas inutile de rappeler à la Société de bio- logie que nous avons observé un effet analogue sur quelques microorga- nismes pathogènes. 1° Au cours d'expériences que nous poursuivimes avec M. Chauveau sur le virus de la septicémie gangréneuse ou gazeuse de l'homme, nous constatämes que la solution d’acide phénique à 3 0/0 laisse subsister l’activité du virus après 24 heures de contact à la température de + 15° à + 18”, tandis qu'elle la détruit en l’espace de 6 à 8 heures à la tempé- rature de + 36°. Cette remarque a été consignée dans la thèse de M. le docteur Cour- boulès (Lyon, 1883), pages 50 et 54, et insérée dans une note publiée collectivement avec M. Chauveau (Bulletin de l'Académie de médecine, juin 1884). / 2 Dans une autre thèse soutenue à la Faculté de médecine de Lyon, en 188% (Æ£'tude expérimentale sur le virus de la septicémie puerpérale,: par le D' Truchot), thèse faite sous notre inspiration et notre direction, on trouvera, page 66, un paragraphe «sur l'action combinée des antiseptiques el de la chaleur sur la virulence du micrococcus septicus puerperalis». On pourra lire dans ce paragraphe que la chaleur s'est montrée un adjuvant efficace de l’action antiseptique de l'acide borique et de l’acide phénique. Les résultats furent si nets que l’on entreprit des expériences pour déterminer jusqu'à quel point l'élévation de la température, dans des limites compatibles avec la conservation des tissus, permettrait d'a- baisser le titre des solutions antiseptiques de bichlorure de mercure, afin d'utiliser celles-ci sans redouter les fâcheux effets de l'hydrargyrisme. Malheureusement ces expériences n'ont pu être terminées; mais elles se poursuivent actuellement dans mon laboratoire. Nous sommes done convaineu depuis longtemps que la chaleur aug- mente l’action microbicide des antiseptiques et qu’en l’associant métho- diquement à ces derniers, on parviendra plus facilement à résoudre certains problèmes fort importants de l'hygiène publique et de l'hygiène privée. 276 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE NOTE SUR UN PROCÉDÉ DE DOSAGE DE LA CHLOROPHYLLE, par M. P. REGNARD. Depuis longtemps nous poursuivons un travail dans lequel nous avons à apprécier les quantités de chlorophylle produites dansun temps donné sous des influences diverses. Or rien n’est plus difficile que cette évalua- tion. Il est absolument impossible de peser, comme on l’a fait, ce que la plante abandonne à l'alcool, car on a de cette manière la xanthophylle et toutes les autres matières solubles dans le liquide. D'ailleurs les quantités obtenues dans divers essais sont si minimes que les erreurs de pesées pourraient fort bien compenser les différences données par l'expérience elle-même. L J'ai trouvé un procédé fort commode pour doser la chlorophylle d’une facon très exacte. — Une certaine quantité de la plante en expérience est triturée dans un mortier d’agate, puis broyée avec de la poudre de verre, ce qui permet d'obtenir une division complète. La bouillie ainsi formée est ensuite traitée par une quantité toujours la même d'alcool absolu qui prend toute la matière colorante. On filtre, et le filtrat est placé dans. le colorimètre de Duboseq. On le compare alors soit à un verre de couleur verte que l’on conserve pour toutes les expériences, soit mieux encore à la solution d’une même quantité de plantes prise avant l'expérience. On obtient ainsi des résultats d'une rare précision. Ce procédé ne donne pas la chlorophylle en poids, mais 1l donne le rapport entre deux expériences, ce qui souvent est la seule chose utile. Le gérant : G. Masson. ne Paris. — Imp. G. Rouen et Cio, rue Cassette, 1, 2TT SÉANCE DU 9 MAI 1885 L. Marassez : Chambre claire à angle variable. — Dr E. Wertuemer : L'hypoglosse les premiers nerfs cervicaux et les filets médullaires du spinal fournissent-ils des fibres au plexus cardiaque ? — L. WerTHeIMER : Le carpe des hyracoïdes. — A. LABouLBÈNE et P. Méonin : Note sur un acarien utile, le Sphærogyna ventricosa Newp. — Cu. FÉRÉ : Sensation et mouvement. — Contribution à la physiologie du goût. — M. Broww-Séquarp : Production des globules semblables à ceux du sang des mammifères, dans diverses parties du corps d'animaux de cette classe, lorsqu'on y injecte du sang d'oiseau, mème longtemps après la mort. — Cu. HEBreRRE, (de Lyon) : La valvule de Baulien considérée comme barrière des apothicaires. Note présentée par M. R. BLancHARD. — M. Barrie (d’Alfort) : Parturition anormale consécutive à une rupture complète et ancienne du col utérin (brebis). Présidence de M. Hanot. CHAMBRE CLAIRE A ANGLE VARIABLE, par L. MALASsEz. Supposons que nous ayons à dessiner au microscope et avec la chambre claire de Doyère et Milne-Edwards, par exemple, un point très limité, et considérons les deux rayons visuels qui partent, l'un de ce point lui-même, l’autre du dessin de ce point: ces deux rayons forment entre eux un angle, or, c'est cet angle que j'ai proposé d'appeler « angle de la chambre claire ». Dans l'appareil sus-dit de Doyère et Milne Edwards, comme dans ceux de Chevalier, Nachet et autres, cet angle varie entre 16 et 189. IL en résulte que l’on doit dessiner sur le côté du microscope, celui-ei restant vertical, et que, pour obtenir dans ces conditions des dessins parfaite- ment exacts, il faut dessiner sur un plan incliné faisant avec l'horizontale un angle égal à celui de la chambre claire; je me suis expliqué autrefois sur ce sujet (4). L'année dernière, j'ai présenté à la Société de Biologie (2) uné chambre claire dont l'angle était de 45° et dont, par conséquent, le mode (1) Archives de physiologie, 1878, p. 406. | (2) Séance du 26 juillet 1884, voir Comptes rendus, p. 510; voir aussi Archives le physiologie, 1884, t. 2, p. 238. BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — SE SÉRIE, +. il, A0 1% 278 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE d'emploi était tout différent : on renversait le microscope en arrière de 45°, et l’on placait le papier à dessin en arrière du microscope, sur la table ou sur tout autre plan horizontal. Cette position du microscope étant une des moins fatigantes pour l'observation et la situa- tion du papier une des plus commodes pour le dessin, cette chambre claire était beaucoup plus avantageuse que les précédentes; j'avais pu m'en assurer depuis les cinq ou six ans que je m'en servais. Elle avait cependant un inconvénient : c’est qu'elle n’était plus pra- tique quand on était obligé de s’en servir le microscope étant vertical, quand par exemple on avait a reproduire des objetsen suspension dans un liquide et qu’il fallait laisser la préparation à plat; en effet, pour avoir des dessins exacts, il aurait fallu dessiner sur un plan incliné à 45°, ce qui eût été très gênant. De là la nécessité d’avoir pour ces cas spéciaux une seconde chambre claire, d’avoir en somme à sa disposition deux instru- ments différents. La chambre claire que je présente aujourd'hui réunit à elle seule ces deux instruments. Elle est, en effet, à angle variable; elle peut, par con- séquent, donner un angle de 16 à 18°, lorsqu'il s’agit de dessiner en laissant le microscope vertical; ou bien, donner un angle de 40 à 45°, pour dessiner le microscope étant renversé en arrière. Elle se compose de deux surfaces réfléchissantes, de deux prismes à réflexion totale comme celle de Doyère et Milne-Edwards. Le petit prisme, celui qui est le plus près de l'œil, est fixe ; mais le second est mobile autour de son axe, en sorte qu'en le faisant mouvoir on peut obtenir toute une série d’angles divers. Cependant, comme en pratique il suffit d’avoir un angle de 16 à 48° et un autre de 40 à 45°, le jeu de ce second prisme a été limité : à l’une des extrémités de sa course, il donne un angle de 16 à 18° pour dessiner le microscope étant vertical, ainsi que celà se fait avec les chambres claires de Chevalier, Doyère et Milne- Edwards, Nachet...; tandis qu'à l’autre extrémité, il donne un angle de 40 à 45°, comme celle que j'ai présentée l’année dernière à la Société. Un bouton, situé sur le côté de la chambre claire et que l’on tourne dans un sens ou dans l’autre, fait mouvoir ce second prisme; une aiguille, atte- nante à ce bouton, indique l'angle obtenu. Les indications d’angies données par le constructeur pouvant ne pas être parfaitement exactes, il sera bon de les vérifier. J'ai donné autre- fois (2)le moyen de mesurer les angies des chambres claires, je n’y revien- drai pas. Cette vérification étant faite, si le plus petit angle est de 17°; par exemple, on dessinera, le microscope restant vertical, sur un plan incliné à 17° ; si le plus grand angle est de 40° seulement, on renversera (4) On pourrait, bien entendu, obtenir les mêmes effets avec des miroirs. (2) Archives de physiologie 1878, p. 406. PET SÉANCE DU Ÿ MAIL 279 le microscope en arrière de 40°; dans ces conditions les dessins obtenus seront parfaitement exacts. Depuis que je me sers de cette nouvelle chambre claire, je n'ai eu qu'à m'en louer ; je crois donc pouvoir la recommander tout spéciale- ment. Elle est construite par M. Stiassnie, successeur de M. Vérick. L'HYPOGLOSSE, LES PREMIERS NERFS CERVICAUX ET LES FILETS MÉDULLAIRES DU SPINAL FOURNISSENT-ILS DES KIBRES AU PLEXUS CARDIAQUE? par le D' E. WERTHEIMER. Au point où l’hypoglosse contourne le pneumogastrique, 1l donne d’après la plupart des anatomistes des fibres motrices à ce dernier : mais, selon quelques auteurs, lui-même en emprunterait d’autres au trone du nerf vague. C’est ainsi que E. Bischoff à décrit des filets allant du plexus gangli- forme au tronc de la 12% paire et d'autre part, d'après Krause, l’anse de l’'hypoglosse recevrait du pneumogastrique des fibres de renforcement. Ces filets du pneumogastrique, ainsi confondus avec l’hypoglosse, ne pourraient-ils pas redevenir libres plus bas pour prendre part à la forma- tion du plexus cardiaque. On sait que l’anse de l’hypoglosse s’unit à la branche descendante, interne du plexus cervical, par des anastomoses d’où partent un certain nombre de rameaux destinés aux muscles sous-hyoï- diens. Or, l’un d'eux chemine le long du muscle sterno-thyroïdien, pénètre dans le thorax et fournirait d’après quelques anatomistes qui reproduisent sur ce point la description de Meckel, un filet au plexus cardiaque. Ni Cruveilhier ni Longet ne signalent ce filet chez l'homme. M. Sappey en fait mention, pour en nier l'existence. Henle se borne à rapporter l'opinion des auteurs précédents. Krause le décrit. Nous avons vainement recherché ce filet non seulement chez l'homme mais encore chez le chien, le chat, le lapin. Chez ces animaux comme chez l'homme, ce long rameau qui pénètre dans le thorax se perd dans l’extrémité inférieure du muscle sterno-thyroïdien. Maïs, comme en rai- son des difficultés particulières à la région le filet cardiaque aurait pu échapper à la dissection, nous avons eu recours à une méthode plus sûre, l’expérimentation. Sur un certain nombre de chiens curarisés, soumis à la respiration artificielle, et chez lesquels nous prenions le tracé de l'artère fémorale, nous avons, avec le courant induit, excité le bout périphérique de l’anse de l’hypoglosse à son origine, sans jamais constater la moindre modifica- tion dans la fréquence des battements du cœur. Le résultat a été tout 280 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. aussi négatif quand nous agissions sur le rameau du sterno-thyroïdien lui-même. De cette dernière expérience nous pouvons conclure à l'absence de fibres cardiaques non seulement’ dans l’anse de l’hypoglosse, mais encore dans la branche descendante interne du plexus cervical. Nous avons alors été amené à rechercher si les nerfs cervicaux supé- rieurs avant de fournir cette branche descendante interne, ne donnaient pas à la portion supérieure du sympathique cervical des fibres accélé- ratrices, telles que les derniers nerfs cervicaux et les premiers dorsaux en fournissent à sa portion inférieure. Il n’est pas hors de propos de rappe- ler que dans un travail d'ensemble sur les nerfs du cœur, publié en 1879, dans la Gazette hebdomadaire, M. Francois Frank, résumant les travaux de Cyon, Schiff, Schmiedeberg, disait qu'il y avait peut-être lieu d’ad- mettre, outre le système des accélérateurs cervico-dorsal (les accéléra- teurs classiques) un système bulbo-médullaire formé de fibres qui alimentent le pneumogastrique peut-être par le spinal, et le sympathique cervical par ses anastomoses supérieures. Nous ne savons si depuis lors M. Francois Frank a été amené par ses re- cherches personnelles à modifier sa manière de voir en ce qui concerne ce dernier système; mais comme nous n'avons trouvé dans ses différentes publications sur les nerfs accélérateurs, ni chez d’autres physiologistes, de renseignements formels à ce sujet, nous avons pensé qu'il n’était peut- être pas inutile de rapporter les résultats de nos propres expériences. Nous nous bornerons à dire que nous placant dans les conditions expé- rimentales indiquées précédemment à propos de l'hypoglosse, nous avons excité le bout phériphérique des trois premiers nerfs cervicaux immé- diatement au sortir du rachis, par conséquent bien avant le point où s’en détachent leurs anastomoses avec le sympathique: les pulsations de l'artère fémorale n’ont présenté aucune modification de leur rythme. Il en a encore été de même quand l'excitation a porté sur le bout péri- phérique de la portion intrarachidienne du spinal au niveau des 2° et 3° vertèbres cervicales :la portion médullaire de ce nerf n’est donc pour rien dans l'influence accélératrice que l’on accorde au pneumogastrique depuis les recherches de Schiff, Rulherford, Kenckel. En résumé : 1° Il n'y à pas lieu d'admettre l'existence d'un filet qui serait fourni au plexus cardiaque par l’anastomose de l’anse de l'hypo- glosse avec la branche descendante interne ; 2° L'influence accélératrice de la moelle cervicale prouvée par lexpé- rience de Von Bezold, n’est pas transmise au cœur par les racines des Lrois premiers nerfs rachidiens. 3° La portion médullaire du spinal n’amène pas au pneumogastrique de fibres accélératrices. SÉANCE DU 9 MAI 281 LE CARPE DES HYRACOÏDES, par L. WERTHEIMER. En étudiant l’ostéologie du Daman (Hyrax), j'ai été frappé d’un fait qui, s’il n’a pas complètement échappé aux observateurs qui se sont occupés de cet intéressant animal, n'a pas du moins attiré leur attention autant qu'il le mérite: c’est l'existence constante chez l'Hyrax d'un os central du carpe situé entre les deux rangées normales. Il faut remonter à Cuvier pour trouver une indication relative à un 9° os du carpe chez le Daman. L’illustre anatomiste dit très explicitement que le carpe de l'Hyrax se rapproche le plus de celui des singes par la division du trapézoïde en deux os. De Blainville s'inscrit en faux contre cette opinion de Cuvier et soutient que le carpe ne comprend que.les huit os normaux, quatre à cha- cune des deux rangées. Le 9° os de Cuvier est pour lui Le trapèze qui aurait subi un déplacement en dedans et son soi-disant premier os de la seconde rangée ne serait que le métacarpien squammiforme du 5° doigt rudimen- taire, le pouce. Brandt observe qu'il retrouve la disposition décrite par Cuvier et ne peut nullement s’accorder avec de Blainville sur ce point; comme le premier anatomiste il constate une division du second os de la seconde rangée. Par contre George, dans sa belle monographie du Daman s'inspire de l'opinion de Blainville pour déclarer que le carpe se compose des huit os normaux, chacune des deux rangées étant de quatre os. Les auteurs subséquents ne nous donnent guère de renseignements à ce sujet. Ainsi, dans sa remarquable étude de l'os central, Leboucqne signale qu’en passant et en s'appuyant sur l'autorité de Flower que l'os central chez l’Hyrax dorsalis se soude avec le trapézoïde. Les anatomistes modernes se sont occupés du carpe du Daman à un autre point de vue, ils ont examiné si l'agencement des os du carpe était celui d’un ongulé ou d'un onguiculé. Gill et avec lui Flower écrivent que la seconde rangée du carpe alterne avec la première comme chez les véritables ongulés. Cope, lui, ne retrouve nullement cette disposition alternante typique du carpe des ongulés. Comme chez tous les onguiculés en général, c'est le grand os et non l'os crochu qui s'articule avec le semi-lunaire (intermé- diaire) de la première rangée ; toutefois il y a un certain passage vers le type ongulograde en ce sens que l'intermédiaire porté inférieurement par le grand os, a cependant un faible contact en arrière avec l'os crochu et un autre plus étendu en avant avec le trapézoïde. J'ai pu examiner trois squelettes de Daman (intéressant les deux espèces D. de Syrie et D. du Gabon) dont deux figurent aux galeries d’Anatomie comparée, un troisième conservé dans les magasins du laboratoire d’a- natomie comparée du Muséum, et la description du professeur Cope m'a 282 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. paru exacte, sauf rectification pour le contact antérieur de l'os intermé- diaire, que j'ai vu se faire invariablement avec l'os central. Cet os repré- sente dans les deux espèces de Daman comme dans tous les cas où il a été observé, — et Leboucq a montré que son existence est constante à un moment donné de l’évolution chez tous les mammifères, à l'exception des ongulés — une petite pyramide à quatre faces et à angles mousses dont une face, la base, s'articule avec le trapézoïde, une face interne avec le scaphoïde et la face externe avec le semi-lunaire et le grand os, la face externe étant libre. J’ajouterai que j'ai retrouvé à l'état cartilagineux, le même élément dans le carpe d’un jeune Daman que j'ai pu disséquer au laboratoire d'anatomie comparée. La constance de l’os central du carpe ne fait donc aucun doute. Ce n’est pas seulement pour augmenter le nombre des cas déjà si nom- breux d'existence d’os central dans le carpe des mammifères que j'ai rap- porté cette observation ; la particularité anatomique que je signale em- prunte à certaines circonstances une importance qu'il convient de faire ressortir. Le Daman, après avoir été placé primitivement par Cuvier dans les Pachydermes, à été ultérieurement classé à part comme représentant un groupe nouveau bien isolé; mais tout récemment les naturalistes américains (Cope-Marsh) s'appuyant sur la disposition du carpe — et à ce trait d'organisation le plus important indubitablement, on peut en ajouter d’autres comme la dentition, le nombre considérable des ver- tèbres, le mode d’articulation des apophyses transverses de la dernière lombaire, ete., la forme de l’omoplate, —- réintègrentil’Hyrax dans le groupe des ongulés et en font la souche de tous les ongulogrades éteints et vivants. En acceptant cette classification, et elle s'impose par son évi- dence même, il résulte, d'une part, que les ongulés qui jusqu'à présent avaient été considérés comme dépourvus de central du carpe, rentrent dans la règle générale, du moins par un des membres du groupe; d'autre part, que l’on voit à juste raison dans les Hyracoïdes la forme ancestrale des ongulés puisqu'ils établissent le passage entre les ongulés les plus primitifs, c'est-à-dire encore pentadactyles mais déjà dépourvus d'os cen- tral, et les onguiculés anciens chez qui le 9° os du carpe entre les deux rangées est normal et constant. NOTE SUR UN ÂACARIEN UTILE, LE Sphærogyna ventricosa NEwPp., par À. LABOULBÈNE et P. MÉGNIN. Il est un groupe d'êtres microscopiques que l’on regarde généralement comme étant tous malfaisants et dont le nom seul éveille une sensation SÉANCE DU 9 MAI. 283 de prurit, de démangeaisons : nous voulons parler des Acariens dont le plus connu est l’Acarus de la gale, le Sarcoptes scabiei. Nous avons pourtant déjà montré, dans divers travaux et dans un ouvrage spécial de l’un de nous (1), que les Acariens sont loin d’être tous dangereux, et que, sur trois ou quatre cents espèces actuellement connues, il n'y en a guère qu'une dizaine qui peuvent, par l’inoculation d'une salive veni- meuse spéciale, provoquer le développement d’affections cutanées pso- riques, soit chez l’homme, soit chez les animaux. Tous les autres sont des Acariens indifférents, vivant soit sur les végétaux, soit dans les détri- tus de matières organiques, soit enfin au fond des poils des petits mammifères ou dans les plumes des oiseaux. Loin de leur faire aucun mal, au contraire, ils les débarrassent des produits de la sécrétion cutanée et ils en eue Certains de ces Acariens faux-parasites, qui habitent au fond des poils ou des plumes, sont cependant carnassiers, mais aux dépens d'autres Acariens avec lesquels ils cohabitent et leur font la chasse, témoin celui que l’un de nous (P. Mégnin) a nommé le Cheyletus parasitivorax, qui vit au fond des poils des lapins où il chasse à courre le Zistrophorus gibbus, autre parasite inoffensif du même rongeur. Ce sont donc, à certains égards, des Acariens utiles, aussi en avons-nous fait une nouvelle catégorie, celle des Parasites auxiliaires. On a signalé à différentes reprises des Acariens vivant à côté du Phylloxéra, sur les vignes malades, en les regardant, comme des envoyés providentiels, chargés, pour obéir à une loi d'harmonie, de la destruction du terrible parasite de la vigne. Malheureusement rien n’est venu confir- mer cette hypothèse et nos études spéciales nous ont permis de recon- naître que ces prétendus ‘ennemis du Phylloxéra sont simplement ses commensaux, vivant des sucs altérés de la vigne tuée ou rendue malade par le néfaste puceron souterrain. Il existe cependant un Acarien qui pourrait remplir le rôle indûment attribué aux Gamases et aux Tyroglyphes que l’on trouve sur les racines des vignes phylloxérées, car c’est un ennemi-né d'un grand nombre d'insectes nuisibles et surtout de leurs nymphes et de leurs larves. Nous venons de l'étudier (2), etil est vraiment aussi intéressant par ses mœurs et sa manière de vivre que par les services qu'il rend. Voici dans quelle circonstance 1l nous a été donné d’en faire l'étude. Le chêne vert, dans le midi, est attaqué par un Coléoptère du groupe des Buprestides, le Coræbus bifasciatus dont la larve perfore le bois en tous sens et finit par amener la mort du végétal. À différentes reprises on avait trouvé des nymphes de cet insecte nuisible, mortes dans leurs galeries et portant à la surface du corps de petites productions sphé- (4) P. Mégnin, les parasites el les maladies parasitaires, un vol. avec atlas, Paris 1880. (2) Journal de l'anatomie, fasc. 1. Paris, 1885, » 284 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. riques d'une couleur jaune plus ou moins foncée, et on les avait pris pour des œufs de Coræbus. L'un de nous (Laboulbène), ayant recu de ces nymphes mortes, portant de ces corpuscules, prit d’abord ceux-ci pour des champignons dont ils avaient en effet toute l'apparence, mais un examen plus attentif, aidé du microscope, lui fit reconnaître que ces corpuscules possédaient sur un point de leur surface une tête, un thorax et des pattes, par lesquels ils adhéraient à la nymphe du Corræbus. C'était, en un mot, une espèce d'Acarien que nous nous mîmes à étudier, et cette étude nous montra que le corpuscule, en forme de champignon, n’était en réalité que l'abdomen extraordinairement dilaté en vésicule et rempli d'œufs dudit Acarien, fixé par son rostre sur la nymphe de l'insecte aux dépens de laquelle il vit et dont il détermine la mort. Dans le cours de notre étude, et en faisant des recherches bibliogra- phiques pour savoir si cet Acarien était où non connu, nous avons constaté qu'il avait déjà élé vu en Angleterre, en Amérique et même en France, mais peu, ou très incomplètement décrit. Newport, en Angleterre, en faisant ses belles recherches sur les Melli- fères (1830), avait rencontré cet Acarien sur une larve de Wonodonto- merus, parasite elle-même de l'Antophora retusa : il rendait à cette abeille le service de la débarrasser d’un ennemi, ou tout au moins d'un commensal génant. Frappé du développement extraordinaire de l'ab- domen de cet Acarien, Newport l'avait nommé #eteropus ventricosus, mais il en fit une description très incomplète, se demandant s'il n'était pas parthénogénétique, n'ayant pas vu de mâle parmi les nombreux spécimens de femelles qu'il avait sous les yeux et dont l'abdomen était bourré de jeunes prêts à naître, comme dans les femelles aptères des pucerons. M. Lichtenstein, à Montpellier, avait vu, en 1868, cet Acarien extraor- dinaire envahir ses boîtes d'élevages d'insectes, faire avorter toutes ‘ses éducations, et, pendant six mois, apporter la plus grande perturbation dans ses études entomologiques en lui tuant tous ses sujets. Sans le décrire, et croyant à une espèce nouvelle, M. Lichtenstein avait nommé provisoirement cet ennemi des insectes, Physogaster larvarum. Enfin, Webster, en Amérique (en 1882), reconnaissait les grands ser- vices que rend cet Acarien aux blés envahis par les teignes, en faisant un véritable carnage de ces nuisibles micro-lépidoptères. Si cet Acarien rend à nos greniers le service de les débarrasser des larves de la teigne des grains, il a cependant des inconvénients : ainsi, quand il n'a plus de proie à dévorer, il se jette parfois sur les hommes qui manipulent le blé qui a été teigneux, et cause par ses morsures des démangeaisons insupportables ; ce fait s'est proue à Bordeaux et à Moissac près Montauban, en 1856; heureusement qu'un simple bain de rivière suffit pour calmer ces Tnerngeotsuness Dans l'étude complète que nous avons faite de cet Acarien, nous avons SÉANCE DU 9 MAI. 285 reconnu que c’était par suite d’une erreur d'observation que Newport lui avait attribué le nom d’Æeteropus. Ce nom, du reste, ne pouvait étre conservé, non plus que celui de Physogaster parce qu'ils ont déjà été donnés à un grand nombre d'insectes. Nous avons pensé à créer pour lui le genre Sphærogyna, caractérisant le point le plus saillant de l’orga- nisation de cet Acarien, et nous lui avons conservé le nom spécifique donné par Newport, en sorte qu’il porte actuellement le nom de Sphæro- gyna ventricosa ; quant à sa description, nous l'avons donnée complète et accompagnée de figures dans le fascicule n° 1 de la présente année du Journal d'Anatomie de M. Ch. Robin, auquel nous renvoyons. Nous terminerons cette note en disant que, par l’organisation de son rostre, qui comprend des mandibules styliformes et des palpes maxillaires à trois articles dont le terminal est muni d’un crochet ravisseur, et par ses pattes réparties en deux groupes, composées chacune de 5 articles, terminées par des crochets, simples dans la première paire, et doubles dans les autres où ils sont accompagnés d’une caroncule spatuliforme, il doit être rangé dans la tribu des CHEYLÉTIDES et au voisinage du genre Picobia de Haller. Cet Acarien est remarquable par la rapidité avec laquelle il se déve- loppe et se multiplie. La femelle à son abdomen énorme, qui a centuplé de volume, bourré d'œufs et d'embryons qui sont nourris et se déve- loppent au moyen des sucs des victimes aspirés par leur mère; ces embryons deviennent les uns des femelles, les autres des mâles adultes en sortant de leur gynécée et se fécondant immédiatement, sans passer par les phases larvaires et nymphales que présentent les autres Aca- riens. Ainsi s'explique la multiplication rapide de ce parasite quand la nourriture abonde. SENSATION ET MOUVEMENT. — CONTRIBUTION A LA PHYSIOLOGIE DU GOUT Par Cu. FÉRÉ. Nous avons essayé précédemment (4) de montrer que considérées d’une manière générale, les sensations sont susceptibles d’être mesurées par l'excitation dynamique qu'elles produisent. C’est ainsi que nous avons constaté que les sons ont une action dynamogène qui varie avec leur intensité et leur hauteur, c’est-à-dire que l'intensité des sensations de l'ouie, mesurée par leur équivalent dynamique est en rapport avec l'amplitude des vibrations ef le nombre. Nous nous sommes assuré en outre que les impressions produites par les différentes couleurs s’accompagnant des (A)Bp. 223-242; 253; 270: 986 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. PE manifestations dynamiques analogues à celles que nous avions remar- quées pour les hallucinations provoquées relatives à ces mêmes couleurs. Ces effets sont très nets sur un grand nombre de sujets pour les couleurs les plus actives; mais ils sont particulièrement marquées sur les sujets nerveux que nous avons déjà pris comme réactif, dans nos précédentes recherches. Ainsi sur celui qui nous à déjà servi de type et dont nous avons donné l’état dynamométrique normal pour la main droite 23, nous voyons que l'impression des rayons rouges passant soit à travers une lame de verre, soit à travers une lame transparente de gélatine colorée porte la pression à 49, les orangés à 35, les jaunes à 30, les verts à 28, les bleus à 24. On peut donc ajouter que l'intensité des sensations visuelles varie comme les vibrations. Il semble donc que la vibration doit être consi- dérée comme l'unité d’excitation pour l’ouïe et pour la vue. En est-il de même pour les autres sens? Les substances odorantes qui ne perdent pas de leur poids pourraient bien devoir leur action à un pouvoir vibratoire variable pour chacune d'elles. Les expériences déjà anciennes de M. Vigouroux sur le diapason semblent indiquer une action des vibra- tions sur la sensibilité générale. Nous avons étudié les saveurs fondamentales par le même procédé et nous avons vu que l’on peut les classer suivant une gamme dynamique analogue à la gamme des sons et à la gamme des couleurs. C’est ainsi que le sucre à une action dynamogène très faible; le sel à une action beaucoup plus manifeste; et les substances amères sont encore plus actives : par exemple sur le sujet qui nous sert de grossissement nous voyons que le sucre donne 29, le sel 35, le sulfate de quinine 39. Sans se présenter avec des caractères aussi tranchés l'action du salé et de l'amer peut être rendue très manifeste sur des sujets normaux. Les acides ont une action plus énergique encore, mais leur rôle est complexe, la sensi- bilité générale et l'odorat sont aussi atteints par eux; or les irritations portant sur la sensibilité générale et sur l’odorat ont une action dynamo- génique propre qui s'ajoute à celle de l'excitation du goût; une solution d'acide acétique par exemple agit beaucoup plus activement que les amers. Si on recherche les effets des solutions titrées de sucre, de sel, ete. On voit que l’action des solutions les plus concentrées est la plus intense; mais nous ne voulons pas donner une formule mathématique à cette progression. L'état dynamique d’un sujet en expérience varie incessam- ment sous l'influence des ingesta et des cireumfusa; il est impossible de déterminer rigoureusement la valeur de ces influences; il faut donc résis- ter à la tentation de faire un loi psycho-mécanique à formule mathéma- tique. L'influence dynamique des sensations du goût surtout associées aux sensations de l’odorat sur lesquelles nous insisterons bientôt, peuvent servir à éclaircir un point de physiologie encore controversé. Il est un SÉANCE DU 9 MAI. 287 CL RE APS A GE PO AR Re AA EAN URSS aliment, le bouillon, dont on conteste la valeur nutritive, en s'appuyant sur l'analyse chimique, qui n’y trouve qu'une quantité insignifiante ou nulle de matériaux alimentaires; il n'est guère défendu en somme que par des arguments moraux : on dit qu'il doit bien avoir une action puisque sous son influence on voit souvent un malade reprendre un instant d'énergie, et être capable momentanément d’un certain effort. Il est certain que les sensations gustatives et olfactives de cet aliment sont capables de déterminer momentanément une excitation des forces, surtout sur un sujet épuisé, car nous avons montré que dans les conditions d’épuisement les agents dynamogéniques ont une influence plus marquée. Le bouillon, comme excitant sensoriel a une action dynamique, la fumée de tabac pro- duit exactement le même effet chez certains individus. Cette action dyna- mique s'étend sans doute aux organes de la digestion et peut rendre compte de l’action eupeptique. Certains amers considérés comme apé- ritifs jouent au contraire un rôle suspensif à cause de l’exitation trop grande qu'ils exercent, soit par eux-mêmes, soit par les substances qui leur sont associées. PRODUCTION DE GLOBULES SEMBLABLES À CEUX DU SANG DES MAMMIFÈRES, DANS DIVERSES PARTIES DU CORPS D'ANIMAUX DE CETTE CLASSE, LORSQU'ON Y INJECTE DU SANG D'OISEAU, MÊME LONGTEMPS APRÈS LA MORT; par M. BROWN-SÉQUARD. D'après quelques expériences, faites en 1842, Magendie (1) croyait avoir constaté que les globules ovales du sang des oiseaux et des gre- nouilles disparaissent immédiatement, quand on injecte une certaine quantité de ce sang dans une veine de mammifère vivant, et que les petits globules ronds du sang de mammifère nese retrouvent pas non plus après l'injection d’un peu de ce liquide dans une veine d'oiseau vivant. J'ai publié à ce sujet, en 1858 (2), un travail dans lequel j'ai signalé les particularités suivantes : 1° les globules du sang de mammifère (3) (1) Lecons sur les phénomènes physiques de la vie, Paris, 1843, vol. 4, p. 366, 376, 378. (2) Journal de la physiol. de l'homme et des animüux, Paris, 1858 vol. I, p. 173. (3) Marfels et Moleschott (Untersuchungen zur Naturlehre d. Menschen u. d. Thiere, Bd. 1, Heft I, 4857, p. 52-60) avaient déjà constaté que les globules de sang de mouton se conservent plusieurs semaines dans le système sanguin des grenouilles. Cette observation ne pouvait pas faire prévoir que chez les oiseaux, animaux à sang chaud, chez lesquels les phénomènes de la vie orga- nique ont une activité beaucoup plus grande que chez les Batraciens, on trou- verait le même fait de longue conservation de globules du sang de mammifère, 288 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. ne disparaissent que très lentement (on en trouve encore un mois après l'injection) dans le sang des oiseaux; 2° les globules de sang d'oiseau disparaissent rapidement dans le système circulatoire des Mammifères (chien, chat, lapin), et l’on n’en trouve d’arrêtés nulle part dans les capillaires de l’encéphale, des poumons, de la rate et des autres viscères abdominaux, ou dans les ganglions Ilymphatiques; 3° la disparition des globules ovales dans le sang circulant chez les mammifères n’est pas immédiate, comme le croyait Magendie : on en peut trouver encore un quart d'heure après l'injection; 4° des mammifères mourant d'hémor- rhagie peuvent être rappelés à la vie par une injection de sang d'oiseau (1). Depuis la publication de quelques-uns des résultats de mes premières recherches, j'en ai fait un grand nombre d’autres soit seul, soit avec l'assistance du D' G. Noël, en 1878, et de M. Hénocque, en 1879 et 1880. Je réserverai pour une communication postérieure les résultats que j'ai obtenus sur la question de savoir ce que deviennent les grands globules des oiseaux dans le système circulatoire des mammifères, me bornant pour le moment aux remarques suivantes : 1° si l’on injecte, soit dans la veine cave abdominale, soit dans l'artère fémorale, 30 ou 40 grammes de sang d'oiseau, chez un très gros chien, on ne trouve que très rare- ment quelques globules ovales à noyau dans le sang de cet animal immédiatement après l'injection : la disparition de ces globules est done instantanée ou du moins elle s'opère dans le temps très court que réclame l'examen du sang des diverses veines viscérales ou de la jugu- laire interne; 2 si, au contraire, on injecte une quantité relativement considérable (60 à 80 grammes de sang d'oiseau dans un vaisseau d'un petit chien, après l'avoir saigné copieusement, il meurt rapidement, el l'on trouve toutes les principales veines viscérales et autres, presque aussi riches en grands globules ovales, qu’en globules de mammifère ; 3° les grands globules de sang d'oiseau peuvent passer aisément à travers les capillaires, et il n'arrive que très rarement, chez le chien surtout, que des infarctus se produisent, par suite d’une accumulation de globules d'oiseau; 4° parmi les altérations des globules ovales, à noyau, dans les vaisseaux sanguins d'un chien vivant, la plus fréquente consiste en un changement de forme et de dimension : la cellule devient circulaire (et quelquefois son noyau aussi) et plus petite. Les faits que j'ai trouvés récemment semblent établir que la paroi des vaisseaux sanguins chez le chien surtout, mais chez d'autres mammifères (1) Dans une expérience faite à Alfort, en présence de mon savant collègue, M. Goubaux, j'ai pu rappeler à la vie avec du sang de poule, un cheval mourant d’hémorrhagie. Un chien rappelé à la vie de la même manière, sous les yeux d’une commission de l’Académie des Sciences, composée de MM. H. Milne-Edwards, CI. Bernard, Flourens, Coste et Serres, était en parfaite santé deux mois après, lorsqu'on l’a sacrifié. SÉANCE DU Ÿ MAI. 289 aussi, possède la propriété de faire apparaitre des globules semblables à ceux du sang des mammifères dans du sang d'oiseau et que cette pro- priété persiste longtemps après la mort. Voici comment j'ai été conduit à cette conclusion. Pour un tout autre objet que celui dont il s'agit ici, après avoir mjecté du sang de pigeon dans l'artère fémorale d’un train postérieur du chien, séparé du corps depuis plus de deux jours, je trouvai au bout d'un certain temps, que le sang revenant par la veine fémorale ne contenait qu'un nombre de globules ovales à noyau, bien inférieur à celui que j'aurais dû trouver. Y avait- il donc eu disparition par dissolution ou autrement d'une partie de ces éléments du sang d'oiseau ? J'injectai alors dans la mème artère fémo- rale une solution de sulfate de soude et après avoir constaté que le liquide revenant par la veine contenait à peine de globules sanguins de chien, je poussai dans cette artère six ou sept centimètres cubes de sang de pigeon, défibriné par le battage. Les premières gouttes de sang sortant alors par la veine fémorale et plusieurs petites veines coupées ne conte- naient guère que des globules sanguins d'oiseau. Une heure après la pro- portion de ces globules avait tellement diminué que leur nombre était devenu un peu moindre que celui de globules ronds sans noyau, abso- lument semblables à ceux du sang normal des mammifères. J'aurais dû dire déjà que le membre postérieur du chien sur lequel j’expérimentais, avait été soumis, aussitôt après la mort, à une injection de solution de sulfate de soude et ensuite au passage presque continu d’un courant de sang de bœuf, défibriné. Il n’y avait donc eu aucune difficulté à faire cir- culer du sang d'oiseau lorsque j'en ai injecté. Qu'était-il arrivé dans cette expérience? Y avait-il eu formation de glo- bules semblables à ceux du chien dans une partie quelconque du membre (os ou parois vasculaires) ou un mélange tardif de globules de mammi- fère restés en quantité encore considérable dans le tissu spongieux des os ou dans quelque partie jusque-là obstruée du système vasculaire? Sans entrer dans des détails, dans cette première communication, je dirai que des expériences déjà très nombreuses ont montré que c’est la première de ces deux suppositions qu'il faut accepter. Je ne rapporterai pour aujourd’hui, à l’appui de cette opinion, que les particularités suivantes. Sur un membre postérieur de chien, séparé du corps, j'ai fait trois injec- ons d'environ six centimètres cubes de sang de pigeon, la première immédiatement après le lavage du système vasculaire à l'aide d’une solu- üon de sulfate de soude, aussitôt après la séparation du membre d'avec le corps du chien, la seconde le lendemain et la troisième le surlende- main. Dans les trois cas, au bout d'un temps variable (d'une à trois heures) j'ai vu le nombre des globules d'oiseau, qui était d'abord très grand, devenir très faible, alors que l'inverse avait lieu pour les globule: de mammifère. Sur un membre postérieur de chien, détaché du corps, j'ai soumis à un 290 SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE. , lavage tellement considérable (treize litres d’une solution de sulfate de soude à5 pour 100) qu'une goutte du liquide sortant des veines contenait à peine quelques globules. Cela fait, du sang d'oiseau à été injecté par l'artère fémorale. Le résultat, pendant près de dix à douze heures, a paru négatif. Le sang pris dans les veines, à plusieurs reprises, ne fit voir qu'un nombre très minime de globules ronds au milieu d’une quantité de globules ovales, à noyau. Des éléments de l’épithélium vasculaire s'étant montrés en assez grand nombre dans les divers examens de la solution saline employée, et dans les gouttes de sang tirées des veines, il semblait probable que la puissance de production de globules ronds avait été détruite par les altérations causées par un lavage trop prolongé du système vasculaire. Cependant, au bout d'environ trente heures, un nouvel examen du sang des veines me montra que la nroduction de glo- bules semblables à ceux du chien n'avait été que retardée. En effet le sang de ces vaisseaux contenait alors une bien plus grande proportion des globules caractéristiques du sang des mammifères que de ceux de pigeon. Essayant de résoudre la question de savoir si c’est bien à la paroi des vaisseaux sanguins que celte production de globules est due, j'ai fait sur la rate l'expérience que voici. Sur un chien venant d'être tué par une ‘ injection de sang de pigeon dans la veine-cave inférieure, j'ai lavé le système vasculaire de la rate à l’aide d’une solution de sulfate de soude et j'ai injecté ensuite du sang d'oiseau par l'artère splénique. Les premières gouttes de sang sortant par les veines spléniquesne contenaïient que des globules ovales à noyau (globules d'oiseau), mais au bout de quelques minutes, on voyait déjà des globules semblables à ceux du sang de chien, se montrer au milieu d’une quantité de globules ovales. Après une heure, ces derniers éléments avaient presque disparu et les globules de mammifère (d’après toutes les apparences) occupaient presque seuls le champ de vision du microscope. Le lendemain, le surlendemain et trois Jours après cette expérience, des injections nouvelles de solution saline et de sang d'oiseau (trois centimètres cubes), ont été faites et Le ré- sultat a été le même. Ïl parait donc certain qu'il se produit des globules identiques {suivant les apparences au microscope) à celui du sang de chien dans les cas divers d'injection de sang d'oiseau dans le système vasculaire des membres, de la tête ou de la rate (1) chez des mammifères (chien, chat, lapin, cobaye). Mais la question reste de savoir si ces globules de for- mation nouvelle doivent leur existence aux globules ovales, à noyau, se transformant, ou à une genèse complète dans le plasma liquide formé par le sérum contenant en solution les divers matériaux des cellules de (4) Je laisse de côté pour le présent les autres organes où cependant les mêmes faits ont lieu, comme je le montrerai bientôt, 1. TA SÉANCE DU Ÿ MAI. 291 sang d'oiseau. Je ne veux pas aujourd’hui donner d'opinion positive à cet égard, mais je puis dire que je crois que les deux modes distincts d’origine de nouveaux globules, dans les circonstances que j'ai signalées, coexistent suivant toutes les probabilités. Cependant il semble certain que dans la rate c’est surtout sinon exclusivement le second de ces deux modes qui existe. Ainsi que je l'ai dit en commencant, c’est à la paroi des vaisseaux que j'attribue la production de nouveaux globules dans les circonstances de mes expériences. Cependant je suis loin de ne pas croire à des influences que le tissu des glandes (de la rate, en particulier) et celui des os'possè- deraient aussi à cet égard. Je m’en occuperai dans une prochaine com- munication. Des faits rapportés dans ce travail et de nombre d’autres faits non men- tionnés, il résulte que des globules sanguins semblables à ceux des mammifères peuvent être produits dans le système vasculaire des membres, de la tête et des glandes {et surtout de la rate), longtemps après la mort , lorsqu'en a injecté du sang d'oiseau dans ces parties. LA VALVULE DE BAUHIN CONSIDÉRÉE COMME BARRIÈRE DES APOTHICAIRES. Note du D' Cu. DEBIERRE (DE LYoN), présentée par M. R. BLANCHARD. La valvule de Bauhin (valvule iléo-cœcale) est ainsi appelée du nom de l’anatomiste qui a prétendu l'avoir découverte en 1579 (1), bien qu'en réalité il n’ait fait qu'emprunter la découverte de C. Varole (2), qui l'avait décrite six ans auparavant sous le nom d'opercule de l'iuléon, définissant ainsi d’un seul mot ses attributs physiologiques. Bauhin ne peut donc revendiquer en sa faveur que le nom de valvule qu’il donna le premier à ce repli de l'intestin grêle. Fabricius d’Acquapendente (3) signala le premier le fait que la valvule 1iléo-cæcale s'oppose au passage de l’air insufflé par le gros intestin, et Riolan (4), quelques années plus tard, mentionnait qu'elle se comporte d’une manière identique vis-à-vis de l’eau injectée dans le gros intestin. Les assertions de Fabricius d’Acqjuapendente et de J. Riolan ont sans (1) G. Bauhin, Theatr. anat:, Fräncofurti, p. 121, tab. XX, fig. 3, 1605: (2) Varole, Anat. hum. 1573. (3) Fabricii ab Acquap. Opera omnia. Lugd. p. 142, 1738). (4) J: Riolan, Enchirid. anat: Lugd: p: 105, 1649: 292 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. doute été maintes fois mises à l'épreuve par de nombreux anatomistes. D'où vient, dès lors, que la question soit restée pendante ? La question à résoudre est celle-ci : La valvule iléo-cœcale est-elle suffisante? En d’autres termes, s’oppose-t-elle toujours d’une facon effi- cace au reflux des matières exerémentitielles, liquides ou gazeuses, du cœcum dans l’iléon ? À ceux qui penseraient que cette question, importante nous le verrons plus loin, même au point de vue pratique, est depuis longtemps résolue, nous nous permettrons de rappeler en deux mots l'opinion d’éminents anatomistes dont les livres sont devenus depuis longtemps classiques. Que dit, en effet, à ce sujet le professeur Sappey? La valvule iléo-cæcale, dit-il, s’oppose au reflux des matières solides, liquides ou gazeuses du gros intestin dans l'intestin grèle. « Pour cons- tater, ajoute-t-il; qu'elle s'oppose au reflux des liquides, il suffit de verser de l’eau dans le cæcum par le côlon; bien que l'iléon soit resté hibre, il ne passe pas une seule goutte de liquide dans sa cavité; et, si pour forcer ce passage, on soumet le cœcum à la pression d’une colonne d’eau de 2 à 3 mêtres, on reconnaît que le liquide, loin de s'échapper par l’orifice iléo-cæcal, distend les parois du gros intestin et finit par les rompre. Si, au lieu de le remplir d'eau, on l’insuffle, on constate également que l'air ne s'échappe pas par l’iléon. Or, siles gaz et les liquides trouvent dans cette valvule une barrière infranchissable, il devient évident que les matières demi-liquides ou solides seront plus sûrement arrêtées encore » (1). Pour Sappey donc, la valvule de Bauhin est une barrière infranchis- sable aux matières, quelles qu'elles soient, du cœcum dans liléon. Ouvrons maintenant le livre du vénérable Jean Cruveilhier. A la page 332-333, du tome III de son Anatomie descriptive (2° éd. Paris, 1843) nous lisons : «Il résulte d’une foule d'expériences que J'ai faites à cet égard, que, d'une part, l’eau injectée du gros intestin vers la val- vule; d’une autre part, l'air insufflé dans la même direction, triomphent le plus souvent, mais avec plus ou moins de facilité suivant les sujets, : de la résistance opposée par la valvule. Le reflux du gros intestin dans l'intestin grêle ne serait possible que pour les gaz et les liquides; ilne saurait l'être pour les matières qui ont un certain degré de consistance. Le reflux des matières fécales est donc impossible. » Pour Cruveilhier donc, la valvule de Baubhin, loin d’être toujours sufli- sante ainsi que le dit le professeur Sappey, est le plus souvent insuffi- sante. J. Cloquet (2) se borne à dire qu’elle est « destinée à empêcher le retour des matières excrémentitielles du cœcum dans l'intestin grêle ». (4) Sappey, Anatomie descriptive, &. IV, p. 263-264, 3° éd. 1877. (2) J. Cloquet, Anat. de l’homme, L. NV, p. 681. Paris, 1831. SÉANCE DU 9 MAI. 599% Ainsi donc, les uns affirment que ia valvule iléo-cæcale est le plus souvent insuffisante, les autres qu'elle est infranchissable à rebours. Nous nous sommes longtemps demandé où était la vérité. Nous allons voir ce que l'expérience répétée nous a répondu. Quand Sappey prétend contre J. Cruveilhier etavec Fabricius d' A qua pendente et Riolan, que la valvule de Baubhin est infranchissable pour les gaz ou les liquides injectés par le gros intestin, il à raison, si l’on n'envisage qu'un certain nombre de cas, tort, sil'on a en vue la généra- lité des cas. Jean Cruveilhier à même raison, lorsqu'il dit que la valvule est le plus souvent imsuffisante. Maïs, si Cruveilhier a bien vu ici comme dans tant d'autres circonstances, il n'a cependant pas donné l'explication du phénomène qu'il à vu se produire dans ses nombreuses expériences. Nous allons essayer de combler cette lacune. En premier lieu, les nombreux essais auxquels nous nous sommes livré au laboratoire d’Anatomie de la Faculté de Médecine de Lyon, soit en injectant de l’eau par le rectum, soit en insufflant de l'air par le gros intestin, avec une force continue et progressive, nous ont permis de classer sous trois chefs les résultats expérimentaux qui peuvent se présenter : À 1° Les gaz insufflés par le gros intestin s’échappent par l'iléon qui plonge dans l'eau; les liquides ne passent point. 2° Les liquides comme les gaz franchissent la valvule et sortent par l’iléon avec une facilité variable, depuis le cours à plein canal jusqu'au filet d’eau qui s'écoule en bavant devant une pression énergique. 3° La valvule ne se laisse forcer ni par l’eau, ni par l'air, quelle que soit la pression. Dans ce dernier cas, l'injection de 2500 centimètres cubes d’eau par le rectum d'un sujet adulte, gonfle énormément le gros intestin : pas une goutte ne passe dans l'intestin grêle. L'insufflation va jusqu'à rompre la tunique séreuse en maints endroits du gros intestin, sans qu'une bulle d'air s'échappe par le petit intestin ; l'intestin .résiste à une colonne d’eau de 3 à 4 mètres. Par l'injection forcée, l'intestin se déroule, se redresse en soubresauts, les replis péritonéaux, les appen- dices, la tunique séreuse cédent, et... la valvule tient bon. — Aun moment donné, l'intestin se crève et un jet d'eau est projeté à 3 ou 4 mètres. Ajoutons qu'il nous a: paru que la valvule est plus souvent suffisante quand les intestins sont laissés en place dans l’abdomen que lorsqu'ils sont sortis du ventre, dévidés et étalés sur la table d’amphithéâtre, et, comme généralité, disons seulement que la valvule insuffisante est plus nur que la valvule infranchissable, dans le rapport d'environ 2 à 5. En résumé, la valvule est insuffisante ou suffisante suivant les sujets, voilà la vérité. | Il nous reste à rechercher la cause de ce phénomène. 294 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Pour le dire tout de suite, il est indubitable qu'il tient à la disposition anatomique de la valvule elle-même. Pour nous faire comprendre, il nous faut rappeler en deux mots la forme et la structure de la valvule iléo-cæcale. Nous savons depuis Margagni (1), mais surtout depuis Winslow (2) et Albinus (3), que la valvule de Bauhin est formée par l’invagination dans le cœcum de l’iléon, non pas de l’invagination de tout l'intestin, mais seulement de sa tunique muqueuse et des fibres circulaires de sa tunique musculeuse : la couche des fibres musculaires longitudinales et la tunique séreuse n'y prennent aucune part. Vue par la lumière de l’iléon, la valvule se présente sous la forme de deux dômes en sorte de bec de canard renversé, qui marchent l’un vers l’autre vers le centre du cœcum, La regarde-t-on par une fenêtre cœcale, voici ce que l’on voit : Sur l'intestin sous l’eau, on apercoit un bourrelet mousse et saillant, fendu suivant sa longueur, bourrelet dont les deux lèvres sont appliquées : l'une contre l’autre; sur l'intestin desséché, on voit deux lèvres sail- lantes, horizontales et en forme de croissants se prolongeant en avant et en arrière sur les parois du cœcum par les freins de Morgagni, en haut et en bas, en une sorte de parabole iégèrement excavée dont la marge se perd sur les parois du cœcum, lèvres interceptant entre elles une ouverture elliptique de 20 à 30 millimètres. De ces lèvres ou valves semi-lunaires, la supérieure ou colique serait la plus courte et l'inférieure. ou ecœæcale la plus longue pour le professeur Sappey (4), la plus échancrée pour Jean Cruveilhier (5); la valve inférieure serait la plus large, mais la moins longue d’après Morel et Mathias Duval (6). Cette divergence dans les descriptions ne saurait indiquer rien autre chose que les variétés individuelles. De fait, ces variétés dans la forme et la longueur relative des lèvres de la valvule sont des plus importantes dans l'espèce; en elles réside tout bonnement l'explication que nous cherchons: La valvule iléo-cæcale est infranchissable lorsque ses deux valves sont égales ou la valve inférieure plus longue ; elle est insuffisante quand la lèvre inférieure, est inscrite dans un cercle plus petit que celui de la lèvre supérieure. Nous possédons une série de pièces avec annotations expérimentales qui ne laissent aucuñ doute à ce sujet. C’est dire que l’ocelusion résulte de l'affrontement des deux valves, poussées l’une contre l’autre par la colonne liquide ou (4) Adversari a anatomica, I, 1719. De valvuld coli. Exposit. anat. p. 317, 1738). Acad. anat. 1, 1754. SÉANCE DU 9 Mar. 295 gazeuse emprisonnée dans le cœcum et foulée par celle qui vient du côlon. Lorsque la valve inférieure ou cœcale est plus petite que la valve colique ou supérieure, la colonne liquide qui bute dans le cul-de-sac cœæcal, là où est le maximum de pression, refoule la lèvre supérieure en grande partie à elle directement accessible, franchit la valve inférieure, pénètre entre les deux lèvres et finit par se faire jour dans l'iléon. En dehors de cette cause capitale, il en est d'accessoires, dont les prin- cipales se tirent des brides péritonéales, des appendices graisseux, et spécialement des replis séreux qui unissent l'intestin grèle à angle droit au cœcum. La preuve, c'est que l’on obtient plus facilement et plus souvent l'insuffisance de la valvule de l'intestin dévidé qu? de l'intestin en place, et que, d'autre part, c'est quand une partie des brides péritonéales est rompue, et en particulier un repli qui unit l’iléon au cœcum dans l'angle iléo-cæœeal et maintient l'intestin grêle enfoncé dans le cœcum, qu'on observe que la valvule est franchie par les liquides injectés, dans le cas de valvule suffisante jusqu'alors. Les considérations purement anatomiques qui précèdent peuvent avoir leur importance en médecine pratique. En effet, on a vanté les injections liquides forcées et les injections gazeuses par le rectum dans les cas d'iléus ou de valvulus. Or, de même que l'intestin se déroule et se dévide sur la table de l’amphithéâtre lorsqu'on y pousse une injection forcée, de même qu'au fur et à mesure que l'intestin est gonflé par l’eau ou par l'air, il se détord et s'échappe des brides artificielles au milieu desquelles on l'embarasse (brides d’épliploons, torsion d'une anse, etc,); de même encore qu'il se désinvagine quand on l'invagine artificiel- lement, de même il doit en être dans certains cas d'’étranglement interne susceptibles des injections liquides ou gazeuses. Celles-ci pour- raient même être efficaces encore lorsque déjà il y a des adhérences. Toutefois, pour qu'elles le soient, il est indispensable, on le conçoit, que la valvule ne soit pas franchement insuffisante, si jamais elle est telle sur le vivant. : Si on avait l'occasion d'employer ce moyen thérapeutique, il serait de toute utilité de ne pas oublier que la capacité du gros intestin est variable avec les sujets, que 1500 à 2000 centimètres cubes de liquide distendent déjà beaucoup le gros intestin, et que 2500 suffisent ordinairement pour commencer à rompre sa tunique séreuse, Enfin, étant donné que la valvule est souvent insuffisante, il s'ensuit que les vomissements de matières fécales délayées sont possibles, ainsi que le passage des gaz odorants du gros dans le petit intestin. 296. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. PARTURITION ANORMALE CONSÉCUTIVE A UNE RUPTURE COMPLÈTE ET ANCIENNE DU COL UTÉRIN (brebis), par M. BARRIER (d'Alfort). A la date du 28 février, mon confrère de Clamecy (Nièvre), M. Vernant, eommuniquait à M. H. Bouley le fait très curieux de l'expulsion spontanée d'un fœtus à travers les parois du ventre, fait observé chez une brebis agée de trois ans qui avait du reste été abandonnée comme imeurable. Je demande à la Société la permission de lui citer, à titre de rensei- gnements commémoratifs, quelques-uns des passages de la lettre de M. Vernant, lettre publiée par M. Bouley dans le fiecueil de médecine vétérinaire du 15 mars dernier. « Il y a trois semaines environ (le 6 février), une brebis pleine et à terme présentait à la partie déelive du ventre (région ombilicale) un œdème chaud de dimensions considérables. Le volume de la tumeur était tel que l'abdomen touchait presque à terre, et qu'à première vue, tout permettait de croire à une hernie énorme. Le régisseur de la ferme, en présence d’un état aussi alarmant, et croyant du reste à l'existence d’une hernie, donna l’ordre au berger de sacrifier la bête qui était d’ailleurs en assez mauvais état. Ce dernier n’en fit rien et vint un beau jour (le 15 fé- vrier) prévenir son maître que la tumeur s'était ouverte et qu'une patte sortait par l'orifice. L'examen de la femelle confirma les dires du berger. S'attendant à une mort prochaine de la brebis, on ne fit point de traction sur le fœtus et on abandonna la mère à elle-même. La nature se chargea de la sauver. Petit à petit, l'agneau, par son poids, élargit l’orifice et finit par être expulsé à moitié. La mère, en marchant sur les pattes trainantes de son produit, compléta l'accouchement opérant ainsi une certaine traction. L’agneau était à terme, bien conformé et mort depuis peu de jours. » J'ajouterai qu'il s'était présenté à l'ombilie normalement, c'est-à- dire par la tête et les membres antérieurs. Quant à la mère, M. Vernant m'a écrit qu'il avait eu l’occasion de la voir une quinzaine de jours environ après la mise bas. Elle semblait en si excellente santé qu'il fallut la chercher dans le troupeau, tant sa viva- cité et ses forces étaient encore accusées. Son ventre, très bas, n'était pas revenu à ses dimensions normales; la région ombilicale offrait une plaie circulaire d'une vingtaine de centimètres de diamètre, presque complète- ment fermée sauf à son centre où existait une étroite ouverture permet- tant à peine l'introduction du petit doigt. Par précaution, M. Vernant fit soutenir le ventre en appliquant sur la paroi abdominale inférieure un bandage formé d’un sac plié en quatre et fixé sur les reins et le dos à l’aide de cordes. Tout pouvait faire présumer que la guérison de la brebis dût être défi- nitive. Pourtant il n’en fut rien. Elle succomba presque subitement (le SÉANCE DU 9 MAIL. 297 2% mars), trente-huit jours après la parturition, et cela au grand avan- tage… de la science, car, si elle se fût rétablie, les faits intéressants qui vont suivre eussent probablement été perdus à tout jamais. C’est à cette heureuse circonstance que je dois d’avoir pu examiner les organes géni- taux et la paroi abdominale inférieure de l'animal. Je saisis l’occasion qui m'est offerte pour remercier M. Vernant d’avoir bien voulu recueil- lir les pièces et me les offrir. Tout d’abord, j'avoue que je me suis trouvé fort embarrassé de reconstituer les choses en leur état, par suite des changements de rap- ports et de connexions qu'elles révélaient. Cependant, après une dissec- tion attentive, il m'a été possible de rétablir exactement la disposition des parties. Les deux schémas ci-contre, malgré leur imperfection, me per- mettront d’abréger ma description tout en la rendant plus claire. Sur l’un d'eux (fig. 1), j'ai figuré la situation et les rapports normaux du rectum OPA Fig. I. — Schéma des organes génilo-urinaires normaux. U. Utérus; — R, Rectum; — Va, Vagin; — Ve, Vessie ; — Pu, Pubis; — Co, Col utérin ; — ab, Point où la rupture a eu lieu. et des organes génito-urinaires dans la cavité abdominale; sur l’autre (fig. 2), j'ai représenté les mêmes organes, tels qu'ils se trouvaient sur la brebis dont il est question. (D) Fig. 2. — Schéma des organes génito-urinaires après la rupture de la matrice. Cg, Corne utérine gauche ; — Cd, Corne droite; — Pe, Peau de la paroi abdominale inférieure s’arrêtant brusquement sur la périphérie de la cupule ombilicale; — 0, Orifice de sortie du fœtus, situé au centre de la plaie ombilicale. (Les autres lettres comme pour la fig. 1.) NT. °N { 298 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. On sait qu'à l’état normal (fig. 1), l'utérus des petits ruminants a ses cornes incurvées en avant et en bas. Chez notre bête, au contraire (fig.2), le vagin (Va) se terminait en cul-de-sac en formant une sorte de moignon vers l'entrée de la cavité pelvienne. Au fond de ce cul-de-sac, j'ai reconnu la moitié postérieure du col utérin complètement oblitéré. En face et en avant du moignon vaginal se voyait la corne utérine gauche (Cg), mais déviée de telle sorte que sa convexité regardait en arrière et sa concavité en avant. En suivant la courbure de cette corne, à partir de l'ovaire cor- respondant, elle venait se greffer sur une sorte d'ampoule piriforme encore assez spacieuse qui n'était autre chose que la corne droite (Cd): l'état de sa surface intérieure et les nombreux cotylédons qui la garnis- saient ne laissaient aucun doute à cet égard; un éperon impair séparait d'ailleurs les cavités respectives des deux cornes. Enfin un étroit et cour pédicule fixait ces organes sur la paroi abdominale inférieure, juste au centre de la large plaie que celle-ci présentait à la région ombilicale, Cette plaie était constituée par une surface bourgeonnante circonscrite par la peau {Pe), qui s’arrêtait brusquement sur sa périphérie. Au-dessus de cette surface enflammée, j'ai retrouvé les divers plans musculo-apo- névrotiques de la paroi abdominale inférieure parfaitement intacts. Mais dans toute l'étendue de la plaie ombilicale, la paroi ventrale se montrait fortement déprimée en vaste cupule, de dessus en dessous. Au centre de cette cupule existait un orifice étroit (0). En y introduisant un tube insuf- flateur, je pus pénétrer à ma guise, par le pédicule dont j'ai parlé, soit dans la cavité de la corne droite, soit dans celle de la corne gauche: et, au moyen de l'insufflation, je pus m'assurer qu'aucun pertuis, ou diver- ticulum, ne mettait en communication les cornes utérines avec le moignon vaginal. Telles sont les dispositions établies par la dissection. Nous allons voir qu'il est facile maintenant d'interpréter les faits observés pendant la vie du sujet. Il est évident d’abord que l'on a affaire ici à une rupture complète de la matrice portant sur la partie moyenne du col et survenue après la fécon- dation. Comme je ne possède absolument aucun renseignement sur la cause qui a provoqué cette rupture, on comprendra ma réserve à l’en- droit des explications purement hypothétiques que je pourrais fournir. Tout ce que je puis dire, c’est que l'examen minutieux des ligaments larges, des cornes utérines, du moignon vaginal, du rectum et du péri- toine en général, ne m'a rien révélé de particulier. Une fois séparée du vagin, la matrice pleine est tombée dans la cavité abdominale; son corps est venu se greffer sur la paroi inférieure du ventre, dans la région de l’ombilic, tandis que ses cornes, encore soute- nues par les ligaments larges, ont pu rester fixées à la paroi sous-lom- baire en intervertissant simplement leurs rapports; d'inférieure, leur courbure concave est devenue supérieure, pendant que leur convexité se SÉANCE DÜ % MAI. 299 dirigeait en arrière, juste en regard du moignon vaginal. Quant au con- tenu de l'utérus, ilest resté dans sa cavité normale de réception, gràce au siège de la rupture qui portait sur le milieu du col. Des adhérences intimes n'ont pas lardé à s'établir entre la paroi abdo- minale inférieure et la face péritonéale de la corne droite qui renfermait le produit de la conception. Peu à peu, sous l'influence du poids toujours croissant de la matrice et du fœtus, la paroi ventrale s’est déprimée de dessus en dessous et une sorte de cupule s’est formée aux dépens de cette paroi dans la région ombilicale. Enfin, pendant les derniers temps de la gestation, un travail uleérateur s’est établi qui à fini par mettre en com- munication avec l'extérieur la cavité utérine au niveau du point où elle s'était greffée sur la paroi abdominale. C’est vers cette époque qu'est sur- venu l’œdème chaud de la région ombilicale, puis l’escharification de la peau, la plaie dont il a été parlé, et en dernier lieu l'ouverture ombili- cale qui à permis la mise-bas. La survie de la mère, pendant 38 jours après l'accouchement, trouve également son explication dans ce fait que l'ouverture ombilicale abou- tissait dans la matrice et non dans la cavité péritonéale, circonstance qui avait mis l'animal à l'abri de la péritonite, laquelle serait probablement survenue lors du part, si le fœtus, après la rupture, füt sorti de la cavité utérine. La cause de la mort de la brebis ne paraît pas très bien déter- minée. M. Vernant l’attribue à l’anémie consécutive au traumatisme. Gette opinion semble d'autant plus probable que la bête était déjà en assez mauvais état et que l’autopsie n’a relevé aucune lésion de nature à expli- quer la mort. Quoi qu'il en soit, on comprend très bien une guérison défi- nitive à la suite d'un accident de ce genre. J'irai même plus loin en disant qu'il eût été possible de conserver ce sujet pour la reproduction, en empé- chant simplement l'orifice utéro-ombilical de se fermer, et en pratiquant sur la brebis, au moment des chaleurs, la fécondation artificielle. Sans aucun doute l'expérience n'aurait rien eu de pratique, mais sa réalisation eût été à coup sûr originale et curieuse, Le gérant : G. Masson. Paris. — Imp. G. Rovarn et Cle, rue Cassette, 1. MATT A DIS Le de nf | NRA HEC TAEAOFENR “at its EEE « MALI th NTM he ÉETLE É cri Ml 7 301 SÉANCE DU 16 MAI 1885.. GrLLÉ : Valeur dé l'épreuve de pressions centripètes. — Réponse | aux critiques de ® Pr Politzer. — Browx-SÉQuaRD : Nouveaux faits relatifs à la formation de slobutes sanguins quand on injecte du sang d'oiseau dans lés vaisseaux d'un mammifére, après la mort. — D' À. GaarpeNtEr : Sur la durée de l'adaptation de la rétine. à l'obscurité. — P. Bazzer et P. MÉNETRIER ! Agénomes sébacés (Variété tubuleuse) de la face et du cuir chevelu. — Cu. Féré : Sur la mécanique psycho-physiolo- gique. — Cu. DEBIERRE : Sur les Canaux de GATE chez la femme. — MAURICE ! MenpeLssonn : Suriles lois de l'irradiation des RES réflexes. î ne . . Présidence de M. Hanot. DU P' POLITZER, par M. GELLÉ, ‘On sait-en quoi consiste cette épreuve, dite des pressions centripètes. : Au moyen d’un ballon de caoutchouc adapté par un tube à l'oreille du sujet, on presse doucement et par intervalles sur la membrane du tympan, tandis que le diapason sonne sur le vertex : tel est le dispositifde l'épreuve. -A chaque pression exercée sur la poire à air, le sujet percoit-une atté- ation brusque du son crânien; et le phénomène se reproduit à volonté sur l'oreille saine. Quelle est la Se du phénomène? : OR AC : J'ai admis que, par le fait des pressions transmises, en même temps que le son du diapason diminue, la platine de l’étrier subit un légèr dé- placement vers le labryrinthe; et je pense que Faffaiblissement-de la sén- sation reconnait po cause:cette pre nt de l’étrier sur L “contenu labye rinthique. j A UOTE; 9h alien : Des cette: ex pirionce ainsi pros j'ai dns dar ane notions apblicables: à la séméiotique auriculaire et surtout au diagnostic de. F étai des fenêtres ovale et ronde et du nerf labyrinthique, 1%: 26:55 21291 ::Ces idées ont été d’abord exposées au congrès médical nai dé Londres (1881); puis:développées dans une étude clinique sur « les lésions des fenêtres: aie et ronde dans le vertige de Ménières » (Her de médecine, 1882.) ado Die: Sigatie bo no Syria li Role HE M2 -BroroctE. COMPTES RENDUS. 8e SÉRIE, 45 PAU TE NS 482 OX 302 ; SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Depuis j'ai continué cette étude expérimentalement et cliniquement avec l’ambition d’aider au diagnostic des lésions dans les formes dites nerveuses de la surdité. Je publierai prochainement le résultat de ces recherches. Aujourd'hui je désire seulement répondre aux critiques contenues dans le livre de Politzer, que la récente traduction de M. Jolly me permet de réfuter actuellement. L'autorité qui s'attache aux travaux du maître otologiste viennois explique les développements que je donne à ma réplique. Voici la critique de Politzer (p. 640): CRE Nate mais, comme Gellé ne tient pas compte de ce que, à cha- que bombement en dedans de la membrane du tympan, il y a également une pression exercée sur la membrane de la fenêtre ronde par suite de la compression de l'air de la caisse, que par conséquent, même quand l’étrier est immobilisé la pression labyrinthique peut être augmentée par cette expérience, qu'en outre l’affaiblissement des sons dans cette expérience est dû aussi à l'accroissement de tension de la membrane tympanique, on ne peut non plus accorder à cette méthode la valeur diagnostique que son auteur lui attribue... » Disons tout d’abord que les douces pressions que j'exécute ne vont point jusqu’à produire le bombement en dedans du tympan; il y a tout juste un léger déplacement en dedans com- patible avec l’état de santé de l'organe, et que les conditions pathologi- ques exagèrent ou arrêtent souvent. Quant à l'action de ces pressions centripètessur la tension tympanique, et à l’idée que celle-ci soit pour quelque chose dans le phénomène de l’at- ténuation du son, je réponds par la simple expérience suivante qui rend l'erreur de cet à priori évidente. £xpérience : Adaptez à votre oreille droite un tube de caoutchouc communiquant avec un ballon de caoutchouc plein d'air ; le tube offre à son union avec l’embout de la poire à air une baudruche mince, tendue, interposée, et séparant l'air de la poire de celui du tube qui aboutit à l'oreille. Les choses ainsi disposées, le plein du tube de caoutchouc représente assez bien une cavité tympanique dont la baudruche serait le tympan ; et l’oreille de l’observateur constitue l'organe de perception. Or, si l’on applique sur le tube un diapason la 3 vibrant, on remarque à chaque pression douce exercée sur le ballon, une augmentation mani- feste du son transmis. La tension intermittente de la baudruche intercalée est bien la cause de ce renforcement de la sensation, car cette tension de la cloison accrue par la pression, amène l'arrêt de l'écoulement des ondes sonores vers le dehors. Et la preuve en est simple: si l’on faitsonner le diapason sur le bal- lon mème et non plus sur le tube, c’est-à-dire si l’on fait arriver le son au Ré € SÉANCE DU 46 Mat. 303 DR dehors de la baudruche, tympan artificiel de notre simulacre d'oreille, le son diminue à chaque pression au contraire. Cela est dû à la même ten- sion que tout à l'heure qui s'oppose au passage des ondes sonores. Concluons de ces expériences que, par une pression de la poire à air, on obtient, par le fait de la tension accrue de la membrane une augmen- tation d'intensité du son, quand celui-ci arrive à l'organe et non à tra- vers la peau de baudruche. Or, n'est-ce pas l’ensemble des conditions qui se trouvent réalisées dans l'épreuve des pressions centripètes où le son du diapason posé sur le : crâne parvient droit au labyrinthe par les os et la caisse, sans traverser la membrane du tympan ? Mais on voit combien le résultat diffère ; c’est ici une atténuation du son que les mêmes pressions tympaniques produisent. Des résultats si op- posés forcent à admettre des conditions expérimentales différentes. La tension simple du tympan ne suffit pas à éteindre le son crânien il y a un autre élément du problème assurément. On sait que l'étrier subit tous les déplacements en dedans de la cloison tympanique ; et ce que l’on ne peut obtenir en modifiant la tension de celle-ci s'obtient sûrement par le mouvement concomitant de la platine de l'étrier vers le labyrinthe. Le rôle de la fenêtre ronde est connu; elle sert de soupape à ces oscillations délicates du contenu de l'oreille interne. La sensation de son crânien est donc modifiée par l'action de ce dépla- cement de la base stapédienne sur le nerf labyrinthique. Cette épreuve des pressions montre ainsi une réacüion labyrmthique et prouve tout à la fois la motilité des fenêtres ovale et ronde. On voit combien la constatation des modes réactionnels du labyrinthe éclaire le diagnostic des lésions cachées de l'oreille, et l'utilité de l'épreuve des pressions à ces deux points de vue. Comment agissent les pressions? Comment le déplacement en dedans de l’étrier agit-il pour produire l’atténuation de la sensation auditive, atténuation qui peut aller, dans l’état morbide, jusqu'à l'extinction passagère, intermittente à volonté, du son crânien ? Est-ce en immobilisant l’étrier momentanément? ou bien n'est-ce pas en anesthésiant le nerf labyrinthique par compression? Politzer admet la possibilité d’anesthésier ainsi le nerf sensible. J'avais jusqu'ici admis que c'était le résultat de l’immobilisation de la platine de l'étrier; et je pensais qu'il se passait dans l'acte de la pres- sion exercée ce que produit l'application du bout du doigt sur une mem- brane ou un corps vibrant, soit qu'il éteigne les vibrations, soit qu'il di- minue seulement leur amplitude. A mon sens, la pression centripète cause, en l’exagérant, même sur l'oreille saine, un phénomène de même ordre que ce qui résulte de la con- 304 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. traction du muscle; tenseur dans: ral sn fonctionnelle: de: ne dation.. Fil ve Les réactions cxbrémes de 1 ul nerveux auriculaire, que. le pres- sions. amènent dans l’état pathologique n’indiquent nullement un état pathologique du nerf labyrinthique. L'intermittence de laréactionetla pos- sibilité de la provoquer: à volonté, avec retour à la normale paraissent le démontrer aussi. Dans mon opinion, les lésions de l'oreille moyenne per- mettent dans cé cas:des déplacements relativement énormes, des :ébran- lenients anormaux de l'appareil de transmission, du tympan à la platine de l’étrier, vers le labyrinthe, cette enceinte osseuse; et de là naissent les réactions brutales observées, sous l'influence de la: foueuue Dé eo de_cet appareil sensitif si délicat. -Ce n’est point le lieu de répéter ce que j'ai expliqué ailleurs, et d'énu- mérer les faits cliniques ou expérimentaux dont l'observation et l’ana- lyse m'avaient fait attribuer jusqu'alors la plus ‘grande part d'action aux lésions des fenêtres’ ovale et ronde, et de ; REuLE HHOyÉRE, en générale | °-En effét, dans l’état de santé le plus complét de l'appareil nerveux acoustique, un choc qui brise et refoule le tympan brusquement avec tout lappareil de transmission à la suite, et cause ainsi la commotion violente du labyrinthe, produit avec une surdité guérissable des accidents immédiats de déséquilibration des plus graves. La réaction du nerf lsbyrinthique sur tout le traumatisme est identique à celle dont les lésions graves de l'oreille moyenne nous fournissent l'observation clinique (vertige de Ménière) et il n’est point besoin d'admettre une lésion du nerf labÿrinthique pour comprendre les accidents nerveux. : “J'avais ‘été ainsi amené à conclure que sans doute les phénomènes 6bservés cliniquement à la suite des pressions centripètes, annoncaieñt plutôt des lésions situées au niveau des fenêtres ovale et ronde, qu une on du contenu de l'oreille interne. Des néer opsies récentes me permettent de penser que Je suis dans la x voie de la, vérité ; deux autopsies de vertige de Ménière n'ont en effet montré aucune altération nerveuse nulle part; et tout au contraire elles. ont per: mis de constater les plus graves lésions de sclérose de la muqueuse de l'oreille moyenne, l'ankylose et la soudure, de létrier dans la fenêtre ovale. | 7 : semble donc. que c’est bien surtout cet ordre de lésions dont les pressions centripètes facilitent le diagnostic et la constatation, et que mes. conclusions sont aussi. logiques que possible, malgré le dire, de Politzer. NT | Néanmoins, de ce que les pressions centripètes provoquent À un ou ne sieurs modes de réaction labyrinthique, suivant la mesure du déplacement consécutit ef, de la pression subie par le nerf, on doit conclure qu'il:ya DE 2 = 1 2SÉANCE DU #6.Mai. ‘305 Fr tout à-la-fois-un procédé d'investigation de l’état: de Sensattée de te nerf; action et réaction se confondent expérimentalement, Dh 181606 de clinique nous montre bien le rôle de l’élément: nerveux dans ces expériences. Voici un sujet atteint d’otorrhée à l'oreille droiteavec perfo- ration large du tympan ; — la montre est perçue par la voie crânienne, sur le front et sur l’apophyse mastoïde, et à 5 centimètres serrer Pa l'air; l'oreille gauche est bonne. Le diapason-vertex est percu à droite rent Dans l'épremve des pressions centripètes, chaque pression de la poire de caoutchouc adap- tée à l'oreille gauche saine, produit l’atténuation du son du: diapason- vertex à droite. Le sujet sent donc à droite l’éffet d’une pression faite sur l'oreille gauche saine; et c’est à droite qu 1} DEtQut Pose Eee intermittent du son: He nr: : Disons en terminant que la AO faite à droite ne donne dieu à ‘aucune variation de la perçue ; l'oreille drone n ot De aux nes SES ' IPS [se produit là une acions à distance sur Ruelle j jai déjà athré Fat- téntion: Je n'avais jusqu'ici cependant étudié que les modifications ap- portées dans l'audition des sons aériens par les pressions sur le-tynipan d'un côté, le diapason sonnant auprès de l'oreille du côté opposé." °°: J'aïpublié déjà une étude sur ce sujet. (Soc. Biologie, 188%, épreuve de sympathie binauriculaire, où de synergie fonctionnelle binauriculaïre.) Cependant je n'avais:eu en vue que l’audition des ondes sonores ‘aériénnès et j ai conclu alors à l'existence simultanée de contractions Sÿnergi- ques de l'appareil d’accommodation de oreille opposée à celle sur laquelle onagit par les pressions. RU RP A CR Ici, c’est de sons cràniens qu ils agit; en ce cas l’audition est néces- sairement binauriculaire e; etles pressions centripètes la modifient ‘éñer- giquement “aussi, nous venons de le voir ; maïs céla a liéu un ‘peu différemnient cependant à l’état sain, si l’on a pris la précaution de laté- raliser le son du done en oblitérant Bin Je Cons auditif d'un côté : * L'épreuve donne un réeultat bien curieux; à tue pression: de’ fa poire posée à droite, ‘par exemple, le son se fixe nettement à gauche et y domine (c'est la gauche que l’on à bouchée). Maïs CÉPEREN en ! Somme la-sensation iitrue d'intensité manifestement. * Malgré la latéralisation du son du diapason-vertex causée par le pan chon de cire, leetios sy nie Desiense a rit même Do Je aité- nuation du son. nee Il ne-faut pas non plus oublier que l'influence dés lésions: auricilairés sur l'effet des pressions tient: surtout à leur siège: HU RE “Certes Ta mise ên activité des :synergiés fonctionnelles ‘de l’accornmi- En hauriulaire par une pression unilatérale explique sans douté ne légère atténuation du son ‘érânien ; mais suffit-elle à réndré “Cornpté de 306 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. la production du silence complet, de la suspension de la sensation sonore, opérée ad libitum à chaque pression du ballon de caoutchouc? Or, la clinique en fournit des exemples ; tout récemment encore, j'ob- servais un sourd chez lequel le son du diapason-vertex latéralisé à droite, fut éteint totalement par la pression centripète appliquée à gauche ; soudain et à chaque fois le silence complet succédait à la sen- sation continue du diapason. Y a-t-il alors suppression du courant sonore? serait-ce seulement une suppression passagère de la sensibilité? Une disparition si rapide, un retour si facile de la sensation ne sont pas compatibles, ce me semble, avec de grosses altérations nerveuses ; et l’on est conduit plutôt à penser à une mobilité extrême des tissus auriculaires permettant un déplacement trop étendu en dedans, d’où limmobilisation de l’étrier et l'arrêt du courant sonore. = Peut-on voir là un phénomène d’inhibition ? ou bien, si l’on admet que e nerf labyrinthique se trouve anesthésié par compression comment expliquer que l’autre oreille subisse la même influence? De plus, si, avec l’école actuelle, on pense que la transmissien du son se fait par les os crâniens directement à travers le rocher, en droite ligne, comment comprendre que la pression exécutée à droite interrompe le courant sonore à gauche? Que les partisans de la théorie classique en Allemagne répondent ! Je suis en mesure de réfuter aujourd’hui cette opinion d’une action inhibitoire exercée par l’effet des pressions sur l'oreille opposée à celle que l’on comprime. Y a-t-il là une aclion sur le nerf labyrinthique et secondairement par celui-ci sur le nerf du côté opposé ? y a-t-il là inhibition ? Eh bien! non ; et la preuve en est facile par les observations suivantes. Si l'effet des pressions tient uniquement à un réflexe né de la com- pression du nerf labyrinthique, ce résultat doit cesser de se produire si l’on agit sur une oreille dont le nerf acoustique est paralysé, ou anes- thésié, comme c’est le cas des hémianesthésies hystériques par exemple. Eh bien! si sur des sujets de cet ordre, on exerce les pressions du côté paralysé, du côté sourd, l’action à distance, l’atténuation du son du dia- pason-vertex percu par l'oreille saine est constante et normale {l'oreille moyenne ést supposée saine); et le phénomène se reproduit à volonté comme J'ai pu le constater sur une série d’hémianesthésiques hysté- riques dans le service de M. le professeur Charcot. | I n'y à donc pas d’inhibition et le rôle des contractions synergiques des appareils de l’accommodation binauriculaire apparaît évident. La pression unilatérale met en jeu synergiquement l'organe de trans- mission et d'accommodation du côté opposé ; deux effets sont produits sous cette seule et unique influence. On peut encore expliquer de la sorte certaines lésions binauriculaires , SÉANCE DU 16 M4 307 entre autres qu'une action morbide ou autre unilatérale peut accroître l'effet nuisible d’une affection existant déjà dans l’autre oreille. Egalement on comprendra mieux dès lors qu'une lésion unilatérale récente puisse causer une surdité totale par son action sympathique sur la seconde oreille anciennement atteinte. L'observation clinique a mentionné depuis longtemps des cas de cet ordre. Par l'exposé qui précède on voit que de questions intéressantes sou- lévent ces résultats curieux des pressions; j'espère avoir montré le parti que le clinicien auriste peut en tirer pour le diagnostic des lésions pro- fondes de l'oreille moyenne: c’est ma réponse aux critiques de Politzer. NOUVEAUX FAITS RELATIFS A LA FORMATION DE GLOBULES SANGUINS QUAND ON INJECTE DU SANG D OISEAU DANS LES VAISSEAUX D'UN MAMMIFÈRE, APRÈS LA MORT ; par M. BRowN-SÉQUARD. Dans le dernier numéro des Comptes rendus de la Société (p. 287) j'ai annoncé que si on empêche ou retarde la coagulation du sang et si on lave plus ou moins complètement le système vasculaire d’une partie du corps d’un chien, en injectant dans l'artère principale d’un organe ou d’un membre une solution de suifate de soude (5 parties pour 100 d’eau), on trouve que du sang d'oiseau, défibriné par le battage, poussé dans cette artère,se modifie rapidement. En effet, après une demi-heure et même plus tôt, on trouve que le sang des veines de la partie mise en expérience, contient une proportion très considérable de globules semblables à ceux du sang de chien et une proportion plus ou moins faible de globules de sang d oiseau. En attendant la publication des détails de mes expériences à ce sujet, je vais rapporter dès aujourd'hui quelques-uns des résultats généraux que ‘j'ai obtenus jusqu'ici, et je donnerai les principales particularités d’une des expériences que j'ai faites. La puissance de formation de globules semblables à ceux des mam- mifères dans les circonstances que j'ai signalées, appartient à un bien plus haut degré à certaines parties de l'organisme qu'à d’autres. D'une manière générale les glandes, les os et les poumons ont plus d'influence à cet égard que le cerveau et les muscles, y compris le tissu du cœur et certaines parties du canal digestif (le rectum et l’estomac). Mais le rein, le foie et les poumons paraissent avoir plus de puissance que la rate et le pancréas. Il n’est pas douteux que ce n’est pas seulement une transformation des 308 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. glôbulesoÿaläires # noyau: du sang d'oiseau ‘quia leu, én: supposant, comme je le crôis, que cette transformation se produise. En‘effet,lenombre deglobules ronds semblables à ceux du sang de mammifèrer est-trop grand pour qu'on puisse admettre qu'ils ne proviennent: que de change- ments de forme des globules ovales et de la présence-de globules-de mam- mifère réstés dans les capillaires malgré le lavage. De plus, là-transfor- mation (si elle a lieu) ne se fait certainement que pour un nombre de glôbules-peu considérable, car on voit très fréquemment une très grande tjuäntité de noyaux Hbres dégagés des cellules ovalaires du sang d'oiseau, toût letréste de là masse globulaire s'étant dissous: On atla preuve queces noyaux proviennent des gtobules sanguins d'oiseau, car on trouve souvent à côté d'eux des cellules ovalaires d’une pâleur excessive, contenant encore un noyau identique à ces noyaux libres. Quant à la supposition que les globules sanguins d'oiseau se transforment en globules ronds de mammifère, je la crois très bien fondée, car ie trouvé toujours, dans les veines des diverses parties sur lesquelles J ai fait ces expériences, un nombre plus. où moins grand artant de cinq à cinquante pour mitie go: bulés ronds) de globules circulaires, plus g gros que les disques sanguins de mammifère, les uns n'étaient que des cellules à noyau d'oiseau, arrondies, les autres montrant toutes les dimensions intermédiaires à celles des globules d' oiseau et de ceux du chien. Ces éléments modifiés sont assez souvent pourvus encore de leur noyau, lequel est plus fréquemment ovale, comme à l'état nor cmal, qu ‘arrondi. Cés globules transformés, même lors- qu ‘ils sont encore très gros, sont assez souvent crénelés quand les disques sanguins de mamimifère e qui les entourent le sont. “Pour faire bien compr endre comment j'ai procédé dans une bonne par- tie de CES recherches, Je vais donner quelques-unes des particularités d'üné de mes éxpériences. À 8 héures du matin, je tue un petit chien par hémorrhagie (section des caro otides et de l'aorte abdominale). Je injecte, au moment de là mort, environ 400 centimètres cubes d'une solution au vingtième de sulfate de soude dans l'aorte, immédiatement au- -dessus du diaphragme et après avoir lié ce vaisseau, dans l'abdomen, entre l’ origine de la principale artère mésentérique et celle de l'artère, qui, chez le chien, envoie du sang au foie, à l'estomac, à une partie du petit intestin et à in rate. Cela fait, je m'assure qu'il ne résté qu'un très petit nombre de glo> bules dans le liquide, encore rosé cependant, qui sort par la veine sus- hépatique. Bientôt après, j'injecte par la méme voie, environ 7 centimètres cubés de sang de pigeon, défibriné par le battage et à la température dè Y'air (40° cent). Pour être bref, je laisse de côté tout ce qui concérne l'examen du liquide donné par les veines stomacale, duodénale et splé- nique et ne m°’ occuperai que du sang venant du foie. PEER Vingt minutes après l'injection du sang d'oiseau, je ne trouve dans le liquide contenu dans la veine sus-hépatique qu'un nombre très petit de cellulés OYalaires à noyau (globulés d'oiseau), À peine y en a-t-il deux SéANGE" DU 16 A1. 309 pour cent disques: sânguins ronds. Il existe phocue SOUS PRtGr ME didires (Lpour 400 au plus). in SAC NOR Re | * Êne heuré-après, je presse surle foie pour faire soir ürie bonne partie (qui n ést du reste qu’assez minime) du liquide sanguin des vais- seaux veineux sus-hépatiques. J'enfonce alors un mince tube dans quel- ques-uns de ces vaisseaux et, par l'examen de 10 ou 12 gouttes de sang veineux, retirées de: diverses parties du foie, je constate que les’cellules ovalaires d'oiseau y manquent presque complètement. À peiné pour des milliers de globules ronds de chien y en avait-il une douzaine: De plus, il n’y avait qu'environ une vingtaine de globules intermédiaires. Qu'était-il donc arrivé au sang d'oiseau injecté? Était-il resté agglo- méré dans les capillaires, y formant des infarctus? Il y avait des points de la surface du foie plus rouges que d’autres. Fy ai fait des sections, et, par un peu de pression, jen ai fait sortir quelques gouttes de sang. L'examen de ces gouttes à montré, pour des milliers dé disques sanguins semblables à ceux du chien, vingt-cinq cellules ovalaires, la plupart très pales et plus ou moins altérées, une vingtaine de globules intermédiaires dont quelques-uns, très gros, avaient un noyau rond et de très rares noyaux hbres. Les globulins du sang d'oiseau, ainsi qu'à l ordinaire. dans ces expériences, manquaient complètement. lits - Une heure et aussi deux heures après l'injection du sang ni oiseau, j ’ai encore examiné le sang de la veine sus- hépatique et celui fourni par la sec- tion d’une partie du foie, et je n’ai obtenu qu’un résultat presqué absolument négatif, quant à la présence de cellules non modifiées de sang d'oiseau. L'examen du sang de la veine-porte (séparée de sés origines intestinales et autres), dans le foie lui-même, a montré que le sang d'oiseau, injécté par l'aorte, c'est-à-dire par l'artère hépatique, y avait en par tie passé. Unè- demi-heure après l'injection, ce sang contenait environ 4 globules ovälairés pour 5 ronds. Une heure après, la proportion dés globutes bvälaires’ n'était que de 5 5 pour 25 ronds, et deux heures aprés que de ‘6ou7 pour 100 ronds. Je laisse de côté la question du passage de ‘sang d'oiseau, injecté par l'artère hépatique, dans les vaisseaux sanguins du foie formant l'artère veineuse, veine- porte, et je me borne à dire, à l'égard du sujet de ce travail, que la quantité totale de sang sorti par le tronc de cette veine-porte pendant l'injection de sang d'oiseau et sous linflûence de compressions du foie, n’a pas été de deux centimètres cubes. Conséquemment, il est impossible d'admettre que le sang de pigeon injecté est sorti par cette voie: Tout au pie St LH par Li veine- ue 1e quart du sang injecté. SA ee “Une nouvelle injection de sang d'oiseau a été faite à trois heures de onece -midi (sept heures après la mort), et une troisième à Cinq héurés (neuf heures après la mort), et dans les ‘deux cas dés résultats As IBues aux précédents ont été obtenus. HG al SUD ES | 7 SIG Il résulte de ‘ces particularités que les cellules ovalaires du sang 310 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE d'oiseau disparaissent en très grande partie, dans le système vasculaire du foie et qu’elles sont remplacées par des globules semblables à ceux du sang de chien. Il résulte aussi de cette expérience sur le foie, que ce n'est pas parce que les cellules ovalaires à noyau sont arrêtées dans les capillaires, qu’on ne les retrouve pas dans le sang des veines sus-hépa- tiques. Ces résultats sont analogues à ceux que j'ai obtenus à l'égard des autres glandes, à l’égard des poumons et aussi des diverses autres parties de l’organisme. SUR LA DURÉE DE L'ADAPTATION DE LA RÉTINE A LOBSCURITÉ, par le D° A. CHARPENTIER, professeur à la Faculté de Nancv. On sait que la sensibilité lumineuse varie dans des proportions plus ou moins notables suivant l'intensité de l'éclairage ambiant auquel l'œil est adapté. Il y a entre cet éclairage et la sensibilité lumineuse correspon- dante, une relation que je m'occupe actuellement de déterminer et sur laquelle je reviendrai. Je désire seulement pour aujourd'hui appeler l'attention sur ce qui se passe du côté de la perception lumineuse quand un œil est soustrait à l’action de son excitant habituel et passe du grand jour dans une complète obscurité. Aubert {de Rostock) a déjà étudié la question à l’aide de plusieurs méthodes : dans la première il se plaçait dans une chambre obscure, et, regardant à certains intervalles déterminés un fil de platine rendu incan- descent par un courant constant, il déterminait, soit à l’aide de verres noirs placés devant l'œil, soit en modifiant la longueur et par suite la température du fil, de combien il fallait diminuer l'intensité primitive de ce dernier pour cesser de l’apercevoir. Dans une autre série d'expériences il présentait à l’œil un carré blanc dont il pouvait augmenter ou dimi- nuer la surface jusqu’à la limite de la perception (Physiologic der Netz- haut, p. 27; Physiol. Optik, p. 483). I conclut de ses recherches que la perception de lumière augmente d’abord rapidement, puis de plus en plus lentement, de facon à être après 10 minutes de séjour dans l’obscurité, 25 fois plus grande, et après 2 heures, 95 fois plus grande environ qu'au début. J'ai repris la question en y appliquant ma méthode de détermination de la sensibilité lumineuse par le minimum perceptible. Ce minimum est déterminé à l’aide du photoptomètre à lentille convergente de surface variable, dont j'ai indiqué le principe en 1877 à cette Société, et dont J'ai utilisé différents modèles pour la distance des perceptions visuelles. SÉANCE DU 16 Mal. 311 M'enfermant dans une chambre absolument obseure, ou bien recou- vrant complètement mes yeux soit avec les mains fermées, soit avec une -étoffe noire et opaque, j'ai déterminé dans chaque expérience, de minute en minute, la valeur de la plus petite lumière perceptible. La compa- raison de ces différentes valeurs successives donne des renseignements précieux sur la marche de l'adaptation de l'appareil rétinien. (Je m'étais préalablement assuré que ces déterminations ne changeaient pas la valeur de la sensibilité lumineuse.) Un premier fait, c'est que le minimum perceptible diminue progres- sivement à mesure que se prolonge le séjour dans l'obscurité. Cependant, après 20 minutes environ, sa décroissance est insignifiante, et la sensi- bilité lumineuse acquiert une valeur sensiblement constante. 9° Cette diminution se fait de moins en moins vite, comme l'avait in- diqué Aubert. Elle s'effectue à peu près suivant la même loi que le refroi- dissement des corps chauds (loi de Newton). Si l’on jette les yeux sur la courbe qui représente les valeurs successives du minimum perceptible en fonction du temps de séjour dans l'obscurité, on reconnaît facilement la forme hyperbolique, comme le montre la figure 1. (Expérience du 18 juillet 1883.) Le tracé théorique, d'après la formule du refroidisse- ment, coïncide de plus avec cette courbe, autant que le permettent les limites d'erreur de ces expériences. On peut exprimer ainsi la loi de l'adaptation lumineuse : À partir de l'entrée de l’œil dans l'obscurité, le 912 SOGIÉTÉ DE BIOLOGIE. minimum: perceptible décroit. en progression géométrique-à mesure: que le temps augmente en progression arithmétique. Ou en d’autres termes la vitessé avec laquelle augmente la sensibilité lumineuse est proportion- nelle à chaque instant à la différence qui existe entre sa: valeur: actuelle et la valeur qu’elle atteindra au moment de l'adaptation complète de la rétine, Ainsi: différence considérable au début, décroissance rapide du minimum perceptible, ou, ee qui est la même chose, augmentation rapide de la sensibilité lumineuse ; différence minime à la fin, variation presque nulle de la sensibilité lumineuse, si bien que la rétine peut être considérée pratiquement comme adaptée au bout de 20 minutes. TON 3° La durée réelle de l'adaptation est-elle cependant toujours ia même? Evidemment non, car plus grande sera la valeur initiale ‘du minimum perceptible par rapport à sa valeur finale, plus il faudra: de temps pour atteindre cette dernière. Or, le minimum perceptible vartant ‘en même temps et dans le même sens que l'éclairage ambiant, il-est clair qu’il faudra moins de temps, pou une adaptation complète; -à un œil sortant d'un éclairage faible qu'à un œil habitué tout d'abord &un éclairage intense. il %° La différence entre la valeur de la sensibilité lumineuse au début et à la fin d’une expérience peut être bien plus grande que ne le croyait Aubert. Tout dépend de l'éclairage initial auquel l'œil est adapté. Si cet éclairage est faible, les chiffres donnés par Aubert représentent assez bien la moyenne. Ainsi, dans l'expérience représentée par la courbe de la figure 4, le minimum perceptible était, après 10 minutes, environ 48 fois plus faible qu’au début. Mais dans bien des cas la différence est beaucoup plus grande, elle peut être de 4 à 100 et même davantage. Voici un fait qui montre jusqu'où peut aller cette différence : le 6 mai dernier, je maintinsmes yeux dans l'obscurité complète pendant une heure; je déterminai ensuite le minimum perceptible de l’œil gauche, puis j'allai sur la terrasse de mon laboratoire, où je restai exposé au grand jour pendant cinq minutes environ (il faisait un peu de soleil, avec ciel nuageux); le minimum perceptible déterminé ensuite était pour l'un et pour l’autre œil 676 fois plus grand que la première fois. Il faut se demander s’il n’y a pas là un résultat de ii fatigue provenant de l'énorme excitation, par le grand jour, d’un œil rendu extrêmement impressionnable par lobseurité ; mais il n’est pas rare de voir, par la seule adaptation à l’obscurité, l'œil rendu 150 fois plus sensible au bout de 15 à 20 minutes. 4 De là découlent des conséquences très importantes au point dé vüe de la technique à suivre pour l’examen de la sensibilité lumineuse dans “différents buts. Voici quelques exemples :: if, 65 Ao:Onpent évaluer:la clarté absolue d’une lumière quetéonque: & après Ja quantité la plus faible de cetté lumière qui-puisse produire une’-sen- sation: la’clarté est en raison inversé du minimum perceptible. C'est là SÉANCE DU 16 MAI. 313 une méthode de photométrie applicable à toute espèce de lumière, et que j'ai proposée il y a plusieurs années (Académie des sciences, 40 fé- vrier. 4879). Or, cette méthode ne peut être appliquée que si l’on fait la mesure du minimum dans des conditions d'adaptation comparables, et le plus simple est de faire séjourner l'œil au préalable pendant 20 minutes dans l'obscurité. : 2° Veut-on comparer d'après ma méthode la sensibilité des diverses: parties de la rétine, il faut que toutes ces parties soient dans lés mêmes, conditions d'adaptation les unes par rapport aux autres, ce qui n’a. jamais lieu pour un œil en activité; je montrerai dans une prochaine note comment s'expliquent, en partant de ce fait, certaines divergences. observées par des auteurs qui ont voulu contrôler les résultats, que j'ai obtenus en 1877. 3° La même nécessité d’une adaptation identique se présente pour la. détermination clinique de la sensibilité lumineuse. La perception nor- male: s’exprimera d'après le minimum de lumière perçu après un séjour de 20 minutes dans l’obseurité, et c'est après ce séjour de même durée qu'on devra examiner la perception des malades. ADÉNOMES SÉBACÉS (VARIÉTÉ TUBULEUSE) DE LA FACE ET DU CUIR CHEVELU, par P. BALZER ET P. MÉNETRIER. na : Une malade entrée cette année dans le service de M. le professeur Fournier, à l'hôpital Saint-Louis, présentait à la face, et dans le cuir chevelu, un grand nombre de petites tumeurs, qui, dès l’abord, parurent d’un diagnostic difficile. Elles furent considérées comme consütuant une affection probablement non décrite jusqu’à ce jour. L'examen microsco- pique de plusieurs de ces tumeurs est venu confirmer cette opinion, en nous montrant des caractères qui permettent de les rapprocher des, tumeurs groupées sous le nom d’adénomes. -: Gétte femme, âgée de 21 ans, a vu il y a dix ans, au moment où elle a commencé à être réglée, apparaître, d’abord au front, puis en divers points de son visage, de petites tumeurs absolument indolentes, et qui depuis ont persisté sans présenter de notables modifications. Elles ont toujours augmenté de nombre, sans varier de volume. Depuis trois ans, dit la malade, elles se sont montrées au cuir chevelu et, dans ces derniers temps, il en est apparu à la nuque et à la partie supérieure du dos: Ces-tumeurs, dans les régions que nous venons d'indiquer, affectent des sièges de prédilection, au visage du moins. Ainsi elles sont très abon- dantes au front, au niveau des bosses frontales, au pourtour du nez;à 314 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. la base d'implantation duquel elles forment comme une couronne. Elles se montrent surtout nombreuses dans les sillons naso-géniens, et dans le sillon labio-mentonnier ; de même aussi à l’orifice du conduit auditif externe au niveau de sa paroi postérieure. Au contraire, on n'en trouve que fort peu sur les joues, sur le nez, sur la portion médiane du front. Dans le cuir chevelu et à la nuque, elles sont irrégulièrement dissé- minées; elles sont en nombre considérable dans la première de ces deux régions. Il est à remarquer en outre que le cuir chevelu est le siège d’une séborrhée sèche extrêmement abondante. La forme des tumeurs est assez irrégulière; le plus souvent et surtout quand elles sont isolées, elles sont hémisphériques; d’ailleurs elles sont aplaties, avec une large base d'implantation, ou au contraire presque pédi- culées. Dans certaines régions (sillon naso-génien) elles sont confluentes, se tassent les unes contre les autres, mais ne se confondent pas pour former une plus volumineuse tumeur. Il est remarquable, en effet, qu'elles ne dépassent pas un certain volume; quelle que soit leur ancienneté, elles atteignent au plus la grosseur d'un petit pois, tandis que les plus petites ont environ les dimensions d’une tête d'épingle. Il n’y a pas à leur niveau de changement dans la coloration de la peau, la plupart paraissent même peu vasculaires. Quelques-unes seulement présentent de fines arborisalions veineuses ; mais sur un grand nombre on rencontre de petits points blancs semblables à du smilium sébacé. Ces petits kystes sont moins apparents dans les tumeurs du euir chevelu; à cela près, l'aspect de toutes ces tumeurs est le même. Leur consistance est assez grande et permet de les énucléer facilement avec une curette tranchante. Cependant, comme elles pénètrent assez loin dans le derme et même jusqu'à l’hypoderme, surtout au cuir chevelu, il arrive souvent qu'on brise en l’arrachant leur prolongement profond. Ajoutons que partout où nous en avons enlevé, la cicatrisation s’est effec- tuée rapidement, et sans aucune tendance à la reproduction du néoplasme. La malade présente un état général excellent, elle n’a ou n’a eu aucune maladie sérieuse. Les diagnostics portés successivement dans ce cas ont été : acné varioliforme, et moluscum acnéiforme. Cette dernière dénomi- nation était adoptée par le professeur Fournier. L'examen microscopique est venu lever tous les doutes. Les tumeurs enlevées avec une curette tranchante ont été fixées par l'alcool absolu. Les coupes ont été colorées, soit au piero-carmin, soit à l’éosine hématoxylique de Renaut. À un faible grossissement, elles apparaissent constituées par des lobules fortement colorés, disséminés en plus ou moiris grand nombre dans un stroma conjonctif qui forme la charpente de la tumeur. Ces lobules ont une forme variable ; beaucoup sont arrondis, beaucoup irrégulièrement découpés, mais un grand nombre présentent une disposition qui rappelle avec la plus grande netteté l'aspect des glandes sébacées : des culs-de- SÉANCE DU 16 Mai. 315 sac hypertrophiés, tubuleux ou globuleux, branchés avec plus ou moins de régularité sur un conduit excréteur que sur un grand nombre de coupes on peut suivre jusqu à l’épiderme. Cet aspect déjà très spécial, le devient encore bien plus dans les points où l’on voit des lobules néoplasiques se réunir à des culs-de-sac sébacés absolument sains pour se continuer avec un conduit excréteur unique. Il devient alors évident que les glandes sébacées sont le siège de l’altération, laquelle a pu les transformer en totalité, ou en partie seulement. Mais elles ne sont pas seules atteintes, car en d’autres points on retrouve des follicules pileux dont les parois sont augmentées d'épaisseur, tandis que le poil est au contraire considérablement atrophié, et ces parois folliculaires altérées se continuent avec les lobules de la tumeur. Ailleurs, c'est un glomérule sudoripare ou le conduit excréteur de ces glandes, qui est transformé quoique encore reconnaissable. En sorte que tous les éléments normaux de la peau semblent à des degrés divers participer à l’altération. Quant à l’épiderme, il présente son épaisseur et son aspect normaux; néanmoins ses connexions avec les lobules néoplasiques sont trop nom- breuses pour qu’elles soient dues uniquement aux conduits excréteurs des glandes atteintes et il est probable qu'il n’est pas resté absolument indif- férent dans cette transformation générale de tous les éléments de la peau. Toutes les tumeurs renferment des kystes en nombre variable, mais surtout nombreux et développés dans les tumeurs de la face (où on en trouve pour une seule coupe, 25, 30, et davantage). Ils sont toujours en rapport avec les lobules néoplasiques et renferment un contenu d’appa- rence sébacée. Avec de forts grossissements, on reconnaît que le tissu nouveau est formé de petites cellules, franchement épithélioïdes, polyédriques, avec un gros noyau qui se colore fortement; elles sont du reste assez variables en volume depuis les plus grosses, qui se rapprochent comme aspect des cel- lules de la couche de Malpighi, jusqu'aux plus petits d'apparence embryon- naire. Ces cellules sort généralement disposées en {tubes pleins sur trois ou quatrerangs d'épaisseur, et ces tubes forment par leurs anastomoses un fin réseau dont les mailles sont occupées par du tissu conjonctif semblable à celui du stroma. Cet aspect réticulé se rencontre dans le plus grand nombre des points, mais pas dans tous; ailleurs les cellules sont tassées en masses irrégulières ou encore réunies en gros tubes isolés, flexueux, rappelant les tubes sudoripares. Le tissu conjonctif du stroma est le plus souvent fibreux, adulte, mais souvent aussi assez riche en éléments embryonnaires. Les kystes se forment de la facon suivante : on voit en certains points de lobulesles cellules épithélioïdes se tasser, se déformer en s’imbriquant con- centriquement, et limiter ainsi un espace dans lequel elles se transforment 316 SOCIÉTÉ DE: BIOLOGIE. assez brusquement, se, kératinisent, et prennent alors l’apparence de lamelles plates, minces, homogènes, semblables à celles que l’on trouve dans les glandes, ou les kystes sébacés. Cette évolution est des plus nettes, _et fort importante à considérer dans l'interprétation de la nature de.ces tumeurs. À a .. En effet, dans la da de, leur nature, nous avons à. tenir compte de deux grands caractères : 1? la disposition tubulée et réticulée de la néoplasie épithéliale, caractéristique au point qu’elle imposerait la dénomination d’épithélioma tubulé et réticulé, si l’évolution ‘de ses élé- ments n’offrait pas une marche particulière: 2° cette évolution semblable à celle que présentent à l'état normal les glandes sébacées aboutit en beau- coup de points à la transformation kystique des éléments épithéliaux qui prennent tous les caractères des lamelles des glandes sébacées. C’est sur- tout en tenant compte de cette évolution que nous avons proposé le dia- gnostic d'adénome sébacé, diagnostic auquel s’est rallié M. Malassez, qui avait eu l’obligeance d'examiner nos préparations. Sarl Il faut. ajouter, d'autre part, à ces caractères, l'engainement des tumeurs dans une couche de tissu conjonctif assez continue. et. assez épaisse pour permettre une facile énucléation; de plus, leur point .de départ manifeste. dans les appareils pilo-sébacés; et enfin, .les allures jusqu'à présent très bénignes de la maladie, la lenteur de l'accroissement et de la multiplication des tumeurs, la cicatrisation rapide He enlève- ment, sans tendance à la reproduction. Nous pensons done d'après ces motifs que la dénomination d adénome sébacé (variété tubuleuse) est celle qui convient le mieux à.,ces tumeurs, dans leur état actuel. Mais nous n’oserions pas préjuger de leur avenir et affirmer qu'elles ne pourraient prendre plus tard le type élémentaire. et les allures de l’épithélioma. SUR LA MÉCANIQUE PSYCHO-PHYSIOLOGIQUE, par Cr. FÉRÉ. Dans nos communications précédentes (1), nous nous sommes. ataché à. montrer que toutes les excitations périphériques déterminent un. déve- loppement d'énergie potentielle qui passe à l’état cinétique, et se traduit par des manifestations motrices susceptibles d ètre mises en ‘évidence, même par.des procédés grossiers. Ce que nous avons dit pour les sensations de la vue, , de loue : du goût, pour le, sens musculaire , nous pouvons . le répéter. .pour hP228248, 25% M0 2BE:L Gogo oui lente aol dns Ohphdtee SÉANCE DU 16 MAL. 317 l’odorat ; nous pourrons établir une sorte de gamme des odeurs dans laquelle le musc paraît tenir la place la plus élevée. . Les excitations des organes internes peuvent déterminer une dyna- mogénie analogue. C’est ainsi que le pincement, même peu énergique, d'une des lèvres du col de l'utérus, qui est comme l’on sait insen- sible à l’état normal, est susceptible de déterminer une augmenta- tion considérable de la force de pression. Cette observation est propre à montrer qu'une excitation n'a pas besoin d’être percue pour déterminer une action mécanique, et qu'entre le mouvement réflexe et le mouve- ment de défense voulu il n’y a pas d’hiatus. C’est là un fait intéressant pour l'interprétation des manifestations convulsives, conséquence de lésions viscérales non douloureuses. Ce qui se passe en somme à la suite d’une excitation quelconque, que cette excitation résulte d’une action physique ou d’une action chimi- que, c’est une transformation de force, une modification de la forme du mouvement. Nous avons pu voir qu’en particulier pour les sensations de la vue et de l’ouie on peut établir une relation entre la quantité d’excitation et la quantité de réaction, l'énergie du mouvement déter- miné donnant en quelque sorte la mesure des vibrations initiales. L’orga- nisme humain, si compliqué, a donc réagi en somme comme un corps quelconque sous l'influence des agents extérieurs, il ne s’est produit que des transformations, dont la plupart, il est vrai, échappent à l'analyse. Cette transformation du mouvement, que l’on voit se produire chez les organismes les plus simples qui réagissent aux excitations par un changement de forme appréciable, constitue en somme la fonction essen- tielle des éléments du système nerveux. Qu'il s'agisse du réflexe le plus simple ou de l'opération psychique la plus compliquée, tout se résume en dernière analyse dans une transformation dynamique que l’on peui toujours mettre en évidence par l'étude des résidus moteurs qui survivent au travail cérébral. Le corps humain se comporte en somme comme toute masse de matière quelconque qui transforme et transmet le mouvement commu- niqué avec des variations en rapport avec la constitution moléculaire. Or, cette constitution moléculaire varie sans cesse en raison du mouve- ment d'assimilation et de désassimilation; il en est donc de même de la forme de ses vibrations propres. Chaque individu et chaque partie de l'individu réagit suivant son énergie spécifique. Cette variation indi- viduelle nous explique pourquoi chaque sujet peut transformer différemment un mouvement communiqué, comment il peut réagir d'une facon différente à la même excitation suivant les circonstances. Certains sujets réagissent avec une prépondérance marquée aux exci- tations alfactives, d’autres aux excitations auditives, etc. Il n'est pas nécessaire de recourir à la théorie de la périgénèse des * 318 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. plastidules et des vibrations plastidulaires, pour expliquer ces phénomènes, l'observation directe suffit. Les caractères du mouvement vibratoire propre du corps humain sont nécessairement modifiés chaque fois qu’il est mis en contact d’un autre corps animé de vibrations; ces changements de forme de vibrations propres rendent compte des changements d'état dynamique qui se produisent sous l'influence de la lumière, du son, etc. Les vibrations du diapason, comme l’a montré M. Vigouroux, déterminent chez certains sujets des modifications fonctionnelles considérables; l’aimant en pro- duit autant par le même mécanisme ; les métaux, qu'ils soient appli- qués extérieurement ou ingérés, agissent de même suivant leur consti- tution atomique. Ce n’est que par ces modifications de la vibration des éléments qui constituent le corps humain, et en particulier le système nerveux, que l'on peut s'expliquer les phénomènes de dynamogénie et d’inhibition, de transfert, de polarisation psychique, ete., qui se produisent en dehors de toute modification matérielle appréciable. L'influence de la vibration des corps qui arrivent au contact du tégu- ment externe sur l’état dynamique parait démontrée expérimentale- ment par un certain nombre des faits que nous avons rapportés précé- demment et il nous a paru légitime d’en tirer cette conclusion que les fonctions psycho-physiologiques se réduisent à un travail mécanique. Ce travail mécanique est facile à saisir dans les réflexes simples des orga- nismes inférieurs; son étude est plus difficile lorsqu'il s’agit des réflexes compliqués qui constituent les opérations psychiques, mais au fond le processus est toujours le même. Si j'ai insisté tant sur ces considérations, c'est pour établir une fois de plus que la psychologie, la physiologie cérébrale doit être étudiée par les procédés appliqués à la biologie en général. SUR LES CANAUX DE GÆRTNER CHEZ LA FEMME, par le D' Cn. DEBIERRE, médecin-major, professeur-agrégé à la Faculté de Médecine de Lyon. (Note présentée par M. R. BLANCHARD.) Ecartez les grandes et les petites lèvres, faites saïllir les replis muqueux qui, de chaque côté, bordent l’orifice vulvaire ou vesticulaire du canal uréthral, vous découvrirez, en tâtonnant, deux petits orifices situés sur chacun de ces replis, tout près de leur extrémité vaginale. Ces orifices d’un diamètre de 4 à 2 millimètres conduisent dans un petit cul-de-sac cylindrique, dirigé à peu près parallèlement au vagin dans une étendue SÉANCE DU 16 MAI 319 qui varie de 4 à à millimètres à 10 ou 12. Un stylet y pénètre facilement, en indique et en limite le trajet. Sur 29 sujets d’âges différents, de la nais- sance à 50 ans, nous avons rencontré 23 fois ces petits canaux, soit 79,3 pour 100. Leur existence sur la femme est donc la règle, leur absence l'exception. Tantôt il n’en existe qu'un (27 fois 0/0); le plus souvent il v en a deux (45 fois 0/0). Ils peuvent même être fusionnés en un seul sur la ligne médiane. Situés de chaque côté de l'ouverture vestibulaire du canal de l’urèthre, parfois entre le méat et l'hymen, dirigés dans la profondeur, parallèlement au vagin, entre ce conduit et le canal de l’urèthre, quelle est la significa- tion de ces petits canaux borgnes? A priori, on pourrait penser que leurs ouvertures ne sont que des ori- fices glandulaires; ou, comme parfois ils s’ouvrent dans l’intérieur du canal de l’urèthre lui-même, tout près du méat, on pourrait croire que ce ne sont là que les orifices de lacunes ou sinus de Morgagni. La symétrie ordinaire à ces orifices parle déjà assez haut contre cette hypothèse; leur existence chez le fœtus à terme met à néant l'opinion de ceux qui n'y verraient que les orifices de sinus uréthraux, opinion à laquelle cependant semble s'être arrêtée Dohrn (1), qui n’en fait que des dépressions de la muqueuse, ajoutant qu'il n’a jamais pu retrouver les canaux de Gaertner au niveau de l’orifice de l’urèthre. Du même coup est également renversée l'hypothèse qui consisterait à prendre ces conduits pour les sinus où cryptes muqueux décrits par A. Martin et Léger (2) autour du méat de la femme; car Ch. Robin et O. Cadiat (3) ont montré que ces enfoncements de la muqueuse, auxquels ils refusent le caractère de glandes, n'apparaissent qu'après la naissance, à une époque plus ou moins rapprochée de la puberté, constatation que nous avons été à même de vérifier sur plus de 20 fœtus à (erme. Quant à des orifices glandulaires, 11 n’y faut point songer. En premier lieu, on ne rencontre pas de glandes en cet endroit; en second lieu, ces canaux sous une coupe transversale se présentent sous la forme d’ouver- . tures oblongues, nettement délimitées, tapissées d’un épithélium stratifié, épais en moyenne de 80 à 100 uw, et dont les caractères généraux sont ceux du type malpighien, appliqué directement sur une couche de tissu lami- neux riche en éléments cellulaires et en vaisseaux, se confondant avec la trame ambiante. Des sortes de bourgeons cellulaires papilliformes font saillie de distance en distance dans la lumière de ces conduits, qui, à certains endroits, sont (1) Dohrn. Arch. f. Gynaek. XXI, Heft 2, 1882. (2) A. Martin et Léger, Des appareils sécréteurs des organes génilaux externes chez la femme. Arch. de Méd. XIX, p. 76. Paris, 1862. (3) Ch. Robin et O. Cadiat, De la structure intime de la muqueuse et des glandes uréthrales de l’homme et de la femme. Journal de l’'Anat., p. 567, 1874. 320 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. bondés d'éléments cellulaires polyédriques, à gros noyau et à proto- plasma peu coloré et granuleux. Ce seraient des bourgeons de ce genre qui, dans les restes des canaux de Wolff, donneraient naissance, d’après H. Coblenz (1), à certains kystes péri-vaginaux. Nulle part, on ne peut découvrir de ramifications à ces conduits; on peut trouver un sinus en forme de ballon dont le col conduit dans la cavité de l’urèthre, mais à côté on apercoit toujours les canaux en question, complètement mdépendants et du vagin et du canal de l’urèthre, bien que tapissés d’un épithélium qui rappelle absolument celui qui tapisse l’urêthre. On peut quelquefois trouver un ou même deux culs-de-sac plus petits à côté des canaux borgnes que nous décrivons chez la femme adulte ; ceux-là ont vraisemblablement la signification de cryptes muqueux. Qu'inférer de cette disposition? Les conduits qu'on trouve chez la femme sur les lèvres du méat urinaire ne sont-ils pas les restes des extré- mités inférieures des conduits de Wolff : comme chez les Solipèdes, les Ruminants, les Porcins, les Rongeurs, les Carnassiers, l'existence chez la femme des canaux de Gaertner ne serait-elle pas la règle? Ce qu'il y a de sûr, C'est qu'on rencontre aussi bien chez le fœtus à terme, chez la petite fille que chez la femme adulte, deux petits canaux pré-uréthaux symé- triques, qui semblent bien ne pouvoir être rapportés à l'ouverture de eryptes muqueux. Chez le fœtus, ils sont, en général, moins profonds, d'où il faut conclure qu'ils continuent à grandir avec le développement des organes génitaux externes. Toutefois, chez un fœtus à terme, ces canaux n'avaient pas moins de 6 millimètres de profondeur. Nous sommes donc tenté de partager l'opinion de Kocks (2), qui a signalé l’existence de ces canaux chez la femme adulte, en leur accordant la signification de canaux de Gaertner. Si telle est bien leur signification, ce sont là les homologues chez la femme des canaux éjaculateurs dont ils ont à peu près le revêtement épithélial; comme eux, ils s'ouvrent assez souvent dans le canal de l’urèthre lui-même, ce qui est une preuve de plus à l'appui que l'urèthre de la femme est l’'homologue de la portion prostato-membraneuse de l'urè- thre de l'homme. Ce qui vient encore à la rescousse de cette conception, c'est que d’une part, quand on a signalé (Colombus, Beigel, etc.) la persistance des canaux de Wolff chez la femelle humaine (canaux de Gaertner), ces canaux venaient s'ouvrir dans le vestibule par un orifice voisin du méat, là aussi où viennent ordinairement déboucher les canaux de Gaertner chez les autres mammifères; et que d’autre part, nous avons vu chez une ) H. Coblenz. Virchow’s Archiv, 1881. ) Kocks. Arch..f. Gynaek, XX, p. 487, 1882. (el (2 J SÉANCE DU 16 MAI. 321 jeune fille vierge de 14 ans et chez une femme de 27 ans, ces canaux fusionnés en un seul, s’ouvrant au sommet du tubercule médian inférieur du méat, disposition qu’on pourrait comparer à celle des canaux éjacula- teurs s’ouvrant tous deux par un seul orifice dans le vagin mâle (utricule prostatique). Si cette proposition est vraie, on devra désormais regarder la persis- tance de l'extrémité inférieure des conduits de Wolff comme la règle chez la femme, et non pas comme une exception. Les canaux de Wolff persisteraient ainsi chez elle à leurs deux extrémités, dans le tube qui recoit les canaux efférents du corps de Rosenmüller et dans la portion homologue aux canaux éjaculateurs. En égard à la disposition de ces canaux, il n’est guère probable que, chez la femme, leurs extrémités (bout inférieur des canaux de Wolff) contribuent à former le segment inférieur ou hyménial du vagin, ainsi que quelques auteurs ont pu supposer (1). SUR LES LOIS DE L'IRRADIATION DES ACTIONS RÉFLEXES, par MAURICE MENDELSSOHN. Pflüger, Cavrade et Vulpian ont démontré que l’irradiation des réflexes se fait aussi bien dans le sens transversal que dans le sens longitudina!. Cayrade prétend, en outre, que les réflexes se propagent dans le sens longitudinal avec autant de facilité de bas en haut et de haut en bas. On est arrivé ainsi à formuler cette loi générale, que l'excitation réflexe irradie dans tous les sens, mais suivant un certain ordre, qu'on peut bien constater en augmentant graduellement l'intensité maximale du courant excitateur. Ainsi en excitant, par exemple, le membre postérieur droit chez une grenouille avec une intensité de courant minimum, il n’y aura du mouvement que dans l'extrémité excitée ; en augmentant l'in- tensité de l’excitation centripète le mouvement se produira aussi dans la patte postérieure du côté opposé; si l’on augmente encore insensible- ment l'intensité du courant, le membre antérieur du côté excité se mettra aussi en mouvement ; enfin si l'intensité est très grande, il y aura mou- vement des quatre membres. Cette loi connue sous le nom de loi de Pflüger, est généralement admise dans la science et n’a été mise en doute que par M. Rosenthal, qui, tout (1) Voyez: Tourneux et Wertheimer, Sur la fusion des conduits de Müller chez l’homme et sur le développement de l’hymen. Soc. de Biologie, 15 mars 1884. 322 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. en la trouvant juste pour des excitations fortes, a cru pouvoir conclure de ses recherches sur la durée du temps réflexe, qu’il n’en est pas ainsi tou- jours pour des excitations très faibles. Il croit que tous les réflexes normaux, c’est-à-dire provoqués expérimentalement par des excitations minimales doivent, avant de se propager dans tout l'organisme, passer par la partie inférieure de la moelle cervicale, d’où résulte que l’irradia- tion des réflexes, étant donné que l'excitation est portée sur un membre inférieur, devrait se faire avant tout dans le côté excité de bas en haut et ensuite dans le côté opposé de haut en bas. Vu la haute importance de cette question, autant pour la physiologie que pour la pathologie des centres nerveux, j'ai cru utile de reprendre l'étude de l’irradiation des réflexes afin d'établir avec toute la précision possible leurs voies de propagation dans la moelle épinière. La méthode de sections successives, qui, entre les mains de MM. Brown-Séquard, Schiff et d’autres, a donné déjà de si beaux résultats à la physiologie de la moelle épinière, m'a paru aussi la plus appropriée au but que je pour- suivais. Toutes mes recherches ont été faites (dans le laboratoire de M. Rosen- thal à Erlangen et en partie aussi dans celui de M. Marey au Collège de France) sur des grenouilles fraiches, de taille moyenne et légèrement strychnisées (0,005-0,01 milligr.); l’excitation produite par un choc d'ouverture d’un courant induit fut portée sur la peau d’une extrémité, le plus souvent sur le membre postérieur droit. L’intensité de l'excitation fut toujours minimale. L'influence du cerveau fut éliminée par la section de Goltz. Avant d'étudier l'influence des sections dans les différentes régions de la moelle épinière sur l’irradiation des réflexes, je me suis assuré, par une série d'expériences, qu’en excitant, par exemple le membre posté- rieur droit avec une intensité du courant minimum (c'est-à-dire à peine suffisante pour provoquer un mouvement réflexe de flexion) et en aug- mentant insensiblement et graduellement l'intensité du courant on peut voir l’irradiation des réflexes se faire toujours dans l’ordre suivant : Le réflexe apparait : d’abord dans le membre postérieur excité ; puis dans la patte antérieure du même côté; puis dans la patte antérieure du côté opposé; et enfin dans la patte postérieure du côté opposé. C’est dans cet ordre que les réflexes irradient toujours si, en graduant le courant, on parvient à obtenir une intensité minimum pour chaque réflexe suivant. Ce n’est qu'en dépassant cette limite, ou en mettant des obstacles au passage des réflexes normaux dans la moelle épinière (par exemple, par des sections successives) que l’irradiation se fait d'abord dans le sens transversal et puis dans le sens longitudinal. Les réflexes normaux, c’est-à-dire provoqués expérimentalement avec une excitation SÉANCE DU 16 MA. 323 à peine suffisante irradient avant tout dans le côté excité, donc dans le sens longitudinal et ce n’est qu'une excitation plus forte qua traverse la moelle dans le sens transversal. Des sections faites sur différentes régions de la moelle épinière m'ont permis de poursuivre avec plus d’exactitude les voies d'irradiation des actions réflexes. J'ai commencé par la partie cervicale de la moelle ayant porté l'excitation toujours sur l'extrémité postérieure droite. Voici les résultats que j’ai obtenus : 1° Une section transversale faite à la moelle allongée au-dessus du calamus scriptorius n'exerce aucune influence sur la production des réflexes avec des excitations minimales. Une section pareille faite à la pointe du calamus scriptorius ou à 1/2 mm. plus bas ne modifie pas d’une facon appréciable le réflexe dans l'extrémité postérieure excitée, mais elle influence sensiblement les trois autres réflexes, de facon que ceux-ci ne se produisent plus avec l'excitation minimale, qui les provo- quait avant la section; en effet, à partir de ce moment ils nécessitent une intensité du courant beaucoup plus forte. 9 Une hémisection de la moelle du côté excité à la hauteur de 1/2 mm. au-dessous du calamus scriptorius n’exerce aucune influence appréciable sur les quatre réflexes, Une hémisection faite à la même hauteur du côté opposé à l'excitation ne modifie en rien l'intensité des réflexes du côté excité, mais elle exerce sur le côté sectionné une influence pareille à la section transversale complète, c'est-à-dire elle rend les réflexes plus faibles. 3° Une section longitudinale faite (dans Le sens sagittal) le long de la moelle allongée jusqu’à la pointe du calamus scriptorius ne modifie en rien les réflexes; une pareille section à travers la partie supérieure de la moelle épinière s'étendant de la pointe du calamus seriptarius jusqu'au point d’origine des racines du plexus brachial ne modifie pas les réflexes du côté excité, mais elle Les affaiblit sensiblement du côté opposé. Une section longitudinale partant d’un endroit situé à 2 mm. au-dessous de la pointe du calamus scriptorius et s'étendant jusqu'au point d'origine des racines du plexus lombaire, n’a aucune influence sur la production des réflexes avec des excitations minimales. 4° Une hémisection dans la partie dorsale de la moelle du côté excité n’a aucune influence appréciable sur le réflexe du membre excité, mais affaiblit sensiblement le réflexe dans l'extrémité antérieure du même côté, ainsi que les deux réflexes du côté opposé. Une hémisection à la même hauteur de la moelle, mais du côté non excité, n’affaiblit que le réflexe dans le membre postérieur du côté sectionné. Elle n’exerce aucune influence sur tous les autres réflexes. 5° Une section transversale de la moelle dans la partie dorsale rend, bien entendu, impossible la transmission de l’excitation sensitive aux parties supérieures de la moelle et elle affaiblit en outre le réflexe dans 3924 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. l'extrémité postérieure du côté opposé à l'excitation, sans exercer une influence appréciable sur le réflexe du membre excité. 6° Des hémisections multiples du côté excité produisent sur les réflexes un effet pareil à celui d’une seule hémisectien faite à la partie dorsale de moelle du côté excité ; seulement l'effet des hémisections multiples est plus intense et plus évident que celui d’une hémisection unique. Il résulte de ces recherches que l'irradiation des réflexes normaux, c'est-à-dire des réflexes provoqués avec des excilations minimales néces- site l'intégrité absolue de la partie supérieure de la moelle épinière à la hauteur de 1/2 mm. au-dessous du calamus scriptorius. C'est par cette région-là que passent tous les réflexes normaux avant de s'irradier dans l'organisme. Cela prouve qu'un réflexe normal ne prend pas absolument le chemin le plus court ; au contraire, il semble avoir une tendance à parcourir le chemin le plus long, qui parait être son chemin habituel. Il ne prend un autre chemin que quand son long chemin par la partie cervicale de la moelle est obstrué (par exemple par une section) et alors l'excitation centripète peut s’écouler par une des nombreuses communi- cations qui relient les voies sensitives aux voies motrices sur toutes les hauteurs de la moelle, ce qui nécessite déjà l'application d'une intensité de courant plus forte, c’est-à-dire maximale. Ces faits s’observent aussi bien avec des excitations appliquées à un membre postérieur qu'à un membre antérieur. Dans ce dernier cas, j'ai pu m'assurer, contrairement à ce que prétend Cayrade, que l'irradiation des réflexes se fait beaucoup plus difficilement de haut en bas que de bas en haut, de sorte qu’en excitant un membre supérieur on voit le réflexe irradier sur le membre supérieur du côté opposé, avant qu’un mouvement réflexe ne paraisse dans le membre inférieur du côté excité ; c’est le membre inférieur du côté opposé à l'excitation qui est le dernier à entrer en mouvement. Je me contente de signaler ces faits, dont la discussion ainsi que les résultats pareils obtenus par M. Rosenthal par une méthode différente (celle de la mesure du temps réflexe) feront partie d’un travail détaillé, que nous publierons ensemble très prochainement. Le gérant : G. Masson. Paris. — Imp. G. Roucrer et Cio, rue Cassette, 1. SÉANCE DU 24 MAI (885 PauL BerrT : Allocution sur la mort de Victor Hugo. Présidence de M. Paul Bert. Après la lecture du procès-verbal de la séance précédente, M. le prési- dent Paul Bert prononce l’allocution suivante : « MESSIEURS ET CHERS COLLÉGUES, « Les Chambres viennent de voter à Victor Hugo des funérailles natio- nales. Votre bureau vous propose de manifester autant qu’il vous est possible la part que vous prenez à la douleur de la Nation et du Monde. « En suspendant nos travaux, nous rendrons un légitimé hommage à l’un des plus merveilleux génies qui aient illustré la France et éclairé la marche en avant de l'Humanité. « La science a, comme les lettres, sa place marquée dans le funèbre et glorieux cortège. Ce n’est pas telle catégorie de l'esprit humain c’est l'esprit humain tout entier qui porte le deuil de Victor Hugo. « Je demande à la Société de lever immédiatement la séance. » PAUL BERT. À l'unanimité, la Société décide de lever aussitôt la séance et d’ajour- ner à samedi, 30 mai, l'élection d’un membre titulaire. & 329 SÉANCE DU 30 MAI 1885 Brown-SéquarD : Nouveaux faits relatifs à la production de globules sanguins dans lès . vaisseaux d’un mammifère ‘après une injection de sang d'oiseau, mème longtemps après la mort. — AuG. C#aRPENTIER : La .perception lumineuse est-elle la mème sur toute l'étendue de larétine? — La perception lumineuse et l'induc- tion lumineuse simultanée. — Caisrer : De la transplantation de l'œil du lapin à l'homme. — F: Poncer : Paralysie de la branche maxillaire supérieure du tri- jumeau. Troubles oculaires cornéens. — Poucagr ET BsauREGaRD : Note sur l'organe des-spermaceti. — H. Beaunis : Sur la contraction simultanée des mus- cles antagonistes. — Léon Brasse : Culture de graines pures de germes de mi- crobes. — Cu. Péré : Contribution à la physiologie de l'esthétique. — J.-V. LABGRDE : * Expériences sur le corps du dernier supplicié à Paris (Gamahut). Recherches sur la persistance de l'excitabilité cérébrale après la mort {par décapitation et par hémorrhagie. Présidence de M. d'Arsonval. NOUVEAUX FAITS RELATIFS A LA PRODUCTION DE GLOBULES SANGUINS DANS LES VAISSEAUX D'UN MAMMIFÈRE APRÈS UNE INJECTION DE SANG D'OISEAU, MÊME LONGTEMPS APRÈS LA MORT, par M. BROWN-SÉQUARD. Dans: deux communications faites récemment à la Société (Comptes rendus, n° du 15 mai, p. 287 et n° du 22 mai, p. 307), j'ai annoncé que du sang d'oiseau, injecté dans les vaisseaux d’un membre ou d’un viscère de mammifère, après la mort, s’y modifie de telle manière, qu'au bout de peu de temps, le nombre de globules ovales, à noyaux, due considérablement et quelquefois à ce point qu on en trouve à peine quelques-uns. Je vais rapporter, à ce sujet, deux nouveaux faits qui semblent plus décisifs encore que ceux que j'ai mentionnés jusqu'ici. Ayant tué un chien par hémorrhagie, j'ai vidé son système vasculaire en y injectant une douzaine de litres d’une solution saturée de sulfate de soude. Le lendemain, après l'injection d’un litre d’une semblable solution dans l'artère d’un des poumons, je me suis assuré que le liquide sortant par les veines de cet organe, ne contenait plus qu'un petit nombre de globules sanguins, puis j'ai poussé dans la même artère sept centimètres cubes de sang d'oiseau, rougi et défibriné par le battage. Presque aussitôt après, le liquide, sortant parles veines pulmonaires, contenait déjà beau- coup plus de globules semblables à ceux du chien que la liqueur saline. BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8e SÉRIE, T. IT. n° 20. 330. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. n’en avait montré. Quelques heures plus tard il y avait une augmentation considérable du nombre des globules ronds et une diminution presque aussi grande du nombre des globules d'oiseau, dans le liquide sanguin des veines pulmonaires. Le lendemain matin (quarante-deux heures après la mort du chien), l'examen de la dernière gouttelette de sangsortie d’une veine, après une pression sur le poumon, m'a fait voir que les grands globules ovales, à noyau, avaient presque absolument disparu et qu'ils avaient été remplacés par un nombre immense de globules, rouges et ronds, en apparence absolument semblables à ceux des mammifères. Pour m'’assurer si les capillaires très fins du poumon n'avaient pas agi comme une sorte de tamis pour les grands globules d'oiseau, j'ai coupé le poumon dans diverses parties où il était un peu plus rosé qu'ailleurs et j'ai constaté que le sang rendu par chacune des petites plaies et qui provenait à la fois des capillaires, des artérioles et des veinules, conte- nait des milliers de globules rouges et ronds et à peine quelques douzaines de globulesovales. Le jour suivant (soixante-six heures après la mort), j'ai de nouveau lavé le système vasculaire de ce poumon, à l’aide d’une solution saturée de sulfate de soude et j'y ai fait une seconde injec- tion de sang d'oiseau, cette fois de six centimètres cubes. Les résultats obtenus ont été à peu près les mêmes que ceux de la première injection de ce liquide. Aïnsi, pour ne parler que du dernier examen, qui a été fait vingt-quatre heures après cette seconde introduction de sang d'oiseau, je dirai qu'une section du tissu pulmonaire, c’est-à-dire des artérioles, des veinules et des capillaires d’une petite partie de l'organe en expé- rience, n’a montré que trois ou quatre globules d’oiseau pour cent glo- bules semblables à ceux du chien. Ainsi donc, à deux reprises différentes, une fois le lendemain de la mort, la seconde fois, soixante-six heures après la mort, du sang d’oi- seau en quantité assez considérable à pu être modifié profondément, quant à ses globules, dans le système vasculaire du poumon. Dans l'expérience suivante des résultats analogues ont été observés après l'emploi d'une quantité considérablement plus grande de sang d'oiseau. Dans un membre pelvien d’un chien, tué par hémorrhagie, on fait passer par l'artère fémorale environ 80 grammes d’une solution saturée de sulfate de soude. Après avoir constaté que les dernières gouttes de liquide s’écoulant par la veine fémorale ne contiennent qu'un très petit nombre de globules de sang de chien, on injecte, par la même artère, six centimètres cubes de sang de pigeon (1). Huit minutes après on trouve (1) Un fait intéressant a été observé, après cette injection, Une contracture, surtout des muscles extenseurs, avait été produite par le sulfate de soude (c'est la règle). Je m'attendais à voir cette contracture diminuer, sinon cesser, sous l'influence du sang d'oiseau, chassant en partie ce sel: il n’en a rien été. La contracture a persisté plus de sept minutes après l'injection de sang d'oiseau: SÉANCE DU 30 MAI. MG dans le sang sortant par la veine fémorale environ quatre globules sem- blables à ceux du chien pour un globule d'oiseau. Vingt-cinq minutes après la première injection de sang de pigeon, on en fait une seconde de cinq centimètres cubes. Vingt-neuf minutes après cette dernière injection le sang sortant par la veine fémorale donne sept globules sem- blables à ceux du chien pour un d'oiseau. Trente et une minutes après la seconde injection de sang d'oiseau on en fait une troisième de cinq centimètres cubes. Deux minutes après le sang de la veine contient (ce qui est la règle bientôt après une injection) neuf ou dix globules d’oiseau pour un semblable à ceux du chien. Une demi-heure après, le nombre des globules d'oiseau est à peu près le même que celui des autres globules. On injecte alors, et pour la quatrième fois, cinq centimètres cubes de sang de pigeon. Presque aussitôt après, le sang de la veine contient deux globules d'oiseau pour un de chien. Une demi-heure après il y à quatre globules d'oiseau pour cing de chien et deux globules intermédiaires. Deux heures et un quart après la première injection de sang, on fait la cinquième, mais cette fois, pour laver de nouveau les vaisseaux du membre, au lieu de se servir de sang de pigeon pur, on pousse dans l’ar- tère fémorale dix centimètres cubes d’une solution de sulfate de soude mêlée à deux centimètres cubes de sang d'oiseau. On trouve alors, dans le liquide revenant par la veine, quatre globules d'oiseau pour un de mammifère et un intermédiaire. Dix minutes après, sixième injection de sang d'oiseau pur et, cette fois, en grande quantité (treize centimètres). L’injection est faite très lentement (en cinq minutes), afin que le sangne sorte pas rapidement par les vaisseaux coupés et par la veine fémorale. Le sang de cette veine aussitôt après l'injection contenait dix globules d'oiseau pour quatre de chien. Une demi-heure après la proportion était renversée, dix globules de mammifère pour cinq d'oiseau. Le lendemain matin (15 heures après cette dernière injection), il n’y avait plus qu’un globule d'oiseau pour neuf ou dix semblables à ceux du sang de chien, mais il y avait aussi un certain nombre (5 ou 6 pour cent des deux types) de globules intermédiaires et un nombre considérable de noyaux libres pro- venant descellules ovales de sang d'oiseau, dissoutes, et quelques noyaux encore dans l’intérieur d’une cellule excessivement pâle. Le sang pris dans une veine de la patte a montré un globule d'oiseau pour Auit de chien. Cette expérience montre que, malgré des lavages considérables avec üne solution de sulfate de soude et avec du sang de pigeon (trente-sept centimètres cubes), en six injections, des globules semblables à ceux du sang de mammifère ont été produits en très grande quantité dans les vaisseaux du membre mis en expérience. On remarquera cependant que dans ce cas cette production a été moins rapide après les dernières injections qu'après les prémières, ce qui montre que la puissance produc- trice n’est pas inépuisable. 332 : SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. La moelle du fémur de £e chien a été examinée avec soin: elle conte- nait, comme à l’état normal, un grand nombre de globules sanguins, mais il y en avait dix de sang d'oiseau pour soixante où quatre-vingts sem- blables à ceux des mammifères. Les os ne sont donc, pas plus que les glandes et les poumons, des parties dont les capillaires arrêtent les glo- bules de sang d’oiseau. L'existence d’un infarctus dans des cas-excessi- vement rares d’ailleurs, lorsqu'on injecte du sang d'oiseau dans les vaisseaux d’un mammifère, me semble dépendre non d'un obstacle au passage de très gros globules, par l'exiguïté de certains capillaires, mais à ce qu'il y a alors eu une coagulation de fibrine soit dans une petite artère, soit dans le sang d'oiseau avant l'injection. Il faut un soin consi- dérable pour empécher la coagulation de ce sang. Il faut le battre et le rebattre avant de le filtrer au moment de l’injecter. Où se produisent les nouveaux globules que l’on trouve dans le sang des veines après l'injection de sang d'oiseau dans l'artère principale d’une partie du corps d'un chien? Si je ne tenais compte que des faits suivants, je Croirais que dans tous les vaisseaux de petit ou de gros calibre, cette production (par transformation ou par formation de toutes pièces) a lieu partout. J'ai très souvent trouvé des globules semblables à ceux du sang de chien en proportion considérable là: où je n'aurais dû trouver que du sang. d'oiseau, c'est-à-dire dans les artères des glandes des poumons ou des membres, artères par lesquelles j'avais fait des injections de sang de pigeon ou de poule. Ce fait doit recevoir une autre explication que celle d’après laquelle la paroi artérielle aurait la puis- sance de production de globules sanguins en présence de sang d'oiseau. En effet, sije lave un tronc artériel et si j'y pousse même une très petite quantité de sang d'oiseau, après avoir lié le vaisseau dans un point péri- phérique, je trouve qu'il n’y. a pas de changement dans les globules que contient ce tube ni après une heure, ni après un temps bien plus long. Ce qui a lieu évidemment dans le cas d'injection passant d'une artère dans le système capillaire, c'est que l'agent modificateur du’ sang d'oiseau provenant de la paroi des capillaires et peut-être de celle des veinules et. des artérioles, est soluble dans le liquide qui les baigne et passe, après dissolution, dans le sang contenu dans les troncs artériels: Cette suppo- sition recoit un appui notable du fait suivant que j'ai constaté dans tous les cas et dans tous les organes, excepté, quelquefois, dans le foie. Quel- ques heures après une injection de sang d'oiseau dans l'artère principale d'un viscère ou d'un membre, l'examen du sang trouvé dans les diverses parties des veines ou des artères montre une proportion de plus en plus grande de globules semblables à ceux des mammifères, au fur et à me- sure que le liquide examiné est pris plus près des capillaires. Dans les artè- res, la différence est très considérable entre le tronc, près de l'endroit où l'injection a été faite et les petites divisions de ce tronc. Dans les veines aussi, mais à un moindre degré, il y a des différences entre les troncs et PR X SÉANCE DU 30 MAI. 333 les veinules. C’est donc dans les trés petits vaisseaux que le sang d'oiseau se modifie. Les faits mentionnés dans cette communication donnent une force nouvelle et décisive, je crois, aux conclusions déjà tirées des faits que j'ai rapportés précédemment, à savoir : que le sang d'oiseau injecté dans les vaisseaux d'un membre ou d’un viscère d'un chien, après la mort de celui-ci, y est l’objet de changements considérables, consistant en ce que des globules semblables à ceux du sang des mammifères s’y produisent ayee une assez grande rapidité. LA PERCEPTION LUMINEUSE EST-ELLE LA MÊME SUR TOUTE L'ÉTENDUE DE LA RÉTINE? (Critique expérimentale). Note par le D' Auc. CHARPENTIER, professeur à la faculté de Nancy, pré- sentée pas M. d'ARSONVAL. En 1877 et 1878, j'ai montré que les diverses parties de la rétine étaient toutes également impressionnées par la lumière, sauf la fovea centralis, douée d’une sensibilité moindre. La question ayant été reprise depuis lors par un élève de Raehlmann, M. Butz (1), et par M. Delbœuf (2), ces deux auteurs annoncèrent que la sensibilité lumineuse était assez variable suivant le point de la rétine excité, et que le maximum de sensibilité occupait une zone moyenne entre le centre et la périphérie. Ces résultats étant différents de ceux que j'avais obtenus, je résolus de faire de nouvelles expériences pour juger la question, en me servant d’un photoptomètre à la fois plus précis et plus sensible que mon premier appareil. Les premiers résultats de ces nouvellés expériences semblérent donner raison en partie aux auteurs précédents. En placant l’œil à l’oculaire de mon instrument et déterminant le minimum perceptible dans diverses directions du regard, je vis en effet que ce minimum variait sensible- ment d’une direction à l’autre, et que la perception lumineuse semblait plus développée dans une zone moyenne en dedans et en dehors du point de fixation, et plus encore dans la partie inférieure du champ visuel. _ Ces faits me semblèrent assez nets pour que je fusse tenté de revenir sur ma première opinion et d'attribuer au peu de sensibilité de mon pre- mier instrument la divergence observée. Cependant je continuai mes recherches,” et je vis que les zones de sensibilité maxima pouvaient se déplacer d’une expérience à l’autre: (1) Thèse de Dorpat, 1883. (2) Revue scientifique; août 1883, 3934 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. souvent même je n’arrivais à percevoir aucune différence dans la sensi- bilité des diverses parties rétiniennes explorées (sauf pour le centre, ma- nifestement moins sensible). À quoi pouvaient tenir de pareils écarts dans les résultats d'expériences faites en apparence dans les mêmes conditions? À cette seule circons- tance, que, pour économiser du temps, j'avais négligé de faire reposer ma rétine au degré nécessaire dans l'obscurité. Ce qui me fit découvrir cette explication, c’est le fait suivant : un jour, en répétant successivement avec l'œil droit et avec l'œil gauche la déter- mination du minimum perceptible dans les diverses directions du regard, je fus très surpris de voir que dans la moitié interne du champ visuel de l’œil droit et dans la moitié externe du champ visuel de l’œil gauche (en d’autres termes, dans les deux moitiés gauches des deux champs visuels) la sensibilité lumineuse était sensiblement inférieure à ce qu'elle était dans les autres moitiés. Réfléchissant à ce singulier commencement d'hémianopsie latérale, je finis par découvrir le mécanisme de sa pro- duction. Avant l'expérience, je m'étais assis à une table située au-devant de la seule fenêtre de mon cabinet, et j'y avais travaillé quelque temps; or ma position à cette table était telle que je regardais le bord droit de ma fenêtre; toute la moitié gauche de mon champ visuel recevait donc la lumière de celle-ci, la moitié droite étant au contraire placée deyant le mur mal éclairé et à tenture sombre. Or, on sait que la sensibilité lumineuse varie en sens inverse de l'excitation moyenne que subit la rétine, et que, de plus, cette sensibilité lumineuse, une fois émoussée, ne se relève que progressivement et après un temps plus ou moins long. J'avais bien, il est vrai, couvert mes yeux quelques minutes pour faire disparaître les images consécutives qui gênent l'exploration, mais ce temps avait été insuffisant pour permettre à la sensibilité lumineuse émoussée par la lumière de la fenêtre, de redevenir normale dans les moitiés gauches du champ visuel.. Et, en effet, il me suffit de maintenir mes yeux pendant vingt minutes dans l'obscurité complète pour faire disparaître mon hémianopsie et rendre toutes les parties du champ visuel (sauf le centre) également excitables. Depuis ce fait si instructif, et que j'ai pu répéter plusieurs fois dans les mêmes conditions, j'ai fait un certain nombre de déterminations nou- velles de la sensibilité lumineuse, en m'astreignant chaque fois à un repos de l'œil pendant vingt minutes dans l'obscurité (c'est ce que j'avais fait dans mes expériences de 1877). Or constamment j'ai observé que toutes les parties excentriques de la rétine présentaient la même sensibilité. Les conclusions que j'ai formulées dans mes premières études restent donc intactes. Maintenant, comment expliquer les inégalités observées précédem- ment? Par une observation insuffisante de la règle technique énoncée dans SÉANCE DU 30 MAI 335 ma note précédente. Si l’on explore la rétine avant qu'elle ait recouvré par un repos prolongé sa sensibilité amoindrie par la lumière ambiante, les diverses parties de la rétine présenteront une sensibilité bien difré- rente suivant que l’excitation lumineuse moyenne aura été sur chacune d'elles plus ou moins intense. Quand nous nous occupons au grand jour, quelle est la partie du champ visuel la plus excitée? C'est évidemment la partie supérieure, qui recoit la lumière du ciel. C’est aussi cette partie qui sera la moins bien perçue, tandis que la partie inférieure, relativement reposée, permettra une perception meilleure. Voici une expérience bien simple qui appuie cette remarque : nous sommes au grand jour devant un ciel bien clair; nous fixons le regard vers l'horizon, nous ne sommes pas éblouis par les rayons lumineux d'en haut, qui déjà ont émoussé la partie inférieure de la rétine par leur action prolongée; élevons maintenant le regard au zénith, le ciel occu- pera la partie inférieure du champ visuel et excitera la moitié supérieure de la rétine, plus impressionnable parce qu’elle n’aura été excitée aupa- ravant que par le sol ; aussi l’œil sera-t-il ébloui plus ou moins fortement, en tout cas beaucoup plus que précédemment. Quand nous sommes dans notre cabinet ou notre laboratoire, nous nous placons le plus souvent au-devant d’une fenêtre qui éclaire les parties centrales de notre champ visuel; les parties plus excentriques, moins excitées, sont donc pour quelque temps plus impressionnables, et c'est en effet ce qui à été observé maintes fois (1). Inutile de multiplier les exemples ; tous les faits relatifs à la sensibilité lumineuse des diverses parties de la rétine peuvent se résumer ainsi : absolument parlant, et après un repos suffisant dans l’obscurité, toutes les parties de la rétine, sauf le centre, sont également sensibles; dans la pratique, nous exercons, nous excitons inégalement ces diverses parties, etce sont les plus excitées, les plus éclairées, qui sont le moins sen- sibles. (4) Un point important de technique est le suivant : pour la détermination du minimum perceptible, nous plaçons l’œil dans l’oculaire du photoptomètre de façon à ce que, dans le regard direct, laligne visuelle occupe exactement l’axe du tube oculaire, lequel a un diamètre intérieur de 2 centimètres et une longueur de 25 centimètres; quand nous levions le regard pour explorer une partie excentrique, il y à en même temps un léger déplacement du globe, et la ligne visuelle n'étant plus dans l’axe, une partie de l’objet lumineux se trouve. masquée, ce qui élève le minimum perceptible; c’est ainsi qu'on a pu penser que la périphérie rétinienne était moins sensible qu’une zone moyenne, ce qui n’est pas (sauf pour l'extrême bord de la rétine). Il faut donc, dans chaque déviation du regard, corriger le déplacement parallactique subi par la ligne visuelle, de facon à découvrir complètement l’objet lumineux. 336 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. LA PERCEPTION LUMINEUSE ET L'INDUCTION LUMINEUSE SIMULTANÉE: Note par le D' AuG. CHARPENTIER, professeur à la Faculté-de mn présentée par Mc D'ARSONVAL. Hering à décrit sous le nom d’induction lumineuse simultanée le phé- nomène suivant : si l’on présente à l’œil un objet éclairé, Le reste du champ visuel restant complètement obscur, il semble y avoir une propagation de l'effet lumineux ou de la sensation sur toute l'étendue du champ visuel. En effet, celui-ci, après avoir paru tout d’abord tout à fait noir, se montre éclairé à un certain degré très faible à la vérité, mais assez nettément perceptible. Ce qui prouve bien la réalité de cette induction lumineuse, c’est que si l’on supprime brusquement l'objet lumineux, sa place parait noire tandis que le reste du champ visuel présente une clarté évidente. On peut se demander si cette propagation apparente de l'impression lumineuse n’est pas un phénomène rétinien, si, en d’autres termes, ce n’est pas l'excitation même ou son effet photochimique qui s'est diffusé sur toute l’étendue de la rétine. Dans ce cas, cette diffusion tiendrait évidem- ment lieu, sur tous les points non directement éclairés, d'une certaine quantité de lumière objective, et l’on devrait trouver une modification appréciable de la sensibilité lumineuse : le minimum de lumière néces- saire à la perception devrait être différent de ce qu'il est sur un, œil ne recevant aucune clarté d’une partie quelconque du champ visuel. Le même phénomène se produirait, du reste, au cas où l'induction lumineuse aurait son siège non plus sur la rétine, mais dans une partie quelconque de l'appareil sensoriel de la vision. J'ai fait sous différentes formes les expériences nécessaires pour ré- soudre cette question. L'œil étant placé dans une enceinte complètement obscure formée par le tube oculaire de mon instrument, j'ai déterminé le minimum perceptible pour un point excentrique du champ visuel, puis j'ai répété cette détermination après avoir présenté à l'œil dans la vision directe une surface plus ou moins grande et plus ou moins éclairée. Or, le plus faible éclairement objectif percu par la partie rétinienne explorée était le même dans l’un comme dans l’autre cas. Retournant l'expérience, j'ai examiné la perception lumineuse dans la vision directe avant et après avoir excité une partie excentrique quel- conque de la rétine. Aucune différence appréciable ne s'est manifestée dans ces deux conditions. ; Pour porter l'induction lumineuse à son maximum, j'ai pris comme objet présenté à l'œil une surface annulaire comprise entre deux circon- férences concentriques de 15 et de 50 millimètres de diamètre environ, l’œil étant à une distance de 22 centimètres. Restait done au centre un cercle obscur de 1 centimètre et demi de large, dans l’intérieur duquel on pouvait déterminer la perception lumineuse à l’aide d’un objet plus SÉANCE DU 30 MAI. 337 petit. La partie éclairée du champ visuel était, dans ces conditions, très étendue, et l'induction lumineuse se montrait manifestement au centre, où le cercle non éclairé semblait posséder une certaine luminosité DHpNee Cependant dans ce cercle le mouvement perceptible était le même qu'en l'absence de toute lumière excentrique dans le champ visuel ({). : L'expérience donne le même résultat, que la lumière inductive soit blanche ou colorée; et cependant, dans le cas d’une lumière colorée, le phénomène se complique encore, car l'objet dont on se sert pour déter- miner le maximum perceptible parait, lorsqu'il commence à être vu; revêtu d’une teinte complémentaire de celle de la lumière inductive. J'ai recherché de plus si l'induction lumineuse avait une influence:sur la perception des différences de clarté; je n’ai trouvé aucune modification appréciable de cette fonction. avant et après l'action de la Jumière i In- ductive. Il en est de même pour la distinction des points lumineux multiples, qui n’est pas influencée par l'induction lumineuse. SE Il me semble évident d'après ces résultats, que la faible perception lumineuse qui paraît envahir les points non excités du champ visuel est purement subjective ou psychique, qu'elle a son siège dans la région idéative du cerveau. Déjà Helmholtz attribuait.les phénomènes de con- traste à des erreurs de jugement; cette formule à du vrai, mais elle ne caractérise qu’une partie accessoire du phénomène; il n’y a erreur de jugement qu’en tant qu'on attribue à la présence d’une lumière extérieure la perception purement subjective correspondant aux parties non excitées du champ visuel; quant à cette perception même, bien que subjective ou psychique, comme on voudra, elle.est on ne ‘peut plus réelle; seule- ment, les expériences précédentes montrent qu'elle reste confinée dans la région psychique du cerveau et qu’elle n’envahit pas l'appareil sensoriel proprement dit, dont le fonctionnement n’en est pas modifié. *‘ (4) II faut opérer avec des précautions tout à fait spéciales que je n'ai pas à décrire ici, pour éliminer l'influence de la diffusion lumineuse produite par les parois de l'enceinte sur les objets présentés à l'œil. Cette diffusion, qui est constante, a pour effet d'éclairer à un degré plus ou moins fort les surfaces en apparence les plus noires; quand il y a de la lumière dans le champ visuel, celles-ci sont en réalité différentes de ce qu'elles sont quand tout le champ visuel est obscur. En ne tenant pas compte de ce fait on obtiendrait des résul- tats erronés,. et entièrement différents des précédents. L'erreur est d'autant plus facile à commettre, que la diffusion a précisément toujours pour effet d'aug- menter l'intensité apparente de l'induction lumineuse, qui par elle-même est en somme assez faible, plus faible que ne l’a cru Hering. 338 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. DE LA TRANSPLANTATION DE L’ŒIL DU LAPIN À L'HOMME. Note pu p' CHIBRET, DE CLERMONT-FERRAND, présentée par M. Javar, Le 4 mai 1885, après avoir énucléé un œil staphylomateux et buphtal- mique, absolument perdu chez une jeune fille de 17 ans, j'ai suturé, au lieu et place du globe humain enlevé, un œil de lapin. Cinq jours après l'opération les fils de suture ont été enlevés : ils avaient comprimé et ulcéré la cornée à sa périphérie; cette membrane était légè- rement infiltrée. L'œil était du reste soudé dans la capsule de Tenon et avait contracté des attaches musculaires au point d’être mobile dans tous les sens. Au 10° jour, brusquement, la cornée, jusque-là insensible, recou- vrait la sensibilité et ne pouvait plus supporter l'attouchement sans occasionner une douleur assez vive. Au 12° jour les lames superficielles de la cornée commencent à se desquamer de la périphérie au centre et ce processus a pour point de aépart les ulcères déterminés par la compression des fils de suture. Au 45° jour la membrane de Descemet cède à la pression intra-oculaire et commence à se nécroser. Le 46° jour, le cristallin, encore transparent, fait hernie à travers l'iris, La membrane de Descemet continuant à se nécroser, une simple descision de la capsule antérieure permet d'extraire le cristallin sans issue du corps vitré. Depuis lors et jusqu'à ce jour, le vide occasionné par la perte de la cornée tend à se combler lentement. À aucun instant du reste la malade n’a souffert réellement. Il y a lieu de modifier le manuel opératoire employé de facon à ménager la cornée; le succès partiel obtenu est assez encourageant pour donner l'espérance d’un succès complet. Il me suffit actuellement d’avoir démontré la possibilité d’une hétéro- plastie sans précédent ni comme essai, ni comme résultat, et grosse de conséquences pour l’ophtalmologie et la chirurgie générale. PARALYSIE DE LA BRANCHE MAXILLAIRE SUPÉRIEURE DU TRIJUMEAU. — TROU- BLES OCULAIRES CORNÉENS, par F. PonNcET, professeur au Val de Grâce. La Société n’a peut-être pas oublié les diverses présentations faites, il y a quelques années, par M. Laborde d'une part, relatives à la section du trijumeau, et les communications que j'ai eu l'honneur de lui faire aussi sur la section des ciliaires, et celle du trijumeau dans ses rapports avec SÉANCE DU 30 MAI. 339 l'œil (juillet, août 1881). En ces recherches, un point nous a paru tout spécialement difficile à résoudre; c’est l'origine de l'ophtalmie consécu- tive à la section de ia cinquième paire. J'ai reçu il y a quelques semaines dans mon service un malade atteint de paralysie du trijumeau, dont l'étude me semble devoir élucider la question. Voici le fait : M. H... L..., officier d'état-major au … rég. de ligne, âgé de trente- six ans, entre le 8 mai au Val de Grâce pour une anesthésie de la joue gauche avec ophtalmie. Le malade d’une constitution nerveuse et assez robuste, s’est fatigué beaucoup dans son service depuis cinq à six.ans et à la suite des exer- cices des manœuvres, il a eu une arthrite du genou en 1876, puis des attaques de dyspepsie et dans ces derniers temps des gonflements arti- culaires avec fièvre. Les antécédents rhumatismaux sont donc très nets; mais il n’est pas certain que la diathèse spécifique ne joue pas non plus un rôle dans ces douleurs, et c’est là un fait important qui nous occu- pera plus tard pour le traitement. Au mois d'août 1884, M. L. a couché huit jours au. bivouac : : rhuma- tisme des deux articulations temporo-maxillaires, plus localisé à gauche et durant jusqu'en septembre. À ce moment, le malade se sou- vient de bouffées congestives rougissant vivement la face d’un côté. En même temps que ces douleurs de l'articulation, il survint une surdité à droite, laquelle n'existe plus aujourd’hui. De septembre 1884 en janvier 1885, nous notons des “douleurs articu- laires à la clavicule, aux côtes, à la suite d'une marche de huit jours faite par la pluie et la neige, entre Lyon et Clermont. A cette même époque, séjours fréquents le matin à l'exercice, par un froid rigoureux : névralgies violentes du frontal gauche, revenant avec intermittence, et surtout la nuit. La surdité qui avait disparu à droite, se fait sentir à gauche, et aug- mente rapidement d'intensité, à ce point que la montre n'était plus entendue à 5 centimètres de l'oreille. | Le sulfate de quinine fit disparaître d’abord l’intermittence ; puis la névralgie et la surdité cessèrent par le repos et l'hygiène vers le 15 jan- vier. Une nouvelle attaque de névralgie survint en février, mais dura peu. Le 7 mars, nouvelles douleurs névralgiques d’une intensité atroce, occu- pant l'œil et le côté gauche du nez. Le globe oculaire est rouge, injecté, larmoyant; et du mucus s'écoule abondamment de la narine gauche. La zone douloureuse occupe le sourcil, le côté gauche du nez et la courbe de l'oreille à la commissure labiale du même côté. Q Le 3 avril, 3 pustules (zona ?) se montrent à la tempe et le malade s’apercevant qu'il voyait double, examine son œil avec attention, il reconnaît que l’œil gauche est immobile dans l'orbite. 340 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Vers le 7 avril, les douleurs et l'hyperesthésie sont remplacées par une insensibilité du globe oculaire et des parties voisines. Les paupières ne se fermaient plus. C'est alors (Le 43 avril) qu'apparut, au hérd inférieur de la cornée, une petite ulcération blanchâtre : toute la conjonctive devint rouge, bour- souflée; la vue diminua avec le trouble de la cornée, mais il n'existait aucune douleur profonde del'organe, qui était absolument insensible... État actuel, à l'entrée à l'hôpital, le 8 mar. | L'insensibilité occupe les paupières, la région frontale jusqu'aux che- veux: mais non la tempe gauche, bien que cette dernière partie ait été aussi anesthésiée au début : du sourcil au dos du nez, et en suivant la courbe de l'oreille à la commissure : zone absolument insensible. Le globe est mobile, mais pas du tout en dehors où la paralysie de la sixième paire est complète. La conjonctive est absolument insensible : elle est t'd'in rouge veineux, partout, et un peu œdémateuse. La cornée est trouble, irrégulière, en bas il existe un point blanchätre, inter-lamellaire, et une zone de pus, en onglet, Soit la chambre anté- rieure. | Pas de douleur AE, pas d’élancement. ” Les deux oreilles ont repris leur fonction. La montre est entendue à 2 mètres. Les muscles de la face se contractent bien, à l'exception cependant de l'orbiculaire des paupières, qui recouvre difficilement le globe. Mais sous l'influence des courants faradiques, la contraction est énergique. Le masseter présente aussi une diminution de la contraction. Cela tient peut- être à l’anesthésie dentaire gauche supérieure, qui rend difficile le senti- ment de la contraction pour broyer les aliments de ce côté. | Le côté gauche de la face est un peu ‘plus rouge que le côté opposé, surtout à la pommette; il est plus saillant, un peu œdémateux. Le traitement institué fut le suivant : Salicylate de soude, morphine et sulfate de quinine, — Bains de vapeur, — Courants continus, — Iodure de potassium à haute dose. Bandage fermant l'œil, DRE boriques fré- quentes. Escrime. Malgré ce traitement, l'affection oculaire fit des progrès. La tache de la cornée s'agrandit, tout le segment inférieur était ramolli, blanchâtre, presque pultacé, et le pus augmentait dans la chambre antérieure. Le 22 mai je pratiquai la ponction, qui donna issue à quelques gouttes de pus: É Aujourd’hui, 29 mai; la cornée reprend sa transparence, la plaie est bien cicatrisée, il n'existe pas, je crois, d’adhérence entre l'iris et la cornée, du moins en haut dans la région profonde visible, et tout pourra se modifier par une iridectomie supérieure à pratiquer dans quelques mois : la cicatrice’ cornéenne est cependant restée plate jusqu'à présent. SÉANCE DU 30 MAI. 341 La zone frontale est redevenue sensible ; mais le nerf sous-orbitaire est toujours anesthésié. La oi du D E persiste encore à la date du 30 mai. Les observations de cette nature sont loin d’être rares aujourd’hui, mais il suffit de se reporter à la bibliographie de Sæmisch et Græfe (t. T, f. 4, p. 150) pour voir que ces faits cliniques relatés il y a dix ans étaient à peine au nombre de dix à quinze. Ils ont été bien mieux élucidés par l'expérimentation physiologique et nous ne reviendrons pas sur les rapports du trijumeau et du grand sympathique. Dans le cas spécial, nous voyons sous l'influence du froid, se développer chez un sujet peut-être syphilitique, une hyperesthésie des filets du frontal, des ciliaires et du maxillaire supérieure, qui fait place à ‘une anes- thésie complète des mêmes branches nerveuses. Le moteur oculaire commun pris d’abord, récupère bientôt ses fonc- tions; mais la sixième paire reste paralysée. pan les deux nerfs auditifs subissent pendant quelque temps Fin- fluence paralytique. k Dans le doute, sur l’origine de ces diverses lésions, nous avons institué un traitement spécifique énergique et tout nous fait penser que le mal cédera, étant donnés les progrès accomplis depuis l'entrée à l'hôpital. : Mais ce que je tenais à faire remarquer à la Société, c'est que le globe oculaire ‘n’a pas subi d'atteinte profonde de choroïdite, comme le fait au- rait dû se produire d’après les données fournies par mes excellents amis MM. Laborde et Duval. Non, tout s’est borné à une lésion traumatique externe, provenant de l’insensibilité de l’œil aux corps étrangers, et du jour où l’on a protégé les paupières, évacué le liquide vibronien, il faut le dire, qui infiltrait la cornée, celle-ci reprend peu à peu sa transparence, et nulle lésion profonde ne se montre sur cet œil. Pas d'iritis, pas de cyclite, pas d’atrophie. Le globe oculaire a conservé sa forme, son volume etsa consistance. Les phosphènes sont bien pereus et je ne désespère pas de rétablir la vision chez ce malade, en pratiquant plus tard une pupille artificielle dans la région supérieure, si l'état cicatriciel de la cornée le permet. En résumé, ce fait est la reproduction pathologique de l'expérience si connue de la section du trijumeau au ganglion, avec quelques compli- cations du côté de la troisième, de la sixième et de la huitième paire. Mais la lésion principale de la branche ophtalmique et du maxillaire supé- rieur a permis d'assister à la répétition clinique, exacte, ‘aussi complète que possible, de ces troubles consécutifs si bien étudiés sur les animaux par Petit, Magendie, C. Bernard, sales et Ranvier. : : 19489 349 SOCIÊTÉ DE BIOLOGIE. NOTE SUR « L'ORGANE DES SPERMACETI », par MM. Poucuer Er BEAUREGARD. Nous avons eu l’occasion unique de disséquer un fœtus de eachalot long de 1"30, et nous avons pu compléter ainsi les observations que nous avions faites l’année dernière sur des pièces séparées d’un individu adulte. Ge sont les résultats de cette nouvelle étude que nous venons exposer devant la Société, résultats qui concordent dans leurs traits essentiels avec les conclusions que nous avions formulées à la suite de nos pre- mières recherches. L'organe du spermaceti occupe le côté droit de la tête, et s'étend dans l’espace considérable compris entre le crâne et l'extrémité du museau. Il repose sur le maxillaire et l’intermaxillaire dont il n’est séparé que par un plan musculaire peu épais. Après avoir fait sur la face supérieure de la tête une incision longitudi- nale médiane et disséqué la peau de chaque côté, on trouve à gauche la narine qui partant de l’évent unique reporté du même côté, se continue en un tube à peu près cylindrique jusqu'à la fosse nasale correspondante. Au côté droit, on se trouve en présence d’une épaisse couche d’un tissu de couleur blanche, d’aspect finement spumeux et de consistance molle. Ce lissu nous paraît être ce que les pêcheurs appellent le Cheval Blanc. Il recouvre immédiatement l'organe du spermaceti, qui se présente après la dissection comme formé de deux parties distinctes : c’est d’aborden arrière un sac pyriforme adossé à la muraille verticale et concave formée par le frontal et le maxillaire accotés. Nous appelons ce sac réservoir postérieur. Il se continue en avant en une sorte de large boyau qui repose: sur la partie horizontale du maxillaire et se prolonge jusqu’à l'extrémité de la tête. Nous appelonsce boyau, réservoir antérieur. Les deux réservoirs forment l’un avec l’autre un angle à peu près droit. Ils communiquent entre eux par un orifice de la largeur du petit doigt. En arrière de cet orifice, le réservoir antérieur se continue en un canal qui occupe la fosse nasale droite atrophiée comme on le sait par rapport à la fosse nasale gauche. Ce canal s'ouvre finalement dans l’arrière-cavité des fosses nasales; on ne peut mettre en doute, par suite, que les réservoirs à spermaceti soient, comme nous l’avions indiqué déjà, les représentants de la narine droite modifiée pour un usage spécial. ; Le mode de terminaison du réservoir antérieur à l'extrémité de la tête est le suivant. Ce réservoir n’est pas clos; il se termine immédiatement au-dessous de la peau, par un orifice en forme de longue fente transversale limitée par deux lèvres épaisses; cette fente s'ouvre dans une cavité sous- cutanée verticale en communication d'autre part avec l’évent. Cette cavité verticale s'étend beaucoup plus à droite qu’à gauche. Quand, par SÉANCE DU 30 Mai. 343 une incision cruciale de la peau, on ouvre sa paroi antérieure, on aperçoit l’orifice transversal du réservoir antérieur qui, avec ses deux lèvres, a l’as- pect d’un museau de singe, nom que nous lui conservons. En résumé, l’organe du spermaceti communique en avant indirecte- ment avec l’évent, et en arrière directement avec l’arrière-cavité des fosses nasales. On s'explique ainsi pourquoi nous avons trouvé les réser- voirs vides. L'étude histologique, faite dans des conditions défavorables, vu l’état de la pièce, nous a présenté dans les diverses parties de l'organe les particularités suivantes : Réservoir postérieur. — La paroi antérieure de ce réservoir est plus épaisse que sa paroi postérieure. Toutes deux sont tapissées d’un épithé- lium noir, ou grisâtre par places. Cet épithélium repose sur un tissu fibreux disposé en couches inclinées les unes sur les autres et présentant à une certaine profondeur une zone de fibres musculaires lisses. En certains points voisins de l’orifice de communication avec le réser- voir antérieur, quelques glandes sont visibles à l'œil nu. Elles sont sem- blables à celles que nous décrirons dans le réservoir antérieur. Ce sont les seuls organes glandulaires que nous trouvions ici. Réservoir antérieur. — Ce réservoir ouvert nous montre un épithélium noir complètement détaché sauf sur la paroi interne où il est encore en partie adhérent ; les surfaces dénudées sont blanches, lisses; cependant dans la région antérieure du réservoir et seulement sur sa face externe, on apercoit un piqueté noir, plus dense le long du bord inférieur de l’or- gane et devenant de plus en plus clair vers la paroi supérieure. La région postérieure, totalement lisse, est un peu rosée. La coupes faites sur la paroi du réservoir antérieur nous montrent dans ses diverses régions une couche fibreuse d'épaisseur un peu variable, plus mince dans la région moyenne, et beaucoup plus épaisse en avant. Trois plans de fibres forment cette couche, savoir : un plan externe et un plan interne à fibres transversales et un plan moyen à fibres longitudi- nales. Une trame élastique nous paraît exister dans cette couche fibreuse, mais l’état de la pièce rend les déterminations histologiques très difficiles. Par places, dans les régions antérieures et postérieures surtout, les faisceaux de fibres présentent entre eux des amas réticulés dus à la pré- sence d'ilots de cellules adipeuses, et au voisinage de ceux-ci, des cavités qui nous semblent d'origine cadavérique. La portion de la paroi piquetée de noir, doit cette apparence à la péné- tration de l’épithélium pigmenté dans le canal excréteur de glandes qu'on trouve en grand nombre sur les coupes. Ces glandes sont du type sébacé; elles offrent ceci de très particulier, d’être entièrement logées dans la trame fibreuse dont elles occupent les couches les plus superficielles, au lieu de traverser le chorion. Elles ne 344 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. pénètrent pas plus avant que le 1/4 environ de l'épaisseur de la trame fibreuse; aucun tissu lamineux ne se trouve autour d'elles. Ces glandes examinées sur des coupes parallèles à la surface de l’or- gane, ont une forme à peu près arrondie ou ovoiïde. Elles paraïssent se composer de 4 à 6 culs-de-sac séparés les uns des autres, courts, plongeant horizontalement dans la trame fibreuse. En général, les culs-de-sac sont remplis d'une matière incolore frag- mentée qui paraît n'être autre chose que des cellules dont le volume est le même que celui des cellules du conduit excréteur. Ce conduit est tapissé d’un épithélium noir; la transition de cet épithélium coloré et des cellules incolores des culs-de-sac paraît se faire graduellement vers le _col des culs-de-sac. Sur diverses de nos coupes, nous voyons le canal excréteur largement ouvert, inégal, irrégulier, tapissé: d'épithélium pigmenté se continuer à angle droit avec un des culs-de-sac rempli d’épithélium incolore. - Somme toute, nous ne trouvons dans les réservoirs aucun organe qui ode d’ leo par une sécrétion glandulaire la production ‘des spermaceti, à moins qu’on n’admette que les glandes sébacées dont il est question ci-dessus, suffisent à cette roduction. Il est à remarquer que la narine gauche, tapissée également d’un épithélium pigmenté, ne présente aucune espèce de glande. La paroi est formée d’une couche épaisse de tissu lamineux parcouru par des vaisseaux qui s'avancent just au voisinage de LSpRNLUENE, A À Le! be NRA NES ; SÉANCE DU 30 MAI. 345 SUR LA CONTRACTION SIMULTANÉE DES MUSCLES ANTAGONISTES, par H. BEAUNIS. Dans mes recherches sur la forme de la contraction musculaire réflexe chez la grenouille j'avais constaté fréquemment que les muscles antago-. nistes se contractaient simultanément. Ce fait, en opposition avec la doctrine classique sur le rôle des muscles antagonistes, me frappa vive- ment et je me proposai de l'étudier de plus près, non seulement sur la grenouille, mais sur les mammifères. Mes expériences sur ces animaux ont confirmé les résultats que j'avais obtenus en premier lieu, et les tracés pris sur le lapin, sur les cobayes et sur de jeunes chiens sont comparables à ce point de vue à ceux que J'avais recueillis sur la gre- nouille. Quand on relie les tendons de deux muscles antagonistes, le gastro-cnémien par exemple et le tibial antérieur (fléchisseur du tarse) à deux tambours myographiques à transmission, et qu'on détermine par des excitations variées, des contractions réflexes, on voit, en général, les deux muscles antagonistes se contracter simultanément. Cependant le phénomène n'est pas constant. En effet, dans les condi- tions expérimentales indiquées ci-dessus, les trois cas suivants peuvent se présenter : … 4° Les deux muscles antagonistes se contractent simultanément. 2° L'un des deux muscles se contracte, l’autre se relâche et s’allonge. 3° Un seul des deux muscles se contracte, l’autre reste immobile. Quelques mots sur chacun de ces cas. 1° Les deux muscles antagonistes se contractent simultanément. . Dans quelques cas, les deux contractions sont calquées pour ainsi dire l’une sur l’autre : elles débutent et finissent ensemble et la contraction d’un muscle est la reproduction fidèle de la contraction de l’autre, sauf généralement en un point, la hauteur de la contraction. Mais souvent il n’en est pas ainsi et les deux contractions diffèrent de caractère. Ces différences peuvent porter sur le début, la terminaison, la durée, la hauteur et la forme de la contraction, et l’on peut, dans ces conditions, rencontrer toutes les variétés imaginables. L'une des ‘deux peut retarder sur l’autre ; la première sera allongée, tandis que la seconde sera très brève ; l’une sera continue et tétaniforme, l’autre composée de secousses multiples entrecoupées de périodes de repos, etc. Les hauteurs de contraction des deux muscles peuvent aussi différer. Habituellement les périodes d’ascension se correspondent dans les deux contractions, mais il n'en est pas toujours de même, et les périodes d’ascension de l’une peuvent coïncider avec le repos ou les périodes de descente de l’autre. 346 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE — Les différences de hauteur et de durée peuvent amener des différences correspondantes dans la forme de la contraction, et il y a là un fait intéressant à constater. Quand on excite directement le nerf d’un membre, le nerf sciatique par exemple, et qu'on enregistre les contractions névro- directes des antagonistes, on voit que, sauf de rares exceptions, ces con- tractions sont identiques comme forme ; mais la plupart du temps, pour les contractions réflexes des antagonistes, il n’en est plus de même. Il y a donc là une cause, de nature centrale, qui modifie la forme de la con- traction musculaire. 20 Un des muscles se contracte ; le muscle antagoniste se reläche et s’al- longe. Ce relâchement du muscle se traduit sur le tracé par un abaissement de la courbe au-dessous de la ligne de début et indique un allongement du muscle. Cet allongement réflexe, que je crois avoir été le premier à signaler, rentre évidemment dans ces phénomènes d'arrêt que j'ai étudiés antérieurement. Quelquefois cet allongement est à peine sensible, d’au- tres fois, au contraire, il est assez prononcé, sans qu'ilsoit possible jus- qu'ici de rattacher à des conditions déterminées les caractères et les variations de ces relâchements musculaires réflexes. Ils se présentent d’ailleurs, aussi bien que les contractions, pour toutes les catégories d’ex- citation. Ils peuvent apparaître d'emblée, sans contraction antécédente ou bien être précédés d’une contraction. | Je n’ai rien à ajouter sur le troisième cas, celui où l’un des deux mus- cles reste absolument immobile. Quand, au lieu de déterminer des contractions réflexes par des excita- tions, on laisse l’animal à lui-même, il se produit de temps en temps des contractions qu'on peut appeler spontanées ; dans ces conditions, les mêmes phénomènes peuvent se produire, contractions simultanées des antagonistes, relâchements musculaires, absolument comme dans les cas précédents. Il est bien évident que le terme spontané veut simplement dire : « Absence d’une excitation déterminéeet intentionnelle »,car l'animal est attaché sur la planchette et soumis par conséquent à des influences expérimentales qui peuvent agir comme exeitants. En est-il de même aussi dans les contractions dites volontaires ? Il est permis, je crois, de l’admettre, quoique la démonstration expérimentale en soit à peu près impossible chez les animaux. L’ablation des hémisphères cérébraux et de la moelle allongée qui, chez la grenouille, ne modifie pas sensiblement les phénomènes, paraît, au contraire, exercer une certaine influence chez les mammifères. Dans ces conditions, la simultanéité des contractions des muscles antagonistes se constate moins fréquemmentetil y a une plus grande irrégularité des faits observés, Cependant, je ne saurais être très affirmatif sur ce point, mes expériences n'étant pas encore assez nombreuses et assez concluantes: SÉANCE DU 90 MAI. JAT Les faits que je viens d'exposer confirment expérimentalement les vues anciennes de Winslow, reprises et développées par Duchenne de Boulogne sur le rôle des muscles antagonistes. Ces muscles ne sont pas, comme on l’admet généralement, uniquement passifs dans un mouve- ment donné. Ils interviennent au contraire d’une facon directe dans les mouvements, et le mouvement total n’est que la résultante des actions qui se passent dans les muscles antagonistes. 348 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE CULTURE DE GRAINES PURES DE GERMES DE MICROBES, par LÉON BRASSE. J'ai l'honneur de présenter aujourd'hui à la Société de Biologie, une preuve palpable de l'efficacité du procédé que je lui ai communiqué dans sa séance du 21 mars. Ce tube contenant une dissolution stérilisée de sucre de canne a été ensemencé le 6 mars avec cinq grains de cresson alénois préalablement lavés à l’eau de chlore. Il a été remis ensuite à M. Francois-Franck qui J’a conservé jusqu'à ce jour. On peut voir au premier abord, que l’eau de chlore, comme déjà Saus- sure l’avait reconnu, n’entrave aucunement la germination, si même elle n’y contribue efficacement; mais on reconnait aussi qu'il ne s’est déve- loppé aucun organisme capable de troubler la liqueur sucrée. De plus, un examen attentif au microscope aidé de l'analyse chimique démonire d'une facon péremptoire que dans ces conditions aucun organisme vivant n’a pu se développer. CONTRIBUTION A LA PHYSIOLOGIE DE L'ESTHÉTIQUE, par CH. FÉRÉ. Comme le fait remarquer Spencer, les phénomènes de plaisir et de douleur sont peut-être les plus obscurs et les plus embrouillés de la psychologie ; aussi avons-nous cru qu’il ne serait pas sans intérêt d’ap- porter quelques faits propres à éclairer leur genèse. Au cours de nos recherches (1) nous sommes arrivé à la démonstration expérimentale de ce fait que toute excitation même non percue déter- mine un effet dynamique. Ce résultat qu'on pouvait prévoir en se basant sur des considérations théoriques, offre un grand intérêt, non pas seule- ment au point de vue de la physiologie; la pathologie et la thérapeu- tique peuvent encore en faire leur profit. Il nous montre en particulier une fois de plus que l’empirisme doit être la base des sciences naturelles, et que l'on ne doit point nier un effet parce qu'on ne comprend point son mécanisme. Ainsi, en ce qui concerne l’action desirritations externes, des révulsifs, ete., dont on nie, ou dont on exagère les effets suivant qu'on est rationnel où empirique, nos expériences sont susceptibles d'en four- nir une interprétation plausible. Elles montrent en effet que les effets dynamiques d’une irritation périphérique ne se manifestent pas seulement (A)ZP. 223, 249, 253,270, 285, 316. SÉANCE DU 30 Mai. 349 sur les muscles de la vie de relation, mais encore sur les muscles de la vie organique ; la suractivité circulatoire par exemple est très nette; il y a longtemps d'ailleurs que Haller a observé que le son du tambour exa- gérait l'écoulement de sang d’une veine ouverte. Cette influence des exei- tations périphériques sur l’activité circulatoire et par conséquent l’activité nutritive peut expliquer comment un vésicatoire par exemple peut déter- miner des phénomènes de nutrition, résorption de liquides, etc. avec une prédominance du côté correspondant, mais capables de se montrer à un ‘certain degré à distance. La constatation des effets circulatoires des excitations périphériques nous sera utile encore pour l'interprétation de certains phénomènes psychiques ; et nous y reviendrons en détail. Nous avons eu occasion de signaler plusieurs fois ce fait que des sen- sations agréables s'’accompagnent de manifestations dynamiques très intenses : il y a, sous leur influence, une exagération considérable de la pression dynamométrique ; des sensations désagréables ont déterminé au contraire une dépression des forces. Nous avions conclu de ces remarques que la sensation agréable ou désagréable était constituée par une exagération ou une diminution de l'énergie potentielle. Ger- tains faits cependant relatifs à des sensations manifestement pénibles semblaient contredire cette règle. L'étude de quelques sensations olfac- üves en particulier nous permettra, je pense, de rétablir l’accord entre toutes les expériences. M. le docteur G. qui est très sensible à l’action des odeurs, a bien voulu nous servir de sujet d'expérience. Après avoir pris la force dynamomé- trique de la main droite, qui varie de 50 à 55 dans plusieurs épreuves, nous approchons vivement de ses narines un flacon contenant du muse pur qui nous a été obligeamment prêté par notre ami M. Ch. Girard, directeur du laboratoire municipal, c’est dire qu’il s’agit d'un produit parfaitement sûr. M. G. déclare que cette odeur est extrêmement désa- gréable ; sa force dynamométrique prise à ce moment donne 45, c’est-à- dire qu’elle semble diminuée. La même expérience est reprise plus tard, mais en laissant le flacon à distance, de telle sorte que l'impression arrive atténuée ; M. G. déclare alors que cette odeur est très agréable, et sa physionomie exprime très nettement la satisfaction, il donne alors une pression de 65, c’est-à-dire une augmentation de 10 à 45, d’un sixième ou d’un cinquième. | Chez une hystérique, anesthésique générale, qui a une obunbilation très manifeste du sens de l'odorat, l'approche immédiate du flacon de muse détermine une sensation très agréable en même temps qu'une dynamo- génie très intense (46 au lieu de 23). Dans une autre expérience sur le même sujet, nous laissons le flacon de muse au contact des narines pen- dant trois minutes ; après avoir déclaré d'abord la sensation très agréable, il commence à en être incommodé, l'exploration dynamométrique qui n’avait{pas été faite jusque-là, donne 19, c’est-à-dire une diminution 390 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE notable. Si on continue l'expérience, si on persiste à faire agir l'odeur du muse, peu à peu la sensation s’affaiblit, puis disparaît, la réaction dyna- mométrique baisse encore un peu, enfin le sujet tombe dans le sommeil Jéthargique. La sensation olfactive a agi exactement comme les sen- sations auditives et visuelles prolongées ; toutes sont excitantes au début, puis déterminent l’épuisement qui aboutit au sommeil quand il s'agit d’un sujet prédisposé. Cette succession de phénomènes, soit dit en passant, montre que le sommeil provoqué n’est pas séparé du sommeil spontané à son origine : la fatigue est la cause primordiale; tantôt elle se produit à la suite d’une décharge brusque résultant des mouvements réflexes déterminés par une impression brusque; tantôt elle se produit lentement en conséquence d’une impression prolongée et monotone. Notons d’ailleurs que cette suc- cession de phénomènes, à savoir sous l'influence d’une même excitation, la sensation forte, puis l'absence de sensation, et la fatigue, existe à l’état physiologique ; et on peut la reproduire sur bon nombre de sujets normaux. [Il en découle qu'une excitation, même lorsqu'elle n’est plus percue, détermine encore des effets dynamiques et finalement la fatigue. Une excitation agréable ou désagréable peut cesser d'être percue sans pour cela cesser d'exercer des effets mécaniques, dont l’absence est par- faitement reconnue lorsque l'excitation vient à être supprimée. Ces différentes expériences concordent parfaitement pour nous montrer que les sensations agréables SAGE ent d'une augmentation de l'énergie, tandis que les désagréables s’accompagnent d’une diminution. La sensation de plaisir se résout donc dans uue sensation de puissance ; la sensalion de déplaisir dans une sensation d'impuissance. Nous en sommes donc arrivés à la démonstration matérielle des idées théoriques émises avec plus au moins de clarté par Kant, par Bain, par Darwin sur le plaisir et la douleur. Or toute excitation qui amène une augmentation de l'énergie poten- tielle, se termine par une décharge, tantôt lente, quand l’excitation est modérée, tantôt brusque, quand l'excitation est forte et détermine des mouvements réflexes. L’impression de l’ammoniaque sur l’odorat déter- mine de ces mouvements; elle produit une décharge brusque avec dé- pression rapide de l’énergie potentielle, et par conséquent une sensation désagréable. L’exagération immédiate et momentanée de la pression n’est que l'effet direct de la décharge réflexe. Chaque décharge s'accompagne d'une diminution de potentiel de sorte que, à partir d'une certaine limite, la sensation ne peut plus s’accroître proportionnellement à l'excitation. Nous avons vu précédemment que les impressions auditives détermi- nent successivement des phénomènes analogues, d’excitation et de dépression. Il en est de même des impressions portant sur les autres sens. Les sensations de la vue sont particulièrement instructives, car elles SÉANCE DU 30 MAI. 351 nous montrent non seulement que la fatigue d’un organe tient à une diminution de l'énergie potentielle du sujet; mais encore que cette dimi- nution coïncide avec üne modification des vibrations moléculaires. En effet, lorsque l’on regarde longtemps un carré rouge appliqué sur un fond blanc on voit apparaître du vert sur ses bords, c’est le phénomène du contraste simultané; chez les sujets faibles, ce phénomène se manifeste plus tôt; on le voit plus tôt aussi lorsqu'on est fatigué; or, on peut le faire apparaître d'emblée pour ainsi dire chez certains sujets par l’appli- cation d’un aimant qui n’agit qu'en modifiant les vibrations moléculaires du sujet par ses vibrations propres. Mais je me suis surtout proposé de montrer que le plaisir et la douleur sont en corrélation avec l'énergie potentielle du sujet. Les sens de la vue, de l’ouïe, de l’odorat, du goût, ne sont pas les seuls qui nous fournissent des arguments à cet égard; les excitations du sens génésique nous pré- sentent des phénomènes non moins démonstratifs. Il est facile de se rendre compte de l’exaltation de l'énergie qui s’accroit jusqu'au pa- roxysme,pour se maintenir pendant un certain temps, après lequel il se fait une dépression persistante. Il n’est pas nécessaire d’insister sur Les états psychiques qui correspondent à cette exaltation et à cette dépres- sion dynamique. Ces remarques sur les phénomènes somatiques qui accompagnent le plaisir et la douleur, qui n’est en somme qu'une modalité de la fatigue, peuvent servir de base à une théorie physiologique de l’esthésique. Et d’autre part il faut remarquer que leplaisir et la douleur constituent le fond de tous les faits psychiques désignés sous le nom de sentiments, d’affections, d’affinités électives, etc. Ces derniers faits pourront done trouver, eux aussi, dans les observations précédentes une interprétation ph ysiologique basée sur la constatation de faits matériels. 322 SÉANCE DE BIOLOGIE EXPÉRIENCES SUR LA TÉT: ET LE CORPS DU DERNIER SUPPLICIÉ A Paris (GAMAHUT). RECHERCHES SUR LA PERSISTANCE DE L'EXCITABILITÉ CÉRÉBRALE APRÈS LA MORT PAR DÉCAPITATION ET PAR HÉMORRHAGIE, par J. V: LABORDE. M. Laborde qui, dans une précédente séance (9 mai), avait commu- niqué la première partie de ses recherches sur le dernier supplicié (Gamahut), comprenant les résultats des études faites sur la tête et le corps, environ vingt-cinq minutes après la décapitation, résultats qui se réfèrent principalement à l’excitabilité de la’ substance cérébrale après la mort, — complète aujourd'hui cette communication par l'exposé des expériences servant à interpréter ces résultats, et à répondre à certaines objections. En raison de son étendue, ce travail complet sera inséré dans les Mémoires de la Société. Le Gérant : G.MAsson. Paris. — Imprimerie G. Rouerer et Gi‘, rue Cassette, 1. 353 SÉANCE DU 6 JUIN 1885 RagureAu : À propos de la communication de MM. Pouchet et Beauregard sur l'or- gane du spermacété. — Brown -SÉQUARD : Indication d’un mode nouveau de pro- duction de l'emphysème pulmonaire — Ex. BourquELoT : Recherches sur la fermen- tation alcoolique élective. — OEscasner DE ConiNck : De la recherche des alcoloïdes dans les méthylamines du commerce et dans les pétroles bruts. — Cu. Férx : Note sur un cas d’aphasie avec hémiplégie gauche. — Cu. FÉRÉ et As. LonDE : Obser- vations pour servir à l'histoire des effets dynamiques des impressions visuelles. — Au. CHARPENTIER : Sur les connexions fonctionnelles des deux rétines. — Laronr : Sur une réaction très sensible de la digitaline vraie, confirmant les résultats physiologiques obtenus par M.Laborde. — DuquEesnEL ET LABORDE : Les substances médicamenteuses considérées au point de vue de la pureté chimique et de l’activité chimique : La pilocarpine. — P. ReGnarp : Expression graphique de la fermenta- tion. — Action de la température. — G. Assaxyx : Contribution à l'anatomie et à la physiologie de la cavité glénoïde de l'omoplate. — Oxmvus : Des courants élec- triques propres aux tissus. — CHarriN: Note sur la physiologie du micrococcus pyocyaneus. — E. Bovier-LaPiERRE : Eaux plâtreuses des puits du désert. Présidence de M. d'Arsonval. À PROPOS DE LA COMMUNICATION DE MM. POUCHET ET BEAUREGARD SUR L'ORGANE DU SPERMACÉTI, remarque de M. RABUTEAU. Dans leur communication, fort intéressante d’ailleurs, faite à la séance précédente, MM. Pouchet etBeauregard ont fait remarquer qu'ils n'avaient pu trouver dans les réservoirs du spermacéti, aucun organe permettant d'expliquer par une sécrétion glandulaire la production de cette sub- stance (Comptes rendus de la Société, p. 342). Ce résultat ne doit pas étonner; j’avancerai même qu'il pouvait ètre prévu, d'après les notions que l’on possède, d’une part, sur la composition du spermacéti, d'autre part, sur celle des corps gras ordinaires. Le blanc de baleine est essentiellement représenté par un éther, le palmitate de céthyle. C’est un éther d’un alcool monoatomique, de l'alcool céthylique ou éthal de M. Chevreul. — Les graisses ordinaires, telles que la tristéarine qui constitue en majeure partie la graisse des herbivores, la tripalmitine qui constitue en majeure partie la graisse de l'homme, la graisse d’oie, la trioléine qui se trouve dans l'huile d'olive et autres huiles, sont des éthers d’un alcool triatomique, la glycérine, lesquels ont été préparés artificiellement par M. Berthelot. Or, la formation de ces graisses animales et végétales n'est le te d'aucune sécrétion glandulaire; en un mot, il n'existe pas de glande qui BioLoGie. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE T. Il. n° 21. 34 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. produise chez les animaux le tissu adipeux. Ce qui a lieu pour les éthers d’un alcool triatomique devait! avoir lieu pour le spermacéti-éther d’un alcool d’atomicité primaire. Lorsque nous saurons comment se pro- duisent les graisses ordinaires, nous saurons probablement comment se produit le blanc de baleine ou spermacéti. INDIGATION D'UN MODE NOUVEAU DE PRODUCTION DE L'EMPHYSÈME PULMONAIRE; par M. BROWN-SÉQUARD. Depuis que l'anatomie a montré la présence d’abondantes fibres mus- culaires dans les petites bronches, il n'aurait dû être douteux pour per- sonne que ces fibres jouent un très grand rôle dans l'asthme nerveux et dans la production de l’emphysème pulmonaire. Il n’en a cependant pas été ainsi et même jusqu'aujourd'hui quelques médecins nient encore la participation de ces éléments musculaires dans l’état de suffocation de l'asthme. C’est là ce qui a conduit un savant éminent, le Docteur C. J. B. Williams (1) à faire de nombreuses recherches sur la contractilité des tuyaux bronchiques. Il a montré que cette irritabilité musculaire peut être mise en jeu par des excitations électriques, chimiques ou mécani- ques. Il a vu que les très petites ramifications bronchiques peuvent se contracter, sous l'influence du galvanisme jusqu'au point d’oblitérer presque complètement leur cavité. Williams a été le premier à montrer que les muscles bronchiques se contractent assez pour faire monter la colonne de liquide d’un manomètre, alors qu’on galvanise les pou- mons. Est-ce le nerf vague qui anime les fibres musculaires des bronches? Les contradictions abondent à cet égard. Longet (2), le premier, a affirmé que la galvanisation du tronc de ce nerf ou celle de ses rameaux, dans les poumons. détermine une contraction des bronches. Volkmann (3) a annoncé avoir obtenu ce résultat, à l’aide d’un procédé dont je parlerai tout à l’heure. Mais Rosenthal (4), Rugenburg (5) et Wintrich (6) ont nié que la galvanisation du nerf vague fit contracter les bronches, On doit à (1) Report of the British Association for the Advancement of Science, 1840, p. #11. (2) Comptes Rendus de l’Acad, des Sciences. Vol. XV, 1842, p. 500. (3) Article : Nervenphysiologie, in Wagner’s Handwærterbuch, vol. II, p. 586. (4) Die Atlembewegungen, p. 232. (5) In Heidenhain’s Studien der Physiol. Institut zu Breslau. 1863, p. 47. (6) In Virchow’s Handbuch der Pathologie, Erlangen, 1855-57. Vol. V. SÉANCE DU 6 JUIN. 35 . M. Paul Bert d'avoir mis ce point hors de doute, non-seulement chez les mammifères, mais aussi chez le Lézard (1). I1 a employé la méthode: graphique et les figures qu'il a données ne peuvent laisser aucun doute. Il y a déjà bien longtemps que j'ai annoncé à la Société (séance du 22 octobre 1853) que la contractilité des bronches mise en Jeu par l'acide carbonique est la grande cause de la dyspnée qui suit la section des deux nerfs vagues. Dans la même communication J'ai fait savoir que si l’on insuffle de l'acide carbonique, dans des poumons extraits du corps et après avoir retiré les gaz qu'ils contenaient (la quantité de gaz injectée étant exactement la même que celle qu'on a retirée), on peut, soit par le procédé de Williams (manomètre), soit par celui de Volkmann, avoir la preuve que les bronches se contractent sous la stimulation causée par l'acide carbonique. Le moyen ingénieux employé par Volkmann consiste, après avoir adapté dans la trachée, un tube se terminant à l'extérieur par une portion effilée, à irriter les bronches et à voir si la flamme d’une bougie est influencée par une expulsion de gaz. J'ai observé cet effet, sous l'influence de l’irritation des bronches par de l'acide carbonique, et aussi en galvanisant les nerfs vagues. Il est donc bien certain que les fibres musculaires des bronches sont très contractiles et que leur irritabilité peut être mise en jeu par la galva- nisation des nerfs vagues, ou par une accumulation d’acide carbonique dans les tubes bronchiques. L’emphysème si bien connu des physiolo- gistes et signalé par Longet, un des premiers, à la suite de la section des deux nerfs vagues, dépend du spasme causé par l’irritation que produit alors l'acide carbonique, mais c’est là un point méritant d’être étudié à part et que je laïsse de côté pour le présent. Ge dont j'ai à m'occuper ici consiste à montrer que dans l'asthme nerveux, de même que dans les lésions de la base de l’encéphale l’emphysème a sa principale cause dans une excitation du nerf vague faisant contracter les petites bronches. Voici les faits qui m'ont conduit à cette opinion. Dans les expériences très nombreuses que j'ai faites en 1870 et 1871(2) sur les effets vaso-moteurs et autres exercés sur les poumons par des irritations des diverses parties de la base de l’encéphale, j'ai trouvé que le bulbe rachidien, surtoutau niveau de l'origine du nerf vague, possède à un bien plus haut degré que les autres parties, la puissance de produire de l'emphysème. L'expérience était faite dans de telles conditions que les deux causes considérées comme capables de produire l’emphyÿsème n’exis- taient pas. Je veux parler de l'effort inspiratoire ou expiratoire. Le thorax était ouvert et l’insufflation pulmonaire pratiquée avec modération. Dans (4) Lecons sur la physiol'comparée de la Respiration. Paris, 4870, p. 371 et suiv. (2) Voyez les Comptes Rendus de la Société, 1870 et 1871 et aussi le Journal The Lancet; 1871: Vol. I, p. 6: 356 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. oo ces conditions il arrivait fréquemment, sinon toujours, qu'un emphysème assez considérable se montrât dans diverses portions des deux poumons ou dans un seul, suivant que j'avais irrité, mécaniquement ou par le galvanisme, le bulbe rachidien des deux côtés ou d’un seul. Ces recher- ches, répétées un grand nombre de fois à l’époque indiquée ou depuis lors, chez des chiens et des lapins, m'ont donné les mêmes résultats. En 1871 (1) et depuis lors j'ai constaté très fréquemment que la galva- nisation des nerfs vagues, surtout près de leur origine au bulbe et près des poumons, produit constamment de l’emphysème pulmonaire, que le thorax soit ouvert ou non. Tout récemment jai constaté un autre fait montrant que la contraction des petites bronches peut étre assez forte pour pousser de l’air dans les vésicules terminales et les déchirer. En injectant une solution de sulfate de soude dans l'artère pulmonaire, j'ai vu se produire très rapidement de l'emphysème vésiculaire et interstitiel à un degré quelquefois considéra- ble. Ce liquide passant avec facilité à travers les capillaires, quelque temps après la mort (20 ou 25 minutes), il n’y a pas lieu, pour expliquer la déchirure du tissu pulmonaire, de supposer que la solution saline a causé une rupture vasculaire. Le sulfate de soude lancé dans les vaisseaux d'un membre n’y produit aucune rupture de vaisseaux, capillaires ou autres, et détermine cependant une contracture qui peut durer même après que l’on a injecté dans l’artëre principale de la partie en expérience, une quantité de sang assez considérable, expulsant le sulfate de soude. Ces faits et d’autres montrent que l'emphysème pulmonaire apparaïis- sant dans des lésions encéphaliques et dans l’asthme nerveux, a sa cause, en partie au moins, par suite d'un spasme des fibres musculaires des bron- chioles, poussant l'air vers la terminaison de ces petits tubes. RECHERCHES SUR LA FERMENTATION ALCOOLIQUE ÉLECTIVE. Troisième note. Conclusions par M. Em. BoURQUELOT. Dans les deux communications que j'ai faites à la Société de biologie sur la fermentation alcoolique élective de 2 sucres, j'ai montré que cette dernière expression ne devait pas être entendue dans le sens d’une fermentation successive de chacun des sucres, mais bien dans celui d’une fermentation simultanée et inégale; j'ai fait voir en même temps que l'inégalité dans la fermentation est modifiée par des variations dans la température. (1) Comptes rendus de la Société de Biologie, 1871, p. 181 et 187, ; SÉANCE DU 6 JUIN. 397 Plus récemment (1) j'ai exposé que l'élection comprise comme je viens de le dire peut être encore modifiée, et même renversée par des varia- tions apportées à la concentration des sucres dissous et par la présence de l’alcool. En réalité on se trouve en présence d’un phénomène qui varie sous les mêmes influences qu'un grand nombre de phénomènes physiques ou chimiques, et ces influences pouvaient servir de point de départ pour un examen plus intime de l'acte de la fermentation alcoolique lui-même. Les sucres dissous ne subissent pas la décomposition fermentaire à l'extérieur de la levüre, ils traversent d’abord l’enveloppe cellulaire et c’est sans doute au contact du protoplasma que se produit la fermen- tation. On se trouve donc en présence de cette alternative : ou bien les deux sucres dissous traversent avec des vitesses inégales la membrane cellu- laire ; comme ils sont ensuite détruits immédiatement, l’endosmose serait la cause déterminante de l'élection; ou bien l'élection serait postérieure au passage des deux sucres. La première hypothèse a été examinée par l'étude de la dialyse d'un mélange de lévulose et de maltose. A cet effet des morceaux de papier parchemin plissés en manière de filtre ont été disposés sur des entonnoirs en verre à tube très allongé. Le papier dépassait l’entonnoir de deux centimètres environ. Le dialyseur ainsi construit était rempli de la solution à dialyser, puis placé dans un bocal assez profond, et contenant de l’eau en assez grande quantité pour que celle-ci vint passer par-dessus l’entonnoir et mouiller en dehors le papier dialyseur. De la sorte le liquide dialysé, plus lourd que l’eau, descendait au fond du bocal et était constamment remplacé par de l’eau pure. Voici quelques-uns des résultats obtenus dans la dialyse d'un mélange de maltose et de lévulose à 2 p. 0/0 de chacun des deux sucres — 1" 20°. durée déviation maltose dyalisép. cent. cb lévulose dialysé différence 4h: 4/2 106’ 330 mill. 559 mill. 229 mill. 2 h°147/2 106’ 514 814 300 3 h. 1/2 104 600 946 316 5 h. 98° 843 1.206 363 . Ainsi dans la dialyse d'un mélange de maltose et de lévulose à parties égales le lévulose traverse les membranes plus rapidement que le mal- tose. Ce résultat concorde avec ce qu'on sait de la fermentation élective. On serait donc tenté d'expliquer l'élection par un phénomène de dialyse. Mais dans les recherches que j'ai exposées précédemment, je n’ai pas (1) Académie des sciences, Séance du 2? juin 1885, 358 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. oo constaté seulement que le lévulose fermente plus rapidement que le maltose lorsque ces sucres sont dissous dans les mêmes proportions que ci-dessus, j'ai constaté en outre que cette rapidité varie avec la tempé- rature, la dilution et l’accumulation de l’un des produits issus de la fermentation : l'alcool. Il fallait donc, avant de se prononcer, examiner l’action de ces divers facteurs sur la dialyse. Voici le résumé de ces nouvelles recherches effectuées en conservant le dispositif décrit plus haut : 4° La différence entre les poids de chacun des sucres qui passent à tra- vers la membrane varie avec la dilution. À rapprocher de la fermentation élective.….: :; 2° La dialyse d’un ne de maltose et de lévulose alcoolisé, le dia- lyseur reposant dans de l’eau également alcoolisée, se fait moins vite qu’en l'absence de l'alcool; mais la différence entre les poids de chacun des sucres qui passent dans le même temps ne change pas sensiblement. 3° Enfin, une élévation de température précipite la dialyse, des deux sucres, sans accroître notablement cette différence. Si donc l'élection peut être attribuée pour une certaine partie à la dia- lyse, il est hors de doute, puisque la concordance entre la dialyse.et l'é- lection n’est pas complète, que ce dernier phénomène est en rapport avec l’acte principal, l’acte fermentaire qui a lieu postérieurement au passage à travers l'enveloppe. Ce dernier point ne pouvait guère être examiné directement; car.on ne voit pas trop comment on disposerait des expériences dans lesquelles l'action fermentaire serait distincte de l’endosmose cellulaire. Voici en revanche une nouvelle série de recherches effectuées en faisant fermenter isolément les divers sucres étudiés dans ce travail, dans les mêmes conditions de levûre, de température et de dilution. Le tableau suivant se rapporte à deux fermentations effectuées à 19, par 0 gr. 50 de la même levüre p. 100 centimètres cubes, l’une avec une solution de lévulose à 2 p. 0/0, l’autre avec une solution de glucose également à 2 p. 0/0. Lévulose Glucose durée déviation lévulose consommé déviation glucose consommé 9 h. 150010! 367 mil. p. 0/0 + 1° 26’ 658 mill. 15 7 649 ee 1.002 22 — 20 20” 834 + 44 1.314 36 — 19,32 1.235 + 18 1.720 58 — 36 1.702 +- 6’ 1.907 Ces résultats, auxquels je pourrais en ajouter d’autres se rapportant au maltose et au lévulose montrent que la même inégalité de consommation des sucres se produit, que ces sucres fermentent isolément ou mélangés. D'autres expériences ont établi que si l’on fait varier la température SÉANCE DU 6 JUIN: 359 dans la fermentation des sucres isolés, on observe des variations analo- gues à celles de l'élection relativement à cette inégalité. Ces mêmes ‘expériences mettent en relief ce fait assez curieux que la levüre à 40° n’a -presque plus: d'action sur le maltose, tandis qu’elle continue à détruire le lévulose. . La conclusion générale à tirer de tous ces résultats, c’est que l’expres- sion fermentation élective doit être abandonnée. Le motélection ne peut représenter que la propriété d’un agent actif, et la levüre, l'agent actif, déterminant, de la fermentation ne manifeste aucune préférence puisqu'elle se conduit à l'égard des sucres isolés, comme elle fait lorsqu'ils sont mélangés. Elle donne naissance à une sorte de force aveugle qui ne distingue pas entre les matières fermentescibles. Celles-ci sont décomposées d’après des lois qui leur sont particulières, et pour cetle raison le phénomène observé pour la prémière fois par Dubrunfaut sera convenablement dé- fini en disant: les différents sucres sont consommés dans ce phéno- mène suivant une destructibilité ou mieux une fermentescibilité alcoo- Jlique particulière à chacun d'eux, parce que des faits qui précèdent on ne saurait rien conclure à l'égard de ce qui, par exemple, peut se passer . dans la fermentation lactique. DE LA RECHERCHE DES ALCALOÏDES DANS LES MÉTHYLAMINES DU COMMERCE ET DANS LES PÉTROLES BRUTS, par M. OECHSNER DE CONINCK. . Dans deux communications précédentes (Comptes rendus de la Société de Biologie, t. IT, 8%° série, p. 128 et p. 180), j'ai montré que l'alcool méthylique brut, l'alcool amylique ordinaire et l'ammoniaque du com- merce renfermaient de la pyridine en faible proportion. J'ai eu l’occasion d'examiner quelques échantillons de méthylamines commerciales; j'y ai rencontré aussi une petite quantité de pyridine (communication préliminaire présentée à la Société chimique dans sa séance du 25 avril 1884). J'ai traité la méthylamine brute par l'excellent procédé dû à M. Müller que l’on trouvera décrittout au long dans le bulletin de la Société chimi- que (1884, t. XLIT, p. 202à 207). Je me contenterai de rappeler ici, qu'après traitement approprié, l'auteur isole trois fractions bouillant à 40—90°, 90—120°, 120-190°. J'ai conduit le fractionnement de manière à obtenir une fraction intermédiaire bouillant entre 112 et 125°. C’est cette fraction qui renfermait la pyridine. Ainsi que M. Müller le fait observer, les aminés qui composent la fraction bouillant vers 120° sont peu solubles 360 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. dans l’eau, et viennent, traitées par ce liquide, nager à sa surface sous forme d'une couche huileuse (loco citato, p. 206). Ce traitement permet de séparer la pyridine qui, comme on sait, est miscible à l’eau en toute proportion. On agite la fraction 112-125° à plu- sieurs reprises avec l’eau distillée, le liquide aqueux étant décanté au moyen d'un entonnoir à robinet (qu'on a soin de laver à plusieurs reprises) est acidulé par un excès d'acide chlorhydrique; on concentre à petit feu dans un appareil distillatoire afin d'éviter toute perte. On traite par le chlorure de platine en solution concentrée ; le chloroplatinate est recueilli puis modifié par l'eau bouillante. L'analyse m'a donné pour le platine et pour le chlore des nombres conduisant à la formule dela pyridine. On comprendra sans peine qu'il m’a été impossible de séparer exacte- ment par la distillation fractionnée une très faible quantité de pyridine d'avec les autres amines. Mais le traitement du mélange de ces amines par l’eau, la transforma- tion du chloroplatinate de pyridine en sel modifié, m'ont permis d’effec- tuer une séparation beaucoup plus complète et d'évaluer avec une grande approximation, sinon de doser exactement, la teneur en pyridine des deux échantillons examinés. J'ai trouvé 0,2 à 0,3 pour 1,000 de cet alcaloïde (poids rapporté au: poids de la méthylamine brute). J'ai vérifié mes premiers résultats quan- titatifs par les réactions qualitatives décrites dans une de mes dernières notes (Société de biologie, séance du 14 mars 1885). Ces réactions, d’une grande sensibilité, doivent, si je ne me trompe, servir à tous ceux qui ont à rechercher de petites quantités d’alcaloïdes pyridiques. En terminant, je dirai quelques mots des essais que j'ai faits pour rechercher la pyridine ou ses homologues dans les pétroles bruts. J'ai examiné d'abord le goudron acide d’essence de pétrole provenant du traitement de l’essence par l'acide sulfurique à 66° B.; puis le boghead d'Écosse dégoudronné au même acide, enfin le liquide désigné par les ouvriers sous le nom de couette, et que l’on recueille lors du lavage des goudrons acides. Ces différents liquides ont été additionnés peu à peu d’une lessive de soude très concentrée; la réaction est vive et il faut opérer avec précau- tion. J'ai épuisé par l’éther qui a été décanté et mis à part; j'ai ensuite dirigé un courant de vapeur d’eau surchauffée dans la liqueur alcaline; le liquide condensé a été examiné d’après la méthode déjà décrite; mais il ne renfermait pas d’alcaloïdes pyridiques. L’éther d’'épuisement n’en contenait pas davantage. Par contre, j'ai trouvé dans le boghead d'Écosse un corps azoté possé- dant une odeur forte rappelant à s'y méprendre l'odeur des carbylamines ; je n’en ai pas eu assez pour pouvoir l’étudier. Paris, 4er juin 1885. SÉANCE DU 6 JUIN. 361 NOTE SUR UN CAS D'APHASIE AVEC HÉMIPLÉGIE GAUCHE, par CH. FÉRÉ. Le 4° juin s'est présenté à ma consultation à la Salpétrière un individu de 37 ans, trapu, d'aspect trèsvigoureux, qui fauche légèrement de la jambe gauche, offre un peu de trémulation et de maladresse de la main du même côté et surtout une déviation très nette de la face, la bouche est visiblement tirée à droite et en haut et le pli naso-génien est effacé à gauche. On remarque en outre du côté gauche une légère trémulation des lèvres. Il existe à peine d’exagération des réflexes au bras et à la jambe du côté gauche: cependant il arrive quelquefois que lorsque le malade pose son pied sur la pointe, tout le membre inférieur gauche se met à trémuler ; nous n'avons pas toutefois pu provoquer de trépidation épilepthoïde. Nous n’avons pas constaté non plus de troublesévidentsde la sensibilité tant générale que spéciale. Ce qui frappe principalement chez ce malade, c'est l'embarras de la parole qui est bien manifeste quand il parle lentement et qui se traduit par une hésitation sur certains substantifs en particulier, et quelquefois par la suppression pure et simple d'un mot. Le malade tire correctement la langue qui est restée à peu près symé- trique. Les accidents remontent à la fin de l’année 1884. Le malade commence à éprouver un peu de trémulation et de maladresse dans le membre supé- rieur. Cependant il pouvait vaquer à ses occupations de commercant lorsque le 25 décembre, après une recrudescence dans les tremblements du membre supérieur gauche et un léger étourdissement, il perdit tout à coup l'usage de la parole : il lui fut pendant 10 minutes ou un quart d'heure impossible de prononcer une seule parole ; mais dans cet inter- valle, il écrivit très correctement avecsa main droite ce qu'il voulait dire à sa femme. Ainsi donc il s’agissait d'une attaque d’aphasie qui a laissé des traces encore persistantes, avec des troubles moteurs limités au côté gauche. Ce fait paraît donc en contradiction avec la localisation de Broca, d'autant que le sujet écrit avec la main droite, et qu'à première vue il semble être droitier. Mais en l’interrogeant de plus près, il nous raconte qu'on a eu beaucoup de peine à lui apprendre à écrire de la main droite; et que toute sa vie, et encore aujourd'hui c’est de sa main gauche qu'il se sert pour les usages journaliers; à la gymnastique ilse servait plus volon- tiers du membre de ce côté qui était plus fort que le droit. D'ailleurs aujourd'hui, malgré la parésie, la force dynamométrique n’est que de 5 divisions inférieure à celle du côté droit. En somme il s’agit véritablement d’un gaucher chez lequel l’éducation a développé partiellement les fonctions du membre supérieur du côté droit en particulier pour les mouvements adaptés de l’écriture qui ont persisté même après l’altération de la fonction du langage. 362 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. OBSERVATIONS POUR SERVIR À L'HISTOIRE DES EFFETS DYNAMIQUES DES IMPRESSIONS VISUELLES, par CH. FÉRÉ et ALB. LONDE. Dans mes recherches antérieures (1), j'ai eu occasion de signaler: à différentes reprises les effets dynamiques déterminés par les hallucina- tions et par les sensations portant sur le sens de la vue ; et j'avais fait remarquer que les diverses couleurs du spectre ont une action dyna- mogène- différente, et d’une intensité croissante en allant du violet vers le rouge. J'avais employé tout d’abord des verres ou des plaques de gé- latine colorées; mais cette facon de procéder m'avait paru défectueuse à cause de la difficulté de se procurer des verres exactement monochromes. J’ai entrepris, avec le concours de M. Londe, chef du laboratoire de chimie à la clinique de la Salpétrière, de nouvelles recherches, dont les résultats corroborent nos premières observations en montrant quelques autres faits qui ne nous paraissent point dépourvus d'intérêt. Laissant de côté les transparents colorés, nous avons cherché à utiliser les couleurs du spectre. Au moyen d’un prisme de sulfure de carbone, nous avons obtenu un spectre suffisamment étalé pour pouvoir isolerune bande distincte de chaque couleur. La lumière employée était la lumière oxhydrique dont la constance est suffisante pour la durée de l'expérience. -Le spectre est projeté sur une longue lame de verre dépoli; derrière cette lame se meut un double écran percé d’une fente qui permet d’obtenir chaque couleur isolée. Nous avons réduit les dimensions de la fente dans le sens de la largeur à un demi-centimètre pour avoir autant que possible des rayons exempts de tout mélange. Des points de repère avaient été marqués sur le cadre du verre dépoli pour pouvoir arrêter la fente de l'écran au même point dans les différentes expériences. L Le matériel étant ainsi disposé dans une chambre noire, nous consta- tons tout d'abord que le sujet que nous connaissons déjà comme particu- lièrement sensible à ces sortes d’excitations, et que nous avons déjà pris comme exemple lorsque nous avons voulu montrer les phénomènes grossis; nous constatons; dis-je, que, dans l'obscurité, notre sujet donne une pression dynamométrique de 20 au lieu de 23 à l’état habituel du côté droit. C’est un résultat que nous avons déjà remarqué, mais la dif- férence est trop peu considérable pour qu'on puisse en tirer ‘des conclusions. Nous faisons passer son œil droit, qui à l’état normal reconnaît toutes les couleurs, excepté le violet, devant tous les faisceaux colorés qui lui arrivent par la fente de l'écran, en ayant soin de changer l’ordre de succession des couleurs. Pendant que le sujet regarde dans la fente, nous (1) Pages 223, 242, 253, 270, 285, 316, 348. SÉANCE DU 6 JUIN 363 lui faisons serrer le dynamomètre avec sa main droite. Voici les résultats que nous obtenons dans quatre séries différentes d'expériences : Miolebh &entét 208 ral 20 17 15 18 BleuthsnnnSalter t ten 29 27 25 44 220 MVentg inusité à 38 32 35 37 Jauneteils 106 560 4 2/4 21 26 26 Orangéahs ns 44 Hoits 44 38 43 A9 ROMA EnRNEEEns 48 A6 49 A5 On voit qu'en somme ces chiffres offrent une régularité remarquable dans chaque série, et ils s'élèvent progressivement du violet au rouge. Le jaune seulement fait une exception que nous ne sommes pas en mesure d'expliquer. Nous ferons remarquer à ce propos que dans les premières expériences qui avaient porté sur ce même sujet et relatives aux halluci- nations colorées, le jaune avait pris cette même place; mais dans l’explo- ration avec des verres colorés, nous avons été induits en erreur parce que le verre soi-disant jaune était en réalité un verre orangé. C'est là un fait intéressant au point de vue de l'objectivation des sensations. hallu- cinatoires. Lorsque l'œil du sujetest placé dans les rayons infra rouges, la dyndoe génie est nulle. Ce fait est en rapport avec une autre observation que nous avions faite précédemment, à savoir que lorsqu'on fait passer les rayons rouges à travers une solution d’alun qui absorbe les rayons calo- riques, l'effet dynamogénique n’est pas diminué. Dans une autre série d'expériences sur le même sujet, nous avons opéré sur l'œil gauche, qui à l’état normal ne distingue que le rouge. Voici les résultats que nous avons obtenus: à NICE ANNSNINE $ SJaranos AUNILTÈ 1% 15 Bleu (0 XS EG ,SIOUES AI E O1 17 17 Met RS DUT SJIPMOEIO ENEN ZEN 28 30 Jaune $ JEUN MIS MESYS AUS EX 417 16 Orange. CiGiS REC MF IQRRO JE UAU ES 33 37 Rougelidienoe ji SIA SSIAP GDALETAO Ces chiffres parfaitement concordants avec les précédents, nous mon- trent en outre que la conscience de l'excitation n’est pas nécessaire pour la production des effets dynamiques. C’est un fait que j'ai déjà fait remar- quer précédemment à propos des excitations du col utérin. Nous avons essayé d'autre part de déterminer l'influence de la somme de lumière. A cet effet nous avons eu recours à un autre appareil qui a pour but, étant donnée une source de lumière quelconque, d'en faire varier l'intensité percue par l’œil au moyen d’un diaphragme, dit œil de 364 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. chat, qui est mû par une vis micrométrique. En appliquant l'œil, on per- coit un cercle plus ou moins lumineux, suivant la quantité de rayons qui pénètrent, quantité qui est proportionnelle à l'ouverture du diaphragme. Un dispositif spécial permet d’intercaler des lames de gélatine diverse- ment colorées et de pouvoir étudier ainsi l'influence de la quantité des rayons colorés (cet appareil nous a été obligeamment prêté par M. Pari- naud). Nous avons pu ainsi constater que pour chaque couleur et pour chaque œil, l’effet dynamique de l'excitation est en rapport avec l'intensité lumineuse. SUR LES CONNEXIONS FONCTIONNELLES DES DEUX RÉTINES. Note par le D' Auc. CHARPENTIER, professeur à la Faculté de Nancy, présentée par le D' D’ARSONVAL. Etant connue l'influence qu’exerce la lumière sur la sensibilité de la rétine, il y avait lieu de se demander si cette influence peut se transmettre d’un œil à l’autre, et s’il est indifférent, pour déterminer la sensibilité lumineuse d’un œil, d’avoir l’autre exposé à l'éclairage ambiant ou main- tenu dans l'obscurité. Il n’est pas impossible à priori de concevoir que l’éclairement d’une rétine puisse fatiguer l’autre, puis qu’elles ont des con- nexions nerveuses mutuelles fort importantes, qu’elles sont certainement reliées à un centre percepteur commun, et que les impressions lumi- neuses, doubles à l’origine, se fusionnent dans le sensorium de manière à ne produire qu’une perception commune. Mais cette réaction d'un œil sur l’autre, admise par certains auteurs, existe-t-elle en réalité? Voilà ce que j'ai voulu rechercher. Un premier mode d’expérience consiste à déterminer comparativement la sensibilité lumineuse de l’œil gauche, par exemple, d’une part après avoir maintenu les deux yeux dans l’obscurité pendant letemps nécessaire, d'autre part l’œil gauche seul ayant été soustrait à la lumière, et l'œil droit exposé au grand jour. On n’observe pas alors de différence dans la valeur du minimum de lumière perceptible, la sensibilité lumineuse n’a donc pas varié. L'expérience peut être faite d'une autre facon : l’un des yeux est appli- qué à l’oculaire du photoptomètre, et l’on détermine à plusieurs reprises le minimum perceptible, l’autre œil étant alternativement ouvert et fermé : la quantité de lumière trouvée est la même dans ces deux conditions. La facon d'opérer la plus démonstrative est la suivante : les deux yeux sont maintenus dans l'obscurité au moins pendant 20 minutes ; on déter- mine leur sensibilité, qui est la même pour l’un et pour l’autre; on recow vre alors l’un d’eux et on ouvre l’autre, avec lequel on regarde pendant SÉANCE DU 6 JUIN. 365 LL A D Rs 2 à 5 minutes un ciel bien éclairé. L'expérience est fatigante, et la sen- sibilité s'émousse rapidement du côté illuminé, qui semble bientôt recou- vert d’un nuage gris. Dans un cas où le séjour dans l’obscurité avait duré une heure, la sensibilité de l'œil ouvert ensuite était devenue plus de 600 fois moindre qu'auparavant. Or l'œil fermé ayant été replacé à l’oculaire de l'instrument, l’objet d'épreuve fut percu pour le même éclairement minimum qu'avant l'exposition de l’autre œil au grand jour. La fatigue d’une rétine ne retentit donc pas sur l’autre. Mais ilse produit un phénomène bien curieux : dans l'obscurité, le champ visuel finit par devenir complètement obscur; or, lorsqu'on ouvre devant le ciel l'un des deux yeux au sortir de l'obscurité, loute l'étendue du champ visuel de l’autre œil maintenu couvert se remplit d’une clarté assez intense ; seulement cette clarté n’est ni uniforme ni constante; c’est un chaos, une poussière lumineuse, un fourmillement de points clairs circulant de toutes parts. De plus, l’objet qu’on présente à cet œil pour déterminer sa sensibilité lumineuse, bien que nécessitant pour être percu juste la même intensité objective qu'avant l'ouverture de l’autre œil, paraît beaucoup plus clair au moment où il commence à être vu. Que faut-il conclure de tout cela ? C’est que l’éclairement d’un œil par une lumière suffisamment vive produit une excitation spéciale du centre psychique commun aux deux yeux, ou, en d’autres termes, ajoute une certaine clarté toute subjective à la clarté réelle que possèdent les objets extérieurs, et qui est percue d’une facon indépendante; quant à la partie purement sensorielle (et double) de l'appareil visuel, elle ne se trouve modifiée que du côté excité, et le fonctionnement de l'autre côté n’est nullement troublé par l'excitation ou la fatigue de l’œil ouvert. Lorsqu'on a développé dans un œil, par l'excitation de l’autre, le four- millement lumineux dont j'ai parlé, on obtient ensuite en fermant l'œil ouvert une autre apparence spéciale : des taches sombres, étoilées et à rayons anastomosés, couvrent d'une trame assez lâche le champ visuel ; puis les fils de cette trame s’épaississent, les parties claires du fond dimi- nuent d’étendue, et l’obscurité finit par envahir de nouveau le champ tout entier. 366 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. SUR UNE RÉACTION TRÈS SENSIBLE DE LA DIGITALINE VRAIE, CONFIRMANT LES RÉSULTATS PHYSIOLOGIQUES OBTENUS par M. LABORDE, en comparant la digitaline obtenue par le procédé de M. Nativelle à de prétendues digitalines d'origine allemande, Par M. LAFONT, préparateur au sbértone de toxicologie 1e M. le professeur BROUARDEL. M. Laborde, après avoir rappelé les résultats comparatifs de ses expé- riences (voir Comptes rendus de la Société de Biologie, séance du 25 octo- bre 1884), obtenus avec la digitaline cristallisée préparée par M. Duques- nel, à l’aide du procédé Nativelle, et une digitaline de provenance alle- mande, qui se trouvait être celle qui est en usage dans nos hôpitaux de Paris, — résultats d’après lesquels la première est d’une très grande acti- vité, tandis que la seconde est, à égales doses, presque complètementinerte, fait répéter devant la Société par l’auteur lui-même M. Lafont, un procédé de réaction chimique d’une grande sensibilité, et très facile à employer extemporanément. Voici en quoi consiste ce procédé : Un mélange par parties égales d’acide sulfurique et d’alcool est mis en contact et délayé, à l’aide d’un agitateur, avec la substance à essayer : on chauffe légèrement le mélange, et on ajoute une ou deux gouttes de perchlorure de fer : le mélange vire immédiatement au bleu plus ou moins. foncé, s’il s’agit de la vraie digitaline. Or, tandis que la coloration bleue caractéristique est constamment obtenue avec des doses relativement minimes {un demi-milligramme et même un dixième de milligr.) de digitalines cristallisées de Nativelle, d'Homolle et Quévenne, de Duquesnel, des digitalines de provenance al: lémande, et portant le titre de digitaline cristallisée, ne donnent aucune trace de la réaction, même à des doses relativement considérables. La digitine de Nativelle, qui est également un produit cristallisé, mais presque sans activité, et nullement toxique, ne donne pas non plus la réaction en question; ce qui pourrait faire croire que les produits alle- mands sont de même nature, au moins quant à l’activité. : Ra SÉANCE DU 6 JUIN. 367: a ——————_—_—_—_—_—_—_——————_—_———— LES SUBSTANCES MÉDICAMENTEUSES CONSIDÉRÉES AU POINT DE VUE DE LA PURETÉ CHIMIQUE ET DE L'ACTIVITÉ CHIMIQUE. LA PILOCARPINE, par MM. DUQUESNEL ET LABORDE. Poursuivant avec M. Nuquesnel les recherches sur le même sujet de l'activité comparative de produits alcaloïdiques, qui circulent dans le commerce, et qui risquent d’être employés en thérapeutique, M. Laborde signale aujourd’hui un faux jaborandi, dont il montre les feuilles, des- quelles on extrait une prétendue pélocarpine. Au moyen de la réaction physiologique de l’hypersécrétion salivaire, au moins aussi sensible que l’action cardiaque de la digitaline, M. La- borde a constaté que cette pseudo-pilocarpine ne produisait ni sur le chien ni sur le lapin, aucun effet caractéristique, aux doses de 1 à 1 1/2 centigramme, en injections hypodermiques, alors qu'aux mêmes doses, même à une dose moitié moindre, la pilocarpine vraie, préparée par M. Duquesnel, provoquait une salivation abondante. Il y a lieu, en conséquence, de se mettre en défiance contre ce nouveau faux produit, fait, comme ceux qui ont été déjà dénoncés par nous, pour alimenter le scepticisme, auquel ne sont déjà que trop enclins les théra- peutes d'aujourd'hui. EXPRESSION GRAPHIQUE DE LA FERMENTATION, — ACTION DE LA TEMPÉRATURE, par M. P. REGNARD. Nos recherches sur la courbe de la fermentation alcoolique nous amènent, maintenant que nous connaissons les conditions normales du phénomène, à rechercher les modifications que peuvent y apporter cer- taines variations physiques ou chimiques. — Aujourd'hui nous DS nous occuper de la température. Deux problèmes se posent à ce propos : 1° Quelles sont les températures extrêmes que peut supporter le Drétoe plasma de la levüre, sans perdre ses propriétés? 2° Quelle est la température optima pour l'exercice de l’activité de ce protoplasma ? « Ces recherches ont déjà été faites par beaucoup d’observateurs, mais 308 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. on verra que la méthode graphique leur donne une précision qu'on n'avait pas atteinte jusqu’à présent. Températures extrêmes. — Le protoplasma végétal est capable de résister à des abaissements de température vraiment considérables. Nous avons mis de la levüre très active (fig. 1) dans des tubes fermés à la lampe et nous les avons plongés, les uns dans un mélange d'acide car- bonique solide mêlé d'’éther, les autres dans du chlorure de méthyle, les autres dans la glace fondante, pendant une heure. Nous avons pu ainsi développer et entretenir des températures de — 400°, — 60°, -- 40°, — 90°, — 10°, 0°. La levüre était ensuite lentement dégelée et mise en présence du sucre dans l’appareil chauffé à 40°. Fig. 4. Action des températures très basses sur la vitalité de la levûre de bière, En examinant la figure ci-dessus, on voit qu'à — 100°, à — 60°, à — 40°, la levûre est tuée définitivement. À — 20° elle vit encore, mais elle est fort atténuée, la fermentation est incomplète et des plus lentes, SÉANCE DU. 6: JUIN. 369 le protoplasma est'malade et paresseux. — La lévûre qui a subi la tem- Pérature de 10° est un peu plus active, mais ellé est encore fort-lente. Enfin, la levûre gardée à 0° est fort peu modifiée, sôn action est seule- “féntun peu moins rapide iues HORS surtout à vie troisième ia de la fermentation. : Î Voilà pour les Hisee donpeniene en examinant fe ie 2, on verra qu'à 60°, le protoplasma a perdu toute vitalité : c'est ce qu'ont vu tous les expérimentateurs. Température optima pour la fermentation. — Si on recherche quelle est la température la meilleure pour la fermentation des levüres hautes, on trouve parmi les auteurs les plus grandes divergences. Les uns disent de 20° à 30°, les autres disent 40°. Il est fort probable que ces divergences existent dans la nature. Nous avons mis dans notre appareil des quantités toujours les mêmes de sucre, d’eau et de levüre, et nous avons obtenu les courbes de la figure 2 Fig. 2. Fermentation alcoolique à diverses températures. À 20° la fermentation est lente et incomplète. À 30° elle est déjà beau coup plus rapide, à 40° elle donne l’aspect que l’on trouvera partout dans notre travail sous la désignation Normale, c'est en effet la température # -370 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE ——————————————————————————— ————…—…—"…—….….—_— —…"———————— fixe que nous avons adoptée, à 50° enfin elle est brusque d’abord, puis elle se prolonge lentement et met 3 h.1/2 à s achever, tandis pe | élle- “était finie.en 2 heures. Nous serions donc tentés d'accepter la température de 40° comme l'optimum de la levüre haute que nous avons employée. SÉANCE DU 6 JUIN. 371 CONTRIBUTION ! A L'ANATOMIE ET À LA PHYSIOLOGIE DE LA CAVITÉ GÉNORE | DE L’ CHARTE par G. ASSaRL, aide Fesomie de la ps -Par suite ue adaptation diem résultant sans doute de l'atti- tude bipède de l’homme, la cavité glucoïde de l’omoplate à subi des modifications locales qui méritent d'attirer l’attention. HR : A l’état sec, la cavité glénoïde n’est réellement excavée que dans sa. moitié inférieure; cette dépression est plus marquée en bas et en avant que directement en bas. Sur le grand axe de la cavité, un peu au-dessous de sa partie moyenne, se trouve une petite saillie à contours arrondis, large de 4 à 5°*, peu prononcée dans la plupart des cas, mais presque toujours Fnrrente et pouvant revétir l'aspect d’un tubercule ni dépasse de 1°" environ le niveau de la surface articulaire. Cette saillie partage la cavité glénoïde en deux portions, l'une supé- rieure ou coracoïdienne très légèrement creuse et l’autre inférieure située sur le prolongement du bord axillaire de l'omoplate et qu’entoure -un rebord osseux plus ou moins saillant. La portion coracoïdienne regarde en dehors et un peu en haut, la portion axillaire un peu en dehors et principalement en haut. Il en résulte qu’en présentant ces notions ana- tomiques sous une forme un peu schématique, on peut considérer la “surface articulaire comme constituée par deux plans se réunissant à angle obtus; leur ligne d’intersection passe par la saillie moyenne de la surface glénoïde. Or cette saillie correspond au point de pression maximum qu’exerce la tête humérale sur sa cavité de réception pendant le repos du membre supérieur alors que le bras pendant le long du corps est fixé à l’omoplate par l’action combinée de la pression atmosphérique et de la tonicité musculaire. La portion axillaire est admirablement disposée pour la résistance ; elle repose sur le bord axillaire de l'omoplate, pilier osseux d’une solidité extrême; sa portion centrale est soutenue par des travées osseuses remarquables par leurs dimensions, travées qui partent des lames compactes voisines et viennent s'attacher à la surface articu- laire, à peu près perpendiculairement à sa direction. La portion coracoï- dienne est en continuité de tissu, en avant, avec la base de l’apophyse coracoïde ; elle répond en arrière à la dépression du col de l’omoplate. Le tissu spongieux qui entre dans sa constitution est formé de fines travées osseuses, d'autant plus minces qu'on se rapproche de la partie supé- rieure et se continuant pour la plupart avec la substance spongieuse du prolongement coracoïde. En somme, l'inspection de la pièce osseuse dépourvue de Mere molles fait voir qu'il existe une différence sensible entre la constitution de la portion asillaire et celle de la portion coracoïdienne. La première paraît surtout destinée à recevoir ta tête humérale, à la soutenir, à 312 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE résister dans les chocs que celle-ci peut lui transmettre; l'importance fonctionnelle de la portion caracoïdienne parait beaucoup moindre. Le revêtement cartilagineux de la surface glénoïde reproduit, dans ce qu'elles ont d'essentiel, les dispositions précédentes. Ba ‘portion! coracoï- dienne est revêtue d’un cartilage un peu plus épais à la périphérie qu’au centre. La portion axillairé est recouverte d’une forte lame cartilaginéuse qui représente: la portion la plus épaisse du cartilage diârthroïdal: en bas, ce revêtement devient bientôt fibro-cartilagineux grâce à l’em= piétement du bourrelet glénoïdien. Sur le grand axe ün peu au-dessous de la partie moyenne se trouve une petite région amincie et translucide: large de 4'à 5%"% apparaissant sous forme d'une petite tache foncéée:à: contours mal définis et qui correspond à la saillie médiane de l'os. Cest bien à ce niveau qu'est situé le point de pression maximum pendant l'ads! duction et le repos du bras et l’on peut s'assurer en prenant avec de la cire, des moules de pression, que si ce point maximum se déplace pendant les mouvements de flexion et d'extension du bras, il s'éloigne en somme fort peu des points vers lesquels convergent les portions axillaires et coracoïdiennes de la surface glénoïde. Ces moules permettent de consta- ter, en outre, que sur la portion axillaire repose non seulement la partie: inférieure de la tête humérale, maïs aussi une portion du col chirurgical de l’'humérus. Celui-ci est en rapport direct avec la cavité glénoïde dans l'étendue d’un centimètre environ. La pression exercée par la tête sur! la portion coracoïdienne est de moindre valeur et d'autant moins mar- quée qu'on s'éloigne davantage du centre de la cavité. : L'appareil ligamenteux qui entoure la cavité glénoïde est composé de: deux portions distinctes par leurs origines et leurs dispositions. La por: tion du bourrelet qui correspond à la partie coracoïdienne est réellement péri-articulaire ; elle est presque exclusivement formée par des fibres qui proviennent du tendon du biceps. De ce bourrelet partent en avant les faisceaux de renforcement de la capsule connus depuis la description qu'en a donnée M. Farabeuf sous le nom de ligaments sus-gléno-sus- huméral, sus-gléno-pré-huméral et pré-gléno-sous-huméral, ligaments qui jouent un rôle si considérable dans les luxations humérales. Cette! por- tion du bourrelet est principalement maintenue en place par l'insertion: 6 du tendon du biceps à un tubercule situé près du sommet de la cavité articulaire. Ce tendon ne s’insère pas toujours de la même facon; quand il prend son point fixe Jtrès près du sommet, le grand axe de dla gle- noïde est oblique en bas et en arrière, de facon qu'il croise celui de ka tête humérale à angle très aigu; quand le: tendon s’insère plus bas; sur le bord postérieur de la cavité, le point culminant du cadre ligamenteux est devié; il est porté en arrière, etle grand axe de la surface articulaire se dirige en bas et en avant. Dans tous les cas, quelques-unes des fibres du biceps vont se rendre à la base de l’apophyse coracoïde, c’estilà ur second point fixe pour la partie supérieure’ du bourrelet. Il nous faut, Dé. SÉANCE DÜ 6°JUIN. | 373 ajouter qu’on voit parfois des plères tendineusés partir de l’insertion coracoïdieñne ‘du petit pectoral, passer sur la face convexe de cètte: apophyse et vénir renforcer le bourrelet glenoïdien, en arrière, en sis sant par-dessus l'insertion de la longue portion du biceps. ‘Lä moitié inférieure du bourrelet est composée de fibres qui provien- nent surtout du pourtour osseux de la cavité articulaire; elle: n’entoure pas, elle‘n’encadre pas comme la précédente, la portion axillaire, mais elle est'située dans la cavité articulaire elle-même, tout autour du earti- lage diarthroïdal avec lequel il se confond par son bord interne. La por- tion axillaire du bourrelet protège efficacement le contour osseux; la portion ‘supérieure sert surtout à augmenter les dimensions Dont sales'de la surface articulaire. À Sur le bord antérieur de la surface articulaire se trouve uüne incisure, une encoche. Le bourrelet passe parfois comme un pont au-dessus de cette dépression et transforme l’échancrure en un orifice ostéo-fibreux. Ea‘synoviale pénètre dans cet orifice et se prolonge sous forme de diverti- cule à une distance variable. Quand ce cul-de-sac est tres marqué, il va s’abouther dans la bourse sous-coracoïdienne. “Cet orifice est lanalogue de celui qu'on observe sur lé cotyle coxal et par lequel pénètrent les vaisseaux destinés à la tête humérale. Cette ana- logie est complétée d’ailleurs par une branche artérielle grêle qui se: détache de l'artère scapulaire inférieure ou plutôt de l'anastomose qui relie cette artère: à la sus-scapulaire, pour se rendre aux parties ne ligaments et: Foie qui entourent cet orifice. Des COURANTS ÉLECTRIQUES PROPRES AUX TISSUS. Nors présentée par le D° Oximvs. À propos des électrodes impolarisables qu'il a présentées à la Société de Biologie, M. d’Arsonval est revenu sur la question des courants élec- triques qui existent dans les muscles et dans les nerfs, et il dit que ses expériences confirment les théories de M. Du Bois Reymond. Il oppose à celles-ci, celle de M. Hermann qui a attribué ces courants, à la forma- tion accidentelle de courants électriques produits par les réactions chi- miques qui ont lieu au contact de l’air, dans la substance musculaire ou dans le tissu nerveux. Mais si ingénieuse que soit la théorie de M. Hermann et si incontes- tables que soient la plupart des faits sur lesquels elle est fondée, ce ne sont pas là, les seules objections que l’on puisse faire aux théories de 374 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE M: Du-Bois Reymond. Celles-ci en effet admettent qu'il existe un-état: particulier des nerfs et des muscles, que ces éléments renferment -des molécules électro-motrices, dont l'orientation différente fait la fonction, etc. Or Becquerel et -Matteuci ont-démontré d'une facon irréfutable que ces mêmes états électriques existent pour tous les tissus, et qu'ils dépen- dent des modifications chimiques. Les os, les tendons, le sang, le tissu cutané, etc., aussi bien que les nerfs et que les muscles présentent ces phénomènes, et nous-mêmes, nous avons démontré que toute substance- albuminoïde qui sépare des liquides différents, donne naissance à des courants électriques, avec décomposition des sels et oxydations. >: Dans tous_les tissus, tous les éléments de l'organisme donnent lieu normalement à des courants électriques et ce n’est point là un phéno- mène qui appartient exclusivement aux muscles et aux nerfs. - Cette différence est capitale, car elle est loin d’être la confirmation des théories de Du Bois Reymond. Au lieu d'admettre des courants mus- culaires, et des états électrotoniques des nerfs, nous devons donc ad- mettre que tous les tissus forment des petits couples autonomes, et qu’ils sont formés par un assemblage infini de petils appareils électriques. IH n'y a pas de vie sans action chimique, et d’un autre côté, il n’y a pas d'action chimique ni de structure de matière organisée sans production de courants électriques. Notre manière de voir qui est fondée sur des faits faciles à vérifier, rattache à une loi générale tous les phénomènes observés; aussi bien: ceux de M. Du Bois Reymond et de son Ecole que ceux de M: Hermann, et comme nous essayerons de le démontrer dans de prochaines com- munications, elle explique bien mieux l'influence de l'électricité sur la nutrition {ce qui est la base de l’électrothérapie) que toutes les théories sur les états électrotomiques. Nous présenterons dans une des prochaines séances, une série d'ex- périences qui démontrent l’action des courants électriques extérieurs, sur ces petits courants autonomes des tissus et nous indiquerons les con- . ditions dans lesquelles ils arrivent à en exagérer ou à en diminuer l'énergie... SÉANCE DU 6 JUIN. - 315 NOTE SUR LA PHYSIOLOGIE DU MICROCOCCUS PYOCYANEUS, par M. CHARRIN. “Si D on État un À 12 ou 4e de culture de pyocyanine dans les veines de l'oreille d'un lapin, on constate assez vite l'apparition de l’albumine. Pendant les trois ou quatre premiers jours, et quelquefois davantage, qui suivent l'injection, l'urine ensemencée dans des ballons Pasteur y fait apparaître la coloration caractéristique de la pyocyanine. Lorsque l'animal meurt promptement, le liquide ordinairement diarrhéique puisé dans l'intestin grêle et placé comme l'urine dans des bouillons de culture peut également donner naissance à de la pyocyanine. Le fait est moins constant avec les matières fécales qu'avec les urines. Dans les cas de mort rapide (3 à 42 jours) des fragments de divers organes (foie, rate, reins, et quelquefois des morceaux de moelle) intro- duits dans des bouillons stérilisés, comme l'urine et les matières fécales, font apparaître dans ces bouillons la pyocyanine. La mort, quand la maladie dure une semaine et plus, est le plus souvent précédée par un amaigrissement rapide, par l'inappétence, par une véritable cachexie. Dans deux expériences, nous avons noté la rétention d'urine, On peut en colorant à l'état frais à l’aide du violet de méthyl des parcelles de viscères, reconnaître dans ces viscères la présence du micro- coccus pyocyaneus. . Ces doses de 1/4, de 1/2: de culture sont toxiques à échéance plus ou moins longue. Une goutte, deux gouttes de culture déposées dans les veines ne donnent parfois aucun résultat. Ces expériences montrent que, comparée à la virulence de la plupart des cultures des microbes pathogènes, la virulence des cultures de pyocyanine est relativement faible ; il faut pour agir des doses supé- rieures aux doses habituelles. Ces résultats montrent également que le microbe s’élimine par les reins, par les matières fécales, qu’il peut séjourner plus ou moins long- temps dans l'organisme sans perdre la propriété de donner naissance à la pyocyanine. La coloration caractéristique des bouillons, les réactions bien établies (solution en bleu dans le chloroforme, passage au rose dans l'eau acidulée, etc.), permettent d'éviter toute erreur et on a, grâce à ces caractères, un moyen sûr et facile d'étudier et de suivre le passage d'un microbe au travers d’un organisme vivant. e :376 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE NOTE SUR LES EFFETS DE L'USAGE DES EAUX PLATREUSES. Adjoint comme naturaliste à la mission de M. Teisserenc de Bort, il nous a été donné dans notre voyage de Tuggurth à Gabès à travers les dunes et le sud des Schotts, de constater différents effets produits sur l’homme et les animaux par les eaux plâtreuses des puits du désert. Indépendamment des sels de magnésie et du chlorure de sodium, cés eaux contiennent encore une notable proportion de sulfate de chaux qui, au contact des matières végétales formant le cuvelage des puits, pro- _duisent des sulfures qui empestent l'eau. Ce fait avait déjà été signalé dans les rapports de là mission Flatters. Pour des Européens, cette eau est imbuvable, quoique les indigènes s’en contentent, grâce à l'habitude qu'ils en ont. Aussi s’empresse-t-on, quand on découvre un point d’eau, de faire Curer le puits par des puisa- tiers, et de renouveler complètement le liquide en l’épuisant. L'eau arrive alors suffisamment pure et on peut la boire sans dégoût. Ces eaux cepen- dant ne sauraient être prises impunément. L’estomac en souffre, ainsi qu'en témoignent les éructations fréquentes d'acide sulfhydrique, les crampes, etc. Cet acide ne s’élimine pas seule- ment par le tube digestif ; la peau l’exhale abondamment, au point de noircir des pièces de monnaie d’argent placées dans une poche de gilet. Mais ce dégagement de gaz se prolonge longtemps après que l’inges- tion des eaux plâätreuses a cessé. Parti de Gabès le 8 mai, et n'ayant plus guère bu que des eaux miné- rales pour nous guérir de la fatigue d’estomac causée par un tel régime, nous avons constaté encore quinze jours après, à Paris, qu'une montre d'ar- gent neuve était rapidement couverte d'une couche noire de sulfure; des pièces de monnaie, bien décapées, cousues dans l’intérieur des vêtements nouveaux et en contact avec la peau ne tardaient pas à jaunir, puis à noircir, surtout sur la face en contact avec le corps. Actuellement, plus de vingt jours après notre départ de Tunisie, et la cessation de l'usage des eaux plâtreuses, le même phénomène se produit encore, quoique avec moins d'intensité et bien que les éructations sulfureuses aient cessé depuis longtemps. Nous avons cru que ce fait était de nature à intéresser la Société de Biologie; nous nous proposons du reste de l’étudier plus à fond, en soumettant des animaux à un régime plâtreux. Nous tiendrons la Société au courant des résultats qué pourraient nous fournir ces observations. E. BoviER-LAPIERRE. Paris, le 30 mai 1885. Le-Gérant : G. MASsSsoN. Paris. = Imprimerie G. Roucier et Cie, rue Cassette, 1. 371 SÉANCE DU 13 JUIN 1885 Ragureau : Recherches sur les effets du chlorure d’ethylène, du tétrachlorure de carbone et du chlorure d'éthylidène. — P. ReGnarp : La chlorophylle a-t-elle besoin d’être renfermée dans la cellule végétale pour décomposer l'acide carbo- nique. — H. BrsaAureGarD : Note sur le mode de développement naturel de la cantharide. — E. LamBcG : Dosage de matière glycogène dans les organes d'un supplicié. — RecnauüL et ViccesEan : Observations complémentaires sur les anes- thésiques forméniques. — Euize Tuaterry : Sur un cas d'emphysème pulmonaire chez un petit ruminant. — GaLLors et Harpy : Anagyres et anagyrine. — D'Arson- VAL : Remarques à propos de la communication de M. Onimus. Présidence de M. Paul Bert. RECHERCHES SUR LES EFFETS DU CHLORURE D'ÉTHYLÈNE, DU TÉTRACHLORURE DE CARBONE ET DU CHLORURE D ÉTHYLIDÈNE. — COMPARAISON DES ÉTHERS DÉRIVÉS DE RADICAUX D'ALCOOLS MONOATOMIQUES ET DES ÉTHERS DÉRIVÉS DE RADICAUX D'ALCOOLS DIATOMIQUES, note de M. RABUTEAU. Ces recherches sont la suite de celles que j'ai publiées sur le bromure diéthylène (4). 1. Chlorure d’éthylène, CŒH*CF. Ce composé, que l’on appelle également liqueur des Hollandais, est incolore, d’une odeur éthérée agréable, d'une saveur sucrée. Îl est presque complètement insoluble dans l’eau à laquelle il communique néanmoins son odeur el sa saveur. Il a pour densité 1,27, entre en ébullition à 85°,5 et brûle avec une flamme bordée de vert. On le prépare en faisant agir directement le chlore sur l’éthylène CH (éthane, hydrogène bicarboné, gaz oléfiant). J'ai expérimenté sur les grenouilles et les cochons d'Inde. J'ai mis des grenouilles sous une cloche tubulée, de cinq à six litres de . capacité, avec une éponge imbibée de chlorure d'éthylène. L'éponge était placée sur une soucoupe et était recouverte d’un treillis métallique, (1) Recherches sur les effets du bromure d'éthylèné (Comptes rendus de la So- ciété de Biologie, 1876, p. 404). BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 82 SÉRIE, ! t. Îl, N° 22. 318 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE pour empécher le contact accidentel des grenouilles avec le liquide qui imprégnait cette éponge. J Les résultats ont été les mêmes que ceux que j'avais observés sous l'influence du bromure d’éthylène. L’anesthésie s’est établie lentement, vers la septième minute en moyenne ; de plus, les grenouilles sont reve- nues lentement à l’état normal, en une heure et même une heure et demie, lorsqu'elles avaient séjourné dix minutes dans l'atmosphère char- gée de vapeurs de chlorure d’éthylène. Leur peau s’était recouverte d’une légère mousse sous l'influence de l’irritation produite par ces vapeurs. Il semblait, par conséquent, que le chlorure d’éthylène dût avoir la propriété d’anesthésier les animaux à sang chaud, notamment les cochons d'Inde. Il n’en a rien été. De même que dans les expériences que j'avais faites avec le bromure d’éthylène sur les cochons d'Inde et sur les chiens, l’anesthésie n’a pu être obtenue complètement, si ce n'est au point de faire succomber ces animaux. De plus, j'ai observé ce que M. J. Regnauld avait signalé au sujet du chlorure de méthylène, c’est-à-dire des mouve- ments convulsifs, des tremblements des membres, soit pendant le moment où je voulais anesthésier les cochons d'Inde, soit après qu'ils étaient retirés de la cloche et qu'ils revenaient lentement à l’état normal. Ils présentaient même de véritables attaques épileptiques, qui arrivaient spontanément, ou qui se manifestaient aussitôt par le simple choc de la table sur laquelle ils reposaient. En somme, le chlorure d’éthylène, qui peut anesthésier les grenouilles, ne peut anesthésier en réalité les cochons d'Inde. Il produit plutôt une hypéresthésie qui persiste assez longtemps lorsqu'on a soustrait les cochons d’Inde à l'influence de ses yapeurs (1). Tétrachlorure où perchlorure de carbone, GC. — Le tétrachlorure de carbone est un liquide incolore, d’une odeur éthérée et camphrée, dif- ficile à définir. Il a pour densité 1,6, bout à 78° et n'est pas inflam- mable. Il se dissout dans l’eau en quantité extrêmement faible, mais suf- fisante pour lui communiquer son odeur caractéristique. J'ai mis des grenouilles sous une eloche tubulée avec une éponge imbibée de ce composé, en prenant les précautions indiquées au sujet du chlorure d’éthylène. L’anesthésie s’est établie lentement. Ce n'est que vers la dixième minute qu'elle a été complète. À ce moment, le cœur était très ralenti. Ce qu'il y eut de remarquable, c’est que l’anesthésie, qui avait été lente à s’établir, persista assez longtemps. Les grenouilles ne commencèrent à revenir à elles-mêmes que vers la dixième ou la quin- (1) Le bromure d’éthylène n’a pas produit de convulsions dans mes expé- riences. Ce résultat tient sans doute à l’action du brome, ou plutôt du genre bromure, dont les propriétés sont antispasmodiques. SÉANCE DU 13 JUIN. | 319 zième minute et nese retrouvèrent à l’état normal qu’au bout d’une demi- heure. Lorsque ces animaux avaient été laissés sous la cloche plus de dix minutes, un quart d'heure par exemple, la sensibilité et les mouve- ments ne revinrent qu'au bout d’une demi-heure et le retour à l’état normal n'eut lieu qu'au bout de trois quarts d'heure et même davan- tage. — J’ajouterai que la peau des grenouilles devient spumeuse au contact des vapeurs de tétrachlorure de carbone. Si l’on met un cochon d'Inde sous une cloche tubulée, dans une atmos- phère déjà saturée de vapeurs de cette substance, on voit de même que l’anesthésie apparaît lentement. L'animal éprouve quelques mouvements convulsifs vers la cinquième ou la septième minute ; ce n’est que vers la dixième minute, ou un peu plus tard, qu’il est plus ou moins anesthésié. À ce moment, le cœur est très ralenti. Il serait dangereux de laisser l’animal sous la cloche quelque temps, sans quoi la respiration s’arrête- rait et le cœur ensuite. Retiré à temps, par exemple au bout de dix ou douze minutes, il revient à lui-même lentement, en dix minutes à un quart d'heure. Pendant ce temps, le tremblement, les mouvements convulsifs des membres reparaissent, mais ils sont moins considérables que sous l'influence du chlorure d’éthylène. En résumé, le tétrachlorure de carbone possède des propriétés anes- thésiantes réelles, qui sont manifestes puisqu'il peut anesthésier complè- tement les grenouilles et, à un certain moment, les cochons d'Inde. Toute- fois, c'est un agent dangereux que je ne conseillerais jamais d’essayer chez l'homme. Chlorure d'éthylidène. — Ce composé a pour formule empirique C2H*CP. C'est par conséquent un isomère du chlorure d’éthylène, mais il pré- sente un groupement moléculaire différent, sur lequel j'insisterai plus loin. Le chlorure d’étylidène est un liquide incolore, d’une odeur presque identique à celle du chloroforme, mais d’une saveur non aussi caustique et moins sucrée. Il a pour densité 1,198 et bout vers 59°. Ces caractères suffiraient à le distinguer du chlorure d’étylène. Il se distingue en outre de ce dernier en ce qu'il résiste à l'action d’une solution alcoolique de potasse. Le produit qui a servi à mes expériences m'a été remis parnotre collègue M. OEchsner de Coninck, qui l'avait préparé. J'aiobservé, enopérant comme précédemment, quele chlorure d’éthyli- dène anesthésie les grenouilles, d’une manière complète, en 8à 10 minutes, et que ces animaux reviennent rapidement à l’état normal. Les cochons d'Inde mis sous une cloche dans une atmosphère saturée des vapeurs de cette substance, ne sont anesthésiés qu’au bout de 15 à 25 minutes. Retirés mn ensuite, l’anesthésie cesse très vite, en 3 à 3 minutes au plus. Le ? fl US EST MORT AT A ONE ÉD PT K w a L P AT ; ] l L 380 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE retour à l’état normal s'effectue en 10 à 15 minutes; il est précédé d’une certaine fatigue. Plus tard les animaux se portent très bien. On voit que le chlorure d’éthylidène est un anesthésique réel, inférieur toutefois au chloroforme, au bromure d’éthyle par la lenteur deson'action et par la fatigue qu’il produit, se rapprochant au contraire du bromure d’éthyle, du chlorure d’éthyle et de l’éther ordinaire par la disparition rapide de l’anesthésie. Ces faits peuvent s'expliquer, d'un côté, par la nature même du chlorure d’éthylidène, qui doit être rattaché au groupe des aldéhydes, d’un autre côté par son point d’ébullition peu élevé, d’où résulte une élimination rapide après sa pénétration dans l'organisme. Je ferai remarquer que l’on doit opérer avecun produit pur. Le chlorure d'éthylidène, exposé à la lumière, s’altère, devient acide. Il produit dans ce cas de mauvais effets, notamment des convulsions. On peut le purifier en le lavant à l’eau faiblement alcaline, puis à l’eau pure. Comparaison des éthers d'alcools monoalomiques el d'alcools diato- niques. — Les effets des éthers obtenus par l’action des acides sur les alcools monoatomiques sont connrs pour un grand nombre d’entre eux. Ils ont été, ici même, l’objet de publications étendues. Je rappellerai seulement que ces éthers sont inoffensifs pour ainsi dire, même après une action prolongée, lorsqu'ils appartiennent à un genre peu actif, et que l'alcool d’où ils dérivent ne présente pas un poids moléculaire élevé. C'est ainsi que les chlorures, bromures, acétates, formiates, etc., de méthyle, d’éthyle, sont tantôt des anesthésiques, tantôt des antispasmodiques efficaces et non dangereux. Considérons maintenant les éthers d’alcools diatomiques. Ceux-ei ne contiennent plus des radicaux C"H°"T!, mais des radicaux C"H°*, tels que l’éthylène, le propylène, l’amylène, etc. , Soit par exemple l’éthylglycol ou lé glycol éthylémique. C2 H’ Aù me ( À cet alcool corespondent deux éthers chlorydriques, deux éthers brom- hydriques. ? Hi} : C2 H | HCI | CP | PE Glycolchlorhydrine Chlorure d’éthylène C2H: | CH} HBr | Br? | —— TE) Te EE TE Glycolbromhydrine Bromure d’éthylèn A ces combinaisons viennent s'ajouter le chlorure et le bromure de SÉANCE DU À3 JUIN. 381 méthylène, CH°CP et CH°Br, bien que le méthylglycol n'ait pu être obtenu. — De même, il existe pour chaque glycol deux éthers acétiques, tels que l’éthylglycol monoacétique, l’éthylglycol diacétique (acétate et diacétate d’éthylène). Les glycols n’ont pas encore été l'objet de recherches physiologiques ni toxicologiques. Parmi leurs éthers, le chlorure et le bromure d’éthy- lène, ainsi que le chlorure de méthylèné, ont seuls été étudiés. Toutefois, les faits observés peuvent, en raison de leur concordance, permettre d'établir la remarque suivante qui deviendra peut-être une règle générale, savoir que les éthers des alcools diatomiques sont moins anesthésiques et plus dangereux que les éthers des alcools monoatomiques correspondants. Le chlorure d’éthylidène, isomère du chlorure d’éthylène, possède des propriétés physiologiques qui le rapprochent davantage des éthers d’al- cools monoatomiques. Il est moins anesthésique que le chloroforme et n'est pas aussi dangereux que le chlorure d’éthylène. Ces résultats dépen- dent de la constitution moléculaire de cette substance. La formule rationnelle en est. C H° l CHCE | Elle se déduit de son mode de préparation par l’aldéhyde CH } CHO et le perchlorure de phosphore. On voit que le chlorure d'éthylidène représente, par conséquent de l’aldéhyde dans laquelle l'atome d'oxygène diatomique serait remplacé par deux atomes de chlore monoatomique.lIlnes’agit donc pas d'une com- binaison éthylénique, mais d’un groupement de deux radicaux monoa- tomiques ; en d’autres termes, les chlorures d'éthylène et d’éthylidène ne sont pas des isomères proprement dits, mais des isomères métamères. J'ai cru devoir terminer par ces considérations. Elles viennent à l'appui de la remarque que j'ai mentionnée entre l'activité des éthers et la nature des carbures d'hydrogène qui entrent dans leur constitution ou dont ils dérivent. 382 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE LA CHLOROPHYLLE A-T-ELLE BESOIN D'ÊTRE RENFERMÉE DANS LA CELLULE VÉGÉTALE POUR DÉCOMPOSER L'ACIDE CARBONIQUE. Note de M. P. REGNARD. On sait que, dans la cellule végétale, la chlorophylle se trouve répan- due au milieu des grains du protoplasma blanc. Elle les colore et ils n'ont d'action sur l'acide carbonique, ils ne le décomposent en ses élé- ments qu'’autant qu'elle est jointe à eux. Il y a là quelque chose de très analogue à l'alliance de la globuline incolore et de l’hémoglobine rouge dans le globule sanguin : la première substance formant comme le sque- : lette solide destiné à donner un corps à la seconde. Dans tous les auteurs classiques on lit que la chlorophylle pour dé- composer l'acide carbonique et dégager de l’oxygène à la lumière, doit ètre sur son support de protoplasma incolore et que séparée de lui elle est inerte. Cette opinion vient sans doute de ce que les moyens d'investigation employés par les expérimentateurs n'étaient pas suffisamment délicats. Si en effet on met une solution alcoolique de chlorophylle dans de l'eau contenant de l'acide carbonique et si on attend le dégagement de bulles gazeuses pour avoir la démonstration de la décomposition de l'acide car- bonique, on a toujours un résultat négatif. Nous avons procédé autrement. Nous faisons dans l’eau une solution de bleu Coupier que nous décolorons exactement par l'hydrosulfile de soude bien neutre. Cette décoloration doit être faite exactement si bien que la moindre trace d'oxygène dégagé ramènera la solution au bleu. On a là un réactif d'une exquise sensibilité dont s’est servi bien souvent M. Schützenberger. Nous prenons un vase rempli complètement de la solution dont nous venons de parler, nous y mettons une branche verte de Potamogeton et nous exposons le tout à la lumière du soleil; en cinq minutes le liquide du flacon est redevenu d’un bleu intense. 4° Les grains de chlorophylle ont-ils besoin d'être dans la cellule pour agir sur l'acide carbonique? Nous répondons : non. En effet nous broyons des feuilles très tendres de laitue avec de la poudre de verre, puis nous filtrons. Nous obtenons un liquide verdâtre contenant de nombreux corps chlorophylliens, mais pas une cellule intacte ne traverse le papier. Nous divisons ce liquide en deux parts, l'une est mise avec du bleu Coupier décoloré dans un vase renversé sur le mercure et exposé au soleil. L'autre, mise avec le même bleu décoloré et dans un récipient identique, est laissée à l'obscurité. En deux heures la chlorophylle insolée a dégagé assez d'oxygène pour que la solution soit devenue d’un bleu intense. — Dix jours après l'expérience, la solution laissée dans l’obscu- rité est encore décolorée. Ainsi dégagés de la cellule, isolés, les grains chlorophylliens dégagent SÉANCE DU 13 JUIN. 383 donc l'oxygène de l'acide carbonique dissous dans l’eau et fixent sur eux le carbone. 2 Nous avons été plus loin, nous avons complétement isolé la chlo- rophylle. Pour cela nous l'avons dissoute dans l’alcool, puis nous avons trempé dans la solution alcoolique des lames de cellulose pure et nous avons desséché rapidement et à froid au moyen du vide. Nous avons fait ainsi de véritables feuilles artificielles, vertes, mais sans cellules et sans protoplasma, la chlorophylle mêlée de xantophylle était seule sur la cellulose. Or de semblables feuilles bien desséchées et mises dans le bleu décoloré, puis placées au soleil ont dégagé assez d'oxygène pour recolorer ce bleu en deux heures. L'échantillon laissé dans l'obscurité est demeuré tout à fait incolore. Nous concluons donc que la chlorophylle pure, sans son protoplasma, sans sa cellule, peut décomposer l'acide carbonique. Elle le fait avec une intensité très faible, il est vrai, son action est transitoire et c’est à sa faiblesse même qu'elle doit d’avoir échappé aux observateurs. ‘ NOTE SUR LE MODE DE DÉVELOPPEMENT NATUREL DE LA CANTHARIDE, par H. BEAUREGARD. Les recherches de divers naturalistes et particulièrement celles de M. Fabre, d'Avignon. ont démontré que les Meloe, Sitaris, Zonitis, insectes vésicants voisins de la cantharide subissent dans le cours de leur dévelop- pement de multiples transformations qui leur ont valu le nom d'insectes à hypermétamorphoses. De l'œuf naît une première larve, à laquelle suc- cède bientôt une seconde larve qui, après plusieurs mues, se transforme en une pseudo-chrysalide ; sous cette forme l’insecte hiverne ; au printemps une troisième larve apparaït, qui devient chrysalide, puis insecte parfait. Dans les genres susdits, les premières larves se nourrissent du miel de certains hyménoptères dont elles sont parasites. Dans une communica- ton faite l'année dernière (séance du 12 juillet 1884) nous avons fait con- naitre que deux autres genres (Sfenoria apicalis et Cerocoma Schreberi) appartenant également à la tribu des Vésicants, sont également parasites d'hyménoptères et subissent les mêmes métamorphoses. — Nous avons rendu compte en même temps des essais d'éducation artificielle que nous avions tentés sur la cantharide. Nous étions arrivés à obtenir l'insecte parfait en nourrissant les premières larves avec des miels de divers hyménoptères JHegacile, Osmia tridentata). Mais, pas plus que nos prédé- cesseurs, nous n'avions réussi à observer le noie de développement naturel de ces insectes. 384 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Nous avons été plus heureux cette année dans nos recherches et nous avons pu enfin élueider cette question. Des fouilles que nous avons entreprises près d'Avignon, nous ont per- mis de recueillir en décembre 188% des pseudo-chrysalides mesurant 44 à 18 millimètres de longueur, que nous avons ramenées ‘à Paris pour en suivre les transformations. Jusqu'au 12 mai de cette année, aucune modification ne survint. Mais, à cette date, la pseudo-chrysalide se fendit sur le dos et il en sortit une grosse larve blanche en tout semblable à celles que nous avions obtenues par nos éducations artificielles. Après 1% jours d’inaction, cette larve se transforma en nymphe. C'était le 26 mai. — Elle était complètement blanche. — Les segments dorsaux de l'abdomen portaient de longs poils peu serrés, disposés en bandes régu- lières. Le 31 mai, les yeux prirent une coloration brune, puis noire. Peu à peu les pièces buccales, les ongles, les articulations des pattes, le front, se colorèrent en brun. Enfin une teinte irisée se montra sur la tête et le corselet. Des tons verdâtres apparurent et le 7 juin, l'animal arriva à son complet développement. C'était une cantharide mâle. La pseudo-chrysalide dont je viens d'indiquer succinctement l’évolution avait été trouvée dans les galeries d’un hyménoptère qui construit dans le sable des cellules limitées par une fine paroi. Cet hyménoptère est le Colletes signata. — C’est donc cet hymenoptère qui est l'hôte de la larve parasite. Mais il est à noter que pour la cantharide (comme pour le céro- come) les choses se passent un peu différemment que pour les Meloe et les Sitaris. Ces derniers en effet subissent toutes leurs phases d'évolution dans l’intérieur de la cellule de l’'hyménoptère, tandis que les cantharides n'y restent que pendant le temps nécessaire pour dévorer la pâtée de miel. Avant de se transformer en pseudo-chrysalide, la deuxième larve déchire la cellule où elle est renfermée, et S’enfonce dans le sol pour y terminer son évolution. Cette conclusion ressort des expériences que nous avons faites, et explique comment nous avons toujours trouvé Les pseudo- chrysalides dans les couloirs de l’hyménoptére et non dans ses cellules. . En terminant, je veux dire quelques mots d'une expérience que j'ai faite pour établir que le principe vésicant des cantharides est, comme je l’ai déjà démontré et contrairement à ce qu'ont avancé certains éxpéri- mentateurs, développé avant l’accouplement. J’ai pris les organes mâles de l’individu que je venais de voir éclore sous mes yeux, et je Les ai appliquées sur la face interne de mon avant-bras. 7 heures après, l’appa- reil ayant été levé, une grosse cloche se forma, affirmant ainsi le pou- voir vésicant de la cantharide avant l’accouplement. SÉANCE DU 13 JUIN. 38 DOSAGE DE MATIÈRE GLYCOGÈNE DANS LES ORGANES D'UN SUPPLICIÉ, par M. E. LamBLinc. J'ai l'honneur de communiquer à la Société de Biologie, les résultats d'une recherche de chimie physiologique que j'ai faite sur le dernier supplicié (1). C'est à M. le D' Laborde, qui me l'avait proposée, que je dois d'avoir pu instituer cette recherche au laboratoire de physiologie de. la Faculté de Médecine. Mes expériences ont porté sur une substance qu'il n’est pas d'ordinaire possible de déterminer sur l’homme, les autopsies se faisant toujours trop tardivement. Je veux parler de la matière glyco- gène du foie et de quelques autres organes. Cette substance, comme on le sait, se transforme très rapidement, après la mort, en glucose, sous l'influence d’un ferment diastatique que Claude Bernard a: isolé le premier du tissu hépatique. Cette glycogénie post mortem ne s'opère pas seulement aux dépens du glycogène du foie, mais aussi de celui que pourraient contenir d’autres organes, car on sait que le ferment diastatique est très répandu dans toute l’économie et que la plupart des liquides et des tissus possèdent, surtout après la mort, un pouvoir saccharifiant sensible. 11 y avait donc un égal intérêt, non seule- ment en ce qui concerne le foie, mais aussi les autres organes à opérer le plus rapidement possible après la mort. Le procédé qui m'a servi est celui de Claude Bernard modifié par Brücke (Wiener akad. Sitzungsber. &. LXIIT, IT, 3 février 1871). Cent à cent cinquante grammes d'organes sont découpés en lanières minces et jetés dans l’eau de bouillante, afin de coaguler le ferment dias- tatique. Les fragments sont repris au bout de 10 minutes, broyés dans un mortier avec du sable préalablement bien lavé et calciné, puis remis dans leur eau de coagulation. On continue l'épuisement à une température voisine de 400°, jusqu'à ce que les liquides cessent d’être opalins. On filtre et on précipite la matière glycogène en ajoutant au liquide quatre à cinq fois son volume d’alcool. Le produit obtenu dans ces conditions est tou- jours souillé d’une forte proportion de matières albuminoïdes, l’élimina- tion de ces substances par la coction étant toujours fort incomplète, ce qui nécessite une purification pénible du produit. La modification de Brücke consiste à achever la précipitation des matières albuminoïdes par des additions alternatives d’une solution d’iodure mercurique dans de l'iodure de potassium et d'acide chlorhydrique. On filtre et on preipite par un volume d’alcool tel que le liquide en contienne de 60 à 62 0/0. Le précipité recueilli sur un filtre taré, est lavé à l'alcool pendant longtemps, puis à l'éther et desséché à la température ordinaire sous la eloche à acide sulfurique. (4) Voir les communications de M. Laborde, séances des 9 et 30 mai 1885, 386 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Le produit obtenu dans ces conditions et que j'ai l'honneur de présen- ter à la Société, est d’un blanc jaunâtre; il donne très nettement avec l’eau iodée la coloration acajou caractéristique; calciné, il ne donne aucune odeur de corne brûlée et ne laisse qu’un résidu extrêmement faible. Les organes suivants m'ont été remis une heure et dix minutes après l'exécution et pesaient : OBS at Rs AD ie re: Rens eo ner. See SON Rate pie pt nn ren D OT: Ils ont fourni les résultats suivants pour 100 gr. d’organe frais : Foie ia As eee at(lobe droin Aer D NOM APE 1EN(obe gauche) 2rer0 Rate it Ent DRAC RCE: 0 gr. 25 Reims PARLE ele à traces sensibles. La proportion de glycogène trouvée dans le foie des divers animaux varie entre 15,5 et 45 0/0 du poids de la glande humide (Beaunis : MVou- veaux éléments de physiologie humaine, p. 849). Elle peut s'élever jusquà 12 0/0 après une alimentation très riche en sucre. Mais je n'ai pu trouver aucune indication quantitative ayant trait au glycogène du foie humain. Le chiffre auquel je suis arrivé, comparé faute de mieux aux résultats obtenus chez les animaux, paraît donc assez faible. Deux causes ont pu influer sur ce résultat. Des expériences nombreuses ont démontré que la proportion de glycogène diminue par suite de l’inanition, sauf pendant l'hibernation où il y a au contraire accumulation. Or dans le cas qui nous occupe l'estomac et les intestins ont été trouvés dans un état de vacuité complète, et on a su que depuis quelque temps le sujet se nour- rissait très peu. D'autre part le délai d’une heure qui s'est écoulé entre l'exécution et le moment de l’autopsie est certainement suffisant pour expliquer la dis- parition d’une certaine quantité de glycogène ; mais on ne peut faire, bien entendu, que des hypothèses sur la quantité qui à pu ainsi dispa- raitre. Les liquides d'extraction réduisaient, comme on pouvait s’y atten- dre, le réactif cnpro-potassique. Malheureusement un dosage de glucose n’a pu être effectué. La rate contenait, comme on le voit, une assez forte proportion de glycogèn?, qu'on ne saurait cependant rapporter, en totalité du moins, au tissu splénique lui-même, car les globules blancs qui abondent dans le sang et le tissu de cet organe contiennent du glycogène, il est vrai, en proportion encore inconnue. SÉANCE DU 43 JUIN 387 RE A D ANNE Re Enfin la présence de cette substance dans le rein d'animaux adultes est généralement niée. J’en ai trouvé au contraire des traces faibles, mais présentant nettement la réaction caractéristique avec l’eau iodée et réduisant la liqueur cupro-potassique après ébullition avec un acide étendu. OBSERVATIONS COMPLÉMENTAIRES SUR LES ANESTHÉSIQUES FORMÉNIQUES, par MM. REGNAULD et VILLEJEAN. Le mémoire que nous avons publié sur l’inhalation du Formène et de ses dérivés chlorés est résumé dans einq conclusions dont la généralité exclut tout fait de détail. Nous ne croyons pas inutile d'y joindre une première remarque touchant la stabilité des deux dérivés forméniques appartenant à la série des substitutions paires : CH?CI (chlorure de méthylène) CCI (tétrachlorure de carbone). 200 grammes environ de chlorure de méthylène absolument pur ont été exposés au contact de l'air et à la radiation solaire directe ou indi- recte depuis le 13 novembre 1884 jusqu'au 6 juin 1885 et se sont conser- vés intacts. Dans les mêmes conditions, un échantillon de tétrachlorure purifié le 6 mars 1885 n’a subi aucune altération jusqu'à ce jour 6 juin. Ainsi que nous l’avons démontré (1), le chloroforme pur soumis aux mêmes influences, commence à s’altérer après un ou deux jours ou même après quelques heures en été, si la température ambiante est élevée. Sans vouloir établir une relation de cause à effet entre la stabilité de ces composés et leur action physiologique, il nous semble intéressant de noter cette coïncidence. Dans un autre ordre d'idées, je demande la permission de signaler à la Société le fait suivant. Les nombreuses inhalations consignées dans notre mémoire ont duré plus d’une année. En juin et juillet 1884, pen- dant qu'elles étaient en pleine activité, l’un de nous fut atleint d'une insomnie continue et l’attribua à la fatigue causée par le cours, les examens et l'élévation de la température. L'époque des vacances arrive; à peine sorti de Paris, il se fixe dans un pays où la chaleur est étouf- fante et l'habitation d’une incroyable exiguité, le sommeil néanmoins redevient immédiatement normal. Dans les premiers jours du retour à Paris (commencement d'octobre), le sommeil continue, mais vers la fin de ce mois, l’insomnie reparaïit (1) Bulletin de la Société de Biologie, 1885. 388 SOCIÉTÉ DE BIOLOGLE. quelque temps après la rentrée au laboratoire. Elle est mise à l'actif d'une sciatique moyennement douloureuse et combattue avec succès par l’association de doses faibles de chloral et de bromure de potassium. Nous continuons nos expériences Jusque vers le milieu de mars et quand les observations recueillies sont assez nombreuses pour être discutées, nous passons à la rédaction. Trois ou quatre jours après que nos appareils sont démontés, l’insom- nie s'atténue, cesse et le chloral devient inutile. La sciatique n’est pourtant pas guérie, elle continue à causer des douleurs souvent assez vives, mais ne détermine plus d’insomnie. Ce n'est que par réflexion et en voyant la persistance de ce retour au sommeil que le sujet a pensé à attribuer ses insomnies à une excitation produite par les agents expérimentés. Si les déductions tirées de cette observation sont exactes, il s’agit d’une sorte d'intoxication produite par des anesthésiques inspirés d’une facon continue dans une atmosphère confinée où ils sont diffusés en très faible proportion. Nous ignorons si des faits du même genre sont signalés dans la science el ne croyons pas pouvoir rencontrer une réunion plus compétente pour lever nos doutes. SÉANCE DU 13 JUIN. | 389 SUR UN CAS D'EMPHYSÈME PULMONAIRE CHEZ UN PETIT RUMINANT, note de M. Émize TrierRy, présentée par M. MÉGNIN. Si l'emphysème pulmonaire a été bien étudié chez les équidés, 1l n’en a pas été de même chez les autres espèces domestiques. Les patho- logistes vétérinaires n'en font même pas mention chez les ruminants. M. H. Bouley, à l'article « Emphysème » du Nouveau Dictionnaire de médecine vétérinaire, ne traite que de l’emphysème pulmonaire du cheval. De même Lafosse, dans son Traité de pathologie vétérinaire, ne décrit cette maladie que chez l'animal qui est le plus exposé à la con- tracter : le cheval. M. Béniqn, dans son 7raité de l'élevage et des maladies de la chèvre, dit : Il existe de vieilles chèvres atteintes d'emphysème pul- monaire et susceptibles de présenter, dans certaines conditions, des phénomènes d’exacerbation assez singuliers. » C'est tout ce que j'ai trouvé, dans les auteurs que j'ai compulsés, rela- tivement à l’emphysème pulmonaire des petits ruminants. Ni Delafond, ni M. Reynal, son successeur à la chaire de pathologie interne à l'École d’Alfort, ne nous ont parlé, dans leurs lecons, de l'existence de cette affection chez d’autres espèces que chez le cheval. M. Saint-Cyr, dans son Manuel de l'exploration de la poitrine chez les animaux domes- tiques, ne parle également que des signes fournis par la percussion, par l’auscultation et par le pnéographe, chez le cheval. Sans avoir la prétention de donner une ncuveauté, j'ai pensé que le fait, qui s'est présenté à mon observation, pourrait avoir quelque intérêt au double point de vue de la pathologie comparée et de la patique. A la fin d'octobre 1883, une chèvre du Maroc, âgée de 6 à 7 ans, maigre, toussait. Elle était pleine et paraissait très sensible au froid, A l’auscultation on pouvait constater un murmure respiratoire très affaibli des deux côtés et peut-être percevait-on quelques râles crépitants et sibilants. Je pensais à la phtisie vermineuse ou à la tuberculose. Mais, outre que cette dernière maladie est extrêmement rare chez les espèces ovine et caprine, je savais aussi que le strongle, si commun dans le poumon du mouton, envahit rarement celui de la chèvre. Sous l'influence d'une ration journalière de grain et de tourteau de colza, le poil, qui était piqué, terne, devint lisse et luisant. Elle mit bas deux chevreaux. | Au mois de novembre de l’année 1884, la chèvre était encore bien plus maigre que l’année précédente et j'étais aussi plus convaincu qu'elle était tuberculeuse. Malgré les bons soins el les aliments riches en matières hydrocarbonées, elle continua à tousser. Elle avait la respiration sifflante et très accélérée au moindre exercice. En mars 1885, elle mit bas deux chevreaux dont l’un était mort depuis plusieurs jours, 390 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Le 3 avril, elle fut sacrifiée par effusion de sang (section de l'artère fémorale) et l’autopsie a été faite séance tenante. Tous les viscères abdominaux étaient absolument sains, et une couche assez épaisse de suif occupait les feuillets du mésentère. Rien du côté des organes de l'urination, non plus que du côté des organes génitaux internes. La cavité thoracique ne renferme qu’une quantité normale de sérosité pleurale. Les deux poumons paraissent, malgré la pénétration de Pair, ne subir aucun affaissement. Ils sont complètement emphysémateux et rappellent, par leurs bosselures multiples, le poumon du cheval dit outré-poussif. Les vésicules sont bien dessinées sous la plèvre viscérale et quelques-unes ont le volume d’une noisette. A la coupe, il est facile de voir que l’infiltration de l'air est profondément disséminée. Quelles peuvent bien être les causes de cet état pathologique chez des animaux autres que les bêtes de travail? J'avoue les ignorer com- plètement. J'enregistre simplement un fait qui ma paru être géné- ralement peu connu, puisque je ne l’ai trouvé signalé que dans un seul ouvrage de médecine vétérinaire qui est peu répandu. SÉANCE DU 13 JUIN. 391 ——_—— _———————— rm ANAGYRES ET ANAGYRINE, par MM. N. Gazois Er E. Harpy. Note lue à la Société de biologie, dans la séance de 13 juin 1885. Les Anagyres sont des plantes de la famille des légumineuses et du groupe des papilionacées podalyriées. Ils habitent la Provence, l'Algérie, l'Italie, l'ile de Crète et l’Inde. Le plus connu d’entre eux est l’Anagyris fætida ou bois puant, ainsi nommé à cause de l'odeur désagréable qui s’en dégage quand on le secoue, ou bien qu'on frotte son bois et son écorce. C'est un arbuste d’un à 3 mètres de hauteur, à fleurs jaunes, disposées en grappes. Les fruits sont des gousses, renfermant des graines ovales jaunes, ou violacées à la surface. Les anciens ont signalé ses graines comme vomitives. Loiseleur- Deslonchamps et Biett après lui, ont conseillé ses feuilles comme purga- tives, à la dose de 12 à 24 grammes. Mais depuis longtemps il est tombé dans l'oubli, et les traités les plus récents de matière médicale et de thérapeutique en font à peine mention. Des diverses parties de l’Anagyris fœtida, et surtout de ses graines, nous avons réussi à extraire un alcaloïde, reconnaissable aux diffé- rents caractères qu'offre cette classe de corps, et que nous désignons sous le nom d’anagyrine. Sa réaction est fortement alcaline; elle sature les acides pour former des sels, et elle donne en particulier avec l'acide chlorhydrique, un chlorure très bien cristallisé. Nous sommes également parvenus à obtenir un alcaloïde avec les graines de l’Anagyris indica. L'anagyrine est toxique à faible dose. Nous l’avons administrée à divers animaux, avec le concours de M. Bochefontaine, et nous avons constaté que, chez la grenouille, elle arrête la respiration, tandis que le cœur continue à battre encore pendant plusieurs heures. — Chez le cobaye, on observe du frisson, du tremblement général des membres, puis une difficulté de plus en plus grande de respirer, et la mort se pro- duit en quelques minutes. — Chez le chien, nous avons noté des frissons, de la régurgitation, des vomissements répétés, de la faiblesse des membres antérieurs allant jusqu’à la parésie. Aucun phénomène ne nous à paru se produire chez ce dernier, du côté de la pupille. Nous avons besoin de répéter et de varier nos expériences, avant de formuler des conclusions précises. Cependant, nous avons cru devoir, dès aujourd'hui, entretenir la Société de Biologie de nos recherches, en nous réservant de compléter plus tard devant elle les observations dont nous ne donnons aujourd'hui qu’un résumé succinct. 392 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. REMARQUE A PROPOS DE LA COMMUNICATION de M. Onrmus, par M. D'ARSONVAL. « M. d'Arsonval dit que ses expériences confirment les théories de M. du Bois-Reymond », peut-on lire dans la dernière communication de notre collègue M. Onimus. Mes collègues de la Société ont certainement été aussi étonnés que je le suis moi-même de cette affirmation qui est en contradiction avec tous mes travaux d’'éleairo-physiologie. Je tiens néanmoins à protester contre cette erreur de fait. Voici ce que j'ai dit : 1° Mes électrodes impolarisables m'ont permis de démontrer sur moi- même le courant propre du musele (biceps) et sa variation négative au moment de la contraction. Ce qui me fait rejeter la théorie cadavérique d'Hermann. 29 Par les mêmes moyens j'ai obtenu l'électrotonus du nerf sans traces de polarisation de ce tissu. Ce qui me fait rejeter la théorie de Matteucer. — Je rejette donc deux théories : Celle d'Hermann et celle de Matteucei, voilà les faits. Pourquoi M. Onimus me fait-il accepter la théorie de du Bois-Reymond dont je n’ai pas parlé, et pour cause? .— J'ai dit d'autre part que j'avais trouvé exacts la plupart des faits signalés par du Bois-Raymond. — J'ai dit les faits et non les {héories, ce qui est bien différent. En cela Je suis d'accord avec tous les adversaires de du Bois-Reymond qui ont pris la peine de répéter ses expériences en s’entourant des précautions nécessaires. — Pour expliquer la production d'électricité par les êtres vivants, J'ai émis au contraire des théories qui diffèrent essentiellement de celles du professeur de Berlin, théories qui reposent sur des bases purement nhysiques et que je vais résumer devant la Société (1). (1) La communication de M. d'Arsonval séra insérée au prochain compte rendu. Le Gérant : G. MAss0N. Paris. — Imprimerie G. ROUGIER et Cie, rue Cassette. l: 393 SÉANCE DU 20OJUIN 1885 Brown-Séquarp : Puissance de formation de globules sanguins, dans le système vasculaire des mammifères, après la mort. — L. GaizLarD : Action du mercure sur le sang chez les syphilitiques et les anémiques. — Maurice MenpeLssoun : Le courant nerveux axial. — Repiquer : Pilier charnu d'origine congénitale siégeant au fond du vagin chez la vache. — H. VrazLaNes : Appareil de photographie mi- croscopique. — E. WerTHEIMER : Observations faites sur un supplicié. — Onrmus : Influence des courants électriques extérieurs sur les courants autonomes des tissus. — S. Durzay et G. AssakI : Expériences nouvelles sur la réunion de l'in- testin après l’entérectomie. — Ca. FÉRÉ et ALB. Lonpe : Observations pour servir à l’histoire des effets dynamiques des impressions auditives. — Cu. FÉRé : À pro- pos des précédentes communications sur les rapports des états psychiques avec l’état dynamique. Présidence de M. Hanot. SUR LA PUISSANCE DE FORMATION DE GLOBULES SANGUINS, DANS LE SYSTÈME VASCULAIRE DES MAMMIFÈRES, APRÈS LA MORT, par M. BROWN-SÉQUARD. Depuis que j'ai commencé les recherches dont les principaux résultats ont été publiés dans nos derniers Comptes rendus (n°% des 15 et 22 mai, et du 5 juin, p. 286, 307 et 329), j'ai constaté nombre de fois que lorsque j'injectais une solution de sulfate de soude dans l'artère principale d’un viscère ou d’un membre de mammifère, quelque temps'après la mort, le li- quide revenant par les veines, même après un lavage prolongé des vais- seaux sanguins, contenait encore des globules de sang. Si, après m'être assuré que les globules ne se trouvaient plus qu'au nombre de deux, trois ou quatre, dans chaque champ visuel au microscope, je cessais l’in- jection et si j'attendais un quart d'heure et surtout un temps plus long pour examiner le liquide sortant après une nouvelle injection, je voyais que le nombre des globules s'était augmentées même quelquefois considé- rablement. Ce fait me paraissait démontrer que des globules adhérant aux parois capillaires et qui n'avaient pas été détachés par le lavage dû aux nombreuses injections, faites antérieurement à la dernière, avaient été graduellement séparés de la paroi et entrainés par le courant de cette dernière injection. Sans nier que ce soit là en partie la cause de l’aug- mentation du nombre des globules dans le cas dont je viens de parler, Je BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8 SÉRIE, r. II, N° 28. 394 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE ES crois maintenant que cette augmentation est en partie due à ce que des globules nouveaux se forment dans le plasma semi-liquide dans lequel baignent tous les tissus après la pénétration de ce plasma dans les capil- laires. Voici les faits qui m'ont conduit à cette supposition : j'ai imjecté du lait dans les poumons et le rein d’un chien tué par hémorrhagie. Après l'injection d’une quantité de ce liquide, moindre que le quart de la quantité d’une solution de sulfate de soude qu'il faut employer pour que le liquide fourni par les veines ne contienne plus qu'un très petit nombre de globules, j'ai constaté que les veines donnaient du lait ne montrant que de très rares globules sanguins. Il y a plus : après une nouvelle injection d’une très minime quantité de lait, je n'ai plus trouvé de globules sanguins. D'où venait cette différence entre le tait et une solution de sulfate de soude ? Serait-ce que le lait ne chasserait pas, aussi bien que cette solution, les globules présents dans les capillaires ? Il m'a été facile de m assurer que là n’est pas l'explication de la différence entre ces deux véhicules. J'ai fait des sections superficielles au rein et au poumon, après l'injection de laitet je n’ai pas trouvé plus de globules sanguins dans le liquide fourni par les plaies que dans celui des veines. Etait-ce donc que le lait avait altéré ou dissous les globules sanguins ? Certainement non, car en mélant du sang avec du lait on ne voit pas que les globules sanguins disparaissent ni même qu'ils s'altèrent promptement. IL semble don£ qu'il faille admettre que des globules se forment dans des capillaires contenant une solution de sulfate de soude, tandis qu’au contraire, le lait empêche cette formation. C'est là, du reste, ce qui ressort d'expériences qui m'ont montré que si j'injecte du sang d'oiseau dans les viscères d’un mammifère, quelquetemps après la mort, je trouve bientôt après et encore plus longtemps après, dans les veines, de très nombreux globules semblables à ceux du sang des mammifères, si j'ai lavé le système vasculaire deces organes à l’aide d'in- jections d’une solution de sulfate de soude, tandis qu'au contraire, je ne trouve pas trace de formation nouvelle de ces derniers globules lorsque j'injecte du sang d'oiseau dans les viscères, après les avoir lavés avec du lait. Je dois ajouter que ce n’est pas parce que le sang d'oiseau ne peut plus passer alors à traversles capillaires, car il passe, au contraire, avec autant de facilité qu'après l'injection du sel de soude, à moins que l’on n’ait attendu quelque temps de manière à permettre au lait de se coagu- ler et d’obstruer ainsi les voies va ‘ulaires. De plus j'ai constaté qu'après des injections répétées de lait, si je lave le système vasculaire avec une solution de sulfate de soude, le sang d'oiseau injecté ne donne plus lieu à la formation de globules de sang de mammifère, formation qui se montre toujours lorsque du lait n’a pas traversé les vaisseaux du viscère mis en expérience. k FPE SÉANCE DU 20 JUIN. 395 Des expériences comparatives m'ont montré que si au lieu de laver le système vasculaire d'un membre, d'un rein ou d'un poumon de chien à l’aide d’une solution de sulfate de soude, on le lave à l'aide de sérum de sang de mammifère ou d'oiseau, la quantité de globules semblables à ceux du sang de mammifère qu'on trouve dans les veines est bien plus grande dans ce dernier cas (après déduction du nombre de ces globules qui exis- taient dans le sérum avant l'injection) que dans le premier. Des faits que j'ai mentionnés il résulte : 1 que la puissance de forma- tion de globules sanguins qui, d’après mes précédentes recherches, existe dans la paroi des petits vaisseaux sanguins, chez les mammifèresse perd rapidement sous l'influence de lait injecté dans les vaisseaux ; 2° que même dans des vaisseaux sanguins presque vides, après qu'on les a lavés par l'injection d’une solution de sulfate de soude, il semble que des globules se forment à l’aide de la liqueur plasmatique qui normalement baigne les üssus et qui pénètre alors dans les capillaires ;3° que cette formation de nouveaux globules est plus considérable lorsqu'on a injecté du sérum de sang de mammifère ou d'oiseau que lorsque l’on à simplement lavé le système vasculaire à l'aide d’une solutian de sulfate de soude. ACTION DU MERCURE SUR LE SANG CHEZ LES SYPHILITIQUES ET LES ANÉMIQUES, par le D' L. GAILLARD. J'ai l'honneur de présenter à la Société les résultats de recherches hématimétriques faites à l'hôpital Saint-Antoine, dans le service de M. le professeur Hayem, dont j'avais le privilège d’étre l'interne en 1880. Leur publication a été retardée pour divers motifs. Il s'agissait d'étudier l’action du mercure surlesang, d'abord dans lasyphilissecondaire ensuite dans l’anémie simple. {. Chez les syphilitiques, la numération des globules rouges a déjà été pratiquée par plusieurs auteurs, Vilbouchewitch, Keyes, Emile Robin, qui ne se sont pas préoccupés du dosage de l'hémoglobine. J'ai cherché à compléter leurs recherches à ce point de vue en employant avec toute la rigueur désirable les procédés de M. Hayem. Je crois m'être mis.à l'abri de toute cause d'erreur en répétant les examens, en faisant toujours usage des mêmes instruments (pipette, cellule, oculaire et objecüf, cahier de teintes\, en observant toutes les règles dont la pratique journalière de lhématimètre démontre la nécessité. Mes observations ont porté sur7 syphilitiques à la seconde période, six femmes et un homme que je dois classer de la facon suivante. 396 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 1° Cinq syphilitiques sans anémie ou anémiques au premier degré de M. Hayem, c’est-à-dire ayant une richesse hémoglobique R exprimée par un chiffre de 3 à 4,000,000 globules sains (quelle que soit la valeur de N ou nombre des globules rouges du sujet). 2° Une syphilitique au second degré d’anémie (R valant 2,702,800). 3° Une syphilitique mercurialisée, ayant des accidents: stomatite,etc., à la suite du traitement suivi en ville. Ces malades prenaient soit 0.10 centig. de protoiodure par jour en deux fois, soit de 0.02 à 0.04 centig. de sublimé également en deux fois; ou bien ils subissaient quotidiennement une injection de X à XV gouttes de la solution de peptonate de mercure de Bamberger, c’est-à-dire de 5 à 7 millig. 1/2 de sublimé. lis étaient soumis à un régime alimentaire aussi régulier que possible. Le traitement et l’observation ont duré de 25 à 77 jours. Voici les résultats : Dans le premier groupe (anémie très légère ou au premier degré) il se produit au début une diminution du nombre des globules et de la richesse hémoglobique, diminution qu'il faut attribuer à la syphilis, le traitement n’arrétant pas immédiatement l’anémie que détermine la syphi- lis. C’est ainsi que chez un sujet ayant au début N — 4.805.000. R — 4.560.000 d'où G— 0:95 c’est-à-dire un sang presque normal, on voit au bout de 9 jours : N perdre 500.000 R — 500.000 Le 20° jour N perd - 250.000 R — 40.000 puis pendant 14 jours l’état reste stationnaire ; le 46° jour N perd encore 400.000 R —— 170.000 Ici le mercure n'a pas réussi à rétablir l'équilibre physiologique pen- dant le temps, probablement trop court, de l'observation. ( N — 2.278.000 ) R -— 3.892.000 On voit le 21° jour N stationnaire. . Chez un autre sujet ayant R perdre 92.000 Mais le 30° Jour N gagne 200.000 R gagne 500.000 De méme dans une autre observation de ce groupe la diminution des SÉANCE DU 20 JUIN 397 deux facteurs a été observée jusqu’au 16° jour puis il y aeu une augmen- tation simultanée de 300.000 pour N et pour R le 26° jour. Dans un cas l'existence de la grossesse a contrarié l'observation. Chez une syphilitique de la seconde catégorie (anémie au second degré) le résultat a été immédiatement favorable. Dès le 10° jour N gagnait 560.000 R gagnait 390.000 Après quelques oscillations le 39° jour. N gagnait 700.000 R gagnait 650.000 Je conclus donc : en général l’anémie légère du début a persisté malgré le traitement pendant un certain nombre de jours, puis le nombre des globules et leur richesse hémoglobique se sont accrus dans des proportions à peu pres identiques. L’anémie plus intense (au second degré) a été com- battue avec plus d'efficacité que l’anémie au premier degré, le traitement à paru agir immédiatement d’une facon favorable. Enfin chez une syphi- litique du troisième groupe (syphilitique mercurialisée) l'anémie n’a pas eu de tendance à disparaitre, même après la guérison des accidents dus au mercure. Il. Chez les anémiques l’action du mercure sur le sang n’a pas encore été mesurée d’une facon précise. Est-ce à cause de la difficulté des obser- vations, ou bien à cause du préjugé qui fait considérer en général le mer- cure comme un agent nutriteur, comme un médicament nuisible en dehors de la syphilis ? J'ai cherché à surmonter les obstacles qui s'opposent à une pareille étude. D'abord il fallait choisir des sujets atteints d’affections assez légères pour n’exercer aucuneinfluence sur les résultats thérapeutiques, des sujets désireux cependant de prolonger leur séjour à l'hôpital. Or j'ai trouvé dans la salle des femmes des personnes un peu nerveuses, un peu ané- miques qui réunissaientles conditions désirables. [la fallu s'assurer d'abord qu'elles n'étaient pas syphilitiques, les soumettre ensuite à un régime identique, les faire surveiller d'une facon rigoureuse par la religieuse chargée du service, spécialement au point de vue de l'administration du médicament, le composé mercuriel étant dissimulé sous un nom destiné à en faciliter l'acceptation. | Il fallu s'assurer en outre que le traitement était bien supporté, qu'il n'y avait aucun accident (diarrhée, stomatite). Cinq femmes anémiques ont été soumises par moi à l'usage du sublimé à la dose de 1 ou 2 centigr. et à celui du protoiodure à la dose de 10 centigr. pendant un temps qui a varié de 15 à 56 jours. De ces cinq malades, une seule était anémique au second degré suivant la classification de M. Hayem, c’est-à-dire que le chiffre exprimant la richesse globulaire 398 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE en globules sains (R) était intermédiaire à 2 et à 3 millions. Les quatre autres étaient anémiques au premier degré, la richesse R étant comprise entre 3 et 4 millions. Dans les cmq cas le médicament a été très bien supporté, à peine les malades ont-elles accusé quelques troubles gastriques éphémères ; ce qui est certain, c'est que pendant la cure hydrargyrique l'appétit augmentait, le poids du corps s’accroissait notablement. | En analysant mes expériences je trouve que le nombre des globules rouges N n’a pas varié d'une facon constante; dans deux cas il a diminué dès le début sans remonter au chiffre primitif, dans les trois autres il a augmenté progressivement pour atteindre son apogée le 45°, le 17° ou le 11° jour (en moyenne le 14° jour) et redescendre ensuite. La richesse hémoglobique (R) s’est comportée plus régulièrement ; dans un seul cas elle a baissé au début pour remonter ensuite et attein- dre son apogée le 42° jour seulement; dans les quatre autres cas, BR a constamment augmenté pour atteindre son maximum le 10°, le 17°, le 24° ou le 26° jour ; l'apogée de R existe donc en moyenne au 24° jour, dix jours plus tard que celle de N. Dans toutes mes expériences le résultat final à été favorable à R. | La quantité d’hémoglobine augmente done toujours sous l'influence de l'hydragyre à faible dose et cela même dans les cas où lenombre des glo- bules diminue, si bien que la valeur individuelle du globule (G) se rap- proche de celle du globule sain pris pour unité. Ajoutons que si les deux éléments N et R augmentent, ce dernier progresse plus sensiblement que l’autre : dans l'observation II l'accroissement de N au moment de l'apogée est représenté par 250.000 globules valant 0,84, celui de R par 375.000 glo- bules sains valant l'unité. Dans l'observation IV N gagne 310.000 globules valant 0,86 et R 630.000 globules sains. L'observation I fait seule excep- Hon à la règle: N gagne 400.090 globules et R n’augmente que de 100.090 En moyenne R à gagné 357.000 globules sains. tandis que N n'a gagné que 132.000 globules imparfaits. Le mercure, on le voit, et nous attirons spécialement l'attention sur ce fait, à la facon d’autres métaux et en particulier du fer, influe plus directement sur l’hémoglobine du sang que sur le nombre des globules, mais cette action ne se prolonge pas indéfiniment : à partir du 24° jour en moyenne, la richesse hémoglobique cesse d'augmenter et tend même à reprendre sa situation primitive. Il était intéressant de rechercher si, chez des anémiques traités par le mercure on pourrait compléter la guérison au moyen des préparations ferrugineuses; nous n'avons pu suivre à cet égard qu'une seule de nos malades (obs. IT) qui, ayant quitté l'hôpital après une cure de 38 jours, à pris pendant trois semaines des pilules de Rabuteau. — Au bout de ce temps N gagnait 280.000 et R. 300.000, G s'élevait de 0,90 à 0,91. D'après cette expérience, le mercure, après avoir épuisé sa force sur le globule, SÉANCE DU 20 JUIN. 399 n’a donc pas la propriété comme le manganèse (obs. de M. Hayem) d'empêcher la fixation du fer sur cet élément du sang. Que dire maintenant des globules blancs ? En général nous avons vu ces éléments diminuer, mais la raison de ce fait est connue, elle tient à la guérison des catarrhes et nous ne saurions attribuer au mercure une influence dont nous n’apportons pas de preuve certaine. Voici done mes conclusions : Chez les anémiques, sous l'influence des préparations mercurielles à faible dose : 1° Le nombre des globules rouges (N) peut diminuer légèrement au début sans remonter au chiffre primitif, mais plus souvent il augmente progressivement jusque vers le quatorzième jour du traitement, pour subir ensuite une légère diminution. 2° La richesse hémoglobique (R) s’accroit toujours d'une facon pro- gressive jusque vers le 24° jour du traitement, et, après avoir atteint son apogée à ce moment, redescend vers son chiffre primitif mais en le dé- passant toujours si on poursuit l’expérimentation pendant plusieurs se- maines. 3° La richesse (R) augmente dans une proportion plus considérable que le nombre des globules N; elle s’aceroit même quand N diminue, si bien qu'on peut comparer le mereure aux métaux qui fabriquent 1 hémo- globine. 4° Le poids du corps augmente constamment sans qu’on puisse établir une relation exacte entre son état et celui du sang. | 400 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. SUR LE COURANT NERVEUX AXIAL, par MAURICE MENDELSSONN. Tout courant qui résulte de la différence de potentiel électrique de deux surfaces de section transversale d’un nerf, se nomme courant ner- veux aætial. Ce courant n'ayant pas encore été l’objet d’études spéciales, j'ai cru utile d'entreprendre une série de recherches afin de déterminer sa force électromotrice, sa direction dans les différents nerfs et de voir s’il existe un certain rapport entre sa direction et le sens (centrifuge ou centripête) de la fonction physiologique d’un nerf. Toutes mes recherches faites dans la section physique à l’Institut physiologique de Berlin avec des méthodes créées par M. du Bois-Reymond pour l'étude des phéno- mènes électriques des tissus organiques ont porté sur les racines médul- laires et sur les différents nerfs chez la grenouille et chez le lapin, ainsi que sur les nerfs optiques et olfactifs des poissons (carpe et alose); elles m'ont fourni les résultats suivants : La force électromotrice moyenne du courant axial est: Chez la grenouille dans les racines antérieures — 0, volt 00122 — — postérieures — 0, volt 00155 — dans le nerf sciatique — 0, volt 00196 Chez le lapin dans les racines antérieures — 0, volt 00169 = — postérieures — 0, volt 00220 — dans le nerf sciatique — 0, volt 00241 — les filets musculaires du sciatique — 0, volt 00204 Chez les poissons dans le nerf optique = 0, volt 00452 — —. olfactif — 0, volt 00395 dans le nerf électrique dela torpille (du Bois-Reymond) — 0, volt 00160 Ces chiffres démontrent que la force électromotrice du courant ner veux axial est en général plus faible que celle du courant transverso- longitudinal. Elle est plus grande dans les racines postérieures que dans les racines antérieures et paraît dépendre du volume du nerf, comme cela ressort de la comparaison de la force électromotrice du courant axial d’une racine médullaire de la grenouille avec celle du nerf optique d’un poisson, mais cette différence est beaucoup moindre quand on com pare le nerf optique avec l’olfactif du même poisson : tous les deux pré- sentent en effet une différence considérable de volume et donnent pour la force électromotrice de leur courant axial des valeurs peu différentes. Il résulte en outre de mes recherches, que la force électromotrice du courant axial d’un nerf n’est qu'une différence algébrique des forces électromotrices de deux courants transverso-longitudinaux du même nerf: en d'autres termes, la force électromotrice du courant axial calculée * SÉANCE DU 20 JUIN. O1 d’après l'observation est absolument la même que celle qu'on obtien- drait par une soustraction algébrique de deux forces électromotrices des courants dérivés entre les deux surfaces de section transversales et l'équateur électromoteur. Ce dernier ne pouvant pas être facilement déterminé dans des expériences qui pour plusieures raisons ne peuvent pas être trop prolongées, il faut se contenter souvent de l’équateur géo- métrique du nerf pour dériver les courants transverso-longitudinaux; la différence des forces électromotrices de ces deux courants présente dans ce cas-là une valeur qui n’est pas égale à la force électromotrice du cou- rant axial calculée d'après l’observation, mais même alors elle n’en dit- fère que de quelques dix ou cent-millièmes. — On voit ce rapport inté- ressant dans le tableau suivant : FORCE ELECTROMOTRICE EN VOLT ENTRE L'ÉQUATEUR ET|ENTRE LES DEUX SECTIONS DIFFÉRENCE — 2 : TRANSVERSALES la section la section } D:A transversale [transversale C-P ou P-C du bout du bout ii — central. périphérique observée calculée C P D A 0,00893 | 0,00767 0,00766 | 0,00642 0,01150 | 0,00978 0,01370 | 0,01219 0,00724 | 0,00809 0,0069% | 0,00961 0,00792 | 0,00892 0,0089% | 0,01015 0,00095| -! 0,00126 | — 0,00031 0,00127| -L 0,0012% | -L 0,00003 0,00172| L 0,00172 0,00000 0,00195 0,00151 | -- 0,0004% L 0.00091| = 0,00085 | -- 0,00006 -_ 0,00222 0,00267 | — 0,00045 0,00102 0,00100 | -- 0,00002 0,00197| -! 0,00121 | _- 0,00026 ES Il est facile de voir d’après ces chiffres que dans un nerf pourvu de deux surfaces de sections transversales, l'équateur électromoteur est tou- jours rapproché de la surface transversale la plus négative. Gelle-ei se trouvant constamment dans le bout central des nerfs doués d’une action centrifuge et dans le bout périphérique des nerfs qui fonctionnent dans un sens centripète, il en résulte, selon qu'un nerf fonctionne physiologi- quement dans un sens ou dans l’autre, une différence de la direction du courant axial, qui va toujours de la section transversale moins négative à la plus négative. En effet ces chiffres, ainsi qu'une longue série de recherches spéciales m'ont permis de le constater, montrent que la direc- tion du courant axial est ascendante dans les nerfs moteurs, c’est-à-dire A LEO TE Là AS" ERP AT el L à y » Vs ï A 7 ‘4 a 402 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE fonctionnant dans un sens centrifuge (comme dans les racines anté- rieures, rameaux musculaires et dans les nerfs électriques de la torpille) ; elle est descendante dans les nerfs sensibles, c'est-à-dire dans des nerfs dont la fonction se manifeste dans le sens centripète (comme dans les racines postérieures, et dans les nerfs optique et olfactif des poissons). On peut ainsi formuler d’une facon générale la loi suivante : la direction du courant axial d'un nerf est opposée au sens de sa fonction physiolo- gique. PILIER CHARNU D'ORIGINE CONGÉNITALE SIÉGEANT AU FOND DU VAGIN CHEZ LA VACHE. Note par M. REPIQUET, vétérinaire à Firminy (Loire), pré- L sentée par M. LABORDE. J’ai observé chez la vache, au fond du vagin, tout près du museau de tanche et même à la limite du vagin et du col utérin, et dans ce cas le museau de tanche était plus ou moins effacé, une bride charnue occupant invariablement une direction verticale dans le petit axe de l'organe, allant du plafond inférieur au plafond supérieur, plus large à ses bases d'insertion qu'à son milieu, et mesurant dans la partie la plus étroite, de trois à quatre centimètres de largeur sur un à un centimêtre et demi d'épaisseur. Ceux de mes confrères auxquels j'ai fait voir cette malfor- mation ont pu constater que la confusion avec l'hymen persistant ou avec une bride cicatricielle n’était pas possible. Cependant différentes personnes autorisées auxquelles j'ai fait part de mes observations, mais n'ayant pas eu les pièces anatomiques en main, ont mis en doute l’origine congénitale de ces cloisonnements ; c’est pour- quoi je me suis appliqué à rechercher la présence ou la trace d'un sem- blable cloisonnement dans les organes génitaux d’un fœtus. J'ai été assez heureux pour trouver dans le vagin d'un fœtus de vache âgé de sept à huit mois, à deux millimètres du col et à environ huit centimètres du siège ordinaire de l’hymen, une cloison verticale incomplète, placée | dans le petit axe, c’est-à-dire en travers, plus large à ses extrémités qu’à son milieu où elle mesure environ trois millimètres d’épasseur sur cinq de largeur. On comprendra facilement les inconvénients qui peuvent résulter d’une pareille anomalie, cependant elle ne constitue pas toujours un obstacle absolu à la fécondation et à l'accouchement, puisque je l'ai ob- servée chez une vache d’une douzaine d'années ayant certainement fait plusieurs veaux. Il est probable que lors du part, la bride a participé aux phénomènes physiologiques que subissent les organes à ce moment, et SÉANCE DU 20 JUIN. A03 qu'une des ouvertures de côté s’est suffisamment agrandie pour per- mettre le passage du veau. Un mémoire de M. Goubaux paru en 1873 dans le Recueil de M. Bou- ley signale bien la possibilité du cloisonnement du vagin dans le sens de la longueur; mais cette anomalie attribuée à un arrêt de développement du vagin, pendant la vie fœtale, a été observée chez la jument seulement; cependant le vagin double ressemblant à deux canons de fusils accolés est connu en médecine humaine et, à part les descriptions qu’on peut trouver dans les publications spéciales, il en existe aux musées Orfila et Dupuytren; mais, à ce que je sache, rien de comparable à ce qu'il ma été donner d'observer chez la vache n’a été constaté chez la femme où l'étude des anomalies des organes génitaux a été bien mieux faite qu’en médecine vétérinaire. 104 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. SUR UN APPAREIL DE PHOTOGRAPHIE MICROSCOPIQUE, par M. H. VIALLANES. L'appareil (1) de photographie microscopique que j'ai l'honneur de présenter à la Société de biologie, se compose de deux parties indépen- dantes, le microscope photographique et la chambre noire. Le microscope construit de manière à offrir des conditions de parfaite stabilité, se distingue surtout des instruments ordinaires par les dimen- sions inusitées de son tube. Gette disposition permet de recueillir sur la glace dépolie une image ayant un champ beaucoup plus étendu que celui que notre œil peut recevoir quand nous observons à travers l’ocu- laire d’un microscope ordinaire. C'est là une condition indispensable quand on veut photographier non pas quelques éléments, mais une pré- paration dont il est nécessaire de reproduire à la fois l’ensemble et les détails. Ce large tube, peut être fermé en haut par une pièce mobile dans la- quelle s'adapte un oculaire de dimension normale, ce qui permet d'uti- liser notre instrument à l'observation, exactement comme un microscope ordinaire. J’ajouterai encore que mon microscope est construit de ma- nière à pouvoir s'incliner horizontalement, et sans que cette position puisse être dépassée; de plus sa vis micrométrique présente une dispo- sition particulière sur laquelle nous reviendrons plus loin. La chambre noire, semblable à celle qu’emploient les photographes, glisse horizontalement sur un chariot; celui-ci repose sur un plateau, auquel se fixe solidement le pied du microscope. Le tube de ce dernier s'incline horizontalement pour se fixer venir à la face antérieure de la chambre noire. Quiconque s’est occupé de microphotographie sait qu'à moins d'avoir des préparations rigoureusement planes, ce qui est bien rare, il est im- possible de mettre au point, sur la glace dépolie, toutes les parties de l'image. : Il est aisé de comprendre que ce défaut s’exagère d'autant plus qu'on donne à la chambre noire un plus long tirage. C'est ce qui à décidé cer- tains micrographes à placer la glace sensible aussi près que possible du microscope, préférant une image très petite mais plus nette, à une image agrandie mais floue. Une disposition très simple m'a permis d'obtenir à la fois des images nettes et agrandies, pour cela je ferme l'entrée du tube du microscope, avec une grande lentille biconcave. Celle-ci, on le concoit aisément, fait diverger les rayons émis par l'objectif, ces derniers (4) Cet appareil a été construit sur mes indications par M. Dumaige, 9, rue de ia Bücherie. SÉANCE DU 20 JUIN. 405 vont alors former sur la glace dépolie, une image très agrandie, sans qu'il soit nécessaire pour cela de donner un long tirage à la chambre. Malgré tout il se présente encore des cas où il est impossible d'arriver à mettre au point tous les plans de l'objet (2). Mais j'ai réussi à tourner cette difficulté, en recevant sur uné même glace successivement l’image des différents plans de l'objet. On obtient ainsi un eliché dans lequel toutes les parties sont nettes. L'emploi de cette méthode exige que la vis micrométrique soit pourvue d’une aiguille tournant sur un cercle gradué. J’opère de la manière suivante ; je mets au point sur la partie la plus profonde de l’objet et je note le degré sur lequel s’est arrêté l'aiguille, je mets ensuite au point sur la partie la plus superficielle. La glace étant ensuite exposée à la chambre noire, je dé- place en deux ou trois fois la vis micrométique de manière à la ramener finalement à son point de départ. Dans l'appareil que j'ai fait construire, j'ai fait adapter au cercle di- visé sur lequel se meut l'aiguille de la vis micrométrique deux butées mobiles, qui servent de repère et permettent d'éviter toute lecture d'angle. J'appellerai encore l'attention de la Société sur le procédé d'éclairage auquel j'ai recours. Au-dessous de la platine du microscope je fixe un condensateur Abbe et je remplace le miroir de celui-ci par une lampe électrique à incandescence argentée sur une de ses faces. À l’aide d'un petit appareil très simple, celle-ci s'adapte au porte-miroir et peut être orientée dans toutes les directions, ce qui permet de la centrer exacte- ment. (2) Quelques constructeurs ont pensé qu'on arriverait à recueillir l’image de tous les plans d’une préparation, en inclinant soit dans un sens, soit dans l’autre la glace sensible. Mais je ne crois pas qu'il y ait rien à attendre de ce procédé, la distance de la préparation à l'objectif étant très petite et la dis- tance de l'objectit à la glace proportionnellement très grande, on peut modi- fier l’orientation de la couche sensible de quantités très grandes sans appor- ter à l’image d’autres changements que des déformations de lignes. Quiconque s’est servi d’un appareil microphotographique à pu d’ailleurs s'assurer que, seulement pour modifier légèrement la mise au point d’une image, il faut dé- placer la glace dépolie d’une quantité très considérable. 406 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. OBSERVATIONS FAITES SUR UN SUPPLICIÉ, par le D' E. WERTHEIMER. Ce supplicié exécuté à Douai le 21 mai dernier nous fut remis 22 mi- nutes après la décapitation : malheureusement nous avions été prévenus fort tard dans la soirée de la veille que nous pourrions en disposer, de sorte que nous n'avons pas eu le loisir de nous tracer à l’avance un pro- gramme bien défini d'expériences, nous nous contenterons donc de si- gnaler les observations qui peuvent offrir quelque intérêt. 1° Abolition des réflexes. Etant donnée la rapidité avec laquelle se perd l’excitabilité de la substance grise chez les mammifères adultes qui succombent à une hémorrhagie, il serait à peine nécessaire de signaler la disparition des phénomènes réflexes, 22 minutes après la mort, si l’on n'avait prétendu les retrouver encore chez l’homme une heure après la décapitation. M. Vulpian a soutenu avec raison que, dans les cas que nous rappelons, l'excitation avait dû porter sur le muscle lui-même ; et sans doute personne n’admet plus aujourd'hui que l’homme puisse faire exception à une loi générale. Cependant constatons encore une fois que chez ce supplicié tous les réflexes ont disparu : l’attouchement de la con- jonctive reste sans résultat: l’irritation mécanique de la peau de la face et du tronc ne produit aucune réaction. Nous avons essayé aussi de pro- voquer au moyen des excitants plus puissants, au moyen du courant in- duit, un réflexe facile à mettre en évidence pendant la vie, et signalé pour la première fois par Æosenthal : nous voulons parler du mouvement de déglutition déterminé par l'excitation du bout central du nerf laryngé supérieur, le pharynx n’a pas bougé. Nous avons constaté depuis lors sur des chiens chez lesquels nous sectionnions l'aorte que ce réflexe aussi bien que le réflexe palpébral ne met pas une minute à disparaître à la suite de l'hémorrhagie et que tous les deux qui ont leur centre dans le bulbe se perdent aussi rapidement que les réflexes médullaires. Du reste, M. Ch. Richet dit avoir constaté l'abolition des réflexes au bout de 4 secondes chez un lapin auquel on comprimait l'aorte à sa racine. 95 Expériences sur le grand sympathique. Les pupilles étaient dilatées inoins pourtant qu'elles ne le sont d'ordinaire chez les animaux morts l’hémorrhagie. L'iris n’a pas réagi lorsque nous avons entr'ouvert la paupière : l'excitation du grand sympathique du côté gauche a produit une dilatation maxima de la pupille du côté correspondant. Cette expé- riénce a déjà été invoquée chez les animaux morts d’hémorrhagie pour démontrer l'indépendance des phénomènes vasculaires et oculo-pupil- laires consécutifs à l’excitation du grand sympathique. J'TE FOR ab EX SÉANCE DU 20 JUIN. #07 Nous rappelant les recherches de MM. Liégois et Vulpian sur l'influence tonique du ganglion cervical supérieur dont l’extirpation chez la grenouille amène après la destruction du myélencéphale une constric- tion plus prononcée de l'iris, nous avons songé alors à arracher ce renfle- ment nerveux. Il est permis en effet de se demander si l'excitation des centres phériphériques ne persiste pas plus longtemps que celle de l'axe encéphalo-médullaire. Toujours est-1l qu'immédiatement après l’extirpa- tion du ganglion, l'iris qui était complètement effacé est revenu sur lui- même, sans que pourtant la pupille nous ait paru devenir plus étroite que celle du côté opposé. Nous n’oserions pas tirer de conclusions de ce fait : la pupille a pu se rétrécir de nouveau, simplement parce que l'excitation avait cessé ou bien sous l'influence directe de la lumière sur le muscle irien qu’on pourrait à bon droit appeler muscle photosystaltique. Cepen- dant il est remarquable que l'irritation traumatique déterminée par l’ar- rachement n’ait pas, au moins momentanément, maintenu la dilatation papillaire. Cette expérience avait été faite à peu près 25 minutes après la mort, nous l’avons depuis lors répétée plusieurs fois sur des chiens. Ge serait évidemment une des meilleures preuves à fournir de l'indépendance des centres nerveux phériphériques, puisque dans ces conditions, l’influence du myélencéphale est supprimée par l'hémorrhagie elle-mêmeet, d’autre part, l'on comprend très bien que la vitalité des ganglions soit moins in- timement liée que celle de l'axe gris à l'intégrité de la circulation. En effet, comme tout le prouve, l’activité personnelle des cellules gan- glionnaires du grand sympathique est certainement moins vive que celle des cellules cérébrales et médullaires, et par cela même, elles doivent, à notre avis, se ressentir moins rapidement de la privation de sang. Ces centres phériphériques se comporteraient comme tous les éléments ner- veux dont l’excitabilité est naturellement faible (nouveau-nés) ou acci- dentellement affaiblie (animaux refroidis), et l'on sait que dans tous ces cas, de même que chez les animaux à température variable, toutes les propriétés des éléments et des tissus persistent plus ou moins longtemps après la mort. À ces considérations empruntées à la physiologie, on peut encore ajouter que les ganglions du sympathique sont beaucoup moins riches en vaisseaux que la substance grise des centres, c'est un motif de plus pour qu'ils résistent plus longtemps aux hémorrhagies mortelles. Nos expériences sur les chiens ne nous ont cependant pas donné de résultats constants, l'arrachement du ganglion pratiqué quelques minu- tes après la mort a amené quelquefois un rétrécissement bien net, queél- quefois le phénomène a manqué: 3° Excitation des circonvolutions cérébrales. | Plus d’une demi-heure s'était écoulée depuis la mort quandnous avons excité directement, après ablation de la calotte crânienne, les différents 408 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE points de l'écorce cérébrale où l’on à voulu localiser ies mouvements de la face et des paupières: mais il était trop tard pour rien obtenir. %° Excitation de quelques muscles. A l’instigation de notre collègue M. Testus, nous avons excité le mus- ele carré pronateur dont l’action aurait été récemment mise en discus- sion: d’après certains anatomistes son mode d'insertion au radius ne lui permettrait pas de mouvoir cet os au moins dans certains cas. Chez ce supplicié, l’action très connue de ce muscle à été des plus nettes. Nous avons vérifié aussi, soit dit en pasant, que le /ong supinateur se comporte bien comme l’a dit Duchenne, c’est-à-dire qu'il imprime un demi-mouvement de pronation à la main placée en supination. Duchenne à soutenu également que le muscle appelé court abducteur du pouce porte en réalité ce doigt en avant et en dedans: cette opinion qui n’est généralement pas admise, est pourtant parfaitement exacte; ainsi que nous l’avons constaté ce muscle est un adducteur. is É SÉANCE DU 20 äUIN 409 INFGUENGE DES (COURANTS ÉLECTRIQUES (EXTÉRIEURS SUR LES COURANTS AUTONOMES DES TISSUS, par le D' Oximus On sait qu’il existe dans l'organisme une infinité de couples éleetro- capillaires, que tous les tissus quels qu'ils soient donnent.lieu . à des courants électriques, et qu'on peut ainsi comparer chacun de cestissus à une petite pile, et par conséquent leur appliquer les lois qui régissent ces courants. Cette comparaison nous permet d'étudier l'influence des courants extérieurs sur la nutrition des tisssus .ou sur les courants autonomes, car l'énergie de ces courants est en raison directe des phé- nomènes de nutrition, et l’an peut dire que es substances albuminoïdes brülent dans les tissus comme le métal brüle dans la pule. Il est impossible de rechercher directement l'action d’un courant sur la nutrition intime d'un tissu, mais cette étude est rendue plus facile, ren faisant ces recherches sur une série de piles; nous aurons ainsi l’action qu'exerce un courant que nous appellerons extérieur, sur les eourants partiels qui sont autonomes, ou bien en transportant cette étude à l’orga- nisme, l'action qu'exerce un courant électrique provenant de machines sur les courants partiels qui se forment dans chaque tissu, ou enfin, en d’autres termes, l'influence des courants électriques sur a nutrition. Pour cela nous avons réuni en deux groupes quatre éléments en tension. Un de ces groupes nous servait de point de comparaison et nous per- mettait de juger de la quantité de zinc qui était oxydée dans le même espace de temps, dans les conditions normales. Dans le deuxième groupe nous faisons passer d’un élément à l’autre, pendant huit à dix heures, un courant de trente éléments. Voici quelques uns des résultats que nous avons obtenus. Lorsque le courant extérieur passe par les quatre éléments, et en sens direct du courant propre de ces éléments, l’action chimique dans chaque élément est plus forte que dans la pile qui sert de comparaison et qui reste dans les conditions normales. Dans le même temps, les zincs de cette pile perdaient 9 gr., de leur poids; tandis que les zincs de La pile où l’on faisait agir un courant de trente éléments perdaient 17 grammes de leurs poids : l'action chimique était donc presque du double en ne faisant passer le courant extérieur que par deux éléments, il y avait également une différence de poids entre les deux piles; l'usure du zinc était plus prononcée pour Ha pile où un autre courant était interposé dans une partie du circuit. Lorsque le courant extérieur est dirigé en sens inverse du courant propre de la pile il y a au contraire diminution dans l'énergie de loxyda- tion des zines, mais la différence est moins grande (10 grammes pour l'un et 7 grammes pour l’autre groupe). On peut ebjecter à cette expérience que l'introduction d'un courant 410 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE extérieur assez intense détermine lui-même des décompositions chimi- ques, et que cette action peut influer sur l'oxydation du zinc; qu'il n’y a done qu’une simple action chimique surajoutée,-et que rien ne prouve dans cecas que ce courant ait une action sur les phénomènes chimiques propres à la pile. A cela nous répondons : 1° que l’action décomposante du courant surajouté est la même, quelle que soit la direction que l’on donne à ce courant; que, par conséquent, la différence très remarquable que nous constatons dans l’oxydation des zones, selon la direction du courant, ne devrait pas exister; 2 que les effets sont bien moindres lorsqu’au lieu d'employer un courant à grande tension et à action chimique faible, on emploie un courant à tension faible et à action chimique forte, et cepen- dant ce serait le contraire qui aurait lieu en admettant l’objection qui est faite. Nous voyons donc par ces expériences qu'un courant extérieur, remar- quable surtout par une grande tension, influe sur l’action chimique propre de chaque élément. Il agit ainsi par sa tension et, plus la tension est grande plus le travail chimique autonome de chaque élément sera aug- menté. Lorsque nous faisons traverser un courant électrique par l'organisme, nous avons la même action sur les petites mais innombrables piles orga- niques, que celle que nous venons de constater sur chacune de ces piles inorganiques, c’est-à-dire que nous augmenterons l’action chimique autonome de chaque tissu. Nous agissons ainsi sur la nutrition et c’est principalement à cette action des courants continus qu'il faut attribuer Jeur influence trophique. Ces expériences faciles à répéter prouvent d’une facon presque mathé- matique que les courants électriques agissent sur l'oxydation intime des tissus, et que leur direction a une influence réelle, selon qu’elle déter- mine une résistance plus ou-moins grande à la facilité de recomposition des courants électro-capillaires. Nous espérons également démontrer que l'influence de ces courants électro-capillaires est prépondérante dans les phénomènes d’endosmose et d’exosmose, ou, en d’autres termes dans les phénomènes d’assimila- tion et de désassimilation. Nous reconnaissons avec plaisir que nous avions mal compris la com- munication de M. d'Arsonval, et comme nous le disions, n'ayant pas assisté à la séance où il l’a faite, nous ne pouvions en juger que par les comptes rendus. S'il ne s’agit que des faits et non des théories de M. du Bois-Reymond, nous sommes absolument d'accord, et nous n'avons qu'à ajouter un mot, c’est que personne n’a jamais contesté ces faits. On n’a fait qu'en observer d’autres qui enlèvent leur portée à ceux sur les- quels M. du Bois-Reymond insiste exclusivement. A plusieurs reprises et entre autres à propos du rapport de M. du Bois-Reymond au Congrès SÉANCE DU 20 JUIN 41 international des électriciens, nous nous sommes élevé contre l'importance exclusive que l’on donnait aux courants nerveux et musculaires, et contre le silence que l’on gardait sur les courants électriques qui font partie de tous les tissus. Les faits observés par du Bois-Reymond, par Plinges, aussi bien que ceux observés par Herman sont vrais, mais nous recon- naissons, M. d’Arsonval et moi, que leurs théories sont fausses; d'un autre côté, nous nous essayercns, comme nous l’avons déjà fait, par cette communication même de démontrer ce qui peut être accepté. EXPÉRIENCES NOUVELLES SUR LA RÉUNION DE L'INTESTIN APRÈS L'ENTÉREC- TOMIE, par S. DuPray, professeur de médecine opératoire de la Faculté, et G. Assaki, préparateur de médecine opératoire. La résection intestinale suivie de suture, telle qu'on [a pratique actuellement, présente de nombreux inconvénients. L'application de points de suture placés circulairement autour de l'in- testin est une opération fort longue, qui demande une certaine habileté opératoire et ne laisse d’ailleurs jamais une entière sécurité. L’invagination de bouts réséqués est toujours difficile et l’on a eu recours à différents artifices opératoires qui ont au moins l'inconvénient d’allonger encore la durée de l’opération. Enfin il nous a semblé que le mode de ligature des vaisseaux mésentériques n'est pas indifférent et que c’est à la facon dont cette ligature est pratiquée qu'il faut imputer les gangrènes secondaires qui viennent compromettre le succès des opéra- tions faites dans les meilleures conditions. C'est pour se mettre à l’abri de ces causes d’insuccès que M. le profes- seur Duplay à imaginé un procédé opératoire que nous avons expéri- menté sur des animaux. Bien que ces expériences soient en cours c’exécution, qu'elles doivent être encore poursuivies et complétées, les -excellents résultats que nous avons obtenus jusqu'ici nous engagent à faire connaître la facon dont nous procédons. L’anse intestinale sur laquelle doit porter la résection étant attirée hors de l'abdomen, on détermine la portion qui doit être excisée et on fait comprimer par les doigts d’un aide les deux points extrêmes au niveau desquels va passer la section. On incise ensuite l'intestin per- pendiculairement à sa direction et on prolonge cette incision dans le mesentère, à une hauteur variable. À mesure que les vaisseaux sont divisés, ils sont pris dans les pinces à pression continue. Une seconde section détache l'intestin et va rejoindre à angle aigu la première inci- sion du mesentère, de manière à laisser adhérent à l'intestin réséqué un lambeau mésentérique cunéforme. On procède ici encore à l’hémostase 412 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE provisoire au moyen des pinces à forcipressure et cette opération ter- minée, on place des fils dans la plaie, sur tous les vaisseaux divisés. L'aide lâche ensuite successivement chacun des bouts divisés; on reçoit dans un bassin les matières qu’ils peuvent contenir, on les nettoie et on les lave avec'un liquide antiseptique. Pour obtenir une invagination facile et rapide on place sur le bout supérieur une anse de traction. Un aïde tient entre ses doigts le bout supérieur dont ïl laisse dépasser une faïble portion; le chirurgien tra- verse avec une aiguille fire l'intestin de part en part et noue lâchement le fil sur la surface de section; puis reprenant l'aiguille il l’introduit dans le bout inférieur par la lumière de ce conduit et va ressortir en traversant les tuniques de dedans en dehors, à 2 ou 3 centimètres de sun extrémité. . Tout en tentant d'invaginer avec. les doigts on fait exercer une légère traction sur ce fil; l'invagination est des plus faciles et elle est persis- tante, ce qui constitue un avantage qu’on ne saurait assez apprécier. L'invagination telle qu’elle vient d’être faite a pour résultat de mettre en contact la séreuse du bout supérieur avec la muqneuse du bout inférieur. Les choses étant maintenues en: place, on traverse, avec une aiguille munie d’un fort fil double, les deux conduits invaginés à égale distance du bord libre et du bord adhérent. L’aiguille est enlevée, le fil coupé, et on procède à la ligature isolée de chacune des deux moiliés de l’in- testin. L'un des fils à ligature enserre la moitié qui correspond au bord libre ; l’autre la moitié à laquelle se rend le mésentère. Pour opérer cette double hémistriction on exerce sur les fils une forte traction, on les serre aussi fort que l’on peut. Commeon le voit la méthode de M. le professeur Duplay diffère: essen- tiellement d’une suture ordinaire; il s’agit là bien plus d’une ligature de l'intestin que d'une enterrorhaphie proprement dite ; nous nous sommes assuré s que cette ligature avait pour effet de fermer entièrement la lumière de l'intestin. Cette occlusion persiste au moins pendant trente-six heures. Une expérience nous a montré que la communication commence à se rétablrr dan s les premières vingt-quatre heures. La nature se charge de rétablir plus tard entièrement la continuité du tube intestinal. Le résultat de cette manœuvreest le suivant: les tuniques desdeux bouts froncées par cette constriction énergique, tendent à se rapprocher; les deux.séreuses.arriveraient presque au contact,n’était une légère collerette interposée qui représente la portion du bout supérieur situé au,delà de la ligature. Cette portion d'intestin est renversée, la muqueuse ectropiée est la tunique qui se présente la première. Rien de plus facile que d'enlever avec un instrument mousse cetle portion de muqueuse que la constriction. des fils a séparée du reste de la muqueuse intestinale au point.qu'elle a.lhère à peine. Si la strictiona été faite un peu plus loin etque la collerette a acquis par SÉANCE DU 20 JUIN. %A3 ce fait de plus grandes dimensions, on enlève à l’aide de fins ciseaux courbes tout ce qui paraît trop long. La suture ou plutôt la ligature de l'intestin pratiquée comme nous venons de l'indiquer est suffisante ; elle assure un contact parfait et une réunion qui met à l'abri des accidents consécutifs. Cependant il peut être utile, pour assurer un contact plus parfait d'ajouter quelques points de suture superficielle et ici les choses sont disposées de telle facon que trois points de Lembert suffisent à affronter circulairement les sérenses des deux bouts. On en place un sur le bord convexe et les deux autres à égale distance du bord libre et du mésentère. Quant au bord mésenté- rique il est inutile de le suturer; c'est en effet en ce point que les ad- hérences les plus solides s’établissent par le seul fait de l'nvagination. L'opération dure en moyenne chez les chiens de 20 à 25 minutes. Il faut distraire de ce chiffre 10 minutes environ pour l'incision des parois abdominales, la toilette du ptritoine et la suture de ces mêmes parois. Chez le lapin l'opération marche beaucoup plus vite. Si l’on cherche à se rendre compte de la facon dont la réunion se fait, on voit en sacrifiant un chien an bout de 12 jours que la continuité du canal intestinal est parfaite. Il ne reste plus trace du bout invaginé. Au niveau de la ligne de réunion des deux bouts, l'épiploon entoure eircu- lairement l'intestin en lui adhérant d'une facon intime au point de figurer une véritable virole externe. A l’intérieur, les muqueuses des deux bouts sont séparées par un sillon linéaire; les bords qui limitent ce sillon font une légère saïllie de # à 22" dans la lumière de l'intestin. On peut s'as- surer en divisant l'intestin que cet épaississement est dû à une légère infiltration d’exsudats inflammaloires. Sur un chien sacrifié le 17° jour le sillon existe encore, mais les bouts qui le limitent n'offrent aucune saillie; l'intestin est partout également calibré. On voit bien sur des coupes quel est le mécanisme de cette réunion. Au 12° jour on constate que la muqueuse du bout engainant est en con- tinuité directe avec la séreuse du bout invaginé. Cette continuité est établie grâce à une rég'on intermédiaire très étroite constituée par du tissu conjonctif très jeune au niveau duquel le revêtement épithéhal cesse brusquement. À cette même cicatrice se rend aussi la muqueuse du bout invaginé. Plus tard, au 17° jour on ne trouve plus qu'une mince ligne cicatricielle à laquelle viennent également se rendre les deux séreuses el les deux muqueuses. REMARQUES A PROPOS, DES PRÉCÉDENTS COMMUNICATIONS SUR LES RAPPORTS DES ÉTATS PSYCHIQUES AVEC L'ÉTAT DYNAMIQUE, par Cu. FÉRÉ. Avant de continuer la relation de la série de notes qui résument mes travaux sur les rapports des états psychiques avec l’état dynamique, je désire répondre à une objection qui m'a été faite dans la dernière séance 414 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE par un des membres de la Société qui ont le plusencouragé mes recherches. M. Brown-Séquard, avec sa bienveillance habituelle, m'a fait remarquer confidentiellement qu'on pourrait me faire un reproche d’expérimenter sur un nombre restreint de sujets. Mes recherches actuelles ont eu pour point de départ des résultats four- nis par la méthode statistique, et qui, sans offrir une concordance absolue, montraient cependant des rapports assez constants pour qu'on püt on tirer des conclusions provisoires qui,ilest vrai, n’entraient pas dans lefond du sujet qui m'occupe, à savoir les rapports des états psychiques et des sensations avec les états dynamiques. Ces premières recherches m'avaient du moins permis de reconnaître,ce qui d’ailleurs n’avait guère besoin d'être montré experimentalement, que tous les sujets ne réagissent pas de la même manière à une même excitation, et qu'un bon nombre même ne réagissent pas de la même manière à une même excitation dans toutes les circonstances. C'est ce qui m'a fait dire qu'il fallait pour le moment ré- sister à la tentation de faire une loi psycho-mécanique à formule mathé- matique. De ce qu'un grand nombre d'individus, la plupart même sont inca- pables de différencier exactement les couleurs, les sons, les saveurs, on n’en peut pas conelure qu'il n’est pas physiologique deles distinguer; mais lorsqu'on veut des experts pour apprécier ces différences, on ehoisit des sujets qui réagissent toujours de la même manière à la même excitation, c'est-à-dire qui soient toujours capables d’avoir constamment la même appréciation sur le même objet. Je n'ai pas fait autrement, j'ai choisi des sujets qui aient des réactions constantes,et cette précaution était d'autant plus indispensable que je n'avais jusqu'à présent pour mesurer les différences qu'un instrument grossier, peu sensible. J'ai trouvé une douzaine de sujets qui fournissent des résultats constants, tel pour les sensations musculaires, tel pour les sensations visuelles, tel pour les sensations auditives, tel pour les sensations olfactives, tel pour toutes les sensations à la fois. Si j'ai souvent choisi pour exemple une hysté- rique qui donne comme je lai fait remarquer des résultats considé- rablement grossis, ce n’est pas qu'il soit indispensable d’être hystérique pour donner des résultats importants : parmi mes sujets il y a deux médecins qui constituent des sujets fort remarquables et j'ai déjà cité l’un d'eux à propos des sensations olfactives. Il faut noter d'ailleurs que dans les expériences de psychologie le choix les sujets s'impose souvent. Ainsi lorsqu'on étudie les sensations visuelles consécutives, le contraste simultané, etc., on constate bien vite que tous. les sujets sont loin de réagir également. M. Wundt a signalé une expé- rience fort curieuse, qui consiste à s’imaginer, les yeux étant fermés, une figure colorée en rouge, et à diriger le regard sur une surface blanche : on apercoit alors une image consécutive verte. C’est là une expérience fertile en déductions psychologiques ; mais très peu de sujets sont capables SÉANCE DU 20 JUIN 415 - de la répéter : la statistique prouverait certainement qu'elle est fausse. Cependant je puis affirmer qu'elle est parfaitement exacte, je peux la reproduire sur moi à volonté. Un résultat si exceptionnel qu'il soit con- serve toute sa valeur quand il est bien acquis. C’est justement pour cela que je me suis attaché de préférence aux faits caractéristiques qui don- nent des résultats assez nets pour que l'erreur ne soit pas à redouter. Je n'ignore pas, je le répète, qu'on ne les retrouve pas sur le plus grand nombre de sujets; mais il ne faut pas confondre les expériences négatives et les expériences contradictoires. Il me parait légitime d'appliquer à ces recherches sur la physiologie du système nerveux la méthode de nosogra- phie qui consiste à décrire d’abord avec soin les cas grossiers qui mettent en lumière avec plus d’évidence les phénomènes qu'il s’agit de signaler à l'attention, et à réserver pour plus tard les cas frustes qui ne feraient que jeter du trouble dans la question. Aussi, après avoir présenté des considé- rations générales, basées sur des observations faites sur des sujets déjà choisis, n’entrerai-je dans le détail qu'en procédant par observations individuelles. Que ces observations aient trait à des sujets anomaux, je veux bien le concéder; mais les anomalies ne doivent pas plus être dé- daignées en physiologie qu'en anatomie, où elles sont d'un grand secours pour l'étude du développement et de l'évolution. D'ailleurs, s’il est certaiu queles névropathes sont des sujets préférables pour ces expériences, il n’est pas nécessaire d'être officiellement nerveuxt pour être capable de présenter des phénomènes fort nets. Si au lieu de se servir du dynamomètre on se sert d’un dynamographe pour inscrire les pressions manuelles, exécutées soit à l’état normal soit sous l'influence de certaines excitations, on peut constater ävec plus d'évidence encore des différences marquées chez des sujets réputés normaux. Je vais faire passer sous vos yeux plusieurs tracés quiont été pris sur moi-même et qui vous montreront nettement l’exagération de la pression de la main droite sous l'influence de l'exercice de la parole,des mouvementsdes membres inférieurs, de certaines excita- tions portant soit sur le sens de l’odorat, soit sur celui de l’ouïe, ete. Ges modifications sont tout à fait concordantes avec celles que je vous ai signalées précédemment pour la mesure dynamométrique, et elles ne fontque confirmer mes premières conclusions. Plusieurs de ces tracés font ressortir que non seulement l'effort brusque et momentané est exagéré par les excitations précitées, mais encore que l’effort soutenu se trouve prolongé dans de notables proportions. D'ailleurs j'aurai l'occa- sion de vous présenter plusieurs séries de tracés dynamographiques qui, J'espère, achèveront d’entrainer la conviction non pas seulement sur l’ensemble, mais sur les détails. 16 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE ‘ OBSERVATIONS POUR SERVIR A L'HISTOIRE DES EFFETS DYNAMIQUES DES. IMPRESSIONS AUDITIVES, par MM. Cu. FÉRÉ et ALB. Lonpe. Dans la précédente séance, j'ai rapporté un certain nombre d’ex- périences failes avec le concours de M. Londe, et propres à appuyer les conclusions que j'avais formulées relativement à l’action dynamogé- nique des excitations de l'organe de la vision. J’ai entrepris encore avec l’aide de M. Londe des observations analogues sur le sens de l’ouïe. A l’aide de quatre diapasons offrant de 50 à 1000 vibrations par seconde nous avions déjà constaté des grandes différences de pressions dynamométrique, différences paraissant en rapport avec le nombre de Vibrations ; mais l'impossibilité où nous étions de comparer exactement nos instruments nous à fait rejeter cette première série de recherches. Dans une autre série d'expériences nous avons eu recours à des diapa- sons mis en mouvement par un électro-aimant, et dont la bobine rendue mobile par un écrou glissant dans une gorge nous permet de faire varier l'étendue des vibrations. Sur le sujet qui à déjà servi à nos expériences sur les couleurs nous observons pour le même diapason une pression croissante avec l'étendue des vibrations. Mais certaines difficultés dans la mobilisation de la bobine nous ont paru de nature à modifier dans une certaine mesure l'intensité du son, nous avons eu recours à une troi- sième expérience qui a consisté à placer le sujet à des distances diffé- rentes du même diapason maintenu en vibration. Voici les chiffres que nous avons obtenus avec un diapason de 500. Aune distance de 5 meéires 20 MN RE RDS RAR DES sl nes er S so er eee A 0 ie Les mêmes chiffres avec des variations de À à 3 pour chaque distance ont été obtenus en placant le sujet à ces distances alternativement dans un ordre ditférent. Pour monirer que ce que nous observons chez cette hystérique est seulement un grossissement de ce qui se forme chez les sujets normaux je vous présente des tracés dynamographiques faits sur le sujet en question, sur M. Londe et sur moi-même. On y peut voir, à l'intensité près la méme influence du son sur l'énergie de la contraction, quiesf augmentée, et sur la durée de l'effort soutenu qui est prolongée. © = D © à Où o «I Le Gérant : G. MASSON. Paris, — Imprimerie G. ROUGIER et Cie, rue Cassette. 14 (: À 3 ÿ AT SÉANCE DU 27 JUIN (1885 De Turrry : Note sur l'etat de la bile prise une heure après la mort, chez le sup- plicié Gamahut. — Rapnaez BLANCHARD : Sur un nouveau type de sarcosporidies. — E. Doyen : La bacille-virgule du choléra asiatique. — Cx. E. Quinquaun : Injec- tions intra-veineuses d'urée pure, dose toxique. — Cu. FÉRÉ : Recherches dynamo- graphiques sur les équivalents moteurs des sensations. — R. Dugois : Observa- tions pour servir à l’histoire de l'intoxication chroniqne par le chloroforme, Présidence de M. Paul Bert. NOTE SUR L'ÉTAT DE LA BILE PRISE DANS LA VÉSICULE BILIAIRE UNE HEURE APRÈS LA MORT, CHEZ LE SUPPLICIÉ GAMAHUT, par M. DE THIERRY. Communication de la séance précédente. Gamahut assassin de la veuve Ballerich, ayant été exécuté le 24 avril dernier, une heure après l’exécution M. Laborde me remit la vésicule biliaire avec la bile qui y était contenue. Cette bile est transparente, vis- queuse, neutre au tournesol, nullement verdätre, mais d'une couleur brun jaunâtre (café noir clair). Après une série de recherches des plus minutieuses je n'ai pas trouvé trace de biliverdine, mais de la bilirubine et une matière colorante que nous croyons différente des pigments ordi- naires de la bile et que nous sommes en train d'étudier. SUR UN NOUVEAU TYPE DE SARCOSPORIDIES, par le D' RAPHAEL BLANCHARD. Les nombreux auteurs qui ont étudié les tubes de Miescher ou de Rai- ney, appelés encore Psorospermies utriculiformes, s'accordent à les con- sidérer comme des parasites logés à l’intérieur des fibres musculaires BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8€ SÉRIE, T. II, N° 24, 418 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. striées. Les professeurs Leuckart et Balbiani ont même fait remarquer que le tissu musculaire strié était leur siège exclusif et c’est en raison de cet habitat que M. Balbiani leur à donné le nom de Sarcosporidies, sous lequel il convient de les désigner désormais. Cette manière de voir, na- guère encore parfaitement exacte, ne l’est plus actuellement : nous avons eu en effet l’occasion récente d'observer un grand nombre de kystes de Sarcosporidies, qui tous siégeaient en dehors du tissu musculaire. Le 27 décembre dernier, on nous apporte du Jardin d’acclimatation le cadavre d’un Macropus (Petrogale) penicillatus Q, mort depuis quatre à cinq jours. Après lavage du gros intestin, dont l'épithélium est en grande partie desquamé, on trouve cà el là, sauf dans le cœcum, des petits points blancs, de la taille d’un grain de millet, qui font saillie à la surface. Une dissection rapide faite sous le microscope, à l’aide d'un prisme redresseur, permet de reconnaître des kystes renfermés dans l'é- paisseur de la couche conjonctive sous-muqueuse et qu'il est possible d'énucléer. Chacun d'eux est limité par une délicate membrane, dont la rupture laisse échapper un nombre prodigieux de corpuscules réniformes, tout à fait semblables à ceux que les divers auteurs ont représentés pour les Psorospermies des museles. Une étude plus détaillée a fait voir que, là encore, il s'agissait bien réellement de Sarcosporidies, mais on sera frappé du siège qu'elles oc- cupent : les kystes, au nombre de plus de cinquante, que nous avons en- levés, occupaient tous la couche sous-muqueuse, aucun d'eux n'empié- tait d’une facon quelconque sur la couche musculaire du gros intestin et les investigations -.auxquelles nous nous sommes livré, à la recherche des tubes de Miescher dans les divers points du système musculaire strié, sont demeurées vaines : nulle part les muscles ne renfermaientde Psoros- permies, partout ils présentaient un aspect normal. Le kyste est situé au milieu même de la couche conjonctive sous-mu- queuse : celle-ci l'enserre de toutes parts et s’est condensée à son voisi- nage. Contrairement aux tubes de Miescher, qui sont d'ordinaire nota- blement plus longs que larges, ses deux diamètres ne sont pas très diffé- rents l’un de l’autre et il présente assez volontiers une forme subsphé- rique. Les dimensions extrêmes sont de 0,71"" à 1,23"% pour la lon- gueur et de 0,56%% à 0,93 pour la largeur. La paroi du kyste est d’une minceur extrême, elle mesure au plus 0,7y d'épaisseur. Elle se colore fortement en rouge par le carmin, elle est parfaitement anhiste, partout d’égale épaisseur et ne présente nulle part ni revêtement de cirrhes, ni canalicules poreux. Ce caractère distingue nettement notre Sarcosporidie de celles que Rainey, Leuckart, Ripping, Manz et Laulanié ont décrites dans les muscles du Pore, mais la rapproche des Sarcosporidies de la Souris, du Mouton et de l’Otarie. Le contenu du kyste est formé d’un réticulum dont les mailles, très pe- tites au centre, deviennent d’autant plus larges qu’on se rapproche da- SÉANCE DU 27 JUIN 419 vantage de la périphérie; la transition ne se faitpas d’une facon insensible, mais plus ou moins brusquement. De la sorte, la cavité kystique se trouve remplie de vésicules de taille très inégale, fortement déprimées par pression réciproque et limitées chacune par une membrane anhiste et délicate. Les membranes des diverses vésicules s’agglutinent entre elles sur toute l'étendue de leur contact et leur adhérence réciproque est si intime que, même lorsque la paroi du kyste a été dilacérée, les vési- cules sont incapables de se séparer les unes des autres, comme c'est le cas pour la Sarcosporidie des muscles du Porc. Les kystes que nous avons étudiés se trouvent à l’état de reproduction c’est-à-dire qu'ils sont parvenus à la période ultime de leur évolution, comme le montre la présence des corpuscules réniformes. Mais, pour en arriver là, la Sarcosporidie à dû passer par une phase végétative ou d’ac- croissement, durant laquelle elle était constituée simplement par une masse protoplasmique, sans doute munie d’un noyau. Son accroissement achevé, l'organisme s’est entouré d’une membrane kystique et s’est segmenté à l’intérieur de celle-ci en un nombre plus ou moins considé- rable de vésicules ou de spores, entourées chacune d’une enveloppe indé- pendante de l'enveloppe générale du kyste. Par pression réciproque, les spores se sont déformées les unes les autres et se sont agglutinées entre elles, de manière à être désormais inséparables. Les spores que montrent nos préparations sont très inégales, les plus petites étant au centre, les plus grandes étant à la périphérie. Nous pensons qu'il n’en était pas de même au début, mais que toutes les spores étaient à peu près d’égale taille. En effet, Les vésicules périphériques sont toujours, dans nos préparations, notablement plus mûres que les vési- cules centrales : tandis que, le plus souvent, celles-ci sont encore rem- plies d’une masse granuleuse, dans laquelle on ne distingue ni corpuscules arrondis ni corpuscules réniformes, celles-là renferment au contraire exclusivement des corpusecules réniformes et sont limitées par des cloisons plus minces. Il est certain que la production des corpuseules réni- formes, organismes reproducteurs, débute par la périphérie et s'étend peu à peu vers le centre : en même temps, les vésicules crèvent les unes dans les autres, par suite de la résorption de leurs parois et c’est ainsi qu'on peut expliquer l'existence de vastes loges à la périphérie, alors que la région centrale est encore occupée par des spores intactes et de petites dimensions. Ce processus se poursuivant, on arrive à un état dans lequel le tube psorospermique est représenté par un simple sac bourré de corpuscules réniformes, et dans l'intérieur duquel on ne trouve plus de réticulum ou de vésicules d'aucune sorte. Cela revient à dire que la formation des corpuscules réniformes est centripète et que la désa- grégaüon des spores, par suite de la résorption de leur membrane d’en- veloppe, marche elle-même de la périphérie au centre. Les corpuscules réniformes mesurent 9, 8 à 12 4 de long sur 4 à 5,5 y de 24920 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. large. Ils sont granuleux et présentent fréquemment à leurs extrémités un point brillant, mais on ne trouve point de noyau à leur intérieur. Les auteurs décrivent encore des corpuseules arrondis : nous les avons ren- contrés aussi, mais en nombre extrêmement restreint ; il convient peut- être de les considérer comme des nucléus de reliquat. Il est hors de doute que les corpuscules réniformes des Sarcosporidies sont les équivalents des corpuscules falciformes des Coceidies : les mou- vements amiboïdes que certains observateurs les ont vus accomplir, démontrent surabondamment cette homologie. Les nombreuses vésicules renfermées dans les kystes des Sarcosporidies correspondent donc aux spores ou pseudo-navicelles des Coccidies. Cest en effet avec celles-ci, plus particulièrement avec les Polysporées (Ælossia), que les Sarcospori- dies présentent des affinités. Elles ne diffèrent des Coccidies polysporées que par des détails secondaires, tels que la taille et l'habitat. Les Aossia, en effet, sont des Coccidies, en ce qu’elles se développent à l’intérieur de cellules épithéliales et en ce qu’elles sont d'assez petite taille pour se loger dans l’une de ces cellules; mais on pourrait avectout autant de raison les rattacher aux Sarcosporidies, en considérant que leur spore est arron- die, de grandes dimensions et non naviculaire, et qu'à son intérieur se forment un grand nombre de corpuscules réniformes, identiques aux cor- puscules des Sarcosporidies, mais différant notablement des corpuscules falciformes des Coccidies vraies, par exemple de Coccidium oviforme. SÉANCE DU 27 JUIN. A91 EE " . ..(...((....-.--ç(ç(ç(ç(-----" "" "1" LE BACILLE-VIRGULE DU CHOLÉRA ASIATIQUE, par E. Doyen. Nous avons continué, depuis notre communication de décembre 1884, nos expériences d'inoculation du bacille-virgule. Le nombre des animaux expérimentés dépasse aujourd'hui 120. L'injection dans le ducdénum et le jéjunum de cultures pures du bacille-virgule à la dose d’un centimètre cube, ne nous à donné que des résultats imparfaits. Quelques cobayes et un chien avaient succombé sans péritonite, avec de l'hypothermie, des crampes, en 24 heures envi- ron. Le chien avait présenté des vomissements et de la diarrhée. Mais ces faits restaient isolés et nous étions en droit, devant des séries de 4 à 6 cobayes survivant tous à l'injection duodénale, tandis que d’autres fois nous avions tout au plus un ou deux cas de mort rapide, de douter un peu des résultats constants obtenus par Rietsch et Nicati, et Van Ermen- gem. Koch avait obtenu le choléra expérimental sur le cobaye par l'injection duodénale d’un centième de goutte d’une culture de bacille- virgule. La ligature du canal cholédoque entraine fatalement la mort de l'animal, au bout de 8 à 10 jours au plus. Sur trois de ces opéralions, suivies d'injection duodénale, nous n’avons eu qu’un cas de mort pouvant se rapporter au choïéra. Koch lui-même restait sur la réserve et cherchait un autre moyen plus sûr d’inoculer le choléra aux animaux. Renoncant à l'injection simple dans l'intestin grêle, nous avons suc- cessivement tenté l'injection stomachale de grande quantité de culture; l'injection duodénale après ingestion, la veille, de poudre de cantha- rides ou bien en la faisant précéder de l'injection au même point d’une petite quantité d'huile de croton mélangée à de l'huile d'olive. Chacune de ces expériences nous donnait des cas isolés de mort avec contenu crémeux de l'intestin grêle, fourmillant de bacilles-virgules. On nous objectait que la présence du bacille-virgule dans l’intestin n'avait rien d'étonnant, puisqu'on en y avait injecté’ et que rien ne prouvait que ces quelques cas de mort soient imputables au choléra. Nous faisions alors ces expériences en collaboration avec notre ami le docteur Chantemesse, et nous étions sur le point d en faire connaître le résultat lorsque Koch, à la conférence sanitaire de Berlin, le 4 mai dernier, annonça qu’il avait trouvé le moyen de donner à coup sûr le choléra aux cobayes. Nous répétämes de suite l'expérience de Koch, c'est-à-dire l'ingestion stomachale de 5 centimètres d’une solution de carbonate de soude à 5 0/0 suivie, au bout de 20 minutes, de l'injection dans l'estomac de 10 centim. cubes d’une culture de choléra et de l'injection dans le péri- 499 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. toine d’un centimètre cube de teinture d’opium par 200 grammes du poids de l'animal. Sur 6 cobayes, nous eûmes 5 cas de mort dans un espace de 12 à 24 heures après l’inoculation. Nous avons répété la même expérience avec cette particularité, que dans un cas, l'expérience fut de point en point celle de Koch; dans un second, la culture de bacille-virgule fut bouillie; dans un troisième, nous ne fimes pas l'injection péritonéale de teinture d’opium. Le premier cobaye seul mourut. Cette nécessité pour déterminer la mort d’injecter dans'le péritoine de la teinture d’opium nous semblait le désideratum de l'expérience. L’opium n'est-il pas en effet, chez l’homme, l’un des meilleurs modes de traitement du choléra. Nous avions remarqué que les cobayes ne mou- raient que si l'injection de teinture d'opium les avait maintenus une heure environ dans le coma. Instituant alors une série d'expériences comparatives, nous avons acquis la certitude que l'injection sous-cutanée ou intrapéritonéale de 4 à 6 centigrammes de chlorhydrate de morphine ou de 33 centigr. d'extrait d’opium en solution aqueuse ne détermine pas de symptômes accusés de somnolence sur les cobayes. On obtient au contraire le coma en quelques minutes par l'injection soit dans le péri- toine, soit sous la peau, soit dans l'estomac, d’une certaine quantité d'alcool. Nous avons fixé par nos expériences comparatives à 50° centé- simaux le degré de l'alcool à injecter, et nous avons obtenu en substi- tuant à la teinture d’opium, dans l'expérience de Koch, de l'alcool à 50°, les mêmes résultats, c'est-à-dire que presque tous nos cobayes sont morts du choléra. Ges cobayes présentaient à l’autopsie de l'injection de la muqueuse stomachale et intestinale, avec tuméfaction et congestion des plaques de Peyer. Quelques-uns ont eu une diarrhée profuse, conte- nant des bacilles-virgule, et tous des crampes, de l’algidité, de l'hypo- thermie. N’était-il pas possible d'éviter le traumatisme du péritoine? A la suite d'essais infructueux, nous avons déterminé les mêmes symptômes et la mort, en injectant dans l'estomac, par 100 gr. du poids de l'animal, 1 cent. cube, 8 d'alcool à 40° contenant en dissolution 5 grammes pour 100 cent. cubes de carbonate de soude, puis, 40 minutes après, une culture de choléra. Dans nos autopsies de cobayes pratiquées de quelques minutes à deux heures environ après la mort, nous avons ensemencé avec le foie et le rein des tubes de gélatine. Plusieurs de ces tubes ont présenté des cul- tures de bacille-virgule joint à quelques autres bactéries. Ces résultats sont d’une grande importance, et confirment ceux que nous avions si- gnalés en décembre dernier, et que nous avions obtenus par l’ensemen- cement de petits fragments de viscères d'individus morts du choléra, pris peu de temps après la mort. SÉANCE DU 27 JUIN. 423 Les récentes expériences du D' Ferran nous ont engagé à étudier de nouveau ie développement du bacille-virgule. Nous avons observé sur les plaques de gélatine, que la période de développement est bien caracté- risée, comme l'ont vu depuis longtemps Koch et bien d'autres auteurs, par la segmentation d’une virgule qui s’allonge en S, puis s'étrangle à peu près à sa partie moyenne. Si l’on observe chaque jour, sur cette plaque, ou dans un tube, l’évo- lution du bacille, on voit au bout de trois jours environ apparaitre des bacilles ou des spirilles hérissés de petites sphères vivement colorées par le violet, sur les prépations fraiches, et occupant souvent l'extrémité du bacille. Souvent elles sont volumineuses et atteignent le diamètre d'un globule rouge. Elles deviennent libres dans le liquide, — se groupent en amas et prennent des aspects variés. — Sur des cultures de plus en plus anciennes, nous avons observé les formes décrites par Ferran comme les différents stades de développement du bacille de Koch. M. Ferran s'est évidemment trompé sur la nature des éléments qu'il a décrits, son erreur tient à plusieurs causes: 4° Il a cultivé le bacille-virgule dans un bouillon pauvre en principes nutritifs et additionné de bile. 20 II a examiné ses cultures sans coloration. Or, les cultures se développent si vite dans le bouillon, qu'une telle cul- ture âgée de quelques heures est déjà fort ancienne relativement à une culture du même âge, sur une plaque de gélatine. M. Ferran y a donc vu des formes d’involution, qu'il a cru observer le premier, et, par suite du manque de netteté de ses préparations, qu'il ne colore pas, il à cru voir évoluer devant ses yeux toute cette fable de fécondation de l’oogone par le polinode, de rupture de l'oogone, de projection d'un filament par le corps muriforme. 11 était d’ailleurs aisé de contrôler expérimentalement les faits énoncés par le Dr Ferran : Nous avons ensemencé un tube de gélatine avec une parcelle d’une culture de bacille-virgule âgée de 4 mois, ne contenant plus guère que les formes variées décrites par Ferran. — Ce tube, liquéfié par la chaleur, a servi à en ensemencer un second qui fut étalé sur une plaque de géla- tine. Sur une seconde plaque nous avons étalé la gélatine d'un autre tube ensemencé de la même facon avec une parcelle bien plus petite d’une culture jeune : La première plaque a donné 5 à 6 colonies. La seconde plus de 100. Cette expérience est la preuve que les éléments décrits par Ferran sont bien des formes stériles, des formes d'involution, commme l’ont avancé déjà Koch et Virchow. Ges faits détruisent toute la théorie de la vacci- nation du choléra émise par le D' Ferran. D'ailleurs nous avions fail en novembre 1884, c’est-à-dire plusieurs mois avant le D' Ferran, des injec- tions sous-cutanées, intrapéritonéales et intraveineuses de cultures pures 494 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE — de bacille-virgule, sans incommoder sérieusement les animaux en expé- rience; et nous pouvons affirmer que jamais le D' Ferran ne démontrera la présence du bacille-virgule du choléra asiatique dans la diarrhée des cobayes inoculés par sa méthode. Nous ne pouvons pas apprécier de si loin le résultat de ses vaccinations, mais nous pouvons affirmer d'ici que si le D' Ferran obtient des résultats prophylactiques contre le choléra, ce qui est bien invraisemblable, toute sa théorie néanmoins est inexacte. NOTE SUR LES INJECTIONS INTRA-VEINEUSES D URÉE PURE, DOSE TOXIQUE, par CH. E. Quinquaur. Les expériences, au nombre de huit, ont été faites sur des chiens. On a déterminé d’abord la dose toxique d'urée par kilogramme d'animal, puis on a recherché la quantité d'urée contenue dans le sang à diverses périodes de l’intoxication ; enfin on a analysé, après la mort, les diffé- rents tissus de l'organisme au point de vue de l’urée qu'ils pouvaient contenir. Dans la séance du 6 décembre 1884, M. le professeur Bouchard donne 6“,46 comme la dose toxique de l’urée en injection intra-veineuse. Dans un travail antérieur fait en commun avec M. le D’ Gréhant, nous avions trouvé un chiffre un peu plus élevé. Pour déterminer chez le chien quelle est la plus faible dose d'urée qui produit la mort, nous avons injecté dans les veines les plus éloignées du centre circulatoire, des quantités variables d’urée, puis les animaux ont été mis en observa- tion pendant un certain laps de temps ; il est très important d’agir ainsi, car les chiens peuvent succomber à l'injection d'urée plus de huit jours après l’intoxication. Voici des expériences variées, faites avec l’aide du D' Butte. Exp. I. — 3 décembre 1884. — Injection de 10 gr. par kilogr. d'animal. Mort immédiate. On injecte, à 10 h. du matin, dans la saphène d’un chien pesant 4900, une solution de 49 gr. d’urée dans 95 ce. d’eau distillée tiède. Quelques minutes après la cessation de l'injection, on voit que l’animal ne respire plus, sa queue, ses oreilles, tous ses membres, sont agités de tremble- ments convulsifs qui durent un certain temps. On fait sans résultat la respira- tion artificielle, La température qui était à 38°, 1 avant l'injection est à 36°, 3 au momentde la mort, Exp I, — 3 décembre. — Injection de 6 gr. par kilogr. Mort dans la nuit. SÉANCE DU 27 JUIN. 4925 À un chien de 8 k. 500, dont la température est de 38° 3, on injecte dans la saphène 51 gr. d’urée en solution dans 102 ce. d’eau distiliée tiède. Cette injection est faite de midi 20 à midi 25. L'animal pousse des cris violents pendant toute la durée de l'injection. À 12 h. 40 TR. 37°, 5. A 3 h. 30 TR. 38e, 9. Le chien meurt pendant la nuit. Exp. IT. — 5 décembre. — Injection de 4 gr. par küdogr. Mort dans la nuit. On prend un chien de 8 k. 850 (TR .38°, 6) et à 10 h.45,on injecte dans la saphène 35 gr. d'urée dissous dans 75 cc. d’eau distillée. L'injection dure 10 minutes. Immédiatement après TR. 37, 2. Un quart d'heure après TR. 37°, 4. Le lendemain matin on trouve l'animal mort; mais l'animal a succombé le matin même, car les viscères sont encore chauds. On prend du sang dans le ventricule droit pour y doser l’urée et on en trouve 0 gr. 184 mg. 0/0. Exp. IV. — 18 décembre, — Injection de 3 gr. par kilogr. Mort dans la nuit. Chez un chien de 5 k, 200 dont la température est de 38°, 5, on injecte à 11 h. 55 dans la saphène 15 gr. 20 d'urée en solution dans 55 ce d’eau dis- tillée; l’injection est finie à midi. À midi 8, c'est-à-dire 13 minutes après l'injection, extraction de 15 ce. de sang dans le cœur droit par la jugulaire pour y doser l’urée — on note 0 gr. 236 0/0 — il devrait y exister 3 gr. 8 0/0. À midi 10, TR. 370, 5. On trouve le chien mort dans sa cabine le lendemain matin. Exp. V. — 20 décembre. — Injection de 2 gr. par kilogr. Survie. On prend un chien pesant 4 k. 650; sa température est de 39°, 1, il exhale 1 gr. 27 d'acide carbonique de 25 litres d'air en 10 minutes 10 secondes — 12 respiralions par minute. | De 11 h. 50 à 11 h. 54, on lui injecte dans la saphène 9 gr. 30 d’urée dissous dans 45 cc. d’eau distillée. A 44 h 59 le sang du cœur droit contient 0 gr. 197 durée 0/02 "n°05; TR°1379/09E Le lendemain 21 décembre, l'animal ne parait pas malade, il exhale dans 25 litres d’air 0 gr. 98 de CO?, en 8 minutes 10 secondes ou en 10 minutes 10 secondes, 4 gr. 23, chiffre sensiblement égal au chiffre normal, Resp. = 16 RSS ie: Le chien examiné quinze jours après mange bien et ne parait pas souffrant. Exp. VI, — 27 décembre. — Injection de 3 gr. par kilogr. Mort onze jours après. À un chien de 9 kilogr., on injecte dans la saphène à 5 h. du soir, 27 gr. d’urée en solution dans 65 cc. d’eau distillée. 196 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Le lendemain l'animal ne parait pas trop malade. Le surlendemain et les jours qui suivent, diarrhée continuelle extrêmement abondante, tous les jours la cabine est remplie par les déjections; le chien ne mange plus et maigrit. Le 7 janvier dans la journée, 11 jours après l'injection, l'animal succombe. Du sang pris dans le cœur droit, plusieurs heures après la mort, nous donne 0 gr. 267 mmg. d’urée 0/0. Exp. VII. — 30 décembre. — Injection de 4 gr. par kidogr. Mort dans la nuit. Lo Un chien de 9 k. 050 exhale 1 gr. 08 d’acide carbonique en 5 minutes 15 secondes dans 35 litres d'air. — Resp. 20 — TR. — 38°, 5. à 12 h. 50 on injecte dans la saphène 36 gr. d'urée dissous dans 75 ce. d'eau distillée. A 12h. 57, au moment o ù l’on commence à injecter le dernier quart de la solution, la respiration s'arrête. Pendant plus de 5 minutes, on fait la respira- tion artificielle, À 1 h. 5, la respiration se rétablit, elle est suspirieuse et pro- fonde. À 1 h.7on recommence à faire une injection lente qui est terminée à 1h12 À i h. 13, TR. 3°, 76. A 1 h. 15, la respiration s'arrête encore, puis se rétablit après 2 minutes de respiration artificielle Le chien détaché reste couché, inerte. À 1 h. 25, il commence à se réveiller et à 1 h. 30, il peut se tenir debout appuyé sur ses pattes antérieures Dans l’après-midi, vomissements et diarrhée. A #h. 30, 25 litres d'air expirés en 5 minutes 20 secondes contiennent seu- lement 0 gr. 59 d’acide carbonique — Resp. 18. TR. 34°, 5. Le chien est couché malade. Le 31 décembre matin, on le trouve mort. Exp. VIIL — 3 janvier. — Injection de 4 gr. par kilogr. Mort. Chez un chien de 5 k. 250 (TR. 38°,7), on injecte dans la saphène, de 11 h. 35 à 41 h. 42, 21 gr. d’urée en solution dans 55 cc. d’eau distillée. A 11h. 48,le sang du cœur droit contient 0 gr. 095 010 d'urée, AAA 50, TR.13822. À 6 h. 5 du soir, le chien est affaissé, il a de la diarrhée — TR. 38°, 9. On reprend du sang dans le cœur droit et on y trouve 0 gr. 121 d'urée. Le lendemain 4, à 10" 30 du matin, le chien respire encore faiblement; il meurt à 10* 45 ; à ce moment sa temp. rect. est à 34°,5. On recueille immédiatement du sang dans le cœur droit et on prend différentes humeurs et différents organes pour y doser l’urée. Voici les résultats de ces analyses : SÉANCE DU 27 JUIN. 497 Sang pris immédiatement après la mort. 0,168 d’urée 0/0. Humeuraqueuse(D 00214815) ORNE OMR Humeuriwitrée (0/0056/ds)2%;1)". . "OMS — Cerveau et cervelet 0,0486 ds 48%). . . . . . O0, 101 — Moelle épinière et allongée (0,0202 ds 16). 0, 126 — Rate (0,0148 ds 65,50). . . . . . 0, 227 , — Muscle de la fesse (0,0858 ds TA 1} nu, MON Reina 0222/6215) ME COMMON 200 0 Foie (0,0729 ds 52°). AA UE En résumé la dose toxique est environ de 3 grammes par kilogramme d'animal ; à cette dose la mort peut survenir au bout d’un temps assez éloigné (11 jours). À la dose de 2 grammes par kilogramme, l'injection intra-veineuse d’urée n’amène pas la mort chez le chien. À dose plus élevée (105%", 65", 4), la mort a lieu soit presque immédiatement après l'injection (10%), soit dans la nuit qui suit l'injection. L'exhalation pulmonaire de l'acide carbonique diminue de moitié quelques heures après une injection de 4 grammes par kilogramme. Elle ne paraît pas subir de modifications après une injection de 2° par kilogramme. Le sang, les humeurs, les tissus contiennent après la mort de grandes quantités d’urée. Dans des cas où la mort est survenue plusieurs Jours après l'injection, on à trouvé une grande quantité d’urée dans le sang (Exp. VI). 498 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE RECHERCHES DYNAMOGRAPHIQUES SUR LES ÉQUIVALENTS MOTEURS DES SENSATIONS, par Cn. FÉRÉ Dans la dernière séance j'ai présenté à la Société plusieurs tracés dynamographiques destinés à montrer que les réactions motrices déterminées par les excitations sensorielles peuvent être appréciées sur des sujets normaux, et que si ces réactions diffèrent de celles qu'on observe chez certains sujets névropathes, en particulier des hystériques, c’est seulement par une intensité moindre. Je vous soumets tout d’abord aujourd'hui quelques nouveaux tracés propres à appuyer cette démonstration. Il s’agit d'expériences faites avec M. le D'. Séglas sur les excitations de l’ouïe : elles peuvent être rapprochées de celles que je vous ai rapportées dans la dernière séance. Nous avons enregistré l'influence sur l'effort prolongé, non plus d’un son monotone, mais de sons combinés. Pendant qu’on joue sur le violon la Marseillaise le sujet serre la poignée du dynamographe, et s'efforce de maintenir la pression. Le tracé nous montre que l'intensité de la pression diminue progressivement et finit par une chute plus ou moins brusque. La distance qui sépare l'ascension de la chute étant sur moi- même 50 à l’état normal sans aucune excitation, devient 80 sous l’in- fluence de cette excitation auditive; en outre la ligne d’ascension à presque doublé de hauteur. Sur l’hystérique que nous avons pris pour type et qui a, comme toutes ses semblables, une énergie musculaire très faible, l’état normal nous donne 10 en moyenne; sous l'influence de cette musique excitante nous arrivons à 46. Ces chiffres sont bien propres à mettre en évidence l’exagération de l'intensité des effets dynamogéniques sur ce dernier sujet qui offre une sensibilité particulière à la plupart des excitations sensorielles ; et il faut s'attendre à trouver chez lui des manifestations plus délicates que chez la plupart des autres. J'ai mis à profit cette sensibilité pour apporter plus de précision dans es études que je poursuis. Je vous présenterai d’abord quelques tracés destinés à montrer l’in- fluence des sensations colorées sur l’état dynamique. Vous y pourrez voir que la hauteur d’ascension des pressions correspondantes à chaque couleur concordent avec les mesures dynamométriques que j'ai rap- portées précédemment. La régularité des courbes est un gage de la sincérité du résultat. Un fait intéressant à remarquer c'est que les courbes diffèrent non seulement par leur hauteur, mais encore par leur forme. On est frappé tout d’abord de l'existence de deux groupes dis- üncts, l’un constitué par les couleurs les plus dynamogènes, rouge, orangé, vert, elc., l’autre par les couleurs les moins dynamogènes, bleu, SÉANCE DU 27 JUIN. 499 jaune, violet. Le premier groupe se distingue par une ascension brusque et à peu près verticale, le second par une ascension lente et graduelle avec des saccades de formes différentes pour chaque couleur, mais offrant en somme une analogie frappante. Il semble que les couleurs du premier groupe donnent à l'effort un caractère plus explosif. D'autres tracés montrent que chaque couleur à une influence différente non seulement sur la puissance de l'effort momentané, mais encore sur la durée de l'effort soutenu ; et cette action dynamogène décroit dans le même ordre du rouge à l’orangé, au vert, au bleu, au jaune et au violet. Les lignes d'efforts sont d'autant plus courtes que l’on descend cette gamme de couleurs. Sur d’autres tracés on peut voir que les contractions obtenues sous l'influence d’hallucinations colorées, offrent une forme et une hauteur comparables à celles qui sont données sous l'influence de la vision réelle des mêmes couleurs. Enfin sur plusieurs de ces feuilles on peut remarquer une autre expé- rience dont je tiens à faire ressortir l'intérêt. Nous avons décrit avec M. Binet sous le nom intentionnellement vague de polarisation psy- chique un phénomène qui consiste en ce que, lorsque chez un sujet du genre de celui dont il est question plus haut on provoque une sen- sation (ou une hallucimation ou un souvenir) d'une couleur par exemple, si On applique un aimant à proximité de sa tête, la couleur se transforme en une couleur complémentaire, un objet rouge sera vu vert. Vous voyez l'expérience répétée avec l’orangé : le sujet regarde à travers une lame de verre orange, et fournit les contractions propres à cette couleur; puis sous l'influence de l’aimantation les lignes d’ascension s’abaissent, deviennent moins verticales et finalement prennent la forme de celles qui sont fournies sous l'influence du violet. Le dynamographe m'a donné des résultats analogues et tout aussi confirmatifs pour les sensations de l’odorat, du goût, pour les hallucina- tions des mêmes sens. En ce qui concerne l’odorat, j'ai obtenu avec une vingtaine de substances odorantes qui m'ont été obligeamment fournies par mon ami M. Ch. Girard, chef du Laboratoire municipal, une série de courbes iden- tiques qui présentent des analogies et des différences qui permettront peut-être de tenter une classification des odeurs. Ce procédé d'étude m'a en outre permis d'enregistrer le transfert de la force musculaire. TT SALLE CETTS LIBRARYI:- Z\ 29% # #3 À He # 0 ONF, \ f } id / < $ ) / 230 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE OBSERVATIONS POUR SERVIR A L’HISTOIRE DE L'INTOXICATION CHRONIQUE PAR LE CHLOROFORME, par R. DuBois. N'ayant pas l'honneur d’appartenir à la Société, je n'ai pu prendre la parole pour joindre mon observation personnelle à celle que M. le pro- fesseur Regnault a apportée et dans laquelle il signale les accidents qui peuvent résulter du séjour dans l’air d’un appartement contenant des vapeurs de chloroforme. J'ai pendant plus de deux années suivi presque quotidiennement des expériences de longue durée dans un semblable milieu et j'ai pu consta- ter également que les deux principaux symptômes du début de l’intoxi- cation étaient l’insomnie et des douleurs à forme névralgique ou rhuma- thoïides. Dans le cas de M. Regnault il s’agissait d’une sciatique, mais Je me souviens d’avoir plus particulièrement ressenti des douleurs dans la région lombaire et au niveau des articulations des genoux principale- ment. Elles affectaient le plus souvent le caractère d’une violente cour- bature, s'exagéraient par la pression et par le mouvement et se mon- traient dans la soirée ou la matinée de préférence, pour disparaitre dans la journée, précisément au moment où se faisaient les expériences. Elles étaient parfois vagues, parfois très limitées. J'ai pendant longtemps souf- fert d’une douleur aiguë au niveau de la quatrième vertèbre dorsale, s’irradiant du côté des épaules. L'insomnie, qui ne se montre d'ordinaire que plusieurs heures après les inhalations toxiques, est précédée d’une période d’agitalion assez courte accompagnée souvent de rougeur de la face à la suite de laquelle, après le repas du soir, survient une somnolence irrésistible accompagnée d’une asthénopie accommodative, souvent très pénible. Tout travail cé- rébral est impossible : on cherche alors le sommeil véritable et on ne le trouve pas. C’est environ 4 à 5 heures après la cessation des inhalations que survient l’insomnie qui peut se produire d'emblée, c’est-à-dire que, sans étre en aucune facon incommodé autrement, on éprouve un besoin irrésistible de changer de place, des idées sans suite se succèdent et se présentent en foule à l'esprit. Si l’on cherche à échapper à cette agita- tation par la lecture on est incapable de suivre attentivement ce qui intéresse d'ordinaire ; veut-on se lever et marcher ? on se sent fatigué. D'autres fois le sommeil semble vouloir se produire, mais au moment même où l’on va s'endormir, une violente secousse, comme une commotion électrique, vous fait sauter tout d’une pièce: l'effet produit est instan- tané comme une convulsion strychnique et la volonté est impuissante à le reproduire exactement. Quelquefois ces violents soubresauts sont limités à un membre supérieur ou inférieur, mais le plus souvent aux deux membres inférieurs. Ils peuvent se reproduire plusieurs fois de suite, lorsque l’on se trouve dans un état de demi-sommeil. SÉANCE DU 27 JUIN. 431 Dans ce même état de demi-sommeil, on éprouve souvent un engour- dissement de tout un membre, du bras et de la main droite le plus sou- vent, quelquefois de la main seulement: bien que l’on soit à moitié endormi on sent parfaitement cet engourdissement commencer par les extrémités des doigts et monter progressivement ; il persiste pendant le sommeil, car plusieurs fois ayant été réveillé par une cause étrangère j'ai constaté que j'avais la main froide et insensible; les mouvements étaient possibles, mais je ne me rendais pas bien compte de leur nature, en fermant les yeux : le sens musculaire était aboli; lrès rapidement la sensibilité et la chaleur revenaient sans être suivies de ce fourmillement pénible que l’on éprouve par la compression d'un vaisseau sanguin ou d'un nerf qui produit d’ailleurs des résultats analogues. Les phénomènes de dépression psychique etphysique qui peuventrésulter d’une insomnie qui se prolonge d'ordinaire jusqu'à 3 ou 4 heures du matin, accompagnent les symptômes indiqués ci-dessus : amaigrissement, pâleur, essoufflement, modification du pouls et des mouvements du cœur sous l'influence de la moindre impression, parfois même des intermit- tences du pouls purement fonctionnelles. L'appétit est conservé, plutôt exagéré, la motilité n’est pas troublée, si ce n’est à la suite d’un effort museulaire qui peut être suivi d’un tremblement qui ne se manifeste pas spontanément. L'état général est comparable à celui qui se produit après un exercice violent, longtemps prolongé, que l’on peut définir ainsi: sensation de courbature, paresse physique et intellectuelle, avec besoin d’un repos que l’on ne peut se procurer, sauf après les inhalations où il y a plutôt de l'agitation cérébrale mais pendant un temps relativement court suivi de somnolence. A la fin de la première année des accidents plus pénibles et plus inquiétants se sont produits : d'abord des élancements violents à l’extré- mité du gros orteil du côté droit qui avait souvent une couleur violacée, surtout dans la zone sous-unguéale. La moindre pression exercée sur ce point provoquait des douleurs d’une violence extrême : les ongles se bri- saient sous les lames des ciseaux, mais ne se coupaient pas. Les mêmes phénomènes se montrèrent plus tard du côté gauche dans les mêmes points. Bientôt après des durillons épais se produisirent sous la plante des pieds et ce point fut le siège de douleurs très vives pendant la marche. J'ai cru pendant quelque temps au début d’un mal perforant; tous ces accidents disparurent complètement pendant un séjour de quelques semaines au Havre. Ils se reproduisirent pendant la seconde année, mais cette fois accom- pagnés de douleurs en ceinture, de cardialgie et de véritables attaques d’angine de poitrine, surtout quand Je respirais de l'air très chargé de vapeurs de chloroforme. L’odeur du chloroforme m'était devenue insupportable et quand je m’exposais à l’action de ces vapeurs, les per- 432 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE sonnes qui m'entouraient ont plusieurs fois constaté l'existence d'une paleur très accentuée et bien délimitée s'étendant de la racine du nez vers le front et les pommettes, l'apparition de cette décoloration de la peau était accompagnée d’une sensation de constriction très désagréable dans les mêmes points. Très souvent j'ai ressenti, sans cause déterminante apparente des four- millements dans les doigts des mains, surtout pendantle jour, et, pendant la nuit des crampes dans les muscles de la jambe et du pied. Enfin à plusieurs reprises on m'a fait remarquer l'existence d'une dila- tation de la pupille du coté droit dont l'existence se prolongeait parfois pendant plusieurs heures, sans entrainer aucun trouble de la vision. Je n’ai éprouvé aucun trouble de la miction, si ce n’est des besoins d'uriner plus fréquents, surtout la nuit. Toutes les autres perturbations dans l’état général ressemblent à celles que l’on observe dans certaines formes de l’anémie et iln°y à pas lieu d'in- sister sur ces symptômes qui accompagnent toutes les maladies dans les- quelles ou à la suite desquelles on observe un état de dépression physique très accentué. Il y a lieu de noter seulement la production très fréquente de sueurs profuses se manifestant au moment où le sommeil se produit après quelques heures d’insomnie. Depuis que j'ai évité l'inhalation des vapeurs toxiques, j'ai vu dispa- raitre tous ces accidents presque complètement; mais j'ai conservé une susceptibilité qui ne me permet pas de supporter longtemps les vapeurs de chloroforme et de plus, un amaigrissement et un amoindrissement de la force museulaire très notables et qui ne paraissent pas se modifier sen- siblement depuis plusieurs mois que j'ai pris les précautions que néces- sitait l’état dans lequel je me trouvais. Je dois ajouter que jamais je n'ai éprouvé de troubles de la motilité et que les réflexes rotuliens n’ont jamais présenté la moindre manifestation anormale. Le Gérant : G. MASsSoN. Paris. — Imprimerie G. ROUGIER cet Cie, rue Cassette. L- SÉANCE DU 4 JUILLET 1885 Allocution de M. Pauz Berr, président. — DumonTPALLierR : De l’action vaso-motrice de la suggestion chez les hystériques hypnotisables. — Cu. FÉRÉ : Sensation et mouvement. Contribution à la physiologie du sphincter de l'anus. — Pau BERT : Etude analytique de l’anesthésie, par les mélanges titrés de chloroforme et d'air. P. Méenn : Epidémie sur les barbeaux de la Meurthe. — P. Recnaro : Expression graphique de la fermentation. Action des ancsthésiques. — A. D'ARSONVAL : Sur les causes des courants électriques d’origine animale dits courants de repos. — À. d’ArsonvaL : Sur les causes des courants électriques d’origine animale, dits cou- rants d'action et sur la décharge des poissons électriques. Présidence de M. Paul Bert. ALLOCUTION DE M. PAUL BERT, PRÉSIDENT. Mes chers collègues, Je crois qu'il est de mon devoir de vous communiquer officiellement une nouvelle bien connue déjà de la plupart d'entre vous. Notre cher collègue et maitre, M. Brown Séquard a recu mercredi dernier le grand prix biennal. C'est, vous le savez, le seul prix que donne l’Institut réuni en corps. IL le décerne tous les deux ans, alternativement sur la présentation de chacune des cinq Académies, ce qui fait qu'il est décennal pour chacune d'elles. Ma situation personnelle m'impose ici une grande réserve, et m'empèche d'aller jusqu'au bout de ma pensée. Je me bornerai à dire que, jusqu à mercredi dernier, j'avais deux choses sur le cœur: d’avoir recu ce prix en 1875 et d’être depuis 1882 membre de l’Académie des sciences, alors que ces récompenses suprêmes auraient dû aller à notre maître à tous. Me voici soulagé de l’un de ces remords. J'espère, sans souhaiter la mort de personne, que je me verrai un jour débarrassé du second. BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. == 86 SÉRIE, Te [I, N° 25 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE ss Go rs DE L'ACTION VASO-MOTRICE DE LA SUGGESTION CHEZ’ LES HYSTÉRIQUES HYPNOTISABLES, par DUMONTPALLIER. Dans ces dernières semaines on a beaucoup parlé des expériences auxz quelles les D" Bernheim, Beaunis et Liébault de Nancy ont assisté sur la demande de M. Focachon. Le but de ces expériences était de déterminer par suggestion une vési- cation de la peau chez une hystérique hypnotisée. Il paraît que la vésica- tion, incomplète le lendemain des expériences, était nettement accusée le surlendemain. Dans le courant du mois de juin j'ai voulu répéter la même expérience sur une des hystériques de mon service à l'hôpital de la Pitié. Une bande de linge enveloppait la partie supérieure de la jambe droite de cette malade hypnotisée, et, pendant la période de somnambulisme, je suggé- rai à la malade l’idée que sous la bande de linge j'avais appliqué un papier vésicant qui devait produire le lendemain matin une vésication de la peau de la région supérieure et interne de la jambe droite. Toute la journée et la nuit la malade éprouva une sensation de brülure à l'endroit indiqué et le lendemain, lorsque j'enlevai la bande de linge, je constatais avec le thermomètre une élévation de température de 4 de- srés centigrades dans la région susindiquée; mais il n’y avait pas appa- rence de vésication. Le 30 juin, je recommencai l'expérience sur deux hystériques de mon service. Les malades étant l’une et l’autre dans l’état somnambulique, j'appli- quai sur la partie supérieure et interne de chacune de leurs jambes un morceau de papier ordinaire. Je maintins le papier au moyen de plu- sieurs tours de bande et je fixai le tout par une bandelette de diachylon, puis, m'étant assuré que le pansement ne pouvait produire de gêne de la circulation, je traçai sur l'appareil des lignes «fin de pouvoir vérifier que l'appareil ne serait pas dérangé. Tout étant ainsi disposé pour chacune des deux Molades hy pnolisées, je suggérai à l’une d'elles que sa jambe gauche serait le siège d’un vési- catoire et à la seconde malade que sa jambe droite serait le siège d'une brûlure. Le matin du jour de l'expérience, les malades restèrent endormies seu+ lement pendant une heure. Dans le sommeil hypnotique, et, à l’état de veille, chacune de ces malades se plaignait d’une sensation de brülure que l’une d'elles comparait à la brûlure d’un sinapisme. Deux jours de suite ces malades furent hypnotisées matin et soir pendant une heure, et, dans le sommeil on leur répéta plusieurs fois que le papiér vésicant devait agir là où il avait été appliqué. 4 PR. SÉANCE DU # JUILLET. 435 Le lendemain et le Surlendemain, c'est-à-dire 24 heures et 48 heures après le début de l'expérience, les appareils ne paraïssaient pas altérés par la sérosité; mais, en glissant des thermomètres sous chacun des pansements, on constatait : Pour la jambe droite chez la nommée Hélène une élévation de tempéra- ture de 3 degrés (34-37), après 24 heures, et de 2 degrés 4/10 après, 48 heures. : ï Pour la jambe gauche chez la nommée Maria une élévation de 3/10 de degré après 24 heures (33,2 33,5) et de 2 degrés 8/10 après 48 heures. Notons qu'immédiatement au-dessous des zones influencées par la suggestion, la température était inférieure de plusieurs degrés pour cha- que membre en expérience. Toutefois il convient de remarquer qu'il y avait aussi une élévation de température des régions homologues des membres sur lesquelles n'avait : pas porté l’action de la suggestion, ce qui est facile de constater sur les tableaux ci-joints. Ce parallélisme des tracés d'élévation de la tempé- rature tient probablement au dispositif de l'expérience, ce qui sera facile de vérifier en modifiant le procédé expérimental. RON COLA EE PISE LE | [Ko F rt ADI EREES TT ED EU AL mat OC ae Fr FEI PR) El mien 8 | 0 2 MIEIEIEN ESF [TT 1 ein 1 ON LE LE [1 SRI TO TTT TT LT LE RL CE RE EC 21 VE A ES EL [TT k (ste fe D a (| | Es RE AT À pen Sa Le un en 3 ca à ES 1 LE et ï D 4 Es : DRE 9 72 AR CL ON 2 EN À : (sprl RE ÿ so a a or eu Ein |, (ne Et ES EE PEN CE EN POP ER EE a CE 2 ER TIR EN Ÿ ant A pu PAP EP A A QE PE EU [T] Eu CE No Los [en] 1 Li (E an Caen) ELURA Los Depasiol [| even] Éz] ar un CT BALE [1 (spspnl (El) | fou FRE e‘trelr __ D À ER PL en EE 21 EE ELA A FEI ER PE A RPC PC DC D a PE EE A DE EU NE ES 1 EI fo dE 22 SR ES AC iLo Est CI ET au | a BEN DE IE ES CO LE Lea een mate 4 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 436 Lo ddn TROT ET SAT ITTITTITI TEEN III es a] » SAMBE GAUCHE : JAMBE DROITE constances la De l'énoncé de ces faits il résulte que dans certaifes cir suggestion peut produire une modification vaso-motrice caractérisée par une élévation de température de plusieurs degrés centigrades, et cela dans des régions limitées à v 3 olonté. Le fait de l'élévation locale de température déterminé par la suggès- expériences nouvelles du même ordre entre une élévation locale de la température, la production d'ecchymoses ou de phlyctènes et des modifications des secrétions glan- de ? tion ouvre la voie à une série d effet, en a suggestion. grés d'action de 1 e que des tr dulaires il n'y a peut-ê SÉANCE DU 4 JUILLET. Ÿ 437 SENSATION ET MOUVEMENT. — CONTRIBUTION A LA PHYSIOLOGIE DU SPHINCTER DE L'ANUS, par Cn, FÉRé. Dans mes précédentes communications sur les rapports de l’état dyna- mique avec les états psychiques, j'ai exposé exclusivement des re- cherches portant sur la contraction des muscles fléchisseurs des doigts explorés avec le dynamomètre manuel ou le dynamographe. Ces expé- riences sont passibles de plusieurs objections : l'exploration est doulou- reuse quand elle se répète; l'habitude de se servir de ces muscles peut les rendre plus sensibles aux réactions, et les rend plus soumisà la volonté. Ces objections ne sont pas fondamentales, car j'ai montré que, malgré la fatigue et la douleur, les excitations sensorielles sont encore susceptibles d’exagérer les manifestations de l'énergie; et en outre la régularité de contractions inscrites avec le dynamographe est un gage de la sincérité de l'expérience. Cependant j'ai eru utile de répondre à ces objections autrement que par le raisonnement, en entreprenant des expériences sur un musele qui a d’ailleurs le mérite, dans l'espèce, d'agir isolément, et que l’on n'a guère l'habitude d'exercer; et je me suis appliqué à l’explorer sans provoquer de douleur. Ce muscle n’est autre que le sphineter de l'anus; malheureusement je n’ai eu encore qu'un seul sujet à ma disposition, mais il s’agit d’un sujet mâle, parfaitement sain (1). Voici comment j'ai opéré : j'ai introduit dan: le rectum une sonde creuse en caoutchouc un peu résistant, oblitérée par son extrémité. Gette sonde a à peu près un centimètre de diamètre; c’est le n° 1 de la filière de Galante. La cavité est mise en communication par le moyen d’un tube avec le tambour de l'appareil inseripteur de Marey. Quelques minutes après l’introduction le sujet n'a plus guère conscience de la présence de ce corps étranger qui ne le gène nullement. On constate d'abord qu'il se produit de temps en temps soit sous l'influence d’excitations extérieures, soit spontanément, en apparence du moins, des contractions involontaires qui se traduisent par une ondulation peu élevée. La toux, le rire s’accompagnent de contractions isolées —— ou répétées, sans caractère bien remarquable. Mais les tracés les plus intéressants sont ceux qui représentent les contractions volontaires. Ils montrent une ascension brusque, ana- logue à celle qui est fournie par le dynamographe manuel ; mais le sommet de la courbe est beaucoup plus aigu, et la descente rapide d’abord, se traduit par une ligne à peu près verticale dans sa partie (1) Depuis ma communication, j'ai eu l’occasion d’expérimenter sur un autre sujet qui m'a fourni des résultats confirmatifs. 438 SOCIÉTÉ ‘DE BIOLOGIE. supérieure, se ralentit peu à peu et la contraction cesse graduelle- ment. Le sphincter de l’anus est capable de se contracter un certain nombre de fois, même coup sur coup, avee une force sensiblement égale : on en voit une dizaine faites coup sur Coup sur un de ces tracés, sans défail- lance. Pour peu qu'on les espace, ils peuvent se répéter un plus grand nombre de fois. On voit, sur des feuilles que je vous présente, une série d'efforts faits sans interruption; et on compte 45 secousses avant l'épuise- ment, il'est vrai que les dernières sont très faibles. À- propos: de cette puissance à répéter l'effort, je répondrai à une contestation qui s'est élevée quand j'ai dit que j'étais capable de faire avec le dynamomètre plus de deux cents efforts manuels sans amener l'épuisement. J'ai répété plusieurs fois l'expérience, et je puis reproduire ja même affirmation en doublant le chiffre; d’ailleurs il convient de dire que la remarque n'est pas nouvelle. M. Delbœuf (1) rapporte une expé- rience faite sur sa servante qui a fait cent soixante-deux efforts sans diminution notable. Du reste on comprend facilement, que l'épuisement cérébral, qui constitue essentiellement la fatigue est d’autant moins rapidement obtenu que, l'intensité relative de l'effort étant la même, les muscles exercés sont plus petits. Mais j'aurai à revenir sur quelques points de’ la physiologie de la fatigue, pour expliquer certains faits en apparence contradictoires et relatifs à la polarisation psychique. Si le sphincter peut répéter un certain nombre de fois l'effort, bien moins toutefois que les muscles exercés, comme les fléchisseurs des doigts, il-est incapable de le soutenir. Lorsqu'on prie le sujet de maintenir la pres- sion on voit sur une première courbe que la descente se fait én décrivant un plan incliné, et la fin de la descente est à 5 centimètres du point de départ de l'ascension; dès le second effort la courbe est à peu près conique et les deux extrémités ne s'écartent plus que de 22 milli- mètres. , Les contractions simples ou soutenues ont été faites, comme dans les expériences sur la main, instantanément où au commandement: C’est une distinction importante à établir, car un des tracés est destiné à montrer la différence considérable qui existe entre l'intensité de l'effort fait au commandement et de l'effort préparé; on voit que sur les quatre lignes reproduisant quatre expériences différentes, il y à une différence de hauteur qu’on peut évaluer à un cinquième ou un quart. Ce résultat est tout à fait en rapport avec les faits connus et relatifs à l'étude des sensations, qui nous montrent que l’attention diminue le temps de réac- tion. Les psychologues ont étendu la proposition en disant que l’idée du mouvement, c’est le mouvement qui commence. Nous avons donné antérieurement la démonstration expérimentale de la légitimité de cette (4) Delbœuf, Eléments de psycho-physique, 1883, p. 96. SÉANCE DU # JUILLET. 1 439 proposition. Nos expériences précédemment rapportées et celles=er montrent, en outre, que l'attention exagère la puissance du mouvement. Sur le sujet que nous avons souvent pris pour type, à cause du grossis- sement des phénomènes, jamais la pression manuelle au commande- ment ne dépasse 25 ou 26; sous l'influence de l'attention prolongée elle peut atteindre 40. C'est du reste un fait qui avait été signalé depuis longtemps, mais sans avoir été bien compris; à la séance qui a suivi la communication du résumé de mes expériences à la Société de psycho- logie physiolsgique, M. P. Janet a rappelé un fait raconté par Rey Régis dans un ouvrage qui date de 1789, et ayant trait à un malade qui ne pouvait faire certains mouvements avec sa main que lorsqu'il la regar- dait; et M. Charcot a cité une observation du même ordre. Les expériences dynamographiques soit sur les fléchisseurs des doigts, soit sur le sphincter de l’anus montrent que, sous l'influence de l'attention, l'effort peut être porté presque à son maximum; par consé- quent, si les expériences sur les effets des excitations sensorielles portent sur l'effort préparé, elles donneront des résultats beaucoup moins nets, et peut-être nuls. Comme, d'autre part, il est impossible de mesurer le degré d'attention; il est indispensable, pour pouvoir mesurer les effets de chaque excitation, de procéder comme je l'ai fait en étudiant l'effort au commandement. Les tracés que je vous présente montrent que, sous l'influence d’une opération psychique, comme celle qui consiste à faire une multiplication, la contraction du sphincter anal s'exagère; on la voit s’exagérer encore sous l'influence d’excitations portant sur le sens de l’odorat par le muse, de la vue, par les rayons colorés, etc. L'étude des courbes permettrait même de reconnaitre une différence à l'avantage de l’orangé, du rouge et du vert; mais c'est une conclusion que je réserve jusqu'à ce que j'aie l'occasion d'étudier d’autres sujets. Non seulement l'effort momentané du sphincter augmente de puissance sous l'influence d’excitations sensorielles, mais la puissance. à répéter l'effort s’exagère. Ainsi sous l'influence du muse le sujet à fait sans interruption cinquante-trois efforts au lieu de quarante-cinq, et; comme on le voit sur la courbe, tous les efforts sont plus grands que ceux qui ont été exécutés sans excitation sensorielle. Enfin l'effort soutenu s'exagère aussi sous l'influence des excitations sensorielles; comme on le voit aux courbes obtenues, comparativement à l’état normal et sous l'influence du muse, de la lumière rouge. On voit très nettement sur une feuille que la durée de l'effort est moindre sous l'influence des rayons violets. Mais l'excitant qui a donné les résultats les plus remarquables est le tabac à fumer : pendant que le sujet fumait trois cigarettes ordinaires, nous avons pris le tracé d’une série successive d'efforts de contraction du 410 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE sphincter anal qui ont donné au lieu de courbes d’une longueur de 50 et 25 millimètres à l’état normal, 4% tour du cylindre : 67,54,52,30. 90 ce 103,88 . 3e " 140,140. A ia 105,155. 5e tai 170,168. 6° Le 198,135. 7e ds 290. Ce résultat m'a paru très frappant et j'airepris l'expérience sur moi- même avec le dynamographe manuel : jai constaté alors une puissance d'effort soutenu tout à fait inattendue. Sous l'influence d’exeitations diverses, je n'avais pas maintenu l'effort pendant beaucoup plus que deux tours et demi du cylindre, je l’ai soutenu pendant quatre tours en fumant. J'ai constaté en outre que l'intensité de l'effort manuel était aussi très exagéré sous la même influence. Ces expériences nous mon- trent que l'habitude de fumer, si elle est capable de déterminer des accidents ultérieurs, a au moins une utilité immédiate, en provoquant une excitation relativement considérable. Cette remarque peut vraisem- blablement s'appliquer aux autres habitudes analogues, de priser, de mâcher du tabac ou du bétel, etc. On pourrait dire peut-être d’une façon générale que le besoin des excitations sensorielles augmente à mesure que la race s'affaiblit; et leur répétition amenant la fatigue contribue pour une large part à précipiter la dégénérescence. Quoi qu'il en soit ces expériences concordentsavec les observations faites par divers auteurs sur les muscles du système circulatoire, sur la vessie qu'on à vus se contracter sous l'influence des excitations exté- rieures, et qui permettent de faire une systématisation générale ; mais les expériences sur les muscles de la vie de relation ont l'avantage de mettre en lumière l'augmentation de l'énergie disponible, de la force utilisable. Je sigalerai en terminant une expérience d’un autre ordre : j'ai obtenu un graphique montrant l’association fonctionnelle du sphineter de l'anus et du bulbo-caverneux. On voit, en effet, sur ce tracé qu'au début du spasme cynique, il se produitune tension progressive du sphincter anal se traduisant par une ascension à peu près uniforme; puis surviennent une série de huit secousses qui s’espacent progressivement ; puis un peu plus loin enfin une toute petite secousse qui termine la manifestation convulsive. Il faut remarquer que tant que durent les grandes secousses la tension préalable persiste, comme on peut s’en assurer en examinant les lignes de chute. Cette tension ne cesse qu'après la dernière contrac- Rs © SÉANCE DU # JUILLET. 44 EE) tion. Les dernières grandes contractions sontremarquables par un plateau supérieur à peu près horizontal. Ce tracé, qui peut être regardé comme correspondant exactement à celui du bulbo-caverneux dans l'éjaculation, peut rendre compte des douleurs dont les hémorrhoïdaires ont à se plaindre pendant le coït et qu'ils décrivent comme constituées par une sensation de tension douloureuse avec exaspérations sous forme de ful- gurations. LE pes Lo SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE ÉTUDE ANALYTIQUE DE L'ANESTHÉSIE, PAR LES MÉLANGES TITRÉS DE CHLORO- FORME ET D'AIR, par PAUL BERT. L'emploi des mélanges titrés de chloroforme et d'air m’a permis d’ana- lyser les effets du chloroforme sur les différentes fonctions avec une:pré- cision que ne permettaient pas d'obtenir les anciens procédés d’anesthésie, car dans ceux-ci le degré de l’empoisonnement variait incessamment avec la tension des vapeurs de chloroforme dans l'air inspiré. Grâce à la méthode des mélanges titrés, on peut, au contraire, étudier l’action du chloroforme à diverses doses, depuis celle de 2 grammes vaporisés dans 100 litres d'air, qui paraît indéfiniment inoffensive, celle de 4 grammes qui finit par tuer après plus de six heures, sans avoir pro- duit l'insensibilité, jusqu'à celle de 20 grammes qui tue en quelques minutes. Je publie aujourd'hui les principaux résultats des expériences faites sur des chiens avec 12 grammes de chloroforme vaporisés dans 100 litres d'air. Durée de la vie. — La durée de la vie a été, comme je l'avais annoncé dans une précédente communication, de une heure et demie à deux heures dans la grande majorité des cas; parfois elle s'est prolongée beaucoup plus longtemps, et dans un cas la mort n’est survenue qu’au bout de cinq heures et demie. Il n’a pas été possible d'expliquer ces grandes diffé- rences, par la race, le poids ou l’âge des animaux. Il semble que les chiens arrivent à peu près tous au même degré d'abaissement des fonc- tions vitales en quatre ou cinq quarts d'heure; mais ce point atteint, les uns meurent, tandis que les autres continuent à végéter pour ainsi dire d’une manière presque indéfinie. Il m'a semblé que les animaux résis- taient moins quand ils avaient fait au début de l'expérience, de très rapides respirations. Température. — La température s’est toujours abaissée notablement. Cet abaissement est en rapport non avec le poids de l'animal, mais avec la durée de sa résistance à la mort. En une heure et demie, elle s’abaisse généralement à 37 degrés, et même 35 degrés, mais dans certains cas elle est tombée à 33, à 30 et même 928 degrés. Temps écoulé avant l’anesthésie. — L'insensibilité de la cornée est sur- venue dans un temps qui a varié de trois à sept minutes. Respiration. — Le nombre de respirations augmente beaucoup pendant la période dite d’excitation. Pendant l’anesthésie, il est plus fort qu'à l'état de veille ; ce n’est qu'aux approches de la mort que le nombre diminue progressivement jusqu’à arrêt définitif. SÉANCE DU À JUILLET, 4143 L'amplitude, après avoir beaucoup augmenté au début de Fanesthésie, diminue également, et la mort arrive sous la grande inspiration finale qu constitue le dernier soupir. Le rythme respiratoire change notablement. Si l’on applique sur un chien trois pneumographes, au niveau, le premier des côtes supérieures, le second des côtes inférieures, et Le troisième de l’ombilie, on constate les résultats suivants : la respiration costale supérieure diminne peu a peu d'amplitude, et progressivement, depuis la disparition de la sensibi- lité cornéenne jusqu’à la mort. La respiration costale inférieure, prédo- minante pendant.la phase d’agitation (période d’abeiement), diminue considérablement d'amplitude au moment de l’anesthésie cornéenne, et devient notablement inférieure aux deux autres respirations ; le thorax s'affaisse, et la ceinture pneumo-graphique n’est plus serrée comme au début; aux approches de la mort, la respiration costale inférieure est presque nulle. Au contraire, la respiration abdominale, dont l'amplitude a diminué pendant la période d’agitation, devient prédominante, et de beaucoup, dès que l’anesthésie est confirmée ; la différence s’accentue de plus en plus à son profit; en même temps elle a nettement.le type dicrote, le crochet étant d’abord au début de l'expiration; le dierotisme s’exagère peu à peu jusqu à la mort, et la respiration abdominale conserve toute sa prédominance. Si on coupe les nerfs phréniques, on arrête la respiration abdominale, et immédiatement le thorax jusque-là presque immobile, recommence les mouvements respiratoires. _ L'anesthésie diminue la puissance expansive du thorax. Ainsi sur un chien de 12 kil. 850, il faut pour arrêter la respiration placer sur le ster- num un poids de 75 kilos: l'insensibilité obtenue, un poids de 58 kilos -suffit pour arrêter la respiration; un quart d'heure plus tard il suffit de 55 kilos, et de 25 deux heures après. Exhalation pulmonaire. — La quantité d'acide carbonique produit pendant un temps donné et la quantité d'oxygène absorbé diminuent progressivement pendant toute la durée de anesthésie. Exemple : avant l’anesthésie, production de CO29 litres 55 (calculé pour une heure); cinq minutes après l'insensibilité cornéenne 5,26 litres; après 45 minutes 3,90 litres; après une heure et demie (27 minutes avant la mort) 2,39 li- tres. Les quantités d'oxygène ont été aux mêmes moments de 9 litres 92, 6 litres 67, 4 litres 42 et 3 litres 69. Le rapport de l'acide carbonique produit à l'oxygène absorbé ti va en diminuant; dans l'exemple précédent il s’est abaissé de 0,93 avant l’anesthésie à 0, 13, 0,69 et 0,57. Circulation. — Les battements du cœur ne paraissent pas modifiés en. nombre, d’une manière bien caractéristique par l’anesthésie : maïs la SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE ne Hs He pression du sang artériel diminue considérablement. Exemple : pression avant l’anesthésie 17 centimètres, au moment de l’insensibilité cornéenne 11,4, après une demi-heure 9,2, après une heure 7,6, après une heure et demie 6,4 Mais je ne sais pas sûrement si cette diminution est due à un affäblis- sement du cœur où à une plus facile circulation du sang dans les organes. L'influence de la respiration sur la circulation, qui se manifeste par les oscillations bien connues du tracé cardiaque chez le chien, disparait complètement pendant l’anesthésie. Le cœur continue toujours à battre après la éahbn de la respiration; ce fait est absolument constant. Jamais je n’ai observé l'arrêt primitif du cœur, à quelque moment que survint la mort, quel que fût le titrage chloroformique employé. Gaz du sang. — La quantité d'oxygène. contenu dans le sang artériel diminue progressivement et la quantité d'acide carbonique va en aug- mentant. Exemple : avant l’anesthésie, oxygène 22, acide carbonique 31,2; trente minutes après l’anesthésie, oxygène 16,8, acide carbonique 41,2 ; une heure plus tard (10 minutes avant la mort), oxygène 14, acide carbonique 44. Dans le sang veineux l'oxygène diminue également, mais l'acide car- bonique reste sensiblement stationnaire. ‘Action du pneumo-gastrique sur la respiration. — La section des deu pneumo-gastriques même en pleine anesthésie produit les troubles respi- ratoires connus. L'excitation du bout central du pneumo-gastrique coupé amène jus - qu'au moment de la mort l'arrêt de la respiration. Action du preumo-gastrique sur le cœur. — Pendant toute la durée de l’anesthésie, l'excitation du bout périphérique du pneumo-gastrique arrête ? P D le cœur comme à l'ordinaire. Quelquefois cependant, l'arrêt du cœur n'a pas eu lieu dans les quelques minutes qui précèdent la mort. Mais dans quelques cas on l’a obtenu même après la cessation de la respiration. Réflexes. — Les réflexes de la luette et de la muqueuse laryngée dis- paraissent un peu avant l’anesthésie cornéenne. Pendant l'anesthésie confirmée l'excitation du nerf sciatique ne peut plus donner le réflexe vesical que j’ai signalé il y a si longtemps, mais elle amène encore quelque ralentissement respiratoire et elle a pour résultat constant une diminution de la pression cardiaque sans modifica- tion dans le rythme des battements. Cette action sur le cœur et la respi- ration parait encore plus manifeste pour l'excitation des nerfs du plexus brachial. Pupille. — La pupille se dilate au moment de l’anesthésie, malgré la SÉANCE DU # JUILLET. 445 présence d'une lumière devant l’œil ; elle reste ainsi dilatée jusqu'à la mort. Quelquefois cependant elle se contracte; alors l'œil se retire dans l'orbite et les paupières se referment. Mais toujours dilatation énorme au moment de la mort. Lorsqu'avant l’anesthésie on a coupé le pneumo-gastrique (sympathi- que) et que la pupille correspondante s’est par suite contractée, cette contraction persiste pendant quelque temps après l’anesthésie cornéenne; mais au bout d'un certain temps il y a dilatation comme à la pupille du côté intact. Si avant ce moment on excite le bout central du pneumo-gastrique on obtient comme chez l’animal sain la dilatation de la pupille et la projec- tion de l’œil en avant; même quand la pupille est déjà dilatée on obtient la projection de l'œil, et cet effet subsiste alors même que l'excitation du pneumo-gastrique n’élait plus capable d'arrêter le cœur. Salive. — La salivation exagérée est la règle, surtout au début de l’anesthésie. Si l’on prépare l'expérience. de Claude Bernard sur la glande sous- maxillaire, on voit que pendant toute la durée de l’anesthésie, l'excita- tion directe soit de la glande, soit de la corde du tympan, amène une sécrétion glandulaire. Mais quand l’insensibilité est complète, on ne peut obtenir de sécrétion réflexe en excitant, soit le nerf lingual, soit le sympathique sur la caro- tide. L'action du lingual sur la glande se perd peu après la sensibilité cornéenne. Force musculaire. — Si l’on excite Le bout périphérique d'un nerf seia- tique, on voit que la force des muscles qu'il fait entrer en contraction diminue pendant la chloroformisation. Exemple : un poids de 4 kilo- grarime était souleve à 1 cent. 5 de hauteur avant l'anesthésie ; 5 minutes après l'insensibilité, il ne l’est plus qu'à { centimètre ; 20 minutes après qu'à 6 millimètres, et au moment de la mort qui survient au bout de deux heures et demie, le soulèvement est de 5 millimètres. 426 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE EPIDÉMIE SUR LES BARBEAUX DE LA MEURTHE, par P. MÉGNIN. Ilest un groupe de parasites microscopiques qui n'a encore guère été étudié en France que par M. Balbiani et M. Aimé Schneider et ils jouent pourtant quelquefois un rôle important en pathologie; je veux parler des Psorospermies, groupe d'êtres qui font partie de l’'embranchemeat des Protozoaires, voisins des Grégarines selon les uns ou devant être con- fondus avec elles selon les autres. C’est à ce groupe qu’appartiennent les Coccidies, ou corps oviforme du lapin (Coccidium oviforme), que. l'on rencontre aussi chez le mouton et même chez l'homme, et les myxospo- ridies des poissons. Dans ses intéressantes lecons de l’année dernière sur les Psorosper- mies, M. Balbiani avait émis l'opinion que ces parasites devaient être fré- quemment une cause de maladie et même de mort souvent ignorée, et, de fait, les jeunes lapins meurent souvent d’une teberculose du foie dont j'ai constaté maintes fois le pouvoir contagieux, et, à l’autopsie, on trouve le foie farci de tubercules dont la matière pultacée blanche est entière- rement constituée par des milliards de coccidies. Un de mes amis, qui habite Les bords de la Meurthe, vient de me four- nir l’occasion d'étudier une maladie d’un poisson qui vient encore à l’ap- pui de l'opinion émise par M. Balbiani sur la puissance nocive des Pso- rospermies. Les barbeaux des environs de Nancy sont en proie à une épidémie qui les décime en grand nombre. Cette maladie est caractérisée par le déve- loppement, à la surface du corps, de tumeurs hémisphériques qui ont de un demi à deux centimètres de diamètre; sur ces pointes les écailles finissent par se détacher et la tumeur prend l'aspect d’un uleère à centre blanchâtre bordé de brun. Je présente à la Société, conservé dans de l'alcool, un jeune barbeau atteint de cette maladie et qui présente cmq de ces tumeurs sur le côté gauche et deux sur le côté droit. Quand on examine la matière de ces tumeurs on voit qu’elle est composée d'une substance fibrineuse englobant des myriades de psorospermies analogues et probablement de la même espèce que celles que M. Ch. Robin d’abord et M. Balbiani ensuite avaient déjà rencontrées sur la Tanche et la Carpe, où elles constituent la matière contenue dans des kystes qu’on rencontre particulièrement à l'intersection des deux vésicules de la vessie natatoire ou à la surface de la plus courte de ces deux vésicules. Ces psorospermies sont lenticulaires, ou peu ovales, constituées par deux valves contenant du protoplasma, et, vers une extrémité, deux corps réfringents en forme de pépins à pointes convergeant vers une petite ouverture située à l’ex- trémité du grand diamètre de la psorospermie et par laquelle chacun des corps pépiniformes émet un long cil, — qui était enroulé comme un SÉANCE DU À JUILLET. 447 —————.——————— "ee ressort à boudin dans son intérieur, — quand on traite la psorospermie par la potasse. M. Balbiani, qui a examiné mon jeune barbeau, n’a pas trouvé de psorospermies adultes dans les viscères ; il a constaté, comme moi, qu’elles étaient toutes localisées dans le tissu cellulaire sous-cutané. M. Balbiani, qui a étudié la reproduction des Psorospermies des pois- sons, où Myxospora de Bütschli, a constaté qu'elles se multiplient de la manière suivante : le protoplasma s'échappe de la coque résistante, rampe comme une amibe, augmente considérablement de volume et se remplit decorpuscules qui ressemblent à des noyaux, lesquels deviennent tous des Psorospermies parfaites. On comprend maintenant comment les poissons s’infectent : les Pso- rospermies, qui s'échappent des ulcères, sont ingérées avec l'eau que les poissons ingurgitent ou respirent; sous forme amiboïdes elles pénètrent dans le torrent circulatoire puis arrivent dans le tissu cellulaire sous- cutané, qui est leur lieu d'élection, où elles subissent leurs dernières transformations. f | Comment arrêter maintenant l'épidémie? C'est assez difficile, Je ne vois guère d'autre moyen que de recueillir tous les poissons morts ou malades et les détruire par le feu. 118 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE EXPRESSION GRAPHIQUE DE LA FERMENTATION. — ACTION DES ANESTHÉSIQUES, par M. P. REGNaARD. On sait aujourd'hui après les célèbres travaux de Cl. Bernard que le protoplasma végétal est, comme certaines substances animales, suscep- tible d’être entravé dans ses fonctions par quelques corps qui, chez nous, produisent particulièrement leur action sur la sensibilité, et qu'on. appelle anesthésiques. La levure de bière, en particulier, a été très étudiée à ce point de vue. On à vu que lorsqu'elle a été mise en relation avec le chloroforme et l'éther pendant un certain temps, elle cesse de décompenser le glucose et qu'il est nécessaire qu’on l’ait bien lavée, qu'on lui ait fait excréter l’anesthésique, pour qu'elle reprenne son action et se mette de nouveau à fabriquer de l'alcool. Nous avons voulu compléter ces notions, connues de tous, en recher- chant qu’elle serait l’action des anesthèsiques sur la marche même du phénomène fermentation. Nous avons, pour cela, placé dans notre appareil enregistreur, une quantité de 10 grammes de levure avec deux grammes de glucose, 250 grammes d'eau et 10 centigrammes de l’anesthésique à étudier. 110 RE) En re | sl Lonupe oErnrene) | [1 _ Fig. 1. — Expression graphique de la fermentation. — Action des anesthésiques. Le premier tracé que l’on remarquera au-dessus du tracé normal, est SÉANCE DU 4 JUILLET. 4.49 —— — 2 — — —— ———— ———_—— celui que donne le chloroforme : on voit que e’est à peine si la fermenta- ton se produit quand la levure est sous l'influence de cet agent. L'éther est infiniment moins actif et la même dose d’anesthésique a laissé se faire une fermentation très incomplète mais appréciable néan- moins. | Le chloral n’est pas un anesthésique de la levure. Il est probable qu'il ne trouve pas dans le protoplasma végétal les éléments qui le trans- forment sans doute en chloroforme chez les animaux. Peut-être faudrait- il augmenter beaucoup la dose pour avoir des effets. Dans notre tracé on ne verra qu'un ralentissement assez prononcé du phénomène. Nous en dirons autant de l'éther acétique qui d’ailleurs est chez l'homme un assez mauvais anesthésique. En revanche, d’autres substances ont une action anesthésiante de la fermentation véritablement très intense. Nous citeronsle bichlorure d’éthy- line, l'amylene, l’acétone, le nitrite d’amyle et la benzine. De simples traces (1/2500) de ces corps ont arrêté totalement le ferment alcoolique; c'est à eux particulièrement qu'on devra avoir recours quand on voudra suspendre une fermentation; mais on devra se servir de doses infinitési- males sous peine de détruire à jamais le ferment. SOCIETÉ DE BIOLOGIE. ES Ot [æ) SUR LES CAUSES DES COURANTS ÉLECTRIQUES D'ORIGINE ANIMALE DITS COURANTS DE REPOS. Note de M. A. d'ARSONVAL. L’électricité d’origine animale a surtout été étudiée dans deux tissus : les nerfs et les, muscles. — Il est certain néanmoins que sa production doit être beaucoup plus générale et qu'elle accompagne toutes les mani- festations vitales. L’électrogénèse doit être, comme la thermogénèse, un phénomène cellulaire reconnaissant la même cause : les combustions respiratoires corrélatives de la vie. Pour bien des raisons même je suis porté à croire que la production de chaleur n’est pas le phénomène primitif qui accompagne les combus- tions vitales. L'énergie chimique doit d’abord se transformer en énergie électrique et la chaleur n’est que le résultat d’une seconde transforma- tion de l'électricité en chaleur suivant la loi de Joule qui règle cette transformation. Il est facile de montrer en effet que dans.le monde minéral toutes les réactions chimiques commencent par dégager de l'électricité ; la chaleur apparait ensuite comme résultat de la disparition de l'électricité. Prenons un morceau de zinc amalgamé et plongeons-le dans l’eau acidulée ou dans une solution concentrée de potasse, ce morceau de zinc restera inaltéré; touchons-le avec un métal moins oxydable (cuivre, platine) pendant qu'il est dans le liquide, aussitôt il décompose l’eau qui s’é- chauffe. Mais au lieu de réunir les deux métaux au sein du liquide, si nous les mettons en communication par un fil extérieur suffisamment résistant, ce fil devient le siège d’un courant électrique qui l'échauffe. La chaleur, dans ce cas se manifeste en dehors du vase où a lieu la réac- tion et postérieurement à l'apparition de l'électricité. Si au lieu d'employer du zinc amalgamé nous avions pris du zinc impur du commerce, la réaction chimique aurait eu l’air de dégager immédiatement de la chaleur. Dans ce cas encore la chaleur a été précédée par le dégagement électrique, le morceau de zinc impur se comportant au sein du liquide comme une foule de petits éléments de pile fermés sur eux-mêmes, en court circuit au sein du liquide. Ce phénomèëne est absolument général. Par des dispositions appropriées on peut obtenir un courant électrique avec n'importe quelle réaction chimique, On n’uti- lise dans la pratique, pour construire les piles, que les combinaisons, qui restant inertes à circuit ouvert, permettent de transporter dans le circuit extérieur, sous forme électrique, presque toute l'énergie résultant de l’action chimique. Dans le muscle qui est le principal foyer de chaleur chez les êtres SÉANCE DU # JUILLET. 451 supérieurs il en est certainement de même. Cette chaleur n'est pas le résultat 2mmédiat, direct, de la combustion respiratoire ainsi qu'on le croit généralement. Comme dans l'exemple cité plus haut, c’est l’élec- tricité qui apparaît d'abord, la chaleur est consécutive. Je donnerai prochainement plusieurs preuves expérimentales à l’appui de cette thèse que j'ai soutenue depuis près de dix ans. L’électrogénèse doit constituer un chapitre important de la physiologie générale et son étude doit, à mon sens, précéder celui de la thermogénèse qui n’en est que la consé- quence. — Cest pourquoi, contrairement aux idées répandues dans notre pays, j'attache une importance extrême à toutes les questions d’électro-physiologie. Les lois qui régissent l'électricité sont infiniment plus simples et mieux connues que celles de la chaleur. On peut espérer par conséquent une simplification du problème vital en l’abordant de préférence par ses manifestations électriques qui précèdent, ainsi que je viens de le dire, les manifestations thermiques et ont sur ces dernières l'avantage d’être plus faciles à étudier. Depuis l'adoption de la théorie chimique de la pile, conséquence des belles études de Becquerel père et de Faraday, on sait que l'électricité accompagne toute action chimique. — Les tissus vivants étant le siège d'actions chimiques il n’est pas étonnant, dit-on, que ces tissus soient en même temps des électro-moteurs. Cette affirmation n'est après tout qu'une manière d'exprimer la loi de la conservation de l'énergie. — Elle est vraie en principe, mais par sa généralité même elle nous laisse dans le vague et ne nous apprend rien ni sur le mécanisme qui préside à la transformation de l'énergie chimique des tissus en électricité, ni sur le lieu où se passe cette transformation. D'ailleurs toutes les manifestations électriques qui ont pour siège la matière vivante, sont loin de reconnaitre l’action chimique comme cause immédiate. Il y a déjà longtemps que j'ai signalé à la Société des causes électro- motrices qui n’ont rien de chimique. 1° D'abord la simple filtration d’un liquide, sans action chimique, à travers un septum poreux; l'inverse en un mot du phénomène connu des physiciens sous le nom de phénomène de Poret. 2° L'écoulement d’un liquide à travers un tube quelconque. 3° Les changements dans la conslante capillaire à la surface de sépa- ration de deux liquides, ou plus généralement comme je l'ai montré, de deux corps pouvant se déformer. De ces trois causes, purement méca- niques, de production d’un courant, la troisième que j'appelle phénomène Lippmann est la plus importante, puisque c’est elle qui explique, comme je l'ai montré, le dégagement prodigieux d'électricité qui a lieu dans l'organe des poissons électriques, et la variation négative dans le muscle ou ie nerf en action.— Pour étudier les mécanismes de l’électrogénèse ani- male dans tous ses détails, j'ai pensé qu'il valait mieux s'adresser à des . organismes simples, monocellulaires, et où on peut se procurer la base 259 SOCIÉTÉ DE: BIOLOGIE. physique de la vie : le protoplasma, à l'état de nudité, pouf ainsi dire. Jé me suis adressé pour cela:à la levure de bière qui:offre de remar- quables facilités d'étude. Voici en abrégé les phénomènes que j'ai constatés : Lo Je place de la levure de bière en solution aqueuse dans un vase poreux placé lui-même dans un second vase contenant de l’eau. Je mets chacun de ces liquides en contact avec un galvanomètre par l'intermédiaire de més électrodes impolarisables ; je constate alors que cet ensemble forme üne pile dans Faquelle la levure de bière forme le pôle négatif. | - 20 Si j'active la vie de la levure soit en élevant la température, soit en lui donnant du sucre, j'augmente sa négativité. 3° Si je l’anesthésié par l’éther ou le chloroforme, sa négativité semble diminuer, le phénomène est plus évident si je la tue par l’ébullition. 4° Un petit tube de baudruche rempli de levure et renflé au milieu se comporte comme un muscle au point de vue des courantside repos. Je signale ces phénomènes à la Société sans insister, simplemént pour _ prendre date, j'y réviendrai ultérieurement. En un motle protoplasma vivant semble se comporter comme un corps oxydable, un morceaü de zine par exemple. Il est négatif par rapport au milieu où il fonctionne et-sa négativité semble être en rapport avec l'énergie de son fonctionne- ment. — Je reviendrai en détail sur ces faits qui me semblent destinés à élucider bien des points encore obscurs de l’électrogénèse : ani- male (4). - (4) Gette communication a été faite dans la séance du 13 juin 1885. SÉANCE DU # JUILLET. 193 SUR LES CAUSES DES COURANTS ÉLECTRIQUES D ORIGINE ANIMALE, DITS COURANTS D'ACTION ET SUR LA DÉCHARGE DES POISSONS ÉLECTRIQUES. Note de M. A. d'ARSONVAL. Dans une précédente communication (13 juin 1885) j'ai cherché à analyser les principales causes des courants de repos qu'on observe dans les tissus’ vivants. Certains d’entre eux, les nerfs etles muscles, principalement sont le siège de nouvelles manifestations électriques au moment où ils entrent en fonction. On a donné à ces manifestations les noms de courant d'action, variation négative, etc. Je me propose dans cette courte note de donner l'explication physique de ces phénomènes qui reconnaissent des causes distinctes de celles qui président à l'apparition des courants de repos. Je moñtrerai également que la décharge des poissons électriques reconnait les mêmes causes que la variation négative du muscle. Quand on fait varier la surface de séparation de deux liquides non mis- cibles (eau et mercure par exemple), chaque déformation produit mé- caniquement un courant électrique. IL suffit d’une déformation inappré- ciable à l’œil, moléculaire, pour amener la production d'un courant. Ge phénomène découvert par Lippmann, a été utilisé par ce physicien dans son électro-mètre capillaire d’un usage courant en électro-physiologie, et dans le téléphone à mercure d'Antoine Bréguet. Ce dernier instru- ment reproduit les vibrations vocales par les déformations invisibles que celles-ci font subir à la colonne de mercure d'un électro-mèêtre capillaire de Lippmann. De mon côté, j'ai démontréquele phénomène de Lippmann est général et qu'on produit un courant en déformant la surface de con- tact de deux corps fluides ou semi-fluides quelconques tels par exemple _ quelles tissus vivants. En 1879, je suis parti de ces expériences pour formuler une théorie physique de la variation négative que j'ai exposée ‘alors à la Société d’une manière succinte. Le protoplasma remplit toutes les conditions voulues pour réaliser: le phénomène de Lippmann: il est semi-fluide, non miscible aux liquides intersticiels et de plus irritable c’est-à-dire capable de se déformer spontanément. Supposons une masse de protoplasma en repos entourée d’un plasma liquide. Dans une précédente note J'ai montré (13 juin 1885) que le pro- toplasma est négatif par rapport au liquide qui l'environne. Si ce proto- plasma vient à se contracter, sa surface de contact avec le liquide est changée et ce changement s’accompagne de la production d’un courant électrique. Le protoplasma devient moins négatif et par conséquent le courant de repos du protoplasma semble diminué et peut même ètre an- nulé si l'excitation est suffisante. C’est là pour moi l'explication de l'os-. cillation négative. L SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. de Qt = Cette théorie qui repose sur un fait physique indéniable me semble recevoir une nouvelle confirmation de ce fait aujourd’hui démontré çue la vitesse de propagation de l'onde négative dans le muscle est la même que celle de la propagation de l'onde musculaire. Ainsi: variation dela constante capillaire du protoplasma comme cause, variation négative comme effet, telle est l'explication que je propose. Il ne faut pas croire que cette déformation moléculaire du protoplasma doive s’aceuser à l'extérieur par un mouvement grossier, en masse, et visible à l'œil nu. Cette déformation est moléculaire, analogue à une vi- bration, à un mouvement ondulatoire d’une amplitude infinitésimale. L'expérience suivante va nous en fournir la preuve: Je prends un muscle de grenouille muni de son nerf. J’excite ce nerf par les courants ondu- latoires provenant d’un téléphone, ou mieux d’un microphone, sur lequel on parle. Le tendon du muscle est attaché au centre d’une membrane sur laquelle il tire. On met l'oreille contre cette membrane et si on parle sur le microphone le muscle reproduit la parole avec autant de netteté qu'un téléphone. C’est une expérience que j'ai faite en 1880 et à laquelle j'ai donné le nom de muscle téléphonique. : En l’analysant, on voit que le nerf est excité par les courants provenant du microphone, qu'à son tour il excite le protoplasma musculaire, et que ce dernier obéissant à ces ex- citations si rapides et si complexes les traduit fidèlement par une série de déformations moléculaires absolument invisibles pour l sal puisque le muscle semble rester au repos. Le myographe est donc un instrument bien infidèle puisque ses gra- phiques fixent à moins de 100 par seconde le nombre de vibrations ca- pables de fusionner les secousses. On voit par cette expérience que le muscle ne fusionne jamais les secousses et qu’il obéit fidèlement à cha- cune, quelle qu’en soit la rapidité, puisqu il est capable de reproduire la parole avec toutes ses nuances. Le protoplasma peut donc subir des déformations invisibles et extré- mement rapides, qui se traduisent seulement par la reproduction de la parole. Lors de son fonctionnement le protoplasma nerveux doit subir les mêmes modifications, et ainsi s’expliquerait l’oscillation négative du nerf. Helmholtz et du Boys-Reymond à qui j'exposais cette théorie en 1881, m'objectaient que la variation négative précède la contraction muscu- laire tandis que dans ma théorie, elle devrait la suivre. Qu'en un mot l'oscillation négative a lieu pendant la période d'excitation latente du muscle. Cette objection est réfutée par l'expérience que je viens de citer plus haut, expérience qui montre que cette excitation latente, ce temps perdu du muscle n'est qu'une illusion provenant de l’imperfection du myographe, le muscle en reproduisant la voix montre qu'il obéit instan- lanément et sans confusion à toutes les excitations. Le temps perdu du SÉANCE DU # JUILLET. 455 muscle est donc un simple retard de transmission mécanique qui n’eæiste pas pour le protoplasma. L'oscillation négative est donc un phénomène qui a pour siège le pro- toplasma lui-même, c'est-à-dire toute substance irritable. Cette oscillation négative a une grande importance puisqu'elle permet de montrer qu'un protoplasma est vivant, qu'il réagit aux excitations alors même qu'il ne serait le siège d'aucun mouvement apparent. À ce titre, mais à ce titre seu- lement, on peut dire que l’oscillation négative est un phénomène vital dont la cause physique nous est à présent connue Cette oscillation négative, provenant de la déformation moléculaire du protoplasma nous fournit également l'explication de l’origine de l'élec-. tricité chez les poissons électriques. Et d’abord l'électricité n’est pas préformée dans ces organes; on ne peut les assimiler ni à une pile, ni à un condensateur, puisqu’à l’état de repos ils ne sont Le siège d'aucune manifestation extérieure accusant une charge électrique. Ces organes produisent donc l'électricité seulement au moment où ils entrent en fonction sous l'influence de la volonté de l’ani- mal. Le système nerveux n’est pour rien non plus dans la formation de l’électricité puisqu'on obtient des décharges après avoir séparé l’or- gane du lobe électrique et qu'on peut en obtenir encore en déformant mécaniquement un morceau d’organe sans nerf, comme je l'ai montré il y a deux ans (rapport de l’Ecole des hautes Etudes). Ces organes sont formés par une sèrie de cellules hexagonales super- posées. Chaque cellule est remplie en partie par une masse, dans laquelle se ramifie le nerf, probablement de nature protoplasmique, et par un plasma plus ou moins liquide surmontant la plaque nerveuse, comme l'ont démontré les belles études de M. Ranvier. Nous avons dans cet arrangement toutes les conditions désirables pour produire de l’électri- cité à haute tension par le phénomène Lippmann. Considérons une cel- lule : sa base protoplasmique excitée par le nerf s’électrice dans un sens, le plasma en sens opposé. La superposition des cellules accouple ces élé- ments de pile en tension. Les variations négatives s’additionnent et sont multipliées par le nombre des cellules superposées qui s'élève à plu- sieurs milliers dans une colonne. Toutes ces variations négatives indivi- duelle s’additionnent pour donner à chaque extrémité de la colonne ter- minale une variation négative formidable. Voilà pour la tension. Ces colonnes sont elles-mêmes au nombre de plusieurs milliers, associées par ‘ les pôles du même nom, voilà pour la quantité. Ces organes peuvent donc donner à la fois la tension et la quantité et voilà pourquoi leur décharge est si formidable. Cette théorie explique comment il se fait que l'organe électrique se comporte en tout comme un muscle ainsi que l’ont démontré encore tout récemment les belles expériences de M. Marey. 456 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Les lois de la décharge de l'organe électrique sont les mêmes que celles de la secousse musculaire. Le curare, la vératrine agissent .de même sur les deux organes ainsi que la fatigue, parce que l'organe élec- trique n’est qu'un muscle modifié, et sa décharge n’est que la reproduc- tion en grand de l’oscillation négative du muscle. J'ai fait.sur ces idees un organe électrique artificiel avec lequel on reproduit les phénomènes de la décharge de la torpille et que j'ai décrit autrefois (conférences de l'exposition dslepriate, et sur lequel je ne peux insister ici. D'autre pou jai montré que si on prend un morceau d’organe élec- trique, et qu'on mette par un plateau métallique chaque face en com- munication avec un galvanomètre on obtient une décharge en compri- mant l'organe et une seconde de sens inverse en déprimant le même organe. Cette expérience démontre bien que la décharge est fonction de la modification de forme du protoplasma. Dans le muscle, la variation négative est d'autant plus énergique que les changements intimes dans la fibre musculaire sont eux-mêmes plus considérables. Or si l’on fait contracter sous le microscope une fibre musculaire on observe que le maximum de déformation entre les espaces clairs et les espaces sombres a lieu précisément quand cette fibre est for- tement tendue et mise ainsi dans l'impossibilité de se raccourcir. C'est également dans cette condition qu'a lieu la variation négative maxima, ainsi que l'a montré depuis longtemps déjà mon maître M. Brown-Séquard. — Je ne peux m'étendre longuement sur ces expé- riences pas plus que sur les méthodes et les instruments que j'ai dû inventer pour les réaliser. Ce sera l’objet d’un mémoire détaillé que je prépare en ce moment : — Il me suffit d’avoir montré l’idée générale qui me guide dans mes recherches. Je m'’estimerai heureux si je suis parvenu à réhabiliter auprès de mes collègues une science beaucoup trop délaissée chez nous : je veux parler de l’électro-physiologie. Le Gérant : G. MAssoN. Paris, — Imprimerie G. ROUGIER et Cie, rue Cassette. ! 457 SÉANCE DU Î| JUILLET 1885 Poucuer et Bovier-Larierre : Note sur les effets du venin d'abeille sur les tissus végétaux. — DumonrPALLiEeR : De l’action vaso-motrice de la suggestion chez les hystériques hypnotisables. — D'un état spécial dans lequel se trouvent les kysté- riques qui accomplissent après le réveil un acte dont l'idée leur a été suggérée pendant la période somnambulique. — On. FÉRÉ : Remarques à propos de la note de M. Dumontpallier sur la suggestion hypnotique. — Bourru et Buror : Hémor- rhagie de la peau provoquée par la suggestion en somnambulisme. — Paur Berr et ReGnarp : Production d'alcool dans les fruits sous l'influence de l’eau oxygénée. — P, Recnarp et P. Love : Note sur quelques expériences exécutées sur un sup- plicié à Troyes. — Jupe : Action de la pilocarpine et de l'atropine sur la pro- duction de la sueur. — Léon Brasse : Recherches sur la végétation à l'obscurité dans les solutions sucrées. — Gavoy : Sthétoscope amplificateur cardiographe. — AuG. CHARPENTIER : Relation entre la sensibilité lumineuse et l'éclairage ambiant. Présidence de M. Paul Bert. NOTE SUR LES EFFETS DU VENIN D'ABEILLE SUR LES TISSUS VÉGÉTAUX, par MM. Poucet et BoviER-LAPIERRE. Nous n'avons point fait de recherches pour savoir si des expériences ont été déjà tentées dans la direction de celle que nous rapportons. Il s’agit des modifications qui surviennent dans les tissus des végétaux où l'on a porté directement un venin. L'expérience a été ainsi faite : nous avons piqué avec un aiguillon d'abeille préalablement endormie, jes feuilles d'un pied de Begonia; sur d’autres feuilles du même pied nous avons pratiqué des piqûres simplement au moyen d’une aiguille extrème- ment fine. La différence des lésions observées devait nous permettre de faire la part du venin et celle du traumatisme. La différence des lésions est en effet considérable. Dans le cas de la piqûre simple,on ne voit qu’une zone étroite où le tissu de la feuille est subérifié autour de la plaie. Dans le cas des piqûres par l’aiguillon d'abeille le tissu de la feuille est mortifié dans un rayon de deux milli- mètres au moins et c'est seulement à cette distance qu'on trouve une zone rappelant la subérification limitant les piqûres simples. Les coupes montrent aussi que dans les piqûres par venin, surtout à la limite de BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8€ SÉRIE, T. Il, N° 26, 458 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. la zone affectée, il paraît y avoir prolifération des cellules du parenchyme de la feuille. Nous nous bornons à ces simples indications sur une première expérience dans des conditions qui devront être évidemment modi- fiées pour donner les indications recherchées. Nous sommes partis de cette vue que la piqûre des organes femelles de certains Hyménoptères pro- duisait dans les tissus végétaux une hypergénèse cellulaire qu’il serait pro- bablement possible d'obtenir par!la piqûre des organes similaires des neutres d'Hyménoptères voisins. Et nous /ne doutons pas du succès dans des circonstances qu'il reste à mieux déterminer. En employant le venin pur de l’abeille, nous avons obtenu la mortification du tissu végétal où ce venin pur avait étéintroduit. Il suffira’sans doute de le diluer pour obte- nir des effets qui se rapprocheront, selon toute probabilité, de ceux que produit la quantité infinitésimale de venin qu'on peut supposer sécrétée par les organes femelles d'Hyménoptères beaucoup plus petits que l’a- beille. Nous nous proposons également d'étendre nos recherches au venin d’autres animaux, tels que le scorpion et la vipère. DE L'ACTION VASO-MOTRICE DE LA SUGGESTION CHEZ LES HYSTÉRIQUES HYPNOTISABLES (seconde note), par DUMONTPALLIER. _ Dans une première note j'ai rapporté les expériences qui m'ont con- duit à émettre la proposition suivante : la suggestion chez les hystériques hypnotisables peut produire une élévation de température de plusieurs _degrés centigrades et cela dans des régions limitées à volonté. De nouvelles expériences faites, du 5 juillet au 8 juillet, sur les mêmes hystériques mais en modifiant le dispositif expérimental, confirment la proposition ci-dessus énoncée et, de l'examen des tableaux où sont rele- vées les températures des membres sur lesquels ont porté les expériences il ressort : | 1° Que pendant toute la durée des expériences (du 5 au 8 juillet) mais surtout dans les périodes hypnotiques, l'élévation de la température du membre sur cie avait porté la suggestion a été constante et marquée par un maximum 2 degrés (34°, 4 — 36°, 8) pour l’une des hystériques et de 4°, 7 (35°, 1 — 36°, 8) pour l’autre sujet en expérience; | 2 Que la différence de température des deux membres dans les régions homologues a oscillé entre 0°, 5 et 2 pour l’une des malades et entre 0°, 5 et 6°, 4 pour la seconde malade. IL est probable que le transfert avait une part notable dans la grande différence des tempé- ES ñ SÉANCE DU 11 JUILLET. 459 ratures pour cette dernière expérience. Toutefois ce qui est constant dans toutes ces expériences c’est la plus grande élévation de température du membre sur lequel a porté la suggestion. _ 3° L’élévation de la température est générale pour tout le membre en en expérience, mais toujours lè maximum de température existe dans la région où a porté l’action de la suggestion. _ 4° Aussitôt les expériences terminées les températures pour les deux membres redeviennent égales. D'UN ÉTAT SPÉCIAL DANS LEQUEL SE TROUVENT LES HYSTÉRIQUES QUI ACCOM- PLISSENT APRÈS LE RÉVEIL UN AUTE DONT L'IDÉE LEUR A ÉTÉ SUGGÉRÉE PENDANT LA PÉRIODE SOMNAMBULIQUE, par DUMONTPALLIER. On a dit que les idées suggérées pendant le somnambulisme pouvaient ‘être suivies d'actes commis dans l’état de veille à un moment déterminé par l'expérimentateur. Ainsi dans le somnambulisme on peut ordonner à l’hypnotisé d'accomplir tel acte que l’on voudra lorsqu'il sera réveillé, et cet acte il l'accomplira. Des expériences récentes m'ont conduit à penser que les somnambules auxquels on a suggéré de tels actes, ne sont pas, au moment de l’accom- plissement de ces actes, dans un état de veille réel; mais que, par le fait de la suggestion antérieure, les sujets au moment où ils accomplissent l'acte se trouvent dans un état spécial qui relève de l'hypnotisme. Cet état spécial n’est point le somnambulisme, parce que le sujet est . sensible à la douleur et n'offre pas d’hyperexcitabilité cutano-musculaire ; ce n'est pas non plus l’état de veille parce que le sujet n’est pas maître de ses actes : il accuse en effet par ses gestes, par son langage, une lutte intérieure et, après résistance, il obéit à l'impulsion dont il ignore la cause. L'une de nos malades nous disait : — « Je ne voudrais pas faire cela, mais je suis poussée à le faire » — et elle finissait par accomplir l'acte qui lui avait été suggéré dans le somnambulisme. Üne autre malade disait encore : — « Je ne suis pas la personne endor- mie, je ne suis pas la personne éveillée, je suis une troisième personne neulre, qui fait ce qu'elle ne voudrait pas faire. » + 460 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. rm RENARQUES A PROPOS DE LA NOTE DE M. DUMONTPALLIER SUR LA SUGGESTION HYPNOTIQUE, par CH. FÉRÉ. Dans la dernière séance à propos des faits rapportés par M. Dumont- pallier sur les troubles circulatoires provoqués par suggestion, j'ai dit que j'avais observé des ecchymoses que j'avais pu croire développées en conséquence de la suggestion, et j'avais ajouté que si je n'avais pas publié ces faits, c'est parce que la surveillance n’avait pas été suffisante. La surveillance est en effet une précaution indispensable dans tous les faits du même genre. Les observations de M. Dumontpallier me parais- sent échapper à cette critique. Quant à l'état mental des sujets suggérés qui, revenus à eux-mêmes ne sont pas complètement libres et obéissent en discutant, je l'ai déjà signalé dans une note sur les hypnotiques hystériques considérés comme sugets d'expériences en médecine mentale communiquée à la Société médico-psy- chologique en 1883, antérieurement au travail de M. Bernheim. On y trouvera un exemple de résistance et discussion-très remarquable. J'ai comparé cet état mental à celui qu'on observe dans certains cas dési- 2nés sous le nom de maladie de la volonté. Il ne faut pas croire qu'on peut commander tout ce qu'on veut à une hypnotique. J'en rapporterai un nouvel exemple : à une certaine époque les hystériques de la Salpétrière ont fait sur mon compte une chanson peu élogieuse que, bien entendu, elles ne chantent pas devant moi. J'ai peut-être essayé cent fois de me la faire chanter, sans résultat. L'état mental des sujets qui, réveillés, mais sous l'influence d’une sug- gestion, commettent un acte quelconque dont ils perdent le souvenir, constitue une sorte d'état d'absence qui n’est pas sans rapport avec celui. qu'on observe dans certains cas de vertige épileptique. Les suggestionnés à l’état de veille agissent sous l'influence d'une hallu- cination, d’une illusion, etc. ; mais avec une régularité absolue, si on tient compte de la situation fausse, l’inconscience ne commence qu'après l'ac- complissement de l'acte qu'ils oublient quelquefois instantanément. Cer- tains épileptiques vertigineux offrent un état analogue, ils sont poussés par une idée fausse, ils partent, prennent un billet de chemin de fer, ils se conduisent avec une régularité telle, un état de conscience si conforme aux connaissances acquises antérieurement par le sujet, que rien ne frappe l'attention ; chez lui encore l'inconscience, l'absence de souvenir des faits antérieurs, commence au réveil, après l’accomplissement de l'acte dit inconscient. Ce rapprochement fait comprendre une fois de plus quels renseigne- ments l’hypnotisme peut donner dans l'étude des phénomènes tant phy- siologiques que morbides de l'intelligence. : SÉANCE DU Â1 JUILLET. 1461 HÉMORRHAGIE DE LA PEAU PROVOQUÉE PAR LA SUGGESTION EN SOMNAMBULISME, par MM. Bourru, professsur de clinique médicale à l'Ecole de méde- cine navale de Rochefort, et par M. Buror, agrégé à la même Ecole. Un jeune homme de vingt-deux ans, attemmt d'hystéro-épilepsie des mieux confirmées, fut observé ces temps derniers à la clinique médicale de l'Ecole de Rochefort : au moment de l'observation, il se trouvait hé- miplégique et hémianesthésique à droite. Nous savions, par de nombreuses expériences que, dans l’état de som- nambulisme, la suggestion de toute sorte d'actes volontaires réussissait sans hésitation. ; Le 6 avril dernier, l'ayant mis en somnambulisme, l’un de nous lui fit la suggestion suivante : « Ce soir, à quatre heures, après t'être endormi, tu te rendras dans mon « cabinet, tu t'assoieras dans le fauteuil, tu te croiseras les bras sur la « poitrine et tu saigneras du nez. » Le programme fut fidèlement exécuté et quelques gouttes de sang sortirent de la narine gauche, devant plusieurs personnes venues pour être témoins du résultat. Un autre jour, l'ayant mis encore en somnambulisme, condition né- cessaire chez lui, le même expérimentateur traca son nom sur ses deux avant-bras avec l’extrémité mousse d’un stylet de trousse; puis lui fit le commandement suivant : « Ce soir, à quatre heures, tu t’endormiras et tu saigneras aux bras, « sur les lignes que je viens de tracer. » A l'heure dite, il s'endort. Au bras gauche, les caractères se dessinent en relief et en rouge vif sur le fond pâle de la peau, et des gouttelettes de sang perlent en plusieurs points. Après trois mois, les caractères sont encore visibles, bien qu'ils aient pâli peu à peu. A droite, côté paralysé, il ne paraît absolument rien. Depuis cette époque, le malade a été transféré à l'asile de Lafond (La Rochelle). M. le docteur Mabille, le distingué directeur de cet asile, a renouvelé l'expérience. Le 2 juillet, il trace une lettre sur chaque avant- bras; et prenant la main gauche : « À quatre heures, tu saigneras de ce bras; »prenant alors la main droite : « Et de celui-ci. — Je ne peux pas sai- gner du côté droit, répond le malade, c’est le côté paralysé. » Avec une ponctualité sans réplique, à l'heure dite, le sang coule à l'endroit marqué à gauche; rien à droite. Enfin, notre confrère, ayant convié une quarantaine de personnes, dont vingt-cinq médecins environ, a répété devant eux cette expérience, au milieu d’un grand nombre d'autres, qu'il désirait soumettre à leur contrôle. C'était le 4 juillet, à l’heure même de la séance de la Société de Bia- 462 SOCIÉTÉ DE. BIOLOGIE. logie; le sujet étant en somnambulisme, avec l'extrémité d’un crayon, iltraca une lettre sur le poignet gauche. « Tu vas saigner de suite du « bras gauche, commande-t-il. — Cela me fait grand mal. — Il. faut « saigner quand même. » Les muscles de l’avant-bras se contractent, le membre devient turgescent, la lettre se dessine rouge et saillante, enfin, des gouttes de sang apparaissent et sont constatées par tous les specta- teurs. Toutefois, il faut signaler que dans cette derniere expérience, il y eut une erreur de lieu. Ce fut la lettre tracée au voisinage, l’avant-veille, qui laissa suinter du sang. Peut-être la suggestion n’avait-elle pas: été assez précise; peut-être l’exécution était-elle trop rapprochée du com- mandement, car c'était la première fois que la suggestion n'était. pas faite pour‘un temps éloigné de quelques heures. | L'un de nous était au nombre des témoins de cette expérience. PRODUCTION D'ALCOOL DANS LES FRUITS SOUS L'INFLUENCE DÉ L'EAU OXYGÉNÉE, par MM. P. BerT et P. REGNARD. On connaît les expériences curieuses de Lechartier et Bellamy, qui, en mettant en état d’asphyxie des cellules végétales plongées dans une at- mosphère d’acide carbonique, ont réussi à leur faire fabriquer de l'alcool. Il ne faudrait pas croire que la privation seule d'oxygène soit capable de donner un pareil résultat. L’excès de ce gaz lui-même produit un effet identique. Déjà, il y a dix ans, l’un de nous a démontré que l'oxygène en tension physique, sous 15 à 20 atmosphères, était capable de faire déve- Rues dans des cerises de l'alcool. : Nous voulons faire voir aujourd'hui que le même oxygène en tension chimique, dans le peroxyde d'hydrogène, agit de la même facon. Pour cela, dès l’année 1881, nous avons placé, dans un flacon fermé à la lampe, quelques cerises non encore tout à fait mûres. Au bout de deux mois, ces fruits gonflés, décolorés ne présentaient aucune trace de pour- riture. Nous les écrasons dans un mortier et le liquide filtré est distillé plusieurs fois. Il donné nettement les gouttes huileuses et la réaction de liodoforme, il nous est même possible de l’enflammer. Encouragés par ce résultat, l'année suivante (1882), nous mettons dans un grand flacon dix kilogrammes de cerises avec deux litres d’eau oxy- génée à 10 volumes. Un tube adducteur conduit l'oxygène qui se dégage jusque [dans la cuve à mercure. Le dégagement cesse d’ailleurs au bout de quelques mois. Nous fermons alors le flacon à la lampe et nous le laissons 18 mois dans un endroit frais. Au bout de ce temps (1884) on retire les cerises qui présentent une EU NACRE Dur SÉANCE DU À JUILLET 463 odeur de kirschextrêmementagréable, etondistillelentement lejus qu’elles ont donné par l’écrasement. Le produit est ensuite confié à notre regretté collègue M. Henninger qui en retire 257 grammes d'alcool éthylique ab- solu et deux grammes environ d’alcools supérieurs (amylique, propy- lique, etc). Le problème est donc bien nettement résolu, il ne s’agit plus de quantités restreintes mais bien d'une quantité considérable de matière, de plus d'un quart de litre. Nous avons répété avec le même succès l’expérience sur des raisins, et ce qui démontre bien que c’est à la cellule végétale travaillant dans des conditions spéciales, qu'est dù le résultat, c’est que les raisins écrasés et filtrés ne nous ont pas donné trace d’alcool, par un contact très prolongé avec l’eau oxygénée. Nous avons aussi cherché à savoir si la substance du foie fournissaitde l’alcool dans les conditions que nous venons de faire connaître. Pour cela il fallait renouveler l'eau oxygénée sans cesse car le tissu du foie la décompose jusqu'au bout. Après plusieurs mois, le liquide traité par le réactif de Müntz, nous a donné très nettement l’odeur de l'iodo- forme, mais comme nous n'avons jamais pu dans ce cas en observer les cristaux, nous restons dans la réserve sur ce point très délicat. NOTE SUR QUELQUES EXPÉRIENCES EXÉCUTÉES SUR UN SUPPLICIÉ A TROYES, par MM. P. ReGnarp et P. Love. Le 2 juillet, un condamné devant subir à Troyes la peine capitale, nous nous sommes transportés dans cette ville en même temps que M. Laborde, notre collègue, dent la Société connaît, d'autre part, les recherches. Notre but était de faire un certain nombre d'expériences physiolo giques dont le plan nous avait été donné par M. Paul Bert, et, en même temps, de nous rendre compte des premiers effets qui suivent la décapi- tation chez l’homme. Cette dernière partie de l'étude que nous nous pro- posions de faire a toujours eu le privilège d’exciter vivement la curiosité, non seulement des physiologistes, mais aussi des psychologues. Ceux-ci se sont toujours demandé si la vie consciente persiste après la séparation de la tête et du tronc, ou si la mort survient bien au moment où elle est appliquée de par la loi. Nous avouons que cette dernière préoccupation n'était pas la nôtre: néanmoins ce que nous avons observé permettrait peut- -être d'acquérir quelques notions sur ce point contesté. 464 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Nous avons pu, grâce à l’extrême obligeance des autorités de Troyes, nous trouver dans des conditions d’expérimentation et d'observation qui depuis longtemps n'avaient été fournies à quelque médecin. C’est ainsi que, placés sur le lieu même de l'exécution, puis dans la voi- ture qui devait conduire le cadavre à la salle d’expérimentation, nous avons pu recevoir celui-ci moins d’une minute après la section de la tête, I. £xpression de la physionomie. Dans ces conditions, voici ce qu’il nous a été donné de voir. Au moment où le condamné fut placé sur l'instrument de supplice, il était très proba- blement en syncope, car il demeura totalement inerte. Au moment exact où le couteau trancha la tête, nous vimes, avec la plus grande facilité, une contraction de tous les muscles de la face, contraction qui fut très probablement accompagnée d’un phénomène pareil du côté du corps; mais il n’était pas facile de le constater étant donné que des liens de corde enserraient le condamné très étroitement. Grâce à la précaution prise par la municipalité de Troyes, de rempla- cer le panier traditionnel par la bière même du condamné, le corps nous fut remis sans avoir été touché moins d'une minute après l'exécution. Le premier fait qui nous frappa fut l’inertie étonnante dans laquelle il semblait être ; la face était calme, les traits reposés, les yeux fermés : nous étions loin de ces mouvements désordonnés que beaucoup d'auteurs at- tribuent aux cadavres des suppliciés, se fiant très probablement à ce qu'on observe sur certains animaux dont on se défait par la décapitation, II. Contracture initiale. En essayant de soulever le corps, nous nous apercevons qu'il est dans un état de contracture absolue, aussi bien des extenseurs que des fléchis- seurs. En levant l'extrémité des jambes on soulève le corps tout entier; il est impossible de fléchir les genoux, impossible de fléchir les cuisses sur le bassin. Quelque chose d’analogue semble d’ailleurs exister du côté de la tête; les paupières, qui étaient démesurément ouvertes au moment de la chute du couteau, sont convulsivement fermées : il nous est même difficile de les tenir ouvertes pour les expériences qui vont suivre. Cet état de con- tracture générale a duré deux ou trois minutes (une grande précision dans les mesures est difficile à atteindre dans une voiture lancée au grand galop des chevaux). IT. Z'tat des réflexes. Notre préoccupation a été de rechercher la persistance des réflexes © SÉANCE DU 1Â1 JUILLET. A6 Du côté du corps le pincement de la peau, le chatouillement des pieds ne produisent aucun mouvement après que la rigidité a cessé; — le réflexe rotulien a totalement disparu ; — l'œil étant vivement excité par le doigt, il n’y a pas trace de contraction des paupières ou des muscles de la face; — l'excitation violente de la surface médullaire au point de la section ne donne aucun résultat. Ainsi, trois minutes après la décollation, nous ne pouvons observer non seulement aucun mouvement spontané, mais même aucun réflexe : seule la pupille se contracte un peu en présence d'une lumière vive. Nous arrivons à l’hôpital où nous retrouvons M. Laborde et ses prépa- rateurs. Le corps est descendu, et tandis que la tête est remise à nos col- lègues, nous nous occupons exclusivement du tronc. IV. Contractilité pulmonaire. Notre première recherche a porté sur l’action qu’exerce le pneumo-gas- trique sur la contractilité pulmonaire. Un manomètre différentiel à eau est enfoncé dans la trachée et solidement lié sur elle, après toutefois qu’une ouverture a été pratiquée dans les deux plaies, de facon à per- mettre à l'air d’y pénétrer largement. Puis les pneumo-gastriques sont excités par un courant induit. Immédiatement nous constatons l'ascension du liquide dans le mano- mètre, ascension lente suivie d’une descente très lente également dès que le courant est interrompu. Cette expérience, un peu longue à préparer, à cause de l’état de la plaie, a été faite 32 minutes après la décollation. | Elle démontre que, chez l’homme où le pneumo-gastrique et le sympa- thique sont séparés, c'est bien à l’action du premier qu'est due la con- traction des fibres de Reissessen, démontrée jadis par M. Paul Bert. V. Action du pneumogastrique sur les mouvements du tube digestif. Nous ouvrons alors le ventre du sujet : il y à 45 minutes que la détron- cation est produite. On ne constate aucun mouvement spontané des intestins ni de l'estomac; le contact de l’air n’en détermine pas non plus. Nous excitons les deux nerfs vagues : immédiatement on constate des mou- vements très nets de l’estomac et des intestins, mouvements étendus jusqu’au côlon transverse. Nous ouvrons l'estomac : il est absolument vide, une forte odeur alcoo- lique s’en dégage, le condamné ayant bu un peu d’eau-de-vie en allant au supplice. VI. Action du pneumogastrique sur la sécrétion stomacale. Nous excitons de nouveau les pneumo-gastriques ; nous voyons la 466 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. muqueuse stomacale se froncer, se plisser très fortement, eten même temps, nous voyons sourdre des gouttelettes de suc gastrique à peu près également sur toute la surface. Il y a, à ce moment, 45 minutes que le condamné a été exécuté, VII. Fibres de Reissessen. - Nous ouvrons le thorax, et placant un des pôles de la pile sur la surface pulmonaire et l’autre sur la trachée dans le médiastin nous excitons directement le tissu pulmonaire. Les fibres de Reissessen se contractent ét le liquide monte lentement dans le manomètre trachéen (60 minutes). NII. Muscles de la main. - Nous disséquons alors avec M. Demoulins, aide d'anatomie de la Fa- culté, les interosseux dorsaux, les palmaires et les lombricaux. Le courant induit étant envoyé successivement sur ces différents muscles, nous voyons que leur action est bien celle que Duchenne de Boulogne a fait connaître. En résumé, nous insistons sur ces faits que nous avons constatés : — Contracture subite et générale au moment de l'excitation de la moelle par lé passage du couteau, contracture qui persista deux ou trois minutes; — Disparition complète des réflexes, même les plus grossiers; — Action évidente des fibres de Reissessen ; — action évidente aussi du pneu- mogastrique sur ces fibres, sur celles de l'estomac, de l'intestin grêle ét du côlon; — Action du nerf vague sur la sécrétion gastrique; — et enfin vérification du mécanisme des muscles de la main. rs Ces expériences n’apportent pas de fait inattendu, mais elles confir- ment ceux qu'on avait vus sur les animaux et étendus à l’homme par le raisonnement. Enfin la première partie de nos recherches pourra peut-être rassurer les psychologues qui redoutent la persistance qe la vie consciente après l'application de la peine de mort. SÉANCGE -DU Î1 JUILLET. 461, EE oo DL EEE EE AGTION DE LA PILOCARPINE ET DE L’ATROPINE SUR LA PRODUCTION DE LA SUEUR; . par M J UDÉE. d 154 Vous coupez la moelle d’un chat entre la huitième et la neuvième vertèbre dorsale. Vous mettez à nu cette moelle, en enlevant les arcs vertébraux, puis vous coupez toutes les racines postérieures de droite et, de gauche, comme l’a fait le premier Luchsinger, de manière à bien prouver que, si la moelle réagit, ce n’est pas par l'intermédiaire de ces racines ; vous fermez la plaie au moyen d'une suture. Cela fait, vous laissez l'animal sereposer péndant: deux heures, puis vous le plongez dans une étuve et peu après son immersion vous constatez l'apparition d'une sueur abondante sur la pulpe glabre de ses pattes postérieures. Il résulte de ce premier fait, qu’il doit exister dans la moelle un centre nerveux susceptible de réagir sur le système périphérique dont le rôle est de permettre la production de la sueur. Coupez maintenant sur un jeune chat l’un de ses nerfs sciatiques: excitez le bout périphérique de ce nerf et vous verrez encore se produire une sueur abondante sur la pulpe glabre de la patte où ce nerf se distribue. La eonclusion à tirer de cette seconde expérience est incontestablement que l'irritation du bout périphérique du nerf sciatique agit sur Le système périphérique destiné à produire la sueur de la même facon que celle du centre médullaire, de sorte que ce nerf ne doit être considéré en définitive que comme un simple organe de transmission destiné à mettre en com- munication le centre médullaire et celui qui doit exister à la ReRBDERE du corps pour permettre la production de la sueur. Si, au lieu d’irriter le bout périphérique du nerf sciatique du: chat en expérience, vous lui administrez de la pilocarpine vous constaterez encore sur la pulpe de la patte où ce nerf se distribue un écoulement abondant de sueur. En présence de ce nouveau fait, il est impossible de nier que, dans ce cas, son mode d'action sur l'appareil sudoral ne res- semble pas beaucoup à celui exercé par le centre sudoral médullaire, ni que cette action ne s'exerce pas directement à la périphérie soit sur les éléments! glandulaires, soit sur les éléments nerveux dont la mise en action est nécessaire pour produire la sueur. -Il reste donc à savoir si l’action de la pilocarpine se porte sur. les élétuints glandulaires ou bien sur le système nerveux. A cet effet, Luchsinger donne de la pilocarpine à un chat dont il à coupé | le nerf sciatique cinq ou six jours auparavant et il voit ne se produire de la sueur sur aucune patte. Au lieu de cinq jours, il en administre le lende- main de la section et il constate encore-une absence complète de sueur sur les pattes de l'animal en expérience. Il en conclut que l’action de la pilocarpine ne se porte pas sur les éléments glandulaires, mais bien sur 468 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. ceux du système nerveux, puisque c’est le propre des éléments anato- miques de ne s'altérer qu'à la longue, tandis qu'il est parfaitement démontré que ceux relevant du système nerveux s’altèrent très prompte- ment et perdent rapidement leur excitabilité nerveuse, dès qu’ils sont séparés des centres auxquels ils doivent leur vitalité. Pour savoir comment: se produit la sueur, il ne reste donc plus qu’à examiner de quelle nature sont ces éléments nerveux et comment ils agissent pour donner naissance à la sécrétion sudorale. Pour moi, à l’état normal, les glandes sudoripares sont contractées ou, si on le préfère, en état de fonicité. Cet élat spécial de ces glandes est dû à des petits ganglions nettement constatés tout au moins pour le cœur et auxquels je me permets de donner le nom de ganglions cons- tricteurs pour en mieux faire saisir les usages. À côté de ces ganglions, il y aurait, comme dans le cœur, des ganglions frénateurs. La pilocarpine aurait la propriété comme le centre médullaire sudoral, comme, son appareil de transmission, le nerf sciatique, d'agir sur ces derniers de manière à les rendre capables de réduire à néant l’action des centres constricteurs destinés à entretenir la tonicité des glandes sudoripares. De là dilatation des glandes sudoripares et par suite possibilité d’une production abondante de sueur, car, sans dilalation de ces tubes il est bien difficile de comprendre sa production, à moins que ce ne soit en petite quantité, comme cela a lieu le plus ordinairement lorsqu’aucun phénomène nerveux n'intervient pour en augmenter ou bien en diminuer la secrétion. Si, maintenant en donnant de l’atropine au lieu de la pilocarpine au . même animal, vous produisez le phénomène inverse, c'est tout simple- ment parce que l’atropine jouit de la propriété d'annihiler la neurelité d'inhibition, ainsi que j'ai essayé de le démontrer antérieurement en étudiant son mode d'action sur les nerfs pneumogastriques et que, du moment que les ganglions frénateurs ne sont plus là pour arrêter l'action des ganglions constricteurs, la première chose que font ceux-ci, une fois qu’ils ont recouvré leur liberté, est de ramener les tubes sudoripares à leur état normal, de manière à supprimer la sueur, du moins en assez grande quantité pour rendre sa production inappréciable à l'œil nu. Voici donc, quant à moi, comment tout ce qui précède peut être résumé : Il existe des centres d'inhibition périphériques ; la pilocarpine jouit de la propriété de réagir sur eux à la facon des centres médullaires, l’atro- pine d’en annihiler l’action. SÉANCE DU 11 JUILLET. 469 oo RECHERCHES SUR LA VÉGÉTATION A L'OBSCURITÉ DANS DES SOLUTIONS SUCRÉES, par LÉON BRASSE.. Les champignons, les plantes parasites et en général tous les tissus végétaux sans chlorophylle utilisent pour l'édification de leurs tissus des aliments déjà élaborés, et ces aliments leur sont d'autant plus favorables qu'ils s'éloignent moins par leur composition de celle de la plante: par exemple, les sucres, matières éminemment plastiques pour la transfor- mation desquels l'énergie nécessaire est bien peu de chose et il faut qu'il en soit ainsi, la plante n’ayant à sa disposition qu'une faible quantité d'énergie : celle qui résulte de sa respiration et de certains phénomènes internes qui s'accomplissent avec dégagement de chaleur. Les plantes vertes seules, qui par leur fonction chlorophyllienne recoivent le concours d’une énergie étrangère, peuvent amener la décom- position de l'acide carbonique, décomposition qui exige une grande absorption d'énergie. Mais l'existence de la chlorophylle dans une plante verte empécherait- elle par cela même la plante d'utiliser les aliments élaborés qu'on mettait à sa. disposition ? Que se fait-il dans la cellule à chlorophylle? de l’amidon, et cet ami- don, ainsi que je l’ai fait voir (1),se transforme en sucres dans ces mêmes cellules sous l'influence d’une diastase semblable à celle du malt : et ce sucres qui peuvent voyager serviront à édifier de nouveaux tissus. C'est un point sur lequel tout le monde est d'accord, mais l'accord cesse quand on veut remplacer ces sucres venus du grain de chlorophylle par des sucres venant de l'extérieur. Pour certains physiologistes, ces matières éminemment utiles à la plante ne pourraient pas franchir les assises épi- _dermiques de la plante et seraient totalement inutilisées. Je communique aujourd'hui à la Société de Biologie quelques expé- riences qui me paraissent destinées à éclaircir un peu la question. Je prends une graine dont je connais la teneur en matière sèche, je la sème dans un sol ou plutôt dans une dissolution renfermant les éléments des cendres et une matière hydrocarbonée soluble, le sucre de canne. La culture est faite dans une étuve à 35° parfaitement noire. De la sorte la plante n’a pas pu utiliser l'acide carbonique qui existe non seulement dans l'atmosphère mais qui aurait pu se former au sein du liquide sucré. Toute augmentation de matière sèche indiquera donc une formation de nouveaux tissus aux dépens de la solution sucrée ambiante. L'expérience parait simple et facile à réaliser. Au premier abord, J'avais cru moi-même qu'il en était ainsi, mais je n'ai pas tardé à me (4) Ce R. Acad. d. Se. T. 99, p. 878. k70 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. heurter contre une difficulté qui me parut d'abord insurmontable. Quand on sème une plante dans une solution sucrée on s 'apercoit, dès le lendemain que le liquide est rempli de champignons et que la plante ne pousse pas du tout; ou bien, si elle pousse, elle n'a pas encore vidi ses cotylédons qu'il n'y a plus de sucre dans la liqueur. Dans le plus grand nombre de cas elle deviént elle-même la proie de ces champi- gnons. | 41 Il fallait donc à tout prix se défendre contre les germes microscopi- ques. Pour les vases et les liquides les procédés sont connus, il'a fallu seulement trouver un moyen pour ne pas chauffer en vase clos le sucre en présence des matières minérales qui l’auraient bien vite transformé en un mélange inconnu de sucres réducteurs. Pour les graines, c'était plus difficile ; mais, après de nombreux essais infructueux qui ont duré près d’uné année, j'ai réussi à détruire tous:les germes existant à la surface d’une graine connue, on peut le voir par les deux communications que j'ai faites ici même à ce sujet le 2, mars et le 29 mai. 1% série d'expériences. — 4 ballons Pasteur, À, B, C, D, recoivent le 20 janvier une même solution sucrée et stérilisée, À est conservé comme témoin, il recoit 5 graines de cresson alénois préalablement triées par une température de 100°, puis stérilisées. B recoit 5 graines traitées par l’eau de chlore. C recoit 5 graines n’ayant subi aucun traitement. D n’a recu aucune graine. Les graines ont été choisies de telle sorte que :. 1° Elles pèsent toutes le même poids. 2° Ce sont des graines moyennes, on a d’abord rejeté toutes les Sun qui pesaient plus ou moins. - Le 21 janvier, G s’est peuplé, le liquide est devenu complètement trou- ‘ble; on aperçoit un commencement de germination dans B. Le 29 janvier, pas une graine n’a germé dans-C; les 5 graines de B ont ‘donné 5 plantules bien développées. | A partir de cette époque on constate un arrêt dans le sévolonee Cl ‘les 5 plantes de B n'étaient pa plus avancées quand on a mis fin à l’ex- “périence le 8 février. Je me suis apercu qu’on avait oublié la chaux dans la nn - du liquide nutritif;:or dans ce cas, comme l’a fait connaitre M. Bœhm, le développement des graines se fait dans des conditions tout à fait défec- tueuses. Néanmoins les plantes avaient bonne apparence, elles étaient comple- SÉANCE DU 11 JUILLET. AT tement blanches, mais turgescentes, flottaient à la surface du liquide la radicule en bas, celle-ci présentait une coiffe normale et des poils radi- caux bien développés. 2 plantes ont été réservées pour l'examen micros- copique, les 3 autres ont été séchées et pesées. Cette opération est très délicate en raison des faibles différences de poids qu'il faut constater entre le poids sec de la graine et le poids sec d’une plante venue dans des conditions aussi défectueuses. Les plantes sont immergées dans de l'alcool fort, pendant une heure puis dans de l'alcool à 50 °/, pendant 12 heures. De la sorte on a dépouillé la plante non seulement de l’eau sucrée qui la mouillait et qui aurait compté comme poids sec mais encore de tous les éléments de la sève solubles dans l'alcool à 30. Si l'on sèche maintenant cette plante, le poids sec est inférieur à ce qu'il devait être en réalité puisqu'on a enlevé des matières solubles. Cet excès de prudence n’est pas inutile quand il faut opérer sur des poids aussi minimes que Ceux que nous allons présenter. 3 graines pesaient après dessiccation à 410°. . . . . . .. Bus, 3 plantes pèsent après dessiccation à 110° . . . , . . . .. 11675. ANSE EALIONE DR NE EIRE EAN AR Et L'augmentation est faible, mais les recherches de M. Boussingault ont montré que jamais une plante à l'obscurité n'atteignait le poids de la graine d'où elle était issue et que cette différence des deux poids repré- sentant les matières carbonées brülées par la respiration augmentait avec la durée de la végétation pouvant atteindre ainsi la moitié et même les 2/3 du poids de-la graine. L'examen microscopique vient d’ailleurs corroborer les résultats de la: pesée. Les cellules stomatiques sont gorgées d’amidon, ce qui ne se voit jamais dans les plantes venues à l’obscurité dans les conditions ordi- -naires et jamais à un tel point dans les plantes végétant à la lumière. L'examen des liquides de culture nous fournit des renseignements plus précieux. On y à dosé le sucre total et le glucose par la ROUE de Allihl ra les ballons B et D. : Le ballon A a été réservé pour un examen ultérieur qui a été fait ML 11 mars. Afin de pouvoir faire des comparaisons, le sucre de canne est exprimé par le poids de glucose qui lui correspond. D -B _ Aucune végétation Végétation de 5 plantes pendant 20 jours, Sucre total. 1051160 | 10183. Glucose. QAAMErT7 383"66. * Glucose produit pendant la végétation — 168:9. 472 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Le ballon À examiné un mois après ne contenait que 2265 de glucose. On voit que la quantité totale des sucres, qu’il y ait eu ou non végéta- tion, n’a pas changé dans les limites des erreurs d'analyse. La différence constatée serait de 23%# en plus, c’est-à-dire 4/500, mais les dosages de glucose par précipitation du sous-oxyde de cuivre n'ont jamais prétendu atteindre une exactitude dépassant 1/200. Nous pouvons donc admettre qu'il n'y a pas eu de variation sensible dans la quantité totale des sueres. Mais la distribution a changé. Le glucose qui ne s'élevait qu'à 211% 7 et qui un mois après dans un autre ballon sans végétation n’atteignait que 2265 5 s’est trouvé porté sous l'influence de la végétation à 383": 6. Soit une augmentation de 1685 9. Il ne peut être ici question d’erreur d'analyse, la quantité de glucose a presque doublé. Un examen attentif n’a montré aucun microbe et d’ailleurs quel est le microbe qui, en 20 jours, se serait contenté d’inter- vertir 460%: 4 de sucre de canne sans en faire disparaitre une quantité appréciable ? Il faut ‘donc bien conclure que c’est la plante qui, pendant sa germi- nation à l'obscurité, à une températnre de 35°, a changé 160 "5 4 de sucre de canne en 168": de sucre réducteur en même temps qu'elle a édifié de nouveaux tissus aux dépens de la même solution sucrée ainsi modifiée. 9me série d'expériences. Cette seconde série d'expériences a été instituée en vue d'un travail fait en collaboration avec M. Capus, travail dans lequel nous étudions surtout les variations dans la structure anatomique d’une plante aérienne et à chlorophylle devenue aquatique et parasite. Le dispositif adopté ne nous aurait pas permis de doser le glucose avec la rigueur apportée dans les expériences précédentes et nous avons pré- féré nous en abstenir. Le 7 mars, 6 tubes à essai stérilisés recoivent le mélange minéral sans sucre. 6 autres recoivent le même mélange sucré. 3 tubes dans chaque série sont exposés à la lumière, les 3 autres à l'obscurité à 35°. ; | Or voici ce qu’on observe le 1% avril. Obscurité. Dans l’eau, la végétation est chétive, les deux feuilles cotyle- donaires existent seules, la racine est simple, les poils radicaux atrophiés, la tige est longue et grêle. Dans le sucre, végétation splendide, nombreuses feuilles en rosette, radicelles secondaires nombreuses, poils radicaux bien développés, tous les organes sont turgescents, la plante reste submergée. Lumière. Dans l’eau les plantes ont leur aspect ordinaire, feuilles cotylédonaires et feuilles secondaires, le tout bien vert. Dans le sucre l'aspect est le même au point de vue du développement SÉANCE DU  JUILLET. 473 mais la chlorophylle manque presque complètement dans toutes les parties submergées. Les plantes venues à l'obscurité ont été séchées et pesées avec tous les soins indiqués plus haut. Plantes venues dans l’eau non sucrée... . . . . moyenne — 1% 75 maximum — 1475 minimum — 96 75 Ici l'assimilation du carbone est manifeste, il est probable que si, dans la première série, les plantes n'avaient pas souffert du manque de chaux on aurait obtenu de meilleurs résultats. Mais il ne faut pas oublier que nous ne devons pas songer à obtenir des plantes vigoureuses, car nous changeons trop leur manière d'être : de plantes aériennes nous faisons des plantes aquatiques, de plantes vertes, des plantes parasites; les modifications profondes que nous obser- vons dans la structure anatomique nous permettent de voir que la plante n'est pas indifférente à ces changements de milieu. Pour remédier à cet inconvénient j'ai institué.des expériences actuelle- ment en cours, où la plante se trouve dans des conditions s’éloignant bien moins de sa manière d’être normale. J'attends la fin de ces.expé- riences pour communiquer certains résultats déjà acquis. Plantes venues dans l’eau sucrée. STÉTHOSCOPE AMPLIFICATEUR CARDIOGRAPHE, par M. GAvoy. J'ai l'honneur de présenter un stéthoscope amplificateur servant à volonté de cardiographe ou de sphygmographe. La construction de ce stéthoscope repose sur le principe du téléphone à ficelle et sur l'emploi d'un résonnateur pour renforcer les sons recus par une membrane, disposée comme le tympan au fond du conduit auditif. La partie essentielle de cet instrument est constituée par une petite caisse métallique en forme de cloche, dont les parois sont minces et sonores. L'ouverture inférieure de cette cloche est fermée par une mem- brane tendue sur ses bords; son sommet est terminé par un embout supportant un tube en caoutchouc. Cette petite caisse, qui joue le rôle de résonnateur, est emboîtée et fixée par son embout à l’intérieur d'une seconde cloche en ébonite, de dimensions plus grandes, formant le corps du stéthoscope et servant de récipient, de collecteur des ondes sonores ou de cornet acoustique, qui condense les ondes sonores sur la membrane et autour des parois libres du résonnateur. L'oreille n’a ainsi aucun rapport direct avec la masse d’air contenue dans le corps du stéthoscope et en contact avec la paroi thoracique ; on ne peut par conséquent assimiler cet instrument à un stéthoscope ordinaire 47% SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. qui ne réprésente qu'un tube acoustique, ne portant à l'oreille que les bruits propagés à travers la colonne d’air qu'il renferme; ces bruits sont forcément atténués. Le stéthoscope que j'ai l'honneur de présenter trans- met à l'oreille les bruits thoraciques préalablement recueillis dans une caisse vibrante assez analogue à un résonnateur d'Helmholtz. Cette caisse, suspendue dans l’intérieur du corps du stéthoscope, recoit toutes les ondes sonores condensées sur sa périphérie; ses parois métalliques entrent-en vibration en même temps que la membrane et communiquent à la masse d’air qu'elles renferment la résultante de ces deux ordres de vibrations. — Ce stéthoscope n’est donc pas un simple tube acoustique, mais bien un appareil à renforcement des sons. Cette théorie est vérifiée par l’expérience; il suffit d’ausculter le cœur alternativement avec l'oreille et avec le stéthoscope. Lorsque les bruits du cœur sont faibles ou de moyenne intensité, on remarque aisément que les bruits percus avec le stéthoscope sont plus détachés, mieux frappés, bien isolés, plus nets, plus vibrants, plus clairs; qu’ils ne présentent pas ce caractère sourd fourni par l’auscultation directe avec l'oreille ou avec un tube acoustique ; ils paraissent émaner du milieu ambiant et semblent extériorés sans avoir subi aucune altération dans leur timbre. Ce stéthoscope présente encore le très grand avantage de pouvoir être transformé à volonté en cardiographe ou en sphygmographe sans subir aucune modification préalable. — Il suffit d'adapter l'extrémité auricu- laire du tube en caoutchouc à un enregistreur en miniature qui dévide une bande de papier de 25 mètres de longueur. Pour prendre le diagramme des pulsations de l'artère radiale, il faut avoir recours à une petite plaque ayant à son centre une touche supportée par une languette élastique. On met cette plaque sur l'artère radiale, le stéthoscope par-dessus et l'aiguille de l’enregistreur se met en mouvement. — Mais ce résultat n’est pas suffisant; il faut éviter d’écraser l'artère par une pression trop forte ; on doit également éviter d'exercer une pression trop faible ; par conséquent pour proportionner la pression à la résistance artérielle, pour permettre de graduer cette pression, on enlace le poignet et le stéthoscope avec un bracelet en caoutchouc. Une des extrémités de ce bracelet est disposée de telle sorte qu'on peut à volonté allonger où raccourcir sa longueur suivant les dimensions du poignet; l’autre extré- mité permet d'augmenter la tension du tissu, lorsque le bracelet est fixé sur le poignet; enfin, à l’aide d’une petite vis de rappel, on peut graduer cette tension suivant les oscillations de l’aiguille et lui donner, quelle que soit la résistance ou la faiblesse du pouls radial, une marche réguliére. Après avoir pris le diagramme des battements du cœur, on pourrait demander à cet instrument de reproduire les bruits cardiaques sans le concours du malade, en employant seulement un diagramme! — Mes recherches à ce sujet ne sont pas encore entièrement satisfaisantes ; elles feront, je l'espère, l’objet d’une communication postérieure. SÉANCE DU 11 JUILLET. 175 Ce stéthoscope offre donc des avantages incontestables comme stéthos- cope simple; il présente en outre aux médecins praticiens une immense ressource pour poser sûrement et rapidement le diagnostic des affections cardiaques, en joignant, aux signes fournis par l’auscultation, les indica- tions qui ressortent des diagrammes des battements du cœur ou des pulsations artérielles. — Le petit volume de tout cet appareil, parfaitement construit par Bréguet, est contenue dans une boîte de la dimension d’une trousse de poche ; sa légèreté, sa commodité, son maniement facile et sa solidité en font un instrument essentiellement pratique, éminemment utile au monde médical. RELATION ENTRE LA SENSIBILITÉ LUMINEUSE ET L'ÉCLAIRAGE AMBIANT. Note par le D' Auc. CHARPENTIER, professeur de la Faculté de Nancy, pré- sentée par M. d'ARSONVAL. On sait que la sensibilité lumineuse augmente d’une facon notable quand l'œil, au sortir d’un milieu éclairé est maintenu dans l'obscurité. Mais il y a plus, c’est que cette sensibilité lumineuse varie incessamment suivant les fluctuations de l'éclairage ambiant; elle ne demeure constante que pour un éclairage invariable. IL y à donc une relation déterminée entre l'intensité de chaque éclairage et la valeur de la sensibilité lumi- neuse ou de son inverse le minimum perceptible. C'est cette relation que je me suis efforcé de déterminer. Après plusieurs essais portant sur le choix des méthodes, je me suis arrêté à la suivante, comme étant la plus simple et la plus pratique : je me suis procuré une série de verres noirs (dit verres fumés) dont j'ai mesuré rigoureusement le pouvoir absorbant; ces verres, placés devant l’œil, laissaient passerles fractions suivantes de la lumière ambiante, celle- ci étant prise pour | : Verre n° 1 — 0,081 — n° 2 — 0,154 — n° 3 — 0,232 TA AS — n° 5 —- 0,510 — n° 6 — 0,617 En choisissant des journées absolument sans nuages, l'éclairage de ma salle de recherches pouvait être considéré comme constant pendant la durée d’une expérience, laquelle ne dépassait jamais une demi-heure. Je choisissais alors une surface uniformément éclairée, comme une portion du plancher, un mur, un large écran blanc; je me placais vis-à-vis de cette surface et la regardais pendant 5 à 6 minutes pour que la réüne fût bien adaptée; je mesurais ensuite avec mon photomètre le maximum de lumière perceptible; puis je placais devant mon œil Le verre n° 6, le plus 476 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE clair de la série, et je regardais de nouveau la surface uniformément éclairée; je répétais, après adaptation à ce nouvel éclairage, la détermi- nation du minimum perceptible, et ainsi de suite pour toute la série de mes verres; la série étant épuisée, je fermais et recouvrais Les yeux et je déterminais alors la valeur du minimum correspondant à l'obscurité complète. L'expérience m'a montré qu'en passant d'un verre au suivant il suffisait de 2 minutes 1/2 à 3 minutes pour que l'œil fut adapté au nouvel éclairage; passé ce temps, la perception correspondant à ce dernier ne variait plus. De l’ensemble de mes recherches il résulte que, pour des éclairages assez faibles tels que ceux de nos appartements, le minimum perceptible peut être considéré sans grande erreur comme variant proportionnelle- ment à l'éclairage auquel l'œil est adapté. Cependant, cela n’est pas absolument juste, etla courbe qui représente les valeurs du minimum perceptible en fonction de l'éclairage n’est pas une ligne droite; c’est une ligne un peu sinueuse, à double courbure, l’une convexe, vers la partie voisine de l'éclairage le plus faible, l’autre concave, vers l'éclairage le plus fort. Cela veut dire qu’en réalité le minimum perceptible commence par augmenter un peu plus lentement que l'éclairage ambiant, puis sensible- ment comme cet éclairage, et enfin, quand cet éclairage à dépassé une valeur moyenne, le minimum perceptible augmente plus vite que ce der- nier ; pour des éclairages forts tels que celui d’un ciel d'été sans nuages, il augmente même extraordinairement vite, de sorte que la sensibilité lumineuse devient rapidement voisine de zéro. En somme, la loi de proportionnalité entre le minimum perceptible et l'éclairage ambiant est acceptable pour des éclairages de valeur moyenne. l En prenant pour valeur de la sensibilité lumineuse l'inverse du mini- mum perceptible, il est aisé de voir que la sensibilité lumineuse varie en sens inverse de l'éclairage, mais elle augmente toujours plus vite qu’elle ne diminue, et elle atteint son maximum dans l'obscurité. Ceite adaptation est le fait de l'appareil nerveux visuel, ou, comme on dit, de l'appareil rétinien, elle s'opère indépendamment des variations du diamètre pupillaire que produit la lumière, et la courbe du phénomène est à peu de chose près la même si l'on élimine l'influence de la pupille en placant devant l'œil un diaphragme plus petit que le plus faible dia- mètre atteint par cette dernière. Le Gérant : G. Masson. Paris. — Imprimerie G. ROUGIER et Cie, rue Cassette. L S'ÉANIGE DU 8H) ET 885 Poucuer et BeaureGaARD : Note sur le développement des fanons. — HENrr LELOIR : Etudes comparées sur la lèpre (suite). — AuG. CHARPENTIER : Influence d’un œil sur l'adaptation de l’autre à la lumière. — Cn. Ricuer : Des effets de l'excitation traumatique du cerveau, — Doréris et Pouey : Albuminurie gravidique et éclampsie. — GréHanr : Note sur un perfectionnement de la pompe à mercure. Présidence de M. Paul Bert. NOTE SUR LE DÉVELOPPEMENT DES FANONS, par MM. POUCHET ET BEAUREGARD. Les matériaux qui ont servi à cette note, sont : deux fœtus de Balæ- noptère (B. Sibbaldii), longs de 1",80 environ, rapportés par le professeur Pouchet de son voyage en Laponie, et un fœtus de la même espèce qu'il avait recu antérieurement pour le Muséum. Ce dernier, individu long de 3%,60, était arrivé à une période de son développement particulière-. ment intéressante au point de vue de l’histoire de l’évolution des fanons. Sur les fœtus de 1,80, la muqueuse palatine dépoufvue de son épithé- lium est complètement lisse. — Les deux moulages qui en ont été faits et qui portent les n°° 1882-20 et 1882-21 montrent bien cet état. Le derme ne présente aucune papille saillante visible. Il ne présente, d'autre part, sur les coupes aucune invagination épithéliale, sauf celle de la lame dentaire. Rien n’annonce ni l'apparition ni la place des fanons à venir. Sur le fœtus de 3%,60, l'aspect est tout autre (pièce À 2447). La voûte palatine est recouverte d’un épithélium formant sur ses bords à droite et à gauche 2 bourrelets arrondis, saillants, hauts de 12 à 15 millimètres, larges de 3 centimètres à leur base, s’atténuant un peu en arrière, el beaucoup plus en avant, où ils convergent en dedans l’un vers l’autre. Chacun de ces bourrelets est l’origine de la rangée de fanons corres- pondante. Quand on l'a détaché, on voit d’une part : sur la surface dénudée du derme, des éminences ou papilles disposées en séries parallèles perpendi- culairement à l'axe antéro-postérieur de la voûte palatine. Dans chacune de ces séries, les papilles externes sont très rapprochées et confondues BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8€ SÉRIE, TANIAAN COTE 478 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. par places. Les internes sont libres, en forme de mamelon, plus où moins coniques. D'autre part, la face profonde du bourrelet présente des excavations correspondant aux papilles susdites qui sont les papilles primitives dont l'épithelium formera les fanons. Chez l'adulte (préparations À 2458 et À 1156), les éminences rapprochées a la région externe se confondent pour donner naissance à l'énorme papille flabelliforme disposée en iame sur laquelle s'implante le fanon. Les éminences internes de la série restant distinctes donneront naiïs-: sance aux petits fanons aplatis et très réduits qu'on trouve en dedans des grands fanons. Enfin, celles qui occupent le bord interne produiront les fanons eylin- driques qu’on observe encore plus en dedans ou sur la ligne médiane à la jonction des deux rangées de fanons. Morphologiquement, il n’y a done rien de commun entre les fanons el les organes désignés sous le nom de poils (1) que caractérise une invagina- lion épithéliale dont on ne trouve pas trace dans l’évolution embryolo- gique des fanons. On peut au contraire comparer celle-ci à l’évolution des papilles flabelliformes qu'on trouve dans la cavité buccale des autres mammifères. S'il fallait rechercher les homologies des fanons dans la série animale, on les trouverait dans les papilles cornées de la langue de certains Mammifères, et peut-être dans les lames saillantes de la voñte palatine qui, chez quelques-uns, rappellent vaguement par leur situa- tion et même la forme de leurs bords dentelés les grandes papilles lamel- leuses flabelliformes d'où viennent les fanons. = Comme dernière considération, ajoutons que chez un fœtus de Cacha- jot long de 1,30, dont nous poursuivons en ce moment l'examen, on observe à la voûte palatine deux rangées de petites papilles saïllantes, claviformes, espacées, qui semblent an représentant morphologique de la zone des fanons des Mysticètes. (1) L'allongement considérable des papilles est un fait général de l'anatomie des Cétacés ef qu'on observe en particulier dans la peau de ces animaux, De Blainville se trompant sur la nature des organes auxquels il convient de réserver le nom de bulbes avait confondu ces papilles avec des poils (de Blain- ville ; De l'organisation des animaux, &. 1, p. 69). SÉANCE DU 18 JUILLET. 179 ÉTUDES GOMPARÉES SUR LA LÈPRE (suite). (Anatomie pathologique de la lèpre) Par HENRI LELOIR. J'ai l'honneur de présenter à la Société de Biologie une série de planches, de dessins et de préparations représentant des lésions histolo- giques de la lèpre (4). 1° PEau. — À. L'piderme. a. — Dans les tubercules récents, crus, non exédens, on constate que l’épiderme est intact; cependant, tantôt ses prolongements interpa- pillaires sont hypertrophiés ; tantôt (surtout dans les tubereules volu- mineux) ils sont aplatis et peuvent même avoir disparu. À cette période, l’épiderme est en somme intact. Bien qu'il contienne des cellules migra- trices, je n’ai pas trouvé de bacilles dans ces cellules migratrices ayant filé entre les cellules du corps de Malpighi. Dans un seul cas, j'ai pu constater quelques rares bacilles dans un follicule pilo-sébacé et vérifier ainsi l’exaclitude de ce qu'a dit Babès à cet égard. b. — Dans les tubercules plus anciens tendant à s’ulcérer, à se cou- vrir de squames, de croûtes, ou à présenter à leur surface des vésicules ou des phlycténules purulentes, j'ai pu constater une analogie frappante entre ces lésions épidermiques siégeant à la surface de ces tubercules lépreux et celles que j'ai étudiées à la surface des tubercules lupeux. C'est-à-dire : Ou bien des lésions de desquamation (diminution ou disparition de la couche granuleuse et de l’éléidine ; persistance de la vitalité des cel- lules de la couche cornée dans leur moitié ou leur tiers inférieur) ; Ou bien des lésions de vésico-pustulation (formation d’un reticulum épithélial d’après le processus que j'ai décrit sous le nom d’altération cavitaire) ; Ou bien des lésions de phlycténisation (formation de phlyctènes superficielles ou profondes par clivement des couches épidermiques) ; Fait intéressant, j'ai pu, dans deux cas, constater des bacilles dans les leucocytes contenus dans la cavité 1° d’une phlycténule et 2 d’une vesico-pustule non crevées. Mais, en somme, la présence des bacilles dans l’épiderme, même malade, est tout à fait exceptionnelle ; et les lésions de l’épiderme à la (1) Cette étude s'appuie sur l'examen d'un grand nombre de produits lé- preux recueillis soit en France (1879-1883), soit rapportés ou envoyés de Norwège grâce à la grande obligeance des Docteurs Kaurid de Wolde et A. Hansen de Bergen. 480 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE surface des tubereules lépreux sont évidemment secondaires aux lésions du derme, de l’hypoderme et des vaisseaux et nerfs qui y sont contenus. B. Derme. Le léprôme siège dans le derme ; surtout dans les régions moyennes et inférieures du derme ; mais il envahit aussi fréquemment les couches supérieures du derme et la couche papillaire. Je n'ai pas à insister ici sur l’histologie du léprôme cutané, bien étudiée par Danielsen et Bæck, Virchow, A. Hansen, Cornil, Neisser, etc. Je ferai remarquer seulement que ce léprôme présente dans sa distribution topographique une assez erande analogie avec le lupôme. Ainsi, de même que dans le lupus tuberculeux, le derme se trouve infiltré par des masses de cellules tendant à se grouper en manchons, principalement autour des vaisseaux (comme on le voit bien sur ces préparations où les vaisseaux ont été injectés au bleu) et à suivre les trajets et fentes lymphatiques du derme. Il y a de véritables lymphangites lépreuses, comme il y a des lymphangites lupeuses. Maiïs,en outre, les tubercules lépreux, les nodules du léprôme ont une grande tendance à se grouper autour des nerfs du derme et de l’hypoderme. Le léprôme envahit fréquemment l’hypoderme et au début on constate sa tendance à se masser autour des glandes de la peau des nerfs et des vaisseaux. Îl arrive parfois que le derme soit presque intact, alors que l’hypoderme est envahi d’une facon diffuse par le léprôme. Dans ces cas, la lèpre tuberculeuse pourrait être prise au premier abord pour une lèpre maculeuse brune. Les vaisseaux, nerfs et glandes de la peau pré- sentent une série d’altérations que j'ai étudiées en 1881 dans mon travail sur les Affections cutanées d’origine nerveuse. Je dois toutefois remar- quer en passant que, ainsi que je Fai dit dans mon article 7rophonévrose du Dictionñaire de médecine et de chirurgie pratiques (1883), les lésions de névrite parenchymateuse paraissent être secendaires à l’action directe des bacilles lépreux et de leurs spores que l’on trouve renfermés en grande abondance dans les cellules Iymphatiques qui dissocient les tubes nerveux, et non pas primitives, comme je le pensais en 1881. Pour la description des bacilles et spores qui se trouvent dans la peau et ailleurs, je n’ai rien à ajouter aux excellentes descriptions qui en ont été faites par Hansen, Neisser, Cornil, Babès, ete. Je remarquerai seulement que le nombre, la disposition, la situation, l'aspect de ces bacilles étaient identiques dans les tissus de lépreux norwégiens et dans les lissus de lépreux de la Guadeloupe, de Nice, etc., que j'ai étudiés. De méme que Cornil et Hansen, j'ai pu quatre fois, chez des lépreux norwé- giens, ou des lépreux des colonies, constater des mouvements légers «lans les bacilles contenus dans le sang obtenu par piqûre d'un tuber- cule. J'ai, dans un cas, fait sécher pendant douze jours, dans une étuve SÉANCE DU 18 JUILLET. 481 à 39°, un tubercule lépreux rapporté de Norwège dans de l'alcool; les bacilles très abondants y étaient encore parfaitement visibles sur des coupes colorées d’après le procédé de Ehrlich. Le léprôme cutané subit parfois la transformation fibreuse, et sous cet aspect rappelle beaucoup une coupe de lupus scléreux. Il contient encore des bacilles, même lorsqu'il a subi une dégénérescence tibreuse complète ; mais ces bacilles sont moins abondants. Done, le derme et l’hypoderme (ainsi que les muqueuses de la bouche et du pharynx, comme nous le verrons), constituent un excellent terrain de culture pour le bacille qui y pullule, sous forme de bâtonnets et de spores (notons cependant que les spores sont moins abondantes dans le tégument que dans les ganglions et les viscères). Quant à l’épiderme, il est un détestable terrain de culture, sans doute à cause du peu de cellules lymphatiques qu'il contient, et peut-être de l'insuffisance de la température. 2° MUQUEUSES. a. — Les lésions des muqueuses labiales, buccales, quiturales, sont très analogues, sauf quelques légères différences, à celles que l’on observe dans la peau. Toutefois, les tubereules semblent s’y exulcérer ou ulcérer plus facilement; aussi les bacilles y sont-ils plus superficiels et consti- tuent-ils parfois à la surface des exulcérations et érosions des cultures presque pures; en général, bien plus riches en bacilles que le pus sécrété par les tubercules ulcérés de la peau. Dans deux cas, j'ai été réellement étonné de la prodigieuse quantité de bacilles contenus dans la salive de lépreux atteints de lésions tuberculeuses de la bouche. à. — Je dois ici insister un peu sur les lésions de la langue, dans la lèpre tuberculeuse, car elles ne sont pas, ou à peine, signalées par les auteurs. Dans une précédente communication, j'en ai déerit les caractères cliniques principaux. Nous avons vu que dans un premier type, la langue ressemblait grossièrement à une glossite syphilitique superficielle lobulée. L'on peut tres bien constaler cette analogie également au point de vue histologique sur ces préparations et planches. Le derme muqueux dans toute son épaisseur est infiltré en masse et d’une facon étendue par le léprôme, lequel pénètre jusque dans la portion musculaire de l'organe, dissociant les fibres musculaires dont il amène la destruction. Ge léprôme est constitué par une grande quantité de cellules embryonnaires ; il ne renferme que très peu de grosses cellules lépreuses. Il est peu vascularisé, tend en nombre de points à subir la dégénérescence fibreuse, et d’une facon générale rappelle très bien une coupe de glossite scléro-gommeuse. Il est peu riche en bacilles. Les papilles de la langue ont deu, ou sont aplaties. L’épiderme est très notablement atrophié et n’est plus représenté que par 2 ou 3 couches de cellules. 4892 . SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE, Dans une autre variété, au contraire, qui rappelle plutôt une langue couverte de plaques muqueuses confluentes et végétantes, l’infiltrat lépreux est plus superficiel, il n’a pas subi la dégénérescence fibreuse, il est constitué par des cellules embryonnaires, au milieu desquelles on apercoit une grande quantité de grosses cellules lépreuses représentant des masses rondes volumineuses, bourrées de bacilles. Toutes ces cellules sont très riches en bacilles et en spores. En certains points de la coupe, comme le montrent ces préparations, les bacilles sont tellement abon- dants, que l’on dirait une culture pure de bacilles. On ne voit plus que des bacilles. Les vaisseaux sont ci et là dilatés. Les papilles du derme muqueux sont hypertrophiées, végétantes, pleines de bacilles. L’épi- derme et ses prolongements interpapillaires sont hypertrophiés comme dans certaines plaques muqueuses végétantes. En quelques points, l’épiderme a disparu, il y à une érosion, et à ce niveau les tissus bourrés de bacilles sont directement baïgnés par la salive. Jamais, dans aucun tissu de lépreux, je n'ai vu autant de bacilles que dans cette deuxième variété de glossite lépreuse. C. LARYNX. Le larynx est très souvent altéré d’une facon notable dans la lèpre tu- berculeuse. Sa muqueuse est épaissie, surtout au niveau de l’épiglotte et des cordes vocales supérieures et inférieures, et des ventricules. Dans certains cas, il y a une sorte d'hypertrophie éléphantiasique, d’œdème dur spécifique constitué par l’infiltration diffuse du léprome et pouvant amener des accidents semblables à ceux de l’æœdème de la glotte. Comme on le voit sur ces préparations, le léprôme y est à l’état diffus. Il y a une infiltration étalée de léprôme dans tout le derme muqueux du larynx, de l’épiglotte en particulier. Une coupe de ce léprôme présente assez bien les caractères hi$tologiques d’une laryngite scléro-gommeuse, et sous cet aspect il rappelle de très près Le léprôme tel qu'il se montre histolo- giquement dans notre première variété de glossite lépreuse. Mais, en outre, en quelques points le léprôme subit par ilots une dégénérescence caséeuse qui aboutira à la formation d’ulcérations superficielles de la mu- queuse laryngée, très analogues à celles que l’on observe dans certaines variétés de tuberculose laryngée. A la surface de la muqueuse laryngée, il existe souvent une grande quantité de petites végétalions pédiculées qui donnent à ia muqueuse un'aspect villeux. L'épiderme est en général très atrophié ou même tombé dans les stades plus avancés. Dans d’autres cas, l’infiltration lépreuse de la muqueuse se faisait par flôts, et l’épais- sissement était dû à une sorte d’œdème dur ambiant. J'ai parfois pu constater des bacilles dans l’intérieur des vaisseaux sanguins ou des lvmphatiques dilatés des larynx ainsi affectés. Ces préparations mon- SÉANCE DU 18 JUILLET. A83 trent que l’épiderme, lorsqu'il existe encore, ne contient pas de bacilles. De même, les cartilages que j'ai trouvés toujours intacts. 3° Les ganglions lymphatiques où aboutissent les lymphatiques de la peau malade sont atteints et pleins de bacilles. Il semblerait que le ba- cille lépreux parti des régions tégumentaires précitées (peau, muqueuse pharyngo-buccale) arrive par l'intermédiaire des lymphatiques dans les ganglions où aboutissent ceux-ci. L’histologie de ces ganglions lym- phatiques à été bien faite par différents auteurs entre autres par Cornil, D. VISCÈRES. Il est à noter, que d’après A. Hansen, le tube digestif, le poumon, les bronches, tous les viscères en un mot, sauf le foie et la rate seraient intacts chez les lépreux, ou du moins qu'ils ne paraissent pas pris spéci- fiquement, puisqu'ils ne contiennent pas de bacilles. Je n'ai pu vérifier si cette opinion est absolument exacte dans tous les cas. 4° Dans le foie, il y a des bacilles. Comme le montrent ces dessins et préparations, les bacilles existent: 1° en amas dans les espaces interlobu- laires et en particulier dans le tissu conjonctif qui entoure les espaces portes. Les rameaux de la veine porte contiennent parfois des bacilles enfermés ou non dans des leucocytes. Les espaces lymphatiques qui se trouvent dans les espaces interlobulaires renferment souvent des bacilles. 2 Dans le lobule, entre les celiules hépatiques plus ou moins altérées, on trouve des bacilles libres ou renfermés dans des cellules migratrices plus ou moins groupées ou disséminées. Les cellules hépathiques renfer- ment aussi parfois des bacilles, groupés surtout dans l'espèce de zone hyaline centrate périnueléaire qui entoure le noyau de la cellule. Ne pourrait-on supposer que le bacille dela lèpre venu du tégument est résorbé par les veines et les Iymphatiques. Qu'il arrive ainsi d’une part aux ganglions inguinaux, puis aux ganglions rétro-péritonéaux (constituant alors le carreau lépreux de Larrey) et d'autre part (d’une facon difficile à déterminer) aux branches de la veine porte. Ainsi se produirait l'envahissement diffus du foie et peut-être de la rate par le bacille. L’envahissement se ferait non par l'intestin, mais par la peau. 5° Dans la rate, comme le montrent ces préparations, Le bacille existe à l’état disséminé dans les cellules lymphatiques de cet organe. De tous les viscères, c’est peut-être la rate dont les cellules lymphatiques renfer- ment le plus de spores. Elles y forment souvent des masses brunâtres, granuleuses. Le foie, ia rate, les ganglions mésentériques, l'intestin, subissent par- fois une dégénérescence amyloïde très accentuée. 6° Le testicule est pris presque toujours. Le léprôme s'y trouve fré- quernment à l'état fibreux. Je n'ai pas à décrire ici ces lésions bien étu- diées par Cornil. De mème que cet auteur et A. Hansen, j'ai souvent trouvé des bacilles libres dans les conduits séminifères. Les lésions os- 484 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. seuses ne paraissent être que secondaires aux ulcérations et à la dénu- dation de l’os qui en résulte. Ce sont des lésions de nécrose. Les os ma- lades ne paraissent pas renfermer de bacilles. Telles sont les lésions histologiques que j'ai pu observer dans les tissus des lépreux (forme tuberculeuse). Il me restera dans une prochaine communication à étudier les lésions de la variété anesthésique (dont j'ai parlé incidemment), l’évolution générale du bacille lépreux, sa morpho- logie, et à parler de quelques essais d’inoculation que j'ai entrepris (1). (1). Je profite de cette communication pour parler à la Société de deux cas remarquables, que j'observe en ce moment à Lille et qui présentent « objecti- vement » une analogie extraordinaire avec la lèpre à la période mutilante. Un de ces cas a été vu récemment dans mon service par le D' Thaon qui m'a même dit quand je le lui ai montré : « Tiens, vous avez donc des lépreux ici ? » J’ai déjà en 4881 observé un cas d'affection cutanée simulant à s’y méprendre la lèpre lazarine (tel fut également l'avis du D” Ponet de Cluny). — Dans les trois cas dont j'aurai à parler plus longuement une autre fois, nous sommes en présence de malades français, nés en France de parents français et n'ayant jamais quitté leur pays (l’un Paris, les autres le département du Nord). — Certes si ces malades se trouvaient dans des pays lépreux on poserait le diagnostic: lèpre mutilante, lèpre lazarine. — Comme ces malades sont en France on donne à ces affections innomées le nom de « problème ». — Ne sont-ce pas des lèpres dégénérées vestiges de l’ancienne lèpre? Je reviendrai sous peu sur cette question dont j'ai plus longuement parlé dans mes cliniques. SÉANCE DU 18 JUILLET. 485 INFLUENCE D'UN OEIL SUR L'ADAPTATION DE L'AUTRE A LA LUMIÈRE. Note par le D° Auc. CHARPENTIER, professeur à la Faculté de Nancy, présentée par M. D'ARSONVAL. Dans une note précédente (6 juin), j'ai montré que l'excitation d'un œil par la lumière n'avait pas d'influence sur l'excitäbilité de l’autre œil maintenu dans l'obscurité. : Je me suis demandé si l’adaptation de l’un des yeux à l'éclairage am- biant se produisait de la même facon, que l’autre fût ouvert ou soustrait à la lumière. Voici comment se fait l'expérience : L'œil droit, par exemple, est placé au-devant d’une surface moyenne- ment et uniformément éclairée, et la regarde pendant trois minutes de facon à s'adapter exactement à cet éclairage. Pendant ce temps, l'œil gauche a été, soit excité par une surface lumineuse quelconque assez intense, soit maintenu dans l'obscurité par l'intermédiaire d'un bandeau complètement opaque. On peut, dans ces deux conditions successives, déterminer le minimum de lumière, pereu par l'œil droit, qui a été dans ces deux leas soumis à la même adaptation lumineuse. Or, le minimum perceptible est plus élevé {ou la sensibilité lumineuse plus faible) quand l’autre œil a été fermé que lorsqu'il a été ouvert. Il semble donc, au premier abord, que l'excitation d’un œil par la lumière facilite la perception de l’autre. En réalité, il n'en est rien, et voici ce qui se passe : on sait: que la réaction de la pupille sous l'influence de la lumière est bilatérale, c’est- à-dire qu’elle s'opère à la fois sur les deux yeux. Or, quand l'œil gauche est fermé, la pupille de l'œil droit est plus grande, toutes choses égales d’ailleurs, que lorsque l’œil gauche est ouvert ou excité par la lumière. La rétine droite recoit donc d’un même objet un faisceau lumineux plus large et par suite, l’éclairement de la rétine est plus considérable. Le minimum perceptible augmentant avec l’éclairement habituel de la rétine, il n y a donc rien d'étonnant à ce que l’œil droit ait un minimum perceptible plus fort quand l’autre œil est fermé que lorsqu'il est ouvert. Ce qui prouve la vérité de cette explication, c’est l'expérience suivante : Répète-t-on la détermination de la sensibilité lumineuse de l'œil droit en ayant soin de placer au-devant de lui un diaphragme vercé d’un trou de 1 à 2 millimètres de diamètre, c’est-à-dire plus petit que la plus faible ouverture atteinte par la pupille droite dans l'expérience, on n’observe plus de différence de sensibilité, que l'œil gauche ait été ouvert ou fermé. _ rétrécissant la pupille de l’autre, diminuer l'éclairage recu par de cet autre œil, et augmenter ainsi indirectement, par ladapta sensibilité lumineuse de cette dernière. ; ï » SÉANCE DU À$8 JUILLET. 487 D ——]—— — —— " ——]_ D£s £ÉFFETS DE L'EXCITATION TRAUMATIQUE DU CERVEAU. Note de M. Ch. Ricuer. J'ai montré (1) que si l’on pique ou détruit le cerveau des lapins, on transforme des animaux paresseux, lents et marchant à peine, en lapins devenus farouches, rapides, coureurs et excitables, et je proposais le choix de cette double hypothèse: suppression de linhibition ou excita- tion. En réalité, ilne peut s'agir de l’inhibition, suppression par une perte de substance, car une simple piqüre produit l'extrême excitabilité. L'expérience suivante montre bien cette influence de la piqûre : Le 28 juin, un lapin (Temp. 39°,7) d’allures paresseuses et se trainant à grand'peine est piqué par une simple aiguille dans la région antérieure droite du cerveau. Après deux ou trois minutes de stupeur, pendant lesquelles on ne remarque rien, sinon un peu d'accélération de la respira- tion, il devient tout d’un coup très farouche, se sauve dès qu’on approche en faisant des bonds énormes, frappant du pied, dressant les oreilles comme un lapin degarenne ou un lièvre ; en un clin d'œil,:1l traverse dans toute sa longueur la salle du laboratoire. Il voit des deux yeux, n’a aucune paralysie du mouvement et de la sensibilité, et, quand on ne l’excite pas, a toutes les allures d'un lapin normal, (à % heures sa tem- pérature : 41°,8). Le lendemain et les jours suivants, jusqu’à aujourd’hui 22 juillet, il est tout à fait bien portant (2), ne pouvant être distingué des lapins normaux que par son énorme excitabilité, telle que, si lon approche de lui, il se sauve en bondissant et en dressant les oreilles; étant, en un mot, devenu d’allures qui différent tout à fait de celles d’un lapin de choux normal. Il s’agit là, je crois, d'une expérience de cours qui peut montrer à tout un auditoire, et d’une manière vraiment saisissante, l'influence d’un traumatisme du cerveau sur l’excitabilité psychique. C'est un bon exem- ple de ces actions dynamogéniques sur lesquelles notre illustre confrère, M. Brown Séquard, a appelé à plusieurs reprises l’attention de la Sa- ciété (3). (1) Bulletins de la Société de Biologie, 1883, p. 129, 1884, p. 248. (2) Dans l'ouvrage récent de M. Christiani, zur Physiologie des Gehirnes. In-8, Berlin, 1885 — il est question d’une période d’excitabilité exagérée, que l’auteur appelle quelquefois « Laufstadium ». Mais M. Christiani et M. Munk. dans leurs expériences, enlevaient tous les hémisphères cérébraux; et d’ail- leurs les lapins ainsi opérés par eux présentèrent des phénomènes complexes qui nese voient évidemment pas après une simple piqûre. (3) Son poids qui était le 28 juin de 2330 gr. est le 22 juillet de 2770 gr. et sa température de #19 3. 488 SOCIETÉ DE BIOLOGIE. Je signalerai aussi, comme expérience de cours, un effet des lésions cérébrales profondes sur le lapin. Si l’on détruit les parties antérieures et postérieures de l’écorce du cerveau, on place le lapin dans un état d'inertie telle qu'il ne réagit qu’à peine aux excitations diverses. Cepen- dant il est devenu très sensible à certains réflexes, et en particulier à ce réflexe spécial du pavillon de l'oreille, d’après lequel le pavillon se dirige vers l’endroit où a eu lieu un son. Sur un lapin normal, si l’on fait du bruit à côté de lui en déplacant l'objet sonore, on ne lui voit pas déplacer le pavillon de l'oreille ; il reste les oreilles pendantes, cherchant parfois à fuir, mais ne dirigeant pas son oreille vers le son. Il en est autrement sur les lapins dont le cerveau a été détruit. Ceux-là dirigent l'oreille vers l'endroit d’où vient le son, et avec une telle pré- cision, qu’en faisant un demi-cercle autour de la tête, à une certaine dis- tance, avec un léger bruit, l’animal restant tout à fait immobile du corps et de la tête, suit avec son pavillon, qu'il déplace, le même cerele que l’objet sonore. On ne peut expliquer cette action réflexe psychique par la cécité de l'animal opéré: car, sur un lapin que j'ai aveuglé, il n’y avait pas de mouvement réflexe analogue. Ce n’est là qu'une expérience de cours ; car on connaît depuislongtemps cette adaptation du pavillon de l'oreille aux bruits extérieurs. Il n’en est pas moins intéressant de constater combien la destruction du cerveau facilite la production de ce réflexe qui, à l’état normal, est peu accusé. SÉANCE DU 18 JUILLET 489 ALBUMINURIE GRAVIDIQUE ET ÉCLAMPSIE, par MM. DoréRis ET POUEY (DE MONTEVIDEO). èe M. Doléris rappelle ses premières études communiquées à la Société de Biologie en juillet 1883. Il était arrivé à cette conclusion qu'il existe chez les femmes grosses des néphrites microbiennes occasionnées ou aggeravées par certaines conditions spéciales de la gestation. L'inoculation intra-veineuse, à certains animaux, le lapin, le cobaye entre autres, des cultures des organismes isolés par lui, ayant déterminé la mort accom- pagnée de néphrite albumineuse et précédée de phénomènes éclampti- formes, lui avait fait poser la question de l'influence possible d’une in- fection préalable chez les femmes enceintes affectées d’'albuminurie et devenues éclamptiques. Depuis cette époque, les opinions se sont modifiées et la question est devenue complexe. Au congrès de Blois, M. Delore, de Lyon, reprenant, sans la citer, l'hy- pothèse qui terminait la communication de l’auteur, concluait à peu près à l'origine microbienne de certaines éclampsies. Il ne s'agissait que de corpuscules bactériens vus dans le sang mais non cultivés. Le but de la communication actuelle de MM. Doléris et Pouey est de faire connaître les principes mêmes qui peuvent conduire à une solution fructueuse. Pour cela, ils ont repris, dans son entier et à son origine, la question de l’albuminurie gravidique et de sa connexité avec les infec- tions. Leurs recherches ont été faites au laboratoire et dans le service de la clinique d’accouchements de la Faculté. Si peu complets que soient les résultats obtenus, ils méritent d’être publiés ne fût-ce que pour servir de guide à ceux que de pareilles recherches pourraient intéresser. Les difficultés sont grandes pour atteindre le but, car l’albuminurie est une résultante dépendant de conditions protopathiques très nombreuses et le plus souvent, sinon toujours, indépendantes de la gestation elle- même. C'est ce que démontre la rareté relative de l’albuminurie pendant la grossesse : 1°.Contrairement à l'opinion assez généralement acceptée, l'urine des femmes enceintes renferme rarement de l’albumine. Opérant sur des femmes arrivées au neuvième mois de la grossesse, période la plus favo- pable à l'apparition de l’albuminurie et concluant d’après des centaines d'analyses pratiquées avec les réactifs les plus sensibles — celui de Tan- ret en particulier — ils n’ont trouvé qu'une albuminurique sur 20 femmes. Il faut écarter les albuminuries du début et du cours du travail. Ici, en effet, on la rencontre un peu plus souvent ; mais elle constitue alors un accident passager, inhérent à des causes diverses isolées où momentanément réunies pour la produire : perturbation nerveuse ; excès de tension sanguine ; compression et parfois contusion de la vessie, par le fait mécanique de l'engagement de la partie fœtale, suivies de l'extra- 490 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE vasation du sérum sanguin dans le réservoir urinaire, etc. Les auteurs ont négligé volontairement l'étude de ce point. Il ne faut pas d’ailleurs oublier que les phénomènes appartenant au travail secret peuvent apparaître plusieurs jours avant le début réel de l’accouchement et que l’albumi- nurie peut, de ce chef, se montrer dansles derniers jours de la grossesse. 2° À. — Par l'emploi de procédés aussi rigoureux que possible (tubes et sondes stérilisés et flambés, lavage antiseptique de la vulve répétés plu- sieurs fois, etc.), les auteurs ont recueilli directement, par le cathétérisme, l'urine de 30 femmes enceintes environ, pour en faire l'examen micros- copique et la culture, au point de vue de la recherche des micro-orga- nismes. Dans ce nombre ne sont point comprises les femmes affectées d’albuminurie. Dans ces 50 cas, ils ont rencontré des microbes dans la proportion de 1/5, sous forme de bacilles vulgaires de 4 à 10 millièmes de millimètre plus rarement sous forme de micro-coceus. Il semble qu'on puisse expliquer leur présence chez ces femmes dont le rein fonctionnait normalement, par l'existence d'un catarrhe vaginal dont les liquides de sécrétion ont pu souiller le cathéter, malgré les précautions prises; toujeurs est-il que ce catarrhe existait dans tous les cas où l’urine s’est montrée fertile. B. — Chez 20 femmes albuminuriques la présence des microbes dans l’urine s'est trouvée constante; la culture, plusieurs fois répétée pour chaque cas, a toujours été fertile. Il s'est agi toujours et uniquement de micro-coccus sous les diverses formes afférentes à cette variété : mono- coccus, diplococeus, staphylococeus et principalement streptococcus abondants. De la constance de ces résultats on ne saurail conclure à la négation _bsolue des albuminuries transitoires non mücrobiennes. Toutefois, elles doivent étre fort rares. 3° En ce qui concerne l'étude du sang chez les femmes enceintes albu- minuriques, il résulte des recherches instituées dans ce but par MM. Dolé- ris et Poueyquel’albuminurie, bien que s'accompagnant toujours de la pré- sence de microbes dans l'urine, n'implique pas nécessairement la présence de microbes dans le sang. Tout au moins l’ensemencement d’une gôutte de sang puisé à l'extrémité d'un doigt n’a pas toujours été fertile. On n'en peut conclure sûrement à l'absence de micro-organismes dans le sang, mais on peut estimer qu'ils y étaient rares, où qu'ils restaient localisés dans un foyer en relation peu directe avec le courant sanguin, dans les cas où ces expériences ont été négatives. %° Dans toutes les circonstances où il s'est agi d’éclampliques albuminu- riques observées par ‘les auteurs, l'urine renfermait aussi toujours des organismes rendus évidents par la culture, Le sang a été examiné et cultivé, dans deux cas, avec un résultat positif. Les auteurs ne tiennent pas compte de recherches moins précises faites dans trois autres cas. Mais quant aux deux faits positifs, lun d'eux à SÉANCE DU À8 JUILLET 494 permis de suivre avec une précision remarquable la progression des acci- dents et leur marche parallèle avec l'infection microbienne de l'urine et du sang. Quelques heures après le début des convulsions, une culture de l'urine et du sang est faite dans 6 ballons contenant du bouillon stérilisé et rendu légèrement alcalin. L'urine renfermait à ce moment des points mobiles en assez grand nombre. Dans le sang on constatait également une abon- dance plus grande qu'à l’état normaï de granulations mobiles. L'examen des cultures, fait deux jours après l'ensemencement, laissait voir des staphylococeus et d'abondants chapelets de 10 à 20 grains, de 1 à 2 mil- lièmes de millimètres de diamètre chacun. Une nouvelle culture du sang et de l'urine faite six jours après la ces sation des attaques convulsives, l'urine contenant encore de l'albumine, donne les mêmes résultats. Dix jours plus tard, l’albumine avait complètement disparu ; on fait avec du sang et de l’urine une troisième culture qui, cette fois, reste sté- rile. Le resultat négatif se maintient jusqu’à la sortie de la malade. MM. Doléris et Pouey résument la première partie de leurs recherches dans les conclusions suivantes : 1° Des micro-organismes peuvent se rencontrer fortuitement dans la vessie des femmes enceintes indépendamment de l'albumine et sans que rien autorise à les juger de provenance rénale. II faut donc tenir compte de cette cause d'erreur dans les recherches de ce genre. 2° On rencontre l’albuminurie dans la proportion de 1/20 environ chez les femmes enceintes. Dans l'urine de ces femmes franchement albumi- nuriques, les auteurs ont trouvé constamment des organismes avec pré- dominance de streptococeus. 3° Le sang des femmes enceintes albuminuriques renferme souvent, sinon toujours, des organismes révélés par la culture, %° L'urine etle sang de certaines éclamptiques albuminuriques con- Liennent des microbes. On peut observer la marche croisssante et décrois- sante de la néphrite microbienne et de l'infection sanguine parallèle- ment aux accidents convulsifs. Dans une prochaine communication, MM. Doléris et Poueÿ résumeront les tentatives d’inoculation faites avec les organismes isolés et cultivés: [ls se proposent, en outre, de montrer par l'analyse clinique que la ges- lation ne joue qu'un rôle secondaire dans l’albuminurie et que, presque toujours, on trouve la cause véritable de la néphrite dans un accident immédiatement antérieur à la gestation où contemporain de cet état. Ils pensent qu'il faut exonérer le gravidisme du rôle pathogénique qu'on lui assigne trop facilement et à propos de tout, et s’habituer à chercher la femune malade derrière la femme enceinte. © to SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE NOTE SUR UN PERFECTIONNEMENT DE LA POMPE A MERCURE Par N. GRÉHANT. Lorsque l’on extrait, à l’aide de la pompe à mercure. desgaz dont le vo- lume est assez grand, le mercure déplacé des tubes gradués par les gaz remplit la petite cuve qui surmonte le robinet à trois voies et on est obligé de se débarrasser souvent de cet excédent de mercure, soit en le puisant directement avec une capsule, soit en vidant le réservoir mobile de la pompe ; J'ai trouvé qu'il est beaucoup plus commode d’adapter au-dessus du robinet de la pompe une petite cloche renversée munie d’une tubulure transversale dont le centre se trouve à 2 centimètres du bord supérieur. On fixe par un bouchon dans cette ouverture un tube de verre recourbé et un tube de caoutchouc qui plonge dans un bocal tenu par une plan- che horizontale qui est fixée au support vertical de la pompe ; l'excédent de mercure ou d’eau provenant des manœuvres de la pompe s'écoule par ce trop-plein et jamais le volume du mercure déplacé n’embarrasse l’ex- périmanteteur. Le Gérant : G. MAssoN. Paris. — Imprimerie G. ROUGIER et Cie, rue Cassetta. L 193 SÉANICEN DIU125) JU]LIEM SRB A.-M. BLocu : Expériences sur la vision. — A.-M. BLocu : Note sur l'état du prépuce à la naissance chez les enfants juifs. — Ch. Kéré : Remarques à propos du mémoire de'M. Manouvrier sur la dynamométrie. — Ch. F£RE : Hystérte et fatigue. — Grasser : (professeur, de Montpellier) : De l'état troisième chez les hystériques hy- pnotitables. — Joanxes Cuarix : Sur la réviviscence de l'anchylostome duodénal. — Lagonrs et GLey : Recherches sur le supplicié de Caen (Heurtevent). — P.: Marre et AzouLay : Sur le temps de réaction personnelle mesuré chez les hypnotiques, dans l’état de suggestion et par rapport à la durée de celle-ci. — E. Ducraux : In- fluence de la lumière du soleil sur la vitalité des micrococcus. — P. Recnarn : Phé- nomènes objectifs que l'on peut observer sur les animaux soumis aux hautes pressions. — Grémanr et Peyrou : Extraction des gaz contenus dans le pareuchyme des feuilles aériennes. — Pauz Rerr : Sur le protoxyde d'azote. — Paur Bert : La régidité cadavérique — Paus Bert : Coloration du lézard vert.— Pauc Bert: hino- cuité du grisou. — Paur Bert : Venin cutané de la grenouille. — Paur Berr : Ani- maux d’eau douce dans l’eau de mer. — PauL Bert : Animaux d'eau de mer dans l’eau dessalée. — Pauz Berr: Animaux d’eau de mer dans l’eau sur-salte. — Pacs Bert: Observation sur la respiration du Bon.byx du mèùrier à ses différents états. -— Pauz Berr : Observations diverses sur la vie des chrysalides et du bombyx du mürier. —- PauL Bert: Sur le rôle de la membrane nictitante des oiseaux. Présidence de M. Paul Bert. EXPÉRIENCES SUR LA visioN, par M. À -M. BLocu. Les expériences actuelles avaient d’abord pour objet le problème suivant : Est-il possible de faire passer assez rapiderz #nt un corps lumi- neux devant l'œil pour que ce corps ne soit pas vu? Un certain nombre de physiologistes ont déjà étudié cetle question et, en dernier lieu, MM. Richet et Bréguet ont repris ces recherches et ont conclu par l’affirmative. Ils avaient imaginé un ingénieux dispositif permettant de produire des éclipses rapides et régulières d'une lumière placée devant l'observateur; le temps de l'excitation visuelle était, disent-ils, d'environ — de seconde ; dans ces conditions, le corps lumi- neux atténué en partie par l'interposition de verres enfumés devint invisible. J'ai pensé que ce résultat, qu’on pourait appeler quatitalif, n'est pas de nature à salsfaire complètement l'esprit et qu'il serait intéressant de spécifier exactement la durée de l'excitation visuelle, comme aussi l'in- tensité de cette excitation. Dans ce but, je me suis servi du régulateur de Foucault. J'ai placé, sur l’axe vertical qui porte les aïilettes, une boîte en carton noirci percée BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8€ SÉRIE, T. Il, n° 28. 494 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. de deux fentes, aux extrémités d’un diamètre et j'ai mis une bougie devant la boîte, à une distance déterminée. J'observais, de l’extrémité d’un tube de cuivre ayant un mètre de long, dont la lumière bouchée au moyen d’une plaque de cire à modeler avait été percée d’un trou d’aiguille d'un demi-millimètre de diamètre. Le moteur étant misen mouvement, j'inscrivais au diapason, sur le carton noirci de la boîte, les vibrations del’instrument : vibrations doubles 1 de 350 de seconde. Je pouvais donc estimer exactement la durée du passage de la double fente devant l’orifice du tube et, par conséquent, le temps de l'excitation visuelle produite par la bougie, à chaque tour du moteur. Sans entrer dans les détails du calcul, je dirai que pour une fente de Aonetire Hole 1 5 millimètre, le passage était de 1119 de seconde. Dans ces conditions, la bougie devient invisible, lorsque l’on interpose, entre elle et la boîte tournante, un écran de papier translucide et que cet écran est distant de 0,09 à 0,10 du corps lumineux. Je compare ensuite, au moyen des procédés ordinaires de photométrie, cette bougie précédée d’un écran à une bougie isolée et je constate que la bougie libre doit être placée à 1°,65 du photomètre de Bouguier pour donner l'égalité d'éclairage. On peut donc résumer l'expérience de la manière suivante : Le passage d'un corps lumineux égal, comme intensité, à un papier blanc éclairé par transparence au moyen d’une bougie située à 17,65, de- vient invisible lorsque le passage dure TI19 de seconde. Mais la translucidité du papier varie avec son épaisseur. I était donc nécessaire de comparer l’éclairage de ce papier par transparence à l'éclairage d’une surface blanche éclairée directement par le rayonne- ment d’une bougie placée devant lui et non derrière. L'épreuve photométrique m'a montré que, dans ce dernier cas, la lu- mière est quatre fois et demie plus éclairante. 1 On peut donc dire que pour le passage de T9 de seconde, un papier blanc éclairé directement par une bougie située à 3",47 de sa surface de- vient invisible. Cette première recherche amenait naturellement une série de pro- blèmes. 1° Si on fait varier la durée du passage, comment devra varier l’inten- sité de la lumière, pour que l'impression visuelle n’ait pas le temps de se produire ? 2° Existe-t-il une loi relative à la proportion des temps de passage et des intensités lumineuses ? SÉANCE DU 25 JUILLET. 495 a 3° Peut-on appliquer ces expériences à une nouvelle méthode de. photométrie ? Telles sont les questions que je ne puis qu'aborder aujourd'hui et que je développerai dans des communications ultérieures. Je me contenterai de citer les expériences suivantes : L'orifice du tube restant égal à un carré de 0",0025 de côté, la fente de la boîte étant successivement de 0,0005 0,001 0,0015 0,0025 0,007 0,010 ce qui, en temps, représente des passages variant entre 0”00173 et 0’0518 ; en faisant avancer ou reculer un écran sur un chariot placé de- vant une bougie fixe, les éclairages sont sensiblement dans une proportion inverse du temps du passage. C'est-à-dire que, pour une lumière double, il faut une durée moitié moindre, si on veut arriver à la cessation de la sensation visuelle. Je donne ces résultats sous réserve. Ils ne sont pas encore assez nom- breux pour que je puisse les affirmer. Mais déjà ils m'ont montré l'utilité pratique qui en résultera peut- être, au point de vue de la photométrie. Ce procédé permettrait de mesurer certaines lumières que les méthodes connues ne peuvent apprécier et cela, parce qu'elles sont nécessairement comparalives, tandis que mon procédé est direct. Quant à sa précision, je la crois aussi grande que celle des photomètres en usage, et il me suffira de rappeler que la lumière du soleil, comparée à celle de la lune, est estimée à 800,000 par les uns, à 300,000 par les autres, pour montrer le peu d’exactitude des expériences photométriques qui ont cours actuellement dans la science. NOTE SUR L'ÉTAT DU PRÉPUCE A LA NAISSANCE CHEZ LES ENFANTS JUIFS, par M. A.-M. BLocx. Dans la dernière séance, à propos de l’hérédité problématique des modifications anatomiques en rapport avec des lésions chirurgicales chez les ascendants, on a parlé de la circoncision et j'ai dit n'avoir jamais rencontré d'anomalies dans les prépuces d'enfants juifs qui ont passé sous mes yeux. 496 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE J'ai pensé que la question valait la peine d’être examinée de plus près et je me suis adressé à deux opérateurs de Paris, leur demandant si, dans leur pratique, l'absence plus ou moins complète de prépuce se présentait. Bien m'en prit de faire cette démarche. Les anomalies du prépuce sont fréquentes et mes assertions précédentes, vraies pour mon expé- rience personnelle, sont à réformer du tout au tout. Les deux opérateurs consultés par moi ont fait à eux deux 4,799 circon- CIsiOns. Tous deux, interrogés séparément, ont répondu de la même manière : disant que souvent, deux fois sur!cent environ, ils ont affaire à des pré- puces rudimentaires, ne couvrant pas le gland, presque nuls au frein et s'étendant en croissant de lune vers la partie supérieure. Le fait est connu depuis la plus haute antiquité. Les livres hébreux le mentionnent et édictent des prescriptions opératoires relatives à ces cas. L'opérateur n’ayant pas à circoncire doit se contenter de tirer quelques gouttes de sang en piquant le prépuce rudimentaire de l'enfant. environ, d'absence complète du 1 t d Ç ] Il Il est des exemples plus rares, 500 prépuce chez des enfants juifs. Voilà donc une statistique prise sur un nombre respectable, 4,799. * Mais les traités d'anatomie signalent les anomalies et atrophies congé- nitales du prépuce. Il s'agirait de savoir, sur 4,799 cas, dans quelle proportion ‘on rencontre des prépuces rudimentaires chez des fils d’incirconcis : alors seulement, on aurait les éléments nécessaires à la solution du problème qui fait l’objet de la présente note. REMARQUES A PROPOS DU MÉMOIRE DE M. MANOUVRIER, lu dans la séance du 25 juillet, SUR LA DYNAMOMÉTRIE, par CH. FÉRÉ. La communication de M. Manouvrier constitue une critique des notes que j'ai précédemment communiquées à la Société, plutôt qu’une réunion de faits nouveaux. Les arguments de M. Manouvrier sont au nombre de trois principaux : 4° Il n’est pas prouvé qu'il existe des différences de force musculaire mesurée au dynamomètre dans les différentes races et dans Les différentes classes de la société. 2 L'intensité de l'effort fourni par un même individu peut offrir des variations assez importantes sous des influences qui échappent à l’ana- SÉANCE DU 29 JUILLET 497 RE PE lyse ; l’action des sensations sur l'état dynamique ne peut donc pas être établie. 3° Il faut faire des réserves sur les nes à tirer des expériences faites sur les hystériques. A la première critique, je n’ai rien à répondre, car elle s'adresse à des recherches qui ne me sont guère personnelles, et étant propres pour une part au moins à M. Manouvrier lui-même. Je ne les ai considérées du reste dans ma première note qu'au point de vue historique en quelque sorte, déclarant qu'elles étaient insuffisantes pour éclairer la question des rapports de l'état dynamique avec l’état psychique. Les recherches sta- tistiques toujours incomplètes me paraissent de peu de valeur dans les questions de physivlogie, et tout au plus capables de servir de guide. Quant à la seconde partie de l’argumentation de M. Manouvrier, elle n'infirme en rien mes conclusions. Il affirme, en effet, que la préparation à l'effort, les excitalions psychiques diverses peuvent faire varier l'intensité de l'effort. Je n'ai jamais dit autre chose. De même encore sur les effets de la mise en train, avec cette différence toutefois que ce qu'il affirme, Je l'ai montré sur des tracés dynamographiques. J'ai montré, d'autre part, que les mouvements passifs produisent les mêmes effets de mise en train que les mouvements volontaires, en rappelant l'image motrice. J'ai insisté sur la méthode qui consiste à explorer comparativement le mou- vement au commandement et le mouvement préparé, et qui permet pré- cisément d'échapper à la confusion. M. Manouvrier n'apporte que des négations sans tenir compte des expériences sur la répétition de l'effort, sur l'effort soutenu, etc. Le troisième argument de M. Manouvrier n’est pas non plus basé sur des faits positifs. J'ai insisté sur la nécessité de choisir ses sujets comme dans la plupart des expériences de psychologie physiologique, or iln'a pas choisi les siens; et il conteste les résultats obtenus chez les hystériques, en se basant sur des considérations purement théoriques, puisqu'il n'a point examiné des sujets de ce genre. M. Manouvrier n’attaquant pas mes observations dynamog raphiques et mes expériences faites autrement que par le dynamomètre manuel, je n'ai pas à revenir sur ces différents points. Il y a lieu d'espérer que les expériences qu'il promet de faire sur des individus appartenant aux différentes classes’ de la société lui donneront des résultats plus po- sitifs. HYSTÉRIE ET FATIGUE, par CH. FÉRÉ. J'ai déjà eu occasion antérieurement de faire remarquer que l'état dynamique d’une hystérique est comparable à celui d'un sujet sain sous l'influence de la fatigue; les agents dynamogènes ont une action plus : 498 SOCIETÉ DE BIOLOGIE. marquée sur un sujet fatigué que sur le même sujet à l’état repos, et s'ils sont d’une efficacité plus marquée chez les hystériques, c’est que les sujets sont toujours dans un état de faiblesse irritable en raison de la dégéné- rescence dont ils offrent des stigmates multiples. Sur un certain nombre d’hystériques dont j'ai pris le tracé dynamogra- phique, j'ai remarqué qu'il existait non seulement une faiblesse museu- laire évidente; mais encore que la contraction musculaire donne une courbe particulière, qui, au lieu de présenter une ascension verticale, monte graduellement et par saccades. Les différents tracés que je vous ai déjà présentés montrent très nettement ces caractères. Sous l'influence d’excitations énergiques, la courbe de contraction peut chez ces mêmes sujets prendre la forme normale ; c'est ainsi que certaines couleurs déterminent cette ascension brusque, cette forme explosive de la contraction ; tandis que les autres augmentent plus ou moins la hauteur de la courbe, mais sans modifier sa forme. Lorsque le sujet est dynamogénié par un excitant quelconque, lorsqu'il est éclairé par une lumière rouge, par exemple, il présente les contrac- tions a forme normale ; mais si on les fait répéter un certain nombre de fois, peu à peu la courbe s’abaisse, devient sensiblement ascendante et revient, enpassant par tous les degrés intermédiaires, à la forme nor- male. Il semblait donc, d’après cette expérience, que si les différentes cou- leurs ont une influence sur la forme de contraction, cela ne tient pas à une sorte d’action spécifique sur la contraction musculaire, mais à un degré différent d’excitation. Pour avoir une démonstration plus complète de cette action, j'ai fait quelques expériences sur la fatigue musculaire qui me paraissent de nature à éclairer la question. Nous avons vu qu'il est difficile d'étudier la fatigue avec le dynamomètre, parce que le temps nécessaire à la lecture du résultat de la pression suffit pour donner aux muscles ou plutôt aux centres cérébraux le repos suffisant pour leur permettre de reproduire longtemps le même effort. La méthode graphique permet de faire autre- ment l'expérience, puisque grâce à l'inscription de chaque contraction, il devient possible de lire plus tard le résultat de l'expérience. J'ai essayé d’abord de déterminer la fatigue en faisant un mouvement faible d’un petit groupe de muscles; j'ai inscrit les compressions succes- sives d'une poire en caoutchouc entre le pouce et l'index. IL s'agissait d’un mouvement très rapide persistant; mais le résultat des expériences est peu précis. Dans une première expérience, j'ai fait 2.150 pressions en 7 minutes 1/2; les dernières courbes sont d'un 4/2 moins hautes que les premières, mais elles sont encore assez régu- lières, et la sensation de fatigue commencait à peine. Dans une seconde expérience j'ai fait 2.893 pressions en 9 minutes 1/2 à peu près avec le même résultat. Enfin, dans une troisième expérience, j'ai enregistré 4,007 pressions en 44 minutes 40 secondes ; à la fin les contractions n'étaient pas SÉANCE DU 25 JUILLET. 499 beaucoup plus faibles que dans les précédentes expériences : elles étaient surtout irrégulières, et la sensation de faiblesse était très nette; et si l'épuisement n’est pas arrivé, c’est précisément parce que les mauvaises contractions constituaient un repos. Ces résultats sont peu instructifs. Si au lieu de faire un mouvement demandant peu de force, on fait un mouvement qui exige plus d'effort, comme celui qui consiste à serrer avec les deux mêmes doigts le dynamographe (dynamomètre de Du- chenne adapté) aussi fort que possible : on voit que 80 efforts successifs en moins d’une minute suffisent à provoquer l'épuisement. La sensation de fatigue se manifeste d'ailleurs presque dès les premières contractions, et les courbes prennent bientôt la forme d’ascension graduelle que nous avons signalée comme normale chez les hystériques. Lorsqu'on fait l'expérience avec la main entière, il ne faut guère plus de temps pour obtenir l'épuisement. Mais on peut faire 180 con- tractions dans la minute, et les 50 premières ne donnent aucune trace de fatigue; les dernières, au contraire, ressemblent complètement à celles qui se rapprochent le plus de l'épuisement chez les hystériques. Les hystériques ont une force moins grande et résistent moins à la fatigue, mais ne diffèrent pas essentiellement des sujets normaux. Je relèverai encore quelques particularités intéressantes qui frappent ‘sur lestracés. Chez les sujets normaux, lorsque le premier effort est fait au commandement, on voit sur les courbes l’effet de la mise en train: on remarque que l’amplitude de la contraction augmente dans les cinq ou six premiers efforts. Lorsque l'effort, au contraire, est préparé, le maxi- mum arrive tout de suite, et la descente s'effectue peu à peu. DE L’ÉTAT TROISIÈME CHEZ LES HYSTÉRIQUES HYPNOTISABLES, par le professeur GRASSET (de Montpellier). J'ai :u avec grand intérêt la dernière communication de M. Dumont- pallier à la Société de biologie (11 juillet) « sur l’état spécial dans lequel se trouvent les hystériques qui accomplissent après le réveil un acte dont l’idée leur a été suggérée pendant la période somnambulique ». Mon attention a été en effet très spécialement attirée dans ces derniers temps sur cet état troisième à propos d'une malade très curieuse que j'observe depuis plusieurs mois avec plusieurs de mes confrères (par- ticulièrement avec les docteurs Bringuier, Mossé, Brousse, etc., qui l'ont successivement soignée). Cette femme, qui est hystérique et a des crises de sommeil spontanées, est très facilement endormie par le regard ou par la pression de certaines 500 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE régions hypnogènes. Une fois endormie, elle est dans un état qui s’écarte par certains côtés des types classiques. L’insensibilité est complète sur toute la surface du corps, l’immobilité absolue ; les membres sont plutôt en contractures qu’en catalepsie. Les jambes sont croisées l’une sur l’autre, les doigts intriqués, les mains étant devant ou derrière le corps, suivant que la crise de sommeil est spontanée ou provoquée. Elle entend très bien, répond aux questions et cause, souvent même avec une grande volubilité. Quand on lui donne un ordre de mouvement à exécuter immédiatement pendant le sommeil, elle croit l’exécuter, mais ne bouge pas du tout. 11 est impossible de lui faire changer ses jambes ou ses mains de place. Mais elle croit le faire et s’impatiente si on lui dit qu’elle n’obéit pas. Il est également impossible de lui procurer des haliucinations pendant son sommeil. Au contraire on peut produire tous les phénomènes connus de sugges- tion, en lui donnant l’ordre d'exécuter la chose après son réveil, soit quelques instants soit plusieurs jours après. Nous lui avons aussi donné des hémiplégies temporaires (avec anes- thésie et contractures), nous lui avons fait faire des simulacres de vol et méme d'assassinat (avec un couteau à papier), nous lui avons fait voir des personnes absentes, nous lui avons même donné des hallucinations négatives, etc. En lui disant pendant son sommeil de se rendre à tel ou tel endroit déterminé quinze jours, trois semaines après, à heure fixe, elle exécute parfaitement l’ordre. | Voici comment les choses se passent dans ces cas-là (j'arrive ainsi à l'étude de cet état intermédiaire sur lequél M. Dumontpallier vient si Jus- tement d'attirer l'attention). Voyons d’abord les ordres à exécuter bientôt après le réveil; nous examinerons ensuite les cas où les ordres sont donnés à plus longue échéance. La malade étant endormie et insensible, on lui dit : « Je vais vous réveiller, — Mais je ne suis pas endormie. — Cela ne fait rien; écoutez-moi, je vais vous réveiller; puis dix minutes après le moment de votre réveil vous serez tout d'un coup paralysée du côté droit; vous res- terez paralysée cinq minutes; puis vous verrez M. A... ; vous lui demande- rez de vous guérir et celte paralysie disparaîtra. » Pendant tout le temps que dure ce petit discours, elle proteste, déclare qu'on veut se moquer d’elle, qu’elle n’obéira pas; il ne lui manquerait plus que cela que d’être paralysée; etelle ne veut pas, non, non, non... C'est là la période de lutte sur laquelte M. Féré a insisté après la com- manication de M. Dumontpallier, mais qui ici (chez notre malade) est absolument distincte de l’autre état intermédiaire que nous avons plus particulièrement en vue. — On insist?, on répète l’ordre. Elle parle tou- jours, on finit par lui imposer silence en commencant la compression de l'ovaire (qui est le meilleur moyen de l’éveiller). SÉANCE DU 25 JUILLET 501 Dès qu’on comprime l'ovaire, elle se tait; bientôt les membres infé- rieurs se détendent, se décroisent; puis les bras perdent leur raideur, s'étirent ; elle frappe cinq ou six fois les deux poings fermés l’un contre l’autre ; puis se réveille tout à fait. Ces actes, qui accompagnent le réveil, sont toujours les mêmes, très réguliers, et se suivent toujours dans le même ordre. Si, à un moment quelconque de cette période de réveil, on cesse de comprimer l'ovaire, la malade s’immobilise dans la position où elle est à ce moment. On reprend la compression : elle reprend les actes successifs de réveil, exactement au point où elle les avait laissés, et ne s’éveille complètement que quand elle les a tous exécutés. Un e fois éveillée, c'est une personne nouvelle, mais ce n’est pas l’état normal. Quand elle est éveillée sans ordre ou avec un ordre à longue échéance, elle n'a qu’un souci : remettre de l’ordre dans ses vêtements et s'en aller modestement à ses affaires. Ici, au contraire, elle garde une loquacité inusitée qui rappelle tout à fait sa manière d'être pendant le sommeil; elle est éveillée, sent très bien, reconnaît les gens, mais cause avec un abandon et une abondance qui prouvent l’état normal. Puis, huit à dix minutes après le réveil, elle se plaint brusquement de douleurs dans le côté droit; ce côté se raidit complètement et perd abso- lument la sensibilité : c’est une hémiplégie complète avec semi-anesthésie et contractures. Après quelques minutes : « Ah! monsieur À... guérissez- moi. » Les membres droits se relâchent et elle tombe lourdement dans une crise de sommeil spontanée avec contractures (comme celles que nous avons décrites plus haut). Il en est toujours ainsi : toujours, quand elle a exécuté un ordre (à courte ou à longue échéance), elle tombe dans une attaque qui est comme la crise de cet état intermédiaire que nous étudions. Maintenant voici le second cas : Au lieu de lui donner un ordre à courte échéance, on lui a dit pendant une crise de sommeil provoqué : « Dans trois semaines d'aujourd'hui, à quatre heures, vous viendrez chez moi, » ou bien : « Vous irez à l’hôpi- tal. » Elle proteste comme ci-dessus, parle beaucoup, déclare qu’elle n'obéira pas. on l’éveille par la compression de l'ovaire. Elle est dans son état normal, prend son bonnet, s'arrange et s’en va en disant simplement : « Bonjour. » Trois semaines après, à quatre heures, elle arrive au lieu indiqué, et dès qu’elle yest arrivée, tombe lourdement, où que ce soit, en crise. Nous avons cherché à savoir ce qui se passe dans cette journée où elle doit exécuter un ordre, avant que l'heure de l’exécuter soit arrivée. Voici ce qui arrive : Le matin de ce Jour, à une heure qu’il nous a été quelquefois difficile de préciser, elle s'endort spontanément. Couturière de son état, elle manque ainsi son travail ces jours-là. Elle s'endort et reste endormie jusque vers l'heure où il faut exécuter l’ordre. Tout au moins, une fois éveillée, elle LOMME, TA: CS VAT SR PE DE VERS 502 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE ne se rappelle plus rien de ce qu’elle a ‘fait ce jour-là à partir de ce sommeil spontané. Puis elle s’éveille et exécute l’ordre. Mais elle est dans un état anor- mal, vraiment somnambulique. Les yeux ouverts, elle marche droit devant elle, comme automatiquement, et, sans faire attention à rien, sans se laisser détourner par rien de sa route, elle va au but prescrit et tombe de nouveau en sommeil (comme nous l'avons dit plus haut) dès que ce but est atteint. Il me semble que dans ce cas l’état intermédiaire dont parle M. Du- montpallier est absolument indiscutable, et il m'avait frappé depuis long- temps. Cet état est vraiment somnambulique chez notre malade, il com- mence et il finit par une crise de sommeil spontanée très curieuse. Comme mémoire et personnalité il ne me paraît pas (toujours chez notre malade) constituer une troisième personne : c’est la mémoire de la per- sonne endormie. Elle se rappelle dans cette période intermédiaire ce qu’on lui a dit de faire dans le sommeil et, une fois éveillée réellement, elle ne se rappelle rien de ce qu’elle a fait dans cette période intermé- diaire. De plus, mon observation prouve que cet état intermédiaire ne peut pas être identifié avec l’état de rébellion, de discussion ou d’obéis- sance à contre-cœur signalé par M. Féré. Car chez notre malade ces deux états sont dissociés : la résistance et la discussion se manisfestent nette- ment pendant le sommeil provoqué au moment même où le sujet recoit l'ordre, tandis que l’état intermédiaire (que nous étudions) se développe seulement au moment d'exécuter cet ordre, ne s'accompagne d'aucune résistance du sujet et le pousse au contraire automatiquement et comme fatalement à l'exécution intégrale de l’acte prescrit. En résumé, deux faits principaux me paraissent ressortir de cette obser- vation : 1. Dans le sommeil provoqué, les sujets ne présentent pas toujours les divers caractères assignés aux types classiques : notre malade ne sent pas, est en contractures, entend, cause, mais ne remue pas et croit exécuter les ordres sans le faire réellement. 2. Quand on donne pendant le sommeil provoqué un ordre à exécuter après le réveil, l'exécution de cet ordre est précédée d’un état intermédiaire qui appartient à l'hypnotisme (par la mémoire et le défaut de spontanéité du sujet), état intermédiaire qui chez, notre malade, présente les caractères d'un élat somnambulique, commence par une crise de sommeil spontané et se termine par une autre crise de sommeil spontané (cette dernière se dévelop- pant avec une brusquerie brutale dès que l’ordre est exécuté). SÉANCE DU 25 JUILLET. 503 LL BA EL PR A LEP : SUR LA RÉVIVISCENCE DE L'ANCHYLOSTOME DUODÉNAL, par M. JOANNES CHATIN. On sait que la dessiccation détermine chez quelques Nématodes un état de vie latente ou de mort apparente qui cesse lorsqu'on humecte de nouveau l'Helminthe. L'Anguillule du Blé niellé est anciennement célèbre à cet égard, et j'ai récemment étudié les mêmes phénomènes chez l'Anguillule de l'Oignon. Mais, en général, c'est seulement sur les larves qu'on les observe ; les adultes ne les présentaient qu'exceptionnellement et imparfaitement. C’est cependant sur l'adulte que j'ai pu dernièrement les constater, chez une espèce qui depuis quelques années s’est tout particulièrement im- posée à l’attention des naturalistes et des médecins. Une dizaine d'Anchylostoma duodenalis, adultes et vivants, avaient été placés dans un verre de montre avec quelques gouttes d'eau; le liquide s'étant évaporé depuis plusieurs heures, les Helminthes parais- . saient devenus impropres à toute observation. Pour m'en assurer, je versai dans le verre de montre une petite quantité d’eau additionnée de glycérine : au bout de deux heures, les vers avaient repris leur aspect normal et présentaient des mouvements très actifs; je les placai dans un tube contenant du liquide cavitaire d’écrevisse étendu d’eau ; les mêmes manifestations persistèrent durant une heure, puis quelques helminthes devinrent immobiles et, après une quarantaine de minutes, tous étaient morts. Pensant que l’action de la glycérine avait dû atténuer et entraver dans une certaine mesure ces phénomènes de révivification, je répétai les mêmes expériences en ayant soin d’humecter lentement les Nématodes avec du liquide cavitaire étendu d’eau. Dans ces conditions, sur 20 An- chylostomes, 16 revinrent à la vie et 4 ne purent y être rappelés; pour les premiers, les manifestations vitales durèrent pendant toute la journée et chez l’un d'eux elles purent être encore observées 95 heures. après le début de l’expérience, puis cessèrent complétement. Le fait n’est pas seulement intéressant pour la biologie générale des Nématodes, il paraît également réclamer quelque attention pour la pro- phylaxie des maladies qu’on attribue à l’Anchylostome et vient à l'appui des mesures dont M. Perroncito demandait récemment l'application. RECHERCHES SUR LE SUPPLICIÉ DE CAEN (HEURTEVENT), par MM. LABORDE ET GLEY Le samedi 48 juillet dernier, on exécutait, à Caen, le nommé Heurte- vent, l’un des nombreux condamnés qui attendent, en ce moment, leur tour. 304 | SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Convié par notre excellent confrère M.le docteur Fayel, professeur de physiologie à l’école de médecine, nous avons fait en sa présence, et avec son aide et celui de M. Gidon, professeur d'anatomie et de MM. les pro- secteurs de l’école, M. Gley, mon préparateur, et moi, sur les restes du supplicié, un certain nombre de HnsIonE dont voici les principaux et sommaires résultats : L’exécution avait lieu à 4 heures du matin. Très excité et comme furieux, à partir du moment où il était averti, le condamné opposa jusque sur l’échafaud une lutte désespérée et telle que ce ne fut qu’au prix de grands efforts que les exécuteurs parvinrent à le coucher sur la bascule. Il résulta de cette excitation et de cette lutte un épuisement nervo-mus- culaire, dont il convient de tenir compte, ainsi que nous allons le voir, dans le résultat des expériences. I. Immédiatement après la décapitation, M. le prosecteur Barbé rece- vait, dans la voiture même qui devait les transporter au laboratoire, la tète et le corps du supplicié; et il faisait, sans perdre un instant, les observations suivantes, particulièrement sur le corps : Celui-ci était en complet relâchement, après avoir présenté quelques soubresauts immédiats : la recherche du réflexe rotulien a donné lieu à un résultat positif des plus remarquables; le réflexe s’est produit, à plu- sieurs reprises, avec l'angle ouvert jusqu'au maximum, comme dans l’état normal. Cette constatation, toute nouvelle, ne saurait donc laisser de doute. Nous laissons à M. Barbé le soin de rapporter lui-même les détails de son observation. II. L'arrivée se faisait au laboratoire, où tout était préparé pour les recherches projetées, vers 4* 15. Prenant immédiatement possession de la tête, laquelle portait une pro- fonde entaille du nez, encore marquée de sang et procuite, sans nul doute, à la suite de la résistance du condamné, nous cherchons d’abord le réflexe lumineux oculo-pupillaire : il se produit manifestement sur le premier œil découvert, le droit, la pupille étant, comme d'habitude, en mydriase; on le constate plus difficilement sur le second; et le phénomène se perd rapidement. Nous étions alors au voisinage de la 30° minute après la décollation. A ce même moment, 4 30, nous excitons le bout céphalique de la moelle, c’est-à-dire le bout bulbaire, avec l'intention d'atteindre le noyau de l’hypoglosse : nous obtenons de belles contractions de la langue, renouvelées, à volonté, à l’aide d’un courant de moyenne intensité, et faci- lement constatables, même à distance, car la langue sortait de la bouche, comme dans le cas d’excitation directe du tronc du nerf hypoglosse. SÉANCE DU 25 JUILLET. 505 C’est la première fois que nous avons pu obtenir cet effet chez les déca- pités, bien qu'il ne fasse presque jamais défaut chez les animaux. Aussi étions-nous à peu près assuré de le trouver, un jour, chez l’homme. Il s'agissait de rencontrer la condition favorable. III. Bien que nous fussions déjà à une époque notablement éloignée et dépassant presque la limite extrême de la persistance de l’excitabilité céré- brale, en dehors de la circulation (4° 30 minutes), nous sommes allés aussi rapidement que possible à la recherche des régions motrices cervico- faciales (côté gauche), à l’aide de trous multiples percés, selon notre pro- cédé, à travers la paroi crânienne. Quels qu’aient été l’enfoncement de nos aiguilles et leur direction, et pour aussi intense que fût le courant in- duit, porté au maximum, il ne s’est produit aucun effet moteur d'aucun côté de la face. Un chien vigoureux était préparé pour la transfusion par commu- nication artérielle directe : celle-ci étant effectuée d'un côté, tandis que de l’autre on injectait simultanément du sang de bœuf défibriné et con- venablement chauffé, la face a repris, comme d'habitude, une belle colo- ration rosée, surtout du côté alimenté par le chien, le sang revenant en abondance par le plaie nasale : mais toutes les excitations cérébrales sont demeurées, comme avant l'irrigation sanguine, absolument négatives, malgré la multiplication des ouvertures cräniennes, et même une trépa- nation, dans le but de découvrir plus largement les régions motrices. Vers 5 heures, par conséquent environ 1 heure après la décapitation, des excitations maxima du facial, à sa sortie du trou stylo-mastoïdien, ne donnaient que des réponses très faibles, à peine appréciables du côté de quelques-uns des muscles faciaux correspondants. IV. À 4° 35, une aiguille à drapeau implantée dans le cœur par M. Gley a été agitée durant trois minutes de faibles oscillations; extrait de la poitrine, le cœur a été trouvé en forte et complète rétraction, les cavités ventriculaires étant, à la coupe, entièrement effacées. Cet état était exactement celui des cœurs de Campi et de Gamahut. L'emphysème pulmonaire, quoique moins prononcé peut-être que chez ces derniers, était réel : les poumons étaient aussi le siège d’une anthraccse généralisée, etils offraient, de plus, à leur surface sous-pleurale, un assez grand nombre d’ecchymoses, les unes larges, les autres ponctuées. Il ressort de ces recherches plusieurs résultats nouveaux, notamment la constatation du réflexe rotulien, que n’avait pu obtenir M. Regnard sur le corps de Gagny, probablement à cause de la diversité des conditions physiologiques ; et la démonstration de la persistance, déjà prévue par nous, de l’excitabilité des noyaux bulbaires moteurs, tels que celui de l'hypoglosse. | Cette nouvelle étude à aussi et surtout montré combien sont variables 506 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. les conditions physiologiques d’une opération toujours foncièrement la même, variations tenant soit au sujet, soit aux éventualités imprévues de la réalisation opératoire. Ce qui prouve que l’on ne saurait trop multiplier de pareilles recherches. Le résultat ici, et pour la première fois négatif de nos investigations du côté du cerveau, résultat très probablement dû à ce que la recherche a été tardivement effectuée, possède une importance et une signification spéciales à un double point de vue : Premièrement, au point de vue de la prétendue propagation et de l’action à distance des courants, quine s’est réalisée, dans ce cas, en aucune manière, attendu qu'il ne s’est produit d'effet moteur d'aucune sorte; en second lieu, au point de vue de la restitution ou de la prolongation de l'excitabilité par la transfusion, laquelle ne semble être efficace qu'à la condition d’être pratiquée le plus près possible du moment de la décapitation. SUR LE TEMPS DE RÉACTION PERSONNELLE MESURÉ CHEZ LES HYPNOTIQUES, DANS L'ÉTAT DE SUGGESTION ET PAR RAPPORT A LA DURÉE DE CELLE-CI, par P. MARIE ET AZOULAY. Ces recherches ont été faites dans le laboratoire de M. le professeur Charcot. Le but.que nous nous sommes proposé était le suivant, savoir si : 1° Dans l’hypnotisme, le temps de réaction personnelle était augmenté ou diminué ; 2 Si ce temps de réaction était le même lorsqu’au lieu de prendre un objet réel pour déterminer la sensation, point de départ de la réaction, on remplace cet objet par une simple suggestion. 3° Si ce temps de réaction varie avec la durée de la suggestion. Le dispositif que nous avons employé est celui dont s’est servi M. Beaunis pour la mesure du temps de réaction personnelle à l’état normal et dans différentes circonstances. — Il consiste en une bande blanche placée sur le cylindre de Marey; dans la révolution de celui-ci, la bande passe devant une lunette, munie d’un diaphragme assez étroit, dans laquelle regarde le sujet en expérience. Au moment où celui-ci voit la bande blanche, il donne un signal électrique. On connaît l'instant exact où la bande à passé devant la lunette; il ne reste donc plus qu’à mesurer le temps qui s’est écoulé entre cet instant et celui où a lieu le signal pour connaître le temps de réaction personnelle. Dans une première série d'expériences, nous avons recherché chez une hystérique, du service de M. Charcot, la valeur du temps de réaction à SÉANCE DU 25 JUILLET. 307 l’état de veille en employant une bande blanche réelle. Cette valeur est en moyenne de 0”,18. Chez un individu normal, elle est analogue. — A l'état de somnambulisme (non réveillée), cette valeur est de 0”,20, c’est-à-dire augmentée de 0”,02. Puis, au lieu de nous servir d'une bande blanche réelle, nous avons chez notre malade hypnotisée fait naître l’idée que sur le cylindre noirci, en un certain point il existait une bande blanche, bien qu’en fait cette portion du cylindre ne présentât absolument rien qui per- mit de la distinguer. Nous avons dit à la malade d'eigues le moment où elle voyait paraître ia bande blanche fictive. Le temps de réaction était de 0”,22. Puis nous avons réveillé la malade et avons recherché la valeur du temps de réaction. Dans ce cas, elle était en moyenne de 0”,23. Restait à voir si cette valeur éprouvait des varia- tions, pendant le temps durant lequel persistait la suggestion : Le lendemain, au bout de 24 heures, nous avons trouvé que le temps de réaction était de 1”,02, au bout de 48 heures, 1l était de 1”,114. Nous n’avons pu poursuivre plus loin cette étude, car chaque fois, au bout de 712 heures, la suggestion avait disparu ; la malade ne voyait plus de bande blanche sur le cylindre. Les deux points sur lesquels nous voulons insister sont : 1° La valeur de ces expériences au point de vue du contrôle, car ici, ainsi que nous avons pu nous en assurer, la simulation est absolument impossible; quelque attention que l’on mette, on ne peut, son au moyen de la vue soit par l'emploi d’un rythme quelconque, arriver à produire un tracé, tel que ceux que nous avons obtenus, car dans ces tracés tous les temps de réaction coïncident d’une facon presque absolue. — Aïnsi donc les images fournies par la suggestion peuvent, tout aussi bien que les images réelles, être soumises au contrôle de la méthode graphique. 2° Le temps de réaction augmente d'une facon énorme, mais non direc- tement proportionnelle avec la durée de la suggestion. Aussitôt apres celle-ci-lilestide. “144 Lena ne 150793 2Aiheures apres ide ten San ei 02 esta dire Men plus dei nee SAR era 07:79 AS/heures aprés, de... HU N Mer SA AE C'est-à-dire seulement, en plus. . . . : . . . . . . 0,094 par rapport à l'expérience précédente. Dans une seconde série d'expériences, les valeurs du temps de réaction personnelle ont été dans le même rapport, quoique chacune en particulier fût légèrement plus élevée de deux ou trois centièmes de seconde. \ 508 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. INFLUENCE DE LA LUMIÈRE DU SOLEIL SUR LA VITALITÉ DES MICROCOCCUS, par M. E. Ducraux. Après avoir montré (Comptes Rendus T. C. p. 119) l’action puissante de la lumière du soleil sur la vitalité des germes de bacilles, je me suis occupé de soumettre à la même étude les micrococeus. J'ai opéré sur les six espèces suivantes, toutes pathogènes : 1° Celle que j'ai découverte dans le sang d’un malade atteint du clou de Biskra (1), et que j'ai depuis retrouvée, avec les mêmes caractères, dans des cultures de la lymphe de clous de Gafsa, faites en Tunisie par M. C. Gessard. 2° Le micrococeus du furoncle que je retrouve depuis six ans, toujours avec les mêmes caractères, chez le malade atieint de furonculose chro- nique, sur lequel le microbe du furoncle à été découvert par M. Pasteur en 1879. 3° Un micrococcus rencontré sur trois malades atteints de folliculite agminée, dans le service de M. le professeur Fournier, à l'hôpital Saint- Louis, et qui ont fait l’objet d’uu travail de M. Leloir. %° Un micrococcus rencontré dans trois cas de Pemphigus grave et bénin, et identique d'aspect, sauf la mobilité, avec la bactérie du pem- phigus de M. Gibier. 5° Un autre micrococcus fréquemment rencontré dans le sang et l’urine d’un malade atteint de Nodosités rhumatismales, dans le service de M. Fournier. 6° Enfin, un autre coccus rencontré à deux reprises dans des cas d'Impetigo contagiosa, toujours dans le même service. Tous ces coccus ont entre eux de grandes ressemblances morpholo- giques et physiologiques. Ce que je sais sur eux me permet pourtant de les considérer comme des espèces d’un même genre, analogues aux di- verses espèces du genre levure, et les procès morbides qu'ils amènent chez un animal sur lequel et dans lequel ils vivent tous, le lapin, ont à la fois des caractères différentiels qui constituent leur individualité, et des caractères communs destinés à servir un jour de fondement à l’histoire nosologique de cette espèce de microbes. Je reviendrai sur leur étude à ce point de vue; je ne veux parler pour aujourd’hui que de leur résistance à l’action solaire. Elle est variable suivant que le microbe est plus ou moins vieux, suivant qu'il est conservé à sec ou dans un liquide, suivant que l’action solaire est plus ou moins intense. Tout ce que je dirai se rapportera à des micrococcus très jeunes. Au sujet de l’insolation, je n’ai pas cherché à séparer l’influence de la lumière de celle de la chaleur solaire. J'ai tenu à rester dans les condi- (4) Bull. de l'Ac. de médecine, 10 juin 1884, ét Arch. de Physiologie, 1884. SÉANCE DU 25 JUILLET. 509 a tions de la pratique, celles que subissent les germes en suspension dans l'air ou déposés à la surface des corps. La seule condition à laquelle je me sois astreint, c’est de ne pas dépasser, comme température, le voi- sinage de celles qui conviennent le mieux aux cultures de ces microbes à l’étuve, et qui sont comprises entre 30° et 40°. La température au soleil s'élève quelquefois beaucoup plus haut. Les limites de résistance que j'ai trouvées sont done des limites maximum, et sont surtout dues à l'in- fluence de la lumière. Dans la nature, où la chaleur intervient en même temps que la lumière, elles sont certainement plus étroites que dans mes expériences. C'est un point à ne pas perdre de vue. Cela posé, voici un bref résumé de mes résultats : Des cultures jeunes de ces microbes dans du bouillon de veau neutre, qui vivent en moyenne plus d'un an quand elles sont conservées à l'obscurité ou même à la lumière diffuse, n’ont pas résisté cette année plus de 40 jours au soleil faible et intermittent du printemps, du # mai au 43 juin. En juiliet et août, elles meurent en 15 jours. La mort est pré- cédée de diminutions graduelles dans la virulence, dont les faits suivants donneront une idée. Une culture du micrococcus de l’impetigo contagiosa, du 18 avril, inoculée le 19, en volume de 0° ,6, dans une veine de l'oreille d’un lapin, a amené la mort de lanimal en {4 heures environ, avec péricardite, sérosité parfois sanguinolente dans la plèvre, le péritoine, le tissu cellu- laire lâche des aines et des aisselles, coloration rouge des muscles sous- cutanés, hémorragies pulmonaires et coagulums volumineux dans le sang et les principaux vaisseaux. Cette culture si‘virulente est partagée en deux matras dont l’un est laissé à l’étuve, l’autre est exposé au soleil, sur un mur au midi. Le 4 mai, au bout de 15 jours, la culture laissée à l'obscurité peuple _très rapidement le bouillon de veau et l’eau de navets. Inoculée à un la- pin, elle le tue en 4 heures, avec les mêmes symptômes que plus haut et, en plus, de la tétanie dans les dernières heures. Le même jour, la culture laissée au soleil peuple seulement le bouillon de veau, pas l’eau de navets. Inoculée à un lapin, toujours sous le vo- lume de 0° 6, elle le laisse pendant six jours bien portant. Le 7° jour, on relève un peu d’inappétence. Le 8°, paralysie de la patte postérieure gauche, suivie d’un abcès dans l'articulation tibio-tarsienne, et d’une incurvation vers la droite de la colonne vertébrale. Cette incurvation et la paralysie persistent encore après 3 mois, mais l’animal mange et pa- raît devoir se rétablir. Le 6 juin, au bout de 45 jours, on ensemence et on inocule à nouveau les deux cultures. Celle qu'on a exposée au soleil est morte. L'autre peuple encore facilement le bouillon de veau, mais ne donne plus aw lapin qu'une paralysie passagère du train postérieur, qui disparait après 510 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. quelques jours sans laisser de traces. Après six semaines, l'animal est encore très bien portant. L'insolation a pourtant été très intermittente et en moyenne assez faible, du 18 avril au 6 juin. Elle n’en à pas moins tué le microbe après l'avoir régulièrement atténué. Mais l’action de la lumière solaire est encore bien plus puissante quand le microbe est conservé à sec, dans l'enduit imperceptible que laisse une goutte de liquide de culture, évaporée au fond d’un matras. Le micro- coccus du clou de Biskra, celui du pemphigus, qu'on retrouve encore très vivants après 5 et 6 mois de séjour à sec et à l'obscurité, ont été tués cette année par 8 jours d'un soleil peu intense, entre le 26 mai et le 3 juin. Les autres se comportent à peu près de même. Aucun de ceux que j'ai étudiés n’a résisté à plus de 3 jours d’insolation, du 7 au 9 juil- let, sur l'appui d’une fenêtre ouverte au midi, qui n'avait le soleil que 4 heures par jour, de 9 heures du matin à 1 heure, et où la température n’est jamais montée au delà de 39°. Ce sont des chiffres très notablement inférieurs à ceux que j'ai trouvés pour les bacilles, et la différence tient surtout, sans doute, à ce que la spore, la forme de résistance du bacille, est rare chez les micrococcus, si elle y existe, et est encore inconnue. Quoi qu'il en soit, il est intéressant, je crois, de voir qu'une courte insolation suffit à atténuer d’abord et à tuer ensuite ces micrococcus qui comptent tant d'espèces redoutables et largement répandues. On s'explique ainsi que l'air emporte tant de germes morts ou inoffensifs, que certaines maladies restent confinées, malgré les vents, dans leurs foyers d’origine, que lorsque leurs germes nous viennent par l'air, le bain de soleil qu'ils prennent ne nous les donne qu’atténués, et que pour conserver leur virulence, ils aient besoin de voyager sur des effets, dans des ballots de marchandise, ou encore dans les cales sombres et humides d’un navire. En résumé, la lumière solaire est l’agent à la fois le plus universel, le plus économique et le plus actif auquel puisse s'adresser l'hygiène privée et publique. PIÉNOMÈNES OBJECTIFS QUE L'ON PEUT OBSERVER SUR LES ANIMAUX SOUMIS © AUX HAUTES PRESSIONS, par M. P. REGNARD. En se reportant aux diverses communications que nous avons déjà faites à la Société, le lecteur verra que nous avons pu constater déjà un certain nombre de phénomènes dont les principaux sont la contracture musculaire et le coma. L'analyse microscopique que nous avons faite avec M. Vignal nous a démontré en outre que ces faits étaient dus à la pénétra- tion de l’eau dans l'intimité des tissus qui se trouvaient détruits par elle. SÉANCE DU 25 JUILLET o11 A Mais tout ce que nous avions étudié jusqu'à ce jour ne nous avait pas permis de voir ce qui se passait pendant la compression elle-même; en effet, nous introduisions nos animaux dans l’appareil; puis, après les avoir soumis à une pression correspondant à un fond donné, nous les retirions et nous constations l'effet produit. Tout ce qui se passait entre le début et la fin de l’expérience nous échappait. < Il en résultait que nos expériences étaient passibles d’une objection sérieuse qui nous a été faite par M. le docteur Raphaël Dubois; nous ne savions pas si les phénomènes observés résullaient de la pression même ou au contraire de la dépression consécutive. Un seul moyen nous restait pour obtenir la vérité sur ce point, c'était de voir tout ce qui se passait pendant la compression. Pour cela, il fallait construire un vase fransparent résistant à une pression de 600 at- mosphères; c'est ce que nous avons tenté de faire avec l’aide de M. Du- cretet. Il est bien évident qu'il nous fallait absolument abandonner l'idée d’un récipient en verre; au delà d’une vingtaine d’atmosphères, tous les vases de cette nature sont brisés et cela d’une manière d’autant plus dange- reuse que les changements de texture du verre se font silencieusement et que tel récipient qui a résisté à vingt atmosphères se brise subitement à sept ou huit dans une épreuve subséquente. L'acier seul pouvait nous servir et nous avons imaginé de creuser à l'extrémité inférieure d’une culasse d'acier fondu M deux crifices en ligne droite dans lesquels nous avons essayé d'enchâsser des lames de glace de Saint-Gobain de cinq centimètres d'épaisseur. Fig. 1 — Extrémité inférieure de la culasse d'acier munie de ses deux hublots de quartz hyalin. Nous avons, dès le début, été arrêté par ce fait que vers deux cents SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. ©4 ne Lo atmosphères la glace la plus homogène se brisait, se poudroyait absolu- ment, la haute pression ayant produit une trempe des plus dangereuses. Nous avons alors essayé du quartz dont la texture cristalline est beau- coup plus homogène et nous avons réussi à faire des cônes B qui, en- chässés dans une garniture spéciale de glu marine et de gutta G et sou- tenus par un solide contre-écrou E, en acier fondu, ont pu résister aux essais, à une pression de plus de huit cents atmosphères. On concoit dès lors comment, avec une semblable disposition, il est possible de faire passer un rayon de lumière électrique à travers les deux hublots et, si les animaux en expérience se trouvent sur le trajet de ce rayon, leur image pourra être recueillie au dehors par un objectif et projeté sur un écran avec tel grossissement que l’on voudra. C'est ce que montre la figure 2, qui représente une coupe de la totalité de notre appareil. N LL Le LL ? Dr A OL EEE Zz An - ——— ‘Fig. 2, — Coupe générale de l'appareil pour l'étude des animaux vivant £ pes£g sous haute pression. B représente la coupe de la culasse d'acier, À un des hublots vu en coupe avec son ouverture O et son quartz Q qui, ici, est très peu conique. A” représente le hublot opposé vu en exécution. Le collier G et la crémail- lère Z portent l'objectif achromatique L, L’ que des vis et une genouil- lère P° permettent de placer dans toutes Les situations possibles. Le rayon lumineux traverse l'appareil, suivant le sens marqué par les flèches. Un chapeau d'acier F est solidement serré par un écrou de bronze E sur un cuir gras et assure la fermeture du récipient dans lequel l’eau faisant pression est introduite par l’écrou à vis E mis en rapport par un tube de cuivre capillaire avec la presse Cailletet. L’instrument présente même un perfectionnement des plus ingénieux que nous devons à notre habile constructeur M. Ducfetet. En face des SÉANCE DU 25 JUILLET 513 hublots, en Cu, on apercoit la cuve de glace où seront renfermés les ani- maux; cette cuve est suspendue par des fils de soie à un treuil en cuivre Po que l’on peut manœuvrer de l'extérieur par une poulie T. On peut donc monter ou descendre la cuve et amener.devant les hublots la partie que l’on veut étudier. Chose curieuse : la perfection des joints est telle dans cet instrument que, malgré les nombreuses causes de fuites qu'il présente, la pression colossale de 600 et de 800 atmosphères s'y garde pendant des heures. Notre figure 3 représente l'aspect général d’une expérience faite à haute pression sur des animaux vivants. À l'arrière-plan, on voit le gé- nérateur de lumière électrique lancant des rayons parallèles dans le bloc d'acier à travers les quartz. Le microscope de projection recueille l’image des animaux en expérience (cyclops) et la projette sur un écran où les observateurs peuvent la suivre. L’un de ceux-ci est occupé à maintenir le centrage des rayons lumineux, l’autre à pion la pression au moyen de la pompe Cailletet. C’est ainsi que l'appareil est monté dans une chambre obscure au Laboratoire de la Faculté des Sciences de Paris. Ceci dit du manuel opératoire, examinons ce qui se passe quand on met les animaux sous les pressions qui correspondent aux grands fonds de l'Océan. Nous nous servons pour cela de cyclops, de gammarus pulex, de daphnies, etc., en un mot d'animaux assez petits pour que leur corps ne vienne pas fermer complétement les hublots de l'appareil et pour que leur transparence nous permette de suivre même les mouvements de leurs organes pendant l'expérience. Dès les premiers coups de pompe, les animaux qui nageaient tranquil- lement dans le liquide sont pris d’une certaine inquiétude, ils s'agitent et cela jusqu à ce qu'on ait atteint une profondeur d'environ 1,000 mères (100 atm.). Mais en somme ils continuent à vivre dans les mêmes condi- lions qu'à la surface. Au delà de 1,000 mètres, ils tombent lentement au fond de l’eau; leurs membres s’agitent avec rapidité, leurs appareils natatoires se Haidissent et sont pris d’un tremblement très énergique. Les animaux demeurent à part cela immobiles au fond de l’eau. Ils semblent incapables de se mou- voir, ils sont tétanisés. Si on les mène rapidement à 400 atmosphères (4,000 mètres), on les voit tomber subitement comme une pluie Jusqu'au fond de la cuve où ils restent inertes, sans avoir même les mouvements de tremblement de la première période. Ils demeurent dans cet état tant que dure la pression. Chaque fois que cette pression change brusquement, ne fût-ce que d'une vingtaine d’atmosphères, les animaux sont pris d’une secousse tétanique unique et générale, puis ils retombent dans le repos. Si on les ramène d’un coup vers 4,000 mètres ou à la surface (100 ot 514 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 0 atmosphères), ils reprennent instantanément leur course dans le liquide sans paraître avoir été le moins du monde incommodés. Aspect général d’une ex; érience à haute pressioi Fig.3. Ceci nous démontre que les accidents queinous avons signalés sont bien des accidents de pression et non de dépression, car, dans ce dernier cas, va les animaux seraient maladesfaprès la jdépression, et c’est le contraire qui a lieu. SÉANCE DU 25 JUILLET 515 Suivant nous, la différence de compressibilité entre les substances ani- males et l’eau, différence très faible mais réelle, fait que, aux hautes pressions, le système nerveux, comprimé, est d’abord excité, puis inhibé (tétanisme du début, coma à 4,000 mètres). La suppression de la pression lui rend son état primitif et ses fonctions. Si on prolonge la pression pendant longtemps, qu'arrive-t-il? Il arrive ce que nous avons autrefois décrit. Le coma persiste après la compres- sion et l'animal met plusieurs heures à revenir à son état primitif, au lieu de ressusciter subitement. C'est qu’alors, en vertu de la différence de compressibilité, les tissus se sont laissé imbiber lentement d’eau qui les a pénétrés (1) et il faut que cette eau ait été chassée pour que l'animal reprenne ses fonctions. Jusque-là, il demeure en état de vie latente. À . En résumé, les premiers résultats des hautes pressions sur les ani- maux sont : l'excitation du système nerveux, puis son inhibition par compression ; les résultats consécutifs, si la pression dure, sont l’imbi- bition des tissus (nerveux et autres) comprimés et l’état de vie latente jusqu’à ce que, après la décompression, ils se soient débarrassés de l'excès d’eau. Si la pression dure plus longtemps encore, les tissus ne peuvent arri- ver à la restitutio ad integrum et meurent. 4. Voir la communication que nous avons faite en commun avec M. Vignal. 916 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. EXTRACTION DES GAZ CONTENUS DANS LE PARENCHYME DES FEUILLES AÉRIENNES, par MM. N. GRÉHANT ET PEYROU. L'appareil que nous avons employé pour extraire les gaz contenus dans les feuilles est une légère modification de celui que l’un de nous à fait connaitre et qui sert à l'extraction des gaz de l’eau et du sang ; il est formé d’une allonge courbe d’une capacité de 600! environ, soudée à un tube de verre long de 1 mètre, enveloppé d’un manchon qui est traversé par un courant d’eau froide ; ce tube est fixé par un caoutchouc épais au tuyau d'aspiration d’une pompe à mercure. On chauffe, dans une capsule de porcelaine, 2 à 3 litres d’eau distillée et, après une demi- heure d’ébullition, on introduit au fond de la capsule l’une des extrémités d’un serpentin formé d’un tube capillaire de cuivre rouge, qui a été enroulé en spirale dans un grand bocal de verre à deux tubulures, traversé par un courant d’eau froide ; l'extrémité supérieure de ce serpentin, qui aurait une longueur de 3 mètres si on le déroulait, est unie par un tube de verre et par un tube de caoutchouc au robinet à trois voies de la pompe à mercure ; en manœuvrant la pompe, on fait pénétrer dans la chambre barométrique l’eau privée de gaz par l’ébullition et complète- ment refroidie qui est injectée dans le récipient dont l’allonge est main- tenue verticalement par un support convenable; l’eau privée de gaz déplace l’air, et quand elle se déverse à la partie supérieure ouverte, on introduit dans ce milieu les feuilles détachées de l'arbre, bien essuyées avec du papier à filtre ou avec un linge et pesées ; avec un agitateur, on déplace quelques bulles d’air adhérentes à la surface des feuilles, puis : on ferme l’ouverture du récipient avec un bouchon de caoutchouc percé d’un trou par lequel on fait encore écouler un peu d’eau avant de fermer par une baguette de verre plein. On extrait d’abord par les mouvements de la pompe la plus grande partie de l’eau, que l’on fait échapper par la tubulure latérale de la petite cuve qui surmonte le robinet à trois voies, en laissant de l’eau dans le long tube de verre qui est maintenu incliné au-dessus de l'horizon. Pendant cette opération, on voit un grand nombre de bulles de gaz s'échapper de tous les points de la surface des feuilles. Nous avons choisi pour faire nos expériences des feuilles glabres qui, lorsqu'on les immerge dans l’eau, ne présentent point de bulles d'air adhérentes à leur surface ; voici les premiers résultats que nous avons obtenus en chauffant successivement le bain d’eau à 50° et à 100°: SÉANCE DU 25 JUILLET 517 "re. TABLEAU I 100 grammes de feuilles ont donné : PROPORTION D'OXYGÈNE dans le MELANGE D'AZOTE et D'OXYGÈNE p. 0/0 ACIDE À OXYGENE | AZOTE CARBONIQUE Perce-neige à 50° acc, 6 26ce,9 Temps À 100° conne Trace 0, 2 Perce-neige Soleil à 50° à 1000 Platane Soleil à 50° à 10e? à 1000 Trace Lilas Soleil à 900 à 100° Ces résultats prouvent que les gaz contenus dans les lacunes des feuilles aériennes et dans le tissu même des cellules renferment beau- coup moins d'oxygène que l’air atmosphérique et cela est”vrai, aussi bien pour les feuilles prises à l’ombre que pour celles qui sont prises au soleil alors que la fonction chlorophyllienne est dans toute son activité. Quant à la quantité assez considérable d’acide carbonique que nous obtenons à 100°, on peut penser qu’elle provient en grande partie de la décomposition dans le vide des bicarbonates dont MM. Berthelot et André ont démontré l'existence dans le tissu des feuilles, dans un tra- vail publié tout récemment à l’Académie des Sciences. | En suivant exactement les conseils que M. P. Bert, président de là Société, a bien voulu nous donner dans la dernière séance, nous avons 518 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. fait cette semaine un certain nombre d’extractions des gaz des feuilles à la température ordinaire, qui était de 25° environ, au Muséum d'his- toire naturelle, dans le laboratoire de M. Rouget ; voici les nombres que nous avons obtenus avec des feuilles appartenant aux mêmes espèces que celles qui ont fourni les résultats précédents: TABLEAU II 100 grammes de feuilles ont donné : PROPORTION ; D'OXYGÈNE ETAT a dans le du OXNGENE | LAZORE AN ESS CARBONIQUE D'AZOTE TEMPS ets D'OXYGENE p. 0/0 Perce-neige. Soleil | Température| | | ordinaire A AD M Del pce 12:28 à 500 sr M LIEN) 5 3, 6 9, 3 à 100° AU MTrACes 0, 6 Platane Soleil | Température | ordinaire LOUE 0. 8 APS On à à 50° 18 2 0, 1 ), » PAU) à 100° | AS SN MTra ces DES) Platane Soleil | Température ordinaire | mail 0, 6 127 4, 2 à 500 » | DNS EP NDTACES 4, 8 à 100° 9, 6 0, » GT Lilas Soleil Température ordinaire 96 0, 04 21, 8 0,, 2 à 50° 28, 4 Traces Are à 1000 67, © 0, » Traces SÉANCE DU 25 JUILLET 519 ro La comparaison des deux tableaux montre qu'à la température ordinaire à 25° ou à 50° la composition des gaz extraits des feuilles est à peu près la même et contient toujours beaucoup moins d'oxygène que l'air atmosphérique, tandis que si on élève la température jusqu'à 100°, on obtient beaucoup d'acide carbonique, un peu d'azote et point d'oxy- gène. 520. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. FAITS SUR LE PROTOXYDE D'AZOTE, par PAUL BERT. Communications lues dans la séance précédente. A. GERMINATION : Le 25 mai 1878, on met, sous 10 atmosphères de pression dont 1 d'air et 9 protoxyde d'azote, dans un récipient de verre de la graine de cresson sous du papier mouillé. Le 5 juin, il n'y a point d’autre trace de végétation que la sortie de quelques radicelles, tandis que dès le 28 mai des graines semées à l’air libre avaient déjà germé. Le 8 juillet, l’état des graines maintenues sous pression est resté le même. On décomprime, on expose à l'air, et quelques jours après, la germi nation reparait. Dans la même expérience, faite avec 3 atmosphères 1/2 de protoxyde d'azote seulement, il n'y a que ralentissement de la germination. A la pression normale, 80 0/0 de protoxyde d'azote ne paraissaient produire aucun effet. B. Le 3 juillet 1878 on suspend dans air 4 atmosphère, protoxyde d'azote 9 atmosphères, de minces tranches de muscle. Le 8, on laisse échapper l’excès de pression; le gaz présente une lègère odeur aigrelette. Le 49, on retire de l'appareil les tranches de muscle qui n’ont aucune mauvaise odeur. On les hâche dans l’eau alcalinisée par la potasse et on distille. Les produits de la distillation donnent des gouttes huileuses et une réduction nette du bi-chromate de potasse. 15 juillet 1878 : Même expérience avec du foie; la pression n'est que de 8 atmosphères, dont 7 d'AzO. | Le 22, foie extrêmement acide (acide acétique); la distillation donne les gouttes huileuses et la réduction. Ainsi AzO sous tension s'oppose à la vie des microbes de la putré- faction. C. Anesthésie prolongée chez l'homme. Un personnage important de Belgique, qui souffrait atrocement de coliques hépatiques, s’est soumis fréquemment à l’anesthésie par le protoxyde d'azote employé sous pression. Dans une de ses crises, il a été anesthésié à divers reprises pendant plusieurs jours consécutifs. Le 30 novembre 1883, l’anesthésie à duré SÉANCE DU 25 JUILLET 521 ———___—_——————— — ———————…—…—…—.…"—"—————…—…—…"…"…"…"…"”"…"….….…—.—.—.-_.——"…"…"…—…—_-—_-_-_._._-. une heure, le 4% décembre une heure et demie, le 2, quatre heures, le 3, deux heures dans la matinée, et le 4, sept heures. Les proportions du mélange étaient de 15 d'AzO. et 85 d'O. La pression était augmentée dé 4/4 à 1/2 atmosphère, on continuait l'inhalation jusqu'à ce que l’insensibilité fût complète. On retirait alors le masque pour le replacer aussitôt que les contractions du visage indi- quaient le retour de la douleur. Gette lutte entre l'action anesthésique et la sensibilité avait pour conséquence un état de rève que le malade, homme de grande intelligence, décrit avec une véritable éloquence. Cet état mental a persisté, bien que fort atténué, pendant quelques jours, tel- lement que le malade croit que s’il avait dû recommencer il serait devenu fou. Peut-être est-ce cette crainte qui l'a determiné après de nouvelles crises à se faire enlever par Langenbuck la vésicule du fiel qui futitrouvée pleine de calculs. L'opération du reste réussit parfaitement, mais Jeune sais pas si elle à supprimé les coliques hépatiques. D. Dose toxique. En mettant dans un appareil à compression un rat, où une souris, où un moingau, on voit que l’animal s'endort lorsqu’o n ajoute 1 atmosphère de protoxyde d'azote. Avec 2 1/2 atmosphère s, l'animal peut dormir sans danger pendant plus d’une heure, bien que sa tempéra- ture s’abaisse jusqu'à 32°, Mais si l’on pousse jusqu’à 3 atmosphères, l'animal meurt en 10 minutes; à 4 atmosphères, il meurt en 3 ou 4 minutes. La tension anesthésique peui done être exprimée par le chiffre 100, et la tension rapidement mortelle par le chiffre 300. E. Animaux à sang froid. Des grenouilles s’anesthésient en quelques minutes dans le protoxyde d'azote pur. Des poissons, de même, dans l’eau saturée de protoxyde d'azote. Enfin, des œufs de grenouille placés dans un peu d'eau sous une grande cloche contenant 20 0/0 d'oxygène et 80 0/0 de protoxyde d'azote se développent comme à l'air libre. À 5 atmosphères, dont 1 d’air et 4 de protoxyde d’azote, le développement continue pendant 2 ou 3 jours, puis les embryons meurent, . O6 19 19 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. LA RIGIDITÉ CADAVÉRIQUE. Note communiquée à la Société de Biologie en juin 1881, mais non publiée, par PAUL BERT. Je me suis demandé si, lorsqu'un muscle est devenu rigide après la mort, cette rigidité tient à la formation cadavérique d’une substance par- ticulière. J’ai alors haché des muscles rigides de chien, j'en ai extrait le suc par la presse. Puis, j'ai suspendu deux pattes de grenouille, l’une dans du sérum de sang de chien, l’autre dans ce même sérum additionné d’un volume égal de suc musculaire. Or, dans ce dernier liquide, la patte a perdu beaucoup plus tôt son excitabilité. Le suc est acide et contient des matières albuminoïdes. J'ai voulu sa- voir si cette acidité jouait un rôle dans le phénomène et d'autre part si la cuisson détruirait la propriété du suc musculaire. Je cite comme exemple le récit d’une expérience. 23 juin 1881. — Six tubes à essai renferment l’un, À, 28: de sérum de chien, les cinq autres en contiennent 14. On fait les additions indiquées par le tableau suivant : A! — 44e de suc musculaire pur et intact. B it he su B’ — — cuit. C — — cuit. C' — — neutralisé. On suspend dans chacun de ces tubes une patte postérieure de grenouille : AA' même grenouille, BB" id., — CC, id. L'expérience commence à 11h: 1/2. À 1 heure, excitation des muscles et des nerfs par un très fort courant; À Excitation du nerf, forte contraction; du muscle, id. A' Excitation du nerf, rien; du muscle, contraction faible. B Nerf rien, muscle très faible. B' Nerf rien, muscle très faible. CG Nerf rien, muscle rien. C’ Nerf rien, muscle rien. 2h- 40, courant très fort, excitation du muscle. À Contraction énergique. Les autres, rien. En résumé, l’addition au sérum d’une certaine quantité de suc extrait ‘de muscles rigides a déterminé rapidement la rigidité musculaire, que ce suc soit cru, cuit, acide ou neutralisé. SÉANCE DU 25 JUILLET 5923 COLORATION DU LÉZARD VERT, par PAUL BERT. J'ai entretenu jadis la Société du résultat de mes expériences sur l’in- fluence qu’exerce le système nerveux sur la coloration du Caméléon. Une section transversale de la moelle épinière amène la paralysie de tous les chromoblastes sous-jacents qui apparaissent alors à la surface, et donnent aux parties inférieures de l’animal une coloration noirâtre. Inver- sement, l'excitation du bout périphérique de la moelle fait rentrer dans . les profondeurs de la peau les cellules colorées. De plus, la lumière, ou du moins la région bleue du spectre, a un effet colorateur des plus prononcés, et que j'ai fait connaître. Il était intéressant de rechercher si un pareil effet se produirait sur nos beaux lézards verts. Or, il n’en est rien. La section transversale de la moelle épinière au milieu de la région dorsale n'amène aucun change- ment de couleur, bien que l’animal survive plusieurs jours à l'opération. De même l'action de la lumière est absolument nulle. Du reste l'excitation directe de la peau ne produit aucun effet. INNOCUITÉ DU GRISOU, par PAUL BERT. En qualité de membre de la Commission nommée, sur ma proposition, pour étudier les accidents dus aux inflammations du grisou, j'ai été amené à étudier les effets de ce gaz sur l'organisme. Or, ils m'ont paru nuls, du moins pour ce que peuvent révéler les ex- périences de laboratoire. Des mammifères et des oiseaux ont pu vivre pendant des heures entières dans de l'air contenant 10 et 20 pour cent de grisou, sans présenter aucun trouble apparent. La méthode des pressions m'a permis d'aller beaucoup plus loin. Un moineau a été soumis à une pression de 4 atmosphères dont 3 for- mées de grisou et 1 d’air sur-oxygéné. Du papier imbibé de potasse absor- bait l'acide carbonique au fur et à mesure de sa formation. L'oiseau n'a paru présenter aucun trouble pendant les 3 heures qu’a duré l'expérience. Je crois donc pouvoir conclure de ces faits que le grisou est un gaz inerte, et qu'en tous cas il n’a aucune propriété anesthésique. 924 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE VENIN CUTANÉ DE LA GRENOUILLE (rana viridis), par PAUL BERT. On sait depuis longtemps que le mucus de la peau de grenouille pos- sède des propriétés irritantes, notamment sur la conjonctive oculaire. Mais je ne crois pas qu’on ait Jamais dit que la peau de grenouille sécrète un poison comme le fait la peau de la rainette, celle du crapaud et des autres batraciens Urodèles et Anoures. Il en est ainsi cependant, comme le démontrent les deux expériences suivantes. 1 juillet 1881. — On racle les glandes cutanées dans la région du cou à 13 grenouilles vertes, puis on délaye le produit du raclage dans trois ou quatre gouttes d’eau distillée. On laisse déposer, et à l’aide d’une seringue de Pravaz, on inocule la partie limpide sous la peau de la poitrine d’un chardonneret. 1 minutes après, convulsions, puis paralysie, et mort en 1 minute. L’au- topsie faite immédiatement montre le cœur arrêté en systole. Les débris d’épithélium et de mucosités sont repris par un peu d’eau distillée et injectés à un autre oiseau ; celui-ci présente de l'accélération respiratoire, des convulsions, puis de la somnolence et meurt au bout de 3 heures. 13 juillet 1881. — On racle les glandes cutanées de dix grenouilles, on délaye le produit dans quelques gouttes d’eau distillée qu'on injecte sous la peau du dos d'une petite grenouille. Une demi-heure après, l'animal étend brusquement les pattes posté- rieures; mouvements convulsifs dans les membres antérieurs; mouvements respiratoires précipités; battements cardiaques affaiblis et diminués de nombre, excitabilité réflexe très diminuée. Les convulsions et les raideurs tétaniques continuent, la cornée devient insensible, les battements du cœur s'arrêtent, et la mort survient 4 heure un quart après l’inoculation. Ainsi, le venin de la grenouille paraïit être à la fois un poison du cœur comme celui du crapaud, et un poison de la moelle comme celui de la salamandre, “à SÉANCE DU 25 JUILLLT 525 EEE ANIMAUX D'EAU DOUCE DANS L'EAU DE MER, par M. PAUL BERT. Ces expériences font suite à celles que j'ai présentées à la Société en 1871 et 1877 A. AGcOUTUMANCE. — Des daphnies sont placées dans des bacs bien aérés contenant chacun 45 litres d’eau douce. Si l’on ajoute d’un coup 8% grammes de sel marin dissous au préalable dans un peu d’eau (soit 55,6 . par litre), toutes les daphnies meurent en quelques heures. En ajoutant par jour et par litre 0,4 de sel, les daphnies d'un autre bac franchissent sans encombre la dose mortelle d'emblée et ne meurent que quand il y a 105,8 de sel par litre. Dans un troisième bac, on ajoute par jour 0f,2 (expérience du 7 décem- bre 1883 au 7 février 1884). Au bout de 29 jours (5 janvier), presque toutes les daphnies sont mortes; il y a alors 54,8 de sel par litre. On con- tinue à ajouter du sel. Le 11 et le 12 apparait une nouvelle génération de daphnies, celles-ci beaucoup plus grosses que les précédentes. Le 7 février (12,4 de sel par litre), les daphnies sont devenues rares; deux larves de chironomus qui vivaient avec elles meurent; des larves de cou- sins, de petites arachnides, des notonectes sont parfaitement vivants, On cesse d'ajouter du sel. Quelques-unes de ces daphnies mises dans l'eau douce y meurent rapidement. 91 mars : rien n’a reparu : les notonectes et autres animaux sont morts, mais dans le fond du bac vivent des myriades d’infusoires (paramécies, kolpodes, vorticelles, etc.) Les parois sont garnies de larges taches rouges formées par des oidee En résumé, il y a eu accoutumance très nette des daphnies de la douxième génération, puisqu'elles ne pouvaient plus supporter l'eau douce. B. MÉCANISME DE LA Morr. — J'ai montré autrefois que la mort des ani- maux d'eau douce plongés dans l’eau de mer a pour cause l’exosmose qui se fait au travers de leurs branchies et de leurs tissus mous non pro- tégés. Cet exosmose peut avoir pour conséquence, chez des grenouilles plongées totalement ou partiellement dans l’eau de mer, une perte d’eau allant jusqu'au quart-et même au tiers du poids de l'animal. J'ai voulu savoir s'il ne sortait ainsi que de l’eau pure. Des grenouilles ont été attachées avec des fils sur des planchettes de liège au fond de cristallisoirs avec une couche d’eau de mer; d’autres ont été disposées semblablement, mais dans de l'eau douce. Au bout de 24 heures, les gre- nouilles de l’eau de mer sont mortes, ayant perdu 1/7 ou 1/6 de leurs poids. Ni l’ébullition ni l'acide azotique ne décèlent d’albumine dans l'eau 5926 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE de mer; mais l'alcool et le tannin donnent des dépôts blanchâtres qui in- diquent une notable quantité d’albuminose. Les membres postérieurs au-dessous de la ligature sont fortement œdématiés. Entre la peau et le muscle se trouve une couche très épaisse de liquide donnant avec l'alcool absolu un très abondant précipité. La grenouille plongée dans l’eau douce est parfaitement vivante et n’a rien perdu de son poids. Observation. — Je crois utile de faire remarquer que des grenouilles attachées sur une planchette perdent de leurs poids (2, 3 et même 4“), lors même qu’elles sont maintenues sous une cloche humide, et que leurs pattes postérieures baignent dans l’eau douce. Ainsi, dans les expériences" comparatives, il faut que les grenouilles soient libres, ou tout au moins baignant presque entièrement dans l'eau. ANIMAUX D'EAU DE MER DANS L'EAU DESSALÉE, par PAUL BERT. = Dans deux bacs A et B contenant 40 litres d’eau de mer, on a placé A, 2 colins, 2 plies, 2 actinies (nlumosa, crassicornis); B, 2 jeunes bars, 2 spinanchies, 2 carrelets. Chaque jour on ajoute 133‘: d’eau de pluie filtrée. Commencement de l'expérience, 9 juin 1885; la mort des animaux arrive dans l'ordre suivant 16 juin, les 2 bars ; eau ajoutée 1 litre soit 2 p. 100 925 — les 2 colins ; _— 2 1. 24 — 5,5 p. 100 25 — l'actinie plumosa; — 2 1. 24 — 5,5 p. 100 27 — les 2 spinanchies; — 2 1. 52 — 6,2 p. 100 3 juillet l’actinie crassicorne ; — 3 1. 32 — 8,3 p. 100 Le 13 juillet vivent encore un carrelet décoloré (l'autre est mort le 7 juillet) et les 2 plies; on a ajouté 41. 65 d’eau de pluie, soit 44,6 p. 400 de l’eau de mer. oo IQ — SÉANCE DU 25 JUILLET. ANIMAUX D'EAU DE MER DANS L'EAU SUR-SALÉE, par PAUL BERT Je ne crois pas qu'on ait jamais essayé l’action sur les animaux ma- rins d’une augmentation dans la salure de l’eau où ils vivent. Il y à cependant là une question intéressante, au point de vue zoologique et au point de vue physiologique. J'ai commencé à l’étudier à l’'Aquarium du Havre. Le 7 juin 1883, on place dans trois bacs A, B, G, de 40 litres de capacité et parfaitement aérés, À 2 plies, 2 carrelets, 5 vieilles, avec ulva latissima ; B, 2 spinanchies, 2 mugil capito, 2 crabes ; G, 2 gobies, 2 syngnathes, 2 Bernard l’Hermite. Tous les jours, on ajoute les produits de l’évaporation de 120 litres d'eau de mer, divisés en 180 paquets : un paquet par bac et par jour. Chaque paquet représente ainsi 75 centilitres d'eau de mer. Voici l’ordre dans lequel meurent les êtres vivants : Les Ulves quand la proportion de sel est augmentée de 12 p. 100 IEC SORA Des EN PAC ER NE UNE UE PRE ET D AAOO RSS RONA bn A MP RER AU RRRRENNEE RS Le GURUE GER EE AT CIO D RS EMUEIE ARR PANNE ER EN AREA RU ROME EN NAN RE RUE OO TOO PÉStBernarde ACCES EN ENONCE ER VERS OUT DO DES NeS D PUDEUR IN OC USAREENT USE CRETE ETUDE AOO ESC ODIES CAMES RRANN METRE CPL SE Da0; prtO0 és pimanchies HAE pe CERUIE MUC RAR ESS DE TE O0 Les Cats ss ARE RAR cn ge ne sAVenlleS. di A Li EMA ELU Een DAT AMIE ee YON ps 00 L'expérience avait duré 24 jours. Si l’on suppose que l'expérience ait été faite par évaporation, on voit que les animaux seraient morts lorsque le volume de l’eau aurait été réduit de 17 à 40 p. 100. En rapprochant ces résultats de ceux de l'expérience précédente , on conclut que les poissons de mer supportent beaucoup mieux la concen- tration du liquide que sa dilution. 228 s SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. OBSERVATIONS SUR LA RESPIRATION DU BOMBYX DU MURIER A SES DIFFÉRENTS ÉTATS, par M. PauL BERT. Je ne connais pas de recherches faites sur la respiration des larves, des chrysalides et de l’insecte parfait, depuis le grand travail de Newport en 1836, et celui de Regnault et Reiset en 1849. Relativement aux Lépidoptères, Newport résume ainsi ses résultats : « Les chenilles de Lépidoptères semblent respirer plus d’air que les chrysalides et les insectes parfaits ; mais il faut remarquer qu’elles sont d'ordinaire beaucoup plus grosses, quelquefois doubles en volume du papillon, et par conséquent consomment une plus grande quantité d’air. Mais, si nous examinons des chenilles qui ont le même volume que le papillon, nous trouvons qu'en raison de leur état continuel d'activité, la respiration des papillons est bien plus grande. On voit donc que la plus grande puissance respiratoire a lieu pendant l’état parfait, et que la res- piration est au minimum dans les deux ou trois jours qui suivent l'entrée à l’état de chrysalides. » Les observations de Newport ont été faites sur le sphinx du troëne, (@ chenilles, 8 chrysalides), le papillon de l’ortie (4 chenilles, 5 chrysa- lides, 1 papillon), la phalène vineuse (2 chrysalides, 2 papillons). Newport n’a examiné que la production d'acide carbonique. De plus, ses expériences sont trop peu nombreuses et, autant que ces tableaux permettent d'en juger, trop insuffisantes à tous les points de vue pour per- mettre de s'arrêter à ces conclusions; la dernière surtout ne s'appuie que sur une analyse. Quant à Regnault et Reiset, ils ont expérimenté sur des vers au 3° âge et « au terme de la croissance » et sur des chrysalides d'âge non déter- miné. À poids égal, les vers de 3° âge respirent plus qu’au terme de la croissance, et les chrysalides respirent dix fois moins. La température ambiante n'est pas indiquée dans ces expériences. J'ai repris 1l y a quelques années ces recherches, et l'année dernière, j'ai refait une série d'ensemble dont je présente aujourd’hui les résultats. Respiration des vers à soie. Les expériences étaient disposées comme suit : Un certain nombre de chenilles étaient placées dans un flacon fermé, avec les feuilles nécessaires à leur nourriture. Chaque jour on renouvelait l'air après avoir analysé l'ancien; chaque jour on comptait (dans la première semaine on se contentait des pesées) Les vers, on les pesait dans leur ensemble, afin de pouvoir rapporter le résuitat des analyses soit à l'individu, soit à l'unité de poids. L'expérience était faite “à l’ombre pour éviter l'influence possible des feuilles vertes. Le, de” RCE re 7 SÉANCE DU 23 JUILLET. 529 J'ai malheureusement égaré les cahiers d'expérience, et c’est une des raisons qui m'avaient empêché d'en publier les résultats; mais cette année il ne m'a pas été possible de recommencer, et Je me décide à com- muniquer à la Société le résumé très net que j'avais écrit pour une publi- cation spéciale. La respiration a été, pour un poids donné, d'autant plus active, que les vers étaient plus jeunes et par conséquent plus petits. Mais un animal donné consomme d’autant plus d'oxygène qu'il est plus vieux, et par conséquent plus gros. C’est au moment où le ver est sur le point de filer son cocon que l’activité respiratoire est la plus énergique. La production d'acide carbonique s’est accrue jusque-là. Toutefois, le maximum est atteint non pas le jour où le ver file, mais la veille de ce jour. Dès que le cocon est formé, la quantité de CO? s’abaisse progres- sivement. Respiration des chrysalides. Pour la chrysalide la question est plus simple; elle ne mange pas, elle ne grandit pas; on peut donc se contenter de suivre, jour par jour, la consommation d'O et la production de CO? d’une ou d’un certain nombre de chrysalides. Au début l’activité vitale est beaucoup moindre que chez le ver. Mais la puissance respiratoire augmente rapidement. Ainsi, des chrysalides-: qui le 10° jour de la montée (9 juin 1884), formaient 8* de C0? par litre en ont le 26 juin, jour où a commencé l’éclosion du papillon, formé 137; la consommation d’O. a passé pendant ce temps de 30% par litre à 174. La marche ascendante ne se fait pas sans oscillations; il parait y en avoir une très forte vers le 10° jour; dans les derniers Jours se fait une énorme augmentation : dans l’exemple précité, du 9 au 22 juin, ilya -eu 40 de CO? en plus, et 100 du 22 au 26. Toujours il y a plus d'O con- 0] sommé que de C0? produit; mais le rapport To varie presque chaque jour ; il est beaucoup plus faible vers le 40° jour du début de la transfor- mation qu’au commencement et surtout à la fin. Cependant, même dans les derniers jours, au moment où l'insecte par- fait est sur le point de sortir, jamais la consommation d'oxygène n’est aussi forte que chez la chenille avant la formation du cocon. J'ai voulu savoir si les oscillations remarquables que présentent les courbes respiratoires auraient quelque rapport avec l'évolution organique. Les recherches très minutieuses qu'a faites à ce point de vue, sur ma demande, M. Viallanes, ont montré qu'il n’en est rien. Une expérience m'a donné un résultat bien curieux et inexplicable. Six chrysalides ont été placées dans un flacon de 10 litres, bien bouché, et maintenues là jusqu'à l’éclosion. Elles avaient alors consommé 600: d'O. et fourni 324°° de CO*. Six autres ont été mises à côté dans un flacon de 6 litres. Elles ont éclos 530 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. le même jour, ayant consommé 816‘ d’O et fourni 610% de C0”, quantité bien supérieure. Six autres dans un flacon de 4 litres; deux seulement écloses; il ne reste presque plus d’O. (840: consommés), et il y a 700c de CO*. Six dans un flacon de 2 litres; six dans un flacon de À litre, épuisent de bonne heure tout l'oxygène et n’éclosent pas. Respiration des papillons. Les papillons respirent notablement moins que les chrysalides la veille de la transformation. Ainsi, six chrysalides près d’éclore ayant produit 418% de CC” et con- sommé 140% d’O., six papillons placés dans les mêmes conditions, ont produit seulement 53° de GO? et consommé 57° d’O. La puissance respiratoire du papillon va en diminuant chaque jour. Ainsi, des papillons ont, le premier jour, fourni 90° de CO?; le deuxième, pendantle même temps, ils n’en donnent plus que 76; le troisième, que 59. Cette différence capitale avec les résultats de Newport s’explique, en supposant ceux-ci exacts, par ce fait qu’il a expérimenté sur des papil- lons actifs, tandis que ceux du ver à soie sont inertes et réduits au rôle de générateurs. SÉANCE DU 25 JUILLET 531 OBSERVATIONS DIVERSES SUR LA VIE DES CHRYSALIDES ET DU BOMBYX DU MURIER, par M. PauL BERT. DéveLopPEMENT. — J'ai cherché si divers agents physiques ou chimiques auraient quelque influence sur le développement de la chrysalide. A. Influence de la lumière. Des chrysalides du même jour, mises les unes à la lumière, d’autres à l'obscurité, mais à la même température ont éclos le même jour. Influence nulle. B. /nfluence de l’électricité. Des chrysalides réunies par des fils de pla- tine qui traversaient la peau durcie, ont été les unes laissées intactes, d’autres soumises à l’action constante d’une pile de 6 éléments Daniel. Aucune influence. J'avais déjà signalé ces résultats négatifs. Mais, j'ai jugé utile de re- commencer l'expérience. C. {nfluence de la dépression barométrique. Une diminution de 45° de pression n'a nullement agi sur le développement. Les expériences relatées dans mon livre sur la Pression barométrique (p. 841) ont montré que l'augmentation de pression est très défavorable. D. /nfluence de chloroforme : a) six chrysalides ent été renfermées dans un flacon de 6 litres d'air; b) six autres dans un flacon semblable avec 95,1 de chloroforme, soit 45",6 pour 100 litres d'air; c) six autres dans un flacon semblable, avec 05",2 de chloroforme, soit 35,2 dans 100 litres d'air. Les 48 éclosions ont eu lieu le même jour. Dans l'air pur il y avait eu : CO” formé 610%; O consommé 816. Avec As,6 0/0 de chloroforme: CO0° formé 566; O consommé 678. Avec 3#,3 ; CO? formé 540 ; O consommé 654. PERTE DE poIns. — Si l'on pèse tous les jours des chrysalides vivantes et d’autres tuées au préalable par la chaleur, on trouve que celles-ci perdent beaucoup plus vite de leurs poids. Ainsi en 47 jours, des chrysalides mortes ont perdu 30 0/0 de leur poids; les vivantes n’ont perdu que 12 0/0 pendant le même temps, dans les mêmes conditions. Dans une expérience, qui date de 1878, les rapports ont été 30 0/0 pour les mortes, 10 0/0 pour les vivantes. EMISSION DE CHALEUR. — Un thermomètre dont la boule était placée au centre d’une agglomération de chrysalides a donné d'une manière constante une élévation de température de 2 dixièmes de degré. 532 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE OEurs DE BomByx. — 10 nai 1878 : Des œufs de Bombyx sont placés : 1° A l’air libre; 2° Dans un vase de 2 litres bouché, plein d'air, non renouvelé; 3° Dans un vase semblable, plein d'oxygène ; 4° Dans une soucoupe, sous une grande cloche renversée sur le mercure. 26 mai. Les n° 1,9, 3 éclosent. 7 juin. Rien n’est éclos encore au 4° ; l'examen microscopique montre qu'il n’y à pas eu chez eux trace de développement. On les met à l'air libre; aucun ne se développe. SUR LE ROLE DE LA MEMBRANE NICTITANTE DES OISEAUX, par PAUL BERT. Quel est l’usage de la paupière horizontale et transparente des oiseaux? Chez les, oiseaux aquatiques, elle est toujours tendue quand l'animal a la tête sous l’eau. A l’air, elle passe devant l'œil à des intervalles assez réguliers Elle paraît rester tendue quand la lumière est très vive. Pour avoir quelques notions sur son rôle ordinaire, je l'ai enlevée à un coq, sur l'œil droit. L'oiseau a été observé pendant quatre mois du 14 avril au 20 août 1869). L’œil opéré est resté aussi sain que l’autre ; mais, pendant tout ce temps, des larmes s’en écoulaient au dehors. Ainsi, le rôle de la troisième paupière est de ramener les larmes dans le canal lacrymal. Le Gérant : G. Masson. Paris. — Imprimerie G. ROUGIER et Cie, ruo Casset'e. ! 533 SEANCE DD 1" AOUT 1885 BARBÉ : Expériences faites sur le supplicié Heurtevent à l'Ecole de médecme de Caen. — Pauz Berr et Pau Recnarp: Action de l’eau oxygénée sur le sang. — I. Srraus : Sur la virulence du bubon qui accompagne le chancre mou. — I. SrrAus: Sur les lésions du rein dans le diabète sucré. — L. CHaBry: Sur la notochorde des ascidies. — L. CHABry : Sur une nouvelle anomalie de segmentation du vitellus, —E Grey: Expériences relatives à la suspension de l’action modératrice du nerf pneumogastrique sur le cœur. — E. GLey: Etat de la pression sanguine et de la circulation cérébrale pendant le sommeil produit par la boldoglucine. Contribu- tion à la physiologie du sommeil. — Dr Paicrpraux : De la non transmission de fa- mille en famille d'une infirmité donnée volontairement à un animal. Présidence de M. d'Arsonval. EXPÉRIENCES FAITES SUR LE SUPPLICIÉ HEURTEVENT, par M. BARBÉ, prosecteur à l'Ecole de médecine de Caen. Le condamné, après être descendu de la voiture cellulaire, s’est avancé d’un pas ferme, puis a prononcé quelques paroles d’une voix assurée. Au moment où sa tête allait être placée dans la lunette, son corps a été le siège d’une contracture extrêmement violente suivie bientôt d'un . relâchement général. Un temps plus long qu’on pourrait le supposer s’est écoulé entre le choc produit par la chute du couteau et le bruit déterminé par les jets du sang frappant le sol. Le corps, immédiatement placé dans la bière qui était à côté de l’ins- trument, a éprouvé trois soubresauts ; on eût dit que le tronc entier se contractait pour chasser le sang qui, à ce moment, était projeté à une distance d'environ quinze centimètres. Je suis ensuite immédiatement monté avec plusieurs étudiants dans la voiture destinée à conduire le supplicié à l’amphithéâtre. Une minute après l'exécution, la bière a été mise dans la voiture. Aussitôt j'ai appro- ché une allumette de la pupille, j'en ai dirigé la flamme sous le nez, sur la langue, sur la paupière, mais les soubresauts de la voiture ne m'ont permis d'observer aucun phénomène. Voyant que je ne pouvais rien obtenir de ce côté, je me suis alors occupé du tronc. BioLo6tE, COMPTES RENDUS, — 88 SÉRIE, v. LI, N° 29, D34 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Les membres étaient en résolution complète. Je n'ai constaté aucune trace d’érection ni d’'éjaculation. Soulevant alors la jambe droite, j'ai . obtenu très manifestement le réflexe rotulien. Me rendant compte de l'importance qu'il y avait à constater avec certitude ce réflexe persistant après la décapitation, j'ai prié les étudiants qui m'accompagnaient de prêter la plus grande attention aux nouvelles tentatives que j'allais faire, et tous ont pu constater comme moi ce réflexe qui a persisté jusqu'à huit minutes après l’exécution. Trois fois surtout il a été exagéré, l’am- plitude du déplacement était d'environ trente centimètres. Ce réflexe existait aussi à gauche, mais y était beaucoup moins accentué. Trois minutes après l'exécution, j'ai cherché et obtenu le réflexe plan- taire que j'ai fait constater par les autres étudiants. L'un d'eux, ayant mis la main sur la région précordiale, y a senti le choc du cœur. M’étant placé dans les mêmes conditions, j'ai bien eu la sensation de battements, mais était-ce le choc du cœur ou les soubresauts du corps déterminés par la voiture? Je ne saurais donner à ce sujet aucune indication précise. Lorsque furent terminées les expériences faites sur la tête et le tronc par MM. Laborde, Gley, Fayel, Gidon, Moutier, etc., et que le moulage de la tête opéré par M. Casini fut fini, j'ai procédé à l’enlève- ment du cerveau. La boîte cranienne était assez épaisse ; lorsqu'elle fut enlevée, les méninges ne présentant rien de particulier, J'ai enlevé l’en- céphale que j'ai pesé aussitôt ; son poids était de 1390 grammes. Cette opération faite, j'ai enlevé la vessie qui était à moitié pleine de liquide ; l'ayant ensuite remplie d’eau, j'ai déterminé sa capacité qui était de 398 grammes. Après cette expérience, j'ai isolé les vésicules séminales qui pesaient 12 grammes ; elles étaient translucides et offraient au doigt un certain degré de résistance, d'élasticité. La vésicule séminale droite avait une longueur de 6 centimètres et demi, la gauche n'avait que 4 centimètres et demi ; toutes deux avaient une largeur de { centimètre et demi. Une goutte de sperme prise dans ces vésicules m'a permis de constater les mouvements d’une grande quantité de spermatozoïdes. Je me suis ensuite occupé du foie; sa face convexe était le siège d’une assez grande quantité de petits foyers hémorrhagiques, d’un demi-centimètre de sur- face et d'un quart de millimètre de profondeur. R La vésicule biliaire contenait 30 grammes d'une bile jaune verdâtre qui, évaporée au bain-marie, m'a donné un résidu sec de 3 grammes 80 centigrammes. J'ai recherché ensuite la présence du glucose dans le tissu du foie ; pour cela j'en ai broyé une certaine quantité que j'ai fait bouillir avec de l’eau distillée ; j'ai ainsi obtenu un liquide jaunâtre que j'ai décoloré par le noir animal, qui a en même temps retenu la majeure partie des substances albuminciïdes. Je me suis débarrassé du reste de ces matières x. DRE ANA SÉANCE DU 1°" AOÛT 539 animales par le sulfate de soude en excès. Après une deuxième filtration, j'ai obtenu un liquide parfaitement clair qui m'a donné, avec la liqueur de Feeling, essayée au préalable, le précipité rouge caractéristique de sous-oxyde de cuivre. La rate avait une teinte violette remarquable. Son poids était de 210 grammes. Les reins paraissaient petits ; en effet, je les ai pesés. Chacun d'eux avait sensiblement le même poids qui était de 125 grammes ; je n'ai rien constaté d’anormal à leur coupe. Le pancréas pesait 85 grammes; je l'ai broyé, puis traité par de l’eau distillée chauffée à 35°. Au bout d'une heure, j'ai jeté le tout sur un filtre. Le liquide filtré tombait dans un vase à précipité, contenant de l'alcool, dans lequel la pancréatine et quelques matières albuminoïdes se sont coagulées. Ce précipité desséché au bain-marie, puis sous une cloche au-dessus de l'acide sulfurique m'a donné un résidu de 85 centigrammes. Trois heures après l'exécution, j'ai placé un papier bleu de tournesol sur la face interne de l'estomac, qui était contracté et vide (Heurtevent ayant refusé toute nourriture dans la matinée). Ce papier à très peu changé. J'ai recherché ensuite la présence de l'acide lactique au moyen du réactif Ewald qui consiste en une solution phéniquée de chlorure de fer. Cette solution ne se conservant pas, je l’ai préparée au moment de l’expérience. J'ai versé 50 grammes d’eau distillée sur l'estomac placé dans une cuvette de porcelaine rincée au préalable à l’eau distillée. Au bout d'une heure, j'ai essayé l’action du réactif; le liquide provenant de la macéra- tion de l'estomac était teinté en rouge par du sang. La réaction que j'obtins ne me paraissant pas suffisante, je versa: sur l'estomac une nouvelle quantité d'eau distillée, chauffée à 35°. Au boui d'une demi- heure, je décantai le liquide provenant de cette infusion, Je lai fait bouillir quelques instants pour coaguler les substances albuminoïdes, puis je l’ai filtré sur du noir animal. J'ai obtenu alors un liquide parfai- tement incolore qui m'a donné, avec une grande netteté, par le réactif Ewald, la coloration jaune caractéristique de la présence de l'acide lac- tique. J'ai mis une goutte de cet acide dans 215 grammes d’eau, et J'ai obtenu avec les mêmes quantités de réactif et de solution lactique une coloration dont l'intensiét était égale à celle obtenue avec le liquide provenant de l’infusion de l'estomac. Six heures après l'exécution, j'ai cherché et obtenu, avec M. Vastel, étudiant, la contraction du biceps et du soléaire ; les intercostaux externes et internes se contractaient aussi très facilement. Soixante heures après la décapitation, j'ai recherché en présence de M. Gidon, professeur d'anatomie, si après ce long espace de temps, la fibre musculaire se contracterait encore sous l'influence de l'électricité d'induction. La rigidité cadavérique envahissant en dernier lieu les 536 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. membres thoraciques, j'ai choisi un de ceux-ci comme étant rigide depuis un temps moins long. Le bras droit du supplicié étant désarticulé, je lai mis dans de l’eau à 37° pendant une heure, puis J'ai fait dans l'artère humérale quinze injections avec de l’eau contenant 5 0/0 de chlorure de sodium pour tenter de dissoudre une certaine quantité de myosine; J'ai fait ensuite une dernière injection avec de l’eau contenant 2 grammes pour 1009 de potasse pour neutraliser l’acide lactique. Au bout de deux heures, le bras qui au début était rigide était devenu très souple. Je lai soumis ensuite à l’action d'une forte bobine Rhumkorff, mise en action par six éléments Bunsen ; aucune contraction apparente ne s’est produite. J'ai alors détaché le biceps que j'ai mis dans une cuvette pleine d’eau à 31°; une des extrémités a été attachée à un point fixe, tandis que l'autre était fixée au moyen d’un fil au levier d’un tambour enregistreur. Une lampe a été placée en avant du tambour et l'ombre du levier se dessinait sur un écran. Ces préparatifs terminés, j'ai marqué d’un point l'endroit précis où s’arrétait sur l'écran l’ombre de la pointe du levier. J'ai soumis ensuite le muscle à l’action de la bobine ; à chaque inter- ruption, M. Gidon et moi avons constaté un déplacement de l'ombre de la pointe. L'amplitude de ce déplacement était d'au moins un millimètre. L'écran étant placé le plus près possible de la pomte, l'amplitude observée peut done être regardée comme l'expression exacte du déplace- ment du levier. Pour éviter toute cause d'erreur, la bobine était placée sur une table contiguë, mais n'ayant aucun contact avec celle sur laquelle nous opérions. P.S. J'ai également recherché la présence de l'acide chlorhydrique dans l'estomac. Pour cela j'ai versé dans une solution de violet de Paris une certaine quantité du liquide clair provenant de la macération de l'estomac. La coloration violette du réactif n'a éprouvé aucune modifi- - cation. Telles sont les expériences que j'ai pu faire Sur Heurtevent et que j'ai l’honneur de communiquer à la Société de Biologie. be 2 Mad SÉANCE DU À% AOUT, À 5317 =: en ee ——— nt ACTION DE L'EAU OXYGÉNÉE SUR LE SANG, par PAUL BERT ET P. REGNART. Ïl y a quatre ans, quand nous avons fait sur l’eau oxygénée un travail d'assez longue étendue, nous avons trouvé et publié son énergique action sur les ferments et les microbes, action tellement intense que M. Miquel la place en tête des microbicides, immédiatement à côt# des sels d'argent. De cette connaissance à un essai de destruction des microbes déjà en évolution dans le sang, il n'y avait qu'un pas, aussi avons-nous essayé bien des fois d’injecter de l’eau oxygénée dans le sang des animaux sains ou inoculés. A priori, nous avions peu de chance de réussir; nous savions qu’en présence de la fibrine et même des éléments qui, préexistant dans le sang, donneront naissance à la fibrine, il y a décomposition instantanée du peroxyde d'hydrogène. L'expérience nous a montré qu’il y.-a plus encore. Introduite dans le sang par une jugulaire, l'eau oxygénée se décompose de suite : on la voit mousser à travers les parois de la veine, il en résulte des embolies gazeuses qui, si on fait l'injection un peu vite, peuvent tuer l'animal subitement. Il est vrai que les bulles étant compo- sées d'oxygène peuvent être reprises par le sang et l'animal peut se remettre. Un chien à qui, cette semaine, nous avons, pour le contrôle, injecté quatre centimètres cubes d’eau oxygénée dans la jugulaire, a pu se remettre après avoir présenté des phénomènes très graves. Il y à quatre ans presque tous nos animaux mouraient subitement. Mais là n'est pas le seul inconvénient des injections d’eau oxygénée dans le sang. D'abord la substance ne peut plus se retrouver après moins d’une minute, elle est immédiatement détruite. La réaction de l'acide perchro- mique ne peut plus être produite. On sait que Dumas attribuait à l’eau _oxygénée une certaine importance dans l'acte de l'hématose. Or, il lui a toujours été impossible, et pour cause, de démontrer la présence de ce liquide dans le sang; ce qui lui fit d’ailleurs abandonner sa théorie. Ainsi on ne peut injecter de l’eau oxygénée dans Le sang parce qu’elle ne peut y persister, son action ne peut être que locale et instantanée. Mais il y a pis encore. L'eau oxygénée ne tue pas seulement les micro- bes : elle tue toute cellule vivante, et les globules du sang en particulier. Injecter de l’eau oxygénée dans le sang, c’est pis que d'y injecter de l’oxyde de carbone. Le sang d’un chien, dont la capacité respiratoire était de 24, tombait à 8 après l’action de 5 cent. cubes d’eau oxygénée. D'après nous, c’est cela précisément qui rend l'usage de l’eau oxygénée précieux comme topique : elle ne peut pénétrer dans le sang puisqu'elle s’y détruit (1). Elle peut tuer les microbes de la surface d’une plaie et (4) Voir nos diverses communications à l'Académie des Sciences et à la Société de Biologie. 538 _ SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE aussi peut-être les éléments anatomiques superficiels de cette plaie; mais elle ne peut provoquer d’empoisonnement puisqu'elle se détruit au con- tact du pus, de la sérosité et ne peut pénétrer dans l'organisme. Les expé- riences suivies de Péan et Baldy ont vérifié nos conjectures. En somme, toutes nos tentatives d'injection d'eau oxygénée dans le sang des animaux inoculés ont échoué pour les raisons que nous venons de dire : nous nous faisons un devoir d'en avertir les expérimentateurs qui seraient tentés de les refaire et de déclarer que, selon nous, appli- quées à l’homme, elles constitueraient un redoutable danger. SÉANCE DU 4% AOUT 539 SUR LA VIRULENCE DU BUBON QUI ACCOMPAGNE LE CHANCRE MOU, par M. I. Srraus. Je m'étais engagé à communiquer à notre Société le résultat des ino- culations faites à ma demande par mes collègues de l'hôpital du Midi pour vérifier les opinions que j'avais émises sur la virulence du bubon qui accompagne le chancre mou (1). Je viens tenir ma promesse et apporter les chiffres. M. Humbert (2) a ouvert 33 bubons; l’inoculation faite au moment de l'ouverture a donné : résultats positifs 2, négatifs 31. 12 réinoculations faites avec du pus puisé dans le bubon (bien protégé) quelques jours après l'ouverture ont donné: Résultats positifs 2, négatifs 10. Dans le service de M. du Castel, 63 bubons ont été ouverts par lui et par son interne M. Crivelli. Inoculations immédiates, 63 : positives, 3: négatives, 60. Réinoculations, 48 : positives, 3; négatives, 45. Dans le service de M. Mauriac : inoculations immédiates, 7; posi- tives, 0; négatives, 7. . M. le professeur Fournier a bien voulu pratiquer quelques inoculations dans son service. Inoculations immédiates, 5: positives, 1; néga- tives, À. A Nancy, dans le service de M. Spillmann : inoculations immédiates, 10; positive 0; négatives, 10. Au total, le pus de 118 bubons a été inoculé au moment même de l'ouverture : 6 inoculations ont été positives, 112 négatives. 60 bubons ont été réinoculés avec du pus prélevé quelques jours après l'ouverture du bubon; sur ces 60 réinoculations, 5 ont été positives, 55 négatives. Ces expériences de contrôle ont été faites rigoureusement et avec - toutes les précautions que j'avais indiquées. Il faut donc s’incliner devant les résultats obtenus. Contrairement à ce que j'avais dit d'une facon trop absolue, la virulence du bubon qui accompagne le chancre mou existe; mais ces chiffres mêmes prouvent qu'elle est tout à fait exceptionnelle. Que nous sommes loin de la proportion de 50 p. 400 de bubons virulents admise par Ricord, de 70 p. 100 admise par M. Rollet! (1) Voir C. R. de la Soc. de Biol. 22 nov. et 20 déc. 1884. (2) Une partie des résultats obtenus par M. Humbert a été déjà communi- quée par lui au congrès des chirurgiens francais (séance du 12 avril 4885). 540 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. De ces recherches ressort donc la notion de la grande rareté de la virulence primitive du bubon qui accompagne le chancre mou. Ges recherches ont, en outre, ramené l'attention sur ce fait curieux découvert par Ricord, mais un peu oublié depuis, à savoir que le pus du bubon, non inoculable au moment de l'ouverture, peut le devenir quelques jours après. Pourquoi la plupart des adénites suppuratives provoquées par un chancre mou donnent-elles un pus privé de virulence; pourquoi ce pus privé de virulence au moment de l'ouverture du bubon en revêt-il parfois quelques jours après l'ouverture; pourquoi enfin et plus excep- tionnellement encore le pus est-il virulent dès l’ouverture même? Ce sont là des particularités tout à fait curieuses, mais dont l’expli- cation nous échappera sans doute tant que nous n’aurons pas réussi à démontrer et à cultiver le microbe du chancre mou. Dans mes communications antérieures j'avais aussi annoncé que le pus des bubons accompagnant le chanere mou ne révélait pas, par les colorations, la présence de micro-organismes et que ce pus semé dans divers milieux de culture demeurait stérile : depuis, M. Cornil est arrivé aux mêmes conclusions (1). ILest vrai que, si par nos méthodes actuelles de coloration et de culture on ne parvient pas à décéler dans un produit pathologique la présence de microbes, il n’est pas permis d’en conclure à l'absence de ces microbes, que des méthodes nouvelles. parviendront sans doute à mettre en évidence. (1) Cornil et Babès. — Les Bactéries, p. 258. SÉANCE DU 1° AOUT. 5Al E——_—_—_———"———— -————— ——— ——"— """"" " "" " " " SUR LES LÉSIONS HISTOLOGIQUES DU REIN DANS LE DIABÈTE SUCRÉ, par M. I. STRAUS. I. Les lésions rénales trouvées chez les diabétiques sont aussi variées . que fréquentes: l’hypertrophie simple des reins, la stéatose des épithé- liums, la néphrite parenchymateuse ou interstitielle, la néphrite diffuse, la dégénérescence amyloïde, les abcès du rein, la gangrène même de cet organe ont été notés tour à tour. Mais ce sont là des altérations banales et qui se rencontrent dans les états pathologiques les plus divers. Récemment d’autres lésions, plus spéciales, portant sur l'épithélium rénal, ont été décrites, qui paraissent se rattacher au processus diabé- tique lui-même. Comme ces lésions sont encore peu connues, et souvent confondues les unes ayec les autres, je vais en donner une description sommaire avant d'exposer les résultats de mes propres recherches. M. Armanni (de Naples) a pratiqué l'examen histologique des organes de plusieurs diabétiques morts dans le service du professeur Cantani. Chez l’un d'eux, il signala le premier une altération spéciale du rein, qu'il décrit ainsi : « Dans les tubes droits de la substance médullaire, on trouve l’épithélium cylindrique altéré d’une facon remarquable. Dans la plupart de ces tubes, les cellules ont perdu leur forme et leur caractère protoplasmique ; elles se sont transformées en grosses vésicules, parfai- tement transparentes, gonflées, arrondies, qui ont des parois épaisses et bien distinctes ; le noyau se colore très vivement par l'hématoxyline. » Un dessin très schématique, il est vrai, reproduit cette lésion qu'Armanni qualifie de « dégénérescence hyaline » (1). _M. Ebstein dans ses deux mémoires sur les « Nécroses épithéliales dans le diabète » (2), retrouva deux fois la lésion d’Armanni dont il confirme l'exactitude, en en précisant davantage la localisation. Pour lui, l’alté- ration hyaline porte exclusivement sur les branches larges et grêles de l’anse de Henle, et seulement dans la portion du rein désignée par Henle sous le nom de zone limitante. Ne voulant rien préjuger sur la nature de cette altération cellulaire, il la qualifie de « gonflement diabétique de l’épithélium rénal ». En même temps, M. Ebstein signala une autre alté- ration de l’épithélium rénal, différente comme nature et comme siège : dans quelques cas de diabète (presque toujours avec accidents comateux terminaux) il à trouvé l’épithélium des tubes contournés altéré, avec disparition du noyau ou du moins impossibilité de le décéler par le carmin, l’hématoxyline, etc. Il s'agirait là d’une nécrose de coagulation dans le sens de Weigert. (1) Armanni, in Cantani, le diabète sucré et son traitement. Trad. par Char- vet, Paris 1876, p. 337 et 344, et pl. 3, fig. 6. (2) Deut. Archiv. f. Klin. med. 18814, t. XX VIII, p. 143 et 1882, t. XXX, p. 1. R° 542 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Enfin dans un travail, paru en appendice au mémoire de Frerichs sur le coma diabétique (1), M. Ehrlich à fait connaître des faits nouveaux et très intéressants. Il vérifia à son tour l'existence de l’altération hyaline des tubes de Henle dans la zone limitante; mais en traitant les coupes par l’iode, par le procédé que je vais indiquer, il s’assura que cet aspect hyalin n’est qu'une apparence et que les cellules hyalines sont en réalité fortement infiltrées de matière glycogène qui s’y dépose sous forme de blocs ou de gouttelettes. Cette même infiltration glycogène peut se retrou- ver sur le foie, le myocarde et dans les exsudais pathologiques (pneu- monie) chez certains diabétiques. II. J'ai eu occasion de pratiquer trois autopsies de diabétiques et en outre d'examiner les reins de trois autres sujets morts de la même maladie. La première autopsie est celle qui a donné les résultats les plus instructifs. Il s’agit d’un homme de quarante-six ans, diabétique et tuberculeux. Entré à l'hôpital le 15 janvier 1885, il mourut le 3 février suivant, avec de l’hyperthermie, sans coma. Je ne donne ici que le résumé de-l’examen histologique des reins et du foie : Sur des coupes du rein durci par l'alcool absolu ou par le liquide de Müller et par l'alcool, et colorées par le picro-carmin ou l’hémato- xyline éosinée, on constate, d’une facon typique, la lésion décrite par Armanni. Sur les préparations et les dessins que je soumets à la Société, on voit, dans la zone limitante, un certain nombre de tubes droits dont l’épithélium de revêtement a subi une sorte d? gonflement hyalin; le pro- toplasma est devenu clair, homogène, nullement coloré par le carmin ou par l’éosine. Les limites de ces cellules, au lieu d’être à peine accusées, comme à l’état normal, sont marquées par une ligne de contour, très ferme, ressemblant à une membrane d’enveloppe. Il en résulte que l’image de ces épithéliums, vus de face, rappelle la disposition en mo- saïque que présentent les endothéliums traités par l’argentation. Pendant que le protoplasma de ces cellules atteintes de « gonflement hyalin » se montre réfractaire aux matières colorantes, le noyau se colore très nette- ment. Cette lésion est répartie par foyers dans la zone limitante. Elle porte sur l’épithélium des branches larges et grêles de Henle et aussi, d’après mes préparations, quoique exceptionnellement, sur quelques tubes collecteurs. Si l’on traite des coupes portant sur cette région du rein par l'iode, d'après le procédé indiqué par M. Ehrlich (2), on constate qu'un certain (4) Ehrlich, über das Vorkommen von Glycogen im diabetischen und in nor- malen Organismus (Zeitschr. f. Klin. Med. 1883, t. VI, p. 33. : (2) Comme le glycogène est soluble dans l’eau et dans l'alcool étendu, il faut faire les coupes sur des pièces durcies dans l'alcool absolu (et non dans l'alcool faible ou dans le liquide de Müller) en mouillant le rasoir avec de l’alcool absolu; enfin les coupes doivent être reçues dans de l'alcool également absolu. Pour A PT Var SÉANCE DU 1°" AOUT. 543 nombre de tubes sont remplis de blocs ou de boules brun-acajou, c'est-à- dire présentant la réaction caractéristique du glycogène. Cette infiltra- tion glycogène porte sur les mêmes portions de tubes urinifères et sur les mêmes éléments épithéliaux de ces tubes que ceux qui, traités par les méthodes colorantes ordinaires, révèlent l’altération d'Armanni. Celle-ci consiste donc, en réalité, non pas dans une métamorphose hyaline, mais dans une infiltration glycogène. Le foie est le siège de modifications de meme ordre. Un certain nombre de cellules hépatiques, sur des coupes colorées au picro-carmin ou à l’hé- matoxyline, présentent des boules ou des vacuoles hyalines, incolores, ressemblant, sauf la réfringence, à des gouttes de graisse. Colorées par la gomme iodée, on voit que ces vacuoles sont remplies en totalité ou en partie par des boules ou des croissants brun-acajou, qui ne sont autres que du glycogène. Le deuxième fait est celui d’un diabétique mort sans coma à la suite de _gangrène du pied, dans le service de M. Lucas-Championnière, qui voulut bien me confier l’autopsie. Le rein, examiné avec le plus grand soin, ne montra pas de trace ni de dégénérescence d’Armanni, ni d'infiltration glycogène. Mais la plupart des cellules des tubes contournés et des tubes collecteurs des rayons médullaires. se montrèrent réfractaires aux ma- tières colorantes, privées de noyaux, ou du moins avec des noyaux inaptes à fixer les substances colorantes appropriées (picro-carmin, cou- leurs basiques d’aniline, glycérine hématoxylique, picro-carmin lithiné d'Orth, ce dernier si efficace cependant pour les colorations nucléaires). Le foie présentait une cirrhose atrophique type, mais pas d’infiltra- tion glycogène. La troisième autopsie (pratiquée cinq heures après la mort) est celle d’un diabétique mort également de gangrène du pied; la veille de sa mort il urinait encore 3 litres d'urine contenant 40 gr. de sucre par litre. Le rein était à peu près normal, sans trace de lésion d'Armanni ni d’infil- tration glycogène et sans nécrose des cellules de revêtement des tubes contournés; les cellules hépatiques ne renfermaient pas de trace de glycogène. J'ai encore eu l’occasion de pratiquer des coupes sur des fragments de reins de diabétiques ayant passé par le liquide de Müller, dont deux me colorer par l'iode et éviter la diffusion du glycogène, M. Ehrlich conseille de mettre dans une solution sirupeuse de gomme un peu d'iode dissous dans de l'iodure de potassium. On y monte la préparation et on recouvre avec une lamelle; la gomme fait prise au bout de quelques heures. L'ensemble de la coupe se colore en jaune clair, les parties infiltrées de glycogène en brun- acajou. J'ai pu ainsi conserver des préparations pendant plusieurs semaines; à la longue cependant elles pâlissent, surtout quand elles sont soumises à la lumière, & 544 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. furent obligeamment remis par mon collègue M. Brault et le dernier par M. Durand-Fardel, interne des hôpitaux. Sur ces trois reins, la recherche du glycogène n’était plus possible; mais sur l’un d’entre eux je constatai, dans la zone limitante, l’altération hyaline. La lésion que je propose d'appeler « lésion d'Armanni-Ehrlich » n’est donc pas constante dans le diabète, puisque sur six cas, je ne l'ai trouvée que deux fois. M. Ehrlich, qui a trouvé cette infiltration glycogène treize fois sur quatorze autopsies de diabétiques, la déclare constante et caractéristique. Il est tombé sans doute sur une série particulièrement favorable. Mais si cette lésion n'est pas constante dans le diabète, elle semble cependant exister exclusivement dans cette maladie. J'ai examiné, dans le but de retrouver l’altération hyaline (si saisis- sante et si facile à reconnaître, une fois qu’on l’a vue), des reins de toute provenance (fièvre typhoïde, éclampsie puerpérale, néphrites, reins cho- lériques, tuberculeux, etc...) sans rien trouver d’analogue. J'estime donc que, si l’altération d’Armanni-Ehrlich ne se trouve pas toujours dans les reins des diabétiques, on peut affirmer que, toutes les fois qu'un rein pré- sente cette altération, c’est un rein de diabétique. Enfin j'ai tenté de produire expérimentalement l'infiltration glycogène du rein en provoquant la glycosurie chez les animaux. Notre savant col- lègue M. Laborde, avec sa complaisance habituelle, a bien voulu prati- quer la piqûre du bulbe sur un certain nombre de lapins, qu'il a ainsi rendus glycosuriques pendant plusieurs heures. Les reins, examinés par moi, ne contenaient pas de glycogène; un lapin fut piqué chaque jour et plusieurs jours de suite et le résultat fut tout aussi négaüf. J’ai pratiqué sur deux lapins, pendant cinq jours, des injections sous-cutanées de solution concentrée de glycose, en même temps que je les nour- rissais avec du son mêlé de sucre pilé; ils devinrent fortement glyco- suriques, mais les reins ne révélèrent pas d’altération appréciable. Dans ces examens, je constatai, il est vrai, une coloration rouge-brun de l’épithélium qui tapisse la portion papillaire des tubes collecteurs ; mais cette infiltration glycogène des cellules épithéliales, ainsi que l’a du reste signalé M. Ehrlich, se voit à l’état normal, dans cette région du rein, chez le lapin et le cobaye. Mon ami le docteur Roux m'a remis des reins de lapins morts de la rage inoculée; dans ce cas, ainsi qu'il l’a signalé, ces animaux meurent fréquemment glycosuriques. Je n'ai pu, sur ces reins, trouver de trace d'infiltration glycogène. Grâce à l’obligeance de M. Nocard, j'ai aussi pu examiner le rein et le foie d’une vache morte de fièvre vilulaire, maladie s’accompagnant de glycosurie (cette vache rendait 25 gr. de sucre par litre). Le résultat de cet examen fut également négatif (4). (4) L'exposé complet de ces recherches paraitra dans le numéro d'octobre pro- chaindes Archives de physiologie. . SÉANCE DU 1°: AOÛT. 545 SUR LA NOTOCHORDE DES ASCIDIES, par L. CHABRY, (travail fait au Laboratoire de Concarneau). La notochorde est, sur une larve d’ascidie simple, âgée de douze heures environ, formée d’un cordon continu de cellules qu'on peut diviser en trois régions. La région moyenne est formée de deux rangées de cellules, une droite et une gauche juxtaposées et plus ou moins en- grenée l'une dans l’autre; elle est située à l'union du tronc et de la queue de la larve et provient des cellules endodermiques qui limitaient le blastopore. Le blastopore traverse donc le rudiment de la corde. La région céphalique de la notochorde est située en avant de la précédente a laquelle elle fait immédiatement suite; elle est formée d’une seule rangée de celluies. La région caudale de la notochorde est également formée d'un seul rang de cellules et fait suite à la région moyenne. À raison de cette composition, les régions céphalique et caudale de la corde, bien que situées à peu près dans le plan médian de la larve ne peuvent être considérées comme des organes médians morphologi- quement, car ceux-ci sont nécessairement formés de rangées paires de cellules symétriques, comme on le voit pour le système nerveux et la région moyenne de la corde. Les régions de la notochorde formées d’une seule rangée de cellules doivent être considérées comme un organe pair dont l’antimère est avorté. Deux faits tératologiques viennent à l'appui de cette manière de voir : 1° En élevant des œufs dont la moitié du vitel- lus seulement se. segmentait, j'ai obtenu des monstres qui possédaient une corde dorsale bien développée, ce qui ne saurait avoir lieu pour un organe impair formé à titre égal par les deux moitiés de l'œuf; 2° jai observé une larve d’ascidie qui portait deux queues; sur : cet animal, la corde dorsale était bifurquée sur un point que la théorie qui précède indique avoir été l’extrémilé postérieure de la région moyenne. La région céphalique de la corde était simple; mais la symétrie morpho- logique était restituée pour toute la partie postérieure de l'organe. SUR UNE NOUVELLE ANOMALIE DE SEGMENTATION DU VITELLUS, par L. CHABRY (travail fait au Laboratoire de Concarneau). Une des plus singulières anomalies de la segmentation des ascidies sim- ples consiste dans la soudure tératologique de cellules qui sont le produit d’une segmentation normale. Ces soudures ne portent que sur le corps célluiaire et les noyaux restent distincts; il se forme ainsi des éléments à deux noyaux qui persistent dans cet état. Ces faits peuvent se présenter à ee 546 SOCIETÉ DE BIOLOGIE. diverses périodes dans les premières phases du développement, et j'ai vu la soudure de deux éléments se produire sur un œuf qui comptait au moins soixante cellules. Ce phénomène est particulièrement intéressant lorsqu'ilse présente au début de la segmentation. Dans certains cas, lesillon premier qui normalement divise l'œuf en deux minutes, s’avance avec une grande lenteur d’un pôle à l’autre. Après cinq minutes et plus, il finit par traverser tout l'œuf, à l'exception d’un petit tractus de substance cellulaire qu'il reste impuissant à diviser. Ce tractus occupe le côté de l’œuf qui correspond à la queue de l'embryon. La persistance de ce tractus déter mine la soudure des deux éléments qui viennent de s individualiser, letrac- tus devient plus large etle sillon de segmentation rétrograde, sous les yeux de l’observateur, exactement comme il est apparu. L’œuf étant revenu à son premier état, il se forme un nouveau sillon de segmentation perpen- diculaire à celui qui vient de disparaitre et la soudure qui s’est effectuée entre les moitiés gauche et droite de l'œuf ne l’empèche nullement de continuer une évolution ultérieure. Les cellules qui occupent dans la suite la ligne médiane ont deux noyaux et indiquent ainsi leur duplicité primi- tive; plus tard elles se segmentent et le plan de segmentation qui avait avorté est ainsi reconstitué. Il est rare que les choses se passent avec cette simplicité; le plus souvent l’œuf dont les deux moitiés primitives se sont soudées devient un monstre; d’autres soudures s'effectuent entre les cellules à mesure qu’elles appa- raissent et les plans de scission dévient de leur situation normale. La reconstitution de la ligne médiane après son avortement conduit à l’expli- cation du phénomène désigné chez la grenouille et les vers sous le nom d'anachronisme. L'anachronisme consiste en une interversion de l'ordre normal d'apparition des sillons de segmentation. Le sillon médian qui est le premier en date peut accidentellement ne se produire que le second c'est-à-dire après le sillon frontal. Selon les espèces, ou même selon les modes de fécondation c’est l’un ou l’autre de ces deux sillons qui apparai le premier et il semble même que certaines embryogénies débutent par le sillon équatorial (qui est le troisième sillon typique). Sur les ascidies, je n'ai pas observé l’anachronisme proprement dit, mais le phénomène que je viens de décrire y conduit de la manière la plus naturelle, car j'ai vu des œufs chez lesquels le premier sillon de segmentation n'avait pu entamer plus de la moitié du vitellus et il est facile d'imaginer que son avortement puisse être plus complet, l’évolution débutera alors par lesillon : frontal. L’anachronisme ainsi réalisé ne sera rigoureux que pour les corps cellulaires, la segmentation des noyaux étant dans tous les cas que j'ai observés parfaitement régulière, comme temps et situation. Pour éviter toute confusion entre ces deux modes d’anachronisme, je désigne celui que j'ai trouvé sur l’ascidie et qui résulte de la soudure d'éléments totale- ment ou en partie disjoints, par l'appellation de segmentation impuissante, SÉANCE DU 1% AOUT. D41 —_——— EXPÉRIENCES RELATIVES A LA SUSPENSION DE L'ACTION MODÉRATRICE DU NERF PNEUMOGASTRIQUE SUR LE CŒUR, par EUGÈNE GLEY. L'action du nerf pneumogastrique sur le cœur est bien connue; mais dans cette action, comme d’ailleurs dans toute action nerveuse, il faut tenir compte de deux éléments : 1° il y a d’abord l’action nerveuse elle- même, c'est-à-dire l'effet produit sur un organe donné par l'excitation d’un nerf donné; ? il y a ensuite l’état de l'organe terminal, c’est-à-dire la disposition particulière dans laquelle peut se trouver l'organe sur lequel un nerf donné exerce telle ou telle influence. Il est naturel de penser que, si l’un de ces deux facteurs subit quelque variation, l'intensité ou peut-être même le sens de l’action nerveuse sera modifié. C'est guidé par cette idée générale que j'ai concu et réalisé les expériences suivantes, relatives à l'action du pneumogastrique sur le cœur. La galvauisation du bout périphérique de l'un dès nerfs vagues arrête le cœur. Mais, si l’on modifie profondément l’état de l'organe, que se passera-t-il? L'expérience à faire, puisqu'il s'agissait d'une action ner- veuse modératrice, était de placer l'organe autant que possible dans les conditions mêmes où le met cette action nerveuse, quand elle s'exerce ; il fallait donc ralentir le cœur. Or, dans ces conditions, là galvanisation du bout périphérique du pneumogastrique ne produit plus son effet bien connu ; et, quelle que soit l'intensité du courant employé, le cœur ne s'arrête et même ne se ralentit nullement (1); dans quelques cas, au contraire, il m'a paru qu'il s'accélère; mais je ne suis pas encore très sûr de ce dernier fait. Toutes mes expériences, dont les premières remontent à plus d’un an et qui ont été poursuivies jusqu'à ces derniers jours, ont été faites sur des lapins. Pour ralentir le cœur, j'ai employé le moyen du refroidissement, que j'ai préféré à la section de la moelle. L'animal, préalablement rasé, est entouré de tubes de plomb dans lesquels circule un courant d’eau froide (à 7 ou 8°); d’autres fois (expériences faites en été), je place l’ani- mal dans un grand vase rempli de glace qui fond autour de lui; au bout d’une heure à peu près, la température du lapin, qui était en moyenne de 39.9 avant l'expérience, est tombée à 22° environ ; le cœur ne bat plus qu’à raison de 35 à 60 contractions environ par minute, c'est-à-dire que (4) Dans un très petit nombre d'expériences seulement, il s'est produit un faible ralentissement, Cela est arrivé justement dans les cas où le cœur battait encore avec une fréquence relative. C'est quand le nombre des battements est réduit à 45 environ par minute que l'expérience réussit le mieux; — alors elle réussit toujours. 2, ‘. pi 1% “HE Ye 1 548 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. le nombre des battements a diminué en moyenne de plus des deux tiers. J'ai enregistré les contractions du cœur au moyen du cardiographe dou- ble qui donne en même temps, on le sait, les mouvements respiratoires ; d’autres fois, pour obtenir des contractions cardiaques plus fortes, j'ai enfoncé une aiguille dans le cœur et transmis directement les oscillations de l'aiguille à un tambour de Marey; enfin dans d’autres expériences j'ai pris la pression sanguine dans la carotide. Les excitations électri- ques étaient produites au moyen de l'appareil à chariot de Dubois-Rey- mond, actionné par deux éléments de pile à l’oxyde de cuivre, que M. d’Arsonval m'avait obligeamment indiqués, parce que ces piles four- nissent un courant très constant. On peut voir, sur les tracés que j'ai l'honneur de présenter à la Société, d’abord l'effet normal des excitations (courant 40) du bout périphérique d’un pneumogastrique sur le cœur des animaux en expérience ; puis, après le refroidissement, que les mêmes excitations et des excitations plus fortes (courant 5 et courant 0) restent absolument sans effet. Il me semble que ce fait s'explique assez bien, si on admet que, l’état | de l'organe étant profondément modifié dans le sens même de l’action nerveuse qui, quand elle s'exerce, met cet organe dans les conditions dans lesquelles je le mets artificiellement, l’action nerveuse dont il s'agit ne peut plus s'exercer. C’est d’ailleurs cette explication qui.est implicitement admise, pour rendre compte de l’action négative des nerfs accélérateurs sur le cœur, quand le cœur a déjà des battements très fréquents (1). Cependant, parmi les objections que l’on pourrait faire à l’interpréta- tion que je propose, il y en a une évidemment très grave. Ne pourrait-on penser en effet que l’excitabilité nerveuse en général est diminuée par le refroidissement auquel l'animal est soumis et, plus particulièrement, que l'appareil terminal du pneumogastrique a perdu son activité? Or, d’une part, l'excitation du bout central du pneumogastrique, dans ces condi- tions, amène ses effets habituels sur les mouvements respiratoires, comme on peut le voir sur les tracés que je présente à la Société. D'autre part, ce qui tend encore à prouver que ce n'est probablement pas l’excitabilité du nerf lui-même qui est modifiée, c’est que j'ai pu réaliser une contre- épreuve en quelque sorte de mes expériences. Après avoir obtenu l’effet négatif de l'excitation du vague, j'ai réchauffé l'animal (au grand soleil) ; sa température étant remontée à 31° environ et le cœur battant 140 fois environ par minute, j'ai excité de nouveau le bout périphérique du même pneumogastrique dont précédemment les excitations avaient été de nul effet sur le cœur, etj'ai vu se produire, comme d'habitude, l'arret (1) Voy. Beaunis, Nouveaux éléments de physiologie, 2° édit., t. II, p. 1261: Francois -Franck, Dict. encyclop. des sc. méd., article Sympathique, p.33; Marey, La circulation du sang à l'état physiol. et dans les maladies, p. 64. | 1 SÉANCE DU 1À° AOÛT 549 ou le ralentissement du cœur, ainsi qu'on peut le constater sur mes tracés. —- Il faut convenir toutefois que ces expériences ne suffisent pas absolument à trancher la question d'interprétation. J'ai commencé à généraliser ces recherches ; c’est naturellement aux : phénomènes vaso-moteurs qu’elles me paraissent surtout applicables. Je pense qu’un nerf vaso-dilatateur, excité, ne détermine pas de vaso-dila- tation dans des vaisseaux préalablement dilatés, ou inversement qu’un vaso-constricteur n’amène pas de vaso-constriction dans des vaisseaux préalablement resserrés; chacun de ces nerfs peut, au contraire, suivant l’état primitif des vaisseaux, produire l'effet inverse de celui qu'il déter- mine d'ordinaire. Tant est grande, sans doute, l'importance de l’état des organes terminaux par rapport aux actions nerveuses qui s’exercent sur ces organes! —- C'est là d’ailleurs une idée générale qui semble résulter de beaucoup de travaux contemporains, en particulier des recherches de M. Brown-Séquard sur les phénomènes d’inhibition et de dyñamogénie ; et cette conception a même été exposée d’une facon très nette par M. Francois Franck, à propos des actions générales qui dépendent du système sympathique (Voy. Diction. encyclop. des sc. méd., article Sympathique, p. 4 et p. 143). Au point de vue bibliographique, en faisant dernièrement quelques recherches, j'ai vu que, dans des expériences sur la réfrigération pro- gressive chez le chien et le lapin, M. Francois-Franck avait très claire- ment constaté ce fait de la suspension de l’innervation modératrice du cœur (Comptes rendus Soc. de Biol., séance du 17 février 1883). 550 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE ÊTAT DE LA PRESSION SANGUINE ET DE LA CIRCULATION CÉRÉBRALE PENDANT LE SOMMEIL PRODUIT PAR LA BOLDO-GLUCINE. — CONTRIBUTION A LA PHY- SIOLOGIE DU SOMMEIL, par E. GLEY. J'ai étudié l’action sur la pression sanguine et sur la circulation céré- brale de ce glucoside du boldo dont M. Laborde a déjà entretenu la Société (1). Un des principaux effets de cette substance, ainsi qu'il résulte des expériences de M. Laborde, consiste dans la production d’un sommeil tout à fait analogue au sommeil naturel. Il m'a paru intéressant de rechercher quel est, pendant ce sommeil, l’état de la circulation cérébrale. Dans ce but, avant et après injection de la dose de boldo-glucine néces- saire pour amener le sommeil (dose variant de 2 à 4 grammes), j'ai enre- gistré sur des chiens les mouvements du cerveau, en même temps que je prenais la pression sanguine dansle bout central et dans le bout périphé- rique de la carotide {au moyen du manomètre double enregistreur de M. Francois-Franck). Les expériences dont je présente les résultats à la Société ont été faites partie avec mon collègue du laboratoire de physiologie de la Faculté de médecine, M. le D' P. Rondeau, partie avec M. le D’ R. Juranville, qui vient de faire sa thèse sur ce sujet (Recherches expérimentales et cliniques sur l’action somnifère de la boldo-glucine. Th. de Paris, 1885). Pression sanguine. — Immédiatement après l'injection, le cœur s’accé- lère et l'amplitude de la contraction cardiaque diminue. Ces caractères persistent pendant le sommeil confirmé, à cela près que la fréquence des battements n’est plus aussi grande. Le niveau général de pression baisse de 1 à 2 centim., et cela dans le bout périphérique comme dans le bout central de l'artère; puis la pression reste très constante et parfaitement régulière. On peut voir ces phénomènes sur les tracés que j'ai l'honneur de présenter à la Société. Mouvements du cerveau. — Pendant le sommeil, les mouvements de provenance cardiaque sont plus amples, ce qui indique, d’après tout ce que l’on sait sur les mouvements du cerveau (Voy. Thèse de Salathé. Paris, 1877), une congestion moindre de l'organe. Dès que l’animal se réveille, les mouvements deviennent moins amples et souvent ne traduisent plus que l’influence respiratoire; en même tempsle niveau général du tracé se (1) Etude expérimentale sur laction physiologique d’un glucoside du boldo, par J.-V. Laborde, Comptes rendus de la Société de Biologie, séance du 28 février 1885. — Action physiologique d’un glucoside du boldo sur le sang, sur la respi- ration et sur la nutrition, par Laborde et Quinquaud, Comptes rendus de la Société de Biologie, séance du 2 mai 1885. SÉANCE DU 1° AOUT 81 relève; par conséquent, le cerveau se congestionne. On verra ces faits sur les tracés que je présente à la Société. Les variations de la pression que j'ai observées peuvent s'expliquer, ce semble, par l'accélération même du cœur. Le cœur se contractant très vite, la contraction n’a plus le temps de se faire d’une manière com- plète et son amplitude diminue; en même temps la pression s'abaisse un peu, le débit du cœur étant moindre en définitive, malgré l’accéléra- tion des battements, parce que chaque systole envoie une moindre quan- tité de sang dansles artères. — A la vérité, pour pouvoir affirmer absolu- ment l'exactitude de cette interprétation, 1l faudrait avoir soumis le cœur à des circulations artificielles et, d'autre part, avoir déterminé l’état du système sympathique. Ce sont des expériences que je n'ai pu faire encore. J'ai seulement constaté que les pneumogastriques restent par- faitement excitables. Quant aux mouvements du cerveau, ils dénotent une moindre con- gestion de l'organe. Faut-il en conclure qu'il y à pendant le sommeil boldique anémie cérébrale! On ne serait absolument en droit de le faire que si l’on avait constaté l’état de la pression veineuse, au confluent des {sinus ; 'ear cette moindre congestion peut tenir à un écoulement plus facile du sang veineux ou à un déplacement plus considérable du liquide céphalo-rachidien, aussi bien qu'à un moindre afflux du sang artériel. Toutefois, si l’on rapproche ce phénomène des résultats des expériences de Salathé et de celles de Mosso (Circolazione del sangue nel cervello delluomo. Roma, 1880) sur la circulation cérébrale, il me semble qu’on peut admettre qu’il indique véritablement un certain degré d'anémie du cerveau pendant le sommeil boldique. Il y aurait donc là un fait à ajouter à ce que l’on sait déjà sur l’état de la circulation cérébrale dans le sommeil. 559 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. DE LA NON-TRANSMISSION DE FAMILLE EN FAMILLE D'UNE INFIRMITÉ DONNÉE VOLONTAIREMENT A UN ANIMAL, par le D' PHILIPEAUX. On sait que M. Brown Séquard est arrivé en donnant aux cobayes l’épilepsie à reconnaître la transmission chez les descendants de la même maladie. J'ai répété les éxpériences de Frédéric Cuvier qui voulait obtenir des chiens sans queue et qui n’a pas réussi; j'ai pris pour cela un jeune chien et une jeune chienne âgés de trois mois; je leur ai coupé les queues et je les ai fait se reproduire ensemble; ils m'ont donné une première géné- ration composée de quatre petits chiens deux mâles et deux femelles, qui étaient tous pourvus de queue. J'ai refait sur ceux-ci la même opération, c'est-à-dire recoupé les queues, et j'ai obtenu une deuxième, une troisième et même une quatrième génération d'animaux tous pourvus de queue. En répétant les mêmes expériences sur des rats jeunes et sur des lapins jeunes, je suis arrivé avec les rats à la quatrième génération, avec les lapins à la huitième sans pouvoir obtenir aucun changement, chaque animal naissait avec une queue. D'où je conclus qu'il n’est pas permis à l’homme jusqu’à présent de faire passer une infirmité donnée volontai- rement de famille en famille, pas plus qu’à un homme qui a perdu sur un champ de bataille un de ses membres de produire un enfant sans membre ou à un israélite un enfant du sexe masculin sans prépuce. Le gérant : G. Masson. Paris. — Imp. G. Rouaier et Cio, rue Cassette, 1. A RTE 955 SÉANCE DU 8 AOUT 1885 De Sméry et HenneGuy : De quelques faits relatifs à l'examen histologique et chi- mique du pus blennorrhagique. — J. Peyrou : Variations que présente l'absorption de l'hydrogène sulfuré mis en contact de diverses surfaces chez l'animal vivanl. — R. Dugois : Fonction photogénique des pyrophores. — Cn. Ricxer : Elimination des boissons par l'urine. — PauL Berr : Notes sur quelques phénomènes du refroi- dissement rapide. — Paur Berr : Intoxication chronique par le chloroforme. — Pauz Bert: Venin du scorpion. — Pau Bert : Note sur la germination des amandes amères. Présidence de M. d'Arsonval. DE QUELQUES FAITS RELATIFS A L'EXAMEN HISTOLOGIQUE ET CHIMIQUE DU PUS BLENNORRHAGIQUE, par MM. DE SINÉTY ET HENNEGUY. Nous poursuivons depuis plus d’un an, M. Henneguy et moi, des recher- ches sur la blennorrhagie, étudiée principalement chez la' femme. L'ensemble de ces recherches et les résultats auxquels elles nous ont conduit seront publiés ultérieurement. Aujourd'hui, nous voulons seule- ment vous entretenir de quelques points spéciaux, qui ont fait le sujet, dans ces derniers temps, de communications à des sociétés savantes et de * discussions dans la presse médicale. Nous constaterons d’abord que, dans presque tous les cas d’uréthrite purulente, chez la femme, le liquide uréthral contenait, en plus où moins grande quantité, le microbe considéré aujourd’hui par la plupart des auteurs comme l'élément spécifique de la blennorrhagie, le gonococcus de Neisser. Nous ne nous étendrons pas sur les caractères bien connus du gono- coceus, déjà décrit par de nombreux histologistes, caractères qui per- mettent de le reconnaitre avec une grande facilité. Dans la plupart de ces cas, le liquide présentait une réaction alcaline. Nous n'avons noté la réaction acide que très exceptionnellement (4). (4) L'influence de l'urine sur la réaction des liquides contenus dans l'urèthre doit toujours entrer en ligne de compte. BioLocie, COMPTES RENDUS. — 8€ SÉRIE, T. II, N° 30. 554 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Chez les sujets dont le liquide uréthral était blanchâtre, et presque uniquement constitué par des cellules épithéliales (uréthrorrhée), nous n'avons presque jamais observé de gonococcus. Chez ces malades, lesdits liquides étaient à peu près toujours acides. Pour un grand nombre de femmes, nous avons noté la présence du gonococcus dans le muco-pus recueilli dans le col utérin ou dans le pus qui s'écoulait par l’orifice des glandes vulvo-vaginales. Ces liquides étaient, dans tous les cas examinés par nous, très nettement alcalins. Les malades que nous avons observées ont été soumises à divers modes de traitement, au moyen d'injections intra-uréthrales quotidiennes, avec divers composés antiseptiques, tels que le permanganate de potasse, le su- blimé (liqueur de Van-Swieten\, l'eau oxygénée (1),les applications locales de copahu.Nous avons pu nous assurer que ces diverses substances em- ployées dans ces conditions, n'avaient aucune action sur les gonococcus : souvent même, après sept et huit jours d’injections quotidiennes, les microbes étaient plus nombreux qu'avant. On comprend, en effet, que les modifications éprouvées par certains liquides médicamenteux au contact des produits organiques les empêchent de pénétrer assez profondément pour agir sur les microbes, le plus ordinairement contenus dans les élé- ments anatomiques, principalement dans les globules de pus. En outre, l'injection n’atteint pas tous les replis, diverticules et glandes de la muqueuse. Cette hypothèse nous permet d'expliquer pourquoi l'eau oxygénée, qui donne de si bons résultats dans les plaies exposées, a une action beaucoup moins certaine pour le cas qui nous occupe. Nous résumerons donc notre communication dans les propositions su- vantes, qui résultent de nombreuses observations (2) : 4 Le pus de l’uréthrite, chez la femme, contient, dans presque tous les cas, le gonococeus de Neisser, et présente, le plus souvent, une réaction légèrement alcaline. 2 Le pus recueilli dans le col utérin ou les glandes vulvo-vaginales, malgré une réaction alcaline très accusée, contient fréquemment des gonococeus (3). (1) L'un de nous, à la suite des travaux de MM. Paul Bert et Regnard, avait déjà employé l’eau oxygénée dans le traitement de la blennorrhagie chez la femme (Voy. de Sinéty : Des diverses localisations de la blennorrhagie chez la femme et de leur traitement par l’eau oxygénée. Ann. de Gynécologie septembre 1882). (2) Toutes les observations seront données en détail, dans le travail que nous nous proposons de publier sur ce sujet. (3) Outre les gonococcus, on rencontre souvent dans les organes génitaux delà femme des parasites microscopiques en grand nombre, très variés, nous pas- sons sous silence ce côté de la question, qui n'offre qu’un intérêt secondaire. SÉANCE DU 8 AOUT. 555 3° Le liquide blanchâtre de l’uréthrorrhée, principalement constitué, histologiquement, par des cellules épithéliales, ne présentait presque jamais de gonococcus et était toujours acide, dans les cas que nous avons observés. 4° Les injections intra-uréthrales, avec des solutions antiseptiques répétées chaque jour, chez la femme vivante, ne paraissent agir ni sur la présence ni sur la multiplication du gonococcus (1). (1) Plusieurs des faits que nous venons d'exposer, M. Henneguy et moi, et qu'il résultent de nos recherches, sont en contradiction avec l'opinion émise par M. Martineau,que le liquide blennorrhagique est acide (V. société obstétricale et gyné- cologique de Paris, séance du 9 avril et du 9 juillet, in Ann. de gynécologie 1885, t. XII, p. 306, et t. XIV, p. 52). Ne voulant pas faire ici la bibliographie de la question, nous ne citons aucun des mémoires publiés récemment sur ce su- jet, nous nous sommes contentés aujourd’hui de donner très brièvement quel- que-unes de nos conclusions. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. OC Ot D VARIATIONS QUE PRÉSENTE L'ABSORPTION DE L'HYDROGÈNE SULFURÉ MIS EN . CONTACT DE DIVERSES SURFACES CHEZ L'ANIMAL VIVANT, par J. PEYROU. La dose toxique de l'hydrogène sulfuré à été trouvée par Faraday égale à 1/800 chez un chien qui avait été probablement placé tout entier dans un mélange d’air et d'hydrogène sulfuré. J'ai mesuré de nouveau cette dose en suivant les conseils que M. Gréhant m'a donnés et en faisant arriver successivement le mélange gazeux sur la surface interne des poumons, sur leur surface externe ou dans la cavité pleurale, sur la muqueuse de l'estomac et dans la cavité abdominale. Je dois faire remarquer tout d’abord que j'ai préparé l'hydrogène sul- furé par le sulfure d’antimoine et l’acide chlorhydrique, que je l'ai recueilli sur le mercure et que je ne l’ai mesuré dans une cloche graduée à robi- net de verre qu'après avoir vérifié l’absorption complète du gaz par la potasse. Un volume mesuré d'hydrogène sulfuré était injecté ensuite dans un ballon de caoutchouc qui avait recu un volume connu d’air mesuré au compteur et les gaz étaient bien mélangés par lagitation des parois du ballon. Dans ces expériences de mesure, la préparation de l'hydrogène sulfuré par le sulfure de fer doit être rejetée, le gaz obtenu contenant toujours de l'hydrogène. Chez un chien on fait respirer par une muselière de caoutchouc et avec deux soupapes membraneuses un mélange à 41/2000 d'hydrogène sulfuré, chez un autre animal un mélange à 1/1666 sans produire d'accidents, tan- dis qu'un mélange à 41/1000 à tué un chien du poids de 7 *, 6 en 20 minutes. Un autre animal de la même espèce a respiré un mélange de 200 litres d'air et de 200% d'hydrogène sulfuré à 41/1600 sans qu'y ait d'accidents, il y a donc des différences individuelles qui se sont montrées ÉSslenent pour le mélange à 1/500. Un chien de petite taille a respiré un mélange de 100 litres d'air et de 200: d'hydrogène sulfuré, à 1/500, pendant une heure, en présentant à la fin des troubles respiratoires ; il y avait de fortes inspirations suivies d’expirations petites et très fréquentes; au bout de 3/4 d'heure, on observa des syncopes respiratoires; détaché au bout d’une heure, l'animal resta étendu sur le sol et ne put se relever qu’une heure après. Un autre chien du poids de 6 *, 500 n’a résisté qu'un quart d'heure à l’action du même mélange toxique, 1/500. Enfin, un chien de même taille respira ce mélange et mourut au bout de 3/4 d'heure. Nous pouvons donc conclure que la dose toxique de l'hydrogène sul- furé introduit dans les poumons, chez le chien, est voisine de 1/500. SÉANCE DU 8 AOUT. : 597 Absorption dans la cavité thoracique. — Si l'on introduit de l’hydro- gène sulfuré pur dans la cavité thoracique par deux plaies pénétrantes faites entre les côtes chez un chien morphiné (Il faut pour pratiquer ces plaies mettre à nu la plèvre pariétale, puis la perforer en faisant pénétrer dans la membrane la pulpe du doigt, on évite ainsi de léser la surface des poumons), l'animal s’agite vivement, l'air expiré conduit dans un flacon contenant un sel de plomb le noircit aussitôt, l'absorption a lieu immé- diatement, l'animal meurt en une minute et demie ; à l’autopsie, on déta- che les poumons et on les insuffle avec de l’air, aucune bulle ne s'échappe de la surface de ces organes immergés dans l’eau. Si l’on ferme une ouverture faite de chaque côté du thorax à l’aide d’un bouchon de caoutchouc à deux trous, l’un recevant une sonde en gomme élastique, l’autre un tube de sortie, et si l’on fait circuler dans le thorax un mélange à 1/500 d'hydrogène sulfuré et d'air, on ne peut reconnaître l’exhalation du gaz toxique par un papier de plomb placé devant les narines de l’animal. Un mélange à 1/1900 introduit dans le thorax de chaque côté permet de reconnaître aussitôt la présence de l'hydrogène sulfuré dans l’air expiré et lorsqu'on l’a fait circuler pendant 50 minutes l’animal n’est point mort. Un mélange à 1/50 est conduit dans le thorax d'unchien pesant 10 kilogr., 30 secondes après, on constate l'apparition de l'hydrogène sul- furé dans l’air expiré, 10 minutes après le début de l'expérience, l’animal étend les pattes antérieures, puis les postérieures ; au bout de 41 minutes, la respiration s’arrête, l'animal meurt: L’autopsie à montré que les pou- mons étaient intacts. La dose toxique quand le mélange gazeux est mtroduit dans le thorax est donc dix fois plus grande que celle qui a été trouvée quand le mélange gazeux est introduit dans les poumons. L'absorption a-t-elle lieu dans l'estomac ? — On à fait pénétrer dans l'estomac par une fistule æsophagienne un mélange d’air et d'hydrogène sulfuré à 1/50, en employant une sonde ; l'estomac se distendit mais les gaz n’ont point pénétré dans l'intestin : l’animal ne présenta aucun acci- dent. , Chez un chien morphiné et anesthésié par le chloroforme, on pratiqua une fistule œsophagienne et une fistule gastrique et par des tubes conve- nablement fixés on fit circuler pendant 3/4 d'heure un mélange à 1/25 d'hydrogène sulfuré, on ne vit pas noircir un papier de plomb placé devant les narines, il n’y eut pas d'absorption; l'estomac contenait beau- coup de suc gastrique qui avait été probablement sécrété sous l'influence de l’irritation causée par le mélange gazeux employé. Absorption par la cavité abdominale. — Chez un chien morphiné et 558 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. anesthésié on pratique à l’abdomen deux ouvertures éloignées dans les- quelles on fixe des tubes pour faire circuler un mélange à 1/50 d'hydro- gène sulfuré et d’air, il se produit une faible exhalation d'hydrogène sul- furé par les narines, la cavité abdominale reste gonflée de gaz pendant une demi-heure, il n’y a pas d'accidents. On substitue à ce mélange un autre mélange à 1/25 et presque immé- diatement des symptômes d’empoisonnement se manifestent : de grandes expirations ont lieu, accompagnées de cris; après 20 minutes la res- piration s'arrête, le cœur continue à battre pendant quelques minutes; dans cette seconde expérience l'hydrogène sulfuré a été exhalé en grande quantité par les narines. Ce travail a été fait au Muséum d'histoire naturelle dans le labora- toire de physiologie générale dirigé par M. le professeur Rouget. ‘SÉANCE DU 8 AOUT. 559 FONCTION PHOTOGÉNIQUE DES PYROPHORES, par M. R. Dupous. Les recherches physiologiques auxquelles nous nous sommes livré depuis plusieurs mois, relativement à la fonction photogénique des pyro- phores, nous ont conduit à reconnaitre qu'aucune des hypothèses émises Jusqu'à ce jour pour expliquer la production de la lumière par les insectes ne se trouvait être d'accord avec les faits que nous avons observés. L'action particulière du système nerveux, de la respiration, de la con- tractilité musculaire, du sang lui-même considérée tour à tour comme l'agent direct, principal ou essentiel de la production de la lumière chez les insectes, repose sur des observations incomplètes et des fondements expérimentaux insuffisants. Il en est de même de l'opinion qui attribue au protoplasma ou au tissu des organes lumineux la mystérieuse: pro- priété sui generis, de produire de la lumière, comme le muscle jouit de la propriété de se contracter et de provoquer des mouvements apparents. Le principal reproche que l’on puisse adresser aux observateurs qui l'ont placée soit sous la dépendance d’un système musculaire, nerveux ou respiratoire, soit sous l'influence d’une propriété particulière, d'ordre purement biogénique localisée dans un protoplasma ou dans un tissu vivant, c'est d'avoir été trop exclusifs. De nombreuses expériences nous ont démontré que dans l'insecte parfait, à l’état normal, tous les systèmes, tous les organes, tous les appareils concouraient à des titres divers, que nous préciserons dans le travail complet qui sera présenté prochainement, à la production de a lumière chez le pyrophore. Le seul nom qui convienne pour désigner le remarquable phénomène dont nous parlons est celui de « fonction photogénique ». Les parties de l’insecte qui constituent des foyers lumineux sont des organes à parenchymes glandulaires offrant, sous ce rapport, une cer- taine analogie de structure avec le tissu du foie des vertébrés. La structure n’en peut être révélée qu’à l’aide de coupes colorées, c'est ce qui explique pourquoi elle a échappé aux observateurs qui nous ont précédé et qui semblent n'avoir opéré que par voie de dissociation. Les éléments constituants sont de deux espèces, morphologiquement et physiologiquement différentiées. Un des caractères principaux de ceux qui sont le siège de la production de la lumière, c'est de renfermer des granulations biréfringentes, qui donnent, même aux coupes un aspect très particulier à l'éclairage direct et mieux à la lumière polarisée, lorsqu'on les examine avec un micros- cope polarisant. Nous signalons cette propriété parce qu'elle est carac- téristique des organes lumineux, aussi bien chez les lampyres et les 560 : SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE, lucioles que chez ces pyrophores et qu'il n’en à jamais été fait mention, à notre connaissance. : Les trachées, les muscles, les nerfs, le sang, concourent chacun en ce qui les concerne, au fonctionnement normal de cet organe glandulaire parenchymateux, mais ce n’est pas en eux que réside la fonction photo- génique : ils jouent dans l’accomplissement de cette fonction, un rôle secondaire. L'influence spéciale à chacun d’eux a pu être déterminée avec soin par les réactifs mécaniques, physiques, chimiques et physiologiques auxquels nous avons eu recours dans nos expériences. Ces expériences ont pu être multipliées et variées, et présentent un caractère de certitude et de précision que les pyrophores seuls peuvent donner en raison de leur construction solide, de la facilité avec laquelle on peut les manier et de leur exquise sensibilité. Quant au fonctionnement de la glande elle-même, il ne saurait être mieux comparé qu'à celui du foie dans la fonction glycogénique. Nous avons acquis la certitude, par de nombreuses preuves expéri- mentales que nous ne pouvons exposer ici, que le phénomène lumineux est déterminé par un procédé absolument étranger à ceux que nous connaissons et qui ont été signalés comme pouvant fournir une source de lumière. | : La lumière résulte chez le pyrophore de l’action d’un ferment soluble, coagulable par la chaleur, l'alcool, etc., présentant en un mot les carac- tères généraux des diastases et résistant à des froids de —100° centigrades produits par l'acide carbonique et l’éther dans le vide, sur une substance non coagulable résistant également à ces températures extrêmement basses et dont nous donnerons ultérieurement le procédé d’extraction et les caractères chimiques précis. Le ferment soluble et coagulable ne se trouve pas dans le sang, mais seulement dans le parenchyme glandulaire et dans les points où se pro- duit d'ordinaire la lumière. Nous disons dans les points où se produit d'ordinaire la lumière, parce que, indépendamment des parenchymes glandulaires susindiqués, le phénomène lumineux peut se produire .dans une simple cellule, comme cela à lieu d’ailleurs pour la transformation du glycogène en sucre. Je l'ai observée dans l’œuf,, alors qu'il ne présente pas encore la moindre trace de segmentation et que l’on y trouve seulement au micros- cope les caractères des autres œufs d'insectes observés à cette même période, c'est-à-dire un protoplasma granuleux, des globules vitellins et une membrane anyste. On voit la lumière se manifester dans l’œuf assez longtemps avant la ponte, alors qu'il est encore contenu dans les tubes ovariens. C’est ce qui avait fait croire à certains observateurs que le corps de l’insecte SÉANCE DU 8 AOUT 561 tout entier était lumineux, fait nié par d’autres qui n'avaient probable- ment examiné que des mâles ou des femelles sans œufs développés. La lumière se produit dans l’intérieur de l'œuf et non à sa surface, et la larve emporte en quittant l’œuf (nous avons assisté plus d’une fois à son éclosion) toute la substance photogène. La découverte que nous avions faite d'une substance fluorescente présentant de curieuses propriétés chimiques et donnant, dans les rayons ultra-violets seulement, une lumière analogue à celle de l’insecte qui la produit, du pyrophore, nous avait tout d’abord fait croire qu'elle était la cause première de la lumière : nous pensions qu’elle avait pour but de transformer les rayons chimiques résultant des processus chimiques produits dans l'organe lumineux en vibrations lumineuses, au fur et à mesure de leur production. Cette hypothèse, toute séduisante qu'elle est, n’est pas exacte : car, dans l'œuf lumineux et dans l'appareil lumineux de la larve, on ne rencontre pas cette substance. Ajoutons que nous ne l’avons trouvée chez aucun des nombreux coléoptères et autres insectes que nous avons examinés comparativement au pyrophore. Nous avons cependant la conviction qu'elle joue un rôle important dans le phénomène lumineux. C’est à elle que la lumière des organes doit la teinte opalescente qui la caractérise chez les pyrophores. Elle semble destinée à utiliser, en les transformant en rayons éclai- rants, les rayons chimiques produits par l’organe lumineux. Ceux-ci, en effet, sont très peu intenses dans la belle lumière des pyrophores, car il ne faut pas moins de deux minutes pour obtenir, avec une plaque à photographie instantanée, un cliché par superposition. La quantité de chaleur rayonnante est également infinitésimale. Il en résulte une économie d'énergie considérable, car avec une très faible dépense l’insecte produit pendant des mois, à tout instant si l’on veut, une lumière telle, sous le rapport de l'intensité éclairante et de l'intensité visuelle, qu'aucune autre source ne saurait lui être comparée. Nos observations vérifient cette donnée physique qu’un corps qui absorberait les rayons chimiques et les rayons calorifiques obscurs en renvoyant les rayons colorés paraitrait vert clair : telle est précisément la teinte de la lumière des pyrophores. Une foule d’autres faits intéressants à divers titres nous ont été fournis par l'étude physiologique de ces curieux insectes, des propriétés physi- ques de leur lumière, et de leur développement jusqu'alors inconnu. Nous en dirons autant de l'étude anatomique comparée des pyropho- rides etdes lampyrides, entreprise dans le laboratoire de M. E. Blanchard du Muséum, avec la savante et précieuse collaboration de M. Kunkel 562 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. d’'Herculais, mais il ne saurait en être question ici, ces faits devant faire l’objet de communications ultérieures. Remarque. — Nous avons eu l’occasion d'observer dans le courant du mois dernier des feuilles de chêne lumineuses. La phosphorescence développée à leur surface était due à des mycelium de rhyzomorphes quinous ont donné beau- coup de réactions comparables à celles des organes lumineux, entre autres la reviviscence de la lumière par l'humidité après dessiccation. Ces faits cependant ne nous permettent pas, dès à présent, de conclure à l'identité entre la lumière végétale et la lumière animale, mais seulement à leur grande analogie. SÉANCE DU 8 AOÛT 563 = L'ÉLIMINATION DES BOISSONS PAR L'URINE, Note de M. CH. RICHET. On ne trouve dans les auteurs ciassiques que peu de documents sur le moment précis où se fait l'élimination des boissons. Dans les conditions normales de l'alimentation, en dehors de toute pratique expérimentale, la durée nécessaire, pour le passage des boissons, de l'estomac dans les veines, et pour l'élimination par la glande rénale, n’est que vaguement connue. | J'ai fait sur moi-même, à cet égard, les observations suivantes pen- dant neuf jours consécutifs. Il m'a suffi de mesurer volumétriquement la quantité d’urine émise à divers moments de la journée et de la nuit. J'ai eu soin de recueillir cette urine, excrétée pendant les neuf jours de l'expérience, à des heures assez différentes. De sorte qu'à des jours différents, les points de départ pour les heures étaient différents. Il s’en- suit que l’on peut ainsi, avec une assez grande approximation, savoir, demi-heure par demi-heure, quelle est la quantité d'urine émise. Pour donner les indications nécessaires sur le moment des repas, je dirai qu'ils ont été, pendant ces neuf Jours, très réguliers. Le matin, vers 7 heures 45, j'ai pris environ 175 grammes de café au lait. Au dé- jeuner, qui durait de 44 h. 45 à 12 h. 5, je prenais environ un litre d’eau, sans vin ; au diner, de 7 à 8 heures, environ 750 grammes d’eau, sans vin ; et après chacun de ces deux repas, environ 80 grammes de café noir. Dans l'intervalle des repas, jamais je ne prenais ni aliment ni boisson. Comme alimentation, rien d’intéressant à noter, sinon, à chacun de ces trois repas, une assez grande quantité de raisin. Ces observations ont été faites en automne, par une température moyenne de 18° à 23°. Voici maintenant, depuis 2 heures de l'après-midi jusqu’au midi du lendemain, quelle a été, demi-heure par demi-heure, l’élimination par l'urine : les chiffres représentent la quantité en centimètres cubes d'urine sécrétée pendant une unité du temps arbitraire, c’est-à-dire pendant dix minutes. De midi à 2 heures, il était intéressant de prendre des intervalles plus rapprochés; car c’est précisément à ce moment que se fait une élimina- tion, par l'urine, très rapide, de la boisson ingérée. Nous pouvons maintenant, en étudiant ces différents tableaux, déduire quelques conclusions physiologiques importantes (1) : (1) Si j'ai tenu à donner ces chiffres, quelque longs qu'ils soient, c’est pour montrer leur concordance, qui légitime tout à fait la moyenne qu'on en peut déduire, 564 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE MOYENNE par demi-heure. HEURES {er jour. =x CS ER RER ES EE ES ER ES EN SOBPDUIDOGUUUXR RE © & NN QD CO CO CO CO Er LR RL Æ So minuit 12 30 Î 1 2 2 3 3 4 4 hi) Hs) 6 6 À 7 8 8 9 9 M s 30 s s 30 30 s 30 s 30 s s 30 CI > je NN EE EEE ER ER ER ER ER: dde 30 > O0 O0 O0 GO Q0 QD Q0 QD © © © amaigrissement général. jours suivants . 4, à 2° septénaire . . FOND nee ai P serre à amaigrissement faible. 3° septénaire . . . 6, 3 Derniers jours. . 2, 8 amaigrissement assez considérable. Jamais on ne constata ni albumine, ni sucre, ni chloroforme dans l’u- rine. Le 6° jour, on y rechercha les pigments biliaires. On obtint nettement leur réaction jusqu'au dernier jour. Le chien mourut le 32° jour, pendant la chloroformisation. L'autopsie fut faite immédiatement après la mort. Amaigrissement général. — La peau est saine partout, pas d’abces. Le tissu cellulaire sous-cutané est mince et presque complétement privé de graisse ; à peine une légère couche de graisse jaunâtre. Les muscles pectoraux sont atrophiés et pales. Ouverture du thorax. — Pas d’adhérence des plèvres, ni du péricarde ; à peine un peu de liquide dans le péricarde. Les poumons sont congestionnés, mais ils se laissent complétement pénétrer par l'insufflation, pas de noyaux d’infarctus pulmonaire ou de pneumonie. Pas d'épanchement pleurétique. Le cœur est en relâchement complet : on constate des points de dégé- nérescence graisseuse dans les parois des ventricules. Ouverture de l'abdomen. — Le grand épiploon est très diminué: il ne renferme pas de graisse. L'estomac est très rétracté : ilest vide. La muqueuse est fortement plissée : dans la région cardiaque, elle est très congestionnée, très pâle dans la région pylorique. L'intestin grêle est également très rétracté ; ses tuniques sont durcies, très résistantes au toucher. On trouve de la bile jusqu’à la valvule iléo- cæcale. Le calibre de l'intestin est très rétréci, parfois on aurait peine à y faire passer une aiguille à tricoter. Quelques ténias dans l’iléoon. Le gros intestin contient des matières fécales. Le fote pèse 220 grammes. Il est en complète dégénérescence grais- seuse, sa surface est granitée ; la coupe est jaune et onctueuse au toucher. Son tissu se laisse écraser facilement sous le doigt: il ne parait pas v avoir de sclérose. La vésicule biliaire est pleine d’une bile très verte. Le pancréas est congestionné ; la rate est atrophiée. Les reins se décortiquent difficilement: la région corticale est conges- tionnée; par places, il y a des zones graisseuses. La vessie contient de l'urine (pas d’albumine, ni de sucre, mais des pig- ments biliaires). D 74 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 27 Le sang qui s'écoule de l'animal est en très petite quantité. La capacité : respiratoire est faible. Le cerveau et la moelle ne présentent pas d’altérations visibles a l’œil nu. Les yeux sont atteints d’une perforation de la cornée, avec pénétration du pus dans la chambre antérieure. Pas d'altération du cristallin, ni du corps vitré. VENIN DU SCORPION, par PAUL BERT. {Scorpio occitanus.) J'ai étudié, en 1863, l'action du venin de scorpion (Voir les comptes rendus de la Société) et j'ai montré que c'est un poison du système ner- . veux, qu'il parait agir à la fois sur l’excito-motricité de la moelle qu'il exalte comme la strychnine, et sur l'extrémité périphérique des nerfs moteurs qu'il paralyse comme le curare. Depuis ce temps, plusieurs expérimentateurs, qui ne paraissent pas avoir connu mon travail, sont arrivés les uns aux mêmes résultats, d’autres à des résultats différents. M. Jousset de Bellesme, par exemple, a affirmé que le venin tue en déformant les globules du sang. J'ai dû reprendre et multiplier mes expériences, qui, pour la plupart, avaient porté sur des animaux inférieurs. Les mammifères et les oiseaux sont extrêmement sensibles au venin du scorpion. Ainsi, il suffit de la moitié de la vésicule à venin d’un scorpion de petite taille, pour tuer un cochon d'Inde en moins d’une demi-heure. Un chien de 10 kilos, piqué par dix scorpions de moyenne taille affaiblis, est mort en une heure et demie. Quand on accumule le poison, la mort peut être très rapide, ce qui n'arrive pas avec la vipère. J'ai vu des cochons d'Inde mourir en moins de dix minutes et des oiseaux en moins de cinq minutes. Voici le récit d’une expérience prise comme exemple : 23 mai 1882. — Chien de 9*,500, trachéotomisé, température 360,7, vessie vi- dée, 180 pulsations, respiration extrêmement rapide ; capacité respiratoire du sang, 27. De 527 à 5:35, on fait piquer l'animal par dix scorpions sous le ventre préa- lablement rasé; presque immédiatement le pourtour des plaies devient rouge violacé. Il y a manifestement irritation locale et légère tuméfaction., À 540, il y a 80 pulsations, 16 respirations et la pression cardiaque minimum est de 13°, le coup du cœur déterminant d'énormes oscillations mesurant 11 centimètres. SÉANCE DU 8 AOUT. 979 50 47, l'animal vomit des glaires, pupille dilatée, respiration 36, pulsations 32. 5h53, vomissements. 5° 57, convulsions passagères à la suite desquelles on voit persister pendant quelque temps des frémissements musculaires dans les membres. 6h 4, 27 pulsations dicrotes, pression de 7° à 13°. 6: 15, cornée totalement insensible, pupille normale, pulsations 16, 0 368,3. 6:23, pulsations 16, pression 5° à 9, pupille très dilatée. 6h 35, pression 4° à 9°, le sang est très noir, la langue bleue. Depuis 6 heures, la respiration s’est progressivement ralentie. A 6' 40, l'animal s'éteint doucement 0 = 36°,1; le cœur bat quand la respira- tion est déjà arrêtée. Autopsie. — La capacité respiratoire du sang n’a pas changé, le sang est noir et coagule facilement; ses globules examinés sans réactif ou préparés par l'acide osmique se montrent absolument sains, et ne présentent pas la moindre altération. Forte congestion au poumon gauche, plus faible au poumon droit; conges- tion forte du foie, légère du rein et de l'estomac, vessie vide. En résumé, diminution progressive de la respiration, de la circulation, congestion pulmonaire et viscérale, point d’altération du sang, abaisse- ment médiocre de la température, convulsions légères, rigidité cadavé- rique rapide. D'autres expériences ont montré que pendant presque toute la durée de l’empoisonnement l'excitation du bout périphérique du pneumo- gastrique arrête le cœur, et celle du bout central dilate la pupille et arrête la respiration, et que l’excitation du sciatique agit sur la pression cardiaque. ! La transfusion de tout le sang d’un animal mourant à un autre chien préalablement saigné n’a pas donné d'accidents sérieux. Chez les cochons d'Inde les phénomènes sont un peu différents; les animaux sont pris de convulsions plus fortes, ils crient, ils ont des hémorrhagies pulmonaires qui leur amènent le sang aux naseaux, les Joues sont gonflées de manière bizarre, et ils meurent en érection. Le venin du scorpion est généralement acide; cependant lorsqu'il est neutre, comme cela arrive quelquefois chez les animaux fatigués, il est encore très actif. Si on le mêle avec de l’ammoniaque dans un verre de montre, il est détruit. Si l’on inocule à un scorpion le suc de la vésicule d'un autre scorpion, il meurt en quelques heures. 516 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. NOTE SUR LA GERMINATION DES AMANDES AMÈRES, par M. PAUL BERT. Que deviennent pendant la germination les substances contenues dans les amandes amères, et dont Le contact produit l'acide cyanhydrique ? 9 juin 1881.— J'ai mis sur de la terre humide, dans deux flacons À et B placés dans des conditions identiques à 25° : 1° en À, des amandes amères vivantes, 2° en B la même quantité d'amandes tuées par la cha- leur de l'eau bouillante. Un courant d'air traversait les flacons et au delà barbotait dans une solution de potasse. Six jours après, les amandes avaient germé en À. On recherche l'acide prussique dans les flacons de barbotage, et on en trouve dans les deux, mais beaucoup plus dans le flacon des mortes que dans celui des vivantes. On pile ensuite de part et d'autre les amandes dans de l’eau potassée . et l’on trouve qu'il y a beaucoup plus d’acide prussique préformé dans les amandes mortes que dans les vivantes. Ainsi: i° pendant la germination, les substances capables de former l'acide prussique diminuent de quantité, et 2° dans l’amande qui germe il se fait de l’acide cyanhydrique, comme dans l’amande morte, mais en moindre quantité. , Le Gérant : G. Masson Paris. — Imprimerie G. Roucrer ef GO, rue Gasselle, 4, 971 SÉANCEN DUO OCTOBRE 1885 Broww-Séquarp : Allocution à propos de la mort de M. Charles Robin. — Maruras Duvaz : Orientation du Blastoderme sur la sphère du jaune, et technique des coupes. — L. Taaon : Des pneumonies tuberculeuses. Leur évolution sous l’in- fluence du bacille. — Tessrer : Méningo-Encéphalite produite par un coup de pied de cheval, terminée par induration, perte de la mémoire des mots. — PniLiPeAUX : Sur la régénération du cerveau de la salamandre aquatique. — Ch. FÉRÉ : Sensa- sation et mouvement: contribution à l’étude du transfert de la force musculaire chez les hystériques. — Cu. Féré et E. Huer : "Note sur une anomalie du pavillon de l'oreille portant sur la racine de l’hélix. Présidence de M. Hanot. M. le Président fait part à la Société de la mort de M. le professeur Charles Robin, membre fondateur de la Société de Biologie. ALLOCUTION DE M. BROWN-SÉQUARD A PROPOS DE LA MORT DE M. CHARLES ROBIN MESSIEURS, Cédant volontiers à l’appel de notre Président, je viens exprimer ici ce que vous sentez et savez tous : la Société vient d’avoir le grand malheur de perdre l’un de ses membres [es plus éminents et l’un de ses fondateurs, Charles Robin. Remarquable par son originalité, par sa prodigieuse acti- vité, par la variété et la profondeur de ses connaissances dans toutes les branches des sciences biologiques, et par les qualités rares d’observa- leur scrupuleux qui le caractérisaient spécialement, il s’est justement acquis une très haute position. Je n'ai pas besoin de vous rappeler quels sont les titres scientifiques du collègue que nous avons perdu. Vous connaissez tous les importants ou- vrages que la science lui doit : — Son 7'raité du microscope, ses lecons sur les humeurs, son Traité de chimie anatomique (en collaboration avec Ver- deil); vous connaissez aussi ses nombreux mémoires sur des sujets extré- mement variés d’Anatomie normale ou comparée et ses publications sur toutes les grandes questions de l’histologie normale ou pathologique, Grâce à une portion considérable de ces divers travaux, Robin est BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8€ SÉRIE T. Il, N° 3. 578 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. entré assez jeune à l’Académie de Médecine et à l'Académie des Sciences, et il a eu l'honneur, si mérité, d'occuper, à la Faculté de Méde- cine une chaire créée pour lui. Assurément, la fondation d'une chaire d’histologie n’a pas eu lieu trop tôt et l’homme à qui elle a été donnée était de tous les anatomistes francais, à cette époque, le plus digne d'naugurer ce nouvel enseignement. Il en était certainement digne non seulement par la grande valeur de ses travaux, mais aussi parce que c’est à lui surtout que nous devons l'introduction de l’histologie en France. D'une patience rare, d'une ténacité à toute épreuve, d’une exactitude scrupuleuse, Robin a mis sa marque dans tous les travaux qu’il a publiés. IL était si instruit et si bien au courant des progrès si rapides des sciences biologiques, que ses œuvres, grandes ou petites par leur étendue, nous donnent fidèlement l’élat de la science au jour de leur apparition. Me préparant à l’internat, avec lui, en 1842, alors que nous étions tous deux externes chez Trousseau, il m’étonnait par la variété, la profondeur de ses connaissances. Personne, de nos jours, n’a plus travaillé que lui, et cette puissance de labeur, qui le caractérisait dans sa jeunesse, s’est maintenue dans son âge mür et presque jusqu'au jour de sa mort. Lorsqu'il a été atteint d’apoplexie, il finissait une œuvre de bénédictin, accomplie en trois ans : — un Dictionnaire de médecine. Je laisserai à d’autres le soin de parler de lui comme homme publie et patriote. On sait de quelle utilité il a été pendant la guerre néfaste avec l'Allemagne et que ses votes au Sénat ont toujours été en harmonie avec les principes républicains qu'il professait. Je dois borner là ces remarques sur le collègue éminent que nous avons eu le malheur de perdre. L'un d’entre vous, plus capable que moi, à tous égards, de faire l’éloge scientifique de notre regretté collègue, vous en dira davantage, un jour, sur sa vie et ses œuvres. SÉANCE DU 10 OCTOBRE 579 ORIENTATION DU BLASTODERME SUR LA SPHÈRE DU JAUNE, ET TECHNIQUE DES COUPES, par MATHIAS DuvaL En faisant hommage à la Société de mon récent mémoire sur le Blas- toderme du poulet, j'appellerai l'attention sur l'importance qu'il y à, pour ce genre d’études, à déterminer exactement l'orientation des coupes; mais si cette orientation est facile sur un blastoderme, où la ligne primi- tive est visible, elle parait au premier abord impossible pour une cica- tricule d'œuf fraîchement pondu ou incubé depuis moins de six à huit heures. Nous avons pu cependant tourner la difficulté en ayant recours à ce qu'on sait de l'orientation de l'embryon, sur le jaune, par rapport au gros et au petit bout de l’œuf. Balfour et Kælliker ont fait remarquer que pour l'embryon présentant déjà une région céphalique distincte, et nous avions nous-même noté que pour l'embryon représenté seulement par la ligne primitive, l'orientation est telle que, lorsqu'on tient l'œuf devant soi, avec sa grosse extrémité à gauche et son petit bout à droite, la future région antérieure de l'embryon est tournée du côté de l’observa- teur, et sa future région postérieure à l'opposé. Il était probable que, même avant l'apparition de la ligne primitive, on pourrait semblable- ment, sur une cicatricule, reconnaitre la future région antérieure et la future région postérieure, si toutefois l'orientation susindiquée est chose constante. Pour nous éclairer sur ce degré de constance, dont l’impor- tance nous préoccupait depuis longtemps, nous avions noté la position de l'embryon sur presque tous les œufs que nous ouvrions depuis cinq ans, et établi ainsi une petite stalistique dont voici les résultats : Sur 166 œufs ouverts de la trente-neuvième heure au troisième jour de l’incubation, nous avons trouvé 124 fois (soit dans une proportion un peu plus forte que 3/4), l'orientation susindiquée comme la plus fréquente par les au- teurs (Kælliker, Balfour). Dans quarante-deux cas, la tête était un peu inclinée de côté, savoir : 26 fois à gauche (proportion de 1/6 sur le nombre total) et treize fois à droite (propertion de 1/12). Deux fois seu- lement nous avons trouvé l'embryon couché transversalement, la tête vers le gros bout, et une fois nous l’avons trouvé complètement renversé. Mais on voit que, pour les coupes, les dispositions citées en second et troisième lieu sont équivalentes à celles indiquées en premier lieu, car, en somme, dans tous les cas, si des coupes sont faites dans ia direction supposée longitudinale (perpendiculairement à la ligne qui va du gros bout au petit bout de la coquille), nous trouverons, s’il s’agit d’une cica- tricule, d'un blastoderme en apparence homogène, nous trouverons sur l’une des extrémités de la coupe les futures régions antérieures, et vers ‘l'autre extrémité les futures régions postérieures de l'embryon. Nous ne trouvons donc, comme risquant de nous égarer, que les dispositions 580 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE signalées en dernier lieu, lesquelles ne forment ensemble que trois cas sur cent soixante-six, c’est-à-dire une proportion moindre que 1/55, ce qui permet de nous croire en possession d’un moyen suffisamment sûr d'orientation. Mais cette orientation obtenue pour la cicatricule d’un jaune encore en rapport avec la coquille, 1l faut la marquer d’une manière reconnais- sable sur la cicatricule qui aura été durcie, incisée, et qui sera prête à ètre débitée en coupes fines ; il faut la marquer avant de placer le jaune dans le réactif durcissant (acide chromique), où ce jaune peut être sou- mis à des déplacements qui renverseraient les rapports des parties ; sans insister davantage sur cette nécessité, qui ressortira naturellement des indications qui vont suivre, voici brièvement le procédé opératoire que nous avons mis en USALE : On fait, avec une toute petite bande de papier (large de 5"* et longue de 50), une sorte de cuvette triangulaire sans fond; l’œuf étant ouvert, sur la région de la cicatricule on applique ce petit triangle en l’orientant de manière que sa base réponde à la future région antérieure et son som- met à la future région postérieure du blastoderme, en appuyant un peu, de facon à bien mettre en contact ce triangle avec la surface du vitellus, et former ainsi une petite cuvette triangulaire;dont le fond est représenté précisément par la surface du vitellus (il est bien entendu que la cica- tricule fait précisément partie de ce fond). Avec une pipette on remplit alors cette cuvette de solution osmique et, maintenant toujours le papier bien appliqué, on laisse agir ce réactif pendant quelques minutes. Quand le fond de la cuvette commence à noircir, on dépose toute la pièce (coquille contenant la sphère vitelline et l’albumine) dans un large cris- tallisoir plein de solution chromique; le papier se détache; on isole de son albumine et de sa coquille la sphère vitelline, qui, à l’aide d’un verre de montre très creux, peut être transportée dans une nouvelle solu- lion chromique, où s'achève le durcissement. Mais grâce aux opérations susindiquées, cette sphère vitelline est marquée en une certaine région d’une surface triangulaire noire, et nous savons non seulement que la cicatricule est au milieu de ce triangle, mais encore que la future région antérieure correspond à la base et la future région postérieure au som- met de ce triangle. Nous ne nous arréterons pas ici à décrire comment, après durcissement suffisant, ce triangle est excisé, comment le durcissement de la cica- tricule est parachevé, et comment elle est montée au collodion pour être débitée en coupes, soit parallèlement à la base, soit parallèlement au grand axe du triangle. Nous n’indiquerons pas non plus comment l'em- ploi du triangle de papier peut servir, selon un procédé qui est une va- riante du précédent, pour marquer l'orientation de la cicatricule sur des sphères vitellines qu'on veut rapidement durcir par l’action successive de l’osmium et de l'alcool absolu, ou même par la seule action de l’alcool. 9 SÉANCE DU 10 OCTOBRE 581 Indiquons seulement que ce procédé de marque par un petit triangle nous à fourni un moyen très simple de noter, sur les plaques où sont montées les préparations, la signification des séries de coupes disposées sur ces plaques : il suffit en effet, et c’est ainsi qu'est étiquetée toute notre très nombreuse collection de préparations, il suffit de tracer sur l'étiquette placée à une extrémité de la plaque un triangle vertical, à sommet inférieur, pour marquer qu'il s’agit d'une série de coupes trans- versales échelonnées d'avant en arrière ; un triangle vertical, avec som- met dirigé en haut, désigne une série de coupes transversales faites et disposées successivement d'’arrière en avant; enfin un triangle couché sert à reconnaître des coupes longitudinales, el selon que ce triangle est couché avec sa petite base à gauche ou à droite, c'est que les coupes elles-mêmes sont disposées de manière qu'à droite ou à gauche soit di- rigée la région antérieure du blastoderme. Ot do 19 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. DES PNEUMONIES TUBERCULEUSES. LEUR ÉVOLUTION SOUS L'INFLUENCE DU BACILLE, par le D' L. Tao de (Nice). Il est un certain nombre de détails de l’histoire pathologique de la phtisie pulmonaire qui restent encore un peu obscurs, tels sont : Les stades initiaux des lésions pulmonaires; Les relations du tubercule avec l’inflammation ; Le mode d'attaque des éléments histologiques par le bacille et les transformations successives qu'il amène dans ces éléments. Pour éclaircir ces questions, nous avons mis à contribution la tubercu- lisation expérimentale sous toutes ses formes, par les procédés lents et rapides. En y ajoutant unesérie de pièces anatomo-pathologiques, prove- nant d'espèces animales très variées, et d’autres pièces recueillies à l'am- phithéâtre des enfants malades, nous nous sommes trouvés en présence de matériaux suffisants pour étager les conclusions qui découleront de ce travail. Pour obtenir des tuberculoses pulmonaires suraiguës, nous nous som- mes adressés au cobaye, ce réactif si précieux de la tuberculose. À l’aide de pulvérisations de crachats tuberculeux, émulsionnés d'eau, et prati- qués pendant une semaine, matin et soir, pendant un quart d'heure, nous avons amené la mort des sujets en 12 ou 14 jours. Cette issue est inévitable par cette méthode. Le dernier jour les cobayes sont en proie à une dyspnée extrême. A l’ouverture des animaux, on trouve leurs poumons complètement solidifiés, d’un rouge brunâtre, criblés de points jaunes. — A l'examen histologique, les coupes colorées au picro-carmin présentent une teinte pâle, jaune picriquée, constellées de foyers arrondis, d'un rose intense. Avec grossissement convenable, l’on reconnait que la nappe jaune est constituée par de la pneunomie catarrhale, avec un réseau fibrineux, très fin, englobant de gros éléments. cellulaires, les îlots rouges sont constitués par des foyers miliaires de pneumonie acineuse, mesurant 1/4 à 3/4 de millimètre. La pneumonie acineuse est disposée de trois facons différentes : elle occupe l'extrémité d’un carrefour respiratoire, ainsi que les cellules latérales à ce conduit, ou bien elle envahit les acini qui sont disposés en cercle autour d’une bronchiole à cils vibratils /Péribronchite tuberculeuse); enfin, elle est circonscrite aux acini qui entourent les rami- fications lobulaires de l'artère pulmonaire et se confond avec les lympha- tiques péri-artériels, gorgés d'éléments cellulaires {Périvascularite tuber- culeuse). Les éléments de cette pneumonie sont des cellules jeunes, pre- nant bien le carmin, pourvues de plusieurs noyaux, qui laissent peu de place au protoplasma ; ces éléments sont tassés dans l’alvéole; la paroi SÉANCE DU 10 OCTOBRE 583 oo oo alvéolaire demeure très nette et très distincte. Nulle part, dans l'organe pulmonaire, on ne voit d’embarras circulatoire, ni de lésions vasculaires. Tous ces détails et les suivants sont parfaitement rendus sur les dessins que je mets sous les yeux de la Société. L'examen bactériologique pratiqué d’après les procédés habituels montre le bacille tuberculeux s’insinuant dans toutes les parties des poumons; il est en véritables amas dans les foyers de pneumonie aci- neuse, il est plus rare dans la nappe de pneumonie catarrhale, mais il est présent dans chaque alvéole. Il n’est pas indifféremment placé dans ces parties, il est constamment logé dans les cellules des dépôts intra-alvéo- laires. Dans les bronchioles, on le voit occuper les cils vibratils, et on surprend son passage, à travers les parois de ces conduits, jusqu'aux acini péribronchiques; un de nos dessins reproduit cette migration du ba- cille. En sacrifiant les cobayes, à partir du huitième jour du début de l'expérience, on constate que le nombre de bacilles augmente jusqu'au moment de la mort de l'animal. Il est donc facile de saisir à la fois l’arri- vée du bacille parles bronchioles, sa pénétration jusqu’à l'extrémité des conduits respiratoires et sa pullulation dans l’épithélium pulmonaire. Irrité par cet agent pathogène, l’épithélium commence par se gonfler, par s'hyperplasier, par fournir un nombre indéterminé de noyaux, que nous avons vu atteindre le chiffre de six, dans nos préparations colorées à l'hématoxyline ; c’est à cet élat que se présentent les éléments cellu- laires des foyers miliaires de pneumonie acineuse. Dans la nappe de pneumonie catarrhale, les bacilles plus rares, contenus dans les grosses cellules de l’exsudat, ont déjà amené la régression de la cellule ; le pre- toplasma est granuleux ou vitreux, et le bacille, ne trouvant plus d’ali- ments pour se développer, se décolore et peu à peu les grains qui le composent. Les points jaunes éparpillés dans la trame pulmonaire ne sont pas autre chose qu’un agrégat d'alvéoles, où le bacille-a amené ces modifications régressives. De cette analyse rapide, on peut déjà conclure que les foyers miliaires de pneumonie acineuse, qui représentent des granulations presque micros- copiques sont de nature tuberculeuse, mais que la nappe de pneumonie catarrhale est tuberculeuse, au même titre. Désormais, on ne pourra plus considérer cette pneumonie, comme une inflammation indifférente, comme unesimple irritation, amenée parle voisinage du tubercule. Onsavait déjà qu’elle était virulente, on connaît maintenant les raisons de cette viru- lence, puisque les bacilles s’y révèlent d’une facon indéniable au sein des alvéoles. Et si l'aspect des foyers miliaires ressemblent peu à celui de la pneumonie catarrhale, ca est dû à l'abondance moins grande de l’irritant pathogène. La preuve en est que sous la plèvre, là où les conduits res- piratoires arrivent par des voies plus larges, sans compression, où les bacilles trouvent un accès plus facile, les foyers miliaires sont très con- fluents et la pneumonie catarrhale est moins étendue. D'ailleurs, il faut 584 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. bien l'avouer, dans certains points, le passage des foyers miliaires à la zone catarrhale est insensible; les éléments contenus dans l’alvéole di- minuentde nombre graduellement, à mesure que l’on s'éloigne du centre de la granulation. Un autre fait à relever, c’est que les bacilles suffisent par eux-mêmes pour amener la régression des éléments de l’exsudat tuberculeux. La caséification des produits tuberculeux a été mise exclusivement sous la dépendance de modifications circulatoires, dues à des obstructions vasculaires par l'intermédiaire de la périartérite et de l’endartérite. Or, chez nos animaux, qui succombent en deux semaines, le poumon est déjà parsemé. de points caséifiés, gros comme une tête d’épingle, et néan- moins, loin d’être embarrassée, la circulation pulmonaire est partout exagérée, et l’on ne découvre nulle trace de lésion vasculaire dans les tis- sus pathologiques. La caséification commencante dans ces poumons est due à l’action exclusive des bacilles sur les épithéliums pulmonaires, et cette phase de régression, on la suit pas à pas dans les grosses cellules de l’exsudat catarrhal. Elle succède à la phase d’hyperplasie, elle est la conséquence du développement intra-épithélial du bacille qui amène la mort de la cellule, aussitôt qu'il en a épuisé tous les matériaux de nutri- tion. Sans doute, il s'ajoute plus tard des troubles de circulation, qui joueront un rôle considérable dans la caséification des exsudats tubercu- leux, mais cette nécrose de coagulation est précédée et préparée par des phénomènes de régression, amenés exclusivement par le bacille et par les différents cycles de sa vie passagère. ; Jusqu'ici nousn’avons parlé ni de cellules géantes, nide zone épithélioïde ni de cercle fibreux, ni de tous ces attributs du follicule tuberculeux par- fait, tel qu'on le décrivait il y a quelques années. C’est que ces caractères, considérés autrefois comme très précis, n'existent pas dans les tubercules initiaux tels que nous avons pu les provoquer chez le cobaye ; ils cons- tituent déjà un stade plus avancé, et ils ne sauraient donc avoir l’impor- tance que l’on a voulu leur donner. I faut arriver au 21e jour, chez le lapin soumis aux pulvérisations de crachats tuberculeux, ou bien il faut donner la phtisie tuberculeuse au cobaye par une autre voie,pour en arriver au stade des cellules géantes. Adressons-nous plutôt aux lapins : ils offrent des types très nets de la tuberculose semi-chronique. On trouve dans leurs poumons des granu- lations demi-transparentes, des nappes d'infiltration grise qui gagnent une bonne partie de l'organe, dès le 28e jour, à partir du début des pul- vérisations. Les infiltrations caséeuses sont plus rares, mais elles sont parfois si complètes, si généralisées que les deux poumons ne forment plus qu’une surface jaunâtre, englobant le cœur et pénétrant les parois musculaires de cet organe (Cas inédit de M. Nocard à Alfort). Dans tous ces faits, c’est encore la pneumonie qui prédomine, c'est encore l’inflammation qui est le mode de réagir de l'organe devant l’irri- + te SÉANCE DU 10 OCTOBRE 585 tation de l’agent pathogène; mais la réaction est plus lente et elle porte avant tout sur les travées alvéolaires, qui s'irritent, qui s’hyperplasient, qui s'annexent des cloisons avoisinantes, et qui finissent par créer un réseau à mailles plus ou moins larges, à cloisons d’une épaisseur colos- sale. Les cavités de ce réseau sont considérées comme des alvéoles, mais elles ne sont souvent que le résultat de la fusion de plusieurs alvéoles; les cloisons sont bien des parois alvéolaires, mais épaissies par l'adjonction de plusieurs parois avoisinantes ; dans ces cloisons existent les restes des bronchioles, des vaisseaux, dévorés par cette hyperplasie exubérante. On voit encore des débris d'épithélium vibratil, des amas de globules sanguins, du pigment ocreux, qui sont les derniers vestiges de cette destruction rapide. Ce quise passe dans les cavités du réseau mérite une mention spé- ciale : on n'y trouve plus une production exubérante de cellules, rem- plissant l’alvéole, comme dans les formes suraiguës. Dans ces pseudo- alvéoles se remarquent trois ou quatre grandes cellules avec un beau noyau, avec un protoplasma granuleux, insensible au carmin. Dans les cavités plus grandes, il y a un revêtement de cellules cuboïdes qui tapis- sent la paroi, et dans l'espace central s'accumulent des éléments déta- chés de la paroi; ailleurs ces éléments détachés se fusionnent et l’on a une cellule plus grosse, composée de trois ou quatre cellules élémentai- res, encore faciles à isoler; enfin par une transition insensible, on arrive à des cellules énormes d’un dixième de millimètre de diamètre, pourvues d’une collerette de noyaux ovalaires de coloration rosée et d’un proto- plasma grenu ou vitreux, coloré en jaune par le picro-carmin. On recon- naît à cette description les cellules géantes et leur mode de formation, aux dépens de ce qui reste de l’épithélium pulmonaire, hyperplasié et passé ensuite à la phase de régression. L'origine intra-alvéolaire des cellules géantes, entrevue par Charcot et Gombault, précisée par Laula- nié, ne peut plus être mise en doute, après l'analyse des pièces emprun- tées à l’anatomie pathologique expérimentale. En poursuivant cette analyse jusque vers des périodes plus avancées, vers la 8° ou 10° semaine, on voit qu'à la longue la production incessante de cellules épithéliales, aux dépens des éléments jeunes de la cloison, finit par user cette cloison ; que des amas de cellules dégénérées ou vitreuses se constituent et que la caséification apparaît maintenant sous forme de taches microscopiques. Tout l'organe peut devenir caséeux par cette évolution, à moins qu'un cercle fibreux ou des cloisonnements partiels ne circonscrivent les points caséeux. Ce sont encore les bacilles qui jouent le rôle principal dans la formation et la marche de celte pneumonie tuberculeuse interstitielle à la fois for- matrice et régressive. On les voit siéger exclusivement dans les cellules des pseudo-alvéoles, puis se cantonner dans les cellules géantes, se mul- tiplier jusqu à ce que tous les éléments nutritifs des cellules soient épui- 586 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE sés. Dans les cellules géantes emprisonnées dans les mailles du tissu fibreux, chez le cheval, j'ai compté jusqu’à 30 bacilles très allongés et pelotonnés concentriquement. À la longue, les bacilles disparaissent, lorsque la cellule géante est vitrifiée, mais il n'est pas rare de voir des masses caséeuses complètement translucides, parsemées de cercles vio- lets, qui indiquent le siège des cellules géantes, désormais fondues dans la masse totale, mais dont la topographie est fixée par la persistance des bacilles. Nous devons ajouter, pour en finir avec ce qui concerne les bacilles, que nous leur avons toujours trouvé à peu près le même diamètre trans- versal chez toutes les espèces animales; mais que leur longueur est variable à l'infini, depuis 3 uw jusqu'à 15 et 204; qu'avec de bons objectifs à immersion, tels que le 18 de Zeiss, leur structure est toujours grenue, que les grains sont un peu allongés et parfaitement équidistants, que le nombre de ces grains est en rapport avec la longueur du bacille, depuis 3 grains jusqu’à 12 et 20 grains, que leur disparition dans les cel- lules géantes anciennes se fait grain par grain, ou plutôt qu’un grain se décolore après l’autre. Enfin nous n'avons jamais constaté d’autres formes microbiennes servant de passage au bacille ou se mélant à lui, telles que des zoogliées. En résumé, nous nous croyons autorisé à conclure : 1° Que les tubercules pulmonaires sont, à l’origine des foyers de pneu- monie acineuse bacillaire, disposés à l'extrémité d’un conduit respira- toire ou autour d’une bronchiole, ou encore autour d’un vaisseau ; 2° Qu'en dehors de ces foyers bien circonscrits, il peut se faire des nappes plus ou moins étendues de pneumonie catarrhale ou autre, éga- lement de nature tuberculeuse et bacillaire ; 3° Que dans les formes plus lentes, les infiltrations grises, les granu- lations grises, les dégénérescences fibreuses, les foyers caséeux, les cellu- les géantes sont dus à une pneumonie interstitielle épithélioïde ; 4° Que toutes ces modifications pathologiques sont amenées par le microbe pathogène et par son action sur l’épithélium pulmonaire. Son Premier effet est l'hyperplasie de cet épithélium ; et son effet consécutif est la dégénération caséeuse de cet élément. SÉANCE DU 10 OCTOBRE 587 MÉNINGO-ENCÉPHALITE PRODUITE PAR UN COUP DE PIED DE CHEVAL, TERMI- NÉE PAR INDURATION, PERTE DE LA MÉMOIRE DES MOTS, par M. TESSIER, chirurgien en chef, à l’Hôtel-Dieu de Clermont-Ferrand. Une jeune homme âgé de 23 ans est frappé, le 17 décembre 1884, par un cheval à la tempe gauche, le coup de pied de l'animal a été si violent que le malade est resté deux jours sans connaissance et que ce n’est que le troisième qu’on a pu le faire transporter à l’Hôtel-Dieu de Clermont, où il a été recu le 20. Il existe en arrière et au-dessus de l'oreille une plaie horizontale qui a trois centimètres de longueur et 18 millimètres de profondeur. On ne sent avec un stylet aucunes traces de fracture, mais comme on observeàla paupière supérieure une ecchymose assez étendue, on en conclut que le temporal doit être brisé ; il a été facile de s’en assurer au bout de quel- ques jours. La suppuration qui s’est manifestée à la suite de l’inflammation qui s’est produite a mis l’os à nu, ce qui a permis d'en constater la lésion et de sentir que l’un des fragments était enfoncé; il n'existait cependant aucun symptôme de compression, mais l'agitation qui se produisait, les cris que poussait le malade lorsqu'il sortait de sa somnolence nous faisaient redouter une inflammation du cerveau ou de ses mem- branes. Je n’insisterai pas sur la marche de cette affection qui a présenté bien des modifications, j'appellerai seulement l'attention de la société sur un fait qui m'a frappé : c’est la perte de la mémoire. La santé s’est rétablie, Le blessé a pu quitter son lit et se promener dans les salles, mais il à perdu eomplètement la mémoire des noms. Non seulement il ne se rappelle pas ce qui lui est arrive, mais ila oublié le nom de son patron et ne peut désigner celui des objets qu’on lui présente. « Je perds donc la tête, dit-il, » el si on luinomme l’objet qui est devant ses yeux, il fait un signe affirmatif avec la tête pour indiquer qu'il le connait, mais il ne peut en répéter le nom, quoique sa parole soit très nette. Dans les premiers jours du mois d'avril, une épidémie de variole sévis- sait à l'Hôtel-Dieu. Notre jeune homme en est atteint et succombe au bout de quatre jours. L'examen de la tête devait offrir le plus grand intérêt; aussi, l’autopsie en a-t-elle été faite avec soin. La consolidation de la fracture s’est parfaitement effectuée. Malgré le séjour du pus et la dénudation de la pièce d’os enfoncé, il n’y a pas eu de nécrose. La partie du lobe moyen du cerveau qui lui correspond est fortement 588 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. déprimée; les circonvolutions cérébrales sontaplaties, réuniesentre elles et indurées dans une étendue et une epaisseur de 2 centimètres. La dure-mère, l’archnoïde et la pie-mere leur adhèrent d’une manière très intime et ne peuvent être enlevées sans entrainer avec elles la pulpe cérébrale. Il y a donc eu là évidemment une méningo-encépha- lite très circonscrite qui s’est terminée par induration. La perte de la mémoire des mots en a été évidemment l'effet. Se serait- elle rétablie, si cette lésion eût disparu ? Peut-on localiser cette faculté dans cette portion du cerveau? C’est une question que je soumets aux savants distingués qui font partie de la Société de biologie. J'ai bien observé, 1l y a une cinquantaine d'années, dans le service de Dupuytren dont j'étais l’interne, un malade qui, à la suite d’une commo- tion cérébrale produite par une cause sémblable, ne pouvait pas trouver le mot fusil. «C’est, disait-il, ce qui fait pouf; » mais la perte de la mémoire ne portait que sur ce mot, tandisque chez notre jeune homme elle s’éten- dait à tous les autres mots. On cherche depuis longtemps à déterminer le siège des fonctions du cerveau. Ÿ parviendra-t-on Jamais? Je désire que cette observation soit de nature à venir en aide aux savants qui s'occupent de ces hautes questions de physiologie. SÉANCE DU A0 OCTOBRE. 589 SUR LA RÉGÉNÉRATION DU CERVEAU DE LA SALAMANDRE AQUATIQUE, note de M. le Docteur PuHILiIPEAUX. Je cherche depuis longtemps si le cerveau de la salamandre aquatique peut se régénérer; tout le monde sait que, chez cet animal, les membres, la queue avec sa moelle et même les yeux se régénèrent, pourvu qu’on laisse en place une petite portion de l'organe enlevé; c’est un fait que j'ai démontré bien souvent. Je sais qu’un physiologiste distingué a extirpé sur des jeunes pigeons un des hémisphères cérébraux et à cru reconnaitre au bout d’un temps assez long une régénération; mais je ne puis savoir quelle était l'étendue de cette régénération, car je n'ai pas vu les pièces. J'ai extirpé, le 1°" janvier 4885, sur dix salamandres aquatiques le cer- veau proprement dit, à partir des tubercules bijumeaux, avec l’aide de M. le docteur Arthaud; j'ai fait bien soigner ces animaux et, six mois après, les voyant bien portants, j'en ai sacrifié deux sur lesquels l’autop- sie à montré un cerveau complètement régénéré avec sa forme. Aujourd'hui je présente à la Société de Biologie une salamandre vivante dont le cerveau est régénéré, qui vit depuis sept mois, et trois dessins qui représentent : 1° le cerveau à l’état sain, 2° la plaie vue le deuxième jour de l'expérience et enfin 3° le cerveau complètement régénéré ; l'examen histologique de cet organe nouveau montre des fibres et des cellules nerveuses, parmi lesquelles plusieurs présentent l’état embryonnaire, ce qui prouve qu'elles sont de nouvelle formation. Je conclus done que le cerveau proprement dit, chez la salamandre aquatique, peut se régénérer complètement avec sa structure, avec sa forme et même avec ses fonctions. 590 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. SENSATION ET MOUVEMENT ; — CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU TRANSFERT DE LA FORCE MUSCULAIRE CHEZ LES HYSTÉRIQUES, par CH. FÉRÉ. Avant les vacances de la Société, je lui ai présenté une série de notes destinées à montrer l'influence dynamogène des excitations sensorielles et sensitives. J’ai eu surtout pour but de mettre en lumière l'influence de ces excitations sur la production d'énergie disponible. Un autre point m'a préoccupé, c'est l'étude des mouvements involontaires provoqués par ces mêmes excitations. J'ai enregistré les réactions musculaires, soit à l’aide d’un tambour appliqué directement sur les masses musculaires de l’avant-bras ou de la cuisse, soit à l’aide d’une poire en caoutchouc, tenue dans la main et mise en communication avec l'appareil enregis- treur. Ces différentes expériences m'ont montré que les muscles offrent des contractions dont l'intensité varie avec l'intensité de l'excitation et avec l’excitabilité du sujet, qui réagit d'autant plus que l'excitation est plus subite et moins prévue, quel que soit le sens qui entre en jeu. Les mouvements apparents de surprise ne sont que l’exagération de ces mouvements involontaires, qui rentrent en somme dans la catégorie des mouvements réflexes. Les mouvements produits sous l'influence des sen- sations auditives sont surtout faciies à étudier. Voici deux tracés qui donnent le résultat d'expériences que j'ai faites avec le concours de M. Séglas de la manière suivante : Un cardiographe est fixé sur le grand palmaire et mis en rapport avec l'appareil enregistreur, pendant que l’on joue sur le violon différents morceaux. Lorsque le sujet en expérience est un sujet normal, les secousses musculaires sont à peine sensibles, on ne voit guère sur le tracé que des ondulations, bien qu'il se- produise des sensations musculaires manifestes. Lorsqu'au con- traire il s'agit d'un sujet névropathe, d’une hystérique, ces secousses musculaires deviennent considérables, et on pourrait peut-être y recon- naître le rythme des impressions auditives. Lorsque les muscles sont déjà en action sous l'influence de la volonté, comme lorsque le sujet fait effort pour maintenir la pression sur le dyna- mographe manuel, les secousses provoquées par les recrudescences de l'excitation sensorielle sont beaucoup moins hautes, mais elles sont encore très appréciables sur quelques-uns de nos tracés (1). Dans une autre série d'expériences avecle même dispositif, j'ai étudié les réactions du même muscle ou l'influence d’un même chocsurletendon, (4) Ch. Féré : Sensation et mouvement, Revue philosophique, octobre 1885, fig. 9, p. 352. (Il faut noter que contrairement à l'indication des légendes, les 17 pre- mières figures de cet article se lisent de droite à gauche). SÉANCE DU 10 OCTOBRE 591 suivant que le sujet est exploré à l’état normal ou sous l'influence de la lumière rouge. On voit que dans le second cas le mouvement réflexe est beaucoup plus intense. Je n'ai pas pu obtenir avec quelque netteté le même résultat sur des sujets sains. Ces observations, sur lesquelles j'aurai à revenir plus en détail, ne font que confirmer mes précédentes conclusions sur l'influence des excitations sensitives et sensorielles sur les mouvements. Je désire appeler l'attention aujourd’hui sur quelques faits relatifs au transfert de la force musculaire chez les hystériques. Sitôt après la découverte du transfert des troubles unilatéraux de la sensibilité, soit par l’aimant, soit par les autres æsthésiogènes, on a remarqué que la force musculaire, toujours moindre du côté le plus anesthésique, augmente ou diminue en même temps que la sensibilité du côté correspondant. Le transfert de la force musculaire n'avait été consi- déré, à ma connaissance du moins, que comme une partie accessoire du phénomène. Il mérite pourtant d'être considéré en particulier, car il me parait propre à jeter quelque lumière sur le phénomène du transfert en général. En effet, le transfert de la sensibilité est un phènomène très délicat à éludier, précisément en raison de la difficulté de mesurer la sensibilité, surtout lorsqu'elle varie d’une facon rapide. Les modifications de la force musculaire peuvent au contraire être mesurées, et lorsque les écarts de ces mesures sont considérables,on est en droit de tirer des conclusions de l'observation. Voici comment j'ai opéré : un dynamographe est placé dans la main droite et un dynamomètre dans la main gauche du sujet en expérience. J'applique un aimant ou des pièces métalliques, etc., sur l’avant-bras gauche, c’est-à-dire du côté hémianesthésique et hémiparétique, et je fais serrer alternativement le dynamomètre et le dynamographe. Je mar- que sur le cylindre le moment de chaque pression du dynamomètre et j'en inscris le résultat, qui, à la fin de l'expérience, est transcrit sur le cylindre aux points déterminés. On peut ainsi lire sur la même feuille les courbes du dynamographe (main droite) et les pesées du dynamomètre (main gauche). Lorsque, comme je viens de le dire, l’aimant a été placé du côté hémi- parétique, on voit que, au bout d’un temps variable pour chaque sujet, le premier phénomène est l’exagération de la force musculaire du côté cor- respondant à l’aimant. Et, chose remarquable, la force musculaire peut devenir de ce côté hémiparétique plus considérable qu'elle n'était du côté opposé avant l'expérience ; ilÿ a done un gain immédiat, c'est-à-dire quelque chose de plus que ce qu’on est convenu d'appeler le transfert. Si, unautre jour, on reprend l'expérience sur les mêmes sujets, en 592 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE appliquant l’aimant ou l’œsthésiogène, non plus sur le côté hémiparé- tique, mais sur le côté le plus fort, et qu’on enregistre de la même manière les résultats, on voit qu'il se produit tout d’abord une augmen- tation de la force musculaire du côté de l’aimant, c'est-à-dire cette fois du côté le plus fort, et que le transfert ne se fait que consécutivement. Cette expérience nous explique comment le transfert est moins rapide, lorsque l’œsthésiogène est appliqué du côté opposé à l’hémianesthésie ; mais, en outre, elle montre que le premier effet de l’aimant ou du métal spéciique pour le sujet est de déterminer une dynamogénie, quel que soit le côté sur lequel il est appliqué. L’aimant agit done à la manière des autres excitations sensitives ou sensorielles que nous avons étudiées précédemment. La constatation de cette action dynamogène, commune aux excitations sensitives, sensorielles et à l’aimant placé à distance, m’a conduit à cher- cher si une excitation sensorielle quelconque n'était pas capable, de déterminer le transfert. ; On sait depuis longtemps que certaines irritations cutanées, que les sinapismes, le collodion, les vibrations du diapason, etc., déterminent le transfert. On était moins bien fixé, je crois, sur le rôle des excitations sensorielles pures; cependant, sur certains sujets au moins, on peut par une excitation unilatérale tantsoit peu forte du goût, de l’odorat, de l’ouïe, de la vue, produire la dynamogénie et le transfert. Par exemple, étant. donné un sujet anesthésique gauche sensible au rouge, si on bouche l'œil droit et qu'on fasse arriver des rayons rouges exclusivement à l’œil gauche, cet œil qui ne percevait que le rouge voit toutes les autres cou- leurs que voyait auparavant l'œil droit, et la main gauche donne une pression plus forte que la main droite avant l'expérience, etc. Les observations de M. Brown-Séquard, relatives au transfert provoqué par des lésions expérimentales douloureuses de la moelle, coïncident avec ces faits. II ne faut plus s'étonner de la multiplicité et de la variété des agents susceptibles de produire Le transfert. Mais le point que je désirais surtout signaler, c'est que l’aimant agit comme un excitant sensoriel. J'ai mentionné déjà que certaines excita- tions non percues, parce qu’elles portent soit sur des organes atteints d'anesthésie morbide, soit sur des organes normalement insensibles comme l'utérus, ont des effets dynamogènes très nets. Il faut d’ailleurs faire des réserves sur l'absence de sensation à l’aimant: certains sujets déclarent qu'ils ont une sensation vague de courant d’air, de vibra- tion, etc., et de ce que ce sont des hystériques, il ne découle pas qu'on soit en droit de nier leur dire. La similitude d'action de l’aimant et des autres excitants sensitivo- sensoriels est peut-être propre à éclairer un peu l’action physiologique de l’aimant et à faire cesser certains désaccords qui persistent parmi les observateurs : il est possible en effet que, suivant le sujet, il agisse tantôt SÉANCE DU 10 OCTOBRE 593 comme aimant, tantôt comme métal, tantôt comme corps froid, etc. Je ferai remarquer que ces expériences, qui semblent propres à appuyer la possibilité de la sensation de l'aimant à distance Chez certains sujêts, offrent un certain intérêt au point de vue des faits annoncés récemment par MM. Bourru et Burot, relatifs aux effets de certaines substances qui agiraient sans être mises directement en contact avec l'organisme. Lors- que, par exemple, on approche de certains sujets suggestibles un flacon d'alcool bouché en apparence hermétiquement, on voit survenir au bout d’un certain temps des phénomènes d’ébriété. J'ai expérimenté sur un sujet qui avait servi avec succès à M. Bourru, en bouchant le flacon à l’'émeri et recouvrant et le bouchon et l’orifice d’une épaisse couche de cire: il ne s’est rièn produit, j'en conclus que dans l'expérience de M. Bourru l’occlusion étaitinsuffisante ; le sujet a pu sentir l'odeur de l'alcool et la suggestion s’en est suivie. M. Bourru n'a pas réussi à la Salpêtrière à provoquer à distance les effets physiologiques de la pilocarpine, tandis qu'un! des malades qui lui ont fourni un résultat favorable, avait été soumis à Bicêtre à un traitement par la pilocarpine. Cette apparente contradiction vient à l’appui d’une remarque que j'ai déjà faite autrefois à savoir « qu'un objet inconnu ne suggère rien ». Il serait intéressant de savoir si dans les expériences ou appa- rences négatives de M. Dumontpallier, relativement à la suggestion de vésicatoires, les sujets avaient eu à supporter des vésicatoires. On com- prend que la suggestion peut être grandement aidée lorsque le sujet peut évoquer le rappel d’une sensation véritable. 594 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE NOTE SUR UN TROUBLE TROPHIQUE DES CHEVEUX SURVENANT A LA SUITE DES ATTAQUES CHEZ LES HYSTÉRIQUES, par CH. FÉRÉ J'avais été depuis longtemps frappé de voir chez certaines hystériques un grand nombre de cheveux fendus à leur extrémité et divisés en deux ou trois faisceaux sur une longueur plus ou moins grande. L'une d’elles m'avait affirmé très catégoriquement que ce phénomène survenait chez elle à la suite des séries d'attaques, mais je n’avais jamais pu observer le fait directement. Une hystérique qui porte les cheveux courts et les coupe très fréquem- ment m'a procuré l’occasion de faire une observation plus rigoureuse de cette particularité qu’elle avait remarquée elle-même. J'ai pu constater l'intégrité de ses cheveux dans la période prémonitoire de l'attaque et au moment de l'attaque; et le‘lendemain presque tous les cheveux, et notamment ceux qui sont rabattus sur le front, étaient bifides à leur extrémité. . Je ne suis pas en mesure de donnerdes interprétations de cephénomène, mais je le crois peu connu. | SÉANCE DU 40 OCTOBRE 595 « NOTE SUR UNE ANOMALIE DU PAVILLON DE L'OREILLE PORTANT SUR LA RACINE DE L'HÉLIX, par MM. Cu. FÉRÉ et E. Huer Les anomalies du pavillon de l'oreille tiennent une grande place dans l'étude des dégénérations organiques si fréquentes chez les aliénés; mais il s’en faut que toutes les anomalies de cet organe aient été étudiées avec soin : on peut même dire que l'anatomie normale du pavillon de l'oreille a été la plupart du temps négligée par ceux qui se sont le plus occupés de cette question. Parmi les anomalies qui n’ont guère été jugées dignes de considération, nous en signalerons une qui mérite d'appeler l’attention, et dont nous avons photographié plusieurs spécimens caractéristiques. A l’état normal, la racine de l’hélix s’enfonce au-dessus du tragus dans la conque, où elle forme une sorte de contre-fort peu saillant, de sorte que le fond de la conque est parfaitement plan dans toute sa partie pos- térieure. Chez un certain nombre de sujets, cette racine de l’hélix prend un dé- veloppement plus considérable et se prolonge en arrière, à travers la conque, jusqu'au voisinage du bord antérieur de l’anthélix. Gette disposi- tion, qui est assez fréquente, coïncide souvent avec une plus grande lar- geur de la conque. Dans d’autres cas enfin, beaucoup plus rares, la racine de l’hélix prend un développement énorme, se continue à travers la cavité de la conque, sans offrir d’affaissement notable et arrive à s’anastomoser avec l’anthélix en faisant la même saillie que lui. Il existe alors à travers la conque une sorte de pli de passage, tantôt transversal, mais plus souvent oblique de haut en bas et d'avant en arrière, de telle sorte que la réunion de la racine de l’hélix avec l’anthélix se fait quelquefois au voisinage de l’anti- tragus, comme on le voit sur une de nos photographies. Il résulte de cette disposition que la cavité de la conque est divisée en deux cavités secon- daires situées l’une au-dessus et en arrière, l'autre au-dessous et en avant de la racine de l’hélix anormalement développée. Certaines lésions pathologiques, et en particulier l’hématome cicatrisé du pavillon de l'oreille, pevent simuler cette malformation en détermi- nant des saillies anormales dans la cavité de la conque; mais l’anomalie que nous venons de décrire se distingue en ce que, sur la partie posté- rieure du pavillon de l'oreille correspondant au fond de la conque, on trouve une dépression correspondant à la saillie formée par une gouttière cartilagineuse qui constitue la racine de l’hélix, tandis que dans le cas d’hématome le cartilage ne présente aucune déformation. 996 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE ce Cette anomalie de l'oreille généralement symétrique peut être isolée ou coïncider avec d’autres malformations du pavillon. Il y aura lieu d'étudier sa valeur au point de vue de l’anatomie comparée et de consi- dérer sa fréquence dans les différentes formes de dégénérescence. Le gérant : G. Masson Paris -— imp. G. Rouar et Cio. rue Cassette, L. 997 SÉANCE DU 17 OCTOBRE 1885 DumonrrALLier : Action vaso-motrice de la suggestion chez les hystériques. — J.-V. Lasorpe et Ch. Quixquau» : Action de l’eau oxygénée en injection intra-veineuse et sur le sang (Réponse à une note de MM. Paul Bert et P. Regnard). — En. Nocarp : Recherches expérimentales sur la tuberculose des oiseaux; culture du bacille. — M. Viva : Remarques à propos de la communication précédente de M. Nocard. — Bourquecor et Gazipre : Puissance de pénétration des filaments mycéliens de divers champignons (Penicillum Aspergillus) à travers les bourres de coton stérilisé etles bougies-filtres en terre poreuse. — Gizes DE LA Tourerre et A. LonpE : La marche dans les maladies du système nerveux étudiée par la méthode des em- preintes. — E, Dupuis : Du rôle de la sensibilité dans les prétendues fonctions des centres psychomoteurs. — Marmras Duvaz : Origines et connexions embryÿonnaires des ganglions spinaux. — Orcusner de Connex et Pier : Action physiologique de la pipéridine de synthèse. — L. Taaon : Des broncho-pneumonies infec- tieuses de l’enfance et de leurs microbes. Présidence de M. Hanot. ACTION VASO-MOTRICE DE LA SUGGESTION CHEZ LES HYSTÉRIQUES par DUMONTPALLIER. Ce n’est jamais sans éprouver quelque hésitation que je communique à la Société de Biologie quelques-uns des faits que j'ai l’occasion d'ob- server sur les hystériques. Ces faits peuvent paraitre extraordinaires, mais je les ai constatés si souvent, en me mettant à l'abri de toute erreur, que je me décide à les publier; ils peuvent du reste être classés à côté d’autres faits du même ordre, observés à Paris, à Nancy et à Rochefort, par des cliniciens autorisés. Ces faits ont rapport à la suggestion dans l’état d'hypnotisme provo- qué ou dans l'état de veille. Depuis plusieurs mois, les personnes qui assistent à ma visite, à l'hôpital de la Pitié, ont été témoins de ces faits et ont pu constater que l'une des hystériques de monservice se plaint chaque mois, à l’époque menstrule, de douleurs très vives de l'estomac avec hématémèse. L'hémorrhagie stomacale dans cette observation est supplé- mentaire de l'écoulement menstruel et peut être arrêtée par la suggestion dans l’état d'hypnotisme provoqué. Il suffit alors de suggérer à la malade l’idée que l’écoulement menstruel doit apparaitre pour que cet écoulement se produise et pour que les douleurs d'estomac et l'hématé- mese cessent. Chez une autre malade hystérique,nous avons constaté,plusieurs jours de suite, un abaissement notable de la température de la main et de BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 89 SÉRIE Te IL, N° 356 598 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. l’avant-bras du côté gauche; le thermomètre accusait une différence de quatre degrés centigrades entre le côté gauche et les régions correspon- dantes du côté droit. Dans ce cas encore, il suffisait, dans l’hypnotisme ou dans l’état de veille,de suggérer à la malade l’idée que l’avant-bras et la main du côté gauche devaient se réchauffer pour qu'il nous fût permis de constater une élévation progressive de la température du côté refroidi, lequel, après une demi-heure ou trois quarts d'heure, offrait une tempé- rature égale à celle de l'avant-bras et de la main du côté opposé. De plus, si l’on prolongeait l'expérience, on observait le transfert de la tem- pérature, c'est-à-dire que l’abaissement de tempéralure se produisait du côté opposé. La mème expérience ayant été répétée plusieurs jours de suite, on remarquait que de jour en jour l’abaissement de la température du côté gauche était de moins en moins accusé et finissait par ne plus exister. L'expérience ainsi répétée chaque jour avait donc eu un résultat thérapeutique. Il ressort de ces faits que la suggestion, dans l’état de veille ou dans l'état d'hypnotisme, peut déterminer des phénomènes vaso-moteurs très remarquables, en rapport du reste avec les observations de rougeurs, ecchymoses, hémorrhagies publiées par divers auteurs. Ce sont là des résultats d'origine psychique, lesquels, ainsi que le rappelait M. le pro- fesseur Brown-Séquard, dans des communications récentes, sont iden- tiques aux résultats déterminés par des lésions expérimentales de diffé- rentes régions des centres nerveux. Si bien que, suivant le savant professeur du Collège de France, la suggestion psychique peut faire ce que fait le traumatisme expérimental des centres nerveux et réciproquement, c’est-à-dire que la suggestion et le traumatisme expérimental peuvent produire les mêmes phénomènes d’inhibition et de dynamogénie, ACTION DE L'EAU OXYGÉNÉE EN INJECTION INTRA-VEINEUSE ET SUR LE SANG. Réponse à une note de MM. Paul Bert et P. Regnard par J.-V. LABORDE et Ch. QuiNQuAUD Li] Il ÿ à environ trois mois, le 24 juillet dernier, nous communiquions à la Société, mon collègue et ami M. Quinquaud et moi, une étude expéri- mentale sur les effets physiologiques et toxiques de l’eau oxygénée en injec- lion intra-veineuse, et sur la manière dont elle se comporte au contact du sang. Cette étude vient de paraitre dans le dernier fascicule des Mémoires de la Société de Biologie (n° 33, 18 septembre, p. 129). Nos recherches élaient inspirées par cette idée que, si l’eau oxygénée pure, bien préparée, pouvait être introduite, sans danger, dans la circulation, on aurait là un SÉANCE DU 17 OCTOBRE 399 om puissant moyen, le plus puissant peut-être et le plus sûr, de combattre rapidement, presque instantanément, les germes animés des maladies infectieuses, rapidement mortelles. Or, il est résulté de nos expériences nombreuses et variées, faites avec une préparation qui présentait les meilleures garanties, que des quantités relativement considérables d’eau oxygénée, représentant plus d’un litré d'oxygène en volume, peuvent être introduites, par doses partielles et successives, dans le sang en circulation, sans amener fatalement la mort; et que, dans le cas où la dose est poussée jusqu à la limite des accidents toxiques et où se produisent les altérations du sang, en apparence très graves, que nous avons signalées, ces altérations se réparent rapidement, et l'animal survit, pouvant même tolérer de nouveaux essais semblables. Lorsque, pour la première fois, nous fimes part de ces résultats à la Société, notre collègue M. P. Regnard, qui assistait à la séance, se montra, on s’en souvient peut-être, fort étonné et déclara que, dans des essais antérieurs de même nature faits avec M. Paul Bert, d’ailleurs inédits, ils avaient toujours vu l'eau oxygénée introduite directement dans le système circulatoire, même en minime quantité, tuer les animaux. Notre réponse à M. Regnard et à son étonnement fut facile, puisqu'elle était dans les résultats nettement contradictoires, et non moins nette- ment démonstratifs de nos expériences. Nous ajoutions, en outre, en de- hors de la preuve de fait, que nous étions loin de partager ses craintes des embolies gazeuses, que nous savions à quoi nous en tenir, à cet égard, depuis nos recherches sur l'introduction dans les veines d'air ou de tout autre gaz non toxique, voire même de l'oxygène, ce terrible poison, selon M. Bert, et que c'était précisément l'assurance expérimentale de l’innocuité, dans certaines conditions déterminées, de cette introduction, qui nous avait fait présumer la même innocuité relative de l'eau oxygénée. À quelque temps de là, le 4 août dernier, MM. P. Bert et P. Regnard faisaient paraitre dans ce Bulletin une note intitulée « Action de l’eau oxygénée sur le sang », laquelle, pour le dire en passant, ne mentionne même pas nominativement notre travail, sans lequel, cependant, la pré- cédente note n'eût point paru; mais passons sur ce procédé peu acadé- mique, et allons au fond de la note. Nous y relevons ce fait capital, au point de vue dont il s'agit : « Un chien, disent les auteurs, à qui, cette semaine, nous avons, pour le contrôle, injecté 4 centimètres cubes d’eau oxygénée dans la jugulaire, a pu se remettre, après avoir présenté des phénomènes très graves... » Voilà donc un chien qui s’est remis, alors que, il y a 4 ans, comme le disait, lors de notre communication, M. Regnard, el comme il le répète aujourd'hui avec son collaborateur, « presque tous leurs animaux mou- raient subitement. » M, Regnard avait même dit « tous », sans exception ; 600 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. maintenant, il y a une petite restriction : « presque tous. » Ajoutée à la mention de l'animal de contrôle, qui a survécu, cette restriction a de l'importance, car MM. Bert et Regnard reconnaissent que les animaux peuvent survivre; et cela, depuis que nous l’avons démontré les premiers. La note explique même pourquoi, et dans quelles conditions la survie a lieu : « Introduite dans le sang par une jugulaire, l’eau oxygénée se décom- pose de suite : on la voit mousser à travers les parois de la veine, il en résulte des embolies gazeuses qui, si on fait l'injection un peu vite, peu- vent tuer l'animal subitement. Il est vrai que les bulles étant composées d'oxygène peuvent être reprises par le sang, et l'animal peut se re- mettre... » Nous n'en demandons pas davantage, et nous sommes par conséquent d'accord sur ce dernier point. Mais pourquoi ferait-on l'injection « vite »? On n'y est pas obligé : toute injection intra-veineuse, quelle qu'elle soit, ne doit pas étre brusquée, sous peine de danger immédiat. D'un autre côté, il n’est pas absolument nécessaire de choisir la jugulaire, {rès voisine du cœur, au contraire. C’est en pareil cas qu'il appartient à l’expérimentateur de discerner, et au besoin de créer les conditions les plus favorables au but qu'il pour- suit ; c'est son rôle. La note ajoute un peu plus loin : « L'eau oxygénée ne tue pas seule- ment les microbes : elle tue toute cellule et les globules du sang en par- üculier. » Or, ainsi que le montrent nos observations, les globules sanguins sont non pas tués, mais modifiés, et ils se régénèrent et reprennent rapide- ment leur état normal, puisque quelques heures après il n'y paraît plus ni sur le globule, ni sur l'animal qui survit fort bien. C'est ce que re- connaissent, d'ailleurs, implicitement, les auteurs quand ils disent plus haut: « Il est vrai que les bulles étant composées d’oxigène peuvent être re- prises par le sang, et l’animal peut le remettre. » Enfin, une dernière assertion mérite d'être relevée, comme étant en complète contradiction avec nos résultats, et même avec certaines affirma.- tions préalables des auteurs de la note : «. Elle (l'eau oxygénée) disent-ils, ne peut provoquer d’empoisonne- ment, puisqu'elle se détruit au contact du pus, de la sérosité, et ne peut pénétrer dans l’organisme... » Mais si elle n‘y pénètre pas d'elle-même, par la surface d'une plaie, on peut l'y faire pénétrer, à l’aide de l'injection directe dans le sang : c'est justement l’objet de nos tentatives, qui ont réussi ; et, en ce cas, l’eau oxygénée manifeste parfaitement des propriétés toxiques, puisqu'elle produit constamment, dans les mêmes conditions expérimentales, les SÉANCE DU 17 OCTOBRE 601 mêmes altérations organiques (altération du sang) et les mêmes phéno- mènes fonctionnels. Malgré les atténuations à leur première et absolue déclaration, etles con- cessions auxquelles ils se sont trouvés obligés par leur expérience de con- trôle, provoquée par nos recherches, les auteurs de la note n’en persis- tent pas moins dans leur conclusion exclusive et draconienne à l'égard de l'emploi de l’eau oxygénée en injection intra-veineuse,qu'ils déclarent devoir constituer « un redoutable danger ». Pour nous, la reconnaissance explicite par MM. Bert et Regnard, de l'innocuité relative de l’eau oxygénée en introduction directe dans le sang, constitue au contraire une raison de plus, ajoutée à toutes celles qui découlent de nos essais expérimentaux, de considérer son emploi comme parfaitement possible et justifié dans la pratique, et sans danger immédiat. RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LA TUBERCULOSE DES OISEAUX; — CUL- TURE DU BACILLE, par M. Ep. NocARp, professeur à l'Ecole Vétérinaire d'Alfort. Tous les oiseaux, domestiques ou vivant au voisinage de l’homme, paraissent capables de contracter une tuberculose bacillaire. Le bacille qu'on trouve constamment dans les tuberculoses des oiseaux est-il le même que celui qui provoque la tuberculose des mammifères ? L'observation clinique et l’expérimentation tendent à établir qu'il n'existe aucune différence entre ces bacilles. En effet, Johne (1) a signalé, en 188%, l'observation d'une basse-cour qui fut infectée de tuberculose à la suite de l’arrivée dans la maison d'une jeune personne phtisique dont le crachoir était vidé chaque jour eur le fumier de la cour où les volailles picoraient en liberté. De mon côté, j'ai publié dans le Æecueil de médecine vétérinaire (2) trois faits identiques où l'enquête la plus minutieuse n’a pas permis d’attri- buer l'infection à une autre cause que le contact, direct ou imdirect, des habitants de la basse-cour avec une personne atteinte de tuberculose avec expectoration. D'autre part, voici un fait analogue dans lequel l’origine du mal n'est plus imputable à l'homme : A l’abattoir de Nevers est annexée une tri- perie dont le propriétaire entretient une basse-cour peu nombreuse ; la: (1) Zeitschrift fur microscopie und Fleischshaud 1884, n° k. (2) Recueil de médecine vétérinaire, 1885, n°° des 28 février et 15 octobre. 602 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE plupart des sujets de cette basse-cour meurent tuberculeux ; pourquoi ? Le propriétaire a pris l'habitude de donner à ses volailles celles des issues des animaux de boucherie qui ne sont pas vendables ; parmi elles figurent en première ligne les poumons, foies, rates et ganglions tubercu- leux qu'on rencontre si souvent sur les sujets de notre belle race niver- naise. Il ne me parait pas douteux qu'ici encore il faille attribuer l’infec- tion à l’ingestion de matières tubereuleuses (1). Au surplus, rien n’est plus aisé que de reproduire expérimentalement chez les oiseaux ces tuberculoses d’origine animale. {l suffit d’inoculer . à des poules en bon état, ou de mélanger à leurs aliments des produits tuberculeux ; j'ai tué ainsi, dans un délai variant de six semaines à cinq mois, quatre poules, une dinde et six pigeons à qui j'ai donné à trois reprises un repas composé d'un hachis de poumons et de ganglions tuberculeux provenant de deux vaches et d’un cheval phtisiques. D'autre part, je mets sous vos yeux un foie farci de tubercules, re- cueill à l’autopsie d’une poule qui, inoculée le 21 mai dernier, par in- jection dans le péritoine d’une trace de matière caséeuse puisée dans un ganglion bronchique d’une vache phtisique et délayée dans un peu de bouillon stérilisé, a succombé le 2 septembre, absolument tique, avec une tuberculose généralisée à tous les organes de la cavité abdominale. Dans toutes ces circonstances, les lésions sont identiques et ne se dis- tinguent en rien de celles que l’on observe chez les oiseaux naturelle- ment tuberculeux. Ce sont toujours les organes de la cavité abdominale qui sont le siège des altérations (foie, rate, ganglions, intestins, ovaires), à l'exclusion presque absolue des viscères de la cavité thoracique. De même, la mor- phologie et la topographie des bacilles ne présentent aucune différence appréciable. : Les oiseaux qui sont aptes à contracter la tuberculose qui provient des mammifères:peuvent-ils, par contre, leur communiquer la tuberculose qui leur est spéciale ? MM. Cornil et Mégnin, dans leur mémoire sur la tuberculose des gal- linacés rapportent une expérience : Un cobaye tué deux mois après l’inoculation a présenté, « au niveau de la piqüre cutanée et dans le « grand épiploon, de gros abcès caséeux remplis d'une quantité éton- « nante de bacilles ; il n'y avait toutefois pas de granulations tubercu- « leuses du poumon ni du foie chez ce cobaye; mais les bacilles de la « tuberculose s’y étaient très abondamment cultivés. » Dans de nombreuses expériences, j'ai pu rendre tuberculeux des mam- mifères de différentes espèces en leur inoculant des produils puisés sur des poules ou des faisans tuberculeux. (1) Je dois cette intéressante observation à l’obligeance de mon confrère, M. Guerrin de Nevers. SÉANCE DU 47 OCTOBRE 603 D Je citerai notamment : 4° Un vigoureux lapin âgé de 5 mois, inoculé dans la chambre anté- rieure de l'œil, le 16 avril dernier, mort le 26 août, avec des lésions extrémement confluentes de tuberculose généralisée; vous pouvez en juger par ces pièces : poumons, ganglions, reins, péritoine, péricarde sont farcis de tubercules; le myocarde lui-même est envahi; seuls le foie et la rate ont échappé à l'infection ; 2 Cinq cobayes inoculés dans le péritoine, morts avec tuberculose généralisée, dans un délai variant entre 66 jours et 122 jours; Chacun de ces animaux a été le point de départ de séries d’inoculations dont quelques-unes sont déjà parvenues au 4° terme ; il semble en effet qu'en passant par le cobaye, la virulence se soit accrue, la mort surve- nant progressivement dans un délai plus rapproché. 3° Un chevreau, inoculé dans la chambre antérieure de l'œil le 16 avril, tué le 14 octobre, avec une tubereulisation intense des ganglions bronchiques et mésentériques, et un petit nombre de granulations tuber- culeuses du poumon. Il m'a été possible de cultiver artificiellement, sur du sérum gélatinisé, suivant la méthode de Koch, le bacille de la tuberculose des oiseaux. Je mets sous vos yeux des spécimens de ces cultures ; M. le D' Dagonet, qui a travaillé à l'office sanitaire impérial allemand, m'a assuré qu'elles avaient le même aspect que les cultures de Koch. D'ailleurs, le bacille, qui s’y multiplie avec une grande lenteur (1), y conserve tous ses caractères histo-chimiques, comme aussi toute sa virulence. Sur 4 pigeons, 2 lapins et 3 cobayes que j'ai inoculés le 17 septembre dernier, par injection dans l’œil ou dans le péritoine, ou par ingestion du produit d’une 6° culture, les 3 cobayes, 2 des pigeons, 1 des deux lapins sont morts dans le délai de 45 à 29 jours après l’inoculation, avec des lésions tuberculeuses inten- ses du péritoine et des ganglions Iymphatiques; chez le lapin, le foie était farci de granulations tuberculeuses, opalines, à demi transparentes; chez les pigeons et les cobayes, les viscères ne présentaient pas de gra- nulations luberculeuses visibles à l'œil; mais sur toutes les coupes de rate et de foie que j'ai examinées, suivant le procédé d’Erlich, j'ai trouvé une quantité considérable de véritables nids de bacilles tuberculeux ; 1l semble que les microbes n'aient pas eu le temps de provoquer dans ces organes la formation de la lésion anatomique ordinaire. Il m'a été impossible de retrouver trace de bacilles dans les nombreu- _ ses coupes de poumon et de rein que j'ai étudiées. En disant que j'ai suivi la méthode de Koch pour obtenir ces cultures du bacille de la tuberculose des oiseaux, j'ai manqué d’exactitude. La (1) Comme l’a indiqué R. Koch, la culture ne commence guère avant le quinzième jour, et il faut bien de 5 à 6 semaines de séjour à l'étuve à 380 pour qu'elle ait acquis tout son développement. 604 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. vérité est qu'en suivant à la lettre les indications de Koch, je n’ai obtenu aucun résultat, quel que fût le sérum utilisé pur : cheval, bœuf ou mouton. J'ai donc essayé de modifier le terrain de culture; après beaucoup d'essais, l'addition au sérum de cheval de 1 0/0 de peptone, 0,25 0/0 de sucre de canne, 0,25 0/0 de sel marin, avant la gélatinisation, m'a pro- curé un terrain favorable à la végétation du bacille; les 3 premières cul- tures ont été obtenues ainsi : à la 4°, le bacille a cultivé également bien, quoique plus lentement, sur du sérum de cheval pur de tout mélange. Les spécimens que je viens de mettre sous vos yeux ont été obtenus sur du sérum pur. Je dois dire également que pour recueillir le sérum j'emploie un pro- cédé différent de celui de Koch (1). Après avoir coupé|les poils et lavé la peau avec une solution de sublimé à 1 °/,., sur le trajet de la jugulaire, un aide faisant l’hémostase, on ponctionne directement la veine à l’aide d’un trocart flambé; ce n’est pas plus difficile que de ponctionner un _abcès dont la fluctuation est manifeste ; le trocart retiré, on introduit dans la canule la tubulure, préablement flambée, d’un appareil semblable à celui que je mets sous vos yeux et qu'il est facile d'improviser partout. Le sang passe ainsi directement de la veine dans le récipient flambés sans avoir subi le contact de l'air impur ; dès que le vase est plein de sang, on en ferme la tubulure à la lampe et on le dépose dans une glacière jus- qu'à rétraction du caillot et séparation du sérum; il ne reste plus qu’à aller puiser le sérum à l’aide d’une pipette flambée pour ensuite le distri- buer dans des tubes à essai et le gélatiniser immédiatement. On évite ainsi les manœuvres, si longues, de la stérilisation du sérum ; on évite sa concentration par l’évaporation, et l’on obtient, comme vous pouvez en juger, un produit extrêmement limpide, aussi peu coloré que possible, donnant après gélatinisation un milieu transparent, ambré, tremblottant comme de la gelée, avec une certaine quantité de liquide qui s’accumule au fond du tube et qui parait jouer un rôle assez important dans la cul- ture du bacille de Koch. L’addition au sérum ainsi recueilli d’une solution concentrée de peptone de sucre et de sel, préalablement stérilisée à l’autoclave, a l'inconvénient de foncer un peu la couleur du sérum gélatinisé et de diminuer sa trans- parence. Vous pouvez voir cependant par les spécimens que Je vous pré- sente que ces inconvénients sont peu accusés et que la transparence est suffisamment conservée pour qu'il soit possible de suivre aisément les lents progrès de la culture. (1) C'est le procédé adopté au laboratoire de M. Pasteur. is : SÉANCE DU 17 OCTOBRE 605 REMARQUES A PROPOS DE LA COMMUNICATION PRÉCÉDENTE DE M. NocaRrb par M. ViGnaz, Messieurs, je prends la parole, car je trouve que M. Nocard, par trop grande modestie, n’a pas assez insisté sur les difficultés que présentait la culture du bacille de la tuberculose et n’a pas fait assez voir que son addition de sucre, de chlorure de sodium et de peptone au sérum en fait au fond un complétement nouveau milieu de culture. En effet, de nombreux chercheurs, parmi eux, quelques-uns dont la compétence et l'habitude des cultures ne peuvent étre mises en doute ont essayé de cultiver le bacille de la tuberculose en suivant exac- tement le procédé que M. R. Koch indique dans son mémoire sur cette question (Mittelhungen ans den Kaiserl. Gesundheitsamte 2, Bd. Die Æüologie der Tuberkulose p. 46 et suiv.) et ils n'obtenaient que rare- ment, très rarement puis-je même dire, des cultures. Puis il était impos- sible de faire reproduire ces cultures après qu’on les avait semées sur du nouveau sérum. J'étais tellement convaincu, après pres de 2 ans d'essais, qu'il devait y avoir un tour de main, un je ne sais quoi, que nous ignorions que ces temps derniers, ne voulant plus suivre servilement les indications du mémoire de M. Koch, mais chercher en dehors, j'avais préparé une série de tubes de sérum dans lequel j'avais ajouté soit du chlorure de sodium, soit des phosphates, soit enfin de la peptone, ainsi que l'idée m'en avait été suggérée par M. Roux dans le courant de cette année. J’estime.donc que les recherches de M. Nocard nous ouvrent une voie nouvelle pour la culture de ce micro-organisme, que jusqu’à présent on n’était parvenu, à ma connaissance, à cultiver, en prenant pour point de départ un tubercule d’un animal, en générations successives qu'à l'office sanitaire de Berlin. PUISSANCE DE PÉNÉTRATION DES FILAMENTS MYCÉLIENS DE DIVERS CHAMPI- GNons (Penicillum Aspergillus) À TRAVERS LES BOURRES DE COTON STÉ- RILISÉ ET LES BOUGIES-FILTRES EN TERRE POREUSES, par MM. BOURQUE- LOT ET (CALIPPE. Une erreur de manipulation qui a été très préjudiciable à l’un de nous porte en elle un enseignement dont nous avons cru devoir faire bénéfi- cier nos collègues de la société de Biologie. Des tubes stérilisés conte- 606 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Co nant un liquide nutritif et fermés par un tampon de coton furent placés dans une chambre humide. Au bout de peu de jours apparurent à la face intérieure de la bourre de coton des filaments mycéliens qui ne tardèrent pas à présenter des organes de fructification et à gagner, en suivant toute la longueur du tube, le liquide de culture. En examinant avec attention les bourres de coton, on constata sur leur face supérieure la présence des mêmes champignons : ceux-ci avaient done passé de l'extérieur à l'inté- rieur en traversant la bourre tout entière. Quant au liquide de culture, il était resté limpide, ce qui prouve que les filaments seuls avaient traversé sans être accompagnés par les bactéries. Le champignon appartenait au genre Asperqillus. Dans une communication antérieure, nous avons montré que les bou- gies filtrantes placées dans certaines conditions d'humidité laissaient passer les micro-organismes. Nous mettons sous les yeux de la société un appareil qui démontre que les bougies sont égalementet constamment traversées par le mycélium du Penicillum glaucum lorsque les condi- tions hygrométriques et la nature du liquide ensemencé sont favorables. Le liquide filtré dans cette circonstance n’est autre que le liquide de Raulin renfermant seulement un gramme d'acide tartrique pour mille grammes. Il avait été ensemencé avec des spores de Penicillum glaucum. LA MARCHE DANS LES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX ÉTUDIÉE PAR LA MÉTHODE DES EMPREINTES, par GILLES DE LA TOURETTE et À. LONDE. Il était nécessaire pour étudier la marche pathologique de posséder une méthode facilement applicable à tous les cas et ne nécessitant pas l’em- ploi d'appareils spéciaux toujours embarrassants pour des malades. Celle dont nous avons fait usage nous a été enseignée par le D'F. Neugebauer (de Varsovie) qui Pavait employée avec succès dans son étude sur les bassins viciés. Elle consiste, après modifications, dans l'emploi d'une piste repré- sentée par une feuille de gros papier à tenture mesurant 8 mètres de long et 0%,50 de large séparée en deux moitiés par une ligne longitudi- nale tracée à l'encre. L'individu en expérience, les pieds graissés avec du sesquioxyde de fer (rouge anglais), marche sur ceite piste suivant la ligne d’axe ou directrice. Après avoir fait les calculs nécessaires, le tracé est photographié et réduit à une échelle donnée pour être ensuite repro- duit s'il est utile. Avant d'étudier la marche pathologique, nous avons déterminé les caractères de la marche normale en prenant pour base, une fois la longueur du pied et Pempreinte normale déterminées : 1° la longueur du pas; 2° la largeur de l’écartement latéral des pieds pen- LA } U h À SÉANCE DU 47 OCTOBRE 607 dant la marche; 3° la valeur de l’angle d'ouverture des pieds par rapport à la ligne d’axe. Nos recherches ont porté sur dix hommes et dix femmes sains, à pieds bien conformés, présentant comme moyenne d'âge : 33 ans (h.), 27 ans (f.); de taille 1°,63 (h.); 1,53 (f.); de longueur de pied 0",258 (h); 0®,298 (f.), marchant sur une piste de 8 mètres et faisant de 90 à 100 pas à la minute. Nous sommes arrivés de ce fait aux conclusions suivantes : 1° La longueur moyenne du double pas est égale chez l'homme adulte à 0®,63; chez la femme, à 0,50; 2° dans les deux sexes (la jambe gauche étant à l'appui), le membre inférieur droit forme un pas plus long que le membre inférieur gauche (la jambe droite étant à l'appui) : en un mot, le pas droit est plus long que le pas gauche; 3° l’écartement total des pieds ou base de sustentation mesure en moyenne chez l’homme en marche de 11 à 12 centimètres avec prédominance de 1 centimètre pour l'écartement latéral gauche et chez la femme en marche, 12 à 13 centimètres avec prédominance également de 1 centimètre par l’écartement latéral gauche; 4° la somme des angles ouverts en avant formés par l'inter- section de la ligne d’axe des pieds (passant par le point central du talon et le 3° orteil) avec la directrice chez l’homwme en marche égale en moyenne 31 à 82° avec prédominance d'ouverture de 1° pour le pied droit; chez la femme en marche cette somme égale en moyenne 30 à 31° avec égale prédominance de 4 à 2° pour le pied droit : tous ces résultats se corroborant les uns les autres et trouvant anatomiquement et physiolo- giquement leur explication. Ce sont ces données que nous avons appliquées à l'étude de la marche chez les sujets atteints d'affections nerveuses se compliquant de troubles de la locomotion toujours comparables entre eux et analysables à l’aide de notre méthode. Notre première division comprend les cas de marche pathologique bilatérale, dans lesquels nous distinguons la variété recti- ligne et la variété titubante. La première se subdivise elle-même en forme spasmodique qui comprend trois périodes. La première, qui va du début de l’apparition de l’excitabilité réflexe jusqu’au début y compris de la trépidation spinale provoquée, se caractérise : par la diminution de la lon- gueur du pas, l'augmentation de l’écartement latéral total et de l'angle d'ouverture des pieds. La seconde, qui va jusqu’au début de la trépidation spinale spontanée, se caractérise outre les caractères précédents par la fermeture de l'angle par prédominance de la contraction des adducteurs. La troisième, qui s'arrête au moment où le malade s’alite, a pour caracté- ristique l'empreinte toute spéciale laissée par les orteils et l’avant-pied qui seuls appuient sur le sol. La démarche spasmodique peut se compliquer de l'élément titubant, comme dans la sclérose en plaques par exemple. I] est à remarquer que, dans les dernières périodes, l'élément titubant le cède toujours à l'élément contracture et que les empreintes ultimes des deux séries sont identiques. Nous avons aussi rangé dans les marches patholo- giques bilatérales l'étude de la locomotion dans la paralysie agitante 608 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE avant (1"° période) et après (2° période) la déformation des orteils ana- logue à la déformation des doigts. Comme intermédiaire entre la marche pathologique rectiligne et la marche titubante, nous avons placé la marche de l’ataxie à ses diverses périodes, étudiant spécialement le mécanisme du faux grand pas de l’a- taxique chez lequel la longueur du pas est toujours inférieure à la lon- gueur normale. L’empreinte double des deux ovoïdes antérieur et posté- rieur du pied est caractéristique, de même que l'empreinte du pied tabétique. Il estdifficile de donner ici, en l'absence destracés(1), une caractéristique suffisante de la marche titubante qui forme notre deuxième division des marches bilatérales : ces caractères sont en effet très variables, suivant que la chute complique ou non la marche. Nous avons étudié spéciale- ment les caractères du retour à l’état normal de cette marche patholo- gique. La marche pathologique unilatérale comprend tout particulièrement le grand groupe de l'hémiplégie à ses diverses périodes. L’hémiplégie flasque comprend deux périodes : dans la première, la progression est unilatérale, le membre malade qui est capable de fournir un appui quoique insuffisant ne pouvantlui-même servir à la progression,aussi le pied laisse- t-il une traînée continue ; dans la seconde, la trainée est discontinue, le membre malade peut servir à la progression; dans toutes les deux, l’écar- tement latéral et l'ouverture de l’angle sont augmentés, le pas, comme dans les cas suivants, étant toujours diminué de longueur. L'hémiplégie spasinodique comprend trois périodes correspondant dans le genre unila- téral aux trois périodes de la marche spasmodique bilatérale. Dans la troisième période de l'hémiplégie spasmodique, comme dans la première de l'hémiplégie flasque, la progression est unilatérale, la partie postérieure de l’oscillation du membre malade pouvant seule s'effectuer. Il convient de faire rentrer dans ces groupes des variétés anormales en talus-valgus, les cas compliqués d’hémichorrée et la marche complexe des hémiplégies infantiles par sclérose des circonvolutions. Nous terminerons par une remarque qui nous semble très impor- tante. Il résulte de la comparaison de tous les calculs que nous avons faits et de l'inspection du grand nombre de tracés que nous avons pris pen- dant les années 1884 et 1885 dans le service de notre maitre M. le pro- fesseur Charcot, qui a bien voulu nous aider de ses conseils : que le pas pathologique, pour ne pas dire la marche, est toujours plus régulier en lui-même que le pas ou la marche normale,et cela, sous le triple rapport de la longueur du pas, de l’écartement latéral et de l'angle d'ouverture des pieds. Ceci est facile à comprendre, car, dans le premier cas, c'est (4) Ces tracés seront publiés au nombre de trente-deux dans les Archives de Névrologie, où le mémoire complet va paraitre. SÉANCE DU À7 OCTOBRE 609 ————_—— 0 l'individu qui marche et qui peut modifier ou varier sa marche; dans le second cas, c’est la maladie elle-même qui marche et non le malade, et si celui-ci a quelque puissance, il l’emploiera à régulariser encore le type de locomotion créé par la maladie elle-même. DU RÔLE DE LA SENSIBILITÉ DANS LES PRÉTENDUES FONCTIONS DES CENTRES PSYCHOMOTEURS, par M. E. Dupuy. Ayant répété dernièrement plusieurs expériences dont les premières furent d’abord instituées en 1873, et dont les résultats sont résumés dans ma thèse inaugurale (1), je crois être arrivé à confirmer l'opinion que j'ai émise, que la sensibilité joue le rôle principal dans les phénomènes moteurs que l’on observe lorsqu'on électrise les points appelés psycho- moteurs des circonvolutions cérébrales. Il est bon de remarquer que l’on obtient des mouvements dans les membres, la face, les oreilles, les pau- pières, les lèvres, etc., aussi bien en électrisant des points silués sur les cir- convolutions cérébrales postérieures que sur les antéro-pariétales, autour du sillon crucial. M. Ferrier, en parlant des phénomènes moteurs qui suivent l’irritation de certaines parties du gyrus angulaire (lobe posté- rieur), dit qu’ils sont le réveil par l'électrisation de l’organisation de l'expérience passée, localisée en ces lieux par les fibres centripètes (visuelles). I fait de ces endroits du gyrus le centre du sens de la vue. On connaît les différences, quant à l'étendue des centres moteurs et sensitifs ou sensoriels, d’après les divers physiologistes qui ont étudié la question depuis Munck après Ferrier, jusqu'à Luciani et Tambourini. Ces derniers, à la vérité, annoncent que les centres sensoriels-sensitifs (vue, ouïe, sensibilité générale), bien que localisés, empiètent les uns sur les autres depuis le lobe postérieur jusqu’au lobe antéro-pariétal. M. Ferrier, de son côté, a dernièrement aussi étendu le domaine des centres moteurs et sensitifs sensoriels en avant et en arrière respective- ment des limites qu'il leur avait assignées auparavant. J'ai soutenu depuis longtemps que toute la surface cérébrale parais- sait être susceptible de réagir sous l'influence d’une réaction sensitive pour produire les phénomènes moteurs. En effet, quelque partie dite psychomotrice des circonvolutions que l’on extirpe, il y a toujours une allération consécutive de la sensibilité générale et spéciale. L’ex- tirpation de la même surface cérébrale sur différents animaux de la même espèce (chiens) donne lieu à des phénomènes d'intensité variable, (1) Examen de quelques points de la physiologie du cerveau, 1873, p. 36. 610 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE aussi bien quant à l'individu, qu’au degré et à la qualité de l’altération sensitive et sensorielle, mais présents chez tous les animaux mis en expé- rience Jusqu'à ce Jour. Les phénomènes moteurs que j'ai observés sont passagers, aussi bien que les sensoriels et sensitifs; leur durée m'a paru dépendre de l'étendue de la surface corticale détruite, et non du siège de la région, qu’elle soit postérieure ou antéro-pariétale. Il peut exister souvent des effets d’'inhibition ou de dynamogénie comme les a décrits M. Brown-Séquard, mais les faits que jai observés m'ont semblé se rencontrer constamment. Je suis donc conduit à admettre comme par le passé que les phéno- mènesde paralysie, et aussi bien de disparition des manifestations motrices sensitives et sensorielles qui suivent l'irritation ou la destruction de la: surface cérébrale corticale, dépendent de réactions de la faculté sensiuve dont cette surface est douée. ORIGINES ET CONNEXIONS EMBRYONNAIRES DES GANGLIONS SPINAUX par MATuHIas Duvaz. La question de l’origine embryologique des ganglions spinaux (et des ganglions des nerfs Craniens) a recu dans ces dernières années une solution de la plus haute importance au point de vue des rapports des formations ganglionnaires en général avec l’axe nerveux central cérébro- spinal. En rappelant ici brièvement les travaux qui ont amené cette solu- tion par l'étude de l’embryologie de certains vertébrés, j'indiquerai ensuite comment mes propres recherches viennent confirmer ces résultats, quant à ce que j'ai observé sur d'autres vertébrés. Balfour d’une part (recherches sur les poissons cartilagineux), et Hensen d'autre part (sur les embryons de lapins) annoncèrent en 1875 que les ganglions spinaux seraient des bourgeons cellulaires partant de l'extrémité toute supérieure (bord dorsal) du canal médullaire, au mo- ment où ce canal vient de se fermer par soudure des bords de la gouttière médullaire. Les travaux de Balfour et de Hensen provoquèrent Keælliker à entreprendre de nouvelles recherches sur ce sujet, et cet auteur fut ainsi amené, dans l'édition francaise de son Zrailé d'embryologie, parue en 1882 (laquelle, sur cette question, diffère complètement de la dernière édition allemande parue en 1876), à abandonner la doctrine de Remak (origine mésodermique des ganglions nerveux) pour se rallier à la doc- trine de Balfour. Sur des poulets, à la fin du second jour de l’incubation, il à vu, dit-il, apparaitre les premières traces des racines postérieures SÉANCE DU 17 OCTOBRE 611 sous la forme de quelques cellules adossées tout contre la paroi dorsale de la moelle; elles s’y appliquent sans délimitation aux cellules médul- laires les plus superficielles, tandis que, vers la face latérale, elles descen- dent jusqu'au niveau de l’arèête dorsale de la prévertèbre qu’elles dépas- sent un peu. Nous avons constaté également, sur le poulet, toutes les phases de ces dispositions originelles des ganglions spinaux. Mais nous les avons de plus suivies sur l'embryon de la grenouille. Dès 4882, dans un mémoire sur le développement de l'appareil génito-urinaire de la grenouille (L° par- tie, le rein précurseur), nous avions figuré ces connexions originelles du ganglion spinal avec le tube médullaire; mais, comme cette question était en dehors du sujet traité, nous ne nous étions pas attaché à expli- quer ce détail de nos figures (fig. 4 et 5, pl. IX.), et même nous n'étions pas bien fixé alors sur sa signification, parce que nous étions encore sous l'impression de la lecture de la belle monographie de A. Gœtte sur l'embryologie du crapaud. En effet, cet auteur avait décrit, avec les détails les plus circonstanciés, une origine mésodermique des glanglions spinaux, c’est-à-dire une origine aux dépens des prévertèbres (ou masses segmentaires, d'après la nomenclature dont il se sert). Aujourd'hui, ayant repris spécialement cette question, nous arrivons, pour les batraciens comme pour les oiseaux, à des conclusions trèssemblables à celles formu- lées par Kælliker. Cependant, quant aux connexions premières et secondaires du ganglion spinal avec la moelle, nos observations nous amènent à modifier légère- ment la description de Kælliker (Voy. la page 623 de son édition fran- caise). En effet, déja en 1881, à propos d'une étudé sur un monstre otocéphale (Société de biologie, 2 mars 1881), nous avions été amené, pour expliquer la disposition des racines bulbaires du trijuneau, à émettre l’hypothèse que les racines postérieures (fibres nerveuses) se développent du ganglion vers la moelle et non de la moelle vers le ganglion. De nouvelles recherches à cet égard viennent de nous confirmer dans cette manière de voir, en nous montrant que la racine postérieure, végétant du ganglion vers la mœælle, arrive à établir, entre ces deux organes, une connexion secondaire, différente de la connexion primitive, laquelle cor- respond à la formation du ganglion. C'est-à-dire que nous avons vu: 4° le ganglion apparaitre sous forme d’un bourgeon cellulaire (cellules ectodermiques) se détachant du cordon ectodermique qui relie la moelle à l’ectoderme, au moment où la gouttière médullaire vient de se fermer ; le ganglion se prolonge ensuite en descendant entre la moelle et la masse prévertébrale, et bientôt disparait toute connexion entre lui et le cordon ectodermique susindiqué ; — 2° alors s'établit une nouvelle connexion entre le ganglion et la moelle, au moyen de prolongements (fibres nerveuses en voie de formation) qui partent du ganglion pour aboutir à la moelle et la pénétrer. Cette manière de voir est en grande 612 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE partie conforme à ce que décrit Marshall, d’après lequel les rudiments des ganglions partent des côtés du rebord par lequel le feuillet médul- laire se continue avec l’ectoderme, puis perdent plus tard cette connexion avec la face dorsale, pour s’unir de nouveau à la moelle à un niveau infé- rieur {plus rapproché de la face ventrale). SÉANCE DU 17 OCTOBRE. 613 ACTION PHYSIOLOGIQUE DE LA PIPÉRIDINE DE SYNTHÈSE, par MM. OECHSNER DE CONINCK ET PINET. La pipéridine qui nous a servi dans nos expériences avait été préparée par l’hydrogénation de la pyridine pure au moyen de l'alcool absolu et du sodium. La base de synthèse bouillait à 106-109°, et ne contenait pas - trace de pyridine, ainsi que l’un de nous à eu soin de s’en assurer; le procédé de séparation qu'il à suivi était celui que M. Ladenburg à re- commandé dans son important mémoire sur l'hydrogénation de la pyridine. Nous croyons devoir rappeler que la pipéridine est un hkerahydrure de pyridine, de même que la cicutine est l’hexahydrure d’une collidine. La synthèse est exprimée par la réaction, CSHSAz L HS — C5 H!! Az. Nous avons d’abord employé l’alcaloïde en injections sous-cutanées ; nous avons ensuite étudié l’action des vapeurs. Expér. I. Grenouille pesant 30 grammes : injection sous-cutanée de la base pure dans le membre postérieur gauche (à la périphérie) de 3 divi- sions (seringue en 20 parties). Au moment de l'injection, une vive irritation locale se produit; l'animal ne présente aucun symptôme d'intoxication. Le lendemain, on constate une infiltration œdémateuse des deux membres inférieurs; l’infiltration s'étend aussi à la paroi abdominale, l'animal présente une véritable paraplégie, la jambe du côté injecté est fortement fléchie sur la cuisse, celle-ci sur les parties latérales de l'abdomen, le tarse étant dans l'exten- sion. Le cœur est le siège de contractions ventriculaires partielles plus étendues sous l'influence soit de l'excitation directe du muscle, soit de l'excitation d'une partie quelconque du corps. Dans les membres, siège de l’irritation locale, l'excitation électrique, centrale ou périphérique, a nerfsciatique ne donne rien. L'animal meurt dans la soirée. A l'examen microscopique du muscle fait immédiatement, on trouve desfibres musculaires saines en petite quantité; ce qui prédomine, ce sont des fibres musculaires ne présentant plus de stries transversales, mais une infinité de petites granulations amorphes. On ne trouve ni glo- bules blancs ni globules rouges, dans les muscles. Expér. II et III. Ces deux expériences ont donné les mêmes résultats, À 614 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. avec cetle différence que la mort est survenue dans la nuit qui a suivi l'injection. Expér. IV. Cobaye pesant 500 grammes. 2 heures 30 min. Injection sous-cutanée d'un mélange à parties égales de base et d’eau. L’injection de toute la seringue est faite sous la peau du ventre à trois endroits différents. 3 h. 5 m. L'animal est affaibli; mis sur le dos, il ne se retourne que très difficilement. | 3 h. 30 m. La sensibilité réflexe est légèrement affaiblie; la sensibilité à la douleur est très diminuée. Ainsi lorsqu'on pince fortement un des membres de l'animal, il se produit un mouvement réflexe affaibli, mais l'animal ne crie pas. 4 h. 30 m. L'animal meurt. L’autopsie est faite immédiatement : vive irritation locale aux points injectés; la paroi abdominale et les muscles sont infiltrés de séresité. Le péritoine est fortement injecté et contient une certaine quantité de liquide. - Expér. V. Même expérience avec Cobaye pesant 425 grammes. L'animal a présenté les mêmes symptômes que le Gobaye dont nous venons de parler. Le lendemain du jour où l'injection a été faite, l'animal est très affaibli et meurt dans la soirée. À l’autopsie, on trouve un vaste phlegmon au pointinjecté, et l’inflam- mation s'est, comme dans l’expérience précédente, étendue au péri- toine. Expér. VI. Cette expérience, faite dans les mêmes conditions, sur un autre Cobaye a donné exactement les mêmes résultats. Expér. VII. Cobaye pesant 480 grammes. On injecte une seringue entière (contenant moitié eau, moitié alcaloïde), On pratique l'injection dans les membres antérieurs et postérieurs, de manière à épargner le péritoine. On remarque une légère salivation, mais aucun autre symptôme n’ap- parait, même au bout de 6 heures. Le lendemain, on observe une induration dans la région axillaire droite, près de l'endroit où l’une des injections a été pratiquée. La patte droite est déjetée le long du corps. D'ailleurs, l’animal parait bien portant. Expér. VIII. Cobaye pesant 530 grammes; même expérience, avec les mêmes précautions. Même résultat. SÉANCE DU 17 OCTOBRE 615 Expér. IX. Cobaye pesant 440 grammes. Même expérience, mêmes précautions, même résultat. Au bout de 4jours, l’un des Gobayes à été trouvé affaissé sur le côté droit. Le 9% jour, il meurt et présente un plegmon étendu du membre pos- térieur droit, empiétant sur la paroi abdominale. Il résulte de ces trois expériences parfaitement concordantes que la pipéridine de synthèse produit des phénomènes d'irritation locale carac- térisés par la paralysie des membres dans lesquels les injections ont été pratiquées. ACTION DES VAPEURS DE LA PIPÉRIDINE DE SYNTHÈSE Expér. X. On verse 1 gr. de pipéridine dans une soucoupe recouverte d’une toile métallique. On place, à côté, une grenouille pesant 26 gr., et on recouvre le tout d’une cloche de verre. Au bout de 25 minutes envi- ron, on excite le sciatique, et on observe que le bout central et le bout périphérique réagissent encore, mais plus faiblement. Au bout d’une heure, la réaction est devenue très faible. Les muscles, qui réagissaient d’abord presque normalement, ne présentent, au bout du même temps, qu’une réaction très affaiblie. Expér. XI. Cette expérience, faite sur une grenouille pesant 25 gram- mes, fournit les mêmes résultats. Expér. XII. On laisse une grenouille du poids de 28 grammes exposée pendant la nuit aux vapeurs de pipéridine. Le lendemain matin, l'animal est trouvé mort. Expér. XII et XIV. Ces expériences, dans lesquelles on a employé deux grenouilles du poids de 24 et de 26 grammes, conduisent aux mêmes résultats. Nous avons dû arrêter là nos expériences, notre provision de pipéri- dine synthétique se trouvant épuisée. Conczusions. De cette série d'expériences, nous croyons pouvoir con- Clures 1° Que chez la grenouille, la mort arrive par suite de l'intensité des phénomènes locaux ; 2° Que pour le cobaye, chez lequel l'injection a été faite au niveau de la paroi abdominale, les accidents produits sont dus à l'intensité de l'irri- tation locale qui, se propageant à travers les muscles et les aponévroses de l'abdomen, détermine une péritonite mortelle, comme l’ont montré les autopsies ; 3° Que, lorsqu'on pratique les injections dans les membres, l’ani- mal ne présente aucun phénomène de toxicité, mais des phénomènes de 616 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. vive irritation locale pouvant amener, au bout d’un temps plus ou moins long, un phlegmon mortel. 4° Que les vapeurs agissent sur le bout central et sur le bout périphé- rique des nerfs pour en affaiblir notablement les propriétés physiologi- ques et que la contractilité des muscles est aussi affaiblie. Nous estimons toutefois, qu'étant donnée l’action si irritante des va- peurs de la pipéridine, il s’agit là d’une action directe de la substance qui à pénétré par imbibition (4). (1) Ces conclusions ont été présentées à la Société chimique, dans sa séance du 24 avril 1885. SÉANCE DU 17 CCTOBRE. 647 DES BRONCHO-PNEUMONIES INFECTIEUSES DE L'ENFANCE ET DE LEURS MICROBES par M. L. THAoN. La broncho-pneumonie tuberculeuse, la broncho-pneumonie diphtéritique et la broncho-pneumonie de la rougeole et de la coqueluche sont les trois broncho-pneumonies infectieuses qui se rencontrent le plus souvent dans la pathologie infantile. Nousne parlerons pas de la première, son histoire est toute faite et ce que nous en avons dit dans la séance précédente ne laisse pas de doute sur sa nature inflammatoire et sur le mode d'agir du bacille pour pro- voquer cette inflammation. La broncho-pneumonie de la rougeole et celle de la coqueluche restent confondues, jusqu’à présent, puisque l’on n’a pas pu jusqu'à ce jour les distinguer, ni par leurs caractères histologiques ni par leurs caractères bactériologiques. Pour faire l’anatomie pathologique de ces pneumonies, il faut trois conditions principales : recueillir des pièces par les temps frais et dans les vingt-quatre heures qui suivent la mort; choisir pour l'étude les lésions les plus jeunes; employer des méthodes bactériologiques qui n’altèrent pas ces microbes, beaucoup plus délicats que les bacilles de la tuberculose. Après bien des tâtonnements, nous avons donné la préférence à la mé- thode de Gram, en ayant soin de dégorger rapidement les coupes dans l'alcool, au sortir du bain iodé, et de les éclaircir immédiatement par l’essence de girofle. De cette manière, la plupart des microbes échappent aux altérations dues à des manipulations trop variées et le tissu reste d’une nuance verte, assez prononcée pour rendre distincts les éléments de l’exsudat et pour rendre inutile la double coloration. Nous donnerons ici les résultats de ces examens, réservant pour une autre communication les recherches sur les cultures des divers microbes rencontrés dans les préparations. Quant aux inoculations des produits pathogènes sur les animaux, nous les avons essayées chez diverses espèces, telles que les cobayes, les lapins et les chiens, en procédant, comme pour la tuberculose, à l’aide de pul- vérisations de suc de poumons infectés, dilué dans l’eau. Ges recherches sont restées infructueuses, ainsi que nous nous y attendions, et démon- trent à leur manière l’action pathogène des produits expérimentés et le manque de réceptivité des animaux qui ont été exposés à leur influence. Ces mêmes animaux, soumis aux pulvérisations de produits tuberculeux, succombent avec une rapidité variable, mais avec une précision qui ne s'est jamais démentie. Voici des dessins, représentant des bronchioles de un millimètre de 618 “ SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. diamètre et des alvéoies pulmonaires, appartenant à de la broncho-pneu- monie diphtéritique. On peut dire que ces cavités sont bourrées de mi- crobes. Les noyaux pseudo-apoplectiques que l’on trouve sous la plèvre des diphtéritiques offrent les points les plus favorables pour obtenir ces belles images bactériologiques. Dans ces lobules pulmonaires, que l’on considérait autrefois comme frappés d’infarctus, les alvéoles sont remplis de fibrine, de globules rouges, de leucocytes et de gros éléments d’épi- thélium pulmonaire, en voie de prolifération. Par la méthode de Gram, on démasque des amas de microbes, disposés en zooglies à grains très fins, des chaînettes à grains un peu plus gros et d’une longueur variable, selon le nombre des grains composants, qui varie de 3 à 20 grains. — En remontant vers la bronche, vers des points envahis depuis plus long- temps, apparaissent des bacilles, disposés en touffes, en pelotes, d’une structure grenue, d’une longueur uniforme, d'environ 5 à 8 w, d’un dia- mètre plus épais que celui des bacilles tuberculeux, et ne supportant pas le bain à l'acide nitrique. En somme, ce sont bien les éléments décrits par Loefler dans la diph- térite; mais cet auteur ne veut donner aucune importance aux zooglies, aux microbes ronds; il ne reconnait, comme agents pathogènes, que les bacilles, qu'il a cultivés et qu'il a inoculés avec un succès qui n'est qu'apparent. Nous ne saurions partager cette opinion, attendu que nous avons toujours rencontré les zooglies et les chaïînettes dans les lésions les plus jeunes, et nous n'avons vu les bacilles s'ajouter aux zooglies que sur des points comme les bronchioles, qui étaient pris depuis plus longtemps. | La Broncho-pneumonie de la Rougeole et de la Coqueluche est bien différente de la précédente. Elle débuté par des petits nodules aussi isolés, aussi grenus que les granulations tuberculeuses. Ces nodules, constitués per la pneumonie acineuse et par des éléments arrondis, ressemblent à des leucocytes, pressés les uns contre les autres, se colo- rant vivement au carmin : et séparés par un réseau fibrineux assez fin ; ces nodules se fusionnent ; ils envahissent des lobules, des lobes, et même une partie des poumons, en procédant des parties postéro-infé- rieures aux parties supérieures de l'organe. Le caractère évolutif de cette pneumonie infeclieuse, c’est d'arriver à la suppuration. — Dès le cinquième jour, les points enflammés sont sillonnés d’arborisations jaunâtres. — Dès le huitième jour, il se forme des collections puru- lentes, que l’on appelle des vacuoles, et il en sort du pus, ainsi que des bronches dilatées. — Au niveau, le tissu pulmonaire est déchiqueté, emporté. Si, au lieu de s'adresser à ces parties qui suppurent, on choisit des nodules à leur origine, on trouve à l'examen bactériologique que les cellules intra-alvéolaires sont remplies de microbes ronds, à l’état de diplococeus, de chaïînettes, composées de trois ou cinq, ou sépt grains. SÉANCE DU 17 OCTOBRE 619 EEE Ces microbes sont plus gros que ceux de la zooglie diphtéritique. Les cellules de l’alvéole qui les renferment prennent un aspect vitreux, dès que les microbes qu’elles contiennent dépassent un certain chiffre. Outre ces parasites arrondis, on remarque à la surface des bron- chioles afférentes, et dans les alvéoles plus avancés dans l’évolution pathologique, des couches de bacilles de longueur uniforme, ne dépas- sant pas du, sans structure grenue, disposés isolément et non plus en touffe, comme ceux de la diphtérite, et n'ayant aucune structure grenue. Nous ne disons rien de ce qui se rencontre dans les foyers de suppura- tion, car ici l'on a affaire à des éléments bactériologiques trop variés. Nous insisterons encore sur un petit fait qui ason intérêt. M. Cornil a le premier fait ressortir la part que prend la trame conjonctive du pou- - mon à ces inflammations infectieuses. C'est un fait constant, que les grands espaces conjonctifs sont en voie de prolifération et envahis par des cellules embryonnaires, dans ces pneumonies, tout comme dans la péripneumonie bovine. Nous croyons pouvoir rattacher cette modifica- tion à l’irritation des microbes, qui s'accumulent dans les lymphatiques placés autour des bronches, autour des vaisseaux et dans les grandes travées conjonctives du poumon. Ces microbes forment parfois de vrais thrombes dans les lymphatiques et amènent de la lymphangite et de la péri-lymphangite; le dessin ci-joint en donne une représentation saisis- sante. En résumé, il reste beaucoup à faire pour bien caractériser ces microbes pathogènes; et l’on sera toujours arrêté par les difficultés de reproduc- tion expérimentale, difficultés qui n’ont pas existé pour la tuberculose, cette autre broncho-pneumonie infectieuse. Mais en voyant ces nids de microbes, disposés dans les alvéoles inflammés, dès les premiers stades de l'inflammation; en les voyant logés dans les éléments cellulaires mêmes de l’exsudat et se prolonger vers les bronches, vers les voies d'in- troduction, on ne peut s’empêcher de leur donner le rôle principal dans la production de la maladie. D'autant plus que ces mêmes microbes ne se retrouvent ni dans la pneumonie fibrineuse ordinaire, ni dans la pneu- monie tuberculeuse, ni dans d’autres pneumonies secondaires, telles que la pneumonie typhoïde. Dès que ces agents pathogènes des pneumonies de l'enfance seront bien évidents aux yeux de toutle monde, il sera impossible de se déro- ber plus longtemps aux réformes qui s'imposent depuis des années dans l'aménagement de nos hôpitaux d’enfants. | Un ne peut continuer indéfiniment à laisser la population infantile de ces hôpitaux exposée aux dangers de contamination résultant d’un air vicié et imprégné de microbes. On ne peut continuer à rester indifférent devant les ravages que font la rougeole et la coqueluche dans les hôpitaux, alors que ces mêmes 620 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. maladies sont relativement bénignes en ville, dans un air plus pur, qui met à l’abri des broncho-pneumonies infectieuses. On conviendra aussi que les pavillons d'isolement installés depuis 4882, dans les hôpitaux d'enfants, ne sauraient réaliser une amélioration suffi- sante, puisque la mortalité y est encore de 5 sur 6, et que la broncho- pneumonie infectieuse s’y rencontre dans tous les cas mortelle. Le Gérant ::G. MassoN Paris. — Imprimerie G. RouciEr et Cie, rue Cassette, 1. 621 SÉANCE DU 24 OCTOBRE 1885 ALBERT ADAMKIEWICZ (de Cracovie) : les Corpuscules nerveux (note présentée par . M. R. Blanchard). — Dr Gezré : nouvel Otoscope. — H. Beauregarp : note sur le _ développement de l'Epicauta verticalis. — Ch. FéRÉ : Le mouvement considéré comme dynamogène; influence de sa direction; expression des émotions. — R. Dupors : Contribution à l’étude de la physiologie générale des anesthésiques. Présidence de M. Hanot. LES CORPUSGULES NERVEUX, par M. le professeur Albert ADAMKIEWICZ, de Cracovie. Note présentée par M. R. BLancrarD. Dans l’état actuel de nos connaissances, on s'accorde à considérer les fibres nerveuses à myéline et à double contour comme formées de trois parties histologiquement distinctes : le cylindre-axe, la gaine de myé- line et la gaine de Schwann; cette dernière porte des noyaux et est sub- divisée par les étranglements de Ranvier. à A l’aide de mon procédé de coloration par la safranine, procédé que J'ai fait connaitre à la Société, il y a un an (1), j'ai pu découvrir dans les tubes nerveux périphériques un élément morphologique jusqu'alors in- connu et sur lequel je désire appeler l'attention. Si on traite par la safranine des coupes transversales de troncs ner- veux durcis dans le liquide de Müller, on voit apparaître une triple colo- ration (2). Le tissu conjonctif périfasciculaire, la gaine lamelleuse et le (4) Alb. Adamkiewicz. — Note sur la coloration des’tissus du système nerveux central au moyen de la safranine. Comptes rendus des séances de la Soc. de biologie, p. 629, n° 39, 28 novembre 1884. (2). Sitzungsberichte der Wiener Akademie der Wissenschaften, LXXIX und XCI. BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 80 SÉRIE T. Il, n° 36, 622 : SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. tissu conjonctif intrafasciculaire ont leurs noyaux colorés en violet ; les noyaux de la gaine de Schwann ont la même teinte. Les manchons de myéline se présentent sous l’aspéct d’anneaux jaune clair , entourant le cylindre-axe incolore; si l’action de la safranine est très prolongée, ce dernier finit par se colorer également en violet. On reconnaît enfin, dans l'épaisseur des manchons de myéline, des éléments rouge-orangé, | dont la forme en croissant est des plus accusées. Leur étude m'a conduit aux résultats suivants : Sur une coupe transversale de nerf, chaque fibre nerveuse ne pré- sente pas un croissant. Cela démontre que ces éléments sont disposés le long des fibrilles nerveuses à de certains intervalles. C’est ce qu’on re- connait du reste aisément sur des coupes longitudinales ou sur des fibres nerveuses isolées par dissociation. La distance séparant deux éléments successifs est en moyenne de 0%°4; un filet nerveux long d'un mètre en renferme donc environ 2,500. Nous avons dit déjà que, sur une coupe transversale, ces corpuscules nerveux ont la forme d’un croissant; sur des coupes longitudinales, ils _ ont l’aspect d’un fuseau. Leur forme générale doit donc être celle d'une feuille ovale dont le grand axe serait incurvé; par leur cavité, ils se moulent sur le manchon de myéline. Ils sont plus épais en leur milieu que sur leurs bords; l'épaisseur (milieu du croissant) est en moyenne de 5 p, la largeur (distance des deux extrémités du croissant) de 15 g et la longueur de 30 &. Chaque corpuscule nerveux renferme en son milieu un noyau ellip- tique ; c'est: donc une véritable cellule. Ce noyau se distingue de ceux de la gaine de Schwann en ce qu'il n’est aucunement en rapport avec cette dernière; le noyau de la gaine de Schwann fait au contraire par- tie intégrante de celle-ci et ne peut en être séparé qu'aux dépens de son intégrité. De plus, le noyau des corpuscules nerveux a une forme ellip- tique, tandis que ceux de la gaine de Schwann sont ordinairement ar- rondis; enfin, il se colore avec moins d'intensité que ce dernier, dont la taille est notablement supérieure. En un mot, le corpuscule nerveux n’a aucun rapport avec la gaine de Schwann et est un élément de la gaine de myéline particulier et isolable. La facon dont il se comporte à l'égard de la safranine est particulières ment intéressante. Sous l'influence de cette matière colorante, il prend, une double coloration : les deux pôles, qui correspondent au sommet et à la base de la feuille, se colorent en rouge-orangé intense; la partie moyenne de la cellule, c’est-à-dire à peu près un tiers de celle-ci, prend une teinte violette pale et, au milieu de cette zone violette pâle, se voit le noyau ovale, un peu plus fortement coloré. Dans les cas où la partie moyenne du corpuscule nerveux est particulièrement pâle, il est fré- quent de ne voir que les deux pôles colorés en rouge-orangé intense et dans l'intervalle, mais séparé d'eux, le noyau violet. De semblables SÉANCE DU 24 OCTOBRE 623 ae 2 em préparations pourraient faire croire que le corpuscule nerveux est com- posé de trois parties absolument indépendantes les unes des autres. Je ne puis rien dire, quant à présent, de la signification des corpus- cules nerveux. Je me bornerai à faire remarquer que j'ai découvert dans la myéline de la substance blanche de la moelle épinière une sub- stance qui se colore également en rouge-orangé par la safranine et à la- quelle j'ai donné le nom de substance chromoleptique. (À continuer.) Nouvez oToscorz, par le D' GELté. Dans l'exploration de l’oreille par l’auscultation, on se sert d’un tube de caoutchouc léger, du calibre du méat, d'une longueur de 40 à 50 cen- timètres, muni à ses deux extrémités d'embouts légers et adhérents. Grâce à ces dispositions, l'instrument, qu’on nomme otoscope,. tient seul adapté aux, méats auditifs du sujet et de l'observateur. La conduction des sons est aussi excellente. : Cependant, dans l’auscultation de bruits aussi légers et fugaces que ceux que peut produire l'oreille, l'isolement des bruits extérieurs est fort dé- sirable et ne saurait jamais être trop parfait. L'opérateur augmente fort la sensation uni-auriculaire en fermant l'oreille libre, comme le recom- mande Politzer, ou en usant d’un otoscope à deux branches, une pour chaque oreille. Il se trouve ainsi séparé aussi bien que possible de l'air extérieur et des mille résonnances bruyantes d'une grande ville. — Cet isolement est un grand point pour éviter la fatigue à celui qui écoute et pour conserver au phénomène sonore intra-auriculaire observé toutes ses qualités et ses proportions véritables, et surtout pour éviter son absorp- tion dans le bruit général. Cependant une observation attentive montre combien il s’en faut que le tube de caoutchouc possède les qualités d'isoler qu’on lui demande. Je ne parlerai pas de la parole, qui est percue nettement quand les oreilles sont obturées hermétiquement par les tubes binauriculaires: mais je dois signaler la trop facile pénétration du son de la montre et surtout du dia- pason, même tenu à une distance de quelques centimètres de l’otoscope - mis en place. Or, à chaque instant, le médecin auriste écoute, au moyen de l’otoscope classique, la transmission du son de ces instruments à tra- vers les os de la tête, jusqu’au méat auditif : on concoit qu'ici l'isolement doit être aussi strict que possible pour éviter toute chance d’erreur. En effet, ce sont surtout des nuances d'intensité qu'il s’agit de cons- tater, par exemple, au deuxième temps de l'épreuve d’auscultation trans- auriculaire, quand au son faiblement transmis par la caisse rétrécie suc- cède un son clair et ample, après l’aération de celle-ci. ps 624 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE rue L'erreur et le dommage sont encore plus difficiles à éviter, surtout pour un observateur novice, quand on use du diapason posé tantôt sur la bosse | frontale, tantôt sur l’apophyse mastoïde du côté que l'on ausculte. En effet, bouchez bien hermétiquement le méat droit, puis tendez en face de vous l’otoscope ordinaire, également bouché à son bout libre et assujetti à votre oreille gauche, Approchez le diapason vibrant à 10 cen- timèêtres du tube, et le son passe aussitôt ; il passe encore, bien que très affaibli, et longtemps ce son apporté par l'air s’impose à l'observateur. Or, tout autre est le résultat de l’auscultation si, au tube de caoutchouc otoscopique ordinaire, on substitue l’otoscope suivant : Celui-ci est constitué, pour une partie, par un tube de caoutchouc comme le précédent, et s'adapte à l'oreille de l'observateur, comme lui ; elle est longue de 30 à 40 centimètres. Une deuxième partie, continue avec la première, est formée d’un tube de verre poli de même calibre, et d'une longueur de 40 à 12 centimètres, terminé par un embout de caout- chouc, qui s'adapte à l'oreille du patient. Cet instrument aussi simple une fois placé, reprenons l'expérience de tout à l’heure; promenons de la partie en caoutchouc vers le tube lisse de verre le diapason vibrant tenu à quelques centimètres à peine de dis- tance, et l'opposition entre les résultats apparaît aussitôt. Le son cesse de passer quand le diapason est en face du tube de verre; même si l’ins- trument vibre très fortement, la sensation est encore bien différente de celle assourdissante qu’on éprouve s’il passe en face du tube de caout- chouc. La surface polie du verre réfléchit une grande partie des ondes sonores aériennes, et la pénétration du son est ainsi évitée ou palliée. NOTE SUR LE DÉVELOPPEMENT DE L'EPICAUTA VERTICALIS par M. H. BEAUREGARD ‘J'ai fait connaître dans une précédente communication la 1"° larve de l'Epicauta verticalis. L'objet de la présente note est de montrer comment cette larve se nourrit et arrive à son développement complet. On sait que la plupart des insectes vésicants sont, dans les premières phases de leur évolution, parasites de certains hyménoptères et qu'ils. dévorent le miel qui était destiné aux larves de leurs hôtes. D'après les recherches de Riley, il semblerait que les Epicauta, fort nombreux en ‘espèces en Amérique, ont des mœurs très différentes. ‘Ils’ sont en effet parasites des nids d'une espèce d’Acridien(Calliptamus) dont ils mangent les œufs. Comme il -n’existe en Europe qu'une seule SÉANCE DU 24 OCTOBRE 625 espèce représentant le genre Epicauta (E. Verticalis), Ü m’a paru inté- ressant de savoir si cette espèce a les mêmes mœurs que les Epicauta américains. Bien qu’en France l’Epicauta verticalis soit peu abondant, j'ai pu cependant en avoir cet été quelques individus dont j'ai obtenu des pontes. Lorsque les œufs vinrent à éclore, je me mis donc en mesure de faire l'expérience que je m'étais proposée depuis longtemps. Des Criquets /ædipoda cœrulescens) que j'avais en cage m'ayant donné quelques pontes, je mis en présence les larves d'Epicauta et je pus cons- tater bientôt que celles-ci pénétraient dans les nids de l’Orthoptère et s’attaquaient activement aux œufs. J'ai pu obtenir de la sorte toutes les transformations de la jeune larve jusqu’à la forme hivernale connue sous le nom de pseudo-chrysalide. L'expérience est donc décisive ; l’Epicauta verticalis, comme les espèces américaines, vit à l’état jeune en parasite des nids de Criquets. J'ai tenté de nourrir quelques-unes de mes larves avec du miel, mais je n’ai pu y parvenir. Elle se laissent mourir de faim sur cette pâtée qui ne leur convient pas. Par contre, elles paraissent assez indifférentes relativement à l’espèce d’Orthoptère qui doit leur fournir ses œufs. J'ai obtenu en effet les diverses transformations de quelques-unes de mes larves, d’une part avec des œufs de Dectique, d’autre part avec des œufs d'Empuse. Dans ces deux cas, il est vrai, je devais intervenir journellement, soit pour ajouter une nouvelle provision d'œufs de Dectique, soit pour facili- ter à mes élèves leur attaque du nid de l'Emprise. En somme, la larve de l'Epicauta Verticalis se nourrit tout diféren ment de celle de la Cantharide. J'y vois une preuve en faveur de l’opinion qui tend à séparer ces deux genres au lieu de les réunir comme beaucoup d’entomologistes l'ont fait. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA PHYSIOLOGIE GÉNÉRALE DES ANESTHÉSIQUES par R. DuBois. On ne sait que très peu de choses sur le mode d'action des poisons et par conséquent des médicaments dans l'intimité de nos tissus. La mé- thode employée en physiologie générale permet cependant de les diviser en deux grands groupes : poisons généraux, poisons spéciaux. L’oxyde de carbone est un poison spécial, parce qu’il exerce son action sur une partie déterminée, chimiquement définie, d’un protoplasma que l’on ren- contre chez les vertébrés presque exclusivement, sur l'hémoglobine du, globule rouge. 626 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Un poison général, au contraire, atteint tous les protoplasmas indis- tinctement, qu'ils soient végétaux ou animaux. Les poisons généraux sont nombreux et l'on peut voir parfois s’exer- cer parallèlement à l'action du poison général une action spéciale, Un tel agent physiologique étudié dans la série des êtres vivants présente une « Constante », due à l’action toxique générale, et une « Variable », due à l’activité toxique spéciale. Il convient de donner le nom de « possons mixtes » à cette troisième espèce de toxiques. Les agents qui produisent avec le plus de netteté l’intoxication géné- rale sont. les liquides anesthésiques : l’éther, le chloroforme et d'autres: liquides neutres similaires, l’alcool, la benzine, le sulfure de carbone, etc. Nous avons démontré par un grand nombre d'expériences (Voir Bull. soc. Biol. 84-85) que les poisons généraux agissaient indistinctement sur tous les protoplasmas, soit végétaux, soit animaux, parce qu'ils s’adres- saient plus particulièrement à un élément fondamental que l’on retrouve partout où la vie se manifeste. Cet élément fondamental, c’est l’eau. L’eau joue Le rôle le plus important dans les métamorphoses des. col- loïdes artificiels. Ces composés singuliers sont, comme nos tissus vivants, dans un état d’instabilité constante. Ils tendent sans cesse à se séparer de l’eau qui leur donne la propriété colloïdale, pour retourner à l'état plus stable de cristalloïdes. Il est aussi impossible d’immobiliser les molécules des hydrates col- loïdaux qu’il serait superflu de chercher à fixer indéfiniment dans un état statique déterminé les molécules constituantes des protoplasma biogé- niques. Cette désagrégation moléculaire continue et spontané des hydrates col- loïdaux est très facile à observer dans certains tissus, comme ceux des méduses par exemple, qui subissent hors de l’eau et au sein même de cet élément une véritable déliquescence dès que les conditions favora- bles à leur activité vitale sont troublées. Bien qu’elle soit moins prononcée, cette déshydratation des tissus peut s’observer dans des parties brusquement arrachées à des êtres vivants d’une organisation supérieure et enfermées dans des tubes scellés, à l'abri des germes figurés. On peut ainsi démontrer qu’en dehors de l’action des germes, les ma- tières colloïdales qui forment la base de nos tissus soit à l’état physiolo- gique, soit à l’état pathologique, peuvent éprouver des altérations pro- fondes en raison d’une foule de causes physiques et chimiques susceptibles d'augmenter l’état d’instabilité des colloïdes, en diminuant leur affinité par l’eau. Les vapeurs des liquides anesthésiques agissent principalement sur le seul fluide qui mérite le nom d’humeur, sur l’eau, qui entre pour les quatre cinquièmes dans la composition de nos tissus. Ces liquides se substituent moléculairement à l’eau qui est chassée des SÉANCE DU 24 OCTOBRE | 627 combinaisons qu'elle forme dans les protoplasmas vivants qui se com- portent sous plus d’un rapport comme de véritables hydrates. Cette déshydratation des tissus végétaux ou animaux a été rendue évi- dente par diverses expériences sur lesquelles il n’est pas nécessaire de revenir 1c1. Rappelons seulement que, sous l'influence des vapeurs de liqueurs anes- thésiques neutres telles que le sulfure de carbone, la benzine, le chloro- forme, l’éther, etc., l'eau des parenchymes peu vasculaires de certaines plantes telles que les échévéria et toutes les crassulacées, s'échappe au dehors, chassée par les agents qui, en se substituant à l'eau, altèrent profondément la constitution et le mode de fonctionnement des proto- plasmas (1). Ce qu'il y a de plus remarquable dans cette déshydratation, c'est qu’elle est d'autant plus rapide, d’autant plus intense que le pouvoir anesthésique est plus considérable. L'action déshydratante est plus lente avec l'éther qu'avec le chloroforme ; il faut moins de chloroforme que d’éther pour chasser des tissus une quantité d’eau donnée. C'est à ces déplacements de l’eau dans les protoplasmas par les vapeurs anesthé- siques qu’il convient, selon nous, d'attribuer les changements de position et la perte du mouvement que l'on observe chez les sensitives anesthésiées par les vapeurs de ces liquides neutres. L'action déshydratante des vapeurs de liquides anesthésiques est si intimement liée à leur activité propre, que nous n’hésitons pas à en faire la cause principale des effets qu'ils déterminent sur les organismes vivants. Cela étant posé, tout agent susceptible de déterminer l’anesthésie de- vrait agir de la même manière, tous les anesthésiques devraient être des déshydratants du protoplasma. L'expérience démontre le contraire. Le mélange anesthésique, si remarquable dans ses effets, du protoxyde d'azote et d'oxygène administré sous pression d’après la méthode du professeur Paul Bert, n’a pas le pouvoir de déshydrater les protoplasma comme les vapeurs des liquides dont nous avons parlé. Si l’on place, ainsi que nous l’avons dit dans une précédente commu- nication, dans un mélange formé de quatre parties de protoxyde d'azote et de une partie d'oxygène, les crassulacées, qui sont un véritable réactif physiologique du chloroforme et des liquides similaires, on n'observe aucun effet de déshydratation alors même que la pression est portée à 6 ou 7 atmospheres, c’est-à-dire bien au delà des limites dans les- quelles l'anesthésie peut être obtenue pour les animaux vertébrés. La constatation de ce fait expérimental nous avait permis de prédire que le mélange anesthésique du protoxyde d'azote et d'oxygène serait impuis- (4) Le phénomène est le même dans les plantes très vasculaires, mais l’eau s'échappe dans les trachées et les lacunes. / 628 . SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE sant à anesthésier les sensitives. L’exactitude de nos prévisions a’été plei- nement établie. Ayantsoumis, dansun appareil convenable, dejeunessensitives, à l’action du mélange de protoxyde d’azote et d'oxygène, à des pressions parfois très élevées (6 à 7 atmosphères), non seulement nous avons pu constater qu'elles ne s’endormaient pas, mais encore que leur sensibilité restait absolument intacte. Après plusieurs heures de séjour dans de semblables conditions, elles se comportaient comme à l’étal normal. On peut conclure de ces faits que le protoxyde d’azote agit par un mé- canisme tout différent de celui qui est propre au chloroforme, à l’éther et à ses succédanés physiologiques, et qu'il doit être placé parmi les poisons spéciaux et non parmi les poisons généraux. On trouvera une nouvelle preuve de l’exactitude de cette manière de voir dans ce fait que les invertébrés ne se comportent pas dans le mé- lange anesthésique du protoxyde d’azote et d'oxygène de M. le profes- seur Paul Bert comme les vertébrés d’une organisation élevée. Ayant eu dans le cours d’autres recherches l’occasion de soumettre des insectes, des coléoptères lumineux, à l’action de ce mélange à des pressions bien supérieures à celles qui sont nécessaires pour obtenir l’anesthésie chez les animaux à sang chaud, je n’ai pu observer aucun effet comparable. Il est certain que le protoxyde d’azote s'adresse, non pas comme les anesthésiques généraux, à une propriété fondamentale commune à tous les êtres vivants, mais à un élément particulier à certains organismes. Ces expériences montrent tout le parti qu'on peut tirer de la physio- logie générale pour l'étude du mode d'action intime des poisons chez les organismes vivants. Le Gérant : G. Masson. aris, — Imprimerie G. ROUGIER et Cie, rue Cassette, L 629 SÉANCE DU 31 OCTOBRE 1885 Cu. FÉRÉ : le mouvement considéré comme dynamogène; influence de sa direction; expression des émotions. — Dupuy : Altération des sens et du mouvement après lésion des circonvolutions chez le singe. — MM. FarGin et Assaxi : recherches expé- rimentales sur la greffe tendineuse et sur la régénération des tendons. — M. MA- LASSEZ : sur la pathogénie des kystes dits folliculaires des mächoires. — R Düsors : application de la méthode graphique à l'étude des modifications imprimées à la marche par les lésions nerveuses expérimentales chez les insectes, — L. LAULANIÉ : sur les procédés de la régression des follicules ovariens chez quelques femelles de mammifères. — Hennecuyx et Vicnaz : sur quelques modifications apportées au Microtome à bascule de la Société des instruments scientifiques de Cambridge. — M. S. ARLOING : dissociation ou association nouvelle des mouvements instinctifs sous l'influence de la volonté; contribution à la dénomination de la nature des actes instinctifs. Présidence de M. Hanot. LE MOUVEMENT CONSIDÉRÉ COMME DYNAMOGÉNE; — INFLUENCE DE SA DIRECTION. — EXPRESSION DES ÉMOTIONS, par CH. FÉRE. (Cominunication de la séance précédente) J'ai déjà eu occasion d’insister sur ce fait que la vue d'un mouvement détermine, chez certains sujets du moins, la nécessité de le reproduire et que l’idée du mouvement c'est déjà le mouvement qui commence, et on peut constater la réalité du phénomène en mesurant l'augmentation de force musculaire. On comprend ainsi comment l'attention peut exagérer la puissance du mouvement. D'autre part, j'ai montré que l'intensité des réactions aux sensations de l’ouie et de la vue au moins peut être mis en rapport avec le nombre et l'amplitude des vibralions de l'air ou de l’éther, c'est-à-dire avec l'énergie d’un mouvement imiüal qui provoque la sensa- ton. J'ai réalisé une expérience qui met en lumière, je crois, l’action dyna- inogène du mouvement en général. Sur un sujet qui est sensible à l’action dynamogène des couleurs el chez‘lequel on provoque très facilement le phénomène de l'induction psycho-motrice, j'ai opéré ainsi qu'il suit : J'ai disposé des disques de carton, de différentes couleurs, rouge, vert, bleu, jaune, sur une sorte de roue de rouet, dont on se sert ordinairement pour mettre en mouvement les disques avec lesquels on expérimente le mélange des couleurs. Je prie le sujet de fixer avec attention chacun des disques immobiles, et je BIOLOGIE, COMPTES RENDUS. — 8€ SÉRIE : TNT ENSESNE 630 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE e prends comme précédemment la force dynamométrique sous l’influence des diverses couleurs : j'obtiens ainsi des résultats tout à fait semblables à ceux que j'ai déjà signalés. Puis je mets successivement chaque disque en mouvement et, répétant chaque fois l'exploration dynamométrique, je constate que pour toutes les couleurs il y a une augmentation en rapport avec la rapidité du mouvement. Cette augmentation varie de 3 à 5, à 8 pour chaque couleur dans des conditions que j'essayerai d'indiquer tout à l'heure; mais auparavant, je désire rappeler un point d'historique : Depuis près de dix ans, Gaëtan Delaunay, qui vient de mourir, poursui- vait une étude physiologique qui n’a pas abouti à une démonstration évi- dente parce que ses procédés de recherche étaient défectueux; il s'est servi à peu près exclusivement de la méthode statistique et les observations qu'il réunissait n'avaient pas pour la plupart été faites par des personnes compétentes; mais il n’en est pas moins vrai qu'il a pressenti avec une intensité remarquable que la direction des mouvements avait une valeur physiologique, et il a cherché à établir que la direction de certains mou- vements à droite ou à gauche était en rapport avec le degré d'évolution. Il à fait à ce sujet un certain nombre de communications à la Société, et je n'ai pas à y insister davantage. D'autre part, un mathématicien, M. Ch. Henry (1), se basant sur des considérations théoriques que je ne suis pas en mesure de suivre, fait jouer un rôle prépondérant à la direction dans l'esthétique. Mais la démonstration d’une théorie scientifique de l'esthétique est subordonnée à la constatation des effets physiologiques des sensations soi-disant agréables ou soi-disant désagréables. Et pour bien comprendre la valeur de la direction du mouvement, il fallait que le rôle physiologique du mouvement fût préalablement éta- bli. Mes précédentes recherches sur l'action dynamogène des excita- tions sensitives et sensorielles établissent nettement cette action des vibrations et du mouvement en général. Quoi qu'il en soit, la direction du mouvement a-t-elle une action phy- siologique ? C'est précisément cette action que démontrent peut-être les différences que je signalais tout à l'heure, entre les résultats de l'exploration dyna- mométrique sous l'influence de la sensation visuelle d'un cercle coloré en mouvement de rotation sur son axe. La différence paraît tenir à ce que la rotation allait tantôt de droite à gauche, tantôt de gauche à droite. Une première série d'expériences donne des résultats à peu près constants, quel que soit l'ordre dans lequel soient faites les explorations dynamo- métriques, c’est-à-dire que l'on commence par un mouvement ou par un autre, ou par la simple sensation colorée du disque immobile. Ces expé- (4) Ch. Henry. — Introduction à une esthétique scientifique (Revue contem- poraine, 25 août 1885); SÉANCE DU 931 OCTOBRE 631 riences ont été faites à jours. différents, mais ont donné des résullats assez concordants et qui donnent en moyenne : IMMOBILE EN ROTATION de droite à gauche de gauche à droite. Disque vert : 21 33 37 Disque: bleu : 25 27 33 Disque jaune : 29 25 29 Disque rouge : 42 AT 48 Si on s’en rapportait à ces chiffres, la question serait tranchée : pour le sujet en expérience, la direction de gauche à droite serait plus tonique et par conséquent plus agréable inconsciemment. Mais dans une autre série d'expériences où j'ai voulu inscrire le résultat avec le dynamo- sraphe, la différence encore existante sur la plupart des tracés est beau- coup moins évidente. Il convient donc de conserver encore une certaine réserve surAa valeur aynamogène de la direction du mouvement. Mais en ce qui concerne le mouvement lui-même, toutes les expériences sont concordantes, et les tracés montrent d'une facon on ne peut plus nette l'ascension de la courbe sous l'influence de la rotation du disque coloré ; la différence de hauteur peut être d’un quart ou d’un tiers, elle est par conséquent grossière. Ces faits montrent que le mouvement exagère l'intensité de la sensa- tion. Si le mouvement et les rayons colorés sont capables de déterminer des effets qui s’additionnent, c’est qu'ils ne différent pas essentiellement par leur nature. Les expériences qui précèdent peuvent donc étre citées à l'appui de la théorie mécanique de la lumière et des sensations colorées. Ajoutons encore que, chez certaines hystériques, on peut pro- voquer la perception d'üne couleur qui n'a jamais été distinguée, en la mettant en présence d'un disque de cette couleur en rotalion rapide. Cette action dynamogène du mouvement donne l'explication d'un certain nombre de faits que l’on comprend mal sans cette notion. Le goût des jeux de force et d'adresse, d'agilité (lutte, course, combats de betes, etc.) n’a pas d'autre raison. On aime Île mouvement sous toutes ses formes et sa représentation à dans les arts la plus grande importance au point de vue de l'esthétique. En faisant intervenir la connaissance de ce fait que tout sentiment de plaisir réside dans une sensation de puis- sance, on peut comprendre le mécanisme de l'action psychique, des dif- férentes excitations que nous avons eu à étudier précédemment. Il faut noter d'ailleurs que, chez le sujet en expérience, la fixation du disque coloré et la mise en mouvement de ce disque s’accompagnent d’une modification de l'expression faciale qui finit par prendre une expres- sion de satisfaction des plus nettes lorsqu'il s’agit des couleurs les plus excitantes. Cette remarque, qui peut être faite à propos de toutes les autres excitations sensorielles ou sensitives, concorde avec l’ensemble 632 SOCIÉTÉ DE BIULOGIE des résultats énoncés précédemment, à savoir que toute excitation déter- mine non pas seulement la tension d'un muscle ou d’un groupe de muscles, mais une érection générale de l'organisme tout entier. Et c'est justement à cette érection qui s'accompagne d'une augmentation de la tonicité de tous muscles qu'est due l'expression de satisfaction ou de plaisir qui se traduit non seulement par l'expression faciale, mais encore par l'attitude du corps, où domine l'extension; tandis qu’à l’état inverse, la dépression, on observe un relâchement musculaire général, qui se traduit dans les membres et le tronc par la prédominance de la flexion et dans la face par la flaccidité des mêmes muscles, d'où ul résulte que les chairs semblent s’abandonner aux lois de la pesanteur. La corrélation de cette érection générale avec le sentiment de plaisir avait été pressentie par Gratiolet, qui s'exprime ainsi : « Quand un plei- sir s'éveille, à propos d’une sensation quelconque, l'organisme entier chante sur divers (ons un hymne de satisfaction et de joie (1). » Si sous l'influence du plaisir ou de la douleur certains muscles paraissent se contracter d'une manière plus évidente, ce peut être en raison de leur prédominance fonctionnelle, de certaines habitudes acquises; mais ce qui domine, c'est la tension générale dans les émotions excitantes, et le relâchement général, dans les émotions dépressives. Il faut recon- naître d'ailleurs que Duchenne de Boulogne lui-même a dû signaler des faits contradictoires à sa prétendue localisation exclusive (2). Quand on à constaté méthodiquement, et par divers procédés, des modifications dynamiques des muscles des membres et même des muscles viscéraux sous l'influence des sensations dites agréables, 1l devient impossible de soutenir que la satisfaction se traduit exclusive- ment par la contraction du grand zygomatique :et de lorbiculaire des paupières, etc. ALTÉRATION DES SENS ET DU MOUVEMENT APRÈS LÉSION DES CIRCONVOLUTIONS CHEZ LE SINGE, par M. Dupuy. J'ai mis à nu l'hémisphère gauche du cerveau d'un singe de facon à exposer toutes les circonvolutions comprises entre une ligne partant du sillon frontal inférieur et allant jusqu'au bout du sillon occipital et la ligne médiane interhémisphérique : de sorte qu'après m'être assuré à l’aide d’un faible courant faradique de la localisation des centres soi- (4) P. Gratiolet. — De la physionomie el des mouvements d'expression, 1869, Hetzel, p. 30. 2) Duchenne (de Boulogne). — Mécanisme de la physionomie humaine, 2° éd. 1876, p. 18 et suiv. y | SÉANCE DU 91 OCTOBRE 633 disant psychomoteurs du bras, de la jambe, etc., et aussi du siège du sens de la vue d'après Ferrier dans le gyrus angulaire, j'ai détruit avec beaucoup de soin à l’aide du fer rouge toute la surface exposée. Etaïent respectées de la sorte les seules parties inférieures des circonvelutions au-dessous du niveau de ligne de la section cranienne inférieure. Les points des circonvolutions qui gouvernent les différents mouvements de l’avant-bras, de la main et des doigts étaient donc respectés. Lorsque l'animal fut revenu des effets de l’éther dont une très petite quantité avait suffi pour l’anesthésier, J'ai pu constater dès lors et jus- qu’au jour de sa mort, arrivé six jours plus tard : qu'il avait une parésie du bras droit qu'il tenait contre sa poitrine, mais qui, à aucune époque, n'était en état de résolution; sa jambe postérieure droite n'était pas para- lysée du mouvement, mais se mouvait peut-être plus lentement qu'aupa- ravant. Il y avait un trouble de la vue, quoique les yeux ne présentassent aucun signe extérieur d'altération, qui se caractérisait par l'impossibilité de distinguer les objets en dedans d'un cerele de douze à quatorze centi- mètres de rayon. Il voyait et appréhendait d’une facon naturelle Les grains de raisin qu'on lui présentait. Mais lorsque ceux-ci tombaient à côté de lui ou lui étaient présentés en dedans du cercle de douze centimètres de rayon, il les cherchait et ne les appréhendait que par hasard. Lorsqu'on l’aidait à l’aide d’une baguette en poussant l’objet cherché petit à petit jusqu’en dehors du cerele où sa vue commencait effectivement, il saisissait l’objet très rapidement. Il paraissait ne faire aucune attention aux bruits légers, mais un coup de sifflet ou le tintement d’une sonnette électrique le mettait dans un état d’agitation. La sensibilité tactile et à la douleur semblait disparue du côté droit du corps et notablement affaiblie ou plutôt considérable- ment retardée au côté gauche. Je m'en suis assuré par les moyens ordi- nairement employés. Le sens musculaire était aboli à droite et altéré à gauche. Jai pu durant plusieurs jours m'assurer que cet animal n'était pas aveugle, mais que la fonction visuelle était altérée des deux côtés, de la facon que j'ai dite plus haut; à l’autopsie, j'ai pu vérifier que la lésion ne concernait que les parties supérieures de l'hémisphère gauche, et lais- sait indemnes les soi-disant centres des mouvements si divers, reconnus par Ferrier et tout le monde, de l’avant-bras et de la main. Cependant cet animal ne se servait pas de son bras ni de sa main où il nv avait ni force pour tenir ni sens musculaire, ni sensibilité. Le trouble de la vue m'a paru surtout intéressant, et je rapporterai plus tard à la Société les résul- tats d’autres expériences que je poursuis en ce moment, 631: SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE RECHERCHES EXPÉRIMENTALES : 1° SUR LA GREFFE TENDINEUSE ET 2° SUR LA RÉGÉNÉRATION DES TENDONS, par MM. Farain, docteur en médecine, et Assakr, préparateur de médecine opératoire de la Faculté. A. — Dans la première partie de nos recherches, nous nous sommes servis de la méthode des transplantations animales telle qu'elle a été com- prise et préconisée par M. Paul Bert. Nos autres expériences ont trait à la reproduction des tendons en dehors de la greffe animale. I. Dans une première série d'expériences, nous avons mis en pratique la méthode des transplantations entre animaux de même espèce. Voici comment nous avons procédé : Après avoir mis à nu et isolé le tendon d'Achille, nous enlevions par deux sections transversales 2 à 2 1/2 centimètres de ce tendon; cette exci- sion était pratiquée de facon à laisser un petit fragment du tendon adhé- rent au calcanéum et une autre portion attenant au muscle. La rétraction museulaire consécutive à la section du tendon mettait entre les deux bouts une distance d'environ 3 centimètres. On prenait sur un autre animal 3 centimètres du tendon d'Achille, et, après avoir exactement affronté les surfaces de section, nous les réunis- sions au moyen de quelques points de suture faits au moyen de fins fils de cat-gut phéniqués. Puis nous suturions la peau ; la plaie était enduite de plusieurs couches de collodion phéniqué. Ces expériences ont été faites sur quatre lapins (lapin à lapin) el sur un cobaye (cobaye à cobaye). Les lapins ont été sacrifiés, Le 86, le 15°, Le 32°, le 100° jour; le cobaye, Le 130° jour. Dans trois cas, la greffe avait pris par première intention. Dansun cas, la portion transplantée est trop courte et un espace de deux à trois milli- mètres sépare l'extrémité supérieure de la greffe du tendon sectionné. Cet espace traversé par les fils de cat-gut est comblé par un pont de for- mation nouvelle. Dans un autre cas, l'affrontement est mal fait, lextrémité supérieure de la greffe tendineuse ne se trouve pas dans l'axe du tendon sectionné, elle est un peu déviée en avant. La continuité est rétablie et le point de réunion n’est marqué que par un léger renfle- ment. Les animaux sur lesquels la greffe avait pris par première intention possédaient un tendon du côté opéré un peu plus long de 8%? à 1 ceni., el un plus épais (2 millimètres en moyenne) que celui du côté sain. L’aug- mentation de longueur tient à la rétraction musculaire cousécutive à la tenotomie, rétraction qui variait dans nos expériences, entre 1/2 et A cent. ; l'augmentation d'épaisseur à la richesse particulière en vaisseaux et en tissu conjonctif qu'acquièrent les tendons transplantés. Ces expériences, dont quelques-unes, on le voit, ont été faites dans des conditions qui n’ont pas permis la réunion immédiate des bouts mis en SÉANCE DU 931 OCTOBRE 635 présence, viennent à l'appui des faits que M. Paul Bert nous a fait connaître sur les propriétés de nutrition des éléments correctifs. II. Nous avons cherché à étendre nos expériences à des animaux n'ap- partenant point à la même espèce. Les transplantations ont été faites de mammifère à mammifère, de mouton à lapin, de lapin à chien, de chien à lapin. Nous avons mis en usage le même procédé opératoire en nous entourant de toutes les précautions antiseptiques. La longueur du tendon d'Achille réséqué variait entre 2 et 2 centimètres 1/2; la greffe entre 2 1/2 et 3 centimètres. Un lapin auquel on avait inséré du tendon de mouton, 20 minutes après son incision, tendon qu’on avait conservé dans du sang de mouton, fut sacrifié le huitième jour. Les plaies tendineuses sont réunies par première intention. Le tendon est nacré et n'a point contracté d'adhérences avec les parties voisines. Un autre lapin auquel on avait greflé une portion de tendon provenant d’un mouton (tendon d'Achille) est sacrifié le quarante- neuvième jour ; on remarque un léger épaississement de la gaine péri- tendineuse qui est aussi un peu plus vasculaire que d'ordinaire; après l'avoir incisée, on tombe sur un tendon d'aspect normal. Un autre lapin auquel on avait transplanté un fragment du tendon d'Achille d’un chien est sacrifié le quatre-vingt-huitième jour. À l'œil nu, la continuité des fibres tendineuses parait entièrement rétablie, il n'existe pas de ligne de démarcation entre les différents segments. Enfin nous avons greffé à un chien une portion de tendon provenant d'un lapin. Ce chien arrache, le troisième jour après l'opération, les fils métalliques qui réunissaient la plaie cutanée ; celle-ci s’entr'ouvre et la surface du tendon greffé bourgeonne; la réunion de la plaie se fait par deuxième intention et le tendon adhère à la peau. On voit sur la pièce conservée que si la portion du tendon d'Achille qui correspond à la greffe est plus épaisse et moins brillante que les parties voisines, on n’en trouve pas moins en faisant une coupe longitudinale qu'au-dessous de cette surface cicatricielle existent de vraies fibres tendineuses. La transplantation de mammifère à mammifère peut done être obtenue. Toutes les fois que la plaie évolue d’une facon normale, les surfaces tendineuses mises en contact se réunissent d’une facon immédiate ; le tendon, tout en devenant un peu plus vasculaire et un peu plus riche en éléments conjonctifs non différenciés, conserve son indépendance et sa mobilité. Lorsque la plaie cutanée suppure, le tendon adhère à la peau, mais sa face profonde reste libre et Les points où la soudure tendineuse a lieu ne cèdent point. IX, Dans une troisième série d'expériences, nous avons cherché si, en franchissant de plus grands intervalles zoologiques, nous obtiendrions encore la greffe des tendons transplantés. Ces transplantalions ont été faites de canard à lapin, de poulet à 636 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE — à lapin, de lapin à poulet, de dindon à lapin. Nous avons opéré comme dans les expériences précédentes. Toutes nos greffes ont réussi; les animaux que l'on tenait en observation depuis le jour de l'opération jusqu'au moment où on les lLuait n’ont jamais eu d’inflammation ni de suppuration locale; le tendon libre roulsit sous la peau. On enlève à un canard trois cent. des tendons fléchisseurs de la patte, on les lie aux deux bouts en un seul faisceau au moyen d’un fil de cat- gut et on greffe ce faisceau tendineux à un lapin. Le lapin est sacrifié le 42° jour; les tendons transplantés sont soudés par leurs deux bouts au tendon du lapin; ils sont entourés par une gaine de tissu conjonctif lâche qui envoie des prolongements inter-tendineux de facon à réunir le tout en une seule masse ; mais les tendons n’ont point perdu leur indi- vidualité et on reconnaît facilement leur substance nacrée, striée en long et d’une résistance très supérieure à celle du milieu qui les entoure. On transplante de la même manière trois cent. des tendons fléchis- seurs d’un poulet à un lapin. L'animal est sacrifié le 49° jour et l’on trouve les mêmes dispositions anatomiques que dans l'expérience pré- cédente. Dans une autre expérience, on remplace une partie des tendons flé- chisseurs de la patte d’un poulet, pris en masse, par trois cent. du tendon d'Achille d’un lapin. Le processus de réparation suit la marche normale ; bien qu'il boite, le poulet se sert pendant toute cette période de cicatri- sation de son membre opéré; plus tard, le poulet ne boite plus, maïs sa dé- marche est particulière, « il talonne » du côté opéré. Le 49° jour, il est sacrifié et l’on voit sur la pièce conservée, aux deux bouts du tendon du lapin, un bouquet de tendons libres étroitement unis au précédent. Enfin nous.avons greffé quatre tendons provenant des fléchisseurs de la patte d'un dindon de deux mois à un lapin. On voit sur la pièce anatomique que les choses se sont passées ici comme pour les tendons du poulet; seulement, la greffe était un peu plus longue que de coutume; aussi le tendon d'Achille du lapin mesure du côté opéré six cent. alors que du côté sain il est long de # cent. On observe d’ailleurs la légère augmentation de volume que nous avons déjà signalée : ce tendon mesure 5 millimètres de large, tandis que le tendon sain n’en mesure que 3 1/2. Seulement, les quatre tendons juxtaposés et réunis par une gaugue conjonctive présentent un volume total moindre que le tendon exeité: la greffe mesure en effet 2 millimètres d'épaisseur antéro-postérieure, alors que le tendon sain était épais de 2 1/2 millimètres. En somme, dans toutes nos expériences la réunion primitive a eu lieu malgré la différence des places qu'occupaient nos animaux dans l’échelle zoologique, et nous croyons que si, avant nous, des expérimentateurs émi- nents ont échoué dans ces tentatives, nous devons attribuer nos succès aux progrès qu'a faits la pratique chirurgicale dans ces dernières années, SÉANCE DU, 31 OCTOBRE 631 aux substances aseptiqnes dont nous nous sommes servis et aux pré- cautions antiseptiques minutieuses dont nous nous sommes entourés. Nous pensons que ces faits sont de nature à encourager les chirurgiens à recourir à la greffe animale dans les cas où, chez l’homme, la suture tendineuse simple est impossible. [n’est pas douteux qu'on aura d'autant plus de chances de succès que l’animalauquelon empruntera un fragment de tissu se rapprochera aussi davantage par son organisation de celle de l’homme. Dans nos expériences, les parties transplantées ne dépassaient pas, il est vrai, 3 centim. Mais ces dimensions nous ont été imposées par le volume des parties sur lesquelles nous opérions. Il est infiniment pro- bable que si un lapin est capable de fournir les matériaux nécessaires à l'entretien de la vie d’une greffe de trois cent., un être dont l’organisation comporte des organes plus volumineux sera également à même de nourrir et de s'approprier un fragment de tendon beaucoup plus long. B. — RÉGÉNÉRATION DES TENDONS Glück a tenté de remplacer chez l'homme une portion de tendon absente par une tresse de catgut. Nous avons cherché à nous rendre compte des effets de cette substitution, en la comparant surtout aux cas où on laisse la réparation aux seuls soins de la nature. Des trois expériences que nous avons faites sur le lapin, nous n’en citerons qu'une dans laquelle l'examen histologique a été fait. : Nous avons interposé aux deux bouts du tendon d'Achille sectionné 4 fils de catgut n° 6 réunis en tresse, et fixés par des points de suture aux bouts sectionnés; la plaie se comporte bien, on sent sous la peau un cordon qui dans les premiers temps est d’une consistance assez ferme et qui devient par la suite dur et mobile sous la peau. CEpendent le lapin traine un peu la patte, et le jour où il est sacrifiée, il s'en sert moins faci- lement que de la patte saine. On le tue ie 49° jour; point d’adhé- rences à la peau, ni aux parties profondes. Tendon de nouvelle forma- tion d'aspect extérieur plutôt fibreux que tendineux, sillonné de vaisseaux nombreux à direction longitudinale. Longueur totale, 7 cent. (côté sain, 4 cent.); largeur, 5 millim. {côté sain, 2 mil. 1/2); épaisseur, 2 millim. (côté sain, 3 millim.) Le tendon dont les vaisseaux ont été préalablement injectés à la géla- tine chargée de bleu soluble est fixé tendu sur une baguette de bois et plongé dans alcool absolu; puis on le traite pole gomme et l'alcool, et — on le colore au picro-carmin. 63 SOCIÉTÉ DE. BIOLOGIE ——_————— 0 Sur les coupes transversales, nous relevons les points principaux suivants : La gaine connective péritendineuse est remarquable par son épaisseur et sa vascularité; elle contient à droite et à gauche du tendon aplati une artériole flanquée de deux veines volumineuses. Les cloisons qu'elle envoie entre les faisceaux tendineux sont larges et très riches en ramifications vasculaires volumineuses. Le milieu de la préparation contient deux gros faisceaux tendineux tranchant par leur teinte jaunâtre sur les cloisons connectives rouges. Des lames conjonctives épaissies chargées de capillaires pénètrent dans ces faisceaux et tendent à le subdiviser en faisceaux secondaires. Les faisceaux tendineux eux-mêmes sont parsemés des figures stellaires que Virchow considérait comme des cellules plasmatiques et qu’on sait repré- senter, depuis les recherches de M. Ranvier, de petits espaces interfasci- culaires. Sur les préparations traitées par la glycérine formiquée, ces cloisons deviennent bien plus apparentes et on peut constater qu’elles sont bien plus volumineuses et plus nombreuses, qu'elles contiennent un noyau bien plus volumineux que les tendons de lapin normaux. Sur certaines préparations où les faisceaux ont subi un écartement : artificiel, on voit parfois renversée entre les faisceaux une cellule d’as-. pect épithélial à gros noyau. A côté de ces deux faisceaux tendineux centraux viennent se ranger d’autres plus petits faisceaux qui, sur la coupe, se montrent sous la forme de petits ilôts irréguliers les uns aplatis, les autres plus ou moins arrondis et qu'entoure un cercle rouge épais troué d’orifices vascu- laires. Sur les coupes longitudinales, les faisceaux tendineux sont séparés par des lignes colorées de dimensions variables au niveau desquelles on voit surgir de gros capillaires courbes qui contournent les faisceaux. Dans l'in- tervalle des faisceaux se voient des corpuscules allongés parallèles aux fibres et que le carmin a mieux colorées, du moins à leur partie centrale. Lorsque la coupe est très mince et que le hasard de la préparation a amené une dissociation des fibres, on constate qu'elles sont rectilignes, très fines et manifestement tendineuses; sur ces mêmes préparations, nous avons trouvé des cellules tendineuses vraies, rectangulaires, à pro- longements sous forme de crêtes, à noyau un peu latéral, logeant encore dans leur concavité quelques fibres tendineuses dissociées. Ces cellules tendineuses à crête saillante dont MM. Renaut et Ranvier nous ont montré la signification montrent bien que, dans les parties où il existe à propre- ment parler du tissu tendineux, la régénération a été complète. En comparant cette observation à une autre expérience où après résec- tion (45 millim.) du tendon on referma simplement la plaie et dans laquelle le lapin fut sacrifié 109 Jours après lopération, nous avons pu nous assurer que dans ce dernier cas : 1° la longueur du tendon régénéré SÉANCE DU 31 OCTOBRE 639 mesurait 7 centim., tandis que celui du côté sain était de 4 cent. 1/2; 2° le tendon régénéré est représenté par un cordon filiforme large et épais de 2 millim. se continuant à sesextrémités avecle bourgeon central et le bour- geon périphérique de l’ancien tendon; 3° l'examen histologique montre bien la présence dans les parties centrales de faisceaux tendineux, mais ceux-ci sont exigus et séparés par une grande masse de tissu conjonetif assez vasculaire. S'il est permis de tirer une conclusion de ces deux seuls faits, nous voyons que la régénération du tendon est plus rapide lorsqu'au lieu de laisser à la nature le soin de réunir les bouts sectionnés, on cherche par un moyen d'union quelconque à rapprocher les surfaces de section, à diminuer l’écartement qui résulte du retrait élastique et tonique du mus- cle libéré et de l’écartement sans doute plus considérable qui doit surve- nir lors des premières contractions: ces fils servent peut-être en outre à diriger le travail réparateur. Mais les bénéfices que l’on peut tirer de cette intervention chirurgicale seront, croyons nous, toujours inférieurs aux avantages d’une grefle animale qui donne en quelques jours un tendon normal. SUR LA PATHOGÉNIE DES KYSTES DITS FOLLICULAIRES DES MACHOIRES, par M. MALASSsEz. { On a réuni sous le nom de kystes folliculaires des mâchoires trois sortes de kystes d'aspect assez différent : 1° ceux contenant des dents à peu près complètement développées, lesquelles font saillie à l'intérieur de la cavité : ce sont les kystes dentaires proprement dits ou kystes dentifères ; 2° ceux ne renfermant que des fragments de tissu dentaire, lesquels sont situés en dehors de la cavité kystique : kystes de la période odontoplastique (Broca); 3° ceux enfin qui ne présentent aucune trace de tissu dentaire : kystes uniloculaires, kystes de la période embryoplastique (Broca). On connait la très ingénieuse théorie pathogénique de Broca (1). Les kystes dentifères se seraient développés dans l'organe de l’émail une fois la couronne dentaire complètement formée: les kystes odontoplasti- ques, pendant que la dent était en voie de formation; les kystes em- bryoplastiques, avant que tout travail dentaire soit commencé. Cette théorie, si séduisante au premier abord, explique malheureu- sement fort mal un certain nombre de faits, elle est même en contradic- lion avec beaucoup d’entre eux; tels sont, par exemple, les cas sembla- (41) Brocu. Traité des Tumeurs, 1869, f. II, note p. 35. 640 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE bles à celui de Rémy-Duret (1) dans lesquels la dent se trouve séparée de la cavité kystique par une couche de tissu conjonctif; tels sont encore d’une facon générale tous les kystes odontoplastiques dans lesquels, au dire de Broca lui-même, les fragments dentaires se trouvent toujours en dehors de la cavité. Or, avec la théorie folliculaire, les dents ou frag- ments de dents devraient toujours être en rapport avec la cavité kystique, puisqu'il n'existe pas de tissu conjonctif entre l'organe de l'émail et la dent correspondante. Inutile d'exposer et de réfuter les autres théories qui ont encore été émises sur ce sujet; elles ne sont pas meilleures que la précédente et n’ont pas eu autant de succès; je le fais d’ailleurs dans un mémoire plus complet en cours de publication (2). L'examen histologique d’un certain nombre de pièces m'ayant montré: 1° que ceskystes étaient des néoformations, de nature épithéliale et par conséquent d'origine épithéliale; 2° qu'ils naissaient parfois dans la profondeur des mâchoires et ne pouvaient provenir de la muqueuse gingivale; j'ai été conduit à penser qu'ils pouvaient avoir pour point de départ, ainsi que je l’ai supposé pour les prétendus kystes périostiques des maxillaires (3), de ces amas épithéliaux que j'ai trouvés, autour de la racine des dents et que j'ai décrits sous le nom de « débris épithé- liaires paradentaires » (4). Cette transformation est probablement toujours précédée d'une hyper- trophie du ou des débris affectés, ainsi que j'ai pu le constater dans les kystes radiculo-dentaires. La cavité kystique se produirait alors dans ce débris hypertrophié soit par vacuolisation intercellulaire, soit par dégé- nérescence cellulaire, comme on peut le voir dans les kystes multiloeu- laires où il est plus facile de suivre pas à pas le processus ; puis, autour de ces parties vacuolisées ou dégénérées les cellules épithéliales s’aplati- raient et formeraient les couches superficielles du revêtement épithélial kystique. D'autres fois, l’épithélium se disposerait d'emblée en revêtement sans vacuolisation ou dégénérescence préalables. Si un tel kyste se produit au contact immédiat d’une racine dentaire, on aura, comme Je l’ai déjà dit, un kyste dit périostique; tandis que s'il se produit à une distance un peu plus grande, ce sera un cas analogue à ceux de Vitalis et de Mikuliez (5). (1) Remy. Société anat. 30 mai 1873, t. XLVIH, p. 401. Duret. Soc. anatomique, 16 octobre 1874, t. XLIX, p. 686. (2) Sur le rôle des débris épithéliaux paradentaires. Arch. de physiol. 1885. (3) Soc. de Biologie, 29 mars 1884, p. 176-184. — Voir aussi : Archives de physiologie, n° 4 du 15 mai 1885, p. 320. (4) Soc. Biol., 19 avril 1884. — Archives de physiologie , n° du 15 février 1885, p. 129. (5) Vitalis. Soc. anat. 1858, t. XXXIIT, p. 326. — Mikuliez. Wiener méd. Woch. 1876, p. 952, 984, 1004. SÉANCE DU 91 CCTOBRE 641 Que si le kyste se développe au voisinage d’une dent incluse, peu im- porte qu’elle soit temporaire, permanente ou surnuméraire, que le kyste soit cause ou effet de l’inclusion dentaire, il se produira un kyste denti- fère. Et si la dent ne perce pas la paroi kystique, ce sera un cas ana- logue à celui de Rémy-Duret, cas que la théorie folliculaire ne pouvait expliquer; tandis que si elle la perce, on aura le kyste dentifère ordi- naire ; la dent se comportant vis-à-vis de la paroi kystique, comme elle se serait comportée vis-à-vis de la muqueuse gingivale, si elle avait pu sortir en dehors. Supposons maintenant que la dent incluse, au lieu d’être complètement formée soit en voie de formation ou ait été arrètée dans son développe- ment, on obtiendra un kyste odontoplastique ; et il sera tout naturel que dans ces conditions les fragments dentaires n'aient pu traverser la paroi kystique; est-ce que les dents normales sortent des gencives avant que leur couronne soit complètement achevée? Si enfin le kyste paradentaire se développe indépendamment de toute racine dentaire comme de toute dent incluse (il faut se rappeler qu'il existe des débris. paradentaires en dehors du ligament alvéolo-dentaire jusque dans les espaces médullaires voisins), ce sera un kyste unilo- culaire simple, le prétendu kyste de la période embryoplastique de Broca. Les cas de Rémy-Duret, ainsi que ceux de Vitalis et de Miku- licz pourraient être considérés comme des formes intermédiaires: le pre- mier, entre les kystes uniloculaires et les dentifères, les deux autres entre ces mèmes kystes et les radiculo-dentaires. Ainsi donc, tous les kystes dentaires : les radiculo-dentaires ou périos- ques, les dentifères, les odontoplastiques, les uniloculaires simples ou embryoplasliques résulteraient tous d'un même processus néoformatif et leurs différences tiendraient uniquement aux différences de siège des débris paradentaires qui leur ont donné naissance, par rapport au sys- tème dentaire. Quant aux kystes multiloculaires que plusieurs personnes ont consi- dérés également comme étant d'origine folliculaire, ils s'expliquent bien plus facilement en admettant qu'il y a entre eux et les précédents les inèmes rapports qu'entre les kystes multiloculaires et uniloculaires de l'ovaire; qu’ils dérivent donc soit directement des débris épithéliaux para- dentaires, soit indirectement, par suite de la transformation d’un kyste uniloculaire en multiloculaire. Les casbien connus de Guibout (4) et de Her- bert d'Amiens (2) sont des.exemples de transformation de kyste dentifère en kyste multiloculaire. J’ajouterai que cette théorie rend compte des récidives et des préten- (4) Guibout. Union méd. 1847. p. 447, 454, 158, 469, Soc. anat. 1847, t. XXII. p. 391. (2) Herbert (d’Amiens) Soc. chirurg. 1878, p. #10. 642 SOCIETÉ DE BIOLOGIE dues dégénérescences épithéliales ou cancéreuses que peuvent présenter ces kystes; car elle les fait rentrer dans le groupe des kystes par néofor- mation épithéliale, où ces phénomènes sont chose relativement fréquente. APPLICATION DE LA MÉTHODE GRAPHIQUE A L'ÉTUDE DES MODIFICATIONS IMPRI- MÉES A LA MARCHE PAR LES LÉSIONS NERVEUSES EXPÉRIMENTALES CHEZ LES INSECTES, par R. DuBors. Dans le courant de cet été, j'ai été conduit par d'autres recherches à étudier l'influence des lésions des centres nerveux des insectes sur la motilité; les individus qui ont servi aux expériences étaient des coléop- tères du genre pyrophore. Parmi les remarques intéressantes que nous avons faites, il en est un certain nombre qui ont été déjà signalées par les expérimentateurs qui nous ont précédé dans cette voie. Les faits que nous croyons nouveaux nous ont été révélés par l'emploi de la méthode graphique qui, à notre connaissance, n’a pas encore été appliquée à ce genre de recherches. | Nous placons sous les yeux de la société un certain nombre de tracés obtenus en faisant marcher, sur du papier recouvert d’une mince couche de noir de fumée, des pyrophores chez lesquels on avait provoqué diverses lésions des centres nerveux à l'aide de fines aiguilles, par dila- cération ou par Cautérisation ignée. Nous résumons ici rapidement les conclusions que l'on peut tirer de ces tracés. Si l’on enfonce une aiguille rougie dans la région où est situé le gan- glion frontal, l’insecte donne aussitôt des signes manifestes d’incoordina- lion raotrice mis en évidence par l’enchevêtrement inextricable des petits traits produits par l'application et le glissement des pattes sur le papier enfumé. A l’incoordination motrice parait s'ajouter une perte complète de la notion des objets extérieurs : si l’insecte rencontre un obstacle, au lieu de chercher à le tourner ou à le franchir, comme ül fait à l’état normal, il se heurte contre cet obstacle et parfois même recule un peu pour se jeter encore, la tête la première, sur l'objet placé devant lui. La section transversale pratiquée à l’aide d'un couteau linéaire à cata- racte entre le ganglion frontal et les ganglions cérébroïdes donne lieu aux mêmes effets. Si l’on pique avec l'aiguille rougie la partie qui correspond à la région antérieure de la commissure qui réunitles ganglions cérébroïdes, ou si l’on coupe cette commissure par une section médiane dirigée d'avant en a Ts SÉANCE DU 31 OCTOBRE 643 arrière, on observe quand l’opération est bien faite un mouvement de recul qui peut persister très longtemps mais qui nest pas constant, l’insecte retrouvant assez rapidement, soit d’une manière définitive, soit transitoirement, la faculté de marcher en avant. L'équilibre de l’insecte peut être légèrement modifié comme le montre le tracé ; mais, en général, il est normal ainsi que la direction du mouvement de marche : bien que l’insecte marche en arrière, il peut tourner ou se diriger en ligne droite à volonté. L'examen d'un tracé permet de reconnaitre immédiatement qu'il s’agit, par exemple, d’une lésion du ganglion cérébroïde du côté droit; on com- prend facilement par l'étude des traits tracés par l’insecte que celui-ci est fortement penché du’eôté opposé à la lésion, lesmembres sont affaissés de ce côté et les mouvements qu'ils exécutent sont loin d’avoir l'amplitude de ceux qui sont effectués par les membres placés du côté de la lésion : en revanche, les mouvements du côté opposé à la lésion sont plus rapides, le nombre de points tracés par les extrémités des pattes étant plus grand de ce côté du tracé. Malgré cette compensation de l'amplitude parle nombre des mouvements, l'insecte est irrésistiblement entrainé du côté opposé à la lésion, et décrit des courbes d'une grande régularité. Parfois cepen- dant il pivote complètement sur lui-même et le tracé présente alors l’aspect de figures circulaires dont le centre correspond à l'extrémité des élytres. Une lésion du ganglion cérébroïde gauche présente un aspect et des caractères diamétralement opposés, mais de même ordre. Ces tracés pathologiques diffèrent absolument de ceux que l’on obtient en faisant décrire des courbes à un insecte normal; on obtient facilement ce résultat avec les pyrophores, en les faisant marcher dans l'obscurité, après avoir obturé avec une boulette de cire opaque une des lanternes du prothorax, l'insecte se dirige alors du côté éclairé, mais il donne dans ces conditions un tracé symétrique tout en décrivant des courbes parfois très accentuées. La marche normale de l’insecte s'effectue d'ordinaire en ligne droite et le tracé qu'il donne est tout à fait caractéristique de l'espèce d’insecte inis en expérience. - Mais il est un point important sur lequel il est nécessaire d'appeler dès à présent l'attention, je veux parler de ce que l’on observe quand, après avoir lésé un des ganglions cérébroïdes et imprimé #pso facto un mou- vement de rotation à l’insecte, on vient à le décapiter. On est frappé de le voir conserver l’allure qui lui à été imprimée après l’ablation de la lésion qui a déterminé précisément cette allure particulière. L'insecte privé du cerveau blessé qui a déterminé les troubles moteurs continue à obéir à l'impulsion caractéristique qu'il a recue d'un centre nerveux qui n'existe plus. 644 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Cette expérience met en défaut le célèbre adage « causa ablata, tollitur effectus ». Elle détruit en même temps cette hypothèse plus d’une fois émise que c’est sous l'influence d’un acte psychique purement cérébral que l'insecte tourne en rond: on a dit souvent, en effet, que dans ces conditions « l'animal blessé fuyait sa lésion ». | Pour nous, l'impression transmise par le ganglion cérébroïde lésé provoque immédiatement dans les parties placées sous sa dépendance des modifications permanentes. L'ordre transmis est conservé et exécuté alors même que l'organe d’où il est parti n'existe plus. Cette expérieñce a été répétée avec d’autres insectes, elle est facile à exécuter sur les coléoptères du genre Dytüscus ; non ‘seulement la modi- fication rotatoire se maintient pendant la marche après ablation du ganglion cérébroïde lésé et de la tête tout entière, mais elle persiste également au sein de l’eau pendant l'acte de la natation. Nous avons noté, en outre, ce fait singulier : c’est qu'un de ces insectes, ainsi décapité, exécuta pendant quelques instants des mouvements incohérents, puis resta immobile pendant plusieurs minutes ; au bout de dix minutes environ, les mouvements se reproduisirent et cette fois l’insecte effectua en nageant des mouvements en cercle parfaitement réguliers. Je communiquerai ultérieurement Îles résultats d'expériences du même genre que j'ai entreprises sur des poissons, des reptiles et des oiseaux. Les essais faits sur des anguilles nous ont donné des résultats analogues à ceux que nous signalons chez les invertébrés. On sait depuis longtemps que si l’on détruit un des côtés du cerveau d’un poisson, il perd aussitôt l'équilibre ; si l’on pratique cette opération sur une anguille, on la voit tourner aussitôt sur son axe, quand elle est dans l’eau. Mais le même phémonène se produit lorsque, l'ayant tirée hors de l’eau, on la place sur une surface plane et humide; elle continue à rouler sur elle-même en vertu d'un mouvement parfaitement actif et toujours dans le même sens. Si, à ce moment, on lui tranche la tête, au-dessus du cœur, d'un coup de hache, elle continue à rouler de lamème facon pendant quelques instants. IL s'agit donc de phénomènes plus généraux qu’on ne pourrait tout d’abord le supposer et dont l'importance ne saurait échapper. SUR LES PROCÉDÉS DE LA RÉGRESSION DES FOLLICULES OVARIENS CHEZ QUELQUES FEMELLES DE MAMMIFÈRES, par L. LAULANIÉ. Les nombreux faits que j'ai recueillis sur ce point fort peu exploré de la physiologie de l'ovaire établissent que la régression qui atteint l’im- SÉANCE DU :31 OCTOBRE. 645 mense majorité des follicules de Graaf emprunte des procédés anato- miques très variés, mais pouvant se ramener sous deux chefs principaux: A. — Régression par oblitération (Atrésie). — B. — Régression immé- diate ou par résorption. À. -— Le premier mode constitue l’atrésie proprement dite, mais il se réalise par des moyens différents répondant à l'atrésie par oblitération cen- tripète et à l'atrésie par oblitération centrifuge ou involution. a. — L’atrésie par oblitération centripète constitue le processus déjà étudié chez la femme par Slavianski (1), quoique d’une manière néces- sairement incomplète, comme il arrive pour toutes les recherches d’ana- tomie générale dirigées sur une seule espèce. — Elle comporte deux gran- des périodes : une période de néoformation et une période de régression. Période de néoformation. — Le commencement de cette période est marqué par une différenciation sur place des éléments de la membrane granuleuse aboutissant à la formation d'un bouchon conjonctif obtura- teur, qui remplit bientôt toute la cavité folliculaire et embrasse l’ovule. Ce bouchon est constitué soit par du tissu muqueux, soit par une for- mation réticulaire résultant des anastomoses très déliées et très fré- quentes qui rattachent les cellules conjonctives, soit enfin par un tissu épithélioïide dont les éléments (cellules interstitielles) existent seuls ou remplissent les mailles d’un réticulum cellulaire semblable au précédent. — En même temps, le derme du follicule s’hypertrophie et bourgeonne, et prend les apparences et la structure d’un corps jaune. Il se délrmite en dedans par l’apparition d'un basement membrane très énergiquement dessiné et atteignant parfois dans certaines espèces (ruminants) une très grande épaisseur. Dès lors, le follicule oblitéré comprend les zones suivantes de dehors en dedans : — 1° Le derme hypertrophié, bourgeonnant et très vascu- laire (Zone bourgeonnante). — 2° Le bouchon conjonctif obturateur remplissant la cavité folliculaire et embrassant l’ovule. — 3° A la limite de ces deux zones se trouve lé basement membrane formant un point de repère très saillant et établissant uné barrière infranchissable aux vais- seaux du derme qui jamais ne pénètrent le bouchon obturateur. J em'en suis assuré par des injections fines. - Deuxième période. — Régression. 1° Réreselon du bouchon obturateur. — À partir de ce moment, le bouchon conjonctif issu de la différenciation de la granuleuse etles bourgeons du derme suivent une marcheinverse : ceux-ci progressent de plus en plus repoussant devant eux le basement membrane qui se plisse et le bouchon obturateur qui se résorbe, et finit (1) Slavianski. Recherches sur la régression des follicules de Graaf chez la femme. (Archives de physiologie normale et pathologique, 1876.) 616 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. a —_—_——_———————"—…—…—"…" .…" _" ——_—_—]—_—]—"—_—_ _ —————…————_———— par disparaître, laissant l’ovule au contact direct des bourgeons ou des festons très sinueux à ce moment du basement membrane. — 2° Ré- gression de la zone bourgeonnunte. Le plus souvent cette zone dis- ‘ paraît par un simple remaniement qui progresse de la périphérie au centre, enlève aux éléments leur orientation radiée et amène leur fusion avec le stroma de l'ovaire. Il ne reste plus alors de l’ancien follicule qu'une petite cavité excédant à peine le diamètre de l’ovule et occupée par ce dernier. Dans certains cas et certaines espèces (chatte), la zone périphérique persiste indéfiniment et ses éléments, volumineux, polyédriques et pig- mentés réalisent un ensemble identique par la structure et l’arrangement aux Corps jaunes qui accompagnent la déhiscence régulière des follicules. Ces faits établissent donc l'existence d’une nouvelle espèce de corps jaunes que j’appellerai les corps jaunes de l’atrésie. J'ai rencontré des ovaires de chatte absolument criblés de corps jaunes de cette nature, bien reconnaissables à l'ovule ou plutôt aux débris de l’ovule qui en occupaient le centre. b.— Atrésie par oblitération centrifuge. Dans ce mode singulier que j'ai seulement observé chez les vieilles chiennes, l'initiative du processus appartient exclusivement au derme qui pousse un bourgeon unique. Gelui-ci traverse la membrane granuleuse qui dans tous les autres points conserve son arrangement régulier, atteint et embrasse l’ovule dégénéré. B. — Régression immédiate ou par résorption. L'étrange phénomène que je vais décrire ne s’observe que sur les jeunes follicules encore pleins. Les éléments de la granuleuse les plus internes jettent des prolon- gements radiés, très grêles, qui percent la zone vitelline et s’enfoncent dans le vitellus; en même temps, le volume du vitellus diminue et laisse un vide où font irruption quelques cellules. L'invasion se poursuivant, il ne reste plus bientôt trace du vitellus qui a été dévoré par les cellules migratrices. Celles-ci, établies à ses lieu et place, gardent des commu- nications anatomiques entre elles et avec les cellules restées dehors. Elles disparaissent à leur tour, ou bien, par une élaboration de subs- tances conjonctives, elles forment un noyau fibreux étroitement embrassé par la membrane vitelline. Ce mode de disparition du vitellus peut également s’observer aux termes extrêmes de l’atrésie, mais alors ce sont les cellules conjonctives qui deviennent les agents de la destruction. L’ovule subit d’ailleurs dans les différentes formes de l’atrésie que j'ai examinées des modifications très variables, Il persiste quelquefois avec tous ses caractères jusqu’à la fin du processus pour être ultérieurement dévoré par les cellules avoisinantes, mais le plus souvent il subit d'emblée une dégénérescence vitreuse, graisseuse ou calcaire. Si dans la régression par résorption le processus se réduit à ce phé- SÉANCE DU 31 OCTOBRE 647 nomène initial et fondamental, l'agression et la destruction du vitellus par les cellules migratrices, c’est que l’absence d’un cavité folliculaire rend inutiles les efforts de prolifération du derme et de la granuieuse qui, dans les follicules mûrs ou voisins de la maturité, doivent conspirer à oblitérer la cavité folliculaire. SUR QUELQUES MODIFICATIONS APPORTÉES AU MICROTOME A BASCULE DE LA SOCIÉTÉ DES INSTRUMENTS SCIENTIFIQUES DE CAMBRIDGE, par MM. HENNEGUY ET VIGNAL. . Le Microtome que nous présentons aujourd’hui à la société de Biologie a été construit, en premier lieu, par la Cambridge scientific instrument Company sous le nom de #ocking Microtome. Comme vous le voyez, son principe, qui s'éloigne de celui de tous les microtomes construits précédemment, est celui de l'excentrique des ma- chines à vapeur, c'est-à-dire la transformation d'un mouvement circu- laire en un mouvement rectiligne. D'ingénieuses dispositions, qu’il serait trop long de décrire ici, font qu’avecle même mouvement on exécute une coupe et on fait avancer en même temps l'instrument, d’une certaine quantité ; il est inutile de vous rappeler que cette double utilisation d’un seul mouvement a été en premier lieu appliquée par M. Malassez aux microtomes. Get instrument ne permet que de faire des coupes avec les objets im- bibés et inclus dans la paraffine; les coupes faites avec cet instrument sont d’une admirable régularité et, de plus, collées à la suite les unes des autres de facon à former un long ruban, ce qui est un avantage précieux, car il permet d’avoir toutes les coupes d’un objet, disposées en série, si on emploie pour le montage en préparation un des procédés décrits par Giesbrecht, Schallebaum, Threlfall, Flogel, etc. Nous avons fait ajouter quelques petits perfectionnements à l’instru- ment original, par M. Dumaige (1) et nous vous le présentons aujourd'hui pour vous les montrer. Dans le modèle original, il est nécessaire de compter les dents que le cliquet d’encliquetage saute à chaque mouvement, pour savoir l’épais- seur des coupes; de plus, il est nécessaire d'amener à une position conve- nable la pièce réglant l’encliquetage de facon à ce que la roue de l’ins- trument n'avance que de la quantité voulue.Cette manœuvre est toujours un peu délicate et un peu longue, quoiqu'il ne soit nécessaire de la faire qu'une seule fois pour toute une série de coupes de la même épaisseur. (1) Rue de la Bûcherie, n° 9. 648 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Nous l'avons simplifiée en faisant fixer en dessous de la roue, sur le sup- port de l'instrument, un quart de cercle gradué sur lequel se trouve indiquée l'épaisseur qu'auront les coupes, lorsque le petit index fixé sur la pièce réglant l’encliquetage se trouvera vis-à-vis d'eux. La mise en place de cette pièce et de l'index se fait facilement à l’aide d'un petit bras que nous y avons ajouté. De plus, nous avons fait construire, au lieu du tube sur lequel était fixé le bloc de paraffine contenant la pièce à couper, une pince à trois axes indépendants, permettant de rectifier avec une grande précision, dans n'importe quel sens, la position de la pièce qu’on coupe, ce qui est d’une grande utilité pour les études d’embryologie. L'extrémité de cette pince est formée par des petits godets sur lesquels on fixe l’objet à couper; on peut les changer à volonté; nous avons adopté cette disposition, car il est nécessaire que la paraffine contenant la pièce à couper soit refroidie complètement et très lentement, pour qu’elle se laisse couper d’une facon convenable. Avec le tube unique de l'instrument original, il était nécessaire d'attendre assez longtemps avant de couper, après qu’on avait fixé l’objet, ce qui présente un inconvénient sérieux lorsqu'on a plusieurs pièces à débiter le même jour. DISSOCIATION OU ASSOCIATION NOUVELLE DES MOUVEMENTS INSTINCTIFS SOUS L'INFLUENCE DE LA VOLONTÉ. CONTRIBUTION A LA DÉNOMINATION DE LA NATURE DES ACTES INSTINCTIFS, par M.S. ARLOING. Généralement, on appelle instinct un mode d'activité cérébrale qui porte à exécuter son acte sans avoir notion de son but, à employer des moyens, toujours les mêmes, sans jamais chercher à connaître le rap- port entre eux et le but. Cette définition implique une nature plus ou moins mystérieuse de ces actes que le physiologiste doit s’efforcer d'éclairer. I. Pour comprendre les actes instinctifs, il faut ne point les séparer des actes intellectuels et les étudier sous la forme la plus simple. Si nous faisons des actes instinctifs un groupe spécial et indépendant des phénomènes cérébraux, nous manquons aussitôt de tèrmes de com- paraison et leur analyse est à peu près impossible, tandis que si nous les rapprochons des mouvemements intellectuels à l’évolution desquels nous: assistons et sur la production desquels la physiologie et la pathologie nous fournissent des renseignements, nous parvenons à saisir leur ge- né s Nous désirons aujourd’hui appeler l’attention sur les mouvements de la locomotion de l’homme et nous servir des modifications qu'ils subissent dans quelques cas pour montrer qu'ils n'existe pas de différences fonda- SÉANCE DU 31 OCTOBRE 649 mentales entre les mouvements instinctifs et les mouvements volontaires. Il. Tout d’abord, nous devons dire pourquoi nous rangeons la locomo- tion parmi les actes instinctifs contrairement à l'opinion de quelques au- teurs qui persistent à l’attribuer à l'éducation. Sans doute que dans un grand nombre de familles, on apprend à l’en- fant à marcher et à parler. Mais un chiffre imposant d’enfants ne recoi- vent aucune lecon et pourtant marchent aussi bien que ceux donton a fait soigneusement l'éducation, dès que leur système musculaire et sur- tout leurs centres nerveux sont assez développés. Comme il serait fâcheux de se priver, en pareil cas, des éléments four- nis pa: La physiologie comparée, nous ferons remarquer que les jeunes chats et les jeunes chiens s’essaient déjà à la marche avant que leurs yeux soieñt ouverts ; et qu'ils marchent convenablement quand ils sont en état de voir les exemples de leurs ascendants et de leurs sembla- bles. Enfin, si cet exemple ne suffisait pas à prouver le caractère instinctif des mouvements de locomotion, nous citerions encore celui du jeune cobaye, du jeune veau, du jeune poulain qui marchent presque immé- diatement après lanaissance, enfin celui du poussin et du perdreau qui se déplacent d’après le mode des adultes à la sortie del’œuf. _ Ilest donc impossible, à notre avis, de séparer les mouvements de la marche des actes instinctifs. Le temps qui s'écoule entre la naissance et le moment où la locomotion s'établit, temps variable suivant Les espèces, répond à celui qui est nécessaire au perfectionnement des centres ner- veux et des organes du mouvement, comme le démontrent les expériences de Soltmann et de Tarchanoff, et les observations anatomiques de Parrot. IL. Cela étant établi, analysons sommairement un acte intellectuel. Un acte intellectuel est provoqué par une sensation présente ou ravivée d’origine périphérique, c’est-à-dire par une excitation qui produit dans les conducteurs centripètes des modifications physico-chimiques. Si ces dernières s’éteignent dans les centres corticaux du lobe oceipital, il en résulte un phénomène de sensation simple; sielles se propagent à l'écorce du lobe frontal par les commissures intra-hémisphériques, il y a comparaison, jugement ; enfin, si des deux premiers lobes, elles s'é- tendent au lobe pariétal, on assistera au dernier terme de la série des actes cérébraux, c’est-à-dire au phénomène de réaction idéo-motrice. Lorsque les conducteurs centripètes sont fréquemment sollicités par des excitations semblables, on voit s’établir directement des associations sensitivo-motrices ; les centres corticaux du lobe frontal ou de l'attention étant laissés de côté. La cause de ces associations sensitivo-motrices cérébrales se répète-t- elle pendant longtemps chez un sujet, donne lieu à des réactions invo- 650 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE lontaires qne l’on nomme habitudes. Si celles-ci sont vicieuses, on les ap- pelle tics. Tout le monde sait que les habitudes ou les ties peuvent deve- nir héréditaires dans une famille, Or, si ces associations sensorio-motrices sont de la catégorie de celles qu'exécutent tous les individus d’une espèce, l'hérédité s’opérera sur toute la ligne et à toutes les générations, et les associations deviendront instinc- lives. Si l’on tient compte que l'excitation vive ou répétée des centres sensi- tifs et idéo-moteurs produit la mémoire des idées et des mouvements, et que la mémoire des idées peut réveiller celle des mouvements, et récipro- quement, on achèvera de concevoir la transformation possible d’un acte primitivement intellectuel en un acte instinctif, IV. Après la lecture de ces prémisses, il est facile de deviner notre opinion sur la genèse des mouvements de la marche. À l’origine, ces mouvements furent entièrement volontaires et intellectuels. Cest par des efforts intelligemment concus et combinés que le maintien de l’équi- libre à été associé au déplacement des membres. Assurément, il est impossible aujourd’hui d'assister à cette transfor- mation pour n'importe quelle espèce. Mais il n’est pas impossible d’as- sister à des phénomènes analogues. Ainsi : 4° Les associations sensorio- motrices instinctives de la locomotion peuvent être dissociées par l’in- fluence de la volonté ; 2° les nouvelles associations sensorio-motrices vo- lontaires de la locomotion peuvent prendre le caractère automatique. L'observation suivante vient à l’appui de ces affirmations. M. X... dont tous les membres étaient admirablement conformés et dont la locomo- tion était normale éprouve presque coup sur coup deux accidents à la jambe droite, à l’âge de cinquante-sept ans, savoir :une entorse du genou en 1879, une fracture double du tibia et du péroné au quart inférieur en 1881. Après la consolidation de la fracture, une boiterie intense oblige M. X... à se servir d’une canne. Il s’en servait alternativement de la main droite et de la main gauche. Quand la canne était dans la main droite, elle était portée intentionnellement au-devant de la pointe du pied du même côté, de sorte que le bras etle membre inférieur droits étaient liés dans leurs mouvements de va-et-vient, au lieu de se mouvoir alter- nativement comme à l’état normal. Au bout d’un certain temps que M. X... ne saurait préciser, mais qui n'a pas été bien long, les mouvements volontaires des deux membres du côté droit sont devenus absolument automatiques. L'amélioration étant survenue, M. X... n'avait plus de raisons pour surveiller sa marche, il se surprenait alors à marcher comme tout le monde, c’est-à-dire à mouvoir la jambe gauche simultanément avec le bras droit, et la jambe droite simultanément avecle bras gauche lors- SÉANCE DU 31 OCTOBRE 651 qu’il tenait sa canne de la main gauche ; passait-il cette dernière dans sa main droite, aussitôt les associations normales étaient rompues et les membres supérieurs et inférieurs sedéplacaient par paires latérales. Ce trouble singulier de la locomotion s’est maintenu pendant plus de deux ans sans que l'attention de M. X... fût dirigée du côté de sa mar- che. Mais, le genou gauche de M. X... devenant peu à peu le siège de lésions rhumatismales, l'automatisme naturel tendit à prendre le dessus. L'observation de M. X... est des plus intéressantes. Elle prouve que des associations motrices croisées, instinctives, et remontant à 57 ans, peuvent être rompues sous l'influence d’une opération intellectuelle et remplacées par des associations idéo-motrices nouvelles. À un moment donné, ces associations idéo-motrices sont devenues simplementsensorio- motrices automatiques, et il suffisait pour les établir qu'une sensation tactile fût produite dans la paume de la main droite par le contact de la canne. Si l’on avait vu marcher M. X... pendant les deux années dont il est question plus haut, il eût été impossible de dire si l'association des mem- bres par paires latérales était instinctive ou acquise. Qu’y a-t-il donc de téméraire à admettre que les mouvements instinctifs sont de simples mouvements volontaires devenus héréditaires chez tous les êtres d’une espèce, dès l'instant qu’en l’espace de quelques mois la volonté parvient à produire des associations motrices automatiques impossibles à diffé- rencier des associations instinctives. V. Cet exemple n’est pas unique. On peut observer des faits sembla- bles sur plusieurs boiteux se servant d’une canne. Quelques malades présentent l’état intermédiaire, autrement dit la simultanéité des mouve- ments croisés et des mouvements latéraux des membres. Chez eux, la volonté n’est pas encore parvenue à dissocier les mouvements instinctifs; aussi, quand ils transportent le membre inférieur malade en avant, les deux membres supérieurs se déplacent-ils en même temps. Les chirurgiens ont remarqué que lorsqu'on a redressé les membres des cagneux par l’ostéoclastie, après la guérison, les opérés semblent ne plus savoir marcher. Il leur faut une certaine éducation pour acquérir le type locomoteur ancestral qui avait été faussé par la position vicieuse des membres pendant une grande partie de la vie. Les opérés les plus intelligents sont ceux qui apprennent le plus vite à marcher convena- blement. Nous ajouterons que la dissociation des mouvements locomoteurs peut être obtenue aussi sur les animaux quadrupèdes en obligeant les centres coordinateurs à associer leur action dans le sens latéral. On fait acquérir au poulain l’allure de l’amble en reliant les membres avec des cordes par paires latérales, Quand l'association nouvelle est établie, elle persiste 652 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. pendant la vie du sujet; elle peut mème se fixer dans une race, si l’on à persisté à modifier l'allure d’un grand nombre de reproducteurs. VI. Il résulte des considérations précédentes : 1° Que les mouvements des animaux sont d’une seule et même espèce; 2° Que les mouvements instinctifs sont une simple variété de mouve- ments volontaires devenus automatiques et héréditaires ; 3° Que les mouvements instinctifs sont susceptibles d’être déterminés par une sensation simple, c’est-à-dire par une excitation qui ne met point en jeu les centres nerveux de l'attention. Le Gérant : G. MAssoN Paris. — Imprimerie G. RouciEr et Cie, rue Cassette, 1. SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1885 M. G.-E. Lacuesse : Note sur l’origine du Sinus maxillaire et de ses glandes chez l'embryon. — A.-M. BLocu: Etude Dynamométrique du cœur dans les affec- tions cardiaques. — Dr Gazezowskr : De l’action du bromhydrate de pelletiérime sur les nerfs moteurs de l'œil. — Ch. Reuy : Effets de la Résection des nerfs éja- culateurs chez le Cobaye. Présidence de M. Hanot. NOTE SUR L'ORIGINE DU SINUS MAXILLAIRE ET DE SES GLANDES CHEZ L'EMBRYON, par M. G.-E. LAGUESSE En étudiant le développement des fosses nasales, notre attention a été attirée par la présence, sur de très jeunes embryons de mouton, d’un bourgeon épithélial creux qui nous parait devoir être considéré comme l’ébauche du sinus maxillaire et de ses glandes. Nous avons vu pour la première fois cette particularité sur un embryon ‘de 3 cent. T (en tenant compte de la courbure céphalique). A cet âge, les fosses nasales se présentaient sous la forme de deux profondes et étroites gouttières renversées, creusées dans le plafond de la cavité buccale avec laquelle elles communiquaient largement, sauf en avant, où elles se con- ünuaient par deux canaux de coupe ovalaire allongée, aboutissant aux narines. C’est dans cette région tout antérieure en forme de canal qu'on voit, à la partie supérieure de la paroi externe, un bourgeon épithélial creux, à lumière centrale nette et arrondie, s’enfoncer directement en arrière, et un peu en bas, sans s'éloigner de la surface de la muqueuse. Il se termine presque immédiatement en cul-de-sac, puisqu'on ne le retrouve déjà plus sur des coupes frontales intéressant l'extrémité anté- rieure des fentes palatines primitives. Ce bourgeon croit rapidement, puisque, sur une seconde série de coupes frontales portant sur un embryon de 6 cent. 3, on le retrouve sous la forme d’un long tube renflé à l'extrémité, jusqu'au voisinage de la région olfactive. Dans ce trajet, il reste en dedans du cartilage qui BIOLOGIE. COMPTES-RENDUS. — 8€ SÉRIE T. II, N° 38 + LA Eu 1 : re sn : ee 4e ne EE 4 654 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE représente la voûte des fosses nasales. La partie inférieure de ce carti- lage se replie en dedans pour former le squelette du cornet inférieur; dans la région profonde, elle descend, avant de se replier, beaucoup plus bas que le pédicule de ce cornet, et se déprime ainsi, avant d'y pénétrer, en une sorte de gouttière; c’est dans cette gouttière que vient se coucher l'extrémité large et aplatie latéralement du tube épithélial. Celui-ci se présente alors sous la forme d’une cavité en forme d'amande, contimuée en avant par un long et étroit canal. Sur aucune des coupes, nous ne l’avons vu communiquer avec les fosses nasales autrement que par ce prolongement. Chez un embryon de 6 cent. 8, on voit au contraire une dépression épi- théliale se former au-dessus du cornet inférieur et marcher au-devant du point d’union de la cavité primitive du sinus avec son prolongement; c’est ainsi que paraît s'ouvrir la communication définitive. De plus, fait important à noter puisque les premières glandes de la pituitaire n’appa- raissent que sur l'embryon de 43 cent. 1/2, on voit dès ce moment plu- sieurs bourgeons glandulaires se détacher du tube épithélial, immédia- tement avant sa portion élargie. Nous avons retrouvé ces bourgeons déjà très développés, et formant des culs-de-sacs ramifiés sur toute la paroi antérieure du sinus, chez un embryon de T cent. 8; pas un ne s'ouvre directement dans le sinus. Quant à celui-ci, il est déjà large et, en se développant, a refoulé devant lui le cartilage dont il s’est coiffé pour s’en former une coque. Cette coque est complètement indépendante des parties osseuses du maxillaire supérieur déjà formées, comme l'ont montré du reste Dursy et Kælliker. Sur un embryon de 10 centimètres, des glandes commencent à se déve- lopper aux dépens des parois épithéliales propres du sinus; — les pre- miers bourgeons dont nous avons parlé forment, tous réunis, une seule et belle glande en grappe qui occupe toute la paroi antérieure. A mesure que l'extrémité du tube épithélial, première ébauche du sinus, s’est renflée, elle s’est en même temps et progressivement coudée à angle droit, et si l’on isole maintenant (11 c.) la muqueuse de Ia coque cartilagineuse, élle se présente sous un aspect piriforme, un long tube coudé et étroit s’en détache en avant et en haut. Sur des embryons de 13 à 14 cent. 1/2, le sinus maxillaire forme déjà une vaste cavité communiquant largement avec les fosses nasales. L’épithélium, qui joue le rôle principal dans la première formation de ce diverticule, a une évolution parallèle à celui de la pituitaire ; comme lui, il est d’abord cylindrique stratifié, et formé d'éléments subissant la transformation muqueuse; puis, au milieu de ce prèémier revêtement, apparaissent à partir de 7 et 8 centimètres des cellules ciliées. SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 655 ETUDE DYNAMOMÉTRIQUE DU COEUR DANS LES AFFECTIONS CARDIAQUES par M. A.-M. BLocx. Les expériences que j'ai l'honneur d'exposer ont pour objet d'ajouter un élément nouveau aux précieux renseignements fournis par la méthod graphique dans l'étude des affections organiques du cœur. Il s’agit d'une recherche facile à exécuter sur le malade et qui, si ell ne peut servir, au moins quant à présent, à classer la lésion, préciser. l'importance du trouble fonctionnel du cœur et montrera où en est l’or- _gane en tant que propulseur du sang. Le procédé est fondé sur l’examen du retard du pouls et sur un arti- fice qui permet de faire une sorte d'épreuve dynamométrique du cœur. Voici comment. On sait que le retard du pouls artériel sur la systole ventriculaire est d'autant plus grand que l'artère explorée est plus loin du centre. M. Marey a minutieusement étudié les phone du phéno- mène eten a établi les lois. Nous savons, depuis ses travaux, que les deux principaux facteurs agissant sur la propagation des ondes sanguines dans le réseau artériel sont : la force d’impulsion systolique du cœur et la pression intra-vascu- laire. Nous savons que, la force de la systole augmentant, le retard du pouls diminue et, qu'inversement, le retard du pouls augmente quand la pression sanguine s'élève La valeur numérique du retard du pouls chez un malade donne donc une évaluation approximative de ces deux causes réunies : force du cœur, pression intra-vasculaire. — Il est bon d'ajouter que d’autres facteurs peuvent modifier les résultats ; tels sont : l’état élastique des parois arté- . rielles, la densité du sang, etc. Mais ces causes sont moins importantes et on peut s’en tenir dans /4 pratique générale aux deux premières. Il s’agit done d'apprécier le retard du pouls. Au lieu de comparer le pouls radial au choc de la pointe du cœur, je prends l'artère radiale et la carotide du même côté; pour plusieurs raisons, dont la principale est la plus grande facilité d’avoir un tracé des battements de la carotide. Il n’est pas rare que le cœur, chez l'homme sain ou malade, soit diffi- cile, impossible même à inscrire. Mais à moins d’asystolie ou de batte- ments tumultueux, on peut toujours avoir la carotide, sinon comme dia- gramme instructif au point de vue de la courbe, du moins, comme départ du pouls de l'artère. De même avec la radiale et, quand on cherche à inscrire simultanément les deux pouls, il est très exceplionnel quon n'obtienne pas un crochet suffisant pour la mensuration. Ce seul examen répélé sur un certain nombre de cardiaques m’a donné d'intéressants résultats; j'y reviendrai dans des communications ultérieures. On sait déjà que le retard est plus grand dans l'insuffisance aortique qu'à l'état normal. J'ai trouvé des retards considérables dans un 656 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE certain nombre d’affections mitrales : j'en fais passer quelques exemples SOUS VOS YEUX. Cela posé, voici comment j’ai procédé pour obtenir cette épreuve dyna- mométrique qui fait l’objet du travail actuel. Je prends le retard de la radiale sur la carotide, avec le bras pendant; puis, le retard de la même radiale avec le bras élevé au-dessus de la tête. Toujours, dans ce dernier cas, le retard est plus grand que lorsque le bras était baissé. Or, que s'est-il passé ? L'ondée sanguine, quand le bras est levé, éprouve une certaine difficulté à franchir, de bas en haut, toute la longueur du bras, tandis que la pesanteur vient en aide au cours du sang lorsque le bras est pendant : c'est donc une sorte d’épreuve dyna- mométrique à laquelle on soumet le cœur, épreuve d’une importance notable car, ainsi que je vais le montrer par des exemples, le retard augmente d'autant plus que le cœur est plus profondément altéré. Qu'on se rappelle la loi de M. Marey relative aux pressions intra-vas- culaires. Quand le bras est élevé,la pression du sang au poignet est affaï- blie, ce qui tend à produire un retard moindre.Or, ilest plus grand; donc l'effort nécessaire pour soulever la colonne sanguine à été très sensible au propulseur central et l’on concoit que la mesure de ce retard puisse indiquer la puissance effective de la systole cardiaque. Chez les sujets normaux, Le retard est à peine plus grand pour le bras élevé que pour le bras baissé. Je l'ai vu souvent le même. Il y avait, dans les deux positions, 3, 4, 5 centièmes de seconde et, d'ordinaire, un cen- tüème de plus pour le bras élevé : mais dans les lésions cardiaques de toutes sortes, le retard pour le bras élevé montait à 2, 3, 4, jusqu’à 6 cen- tièmes de seconde, au-dessus du retard observé avec le bras pendant. Je me borne à l'énoncé de ces premières conclusions, me réservant de serrer le problème de plus près et de rechercher les relations qui exis-: tent, je n'en doute pas, entre la différence des retards et le pronostic actuel de la lésion cardiaque. Je me suis servi dans ces expériences de la vitesse moyenne du régu- lateur de Foucault. Un centième de seconde y représente une longueur d’un demi-millimètre et se peut mesurer facilement. SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 657 DE L'ACTION DU BROMHYDRATE DE PELLETIÉRINE SUR LES NERFS MOTEURS DE L'OEIL, par le D' GALEZOwSKI Permettez-moi d'attirer votre attention sur l’action curative de la pel- letiérine dans les paralysies des nerfs moteurs de l'œil. J'avais remarqué déjà depuis quelque temps que les malades auxquels on administrait de la pelletiérine ou de la décoction d’écorce de grenadier, pour les guérir du ver solitaire, se plaignaient de vertiges et d’un trouble de la vue, passager, il est vrai, mais allant presque toujours jusqu'à la diplopie. Chez l’un d’entre eux, j'avais constaté un certain degré de con- traction spasmodique, dans les muscles de l'œil, et surtout dans le droit interne, se prolongeant pendant plus d'un heure. Ce fait m'avait fait penser que la pelletiérine possédait cette action par- ticulière d'agir sur les muscles de l’æil, en excitant leur contraction. Me basant sur ces observations, j'ai essayé ce médicament dans les paralysies des nerfs moteurs de l'œil, et dans ce but j'ai prié M. Petit, de la pharmacie Mialhe, de vouloir bien me faire préparer un sel de brom- hydrate de pelletiérine. Cette préparation a été obtenue, et nous possé- dons ce sel sous forme d'une masse sirupeuse contenant des cristaux facilement appréciables, à l'œil nu, et qui se dissolvent dans toutes les proportions. Vous pouvez, Messieurs, voir dans ces flacons le sel cristal- lisé, ainsi qu'une solution au centième. Je l'ai prescrit jusqu'à présent à mes malades sous forme de sirop, à la dose de 1 gramme pour 120 grammes, dont ils prenaient quatre cuil- lerées par jour. Sous l’influence de ce médicament, les paralysies de la sixième et de la troisième paires guérissent au bout de 3 à 6 doses, ou arrivent à une amélioration très sensible, pendant que toutes les autres médications, et notamment les vésicatoires et l’iodure de potassium, sont restés souvent pendant plusieurs mois sans aucun résultat. Jusqu'à présent, j'ai eu à enregistrer sept cas d'amélioration ou de guérison au moyen du bromhydrate de pelletiérine; mais, comme le mé- dicament est actuellement très cher et qu'on ne peut l’employer à cause de cela qu'avec beaucoup de réserve, j'ai commencé à l’employer depuis quelques jours en injections hypodermiques, mais je ne puis encore donner, pour le moment, aucun renseignement positif à cet égard, n'ayant pas eu, jusqu à présent, le temps nécessaire pour pouvoir juger la ques- tion si la voie hypodermique sera préférable à celle de la potion prise à l'intérieur. Voici quelques observations détaillées sur les résultats du traitement : OBSERVATION [. — Paralysie des deux sitièmes paires et de la troisième paire droite. Guérison obtenue à l'aide du bromhydrate de pelletiérine. M°°B....., âgée de 37 ans, a été atteinte tout d’un coup, le 13 septem- 658 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE bre 1884, d’une paralysie de la troisième paire avec la chute de la pau- pière, à 1a suite de très fortes douleurs, qui ont duré trois semaines. A Zurich, elle a été soignée par M. Horner pendant plusieurs mois sans aucun résultat. La malade m'affirme que l’éminent confrère de Zurich lui a pratiqué une opération, mais l’œil resta paralysé. Le 3 juin 1885, elle vint me consulter, la paralysie était complète de la troisième paire, et la paupière complètement abaïssée. Je lui ai prescrit d’abord l’iodure de potassium et les frictions mercurielles générales, malgré l'absence d’antécédents syphilitiques, mais sans aucun résultat; des vésicatoires volants appliqués sur les tempes restèrent aussi sans succès. En présence de ces insuccès, j'ai prescrit le bromhydrate de pelletiérine à la dose de 1 gramme pour 120 grammes, quatre cuillerées par jour. La malade a pris sept flacons depuis le 30 juillet jusqu'au 16 septembre dernier et, à la dernière visite qu'elle m'a faite vers la fin de septembre, elle était com- plètement guérie. OBSERVATION I. — Paralysie de la troisième paire gauche, complète da- q ) tant de trois mois. Ataxie frustre. Amélioration rapide obtenue par la pelletiérine. M.D...., âgé de 62 ans, est atteint depuis trois mois d’une paralysie com- plète de la troisième paire gauche, avec chute de la paupière supérieure, mydriase, strabisme divergent, etc. Il éprouve de temps en temps quelques douleurs fulgurantes très légères aux jambes, sans aucun autre phénomène d’ataxie. Il a été soigné depuis trois mois par l'iodure de potassium et des frictions générales mercurielles, et par l'électricité, mais sans résultat. Il vint me voir le 15 septembre 1885. Je lui prescrivis la potion au bromhy- drate de pelletiérine. Trois doses de 1 gramme ont suffi pour amener une amélioration des plus sensibles, la paupière est complètement relevée et les mouvements sont en grande partie rétablis. Il continue le traitement. OBSERVATION III. — À ffaiblissement de la troisième paire gauche de nature syphilitique. Amélioration après l'usage de bromhydrate de pelle- -liérine. M. S....., âgé de 32 ans, est atteint d’une paralysie de la troisième paire gauche depuis un mois. Il a eu un chancre en 1876 dont il ne s'est presque pas soigné. En 1878, il a eu une mydriase à l'œil droit pendant un mois. Il vient me consulter, pour la première fois, le 4 juillet 1885. Je lui prescris l’iodure de potassium à la dose de 3 grammes par jour quil prend sans résultat jusqu'au 18 juillet sans aucune amélioration. Tout au contraire, la paupière s'est fermée complètement et un fort iodisme empêche de continuer la potion. Cest alors que je lui ai prescrit la pel- letiérine. — 24 juillet: Une amélioration sensible, la paupière s’est relevée de deux tiers, les images sont rapprochées, la vue est meilleure. — SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 659 19 septembre le malade a interrompu le traitement pendant un mois et l’a repris au commencement de septembre, et je constate un grand pro- grès dans le rapprochement des images. OBSERVATION IV. — Paralysie de la troisième paire gauche, avec mydriase. Amélioration sensible obtenue par la pelletiérine. M. M...., âgé de 30 ans, a été pris de la paralysie de la troisième paire gauche à la fin de juin 1885, après un chancre qu'il avait contracté il y a 5 ans et dont il ne s'est presque pas soigné. Il se soumet au traitement mixte qui lui est prescrit par son médecin, mais sans aucun résultat. Il vient me consulter le 1äseptembre 4883. Je lui prescrisle bromhydrate de pelletiérme.— 13 octobre: il y a dumieux, la paupière serelève. — 31 oc- tobre : un mieux très sensible s’est produit, la paupière est complètement relevée, et les images, qui étaient distantes de 30 à 40 centimètres, ne sont plus écartées que de 7 à 8 centimètres. Le traitement est continué. J'en ai encore trois autres malades soumis depuis quelques jours à ce traitement avec un commencement d'amélioration. Nous ne savons pas encore ce que nous réserve l'avenir, mais ce que nous pouvons conclure de ces quelques observations, c'est que l’action du bromhydrate de pelletiérine sur les paralysies musculaires est incon- testable et ce sel devra être employé aussi bien dans les paralysies ataxi- ques que syphilitiques, ou dans celles dont la cause reste incertaine. ÉFFETS DE LA RÉSECTION DES NERFS ÉJACULATEURS CHEZ LE COBAYE, par Cu. REMY. Ayant démontré devant la Société, pendant l’année 1884, ce que don- nait l’excitation des nerfs éjaculateurs du Cobaye, j'ai cherché depuis ce qu'amène leur destruction. Sur plusieurs mâles bien développés J'ai donc réséqué un segment des dits nerfs assez long pour empêcher à Jamais le rétablissement du cou- rant nerveux. Après la guérison, J'ai observé les modifications survenues dans les fonctions génitales. Ces animaux mis en présence des femelles manifestent très nettement la persistance de leurs appétits sexuels. Ils poursuivent la femelle, la lèchent, se montrent jaloux et bataïlleurs, mais sont incapables d’en ar- river à la copulation. La verge reste flasque sans érection, l’animal essaye en vain de réveiller ses organes en les frottant contre le sol, l’é- rection n'arrive même plus après provocation. Pendant ces manœuvres, 660 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. il s'écoule du liquide par la verge; j'avais cru à du sperme, ce n’est que de l'urine. Trois mois après l'opération, un de ces impuissants devint malade, maigrit et je le sacrifiai. La paralysie de ses nerfs éjaculateurs avait produit des effets vraiment extraordinaires. On peut dire que l’animal avait le ventre rempli par la dilatation des divers canaux et réservoirs servant à l’éjaculation {tubes wébériens et canaux déférents). Les tubes wébériens qui fournissent la plus grande partie du sperme d'émission avaient quintuplé de volume; ayant chaeun le volume du petit doigt, ils formaient par leur réunion une tumeur du volume du pouce : on les au- raient cru injectés artificiellement de liquide clair et transparent. Ils avaient la résistance de kystes distendus. Les canaux déférents, du vo- lume d'une plume d’oie, laissaient voir dans leur intérieur la collection du sperme sous forme de colonne blanchâtre. Je ne saurais dire dans quelle mesure cette sorte de tumeur intra-ab- dominale avait troublé la santé de mon sujet en expérience, car il avait en outre présenté sur la fin de son existence une maladie de peau, mais sûrement elle n’a pas été sans influence. Si l’on rapproche ces expériences des premières que j'ai citées plus haut, on voit que, dans le cas d’excitation, l'éjaculation a été suivie d'é- rection; et dans le cas de paralysie, l’éjaculation et l'érection ont été sup- primées. Les nerfs de l’éjaculation et de l'érection sont donc dans un rapport étroit. Je ne veux cependant pas les confondre avec les nerfs d'Eckhardt, qui n’ont produit que l'érection. La dernière expérience démontre en outre que ces nerfs éjaculateurs n’ont aucune influence sur la production des éléments du sperme. a ——————_—_—_——— Le Gérant : G. MAssoN. Paris. — Imprimerie G. ROUGIER et Cie, rue Cassette, L 661 SÉANCE DU 14 NOVEMBRE 1885 A. Prrres et VaLarp: Névrites parenchymateuses dans la fièvre typhoïde. — R. Dugois: Note sur la vaseline et son emploi dans l'alimentation. — M. P. Re- &NaArb: Note sur la tension qui existe dans les tissus de certains végétaux. — Francois Franck: Bruits gastriques rythmés avec le cœur dans un cas de dilata- tion de l'estomac, avec adhérences probables du péricarde. — J. Darier : Note sur les Microbes de la Bronchopneumonie diphtérique. (Séance du 7 novembre). Présidence de M. Hanot. NÉVRITES PARENCHYMATEUSES DANS LA FIÈVRE TYPHOÏDE, par MM. À. PITRES ET L. VAILLARD Dans le courant de la fièvre typhoïde, les nerfs périphériques peuvent être le siège d’altérations diffuses, plus ou moins graves et profondes, présentant tous les caractères typiques de la névrite parenchymateuse : fragmentation de la myéline, prolifération des noyaux des segments in- ter-annulaires, atrophie plus où moins complète des fibres nerveuses. Ces lésions, très évidentes sur les préparations histologiques que nous soumettons à la Société de Biologie, ont été rencontrées sur trois sujets morts à différentes périodes de la dothienentérie. Dans le premier fait, il s'agit d’un sujet jeune, mort au 16° jour d’une fièvre typhoïde à forme ataxique sans avoir présenté de troubles ap- préciables du côté du système nerveux périphérique. Le cerveau, la moelle, les méninges élaient sains à l'œil nu. L'examen histologique a porté sur les nerfs superficiels et profonds des deux membres supérieurs et sur les racines antérieures et postérieures de la région cervicale de la moelle. Les racines sensitives et motrices sont absolument intactes. Maisil n’en est plus de même des troncs ou filets nerveux. Des altérations importan- tes existent sur les branches du musculo-cutané, du brachial cutané in- terne à l’avant-bras et sur les filets terminaux du cubital, aussi bien d’un côté que de l’autre ; toutefois elles prédominent sur le membre supérieur droit. Si la lésion en jeu n’intéresse qu'un nombre restreint de tubes ner- veux, elleest par contre très avancée et aboutit à l’atrophie complète des fibres atteintes. Le médian, le radial et le tronc du cubital sontà peu près BIOLOGIE. COMPTES-RENDUS. — 82 gÉp1x T. Il, N° 39 662 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. intacts ; on y trouve cependant jusqu'à une très grande hauteur {aisselle) quelques fibres déjà atrophiées ou en voie de destruction. Les deux autres faits concernent des malades morts l’un au 24° jour, l’autre au 36° jour de la fièvre typhoïde sans avoir également présenté de symptômes cliniques imputables au système nerveux périphérique. Nos recherches ont porté sur différents nerfs des membres inférieurs ; tous étaient le siège d’altérations graves et profondes, étendues surtout à la totalité ou à la majeure partie des tubes nerveux. Chez l’un de ces su- jets, les collatéraux dorsaux du gros orteil gauche et le nerf péronier du même côté sont pour ainsi dire complètement détruits. Le tibial antérieur, droit est très compromis. Mais la lésion ne se cantonne pas aux membres inférieurs, car elle intéresse d’une manière semblable les collatéraux dor- saux de la main droite et le tronc du cubital. Dans le troisième cas, c'est à peine encore si le nerf péronier gauche, les branches du tibial antérieur, le saphène interne droit et les filets du muscle grand droit contiennent quelques fibres nerveuses saines. Bien que des névrites parenchymateuses diffuses aient été invariable- ment observées sur trois sujets pris au hasard, on ne saurait, de ce chef, préjuger leur fréquence réelle (1). Au moins ces faits indiquent-ils qu'elles ne doivent point être rares. Sans rechercher dès aujourd'hui si les lé- sions de cette nature jouent un rôle dans la symptomatologie vulgaire de la fièvre typhoïde ou de sa convalescence, nous pensons cependant qu'elles méritent d’être rapprochées de certains troubles sensitifs, moteurs et tro- phiques signalés en clinique. Légères et fugaces, les névrites qui se pro- duisent dans le cours de la pyrexie pourront rester latentes ou ignorées. Mais il n’en sera plus de même si elles deviennent graves, profondes et plus étendues ; alors elles se traduiront,selon leur siège, par des troubles isolés de la sensibilité on bien par des troubles à la fois sensitifs, moteurs ettrophiques qui caractérisent les névrites en général et se montrent avec la plus grande netteté dans certaines paralysies consécutives à la dothienentérie. (4) Dans un quatrième fait que nous étudions en ce moment, un certain nombre de nerfs périphériques présentent des altérations identiques aux pré- cédentes. Les racines motrices et sensitives sont absolument intactes et l'appa- reil nerveux central n'était le siège d'aucune altération macroscopique appréciable. sr SÉANCE DU 14 NOVEMBRE 663 NOTE SUR LA VASELINE ET SON EMPLOI DANS L'ALIMENTATION, par R. Dupois. Les expériences préliminaires dont nous présentons aujourd’hui les résultats ont pour but de répondre à la remarque suivante que nous trou- vons dans une circulaire de M. le ministre du commerce relative à la prohibition de la vaseline dans les patisseries : Cenfin l’étude de l’action des produits du pétrole dans l’économie, sur le système digestif spéciale- ment, nest pas même commencée et personne ne peut affirmer que l’in- gestion de ces matières soit sans inconvénient pour la santé. » La prohibition de cette substance a été décidée à la suite d’une délibéra- tion du conseil d'hygiène qui s’est justement ému de la substitution d'un produit dont les effets ne lui étaient pas connus, au beurre et à la graisse employés ordinairement dans la pâtisserie. On peut considérer cette substitution comme une falsification si l’on admet que la préparation et la composition des ‘gâteaux ne doit pas être abandonnée à la fantaisie culinaire ou commerciale du pâtissier; mais cela ne nous concerne pas. La vaseline est-elle toxique ou nuisible ? Voilà le point important pour nous : le conseil d'hygiène pose la question, mais ne la résout pas. Avant d'entreprendre des expériences sur ce sujet, nous avons cher- ché dans les divers traités de thérapeutique et dans les recueils spé- ciaux quelques indications bibliographiques sur l’action de la vaseline introduite dans l’économie par les voies digestives ; nous n'avons trouvé aucun renseignement suffisant. La vaseline a été employée à l'étranger, particulièrement en Allemagne, dans diverses affections telles que la phtsie, la bronchite, l'asthme, la constipation, etil ne parait pas que son ingestion à dose médicamen- teuse ait été suivie d'effets nuisibles. En France, on a souvent administré des pétroles lourds et en particu- lier une huile brute connue sous le nom d’huile de Gabian, qui en Amé- rique est un remède populaire. Nous avons pu nous-même en donner des doses assez fortes à une malade atteinte de dilatation des bronches avec bronchite fétide et, bien que l'estomac fût très susceptible, le traitement ne donna lieu à aucun trouble notable du côté des fonctions digestives. Les animaux domestiques tolèrent bien da vaseline et l’acceptent sans répugnance quand elle est absolument inodore. Deux chiens ont été mis en observation au laboratoire de physielogie de la Faculté des sciences. Ces animaux (un griffon et un épagneul) ont été exclusivement nourris avec de la soupe dans laquelle la graisse qui entre ordinairement dans sa composition est totalement remplacée par de la vaseline : ils ont absorbé en dix jours quatre cents grammes de va- seline. Le chien griffon, plus vorace que l’épagneul, a mangé deux cents 664 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Le cinquante grammes environ de ce carbure d'hydrogène :soit en moyenne, 25 grammes par jour et l'épagneul 150grammes, soit 15 grammes par Jour. Pour un homme du poids de 40 kilogrammes,ces chiffres représenteraient des doses quotidiennes de 106 grammes et de 60 grammes, le poids des chiens étant voisin de 10 kilogrammes. Est-il utile de faire remarquer qu'une semblable quantité de vaseline ne pourrait pas être introduite dans un gâteau destiné à être consommé par un seul individu ? Malgré l'alimentation dépourvue de graisse et de viande, le poids des animaux à peu varié, il a légèrement augmenté. L'état général a toujours été très bon: il n'ya eu ni diminution d’appétit, ni vomissements, ni diarrhée. Les matières stercorales ont toujours été äemi solides, Jau- nâtres, mais non diarrhéiques. La température rectale également n'a pas beaucoup varié, elle s’est montrée en moyenne égale à 39°. La soif ne parait pas exagérée, les urines sont presque inodores, très pâles ; elles ne contiennent ni sucre ni albumine. La quantité d'urée rendue est très faible : on n'en trouve guère que quatre à cinq grammes par litre, ce qui donne une quantité totale d’urée, par jour, égale à 5 et 6 grammes. Il convient d'ailleurs de faire remarquer que ces chiens ne peuvent trouver d'aliments azotés que dans le gluten du pain qui n’en contient que de faibles proportions. On peut donc dire que les pétroles lourds inodores connus dans le com- merce sous lenom dans de vaseline sont bien tolérés par le tube digestif, malgré la constitution de ces carbures d'hydrogène qui ne se prêtent ni à l'oxydation ni à la saponification comme les graisses. La vaseline n’est done pas susceptible, chez les chiens tout au moins, de déterminer des accidents toxiques aigus ou simplement des perturba- tions de quelque importance lorsqu'elle est administrée à haute dose. Ces recherches, que nous poursuivons, nous apprendront si l'usage prolongé de cette substance est également exempt d'inconvénients. Il est nécessaire avant de se prononcer sur ce point de multiplier le nombre des expériences et de rechercher chaque jour si quelque modification par- ticulièrene se produit pas dans la nutrition. Il est intéressant, en outre, de savoir si la vaseline introduite dans les voies digestives est réellement absorbée, ce qui n'est pas certain. L'activité toxique des carbures d'hydrogène retirés du pétrole parait s’accroitre avec le degré de volatilité : j'ai vu se produire chez un mili- taire des accidents extrêmement inquiétants à la suite de l'ingestion d’une certaine quantité d'essence minérale que je ne puis préciser. Une bouteille dont le contenu servait à alimenter une lampe à essence ayant été remplie de vin, le carbure d'hydrogène avait surnagé et en cher- chant à boire directement dans la bouteille, cet homme avait avalé une certaine quantité de pétrole léger. Au bout de quelquesinstants, un délire MERE SÉANCE DU 14 NOVEMBRE 665 violent, un peu comparable à celui que produit l'essence d'absinthe, se déclara, il ne fallut pas moins de trois hommes pour maintenir le malade sur son lit. Des convulsions cloniques agitaient tous les membres et provoquaient des soubresauts violents du corps tout entier. La face était vultueuse, la bouche écumante et la peau couverte de sueur. Le malade accusait une violente sensation de brûlure à la gorge et dans la région épigastrique. Ne connaissant pas de contre-poison susceptible de modifier la consti- tution chimique d’un tel liquide et n'ayant pas à ma disposition de pompe gastrique, je fis avaler, non sans peine, une grande quantité de charbon animal dans le but d'absorber l'essence. Au bout de quelques instants, le malade put vomir; les vomissements, aussi bien que l’air expiré exhalaient une forte odeur de pétrole. Tous les accidents se dissipèrent assez rapidement, et le lendemain le malade n'accusait plus qu'en peu de céphalalgie, de pyrosis et de courbature. D’autres carbures liquides, tels que la benzine, sont de puissants anes- thésiques et par conséquent des poisons violents. Mais, on ne sait pas encore où commence et où finit la toxicité des pétroles, et il est intéressant de rechercher à quelle loi elle obéit, 666 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE NOTE SUR LA TENSION QUI EXISTE DANS LES TISSUS DE CERTAINS VÉGÉTAUX par M. P.REGNARD. Parmi les mécanismes dont sont douées certaines plantes pour la dis- sémination de leurs graines, le plus singulier est certainement celui que nous présentent celles qui lancent au loin leur semence, dans un rayon quelquefois considérable. Le plus connu de ces végétaux est la balsamine //mpatiens noli-tan- gere L.) qui se rencontre dans nos régions subalpines et dont le fruit, au moment de la maturité, éclate en même temps que ses carpelles se roulent sur eux-mêmes, projetant dans l’espace les graines qui ne leur sont presque plus adhérentes. C'est à côlé de cette plante fque l’on peut placer une Euphorbiacée plus singulière encore, l’Hura crepitans, qui, au moment de la déhiscence et à l'instant où elle est déjà un peu desséchée, lance au loin ses graines avec une détonation dont le bruit égale presque un coup de pistolet. Un autre de ces végétaux singuliers est une Gucurbitacée l’£'cballium agreste, qui pousse dans les fossés du midi de la France. Son fruit, au mo ment de la maturité, se détache brusquement de son pédoncule et, par l'orifice qui en résulte, il se vide (comme un ballon élastique qui se dé- gonflerait), lançant au loin ses graines mélangées d’un liquide écumeux. Nous avons voulu voir quelle était la puissance de cette projection. Pour cela, nous avons tout d'abord tenté de mettre subitement en rap- port le fruit avec un manomètre complètement rempli de liquide, dont l'extrémité pointue était subitement implantée dans le frun de l£'challium. Ce procédé direct est fort mauvais. D'abord il est difficile de toucher le fruit mûr sans provoquer l'explosion. Ensuite, le seul fait que le fruit se vide dans le manomètre fausse la mesure, puisque le liquide qu'il con- tient n’a pas de force élastique. J'ai donc procédé indirectement. Sur une surface plane, j'ai placé des fruits d'£'challium cueillis avec assez de soin pour ne pas provoquer l'explosion. Puis, au moyen d'un léger attouchement, je faisais tomber le pédoncule, les graines étaient projetées horizontalement. Je mesurais à quelle distance. Puis, au moyen d'une pompe à air comprimé, je projetais un jet de liquide horizontal, par un orifice juste égal à celui du fruit d'£challium, et je voyais, avec un manomètre très sensible, quelle pression il fallait donner à l'air élastique pour que l’eau fût jetée à la méme distance horizontale que les graines. Les fruits étant assez différents, j'ai naturellement trouvé des distances variables, depuis 5 mètres jusqu’à 9. C’est d’une force d'une demie à une atmosphère que presse la coque de l’Æchallium sur les liquides qu'elle contient. SÉANCE DU 14 NOVEMBRE 667 C’est donc une pression pareille qui supportent les liquides en circula- tion pour pénétrer dans le fruit; c’est donc aussi une pareille pression que doivent avoir tous les liquides contenus dans les vaisseaux de cette plante herbacée et rampante. La mousse, l’écume, quis’échappent au moment de l'explosion tiennent à ce que, sous cette pression, l'acide carbonique est dissous dans la plante en grande quantité. Il s'échappe dès que la pression est détruite, comme il s'échappe d’un vin mousseux quand on ouvre la bouteille où celui-ci est contenu. 668 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE BRUITS GASTRIQUES RYTHMÉS AVEC LE COEUR DANS UN CAS DE DILATATION DE L'ESTOMAC, AVEC ADHÉRENCE PROBABLE DU PÉRICARDE, par M. FRANÇOIS- FRANCK (1). De nombreux observateurs ont signalé, depuis Laënnec, la résonnance métallique des bruits du cœur dans des cas de dilatation de l'estomac : on doit à Skoda, Dechambre, Gerhardt, Leichtenstern, etc., la mention de plusieurs faits de ce genre; Korezynski en rappelle l’histoire dans un tra- vail clinique publié en 1879 dans le Wiener médic. Presse (n° 47). J'ai eu moi-même l’occasion d'en observer quelques cas, mais celui dont je désire entretenir la Société diffère par plusieurs caractères impor- tants des faits précédemment chservés. Le malade que j'ai eu à examiner présentait, non pas une résonnance métallique des bruits du cœur due au renforcement des sons valvulaires par l'estomac dilaté et rempli de gaz, mais un bruit de gargouillement systolique, très intense, rappelant celui que produirait le battage d'un liquide d’une certaine consistance; ce bruit avait son maximum dans la région épigastrique, mais se propageait très loin et s’entendait même à distance. La provenance d'un tel bruit me laissa d'abord fort indécis, d'autant mieux que ce sujet était considéré comme atteint d'une affection organique du cœur. C'est par exclusion que j'ai pensé à l’origine gas- trique de ce bruit anormal : je ne trouvais en effet aucun signe local ou général de lésion d’orifice; il n'y avait aucune raison de supposer l’exis- tence d’une péricardite avec épanchement de gaz et de liquide : l’origine du bruit devait done se trouver en dehors de l'appareil cardiaque. On devait dès lors se demander si lepoumon ou la plèvre ne présentaient par ces altérations qui ont déjà été reconnues comme capables de donner naissance à des bruits de ce genre; on sait en effet que M. Potain et ses élèves (Choyau, Cuffer et quelques autres) ont étudié, sous le nom de bruits extra-cardiaques pulmonaires ou pleuraux, des bruits analogues à celui que présentait mon malade et qui résultaient des déplacements brusques imprimés par les mouvements du cœur au liquide mélangé de gaz contenu soit dans des cavités pulmonaires, soit dans la plèvre gauche, Mais un examen attentif de l'appareil respiratoire ne révélait aucune lésion cavitaire et je me trouvais ainsi conduit à rechercher dans l’esto- mac la provenance du bruit qui n’était ni cardiaque, ni péricardique, ni pulmonaire, ni pleural; j'ajoute qu'il n’était pas davantage œsophagien, comme le montrait son siège en avant, sa disparition le long de la colonne = (1) Note présentée dans la séance du 7 novembre; dévoloppée dans la Gazette hebdomadaire de médecine et chirurgie, 20 novembre 1885. SÉANCE DU 14 NOVEMBRE 669 vertébrale, et surtout sa conservation quand le malade fut soumis, comme je vais le dire, au cathétérisme de l’æsophage. L'estomac du sujet présentait une dilatation évidente, avec saillie épi- gastrique, clapotement par pereussion latérale, troubles dyspeptiques. Dans l'hypothèse que le bruit de gargouillement systolique pouvait tenir aux mouvements imprimés par le cœur à la paroi gastrique et transmis ainsi aux gaz et aux liquides contenus dans la cavité de l'estomac, j'in- troduisis une sonde œæsophagienne qui fut peu à peu poussée jusque dans l'estomac ; tant qu’elle resta dans la cavité œsophagienne, elle ne fournit aucun écoulement de liquide et ne modifia en aucune facon le bruit du gargouillement. Mais à peine l'estomac fut-ilen partie évacué de ses gaz et de son contenu muqueux et alimentaire, que le bruit se suspendit presque complètement. Le malade, qui l’entendait lui-même et se plai- gnait de le trop bien entendre, fut le premier à signaler sa disparition; cependant, en auscultant le creux épigastrique, on en retrouvait la trace. La contre-épreuve fut obtenue en réintroduisant une certaine quantité de liquide (eau de Vichy diluée, tiède) dans l'estomac : mais le bruit qui reparut alors n'avait plus le caractère de gargouillement si frappant du début, ce qui tient sans doute à la moindre viscosité du contenu de l’esto- mac dans cette seconde épreuve. Toujours est-il que le point de départ gastrique du bruit anormal se trouvait établi, à la grande satisfaction, ajouterai-je, du malade et de son médecin; on comprend, en effet, tout l'intérêt pratique qui s’attache à une constatation de ce genre, puisqu'elle exclut le diagnostic, en appa- rence très légitime, d’une affection organique du cœur, en précisant le siège extra-cardiaque du bruit. [l est bien regrettable qu'une semblable démonstration ne puisse pas étre donnée pour tous les autres bruits extra-cardiaques ayant leur point de départ dans le poumon, même quand celui-ci est sain et que les battements du cœur produisent de vé- ritables souffles à peu près systoliques, que l’on prend si logiquement pour des souffles d'insuffisance mitrale. | Le mécanisme de ces bruits (tout différents, comme on voit, des simples modifications de son qui constituent la résonnance métallique) me parait être identique pour tous les cas de souffles, de gargouille- ments, de craquements rythmés avec la systole ventriculaire, quel que soit le siège pulmonaire, pleural ou gastrique de ces bruits extra-cardia- ques : c'est toujours au changement de volume (diminution systolique) du cœur qu'ils sont dus. On les a souvent attribués au choc du cœur sur une lame de poumon, sur la paroi d’une caverne, sur le diaphragme lui-même : cette opinion, que n’a point acceptée M. Potain et que j'ai discutée de mon côté dans un travail publié en 1877 sur les changements de volume du cœur, doit être écartée : l'observation qui est le point de départ de cette note suffirait à en démontrer l’inexactitude. Le malade que j'ai étudié présente, en effet, une systole en refrait, 670 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE une pulsation cardiaque, renversée, négative, comme on l'appelle: c’est-à- dire qu'au lieu de donner une impulsion au doigt, la portion ventriculaire accessible à l'exploration donne, au moment de la systole, un retrait ma- nifeste ; lestracés cardiographiques recueillis sur ce sujet établissent le fait avec la plus grande évidence. Ge retrait systolique, dù à la diminu- tion de volume du cœur qui se vide dans les artères, s'opère avec une grande brusquerie et provoque, par l'attraction qu'il exerce sur la paroi diaphragmatico-gastrique, un déplacement du contenu liquide et gazeux assez rapide et énergique pour déterminer le bruit bulleux dont il s’agit. La constatation de ce phénomène de retrait systolique m'a conduit à me poser une autre question dont la solution présenterait une véritable importance : n’y aurait-il pas chez mon malade (ainsi que chez la plupart de ceux qui ont présenté des bruits analogues) d'adhérence du péricarde expliquant la prédominance des manifestations de changement volumétique et par suite la production des bruits gastriques? Ces bruits, en effet, ne se rencontrent qu’exceptionnellement dans les cas si fré- quents de dilatation de l'estomac; les sujets chez lesquels on les trouve doivent donc présenter quelque condition productrice particulière, et le symphyse cardiaque réalise précisément cette condition. On sait combien est encore indécis le diagnostic des adhérences du péricarde, même quand le retrait systolique avec ondulation de la région précordiale se présente chez un sujet chez lequel on n’a pas pu suivre ou affirmer l’évo- lution d'une péricardite antérieure. Peut-être l'étude attentive de cas de ce genre conduirait-elle à la conclusion à laquelle est déjà arrivé Riess qui a observé non des bruits de gargouillement gastrique, mais la résonnance métallique des bruits du cœur dans l'estomac, chez des sujets dont l'un était sûrement atteint d'adhérence péricardique? Chez mon malade, l'existence de ces adhérences me paraît seulement vraisemblable en raison de la coexistence du retrait systolique et du bruit stomacal, ainsi que de l’abaïssement de la pointe et d’un certain degré d’hypertrophie cardiaque. SÉANCE DU 14 NOVEMBRE 671 NOTE SUR LES MICROBES DE ZA BRONCHOPNEUMONIE DIPHTHÉRIQUE par le D'J. DaARtER. Note présentée à la séance du 7 novembre 1885. Au cours d'un travail présenté à la Faculté de Médecine comme thèse inaugurale et publié au mois de mars dernier, j'avais été amené, en étu- diant la « Bronchopneunomie dans la diphthérie », à rechercher les microbes dans les lobules enflammés. On en trouve presque constamment, et en ne tenant compte que de leurs caractères extérieurs on peut les classer en deux groupes : des bacilles et des microcoques. J'avais signalé, et la planche annexée à l'ouvrage faisait bien res- sortir le fait, l’analogie frappante de forme et de disposition que pré- sentaient mes bacilles avec ceux que Klebs et Lüffler considèrent comme étant les véritables microbes de la diphthérie. D'autre part, j'ai montré qu'on pouvait comparer les microcoques aux microorganismes de la suppuration et en particulier au Streptococcus. Cette étude, basée seulement sur des observations, était forcément in- complète et ne pouvait conduire qu’à des hypothèses sur la nature réelle de ces microbes et sur leur rôle pathogénique. Il était nécessaire de les cultiver isolément et de les inoculer à des animaux pour être fixé à ce sujet. J'ai pu récemment combler cette lacune, et c'est le résultat de mes recherches complémentaires que j'ai l'honneur de présenter aujourd’hui . à la Société de Biologie. — Les microcoques, ai-je dit ,se présentent sous l'aspect de petits corps ronds, généralement groupés en diplocoques, souvent aussi en longues chaïinettes flexueuses composées d’un nombre plus ou moins grand d'in- dividus. D’autres fois, ils forment des groupes serrés et des amas d’ap- parence nuageuse. Dès mes premières cultures, j'ai pu reconnaitre que ces deux modes de groupement appartiennent à des espèces distinctes, ce que l’examen seul des coupes ou des produits de raclage desséchés sur des lamelles n'avait pas pu m'apprendre, En ensemencant des bouillons peptonisés et solidifiés par l’agar agar ou la gélatine avec du suc de bronchopneunomie ‘dilué, on peut voir apparaitre trois sortes de cultures : 1° Les unes d’un blanc opaque le premier jour, devenant jaunâtres, puis d'un beau jaune d’or les jours suivants, appartiennent an Staphylo- Coccus pyogenes aureus. 2° D’autres semblables aux précédentes le premier jour, mais ne de- venant pas jaunes. Ce sont des microcoques qui ressemblent beaucoup 672 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE au Staphulococcus pyogenes albus, mais qui s'en distinguent par quelques particularités que je ferai ressortir. 3° D'autres cultures enfin ne germent qu'au bout de deux ou trois jours, restent généralement minces, transparentes et grisâtres, et sont formées par le Streptococcus pyogenes. Sur les terrains que je viens d'indiquer, on ne voit en effet pas germer les bacilles de la Diphthérie, qui sont beaucoup plus difficiles à cultiver. Il va sans dire en outre que je fais abstraction des bactéries de la putré- faction, qui pullulent si la pièce n'était pas fraiche et dont il faut alors se débarrasser par des cultures successives. ; Ainsi donc, les microcoques que j'avais décrits en bloc appartiennent à trois espèces distinctes dont deux au moins sont des espèces pyogènes connues. Il est de toute évidence que leur morphologie et l'aspect seul des cul- tures ne peut pas suffire à caractériser chacun d’entre eux et que j'ai dû, avant de leur appliquer un nom, les ensemencer sur des terrains variés et les imoculer à divers animaux dans différentes conditions, rechercher en un mot leurs réactions de culture et leurs réactions pa- thogéniques. Je vais résumer brièvement les principaux caractères que j'ai vérifiés pour chacun d’eux, sans entrer dans les détails, puisqu'il s’agit de faits connus. J’ai d’ailleurs l'intention de donner dans une publication ulté- rieure le compte rendu des expériences qui justifient les assertions que je me borne à énoncer dans cette note préliminaire. R — Le staphylococcus pyogenes aureus (dont voici des cultures) se pré- sente sous l'aspect de cocci parfaitement rond, de près de 1 y de dia- . mètre, groupés comme les grains d’une grappe de raisin, d’où lui vient du reste son nom. Sur le bord des groupes où nageant dans le liquide les individus sont généralement accolés 2 à 2 en diplocoques, rarement en chainettes de 3 ou 4. Ce microbe germe facilement sur tous les terrains usuels. Sur les milieux qui supportent la mise à l’étuve à 37° on a déjà au bout de 18 à 24 heures une végétation abondante. Sur du bouillon solidifié par l’agar il forme des taches d’un blanc opaque le 1° jour, jaunâtre Le 2° et d’un jaune orange le 4° jour ; la tache à à ce moment un diamètre de 6 à 8%, C’est, à ma connaissance, le seul micro- organisme quioffre des cultures aussi franchement colorées en jaune, sauf peut-être un microbe de la grangrène pulmonaire signalé récemment par Foa au Congrès de Pérouse. Inoculé sur la gélatine nutritive, 1l la liquéfie rapidement, et on voit alors au niveau de la culture une dépression en cupule pleine d'air, au fond de laquelle il y a un liquide trouble avec un sédiment d’un blanc sale. Cet aspect de la culture la fait ressembler à celle du bacille virgule, ce qu'on n'avait pas signalé, à ce que je crois. Dans le bouillon peptonisé ou non on a, au boutde 24 heures à l’étuve. Fer D SÉANCE DU 14 NOVEMBRE 673 un trouble uniforme, puis les jours suivants un dépôt à peine jaunâtre. Sur la pomme de terre, on obtient une culture caractérisüque, épaisse : et d’un beau jaune. | J'ai poursuivi les cultures pures jusqu'à la 9° génération: dans un cas,. une culture abandonnée s’est montrée encore féconde plus de six semaines après. Dans toutes les circonstances et malgré un long temps écoulé, ce micro-organisme ne s'altère pas dans sa forme. Tout au plus voit-on au bout de quelques jours, comme le dit Rosenbach, les grains devenir légè- rement plus gros qu'au début. Quant aux inoculations, voici en somme les résultats obtenus. L’injec- tion sous-cutanée d'une certaine quantité d’une culture diluée dans de l’eau salée, produit chez le cobaye un abcès qui guérit; l'injection intrapleurale ou intrapéritonéale amène une inflammation non mortelle et on retrouve les microbes dans le sang. Plus caractéristiques sont les réactions fournies par le lapin. Une injec- tion intraveineuse très riche le tue en 2% heures sans lésions macrosco- piques à l’autopsie. Quand la survie dure plus de 2 jours, on trouve les reins farcis de ces abcès miliaires décrits et figurés par F. Krause et Passet. Le sang et l'urine ensemencés développent ‘des cultures jaunes. Il me semble indubitable, d'après cela, que les cultures jaunes que j'ai eues sous les yeux étaient bien celles du staphylococcus pyogenes aureus. Voici maintenant quelle était la région où avait été recueilli le liquide ensemencé dans les quatre cas où j'ai obtenu cet organisme dans mes cul- tures : Dans le premier cas, c'est dans le suc pulmonaire , au niveau d’un lobule en hépatisation rouge; le pus des bronches n'a pas été cultivé. Dans le deuxième cas, je ne l'ai trouvé que dans les fausses membranes de la trachée et je n’en ai pas obtenu dans les régions hépatisées et splé- nisées. Dans le troisième cas, ce microbe existait dans l’exsudat pleural qui accompagnait la bronchopneumonie ; il m'a échappé dans les bronches et dans le tissu pulmonaire splénisé et hépatisé. Dans le dernier cas, on le trouvait dans Les lobules pulmonaires où M, lésion passait à la Sup Ron (grains jaunes) et non dans ceux aù l'hépatisation était restée rouge ou entrait même en voie de réparation. Etant données, d'une part, les propriétés pyogéniques bien connues du staphylococcus aureus chez l'homme, propriétés qui sont accusées par sa présence si fréquente dans les collections purulentes; —— d'autre part, que j'ai rencontré cet organisme dans quatre bronchopneumonies diphthé- riques, une fois dans la trachée seulement, mais trois fois dans des régions en voie de suppuration : je crois pouvoir conclure que lestaphylo- coccus aureus peut venir compliquer la diphthérie en particulier dans le poumon et provoquer la suppuration des points enflammés. Le second microbe qui se présente fréquemment dans les cultures 67 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. du sue de bronchopneumonie diphthérique, ressemble, à ce que j'ai dit, au Staphylococcus pyogenes albus. Or, celui-ci est facile à caractériser : il aurait, selon les auteurs, toutes les propriétés morphologiques et biolo- giques du staphylococcus aureus, moins la couleur jaune des cultures sur les milieux solides. J'ai constaté en effet l'identité de forme et de groupement des éléments, la même germination facile sur tous les ter- rains usités, le même développement rapide des cultures qui restent fort longtemps viables, etc. Mais on peut constater que les cocci pris isolément ont un diamètre un peu plus considérable ; tirés d’une culture récente et examinés après dessication et coloration, ils mesurent en effet de 1 & 25 à 1 x 50. D'autre part, la liquéfaction de la gélatine où l’on a inoculé ee coccus blanc tarde un peu plus à se faire et n’apparaît que le5° ou 6° jour, mais elle donne lieu à la même dépression en cupule que pour le staphylococ- cus aureus. Enfin la virulence des cultures m’a paru moins grande que celle de ce dernier organisme. J’ai sans doute pratiqué moins d'expériences avec le staph. albus ; mais en l’injectant même en énorme abondance dans les veines d’un lapin, je n’ai pas pu réussir à faire périr l'animal. On doit supposer soit que ces différences ont échappé aux auteurs qui lui ont attribué par analogie les propriétés de son homonyme à cultures jaunes, soit que le coceus que j'ai eu sous les yeux appartient à une au- tre espèce. Puisqu'il subsiste un doute, je ne tirerai aucune conclusion de la pré- sence si fréquente de ce microbe dans les lésions diphthérique. Je l'ai rencontré dans trois cas sur quatre; une fois il existait dans tout l’arbre bronchique depuis le pharynx jusqu'aux lobules pulmonaires; deux fois je ne l’aitrouvé que dans le poumon, mais aussi bien dans les régions seulement congestionnées que dans les points suppurés. Les flocons fibrineux de la pleurésie dont j'ai parlé plus haut en contenaient également. Voit-cn, dans une culture du sue de bronchopneumonie, apparaitre au bout de 2 à 3 jours de petites taches grisâtres, minces qui s'étendent très peu, c’estau Streptococcus pyogenes que l’on a affaire. Au microscope, la tache se présentesous l'aspect de chapelets de petits grains ronds dont les éléments sont plus rapprochés deux à deux, et forment par leur union de longs filaments pelotonnés et enchevêtrés en réseau. Ces fila- ments atteignent une longueur démesurée lorsque la culture est faite dans le bouillon peptonisé et sucré indiqué par Lôffler. Ce liquide reste clair, tous les microbes se trouvant groupés dans des flocons. Le streptococcus pousse mieux sur l’agar que sur la gélatine qu'il ne liquéfie pas, et se développe plus dans la profondeur d'une piqûre qu’à la surface. Ses éléments sont très altérables et au bout de quatre à cinq jours déjà on SÉANCE DU 14 NOVEMBRK 675 les voit prendre des formes d’involution les plus variées. Si quelques grains deviennent alors plus petits, la plus grande partie d’entre eux s’allonge au contraire, devient ovale. On a alors ces chaïînettes de grains ovales, ou ces séries de grains ronds terminées par un organisme ovale qui sont réprésentées dans ma thèse. Je suis même persuadé que certains diplocoques composés de deux corpuseules assez gros et ovales, qu'on rencontre dans les raclages de brochopneumonie, ne sont parfois que des streptococceus altérés qui en ont imposé pour des pneumococcus. Malgré la présence de ces formes d'involution, les cultures restent encore fé- condes, mais se reproduisent plus difficilement. Au bout d’un mois, Je n'ai plus obtenu de réimoculation. Les expériences sur les animaux m'ont permis de reconnaitre toutes les principales réactions du streptococcus pyogenes. Injecté sous la peau d’un lapin, il produit une rougeur diffuse et un abeès qui se circonscrit dans la suite. Une piqüre faite à l'oreille avec une aiguille trempée dans une culture provoque le second jour une rougeur diffuse qui per- siste huit jours. Une piqüre faite de même sur la cornée donne une kératite, comme l’a constaté Krause. Porté dans la plèvre, le streptococcus y fait naïitre une inflammation intense, fibrineuse et purulente. — Les souris succombent en 24 ou 36 heures à une inoculation même peu abondante de ce mi- crobe sous la peau du dos. On sait que les propriétés du streptococcus pyogeñes sont identiques à celles du streptococcus dit erysipelatus, sauf des nuances dans l'aspect des cultures qui ont été indiquées par Rosenbach. J'ai trouvé des strepltococcus dans mes quatre cas de bronchopneu- monie diphthérique et j'ai pu les cultiver. Il y en avait constamment dans toutes les parties enflammées, aussi bien dans les bronches que dans le poumon, très abondamment surtout dans les lobules en hépati- sation rouge. Je pourrai répéter textuellement pour le streptococcus ce que j'ai dit pour le staphylococeus aureus et conclure à son rôle pathogénique im- portant dans les complications pulmonaires de la diphthérie. Qu'il me soit permis de dire en passant que dans aucune de mes cul- tures je n'ai trouvé le pneumococeus de Friedlander et de Talamon. — J'en viens maintenant au bacille diphthérique que j'avais trouvé six fois sur les dix cas cités dans mon premier travail, et que j'ai revu trois fois sur les quatre cas examinés récemment. Je n’ai pu le cultiver que dans le dernier de ces cas, faute du matériel nécessaire. Il ne germe en effet que sur le sérum gélatinisé et mieux encore sur le sérum peptonisé et sucré à une température de 31°. En me servant de ce terrain de culture j'ai réussi dès ma première tentative et j'ai eu de belles cultures blanches épaisses. Cependant je dois dire que je ne suis pas encore arrivé à connaître parfaitement toutes les conditions de bonne végétation de ce 676 SOCIÉTÉ DE BIULOGIE FU con ao eme RENE SENCONNNNNNNNNNNN microbe ; en effet, je n'ai pas pu obtenir de belles cultures au delà de la quatrième génération; en outre, j'ai vu dans nombre de mes cultures abonder dès le premier jour les formes d'involution. Les bacilles se ren- flent alors en forme de vésicule ou de poire et prennent un aspect singu- lier. Cependant ceux qui germent normalement ont l'aspect caractéris- tique que j'ai représenté sur ce dessin. Ils mesurent 0,75 y à 2 y sont arrondis ou même renflés à leurs extrémités, parfois incurvés, souvent en chainettes de deux. On y voit fréquemment, surtout vers les mie un ou deux grains plus vivement colorés. Quelques-unes des propriétés de ces bacilles sont assez caractéristiques ainsi, ils ne germent absolument pas dans les bouillons nutritifs liquides ou mêlés d'agar ou de gélatine. Un cobaye qui a recu en injection sous-cutanée une petite quantité de culture diluée dans l’eau salée meurt dans les 24 heures, sans lésions appréciables à l’autopsie. Un cobaye étant trachéotomisé et sa trachée scarifiée ayant été badi- geonnée avec une culture de bacille diphthérique, il meurt le lendemain, et au point lésé, mais là seulement, on trouve une mince fausse membrane. Ces réactions suffisent à démontrer que je n’ai pas eu sous les yeux un microbe banal, mais bien celui qu'on considère comme spécifique de la diphthérie. Quant aux régions des poumons malades où il siège, je n'ai pas à revenir sur ce que j'&i dit précédemment. On le rencontre plus sûrement dans les régions récemment envahies que dans les foyers déjà suppurés, et je diffère d'opinion sur ce point avec M. Thaon, qui a fait ici même sur ce sujet une communication récente. — En résumé, je dirai que l’on trouve dans les poumons atteints de bron- chopneumonie diphthérique, en dehors du micro-organisme spécifique, des microbes variés qui appartiennent aux espèces staphylococcus aureus, streptococcus pyogenes et peut-être staphylocoecus albus. Ces microbes ont une action pyogène évidente et viennent par leur présence compli- quer la maladie primordiale. Ils ont pour effet tout au moins d'aggraver l'inflammation pulmonaire causée soit par le bacille diphthérique, soit par l’intoxication du sang, et de provoquer la süppuration des lobules. Cette conclusion confirme l’hypothèse que j'avais émise dans ma thèse. ll est fort probable en outre qu'il s’agit là d’un fait assez général dans la pathologie : une fois qu'un microbe à infecté l'organisme, il prépare la voie à d’autres parasites très répandus qui germent sur le terrain ainsi modifié et ajoutent leur aclion à celle du micro-organisme spécifique. Les modalités diverses que peut présenter une même maladie ne tien- nent peut-être pas à une aulre cause. Le Gérant : G. MASSoN. LOS TA RLASRNSRREENENEE CE PEUX MERPUERSEREPELEE ER LAURE PSE Pere CP PUERE . Paris. — Imprimerie G. ROUGIER et Cie, rue Cassette, L Où I 1 SÉANCE DU 21 NOVEMBRE 1885 M. Cuanuix : Maladie pyocyauique. Son mécanisme. — MM. A. Pirres et VarLLARD Arthropathie tabétique de la colonne vertébrale. — Dr A. Henocque : Présentation de deux modèles d’hémato-spectroscopes. — M. Roux: Présentation de photogra- phies du microbe du Rouget du Porc. — M.H. BsaureGarDb : Note sur une jeune Balœnoptère capturée près de Fécamp. — M. A. Houoé: De la Spartéine . Chimie. = M. V. LaBonDe : Action physiclogique de la Spartéine; prédominance de cette action sur le cœur. Présidence de M. Hanot. MALADIE PYOCGYANIQUE. — Son mécanisme, par M. CHARRIN. J'ai déjà eu l'honneur d'entretenir la Société de biologie des premiers résultats que j'ai obtenus par l'injection intra-veineuse des cultures du micrococcus pyocyaneus (Voir séance du 6 juin 1885). Je lui demande la permission de lui communiquer aujourd'hui quelques faits nouveaux que j'ai pu observer dans le laboratoire de M. le professeur Bouchard. Quand on inocule par voie vasculaire des lapins à l’aide de quelques gouttes de cultures contenant de la pyocyanine, on détermine une maladie dont la durée varie en moyenne de deux ou trois jours à quinze ou vingt jours. Il semble qu'il existe une forme aiguë rare et une forme en quelque sorte chronique plus fréquente. Cette durée est sous la dépen- dance de la dose inoculée ; mais il existe aussi des variations de durée qui doivent dépendre et de l'animal et de la virulence de la culture sans qu'on puisse incriminer les quantités injectées. Telle cinquième culture, par exemple, est plus virulente que la première d’une autre série. Plusieurs symptômes caractérisent la maladie ainsi déterminée. Le plus important est l’albuminurie, albuminurie qui peut devenir très intense. Elle apparait promptement, 3 h. 50 après l’inoculation. A ce moment, l'urine ensemencée ne donne pas de pyocyanine. Au bout de douze heures, l'albuminurie est plus considérable, l'urine ensemencée donne de la pyocyanine. Le microbe avant de franchir le rein déter- mine donc déjà l'apparition de l’albumine, mécaniquement par modi- ficalion de la pression ou de la vitesse du sang, traumatiquement en agissant sur les épithéliums qu'il franchit, ou encore chimiquement. BIOLOGIE. COMPTES-RENDUS, — 8€ SÉRIE T. Il, N° 40 678 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE La diarrhée est fréquente. Les matières fécales placées dans un ballon stérilisé y font apparaître la pyocyanine, démonstration sûre de la possi- bilité de la transmission de certaines maladies par les selles. — Je signalerai encore, à titre de phénomènes plus rares, la rétention d'urine, des parésies, des ophtalmies; dans ces cas, des fragments de moelle, des gouttes d'humeur aqueuse ensemencées dans des bouillons ont donné naissance à la pyocyanine. Sur dix ensemencements de sang, la moitié environ restent stériles. Au point de vue de l'habitat, le micrococcus pyocyaneus tient done le milieu entre certains microbes, qui, comme la bactéridie charbonneuse, abondent dans le sang à la période terminale, au moins chez certains animaux comme le cobaye, et ceux, qui, comme le bacille de Koch, sont presque toujours absents de la circulation générale. Il y a, à ce point de vue, des catégories à créer dans les maladies infectieuses, les hémosepsies d'une part, les histosepsies de l’autre, et entre les deux un troisième groupe. ; On peut également observer la transmission de la maladie au fœtus, chose facile à démontrer en ensemençant des bouillons avec des frag- ments de foie de fœtus, fragments qui font apparaitre la pyocyanine dans ces bouillons. R Ayant d'un côté un microbe et son produit, la pyocyanine, substance chimique définie, cristallisable, ayant d'autre part constaté que ce microbe pouvait être la cause d'une maladie à type à peu près constant, je me suis demandé si on pouvait, vu ces conditions favorables, aller plus loin et chercher à savoir, d’après les théories en faveur, comment le microbe faisait la maladie, s'il se servait pour cela de la substance qui est sa fonction. J'ai filtré au filtre Chamberland degcultures riches en pyocyanine. Je me suis assuré par la culture que le nie filtré ne renfermait plus de micrococeus pyocyaneus et j'ai injecté danses veines des lapins le liquide ainsi filtré qui avait gardé sa coloration. J'ai vu que pour donner aux animaux des accidents, tels que diarrhée, agitation, il fallait de grandes quantités de culture (60 à 80% par kilog.). J'ai injecté aussi, Sans grand résultat, de la pyocyanine cristallisée. Malheureusement, je mai pu extraire des cultures que 1 milligr. et demi à l'état de cristaux. D'un autre côté, chez les lapins morts, je n'ai pas trouvé de pyocya- nine ou, parfois, des traces infimes en l’extravant du foie, des reins, des poumons, des muscles, de la rate (extractions par le chloroforme, l'al- cool ammoniaca!, l'eau acidulée). La pyocyanine faisant défaut ou à peu près la où, pour agir, il en faudrait des quantités colossales, vu son peu de toxicité, j'ai pensé que, pour comprendre l'affection, il fallait en grande partie revenir aux lésions anatomo-pathologiques intenses (néphrite, entérite, etc.), créées par le microbe, mettant les lapins dans la situation des brightiques, chez lesquels ce qui agit ce ne sont pas des toxiques anor- SÉANCE DU 21 NOVEMBRE 679 = L e maux, mails des toxiques normalement élaborés par la nutrilion (ma- tières extractives, etc.) ou normalement présents dans le corps (matières colorantes ou minérales), et non éliminés. Ces expériences montrent qu'il ne faut s'avancer qu'avec des faits dans la voie des théories. Je me garderai toutefois d'en tirer une conclusion générale; ce serait méconnaitre la grande diversité des propriétés et des catégories en bactériologie, et il faut éviter avant tout de couler dans un méme moule toutes les maladies infectieuses. ARTHROPATULE TABÉTIQUE DE LA COLONNE VERTÉBRALE, par MM. A. Prrres et L: VAILLARD L'existence d'arthropathies tabétiques de La colonne vertébrale à éte soupconnée dans quelques cas cliniques. Dans le musée de la Salpétrière, on trouve un dessin représentant une malade atteinte d'arthropathies multiples des membres, malade doit la colonne vertébrale est fortement incurvée latéralement dans la région dorso-lombaire. M. G. Kônig Zeitschrift für Klinische medecin 1884) a publié l'histoire d'un homme de 35 ans, labétique depuis dix ans, qui, trois mois aprèsune chute dans des escaliers, vit se développer, sans douleurs, une déformation considé- ble de la région dorsale de la colonne vertébrale, et les caractères clini- ques de £ette déformation étaient tels que M. Kônig fut conduit à suppo- ser qu'il s'agissait, dans l'espèce, d'une arthropathie tabétique. Nous avons pu observer l'an dernier un ataxique qui présentait des accidents analogues. Chez ce malade, la colonne vertébrales’était déformée lentement, sans douleurs locales, et il s'était fait autour des apophyres épineuses et transverses des vertèbres malades de véritables tumeurs osseuses accessibles à la palpation. L'évolution de cette tumeur, sont indolence, l'absence de suppuration dans son voisinage, nous firent croire qu'elle était le résultat d'une arthropathie tabétique des vertèbres. Mais ce n'était là qu'une hypothèse, d'autant plus hardie qu'aucun auteur, à notre connaissance, n'avait pratiqué d’autopsies démontrant la réalité des arthropathies tabétiques de la colonne vertébrale. Les pièces que nous avons l'honneur de présenter sont, croyons-nous, de nature à lever tous les doutes à ce sujet. Ces pièces sont : les fémurs, le bassin et les vertèbres dorsales et lombaires d'un tabétique dont nous résumerons dans un instant l’histoire clinique. Les fémurs sont le siège de déformations considérables : leurs cols et leurs têtes sont usés, détruits: il n’en reste plus trace. . A la place de la surface articulaire normale, lisse et régulièrement arrondie, de la tête des fémurs on trouve quelques plaques irrégulières, 680 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE : quelques ilots recouverts de cartilage et séparés les uns des autres par des ostéophytes. La diaphyse du fémur droit est en outre tuméfiée et rugueuse dans toute son étendue. Les cavités cotyloïdes du bassin sont déformées et en grande partie comblées par des productions osseuses de nouvelle formation. De même que sur la tête des fémurs, il n'y a plus au niveau des cavités cotyloïdes de revêtements cartilagineux réguliers, mais seulement deux ou trois pla- Leaux irréguliers qui représentent les surfaces articulaires nouvelles. Sur la créte iliaque, au voisinage des épines iliaques, antérieures el supérieures, on note des déformations grossières, des productions ostéo- phytiques considérables qui donnent à l’ensemble du bassin une forme très bizarre. Arrivons à la colonne vertébrale. C'est au niveau des première el deuxième vertèbres lombaires qu'existent les plus graves lésions. La première est presque totalement détruite. Elle a la forme d’un coin dont le tranchant serait dérigé vers la droite, de telle sorte qu'à ce niveau la colonne vertébrale est fortement déviée latéralement avec une courbure à concavité tournée vers le côté droit. La deuxième est remarquable par le développement d'ostéophytes recouvrant son corps, et ses apophyses transverses, et leur donnant un volume relativement très considérable. Les autres vertèbres lombaires sont beaucoup moins altérées que les deux premières. Leur corps est cependant recouvert de petites saiïllies, de légères aspérités ostéophytiques. Des aspérités analogues se rencon trent également sur les corps des cinq dernières vertèbres dorsales. Nulle part on ne lrouve dans les vertèbres malades de larges cavités analogues à celles qui se trouvent, après macération, sur les os atteints de cancer ou de tuberculose. Au moment de l’autopsie, il n’y avait, du reste, dans les régions malades, ni suppuration, ni dépôts caséeux, ni néoplasmes. Il est de toute évidence que les lésions de la colonne vertébrale sont de même nature que celles des fémurs et du bassin. L'histoire clinique du malade qui à fourni ces pièces est assez com- plexe. Nous la résumerons brièvement, d'après les notes qui nous ont été obligeamment communiquées par M. Petit, interne des hôpitaux de Bordeaux. Bad. (Jean), âgé de 56 ans, marchand de journaux, est entré à l'hôpital Saint-André (service de M. Demons) le 6 mai 1885, pour une gangrène spontanée du gros orteil gauche. Depuis 45 ans, Bad. est sujet à des douleurs fulgurantes dans les membres inférieurs. Il n’a eu d’incoor- dination notable des mouvements que depuis 1881. En 1883, il s’apercul un matin, sans douleurs préalables, que ses hanches étaient disloquées. La marche devint tres difficile et la taille diminua de 0,23. En même temps, la colonne vertébrale devenait le siège d’une courbure dorso-lombaïre à convexité dirigée à gauche et en arrière. Cette défor- mation s’est développée lentement et sans douleurs. Aujourd’hui, l'explo- SÉANCE DU 21 NOVEMBRE 681 ration de la région n'est pas douloureuse, elle permet de con-laler l'existence de nodosités au niveau des premières vertèbres lombaires. Réflexes rotuliens abolis. Troubles de la mixtion. Erections nulles depuis plusieurs années, etc. Le malade mourut de septicémie le 9 juin 1885, à la suite de l'extension assez rapide de la gangrène du pied. L'autopsie permit de reconnaître une selérose manifeste de toute l'épaisseur des cordons postérieurs dans la région dorsale et des cordons de Goll seulement dans la région cervicale. Atrophie consi- dérable des racines postérieures de la queue de cheval. En résumé : la colonne vertébrale n'échappe pas plus que les autres parties du squelette aux troubles trophiques décrits par M. Charcot sous le nom d’arthropathies tabétiques. Ces arthropathies vertébrales se développent en général sans douleur. Elles produisent des déformations notables de la colonne vertébrale (incurvations anormales, saillies irré- gulières) et peuvent simuler, dans certains cas, des lésions tuber- culeuses ou néoplasiques des os. On évitera l'erreur en tenant compte de la coexistence des signes du tabes, de l’évolution de la lésion vertébrale, de son indolence, de l'absence de suppuration et de réaction inflam- matoire. PRÉSENTATION DE DEUX MODÈLES D HÉMATO-SPECTROSCOPES par le D' A. HExocQuE. Je présente à la Société deux modèles de spectroscopes disposés spé- cialement pour l'étude du sang, d’où leur dénomination d’hémalo-spec- troscopes. Ils ont été construits sur mes indications par M. Lutz, opticien fabricant à Paris. Le modèle n° 4 est destiné à favoriser la vulgarisation des études de spectroscopie biologique, par sa simplicité et son prix peu élevé. Il est essentiellement composé d'un spectroscope à vision directe et d'un support sur lequel celui-ci peut être fixé, de facon à recevoir la lumière transmise par un miroir, à travers la préparation à examiner Le spectroscope à vision directe peut, en outre, être tenu à la main; le réglage de la fente s'effectue par une vis micrométrique et la mise au point par le déplacement du tube supérieur; celui-ci renfermant le prisme composé est muni de lentilles à ses deux extrémités de facon à ce que la poussière ne puisse pénétrer dans la partie optique. Le support est analogue à celui du microscope simple; 1l se compose d’une colonne verticale fixée sur un solide pied de laiton; à cette tige verticale sont rattachés à angle droit le collier horizontal sur lequel se visse le spectroscope, et une platine ouverte à Son centre destinée à rece- 682 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE voir les cuvettes renfermant le liquide à examiner, ou les préparations spéciales, ou enfin les plaques hématoscopiques, que deux chevalets per- mettent de fixer. Sous la platine est adapté un miroir concave auquel deux articulations en genou permettent toutes ies positions. La colonne de support est creusée pour recevoir le cylindre auquel est fixé le collier du spectroscope; celui-ci peut être éloigné ou rapproché de la platine par une vis à crémaillère. Cet hémato-spectroscope permet létude du spectre-solaire, celle des spectres d'absorption du sang, de l'urine, du lait, de la bile, de la chlo- rophylle et des autres substances colorées présentant des réactions spectroscopiques. Employé directement pour l'examen de la réduction de l'oxyhémoglo- bine à le surface de l’ongle et associé à l'hématoscope, suivant la méthode que j'ai communiquée à la Société (8° série, L. I, n°° 41, 42, 44. 1884: L. II, n° 1 et 4, 1885), il permet l’évaluation qualitative et quan- titative de l'oxyhémoglobine et de ses dérivés. Les figures suivantes représentent les deux modèles : Modèle n° 1. Modèle n° 2. HÉMATO-SPECTROSCOPES Le modèle n° 2 est un appareil disposé pour les recherches les plus précises et pour les démonstrations : c’est l'hématospectroscope de labo- ratoire et d'enseignement. Il est constitué par une partie optique (spectroscope à vision directe et à échelle spectrométrique) el par une monture formée de deux colonnes articulées, l'une supportant le spectroscope, les platines et le miroir éclairant, l’autre servant de manche pour saisir l'instrument ou de pied pour de maintenir en position fixe. SÉANCE DU 21 NOVEMBRE 58 } a pme” La partie optique consiste en un spectroscope à vision directe et à échelle spectro-métrique disposée dans un tube latéral. Un petit miroir placé au-dessous de l’échelle permet de l'éclairer dans toutes les posi- tions ; elle constitue un perfectionnement technique important. Le réglage de la fente se fait par un simple mouvement tournant du segment annu- laire inférieur auquel sont fixées les deux lames du diaphragme. La mise au point est obtenue à l'aide d’une vis à crémaillère micrométrique. Ge spectroscope à vision directe se visse sur la platine supérieure et est ainsi rattaché à.la monture. La tige de soutien est quadrangulaire et articulée avec le manche et le pied, de facon à pouvoir être verticale, ou horizontale ou oblique; elle supporte un plateau supérieur, une platine et un miroir. La platine ressemble à celle des microscopes, elle est destinée à sup- porter les cuvettes, les prismes renfermant les liquides à examiner, et que deux chevalets permettent de fixer. Elle est, de plus, munie d’une plaquette antérieure fixée par des ressorts qui peuvent recevoir une écheiïle spectroscopique, ou des dessins typiques destinés à faciliter la comparaison et la mesure des bandes d'absorption ; enfin elle supporte un réflecteur annulaire et un petit miroir à double articulation en genou pouvant être remplacé par un réflecteur de porcelaine ou de papier colorié, de facon qu'on peut éclairer la fente du spectroscope en toutes positions et par toute lumière. Le plateau supérieur est formé de deux plaques de laiton super- posées glissant l'une sur l’autre; la supérieure porte le spectros- cope, et elle est mobile sur l’inférieure au moyen d’une vis sans fin, à tige horizontale, maniée par un bouton qui permet les mouvements alternatifs de latéralité du spectroscope; un vernier donne la mesure de ces mouvements en vintième de millimètre et une loupe facilite la lecture des divisions du vernier. Enfin le plateau entrainant le spectroscope peut être rapproché ou éloigné du centre de la platine par une vis à crémaillère micrométrique suivant l'axe de la tige quadrangulaire. La colonne de soutien rattachée au pied est garnie de cuir, son articulation avec la tige permet de placer le spectroscope dans toute position et de le transporter à la main, sans changer les dispositions essentielles -de la mise au point, de l'ouverture du diaphragme, ou de léloignement de la préparation. Ce modèle offre les conditions nécessaires à l'examen spectroscopique des corps liquides ou solides qui offrent des bandes d'absorption, et à la détermination de la position et de l'étendue de ces bandes; le mouvement de latéralité favorise la détermination exacte des phénomènes optiques, et en particulier la comparaison des deux bandes de l'oxyhémoglobine, et c'est dans ce but spécial qu'il a été disposé; mais il peut être utilisé dans d'autres recherches biologiques, et je signale à ceux qui s'occupent de recherches pétrographiques la disposition du plateau à mouvement laté- 6S4 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE, ral comme permettant de déterminer rigoureusement le point de la pré- paration qui est observé. PRÉSENTATION DE PHOTOGRAPHIES DU MICROBE DU ROUGET DU Porc par M. Roux Tous ceux qui écrivent sur les microbes s'appliquent à joindre au texte de leurs ouvrages des dessins qui les font mieux comprendre ; et on peut dire que la facon la meilleure de présenter un travail sur cette matière consiste à mettre à côté d'un texte court un grand nombre de planches bien faites. Mais, c’est surtout quand il s’agit de microbes qu'il faut montrer des figures exactes. Aussi a-t-on essayé depuis longtemps de photographier les organismes microscopiques, car la photographie seule est capable de fournir des images ayant le caractère d'authenticité que l’on doit exiger dans ces études. On rencontre de grandes difficultés à obtenir de bonnes photographies, lorsqu'on . emploie des grossissements supérieurs à 300 diamètres, et cependant il est souvent nécessaire de voir les microbes grossis mille fois et même davantage. Sans entrer dans les détails de technique photographique, je deman- derai à la Société la permission de-faire passer sous ses yeux des photo- graphies du microbe qui cause la maladie des porcs connue sous le nom de Rouget. Ce microbe est un des plus petits microbes pathogènes que l'on ait étudiés, puisque ses dimensions dans les tissus ne dépassent pas 1 millième à 2 millièmes de millimètres. La Société verra reproduites, en résumé, par ces quelques photographies, toutes nos connaissances sur cet organisme microscopique. Le Rouget est une maladie infectieuse et très contagieuse qui sévit sur les pores. On lui a donné le nom de Rouget, parce que les animaux qui sont très gravement atteints par cette maladie présentent des plaques rouge violacé sur la peau. Dans deux notes présentées à l'Académie des sciences au mois de décembre 1882 et au mois de novembre 1883, MM Pasteur et Thuillier ont fait connaître que le Rouget est causé par un mierobe spécial que l'on trouve dans le sang et dans les tissus des pores qui succombent à cette maladie. Le microbe du Rouget est peu abondant dans le sang, mais on le trouve en grand nombre dans la rate, dans les ganglions qui sont hémorrhagiques et augmentés de volume, et aussi dans les plaques rouges de la peau. Parfois, les amas de microbes remplissent les petits vaisseaux au point de les obstruer. Dans le sang, et en se servant d'un grossissement qui ne dépasse pas 450, l'organisme du Rouget se SÉANCE DU 21 NOVEMBRE 685 présente sous forme d'un huit très allongé. C'est sous cette apparence qu'il apparut pour la première fois à MM. Pasteur et Thuillier. Quand on emploie de plus forts grossissements et que l’on colore les prépara- tions par les couleurs d’aniline, l'organisme du Rouget se présente sous forme de bâtonnets très petits, dont la longueur est de 1 à 2 millièmes de millimètre et dont la largeur ne dépasse pas un demi millième de millimètre. La méthode de Gram donne les meilleurs résultats pour la recherche du microbe du Rouget dans les tissus. Les photographies que je fais passer sous vos yeux vous montrent des amas de microbes du Rouget dans la rate 4, dans les ganglions mésen- tériques et dans la peau d’un pore mort du Rouget. Le grossissement est de 800 fois. Lorsqu'on sème dans du bouillon peptonisé un peu du sang ou de la pulpe des organes d'un porc qui vient de mourir du Rouget, on obtient une culture au bout de quelques heures et cette culture, inoculée sous la peau des pores sains ou mélée à leurs aliments, les fait mourir du Rouget. ; Le microbe du Rouget ne cultive bien que dans les milieux légèrement alcalins. Il ne forme pas de voile à la surface du liquide. Sa culture est peu abondante dans le bouillon de veau ordinaire. Dans la gélatine peptonisée, le développement de l'organisme du Rouget à un aspect caractéristique. Le microbe du Rouget ne se développe pas dans l’eau de levure ni dans l’urine alcalinisée. L'organisme du Rouget est immobile, il peut se cultiver à l'air et à l'abri de l'air : il est à la fois aérobie et anaérobie. A aucun moment de son développement dans les cultures, on n’a pu saisir la formation de germes et l'organisme est tué lorsqu'on porte les cultures à la tempé- rature de 55° pendant 10 à 15 minutes. Les cultures faites à l'abri de l'air conservent très longtemps leur virulence. La photographie n° 2 représente une culture de Rouget au 4° jour. Vous voyez que l'organisme a la forme d’un bacille quelquefois assez long. Le grossissement est de 1,000 diamètres. Les lapins, les souris, les petits oiseaux, les pigeons meurent quand on leur inocule sous la peau un peu de sang ou de la pulpe de la rate ou d'un ganglion d'un porc qui a succombé au Rouget. Les cultures de l’or- ganisme du Rouget inoculées à ces animaux les font mourir de la même facon. Mais les poules peuvent recevoir sous la peau de grandes quantités des mêmes cultures ou du sang d'un animal mort du Rouget sans en être imcommodées. Elles ne prennent pas cette maladie qui cependant tue facilement les pigeons. La photographie n° 4 que je fais passer sous vos yeux montre la pulpe de la rate d’un pigeon mort du Rouget. Le grossissement est de 1,250 diamètres. Cette photographie répond aux objections que le D' Klein a faites aux notes publiées sur le Rouget, par MM. Pasteur et Thuillier. 686 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Le D’ Klein a décrit dans un mémoire paru en 1877 un organisme micros- copique qu'il regarde comme le microbe du Rouget. D'après le D: Klein, le microbe est un bacille qui se développe en voile à la surface des bouillons de culture. Ge bacille est morphologiquement identique avec le bacillus subtilis ; il est aérobie, mobile et donne des spores. Si on compare cette description donnée par M. Klein avec ce que nous venons de dire du mierobe du Rouget, on comprend que MM. Pasteur et Thuillier, dans leur première note sur le Rouget, aient pu déclarer que M. Klein n'avait pas vu le microbe du Rouget. Dans un nouveau mémoire paru en 1884, le D' Klein maintient que le microbe qu'il a déerit en 4877 est bien celui du Rouget. Il prétend que le microbe est inoffensif pour le pigeon et il assure que les cultures du laboratoire de M. Pasteur sont impures, qu'elles sont un mélange de l’or- ganisme du Rouget et de l'organisme du Choléra des poules, ce qui explique que les cultures tuent à la fois les pigeons et les pores. Pour détruire cette objection du D’ Klein, il suffit de faire remarquer que les cultures qui tuent les pigeons ne tuent pas les poules et ne les rendent même pas malades, ce qui ne saurait avoir lieu si ces cultures conte- naient le microbe du choléra des poules. De plus, le sang des pigeons qui ont succombé à ces cultures tue les pores du Rouget ou les rend très malades, ce qui n'aurait pas lieu si les pigeons avaient succombé au choléra des poules. Il suffit d’ailleurs de regarder cette photographie de la pulpe de la rate d’un pigeon mort du Rouget pour voir que le microbe qui y est figuré n’est pas celui du choléra de poules, mais qu'il est iden- tique à celui que vous avez vu dans les photographies précédentes de ganglions et de rate d’un pore mort du Rouget authentique. Dans la note que MM. Pasteur et Thuillier ont présentée à l'Académie des Sciences en novembre 1884, ils annoncaient que l’on peut atténuer la virulence du microbe du Rouget et en faire un vaccin capable de rendre les porcs réfractaires à cette maladie. Pour obtenir ce résultat, il suffit de faire passer le microbe virulent du Rouget par une série de lapins, le virus est d'autant moins virulent pour le porc qu'il a passé par un plus grand nombre de lapins. On peut aussi atténuer la virulence du microbe du Rouget en laissant longtemps les cultures exposées à l’air à une tem- pérature de 37° à 40°. La photographie n° 5 que je fais passer sous vos yeux représente une culture du microbe atténué. Vous voyez que Paspect de cet organisme dépourvu de virulence ne diffère pas de celui de l'organisme virulent. Le grossissement est de 800 fois Dans ces derniers temps, à la demande du gouvernement badois, des expériences sur la vaccination des porcs contre le Rouget ont été faites dans le grand-duché de Bade. Ces expériences étaient conduites par M. Cagny à qui le laboratoire de M. Pasteur avait fourni les virus néces- saires, sous le contrôle de MM. Lydtin et Schottelius. MM. Lydtin et 1 SÉANCE DU 21 NOVEMBRE 68 Schottelius viennent du publier leur rapport qui confirme les travaux du laboratoire de M. Pasteur. Ces messieurs ont reconnu que les cultures virulentes qu'ils avaient recues de notre laboratoire tuaient les pores par le Rouget en même temps que les pigeons auxquels on les inoculait; que le microbe contenu dans ces cultures était bien celui qui existe dans les tis- sus des porcs qui ont succombé au Rouget spontané. Enfin, la commis- sion badoise à constaté l'action préservatrice contre le Rouget des vaccins envoyés de Paris. Dans les ouvrages sur les microbes, il est toujours coûteux et peu com- mode de mettre des photographies. Chaque épreuve doit être tirée, puis collée à part. Aussi, y a-t-il des procédés de photogravure qui permet- tent de reporter sur métal ou sur pierre les photographies que l'on üre ensuite en aussi grand nombre que l'on veut. Pour que ces procédés puis- sent être acceptés, il faut qu'ils n’altèrent pas le caractère d'authenticité de la photographie, il faut que la main de l'artiste n'intervienne à aucun moment, qu'il n y ait pas de retouches. J'ai l'honneur de vous présenter des cuivres obtenus par le procédé d’héliographie de M. l'ingénieur Placet et qui reproduisent les photographies que vous venez de voir. Vous pouvez juger, en comparant les tirages de ces cuivres avec les épreuves photographiques, du degré de perfection obtenu par M. Pla- cet. Dans le procédé de M. Placet, la lumière et la galvanoplastie font seules le travail, l'artiste n'intervient pas, il n’y a jamais de retouches. Les tirages ainsi obtenus ont donc toute l'authenticité des photographies. C'est la préparation de ces cuivres qui à retardé pendant plus d’un an la publication des travaux faits au laboratoire de M. Pasteur sur le Rouget. NOTE SUR UNE JEUNE BALOENOPTÈRE CAPTURÉE PRÈS DE FÉCAMP par H. BEAUREGARD. Pour faire suite au catalogue dressé par M. Pouchet (comptes rendus de l'Académie des Sciences. Séance du 5 février 1885), des échoue- ments ou captures de grands Cétacés sur les côtes de France, je signale à la Société de Biologie la capture d'une jeune Balœnoptère, du sexe femelle, sur la côte normande, près de Fécamp, dans le courant du mois de juin 1885. Le service de l’Anatomie comparée, au Muséum, a acquis un très bon moulage de cet animal à M. Lennier, directeur du Musée d'histoire naturelle du Havre, qui prépare actuellement le squelette. Chose assez rare, ce moulage a été pris alors que le Cétacé était encore très frais et nullement déformé par le gonflement que produisent très rapi- 688 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE dement en Lemps ordinaire les gaz provenant de la putréfaction. Il en résulte que les formes générales du corps sont fort bien conservées. La nageoire dorsale, haute de O0 m. 12, et les nombreux plis de la face ventrale ne laissent aucun doute sur le genre auquel appartient cet individu. C’est une Balœnoptère. Sa longueur atteint seulement 3 m. 75. C'est donc un jeune, et, comme le laisse tout d'abord à penser sa faible dimension, une B. rostrata, espèce qui, on le sait, est de très petite taille etn'atteint pas à l’état d’adulte plus de 12 à 15 mètres de long. = Toutefois, il ne faudrait pas s’en rapporter à ce seul caractère pour établir la détermination spécifique. Une jeune 7. musculus capturée sur la côte méditerranéenne à Cava- laire, au mois de décembre 1884, m'a permis en effet de montrer que c'est une erreur de penser que le jeune atteint toujours à la naissance environ le 4/3 de la longueur de la mère. Dans cette hypothèse, cette jeune B. museulus, qui mesurait 5 m. 25, aurait dû étre considérée comme une rostrata, ce que démentit l'examen du squelette aussi bien que les carac- tères extérieurs. Pour en revenir à la Balœænoptère capturée à Fécamp, la forme générale de la tête très allongée et aiguë à son extrémité rostrale, la couleur des nageoires, formées d’un chevron blanc sur leur face supérieure, la cou- leur jaune pâle des fanons le nombre des vertèbres, etc., permettent: de l’attribuer à l’espèce rostrata dont les apparitions sur nos côtes, sans être rares, sont moins fréquentes que celles du museulus. Voici les dimensions du jeune animal : Longueuritolalen: us ce te Dente COCA RS nEMIOE Circonférence du corps dans sa région moyenne . . 4 m. 90. Envergure (dela queue Hu 0 nn NO En RUE Distance de la nageoire dorsale à fi naissance de La queubir see LE ne HA EN ER TAEESUE Hauteur de 1 NASEOIEC CPS AC EM RE NU NERIEE Longueur des nageoires pectorales depuis k creux de l'aisselle Jusqu'à l'extrémité libre M RO PNUD GE Longueurnde lasttète time ane Een ne ER ee neo Distance du milieu de la ile à nt de la mâchoire/supérieune 31444 MN RE Sn ENCORE À l'extrémité de la mâchoire inférieure 1:20 0 01 0 mire LongueurydesyEvents entente ti Ne I AO an RADe Ceux-ci sont séparés par une fosselle linéaire Fngi- tudinale. Distance du milieu des évents à lextrémité de la mâchoirefsupérieurer 24.12 Mtiat te AN OMERRer Fongueurtde lamfente mammaire lé MO nn EnelO SÉANCE DU 21 NOVEMBRE 689 DE LA SPARTÉINE. — CHIMIE, par A. HouüDé. La sparléme est une base volatile découverte par Stenhouse dans le Spartium scoparium (cylisus scoparum) genêts à balai, petit arbrisseau de Ta famille des ZLéqumineuses papillonnacées et que l’on rencontre habi- tuellement dans les endroits humides et sur les bords des routes. Depuis, elle a été étudiée par Gerhardt et Mills, qui se sont occupés surtout de déterminer sa formule chimique et ont été conduits à doubler celle de Stenhouse; elle serait CSHA7. Mode de préparation. — Notre mode de préparer la spartéine n’a rien de commun avec les précédents, en effet, tandis que Stenhouse, d'une part, conseille de traiter par l'acide chlorhydrique dilué la décoc- tion de spartium scoparium, de concentrer les liqueurs et, par distillation avec un excès de carbonade de soude, recueille la spartéine qu'il rectifie ensuite ; Mills, d'autre part, après avoir épuisé la plante elle-même par l'eau aiguisée d'acide sulfurique évapore la solution et distille le résidu en présence de carbonate alcalin; la spartéine passe sous la forme d’un liquide épais, et la rectification s'opère dans un courant d'hydrogène en présence du sodium. Ces deux procédés, sans étre lraités de primitifs, sont bien loin de réaliser les progrès de la chimie perfectionnée de nos jours; au lieu d'éviter l'emploi des réactifs minéraux, tels qu'acides forts à bases énergiques, on se plait à recommander comme dernier mode de purifi- cation une redistillation par la potasse caustique et le sodium; ce qui provoque, à notre avis, une décomposition partielle de lalcaloïde et donne naissance à de l'ammoniaque. Voici, du reste, notre procédé d'extraction : Les feuilles et les rameaux de spartium scoparium ayant été réduits en poudre de moyenne grosseur sont lixivés méthodiquement dans l'appareil à déplacement par de l'alcool à 60°, jusqu'à ce que le liquide qui s'écoule ne donne plus de précipité par l'iodure de potassium ioduré; les liqueurs alcooliques filtrées et réunies sont distillées dans le vide à une faible température, et le résidu est repris par une solution d’acide tartrique — on filtre de nouveau pour séparer une gelée d'un brun ver- dâtre, principalement composée de chlorophylle et de spartéine : la solution acide, après avoir été rendue alcaline par l'addition de carbonate de potasse, est agitée à plusieurs reprises avec cinq ou six fois son volume d'éther, qui enlève la totalité de l’alcaloïde. Afin de purifier le produit, l’éther esl agité avec une nouvelle solution d'acide tartrique qui, neutralisée, cède la spartéine au véhicule éthéré et, ainsi de suite, on répète les manipulations jusqu'à ce qu’on obtienne une 690 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. liqueur éthérée incolore, par simple évaporation de celle-ci, à l'abri de l'air et de la lumière, on recueille la spartéine à l’état de pureté. 4 kilogramme de plante nous a donné, comme rendement, environ 3 grammes de prineipes actifs. Propriétés. — La spartéine est un alcali liquide, incolore, plus dense que l’eau et privé d'oxygène. Elle bout à 287°. Son odeur est assez pénétrante el rappelle un peu celle de la pyridine; elle possède une saveur très amère, et brunit à l'air en prenant une consistance plus épaisse. Elle est soluble dans l'alcool, l'éther, le chloroforme, imsoluble dans la benzine et les huiles de pétrole. Sa réaction est très alcaline et lorsqu'on approche deux baguettes de verre, l'une imprégnée d'acide chlorhydrique et l'autre de spartéime, on voit se former d’abondantes fumées blanchâtres. C’est done une base énergique. La spartéine est une diammine tertiaire. Sels de spartéine. — La sparléine se combine aux acides pour former des sels qui cristallisent très facilement : le sulfate, entre autres, se présente sous forme de gros rhomboëèdres, transparents, très solubles. L'échantillon que nous présentons à la Société a été préparé dans le laboratoire de M. Duquesnel qui l'a mis à notre disposition. Caractères chimiques de la spartéine el de ses sels. — Par la potasse et l'ammoniaque, les solutions de sulfate de spartéine donnent un précipité blanc insoluble dans un excès de réactif: par le bicarbonate, il n°y à pas de précipité à froid, mais à chaud le liquide se trouble et il se forme un dépôt blanchâtre. Par les acides chlorhydrique, azotique et sulfurique à l’état concentré, nous n'avons observé aucun phénomène de coloration. Par l’iodure de cadmum, on obtientun précipité blanc cailleboté: Le phos- pho-molybdate de sodium donne un précipité blanc soluble à chaud. Avec les sels de cuivre, il se forme un précipité verdâtre, et avec ile chlo- rure de platine, un précipité Jjaunâtre cristallin. ACTION PHYSIOLOGIQUE DE LA SPARTÉINE, PRÉDOMINANCE DE CETTE ACTION SUR LE COEUR, par M. V. LABORDE. I L'étude expérimentale qui va suivre à été faite avec le sulfate de svar- téine, dont je présente un bel échantillon venant du laboratoire de SÉANCE DU 21 NOVEMBRE 691 M. Duquesnel. La spartéine mème qui fait la base de ce sel à été prépa- rée par le procédé, décrit d'autre part, de M. Houdé, qui donne égale- ment, dans sa note, les principales propriétés chimiques de cet alcaloïde et de ses combinaisons salines. Kick le premier en 1873, — car les essais tout à fait incomplets de Mitckel et de Scroff ne méritent d'être cités que pour mémoire — à fait avec la spartéine un certain nombre d'expériences, d'où il croit pouvoir conclure que cette substance agit surtout sur la moelle, et sur le nerf moteur. En 1880, M. E. de Rymon entreprit, dans le laboratoire de M. le pro- fesseur Vulpian, sous la direction de M. Rochefontaine, une étude expé- rimentale de la spartéine, qui fit l'objet de sa thèse inaugurale, et qui est le meilleur travail fait sur ce sujet jusqu’à ce jour. La partie physiologique de ce travail réalisée avec le sulfate de spar- léime, sel soluble dans l’eau, tandis que la spartéme n'est soluble que dans l'alcool et dans l’éther, ce qui ne permet guère son emploi pour la recherche expérimentale, mérite surtout de fixer l'attention : elle con- tient en particulier une bonne et fidèle description des effets généraux et toxiques de l’alcaloïde. Mais, soit que l'auteur n'ait pas eu à sa disposition un produit pareil au nôtre, d'une pureté et d'uue authenticité chimiques aussi parfaites que possible, soit qu'il se soit servi de doses trop élevées et trop rapide- ment toxiques, ne permettant pas de saisir les phénomènes intermédiai- res, soit enfin que son attention n'ait pas été attirée de ce côté, il n’a pas apereu — car il n'en fait nulle mention — l'influence, selon nous, Capi- tale, que la spartéine exerce sur le fonctionnement cardiaque; influence qui se dégage clairement de l'étude suivante. Il Chez le cobaye jeune, du poids inoyen de 300 à 350 grammes, les effets du sulfate de spartéine, en injection sous-eutanée, à la dose de 2 centig. à 2 centig. 1/2 peuvent être résumés dans le tableau symptoma- lique ci-après : Tremblement convulsiforme, avec prédominance du côté du train anté- rieur et de la tête, se produisant surtout soit à la suite du moindre mou- vement spontané, que l’animal semble, d'ailleurs, éviter avec soin, soit à la suite de la plus légère excitation, le simple frottement du dos, par exemple. Il y à, effectivement, une vive hyperexcitabilité réflexe, car le moindre choc sur la boite, dans laquelle est placé l'animal, détermine chez lui un soubresaut, pouvant même aboutir à l'attaque convulsiforme de tantôt. A cette première phase de l’action de la substance, en succède une 692 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE seconde durant laquelle animal aplati sur son ventre, le museau appuyé comme pour le soutenir, est dans une sorte de stupeur, ne bougeant plus, si ce n'est quand on l’excite, et alors retombant dans l'attaque convul- siforme, avec raidissement des pattes, et impossibilité de faire un mou- vement coordonné. Si, à ce moment,on cherche à apprécier,par le palper thoracique, l’état fonctionnel du cœur, l'on constate une forte impulsion systolique avec un ralentissement notable des battements et une régularisation rare chez ces animaux très impressionnables. Cependant, la respiration s’embarrasse devient anhélante, et de véri- lables phénomènes asphyxiques se produisent, auxquels finit par succom- ber l'animal, mais dont il peut aussi se relever dans les conditions de dose et de poids dont il s'agit, ainsi que nous l'avons plusieurs fois cons- taté. S'il succombe, on observe l'arrèt primitif des mouvements respiratoires thoraciques, le cœur continuant encore, post mortem, ses contractions lentes, affaiblies, mais rythmiques. | Dans le cas de survie de l'animal, il a eu, habituellement, durant la période active de l'élimination plusieurs et plus ou moins abondantes mixlions qui constituent évidemment un effort éliminatoire efficace, car, pour le dire de suite, on retrouve facilement, et en quantité notable, la spartéine dans les urines. Une fois revenu, l'animal ne parail conserver aucun souvenir appré- ciable de l'administration et de l’action de la substance. La dose toxique et rapidement mortelle pour un cobaye, du poids mo- ven de 300 à 400 grammes, est de 5 à 6 centigr. En ce cas, la mort se pro- duit en moins de quinze minutes, à la suite de phénomènes à la fois con- vulsifs et asphyxiques. On trouve, à l'ouverture immédiate du thorax, le cœur battant encore; et quand il s’arrêle, au bout de quelque temps, il est légèrement dilaté par du sang noir et liquide. Les poumons sont semés d’ecchymoses soit pointillées, soit en plaques plus ou moins larges. Chez les herbivores de taille et de volume supérieurs, notamment le lapin, il faut élever la dose d’une facon relativement considérable pour obtenir les effets toxiques; mais on arrive à des modifications fonction- nelles appréciables avec une dose moyenne. Ainsi, sur un lapin du poids moyen de 2 kil. à 2 kil. 1/2, auquel on à injecté sous la peau dorsale 0 gr. 025 milligr. de sulfate spartéine, l’on constate en même temps qu'une vasculo-dilatation auriculaire une ten- dance marquée au myosis, un ralentissement notable des battements cardiaques, avec renforcement de la pulsation, et régularisation, Ce phé- nomène s’accentue, si l'on renouvelle l'injection de la même dose, et il survient aussi de fréquentes et abondantes urinations, accompagnées de défécations multiples. Le chien semble plus réfractaire, du moins, aux doses faibles : un ani- SÉANCE DU 21 NOVEMBRE 693 mal de cette espèce, d’un petit poids relatif (8 kil.), n’a offert aucun symptôme toxique avec près de 20 centigr. de la substance en injection hypodermique. Mais, ainsi que nous allons le voir bientôt, à l’aide d’une méthode exacte d'exploration, il se produit, en ce cas, des modifications remar- quables du côté du fonctionnement cardiaque. Il faut élever la dose jus- qu'à 60 centigr. pour obtenir chez un chien du poids ci-dessus (7 à 8 kil.) les phénomènes toxiques et mortels, savoir: raideur comme tétanique des pattes, rendant impossible la station et la marche; tremblement avec décharges convulsives généralisées, un certain degré de trismus, dila- tation pupillaire et, finalement, phénomènes asphyxiques, amenant la suspension des mouvements respiratoires, tandis que le cœur continue quelque temps encore ses contractions rythmiques. L'animal donne presque jusqu’à la fin des signes de la conservation de son intelligence, répondant à l’appel et aux caresses. Sur un chien nouveau-né, de 36 heures, nous avons pu observer, sous l'influence d’une dose de 3 centigr. de sulfate de spartéine, administrée en deux fois en injection sous-cutanée, la série des phénomènes sympto- matiques qui viennent d’être signalés, savoir : agitation au début, tremble- ment convulsiforme prédominant dans le train antérieur, se produisant surtout quand l’animal est tenu dans la main, au lieu d’être laissé sur ses pattes; vive excito-motricité par pincement de la queue ou des pattes. Ces dernières se mettent en convulsions rapides et passagères comme dans l’épilepsie spinale; - finalement, état de collapsus avec phéno- mènes asphyxiques et mort (au bout de deux heures environ). Particu- larité remarquable, alors même que la respiration s’embarrassait de plus en plus, et que le nombre des inspirations tombait à 8, à 10 par minute, le cœur continuait à battre avec une parfaite régularité, à cent pulsations environ, avec une impulsion systolique vigoureuse. Il à aïnsi continué à fonctionner avec un rythme et une force progressivement décroissants durant plus de 30 minutes, après la mort confirmée. Quelle que soit l'influence de la condition d'âge sur la persistance post-mortale des contractions cardiaques, il parait difficile de lui accorder une part absolue dans ce cas, surtout en ce qui concerne le renforcement de la pulsation et la continuité, même après la mort. C’est là, en effet, dans le tableau symptomatique de l’action de la spartéine, le phénomène qui frappe et se dégage de facon à attirer parti- -eulhièrement l'attention ; son étude sur la Héhone graphique va le mettre complètement en relief. I Chez la grenouille, la spartéine produit des effets dominants de col- lapsus, surtout à dose toxique; mais l'observation objective révèle déjà, 69%. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE du côté de la contraction cardiaque, une influence stimulante énergique, qui apparait, dans toute son évidence, sur les tracés cardiographiques- directs. En comparant, en effet, sur ces graphiques les lignes du tracé nor- mal avec celles du tracé correspondant à l’action de la substance, on constate, relativement à la courbe de contraction, qu’elle a subi, à un certain moment, une augmentation au moins {riple de hauteur et d’am- plitude; la ligne d’ascension exprime en même temps par sa quasi-recti- tude une force et une instantanéité d’impulsion exceptionnelles. Les bat- tements, d’abord sensiblement accélérés, prennent bientôt une régularité parfaite, dont ils ne se départissent plus jusqu’à la fin, et alors même que, par suite d’un travail très prolongé du muscle sous la pince car- diaque, une fatigue très appréciable pourrait et devrait se produire. Or, il n'en est rien, et non seulement nous observons, en pareil cas, une remarquable modification dans la force et, pour ainsi dire, dans l'intensité de la pulsation cardiaque, mais encore une modification dans la persistance et la durée du fonctionnement du cœur, dont le fait suivant peut donner une juste idée : Une grenouille soumise à l’action de la spartéine, et sur laquelle ont été pris depuis le début les tracés cardiographiques correspondants, étant morte et complètement desséchée, son cœur continuait à battre, le troi- sième jour, avec un rythme et encore une énergie telle, que l’on obtenait, ainsi que mes collègues peuvent s’en convaincre, un tracé peu différent. dans sa forme, comme dans son amplitude, du graphique normal. Pour apprécier, à sa vraie valeur, ce résultat, il suffit de le comparer avec le résultat cardiographique obtenu sur un animal simplement et uniquement soumis aux effets de la fatigue. Ces curieuses modifications du fonctionnement du cœur, mises si clai- rement en relief et en évidence par l'inscription cardiographique chez la grenouille, se révèlent — chose d’une haute importance — tout aussi lairement, et par la même méthode, sur le chien. C’est ce que va nous montrer l'interprétation du double tracé hémo- dynamométrique suivant, qui traduit, à la fois, l'influence centrale et périphériques des pulsations cardiaques, chez un chien de forte taille et du poids de 17 kil. auquel à été pratiquée l'injection intra-veineuse de la substance (1). Ce qui domine dans ce tracé, et qui frappe à la simple vue, à la suite de l'injection même d'une dose minime (un centigr.), c’est le renforce- ment énorme des oscillations traduisant les pulsations centrales, dont la hauteur et l'amplitude sont hors de toute proportion avec celle de (4) J'ai eu, comme toujours, pour collaborateurs fidèles dans les expériences délicates avec l'hémo-pynamomètre double de Franck, MM. les docteurs Gley et Rondeau, mes préparateurs. SÉANCE DU 21 NOVEMBRE 695 A —— l’état normal comparatif. Il y a, en même temps, un ralentissement notable. Les modifications relatives des pulsations périphériques suivent exac- tement les modifications centrales : ce qui indique qu’une influence unique s'exerce en ce cas, et que cette influence vient exclusivement du centre. Aussi, et comme conséquence logique de ce fait, on ne voit pas se produire de changement appréciable dans la pression sanguine, dont la ligne de niveau reste sensiblement la même durant tout le temps de l’expérience, et malgré les injections réitérées. Chacune de ces injections, toujours de la même dose de 1 centigr., ra- mène le même effet d'augmentation de la force et de l'amplitude de la pulsation; cet effet allant, toutefois, en s’atténuant par la fatigue, à mesure que l’on renouvelle l'essai : Dans le but d'éliminer les influences respiratoires, dont l'intervention, dans une certaine mesure, ne semble pas douteuse, nous avons répété l’expérience à la suite d’une curarisation suffisante, et le même effet capital, quoiqu'àfun moindre degré d'intensité, a été obtenu, savoir l’augment de l'impulsion cardiaque. L'interrogation concomitante de l’état d’excitabilité du nerf pneumo- gastrique, dans ces conditions expérimentales, permet de constater, ainsi que le montrent également nos graphiques, que cetle excitabilité n'a pas subi, sous l'influence de la substance à dose fractionnée et modérée, de notables modifications en moins. ; IV L'action prédominante et élective de la Spartéine sur le fonctionnement du cœur, dont elle parait augmenter à la fois l'intensité et la durée, ou mieux la persistance des contractions, se dégage donc, avec toute l'évi- dence expérimentale de l'étude qui précède. Quant au mécanisme de cette action, qui nécessitera peut-être un complément d'investigation, surtout au point de vue de la preuve négative (Section bulbaire et section des vagues), il peut, croyons-nous, recevoir, dès à présent et grâce aux principaux résultats qui précèdent, son interprétation physiologique essentielle : l'action dominante de la spartéine, véritable action dyna- mogénique sur le cœur, est essentiellement d’origine centrale. La varia- tion négative de la pression et des effets périphérique, ou vaso-moteurs. en constituent la première et principale preuve, que viennent corroborer les faits suivants tirés de la symptomatologie : les phénomènes d'ordre convulsivant et le processus asphyxique, qui dénotent une influence bulbo-myélitique prédominante. Il convient, toutefois, de tenir compte, à ce point de vue, de ce fait que, chez la grenouille et longtemps après la mort réelle, même à la 696 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. période de dessiccation de l’animal, le cœur persiste dans son fonction- nement rythmique, comme s’il avait recu de l’action de la substance une impulsion de son activité, touchent à la fois la force Ce que nous avons observé sur le chien nouveau-né se rapproche aussi beaucoup de ce fait. Or, en ce cas, l'intervention du système nerveux. ne pourrait être invoquée que du côté de l'appareil ganglionnaire intra- cardiagne, en supposant même à cet appareil une survie fonctionnelle exceptionnelle. Il faudrait, dans le cas contraire, se rabattre sur une action concomitante et directe sur la contractilité propre de la fibre musculaire. Nos recherches myographiques en ce sens ne nous ont pas donné jusqu’à présent des résultats assez positifs, pour qu'il nous soit permis d'apporter, à ce sujet, une affirmation ferme; il convient aussi de faire appel, en ce cas particulier, au procédé des circulations artificielles, Quoi qu'il en soit de l'explication et du mécanisme, le fait de l’action cardiaque reste, et il suggère de suite des applications cliniques impor- tantes. Ces applications commencées par le professeur G. Sée, à la suite d'une communication confidentielle de nos premiers essais physio- logiques, paraissent avoir donné, dores et déjà, des résultats favorables et concordants, que le savant professeur se propose de faire connaitre, mardi prochain, à l'Académie de médecine. Le Gérant : G. MASsoN Paris. — Imp. G. Rouatr et Cie, rue Cassette, SÉANCE DU 28 NOVEMBRE 1885 Grimaux (M. le professeur) : Allocution prononcée dans la séance du 28 novembre ‘1885. — Ch. DeBrerre (de Lyon) : Le manganèse jouit-il de propriétés hématogènes ef analeptiques (Note présentée par M. R. BLancuarp)? — M. HexxeGuy : Note sur un revolver porte-objectif. — Dr A. Héxocque: La photographie du sang. — M. L. Fouruenr : Observations sur un helminthe parasite de l'ossifraga gigantea. — M. Méenn : Constatation de l'existence de la gale chez le buffle de l'Inde. — Ch. Dx- BisRRe (de Lyon): De quelques anomalies nerveuses et en particulier d’une ano- malie dans la distribution du nerf radial. (Note présentée par M.R. BLancuarD.) — M. Orcusner pe Conwe : Contribution à l'étude de la spartéine. — Dr EuGÈèxE Durux : Sensibilité du cervelet à la douleur. — Dr RapnaëL BLANCHARD : L'anémie des mi- neurs en Hongrie. — OEGHSNER DE ConiINGx : Observations sur les procédés de pré- paration de la spartéine. — M. Larrowr : Contre-indications aux inhalations de pro- toxyde d'azote pur. Présidence de M. d'Arsonval M. RABUTEAU M. LE PROFESSEUR E. GRIMAUX A COMMUNIQUÉ A LA SOCIÉTÉ, DANS LA SÉANCE DU 28 NOVEMBRE, LES PAROLES SUIVANTES QU'IL A PRONONCÉES SUR LA TOMBE DE M. RABUTEAU, DÉCÉDE LE 21, A L’AGE DE 49 ANS. MESSIEURS, En l’absence d’orateurs plus autorisés que moi, je viens, sollicité au dernier moment, saluer au nom de la Société de Biologie notre collègue Rabuteau. Son existence fut marquée surtout par l'amour passionné du travail, par des recherches désintéressées poursuivies, dans les circons- tances les plus difficiles, alors qu'il était sans cesse à livrer les rudes combats de la lutte pour la vie. Quand j'ai connu Rabuteau au laboratoire de la Faculté de Médecine, à peine savait-il chaque matin s'il aurait le pain de la journée. Sa puissante volonté sut triompher des dures nécessités de l'existence : c’est en se débattant contre elles qu'il a conquis son diplôme de doc- torat, de licence ès sciences physiques et de licence ès sciences natu- relles, et qu'il parvint à se placer au rang des chercheurs. Il ne dut jamais rien qu’à lui-même, et n’occupa aucune position officielle, 1l sut rester libre dans sa sauvage indépendance. Quand, par ses efforts, il parvint à sortir de cette pénible situation, il s’adonna plus que jamais à la science qu’il aimait pour elle-même. Rabuteau avait donné à ses recherches une direction originale; 1l appliqua ses connaissances physico-chimiques aux progrès d'une branche BIOLOGIE. COMPTES-RENDUS. — 88 SÉRIE T. Il, N° 41 698 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE encore bien obscure de la médecine, la thérapeutique. Il étudia l’action des corps sur l'organisme vivant pour déterminer leur transformation dans l'économie et l’état sous lequel se produit leur étimination. Non content d’expérimenter sur l'animal, il se soumit à des essais qui ne furent pas sans inconvénient pour sa santé; de ses nombreux travaux, dont notre Société eut la primeur, Rabuteau déduisit une relation remarquable entre la toxicité des sels métalliques et les poids atomiques des métaux, relation connue sous le nom de lo de Rabu- teau. Poursuivant cet ordre d'idées dans l'étude physiologique des corps organiques, il indiqua le premier l'influence nocive des alcools homologues de l'alcool ordinaire et leur rôle dans les eaux-de-vie desti- nées à la consommation. Ses connaissances thérapeutiques, 1l les con- signa dans un 7raité qui devint bientôt un des classiques de nos écoles. L'Académie des sciences ne méconnut pas ce modeste travailleur et le compta au nombre de ses lauréats. C'est avec une passion fougueuse que notre collègue se livrait aux recherches scientifiques et à la poursuite de la vérité. Aussi quand il croyait avoir un fait nouveau à étabiir ou une erreur à combattre, il paraissait à nos séances, tout vibrant d'émotion, animé d’une conviction tellement profonde que nul ne se sentait blessé si son ardeur exagérait quelquefois la forme sous laquelle sa pensée se faisait jour. Ce n'est pas à l’heure où la tombe se ferme sur un savant quil est possible de juger son œuvre, mais ce que nous pouvons affirmer, c'est ce que cette œuvre fut utile, ce qu'il nous est permis de répéter, c'est que Rabuteau fut une haute personnification de ct travail désintéressé à la poursuite du vrai, qui est à nous, hommes de science, tout à la fois l'honneur et le charme de notre vie. En disant le dernier adieu à notre collègue, nous sommes assurés qu'il ne périra pas tout entier; ses travaux garderont une place à son nom dans l’histoire des sciences médicales. LE MANGANÈSE JOUIT-IL DE PROPRIÉTÉS HÉMATOGÈNES ET ANALEPTIQUES ? par Su. DEBIERRE (de Lyon). Note présentée par M. R. BLANCHARD. On sait à quelles discussions à donné lieu le manganèse considéré comme agent hématogène, Pétrequin (1), Burin du Buisson (2), Mil- (4) Pétrequin, Gaz. méd. de Paris, 1849, p. 733. (2) Burin du Buisson, De la présence du manganèse duns le sang el de sa valeur thérapeutique, Paris, 1854. SÉANCE DU 28 NOVEMBRE 699 a lon (1), elc., soutenant que les globules rouges du sang renferment ce métal associé au fer et qu'ils en ont besoin, Melsens (2), Glénard (3) entre autres, niant cette présence ou ne l’admettant que comme acciden- telle. Après les essais de Riche (4), il faut pencher du côté de ceux qui admettent la présence du manganèse dansle sang. Ce chimiste, en effet, à l’aide d’une méthode extrémement sensible, l'a décelé dans le sang du bœuf, dans le sang du mouton, moins souvent dans celui de Phomme Il n'y est donc pas indispensable. Mais sa présence est-elle favorable et peut-il enrichir les globules et agir comme reconstituant? Pour nous édifier sur la valeur du manganèse comme hématogène et analeptique, nous avons opéré sur le chien. Une chienne de 15 kil. est placée dans la cage à expériences, au laboratoire de M. Ghauveau à l'Ecole vétérinaire de Lyon, et soumise à une ration alimentaire quotidienne uniforme . Pendant un mois elle recoit journellement, soit dans ses aliments, soit sous la peau (5) 0 gr. 50 de lactate de manganèse. Résultats : Avant l'expérience Après l'expérience. Poids de l'animal 45 kil. 500 15 kil. Poûls 140 120 Température Go) 38°, 4 Nombre de globules 2,900,000 3,200,000 Titre en hémoglobine 0 milligr., 053 0 milligr., 058 dont CAR O mill. c. 110 0 mill., c. 130 Urines 1,040 par jour 1,500 gr. Urée 10 » 7 » Sous l’action du manganèse, le poids de l'animal n'a donc pas aug- menté, mais le pouls est tombé de 20 pulsations par minute, la tempé- rature à baissé de 5 dixièmes de degre, le nombre des hématies s’est accru, et le titre en hémoglobine également (analyses faites avec le compte-glohules et l’hémochromomètre de Malassez), enfin l’urée des urines à baissé (analysées à l’aide de lhypobromite de sodium dans l'ap- pareil d'Yvon). Qu'indiquent ces résultats? Que le manganèse ralentit la dénutrition et : qu'il favorise la rénovation globulaire. C’est là ce que nous avons observé 1) Millon, Compt. rend. de l'Acad. des se., t. XXVE, p. 41. 2) Melsens, Ann. de phys. et de chimie, ge série, CIXXIIL Ip. 358: (3) Glénard, Journ. de pharm., 1854. (4) Riche, la de médecine, 13 nov. 1883. ) Si les injections ne sont pas très diluées, elles donnent iieu à des abcès et à des escharres. 700 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 0 5 sur notre chienne en l’état physiologique, observation conforme à l'opi- nion de Pétrequin et Burin du Buisson. Ce résultat, le manganèse l’au- rait-il, etl’aurait-il davantage surtout en l’état chlorotique, ainsi que cela a lieu avec le fer? Dans tous les cas, il contredit les conclusions de Laschkewitsch, qui admet que les sels de manganèse augmentent les urines et l’urée sans influencer la tempéralure et ne semble pas davan- tage favorable à l'opinion de Cahn (1) qui écrit que le manganèse nest pas absorbé par les globules du sang. NOTE SUR UN REVOLVER PORTE-0BJKCTIF, par M. HENNEGUY J'ai l'honneur de présenter à la Société au nom de M. Dumaige, cons- tructeur d'instruments de précision (2), une petite pièce destinée à rem- placer les revolvers porte-objectifs dont on se sert ordinairement. Cette pièce se compose d'un porte-nez qui se visse à la partie inférieure du tube du microscope, à la place de l'intermédiaire sur lequel se vissent les objectifs. Elle porte à sa partie inférieure une semelle à becs, qui lui est reliée par deux ressorts à boudin, et qui permet d'agrafer les ob- jectifs. Pour cela chaque objecüf porte une petite pièce additionnelle, munie d'un rebord saillant qui pénètre à frottement doux par l'ouver- ture des becs, et vient se loger dans une rainure circulaire, ménagée à la partie inférieure du porte-nez. Pour mettre l'objectif en place, on lé présente à l'ouverture des becs, un peu obliquement, en appuyant le rebord de la pièce additionnelle sur les becs mêmes, et en lui communiquant une légère poussée : il entre aussitôt dans la partie ménagée pour le recevoir. Pour retirer l'objectif, il suffit de lui faire exécuter un petit mouvement de bascule, qui le dé- gage de la rainure dans laquelle il était retenu, et de le faire sortir par l'échancrure de la semelle. L'avantage de ce petit appareil, dont le principe n'est pas nouveau, mais dont la construction a été modifiée d’une manière très ingénieuse par M. Dumaige, est de supprimer complètement le vissage des objectifs, tout en conservant leur centrage. Le changement des objectifs se fait très rapidement et n’est pas limité comme avec les revolvers à rotation qui ne portent que deux ou trois objectifs. De plus, on peut enlever le tube du microscope sans étre obligé de dévisser le revolver, qui a le même diamètre que le tube, ce qui ne peut avoir lieu avec les revolvers à rotation. 1) Cahn, Gaz. hebd. 1884, p. 488. (2) Rue de la Bücherie, 9. SÉANCE DU 28 NOVEMBRE 701 La PHOTOGRAPHIE DU SANG, par LE D' A. HÉNOCQUE. J'ai communiqué à la Société, le 31 janvier de cette année, des épreuves de photographie du sang obtenues avec mes plaques hématoscopiques et démontrant que l’on peut ainsi reproduire avec une précision remar- quable la teinte dégradée que présente le sang renfermé dans l’espace prismatique capillaire constitué par les deux lames de verre de l’héma- toscope. Ces teintes dégradées présentent des variations assez délicates pour qu'on puisse apprécier l'addition au sang de 1 à 3 gouttes de sérum arti- ficiel pour 40 gouttes de sang. J'ai cherché à utiliser ces résultats en les rendant comparables entre eux par le procédé suivant : J'applique sur la face inférieure de l’hématoscope une pellicule de collodion présentant sur fond noir des lettres et des chiffres transparents et qui sert d'échelle (1). L'hématoscope est chargé de sang ; par l'interposition de quelques gouttes de sang entre les deux lames, ce liquide se distribue de facon à former une couche presque incolore vers le 0, devenant graduellement plus rouge vers l’autre extrémité où l'épaisseur est de trois dixièmes de millimètre. En examinant la plaque par transparence, l’on peut constater que l'échelle est lisible sur une étendue de quelques millimètres, mais qu'au delà, elle est colorée en rouge de plus en plus foncé et devient à peine perceptible. Cette plaque hématoscopique est placée dans un châssis à positif et recouverte d’une plaque sensibilisée au gélatino-bromure ou de papier Morgan, elle est exposée à la lumière d'un bec de gaz, à distance de 50 centimètres, pendant vingt-cinq secondes, et le cliché ainsi obtenu est développé suivant les procédés habituels. L'opération est terminée, et l'épreuve photographique du sang montre à l'origine (de 0 à quelques millimètres), sur fond blane, les lettres et les chiffres de l'échelle; ceux-ci, plus loin, sont moins nettement apparents, ils sont estompés et disparaissent. Analysant ces résultats, nous constatons que la couche mince de sang a laissé agir les rayons photo-chimiques sur la plaque sensible, la cou- che épaisse les a arrêtés, la couche moyenne les à diminués. . (4) Cette pellicule est obtenue par le procédé collodiographique (présenté à la Société,28 octobre 1882). Sur une plaque de verre enfumée on trace avec une pointe les caractères de l'échelle, on enlève le noir de fumée au moyen du collodion riciné, et, après dessication l’on isole la pellicule en la recueillant sous un filet d’eau. 7102 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. es Il est évident que plus grande est la puissance colorante du sang, plus l'absorption sera prononcée; de sorte que l'épreuve photographique lais- sera lire d'autant plus de chiffres ou de lettres de l'échelle, que le sang sera moins riche en oxyhémoglobine. | J'ai appliqué ces propriétés à l'évaluation de la richesse du sang en oxyhémoglobine, et je communique à la Société les résultats de mes expériences les plus récentes sous la forme de quatre clichés photo- graphiques, tels qu'ils ont été obtenus par la seule réaction de la lumière. ExPpéRIENCE I. Le sang d’un cobaye tué par décapitation est défibriné, il donne à l'examen hémato-spectroscopique 14 0/0 d’oxyhémoglo- bine. Quelques gouttes de ce sang sont déposées entre les deux plaques d'un hématoscope qui a été garni de la pellicule au échelle collodiographi- que; l’on photographie cette plaque chargée de sang et sur le cliché ainsi obtenu l’on fait les observations suivantes : Pour une proportion de 14 0/0 d'oxyhémoglobine. L’échelle peut être lue sur une longueur de 12 millimètres. On lit distinctement les lettres — Hémato..……. —— et les chiffres — 15, 14, 13, 12... EXPÉRIENCE Il. Le même sang est mélangé de sérum artificiel de facon qu'il ne contienne plus que 3,5 0/0 d’oxyhémoglobine. L’échelle peut être lue dans toute sa longueur, 60 millimètres. On lit distinctement les lettres — Hématoscope d’Hénocque. — et les chiffres, 15, 14, 13, 12, 11,10, 9, 8, 7, 6, 5, 4, 4: Ces deux épreuves montrent que l’espace accessible pour la mesure des variations de l’oxyhémoglobine entre 3 et 15 0/0 présente dans l’héma- toscope une étendue de 50 millimètres. Or, les différences observées chez l'homme ne dépassent pas cette limite, de sorte qu'il nous est possible d'obtenir par la photographie une évaluation quantitative de l’oxyhémo- globine. En effet, les expériences suivantes montrent qu'une différence de 7 à 10 0/0, soit de 3 0/0 d’oxyhémoglobine est appréciable sur l'échelle par une étendue de lecture de 20 à 25 millimètres : ExréRiENCE III. Le sang du même cobaye, dilué de facon à renfermer 10 0/0 d’oxyhémoglobine, est photographié : La lecture de l'échelle se fait sur une longueur de 20 millimètres. On lit distinctement les lettres Hématosco...… — et les chiffres 45, 14, 13, 12, 114, 10. SÉANCE DU 28 NOVEMBRE 103 ExPÉRIENCE IV. Le même sang, dilué de sorte qu'il renferme 7 0/0 d’oxy- hémoglobine, laisse lire l’échelle sur une longueur ds 25 millimètres. On titles lettres — Hématoscope d'I. _ en chiffres 15, 14, 13, 12,11, 10, 9, 8, 7: Ces données, ajoutées aux recherches que je poursuis, sont destinées à établir définitivement une échelle qui permettra d'enregistrer ou de con- trôler par la photographie les résultats de l'analyse spectroscopique du sang. OBSERVATIONS SUR UN HELMINTHE PARASITE DE L'OSSIFRAGA GIGANTEA, par M. L. FouRMENT. Les Trichosomes, par la ténuité extrême de leur corps et la forme toute particulière de leurs œufs constituent un groupe très naturel dans la classe des Nématodes. En raison de leur gracilité et de leur fragilité, ils échappent aisément aux recherches ou se brisent avec la plus grande facilité malgré les pré- cautions prises pour les enlever du milieu où ils vivent ; aussi est-il assez difficile d'avoir des Trichosomes absolument entiers. Si l’on ajoute que les mâles sont très rares et qu'il estpresque impossi- ble de se procurer des femelles en quantité suffisante pour des observaz tions suivies, on pourra juger combien l'étude complète de ces Vers est chose peu commode. Dans l'intestin d'un Ossifraga qgigantea (Linné) j'eus la chance de trou- ver un nombre assez considérable (une cinquantaine) de ces Helminthes fortement convolutés. Malgré leur adhérence à la muqueuse, je pus, en faisant agir un petit filet d'eau, les en détacher presque tous sans les briser. Un rapide examen microscopique me permit d'isoler d'une part sept mâles adultes et en parfait état d’intégrité, d'autre part 41 femelles rem- plies d'œufs dont quelques-uns en pleine maturité. Ces Helminthes présentent les caractères suivants : Le corps filiforme, très long (250 à 300 fois la largeur) effilé dans sa partie antérieure, augmente insensiblement vers la partie postérieure. Le tégument est lisse; l'extrémité céphalique est arrondie ; la bouche ter- minale, petite, orbiculaire saille en avant sous la forme d'un petit mame- lon conique, puis vient un bulbe œsophagien assez musculeux, auquel succède un intestin à peu près cylindrique, de même longueur que le corps ; l'anus est terminal. Le mâle plus petit et plus grêle que la femelle a la partie caudale légèrement incurvée, obtuse et divisée à son extrémité en deux lobes à 704 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE bords renflés d’où sort un spicule simple, arqué et enveloppé d’une gaine exsertile, striée transversalement et ayant en longueur pit de dix fois la largeur du corps. La femelle a l'extrémité caudale un peu amincie, obtuse; la vulve, sans appendice extérieur, est située vers la jonction du tiers Diane avec le reste du corps ; l'ovaire est simple. Les œufs ovoïdes sont très gros et ter- minés à chacun de leurs deux pôles par un goulot assez large fermé par un bouton réfringent. Ces œufs, dont la longueur (grand axe) est de 0 millimètre 07, alors que le petit axe n’a que 0 millimètre 04 portent des stries longitudinales auprès des goulots polaires et contiennent dans Île voisinage de la vulve des embryons repliés et nettement formés. Dujardin, en se basant: 1° sur lalongueur de la gaine du pénis; 2° sur la striation transversale ou oblique de celle-ci, et 3° enfin sur la présence d'épines ou crochets disposés en couronne coïneidant alors avec l'absence du spicule, a séparé en plusieurs genres (1) Zrichosomum, Thominx, Eucoleus, Calodium, Liniscus le groupe des Trichosomes. Cette division acceptée par Diesing (2) est reproduite dans son Systema Helminthum. Si nous cherchons auquel de ces genres doit être rapporté l'Helminthe quinous occupe, nous verrons que, par la striation transversale de la gaine du pénis, sa longueur et celle du spicule, ainsi que par la forme du corps, il doit prendre place dans le genre Calodium. De plus, la pré- sence du petit mamelon conique supportant la bouche, la division en deux lobes de l'extrémité caudale du mâle et l'absence de tout appendice extérieur vulvaire chez la femelle nous permettent de considérer ce C'alodium comme une espèce nouvelle pour laquelle nous proposons, en raison de la forme spiralée qu'avait l'Helminthe lors de sa découverte, le nom de Calodium convolutum. Le diagnose peut se formuler ainsi. CALODIUM CONVOLUTUM { Vobis) Extrémité céphalique arrondie, bouche terminale, petite, orbiculaire et saillant en avant sous la forme d’un petit mamelon conique ; anus ter- minal. Müle (longueur du corps 13 millimètres, largeur 0 millimètre 04), partie caudale légèrement incurvée, obtuse et divisée en deux lobes, à bords renflés ; spicule simple, arqué à gaine exsertile, striée transversalement, d'une longueur dépassant dix fois la largeur du corps. Femelle (longueur du corps 24 millimètres, largeur 0 millimètre 4), extrémité caudale un peu amincie, obtuse ; vulve sans appendice extérieur, ’ 1) Dujardin, Hist. Nat. des Helminth., pages 3-6 et de 22 à 30. (2) Diesing, Systema Helminthum, page 251. SÉANCE DU 28 NOVEMBRE 705 EEE vers la fin du premier tiers antérieur du corps. OEufs ovoïdes à pôles en goulot fermé par un bouton réfringent. CONSTATATION DE L'EXISTENCE DE LA GALE CHEZ LE BUFFLE DE L'INDE, par M. Mégnin. Il y a, depuis quelques mois, à la ménagerie du Muséum, un buffle qui a été envoyé de Cochinchine et qui appartient à l'espèce de l’Inde connue sous le nom d’Arni à cornes en croissant. cette espèce de buffle à peau épaisse, noire et presque nue, est plus aquatique encore que l'espèce ordinaire, et, dans son pays d'origine, elle passe presque toutes ses journées dans les marais enfoncée jusqu'aux yeux, ne laissant hors de l’eau que les narines et la partie supérieure de la tête; l'animal dort même dans cette position; la nuit il sort de l’eau pour paître. Le sujet qui est à la ménagerie du Jardin des Plantes est dans un enclos où n'existe aucune pièce d’eau et où il ne peut, par conséquent, se livrer à ses ébats habituels. Depuis son arrivée on avait constaté que sa peau devenait rugueuse ét coriace, et qu'il était en proie à d’assez vives démangeaisons. L’altération qui envahisssait son enveloppe cutanée avait surtout son siège dans les régions supérieures du corps, le dos, l’encolure et la tête, et se présentait sous forme de plaques irrégulières assez bien délimitées et couvertes de croûtes grossières. On attribuait cet état à la privation de l'élément liquide et boueux dans lequel cette espèce animale aime à se vautrer. Les démangeaisons persistant et même augmentant au point de faire perdre l'appétit au buffle, il me fut signalé par un gardien; je recueillis une certaine quantité de croûtes et, à leur examen microscopique, je trouvai grouillant au milieu d'elles un grand nombre d’acariens pso- risques de l’espèce que j’ai nommée Psoroptes longirostris, qui, depuis longtemps, est connue comme étant la cause de la gale de l’encolure du cheval nommée vulgairement roux-vieux. En un mot le buffle était galeux. * Une fois la nature de la maladie de peau de ce buffle déterminée, il devenait facile de l’en débarrasser; quelques lotions d’une solution aqueuse au centième de sulfure de calcium, firent l'affaire; les croûtes disparurent, la peau redevint nette; et la tranquillité et l’appétit furent rendus à l'animal. C'est la première fois que je sache que l’on constate l'existence de la gale chez le buffle. Tenant à savoir si cette affection avait déjà été observée par les chirurgiens-vétérinaires anglais qui exercent dans l'Inde, je me suis adressé à M. Spencer Cobbold qui a été longtemps attaché 706 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE mens mt Ê comme professeur d'histoire naturelle appliquée au Collège vétérinaire de Londres, et j'ai recu de lui l'assurance que, si des dermatoses ont été rencontrées chez le buffle, jamais la nature psorique d'aucune d'elles n’a été reconnue, ni des acariens signalés sur la peau de cet animal, et cela par suite de l’impuissance des vétérinaires de l'Inde à pouvoir le faire. La gale du buffle est donc un fait nouveau de pathologie comparée à enregistrer, d'autant plus que l'épaisseur et la dureté de ses téguments semblaient le mettre à l'abri des attaques des acariens, comme paraissent l'être l'éléphant, le rhinocéros et l’hippopotame. J'ajouterai que le buffle est {a cinquième espèce animale chez laquelle on a rencontré le Proroptes longirostris. Dès 1809, cet acarien était signalé comme cause de la gale du tronc chez le mouton, et en 1813 comme cause du roux-vieux chez le cheval; beaucoup plus tard, en 1858 on le rencontrait en Allemagne, dans la gale du dos des bœufs, et la même année Delafond le découvrait dans la gale de l'oreille du lapin. Ce parasite n’est donc pas spécial à une espèce, ni même à un genre, à une famille ou à un ordre, puisque les animaux susceptibles de lui servir d'hôte appartiennent à trois ordres différents : les pachydermes, les ruminants et les rongeurs. DE QUELQUES ANOMALIES NERVEUSES ET EN PARTICULIER D’UNE ANOMALIE DANS LA DISTRIBUTION DU NERF RADIAL, par CH. DEBIERRE ‘(de Lyon). Note présentée par M. R. BLANCHARD. I. Les anomalies des nerfs paraissent être beaucoup plus rares que les anomalies des vaisseaux et des muscles. Nous allons rapporter une de ces anomalies, curieuse et digne d’être notée, parce qu'elle n’a été, à notre connaissance, signalée par personne, et parce qu'elle prête à cer- taines considérations dont la clinique pourrait, le cas échéant, faire son profit. Il s’agit d'un sujet qui nous a servi pour faire notre lecon sur le plexus brachial. Sur ce sujet nous trouvons avec l’un de nos aides d’anatomre, M. Rochet, un nerf radial qui présente une particularité intéressante dans ses filets de distribution. | Comme à l'ordinaire, le muscle brachial antérieur est innervé par le musculo-cutané (nerf perforant de Cassérius), mais, en outre, le brachial antérieur recoit deux rameaux récurrents du nerf radial détachés du tronc nerveux à quelques centimètres du pli du coude. Pans un cas de section accidentelle ou opératoire du museulo-cutané, les mouvements du bras opérés par le brachial antérieur, et ils sont im- SÉANCE DU 28 NOVEMBRE 707 portants, pourraient donc être conservés s'il existait une anomalie de ce genre, et le chirurgien n'aurait pas à chercher ailleurs l’origine de la suppléance. Le nerf musculo-cutané a pu être remplacé par le nerf médian, ainsi que le rapporte J. Cruveilhier (1); nous venons de montrer qu'il peut être renforcé et pourrait être suppléé par le nerf radial. II. Les anomalies des nerfs ne sont d’ailleurs peut-être point si rares qu’on le dit d'ordinaire. Elles sont de trois ordres : 1° anomalies de gros- seur ; 2° anomalies de nombre ; 3° anomalies d'origine et de distribution. Nous venons de citer un exemple de cette dernière variété, Nous deman- dons la permission d'en citer un second. Sur un sujet adulte, sur lequel nous préparons le pneumogastrique, nous trouvons un ganglion de la grosseur d'une lentille appendu au tronc du récurrent droit aussitôt après sa réflection autour de l'artère sous- clavière. À ce ganglion aboutissent des filets partis du ganglion cervical inférieur; à émet les nerfs cardiaques qui se rendent au ganglion de Wrisberg, nerfs qui d'ordinaire viennent du pneumogastrique cervical et - aussi du récurrent, maës non d'un centre ganglionnaire dépendant de ce nerf. IT. Comme anomalie de grosseur, nous ne citerons qu'un remarquable exemple, bien que nous en ayons vu plus d’un pareil. Chez un sujet de 45 ans livré aux salles de dissection (février 1885), nous trouvons tous les nerfs avec un volume exagéré. Le sciatique est un véritable sciatique de bœuf ; le médian a la grosseur ordinaire au grand nerf sciatique ; l’obtu- rateur ne le cède presque en rien au sciatique lui-même. Les racines des nerfs sont également d’une grosseur considérable, qui contraste avec la moelle épinière dont le volume est normal. Je me borne à signaler les méprises opératoires auxquelles pourraient donner lieu de semblables dispositions. Pourrait-on considérer les anomalies nerveuses comme des anomalies réversives, au même titre que les anomalies des muscles ou des vaisseaux ? Cela est vraisemblable. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA SPARTÉINE, par M. OECHSNER DE CONINGK. L'importante communication de M. Laborde, dans la séance du 21 no- vembre dernier, m'engage à publier dès maintenant un certain nombre x de faits relatifs à l'histoire chimique de la spartéine. (4) J. Cruveilhier, Anatomie, t. HI, p. 620, 3° édit., 1874. 7108 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Le premier échantillon de cet alcaloïde si rare m'a été remis par M. Houdé, au mois de février dernier, et je saisis avec empressement cette occasion de le remercier de son obligeance. J'ai d'abord préparé l’iodométhylate et l'iodéthylate de spartéine. Todométhylate de spartéine C*HŸAz'2CHI ; on l'obtient facilement en ajoutant à une quantité connue de l’alcaloïde dissous dans le chloroforme la quantité théorique d’iodure de méthyle, et en chauffant au bain- marie en tube scellé. Le composé cristallise en longues et belles aiguilles incolores, très peu solubles à froid, extrèmement solubles à chaud dans les alcools méthy- lique et éthylique. Ces solutions se colorent assez rapidement en rose à l'air. lodéthylate de spartéine : CFH"AZ2Œ HT. On le prépare de la même manière que la combinaison méthylée, qu'il rappelle d’ailleurs tout à fait par son aspect et par ses propriétés principales. Les solutions alcooliques chaudes et colorées en rose de l’iodométhylate et de l’iodéthylate de spartéine ont été additionnées de quelques gouttes. d’une lessive de potasse concentrée. Il ne s’est pas produit de coloration plus foncée, même après addition d’un léger excès de potasse. Par ce caractère donc, la spartéine diffère entièrement des alcaloïdes pyridiques et quinoléiques, dont les iodométhylates, iodéthylates, ete., fournissent, dans les mêmes conditions, de belles colorations d’un rouge carmin ou rubis. J'ai préparé ensuite différents sels doubles de spartéine, j'ai étudié l’action de l’eau bouillante sur ces sels, et j'ai recherché quelles étaient les meilleures conditions pour les obtenir cristallins. Chloroplatinate : C®H*Az, 2HCI, PICI — 1 ‘/, HO. (Expér. 1.) Ce sel a été précipité en liqueur acide, laquelle a été étendue au moyen d'un excès d’eau, et ensuite portée à l’ébullition. Le sel s'est dissous intégralement à chaud. L’ébullition était modérée, mais bien soutenue, comme dans toutes les expériences du même genre que J'ai décrites (Bulletin de la Soc. chim., 1883, t. T, p. 265 et 562; t. IT, p. 276 à 279, etc.) L'ébullition étant établie, il r'y a d’abord pas eu de décomposition, mais, arrivée à un certain degré de concentration, la liqueur brunit et le sel est altéré. Expér. II. Le sel est préparé de la même manière, mais il est séparé des eaux-mères et lavé à l'alcool absolu. Soumis à l’action de l’eau bouillante (en liqueur neutre), 11 finit par être décomposé. Le sel d’or est plus instable, comme on va le voir. SÉANCE DU 28 NOVEMBRE 709 Chloraurate : C®H°A7z°,2HCI, AuCF. Expér. [. On fait bouillir le sel en liqueur acide très étendue; à l’ébullition, le sel était entièrement dissous. Pour un certain degré de con- centration de la liqueur, il s’est assez rapidement décomposé. Expér. II. Le sel pur et bien lavé est traité par l'eau bouillante ; on observe qu'il est immédiatement décomposé avec séparation d’or métal- lique en fines paillettes. La liqueur qui, au début, est bleuâtre par transparence, présente des teintes multüples avec gradations du bleu au vert. Faraday avait signalé un phénomène analogue pour l'or préci- pité dans un grand état de division, et en suspension dans l’eau. Toute- fois, il ne s’est pas produit de teintes violacées ou rougeâtres, mais l'expérience ne laisse pas d’être curieuse et jolie à observer. Chloromercurate : CH*Az°, 2HCI, HgCF. Expér. I. On fait bouillir en liqueur légèrement acide; le sel se dissout en partie dans le liquide tiède, entièrement à l’ébullition. Le sel se dépose sous formc d’aiguilles nettement cristallines lorsqu'on laisse la liqueur se refroidir. Cependant, il subit, au bout d’un certain temps, une légère altération. Expér. II. On rajoute de l’eau, et on fait bouillir ; le sel subit, à la longue, une décomposition partielle; mais en somme, il est beaucou sue, TP P Ù plus stable que Les deux sels précédents. Chlorozincate C®IF°Az, 2HCI, ZnClË. On mélange des solutions très concentrées et acides de chlorhydrate de spartéine et de chlorure de zinc. On étend d’eau puis on fait bouillir un certain temps, et on évapore au bain-marie, jusqu’à très petit volume ; de petits cristaux très nets se déposent par refroidissement. ; Chloropalladite: C*H”"Az*,2HCI,PdCF, beau précipité orangé ; il est décomposé par l’eau bouillante, aussi facilement que le chloroplatinate ; il est soluble à chaud, peu soluble à froid. Chlorocadmate : C°H"AZ2HCI, CdClF; beau précipité jaune clair; présente les mêmes caractères généraux que les autres sels doubles. On voit qu'en redissolvant à l’ébullition, en solutions acides, les sels doubles de spartéine el en concentrant avec précaution les liqueurs, on les obtient assez facilement cristallins. On peut aussi décomposer le sel double en liqueur acide par HS, filtrer, faire bouillir légèrement et précipiter de nouveau la liqueur refroidie par le chlorure métallique. Ce procédé, que j'ai employé pour les sels doubles des alcaloïdes pyri- diques et quinoléiques, m'a donné des résultats satisfaisants pour le chloroplatinate et le chlorocadmate de spartéine. 110 SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE J'ai traité enfin une solution alcoolique de spartéine par un léger excès diode en solution également alcoolique. Au bout d’un certain temps, 1l s’est formé un composé solide qui a été lavé à l'alcool absolu, puis dissous dans l'alcool chaud. Par le refroidissement, il s’est déposé des aiguilles à reflets bleuâtres. Ce composé parait être un iodhydrate de di-iodure de spartéine, C*H*AZT.HI analogue à l’iodhydrate de di-iodure de nicotine, C'H"AZTHI. Ma provision de spartéine se trouvant épuisée, J'ai dû en préparer une nouvelle quantité. J'ai comparé les différents procédés de prépara- ton déjà connus. C'est le procédé de Mills, légèrement modifié, qui est le plus simple et qui m'a donné les meilleurs résultats. Le genêt est épuisé par l’eau aiguisée d'acide sulfurique ; on évapore Ja solution à siccité, au bain-marie, et on distille le résidu avec du carbonate de sodium. On additionne d'acide chlorhydrique en exces le liquide qui à passé, on évapore de nouveau à siccité au bain-marie ; le résidu est distillé avec des fragments de potasse caustique. Lorsque la distillation est terminée (ce que lon reconnait à l'absence sur le col de la cornue de gouttelettes huileuses brunâtres), on rectifie le produit brut dans un courant d'hydrogène, comme on le fait pour la cieutine. Il est bon de répéter une ou deux fois cette opération (1). La spartéine passe incolore à la distillation, mais lorsqu'elle distille sous la pression ordinaire, elle subit, comme la nicotine, un commen- cement de décomposition. Sous pression réduite, elle passe inaltérée ; dans une expérience faite sous une pression de 30 millim. environ, elle distillait entre 185-190°. La spartéine est un peu soluble dans Feau, soluble dans l'alcool, dans l’éther, très soluble dans le chloroforme. Son odeur est vireuse et sw generis. À l'abri de l’air, elle se conserve assez bien, soit seule, soit au sein de sa solution chloroformique. Au contact de l'air, elle se colore rapidement; sa solution chloroformique ne tarde pas à devenir rose, puis rouge; elle laisse déposer à la longue une résine rouge brun épaisse, soluble dans les acides étendus. { Paris, février el novembre 1885.) (4) I n'est pas nécessaire de déshydrater le produit brut par l'addition de sodium ; en ayant soin d'élever progressivement la température, en même temps que passe le courant d'hydrogène (qui doit être assez rapide), on oblient une base suffisamment pure et anhydre après une seconde rectification. Je puis conseiller aussi des rectifications dans le vide ou sous pression réduite, SÉANCE DU 28 NOVEMBRE 711 OBSERVATIONS. SUR LES PROCÉDÉS DE PRÉPARATION DE LA SPARTÉINE par M. OECHSNER DE CONINCK. Je viens de dire que j'avais été amené à comparer les différents pro- cédés de préparation de la spartéine ; Je n'avais pas voulu parler, dans mon mémoire, du procédé de M. Houdé qui avait eu la complaisance de me le communiquer verbalement. Aujourd’hui, ce procédé est publié, et je puis sortir de la réserve que je m'étais imposée. Le procédé de M. Houdé est certainement le plus avantageux au point de vue du rendement. Mais, je voudrais insister sur ce point spécial : Quel que soit le procédé suivi, il faut, si l’on veut ne pas diminuer le rendement par suite d'une décomposition inévitable, pendant la distilla- tion, avoir soin de distiller et de rectitier sous pression très réduite. Lorsque M. Houdé dit, page 689, que les distillations et redistillations sur la potasse caustique et sur le sodium provoquent, à son avis, une décomposition partielle de la spartéine avec production d'ammoniaque, M. Houdé a pleinement raison. ; Les distillations et rectifications sous pression réduite, que Je propose, obvient à cet inconvénient; elles m'ont toujours fourni d'excellents résul- tats, et devront être employées chaque fois qu'on aura de la spartéine à préparer. SENSIBILITÉ DU CERVELET A LA DOULEUR, PAR LE D' EUGÈNE Dupuy. J'ai vu dernièrement que le cervelet est sensible aux irritations ca- pables de produire la douleur, que celles-ci soient mécaniques ou élec- triques, à un extrême degré, chez le singe, le chien, le cobaye, le lapin, seuls animaux que J'ai eu en expérience jusqu'à présent dans le labora- toire de M. Brown-Séquard. On peut obtenir des réactions parfaitement localisées, dans les yeux, et la plupart des groupes musculaires des membres, en excitant différents points du cervelet. Toujours lirritation même très légère, comme un simple attouchement avec le bec d’une pince ou un courant parolique à peine sensible au bout de la langue, fait pousser des cris de douleur à l’animal en expérience et est suivie par des contractions musculaires pa- reilles à celles que M. Tessier a obtenues et qu'il a décrites, et que j'ai vues moi-même; ils sont aussi pareils à ceux que l'on voit survenir lorsqu'on excite la dure-mère cranienne et que M. Bochefontaine a d’ail- leurs si bien étudiés et comme je les avais vus successivement, 749 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE SUR LA CONTRACTILITÉ MUSCULAIRE. Lorsqu'on fait passer un courant d’eau froide à la température du sang, par une artère principale d’un membre ou d'une extrémité, ou même après que les nerfs ont perdu toute irritabilité par une carotide, on voit éclater presque aussitôt des convulsions dans tous les muscles qui sont nourris par cette artère ou carotide. Ces contractions ou convulsions continuent longtemps après que les veines ne charrient plus que de l’eau pure et que les muscles lavés par l'irrigateur sont devenus blancs. Elles deviennent peu à peu moins appa- rentes, à mesure que la rigidité cadavérique s'établit, pas soudainement, mais sans transition. Cette rigidité offre certains caractères que j'étudie en ce moment. TRANSPORT DES COURANTS ÉLECTRIQUES PAR LES ARTÈRES CÉRÉBRALES. Les courants électriques très faibles (pile à chariot de Dubois-Rey- mond, bobine réduite à 12 ou 14), appliqués sur les centres appelés psycho- moteurs et sensoriels ou sensitifs du cerveau du chien et du singe sont portés par les artères et les nerfs qui les accompagnent, et qui se ren- contrent en ces points, Jusqu'à l'extrémité intra-cérébrale de ces or- ganes. Par exemple, les électrodes appliqués à un millimètre près d’un point psychomoteur ou sensoriel et sensitif se laisse diffuser le courant entre les électrodes, et on ne peut le recueillir ailleurs, à l’aide du télé- phone; on peut au contraire recueillir ce courant sur le trajet de l'artère à partir du point où l’on irrite jusqu'à son extrémité. Si on irrite une ar- tère du domaine de la sylvienne par exemple et qu'on obtienne un des mouvements musculaires bien connus, on peut recueillir le courant au loin sur l'artère, même à deux et quatre centimètres plus loin, tandis qu'à deux, ou voire même un millimètre, dans le territoire avoisinant, mais baigné par un autre système artériel, on n'obtient rien. Ces courants tels que le téléphone les rappelle équivalent à celui du même appareil, lorsque la bobine induite est à 25 ou 30 de la bobine inductrice. Ce der- nier courant suffit amplement pour mettre en jeu les muscles innervés par Je sciatique, lorsque ce nerf est excité par ce courant. Je crois donc que tous les effets moteurs ou autres, obtenus par la faradisation de différents points du cerveau, sont dus à l'irritation directe conduite le long des artères et des nerfs qui pénètrent en ces mêmes points, et pas ailleurs (ou personne ne localise des centres), vers les masses du pont de varole du corps strié et de la couche optique. Quand on lance un cou- rant induit de la valeur de celui dont je me suis servi sur les circonvolu- tions et qu'on n'obtient pas de mouvement, c'est que le point excité n'est pas celui par où pénètre une artère avec ses nerfs; tous les points mo- SÉANCE DU 28 NOVEMBRE 713 teurs ou sensoriels et sensitifs sont justement ceux où sont situés ces points de pénétration des vaisseaux et des nerfs qui sont l’objet de cette note. L'ANÉMIE DES MINEURS EN HONGRIE, par le D' RapnaEz BLANCHARD. Au cours des vacances dernières, un voyage en Hongrie et en Galicie in’a procuré l'occasion de visiter les célèbres mines de sel gemme de Wieliczka, auprès de Cracovie, et les mines d'or de Kremnitz et de Schemnitz. En dehors de l'intérêt de curiosité qui s’attachait à cette visite, j'étais encore vivement sollicité de la faire par la question de savoir si l’Ankylostome duodénal avait été observé dans les mines en question et, le cas échéant, dans quelles conditions il se propageait, à quels moyens on avait eu recours pour le combattre, quels résultats avaient donnés les méthodes adoptées. En ce qui concerne Wieliczka, j'ai pu apprendre que jamais l’Anky- lostome ou le Rhabdonema n'avaient été observés dans l'intestin des mineurs et que « l’anémie des mineurs » était absolument inconnue dans la localité. Les renseignements que j'ai pu obtenir de professeurs à l'Uni- versité de Cracovie sont venus confirmer cette déclaration. On sera du reste frappé du fait que, jusqu’à ce jour, aucune observation d’anémie des mineurs n’a été faite dans des mines de sel. Il faut sans doute attri- buer cette heureuse circonstance à la salure des eaux qui s'accumulent ca et là par flaques plus ou moins considérables (1). La solution de sel dans l’eau est à peu près concentrée et ce sont là des conditions telles que le développement deslarves d’Ankylostome ne pour- rait pas se faire. Pour des raisons que j'expliquerai tout à l'heure, l'anémie des mi- neurs est actuellement inconnue à Kremnitz et à Schemnitz, mais, il y a quatre ans, elle était tellement fréquente dans cette dernière localité qu'on pouvait évaluer à plus de 50 pour 100 le nombre des mineurs qui en étaient atteints ; cette affection était bien due à l’Ankylostome duodénal, comme le prouvait la présence constante du Némaiode dans les déjections des malades ; on trouvait en même temps le Rhabdonema. À Kremnitz, au contraire, aujourd’hui comme jadis, l’anémie de cause parasitaire est tota- lement sans exemple. Or, la distance à vol d'oiseau qui sépare ces deux villes est d'environ trente kilomètres et la distance par chemin de fer est de quarante-neuf kilomètres. De plus, un échange constant d'ouvriers (1) Dans les mines de Wieliczka, certaines de ces flaques sont, à propre- ment parler, de véritables étangs ; on en compte 16, dont quelques-uns sont assez vastes et assez profonds pour qu'on doive les parcourir en barque. AA 714 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE a lieu entre les deux localités, ce qui constitue la meilleure condition pour le transport et la dissémination des parasites. D'où vient donc que l’anémie ait été endémique à Schemnitz, alors que les ouvriers de Kremnitz restaient indemnes? Quand on visite les mines de ces deux villes, il semble au premier abord que les conditions hygiéniques y soient identiques: ici comme là, les mineurs sont des Slovaques, nés dans le pays, ayant mémeshabitudes, même alimentation; les galeries de mines sont creusées à peu près à la même profondeur et construites de la même facon, en sorte que la question semble vérita- blement difficile à résoudre. Si on prête quelque attention à la composi- tion des roches au sein desquelles sont percées les galeries, on peut pourtant trouver l'explication du phénomène. À Kremnitz, la roche que traverse le filon aurifère est constituée par de la marcassite, bisulfure de fer ayant la même composition que la py- rite, Fe $. Les eaux s'’infiltrent aisément au travers de cette roche, et, en certains endroits, cette infiltration est tellement active qu'il se forme de véritables cascades ; il en résulte qu'une grande quantité de vapeur d’eau est répandue dans l’atmosphère. Or, au contact de l'air humide, la marcassite subit des transformations qui ont pour résultat essentiel de produire du sulfate basique de fer et de l’acide sulfurique libre ; en même temps, l’eau qui ruisselle de La roche laisse déposer de la limonite ou ocre jaune, 2 Fe? 0°, 3 H°0. : La marcassite renferme encore d'ordinaire, comme impureté, du sulfuro-arséniure de fer qui, en s’oxydant à l'air, donne dusulfate basique de fer et de l’acide arsénieux. C'est donc à l'acidité des eaux qui stagnent dans les galeries qu'il faut aUribuer l'absence de l’Ankylostome et du Rhabdonema, bien que, à l’é- poque où ceux-e1 existaient à Schemnitz, ils se trouvassent transportés sans cesse jusqu'à Kremnitz. Il ne faudrait pas croire que cette acidité soit négligeable; elle est au contraire assez grande, comme vont le mon- trer les faits suivants: les mineurs de Kremnitz présentent infailliblement des érosions aux pieds, s'ils n’ont la précaution de se munir. de chaus- sures imperméables ; de plus, contraints sans cesse de toucher une roche à la surface de laquelle se développe de l’acide sulfurique, ils ne sont ja- mais atteints de la gale ; enfin l’eau qui a servi au lavage de la roche, lors de la séparation du métal précieux, est tellement acide que, sur une certaine étendue de leur parcours, les ruisseaux dans les- quels elle se déverse ne renferment aucun être vivant, ni animal, ni plante. A Schemnitz, les conditions sont tout autres. La roche renferme une moindre quantité de marcassite, en sorte que les eaux d'infiltration, en- core fort abandantes, ne présentent plus qu'une faible acidité ; cellé-ci n'est point suffisante pour empêcher l’éclosion des œufs et le développe- ment des larves. Aussi a-t-on pu voir, jusqu’en 1881, l’anémie des mi- SÉANCE DU 28 NOVEMBRE 715 neurs sévir dans les mines de Schemnitz. Les flaques d’eau qui se cons- tituaient dans la plupart des galeries et qui transformaient le sol de celles-ci en de véritables bourbiers étaient bien le milieu le plus favo- rable pour le développement des Vers. Ceux-ci passaient de là dans l’in- testin de l'Homme par l'intermédiaire des nombreux objets (pain, pipe, etc.) qui avaient pu être déposés sur la boue. Ajoutons encore que la température des mines est plus élevée à Schemnitz qu'à Kremnitz : elle oscille entre 16 et 34° C, mais est le plus ordinairement voisine de 25 ou de 28°, ce qui constitue encore d'excellentes conditions pour la propagation des parasites. Depuis quatre ans, avons-nous dit, l’'anémie des mineurs a si complé- tement disparu de Schemnitz, qu'on n’en a plus observé un seul cas. Ce brillant résultat est l'œuvre d’un médecin distingué, le D" Tôoth Imre, auquel est confiée la direction médicale des mines. Voici les mesures dont il a imposé l'application stricte : Dans les galeries où les eaux d'infiltration étaient particulièrement abondantes et arrivaient à former des flaques, un canal profond d’en- viron deux mètres a été creusé. Ce canal est construit actuellement sur une longueur de 23 kilomètres et s'étend notamment dans le puits Fran- cois ({Férenczakna), dans la galerie Joseph /Jozsefaltdrna) et dans la ga- lerie Joseph IT (2 Jozsefaltärna); il sera continué suivant les besoins. Le canal est souterrain sur toute son étendue, mais présente à peu près de dix mètres en dix mètres des orifices recouverts de planches mobiles et dont l'usage comme fosses d’aisance est obligatoire, sous peine d’une forte amende. Les canaux qui sont ainsi creusés dans les diverses galeries viennent tous aboutir à un canal collecteur qui, après un trajet d’environ seize kilomètres à travers le flanc de la montagne, sort de terre et se jette dans le Gran {Garam), entre les villages de Zarnovic {Zsarnôcza) et de Kônigsberg { Ujbänya ). Depuis la mise en pratique de ces mesures, le sol des galeries de mine est devenu très sec et, les causes d'infection ayant été ainsi anéanties, l’anémie des mineurs a disparu sans retour. En terminant, je dois exprimer ma reconnaissance envers M. le D’ Zechenter, de Krernnitz, et M. le D' Tôth, de Schemnitz, pour leur aimable accueil et pour l’empressement avec lequel ils m'ont facilité la visite des mines. 716 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE CONTRE-INDICATIONS AUX INHALATIONS DE PROTOXYDE D'AZOTE PUR par LE DOCTEUR M. LAFFONT. On croit assez généralement que les seuls dangers de l’anesthésie par l'emploi du protoxyde d'azote pur, selon la méthode des chirurgiens dentistes, consistent dans la menace d'asphyxie immédiate résultant de la privation d'oxygène pur dans le gaz respiré pendant les inhalations. A la suite d’une conférence sur l’anesthésie que j'ai faite dans le cou- rant de l’année à l’Institut odontotechnique de la rue de l'Abbaye, j'ai été en rapport avec un grand nombre de chirurgiens dentistes qui sont venus me demander des renseignements ou des conseils sur l’emploi des anesthésiques. J'ai profité de mes relations avec quelques-uns de ces messieurs pour rechercher si certains états pathologiques paraissant au premier abord étrangers à ce genre d’insensibilisation, mais venant après elle, n'avaient pas pour point de départ, comme cause occasionnelle, cette anesthésie même, quelque innocente qu’elle paraisse. J'étais d'autant plus porté à ces recherches, que j'avais moi-même donné mes soins à quelques personnes ayant eu des ‘accidents de diverse nature à la suite d’une insensibilisation par le protoxyde d’azote pur. Voici d’abord les observations qui m'ont été fournies par divers chi- rurgiens dentistes, et les miennes propres : 1° Mme V..., âgée de 35 ans, grosse de quatre mois et demi, ayant déjà accouché deux fois normalement d'enfants vivants et à terme, vient, à la suite de névralgies dentaires intolérables, qui n’ont cédé à aucun cal- mant, se faire extraire une dent qui parait être le point de départ de la névralgie. Mme V..., très bien portante du reste, n'ayant ni vomissements ni accidents nerveux d'aucune nature, est cependant très craintive, et son docteur lui a recommandé de ne se faire extraire la dent que sous le sommeil anesthésique. Le chirurgien dentiste, assisté d'un aïde, com- mence les inhalations. Mme V... ne s'endort pas facilement, et bien avant d'avoir viré, a déjà des contractures des membres. On continue quand même les inhalations, et, au bout de une minute et demie, la malade étant bleue, la dent est extraite sans douleur. La malade se réveille un peu hébétée, avec des maux de tête, mais ne conserve pas le souvenir de ce qui s’est passé. Le chirurgien dentiste avait perdu de vue Mme V..., lorsque plus d'un an après, celle-ci revient chez lui accompagnée de son mari, réclamant pour ses dents d’autres soins qu'une extraction. Mon- sieur V..., entrant dans le cabinet du praticien avant sa dame, le prie de ne faire aucune allusion à la première extraction de dents, car, à partir de cette insensibilisation, Mme V... a eu un état de santé déplorable, crises nerveuses quotidiennes, inappétence, vomissements, et enfin un mois et demi après l'opération, fausse couche avec fœtus à l’état de ma- SÉANCE DU 28 NOVEMBRE 717 cération, la mort remontant probablement à la date de l'opération, car à partir de ce jour Mme V..., n'avait plus senti remuer le fœtus. 9° Mile M..., âgée de 14 ans 1/2, déjà parfaitement réglée depuis cinq mois, se présente chez un autre chirurgien dentiste, pour l'extraction de molaires atteintes de la carie de l'adolescence. Cette jeune fille a l'appa- rence de la plus robuste santé, elle ne doit être indisposée que dans dix jours. On pratique l’anesthésie par inhalations de protoxyde d'azote, qui très rapidement endorment la jeune fille dont la cyanose est très prononcée, Deux dents sont extraites sans douleur, la jeune fille se ré- veille promptement, encore cyanosée. Rendez-vous est pris pour cinq jours après la cessation des prochaines époques menstruelles, afin de pouvoir extraire deux autres dents. Mais ce second rendez-vous n'a pu avoir lieu, et le chirurgien dentiste, étant allé aux renseignements, a appris que depuis l’anesthésie, la jeune fille est devenue pâle, a perdu ses forces, ne mange plus, a des changements de caractère singuliers, des crises de nerfs fréquentes. Le docteur craint une chlorose grave, Mile M... n'ayant rien vu à l’époque habituelle. 3° Un jeune étudiant, Monsieur P..., âgé de 19 ans, se rend chez un chirurgien dentiste bien connu pour l'extraction des racines de la deuxième grosse molaire inférieure à droite. Ce jeune homme désire être anesthésié, parce qu'il a eu dans sa jeunesse des attaques de nerfs, et qu'il craint que l'extraction des racines nécessitant un temps assez long, ne provoque de nouvelles crises. Il ‘respire largement sous le masque inhalateur, et à la dixième respiration, / vire, est insensible. Le chirur- gien dentiste s'apprête rapidement à pratiquer l’avulsion des racines, mais il s’apercoit que le patient ne respire plus. Immédiatement, il se précipite avec son aide, pour faire la respiration artificielle. Bientôt le malade revient à lui, mais est pris aussitôt d’une crise de haut mal. Après un repos nécessaire, il se retire, promettant de revenir pour cette opération qui sera pratiquée sans anesthésie. Après quelques jours, le chirurgien dentiste recoit une lettre qui ajourne indéfiniment l'opération, car depuis l’anesthésie, le jeune étudiant est pris à la même heure, chaque jour, d’une nouvelle attaque d’épilepsie. 4° Un de mes clients, âgé de 51 ans, atteint de diabète, était traité par le bromure et l’arsenic. J'avais réussi à diminuer considérablement la glycosurie, le sucre étant tombé de 91 grammes à 8 grammes par litre. Maismon malade, robuste du reste, est atteint d’une carie généralisée des dents, comme cela arrive assez fréquemment dans le cours du dia- bète. Il se rend chez un chirurgien dentiste et désire se faire insensibi- liser, ce qui est fait ; tout se passe normalement et le malade rentre chez lui enchanté. La nuit suivante, cependant, la polydypsie qui avait presque disparu revient intense, ainsi que la sécheresse de la bouche et de la peau en général. Je suis appelé le lendemain et je m'informe si le malade n’a pas été effrayé ou émotionné par l'opération ; nullement. Les urines 718 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE donnent 47 gr. de sucre par litre et cet état dure trois semaines environ, puis le sucre tombe progressivement à une normale inférieure de 7 à 8 grammes par jour. Je n'ai pas l’idée d’incriminer l’anesthésie au protoxyde d’azote, et trois mois après, mon malade se fait de nouveau extirper une dent par le même procédé, avec le même bon résultat. Mais, la nuit suivante, le même cortège de phénomènes morbides se reproduit, et cette fois, le sucre monte à 66 grammes par litre; ce n’est qu'après 1 mois 1/2 de traitement rigoureux qu'il redescend à la normale inférieure de 7 à 8 grammes. Remarquant alors que cette aggravation du diabète coïneide avec l’anesthésie au protoxyde d'azote, j'engage mon malade, au cas où il souffrirait encore des dents, à ne pas se faire insensibiliser. Le cas se présente cinq mois après; suivant mon conseil, il ne se fait pas endormir et subit l'opération sans qu'il s’ensuive aucune recrudescence de diabète. 5° Un appariteur de la Sorbonne, auquel je donnais mes soins pendant que j'étais préparateur de la chaire de Physiologie, était atteint d’in- suffisance mitrale, dont les conséquences se bornaient jusqu'alors à une dyspnée variable d'intensité; il n’y avait eu encore ni hydropisie, ni albuminurie. Je suis appelé un jour auprès de ce malade dont les jambes sont enflées ; j'examine les urines et constate l’apparition de l’albumi- nurie. Recherchant alors la date de production de ces phénomènes, j’ap- prends que huit jours avant, le malade est allé se faire extraire une dent en se soumettant à l’anesthésie par le protoxyde d'azote. Depuis lors, la dyspnée s’est accrue, les jambes sont enflées, il s’est produit un engoue- ment pulmonaire et consécutivement l’albuminurie a apparu. Nous bornant à ces 5 observations qui nous montrent les accidents les plus divers se produisant à la suite d’une même cause, recherchons la relation de ces accidents avec cette cause unique. Est-ce le protoxyde d'azote considéré comme composé chimique qu'il faut incriminer ? Est-ce l’anesthésie en général, quel qu’en soit l'agent producteur ? Est-ce l’asphyxie qui accompagne la production de l’anesthésie par le protoxyde d'azote pur? Comme composé chimique, les recherches d'Hermann en 1864 ont démontré que le protoxyde d’azote n’est pas nuisible par lui-même, puisque, mélangé à l'oxygène dans les proportions de l'air, il peut être respiré indéfiniment sans toutefois amener d’anesthésie. Il ne déplace pas l'oxygène du sang, il n’est pas décomposé par lui, mais reste à l’état de gaz indifférent simplement dissous dans notre milieu intérieur. Comme agent anesthésique, bien que la Physiologie et la Pathologie expérimentale.n’aient rien tenté à ce point de vue, on ne s'explique pas comment une anesthésie régulière, normale, pourrait produire iei l’avor- tement, là une chlorose, ailleurs, la réapparition d’accidents épilepti- ques,encore l’apparition de l’hydropisieet de la cachexie albuminurique. nié SÈANCE DU 28 NOVEMBRE 719 Les chirurgiens n’ont, à ma connaissance, jamais eu à noter d'accidents semblables à la suite de l’anesthésie chirurgicale. Pour ce qui est de la production de la glycosurie, il se pourrait, à vrai dire, qu'à la suite de l'administration du chloroforme, il se produisit une apparence de glyco- surie ; le chloroforme, on le sait depuis les travaux de Cl. Bernard, réduisant la liqueur de Fehling. J'ai toutefois un cas personnel, qui me permet de m'élever contre cette théorie. Il y à deux ans, en effet, alors que je n'avais pas encore porté mon attention sur les relations possibles de l’anesthésie avec la glycosurie, j'assistai à une anesthésie pratiquée pour la réduction d’une luxation de l'épaule, chez un homme vigoureux. J'eus la curiosité de rechercher si le chloroforme passait en assez grande quantité dans les urines pour produire la réduction de la liqueur de Fehling. Je constatai que 30 centimètres cubes d'urine décolorée ne réduisaient pas 1 centimètre cube de liqueur de Fehling. Le lendemain, méme résultat ; d'où je puis conclure que l’anesthésie en elle-même ne peut être considérée comme le facteur des accidents survenus dans les observations que je viens de citer. | Reste donc l’Asphyxie, qui, ainsi que l'ont établi Jolyet et Blanche, en 4873, accompagne toujours l’anesthésie obtenue par les imhalations de 'protoxyde d’azote à l’état de pureté. Ces physiologistes ont démontré expérimentalement que l’insensibilité ne commencait que lorsqu'il ny avait plus que 3 à 4 pour 100 d'oxygène dans le liquide sanguin, c’est- à-dire dans les conditions mêmes où se produit l’anesthésie chez les animaux asphyxiés, selon les études de M. Paul Bert. Ce résultat fut tellement frappant que l’on douta dès lors que le pro- toxyde d'azote fût un anesthésique réel, et il fallut les recherches de Goltstein en 1876, et surtout celles de M. Paul Bert en 1879, pour établir définitivement les propriétés anesthésiques de ce gaz. Je crois que l’état asphyxique, inséparable de l’état d’insensibilité nécessaire pour l'extraction sans douleur d’une dent, doit apporter suffi- samment de troubles dans la circulation placentaire et par conséquent dans la circulation fœtale pour provoquer un avortement. À un autre point de vue, dans un organisme aussi délicat que celui d’une jeune fille en formation, cet état asphyxique peut amener des désordres laissant une empreinte durable, ainsi que j'en ai donné un exemple. D'autre part, on comprend sans explication que l’asphyxie aggrave chez les cardiaques une situation déjà compromise par le mauvais fonctionnement de l'organe central de la circulation. Pour ce qui est des accidents épileptiques dont je viens de signaler la réapparition à la suite d’une anesthésie au pro- toxyde d'azote, il est parfaitement admissible que l'excitation cérébrale provoquée par le sang désoxygéné puisse reproduire un état patho- logique cérébral encore mal défini. Mais c’est à coup sûr dans les aggravations du diabète à la suite d’une insensibilisation par inhalation de protoxyde d'azote que l'on doit incriminer exclusivement l’asphyxie 720 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE concomitante de cette insensibilisation. M. Dastre a démontré en effet que pendant l’asphyxie il se produit une véritable pluie de sucre dans le sang, et cette pluie de sucre chez le diabétique soumis aux inhalations de protoxyde d'azote vient s'ajouter à un état pathologique préexistant, en l’aggravant, ainsi que le prouve l'observation que j'ai citée. Il se pourrait même, et je fais en ce moment des expériences à ce sujet, que chez un animal ou un individu non diabétique l’anesthésie par inhalations de protoxyde d'azote pur provoquât un diabète temporaire plus ou moins durable. Je ferai connaître ultérieurement les résultats que j'aurai obtenus. Quelles conclusions dois-je tirer de ces recherches? Au point de vue purement médical : Je dirai que l’anesthésie par inhalations de protoxyde d’azote pur n’est peut-être jamais inoffensive. Qu’elle doit être prohibée formellement : 1° chez les femmes à l’état de grossesse; 2° chez les jeunes filles en formation; 3° chez les personnes atteintes de névrose grave; 4° chez tous les cardiaques; 5° chez les dia- bétiques. Dans tous ces cas, alors que, par crainte de la douleur, le patient exige l'insensibilisation, cette dernière doit être obtenue par la chloroformisa- tion, si facile à obtenir, si constante dans ses résultats, si inoffensive pourrais-Je dire, en employant la méthode préconisée par M. Paul Bert et l'appareil du D' Dubois. Au point de vue de la prévoyance administrative : il devrait être rigou- reusement interdit à MM. les chirurgiens dentistes de pratiquer l’insensi- bilisation par le protoxyde d’azote sans l’assentiment et l'assistance d’un docteur en médecine. 3 On préviendrait ainsi non seulement les accidents immédiatement mor- tels, fort rares heureusement et dont le public s’émeut, mais encore et surtout les accidents consécutifs, bien plus nombreux, que Le même public ignore, malgré leur gravité, par cela même qu'il est difficile de les faire remonter à leur cause première, l’anesthésie par le protoxyde d'azote pur. Le Gérant : G. Masson » Paris. — Imp. G. Roueier et Cie, rue Cassette, SÉANCE DU. 5 DÉCEMBRE (885 M. Duuonrpazuier : Discours prononcé sur la tombe de Henri Bouley. F Présidence de M. Paul Bert Le président, M. Paul Bert, rappelle à la Société la perte qu'elle vient de faire de deux de ses membres : MM. Rabuteau et Henri Bouley, et donne la parole à M. Dumontpallier pour lire le discours qu’il à prononcé, au nom de la Société de biologie, sur la tombe de M. Henri Bouley. DISCOURS DE M. DUMONTPALLIER AU NOM DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE MESSIEURS, C'est au nom de la Société de biologie que je prends la parole sur la tombe de notre maitre regretté, le professeur Henri Bouley. Il serait téméraire à moi, après les discours qui viennent d'être pro- noncés, de prétendre ajouter aux éloges qui ont été accordés au savant, au professeur du Muséum d'histoire naturelle, au président de l’A- cadémie des sciences. Qu'il me soit permis seulement de parler dn caractère de l'homme qui inspira de solides affections et mérita l'estime de tous pendant une longue carrière de travail et de dévouement. Henri Bouley avait conquis ses hautes positions scientifiques et admi- nistratives par des études sérieuses, un enseignement clinique remar- quable, une grande expérience dans l’art vétérinaire et un admirable talent d’orateur et d'écrivain. De plus, la qualité dominante de son caractère, la bienveillance, devait lui concilier bien des sympathies. Cette bienvaillance lui était naturelle dès sa jeunesse; homme, cette qualité avait grandi chez lui sans dégénérer en faiblesse. Altaqué par- fois avec véhémence daus les luttes académiques, il répondait toujours avec cette courtoisie qui est de bonne compagnie. Homme d'esprit, il négligeait souvent de joindre, ce qui lui eût été facile, l'ironie à la force de ses arguments. Il était généreux et n'abusait jamais de ses succès d'orateur. C'était donc chose juste que de lui rendre en sympathies un peu du bien qu'il faisait à tous; tant de bienveillance devait, un jour, trouver une éclatante récompense. Une bonne action de sa part en fut l'occasion: en 4865, Bouley était professeur à l'École vétérinaire d’Alfort; un élève avait été renvoyé de l'École pour infraction à la discipline. Le père de ce BioLoGiE. COMPTES RENDUS. —— 85 gér1g T. 1, N° 42 192 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE jeune homme vint supplier M. Bouley de plaider les circonstances atté- nuantes près du ministre dont relevait l'Ecole vétérinaire. Le professeur n'écoute que son cœur. Il obtient une audience. Est-il besoin de dire qu'il fut éloquent? La cause fut gagnée, et l’élève fut autorisé à rentrer à l'École. Dans cette entrevue, le ministre avait été à mème de juger la valeur de l'homme et du savant. Bientôt il prouva qu'il en avait gardé bon sou- venir ; la même année, en 1865, la peste bovine s'était répandue en Alle- magne, en Hoilande, en Belgique et en Angleterre; l’épizootie menacait nos frontières du Nord et de l'Est, elle pouvait être importée par voie maritime. La maladie était contagieuse, il fallait le démontrer, et cela au plus vite, afin d’être autorisé à fermer toute porte d'entrée en France au bétail des pays infestés. Le ministre fait appeler le professeur Bouley, et, rompant avec certaines traditions administratives, 11 lui contie direc- tement la mission qui devait sauvegarder les intérèts de la France. Les mesures de protection nécessaires sont ordonnées, et la peste bovine n'envahit pas la France. Le professeur el le ministre s'étaient unis pour faire une action utile au pays, et ne pas rappeler ici que le ministre était M. Béhic ne serait- ce pas manquer aux sentiments de Justice et de gratitude qui animaient Henri Bouley. A partir de cette époque commenca l'élévation de Henri Bouley aux grandes positions scientifiques et administratives : en 1866, il était nommé inspecteur général des écoles vétérinaires, et, en 1868, l'Aca- démie des sciences Ini donnait Le fauteuil de Rayer. Dans ces hautes positions, Henri Bouley, par son esprit de Justice et son amour pour la science, ne compta que des amis. Il était homme de progrès, et c'était toujours avec empressement qu'il accueillait les tra- vailleurs, les soutenait de ses conseils et, au besoin, les défendait avec passion. Jusqu'à la fin de sa vie, il conserva l'enthousiasme de la jeu- nesse; rien de ce qui touchait à la science ne lui restait étranger. Grand admirateur de Claude Bernard, il lui était réservé de recueillir une part de l'héritage scientifique du grand physiologiste. En 1881, H. Bouley fut nommé professeur de pathologie comparée au Muséum d'histoire naturelle et, dans cette chaire, créée par décision du parlement, H. Bouley devait avec un rare talent exposer les découvertes de l’illustre Pasteur. Les succès oratoires de Henri Bouley à la tribune de l’Académie de médecine sont encore présents à la mémoire de tous, et ses collègues des compagnies savantes pouraient dire avee quelle attention il défendail dans les comités les travaux qui lui paraissaient un progrès. On raconte même que plus d’une fois, dans les commissions, il fut le premier à faire ressortir le mérite de ses adversaires, Il rendait le bien pour le mal, c'était sa facon de pratiquer la vengeance. 9 SÉANCE DU D DÉCEMBRE 193 H. Bouley ne savait pas résister à un sentiment généreux, 1l voulait le bien, le juste, il y travaillait de grand cœur, et la froideur d'autrui ne l'arrêtait pas dans ses nobles entreprises; les vétérinaires de l’armée n'oublieront jamais que ce fut à l'intervention directe de Henri Bouley près du ministre de la guerre, le général Campenon, qu'ils doivent l'assi- milation de leurs grades à ceux de la hiérarchie militaire. Dans ces dernières années EH. Bouley accepta la vice-présidence de la Société de biologie, et là encore, ilse montra toujours prêt à soutenir de son expérience et de ses encouragements loutes les recherches qui pou- vaient conduire au progrès scientifique. Pendant de longues années H. Bouley avait possédé les grandes satis- factions que donnent les hautes situations dignement acquises. Maïs de cruelles souffrances ne devaient pas lui être épargnées dans les derniers mois de sa vie : une maladie du cœur, dont il avait éprouvé les premières atteintes il y a quatre ans, lui fit courir un grand péril au mois de juillet dernier. Ün matin, au réveil, il se crut perdu, il respirait difficilement. il ne pouvait analyser ce qui se passait en lui; — ce que j'éprouve, disait-l, est étrange, — où suis-Je ? Une syncope avait été la cause probable de ces troubles cérébraux pas- sagers. Quelques instants après cette crise, le calme paraissait revenu. Toute- fois. H. Bouley avait compris toute la gravité de sa maladie, il avait vu la mort prochaine, il ne la craignait pas pour lui, il ne pensait qu'à sa famille, à ses amis. Un séjour de deux mois à la campagne lui avait permis de reprendre desforces L’espérance de vivre, si douce à ceux quiaiment, luiétait revenue Mais, vaine illusion, la maladie faisait bientôt de nouveaux progrès, et l'homme, que nous avons tous aimé, vit sa fin venir avec résignation. Il resta ferme jusqu'à la dernière heure; dans les derniers moments il trouvait la force de sourire à ceux qui l’entouraient, et son visage, lorsque la mort fut venue, disait encore la bienveillante bonté de toute sa vie. Après cette lecture la séance est levée en signe de deuil, et l'élection (®) $ d’un membre titulaire est remise à la séance prochaine. 724 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. ERRAT A séanee du 28 novembre Page 111: lione 32) lisez faradique au — , 99 — Ferrier — . 36 .—, sont — » — pareilles — » — celles — 911 — , comme —— pure les a Page 712 : — 2 —- ouà —— 3) —- et — OR er ita Elite — 9 — irrigation 1: 15 — ‘induite MODEMS ensitinlaisse lieu de ee moe + 4 parolique Tessier ils sont pareils ceux et que a à ou irritabilité par irrigateur réduite se laisse 1 SÉANCE DU 12 DÉCEMBRE 1885 Élection d'un membre tilulaire. M. V. Laponne : Note sur l’action physiologique et toxique de l’acétophénone ou phénylmethylacétone. — D' E. Duruyx : Mode de production des mouvements excités par l'application de courants électriques sur la capsule interne. —M. OEcns- NER DE ConINCK : Sur un caractère important des sels doubles de spartéine, et sur la constitution de ces alcoloïdes (communication faite dans la séance du 28 novem- bre). — M. OEcusxer De ConinNcx : Note sur quelques réactions de la spartéine. — Dr Auc. CHARPENTIER, professeur à la faculté de Nancy : Méthode pour l'étude de la perception des diminutions de clarté, et nouvel appareil pour la photoptométrie et le mélange des couleurs (note présentée par M. d'Arsonval). Présidence de M. d'Arsonval. Election d'un membre titulaire. — 47 votants MEMRemobhent EEE NSP RER ADS VOIX: NDS AD UD CLS AMENER 7 ET ANR ER SAR PAR TN LEE AE GA A AO TOR Bulletins blancs . . . . . EE A PAS 2 En conséquence, M. Remy ayant obtenu la majorité absolue des suffrages est élu membre titulaire de la Société. NOTE SUR L'ACTION PHYSIOLOGIQUE ET TOXIQUE DE L'ACÉTOPHÉNONE OU PHÉNYLMETHYLACÉTONE Travail du laboratoire de physiologie de la Faculté présenté par M. V. LABoRDE. Le 9 novembre dernier, MM. Dujardin-Beaumetz et Bardet faisaient connaître, par une note à l’Académie des sciences, et le lendemain à l’A- cadémie de médecine, les propriétés hypnotiques de l’acétophénone ou phénylméthylacétone, à laquelle ils ont proposé de donner, à raison de ces propriétés, le nom d’hypnone. Mon ami Dujardin-Beaumetlz m'envoyait quelque temps après M. le docteur Gaetano Traversa, éleve et assistant du professeur Semmola (de Naples), en me priant d'étudier avec lui, d’une facon plus approfondie, les propriétés physiologiques de cette substance. Cette étude avait été, en eflet, commencée sous notre direction, par M. Traversa, qui a été obligé de partir précipitamment pour l'Italie ; je l'ai continuée avec mes deux préparateurs, MM. Gley et Rondeau, et j'en apporte à la Société les premiers résultats. Nous nous sommes servis du produit qui nous à été donné et fourni par M. Dujardin-Beaumetz lui-même, et préparé, croyons-nous, par M. de Lair, ou d'après son procédé. Voici un échantillon de ce produit à l’état liquide, légèrement huileux, de couleur celair-jaunâtre, se prenant en masse cristalline par le refroidissement, et répandant une odeur péné- trante, caractéristique, rappelant l'odeur forte d'amandes amères,et qui, respirée un certain temps, produit un peu de malaise, avec céphalal- gie, angoisse épigastrique vertige et tendance à somnoler. 796 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Nous n'insisterons pas sur les caractères chimiques, qui sont ceux de la série dite aromatique, si riche en produits de synthèse des plus inté- ressants à étudier au point de vue physiologique et qui en a déjà fourni, parmi les dérivés méthyliques, étyliques et amyliques, un certain nombre à la thérapeutique. 1. L'acétophénone ou hvpnone injectée en nature sous la peau d'un cobaye du poids moyen de 350 à 400 grammes amène, ainsi que l’avaient fort bien vu Dujardin-Beaumetz et Bardet et ainsi que mes collègues peuvent le constater sur cet animal que je leur présente, un état de pro- fond sommeil, mais qui offre ce caractère particulier, à la dose eflicace avec laquelle il a été obtenu (dose relativement élevée de 1/2 cent. cube à 1 c. c. du liquide pur), de devenir continu et irrémissible, avec les apparences du côma, et de se terminer, au bout de quelques heures, par la mort. Pendant cet état de sommeil ou de torpeur profonde, l'animal est couché sur le flane, comme une masse inerte, présentant aux exeitations périphériques des réactions réflexes assez vives au début, mais qui vont s'atténuant par degres, sibien qu'à un moment donné le réflexe oculo- palpébral est lui-même complètement éteint. La respiration accélérée, plus ou moins irrégulière, et surtout abdomi- nale, prend à la fin les caractères objectifs de l’asphyxie lente ; le cœur, dont l'accélération est également manifeste au palper thoracique, pré- sente en même temps une diminution progressive de sa force d’impul- sion. Durant cette période de visible modification du fonctionnement cardio-pulmonaire, les pattes de l'animal et parfois même tout son corps sont agités de petits soubresauts convulsifs. La température s’abaïsse considérablement (un à plusieurs degrés du côté du rectum), et le refroi- dissement devient général à la périphérie. L'examen cadavérique fait constater les signes prédominants d’un état congestif des poumons, avec ecchymoses sous-pleurales soit pointillées, soit larges, et d’un état asphyxique du sang intra-cardiaque, en partie liquide et noir, et en partie en caillots passifs ; il n’est pas indifférent de noter qu'au niveau de l'injection de la substance, il y a les témoignages non douteux d’une assez forte action irritative locale. Lorsque, chez le cobaye, la dose est maintenue, par fractions de quart de centim. cube, par exemple, au-dessous de la précédente, on ne par- vient pas à produire l’état de sommeil, mais seulement un certain degré d'agitation avec les doses les plus inférieures et, en les augmentant, un peu d’engourdissement sans sommeil définitif. Celui-ci n’est décidémen et définitivement provoqué qu'à l’aide de la dose efficace de 0,50 centigr. au moins, qu'il est encore nécessaire d'élever le plus souvent, et qui ne semble pas permettre le retour à la vie; en sorte que la dose somnifère (nous ne disons pas hypnotique, cette expression ayant, aujourd’hui sur- = “ SÉANCE DU 12 DÉCEMBRE tout, une signification spéciale en neuro-pathologie) semble être en même temps, du moins chez cet animal, la dose {toxique mortelle, IT. Le chien est encore plus réfractaire aux doses inférieures adminis- trées en injection hypodermique : À, 2 et jusqu'à 3 grammes successive- ment injectés ne sont pas parvenus à amener le sommeil chez un chien de 13 kilogr. Tout au plus, après l'introduction du 3° gramme, avons- nous apercu quelque velléité de fermeture des paupières, qui semblent lourdes, l'animal restant, d'ailleurs, debout; il a, par contre, très abon- damment uriné; et il a montré, dès le début, une certaine agitation, que nous avons déjà notée chez le cobaye dans ces conditions Introduit dans l'estomac chez le même chien, à l’aide de la sonde æso- phagienne, un gramme d’acétophénone pure a amené, au bout de 35 mi- nutes environ, un vomissement glaireux répandant la forte odeur de la substance, sans la moindre manifestation somnolente. Nous n'avons observé, en ce cas, qu'une notable dilatation pupillaire (1). IT. C'est par le moyen de l'injection intra-veineuse que l'on obtient, sur le chien, les effets Les plus certains et les plus remarquables. Il faut également, en ce cas, recourir à une dose relativement élevée (carte: pour un chien de 47 kilogr.) pour arriver un peu rapidement à ces effets, qui sont les suivants : Sommeil profond avec ronflement ; Analgésie et anesthésie immédiates complètes ; Dilatation des pupilles, et affaiblissement notable du réflexe oculo-pal- pébral ; Modifications des fonctions respiratoire et cardiaque, qui vont se déduire clairement, dans leur véritable expression, de la recherche hémo- dynamo-métrique ; La lecture des tracés que je mets sous les yeux de mes collègues montre, en effet, qu'une chute sensible de la pression (1 c. m. au moins de mercure) suit presque immédiatement l'injection, et se maintient à peu près durant tout le temps de son action. Cette modification de la tension intra-vasculaire est, d’ailleurs, égale du côté du bout central et du bout périphérique, ce qui témoigne d’une influence principalement centrale, que l’état de la pulsation cardiaque confirme. Les oscillations du gra- phique traduisant cette pulsation, en même temps qu’elles s’accélèrent notablement, perdent de plus en plus de leur hauteur et de leur ampli- tude, et si l’on renouvelle la dose, comme dans le cas que je présente, elles se réduisent à un minimum à peine perceptible; il est très difficile, à ce moment, de percevoir, à l’auscultation, les battements cardiaques. (1) Dans l’artiele qu'il vient de publier sur ce sujet (Semaine médicale du 9 décembre), M. le professeur Grasset (de Montpellier) relate un certain nom- bre d'expériences chez le chien et chez le singe, où il a obtenuîles mêmes ré- sultats négatifs, 198 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Il se produit en même temps des modifications respiratoires très accea- tuées, que traduisent aussi les tracés, et qui consistent essentiellement en des efforts inspiratoires, suivis d’arythmie. L'intensité et la nature de ces modifications respiratoires concomitantes, qui dénotent un processus asphyxique, donnent l’idée d’une influence très probable sur les modili- cations circulatoires et cardiaques. Cette présomption demande à être vérifiée à l’aide d’une curarisation. Ajoutons, à propos de respiration, que le chien exhale par la bouche et par les narines l'odeur caractéristique de la substance, dont l'élimination se fait évidemment, en majeure partie, de ce côté. L'animal, à la suite des effets de l'injection intra-veineuse, reste, durant quelque temps, plongé dans une sorte de somnolence ; au réveil qui paraît pénible et difficile, la tête est agitée par un tremblement laté- ral, et ce n’est qu'avec de grandes difficultés qu'il parvient à se tenir sur les jambes, marchant avec l’incoordination de l'ivresse. Puisil se recouche, cherchant la chaleur près du calorifère, et meurt au bout de six, huit, ou dix heures. A l’autopsie, on trouve prédominantes des lésions apoplectiformes avec infitration sanguine abondante des poumons, du foie et des reins; les cavités du cœur remplies de caillots passifs mêlés à une petite quantité de sang liquide, absolument noir. L'état des reins nous faisant présumer la probabilité du passage des éléments du sang dans les urines, nous avons soigneusement recueilli celle-ci dans la vessie, et nous avons constaté, en effet, qu'elles étaient sanglantes, contenant non seulement de la matière colorante, mais des éléments globulaires en assez grande quantité. Nous avons pu nous assurer que cette hématurie était consécutive, c’est-à-dire qu'elle ne paraissait se produire que durant la période qui suit les premiers effets de l'injection et précède la mort. Cependant, dès une heure environ après cette injection, les urines contiennent déjà une notable quantité d'albumine; et dans les cas d'injection de doses répétées, elles peuvent, ainsi que nous le verrons bientôt, devenir rapidement hématuriques. Dans la crainte que l’action topique de la substance, dont les propriétés irritatives ne sont pas douteuses, n'eut, par son contact presque direct avec l’endocarde, une certaine part dans les résultats qui précèdent, nous avons répété l'expérience en pratiquant l'injection éntra-plewrale. Mais l'introduction successive par ce moyen de 3 grammes d’acétophénone n'eût pu amener, pas plus que l'injection sous-cutanée, l’état de sommeil. Bien qu'il se soit produit, en ce cas, une tendance manifeste à la chute de la pression, à l’atténuation des contractions cardiaques, et aux efforts dypsnéiques, les modifications ont été loin d'être accentuées et caracté- risées, sur nos graphiques, comme à la suite de l'injection intro-veineuse, qui est véritablement et seule efficace pour la clarté de cette analyse. SÉANCE DU 12 DÉCEMBRE 199 Il n'est pas inuditierent de remarquer, à ce propos, que la surface de l'endocarde n’a offert au plus minutieux examen nulle trace d'irritation locale. IV. Enfin l'analyse expérimentale donne chez les grenouilles des résul- tats qui, rapprochés des précédents, ne sont pas sans intérêt ni sans importance: 1° Signes caractérisés d'action locale au niveau de l'injection, savoir : contracture de la patte, décoloration des tissus, paralysie par perte absolue de l’excitabilité motrice du nerf et de la contractibilité des muscles touchés ; 2 Torpeur et collapsus complets de l'animal, avee abolition pro- gressive des réflexes généraux et des réflexes oculo-pupillaires, cessation des mouvements respiratoires du flanc et de déglutition ; finalement état de mort apparente, avec persistance des battements cardiaques, mais ceux-ci ayant subi des modifications caractéristiques ; 3° Ces modifications que révèlent clairement, dans leurs détails, nos tracés cardiographiques consistent, après un renforcement momentané de la pulsation, en une chute progressive, avec intermittence diastolique de plus en plus longue, et tendance à l’arrèt final en systole avec vacuité presque complète. Cet effet prédominant de la chute de la pulsation concorde exactement avec celui que nous avons constaté et noté chez les mammifères. Tels sont les résultats bruts de cette première partie de notre étude expérimentale ; il nous reste à en essayer l’interprétation, au paint de vue du mécanisme de l’action de la substance et des applications possibles à la thérapeutique. Ce sera l'objet d’une prochaine communication. MODE DE PRODUCTION DES MOUVEMENTS EXCITÉS PAR L’APPLICATION DE COU- RANTS ELECTRIQUES SUR LA CAPSULE INTERNE, PAR LE D' EUGÈNE DUPUY. J'ai trouvé, il y a dix ans, qu’on peut provoquer des mouvements par- faitement localisés dans différents membres, chez les chiens, à l’aide d’un courant électrique faible lancé sur une surface de section horizon- tale, exposant les ganglions de la base du cerveau et leurs annexes. M. le professeur Burdon-Sanderson, en parlant de mes recherches (1), a montré, par des expériences qui lui sont propres, que l’on obtient en effet des mouvements différenciés et localisés dans certains groupes musculaires, de la face et des membres en électrisant sur la surface de section horizontale qui expose la partie externe et supérieure du corps strié : ces mouvements ont leur siège : 4° dans la patte antérieure opposée, 2° dans les yeux et la lèvre supérieure ; 3° dans l'oreille. Ges mouvements divers se produisent pareils à ceux qu'on observe en électrisant les différents (1) Proceedings of the Royal Society of London, for june 1874; n° 4. 130 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE points bien connus des circonvolutions autour du sillon crucial, et sont très distincts ; Les points actifs sont aussi localisés, et leurs relations ré- ciproques sont les mêmes que celles qui existent entre les points de la surface corticale. Je reviens sur ces faits pour compléter la dernière com- munication que j'ai faite à la Société de biologie, puisque j'ai trouvé au moins cinq points sur une surface de section horizontale de la capsule interne, dont l'irritation électrique provoque, comme je l'avais déjà vu en 1874, des mouvements localisés et différenciés, qui sont aussi justement les points par où pénètrent des artères et des nerfs. Ainsi donc j'ai vu, en irritant la surface de section horizontale à l’aide d'un courant électrique (appareil de Dubois Reymond, bobine in- duite à 42 de la bobine inductrice, électrodes séparés d'un millimètre, et en allant d'avant en arrière, des mouvements dans les muscles 10 de la face, % de la tête, 3° de la patte antérieure opposée, une fois des deux côtés, 4° de la patte postérieure opposée seule ou aussi de la patte correspondante, 5° de la queue et du thorax. Si on lance le même courant sur les espaces compris entre ces diffé- rents points on n'obtient aucun mouvement ; lorsqu'on pousse une injec- tion par la carotide on voit alors s’écouler le liquide coloré à ces mêmes points d'où l'irritation électrique a provoqué des mouvements. Il y a donc là des artères et les nerfs qui les suivent. Les contractions musculaires ainsi observées ne m'ont pas paru différer de celles qu'on voit lorsque l'irritation électrique a porté sur la surface corticale elle-même. Ces con- tractions murculaires ont, au contraire, semblé se manifester après un laps de temps égal à celui qui passe lorsque les contractions suivent lirritation de la substance corticale par un courant électrique. Ces expé- riences ont été faites sur des chiens et sur un singe dans le laboratoire de M. Brown-Séquard. SUR UN CARACTÈRE IMPORTANT DES SELS DOUBLES DE SPARTÉINE, ET SUR LA CONSTITUTION DE CET ALCALOÏDE, par M. OECHSNER DE CONINCK. (Communication faite dans la séance du 28 novembre.) Dans ma dernière note, j'ai montré que les sels doubies de spartéme sont en général décomposés, lorsqu'on fait bouillir leurs solutions neutres ou acides, le chloromercurate faisant toutefois exception. Par ce caractère, la spartéine se rapproche des alcaloïdes proprement dits, dont les sels doubles sont tantôt s/ables, tantôt instables, et s'éloigne : 1° des alcaloïdes pyridiques dont les chloroplatinates et chloraurates su- bissent, par l’action de l’eau bouillante, des modifications particulières s’expliquant par une perte d'acide chlorhydrique; 2° des alcaloïdes qui- noléiques dont les sels doubles présentent une stabilité remarquable. Il convient de rappeler, à ce propos, l’action de l’eau bouillante sur les chloroplatinates et sur les chloraurates de la cicutine commerciale (mé- SÉANCE DU 12 DÉCEMBRE 731 lange de cicutine et de méthylcicutine) et de cicutine pure {ou ne renfer- mant que des traces de méthylcicutine). Ces sels doubles sont rapidement décomposés dans ces conditions. Par contre, les sels doubles de nicotine et de pipéridine ordinaire ou de pipéridine de synthèse résistent bien à l’action de l’eau bouillante. Aujourd'hui, je mentionne simplement ces faits, mais je compte pré- senter bientôt à la Société un ensemble d'expériences relatives à la sta- bilité des sels doubles des corps basiques en solutions aqueuses froide- ou chaudes. Aussi bien, j'ai été amené à penser que l’on pourrait se ser- vir de ce caractère non seulement pour donner des alcaloïdes une meil- leure définition chimique que celles qui ont été données jusqu'à ce jour, mais encore pour établir une sorte de classification de ces composés. Je demande maintenant la permission de présenter quelques observations sur la composition et sur la constitution chimique de la spartéine. La formule CH%A7, à laquelle semblent conduire les analyses, exige pour cent : Carbone: AAMENAMNMAERTO OS Hydro sene AMP en TA ALOLE NAMUR RAIN AO 100,00 D'après cette formule, la spartéine serait le dihydrure d’une amyl ou isoamylnicotine. CLHS(CH1T)Az? + H? — CÉH*A7.. Cette constitution est possible certainement, mais ne s'accorde pas bien, il faut le reconnaître, avec ce que nous savons aujourd'hui des al- caloïdes volatils. La formule CH#A7, qui ferait de la spartéine une des amylnico- tines pouvant exister, parait plus conforme à l'état actuel de nos con naissances ; j'en dirai autant de la formule CSH?#A72, sur laquelle je reviendrai tout à l'heure. Examinons d’abord la formule C{H*#Az'; elle conduit aux rapports suivants : Carbone eSATA ANNEES 0) Hydrogène. . OUT LORS S Azole NN MSG nouricent 100,00 Entre cette formule et la précédente, il n'y a de différence un peu sensible que pour ce qui concerne l'hydrogène; elle s'élève à 0, 76 pour cent. Mais étant donnée la difficulté bien connue, d'une part, de doser exactement l'hydrogène, d'autre part, d'obtenir la spartéine pure (c'est-à- dire non mélangée de scoparine, ou non altérée par l'air ou par la lu- mière), et surtout si l’on considère les nombreux moyens fournis par l'analyse de l’alcaloïde lui-même (1), il est permis d’hésiter lorsqu'il s’agit de construire la formule. (4) L'analyse des sels doubles, dont la stabilité n'est que médiocre, donne des documents de beaucoup moindre valeur, mn où 1O SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 0 ee J'ai à peine besoin de faire remarquer que les dosages de l'azote et du carbone ne permettent pas de trancher entre les deux formules pré- citées. Des réflexions analogues me sont suggérées par l'examen de la for- mule C® H° Az° dont j'ai parlé tout à l'heure. Cette formule exige le pourcentage suivant: Carbone ra ANA mnt eu 78,05 Hydro genes MAL RARE DA TNA PAAORSE AIZOtLe 2 UE A EU) pe de AT en Rte ASS 100,00 Lorsqu'on la compare à la formule C° H°* Az’, on voit que, seule, l’ana- lyse d'une base parfaitement pure et anhydre Sénart une distinction absolue. Cela étant posé, si la spartéine, comme cela est vraisemblable, possède l’une ou l’autre de ces deux formules, on voit qu'on peut la classer parmi les nicotines ou dipyridines substituées. La formule GC H°° A7° conduit à envisager la spartéine : 1° Comme une des hexylnicotines possibles. COHEN C ARS) AT HO EPA 2° Comme le tétrahydrure d’une dicollidine : CHA Z A AN CRIHEPAZ IE 3° Comme l'hexahydrure d’un dicollidyle : C15 20 A7° + {16 726 A7 : 4 Comme le tétrahydrure d’une éthyldilutidine, où comme l’hexahy- drure d’un éthyldilutidyle ; 5° Comme le tétrahydrure d’une butyl ou isobutyldipicoline, ou comme l'hexahydrure d’un butyl ou itobutyldipicolyle. La formule C15H°* Az° peut être interprétée de différentes manières : 1° La spartéine serait l’une des nombreuses amylnicotines isomériques pouvant exister. 2° Elle serait Le tétrahydrure d’une propyl ou isopropyldipicoline. CERN) AT ES CEA 3° Elle serait l'hexahydrure d'un propyl ou isopropyldipicolyle. CHAT (CAE) ATARI /C EE PAZ 4° Enfin elle serait le tétrahydrure d’une méthyldilutidine, ou l'hexa- bydrure d’un méthyldilutidyle. En terminant et pour la bonne intelligence de ces lignes, je rappelle qu’une dipyridine est constituée par la molécule doublée d'un alcaloïde pyridique. Ainsi : DOEPAZ UN NCRINUNN TE 2 moléc. dipyridine de pyridine SÉANCE DU 12 DÉCEMBRE 133 Un dipyridyle diffère d’une dipyridine par deux atomes d'hydrogène en moins. 205 H° Az — CI HS A7? E H°. dipyridyle Les dipyridines fixent directement quatre atomes d'hydrogène : C0 0 A7? E += C1 H'* A7°. Dipyridine Nicotine Les dipyridyles fixent directement six atomes d'hydrogène : C10 HS Az? + Hô — CH A7? Dipyridyle Nicotidine La nicotidine est un des isomères de la nicotine. Telles sont quelques-unes des relations remarquables qui existent entre les dipyridines et certains alcaloïdes volatils. On pourrait donner des dipyridines et des dipyridyles la définition suivante : Ce sont des alcaloïdes auxquels manque une certaine proportion d'hy- drogène, ou pour me servir d’une expression moins chimique, ce sont des squelettes d’alcaloïdes. La molécule pyridique, se soudant à elle-même par un mécanisme en- core inconnu, forme l'édifice; l'hydrogène est le couronnement de cet édifice. NOTE SUR QUELQUES RÉACTIONS DE LA SPARTÉINE par M. OEcusnerR DE CONINCK. Voici quelques réactions de la spartéine qui ont leur intérêt, parce qu’elles sont identiques avec celles que présentent la nicotine et quelques dipyridines. L'alcaloïde est dissous dans l’éther, de manière que la solution soit étendue. Quelques gouttes de la solution éthérée de spartéine sont versées sur un verre de montre : 4° Avec une baguette, on laisse tomber deux gouttes d'une solution assez concentrée d’azotate argentique. Presque immédiatement on voit se former une pellicule blanche, brunissant, puis noircissant au bout de quelques instants. 20 Dans la solution éthérée de nicotine présentant le même degré de concentration, deux gouttes de la même solution argentique produisent un effet semblable. 3° Même solution éthérée de spartéine; deux gouttes d'une solution concentrée de chlorure mereurique produisent un précipité blanc caséeux, non spontanément altérable. 4° Même solution éthérée de spartéine : deux à trois gouttes d'une solution concentrée de nitrate mercurique donnent naissance à un pré- cipité caséeux jaunâtre. 5° Méme solution éthérée de spartéine : après addition de deux à trois 734 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. gouttes d’une solution assez concentrée de nitrate mercureux, il y a for- mation d’un épais précipité jaunâtre, brunissant très rapidement. La solution éthérée de nicotine qui avait fourni, avec le chlorure et le nitrate mercuriques, les mêmes précipités que la spartéine, donne avec la solution de nitrate mercureux un épais précipité brun foncé. Si l’on rapproche ces réactions sur les sels métalliques de la réaction sur l’iode que j'ai décrite récemment, on voit que la spartéine doit être rapprochée de la nicotine. J'ai pensé qu'il serait intéressant de répéter ces mêmes réactions, avec des solutions éthérées étendues de quelques dipyridines, d'autant plus que la spartéine est probablement une dipyridine substituée. Voici les réactions de la y dilutidine en solution éthérée étendue : L’azotate d'argent a donné un précipité blanc caséeux non spontané- ment altérable ; Le chlorure mercurique, un précipité blanc jaunâtre épais, également stable ; L'azotate mercurique, un précipité jaunâtre caséeux stable ; L'azotate mercureux un précipité jaune d’abord, mais brunissant très rapidement. Voici enfin les réactions de la £-dilutidine en solution éthérée étendue : Le nitrate d'argent a fourni un précipité blanc, épais, stable ; Le chlorure mercurique, un précipité caséeux légèrement jaunâtre, stable. Le nitrate mercurique, un précipité jaunâtre assez épais et stable. Le nitrate mercureux, un précipité jaune au premier moment, mais brunissant instantanément. Il faut donc rapprocher la spartéine des dipyridines comme de la nicotine. J'espère bientôt être en état de fournir de nouveaux documents à l’ap- pui de cette manière de voir. MÉTHODE POUR L'ÉTUDE DE LA PERCEPTION DES DIMINUTIONS DE CLARTÉ, ET NOUVEL APPAREIL POUR LA PHOTOPTOMÉTRIE ET LE MÉLANGE DES COULEURS, . par le D' AuG. CHARPENTIER, professeur à la Faculté de Nancy. : I Dans ces dernières années je me suis occupé, après un certain nombre d'auteurs, de la perception des différences de clarté, en déterminant, dans des conditions variées, la plus faible augmentation d'intensité que l’on devait faire subir à des surfaces lumineuses pour procurer une per- ception nouvelle. Le problème peut être retourné, et l'on peut se proposer de détermi- ner, au contraire, les plus faibles diminutions de clarté perceptibles En d’autres termes on peut chercher, étant donnée une surface lumineuse, de combien il faut abaisser son intensité pour la faire distinguer de la clarté primitive. ul Ce © SÉANCE DU 12 DÉCEMBRE Il y a à reprendre à ce point de vue les séries d'expériences qui ont été faites pour la perception des augméntations de clarté, à savoir : dé- termination de l'influence de l’intensité lumineuse du fond, de la couleur, de la dimension des surfaces éclairées, de la perception simultanée ou successive, etc. Voici la méthode que j'ai imaginée pour ces recherches : luaginons une surface plane plus ou moins étendue et diffusant la lumière par réilexion, une feuille de carton blanc, par exemple. Percons un trou plus ou moins large et de forme quelconque dans ce carton et placons la feuille au devant d’une boîte profonde tapissée de velours noir à son intérieur. Le trou se détachera en noir absolu (Chevreul, Landolt) sur le fond blane du carton. Ce carton pourra être éclairé plus ou moins par des sources lumineuses déterminées, placées à des distances va- riables; de plus, ces sources pourront être colorées où non. Quant au trou, on pourra faire varier aisément sa forme et ses dimensions. Regardons la feuille en placant devant notre œil un prisme biréfringent (de Rochon ou de Wollaston, par exemple). Nous aurons deux surfaces lumineuses et deux trous noirs; seulement, avec un prisme convenable, les deux feuilles se recouvriront en grande partie et conserveront sur leur portion cemmune l'intensité lumineuse primitive; quant aux trous noirs, l’un sera en dehors de la partie commune aux deux feuilles, nous le laissons de côté; l’autre se détachera sur le fond blanc commun ; vis- à-vis de ce dernier trou, l'intensité lumineuse ne sera pas nulle, mais égale à la moitié de l'intensité du fond. Placons maintenant un prisme de nicol au devant du prisme birifrin- gent; nous aurons encore nos deux images dans la plupart des positions du nicol, mais leur intensité respective variera suivant la direction de la section principale de celui-ci; pour une certaine direction l’une des deux sera nulle: à 80° ce sera l’autre image qui aura disparu. Malgré cela, là où les deux feuilles se recouvrent, l'intensité des deux images aura beau varier, l'intensité commune sera constante (et égale à moitié de la clarté primitive); seulement on pourra faire varier comme on le voudra l'in- tensité de la tache sombre correspondant au trou noir projeté sur la partie commune. Dans une position déterminée, cette tache sera absolu- ment noire; en tournant le nicol de 90°, la tache sera devenue aussi claire que le fond et ne se distinguera pas de ce dernier; en partant de cette dernière position on fera faire au nicol un angle de plus en plus grand et la tache deviendra de plus en plus sombre. On sait que la clarté diminue en proportion de sin, on peut donc déterminer facilement l'intensité relative de la tache sombre et du fond. Pour faire une expérience, on placera le nicol dans une position qui donne l'égalité apparente de la tache et du fond; puis on tournera le nicol à droite, par exemple, jusqu'à ce qu'on percoive nettement la tache sombre ; on notera cette position (indiquée par une alidade sur un cercle gradué) ; on fera ensuite tourner le nicol à gauche jusqu'à ce que 136 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE la tache, d’abord confondue de nouveau avec le fond, reparaisse une seconde fois; on notera cette seconde position. La moitié de l’angle formé par le nicol dans le premier et dans le second cas sera évidem- ment l'angle cherché, dont le carré du sinus exprime la diminution rela- tive d'intensité subie par la tache sombre. Un instrument a été construit sur ces données, et des recherches sont poursuivies à mon laboratoire par M. Bagnéris. Il Le même principe peut servir pour la perceplion des augmentations de clarté. Remplacons en effet la tache sombre par une tache claire, en huilant, par exemple, une partie d’une feuille de papier translucide placée au devant d’une source lumineuse. On déterminera d’abord l'intensité relative de la tache et du fond, puis on emploiera le même appareil que ci-dessus, et l’on cherchera, autour d’une position moyenne, deux positions du nicol pour lesquelles la tache commencera à se détacher en clair sur le fond commun. La moitié de l’angle corres- pondant à ces deux positions sera l'angle «. Soit I l’intensité du fond, #1 l'intensité de la tache à l’œil nu, «x l'angle déterminé ; la fraction différentielle sera k.[sin?œ Il L'appareil sera d'autant plus sensible que Æ sera plus petit, c'est- à-dire que la tache huilée sera moins claire par rapport au fond. En tout cas la sensibilité physiologique de cet appareil sera beaucoup plus grande que celle des polarimètres, qui seraient par cela même impropres à ces recherches, mais qui ont, au contraire, une sensibilité physique considérable. — 1} sin. IT En remplacant la tache noire par une tache colorée (obtenue d'une facon quelconque, couleur pigmentaire, projection de rayons spec- traux, etc.), on pourra produire des mélanges de couleur avec le blanc ou, en général, avec la teinte du fond. En supprimant la feuille blanche et en placant simplement un morceau de papier coloré au devant du fond noir de la boîte, on pourra produire avec l'appareil précédent des mélanges de couleur et de noir. Enfin, en plaçant à l'endroit précis où se produit l’image de la tache déviée par le prisme un morceau de papier de forme identique, mais d’une couleur différente de celle de la tache, on pourra produire avec le méme appareil des mélanges de deux couleurs en toutes proportions. Il serait facile de projeter chaque expérience sur un écran et d'y faire participer un certain nombre de personnes. Le Gérant : G. MASSsoN Paris. — Imp. G. Roucier et Cit, rue Cassette, dm 131 SÉANCE DU 19 DÉCEMBRE 1885 M. J.-V. Laronne : Physiologie appliquée à l'étude des substances médicamenteuses et toxiques; de l’action physiologique et toxique de l’acétophénone phénylméthyla- cétone où hypnone, seconde note; travail du laboratoire de physiologie de la Faculté. — MM. E. Grey Er Cu. Ricaer : Action chimique et sensibilité gusta- tive. — M. J. Luxs: Nouvelles expériences à propos de la locomobilité intra- cranienne du cerveau. — M. le professeur Grasser : Note sur l’action physiolo- gique de l'acétophénone, action hypnotique, par injection trachéale chez les animaux. — M. Henry pe Varieny : Sur le tétanos rythmique dans les muscles d'invertébrés marins. — M. BeaureGarp : Note sur une megaptère échouée au Brusc près de Toulon. — M. Livon (de Marseille) : De la présence des fibres modératrices du cœur dans la branche interne du spinal. — M. Livox (de Marseille). — Injections d'urine de cholérique. — M. Krancors-Franck : Remarques au sujet de la note présentée par M. Livox « sur la présence de fibres modératrices du cœur dans la branche interne du spinal ». Présidence de M. Paul Bert PHYSIOLOGIE APPLIQUÉÉ A L'ÉTUDE DES SUBSTANCES MÉDICAMENTEUSES ET TOXIQUES. DE L'ACTION PHYSIOLOGIQUE ET TOXIQUE DE L'ACÉTOPHÉNONE PHÉNYLMÉ- THYLACÉTONE OU HYPNONE. Seconde note. Travail du laboratoire de physiologie de la Faculté présenté par J.-V. LABORDE. Dans une première note (Compte rendu du 18 décembre, n° 42), nous avons établi expérimentalement les faits suivants : En injection hypodermique l’acétophénone ou hypnone ne produit l'état de sommeil complet chez les animaux, même chez le cobaye, qui paraît être le plus sensible à son action, qu'à une dose relativement élevée ; Une fois obtenu et établi, l’état de sommeil complet ne cesse plus, et se termine par la mort asphyxique; L'hypnone exerce une action locale assez énergique, d'ordre chimique, sur les tissus au contact desquels elle est immédiatement portée, en nature, par l'injection sous-cutanée ou intra-museulaire; une paralysie plus où moins complète de la sensibilité et de la motricité est, au point de vue fonctionnel, l’un des effets constants de cette action localisée; la BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 85 SÉRIE T. Il, N° 43 738 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE paralysie peut s'accompagner de contracture, notamment chez la gre- nouille, et elle porte également sur l’excitabilité des muscles touchés; En injection stomacale, chez le chien, l’hypnone en nature amène, au bout d'un certain temps, un ou plusieurs vomissements glaireux (l'animal étant à jeun), sans autre effet appréciable ; Cependant, à la suite d'essais nouveaux, nous sommes parvenus à faire garder ingérés dans l’estomac d’un tout petit chien (du poids de 7 kilog.), d’abord un gramme d'hypnone étendu dans un mélange de 5 centi- mètres cubes de glycérine et autant d'eau, lequel n’a produit aucun effet appréciable ; et ensuite, une heure après, dans le même mélange, un autre gramme, lequel a fini pas amener une sorte de stupeur, avec ten- dance au sommeil, et même un peu de somnolence, mais très légère, car le moindre bruit, le moindre appel l’interrompaient ; L'injection intra-veineuse de l’hypnone détermine, chez le chien, un état de sommeil profond et momentané, avec analgésie et anesthésie complètes, atténuation très marquée du réflexe oculo-palpébral, dilatation ou du moins mydriase pupillaire, chute constante de la pression intra- vasculaire centrale et périphérique, et chute concomitante de la pulsation cardiaque ; en même temps que de l'accélération et de l’arythmie respi- ratoires ; Consécutivement, processus asphyxique et mort, avec les altérations suivantes : infiltration sanguine apoplectiforme très intense des poumons, du foie, de la rate et des reins; Sang absolument noir et coagulutions asphyxiques dans les cavités du cœur lâches et distendues ; Il importe de rappeler les urines sanglantes, dans la période asphixi- que et ultime, et franchement a/bumineuses peu de de temps après l’in- jection intra-veineuse (l’hématurie véritable pouvant aussi se produire, ainsi que nous allons le voir, dans celte première phrase, à la suite de l'introduction dans la veine de doses plus élevées de la substance). Notons, enfin, l’abaissement thermique constant, aussi bien dans le cas d'injection hypodermique, que d'injection intra-veineuse, et même d'injection stomacale, à la période d’action réelle (1). Tels sont les résultats bruts, pour ainsi dire, de l'analyse expérimen- tale. (4) Chez le chien ci-dessus la température rectale préalable étant de 3992, ce chiffre s’est exactement mäintenu après la première ingestion de { gramme; et il est tombé à 3808 à la suite de la deuxième prise de la dose, et alors que l'animal était manifestement, quoique légèrement, influencé. Les effets thermiques sont beaucoup plus caractérisés, ainsi que nous l'avons vu, chez le cobaye, et également chez le lapin. Un animal de cette dernière espèce auquel’ on administre successivement , en injection sous-cutanée, SÉANCE DU 19 DÉCEMBRE 139 Pour en essayer l'interprétation, et en déduire le mécanisme physiolo- gique de l’action de la substance, il nous reste à déterminer son mode d'influence sur les parties du système nerveux qui paraissent plus parti- culièrement intervenir dans la production des modificatious fonctionnel- les observées, et dont l'état de sommeil est l'expression essentielle. 1° En premier lieu, 1l résulte des tracés, dont nous avons déjà produit les types, que l’excitabilité des nerfs pneumogastriques persiste, dans la période de l’état de sommeil, à la suite de l'injection intra-veineuse, tant dans le bout central que dans le bout périphérique, mais avec une nota- ble diminution, car il faut faire intervenir une excitation d’une intensité relativement grande {10 et 5 du charriot, pour produire un effet marqué ». Ces modifications de l’excitabilité des vagues s’accentuent surtout, lors- qu'on élève successivement la dose, en réitérant, à une certaine distance les unes des autres, les injections. L’on voit alors comme le montre clai- rement le graphique que je présente, se produire une diminution pro gressive des effets d’une même et constante excitation; si bien qu'à la période extrême de lintoxication, alors que les pulsations cardiaques sont réduites à leur minimum et menacent de s’éteindre, il ya, en outre de la baisse manifeste de l’excitabilité des vagues, un retard notable dans le réponse à l'excitation. 2 Dans le même ordre de phénomènes, nous avons pu constater une atténuation notable de l’excitabilité cérébrale, à la suite de l'excitation de l'écorce mise à nu dans la région de la circonvolution du gyrus sygmoïde commandant le mouvement de ia patte antérieure du côté opposé, et de la circonvolution motrice faciale dont l'excitation faradrique amène la centraction des muscles faciaux également opposés, notamment des muscles palpébraux, du nez, des lèvres, etc. À cette modification en moins de l’excitabilité motrice des centres, il convient d'ajouter les phé- nomènes d'insensibilisation généralisée, à la période active, et l'atténua- tion concordante des réflexes. 3° Il y avait un double intérêt à étudier, pendant l’état de sommeil, les mouvements du cerveau concomitamment et solidairement avec les effets hémométriques. Or, l'on peut constater sur les tracés que nous avons pris, à ce sujet, combien sont réduits les mouvements d'expansion de la masse cérébrale correspondants aux oscillations intra-vasculaires, au mo- 2 grammes d'hÿpnone, et qui s’affaisse sur le flanc dans une sorte de stupeur, avec parésie des pattes injectées, présente du côté de la température les modi- fications ci-äprès : Avant l'expérience 399,6. Après une première injection 390,6. Après uhe seconde injection de 1 c. c. produisant des effets caractérisés, 380,6: 710 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE ment où celles-ci sont elles-mêmes considérablement atténuées et où la pression sanguine à subi la baisse caractéristique et constante que nous connaissons. Il ne semble pas douteux qu'il y ait, en ce cas, une déplé- tion marquée et momentanée des canaux irrigateurs de la substance encéphalique, qui n’est probablement pas étrangère à l’abaissement du taux fonctionnel de ses éléments. Peut-être trouvons-nous là, au moins en partie, la clef du mécanisme physiologique de l'état de sommeil produit par la substance à dose suf- fisante, savoir, assoupissement relatif et momentané de l'activité fonc tionnelle des éléments cellulaires de la substance cérébrale, par suite du défaut relatif de l’excitant naturel, le sang. Mais ce n’est pas seulement d’un défaut dans la quantité, d’une ané- miation simple, qu'il s’agit ici, comme dans le sommeil normal, physio- logique ; il s’agit, en plus, d’un défaut dans la qualité, ainsi qu’en témoi- gnent indubitablement, d’un côté, les modifications physiques et objec- üves du liquide sanguin qui offre, au plus haut degré, les caractères asphyxiques, et de l’autre Les symptômes et les lésions organiques de la période toxique et mortelle qui se rattachent aussi, d'une facon prédo- minante, au processus asphyxique. En quoi consistent, dans leur intimité, les modifications du sang? Le dédoublement de l’acétophénone dans l'organisme en acide carbonique et acide benzoïque, signalé par Popof et Nencki, y joue-t-il un certain rôle ? C'est ce que nous ne saurions actuellement dire, ce point particu- lier exigeant des recherches nouvelles, dont à bien voulu se charger notre ami M. Quinquaud. Toujours est-il que les modifications du sang, qui doivent très probablement impliquer sa capacité respiratoire, exis- tent, et qu'illeur faut sans doute rapporter certains caractères anor- maux, presque pathologiques du sommeil dont il s’agit, notamment les troubles respiratoires et cardiaques, sur lesquels nous avons insisté. En ce qui concerne ces troubles eux-mêmes, nous aurions à nous demander dans quelle relation ils se trouvent vis-à-vis les uns des autres, c’est-à-dire si les modifications si remarquables du fonctionne- ment cardiaque ne sont pas, jusqu’à un certain point, sous l'influence et la dépendance des modifications, très effectives aussi, de la respiration. Or, cette question se trouve très nettement résolue par le résultat de l'expérience suivante, dont nous pouvons fournir l'expression graphique. La section complète et préalable du bulbe est pratiquée sur un chien de forte taille, lequel est, en conséquence, soumis à la respiration arti- ficielle. Comme on le voit sur le tracé, les effets caractéristiques de la chute de la pression intra-vasculaire, et consécutivement de la pulsation cardiaque, jusqu'à cessation définitive et rapide, grâce à une dose immé- diatement massive, se produisent, bien que toute influence respiratoire spontanée se trouve écartée. Il s'agit bien, conséquemment, d’une action primitive sur les phéno- SÉANCE DU 19 DÉCEMBRE 141 —_———_— mènes de tension intra-vaseulaire, liés à l'influence fonctionnelle du mo- teur central ou du cœur, et non à des influences périphériques ou vaso- motrices, attendu que le bout périphérique de l’artère ne donne pas, au dynamomètre, de modifications propres appréciables. Pour ce qui est, enfin, des modifications du fonctionnement cardiaque, le point de départ, autant qu’on peut le saisir, de l'influence qui y inter- vient, semble être, d’après les caractères mêmes de ces modifications, dans le système nerveux adapté à ce fonctionnement, et plus parüculière- ment dans le système accélérateur. Il convient, toutefois, de faire aussi la part de la probabilité de l'influence conséculive des phénomènes asphyxiques sur la contractilité propre de la fibre musculaire cardiaque, qui parait être, dans une certaine mesure, paralysée, sans compter l'in- fluence dilatatrice extrême de l'accumulation du sang et des caillots passifs sur les cavités du cœur, à la période ultime. De tout cela, il résulte qu'il convient d'apporter une certaine réserve dans les applications thérapeutiques de l’acétophénone, surtout dans les conditions où il y aurait lieu de surélever la dose. En tout cas, le mode d'administration par injection hypodermique ou dans les tissus doit être, d’après les renseignements de l'expérimentation, absolument proserit; et dans l'ingestion par l’estomac, il est bon, en vue des effets locaux et de la possibilité du vomissement, de mitiger le produit pur par un mélange de glvcérine et d'eau dans la proporüon de 4 pour 10 (4 c. c. d'hypnone dans 5 e. c. de glycérine plus 5 c. c. d’eau). Il résulte d’une de nos expériences, dans laquelle des conditions de vive excitabilité cérébrale ont été réalisées par la mise à nu d’une portion de la surface du cerveau, pour la prise graphique des mouvements de l'organe, que l'hypnone arrive, moyennant l'élévation suffisante de la dose, à abaisser cette hyperexcitabilité, en produisant le sommeil et l'anesthésie généralisée. Peut-être ce résultat, dans son expression expérimentalement exagérée, est-il de nature à expliquer l’action favorable que parait avoir obtenue M. Dujardin-Beaumetz, surtout dans les cas d’excitation alcoolique; et y a-t-il là une des indications médicamenteuses rationnelles de Pnypnone? 719 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE ACTION CHIMIQUE ET SENSIBILITÉ GUSTATIVE. Note de MM. E. GLey ET CH. RICHET. L'un de nous a déjà présenté à la Société de biologie (4) une étude sur la sensibilité gustative pour les divers métaux à l’état de chlorure. Il nous à paru intéressant de reprendre cette étude pour des métaux ayant un poids atomique différent, mais possédant des propriétés chimiques voisines. A cet égard, le groupe des métaux alcalins est tout à fait favorable, puisque la propriété chimique du lithium, du sodium, du potassium, du rubidium sont très voisines, et que leurs poids atomiques sont dans les rapports de 7, 23, 39, 85. Nous avons expérimenté en prenant, non pas de l’eau distillée, qui a, par elle-même, un goût appréciable, voir même désagréable, mais de l’eau ordinaire. Cela n’a aucun inconvénient, puisque l’eau ordinaire ne précipite par aucun sel haloïde des métaux alcalins; tandis qu'avec les sels de cuivre, de mercure, de plomb ou d'argent, l’eau distillée était nécessaire. Pour faire cette recherche nous avons procédé de la même manière que précédemment (2) : 1° En prenant toujours la même quantité volumétrique de liquide (5°); 2° En mettant un certain intervalle entre deux gustations; 3° En comparant toujours avec l’eau ordinaire. Comme nous l'avions déjà constaté, il existe non seulement des diffé- rences individuelles marquées; mais encore, chez le même individu, à divers moments de l'expérience, une diversité grande dans la finesse du goût. L’attention, l'éducation pour ainsi dire font qu’on arrive à perce- voir des différences qu'on ne distinguait pas tout d’abord. Ainsi, pour en prendre un exemple, le 4% novembre 1885, une solu- tion contenant 0,195. de Li CI par litre nous a paru insipide ; tandis que le 16 novembre, la même solution, diluée de moitié, soit à 0,0612, nous a semblé avoir une saveur appréciable. Il s'ensuit que les chiffres que nous donnons ne sont pas absolus, mais indiquent seulement d'une manière générale la direction de l'expérience. Nos chiffres se rapportent non au poids du sel, mais au poids du mé- tal. [ls portent sur les chlorures, bromures, iodures, de lithium, de so- dium, de potassium et de rubidium. 1) Bulletin de la Société de Biologie, 29 décembre 1883. 2) E. Gley et Ch. Richet, de la Sensibilité qustative pour les alcaloïdes; Bulletin de la Soc. de Biologie, n° 14, 1885. S ( ( 1 SÉANCE DU 19 DÉCEMBRE 143 Nous appelons dose limite la dose qui est assez forte pour être percue quand on compare avec l’eau ordinaire et quand on y apporte une grande attention, mais qui, cependant, serait difficilement reconnue, si l’on ne faisait pas cette comparaison avec l’eau. Voici les chiffres que nous avons obtenus (1) : d. — DOSES LIMITES. MÉTAUX CHLORURES BROMURES IODURES MOYENNES Lithium . . . 0,06 0,055 0,05 0,055 Sodium . . . 0,17 0,13 0,10 0,13 Potassium. . 0,30 0,30 0,25 0,28 Rubidium . . 0,50 0,50 0,50 0,50 Moyennes (2) 0,26 0,245 0,225 Mais dans ces chiffres nous n'avons pas fait entrer en ligne de compte le poids atomique des métaux, et, par conséquent, la notion de molécule au sel soumis à la gustation. Or, si l’on considère le poids atomi- que, il faudra rapporter ces chiffres à un atome de métal. Gela signifie que 1 grammes de lithium représenteront la même quantité que 23 grammes de sodium, 39 grammes de potassium et 85 de rubidium. Le calcul nous donne les chiffres suivants : DEN RE AN NE er DOS SOU APRES PARIS DAS 0050 POÉASS TUNER AT RE EE OO 072 Aubin MN ARE SE EE O0059 Si l’on songe aux incertitudes et aux causes d'erreurs dues à la varia- bilité de nos sensations, le goût étant un des sens les moins précis qui soient, on trouvera que ces chiffres sont très concordants. Soit la quantité de lithium étant de 100, les quantités correspon- dantes de sodium, de potassium et de rubidium seront de 139, 108 et 132. Cela autorise donc tout à fait cette conclusion, que l’un de nous avait déjà déduite d'expériences qui comportent plus de précision (3), à (1) C'est par suite d’une erreur typographique ou de calcul que, dans une com- munication précédente, la quantité de sodium sapide a été indiquée de 0,010, c'est 0,10 qu'il faut lire. (2) Il résulte de ces moyennes que pour un même poids de même métal les chlorures sont un peu moins sensibles que les bromures, et les bromures un peu moins que les iodures. C’est à ce résultat que l’un de nous est arrivé, dans des expériences encore inédites, en comparant la toxicité des chlorures, bromures et iodures alcalins sur des poissons, des pigeons et des cobayes. (3) Ch. Richet. Comptes rendus de l’Académie des sciences, octobre 1885, 74 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE savoir que l’action physiologique des métaux alcalins est égale, et qu’elle est proportionnelle non au poids absolu, mais au poids moléculaire de leurs sels. C'est un fait de physiologie générale important à mentionner, que sur les nerfs du goût les douze sels alcalins indiqués plus haut exercent la même action pour une même molécule. Cela tend aussi à confirmer cette opinion que l’action des substances sapides sur le goût est une action chimique, puisqu'elle s'exerce d’après les mêmes lois que les actions chimiques. Ainsi, si nous prenons pour type le chlorure de lithium, dont la molécule est de 42, 5, et, d'autre part, l’iodure de rubidium dont la molécule est de 212, nous arrivons à constater qu’une molécule de chlorure de lithium et une molécule de iodure de rubidium ont à peu près la même sapidité, et, en effectuant les calculs que 124 grammes d'iodure de rubidium ne sont pas plus sensibles que 36 grammes de lithium. Nous avons fait en outre l'expérience suivante, afin de savoir si ces sels alcalins, en agissant sur les nerfs du goût, associés les uns aux autres, peuvent surajouter leur effet. Pour cela nous avons fait une solution contenant un mélange de Li Cl, de Na Cl, de K CI et de RI CI, dans des proportions telles qu'il y eut dans la solution, par litre, de 6,7 de lithium, 2 gr., 3 de sodium, 3 gr., 9 de potassium et 8 gr., à de rubidium. — Soit, en unités atomiques, par litre ; 0,1 de lithium, 0,1 de sodium, 0,1 de potassium, 0,1 de rubidium. Il s’est trouvé que la solution à 1/20 était encore très fortement salée, et qu'à une solution de 1/40 elle était encore sensible, quoique très légèrement, de sorte que la limite a été, en unités atomiques de 0,0025 de lithium, 0,0025 de sodium, 0,0025 de potassium, 0,0025 de rubidium. Or si l’on se reporte aux chiffres indiqués plus haut, on voit que cette dose est à peu près le tiers de la dose qui agit sur la sensibilité gustative, lorsqu'on ne fait pas de mélange, mais qu'on se contente de goûter un seul des sels en question. Donc ces divers sels accumulent leur action sur les nerfs du goût. Or s'ils accumulent leur action, c’est que cette action est sensiblement identique, portant sur la même substance chimique des mêmes éléments SÉANCE DU 19 DÉCEMBRE 745 a ——— ——————————]—_———"———— ———————…—…—…."….…—"—.….."." — — —"…." —…".".…. —..—_——_————————————————…——…_—.…’…_…"…"…"…"’”…"…"…"…"…"…"…’_…"…"…"…"’_ _—_.…_—…’_.…—_. _—_—_—_—_—_—— anatomiques, probablement la matière nerveuse des terminaisons gustatives. Nous avons fait aussi l'expérience suivante : nous avons préparé une solution de chlorure, de bromure et d’iodure de potassium, telle qu'un tiers de potassium füt à l'état de chlorure, un second tiers à l’état de bromure, et le troisième tiers à l’état d'iodure. Dans ces conditions, la sapidité, au lieu d’être diminuée, nous à paru plutôt augmentée, sans que, cependant, nous attachions d'importance à cette augmentation qui est dans les limites de l'erreur expérimentale. Nous avons reconnu que la solution était sensible lorsqu'elle con- tenait 0,20 de potassium. Or, cela ne fait que des quantités vraiment très faibles (0,06) de potassium à l’état soit d'iodure, soit de bromure, soit de chlorure: Par conséquent, cette expérience prouve que le chlorure, le bromure et l’iodure surajoutent leur action. Nous avons contrôlé ces résultats par une méthode un peu différente qui devait aboutir au même effet. Au lieu d'introduire dans l’eau ordinaire des quantités connues de ces sels alcalins, nous avons, dans l’eau ordinaire, mis des quantités quel- conques de ces sels et graduellement croissantes, de manière à arriver graduellement jusqu'au point où la solution deviendrait perceptible au goût, naturellement par comparaison avec l’eau ordinaire. Cette solution de 1500 grammes de liquide ayant été faite, nous avons dosé (L) la quantité de chlore ou de brome, ou d'iode qui se trouvait ainsi dans la solution. Nous avons obtenu les chiffres suivants, rapportés à un litre de liquide : POIDS DE CHLORE POIDS DE MÉTAL OÙ DE BROME, OÙ D'IODE CORRESPONDANT Chlorure de lithium .... . : . .. 0,350 0,070 Chlorure de sodium (2). . . . .. 0,133 0,087 Chlorure de potassium... . . . .. 0,254 0,285 Chlorure de rubidiunm . : : : .. . 0,224 0,540 Bromure de lithium . . . . .. Lee 0,49 0,043 Bromurende sodium "MMM": 0,57 0,16% Bromure de potassium . . .... 0,52 0,253 Bromurebde cubidiumen ue 0,66 0,700 TOC Ge Intro MEN ONE 1,06 0,058 loduredessodinn eme Le 0,717 0,130 lodure de potassium. 1000 0,664 0,194 loduresdetrubidiennt 6 "1000 0,374 0,260 Si l’on rapporte ees chiffres au poids moléculaire, c'est-à-dire si l’on (1) Notre ami, M. Etard, s’est obligeamment chargé de ces dosages. (2) Pour cette expérience il y a probablement eu une erreur. 716 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE divise les chiffres de métal par le poids atomique du métal correspondant, on a les données suivantes : CHLORURES BROMURES IODURES MOYENNES Lithium . .. 0,0100 0,0060 0,0083 0,0081 Sodium . : . 0,0037 0,0070 0,0057 0,0055 Potassium. . 0,0073 0,006% 0,0050 0,0061 Rubidium . . 0,0060 0,0082 . 0,003! 0,0051 Moyennes . . 0,0068 0,0069 0,0055 0,0062 ‘ Par là est établi ce fait, assurément intéressant et paradoxal, jusqu'à un certain point, que par le goût on peut reconnaitre avec une certaine approximation non pas la quantité absolue, mais pour ainsi dire la quantité moléculaire d’un sel alcalin en solution dans l’eau. C’est une démonstration qui, pensons-nous, prouve bien que l’action sur les nerfs du goût est proportionnelle au. poids des substances homo- gènes (1). Il résulte de ces faits les lois suivantes qui ont de l'intérêt non seulement au point de vue de la sensibilité gustative, mais encore pour la physiologie générale. 1° Les sels des métaux alcalins agissent de la même manière sur les nerfs du goût. 2° Leur sapidité (c’est-à-dire leur action sur les terminaisons ner- veuses) est proportionnelle à leur poids moléculaire. 3° Par conséquent leur action physiologique est un phénomène d'ordre chimique, puisque elle se fait d’après les mêmes lois que les actions chimiques ordinaires. (1) Le mélange des chlorures nous a donné le résultat suivant. Nous avons, en effet, trouvé sapide une solution qui contenait : Li 0,0154 Na 0,048 KV 0,447 Rb 0,185. Ce qui correspond en poids moléculaire à : 0,0022 de Li 0,0022 de Na 0,0022 de K 0,0022 de Rb. Chiffres, comme on voit, bien inférieurs au chiffre de 0,0068 trouvé pour les chlorures, et qui montre que les quatre chlorures alcalins surajoutent leur action sur les nerfs du goût. SÉANCE DU 19 DÉCEMBRE 741 NOUVELLES EXPÉRIENCES A PKOPOS DE LA LOCOMOBILITÉ INTRACRANIENNE DU CERVEAU, par J. Luys. Dans le récit des expériences que j'ai exposées l'an dernier devant l'Académie de médecine, je me suis évertué, à l’aide de recherches origi- nales faites sur le cadavre, à prouver : Que la masse du cerveau étant plus petite que la capacité crânienne, il y avait naturellement, entre le contenu et le contenant, un espace libre, et que, cet espace libre étant occupé par du liquide, la masse encépha- lique était susceptible d'accomplir des mouvements de glissement passifs, analogues à ceux du fœtus plongé au sein du liquide amniotique. — J’ai donc été amené à conclure que la masse cérébrale, ayant de l’espace autour d'elle, surtout dans les portions supérieures, était susceptible d'opérer une série de déplacements successifs par suite des changements de position de la boite crânienne qui l’enserre. J’ai particulièrement insisté sur les faits suivants, en disant par exemple : — que, la tête reposant sur l’occipital dans l’attitude de l’homme couché, la substance cérébrale perdait par cela même le contact en avant avec la boîte crà- nienne; — qu'il en était de même lorsque la tête reposait sur la région frontale, les régions occipitales du cerveau abandonnant à ce moment le contact avec la boîte crânienne ; — que, dans le décubitus latéral gauche ou droit, l’un ou l’autre hémisphère abandonnait la surface crânienne correspondante, suivant que l’un ou l’autre occupait la position supé- rieure ; — et enfin que, dans l'attitude verticale, lorsque le sujet est de- bout, les portions supérieures du cerveau perdaient le contact avec la voûte crânienne, s’affaissaient légèrement sur elles-mêmes, en abandon- nant un espace libre, ainsi que cela à été constaté, en particulier dans une circonstance spéciale, par Laborde sur la tête d’un décapité. Ces considérations nouvelles relatives aux déplacements passifs du cerveau sous son enveloppe osseuse, suivant les différentes attitudes de la tête, m'ont permis de donner une explication rationnelle du rôle physio- logique de l’arachnoïde dans l’ensemble des actes de la vie cérébrale. -- Dans l'organisme, l'existence d’une séreuse n'implique-t-elle pas un mouvement accompli? Et cela est si vrai que, là où des mouvements anormaux se produisent dans le jeu de certaines gaines, tendineuses par exemple , il se produit naturellement des séreuses nouvelles, qui indi- quent par cela même l'existence de mouvements insolites et professionels. Quoi donc d’extraordinaire à dire que, s’il y a une séreuse autour de la masse de l’encéphale, cette séreuse soit là pour en faciliter les déplace- ments ? On trouvera dans le récit de la discussion qui suivit à l’Académie de médecine l'exposé de nos idées les objections plus ou moins spécieuses 748 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE qui lui ont été présentées et auxquelles je crois avoir suffisamment répli- qué à l’aide d'expériences répétées, destinées à combattre mes contradic- teurs. Je désire actuellement répondre à l’une d'elles qui m'a paru sérieuse et dans laquelle on me reprochait d'avoir opéré dans des conditions anormales, en produisant des traumatismes de la paroi cränienne et en introduisant par cela même, dans le champ des expériences, des données imprévues. Je me suis donc mis en mesure d'étudier les rapports du cerveau et de la boite crânienne dans des conditions nouvelles, se rapprochant le plus possible des conditions normales, sans rien déranger aux rapports natu- rels des parties. Le procédé employé dans ce but est bien simple : il consiste à congeler le crâne et le cerveau chez un sujet maintenu soit dans la position hori- zontale, soit dans la position verticale, et à voir, à l'aide de coupes inté- ressant en même temps le contenu et le contenant, quels sont les rapports réciproques, dans l’un et l’autre cas, du cerveau et de la boîte crâänienne. Cette méthode d'expériences me parait présenter des garanties sérieuses de sincérité, attendu que les choses restent en place, l'opérateur ne fait que constater leur réalité, et de plus la continuité dans laquelle le liquide céphaic-rachidien peut se mouvoir se trouve ainsi maintenue dans ses rapports normaux. — Une fois que le cerveau a été congelé, j'ai pratiqué des coupes soit dans le sens horizontal, soit dans le sens vertical, et j'ai pu, à l’aide d’un verre dépoli mouillé, prendre les tracés respectifs du pourtour du cerveau et des parois crâniennes. Ce sont ces graphiques faits directement sur nature, comme une épreuve photographique, que je fais passer sous les yeux de la Société. 1°) La planche I représente la coupe horizontale du cerveau et des parois crâniennes d’un sujet dont la tête avait été congelée dans la posi- tion horizontale. On voit nettement, ainsi que je l'ai déjà avancé, que, lorsque la tête est horizontalement placée, reposant sur l'occiput, la masse du cerveau retrocède en s’affaissant sur la région occipitale et laissant au niveau des lobes frontaux, entre ces lobes et les parois osseuses, un espace libre occupé par du liquide céphalo-rachidien con- gelé au milieu de tractus de tissu cellulaire induré. Ge liquide, dans le cas actuel, est représenté par de véritables glacons disposés sous forme d’une calotte en croissant, interposée entre la dure-mère accolée au crâne et la surface cérébrale. Elle a son maximum d'épaisseur au niveau des régions culminantes, et s’atténue au niveau des régions pariétales. Au niveau de la région occipitale, la masse cérébrale était adhérente à la pa- roi osseuse. 20) Sur un autre sujet dont la tête, à l’aide d’un dispositif spécial, avait été congelée en la maintenant verticale, dans l'attitude d'un homme assis, je répétai les mêmes opérations. La congélation ayant été suffi- SÉANCE DU 19 DÉCEMBRE 7149 sante, je pratiquai une série de coupes verticales intéressant, dans une épaisseur d'environ deux centimètres, la masse cérébrale et les parois osseuses. Sur les graphiques que j'ai recueillis, on voit la différence qui existe avec le graphique précédent. — Ici l'espace vide n'occupe plus comme précédemment la région frontale, mais bien la région sincipitale ; les lobes cérébraux, dans l’atlitude verticale, ont perdu le contact avec la boîte crânienne ; ils ont retrocédé en s’affaissant sur eux-mêmes, et laissé un espace libre occupé par le liquide céphalo-rachidien congelé. Par l'effet de la congélatioz, le liquide a été surpris en place dans ses rap- ports naturels. — Il représente une série de petits cristaux citrins enchas- sés dans des tractus de tissu cellulaire, congelé, et forme, au pourtour de la région convexe des lobes cérébraux, comme dans le cas précédent, une calotte glacée semi-lunaire, ayant son maximum d'épaisseur dans les régions culminantes du cerveau et s’atténuant sur les parües latérales. Dans le cas actuel la congélation a été tellement profonde qu'elle s’est étendue jusque dans les régions centrales du cerveau. — Le liquide des ventricules latéraux a été, en effet, congelé du même coup, et il se présente sous l'apparence de petits cristaux jaune ambré, entourant les plexus choroïdes. Ces expériences nouvelles qui respectent les rapports naturels du cer- veau et de son enveloppe osseuse me paraissent démontrer d’une facon indéniable que, dans l'attitude horizontale de la tête, ces rapports inti- mes ne sont plus les mêmes que dans Pattitude verticale. — Dans le premier cas, ce sont les lobes cérébraux qui perdent le contact avec la paroi osseuse en avant, au niveau des bosses frontales. — Dans le second, ce sont les régions culminantes de ces mêmes lobes qui, en perdant le contact avec la voûte crânienne, s’affaissent sur eux-mêmes de haut en bas. — Chez l'homme couché horizontalement, chez l’homme debout, les rapports du cerveau avec sa boîte osseuse ne sont pas les mêmes. — On est donc logiquement amené à cette conclusion que le cerveau se déplace suivant les différentes attitudes de la têle, et que ses mouvements de glissement sont favorisés par une séreuse appropriée, et cette séreuse, c’est l’arachnoïde dont le rôle physiologique se trouve ainsi légitime- ment expliqué (1). Il est d'abord indispensable de détacher le cuir chevelu de manière à mettre les parois osseuses directement en contact avec le mélange réfrigé- rant; ce mélange réfrigérant doit être constitué par de la glace pilée, mélangée avec du sel marin. Il doit être maintenu en contact avec la tête environ pendant 8 à 40 heures, et renouvelé au fur et à mesure de la fusion. (1) Je tiens à indiquer, pour les personnes qui voudraient reproduire les expériences précédentes, les dispositifs spéciaux auxquels j'ai eu recours pour congeler, d’une facon efficace et profonde, la substance cérébrale. 750 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE st Quand il s’agit de congeler la tête dans la position horizontale, la chose est relativement facile : il suffit de mettre la tête dans une petite cuve échancrée au niveau du cou, suffisamment large pour contenir la tête et le mélange réfrigérant en quantité suffisante. Quand il s’agit d'opérer dans l'attitude verticale du sujet, il faut se servir d'un large tuyau métallique, échancré à la partie inférieure pour s'appliquer sur les épaules, et pouvant recevoir à l'aise la tête, le cou et le mélange réfrigérant. Le sujet en expérience doit être solidement fixé dans l'attitude assise sur une forte chaise. Dans cette position on intro- duit la tête dans le cylindre que l’on fixe sur les épaules, en ayant soin de garnir sa partie inférieure avec des tampons de linge. Cela fait, et le crâne ayant été dénudé, on introduit, par petites portions, le mélange réfrigérant destiné à congeler toute la masse de l’encéphale. IL est absolu- ment nécessaire que le cylindre dépasse d'une quantité notable la partie supérieure de la tête pour que la couche de la masse refrigérante soit précisément au maximum en cet endroit, Il faut en général 8 à 10 heures pour congeler toute la masse de l’encéphale. Lorsqu'on sort la tête du mélange réfrigérant, elle a Dis une grande densité analogue à celle du marbre. Et alors on pratique les coupes. Celles-ci doivent être faites d'une épaisseur d'environ 2 à 3 centimètres, à l’aide d’une scie. Il faut en pra- tiquer cinq ou six pour bien se rendre compte des détails anatomiques ; on applique ensuite sur chaque coupe un verre dépol\ mouillé, et on peut ainsi faire, à l’aide d’un crayon, un tracé rapide des contours du cerveau et des parois osseuses. NOTE SUR L'ACTION PHYSIOLOGIQUE DE L'ACÉTOPHÉNONE : ACTION HYPNOTIQUE, PAR INJECTION TRACHÉALE CHEZ LES ANIMAUX, par M. le Professeur GRASSET. Une note présentée le 12 décembre 1885 à la Société de Biologie par M. Laborde conclut [comme je l'ai déjà fait observer moi-même dans le numéro du 9 décembre de la Semaine médicale) que, par injection hypodermique ou par l'estomac, l'acétophénone n’endort pas les animaux ; et elle ajoute qu'en injection intra-veineuse elle les endort; mais à dose toxique (1 gram.) et en les tuant. Les nouvelles expériences (toujours faites avec mon préparateur, M, Jeannel) m'ont fait trouver une äutre voie d'administration par la- quelle l’acétophénone fait dormir les animaux, sans les tuer, avec des doses moyennes : c’est la voie pulmonaire. Je pique la trachée d'un chien avec la canule de la seringue hypodermique {à travers tous les téguments) et j'obtiens, avec 95 centigram. d'acétophénone pure, chez SÉANCE DU 19 DÉCEMBRE 751 0 ———© à ——— me des chiens de 42 à 14 kilogram., un sommeil léger sans doute, mais très réel: l'animal s'endort debout et tombe, ou bien se couche et s'endort; le bruit le réveille du reste. Si ces expériences se confirment, on pourra dire que l’acétophénone, chez l'animal à l’état physiologique, 1° n’a aucun effet hypnotique par injection hypodermique ou par l'estomac; 2° endort, mais seulement à dose toxique et en tuant, par injection intra-veineuse, et enfin 3° endort à dose moyenne (sans effet toxique) par injection intra-trachéale, c'est-à- dire par la voie pulmonaire. Ces faits sont importants pour l’histoire des transformations chimiques de l’acétophénone dans l'organisme et pour l'étude du mécanisme d'action de ce précieux médicament. SUR LE TÉTANOS RYTIMIOUE DANS LES MUSCLES D'INVERTÉBRÉS MARINS par HENRY de VARIGNY. Le tétanos rythmique a été observé par M. Ch. Richet, chez l’écrevisse en particulier, et par Romanes sur l’Aurelia Aurita. J'ai constaté la pré- sence du même phénomène chez divers animaux à muscles striés : le Pagurus Callidus, le Portunus Puber, le Rhizostoma Cuvieri (4), et chez des animaux à fibres lisses, l'Zlédone Moschata, et la Sepia Officinalis. N se présente: avec les mêmes caractères, et dans les mêmes conditions dans ces deux ordres de tissus. Ainsi, le muscle, étant soumis à une exci- tation tétanisante, au lieu de se raccourcir et de demeurer ensuite con- tracté, se relâche partiellement, où même en totalité, puis se contracte de nouveau, et ainsi de suite, à plusieurs reprises, pendant tout le temps que dure l'excitation, à condition que celui-ci ne soit point trop prolongé. Comme il existe un rythme assez net, parfois très net, dans ces oscilla- tions successives, le nom de tétanos rythmique est parfaitement justifié. Les conditions à réaliser pour obtenir le tétanos rythmique sont prinei- palement inhérentes au musele même : il faut que celui-ci soit très frais, et bien vivant; mais il faut aussi une certaine tendance — inexpliquée — au mouvement rythmique. Il est des muscles avec lesquels, malgré de très nombreuses expériences, je n'ai jamais obtenu le tétanos rythmique : tel est le cas pour les muscles lisses à contraction lente, et pour plusieurs muscles striés à contraction peu rapide {Sticohpus, Hélix, Solecurtus, par exemple pour les premiers, Dromia, Maia, pour les derniers). Il en est, par contre, chez lesquels le tétanos rythmique représente sinon la forme exclusive, du moins la forme prépondérante du tétanos : tel est le cas (4) Ce fait m'a été confofmé par mon ami M. le D' Dubois qui avait, avant ‘toi, fait sur un même animal, quelques recherches encore inédites. 752 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE pour le Ahizostoma Cuvieri chez lequel je n'ai obtenu qu'une seule fois, dans 15 ou 20 expériences, un tétanos vrai, bien qu'incomplet : presque toujours, si varié que soit le nombre des excitations, ou l'intensité du courant, c’est le tétanos rythmique qui se manifeste. Ce fait est à rap- procher de l’autre fait bien connu, que chez le Rhizostome comme chez les autres méduses l’action musculaire normale est rythmique : il s'en suit que le musele réagit aux excitations artificielles comme aux excita- tions naturelles et normales, ce qui semble indiquer que la cause du rythme est plus dans le muscle même que dans les centres nerveux d’où partent les excitations motrices : en outre, il faut noter que sous l'in- fluence des excitations artificielles, Le processus du tétanos rythmique est le même que celui des contractions spontanées sous l'influence des exci- tations normales : les premières contractions sont d’abord faibles : elles deviennent de plus en plus fortes, après quoi survient une phase de décroissance. J’ai observé le tétanos rythmique du muscle lisse ou strié, aussi bien pendant l'excitation avec les courants galvaniques que pendant l’excita- tion faradique. Tandis que les muscles à action normale non rythmique semblent mieux réagir aux courants galvaniques (muscles de Portune, de Pagure) les muscles normalement rythmiques comme ceux de l'Elédone (rythme respiratoire, et du Rhizostome (rythme locomoteur) répondent également bien aux excitations galvaniques et faradiques. La raison de l'influence plus grande des courants galvaniques ne parait pas très aisée à élucider. L'expérience suivante montre de quelle facon se comporte un muscle à action rythmique très prononcée (muscle de Rhizostome, lorsqu'il est soumis à une excitation tétanisante faradique prolongée. J’analyse le gra- phique fourni par une expérience de 18 minutes de durée; chaque tour du cylindre enregistreur correspond à { minute 4/10°%. 1% tour, 43 contractions faibles, irrégulières, 2° tour, 40 contractions, plus amples, 3° tour, 35 contractions amples, bien marquées, 4° tour, 31 contractions amples, bien marquées, oc tour, 25 diminution de l'amplitude, 6e tour, 19 la diminution persiste, 1° tour, 18 la diminution persiste, 41° tour, 11 contractions faibles, égales, très espacées, On observe aisément les trois phases d'augmentation d'état et de déclin, dont il a été parlé plus haut, dans le résumé qui précède, mais la chose est plus frappante quand on examine le graphique même. En résumé, le tétanos rythmique est une forme de tétanos qui s'observe SÉANCE DU 19 DÉCEMBRE 153 chez les muscles lisses, comme chez les muscles striés, sous l'influence de courants de pile, comme sous l'influence de courants induits, mais, selon toute vraisemblance, le phénomène s’observe mieux chez les mus- cles à action normalement rythmique que chez les muscles à action dis- continue, irrégulière. D'où 11 suit - les expériences ayant été faites sur des muscles privés de ganglions nerveux — autantqu'on le peut savoir — que la cause du rythme se trouverait peut-être dans le muscle même et non dans les centres qui linnervent (1). NOTE SUR UNE MEGAPTÈRE ÉCHOUÉE AU BRUSG PRÈS TouLoN par M. BEAUREGARD. La Mégaptère dont je fais passer une photographie sous vos yeux est un spécimen qui tire son intérêt principal de la très grande rareté de ses échouements sur les côtes de France. C’est pour la première fois qu'une pareille capture est signalée sur les bords de la Méditerranée. L'individu dont il s’agit a été trouvé dans les filets des pêcheurs le 22 novembre dernier. Il mesurait 6" 80 de longueur et 4" 10 de circon- férence au niveau de l'extrémité antérieure des nageoires pectorales,. Ces nageoires très développées, caractère propre à ce genre, atteignaient en longueur 2* 10. L’envergure de la nageoire caudale était également de 2 10. L'aileron dorsal bas et épais mesurait 9% 16 de haut et était distant de 2" 35 de l'extrémité de la queue. Somme toute, on est en présence d’un très jeune individu, car l'animal adulte peut atteindre 30 mètres de long. À ce point de vue, l'étude de son squelette pourra présenter quelque intérét. Cette pièce a été acquise pour les collections d'anatomie comparée du Muséum. DE LA PRÉSENCE DES FIBRES MODÉRATRICES DU COEUR DANS LA BRANCHE INTERNE DU SPINAL, par M. Livon (de Marseille). Si après avoir arraché le spinal, au niveau du trou déchiré postérieur, par le procédé que j'ai déerit, on attend le laps de temps suffisant, c’est- à-dire # à 5 jours, on peut, en excitant le pneumogastrique correspon- dant au côté opéré, soit entier, soit sur son bout inférieur après la sec- tion, constater qu'il a perdu une de ses principaies fonctions. Le cœur continue à battre sans aucune modification ni dans le rythme ni dans la pression sanguine. Les tracés que je vous montre ont élé pris sur un chat, — animal sur lequel l'expérience réussit très bien. Tous mes résultats ont été identiques. . (1) C'est du reste l'opinion émise par Romanes à la suite de ses expériences sur Aurelia Aurilta. 154 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE > Si on excite le pneumogastrique entier correspondant au côté opéré, la pression sanguine ne varie päs, ni le rythme cardiaque. Si après section l’on vient à exciter le bout périphérique, même indiffé- - rence du cœur, comme le montre le tracé. Si comparativement l'excitation est portée sur le preumogastrique du côté intact on obtient immédiatement les effets classiques, c'est-à-dire chute dé la pression, ralentissement des pulsations [comme l'indique le tracé). | On peut donc conclure que les filets modérateurs du pneumogastri- que ne lui sont pas propres, mais proviennent réellement du spmal. INJECTIONS D'URINE DE CHOLÉRIQUE, par M. Livox (DE MARSEILLE). 1° Urine à couleur jaune orangé, provenant d’un cholérique en état algide. Densité 1008. ULEE 1 0e NM MRAN ES RSe re EC ITIERER ACTE PROS DHOMAUE MENT ANPRNEE 1.98 OHlosure de sodiuRe PEER 1.06 Le 45 septembre injection dans la veine femorale droite de 20 cent, cubes de cefte urine sur un chien du poids de 40 kilog. dont la tempéra- ture était de 390. L'animal n’éprouve rien de particulier après cette injection, la tempé- rature reste la même pendant tout le temps de l'observation qui a duré 1 h. 1/2. Le lendemain l'animal était très bien, comme s’il n'avait subi aucune opération. 2° Méme jour. Autre urine de cholérique encore algide — couleur jaune orangé un peu plus foncée que la précédente. Densité 1010. (DR MOT PT SITE D PANNE PEMRRE UE 17.80 Acide phosphoriques 0 0 rm: 0.91 Chlorure sodium 0 WEP EE 1.66 Injection dans la fémorale droïte d’un chien de 9 kil. 200 de 30 cent. cubes de cette urine. Avant l'injection la teinpérature est de 40°2, äprès l'injection la tétnipé- rature descend à 40°, il y a un peu de dyspnée — qui ne tarde pas à dis- paraitre. — En même lemps que la dyspnée, apparait uñe légère roûgeur qui se manifeste sur tout le corps et plus particulièrement sûr la peau du ventre. On pourrait se croire en présence d’un commencement de cyanose, mais le phénomène disparait bientôt. | SÉANCE DU 19 DÉCEMBRE 155 La témpérature revient à son point de départ, et l'animal ne tarde pas à se rétablir. Le lendemain il était aussi bien que possible — gai et de bon appétit. J'ai voulu voir si par la suite l'urine n’acquerrait pas de propriétés plus toxiques ; à cet effet, 2 jours après, le 17, j'ai pratiqué, avec de l'urine 40 2 qui avait conservé son acidité, une injection de 30 cent. cu- bes, dans la veine fémorale droite d’un petit chien de 4 kil. 500 — dont la température était de 39.8. Quelques minutes après l’injection, la température descend à 39.5, de petites contractions se manifestent dansles musclesabdominaux, l'animal est pris dedyspnée et d’un peu de diarrhée, et il reste très abattu pendant une heure environ, après quoi il revient peu à peu. Le lendemain, c'est-à-dire le 48, il ne conserve qu'un peu d’abattement il a encore un peu de diarrhée, son appétit est au-dessous de lordi- naire. Le 49, il était bien et à continué à être très bien, plus de diarrhée, bon appétit. REMARQUE AU SUJET DE LA NOTE PRÉSENTÉE PAR M. LIVON « SUR LA PRE- SENCE DE FIBRES MODÉRATRICES DU COEUR DANS LA BRANCHE INTERNE DU SPINAL » par M. FRANCOIS-FRANCK. M. Livon vient de présenter les résultats de ses expériences sur les effets qui suivent l’arrachement de la branche interne du spinal dans l’action cardiaque modératrice du pneumogastique correspondant : l'in- fluence modératrice de ce nerf est abolie après quelques jours, e’est-à- dire quand la dégénération des filets qu'il recoit du spinal à eu 1e temps de s’opérer. C'est là un fait qui n'était plus à démontrer, et les termes mêmes de la note précédente laissent supposer que la question n'était pas résolue. Je désire rappeler qu'en 1881 j'ai présenté à la Société, en même temps que l'historique de la question, les résultats de mes propres expériences sur ce sujel. | Le compte rendu de la séance du 12 février 1881 (p. 78 à 83 du Bulle- lin) relate le détail de ma communication ; je {he ferai qu'en rappeler ici les traits essentiels. A. Wäller a montré (Gaz. méd., Paris n° 27,1856) que dix jours après l'aärrächement du spinal, le pneüumogastique correspondant à perdu sa faculté modératrice; les expérieñces ont été confirmées par Schiff (Lehrh. de Phyrd. Menech, 1859, et C.R. Ac.Sc. 1864), par Heidenhain et Dats- Hiewiez (Stud. d. phvr Inst. Breslau, in 1864), par Francois-Franek (CR. Lib-Maroq., 1876, p. 265) etc. 736 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE On voit que la démonstration du fait reposait déjà sur un nombre d'ex- périences suffisant. Cependant quelques objections pouvaient être faites à la signification des résultats obtenus. M. Cyon me les avait communiqués à la suite de nos expériences de 1876, et l'étude anatomique des rapports qui existent entreles racines du pneumogastique et du spinal lui rendaient les objec- tions très sérieuses; l’arrachement du spinal s'accompagnait, disait-on, de lésion des racines du pneumogastique lui-même; dès lors la dégénération de ce dernier et l'abolition de ses propriétés modératrices s’expliquaient simplement, et l’arrachement du spinal n'y était pour rien. La remarque est juste en ce qui concerne le chien et le lapin; elle s'appliquerail encore, comme je l'ai développé dans la note de 1881, au bœuf, au cheval, à l'âne et au muiet, elle est sans valeur à propos des expériences exécutées sur le chat, ainsi que Pavait bien montré Cl. Ber- nard dans ses expériences célèbres sur le rôle du spinal dans la phona- tion et la respiration (Syst. nerv., IL, fig. 14, p. 327). Orlesexpériencesde confirmation de la conclusion de A Waller ont été, pour la plupart, exécutées sur ce dernier animal, les miennes en particu- lier. Celle de M. Livon fournissent un appoint à la conclusion déjà établie mais ne comportent aucune conséquence nouvelle. If. Cette branche interne du spinal, qui est constituée, comme on sait, par les racines bulbaires du dit nerf, pourraitprendre dès lors la significa- tion d'un nerf spécial d’une grande valeur fonctionnelle, puisque c'est elle qui fournit au pneumogastique ses fibres cardiaquesmodératrices ainsi que ses fibres laryngées, etc. : mais une étude attentive de ce nertdansla série du vertébrés m'a montré (voy. les détails dans la note précédente citée) qu'en réalité la portion bulbaire du spinal constitue une partie plus ou moins dissociée de l'appareil pneumogastique et non un nerf indépen- dant : chez les oiseaux le spinal est rudimentaire et souvent douteux comme nerf distinct; chez les reptiles la fusion du spinal avec le pneumo- gartique est tout aussi complète; chez les batraciens,1l n'existe plus trace du spinal; chez les poissons, le spinal fait aussi complètement défaut; et cependant tous ces animaux ontun appareilcardiaque modérateur que ma- nifeste l'excitation du pneumogastique. On arrive ainsi, de par l'anatomie et la physiologie comparée, à mon- trer que la portion supérieure, bulbaire, du spinal fait réellement partie du nerf preumogastique dont elle se dissocie plus ou moins chez les animaux SUPÉTIOUTS. De telle sorte qu'au fond la question de la part à faire au spinal dans l'innervalion modératrice ducæur n'a pas la valeur d’une question fonda- mentale,et ne comporte qu'un intéret relatif à quelques groupes de mam- mifères supérieurs Le Gérant : G. MASssoN. Paris. — Imp. G. Rouaier et Cie, rune Cassette. SÉANCE DU 26 DÉCEMBRE 1885 Dr Eucève Dupuy : Épilepsie provoquée par application de courants faradiques sur le cyrus sygmoïde du chien. — Dr Larronr : Accidents consécutifs aux inhalations du protoxyde d'azote pur. — MM. Raraaëz Dugors et Emice Binor : Note sur l’ac- tion simultanée de l'hypnone et des mélanges titrés de chloroforme. — Dr Vicror Horscey (de Londres) : Sur la fonction de la glande thyroïde. — M. L. FOURMENT : Note sur un Helminthe du Mora mediterranea. — Dr AuG. CHARPENTIER, profes- seur à la faculté de Nancy : Sur un phénomène entoptique dù à l’éclairement de certaines fibres nerveuses de la rétine (note présentée par M. d'Arsonval), — MM. R. Lénine et P. Augerr : Sur la résorption de la bile par les veines sus-hépa- tiques. — J. DeJerine : Sur les altérations du myocarde (désintégration granu- leuse) comme cause de mort subite dans la fièvre typhoïde. Présidence de M. Hanot. M. le président annonce à la Société la mort du professeur P. Harting, de l'Université d'Utrecht, membre correspondant. OUVRAGE OFFERT Ph. Lafon, de la Toxicologie en Allemagne et en Russie. Extrait des ar- chives des missions scientifiques et littéraires, XIIT, 1885. EPILEPSIE PROVOQUÉE PAR APPLICATION DE COURANTS FARADIQUES SUR LE GYRUS SIGMOIDE DU CHIEN, par le D' EUGÈNE Duruy. On sait qu'il est facile de produire des convulsions épileptiformes chez les chiens, en appliquant un courant faradique sur les centres du cerveau appelés psycho-moteurs. L'accès commence ordinairement, lorsqu'on fait l'application sur la circonvoltion cruciale, dans la patte antérieure et opposée, et envahit tout l'animal apparemment. Quelquefois on n'observe que des convulsions toniques et cloniques, mais assez souvent l'attaque parait complète: il y a des mouvements désordonnés des yeux des machoires : salivation excessive, urination, défécation, etc. 4. Si on fait uné hémisection complète de la moelle épinière au-dessus BIOLOGIE. COMPTES RENDUS.— 83 SÉRIE rt. II, N° 44 7158 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Ce du renflement lombaire, les mêmes phénomènes moteurs de lépilepsie apparaissent dans les quatre membres après l'application électrique au centre psycho-moteur. La patte postérieure du côté où la section spinale a été faite est prise la dernière et n’a que des convulsions toniques; la patte antérieure correspondante devient le plus souvent rigide dès le début de l’attaque aussi: mais la patte postérieure, elle, demeure tout à fait rigide et ne cesse de l'être que plus de deux heures après. Quand l’hémisection est faite à un centimètre au-dessous du bec du calamus, les phénomènes moteurs sont identiques dans les quatre membres d’abord; plus {tard les membres attachés au côté de la lésion restent raides. Si on fait une seconde hémisection à un centimètre et demi plus bas et du côté opposé à la première, de sorte que le segment de la moelle au-dessous du bulbe ne tienne plus au reste de la moelle allongée que par l’espace longitudinal compris entre les deux sections, on voit encore les accès convulsifs survenir également manifestes dans les quatre membres, mais ne survenant qu'un peu plus tard et dispa- raissent sans laisser de contracture ou raideur de membre. Il y a donc une différence dans la nature des phénomènes moteurs épileptiformes tenant au siège de la lésion spinale quand on les a pro- voquées par l'application de courants faradiques sur le gyrus sigmoïde. L'hémisection de la moelle épinière a donc modifié les propriétés de tout le côté où elle à été faite. 2. Si pendant l'accès, dès qu'il est bien prononcé, on applique ce même courant faradique (bobine induite à 12 de l’inductrice de l’appa- reil de Dubois Reymond), à la surface de section de la moelle épinière, l'animal pousse des eris de douleur, accès cesse immédiatement. L'animal se rétablit si rapidement qu'il ne m'a pas paru qu'il ait du tout perdu connaissance à aucun temps des accidents épileptiformes. Or, on sait que les chiens qui sont épileptiques par suite de lésions nerveuses (cerveau, vers intestinaux, substances toxiques) sont abso- lument inconscients durant l’état de mal; on peut les pincer, irriter le sciatique par le fer rouge et l'électricité sans réussir à les faire revenir avant la fin ordinaire des accidents épileptiformes. Il me paraît done qu'il y a une différence entre l’épilepsie ordinaire, le haut mal, et l’épilepsie connue en clinique sous le nom d’épilepsie jacksonnienne. J'ai vu chez l’homme qu'il est impossible d'obtenir des signes objectifs de connaissance durant l’état de mal épileptique, tandis que pendant l'attaque dite jacksonnienne le malade est souvent spectateur de son mal. On voit qu'il en est de même chez le chien, et que les épiphénomènes moteurs peuvent être pareils — contractures, rigidité, ete. SÉANCE DU 206 DÉCEMBRE 759 ACCIDENTS CONSÉCUTIFS AUX INHALATIONS DU PROTOXYDE D'AZOTE PUR. par le D° M. LAFFoNr. Dans une précédente séance de la Société de Biologie (28 novembre 1885) j'ai signalé les dangers de l’anesthésie par inhalations de protoxyde d'azote pur, suivant la méthode des chirurgiens dentistes. Sans vouloir revenir aujourd'hui sur ce que j'ai dit précédemment, lje rappellerai seu- lement que certains états physiologiques ou diathésiques sont autant de contre-indications à ce genre d’anesthésie, Ainsi : l’état de grossesse, la période de formation chez les jeunes filles, les névroses telles que l’épilepsie, l'hystérie, les lésions cardiaques, le diabète. Je crois avoir démontré que, pour les accidents que j'ai cités, il fallait incriminer le protoxyde d'azote, non pas comme agent chimique, non pas comme agent anesthésique, mais seulement comme agent asphyxique lorsqu'il est employé pur, à la pression normale, sans mélange d’oxy- gène pour obtenir l’anesthésie selon ja méthode de chirurgiens den- tistes. Dans la même communication, j'ai encore avancé que l’anesthésie au protoxyde d'azote pur, n'était peut-être jamais inoffensive. C'est au sujet de cette dernière assertion que je viens faire aujourd'hui la commu- nication présente. Voici d'abord les raisons qui m'ont amené à faire ces recherches. En premier lieu l’'aggravation de la glycosurie que j'avais constatée chez un diabétique à deux reprises différentes, à la suite d'extraction de dents par insensibilisation avec le protoxyde d'azote pur; en second lieu, les études de M. Dastre sur la pluie de sucre dans le sang, pendant l'as- phyxie. J'ai dès lors pensé que l'insensibilité pendant les inhalations de pro- toxyde d'azote pur, ne se produisait qu'au moment où elle se produirait en asphyxiant un animal, c'est-à-dire lorsqu'il n’y a plus que 3 à 4 pour 100 d'oxygène. L'isensibilisation par inhalations de protoxyde d’azote pur doit donc provoquer la pluie de sucre dans le sang et consécutive- ment l'apparition de la glycosurie. J'ai d’abord expérimenté sur moi-même. Après m'être assuré que je n'étais pas glycosurique, et m'être abstenu d'alimentation sucrée, je me snis fait anesthésier deux fois de suite à quelques minutes d'intervalle; l’anesthésie complète n’est survenue chez moi, comme chez la plupart des patients, qu’au moment du virage. 2 heures après les urines contenaient des traces de sucre, 1 gr. 65 par litre. Mais 6 heures après, il y en avait 18 gr. 40, le troisième Jour 3 gr. 95; enfin le quatrième jour toute trace de sucre avait disparu. 7160 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE J'ai alors expérimenté sur le chien que l'on peut facilement sonder. Dans chaque expérience, j'ai complètement vidé la vessie et sérieuse- ment examiné les urines. Dans presque tous les cas, je n’ai pas trouvé de sucre dosable ; une seule fois, chez un chien porteur d'une plaie pré- putiale pratiquée en vue d'expériences sur les organes génitaux urinaires, j'ai trouvé 1 gr. 355 de glycose par litre. Après deux anesthésies suceessives, à 90 minutes d'intervalle, jai trouvé chez ce même chien, dans les urines recueillies au bout d’une heure 3 gr.095 de glycose par litre. Je ne relaterai pas ici toutes les expériences faites à ce sujet; je me contenterai après cet exemple de glycosurie minima que je viens de rap- porter, de citer le maximum que j'ai obtenu sur un autre animal. Les urines analysées avant l’anesthésie ne contenaient pas de traces de sucre. À heure après 2 anesthésies successives pratiquées à 20 minutes d'intervalle, elles contenaient 14 gr. 285 de glycose par litre. Les conclusions immédiates de ces recherches sont les suivantes : 1° L'anesthésie par inhalation de protoxyte d’azote pur, sans mélange d'oxygène à la pression normale, suivant la méthode des chirurgiens dentistes, est toujours accompagnée, ainsi que l'ont démontré Jolyet et Blanche en 1873, d'asphyxie concomitante. 2 L'asphyxie concomitante de ce genre d’anesthésie provoque une pluie de oucre dans le sang, c’est-à-dire de l'hvperglycémie étudiée par M. Dastre dans l'asphyxie ordinaire par obstacle à la respiration. 3° L'hyperglycémie dans ce genre d’anesthésie, provoque chez lindi- vidu sain un diabète plus ou moins durable, Il reste maintenant à étudier plus particulièrement, d'abord l'hyper- glycémie même que des difficultés d'installation et le manque d'animaux m'ont encore empêché de poursuivre au laboratoire de Physiologie géné- rale du Museum où M, le professeur Rouget a bien voulu m'accorder une hospitalité gracieuse. Ensuite il faudra rechercher les modifications apportées dans les phé- nomènes physiques de la respiration, les variations de la pression vascu- laire et dela fréquence des battements du cœur. Peut-être les troubles de l’excitabilité nerveuse. Ce sera l’objet d'une prochaine communication, NOTE SUR L'ACTION SIMULTANÉE DE L'HYPNONE ET DES MÉLANGES TITRÉS DE CULOROFORME, par MM. Rapnaez Dugois et Emile Binor. L'action combinée de l’'Hypnone et du Chloroforme agissant simultané- ment sur l’économie, a pour résultat de déterminer la production d'une SÉANCE DU 26 DÉCEMBRE ! 761 EE —— ————————.———— anesthésie parfaite avec le mélange à 4 0/0 de M. le professeur Paul Bert, qui ne permet pas, à lui seul, d'obtenir le sommeil et l'anes- thésie chirurgicale. L'Hypnone administrée seule ne produit pas non plus l'anesthésie chez le chien. Il est donc intéressant de remarquer que l’action simultanée de ces deux agents permet d'obtenir un résultat que ne pourrait produire l’action isolée de chacun de ces agents. Nous avons administré l'hypnone dans quatre expériences par voie sous-cutanée, et dans une cinquième expérience par voie stomacale. Dans cette dernière, nous avons employé 2 centimètres cubes du pro- duit, mélangés à 10 centimètres cubes de glycérine et à une quantité égale (10 c. c.) d’eau distillée, le tout pris en deux fois, à 15 minutes d'in- tervalle. Au bout d'un quart d'heure, le chien était complètement insen- sible et le réflexe cornéen avait disparu. Dans les quatre autres expériences, un centimètre cube et demi a été injecté sous la peau, l'animal était soumis au chloroforme environ quinze minutes après cette opération. Dans ces conditions l'anesthésie a été complète dans trois cas au bout de dix minutes, et, contrairement à ce que l’on observe ordinairement, les animaux se réveillaient en respirant le mélange de chloroforme et d’air qui les avait endormis. Dans un cas, l’anesthésie a pu être prolongée pendant quatre heures ; mais, chaque heure, régulièrement, l'animal se réveillait, et, pour l’en- dormir de nouveau, il suffisait de lui injecter une nouvelle dose de quinze millimètres cubes d'hypnone. On doit attribuer cette marche singulière de l’anesthésie à ce que l'hypnone s'élimine progressivement et avec assez de rapidité par les voies respiratoires. Grâce à l'élimination progressive de la doseinjectée ou ingérée, l'animal, continuant à respirer le mélange chloroformique, marche ainsi vers le réveil au lieu de marcher vers la mort, comme c’est le cas ordinaire lorsqu'on donne des mélanges de chloroforme et d’air de manière à pro- duire rapidement et d'une facon continue l’anesthésie chirurgicale. Cependant, la plus longue durée de l’anesthésie que nous avons pu obtenir par ce procédé n'a pas dépassé cinq heures. Au bout de ce temps la température rectale s'étant abaïssée de 10 degrés, la mort survint. Ces résultats méritent d’être signalés en raison de la rapide élimination de l’hypnone qui se fait pendant l’anesthésie même, et présente de cette facon des avantages sur les autres agents (morphine, ete.), employés con- curremment avec le chloroforme, 762 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE SUR LA FONCTION DE LA GLANDE THYROIDE, Par LE DOCTEUR : Vicror HOoRSLEY (DE LONDRES). J'ai pour objet dans cette note de faire connaître le résultat de mes observations sur la fonction de la glande thyroïde. Durant ces deux der- nières années, j'ai fait des recherches portant sur la fonction de la glande thyroïde et sur la relation qui semble exister entre elle et cette maladie décrite en Angleterre sous le nom de myxodème. J'ai choisi des singes pour sujets d'expérience. J'ai extirpé la glande avec le plus grand soin, et pansé la plaie suivant le système de Lister, que j'ai modifié, et suis arrivé à obtenir toujours la réunion par première intention; l'opération elle-même avait laissé indemnes les nerfs vagues, sympathiques, récurrents, ete., etle larynx et ses annexes. D'où je conclus qu'il n'est pas possible d'attribuer les résultats que j'ai obtenus à autre chose qu'à l'ablation de la glande thyroïde. Je dois dire que la glande parait avoir une double activité, car en étu- diant son anatomie, j'y ai trouvé des follicules hémato-poietiques (comme dans la rate), eutre les lobules vésiculeux de la glande; donc : 1. Fonction hémato-poietique ; 9. Influence régulatrice sur le métabolisme des corps protéiques muci- neux. La seconde fonction me paraissant la plus importante, je la déerirai la première. | Si on détruit la glande, comme je l'ai dit plus haut, on trouve que la mucine s’accumule dans le tissu conjonctif spécialement; ou, pour mieux dire, j'affirme qu'après l'extirpation de la glande thyroïde, les tissus subissent une dégénérescence mucineuse. On en trouve la preuve dans l'étude chimique et clinique des tissus. Comme dans le myxodème observé en clinique, les paupières se gonflent avec tout le système conjonctif de l'économie; ce gonflement est élastique et ne ressemble pas à l’ædème produit par l'accumulation de liquide. L'examen chimique m'a montré dans mes expériences, que les tissus contiennent beaucoup plus de mucine que normalement. La fonction hémato-poietique de la glande thyroïde devientévidente par ce fait qu'après l’extirpation de la glande, l'animal devient extrêmement anémique; il pâlit, les globules rouges du sang diminuent graduellement pendant que les leucocytes augmentent en nombre durant trois ou quatre semaines. Il est intéressant de remarquer que l’organisme semble faire des efforts pour suppléer à la fonction perdue, par une excessive activité des glandes mucineuses et hémato-poietiques. La clinique et l’autopsie m'ont montré que : 04. Enr SÉANCE DU 26 DÉCEMBRE 763 SL —_—_—_——— 4. La rate s’hypertrophie. 2. Toutes les glandes mucineuses sécrètent tellement, que les selles sont souvent de la mucine presque pure. 3. La glande thyroïde qui, à l’état normal, ne sécrète jamais de mucime dans le myxodème, au contraire (et ceci est très important), en sécrète beaucoup. Geci est évidemment un effet d'élimination de cette substance étrangère des tissus. Si on étudie les symptômes qui suivent la perte de fonction double de la glande thyroïde, on peut les diviser en trois périodes — qui sont la période | ; 4. Névrosique durant laquelle la nutrition est altérée à ce point qu'il survient un tremblement rythmique rapide (8 à 10 fois par seconde) et qui ressemble d’une facon éclatante à la paralysie agitante, et est suivie par une hémiplégie fonctionnelle qui devient elle-même parfaite et dure trois ou quatre heures. L'état mental s’altère, l'animal devient idiot. 9. Mucineuse ; durant laquelle les symptômes deviennent intenses et le myxodème survient; l'animal ressemble au crétin adulte. En même temps la température s’abaisse beaucoup et à l'époque de la mort elle peut être de trois degrés au-dessous. Ce fait m'a poussé à tenter de maintenir les animaux dans une température constante artificielle de 26° €. Dans ces conditions l'animal survit trois où quatre mois, ce qui est une survie extraordinaire. L'opération de l'extirpation de la thyroïde est tou- jours mortelle à cause de l'altération de la nutrition qu’elle entraine. 3. Atrophique : lorsque les animaux survivent comme il est dit ci-des- sus, ils sont arrivés à une vieillesse prematurée, Charcot a décrit la vieil- lesse comme une atrophie genéralisée. On voit done qu'en maintenant les animaux dans un milieu ambiant artificiellement chauffé, ils peuvent passer de l’état (1) nevrosique et (2) mucineux à (3) l’état atrophique qui chez eux est la tare crétinique. NOTE SUR UN HELMINTHE DU MORA MEDITERRANEA par M. L. FOURMENT. Le Mora mediterranea |Risso) de la famille des Gades est un poisson dont l'habitat est assez nettement délimité ; on le rencontre principale- ment dans la Méditerranée. Un certain nombre d'individus ont été cepen- dant péchés dans l'Atlantique soit sur les côtes du Portugal, soit sur celles du Maroc; on en a même signalé la présence dans le voisinage des iles Canaries. Ce poisson est toujours assez rare même dans son centre de prédilection. Le Mora mediterranea présente quelques particularités intéressantes, 764 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE au premier rang desquelles on doit mentionner sa station constante à une notable profondeur (de 800 à 1,400 mètres environ). Son existence dans un milieu où la lumière peut à peine pénétrer a dû modifier quel- ques-uns de ses organes ; en effet on constate que l'œil est bien plus gros que dans les genres voisins, son volume est de beaucoup supé- rieur à celui de l’espace préorbitaire (1). Ce fait est à rapprocher de ceux qu'on observe chez les animaux terrestres crépusculaires ou nocturnes. Durant l'expédition du Zalisman entreprise sous la haute et savante direction de M. Alph . Milne-Edwards, un Mora mediterranea fut capturé à quelque distance de la côte du Maroc par un fond de 1350 mètres. M. Alph. Milne-Edwards eut la bienveillante obligeance de me remettre le foie de ce poisson qui était absolument farci d'Helminthes. Ces Vers enroulés en une spirale plate et discoïdale ne sont pas seule- ment entourés d’un kyste membraneux, au dessous de celui-ei se voit une enveloppe tubuleuse de couleur plus foncée que le Ver et provenant probablement d’une mue de l'Helminthe. Ces parasites longs de 13 à 27 millim. et larges de 0 millim. 4 à O mil- Him. 8 ont la forme habituelle des Nématodes; ils présentent à l'examen microscopique un corps blanchâtre, aminci de part et d'autre à tégument régulièrement et finement strié ; la partie céphalique est arrondie, obtusément tronquée; la bouche terminale est à trois valves, petites, dont une garnie d'un aiguillon acéré ; l’'œsophage assez long est strié transversalement et se renfle un peu vers son extrémité pour former un estomac assez court auquel succède un intestin cylindrique ; au point de jonction de celui-ci et de l'estomac s’insère un cœcum double; une partie plus grêle se dirige en avant jusque dans le voisinage de la bouche en s’accolant à l'œsophage sur lequel il tranche par une teinte plus foncée, l’autre partie plus grosse et d’une coloration Jaune brunâtre se prolonge assez loin le long de l'intestin. Ge cœcum à deux branches, que j'ai pu isoler après de longues et mi- nutieuses dissections, présente quelques différenciations dans son ensem- ble. Sa partie antérieure céphalique paraît formée par de petites cellules peu colorées; sa partie postérieure semble constituée par des culs de sacs, limités par une fine membrane, et remplis de granulations jaunâtres qui lui donnent une teinte brune très nette. Je crois pouvoir assimiler ce cœcum si singulier à un organe hépa- tique, organe déjà signalé, quoique sous une autre forme, par M. J. Cha- tin,chez un Helminthe différent l’Agamonema campbelli (2). L'anus pres- (1) Moreau. Poissons de France. Page 249. (2) J. Chatin. Sur une forme rare de l’organe hépatique chez les Vers. Comptes rendus de l’Académie des sciences 1878. ARE SÉANCE DU 26 DÉCEMBRE 765 IEEE A D ONE RE OEEEAR que terminal est étroit et invaginé, sur son trajet et très près de l'intes- tin se voient plusieurs glandes nettement délimitées, que j'ai eu déjà l’occasion de faire connaître dans des observations antérieures (1); l'ex- trémité caudale arrondie est terminée par une petite papille aiguë. Je n’ai trouvé aucun vestige de l'appareil génital. Cet Helminthe est évidemment dans une période larvaire ; l’aiguillon qui arme une des lèvres ainsi que l'enveloppe provenant de la mue et le kyste entourant le tout le.démontrent bien. A quel type doit-on le rapporter ? La forme du corps, les trois divisions labiales, la position de l'anus et la présence des glandes qui l’entou- rent, etc., ne laissent aucun doute sur ses affinités, il doit prendre place dans le genre Ascaris : l'existence du cœcum décrit plus haut le différen- cie de l'Ascaris capsularia avec lequel on aurait été tout d'abord tenté de le confondre mais dont il s'éloigne nettement par l'habitat, par l’exis- tence d'un organe hépatique tout spécial, etc. Je propose done, provisoirement et en attendant la découverte de la forme sexuée, de lui donner le nom d'Ascaris moræ. Il était intéressant de signaler chez un poisson des grandes profondeurs et dont le genre de vie doit être par cela même assez différent, des Hel- minthes larvaires en tous points comparables à ceux que l’on trouve si fréquemment chez les poissons qui vivent sinon à la surface tout au moins à de faibles profondeurs. D'autre part, la constitution d'un foie distinct réclame ici une attention particulière ; cette disposition rappro- chée de celle qui à été décrite il y a quelques années par M. J. Chatin chez l’Agamonema campbelli achève de montrer l'intérêt qui s'attache à l'étude des Nématodes parasites des Poissons. Ainsi que j'ai eu l’occasion de le faire observer dans une communication précédente, ils réclament une revision totale au point de vue taxonomique; on voit en outre que leur histoire anatomique appelle aussi de nouvelles et certainement fructueuses recherches. SUR UN PHÉNOMÈNE ENTOPTIQUE DU A L'ÉCLAIREMENT DE CERTAINES FIBRES NERVEUSES DE LA RÉTINE, par le Docteur AUG. CHARPENTIER (de Nancy). Note présentée par M. d'ARSONYAL. Lorsque je regarde dans l'obscurité un petit objet bien lumineux, je (1 L. Fourment. Observat. sur l’'Agamonema commune (Société de Biologie) séance du 23 décembre 1882. — L,. Fourment. Observat. sur un Helminthe du Fou de Bassan (Société de Biologie), séance du 29 novembre 1884. » 766 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE vois constamment se détacher à la partie externe du champ visuel une figure formée de deux arcs de cercles opposés par leur concavité et se rejoignant de manière à représenter grossièrement une ellipse à grand diamètre horizontal. Les bords de cette figure sont vagues, estompés, comme nuageux ; ils sont d’une belle teinte violette à peine un peu pâle; parfois, dans un déplacement du regard, il apparait suivant le grand diamètre de l’ellipse une ligne de même couleur violette, mais cela n’est pas constant. Cette figure commence par son extrémité interne au point de fixation; l'autre extrémité se termine dans la tache aveugle, comme il est aisé de s’en assurer en déplaçant dans le champ visuel un petit objet facile à dis- tinguer, lequel disparaît lorsqu'il arrive à la pointe externe de l’ellipse violette. Rien de semblable ne se montre au côté interne non plus que äans les autres parties du champ visuel. De plus, la figure entoptique se montre dans les deux yeux d'une facon symétrique. L'intensité lumineuse de cette figure est très faible, aussi n’apparaît-elle pas quand le fond est tant soit peu clair; mais lorsqu'on l’a vue une fois. on la retrouve toujours, à condition d’avoir un petit objet de fixation bien éclairé et entouré d’un fond à peu près obscur; on peut souvent l’observer la nuit en regardant un bec de gaz assez éloigné des autres. Elle ne manque jamais lorsqu'on fixe un point brillant dans l'obscurité complète. Elle disparait si le regard s’écarte, même assez peu, du point brillant; : regarde-t-on juste au-dessus de ce point, on ne voit plus que l'arc infé- rieur; de même en regardant exactement au-dessous du point, on ne voit plus que l'arc à convexité supérieure; un {peu plus haut ou un peu plus bas, la figure s'éteint. L’étendue angulaire de la figure est, dans le sens horizontal, d’envi- ron 15 degrés; dans le sens vertical, à peu près moitié. La coloration de l’objet brillant, qui est le point de départ de cette figure, ne modifie ni la forme ni la couleur de cette dernière; elle appa- raît de la même facon pour des rayons rouges que pour des räyons bleus ou verts. Seule l'intensité de la couleur agit pour modifier dans le même sens celle de la figure entoptique. Il convient, pour réussir l'expérience, d’être adapté à la distance du point lumineux fixé; pourtant on obtient encore facilement le phénomène en s’adaptant pour une distance un peu plus grande que ce point ; on réussit beaucoup moins bien, au contraire, en s’adaptant pour une dis- tance plus rapprochée. Il est difficile d'interpréter ce phénomène; pourtant la figure observée correspond exactement, comme forme, comme grandeur et comme posi- tion dans le champ visuel, à la projection des faisceaux de fibres ner- veuses réliniennes allant de la papille optique à la macula (ces fibres sont __ SÉANCE DU 26 DÉCEMBRE 767 — —————— …— —……—.— .—" _…——….…— —_ )…"——————————— ————————— ee représentées dans l’histologie de Kælliker et donnent une bonne idée de l'apparence que je décris). Ne pourrait-on voir là un effet de l’illumina- lion de ces faisceaux nerveux, plus épais dans cette partie que partout ailleurs? Un cône de rayon lumineux réfracté par l'œil venant converger sur la fovea centralis, il ÿ aurait réflexion totale des rayons les plus obliques sur les bords concaves de cette dernière et renvoi de ces rayons presque parallèlement à la rétine. — Pourquoi cette réflexion seulement du côté de la papille (côté interne sur la rétine, externe dans le champ visuel)? Parce que la fovea, comme on sait, est déviée légèrement en dehors par rapport à l'axe de symétrie de l'œil, et que les rayons lumi- neux rencontrent ainsi son bord externe sous une incidence plus oblique qui favorise la réflexion de certains rayons vers le côté interne, c’est-à- dire vers la papille optique. Je donne cette explication comme une hypo- thèse, bien entendu, mais elle me semble très vraisemblable. Quant à la couleur violette, est-ce une teinte de fluorescence des fibres nerveuses ou un effet de diffraction, je l'ignore. SUR LA RÉSORPTION DE LA BILE PAR LES VEINES SUS-HÉPATIQUES par MM. R. Lépine et P. AUBERT. Tous les physiologistes admettent que lorsque la tension est augmen- tée dans les voies biliaires la bile passe dans les lymphatiques du foie. — M. Heidenhain, notamment, a montré que tel est le cas lorsque la tension s'élève au delà de 20 centimètres (d’eau) chez le cochon d'Inde. Feu le professeur Picard (de Lyon) a également insisté sur l’activité de la résorption par les lymphatiques du foie. M. le professeur CG. Ludwig dit explicitement (voir Fleischl, Arbeiten, etc., 1874, et Kufferath, id 1880) que chez le chien dont le canal cholédoque est lié la bile est résorbée exclusivement par les lymphatiques, ec que la ligature du canal thora- cique et de la veine lymphatique oppose dans ce cas un obstacle absolu à la pénétration dans le sang du pigment (Fleischl) et des acides biliaires (Kufferath). Ces conclusions n’ont été contestées par personne et font actuellement autorité. Dans le but de savoir s’il en est de même en modifiant les conditions expérimentales nous avons procédé de la manière suivante : Chez un chien de forte taille immobilisé par une injection préalable de chloral dans le sang, nous lions le canal choledoque et nous fixons solidement une canule dans la vésicule biliaire. Cette canule communique par un tube de caoutchouc avec un réservoir plein d’eau salée tiède placé à une hauteur de 2 mètres. Une pince sur le trajet du tube em- pêche l’eau de pénétrer dans le vésicule. Les choses étant ainsi disposées 168 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE rue ——— nous faisons pénétrer dans la jugulaire externe droite un tube de verre dont la lumière est bouchée par une baguette de verre faisant l'office de piston, et nous le poussons jusque dans la veine cave inférieure au niveau des rénales ou dans une des grosses veines sus-hépatiques. En introduisant les doigts de la main gauche par la plaie abdominale jusqu'au hile du foie nous nous assurons très exactement de la place qu'occupe l'extrémité inférieure du tube de verre. Nous retirons alors la baguette, et le sang veineux s'écoule par l'extrémité supérieure du tube, Nous en recueillons environ 20 cc. Puis, enlevant la pince placée sur le tube de caoutchouc, nous établissons brusquement dans les voies biliaires une pression d'environ 2 mètres d’eau, et dans les minutes qui suivent nous recueillons encore 20 cc. de sang d’une des veines sus- hépatiques. Enfin nous enfoncons le tube de verre dans la partie infé- rieure de la veine cave, près de sa bifurcation, et nous faisons une der- nière prise de sang. Le sang de chacune de ces trois prises recueilli dans une capsule est immédiatement défibriné, mélangé à du sable et traité ultérieurement avec toutes les précautions nécessaires pour la détermination des acides biliaires par le procédé classique (voir Rietsch, Journal de pharmacie et de chimie, 1885 p. 158). Cette détermination, dans trois expériences (1), nous a donné des ré- sultats concordants, à savoir : : le prise de sang : traces d'acides biliaires. 2 prise de sang : grande quantité d'acides biliaires (de 10 à 20 fois plus que dans la première). 3° prise de sang : beaucoup moins. Ce dernier résultat prouve que la bile pour pénétrer dans le sang n’a point pris la voie détournée des lymphatiques. Il est done certain que sous l’influence d'une forte pression elle passe directement dans le sang des veines sus-hépatiques. Il reste à déterminer à quelle pression minima le phénomène a lieu. C’est ce que nous rechercherons ultérieurement. (1) Une de ces expériences a été faite avec le concours de M. Douillet et se trouve reproduite dans sa thèse (p. 24) intitulée : Essai sur le mécanisme de la résorption biliaire. Lyon 1885. SÉANCE DU 26 DÉCEMBRE 769 SUR LES ALTÉRATIONS DU MYOCARDE (DÉSINTÉGRATION GRANULEUSE) COMME CAUSE DE MORT SUBITE DANS LA FIÈVRE TYPHOIDE par J. DEJERINE (1). La pathogénie de la mort subite pendant la convalescence de la fièvre typhoïde, est encore incomplètement étudiée. Dans bon nombre de cas, la mort subite est la conséquence d’une myocardite par artérite, des artères coronaires (Hayem), mais dans d’autres, cette altération des artères du cœur fait complètement défaut, et la pathogénie de Ia mort subite échappe complètement dans ces cas. On sait dans quelles circonstances se produit cette terminaison fatale, c'est en général pendant la convalescence, lorsque rien ne faisait prévoir aucune complication du côté du cœur, que le malade, soit à l’occasion d'un mouvement, soit à l’occasion d'une émotion morale, meurt brus- quement de syncope cardiaque, Le cœur s'arrête subitement, et pour toujours, par aucun moyen quelconque, on ne peut ranimer ses batte- ments. Deux faits que j'ai eu l'occasion d'observer me permettent d'affirmer que, dans certains cas, la mort subite des typhiques peut être la con- séquence d'’altérations particulières du myocarde, en tous points semblables à celles qui ont été décrites chez les asystoliques, par Renault et Landouzy, sous le nom de désintégration granuleuse du myocarde (2). _ Le premier de ces faits concerne un homme de 98 ans, convalescent de fièvre tvphoïde pour laquelle il était entré à l'Hôtel-Dieu, dans le ser- vice du docteur Gallard, que je suppléais à cette époque, dans les pre- miers jours de juillet 4883. Pendant la convalescence, cet homme fut atteint de pleurésie, que la ponction exploratrice démontra être de na- ture purulente. Je me décidai à lui faire Fopération de l'empyème, après avoir avec grand soin examiné l’état du cœur, qui ne présentait absolument rien de particulier à noter, les battements étaient réguliers, peu fréquents (76), le choc du cœur nettement frappé, et les bruits par- faitement normaux à l’auscultation. La pleurésie siégeait à droite, l'em- pyème donna issue à un litre et demi de pus. Pendant que lon prati- quait le lavage de la plaie avec une solution phéniquée, le pouls s'arrêta tout à coup, le cœur avait cessé de battre, les mouvements respiratoires persistèrent au contraire pendant plus de dix minutes, et par aucun moyen on ne put réveiller les battements du cœur. Le deuxième fait concerne une femme que j'ai observée à l'Hôtel- (1) Travail du laboratoire de M. le docteur Vulpian. (2) Renaut et Landouzy (Soc. de Biologie, 1877), voy. aussi : Durand, Etude anatomique sur le segment cellulaire contractile et le tissu connectif du muscle cardiaque. Th. de Lyon 1879. 710 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Dieu l’année dernière, dans le service de M. Vulpian, que je suppléais à cette époque. Il s’agit d'une tabétique, entrée dans le service avec la fièvre typhoïde. Cette fièvre typhoïde évolua d’une facon normale, avec prédominance de symptômes nerveux, et vers la fin de juillet, la malade entrait en pleine convalescence et commencait à manger, toute trace de fièvre ayant disparu depuis plusieurs jours. Le 8 août, au matin, un peu avant la visite, cette malade mourut subitement en s asseyant sur son lit. À aucune période de son affection, soil pendant la fièvre elle- même, soit pendant la convalescence, elle n'avait présenté aucun symp- tôme quelconque du côté du cœur. La veille encore de sa mort, son pouls était fort et régulier, 65 par minute, et l’auscullation du cœur ne révélait rien d’anormal. Dans ces deux cas, voici les altérations que présentait le cœur. Tout d’abord, l'organe avait sa forme et son volume ordinaires, peut-être un peu dilaté. Rien à noter du côté du péricarde. Pas de lésions valvulaires. Mais dans les deux cas, le myocarde était plus päle qu'à état normal, et remarquablement mou et flasque, s’affaissant sur la table, gardant l'em- preinte du doigt, ete. L'examen microscopique montrait les particularités suivantes : en dissociant un fragment du cœur, pris à l’aide de ciseaux, on remarquait que ce fragment, agité dans l’eau par les aiguilles, se ré- duisait en une fine poussière, et cela pour les fragments pris dans n'im- porte quelles parties du cœur gauche ou du cœur droit. En colorant la préparation au pino-carmin, et en l'examinant à un fort grossissement (obj. VIT ocul. 1 Verick), il était facile de constater que le myocarde était fragmenté (comme après action de la potasse à 40 0/0), et que chaque fragment était constitué par une cellule musculaire isolée, présentant à ses extrémités l'apparence irrégulière bien connue du trait scalariforme d'Eberth. Le noyau central de chaque cellule musculaire était normal, et la substance contractile elle-même ne présentait aucune espèce d’altéra- tion, pas trace de dégénérescence granulo-graisseuse, protéique ou pigmen- taire. La lésion du myocarde, dans ces deux cas, consistait uniquement en une disparition, un décollement du ciment inter-cellulaire d'Eberth, qui, comme on le sait, unit entre elles, à l'état normal, les cellules muscu- laires de la fibre cardiaque. Sur des préparations faites à l’aide de coupes après durcissement, l’al- tération précédente était tout aussi nette, et il était facile de reconnaitre l'intégrité des vaisseaux, artérioles et veinules, qui présentaient leurs caractères physiologiques. En traitant des coupes par la méthode de Gram, il était impossible de décider la présence de bactéries ou de microcoques dans la fibre musculaire. Dans les deux cas que je rapporte ici, la mort est due à une altération particulière du myocarde, en tous points semblable à celle que Renaut et Landouzy ont décrits chez les asystoliques, à un décollement du ciment « SÉANCE DU 26 DÉCEMBRE 771 scalariforme d'Eberth. Cette altération n'a pas encore été démontrée jusqu'ici dans la fièvre typhoïde, et je crois qu'à l'avenir elle devra être recherchée, dans les cas de mort subite survenant pendant la conva- lescence de cette affection. Lésion absolument silencieuse, impossible actuellement à diagnostiquer pendant la vie, elle relève très proba- blement, sinon certainement, d'une localisation sur le myocarde de la maladie infectieuse, car dans les deux cas que je viens de rapporter, on ne peut invoquer une élévation considérable et prolongée de la tem- pérature, mes deux malades n'ayant jamais présenté d’hyperthermie notable. En outre, rien pendant la durée de la fièvre, n’a pu faire supposer une adultération du myocarde, les irrégularités du pouls, les faux-pas du cœur que l'on observe quelquefois lors dela myocardite typhide ayant fait défaut. L'arrêt du cœur a été la conséquence, dans les deux cas, de changements dans l’état de la pression intra-cardiaque, dans le premier cas l'irritation pleurale, dans le deuxième le passage de la station couchée à la station assise. C’est ainsi du reste, et le fait est connu de longue date, que les choses se passent lors de mort subite, dans la convalescence de la dothié- nentérie. On pourrait se demander comment il se fait qu'un myocarde, dont rien ne pouvait faire soupconner l’altération, s'arrête brusquement et pour toujours, lorsqu'un instant auparavant il se contractait encore d'une facon normale. C'est là un point de physiologie pathologique auquel on ne peut fournir actuellement de réponse satisfaisante. La mort subile dans la fièvre typhoïde n'est pas le seul exemple d'arrêt définitif du cœur, lorsque rien ne peut faire soupconner son adultéra- tion. Le fait est connu dans la steatose de cet organe, et j'ai observé dans le service de mon maître, M. Vulpian, un cas de mort subite par dégénérescence graisseuse du cœur, chez une femme jeune et paraissant bien portante, lésion qui était restée absolument silencieuse et ne s'était traduite pendant la vie par aucune espèce de symptômes. He SOGIÉTÉ DE BIOLOGIE COMPOSITION DU BUREAU POUR L'ANNÉE 1886 : Président perpétuel : M. PauL BERT. Vice-Présidents : MM. BoUCHEREAU. GRÉHANT. Secrétaire général : M. DUMONTPALLIER. Secrétaire général-adjoint : M. FRANÇOIS-FRANCK. Secrétaires annuels : MM. BLANCHARD, VIGNAL, BEAUREGARD, BLOCH. Trésorier : M. J. CHATIN. Archiviste : M. HARDY. Le Géfünt : G. Missow: Pris. — Imprimerie G. ROUGIER et Cie, ruë Cassette; L TABLE DES MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Dugois. Mémoire sur l'anesthésie par les mélanges titrés... for... ver. et... te ARLOING. Note sur quelques points de l’action de .la cocaïne ss... RaBureau. Atomes, molécules et biologie (4° mémoire).............. Brown-Séquarp. Exposé de quelques faits jetant un jour nouveau sur la nalure de la rigidité cadavyérique. .......... DEN DEN RaBuTEAU. Sur les poisons curarisants de l’ordre des ammoniums quater- TA E SA NUE AINt eee ie © + CRC Laporne. Rapport sur le concours du prix Godard pour 1884. ......., 6 RaBuTsau. Atomes, molécules et biologie (2° mémoire). .............. - S. Durcay ET CLano. Note pour servir à l'étude des altérations muscu- laires consécutives aux fractures... ... DCE CASE ROUE 9. es 0 °° + Maxouvrier. Considérations sur la méthode en dynamométrie physio- SM OIO SIQUES 0 ANNE AN PAC CANARPREN Se a AM SN cat LABoRDE ET Quixquaup. Étude expérimentale sur les effets physiologiques de l’eau oxygénée en injections intra-veineuses et son action sur le SAN Mt ie D LED A ANT EE AE ARE PHNEN TARA PRO EURE a RG A AUR Bernxelm. Souvenirs latents et suggestions à longue échéance. ......., FIN DE LA TABLE DES MÉMOIRES BioLOGI£. COMPTES RENDUES. — 8€ SÉRIE. T. El, N° 00 129 135 We A bn l Ge + ve ONE + js os Da Nu 5 io at) sisolbié ta “lue fu “Ne up spin Mean 818 phR. #4 ha a AU es eue ete 1 2 AAA 2 A AE HD EAU brifon #n4 D ro | RAD rei de MN. Re RER [ ALAN OL jo eat 5) ARE MT ANRT RE ARES M2 ae ma CHEN AENL EEE AA) { î ‘ 4 0 AQU LE DOS de MON Y b agehaitte PARADIS TE MERDE 9 AR Nes E RER ME Au ER A CRAN RCA AI D Eee AHEbIS CON UT E ONE OAV AMONT 0 Te LUS LR Res es D NOT AA ANNE Mel EE ARTE NE Dana Aa es SOLE: 2e NN gi $ Hoeaqune Ja # HU fl AE 28) # 1 10 Jura TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES CONTENUES DANS LES COMPTES RENDUS ET LES MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE PENDANT L'ANNÉE 188% (1). Acétophénone ou phénylméthylacétone (Nole sur l'action physio- losiqueretitoxiquende) pan Laborde ere See CES EEE PCR SE Acétophénone (\ote sur l’action physiologique de l’acétophénone; action hypnotique, par injection trachéale chez les animaux, del’), par Grassec... Action combinée de la cocaïne el du chloroforme, par R. Dubois........... Adénomes sébacés (par Balzer et Menétrier)........,.................. Albuminurie gravidique et éclampsie, par MM. Doléris et Poney.......... Alcaloïdes toxiques dans l'organisme; leur recherche par la méthode gra- nique, der labos orne 0dab#oobo000bpbo0eSobanadoonnone 00e — (Contribution à la synthèse des), par OEchsner de Coninck............... — Sur la présence des pyridiques dans différents alcools, par Œchsner de Conadkss vestes 000000 eee eccecec-rceeecleecbie — (Sensibilité pour les), par Gley et Richet............................... Alcool dans les fruits sous l'influence de l'eau oxygénée (production d’), par Dot b ROMA OM SE ER Re El So Monaco anennusboen oc . Aliments (Sur la classification des), par Rabuteau...................... ce “llochisie. (Brown-Séquard)....-......................... A AS neutre ae Allocution.(P. Bert)......... ARS MR SAIT ARS A LL os — (Prononcée dans la séance du 98 novembre 1885), par Grimaux............ Altérations musculaires consécutives aux fractures (Note pour servir à l’é- Lude des), par Duplay et Clado.............. des oBb do ob séS0n Se ee Amandes amères (Note sur la germination des), par Bert............... Ammoniacaux (Sels). À propos du dosage des sels par l'hypochlorite et l'hypobromite de sodium, par Rabuteau................................ Anagyres et anagyrine, par Gallois et Hardy............................. Anchylostome duodénal (Sur la réviviscence de l”), par Chatin.......... : Anémie des mineurs en Hongrie, par Blanchard......................... : Anesthésie par chloroforme, par P. Bert............................ Anesthésiques. Observations complémentaires sur les anesthésiques formé- MoUES past eenauldietAVIlIe An LARMES Ant etRet DO Y SO S ÿy Y % S ÿy v% (1) Les pages indiquées à la marge sont celles des Comptes rendus (CG. R.) et des Mémoires (M.). SOCIÉTÉ PE BIOLOGIE | = en) Anesthésiques SN à l'étude de la physiologie générale des), par DUPOIS A RSEEERTE Oalh\o bb 0 ua 4 60 0 6 00 010 0 Da0s00500odbto no 00.000,01 00 00.0 Animaux d’eau de mer dans l'eau dessalée, d’eau douce dans Lean de mer, dieaudesmendansileauisursalée pare nee P EP PRE PP RER Antiseptiques (Chaleur adjuvant des), par Arloing...................... Anus\(Sphinelentde dt panne EP EM EPPRERRE RE NE 4 DA di 00 AnhasielAvechemiplesiesauche)MpanRÉ CELA "NEC Re EP CECPEE TEE Artbhropathie, étude expérimentae sur l'alaxique, par Giacomo Lum- DNOS OPEN ERERIEIEE baoobvonocodondoonodomoraiiacoododeoudo ob on — labétique de la colonne vertébrale, par Vaillard et Pitres................. Ascidées (Monstres nouveaux chez les), par Ghabry....................... Aspergillus niger (Valeur alimentaire de cerlaines substances pour l’}, par Du clauxe AS ANT R UMA Res AU RAR NE g OS Atowmes et Biologie, par Rabuteau..... bn LAS RAI CE GE Neo 45 Audition (De quelques phénomènes subjectifs de l'), par Gellé............. — (De la gravité des lésions auriculaires compatibles avec la persistance d’une Certaine)pari@e lé SA Dee UE AC ee Tr AE ES TA OR SE bo Auditives One pour servir à l'histoire des effets dynamiques ice impressions), par Londe et Féré......... RS NE EE CIE 0000-00 Agote. Dosage total de l'urine par l'hypobromite de sodium titré, par Gley CR NE 00000 débde an b00 050 008 00000 date 0 CAE AIDER ES DIE Ce Qie 001010 : — (Sur lelprotoxyde di)Mpar Bent Le RER ECERENE EEE CAB DS UE AD 0 060 0 ; B Bacille (Cullure du), de la tuberculose, remarques à propos de la communica- tion précédente de M. Nocard, par Vignal...................... S00b0boc B&lsænoptère (Note sur une jeune Dana pe e pat ée près de ae par Beauregard.........0.... RO PA CE ER EU DR NN Een dobbao oc — de Cavalaire, par H. Beauregard............ ESA RATE ENT RON EE Barbeaux (Épidémie de), par Megnin....... ES AS SEE AN ; Baunien(Valuuletde)MpantDebienre PRE REC MERS E PER ERP DAS AE Bile (État de la) prise une heure après la mort, par Thierry................ Blastoderme (Orientation du) sur la sphère du jaune ettechnique des cou- pes par Duval EPP EEE RE A LUI ENG ER A ON LE a DES ASENR SES Ghaobpo Boldo (Action physiologique d'un hot du), par ose SANS Lo fu 0 o —- (Aclion sur le sang), par Laborde......... JHoRS 0 DH up 0088 0 6 DES Dee o —\(Son action surle Sans, tecc.), par RabDuteau PCR EEE LR ELEC ECECCEER Boldoglucine (État de la pression sanguine el de la circulation cérébrale pendant le sommeil produit par la), contribution à la physiologie du som- MEL ner (Hlevacoososcodedesoe Be Dion Dan HD dE bo dAéee D bio noie cie 5 ë Bombyx du mürier (Observation sur la respiration du), à ses différents Hate observations diverses sur la vie des chrysalides el du Bombyx du mürier, DEP EE oosobvedubdaadbele PR ee a nn lealte A fera ane ae IAA Ne ele Soc Eronchopneumonies inf.clicuses de l'enfance et de leurs microbes, par IMAOMéSoocooccoc 00ÉToUDoaonopue Jodoubaonvaune Do0000000o0c00ddo0n0 0 cé Bronchopneumonie diphthérique (Notes sur 1e microbes de la), par Darier 22e >09000007P008 00 00e e0o0obodo co bodoconoocgdtsocobn 0008 Bubon (Sur la nlenee du), qui accompagne le chancre mou, par Slraus... C Calorimétrie par rayonnement, par Richel...,....,.....,.....e0se eee 16 220 550 528 M. TABLE DES MATIÈRES Calorimétrie par rayonnement. Crilique expérimentale, par A. d’Ar- sonval...... 2 00/00 008010 000 0b0 0 0:06 0:00 08 didlalb 015.616 0 0 0 Bio 0H 06 Do 00600 — par rayonnement. Applications diverses, par A. d’Arsonval.............. — par Richet.......... LS LS ARE 96 00 600 bon do bbb GS AA A AE Canaux de Cartes par De one AN nt RE DAS AE 38 CGantharide (Note sur lc développement de la}, par Beauregard.....,...... Capsule interne (Mode de production des mouvements excilés par l’applica- tion de courants électriques sur la), par Dupay.......................... Carie. Influence du sexe sur le coefficient de résistance et sur la fréquence de la carie des dents, par Galippe........................... D 008 000 p D Cavité glencide de l’omoplate, par Assaki.......................... Centres psyckomoteurs (Du rôle de la sensibilité dans les prétendues fonctions des), par Dupuis....... CSD DOS A Bd oree Done 0bHboGD Soeo0o Caudal (Renflement), et part du névraxe dans sa formation, par Laulanié..... Grerebrotome du Dr Gavoy. ...:..........4ee..eeeeresceecovee Cerveau (Des effets de l'excitation traumatique du), par Richet............ — (Nouvelles expériences à propos de la locomobilité intra-cranienne du), par Lys ot esosctatebcoccbtatbtuoencobbdobboonvneouounoboeto0é 0000 Gervelet (Sensibilité à la douleur du), par Dupuy......................... Chaleur adjuvant des antiseptiques, par Arloing.......................... Chambre chaude (Vignol)............................................. Chambre claire à angle variable (Malancy)......................... Champignons (Puissance de pénétration des filaments mycéliens de divers champignons (l'enicilium Aspergillus), à travers les bourres de coton stérilisé et les bougies-filtres en terre poreu-e, par Bourquelot et Galippe.......... Chloroforme (Observations pour servirà l'histoire de l’intoxication chronique parie) MpamDuboIS EEE PER MEREMNREERE GAL Se Eu St RARE I LS — (Intoxication chronique par le), par Bert............................... Chlorophylle (Dosage de la}, par Regnard.............................. — (La). A-telle besoin d'être renfermée dans la cellule végétale pour décom- poser l'acide carbonique? par Regnard............................... D: Chlorure d’Ethylène {Recherche sur les effets du), par Rabuteau....... c Choléra (La bacille virgule du\, par Doyen...... ER ARE ES A OA Les à Cholérique (Injection d'urine), par Livon................................ Circonvolutions (Altérations des sens après lésions des), par Dupuy....... Clarté et photoptométrie. (Méthode pour l'étude de la perception des diminutions de clarté et nouvel appareil pour la photoptométrie et le mé- lange des couleurs), par Gharpentier................................... Cocaïne (Sur quelques poings de l'action physiologique de la), par Arloing. — (Influence de la) et du chloroforme sur la production de chaleur, par Ricbet. — (Action du chlorhydrate de) sur la fermentation alcoolique et la germina- tion, par Charpentier. ......... HO Dada oneptuo ee db ao 0e dèboe A CHONIAeN A) SU LANDE AU PATNP CRAN ERNEST EURE — (Imruersion d’an poisson dans une solution faible de), par Regnard..... 0 — (Analgésie des voies génitales par la), par Doléris..................... 6 — (Action de la) sur la germination, par Dubois................... deelo 00 — (Action de la) sur la fermentation, par Regnard......................... — (Remarques sur l’anesthésie de la fermentation et de la germination par Ja) panGharpentiec Pere ERP EEE C EL EE d216 60 do nb BED A0 0 0e Doooovec — (Action de la) et d’autres alcaloïdes sur certains infusoires à chlorophylle, par Charpentier. ............... a AE Le dsaele d0040cb dodo pue — (Prétendus rotin de la), par Laborde........ badoodo 0600 bUE 0 5608 0 Cœur (Lésion congénitale du) chez un chien de Gas ans, par François Fou 5 Y vw Z v EE w% E 718 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Cœur (Étude dynamométrique du cœur dans les affections cardiaques), par ASEMONBIOC ET EEE ER te ie le cie CEE REA O0 à Golchicine cristallisée, par Laborde et Houdé........ A A Er Coléoptères (Mécanisme de l'aile Hoi aneuse des), par Chabry.. DE Gompresseur (Nouveau), par Fourmenta eme Ne ErENRENTR Condensateur (Sur le danger des) noie pour supprimer l’extra-courant des machines électriques, par d’Arsonval ................ SEE on 0 Corpuscules nerveux. (Note présentée par R. Blanchard), par Adamkiewiez... CGoulomb-Mètre (Sur un)\totalisiteur, par d’Arsonval............. Dobbn ae Gourant nerveux axial, par Mendelssohn ................. Don bobo dec Courants électriques. (Influence des courants éleclriques extérieurs sur les courants autonomes des tissus), par Onimus......................... mr IMOnsineninmale pARTAArSONVAl NES 0 NE EN ERENERAReer Cuir chevelu (Ademnes sébacés du), par Balzer..............,.......... Cynocéphales (Sur les veaux), par Barrier......... ARE se OUR 4 D Dents. Densité relative des dents du maxillaire supérieur et du maxillaire in- ÉéREUR ADATIGAlIDpE eee eee eee CCC ee RS donédoocoue Diastase (Identité de la) chez les êtres vivants, par Bourquelot............ Digitaline (Réaction de la}, par Laborde....... LA aars oerceeeeCeCir Dynamogénie par Féré......................... se lois a icpetee le EE Dynamique (A propos des dents Te sur les rapports des états psychiques avec l’état), par Féré.............. TELE ER CCE Dynamométrie physiopsychologique (Considérations sur la méthode en) DaiManoNVrIer Eee an ra Rec IN RE LS APR R NE REA HOébacéouocce oo — (Remarques à propos du mémoire de M. Manouvrier sur la), par Féré.….. E Eau oxygénée (Étude expérimentale sur les effets physiologiques de l’) en injections intra-veineuses et son aclion sur le sang, par Laborde et Quin- QUAU ESS A NAT RL A Ep A a Ne EE DOBCCO Go ec — (Action de l’) su» le sang, par Bert et Regnard................... Pete nos — (Action de l’) en injections intraveineuses et sur le sang (Réponse à une note de MM. Bert et Regnard, par Laborde et Quinquaud........ sslelie see Fau plâtreuse, par Bovier-Lapierre.................... Soubne DÉUOeUU Sa 0 0 Electrodes impolarisables, par d’Arson al de eos DS eee Elément anatomique (Sur une nouvelle espèce 4’, par Laulanié........ Elytres (Structure des Vésicants), par Beauregard................. Hd co Emphysème. Sur un cas d'emphysème pulmonaire chez un petit ruminant, par. Then AA EN LS Te ANA ete ee LA ae AR : — pulmonaire (Mode nouveau de production de l’), par Brown-Séquard..... Entérectomie (Expériences nouvelles sur la réunion de l'intestin après l’), patieAssaliie AD Up Ia EEE RER RER PP RC ONE SREPRRSEReree Dee Epicauta verlicalis (Note sur le développement de l’), par Beauregard... Epidémie (de Barbeaux), par Mégnin...... dobcoacuoocoe 5000000600 Dogue € Epilepsie spinale (Production d') par une lésion du cerveau, par Brown- SÉQUALA SR Rec Doocoeccobcodr acces Dévbr doc A ocboboebobcon.-drncodve Equivalents (Recherches dynamographiques sur 1e moteurs des sensa- tions PATHÉ CON A NE RATER ALERTE ere ietel tent fie ieieleteltere Li % 3 >; » 117 VO % 5 % © din are til TABLE DES MATIÈRES C. R. Esthétique (Physiologie de l'}, par Féré.........,..,............... st) 349 Estomac (Bruits gastriques rythmés avec le cœur, avec adhérences proba- bles du péricarde dans uu cas de dilatation de l’), par Franck...,........ 668 Excitabilité (Note sur la persistance de l') du nerf sciatique, après l’abais- sement de la température centrale chez le lapin, par Sicard............. 472 — cérébrale après la mort, par Laborde............................. duo 8 F Fanons (Note sur le développement des), par MM. Pouchet et Beaure- CAR NT Eee doGeRDo dd ooDo vd oo odb ed bo Sbooptopno oébboucosobvon 411 Fécondation (Nouvelles observations sur la) chez les végétaux, par Dega- COMENT ilcileleeleloleisfelerctetelsisleieleleteleelcieletelelelele fete ciel ete Soouévoonp6 94 — (Nouvelle observation sur la) chez les végétaux, par Degagay............ 189 Fermentation (Expression graphique de la), par Regnard................ 492 — (Sur la)-alcoolique élective d'un mélange de lévulose et de maltose, par B'OUÉQU'ELO EN AMAR NPRANNANNAUER ANA Re RAA Bobocoetoma 491 — (Graphique de la), par Regnard............... booocopcoodoue Habbo 367 (Graphique de}ipariRegnarde eee eee NON en 44S — alcoolique (d'un mélange de glucose et de lévulose), par Bourquelot..... 291 = 4lC001iqQUe; Par BOUFQUELOP Me ee eee core ceepdeecenclelseniee ee 350 Ferrugineuse (Médication), par Debierresse et Linossie.................. 19 Fibres arciformes des hémisphères, par Gavoy..........,................ 233 Fièvre typhoïde (Névriltes parenchymateuses dans la), par Vaillard et Pi- DRESSÉ PRE IS eee ieeliielelereieiclleleteilerenetlelee etes ciel e lee ieleiele Do 9bo oc . 661 Filtration (Sur la) parfaite des liquides, par Chamberland.......,.......,.. 117 Filtres (Emploi des)en terre poreuse pour la stérilisation à froid des liquides organiques, par Bourquelot et Galippe............................ ARE 111 Foie (Congestion. du), d'origine cardiaque, par Lépine ..::.:..:.2: A GE RAPAAE 2928 Follicules ovariens (Régression des), par Laulanié............... Sr RES 044 Force motrice, lorsqu'on excite le nerf ou le muscle, par Quinquaud..... 14 G Gale (Constatation, chez le buffle de l’Inde, de l'existence de la), par Mé- ENS Soonoccovou dose oadoobébodouonoubobondeboboboboubo dd ogoene doc 105 Ganglions spinaux PRES et connexions embryonnaires des), par Du- VElL cocécoccretosbbtooccoosdeoncoouhounoocobeouoonuhog du dédo ECO ane 610 Globules (Puissance de formation de globules sanguins, dans le système vasculaire des mammifères, après la mort), par Brown-Séquard.......... 393 — du sang (Production après la mort, dans diverses parties du corps), par Brown-Séquard. ....... eee -rRe CE ITA BAPE CL 0 000 CG OMEE ne 287 — sanguins (Formation des), post mortem, par Brown-Séquard. ............ 307 — Leur production après. la mort, par Brown-Séquard..:...,......... dobobo 329 . Glycogène. (Dosage de la matière) dans les organes d’un supplicié, par Lam- bling... acts ne ceeleletanieissiet 000000 DSobodsocoanobotdaca oo ue 385 Gorille (Sur l’obélion du), par Féré....... co0u8o Coootodoeoc todo oboooudéc 205 Greffe oculaire; par Ghibret. 4 MN e letter tease let 1MSSS — tendineuse (Recherches expérimentales sur la) -et sur la régénération des tendons, par Fargin et Assaki.......... Éd 0boe de dB AO É De UE bon . 634 Grenouille (Venin cutané de la), par Bert. ....,.....,.................. 152 EE ÿ ww % 780 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE CNP NUM Grisou (Innocuité du)..................... 5 abode 00e LEE Re AMOLNNSE Gustative (Action chimique et sensibilité), par Ho ei uo DO00000 00 » H Helminthe (Observations sur un l'elminthe parasite de Un gigantea), par Fourment...................... Dobvo ne ee brbere Doosoacouc .. 103 » Hématoscope pour l'examen spectroscopique du sang non He par HE OER MERS Robe ob aobdooboecs osaatAto da en bbaddbobadbagoccac 12 » Hémato-spectroscopes (Présentation de deux modèles de), par Hénoc- QUE ARE RE nn ne PR nee eee ne . 681 » Hémoglobine (Recherches sur la destruction de l’ ), par l'acide carbonique, paniBrouardeletiEO CRE RARE RCE eee 00 89 » Hermsphrodisme. Sur deux rouveaux cas de pseudo-hermaphrodisme, De IA ads comaednedenocdebobb don oo ass pobdo os obobooonccsus DMADS Hybridité chez les animaux, par Thierry......................... doom | Cl » Hydrogène sulfuré (variations que présente l'absorption de l'), mis en con- tact de diverses surfaces chez l'animal vivant, par Peyron............... 556 » Hypnone (Physiologie appliquée à l'étude des substances médicamenteuses et toxiques; de l’action physiologique et toxique de l’acétophénone phé- nylméthylacétone ou hypnone (seconde note), par Laborde.. ............. 137 » Hypnotiques dans l’état de suggestion et par rapport à la durée de celle- ci (Sur le temps de réaction personnelle mesuré chez les), par Marie et AZOULAVER ASE C CCE A EE EC IA EEE CO DEMO Ge BU db Bu 506 » Hystérielel fatieue/spanFénés etre re PNR EE Re ECOLE EC PEECeEE , _A97 » Hystériques (Action vaso-motrice de la suggestion chez les), par Dumont- pal er Ar ORAN ET TE ER OR ER EEE AE TR . 597 » — hypnotisables (De l’action vaso-motlrice de la suggestion chez les), par Dumontoalliers ibn E Rene Re AR tn RARE EAN . 4ùS » — hypnotisables (De l’état troisième chez les), par Grasset...... RO D die ci à 499 » — sensalion et mouvement (Contribulion à l'étude du transfert de la force musculaire chez les), par Féré............. net ÉÉIERCIES AE POS CIS SU à ne 590 » Inhibition (De la sensibilité à la douleur dans le corps tout entier sous l’in- fluence de l’irrilation de la muqueuse laryngée par la cocaïne, par Brown- SÉQUAR ERP Re ra NE ALES RUES ns D ES NE GR DS A 167 » — (Arrél de convulsions de cause toxique, par la flexion forcée des orteils), PARNHÉNMOCQUE NE NM AT Re SEL CAD A EN AS 470 » — (De la contracture et de l’) des nerfs et des muscles après la moct, par BrOmNES ÉQUANRAE EMA EEE NPNEN MENU NE NA nes AAMAOUO D 050 d 185 » — (R:cherches sur l’) de la propriété essentielle des tissus musculaires, Pan BrOWNESÉQUAR AN MU AN ARR TER NOR Se RTE ra Etes Does us ss 2 06 » Infirmité donnée volontairement à un animal (De la non-transmission de fi mille en famille d’une), par Philipeaux. ............... DÉDODED DE US 559 » Influence des hautes ne sur l’éclosion des œufs de poissons, par P. Regnard..... DÉdATR0D PDO Da BR a boop 6040 0 40 0 0 700 0 doduobnooasonc: AR » Insectes (Marche des), par ab di Men EE DA AOD ADO OROMAS E be DIE DO: | A » Isocicutine (Expériences pour servir à l'étude des effels physiologiques de l'), par Bochefontaine et Œchsner de Coninck........,.,.,,,,.,...s...o.e 410 » Se RE 7 TABLE DES MATIÈRES 781 À C. R. M. Kinésiométrie cérébrale, par Gavoy............... A DER REA » Kystes dits folliculaires des mâchoires (Sur la one des), par Malas- ACL sd eddoñebob tenons nbde OPEN las sin cale Lee ee MO » L Larynx (Développement de l'épithélium et des glandes du), par Tour- nambdbe sel uobocbonde eds ee bobo boost bo 0000000 ES 0 ONE) » Lèpre (Études comparées sur la), par Leloir............. 0800900600 dada nel AT) Lézard vert (Coloration du), par Bert.................................... 523 » M Mâchoires (Kystes folliculaires des), par Malassez. ....................... 639 » Mammifères (Sur les procédés de la régression des follicules ovariens chez quelques femelles de), par Laulanié......................... AT OZ D Manganèse (Le manganèse jouit-il de propriétés hémalogènes et A tiques ?), par Dcbierre (de Lyon)......... DE Pa ANR A LA AG Are TOC » Matières colorantes (De l'emploi des), dans l'étude des infusoires vivants, PAC ENTES RER EEE RICE CREED ERERRENRSR EURE URL LCI tent AlON » Maxillaire supérieur (Nerf), (Paralysie du), par Poncet.............. OLIS » Mécanique psycho-physiologique, par Féré......................... PER No 10 » Mégaptère. Note sur une mégaplère échouée au Brux, près de Toulon, par Fontaine nine US OST RSR GS LOUE 0e Soon Rose 153 » Méningo-Encéphalite produite par un coup de pied de cheval, terminée par induration, perte de la mémoire des mots, par Tessier. .............. 581 » Mercure (Action du) sur le sang chez les syphililiques et les anémiques, par Gaillard. .............. AS NT DATES G'o14:6 à 90 4 0 6 do 0 018ld 000 00150 9 » Microbes (Cuiture de germes purs de par Brasse..... LRQ Pa AE SENS PARMI ES » — Un moyen de débarrasser les graines des germes de Fe bbes ne cna leur surface, par Brasse.. Re Re een AE CET pe DÉS GI Ne DR eAO G » Micrococcus (Influence de É bre du-soleil sur la aie des), par Du- CURE 0008 DR hot (ABLE RSA DE DER AC EE PE LEA EN PACA US ME UR ES BE ET » Microscepique (Appareil de photographie), par Viallanes..............:.. 404 » Microtome à bascule (Sur quelques modifications apportées au) de la So- ciété de: instruments scientifiques de Cambridge, par Henneguy et Vignal. 647 » Moelle épinière (Développement de l'extrémité inférieure de la), par Tour- neux et Hermann........ AAA NCAA ANS EL ARS RATE ROUE EEE sorte PA EE Mouvement considéré comme de par Ch. Féré 2" AA se ee 629 » — considéré comme dynamogène; influence de sa direction; expression des émotions, par Féré. ...... SE AE ER Vs AE AIS ES A AE ; 020) » — jnstinctifs (Dissociation ou association nouvelle des) sous l' cie de la . volonté; contribution à la dénormination de la nature des actes instinclifs, À OUR ANA (OS SP AR RSC A OA SOS EN ONGAS » — volontaires (Physiologie ea PARARÉTÉ ER NA ET ASS PRIE ER ELEC > Muscles (Contraction des muscles antagonistes), par Beaunis.........,.... 345 » N Nerfs. Effets de la résection des nerfs éjaculateurs chez le cobaye, par Ch. 659 à 782 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE C. R. Me Neris. De quelques anomalies des nerfs, et en particulier d’une anomalie dans Ja distribution du nerf radial, par Debierre (de Lyon)....... PRE UT TUE » Névropathie, par Féré........................s...e.e. Te EE Gr 249 » Notochorde des ascidies (Sur la), par Cheb soma ns dé 0800 sc. 949 » Nutrition (Causes des allérations de) qui suivent la section du nerf scia= : tique et du nerf crural chez les cobayes, par Brown-Séquard...... See ELA 0 » | O Œil (Influence d’un) sur l'adaptation de l'autre à la lumière, par Charpen- HER doos soc odbo onda tu oo 00000 00 000 00 00 0006010 Sn An NES » Œuî (de poule inclus dans un autre), par AmMal.........e.ssesssesseosesse 255 » Oiseaux (Sur le rôle de la membrane nictitante des), par Bert. ..... RE OO BETA » Oreille (Note sur une anomalie du pavillon de l') portant sur la racine de l'hélix, par Féré et Huel. .....................e.s.e CHRbEbR OU RAGE » Otoscope (Nouvel), par Gellé......................s..ssessessersessee 623 » Œuîs (Résistance des) à la dessiccation, par Dubois. ..................... GI » P Papilles (Sur les), foliées de quelques mammifères, par Boulart et Pil- let pepe M Poe attenante IA 443. » Parenchyme des Fuille. aériennes (Extraction des gaz contenus dans le), par Gréhant et Peyron. ..........,.....44...s.sessssssemeeeos 516 » Parturition anormale après ruplure du col chez les brebis, par Barrier... 296 » Pelletiérine. De l’action du bromhydrate de pelletiérine sur les nerfs mo- teurs de l'œil, par Galezowski............. A AIS LAS E 0.6 o 9 © 0 651 » Pétroles (Alcaloïdes des), par OŒEchsner de Coninck...................... 359 » Peptone (Note sur la peptonurie et sur la peptone pendant la digestion), par Wassermanne ie UE anse ee eee C EEE AO Pilocarpine, par Laborde et Duquesnel. .......... AUDE LS CIE ES O0 D à 00 367 » Pipéridine de synthèse {Action physiologique de la), par de Coninck ct NE cacocccocenobbonsoanse Manet citeblelepsie malt cie detail tieeeetets 613 » Plexus cardiaque (l'hypoglosse, le spinal fournissent-ils au), par Werthei- MEN EEE M ieher th ide metals Se CErerefele (ne that ass ee Moabgonceoe 219 » Pneumo-gastrique (Régénéralion du) de quinze jours, par Phili- DEUX ER ee rerlebeemecerer-ererLrertCicheerLeeeelielReCE ar 4 » — (Section des nerfs), par Beaunis...................................... 70 » — (Expériences relatives à la suspension de l'action modératrice du) sur le Goutte (ONE DOCS CS bo cobbhe coucou de on BÉRBUAUOE Doc > 547 » — (Régénéralion des), par Bert. ...........................eove 100 » Pneumonies tuberculeuses (Des). Leur évolution sous l'influence du ba- cille, par Thaon....................ee.esesensosecerercieeseseleiine .. 582 » Polyurie du cheval, par Robin et Benjamin.............................e 40 » Poisons (Sur divers), curarisants de l’ordre des ammoniums quaternaires, parnRabuleau EP ET ce relelee ee seklele(sielcietseeieleeleiiolelerele olerelelete eiele MAPS » — (Sur les) curarisants, par Rabuteau............................e..ee cul) » — (Action des) végétaux, par Regnard........................essssere . 122 » Pompe à mercure (Note sur un perfectionnement de la), par Gréhant...... 492 » Prépuce à la naissance chez les enfants juifs (Note sur l'état du), par Bloch. 495 » TABLE DES MATIÈRES 133 C. R. M. Pression sur un appareil permettant de suivre par la vuc les phénomènes qui se passent sous l'influence des hautes pressions, par Regnard....... 210 » Pressions (Phénomènes objectifs que l’on peut observer sur les animaux soumis aux hautes), par Regnard.......................... HEIN AAA EN D Pression centripète (Valeur de la), Gellé......................... ra » Projection. Sur un appareil à projection simplifié, par d'Arsonval..... CE TOME » Protoplasma (Continuité du) chez les végétaux, par Olivier. .............. 264 » Protoxyde d’azote (Action du) sur les écheverias, par R. Dubois......... 110 » Protoxyde d'azote pur (Contre-indications aux inhalations de), par Laffont. 716 » Pus blennorrhagique (De quelques faits relatifs à l'examen histologique et chimique du), par de Sinéty et Henneguy...............sse ee cocctse ll DDS » Pyocyanine (Physiologie du micrococcus de la), par Charrin....... SIND » — (Maladie de la), par Gharrin..........e......soo...s.oe eue aies ere RU CET » Pyridine (Sur la présence de la) dans l’ammoniaque de commerce, par OŒchsner de Coninck............ PR ATOS à MDI RE D UE MCD See done LS0 » Pyrophores (Fonction photogénique des), par Dubois.................. oc. 559 » R Rage (Atténuation du virus de la), par Gibier................ sos oe see ciee ve) 0200 » Rapports (Note sur les) de la densité des dents avec leur composition chi- mique, par Galippe ........... teens elelete HbSod0bo00 Déodacocec ant 49 » Réflexes (Lois d'irradiation des), Dan Mendelsscho ee 0 Ut OO » Refroidissement rapide (Notes sur quelques phénomènes du), par Bert... 567 p Rein (Sur les lésions du), dans le diabète sucré, par Straus............... +. b4i » Résistance à la dessiccalion des œufs stériles et non stériles, par R. Dubois. 61 » Rétine (Son adaptation à l’obscurité), par Charpentier............. 0H 0bE 310 » = (Perception lumineuse sur la), par CRACDEDER NN ARR 333 » — (Connexion des deux), par Charpentier ..................:........ ee oO » Revolver porte-objectif (Nole sur un), par Henneguy......... dotloce … 100 » Rigidité cadavérique (La), par Bert............................. SO PMPEE) » — (Sa nature), par Brown-Séquard.................... D0obb0 O0 Ne no ADS » — par Brown-Séquard................ SA EN SEA LARMES ancien aan 240 » Robin (Ch.) (Allocution à propos de Le mort de), par Brown-Séquard....... 71 » Rouget du porc (Présentation de photographies du microbe du), par Roux. 684 » S Salamandre aquatique (Sur la régénération du cerveau de la), par Phili- PEAUX... sseosoooesseesececeeseemeseseeoesereseseessecceee be b be be) » Sang (Pholographie du), par Hénocque.................................. 62 » — (Désoxygénation du) chez l'animal vivant, transformation de l’hémoglo- bine en méthémoglobine, par Quinquaud.................... Se Re IS » Sang (La photographie du), par Hénocque ....................... Mssadesn T0 » Sarcosporidies (Sur un nouveau type de), par Blanchard....,..........s 417 » Scorpion (Venin du), par. Bert............................ AAA TAPER Q SEEN EN TTL ANUS Sensation et mouvement, par Féré .........,........... lisse tan » PA HÉRE EC RRE eee electricite seche meleiete 200 — par Féré........ FRE ER RATE CEE AR SCT ENERGIES CN AL sescoe ADT » Sensibilité lumineuse (Relation entre l'éclairage ambiant et la), par Char- DEN tiens Une re ER RE R R E R r ete LOSC CAT » Singe (Altération des sens et du mouvement après lésion des circonvolutions chezile) "par Dupuyeseee UC RRP REA ARR. en \sdatle 1682 » 184 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Sinus maxillaire (Note sur l'origine du sinus maxillaire et de ses glandes chez l'embryon), par Laguesse Spartéine (Chimiende la); MpartHoudé PAPE RE CE LC ERP PER OPEN PRR EE CE — (Action .physiologique. de. la. spartéine, prédominance de celte action sur letcœur, par Laborde Sa RARE EN A TERRE RP PNERe Spartéine (Contribution à l'étude de la), par OEchsner de Coninck......... — (Observations surles procédés de préparation de), par Œchsner de Coninck. — (Sur un caractère important des sels doubles de spartéine et sur la cons- titution de c:s alcaloïdes), par OEchsner de Coninck......,........... 55 — (Notes sur quelques réactions de la), par Œchsner de Coninck ........ : Spectroscopique. Moyen de faciliter l'examen spectroscopique du sang, DALNHEN QCAUE 2 AE MEME R ANNEE SR EPP EEE EL EE Spermaceti (Oreane du),-par Pouchet. 0-2 CPP NE ER CEE CERRCECEE —\ (Orsaneldu)WpariRabuteau PAP OMERNEENETER ERE PEREPREREER EE Sphœrogyna ventricosa, par Laboulbène............................... Sphygmographie. Tracé sphygmographique pris en ballon, à une hau- teur de 150Mmetres pariPozz PEER EEE LR Ce CE LECCE ELLE ELECECEEL Spinal (Remarques au sujet de la note présentée par M. Livon « sur la pré- sence de fibres modératrices du cœur dans la branche interne du), par MENÉS TE be aobobo bambou donne ou 00 00000608 00000 000010 — De la présence des fibres modératrices du cœur dans la brancke interne GE ERA NON en R e ÉS Brabablboi io 0 9018 06 0 à 00010 0 0 06 0 906 0 Stéthoscope amplificateur cardiographe, par Gavoy...................... Sueur (Action de la pilocarpine et de l’atropine sur la produetion de la), par Judée SE Ne A AU AR ASS EUd A DU boa 06 000 60 0 00 0 Suggestion hypnotique (Remarques à propos de la note de M. Dumontpul- lier sur la), par Féré..:.:....................-eosssssceosecceseseceee Suggestion cn somnambalisme (Hémorrhagie de la peau provoquée par la), par Boarru‘et Burot...................................s..ssses..e Suggestion à longue échéance, par Bernheim.......................:.... Supplicié à Troyes (Note sur quelques expériences exécutées sur un), par Regnard ct Loye:::::::2::.2...0 22e one correctement Supp'icié (Observations faites sur un), par Wertheimer :...::.............. — de Caen (Recherches sur le), par Laborde et Gley....................... __ Heurtevent (Expériences faites sur le), à l'École de médecine de Caen, PANBARDÉ EPP ERP ELEC ERERERC RE EE MSA SALE SE 6 610 0 à 5 c Système nerveux (La marche dans les maladies du), étudiée par la méthode des empreintes, par de la Tourette et Londe............................ Tendons (Greffe des), par Fargin et Assaki............................... Tétanos. Sur.le Llétanos rithmique dans les muscles d'invertébrés marins, par de.Varigny.....................4.....4e..eeesossesesseneeeee Thalline (Action physiologique de la), de l'antipyrrine, de la kairine, par Brouardel et Loye.........................................ecseseuse Transfert. d'anesthésie, etc..…, par Brown-Séquard......................:. Trachée (Déveluppement de l’épithélium et des glandes de la), par Tourneux. Troubles tropriques du bassin consécutifs à l’amputation du membre in- férieur, par Féré........................24.2..22eesseseosesseecsee Tuberculose des oiseaux (Recherches expérimentales sur la), culture du hacilleMparANOC ATARI IP EN ERP REC EL ER EPL EE EEE CERECCEEET Turicata (Piqûre de), par Ramon Estrada................................ M. Se CI ET KI » » » desc acacstitsn din (ds tdi PE TABLE DES MATIÈRES omega dom or a mr met : U RAR V Vache (Pilier charnu d'origine congénitale siégeant au fond du vagin chez la), par Repiquet ........ 25 Soie Dé Di BIS d'EBE 0 EN A EAN NL EEE ES IS oadvsonouao Vaisseaux. Mesure de la pression nécessaire pour déterminer la rupture des vaisseaux sanguins, par Grébant et Quinquaud. ........................ — Mesure de la rupture latérale des artères, par Gréhant et Quinquaud.... Vaseline. Note sur la vaseline et son emploi dans l'alimentation, par Du- Vaso-motrice (Action) sur hyslériques, par Dumontpallier ............... Végétation à l'obscurité dans les solutions sucrées (Recherches sur la), par MÉMBIASS CHRIS A Etes RENE D'RE RE RUE ARE SERA BANANE RAR BIAI COS BRAS PAS LR Végétaux (Note sur la tension qui existe dans les tissus de certains), par RESRART 0 v08 8 doguev oo ealde dede bdd SdB el do ebUMaMRE O Venin d'abeille (Note sur les effets du), sur les tissus végélaux, par Pouchet CLABOMIE RS ADIEREE AE AMAR RNAR ARREAANtUNR AN EAU PAPAS ES tas Vision (Expériences sur, la), par Bloch. ..............:.................... Vitellus (Sur une nouvelle anomalie de segmentation du), par Chabry Vive (Note sur la piqûre de la), par Bollard............................... Volonté (Son influence sur mouvements inslinctifs), par Arloing Vue (Effets dynamiques des impressions de la), par Féré nn soso FIN DE LA TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES d) » TABLE DES MATIÈRES PAR NOMS D’AUTEURS A ADAMKieWICz.... Les corpuscules nerveux. ...... td Re CAC : AMAT (Gh.)...... Œuf...............e....e... DDDBbbononnomasqoadenbs sn ARLOING........ Sur quelques points de l’action physiologique de la cocaïne. — Chaleur adjuvant des antiseptiques.......... MOOD Dhabi — Influence de la volonté sur les actes instinctifs .............. — Dissociation ou associalion nouvelle des mouvements instinc- tifs sous l'influence de la volonté; contribution à la déno- mination de la nature des actes instinctifs. ......... ec ArsonvaL (n’)... Calorimétrie par rayonnement. Critiques expérimentales... .… — id, id. id. Applications diverses........ — Sur le danger des condensateurs employés pour supprimer l’extra-courant des machines électriques....... node rovon — Sur un appareil à projections simplifié........ D3400 1500000 — Sur un Coulomb mètre tolalisateur........ AD DU di à — Note sur la communication de M. Onimus....... sé leene = Électrodes impolarisables.............. RAS Us o — Cause des courants électriques d'origine animale............ SN dE doooncoe Cavitéslénoiderdelomoplate PP PER CEE CPE EC EF Er EE — Voy DUPIA VER AE EEE ER — One eee nbo cod bdanatonldouo ne bn 000 0 00 0 © AZOULA NU ES UMP 07 AIMART OS SE ANA EAN Rene Late SNA IRREREtR BAIZER et MENETRIER. Adénomes sébacés. ...:..:..04... 4er _ BARBÉ.......... Expériences faites sur le supplicié Heurtevent à l'École de médecine de Caen........... bobo bonus oo DObO 5000006 BARRIER........ Sut les veaux cynocéphales............. 000D0000202090000 — Parturition anormale après rupture du col.......,......... BEAuNIS........ Section des nerfs pneumogastriques...................... 66 — Contraction des muscles antagonistes. .................. 600 BEAUREGARD...-.. La balænoptère de Cavalaire..............0.... 0. An c'e — Note sur le mode de développement naturel de la cantharide. — Note sur une jeune Balænoptère capturée près de Fécamp... — Note sur le développement de l’Epicauta verticalis.......... . _— Note sur une Mégaplère échouée au Brusc, près de Toulon... _— Structure des élytres des vésicants.......... HAT eee PSooco- _— Voy. Pouchet. BENJAMIN. ...... Voy. Robin (Alb., YU 5 Y TABLE PAR NOMS D'AUTEURS 787 BERNHEIM....... (Souvenirs latents et suggestions à longue échéance)... ....... » 135 BERIP NEA ER ACLiIontdearcociire suit ip eau ESA ee ATOS A » — (ATOTUMOMENE) EEE EEE ER ER RR RAR AANEMENeNRennerRte tt Es » — ATÉSNESEovondacobonoddoooteoseuocuooomdobostonbono done | ZA » — Régénération des nerfs pneumo-gastriques.................. 100 » — Sur le rôle de la membrane nictitante des oiseaux.......... 532 » — Observations sur la respiration du Bombyx du mürier à ses dif- férents états ; observations diverses sur la viedes chrysalides et du Bombyx du mürier.............. 200008 00 0000800 MA » =". Animaux d’eau douce dans ne de mer, animaux d’eau de mer dans l’eau dessalée; animaux d'eau de mer dans l’eau SUEMlÉ re osnvocootosoooodobtssanoveuooosaboucoueeto 0 OL » Berr et RecNarp. Action de l’eau oxygénée sur le sang..................,... 537 » — Note sur la germination des amandes amères................ 576 » — VNeninidu Scorpions en er PEL SR nee le MOT A » — Intoxication chronique par le chloroforme.................. 571 » — Notes sur quelques phénomènes du refroidissement rapide... 567 » — Innocuité du grisou...... DELA EEE EE Pr EMA ES EN LRAERERS 029 » — Coloration du lézard vert................. L'ETÉ A ADS DOME 523 » — Venin cutané de la grenouille... AE MINE ei ee NEleN D D » — La rigidité cadavérique...... SRE AR GRO oO OE JE noobbco nn D » — Sur le protoxyde d’azote............... éco dbpo cdot dodo 220 » — :: Production d’alcool dans les fruits sous l'influence de l’eau OXVBÉNÉE AAA AA D'OR UT POUR M RU 0 4 Bbeceie . 462 » BLANGHARD...:.. L'anémie des mineurs en Hongrie........ ados do 6 dbo TE » — Sur un nouveau type de Sarcosporidées...s...s.s......e.. 417 » BLOCH-.-----....- Expériences sur la Vision... 2.0.2... in... .... 493 » — Note sur l’état du prépuce à ia naissance chez les enfants — Étude dynamométrique du cœur dans les affections cardiaques. 655 » BocuEFonNTAINE et OEcusner DE Conixcx. Expériences pour servir à l’étude des effets physiologiques de B. collidine ou isocicutine........ 176 » BOARD EEE Su nlaNpiqure de ANIME PEER EAN ER CEERE REC EN25 » BouLart et Prier. Sur les papilles foliées de quelques mammifères.......... 143 » BouLEy......... (Discours prononcé sur la tombe de) par Dumontpallier...... 721 » BourqueLoT..... Sur la fermentation alcoolique « élective » d’un mélange de lévulosetetide mallose CPE EeR EE LEE eee eeee eee 1MI91 » Fermentation alcoolique..... Ib Doambeelen oo borde USE 291 » — Fermentalion alcoolique......................s....ee. . 995 » BouRQUELOT el GaLippe. Puissance de pénétration des filaments mycéliens de divers champignons (penicillum aspergillus) à travers les bourres de coton stérilisé et les bougies-filtres en terre po- RÉEL DO En CL LG ER M ges EG ARS — Emploi des filtres en terre poreuse pour stérilisation à froid des liquides organiques......................e.....ee. 111 » Bourru et Burot. Hémorrhagie de la peau provoquée par la suggestion en som- NAN) UIS M € EN Rt RER t 01 » Boviër-LapierRe (E.). Eaux plâtreuses................................e.se 316 — Voy. BOUCHE NAN RNA EURE CSA ARNIS AERC EEE AE ME Ne » BRASSE......... Un moyen de débarrasser les graines des germes de microbes adhérents Aleur SUHACE Reese eeeaiseeeetee-elLO0 » — Gulturemuenmerohes RP EE PER RCEERRre ceLoec-ereer-LeelNOi0 » — Recherches sur la végétation à l'obscurité dans les solutions » SHORÉES ni ele lle lee e cismlonielele ete ONE AIN 188 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE oo oo BrouarDEz et Loye. Recherches sur la destruction de l’hémoglobine par l'acide BRowN-SÉQUARD. eo Em # ti a CHAMBERLAND... CHARPENTIER. . .. carbonique ......... boo0C 00000 D ebbabouoie J06660000 5 Action physiologique de la thalline, de l'antipyrine et de la kaïi- BNÉbo aa 000 dnobaouooodoun000osmeouue DoDoroooece 50 Ribidilé(cadayér que APERRER te C0 AR UeRcr Boeboec 50 Cause des allérations de nutrition qui suivent la section du nerf sciatique et du nerf crural chez les cobayes ......... Du rôle de l'arrêt des échanges entre le sang et les tissus, de la conlracture et de l’inhibition des nerfs et des muscles après la mort........ TR TS ON MERE AMIE ES 0 Ho. 0 0 0 3 Production d'épilepsie spinale par une lésion du cerveau... Inhibition de la sensibilité à la douleur dans le corps toul entier, sous l'influence de l'irritation de la muqueuse lanyineéelparalacocaine.AECEPPESERSSEECE ERP RE PE CPECEE Emphysème pulmonaire......... Ba à hote . dÉvhoo0ob0 00 Puissance de formation de globules sanguins ue le système vasculaire des mammifères, après la mort......... He G 0 d'à Recherches sur l'augmentation de la lonicité musculaire et sur l'inhibilion de la propriété essentielle des tis:us con- LHACLILES AREA CARRIERE UE EeR he eee COrG00000De Étude des effets produits par les de cutanées, pour servir à l'explication des influences thérapeutiques exercées parlesicontre-inritants eee eee CARRE LEE RRE RCE . Transfert d’anesthésie, etc. causé par lésion organique....... Rigidilé cadayérique FERMER eee ereceerree 0090006 où Allochisie/2PAPARRERRERSRR- CR eee ee Doooouoec Production des globules post mortem...................... Formation des globules sanguins post mortem............... Production de globules après mort..... bébeouboo OR ER ce Allocution à propos de la mort de Charies Robin............ One HONTE Ve nd dbadunocdonedansboe) do 000 0400 0 0 De l'emploi des malières colorantes dans l'étude paysiolo- gique et histologique des infusoires vivants........ DO One Monstres nouveaux chez les ascéolées..... dbodvone d6 900 3 0 0 © Mécanisme de l’aile membraneuse des coléoptères...... .... Sur une nouvelle anomalie de segmentation du vitellus...... Sur la notoctoïde des ascidies..... dDBÉD A0 000 Joue Dood oc . Sur la filtration parfaite des liquides........ D AM ED Action de la cocaïne sur la fermentation alcoolique et la ger- IDINATON ER ECC PEN Dos able eecteRrerrrercectlieiee Méthode pour l'étude de la perception dés diminutions de clarté et nouvel appareil pour la photoptométrie el le mé- lanceides couleurs Er RERREEEPTPECE EL TER EC CLEE CITE Rcniarques sur l'anesthésie de la fermentation et de la germina- Honmparilatcocaine EP PE Mere CPP eee CL Er CCC EI Action de la cocaïne et d’autres alcaloïdes sur certains infu- SOLE ACIOTOph Ile CERN EEE PRE EEE CLR er LeECE LT CRC Adaptation de réline à l'obscurité. .....:4. 000.60. 206 197 42 181 945 045 117 36 Sn) » » 0 TABLE PAR NOMS D'AUTEURS 0 CHARPENTIER... Perception lumineuse sur la rétine... .....s..ososssoses ee — Connexion des deux rétines...ssoss.ssosoosesessococceseeeee — Relation entre la sensibilité lumineuse et l'éclairage ambiant. — Influence d’un œil sur l'adaptation de l’autre à la lumière... CHNBREMEN ER Eee GLeITe IOCUIAIRES ele a ete elel-lse eleercielelele ere et elles en ce see CHARRINe-.... Physiologie du MICrOCOCCUS pyocyaneus..... ss. eo e — Maladie pyocyanique. Son mécanisme... ... SC eee te CHATIN...... Sur la réviviscence de l’anchylostome duodénal.....00es eo e CLADO.... sos VOy. DUPIAY. ..ossnssoreressssosesesssosesssorsssosorencse D DARIER......+. Note sur les microbes de la bronchopneumonie diphthérique. DEBIERRE.. ee NalVUle de Bauhin..... se -seecsmosoosoceossosccoos ses ee — Canaux de Gaertner- eee eee cevesee — Le manganèse jouit-il de propriétés hématogènes et analepti- — De quelques anomalies nerveuses et en particulier d’une ano- malie dans la distribution du nerf radial................. DeBierRe et Linossier. Médication ferrugineuse......esessesosesosse see ee 0e DEGAGNE. +. Nouvelles observations sur la fécondation chez les végétaux... — Nouvelles observations sur la fécondation des végétaux. Le tube pollinique, sa nature, ses rapports avec l'appareil femelle........ DoLéris........ Analgésie des voies génitales par la cocaïne... DoLéris et Poucy. Albuminurie gravidique et éclampsie Doyen.......... Le bacille virgule du choléra. Dupois......... Action combinée de la cocaïne et du chloroforme........... — Résistance à la dessiccation des œufs stériles et non stériles. — Action de la cocaïne sur la germination... — Résistance des œufs stériles et non etériles à la dessiccation.…. — Action du protoxyde d’azote sur les Echeverias — Sur l’anesthésie par les mélanges titrés..................... — Observation pour servir à l’histoire de l’intoxication chronique par le chloroforme............ Dugois......... Fonction photogénique des pyrophores..... o 0000 — Méthode graphique appliquée à la marche des osent 566600 — Contribulion à l'étude de la physiologie générale des anesthé- essor. s.e eosesess.es.veeeeeeceeeeseeesee MESovosouovbovuvvoaovonoobocoo0bos000000000000000b0e — Application de la méthode graphique à l'étude des modifica- 333 366 475 485 338 375 677 503 109 671 297 319 698 706 tions imprimées à la marche par les lésions nerveuses expé- rimentales chez les insectes.......,.........ss.osocose — Notes sur la vaseline et son emploi dans l’alimentation...... — Anesthésie par les mélanges titrés................, 0000000 Ducraux........ Valeur alimentaire de diverses substances pour l’aspergillus — Influence de la lumière du soleil sur la vitalité des micro- COCCUS .vooooosseecsssscesesessseseeresessecsseessveesee DUMONTPALLIER... ACtiOn Vaso-motrice.......ssecseesseroceseoseeeoessee ee — De l’action vaso-motrice de la suggestion chez les hystériques hypnotisables.. RSR EN Res se sels aie tie sie ste ee — Action vaso-motrice de la suggestion chez les hystériques..… » » » 790 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE EE DumoxrpaLcsiER.. Discours prononcé sur la tombe de Henri Bouley............ Durcay et Czapo. Note pour-servir à l'étude des allérations musculaires consé- CUVE AUXMITACIURES MERE ER Lee LL ECC 5è Durcay et Assaxr Expériences nouvelles sur “a réunion de l'intestin après l’en- térectomie....... CE 00.0 -0:0:0/0 010100000100 0I60 0: Dial bIDIO 010.0 2H 0:00 à o Duruy.......... Du rôle de la sensibilité dans les étendues fonctions des centres psychomoteurs......................442420 0. — - Mode de production des mouvements Suites par eu de courants électriques sur la capsule-interne............ — Altération des sens et du mouvement après lésion des circon- volutions chez le singe....................... bb 40.0 0 0 — Sensibilité du cervelet à la douleur........ ae to © É DuQuESNEL et LABORDE. PiloCanpine FRE RER ECO EE RCE EE PRE di Duvaz......... Orientation du Blastoderme sur la sphère du jaune et tech- nique des coupes ......... ÉS0coc0p0o aol Te ado s30o00cboc — Origines et connexions embryonnaires des ganglions spinaux.. F Farein et Assaxi. Recherches expérimentales sur la greffe tendineuse EU sur la régénération des tendons. .......................2." ë) Féré.......... Troubles trophiques du bassin consécutifs à on du membre inférieur............ PL ET ANG DORE ES LL o — Sur l’obélion! du gorille: :.::......-:2... D AE RUE la bo — Physiologie des mouvements volontaires ............. Sbocobe — NÉVROPAUNIe REP PE EE CEE EEE A A 2 — Dynamogénie ......... J60800bb bb Goo cd o0 ps 0 He RE — Sensation et mouvement. ........... ne ee ete ILE OR ee — Sensation et mouvement......... Se este Nle ee TE We — Mécanique psycho-physiologique ................. cle ane — Physiologie de l'esthétique ...... 625 0 09 pb 6 014 80160 0 0 Eee ob 9 ; — * -Aphasie avec hémiplégie gauche.......................... Ac — Effets dynamiques des impressions oies. Jo68%00ca00e a c — À propos des précédentes communications sur le rapport des états psychiques avec l’état dynamique..... PA RS ble o Booo D = Recherches dynamographiques sur les équivalents moteurs des sensations................ PRE Mr En HR AA do 6 0 — Sensation et mouvement........... A M ES à 6 0 0 à — Remarque: à propos de la note de M. 2 OR sur la suggestion hypnolique........ Bree SAS bé er ed — Remarques à propos du mémoire de ‘MN. Manouvrier sur la dynamométrie .......... d6 4000 dosbodgouoobarooosoodeoc 50. — Hystérie et fatigue..... HAE HELE EE 0 00 DA Se CH re HSE 0 _— Sensation et mouvement, contribution à dede du transfert de la force musculaire chez les hystériques............. 50 — Le mouvement considéré comme dynamogène; influence de sa direction; expression des émotions..... é'sadehoe ee Got Féré et Huer.. Note sur une anomalie du pavillon de l'oreille portant sur la racine de l’hélix. dc bo 0 Tete dns éBononce do F£rRÉ et LoNne. Observations pour servir à l'histoire Fe effets nues des impressions HN CRM Un d 0 do Bb oSbN CE 06 4000 6 FouRMENT ..... Nouveau cofipresseur .............................4:...... 19 19 19 Co 19 © [2e] » » PET TABLE PAR NOMS D'AUTEURS 791 à FouRMENT...... Observations sur un helminthe parasite de l’ossifraga gigantea.. Bruits gastriques rythmés avec le cœur dans un cas de dila- tation de l’estomac avec adhérences probables du péricarde.…. François Franck. Lésion congénitale du cœur chez un chien de deux ans... Remarques au sujet de la note présentée par M. Livon sur — la présence de fibres modératrices du cœur dans la branche . interne du spinal ............... ÉASCAE De UE CARE A 39 Gazrarn...... Action du mercure sur le sang, chez les syphilitiques et les anémiques....... Dodo ape tea he Eee Ve ee ot Gazezowski... De l’action du bromhydrate de pelletiérine sur les nerfs mo- eme de cale ass 6000 Et SAT TA nes ASS ne GaLLois et Harpy. Anagyres et anagyrine........... A Ne ah ann ae ES Gautppe....... Note sur les rapports de la densité des dents avec leur com- posilion CHENE EL os o sde dbbanaceouoonoodoanooooe . — Densité relative des A du maxillaire supérieur et du maxil- 0 NO M ÉMENR QU UDREUNRReE DR nee Re Te 0500 — Influence du sexe sur le coefficient de résistance et sur la ND iréquencede lacariedes dents 2. CecLeCE0e He Se 800 0 bbo — Observation sur une communicalion UE M. Chamberland ..... — Influence du côté sur la répartition de la carie............ DE — Voy. Bourquelot. Gayoy......... Kinésiométrie cérébrale..... AAA ON Haine duo Se NAS ete LA — > - Cérébrotome....... htrerete eee tele rieletete te lotte role lofoie PRESS LE OU 0608 — Fibres arciformes du cerveau.......... boovo0dbovoaoo 00900 — Stéthoscope amplificateur cardiographe.......... DObooDd oo o GELLÉ......... De quelques phénomènes subjectifs de l’audition. Ne ere — De la gravité des lésions auriculaires compatibles a avec la per- .sistance d’une certaine audition ..........s...e...svo...e à Pression CENETIPele rer eerec ELLES ee Mae ells telle Bo ve Nouv OLOSCOREL ere eme BED H DO obeC Gracomo LumBroso. Étude expérimentale sur de ATAXIQUE eee cie Gigier (Paul)...Virus rabique ...,,,........ On T DUO Don 00 ECO 00 80 Jodcoo GLey et Ricuer. Dosage de l'azote total de l’urine par Mean ane de sodium HRS OU C0 00000 00 206 boue OM o0000 0000000 0000 — ... Sensibilité gustative pour les alcaloïdes ...............e.. — Action chimique et sensibilité gustative...... Goo 0000000b00 CLEA Re Joy lLaborde tree re eeecreeece see DUO SD 0 O0 DANCE — Expériences relatives à la suspension de l’action modératrice nr Eine du nerf pneumogastrique sur le cœur..................... — État de la pression sanguine et de la circulation cérébrale pen- ..dant le sommeil produit par la boldoglucine. Contribution à la physiologie du sommeil. ................,... Doobonc Doi GrasserT....... Nole sur l’action physiologique de l’acétophénone, action hyp- notique, par injection trachéale chez les animaux. .....,.... — _.._De l’état troisième chez les hystériques hypnotisables ........ GRÉHANT ...... Note sur un perfectionnement de la pompe à mercure......... GRÉHANT et PEYRON. Extraclion des gaz contenus dans le parenchyme des feuilles PAR aériennes ieelelseecerlececccechee ce eee GRéxanr et Quinquaun. Mesure de la pression nécessaire pour déterminer la . rupture des vaisseaux sanguins, ......., esse ee 401 120 114 233 473 425 162 301 623 156 235 436 237 142 503 047 » » YO Y 5 v EE 792 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE GRÉHANT et QuixquauD. Mesure de la rupture latérale des artères........ Doceo GrIMaux ...... Allocution prononcée dans la séance du 28 novembre 1835... H HARDY... VOy. Gallois. Hénocque..... Arrêt de convulsions de cause toxique par la flexion forcée des orteils ee ERECree etre Sbbo90108d0ne Gbvoooogooc Doésons d05a = La photographie du sang.................. BEA Ddoacc 0060 — Présentation de deux modèles d'hémato-spectroscopes ........ HERMANN...... Voy. Tourneux. HENNEGUY..... (Note sur un revolver porte-objectif)........,...... Henvecuy et Vienaz. Sur quelques modifications apportées au microtome à bas- cule de la Société des Instruments scientifiques de Cambridge. HENNEGUY .... Voy. de Sinéty........... RAR TR RE RE ne re bdbdoosoocoe : HéNocquE .... Hématoscope pour l'examen speciroscopique du sang non dilué, — Pholosraphiendumsang eee eee re CE CEe d006000000 — Moyen de faciliter l'examen spectroscopique du sang......... : Houné ....... De la spartéine....... Eee PA Ca ge Énécounooc — Voy. Laborde. HUE TS eee eee MMOUMRÉTÉ EEE Mere Cle DÉDODESDovoeDAGongenñouoc J JuDÉE......... ACtion de la pilocarpine et de l’atropine sur la production de JA Btatboonoboocovonsovonsooac 2200 .ee.ee 20e000000e0-° LABORDE....... Alcaloïdes toxiques dans l'organisme; leur recherche à l’aide de la méthode graphique....... PDO bte buoocouo 0000 — Succédanés de la cocaïne. ......:.,......4004.2 ee... _— Rapport-du prix Godard .,......... DOTE D00DE D NA : — °°: Action physiologique d’une glucoside du Boldo....... DRococc — Excitabilité cérébrale post mortem. .................. oovco — Physiologie appliquée à l’étude des substances médicamenteuses et toxiques, de l’action physiologique et toxique de l’acéto- phénone phénylméthylacétone, eu hypnone................ = Action physiologique de la spartéine. Prédominance de cette aclion sur-le cœur: ..:....:::...:....: Donc batbosdoouoo — Note sur l’action physiologique et toxique de l’acétophénone ou -phénylméthylacétone ................,.... boot Dadosooc — Voy. Duquesnel. LaBoRDE et GLEY. Recherches sur le supplicié de Gaen..................oo.e LaBonpE et Houpé. Colchicine cristallisée, physiologie et toxicologie .......... LABoRDE et Quinquaur. Étude expérimentale sur les effets physiologiques de :: l'eau oxygénée en injections intra-veineuses, et son action SULME SAND eee cle als isleteleleielnie cie aie re DR PIE Sie lelete — MACON boldo eee ae SNDPRECENE RE AUS ac JoGoC tu — Action de l’eau oxygénée en injection intra-veineuses et sur le sang: (Réponse à une note de MM. Bert et Regnard......... — Eau oxygénée en injections intra-veineuses..,...,........... LABOULBÈNE et MÉGNIN. Sphœrogyna ventricosa ..,.,..,,............. oo ciel 203 697 467 TABLE PAR NOMS D'AUTEURS 793 LAFONT..... ... Digitaline.......... 000 BOB DOM oNb0 00 add UE dOTe® oc — Contre-indications aux inhalations de protoxyde d'azote HP He 5S0600000000000600 00e SHOUE d62000b0 00400000 0 Laçuesse (N.-G.). Note sur l’origine du sinus maxillaire et de ses glandes chez l’embryon......... HbdbodTouaooubo RE ee 0666000 LAMBLING ...... Dosage de matière glycogène dans les organes d’un supplicié. LAULANIÉ ...... Renflement caudal et part du névraxe dans sa formation...... — Sur une nouvelle espèce d'éléments anatomiques............. — Sur les procédés de la régression des follicules ovariens chez quelques femelles de mammifères ............. BéPooDoBoUo LELoIR........ Sommaire du rapport sur la lèpre en Norwège............... — Étudesicomparéesisumlallepre ee 2er ere ete Ut DÉPINE RS) ee -rIctèred'originelcardiaques 22 #-2Re-cchloncccrcesscscscsc LINOSSIER. .... Voy. Debierre. LIVON ........ De la présence des fibres modératrices du cœur dans la branche interve du spinal. ................ Od0Ebuo00 bas dcode date — Injections d'urine de cholérique............ ÉDABbO UE GT ADE PONDE 0 HOYMRÉR CAMES ANNE RER LP Se ON DOG DUO — Voy. de La Tourette............:.... DU dotgoodobrooboe LOYE.......... Voy. Regnard. — Voy. Brouardel. USE 00 Nouvelles expériences à propos de la locomobilité intra-cra- nienne du cerveau ....... OLD BBA Ne ER Ptea al al elere rs ete M MALASSEZ....... Chambrenclanre Pen nent te RIRE RAA es — Sur la pathogénie des kystes dits folliculaires des mâchoires. MANOUVRIER..... Considérations sur la méthode en dynamométrie physiopsy- CRODAIQUE NS RASE En are ie nes es ARR AA ee ea MARIE et AzouLay. Sur le temps de réaction personnelle mesuré chez les hypno- tiques dans l’état de suggestion et par rapport à la durée de COLE CIRE een iaieiele mine ee lt ietaielee c'eslelatete ni ete aise ioee Méenin......... Constatation de l’existence de la gale chez le buffle de l'Inde. — Épidémie sur les barbeaux............ Ne ere eee aise — Voy. Laboulbène. MENDELSSOHN (Maurice). Irradiation des réflexes... ........ TE AGE DR — Le courant nerveux axial.............. obPOo Tea anobo bon Mengrrier (P.).. Voy. Balzer. N Nocanp......... Recherches expérimentales sur la tuberculose des oiseaux; culture du bacille.............., ele ete severe Sono O CEcusner DE Conincx. Alcaloïdes dans les pétroles bruts........... D DAS . — Sur la présence des alcaloïdes pyridiques. dans différents alcools............. Joddaoounseuole ddécouodéne Ooocobbos — Sur la présence de la pyridine ane l'ammoniaque du com- 364 601 194 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE CŒcasNer DE CONINCK. Voy. Bochefontaine. + LEE de — Sur un caractère important des sels doubles de spartéine el sur la constitution de-ces -alcaloïdes....…. SON be J80000 0 — Notes sur quelques réactions de la spartéine................ — Ubservations sur les procédés dela spartéine............... — Contribution à l’étude de la spartéine........ HAE do Ua d 0 ere CŒcusner DE Conincx et PINET. Action physiologique de la pipéridire de synthèse Oivier (Louis).. Continuilé de protoplasma végétal............ Dobdocouo0o Onmuus.......... Influence des courants électriques extérieurs sur les courants - autonomes-des-tiSSUS AMENER HER PEYRON......... Voy. Géants A ER AE AN RS AD AE CE ANNEE or Variations que présente l'absorption de Vo iroaène Sfr mis en contact de diverses surfaces chez l'animal vivant... PuiLipeAux.... Régénération du. pnenmogastrique en quinze jours....... 000 — De la non-transmission de. famille. en famille d'une infirmité . donnée volontairement à un animal........... DAC US 0000 — Sur la régénération du cerveau de la salamandre time , PINET..... .. Voy (0Echsnen de Eonmek- crc LÉLELECTE CCE Estate Pirres et Vaizzarp. Névrites parenchymateuses dans la fièvre typhoïde......., — Arthropathie tabétique de la colonne vertébrale............. PILLIET......... Voy. Boulart. PONCET......... Paralysie du maxillaire supérieur................. 2606000000 Pouca£t et BEAUREGARD. Organe du spermaceti............... 506000 0680000 — Note sur le développement des fanons........... 0690000900 00 Poucæer et Bovier-LAPiERRE. Note sur les effets du venin d'abeille sur les tissus VÉPU aslbonoooeens ont and obeo dép 0000 26o0a0c BOUEVC RTE SE Voy. Doléris...... EM RS ER A Ag LD UE Pozzi........... Sur deux nouveaux cas de pseudo-hermaphrodisme........ — Tracé sphygmographique pris en ballon, à une hauteur de 2. 150 MÉRSS JÉooss oo ddoe Séodonbacoonoavosodoe DHgsvovac QuinquauD...... Force motrice lorsqu'on excite le nerfou le muscle......... — -Désoxvgénation du sang chez un animal vivant; transformation de l’hémoglobine ‘en méthémoglobine...... SAC oO 00e - — Sur les injections intra-veineuses d’urée pure, dose toxique. — Voy. Gréhant. \ _— Voy. Laborde. RABUTEAU Le: Alomes etibiolonie et Lette. RO rt RER — Recherches sur les propriétés physiologiques et sur le mode d'élimination du salycilate de méthyle............... 500€ — Sur la classification des aliments........................ 00 — . .. Sur divers poisons curarisants de l’ordre des ammoniums qua- ternaires..... dorcogoëos OBLIDE L'Aad Doccelo 0 drone bco — ..Sur.les poisons .curarisants. ustre, de. Phényldiméthylallylam- monium..... CURE CEUUETIE EC Le Écoles coeoc — À propos du dosage des sels ammoniacaux .par l'hypochlorite ..et l’hypocromite de sodium......,.. .....,,,....se... gra lat miss | 86 42% 465 et 77 138 » DS ga bi: su pedhéssls SE te TABLE PAR NOMS D AUTEURS 1 O6 RABuTEAU.. ..... Recherches sur les eflets du chlorure d'éthylène — Action du Boldo............... o Ramon EsTrADa.. Piqüre de Turicata.......... Det ercte — .. Organe du spermaceti........ a nlereieiele HD nbo REGNARD.. Influence des hautes pressions sur l’éclosion des œufs de POISSON PEN AE EN ENERR ER RRENEREISSePErREEN — .. Action de la cocaïne sur la fermentation his à — Immersion d’un poisson dans une solution faible de cocaïne. . — .. . Expression graphique de la fermentation. Âction des poisons VÉGÉTAUX EEE MER PEER RE CRRERE CRNRPELE Store eeleteiele — .....Sur un appareil permeltant de suivre par la-vue les ne mènes .qui se passent sous l'influence des hautes pres- ee soumis aux lectes pressions: RAT D LE ÉD SO CENTER ue — Note sur la tension qui existe dans les tissus de cerlains, vé- == de Bert. LEUR Recnaup et ViLLEJEaAN. Observations complémentaires sur ee tee for- MÉNIQUES EEE ele DORE D SE to AO ee MIS EU DD ARE DES RepiQuET....... Pilier charnu one e congénitale an au fond qu vagin ro chez la.vaghe:s sis ssscisessis à c RENE ere ce Effets de ‘la résection des nerfs éjaculateurs chez le cobaye... RICHET........ . Calorimétrie par rayonnement............. . — Influence de la cocaïne et du chloroforme sur la produclion denlatchaleure tete Jo02eo00n0cbcobve F — La crlomiméimiescbonoouoooce Do be dato do DAS 0 bon one D0D Duo — Élimination des boissons par l’urine....................... — Des effets de l'excitation traumatique du cerveau — Voy. Gley. Romain (Alb.) et H. Betsamix. Polyurie du cheval............. Doboovoudaoto0o0 Roux (E.)....... Présentation de photographies du microbe du rouget du ee... sors. SicarDp.......... Note sur la persistance de l’excitabilité du nerf sciatique après l’abaissement de la température centrale chez le lapin...... DE Suéry et Henvecvy. De quelques faits relatifs à l'examen histologique et chi- mique du pus blennorrhagique....... d660990800D 880 coop STRAUS. ....... Sur la virulence du bubon qui accompagne le chancre mou. — Sur les lésions du rein dans le diabète sucré..........e.e un TESSIER os Méningo-encéphalite produite par un coup de pied de cheval, terminée par induration, perte de la mémoire des mots... 317 263 216 353 472 293 239 041 587 D y ÿ 796 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE RS THAON....... ... Des pneumonies tuberculeuses sous l'influence du bacille... — Des broncho-pneumonies infectieuses de l’enfance et de leurs MICFODES esters Mer een Cie Dnosoco ion Dec Gobaao pc : Terry (Émile). Hybridité animale... EU EEE ARTE PU L US Her — Sur un cas d'emphysème pulmonaire chez un petit ruminant. — Note sur l’état de la bile prise une heure après la mort, chez le supplicié Gamahut....................... ÉiSboroDooe : TourertTe (pe LA) et Lonne. La marche dans les maladies du système nerveux, étudiée par la méthode des empreintes....... Abo ao oce Soc Tourneux et HERMANN. Développement de l'extrémité inférieure de la moelle épi- HMAÉboOOToNo 00e DÉC den obE des o 00H06 b00Uoocococ TourNEUx....... Développement des glandes du larynx..... CUCBDE Duboobococ V VaiLLaRp et Pirres. Névrites parenchymateuses dans la fièvre typhoïde...... co VAILLARD....... VoysPiires eee eeeR nee EURE Éd OC oo : VARIGNY........ Sur le tétanos rythmique dans les muscles d’invertébrés MATINS... ee EME OS CICIE LU dial GED te SHaoudbbavsodocon o VIALLANES...... .« Appareil de photographie microscopique......... nee MicraL ((We).e Chambre chaudes ner EEE RARES D000c — Remarques à propos de la communication de M. Nocard (Re- cherche du bacille de la tuberculose). ................... _— Voy. Henneguy. VILLEJEAN......... Voy. Regnauld. W WassEnmann.... Note eur la peptonurie etsur la peptone pendant la digestion. WERTHEIMER (E.). Plexus cardiaque........................... D0uoodovoc 5000 — Observations faites sur un supplicié..............,........ . FIN DES TABLES ERRATUM 170 219 406 Les quatre dernières lignes de la page 775 doivent être rectifiées comme suit : .…. « Les expériences ont été confirmées par Schiff (Lehrb. d. Physiol. d. Mensch. 5859 et C. R. Ac. Sc. 1864, par Haidenhain et Datskiewiez). Stud. d. phys. Inst. — Breslau — 1864, par François-Franck (C. R. Lab- Marey 1876, p. 265, etc.). . Paris. — Impr. G. Rougier et Cie, rue Cassette, 1. —————————— ——————————]—]—_—__—— Û f MÉMOIRE SUR L'ANESTHÉSIE PAR LES MEÉLANGES TITRES (Méthode du professeur Paul Bert. par le D' Raphael Dubois. En thérapeutique on à de tout temps reconnu l'importance du dosage d'un médicament actif ; aussi, dès l’origine, ceux qui employèrent les anesthésiques songèrent-ils à en régulariser et à en maitriser l'énergie. A l'hôpital de Boston, où furent faites les premières applications de l’éthérisation à la clinique chirurgicale, on se servait d’une sorte de flacon de Wolf à deux tubulures. A cec appareil si simple, si primitif a succédé un nombre si considérable de combinaisons plus ou moins compliquées qu’il faudrait un volume pour les décrire. La persistance avec laquelle l’idée d’un dosage possible fut poursuivie, suffirait à elle seule pour démontrer l'importance considérable que l’on a toujours attachée à cette question. Les chirurgiens les plus éminents recueillirent d’abord avec empresse- sement les appareils à doser l’éther ou le chloroforme; quelques-uns même inventèrent des dispositions nouvelles ou perfectionnèrent celles qui existaient déjà. lat Les résultats obtenus ne furent pas heureux; parfois même on crut devoir attribuer aux appareils des accidents graves survenus pendant le cours des anesthésies. En France principalement, on pensa, non sans raison, qu'il était pru- dent de renoncer aux appareils non compliqués et l’on se contenta d’ad- ministrer le chloroforme au moyen de cornets de formes diverses ou plus simplement encore à l’aide d’une compresse. La préoccupation dominante qui a servi de guide dans {la récherche d'un dosage méthodique a été de le ramener aux lois générales de la poso- logie; ce qui ressort clairement de l'analyse des faits, c'est que l’on s’est presque uniquement préoccupé de la quantité d’éther ou de chloroforme Biocooïs. Mémoires. — 80 SÉRIE. . IL 4 L& MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. absorbée, dans un temps donné, tout comme l’on auraitfail pour un alea- loïde ou toute autre substance active destinée à être introduite dans l’or- ganisme par une voie ou par une autre. Le défaut d’une base expérimentale solide se fait sentir partout et, presque toujours, malheureusement, l’essai d’un appareil dont la con- struction ne reposait sur aucune notion théorique précise, a été tenté d'emblée sur l'homme. M. le professeur Paul Bert, après avoir démontré dans ses belles recherches sur l’action physiologique du protoxyde d'azote que lélat anesthésique dépend d’une certaine tension du gaz dans le sang, entre- tenue par la tension de ce gaz dans l'air respiré, montra qu'il en est à peu près de même pour les autres anesthésiques. Ce n'est donc pas de quan- tüité qu’il s’agit, mais de proportion dans le mélange avec Pair. En d’autres termes, pour le chloroforme, par exemple, Vactivité toxique est liée intimement à l’état de tension de la vapeur anesthésique dans le mélange d'air et de chloroforme. Le savant expérimentateur pensa qu'il élait du plus haut intérêt d’étu- dier attentivement et de fixer exactement les relations qui existent entre les proportions d'un mélange à un titre rigoureusement déterminé, et les effets physiologiques produits par ce même mélange. Pendant plus de deux années, des expériences nombreuses furent faites sur les animaux au moyen des mélanges titrés dans le laboratoire de physiologie expérimentale de la Sorbonne. Chaque mélange titré au moyen d'appareils d’une grande exactitude fut administré dans des conditions expérimentales toujours bien déter- minées à un grand nombre de sujets groupés en série, et toujours les résultats furent trouvés concordants pour une même série. C’est ainsi que l’on peut établir des règles précises. Chez le chien, par exemple, la résistance à la mort avec un mélange formé de quatre grammes de chloroforme vaporisés dans 400 litres d'air durera huit à dix heures, sans que l’on puisse obtenir d'autre effet anesthé- sique qu'un engourdissement profond survenant à la période ultime alors que la température centrale est tombée à un chiffre très inférieur à celui de la normale. Au contraire, un mélange de 25 grammes de chloroforme et de 100 litres d'air, produit très rapidement l’anesthésie confirmée ; mais la durée de la résistance de l'animal à la mort ne peut excéder dix à quinze minutes. Pourtant la quantité totale de chloroforme qui a traversé les poumons de l’animal dans le premier cas est de beaucoup supérieure à celle qui détermine une mort rapide dans le second. Si l’on administre des mélanges à titre intermédiaire, on peut obtenir l’anesthésie vraie avec une suffisante rapidité, et cela pendant une durée assez grande pouvant faire face à toutes les exigences de la pratique. Ainsi, en faisant respirer continuellement à un chien un mélange de De do un EE de no PAZ DE L'ANESTHÉSIE PAR LES MÉLANGES TITRÉS. 3 10 grammes de chloroforme pour 100 litres d'air on entretiendra, pen- dant deux heures, une anesthésie dont la marche présentera une régu- larité qui ne saurait être obtenue par aucun des autres procédés connus. L'influence considérable exercée par le titre du mélange n’est plus dis- cutable aujourd’hui et son importance ne saurait échapper à personne. En annoncant la découverte qu'il venait de faire des propriétés anes- thésiques du chloroforme, Flourens s’exprimait ainsi : « Si l’éther sulfu- rique est un agent merveilleux et terrible, le chloroforme est plus merveilleux et plus terrible encore. » On concoit toute l'importance d’une étude ayant pour résultat de conserver et même d'augmenter les avan- tages, tout en diminuant le danger du chloroforme; car de tous les anesthésiques essayés jusqu'à ce jour, et ils sont nombreux, nul n’a pu rivaliser avec le merveilleux et terrible fluide découvert par Soubeiran (1). Le véritable danger dans l'administration d’un bon chloroforme réside donc dans la forte tension de sa vapeur, qui peut varier, sous des influences en apparence insignifiantes, dans des limites considérables. Pour cette raison, en versant par intermittence, même avec une régu- larité presque mathématique du chloroforme sur une compresse, on n’ob- tiendra jamais que des mélanges d'air et de vapeur très variables selon la température de l'air de la salle d'opération, selon la nature de la sur- face d’évaporation (toile, éponge, flanelle, etc.) ; enfin, l'agitation de l'air ambiant, la distance de la compresse aux orifices respiratoires sont autant de causes qui peuvent faire varier, d’un moment à un autre, dans des pro- portions importantes, la composition du mélange. Il est indiscutable néanmoins, et nos maitres en chirurgie nous en fournissent chaque jour des preuves, qu'une longue pratique de l’anes- thésie, exercée presque quotidiennement, fait que chacun d’eux a pu acquérir une finesse de tact telle que les inconvénients de la compresse se trouvent singulièrement atténués. Mais dans la pratique, l'opérateur doit s’en rapporter en grande partie à ses aides pour la conduite de l’anesthésie. Malheureusement, ceux-ei ne possèdent pas toujours cette précision et cette sûreté de coup d'œil qui font les grands chirurgiens, et ils ne peuvent suppléer au défaut de pra- tiques, faute de règles théoriques précises. Le chirurgien est comme l'artiste; il a son genre tout personnel, et il n'y a peut-être pas deux chirurgiens qui donnent le chloroforme exacte- (1) Nous insistons beaucoup sur la nécessité de n’employer que du chloroforme de qualité irréprochable, car plus d’une fois nous avons rencontré dans le commerce des produits vendus sous le nom de cAloroforme anesthésique susceptibles par les impuretés qu'ils contenaient de déterminer les plus graves accidents : on sait également que du chloroforme primitivement très-pur peut s’altérer avec une extrème rapidité sous l'influence des radiations lumineuses ; on concoit qu'avec de mauvais chloroforme tout dosage, si parfait qu'il puisse être, devient tout à fait illusoire. 4 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. ment de la même manière, même dans des circonstances identiques; sou- vent les méthodes sont tout à fait divergentes, et l'on trouve toutes les variantes entre la sidération par doses massives et l’anesthésie lente et progressive par le compte-gouttes, avec les méthodes tout à fait opposées de l'administration continue et de l'administration intermittente. . Ï1 ne faut pas oublier non plus que dans la méthode par la compresse, c’est le patient lui-même qui est chargé de faire comprendre à l'anesthé- siste, ce dont il s'acquitte parfois avec trop de lenteur, si la dose est trop forte ou trop faible; c’est en réalité le malade lui-même qui dirige l’anes- thésie. Aussi les accidents sont-ils fréquents chez les animaux, en parti- culier chez les chiens, parce qu'il est des nuances difficiles à saisir. Dans la méthode par les mélanges titrés, il y a des règles ou plutôt une règle unique, précise, et une machine qui ne donne que ce qu'elle doit donner. Satisfait des résultats heureux obtenus dans le domaine de l’expérimen- tation sur les animaux, M. le professeur Paul Bert pensa que l’on pouvait faire profiter la clinique des renseignements scientifiques fournis par la . physiologie. Environ deux cents anesthésies furent pratiquées avec succès, par la méthode des mélanges trés, dans le courant des années 1884-85, à l'hôpital Saint-Louis, sous la savante direction de l’éminent chirurgien en chef, M. le docteur Péan. L'anesthésie a été appliquée d’une manière continue pendant les opé- rations les plus graves et les plus variées, dans des limites d'âge com- prises entre six mois et soixante-seize ans. Pour une centaine de malades, le manuel opératoire à été le même pour tous, quelles qu'aient été d’ailleurs les altérations pathologiques internes ou externes présentées par chacun d'eux en particulier. La durée totale de l’anesthésie continue a varié entre huit et quatre- vingt-deux minutes. L'observation complète de chaque sujet anesthésié par la méthode de M. le professeur Paul Bert, a été relevée par M. le docteur Aubeau, anes- thésiste du service du docteur Péan, et professeur d’anesthésie à l’école dentaire de Paris. Ces observations et les remarques auxquelles elles ont donné lieu sont consignées dans un intéressant mémoire présenté à la Société de Biologie, auquel nous emprunterons seulement les concelu- sions suivantes (1) : « Appréciation de la valeur de la méthode des mélanges titrés. — Des « circonstances particulières nous ont entrainé à pratiquer l’anesthésie « chloroformique presque quotidiennement, depuis dix années, et à étu- « dier de près les phénomènes cliniques de l’anesthésie. Nous ayons pu « expérimenter el apprécier les divers procédés; disons de suite que notre « impression générale est tout en faveur de la méthode de M. Paul Bert, (4) Voir pour les détails: Bulletin de la Soc. de Biologie, 8e série, t. I, p. 399, Paris, 188%, et Memoirés de la Société de Biologie, 1884. 25e are Labs BRAS EtE Er ru ie ra A] DE L'ANESTHÉSIE PAR LES MÉLANGES TITRÉS. D « qui donne à la conduite de l’anesthésie une précision, une régularité, « une sécurité inconnues jusqu alors. Mais, pour appuyer notre opinion sur des données précises, envisa- « geons les inconvénients et les dangers de l’anesthésie chloroformique. » Les inconvénients sont : la répugnance des malades et l'irritation des muqueuses, buccale, nasale, pharyngienne et laryngienne au début des inhalations, d’où : toux, spasme de la glotte, suffocation et hypersécrétion glandulaire. Le danger, c'est la syncope respiratoire. Nous ne prétendons pas nier la possibilité d'une syncope cardiaque au cours de l’anesthésie, mais nous ne l'avons pas observée. Au contraire, tous les accidents qui ont évolué sous nos yeux étaient attribuables à une syncope respiratoire. La syncope respiratoire revêt deux formes : forme convulsive, forme parésique ou adynamique. La forme convulsive apparaît soit tout à fait au début des inhalations, soit pendant la période d’agitation. Au début, elle paraït due à la péné- tration d'une dose massive de vapeurs chloroformiques dans les voies res- piratoires, à un accès de suffocation. Plus tard elle fait suite à une respiration saccadée, pénible, convulsive ; elle est souvent précédée de troubles vasculaires cutanés, sur lesquels nous avons autrefois attiré l'attention. La forme adynamique est le terme d’une dépression nerveuse excessive produite par le chloroforme. Ces données étant établies nous poserons les conclusions suivantes : « 1° La dose de chloroforme 8 p. 100 étant une dose minima pour la majorité des individus, les phénomènes d’irritation locale des muqueuses nasale, buccale, pharyngienne et laryngienne (toux, spasme, suffocation) faisant défaut par l'emploi des mélanges titrés, la syncope convulsive de début ne nous semble plus à cramdre; «2° La période d’excitation étant supprimée ou considérablement atté- nuée, sauf chez les alcooliques, le danger de la syncope convulsive de la période d’excitation parait écarté ; « 3° L'emploi d'une dose minima de chloroforme en l'absence de dépression nerveuse doit rassurer sur la probabilité d'une syncope adynamique. « Toutefois, comme il est impossible de prévoir à l'avance jusqu'où ira la dépression nerveuse chloroformique chez certains sujets déjà débi- lités; comme cette dépression est variable suivant les individus; comme à cette dépression peut s'ajouter celle d’un choc chirurgical excessif, importe de faire des réserves, et de ne jamais s’écarter des obligations de prudence et de surveillance. 6 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. « Nous n’insisterons pas sur les avantages d’ordre secondaire {entretien de l’anesthésie pendant les opérations qui se pratiquent sur la bouche et les fosses nasales (1), économie de chloroforme, etc.). « Nous dirons seulement pour terminer que, si la méthode des mélanges «ne donne pas une sécurilé absolue, elle offre du moins sur les autres pro- « cédés d'immenses avantages.» « Les observations faites sur l’homme confirment de tous points les « expériences faites sur les animaux. « M. le docteur Dubois a fait construire un appareil transportable et « d’un maniement facile. M. Péan se propose de poursuivre l'usage des « mélanges titrés. Pour notre part, nous continuerons à recueillir avec « soin les observations des malades anesthésiés par cette méthode, parce « qu'à notre sens on n’obtiendra des données sérieuses et pratiques sur « l’anesthésie qu'en se placant toujours dans des conditions identiques. « C'est-à-dire en employant des mélanges exactement titrés. » La presque totalité des anesthésies dont les observations servent de base au mémoire.de M. le docteur Aubeau a été obtenue en se servant d’un mélange de 8 grammes de chloroforme pour 100 litres d'air, maintenu au même titre pendant toute la durée de l'opération ;‘les gazomètres de labo- ratoire dont on se servait alors ne permettaient pas de modifier rapide- ment le titre du mélange. La machine à anesthésier a supprimé cet obstacle et l’expérience eli- nique a démontré, ainsi que l'avait prévu d'ailleurs M. le professeur Paul Bert, d’après les analyses faites dans son laboratoire, qu'il y avait grand avantage à commencer l’anesthésie avec un mélange à 10 grammes pour 100 litres que l’on porte à 8 p. 100 quand l’anesthésie est confirmée : très rapidement on peut ensuite administrer un mélange à 6 p. 100 que l’on continue jusqu’à la fin de l'opération. Cette méthode permet d'obtenir une anesthésie plus rapide et de la continuer avec un mélange contenant la quantité minima de chloroforme strictement nécessaire pour l’entretenir, mais certainement trop faible pour l’obtenir d'emblée, si le malade n'avait pas été préalablement saturé avec le 10 p. 100 puis avec le 8 p. 100. On voit que cette méthode imaginée dès le début des expériences avec les gazomètres, diffère notablement de toutes celles qui avaient été pré- conisées antérieurement. Les résultats cliniques permettent d'affirmer la supériorité réelle de cette méthode définitivement adoptée par M. Paul Bert. 4) Voir page 12. 72 2 = $% = à À pt > à = » bem = Les anesthésies par la méthode Paul Bert, pratiquées jusqu’à ce jour dans les hôpitaux ont été conduites par M. le docteur R. Dubois qui s’est ainsi trouvé dans des conditions particulièrement favorables pour es ” tr 9 8 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. rendre compte des perfectionnements susceptibles d’être apportés à la partie mécanique en mettant à profit les conseils et les objections des nombreux membres compétents du corps médical qui ont assisté aux pre- miers essais cliniques. L'excellence de la méthode des mélanges titrés, considérée en elle- même, n’a jamais été contestée par ceux qui ont pu suivre pendant un certain temps son application; mais on exprimait généralement le regret de voir employer des appareils de laboratoire volumineux, lourds, encom- brants, difficiles à manier et à transporter, coûteux, etc., etc. Il fallait nécessairement renoncer à l'emploi des gazomètres et cepen- dant il n'existait aucun appareil pouvant mesurer en même temps et mélanger exactement un poids donné de vapeurs anesthésiques et un volume d’air déterminé. Il était en outre indispensable que le titrage et le réglage fussent rendus automatiques afin de pouvoir supprimer les aides et du mème coup les chances d'erreur. En dehors d’un dosage mathématiquement exact et d'un réglage auto- matique, la machine à anesthésier du docteur R. Dubois répond à tous les desiderata exprimés (1). La mise en mouvement se fait sans effort, au moyen d’une manivelle qui peut être confiée à la personne la moins exercée, si l’aide chargé de surveiller l’anesthésie ne veut pas prendre ce soin lui-même. La machine à anesthésier est peu volumineuse; sa forme et ses dimen- sions qui rappellent celles d’un tambour d'infanterie, en font un appareil transportable, peu encombrant et susceptible de faire profiter des avan- tages de la méthode Paul Bert les malades des hôpitaux, des ambulances, de la ville et de la campagne. La figure placée en tête de cette notice donne une idée suffisante des dispositions générales de la machine dont on pourra se servir immédiate- ment après avoir pris Connaissance de l'instruction suivante. INSTRUCTION La machine doit être, autant que possible, placée près de la table, afin de ne jamais gêner l'opérateur, elle peut cependant être déplacée pendant une opération ; on devra, dans ce cas, ne la prendre que par les poignées disposées à cet effet. (4) La construction et le réglage de la machine à anesthésier ont été confiés à M. Tatin, ingénieur distingué de Paris, dont le concours a été très précieux pour l'exécution du premier modèle, Re DE es OA Et de TT à re So CS SC LS ns re VE De dE EE ES ce a it EN Se DE L'ANESTHÉSIE PAR LES MÉLANGES TITRÉS. 9 Le flacon principal est destiné à recevoir le chloroforme; on peut l’em- plir presque complètement, mais si la séance se prolonge, il sera bon de verser dans le flacon une nouvelle quantité de chloroforme, afin d'être toujours certain que le godet puiseur remontera plein. Le titrage du mélange devant varier suivant les cas, la machine à été munie d’un certain nombre de ces godets; chacun d’eux porte un gros chiffre en relief qui indique le nombre de grammes qui sera mélangé à 100 litres d'air en employant ce godet. Un tube transversal, destiné à recevoir une petite cheville, traverse chaque godet, de sorte que pour les placer, il suffit de les embrocher sur cette cheville, dont l'extrémité libre conique est recue dans un trou de même forme disposé à cet effet à la partie inférieure de la tringle rectan- gulaire du puiseur. On peut, pendant le cours d’une opération, changer ainsi le titrage avec la plus grande facilité; cette petite manœuvre ne demande que quelques secondes d'arrêt, et avec un peu d'habitude, on arrive même à la faire sans interruption. Les godets et la cheville sont livrés en double exemplaire avec chaque machine. L'écoulement du mélange a lieu d'une facon continue par le tube qui se trouve en haut à droite; ce tube est muni d’un coude mobile à la facon d'une girouette, ce qui permet de l’orienter à la demande des circons- tances; c’est sur ce coude que se monte le tube de caoutchouc à l’extré- mité duquel se trouve l'embouchure d’inhalation. Tout étant ainsi disposé, il suffit de tourner la petite manivelle pour obtenir à l'embouchure l’ar- rivée d’un mélange anesthésique titré. La machine étant d’abord vide, celui-ci n'arrive qu'après la première course du piston, ensuite l'écoulement est continu aussi longtemps qu'on le désire. Un tour de la manivelle correspond à un débit d’environ vingt litres; on voit que, dans la plupart des cas, on pourra tourner assez lentement; après que l’on aura fait quelques tours, on sentira une résistance : c’est qu’alors le piston aura terminé sa course; on tournera aussitôt dans le sens opposé afin de faire évacuer alternativement les deux faces du piston et la course dans chaque sens sera ainsi limitée et indiquée par une résis- tance très sensible. Toutes les autres fonctions de la machine, arrivage du chloroforme, dosage, distribution du mélange sur les deux faces du piston, etc., sont entièrement automatiques et reliées invariablement au mouvement de la manivelle. Il est livré avec chaque machine un double du flacon principal et un double du flacon dans lequel s’opère le mélange. Si un débit rapide joint à une température peu élevée faisait craindre qu'il se forme quelques petits glacons dans ce dernier vase, on pourrait remplir d’eau chaude la petite bâche qui l'entoure; mais jusqu’à présent aucun inconvénient ne 10 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. s’est produit en l’emplissant simplement d’eau à la température ambiante. L'embouchure d'inhalation possède deux formes différentes selon que le mélange anesthésique doit être conduit aux orifices externes des voies respiratoires, comme cela a lieu dans les circonstances ordinaires, soit, au contraire, dans les profondeurs de la cavité buccale où naso-pharyn- gienne, comme cela se pratique dans les opérations portant sur les parties externes ou profondes de la face. Dans ce cas-là, en particulier, la machine à anesthésier rend de très grands services, parce qu'elle permet d’injecter le mélange titré dans les profondeurs des premières voies respiratoires et de maintenir une anes- thésie profonde et continue qu'on ne saurait obtenir autrement. L'air chloroformé titré est porté aussi loin que l’on veut au moyen d’un tube de métal spécial qui accompagne chaque appareil, et peut, en même temps jouer le rûle d’abaisse-langue et d'écarteur des mâchoires. Le débit de la machine est assez rapide même avec une vitesse moyenne, pour que, au moment de chaque inspiration et pendant toute sa durée, le malade se trouve en présence d’une quantité de mélange anesthésique respirable plus que suffisante. C'est sur le même principe que repose le masque inhalateur qui fait partie de la machine à anesthésier et ne saurait étre remplacé par aucun appareil plus ou moins analogue. Le masque inhalateur n’a aucune sou- pape, et il est disposé de telle sorte que le malade se trouve toujours en présence d'une atmosphère anesthésique titrée dans laquelle 1l respire aussi librement que dans les conditions ordinaires; un accident surve- nant dans la machine ou le conduit n'aurait d'autre inconvénient pos- sible que de priver le malade du mélange anesthésique; il respirerait alors librement au travers de lorifice par lequel se fait l'expiration quand la machine est en mouvement et qui reste d’ailleurs toujours ouverte. Le masque inhalateur est solide, léger et peut se nettoyer avec la plus grande facilité. MANUEL OPÉRATOIRE 1° On fixe sur la tringle rectangulaire du puiseur le godet n° 10 (le vase principal étant rempli de chloroforme et plongeant dans l'eau de la bâche de métal), et l’on fait exécuter une course complète au piston pour rem- plir les corps de pompe de mélange titré; 2° Le malade étant placé dans la position la plus favorable pour que les mouvements respiratoires abdominaux et thoraciques s'effectuent avec la plus grande facilité (1), on applique le masque inhalateur d’une main, (4) REMaRQuEs. — La mort physiologique par le chloroforme se faisant par arrét de la respiration, on ne saurait trop recommander de veille rattentivement à ce qu'au- DE L'ANESTHÉSIE PAR LES MÉLANGES TITRES. 11 tandis que de l’autre on fait mouvoir la manivelle que l’on peut d’ailleurs confier au premier assistant-venu pour plus de commodité; 3° On continue l'inhalation du mélange à 10 p. 100 jusqu'à anesthésie confirmée (1); cune entrave si légère qu’elle puisse étre, ne soit apportée au libre exercice de l’act respiratoire d’où dépend la vie du malade. Nous recommandons particulièrement de supprimer toutes les parties du vétement susceptibles d'exercer une compression, cravates, ceintures, bandages, etc. Souvent pendant le feu de l'opération le chirurgien où les aides prennent un point d'appui sur le thorax ou l'abdomen, parfois méme on dépose des objets lourds, cuvettes, appareils, etc., sur ces régions sans se douter que l’on agit sur un individu | privé de toute réaction volontaire et méme instinctive : l’anesthésiste doit veiller sans cesse à la stricte observation de ces précautions élémentaires: à cet effet, il doit étre placé de facon à pouvoir observer simultanément les mouvements du thorax et de l'abdomen. C’est l'acte respiratoire qui doit servir de quide à l'anesthésiste, dans la méthode des mélanges titres; celle-ci doit étre régulière, ni trop accélérée, ni trop ralentie: elle peut étre momentanément troublée au moment de l'intervention chirur- gicale ou pendant la période des rêves, dite d’excitation, pendant laquelle on doit éviter toute excitation périphérique, lavage des plaies, pressions, pincements suscep- libles d’étre mal interprétées et de provoquer l'agitation du sujet. La mort par le cœur n'a jamais élé observée chez les animaux pendant le sommeil par les mélanges titres, administrés à des doses variables et dans des conditions fort différentes, en dehors de toute action chirurgicale. Mais, il n'est pas dit que les mélan- ges titres aïent le pouvoir d'empécher un individu anesthésié d’avoir une syncope car- diaque, syncope cardiaque qui peut élre mortelle, comme cela s’est vu chez des opérés qui n'étaient pas anesthésies du tout. Ce qui fait tendre vers cette facon d'expliquer certains cas de mort observés pendant l'anesthésie par la compresse, c'est que l’ap- plication de l'instrument chirurgical modifie le pouls assez notablement pendant une anesthésie même régulière pour que MM. les docteurs Dubois el Aubeau aient pensé à faire une étude spéciale de ce point important. Dans la mort physiologique par le chloroforme la respiration s'arrétant souvent longtemps avant le cœur, celui-ci, qu'il soit consulté directement ou par le pouls, ne peut que donner des renseignements beaucoup trop tardifs; on devra donc Pour OBÉIR AUX RÈGLES DE LA PRUDENCE, DONT L'EMPLOI DE LA MACHINE NE SAURAIT AFFRANCHIR, suspendre l’inhalation et au besoin recou- rir aux moyens ordinaires propres à ranimer la respiration dès que celle-ci aurait subi des perturbations capables d'inspirer des craintes, soit pour une raison, soit pour une autre. Il y a avantage pendant l’inhalation à incliner soit à droite, soit à gauche la face du malade; toute flexion de la téte sur le tronc doit étre évitée. M. le professeur Panas recommande pour les opérations faites sur les yeur, de placer un cylindre de crin sous la nuque afin de renverser légèrement la téte en arrière, (1) REMARQUE. — À ce moment, la pupille se contracte ordinairement (elle reste contractée tant que dure l'anesthésie complète, une dilatation progressive annonce le réveil, si la dilatation s'effectuait brusquement en pleine période d’insensibilité, il y aurait menace d'accident et l’on devrait suspendre immédiatement l'inhalation. Les nausées ne se produisent pas ordinairement avec les mélanges titres; dans deux ou trois cas seulement elles se sont montrées chez des individus dont l'estomac était gorgé d’aliments ou chez lesquels on avait suspendu momentanément l'inhalation. En continuant l’inhalation, on supprime en général rapidement toute menace de vo- missement. 42 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 4° Quand l’anesthésie est profonde, on donne le mélange à 8 p. 100 en substituant au godet portant le n° 10 celui qui porte le n° 8 et cela sans interrompre le jeu de la manivelle : on fait faire deux courses complètes au piston; : 50 Quand l’anesthésie devra être de longue durée, on l’obtiendra en remplacant le godet n° 8 par le godet n° 6 qui ne donne pas la quantité de chloroforme strictement nécessaire pour l'anesthésie, On se trouve ainsi placé dans des conditions extrêmement favorables puisque l’on peut obtenir une anesthésie continue et régulière avec une dose minima si faible qu'elle serait insuffisante pour provoquer d'emblée l’anesthésie complète. APPLICATIONS SPÉCIALES En dehors des avantages généraux que présente la méthode des mélanges titrés, son application peut rendre les plus grands services dans des circonstances où tout autre procédé serait impraticable ou insuffisant. La possibilité d'entretenir une anesthésie continue par l'injection du mélange anesthésique dans les premières voies respiratoires, au moyen d’un tube introduit, soit dans la bouche, et jouant alors le rôle d'écarteur des mâchoires et d’abaisseur de la langue, soit dans une des narines si les mâchoires ne peuvent être écartées, facilite considérablement les opé- rations de grande chirurgie pratiquées sur la face, ou celles qui sont plus spécialement du ressort de l'art dentaire. On trouvera dans les comptes rendus du Congrès d'ophthalmologie (1) l’'énumération des principaux avantages que la chirurgie oculaire peut reti- rer dela méthode du professeur Paul Bert. On sait que l’un des plus graves inconvénients inhérents à l'emploi de la compresse est la difficulté d’empé- cher la production des nausées ou des efforts de vomissement : l'mhalation continue d'un mélange titré est lé meilleur moyen pour se mettre en garde contre cet accident et contre les surprises dangereuses qui peuvent résulter d’un retour à la sensibilité pendant une anesthésie par tâtonne- ment. Mais, s’il est une branche de la médecine dans laquelle la méthode des mélanges titrés soit appelée à combler de regrettables lacunes, c'est à coup sûr celle des accouchements. En Amérique, en Angleterre, l'application des anesthésiques à l’obsté- trique est couramment suivie, et, malgré la grande autorité de Simpson, de Campbell et d'autres grands praticiens qui l'ont érigée en méthode (1) Paris 1883. DE L'ANESTIÉSIE PAR LES MÉLANGES TITRÉS. 13 de NP RAR NOR OA D RER ER AE ee générale, on n’a pas fait encore en France des tentatives suivies pour supprimer les atroces douleurs de l'accouchement. L'inconstance, lirré- gularité des effets obtenus ont été pour beaucoup dans l'abandon où est tombée en France la méthode anglaise. Il est en effet difficile de formuler des règles exactes avec le procédé de la compresse, ainsi que nous l'avons dit plus haut; en outre, pour l’obstétrique, l’anesthésie doit être poussée jusqu'à un point suffisant pour éteindre la douleur sans provoquer le sommeil : ce point atteint, il faut pouvoir s'y maintenir assez longtemps. L'emploi du mélange titré à 6 p. 100 répond à cette double indication (1). (1) Les expériences récentes faites par M. le docteur R. Dubois, en collaboration avec M. le docteur Doléris, à la elinique d'accouchement de Paris, ont montré que l'on peut également retirer de grands avantages de l’analgésie locale produite par l'application de la cocaïne sur les voies génitales pendant le travail de l’accouche- ment. RAT hi y pi fois SAULT, bu taie 208 ere x = Rte e RAR NOTE SUR QUELQUES POINTS DE L'ACTION PHYSIOLOGIQUE DE LA COCAINE Par M. ARLOING. Le 18 décembre 1884, j'ai présenté à la Société des sciences médicales de Lyon des graphiques, montrant les modifications de la circulation et de la respiration chez le chien et le lapin sous l'influence des injections intra- veineuses de chlorhydrate de cocaïne. En même temps, j'ai exposé à la société mon opinion sur la nature des effets généraux des sels de cocaïne. Puisque l’action physiologique de cet alcaloïde occupe la société de biologie, et que la question est exposée devant elle sous ses différentes faces, je demande la permission de résumer, dans cette courte note, les faits que j'ai observés avant et après ma communication à la Société des sciences médicales de Lyon. Il est certain qu'après les premières communications qui ont été faites en France sur les propriétés anesthésiques locales des sels de cocaïne, quelques personnes ont cru que la chirurgie serait bientôt en possession d'un anesthésique général ou tout au moins d’un médicament analgésiant qui enlèverait la sensibilité en laissant subsister l'intelligence et la moti- lité volontaire. Nous accueillimes l'énoncé de ces espérances sous bénéfice d’inven- taire, car il existe de nombreux exemples prouvant qu'une substance employée dans certaines conditions peut diminuer ou abolir localement la sensibilité, sans qu'il soit possible d'établir la moindre analogie entre cette substance et les anesthésiques. De plus, nous avions observé, en 16 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. nous servant de la Sensitive, que l'abolition de l’excitabilité produite par l'application extérieure des anesthésiques vrais ne peut même pas être assimilée aux effets de l’anesthésie générale. La qualification d’anesthésique entraîne dans les effets de la substance à laquelle on l’applique des allures spéciales sur le compte desquelles tout le monde est fixé. Or, ces caractères spéciaux existent-ils dans les effets généraux de la cocaïne ? IT a) Si l'on injecte sous la peau du lapin ou du cobaye une dose toxique de solution de chlorhydrate de cocaïne à 1 ou 2 p. 100, l'animal ne tarde pas à être pris de violentes convulsions; il tombe sur le sol, la tête ren- versée sur le dos, les pattes antérieures étendues le long de la poitrine, agitées, ainsi que les postérieures, de convulsions toniques et cloniques; la mort survient ensuite rapidement. Les symptômes alarmants arrivent avec une grande rapidité sur le cobaye. Sur le lapin, ils apparaissent plus tardivement et l’on peut suivre chez lui la marche de l’empoisonnement. On voit qu'à un certain moment, après quelques promenades dans le laboratoire, l'animal reste immobile comme cramponné au sol; les pattes antérieures sont écartées tranversalement; les pattes postérieures fortement ramenées sous le ventre. Si on oblige le lapin à se déplacer, il le fait avec peine, les membres offrant une certaine raideur. Si on frappe sur son dos pour l'inviter à la marche, il tressaute et sa colonne vertébrale se fléchit brusquement sous l'influence de contractions réflexes généralisées. Si on le soulève par les oreilles, les quatre membres s'étendent vigoureusement, les doigts fortement écartés les uns des autres. Quand on veut le déposer sur le sol, le contact des doigts postérieurs avec celui-ci éveille aussitôt de brusques mouvements réflexes, et il faut s'y prendre à plusieurs reprises pour laisser tomber adroitement le sujet sur ses pattes. Lorsque ie lapin est dans cet état qui frise l'empoisonnement, il suffit d’ébranler le parquet, auprès de lui, de souffler sur ses poils pour pro- voquer des signes non équivoques d’excitabilité réflexe. b) Nous avons injecté aussi dans le tissu cellulaire sous-cutané des doses fortes, mais non toxiques. Au bout de quelques minutes, nous avons vu apparaître les signes d’une vive excitabilité réflexe, puis nous les avons vu disparaitre peu à peu. Or, à aucun instant de la période d’état des effets de la cocaïne, nous n'avons pu constater une véritable diminution de la sensibilité de la peau ou des muqueuses superficielles, tandis qu’il suffisait de verser une goutte de la solution de cocaïne dans un œil de cet animal pour obtenir aussitôt l’anesthésie localisée de la surface de cet organe. | | ACTION PHYSIOLOGIQUE DE LA COCAINE. Air On assistait alors à ce singulier spectacle d’un lapin fortement cocaïné qui avait perdu la sensibilité cornéenne sur un œil, tandis que la sensibi- lité subsistait encore dans le reste du corps, ou bien d’un animal dont les deux yeux étaient arrosés intérieurement par une solution de chlor- hydrate de cocaïne et dont un seul, celui qui avait été extérieurement en contact avec ce sel était privé de sensibilité. Nous avons expérimenté sur le chien, en nous placant dans des conditions autant que possible semblables à celles que M. Grasset avait indiquées (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1% décembre 1885) : injection sous-cutanée de 1 centigramme de chlorhydrate de cocaïne par 6 à 8 kilogrammes de poids vif. Jamais nous n'avons observé la moindre diminution de sensibilité. c) Nous avons enregistré les modifications de la pression artérielle et de la respiration aux diverses phases de l’empoisonnement du chien. Un chien du poids de 12 kilogrammes a recu 0 gr., 17 de chlorhydrate de cocaïne dans la veine jugulaire, par doses fractionnées mais graduel- lement croissantes, en l'espace de 40 minutes. Immédiatement après chaque injection, nous avons observé une dimi- nution de la pression moyenne qui s’aceusait de plus en plus au fur et à mesure que la dose devenait plus forte et l'intoxication plus profonde. Toutefois, cette diminution était de courte durée: elle était suivie d’une augmentation toujours croissante de la pression et de l'accélération du nombre des pulsations. | Cependant à partir du moment où l'animal eut recu 0 gr., 17 de chlorhydrate de cocaïne jusqu’à l'instant de la mort, la pression artérielle s'est abaissée de plus en plus au-dessous de la pression initiale; mais la courbe d'ensemble qu'elle a fournie, à cette période, présentait de grandes oscillations. Les maxima, souvent supérieurs à la normale, répondaient aux accès convulsifs au milieu desquels le sujet est mort. Enfin, un instant avant l'arrêt du cœur, la tension diastolique était à peu près nulle. Les systoles de cet organe perdirent graduellement de leur énergie, puis s’éteignirent tout à fait. Une expérience analogue a été faite sur le lapin; seulement on l’a sus- pendue quand l'animal eut recu 5 centigrammes et demi de sel de cocaïne, A chaque injection de 1/2, 1 ou 2 centigrammes de substance, la tension baissait brusquement, el les pulsations présentaient un ralentis- sement et une augmention de force qui rappelaient les caractères qu'elles offrent pendant la faible excitation du bout périphérique du pneumo- gastrique. Mais la pression moyenne ne tardait pas à se relever et à dépasser la pression initiale. Quand l'animal eut recu 5 centigrammes et demi de chlorhydrate de cocaïne, la tension artérielle était encore très élevée, mais les battements du cœur étaient à peine sensibles sur le tracé. On crut à tort à l'oblité- ration du sphygmoscope; on l’enleva, et on cessa l'expérience. Brozocrs. Mévomes. — 8e Série, T. I. © 18 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Le lapin montre done mieux que le chien la chute de pression signalée par M. Vulpian (Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 24 no- vembre 1884) et que M. Laborde n’a pas rencontrée dans ses expériences. d) Les tracés de la respiration accusaient une accélération de rythme avec conservation de la forme des courbes respiratoires; seulement l'amplitude de celles-ci diminuait pendant que leur nombre augmentait. Lorsque le chien fut sous le coup de 9 centigrammes de chlorhydrate de cocaïne, nous observâmes, comme M. Vulpian et M. Laborde, une telle agitation que le tracé de la respiration devint presque indéchif- frable. Cependant, vers la fin de l'expérience, quand l’animal présenta de courtes périodes de calme, on put s'assurer que la respiration avait continué à se modifier de la manière susindiquée; de plus, on remarquait que la poitrine tendait à s’immobiliser à la fin de l'expiration. La respi- ration s'arrêta 20 à 25 secondes avant le cœur. e) Pendant que ces troubles respiratoires et circulatoires se déroulaient, nous assistions à d’autres phénomènes d’une grande importance dans la question que nous avons soulevée. Au moment où l'agitation des membres, de la tête et des mâchoires apparut, on vit la salive s'échapper abon- damment de la bouche et mousser par son mélange avec l’air, et un mucus spumeux s’écouler des narines, la pupille se dilater brusquement de facon à se confondre avec la circonférence de la cornée ; le fond de l'œil était alors vivement éclairé; bientôt de violents efforts brusquement entrecoupés succédèrent à l'agitation simple; enfin des accès convulsifs analogues à ceux de l’empoisonnement strychnique, accès que l’on pouvait provoquer par le pincement de la peau ou un ébranlement de la table à expérience, se montrèrent environ toutes les dix secondes, puis devinrent plus courts et plus rapprochés dans les derniers instants de la vie. Tel est le tableau de l’'empoisonnement sur le chien ou le lapin à la la suite de l'introduction du chlorhydrate de cocaïne dans les vaisseaux veineux. III En résumé, tant que l'agitation convulsive ne se montre pas, la sensi- bilité de la cornée ou de la peau n’est pas diminuée. Au contraire, après l'injection de 3, 4, 5 centigrammes, l'excitabilité de ces membranes nous a paru notablement accru. Par leurs allures, les effets généraux d'une forte dose de cocaïne res- ressemblent à ceux d’une dose faible de sels de strychnine. Nous avons : déposé une goutte d’une dissolution de sulfate de strychnine au cen- tième sur l'œil d'un lapin; au bout de cinq minutes, nous avons obtenu un résultat qui simulait à s'y méprendre celui qu'aurait donné l’injec- tion intra-veineuse ou sous-cutanée d’une dose moyenne de chlorhydrate | ACTION PHYSIOLOGIQUE DE LA COCAINE. 19 de cocaïne. Il est donc inutile d’insister pour démontrer que l’assimilation de ce médicament avec les anesthésiques généraux n’est nullement fondée. Quant à l’action analgésiante générale sur laquelle insiste M. Laborde, nous l'avons constatée; mais dans des conditions qui doivent écarter le désir de la mettre à profit. D’après nos expériences, on n'obtient l’analgésie qu'avec l'emploi de doses qui compromettent l'existence des animaux. A ce sujet, nous tenons à signaler un point sur lequel on n’a encore rien dit. Outre l’empoisonnement aigu que l’on obtient par une forte injection sous-cutanée ou intra-veineuse, le chlorhydrate de cocaïne peut causer un empoisonnement lent, auquel les animaux succombent au bout de 4, à ou 6 jours. Ces animaux, lapins ou cobayes, passent ce laps de temps dans un état de collapsus et d’ébêtement très accusé. Dans ces conditions, l’analgésie est manifeste; mais elle ne dénonce pas une propriété parti- culière à la cocaïne, attendu qu'on la rencontre plus où moins dans un grand nombre d’intoxications graves. Au surplus, il faut se mettre en garde contre l'erreur, toutes les fois qu'on veut se rendre un compte exact des modifications de la sensibilité chez les animaux. Certaines espèces ou certaines races répondent mal aux excitations. Le fait est bien connu. Un bon choïx est donc indispen- sable. À supposer que celui-ci soit irréprochable, il faut étudier avec soin la sensibilité avant et après l'administration du médicament, et procéder autant que possible par surprise. Si l'animal voit l'explorateur, il appréciera Jusqu'à un certain point les faibles dangers qu'il court et accueillera avec assez d’insouciance les excitations qu'on lui fait supporter. D’autres fois, il sera immobilisé par une crainte excessive. On échappera à ces inconvénients, en explorant des régions dont l'excitation provoque des réflexes ; telle est lentrée des cavités nasales. Pour montrer jusqu’à quel point on est exposé à se tromper dans ce genre d'étude, nous ajouterons que l'excitation de la cornée transpa- rente n’entraine pas toujous le elignement caractéristique. Si l’on touche simplement le centre de la cornée du lapin et même du chien, avec un corps mousse, de manière à éviter les paupières et les cils, une première excitation provoquera le clignement, mais les excitations subséquentes ne provoqueront aucune excitation. Si l’on veut mettre en évidence la sensibilité réflexe de la face antérieure de l’œil, il faut exercer un léger frottement sur la conjonctive cornéenne ou bien exciter au pour- tour de la caroncule lacrymale. Le contact des cils ou des paupières en- traîne plus sûrement les réflexes palpébraux que l'excitation légère de la conjonctive cornéenne. Peut-être faut-il voir dans ces difficultés d'observation la cause des divergences que l’on relève déjà entre les expérimentateurs ? 20 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. IV De l'exposé qui précède, il ressort que le chlorhydrate de cocaïne ne produit et ne saurait produire que l’anesthésie locale. Il n’est pas douteux que l’une des causes principales de cette anesthésie réside dans le contact de la substance avec les éléments terminaux des nerfs. Par son contact direct, le chlorhydrate de cocaïne altère profon- dément l'activité des éléments anatomiques; témoin la perte de l’excita- bilité des nerfs et des muscles de la jambe de la grenouille, lorsqu'on a poussé au sein de cette région quelques gouttes de solution. La cocaïne entraine le resserrement des vaisseaux capillaires; mais, d’après nos observations, l’insensibilité de la cornée ne saurait être attribuée à l’anémie de la région, car l’anesthésie peut être produite après comme avant la section du sympathique cervical. Si l’on fait attention que jusqu'à présent les effets anesthésiques des sels de cocaïne ont été bien constatés sur des muqueuses à épithelium délicat, et surtout sur l’une d’elles où les terminaisons nerveuses sont intra-épithéliales (la conjonctive cornéale), on comprend que leur cause réside en entier dans le contact qui, d’ailleurs, n'est point contrarié par l'irrigation sanguine. Dès lors, on concoit que les éléments des nerfs d'un certain volume, protégés par le tissu conjonctif périphérique et les gaînes lamelleuses, résistent longuement à cette action de contact, au point de sembler lui échapper. Mais on devine qu’en insistant sur l’emploi d'injections inters- tüitielles on parvienne à détruire l’excitabilité des nerfs peu volumineux, comme on l’a vu dans quelques cas d’énucléation de l'œil. La pratique chirurgicale a démontré que la partie profonde de l'œil était atteinte quelquefois par les propriétés anesthésiques de la cocaïne. C'est qu’en effet la solution déposée dans les culs-de-sac palpébraux est entrainée dans la profondeur du globe oculaire par la circulation. L’intussusception serait démontrée, si l'immersion de la cornée était suivie de phénomènes généraux, comme on le voit ent l'instillation de l’atropine, des sels de strychnine, etc. Dans l'espoir d'obtenir ces phénomènes, j'ai fait pripa er une solution très concentrée de chlorhydrate de cocaïne (1 gr. 80 pour 2 grammesd’eau) et j'en ai versé une forte goutte dans l'œil du lapin et du cobaye. À ce degré de concentration, les sels de cocaïne sont irritants. Les signes de cette irritation sont les seuls phénomènes nouveaux que nous ayons cons- tatés sur le lapin ; tandis que sur le cobaye, nous avons observé de plus les symptômes d’un véritable empoisonnement. Une heure après l’arrosage de la conjonctive, le cobaye a été trouvé couché sur le sol, ayant une respiration lente et pénible. Au bout de quelques instants, l'animal se redressa pour retomber de nouveau Re ACTION PIIYSIOLOGIQUE DE LA COCAINE 21 quelques minutes plus tard, en présentant des convulsions et de l’opis- thotonos. Nous pouvions provoquer ces crises en couchant l'animal sur le dos, entre nos mains. Il suffisait donc de géner la respiration pour les pro- duire, et amener une apnée menacante. Le cobaye est mort à la suite de l’un de ces essais, environ 20 minutes après le début des accidents. Conséquemment, une solution de cocaïne déposée à la surface de Teil pénètre peu à peu à travers l’épithélium, imprègne les terminaisons ner- veuses qui s’y trouvent et, avec d'autant plus d'efficacité, que l'imprégna- tion n'est pas entravée par l'irrigation sanguine; elle passe ensuite plus où moins à travers la cornée, se répand dans les espaces lymphatiques, l'humeur aqueuse, baigne l'iris et enfin s'introduit en assez grande quantité dans le système circulatoire pour causer la mort du cobaye. Il nous semble que la preuve de cette migration étant fournie, il ne reste plus, pour connaître l’action anesthésiante locale des sels de cocaïne, qu'à saisir les modifications temporaires que subissent les éléments nerveux au contact de leurs solutions. v CI. Bernard à dit, depuis longtemps, que l’éther et le chloroforme produisent une semi-coagulation temporaire des éléments anatomiques qu'ils baignent. Il à fait cette constatation sur des fibres musculaires, des fibres nerveuses et sur le corps entier de l’anguillule du blé niellé. Il a supposé que ces agents produisaient une modification analogue du protoplasma des cellules de l’axe nerveux encéphalo-rachidien, et Binz affirme l'avoir parfaitement observée. Dernièrement, M. Dubois communiquait à la Société de biologie des observations intéressantes d’où il résulte que le chloroforme exerce une action déshydratante manifeste sur les cellules de certains végétaux. De sorte que l'idée d’un changement temporaire dans l’état physique du protoplasma des cellules nerveuses, pour expliquer les effets généraux des anesthésiques prend chaque jour plus de consistance. Dès lors, il était naturel de chercher si les solutions de chlorhydrate . de cocaïne ne sont pas capables de produire dans les éléments qui sont mis à leur contact des modifications de même ordre. Si l’on plonge pendant quelques heures des fibres nerveuses et des fibres musculaires dans une solution faible de chlorhydrate de cocaïne, la dissociation ultérieure sous le microscope ne permet pas de saisir un changement très notable dans leur structure. Mais, si l’on emploie des solutions plus concentrées que celles qui servent aux usages cliniques, 19 D MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. le protoplasma subit une modification importante qui n'est que l’exagé- ration de celle que produisent les solutions faibles. Nous avons immergé comparativement une portion du nerf sciatique de la grenouille dans une solution forte de selde cocaïne et dans l’eau distillée. Le fragment immergé dans l’eau prit une teinte de plus en plus blanche et une opacité de plus en plus grande; celui qui fut plongé dans le chlo- rhydrate de cocaïne devint brun jaunâtre. En dissociant les nerfs dans les liquides qui les avaient baignés et en portant sous le microscope, on constata une grande différence dans l'aspect du contenu des fibres de ces deux préparations. Sur les fibres qui avaient baigné dans l’eau, le contenu était coagulé au voisinage de la gaine de Schwaun; le centre était clair et transparent; tandis que sur les fibres qui avaient trempé dans la solution de cocaïne, la coagulation avait envahi à peu près tout le contenu, si bien qu'à un grossissement moyen, les fibres paraïissaient remplies de granulations. Nous avons traité quelques gouttes de sang de la même manière. Il est presque inutile de dire que les hématies de grenouille qui avaient séjourné dans l’eau étaient absolument incolores et que plusieurs étaient réduites au noyau. Tandis que celles qui avaient séjourné dans le chlorhydrate de cocaïne étaient ratatinées, granuleuses, à contours irré- guliers, et d’une teinte rouge verdâtre prononcée. On est donc autorisé à admettre que les sels de cocaïne altèrent tem- porairement les propriétés physiques du protoplasma des éléments nerveux terminaux et fibrillaires et que cette altération est la cause des effets physiologiques si remarquables de ces substances, Lg 6 ’ 1 l j | NOTE SUR DEUX NOUVEAUX CAS \ DE PSEUDO-HERMAPHRODISME par le D' S. POZZI Agcréoé, Chirurgien de l'hôpital Lourcine Depuis que j'ai eu l'honneur de présenter à la Société de Biologie un cas de pseudo-hermaphrodisme mâle (26 janvier et 16 février 1884), je n'ai cessé d'étudier les diverses questions que soulève l'examen de ces vices de conformation chez l’homme. Je compte vous communiquer le résultat de mes recherches dès qu'elles me paraïtront assez avancées. En atten- dant, je ne crois pas devoir tarder davantage à vous donner la relation de deux nouveaux faits qui ont été soumis à mon observation. Le premier seul est tout à fait inédit. Je dois à mon excellent collègue et ami M. le D' Motet d’avoir pu le recueillir. Il a bien voulu, avec une obligeance dont je ne saurais trop le remercier, m'appeler au mois de février de l’an dernier, à la prison des jeunes détenus, où Gan.… était alors enfermé. J’ai pu ensuite le revoir chez ses parents et Le faire dessi- ner avec soin. . La seconde observation à déjà été publiée par mon cher collègue le D' Gérin-Roze dans les Bulletins de la Société médicale des Hôpitaux à laquelle il a montré le sujet le 28 novembre dernier. Les Archives de Tocologie ont reproduit sa description et les réflexions judicieuses qui l’accompagnent. Toutefois mon collègue ayant bien voulu, avec une cour- toisie parfaite, me permettre d'étudier longuement le sujet, je joindrai à sa description quelques détails anatomiques complémentaires qui lui ont d'abord échappé et qui m'ont particulièrement frappé, à cause sans doute de la direction spéciale de mes recherches. Voici tout d’abord la première observation : MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 19 — PREMIÈRE OBSERVATION PSEUDO-HERMAPHRODISME CHEZ UN JEUNE HOMME PRÉSENTANT UN ARRÊT DE DÉVELOPPEMENT DES ORGANES GÉNITAUX. Développement féminin des mamelles. Vestiges de petites lèvres débordant le raphé serotal. Atrophie générale des orqanes génitaux externes. Jan. âgée de dix-huit ans. Taille 1%,55; pas de barbe, aspect plutôt fémi- nin du visage. La voix est celle d’un enfant ou d’une femme, Les seins sont très développés, offrant le volume qu'ils ont chez une femme adulte ayant -une forte poitrine. Le mamelon, l’aréole, les tubereules de Mont- gomery, ont l’aspeet féminin. Les fesses sont proéminentes, grasses. Distance entre les deux épines iliaques antéro-supérieures = 27 centimètres. Organes génitaux eæternes. On est tout d'abord frappé de leur peu de déve- loppement. La verge a 4 centimètres et la grosseur de celle d'un enfant à peine pubère. Il y à peu de poils et leur disposition est caractéristique : 1° on observe un bouquet au-dessus de la verge, sans prolongement supérieur le long de la ligne blanche ; 1° une trainée de poils longs et rares le long du pli génito- crural; elle devient beaucoup plus abondante au niveau du périnée au delà du scrotum et forme par sa convergence avec sa voisine un autre petit bouquet de poils. Cette traînée marginale le long du bord externe du scrotum rappelle absolument la disposition du système pileux le long des grandes lèvres chez la femme. Gland et méat normaux. Prépuce bien conformé. Au niveau du frein du prépuce on voit naître une espèce de crête ou de fraise charnue qui descend tout le long de la face inférieure de la verge et vient mourir au 1/3 supérieur du raphé scrotal qui dans le reste de son étendue demeure plus saillant (comme une chéloïde) et plus pigmenté, La crête a l'aspect plissé et pigmenté particulier au bord libre des petites lèvres de la femme dont elle fait naître invinciblement l'idée, En examinant avec soin cette crête on voit qu'elle offre les détails suivants : Un peu au-dessous de la racine de la verge au niveau du scrotum, elle est manifestement formée de deux moitiés accolées, mais séparées par une rai- nure. À la racine de la verge, ces deux moitiés bifurquent et se portent à droite et à gauche comme les deux branches d’un Y. Celle de droite se perd bientôt sur les côtés du fourreau de la verge sans atteindre la face supérieure. Celle de gauche après avoir formé une sorte de peloton de plis, va se continuer avec le frein du prépuce, qui est manifestement formé d'une seule colonnette charnue au lieu de présenter l'aspect bifide qu'il a normalement. On dirait que la se- conde colonnette de ce frein s'est égarée à droite avec la branche droite de la crête qui la représentait sans doute. PP A a! se SE CU ER D RS NOTE SUR DEUX NOUVEAUX CAS DE PSEUDO-HERMAPHRODISME. 29 Scrotum. Tout à fait dépourvu de poil sauf au point où il se confond avec la peau de l'abdomen et des cuisses où est la trainée pileuse décrite plus haut. Testicules. Le droit, descendu dans les bourses, offre un volume à peu près normal : il est d’urre consistance molle. Le gauche plus petit, ne dépassant guère le volume d’un gros haricot est maintenu près de l'anneau inguinal où il rentre très facilement. La moitié gauche du scrotum n’est nuHement saillante, par suite, Les cuisses, grasses, tout à fait glabres, ont plutôt l'aspect féminin, Elles son légèrement arquées en dedans. Il y à des érections, mais peu fréquentes. Jamais il n’y à eu d’éjaculation, bien que la masturbation soit probable, Il y a des goûts prononcés pour le sexe féminin. C’est à l’âge de douze ans que les poils ont commencé à paraitre, et que les testicules ont grossi. La verge n'a pas subi d’accroissement depuis lors. Enfin, je ne crois pas devoir omettre les renseignements suivants que M. le D" Motet a bien voulu recueillir sur sa famille et me transmettre. On verra d'après eux qu'un frère au moins du sujet et peut-être deux étaient mal con- formés : Père bien constitué, mort d'une affection pulmonaire. Mère vivante, de petite taille, peu intelligente sans aucune malformation, a eu neuf enfants. 1° Fille vivante, bien conformée, mariée, quatre enfants; 20 Enfant qui a été déclaré fille et ne l'était peut-être pas, mort à 19 mois. La mère croit se souvenir qu'il avait les organes génitaux mal conformés; 3° Fille (normale) morte; 4° Fille (normale) morte; ÿ° Fille (normale) morte; 6° Fille de vingt-neuf ans, choréique, faible d'intelligence, travaille dans la (®) ) ? [e) , confection commune; vit en concubinage, vient d'accoucher d'une fille. La mère ne se rappelle pas si elle est très bien conformée ; 7° Garcon de vingt-six ans, marié (normal); 8° Enfant déclaré fille à la naissance; examiné depuis par des médecins, à été reconnu garcon (à dix-sept ans), il a vingt-quatre ans aujourd'hui. Pénis peu volumineux, figure masculine, goûts masculins, reste habituellement habillé en femme; a quitté sa mère; vit avec une femme ; a des seins très développés; 9° Mâle, dix-huit ans, est le sujet de l'observation actuelle. Voici les renser- gnements fournis par sa mère sur son caractère. « Je me demande bien sou- vent s'il n'a pas la tête dérangée. Chez nous il fait la bête : il ne reste nulle part, vagabond depuis quinze mois. » Il a dù être enfermé dans la maison des jeunes détenus, comme correction. Caractère sournois, menteur. La mère croit qu'il se touche. Les époux n'étaient pas consanguins: pas de cas d'aliénation mentale chez les ascendants. La femme J... est du reste si peu intelligente que M. Motet doute de l'exactitude de ce dernier renseignement. 26 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. oo DEUXIÈME OBSERYATION PSEUDO-HERMAPHRODISME CHEZ UN JEUNE HOMME ADULTE ATTEINT D'HYPOSPADIAS PÉRINÉAL. Développement féminin des mamelles. Grandes lèvres, petites lèvres, hymen, vagin. Aspect clitoridien de la verge atrophiée. Testicules dans les grandes lèvres. Julie D...est âgée de vingt-quatre ans. Cet individu est entré dans le service du D' Gérin-Roze, à Lariboisière, au mois d'octobre dernier pour une fièvre typhoïde. C'est au cours de cette maladie qu'ayant eu à le sonder pour une rétention d'urine, on s'est aperçu de la malformation qu'il présente : Fig. 1. — ORGANES GÉNITAUX EXTERNES DE JULIE D... (la verge étant abaissée), g. gland. — g. l. grandes lèvres contenant les testicules. — 2». uw. méat urinaire. p. L petites lèvres. — 0. v. ouverture vulvaire. — y. hymen. — f. fourchette. 19 1 NOTE SUR DEUX NOUVEAUX CAS DE PSEUDO-HERMAPHRODISME. Je résumerai la relation de mon distingué collègue en y joignant de nom- breux détails anatomiques, sur lesquels il n'avait pas à insister devant la Société médicale des Hôpitaux. Stature moyenne, face glabre, système pileux peu développé sur le reste du corps, notamment au-dessus du pubis où les poils sont peu abondants. Aspect genéral plutôt masculin que féminin, malgré les habits de femme dont il est revêtu; les os sont volumineux, les mains et les pieds très grands. La voix est celle d’un adolescent, sans caractère sexuel bien tranché. Mamelles très développées, d'aspect tout à fait féminin, Le bassin est ample, mais sans caractère sexuel. Fig. 2. — ORGANES GÉNITAUX EXTERNES DE JULIE D... (la verge est soulevée par une pince pour découvrir le vestibule et les petites lèvres sont écartées). g. gland. — q. l. grandes lèvres contenant les testicules. — m. u. méat urinaire. p. l. petites lèvres. — 0. v. ouverture vulvaire. — hy. hymen. — f. fourchette. _ Le pénis est un peu moins gros que le médius et mesure 3 centimètres et demi. Vu d'en haut, il ne présente aucune difformité; le prépuce recouvre à moilié le gland qui est pourvu d’une couronne (fig. 1). Le pénis est du reste maintenu inférieurement par la bride habituelle de l’hypospadias qui s'étend du gland au méat urinaire situé à environ 1 centimètre au-dessous de la racine du pénis, et à 2 centimètres et demi au-dessous du gland modérément relevé. Dans l'érection le pénis double de volume mais reste courbé : les corps caverneux et le gland sont alors raides et turgescents, ainsi que M. Gérin-Roze a pu s’en assurer de visu. 28 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Si l'on soulève la verge, on voit qu'elle offre inférieurement un aspect tout à fait clitoridien. Le gland est imperforé et creusé au bas d’une gouttière qui se continue au milieu avec la bride et latéralement avec la bifurcation interne des petites lèvres. Le prépuce est ouvert comme le capuchon du clitoris de la femme et semble se continuer avec la bifurcation externe des petites lèvres. Celles-ci sont très bien développées, plissées et recouvertes d’une muqueuse très fine. L'espace qu'elles circonscrivent est occupé en bas par l’orifice vul- vaire, en haut par le vestibule : étudions-les successivement (fig. 2). Vulve. Elle présente un hymen complet, en forme de collerette qui déborde un peu à la fourchette le niveau des petites lèvres, suivant une disposition très fréquente à la naissance (hymen en gargouille). Si l'on exerce une traction de haut en bas sur les parties, on voit que l'hymen se continue sur les côtés de l'orifice uréthral avec la bride du vestibule. Immédiatement au-dessous du méat il présente quelques replis foliacés (1). Le vagin admet facilement l'index qui s'y meut à l'aise, mais sa largeur est loin d'être comparable à celle d’un vagin de femme, Au fond, on trouve un eul-de-sac. La profondeur de cet organe est d'environ 7 centimètres. Il est lubréfié par du mucus; l'aspect du tissu qui le tapisse est nacré, bleuâtre, lisse et mince, et rappelle tout à fait le tissu que l'on observe au niveau de certains spinas-bifidas avec arrêt de développement du derme. Vestibule. Il est très étroit, comme resserré entre la saillie que forme de chaque côté la bifurcation interne des petites lèvres. L'orifice de l'urèthre en occupe la partie inférieure et ne diffère en rien de celui d'une femme. Au-dessus, le relief de la bride est d'abord assez peu marqué; mais au voisinage du gland il se dessine avec plus de netteté sous forme d’une mince bandelette creusée en son milieu d’une rainure et étroitement encadrée par la bifurcation interne des petites lèvres, dont le sépare seulement à ce niveau un sillon que la tension rend très manifeste (fig. 2). Le cathétérisme de l'urèthre combiné avec le toucher rectal permet, ainsi que le palper abdominal, d'affirmer qu'il n'y a pas apparence d’utérus. Il n’y a jamais eu rien qui ressemblât à des règles ou simplement à une fluxion des ovaires. Ces organes manquent très certainement. Les grandes lèvres contiennent chacune un testicule : à droite, il descend assez bas et est assez bien développé, et on y reconnait facilement l’épididyme; à gauche il est au moins aussi volumineux, mais reste au niveau de l'anneau inguinal externe, et peut être refouléen partie dans le canal. Il a été impossible de savoir nettement s'il y a éjaculation; si celle-ci se pro- duit, il est probable qu'elle a lieu dans l’intérieur du vagin, et elle peut passer inaperçue. Le sujet est peu intelligent, très défiant, évidemment menteur. Tantôt il prétend qu'il ya eu tentative de coït avec un homme, tantôt il le nie. Il n'est pas possible d'affirmer la nature de ses penchants. On sait du reste que cela n'a aucune importance pour la détermination du (1) M. le Dr. Gérin-Roze dans son premier examen et dans les descriptions qui s’y rapporte avait méconnu la présence de l’hymen; après un examen plus attentif avec moi il y a loyalement reconnu son erreur ou plutôt son omission, Il m'a autorisé à l’affirmer devant vous. NOTE SUR DEUX NOUVEAUX CAS DE PSEUDO-IHERMAPHRODISME. 29 sexe dans les cas douteux. Celui-ci n’est, ilest vrai, pas de ce nombre. Julie D. est bien évidemment un homme, mais un homme hypospade. Cette malformation contient au moins les neuf dixièmes des prétendus hermaphrodites signalés par les auteurs. J'ai tenu à vous présenter une étude anatomique un peu détaillée de ce fait nouveau. Elle m'a permis de vous signaler une particularité très importante, méconnue jusqu'au jour où je l'ai pour la première fois signalée, et qu'on retrouvera, j'en suis certain, dans presque tous les faits de cet ordre, si on la recherche. Je veux parler de la présence d'un hymen, bor- dant l'orifice vulvaire, et se continuant en haut avec la bride du vestibule. Je vois dans cet hymen le vestige du bulbe de l'urèthre non développé, comme dans la bride le vestige du corps spongieux resté à l'état fœtal (le gland seul ayant ici subi la transformation érectile qui ne survient qu'assez tardivement chez l'embryon). Pareilles connexions se retrouvent du reste exactement chez la femme comme je l'ai démontré pour la première fois devant vous, il y a un an,en décrivant la bride masculine du vestibule (1). L'homologie ainsi com- plétée entre une anomalie de l'homme et l'étal normal de la femme est tra- duite d’une manière frappante par cette formule : la femme (au point de vue des organes génitaux externes) est un hypospade normal. Quoi d'étonnant dès lors, si l’homme atteint de cette difformité ressemble à s'y méprendre à la femme? Cette erreur est facile surtout à la naissance quand les testicules ne sont pas encore descendus dans les prétendues grandes lèvres. Aussi la plu- part des enfants mâles atteints d'hypospadias périnéal sont-ils inscrits comme filles sur les registres de l'état civil. Jattire en terminant l'attention sur le développement des mamelles en type féminin, corollaire fréquent, sinon constant, des arrêts de développement des organes de la génération. Il y a là un fait de sympathie organique absolument inexpliqué, mais intéressant à rapprocher de ce que la physiologie nous a enseigné déjà sur la solidarité de ces organes. La première de mes deux observations montre que ce consensus peut se manifester même lorsque la difformité génitale n'arrive pas à reproduire l'as- pect de la vulve, l'hypertrophie mammaire devient alors le trait dominant du pseudo-hermaphrodisme *: (1) Comptes rendus hebdomadaires de lu Société de Biologie du 26 janvier et Mémoires du 16 février 1884. Voir aussi la Gazette médicale de Paris du 23 ré- VRIER 1884 où cette dernière communication (la plus importante a été inté- sralement reproduite. Je dois insister sur ces dates puisque, à mon grand étonnement, j'ai vu dans le Centralblatt für gynækologie du 10 janvier 1885 l'analyse d’un travail de O. Küstner, d'Iéna (Das Analogon des Corpus Cavernosum urethræ beim Weibe) lu le 23 mar 84% à la Société de Médecine et d'Histoire naturelle d'Iéna, où ma découverte de la bride masculine est reproduite sans que mon nom soit seu- lement cité! de Dior ns ab A Me one étre ! Li A AE D ENS PAL ht 7 be ft ELITE sé sharp a EH ON Hilo} # ES DRE TENTE PRO CE TANT à Je fe CARE Neuf son aa at jou pa ia Na a is lururige re 2 Na Lu sus po AIT EE “ Léur UANNE A fo Sont R fai ; SM. Ro sou M EE M: alu. uft8à Ha DOTE ad Mob D tan0) Autun Php As 329 Ca el 4 CRAN 4 le diragesr % Sortie ao 4. 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GALIPPE (1) Nous avons établi précédemment qu'il y avait une différence notable entre les dents du côté droit et celles appartenant au côté gauche d’un même maxillaire et que la somme des coefficients de résistance, de toutes les dents du côté droil, appartenant au maxillaire supérieur et à l’infé- rieur, l'emportait sur la somme des coefficients envisagés du côté gauche au maxillaire supérieur et à l’inférieur. On pouvait en conclure a priori, que les dents devaient se carier plus fréquemment du côté gauche que du côté droit. C'est ce que nous nous sommes proposé de vérifier. La statistique de M. Magitot nous en donne le moyen. Il ressort des Goes dannés par notre collègue, qu'il y a plus de dents cariées à gauche qu'à droite. En effet, sur dix mille caries relevées, nous voyons qu'il y en a 5209 à gauche et 4791 à droite, soit une différence de 418 en faveur du côté gauche, équivalant à 4.18 0/0. Cette différence n’est certainement pas très considérable, mais elle existe, et si on pouvait éliminer de la statistique de M. Magitot, les cas si fréquents dans lesquels la carie a une tendance à se généraliser, on arri- verait à une différence plus considérable. C'est ce qui résulte de nos propres observations cliniques confirmées du reste par nos déterminations que nous mettons en regard des chiffres donnés par M. Magitot, pour chaque espèce de dents. Si on classe par espèces les dix mille dents cariées examinées par M. Magitot en prenant pour base le nombre de caries qu'elles ont four- nies, on voit qu'elles se Due tent de la facon suivante : (1) Voir les numéros 3, 5, 6 et 7 des Comptes rendus de la Société de Biologie. 2 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 1" molaire, 3350; supérieure, 1540. inférieure, 1810. 2° — 4736; supérieure, 690. inférieure, 1046. 1e bicuspide, 1310; supérieure, 940. inférieure, 9310. 2e — 1310; supérieure, 810. inférieure, 500. Incisive latérale, 777; supérieure, rte inférieure, 30. — centrale, 642; supérieure, 1612: inférieure, 30. Canine, 515; supérieure, A5. inférieure, 70. 3° molaire, 560; supérieure, 2920. inférieure, 140. Première grosse molaire. I nous est très difficile de comparer nos résultats à ceux de M. Magitot, en ce qui concerne les premières grosses molaires, parce qu’en raison de la loi constatée par notre collègue, elles avaient souvent disparu par suite de la carie, Lorsque dans les bouches exceptionnelles que nous examinions elles figuraient, leur densité était tantôt supérieure, tantôt inférieure à la densité moyenne de l'appareil dentaire et presque tou- jours c'était à la mâchoire inférieure qu'elles manquaient. Toutefois, d’après nos relevés, nous pouvons constater que la moyenne des densités des grosses molaires inférieures est au-dessous de la moyenne des densités des premières grosses molaires supérieures. l'es grosses molaires supérieures, densité moyenne, 2.1836 inférieures, — 2.1631 Pour ce qui regarde l'influence du eôté sur la densité, nos moyennes nous donnent le résultat suivant : Densité moyenne générale du côté droit -= 2.2006 D — gauche — 21621 D'après M. Magitot, l'extrême fréquence de la carie observée sur les premières molaires permanentes, serait due à des causes diverses : lon- gueur de la période de l’évolution intra-folliculaire, pendant laquelle elles peuvent éprouver des troubles de nutrition plus ou moins profonds re- tentissant sur sa structure intime. De plus, cette dent est la première de la série qui effectue son éruption, et, comme le dit fort bien M. Magitot, elle peut subir le contre-coup des nombreuses affections que l’on observe à DE L'INFLUENCE DU COTÉ SUR LA RÉPARTITION DE LA CARIE. 33 cet âge. Pour nous, à ces causes dont nous reconnaissons la légitimité, il faut ajouter la suivante : c'est surtout à l’époque de l’évolution de la première grosse molaire permanente que l'enfant subit dans sa nutrition les crises les plus profondes. Si sa nutrition n’est pas à la hauteur de ses besoins, si surtout l’enfant est immobilisé, s’il ne trouve point dans sa nourriture les éléments indispensables à son développement, entre autres troubles, il présentera du côté des dents, des caries très fréquentes dues au ralentissement de la nutrition et à l'insuffisance des éléments minéraux contenus dans ses aliments. Ce qui vient encore à l'appui de cet argument, c'est que, grâce au volume considérable de la pulpe, les échanges nutritrifs sont très actifs et que la dent participe d’une facon plus directe et plus intime encore aux oscillations de la nutrition des différents tissus et en particulier du tissu osseux. Quoi qu'il en soit, la résultante est la même, il y a abaissement de la densité, diminution des matériaux inorganiques et, comme conséquence, aputude plus grande à la carie. Deuxièmes grosses molaires. Ce que nous avons dit pour la première grosse molaire est également. vrai pour la seconde, bien que celle-ci, en raison de l’époque de son érup- tion soit moins fréquemment cariée. Comme pour les précédentes nous voyons que la densité moyenne des grosses molaires supérieures l'emporte sur la densité des secondes grosses molaires inférieures. Densité moyenne des 2° grosses molaires supérieures 2.1867 — — inférieures, 2.1562 Or, en nous rapportant à la statistique de M. Magitot, nous voyons que sur 1736 secondes grosses molaires cariées, nous avons 690 à la mâchoire supérieure et 1046 à l’inférieure. Contrairement à la loi générale, nous trouvons une exception, pour ce qui regarde la suprématie du côté droit sur le côté gauche. En tenant compte de la rareté relative des secondes grosses molaires dans les appa- reils dentaires que nous avons examinés, nous trouvons une densité moyenne droite égale à 2.1663, et la densité moyenne gauche est égale à 2.1808, c'est-à-dire supérieure. Si maintenant, en regard de ces chiffres, nous placons les chiffres de M. Magitot, nous trouvons 877 secondes grosses molaires droites cariées sur 859 du côté gauche. Toutefois, ne voyant pas actuellement de raisons capables d'expliquer cette exception, nous préfé- rons la mettre sur le compte d’une coïncidence, attendu que la loi établie par nous se vérifie dans la majorité des cas. Lo BIOLOGIE. MÉMOIRES. — 80 SÉRIE. Tr. Il. 34 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Premières bicuspides. Si maintenant, nous conformant au même ordre, nous poursuivons l'examen comparatif de nos résultats et de ceux de M. Magitol, nous voyons pour ce qui concerne les premières bicuspides que, bien que là moyenne des densités des premières bicuspides supérieures soit égale à 2.1783, tandis que la densité moyenne des premières bicuspides infé- rieures n'atteint que 2.1750, il y a néanmoins, sur 1310 premières biscu- pides cariées, 940 qui appartiennent au maxillaire supérieur et 370 au maxillaire inférieur. Nous ne reviendrons pas sur l'explication que nous avons donnée de cette exception apparente. En revanche, sur ces 4310 dents, il v en a 515 du côté droit et 795 du côté gauche. : Si nous nous reportons maintenant à nos tableaux, nous y voyons que la densité moyenne des premières bicuspides droites est égale à 2.2074 et la densité movenne des premières bicuspides gauches seulement égale à 2,1609, ce qui confirme la règle. Deuxièmes bicuspides. Dans la statistique de M. Magitot, la deuxième bicuspide occupe le mème rang que la première, c’est-à-dire que sur dix mille dents cariées, il y en avait 4.310 deuxièmes bicuspides. Sur ces 1.310 dents, 810 appartiennent au maxillaire supérieur et 500 au maxillaire inférieur. Le côté droit figure pour 670 dents et le côté gauche, contradictoire- ment à nos évaluations, figure seulement pour 640. D'après nos tableaux, nous voyons que la densité moyenne des secondes bicuspides supérieures est égale à 2.229 et la densité des secondes bicus- pides inférieures est égale à 2.206. La moyenne totale des densités des secondes bicuspides droites. est égale ali A 2081 La moyenne totale des densités des secondes bicuspides gauches,eshégale à: UE NO DE Incisives latérales. Sur 10.000 dents cariées, les incisives latérales sont représentées par 1li. Sur ce nombre il y a 747 incisives latérales supérieures et 30 incisives latérales inférieures. 389 incisives droites et 388 incisives gauches, : + DE L'INFLUENCE DU COTÉ SUR LA RÉPARTITION DE LA CARIE. 39 ———— La densité moyenne des incisives latérales supé- meures estiégalela ee Lun UNE Li SN UPPMETATT La densité moyenne des incisives latérales infé- reures estiésalene x ARGENT." 2)249385 La densité moyenne générale des incisives laté- rales droites est égale à. ,°., ., . . . 2199 Celle desincisives latérales gauches est égale à. 2.136 Incisives centrales. Les incisives centrales figurent dans la statistique de M. Magitot dans une proportion égale à 642 (sur 10,000). Sur ce nombre, les incisives centrales supérieures sont représentées par le chiffre 612 et les inférieures par le chiffre 30. Si nous envisageons la proportion des dents cariées, relativement au côté auquel elles appartenaient, nous voyons qu’il y a 324 dents pour le côté droit et 318 pour le côté gauche. Si, en regard de ces chiffres, nous mettons nos propres déterminations, nous avons pour les incisives centrales : Densitérsénérale supérieure. | . . . . . . . . 24148 —_— — INÉEUTE 2 QU or | PONS Denañégénerale droites. . . : : . . . . .. 2441 M ji gauchentiere RL HMS 9 198 Dans les chiffres cités plus haut on voit que dans la statistique de M. Magitot, pour ce qui concerne le côté droit et le côté gauche, les chiffres qu'il donne ne confirment pas la loi dont ils ne s’écartent, du reste, que fort peu. Canines. 1 nous reste enfin à étudier les canines, qui, avec les troisièmes grosses molaires, sont celles qui semblent se carier le moins souvent. Sur 10,000 dents cariées les canines figurent pour un chiffre de 515. Sur ce nombre, 445 appartiennent au maxillaire supérieur et 70 à l’infé- rieur; 218 appartiennent au côté droit et 297 au côté gauche. Si nous nous reportons maintenant aux résultatsque nous avons obtenus, nous trouvons que la densité générale des canines supérieures est égale La densité générale inférieure égale . . . . . 2.198 La densité générale des canines droites est GRALON RS LA NEA MEET MR AR QE 36 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. La densité générale des canines gauches est Épale à: 2 20e CNT PE AIR Troisièmes grosses molaires. Dans la statistique de M. Magitot, les troisièmes grosses molaires ou dents de sagesse, occupent le dernier rang. Sur 10.000 dents cariées, il y a seulement 360 troisièmes grosses molaires; 220 appartiennent à la mâchoire supérieure et 140 à l’inférieure ; 160 appartenaient au côté droit et 200 au côté gauche. Nous ne pouvons pas mettre nos déterminations en regard des chiffres de M. Magitot, parce que dans les bouches que nous avons eu àexaminer, les troisièmes grosses molaires ou n'avaient pas fait leur évolution, ou avaient disparu par suite de carie. Toutefois, les chiffres de M. Magitot étant conformes à la règle générale, il nous est permis de croire que nos chiffres auraient concordé avec les siens. Tableau indiquant la répartition de la carie dentaire pour les dents de la première dentition sur 1000 cas, dressé suivant l'ordre de fréquence, d’après les chiffres du D° Magitot : Premières molaires, 342. — Supérieure, 124; droite, 176. ne .. .Inférieure, 208; gauche, 156. Deuxièmes — 261. — Supérieure, 93; droite, 116. ne Inférieure, 168; gauche, 145. Incisives latérales, 180, — Supérieure, 152; droite, 93. Inférieure, 28; gauche, 87. Incisives centrales, 140. — Supérieure, 123; droite, 72. Inférieure, 17: gauche, 68. Canines 87. — Supérieure, 51; droite, 38. Inférieure, 36; gauche, 49. Soit au total pour le maxillaire supérieur, 543. _ — inférieur, 457. — côté droit, 495. —- côté gauche, 305. L'inspection de ce tableau montre que les résultats de M. Magitot sont conformes à la loi générale, puisque les dents se carient en plus grand nombre à la mâchoire supérieure qu'à l’inférieure et qu'on a relevé plus de caries à gauche qu'à droite. Nous n'avons pu examiner qu'un nombre relativement restreint de bouches d'enfants n’ayant pas encore de dents permanentes et souvent dans ce cas, un certain nombre des dents de la première dentition avaient disparu par l'effet de la carie. C'est ce qui explique notre désaccord avec les chiffres reproduits plus haut. à » F: k À } , à S d DE L'INFLUENCE DU COTÉ SUR LA RÉPARTITION DE LA CARIE. 37 Notons toutefois que pour les canines, qui persistent le plus générale- ment, la loi a été vérifiée. Néanmoins, nous avons tenu à donner nos chiffres à titre de docu- ments. Premières molaires, 332 s/ 1000. SUPÉTIEULES. 0 212 PEN ARTE RNA MOTS IOTROS ARANENE LRU Re 208 . IFONUESS LS DSP PES ES OR ER cn) 4T7G Gaucheseer | 0 156 D'après nos déterminations : Nous avons pour les premières molaires supérieures : Densité générale supérieure 0. ne 0 1.991 Densité générale intérieure VPN NE 1.997 Densité générale droite! 24242 RNA sheet MA4998 Densité générale gauche. 1.986 Deuxièmes molaires. Heuxièmestmolaires. ME C1 9611/1000; — SUD THERE SAN CNE EN ER 93 — IDÉES NN NE RDS ICS — droites eee APN ANUS — BAUCNES A US PAM D’après nos déterminations nous avons : Densité moyenne Supérieure ete D 1.948 Densité moyenne inférieure. . . . . . .. 2.041 Densité moyenne générale droite. EM." 1.989 Densité moyenne générale gauche. . . . . . . . 2.001 Comme pour les premières grosses molaires, la non-concordance de nos chiffres est expliquée par la rareté des deuxièmes grosses molaires dans les bouches que nous avons examinées. Jubicimestatéralese 02/0160 70/1000 IS UIDÉLIEUTOS re Ar IS —— HEPIEUTES. à m0 UN ls ALORS LH AAMOILES SL 4 a ARR | 93 QUE NES: 2 HONOR NS Re ae 87 Nos déterminaltions nous donnent les chiffres suivants : 38 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. L'2 Incisives latérales. Moyenne générale Supérieure 0.0.1. . AC — inférieures ee 0. AR EME r — droite. 020 ein" SE -- gaucher rs nain Vite, ESA r Incisives centrales. incisivés centrales 215404 4 2.) ONE =. Supérieures Li, 000) ee HANIÉTIeUTeS. 2 NP EIRE 17 = HOdEDites nan niet 12 — | Sauchess: eine | Ne RANere 68 Nos déterminations nous donnent : Densité moyenne générale supérieure. . . . . . 1.900 — — inférieure: "11/1000 — — droite: NN Sn —- — gauche: 0. 0/.1ENNMEnRt Canines. Ganines FER ne PU ANNE Eee 87 s/ 1000 — supérieures. . . Late TOME »1 = -Antérielres: HN Se 36 NAT OIL E SE EE A en AN RG ET An 38 en CAUCHES. ee Mean ee ANNEE Nos déterminations nous donnent : . Densité moyenne Supérieure: Acte dei RIRE —- inférieures id TA RTE — droites 010) MU AUD EURE nannoren — SaUChE.) 0 UT PNA EN NU ONE Pour les canines, qui persistent le plus généralement, nos chiffres con- cordent avec la loi générale. Ainsi se trouve démontrée, avec les éléments dont nous disposions, l'exactitude de la loi que nous avions déduite de l'examen des propriétés physiques des dents (2). s (4) I manquait une incisive latérale droite dans une des bouches examinées. (2) Laboratoire de la Clinique d’accouchements. Ù + j À 4 DE L'INFLUENCE DE COTÉ SUR LA RÉPARTITION DE LA CARIE. 39 Constitution chimique des’ dents. Depuis Lassaigne, Berzélius et Bibra, s'il a paru des analyses chi- miques de dents dans les publications spéciales, elles n'ont pas encore pris place dans les livres classiques, où les analyses reproduites par nous (1) sont à peu près exclusivement citées. Nous avons pensé qu'il y avait lieu de procéder à des analyses nou- velles; nous aurions pu prendre la moyenne des très nombreuses ana- lvses que nous avions réalisées pour établir le rapport étroit existant entre la densité d'une dentet sa composition chimique, mais nous avons préféré refaire une analyse portant sur un certain nombre de dents appartenant à des individus différents. Nous avons opéré sur 29 dents provenant de cinq bouches différentes ; leur densité moyenne était égale à 2, 13; aucune n'était cariée. On peut considérer ces dents comme ayant une densité un peu supérieure à la moyenne et les individus auxquels elles avaient appartenu comme privi- légiés. Dents d'adultes. Banetinateres of amiques NPC A0 925.987 Matières minérales: then once En ee 74.713 Dendsesteolublest ne IPN ANS ARTS LME 0.549298 (Chlorures alcalins, traces faibles de phosphates). Cab ondtede Caux 02) NRA 0.3586 PAnbona le de AMABNESIE NAS MANETTES 1.1332 (CINQ ANNEE Rues Eclat AE AR ES 45.119 MÉNESION AC CPR Verte RER te 1.671 Aéide Dhosphorique total. NN ARE 23.749 SIC ee eee 2 nt el ones 0.444 Matières non dosées el pertes. tn 1.7254 Nous avons fait le même travail pour les dents de lait. Notre analyse a porté sur 44 dents de lait, dont la densité moyenne était de 1.93, Ces dents de lait n'étaient pas cariées. Baetimatieres orcaniques. Ne Reno 30.978 Matières minérales ein ARE Ne en Er 69.022 Déndresssolubles me IRnnentt te eRte 0.5935 (Chlorures alcalins, traces faibles de phosphates). CaRDOMAILEN dE MCNAUX NS AMANANENERCRERATITe 0.579 Carponete de masnésie NP NS NN 0.9248 (4) Journal des Connaissances médicales pratiques de pharmacologie. 40 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Chaux NU ee A ere A1 .280 Magnésie . 4100 AUTRE OR 4.4094 Acide phosphorique (otall AL SA CE EE EL 22.7658 SHC RER TARN RME ET RAR ER TI EE SES 0.408 Matières non dosées et pertes. . . . . . — 1.0508 Comme on devait s’y attendre, les dents de lait renferment plus de matières organiques et moins de matières minérales que les dents per- manentes. En revanche, elles contiennent plus de carbonate de chaux et de carbonate de magnésie, ce qui leur donne une vulnérabilité plus grande. On s'explique ainsi pourquoi les dents de lait, surtout chez les enfants à peau fine et à cheveux blonds, sont si accessibles à la carie ; les troubles de nutrition, si fréquents à cette période de l'enfance, retentissant à la fois sur le système osseux et sur le système dentaire. Sur la présence du fer dans les dents. Il nous à paru intéressant de rechercher si la présence, dans les dents, d’un certain nombre d'éléments, tels que le fer, la silice, le fluor était normale. Existe-t-il du fer à l’état normal dans les dents? On avait déjà signalé l'existence du phosphate de fer dans les dents fossiles (Hoppe Seyler) et moi-même dans mes premières analyses de dents, par suite d’une erreur, j'avais dosé comme phosphate de fer un mélange de phosphate de chaux et de magnésie. En réalité, le fer n'existe dans les dents qu’en des proportions si faibles qu'il n’est pas susceptible d’être dosé, bien qu'il soit possible d'en déceler l'existence par des réactifs très rene Ce qui précède est vrai surtout pour les dents d'adultes ou de personnes âgées, mais si on recherche la présence du fer dans les dents permanentes peu de temps après leur éruption, alors que la pulpe a un volume considé- rable, où dans des dents de lait, on trouve une quantité de fer propor- tionnelle à la quantité de sang contenu surtout dans les vaisseaux de la pulpe. Les faibles traces de ce métal rencontrées dans les dents d'adultes ont la même origine. Sur la présence de la silice dans les dents. Le rôle physiologique joué par la silice n’est pas encore parfaitement connu et les auteurs n’y insistent que fort peu. On a signalé la présence du silicium, dans le sang, dans la bile, dans l'urine et dans l'œuf. Les tissus des animaux inférieurs en renferment de très notables quantités. La silice joue également un rôle considérable dans les tissus de certains végétaux. On sait que les blés et les Graminées en général renferment DE L'INFLUENCE DE COTÉ SUR LA RÉPARTITION DE LA CARIE. AA une proportion considérable de silice. On à même observé que les blés versaient d'autant plus facilement qu'ils avaient végété dans des terrains pauvres en silice. D'autre part, les Équisétacées semblent exercer une une sorte d'élection vis-à-vis de la silice, dont elles renferment une telle quantité qu'on se sert des tiges de la prêle d'Europe pour polir le bois et même des métaux. Bien que le système osseux doive en renfermer une proportion considérable, les auteurs qui ont fait des analyses d'os ne signalent point son existence, ou tout au moins n'y insistent pas. Si la présence du silicium dans l'organisme est un fait établi, on ignore absolument à quel état il y est entré et à quel état il est contenu dans les tissus. Grâce aux travaux de MM. Friedel et Ladenburg (Bull. Société chimique 1867), on sait que le silicium peut se substituer dans les combinaisons organiques au carbone. M. Grimaldi (Ber. d. d. ch. Gesel Berl. 1872) a observé que l’acide sili- cique dissous dans l’eau paraissait être décomposé par les parties vertes- des plantes, sous l'influence de la lumière solaire, avec dégagement d'oxygène. On peut supposer que le silicium existe dans les tissus à l’état de combinaison organique, susceptible d’être décomposée. L'attention des chimistes s’est surtout portée sur l'existence du silicium dans les poils et principalement dans les plumes des oiseaux. En ce qui regarde les oiseaux, la présence de la silice dans leurs plumes est suffi- samment expliquée par leur alimentation. Les graines, en effet, renfer- ment beaucoup de silice (Gorup-Besanez) et les plumes des granivores renferment plus de silice que celles des oiseaux qui se nourrissent d’in- sectes par exemple. Le blé renferme également de la silice, et celle-là est surtout contenue dans l’épisperme ; aussi le son renferme-t-il plus de silice que la farine. Il est très probable que c’est par le pain surtout que nous introduisons de la silice dans notre économie. La silice semble jouer, dans la constitution des plumes des oiseaux, un rôle analogue à celui des éléments calcaires dans le tissu osseux (Go rup-Besanez). M. Polek à constaté ce fait très remarquable qu'il y avait, dans les cendres du blanc d'œuf, une véritable réserve de silice, puisqu'on peut en rencontrer jusqu’à 7 p. 100. D'autre part, les poils renferment presque autant de silice que les plu- mes avec lesquels ils présentent, du reste, la plus grande analogie, au double point de vue histologique et physiologique (Gorup-Besanez). Ces faits étant connus, la présence de la silice dans les dents paraîtra toute naturelle. Il résulte des analyses que nous avons faites en vue de fixer ce point de la composition chimique des dents, d’abord que toutes les dents renferment de la silice, et, en second lieu, qu’elles n’en contien- nent pas toutes en égale quantité, Voici nos résultats : 492 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Dents fraiches Incisives — Silice, 0.373 p. 100 Canines. — — 0.394 — Molaires — — 0.439 — La conséquence qui peut être déduite de ces chiffres est la suivante : La silice est d'autant plus abondante dans les dents, que celles-ci remplissent un rôle physiologique plus actif. La silice ferait done partie des principes minéraux qui donnent à la dent sa solidité et sa résistance. Il se peut que la proportion de silice contenue dans les dents subisse les oscillations de la nutrition et qu'elle augmente avec l’âge, mais ce sont là des hypothèses que nous n'avons pas vérifiées. En outre, si l’on tient compte de la faible proportion de silice contenue dans les dents, proportion toujours inférieure 0.50 p.100, et à peu près égale dans les dents permanentes et dans les dents de lait, on en arrive à considérer la silice, au moins dans les dents, comme le satellite des éléments minéraux qui en constituent la trame inorganique, bien plus que comme élément de résistance proprement dit. Lorsque les dents ont longtemps séjourné dans le sol, elles peuvent renfermer une plus forte proportion de silice. C’est ainsi que dans des dents recueillies dans un ossuaire des îles Marquises, et qui m'ont été remises par mon collègue et ami, M. Hamy, du Muséum, j'ai trouvé une proportion de silice égale à 0.48 p. 100. Recherche du fluor dans les dents. — Le fluor existe dans les os; nous avons pu également constater sa présence dans les dents fraiches, mais en quantité extrêmement faible et partant bien inférieure à celle que l'on signale dans les livres classiques. Après avoir échoué dans plusieurs ten- tatives en suivant les procédés indiqués pour la recherche du fluor, nous avons réussi à reconnaitre, avec M. Brubat, sa présence dans les dents par la décomposition du fluorure de silicium par l’eau, d'après la réaction suivante : 3. SiFE -L 9H — Si0? + 2 (HFI, SiFl?) Nous avons agi sur une trentaine de grammes de dents fraiches, pro? venant de l'École pratique, et que M. Farabeuf avait eu l'extrême obli- geance de mettre à notre disposition. Les dents étaient toutes des gros- ses molaires. Après avoir été calcinées jusqu'à destruetion totale de la matière organique, les cendres, finement pulvérisées, ont été introduites dans un petit récipient en plomb à ouverture étroite, et délayées rapide- ment avec de l'acide sulfurique pur à 1.84, en quantité suffisante pour obtenir une bouillie claire. | L'ouverture du vase fut alors recouverte par une de ces lamelles de verre mince, dont on se sert pour les préparations microscopiques. Cette lamelle était mouillée sur sa face inférieure et reposait par une de ses extrémités sur la paroi du vase en plomb, dont elle était séparée de l'au- DE L'INFLUENCE DU COTÉ SUR LA RÉPARTITION DE LA CARIE. 43 tre par un petit fil de platine. Ce dispositifpermettait d’'humecter de temps en temps la face inférieure de la lamelle, sans déranger celle-ci. L'appareil fut chauffé pendant une heure, après ce temps on constata que la lamelle était recouverte d’un enduit gélatineux. Cet enduit était soluble dans la potasse et la solution alcaline sursatu- rée par un léger excès d'acide sulfurique donnait de petits grumeaux gé- latineux, qui traités au chalumeau, à la perle de sel de phosphore ne se dissolvaient pas et présentaient bien les caractères du squelette de silice décrit par Fresenius. Cette silice ne pouvait provenir que de la décomposition du fluorure de silicium par l'eau, et comme elle était en très faible proportion on peut en conclure que les dents ne renferment qu’une très petite quantité de fluor, dont le dosage ne nous paraît pas possible. Dans les dents fossiles au contraire, il y aurait une proportion plus considérable de fluor. D'après Aeby, le carbonate de chaux des os pour-- rait être remplacé à une température relativement peu élevée par du fluorure de calcium. Suivant cet auteur le fluor entrerait toujours, pour 1, 2 et même 3 p. 100 dans la composition des os, que l’on trouve dans les constructions palustres où cet élément se serait substitué lentement à l’acide carbonique. Dents surnuméraires. On sait que les dents peuvent subir une augmentation numérique par l'apparition de dents appelées surnuméraires ; celles-ci ont généralement une forme conoïdale. D’après Magitot, lorsque les dents ont la forme conoïdale, c’est-à-dire qu'elles s’éloignent de la forme des dents au voisi- nage desquelles elles ont fait leur apparition, elles auraient une densité moindre , l’émail serait plus friable et se montrerait souvent irrégulier et mamelonné; l'ivoire présenterait de nombreux espaces interglobu- laires, toutes conditions prédisposant à la carie. Quant au cément il n'offrirait rien de particulier. Dans les systèmes dentaires que nous avons examinés, nous n'avons pas eu l’occasion d'observer la présence de dents supplémentaires et d'établir si leurs propriétés physiques différaient notablement des dents voisines. M. Buckland, House surgeon, du Dental hospital de Leicester Square, à Londres, a bien voulu nous remettre un certain nombre de dents sup- plémentaires, sur l’origine desquelles nous n'avons pas de renseignements préeis. Il était intéressant de savoir si ces dents avaient la même compo- sition que les dents normales. Or, il résulte des analyses qui ont été faites que ces dents n’ont pas une composition différente des dents ordi- naires et qu'elles subissent les oscillations de la nutrition comme les dents normales, Leur densité s’est montrée variable ; c’est ainsi que nous avons obtenu les chiffres suivants : D. 2,0860 ; 1,9801 ; 1,9385 ; 2,0344 (1). (4) Travail du Laboratoire de la clinique d’accouchements. ATOMES MOLÉCULES ET BIOLOGIE Par M. RABUTEAU Mes premières recherches sur cette question datent de 1867. A cette époque, J'avais reconnu qu'il existait une relation entre l’activité des substances métalliques sur l'organisme et la chaleur spécifique des atomes ou des molécules qui les constituaient, et inversement, entre cette activité et les poids atomiques et moléculaires de ces mêmes substances. Plus tard, en 1870, j'ai établi que les alcools monoatomiques sont d'autant plus toxiques que leur poids moléculaire, est plus élévé. Ce sent ces recherches, poursuivies avec opiniâtreté, que je me propose d'exposer et de développer. Mais, avant d’entrer dans le fond de la ques- üon qui est difficile, il est nécessaire de rappeler et de fixer quelques notions relatives aux propriétés physico-chimiques des atomes et des molécules. Constitution de la matière. — Atomes et molécules. — On admet que la matière n'est pas divisible à l'infini, c'est-à-dire qu'elle est formée de particules insécables. On appelle afomes ces particules infiniment petites, insécables, indivi- sibles par les forces physiques et chimiques. Les corps simples, tels que le soufre, le fer, sont constitués par une multitude d’atomes de soufre, de fer réunis ensemble. La molécule est la particule la plus ténue d’un corps composé. Considérons, par exemple, l’eau qui résulte de la combinaison de 2 atomes d'hydrogène avec 1 atome d'oxygène. La moindre quantité d’eau qui puisse se concevoir, la molécule de ce liquide, peut être représentée kG MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. par le groupement (fig. 1) où l’on voit deux atomes d'hydrogène rivés à un atome d'oxygène. Fig. 4. D'après la définition de la molécule, on admettait jadis que les corps simples ne pouvaient être représentés que par la réunion d’atomes. Aïnsi un fragment de soufre semblait ne pouvoir être constitué que par des atomes de soufre unis entre eux (fig. 2). On admet aujourd’hui que les corps simples eux-mêmes sont formés de molécules résultant de l’union de deux atomes similaires. La constitution du soufre, au lieu d'’étre représentée par la figure 2, serait représentée par la figure 3, où l’on voit deux atomes de soufre formant une molécule, et l’ensemble de ces molé- cules formant une particule de soufre. La cohésion est la force physique qui unit les parties similaires d’un même corps. L’affinité est la force chimique qui réunit deux ou plusieurs atomes différents pour constituer une molécule. Un exemple fera saisir la distinction qui existe entre ces deux forces. Dans une molécule d’eau (fig. 1), c’est l’affinité qui unit deux atomes d'hydrogène à un atome d'oxygène. Dans une masse d’eau quelconque (fig. 4), c’est la cohésion qui unit ensemble les molécules d’eau. Fig. 4. Idée de la constitution de l’eau. Dimensions des atoines. —= Poids atomiques et poids moléculaires. — On sait, d’après les travaux de Gay-Lussac, que le coefficient de dilata- tion des gaz est le même pour tous, et que les volumes des gaz ou des vapeurs qui se combinent sont dans des rapports simples. On connait, d'autre part, la loi de Dalton, ou des proportions multiples, d’après la- quelle les poids des corps qui se combinent entre eux sont dans des rap- ports simples. ATOMES, MOLÉCULES ET BIOLOGIE. #1 —— 0 En se fondant sur cette triple donnée, les physiciens et les chimistes admettent, avec Avogadro et Ampère, que volumes égaux des qaz simples contiennent un même nombre d'atomes el que, par conséquent, les atomes ont des dimensions égales. Si par exemple, dans un litre d'hydrogène, il y avait, sous une pression et une température données, un milliard d’atomes d'hydrogène, de même, dans un litre d'oxygène, il y aurait, à égalité de température et de pression, un milliard d'atomes d'oxygène. Il résulte de ce fait que les poids atomiques des corps simples gazeux, c'est-à-dire les poids de chaque atome, sont entre eux comme les densités dé ces corps gazeux. Poids atomiques et densités pourraient, et devraient, dès aujourd'hui se confondre. Représentons par 1 le poids atomique de l'hydrogène. Ge nombre est 14,44 fois plus considérable que sa densité qui est 0,0692. Par conséquent, pour avoir les poids atomiques des autres corps simples gazeux, il suffit de multiplier leur densité par 14,4%. On obtient ainsi des produits qui représentent d’une manière soit absolue, soit très approximative, les poids atomiques réels. Poids Densités atomiques Hydrogène.........1:,.:3 0,0692 X 14,44 = 1 Oxygène.::2..:44.:3000. 4,1056 X 14,44 = 16 AZOeLe ANT U eREEU ONU OTAA SOA TEA Chlores a anaau QU AMIE AA) SC AA IE 555 Pour obtenir les poids atomiques des corps non gazeux, ceux des mé- taux par exemple, on en détermine les quantités qui peuvent se combiner avec ceux dont le poids atomique est connu. On peut aussi recourir à la loi de Dulong et Petit sur la relation qui existe entre les poids atomiques et les chaleurs spécifiques. Le poids moléculaire d’un corps composé est la somme des poids des éléments ou corps simples qui constituent la molécule de ce corps com- posé. Par exemple, les poids de la molécule de l’eau, H°0, est 2 + 16 —18.— Le poids moléculaire de l’ammoniaque, AzH°, est14 + 3 —17.— Le poids moléculaire de l'acide chlorhydrique, HO, est 1 + 35,5 — 36,5. À Chaleur spécifique des atomes. — Les atomes ont la méme chaleur spéci- fique. — On appelle chaleur spécifique ou capacité calorifique d’un corps la quantité de chaleur absorbée par l'unité de poids de ce corps pour s’é- lever d’un degré. La calorie est l’unité de chaleur; c'est la quantité de chaleur absorbée par l'unité de poids de l’eau, 1 kilogr. par exemple, pour s'élever de 4 degré. La chaleur spécifique de l’eau est par con- séquent égale à 4. Dire que la chaleur spécifique du sodium est 0,295. c'est dire que si 1 kilogr. d'eau absorbe 1 calorie pour s'élever d’un K 48 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. degré, 1 kilogr. de sodium n’absorbe que 0,293 de calorie pour s'élever également d'un degré. La chaleur spécifique des atomes ne doit pas ètre confondue avec la chaleur spécifique des corps constitués par ces atomes. Tandis que cette dernière est variable, la chaleur spécifique de l'atome est constante, ainsi qu'il résulte des travaux de Dulong et Petit. En 1819, ces deux physiciens ayant déterminé la chaleur spécifique de divers corps simples, découvrirent qu’en multipliant leur chaleur spécifi- que par leur poids atomique, on obtenait un nombre constant, et ils po- sèrent cette loi remarquable que les chaleurs spécifiques des corps simples sont en raison inverse de leurs poids atomiques. En d’autres termes, si l’on désigne par c la chaleur spécifique d’un corps simple, c’est-à-dire la quantité de chaleur absorbée par l'unité de poids de ce corps pour s’éle- de 1 degré, et par p le poids de chaque atome constituant ce corps sim- ple, on a la relation Le produit constant n, ou considéré comme tel en tenant compte des erreurs expérimentales possibles, est généralement représenté par le nombre 6, 4. La relation précédente peut s'exprimer d’un autre manière. Du mo- ment que p représente le poids de l'atome d’un corps simple, et que est constant, la quantité de chaleur absorbée par l'atome pour s'élever d'un degré est constante. Par conséquent, les atomes des corps simples ont tous la méme capacité calorifique. Chaleur spécifique des molécules. — NV. Regnault avait reconnu que la capacité calorifique des alliages était la moyenne des chaleurs spé- cifiques des métaux qui les composent. Pour arriver à fixer la chaleur spécifique d’une molécule résultant d’une combinaison, le passage était facile. Woestyn à établi que la chaleur spécifique de la molécule d'un corps composé est égale à la somme de celles des atomes qui la constituent. Si, par exemple, on désigne par C la capacité calorifique d’une molécule de poids P; par n, n',n"",... les nombres des atomes de poids p, p’, p!' de corps dont les chaleurs spécifiques sont ce, c/, c'", on a la relation : CP = npce + n'p'e + n'p'e" +, Cette égalité permet de déterminer, par le IL indépendamment de l'expérience, la chaleur spécifique d'un corps composé. En effet, du mo- ment que pe, p'c'etp//c'" représentent d’après la loi de Dulong et Petit, un nombre constant, lequel est égal à 6, 4, on a CP=(n+n +n" + .….)pe = (n+n + on" +...) 6,4 d'où — (n nn + n) 6,4 17 DA VO CT ATOMES, MOLÉCULES ET BIOLOGIE. 49 Supposons qu'il s'agisse de déterminer la chaleur spécifique d’une mo- lécule de chlorure de sodium, NaCI. On sait que le poids atomi- que du sodium Na est 23, et que le poids atomique du chlore est 35, 5: par conséquent, le poids moléculaire P de NaCI est 23 35,5 — 58,5. D'autre part, n + n — 2, puisque la molécule de chlorure de sodium contient 2 atomes. On à donc: ç—?22<6,4 _ 12,8 22 58, 9 28,0 î Or, le nombre 0,22 est très rapproché du nombre 0,21% qui représente la chaleur spécifique du sel marin, déterminée expérimentalement par V. Regnault. Loi atomique ou thermique. —Je viens de résumer les notions qu'il m'a paru nécessaire d'exposer sur la constitution de la matière, sur les poids atomiques et moléculaires, sur les capacités calorifiques des atomes et des corps composés. Jusqu'à ces dernières années, ces notions étaient demeu- rées dans le domaine exclusif des sciences exactes, de la physique et de la chimie pures, sans aucune relation avec la biologie. Ce n’est qu’à dater de 1867 que je les ai introduites dans les sciences biologiques, à la suite de mes recherches sur les effets des métaux sur l'organisme animal(1). Ayant fait plusieurs expériences avec divers sels métalliques, j'énoncai cette loi que les métaux sont d'autant plus actifs, c’est-à-dire d'autant plus toxiques, que leur poids atomique est plus élevé, ou que leur chaleur est plus faible. Cette relation était la première qui fût établie entre l’activité physio- logique ou toxique d’un corps et une propriété purement physique, telle que la chaleur spécifique. Considérons les métaux inscrits dans le tableau suivant : Poids Chaleurs atomiques. spécifiques. D En AAA AE ARTE CAR OAE 4 0, 941(2) SOUMET APN CARE, ANS 23 0,293 Man sn MANN NE AARENTE 24 0,249 Potassium 1 MURENRPRMRARIR 39 : 0,169 Caluire A0 » PCA MNT TR EAN Er 65,32 0,095 Cadre Cd 0,056 ER ER EN A ARNEMANE AN Ars » Mercure ohne 200 0,053 Bhalhum ue te TRE 907 » (1) Rabuteau, Etude expérimentale sur les effets physiologiques des fluorures ét cles composés métalliques en général. Thèse de Paris, 1867. (2) Cette chaleur spécifique est déduite du calcul plutôt que de l'expérience. Brozocre. MÉMoIREs. — 8€ SÉRIE. Tr. II. 4 50 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. En faisant abstraction du lithium, dont il sera question plus loin, on peut se convaincre par l’expérience que ma loi atomique ou thermique se vérifie d’une manière remarquable pour les métaux précités. Le sodium, qui se trouve d’ailleurs en grande quantité dans l’orga- nisme, est un métal si inoffensif que l’on peut injecter sans danger, dans les veines, 15 et 20 grammes de son sulfate cristallisé dissous dans le double de son poids d’eau.— Le magnésium n’est guère plus actf que le sodium. -— Le potassium est déjà dangereux à des doses même relative- ment faibles. Si l'on injecte dans les veines, chez un chien, 1 à 2 grammes seulement de sulfate ou de chlorure de potassium, on voit cet animal succomber presque aussitôt avec arrêt immédiat du cœur devancant même l'arrêt des mouvements respiratoires. — Il en est de même du chlorure de calcium dont le poids atomique diffère très peu de celui du potässium.— Le zine est moins toxique que le cadmium (1). La clinique, faisant diverses appli- cations du sulfate de cadmium, à la place du sulfate de zinc, avait d’ail-. leurs devancé mes recherches expérimentales. — Le baryum est un métal très toxique, ainsi que l’ont démontré l'expérience et les observations toxi- cologiques. — Il est inutile d'insister sur les effets du mercure. — De nombreuses expériences que j'ai faites avec divers sels de thallium ont non seulement démontré la toxicité de ce métal, laquelle avait été déjà mise en évidence par Lamy et Paulet, mais elles ont établi que le thallium était plus dangereux que le mercure. IL me suffira de rappe- ler qu'ayant administré à divers animaux, pendant plusieurs jours de suite, de faibles quantités d’iodure mercureux et d’iodure de thallium, renfermant les mêmes proportions de chacun de ces métaux, j'ai vu les animaux qui avaient recu l'iodure mercureux continuer de vivre, tandis que ceux qui avaient recu l’iodure de thallium avaient déjà suc- combé. La loi atomique ou thermique s’est vérifiée depuis. Les métaux les plus rares, tels que le gallium, l’indium y sont soumis (2). Il se présentait néanmoins une exception du côté du lithium. D'après cette loi, le lithium devait être le plus inoffensif, le moins actif de tous les métaux sur l'organisme animal. Cependant, après avoir fait plusieurs expériences avec divers sels solubles de ce métal, j'avais reconnu que les animaux succombaient en présentant des convulsions, bien que les doses employées ne fussent pas très élevées. Quelques-unes de mes expériences ont été publiées (3); d’autres sont demeurées inédites. J'ajouterai que si je (1) Consultez à ce sujet, mes Éléments de toxicologie. (2) Recherches sur les effets du gallium (Comptes rendus de lu Société de Biologie, 1883, p. 310). (3) Société de Biologie, 17 octobre, 1868, et Gaz. hebd. de méd. et de chir., 15 mai, 1868. : NUE" PUR 7 ATOMES, MOLÉCULES ET BIOLOGIE. 51 ——_—_—_—_—_—_—_____——————— n’ai point fait connaitre cesdernières, c'est que je craignais d'avoir expé- rimenté avec des produits ne présentant point une pureté absolue. Ces faits, ainsi que ceux que M. Ch. Richet avait observés dans ces derniers temps m'avaient vivement préoccupé jusqu'au moment où j'en ai trouvé l'explication. Je dirai même que cette explication est si rationnelle que l'exception présentée par le lithium, dans la hiérarchie toxique, devient une conséquence même de la loi thermique. Relations entre les effets des atomes et des moléeules, et leur énergie ou puissance vive. — Je vais maintenant aborder le sujet principal de ce mémoire. Ce sujet, aussi nouveau que difficile, a trait'àa la relation qui me parait exister d’une part, entre les effets des diverses substances toxi- ques etmédicamenteuses sur l'organisme, d’autre part, entre une propriété exclusivement physique, lachaleur spécifique desatomes et des molécules et le mouvement qui en est la conséquence. Non seulementj'essayerai d’in- diquer la cause des effets paralyso-moteurs des composés métalliques en général, mais celle des effets convulsivants du lithium, et ceux d'une substance convulsivante au plus haut degré, de la strychnine. Nous avons vu que les atomes ont tous la même chaleur spécifique, mais des poids différents: Nous savons, d'autre part, que la chaleur et le mouvement sont corollaires, de sorte que, d’après l'équivalent mécanique de la chaleur, à chaque calorie ou fraction de calorie correspond une quantité déterminée de mouvement. Les forces elles-mêmes ne sont qu'une : expression indiquant la transformation d’un mouvement en un autre, ou de la chaleur en mouvement. On considère, comme un fait acquis, l'agitation perpétuelle des atomes et des molécules, résultat direct de la chaleur. Gette agitation, cette vibration est universelle; car on n’a pu trouver un corps dépourvu tota- lement de chaleur. Nous pouvons donc admettre que, dans l'organisme, les molécules qui le constituent éprouvent des mouvements vibratoires dont la modalité est variable suivant que l'être est vivant où ne l’est plus. Soit une molécule quelconque dont la masse sera représentée par 7. La puissance vive, ou comme on dit encore, l'énergie en est exprimée par gr wenreprésentant paru l'accélération dumouvement.Cette énergie cor- respond à une certaine quantité de chaleur » c, produit dans lequel c représente la chaleur spécifique de l'élément organique de masse m. La chaleur spécifique des substances organiques et organisées à été peu étudiée. Toutefois, d’après quelques recherches que j'ai faites Jadis sur cette question si intéressante et si nouvelle, je puis affirmer qu'elle est inférieure à 0,8 pour un animal tout entier et nécessairement moindre pour les éléments anatomiques isolés (fibres musculaires; éléments du système nerveux, etc.) (1). (4) Rabuteau, Sur lu chaleur spécifique des liquides et tissus animaux (Société de Biologie, 1876, p. 414). Mes expériences datent de 1869. 52 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Ces données étant posées, supposons que l’on introduise dans l’orga- nisme animal une solution métallique dont les atomes possèdent un poids élevé. Supposons que ce soit un sel de baryum, par exemple. Le poids atomique du baryum est considérable. Le nombre 137 qui le représente est de beaucoup supérieur aux poids atomiques des corps sim- ples (carbone, hydrogène, oxygène, azote, soufre, etc.) qui composent l'organisme. Cependant tous ces atomes absorbent la même quanüté de chaleur pour s'élever d’un degré. Il en est de même des poids molé- culaires des combinaisons qui les constituent. Or, à cette quantité de cha- leur correspond une amplitude, une vitesse de mouvement d'autant plus grandes que ces atomes et ces molécules ont un poids moins élevé. Les atomes et les molécules de baryum qui se diffusent dans l'organisme, ayant un poids beaucoup plus considérable, l'amplitude, la vitesse de leur vibration doivent être moindres. Avant de participer au mouvement vital qui les entraine elles tendent à ralentir, à entraver ce mouvement. De là cette fatigue de l'organisme, laquelle se remarque si bien du côté du système musculaire qui est paralysé. Ainsi peut s'expliquer l'action para- - lyso-musculaire des sels de baryum et les symptômes qui en sont la con- séquence : la paralysie des mouvements, le ralentissement des battements cardiaques et la mort plus où moins rapide par syncope. La même explication s'applique aux autres métaux dont le poids atomi- que est élevé et dont, par conséquent, la chaleur spécifique est faible, tels que le cadmium, le mercure, le plomb, le thallium. Au contraire, avec les sels de sodium, l'effet est nul pour ainsi dire. D'ailleurs le poids atomique et la chaleur spécifique de ce métal ne différent pas beaucoup du poids atomique et de la chaleur spécifique des corps simples qui cons- tituent en majeure partie l'organisme animal. Considérons maintenant le lithium. Ce métal a pour poids atomique le nombre le plus faible de tous. On lui assigne pour chaleur spécifique 0,91, nombre très élevé. Or les sels de ce métal, tels que le sulfate, étant injectés chez un chien dans le sang, aux doses de 4 à 10 grammes, ame nent après quelque temps la mort au milieu de convulsions. Est-ce à dire que ce métal soit immédiatement très toxique? Nullement; car, si l’on injectait dans le sang le sel d'un autre métal réputé peu. actif, le sulfate de potassium par exemple, à la dose minime de 1 gramme, on verrait l'animal succomber immédiatement. Un autre effet se produit ici. Le poids atomique du lithium étant faible, les atomes de ce métal, au milieu des vibrations qui constituent la vie, se meuvent faci- lement. L’unisson est même dépassé, ainsi que l’indiquent les contrac- tions intestinales qui produisent une diarrhée immédiate. Puis, le système nerveux se trouve ébranlé à son tour. L'action réflexe est accrue à cause des vibrations insolites des atomes étrangers. De là les convulsions. J'a- vais cru d’abord qu'il pouvait se former dans le système nerveux central PR PR PT TC ATOMES, MOLÉCULES ET BIOLOGIE. 53 des cristaux, des granulations de carbonate de lithium, sel peu soluble. Il n’en est rien. L’explication fondée sur les mouvements vibratoires reste donc seule admissible. D'ailleurs le lithium (et à un certain degré le glucynium) sont les seuls métaux qui produisent des convulsions. Les frémissements musculaires, que l’on observe parfois avec les sels des autres métaux, sont plutôt des tremblements fibrillaires dus au contact primitif des molécules métalliques avec les éléments musculaires qui finissent par se paralyser, comme dans l’intoxication saturnine chro- nique. Explication des effets convulsivants de la strychnine. — Get alcaloïde à pour formule C*H*Az*0*. La chaleur spécifique n'en a pas été fixée expérimentalement, mais on peut la déterminer par le calcul d'après la relation citée précédemment. (nn +n"+.….….) 6,4 P Le poids moléculaire P est égal à 334 (1). D'autre part, en faisant la somme des atomes nr + n°, etc., on a 21 + 22 + 2 + 2 = 47. Par con- séquent la chaleur spécifique de la stychnine est : c— EX 64 SR Ce nombre 0,9 est très élevé. Néanmoins tout fait admettre qu'il est exact, d’après la relation établie par Woestyn sur la chaleur spéci- fique des corps composés. S'il en est ainsi, on voit que la chaleur spéci- fique de la strychnine est plus considérable que celle de l’organisme animal. La molécule de strychnine, après s'être diffusée dans le milieu vivant, se met bientôt en équilibre de température, et, comme la chaleur spécifique en est élevée, elle absorbe une plus grande quantité de chaleur que les éléments anatomiques ambiants. Son mouvement vibratoire, sa puissance vive ou son énergie sont donc plus grandes. Au lieu d'apporter un ralentissement de mouvement, comme dans le cas des sels métalliques, elle provoque une excitation, laquelle se mani- feste du côté du système nerveux, d’où résultent les convulsions. Dans une prochaine communication je continuerai de traiter cette question du conflit biologique et, plus tard, de l'harmonie vitale des atomes et des molécules. DRC=5? H22 — 22 AZ2— 98 = CHEN 0557 En Las Ed 37 2 dam sr CR TERRES HATAISAQU ra HD F co {pie ie DEAR , E FRET RSA EN AMEL ER sp Un auront HF PEN ON! vw , L À L EXPOSÉ DE QUELQUES FAITS JETANT UN JOUR NOUVEAU SUR LA NATURE DE LA RIGIDITÉ CADAVERIQUE par M. BROWN-SÉQUARD Les faits singuliers que je vais signaler forment deux groupes dis- tincts, bien que capables également de conduire à une même conclu- sion à l’égard de la nature de la raideur post-mortem. I. Faits montrant que la rigidité cadavérique, pendant presque toute, sinon toute sa durée, présente des fluctuations considérables, consistant en diminutions et en augmentations alternatives. Depuis plusieurs années déjà, j'avais souvent vu et pris des notes sur des faits si étranges que j'ai longtemps douté de l'exactitude de mes observations. Mais, depuis six mois, ayant étudié la rigidité cadavérique avec le plus grand soin, au point de vue spécial de l'existence de ces faits, j'ai été contraint d'admettre comme absolument incontestable Ia conclusion que je viens d'émettre. Avant de rapporter quelques-uns des faits décisifs dont j'ai été témoin, je dois dire comment j'ai procédé pour me mettre à l’abri de toute cause d'erreur. ‘Tout le monde sait que lorsque la raideur post-mortem n’est pas absolue dans une partie d’un membre, on peut fléchir ou étendre cette partie, jusqu’à un certain point, sans résistance notable. Au delà de ce point la, résistance est telle qu'il faut pour la vaincre une force bien plus grande 56 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. que celle qui avait suffi jusqu'alors. Pour reconnaître les variations se produisant dans la rigidité cadavérique d’une même partie d’un membre, à différents moments, je me suis servi de cette mobilité existant jusqu'à une certaine limite. L'exemple suivant fera comprendre comment J'ai pris les mesures que je mentionnerai tout à l'heure. Supposons que la cuisse étant maintenue fixe, je pousse la jambe dans la flexion jusqu'à la limite où il faut employer de la force pour vaincre la résistance due à la rigidité. Je note exactement la position d’un point du talon, puis je pousse la jambe dans l'extension jusqu'à la limite où, dans cette situa- tion, la résistance à mon impulsion devient considérable et je note alors la position occupée par le même point du talon. L’étendue de la igne allant d’une de ces positions à l’autre me donne le jeu du genou. Ce jeu, — je n'ai pas besoin dele dire — varie suivant la longueur du membre, mais c'est là un élément négligeable puisqu'il est constant et que je n'ai à mesurer que des différences. Si je trouve, par exemple, que le talon est mobile de 5 centimètres dans un cas, de dix centimètres le lende- main, puis de 6 centimètres le surlendemain, j'en conclus que le Jeu du genou durant ces trois jours montre une diminution de rigidité le second jour puis une augmentation le troisième. Chez des chiens de dimensions moyennes, je me suis assuré maintes fois que l'erreur possible des chif- fres que j'ai obtenus comme marquant le jeu des diverses articulations n’est pas de plus d'un dixième. Les expériences nombreuses que j'ai faites ayant donné des résultats analogues à ceux que je vais rapporter, je me borneraiici au simple exposé des détails observés chez trois chiens. Sur un chien mort le 16 mars, après avoir eu quelques convulsions causées par la cocaïne, le genou gauche avait eu une rigidité absolue jusqu'au 24, je trouvai le 25 que la jambe avait un jeu de cinq centi- mètres, le 26 de douze, le 27 de dix, le 29 de sept et demi, Le 30 de huit et demi, le 31 de six seulement, le 1% avril de sept et demi, le 3 de six, le 4 de onze, le cinq de 10 et enfin le 6 de quinze, la rigidité ayant cessé ce jour-là presque partout. Chez le même animal l'épaule droite absolu- ment rigide jusqu’au 20 mars eut un peu de jeu (un à deux centimètres) jusqu’au 24 où le jeu se montra très augmenté (cinq centimètres et demi). Le 26 il n’était que de deux centimètres et demi, le 27 de trois, le 28 de quatre, le 29 et le 30 de deux et demi, le 31 de cinq, le 1% avril de deux seulement, le 3 de quatre, le 4 de trois, le 5 et le 6 de neuf, la rigidité étant alors presque partout terminée. Chez ce même animal une raideur absolue avait existé au coude droit jusqu’au 27 mars où je trouvai un peu de jeu (un peu plus d’un centimètre). Le 29 et le 30 le jeu était de trois centimètres et demi et le 31 de trois; mais le 1% avril la rigidité était redevenue absolue : l’épaule droite était sans jeu! Le 2 aucun examen n’a eu lieu;le 3 souplesse notable (six centimètres), le 4, neuf centi- mètres, le 5, six et le 6 quatorze centimètres. SUR LA NATURE DE LA RIGIDITÉ CADAVÉRIQUE. 57 Sur un chien mort le 9 mars, après avoir eu des convulsions très violentes causées par la cocaïne, la rigidité cadavérique semblait être prête à disparaître du membre thoracique gauche, le 23 mars. Examiné de nouveau le 26, je trouvai au coude unjeu de six centimètres seulement, le lendemain et le surlendemain (27 et 98), le jeu était de quinze centi- mètres au coude (avant-bras sur bras) et je croyais pour la seconde fois que tout allait finir ou était déjà fini, mais Le 29, la rigidité était revenue etle jeu du coude n'était que de six centimètres et demi; le 30, encore six ét demi, le 34, douze et ce chiffre à été celui du jeu du coude jusqu'au À avril où le corps étant en putréfaction on a cessé tout examen. Sur un chien mort par hémorrhagie mais sans convulsions le 18 mars, le coude droit était absolument rigide le 23. Le lendemain il avait un jeu de moins d’un centimètre et demi, le 25 et le 26 à peine un centimètre, le 27 plus de cinq centimètres, le 29, huit centimètres, mais le 30, moins de quatre et le 34, quatorze, le 1* avril, huit et demi, et le 5, treize. La putréfaction s'était montrée à l'abdomen dès le 1% avril et la régidité avait disparu de presque toutes les parties des quatre membres, dès le 3 au matin, ayant done moins de dix-sept jours. Les faits sont tellement significatifs qu'il me semble inutile de les commenter. Quant à leur explication je la réserve pour une autre ‘communication. IT. Faits montrant que si l'on détruit la ‘rigidité cadavérique, très long- temps et même plus de deux semaines après sa première apparition, elle peut encore s'établir. Nysten, qui a si bien étudié la rigidité cadavérique, dit que si l'on rend la souplesse à un membre atteint de raideur post-mortem, cette rai- deur n’y revient pas (1). Sommer, au dire de J. Müller (2), à constaté que si l'on emploie la force pour vaincre la rigidité cadavérique, déjà entiè- rement développée, elle ne se reproduit pas, tandis que si elle n’a pas encore atteint son plus haut degré d'intensité, elle se rétablit. Dans un travail que j'ai publié à ce sujet (3), j'ai rapporté des faits montrant que contrairement à l’assertion de Sommer, la rigidité que l’on a fait dispa- raitre, dans un membre où elle avait atteint son maximum d'intensité, peut revenir et mème très rapidement. J'ai trouvé encore plus, c’est-à- dire que l’on peut, à plusieurs reprises, détruire et voir reparaïitre la raideur post-mortem. Mais quelques expériences négatives m’avaient fait croire, en 1858, que lorsque la rigidité cadavérique a existé vingt-quatre heures, elle ne (1) Recherches de physiologie et de chimie pathol. Paris 1811, p. 401. (2) Manuel de Physiologie, traduit par Jourdan, édition Littré. Paris 1851, tom. II, p. 42. (3) Journal de la physiol. de l’homme et des animaux. Paris, 1858, t. XXVIII, 58 MÉMOIRES DH LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. se développe plus si on la fait cesser. Les faits que je vais exposer mon- trent que si j'avais multiplié mes recherches à ce sujet, j'aurais obtenu, quelquefois, au moins, un tout autre résultat. Le 31 mars dernier, sur un des chiens dont j'ai parlé plus haut et qui était mort depuis le 12 mars, je trouvai que la hanche gauche qui, jus- qu'à ce jour-là, avait été absolument rigide, commençait à se relâcher et qu’elle avait, d’après les règles données ci-dessus, un jeu dedeux centi- mètres et un quart. Le genou gauche avait un jeu de quatre centimètres et demi et le pied de dix centimètres. Voulant m'assurer de la résistance des muscles rigides, je pratiquai, à plusieurs reprises, l’extension et la flexion des diverses parties de ce membre, et je trouvai alors que le jeu de la hanche était arrivé à être de six centimètres et demi, celui du ge- nou de onze centimètres et celui du pied de quinze centimètres. Environ une demi-heure après, à ma grande surprise, je constatai que la rigi- dité cadavérique avait reparu dans ce membre, à bien peu près au même degré qu'avant la distension. Le lendemain, 1% avril, la hanche avait un jeu de deux centimètres, le genou de cinq et le pied de quinze centime- tres. Le 3 avril, la hanche et le pied étaient moins mobiles (la hanche un centimètre et demi seulement et le pied treize centimètres au lieu de quinze). Le 4, la hanche avait un jeu de trois centimètres, le genou de cinq et le pied de dix. Je pratiquai alors, une seconde fois, la distension de tous les muscles du membre (flexion et extension forcées). La rigidité ne reparut pas aussi promptement que dans le premier cas; mais le len- demain, 5 avril, le jeu de la hanche était moindre que la veille avant la distension (un peu moins de deux centimètres au lieu de trois). Il en était de mème du genou (quatre céntimètres du lieu de cinq), mais le pied avait un jeu de dix centimètres. Le 7, je déraidis pour la troisième fois la hanche gauche, dont le jeu était, avant la distension, de moins de trois centimètres. Après celle-ci le jeu était de neuf centimètres. Le lende- main il n’était que de cinq centimètres. Le membre postérieur droit, déraidi pour la première fois le 5 avril (24 jours après la mort), a différé à certains égards du membre gauche. Ce jour-là la hanche droite était encore absolument rigide (pas trace de jeu). Après la distension le jeu était de onze centimètres et le lendemain il en était de même. Le 7, le jeu n’était que de quatre centimètres, le 8, seulement d’un peu plus de deux centimètres, et le 9 pas même de deux centimètres ! Ce jour-là (le 9), je déraidis de nouveau cette hanche droite, qui acquit alors un jeu de dix à onze centimètres et le lendemain (devenue de nouveau rigide) elle n’eut plus qu’un jeu de quatre centimètres et demi. D'autres expériences de déraidissement ont été faites sur les diverses parties des membres thoraciques de cet animal et n’ont donné que des SUR LA NATURE DE LA RIGIDITÉ CADAVÉRIQUE. 9 résultats négatifs, excepté à l'égard des épaules, qui ont recouvré lente- ment un peu de rigidité (1). Je me suis hâté de chercher chez d’autres animaux (chiens et lapins), si des résultats analogues à ceux que je viens de signaler, peuvent toujours ou souvent être obtenus. Sur sept chieas, tués de diverses ma- nières, et dont les cadavres étaient l’objet d’autres études sur la rigidité cadavérique, trois ont montré la possibilité du retour de la raideur post- mortem, dans des membres rigides depuis longtemps et assouplis. Chez l'un de ces animaux, tué le 16 mars, la putréfaction avait déjà commencé (la peau de l’abdomen était verdâtre depuis quelques jours), et la rigidité avait diminué d’une mamère notable le 4 avril. Néanmoins l'épaule gauche montra clairement ce que je cherchais. Le jeu de cette épaule, le 4, était de quatre centimètres et demi, et, après le déraidissement, de neuf centimètres. Vingt-quatre heures après, le 5, ce jeu était de six cen- timètres et demi, montrant positivement un retour partiel de rigidité cadavérique. Le surlendemain, la raideur post-mortem ayant disparu presque partout chez ce chien, le jeu de l'épaule, redevenue souple, était de neuf centimètres, comme après le déraidissement. Le coude et le poignet, au même membre, donnèrent aussi des preuves de la possibilité du retour de la rigidité cadavérique, mais à un moindre degré que ‘épaule. La durée totale de la raideur post-mortem, dans ce cas, a été de vingt et un jours. Sur un autre chien, un gros épagneul, tué le 31 mars, je soumis le membre postérieur gauche au déraidissement, le 4 avril. Le jeu de la hanche, avant cette opération, était de deux centimètres et demi ; après l’assouplissement, il était de dix centimètres. Le lendemain, cette hanche n'avait qu'un jeu de cinq centimètres. Le genou et le pied donnèrent aussi, mais à un moindre degré, la preuve d’un retour de raideur post- mortem. Le cadavre commencait déjà à se putréfier le # avril et la rigi- dité avait disparu partout le 10 au matin, ayant duré dans ce cas, moins de dix jours. Sur un troisième chien, un grand terrier, le déraidissement des deux membres gauches fut fait le 6 avril, quatre jours après la mort, la putréfaction se faisant déjà sentir et voir à l'abdomen. Le retour d’un degré marqué de rigidité eut lieu au pied, mais seulement là. Avant le dé- raidissement le jeu du pied était de six centimètres ; après cette opération, il était de dix-huit centimètres. Le lendemain, la rigidité revenue, se manifestait par l'existence d’un jeu de dix centimètres, huit de moins (1) Cet animal, mort à l’état syncopal, n’est pas encore en putréfaction, mais, sa rigidité durera moins que celle d’un autre chien que j'ai montré à la Société en 4871 (Comptes rendus de la Soc. de Biol., 1871, p. 157, 176, 188) et qui est resté rigide de partout plus de quarante jours. Le chien mentionné dans la séance d’avant-hier n’a plus aujourd'hui de rigidité que dans les épaules et les hanches (13 avril). HEAR 60 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. qu'après le déraidissement. Deux jours plus tard la raideur avait cessé partout, n’ayant duré que six jours dans ce cas. La singularité et, je crois pouvoir dire, l'importance des résultats obtenus dès le 31 mars sur le premier des chiens soumis à ces expé- riences, m'a conduit à faire des recherches sur une autre espèce animale. Sur dix lapins, tués de manières très différentes, j'en ai trouvé quatre chez lesquels le lendemain et le surlendemain de la mort, des membres déraidis ont de nouveau été atteints de rigidité cadavérique, mais à un moindre degré qu'avant l’assouplissement. Mais aucun de ces ‘animaux et aucun aussi des trois derniers chiens dont j'ai parlé, n’a eu de phéno- mènes aussi marqués que le premier chien dont l’histoire détaillée est donnée ci-dessus. Je dois dire que la seule particularité spéciale à cet animal est que bien qu’il soit mort d’une syncope soudaine, il avait eu peu de temps avant de mourir des convulsions violentes (causées par des injections de chlorhydrate de cocaïne) et que sa température, quelques minutes après la mort, était de 44°, 4. Ce n’est ni à l’empoison- nement par la cocaïne, ni aux violentes convulsions, ni à l'élévation de la; température, ni à la mort à l'état syncopal, qu'il faut attribuer les phénomènes si singuliers que j'ai décrits, car l’une ou l’autre de ces diverses circonstances ou deux d’entre elles simultanément, ont existé chez d’autres animaux qui n'ont montré ces phénomènes qu'à un bien moindre degré. Faut-il admettre que c’est à la coexistence de toutes ces circonstances, chez un même individu, que l'intensité exceptionnelle de ces phénomènes est due ? Je ne saurais le dire. III. Je ne veux pour aujourd'hui tirer aucune conelusion allant au delà des faits eux-mêmes. Quant à ceux-ci, ils font voir clairement : 1° que la rigidité cadavérique est sujette à des alternatives d'augmentation et de diminution, dont le nombre peut être très grand; 2 que la rigidité cada- vérique après avoir été détruite, nombre de jours après la mort, peut apparaitre de nouveau et quelquefois alors avecune très grande intensité. SUR LES POISONS CURARISANTS DE L'ORDRE DES AMMONIUMS QUATERNAIRES IODURES ET OXYDES DE PHÉNYLDIMÉTHYLPROPYLAMMONIUM ET DE PHÉNYLDIMÉTHYLISOBUT YLAMMONIUM par M. RABUTEAU (Voir pages 138 et 152 des Comptes rendus.) Todure de phényldiméthylpropylammonium. — Ce composé à pour for- mule : (OP C H° a CH H Il représente l’iodure d’ammoniuwu : Az I, dont les quatre atomes | H d'hydrogène typiques sont remplacés par les radicaux phényle C°H?, méthyle CH*, propyle C*HT. Je l’ai préparé en traitant la phényldiméthylamine (diméthylaniline) par l'iodure de propyle, CHI. Pour cela, j'ai chauffé, entre 120 et 150 degrés, dans un tube scellé, un mélange de ces deux substances dans le rapport de leurs poids moléculaires, soit 12 parties de l’ammoniaque ternaire avec 17 parties de l’iodure de propyle (1). La combinaison s'effectue facilement. Elle est complète, ou presque complète, après deux heures de chauffe à une température de 120 à 150 degrés. Le contenu du tube est dissous dans l’eau tiède qui en sépare une substance huileuse (diméthylaniline non combinée ou autre matière). Cette substance, qui retarde la cristallisation du produit principal, peut être enlevée par le lavage avec l’éther. On fait cristalliser ensuite, une ou deux fois, ou plus s’il est nécessaire, dans une atmosphère desséchée par Pacide sulfurique et la chaux vive. L’iodure de phényldiméthylpropylammonium se présente, à l’état pur, en prismes incolores terminés par des sommets dièdres. Il a une saveur fraîche et très amère. Il se dissout dans l’eau en produisant un froid con- === a —— Cë H!t Az = 121 GH'] (1) C6 H° C8 — 96 | GE CG = 36 CES A7 EE A ; 1 HT C I Az == 14 I — 197 62 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. sidérable, lequel est aussi remarquable que celui qu'on observe dans la dissolution de l’azotate d'ammoniaque. Ses solutions aqueuses ne coagulent pas l’albumine de l'œuf, à moins qu'’ellesneretiennentune quantité même très faible soit de diméthylaniline, soit de cette substance huileuse et brunâtre qui colore la masse primitive et en rend la cristallisation difficile. J’insiste sur ce caractère d’impureté, que je rappellerai dans l'étude des effets toxicologiques. Hydrate de phényldiméthylpropylammonium. — Get oxyde hydraté à pour formule - Az | HO ou [(C°H°. CH°. CH. C* H°) Az] HO CH Il correspond à l’hydrate d'ammonium hypothétique [H*Az]HO, ou bien aux bases minérales hydratées, telles que la potasse KHO, dont le métal serait remplacé par l’'ammonium composé quaternaire. Je l'ai préparé par le procédé ordinaire, en décomposant l’iodure qua- ternaire par l’oxyde d’argent récemment précipité. La solution ainsi obtenue est. fortement alcaline, caustique, et présente en même temps une saveur amère. On ne peut faire cristalliser l’hydrate par évaporation sous l'influence de la chaleur, par suite d’une décomposition partielle qu'il éprouve alors; il faut concentrer dans le vide ou dans une atmos- phère desséchée. Le mieux, avant d’expérimenter, est de doser l’oxyde, dans sa solution aqueuse, au moyen d’une solution titrée d'acide sulfuri- que. — À 1 d'acide sulfurique correspondent 3,69 d'hydrate de phényl- diméthylpropylammonium, en admettant que la formule du sel quaternaire corresponde à celle du sulfate neutre d’ammonium ordinaire, c’est-à-dire qu'elle contienne 2 molécules d'ammonium quaternaire. Expériences. — J'ai étudié les effets de ces composés sur les grenouilles et les cochons d'Inde. 1° J'ai injecté sous la peau, chez les grenouilles, 4 centigramme d'iodure de phényldiméthylpropylammonium dissous dans 50 centigram- mes d’eau. — Dès la cinquième minute, fatigue considérable, puis anéan- tissement en dix minutes. Le cœur continue de battre. Les nerfs scia- tiques mis à nus ne provoquent par l'électricité aucune contraction dans les membres postérieurs. l'électricité provoque au contraire des mou- vements énergiques lorsqu'elle est appliquée directement sur les muscles, et même sur la peau. Les effets sont de même ordre, mais ils sont un peu plus tardifs à la dose de 5 milligrammes dans 25 centigrammes d’eau. Ils se produisent en quinze à vingt-cinq minutes à la dose de 2 centigrammes et demi. — LES POISONS CURARISANTS 63 Enfin les grenouilles peuvent survivre lorsque la quantité injectée n’a pas été supérieure à celle de 2 milligrammes. 2° J’injecte sous la peau des aines et des aisselles, chez un cochon d'Inde pesant 480 grammes, 4 centigrammes de ce même iodure dissous dans 2 grammes d’eau. — Dès la quatrième minute, l'animal parait affecté. Ses mouvements, d'abord ceux des membres postérieurs, devien- nent difficiles puis impossibles ; sa tête reste biéntôt inclinée sur le sol. La respiration devient également de plus en plus difficile, puis elle s’arrête. Les battements cardiaques, rapides d’abord, sont très ralentis et per- sistent encore quelque temps. — A l’autopsie, je constate que les pou- mons sont faiblement et partiellement congestionnés. Les nerfs scia- tiques mis à nu, et excités par l'électricité, ne provoquent pas de mouve- ments dans les membres postérieurs qui se contractent au contraire lorsque les muscles en sont directement excités. Chez un autre cochon d'Inde pesant 620 grammes, j'injecte, de la même manière, 2 centigrammes du même iodure. — Malgré cette faible dose, l'animal commence à être fatigué au bout de sept à huit minutes. Ses menibres ne peuvent plus le porter, sa tête s'incline. Les battements cardiaques sont très ralentis au bout de douze minutes; la respiration est pénible ; enfin elle cesse bientôt, et les battements cardiaques deviennent insensibles pour cesser à leur tour. — Les poumons sont plus congestionnés que dans l'expérience précédente, sans doute parce que l’état asphyxique a été plus prolongé. Ces expériences démontrent que l’iodure de phényldiméthylammo- nium est très toxique. L'oxyde est encore plus toxique que l’iodure, ce qui se concoit, attendu qu'à poids égaux l’oxyde renferme plus d'ammo- nium quaternaire que n’en renferme l’iodure. J'ai essayé de même cet hydrate sur les grenouilles et sur les cochons d'Inde. Aux doses de 1 centigr. et de 5 milligrammes, injectées sous la peau du dos dans 30 centigrammes et 15 centigrammes d’eau, les grenouilles sont rapidement fatiguées, puis complètement anéanties en huit à dix minutes. Le cœur continue de battre. Les nerfs sciatiques, mis à nu et excités par l'électricité, cessent de provoquer des contractions dans les muscles qui se contractent néanmoins sous l'influence directe de cet agent. A la dose de 2 milligrammes, les grenouilles meurent générale- ment. Elles ne survivent que lorsque la dose injectée ne dépasse pas 1 milligramme. Les expériences sur les cochons d’Inde ont également démontré la toxicité supérieure de l'oxyde. J'ai injecté, chez un cochon d'Inde pesant 490 grammes, 3 centi- grammes d'oxyde de phényldiméthlypropylammonium dissous dans 1 gramme d’eau. L'injection a élé pratiquée sous la peau des cuisses et 64 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. es aisselles. — Au bout de cinq minutes, fatigue extrême; — dix mi- nutes, mort apparente, les mouvements respiratoires sont arrêtés; — douze minutes, les battements cardiaques ont cessé. -— L’autopsie est faite presque aussitôt. Je n'observe qu'une congestion três partielle et très faible des poumons. Les nerfs sciatiques mis à nu ne provoquent pas de contraction des membres postérieurs, bien que les museles aient conservé leur conctratilité. Un autre cochon d'Inde pesant 400 grammes a été peu affecté et a continué de vivre après avoir recu, sous la peau des aïnes, À centigramme de ce même oxyde dissous dans 30 centigrammes d’eau. Tels sont les résultats de mes expériences avec l'iodure et l’'oxyde quaternaire précités. Il est un point sur lequel je dois insister. J’ai observé parfois des convulsions plus ou moins évidentes. Ces effets se sont produits lorsque l’iodure retenait une plus ou moins grande quan- tité de phényldiméthylamine. L’oxyde quaternaire pourrait également provoquer des mouvements convulsifs s'il retenait des traces d'argent. Dans ces divers cas, les convulsions présentent ceci de remarquable qu'elles sont spontanées, qu’elles ne dépendent pas d’une action nerveuse, car l'excitation des nerfs moteurs, qui sont paralysés par la substance curarisante, ne les réveille ni ne les augmente. Elles résultent d’une impression directement exercée sur système musculaire. Zodure et oxyde hydraté de phényldiméthylisobutylammonium. — Ges composés ne diffèrent des précédentsqu'en ce que le radical isobutyle, C‘H°, remplace le radical propyle C°HT. J'ai obtenu l’iodure en traitant la phényldiméthylamine par l’iodure d'isobutyle (liodure de lalcool butylique ordinaire). — L'oxyde hydraté a été préparé en décompo- sant l’iodure par l’oxyde d'argent. La similitude et même l'identité des propriétés physico-chimiques que présentent ces composés avec les précédents entrainaient une similitude : d'effets sur l'organisme. Mes expériences sur les grenouilles et sur les cochons d'Inde m'ont démontré qu'il en était ainsi. Toutefois, l’iodure et l’oxyde de phényldiméthylisobutylammonium m'ont paru être plus toxiques. Ce résultat ne doit pas nous étonner. En effet, les divers alcools butyliques {alcools isobutylique et butylique normal) sont plus actifs que les alcools propyliques (alcools propylique ordinaire et isopropylique). Il en est de même de leurs éthers, ainsi que je l’ai démontré pour les éthers acétiques, et que je le démontrerai bientôt pour les éthers iodhydriques et bromhydriques de ces mêmes alcools. L'iodure de phényldiméthylisobutylammonium est toxique dès la dose de 2 milligr., pour les grenouilles et dès les doses 1 centigr. et demi à 2 centigr. pour les cochons d'Inde. Les doses mortelles de l'oxyde sont moindres que les précédentes. RAPPORT SUR LE CONCOURS DU PRIX GODARD POUR 1884 Par M. LABORDE Quatre travaux de valeur réelle, mais diverse, ont été adressés à la Société pour le concours du prix Godard; en voici les titres respectifs : Î. Des accidents vertigineux et apoplectiformes dans le cours des maladies de la moelle épinière, par le D' GirAUDEAU, ancien interne des hôpitaux de Paris. Il. De la Spermatorrhée, par le D° Marécor, ancien interne des hôpitaux de Paris. ILE. Recherches sur Pélimination de l'acide phosphorique chez l’homme sain, l'aliéné, l'épileptique et l'hystérique, par le D' A. Marrer, professeur agrégé à la Faculté de Montpellier. IV. Etude physiologique et thérapeutique de la caféine, par M. le D' E. Lesron», ancien interne des hôpitaux de Besancon. Les deux premiers de ces mémoires sont une étude de nosologie et de pathogénie cliniques. Le troisième, un essai de pathogénie basé sur la recherche uro- logique et chimique de l’un des éléments nutritifs de l’organisme. Le quatrième, une étude à la fois de physiologie expérimentale et de clinique appliquée à la connaissance et à l'emploi thérapeu- tique d’une substance médicamenteuse. I. Les progrès récents accomplis dans l'étude des maladies du SYSTÈME NERVEUX, sous la vigoureuse et féconde impulsion de l’école de la Salpétrière — et j'entends par école de la Salpétrière celle des maîtres qui sy sont succédé dans le domaine clinique des maladies nerveuses, depuis EsquiRoL jusqu'à CHARCOT — ont eu surtout pour résultat de montrer qu'un certain nombre des affections médullaires et encépha- liques considérées, jusqu'en ces derniers temps, comme distinctes et séparées les unes des autres, ont, au contraire, un lien symptomatique commun, qui n’est que l'expression des relations organiques des diverses parties du système nerveux, siège de la maladie. Déméler, à l’aide de l'analyse clinique et de ses instruments essentiels, c'est-à-dire l’anatomie normale, la physiologie, l'anatomie et la physio- BroLocrE. MÉMOIRE. — 88 SÉRIE, TAATÉNNCNO 66 MÉMOIRE DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. logie pathologiques, démêler dans le complexus symptomatique la part respective qui revient à chacune de ses parties organiques, est la tâche entreprise et menée avec tant de succès par les maitres et les élèves de l'Ecole moderne ; et c’est celle que s’est imposée M. le docteur Giraudeau, en étudiant, dans un travail, un certain nombre de manifestations céré- brales et bulbaires, ordinairement décrites sous le nom de Vertiges, étour- dissements, pertes de connaissance, attaques dites congestives, etc... et qu’il a eu l’idée de réunir dans une description d'ensemble, de facon à saisir leurs rapports avec les affections médullaires qu'elles viennent compliquer, les allures qu’elles affectent dans chacune de ces affections, leur valeur diagnostique et pronostique, et enfin leur signification patho- génique. Dans ce but, qui est surtout, on le voit, celui d’une étude de SÉMÉIo- TIQUE, l’auteur divise ces troubles symptomatiques en deux catégories : 1° Les accidents verligineux ; 2° Les accidents apoplectiformes, tout en reconnaissant avec raison qu'il n'y à point là deux groupes absolument distincts, mais bien deux degrés d’un même syndrôme. Cette division, faite surtout pour faciliter sa description, amène l’auteur à étudier en eux-mêmes, et dans une première partie, d’abord les accidents vertigineux, ensuite les attaques apoplecti- formes, enfin les uns et les autres réunis; puis, allant de cette étude abstractive à l'étude concrète et d'application, il passe successivement en revue les affections médullaires auxquelles se rattachent ces manifesta- tions symptomatiques, savoir : 1° Sclérose en plaques ; 2° Ataxie locomotrice ; 3° Myélites chroniques diffuses ; 4° Atrophie musculaire progressive et sclérose latérale amyotrophique ; 5° Affections localisées à certains étages de la moelle en considérant : A. Les lésions de la région cervicale ; B. Les lésions de la région dorso-lombaire. Enfin, dans un dernier chapitre de physiologie pathologique qui con- duit aux conclusions, l’auteur essaye l'explication pathogénique des troubles symptomatiques qu'il a passés en revue. Tel est le canevas, pour ainsi dire, du travail de M. Giraudeau, qui nous suffit, messieurs, pour permettre une appréciation d'ensemble : c’est, je le répète, et comme le déclare l’auteur lui-même, un essai de séméiotique ; essai bien concu, selon l’idée et le progrès modernes en ces sortes d'études, fort bien ordonnancé, mais dans lequel, à part un certain nombre d'observations cliniques personnelles, on ne trouve pas de donnée proprement originale. J'ai même le regret d’avoir à y signaler d’impor- tantes lacunes sous le rapport de certaines données physiologiques mises en lumière par de récentes recherches expérimentales, notamment en ce qui concerne la production et la pathogénie du vertige, données qui DLES à RAPPORT SUR LE CONCOURS DU PRIX GODARD 57 auraient pu être d’un grand secours à l’auteur pour l'interprétation pathogénique des accidents qu'il étudiait. II. De la SPERMATORRHÉE, tel est le sujet traité par M. Marécor, avec l'intention annoncée, dès le début, par l’auteur, « d'essayer de fixer l'état de la science sur cette intéressante question : « Ce que nous avons fait, ajoute-t-il, sans parti pris, contrôlant les faits avancés, relevant ceux qui sont inexacts, multipliant les examens, accumulant les preuves. » L'auteur, messieurs, — nous nous plaisons à le reconnaitre de suite, — ne s’est pas fait illusion dans la réalisation de son intention et de ses louables efforts : il à parfaitement rempli son programme, tenu sa pro- messe, et cela avec une remarquable distinction de qualités de style et d'exposition. Après son travail, il est permis, en effet, de croire et de dire que la question de la « spermatorrhée » est définitivement fixée, au point de vue clinique; d'autant mieux qu’elle l'était déjà, ou peu s’en faut, sur l'un des points auquel s’est particulièrement attaché M. Malécot: celui qui concerne les mémorables erreurs de LALLEMAND, qui ne trou- vaient plus grâce, depuis longtemps, c'est-à-dire depuis Ricord et Diday jusqu à Civiale et Guyon, même devant les hypocondriaques, ici sperma- tophobes, Les plus renforcés. Mais M. Malécot — et c'est là son vrai mérite — à tellement et si bien enfoncé le clou déjà planté, qu'il ne sera plus possible de l’arracher ; et en cela, il a définitivement « fixé », en effet, et comme il le dit, l’état de la science. Voyons rapidement la conception et la distribution de son travail. Après un historique approfondi, où il montre combien a suscité de contro- verses ce sujet, l'auteur étudie successivement dans trois grands chapitres : A. La Spermatorrhée physiologique ; B. La Spermatorrhée pathologique ; C. La Spermatorrhée imaginaire. Et il termine par le diagnostic et le traitement. Ces divisions, un peu artificielles, il est aisé de le voir, servent surtout à la clarté de l'exposition. Le chapitre de la SPERMATORRHÉE PHYSIOLOGIQUE débute par quelques mots sur le développement du sens génital, mots trop courts, peut-être, où nous eussions aimé à rencontrer quelques détails empruntés aux études embryogéniques récentes, dont il suffira de rappeler celles de l’un des membres de notre commission, qu'il est inutile de nommer, sur la Spermatogénèse, pour en montrer tout l'intérêt. Il y aurait eu, croyons-nous, à part cet intérêt, quelque profit pour les auteurs à les invoquer comme base et point de départ de certaines interprétations pathogéniques. Le chapitre de la Spermatorrhée pathologique est, sans contredit, le plus important; c'est, d'ailleurs, celui auquel l’auteur a consacré les plus Jongs développements, Après avoir présenté le {ableau classique. de la spermatorrhée, il s'at- tache à démontrer que la fameuse théorie de la spermatorrhée passive par 68 MÉMOIRE DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. atonie des canaux éjaculateurs ne se rapporte nullement à des sperma- torrhéiques vrais; et que les observations anatomo-pathologiques sur lesquelles elle a été édifiée, sont en désaccord complet avec les notions histologiques et physiologiques modernes. L'auteur n’a pas eu de peine à justifier son insistance critique à ce sujet, qui bat complètement en brèche les idées et la doctrine erronées de Lallemand, et de quelques-uns de ses disciples encore attardés. Entrant ensuite dans l'étude de la spermalorrhée envisagée conne symptôme, il examine successivement les diverses théories physiologiques relatives au mécanisme de l’éjaculatien, à la détermination et à la locali- sation d'un centre génilo-spinal. Ce centre organique, que les sugges- tions apparentes de la clinique ont fait placer par quelques pathologistes, notamment par M. Jaccoud, dans la moelle cervicale, à cause de lin- fluence bien connue des traumatismes de cette région du myélaxe sur l'érection et l'éjaculation, a trouvé, depuis Budge, er grâce à l'expérimen- tation, la véritable localisalion dans la moelle lombaire, où il constitue un centre typique de réflexion : sa mise en jeu par toute cause venue d'un autre point du système nerveux central, n’est que l'effet ou le retentis- sement d’une modification fonctionnelle ou organique de ce point sur le centre en question, par la voie des irradiations qui relient l’un à l'autre : c'est ce que l’auteur, quoique clinicien surtout, à le mérite d'admettre, se mettant, de la sorte, au ton des progrès de la physiologie expérimen- tale: ce que ne font pas toujours, comme on vient de le voir, certains maîtres, par un exclusivisme préconcu et d'autant moins justifiable, que ces maîtres sont les suprèmes dispensateurs de la science. L'influence et l'intervention du cerveau, à titre de « centre actif d'exei- tation » dans l’éréthisme génésique, sont, d'ailleurs, justement appréciées et interprétées, dans le sens psychologique actuel de l'influence du « moral sur le physique ». Quant à la question, bien incertaine encore du siège cérébral des INSTINCTS GÉNITAUX, question que, parmi les modernes, Luys et PERRIER ont surtout tenté de résoudre, le premier, par voie d’induction ou plutôt de conduction, en faisant se terminer les fibres conductrices des impres- sions génitales au niveau du troisième ventricule, pour le concentrer dans le sensorium et s’irradier, de là, comme toutes leurs congénères, dans certains départements de la périphérie corticale; le second, par la voie expérimentale, en placant dans une région étroitement unie aux centres de l’odorat et des sensations tactiles (c’est-à-dire les circonvolutions occi- pito-temporales ou celles qui unissent la partie interne et inférieure du lobe temporo-sphénoïdal à l'occipital) le siège probable des sensations qui constituent la base de l’appétit sexuel; quant à cette question, dis-je, l'auteur garde, avec raison, une réserve que justifie pleinement l’état réel de la science sur ce point délicat. Ce qu'il est permis d'affirmer, à cet égard, d'une facon générale, c’est RAPPORT SUR LE CONCOURS DU PRIX GODARD 69 que le cerveau postérieur semble bien être le substratum organique et fonctionnel de l'appétit génésique, comme de la plupart des actes instinc- tifs ; et c'est, très probablement, dans les connexions organiques de cette portion cérébrale avec les divers centres de sensibilité spéciale ou géné- rale intervenant dans la mise en jeu du sens génital, qu'il faut chercher l'ensemble, et pour ainsi dire, l'instrument fonctionnel complet dont il s'agit. Quoi qu'il en soit, le travail de M. Malécot présente — cette courte analyse suffit pour en témoigner — de remarquables qualités de fond et de forme, et il avait d'autant plus attiré l'attention de la Commission, qu'il traite d'un sujet de la catégorie de ceux qui étaient particulière- ment chers au fondateur du prix. Mais, par malheur, votre Commission a été obligée de reconnaitre, avec l’un de ses membres le plus compétent en cette matière et spécialement chargé de l'appréciation de ce mémoire, que, quelles que fussent les qualités intrinsèques que nocs nous plaisons à lui attribuer, il manquait, de même que le précédent, de celles qui constituent la véritable originalité d’une œuvre, et qui, par des recherches nouvelles, lui donnent un cachet absolument personnel. Restaient le travail de M. Marrer et celui de M. E. LEBLOND. III. Le mémoire volumineux de M. MaAIRET représente une somme de recherches et de travail considérable ; vous en connaissez la substance par les deux communications que l’auteur en à faites à la Société, et qui y ont suscité quelques critiques de la part de notre président : ÿ s'agit de l'élimination de l'acide phosphorique, dans l'état normal et dans l'état pathologique, principalement en ce dernier cas, dans l’aliénation mentale. C’est une des questions de biologie un peu à la mode, qui a suscité, en ces derniers temps, tant à l'étranger que chez nous, de nombreuses recherches ; ce qui s'explique par l'importance attribuée au rôle de l'acide phosphorique dans le fonctionnement du système nerveux, et sur- tout dans le fonctionnement cérébral, ainsi que l’exprime la fameuse for- mule concrète : « PAS DE PHOSPHORE, PAS DE PENSÉE ». Aussi, l’auteur n'a-t-il pas eu de peine à justifier le choix d’un sujet, dont il s’est solidement emparé, à la suite de Bischoff, de Bidder et Schmidt, de Pettenkoffer et Voit, surtout de Quelzer et d'Engelmann ; et en notre pays de Byasson et Teissier, Beaunis, Bouchard, Lépine, etc. Deux grandes parties forment la division toute naturelle du travail de M. Mairet : La première, consacrée à l'étude de l'élimination de l'acide phospho- rique chez l’homme sain, et à la détermination du rôle biologique de cet acide ; La deuxième, réservée à l'étude de l'élimination de l'acide phosphorique chez l’aliéné, l’épileptique et l'hystérique et à la détermination de l’action qu’exercent ces maladies sur les échanges qui se passent au sein du système nerveux. 710 MÉMOIRE DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Chacune de ces parties principales comprend deux subdivisions secon- daires : la revue historique et critique des travaux antérieurs sur le même sujet, et l'exposé des recherches personnelles de l’auteur. Par la multiplicité et la complexité des détails, — car M. Mairet s'est efforcé de tenir compte, autant que possible, de toutes les conditions expérimentales du double problème physiologique et pathogénique, — ce travail échappe à une analyse par le menu; mais ce qui importe ici, avant tout, et dans la tâche que nous avons à remplir, c'est d'émettre une appréciation motivée, en considérant les grandes lignes de la ques- tion, et les résultats obtenus et démontrés. Or, cette appréciation, la voici, messieurs, telle qu'elle émane de celui de nos collègues, à qui il appartenait de la donner avec le plus de com- pétence : « Le volumineux mémoire de M. Mairet a dû coûter à son auteur un formidable travail; il est rempli de documents expérimentaux, d’ana- lyses chimiques des urines qui, comparés à l’observation des malades, forment autant de matériaux soigneusement recueillis. Il se divise en deux parties : la première a trait à l'élimination de l’acide phosphorique chez l'homme sain; la seconde à trait à l'élimination de cet acide chez l’aliéné, l’épileptique et l’hystérique. L'étude de l'élimination de l'acide phosphorique chez l’homme sain restera comme un excellent travail de contrôle. M. Mairet, en effet, a envisagé successivement l'influence de l’alimentation, du travail musculaire, du tra- vail intellectuel etc., après avoir rappeléles recherches de ses prédécesseurs sur les mêmes sujets. Il aboutit à cette conclusion prévue d'avance : que l'acide phosphorique est lié à la nutrition générale et que l'élimination des phosphates suit une marche parallèle à la décomposition des matières albu- minoïides, c’est-à-dire à l'élimination de l'azote : néanmoins l'étude compa- rative de l'acide phosphorique lié aux terres, de celui lié aux alcalis et de l'azote de l'urine, permet de faire la part du travail intellectuel ou du tra- vail musculaire dans cette action de la nutrition générale sur la partie de l’acide phosphorique. Si l’acide phosphorique sert à la nutrition et au fonctionnement d’autres tissus que le tissu nerveux, # est intimement lié à la nutrition et au fonctionnement de ce dernier; par conséquent les maladies fonctionnelles du système nerveux peuvent modifier les échanges nutritifs qui se passent dans son sein, telle est l’idée dominante qui se dégage à la seconde partie des recherches de M. Mairet. De là à l'emploi de l'acide phosphorique dans la thérapeutique des maladies mentales, à l'idée de son action spécifique, semblable à celle du fer dans l’anémie, il n’y à qu'un pas que M. Mairet franchit, mais dont la confirmation demande encore de nouvelles recherches. En résumé, M. Mairet nous à paru mériter les plus grands éloges pour la puissance du travail qu'il a développée dans lélaboration de son | “À 4 À : AU RAPPORT SUR LE CONCOURS DU PRIX GODARD 71 mémoire ; nous le féliciterons d’avoir mis un peu d'ordre dans un sujet tant fouillé déjà et rempli de contradictions, mais nous sommes obligé de reconnaître que cette quantité de recherches, tout en élucidant de nombreux points de détail, n'a abouti à aueun fait assez nouveau et assez saillant pour se placer hors de pair. » IV. M. E. Leblond a entrepris et réalisé sur l’action physiologique et thérapeutique de la caféine, une étude qui peut être considérée, à bon droit, non seulement comme le travail le plus complet qui ait été jusqu’à présent consacré à ce précieux médicament, mais encore comme un type de travail de cette espèce, dans lequel les procédés de l'observation expérimentale et de l'observation clinique, les recherches du laboratoire alliées aux recherches et aux applications sur le malade, et même sur l’homme sain dans la propre personne de l’auteur, ont été tour à tour et simultanément mis en pratique, de facon à éclairer, de toute la lumière nécessaire et possible, le double problème physiologique ec thérapeutique. La conception et le dispositif du Mémoire de M. Leblond se révèlent dans la division suivante, en trois parties : PREMIÈRE PARTIE, comprenant 2 chapitres. Cuapirre I. Étude chimique. CuaPiTRe Il. ÂAistorique physiologique. DEUXIÈME PARTIE, consacrée à l'étude expérimentale et divisée en quatre chapitres. CHAPITRE [°. £'xpériences sur les animaux. CHAPITRE Il. Observations expérimentales, notées sur l’auteur lui-même. CHAPITRE Ill. /nterprétation des faits observés dans les deux précédents chapitres. CnarirRe IV. Æfets du café et de la caféine sur la nutrition. TROISIÈME PARTIE, repartie en 2 chapitres. CHAPITRE L°. Historique et étude des applications thérapeutiques, avec observations cliniques. CHapirrEe Il. Des inconvénients et contre-indication de la caféine, et des accidents toxiques qu'elle peut produire ; Son mode d'administration et doses. Nous ne nous étendrons point sur les chapitres consacrés soit à l’étude clinique, soit à la partie historique, bien qu'ils soient traités avec tous les développements que comporte le sujet dans l’état actuel de la science et présentés de facon à offrir un véritable intérêt, surtout le chapitre de l'historique physiologique, dans lequel l’auteur avait à mettre le bilan des connaissances acquises en présence des résultats nouveaux de ses recherches. Celles-ei constituent, en effet, un fonds suffisamment riche, par l’origi- nalité et par le nombre, pour fixer, et absorber, en quelque sorte l’atten- ton. Elle est principalement sollicitée par la partie consacrée à l’ÉTUDE I 19 MÉMOIRE DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE EXPÉRIMENTALE, laquelle se compose, ainsi que nous l'avons annoncé, d'un chapitre proprement expérimental (expériences sur les animaux), et d'un chapitre d'observations expérimentales sur soi, c’est-à-dire sur l’homme à l’état physiologique. — Dans les expériences sur les animaux, réparties entre les diverses espèces, et dont l'auteur ne rapporte pas moins d'une trentaine, dans tous leurs détails, les modifications éprouvées, sur l'influence de la caféine, par les diverses fonctions de l’économie, sont rigoureusement observées, notées, et enregistrées par la méthode graphique : toutes les fois qu'il y a lieu : fonctions nerveuses, respiratoire, cardiaque et circulatoire, pression sanguine, contractilité musculaire, température. — Signalons, parmi les graphiques qui illustrent, comme diraient lés Anglais, cet intéressant chapitre, ceux qui révèlent les changements apportés par la caféine au rythme du cœur, et à l'amplitude respiratoire, de ces mammifères ; — celui qui retrace une période CONVULSIVE chez le lapin; — les tracés pris sur le cœur de la grenouille, montrant les curieuses alternatives d'arrét et de reprise des battements cardiaques ; les nombreux tracés myographiques, enregistrant les remarquables modifications de la courbe de contractilité musculaire sous l’action de la caféine; et enfin, une étude du fonction- nement cardiaque faite à l’aide de la méthode des circulations artificielles, méthode précieuse pour écarter les éléments si nombreux qui compliquent l'examen fonctionnel du cœur, et si ingénieusement mise à profit par notre collègue M. Francois-Franck, qui a du reste prêté, dans ce cas, à M. Leblond, le bienveillant concours de sa haute compétence : ce qui est une garantie de plus pour les résultats obtenus. Mais quels que soient les vrais mérites de ce chapitre de la partie expé- rimentale du travail de M. Leblond, qui ressortiront visibles bientôt de l'analyse des résultats, — ceux du chapitre suivantintitulé «€ EXPÉRIENCES FAITES SUR L'HOMME », nous Ont paru encore supérieurs. C’est ici, en effet, que l’auteur s’est mis en scène lui-même, comme sujet d'expérience; et il l'a fait avec un courage, une patience résignée, une ténacité, en un mot un dévouement scientifique, dont seule, la lecture des expériences peut donner une idée, en montrant le sujet tantôt fixé, le corps entier, ou une partie du corps (un membre, par exemple), dans l’immobilité complète, durant des semaines entières, pour observer et noter les modifications incessantes de la température, des vibrations du cœur ou de l'artère; tantôt se soumettant à des doses de la substance, capables de produire des accidents fonctionnels, dans les diverses conditions de jeûne ou de digestion, etc. Quelques-unes de ces expériences rappellent la sereine et indomptable patience de Sanctorius dans sa balance. De nombreux graphiques ont encore ici fixé Les résultats sur les modi: fications du pouls, et les changements de forme, soit dans l'artère radiale, soit dans la carotide, soit comparativement avec les pulsations cardiaques, de facon à montrer nettement un RETARD du premier sur le second. RAPPORT SUR LE CONCOURS DU PRIX GODARD 13 —_———;9 Quant aux modifications thermiques, elles sont exprimées dans des tableaux de courbes appropriées, quine constituent pas moins de huit planches à la fin du mémoire. Enfin M. Leblond n'a pas seulement étudié sur lui-même le principe immédiat de la caféine, mais aussi — et pour permettre une comparaison au point de vue de l'influence nutritive, — l’action de l’infusion de café débarrassée de la caféine, et celle de l’infusion de thé débarrassée de la théine. Tous ces résultats expérimentaux sont synthétisés dans une série de propositions explicites, dont je dois vous donner l'analyse (chap. nr, p.104). De toutes les expériences qui précèdent on peut tirer les conclusions suivantes relativement à l’action de la caféine sur les différents systèmes de l’économie : Système nerveux. — La caféine produit sur la moelle une influence motrice exagérée, mais qui ne parait pas être le résultat d’une excitabilité réflexe plus grande, puisque la sensibilité disparait dans la période où les convulsions sont maxima. Avant cette période, il y en a une pendant laquelle les excitations même légères provoquent des secousses convul- sives musculaires. Les convulsions ne sont pas d’origine périphérique ; lexpérience dans laquelle le bulbe à été coupé prouve au contraire qu’elles ont une origine médullaire indépendante du bulbe et des centres nerveux supérieurs. Pour ce qui est de l'influence du système nerveux sur les sécrétions, il semble y avoir exagération de la sécrétion salivaire etlacrymale. Bien qu'il soit logique d'admettre pour cette substance, comme pour celles qui provoquent le ralentissement du cœur, une mfluence du sys- tème nerveux central déterminant dans le bulbe une excitation des appareils modérateurs du cœur, cependant l'action cardiaque semble être surtout périphérique. Quant au cerveau, la diminution de sensibilité percue, la tendance au sommeil paraissent relever d'une influence cérébrale; il semble donc qu'il y a dans l'étude de ce poison la constatation de cette double action simultanée, à savoir : d’une part, evagération du pouvoir excilo-moteur de la moelle ; d'autre part, atténuation de la faculté sénsorielle cérébrale. Système musculaire. — L'influence sur le système musculaire peut se diviser en quatre périodes: 1° Augmentation considérable de l'excitabilité musculaire directe ct indirecte ; 2° Périodede contracture transitoire et de rigidité musculaire ; 3° Période de convulsions toniques et tétanos ; 4° Diminution et perte de l'excitabilité. On voit done qu'outre l'influence indiquée plus haut sur le système nerveux central, il y en a une sur le système neuro-musculaire. Quant à l'influence locale de 11 caféine mise en contact direct avec un MÉMOIRE DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 1 PS un muscle, que cette action résulte d’une combinaison chimique ou autre, le résultat en est une contraction tonique permanente. Cœur et appareil circulatoire. Le phénomène constant est la diminution de fréquence des battements du cœur. — Cette action sur le cœur ne paraît pas tenir seulement à une action centrale, puisqu'on l'observe sur un cœur isolé. S'agit-il d’une action musculaire ou d’une action ganglion- uaire ? l'arrêt du cœur en systole (Exp. sur les grenouilles) semble prouver qu'il s’agit probablement d’une influence musculaire ; d’autre part, l’expérience XXT ($ 4) semble venir à l'appui de l'hypothèse d’une action surtout musculaire, puisque la séparation physiologique de la pointe du cœur s'accompagne au bout d’un certain temps d’un retrait, bien que cette pointe soit isolée de l'appareil ganglionnaire de la base. Outre ce ralentissement, nous observons encore les faits suivants : lorsqu'il s'agit de doses physiologiques : 1° la pression a augmenté ; 2° le pouls est plus ample ; 3° le retard du pouls sur le cœur est moindre. L'augmentation de pression sanguine dénote un resserrement des vaisseaux périphériques. Le cœur étant ralenti doit présenter une énergie impulsive plus grande puisque les vaisseaux sont resserrés. Le pouls qui est plus ample indique d’ailleurs que l'impulsion cardia- que est augmentée. Le retard du pouls, enfin, étant moindre qu'à l'état normal indique qu'il y a élévation de pression et que la transmission des ondes se fait plus rapidement. Ces quatre phénomènes qui sont liés les uns aux autres concourent à dé- montrer que l'énergie des battements du cœur est considérablement augmentée. Température. — La caféme semble avoir une action hypothermique : en effet, chez un lapin tenu en liberté (S 1, Exp. VI), des injections succes- sives de caféine ont fait baisser rapidement la température centrale et cela après la première injection qui pourtant avait été suivie d’une légère élé- vation et malgré de violentes convulsions ; chez un autre, les tempéra- tures périphérique et centrale ont baissé pour remonter ensuite. Enfin, dans nos expériences personnelles, ajoute l’auteur, il en est plu- sieurs qui sembleraient confirmer l’action hypothermique de la caféine, notamment les expériences V, VI, XIT, XIV (S 2) durant lesquelles, malgré une température de 48 à 20°, ou bien nous avons senti nettement une fraîcheur inaccoutumée aux extrémités, ou bien nous avons pu constater directement un abaissement du mercure dans le thermomètre tenu à la main. Du reste des faits cliniques concourent à prouver cette opinion. La caféine diffère donc de la strychnine par ces deux points essentiels, à savoir que, avec le premier de ces poisons, la sensibilité périphérique est diminuée et que malgré les convulsions qui tendraient à faire monter la température, il y a au contraire un abaissement rapide : c’est l'inverse qui se produit dans l'empoisonnement par la strychnine. Ë RAPPORT SUR LE CONCOURS DU PRIX GODARD 15 Le Entin, dans la TROISIÈME partie, l'application des données physiologiques etexpérimentales à la thérapeutique n’est pas une simple déduction théo- rique et d'attente : l’auteur a encore apporté ici l’appoint personnel de son intervention dans une étude clinique suivie, réalisée dans le service de ses maitres MM. Huchard et Sevestre, qui se sont eux-mêmes spécialement occupés de cette question thérapeutique. Il a, à ce point du vue, examiné successivement l’action diurétique de la caféine, son emploi dans les hydropisies en général, dans les maladies de cœur, en particulier, déter- minant les actions et les contre-indications, à l’aide d'observations détail- lées, où les symptômes physiques et fonctionnels sont étudiés et classés avec méthode, et enregistrés, toutes les fois qu'il y a lieu, par les procédés graphiques ; — fixant les doses appropriées, et le meilleur mode d’em- ploi, et ne négligeant même pas l'examen de la question accessoire de l'emploi de l’infusion de café dans la hernie étranglée. Enfin des conclusions générales résument ces longues recherches, et vont nous donner, messieurs, sous une forme sommaire, une juste idée de la carrière parcourue, et des résultats conquis : A dose physiologique : 1° La caféine est un excitant du système nerveux et musculaire ; 2° Elle diminue la fréquence du pouls en augmentant l'énergie des battements cardiaques, et la pression sanguine par constriction vaso- motrice ; 3° Elle fait tomber la température périphérique; 4° Elle n’influe en rien la formation et l’excrétion de l’urée. A dose foxique: 1° La caféine exagère le pouvoir excito-moteur de la moelle, paralyse les nerfs sensitifs périphériques et agit aussi sur le pneumo-gastrique dont elle diminue l’excitabilité ; 2° Elle fait rapidement baisser la pression sanguine par paralysie des vaso-moteurs; 3° Le cœur chez les animaux à sang froid se ralentit de plus en plus et s'arrête en systole : chez les animaux à sang chaud, il s'accélère sur 8 fin de l'empoisonnement et s’arrête en diastole. 4 Elle produit une action tétanisante sur les muscules ; d° Elle fait rapidement baisser la température ; 6° Elle augmente la dénutrition. Pour ce qui est de l'emploi ‘hérapeutique de la caféine : 1° Elle est en général beaucoup mieux supportée que la digitale, et en débutant par de faibles doses, on n’a pas à craindre les fâcheux effets pro- voqués souvent par cette dernière ; 2° Elle régularise le cœur, augmente sa force d’impulsion et le ralentit; 3° Elle provoque une diurèse plus où moins abondante : 4° Non seulement c’est un succédané de la digitale, mais il faut toujours l'administrer dans les cas graves et qui peuvent devenir promp- 716 MÉMOIRE DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE tement mortels, car alors son action se manifeste plus sûrement et sur- tout plus rapidement que celle de la digitale : 5° Il faut administrer la caféine à doses fractionnées en potion ou en injections sous-cutanées et ne jamais débuter par une dose plus forte que 20 centigrammes pour tâter la susceptibilité des malades et augmenter rapidement la dose s’il y a lieu jusqu'à 50 à 73 centigrammes. Il est inutile de dépasser À gramme 50; 6° Pour résumer les indications de la caféine dans les affections du cœur, nous dirons qu'elle doit être administrée toutes les fois que, pour une cause quelconque, l’état des malades oblige ou à suspendre l'emploi de la digitale, ou que celle-ci ne serait pas supportée sans inconvénients ; 1° La caféine semble faire baisser la température dans les pyrexies; de plus elle est très utile dans ces cas comme tonique du cœur; 8° Dans les albuminuries d’origine cardiaque ou autres, elle peut être souvent d’un grand secours ; 9° C'est elle enfin qui semble agir sur la contractilité musculaire de l'intestin dans les cas de hernies étranglées. Vous m'excuserez, messieurs, de m'être un peu longuement appesanti sur le mémoire de M. Leblond : vous comprendrez qu’en présence de travaux, tous d’un réel mérite, et dont l’un, celui de M. Mairet représente, je ne saurais trop le redire, une somme de recherches considérable, nous avions à justifier fortement notre décision et notre choix: ce qui les a déterminés, en faveur de l’£tude physiologique et thérapeutique de la caféine, c'est que nous avons trouvé, dans le mémoire, outre les qualités qui en font un travail presque complet en son genre, la qualité maîtresse de l'intervention personnelle incessante dans la recherche, c’est-à-dire de l'originalité, qualité qui nous semble devoir surtout entraîner la détermi- nation des juges dans un concours tel que celui dont il s'agit. C'est la première fois que la Société de Biologie récompensera des recherches de physiologie expérimentale appliquées à l'étude des substances médicamenteuses et toxiques, recherches qui tiennent et à bon droit, une si grande place dans ses travaux, et qui méritent tant d’être encouragées. Il sera permis à votre rapporteur, puisqu'aussi bien une si heureuse occa- sion se présente pour lui de le faire — de s'en réjouir personnellement, dans l'intérêt de ses études de prédilection. En conséquence de tout ce qui précède votre Commission, à l’una- nimité des voix, me charge de vous proposer, messieurs, d'accorder le prix Goparp (année 1884), à M. le D' E. Lerroxp, auteur de l'Érune PHYSIOLOGIQUE ET THÉRAPEUTIQUE DE LA CAFÉINE; et afin de marquer la haute estime relative en laquelle elle tient les travaux de MM. les D Mumer et Marécor, elle vous propose en outre d'accorder à l’un et à l’autre une mention très honorable. a — STEEL riens er juif pd nié nc AM lle did ATOMES MOLÉCULES ET BIOLOGIE Par M. RABUTEAU (Voir le premier mémoire page 45.) J'ai établi précédemment la relation qui existe entre l’activité des solu- tions métalliques sur l'organisme, le poids atomique ainsi que la chaleur spécifique des métaux. J'ai ramené les faits à une question de vibrations, tantôt à une addition, tantôt à une soustraction de mouvement introduite dans l'organisme par les molécules des substances toxiques ou. médicamenteuses. J’ai même essayé d'expliquer, de cette manière, les effets convulsivants de la strychnine. Explication des effets convulsivants de l'oxygène. — Soit la série suivante : Poids atomiques. ÉD LE ee HO) GANT CO VEN DONLBRAENET 6 59403 CORRE ELU AN V'ÉMÉRRR ET RD Dane M M EPS NU OT 14 CETTE OMR SCENE EN NRRe 16 SOLE BUE nire ANNE NRA HET SAN AE ERENER An Potassium is L. url aber. are: rollroud: 39 Calcium ol sl dsôg lisys ovni 5.80 A0 Les sels de lithium produisent des convulsions. Les sels de glucynium Brorocie, Mémoires. 8 séRIE. Tr. Il. no 78 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. peuvent en produire également. Les combinaisons de sodium n’en pro- voquent pas, à moins qu'elles n'aient été introduites dans l'organisme en quantités extrêmement considérables. Les sels de potassium ne con- vulsent point; ils produisent, au contraire, une paralysie musculaire. Il en est de même des sels de calcium. Entre les termes de cette série se trouve l'oxygène. J'aurai à traiter plus tard de cet élément si important, de cet excitateur universel, dont le mouvement vibratoire, s’il était fixé expérimentalement, pourrait être pris pour l'unité du mouvement vital à une température déter- minée. Le point sur lequel je veux insister actuellement, c'est que, d’après la relation que j'ai exposée entre les accélérations des atomes, leur poids et leur chaleur spécifique, l'oxygène introduit dans l’orga- nisme en quantité suffisante devait être convulsivant. Or, ce fait a été démontré expérimentalement, ici même, par M. Bert, en introduisant l'oxygène dans l'organisme sous une pression de 3 atmosphères. Il ne s’agit pas évidemment de l'oxygène fixé sur l’hémoglobine, mais de celui qui est dissous dans les liquides de l'organisme. Ces liquides for- mant approximativement les deux tiers du poids d'un mammifère (1), il est possible de calculer le poids, ou plutôt la dose d'oxygène capable de produire les convulsions. On sait que l'oxygène est très peu soluble dans l’eau et que, d’après les expériences de M. Fernet, le coefficient de solubilité en serait même un peu moindre dans le sérum. Supposons que ce coefficient soit égal dans les deux liquides. L'eau dissout _ de son volume d'oxygène, soit 21 . 37 centimètres cubes par litre. En admettant que les liquides de l'orga- nisine représentent approximativement un volume de 40 litres, on aura, pour le poids de l'oxygène dissous à la pression ordinaire : — 30 X 0,037 X 1,1056 X 15,3 — 9, 197 (2). Sous la pression de 3 atmosphères, le poids serait de 65,38. Cette quantité représenterait, par conséquent, la dose toxique pour l’homme et serail comparable à la dose d’une substance quelconque en dissolution, introduite dans la profondeur de l'organisme. à À en A cette dose, la puissance vive, l'énergie totale Ê£ = mu? contenue dans l'oxygène produirait une excitation capable d’ébranler l'organisme. En (1) Ces chiffres sont ceux qu'admettent généralement les physiologistes, Ils ne sont pas applicables aux animaux inférieurs. J'ai observé que des gre- nouilles desséchées à l’étuve, avaient perdu les quatre cinquièmes et même Jes cinq sixièmes de leur poids. Par exemple, une grenouille pesant 25 grammes lorsqu'elle est vivante, ne pèse que 4 à 5 grammes lorsqu'elle est desséchée. (2) Densité de l'oxygène —1,1056; poids de 1 litre d'air — 183, CERF ST #7 ATOMES, MOLÉCULES ET BIOLOGIE. TON d'autres termes, vu la faible masse ou plutôt le faible poids atomique » de l'oxygène, l'accélération w*, la vitesse des mouvements vibratôires des atomes ou des molécules de ce gaz serait supérieure à la vitesse des molécules des éléments anatomiques, notamment de celles du système nerveux qui contiennent du soufre et du phosphore. Anunoniaque et sels ammoniacaux divers. — L'azote ayant pour poids atomique le nombre 14, la théorie indique.que ce gaz devrait être plus convulsivant que l'oxygène, s'il pouvait être introduit dans l’organismèe en quantité suffisante. L'expérience parait difficile à être réalisée, étant donnée la faible solubilité de l'azote dans l’eau et dans les liquides qui baignent les éléments anatomiques. Parmi les combinaisons de l'azote, l'ammoniaque AzH° est celle qui possède Le poids moléculaire le plus faible. Ce poids est égal à 17. Or, l’ammoniaque introduite même en très faible quantité dans la profon- deur de l'organisme, produit aussitôt des convulsions, ainsi que l'ont démontréles résultats malheureux de quelques injeétions de cette substance chez l’homme. J'ai insisté sur ce fait dans mes Zléments de Toxicologie. L’excitation du système nerveux par l’ammoniaque se produit même chezun animal qui vient de mourir, comme l’a observé mon regretté ami Ch. Legros dans des expériences dont j'ai été témoin. Après avoir .fait succomber des animaux par hémorrhagie pour pouvoir mieux les injec- ter après la mort, ce physiologiste a vu que, lorsque l'injection (carmin dissous dans l'ammoniaque et nitrate d'argent très dilué) arrivait aux centres, les membres exécutaient des mouvements convulsifs rapides. On aurait pu croire que les animaux revenaient à la vie. Il à fallu même parfois les retenir sur la table où ils reposaient. J'ai constaté, d'autre part, des phénomènes convulsifs sous l'influence des sels ammoniacaux volatils ou instables, c’est-à-dire facilement dé- composables dans le sang qui est alcalin, tels que le sesquicarbonate, l’acétate, le valérianate d’ammoniaque. Ces composés, lorsque les doses injectées dans le sang n'en sont pas supérieures à celles de 2 à 3 grammes chez les chiens, produisent immédiatement une excitation si terrible que le moindre contact les fait horripiler, les rend furieux, de sorte qu'on pourrait les croire un instant atteints d'hydrophobie (1). Cette excitation est suivie d’un abaissement de la température. Béhier et Liouville ont constaté de même des convulsions, puis une diminution de la température animale dans des expériences qu'ils ont rapportées quelques années: plus tard (2). L’acétate, le valérianate d’ammoniaque se comportent comme l’ammo- niaque, parce qu'ils sont instables, et qu'ils donnent facilement nais- (4) Gazette hebdomadaire de médecine et de chir, 1871, p. 740. (2) Comptes rendus de la Sociélé de biologie, 1873, p. 112 et 115. 80 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. sance à de l’ammoniaque libre dans le sang. Il en est de même du phosphate, du bromure et de l’iodure d’ammonium. Toutefois, l’exci- tation est précédée d’une sorte de paralysie du mouvement, laquelle caractérise les sels du radical ammonium, radical comparable à un métal par ses fonctions. Après avoir injecté dans les veines chez un chien, 2 gr. 4 de phosphate d'’ammoniaque dissous dans 40 grammes d’eau, chez un autre, 2 grammes de bromure d’ammonium, enfin chez un troi- sième, la même quantité d’iodure d’ammonium, j'ai vu ces animaux éprouver d’abord de la titubation, être comme paralysés des membres postérieurs, puis bientôt présenter des symptômes remarquables. Ils étaient atteints d’une hyperesthésie excessive ; ils aboyaient, poussaient des eris lamentables lorsqu'on s’approchait d’eux ; ils mordaïent les ob- jets qu'on leur présentait. Au bout de quelques minutes, le calme reve- nait, accompagné d'un abattement variable ; puis, le lendemain, ils étaient rétablis. Le chlorure d'ammonium, sel beaucoup plus stable que les précédents ne se décompose guère dans le sang. Il ne produit pas de convulsions, mais seulement une hyperesthésie modérée presque nulle et même nulle parfois. Ce composé agit plutôt comme le chlorure de sodium. Il s’élimine en presque totalité, sinon totalement en nature et, de mème que le chlorure de sodium, il active la nutrition, augmente l’urée et la tempé- rature animale. Les effets des sels d’ammoniaques composés primaires, secondaires et tertiares, tels que la propylamine, l’amylamine, la trméthylamine, sont du même ordre que ceux des sels ammoniacaux ordinaires. Ils pro- duisent des convulsions plus ou moins fortes, une hyperesthésie plus ou moins prononcée suivant que le genre auquel ils appartiennent pré- sente une moindre ou une plus grande stabilité. — Il n’en est pas de même des sels d'ammoniums quaternaires. Nous savons que ces derniers sont des poisons curarisänts. Loi relative à la puissance toxique des alcools. — En 1870, l’Académie de médecine s’occupait du vinage, c’est-à-dire de l’alcoolisation des vins. Je publiai alors, sur cette grave question (1), des recherches que jai continuées plus tard. J'énoncai, dès cette époque, la loi suivante : Les al- cools monoatomiques de la série C"H?"+?0 sont d'autant plus toxiques qu'ils contiennent le groupe CH? un plus grand nombre de fois, c'est-à- dire que leur poids moléculaire est plus élevé. (1) Rabuteau, De quelques propriétés nouvelles ou peu connues de l'alcool du vin ou alcool éthylique ; déductions thérapeutiques de ces propriétés. — Des effets to- riques des alcools butylique et amylique (Union médicale, 30 juillet et 2 août 1870). (2) Questions relatives à l'alcoolisme au Congrès international de 1878 (Impri- merie nationale, Paris, 1878, 4 vol. in-8°, p. 50 et 225). D ne g ATOMES, MOLÉCULES ET BIOLOGIE. 81 Soit la série des principaux alcools monoatomiques avec leur formule et leur point d'ébullition. CoH?+20 Points d’ébullition. Alcool méthylique CH*0 65°5 - éthylique ou alcool vinique C?H°O 18,4 — isopropylique C*HFO 85,0 — propylique — 97,0 — butylique ordinaire ou iso- butylique C'H10 109,0 — butylique normal _— PANUIGO 2° alcool amylique secondaire (hy- drate d’amylène CH 120 104,0 4% alcool amylique secondaire (méthyl propylearbinol) _ 120,0 Alcool amylique ordinaire — 128 à 132° . On voit que les molécules de ces divers alcools diffèrent entre elles par le groupe CH? qu’elles contiennent en plus ou en moins, c’est-à-dire qu'en ajoutant ou retranchant CH°, on passe de l’une de ces molécules à la suivante et réciproquement (1). On voit également que les alcools isomères (alcools iso — ou secondaires ou tertiaires, ete.) diffèrent entre eux par leurs points d’ébullition. Ces derniers alcools isomères pré- sentent un groupement moléculaire différent. La différence de groupement moléculaire entraîne non seulement cer- taines différences dans les propriétés physiques telles que l’ébul- lition, mais dans l’activité toxicologique. Ces dernières ont été constatées dans plusieurs expériences qui m'ont permis de formuler une nouvelle conclusion, savoir que les alcools de même nom ou isomères sont d'autant plus toxiques que leur point débullition est plus élevé. Considérons les divers termes de la série en commencant par l'alcool éthylique, nous réservant d'étudier à part l’alcool méthylique. L'alcool éthylique ou vinique est inoffensif pour l'homme qui peut en ingérer chaque jour des quantités considérables. Ce n’est pas un poison proprement dit, car ce qui caractérise les poisons, c’est l'into- lérance ; or il y a tolérance indéfinie pour l'alcool vinique. Il s’agit, bien entendu, non de l'alcool absolu, ni même de l'alcool à 50 degrés, mais de l'alcool dilué, tel qu'il se trouve dans le vin et dans les liqueurs plus (1) Si l’on retranchait CH? de l'alcool méthylique CH'O, il resterait H20, c'est-à- dire l’eau ordinaire. Il résulte de ce fait que l'eau pourrait être considérée théoriquement comme représentant le premier alcool. Gette donnée curieuse résulte encore mieux de la constitution des alcools rapportée à celle de car- bures d'hydrogène associés à l’eau. 82 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. ou moins étendues. J'ai insisté jadis sur cette innocuité relative de l'alcool éthylique. J'ai même attribué exclusivement l'alcoolisme à l’usage d'alcools impurs contenant des produits toxiques, à l'usage vins vinés avec ces alcools, de sorte quece n’est plus de lalcoolisme proprement dit qu'il s’agit maintenant, mais du polyalcoolisme. Non seulement l'alcocl éthylique est relativement peu actif pour l’homme ; il l’est également pour les animaux à sang chaud ainsi que pour les animaux à sang froid, Les alcools isopropylique et propylique ont la même composition élé- mentaire C*H$O, mais ils diffèrent par leur constitution chimique et par diverses propriétés, notamment par leur point d'ébullition. Le premier bout à 85 degrés, le second à 97 degrés. Le premier, l'alcool isopropylique est moins toxique que son isomere. Injecté sous la peau chezles cochons d'Inde, dans la proportion de 4 p. 1000 du poids de l'animal, après avoir été étendu de son volume d’eau, il ne produit qu'une ivresse passagère. Il n'en est pas de même de l’alcool propylique qui bout à 97°. Et c'est ici que nous pouvons constater, -de la manière la plus frappante, les premiers ravages que peuvent cau- ser les alcools impurs contenant des homologues supérieurs. L'alcool propylique ordinaire, injecté dans les mêmes conditions que l'alcool insopropylique chez les cochons d'Inde, produit des symptômes remarquables. Ces symptômes consistent dans la diminution 'graduelle, Fig, 5: — Lésions de la muqueuse’de l'estomac après l'absorption de l'alcool propylique. puis dans l'abolition de la sensibilité et de la motricité dans le ralentis- sement dé la circulation et dans une réfrigération extrême. Ce ralentis- sement et cette réfrigération succèdent à une accélération primitive et . 1 ATOMES, MOLÉCULES ET BIOLOGIE. 83 passagère de la circulation et à une élévation également primitive et pas- sagère de la température animale. Les lésions anatomiques des tissus et des humeurs sont également remarquables. Il existe une congestion de presque tous les organes. Le foie est friable; le mésentère, l'intestin grêle sont fortement congestion- nés; la cavité péritonéale tout entière offre elle-même une coloration plus ou moins rouge. Les lésions les plus frappantes sont celles de l'estomac. Get organe est ramolli; il se laisse déchirer avec la plus grande facilité. Etendu et déplissé sur une surface plane telle qu'une lame de liège, il présente (fig. 5) des ecchymoses, des points hémorrhagiques, les uns disséminés, les autres confluents, qui siègent principalement à la grande courbure, dans le voisinage du pylore P. Ces lésions rappellent exacte- ment, sauf quelques différences de siège, celles que j'ai observées dans l’'empoisonnement par l'acide cacodylique (1) et sont d'autant plus remar- quables que l'alcool n’a pas été absorbé par la voie gastro-intestinale. Elles proviennent sans doute d’une élimination partielle de cet alcool par la voie gastro-intestinale. Le double rôle d'absorption et d’excrétion s'observe d’ailleurs fréquemment dans les expériences physiologiques et toxicologiques. Le sang présente une couleur sombre, due sans doute à l’action directe de l'alcool sur les globules rouges qui dissoudrait l’'hémoglobine dont on retrouve une certaine quantité dans les urines. Enfin, j'ai constaté dans les urines la présence du sucre en quantité notable. Il y à une glycosurie qui peut s'expliquer par le trouble de l'hématose et par les lésions du foie dont les cellules sont devenues éminemment dissociables. Cette différence d'activité, constatée entre deux alcools de même for- mule élémentaire, va se retrouver dans l’étude des alcools butyliques. Je n'avais étudié, en 1870, que l'alcool butylique ordinaire (alcool isobutylique) qui bout à 109°, et j'avais constaté qu'il était beaucoup plus actif que l'alcool éthylique, et moins toxique que l'alcool amylique ordinaire. Depuis, j'ai étudié les effets de l'alcool butylique normal (2). Les symptômes sont les mêmes que ceux de l’intoxication par l'alcool propylique ordinaire, mais ils sont beaucoup plus intenses, surtout lorsqu'il s’agit de l'alcool butylique normal qui bout à 116°9. Les lésions des tissus et les altérations des humeurs sont également semblables. De plus, après l'injection sous-cutanée de ce dernier alcool chez les cochons (1) Comptes rendus de lu Société de Biologie, 24 juin 1882, p. #91. (2) Il existe un alcool butylique tertiaire, le triméthylcarbinol. Cet alcool cristallise en aiguilles fusibles à 25°. J'ai pu en constater la présence dans les flegmes et huiles de pommes de terre. Les cristaux déposés dans le col de mes cornues étaient en trop petite quantité pour qu’il me fût possible d'ins- tituer des expériences sur les animaux. OS 3 8 6bs 84 ; MÉMOIRES DK LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. d'Inde à la dose de 1 gr. 60 par kilogramme d’animal, les urines peuvent contenir non seulement de l’hémoglobine dissoute et du sucre, mais de l'albumine. Il peut y avoir, dans cette intoxication, à la fois glycosurie et albuminurie. Les alcools amyliques sont plus toxiques que les alcools butyliques. Toutefois, le premier alcool amylique secondaire, qui bout à 120 degrés, n'est guère plus dangereux que l'alcool butylique normal qui entre en ébullition à 116°9. Le plus dangereux de tous est l'alcool amylique ordi- naire, l'huile de pomme de terre proprement dite, qui avait élé décou- verte par Scheele. Si l'on injecte sous la peau, sur un cochon d'Inde, 1 gramme de cet alcool par kilogr. de poids d'animal, après l'avoir préalablement dissous dans une petite quantité d'alcool éthylique (dont l’effet peut être considéré comme nul), on constate bientôt un abrutissement, un anéantissement extraordinaires. L'animal paraît devoir se remettre ; mais il mange peu, s’amaigrit et meurt dans les trois à six jours suivants. Sous l'influence d’une quantité double, c’est-à-dire de 2 grammes par kilogramme de poids d'animal, les symptômes sont beaucoup plus alar- mants et plus rapidement mortels(1). Aussitôt après l'opération, l'animal ne peut se soutenir qu'avec peine. Bientôt il offre l’aspect d’une masse inerte. Ses battements cardiaques sont plus rapides, sa température s'est sensiblement élevée. Après cet accès de fièvre passagère, 1l se refroidit peu à peu. Sa respiration, qui était accélérée au début,se ralentit considérablement. La sensibilité a rapidement disparu ou a cessé de pouvoir se manifester, à cause de la résolution absolue dans laquelle se trouve l'animal. Il meurt dans la réfrigération, deux heures après le début de l'expérience. En ouvrant le corps de l’animal, on sent une forte odeur d'alcool amylique associée à une faible odeur d’acide valérianique (2). Les organes présentent tous une coloration rouge plus ou moins foncée et sont plus ou moins congestionnés. L’estomac est tellement ramolli qu'il se déchire à la moindre traction, en le détachant de l’œsophage et du duodenum. La vessie elle-même, qui n’offrait rien d’anormal dans l’intoxication par (4) Mes expériences ont été publiées avec détails dans les annexes du Con- grès sur l’alcoolisme (Imprimerie nationale, Paris, 1878). (2) Le lendemain, le corps de l'animal répandait une forte odeur d'acide valérianique. Celle de l'alcool amylique avait, au contraire, diminué, puis dis- paru tout à fait, L'alcool amylique s'était donc oxydé chez l'animal ouvert et exposé à l'air. Cette observation me semble permettre d'expliquer la cause de l’odeur in- fecte, rappelant celle des valérianates d’éthyle et d'amyle, que répandent par- fois les selles après l’ingestion de liqueurs préparées avec des alcools de mauvais goût. PR PT n 7 Ne ATOMES, MOLÉCULES ET BIOLOGIE. 85 l'alcool butylique, présente, dans le cas actuel, de la rougeur et des arborisations. Elle renferme une urine rougeâtre qui ne contient pas de globules sanguins, mais qui présente, au spectroscope, les bandes d'absorption de l’hémoglobine. Cette urine renferme également de l’albumine en quantité notable, et une très faible quantité de sucre. Indépendamment des symptômes et des lésions, que nous avons déjà reconnues dans l’intoxication par les alecols précédents, ce qui frappe dans l’intoxication amylique, c’est la diminution de la sensibilité, la réso- lution, l’anéantissement. Cette résolution n’est point due à une perte de la contraction musculaire, mais à une paralysie du système nerveux moteur, ainsi qu'il résulte d'expériences telles que les suivantes : Je mets deux grenouilles dans une solution d'alcool amylique à deux millièmes. Au bout de vingt-cinq minutes, elles sont beaucoup moins vives et moins sensibles au pincement. Au bout d’une heure, elles sont dans la résolution complète. Je les retire après cinq heures , ci) Fig. 6. — Expérience démontrant l’action de l'alcool amylique sur le système nerveux moteur. d'immersion. Elles sont mortes. Le cœur, mis à nu, ne se contracte pas même sous l'influence de l'électricité ; maïs, chose remarquable chez l'une d'elles, il se met à battre après une demi-heure d'exposition à l'air, sans doute parce que l'alcool s’est éliminé. Il s'arrête, une heure plus 86 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. tard, pour ne plusse contracter. L’excitation des nerfs sciatiques par l'électricité ne produit aucun mouvement dans les membres postérieurs ; néanmoins les muscles se contractent lorsqu'ils sont mis en contact avec les pôles d'une pile. | Sur une autre grenouille (fig. 6) j'applique, à l'origine d'un membre postérieur P, une ligature n qui comprend ce membre tout entier, moins le nerf sciatique, préalablement mis à nu et isolé. Cela fait, j'injecte sous la peau du dos de la grenouille, en deux points différents, à l’aide d’une seringue de Pravaz, trois dixièmes de centimètre cube d'alcool amylique ordinaire, soit environ 25 centigrammes de ce liquide (la densité de l'alcool amylique est 0,825). Le poison se diffuse peu à peu dans toutes les parties du corps de l’animal, excepté dans le membre P, où la circu- lation est complètement interceptée par la ligature. Au bout de dix minutes, la grenouille est déjà comme morte. En effet, après avoir ouvert la poitrine, je vois le cœur arrêté, mais 1lse met à battre au contact de l'air. La circulation continue maintenant et l’empoisonne- ment peut suivre son cours. Dix minutes plus tard, je mets à nu le nerf sciatique $S de la patte P’ non liée. Ce nerf ne réagit plus sous l'influence de l'électricité ; cependant les muscles se contractent sous l'influence de cet agent. Le nerf sciatique de la patte P, qui est liée, étant mis en contact avec les pôles a et b d’une pile, provoque de vives contractions dans cette patte. Il résulte de cette expérience 1° que le système musculaire n'a pas perdu sa contractilité ; 2° que le système nerveux moteur a été paralysé par l'alcool amylique. La perte de conductibilité des nerfs moteurs n’est point due, dans les conditions de l'expérience, à une modification anatomique ni chimique du nerf moteur, mais seulement à une modification fonctionnelle. On pourrait objecter que la myéline des tubes nerveux se fût coagulée par l'alcool amylique, d'où l'abolition de la fonction. Il n’en est rien. En effet, si l’on incise la peau de la patte P’ qui a recu le poison transporté par la circulation, et si l’on a soin que l'animal ne se dessèche pas, le poison s’élimine assez rapidement à l’air libre et l’on peut constater, au bout de trente à quarante minutes, que le nerf sciatique commence à provoquer des contractions sous l'influence de l'excitation électrique. II n’en serait pas de même si les nerfs avaient éprouvé une modification chimique, laquelle serait nécessairement permanente. Il ÿ aurait alors abolition permanente de la fonction nerveuse, ce qui arriverait si, au lieu d’expérimenter méthodiquement, on plongeait les nerfs dans l'alcool concentré. Dans ce cas, la myéline serait coagulée. Les muscles, mis en contact direct avec l'alcool amylique, deviennent rigides. Ils éprouvent une modification chimique sous l'influence de ce procédé brutal. Mais, je le répète, ils conservent leur contractilité lorsque alcool amylique a été injecté sous la peau et a été absorbé en quantité suffisante pour amener la mort. MR ATOMES, MOLÉCULES ET BIOLOGIE 87 L'expérience précédente a été répétée avec l'alcool amylique secon- daire. J'ai injecté sous la peau du dos, chez une grenouille, trois dixièmes' de centimètre cube, soit approximativement 24 centigrammes de cet alcool. Les phénomènes observés ont été semblables ;: toute- fois, ils ont élé moins marqués, ce qui devait avoir lieu, puisque j'avais déjà constaté que l'alcool amylique secondaire était moins toxique. Tels sont les effets comparatifs des principaux alcools, de ceux qui se forment en majeure partie (alcool éthylique) soit en quantités variables dans les produits de fermentation de la glycose, notamment dans les flegmes et dans les alcools épurés à froid provenant du sucre de fécule. ï .L'alcoolméthylique ou esprit de bois, qui ne contient le groupe CH? qu’une seule fois et se rapproche théoriquement de l’eau, devait d’après ma Joi, être de tous le moins toxique. La vérification de cette donnée présentait une, double difficulté. En premier lieu, l'alcool méthylique est d’une purification extrèémement difficile; l'esprit de bois, succes- sivement rectifié, ne perd point totalement son odeur empyreu- matique. Pour obtenir un alcool méthylique absolument pur, il faut recourir à des procédés chimiques, à la saponification de ses éthers, no- tamment de l’oxalate. En second lieu, l’alcool méthylique ne peut etre essayé sur l’homme si ce n’est en quantité considérable, afin d'en com- parer les effets avec ceux de l'alcool vinique, tandis que nous avions pu vérifier sur nous-même les effets pernicieux des alcools butylique et amy- lique, en les ajoutant en faible quantité aux boissons spiritueuses. L’expé- rimentation sur les animaux pouvait seule donner un résultat certain, attendu que la question de tolérance pour l'alcool éthylique se trouve ici complètement écartée. Les résultats ont été contradictoires. Les uns ont trouvé que l'alcool méthylique était, pour les animaux, plus toxique que l'alcool éthylique. IL s'agissait d'un produit impur. Les autres, expéri- mentant avec un alcool méthylique pur, ont constaté que cet alcool était réellement moins toxique que l'alcool éthylique. Ainsi s’est vérifiée la loi que j'avais énoncée en 1870 en me fondant sur les expériences de Cros sur l'alcool méthylique, sur celles de Richardson, et enfin sur mes expé- riences personnelles avec divers alcools. Il s’agit maintenant de rattacher les effets des alcools aux propriétés, de leurs molécules, à leur chaleur spécifique, c'est-à-dire au mouvement, puisque chaleur et mouvement sont corollaires. Soit l'expression déjà connue È 5 ‘ru qui représente l'énergie, la puis- sance vive d’une molécule de masse m” à une température déterminée, 88 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Cette expression indique que, pour une même ‘absorption de cha- leur, le carré des accélérations uw? est en raison inverse du poids molé- culaire m. Ce poids moléculaire est variable pour les divers alcools. La capacité calorifique en est-elle la même pour ces molécules comme pour lesatomesdes divers corps simples? Telle estla première question à élucider. S'il en est ainsi, si cette capacité moléculaire est la même pour tous, la puissance toxique des alcools sera ramenée à une question de poids moléculaire et, par conséquent, à la loi que j'ai énoncée. Pour déterminer par le calcul la chaleur spécifique moléculaire, nous n'avons qu'à nous reporter à la formule déjà citée (p. 48 du 4% mé- moire). fn + nn Lin! + 6,4 a P Soit, par exemple, l'alcool méthylique GH“*O. La somme des atomes de carbone, d'hydrogène et d'oxygène en est égale à 6. D'autre part, le poids moléculaire P en est égal à 32 (1). On à done, pour la chaleur spécifique : Le nombre 1,2 représente ici le double de la capacité calorifique réelle à la température ordinaire. Cette capacité est, par conséquent, égale à 0,6 (2). De même, la capacité calorifique moléculaire de l'alcool éthylique absolu, déduite du calcul, serait égale à 0,62. Le tableau suivant indique les capacités calorifiques moléculaires des principaux alcools, déterminées par le calcul, ainsi que la chaleur spéci- fique, rapportée à l'unité de poids, pour les alcools méthylique et éthyli- que, d’après les expériences de Victor Regnault. AG —=AR IAE; 06. (2) La loi de Dulong et Petit et la formule de Wæstyn ne sont souvent appli- cables que lorsqu'on prend le double ou la moitié de la capacité déduite du calcul. Ce résultat ne doit pas nous étonner. On sait, en effet, que la loi de Dulong et Petit ne s'applique au carbone que si l’on suppose ce corps simple porté à une température de 600°. On sait, d’autre part, que la chaleur spéci- fique de l’eau étant 1, celle de la glace, d'après les expériences de Desains, n’en est que la moitié, plus exactement 0,51. IL en est de même de la capacité de l’eau à l’état de vapeur. Enfin je rappellerai que, pour les sels contenant de l’eau de cristallisation, tel que le sulfate de sodium Na?S0#-L 7 H20, la capacité calorifique, déduite du calcul, ne concorde avec la capacité déduite de l'expérience que si l'on attribue à l'eau de cristallisation une chaleur spécifique égale à 0,51, c'est-à- dire celle de la glace. D'où cette conclusion remarquable que, dans les sels eris- tallisés hydratés, l’eau se trouve à l’état de glace. ; ATOMES , MOLÉCULES ET BIOLOGIE. 89 Capacités calorifiques Capacités calorifiques moléculaires déduites rapportées à l'unité du calcul. de poids. ( 0,590 (entre 10° et 5°) Alcool méthylique. . : . . . 0,6 ! 0,6009 (entre 20°et 13°) Alcool éthylique à 36 degrés » 0,658 (entre 10° et 5°) Cartier ou 92 degrés centési- AA Cu Ne ee ) 0,6723 (entre 20° et15°) Alcool éthylique bou. de 0,62 » ee DEODYIIQUE. VMS 0,64 » — isobutylique . . . . . 0,65 » TayIique (#10. 0,65 » On voit que la capacité calorifique des molécules des divers alcools précités est la même pour tous, si l'on fait abstraction de la deuxième décimale, c'est-à-dire de causes différentielles inconnues, mais qui dépen- dent, suivant toute probabilité, de variations dans les points d’ébullition. Nous retrouvons, par conséquent, les mêmes conditions que celles des atomes des divers corps simples qui, d’après la loi de Dulong et Petit, possèdent la même chaleur spécifique. Il ne s’agit donc plus que d’une question de poids moléculaire et de mouvement. La molécule de l'alcool méthylique et celle de l’alcool ethylique ont un poids peu élevé. La première pèse 32, et la seconde pèse 46. Introduites dans l'organisme, et se trouvant en équilibre de température avec les molécules vivantes, elles éprouvent un mouvement rapide; leurs vibrations se communiquent à celles du système nerveux, d'où résulte l'excitation qu'on à qualifiée d'ivresse. Cette excitation est la seule qui apparaisse, lorsque l’alcool a été absorbé en faible quantité. Elle cesse assez rapide- ment, parce que ces alcools facilement solubles et volatils s’éliminent eux-mêmes rapidement. Si l’ingestion de ces substances a été fréquem- ment répétée ou immodérée, il se produit une excitation plus ou moins persistante suivie de la fatigue qui en est la conséquence. Toutefois, cette fatigue est faible et nullement comparable à celle que produisent les al- -cools d’un poids moléculaire supérieur. Ceux-ci, notamment l'alcool amylique, dont la molécule est lourde, très peu soluble dans l’eau et difficilement éliminable, provoquent une fatigue considérable, la paralysie du système nerveux moteur que j'ai signalée, ce qui explique l’anéantissement, l’abrutissement insolites dans lesquels se trouvent les malheureux qui ont ingéré, même en faibles quantités, des breuvages préparés avec des alcools impurs, mal rectifiés. Cette action paralysante est la seule que je considère en ce moment. Les alcools supérieurs produisent d’autres troubles, notamment l’altéra- tion des globules rouges, l’altération profonde de la nutrition qui se tra- duit par la glycosurie, l’albuminurie, la stéatose. Je ne saurais m’'empé- 90 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. cher de comparer ces troubles divers à ceux que produisent les combi- naisons métalliques telles que celles du baryum, du plomb, du mercure, du cadmium, de l'uranium (1), ce qui établit un rapport inattendu entre les oxydes métalliques et les alcools qui sont des oxydes de radicaux. fonctionnant comme les radicaux métalliques. Loi relative aux éthers. — Les éthers sont les sels des radicaux alcoo- liques. Il existe, par exemple, enire le bromure d’éthyle et le bromure de potassium, le même rapport qu'entre l'hydrate d’éthyle (alcool ordi- naire) et l’hydrate de potassium ou la potasse caustique. C'H° K Br Br RER. Bromure Bromure de potassium d’éthyle (8) C2H° He Hydrate de potassium Hydrate d’éthyle Les effets des sels métalliques dépendant de la puissance toxique du métal qui les constitue, les effets des éthers devaient nécessairement se . trouver en rapport avec la puissance toxique des radicaux alcooliques ou des alcools dont ils dérivent. C’est ce qui résulte de la comparaison des faits déjà connus et de ceux que j'ai observés dans l’étude d'un grand nombre d’éthers. Dans cette étude, je me suis appliqué à expérimenter avec des éthers dont le genre ne füt pas toxique ou fût inaclif, tels que les genres formiate, acétate, butyrate, valérianate, œnanthate, etc. De cette manière, il n'y avait à prendre en considération que l’activité du radical alcoolique. Quelques-unes de mes recherches ont été publiées (2). D'autres en plus. grand nombre sont inédites, 4) Rabuteau, Des albuminuries métalliques (Comptes rendus de l’'Acad. des sciences, 11 décembre 1871. ; (2) a. — Sur les propriétés anesthésiques et le mode d'élimination de l'iodure d'éthyle. — Influence de cel agent sur la germination (Comptes rendus de la Société de Biologie, 1878, p. 57.) b. -— Recherches sur les propriétés physiologiques et le mode d'élimination de l’éther bromhydrique (bromure d’éthyle). (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 27 décembre 1876, p. 1294, et Mémoires de la Société de biologie, 1880, p. 9.) Ÿ : : ATOMES, MOLÉCULES ET BIOLOGIE. 94: La conclusion de ces recherches est que la relation qui existe au point de vue chimique entre Les alcools et leurs éthers se présente également, au point de vue physiologique et toxique, entre ces mêmes alcools et leurs éthers. Par exemple, l'acétate de méthyle et l’acétate d'éthyle, où éther acétique ordinaire, sont inoffensifs comparativement à l'acétate d’amyle qui est dangereux ; or, l'alcool méthylique et l'alcool éthylique sont peu actifs, tandis que l'alcool amylique est toxique. Une différence analogue à la précédente, se trouve entre les effets des trichloracétates de méthyle et d'éthyle et ceux du trichloracétate d'amyle. De même, le bromure d'éthyle, cet anesthésique qu'on à trop vite oublié, parce qu'il avait été souvent mal préparé, est un agent précieux, plus inoffensif quele chloro- forme, tandis que le bromure d’amyle anesthésie très difficilement les animaux, produit chez eux une prostration insolite et les fait facilement succomber. Les mêmes différences se remarquent entre les effets de l’éther chlorhydrique ou chlorure d’éthyle, étudiés pour la première fois par Flourens (1) et ceux que j'ai observés en expérimentant avec le chlorure d'amyle. — Les effets des éthers propyliques sont intermédiaires à ceux des éthers de l'alcool éthylique et à ceux des éthers butyliques, lesquels sont, à leur tour, moins dangereux que ceux des éthers amyliques. Ainsi les bromures de butyle sont moins dangereux que ceux d’amyle et plus actifs que ceux de propyle. En somme, tandis que l’action des alcools éthylique et méthylique est généralement douce et passagère, celle des éthers de l'alcool amylique est irritante, et, de plus, persistante parce que ces éthers s’éliminent lentement. Elle est suivie de troubles plus ou moins graves parmi lesquels je signalerai la prostration, l’affaiblissement des mouvements volontaires, surtout dans le train postérieur chez les animaux ; la diarrhée, la dimi- nution ou la perte de l'appétit, et, sans doute, des troubles de la nutri tion, car.il m'est arrivé une fois de rencontrer l’albuminurie que j'avais déjà observée dans mes expériences avec l'alcool amylique. J'ai respiré parfois involontairement d'assez grandes quantités de vapeurs de ces éthers, et j'ai ressenti également une faiblesse générale dans les membres inférieurs, ainsi que des troubles digestifs, des vomissements. On n'éprouve rien de semblable après avoir respiré les vapeurs de bromure d'éthyle où éther bromhydrique. Gelui-ci ne trouble pas l'appétit ; 1l l’accroît au contraire, comme le fait l’éther sulfurique d'après les obser- vations déjà anciennes de Trousseau. Il ne produit pas de diarrhée (les e. — Recherches sur les effets physiologiques de divers éthers de la série des acides gras et de la série dés alcools monoatomiques. (Mémoires de la Société de bioloyie, 4879, p. 49.) — Il s'agit des acétates d’éthyle, de méthyle, d'isopro-: pyle, de propyle, d'isobutyle, de butyle normal, d’amyle; des formiate, valé- rianate et œnanthate d’éthyle. (1) Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 22 février 1847, ji. 257: 99 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. bons anesthésiques constipent plutôt à la manière de l’opium) ; il ne cause pas la faiblesse que produisent les éthers de l'alcool amylique. Cette différence de puissance toxique se constate également sur les végé- taux. J'ai expérimenté avec le cresson alénoïs et avec des plants d’hé- liotrope placés sous une cloche dans une atmosphère saturée de vapeurs de divers éthers (1). J'ai remarqué que la relation d'activité sur l'organisme végétal était la même que la relation d’activité sur l'organisme animal, de sorte que ces expériences démontraient, une fois de plus, l’unité de la vie! La loi relative à la puissance toxique des éthers, des alcools monoa- tomiques de la série C"H*"+*0 peut donc s'exprimer en disant que ces éthers sont d'autant plustoxiques que le poids moléculaire de l'alcool dont ils dérivent est plus élevé. Ces données présentent un nouvel intérêt en ce qu’elles s'appliquent aux poisons curarisants artificiels de l’ordre des ammoniums quaternaires dont je poursuis l'étude. La toxicité de ces composés quaternaires dépend des radicaux alcooliques qu'ils contiennent, non seulement de ceux qui ont été cités précédemment, mais des radicaux allyle, phényle, toluyle, naphtyle de l'alcool allylique, du phénol ordinaire, du toluol et du naphtol. J'ai déjà reconnu que les sels etoxydes d’ammoniums quaternaires sont d'autant plus toxiques que les radicaux alcooliques qui entrent dans leur constitution sont eux-mêmes plus actifs. Ce n’est plus seulement le poids de la molécule toxique qu'il faut considérer, mais la nature même des radicaux constituants. Les effets de substances introduites dans l'organisme sont indépendants de l'isomérie (2). — Considérons les deux éthers suivants, dont la formule empirique est la même, C*H°0*. CHO Hit CŒH°0 } SE C2 os CH | ®. = C*H°O Formiate d’éthyle. Acétate de méthyle. Ces deux éthers, qui renferment deux radicaux peu actifs, l'éthyle et le méthyle, sont eux-mêmes peu actifs et, pour ainsi dire, inoffensifs. On pourrait croire que cette communauté d'effets füt le résultat nécessaire de l’isomérie ; mais on commettrait une grande erreur en déduisant de ce cas particulier une remarque générale. En effet, prenons d’autres éthers isomères, choisis dans la même série des acides gras et des alcools monoatomiques. (1) Mémoires de la Société de biologie, 1880, p. 20 et suivantes. (2) 11 ne s’agit pas de la poiymérie, mais de la métamérie, c'est-à-dire de lisomérie ordinaire, caractérisée par l'égalité des poids moléculaires. ATOMES, MOLÉCULES ET BIOLOGIE 93 C5 H° 0 CH3 {0 éd EE AT = Valérianate de méthyle. Formiate d'amyle. CHO C Hu 0 El CS H° 0° GAPON NE CFO RARE C2 H° {0 C5 H21 [0 Fo CHA A, _ Valérianate d'éthyle. Acétate d'amyle. Le valérianate de méthyle et le valérianate d’éthyle (éther valérianique ordinaire) agissent à peu près de la même manière que l’éther acétique ordinaire, avec cette différence que les effets s’en manifestent lentement, parce que ces éthers sont moins volatils, moins solubles, par conséquent moins facilement diffusibles dans l'organisme. Toujours est-il qu'ils ne sont pas plus actifs, pas plus toxiques, à vrai dire, que les formiates et acétates de méthyle et d’éthyle. Il n’en est pas de même du formiate et de l’acétate d'amyle. Ces derniers éthers sont dangereux et A comme tous ceux de l'alcool amylique. Nous trouvons un autre exemple dans l’urée et le cyanate d'ammo- niaque ou d’ammonium. Ces deux substances renfermen£ le même nombre d’atomes de carbone, d'hydrogène, d'oxygène et d'azote et sont, par conséquent, insomères. CO o 2 CAZz n pe (A? — ee CH: Az? 0 ù AzH* H TR LS TT = PE RE Urée. Cyanate d’ammonium. L'urée est une substance inerte, ainsi qu’il résulte de diverses expé- riences, et notamment de celle de M. Bouchard (1) qui a vu que les solu- tions d’urée, chimiquement pure, n'arrivent à produire la mort par injec- tion intraveineuse, que lorsqu'on en a injecté 6 gr. 46 par kilogramme d'animal, soit 84 grammes par kilogrammes de sang. Le cyanate d'ammonium se comporte comme les sels ammoniacaux ordinaires. Introduit dans l’organisme, il se transforme en carbonate d’ammoniaque, de la même manière que les cyanates de potassium et de sodium se transforment en carbonate de potassium et de sodium, ainsi que nous l’avons constaté dans des expériences faites avec Massul (2). (1) Comptes rendus de la Société de Biologie, 1884, p. 668. (2) Comptes rendus de l’Acad. des sciences, 2 janvier 1872. Massul, Recherches sur les propriétés physiologiques de quelques composés du cyanogène, thèse de: Paris, 1872. Biococie. MÉMOIRES. — 8° SÉRIE. T. II. 6 94 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. L'action et l’élimimation du cyanaté d’ammonium reviennent, par conséquent, à celle du carbonate d’ammonium. Ce composé ne se trans- forme pas en urée dans l'organisme. Il résulte des faits précédents que l’isomérie simple, celle qui n’est représentée que par la nature et le nombre des atomes composant la molécule, ne saurait, servir de base pour faire conjecturer la nature et l'intensité des effets. Elle ne conduirait le plus souvent qu'à des attributions erronées. Les effets d’une substance dépendent de la nature des radicaux constituant la molécule. Je traiterai, dans un prochain mémoire, de l'indépendance des effets des substances introduites dans l'organisme et de le forme cristalline, c’est-à-dire de l’isomorphisme, ce qui me conduira à l’étude des substi- tutions organiques et à certaines conceptions sur la constitution de la matière. Je traiterai ensuite de l’origine de la chaleur animale, de l’éner- gie ou puissance vive. J'espère même qu'il me sera donné de démontrer que la négation de la génération spontanée, ou si l’on veut, de la vie ou du mouvement vital spontané, constitue l’une des plus grandes erreurs de notre siècle. RECHERCHES SUR LES PROPRIÉTÉS PHYSIOLOGIQUES ET LE MODE D'ÉLIMINATION DU SALICYLATE DE MÉTHYLE (ESSENCE DE GAULTHERIA PROCUMBENS). ACTION DE CET ÉTHER SUR LA GERMINATION par M. RABUTEAU (Communications faites le 4 mars et le 13 juin 1885). Le salicylate de méthyle, ou éther méthylsalicylique, GH°H (C'H'O*), est un liquide incolore lorsqu'il vient d’être préparé, qui se colore peu à peu en jaune avec le temps, réfractant fortement la lumière et présentant une odeur très agréable et assez persistante. Il est soluble en toutes propor- tions dans l'alcool et l’éther ordinaires, presque insoluble dans l’eau dont il faut au moins 5 litres pour en dissoudre 1 gramme. Cette solution, même étendue de quatre fois son poids d’eau, présente encore une odeur appréciable, Cet éther est peu combustible. Une baguette de verre qu'on y à trempée, étant mise dans la flamme d'une lampe à alcool, donne une nouvelle flamme fuligineuse et se recouvre d’un enduit noir et poisseux. La réaction du salicylate de méthyle au contact du perchlorure de fer est la même que celle de l’acide salicylique et des salicylates métalliques. Elle donne lieu à une belle coloration violette. J'ai reconnu que cette coloration est encore sensible dans une solution aqueuse à un dix-mil- lième. Au delà, le perchlorure de fer (que l’on doit ajouter en petite quantité) jaunit la liqueur ; mais, si l'on ajoute quelques gouttes d'acide chlorhydrique, la coloration violette se présente de nouveau. Ceci est d'autant plus remarquable que la coloration violette magnifique, obtenue avec une quantité suffisante de salicylate de méthyle, disparait et donne place à une coloration jaune sous l'influence de l'acide chlorhydrique, 96 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. employé en excès. Si l’on ajoute ensuite de l’eau, la coloration reparaït quoique très affaiblie. J'insiste sur ces données qui seront rappelées au sujet de l'élimination de cet éther. Le salicylate de méthyle, dont l'étude est due en premier lieu à M. Ca- hours (1), constitue les neuf dixièmes de l'essence de Gaultheria procum- bens, de la famille des Ericinées, que l’on rencontre dans l'Amérique du Nord, notamment à New-Jersey. IL s’y trouve accompagné d’une faible quantité de gaulthérine CH", l’un des nombreux isomères de l'essence térébenthine. Cet éther existe également dans l’Hypopitys multiflora où Monatropa hypopitys, de la famille des Monotropées, ainsi que dans l'écorce du Betula lenta ; toutefois cette écorce ne paraît en contenir que lorsqu'elle à subi une sorte de fermentation. On obtenait jadis le salicylate de méthyle en rectifiant l'essence de gaul- theria à la température de 222°. On le prépare aujourd'hui artificielle- ment. Pour cela, on a conseillé de distiller un mélange de 2 parties d'alcool méthylique, de 2 parties d'acide salicylique et de 1 partie d'acide sulfu- rique. Après avoir employé ce procédé, il m'a paru préférable de rem- placer l'acide salicylique par le salicylate de sodium. En effet, à cause de la température élevée à laquelle on opère, l'acide sulfurique carbonise l'acide salicylique, ce qui n'arrive guère lorsqu'on emploie un salicylate alcalin. Le produit obtenu en premier lieu est levé avec l’eau, puis recti- fié sur le chlorure de calcium fondu. C’est en suivant ce procédé que j'ai préparé le salicylate qui a servi à mes expériences. Effets physiologiques du salicylate de méthyle. — Get éther présente une saveur chaude, un peu brûlante, mais il ne blanchit pas ou à peine les muqueuses sur lésquelles on l’applique. Il ne coagule pas une solution aqueuse d’albumine, sans doute à cause de sa très faible solubilité dans l’eau; néanmoins, on ne peut l’injecter impunément dans le sang. Pour en étudier les effets, j'ai expérimenté sur les grenouilles et sur les cochons d'Inde. l 4° J'ai mis des grenouilles sous une cloche tubulée avec une éponge imbibée de salicylate de méthyle et recouverte d’un treillis métallique. Au bout de 7 à 10 minutes, les grenouilles étaient beaucoup moins vives ; mises sur le dos, elles se retournaient difficilement. Au bout de quinze minutes, trente minutes et une heure, mêmeétatapparent; les mouvements persistent; il n’y a pas de résolution musculaire, mais, chose remarqua- ble, la sensibilité est néanmoins considérablement diminuée, sinon abolie. Lorsque je pique ou que je pince fortement les grenouilles, tantôt elles (1) Annales de chimie et de physique 1844, t. X, p. 327 et, plus tard, t. XXVII D. DU SALICYLATE DE MÉTHYLE 97 s’agitent, tantôt et le plus souvent, elles ne s’agitent en aucune facon. En d’autres termes, elles paraissent indifférentes aux sensations extérieures et ne se meuventque lorsqu'elles le veulent. Etant misessurle dos, elles ne se retournent guère, comme si la situation anomale leur était indifférente. — Même après le séjour d’une heure dans une atmosphère saturée de vapeurs de salicylate de méthyle, les grenouilles abandonnées dans un bocal avec un peu d’eau, se portent généralement très bien le lendemain. 2° J'ai mis un cochon d'Inde sous une cloche, dans une atmosphère saturée de vapeurs de salicylate méthyle. Cet animal n’a pas été anesthé- sié, même après un séjour de deux heures dans l’atmosphère éthérée. L'expérience, répétée plusieurs fois, a donné le même résultat. J'ai injecté 50 centigrarames de salicylate de méthyle, sous la peau des aines et des aisselles, chez un cochon d'Inde pesant 350 grammes. Chez d’autres qui pesaient 400 et 540 grammes, j'ai injecté de la même manière 1 gramme et 1 gr.30 de cet éther. Cesanimaux n’ont pas été anes- thésiés. Ils n’ontrien paru éprouver. Ils ontéliminé peu à peulesalicylate de méthyle. Leur haleine et leurs urines ont présenté l’odeur de cet éther le lendemain et une partie du surlendemain de l'expérience, suivant la dose injectée. De plus, les urines ont continué d’être alcalines et n'ont renfermé ni sucre ni albumine. Ces deux séries d'expériences n'ayant rien produit au point de vue anes- thésique, je les ai combinées en injectant le salicylate de méthyle aux mêmes doses que les précédentes chez les cochons d'Inde, et mettant ensuite ces animaux sous une cloche avec une éponge imbibée de cet éther. — Les résultats ont encore été négatifs ou, du moins, je n’ai observé qu’une diminution très faible, à peine appréciable de la sensibilité. En comparant ces résultats avec ceux que j'avais observés dansl'étude de divers éthers de la série des acides gras et des alcools monoatomi- ques, tels que les acétates, formiates d’éthyle et du méthyle(1), on voit qu'ils sont du même ordre en ce qui concerne les grenouilles, mais qu'ils sont à peine appréciables chez les cochons d'Inde, ce qui tient sans doute à la faible tension des vapeurs du salicylate de méthyle qui bout à 222, et à la très faible solubilité de cet éther dans l’eau et dans les liquides de l’organisme. Toutefois, il reste ce fait remarquable que le salicylate de méthyle peut abolir la sensibilité chez les grenouilles sans produire la résolution des mouvements. Elimination du salicylate de méthyle. — Cet éther, après son introduc- tion dans l'organisme, s’élimine complètement ou presque complètement en nature, une très minime quantité seulement donnant peut-être nais- sance à de l’acide salicylurique. | Presque aussitôt après l'injection de salicylate de méthyle sous la peau (1) Mémoires de la Société de Biologie, 1879 p. 49. 98 MÉMOIRE DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. chez les cochons d'Inde, l’haleine et la peau de ces animaux répandent l'odeur de cet éther. Leurs urines présentent bientôt la même odeur et se colorent en violet par le perchlorure de fer. La durée de l'élimination est variable suivant la dose injectée. Elle a été de vingt-quatre à trente-six heures à la dose de 1 gramme; de trente- six heures à deux jours à la dose de 1 gr. 30 chez des cochons d'Inde. Pour mettre en évidence l'élimination du salicylate de méthyle en nature par les voies respiratoires, j'ai fait l'expérience suivante, qu'il est facile de répéter devant un auditoire. J'injecte sous la peau des aines et des aisselles, chez un cochon d'Inde, 4 gramme de salicylate de méthyle, puis je le mets sous une cloche Td me. ol | a = (ie it, Expérience démontrant l'élimination du salicylate de méthyle. tubulée reposant sur une plaque de verre (fig. ci-dessus). Cette cloche est mise en communication, d’une part avec l'extérieur par le tube f", d'autre part avec un flacon F contenant de l’eau additionnée de deux ou trois gouttes d’une solution de perchlorure de fer. Le tube £ commu- nique avec une trompe à eau ou avec un aspirateur quelconque. L'air aspiré passe par le tube f dans la cloche et se rend ensuite, avec les produits d'expiration de Fanimal dans le flacon F. On voit bientôt le liquide contenu dans ce flacon se colorer en bleu violet, par suite du contact des vapeurs de salicylate de méthyle avec le perchlorure: de fer. Il restait une autre question, celle de savoir si le salicylate de méthyle ne subissait pas une métamorphose partielle dans l'organisme. Pour résoudre cette question, j'ai évaporé les urines totales de deux jours, émises par un cochon d'Inde qui avait recu sous la peau 4 gramme de DU SALICYLATE DE MÉTHXVLE 99 salicylate de méthyle et par un autre animal de la même espèce qui en avait recu 1 gr. 30. Le résidu ne présentait plus l'odeur de salicylate de méthyle. La très faible quantité qui s'était éliminée par les reins avait disparu par évaporation ou s'était peut-être métamorphosée dans l’urine elle-même. Ce résidu était neutre. Je l’ai dissous dans un peu d'eau et fait bouillir avec un peu d'acide chlorhydrique, puis évaporé à siccité au bain-marie. Le nouveau résidu à été traité par l’éther et la liqueur éthé- rée a été évaporée à siccité. Ce troisième résidu ne pouvait contenir ni sels minéraux, ni urée, mais seulement des matières grasses et des acides libres, soit l'acide salicylique, soit l'acide salicylurique. Je Vai additionné d’eau qui en a séparé les matières grasses. La liqueuraqueuse filtrée se colorait en violet par le perchlorure de fer. Je l’ai abandonnée à l’évaporation spontanée dans un verre de montre. Au bout de deux jours, elle a laissé des aiguilles cristallines allongées, très déliées, rayonnant le plus souvent autour d'un centre, présentant comme une disposition pennée. La saveur en était faiblement amère. Ces cristaux présentaient, par conséquent, les caractères de l'acide salicylurique. Vu leur quantité excessivement faible, je n’ai pu les étudier davantage. En un mot, le aie, tate de méthyle, introduit dans l'organisme chez les cochons d'Inde, paraît s’éliminer totalement en nature par les voies respiratoires, par la peau et même par les urines. Les traces d'acide salicylurique que l'urine peut contenir semblent se former dans le trai tement nécessité par l'analyse de ce liquide. Chez les grenouilles qui ont été anesthésiées par le salicylate de méthyle et qu'on a abandonnées dans un peu d’eau, l’éther s’élimine par la peau en quelques heures. Pendant ce temps, l’eau se colore en violet par la perchlorure de fer. Action du salicylate de méthyle sur la germination. — J'ai répété, avec cet éther, les expériences que j'avais faites dans ces dernières années avec l’iodure d’éthyle, et avec d’autres éthers. J'ai mis au fond d'une éprouvette à pied, une couche de salicylate de méthyle avec un peu d’eau, puis, au-dessus et à une distance de quelques centimètres, une éponge humide sur laquelle j’ai semé des graines de cresson alénois. Ces graines se sont gonflées, sont devenues mucilagi- neuses et n’ont pas germé. D'autres graines, qui avaient germé normalement, ayant été mises dans une atmosphère chargée de salicylate de méthyle, ont cessé aussitôt de se développer. : IL était également intéressant de noter ce que deviendraient des graines placées pendant un temps prolongé dans une atmosphère saturée de vapeur de salicylate de méthyle, mais complètement sèche, alors que la germination ne pouvait avoir lieu. Pour cela, j'ai abandonné, pendant quatre mois, du 5 février au 4 juin, des graines de cresson alénois dans #00 MÉMOIRE DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE une atmosphère confinée contenant du salicylate de méthyle et du chlo- rure de calcium fondu. Après ce temps, j'ai retiré ces graines. Elles sentaient l’odeur du salicylate de méthyle. Je les ai divisées en trois parts. L'une de ces parts a été rapidement lavée avec l'alcool, puis avec l’eau alcoolisée, afin de débarrasser l’épisperme des vapeurs de l’éther qui auraient pu se condenser à sa surface. Ces graines ont été broyées ensuite et traitées par l’eau additionnée d’un peu d’alcool. Cette eau s’est colorée en bleu violet avec le perchlorure de fer. Les graines contenaient donc dans leur amande, du salicylate de méthyle qui avait traversé l’épisperme. Une autre partie, lavée également à l'alcool, puis à l’eau alcoolisée et à l'eau pure, à été mise à germer. La germination s’est effectuée plus len- tement qu'avec les graines ordinaires; néanmoins elle était presque com- plète au bout de deux jours. Quelques graines seulement avaient avorté. Les jeunes plantes ont poussé très bien les jours suivants. Enfin la troisième part a été abandonnée à l'air pendant un jour, pour que les graines eussent le temps de se débarrasser du salicylate dont elles avaient absorbé les vapeurs. Je les ai mises ensuite à germer. La germination s’est faite de même un peu moins vite, mais toutes les graines se sont développées. J'ai vérifié, par conséquent, ce que j'avais constaté antérieurement dans l'étude de divers éthers (1), c’est-à-dire que les éthers ne détruisent pas la propriété germinative lorsqu'elle est latente dans les graines, que cette propriété n’est détruite par les vapeurs éthérées qu’au moment où elle se peut manifester. (4) Mémoires de la Société de Biologie, 1880 p. 23. SOMMAIRE DU RAPPORT SUR LA LÈPRE EN NORWÈGE PAR Mr le Professeur D: H. LELOIR MISSION SCIENTIFIQUE DE L'ÉTAT : AOÛT, SEPTEMBRE 1884 Le rapport a été déposé au Ministère de l'Instruction publique en octobre 188%. J'ai l'honneur de présenter à la Société de Biologie le résumé du Rap- port ‘sur la lèpre en Norwège (mission scientifique du Gouvernement, août-septembre 1884), lequel rapport a été déposé en octobre 1884 au Ministère de l’Instruction publique. Je vous présente également les maté- riaux relatifs à la lèpre en Scandinavie que j'ai rapportés de ma mission (cartes, statistiques, dessins, aquarelles, photographies, au nombre de plus de 150). Dans cet exposé pour ne pas abuser de votre temps, je suis forcé de parler d’une facon brève, sommaire, de ne vous donner que les têtes de chapitres des faits peu connus ou nouveaux que j'ai rapportés de ma mis- sion. Les photographies, dessins, etc., que je vous fais passer complé- teront ma communication orale. J'ai étudié la lèpre en Norwège dans les campagnes et dans les hôpitaux. La lèpre n’existe en Norwège qu'à la campagne, les lépreux que l’on voit dans les villes sont des campagnards devenus citadins depuis plus ou moins longtemps. Je vous fais passer des cartes et des statistiques iné- dites dues en grande partie à l’obligeance de mon ami le docteur Kaurin de Molde et qui indiquent d’une facon claire la distribution des lépreux dans les différents districts norwégiens et le nombre de ces lépreux dans ces différents districts. Vous voyez ainsi que : 1° la lèpre ne dépasse pas ou guère la chaîne des Alpes Scandinaves constituant cette arête qui domine à distance la côte ouest de la Norwège (depuis quelque temps cependant la lèpre semble 102 MÉMOIRE DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE franchir en quelques points la barrière qui paraît lui être opposée par les montagnes précitées). Il s’est montré quelques cas de lèpre aux envi- rons de Christiania (c'est ce que les médecins norwégiens appellent des cas sporadiques); 2° la lèpre siège surtout le long des côtes et au voisi- nage des fyords, depuis Stavanger et même le cap Lindesnes jusqu'au cap Nord; 3° son foyer d'intensité maximum se trouve entre le Hardanger- Fyord et le Folden-Fyord. De cette région ce sont surtout les environs de Bergen, du Sogne-Fyord, de Molde, du Nord-Fyord qui sont le plus frappés. DES LÉPROSERIES EN NORWÈGE. Elles existent seulement à Bergen, Molde, Trondjem, où le gouverne- ment a concentré tous les lépreux. Mode de recrutement des lépreux pour les services hospitaliers. — L'entrée à l'hôpital n’est pas obligatoire. — Nombre de lépreux, traités dans les léproseries de la Norwège. — Dans les léproseries en particulier. Distribution des léproserres : Organisation du service hospitalier des lépreux : nourriture, habitat, mode de vie, ateliers (où ils confectionnent pour le commerce ciao objets). L'isolement des lépreux n'existe pas en Norwège, bien que certains médecins le demandent. Les lépreux des léproseries sortent et se promènent en ville (Bergen, Molde, moins à Trondjem, plus éloigné). Des lépreux vendent des objets de toilette et autres. — L'entrée à l'hôpital est facultative pour le lépreux, il en sort quand il veut, sur sa demande. Il existe parfois des lépreux dans des hôpitaux généraux (Christiania). Réciproquement il existe parfois dans des léproseries, des sujets sains ou atteints d’affections non lépreuses. Conclusion. L'isolement n’est pas absolu. Je vous présente des courbes statistiques, et des statistiques nouvelles destinées à montrer l'influence de l’installation des léproseries en 1856 sur la propagation de la lèpre et sa diminution. — Vous voyez qu'il est certain que la lèpre diminue notablement en Norwège depuis l'installation des léproseries. Description clinique de la lèpre en Norwège. Mes recherches ont porté sur environ 700 malades, étudiés tant dans les hôpitaux, que dans les campagnes. J'ai recueilli environ 80 observa- A, de LA LÈPRE EN NORWÈGE il 103 tions personnelles, ayant toutes rapport à des particularités cliniques peu connues où non signalées et étudiées par les auteurs. A l'appui de ces observations et faits nouveaux je possède 1% De to- graphies, 90 aquarelles et dessins originaux que j'ai recueillis dans les léproseries ou à la campagne. Je vous présente ces différents matériaux. Dans mon rapport, j'ai pour but de décrire avec soin la lèpre telle qu'on lobserve en Norwège. J'ai également pour but de chercher si les formes de lèpre que j'ai étudiées en Norwège diffèrent ou non de la lèpre des pays plus méridionaux que j'ai pu étudier en France sur des lépreux venant de Chine, du Brésil, de La Martinique, de l’Ile de la Réunion, de la Guyane française, etc. ; Le description clinique de la lèpre norwégienne qui peut servir de type aux autres lèpres comprend la description des trois formes suivantes : forme tuberculeuse, forme anésthétique, forme mixte. Ces formes, ainsi qu’on le verra, constituent des aspects variables de la même maladie. I. LÈPRE TUBERCULEUSE Presque toujours il y a des prodromes (malaise, fièvre, dans certains cas la fièvre a été intense). Après ces prodromes variables on voit appa- raître par poussées successives les tubercules lépreux, lesquels au début sont peu saillants. Je note en passant, fait assez important, que dans plu- sieurs tubercules tout à fait au début, je n’ai pas trouvé de bacilles. Puis nouvelles poussées fébriles, suivies ou non du ramollissement des tuber- cules anciens, apparition de nouveaux tubercules sur la peau et les muqueuses, et ainsi de suite. À chaque poussée nouvelle la lèpre tuber- culeuse du malade augmente. Voici des planches représentant différents lépreux tuberculeux avec les aspects différents que présentent les tuber- cules du côté de la peau : a) tubercules plats non saillants simulant les taches de la lèpre anesthésique, mais n'étant autre chose qu'une infiltra- tion profonde et plus ou moins diffuse de léprômes constituant la variété plane de la lèpre tuberculeuse ; b) tubercules saillants non exedens; c) tu- bercules ex-ulcérés ; d) tubercules ulcérés ; e) tubercules plus ou moins complètement ramollis ; f) tubercules tendant à subir la transformation fibreuse. L'évolution des tubercules est la même sur les muqueuses de la bouche, du larynx, etc., la laryngite lépreuse nécessite fréquemment la trachéo- tomie. À la langue, comme vous le voyez, les tubereules lépreux donnent à cet organe un aspect bizarre. Tantôt la surface de la langue rappelle une framboise ou une figue déchirée, tantôt elle est lobulée comme dans certaines variétés de glossites syphilitiqués ; mais les lobules sont plus mous el présentent une surface finement granuleuse comme celle de la figue. L'histologie de cette lèpre de la langue mal décrite est très inté- ressante. Dans certaines variétés les coupes rappellent des coupes de 404 MÉMOIRE DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. certaines glossites scléro-gommeuses; et contiennent peu de bacilles. Dans d'autres elles rappellent les plaques muqueuses végétantes de la langue et sont très riches en bacilles qui constituent de véritables nids, surtout du côté de la couche papillaire. — Lésions des poils (peu pris en géné- ral comme le montrent ces figures). Lésions des ongles. Lèpre de l'œil: formes diverses (le docteur Kaurin produit chirurgicalement autour du tubercule des cicatrices pour empêcher l’envahissement de l’œil par les tubercules). — Lèpre du testicule (il peut y avoir des bacilles dans les tubes seminifères ou autour d’eux, bien que le testicule paraïsse sain eli- niquement).— Lèpre des nerfs. — Altération des ganglions lymphatiques dans la lèpre : 1° des ganglions lymphatiques où se rendent les lympha- tiques partant des territoires cutanés ou muqueux envahis par la lèpre (analogie avec ce qui se passe dans la scrofulo-tuberculose cutanée); 2° Envahissement des ganglions lymphatiques mésentériques, etc. (car- reau-lépreux). Le système nerveux central est intact. Les tubercules peuvent se cicatriser (a, cicatrices brunes; 6, déprimées ; ce, kéloïdiennes vasculaires ou non). Tous les tubercules peuvent dans certains cas exceptionnels dispa- raitre. Mais l'aspect du lépreux tuberculeux prétendu guéri est horrible; et dans ces prétendus cas de guérison la lèpre tuberculeuse passe à l’état de lèpre anesthésique à sa deuxième ou troisième période (la poussée de tubercules aurait donc remplacé la poussée de macules de la première période de la lèpre anesthésique). La mort est la règle au bout d’un temps parfois très long. Le foie et la rate sont les seuls viscères conte- nant le léprôme (Hansen). Le léprôme y est à l’état diffus. Formes anormales de la lèpre tuberculeuse. — Dans les phénomènes généraux (forme aiguë fébrile évoluant comme une variole par exemple). Dans l’évolution (durée). Cas de lèpre locale où l’amputation du membre semble avoir empêché l’infection générale. — Description d’une forme nouvelle de lèpre tuberculeuse, non décrite et simulant certaines variétés d’acné comedon de la face ou mieux de milium, et en particulier de milium colloïde. Diagnostic avec Le lupus (j'ai vu assez souvent des tubercules lépreux sans anesthésie aucune (1). Lupus avec anesthésie. On a pu se demander si le lupus n’est pas un reste de la lèpre); avec la syphilis; avec la syphilis héréditaire dite tardive (cas de malades atrophiés ; à nez écrasé, en lorgnette de théâtre, à cicatrices de la cornée, des fesses, à tes- ticules atrophiés). (4) Ainsi que je l’ai constaté à Bergen, à Molde et à Trondjem sur un grand nombre de malades, il peut y avoir au niveau des tubercules lépreux... de l’anesthésie, de l’hypéresthésie, enfin absence complète de troubles du côté de la sensibilité. Il est certain cependant que l’anesthésie s’observe le plus souvent. LA LÉPRE EN NORWÈGE AE 105 IT. LÉPRE ANESTHÉSIQUE. ! L'évolution de la lèpre anesthésique peut d’une facon générale se diviser en trois ou quatre périodes, dont les rapports n'ayant pas été vus par un certain nombre d'auteurs, ont amené ces auteurs à faire de ces périodes de la lèpre anesthésique, des formes différentes de la lèpre. Nous étudierons successivement ces trois périodes tout en faisant remar- quer qu’elles empiètent souvent l’une sur l’autre à leur fin ou à leur début. La période prodromique est variable, il y a de la fièvre en général légère, de la courbature, de l’abattement, du malaise général, etc. 1° Puis apparait la première période delalèpre anesthésique, laquelle est caractérisée par une éruplion de macules (c’est la lèpre appelée macu- leuse à tort par certains auteurs). Ces macules en Norwège sont des macules érythémateuses, dont la couleur ainsi que vous pouvez le con- stater sur ces différentes planches varie suivant l’âge et suivant les cas, du rouge hortensia au rouge vineux, au rouge jaunâtre, etc., pour devenir plus bistrées, plus brunes avec l’âge. Plus tard le centre de ces macules pâlit. Ces macules sont souvent anesthésiques, surtout lors- qu'elles sont déjà assez âgées. Mais j'ai parfaitement constaté que, au début et parfois même assez tard, elles peuvent être hypéresthési- ques ou que la sensibilité peut être complètement intacte à leur ni- veau.Au début ces macules ne sont qu'érythémateuses, et simulent parfois de très près l’érythème dans diverses variétés. Plus tard il peut se produire un peu d'infiltration au niveau des macules. Le centre de la plaque blanchit, il se produit à ce niveau une anesthésie complète, sou- vent il y à atrophie cutanée, chute des poils, diminution de la sueur à leur niveau. Enfin on voit succéder à ces macules des plaques d’anes- thésie accentuées surtout au niveau des membres. Malgré mes recherches je n'ai constaté qu'une seule fois en Norwège des macules pigmentaires d'emblée, macules qu'il faut avoir soin de distinguer des macules pigmen- taires secondaires aux macules érythémateuses. Cette forme, à laquelle je donnerais volontiers le nom de forme maculeuse pigmentaire primitive, parait assez fréquente chez les lépreux des pays chauds; elle parait excessivement rare en Norwège. Voici de belles planches représentant des cas où la symétrie des macules était des plus remarquables. Dans des cas rares les macules affectent la disposition d’un zona double sui- vant letrajet des espaces intercostaux, il n'y a pas de douleur, mais d'après Danielsen qui m'a parlé de cette forme non décrite celle-ei serait excessivement grave. Dans des cas très exceptionnels on a constaté des macules au niveau des muqueuses. Il se produit ainsi une série de 106 MÉMOIRE DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. poussées de macules, poussées en général précédées d’un peu de malaise et d'un léger état fébrile (1). 2° Puis les macules étant plus ou moins complètement disparues on voit apparaitre une anesthésie surtout considérable au niveau des extré- mités, anesthésie pouvant envahir tout le membre, anesthésie absolue. On à pu ainsi amputer des membres sans que le malade s’en apercüût. Souvent névralgies des nerfs des membres parfois d’une violence extrême et ayant même nécessité l’amputation du membre ou l’extension des nerfs. Bulles de pemphigus lépreux siégeant surtout au niveau des plaques anesthésiées. Voici des planches représentant ce pemphigqus lépreux et les wlcérations de la peau qui en sont la conséquence. Ces ulcérations peuvent d’ailleurs être parfois primitives au niveau des extré- mités. En même temps il se produit une paralysie faciale double, portant surtout sur les orbiculaires des paupières (amenant ainsi la nécrose de la cornée) ou même sur le facial supérieur et inférieur. Cette paralysie faciale est accompagnée d’anesthésie. Voici l'aspect des malades atteints de paralysie faciale. Lentement on voit les mains et les pieds se déformer en griffes, leurs muscles s'atrophier comme dans l’atrophie musculaire progressive, puis les muscles des membres se prennent, les pecto- raux, ete. (ces photographies vous donnent une bonne idée de l'aspect de ces pauvres malades qu'à un examen superficiel on pourrait croire atteints d'atrophie musculaire progressive). 3° Plus tard on voit survenir au niveau des articulations des mains et des pieds des ulcérations, des bulles de pemphigus qui ne tardent pas à s'ulcérer, dés durillons présentant tous les caractères des maux perforants de nos pays. (En voici une série de photographies et d’aquarelles.) Ces maux perforants, ces ulcérations pénètrent peu à peu dans les articula- tions, comme vous pouvez le voir sur ces figures. C'est ainsi que se pro- duisent les chutes des doigts, des mains ou des pieds, les ouvertures des articulations diverses du pied et des mains, les affreuses mutilations dont je fais passer devant vos yeux une série de figures. Les os dénudés se nécrosent, il se produit une suppuration intarissable amenant l’élat cachectique, des dégénérescences amyloïdes, etc., et c’est ains! que meurent le plus souvent les malades, mais parfois après de très longues années (20-30 ans). Voici quelques figures représentant ces lépreux anesthésiques à ces périodes ultimes. Ces lépreux anesthésiques que certains médecins nor- wégiens considèrent comme guéris. Dans des cas très anciens Les tissus de la face prennent parfois un aspect gélatineux, tremblotant, tout à fait spécial, voici une figure de cet aspect (tête de veau). — Les différents (4) Dans quelques cas les premières poussées erythémateuses simulaient presque complètement l’érysipèle, et cela d'autant plus que les gr qe sont pris dans la lèpre anesthésique. LA LÉPRE EN NORWÈGE 107 ————————]—]]—]—]—]_——]—————————————————— ———————.…—….….….…"…"_—__… ……_…………….…’’_’’_….…’ troubles trophiques prédécrits me paraissent consécutifs à des lésions périphériques et non à des lésions centrales du système nerveux. Les viscères ne paraissent pas être pris spécifiquement dans la forme anes- thésique. III. FORME MIXTE. La forme mixte peut être ou bien une tranformation de lèpre tuber- culeuse en lèpre anesthésique. Nans ce cas on voit les tubercules dispa- raître, se cicatriser, il n'y a plus d'efflorescence cutanée. Mais le malade. a de l’anesthésie des extrémités ; peu à peu il se produit une déformation des mains en griffes, ete. et la maladie évolue comme une lèpre anes- thésique à sa deuxième période. — Ici la période éruptive à été carac- térisée par les tubercules. Plus rarement on voit la lèpre anesthésique se transformer en lèpre tuberculeuse ; c’est là un fait plus rare dont voici cependant quelques cas. Enfin parfois on voit les deux formes coïncider dès le début. Je n'ai pas vu en Norwège cette variété de lèpre qui a été bien étudiée au Mexique par mon ami le D' Poncet de Cluny sous le nom de lèpre lazarine et dont je parle dans mes mémoires sur les affections cutanées d'origine nerveuse (1881-1883). Voici une figure représentant le bras d'une jeune fille atteinte de lèpre lazarine dont j'ai publié l'observation et la figure en 1881. Il faut éviter de confondre cette variété avec la variété maculeuse de certains auteurs. Je glisse sur bien d’autres faits et matériaux rapportés de mon voyage et j'arrive à la grosse question de la contagiosité de la lèpre. La plupart des faits que j'ai pu constater et des observations quej'airapportées doivent porter à croire que si la lèpre est contagieuse, ce qui n’est pas démontré sûrement bien que probable elle l’est en tout cas à un degré très minime. Je possède nombre d'observations ou un père lépreux par exemple, bien qu'habitant avec sa femme depuis des années (jusqu'à vingt ans) et ayant fait à cette femme nombre d'enfants n’a pas infecté sa femme, et où les enfants venus au monde étaient absolument sains et sont restés tels. Dans bien des endroits les lépreux ont les rapports les plus intimes avec des individus sains avec lesquels ils habitent constamment et ces individus ne sont pas infectés. Un médecin éminent après avoir essayé, à plusieurs reprises de s’inoculer la lèpre à lui-même, a essayé d’inoculer la lèpre tuberculeuse à vingt individus sains. Il n’a pas réussi. Je possède cepen- dant quelques observations qui pourraient être invoquées en faveur de la nature contagieuse de la lèpre, mais ces faits sont très rares. D'ailleurs je ferai remarquer que la présence d’un bacille abondant dans les pro- duits lépreux tuberculeux n’est peut-être pas une preuve absolue en faveur de la nature contagieuse de cette affection d'homme à homme. Il se pourrait que la lèpre soit analogue à certaines maladies, la malaria par A5 st LEE 108 MÉMOIRE DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE exemple, qui bien que produites par un micro-organisme, ne sont pas contagieuses d’individu à individu. Quoi qu'il en soit, la lèpre diminue en Norwège comme le montrent les statistiques suivantes (1) : cela tient-il à l'installation des léproseries ?: Cela n’est pas prouvé d’une facon certaine, car les familles lépreuses disparaissent fatalement au bout de quelques générations par suite de la mortalité, du célibat, de l'isolement, etc. La lèpre se tue elle-même. A ces causes on pourrait adjoindre peut-être l’émigration des lépreux norwégiens aux Etats-Unis. Je termine cette première communication en remerciant mes chers amis, le D' Leroy, agrégé de la Faculté de Lille et le D' Georges Dubar du dévouement qu’ils ont mis à m'aider dans des recherches si difficiles et parfois si pénibles. Je remercie de leur grande obligeance et de leur accueil si sympathique, mes confrères norwégiens : MM. les D Danielsen, Dahl, Kaurin, Rogge, Bœck, Hiorth, A. Hansen Sand. (1) Ainsi par exemple d’après cette statistique inédite qui m'a été commu- niquée par mon ami le docteur Kaurin il existait en Norwège en 1856 : 2867 lépreux; en 1870, 2538 ; en 1879, 1774; en 1881 environ 1500. NOTE POUR SERVIR A L'ÉTUDE DES ALTÉRATIONS MUSCULATRES CONSÉCUTIVES AUX FRACTURES PAR S. DUPLAY PROFESSEUR A LA FACULTÉ DE MÉDECINE ET CLADO INTERNE DES HOPITAUX Les résultats anatomopathologiques et histologiques qui vont suivre ont été le point de départ des recherches sur les atrophies musculaires chirurgicales, que nous poursuivons depuis plus de quatre mois. L'observation suivante présente un type complet de ces altérations. — Nous ferons ultérieurement connaître les résultats d’un certain nombre d'autopsies, en y joignant un résumé des expériences que nous avons instituées sur les animaux dans le laboratoire de M. le professeur Du- play à la Faculté. ; Le nommé Flon (Alexandre), âgé de 59 ans, tambour, estentré à l'hôpital Lariboisière le 2 février 1885, pour une fracture articulaire, compliquée de l’extrémité inférieure du fémur. — Ce malade, couché au n°7 de la salle Saint-Ferdinand, après avoir suppuré pendant 4 mois environ, est mort le 17 avril 1885. Autopsie le 19 juin. L'examen des parties a été fait de lasuperficie vers la profondeur, couche par couche. Pour la commodité de la description, nous allons commencer l’histoire par des lésions la fracture. La fracture siège à droite au-dessus des condyles fémoraux. Un trait vertical sépare ceux-ci et pénètre dans l'articulation. — Les deux con- dyles sont réunis par un cal.solide. Dans l'intérieur de l'articulation, nous constatons un peu d’arthrite, surtout prononcée au niveau du cal. — Du côté des plateaux tibiaux, la lésion est peu marquée. — Elle prédomine sur les condyles. Broczocte. Mémoire. — S° SÉRIE. T. II, 7 410 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Ce sont surtout les parties périarticulaires qui sont altérées. En effet, le tissu fibreux est extrêmement épais et dense, et masque par des pro- ductions nouvelles les gros ligaments de l'articulation qui ont été dissé- qués, mais avec peine. Le trait de la fracture suscondylienne est oblique en bas et en avant. — Le fragment supérieur est en biseau très obliquement au-dessus de sa face postérieure. Les deux condyles réunis par leur cal sont entraînés derrière le fragment supérieur et remontent à une hauteur d’environ 6 centimètres. Il va sans dire que la jambe a suivi ce mouvement d’ascension. À cet endroit, les muscles sont considérablement altérés. Tous sont réduits à leur extrémité inférieure en une mince membrane fibreuse, qui adhère au fémur pour le triceps et aux condyles pour les muscles pos- térieurs. Àvec un peu d’attention on réussit, néanmoins, à retrouver la continuité des muscles postérieurs jusqu’au niveau du tibia et du péroné. Dans un instant nous nous occuperons des muscles de la jambe. La rotule, dont la face articulaire est très altérée, se trouve située sur le condyle externe. Nous ne trouvons aucune trace de eonsolidation entre les fragments (condyles réunis et corps du fémur). Autour des fragments et entre eux se trouve un foyer lent qui décolle les muscles en arrière. Ce foyer remonte à 8 centimètres environ du trait de la fracture. Troubles trophiques. Peau, La peau du côté droit (malade) est un peu plus épaisse que celle qui recouvre la cuisse gauche. Sion comprime pendant quelque temps les deux faces de la peau entre les doigts, on voit que son dou reste la même. Par conséquent, il n’est pas voie d'œdème. La face profonde de la peau, au lieu d’être occupée par une couche irrégulière de lobules graisseux, comme cela a lieu normalement (côté gauche) est doublée d'une nappe graisseuse régulière épaisse qui envahit le derme même et qui se continue avec la couche graïisseuse sous-cutanée. | Aponévrose. L’aponévrose du côté malade présente uue altération très remarquable. Elle est notablement plus épaisse que celle du coté gauche. Cette épaisseur est uniforme sur toute l'étendue de la cuisse. Elle dépasse de beaucoup l'épaisseur du côté opposé. Pour nous rendre compte de cet épaississement, nous avons fait une dizaine de plis à l’aponévrose malade, puis nous avons taillé deux la- nières parallèles, comprenant tous les feuillets, et après les avoir com- primés légèrement entre les doigts, nous avons comparé l'épaisseur de ces différents feuillets réunis à l’aponévrose du côté sain préparée de la même facon, Cette dernière s’est trouvée avoir environ un tiers en moins d'épaisseur. DES ALTÉRATIONS MUSCULAIRES CONSÉCUTIVES AUX FRACTURES. A11 PE OR RER ER ER RE AE meer) En certains endroits, l’'aponévrose épaissie adhère fortement aux muscles sous-jacents, alors que du côté sain le tissu cellulaire lâche sous- aponévrotique en permet le décollement facile. Muscles. Quand on examine les muscles, on est tout d'abord frappé d'une diminution considérable de leur volume d’une facon générale, les muscles du côté fracturé sont diminués d'au moins un tiers, si on les compare à ceux du côté gauche. Nous les avons disséqués minutieusement des deux côtés et nous les avons mesurés et comparés. Couleur. À gauche, coloration normale; peut-être un peu de pâleur. — À droite, les muscles sont d’une couleur feuille morte. Gette coloration est uniforme. On la trouve en avant comme en arrière, sur toute l'étendue de la masse musculaire de la cuisse. Consistance. Elle est considérablement diminuée à droite, où le tissu musculaire est mou et presque diffluant, si bien qu'il faut de grands ménagements pour en enlever une partie sans trop dilacérer l'organe. En examinant de près les muscles altérés, on voit cà et là des amas linéaires de tissu graisseux qui dessinent le périmysium interne. — (Espèce de nervures jaunâtres séparant les faisceaux musculaires les uns des autres.) Ces amas sont très évidents vers les bords latéraux du droit antérieur. Droit antérieur. Ce muscle étant celui qui, en clinique, paraît le plus atteint dans les fractures articulaires, notre attention a été portée princi- palement de son côté. Mensuration. Les mesures ont été prises à la partie moyenne du muscle. droite ANNE A SC enTIMeUTeS Largeur l ATSAUCRE NI NME — droite NAME ENS OTHNITITIÈERES Epaisseur ! ne digauche:}.0ub N Étui Drcénumetres On voit, en somme, que le muscle est diminué de volume, surtout suivant son épaisseur. Le vaste interne et le vaste externe sont également atrophiés du côté fracturé ; à leur partie inférieure, ils sont complétement aplatis, amincis et adhèrent encore au tendon du droit antérieur. Tous les trois réunis viennent se fixer au moyen d’adhérences fibreuses sur l'extrémité infé- rieure de la face antérieure du fragment supérieur. Ils n'offrent plus aucun rapport avec la rotule. Les autres muscles de la cuisse malade sont aussi en grande partie atrophiés. Ils présentent également des traînées graisseuses interfas- ciculaires. La couleur et l’'émaciation relatives nous ont semblé à peu près aussi marquées qu'au niveau du triceps crural. Les adducteurs sont altérés de la même facon. Quant aux muscles de la région postérieure de la cuisse, nous n’en pouvons rien dire de précis. 112 MÉMOIRE DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. En effet, par suite de la luxation du tibia, ils sont tout à fait déviés de leurs rapports normaux et altérés dans leur forme. En résumé, à première vue ici, comme en clinique, il semble que parmi les muscles de la cuisse Le plus malade est le droit antérieur du triceps. Pourtant, il nous parait que les autres muscles de la cuisse sont égale- ment altérés, et au même degré. Les considérations atonomiques qui suivent, relatives à la disposi- tion des fibres musculaires du droit antérieur, expliquent cette apparence. On sait que le droit antérieur est pourvu de deux aponévroses d’inser- tion, l’une antérieure descendant très bas et l’autre postérieure remontant assez haut. Les fibres musculaires comprises entre ces deux longues aponévroses sont peu nombreuses, comparées à celles d’un autre muscle de la cuisse. Si donc l’atrophie vient à les frapper, la diminution de volume qui en résultera paraîtra beaucoup plus considérable que pour le corps d’un adducteur (par exemple), dont toute la masse est formée par la fibre musculaire. Jambe. Au niveau de la jambe, il y a également une différence notable de coloration et de volume entre le côté droit et le côté gauche, mais elle n’est nullement comparable aux altérations musculaires de la cuisse. Les autres parties constituantes de la jambe n'offrent rien à noter. Organes. — Appareil circulatoire. Un peu d’athérome de la valvule mitrale, de l’origine de l’aorte au-dessus des coronaires et au niveau de la crosse. Le système artériel paraît sain partout ailleurs. Rein. Il ne semble ni sclérosé ni diminué de volume, mais présente quelques petits kystes à la surface. Foie. Un peu graisseux. Il est occupé dans sa moitié gauche par un kyste hydatique du volume du poing avec nombreuses hydatides filles. Poumons. Congestionnés dans toute leur étendue. OEdème prédomi- nant vers les bases. Splénisation égale des deux côtés et occupant À tra- vers de doigt d’étendue. Voies digestives. Centres nerveux. — Rien. Des fragments de muscle ont été pris d’une part à la partie supérieure des droits antérieurs de deux côtés, à leur partie moyenne et à leur partie inférieure, loin du foyer de suppuration; d'autre part, au niveau du vaste interne, du vaste externe des adducteurs et du biceps du bras (pour terme de comparaison). Nous avons pris également le tronc du crural et les filets intramuscu- laires du triceps. Les examens histologiques ont été faits sur des dissociations et des coupes. Ils ont été répétés plusieurs fois. Nous avons eu soin d'examiner simultanément les muscles sains (coté gauche) et les muscles malades (côté droit), toujours à la même hauteur et au même point. he = DES ALTÉRATIONS MUSCULAIRES CONSÉCUTIVES AUX FRACTURES. 113 Les coupes ont été durcies dans la gomme et l'alcool. Quelques-unes, dans l'acide osmique. Les liquides colorants dont nous nous sommes servis plus spécialement sont : le carmin (picro), l'acide osmique, le carmin aluné, le violet de methyl en solution aqueuse très légère, ete. Examen. Droit antérieur gauche (sain). — Le tissu conjonctif périfas- ciculaire semble normal. Les vaisseaux qu'on y rencontre présentent un léger épaississement de leur tunique externe. Quelques-uns sont entou- rés de larges cellules graisseuses. Le faisceau musculaire paraît normal quant au volume et à la forme. Les faisceaux primitifs sont parfaitement rectilignes, Juxtaposés, avec une striation normale dans toute leur étendue. Leur volume est resté à peu près intact. Gà et là on rencontre des fibres dont l’épaisseur est de beaucoup inférieure à celle de leurs voisines, mais la fibre est grêle dans toute sa longueur, et l’on sait que le volume des fibres musculaires est variable à l’état normal. Les noyaux de sarcolemme ne sont pas prolifé- rés. Le picrocarmin colore uniformément la coupe. En résumé, le muscle du côté gauche paraît intact. Muscles malades. Cuisse droite (côté de la fract.). Droit antérieur. La coupe comprend toute l'épaisseur du muscle (tendon et faisceaux musculaires). Fable grossissement (0 et 2 Scibert). Ce qui frappe à première vue, c'est une diminution énorme du volume des faisceaux musculaires; surtout lorsqu'on les compare à ceux du droit antérieur sain. Ils sont diminués d'au moins 3/4.et les cloisons conjonctives qui les séparent atteignent par place le volume des faisceaux musculaires eux-mêmes. Dans les cloisons périfasciculaires et interfasciculaires, on trouve de nombreux vaisseaux à parois très épaisses. Ces vaisseaux envoient des ramifications multiples dans l’intérieur des faisceaux primitifs, ramifi- cations qu'on peut suivre même avec un faible grossissement, tellement leurs parois sont épaisses. Dans ce périmysium, on trouve des cellules graisseuses en grande quantité. Ces cellules semblent localisées d’abord autour du vaisseau, De là, elles envahissent le tissu interfasciculaire et s’avancent même dans l'épaisseur des faisceaux musculaires, qu’elles tendent à dissocier. A l'endroit où cet envahissement a lieu, le faisceau semble bifurqué ou trifurqué. C'est grâce à la présence de cette couche graisseuse que les cloisons interfasciculaires présentent une épaisseur beaucoup plus considérable qu’à l’état normal. Cette couche se colore en noir par l'acide osmique. Au centre des faisceaux musculaires, on voit également des trainées de cellules graisseuses qui séparent les fibres primitives d’entre elles. Ces traînées graisseuses infrafasciculaires se retrouvent dans plusieurs k PH TES 114 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. a , , faisceaux musculaires. Il en est qui sont indépendantes du tissu graisseux périfasciculaire ; il en est d’autres au contraire qui se continuent avec lui. Dans tous les cas ce tissu interfasciculaire accompagne toujours un ou plusieurs vaisseaux qui se trouvent situés à son centre. En résumé : Là où se trouve du tissu graisseux, on peut être sûr de ren- contrer un vaisseau, toujours assez gros el à parois épaisses. A l'endroit où les faisceaux musculaires s’attachent sur le tendon, on voit également, et nous insistons sur ce point, de nombreux amas de tissu graisseux qui séparent la fibre musculaire du tendon. En somme, diminution du volume du faisceau musculaire. Epaisisse- ment considérable des couches interfasciculaires. Vascularisation inter et intrafasciculaire extrêmement abondante et dégénérescence graisseuse localisée autour des vaisseaux : telles sont les lésions qu’on constate à un faible grossissement. M. le professeur Duplay fait remarquer qu'il s’agit ici d’un processus irritatif qui se substitue au tissu normal et non point d’une atrophie simple. Examen à un fort grossissement (0. VI, Scibert). Espace périfascicu- laire. On y voit des bandes de tissu conjonctif colorées en rose par le picrocarminate au milieu desquelles se trouvent les vaisseaux précé- demment notés, entourés de cellules graisseuses. On y trouve quelques noyaux du tissu conjoncüf, mais seulement autour des petits vaisseaux. Faisceau primitif (ou fibre primitive). Ce qui frappe surtout, c’est une diminution énorme de leur volume. Chacun pris individuellement et comparé au côté sain est diminué d'au moins trois quarts. En même temps ils sont irréguliers ici, entièrement minces et plus loin relativement épais. De sorte que la fibre offre un aspect irrégulièrement moniliforme. La striation est notablement modifiée, il y a des endroits où elle fait absolument défaut ; en d’autres points, elle est encore un peu apparente, mais jamais comme à l’état normal. | Par places, la fibre musculaire offre un aspect vitreux. Il est à remar- quer que ces différentes altérations ne sont pas localisées individuelle- ment dans chaque fibre musculaire, mais irrégulièrement disséminées sur chacune d'elles. Le myolemme se trouve souvent écarté des fibrilles. Ce phénomène est beaucoup plus apparent dans les dissociations. Nous allons y revenir dans un instant. Un autre phénomène non moins saillant, c'est la prolifération des noyaux du sarcolemme. Ceux-ci couvrent presque entièrement la fibre musculaire et rendent son examen, pour ainsi dire, impossible, surtout quand on les fait apparaitre par un artifice quelconque et. particulière ment par le carmin aluné, Sur des coupes transversales du muscle, les “ DES ALTÉRATIONS MUSCULAIRES CONSÉCUTIVES AUX FRACTURES. 115 noyaux dessinent élégamment le faisceau musculaire, surtout lorsqu'il est peu atteint. En certains endroits, la fibre musculaire a disparu. Elle a fait place à l’envahissement nucléaire qui remplit le myolemme. Dans certaines parties du muscle (près de la fracture, p. ex.) on ne voit que des noyaux au milieu d’un tissu conjonctif à fibrilles fines, et ca.,et là, d’une facon très discrète, des troncons de fibres musculaires qui altestent par leur présence l'existence antérieure d'un faisceau musculaire. Les noyaux ainsi proliférés sont allongés et beaucoup plus gros qu’à l’état normal. Dans toutes les fibres musculaires, on trouve de fines granulations graisseuses en plus ou moins grande abondance. Ces granulations se colorent en noir par l'acide osmique et disparaissent entièrement sur les coupes traitées par l’éther. Lorsqu’elles sont nombreuses (ce qui est ici le cas habituel), elles dessinent la fibre musculaire dans toute son étendue. “ En général, les altérations précédemment notées, et surtout l’envahis- sement par les granulations graisseuses, sont d'autant plus prononcées qu'on examine la fibre près du tissu interfasciculaire, de sorte qu’au centre du faisceau, l’altération, bien que très prononcée, est moindre qu'à la périphérie. Le fissu conponctif qui sépare les fibres musculaires (intra fasciculaire) est également épaissi. Il est constitué par des fébrilles très fines. Vaisseaux. Nous avons déjà dit que la vascularisation du muscle était très abondante. Autour du faisceau, ainsi que dans son intérieur, on trouve des vaisseaux à parois extrémement épaisses. Ils sont atteints d’'endopériartérite. Leur couche conjonctive est très épaisse et contient des noyaux, surtout nombreux autour des petits vaisseaux, et leur couche interne, atteinte d'endartérite, présente une prolifération évidente donnant naissance à des bourgeons qui tendent à oblitérer la cavité du vaisseau. Les capillaires qui sont autour des fibres sont très nombreux ; quel- ques-uns sont très volumineux. Tous sont remplis de globules, grâce auxquels on les suit facilement. Nerfs. Ils ne présentent rien d’anormal. Dans les coupes, dans les dissociations qui ont porté sur les filets pris dans le droit antérieur ou à distance sur le tronc du crural, nous n’avons trouvé aucune altération, Les coupes du droit antérieur ont été faites à sa partie supérieure, moyenne et inférieure. Les altérations sont tellement prononcées en bas qu'on a de la peine à reconnaitre la structure du muscle, au milieu d’un amas de tissu graisseux, de tissu conjonctif et de noyaux. Le vaste interne et les adducteurs ont été également examinés, Les " 116 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE altérations nous ont paru les mêmes, sauf peut-être pour l’écartement des faisceaux musculaires, qui est iei un peu moindre. En résumé : diminution considérable de l'épaisseur de la fibre muscu- laire, plissement et écartement du myolemme et prolifération de ses noyaux, altération de la striation de la fibre et dégénérescence granulo- graisseuse; de plus, toujours cette vascularisation prononcée, prédomi- nante autour et dans l'épaisseur du faisceau musculaire, telles sont les lésions que nous révèlent les forts grossissements. Dissociations. D'une facon générale, les phénomènes que nous avons indiqués sont encore plus apparents que sur les coupes. Le plissement et l'écartement du myolemme, ainsi que l’envahissement du tissu conjonctif interfasciculaire se présentent avec des caractères très accentués. Ce mode de préparation permet en outre de suivre au loin sur les fibres musculaires les capillaires dilatés et les artérioles à parois épaissies. Nous ne voudrions pas prématurément conclure et à l’aide de cette seule observation présenter une interprétation pathogénique des atrophies chirurgicales; aussi bien l’étude que nous poursuivons ne comprend-elle pas seulement les atrophies musculaires consécutives aux fractures, ainsi qu'on pourrait le croire par la lecture de ce cas particulier. Le sujet étant plus étendu, nous ne donnerons cette interprétation qu’au moment où notre travail aura été complétement exposé. CONSIDÉRATIONS SUR LA MÉTHODE EN DYNAMOMETRIE PHYSIO-PSYCHOLOGIQUE PAR M. L. MANOUVRIER Depuis 1879, j'ai fait des recherches dynamométriques sur les varia- tions de la force de serrement des mains suivant le sexe, l’âge, la race, la taille, la profession, etc. Plusieurs des résultats que j'ai obtenus ont été rappelés par M. Féré dans la première des intéressantes communica- tions faites par lui à la Société de Biologie sur ses propres recherches dynamométriques. Parmi les autres faits annoncés par cet auteur, quel- ques-uns avaient été publiés par moi antérieurement : ce sont les faits relatifs à l'influence dela taille, de l’exercice et de l'excitation de l’amour- propre particulièrement en présence des femmes. Je me borne, sur ce sujet, à renvoyer à mes publications (4). Deux des résultats exposés par M. Féré ne me semblent pas être encore bien démontrés. £ Le premier concerne l’infériorité de la force de serrement des mains chez les peuples sauvages comparés à nous. Cette infériorité, que j'ai annoncée le premier, mais avec des réserves, n'était nullement démontrée comme fait général, par les observations faites antérieurement. Elle m'a semblé probable à là suite de mes obervations sur quatre groupes de sauvages exhibés au Jardin d’acclimatation, et j'ai cru pouvoir en donner une (4) 10 Sur la force des muscles fléchisseurs des doigts chez l'horime et chez la femme, etc. (Assoc. franc. pour l’avancement des sciences 4882). 2° Sur quelques erreurs dynamométriques (Bull. de la Soc. d'Anthropo- logie, 1884). 39 La Fonction psycho-motrice (Revue philosophique, Mai et Juin 1884). Ts 118 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. interprétation dans un travail publié en 1884 dans la fevue philoso- phique, — mais elle ne saurait être considérée comme un fait démontré définitivement. Il faudrait comparer les races à égal développement musculaire. Je dirai la même chose de l’infériorité de la force de serrement des mains chez les ouvriers comparés aux hommes de professions libérales. J'ai cru tout d’abord constater cette infériorité, mais je ne considère pas mes chiffres comme suffisants pour rendre vraiment scientifique une assertion à ce sujet. Les chiffres recueillis par Broca viendraient à l'appui, d’après le souvenir de M. Féré, mais il faudrait les posséder pour juger de leur valeur démonstrative. Pour moi, j'ai enregistré la force de ser- rement des mains de plus de deux cents hommes de science ou de lettres, nombre plus que suffisant pour fournir une moyenne dynamométrique parfaitement stable, mais je n'ai observé, dans des conditions identiques, qu'une vingtaine d'ouvriers, nombre très insuffisant pour permettre une comparaison scientifiquement valable. Peut-être M. Féré possède-t-il des chiffres plus nombreux; il ne s’est pas expliqué sur ce point. En tout cas, ces chiffres ne sauraient être ajoutés aux miens pour former une série homogène et suffisante, car nous n'avons certainement pas eu recours l’un et l’autre à la même méthode ni à des dynamomètres exactement semblables. Ë Quoi qu'il en soit, je serai très prochainement fixé sur la différence qui peut exister entre les paysans, les ouvriers et les lettrés, sous le rapport de l'énergie de l’effort momentané produit par la flexion des doigts. Mais je tiens à faire observer que ce ne sera là qu’un fait brut dont l'interpré- tation exigera des recherches pius complètes, susceptibles de nous éclairer sur les causes des différences constatées. Psychiques ou non, ces causes peuvent être beaucoup plus complexes qu'on ne semble le croire. J'avoue que cette complexité très grande et aussi les difficultés de toutes sortes que l’on rencontre dans les observations, et surtout dans les expé- riences faites sur des hommes vivants, n’ont pas peu contribué à res- treindre mes recherches dynamométriques et mes conclusions. Aussi la série de découvertes exposée devant la Société de Biologie par M. Féré. depuis le mois d'avril m'a-t-elle ébloui plutôt que convaincu. Ce n’est pas que les faits signalés par M. Féré me paraissent extraor- dinaires et inadmissibles dans leur ensemble, Les personnes qui auront lu mon travail intitulé l& Fonction psycho-motrice penseront au contraire que ces faits s'accordent on ne peut mieux avec mes propres vues théo- riques. Ge que je suis porté à contester, ce n’est pas la possibilité de ces faits, c’est la possibilité de les démontrer d’une facon suffisamment scien- üfique au moyen du dynamomètre ; c'est surtout la possibilité de les chiffrer, si je puis m’exprimer ainsi. Que les excitations psychiques un peu fortes exercent une influence dynamogénique sur nos mouvements, c'est un fait notoire, démontré jour- DE LA DYNAMOMÉTRIE PHYSIO-PSYCHOLOGIQUE 119 nellement de la facon la plus évidente. Mais qu'une simple sensation visuelle, auditive ou olfactive momentanée et ne se rattachant à aucun état émotif produise par elle-même un effet dynamogénique immédiate- ment traduisible par l'aiguille d’un dynamomètre tenu dans la main, c’est ce que ne me paraissent pas démontrer suffisamment les expériences de M. Féré. En voici la raison: J'ai constaté sur moi-même et sur un grand nombre de personnes que lorsqu'on serre un dynamomètre sans intention bien définie, on obtient un chiffre qui varie du jour au lendemain, d'un moment à l’autre, et qui est absolument dépourvu de signification car il dépend de l’état psychique, nerveux, musculaire, ete., où l’on se trouve au moment de l'opération, état infiniment complexe dont il n'est guère possible de tenter l'analyse. Tout au moins faudrait-il des milliers et.des milliers d'observations faites d’abord sur un sujet intelligent, puis sur d’autres, et dans une foule de conditions internes et externes dont on chercherait à saisir l'influence en isolant autant que possible toutes les autres au moyen de la méthode sta- tistique, des calculs des moyennes et des sériations. Un tel travail serait probablement fructueux, mais il exigerait bien des années de patience. Il serait cependant nécessaire pour éviter le dangereux « Post hoc : ergo propter hoc », l'un des écueils de la dynamométrie physio-psychologique aussi bien que de la thérapeutique. Le serrement sans intention précise dont je viens de parler est celui qu'exerce un individu quelconque à qui l’on présente un dynamomètre avec la simple prière de le serrer, mais à qui il est indifférent de serrer plus ou moins. Il serre suivant sa fantaisie, c’est-à-dire au hasard de son imagination, et ce hasard est la résultante d’un état lpsycho-physique dont la complexité rend l’analyse extrêmement difficile. Comment prendre un chiffre obtenu dans ces conditions comme terme de com- paraison propre à révéler l'influence de telle ou telle excitation ultérieure, puisqu'il suffit que l’idée vienne au sujet en expérience de serrer plus ou moins fort pour qu’il obtienne un chiffre plus ou moins élevé que le pre- mier. Or, cette idée ne manque pas de venir, sans même que l’expérimen- tateur intervienne. Le sujet à qui l’on fait serrer le dynamomètre sans développer en lui une intention précise s'amuse presque avec l'instrument, s’il n’est point préoccupé d’ailleurs. Chacun est capable à un moment donné, et indépendamment de toute. excitation inaccoutumée, de produire un effort maximum. Au-dessous de ce maximum, le champ reste libre au caprice du sujet en expérience s’il serre le dynamomètre sans intention précise, — et s’il serre avec une intention déterminée par les paroles de l’expérimentateur, alors l’expé- rience est viciée par ce fait même qui vient compliquer encore davantage l’état psychique qui existait antérieurement. Pendant que l'expérimentateur varie les couleurs, les sons ou les odéurs, le sujet ne cesse pas de songer; or, ses pensées, qui ne sont pas, 120 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. D je suppose, déterminables expérimentalement, sont autant de conditions psychiques insaisissables qui viennent influer sur la résultante centrifuge ou motrice de l’état cérébral inconnu dans le déterminisme duquel la sensation provoquée a pu n ‘entrer que pour une part absolument insigni- fiante. Est-ce donc à l'intervention de cette sensation provoquée par l’opéra- rateur que celui-ci pourra attribuer la variation marquée par l'aiguille du dynamomètre ? J'ai observé qu’en général, lorsqu'on serre le dynamomètre plusieurs fois de suite, le chiffre obtenu tend à s'élever. Ce fait se produit même: lorsque le premier serrement a été aussi énergique que possible, et à plus forte raison lorsque le premier essai a été fait avec nonchalance. Il y a là, quelquefois, une question de tenue plus ou moins parfaite de l'instrument, car l’on cherche presque instinctivement à serrer le plus commodément possible, et il arrive aux individus inexpérimentés de saisir le dynamo- mètre de trois ou quatre facons différentes, plus ou moins avantageuses lorsqu'ils font trois ou quatre essais successifs. Il peut résulter de là des différences de chiffres assez considérables qu'il faudrait se garder, disons-le en passant, d'attribuer à telle sensation dont on voudrait étudier l’in- fluence dynamogénique. Mais il y a une autre cause plus générale encore d’accroissement du premier chiffre obtenu. Cette cause est ce que j'appel- lerai la mise en train des organes qui agissent dans l'opération du serre- ment. Gette mise en train consiste probablement en partie dans certaines modifications circulatoires et autres des muscles, des nerfs et des centres nerveux eux-mêmes. On sait qu'elle se produit au début d’une foule d'exercices (escrime, saut, chant, discours, dessin, etc., etc.) que l’on fait mieux au bout de quelques instants qu'au début. Il y a aussi la mise en train purement psychique, qui me parait consister dans l'excitation pro- duiie sur l'imagination et l'attention par le mécontentement des premiers essais ou par ce que M. Féré nomme « un rappel énergique de l’image motrice ». Cette dernière interprétation est celle que M. Féré a adoptée pour expliquer l'influence des mouvements passifs préliminaires chez les névropathes. Je n'ai pu réussir à constater cette influence sur les sujets sains, mais j'ai constaté souvent une élévation du chiffre dynamométri- que après un, deux ou trois serrements, surtout après une reprise; et je crois que, dans un cas comme dans l’autre, il faut faire la part de la mise en train purement mécanique aussi bien que de l'influence psychique. Cette double influence ne se fait sentir, chez certains sujets, qu'au bout d'un certain nombre d'essais, en accroissant les premiers chiffres qui restaient d’abord stationnaires : le sujet s’est mis à serrer plus fort, et s'il a été soumis, après les premiers essais, à l'influence de diverses sensations, on risque d'attribuer à l'influence de ces sensations un accroissement qui peut se produire en leur absence, qui se produit DE LA DYNAMOMÉTRIE PHYSIO-PSYCHOLOGIQUE 191 au bout d’un temps plus ou moins court, suivant l’état psychique exis- tant au début de l'expérience, état variable chez un même sujet et bien difficile à connaitre. En outre, si l'accroissement du premier chiffre dynamométrique, résultant de la mise en train, à été considérable, il ne tarde pas à être suivi de fatigue et très souvent de l’endoloris- sement de la main, d’où résulte aussitôt une dépression des efforts étudiés. Cette dépression peut être attribuée aussi indûment à l'influence de telle ou telle sensation provoquée par l’expérimentateur. Dans le cas qui vient d’être examiné, c’est-à-dire lorsque le sujet serre sans intention précise et sans goût, l'ennui peut survenir et risque de com- pliquer encore les conditions de l'expérience. Et si l’expérimentateur s'efforce de tenir son sujet en haleine par des encouragements, des objurgations, des paroles quelconques, il ne peut le faire sans modifier encore à chaque mot l'état psychique du patient, et peut-être plus que ne sauraient le faire des sons, des couleurs ou des odeurs dont ce dernier se soucie peu. Examinons maintenant un autre mode d’expérimentalion. Au lieu de dire simplement au sujet de serrer le dynamomètre ou de lui dire de serrer fort et de mettre ainsi l'expérience à sa disposition en quelque sorte, on le prie instamment de serrer de toutes ses forces. On fait naître ainsi dans son esprit une intention bien déterminée, à la condition toute- fois que le sujet se prête très volontiers ou s'intéresse à l'expérience. Or, dans ce cas même, on s'adresse nécessairement à un individu pris au milieu de certaines conditions internes et externes que l’on vient de modi- fier plus ou moins, qu'on connaissait très imparfaitement, qu'il ne con- naissait pas lui-même. Je sais qu'il m'a fallu serrer chaque jour pendant bien des mois mon dynamomètre pour arriver à connaître, à deux ou trois kilogrammes près, le chiffre que je suis capable d'atteindre à un moment donné sans être sous l'influence d’aucune excitation particulière. Le sujet serre donc énergiquement l'instrument qu’on lui présente et . obtient un certain chiffre qui est considéré comme son maximum nor- mal, pour le moment. Pour plus de sûreté, on le prie de recommencer, et le second chiffre obtenu diffère peu du premier; le troisième diffère peu des deux autres et voici trouvé le terme de comparaison qui va ser- vir à apprécier l'influence de telle ou telle excitation. Mais déjà l’on pou- vait constater, en général, une progression ascendante plus ou moins marquée, dépendant de l'adresse croissante dans le maniement de l'ins- trument, de la mise en train, de l'attention mieux fixée, de l'intérêt pris par Île sujet, etc. — Celui-ci pensait avoir serré de toutes ses forces, ainsi qu'on l'en avait prié, et il lui arrive, après trois ou quatre essais succes- sifs, surtout s'il y à eu ensuite un instant de repos, il lui arrive d'obtenir, toujours avec la même intention, un chiffre supérieur de 3, 4, 6 kilo- grammes au premier. C'est ainsi que le docteur G., médecin aliéniste, sur qui je faisais l'expérience il ya quelques jours, obtenait une première fois 192 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 40 kilos, en serrant de toutes ses forces; une seconde fois 41 kilos, tou- jours en serrant de toutes ses forces. Son intention était bien précisée, toujours la même, l'intention de connaître sa force ; si bien qu'après le second essai, M. G. jugeait l'expérience terminée; mais je le priai de faire un troisième essai, et l'aiguille marqua 50 kilos. Il en fut surpris et convint que l'accroissement obtenu aurait pu être facilement attribué à quelque excitation survenue ou provoquée entre le second essai et le troisième. Evidemment, le docteur G. avait serré plus fort à la dernière fois qu'aux deux premières sans s’en rendre compte, et cela sans l’in- fluence des causes énoncées ci-dessus, sans l'intervention d'aucune exci- tation d’origine extérieure. Le troisième chiffre seul pouvait étre consi- déré comme son maximum ordinaire véritable, celui qu'une odeur, un son, une couleur quelconque feront difficilement varier. Il m'a semblé que la mise en train nécessaire pour atteindre ce maximum était plus longue à se faire chez les ouvriers et chez les gens inintelligents. S'il vient à être complètement démontré que la moyenne de serrement des ouvriers est inférieure à celle des bourgeois — à développement muscu- laire égal — il y aura lieu de tenir grand compte, dans l'interprétation de ce fait, de l’influence que je viens d'indiquer et que je me réserve d'étudier plus complètement. En général, le chiffre maximum est atteint après deux ou trois essais seulement lorsqu'on opère sur un homme intelligent et instruit. Il est quelquefois obtenu du premier coup. C'est ce qui arrive surtout lorsqu'on connait le maniement du dynamomètre et que l’on sait se placer immé- diatement dans la situation d'esprit nécessaire pour que l’influx nerveux moteur, dont les centres nerveux sont capables au moment de l'opération, soit employé tout entier à celle-ci, sans subir aucune distraction. Il faut pour cela se recueillir pendant une seconde et suivre à la lettre le précepte age quod agis. Alors, je le répète, on obtient un chiffre très peu variable, un terme de comparaison vraiment solide sur lequel je n'ai pu noter jusqu'à présent que l'influence d'une seule excitation : celle de l’amour-propre. Cette influence est facile à constater, car elle est consi- dérable. Ainsi je n'ai jamais pu dépasser, étant seul, le chiffre de 55 kïlos, mon maximum le plus ordinaire étant 51 kilos; mais il m'est arrivé maintes fois en public et devant des femmes d'obtenir 58 et 59 kilos. Mais la force avec laquelle je puis serrer le dynanomètre n’est in-. fluencée ni par les odeurs, ni par les couleurs, — ni par le tabac à priser, — ni par le bruit du tambour, ni même par celui du canon. Et pourtant je suis très sensible à toutes ces choses, et je suis convaincu qu’elles doi- vent exercer sur mon système nerveux une influence dynamogénique. Le bruit du tambour et celui du canon m'excitent beaucoup à marcher, mais ils ne m'excitent pas à serrer un dynamomètre et ne réussissent pas à me faire serrer plus fort que d'ordinaire. Sans doute, l'influence dynamogé- nique est-elle liée à des associations d'idées et de mouvements spéciales DE LA DYNAMOMÉTRIE PHYSIO-PSYCHOLOGIQUE 193 : pour chaque sensation percue. Si j'avais l'habitude de serrer mon dyna- momètre avec nonchalance, de facon à ne faire monter l'aiguille que jusqu’à 30 ou 40 kilos par exemple, au lieu de 51, peut-être alors toute sensation non habituelle serait-elle capable de vaincre ma paresse. Je serais alors ce que M. Féré pourrait appeler un bon sujet; mais comme je puis parcourir la distance qui sépare 30 ou 40 kilos de mon maximum ordinaire sous l'influence de ma seule fantaisie, indépendamment de toute excitation venue du dehors, il me semble que l'appréciation de l'influence dynamogénique des sensations étudiées serait dépourvue de toute garantie scientifique. Je crois donc indispensable, lorsqu'on veut apprécier le pouvoir dyna- mogénique de telle ou telle condition de temps, de lieu, de santé, de milieu, je crois indispensable de prendre pour terme de comparaison ce que j'appelle le maximum ordinaire de chaque individu, c'est-à-dire le chiffre maximum atteint en l’absence de toute excitation non ordinaire et qui ne peut être dépassé au hasard de la fantaisie. Encore faudra-t-il tenir compte de ce fait : que le maximum ordinaire lui-même subit des varia- tions sous l'influence de conditions complexes et fort mal connues qu'il importe d'éliminer lorsqu'on veut étudier l'influence de telle ou telle condition déterminée. L'emploi de cette méthode exige un temps consi- dérable, mais il faut se résigner à tenir compte de la complexité de la question que l’on veut étudier. Il faut considérer que le cerveau n’est pas un centre de réflexes simples, que ce n’est pas seulement un appareil récepteur et distributeur de courant nerveux; c'est aussi un accumula- lateur et peut-être un producteur, de telle sorte que le courant centrifuge ou moteur qu'il émet à la suite d’une sensation peut produire un effet mécanique tout à fait hors de proportion avec l’intensité du courant sen- sitif. Un son, une couleur, une odeur peuvent exercer sur le cerveau un pouvoir dynamogénique, mais ce n’est pas ce pouvoir intrinsèque qui se traduira sur le cadran du dynamomètre : ce sera la résultante centri- fuge totale issue des centres nerveux au moment du serrement, résultante dépendant des associations psycho-motrices infiniment complexes sur lesquelles la sensation provoquée n'a joué que le rôle d'incitation initiale, le rôle de l'étincelle qui met le feu à une petite ou à une grande quantité de poudre, — et moins encore, car ce n'est pas cette sensation qui a déterminé le serrement. Le sujet n’a pas serré le dynamomètre parce qu'il a vu du rouge ou du vert; il a serré parce qu'il était prié de le faire. Donc pendant qu'il serrait, la couleur apercue n’a pu agir sur son état psychique qu’à titre de facteur dont nous ne pouvons mesurer l'influence, puisque nous ne connaissons pas celle des autres facteurs qui compo- saient antérieurement et simultanément le processus psycho-moteur observé. L'effet dynamogénique d’une sensation pourrait être mesuré si l’on connaissait l’effort maximum dont le sujet est capable en l'absence de 4124 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. cette sensation. Si, par exemple, au lieu de 51 ou 55 kilos, chiffre que je ne puis dépasser sans excitation spéciale, j'obtiens 60 kilos en me placant sous l'influence de la couleur rouge — et que ce fait se répète plusieurs fois, — je serai convaincu de l'influence dynamogénique du rouge sur mon appareil psycho-moteur. Mais si je n’obtiens sous l'influence du rouge que mon chiffre maximum ordinaire, et s’il en est de même pour les autres personnes que J'aurai observées, je serai obligé de conclure que le pouvoir dynamogénique du rouge n’est pas appréciable au moyen du dynamomètre. | De même si une sensation visuelle, auditive, olfactive, considérée comme dépressive ne peut m'empêcher d'atteindre avec le dynamomètre mon maximum ordinaire, je devrai conclure que si l'influence dépressive de cette sensation est réelle, elle n’est point pérceptible. On me dira que je suis un sujet peu sensible, rebelle à l'influence dyna- mogénique des odeurs, des sons et des couleurs. Je serai difficilement convaincu de ce fait, étant très sensible aux parfums, à la peinture et à la musique, — et je serai d'autant plus difficile à convaincre que je vois clairement une autre cause à l'échec des expériences faites sur moi-même : c'est que mon chiffre maximum ordinaire est un véritable maximum, un chiffre que je puis ordinairement atteindre, si je veux m'en donner la peine, mais que je ne puis dépasser sous la seule influence de ma fantai- sie. Théoriquement, je m'explique ce fait en admettant que je possède dans mes centres nerveux une quantité de force nerveuse accumulée suffi- sante pour que l'intervention d’une simple sensation prétendue dynamo- génique ou dépressive ne produise qu’un effet infinitésimal, ou du moins inappréciable au dynamomètre. En pareille matière, je me fie surtout aux expériences faites sur moi-même, parce que je connais mieux mon état psychique pendant ces expériences que je ne saurais connaître celui de sujets étrangers. Mais je connais le maximum ordinaire d’un certain nombre de personnes des deux sexes dont j'ai consigné la force de serre- ment des mains à diverses reprises et à des intervalles suffisamment longs. Si l'odeur du musc ou une prise de tabac pouvait élever notablement et avec une certaine constance le maximum ordinaire de quelques-unes de ces personnes, c'est-à-dire le maximum qu’elles ont obtenu sans muse ni tabac, alors je croirais démontrée l’action dynamogénique de ces substances. Jusqu'à présent, je n’ai pu constater que des faits contradic- toires en essayant l’effet dynamométrique du tabac sur des personnes n'ayant pas l'habitude de priser. On m'objectera peut-être que c’est cette condition du maximum ordi- naire pris pour terme de comparaison fixe qui rend négatifs les résultats de mes expériences de contrôle : on dira que j'opère d’une facon désavan- tageuse, évidemment peu favorable à la manifestation de faibles influences, Cela est vrai, bien qu’il ne s’agisse pas de si faibles influences, puisque la seule odeur du musc produirait, d’après M. Féré, des différences de . DE LA DYNAMOMÉTRIE PHYSIO-PSYCHOLOGIQUE 195 plusieurs kilogrammes sur un sujet sain et intelligent. Mais ce qui im- porte, ce n’est pas seulement de se placer dans des conditions favorables à la réussite d'un résultat, c'est de réaliser autant que possible les con- ditions de la saine méthode expérimentale en isolant l'influence à étu- dier. Or quand un sujet qui pourrait serrer avec une force de 60 kil. s’il s’en donnait la peine ne serre d’abord que 40, puis 45 après avoir vu du bleu et 50 après avoir vu du rouge, — je dis que ce n'est pas là une expérience et je songe à des faits de suggestion, d'auto-suggestion, ete. plutôt qu'à des influences d’odeurs, de sons ou de couleurs. Il est vrai que si l’on se place dans les conditions que j'ai indiquées plus haut, c'est-à-dire si l’on fait préalablement produire au sujet son effort maximum, l'expérience ne peut durer bieu longtemps, car si l’on peut serrer trois cents fois de‘suite un dynamomètre et obtenir un chiffre à peu près constant, c'est que l’on serre moitié moins qu’on ne le pourrait, et alors une marge très large reste ouverte à toutes les influences que l'on voudra. — Mais si l’on s’est vraiment donné la peine de serrer très fort dès la première fois, alors on détruit la marge dont je parle, et de plus on se meurtrit si vite la main que la douleur met bientôt fin à l’expé- riençe, — non pas après trois cents, mais après deux, trois ou quatre fois, chez la grande majorité des sujets qui n’ont point les mains calleuses. Pour moi, je ne puis serrer trois fois de suite qu'au prix d’une douleur assez vive. Je la surmonte si j'ai pour cela des raisons suffisantes; mais alors, j'ai la main meurtrie pour un temps plus ou moins long. Aussi, je ne considère plus comme valables mes essais s’ils n’ont pas été séparés les uns des autres par un intervalle d’un jour ou d’une nuit au moins, car j'ai observé qu'instinctivement l’on serre moins fort tant que la main reste tant soit peu endolorie. Mais cette sorte d’inhibition instinctive paraît être annulée s’il se présente un motif de quelque poids déterminant un effort sérieux. C'est ce qui arrive du reste en une foule de cas, par exemple lorsqu'une troupe fatiguée prend le contact de l'ennemi, ou simplement lorsque les tambours, la musique viennent réveiller l’ardeur d'une colonne en marche, etc. Il se produit dans bien des cas de ce genre des effets dynamogéniques très complexes, mais non moins évidents que s'ils avaient été constatés à l’aide du dynamomètre. Aussi, quoi qu’il ensoit de la valeur des expériences de M. Féré, qu'il soit prouvé ou non que ces expériences ne sont point suffisamment rigoureuses, je me réjouis en pensant que la plupart des hautes conclusions que leur auteur en a tirées n’en continue- ront pas moins à être admises. On pourra douter que « les sensations fournies par les divers organes des sens aient une commune mesure fournie par le dynamomètre », maïs on continuera d'admettre que « Les fonctions psycho-physiologiques comme les forces physiques se réduisent à un travail mécanique »; on restera persuadé que les morceaux de musique tristes sont dépressifs et que les qais sont excito-moteurs, L'on continuera aussi d’ac Biococie. MÉMOIRES. — 8e sÉRIE. T, II. 8 126 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. corder aux musiciens, en dépit de l'affirmation du docteur Soula, juste- ment contredite par M. Féré, « que la musique n'agit pas seulement par le rythme, mais par le son lui-même (4), » Dans la discussion qui précède, je n’ai eu en vue que les expériences faites sur des sujets sains. Mais c’est sur des sujets hystériques, hypno- tisés ou hypnotisables que M. Féré a opéré principalement. Il est possible qu’il se soit placé ainsi dans des conditions particulièrement avanta- geuses et qu'il ait constaté chez de tels sujets des faits imvisibles dans les conditions ordinaires. Je ne saurais me prononcer sur le degré de garantie que présentent les hystériques au point de vue de la dynamométrie, ne connaissant cette catégorie de névropathes que d’après un nombre rela- tivement restreint de spécimens. Mon expérience est certainement bien loin d’égaler celle de M. Féré en pareille matière; cependant je lui sou- mettrai deux objections. Le premier chiffre qu'obtient une hystérique en serrant le dynamomè- tre est très faible, a dit M. Féré, même lorsqu'il s’agit d’une forte fille pouvant ensuite doubler son premier chiffre et aller plus loin encore. La marge ouverte à l'influence des sensations que l’on veut étudier est ainsi très large, mais je ne puis m'empêcher de rapprocher ce cas de celui que j'ai étudié plus haut, dans lequel un individu normal ne serre d'abord qu'avec nonchalance, puis se met en train, accorde plus d'atten- ; tion à l'expérience, se donne un peu plus de peine et franchit alors, au gré de sa fantaisie, la distance qui sépare son premier chiffre de son véritable maximum ordinaire, le seul qu'il ne puisse dépasser par simple fantaisie et le seul, par conséquent, qui puisse servir de base à l'appréciation de l'influence dynamogénique des sensations provoquées par l’expérimen- tateur. Si la fantaisie de l’homme sain est à redouter en pareille matière, il me semble que la fantaisie d'une hystérique ne l'est pas moins et que la suggestion doit agir chez celle-ci bien plus encore que chez le sujet sain. M. Féré a dit qu'iln’y a pas à se précccuper de cette cause d'erreur en vertu du peu de précision du sens musculaire. Je pense au contraire qu'il faut s’en préoccuper beaucoup, car je me suis assuré qu'il est facile -de faire monter à volonté l’aiguille du dynamomètre à 10, 40, 20, 30 kilos sans commettre des erreurs de plus de 2 à 4 kilos au delà ou en decà du chiffre visé, même après un seul essai. Je crois que beaucoup d’hystéri- ques parviendraient facilement à monter telle gamme qu'elles voudraient sur le dynamomètre avec une précision suffisante pour en imposer à l'expérimentateur ét même à jouer en quelque sorte un air qu'elles auraient adopté comme accompagnement des couleurs, des sons ou des odeurs soumis à leurs sens. Dans cette catégorie de malades on rencontre des sujets dont l’adresse est surprenante dans certains actes auxquels (4) V. Bulletin de la Société de Biologie, 1885, p,. 270 à 273 DE LA DYNAMOMÉTRIE PHYSIO-PSYCHOLOGIQUE 197 s'attache exclusivement leur attention : il n'est peut être pas hors de pro- pos de rappeler icile cas des somnambules. Mais en même temps que l’expérimentation sur les hystériques me paraît particulièrement sujette à l’erreur, je reconnais que cette catégorie de sujets présente un intérêt vraiment spécial au point de vue de la dyna- mométrie physio-psychologique. Dans mon travail sur la fonction psycho- motrice, j'ai considéré (je ne sais si j'ai été le premier) la perte plus ou moins complète du pouvoir accumulateur des centres nerveux comme étant un des troubles fonctionnels fondamentaux qui caractérisent l'épi- lepsie, l'hystéro-épilepsie, l'hystérie, la chorée, et qui entraine l'affai- blissement de l'attention, de la volonté, de la conscience dans ces diver- ses maladies. En raisonnant d’après cette vue théorique, que Je crois suf- fisamment d'accord avec les faits connus, on peut supposer que chez Les sujets sur lesquels opère M. Féré les courants nerveux sensitifs sont dépensés au fur et à mesure qu'ils parviennent au cerveau, distribués suivant un trajet simple, à la facon des courants réfléchis par les cen- tres nerveux les plus inférieurs, et qu'ainsi la moindre sensation peut se traduire immédiatement par une contraction plus ou moins forte des muscles qui agissent sur le dynamomètre. Dans la main de l'hystérique, de l’hypnotisée, la main occupée à serrer devient en quelque sorte luni- que rendez-vous des courants sensitifs provoqués par l’expérimentateur, ces courants ne trouvant point dans les centres encéphaliques ce pou- voir accumulateur qui, chez l'homme sain, les retient pour les distribuer ultérieurement, — en temps el lieu déterminés par les adaptations intel- lectuelles. En somme, bien que la plupart des résultats annoncés par M. Féré ne me paraissent pas jouir, pour le moment, d’une solidité à toute épreuve, et bien que les intéressantes recherches de cet auteur me semblent être un peu hâtives et attaquables au point de vue de la méthode, je n'en con- teste nullement le mérite et l'originalité. Je suis persuadé qu'elles seront fructueuses, mais les critiques qui précèdent et qui sont basées sur une assez longue expérience n’en devaient pas moins être faites. J'espère qu’elles contribueront à éclaircir la question de la méthode de dynamo- métrie physiologique. AR AS EE 0 La) je Ce. F ; (A 1 % DE: 642 Î H Fe CE : EEE MAR ES fs LS } \ , < é j DER [ { s)} l à D ATEN APCE SU AN î Pere 1 AN RATE NON M à On mi A GA LA CA 10 HELENE \f LE per ÉTUDE EXPÉRIMENTALE SUR F F LES ERPETS PHYSIOLOGIQUES DE L'EAU OXYGENEE EN INJECTIONS INTRA-VEINEUSES ET SON ACTION SUR LE SANG PAR MM. LABORDE et QUINQUAUD Partant de cette idée que l’oxygène pur, au contact des éléments orga- niques, des matières albuminoïdes et des proto-organismes, exerce une action destructive immédiate et certaine; qu'il constitue, en conséquence, le plus puissant et le plus sûr microbicide, nous nous sommes demandés s’il ne serait pas possible d'utiliser l’eau oxygénée rapidement introduite dans l’organisme, de facon à détruire les germes animés de certaines maiadies infectieuses rapidement mortelles. | L’injection intra-veineuse s’offrait comme le procédé le plus rationnel et le mieux approprié en cette circonstance; car, l’eau oxygénée — nous entendons l’eau oxygénée bien préparée et retenant la totalité de l’oxy- gène qu'elle contient en volume — n’est pas plutôt mise au contact d’un tissu ou d’un liquide organique, que l'oxygène se dégage et opère instan- tanément son action. Aussi, administrée par l'estomac, ne dépasse-t-elle pas la limite de cet organe, dans la sphère d'action considérée au point de vue auquel nous nous placons ici, le point de vue parasiticide. Injectée sous la peau, elle y produit, sur-le-champ, et plus ou moins localement, le gonflement emphysémateux qui résulte de la formation ou de l'intro- duction de tout gaz dans le tissu sous-cutané, et s’il y a, en ce cas, endosmose gazeuze, — ce que nous ne saurions affirmer, ne l'ayant pas 130 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. recherché — elle s'opère, à coup sûr, avec ue telle lenteur, qu'il serait illusoire de compter sur des effets rapides et généralisés. à L'introduction directe dans les vaisseaux constitue donc, en dernière analyse, le meilleur procédé pour arriver au but en question. Mais l'injection intra-veineuse d’eau oxygénée n'est-elle pas un danger pour la santé ou pour la vi: de l'individu? C'était la première question que nous avions à nous poser et à résoudre. Les recherches antérieures aux nôtres ne fournissent pas, à notre con- naissance, de renseignement sur ce point particulier; et cependant les résultats de celles de MM. Paul Bert et Regnard, relatives à l’action de l’eau oxygénée sur la fermentation, étaient, d’un autre côté, de nature à nous encourager dans cette voie nouvelle. Nous avons dû, conséquemment, nous préoccuper de savoir, avant tout, si et jusqu'à quel point l'introduction d’eau oxygénée dans la circulation était nocive; nous avons cherché à déterminer, en second lieu, de quelle nature était son action sur le sang. Sur le premier point, nous avons fait deux séries d'expériences : une première, dans laquelle nous avons atténué, à l'aide de mélanges propor- tionnels, la quantité d’eau oxygénée ; une seconde, où nous avons employé l’eau oxygénée pure (1). 1° De l'eau oxygénée (à 7 volumes pour 1,000 ou par litre) est mélangée à de l’eau distillée dans la proportion de 1 centimètre cube pour 4° d’eau distillée; et les 5° du mélange =— 11° d’eau sont très lentement : njectés dans la saphène externe d’un chien vigoureux, du poids de 20 kilog. On observe uniquement un ralentissement appréciable des battements cardiaques. — Deuxième injection de 5e d’un mélange de 2° d’eau oxygénée pour 3° d’eau distillée — 22 ec d’eau. Même résultat que précédemment. — Troisième injection de 3% d’eau oxygénée pour 2: d’eau distillée — 33 d’eau. Au bout de 7 à 8 minutes, l’animal pousse quelques cris plaintifs, et présente un peu d'excitation générale; le ralentissement des battements du cœur est constant, Détaché de ses liens, il s'endort paisiblement; il n’a (1) L'eau oxygénée qui à servi à nos expériences provenait du laboratoire du docteur BALby qui, le premier, après avoir étudié ce produit d’une façon très conciencieuse, l’'appliqua à la chirurgie et à la médecine. M. BarpY a assisté, du reste, à la plupart de nos expériences. SUR LES EFFETS PHYSIOLOGIQUES DE L'EAU OXYGÉNÉE 131 pas offert subséquemment le moindre accident appréciable. On avait introduit, en tout, 66° d’oxigène. 3 2° À un second chien de poids sensiblement moindre (15 kil.), on fait successivement les injections suivantes : — Une première de 4* d’eau oxygénée pour 1° d'eau distillée = 44° d'O. Un peu de ralentissement cardiaque, et c’est tout. — Puis, à quelques minutes d'intervalle, trois injections successives de 5 chacune d’eau oxygénée pure et en nature, soit en tout 564 d'O. On observe un certain degré d’excitation générale et toujours du ralen- tissement cardiaque. — Enfin, nous pratiquons encore, et successivement, à quelques minutes d'intervalle, sept nouvelles injections de 5%, l’une, d’eau oxygénée pure. Aussitôt après la septième injection: cris violents, urination, raidisse- ment des pattes, arrèt des mouvements respiratoires du thorax, comme en tétanisation, dilatation pupillaire, mort imminente. Cependant, le réflexe oculo-palpébral persiste, le cœur se ranime peu à peu, une grande inspiration se fait, suivie de plusieurs autres, le retour à la vie s'opère complètement et si bien que l'animal s’est rétabli et a survécu. Plus de 1200°° d’O avaient été injectés. Nous touchions à la limite de la dose toxique, elle a été atteinte dans la série suivante d'expériences. 3° Au premier chien ci-dessus, du poids de 20 kilos, parfaitement rétabli, nous faisons des injections successives, à 15 minutes environ d'intervalle l’une de l’autre, de 10° à la fois d’eau oxygénée pure. L'animal tombe dans un sommeil profond; il présente de l’anesthésie générale très marquée. La respiration qui, avant l'expérience, était telle- ment fréquente et irrégulière (l'animal étant criard et fort agité) qu’elle ne pouvait être exactement fixée, est maintenant régulière et à 20 envi- ron. Le cœur, quipréalablement battait à 108 et irrégulièrement, est main- tenant à 80 et très régulier. Il y a eu plusieurs défécations. La température rectale est tombée de 40°1 à 39°20. L'état de somnolence dure encore 25 minutes. Nous renouvelons alors une injection de 10° à la fois. Dès la moitié (5°): eris plaintifs particuliers, allongement et raidisse- ment des pattes, graves efforts respiratoires, accélération cardiaque. Puis et peu à peu, retour à l'état normal. Nous recommencons à verser la seconde moitié de l'injection. Aussitôt, raidissement nouveau et relâchements alternatifs des pattes; ralentisse- ment progressif des mouvements respiratoires aboutissant à l'arrêt com- 132 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. plet et définitif; le cœur continuant ses contractions, mais très ralenties et bientôt suspendues aussi. Les poumons, affaissés et comme revenus sur eux-mêmes, sont marbrés d'ecchymoses sous-pleurales ponctuées ; le cœur est gonflé et flasque ; caillots noirs dans les cavités droites, avec un peu de sang liquide et spumeux à la surface. Les tissus du foie, de la rate, des reins sont fortement infiltrés de sang, et ont une teinte acajou foncé. Injection veineuse de la surface des circonvolutions cérébrales; liquide sus-arachnoïdien abondant. Injection vive des vaisseaux superficiels de la face antérieure du bulbe et des plexus choroïdes de quatrième ventri- cule, etc., etc. Mais les altérations les plus remarquables sont celles du sang, qui est poisseux, épais, s’attachant fortement aux doigts, et d’une couleur noire foncée, qui le fait ressembler à de l'encre épaisse (1). L'examen microscopique du sang, fait tant durant l’expérience qu'après la mort, révèle des altérations des globules, sur lesquelles nous ne pou- vons insister ici, mais qui consistent surtout en des déformations, et l’as- pect à leur surface de globules transparents ayant l'apparence de glo- bules gazeux. Nous avons remarqué dans une de nos préparations une abondante formation de cristaux d'hématine. On comprend tout l'intérêt, dans ces conditions, d’une étude du sang, au point de vue de l'analyse de ses gaz. C'est l'objet de la deuxième partie de nos recherches. Il On sait que le sang, même défibriné avec soin, décompose l’eau oxy- génée; en est-il ainsi lorsqu'on injecte cette eau dans les vaisseaux? Nous avons fait, pour répondre à cette question, les expériences sui- vantes, accompagnées dans tous les cas de l’analyse des gaz du sang. L'eau oxygénée employée était légèrement acide. 17 L'xpérience du 13 février 1885. — On injecte très lentement (de 3*40 à 520), dans les veines d’un chien de 14 kilog., 20e d'eauoxygénée à 10 volumes — 200" d'oxygène ; on y ajoute 20e d’eau distillée. Avant l'injection, la température rectale est de 39°4, le cœur bat 90 fois par minute et la respiration est à 60. L'analyse des gaz du sang donne, pour 13: de sang, 6, 4 Co* et 2,6 d'oxygène. (1) Rappelons, en passant, que ce sang se conserve indéfiniment sans trace de fermentation, dans un milieu même surchauffé. SUR LES EFFETS PHYSIOLOGIQUES DE L'EAU OXYGÉNÉE 139 RE EE mm Après la troisième injection, le cœur bat 88 fois et la respiration est à 40. On trouve 4°,45 Co° et 1°,7 d'oxygène. _ Après la huitième injection, le cœur bat 420 fois et la respiration est à 408, la température rectale à 38°9. L'analyse donne 5,6 pour Co* et 1°5 d'oxygène. Le sang artériel est d’un brun noirâtre. L'animal, remis en liberté, peut marcher et peut servir à de nouvelles expériences huit jours après. On voit dans cette expérience que la respiration s’est d’abord ralentie, puis accélérée, et que les gaz du sang ont diminué. Pas trace de bulles de gaz dans le sang qui jaillit de l'artère. 2° Expérience du 26 février. — On introduit dans les veines d’un chien pesant 12 kilog. environ 55° (750%,oxygène) de la même eau oxygénée, que l’on étend à 150% ; on fait 30 injections de 107 à 1148’. Avant l'injection, l'analyse du sang donne 5° 05 Co et 2,1 d'oxygène. Après la 14° injection, on note 4°°,70 Co et 2,1 d'oxygène; enfin après, la 30° injection, Co” est descendue à 3°%5 et l’oxygène à 1° : le sang est d'un brun noirâtre. Ici, comme dans la première expérience, pas trace de bulles de gaz dans le sang. 3° £'xpérience du 2? mars, faite sur un chien de 13 kilos environ, dans les veines duquel on injecte de 3"30 à 534, 232 d’eau oxygénée, équi- valant à 1935 d'oxygène. Avant l'injection, l'analyse donne 43 Co* et 1e 4 d'oxygène. Après la 15° injection, nous notons 4%5 Co et 1%3 d'oxygène; et après la 34° et dernière injection, Co° est à 4%56 et l'oxygène à 0% & : nous voyons donc que la quantité d'oxygène a beaucoup diminué; d’ailleurs le sang artériel était encore ici d’un brun noirâtre. L'animal survécut. Mais si l'animal est d’un poids plus considérable, par rapport à la quan- üté d’eau injectée, on peut introduire un volume notable d’eau oxygénée sans déterminer l’abaissement des gaz du sang; parfois même, on note une légère élévation. A2 Expérience du 18 février. — Dans les veines d’un chien pesant 47 kilogr. on injecte 52% d’eau oxygénée à 10 volumes (520% oxygène). Avant l'injection, Go° est à 55 et l'oxygène à 22. Après la 5° injection, on note 5° 6 Co* et 27 oxygène. Après La 10° injection, on fait 2 analyses : la première donne 5° 8 Co* et2%3 oxygène et la deuxième 57 Co et 2©3 oxygène. L'animal s’est rétabli ; d’ailleurs le sang artériel était à peine un peu plus foncé. Examen spectroscopique. Pourquoi le sang présente-t-il une coloration. brun noirâtre? Dans ces cas, l’examen du spectre nous montre une troi- Brococie. Mémoires. — 8e série. T. I. 9 134 . MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. sième bande dans le rouge qui correspond à la raie de l’hématine. Il n'en est pas toujours ainsi; lorsqu'on injecte dans les veines de l’eau oxy- génée neutre, cette troisième raie n'apparaît point. Si l’on fait l'expérience in vitro, en opérant sur des solutions au 1/20%€, dans lesquelles on verse 1/6"° d’eau oxygénée neutre à 10 volumes, même à 15 et au delà, l’on ne voit pas de bande dans le rouge, lhémoglobine se détruit peu à peu, et les deux bandes classiques pâlissent, puis disparaissent. — Si l’expé- rience est faite avec de l’eau oxygénée acide, on voit se montrer, comme il était facile de le prévoir, une troisième bande d’hématine dans le rouge. En résumé, on peut introduire dans le système circulatoire une quan- tité relativement considérable d’eau oxygénée. pure, sans provoquer d’ac- cident notable. : Le sommeil, un certain degré d’anesthésie généralisée, le ralentisse- ment et la régularisation des battements cardiaques et des mouvements respiratoires, l’abaissement de la température générale, sont les effets habituels de l'introduction dans les veines d’une quantité moyenne d’eau oxygénée pouvant être évaluée de 500 à 1,000 ou un litre d'O. La mort, à la dose toxique, se produit par arrêt respiratoire primitif; et le processus asphyxique qui constitue le mécanisme de la mort, ainsi que l’annoncent les lésions organiques constatées à l’autopsie, parait tenir aux altérations du sang. Ces altérations consistent surtout dans la destruction de l’hémoglobine et la formation d'hématine; elles se réparent facilement et rapidement, quand l'animal n’a pas été soumis à une dose mortelle. Les gaz du sang Go° et O subissent des variations soit en plus, soit en moins, plus souvent en moins, selon la quantité d’eau oxygénée introduite relativement au volume et au poids de l'animal. Il nous reste à faire l'application de cette étude à la pathologie expé- rimentale, SOUVENIRS LATENTS SUGGESTIONS À LONGUE ÉCHEANCE M. le Docteur BERNHEIM L'étude des phénomènes hypnotiques met en évidence les souvenirs latents, je ne dis pas souvenirs inconcients. Des impressions sont dépo- sées dans le cerveau pendant le sommeil hypnotique. Au moment où le sujet les recoit, il en a conscience. A son réveil, cette conscience a dis- paru. Le souvenir est momentanément latent, comme beaucoup de sou- venirs, Comme tous les souvenirs qui, depuis que nous vivons et pensons, dorment dans notre cerveau. Mais ces souvenirs latents de l’état hyp- notique peuvent être réveillés ou se réveiller spontanément par cer- taines influences, Citons quelques exemples. 4° Un jour on prend la photographie d’une de mes somnambules à l’état de veille, puis elle esthypnotisée, et on reprend sa photographie dans diverses attitudes suggérées pendant cet état : colère, frayeur (vue fictive d’un serpent), gaieté (ivresse), dédain (vue d'étudiants en ricanant), extase. À son réveil, elle ne se souvient de rien. Quelques jours plus tard, l'ayant hypnotisée, je lui dis : « À votre réveil, vous ouvrirez le livre qui est à votre chevet et vous y trouverez votre photographie. » Je ne lui dis que cela. A son réveil, elle prend le livre, l’ouvre, y trouve sa photographie (fictive! il n’y en avait pas), demande si elle peut la garder et l'envoyer à son fils. « La trouvez-vous ressemblante? lui dis-je ». — « Tres res- semblante, j'ai l'air un peu triste ». — « Eh bien, dis-je, tournez la page. » Elle tourne et reconnaît sa photographie (fictive !) dans l'attitude de la colère, — « Tournez encore. » — Et en continuant à (tourner successi= noms CO (ep) MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. vement les pages, elle reconnait ses photographies diverses avec autant de netteté que si elles existaient réellement, dans ses diverses attitudes de frayeur, de gaieté, de dédain, d’extase; elle me décrit avec une préci- sion parfaite chacune de ces attitudes, telle qu'elle la voit, telle qu'elle l'avait prise pendant son sommeil, sans se rappeler aucunement les avoir eues, ni la suggestion correspondant à chacune; elle parait fort étonnée quand je lui dis qu’on lui avait communiqué ces attitudes pendant son sommeil. Ainsi la mémoire latente des faits accomplis pendant le som- nambulisme à été éveillée par une sorte d'associations d’idées-sou- venirs. 2° Je produis chez un somnambule endormi des phénomènes sugges- tifs de transfert; je mets son bras gauche par exemple en catalepsie dans la position horizontale; et approchant de l'autre bras un sthétoscope, je dis que la catalepsie va se transférer de ce côté; au bout d'une minute, ce bras se place horizontalement, tandis que le gauche tombe inerte. Si je rapproche le sthétoscope du bras gauche, celui-ci reprend la position horizontale et l’autre tombe, et ainsi de suite. Je puis de même produire un torticolis, une paralysie, une contracture sugges- tive et les transférer d’un côté à l’autre, par la seule idée suggérée au sujet que le sthétoscope produit ce phénomène. Chose remarquable, au réveil, le sujet ne se souvient de rien, et cependant si je mets l’un de ses bras horizontalement, et que j'approche le sthéloscope de l’autre, le phé- nomène de transfert se produit. Le torticolis, les paralysies, les con- tractures se transfèrent de même, au grand étonnement du sujet qui ne sait pas comment cela se fait et ne se rappelle pas que les mêmes phéno- mènes ont été provoqués pendant son sommeil. Il les réalise spontané- ment à l'état de veille, j'ajoute que je ne lui ai pas suggéré en état hyp- notique que les phénomènes doivent se reproduire quand il sera éveillé. De même je lui dis pendant son sommeil : «Sije vous touche le front, vous éclatez de rire. Si je vous touche l’occiput, vous éternuez. Si Je vous touche le côté droit de la tête, votre bras gauche est agité de con- vulsions. Ces phénomènes obtenus par suggestion, je le réveille. Et sans rien lui dire je touche le front, ül rit; je touche l’occiput, il éternue, je touche le pariétal droit, son bras gauche fait des mouvements convulsifs. La mémoire du reflexe suggéré pendant le sommeil subsiste, à son insu, pendant la veille. J'ai réussi ces expériences chez un assez grand nombre de sujets. 3° J'ai constaté que certains somnambules rendus anelgésiques pendant leur sommeil sont devenus, après un certain nombre de séances, anelgé- siques à l’état de veille : on peut les piquer avec une épingle, sans qu'ils manifestent aucune sensation douloureuse. Il s’agit, peut-être, dans ces SOUVENIRS LATENTS ET SUGGESTIONS A LONGUE ÉCHÉANCE 137 cas, d'un phénomène de même nature : d’une anelgésie suggestive par souvenir latent. 4° Voici un autre fait qui n'a pas été signalé, que je sache, et qui offre de l'intérêt pour les psychologues. Un somnambule est endormi; je lui parle, je le fais parler; je Ie fais travailler ; je lui donne des hallucina- tions. Au bout d'une demi-heure, d'une heure au plus, je le réveille; il ne se souvient absolument de rien; il ne se souviendra jamais de rien spontanément. Or rien n'est plus facile que d'évoquer le souvenir de toutes les impressions subies pendant son sommeil: et cette expérience réussit chez tous les somnambules. Il suffit pour cela que je lui dise vous allez vous rappeler tout ce qui s'est passé, tout ce que vous avez fait pendant votre sommeil. Je lui mets au besoin la main sur le front pour concentrer son attention; il se replie un instant sur lui-même sans s'endormir, et tous les souvenirs latents renaissent avec une grande préci- sion : il répète mes paroles, les siennes, relate successivement ses faits et gestes, ses hallucinations; rien n’est oublié. J'ai éveillé par simple affirmation les souvenirs latents. Ces faits étant bien établis, avant d’aller plus loin, cherchons à inter- préter, si faire se peut, le mécanisme de l’amnésie ou absence de sou- venir au réveil du sommeil profond. Dans le sommeil, l’activité céré- brale volontaire est diminuée, l’activité cérébrale automatique ou réflexe domine; les facultés de raison, le jugement, le contrôle, l'initiative intellectuelle, sontou diminués, ou concentrés sur une seule idée suggérée ; le sujet écoute, comprend, percoit, et accepte, sans raisonner, où du moins raisonne moins; la crédivité, la docilité cérébrale est accrue. Normalement nous avons une certaine tendance à croire, à réaliser l'idée communiquée : les sensations suggérées tendent à se produire, les images évoquées à se manifester. On sait combien ces perceptions d'images-souvenirs deviennent nettes, dans cet état de concentration d'esprit qui donne lieu aux rêvasseries de la veille ou dans la période d’engourdissement hypnagogique, si bien décrite par Maury, qui précède le sommeil. A l’état de veille, la partie active et raisonnante du cerveau, appelons-la, pour fixer nos idées, mais sans attacher à cette expression une signification anatomique précise, étage supérieur du cerveau, cette partie, dis-je, intervient et contrôle, elle modère ou neutralise les effets d'imagination, elle refrène l’activité automatique. Toute idée formulée est discutée par le cerveau qui ne l’accepte que sous bénéfice d’inven- taire; percue par les centres corticaux de l'étage supérieur, l'impression se propage aux cellules des circonvolutions voisines, dont l’activité propre est mise en jeu; les diverses facultés dévolues à la subtance grise de l’encéphale entrent en activté; l'impression est élaborée, contrôlée, analysée par un travail cérébral complexe qui aboutit à son acceptation 138 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. ou à sa neutralisation; l'organe psychique oppose, s’il y a lieu, son veto à l'injonction. En d’autres termes l'étage supérieur du cerveau exerce une influence modératrice sur les réflexes psychiques, sur l’automatisme cérébral, que nous supposons {par un simple schema) localisé dans l'étage inférieur du cerveau, comme le cerveau a une action modératrice sur les réflexes spinaux, sur l’automatisme spinal. | Dans le sommeil cette influence cesse; l'étage supérieur du cerveau est engourdi, l’activité cérébrale est concentrée sur les centres réflexes, cen- tres d'imagination, et centres automatiques; le contrôle intellectuel est diminué; l'impression communiquée au lieu de se diffuser dans les cel- lules corticales où elle est analysée et élaborée, pénètre en droite ligne dans les cellules des couches inférieures, motrices, sensitives, senso- rielles qui réalisent directement (et sans contrôle) la transformation de l’idée en acte, mouvement, sensation, ou image; il y a exaltation de l’excitabilité réflexe idéo-motrice, idéo-sensitive, idéo-sensorielle, qui fail la transformation inconsciente, à l'insu de la volonté, de l'idée en mou- vement, en sensation, en image. L’organe psychique de perfectionnement, l'étage supérieur du cerveau, n'intervient plus pour empécher cette trans- formation. Si donc nous admettons, avec Durand de Cros et Liébault, que pen- dant le sommeil, toute ou presque toute l'activité cérébrale, toute la force nerveuse, si l’on veut, absente dans l'étage supérieur (facultés de contrôle) est concentrée dans l'étage inférieur (centres automatiques, qu'en résulte-t-il? Que tous les phénomènes provoqués dans ce sommeil, conceptions, mouvements, sensations, images, toutes les impressions pro- duites, sont créés avec toute cette force nerveuse concentrée et aceu- mulée. | Qu'arrive-t-il au réveil? Le sujet reprend pleine possession de lui. L'acti- vité nerveuse concentréese diffuse denouveau danstout l'étagesupérieur du cerveau et à la périphérie. Alors les impressions percues pendant le som- meil sont comme évaporées, parce que réalisées avec une grande quan- tité de force nerveuse, de lumière nerveuse, qu'on me permette cette comparaison, elles ne sont plus assez éclairées, lorsque cette lumière cesse d'y être concentrée, pour être conscientes; elles sont latentes, comme une image trop peu lumineuse. Voyez cette somnambule ; elle va, vient, obéit aux ordres, elle converse, elle a toute sa conscience, elle travaille. On jurerait qu'elle est éveillée. Après une demi-heure de conversation active, je lui dis brusquement : « Réveillez-vous » : elle parle encore qu'elle se réveille. Elle ne se rappelle plus rien, absolument rien. Phénomène singulier! Tout s’est évaporé. L'influx nerveux concentré sur certaines parties du cerveau s’est diffusé partout; la lumière autrement répartie n’éclaire plus les impressions précédentes : un nouvel état de conscience existe. Je remets la somnam- SOUVENIRS LATENTS ET SUGGESTIONS A LONGUE ÉCHÉANCE 139 bule dans son sommeil ; l'ancien état de concentration nerveuse reparail et, avec elle, l'ancien état de conscience, les impressions éteintes se ravi- vent, les souvenirs latents renaissent. On est étonné de la facilité avec laquelle certains sujets passent ainsi d'un état de conscience à l'autre. Je leur ferme simplement les” yeux, et je leur parle : « Comment t'appelles-tu? » — » Paul Durand. » — « Quel âge as-tu? » — « J'ai treize ans. » — «Tu n'as pas mal? » — « Non, je n'ai mal nulle part. » — Vas-tu à l'école? Qu'est-ce que tu apprends ? » — « J'apprends le calcul, l'histoire, le francais, etc. » — « Réveille-toi. » L'enfant se réveille. « Qu'est-ce que je t'ai dit? » — Vous ne m'avez rien dit ». — « Comment? je Lai parlé tu n'as pas entendu ? » — « Je n'ai rien entendu. Vous ne m'avez rien dit ». — Ferme les veux. » Il ferme les yeux. « Qu'est-ce que je t'ai dit tout à l'heure? » — « Vous m'avez demandé mon nom, quel âge j'avais, si j'avais mal, ce que j'apprenais à l’école. » — « Qu'est-ce que tu as répondu. » — « J'ai dit que je m'appelais Paul Durand, que j'ai treize ans, que je n'ai pas mal, que j'apprends le caleul, l’histoire, le francais. » — « Ouvre les veux.» Il les ouvre. « Qu'est-ce que tu viens de me dire. » — « Je ne vous ai rien dit. » J'ai répété souvent celte expérience sur beaucoup de sujets, surtout chez des enfants. La simple occlusion des veux suffit chez beaucoup à déterminer un nouvel état de conscience. Le cerveau n'étant plus impressionné par les objets matériels sur lesquels l'attention se fixe tombe dans un étal passif; le sujet, ne regardant plus avec ses yeux, ne regarde plus, si je puis ainsi dire, avec son cerveau. L'activité nerveuse délaisse les centres d'attention supérieurs et se concentre sur les centres automa- tiques; les impressions nouvelles, évoquées dans ce milieu où l’influx cérébral est autrement réparti, sont comme implantées sur un état de conscience spécial. Les yeux ouverts, le sujet regarde; les images maté- rielles frappant l'encéphale et appelant son activité nerveuse au dehors, la concentration psychique cesse; les centres, qui ont percu des im- pressions avec une accumulation de force nerveuse, ne retiennent plus qu'une force nerveuse moindre; l’état de conscience est modifié, l’im- pression est éteinte, pour reparaître, si le même état de concentration se reproduit, par la simple ocelusion des yeux, Un phénomène du même ordre se produit chez nous instinctivement. Quand nous voulons rappeler un souvenir ou créer en nous une impres- sion profonde, l'inscrire dans notre cerveau de manière qu'elle soit suscepüble d'être réveillée à un moment donné, que faisons-nous? Nous nous concentrons ; nous fermons les yeux; nous fermons le sensorium à toute impression autre ; et ainsi nous évoquons le souvenir latent ou bien nous gravons profondément l'impression voulue. Elle disparaît bientôt, quand l’activité cérébrale se diffuse de nouveau sur un grand nombre 140 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE ‘ d'objets, sur toute la périphérie nerveuse; mais elle reparaît faci- lement, si l’activité cérébrale revient à se concentrer, le souvenir gagne pour ainsi dire en profondeur, en netteté, ce qu'il perd en con- tinuité. N'est-ce-pas pour cela aussi que les souvenirs de l'enfance, déposés dans un cerveau plus jeune, plus impressionnable, plus crédule, moins préoccupé d'idées multiples, qui se concentre plus facilement, dans le- quel les phénomènes de l’activité automatique prédominent, ces souvenirs se gravent plus profondément et s'évoquent plus facilement. Dans la vieil- lesse, alors que la mémoire faiblit, les souvenirs de l'enfance persistent toujours, reparaissent par intervalles, et ne s’éteignent jamais complète- ment, tandis que les impressions de l’âge adulte, même alors qu’elles ont persisté longtemps, s’effacent souvent sans retour. Ajoutons que presque tous les enfants sont hypnotisables, et le nombre de ceux qui sont susceptibles d'entrer en somnambulisme est beaucoup plus considérable que celui des adultes, trois fois plus d’après M. Lié- bault. L'état hypnotique n’est pas un état anormal, il ne crée pas de nou- velles fonctions ni des phénomènes extraordinaires; il développe ce qui se produit dans l’état de veille; il exagère à la faveur d’une nouvelle modalité psychique la suggestibilité normale que nous possédons tous à un certain degré : notre état psychique est modifié de manière à réaliser avec plus d'éclat et de netteté les images et les impressions évoquées. Quand, abîmés dans nos rêveries, notre activité cérébrale se concentre sur les souvenirs, les anciennes impressions reparaissent, d'anciennes images revivent devant nos yeux, souvent nettes comme la réalité ; nous restons absorbés dans la contemplation du passé, nous revivons la vie écoulée, nous révons, repliés en nous-mêmes; si bien alors, à qui cela n'est-il arrivé? qu'une excitation sensorielle vive, un bruit inattendu, la voix d’un ami nous rapelle à nous et nous arrache à là vie contemplative, véritable hallucination de la veille, nous revenons à nous, notre activité psychique se diffuse de nouveau au dehors, et nos souvenirs s’éteignent instantanément : nous ne pouvons plus nous rappeler l’objet de nos réveries passives. Il en est de même si la concentration, au lieu de se faire sur un souvenir image, se fait sur une idée sur laquelle l'esprit se fixe; nous ne pouvons plus nous rappeler l’objet de nos méditations abstraites. L'état de conscience s’est modifié! N'est-ce pas là, spontané- ment et à notre insu, réalisé chez nous, un état comparable à l'état hypnotique provoqué; même exaltation des facultés imaginatives, ou même absorption de l'esprit par une idée, souvent même insensibilité, souvent même amnésie au retour. Le soldat qui, dans la chaleur du combat, ne sent pas sa blessure, Archimède tué, pendant qu'il méditait, étranger à tout, des problèmes abstraits, ne sont-ce pas là des exemples k SOUVENIRS LATENTS ET SUGGESTIONS A LONGUE ECHÉANCE AAA de concentration nerveuse par une idée, par une émotion, semblables à celle que l'hypnotisme provoque : et ne sommes-nous pas tous, à notre insu et souvent, dans un état analogue ? Peut-être qu’en réalité il n'y à ni un état, ni deux états de conscience mais des étais infiniment variables. Entre l’état de veille parfaite et l’état de concentration parfaite qui constitue lé somnambulisme, toutes les variantes existent. Notre cerveau est peuplé de souvenirs qui y sont entassés depuis l'enfance ; tous ces souvenirs sont latents, car s'ils étaient tous éveillés, ce serait un vrai chaos dans notre entendement ; mais chacun de ces souvenirs peut renaitre alors que le même état de con- science qui l’a produit se reproduit. Ces données de l'observation étant bien saisies, il sera facile de con- cevoir les idées que je vais présenter sur l'interprétation des suggestions à longue échéance. Certains somnambules ont la faculté de réaliser une suggestion faite en état somnambulique, au jour et à l'heure indiqués, plusieurs semaines ou même plusieurs mois après la suggestion. Le souvenir de l’ordre donné, latent en apparence pendant ce long inter- valle, renaît avec une précision mathématique au moment fixé, et le sujet exécute l'acte ou réalise l'hallucination commandés, sans en connaître l’origine. On n'a essayé, que Je sache, aucune explication de ce phénomène singulier, d'une réalité incontestable ; les uns, ne pouvant l'expliquer, l'ont nié, refusant obstinément de s’incliner devant l'évidence des faits; d’autres, comme cet abbé qui a écrit dans l'Univers sur les phénomènes hypnotiques. ne trouvant aucune explication plausible, l'ont considéré comme surnaturel; un esprit malin surgirait de l’enfer pour venir en aide à l'opérateur. Les uns manquent, en cette circonstance, d’esprit scientifique ; les autres pèchent par absence de modestie let d’humilité. Nier ce qu'on ne peut comprendre, invoquer Dieu ou le diable pour expliquer ce que le pauvre cerveau humain ne peut concevoir, témoigne d’une certaine suffisance d'esprit qui n’est pas d’un esprit fort. La trans- mission de la voix humaine articulée avec son timbre et ses inflexions par un fil et une plaque vibrante est un phénomène merveilleux que nous constatons encore mieux que nous ne l’expliquons. Les problèmes de l'infini, de l'éternel sans commencement, de l’espace sans limites, apparaissent à notre entendement humain comme des énigmes dont ilne peut concevoir aucune solution, et cependant cette solution existe. Tous les phénomènes de l’ordre psychique sont des mystères dont le méca- nisme nous échappe, et qui ne se réalisent pas moins. Restons humbles a vec le sentiment de notre insuffisance, et résignons-nous modestement à ne pas franchir les bornes de notre intelligence. Si j'ose formuler ici un essai d'interprétation, ou du moins quelques idées pouvant servir à la conception du phénomène que je signale, ce n’est pas que j'aie la prétention de résoudre la question : ma conception 149 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. nest peut-être pas la vérité. Du moins aurais-je montré qu'une certaine conception du phénomène est possible, et dégagé ainsi la question de cette apparence mystérieuse et surnaturelle qui répugne à tout esprit scientifique. Peut-on expliquer les suggestions à longue échéance par une modifica- tion organique imprimée à la substance nerveuse qui est le substratum des phénomèmes psychiques? Bira-t-on que dans l’état hypnotique le cerveau a la propriété de recevoir l'empreinte de l'idée suggérée et de subir une modification analogue à celle d'un mécanisme à ressort monté ou tendu de facon à produire un échappement à un moment donné comme un réveille-matin réglé pour sonner à uneheure déterminée : c’est une conception qui ne repose, il me semble, sur aucune donnée anato- mique ou physiologique connue. Comme argument à cette comparaison de l'appareil psychique qui préside à la mémoire avec un réveille-matin, on pourrait arguer du fail que beaucoup de personnes ont le pouvoir de se réveiller à l'heure qu'elles se sont désignée avant de s'endormir. Le cerveau aurait donc la propriété de régler d'avance son sommeil pour un nombre d'heures variable et déterminé par lui. L’explication me parait autre. L'homme qui s'endort avec l’idée de se réveiller à heure fixe continue pendant son sommeil à avoir cette idée; car le sommeil naturel, pas plus que le som- meil provoqué, n'entraine l'abolition de la pensée ni celle de la conscience : nous avons conscience de nous-même pendant le sommeil, nous pensons, nous révons, nous travaillons. Beaucoup de sujets parlent en dormant, ils répondent aux questions qui leur sont faites. Il m'est arrivé souvent, trouvant un malade dormant naturellement dans mon service clinique, de lui dire: « Ne vous réveillez pas, continuez à dormir. » Puis je lève ses bras en l'air ; ils y restent passivement en catalepsie suggestive de lui donne une suggestion pour le réveil. Il l’exécute, sans se souvenir de rien, sans savoir que je lui ai parlé. Son sommeil naturel est transformé en sommeil hypnotique: ou pour mieux dire, J'ai mis le sujet en rapport avec moi; car, à mon avis, rien, absolument rien ne différencie le sommeil naturel du sommeil provoqué; on peut exploiter le sommeil naturel, comme on exploite le sommeil hypnotique. Un de mes malades, intelli- gent, que j’endormais depuis plusieurs mois, n'arrivait qu'au troisième degré ; c’est-à-dire qu’on pouvait déterminer chez lui de la catalepsie, de la contracture, des mouvements automatiques, mais pas d’anesthésie, pas de suggestions hallucinatoires, pas d'amnésie au réveil. Il se rappe- lait tout ce qui s'était fait et dit pendant son sommeil. Un jour, il m'ap- prend que, couchant dans le même lit que son père à la maison paternelle, celui-ci avait l'habitude de lui parler pendant son sommeil et qu’il lui répondait sans rien se rappeler au réveil; si bien, m'a-t-il ajouté, que lorsque son père voulait obtenir de lui un renseignement qu'il ne voulait C)) ©) SOUVENIRS LATENTS ET SUGGESTIONS A LONGUE ÉCHÉANCE À x pas lui donner, ille lui extorquail pour ainsi dire pendant son sommeil. Je lui dis alors : « Sivous pouvezainsi parler pendantle sommeil naturel, sans vous en souvenir au réveil, il doit être possible que je vous endorme artificiellement de la même manière. » Et je lui suggère de dormir comme du sommeil naturel, sans souvenir à son réveil. J'obtiens, en effet, chez Jui depuis ce moment un sommeil profond avec amnésie, avec anesthésie, avec hallucinations suggestives hypnotiques et post-hypnotiques. En général tous les sujets qui parlent et répondent pendant leur sommeil sont susceptibles d’être mis ‘artificiellement en somnam- bulisme. Le sommeil, qu'il soit artificiel ou spontané, n’est pas, je le répète, l'abolition des facultés intellectuelles; c’est un autre état cérébral que celui de la veille, état difficile à définir, dont l'étude reste encore à faire aux psychologues, dans lequel prédominent les phénomènes de l'activité automatique, mais dans lequel aussi les facultés dites de raison ou de raisonnement peuvent être éveillées et concentrées sur un point spécial, sur un ordre d'idées. Ce qui semble dominer, c’est la concentration, c'est la fixité de l'activité nerveuse sur le phénomène embrassé, image ou idée évoquée ou suggérée ; cette concentration d’ailleurs peut se faire sueces- sivement sur des objets variables; des rêves multiples se succèdent chez les dormeurs; des suggestions multiples et diverses sont communiquées aux somnambules qui les réalisent instantanément. La concentration nerveuse change de sujet, au gré de lhypnotiseur; le foyer change de place, si je puis dire ainsi, mais conservant chaque fois toute sa concen- tration. Sans développer davantage cette vue que j'abandonne aux psycho- logues, contentons-nous de savoir que pendant notre sommeil le terveau peut continuer à penser et à travailler; il ne travaille pas à notre insu; nous en avons conscience, comme le somnambule a conscience de ce qu'il fait; seulement c’est un autre état de conscienee, parce que l’activité nerveuse est autrement répartie qu'à l’état de veille ; elle est concentrée sur une idée fixe ou sur les centres d'imagination; et au réveil, le sou- venir s’est évaporé, comme s’est évaporé le souvenir des faits accomplis dans le sommeil provoqué. À qui n'est-il arrivé de s'endormir avec l’idée d'un problème ou d’une question abstraite à résoudre dont la solution échappe, et de se réveiller avec la solution trouvée ? Le cerveau continue à élaborer son travail intellectuel pendant le sommeil, et quelquefois à le réaliser avec plus de facilité, grâce à la concentration psychique spéciale plus active sur l'idée qui le préoccupe. Chez quelques-uns mêmes ce tra- vail pendant le sommeil s'’accomplit d’une facon visible; ils se lèvent, vont, viennent, écrivent, composent, font de la musique, ou des travaux manuels, et, une fois réveillés, se trouvent bien étonnés de ce qu'ils ont fait, sans en avoir conservé le moindre souvenir; ce sont des dormeurs actifs ou somnambules. 1244 MÉMOIRE DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Pourquoi le dormeur se réveille-t-il à l'heure voulue ? Parce qu'il s'endort avec l’idée de se réveiller à telle heure, et qu'il y pense toute la nuit, sciemment et consciemment, l'attention immobilisée sur cette idée. S'il a la notion du temps, quelques personnes l’ont et savent exactement à chaque instant de la journée quelle heure il est, ou bien s'il entend sonner l'heure à la pendule, il se réveille spontanément à l'heure voulue. S'il n’a pas la notion du temps, qu'arrive-t-il? Préoccupé de l’idée de ne pas manquer l'heure, il se réveille plusieurs fois dans la nuit, allume chaque fois la bougie pour s'éclairer ; ce qui semble bien témoigner d’un élat de conscience parfaite pendant le sommeil. Nos idées sont cons- cientes, pendant que nous dormons ; elles sont devenues latentes, quand nous sommes éveillés ; nous ne nous rappelons pas que nous avons songé toute la nuit à ne pas manquer l'heure; et nous croyons que le réveil a été spontané ou inconscient. C'est par cet ordre d'idées que je cherche à me rendre compte du mécanisme des suggestions à longue échéance. Le somnambule qui doit au bout de trois mois, par exemple, accomplir un acte suggéré pendant le sommeil, ne manifeste pendant ces trois mois aucune idée de l’ordre recu ; et quand il l’a accompli, il croit et affirme n’avoir eu pendant ces trois mois aucune idée relative à cet acte. En réalité le souvenir de l'im- pression déposée dans le cerveau pendant le sommeil a-t-il été latent ? Ou du moins, a-t-il été constamment latent ? Je ne le pense pas. Rappelons les faits énoncés précédemment : 4° Les impressions percues par les somnambules pendant leur sommeil paraissent absolument éteintes; tout est lettre morte. Et cependant, tout est revivifié, si on affirme au sujet qu'il va tout se rappeler ; il se met spontanément dans l’état de concentration psychique nécessaire pour que le souvenir se réveille. 2° Chez certaines personnes les impressions produites pendant la simple occlusion des yeux s’effacent, les yeux ouverts, et réapparaissent les yeux fermés. Il faut avoir assisté à ces phénomènes saisissants, il faut avoir vu avec quelle facilité, instantanément, les souvenirs s’éteignent et se rallument chez les somnambules, il faut avoir vu ces sujets parfaitement sains de corps et d'esprit, que la suggestion a mis, je ne dis pas en sommeil, mais : dans un autre état de conscience ; ils parlent, circulent, travaillent; une seconde après, réveillés, remis dans leur état de conscience antérieur, tout souvenir de la vie précédente paraît à Jamais éteint; le sujet est convaincu que rien, rien ne s’est passé. Une seconde après, tout est rallumé, le sujet se rappelle ; et on peut ainsi, par un procédé des plus simples du monde, faire alterner ces deux états de conscience, reproduire SOUVENIRS LATENTS ET SUGGESTIONS A LONGUE ÉCHÉANCE 145 artificiellement cette double vie que manifestait spontanément la fameuse Fétida observée par Azam ! Il faut avoir vu ces phénomènes psychiques singuliers pour en saisir toute la portée. Et on ne peut s'empêcher de penser alors que pareil phénomène se produit spontanément chez les somnambules et à leur insu; les somnambules passent facilement d’un état de conscience à l’autre, les souvenirs du second étant effacés dans le premier. Déposez une idée dans leur cerveau pendant l’état dit de somnambulisme, idée qui doit se manifester à un jour déterminé. Pen- dant l’état dit de veille, l’idée semble éteinte ; mais elle ne reste pas latente jusqu’au jour de l’échéance. Elle renaït et redevient consciente, chaque fois que la même concentration nerveuse, chaque fois que le méme état psychique se reproduit ; il suffit que leur attention se replie sur elle-même, que le cerveau s’absorbe sur une idée ou sur une image, pour qu'une sorte de somnambulisme passif se réalise chez eux, passif par cela seul qu'on ne le fait pas sortir de sa passivité. Et cela est si vrai que beaucoup de somnambules sont suggestibles à l’état de veille ; toute idée formulée, toute image évoquée est réalisée par eux, à l’état de veille, ils sont hallucinables par la simple parole ; ils sont somnambules normale- ment et sans artifice de préparation, pour ainsi dire. L'opérateur ne fait autre chose que d’exploiter cet état de réceptivité psychique spéciale. Il y a donc lieu de penser que les somnambules entrent souvent spon- tanément dans l'état de conscience somnambulique, dans lequel les impressions déposées dans un méme état antérieur peuvent se réveiller. Il se souvient alors de l’ordre recu, de la suggestion commandée; il sait que tel phénomène doit s’accomplir tel jour; il prend ses étapes, si Je puis dire; il se confirme dans son idée de ne pas l'oublier et de Ia réali- ser au moment voulu, comme le dormeur normal dans l’idée de ne pas manquer l'heure du réveil. Gette idée est alors chez le somnambule parfaitement consciente. Seulement, quand il cesse de se concentrer, quand nous lui parlons, quand nous appelons de nouveau son activité nerveuse au dehors de lui, nous le remettons en pleine possession de lui, nous lui rendons son état de conscience normal, comme quand nous di- sons à l'enfant d'ouvrir les yeux et de regarder au dehors avec son cer- veau. La concentration n’existe plus; le souvenir est de nouveau éteint ou latent; el au moment où le somnambule a accompli l’acte suggéré, il croit de très bonne foi que l’idée est fraichement éclose, sponta- nément éclose dans son cerveau, à ne se souvient plus qu'il s'en est souvenu. J'ai pu vérifier la chose directement chez deux somnambules. A l’une je dis pendant son sommeil . « Jeudi prochain (danscinqjours) vous prendrez le verre qui est sur la table de nuit et vous le mettrez dans la valise qui est au pied de votre lit. » Trois jours après, l’ayant de nouveau endormie, 146 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. je lui dis : « Vous rappelez-vous ce que je vous ai ordonné ? » Elle me répond : « Oui, je dois mettre le verre dans ma valise jeudi matin à huit heures. » —«YŸ avez-vous pensé depuis que je vous l'ai dit ? » — « Non. » — « Rappelez-vous bien. » — « J’y ai pensé le lendemain matin à onze heures. » — « Étiez-vous éveillée ou endormie ? » — « J'étais assoupie. » A un autre, je dis un matin, l'ayant endormi : « Demain matin, à la visite, vous me demanderez si vous devez continuer à prendre du bro- mure de potassium; vous me demanderez cela, comine renseignement, sans savoir que c'est moi qui vous ai dit de le demander. » Le lendemain matin, en présence de M. le D' Auguste Voisin, qui me faisait l'honneur d'assister à ma clinique, j'avais oublié moi-même ma suggestion; je quittais son lit lorsqu'il me rappelle et me demande s’il doit continuer à prendre du bromure. « Pourquoi me demandez-vous cela ? lui dis-je. » — « Parce que je crois bientôt quitter l'hôpital et que je désirerais savoir si le bromure m'est utile. » — « Pourquoi me deman- dez-vous cela maintenant ? » — « Je ne sais. C’est une idée qui m'est venue. » Alors, je l’endors de nouveau et je lui demande : « Pourquoi m'avez-vous demandé s’il fallait continuer le bromure? » — « Pour savoir s’il m'était utile ! » — «Mais pourquoi ceite question ce matin? » — « Parce que vous m'avez dil hier de vous le demander. » — « Avez-vous songé depuis hier matin que je vous ai endormi que vous avez à me po- ser cette question ? » — « J'y ai songé cette nuit pendant mon sommeil. Je révais que j'avais mal aux jambes et que je devais vous demander s'il fallait continuer le bromure. » Je le réveille et il ne se souvient plus de rien. L'idée de me faire cette question lui était venue, croyait-il, spontané- ment. Donc la suggestion déposée dans le cerveau pendant le sommeil, restée comme souvenir latent au réveil, est suscepüble de redevenir consciente spontanément ; si la suggestion ne doit se réaliser qu'au bout de plusieurs semaines, l'idée n’est pas latente et inconsciente jusqu’au jour de l'éché- ance. J'espère d’ailleurs, par des expériences nouvelles, démontrer pro- chainement la réalité de ce que j'avance. Je me résume dans les conclusions suivantes : 1° Les impressions produites dans le sommeil artificiel où provoqué sont toujours conscientes au moment où elles sont produites. 20 La conscience de ces impressions, éteinte au réveil du sommeil pro- voqué, peut toujours être évoquée par simple affirmation. SOUVENIRS LATENTS ET SUGGESTIONS A LONGUE ÉCHÉANCE 147 3° Les souvenirs latents de l’état hypnotique peuvent se réveiller spon- tanément dans certains élats de concentration psychique. 4° L'idée des suggestions à réaliser à longue échéance ne reste pas in- consciente jusqu'au jour de l'échéance ; la conscience de l’idée déposée dans le cerveau pendant l’état hypnotique peut se réveiller par moments, comme les autres souvent latents, dans ces mêmes états de concentra- lion psychique. PANEURE US erials LITE 3 COPA 422124 4% Dre nes AAA À tri PRECR ES COUCHER EELRCER Ce 33 sd à de 4 | 0 à 2.4 à > è ss à d «à : + DER EE LT ere v : PEL nere car ere AA ocre dde Lo e a De A LD À 4 SA CELLIER ee s- hi) F te» COTES Ne Der dde Le à 26 LA A marée tes RE Sr PE HET Ph SR PDT Poe ER EEE hote are» 2 he dy LA LE LE 57 Rad him où + ares RL STI SE PRÉ more ” en eee ere] RAR Pr Ra RER RE RS ds 7e CERTES An EL RER D eo = .s rer Pre tr car cie ES ED qe Ftnioe- in em Eire res RS Re Cr no re de ex»: AA ñ x > er ee le 2 A à A as ted. Bed 382 AI MA RER) Po à St = poire: RPC Per a g Pneu EGP = eme ete me à z. LPS 7 4 4 pe 7 EE à 2. 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