COMPTES RENDUS DES SÉANCES MEMOIRES LUS A LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE PENDANT L'ANNÉE 1867. /^\C4^ 5^^0S Hr.^< Paris.— Imprimerie de Ccssft et C% Î6, riie Racine. COMPTES RENDUS DES SÉANCES ET MÉMOIRES DELA ^>^;\C4/; SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. fe^-*^*" Xi. TOME QUATRIÈME DE LA QUATRIÈME SÉRIE ANNEE 1867 DIX-NEUVIÈME DE LA COLLECTION. PARIS J.-B. BAIUIERE ET FILS, LIBRAIRES niB L'ACADÉMIE IMPÉRIALE DE MÉDECIXK 19, rue Hautefeuille. LONDRES, Hippolyte BAiiuÈRE, 219, Regent-Street. NEW-YORK , Baillière Brothers , 440 , Broadway. Madrid, C, Baill^.BalIIière, plasa Topete. 8. Î869 0^7^ LISTE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE, EN 1867. IS- COMPOSITION DU BUREAU. Présldeiit itêfpétuel. M. Rayer. IFIce-présidents. . . . ( M. Bail. ( M. Dumontpallier. / M. Bergeron. Secrétaire» \ M. Bouchard, j M. Hayerri. \ M. Leven. Trésorier M. Gallois. Archiviste M, Ordonez. MEMBRES HONORAIRES. MM. Andral. MM. Littré. Becquerel. Milne Edwards. Bernard (Claude). De Quatrefages. Bouillaud. Serres. Chevreul. Velpeau. Coste. N... Dumas. N... Flourens. MEMBRES f ïtÛLAIRES- HONORAIRES (1866-67 MM. Bastien. MM. [Bourguignon. Bernard (Charles). Broca. Berthelot. Charcot. Blot. Davaine. Bouchut. Depaul. Bouley (Henri). Follin. VI MM. Giraldès. Goiibaux. Houel. Jacquart (Henri). Laboulbène. Leblanc (G.). Le Bret. Leconte. Le Gendre. MM. Lorain. Luys. Martin-Magron. Regnauld. Sappey. Soubeiran (J. L.j. Verneuil. Vulpian. MEMBRES TITULAIRES. MM, Balbiani. Bail. Bergeron. Bouchard. Chatin. Cornil. Cotard. Duguet. Dumontpallier. Fournier (Eugène). Gallois. Gubler. Guillemin. Hardy. Hayem. Hillairet. Isambert. Laborde. Lancereaux. MM. Legros. Leven. Liégeois. Magitot. Magnan. Marey. Michon. Milne Edwards (Alphonse). Moreau (Armand). Odier. Ollivier. Ordonez. Pelvet. Prévost. Ranvier. Rayer. Robin (Charles). Trasbot. Vidal (E.). MEMBRES ASSOCIÉS. MM. Agassiz. Baer (de). Bennett (Hughes). Ehrenberg. Gurlt (Ernst-Friedrich). Huss (Magnus). .lones (Bence). Lebert (H.). Liebig (Justus). Mohl (Hu2o von\ MM. Owen (Richard). Paget (James). Pouchet père. Purkinje. Queteley. Schwann. Siebold. Sédillot. Valentin. vil MEMBRES CORRESPONDANTS NATIONAUX. MM. Bert (Paul) à Bordeaux. Beylard à Paris. Blondlot à Nancy. Brown Séquard à Londres. Chaussat à Aubusson. Chauveau à Lyon. Courty à Montpellier. Dareste à Lille. Desgranges à Lyon. Dufour Gustave' à Rome. Dugès aîné au Mexique. Duplay à Paris. Ebrard à Bourg. Estor à Montpellier. Faivre (E.) à Lyon. Germain de Saint-Pierre., à Nice. Gosselin à Paris. Guérin (Jules) à Paris. Ehrmann à Strasbourg. Huette à Montargis. Lecadre au Havre. Leroy de Méricourt à Brest. Lespès à Marseille. Leudet (Emile) à Rouen. Martins (Charles) à Montpellier. Ollier à Lyon. Rouget à Montpellier. Saint-Pierre à Montpellier. Stoltz à Strasbourg. Vaillant ù Montpellier. MEMBRES CORRESPONDANTS ÉTRANGERS. Càrnntic Brctugnc. y.\ :\' . Beale à Londres. Berkeley (M. .L) à Kings-Clitf. Bowman (W.) à Londres. Carpenter (W. B.) à Londres. Grant (R. E.) à Londres. Jacob (A.) à Dublin. Jones ^Wharton) à Londres. vni MM. Maclise à Londres. Marcel à Londres. Nunneley à Leeds. Redfern à Aberdeen. Sharpey ,4 à Londres. Simon (John) à Londres. Simpson à Edimbourg Thomson (Allen) à Glasgow. Toynbee à Londres. Waller à Londres. Williamson à Londres. Allemagne. MM. Bischoff à Munich. Briicke (Ernst) à Vienne. Carus (V.) à Leipzig. Dubois-Reymond à Berlin. Helmollz à Leipzig. Henle ^ à Gœttingen. Hering .-*.....- à Stuttgardt. Hirschfeld (Ludovic). ..... à Varsovie. Hoffmeister * à Leipzig. Hyrtl à Vienne. Kœlliker à Wurzburg. Leuckart. r à Munich. Ludwig à Vienne. Luschka à Tubinge. Mayer à Bonn. Meckel (Albert) à Halle. Rokitansky à Vienne. SchùUze. . . » à Bonn. Stannius , à Rostfjck. Stilling à Cassel. Virchow à Berlin. Weber (Wilhelm-Eduard;.. à Leipzig. Weber (Ernst-Heinricli). . . à Leipzig. Belgique. MM. Gluge à Bruxelles. Spring à Liège. Thiernesse à Bruxelles. Van-Beneden à Louvain. IX Danemark. M. Hannover à Copenhague. Suède. M. Santesson à Stockholm. Hollande. MM. Donders à Utrecht. Hartig à Utrecht. Van der Hœven à Leyde. Suisse. MM. Duby à Genève. Frey à Zurich. De la Harpe à Lausanne. Miescher à Bâle. Vogt à Genève. Italie. MM. Lusana à Palerme. Martini à Naples. Moleschott à Turin. Vella à Turin. Portugal. M. De Mello à Lisbonne. États-Unis. MM. Bigelow (Henry J.) à Boston. Draper à New-York. Leidy (Joseph) à Philadelphie. Brésil. M. Abbott à Bahia. 114 rus est presque entièrement détruit; tous les ganglions bronchiques sont cancéreux. Les sommets des deux poumons présentent des infil- trations cancéreuses, avec adhérences pleurétiques à ce niveau. Point de tubercules. Des coupes multiples faites sur la colonne vertébrale n'ont point montré de cancer. L'examen du système circulatoire est très-intéressant. Le cœur, petit, flasque — le tissu cardiaque est de couleur grise — (feuille morte) se laisse très facilement déchirer. Toutes les valvules sont saines. Les deux ventricules contiennent des caillots récents, blanc jaunâtre. Les oreillettes et les auricules sont vides. Les veines et artères pulmonaires, examinées avec le plus grand soin, sont vides. La crosse aortique est légèrement athéromateuse, l'aorte thoracique et abdominale remarquablement saines. Les artères iliaque primitive et iliaque externe gauches contiennent des caillots relativement récents. L'artère fémorale gauche présente au point de naissance de la hon- teuse un caillot blanc bifurqué ; mais depuis le milieu de la fémorale commence un caillot cruorique, qui devient ancien, blanc, ramolli et cloisonné même au niveau de la poplitée et qui se prolonge ainsi jus- qu'au milieu de l'artère tibiale postérieure. Au-dessous on trouve encore des caillots cruoriques et blancs isolés. Les parois sont partout remar- quablement saines. Toutes les veines sont distendues par du sang coagulé. La veine crurale renferme des caillots très-anciens, dont la base correspond aux valvules et dont le sommet est libre. Les artères fémorale et poplitée du côté droit contiennent des caillots tantôt cruoriques, tantôt blancs et anciens ; ces coagulations n'adhèrent pas à la paroi et n'oblitèrent nulle part complètement la lumière du vaisseau. Nous assimilons ce cas aux thromboses inopexiques dans la cachexie cancéreuse, sur lesquelles M. le docteur Charcot a le premier appelé l'attention dans un travail lu à la Société médicale des hôpitaux dans la séance du 22 mars 1865. En effet, dans notre cas, l'état du cœur, ainsi que l'examen attentif des veines pulmonaires, ne laisse pas la moindre place à l'hypothèse d'une embolie ; l'état sain des parois artérielles exclut la thrombose par artériosclérose. Nous sommes forcément ramenés à l'inopexie, très- naturelle du reste chez une femme aussi profondément cachectique. Nous ferons remarquer la coagulation du sang, relativement même 115 ancienne dans les artères du membre droit; la persistance de la lumière du vaisseau explique ici l'absence de gangrène. En terminant nous nous permettons de déposer un exemplaire de notre thèse, intitulée : Recherches sur quelques points de la gangrène spontanée. La partie essentielle de notre travail est spécialement consacrée à l'é- tude de la thrombose inopexique ; nous y décrivons aussi une endarté- rite hypertrophique,que nous croyons distincte de l'endartérite connue jusqu'à présent; elle se différencie par la présence de canaux vascu- laires dans la tunique interne énormément hypertrophiée, les tuniques externe et moyenne restant saines. II. — Physiologie expérdientale. Sur la formation d'éléments analogues a ceux du pus chez les mollusques ; par M. VuLPiAN. Le 24 avril 1865, on met sur la peau d'un escargot {heiix pomatid)^ sur la région dorsale, une gouttelette d"acide sulfurique. Le 27 avril, on trouve sur ce point une couche peu épaisse d'une ma- tière pultacée et grisâtre. L'examen microscopique y montre des cellules épithéliales pigmen- tées, des granulations graisseuses, des vibrions, et de plus des globules contenant d'assez nombreux granules graisseux. Ces globules sont sphé- roïdaux; ils ont un diamètre moyen de 17 millièmes de millimètre. On voit dans quelques-uns d'entre eux, sans réactif, un, deux ou trois noyaux; mais dans la plupart, les noyaux n'apparaissent qu'après l'em- ploi d'acide acétique : les plus gros noyaux ont 10 millièmes de milli- mètre de diamètre. On trouve sur la peau saine d'autres escargots, au même niveau, aucun élément qui ressemble à ces globules, et d'après leurs caractères et les conditions dans lesquelles ils se sont développés, ces globules doivent certainement être considérés comme de vrais globules de pus. III. — Physiologie comparée- Sur LA présence de cristaux d'oxalate de chaux dans la tige cristalline de la moule; par M. Vulpian. M. Vulpian a examiné plusieurs fois la substance qui forme la tige dite tige cristalline chez la moule {mytilus eclulis), et il y a trouvé constamment un nombre plus ou moins considérable de cristaux octaé- driques d'oxalate de chaux. La plupart de ces cristaux sont de petite 116 dimension; les plus gros n'ont pas plus de 2 centièmes de millimètre comme dimensions transversales, et il y en a qui sont très-petits. Ces cristaux sont disséminés au milieu d'une substance homogène, hyaline, parsemée de granulations fines et peu nombreuses. Il résulte de cette observation que la production de cette substance pourrait bien n'être pas sans rapport avec les fonctions urinaires, et cette présomption est corroborée par un autre fait constaté seulement d'ailleurs chez quelques individus, à savoir l'existence de très-rares cristaux qui ont paru, d'après leurs caractères, être formés d'acide urique. IV. —Pathologie. GOÎTRE EXOPHTHALMIQUE ET GLYCOSURIE CHEZ LA MÊME MALADE. M. DuMONTPALLiER cxposo dovant la Société le résumé d'une observa- tion de goitre exophthalmique et de glycosurie sur la même malade. Une jeune personne de 22 ans était, au dire de sa famille, malade de la poitrine. Un examen attentif permit bientôt de reconnaître que les poumons n'étaient le siège d'aucune lésion grave. La malade était d'une grande pâleur et d'une maigreur extrême, de plus, elle offrait une saillie anormale des deux yeux et son regard avait une expression singulière. Le corps thyroïde était très-développé, sur- tout dans son lobe droit; la malade se plaignait de battements de cœur qui avaient été beaucoup plus forts. Il avait existé une maladie de Basedow, le doute n'était point permis, et en étudiant chacun des prin- cipaux phénomènes de cette névrose, M. Dumontpallier constatait que cet état pathologique avait été beaucoup plus marqué à une époque antérieure. La boulimie d'abord paroxystique, était devenue persistante depuis quelques mois ; elle était accompagnée d'une soif que la malade avait peine à satisfaire. Il était tout naturel de pensera l'existence du diabète sucré chez cette malade, l'examen de l'urine fut faite par M. le docteur Hardy (de Paris) et cette analyse démontra la présence de 62 grammes de glucose par litre d'urine. La malade ne put préciser, d'une façon exacte, la quantité durine rendue dans les vingt-quatre heures, mais cette quantité était considérable et la nuit la malade était souvent ré- veillée par le besoin d'uriner. Le diagnostic fut ainsi posé. 1° Goitre exophthalmique avec palpitations sans augmentation du volume du cœur, au moment de l'examen de la malade. — La période paroxystique de la maladie de Basedow était passée lorsque M. Du- montpallier fut appelé à donner son avis, mais il y avait toujours persis- tance de la boulimie. 117 2° Cette boulimie était accompagnée d'une soif ardente, avec sécré- tion très-abondante d'urines sucrées. 3° Il n'existait point de lésions organiques appréciables au mois d'août 1867. 4° L'anémie, la maigreur et la dyspnée étaient donc la conséquence des deux névroses auxquelles on a donné les noms de goitre exophtal- mique et de glycosurie. 5° La maladie de Basedow avait très-probablement précédé la gly- cosurie, et, lors de l'examen de M. Dumontpallier, la maladie de Basedow avait laissé les traces de son existence, ce qui était démontré par l'existance de l'hypertrophie du corps thyroïde et l'exophthalmos; mais à ce moment, ce qui dominait la scène pathologique, c'était bien la gly- cosurie. Le pronostic était grave, non par le fait du goitre exophthalmique, qui est une maladie compatible avec la vie et peut guérir, mais bien par le fait de la glycosurie, qui épuisait la malade, et avait amené une anémie et une maigreur extrêmes. Cette malade, pendant quelques semaines, suivit exactement le trai- tement qui lui avait été conseillé, et bientôt une amélioration notable fut constatée par sa famille. Les forces étaient revenues, les urines étaient moins abondantes, et il n'y avait point eu de nouvel accès de la maladie de Basedow. Il était donc permis d'espérer un retour marqué vers la santé, mais la malade s'exposa à un froid intense dans l'hiver de 1867, et elle succomba à une fluxion de poitrine. Il suffit d'avoir signalé la coexistence des deux névroses ou la suc- cession de leurs principaux symptômes chez une même malade, pour que tout médecin puisse saisir l'intérêt de cette observation. Nous devons ajouter que l'étiologie n'offre pas moins d'intérêt. Cette jeune fille avait vu se manifester les premiers symptômes de son goitre exophthalmique quelques jours après la suppression subite de ses règles. Voici dans quelles circonstances : c'était au milieu d'une fête, cette jeune personne ayant le corps couvert de sueur alla tremper ses bras dans l'eau froide d'un bassin alimenté par des sources vives et s'asseoir à l'ombre, sur l'herbe fraîche. Après avoir commis cette imprudence, l'écoulement menstruel fut arrêté et ne reparut jamais. COMPTE RENDU DES SÉANCES r r LA SOGIËTË DE BIOLOGIE Séance du 14 septembre. PRÉSIDENCE DE M. DUMONTPALLIER , VICE-PRESIDENT. MORT DE M. RAYER. (Voir le compte rendu de cette séance à la page v de ce volume. COMPTE RENDU DES SÉANCES F r LA SOCIETE DE BIOLOGIE PENDANT LES MOIS D'OCTOBRE ET NOVEMBRE 1867; Par m. BOUCHARD, secrétaire. PRESIDENCE DE M. DUMONTPALLIER VICE- PRÉSIDENT. I. — Anatomie pathologique. Dilatation anormale de l'oesophage entre les lobes pulmonaires depuis LA BASE DU CŒUR jusqu'au CARDIA; par M. Raymond, chef de service à l'Ecole d'Alfort. J'ai l'honneur de soumettre à l'examen de la Société une pièce ana- tomique que j'ai rencontrée cette semaine sur l'un de mes vieux che- vaux de dissection. G est une déchirure de la membrane charnue de l'œsophage^ avec hernie de la membrane muqueuse, déchirure qui s^ étend depuis la base du cœur jusqu'au cardia. L'animal qui m'a fourni cette pièce était âgé de 18 à 20 ans; il était de taille ordinaire, sous poil bai foncé. Rien dans son habitude extérieure ne pouvait faire soupçonner la r^i ..DR/ 122 lésion dont il était atteint. Très-probablement, comme l'examen mi- croscopique le démontre, elle avait une assez longue existence. Afin de bien faire comprendre les modifications subies par l'œso- phage, il m'est nécessaire de rappeler rapidement quelques points re- latifs à l'anatomie et à la physiologie de cette partie du tube alimen- taire. L'œsophage, en passant du médiastin antérieur dans le médiastin postérieur, vient se mettre en rapport avec la face interne des deux poumons; sur cette face interne les lobes pulmonaires présentent une gouttière qui loge l'œsophage; elle est toujours plus marquée à gauche qu'adroite. L'œsophage passe de la cavité thoracique dans la cavité abdominale par une ouverture spéciale du pilier droit du diaphragme. Dans cette cavité en rapport avec le bord supérieur du foie à droite, il se dévie ensuite à gauche et s'insère à la petite courbure de l'estomac, au cardia. Dans sa portion thoracique et dans sa portion abdominale, le con- duit œsophagien présente toujours un volume plus considérable que dans la première partie de son trajet, et il est beaucoup moins dila- table; cela tient à la disposition de la membrane charnue, plus épaisse et plus résistante. Ce fait de remarque est indiqué depuis longtemps par M. Goubaux dans ses leçons. En outre, dans ce trajet, la tunique charnue devient grisâtre; elle est formée des éléments des muscles de la vie végétative. Lorsque l'œsophage se termine à l'estomac, la membrane charnue s'épaissit encore davantage; elle forme près de la terminaison un véri- table sphincter œsophagien qui appartient en propre à l'œsophage. A ce point également, c'est-à-dire au cardia, le plan profond et le plan superficiel de la membrane charnue de l'estomac entourent com- plètement l'œsophage. Il y a encore là, par suite de la présence de ces fibres charnues très-nombreuses qui se jettent en diff'érents sens autour du cardia, un nouveau sphincter qui appartient à la tunique charnue gastrique ; ces deux sphincters se contractent avec une telle énergie, ils ont une si grande puissance, qu'ils ne laissent rien revenir de l'estomac dans l'œsophage. On sait depuis longtemps que le vomissement chez le cheval est im- possible, et que quand il se produit quelquefois, c'est toujours consé- cutivement à une altération pathologique. Ainsi le cheval ne vomit pas, d'abord parce que la lumière du conduit œsophagien est fermée avec énergie, tandis qu'au contraire le pylore est largement béant, et que la pression se répartissant sur tous les points de la face interne de l'estomac avec une égale intensité, les ah- ments passent facilement par le pylore ouvert. 123 En outre, l'estomac du cheval est très-petit ; il se trouve séparé des parois abdominales par les courbures du gros colon : deux circonstan- ces encore qui sont des causes accessoires en vertu desquelles le vo- missement ne peut s'effectuer. La science a enregistré des cas assez nombreux dans lesquels le vo- missement se produisait; mais on a beaucoup discuté sur les condi- tions qui pouvaient amener ce fait anormal. M. Colin, dans son remarquable travail sur le vomissement, indique avec précision, d'après ses expériences, la circonstance unique dans laquelle le vomissement a lieu. Tous les observateurs, Girard, Renault, M. H. Bouley, ont vu que dans ces cas le cardia était relâché et qu'il y avait une dilatation à l'œ- sophage. Pour M. Bouley, c'est dans ce cas une distension extrême de l'estomac; pour Renault, il y a paralysie du viscère. D'après ses expériences, M. Colin a écrit : « Il suffit que le cardia et l'extrémité inférieure de l'œsophage soient relâchés, forcés, agrandis comme ces parties le sont, d'après toutes les observations sur les che- vaux qui ont vomi, » pour que le vomissement ait lieu. La pièce que je vais décrire démontre toute la justesse de la pensée de cette citation. Comme vous le voyez, l'œsophage est dilaté depuis la base du cœur jusqu'au cardia. La déchirure de la tunique charnue s'est effectuée sur une longueur de 30 centimètres. Cette déchirure règne au bord inférieur de l'œsophage. La tunique charnue occupe le bord supérieur ; elle a absolument l'as- pect d'une bande charnue du gros colon ; sa largeur est de 8 centimètres, et son épaisseur 2 centimètres. Cette tunique charnue n'a point été modifiée dans sa constitution. L'examen microscopique démontre qu'elle est composée de fibres-cel- lules, c'est-à-dirf-e des éléments contractiles des muscles de la vie végé- tative; dans sa structure, il n'y a rien de particulier à signaler. Au point où antérieurement commence la déchirure, la dilatation a une circonférence mesurant 18 centimètres. Au cardia, à la terminaison de l'œsophage à l'estomac, la dilatation a une circonférence extérieure de 21 centimètres. Entre ces deux points extrêmes, l'un qui est l'origine de la déchirure et l'autre qui est sa terminaison, la dilatation œsophagienne ou le jabot œsophagien, pour me servir de l'expression habituellement employée, présente des renflements et des rétrécissements alternatifs; le plus vo- lumineux de ces renflements mesure 45 centimètres de circonférence. Le jabot est donc fermé par une déchirure de la membrane charnue, 124 entre les lèvres de laquelle la muqueuse œsophagienne est venue faire hernie. Vous pouvez constater facilement que cette membrane muqueuse a considérablement augmenté de volume ; comme je l'ai fait ici, la dis- section montre qu'elle peut se décomposer en plusieurs couches super- posées parfaitement isolables. L'aspect objectif indique une vascularisation très-active établie à la surface et dans l'épaisseur du derme. En plaçant sous le champ du microscope des lamelles très-minces de cette couche, les vaisseaux capillaires très-nombreux se dessinent parfaitement avec toutes leurs anastomoses ; ils forment un immense réseau placé principalement à la surface extérieure. En décomposant les différentes couches qui, superposées, forment le derme de la membrane muqueuse, on voit très -nettement une géné- ration des éléments fibreux du derme. Les noyaux embryo-plastiques sont très-distincts ; il en est dont le développement est complètement achevé. Le derme en présente surtout dans les couches les plus rapprochées de la surface interne de la muqueuse. Les couches extérieures sont formées par des éléments fibreux jaunes et lamineux entièrement développés. Il y a donc eu là une prolifération très-active qui se continuait en- core au moment de la mort. La couche épithéliale est normale; les cellules caractéristiques de la muqueuse œsophagienne s'y retrouvent avec leur arrangement habituel. Le jabot, dont la constitution est celle indiquée plus haut, a une cir- conférence extérieure de 25 centimètres au point où l'œsophage passe dans l'ouverture du pilier droit; cette ouverture est agrandie pour li- vrer passage à l'œsophage dilaté. Le conduit a dans le médiastin antérieur 15 centimètres de circon- férence. Au point de terminaison de l'œsophage dans l'estomac, le calibre in- térieur est de 10 centimètres; on introduit avec la plus grande facilité par cette ouverture le manche d'un marteau. J'appelle toute l'attention sur ce chiffre, parce qu'il démontre la pos- sibilité du passage des aliments de l'estomac dans la bouche par l'œso- phage dilaté en jabot à sa terminaison ; quand on fait passer de l'eau par le pylore, le liquide revient avec la plus grande facilité par le cardia. A priori, il est possible de conclure que ce cheval pouvait vomir. Cette observation corrobore les idées physiologiques de M. Colin sur 125 le vomissement des solipèdes. En lavant ce jabot, j'ai été tout étonné de le trouver rempli, outre les matières alimentaires qui y séjournaient, de petites pierres, de graviers, de débris d'ardoises dont voici les spé- cimens. Ce fait'm'a engagé à examiner tout l'intérieur du tube digestif; j'ai rencontré ces graviers à la courbure pelvienne du gros colon en assez grande quantité. J'ai montré ces graviers à mon professeur M. Goubaux; il m'a dit que souvent chez les vieux chevaux qui étaient amenés pour le service, on constatait la présence de ces graviers dans l'intestin: c^est parce que, me dit-il, ces animaux sont menés boire à la rivière, tandis qu'au con- traire ceux qui nous viennent des petites voitures n'en présentent ja- mais, et ils boivent toujours dans des auges. Ya-t-il un rapport entre la présence de ces graviers et la dilatation? Je ne le crois pas. Je suis plutôt de l'avis de M. Goubaux qui, dans plusieurs observations de ce genre, a attribué le jabot a la disposition particulière de la membrane charnue. A partir de la base du cœur jusqu'à l'estomac dans cette dernière partie de son trajet, je le répète, la membrane charnue est plus résis- tante, plus épaisse, mais par contre elle est très-peu dilatable; des ma- tières alimentaires trop volumineuses pourront bien franchir la région cervicale et une partie du trajet thoracique, mais dans le médiastin postérieur, ces matières, ne trouvant pas un conduit assez large pour leur livrer passage, produiront l'obstruction de celui-ci; les aliments introduits de nouveau viennent s'y ajouter, et bientôt l'effort incessant que ces objets solides exercent sur l'œsophage amène la rupture de la tunique charnue ; si la muqueuse reste intacte, elle passe à tra- vers les lèvres de la déchirure, et peu à peu, n'étant plus soutenue, elle se dilate et finit par acquérir les proportions considérables qu elle pré- sente sur cette pièce. II. — Physiologie expérimentale. Expériences sur l'absorption cutanée dans le bain sulfureux , par M. le Bret. M. le Bret rappelle une communication faite à l'Institut, au mois d'avril dernier, par un chimiste allemand, M. Cl. Hoffmann, lequel, ima- ginant de se placer dans les conditions d'un malade soumis pendant plusieurs jours de suite à un traitement balnéaire, a essayé successi- vement sur lui-même l'emploi dans le bain de la digitale, de l'iodure de potassium et du chlorure de sodium, et est arrivé, entre autres con- clusions intéressantes, à la suivante, à savoir que « les agents chimiques m « et autres, dissous dans l'eau, pénètrent très-lentement, mais d'une « manière manifeste, dans l'économie, par la voie du tégument externe, ic et que c'est seulement lorsque le sang et les autres liquides en sont « saturés que l'organisme les rejette au dehors. » (Comptes rendus HEBDOM. DES SÉANCES DE l'AgAD. DES SCIENCES, t. LXIV, ïf 13.) CcttO COU- clusion, soutenue d'ailleurs par d'autres expérimentateurs, particulière- ment par M. Mialhe, tendrait aussi à expliquer la contradiction d'opi- nions existant encore de nos jours sur les phénomènes d'absorption cutanée dans le bain. On a été jusqu'à nier toute absorption par la peau en pareil cas; mais comme le fait remarquer également Cl. Hoffmann, il se peut que « les résultats contradictoires obtenus jusqu'ici provien- « nent uniquement de ce que les expériences n'ont pas été poursuivies a pendant un temps assez long. » M. Le Bret a pris à Baréges, du 8 au 21 septembre 1867, quatorze bains, de quarante minutes de durée, dans une source à température con- stante de + 37" c, d'une minéralisation élevée et remarquablement fixe dans sa composition. L'urine de vingl-quatre heures avait été exa- minée avant de commencer cette série de bains au moyen du chlorure de baryum, le même réactif servant pour les essais ultérieurs. Elle fut de nouveau expérimentée après le septième, le dixième et le quator- zième bain. Les dépôts recueillis avec le soin convenable ont été rap- portés à Paris et remis à l'examen chimique de M. J. Lefort, qui en a dressé le tableau suivant : Dosage de l'acide sulfurique contenu à l'état de sulfate dans 1,000 centimètres cubes d'urine. Urine antérieure aux bains 1^^,5371 Urine après le septième bain . . . 1^'',5054 Urine après le dixième bain 1^%1684 Urine après le quatorzième bain. 2^'", 0059 Les conditions hygiéniques avaient toujours été très-régulières, le régime alimentaire très-modéré, avec peu de boisson, pendant la durée de ces expériences. Toutefois, il est bon de noter, pour la première semaine d'expérimentation, une température atmosphérique exception- nellement chaude et d'abondantes transpirations provoquées par des courses dans la montagne, tandis que, du septième au quatorzième bain, une persistance de temps froid et humide a rendu la vie plus sédentaire et n'a permis qu'au dernier jour un exercice à cheval accompli sans fatigue. Le résulat de cette recherche sur l'action d'une série continue de bains sulfureux tendrait donc à faire admettre l'absorption par la peau graduellement imbibée et modifiée dans ses propriétés. L'observation 127 clinique avait déjà démontré à Baréges que, vers le huitième ou dixième bain, les urines se chargent notablement d'acide urique, et que des phé- nomènes généraux, insomnie, anorexie, mouvement fébrile, se mani- festent alors en même temps. Si l'abondance des sulfates est constatée d'une manière certaine à la même époque du traitement thermal sulfu- reux, il faudra bien reconnaître la réalité des phénomènes d'absorption dans le bain minéralisé. Les expériences présentées aujourd'hui devront être reprises et poursuivies de nouveau. M. Le Bret ne les communique qu'à titre de renseignement dans la question. IIL — Physiologie comparée. Sur la Seiche (Sepia officinalis, L.); par M. P. Bert, professeur à la Faculté des sciences de Bordeaux. Distinction des sexes par les caractères extérieurs, — Les femelles sont presque uniformément colorées, tandis que les mâles sont zébrés de bandes noires et blanches, transversales, sur les nageoires margi- nales et les bras de la première paire ; les zébrures se manifestent sur- tout lorsqu'on excite l'animal. Mais le caractère le plus sûr est tiré des dimensions réciproques du corps, d"un côté, et de la tête avec les bras, d'autre côté. Chez les mâles, ces deux longueurs sont sensiblement égales; chez les femelles, la première est à la seconde comme trois est à deux. Sur le vivant, la longueur des bras des mâles s'exagère encore. Chez les femelles, le corps est plus large en arrière ; cela est dû à la forme de l'os. L os dune femelle est beaucoup plus large et plus excavé, tandis que sa saillie inférieure est beaucoup moins prononcée. Digestion. — Les deux bras dits, à tort, tentacv.laires, que la Seiche porte toujours enroulés dans des poches sur les côtés de la tête, servent à la préhension de la proie ; l'animal les projette par un mécanisme dont les excitations électriques sur le cadavre n'ont pu me rendre compte. Les glandes salivaires produisent un liquide acide. Le premier esto- mac est un simple gésier à parois épaisses, qui ne sécrète aucun liquide, et dans lequel cependant se fait la digestion, grâce aux sucs acides qu'y versent et les glandes salivaires et le cœcum spiral. Les aliments ne s'engagent jamais dans celui-ci, qui n'est donc qu'un réservoir sécréteur. Le tissu du foie est fortement acide, sur le vivant même ; cette acidité est due à une substance soluble dans l'eau. Il contient, en outre, beau- coup de sucre. Je n'ai pu isoler ni la bile ni la sécrétion des appendices dits pan- créatiques; mais l'intestin, d'un bout à l'autre, présente une réaction acide. 128 Circulation. — Les veines caves, les veines efférenles branchiales, et, bien entendu, les cœurs veineux et artériel avec leurs oreillettes, sont spontanément contractiles et peuvent être excités; les artères aor- tiques et branchiales ne sont contractiles ni spontanément ni à l'excita- tion. Les mouvements vermiculaires des veines caves et branchiales sont aidés par l'action de la peau qui les recouvre. Les deux cœurs veineux battent ensemble, environ quarante fois par minute ; le cœur aortique bat dans les intervalles. La communication entre les artères et les veines se fait dans la peau, dans les membranes de l'os et jusque sur les parois des grands sinus vasculaires, par un réseau capillaire dont les ramifications ultimes ont environ 0'°'",015 de diamètre. C'est le diamètre moyen des globules du sang. Sang. — Le sang est blanc, légèrement bleuâtre, surtout dans les veines branchiales ; au contact de l'air, il prend la teinte bleu de ciel. Ce changement de couleur est dû au sérum, qui est donc, au contraire de ce qui se passe chez les Vertébrés, le siège de l'absorption oxygé- née respiratoire. Ce sang donne spontanément un très-petit caillot plus lourd que le sérum; il se coagule en masse par la chaleur ouïes acides. Après la coagulation par l'ébullition, il conserve sa teinte bleue, lors- qu'il a été au préalable exposé à l'air. Sa densité est environ 1010; il contient : eau, 891; matières solides, 109, dans lesquelles : fibrine et globules, 3 à 4; albumine, 31. Je n'y ai pas trouvé de plasmine. Sécrétion du noir, — Elle est formée de cellules pleines de granula- tions noires, qui finissent par devenir libres ; aussi l'animal ne peut com- plètement vider sa poche : les cellules des couches profondes restent adhérentes aux trabécules du sac. Urine. — Chez tous les animaux, j'ai rencontré dans les sacs uri- naires des agglomérations de cristaux rouges donnant le murexide par les réactifs ordinaires. L'urine filtrée est acide; l'ébullition y détermine un léger trouble. Je n'ai pu y trouver d'urée. Liquides de CœiL — Le liquide de la chambre antérieure est filant comme du blanc d'œuf ; cependant il ne se trouble ni par la chaleur ni par les acides : il laisse 41 pour 1,000 de matières solides, qui ne sont presque que des sels. L'humeur vitrée n'est point filante; elle ne contient pas non plus de matières coagulables, elle laisse 37 pour 1 ,000 de matières solides sem- blables à celles du liquide antérieur. Gaz de Cos. —L'os frais contient des gaz qui, recueillis sous l'eau, ne m'ont donné que des traces d'acide carbonique ; le phosphore y absorbe 2 à 3 pour 100 d'oxygène : le reste est de l'azote. Articulation du sac Locomoteur et de [entonnoir. — L'adhérence 129 des boutons cartilagineux du sac avec les boutonnières de l'entonnoir est due exclusivement à la pression atmosphérique ; une piqûre d'épingle suffit à la détruire. De petites fibres musculaires font le même effet, en abaissant énergiquement la petite saillie du sac. Ventouses. — Chaque ventouse possède deux muscles : un longitudi- nal, qui aspire; un circulaire et marginal, qui fait détacher la cupule. Locomotion. — Malgré des assertions récentes, elle a lieu exclusive- ment par les contractions du sac, en avant comme en arrière et sur les côtés ; la direction de l'entonnoir règle le mouvement de Fanimal. C'est, au reste, ce qu'avaient déjà dit MM. Ch. Robin et Segond (1848). La membrane marginale ne joue qu'un rôle adjuvant dans la direction des mouvements. Gontractilité. — Les muscles de la peau extérieure et intérieure au manteau, ceux des chromatophores, les muscles des bras, de l'entonnoir, des branchies, de la poche du noir, du pénis, du sac locomoteur, se con- tractent à la façon des muscles striés des Vertébrés. Au contraire, les muscles du tube digestif, dos glandes rénales, de la glande dite pan- créatique, présentent des contractions qui ne suivent pas immédiate- ment l'excitation, et persistent avec propagation vermiculaire. Les muscles du sac locomoteur ne changent pas de volume pendant la contraction. Innervation. — Des courants électriques qui sont incapables d'agir directement sur un muscle le font contracter énergiquement quand ils sont portés sur son nerf. Les nerfs issus des ganglions sous-œsophagiens et palléaux paraissent tout à la fois sensitifs et moteurs. La motricité nerveuse, sur l'animal qui se meurt, se perd du centre à la périphérie. Les nerfs qui longent la grande veine pour se rendre au cœur artérie et aux cœurs branchiaux arrêtent en diastole ces organes pendant une forte excitation galvanique; ils se comportent donc comme les nerfs pneumogastriques des Vertébrés. Le ganglion sus-œsophagien est insensible, et son excitation ne pro- duit aucun mouvement. Son ablation totale ne trouble en rien ni les mouvements respiratoires ni les mouvements de locomotion; l'animal reste sensible, se meut quand on l'excite, et défend même avec ses bras Tendroit lésé. Mais il a évidemment perdu toute spontanéité, et ne ma- nifeste plus nulle intelligence. La partie antérieure du ganglion sous-œsophagien (ganglion en patte d'oie) est le centre principal de l'accommodation des mouvements des bras à des usages d'ensemble. Les petits ganglions situés à la base de chaque bras et reliés par un nerf circulaire sont aussi les centres d'ac- tions réflexes d'un bras sur un autre; enfin, les nerfs de chaque bras, G. R. 0 130 qui contiennent des cellules nerveuses, sont le lieu d'actions réflexes bornées à ce bras. Le ganglion sous-œsophagien est sensible et excitable ; sa partie pos- térieure est le centre des mouvements respiratoires ; elle enlevée, ces mouvements s'arrêtent aussitôt. L'excitation d'un des nerfs palléaux a pour conséquence, grâce à l'action réflexe sur cette partie du ganglion, un mouvement dans la branchie, la nageoire et le muscle du sac du côté opposé. Je n'ai jamais pu obtenir d'actions réflexes dans les gros ganglions étoiles ; mais ils jouent le rôle de centres de renforcement. Un courant électrique très-faible, qui ne donne aucune contraction quand on le porte sur le nerf palléal, fait agir le manteau quand on le porte sur le ganglion étoile. Lorsque l'animal est mort, on peut obtenir des mouve- ments en excitant le ganglion étoile bien après que le nerf palléal est devenu inexcitable. Je n'ai pu obtenir de mouvements réflexes par l'ac- tion du ganglion stomacal. Mo7H. — Dans la mort par simple exposition à l'air, l'action volontaire disparaît la première; les fonctions réflexes des centres ne durent guère qu'un quart d'heure; puis disparaît en une demi-heure la motricité ner- veuse, du centre à la périphérie, comme il a été dit, avec conservation pendant quelques minutes dans les ganglions étoiles. Les cœurs battent pendant deux heures environ ; enfin la contractilité dure de trois à quatre heures, se perdant d'abord aux viscères, et en dernier lieu à la peau. Les cellules chromatophores se meuvent pendant une vingtaine d'heures (température de 20 à 24 degrés). La phosphorescence ne survient que de trente-six à quarante-huit heures après la mort, à moins d'orage; elle n'a lieu que pour la peau, les muscles, les cartilages, la sclérotique, tandis que la peau qui re- couvre les viscères, les centres nerveux, les branchies, le foie, le tes- ticule, l'intestin, le cristallin, exposés à l'air, ne deviennent jamais phosphorescents. La phosphorescence dure environ quarante-huit heures dans les conditions moyennes de température. Mort par la chaleur, — Les Seiches naissantes périssent par l'immer- sion durant deux minutes dans l'eau de 38 à 39 degrés. Elles sont en- core contractiles, et leurs chromatophores sont très-excitables. Sur une Seiche adulte, il est facile de voir que la chaleur abolit successivement l'action des centres nerveux, les battements du cœur, la motricité ner- veuse, puis la contractilité musculaire. Le muscle prend alors une ré- action acide. Le sang (une seule expérience) bleuit encore à Tair, mais s'y coagule spontanément sans acidification. Mort par Ceau douce. — Immergée dans l'eau douce, une Seiche s'agite violemment, et meurt en dix minutes environ. Les chromato- 131 phores sont paralysés en diastole, les muscles de la peau immobilisés, les cœurs branchiaux arrêtés ; mais les muscles du sac et leurs nerfs sont à peu près intacts. Poisons. — La strychnine et le curare agissent sur les Seiches de la même manière que sur les Vertébrés. Seulement il faut pour les tuer une dose énorme de curare, tandis qu'elles sont extrêmement sensibles à l'action de la strychnine. Par le curare, les premiers muscles dont l'animal ne peut plus disposer sont les dilatateurs des chromatophores ; ainsi la Seiche empoisonnée commence par pâlir. Je ne puis terminer cette note sans remercier la Société scientifique d'Arcachon, présidée par M. le docteur Hameau, des moyens de travail dont elle m'a permis de disposer dans le laboratoire annexé à son ma- gnifique aquarium. IV. — Pathologie. 1 " Encéphalite chronique interstitielle occupant le lobe sphénoïdal droit AVEC tuméfaction ET SAILLIE SUR LES PARTIES VOISINES; CRISES ÉPILEPTI- FORMES DEPUIS SIX ANS ; CÉPHALALGIES FRÉQUENTES; AFFAIBLISSEMENT PRO- GRESSIF DE l'intelligence; HÉMIPLÉGIE GAUCHE DANS LES DERNIERS JOURS DE LA VIE. Observation présentée par M. Magnan, médecin du bureau central d'admission pour les maladies mentales et nerveuses. (Sainte- Anne). G... François, tonnelier, âgé de 40, ans, entre au bureau central d'admission le 26 octobre 1867. Depuis six ans environ le malade éprouve à des époques irrégulières des céphalalgies intenses, et quelquefois des crises convulsives épilep- tiformes avec morsure de la langue, perte de connaissance et stupeur consécutive. Peu à peu les facultés mentales se sont affaiblies; mais depuis un an la faiblesse intellectuelle a augmenté, la mémoire est de- venue très-infidèle et le malade a dû cesser son travail. Il n'a jamais fait d'excès de boissons, et en dehors de la démence progressive, il n'a jamais présenté de délire tranché. A son entrée il répond avec lenteur aux questions, donne des dates inexactes, ignore le jour, le mois, ne se rend pas compte de sa situa- tion, mais n'offre pas d'idées délirantes particulières; il éprouve une violente douleur à la tête. Les pupilles sont inégales, la gauche est plus large, la parole est embarrassée, la langue, les lèvres et les mains sont tremblantes, la démarche est peu sûre, par moments tout le corps est pris de frémissements convulsifs. Le 29 au matin le malade perd subitement connaissance, tombe à terre, présente une distorsion des traits de la face; des convulsions to- 132 niques avec contracture prédominant dans le côté gauche du corps. Après cette crise, il reste de Thébétude pendant quelques heures et une hémiplégie gauche incomplète qui persiste. Les accidents convulsifs se reproduisent plusieurs fois les jours sui- vants, et le malade meurt le 3 novembre dans la nuit, à la suite d'at- taques épileptiformes de plus en plus violentes. Autopsie faite le 5 novembre. Les méninges sont injectées, accolées sur l'encéphale qui les repousse. En plaçant le cerveau sur sa con- vexité, on voit à la base et à droite, au niveau de la protubérance, une tumeur du volume d'un petit œuf, d'une teinte grisâtre comme gélati- neuse, s'étendant en bas et en arrière jusqu'au bulbe, recouvrant tout Je côté droit de la face antérieure de la protubérance, dépassant même un peu la ligne médiane, et à la partie antérieure s'avançant dans le lobe sphénoïdal avec lequel on la voit se confondre. Si l'on soulève l'hémisphère cérébral, on voit la partie tuméfiée faire saillie à la façon d'un bourrelet au-dessus du lobe droit du cervelet, en arrière et à côté du pédoncule cérébral et au-dessus du pédoncule cérébelleux supérieur droit. Ce bourrelet comprime les parties voisines, mais n'affecte avec elles aucun rapport intime. Une coupe antéro-postérieure pratiquée sur le lobe sphénoïdal montre toute l'étendue de la partie tuméfiée qui ne mesure pas moins de 10 centimètres de long sur 6 à 7 centimètres de large. Elle se présente sous l'aspect d'une substance grisâtre, gélatini- forme, sauf dans un point, du volume d'une grosse amande où elle a une teinte plus foncée, jaunâtre, et un aspect aréolaire. La tuméfaction comprend tout le lobe sphénoïdal et arrive jusqu'au ventricule latéral, en n'embrassant toutefois que la partie externe et postérieure du corps strié. Le ventricule renferme quelques cuillerées de sérosité un peu louche, et la moitié externe de sa paroi, un peu bombée en dedans, est comme gélatineuse et tremblotante. Le côté droit de la protubérance est aplati, ainsi que le pédoncule cérébral; le lobe cérébelleux droit est aussi très-aplati et semble atro- phié. Les coupes pratiquées sur ces différentes parties ne montrent rien de particulier. Les artères du cerveau sont par places légèrement athéromateuses. Les reins, le foie, la rate sont congestionnés. Les poumons sont engoués à la base, mais sans localisation particu- lière. Le cœur est mou; les parois du ventricule droit sont un peu grais- seuses ; l'aorte est épaissie et athéroraateuse , mais sans rugosités ni ulcérations à la surface; les valvules sygmoïdes sont opalines et un peu rigides à la base. Examen au microscope. — Les préparations à l'état frais provenant de 133 la périphérie de la lésion, où le tissu est plus dense, montrent des corps de Gluge rares, des granulations fines brillantes, isolées, quelques-unes réunies en petits amas irréguliers sur la paroi des capillaires, des noyaux peu abondants. Les préparations prises plus profondément dans les parties moins denses montrent de nombreux corps de Gluge; des granulations fines isolées, répandues dans toute la préparation; des amas de granulations sur les parois des capillaires ; un certain nombre de tubes avec des gaines de myéline sombres, granuleuses, comme fragmentées; des noyaux en grand nombre, isolés, sauf quelques-uns accolés, séparés par un étran- glement et formant ainsi un petit corps bilobaire plus ou moins régu- lier. (Formation par scission.) Les préparations provenant des parties plus profondes, plus molles, montrent des corps granuleux moins abondants , quelques-uns formés de granulations plus grosses; des granulations isolées moins abon- dantes; des granulations isolées et d'autres réunies en masses sur les parois des vaisseaux ; quelques cylindres d'axe dépourvus de la gaîne de myéline, et quelques tubes nerveux fragmentés; de nombreux noyaux, quelques-uns accolés ensemble. Les préparations prises dans les parties les plus molles gélatiniformes ne montrent que de très-rares corps granuleux et quelques granula- tions ; des capillaires avec des parois épaissies recouvertes de nom- breux noyaux, la plupart allongés; des noyaux en très-grand nombre, granulés, quelques-uns distendus et ayant un peu de ressemblance avec les corps granuleux, mais dont on les distingue assez facilement, surtout en présence des réactifs; par l'éther, en effet, ou l'acide acé- tique, ils se contractent sans disparaître, présentent un contour plus net, tandis que les corps granuleux se désagrègent, forment des gra- nulations ou gouttelettes plus grosses et finissent par disparaître. Dans l'épaisseur de la protubérance à droite et au voisinage du qua- trième ventricule, on trouve des granulations isolées, et quelques-unes réunies en petits amas. (Dégénérations secondaires.) On n'en trouve pas sur des préparations provenant du côté gauche de la protubérance. Les préparations faites à l'aide de pièces durcies dans l'acide chro- mique permettent de se rendre un compte plus exact de l'irritation for- matrice dont le tissu interstitiel a été le siège. On voit dans toutes les préparations de nombreux noyaux isolés, quelques-uns sont entourés d'une portion de substance finement grenue, irrégulière, ayant l'appa- rence de corps de cellules; quelques noyaux présentent un prolonge- ment filiforme, quelquefois deux, rarement trois, ce qui leur donne un peu l'aspect des cellules plasmatiques ; on trouve par places deux noyaux accolés, quelques-uns séparés par un étranglement plus ou moins 134 étroit (formation par scission) ; dans quelques points, on voit des masses irrégulières réunissant trois, quatre, quelquefois même un plus grand nombre de noyaux, et ayant comme fond une substance finement gre- nue. Les parois des vaisseaux sont très-épaissies et recouvertes de nom- breux noyaux, quelques-uns allongés, munis de prolongements qui se continuent avec les prolongements des noyaux situés au-dessus et au- dessous, en donnent tin aspect strié à la paroi vasculaire. Sur les préparations provenant de la périphérie de la lésion, on voit quelques tubes nerveux avec la gaîne de myéline et le cylindre d'axe, mais ils deviennent de plus en plus rares à mesure que l'on se rapproche des parties centrales, où l'on n'aperçoit plus que des cylindres d'axe dépourvus de toute gaîne de myéline. On voit en outre des tractus fî- brillaires ressemblant aux cylindres d'axe, mais dont on peut les distin- guer dans quelques points, soit par la présence de bifurcations à l'une de leurs extrémités, soit par la naissance de branches ou de divisions sur leur parcours, soit enfin par l'existence sur leur trajet de noyaux allongés, tout autant de caractères qui appartiennent aux fibres du tissu conjonctif et non aux cylindres d'axe. Des préparations prises au niveau de cette partie de la lésion qui se présentait avec une coloration jaune foncée, montrent de nombreux cristaux d'un jaune orangé réunis en petites masses sphériques, au mi- lieu desquelles on aperçoit des cristaux rhomboédriques d'un rouge de rubis ; ces derniers se voient également isolés en dehors des petites masses jaunâtres. Dans cette observation, plusieurs points méritent de fixer l'attention. Nous nous arrêterons plus particulièrement sur le début de la maladie, la lenteur de son évolution et sur l'absence de troubles de la motilité, en rapport avec une lésion unilatérale considérable dans le cerveau. D'après les symptômes, c'est à plus de six ans qu'on doit faire remon- ter le début de la maladie, puisque les attaques épileptiformes se sont montrées déjà à cette époque et que ces phénomènes convulsifs se rap- portent plus généralement à une lésion déjà bien établie qu'à un travail morbide qui se prépare. Pendant cinq années, la maladie s'est dévelop- pée sourdement, donnant lieu à des céphalalgies passagères, aux crises convulsives et à un affaiblissement léger mais progressif de l'intelli- gence, qui n'empêchaient pas toutefois le malade de se livrer à quelques occupations. Ce mode de développement serait plus en rapport avec l'existence d'une tumeur, comprimant et irritant plus ou moins les par- ties périphériques, qu'avec une lésion se développant au centre même de l'encéphale. Plus tard, la maladie s'accentue davantage dans l'espace d'un an, les facultés mentales diminuent notablement, les crises con- 135 vulsives deviennent plus fréquentes, mais, chose remarquable, il ne survient une hémiplégie appréciable que dans les derniers jours. L'ab- sence de paralysie d'un côté du corps pendant si longtemps a lieu d'é- tonner si l'on considère l'étendue de la lésion, son existence au sein même de la substance cérébrale, dans une portion du corps strié. On pourrait trouver une explication dans le développement lent de la lésion qui permettrait aux parties voisines de s'habituer en quelque sorte à sa présence, comme cela s'observe dans certains cas de tumeur; mais peut-être serait-ce avec plus de raison qu'on expliquerait cette absence d'hémiplégie pendant presque toute la durée de la maladie par le siège spécial de la lésion qui, atteignant tout d'abord le tissu interstitiel, ne provoque dans les éléments nerveux que des lésions secondaires ; les cylindres d'axe, dépouillés de la gaîne de myéline, paraissent en effet conservés dans les parties où l'altération est le plus avancée, et les cellules elles-mêmes, au niveau du corps strié, ne présentent qu'une infiltration granuleuse peu considérable. Il en est tout autrement dans les cas de lésion atteignant d'emblée les éléments nerveux eux-mêmes, comme, par exemple, dans les cas de ramollissements nécrobiotiques par embolie, dans lesquels une lésion môme peu étendue provoquent des phénomènes de paralysie qui persistent généralement. Il y a sans doute, dans ces derniers faits, à tenir compte du développement brusque de l'altération ; mais il ne faut pas oublier non plus que la portion d'or- gane qui est malade est atteinte dans toutes ses parties constituantes. En résumé, la lenteur du développement, mais surtout le siège plus spécial de la lésion dans le tissu interstitiel, nous paraissent être les causes de l'absence d'hémiplégie pendant presque toute la durée de la maladie. On peut rapprocher ce cas d'un fait analogue rapporté par M. Ha- yem (1), dans lequel on trouve, au point de vue de l'anatomie patholo- gique, les mêmes caractères généraux, et, au point de vue clinique, également quelque ressemblance, puisque le début réel de la maladie a été très-insidieux et ne s'est manifesté que par un changement dans le caractère, tandis que le début apparent aurait été une attaque coma- teuse avec chute subite survenue dans la rue : troubles cérébraux con- sécutifs et faiblesse du bras gauche au bout de quelques jours, symp- tômes que l'on ne peut guère considérer comme l'expression d'une encéphalite qui commence. Ainsi, dans les deux cas, nous trouvons un début lent avec des symptômes non caractéristiques, et plus tard l'ap- parition de phénomènes qui indiquent une lésion déjà produite depuis longtemps. (1) Comptes rendus de la Société de Biologie, décembre 1866, p. 149. 136 2° Cancer du foie, des ganglions mésentériques et des poumons ; générali- sation A LA colonne vertébrale; par MM. A. Ollimer et J. L. Pré- vost. Assez fréquemment on a l'occasion d'observer, dans les cas de can- cer du sein, le développement de masses cancéreuses dans les corps vertébraux; c'est là un fait qu'avait déjà signalé M. Cazalis et qui a été l'objet de nombreuses communications à la Société de Biologie, de la part de M. Charcot et de ses internes, MM. Cornil, Bouchard, Cotard et Lépine. M. le docteur Tripier, qui a étudié dans sa thèse inaugurale le can- cer de la colonne vertébrale, insiste également sur la rareté du déve- loppement de masses cancéreuses dans le corps des vertèbres chez les sujets atteints de cancers viscéraux, et sur la fréquence d'une pareille généralisation dans les cas de cancer du sein. L'observation suivante, qui présente un exemple de généralisation d'un cancer viscéral à la colonne vertébrale, nous paraît intéressante à plusieurs égards. Le peu de développement du foie qui était pourtant parsemé de masses cancéreuses, l'absence d'ictère, la facilité avec la- quelle la malade supportait la percussion de la région hépatique, l'exis- tence d'une ascite assez considérable sans qu'il y ait oblitération de la veine porte, auraient pu légitimer jusqu'à un certain point le soupçon d'une cirrhose. Rien pendant la vie ne permit de diagnostiquer le cancer de la co- lonne vertébrale, car nous ne pouvons attribuer la scoliose, qui s'était développée neuf ans auparavant, à une altération cancéreuse limitée à une seule vertèbre; cette scoliose, survenue à l'âge de 40 ans chez un homme, est probablement le résultat d'une ostéomalacie, fait assez re- marquable sur lequel nous devons appeler l'attention. Voici cette observation : Le nommé M... (Jean), âgé de 57 ans, cordonnier, entre le 13 sep- tembre 1867 à l'Hôtel-Dieu, salle Saint-Benjamin, 12. Cet homme est dans un état de débilitation et d'amaigrissement assez considérable; il avait cependant, nous dit-il, une très-bonne santé dans sa jeunesse; il n'accuse comme antécédents vénéneux qu'une blennorrhagie de courte durée, jamais il n'a fait d'excès alcooliques et n'a eu d'ictère. Il y a neuf ans, il ressentit des douleurs dans l'épaule droite et dans la région thoracique ; il s'aperçut bientôt que son thorax se déformait graduellement. Cette déformation augmenta peu à peu et atteignit en un an environ le degré qu'elle offre aujourd'hui. On constate actuelle- ment une inflexion latérale de la colonne vertébrale à concavité diri- 137 gée du côté gauche. Cette scoliose s'est produite en masse, car les apophyses épineuses sont sur le même plan, et l'on ne constate ni sail- lie ni enfoncement d'aucune d'elles. La percussion et la pression des os ne déterminent pas de douleur. La maladie qui Tamène à l'hôpital n'aurait débuté qu'il y a deux mois, mais il aurait eu plusieurs fois de l'œdème des extrémités infé- rieures. L'état d'amaigrissement et le teint terreux du malade peuvent cependant inspirer quelques doutes sur ce renseignement. L'abdomen est distendu, étalé pour ainsi dire comme un ventre de grenouille; il contient une proportion assez notable de liquide et offre de la matité dans les flancs ; on sent la fluctuation d'une manière bien manifeste. Œdème des extrémités inférieures remontant jusqu'à la partie supé- rieure des cuisses. Foie. Très-peu volumineux, non douloureux ; la percussion accuse une hauteur de tout au plus quatre travers de doigt; l'organe n'atteint pas le rebord des fausses côtes. La rate ne paraît pas augmentée de volume. Rien au cœur ni aux poumons; pas de paraplégie, pas d'ictère. Pendant son séjour à l'hôpital, le malade s'amaigrit rapidement; il prit bientôt une diarrhée qu'aucun traitement ne put arrêter ; l'ascite n'augmenta pas beaucoup, mais l'œdème des extrémités s'accrut nota- blement. Le il octobre on aperçut, sur la face interne de la cuisse droite, des plaques d'érysipèle, et le 14 octobre se montrèrent des taches gangreneuses à la partie moyenne de l'érysipèle ; la diarrhée devint encore plus intense et le malade succomba le 19 octobre. Nécropsie. —A l'ouverture de l'abdomen s'écoulent environ dix litres de liquide légèrement jaunâtre et demi-transparent. Le péritoine ne présente aucune trace d'inflammation, mais on a négligé de regarder avec soin s'il n'est pas parsemé de granulations cancéreuses miliaires. Le foie, peu volumineux, offre un grand nombre de masses cancé- reuses formant de petites tumeurs grisâtres et blanchâtres à la coupe, et ramollies par places; ces tumeurs, qui atteignent la grosseur d'un pois, d'une noisette, d'une noix et sont même plus volumineuses en certains endroits, sont disséminées dans le foie et séparées par des parties saines. Les plus superficielles forment à la surface de l'organe des espèces de petites capsules arrondies, déprimées au centre. L'exa- men microscopique de ces tumeurs y montre de grosses cellules de formes diverses, présentant un ou plusieurs gros noyaux. On retrouve de plus des noyaux libres et de la graisse en assez grande abondance. La veine porte n'est pas oblitérée. La rate a son aspect et son volume normal. 138 Au niveau de la petite courbure de l'estomac, dans l'épiploon gastro- hépatique, se voit une grosse tumeur à peu près du volume du poings qui est formée d'un tissu blancliâtre, dur, criant dans le scalpel et qui offre un suc laiteux dans lequel l'examen microscopique démontre la présence d'éléments analogues à ceux que nous avons décrits plus haut dans le foie. Cette tumeur s'était probablement développée dans des ganglions lymphatiques; elle comprimait peut-être la veine porte ou les vaisseaux mésentériques, mais la dissection ne permet pas de l'af- firmer. L'intestin qui adhérait à cette tumeur est ouvert dans toute son éten- due ; la muqueuse est saine, elle est flasque et blanchâtre et se dis- gramme facilement, mais n'offre pas d'ulcérations. A la surface externe on aperçoit çà et là de petites tumeurs attenant au bord mésentérique et dont quelques-unes paraissent envahir la tunique moyenne; à leur niveau la muqueuse est légèrement rosée, mais n'est pas altérée. On découvre dans les poumons, en plusieurs points voisins de leur surface, plusieurs petites tumeurs de la grosseur d'une noisette ou d'un pois, blanchâtres, entourées d'une auréole un peu rosée. Ces tumeurs, qui à la coupe offrent l'aspect de la pneumonie caséeuse, renferment aussi des éléments analogues à ceux qui ont été décrits plus haut ; elles sont manifestement cancéreuses. La colonne vertébrale offre une double déviation latérale qui avait été remarquée pendant la vie. Le corps des vertèbres est scié dans toute rétendue de la colonne ; le tissu paraît un peu friable ; on trouve le corps de l'une des dernières vertèbres dorsales presque complète- ment dégénéré et infiltré de cancer, formant une masse blanchâtre peu résistante, fibroïde, entremêlée de trabécules osseux. L'os est très- raréfié. L'examen microscopique de cette partie blanchâtre y fait dé- couvrir une foule de grosses cellules à gros noyaux, de gros noyaux libres et de la graisse dans un stroma fibreux, entremêlé par places de trabécules osseux. La substance osseuse augmente graduellement du centre à la périphérie, en sorte que le corps de la vertèbre, très-altéré à son centre, est resté presque intact à la périphérie; une sorte de coque de tissu osseux normal entoure ainsi la partie malade. Les autres vertèbres furent trouvées saines et Ton ne put y constater aucune altération qui permit d'expliquer la scoliose ancienne. Les autres viscères ne présentaient rien de particulier à signaler. COMPTE RENDU DES SÉANCES f ir LA SOCIETE DE BIOLOGIE PENDANT LE MOIS DE DÉCEMBRE 1867 Par iM. BOUCHARD, secrétaire. PRESIDENCE DE M. DUMONTPALLIER , VICE-PRÉSIDENT, L — Physiologie expérimentale. 1** Recherches expérimentales relatives au sens des mouvements de rotation DUS aux lésions encéphaliques unilatérales; parle docteur J. L. Prévost, membre de la Société de biologie. Des divers mouvements de rotation observés chez les animaux. Depuis que Magendie eut fixé l'attention des physiologistes sur les phénomènes de rotation qui se produisent à la suite de la blessure de l'un des pédoncules cérébelleux moyens, de nombreux expérimenta- teurs se sont occupés de ces phénomènes, les ont décrits, et ont cher- ché à les interpréter de diverses façons. En prenant connaissance de ces travaux, on peut se convaincre que 140 les physiologistes sont loin d'être d'accord sur la variété du mouvement produit par la lésion de telle ou telle partie de l'encéphale. Avant d'analyser ces diverses variétés de mouvements, je signalerai tout d'abord une cause de confusion et d'obscurité dont j'ai été frappé, et qui doit avoir embarrassé comme moi tous ceux qui se sont occupés de cette question: je veux parler de la détermination du sens du mou- vement produit; je m'explique : Les diverses espèces de mouvements circulaires (1) observés chez les animaux peuvent être ramenés en somme à deux groupes : le mouve- ment de manège (2) et le mouvement gyratoire ou de roulement sur Caxe, tous les autres mouvements n'étant que des variétés de ces deux groupes. On peut même ajouter que ces deux groupes ne sont eux- mêmes que le dérivé l'un de l'autre, car comme le fait remarquer M. Brown-Séquard (3) : a Le roulement n'est, en général, qu'une exagération du tournoiement (ou mouvement de manège), c'est-à-dire que, lorsqu'il y a une diminu- tion d'intensité d^ la cause qui produisait le roulement, cette même cause produit le tournoiement, » Il est très-facile de comprendre ce qu'entend un observateur qui, en parlant d'un mouvement de manège, dit que ce mouvement se fait de gauche à droite, ou de droite à gauche; le lecteur, en effet, se plaçant au centre du cercle décrit par l'animal, saisit parfaitement la pensée de l'observateur. Mais il n'en est plus de même quand il s'agit du m.ouvement de roulement. Quand un physiologiste, en rendant compte d'une expé- rience, dit que l'animal tourne sur son axe de droite à gauche, qu'il roule de droite à gauche, qu'il roule du côté de la lésion ou du côté op- posé à la lésion, le lecteur est fort embarrassé et peut interpréter le phénomène de diverses façons. Je suis même tenté de croire que des discussions ont dû, faute de s'entendre, s'élever entre des expérimen- tateurs qui étaient au fond du même avis. (1) Je n'étudierai pas ici les mouvements qui ne- rentrent pas dans le type circulaire, et en particulier ceux qui résultent de la blessure des canaux semi-circulaires de l'oreille comme Ta montré Flourens. (2) On peut, en effet, rapprocher du mouvement de manège à court rayon le mouvement circulaire exécuté autour du train postérieur de l'animal et qui a été décrit par MM. Brown-Séquard et Schifif, — Voyez Compte rendu Soc. bioL, 1853, p. 167, et Joarn. de pliysioL, t. Y; Schiff, PIfysiologie des Mensclien^ Lahr, 1859, p. 348. (3) Note sur les mouvements rotatoires, Joiirn. de phys. du docteur Brown-Séquard, 1863, t. III, p. 721. 141 Le mécanicien ou le physicien qui décrit le sens de rotation d'un cy- lindre prend la précaution de définir d'abord la position qu'il prend par rappord à ce cylindre. S'il veut décrire le sens dans lequel le cy- lindre tourne sur son axe, le physicien le fera par rapport à lui, obser- vateur, en se supposant étendu dans l'axe du cylindre, suivant une di- rection déterminée. Si le cylindre roule sur le sol, le physicien dira que le cylindre roule d'un côté, ou d'un autre, par rapport à un observateur placé en tel ou tel endroit. Les physiologistes ont complètement négligé cette précaution; de là Tobscurité que je signale, avec d'autant plus de raison qu'il me semble que les termes de rouler et de tourner ont été employés souvent l'un pour l'autre. Quelques observateurs me paraissent avoir décrit le mouvement en se substituant à la place de l'animal en expérience; d'autres, au con- traire, ont décrit sous le nom de roulement^ le déplacement de l'animal sur le sol par rapport à un observateur regardant le train postérieur de cet animal. Cette dernière manière de voir me paraît avoir été, à juste titre, admise le plus souvent, quoiqu'on ait toujours négligé de fixer la place qu'occupait l'observateur par rapport à l'animal en expérience. C'est ainsi que M. Vulpian considère le mouvement de rotation quand il fait la remarque que le roulement se fait en sens inverse du mouve- ment de manège ou du tournoiement (1). Cette différence dans le sens de ces deux mouvements provient uni- quement de ce que dans le roulement s'ajoute un élément nouveau, le frottement du sol , fait sur lequel on n"a pas assez insisté à mon avis. Ainsi quand on opère sur des animaux dont le mode de progression est la nage, voit-on souvent se produire, comme M. Vulpian (2) Ta observé sur des têtards de grenouille, un mouvement représentant une sorte de spirale. On comprendra mieux ce que j'avance si l'on se souvient que les mouvements de rotation se font du côté indiqué par la direction des yeux; non pas que je fasse de cette déviation la cause de la rotation, opinion soutenue par Henle. (1) Leçons sur la pliys. du système nerveux, p. 586. (2) Vulpian, Mouvements de rotation observés chez les têtards de grenouille à la suite de lésions pratiquées sur le centre nerveux. — Examen critique des diverses explications proposées au sujet des mouvements que Con détermine ainsi {Mém. de la Soc. de biologie^ 1861). 142 Il suffit alors de se substituter à l'animal en expérience, pour bien saisir le phénomène : Si, en effet, je présente une déviation de mes deux globes oculaires du côté droit, je tournerai en manège de gauche à droite. Si je suis placé sur mes pieds, je tournerai autour de mon axe, tou- jours de gauche à droite, en opérant un mouvement de toupie (i). Si je suis étendu sur le sol, je continuerai à tourner sur mon axe de gauche à droite, mais rencontrant la résistance du sol, je me déplacerai grâce au frottement; et, pour un observateur placé du côté de mes pieds et me regardant rouler, je roulerai de droite à gauche, tout en continuant à tourner moi-même sur mon axe de gauche à droite. Mouvements de rotation produits -par la lésion d'un hémisphère cé- rébral.— Les mouvements de rotation qui sont dus aux lésions siégeant dans l'un des hémisphères cérébraux ont été beaucoup moins étudiés par les physiologistes que ceux qui dépendent des lésions unilatérales de l'isthme de l'encéphale; cela se comprend aisément, car ces mouve- ments ne sont bien accusés que chez les animaux supérieurs, et sont généralement moins énergiques que ceux qui sont produits par les lé- sions latérales de l'isthme. Les mouvements de rotation qui résultent de la blessure d'un hémi- sphère cérébral rentrent tous dans la variété des mouvements de ma- nège, le cercle décrit étant plus ou moins grand. Mais ce mouvement de manège s'exécute-t-il toujours dans le même sens? et dans quel sens s'exécute-t-il? Tel est un point sur lequel les physiologistes ne sont pas tous d'accord. M. Longet (2), se fondant surtout sur des expériences faites sur des lapins, admet, comme M. Lafargue (3), que dans le cas de lésion de la couche optique, la rotation se fait du côté opposé à la lésion, du côté le plus fort vers le côté le plus faible, comme dans le cas de lésion de l'un des pédoncules cérébraux. Flourens, au contraire, en faisant des lésions d'une couche optique, trouva que la rotation se faisait du côté lésé; tandis qu'une lésion un peu profonde d'un des tubercules bijumeaux, faite chez un oiseau, don- (1) Cette expression a été fort heureusement employée parM.Mesnet. Yoyez. Physiol. path. des mouvements circulaires^ par M. Mesnet ; Arch, de méd., 1861, t. L (2) Longet, Taité de physiologie, 1860, t. II, p. 408 et 419. —Voyez aussi Physiol. du système nerveux, (3) Lafargue, Thèse de Paris, 1838. 143 nait lieu à la rotation du côté opposé à la lésion, et chez les reptiles du côté de la lésion. M. Schiff (1) chercha à expliquer ces divergences des auteurs en montrani que le sens du mouvement de manège varie suivant la por- tion de la couche optique que l'on a détruite. D'après ces expériences sur des vertébrés supérieurs (lapins), il conclut que la destruction des trois quarts antérieurs de la couche optique détermine des mouvements de manège vers le côté lésé, tandis que la destruction du quart posté- rieur produit le mouvement vers le côté opposé à celui de la lésion. M. Brown-Séquard (2) a confirmé depuis les opinions émises par M. Schiff. Les divergences des auteurs ont surtout porté sur l'interprétation des blessures qui se rapprochent le plus de Tisthme; or, en lésant la partie postérieure de la couche optique, on peut atteindre les pédoncules et troubler ainsi les résultats. Je crois pouvoir soutenir, en en donnant des preuves, que du moins chez les mammifères les plus élevés dans la série, et se rapprochant par conséquent le plus de l'homme, le mouvement de manège a lieu in- variablement du côté de l'hémisphère lésé; cette opinion a aussi été admise par M. Mesnet (3). Voici les preuves que je puis fournir. Je citerai d'abord quatre expériences de MM. Philipeaux et Vulpian (4) qui sont très-confirmatives à cet égard : « Le 26 juin 1862, on produit des lésions du cerveau proprement dit sur quatre chiens, après avoir enlevé une rondelle du crâne à l'aide d'un trépan. Sur deux d'entre eux, on fait une incision transversale de l'hémispère cérébral gauche, en ayant soin de pratiquer l'incision au- tant que possible en avant du corps strié. Sur un troisième chien, on extirpe, par l'ouverture du crâne, une partie de l'hémisphère gauche, un peu plus d'un centimètre cube , enfin sur le quatrième animal, on laboure l'hémisphère cérébral gauche, à Taide d'une petite lame de fer. Tous ces chiens, une fois l'opération faite, offrent un léger degré d'hé- miplégie du côté droit, plus marqué dans la patte antérieure que dans la patte postérieure ; et ils tournent tous enmanége de droite à gauche, (1) Schiff, loc. cit. (2j Brown-Séquard, Note sur les mouvements rotatoires [Journal de physiologie, 1860, t. III). (3) Arch. de méd., loc cit. (4) Vulpian, Leçons sur la physiologie du système nerveux, Paris, 1866, p. 686. 144 mais sans rapidité, dès qu'on les force à marcher. Dans les cas de ce genre, l'hémiplégie se voit bien quoiqu'elle soit assez légère, car les animaux fléchissent souvent sur les membres du côté affaibli : ces membres peuvent quelquefois même se dérober sous Tanimal qui tombe alors sur le côté correspondant.» On trouve à cet égard de précieuses données dans la médecine vété- rinaire. Le tournis du mouton nous offre en effet des expériences toutes faites, dans lesquelles les couches profondes d'un hémisphère ont pu être lésées, sans que la couche superficielle le soit. Mais les vétérinaires dans leurs observations ne sont point d'accord sur le sens du mouvement de manège décrit par le mouton tournis, et des opinions très-diverses ont été soutenues à cet égard. Frappé de ces divergences d'opinions, M. Reynal (1) a fait un relevé de soixante observations de tournis prises avec soin, et suivies de né- cropsie; ii en a fait le sujet d'un mémoire fort intéressant dans lequel il compare le sens du mouvement exécuté par le mouton avec le siège qu'occupait l'entozoaire dans le cerveau. De ces faits nombreux M. Reynal tire les conclusions suivantes : « Nous avons observé une soixantaine de moutons affectés de tournis ; nous avons noté ou fait noter avec soin les symptômes et les lésions morbides. Sur plus de la moitié, nous avons remarqué que le mouton tournait du côté où était le ver. Que ce dernier existe soit sur un point de la surface du cerveau, soit qu'il se trouve dans l'épaisseur même des couches qui forment le plan supérieur de cet organe, constamment nous avons vu les animaux exécuter les mouvements circulaires du côté où le cœnure avait établi son lieu d'élection. Il en était de même lorsque le cœnure était contenu dans les grands ventricules et que, laissant intactes les parties sur lesquelles il reposait, il n'impri- mait de modification à la substance cérébrale qu'en produisant un amincissement des couches qui forment le plafond de ces cavités. « Les moutons tournaient, au contraire, le plus ordinairement du côté opposé lorsque le travail destructeur du cœnure avait intéressé les couches les plus profondes du cerveau, ou produit des changements dans la forme des corps striés, des cornes d'Ammon, des^couches op- (1) Reynal, Essai monograp/iiqiie sur le tournis des bêtes à laine. — Rec. de méd. vêt., 1854, série 4, t. I, p. 420. — M. Leven n'est pas arrivé aux mêmes conclusions, car il dit: « Les mouvements d^entraî- nement et de manège ne sont soumis à aucune loi ; ils ont eu lieu tantôt dans le sens de la lésion et tantôt dans le sens opposé. » ( Mém. de la Soc. de biologie, 1864, p. 100.) 145 tiques, du trigone cérébral. Cependant lorsque ces dernières lésions existent, les animaux ne tournent pas toujours ; souvent, sans suivre une ligne droite, ils marchent devant eux ou dévient tantôt à gauche, tantôt à droite ; la locomotion est lente, limitée, chancelante. a II est même commun, dans cet état, de voir des symptômes de pa- ralysie générale avec une diminution considérable de la sensibilité. On observe, à quelque chose près, ces derniers symptômes, lorsque le cœnure existe dans le cervelet, ou lorsque ce dernier éprouve une compression, en raison du volume qu'occupe le ver, dans le ventricule du cerveau. Seulement la faiblesse des mouvements est plus grande; ils s'exécutent d'une manière automatique, le mouton tombe fréquem- ment ; le moindre obstacle détermine sa chute. » On voit parce passage que le manège ne s'exécute du côté opposé au siège du cœnure que lorsque les parties profondes, se rapprochant de l'isthme encéphalique, se trouvent plus ou moins atteintes; les ré- sultats sont alors assez variables, et Ton n'observe plus la même ho- mogénéité dans les symptômes. Je vais exposer maintenant les résultats que m'ont fournis mes expé- riences personnelles. Les hémisphères cérébraux prennent, on le sait, une importance d'autant plus grande, relativement à l'exécution des mouvements vo- lontaires, que le sujet est plus haut placé dans l'échelle animale. L'isthme de Tencéphale et ses dépendances acquièrent au contraire, relativement à l'exécution des mouvements, une importance plus grande par rapport au cerveau, à mesure que l'on descend l'échelle animale. C'est là un fait bien connu, qui a été très-bien exposé par M. Vulpian, dans ses Leçons sur Le système nerveux (p. 667 et suiv.). Une lésion étendue d'un lobe cérébral, son ablation même ne don- nera lieu chez la grenouille à aucune trace de paralysie; chez l'oiseau, il n'y aura pas encore d'hémiplégie. Chez le mammifère, au contraire, l'hémiplégie apparaîtra et deviendra de plus en plus nette à mesure que l'on considérera un mammifère plus élevé dans la série. Peu nette chez le lapin, elle deviendra évidente chez le mouton, le chien, etc. Mais si l'on compare l'hémiplégie produite chez le chien par la lésion d'un hémisphère à celle que l'on observe dans le même cas chez l'homme, on sera frappé de la différence d'intensité des symptômes. Tandis qu'en effet, chez l'homme, une lésion très-limitée d'un hé- misphère cérébral, siégeant dans le corps strié, par exemple, produira une hémiplégie du côté opposé avec résolution et flaccidité complètes des membres, l'ablation de tout un hémisphère cérébral chez le chien ne donnera lieu au contraire qu'à une hémiplégie fort incomplète. C. R. 10 146 C'est là un fait qu'il ne faut point oublier dans l'examen des mouve- ments de rotation produits par les lésions des hémisphères céré- braux. En faisant une lésion étendue d'un lobe cérébral chez la grenouille, en enlevant tout ce lobe, il est rare que l'on observe, à moins que Ton ne touclie aux tubercules bijumeaux, si volumineux cliez elle en com- paraison des hémisphères ; il est rare, dis-je, que Ton observe un mou- vement qui représente le mouvement de manège. J'ai cru cependant remarquer quelquefois, de suite après la lésiOn, une tendance au saut du côté delà lésion, une sorte d'ébauche du mouvement de manège; mais il n'y avait là rien de comparable aux phénomènes qui se pro- duisent quand chez la grenouille on attaque l'isthme, faits que jexa- minerai plus loin. Chez les mammifères, les résultats sont bien différents. Grâce à l'obli- geance de M. Vulpian, j'ai pu faire dans le laboratoire d'anatomie pa- thologique de la Faculté de médecine un certain nombre d'expériences sur des chiens et des lapins. Voici ces expériences, qui prouveront avec les faits ci-dessus que les lésions d'un hémisphère donnent lieu à un mouvement de manège du côté de la lésion, et que ce mouvement, mieux caractérisé chez le chien que chez le lapin, probablement à cause de la prédominance d'action du cerveau, devient plus manifeste quand on atteint les cou- ches profondes de l'hémisphère (corps strié, couches optiques et même le pédoncule cérébral). Dans mes expériences, je n'ai pas eu l'occasion de vérifier l'opinion de M. Schiff, relativement au sens de rotation du côté opposé à la lé- sion lors de la blessure de la partie postérieure de la couche optique, car je n'ai jamais produit de lésion limitée à ce niveau. La rotation pro- duite dans mes expériences par la lésion de la couche optique a tou- jours eu lieu du côté de la lésion. J'en dirai de même de la lésion du pédoncule cérébral observée dans l'expérience I. Je place en tête de ces expériences l'observation d'un chien que j'ai présenté à la Société de biologie, et qui est remarquable à cause de la guérison de l'animal et de la persistance des mouvements de rotation en manège. On trouvera dans cette expérience plusieurs données im- portâmes au point de vue de la théorie des mouvements de relation. PLAIE PROFONDE DE l'hÉMISPHÈRE DROIT TRAVERSANT LE PÉDONCULE CÉRÉBRAL droit; rotation de la tète et des YEUX DU COTÉ droit; MANEGE DE GAUCHE A DROITE, REMARQUABLE PAR SA PERSISTANCE; HEMIPLEGIE GAUCHE. Exp. I. — Chienne adulte, de taille moyenne. Le 24 décembre 1867, je perfore, avec une vrille offrant un diamètre 147 d'environ 2 ou 3 millimètres, la voûte crânienne du côté droit, et j'enfonce l'instrument profondément dans le cerveau. L'animal décrit immédiatement un mouvement de manège de gauche à droite ; il infléchit légèrement la tête du côté gauche en dirigeant le vertex de ce côié, de façon à ce que l'œil gauche soit sur un plan plus inférieur que lœil droit; il tourne, au contraire, le museau du côté de l'épaule droite. Les deux globes oculaires sont tous deux déviés à droite, l'iris gauche étant porté dans l'angle palperai interne, Tiris droit dans l'angle palpébral externe, la sclérotique gauche visible, au contraire, dans l'angle externe et la droite dans l'angle interne des ouvertures palpé- rables. La pupille droite est très-dilatée, la gauche conctractée. Il y a du nystagmus. En déciivant le manège, le chien s'infléchit en arc à concavité dirigée à droite. On constate une hémiplégie gauche notable, surtout accusée dans le membre antérieur qui cède souvent sous l'animal et se recoqueville sous lui. En marchant, le chien pose souvent la patte antérieure gauche sur sa face dorsale, le membre alors se dérobe sous lui, et l'animal tombe sur le côté gauche. La sensibilité est diminuée dans la patte du côté gauche. Les jours suivants, l'animal resta triste et malade en offrant les mêmes symptômes; mais il ne tarda pas à reprendre de l'appétit, de la gaieté, bref à se guérir complètement des symptômes généraux dus à l'opéra- tion, aussi peut-il être bien mieux observé, et c'est l'état qu'il présenta alors que je vais décrire avec détails. Le chien est intelligent, et me reconnaît fort bien, et chaque jour quand j'arrive, avant de me voir, il reconnaît ma voix, et même mon pas, et manifeste sa joie par ses cris, car j ai l'habitude de lui donner à manger moi-même. La paralysie du côté gauche a diminué, mais est cependant encore manifeste, surtout dans le membre antérieur qui cède sous l'animal quand on le pousse brusquement. Les troubles de motilité n'ont jamais été très-apparents dans le membre postérieur. La sensibilité est diminuée dans les deux membres du côté gauche, car il faut pincer les pattes gauches beaucoup plus vigoureusement que les droites, pour que l'animal les retire ou manifeste de la douleur. La tête est habituellement légèrement infléchie à gauche, le vertex étant dirigé du côté gauche, l'œil gauche plus rapproché de la terre que le droit; le museau, au contraire, est tourné du côté droit; mais il n'y a pas de roideur dans le cou, et l'on peut aussi bien tourner la tête 148 à gauche qu'à droite. L'animal ne la tourne cependant de lui-même que légèrement du côté gauche, et son corps est généralement infléchi en arc en concavité légère dirigée du côté droit. Les deux globes oculaires sont habituellement déviés du côté droit, les deux sclérotiques étant apparentes du côté gauche de l'animal, cependant le chien peut porter ses deux yeux à gauche, mais moins énergiquement qu'à droite. Il y a des mouvements légers de nyslagmus dans les deux yeux. La pupille droite est plus dilatée que la gauche, mais elles sont toutes deux contractiles sous l'influence de la lumière, et elles ont été dilatées toutes deux également par une solution d'atropine. Quand on présente de la viande à l'animal, en la plaçant à sa gau- che, il ne la voit pas ; en la plaçant à sa droite, au contraire, il la voit bien et la saisit. J'avais cru d'abord à une hémiopie ; mais par un exa- men répété des yeux, j'ai pu me convaincre qu'il voyait bien de l'œil droit, et que la vision était, au contraire, abolie dans l'œil gauche. En fermant, en efi'et, l'œil droit de l'animal et menaçant du doigt l'œil gauche, il ne s'y produit pas de mouvement réflexe tant que l'on ne touche pas à la cornée ou à la paupière. La môme expérience faite du côté droit donne des résultats contraires, et le chien cligne au moindre mouvement du doigt qui le menace. A l'examen ophLhalmoscopique, je n'ai point trouvé de lésion de l'œil gauche, l'aspect du fond de l'œil était semblable des deux côtés. Le chien a conservé un mouvement de manège de gauche à droite ; mais il ne l'exécute pas constamment quand il veut marcher, comme dans les premiers jours. Quand l'animal a la ferme volonté de se diri- ger vers un but, quand on place à une certaine distance de lui de la nourriture, il se dirige droit devant lui ; puis, sans que rien ne rende compte du phénomène, il exécute tout à coup un tour de manège de gauche à droite, quelquefois plusieurs, reprend sa marche directe, puis exécute souvent encore le même mouvement, une fois, deux fois avant d'arriver à son but, quelquefois, au contraire, il s'y rend directement. Quand l'animal est laissé à lui-même dans la chambre, et qu'il mar- che sans but fixé, il tourne presque constamment en manège de gauche à droite. Quand il mange et qu'il est placé devant le vase qui contient sa nourriture, il exécute encore de temps en temps un tour de manège toujours dans le même sens. Quand on place très-près de la gauche de son museau un morceau de viande, au lieu de tourner légèrement le museau à gauche pour saisir la proie, il préfère exécuter un tour de manège pour prendre la viande qui se trouve ainsi sur son passage. Celte tendance au manège à droite est très-manifeste quand en se 149 faisant suivre par le chien, on le fait tourner circulairement autour de la chambre. Quand le circuit, ou grand manège, se fait de gauche à droite, l'animal n'a pas de peine à le parcourir, cependant il se trouve comme contraint d'exécuter de temps à temps ce que les écuyers nommeraient une petite volte à droite, puis il continue le grand ma- nège. Ce n'est qu'avec une très-grande difficulté que l'animal exécute, au contraire, un grand manège de droite à gauche autour de la chambre, il augmente la fréquence de ces voltes à droite, et il peut rarement faire le tour complet de la chambre. Cette impulsion involontaire au manège de gauche à droite devient encore plus remarquable quand l'animal veut monter ou descendre les escaliers. Il se dirige d'abord devant lui, monte quelques marches, puis il hésite, semblant résister à la force comme invincible qui lui commande d'exécuter sa volte à droite, il y résiste quelquefois, mais souvent il cède, il agit alors avec précaution pour ne pas rouler au bas de l'escalier, ce qui lui est arrivé quelquefois; souvent alors il gé- mit et manifeste son impatience d'être obligé de céder à l'impulsion qui le force à tourner. Ce n'est point la perte de l'œil gauche qui dirige l'animal ; car les mêmes phénomènes se produisent quand on lui ferme l'œil droit, ou que plus simplement encore on place un mouchoir couvrant ses deux yeux. Ces symptômes ont subsisté jusqu'au jour où l'on sacrifia l'animal ; cependant dans les derniers temps, la tendance à la rotation semblait avoir un peu diminué, et le chien, en marchant devant lui, exécutait de moins fréquents mouvements de manège. J'ai pu observer longtemps ce chien et constater à plusieurs reprises les phénomènes intéressants que j'ai cru devoir exposer avec détails, comme présentant de l'importance au point de vue de la théorie des mouvements de rotation. Je les ai fait constater aux membres de la Société de biologie, à laquelle j"ai présenté ce chien à deux époques différentes, avant et après sa complète guérison, et j'ai montré de plus à la Société de biologie les lésions cérébrales trouvées après sa mort. Ce chien fut sacrifié le 18 janvier 1868. Nécropsie. — Rien aux méninges, si ce n'est une adhérence peu étendue de la dure-mère à l'hémisphère droit au niveau de la plaie du cerveau. Hémisphère droit.— On constate une petite plaie triangulaire située sur le lobe sphénoïdal à la partie antérieure de la quatrième circonvo- lution, en comptant depuis la scissure interhémisphérique, et sur la 150 partie de cette circonvolution qui dépasse antérieurement la troisième circonvolution qui est la plus courte des quatre. En pénétrant en profondeur, l'instrument a longé la partie inférieure du corps strié droit, en laissant la couche optique en dedans. Il a tra- versé à sa partie externe la bandelette optique droite, dont la moitié environ de l'épaisseur a été dilacérée. Puis, pénétrant, obliquement dans la partie supérieure du pédoncule cérébral droit, la vrille a tra- versé de part en part ce pédoncule, et est ressortie à la base du cer- veau, un peu au-dessous des tubercules mamillaires, et a été arrêtée probablement par les os, qui ne portent pas de trace de lésion. Le point d'émergence de l'instrument forme une petite plaie arron- die, d'un diamètre d'environ 1 millimètre et éloigné, comme suit, des diverses parties voisines : Distance de la partie inférieure des tubercules ma- millaires - 1 millimètres 1/2. — de la ligne interpédonculaire 3 millimètres. — de la partie externe du pédoncule droit.. 8 — — de la partie supérieure de la protubérance. 8 — Le trajet de la plaie est plus ou moins anfractueux, ses parois sont rosées, très-légèrement jaunâtres par place et sont formées par de la substance cérébrale mêlée de sang et dégénérée. L'examen microscopique fait découvrir dans ces parties des débris d'éléments nerveux, une foule de corps granuleux dont les uns sont formés par une simple agglomération de granulations graisseuses, et les autres présentent une enveloppe, un noyau et un nucléole (1). Il y a en outre une très-riche prolifération des noyaux des vaisseaux, et un commencement de formation d'une trame cellulaire interstitielle, et de très-rares granulations dhématosine. L'hémisphère gauche, les tubercules quadrijumeaux et les autres par- ties de l'encéphale sont sains. Les deux yeux ont été examinés et ne présentent aucune altération. On n'a pas non plus constaté, soit à l'œil nu, soit par Texamen mi- croscopique, de dégénéralion descendante de la pyramide antérieure droite, ni de la moitié opposée de la moelle. (l) M. Bouchard a fort bien décrit la différence de ces deux espèces de corps granuleux, dus les premiers à la nécrobiose, les seconds à un travail phlegmasique. (Voy. Thèse de M. Fourneau, p. 110 et suiv. Pa- ris, 1866.) ^ 151 BLESSURE DE l'hÉMISPHÈRE DROIT, ATTEIGNANT LA PARTIE EXTERNE DU CORPS STRIÉ; FORMATION d'uN ABCÈS DANS CE TRAJET; ROTATION DE LA TÈTE ET DES YEUX A droite; MANEGE TRÈS-PRONONCÉ DE GAUCDE A DROITE, Exp. II. — Petite chienne adulte de race terrier. Le 6 décembre 1867, je perfore avec une vrille, offrant un diamètre d'environ 2 à 3 millimètres, la voûte crânienne du côté droit, et j'en- fonce l'instrument à une certaine profondeur dans la substance cérébrale. Il ne se produit aucun symptôme. Je pratique une nouvelle perforation du crâne à peu de distance de la première et j'enfonce plus profondément l'instrument dans l'hémisphère cérébral droit. Aussitôt l'animal se met à tourner de gauche à droite en décrivant un mouvement de manège à court rayon. La tête est légèrement inflé- chie sur l'axe du cou, le vertex étant dirigé du côté gauche de l'animal, et l'œil gauche étant sur un plan inférieur à l'œil droit : le museau au contraire est tourné vers Tépaule droite. Les deux globes oculaires sont dirigés tous deux fortement du côté droit, l'iris gauche atteint l'angle interne, l'iris droit l'angle externe des ouvertures palpébrales, —La sclérotique de l'œil gauche est apparente dans l'angle externe et celle de l'œil droit est apparente dans l'angle interne. En redressant la tête, ce qui se fait facilement, car il ne semble pas y avoir de roideur dans le cou, la déviation des globes oculaires du côté droit apparaît encore plus évidente. En tournant, l'animal se jette souvent sur les objets qu'il rencontre, et paraît ne pas voir bien. On remarque de plus une légère hémiplégie du côté gauche, surtout dans la patte antérieure. L'animal, quand on le pousse, tombe plus fa- cilement sur le côté gauche que sur le côté droit. il décembre. — Les mêmes symptômes ont persisté, et aujourd'hui ils sont encore plus accusés. L'animal souffre et gémit, il est affaissé, quand on le met sur ses pattes, il s'infléchit en arc de cercle, à conca- vité tournée à droite. Le museau est dirigé à droite et se rapproche beaucoup de la cuisse droite, les deux globes oculaires sont tous deux tournés du côté droit. En marchant, l'animal décrit un mouvement de manège de gauclie à droite, en formant un cercle à rayon plus court encore que le jour de l'opération. On sacrifie l'animal par pendaison. Nécropsie. — Hémisplière droit. — Les méninges cérébrales n'ofïVent rien de particulier. On trouve sur la voûte occipitale deux petites plaies : l'une, très-superficielle, a dépassé à peine la substance grise 152 et a été produite évidemment par la première piqûre que j'avais faite. La seconde plaie, située plus en dehors, pénètre profondément et, après avoir traversé la substance blanche du centre ovale, elle atteint la partie externe du corps strié. A ce niveau , il s'est formé un vaste foyer purulent, qui siège surtout au niveau de la base du corps strié, et de l'irradiation pédonculaire. Ce foyer atteint un diamètre qui égale en- viron celui du pédoncule cérébral. Le pus a pénétré dans le ventricule droit et de là a fusé dans le troisième, puis dans le quatrième ventricule, puis, par l'intermédiaire du calanius scriptorius, il s'est répandu sur la partie supérieure de la moelle, qui est entourée de pus et de fausses membranes. On trouve dans ce foyer de nombreux leucocytes granuleux et de vrais corps granuleux sans noyaux, formés évidemment par des granulations graisseuses rassemblées en groupes. Il n'y a pas de dégénération descendante appréciable du pédoncule ni de la pyramide antérieure. V hémisphère gauche est sain, de même que le cervejet et ses pé- doncules. BLESSURE DE l'hÉMISPHÈRE DROIT ; — MANEGE LÉGER DE GAUCHE A DROITE ; ROTATION DE LA TÊTE ET DES YEUX A DROITE Exp. III. — Lapin. — {{) janvier 1868. — Je perfore avec une vrille la voûte du crâne à droite et j'enfonce l'instrument dans la substance cérébrale. Il se produit un mouvement de manège de gauche à droite qui dure deux ou trois minutes. La pupille gauche est contractée, la droite dila- tée, la paupière gauche abaissée. Pas d'hémiplégie notable, hébétude. Après une demi-heure, les pu- pilles sont égales, dilatées, les paupières toutes deux ouvertes. L'ani- mal a une tendance à tourner la tête du côté droit, et quand on l'excite, il tourne plus souvent à droite qu'à gauche. Légère tendance au manège de gauche à droite. Nécropsie. — Hémorrhagie méningée qui entourne la base du cer- veau et le bulbe. La lésion a porté sur la partie externe de Vhémisphère droit, au ni- veau de Tunion du lobe frontal avec le lobe sphénoïdal ; le pédoncule olfactif droit a été légèrement efïleuré. Il y a peu de sang dans les ventricules. Les parties profondes (corps striés, couches optiques, tubercules quadrijumeaux) ne sont pas atteintes. 153 BLESSURE DE L HÉMISPHÈRE DROIT ; PAS DE MANÈGE ; ROTATION LÉGÈRE DE LA TÊTE A DROITE, Exp. IV. — Lapin. — il janvier 1868. — Par ie même procédé, je fais une blessure du cerveau. Il ne se produit pas de mouvement de manège manifeste, mais on remarque que l'animal a une tendance à tourner la tête plutôt à droite qu'à gauche, et quand on l'excite, il se dirige plus fréquemment du côté droit que du gauche. Pupilles égales; les yeux ne sont pas sensiblement déviés. 18 janvier. — Les symptômes précédents ne sont plus appréciables et le lapin tourne tantôt d'un côté, tantôt de l'autre, quand on l'efiFraye. Il est sacrifié. Nécropsie. — Légère hémorrhagie méningée à la base. L'instrument a atteint la partie antérieure et externe du lobe frontal droit ; la sub- stance cérébrale est mélangée à du sang. Le pédoncule olfactif est coupé dans toute son épaisseur. Le corps strié droit est très-légère- ment effleuré à sa partie antérieure et externe. blessure DE l'hémisphère DROIT ET DU CORPS STRIÉ; PAS DE MANÈGE ; ROTATION LÉGÈRE DE LA TÈTE A DROITE. Exp. V. — Lapin. — M janvier 1868. — Même opération. Le lapin ne décrit pas de manège, mais a une tendance à incliner la tête à gauche en portant le museau à droite; les yeux sont peut-être légèrement dé- viés à droite (?), l'œil gauche est plus saillant, la pupille plus dilatée que la droite. Très-léger nystagmus. i% janvier. — Rien d'appréciable, le lapin est sacrifié. Nécropsie. — L'instrument a pénétré l'hémisphère droit au niveau de l'union du lobe frontal avec le lobe sphénoïdal. L'hémisphère a été transpercé, et à la base, la plaie est située à 2 millimètres environ en dehors de la naissance du pédoncule olfactif droit. L'instrument a atteint la partie postéro-externe du corps strié et lé- gèrement la partie antéro-externe de la couche optique. Un foyer san- guin s'étend un peu au-dessous de la couche optique dans l'extrémité antérieure du lobe sphénoïdal. blessure de l'hémisphère droit; couche optique; rotation de la tête et des yeux a droite; tendance au MANÈGE DE GAUCHE A DROITE. Exp. VI. — Lapin. — i'à janvier 1868. — Je perfore le crâne et je fais une blessure du cerveau. La tête est inclinée du côté gauche et en rotation à droite, le museau est dirigé du côté de l'épaule droite. Les yeux sont légèrement déviés 154 à droite, ce que l'on voit surtout en redressant la tête de l'animal; la sclérotique apparaît alors du côté de l'angle palpébral externe à l'œil gauche et du côté de ran2;le palpébral interne à l'œil droit. Quand on excite l'animal, on observe une légère tendance à tourner en manège de gauche à droite, en décrivant un cercle à grand rayon. Nécropsie. — La blessure a porté au niveau du milieu de l'hémi- sphère droit, a traversé le lobe, lacéré la voûte à quatre piliers du côté droit, ainsi que la partie antérieure de la couche optique droite qui est infiltrée de sang. La plaie n'a pas atteint les parties les plus profondes de la couche optique. Le corps strié et les autres parties de l'encéphale sont sains. BLESSURE DE l'hÉMISPHÈRE DROIT ; CORPS STRIÉ ET COUCHE OPTIQUE ; ROTATION DE LA TÊTE ET DES YEUX A DROITE ; MANÈGE DE GAUCHE A DROITE. Exp.'Vir Lapin. —17 janvier 1868.— Môme opération. Le lapin tourne la tête à droite en l'infléchissant légèrement du côié gauche, de manière à diriger un peu le vertex du côté gauche. Les oreilles sont toutes deux à gauche de l'animal. Les yeux sont tous deux manifestement tournés à droite, la sclérotique apparaît à l'angle externe de l'œil gauche et à l'angle interne de lœil droit. Pupille gauche plus dilatée que la droite. Léger nystagmus. Quand on excite l'animal, il exécute un manège à court rayon de gauche à droite. La patte antérieure gauche semble être un peu plus faible que la droite. 18 janvier. — Mêmes symptômes d'hémiplégie gauche très-légère et de rotation en manège de gauche à droite. Pupilles égales. — Le lapin est sacrifié. NÉCROPSIE. — L'instrument a atteint la partie supérieure de l'hémi- sphère droit au niveau de l'union du lobe frontal avec le lobe sphénoï- dal , à 2 millimètres environ de la scissure interhémisphérique. Il a passé en dehors du corps strié droit qui est comme soulevé et détaché, et a atteint la couche optique droite, dont la substance nerveuse est la- bourée et mélangée à du sang. Blessure de la couche optique gauche; rotation de la tête et des yeux A gauche; manège de droite a gauche. Exp. "VIIL — Lapin. — 15 jfawuie?' 1868. — Je pratique par le même procédé une plaie au cerveau. L'animal infléchit la tête du côté droit, la tourne à gauche, le mu- 155 seau étant porté du côté de l'épaule gauche; les deux yeux sont légè- rement déviés à gauche. L'animal, quand on Texcite, décrit un mouvement de manège de droite à gauche dans un grand cercle. 16 jcmvier. — Même état, pupilles égales, tête et yeux tournés à gauche, manège de droite à gauche. 17 janvie?'. — Nécropsie. — On constate sur la face supérieure de l'hémisphère droit, au niveau de la partie médiane, dans le sens antéro-postéiieurelà 1 millimètre environ de la scissure interhémisphé- rique, une petite plaie de 1 millimètre de diamètre environ. En s'enfonçant dans la profondeur, l'instrument a obliqué du côté gauche, a traversé le corps calleux sur la ligne médiane et a atteint la paroi antérieure du troisième ventricule , qui contient du sang, et de la substance cérébrale mélangée au sang. On constate que la paroi gauche du troisième ventricule (couche optique) est labourée et infiltrée de sang, surtout au niveau de sa partie antérieure, tandis que la couche optique droite a été simplement effleurée très-légèrement et offre une consistance et une coloration normales. BLESSURE DE LA COUCHE OPTIQUE GAUCHE ; ROTATION DE LA TÊTE ET DES YEUX A gauche; manège de DROITE A GAUCHE. Exp. IX.— Lapin. — \b janvier 1868. — Je fais par le même procédé une blessure du cerveau. Le lapin tourne la tête du côté gauche et l'incline légèrement à droite les yeux sont dirigés tous les deux du côté gauche, les pupilles sont égales. En marchant, l'animal décrit un mouvement de manège de droite à gauche dans un cercle à court rayon. \Ç, janvier. — Mêmes symptômes. il janvier. — Abattement, pupilles égales, la tête et les yeux sont toujours dirigés à gauche. Le lapin décrit, quand on l'excite, un ma- nège à très-court rayon, de droite à gauche. Il est sacrifié par décapitation. Nécropsie. — Pas d'épanchement sous-méningé. L'instrument a atteint l'hémisphère droit tout près de la partie mé- diane de la scissure interhémisphénque ; il a obliqué à gauche et est allé, en traversant le corps calleux sur la ligne médiane, labourer la couche optique gauche. Il y a là un foyer hémorrhagique formé de sub- stance cérébrale, mêlée au sang, et comprenant toute l'épaisseur de la couche optique. — La couche optique droite est à peine effleurée. Les corps striés n'ont pas été atteints. Je puis rapprocher de ces neuf expériences les expériences IV et VI 156 du Mémoire sur le ramollissement que nous avons présenté en 1865, mon collègue M. J. Cotard et moi, à la Société de biologie ; des chiens, sujets de ces expériences, présentaient en effet à la suite d'une injec- tion d'eau tenant en suspension des graines de tabac une rotation en manège s'opérant du côté opposé à une hémiplégie légère; et l'examen nécroscopique nous montra dans un cas un foyer de ramollissement limité au côté vers lequel s'exécutait le manège, et dans l'autre un foyer de ramollissement dans chaque hémisphère, mais plus caractérisé et plus étendu, en surface et en profondeur, du côté vers lequel s'exécutait le manège. Mouvements de rotation produits par des lésions unilatérales de Cisthme encéphalique. — Aussi apparents chez les vertébrés inférieurs que chez les mammifères, les mouvements produits par les lésions de l'isthme encéphalique sont tantôt un mouvement de manège, tantôt un mouvement giratoire ou de rotation sur l'axe. J'ai signalé plus haut une des causes d'obscurité relativement à la détermination du sens de la rotation sur l'axe ; je ne reviendrai pas ici sur ce sujet, mais je rappellerai simplement que le sens du mouvement sur l'axe est le même que celui du manège, que ces deux mouvements s'exécutent dans le sens indiqué par la déviation des yeux, et que si l'animal se déplace sur le sol dans un sens opposé à la rotation qu'il effectue sur son axe, cela dépend uniquement du frottement du sol. Le sens de la rotation, dans le cas de lésion unilatérale de l'isthme, est variable, suivant le point de l'isthme qui a été atteint, et il n'est pas rare d'observer, pendant les premiers moments qui suivent l'opé- ration, un mouvement de manège dans le sens opposé à celui qui s'éta- blit définitivement quelques minutes plus tard. C'est là une particula- rité que m'a fait observer M. Vulpian. Examinons le sens de ce mouvement de rotation suivant les diverses lésions unilatérales de l'isthme. Magendie (1), spécifiant mieux des phénomènes déjà entrevus par Pourfour du Petit (2) et par Serres (3), observa que la lésion du pédon- cule cérébelleux moyen donnait lieu à un mouvement rotatoire qui se produit toujours du même côté que la section; il remarqua, en outre, que lœil du côté blessé se dirige en bas et en avant, celui du côté opposé est porté en haut et en arrière. Magendie, en faisant une sec- (1) Magendie, Journ. de pliys. expérim., 1824, t. IV, p. 399 et Leçons sur les fondions et les malad. du syst. nerv. Paris, 1839. (2) Pourfour du Petit, Nouv. syst. du cerveau. Paris, 1766. (3) Serres, Journ. de phys. expérim. de Magendie, 1823, t. III. 157 tion du cervelet, de manière à laisser intacts les trois quarts à gauche, et le dernier quart à droite, observa que l'animal roula à droite, et que les yeux se placèrent comme s'il avait coupé le pédoncule droit. M. Longet (1), dans son Traité dUinatomie et de physiologie du système nerveux, avance, de même que Lafargue (2), que la rotation s'effectue, au contraire, du côté opposé à la section d"un des pédon- cules cérébelleux moyens. Depuis lors, M. Longet (3) a émis Topinion que cette différence entre ses résultats et ceux de Magendie tient à ce que le pédoncule moyen contient, en arrière surtout, des fibres non entre-croisées et en avant des fibres entre-croisées. Avec les lésions partielles d"un pédoncule cérébral faites immédia- tement au devant de la protubérance, et un peu au delà, M. Longet observa un mouvement de manège du côté opposé à la lésion; tandis que Magendie, dans des cas de lésion d'un pédoncule cérébral, avait observé un mouvement circulaire du côté de la lésion. M. Claude Bernard (4), en blessant le pédoncule cérébral en arrière de l'origine des trijumeaux, observa que le roulement se faisait du même côté où la section avait été pratiquée. En faisant, au contraire, la section au devant de l'origine des trijumeaux, il observa le tournoie- ment du côté opposé à la section. M. Schiff observa, dans le cas de lésion des parties postérieures d'un pédoncule cérébral, un mouvement rotatoire du côté lésé. M. Brown-Séquard (5), dans les cas de lésion de quelques parties du pédonculr. cérébral situées près de la couche optique, observa un mou- vement circulaire du côté opposé à la lésion ; il obtint une rotation dans le même sens avec des lésions portant sur les parties antérieures et su- périeures du pont de Varole, la partie du bulbe où s'insère le glosso- pharyngien, la partie de la moeelle épinière où s'insèrent les deux ou trois premières paires de nerfs. M. Brown-Séquard observa, au contraire, un mouvement rotatoire du côté lésé, avec les lésions voisines de Tinsertion des racines infé- rieures du nerf vague; il observa, avec M. Martin Magron, le même (1) Longet, Anat. et pliysioL du système nerveux. Paris, 1842. (2) Thèse de Paris, 1828. (3) Voyez Traité de physiologie, 1860, t. II, p. 406. (4) Méni. de la Soc. de biologie, année 1849. (5) Voyez Note sur les mouvements rotatoires dans Jour, de physiologie d\i docteur Brown-Séquard, 1860, t. III, p. 721. 158 sens de rotation lors des lésions du bulbe portant sur les parties ©ù s'insèrent le nerf auditif et le nerf facial. M. Vulpian (1), en blessant lo plancher du quatrième ventricule, ob- serva une rotation de la tête et des yeux du côté opposé à la lésion, quelquefois un mouvement de manège du côté indiqué par la déviation oculaire, quelquefois un roulement sur Taxe, dans le même sens, et un déplacement de l'animal sur le sol dans le sens opposé. JM. H. Paris (2) publia un cas dhémorrhagie de la partie latérale gauche de la protubérance, qui a donné lieu, chez un chat, à un mou- vement de manège de droite à gauche, c'est-à-dire du côté de la lésion. MM. Leven et Ollivier (3), dans des expériences nombreuses prati- quées sur le cervelet, ont observé souvent le mouvement de manège ou des mouvements de rotation s'effectuant le plus ordinairement du côiè opposé au côté lésé, mais quelquefois du côté de la lésion. On voit, par cet exposé, que le sens du mouvement de manège, et du mouvement de rotation sur l'axe produits par des lésions latérales de l'isthme peut varier suivant les parties atteintes. Dans ce cas, comme le fait remarquer M. Vulpian, dans son Cows de physiologie (p. 586) : « Le sens des mouvements de rotation en manège a lieu le « plus souvent du côté opéré vers le côté sain, c'est-à-dire de gauche « à droite, si la lésion est à gauche. Toutefois, il n'est pas rare de voir « le mouvement de manège se faire dans le sens inverse. » Mes expériences personnelles ont confirmé exactement ces don- nées. On doit rapprocher, sous ce point de vue, des lésions de l'isthme, les lésions dune couche optique et d'un tubercule quadrijumeau; les auteurs, comme je l'ai dit, nont pas été tous d'accord à leur égard; mais il est fort possible qu'en attaquant postérieurement la couche op- tique, on excite les parties latérales de Tisthme ; les effets produits sont alors dus à l'isthme encéphalique : on a vu que, dans mes expé- (1) Voyez Effets des lésions du planche?' du quatrième ventri- cule^ etc. {Mnn. de la Soc. de biologie^ année 1861). (2) H. Paris, Jour, de physiologie du docteur Brown-Sèquard, 1860, t. III p. 717. (3) M. Leven et A. Ollivier, Recherches sur la phys. et la path. du cervelet [Arch. gén. de inéd.^ 1862, t. II ) — Voyez aussi, Gratiolet et Leven, Sur les mouvements de rotation sur L'axe que déterminent les lésions du cervelet {Compte rendu Ac, se, 1860). -- Leven, Nouv. rech. sur taphys. et la path. du cervelet [Mém. Soc. de biol., 1864). 159 riences, j ai toujours obtenu, en attaquant de haut en bas la couche optique, une rotation du côté de la lésion. Q lant aux tubercules quadrijumeaux ou bijumeaux, j'ai pu me con- vaincre, par des expériences faites sur des grenouilles dont ces parties sont facilement découvertes, que le sens de rotation varie suivant le point lésé. La rotation m"a paru se faire le plus habituellement dans le sens de la lésion, si celle-ci siège à la partie tout à fait antérieure du tubercule, et du côté opposé si l'on attaque les parties moyennes ou postérieures du tubercule bijumeau : dans ce dernier cas, la rotation est plus prononcée et plus persistante. Ces différences dans les résultats obtenus avec les lésions de l'isthme se conçoivent très-bien quand on songe que les entre-croisements des fibres nerveuses ne sont pas encore complets à ce niveau, comme ils le seront à un niveau plus supérieur. Les expériences précédentes ont été faites en vue de ma thèse inau- gurale (1), dans laquelle je les ai publiées en les comparant à un symptôme assez fréquent et cependant peu connu de l'apoplexie de cause cérébrale, sur lequel M. Vulpian avait attiré mon attention : je veux parler de la déviation conjuguée des yeux et de la rotation de la tête, du côté opposé à l'hémiplégie. M, Vulpian, dans un cours sur la physiologie du système nerveux, qu'il fit en 1864 au Muséum d'histoire naturelle, rapprocha ce phéno- mène des mouvements de rotation observés chez les animaux, et l'an- née suivante, je publiai moi-même dans la Gazette hebdomadaire une courte note à cet égard. J'ai pu réunir 58 observations dont 55 ont été suivies de nécropsie et sont dues en grande majorité à l'obligeance de M. Vulpian et de M. Charcot. En étudiant ces observations et en les comparant aux résultats de mes expériences relatives aux mouvements de rotation observés chez les animaux à la suite de lésions cérébrales unilatérales, j'ai pu démon- trer l'identité de ces phénomènes. On a vu en eff?t, par les expériences rapportées ci-dessus, que la rotation due à une lésion d'un hémisphère cérébral était accompagnée d'une déviation conjuguée des yeux et d une rotation de la tète du côté de l'hémisphère malade. {[) De la déviation conjuguée des yeux et de la rotation de la tète dans certains cas d liémipUgie. Thèses de Paris, 1868, chez V. Masson et fils. 160 Lorsque la lésion siégeait dans l'isthme encéphalique, le sens de ro- tation était sujet à varier, mais s'exécutait dans le sens indiqué par la déviation oculaire. Dans toutes les observations que j'ai pu réunir de rotation de la tête et des yeux accompagnant une lésion du cerveau proprement dit, cette déviation des yeux et de la tête avait lieu du côté de Thémisphère ma- lade, du côté opposé à l'hémiplégie. J'ai cité des cas où cette déviation avait lieu avec des lésions même superficielles du cerveau, mais les cas les plus nombreux étaient dus à des lésions plus profondes se rapprochant du corps strié et de l'irra- diation pédonculaire. Dans quatre observations, au contraire, la lésion encéphalique était située dans l'isthme encéphalique, dans lequel je comprends le cer- velet : la rotation de la tête et des yeux s'est faite trois fois du côté opposé à la lésion et une fois du côté de la lésion. Ajoutons que dans plusieurs de ces observations on a noté une ten- dance à un mouvement de translation, du côté indiqué par la rotation oculaire, ce qui rapproche encore davantage ces phénomènes. Je n'insisterai pas plus longuement sur ces faits qui sont développés dans ma thèse inaugurale, n'ayant l'intention de traiter ici que de la partie purement physiologique de ce mémoire. V Sur l'action de la colchicine chez la grenouille; par le docteur F. Jolyet. Les résultats de nos expériences, relativement à l'action de cette substance chez la grenouille, peuvent être résumés dans les conclu- sions suivantes : 1° La colchicine, injectée sous la peau des grenouilles à la dose de 5 à 10 centigrammes d'une solution au quart, donne lieu, au bout de huit à quinze minutes, à une sorte de tétanos ou convulsion tonique générale, convulsion initiale, bientôt suivie d'une série de petites secousses ou contractions musculaires fibrillaires très-rapides. Cette convulsion se répète spontanément, d'intervalle en intervalle, sous forme d'accès, pendant une demi-heure ou une heure. Par leur forme, ces convulsions offrent de grandes analogies avec celles produites par la strychnine. 2° Pendant tout le temps que durent ces convulsions, et avant même leur apparition, c'est-à-dire quatre à cinq minutes après l'injection, il existe chez la grenouille une excitabilité très-exagérée : les moindres excitations périphériques (l'attouchement de la cornée, un coup frappé sur la table), quelque légères qu'elles soient d'ailleurs, suffisent pour 161 produire les convulsions quand elles n'existent pas. Sous ce rapport encore, exagération de l'excitabilité, la colchicine offre des rapports avec la strychnine. 3° Aux convulsions et à l'exagération de l'excitabilité qui caractéri- sent la première période de l'empoisonnement, succède une période de résolution et d'inexcitabilité. Dans cette période, les mouvements respiratoires qui s'effectuaient encore tout à l'heure, dans l'intervalle des convulsions, ont complètement cessé. Le cœur continue ses batte- ments pour ne s'arrêter que beaucoup plus tard, après dix ou quinze heures. Les cœurs lymphatiques battent irrégulièrement ou ont cessé de battre. Toutefois il est possible qu'en plaçant la grenouille dans des conditions convenables de température et d'humidité, l'arrêt du cœur serait plus éloigné, et peut-être même pourrait-on obtenir la ré- surrection de l'animal. 4° Les convulsions produites par la colchicine ne sont pas le résultat de la modification de la contractilité musculaire causée par une action spéciale de la substance sur les muscles, comme cela a lieu pour la vératrine, mais bien le résultat d'une excitation de la moelle épinière. En effet : a. Ces convulsions se montrent dans le train postérieur de la gre- nouille, isolé préalablement à l'emprisonnement de la circulation gé- nérale par une ligature qui ne laisse persister que la circulation ner- veuse, de la même manière que lorsque la grenouille est intacte. b. Les membres postérieurs n'éprouvent pas de convulsions dans l'expérience inverse, c'est-à-dire dans le cas où l'on interrompt la cir- culation nerveuse dans ces membres par la section des nerfs lombaires, mais laissant intacte la circulation générale. De plus on ne peut les y produire par l'excitation des bouts périphériques des nerfs lombaires coupés, excitation qui ne provoque qu'une contraction brusque, cessant avec l'excitation. 5" La colchicine possède aussi une action sur les muscles, dont elle modifie la contractilité ; sous ce rapport elle se rapproche de la véra- trine. Cette action est plus lente à se produire que la précédente et n'est point encore manifeste au moment où les convulsions existent déjà. La modification de la contractilité musculaire est plus marquée dans les muscles qui ont subi le contact direct de la substance. Les expériences dont nous venons de donner les résultats ont été faites dans le mois de juillet dernier avec une colchicine fournie par M. Fontaine, fabricant de produits chimiques à Paris. J'ajoute que ré- cemment j'ai vu une autre colchicine fabriquée chez M. Merck (de Darm- stadt), laquelle m'a paru présenter dans son action d'assez grandes différences avec la précédente. La colchicine étant un alcaloïde assez C. R. . 11 . 162 mal défini, on la trouve dans le commerce sous des états assez diffé- rents : sous l'aspect d'une poudre jaunâtre complètement soluble dans l'eau, comme celle qui nous a servi, ou incomplètement soluble et offrant alors l'aspect d'une émulsion (colch. Merck), ou même ayant une apparence de résine. On comprendra, d'après cela, combien il est im- portant, dans des expériences ayant pour objet de déterminer l'action des substances de ce genre, d'indiquer leur provenance. 3" Recherches sur l'action physiologique de la cocaïne ; par M. Jolyet. En 1860, Niemann de Goslar réussit à extraire la cocaïne des feuilles de Terythroxylon coca du Pérou. Depuis cette époque, ce nouvel al- caloïde n'a été étudié que sous le point de vue purement chimique par Wœhler et d'autres chimistes allemands. Après avoir obtenu pour ma part ce même alcaloïde en quantité assez considérable par un procédé qui m'est propre et dont je n'ai pas à m'occuper ici, j'ai étudié l'action que cet agent pouvait exercer sur l'organisme sain ou malade, et pour cela j'ai suivi la seule méthode ra- tionnelle applicable à ce genre de recherches, c'est-à-dire la méthode expérimentale. J'ai institué à cet effet des expériences, d'abord sur les animaux, et ensuite sur l'homme à l'état de santé. Je viens aujourd'hui exposer sommairement les résultats auxquels je suis arrivé jusqu'à présent. Je commence par l'action qu'exerce la cocaïne sur le système ner- veux; ensuite je présenterai un certain nombre d'expériences sur les- quelles s'appuient ces résultats. En résumé : 1° L'acétate de cocaïne, ainsi que ses sels solubles à faible dose (0,003 à 0,01 cent., chez les grenouilles, par exemple), excite la sensi- bilité ou, si l'on veut, l'excitabilité, et diminue la motilité. 2° A doses un peu plus élevées (0,01 à 0,025 cent., toujours chez les grenouilles), ces animaux perdent le pouvoir coordinateur des mouve- ments, ne peuvent plus se transporter d'un point à un autre, tout en conservant la sensibilité. 3° A doses plus élevées (0,04 à 0,06) la sensibilité diminue, puis dis- paraît complètement; le pouvoir excito-moteur ne disparaît jamais. 4° A doses fractionnées, tétanos caractérisé (grenouilles, cabiai); si la dose n'a pas été poussée jusqu'à certaines limites, les animaux se ré- tablissent; ils meurent au contraire dans l'autre cas. 163 4" Sur l'action de divers sels purgatifs sur l'intestin , spécialement CHEZ LA grenouille (1); par M. Jolyet. J'ai pu constater de visu dans les expériences que j'ai l'honneur de communiquer à la Société l'action des sels neutres purgatifs sur l'in- testin. Sur des grenouilles empoisonnées par le curare, pour plus de commodité dans l'expérience, j'ouvre sur son bord libre, dans une éten- due de 1 à 2 centimètres, l'intestin sorti par une plaie de l'abdomen ; et, sur la muqueuse légèrement essuyée des sucs qui l'humectent, je place en un point une très-petite quantité de poudre de sulfate de soude sur une grenouille et de poudre de sulfate de magnésie sur une autre. Au bout de quelques instants, la poudre des sels est envahie par le li- quide qu'on voit sourdre autour d'elle, et bientôt (deux à trois minutes, plus ou moins) toute la surface muqueuse de l'intestin , mise à nu , se trouve couverte d'une nappe de fluide intestinal aqueux. On obtient des effets analogues au moyen du sulfate de potasse, du tartrate de potasse et de soude. Les divers sels purgatifs ne provoquent pas cette exhalation aqueuse avec la même intensité et la même rapidité. Si tandis qu'avec les sul- fates de soude et de magnésie, le tartrate de potasse et de soude, la sécrétion séreuse excitée est presque immédiate, avec le tartrate neutre de potasse, le sulfate de potasse, elle ne commence qu'au bout de deux à trois minutes; avec le bitartrate, elle est moins rapide encore; enfin, avec le tartrate potassique, il y a à peine action au bout de huit à dix minutes. L'exhalation aqueuse n'est excitée qu'au point où les sels sont en contact avec la muqueuse intestinale; ce n'est que lorsque le fluide sécrété en ce point, et tenant ce sel en dissolution, s'étend sur la sur- face de la muqueuse, que les parties plus éloignées prennent part à la sécrétion. On peut constater au bout de quelques minutes, après que la sécré- tion a été excitée, qu'il existe une congestion assez marquée de la mu- queuse intestinale. Dans une expérience que j'ai faite sur un rat blanc non curarisé, j'ai pu constater les effets des sels purgatifs sur l'intestin grêle, identiques à ceux que je viens d'indiquer chez les grenouilles. Au point de contact avec la muqueuse, le sulfate de soude excita sur lui, au bout de vingt (1) L'idée de ces recherches sur l'action des sels purgatifs sur la mu- queuse intestinale, par le mode expérimental spécial qui m'a servi, est due à M. Vulpian, qui déjà avait entrepris ces expériences, et qui a bien voulu m'engager à les poursuivre. 164 à trente secondes, une sécrétion d'un fluide aqueifx qui couvrit bientôt toute la surface de la muqueuse mise à nu ; en même temps cette por- tion de l'intestin fut prise de petits mouvements péristaltiques et anti- péristaltiques. Mêmes effets, mais moins rapides, sur un autre point de l'intestin, avec le sulfate de magnésie ; effets moins rapides encore avec le tartrate de potasse et de soude, le sulfate de potasse. Pour l'action, le tartrate potassique se place ici encore le dernier. Les faits précédents sont l'observation qui me servira comme point de départ d'expériences nouvelles sur l'action des sels purgatifs, dont j'aurai l'honneur d'entretenir ultérieurement la Société. — M. MoRÉNO Y Maïz communique à la Société des recherches qu'il a entreprises depuis longtemps sur l'action physiologique de V erylhroxy- lum coca (du Pérou) et de la cocaïne. La cocaïne lui a surtout servi pour ces expériences, et pour l'obtenir, il a employé un procédé un peu différent de celui qui avait été mis en usage avant lui par Niemann. C'est l'acétate de cocaïne qui lui a paru se prêter le mieux aux études physiologiques. Il a été amené par ses recherches aux conclusions suivantes : 1° La cocaïne détermine des phénomènes qui la rapprochent de la strychnine, convulsions tétaniques, soit spontanées, soit provoquées par la moindre excitation. Mort. 2° A faible dose, la cocaïne détermine une excitation remarquable de la sensibilité, la dilatation de la pupille, la diminution des mouve- ments; les animaux semblent avoir perdu le pouvoir coordinateur des mouvements. 3° Enfin, à doses plus élevées, elle produit la diminution, puis l'é- puisement de la sensibilité, sans que la motricité soit abolie complète- ment. Dans tous les cas, les pupilles restent dilatées. M. Moréno y Maïz met sous les yeux de la Société plusieurs gre- nouilles sous la peau desquelles il a injecté des doses variées de solu- tion d'acétate de cocaïne, et il montre les diverses phases de l'intoxi- cation par cette substance (1). (1) Le 9 janvier 1868, M. Moréno y Maïz a présenté à la Faculté de médecine de Paris, cemme thèse inaugurale, un travail très-étendu in- litulé : Recherches chimiques et physiologiques sur /'erythroxylum coca du Pérou et la cocaïne. 16§ II. — Pathologie expérimentale. Greffe d'un chancre induré sur un cochon d'Inde; par MM. Ch. Legros et Michot. On a souvent tenté d'inoculer des chancres indurés à des animaux , et les résultats ont toujours été douteux ; nous avons pensé que l'on arriverait à un résultat plus certain par la greffe. Un chancre induré parfaitement constaté ayant été enlevé avec le prépuce sur un malade à l'hôpital du Midi, nous avons pris un fragment de l'induration et nous l'avons introduit sous la peau du dos d'un co- chon d'Inde ; une suture réunit les bords de la plaie et pendant plusieurs jours il n'y eut rien de nouveau; mais après douze jours on apercevait une ulcération très-petite recouverte d'une croûte. Cette ulcération taillée à pic grandit peu à peu, et l'on sentait dans l'aine une véritable pléiade ganglionnaire; il n'y avait pas d'induration au-dessous de l'ul- cération, mais plutôt de l'empâtement. Deux mois après la greffe, la perte de substance, toujours recouverte d'une croûte, avait le diamètre d'une pièce de deux francs. Est-ce un chancre? Nous n'oserions l'affirmer, malgré l'aspect carac- téristique; on ne pourra en être certain que s'il survient d'autres acci- dents; jusqu'ici on remarque seulement que l'animal est triste et souf- frant. Nous devons ajouter que des greffes analogues ont été répétées sur deux chiens, quatre rats, quatre cochons dinde ; sur les deux chiens et les rats, rien n'est survenu ; deux des cochons d'Inde ont présenté des ulcérations; un seul a pu être conservé, c'est celui que nous avons montré à la Société. III. — Thérapeutique. De l'emploi de la fève de Calabar dans le traitement du tétanos; par M. Bourneville, interne des hôpitaux de Paris. La fève de Calabar est connue depuis quelques années à peine, et déjà le nombre des maladies contre lesquelles on a cru devoir mettre ses propriétés à contribution est assez considérable. On l'a administrée dans des affections morbides de nature bien différente; mais c'est prin- cipalement dans les maladies du système nerveux que cet agent a été utilisé. Et cela devait être, car les phénomènes physiologiques les plus frappants, produits par la fève de Calabar, portent sur le système ner- veux. En 1860, durant notre internat à la Salpêtrière, nous avons donné, sous la direction de M. Delasiauve, la fève de Calabar à des épilep- 166 tiques. Nous dirons plus tard les résultats, peu encourageants d'ailleurs, que nous avons obtenus contre le mal caduc. Aujourd'hui, notre but est de relater l'histoire d'un malade qui fut atteint du tétanos consécu- tivement à une plaie communicante du genou. Nous avons pu voir, dans ce cas, grâce à l'obligeance de notre cher maître, suivre les effets du médicament et vérifier les assertions d'un médecin anglais, M. Eben Watson, qui, l'an dernier, a prescrit avec succès la fève de Galabar contre le tétanos. Avant d'entrer dans la pratique, l'idée de donner la fève de Calabar dans le tétanos existait déjà en théorie. Depuis plusieurs années M. Mil- ler (d'Edimbourg) (1) et M. Eb. Watson avaient déclaré que l'usage de la fève de Calabar pourrait rendre des services dans le traitement de cette terrible maladie. Aussi, deux malades atteints de tétanos étant entrés presque simultanément dans les salles de M. Eb. Watson (2), ce médecin s'empressa-t-il de vérifier cette hypothèse, encouragé du reste par M. Christison, si compétent en pareille matière. Toutefois un essai incomplet avait été tenté en 1866 par M. Holmes Coote (3). Ces détails historiques rappelés, nous allons résumer l'observation que nous avons recueillie. PLAIE COMMUNICANTE DU GENOU DROIT; AMPUTATION DE LA CUISSE; TÉTANOS; FÈVE DE calabar; MORT. Obs. — Merl... (Alexandre), 9 ans, est entré le 6 juin 1867 au n" 2 de la salle Saint-Côme. Une heure auparavant, en voulant sauter sur une de ces voitures basses qui servent à transporter les pierres de taille, il a manqué son coup, s'est pris la jambe entre deux traverses et a été entraîné pendant quelques instants. Au moment de l'admission, plaie d'aspect grisâtre (poussière) au niveau du genou droit, longeant la base de la rotule et mesurant S à 10 centimètres; contusion du pied avec ecchymose autour de la malléole externe. Les parents fournissent, sur les antécédents de leur enfant, les dé- tails qui suivent. A 9 ans, convulsions répétées durant deux heures ; elles auraient exercé une influence sur le développement de l'enfant, car antérieurement aux convulsions il commençait à marcher, et après elles il resta six mois sans pouvoir se soutenir sur les jambes. Pas de (1) System ofSurgery, p. 515. (2) Ctinicat reports ontwo cases of traumatic tetanussuccessfuUy treated by Calabar bean. (TheLancet, 2 mars 1867.) (3) Particuiars of the treatment of a case of tetanus in which the Calabar bean was freely administered. (The Lancet, 26 mars 1866, p. 328.^ 167 scrofules. Fluxion de poitrine à 6 ans. Enfin, il y a six mois, il a été soigné par M. le docteur Colin pour une scarlatine suivie d'albuminurie. 7 juin. La plaie a été lavée, cependant elle est toujours grise et elle exhale une odeur infecte. Après avoir chloroformé l'enfant, M. Giraldès constate que la plaie communique avec l'articulation du genou : on in- troduit aisément le doigt entre la rotule et la poulie intercondylienne. La nuit a été mauvaise : agitation incessante, insomnie. 8-9. Même état; pas d'albumine dans les urines. 1 1-12. Gonflement considérable autour de la plaie qui donne un pus fétide et séreux. La peau circonvoisine est lisse, rouge, tendue. Pouls fréquent et fort. Inappétence, langue saburrale, constipation. Lavement purgatif; injections d'eau chlorurée dans la plaie. Les parents s'oppo- sent à l'amputation. 16. L'enfant, dont l'agitation s'était un peu calmée, présente ce soir des accidents nouveaux : face grimaçante; légère contraction de l'or- biculaire des paupières ; douleurs vers les articulations de la mâchoire inférieure. On consent à l'amputation, qui est pratiquée le 17 juin. Les phénomènes nerveux persistent. Toutefois, dans l'après-midi, ils ont diminué. Anorexie ; 2 selles. Examen de la cuisse amputée. Rotule entièrement détachée de l'ar ticulation; les bords du cartilage qui revêt sa face postérieure sont libres, dentelés. Ligaments croisés, rouges, ramollis; l'un d'eux est presque détruit. Les cartilages de Textrémité inférieure du fémur sont à peu près normaux, mais ceux des condyles du tibia offrent de larges plaques vascularisées dont la coloration ne disparaît pas, même après des lavages répétés. Toutes les parties molles qui environnent l'articu- lation sont infiltrées de pus, épaissies, fongueuses. En arrière on trouve, au-dessous du muscle poplité, un petit foyer purulent communiquant avec l'articulation. Les fibres musculaires sont décolorées. Ecchymose au niveau de la malléole externe. En incisant les téguments, on décou- vre un épanchement de sang ayant 2 centimètres d'épaisseur et remon- tant à 10 centimètres au-dessus de la malléole. La malléole externe est séparée du corps du péronée. Il y avait eu arrachement de Tépiphyse. 18. Nuit mauvaise : insomnie, agitation, plaintes, cris. Ce matin on note l'état suivant : face plus grimaçante qu'hier, contracture des pau- pières, pupilles normales, contraction des muscles des lèvres, resser- rement des mâchoires, pas de gêne de la déglutition. Roideur des mus- cles des régions latérales du cou. La respiration, à 39, ne paraît pas gênée; pouls à 120; température axillaire 38° 4/5. Poudre de fève de Calabar, 40 centigr. en 8 pilules (1 pilule toutes les heures) ; julep avec 08',05 d'extrait de fève de Calabar (une cuillerée toutes les deux heures). 168 Six heures du soir. Pouls 120 ; respiration 33 ; température 38' 3/5. Plaintes fréquentes; il dit souffrir de son moignon, et quand les dou- leurs sont plus vives, le front se plisse, les paupières se convulsent davantage ainsi que les mâchoires. Dysphagie. La flexion de la tête s'exécute assez facilement, mais l'extension est douloureuse ; parfois grincement des dents. Hallucination de Touïe : le malade s'imaginait entendre crier une souris et cherchait à la chasser tout en déclarant ne pas la voir. Il a pris régulièrement la fève de Calabar. 19 Pouls 136; respiration 36 ; température dS" 3/5. Hier soir, à partir de huit heures et demie, M. Giraldès a prescrit une émulsion avec I gramme de fève de Calabar, potion que l'enfant a fini de prendre ce matin à dix heures et demie. Il a dormi trois heures consécutives ; les symptômes sont à peu près les mêmes qu'hier. Le malade se plaint sans cesse d'avoir trop chaud. Emulsion avec 1 gramme de poudre de fève de Calabar. Six heures du soir. L'agitation a reparu :cris, etc., secousses dans les membres. Soif très-vive, l'enfant peut encore, quoique avec peine, allonger la langue qui est recouverte d'un léger enduit blanchâtre. Sueurs abondantes ayant nécessité le changement du linge. En revanche les urines sont rares. Pouls 136 ; respiration 36 ; température 38° 4/5. Le malade accuse toujours une chaleur extrême. 20. Pouls 144; respiration 36; température 38° 3/5. Nuit passable. A la visite, le cou, plus roide qu'hier, est médiocrement porté en arrière. Même expression de la physionomie ; les autres symptômes ne sont pas modifiés. Pas de dyspnée. Depuis onze heures du soir jusqu'à ce matin huit heures, le malade n'a rien pris. Nouvelle émulsion de fève de Calabar, l6',50; thé au rhum. 6 heures du soir. La figure paraît plus naturelle ; la contracture des muscles des lèvres et des mâchoires semble diminuer ; la tension des muscles de la tête est la même. Soif toujours ardente, sueurs copieuses, constipation malgré l'administration d'un lavement, sensibilité normale. Nouvelle émulsion de fève de Calabar, \^%bO. Minuit. Mouvements brusques dans tous les membres, principale- ment dans le moignon, où ils ont déterminé un écoulement sanguin, d'ailleurs sans importance. Face pâle; l'enfant dit avoir très-froid; oppression notable, respiration précipitée, pouls très-petit, tempéra- ture 40 degrés. Douleurs vives dans le cou. Soif intense. Cet état a duré trois quarts d'heure, puis le malade s'est plaint d'avoir trop chaud. II appelait à son secours, prétendant qu'il allait tomber. Pendant la période de froid les pupilles étaient contractées. 21. Pouls 136; respiration 48; température 37° 4/5. Insomnie. Les yeux sont à demi fermés, le front est ridé, les commissures labiales 169 sont tirées ; de là une physionomie telle qu'on dirait que l'enfant va pleurer. Il essaye de se déchirer la figure ; plaintes, agitations. Mâ- choires contractées; la déglutition est redevenue plus difificile ; pas de salivation exagérée; la tête est assez fortement portée en arrière; le menton ne peut plus être abaissé vers le sternum. Urine à peine ; sueurs copieuses. Suppression de la fève de Calabar. Ces phénomènes se sont accentués de plus en plus. A une heure la déglutition était à peu près impossible, le liquide restait dans la bouche malgré les efforts de l'enfant pour l'avaler. Le cou était plus tendu, la respiration entravée; dans la soirée il succombait. Autopsie le 23 juin. Pas de rigidité cadavérique. Putréfaction avan- cée. Au niveau du moignon, du ventre, du cou, de l'articulation du coude, la peau présente des taches verdâtres. En pressant le moignon, en appuyant sur le ventre, le cou, etc., on perçoit une crépitation très-fine. Thorax. Quelques adhérences légères et anciennes des plèvres. Em- physème sous-pleural. Les vésicules pulmonaires paraissent distendues; congestion médiocre à la base des poumons. L'incision des veines caves, particulièrement de l'inférieure, donne lieu à un sifflement assez fort. Lorsqu'on serre dans la main les ventricules du cœur, plongé dans l'eau, on voit sortir un grand nombre de bulles de gaz. Tissu du cœur mou. Les cavités cardiaques ne renferment qu'un peu de sang noir liquide. Abdomen, Distension considérable de l'intestin par des gaz. Rate volumineuse, parenchyme mou. Foie assez gros, verdâtre; au-dessous de son enveloppe péritonéale on trouve des vésicules de la grosseur d'une noix, renfermant des gaz. Légère anémie de la substance corticale des reins. Crâne. Injection médiocre de la pie-mère, plus forte en arrière. Les veines contiennent une quantité notable de bulles gazeuses; elles sont pour ainsi dire remplies de gaz. La section des sinus de la dure-mère produit un sifflement dû à l'issue des gaz qu'ils contenaient. Les enve- loppes du cerveau se détachent facilement. Cerveau volumineux, cir- convolutions profondes ; les deux substances , à l'œil nu, semblent saines. Peu de liquide céphalo-rachidien. La pie-mère spinale est légè- rement injectée. La moelle, examinée au microscope par M. Ch Bou- chard, a paru normale. L'histoire de notre malade, par sa terminaison fatale, est en contra- diction avec les résultats obtenus par M. Eb. Watson. A quoi attribuer cette différence? Est-ce à la marche de la maladie, à la dose employée, au mode de la préparation? La quantité de fève de Calabar administrée '^'.^ 170 était-elle suffisante? Au premier abord, en comparant les quantités prescrites par le médecin anglais avec ceiles qui ont été ordonnées par M, Giraldès, nous avions pensé que la dose avait été trop faible pour exercer une action sur le système nerveux. Afin de vérifier cette sup- position, nous avons procédé à l'expérience suivante. Expérience I. — Gabiai, 2 mois et demi ; en digestion. 17 octobre. A partir de neuf heures du matin ingestion, toutes les heures, dans l'estomac, d'une cuillerée à café d'une potion ainsi com- posée : Emulsion 125 grammes. Poudre de fève de Calabar 2 — A onze heures, suspension du médicament. Quelques tremblements, plus marqués au moment de l'inspiration. Reprise de la fève de Calabar à six heures trente minutes. A sept heures, malaise, nausées ; écoulement de mucus nasal , trem- blements dans les pattes ; poil hérissé. A huit heures l'animal avait pris la valeur de 1^',75 de poudre de fève de Calabar. Convulsions cloniques presque généralisées, poil hérissé ; plaintes. Bave ; larmes abondantes : une selle solide. Huit heures vingt minutes. La sécrétion de la salive et des larmes augmente ; selles dures mélangées de glaires. Les secousses sont plus fortes, très-rapides, et ont gagné les muscles abdominaux ; l'animal est impuissant à se soutenir. — Huit heures vingt-cinq minutes. Injection hypodermique de quinze gouttes d'une solution de sulfate d'atropine (0^%30 pour 30 grammes d'eau). De huit heures trente à huit heures cinquante minutes, l'état con- vulsif est resté le même; mais les sécrétions nasale, buccale, etc., loin d'être exagérées, paraissent ralenties. Dix minutes plus tard, le cabiai se soulevait sur les pattes antérieures ; les postérieures sont toujours le siège de convulsions cloniques ainsi que le tronc et la tête. Peur au moindre bruit. Neuf heures trente minutes. Le cabiai se promène; sa démarche toutefois est incertaine. Les tremblements persistent au tronc; ils ont disparu dans les membres. — A dix heures l'animal, en partie revenu à son état normal, conservait un peu de faiblesse dans le train de der- rière. Le lendemain matin (18 octobre) il était totalement remis. Nous croyons pouvoir inférer de cette expérience que la dose de fève de Calabar donnée au malade de la salle Saint-Côme avait impressionné l'organisme. Aurait-on pu relever sans inconvénient? C'est là une 171 question qu'il serait imprudent de trancher, l'expérimentation clinique étant incomplète sous ce rapport. L'inefficacité de la fève de Calabar, dans ce cas, ne serait-elle pas attribuable plutôt à la marche de la maladie? Chez cet enfant, en effet, le début a été brusque et non pas insidieux comme chez les malades de M. H. Coote etEb. Watson. En outre, ils se sont succédé avec une rapi- dité bien plus grande. Or, dans de semblables circonstances, la plupart des médicaments échouent. Les succès relatés quotidiennement par les journaux, mis à l'actif de tel ou tel agent, tiennnent peut-être, et c'est là une opinion exprimée par M. Giraldès dans sa leçon sur le tétanos, à la chronicité, c'est-à-dire à la lenteur de l'évolution des symptômes. Une autre particularité qu'il faut noter dans l'expérience précédente et que nous ne devons point passer sous silence, c'est la guérison par Vatropine des accidents engendrés par la fève de Calabar. Plusieurs physiologistes (1) ont déjà mentionné des expériences analogues, et la nôtre vient appuyer leurs conclusions. La guérison, nous le répétons, n'était pas douteuse, car (Exp. II), chez un cabiai plus vieux, plus fort que le premier, nous avons administré, par la même voie, 1 gramme de poudre de fève de Calabar en émulsion, et cette dose a été mortelle. Mais cette opposition entre les phénomènes dus à la fève de Calabar et ceux que produit Tatropine, mérite d'être traitée à part. C'est ce que nous nous proposons de faire, ayant déjà, sur ce sujet, quelques expé- riences intéressantes. (1) Kleinwatcher, Berl. Klin. Wochscbr, 38, 1864. — Harley, The Ricn- MOND MED. JOURN., 1866, n" 1. ADDITIONS AUX SÉANCES PRÉCÉDENTES Séance du 26 mai. ANATOMIE. Note sur la structure des canaux périvasculaires des centres nerveux; par R. Lépine, interne des hôpitaux. Nous nous proposons de communiquer sommairement dans la note suivante le résultat de nos recherches sur la structure des canaux qui entourent les vaisseaux sanguins des centres nerveux. Elles ont été faites, pour la plupart, sous les yeux de notre savant maître M. Charcot. Le nombre des cervaux que nous avons examinés soigneusement à ce point de vue spécial dépasse quarante. Ils appartenaient à des sujets de tout âge, mais surtout à des vieillards. La préparation à l'état frais est des plus simples. Sur une coupe an- téro-postérieure du corps strié, il est très-facile de saisir avec des pinces fines un vaisseau d'un calibre un peu considérable, et de l'extraire à l'aide d'une traction modérée. On le dépose sur une lamelle de verre et l'on étale avec précaution dans une goutte de sérum ou d'eau les fines branches qui s'en détachent. On peut avec avantage le colorer par l'addition d'une goutte d'une solution très-faible de carmin ou de fus- chine; mais il faut éviter l'emploi de l'acide acétique ou de la glycérine. La description suivante se rapporte exclusivement aux vaisseaux de moyen calibre du corps strié. En examinant avec attention l'espace clair qui s'étend de chaque côté du vaisseau en dehors deTadventice, et qui est limité par un bord net, on peut remarquer qu'il renferme un nombre variable d'éléments. 174 M. Robin, dont la description (1) est actuellement reproduite par tous les auteurs français, pense que tous ces éléments sont des éléments flottants dans la cavité périvasculaire, laquelle est limitée par une « membrane amorphe ou à peine striée. » Nous pensons, au contraire, que ces éléments, qui d'ailleurs ne ressemblent pas tous à des globu- lins, comme le prétend M. Robin, sont poui^ la plupart fixes et font partie intégrante de la paroi du canal périvasculaire. Si en effet on exerce sur la lamelle de verre supérieure de légères pressions, si on lui fait subir de petits mouvements de glissement sur la lamelle de verre inférieure, on peut facilement constater que la plupart des éléments se meuvent sans perdre leurs rapports récipro- ques. Ils ne flottent donc pas librement dans le liquide qui remplit l'es- pace périvasculaire; mais ils sont disposés les uns à côté des autres et enchâssés dans une couche mince d'une substance qui présente fréquem- ment des stries très-accusées, et qui est constituée par des faisceaux extrêmement minces et délicats de tissu conjonctif. Cette couche conjonctive est étroitement appliquée à la face interne de la membrane hyaline amorphe qu'a décrite M. Robin. D'autre part, elle est de distance en distance rattachée à l'adventice par des trabé- cules. Lorsqu'on abaisse le foyer de l'objectif avec une grande lenteur, on voit d'abord les éléments qui forment la couche constituant le demi- cylindre supérieur du canal ; puis on ne trouve plus d'éléments ; enfin en continuant à abaisser le foyer, on tombe sur les éléments du demi- cylindre inférieur; de même que lorsqu'on examine l'artère elle-même, on voit successivement, en abaissant le foyer, le demi-cylindre supé- rieur, la cavité du vaisseau et le demi-cylindre inférieur. Parfois, sous l'œil de l'observateur, la membrane hyaline amorphe se sépare de la membrane conjonctive sous-jacente : on voit alors celle- là former comme une petite ampoule hémisphérique. Cette séparation est évidemment le résultat dun phénomène d'endosmose. Jamais il ne se trouve d'éléments dans la cavité artificielle qui est produite par le décollement des deux membranes dont nous venons de parler. Les éléments qui font partie de la paroi du canal périvasculaire sont de forme et d'aspect extrêmement variables. Quelquefois on ne voit que des éléments ovalaires constitués par un noyau ressemblant beaucoup au noyau des capillaires sanguins, et entourés d'une couche de protoplasma peu apparente. Le plus souvent, il existe autour du noyau une cellule très-distincte et dont la limite est à une certaine distance du noyau. (1) Ch. Robin et Mercier, Mémoire sur C tiéniatoïdine , etc. Mém. de LA Soc. DE BioL., 1855, p. 142. Ch. Robin, Joirn. de la physiolog., 1859, p. 543. 175 Habituellement des granulations situées à la périphérie de la cellule contribuent à accuser très-nettement son contour. Ces cellules ont été dès 1851 très-bien décrites par M. Virchow dans le passage suivant que je traduis textuellement : « Les cellules sont de caractère indiffé- rent; tantôt ce sont de simples cellules granuleuses rondes qui, par l'addition d'acide acétique, montrent un noyau encoche ou plusieurs noyaux; tantôt elles se transforment en corps granuleux et en amas de granulations graisseuses (1). » Quoique leur forme soit sujette à de grandes variétés, on peut dire toutefois qu'elles sont plutôt en général fusiformes. Leurs prolongements sont en rapport les uns avec les autres. A côté de ces éléments se voient des granulations dhématoïdine de grosseur variable que M. Robin, à tort selon nous, dit flotter dans la cavité. Chez le vieillard, j'ai rencontré presque toujours à côté ou à la place des cellules fusiformes, des vésicules sphériques volumineuses se pré- sentant sous l'aspect de cercles à double contour extrêment fin et en un point de la périphérie, desquelles se trouve le noyau précédemment décrit et qui a conservé tous ses caractères. Ces éléments vésiculeux peuvent présenter un diamètre variant entre trois , quatre et cinq fois le grand diamètre du noyau. J'ai vu pour la première fois ces vésicules, avec mon maître et ami le docteur Ranvier, dans un cas où elles étaient très-abondantes, et depuis je les ai rencontrées en plus ou moins grand nombre chez presque tous les vieillards dans les espaces périvascu- laires du corps strié, et quelquefois dans ceux de la moelle. Le meil- leur réactif, pour bien observer ces vésicules, est l'eau ; dans la gly- cérine, elles pâlissent de telle sorte qu'elles cessent d'être visibles. L'acide acétique les détruit et ne laisse subsister que le noyau. On ne peut supposer qu'elles sont un produit artificiel de la préparation et qu'elles sont dues au gonflement par l'eau des cellules normales de la gaîne ; car l'étude des différents degrés de leur développement réfute cette supposition, et d'ailleurs on les voit avec la plus grande netteté quand on fait la préparation exclusivement dans le sérum iodé. Ces cellules vésiculeuses peuvent facilement se détacher de la mem- brane où elles adhéraient, et alors elles flottent dans la cavité; mais il est facile de se convaincre par l'étude des formes de transition qu'elles se sont développées aux dépens des cellules fusiformes mentionnées précédemment; et fréquemment on observe encore des prolongements qui les unissent deux à deux. Dans d'autres cas, on ne rencontre pas (1) Virchow. Uebe?- die Erweiterung kleinerer gefaesse, Archiv. fur PATH. ANAT., Bd III, hoft 3, S. 444, 1851. 176 de cellules vésiculeuses, mais on trouve des lambeaux adhérant à la surface interne de la gaîne, et que l'on peut faire flotter dans la cavité en pressant légèrement sur la lamelle de verre supérieure. Ces lambeaux possèdent un noyau et quelquefois deux ou trois : l'étude de degrés moins avancés de développement permet dans ces cas d'affirmer que l'on a sous les yeux les débris des mêmes vésicules qui, arrivées à une cer- taine période, ont éclaté. Lorsque le lambeau renferme deux ou trois noyaux, il répond à deux ou trois vésicules qui avaient conservé leurs relations. Dans un travail sur l'anatomie normale et pathologique des plexus choroïdes, E. Hœckel a parfaitement vu les transformations successives que peuvent subir les cellules conjonctives du stroma des plexus cho- roïdes et qui aboutissent à une formation kystique. La plupart des formes représentées dans sa figure 6 sont la reproduction parfaitement exacte de ce que j'ai vu moi-même dans les canaux périvasculaires (1). M. Bouchard (2) (Bull. Soc. anat., 1864) a interprété de même des métamorphoses parfaitement semblables qu'il a pu observer dans un cas de tumeur de l'arachnoïde. Les éléments cellulaires dont nous venons de parler sont moins nom- breux et moins faciles à apercevoir dans les cas où il y a production abondante sur la gaîne de noyaux conjonctifs très-réfringents, plus pe- tits que les noyaux normaux précédemment décrits, état pathologique qui n'est pas rare chez le vieillard (péri-artérite). Il semble que les pre- miers soient détruits, au moins en partie, par la production anormale des seconds. M. His (3), à qui l'on doit les recherches les plus importantes sur les ca- naux périvasculaires des centres nerveux, affirme avoir constaté, à l'aide de la méthode de l'imprégnation par le nitrate d'argent, que les élé- ments qui revêtent les grands canaux périvasculaires de la moelle ont l'apparence d'un épilhélium. On sait d'ailleurs que cette dénomination d'épithélium ne préjuge rien quant à la nature des éléments, puisque, pour M. His lui-même (4), tous les revêtements des cavités de l'organisme (séreuses, cavités vasculaires, etc.) doivent être regardés comme du tissu conjonctif. Moi-même, au début de mes recherches, me fondant (1) Ernst Hœckel, Beitrage zur normalen und path. anat. der plexus choroïdes (Vmcnow's Archiv., 1859.) (2) Ch. Bouchard, Rapport sur un cas de tumeur épithéliale de Ca- rachnoïde, présentée par M. Lacrouzille. (3) His, Zeitschrift fUr Wissen. Zoologie, Bd 15, s. 127. (4) His, Die Haute und Ho/ilen des Korpers. Basel, 1865. 177 sur la disposition très-régulière que présentent souvent les cellnles conjonctives signalées plus haut dans les gros canaux du corps strié, je leur donnais le nom d'épithéliales ; mais je pense maintenant qu'il vaut mieux ne pas les ranger parmi les éléments endothéliaux ; car ces éléments ne sont pas accolés et soudés les uns avec les autres ; il est donc préférable de les considérer comme du tissu conjonctif ordi- naire. Tout récemment M. Bastian (1) a étudié aussi le revêtement des gaines périvasculaires. La description qu'il en donne nous a paru en partie exacte , toutefois, nous n'avons jamais vu les noyaux qu il pré- tend exister à la face externe de la membrane hyaline; de plus, nous croyons qu'à l'état normal les éléments qui revêtent la cavité ne sont pas, à beaucoup près, aussi abondants qu'il le croit. Sous ce rapport, sa figure nous paraît fautive. Il leur donne le nom d'épithéliaux. On a vu plus haut les raisons qui nous empêchent d'être de son avis. Ajoutons enfin que M. Bastian n'a pas vu la charpente conjonctive très-fine et délicate qui supporte ces éléments et qui se relie à l'adventice de dis- tance en distance. S'il nous est permis de résumer notre opinion sur la structure des ca- naux périvasculaires, nous dirons donc que ceux qui entourent les gros vaisseaux du corps strié, et qu'il convient d'étudier de préférence (2), sont (indépendamment de la membrane hyaline) limités extérieurement par des trabécules très-fins de tissu conjonctif, se continuant par beaucoup de prolongements avec Tadventice et constituant ainsi des cloivSOns incomplètes; que ce tissu conjonctif trabéculaire, qui n'a pas encore été signalé en ce lieu, est abondamment pourvu d'éléments cel- lulaires méconnus par M. Robin et confondus par lui avec les éléments flottants dans la cavité lymphatique. Quelque peu abondant que soit ce tissu conjonctif péri vasculaire, on pourrait peut-être le comparer au tissu conjonctif qui, dans beaucoup de parenchymes et notamment dans le foie, pénètre avec les vaisseaux et constitue la capsule de Glisson. Séance du 8 juin. I. — Anatomie végétale. ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DU TRICHOPHYTON. M. Bouchard communique quelques recherches faites par lui en 1859 (1) Ch. Bastian, EdinbCrga méd. journal, avril 1867. (2) M. Robin dit à tort qu'ils manquent autour des vaisseaux volumi- neux. c. R. 12 178 sur le développement et l'anatomie du trichophyton tonsurans. Ce vé- gétal est décrit dans tous les traités comme uniquement composé de spores. D'après M. Bouchard il aurait aussi un système végétatif, un mycélium formé de longs tubes flexueux ramifiés et anastomosés. Ces tubes ne siégeraient pas dans l'épaisseur du poil où l'on trouve seule- ment des tubes moniliformes; ils habitent la gaîne épidermique et la partie superficielle du corps muqueux. Ils grandissent autour du point où s'est opérée la germination et s'étendent en rayonnant avec la même rapidité dans tous les sens, ce qui donne d'abord à l'éruption la forme d'un cercle. Mais ce mycélium n'a qu'une existence très-courte, il dis- paraît dans les parties où il existe depuis le plus longtemps, et ne peut être retrouvé bientôt qu'à la périphérie des plaques. Le centre cessant d'être irrité par la présence du végétal, l'éruption prend la forme d'un disque, elle devient circinée. Tant que la maladie est envoie d'accrois- sement, on peut retrouver ces tubes soit dans l'herpès circiné, soit dans l'herpès tonsurant, soit dans une forme spéciale de la mentagre. Gruby avait déjà décrit dans la mentagre un parasite végétal doué de tubes, qu'il avait désigné sous le nom demicrosporon mentagrophyte. Quand il a été démontré plus tard cliniquement que la mentagre et l'herpès cir- ciné étaient de même nature, produits par le trichophyton végétal qu'on croyait uniquement composé de spores, M. Robin a cru pouvoir expli- quer la prétendue erreur de M. Gruby par l'enroulement épidermique des cellules épithéliales adhérentes au poil, qui se seraient retroussées au moment de l'avulsion et simuleraient des tubes transversaux. IL — Pathologie. ÉRUPTION CUTANÉE DUE A l'aCARUS DU BLÉ. M. Robin, au nom de M. Rouyer, communique à la Société la relation d'une maladie cutanée observée épidémiquement dans un grand nombre de communes du département de l'Indre pendant l'été dernier. Après les longues pluies de cet été, les blés avaient été tachetés, et les pay- sans qui étaient occupés à remuer ce blé eurent une éruption prurigi- neuse sur toutes les parties exposées. Des individus qui n'avaient pas louché ce blé, mais qui couchaient au-dessous des greniers, furent at- teints de la même façon. La maladie débutait par un prurit très-pénible qui durait seulement quelques heures, la peau rougissait et se couvrait d'une éruption miliaire, puis tout disparaissait au bout de trois ou quatre jours spontanément ou à la suite de simples lotions vinaigrées. M. Rouyer vit à la surface de la peau de ces malades un très-grand nombre de petits points noirs qui se mouvaient. Il en vit autant sur le blé malade. Un flacon de blé altéré ayant été adressé à M. Robin, ces animaux ont 179 pu être étudiés plus complètement. Ce sont des acariens à l'état de nymphes ayant déjà huit pattes. Ils n'ont pas un dixième de millimètre de long et leur largeur n'est pas le tiers de leur longueur. L'extrémité postérieure est arrondie, l'extrémité antérieure est munie d'un rostre conoïde sans sillon dorsal. Les deux mandibules, au lieu d'avoir un doigt principal plus volumineux et un plus petit, sont réduites à une bandelette un peu renflée à la base. Séance du 20 juillet. ANATOMIE COMPARÉE. DE l'occlusion DU TROU DE BOTAL CHEZ LES ANIMAUX, M. GouBAux communique des recherches sur l'occlusion du trou de Botal chez les animaux. Cet orifice, qui peut persister jusqu'à un âge avancé chez quelques individus de plusieurs espèces animales, n'a pas la même conformation ni le même mode d'occlusion chez toutes les espèces, et une description particulière serait nécessaire pour chaque espèce. Chez le cheval il est percé au centre de la valvule et s'oblitère en se cloisonnant et se transformant en un nombre graduellement crois- sant d'orifices plus petits. L'obstruction n'est complète qu'à deux mois et dix-sept ou dix-huit jours. M. Goubaux communique ensuite de nouvelles recherches sur la lé- sion laryngée du cornage. Il y a dans ce cas paralysie et atrophie des muscles du larynx. Cette lésion est très-fréquente. Sur 230 larynx, M. Goubaux l'a observée 58 fois et toujours à gauche. Cela tient à la situation du laryngé inférieur gauche qui croise la trachée au point où appuie le collier, qui est souvent trop étroit. Séance du 17 août. PHYSIOLOGIE EXPÉRIMENTALE. ACTION DE LA CAFÉINE. M. Leven expérimente sur deux grenouilles vertes l'action du citrate de caféine. 1 centigramme et demi du sel est placé sous la peau du dos de l'ani- mal. Pendant neuf minutes l'animal ne présente aucun symptôme par- ticulier, puis il exécute, comme pour fuir, quelques mouvements en apparence volontaires avec les quatre membres. Ces mouvements se 180 reproduisent toutes les cinquante secondes. Après un quart d'heure la respiration se ralentit, alors le moindre contact détermine des mouve- ments réflexes assez intenses. Au bout de seize minutes les membres antérieurs se roidissent. Au bout de dix-neuf minutes l'animal est com- plètement roide avec les membres dans l'extension. Les contacts ramè- nent encore des mouvements réflexes. An bout de vingt minutes et de- mie on ne provoque plus de mouvements réflexes dans les membres antérieurs qui sont plus roides que les postérieurs. La respiration cesse. On ouvre l'animal et l'on voit que le cœur bat encore. Il s'arrête bientôt en diastole. Sur une seconde grenouille on applique 2 centigrammes de caféine sur le cœur mis à nu. Le cœur continue à battre. Au bout de douze mi- nutes les phénomènes tétaniques apparaissent avec les mêmes carac- tères que dans la première expérience. Enfin le cœur s'arrête en diastole. Séance du 31 août. ANATOMIE PATHOLOGIQUE. ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE l'aLCOOLISME. M. Bouchard, en son nom et au nom de M. Proust, communique les détails de l'autopsie d'un homme alcoolique. On trouva une éruption confluente de granulations grises miliaires sur tout le péritoine avec légère adhésion des deux feuillets, mais sans fausses membranes. Un foie volumineux et graisseux, mais non pas uni à la coupe, il était au contraire légèrement granulé, et l'examen histo- logique a montré qu'il y avait entre les veines et le long des vaisseaux un certain degré de prolifération conjonctive. Les cellules hépatiques étaient tellement gonflées par la graisse que leur examen en était rendu impossible, mais traitées préalablement par l'alcool et le chloroforme, on retrouvait leur membrane d'enveloppe intacte avec un, deux ou trois noyaux à l'intérieur. Les reins , assez congestionnés , étaient fermes et les tubuli con- torti étaient presque partout infiltrés de granulations graisseuses. Il existait en outre un certain degré de néphrite interstitielle. Le cœur était très-aminci ; ses parois, d'une coloration feuille morte, sans lésion de canalisation. Les poumons, congestionnés par places, étaient surtout très-œdémateux. On y rencontrait de plus, dans les deux côtés, des points de pneumonie lobulaire à différents degrés ; dans un point le tissu suppuré se réduisait en une pulpe puriforme qui, s'échappant à la coupe, laissait à nu une sorte de caverne. Enfin dans les deux pou- 181 mons, disséminés par places, des noyaux d'apoplexie pulmonaire. A tous ces noyaux correspondaient des obstructions par thrombose des veines pulmonaires ; rien de semblable n'existait dans les veines en dehors des infarctus hémoptoïques.Les veines oblitérées étaient altérées, la membrane interne, considérablement épaissie, présentait un gonfle- ment notable des corpuscules conjonctifs étoiles avec multiplication des noyaux et accumulation pigmentaire dans leur intérieur. Les poumons n'avaient pas trace de granulations grises ni d'autres productions tuber- culeuses; on trouvait seulement au sommet droit une petite masse crétacée. On ne trouvait également nulle part ailleurs de granulations analo- gues à celles du péritoine. Le cerveau et ses enveloppes paraissaient normaux; Texamen histo- logique n'en a pas été fait. Séance du 2 novembre. L — Physiologie pathologique. Extraction des dents sans douleur par l'électricité locale ; par M. Pallas, élève adjoint à Thôpital Saint-André de Bordeaux. Diverses expériences ont été faites jusqu'à ce jour pour atténuer ou annihiler la douleur qu'entraîne toujours l'avulsion des dents; les ré- sultats qu'on a obtenus ont été tellement variables que les moyens employés ont été reconnus insuffisants pour remplir le but qu'on se proposait. Dans ces expériences, l'électricité a pris une grande part ; cet agent essayé primitivement en Amérique, puis en France et en Angleterre, a donné des résultats plus ou moins favorables; cependant un grand nombre de succès ont été le résultat de ces applications électriques, et ils ont été constatés le plus souvent dans les opérations où l'im- pression électrique avait coïncidé avec l'extraction ; mais les procédés employés jusqu'aujourd'hui pour arriver à la réalisation de cette condi- tion étaient trop défectueux et exigeaient de l'opérateur une trop grande dextérité pour l'établir d'une manière régulière et sûre; aussi c'est par les vices de ces procédés que s'expliquent les résultats si varia- bles qui ont conduit les expérimentateurs à cesser leurs expériences et à regarder l'électricité comme un agent incapable de détruire la douleur dans l'extraction des dents. Pour augmenter le nombre de succès des applications de cet agent, il était utile d'inventer un instrument qui aurait pour but de faciliter la distribution électrique. Je crois avoir trouvé la solution de ce pro- 182 blême en appliquant aux instruments destinés à l'extraction des dents, un système qui a pour but d'interrompre le courant lorsque l'instru- ment est à l'état de repos, mais qui rétablit sa continuité par la pres- sion exercée sur un bouton ou sur tout autre point qui varie de po- sition suivant la forme du système. Je vais succinctement donner un aperçu des systèmes que j'ai appli- qués à quelques instruments : Dans le début j'avais appliqué à une clef simple une forme telle que pendant l'extraction la pression d'un doigt ou de la paume de la main sur un bouton qui présentait un certain point du manche rétablissait la continuité du courant. Avec cette forme de système l'opérateur pro- duisait presque toujours la simultanéité entre la déchirure du nerf dentaire et le passage du courant, mais néanmoins la pression sur le bouton pouvait quelquefois précéder le mouvement de bascule, et l'o- pération se faisait alors avec douleur; la seconde forme que j'ai appli- quée à une autre clef simple est beaucoup plus avantageuse, parce que la continuité du courant se rétabit d'elle-même pendant l'extraction; de telle sorte que l'opérateur n'a besoin de s'occuper que de la partie purement chirurgicale de l'opération, La tige de la clef préalablement insolée au moyen d'un tube de caout- chouc et communiquant avec la source électrique, présente vers le panneton et la tige qui supporte le crochet une telle disposition qui empêche le courant de passer dans le crochet; mais lorsqu'il a saisi la dent et que le mouvement de bascule commence, la traction que la résistance de la dent transmet à la tige à piston, suffit pour détermi- ner le passage du courant de la tige de la clef au crochet. Les pieds de biche que j'ai préparés ont une forme de système telle que pendant l'extraction, la pression de la paume de la main sur la grasse extrémité du manche établit la continuité du courant. Quant aux daviers j'ai fait une forme de système applicable à tous les instruments de ce genre, c'est un anneau métallique dont le chaton est en ivoire et un peu volumineux; il est destiné à recevoir un fil conduc- teur et à être placé à la partie moyenne du doigt qui exerce une plus grande pression lorsque le davier est saisi ; la main étant préalablement gantée et Tun de ses doigts muni de l'anneau, l'opérateur saisi le davier et l'applique sur la dent; aveccette pression exercée par lespetites bran- ches de l'instrument sur le collet de la dent, le courant ne se continue pas encore par le davier; mais si l'opérateur serre fortement l'mstru- ment, le doigt muni de l'anneau exerce une pression sur un ressort, dans l'intérieur de cet anneau, alors une tige métallique appartenant au ressort traverse le chaton et se met en contact avec le davier. Si, dans les nombreuses expériences que j'ai faites avec des clefs pré- 183 parées, les succès trouvaient leur explication dans la substitution élec- trique, les patients se trouveraient déjà favorisés par cet échange; mais ils le sont bien davantage, car l'impression électrique est presque nulle à la bouche si l'extraction a lieu, tandis qu'à la main elle n'a pas subi la même modification ; aussi fait elle contracter violemment les muscles de Favant-bras, de telle sorte que les patients ont presque toujours été plus impressionnés par la secousse électrique qu'ils res- sentaient au bras que par l'opération elle-même. Je n'ai pas encore employé les pieds de biche et les daviers; mais comme l'application d'un système interrompt le courant et que sa continuité se rétablit d'elle-même pendant l'extraction, les résultats seront aussi favorables que ceux provenant de l'usage de la clef, puisque les opérations seraient faites, dans tous les cas, dans les mêmes conditions de distribution électrique. IL — Pathologie. DU ZONA A LA SUITE DU TRAUMATISME. M. Bouchard, après avoir rappelé quelques cas de zona dus à une affection nerveuse consécutive à un traumatisme, communique deux cas de cette affection. Dans un premier cas, une entorse de l'articula- tion tibio-tarsienne gauche avait été suivie de névralgie sciatique dé- terminant des élancements à partir de l'échancrure sciatique. Deux mois après le début de cette névralgie apparurent de grosses vési- cules perlées, reposant sur un fond rouge et disposées en traînées sur le dos du pied , à partir du cou-de-pied jusque sur les phalanges des trois derniers orteils. Cette éruption dura douze jours et guérit complète- ment en même temps que la sciatique. Chez un second malade, un choc violent dans la région de l'aisselle gauche fut suivi de douleurs lancinantes, irradiant sur le thorax en avant et sur la partie interne du bras. Deux jours après parut une érup- tion très-caractéristique de zona suivant le deuxième et le troisième espace intercostal et les divisions du brachial cutané interne. De pe- tites eschares se développèrent à la base de quelques vésicules. La ma- ladie cutanée guérit en onze jours ainsi que la névralgie. L'éruption n'avait siège que sur la partie des nerfs situés au delà de la lésion. FIN DES COMPTES RENDUS DES SEANCES. MEMOIRES LUS r r A LA SOCIETE DE BÏOLOGÏE PENDANT L'ANNÉE 1867. MÉM. RECHERCHES POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE LA PELLAGRE SPORADIQUE LA PSEUDO-PELLAGRE DES ALCOOLISÉS Mémoire lu à la Société de Biolosie Par iM. le Docteur E. LEUDET Directeur de l'École de médecine de Rouen, membre correspondant de l'Académie impériale de médecine, de la Société de biologie, etc. Notre savant et illustre physiologiste C. Bernard a insisté fré- quemment dans ses leçons et ses écrits sur cette vérité trop souvent oubliée : c'est que les faits négatifs ont une importance égale aux positifs, c'est-à-dire que parmi les faits naturels de pure observa- tion ou parmi les faits d'expérience provoqués par les savants, ceux qui semblaient complètement différents de ceux qu'on avait vus se produire nombre de fois, n'étaient pas des faits irrationnels, mais également des faits positifs. Grâce à cette méthode, en recherchant la cause de ces exceptions, de ces déviations de la règle, en trouvant leur raison d'être, G. Bernard a enrichi la science de précieuses dé- couvertes. Ce principe a été trop souvent oublié dans les études pa- h ttioio.uiquGB; cûjirmdant il est évident quu là encore où règno uu- jouid'hui tantd'ob?curité, lelmsard ne préside pas au développement des pliénomùnes de l'ordre morbide. Malheureusement, l'expérience, cette démonstration irréfragable des sciences physiologiques, manque encore trop souvent au médecin; il est beaucoup d'états pathologi- ques que nous sommes incapables défaire naître; aussi la méde- cine, malgré sa tendance incessante à entrer, elle aussi, dans le ca- dre des sciences expérimentales, demeure-t-elle trop souvent une science d'observation. Si ces vérités sont incontestables, et il me semble qu'elles ne peu- vent donner lieu à aucune discussion, on en sent toute la force quand on s'occupe d'une des questions les plus nouvelles de la pa- thologie médicale, de la pellagre. Cette maladie d'observation récente a dû au concours simultané de plusieurs circonstances d'attirer vivement l'attention des médecins. Limitée longtemps au sol italien, elle a paru s'étendre depuis un certain nombre d'années à notre pays; cette invasion progressive était à elle seule suffisante pour provo- quer les recherches et faire déterminer la cause de la maladie et ar- river ainsi, la cause étant connue, à arrêter le progrès du mal et, par conséquent, à flxer sa prophylaxie. La cause de là pellagre, suivant un certain nombre d'auteurs, est trouvée aujourd'hui, et la doctrine de l'influence de ralimentation par le maïs altéré a trouvé en Th. Roussel un avocat convaincu et habile. La doctrine du zéisme a donc pris dans la science une place presque oflicielle, surtout depuis l'époque où les travaux de Th. Rous- sel lui ont mérité le grand prix de médecine de l'Académie des sciences. Depuis lors Roussel a publié l'ouvrage étendu qui lui a mérité cette distinction élevée. Après l'avoir lu attentivement, on se de- mande si la question de la pellagre n'est pas aujourd'hui élucidée d'une manière si remarquable qu'il faudrait être audacieux pour por- ter la main sur ce sujet. Je ne le crois pas. Je respecte plus que tout autre peut-être l'illustre rapporteur de la commission, M. Rayer, mon maître aimé; cependant je ne crois pas que ses conclusions in- terdisent tout doute ultérieur sur la question du zéisme: tout en re- connaissant que la relation de cause à effet entre ralimentation par le maïs et la pellagre est parfaitement légitime, M. Rayer ajoute qu'il existe un certain nombre de faits décrits par quelques auteurs sous 5 le nom de pellagre sporadique, faits aujourd'hui incomplètement dé- erminés et que Ton ne peut rapporter au même cadre pathologique que ceux que l'on observe en Espagne, dans les Landes françaises et surtout dans le Milanais, cette terre classique de la pellagre. M. Roussel a formulé nettement cet axiome :La pellagre dite en- démique est la seule réelle; sa seule et unique cause est l'alimenta- tion par le maïs mal desséché; la pellagre dite sporadique et celle des aliénés ne sont pas des pellagres. Je crois ces conclusions de notre savant confrère trop absolues; je crois à une pellagre sans maïs avec H. Gintrac, Bouchard, etc., et je crois à cette maladie indépendante du zèisme parce que je pense l'avoir vue. Je transcris ici un fait qui, à mes yeux, présente les caractères les plus importants de la pellagre, quoique l'individu qui en est le sujet n"ait jamais usé de maïs dans son alimentation. PELLAGRE SPORADIQUE CARACTÉRISÉE PAR DES ACCIDENTS NERVEUX INTESTINAUX ET CUTANÉS, SE RÉPÉTANT LORS DE PLUSIEURS RECRUDESCENCES VERNALES ; TUBERCULISATION PULMONAIRE INTERCURRENTE ; MORT. Obs. — Julie C..., âgée de 38 ans, piqueuso de bottines, d'une taille moyenne, blonde, un peu maigre, entre le 20 mai 1863 à IHôtel-Dieu de Rouen; elle est couchée au lit n" 20, salle II, dans ma division. Dune assez bonne santé dans son enfance, C... a été élevée à la cam- pagne; jamais elle n'a eu d'engorgements glandulaires au col, ni d'af- fection cutanée, rien d'analogue à ce qu'elle a éprouvé ultérieurement. A Tâge de 16 ans, C..., sans cause connue, éprouva un affaiblissement marqué des forces, des maux de tôte, des étourdissements, et môme un peu d'oedème des deux jambes; cet état de santé fut remarqué alors, et quoique employée comme domestique à la campagne, on l'en- voyait souvent promener dans la campagne. Les règles apparurent à l'âge de 17 ans, mais elles n'eurent alors aucune régularité et manquè- rent souvent pendant deux, trois et même six mois. Mariée, elle vint à Rouen à 22 ans; elle a eu deux enfants, dont un seul est actuellement vivant, l'autre est mort jeune. Depuis l'âge de 22 ans jusqu'à l'époque actuelle, C... a toujours été piqueuse de bottines, ne travaillant jamais à l'air libre; son alimentation a toujours été assez jponne; elle mange assez souvent de la viande. Jamais elle n'a eu ni hystérie ni hémorrha- gies; ses dents sont assez mauvaises, mais les gencives n'ont jamais été antérieurement douloureuses ou saignantes ; fréquemment elle a un peu de leucorrhée. Jamais C... n'a mangé de maïs. Le malaise de C... aurait débuté au commencement de mars 1863, 6 elle éprouva alors une courbature générale et de la perte de l'appétit; pour dissiper ce malaise, elle eut recours d'elle-même à un purgati. composé de séné, de sulfate de magnésie et de manne. Ce médicament produisit une diarrhée accompagnée de coliques et qui persista pendant une quinzaine de jours. Ce fut pendant sa durée, alors qu'elle demeu- rait chez elle à cause du malaise, que survint, à la suite de picotements et de chaleurs locales, l'affection de la peau de la face dorsale des mains. Depuis cette époque, l'affection cutanée, d'abord rougeâtre et d'apparence érythémateuse, est devenue squameuse, sans avoir, au dire de la malade, présenté aucune sécrétion; la diarrhée a eu de nom- breuses rémissions et recrudescences; les évacuatione alvines sont de- venues, il est vrai, moins fréquentes, les coliques ont disparu, mais les selles liquides se produisent presque immédiatement après chaque in- gestion alimentaire. Au moment de l'admission à l'Hôtel-Dieu, je trouve C... dans l'état suivant : face un peu pâle, apyrexie, pouls à 76, sans augmentation de la chaleur; plaques squameuses un peu blanchâtres sur un derme rouge occupant la face dorsale de la main gauche au niveau des quatre premiers métacarpiens remontant jusque sur le dos de la première pha- lange; au niveau du cinquième métacarpien, la peau est malade dans une moindre hauteur; en haut l'affection s'arrête au-dessous de l'arti- culation du poignet. Sur la face dorsale de la main droite, l'affection de la peau est la même, mais les squames moins épaisses, le derme sous-jacent un peu rougeâtre. Aucune affection de la face palmaire des mains, du reste des membres supérieurs, de la face ou du tronc. Dou- leurs vagues dans la continuité des membres, sensations de picotements dans les doigts avec un peu d'engourdissement local. Quelques vertiges dans la marche et faiblesse, sans aucune paralysie, rachialgie médio- dorsale, au niveau des apophyses épineuses, sans aucune extension nerveuse périphérique, ressentie par la malade quand elle fléchit le tronc et augmentée par la pression locale. Affaiblissement de la vue survenu graduellement depuis deux mois et augmentant graduellement en même temps que les autres accidents de perversion nerveuse que je viens de décrire. Cet affaiblissement de la vue est devenu tel que C. . . ne peut plus déjà piquer ses bottines. Persistance de la diarrhée; quelques selles liquides chaque jour; anorexie; depuis quelques semaines sensi- bilité de la membrane muqueuse buccale; gonflement de ce tissu, sur- tout au niveau de la commissure gauche, avec un peu de rougeur de la langue et saillie des papilles. Les dents assez mauvaises sont encroû- tées de tartre à leur base, mais les gencives ne sont pas gonflées, fon- gueuses, et ne présentent ni décollement ni gonflement scorbutique. Aucune odeur fétide de l'haleine. L'urine était pâle, et examinée par la chaleur et l'acide nitrique, ne présentait pas d'albumine. (Un demi- litre de décoction de quinquina; solut. de sirop de gomme; 2 grammes de phosphate de chaux en poudre associé à 0^'",02 de poudre d'opium brut; garg. avec une décoction de guimauve et de pavot; une portion d'ali- ments, deux de vin.) Pendant le reste du mois de mai 1863, l'état de C... demeure sta- tionnaire; alternatives de rémissions et de recrudescences de la diar- rhée; la langue devient plus douloureuse, et de petits aphthes se dé- veloppent sur les bords et dans les points correspondants de la muqueuse buccale ; persistance des vertiges, de la faiblesse ; diminution des squames de la face dorsale des deux mains dont l'épiderme rouge et rugueux se distingue par places. Insomnie; transpiration fréquente de la plante des pieds et de la paume des mains, avec sensation de picotement local ; ces régions sont le siège fréquemment pendant le jour d'une sensation de froid qui fait place, souvent la nuit, à une sensation de brûlure. La dose d'opium est élevée à 0,10 par jour. Dans le commencement de juin 1863, une amélioration graduelle est manifeste ; elle se traduit d'abord par une diminution de la diarrhée, les évacuations sont moins fréquentes, mais toujours liquides. Les vertiges sont moindres, et l'incertitude de la station moindre: ainsi G... peut, avec l'aide d'une personne, se rendre à la chapelle de l'établissement, tandis que seule elle ne pourrait traverser la salle. Les aphthes de la bouche sont guéris. L'intensité des troubles nerveux varie; du reste, certains jours, sans cause appréciée; aussi l'amélioration n'est-elle pas continue. Le 8 juin, les menstrues apparaissent après six semaines d'in- tervalle; le sang menstruel est pâle et peu abondant. Dans le milieu de juin 1863, il survient une petite plaque de des- quamation dans une largeur d'une pièce de cinquante centimes au- dessus d'un des sourcils. La diarrhée s'arrête à cette époque, les ver- tiges diminuent, et C... peut se promener seule dans la salle, et le 17 elle sortait dans le jardin pendant plusieurs heures; elle garde encore les mômes fourmillements et engourdissements dans les membres. C... quitte l'Hôtel-Dieu le 20 juin 1863; elle rentre de nouveau le 22 du même mois; elle avait eu le jour de sa sortie beaucoup de peine pour gagner sa demeure; elle avait été reprise le lendemain de diarrhée causant jusqu'à cinq à sept selles en vingt-quatre heures; recrudes- cence des fourmillements devenant quelquefois des élancements dans les deux pieds; douleur rachidienne; moins d'affaiblissement, de ver- tiges; vue meilleure, cependant C... ne peut lire, parce que les lettres se confondent. La desquamation de la peau de la face dorsale des deux mains est achevée, l'épiderme est très-rugueux et laisse voir au- dessous de lui le derme rouge. (Riz; gomme sucrée; 2 grammes de phosphate de chaux; julep, avec sirops diacodo etderatanhia,dechaque 20 grammes; vin de quinquina; une portion d'aliments.) Dans les premiers jours de juillet 1863, la diarrhée cesse; l'équilibre est meilleur et la malade se promène seule dans le jardin quelques heures; elle accuse toujours pendant la station prolongée de la douleur dans le rachis, et des fourmillements dans les pieds et dans les mains quand elle exécute un mouvement ou même qu'on presse seulement pendant quelques instants l'extrémité douloureuse du membre. (On supprime lo ratanhia ; on ajoute deux pilules de carbonate de fer de 0^15.) Dans les premiers jours d'août 1863, la douleur rachidienne change un peu de place et cause des irradiations dans la paroi thoracique; la malade l'accuse successivement dans la partie supérieure de la région dorsale et dans le col; dans cette région la malade ressent comme un torticolis léger. (Deux petits vésicatoires oblongssont appliqués succes- sivement sur les points douloureux du rachis.) Dans la deuxième moitié d'août 1863, les picotements et les élance- ments ont disparu, et il ne reste qu'une sensation incommode de cha- leur dans la face palmaire des mains et plantaire des pieds; un peu de rachialgie. La vue, quoiqu'un peu faible, permet à C... de reprendre son travail. L'épiderme de la face dorsale des deux mains est blanc, mais rugueux et luisant. La diarrhée a cessé ; l'appétit est toujours peu développé. C... quitte l'Hôtel-Dieu le 31 août 1863. C... est vue par moi le 4 novembre 1863; son état s'est graduelle- ment amélioré ; les douleurs dans les membres reparaissent par instants, mais changent do place; la marche s'effectue facilement, mais lente- ment; la vue un peu meilleure a permis à la malade de reprendre son travail de piqueuse de bottines; elle assure que depuis quelque temps sa mémoire semble un peu moins fidèle ; la diarrhée est revenue par instants, mais ne dure que cinq ou six jours, grâce aux médicaments absorbants auxquels elle a recours. Depuis novembre 1863 jusqu'au commencement d'août 1864, C... avait retrouvé presque son état de santé habituel ; elle pouvait faire des courses longues sans se fatiguer, et sa vue lui permettait de piquer des bottines fines; la diarrhée n'a reparu qu'à de courts intervalles. Dans les premiers jours d'avril 1864, elle vient me demander conseil pour une nouvelle manifestation de sa maladie, et le 19 avril est placée de nouveau dans ma division à l'Hôtel-Dieu, salle II, n» 37. Le premier signe de la rechute a été un affaiblissement marqué des membres in- férieurs, des vertiges, de la faiblesse de la vue et une diarrhée sans coliques; dans les premiers jours du mois, la face dorsale des deux mains était un peu rugueuse et rosée; l'épiderme inégal; la malade 9 avait continué à travailler chez elle et ne s'était nullement exposée aux rayons du soleil ; pendant les premiers jours passés dans ma divi- sion, l'épiderme devient cassant et se soulève en petites écailles, sans présenter aucune apparence de sécrétion. La malade accuse simultané- ment une sensation de brûlure et une transpiration cutanée presque constante à la face antérieure des mains et des pieds. (1/2 litre de dé- coction de quinqnina, tisane vineuse, une portion, deux vins.) Dans les premiers jours de mars 1864, la diarrhée présente une re- crudescence; l'épiderme du dos des deux mains se soulève de plus en plus en squames, au-dessous desquelles le derme paraît d'un rouge un peu brun. Céphalalgie gravative légère, affaiblissement général ; la ma- lade se lève difficilement seule quand elle est assise. La diarrhée dimi- nue lentement pendant la durée du mois de mai; les forces reviennent, les squames do la face dorsale des mains sont moindres, mais la rougeur persiste. C... quitte l'Hôtel-Dieu le 21 mai 1864. J'ai vu C... le 20 septembre 1864; j'apprends qu'après être sortie de THôlel-Dieu au mois de mai précédent, elle est allée passer un mois dans une campagne auprès de Fécamp; l'affection cutanée des deux mains présenta pendant ce temps des recrudescences et des rémissions, et disparut complètement à la fin de cette époque. C... revint à Rouen assez bien portante; elle a quitté son logement dans le centre de la ville et habite actuellement à 1 kilomètre 1/2 de chez moi, et peut par- courir seule cette distance ; elle éprouve cependant encore par moments un sentiment de traction dans les jambes et quelques fourmillements dans les deux mains. Au moment oi!i j'examine C..., l'épiderme de la face dorsale des deux mains est encore un peu rugueux. Les menstrues, qui s'étaient supprimées pendant les cinq premiers mois de l'année, ont reparu depuis le mois dejuin, et durent un jour au lieu de trois ou quatre ; depuis plusieurs mois, l'intervalle entre chaque époque menstruelle a diminué; il n'a guère été plusieurs fois que de deux semaines. (Teinture alcoolique d'arnica, trente gouttes chaque jour; pilules de fer et de quinquina.) Pendant l'hiver de 1864-1865, la santé de C... a été très-bonne; l'ap- pétit, les forces avaient repris tout leur développement habituel, etC... pouvait parcourir chaque jour de 6à 8 kilomètres sans grande fatigue. En mars 1865, C... devint de nouveau souffrante; elle éprouva, pen- dant la durée de ce mois, de la diarrhée, un affaiblissement général et une absence d'équilibre qui l'empêchait de parcourir les mêmes dis- tances que pendant l'hiver précédent ; elle éprouva, en outre de grands maux de tête, un affaiblissement très-notable de la vue, et un peu de diarrhée. La peau de la face dorsale des deux mains, pas plus que celle û\i reste du corps, ne présente d'altération notable. La malade reprit 10 l'usage des moyens antérieurement conseillés du vin, du fer et du quin- quina. C... a joui sans interruption d'une santé parfaite pendant l'auiomne de 1865 et l'hiver de 1865-1866. Elle demeurait alors dans un faubourg éloigné de la ville. Vers le 20 avril 1866, C..., sans cause connue, a été reprise de diar- rhée; elle avait de neuf à dix évacuations alvines chaque jour sans coliques; les menstrues étaient supprimées de nouveau depuis le mois de janvier 1866; C... vient chez moi le 30 avril 1866, elle avait encore la diarrhée, accusait de nouveau un affaiblissement de la vue, des mem- bres inférieurs avec des picotements dans les pieds. La peau de la face dorsale des mains devenait de nouveau rougeâtre, écailleuse, sans dé- veloppement aucun de vésicules sur la face dorsale des métacarpes. (Extrait mou de quinquina, 45 centigrammes; frictions avec vinaigre chaud sur les membres; eau rouillée et vin pour boisson.) Pendant les semaines suivantes (j'ai revu C... le 22 mai 1866) Taffai- blissement des membres augmente graduellement, de même que les fourmillements et les picotements dans les jambes ; la mémoire semble de nouveau un peu affaiblie; insomnies fréquentes, cauchemars ; ver- tiges ; affaiblissement de la vue tel qu'elle ne peut faire que les ouvrages les plus faciles (pique des bottines). Depuis le commencement d'avril, anorexie, régurgitations aqueuses par moments le matin; les selles sont toujours liquides; réapparition de la douleur médiorachidienne telle que C... évite tout mouvement imprimé au rachis et marche courbée. L'affection cutanée de la face dorsale des mains augmente graduellement; l'épiderme se ride et se fendille dans toute l'éten- due des deux métacarpes et de la face dorsale des doigts. C... n'é- prouvant aucun soulagement, entre à l'Hôtel-Dieu dans ma division (salle II, n" 41) le 30 mai 1866. Je constate alors l'existence des symp- tômes dont je viens de noter le développement successif. (Vin de quin- quina, quatre pilules d'extrait de ratanhia et tannin, de chaque 20 cen- tigrammes; infusion de petite centaurée; eau de riz; une portion, deux vins.) Les accidents diminuent rapidement pendant le mois de juin ; la diar- rhée avait cessé dans les premiers jours du mois; l'éruption cutanée s'était modifiée assez rapidement et l'épiderme s'était soulevé en squa- mes peu nombreuses et peu larges. Les picotements dans les jambes avaient diminué rapidement; mais il restait encore une sensation de brûlure et comme une sensation de piqûres d'épines quand elle appuyait les pieds sur le sol. C... sort de l'Hôtel-Dieu le 5 juillet 1866. Dans l'été de 1866, C..., au lieu de reprendre ses forces, grâce au séjour à la campagne où elle a passé deux mois, a décliné graduelle- 11 ment; elle éprouvait de la dyspnée, surtout quand elle montait un plan incliné, toux sèche, sans expectoration ou hémoptysie. Pendant toute cette période C... n'a pas été reprise de symptômes cutanés, de diar- rhée, d'accidents vertigineux ou de perversion sensitive dans les mem- bres. L'examen local de la poitrine permet de constater les signes d'une induration tuberculeuse comm.ençante au sommet du poumon droit; dans la fosse sus-épineuse de ce côté la respiration est plus faible, mê- lée de quelques craquements secs, avec une diminution de l'élasticité à la percussion. Dans le commencement de novembre 1866, C... entre à IHôtel-Dieu dans ma division, et j'ai pu constater pendant ce séjour dans mes salles une induration tuberculeuse du poumon, sans aucun indice de recrudescence d'accidents de pellagre. C... succomba, au commencement de janvier 1867, aux accidents ra- pidement progressifs de la tuberculisation pulmonaire ; j*ai pu constater alors des tubercules ramollis dans le sommet des deux poumons, des ulcérations simples sans tubercules de la muqueuse de Tintestin grêle et de la partie supérieure du gros intestin. La moelle, examinée à l'état frais et après avoir été durcie dans lacide chromique, ne présentait aucune altération. Cette malade était-elle bien atteinte de pellagre? C'est là un pre- mier point important à établir, car si je parviens à résoudre d'une manière affirmative cette question, il en résultera qu'en l'absence de la cause aujourd'hui avérée de la maladie, c'est-à-dire indépendam- ment du zéisme, des pellagres peuvent se développer, et qu'il existe certains faits inexpliqués par cette doctrine et qu'il ne faut pas re- pousser. Il y aurait donc là de ces observations embarrassantes qu'on ne doit pas rayer de la science, par ce seul motif qu'elles contrarient les idées reçues. Loin de les rejeter, le pathologiste a le devoir, au contraire, il me semble, de les noter avec un soin tout particulier, d'en signaler tous les détails, et en émettant son opinion de fournir au lecteur les moyens de contrôler la justesse de ces conclusions. C'est pour ce motif que j'ai relaté si longuement les diverses phases de l'affection précédente que j'ai pu suivre moi-même pendant qua- tre années consécutives. Je dois, dans cette étude rétrospective et critique de mon observa- tion, suivre pas à pas les opinions sur les caractères de la véritable pellagre, énoncées dans son ouvrage récent par Th. Roussel. La ma- ladie de C... remplit les conditions exigées de la vraie pellagre par Strambio, et que Roussel lui emprunte {ioc. cit., p. 31). C'est à Stram- t2 bio, dit-il, que revient l'honneur d'avoir bien démontré que la pel- lagre consiste essentiellement en des désordres du système nerveux; c'est là qu'on trouve le fond de la maladie et les symptômes constants qui en marquent les progrès et en règlent le pronostic. Ces symptômes dominent dans l'observation de G.... Je citerai :1a courbature, les vertiges, l'incertitude dans la marche, le manque d'équilibre, les pi- cotements dans les doigts, la perversion de sensation de température aux extrémités, la rachialgie, l'affaiblissement de la vue; ensemble d'accidents qui paraissait au moment de chaque recrudescence ver- nale et disparaissait dans leur intervalle. L'éry thème pellagreux, dit ailleurs Th. Roussel, est souvent le premier phénomène qui parle aux yeux et assez souvent le plus ancien phénomène auquel peuvent re- monter les souvenirs du malade... L'éruption cutanée occupe une place éminente dans l'histoire de la pellagre et sert tous les jours comme élément décisif dans le diagnostic. A ce titre, rérythème cu- tané mérite mon attention. Au moment de la première admission de C... dans mes salles, raffection cutanée était déjà ancienne; mais en 1864, je pus assister au développement graduel de ce symptôme; on reconnaîtra dans ma description, faite au moment même, que la tache rougeâtre avec prurit qui se développe graduellement, peut se com- parer alors à un simple érythème ou à un léger érysipèle, et plus tard •se dessèche et se ride. J'ai employé dans cette analyse les termes mêmes de M. Th. Roussel pour montrer combien, chez ma malade, l'affection de la face dorsale des deux mains était identique à celles que présentent les malades atteints de pellagre endémique. Il faut remarquer cependant que chez la femme G... l'affection cutanCo pa- rait s'être développée en dehors de l'action des rayons solaires; cette cause déterminante si importante, admise par MM. Th. Roussel, Bouchard et beaucoup de médecins italiens. Avec ce seul fait, je ne voudrais pas prétendre que l'érythème pellagreux se montre souvent chez des individus soustraits à Faction du soleil ; je me réserve de revenir sur ce sujet dans une autre partie de mon travail. Lorsque la pellagre s'est confirmée du côté de la peau, il est rare qu'elle ne s'accompagne pas de certains troubles dans l'appareil di- gestif (Th. Roussel); aussi ai-je constaté chez ma malade l'existence fréquente, mais lors des manifestations vernales seulement, de selles aqueuses fréquentes, d'aphthes et de vésicules de la muqueuse buc- cale; ce dernier ordre d'accidents ne se montrant qu'à la première 13 atteinte, comme cela ent indiqué dans iDcaucoup de laits classlqueg. L'apparition d'un accident intercurrent a interrompu la marche de la maladie; la tuherculisation pulmonaire qui a causé la mort de la femme C... n'est pas exceptionnelle comme terminaison de la phthisie; cela a été remarqué par Th. Roussel {loc. cit., p. 83), H. Gin- trac, etc. Après avoir suivi pas à pas chacun des symptômes présentés par la femme G..., il me semble que presque aucun accident n'a manqué à l'expression symptomatique de la pellagre. Je sais que le savant au- teur auquel j'ai fait de nombreux emprunts, conteste la valeur diag- nostique de la triade séméiologique formée par les accidents cutanés, digestifs et nerveux, et lui préfère la coordination des phénomènes. Or, sous ce dernier point de vue, l'affection de la femme G... remplit encore les conditions voulues; ce n'est ni parla paralysie ni parla cachexie que débute la maladie, c'est par des accidents nerveux; l'é- ry thème limité à la face dorsale des mains et les troubles buccaux et intestinaux. S'il manque à cette affection la terminaison cachecti- que pellagreuse, cela dépend de linvasiou d'un accident fréquem- ment observé, la tuherculisation pulmonaire. Onavoulu, dans un certain nombre de faits, rapporter à la cachexie déterminée par l'évolutfon du tubercule dans les poumons, l'ensemble des phénomènes rapportés par quelques auteurs à la pellagre. Satfs m'arrêter à discuter si cette objection est méritée dans les faits in- criminés, je dois m'enquérir si l'observation que jai recueillie n'est pas susceptible de la même interprétation. Il est facile de démontrer qu'il n'en est rien. Le dépôt de tubercules dans les poumons n'a commencé à se manifester qu'en 1866, et les premiers symptômes de pellagre étaient évidents en 1863, c'est-à-dire trois ans auparavant; on doit en outre noter qu'au moment où la tuherculisation apparut, au commencement de l'hiver, il n'existait aucun des symptômes ob- servés dans la recrudescence vernale, tels que diarrhée, rachialgie, vertiges, douleurs périphériques, amblyopie, érythème; le seul symp- tôme général était un affaiblissement marqué des forces, mais sans aucune localisation. Pendant plusieurs années, préoccupé de ces pseudo-pellagres des tuberculeux, j'ai recherché avec un grand soin si j'en trouvais quel- ques traces chez les nombreux tuberculeux que me fournit constam- ment ma pratique nosocomiale et civile. Je dois dire que je n'ai ren- 14 contré chez aucun malade l'ensemble de phénomènes observés chez la femme G..., ni constaté la même coordination. Une jeune fille de 20 ans, fille d'un cultivateur du département de la -Seine-Inférieure, vint me consulter en mars 1866 pour des adénites tuberculeuses in- dolentes et incipientes du col, et une induration tuberculeuse du sommet des deux poumons. Cette malade présentait simultané- ment une éruption squameuse de la face palmaire des mains et des doigts. L'absence de diarrhée, de troubles nerveux ne pouvait, chez cette jeune fille, donner lieu à aucune confusion; l'affection squa- meuse des mains n'avait qu'une analogie bien éloignée avec l'éry- thème pellagreux ; d'ailleurs elle occupait la face palmaire des mains. Dans deux cas, le début de la tuberculisatioa a été accompagné d'une affection cutanée qui avait une certaine analogie avec le pem- phygus. Cette forme d'affection a été constatée par moi chez deux jeunes dames que j'ai pu suivre plusieurs années. Chez ces deux malades, lés doigts et la face dorsale des deux mains deviennent le siège de taches d'un rouge un peu livide, sans ecchymoses scorbuti- ques, qui furent suivies de la formation de quelques petites bulles pemphygoïdes dans quelques endroits; dans d'autres, l'épiderme s'ex- folia sans avoir été préalablement soulevé par de la sérosité. L'une de ces malades avait simultanément une diarrhée qui durait depuis plusieurs mois; l'autre, une adénite multiple cervicale.tuberculeuse qui s'était améliorée momentanément par une cure aux eaux de La- vey. Chez cette dernière, l'éruption des mains avait coïncidé à une époque de la maladie avec un développement de bulles pemphygoïdes sur la face postérieure du tronc. Si dans les deux faits que j'ai ob- servés, la maladie de la peau a été un symptôme accompagnant le début de l'affection tuberculeuse des poumons, il ne semble pas en être ainsi; au dire de Gunsburg, le pemphygus pourrait, dans cer- tains cas, dans le nord de la Prusse au moins, être la cause de la phthisie pulmonaire {Klinik der Kreisiaufs und Athmungs Organe, p. 704, 1856). J'ai comparé les faits observés par moi avec ceux rapportés par Th. Roussel, et il me semble manifeste que les accidents pellagroïdes observés au début de quelques cas de phthisies pulmonaires n'of- frent qu'une analogie bien éloignée avec la pellagre véritable. On ne rencontre pas, en effet, dans les observations auxquelles je fais allu- sion l'ensemble des symptômes réunis sous le nom de triade, on ne 15 constate pas non plus l'évolution graduelle et lente des accidents de la vraie pellagre, et surtout les recrudescences vernales. Ces quelques détails sur les accidents de la fausse pellagre des plîthisiques, m'engagent donc à donner une interprétation différente à l'observation de la femme C..., pour cette raison qu'elle présente la réunion de presque tous les symptômes de la vraie pellagre, et surtout que ces phénomènes morbides offrent la coordination si ca- ractéristique de cette affection qui se développe dans le Milanais. Le fait que j'ai rapporté serait donc un exemple presque exception- nel de la pellagre sporadique. Cette maladie est très-rare à Rouen, et en me bornant aux malades de ma pratique civile et hospitalière, je n'ai rencontré aucun fait aussi démonstratif. Dans une note pré- sentée il y a quelques années à l'Académie des sciences, j'avais donné une analyse succincte d'un nombre plus considérable de ces faits. Depuis cette époque une critique plus attentive m'a fait, en dehors du fait de celui de la femme C..., en ranger un autre dans la catégo- rie des pseudo-pellagres de la misère, un autre dans la pellagre des alcoolisés. Depuis la publication de la note présentée à l'Académie des sciences, j'ai pu examiner un autre malade dont Taffection, sans offrir un en- semble aussi complet de symptômes que la femme C..., n'en présente pas moins un certain intérêt. ÉRYTHÈME PELLAGROÏDE , ACCIDENTS NERVEUX, SANS TROUBLES DIGESTIFS. DEUX RECRUDESCENCnS VERNALES. Obs. II. — D..., âgé de 30 ans, cultivateur aisé de Jumiéges, d'une taille élevée, muscles bien développés, a toujours vécu dans l'aisance; à l'âge de 22 ans, D... a été atteint d'une affection cutanée avec prurit occupant plusieurs régions du corps, les mains comme le tronc, et qui s'est dissipée en deux ou trois semaines. Depuis cette époque jusqu'au début de l'affection actuelle, D... n'a été atteint d'aucune maladie de peau; il n'a eu ni syphilis ni accidents scorbutiques. Au commence- ment du printemps de 1864, avant les grandes chaleurs, D... a remar- qué que la face dorsale des mains devenait le siège de rougeurs, et en- suite de quelques vésicules qui ont donné issue à une petite quantité d'eau; cette affection, localisée à la face dorsale des deux mains, se dis- sipa d'elle-même en quelques semaines. D... ne se souvient pas avoir éprouvé, à la même époque, de troubles nerveux ou digestifs. Pendant 16 yéié et l'hiver suivants, l'afFoction de la face dorsale des mains ne repa- rut pas. En avril 1865, deuxième apparition de la môme affection de la peau delà face dorsale des mains; simultanément il survint des vertiges, de la perte de l'équilibre et une tendance fréquente aux syncopes. Sans pouvoir donner de renseignements exacts, D... croit avoir eu une légère diarrhée de courte durée. A la suite de cette recrudescence de la mala- die. D... a conservé un peu d'affaiblissement des jambes et une ten- dance aux vertiges. En avril 1866, D... se présenta à ma consultation pour la dernière fois : l'éruption érythémateuse et squameuse de la face dorsale des mains et des premières phalanges a reparu depuis deux semaines. Sen- sation de froid à l'extrémité des doigts et des orteils avec fourmille- ments. Depuis le mois de février les forces ont considérablement dimi- nué, mais depuis deux semaines affaiblissement beaucoup plus marqué de la motilité des membres inférieurs. D... marche seul, mais avec hésitation, cependant pas plus mal les yeux fermés que lorsqu'il les maintient ouverts; rachialgie médio-dorsale intense. Depuis une se- maine la membrane muqueuse de la bouche est un peu douloureuse, de petits aphthes existent à la face interne des deux joues, un peu de gon- flement de la muqueuse de la voûte palatine. Les gencives, nullement saignantes, sont parfaitement intactes. D... assure n'avoir jamais usé d© maïs dans son alimentation, et ne pas faire d'abus alcooliques. Depuis le printemps je n'ai pas revu D... Est-ce là une vraie pellagre? Je ne voudrais pas l'affirmer avec une certitude absolue ; la triade symptomatique n'est pas, à beaucoup près, aussi prononcée que dans le fait de la femme G...; les accidents intestinaux sont beaucoup moins marqués. Un savant membre de l'Académie de médecine, auquel je parlais de la première observation consignée dans ce travail, me disait que lui aussi avait recueilli l'histoire d'un cas manifeste de pellagre sporadique. J'aurais voulu pouvoir utiliser ce fait, mais comme je n'en ai pas eu communica- tion détaillée et qu'il est encore inédit, je ne saurais y faire aucune allusion. La dernière observation dont je viens de donner un court résumé, pourrait soulever peut-être une objection ; on pourrait se demander si la lésion buccale, l'affaiblissement des forces ne permettent pas de soupçonner l'intervention du scorbut dans la pathogénie de cette affection. Le scorbut peut donner lieu à des accidents nerveux eu- 17 tanéset intestinaux ; aussi la réunion accidentelle de ces symptômes serait susceptible dïnduire en erreur. Boerliaave et Lind, qui ont si bien décrit les symptômes morbides du côté des appareils nerveux et digestifs, avaient dit que la peau des scorbutiques pouvait être squameuse comme celle des serpents, etBoerhaave surtout, en insis- tant sur la ressemblance de l'altération de la peau chez les scorbu- tiques et les lépreux, en déduisait une analogie entre ces deux ma- iadiefe. Ces faits, observés par Boerbaave et Lind, sont parfaitement exacts. J'ai eu à plusieurs reprises à traiter dans ma division à IHô- tel-Dieu un pauvre batelier dont l'état fongueux des gencives, les suffusions bémorrbagiques cutanées, témoignent de la dyscrasie scorbutique. Ce malade a présenté, outre un érytbème avec squames de la face dorsale des deux mains, une diarrhée dysentériforme et un affaiblissement général des forces; la triade existait donc chez ce malade, mais la coordination des accidents manquait complètement; ainsi les recrudescences vernales ne se produisaient pas, et les troubles nerveux consistaient en un alfaiblissement général et nullement en cette perversion momentanée intense des fonctions de cet appareil, désordre qui n'existe au début de la maladie au moins qu'au prin- temps, dans la pellagre, tandis que chez mon malade il survivait à la disparition des troubles digestifs et cutanés. Cette discussion, un peu longue peut-être, m'a paru nécessaire pour convaincre que la réunion toute accidentelle de quelques symp- tômes ne suffisait pas pour me faire admettre l'existence d'une pellagre, et que le fait que j'ai rapporté avait été analysé à ce point de vue. L'abus des liqueurs alcooUques dont j'ai pu, à Rouen, suivre avec un grand soin toutes les phases, m'a permis de chercher à élucider cette question et à analyser les symptômes pellagroïdes notés depuis longtemps chez ces malades. C'est ce que je vais essayer défaire dans la deuxième partie de ce travail. DES CARACTÈRES DE LA PSEUDO-PELLAGRE DES ALCOOLISÉS. Les états pathologiques, dit Th. Roussel (Archives générales de MÉDECINE, série VI, vol. VII, p. 199, 1866), qui ont donné lieu aux plus fréquentes et-aux plus graves confusions sont, outre ceux que j'ai rapprochés de la pellagre sous la dénomination de maladies cé- réales, diverses intoxications, et notamment l'intoxication alcoolique MÉM, 2 18 lente ou dypsomanie... » Dans un autre écrit {Traité de la pellagre, p. 131, 186G), le môme auteur cherche à tracer les éléments d'un diag- nostic différentiel entre la pseudo-pellagre d'origine alcoolique et la pellagre vraie. « Cette cause (l'alcoolisme), dit-il, une fois connue, les méprises deviendront presque impossibles. Aussi je ne crois pas avoir à insister sur les traits différentiels, à rappeler, par exemple, que les éruptions cutanées qui pourraient rappeler. Féry thème pella- greux ont un caractère accidentel chez les dypsomanes, qu'on n'y trouve pas les traces des éruptions anciennes, ni les particularités les plus communes aux degrés avancés de la pellagre. L'aspect géné- ral des malades diffère en général complètement, de même que diffè- rent les conditions sociales, lln'y a pas de moindres différences dans les troubles nerveux. Quand les dypsomanes perdent les forces, ils perdent aussi la précision des mouvements qui se conserve chez les pellagreux; lorsqu'il leur survient des tremblements, on les voit se prononcer surtout vers les muscles de la face, aux lèvres, à la langue, comme dan^ la paralysie générale, et produire souvent un bredouille- ment inconnu dans la pellagre. Il y a aussi en général beaucoup plus d'agitation chez les alcoolisés. Le délire alcoolique se sépare du dé- lire pellagreux par des nuances assez tranchées ; les hallucinations y jouent un plus grand rôle; elles résultent de visions ou de bruits qui produisent une expression de frayeur ou d'effarement plutôt que d'abattement stupide. J'ai rapporté httéralement ce passage de l'ouvrage de Th. Roussel, parce qu'il me semble renfermer quelques erreurs, et surtout pren- dre pour terme de comparaison une forme de l'alcoolisme chronique, type qui n'offre pas d'analogie avec la pellagre; il existe d'autres manifestations de la dyscrasie alcoolique qui peuvent beaucoup plus facilement induire en erreur. On sait que Baillarger a insisté sur l'influence pathogônique de Falcoolisme; après avoir combattu l'o- pinion de l'éminent aliéniste, Th. Roussel écrit : [loc. cit., p. 132) « Nous accorderons seulement que les excès alcoohques peuvent, de même que toutes les grandes et profondes débilitations que subit Torganisme, prédisposer à la pellagre, quoique l'investigation des faits particuliers oblige à admettre que cette cau^e agit assez rare- ment. » On comprend que l'alcoolisme, dans les idées de Roussel pour devenir cause déterminante de la pellagre, a besoin d'agir chez un individu usant de l'alimentation par le maïs. 19 J'ai donc à examiner si chez les alcoolisés les trois ordres de symp- tômes qui constituent la triade pellagreuse peuvent revêtir un aspect analogue à celui qu'on observe dans la pellagre vraie consécutive au zôisme. Magnus Hus {Alcoolismus chromais, traduction allemande, p. 502, 1852), Lancereaux {Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, vol. Il, p. 668, 1865) écrivent l'un et l'autre que chez les individus qui abusent des boissons alcooliques, on n'observe aucun symptôme cutané qui ait quelque analogie avec l'éry thème pellagreux; ils indi- quent les diverses variétés d'acné rosacea, sebacea décrites par Roesch, Barkhausen, Carpenter, etc. ; Th. Roussel qui indique égale- ment {loc. cit., p. 127) la couperose, la dartre des ivrognes, ajoute : « Il y a cependant des cas où les éruptions tégumentaires peuvent offrir une apparence pellagroïde. » J'ai rencontré des cas de ce genre au nombre de quatre : le fait suivant, tout en présentant l'aspect de l'éry thème pellagreux, n'offre aucune autre analogie avec la pellagre vraie. ABUS ALCOOLIQUES ANTÉUIEURS ; ACCIDENTS DE PARALYSIE GÉNÉRALE; HYPEr-îS- THÉsiE périphérique; Éruption pellagroïde limitée a la face dorsale DES MAINS. Obs.III. — Beleif (Aimable), âgé de 47 ans, perruquier, entre le 28 juin 1864dans madivisionàrHôtel-Dieu,salleXIX, 15. Depuis de longues an- nées il abuse habituellement des boissons alcooliques; ce n'est que depuis peu d'années que la mémoire est affaiblie au point qu'il n'a aucun sou- venir exact des événements passés. Je constate, outre cet affaiblissement considérable de la mémoire, une hésitation dans l'articulation des mots, un tremblement prononcé de la langue, des lèvres et des mains. Depuis quelque temps les jambes sont faibles, au point que B... manque sou- vent d'équilibre. Son sommeil est troublé fréquemment par des hallu- cinations de la vue. Douleurs fréquentes dans l'extrémité des membres, surtout aux jarrets. Trois semaines avant son admission à l'Hôtel-Dieu, B... aurait été atteint d'une affection de la peau de la face dorsale des deux mains, débutant par une rougeur s'accompagnant d'un peu de suintement, dit-il, et se terminant par une desquammation en larges écailles qui existe encore sur la face dorsale du carpe et du métacarpe au moment où je l'examine. Aucune autre partie de la peau du tronc ou des membres ne présente de lésion. B... assure depuis plusieurs mois avoir travaillé comme d'habitude dans l'intérieur de sa boutique 20 •'(. n'avoir pas été exposé à l'action des rayons du soleil. Je constate, vn outre, une byperestliésie remarquable de l'extrémité des doigts, avec trouble de la sensibilité au contact. Après un court séjour dans mes salles, le malade quitte IHôtel-Dieu ; Thyperesthésie périphérique avait notablement diminué, et les membres inférieurs avaient retrouvé une grande partie de leur force; l'équilibre était devenu beaucoup plus ^;^able ; on n'observait plus sur la face dorsale des mains qu'un état de rudesse marqué, avec teinte rose du tégument. LiiUerprétation de cette observation ne présente aucune difficulté; une paralysie générale consécutive à un abus prolongé des alcooliques avait amené un état d'affaiblissement marqué de l'intelligence; c'est dans le cours de cet état morbide que se manifeste, lors d'une recru- descence des accidents nerveux portant surtout sur la motilitéet sur j'équilibre, une éruption pellagroïde de la face dorsale des mains. Si la cause première de la maladie est incontestable, il faut remar- quer en outre que chez ce malade l'éruption pellagroïde a co'mcidé avec une recrudescence des accidents nerveux. D'autres faits vont montrer que cette coïncidence n'est pas le résultat d'un rapproche- ment fortuit, mais qu'il existe une certaine relation entre les deux ordres de symptômes. J'ai pu recueillir une autre observation qui offre avec la première plusieurs analogies. Gomme dans la précédente, le malade présente un état d'affaiblissement général de l'intelligence; mais il n'existe pas de symptômes réels de paralysie générale, pas de tremblement de la langue ou des membres. Les troubles principaux consistent en des vertiges qui joueut un si grand rôle dans la séméiologie des acci- dents nerveux de l'alcoolisme chronique et en signalent quelquefois le début. Rapprochés de l'affaiblissement des facultés mentales, ces troubles nerveux sont quelquefois les seuls qu'on observe. J'ai pu constater, dans un assez grand nombre de cas, que les troubles de coordination motrice manquaient complètement, et qu'on aurait tort de vouloir arguer de leur absence pour infirmer l'origine alcoolique de la maladie. Les hallucinations jouent ici un rôle très-secondaire et ne sont mentionnées que d'une manière accessoire. Le fait suivant peut donc aider à démontrer que l'ensemble de signes indiqué par Th. Roussel n'est pas un critérium réel de la pseudo-pellagre des al- coolisés. Je transcris ici l'histoire un peu étendue de ce fait intéres- sant; je puiserai dans sa relation quelques nouvelles idées sur l'évo- 21 lution de la pseudo-pellagre consécutive à l'intoxication alcoolique. Cette étude me servira à prouver qu'il existe dans certains de ces cas des points de contact beaucoup plus prononcés avec la pellagi l- que dans les autres états cachectiques. Abus alcooliques habituels ; symptômes vertigineux; dans les deux del- nières années, au printemps éruption eczémateuse localisée a la face dorsale des mains; diarrhée; augmentation des accidents nerveux, dé- lire; mort; aucune lésion céréurale; entérite chronique non ulcéreusi:. Obs. IV. — Sainsaulieu (Arsène-Honorine), âgée de 43 ans, d'une taillo moyenne, muscles médiocrement développés, sans aucun embonpoint, est entrée trois fois dans ma division à IHùtel-Dieu de Rouen le 6 mai 1861, le 30 août 1865, enfin le 16 mai 1866. D'une bonne santé anté- rieure, S... a été débardeuse et depuis l'âge de 36 ans trameuse; par conséquent elle travaillait constamment chez elle et n'était pas exposée à l'influence des rayons solaires. A 38 ans, ménopause sans aucun acci- dent. Depuis de longues années S... use habituellement des boissons alcooliques au point d'être parfois ivre plusieurs fois dans une semaine. En mai 1861 elle entreà l'Hôtel-Dieu pour des vertiges tellement mar- qués, qu'ils provoquent parfois sa chute. Jamais ces accidents ne se se- raient accompagnés de mouvements convulsifs, de perte absolue de connaissance ou de morsure de la langue. Je constate alors un peu d'hébétude, un léger tremblement des mains, sans aucun tremblement des lèvres. S... peut marcher et est venue à pied à THôtel-Dieu soute- nue seulement par deux personnes; aucune diarrhée, pas d'éruption cutanée remarciuée. (Infusion de quinquina, 1 portion d'aliments.) L'état de S... s'améliore graduellement; elle quitte l'Hôtel-Dieu le 9 juin 1861. Pendant cet intervalle S... n'a éprouvé aucune perle do connaissance, aucun mouvement convulsif; son intelligence est tou- jours diminuée. S... est de nouveau admise à l'Hôtel-Dieu dans ma division le 30 août 1865; depuis 1861, époque de la première admission dans mes salles, elle a été traitée dans le même établissement, dans le service de mon collègue le docteur Bullay. La mémoire de S... est tellement affaiblie, qu'elle ne peut me donner de renseignements sur les symptômes qu'elle aurait présentés alors. S... a continué à user des alcooliques. Vers la fin de juin 1865 elle commença à éprouver de nouveau des vertiges, sans convulsions. Versla même époque, diarrhée sans coliques, plusieurs selles dans les vingt-quatre heures; les mains commencèrent alors à de- venir gur la face dorsale du métacarpe le siège d'un peu de ohalenr e?^ 22 do cuisson avec de la rougeur et quelques vésicules donnant un peu d'eau après leur rupture. Cette éruption aurait diminué d'elle-même, et au moment de l'admission à THôtel-Dieu nous ne constatons qu'une desquamation légère avec état lisse et brillant dans les endroits où l'épiderme est tombé. Cette éruption s'étend jusqu'à la partie inférieure de la face postérieure des deux premières phalanges. Je constate alors un affaiblissement remarquable des deux jambes, une anesthésie in- complète de la peau des deux jambes et du bras droit au point que l'on peut transpercer la peau au moyen d'une épingle sans que la ma- lade accuse de douleur. Anesthésie incomplète de la peau du bras gauche, moins marquée encore au tronc. La peau de la face et les mem- branes muqueuses, oculaire, nasale, pharyngienne et buccale semblent jouir de leur sensibilité normale. La motilité est conservée aux deux jambes, mais la force y a tellement diminué que S... ne peut se sou^ tenir seule sur ses jambes; la force des muscles des membres supé- rieurs, quoique au-dessous de l'état normal, est beaucoup plus déve- loppée que celle des deux jambes. Fourmillements et douleurs sous les deux pieds. Apyrexie, langue humide. (Infusion d'arnica.— Poudre de noixvomique, 0,05 chaque jour, 1 portion.i) L'état de S... s'améliore rapidement; la diarrhée cesse; les évacua- tions alvines d'une fréquence médiocre n'étaient jamais accompagnées ou précédées de coliques. Les matières liquides n'auraient jamais été glaireuses ou sanguinolentes. Après une semaine de séjour à l'Hôtel-Dieu, S... commence à re- couvrer un peu de force des deux jambes; la sensibilité cutanée est toujours affaiblie ; elle a néanmoins reparu en partie, principale- ment au bras droit. Au bout d'une douzaine de jours, S... marchait seule. La peau de la face dorsale des deux métacarpes était à peine rouge, légèrement écailleuse. Son état s'améliore lentement. A partir du mois d'octobre, elle se lève et marche seule dans la salle. S... quitte l'Hôtel-Dieu le 17 décembre 1865. S... rentre une troisième fois dans ma division le 16 mai 1866. De- puis quatre mois sa santé n'a pas été bonne, son affaiblissement a per- sisté au point qu'elle pouvait avec peine faire une course même très- courte ; état vertigineux fréquent, sans perte de connaissance ou accès convulsifs. Depuis un mois l'affaiblissement a été graduellement en augmentant; depuis cinq semaines S... a remarqué l'apparition sur la face dorsale des deux métacarpes de petites cloches rendant un peu d'eau, non prurigineuses. S..., depuis trois mois, était tellement faible, qu'elle n'a nullement travaillé; elle est toujours restée chez elle et n'a nullement été exposée à l'action du soleil, n'ayant pas assez de force pour sortir de sa demeure. Un peu de diarrhée depuis plusieurs jours. 23 Au moment de ladmission à l'Hôtel-Dieu, je trouve S... dans l'état suivant : expression de la face un peu hébétée ; tremblement très-mar- qué des lèvres et des mains ; la malade répond aux questions, mais avec une exaltation très-marquée ; elle raconte avec assez de netteté quelques détails sur les symptômes présentés lors des premiers séjours : sensibilité morale exaltée ; alternatives rapides et sans motif de pleurs et de rires. La marche n'est pas impossible. S... se soutient seule et se promène sans appui ; pas d'anesthésie des membres inférieurs ou des supérieurs, mais sensibilité moins développée aux deux jambes que dans l'état normal. Etat rugueux marqué avec rougeur et soulèvement de l'épiderme par écailles blanches au niveau de la face dorsale des deux mains dans toute l'étendue du corps et du métacarpe, et un peu sur la face postérieure des premières phalanges des doigts. Teinte bru- nâtre pigmentée en manchette au niveau de la face postérieure du poignet. Aucune autre éruption ailleurs. Apyrexie, pas de soif. S... n'ac- cuse pas de fourmillements dans les membres. (Riz; s. diac. ; inf. de menthe ; vin de quinquina ; une portion.) Dans la nuit du 18 au 19 mai, S... se lève et se promène dans la salle pour aller chercher son mari couché, dit-elle, dans un autre lit de la salle et qu'elle reconnaît; elle se laisse reconduire facilement dans son lit. Insomnie. Cet état d'hallucinations de la vue et de l'ouïe se renou- velle presque chaque nuit sous des formes variées. Les hallucinations effrayantes sont rares, mais S... en mentionne plusieurs bizarres, comme des têtes de chat qui grimacent, etc. Le 23 mai, à quatre heures du soir, sans aucun signe précurseur re- marqué par les malades voisines. S... est prise d'un accès convulsif épileptiforme : mouvements saccadés, convulsions toniques et clo- niques des membres, mais d'une médiocre étendue, écume à la bouche, face violacée ; la crise de courte durée est suivie d'un stertor prononcé. Dans la soirée, S... sort de cet état de stertor pour parler en délirant; on veut lui donner des coups, etc. On est forcé de la maintenir dans son lit au moyen d'une camisole de force. La diarrhée s'est arrêtée presque immédiatement après Tadmission de la malade à l'hôpital. (Riz; sucre; s. avec teinture de castoréum, 60 gouttes; s. diac; deux bouillons; deux soupes.) L'état d'hébétude persiste toute la journée du 24 mai. Le 25, dans la matinée, la malade est plus calme et fait quelques réponses sensées. Cet état d'alternative de délire loquace, avec quelques hallucinations et du calme, persiste jusqu'au 29. On est obligé de tenir la malade pres- que constamment attachée : une légère eschare,unpeu brunâtre, appa- raît au sacrum (lot. avec alcool sur le sacrum). Du 30 au 31 mai 1866 adynamie progressive ; la respiration devient 24 fréquente; selles involontaires; quelques paroles incohérentes par moments. Mort le 31 mai 1866, à six heures du soir. Examen du cadavre le 1 juin, à neuf heures du matin ; temps chaud et sec. Aucune roideur cadavérique ; un peu de teinte bleuâtre des parois de l'abdomen. La face dorsale des deux mains est rugueuse et squameuse comme pen- dant la vie. Aucune altération des parois du crâne; intégrité absolue des enve- loppes du cerveau qui s'enlèvent sans entraîner aucun fragment de la pulpe cérébrale. Le cerveau, examiné avec un grand soin dans toute son étendue, ne présente aucune trace de ramollissement ou d'indura- tion. L'intégrité la plus parfaite est constatée dans le cerveau, le cer- velet, le bulbe et la protubérance. La moelle au-dessous du bulbe n'a pas été examinée. Aucun épanchement dans les deux cavités des plèvres ; quelques adhérences peu étendues aux deux sommets. Le sommet du poumon gauche présentait quatre ou cinq petites masses tuberculeuses d'un blanc un peu jaunâtre du volume d'un pois, demi-molles et entourées par un tissu pulmonaire, légèrement induré. Au sommet droit, les pe- tites masses tuberculeuses sont moins nombreuses et moins avancées. A peine un peu d'engouement hypostatique du tissu de la base du pou- mon gauche. Aucune lésion du péricarde; pas d'adhérences anciennes ou ré- centes. Le cœur, un peu plus volumineux que dans l'état normal, est un peu surchargé de graisse ; ses cavités ventriculaires sont un peu dila- tées, les parois d'une couleur un peu pâle n'offrent aucune augmenta- tion d'épaisseur. Intégrité absolue des valvules. Péritoine sain. Aucun épanchement dans sa cavité. La membrane muqueuse de l'estomac, ramollie cadavériquement dans le grand cui- de-sac, élait mamelonnée, un peu augmentée d'épaisseur dans la région pylorique. La membrane muqueuse de Fintestin grêle est altérée dans une hauteur d'un mètre environ au-dessus de la valvule iléocœcale. Cette membrane est légèrement ramollie, comme grenue, et s'enlève par le raclage. Aucune trace d'ulcérations anciennes ou récentes. Mem- brane muqueuse ramollie dans le cœcum. Le foie, un peu augmenté de volume, n'offrait aucun épaississement de sa membrane d'enveloppe ; tissu d'une couleur jaunâtre, très-grais- seux. Bile peu abondante. Rate un peu augmentée de volume, d'une consistance au-dessous de la normale. Reins un peu volumineux, légèrement graisseux. Utérus libre d'ad- ht^rences, sain^ 25 Ce fait démontre que les éruptions delà pseudo-pellagre des alcoo- lisés sont susceptibles de se répéter plusieurs années consécutives; chacune de ces éruptions pellagroïdes coïncide avec une recrudes- cence des accidents nerveux et une manifestation légère de troubles intestinaux. La mort a été causée cliez cette malade par une aggra- vation de la forme convulsive de l'alcoolisme. Ce genre d'accidents n'appartient nullement à la vraie pellagre. Les détails dans lesquels je viens d'entrer me semblent venir à l'appui de cette opinion de Th. Roussel, qu'il existe chez les alcoo- lisés des éruptions qui rappellent l'érythème pellagreux. Chez aucun des malades dont j"ai rapporté ici l'histoire, il n'existait d'affection générale de la peau, actuelle ou antérieure; la localisation exclusive à la face dorsale des mains, la forme même de la lésion du tégument externe ont une analogie frappante avec l'éruption pellagreuse. Aucun médecin ne sera étonné de la fréquence de la diarrhée chez les alcoolisés et de la forme dysentérique qu'elle revêt. Le catarrhe intestinal des ivrognes n'est même pas inconnu au monde non médi- cal. Dans un autre travail {Des ulcères de C estomac à La suite des abus alcooliques, congrès médico-chirurgical de Rouen, 1863), j'ai in- sisté sur cette forme dysentérique et les hémorrhagies intestinales qui les accompagnent. Le degré extrême auquel l'abus des boissons alcooliques est poussé ici, et surtout la quantité énorme de boissons ingérées coïncidant avec une nourriture souvent presque exclusive- ment végétale, explique la persistance chez certains individus des accidents intestinaux. J'ai dû rechercher si chez ces alcoolisés chez lesquels le catarrhe intestinal avait pendant des années constitué le symptôme dominant, je rencontrais ces mêmes affections chroniques du tégument externe. Mes recherches prolongées pendant plusieurs années m'ont démontré que le catarrhe intestinal conduisait aux dé- générescences cirrhotiques ou graisseuses du foie, aux altérations semblables du rein, mais que dans les cas oîi le système nerveux demeure sans dérangement, on n'observait pas en général cet en- semble de symptômes analogues à la pellagre et pas même l'érythème pellagreux. L'influence des accidents nerveux antérieurs chez les alcoolisés est beaucoup plus marquée; tous les alcoolisés qui présentèrent l'éry- thème pellagroïde éprouvaient antérieurement un dérangement plus ou moins marqué des fonctions nerveuses, variant depuis le vertige 'v^^nOS Hc 26 simple jusqu'aux accidents caractéristiques de la paralysie générale. On aurait donc tort de considérer raccident cutané comme un acci- dent de cachexie. Dans les cas précités le trouble des fonctions ner- veuses subissait une aggravation marquée au moment de l'apparition de l'éruption cutanée ; il en était de même chez d'autres malades. L'observation suivante est un exemple très-marqué des recru- descences vernales de la maladie; j'en donnerai une courte ana- lyse. ABUS ALCOOLIQUES PROLONGÉS. INVASION SIMULTANÉE, SANS ACCIDENTS PARALY- TIQUES ANTÉRIEURS, DE TROUBLES DE l'iNNERVATION, DE LA DIARRHÉE ET d'uN ÉRYTBÈME PELLAGROÏDE, AU DÉBUT DE l'ÉTÉ ; LES MÊMES ACCIDENTS REPA- RAISSENT A LA MÊME ÉPOQUE LES DEUX ANNÉES SUIVANTES. Obs. V. — Bonnissent (Constant), âgé de 47 ans, commis chez un marchand de vin, entre le 9 juillet 1863 à THôtel-Dieu de Rouen, dans ma division, salle XIX, n^ 27. A l'âge de 8 ans B... a été atteint d'une déviation de la colonne vertébrale qui a toujours persisté depuis; il est depuis de longues années dégustateur d'alcool, est rarement ivre, mais fréquemment excité. Le seul accident qu'il éprouve depuis de longues années sont des régurgitations aqueuses le matin. Jamais B... n'a mangé de maïs; sa nourriture est habituellement bonne, et il n'a jamais souf- fert de la misère. Au commencement de l'été 1861, sans cause connue, B... a été atteint presque simultanément d'un affaiblissement marqué des jambes, et avec fourmillements dans les pieds, d'un état vertigineux qui provoquait des chutes fréquentes dans la rue, et d'un érythème pellagroïde localisé à la face dorsale des deux mains; ces accidents dis- parurent en cinq ou six semaines. B... put reprendre ses occupations qu'il avait interrompues pendant la durée de ce malaise. Au printemps 1862 les mômes accidents reparurent et eurent à peu près la môme durée. Depuis cette époque B... a constamment un peu d'affaiblissement de la mémoire et un peu de tremblement des mains. En mai 1863 réap- parition des accidents, vertiges, chutes fréquentes dans la rue, diar- rhée simultanée, et peu de temps après réapparition de l'éruption cu- tanée, d'abord érythémateuse et bientôt squammeuse. Au moment où B... fut examiné par moi, il présentait encore l'ensemble de ces symp- tômes et en outre un affaiblissement de la vue qui a existé dans les deux dernières recrudescences vernales. Un traitement par les toniques produit une amélioration rapide, et B. .. quitte FHôtel-Dieu le 13 août 1863. Ce fait est peut-être de tous ceux que j'ai rencontrés le plus inté- 27 ressant; il prouve que l'état cachectique n'est pas la condition indis- pensable du développement ultérieur de la pseudo-pellagre; il prouve que ces recrudescences peuvent être réelles, c'est-à-dire caractérisées par la triade pellagreuse, que l'intervalle qui sépare chacune d'elles n'est pas occupé par un état valétudinaire, mais que l'alcoolisé peut reprendre presque un état de santé parfait. On a vu (obs. II, IV etV) que les accidents de la pseudo-pellagre peuvent présenter des recrudescences vernales; je pourrais citer un quatrième exemple de ce fait chez ce dernier malade, dont je ne transcrirai pas l'histoire dans la crainte d'allonger trop ce travail. Il y eut trois recrudescences vernales caractérisées par la diarrhée, l'exagération des désordres nerveux et l'érythème; l'affection s'est terminée par une paraplégie. Th. Roussel {De la pellagre, p. 87, 1866) cherchant une explication des recrudescences vernales de la vraie pellagre, affirme que ces recrudescences vernales s'observent également dans l'évolution des symptômes de l'alcoolisme. « Rien de plus simple en apparence, dit- il, que l'étiologie du délire des ivrognes; c'est un agent extérieur connu qui le produit, et il semble que le cours des saisons ne doive exercer aucune influence sur ses manifestations. L'observation a ce- pendant prouvé l'influence du printemps sur la production de ce dé- lire. Depuis Barkausen, on n'a pas cessé de noter que les mois de mai et de juin, sans coïncider avec de plus grands excès dans les bois- sons, sont le moment où l'on compte le plus grand nombre de cas de delirium tremens, et que c'est à cette époque de l'année que cette forme d'intoxication alcoolique règne le plus souvent d'une manière épidémique. » J'ai étudié à ce point de vue les observations recueil- lies par moi depuis treize années, et j'ai constaté que le delirium tre- mens était beaucoup plus fréquent au printemps et en été que pen- dant les saisons froides. J'ajouterai que l'élévation de la température semble jouer à ces époques de l'année un rôle pathogénique marqué; il me suffira pour rendre cette proposition vraisemblable de rappeler que des statistiques publiées par les médecins militaires des Etats- Unis d'Amérique, ont prouvé que le delirium tremens était beaucoup plus fréquent dans les mêmes régiments pendant leur stationnement dans les Etats du Sud que pendant qu'ils occupaient des garnisons dans les Etats du Nord. S'il est démontré statistiquement que le printemps et l'été, et sur- 28 tout l'élévation de la température de ces deux saisons sont des causes actives de production du delirium treniens, observe-t-on à la même époque la recrudescence des troubles nerveux de l'alcoolisme chronique? Il est incontestable, dit Th. Roussel, que le printemps agit sur le système nerveux dans les organismes ébranlés. J'ai donc étu- dié à ce point de vue les faits que j'ai recueillis: sur 190 recrudes- cences d'accidents survenus dans le cours de l'alcoolisme chronique, 56 se produisirent au printemps, 54 en été, 45 en automne et 35 en hiver. On observe donc ici également la prédominance des recrudes- cences des accidents pendant la saison chaude et sa diminution dans la saison froide. Ce fait constitue donc une prédisposition de l'apparition de la pseudo-pellagre au printemps ou dans l'été. Des terminaisons de ta pseudo-pellagre des alcoolisés. — Les alcoo- lisés atteints de la pseudo-pellagre dans le cours de la période ner- veuse de l'intoxication alcoolique chronique éprouvent toujours une aggravation de leurs accidents; le pseudo-pellagre est donc dans tous les cas l'indice d'une marche ultérieure grave. Je nai qu'à rappeler que la rapidité de la marche est variable, peut-être suivant la gravité des symptômes nerveux. Ici, comme dans la pellagre vraie, ses per- versions nerveuses constituent donc le meilleur élément de diag- nostic. La maladie peut se terminer par un accident de nature ma- nifestement alcooHque, comme les convulsions; dans d'autres, et ce sont les plus communs, la paraplégie est l'accident ultime; enfin chez quelques malades une tuberculisation pulmonaire intercurrente est la cause de la mort. CONCLUSIONS. 1° On observe dans quelques cas, chez des individus n'ayant jamais fait usage du mais dans leur alimentation, des accidents complète- ment analogues à la pellagre ; aussi est-il peut-être prématuré de rayer de la pathologie la pellagre sporadique. 2" Les gens qui ont abusé des boissons alcooliques sont atteints quelquefois d'un ensemble de symptômes semblables à la pellagre ; aussi la pseudo-pellagre des alcoolisés doit-elle être rangée au nombre des accidents d'alcoolisme chronique. 3" La pseudo-peliagre des alcoolisés est caractérisée par rensembk 29 des symptômes coijim sous le nom de triade pellagreiise, érytlième, troubles intestinaux, accidents nerveux. 4° L'existence antérieure de dérangements du système nerveux semble être la condition nécessaire à la production de ces acci- dents. 5" La pseudo-pellagre des alcoolisés se manifeste quelquefois à une époque bien antérieure à la cachexie; ce dernier état n'est donc pas l'antécédent obligé, la cause de cet état morbide. 6° La pseudo-pellagre des alcoolisés présente parfois des recrudes- cences vernales pendant plusieurs années successives; 7° Elle se termine par des affections de la moelle ou par des acci- dents intercurrents, des convulsions, une tuberculisation pulmo- naire, etc. MÉMOIRE SUR L'ÉVOLUTION DE LA NOTOCORDE, DES CAVITÉS DES DISQUES INTERVERTÉBRAUX ET I>E LEUïl COIS^TEIVXJ GÉ IL. A TIIVB U X, lu à la Société de Biolosie M. LE DOCTEUR CHARLES ROBIN Membre de l'Institut, etc. Le but de ce mémoire est d'exposer dans L'ordre de leur succession évolutive un certain nombre de faits qui se rapportent : 1° A la constitution de la corde dorsale des mammifères, lliomme compris^ depuis son origine jusqu'à sa disparition (1); 2" Au mode de naissance, aux caractères et au mode de dispari- tion de la substance gélatineuse des disques invertébraux et des cavités qui la renferment ; (1) Corde dorsale oit spinale, cliorda dorsalis (Baer, Enlwickelungs- gescliiclite der Tliiere; Kœnigsberg, 1828, in-4°; erster Theil, p. 15, et zweiter Theil, p. 208), et Développement des oiseaux dans Burdach, Pliysiologie, traduction française, Paris, 1838; in-8% t. III, p. 208. Corde de substance molle que les vertèbres entourent comme des 32 T Aux caractères, à la nature et aux niodilications graduelles des cellules de la corde dorsale qui concourent à la constitution de cette substance gélatineuse. Il m'est impossible, dans cet extrait, de rappeler le nom des au- teurs qui ont déjà signalé quelques-uns des faits que je décris ; mais je n'ai pas omis de mentionner leurs écrits dans le corps du travail dont je ne fais que tracer ici la disposition générale plutôt que je n'en résume le contenu même. La notocorde est un organe en forme de filament cylindrique, de structure celluleuse, d'origine embryonnaire ou blastodermique. Il apparaît dans le grand axe de la tache ou aire embryonnaire dans l'épaisseur du tissu de celle-ci, en môme temps à peu près que la gouttière ou ligne primitive dont il occupe le fond et toute la lon- gueur. Sur beaucoup de mammifères, mais non sur tous, il est légè- rement renflé en inassue (1) à son extrémité céphalique, qui s'étend jusqu'au niveau des vésicules auditives, à la place qu'occupera le cartilage de Tapophyse basilaire de l'occipital, immédiatement en arrière de celle qui sera occupée par le cartilage du corps du sphé- noïde. Un peu aminci à son extrémité postérieure ou caudale, cet organe forme un cordon parfaitement cylindrique et d'une épaisseur qui reste à peu de chose près de 5 centièmes de millimètre dans toute sa longueur, quand son extrémité céphalique n'est pas un peu renflée comme sur le mouton. Le corps cartilagineux de l'apophyse basilaire, celui de l'apophyse odontoïde et celui de chaque vertèbre, naissent autour de la corde dorsale comme centre, de telle sorte que jusqu'à l'époque de l'ossi- fication du corps des vertèbres, tous ces centres vertébraux sont anneaux chez Testurgeon, le polyodon, la chimère, la lamproie, etc.. (Cuvier, Anatomie comparée^ 1800.) Cliorde ou corde dorsale et cordon gélatineux de la colonne verté- brale^ de divers auteurs. Corde vertébrale (Valentin, Bischoff, etc.). Notocorde (Richard Owen, Principes d'ostéologie comparée, Paris, 1855; in-8,p.l81.) (1) Bouton de la corde dorsale^ arrondi chez les oiseaux (Baer, loc. cit., et dans Burdach, Physiologie, traduction française; Paris, 1838; in-8, t. III, p. 208 et 209), où il occupe le milieu de la base du crâne. 33 traversés par ce cordon jusqu'à la dernière vertèbre coccygienne inclusivement, comme un fil traverse les grains d'un chapelet. Les cartilages du corps de chaque vertèbre sont séparés les uns des autres par des espaces réguliers presque aussitôt occupés par le tissu des disques intervertébraux. Lors de la génération de ce tissu, là notocorde se renfle vers le centre de ces disques, sa gaîne se dilate sous forme de gonflements ovoïdes ou lenticulaires, réguliers; en sorte que cet organe, qui représente alors l'axe réel de la colonne vertébrale et s'allonge en même temps qu'elle, est d'une manière régulière alternativement renflé et parfaitement cylindrique. Ici son diamètre ne change pas. La notocorde constitue ainsi un filament clair, renflé au niveau des disques intervertébraux , et qui reste mince dans ses portions qui traversent les cartilages du corps des vertèbres, comme il était partout auparavant. Biejitôt l'ossification du centre des vertèbres interrompt la conti- nuité des portions restées cylindriques de la notocorde, et ne laisse plus de cet organe que les cavités intervertébrales, qui continuent à s'agrandir pour disparaître ensuite plus ou moins tôt, suivant les espèces de mammifères, au sacrum, au coccyx et même dans tous les espaces intervertébraux chez quelques-uns. Sur de très-petits embryons, tels que ceux de vache, etc., longs de 4 à 5 centimètres, à compter de la tête jusqu'à la racine de la queue, on peut constater que l'apparition des points d'ossification offre les particularités suivantes. Le dépôt de granules phosphatiques, plus opaques que le cartilage, se fait dans les interstices des chondro- plastes, dont les dimensions sont encore petites. L'époque à laquelle commencent à se former les ostéoplastes est celle où ce dépôt repré- sente un amas central ovoïde en travers ou arrondi, d'abord grenu, pâle, puis apercevable à l'œil nu, opaque sous le microscope, et qui interrompt la notocorde. Avant cette époque, il forme vers le milieu de la hauteur de la vertèbre une petite tache demi-transparente, mais notablement moins translucide que le reste du cartilage ; elle est due au dépôt de phosphate calcaire à Vétat de granules entre les chondroplastes, sans qu'il y ait encore d'ostéoplastes formés ; on ne peut, par conséquent, pas les nommer des points d ossification. Cette tache est plus claire dans l'axe de la vertèbre, au niveau de la noto- corde, que sur ses côtés, et paraît ainsi double ou bilobée, surtout si l'on comprime la préparation. MÉM, 3 34 Jusqu'à cette époque col organe se compose : 1"* De la noLocordc proprement dite, iilament plein, grisâtre, com- posé de cellules nucléées, polyédriques, finement granuleuses, très- adhérentes les unes aux autres par juxtaposition immédiate. 2° Ce cordon est lui-même entouré d'une gaine mince, transpa- rente, résistante {gaine ou tunique de la notocorde)^ séparée du fila- ment celluleux par uu petit intervalle plein d'une substance demi- liquide, hyaline, assez tenace, dans laquelle est plongé et flotte en quelque sorte le cordon celluleux ou notocorde proprement dite. Avant l'apparition des renflements intervertébraux, on peut retirer intactes la notocorde et sa gaîne des organes qu'elles traversent, et constater que ces derniei-s ne naissent pas par transformation de la substance de cette tunique en leurs tissus cartilagineux et fibreux. Remplissant le rôle de soutien squelettique du nouvel être durant la phase blastodermique de son évolution, on voit à cet égard d'autres organes se substituer à elle et, loin de se transformer en quelque au- tre, la corde dorsale continue à augmenter de masse, mais en chan- geant do disposition morphologique, ce qui entraine des différences dans les usages relatifs aux mouvements du nouveau squelette, usa- ges que les portions intervertébrales remplissent jusqu'à f époque de son atrophie sénile, avec substitution d'un autre tissu. Enfin ce petit appareil offre un exemple frappant des cas de remplacement d'un or- gane transitoire par un autre, sans que jamais le tissu du second soit une transformation du premier, sans qu'il y ait de lien généalogique direct dos éléments de celui-ci avec ceux de celui-là. 11 est facile de distinguer les cellules qui composent la corde dor- sale de celles qui fprment le tissu de la tache embryonnaire par le volume trois ou quatre fois plus considérable des premières; leur diamètre est de 0'"'",025 à0°"",040 environ. Elles sont polyédriques, gri- sâtres, assez transparentes, finement granuleuses, à granulations fines et grisâtres; toutes renferment un noyau sphérique, quelquefois un peu ovoïde, très-transparent, avec un nucléole brillant et peu volu- mineux. Dès qu'on vient à mettre ces cellules au contact de l'eau, elles se gonflent et prennent rapidement un volume presque double de celui qu'elles avaient avant; en même temps elles deviennent sphériques. Cette remarque est très-importante, parce que, dans presque toutes les descriptions de ces cellules, on les décrit telles qu'elles sont 35 apn's le contact de reau; doù il résulte qu'on les dit être de erands globules splu'riques, transparents, offrant un noyau très-clair et dé- pourvu de granulations, tandis qu'elles sont en réalité grisâtres, fine- ment granuleuses et polyédriques. Ce n'est qu'au contact de l'eau qu'elles deviennent sphériques et que leurs granulations se dissol- vent, ce qui les rend tout à fait hyalines. De Pextrémité antérieure de l'apophyse basilaire, la corde dorsale s'étend jusqu'à la dernière vertèbre coccygienne ou caudale, en tra- versant le sacrum, de telle sorte qu'elle est très-longue chez les rats, les carnassiers, les ruminants, etc., qui présentent un grand nombre de vertèbres coccygiennes. Lorsque les points d'ossification apparaissent au centre des vertè- bres et dans l "apophyse basilaire, elle s'atrophie à ce niveau et dis- paraît, de telle sorte qu'elle se trouve interrompue autant de fois qu'il y a de corps vertébraux s'ossifiant. Il importe de savoir qu'il n'y a qu'un seul noyau d'ossification au centre de chaque corps verté- bral ou de l'apophyse basilaire de l'occipital, et que ce noyau unique apparaît un peu en arrière de la notocorde qu'il entoure bientôt et dont il envahit la place en déterminant l'atrophie de sagaîne et de ses cellules. Une disposition digne d'être notée est que ce filament traverse de part en part l'apophyse odontuido de l'axis et passe en arrière de l'arc antérieur de l'atlas, de sorte que l'atlas n'est traversé dans aucune de ses parties par la corde dorsale. Ce fait se rattache à cette particula- rité importante en anatomie descriptive, que l'apophyse odontoïde naît toujours par un corps cartilagineux distinct qui représente en réalité le corps de l'atlas, et qui au lieu de s'unir à l'arc antérieur de cette vertèbre se soude, quoique assez tard, au corps de l'axis; cette soudure est tardive, parce qu'il reste un renflement de la corde dorsale entre l'apophyse odontoïde et le corps de l'axis. Lors de l'os- sification des vertèbres, la notocorde ne forme donc plus un filament continu; elle ne se trouve plus représentée que par les dilatations in- tervertébrales, dont une existe entre le corps de Taxis et l'apophyse odontoïde représentant le corps de l'atlas. Ainsi la portion de ce cordon qui traverse l'apophyse basilaire s'a- trophie graduellement; il en est de même de la portion qui traverse l'apophyse odontoïde et de celle qui traverse le corps de l'axis sur le- quel l'apophyse odontoïde représente une partie altoïdienne surajoutée. 36 Lors de l'ossification des corps vertél)raux on ne rencontre plus le tissu de la notocorde qu'à partir du disque qui sépare la seconde de la troisième vertèbre cervicale, et dans tous ses homologues jusqu'à l'extrémité du coccyx. Mais bientôt on voit la portion du cordon qui traverse le sacrum subir une atrophie telle, que la dilatation qui est interposée à chaque vertèbre disparaît complètement. Chez l'homme, c'est vers l'âge de 9 à 12 ans qu'ont lieu ces derniers phénomènes. Il en est bientôt de même pour la partie qui occupe l'intervalle des ver- tèbres coccygiennes. De telle manière qu'au bout d'un certain temps, ce cordon celluleux est subdivisé par la production des points d'os- sification en autant de portions distinctes ou d'organes similaires qu'il y a de disques intervertébraux (1); après avoir ainsi occupé toute l'étendue de la colonne vertébrale depuis l'apophyse basilaire jusqu'à l'extrémité du coccyx, on le voit s'atrophier dans l'apophyse basilaire dans les deux premières vertèbres cervicales, dans les disques inter- vertébraux du sacrum et du coccyx, pour ne plus occuper que la colonne vertébrale proprement dite. Là même on ne retrouve son tissu qu'au centre des disques intervertébraux, oii il est accompagné d'une certaine quantité de la matière liquide gélatiniforme dont nous avons parlé. Plus tard, dans les disques intervertébraux, cervicaux, dorsaux, lombaires, aussi bien que dans le sacrum, ce tissu s'atro- phie graduellement. Chez les adultes, il commence à disparaître dans ces régions vers l'âge de 60 ans environ. A partir de ce moment, la cavité des disques intervertébraux, au lieu de renfermer une sub- stance molle, élastique, est graduellement envahie par du tissu fibreux, de telle manière que chez les sujets très-âgés on n'observe plus trace du tissu de la corde dorsale, formé par les cellules juxta- posées, ni du liquide visqueux qui les accompagne. Cette atrophie, (1) La matière contenue dans les cavités des disques intervertébraux n'est donc pas comparable à la synovie. Elle représente les restes de la corde dorsale devenus un centre de mouvement sphéroïdal, incom- pressible en raison de sa liquidité et, par suite aussi, susceptible de très-légers déplacements qui suffisent à l'accomplissement des usages de la colonne vertébrale en tant que tige flexible et de sustentation à la fois. La portion fluide du corps gélatineux filant que renferment ces cavités est le résidu du liquide de même nature que nous avons vu exis- ter entre l'enveloppe et le cordon celluleux de la corde dorsale. 37 dans les disques intervertébraux, suit toutes les phases qu'on observe durant l'atrophie du tissu de la portion de la n otocorde qui occupe l'intervalle des vertèbres sacrées. Ces phénomènes sont les mêmes aussi bien vers la neuvième ou la douzième année, époque cù ils ont lieu dans le sacrum, que vers làge de 60 ans environ où elle commence à survenir dans les autres vertèbres. Quoi quïl en soit, ce tissu a une existence temporaire, chez les mammifères; mais celle-ci se prolonge cependant jusqu'à une période avancée de l'exis- tence pour un certain nombre de disques intervertébraux, et en par- ticulier pour ceux de la région lombaire, où l'atrophie se fait en dernier lieu. Il y a des animaux sur lesquels cette atrophie graduelle du tissu de la notocorde s'accomplit beaucoup plus tôt que chez l'homme. Ainsi, sur les ruminants et sur les solipèdes, qui ont une colonne vertébrale très-rigide, l'atrophie s'achève avant la naissance; chez quelques espèces elle a lieu quelque temps après la naissance, tandis que chez les carnassiers, qui ont une colonne vertébrale très-flexible, comme le chien et le chat,- on retrouve ce tissu gélatineux de la no- tocorde dans les cavités des disques intervertébraux pendant toute la durée de.la vie (1). Ajoutons en terminant que pendant que se produisent les cavités intervertébrales par dilatation de la notocorde, on voit là, dès le troisième mois de la vie intra-utérine de Ihomme, par exemple, et même plus tôt, ces cellules présenter des modifications importantes. D'abord la corde dorsale proprement dite cesse de former en ce point un renflement ou amas celluleux homogène; ce renflement se subdi- vise en fragments ou groupes petits larges de 0""",1 ou environ, aper- cevables déjà à l'œil nu, comme de petits points grisâtres, de confi- (1) On n'a pas encore noté d'altération parlicuHère du tissu de la corde dorsale. Cependant, chez les enfants, on peut accidentellement trouver ce tissu incrusté de grains phosphatiques irréguliers; de telle manière que quelquefois, sur les jeunes sujets, on voit alors le tissu mou qui occupe les disques intervertébraux remplacé par une sub- stance jaunâtre, qui doit sa coloration à une incrustation des cellules de la notocorde par des grains de phosphate de chaux, grains qui existent aussi entre ces cellules dans le liquide précédemment visqueux et gé- Icitiniforme. 3S gurations très-variées et souvent cVaspecls l)izarrcs sous le micro- scope. Ces amas otrrcnt cette particularité, que les cellules dont ils sont formés se creusent petit à petit de cavités que remplissent des gout- telettes d'un liquide rosé ou jaunâtre. Ces cellules deviennent alors tantôt ovoïdes, tantôt arrondies, et jusqu'à deux ou trois fois plus grosses que dans les premiers mois de leur existence.. Leur contour est quelquefois dilïicile à distinguer au premier abord; mais il de- vient très-apparent, dès qu'où ajoute de l'eau à la préparation. L'as- pect de ces cellules est complètement changé par la présence de ces gouttelettes rosées ou jaunâtres, et les auteurs partisans de la géné- ration eudogène ont décrit ces gouttelettes comme des cellules in- cluses, tandis qu'elles représentent un iluide assez épais qui s'est produit dans l'épaisseur de la substance des cellules en vertu de modilications évolutives et relativement séniles. Ces gouttelettes sont complètement dissoutes par l'eau après une demi-heure de con- tact ou environ, et les cellules reprennent alors les caractères qu'elles oirrent pendant l'âge embryonnaire lorsqu'on les a traitées par l'eau. Ce fait prouve que €e sont bien là des gouttes d'un liquide particu- lier qui se forment dans la substance des cellules de la notocorde, substance qu'elles distendent et repoussent sans se mêler avec elle, et que ce ne sont pas des cellules incluses dans d'autres cellules. Enfin des gouttes semblables se produisent aussi dans la matière hyaline visqueuse qui est interposée aux amas de cellules. NOTE SUR L'ACTION PHYSIOLOGIQUE DE LA VÉRATRINE A PROPOS D'UN MÉMOIRE DE MM. DE BEZOLD ET HIRT; lue à la Société de biologie, le b octobre iS67, PAU M. J, L, PREVOST, Interne des hôpitaux. On peut lire clans la préface d'un ouvrage récent qui traite de l'ac- tion physiologique de la vératrine (1), que MM. de Bezold et Hirt se voient forcés de publier leurs recherches, quoique non achevées, parce que j'ai présenté à la Société de biologie en décembre 1866 (2) des résultats analogues aux leurs, sans les citer, quoiqu'ils aient déjà communiqué lanalyse de leurs recherches à la Société de phy- sique et de médecine de Wiirtzburg dans la séance du 5 mai 1866 et que le compte rendu de cette séance ait paru dans la Neue Wuutz- BURGER Zeitung du 10 mai 1866 et dans le Central Blatt fur medic. WissENSCHAFTEN, 1866, p. 600 {mois de septembre). (1) Unters, Aus dem pliysiologisclien Laboraiorium in Wiirtzburg, Leipzig, 1867. (2) Yoy. Gaz. méd. de Paris, 1867, n"' 5, 8, 10, 11, et Mém, de (a Soc. de biologie de l'année 1866, 40 J'ai le regret de ne pas avoir consulté le Central Blâtt, qui m'au- rait donné en quelques lignes la substance de ces recherches. Quant au Neue wurtzburger Zeituxg, journal qui traite de politique et qui ne se trouve par conséquent point dans les bibliothèques scien- tifiques de Paris, on comprendra facilement que je n'aie pu en avoir connaissance. De plus, M. Hirt aurait publié le il février 1866, dans sa thèse inaugurale, une partie de ces recherches. C'est là probablement une faute d'impression, car cette thèse que M. Hirt a bien voulu m'en- voyer porte la date du 14 février 1867. . Les recherches de MM. de Bezold et Hirt ont aussi été résumées dans le Wurtzburger medicinische Zeitschrift, 1867, T Heft., et dans le Jahresbericht uber die Leistungen und Fortschritte in DER GES. MED. (NOUVEAU CANSTADT JaHR.), 1867, I, 121. M. Hirt a fait paraître une partie de sa thèse dans le Wiener medic. WocHENSCHRiFT, u" 29 du 10 av7nl 1867, article résumé par M. Bou- chard dans la Gazette hebdomadaire du 24 77iai 1867, n° 21, ainsi que dans le Schmidt's Jahrbucher, 1867, n" 6. Ces dernières indications bibliographiques sont, comme on le voit, postérieures à la pubhcation de mon mémoire. Je regrette de n'avoir eu connaissance des expériences de MM. de Bezold et Hirt que con- iirmenten plusieurs points celles que j'ai faites, car j'aurais pu dis- cuter dans mon mémoire plusieurs des conclusions qu'en tirent ces auteurs; j'aurais pu montrer, en les discutant, en quoi elles se rap- prochent, en quoi elles diffèrent des miennes, ce que n'ont pas cru devoir faire MM. de Bezold et Hirt. - Je tâcherai de combler aujourd'hui cette lacune. Dans la description que j'ai donnée de l'empoisonnement par la vé- ratrine, j'ai montré que Ton pouvait reconnaître trois périodes à cet empoisonnement : une première d'excitation, une seconde de con- vulsions ou de contractures, une troisième de résolution. Ces pé- riodes peuvent se succéder plus ou moins rapidement les unes aux autres. Quand l'animal ne meurt pas, les symptômes disparaissent dans un ordre inverse à celui de leur manifestation, et il n'est pas rare de voir un retour à la seconde période de convulsions succéder à la résolution de la troisième période. Ce phénomène de réapparition des contractures a aussi été remarqué par MM. de Bezold et Hirt; mais ces auteurs ne signalent pas la réapparition des contractures 41 sur des membres de grenouille séparés du tronc, et par conséquent de la circulation, phénomène sur rintérêt duquel j'ai insisté. Les convulsions généralisées avaient déjà été décrites par d'autres auteurs; mais tous (même Kôlliker, qui fait jouer un grand rôle aux muscles dans les symptômes de paralysie) pensaient que ces convul- sions étaient comparables à celles que produit la strychnine et dé- pendaient d'une excitation médullaire. Par des expériences variées qui consistaient surtout à soustraire les muscles à l'influence nerveuse et les nerfs à l'action du système nerveux central, j'ai été amené à conclure que pour produire les convulsions, la vératrine agit directement sur les muscles, dont elle modifie la contractilité d'une manière spéciale en transformant la contraction brusque normale du muscle en une contraction pro- longée, en une contracture. J'ai montré que cette contracture peut être produite par l'action excito-motrice normale de la moelle épinière, par l'excitation des bouts nerveux périphériques (quand les nerfs ont été sectionnés ou que les membres ont été séparés du tronc); enfin par l'excitation di- recte des muscles. MM. de Bezold et Hirt décrivent comme moi les convulsions tétani- formes dues à la vératrine, les représentent graphiquement par des tracés myographiques, analogues à ceux qui m'ont été communiqués par M. Marey. Pour ces auteurs, les contractures sont en grande par- tie le résultat d'une modification de la contractilité musculaire; car des excitations produites sur le bout périphérique d'un nerf sec- tionné donnent encore lieu au tétanos musculaire, alors même que l'on prend la précaution de faire parcourir, une seconde après, le nerf par un courant ascendant puissant qui enraye la propagation de l'excitation (p. 142). Mais les nerfs contribueraient aussi à cette action tétanisante, et pour admettre cette hypothèse, MM. de Bezold et Hirt se fondent sur- tout sur ce que des excitations répétées du nerf font cesser au bout d'un certain temps la contraction prolongée du muscle, qui est rem- placée par une contraction brusque très-aflaiblie, et sur ce qu'ils ont observé une diminution de la variation négative dans les nerfs vératrinés. En analysant les modifications de l'excitabilité nerveuse dues à la vératrine, ces auteurs font remarquer que l'excitabilité du nerf est 42 augmentée au début, qu'elle diminue peu à peu et cesse dans une pé- riode plus avancéede l'empoisonnement, et, de ce que les excitations du nerf ne produisent plus les contractures tétaniques que font encore naître les excitations directes du muscle, ils concluent que la véra- trine agit aussi sur le nerf. Il me semble cependant que c'est là un phénomène qui se passe à l'état normal, souvent quand il n'est plus possible d'exciter des contractions dans le muscle par l'excitation de son nerf en un point donné ; on peut le faire en excitant le nerf plus près de sa périphérie, ou en excitant directement le muscle, la perte de l'excitabilité nerveuse se faisant du centre à la périphérie. La perte plus ou moins complète de Texcitabilité musculaire di- recte ou indirecte est d'ailleurs, comme je l'ai montré, un phénomène caractéristique de la troisième période de l'empoisonnement. En résumé, MM. de Bezold et Hirt pensent que l'action de la véra- trine sur l'appareil nervo-musculaire se produit en premier lieu sur les plaques terminales des nerfs, et qu'elle s'irradie de là soit du côté de la substance contractile, soit du côté du tronc uerveux, et que le poison affecte ainsi l'élément musculaire et l'élément nerveux. J'avais cru pouvoir rejeter cette hypothèse en faisant remarquer que l'action tétanisante de la vératrine se produit chez les grenouilles préalablement curarisées, chez lesquelles le curare a paralysé l'ac- tion excito-motrice des nerfs et des plaques terminales. On peut, en effet, faire naître alors des contractures par l'excitation directe du muscle; ce qui montre que l'action de la vératrine peut se produire sur les muscles indépendamment de l'action nerveuse. Les contractures dues à la vératrine, faciles à étudier chez les grenouilles, peuvent, à l'aide de certaines précautions, être observées- et analysées chez les mammifères ; je ne sais pas si MM. de Bezold et Hirt ont fait la même observation. De même que chez les grenouilles, j'ai pu interpréter les convulsions observées chez les mammifères par une modification de la contractilité musculaire se produisant hors l'action nerveuse. En étudiant l'action de la vératrine sur le cœur des grenouilles, j'avais signalé une différence de sensibilité entre les grenouilles vertes et les grenouilles rousses. MM. de Bezold et Hirt ne disent pas avoir observé le même fait. .l'avais attribué l'arrêt du cœur qui se fait au bout d'un certain temps en systole, comme l'avait déjà constaté Kolliker, à une action 43 coiitracturante de la vératriiie sur les muscles cardiaques. MM. de Bezold et Hirt, après avoir étudié avec de grands détails et au moyen d'expériences nombreuses faites sur des lapins et des grenouilles l'ac- tion de la vératrine sur les mouvements du cœur et sur la pression artérielle, arrivent à des conclusions différentes des miennes. Leurs résultats se basent sur le mode d'expérimentation suivant : Ils observent les modifications que la vératrine produit dans le nombre des battements du cœur et dans la pression artérielle sur des animaux intacts et sur des animaux auxquels ils ont préalable- ment sectionné les pneumogastriques. Ils introduisent le poison, tantôt dans le bout central d'une jugulaire, tantôt dans le bout péri- phérique d'une carotide, afin, disent-ils, d'agir, dans le premier cas, directement sur le cœur, et, dans le second, directement sur les par- ties des centres nerveux qui président soit aux mouvements du cœur, soit à l'action des nerfs vaso-moteurs. Us remarquent que la vératrine , administrée à doses moyennes à des animaux non mutilés, ralentit progressivement les mouvements du cœ,ur et finit par les arrêter en systole au bout d'un certain temps; que chez des animaux dont on a préalablement coupé les nerfs pneu- mogastriques, il y a d'abord accélération dans les battements car- diaques, puis ralentissement, et ils expUquent cette différence par l'action excitante de la vératrine sur le nerf pneumogastrique non sectionné, d'où ralentissement du cœur. Afin de mieux faire saisir la théorie compliquée, et plus ou moins hypothétique à mon avis, que ces auteurs donnent de l'action phy- Biologique de la vératrine sur le cœur et la circulation générale, je ne puis mieux faire que de traduire textuellement le résumé qui se trouve à la fin de ce chapitre (p. 114). « Portée à de très-faibles doses dans le cœur, la vératrine augmente « l'excitabilité des agents d'excitation et d'arrêt du cœur qui exis- te tent dans le cœur lui-même;. le poison parait exciter les nerfs sen- « sibles de la surface interne du cœur et amener par action réflexe « une accélération des mouvements du cœur. « Portée dans le cerveau, elle produit au contraire une excitation « de l'origine du nerf pneumogastrique et augmente le tonus des « nerfs d'arrêt dii cœur; au lieu d'une accélération des battements « du cŒ'ur, il se produit de suite un ralentissement de ces batte- M ments. 44 « Portée à doses moyennes dans le cœur, la vératrine produit en- ,« core les effets décrits ci-dessus; mais il s y ajoute d'autres phéno- « mènes : c'est ainsi que l'action dépressive des nerfs sensibles du « cœur, des dépresseurs et du pneumogastrique se trouve exagérée: « de là abaissement de la pression sanguine; mais bientôt les nerfs « d'arrêt du cœur reçoivent une dose suffisante de poison pour être « excités à leur tour et pour surpasser l'action excitante de la véra- « trine sur le système musculo-moteur cardiaque. Le nombre des « pulsations diminue. « En outre, l'excitation locale des nerfs cardiaques moteurs se trans- « forme en une paralysie; en sorte que si la pression artérielle devait « s'élever par suite de l'action trop considérable du système vaso- « moteur, due à la paralysie des nerfs sensibles du cœur, elle s'a- « baisse d'autre part à cause de la faiblesse et du ralentissement des « pulsations cardiaques. « Des doses moyennes de poison, portées dans le cerveau, pro- « duisent un ralentissement immédiat des pulsations cardiaques, à « la suite de la violente excitation des lilets d'origine du nerf pneu- « mogastrique ; et quand l'action des dépresseurs a cessé, l'action de « la vératrine se produit alors sur le centre nerveux vaso-moteur; « elle excite ce centre, augmente la contraction vasculaire, et par « conséquent la pression artérielle. « De très-fortes doses de vératrine détruisent très-promptement « l'excitabilité des ganglions cardiaques et des muscles cardiaques, « et les paralysent. Ainsi nous voyons comme action du poison : d'à- « bord excitation , ensuite paralysie de toutes les parties nerveuses « et musculaires de l'appareil circulatoire. » En terminant leur mémoire, MM. de Bezold et Hirt résument l'ac- tion physiologique de la vératrine. Pour eux, ce poison agit sur les nerfs moteurs, sur les muscles, et le protoplasma qui unit ces parties, sur les centres nerveux qui président aux mouvements automatiques et réflexes du cœur, ainsi que sur le centre d;où naissent les nerfs d'arrêt du cœur; il rigit sur les nerfs sensibles des poumons et du cœur, sur la moelle, sur le centre nerveux qui dirige le système vaso-moteur, sur les glandes; enfin, ajoutent-ils, sur une foule d'ap- pareils sur lesquels ils ne veulent point insister. NOTE SUR DEUX CAS D'HÉMORRHIGIE SOUS-MÉNINGÉE lue à la Société de Biologie RAPHAËL LEPINE, Interne lauréat des liùpitaii\. Dans ces dernières années, nos connaissances sur les héraorrhagies dites intra-araclinoïdiennes ont subi une transformation presque ra- dicale. Les rapports qui existent entre la production de ces hômor- rhagies et le développement de néo-membranes, rapports déjà en- trevus par d'excellents observateurs, ont été mieux établis, grâce à de nouveaux travaux, parmi lesquels se distinguent ceux de Heschl, de Vircbow, de M. Brunet, de MM. Gharcot et Vulpian, de M. Lancereaux et de quelques autres auteurs. On ne saurait nier que la patbogénie de cette maladie n'ait été ainsi éclairée d'une vive lumière. — Les bémorrhagies sous-arachnoïdiennes, que Prus, l'un des premiers, et avec raison, a nettement distinguées des précé- dentes (1), ont moins préoccupé les esprits, et bien des points restent à élucider dans leur bistoire. Leurs conditions patbogéniques ne nous semblent encore qu'imparfaitement connues. Autrefois on ad- mettait, pour le plus grand nombre des cas, la tbéorie de l'exhala- tion; mais on ne peut aujourd'hui s'en contenter; et, quant à la partie clinique, il s'en faut de beaucoup qu'elle soit constituée d'une manière satisfaisante. Une des raisons qui contribuent à embrouiller (1) R. Prus, Mémoire sur les deux maladies connues sous le nom d'a- poplexie méningée. (Mém, de l'Acad. de méd., t. XL) 4f, leur pymptomatologie réside sans doute dans la variété des lésions: tantôt il s'agit dun épanchement plus ou moins diffus dans l'espace sous-arachnoïdien, tantôt cVune infiltration localisée surtout dans les mailles de la pie-mère; tantôt les circonvolutions sont parfaitement indemnes, tantôt il existe une érosion ou une destruction plus ou moins profonde de la substance nerveuse. La nature de la cause elle-même peut influer sur les symptômes : on conçoit qu'une rup- ture artérielle détermine des accidents plus suLits qu'une rupture veineuse. En fait, le diagnostic est des plus difficiles. Un foyer super- ficiel avec érosion de la substance nerveuse peut-il être différencié d'une manière certaine d'une vaste hémorrbagie opto-striée, avec rup- ture du foyer et épancbement sous les méninges? Un épancbement sous -méningé présentc-t-il des signes très-différents, selon que la par- tie superficielle des circonvolutions sousjacentes est ou non intéres- sée ? Voilà, entre beaucoup d'autres, quelques-unes des questions qu'il faudrait élucider et dont malheureusement la solution ne peut être donnée d'une manière complète dans Fétat actuel de la science. Quand les auteurs abordent nettement ces difficultés de diagnostic, ils ne les résolvent pas sans formuler de nombreuses erreurs. Boudet, dans son remarquable mémoire, et après lui M. Durand Fardel, ont fait de louables efforts pour fixer, dans les cas analogues à ceux que nous venons d'indiquer, la valeur séméiologique de la contraction et des convulsions; mais il est impossible d'accorder à leurs conclu- sions une valeur absolue, et la question reste pleine d'obscurités. Les observations des diverses variétés d'hémorrhagie sous-ménin- gée que l'on trouve disséminées dans divers recueils ou rassemblées dans des mémoires spéciaux sont en nombre assez considérable : ou en réunirait facilement plus d'une centaine ; mais sous cette abon- dance de matériaux qui encombrent la science se cache une véri- table pénurie de faits précis et détaillés : jamais richesse ne fut plus stérile. Ayant eu récemment l'occasion d'observer deux cas intéres- sants d'hémorrhagie sous-méningée accompagnée de lésions des circonvolutions sous-jacentes au foyer, nous avons eu le dessein d'analyser les faits analogues et d'essayer d'en tirer quelque ensei- gnement; mais après avoir fait le dépouillement des observations qui existent dans la science, nous y avons renoncé, parce que le peu de valeur [des matériaux ne permet d'édifier rien de solide. Aussi nous bornons-nous à rapporter avec quelques détails les deux observa- 47 tions que nous avous recueillies dans le service et sous la direction de notre savant maître M. le docteur Charcot. Nos deux cas, sous le rapport des symptômes, de la marche, des lé- sions anatomiques et même de la pathogénie, ofîVent entre eux une analogie fort remarquable : attaque d'apoplexie foudroyante, coma et hémiplégie; mort au bout d'un septénaire; à l'autopsie, épanche- ment sanguin sous-arachnoïdien, principalement au niveau de la scissure de Sylvius, avec destruction partielle de la première circon- volution du lobe sphénoïdal; épanchement causé dans le premier cas par la rupture d^un très-petit anévrysme de l'artère sylvienne; dans le second, par un anévrysme miliaire des méninges : voilà ce qu'ont présenté de commun les deux faits que nous avons observés. Nous ferons suivre leur relation de quelques remarques : en peu de mots, nous insisterons sur les lésions qui ont paru influer spécialement sur les symptômes, et relativement à ces derniers, nous noterons cer- taines particularités de Thémiplégie, Fabsence rigoureusement con- statée de convulsions épileptiformes dans les deux cas, et de con- tracture dans le deuxième, la déviation de la face et des yeux. Nous aurons à signaler aussi les résultats fournis par l'exploration ther- mométrique du rectum, et la production d'une eschare sur la fesse paralysée, phénomènes que, d'après M. Charcot, l'on observe dans toutes les apoplexies, quelle qu'en soit la cause, et qui ont fait de sa part l'objet d'une récente publication. Enfin nous appellerons l'attention sur les complications traumati- ques de l'encéphale que peut déterminer la chute sur le crâne au mo- ment de l'attaque d'apoplexie. APOPLEXIE FOUDROYANTE ; COMA PROtOND ; FLACCIDITÉ GÉIVÉÎiALE ; DÉVIATION DES YEUX ET DE LA TÈTE ; PARALYSIE FACIALE GAUCHE ; LE LENDEMAIN HÉMI- P^ÉGIE DU MÊME CÔTÉ ; CONTRACTURE DU MEMBRE SUPÉRIEUR DU COTÉ DROIT ' PUIS, DEUX JOURS APRÈS, APPARITION d'UxNE ESCOARE SUR LA FESSE GAUCHE " ÉLÉVATION TERMINALE DE LA TEMPÉRATURE; MORT; AUTOPSIE; RÉMORRHAGIE SOUS-MÉNINGÉE ; INFILTRATION DIFFUSE DANS LES MÉNINGES; PETIT FOYER SANGUIN AU NIVEAU DE LA SCISSURE DE SYLVIUS ; DESTRUCTION SUPERFICIELLE DE LA PREMIÈRE CIRCONVOLUTION SPHÉNOÏDALE (MARGINALE INFÉRIEURE DROITE); ANÉVRYSME d'uNE BRANCHE DE l'arTÈRE SYLVIENNE ; UN PEU d'hÉMORRHAGIE INTRA-ARACHNOÏDIENNE. Obs. I. — Bertat, âgée de 78 ans, entre à l'infirmerie de la Salpétrière le 7 juin 18G7 (service de M. Charcot). Celte femme jouit habituelle- 48 ment d'une très-bonne santé. On a pu avoir sur sa vie des renseigne- ments circonstanciés. Jamais elle ne se plaignait de céphalalgie ; jamais de vertiges ni d'étourdissements. Seulement, depuis quelques années, elle était un peu braque et craignait toujours d'être volée. Le 7 juin, à midi, elle a été frappée brusquement après son déjeuner d'une attaque d'apoplexie foudroyante; elle est tombée la face contre terre (on a constaté une petite plaie au niveau de la racine du nez). Elle a pu être observée moins d'une demi-heure après le début de l'at- taque et présente alors l'étal suivant: perte complète de connaissance; face pâle; paupières abaissées; bouche entrouverte. Vingt respirations par minute. Le rhythme respiratoire est très-remarquable; tandis que l'inspiration se fait librement, l'expiration est très-prolongée et s'opère (à cause des mucosités qui remplissent l'arrière-gorge) avec un bruit identique à celui que produit l'acte volontaire de se gargariser. Pouls, 88, petit, régulier, sauf qu'il est très-influencé par la respiration et que sur le tracé sphygmographique on constate de grandes ondulations en rapport avec l'inspiration et l'expiration. Température du rectum, 37°, 2. Vomissements réitérés d'un liquide roussâtre. Selles abondantes spon- tanées. Pas de déviation de la tête ni des yeux. Pas de différence de température très-accusée entre les deux côtés du corps; les deux ais- selles présentent la môme température, 35,8. La température générale de la peau est basse; l'avant-bras droit est un peu plus froid que le gauche. Résolution des quatre membres. Quand on abandonne lesmem- bres après les avoir soulevés, ils retombent inertes et flaccides; il n'y a pas de différence sous ce rapport entre l'un et l'autre côté. Quand on pince fortement la peau d'un membre, la malade retire le membre de la même manière à droite et à gauche; ce mouvement n'a pas les carac- tères d'un mouvement réflexe; il ressemble plutôt à un mouvement vo- lontaire, mais le visage ne manifeste pas de signe de douleur. Si l'on chatouille la plante des pieds, on n'obtient d'aucun côté des mouve- ments réflexes. On ne provoque de mouvements quelconques que par le pincement. Pendant la durée de l'examen, la respiration s'est embarrassée déplus en plus. Environ vingt minutes après le commencement de l'examen, le pouls est monté à 116; la malade est devenue insensible à toute ex- citation; les pincements les plus énergiques ne provoquent plus aucun mouvement. Les yeux se sont ouverts et les paupières sont restées ainsi immobiles, sans clignement apparent pendant plus d'une demi- heure. La malade était alors très-pâle et semblait près de rendre le dernier soupir. Le soir, même perte de connaissance ; mais par des pincements éner- giques des membres et du tronc, on provoque des grimaces du visage 49 et des mouvements des membres. Face pâle; respiration stertoreuse à rliythme normal, 32. Pouls 106, assez régulier. Le tracé sphygmogra- phique le montre tel que ce matin. Les bruits du cœur sont normaux. Température du rectum 37%5. 11 y a encore eu des vomissements du même liquide roussâtre et des selles abondantes. Le malade n'a rien pu avaler. L'attitude de la tête paraît à peu près indifférente, mais les yeux sont manifestement tournés à droite. Pas de nystagmus. Les pau- pières sont abaissées; pupilles égales. Légère déviation des traits du vi- sage; le côté gauche de la bouche est plus ouvert que le côté droit. La température générale de la peau est moins basse que ce matin. Les deux aisselles sont à 36". Les pieds sont froids. Il n'y a pas de différence nette de température entre les deux côtés ; peut-être le pied droit est- il plus froid. Comme ce matin, les membres de l'un et de l'autre côté retombent également flaccides, et le mouvement de retrait quand on les pince, plus prononcé que ce matin, est égal des deux côtés. Ce soir on peut provoquer par le chatouillement de la plante du pied des mou- vements manifestement réflexes dans les deux membres inférieurs. Un peu de roideur dans les articulations de l'épaule et du coude du côté droit. 8 juin, matin. Coma; la malade semble dormir d'un sommeil tran- quille; on ne peut obtenir aucune réponse. Pouls régulier, assez plein, plus ample quliier, à 84. Respiration 30; sans stertor ni ronflement guttural; il existe un simple ronflement nasal. Râles sous-crépitants nombreux aux deux bases ; pas de matité. Température du rectum 37°, 9. La déglutition, qui était impossible hier, s'opère assez bien. Ni selles ni vomissements. Pendant" qu'on a assis la malade sur son lit pour auscul- ter sa poitrine, elle a ouvert les yeux. Habituellement les paupières sont complètement abaissées. Il n'y a pas de différence dans la m.obilité de l'une et de l'autre paupière. Les pupilles sont égales et très-contrac- tées; nystagmus. Les yeux sont toujours dirigés à droite. Ce matin la tête est manifestement tournée aussi adroite; et, le sterno-ipastoïdien gauche étant légèrement contracture, lorsqu'on l'abandonne après l'a* voir tournée à gauche, elle reprend sa position primitive. La face est un peu pâle; les pommettes ne sont pas rouges; la commissure labialo droite est un peu tirée en arrière; le côté gauche de la face un peu proéminent. Ce matin l'hémiplégie des membres du côté gauche est on ne peut plus évidente. Yoiçi dans quel état se présentent les quatre membres : Membre supérieur droit. Rigidité très-prononcée dans le coude; on ' ne peut produire la flexion complète sans une grande résistance. Pen* dant la durée de l'examen on a observé à plusieurs reprises des mou* vements automatiques de ce membre; la main se portait sur le visagei MÉM. 4 50 Le pincement et le chatouillement sont perçus; la malade retire le membre. Il est plutôt frais que chaud; quand on l'abandonne après l'avoir soulevé, il ne retombe pas inerte. Membre supérieur gauche flasque, retombant inerte; quand on le pince, mouvement de reptation du membre qui se rapproche du tronc ; mouvement évidemment réflexe; le pincement a été perça, car la ma- lade agite l'autre bras. Ce membre est plus chaud que le droit. Colo- ration violacée de la paume de la main. Membre inférieur droit. Il n'est pas contracture, mais on éprouve une résistance tonique dans les mouvements d'extension et de flexio;. Abandonné, il ne retombe pas inerte. Le pincement et le chatouille- ment y déterminent des mouvements; la sensibilité est conservée: le membre est un peu froid. Membre inférieur gauche» Il retombe inerte; le pincement et 'e chatouillement y déterminent seulement des mouvements réflexes. Par l'application de la main sur les deux genoux, on reconnaît facilement une légère différence de température; le gauche est moins iVoid. Le soir, l'état est le môme; coma profond; on dit cependant qu'elle a répondu le mot oui quand on lui offrait à boire; pouls 84, régulier; température du rectum, 37%8. Respiration, 28, un peu sifflante à l'in- spiration. Même altitude de la tôte et des yeux; boache entr'ouverte ; même paralysie faciale que ce matin. Même ccitracture du membre supérieur droit avec mouvements automatiques. Un peu de roideur dans les deux genoux. Les mouvements réflexes obtenus par le cha- touillement de la plante des pieds sont égaux des deux côtés. Quant aux mouvements de retrait des membres droits, ils sont les mêmes que ce matin; le membre inférieur gauche a aussi des mouvements de re- trait volontaires. Il n'existe pas de différence de température sensible entre les deux côtés. Les aisselles sont à 36", 9. 9 juin matin. Même coma qu'hier. Exactement le même état de la tête, de la face et des yeux qu'hier, sauf que les deux joues sont un peu rouges. Même état des membres qu'hier matin ; il y a seulement en plus un peu de roideur dans les genoux, roideur déjà signalée hier soir. Pouls, 80, plein, régulier. Respiration un peu bruyante, non sterto» reuse, 22. Température du rectum, 37,6. Sur la fesse gauche, teinte violacée; au centre, tache ecchymotique. Les membres gauches sont notablement plus chauds que les droits; l'aisselle droite est à 36,5; la gauche a 1 à 2 dixièmes en sus. Le soir, même coma. Pouls, 96, régulier. Respiration, 23 ; à rhythme normal ; à peine bruyante. Température du rectum, 38,2; les deux ais- selles sont à 37", 7 ; les membres gauches sont un peu plus chauds; les mouvements musculaires et les mouvements réflexes sont les mêmes 51 qu'hier; l'attitude de la tête, des yeux, la paralysie i'adiale tte {)résen- tent rien de plus à noter qu'hier. Le 10 juin, matin. Coma profond, pouls 88, faible, avec quelques in- termittences. 28 respirations, la malade tousse de temps en temps. Température du rectum, 38°, 2. Ce matin, sur la tache violacée signalée hier à la fesse gauche, il existe un léger soulèvement épidermique. La fesse droite est rouge aussi, mais sa7is tache violacée. L'aisselle droite a 37", 1 ; la gauche a 37°, 2, Les joues ne sont pas rouges ce matin ; même attitude de la tête tournée à droite, et des yeux. Pupilles également contractées, l'état des membres est toujours le môme; contracture très- forte dans le coude droit; roideur des deux genoux. Le soir, même coma. Pouls, 92, avec quelques irrégularités, 36 res- pirations non bruyantes. Température du rectum, 38,4. Les aisselles à 37,6. Par l'exploration la plus attentive, on ne peut constater de diffé- rence de température entre les deux côtés. Les membres supérieurs sont chauds; les genoux sont froids. Quand on pince un des membres, la malade sent ; elle grimace, mais les mouvements de retrait du membre pincé sont évidemm.ent moins étendus qu'hier; ils sont aussi moins prompts. Les mouvements réflexes produits par le chatouillement de la plante des pieds paraissent aussi très-manifestement dim^inués. 11 juin, matin. Coma; cependant la malade répond un peu ; elle boit bien. Pouls, 124, un peu faible. 36 respirations, bruyantes sans stertor. Température du rectum, 39°. Les deux aisselles sont à 37°,9.L'épiderme dont le soulèvement constituait la bulle notée hier sur la fesse gauche, s'est détaché; on voit à nu le derme qui présente une coloration vio- lacée (escarre commençante). Le chatouillement de la plante des pieds ne détermine que des mouvements réflexes à peine appréciables; il faut des pincements pour les produire. Les pincements des membres supé- rieurs, même du membre droit ne déterminent non plus presque pas de mouvements; cependant la malade sent. Même contracture du coude droit, même flaccidité et même paralysie à gauche. Les deux mains son* chaudes, les pieds sont chauds, les genoux sont froids. Le soir. Le coma n'est pas plus profond qu'hier. Quand on l'assied, elle répond oui aux questions, Fintelligence est donc en partie conser- vée ; pouls fréquent, irrégulier ; par moments il atteint le chiffre dé 120 ; 44 respirations, bruyantes. La malade avale mial ; elle tousse géné- ralement quand on la fait boire. Température du rectum, 39%2; peau en général sèche et brûlante; l'aisselle droite à 38°, 1, la gauche à 38°, 3 ; mains également chaudes; le genou gauche est un peu plus chaud. Le chatouillement delà plante des pieds ne produit rien; la roideur des genoux a disparu. 12 juin matin. Pour la première fois on n'obtient aucune réponse 52 quand la malade est assise; on ne peut la faire boire. Pouls, 132, un peu irrégulier. 40 respirations (type expirateur), l'inspiration est nor- male, l'expiration est brusque et bruyante; les côtes s'élèvent moins du côté gauche. Température du rectum, 40%8. Peau en général brû- lante; l'aisselle droite à 39%3 ; la gauche à 39°, 5; la main gauche est plus chaude. Les deux genoux sont flasques ; la roideur du membre supérieur droit a beaucoup diminué. Les pincements les plus éner- giques de la peau des membres ne produisent plus rien. L'escarre de la fesse gauche est très-étendue. Aujourd'hui existe une plaque violacée commençant à la fesse droite. L'attitude de la tête, la déviation des yeux, le nystegmus, la contraction des pupilles et la paralysie faciale persistent sans changements. Le soir à six heures. Coma très-profond ; face un peu pâle, sans teinte asphyxique bien prononcée ; 44 respirations très-bruyantes aux deux temps sans râle laryngo-trachéal. Pouls, 172, mou. Température du rectum à 42"; l'aisselle droite à 40^,2, la gauche à 40", 8. La main droite à 39°, 8, la gauche à 40°. Chaleur générale de la peau, les pieds sont chauds; les genoux sont plutôt froids et violacés. Résolution générale; plus de mouvements. La rigidité du membre supérieur droit a disparu. Les pupilles sont toujours très-contractées. Mort à sept heures du soir. Une demi-heure après, la température du rectum est à 42%5. Dans la soirée les membres des deux côtés sont éga- lement flaccides ; le lendemain matin, il existe une légère différence : à droite ils sont un peu roides, tandis qu'à gauche ils sont presque flasques. Autopsie trente-huit heures après la mort; pas d'ecchymoses du péri - crâne. Les os du crâne et la dure-mère ne présentent rien de particu- lier. Dans [a grande cavité de V arachnoïde il existe de chaque côté, sur la moitié postérieure de la face convexe de l'hémisphère, une petite quantité (15 grammes à peine) de sang noir coagulé et formant une couche extrêmement mince, homogène et peu résistante. Pas de couche fibrineuse à la surface de ce caillot. La dure-mère, examinée avec le plus grand soin, ne présente ni néo-membrane ni vascularisation. On constate de plus à la base du crâne, dans la fosse cérébrale moyenne (entre la petite aile du sphénoïde et le rocher) du côté droite environ une demi-cuillerée de sang noir dans la grande cavité arachnoïdienne constituant un caillot homogène identique aux précédents. La dure- mère est également intacte. Les sinus des deux côtés ne renferment pas de caillots. La pie-mère est très-injectée. Nombreuses extravasa- tions paraissant occuper soit les mailles de la pie-mère, soit les espaces sous-arachnoïdiens, irrégulièrement disséminées entre les circonvolu- tions de la surface de l'encéphale presque tout entière, notamment au 53 niveau des deux scissures de Sylvius, de la grande fente cérébrale de Bichat. Il est à noter qu'il n'existe pas d'épanchement notable dans les confluents sous-arachnoïdiens de la base. Au niveau de rextrémité antérieure du lobe sphénoïdal droit, la substance cérébrale présente à travers les méninges un point ramolli, fluctuant. L'incision des méninges montre en ce point une destruction superficielle de la portion de cir- convolution correspondante; elle est remplacée par un caillot noir irrégulier. La ^substance nerveuse qui constitue une des parois de ce petit foyer hémorrhagique dont la pie-mère forme la paroi superficielle est rouge, tomenteuse, ramollie. L'examen microscopique démontre qu'il s' a^it, non d'uvi7Yimot lis sèment 7' ouge, mais d'une simple encéphaloma- lacie par attrition; il n'existe point de corps granuleux dans la sub- stance nerveuse de la paroi du foyer. Ce caillot entoure l'artère céré- brale moyenne. En isolant cette dernière avec précaution, on reconnaît qu'à une distance de 2 centimètres environ de son origine, elle se bi- furque. Or une des branches de bifurcation porte à 3 ou 4 millimètres de sa naissance une dilatation latérale sacciforme du volume d'une len- tille. Un léger rétrécissement en forme de collet sépare la dilatation de la branche artérielle qui le supporte. Par un examen attentif on constate que ce collet est déchiré dans le tiers ou la moitié de sa circonférence; à ce niveau le sac est d'une minceur extrême; dans toute son étendue, il est d'ailleurs très-peu épais; pas de caillots dans l'intérieur de l'ané- vrysme. Les artères de la base, leurs branches, etnotamment les artères sylviennes, sont à peu près absolument exemptes d'athérome.On ne peut en distinguer que des points extrêmement petits au niveau des inflexions brusques. Sur une des circonvolutions on rencontre un anévrysme miliaire qui, examiné au microscope, a été reconnu pour tel. Les parties centrales du cerveau sont parfaitement saines. Les vais- seaux du corps strié, examinés au microscope, sont à l'état normal, sauf quelques branches qui sont sclérosées à un faible degré d'ailleurs. Les ventricules n'off'rent rien d'anormal. Cœui^ un peu surchargé de graisse. La forme du ventricule gauche est un peu globuleuse; ses parois ont à peu de chose près l'épaisseur ordinaire ; les parois du ventricule droit sont très-minces. Orifices par- faitement normaux. Poids du cœur, 290 grammes. Poumons sains, sauf un peu de congestion au niveau du bord posté- rieur. En un point assez limité, la congestion ressemble presque à de l'apoplexie. Pas de splénisation ni d'hépatisation, ni, en un mot, d'alté- ration phlegmasique. Foie petit, un peu anémié, tissu sain. Poids, 700 gr. Raie parfaitement saine, très-petite. Poids, 60 gr. 54 Rei7îs sains, mais petits; pas d'atrophie bien marquée de la substance corticale. Poids, 150 gr. Pointillé hémorrhagique' très-limité de la muqueuse gastrique. Les autres organes ne présentaient rien de particulier. ATTAQUE D APOPLEXIE FOUDROYANTE ; CDUTE. COMA PROFOND ; ABAISSEMENT DE LA TEMPÉRATURE CENTRALE; HÉMIPLÉGIE DROITE; ÉCOULEMENT DE SANG PAR l'oreille DROITE. LES JOURS SUIVANTS, TEMPÉRATURE NORMALE, PERSISTANCE pu COMA , AGGRAVATION DE LA PARALYSIE DU MEMBRE SUPÉRIEUR DROIT , TROUBLES DE LA PUPILLE. FINALEMENT, ESCHARE DE LA FESSE DU COTÉ DROIT, ÉLÉVATION CONSIDÉRABLE DE LA TEMPÉRATURE CENTRALE; MORT ; AUTOPSIE. HÉMORRHAGIE SOUS-MÉNINGÉE CIRCONSCRITE AU NIVEAU DE LA SCISSURE DE SYLVIUS ET DU LOBE SPHÉNOÏDAL GAUCHE; DESTRUCTION PARTIELLE DES CIR- CONVOLUTIONS DE CE lobe; ANÉVRYSMES des méninges; TRÈS-PETITE HÉMOR- RHAGIE INTRA-ARAGHNOÏDIENNE A GAUCHE; FRACTURE DU ROCHER DU COTÉ droit; ÉPANCHEMENT SANGUIN TRÈS-MINIME ENTRE LA DURE-KÈRE ET l'oS. Obs. II.— Buyck, âgée de 78 ans, entre à Tinfirraerie de la Salpôtrière (service de M. Charcot) le 7 juillet 1867. La santé de cette femme n'a rien présenté d'anormal les jours qui ont précédé l'attaque. Lejourmêm.e elle est sortie. On prétend qu'elle a moins mangé que de coutume, et qu'elle a tenu des propos tristes. A dix heures du soir, les personnes qui l'accompagnaient à quelque distance et qui marchaient derrière elle l'ont vue chanceler et tomber lourdement. Elle a été aussitôt apportée à rinfirmerie, où nous avons pu Tobserver moins d'une demi-heure après Tattaque. La malade présente alors l'état suivant : perte de con- naissance complète; il est impossible de la mettre en rapport avec le monde extérieur. La température de la peau ne paraît pas très-refroi- die; la température du rectum n'atteint pas 36" C. Pouls, 52, régu- lier. Les artères radiales ne sont pas indurées. La respiration est très- calme et silencieuse. Vomissements réitérés d'un liquide roussâtre et sanguinolent. Flaccidité des quatre membres qui retombent lourdemient quand on les abandonne après les avoir soulevés. Les membres du côté droit retombent plus inertes que ceux du côté gauche; d'ailleurs, pas de différence de température appréciable entre les deux côtés. Les mouvements réflexes des membres, provoqués par le chatouillement de la plante des pieds, sont moins prononcés adroite. Légère hémiplégie faciale droile ; la commissure labiale est un peu tirée en arrière du côté gauche; la paupière supérieure droite, tantôt plus élevée, tantôt plus abaissée que celle du côté gauche qui reste à demi abaissée, et qui, lorsqu'on l'abandonne après l'avoir soulevée, reprend sa position pre- 55 mière, tandis que la paupière droite reste à peu près inerte dans la position qu'on lui imprime. La pupille droite est beaucoup plus large que la gauche, laquelle est étroite. Arcussenilis des deux côtés; mucus sur les cornées. Ecoulement continu de quelques gouttes de sang par l'oreille droite. (Sinapismes, vésic. nuque.) 8 juillet matin. Le coma est moins profond. Les excitations (pince- ment des membres) réveillent à demi la malade qui s'agite et retire les membres. La température du rectum est 38°, 5; pouls à 100 régulier. Elle a eu plusieurs vomissements d'un liquide verdâtre bilieux ; éva- cuations alvines involontaires. L'hémiplégie est beaucoup plus nette qu'hier. La différence est surtout sensible aux membres supérieurs; quand on les abandonne après les avoir soulevés, le droit retombe inerte, le gauche reste en l'air quelques instants. La malade peut à peine soulever un peu le membre supérieur droit quand on le pince ; elle relève très-bien les autres membres. L'hémiplégie faciale est légère comme hier. La tête et les yeux ne sont pas notablement déviés, d'un côté, et surtout les légères déviations qu'on observe ne sont pas per- manentes. La pupille droite est toujours plus large. 8 juillet soir. Somnolence toute la journée; lorsqu'on cherche à ob- tenir une réponse, la m.alade prononce quelques mots inintelligibles. Température du rectum, 38°,7. Pouls 100, développé. La peau n'est pas chaude; plus de vomissements. L'état des membres et de la face est exactement le même que ce matin; l'œil droit est un peu rouge; la pupille droite n'est plus dilatée. Les yeux ont paru quelques heures manifestement tournés à droite^ mais ce symptôme a été passager. De- puis ce matin il ne s'écoule plus' de sang par l'oreille; on estime que la quantité qui s'est écoulée depuis le début est de trois à quatre cuil- lerées. Pas d'écoulement de liquide séreux. Le membre supérieur droit est un peu plus chaud que le gauche; le membre inférieur droit est aussi un peu plus chaud que son congénère, mais la différence est très- minime. Après une égale réfrigération artificielle àes deux cuisses pro- longée pendant quelques minutes, on constate que la cuisse droite est devenue plus froide que la gauche. L'expérience répétée à deux reprises, en se gardant de toutes les causes d'erreur, donne les mêmes résul- tats (résultats contraires à ceux qui avaient été obtenus chez d'autres malades dans des conditions à peu près semblables). 9 juillet malin. Coma sans stertor. Quand on la pince, elle ouvre les yeux ; mais on ne peut la faire parler ; elle refuse de boire en re- poussant le vase avec la main saine, grogne un peu et se rendort; elle geint en dormant La température du rectum est à 37%6. Le pouls à 76, plein, large, régulier; la respiration à 28, Râles ronflants dans la poitrine. Le membre supérieur droit retombe plus inerte qu'hier ; la ma- 50 lade, lorsqu'on la pince, ne le relève qu'un peu et avec beaucoup de peine. Le membre inférieur est moins paralysé; il ne retombe pas flasque, et il a des mouvefnents spontanés étendus. La paralysie faciale paraît avoir diminué (à en juger par la déviation de la commissure). Une saignée de 30 à 40 grammes a été faite à chaque bras. Le sang du côté paralysé est beaucoup plus rouge que celui du côté opposé. La fesse droite est rouge. Le soir. Somnolence toute la journée; cependant elle a, dit-on, pro- noncé quelques mots l'après-midi. Température du rectum 37°, 8. Le pouls est à 80, régulier. Respiration très-calme et silencieuse; même état des membres. La différence de température entre les deux côtés est très-marquée ce soir. La tête est tournée à droite (cette attitude est passagère). La paupière droite offre toujours l'inertie déjà signalée. La pupille droite, autrefois plus large, est*actuellement plus étroite. (La pupille gauche est plus large que les jours précédents.) iOjuiitet matin. Quand on la pince, elle grogne et cherche à écarter l'agent excitateur avec la main gauche ; lorsqu'on la fait boire, elle avale de travers. La température du rectum est 37°, 8 ; pouls 80, régulier. Kespi- ration 28 ; bruyante aux deux temps. La paralysie du membre supé- rieur droit paraît avoir augmenté ; les mouvements réflexes des membres inférieurs, provoqués par le chatouillement de la plante des pieds, pa- raissent égaux. Actuellement la tête est tournée àgauclie; les yeux re- gardent directement en haut. La pupille gauche est encore un peu plus large que la droite. Le soir. Coma profond ; on ne peut obtenir un seul grognement de la malade; cependant en pinçant fortement les membres gauches ou la partie antérieure de la poitrine, on rem.arque une grimace et elle porte la main gauche au point excité, ou bien elle retire le membre. La sen- sibilité est plus obtuse à la jambe droite; la malade le retire moins bien. Quant au bras droit, on le pince aussi fortement que possible sans faire grimacer la malade et sans provoquer de mouvement. Les mouvements réflexes provoqués par le chatouillement de la plante des pieds sont égaux. Les membres du côté droit sont plus chauds. La tête regarde actuellement à gauche, les yeux en haut; les pupilles sont à peu près égales et peut-être étroites. La température du rectum est 37,8. Pouls 84, régulier. Respiration calme, non bruyante. 11 juillet matin. Môme coma. Mêmes résultats fournis par le pince- ment des membres. Le membre supérieur droit est inerte. Mêmes mou- vements réflexes des membres inférieurs. Pour la première fois, rou- geur de la face ; la pommette droite plus chaude et plus rouge; la tête est un peu peu inclinée à gauche. Rougeur diffuse de toute la fesse droite; au centre, petite eecharc violacée. Pas de rougeur de la fesse gauche. La température du rectum est 37°, 8. Pouls 92, régulier. Respi- ration calme. La malade boit du bouillon. Le soir. Même coma; face très-rouge; l'attitude de la tôle est indif- férente; les yeux regardent en avant; pupiles égales et étroites. Même état de la paralysie des membres ; les membres du côté droit sont plus chauds. Par le pincement de la jambe gauche^ on obtient des signes de douleur et de grands mouvements de retrait; par le pincement de la jambe £/ro^7e, douleur et mouvement de retrait très-faible; par le pin- cement du bras droit, douleur sans mouvement de retrait; mais la ma- lade avance la main gauche pour écarter l'agent excitateur; par le cha- touillement dé la plante des pieds : à gauche, mouvement réflexe et retrait; adroite^ seulement mouvement réflexe. La température du rectum est 38°, 4. La respiration 36, un peu bruyante aux deux temps; le rhythme est à peu près normal, peut-être Texpiration est-elle un peu plus courte qu'à l'état normal. 12 juillet matin. Coma profond. Quand on excite fortement la ma- lade, on obtient quelques mots inintelligibles. La température du rec- tum est 38°, 4, le pouls à 88, régulier, la respiration est calme et non bruyante à 28. L'attitude de la tête paraît indiff'érente. Les yeux, à demi cachés par les paupières, regardent un peu en haut. Les conjonc- tives sont rouges. Un peu de nystagmus. Les cornées sont toujours en partie recouvertes d'une toile glaireuse de mucus. Les pommettes sont rouges, surtout la gauche ; la face est très-congestionnée. Les carac- ' tères de l'hémiplégie des membres sont les mêmes. La paralysie du membre supérieur est complète, sans contracture. Les doigts sont sim- plement fléchis en forme de crochet sans roideur, et le membre est beaucoup plus chaud que le gauche, tandis que la paralysie du membre inférieur est toujours très-incomplète, et que la température des deux membres inférieurs est sensiblement la même. Pour la première fois, on remarque que le membre supérieur gauche conserve assez bien l'at- titude qu'on lui imprime; ainsi, il demeure en l'air si on le place dans cette position à la manière des cataleptiques; d'ailleurs il a conservé sa mobilité ordinaire. Huit sangsues derrière les apophyses mastoïdes. Le soir. La face est moins rouge , mais le coma est presque aussi pro- fond ; les yeux sont un peu plus ouverts. La température du rectum s'élève à 39°; pouls, 120, régulier; respiration accélérée a 44; un peu bruyante. Les symptômes paralytiques sont exactement les mêmes. \^ juillet matin. Coma plus profond. La tête est tournée à gauche, les yeux en haut, la bouche ouverte. La respiration est bruyante, précipitée, sans stertor, à 60. Pas de râle laryngo-trachéal. Le pouls est très-mou, à 140. La température du rectum s'est élevée à 41°. Résolu- ^'OB 58 tion des membres ; plus de mouvements réflexes dans le membre infé- rieur droit par le chatouillement de la plante des pieds. Encore quelques mouvements spontanés du membre supérieur gauche. Chaleur acre de la peau des deux côtés, surtout à droite. L'eschare de la fesse droite a la dimension d'une pièce de 2 francs; elle est entourée dune large plaque violette, sur laquelle l'épiderme commence à se décoller. La fesse gauche est un peu rouge. Moi't à quatre heures du soir. A six heures et quart la température du rectum est à 41°, 4. Le lendemain matin on constate entre les deux membres supérieurs une grande différence quant à la rigidité cadavé- rique. Elle est très-prononcée du côté sain tandis qu'elle est très-faible du côté paralysé; on s'en assure en explorant par la palpation compa- rativement les deux biceps et surtout en imprimant aux divers segments des deux membres des mouvements de flexion et d'extension. Du côté paralysé, la résistance est beaucoup moindre que du côté sain. Les deux membres inférieurs sont à peu près également roides. Autopsie. — Le crâne est scié avec précaution ; il présente une épais- seur et une consistance normales. Dans la région temporale droite, entre le crâne et la dure-mère, se trouve un caillot très-mince dont le poids n'atteint pas 25 grammes. Sur le temporal existe une fracture partant d'un point situé à 8 cen- timètres au-dessus et en arrière du trou auditif externe, descendant obliquement en avant et se prolongeant sur le rocher parallèlement à l'axe de cet os. Après avoir ouvert largement les cellules mastoïdiennes, elle suit le conduit auditif externe, pénètre dans l'oreille moyenne en décollant la membrane du tympan à son insertion supérieure, divise la trompe d'Eustache et se termine au niveau du canal carotidien. Un peu au-dessus du trou auditif, une fissure se détachant de la fracture prin- cipale se prolonge en avant de la racine antérieure de l'apophyse zygo- matique et aboutit à la scissure de Glaser. Du côlé gauche, dans la grande cavité arachnoïdienne, deux à trois cuillerées de sang noir, non coagulé, étalé en couche mince et ne s'éten- dant que sur les deux tiers antérieurs de l'hémisphère gauche. Au niveau * de la scissure de Sylvius et du lobe sphénoïdal, épanchement sanguin sous-méningé étalé atteignant presque le volume d'un petit œuf; des- truction superficielle de la substance nerveuse des circonvolutions sphé- noïdales; la première circonvolution spbénoïdale (dite marginale infé- rieure) est surtout entamée. On peut estimer que la perte de substance nerveuse a le volume d'une petite noix environ. Les parois du foyer sont déchiquetées et irrégulières; le foyer ne s'étend pas jusqu'au ventricule latéral. Au bout d'un à deux jours de macération dans l'eau pure, les élé- 59 ments du caillot s'étant dissociés, on distingue, appendus à la pie- mère au niveau du foyer, cinq ou six petits caillots régulièrement ar- rondis, à surface lisse et brillante, dont le volume varie entre celui d'une grosse tête d'épingle et celui d'une petite lentille. Avec la loupe et surtout par l'examen microscopique, à un faible grossissement, on constate très-nettement que ces petits corps sont des dilatations ané- vrysmales des artérioles de la pie-mère. Sur plusieurs d'entre elles on distingue très-facilement un vaisseau afférent et un vaisseau efférent, sur d'autres on ne trouve qu'un vaisseau, l'autre bout s'étant brisé. Ces anévrysmes sont remplis de globules rouges et blancs, le sac est très- mince et on le rompt très-facilement en pressant sur la lamelle de verre qui le recouvre. Aucun de ces anévrysmes n'a subi la transformation ocreuse. Les vaisseaux artériels de la base et leurs ramifications exami- nés avec le plus grand soin dans toute leur étendue et spécialement au niveau de la lésion, ne présentent qu'à un degré très-minime la dégéné- rescence athéromateuse; nulle part il n'y a de rétrécissement bien pro- noncé de leur calibre. On ne trouve pas de branche rompue au niveau du foyer. Les sinus ne renferment pas de caillot et sont à l'état normal. Sur la surface convexe des deux hémisphères, surtout sur l'hémi- sphère droit et notamment sur le lobe sphénoïdal, existent par places des infiltrations sanguines de la pie-mère, de dimension variable; les plus volumineuses ont à peu près la largeur d'une pièce de 50 cen- times. Au-dessous, petits foyers constitués à la périphérie par la sub- stance corticale ramollie et infiltrée de sang, et au centre par un petit caillot. Nous nous sommes assuré par l'examen microscopique de plu- sieurs de ces foyers qu'il n'y existait pas d'anévrysme miliaire. Sur quelques circonvolutions on remarque une rougeur très-nette, constituant de petites plaques irrégulières. L'examen microscopique de la couche superficielle de la substance corticale au niveau de ces plaques démontre de la manière la plus évidente une hyperplasie des noyaux des capillaires et de la névroglie. Les parties centrales de l'encéphale sont à l'état normal. Les ventri- cules ne renferment pas de liquide. Les vaisseaux du corps strié et leurs gaines n'offrent rien qui soit anormal chez le vieillard. La protubérance et le cervelet sont parfaitement sains. Cœur flasque, un peu graisseux, de volume ordinaire ; orifices normaux. Poumons un peu congestionnés. Foie de médiocre volume, tissu sain. Rate très-petite, parfaitement saine. Beins de volume ordinaire, sains ; la substance corticale n'est nulle- ment atrophiée. Les autres organes ne présentent rien à noter. 60 § I. — Pathogénie. Les lésions anatomiques principales offrent dans les deux cas pré- cédents une grande ressemblance. Elles consistent en une infiltration sanguine sous-araclmoïdienne sur laquelle nous aurons à revenir, et en un foyer ayant désorganisé une partie du lobe sphénoïdal. Il existait de plus quelques autres altératioas qui demandent à être in- terprétées; mais auparavant il nous faut jeter un coup d'œil rapide sur la pathogônie, qui nous paraît digne d'attirer quelques instants Tattention. Chez la première malade, nous avons trouvé dans le foyer un très- petit anévrysme d'une branche de la sylvienue, rompu au niveau de son collet ; chez la seconde, plusieurs dilatations anévrysmales du volume moyen d'une grosse tête d'épingle. Sommes-nous en présence de raretés pathologiques et faut-il considérer les ruptures anévrys- males comme une cause exceptionnelle d'hémorrhagie sous-arachnoï- dienne? Ou bien est-il légitime, dans l'état actuel de la science, de leur accorder une importance pathogénique plus considérable? Telle est la question que nous allons examiner, et au sujet de laquelle nous demandons la permission d'aborder, par un de ses côtés, l'histoire des anévrysmes des artères de l'encéphale. On peut dire que les anévrysmes intra-craniens n'ont été étudiés avec attention que depuis une quarantaine d'années, et nous ne voyons pas grand inconvénient à négliger les quelques observations antérieures à cette période. Toutefois, l'ouvrage de Hodgson ren- ferme trois cas d'anévrysmes des artères cérébrales, dont deux ter- minés par rupture (1). Dans un mémoire publié en 1826, M. Serres rapporte deux observations d'apoplexie méningée causée par la rup- ture d'un anévrysme (2). Puis les faits se multiplièrent : En 1834 pa- rurent la dissertation de Nebel (3) et le travail de King (4) qui con- tient plusieurs faits nouveaux; en 1836 le mémoire d'Albers et (1) Hodgson, Traité des maladies des artères et des veines^ trad. par Breschet, t. I. (2) Serres, Observât, sur La rupture des anév, du cerveau. (Argh. GÉISÉR. DE MÉD,, 1826). (3) Nebel, Dissert, inaug.^ Heidelberg, 1834. (4) King, Médical quarterly Review, 1834. 61 surtout la dissertation de Stumplî (1), où se trouvent une observation personnelle et un extrait de quinze observations. Un peu plus tard, le docteur Brinton pouvait réunir quarante cas dans un rapport à la Société pathologique de Londres (2). Enfin, dans ces dernières an- nées, l'important mémoire de Gull (3) et celui de Ogle (d'Oxford) (4), qui est consacré aux tumeurs du cerveau, sont venus enrichir la science de nouvelles observations. L'excellente thèse de M. Gougen- heim et la monographie de Lebert présentent d'une manière exacte l'état actuel de nos connaissances (5). La statistique placée en tête du travail de Lebert comprend 86 cas, parmi lesquels 48 se sont terminés par rupture. Encore n'est-elle pas tout à fait complète, et nous aurons l'occasion de mentionner des faits antérieurs qui lui sont échappés. Il en est aussi de postérieurs à la publication de son mémoire et que nous citons plus loin. Bon nombre d'hémorrhagies sous-méningées sont donc produites par la rupture d'anévrysmes d'un certain volume et qui auparavant, pour la plupart, avaient révélé leur présence par divers symp- tômes; mais dans un travail publié il y a environ quinze ans, Vir- chow, en signalant l'existence dans les méninges de dilatations anévrysmales de très-petite dimension, a étendu le domaine desané- vrysmes intra-craniens, et notre seconde observation prouve que leur rupture peut aussi être la source d'une hémorrhagie arachnoï- dienne. Sous le nom d'ectasie ampullaire, nom qu'il emprunte à M. Cru- veilhier, Virchow décrit « des dilatations artérielles qu'il a observées plusieurs fois dans la pie-mère de vieillards, surtout dans les pro- longements qu'elle envoie entre les circonvolutions. Il n'y avait pas eu de phénomènes morbides pendant la vie, et l'on aurait pu tout au plus y voir une prédisposition à l'apoplexie sanguine. (1) Stumpff, Dissert, inaug., Berolini, 1836. (2) Brinton (Transact. of tde London pathol. Society, 1851). (3)W. Gull, Cases of aneurismofthe cérébral vessels. (Guy's hospital REPORTS, III sér., vol. V., London, 1859). (4) Ogle (British and foreign medico-chirurgical review, 1865). (5) Gougenheim, Des tumeurs anévrysmales des artères du cei^veau, (Th., Paris, 1866). Lebert, Ueber die Aneurysmen der Hirnarterien, (Berliner klinische WOCBENSCHRIFT, 1866). 62 « Pour la plupart, c'étaient des dilatations fusiformes qui embras- saient tout le pourtour de Tartère. Les dilatations latérales étaient plus rares. Elles étaient tantôt isolées tantôt moniliformes, séparées par des rétrécissements, situées tantôt sur la continuité du vaisseau, tantôt au niveau de sa division. Elles variaient d'un volume presque microscopique à celui d'un grain de millet sur des artères variant depuis le diamètre le plus fin jusqu'à celui d'une demi-ligne. Ceux de ces anévrysmes qui étaient récents étaient remplis de globules rouges normaux, et l'on ne voyait sur les vaisseaux afférents ou effé- rentsnisur ranévrysme môme aucun changement de structure... La partie dilatée avait les mêmes tuniques que le vaisseau et surtout les noyaux de la membrane moyenne à fibres transversales étaient, après l'action de Tacide acétique, aussi évidents que possible. C'étaient donc des anévrysmes vrais. Sur d'autres sacs on pouvait voir tous les stades de l'atrophie de la membrane à fibres circulaires (1). » Quoique, jusqu'à ce jour, on n'ait pas publié, à notre connais- sance, un seul cas d'hémorrhagie méningée sous la dépendance de ces anévrysmes découverts et si bien décrits par Virchow, et que notre seconde observation soit encore un fait isolé, il nous semble difficile de méconnaître leur importance. Ils ne paraissent pas ma- nifester leur existence par des symptômes, et envisagés sous ce rap- port ils n'offrent pas l'intérêt des anévrysmes des gros troncs de la base; leur présence môme ne peut être soupçonnée pendant la vie; mais à notre point de vue spécial qui est la pathogénie de l'hémorrha- gie méningée, ils méritent d'être pris en sérieuse considération. Et d'ailleurs, des travaux tout récents viennent démontrer que c'est à la rupture de ces mêmes anévrysmes microscopiques, lorsqu'ils siègent dans la substance cérébrale elle-même, que, dans l'immense majorité des cas, l'hémorrhagie cérébrale doit être rapportée. L'existence de véritables dilatations anévrysmales (2) avait été déjà signalée en divers points de la substance cérébrale, et notamment dans (l)Yirchow, IJeber die Erweilerung kleinerer Gefaesse. (Ancniv. fur pATD. AXAT. UND pnYs., Bd. Ill, p. 442.) La traduction du passage en en- tier se trouve dans la thèse de M. Bouchard (Paris, 1866, p. 100). (2) Voyez, sur la distinction capitale qui doit être faite entre ces ané- vrysmes et les anévrysmes disséquants décrits par Pestalozzi en 1849 : Bouchard, Thèse citée, p. 32, 52, 99. 63 la protubérance, par Gull, par Meyiiert et par Hesclil (1); mais ces au- teurs n'avaient pas entrevu leurs relations avec l'apoplexie, et l'ou doit à MM. Gharcot et Bouchard d'avoir les premiers montré que leur existence est fréquente chez le vieillard et que l'hémorrhagie céré- brale est généralement due à leur rupture. Dans le cours de cette année, nous avons, M. Gharcot et moi, recueilli plus de 30 observa- tions d'hémorrhagie cérébrale récente ou ancienne. Or dans tous les cas sans exception, nous avons constaté que le cerveau renfermait d£s anévrysmes en nombre plus ou moins considérable. Ges faits, sur lesquels nous ne voulons pas insister, font partie du mémoire de MM. Gharcot et Bouchard qui est fondé sur plus de 60 observa- tions (2). Les anévrysmes des méninges et ceux des artérioles de la substance nerveuse sont identique^; ilB naissent sous l'influence du même pro- cessus, lequel est complètement indépendant de l'athérome. Les anévrysmes des artères plus ou moins volumineuses de la base pa- raissent dépendre de la même altération des tuniques du vaisseau, l'artério-sclérose, et tout porte à croire que la coexistence des ané- vrysmes volumineux et des anévrysmes microscopiques déjà signalée par Gull, et qui existait dans notre première observation, sera désor- mais fréquemment rencontrée. On se méprendrait complètement sur notre manière de voir, si l'on croyait que nous voulons attribuer à des ruptures d'anévrysmes toutes les hémorrhagies des méninges. Une telle exagération est bien loin de notre pensée et Terreur serait trop manifeste. Nous savons qu'on trouve dans la science quelques observations de ruptures d'ar- tères cérébrales non anévrysmatiques. Il existe des hémorrhagies sous-arachnoïdiennes qui doivent être rapportées à des altérations veineuses. Il en est de traumatiques dont nous parlerons plus loin à cause de l'interprétation qu'on aurait pu donner, par erreur, à notre seconde observation. La pathogénie de ces hémorrhagies est assuré- ment très-complexe ; nous n'avions pas à l'envisager dans son en- (i) Gull, Loc. cit. — Meynert (Allgemeine wiener Wochenschrift. 1864, n" 28). — Heschl (Wiener medizinische Wochenschrift. 1865, 6, 9 sept.), (2) Gharcot et Bouchard , Archives de physiologie normale et patholo- gique, janvier 1868. • 64 semble, et notre but, plus modeste, était seulement d'attiirr Tatten- tion sur une cause pathogénique laissée peut-être trop dans l'ombre. g II. ~ LÉSIONS ANATOMIQTJES. Voyons maintenant chez nos malades les lésions produites par la rupture anévrysmale. Dans la première observation, outre l'infiltra- tion sanguine sous-arachnoïdienne , il y avait une désorganisation peu profonde d'ailleurs de la première circonvolution du lobe sphé- iioïdal (circonvolution marginale inférieure) dans sa partie la plus voisine de la scissure de Sylvius. La substance nerveuse, en rapport de contiguïté avec l'anévrysme, avait été réduite en bouillie sous l'ef- fort du sang au moment de la rupture. L'examen microscopique de la partie ramollie, en montrant qu'elle ne contenait pas de corps granu- leux, a prouvé qu'on ne pouvait admettre un ramollissement préexis- tant à l'apoplexie, et qu'il s'agissait simplement d'un ramollissement mécanique par attrition. Dans les cas de rupture d'un anévrysme de l'artère sylvienne ou cérébrale moyenne (il existe près de vingt obser- vations de rupture de ces anévrysmes), l'intégrité de la substance ner- veuse est une exception des plus rares, tandis qu'elle est la règle pour les anévrysmes des autres artères, de la basilaire par exemple. La ré- sistance plus grande du tissu de la protubérance, le siège profond de la cérébrale moyenne entourée par les circonvolutions sphénoïdales et frontales, rendent compte de ces différences. Très-fréquemment à l'iiémorrliagie sous-méningée vient s'ajouter l'irruption du sang dans les ventricules (cette complication n'exis- tait pas dans nos deux cas) ; le sang pénètre soit par la grande fente de Bicbat, soit par la portion réfléchie des ventricules latéraux. Un anévrysme même d'un assez petit volume, mais en partie engagé dans l'épaisseur d'une circonvolution sphénoïdale, peut, lors de sa rup- ture, déterminer facilement l'ouverture de la portion réfléchie du ventricule. Un cas de ce genre, intéressant d'ailleurs à d'autres égards, a été l'année dernière communiqué par mon collègue et ami M. Hayem à la Société de biologie (1). (1 ) G. Hayem. Anévrysme cCune branche de C artère sijlvienne gauche ayant déterminé une hémorrhacjie intra-cérèbrale . Gaz. méd. de Paris, 1800, p. 480. . 65 Dans notre deuxième observation, le foyer liémorrhagique s'éten- dait plus profondément, et il avait détruit une portion notable des deux premières circonvolutions sphénoïdales. Au premier abord, il peut sembler étrange qu'un anévrysme presque microscopique dé- termine par sa rupture une désorganisation plus considérable qu'une poche beaucoup plus volumineuse et d'ailleurs largement déchirée. Mais on s'expliquera, je pense, cette singularité, en songeant qu'un petit aaévrysme de la pie-mère repose d une manière immédiate sur la circonvolution correspondante, tandis qu'un anévrysme de la cé- rébrale moyenne, logé dans la scissure de Sylvius et séparé de la substance nerveuse par la pie-mère, n'est avec elle que dans un rap- port de contiguïté médiat. Par contre, l'inliltration sanguine était ici restée circonscrite dans des limites assez étroites, tandis que chez la première malade, à partir de la scissure de Sylvius, elle s'étendait au loin d'une manière diffuse en suivant les espaces sous-arachnoï- diens. Ainsi des dispositions anatomiques différentes nous paraissent devoir expliquer pourquoi nous avons vu dans un cas le sang se creuser un foyer limité, et dans l'autre s'épandre en couche superfi- cielle et diffuse. Cette diffusion, toutefois, était en partie plus apparente que réelle; et nous sommes portés à admettre qu'en certains points où l'infiltra- tration sanguine était constituée par de petites plaques isolées et fort distantes du siège de ranévrysme, celle-ci s'était formée sur place par rupture des vaisseaux de la pie-mère. Nous fondons cette interprétation que nous ne présentons d'ail- leurs qu'avec réserve, sur deux raisons principales, toutes deux ti- rées de l'examen direct. En premier lieu, ces petites suffusions sié- geaient dans les mailles elles-mêmes de la pie-mère et non dans l'es- pace sous-arachnoïdien. De plus, elles étaient complètement isolées de l'infiltration principale. Ce motif n'est pas, à la vérité, péremptoire, parce qu^on peut objecter que le liquide céphalo-rachidien a peut- être, si l'on nous permet cette expression, complètement lavé en certains points la mince couche de sang épanché dans l'espace sous- arachnoïdien ; mais la première considération conserve toute sa va- leur. Nous pensons donc que ces ecchymoses sont identiques avec celles de la pie-mère ou du péricrane que l'on peut rencontrer par- fois chez les apoplectiques à foyer exclusivement central (opto-strié, par exemple), et dont l'existence a déjà été signalée par divers au-» MÉM. 5 t'.G leurs. On a généralement admis que ces p.itites liémorrliagies étaient la conséquence de la iluxion active qui, suivant la théorie, devait se faire -vers lencépiiale au moment de l'attaque, et qu'elles en dépen- daient au même titre que le foyer apoplectique principal. Notre sa- vant maître, M. Gliarcot, ne partage pas cette opinion (Ij; il consi- dère Ihyperémie et les ecchymoses des méninges et du péricrane comme un phénomène secondaire de létat apoplectique. Puui' lui la congestion, loin d'être active, est le fait de la paralysie vaso-motrice qui peut affecter l'encéphale au môme titre que les membres, ou que les poumons et l'estomac. A lautopsie des apoplectiques qui suc- combent quelques jours après l'attaque, on rencontre, en effet, pres- que constamment un pointillé ecchymotique ou de véritables ecchy- moses de la muqueuse gastrique, fait déjà observé par Schiff dans ses vivisections. Chez la deuxième malade (Buyck), noui avons noté de petits foyers hémorrhagiques siégeant tout a fait supeiiiciellement dans la sub- stance grise des circonvolutions, et que nous croyons devoir rappor- ter, à cause de leurs caractères objectils, à une cause toute diiïé- rente, à la contusion. Cette interprétation, d'ailleurs, n a rien d'irra- tionnel. Cette femme s'est fracturé le rocher dans sa chute; or on peut bien admettre que la cause qui a suffi pour briser un temporal dont la solidité était normale, a été capable de produire un certain degré de contusion du cerveau. Ainsi, lorsqu'un apoplectique tombe lourdement sur la tête, les effets du traumatisme peuvent s'ajouter aux altérations essentielles de l'apoplexie. Les lésions iullammatoires que nous avons constatées de la manière la plus nette chez cette même malade conhrment cette manière de voir. Il existait chez elle une rougeur diffuse de la surface de quel- aues circonvolutions à une certaine distance du foyer (plaques dites hortensia des circonvolutions). Cette rougeur n'était point Felfet de rimbibition sanguine; car, dans la partie superficielle des circonvo- lutions malades, les capillaires étaient très-dilatés et leurs noyaux ainsi que ceux de la névroglie présentaient une prolifération des mieux caractérisées. 11 était facile de s'en convaincre en faisant (1) Charcot, Leçons professées à l Ecole pratique pendant le se- mestre d'été de 1867 (non publiées). 67 l'étude liistologique comparaiive de la substance nerveuse rouge et de la substance normale d'une circonvolution saine. Or ces lésions irritatives ne se rencontrent pas babituellement autour des foyers hémorrhagiques, et si, pour nous borner au cas actuel, elles avaient reconnu pour cause la présence du caillot, elles auraient formé, au voisinage immédiat du foyer, une zone plus ou moins régulière. Ce qui n'avait pas lieu. A défaut d'autre cause, nous sommes donc dis- posé à invoquer le traumatisme pour expli(îuer le développement de cette encéphalite superficielle. Les auteurs qui ont traité de l'apoplexie n'ont pas, à notre con- naissance, signalé la possibilité de la fracture du crâne par le fait de la chute. Cet accident doit être fort rare, et cette rareté même semble prouver que dans l'apoplexie dite foudroyante, le malade est en réa- lité moins sidéré qu'on n'est peut-être porté à le croire généralement, car la chute simplement de la hauteur du sujet est, dans certain cas, suflisante pour amener la fracture, pourvu qu'elle se fasse lourde- ment. Il existe dans la science un grand nombre de faits de ce genre se rapportant à des individus en état d'ivi-esse on a des épileptiques. Je citerai seulement ici quelques observations : MM. M. Perrin (1) et Gellé (2) ont rapporté des faits qui rentrent dans la première ca- tégorie. M. Cotard (3) et M. Magnan (4) ont publié des faits ana- logues observés chez des épileptiques. Dans le cas de M. Magnan, il y avait, outre un énorme épanchement du côté gauche entre les os fracturés et la dure-mère, une couche de sang de 1 cen- tiniètre d'épaisseur s'étendant sous les méninges depuis la moitié antérieure du lobe occipital du côté droit jusqu'au lobe frontal du même côté qui était réduit en bouillie. Le malade était tombé sur des dalles. M. Gerin-Roze (5) a rapporté Thistoire d'un vieillard de Bicêtre qui tomba à la renverse également sur des dalles. On ne dit pas quelle fut la cause de la chute. A l'autopsie, fracture du rocher droit, de la base au sommet; de plus, fracture de l'orbite à gauche (1) M. Perrin, BulL Soc» anatomique, 1857. (2) Gellé, id., J861. Observation V. (3) Cotard, BulL Soc. anatom., 1864. (4) Magnan, id., 1864. (5) Gerin-Roze, id., 1857. 68 avec épanchement sous-araclinoïdien dans la scissure de Sylvius et dans la scissure antérieure avec des noyaux de contusion. Ces derniers faits, et plusieurs autres également bien observés que nous pourrions encore citer, prouvent donc qu'une chute sur le crâne peut déterminer la production d'un épanchement sanguin sous- méningé et une désorganisation plus ou moins étendue de la sub- stance cérébrale. Ces foyers iiémorrhagiques, d'origine traumatique, peuvent quelquefois offrir avec un foyer apoplectique superficiel la plus grande ressemblance. Est-il besoin de faire remarquer l'intérêt extrême qu'un cas de ce genre, en Tabsence de tout commémoratif, pourrait présenter au point de vue médico-légal? Quelquefois les caractères objectifs de la lésion permettent d'affirmer l'origine trau- matique. Ainsi dans une observation du docteur Gonway Evans, il existait une ecchymose de la région temporale droite, une fracture du rocher droit et une déchirure verticale du cerveau à gauche, dé- chirure presque linéaire, et que le rédacteur de l'observation com- pare à une section qui aurait été produite par un instrument tran- chant (1). D" un autre côté, l'existence dans le foyer de petits anévrysmes serait une forte présomption en faveur de l'apoplexie; mais pour un bon nombre de cas nous pensons que l'expert ne saurait apporter trop de réserve dans ses conclusions. Pouvait-on, chez notre malade, supposer que la chute avait été le phénomène primitif et la cause de l'épauchement sanguin, ainsi que de la lésion cérébrale? L'existence des anévrysmes constatés dans le foyer et les circonstances de la chute nous ont empêché de considérer comme vraisemblable cette manière de voir. Nous n'insistons pas sur la présence d'une faible quantité de sang dans la grande cavité de l'arachnoïde, qui a été notée dans les deux cas; il est probable que le sang avait pénétré de l'espace sous-arach- noidien dans la cavité arachnoïdienne par quelque déchirure ou quelque éraillure de l'arachnoïde. Mais il était en quantité si minime que nous ne pouvons croire que cet épanchement ait eu sur les symptômes quelque iniluence. En résumé, les altérations anatomiqués essentielles étaient dans le premier cas une lésion superhcielle du lobe sphénoïdal, et sous l'a- rachnoïde une iniiltration sanguine diffuse ; dans le second cas, une (1) Officers and Council of the Pattiol. Society ofLondon, 1866, p. 12. 69 lésion de la substance nerveuse un peu plus profonde, et un épan- chement sanguin beaucoup mieux circonscrit. Enfin, chez cette der- nière malade, il y avait des complications d'origine traumatique non douteuse. Telle est, réduite à son expression la plus simple, Tanato- mie pathologique de ces deux faits : nous pouvons maintenant abor- der l'étude des symptômes. g m. — Symptômes. Prodromes. Nous manquons de renseignements sur l'état de santé habituel de Buyck; quant à Bertat, nous savons positivement qu'elle n'a présenté avant l'attaque aucun symptôme qui puisse être rapporté à la présence de l'anévrysme. Dans la période qui précède leur rup- ture, les anévrysmes de l'artère sylvienne se révèlent par des signes positifs moins souvent que les autres anévrysmes de la base. Tandis que ces derniers manifestent leur présence par de la céphalalgie et des symptômes de compression des nerfs, les premiers peuvent rester latents dans la moitié des cas. L'artère sylvienne étant éloignée du trajet des nerfs crâniens, il est naturel que ceux-ci ne soient pas lésés; et même l'absence complète de tous désordres lorsque l'ané- vrysme a les petites dimensions de celui que nous avons observé, nous paraît s'expliquer naturellement par la disposition anatomique des parties. Si en effet on examine sur un cerveau renversé sur sa face convexe et entouré de ses membranes les rapports de Tartère cérébrale moyenue dans le fond de la scissure de Sylvius, il est facile de reconnaître que cette artère est contenue dans une sorte de canal prismatique et irrégulier qui constitue autour d'elle une cavité assez spacieuse. En présence de cette disposition sur laquelle les auatomistes auraient peut-être dû insister, on comprend aisément que les mouvements de locomotion de l'artère, qui doivent être assez étendus à cause de ses flexuosités, s'exécutent librement; et Ton conçoit aussi qu'une petite tumeur môme pulsatile du volume d'une lentille puisse n'exercer sur les circonvolutions aucune action fâcheuse. Début. Chez nos deux malades, la rupture anévrysmale s'est pro- duite sans cause occasionnelle appréciable. C'est là le cas le plus gé- néral; parfois cependant l'influence d'une cause puissante peut être invoquée, comme dans l'observation suivante de Bamberger que 70 M. Charcot a citée à son cours; il s'agit d'un homme de 30 ans jouis- sant d'une excellente santé, s'étant seulement plaint de maux de tète dans les derniers temps, et qui, au moment où il recevait une douche froide sur la tête, tomba frappé d'apoplexie. Coma profond, absence de mouvements volontaires, diminution considérable des mouve- ments réllexes. Mort le lendemain. A l'autopsie, anévrysme de la ba- silaire du volume d'un noyau de cerise avec une perforation de la dimension d'une tête d'épingle (1). Ce fait ne figure pas dans la sta- tistique de Lebert. L'attaque chez nos deux malades paraît avoir revêtu la forme qu'on est convenu d'appeler foudroyante; elles sont toutes deux tombées lourdement. Kous avons insisté plus haut sur les complica- tions qui, chez un apoplectique, peuvent résulter de la chute, et nous ne reviendrons pas sur ce point. Remarquons seulement qu'une lourde chute indique peut-être jusqu'à un certain point une apo- plexie intense et grave et qu'à ce titre seul, au point de vue du pro- nostic, abstraction faite des complications possibles, elle n'est pas une circonstance indifférente. jSous mentionnerons ici, pour ne plus y revenir, l'écoulement san- guin par l'oreille droite que dès le début nous avons observé chez notre seconde malade. Cet écoulement a duré environ vingt-quatre heures et il n'a été ni accompagné ni suivi de l'écoulement d'un li- quide séreux. Les chirurgiens sont actuellement d'accord pour ad- mettre que dans l'immense majorité des cas il s'agit, non du sérum du sang, mais du liquide céphalo-rachidien. Or dans notre cas l'au- topsie a montré que les conditions anatomiques de l'écoulement de ce Uquide n'existaient pas. Quelle était pour le diagnostic de la frac- ture du rocher la valeur de récoulement sanguin? Evidemment dans le cas actuel, les commémoralifs aidant, ce signe avait une grande importance et l'existence d'une fracture fut admise, quoique avec réserves. Il eût été imprudent de l'affirmer d'une manière absolue ; on sait en effet qu'un traumatisme, un violent coup porté sur la ré- gion temporelle, par exemple chez les boxeurs, peut déterminer la déchirure de la membrane tympu nique, indépendamment de toute (1) Bamberger, Ueber Hirnkrankeilen. (VerhancUungen der Pliysi- calisch mcdinischen Gescllsckaft in Wûrzburg, 1856, sechster Band, S. 295.) 71 fracture (1). Depuis A. Gooper, qui paraît avoir le premier rapporté un fait de ce genre, plusieurs cas analogues ont été observés. Peut- être chez notre malade l'examen direct du tympan avec le spéculum eût-il permis d'être plus affirniatif, car dans les cas précédents la dé- chirure était centrale, tandis que chez Buyck il existait un décolle- ment du tympan à son insertion supérieure. INous ne voulons pas insister davantage sur ces détails. Des évacuations involontaires abondantes des fèces et des urines ; des vomissements de liquide roussâtre, répétés et persistants pendant plusieurs heures, ont été observés chez nos deux malades. Il est re- marquable que dans ses récentes expériences sur la compression du cerveau, Leyden n'ait jamais pu obtenir chez ses animaux des évacua- tions d'urine et des vomissements (2). Dans les observations que nous avons compulsées, les vomissements ne sont pas non plus très-fréquem- ment mentionnés. Chez nos malades, leur persistance pendant les premières heures, jointe à l'absence d'hémiplégie très-marquée à cette période, était de nature à égarer le diagnostic en faisant songer à une hémorrhagie cérébelleuse dans laquelle, comme on le sait actuellement, ce symptôme, par sa fréquence, acquiert la valeur d'un signe (3). Notons dans les deux cas l'absence absolue de contracture ou de convulsions d'aucune sorte pendant les premières heures qui ont suivi l'attaque. Etat de Hnleliigcnce. Un coma continu existait chez nos deux malades. Toutefois, on peut affirmer que lïntelligence n'était pas abolie; on a plusieurs fois noté qu'elles avaient répondu juste quand on leur offrait à boire ou quand on les excitait. L'intelligence n'a pas semblé chez elles pervertie, et elles n'ont présenté à aucune période ni délire ni agitation. E. Boudet a publié une observation intéressante sous ce rapport. Elle concerne un homme de 57 ans qui était devenu depuis deux ans et demi un peu sourd, et en même temps sujet à (1) V. Wilde, Injuries oft fie timipmnim, p. 225. (2) Leyden. Beilraege und Untersucliungen fur physiologie und Pathologie des Gehirns. I. Ueber Hiimdruck und Hirnbevvegungen. (ViRcnow's ARcniv., XXXVII, S. 519.) (3) Voy.Hillairet, De C hémorrhagie cérébelleuse. (Arce. géa. deméd., 5' série, t. II.) %\^}^^/ ^^(^o^- M^ des pesanteurs de tète, des étourdissements et des bourdonnements d'oreille. Frappé d'apoplexie, il revint à lui au bout de dix minutes, eut des vomissements, et toute la nuit gesticula et se livra à des actes de violence. Finalement coma et contracture des membres du côté droit, résolution du bras gaucbe. A l'autopsie, les hémisphères sont enveloppés d'une couche de sang coagulé fournie par un ané- vrysme rompu de la carotide interne droite; les ventricules remplis Me sérosité sanguinolente. Ce cas a aussi échappé àLebert (1). De la température. Les courbes des figures 1 et 2 montrent l'état de la température chez nos deux malades. A chaque petit cercle cor- respond une observation ; on voit qu'elles ont été faites deux fois par jour : à dix heures du matin et à six heures du soir. Le tracé supé- rieur de la fîg. 1 représente la température rectale de la première malade ; le tracé inférieur de la fig. 2 celle de la seconde. D'après M. Gbarcot (2), dans l'état apoplectique se terminant par la mort, dépendant soit de l'hémorrhagie cérébrale, soit du ramollisse- ment et en l'absence de complications inflammatoires viscérales, la température obtenue par l'exploration thermométrique des cavités centrales présente trois périodes. Dans la première, qui correspond aux premières heures qui suivent l'attaque, elle est en général abaissée : au lieu de 37°,5quiestla température moyennenormale, elle atteint à peine 37°, et peut môme fréquemment être notablement inférieure à ce dernier chiffre. Dans la deuxième période, qui dure un nombre variable de jours, elle oscille entre 37%5 et 38°. Enfin la dernière période qui annonce une mort prochaine est caractérisée par une ascension très-rapide. Le tracé de la fig. 3 offre très-nettement ces irois périodes successives; il a été fourni par une malade atteinte (l'hémorrhagie cérébelleuse, et nous l'avons choisi un peu au hasard parmi plusieurs autres présentant les mêmes caractères, et apparte- nant à différents malades apoplectiques par ramoUissement ou par hémorrhagie, comme un type commun aux difTéreutes apoplexies exemptes de compUcation. Or il est facile de se convaincre par un. examen comparatif que les (1) E. Boudet, Mémoire sur l'Iicvwrrliagie des méninges. (Journ. DES CONN. MÉD.-CniP.., 1839, p. 55.) (2) Charcot, Leçons citées, et Gaz. hebd., 1867. courbes de la température rectale des deux premières figures pré- sentent avec cette troisième courbe la plus grande analogie. Cepen- dant il y a quelques dissemblances que nous allons faire ressortir. Fio-. 1. Courbes de la température du rectum et dfs aisselles''dans l'obs. I. Chez la première malade, il est à remarquer que la température 74 centrale, au moment de l'attaque, a été bien peu abaissée, puisqu'elle dépassait un peu 37*. Puis il faut aussi noter qu'elle n'a pas tardé à dépasser 38% quoiqu'il n'existât pas de complications iiiflammatoires. Cette élévation prompte de la température a coïncidé avec l'appari- tion précoce d'une tache violacée sur la fesse paralysée, tache qui s'est bientôt transformée en eschare. Fie:. 2. Courbes de la lempcialurt^ du reetuiu et de la fréquence du fjouls dans l'obs. II. Ce que présente de plus remarquable la température rectale de la deuxième malade, c'c:^t son élévation temporaire et relativement 75 assez considérable le jour qui a suivi l'attaque. Ce phénomène paraît devoir être considéré comme réactionnel. Dans ce cas encore, le commencement de la période terminale a coïncidé avec l'apparition d'une eschare à la région fessière du côté paralysé. D'après Trousseau (1), il existe « dans les hémorrhagies cérébrales un peu considérables un mouvement fébrile sur lequel les auteurs classiques insistent trop peu, et qui, commençant ordinairement Fi- 3. H^lHHipHHNHHlHHII^HHIHJJil^HHilan ^■■■[■■■■■■HSrJBi nmmmngÊÊÊÊÊÊÊÊmmum wmmmmSÊÊmmmmmmm IHvsfllHlHiSfÉHlHfflnBliHIfllHi^lHil lffli.inisimi Courbe de la température Jn rectum dans un cas d'hémonhagie céiébelleusa. (Obs. de la nommée Thomas, âgée de 76 ans. — Service de M. Charcot, 1867.) vingt ou vingt- quatre heures après le début des accidents, est à son summum les deuxième et troisième jours; le pouls est dur et prend de la fréquence , la peau est ciiaude et souvent couverte de sueur; le visage est rouge, la respiration difficile. » Or à cette période, ainsi (1) Clinique médicale, t. il, p. 12 (2* édition). 76 que l'a remarqué M. Gharcot, s'il n'y a pas de complications inflam- matoires, la thermométrie prouve clairement que la lièvre manque en réalité, et que Trousseau s'est laissé prendre aux apparences. De Ceschare de la fesse du côté paralysé. — Nous appelons l'atten- tion sur ce symptôme qui a été récemment signalé par M. Gharcot, et qui existe d'une manière à peu prés constante dans toutes les hémi- plégies récentes qui doivent se terminer par la mort, pourvu que la paralysie du membre ne soit pas trop incomplète. L'eschare dont il est ici question n'a aucun rapport avec les eschares de la région sacrée, que l'on peut observer chez un grand nombre de malades dans les conditions les plus différentes. Elle a une physionomie, un dévelop- pement et une marche spéciales. Voici en quoi elle consiste : au bout d'un certain nombre de jours après l'attaque, quelquefois au bout de deux jours seulement, on voit apparaître une rougeur diffuse de la fesse du côté paralysé. Puis, au centre, se développe une tache viola- cée couleur lie de vin, généralement de petite dimension, ne dépas- sant pas le diamètre d'une pièce de 2 francs. Le siège précis de cette plaque violette est à 6 centimètres environ du sillon interfessier, et à quelques centimètres de la partie la plus élevée de ce sillon. Au bout de quelques heures, l'épiderme qui revêt la tache se soulève; et si on l'enlève ou si on le laisse se détacher spontanément, on aper- çoit la surface du derme violacée avec des points ecchymotiques. En- fin le derme ne tarde pas à se mortifier. Sur la fesse du côté opposé, on n'observe rien de semblable; elle est simplement rouge. L'appari- tion de cette eschare est d'un pronostic très-grave, et généralement son début précède et fait prévoir l'élévation de température de la pé- riode ultime. Cependant, dans des cas très-rares, la mort n'est pas survenue, malgré le développement de l'eschare qui s'est cicatrisée au bout d'un temps variable. Sur la figure 1, on peut comparer la température du rectum à celle des aisselles. De nombreux et importants travaux accomplis en Alle- magne ont prouvé que l'exploration thermométrique de l'aisselle ne donne pas les mêmes résultats que celle du rectum ou du vagin, laquelle renseigne évidemment d'une manière plus certaine sur la température du sang. Les recherches extrêmement multipliées que nous avons faites pendant tout le cours de cette année sous la direction de M. Gharcot, mettent en lumière le défaut considérable du parallé- lisme que présentent chez le vieillard le^ courbes de la température rectale et de la température axillaire. Nous avons insisté sur ce point dans un mémoire lu récemment à la Société de biologie, et nous nous bornons ici à faire remarquer Técart notable et non réoulier qui existe, dans la figure 1, entre la courbe supérieure d'une part et les courbes inférieures d'autre part. Il faut donc considérer la tempé- rature de l'aisselle comme exprimant d'une manière incertaine d'ailleurs une sorte de moyenne entre la température des par- ties centrales et celle de la peau. Dans les hémiplégies récentes où un excès de chaleur de la peau des membres paralysés est la règle, l'aisselle du côté correspondant présente généralement au moins un ou deux dixièmes de plus que l'autre ; cet excès de chaleur existait en effet dans le cas actuel, mais surtout à la fin. Dans d'autres cas, c'est le contraire qui arrive; la différence entre les deux aisselles est nette les premiers jours, puis elle disparaît dans les dernières heures de la vie, lorsque la peau du corps tout entière, sans distinction de côté, offre une température élevée qui semble reconnaître pour cause une paralysie vaso-motrice générale. Les membres du côté paralysé étaient, chez nos deux malades, plus chauds que ceux du côté opposé. La figure 2 montre un parallélisme assez exact et remarquable en- tre la courbe de la fréquence du pouls et celle de la température rec- tale. Ce parallélisme n'existe pas dans Tobservation P*, où nous n'a- vons pas fait graver la courbe du pouls afin de ne pas embrouiller la figure. Hémiplégie des membres, — On peut dire que les symptômes hémi- plégiques se sont présentés tels qu'on les voit d'ordinaire dans les lésions des corps plus striés. On sait qu'ils peuvent manquer dans les lésions superficielles de l'encéphale. Dans notre premier cas, l'hé- miplégie du mouvement du côté opposé à la lésion cérébrale a été complète; dans le deuxième, elle était complète seulement pour le membre supérieur, et chez cette malade la sensibilité a paru un peu obtuse. La flaccidité absolue que présentaient ici les membres est bien digne d'attention ; car on dit généralement que dans les épan- chements sous-méningés, la contracture des membres est la règle; nous croyons pouvoir expliquer cette flaccidité par le peu de diffu- sion de répanchement. Dans la première observation où l'intiltration sanguine était diffuse, le membre supérieur du côté opposé à l'hé- miplégie présentait un état de contracture persistant, et les drux 78 membres inférieurs, nolammeuL dans les articulations des genoux, ont été manifestement roides. Vhémîplégie faciale^ du même côté que la paralysie des membres, a été observée dans les deux cas; dans le premier, elle ne s'est ac- cusée qu'au bout de quelques heures. Déviation de la tête et des yeux. — Ce symptôme extrêmement fréquent dans l'apoplexie, quoiqu'il ait jusqu'ici attiré peu l'atten- tion, après avoir été partiellement indiqué par plusieurs auteurs, a été soigneusement étudié par M. Prévost dans un mémoire inspiré par M. Vulpian (1). Nous l'avons constaté de la manière la plus évi- dente dans la première observation. Au bout de quelques heures après l'attaque, les yeux étaient manifestement dirigés à droite; le lende- main la tête était aussi tournée du même côté, et cette double dévia- tion a été persistante. Dans la deuxième observation, nous avons seu- lement noté une simple déviation de la tête, qui d'ailleurs n'a pas été durable. Il nous paraît bien difficile d'expliquer pourquoi, dans ce cas où la lésion cérébrale était plus profonde, ce symptôme a man- qué. Sa constatation dans la preinière observation présente de l'inté- rêt; car M. Prévost avait pensé qu'il n'existait pas lorsque les parties Buperficielles de l'encéphale étaient seules lésées. Cependant nous devons dire que nous avons trouvé notée la déviation des yeux dans une observation de Bamberger, où la lésion était également artifi- cielle; il s'agissait d'une hémorrhagie de la pie-mère (2). Pupilles. — Dans l'obs. I, elles ne présentaient rien de particulier; dans la seconde, les troubles de la pupille gauche pouvaient porter à soupçonner une lésion superficielle de ce côté. RÉSUMÉ. Ou voudra bien nous permettre de résumer en quelques mots ce que renferment les pages précédentes : Nous avons vu la rupture de petits anévrysmes produire un foyer sous-méningé et déterminer une apoplexie foudroyante. Une fracture du crâne et des lésions encéphaliques traumatiques ont été le résul- (1) Prévost, Gaz. heb., 1865, p. 649. (2) Bamberger, loc, cit. 79 tat de la chute. Les symptômes dans les deux cas ont présenté, avec ceux des lésions des parties centrales du cerveau, une grande analo- gie, et il nous a paru intéressant de mettre en lumière par une ob- servation exacte divers phénomènes dont l'existence dans les lésions superficielles de l'encéphale n'avait pas été rigoureusement établie jusqu'à ce jour. RECHERCHES SUR L'ANATOMIE DE LA VOUTE DU CRANE Note lue à la Société de biologie PAR P. I. PROMPT Ancien élève de l'École polytechnique, interne des hôpitaux, aide d'anatomie à la Faculté de médecine. En étudiant l'anatomie de la voûte du crâne, il m'a semblé que la surface externe de" ce couvercle osseux n'avait pas été définie jus- qu'ici avec une rigueur vraiment anatomique. Je me suis proposé de réunir quelques faits qui m'ont paru intéressants à ce point de vue. Dans ce but, j ai composé une petite collection de voûtes crâniennes qui se trouve constituée aujourd'hui par vingt-deux pièces. Quel- ques-unes de ces pièces m'ont été communiquées, avec des renseigne- ments divers, par mes collègues MM. Pénières, Nepveu, Damaschino, Lebreton, Prévost. Je prie ces messieurs d'agréer ici mes plus sin- cères remercîments. Les autres ont été dérobées à l'amptiithéâtre de l'Hôtel-Dieu sur les sujets qui succombaient dans le service de M. le professeur Laugier, dont j'ai l'honneur d'être l'interne. Ce service se compose de soixante-quinze lits d'hommes et de vingt-cinq lits de femmes; il en est résulté que les crânes d'hommes prédominent dans MÉM. 6 82 ma collection. Par des motifs analogues et également indépendants de ma volonté, il ne m'a pas été possible de recueillir des crânes d'enfants. J'en ai un qui a appartenu à un sujet de 17 ans; mais il est développé à l'égal de la plupart des crânes d'adultes. Le mode de préparation a été très-simple. Au moyen d'un trait de scie, passant au-dessous de la bosse frontale et au-dessous de la su- ture lambdoïde, je séparais la calotte crânienne du reste de la tête ; ayant ensuite arraché la dure-mère, et ruginé les parties molles qui adhèrent à la surface externe de la voûte, je recouvrais la pièce sur toutes ses faces d'une épaisse couche de vernis. Ce procédé est le plus convenable qu'on puisse employer pour préparer rapidement les os ; il s'applique fort bien à tous ceux qui n'ont pas d'apophyses dé- licates, et qui, par conséquent, supportent le travail du grattoir sans être notablement endommagés. Quelques-unes de mes pièces sont sciées un peu de travers ; elles ont été obtenues en régularisant, tant bien que mal, au moyen de la scie, une section faite à coups de mar- teau pour enlever l'encéphale. Le catalogue de ma collection est donné dans le tableau suivant. Les chiffres que contient la quatrième colonne du tableau réprésen^ tent une donnée qui sera expliquée dans la suite de ce travail. Dans la deuxième colonne, le sexe du sujet est indiqué par les initiales H et F. 83 53 g RAYON o du cercle MALADIE "o delà SEXE. AGE. suture qui a occasionné REMARQUES. fronto - pariétale. la mort. i H. 37 ans. 6 centimèt. f Persistance de la su- ture frontale. 2 F. 21 6 .. ? 3 H. 17 6 » Ostéo-périostite du tibia. 4 H 40 5 D 9 5 F. 41 5 » ? 6 F. 78 5 1/2 ? 7 H. 53 6 » Tubercules pulmonair. Persistance de la su- ture frontale. 8 F. 75 6 » f 9 F. 50 5 .. 9 10 H. 40 6 .. 9 11 F. 78 5 1/2 ? 12 F. 18 ? 5 « 9 13 H. 26 ? 6 . Tubercules pulmonair. 14 H. 67 7 D Tubercules pulmonair. Persistance de la su- ture frontale. 15 F. 61 6 » •> Développement remarquable des sillons de l'artère méningée moyenne. 16 H. 45 5 1/2 Affection cardiaque. 17 H. 58 6 « Rétention d'urine. 18 F. 37 5 1/2 Tubercules pulmonair. Fongus de la vessie. 19 H. 50 6 ,, Os wormien dans la suture fronto-pariétale. 20 H. 51 6 » Fracture des malléoles avec plaie. 21 H. 55 6 « Tubercules pulmonair. 22 H- 40 ? 6 » 9 '^ J'ai choisi le crâue n" 8 pour faire une préparation qui démontre une propriété remarquable, et inconnue jusqu'à ce jour ; cette pro- priété n'appartient pas à ce crâne en particulier, elle est constante ; je l'ai rencontrée sur toutes mes pièces, et elle est de telle nature qu'on peut la vérifier très-vite et très-facilement sur un crâne qui n'a subi aucune préparation, ou même sur une tête encore revêtue de ses parties molles. Mais la préparation que j'ai faite m'a paru utile pour établir cette propriété d'une manière nette et pour la faire mieux comprendre. Au moyen d'un trait de scie qui passe à peu près par la suture fronto-pariétale, j'ai séparé toute la portion de la voûte qui est en avant de cette suture. Ensuite j'ai fait sur la voûte plusieurs sections successives, en conduisant toujours la scie paral- lèlement à la direction de la première coupe, de sorte que la voûte crânienne se trouve divisée en une série de tranches qui sont symé- 84 triques autour du plan médiau du corps, qui ont partout la même largeur, et qui sont limitées sur leur surface convexe par des lignes à peu près parallèles à la suture fronto-pariétale. On sait d'ailleurs qu'un trait de scie bien fait détermine une coupe située dans un seul et même plan, de sorte que cette coupe étant déposée sur une table, s'y applique exactement par tous les points de son étendue. Il est alors facile de suivre avec un crayon les contours de la coupe, et de les dessiner ainsi sur la table avec une perfection absolue. Or, si l'on trace de cette manière ceux des contours de mes coupes qui répon- dent à la surface externe du crâne, on leur trouve une propriété sin- gulière et bien digne d'attention : c'est que ces contours sont, à de très-faibles irrégularités près, des lignes géométriquement définies. Ce sont des arcs de cercle qui comprennent, en général, un arc de 120°; cependant quelques-uns d'entre-eux sont moindres que le tiers de la circonférence dont ils font partie. J'aurais pu multiplier les coupes, en faire, par exemple, dix, douze, quinze, ou même davantage; elles auraient toujours présenté la même propriété. Énoncée en termes plus précis et sous une forme plus abrégée et plus abstraite, cette propriété se résume dans la pro- position suivante : on peut couper la surface externe de la voûte du crâne par un système de plans parallèles, dirigés de telle sorte que les lignes de section appartiennent toutes à des circonférences de cercle, dont elles forment des arcs plus ou moins étendus. D'ailleurs les rayons de ces arcs sont variables. Depuis la bosse frontale jusqu'en un point situé vers la partie moyenne de la suture sagittale, ils vont sans cesse en augmentant. Au niveau de l'os occi- pital, les coupes faites suivant la direction que nous avons indiquée ne donnent plus des arcs de cercle ; elles donnent des lignes d'une autre forme, dont je n'ai pas cherché à déterminer la nature. Pour vérifier ces propriétés sans faire aucune préparation préala- ble, il convient de procéder de la manière suivante : sur le bord d'une feuille de carton, on applique la pointe d'un compas, dont la branche brisée porte un crayon. Au moyen de ce compas, on trace une série de petits cercles concentriques qui, s'arrêtant sur le bord de la feuille, se réduisent ainsi à la moitié de leur circonférence. On donne 5 centimètres de rayon au cercle le plus petit, et l'on va, en croissant à chaque fois de 5 millimètres, jusqu'au cercle le plus grand, qui a 9 centimètres de rayon. Ensuite on découpe la feuille 85 avec des ciseaux en suivant exactement les lignes circulaires qu'on a tracées. On obtient ainsi une série de demi- couronnes de carton, dont les diamètres croissent graduellement. Il est facile de rendre ces couronnes bien planes en les appliquant sur une planche. Cela fait, on cherche par le tâtonnement celle des couronnes dont le contour concave s'applique sur la suture fronto-pariétale du crâne que l'on veut examiner. Supposons que ce soit celle dont le rayon extérieur est égal à 6 centimètres. On prendra celle de 6 centimè- tres 1/2, et l'on reconnaîtra qu'elle s'applique exactement sur le crâne, si on la dispose un peu plus loin vers la suture lambdoïde, et de manière qu'elle soit dans un plan parallèle à la première. On pourra en appliquer ainsi sur le crâne un aussi grand nombre qu'on voudra, à la condition de rester entre les limites que nous avons in- diquées plus haut. La couronne de la suture fronto-pariétale coiffe la tête à peu près de la même manière que la bordure qui limite en avant un bonnet ou un chapeau de femme ; celles qui viennent après représentent assez bien les cercles dessinés sur le bonnet ou sur le chapeau par les ornements qu'on y adapte habituellement. Il n'existe pas dans la nature de formes rigoureusement géomé- triques ; aussi ce que je viens de dire exige, comme explication, la description des écarts que fait la surface naturelle du crâue de part et d'autre des cercles que j'ai définis; on pourrait considérer ces cercles comme appartenant à une surface géométrique, très-voisine de la surface réelle que l'on étudie, et qui présente avec cette surface des rapports analogues à ceux qui existent entre la surface du niveau des mers et la surface qui limite extérieurement le globe terrestre. Il ne faudrait pas me reprocher de comparer la surface du crâne à une surface géométrique qui ne lui est pas rigoureusement égale; autant vaudrait reprocher aux géographes d'avoir porté leur attention sur la surface de niveau des mers, et d'avoir étudié sous ce nom un sphéroïde idéal qui ne coïncide pas même avec la surface réelle de la mer; car cette surface n'est autre chose que la surface géographique de niveau, sans cesse modifiée par les attractions du soleil et de la lune. Mais il est utile de considérer la surface idéale de niveau, parce qu'on simplifie beaucoup l'étude en comparant une surface comph- quée et irréguUère, à une autre surface qui en diffère peu, mais qui est régulière et facile à définir. C'est à un point de vue analogue que l'on peut tirer parti, dans l'anatomie du crâne, de la considération de cette surface idéale, à cercles parallèles, que j'ai définie précédem- ment. Il me reste doue à dire quels sont les écarts possibles entre la surface naturelle du crâne et la surface à cercles parallèles qui peut être considérée ici comme une véritable surface de niveau. On conçoit comment les écarts seront mesurés sur une pièce quel- conque. Si l'on fait les coupes qui ont été pratiquées sur le crâne n" 8, on suivra leurs contours avec un crayon ; on prendra ensuite trois points sur chaque contour, et l'on déterminera le centre du cercle qui passe par les trois points. Ensuite on tracera ce cercle au moyen du compas ; on verra qu'il diffère plus ou moins du contour obtenu. Les points oîi ces différences ont lieu ne sont pas les mêmes pour toutes les pièces ; c'est surtout au niveau de la ligne médiane qu'on devra s'attendre à les rencontrer : là on verra tantôt une dépression, tantôt une saillie de la surface naturelle au-dessus de la surface géomé- trique. En général les écarts sont peu considérables ; ils ne dépassent pas 2 ou 3 millimètres. Quand on se borne à mesurer le crâne au moyen des cercles de carton, on observe des écarts plus grands ; cela tient à la nécessité oîi Ton se trouve de prendre un cercle qui coiffe complètement le crâne, et qui a, par conséquent, un rayon égal au plus grand rayon de cour- bure de la surface sur laquelle on l'applique. Ce cercle est donc tou- jours plus grand que le cercle de la surface de niveau, lequel pré- sente un rayon moyen entre tous les rayons de la surface réelle. Aussi les irrégularités qui se traduisent par des dépressions seront toujours exagérées, quand on étudiera la voûte crânienne par ce procédé. Une question se présente maintenant. J'ai dit que les cercles de carton s'appliquent sur le crâne par une portion de leur circonfé- rence qui est à peu près égale à l'arc de 120°. Que deviennent ces cercles à partir de là? Prolongés à droite et à gauche, comment aban- donnent-ils la surface crânienne? Chacun pourra résoudre cette question sans la moindre difficulté, par l'examen attentif de la disposition que présentent les cercles ; on verra qu'ils abandonnent la surface du crâne graduellement, c'est- à-dire en la touchant; il y a cependant des points où ils l'abandon- nent d'une manière brusque : ce sont ceux qui répondent au contour supérieur de la fosse temporale. En ces points, l'ablation des parties molles diminue notablement la régularité de la tête ; mais si l'on 87 cherche la forme du crâne revêtu des aponévroses et des muscles qui prennent leurs insertions sur la voûte, l'excavation qui loge le muscle crotaphite disparaît complètement, et la forme extérieure de là tête se montre, là comme partout ailleurs, régulière et circulaire. Tels sont les développements que j'avais à donner au sujet des sec- tions circulaires que j'ai pu tracer sur la surface externe du crâne. Mais je ne dois pas abandonner cette question sans signaler un second système de sections circulaires, que j'ai réussi à démontrer par les mêmes procédés. Le crâne n" 4 a été employé pour faire les coupes qui démontrent la grandeur et la disposition de ces sections. Elles ne sont pas contenues dans des plans parallèles, la plus antérieure est dans un plan presque horizontal ; elle passe en avant et au-dessous de la bosse frontale; à partir de là, les plans de ce système de sections prennent une inclinaison de plus en plus grande sur l'horizon, au niveau de la suture fronto-pariétale, le plan de section fait avec le plan de cette suture un angle aigu dont l'ouverture est tournée en bas, et dont la grandeur varie suivant les sujets. Plus loin le plan de section s'incline en sens contraire, et, au-dessous de la section lamb- doïde, il devient horizontal. Les cercles ainsi déterminés sont moins importants à considérer que ceux de l'autre système. Leur défaut de parallélisme fait qu'ils influent beaucoup moins sur l'apparence extérieure de la tête. De plus, les écarts qui les séparent de la surface naturelle du crâne sont beaucoup moins faibles que pour le système précédent. Ils forment un système à la fois moins naturel, moins bien déterminé, et moins facile à saisir au premier coup d'œil. J'ai fait aussi des recherches dans le but de préciser la forme de la ligne suivant laquelle le plan général de symétrie du corps coupe la surface externe de la voûte du crâne. Pour cela, j'ai moulé avec du plâtre les surfaces de mes vingt-deux crânes; ces moules ont été coupés sur la ligne médiane ; les appliquant ensuite sur des feuilles de carton, et dessinant avec un crayon le contour de chaque section ainsi obtenue, j'ai eu le tracé exact des sections que je me proposais d'étudier. Un premier examen comparatif m'a montré que les diffé- rences entre ces sections étaient peu considérables, et qu'on pouvait faire coïncider deux quelconques d'entre elles, sans que l'écart maxi- mum entre les deux contours fût supérieur à 1 centimètre. Afin de tirer tout le parti possible de cette coïncidence, j'ai marqué sur les 88 contours deux points de repère répondant, l'un à la suture fronto- pariétale, l'autre à la suture lambdoïde. Le premier point de repère est très-bien déterminé sur toutes les pièces. En effet, la suture fronto-pariétale présente des dentelures qui, sur les régions latérales de la voûte, sont très-larges et très-irrégulières; mais sur la ligne médiane, ces dentelures deviennent beaucoup plus étroites, si bien que l'intersection de la ligne médiane avec la suture est un point dont la position peut être fixée, à 1 ou 2 millimètres près. Il n'en est pas de même pour la suture lambdoïde ; les dentelures qu'elle pré- sente sont quelquefois très-étendues; la seule manière de préciser au moyen de cette suture la position d'un point de repère est de prendre une ligne qui ait une direction intermédiaire entre les extrémités des dentelures. Malheureusement cette ligne elle-même ne peut être bien précisée qu'à la condition de la tracer sur des pièces où il reste une assez grande partie de l'os occipital. On conçoit que cela ne m'a été guère possible. Mes pièces ont été dérobées sur des sujets dont j'a- vais à faire l'autopsie, et l'enlèvement complet de la calotte crânienne eût laissé des vides difficiles à remplir; déplus, la préparation des pièces serait devenue très-pénible et très-longue, si j'avais enlevé une partie considérable de l'occipital ; on sait que, vers sa partie moyenne, cet os donne des insertions aux masses musculaires de la nuque, de sorte que la rugination de cette partie est un travail qui exige beau- coup de fatigue et de patience. Ainsi mon second point de repère manquait un peu de précision. Ce défaut de précision était compensé, du reste, par la considération de la forme générale des contours qui montrait suffisamment, dans la majorité des cas, comment il fallait les placer pour obtenir leur coïncidence. J'ai découpé mes cartons avec des ciseaux, en suivant les courbes qui s'y trouvaient tracées. Les pièces ainsi obtenues m'ont servi à re- porter les courbes sur des feuilles de dessin autant de fois que je l'ai voulu ; il me suffisait de suivre leurs contours avec le crayon, comme on trace une ligne droite en appuyant un crayon sur une règle, ou comme on trace une ligne courbe en se servant de l'instru- ment que les dessinateurs désignent sous le nom de pistolet. Sur une figure que j'ai construite, tous les contours ont été dessinés les uns sur les autres, de telle manière qu'ils se sont tous trouvés compris dans une zone peu étendue, dont la plus grande largeur n'a guère 89 plus de 1 centimètre. Sur cette zone, les points de repère se trouvent chacun renfermés dans un petit rectangle également peu étendu. J'ai tracé sur du papier à décalquer les limites de la zone, et celles des deux rectangles qui renfermaient les deux systèmes de points de re- père ; j'ai ensuite tracé une ligne qui occupait exactement le milieu de la zone, et sur cette ligne j'ai marqué les points qui répondaient aux centres des rectangles. Cette ligne peut être considérée comme une ligne moyenne qui représente un type invariable propre à être utilisé dans l'anatomie des formes et dont les crânes humains s'écar- tent peu, l'écart le plus grand étant en général inférieur à 5 milli- mètres. Cette ligne moyenne jouit d'une propriété géométrique très-remar- quable ; elle est formée par le raccordement de deux arcs de cercle. L'un de ces arcs est antérieur; il s'étend depuis la bosse frontale jusqu'à un point qui est situé à peu près au milieu de la suture sa- gittale ; l'autre est postérieur, il va du point où il se raccorde vers le premier arc jusqu'à la protubérance occipitale externe. La figure ci-jointe représente notre ligne moyenne, réduite à la moitié de sa grandeur. Nous avons marqué en G la bosse nasale, en H la protubérance occipitale externe; nous donnons la position de ces points à titre de simple renseignement; nous n'avons pu les fixer exactement; sur nos vingt-deux pièces, une seule comprenait la bosse nasale, et deux ou trois seulement allaient jusqu'à la protubé- rance occipitale externe. Le point F marque la limite antérieure de la portion du crâne que nous avons étudiée; E, la suture fronto-parié- tale; C, la suture lambdoïde. L'arc de cercle antérieur va de F en D; son centre est au point A; son rayon égale 100 millimètres; Tare postérieur va de D en H; son centre est au point B; son rayon égale 74 millimètres. Les arcs se raccordent en D en se touchant, si bien que les points A B D sont sur une même ligne droite ; cela résulte de propriétés géométriques simples sur lesquelles je ne crois pas devoir insister ici. Nous avons donné à la ligne G C, qui joint l'intersection des sutures occipito-pariétales à la bosse nasale, une direction hori- zontale ; ce qui suppose que la tête n'est pas exactement d'aplomb, mais un peu inclinée en avant. La longueur G C présente une pro- priété qui établit un rapport simple entre cette longueur et les rayons des deux cercles; la somme de ces rayons est égale précisément à la distance qu'il y a entre la suture lambdoïde et la bosse nasale. 90 Après avoir défini le type géométrique moyen, d'après lequel est construite la ligne médiane de la surface externe du crâne, il nous reste à dire de combien les divers crânes peuvent s'écarter de ce type, et comment se fait cet écart. Dans cette étude nous. devrons distinguer les écarts qui dépendent d'irrégularités, et ceux qui dépendent des différences individuelles. Nous appelons ici irrégularités tous les ac- cidents de forme qui se trouvent sur un crâne considéré en particu- lier, et qui ne se trouvent sur aucun autre, ou bien ceux qui se 91 reocontrent très-rarement, ou bien encore ceux qui dépendent de circonstances pathologiques. Pour bien faire comprendre notre pen- sée, nous allons décrire une irrégularité qui existe sur le crâne n' 6 de notre collection. Si l'on examine la ligne médiane de ce crâne, on reconnaît qu'il présente au niveau de la suture bipariétale une dépression considé- rable. Cette dépression commence en arrière à la suture lambdoïde ; elle se termine en avant à quatre travers de doigt en arrière de la suture fronto-pariétale; elle occupe par conséquent la moitié posté- rieure de la suture bipariétale. Son étendue transversale est de trois travers de doigt au point où elle atteint la plus grande largeur; la partie la plus déprimée répond à la ligne médiane. En regardant le crâne à contre-jour, on reconnaît qu'il est parfaitement transparent au point le plus déprimé ; ce qui prouve qu'il n'y a pas de diploé (1) en ce point, et que les lames de tissu compacte qui forment les sur- faces interne et externe sont venues se juxtaposer Tune à l'autre. Si Ion examine attentivement la surface interne aux points correspon- dant à la dépression, on y trouve le petit canal qui loge le sinus lon- gitudinal supérieur, et il ne semble pas que la forme de la surface interne présente eu ces points aucune particularité qui ne se retrouve sur toute autre pièce prise au hasard. En mesurant avec un compas l'épaisseur du crâne sur la partie déprimée, on reconnaît que cette épaisseur est très-faible au point transparent, et qu'à partir de là elle augmente d'une manière insensible jusqu'aux limites de la dépres- sion. On est donc amené à conclure que cette dépression résulte d'un affaissement de la table externe, qui est venue se rapprocher de la table interne, pendant que le diploé a subi un travail atrophique qui l'a fait disparaître eu grande partie. Ce travail est dû évidemment à la sénilité qui a marqué ses caractères sur le crâne en question par l'ef- facement presque complet des principales sutures, et par la profon- deur assez considérable des sillons de l'artère méningée moyenne, et des fossettes qui logent les corpuscules de Pacchioni. Le sujet était âgé de 78 ans. (1) Dans les crânes qui n'ont pas subi une longue macération, les ca- naux du diploé sont remplis de sang coagulé ; il en résulte que le di- ploé est parfaitement opaque, même sur une faible épaisseur. 92 Cette dépression est donc le résultat d'un véritable processus pa- thologique; de plus, en examinant les vingt-deux pièces que je pos- sède, je ne la retrouve sur aucune d'elles. Quelques-unes présentent des dépressions légères, irrégulières, alternant avec des éminences; mais sur aucune on ne voit cette profonde empreinte creusée gra- duellement, et qui écrase d'un large et puissant sillon la moitié pos- térieure de la suture bipariétale. On peut donc affirmer que c'est là une disposition à la fois pathologique et exceptionnelle; c'est à ce double titre que je la range dans la classe des irrégularités. Parmi les irrégularités que j'ai rencontrées, je dois en signaler une qui est assez fréquente, puisque je la retrouve cinq fois sur vingt- deux, et qui, de plus, ne me paraît liée à aucune circonstance patho- logique. C'est une dépression située au niveau de la suture fronto- pariétale, de sorte qu'en ce point la surface du crâne, qui est convexe tout autour de l'irrégularité, devient concave sur une étendue de quelques centimètres carrés à droite ou à gauche de la ligne médiane, quelquefois sur cette ligne elle-même. Le crâne u" 19, qui est remar- quable par la présence d'un os wormien assez considérable, quadran- gulaire et enclavé dans l'angle droit de la suture fronto-pariétale, présente une irrégularité de cette forme qui s'étend sur le côté gauche de la ligne médiane, qui existe à un assez faible degré sur cette ligne, et qui s'arrête vers le miUeu de l'os wormien. Cette disposition est assez fréquente; mais je la range dans la classe des irrégularités, d'a- bord parce qu'elle n'est pas constante , et en second lieu parce que les pièces où on la rencontre sont en nombre moindre que celles où on ne la rencontre pas. Les irrégularités étant ainsi définies, il est clair qu'on est en droit de ne pas en tenir compte dans une description générale de la forme du crâne. On doit seulement les mentionner à la suite de cette des- cription, afin de la rendre complète. Quant aux différences de grandeur et de forme qui dépendent de circonstances individuelles, elles doivent être comprises dans la des- cription générale ; sans cela, cette description serait mauvaise et de- vrait être modifiée. C'est d'après ces principes que je vais décrire la ligne médiane de la surface externe du crâne. J'ai déjà indiqué les propriétés d'une ligne moyenne, dont les crânes des divers individus ne s'écartent pas beaucoup. J'ai dit que cette ligne se composait de deux arcs de cercle de rayons différents, qui se raccordent vers la partie moyenne de la sature bipariétale. J'ai donné les dimensions de ces arcs de cercle, et j'ai fait remarquer que l'arc antérieur était tracé avec un rayon plus grand que l'arc postérieur. Or ces propriétés sont constantes, et on les retrouve sur les vingt- deux contours que nous avons obtenus. Ce qui varie d'un sujet à l'autre , c'est le rayon de chacun des cercles , c'est la manière dont se fait le raccordement des cercles qui tantôt se rencontrent en se touchant, -tantôt, au contraire, se rencontrent en faisant un angle aigu très-petit. Pour vérifier cette propriété, je trace les contours au moyen de mes cartons sur une feuille de papier ; je prends trois points sur la région antérieure, je détermine le centre du cercle passant par ces trois points, je fais la même construction pour la région pos- térieure, et je décris avec le compas les cercles ainsi définis ; ces cercles se confondent avec les contours ; les écarts ne dépassent jamais 2 millimètres quand le dessin est fait avec le soin néces- saire. Nous avons maintenant toutes les conditions qu'il faut pour définir la forme de la surface externe du crâne. Nous connaissons la ligne médiane de cette surface ; nous connaissons la forme circulaire des sections déterminées par des plans parallèles à une certaine direc- tion ; nous connaissons la grandeur des cercles de la ligne médiane. Il resterait à fixer celle des cercles qui répondent aux sections trans- versales ; mais je crois que les pièces dont je dispose ne sont pas assez nombreuses pour établir cette dernière condition numérique. C'est surtout dans ses dimensions transversales que la surface en question varie beaucoup suivant les individus. D'après le tableau que j'ai donné au début de ce travail, on voit que le seul rayon de la suture fronto-pariétale oscille sur mes pièces entre 5 et 7 centimètres ; il varie donc de plus du tiers de sa grandeur, ce qui me fait croire qu'il faudrait comparer beaucoup de pièces pour en connaître exac- tement les limites. Pour la ligne médiane, qui varie beaucoup moins, un petit nombre de pièces a pu suffire. C'est par une raison analogue que je ne chercherai pas à donner ici une histoire détaillée des irrégularités. Par leur nature même, ces conditions de forme ne se rencontrent que sur des pièces rares, de sorte que, pour avoir la certitude de n'en laisser échapper aucune, il serait indispensable de baser leur description sur l'examen d'une col- 94 lection considérable. A celles que j'ai déjà signalées, il faudrait en réunir sans doute beaucoup d'autres ; je me bornerai à en décrire deux que j'ai eu l'occasion d'observer. L'une d'elles existe sur quelques pièces de ma collection ; les pièces 9, 13, 15, 19 les présentent à un faible degré, et pour ainsi dire à l'état rudimentaire. Les pièces 20 et 21 en offrent des exemples très- remarquables. C'est une forte proéminence constituée par les dente- lures de la suture occipito-pariétale. Les dentelures qui appartiennent à l'occipital font une saillie très-heurtée qui se détache sur les dente- lures des os pariétaux ; celles-ci ne font pas de saillie ni de dépres- sion sur le reste de la surface du crâne ; il en résulte que l'occipital se détache avec un fort relief sur les os pariétaux. Sur la pièce 21, cette saillie se prolonge sur toute la partie supérieure de l'occipital; la protubérance occipitale externe et la ligne courbe demi-circulaire supérieure la terminent en bas, de sorte que cette ligne courbe limite avec les barres inférieures de la suture lambdoïde un petit triangle dont toute l'étendue proémine au-dessus de la surface générale du crâne. Je ferai remarquer d'ailleurs que sur les diverses pièces, les saillies en question répondent à une dépression qui les reproduit en creux sur la surface interne de la voûte crânienne, si bien qu'elles représentent une exagération de la courbure de l'occipital, sans mo- dification de l'épaisseur de cet os. L'autre irrégularité, dont je dois parler ici, me parait beaucoup plus rare; elle n'existe sur aucune pièce de ma collection; je l'ai souvent recherchée sur le vivant sans la rencontrer ; je ne l'ai vue qu'une fois, et c'était sur un sujet vivant, une femme de 53 ans, qui avait été admise, l'année dernière, dans le service de M. Mesnet, à l'hôpital Saint-Antoine, pour une affection encéphalique. Sur la partie posté- rieure du crâne de cette femme, vers la ligne médiane et un peu en avant de la suture lambdoïde, on sentait une éminence transversale qui se terminait en pente douce du côté de l'os occipital, et qui des- cendait eu avant d'une manière brusque; c'était; sous une forme rudimentaire, quelque chose d'analogue à cette grande apophyse postérieure en demi couronne, qui donne au crâne de certains singes un aspect si caractéristique. Je me demandais s'il y avait là une mal- formation individuelle de la voûte, ou bien une exostose syphili- tique. M. Mesnet était absent à cette époque. M. Lorain, qui le rem- plaçait, fut d'avis qu'il fallait écarter l'idée d'une exostose, et qu'on 95 avait affaire à une irrégularité congéniale ou acquise, sans augmen- tation de l'épaisseur des os de la voûte. CONCLUSIONS. r 11 existe deux systèmes de sections circulaires que l'on peut tracer sur la surface externe de la voûte du crâne, en coupant cette surface par des plans perpendiculaires au plan de symétrie du corps. De ces systèmes, l'un appartient à des plans parallèles, dont la di- rection est à peu près celle de la suture fronto-pariétale ; l'autre ap- partient à des plans non parallèles, dont l'inclinaison varie graduel- lement, et qui deviennent horizontaux, d'une part au niveau de la bosse frontale, d'autre part un peu au-dessous de la suture lamb- doïde. T La surface externe de la voûte du crâne est coupée par le plan de symétrie du corps par une ligne qui se compose de deux arcs de cercle, l'un antérieur, l'autre postérieur ; le premier est d'un rayon beaucoup plus grand que le second; ils se raccordent en un point qui répond à peu près au milieu de la suture sagittale. Le centre de l'arc postérieur est situé sur la ligne droite qui joint le sommet de la suture lambdoïde à la bosse nasale; celui de l'arc antérieur est en ligne droite avec le point de raccordement des deux arcs et le cen- tre de l'arc postérieur. Nous avons d'ailleurs des réserves à faire sur la détermination de ces centres ; celle qui se rapporte au centre de l'arc postérieur n'a été fixée que d'après l'examen d'une seule pièce; celle qui se rapporte au centre de l'arc antérieur se vérifie sur la moyenne de nos 22 contours, que nous avons représentée sur notre figure, mais elle ne se vérifie pas sur chaque pièce considérée en particulier. • 3° Quand les conditions qui précèdent ne se vérifient pas, cela tient à des accidents de forme que nous appelons irrégularités : le carac- tère de ces accidents est tel qu'on ne doit pas en tenir compte dans une description générale et typique de la voûte du crâne ; en effet, les uns dépendent de circonstances pathologiques ; d'autres ne pa- raissent pas tenir à un efl'et morbide ; mais on reconnaît qu'ils ne sont pas constants, et que le nombre des sujets chez lesquels on les trouve constitue une faible minorité. 4° Ne pouvant donner une histoire complète des irrégularités, nous 96 nous sommes borné à signaler celles que nous avons pu observer; ce sont les suivantes : 1° une dépression sur la moitié postérieure de la suture sagittale ; 2° une dépression au niveau de la suture fronto- pariétale ; 3" une saillie formée par les dentelures de l'os occipital au niveau de la suture lambdoïde ; 4° une saillie transversale située sur la ligne médiane, un peu en avant de la suture lambdoïde. APPENDICE. Il faut maintenant répondre ici à une question qui nous a été posée à la Société de biologie, question très-importante au point de vue des propriétés physiologiques et anthropologiques de l'encé- phale. Les données que nous avons obtenues peuvent-elles servir à la mensuration du volume des diverses parties de l'encéphale? Telle est la question que nous ont adressée à cette occasion M. Dumontpal- lier et M. Prévost ; nous allons essayer de la résoudre avec tout le développement qu'elle mérite. Quelques personnes, et en particulier M. Lélut, ont cherché à ob- tenir des résultats qui s'appliquent à la physiologie de l'encéphale, en mesurant le volume de la tête chez des sujets vivants. Si l'on fait des mensurations de ce genre, on ne peut en tirer des conclusions certaines qu'à la condition de bien connaître l'étendue des causes d'erreur qui dépendent de l'épaisseur du crâne, de celle des parties molles extra-crâniennes, et de celle des méninges. Il est donc néces- saire, à ce point de vue, d'étudier comparativement les surfaces in- terne et externe du crâne, la surface de l'encéphale et celle de la tête revêtue du cuir chevelu et des plans fibro-musculaires sous- jacents. Pour cela, il faut d'abord connaître chacune de ces surfaces considérée en particulier. L'une d'elles est la surface externe de la voûte que nous avons tâché de définir avec exactitude. Nous croyons que la définition exacte de cette surface n'avait pas été donnée jus- qu'à présent par les auteurs. Ainsi on trouve dans tous les traités d'anatomie la description de bosses pariétales et frontales dont il est impossible d'admettre l'existence, à moins que l'on ne veuille appeler bosse la continuation exacte d'une surface à formes circulaires. Ce qui a trompé les anatomistes, c'est l'examen de ces dépressions acci- dentelles et anomales qui ne se trouvent que chez un petit nombre de sujets, et qui affectent pour siège d'élection la suture sagittale et 97 la suture fronto-pariétale. Au-dessus de ces dépressions, le reste du crâne fait des saillies qui représentent les bosses des auteurs. Mais ces saillies , il ne faut pas l'oublier, répondent au contraire à la forme normale dont les crânes en question s'écartent précisément au niveau des dépressions dont il s'agit. Leur existence est tout à fait comparable à celle des os wormiens ; ce sont des accidents plus ou moins rares ; quelques-uns sont même assez rares pour que les pièces qui les présentent soient de véritables curiosités anatomiques, et méritent, à ce titre, de prendre place dans uu musée. Si l'on veut apprécier exactement la grandeur de l'encéphale, le seul procédé qni soit à l'abri de tout reproche est celui qui consiste à peser directement cette masse nerveuse tout entière, et chacune de ses diverses parties. C'est ce procédé que M. Broca met en usage dans ses recherches. Mais, à défaut de l'encéphale lui-même, ou a voulu mesurer la capacité de la cavité crânienne, et l'on a admis que cette capacité représente le volume de l'encéphale. Ce procédé donne lieu à une série de causes d'erreur, dont les unes dépendent de cir- constances normales, les' autres, de circonstances accidentelles. Parmi les circonstances normales, on doit signaler, en premier lieu, la présence des gros vaisseaux artériels qui rampent à la base de l'encéphale et celle des sinus qui répondent à sa convexité; en second lieu, les nombreux acccidents de forme que Ton trouve à la surface interne de la base du crâne, sur la partie médiane de cette surface, tels que la dépression de la selle turcique, la saillie des apophyses clinoïdes, l'échancrure antérieure du trou occipital, les anfractuo- sités des faces supérieures du rocher et de Tethmoïde, accidents qui • sont tous masqués par la dure-mère, si bien qu'au niveau de ces ré- gions, la surface interne du crâne et celle de la dure-mère s'écar- tent notablement l'une de l'autre. Parmi les circonstances acciden- telles, qui varient suivant les sujets, il faut citer les sillons de l'artère méningée moyenne, et les dépressions dues à l'existence des corps de Pacchioni : ces accidents de forme augmentent la capacité du crâne en faveur de certaines saillies qui appartiennent aux mé- ninges, et non pas à l'encéphale proprement dit. Ainsi, la surface in- terne du crâne étant creusée d'un grand nombre de sillons anfrac- tueux qui ne se retrouvent pas à la surface interne de la dure-mère, on voit que la mesure de la capacité de l'ovoïde crânien ne représente pas exactement celle des dimensions de Fencéphale. Pour que les ré- MÉM. 7 98 sultats obtenus en mesurant la capacité du crâne soient applicables à la physiologie de l'encéphale, il faudra que l'anatomie détermine, suivant les sexes, suivant les âges, suivant les individus, les rapports qui existent entre les surfaces internes de la dure-mère et du crâne ; c'est là un travail qui n'a pas encore été entrepris ; les auteurs clas- siques ne donnent à ce sujet que des indications vagues et dépour- vues de précision. Il ne sera pas inutile de faire ici une remarque qui semble paradoxale au premier abord» mais dont le sens devient facile à saisir, si l'on y réfléchit un peu : divers procédés ont été mis en usage pour mesurer la capacité du crâne, et parmi ces procédés, ceux qui ont pu fournir les résultats les plus exacts au point de vue physiologique sont justement les moins rigoureux. Par exemple, aucun procédé n'est plus satisfaisant, au point de vue de l'opération en elle-même, que celui qui consiste à remplir le crâne de grenaille de plomb et à peser le métal employé. Or plus la grenaille sera JBne, et plus elle aura de chance de pénétrer dans les anfractuosités os- seuses qui sont masquées à l'état frais par la dure-mère ; de sorte que l'erreur commise se trouvera augmen-tée d'autant. Ge que nous venons de dire du rapport qui existe entre les sur- faces internes du crâne et de la dure-mère, s'appUque au rapport analogue qu'il faut considérer dans le même but entre les surfaces interne et externe du crâne. La connaissance exacte de ces deux rapports, jointe à celle de l'épaisseur des parties molles, peut seule conduire à des résultats physiologiques ou anthropologiques, que l'on obtiendrait par la mensuration de tètes entières. Pour apprécier le rapport des surfaces interne et externe, il fallait avant tout connaî- tre la surface externe qui est la plus simple des deux; c'est le résul- tat que nous avons essayé d'obtenir dans le travail qu'on vient de lire. Quant à la surface interne, il nous a semblé que l'étude de cette surface exigerait un nombre de pièces beaucoup plus grand que ce- lui que nous avons eu à notre disposition. Il aurait donc fallu aug- menter notre collection dans des proportions considérables pour mener cette étude à bonne fin. Notre intention était de procéder ainsi ; mais nous avons dû renoncer à nous procurer une série de pièces assez considérable. Les motifs qui nous ont arrêté sont des motifs de prudence, que des circonstances indépendantes de notre volonté nous empêchent d'expliquer. OBSERVATION POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE L'ADÉNIE PAR LES DOCTEURS Auguste OLLIVIER et Louis RANVIER. L'histoire de l'adênie repose sur des observations peu nombreuses, et cependant la définition qu'on en a donnée ne manque pas de pré- cision. Au point de vue clinique, on peut dire que cette maladie est ca- ractérisée par un gonflement progressifet indolent des ganglions lym- phatiques, atteignant successivement plusieurs régions; par une ca- chexie consécutive, de plus en plus profonde, qui entraîne habituel- lement la mort, lorsque la mort n'a pas eu lieu plus tôt par suite de la compression de quelque organe important; enfin, par la conser- vation du rapport numérique des globules blancs du sang avec les globules rouges. Presque toujours les malades succombent, et, à l'autopsie, on trouve des ganglions volumineux chargés de suc, ayant l'aspect encépha- loïde ou splénique; le plus souvent, on trouve encore des productions lymphatiques dans la muqueuse digestive, le foie, la rate, les reins, les os, etc. Ces productions présentent, à Vceil nu, les caractères que l'on a attribués au cancer, mais leur structure les en éloigne complè- tement. En effet, tandis que le cancer vrai (carcinome) est caractérisé par un système d'alvéoles à trabécules nettement fibreuses, à contenu cellulaire, et le sarcome, par un tissu embryonnaire, ces productions 100 sont constituées par du tissu lymphatique, tissu adénoïde de His. Ce tissu, bien défini aujourd'liui, est constitué par des fibrilles très-minces, anastomosées les unes avec les autres, de manière à former un réseau dont les mailles sont comblées par les éléments lymphatiques proprement dits. Pour qu'une production puisse être appelée lymphatique, il faut qu'elle présente cette structure, quel que soit du reste l'organe dans lequel elle s'est développée. L'existence de pareilles néoformations dans des organes autres que les ganglions lymphatiques, n'est cependant pas nécessaire pour qu'il y ait adénie. L'observation suivante le démontre d'une façon remar- quable. Obs. — La nommée Béret (Claudine), âgée de 59 ans, entre le 19 juin 1867 à f Hôtel-Dieu, salle Saint-Antoine, n° 2, dans le service de M. le professeur Grisolle, suppléé par M. Alfred Fournier. Cette femme est née de parents bien portants qui ont vécu jusqu'à un âge très-avancé. Dans son enfance elle a eu la rougeole et la fièvre intermittente. Cette dernière fièvre dura neuf mois. Elle fut menstruée régulièrement jusqu'à l'âge de 55 ans, et sa santé fut en général bonne ; jamais de rhumatisme, jamais d'accidents syphi- litiques ou scrofuleux. Elle a eu trois enfants et fait deux fausses couches. Au moment de la ménopause elle eut des métrorrhagies abondantes, au nombre de trente ou quarante, qui la jetèrent dans une anémie pro- fonde. Ces métrorrhagies se prolongeaient quelquefois quinze à vingt jours. Deux ans après elle eut une fluxion de poitrine. Son hygiène a toujours été bonne, sa nourriture saine, son logement salubre; jamais d'excès d'aucune espèce. Elle faisait un métier peu fatigant : depuis vingt-quatre ans elle tra- vaillait dans une fabrique de perles. Il y a quatre ans elle ressentit de vifs chagrins, causés par la mort de son mari et l'ingratitude de ses enfants qui font abandonnée. Malgré toutes ces secousses physiques et morales, cette femme était dans un état de santé encore assez satisfaisant lorsque, vers le commen- cement du mois d'octobre 1866, se manifestèrent les premiers symp- tômes de la maladie actuelle. Elle s'aperçut de petites tumeurs mobiles^ dures, non douloureuses, qui se développaient sur les parties latérales du cou. Un pharmacien qu'elle alla consulter alors lui prescrivit des fondants qui naturellement 101 ne fondirent rien. Elle ne conçut aucune inquiétude, voyant que sa santé ne s'altérait pas. Les tumeurs ganglionnaires n'en continuaient pas moins à grossir. Vers la fin de décembre elle commença à ressentir dans les hypo- condres quelques douleurs sourdes, contusives, quelquefois même lancinantes. Dans les premiers jours du mois d'avril 1867, un tout autre ordre de symptômes se produisit : elle éprouva une gêne de la respiration d'a- bord légère, puis progressivement croissante. C'était un phénomène nouveau pour elle qui, jusqu'alors, allait, venait, montait les escaliers, faisait de longues courses sans être essoufflée. Dès lors elle eut con- stamment la respiration courte et devint sujette à des accès de dyspnée, même lorsqu'elle était au repos ; par moments elle avait des étouffe- ments, elle était obligée de faire de grands efforts pour ne pas as- phyxier. Bientôt notre malade perdit ses forces et maigrit; elle se sentait fa- tiguée même en se levant, ses jambes ne la portaient plus, ses mains et ses bras étaient sans vigueur. En même temps elle eut des sueurs pro- fuses, surtout pendant la nuit. Incapable de continuer son travail, elle s'alita pendant quelques jours, puis, dénuée de ressources, elle se décida à entrer à l'Hôtel-Dieu. Etat actuel. La malade est assise dans son lit, en proie aune grande dyspnée; son visage est pâle, amaigri; ses joues sont creuses, ses yeux excavés; ses téguments sont décolorés et présentent au plus haut de- gré la teinte terreuse de la cachexie : ils sont ridés, flasques et sem- blent trop larges, tant l'amaigrissement est considérable. On ne découvre d'œdème ni aux membres inférieurs ni aux membres supérieurs. Ce qui frappe chez cette femme, c'est l'énorme volume du cou qui mesure à sa partie supérieure 35 centimètres et 47 à sa partie infé- rieure. Il n'existe pour ainsi dire plus de cou, et le tronc semble se con- tinuer directement avec la tête sans présenter de rétrécissement in- termédiaire. Le volume énorme du cou est dû au développement de tumeurs saillantes qui en masquent la partie antérieure et les parties latérales et comblent les creux sus-claviculaires. Voici ce qu'on observe en avant : }" Sur la ligne médiane : T>eusi tumeurs volumineuses, arrondies, ovoïdes, dont l'une est grosse comme un œuf, l'autre comme le poing ; elles accompagnent le larynx dans ses mouvements d'abaissement et d'élévation. Ces tumeurs appartiennent au corps thyroïde : ce sont les deux lobes d'un goitre que la malade porte depuis son enfance. 102 2° Latéralement et à droite : Série de tumeurs arrondies, de forme ovoïde, paraissant indépendantes, de volume inégal; les plus petites sont grosses comme une noisette, les plus grosses comme un œuf. Ces tumeurs comblent tout l'espace triangulaire limité en avant par le sterno-mastoïdien, en arrière par le trapèze, en bas par la clavicule. 3° Latéralement et à gauche : Tumeurs de même forme, mais en plus grand nombre et plus volumineuses ; elles constituent une sorte de chapelet qui se continue sous la clavicule avec d'autres tumeurs de même nature. D'un côté comme de l'autre, ce sont là évidemment des ganglions lymphatiques hypertrophiés. A leur niveau la peau n'offre aucune rou- geur et n'est nullement adhérente. Les veines sous-cutanées superficielles sont très-dilatées, probable- ment pour suppléer à la gêne de la circulation veineuse profonde. Les ganglions sous-cervicaux sont très-peu développés. Disons enfin, pour en finir avec les ganglions lymphatiques, qu'il existe trois ou quatre ganglions gros comme des noisettes dans l'aisselle droite et à peu près autant dans les régions inguinales. La malade est obligée, avons-nous dit, de rester toujours assise; elle étouife sitôt qu'elle veut se coucher horizontalement. Sa respiration est constamment sifflante et courte; en outre, elle est prise, par moments, d'accès de dyspnée formidables : elle sent comme un lien qui l'étrangle, et alors elle jette sa tête en arrière et fait de très-grands eff"orts pour appeler l'air dans sa poitrine, puis l'accès se calme et 1^ respiration devient plus facile. Ces accès sont fréquents et arrivent aussi bien la nuit que le jour ; la malade est réveillée en sursaut et véritablement menacée de suffoca- tion. La voix est faible, étouffée, presque éteinte. Ce n'est que depuis peu de temps, huit à dix jours au plus, que cette altération de la voix s'est manifestée. Il n'y a pas de toux, pas d'expectoration, pas d'hémoptysies. A la percussion on constate une diminution notable du son sous la clavicule gauche, partout ailleurs le son est normal. L'auscultation du poumon droit ne révèle rien d'anormal, mais à gauche on trouve la respiration soufflante sous la clavicule et au niveau de la fosse sus-épineuse. La malade se plaint de palpitations fréquentes. Le cœur n'est pas vo- lumineux, il n'est pas déplacé, ses battements sont réguliers, ses bruits normaux. 11 existe seulement à la base un léger bruit systolique. Le pouls est régulier, mou ; il bat 80 à 90 pulsations par minute et cependant la peau n'a pas subi d'élévation de température. Les artères 103 radiales sont souples. Le sang, provenant de piqûres faites au doigt in- dicateur, est examiné au microscope : la proportion des globules blancs n'y est pas plus forte que dans l'état normal. Du côté du tube digeslif il n'y a pas de trouble important à signaler, si ce n'est une très-grande gêne de la déglutition. La malade ne peut avaler que des aliments liquides. Depuis quelque temps déjà elle a dû renoncer presque complètement aux aliments solides : les bouchées volumineuses s'arrêtaient à la gorge et la menaçaient de suffocation. Or l'examen du pharynx ne montre rien de particulier, les amygdales ne sont point tuméfiées. Il s'agit donc évidemment là d'un phénomène de compression. Au premier abord Tabdomen semble à peu près normal ; il n"est pas ballonné et ne contient pas de liquide. Le palper n'est pas douloureux. Les douleurs que la malade éprouvait dans les hypocondres il y a quelques mois ont été remplacées par un sentiment de pesanteur très- accusée. « Il me semble, dit-elle, que j'ai quelque chose de très-lourd dans le ventre. » Le foie est volumineux : il déborde les fausses côtes de 10 à 12 cen- timètres; son diamètre mamelonnaire est de 17 centimètres. La matité du foie semble se continuer dans Ihypocondre gauche avec la rate, qui mesure 18 centimètres verticalement et 10 transversa- lement. A l'exploration profonde de l'abdomen, on sent au devant de la co- lonne vertébrale une masse marronnée, dure, probablement constituée par de& ganglions mésentériques hypertrophiés. Cette exploration, du reste, est difficile à faire, parce que la malade ne peut supporter long- temps le décubitus dorsal. Les urines sont claires et ne contiennent ni albumine, ni sucre. Enfin il n'existe aucun trouble de l'intelligence, du mouvement ni de la sensibilité générale ou spéciale. Pi'escription : BouiWons, potages, vin de quinquina, sirop d'iodure de fer, eau de riz avec teinture d'iode, frictions sur le cou avec une pommade iodurée. Le 25 juillet. L'affaiblissement devient de plus en plus considérable. Un nouveau symptôme est apparu depuis deux jours : c'est un léger œdème limité aux malléoles. Le 30. La malade a eu dans la nuit un tel accès de suffocation qu'elle a failli succomber. Aphonie presque complète; respiration, 36; pouls à 92, petit, faible, dépressibîe. L'œdème des membres inférieurs remonte à la partie moyenne des jambes. Le 1" juillet. Développement exagéré des veines superficielles de la 104 main, de l'avant-bras et du bras droits; œdème de la main de ce côté. Le 15. Insomnie continue par suite de la dyspnée ; respiration souf- flante, 36; pouls à 88. Aphonie complète. La malade ne peut plus ingé- rer ni pain ni viande, même par très-petits morceaux. Le sang et les urines sont examinés de nouveau : le chiffre des glo- bules blancs paraît normal et il n'existe ni albumine, ni sucre dans les urines. Le 18. La malade est tombée hors de son lit et s'est fait une légère bosse sanguine au niveau de la tempe droite. Le 23. Amaigrissement extrême. L'injection des aliments liquides de- vient également difficile; constipation. L'œdème de la main droite s'est étendu à l'avant-bras et au bras. Pas d'ascite. Le 25. La malade est tellement faible qu'elle ne peut plus soutenir sa tête qui reste toujours inclinée en avant. Il n'y a ni toux ni expectoration; mais à l'auscultation on entend quelques râles sibilants disséminés en arrière des deux côtés delà poi- trine. L'œdème du bras droit est considérable. La main gauche est devenue à son tour le siège d'un peu d'œdème. On ne peut sentir le pouls aux deux artères radiales à cause de l'œ- dème. L'impulsion des carotides est faible ; distension considérable des veines du cou. Les ganglions cervicaux ont encore augmenté de volume depuis le jour de l'entrée de la malade à l'hôpital. On sent maintenant dans les deux aisselles des masses ganglionnaires développées récemment, mais plus volumineuses à droite qu'à gauche; enfin aux aines existent deux chapelets ganglionnaires qui doivent certainement comprimer les vais- seaux fémoraux. Il est à remarquer que tous ces ganglions ne sont point douloureux. Depuis quelques jours il s'est formé au sacrum une escarre large comme une pièce de cinq francs. Nouvel examen négatif des urines et du sang. Le 26. Les paupières des deux yeux sont œdémateuses. Somnolence continuelle ; langue sèche, soif vive. Le 27. Accès de suffocation violents et rapprochés. Mort dans un de ces accès. Autopsie faiie trente heures après la mort. Le crâne n'est pas ouvert. Cou. Le corps thyroïde est très-augmenté de volume ; son lobe droit mesure 11 centimètres de haut, 6 de large et 5 d'épaisseur; le lobe gauche est moins volumineux : il ne mesure que 7 centimètres de haut, 105 4 de large et 3 1/2 d'épaisseur. L'isthme est triple de ce qu'il est nor- malement. A l'examen microscopique on constate une hypertrophie liée à une transformation colloïde des vésicules glandulaires. De chaque côté du corps thyroïde existent des masses ganglion- naires de volumes divers, les unes dures et les autres molles. Le nerf pneumogastrique et le nerf récurrent sont emprisonnés entre les masses ganglionnaires qui devaient exercer sur eux une compression manifeste. A Tœil nu, ils ne paraissent pas avoir subi d'altération ap- préciable. Le larynx et la trachée ne présentent rien de particulier à signaler. Thorax. Les ganglions du cou se confondent derrière le sternum avec les ganglions bronchiques également très-hypertrophiés; ces différents ganglions réunis forment une énorme tumeur de 12 centimètres de haut sur 15 de large. Cette tumeur comprime notablement la fm de la trachée, la bronche gauche, le sommet du poumon correspondant, la base du cœur et les gros vaisseaux qui en partent. Après dissection, elle semble constituée par cinq ou six ganglions volumineux adossés les uns aux au- tres d'une manière exacte ; son poids est de 700 grammes. Les bronches sont remplies d'un mucus épais, finement aéré. Les deux poumons sont emphysémateux à leur bord antérieur, et lé- gèrement congestionnés en arrière et en bas. Sur le bord inférieur du poumon droit existent quelques points até- lectasiés. Le péricarde renferme un demi-verre de liquide sanguinolent. Le cœur paraît atro'phié : il ne pèse que 170 grammes, y compris les gros vaisseaux coupés à 4 ou 5 centimètres de leur origine; sa hauteur, mesurée de la pointe à la naissance de l'artère pulmonaire, n'est que de 8 centimètres. Sa face antérieure présente plusieurs particularités intéressantes : dans le sillon antérieur, les vaisseaux forment des sinuosités serpen- tines; ils ne sont pas entourés de tissu adipeux, et en les soulevant avec une pince, on peut les écarter de la surface du cœur auquel ils ne sont fixés que par un repli du péricarde viscéral. A droite du sillon antérieur existe une plaque laiteuse, irrégulière, d'environ 3 centimètres de long, sur laquelle on distingue des plis nom- breux entre-croisés en tous les sens. Ces plis proviennent de ce que, au niveau de la plaque laiteuse, le péricarde viscéral a perdu sa souplesse et n'a pu suivre le cœur dans son retrait atrophique. La sinuosité des vaisseaux est due également à cette dernière cause. Les vaisseaux de la face postérieure sont flexueux comme ceux de la face antérieure, mais à un bien moindre degré. 106 Les deux ventricules sont remplis d'un sang noir et demi-coagulé. Le ventricule gauche n'a pas le volume d'un œuf; ses parois ont 1 cen- timètre d'épaisseur. Les valvules sigmoïdes de l'aorte présentent des taches blanchâtres, striées, non rigides. La valvule mitrale est comme flétrie, et les cordages tendineux qui s'y rendent, devenus trop longs, sont repliés; les colonnes charnues sur lesquelles ils s'insèrent sont amincies. Les parois du ventricule droit ont 1/2 centimètre d'épais- seur. L'orifice pulmonaire est normal. La valvule tricuspide est encore plus flétrie que la valvule mitrale, et les cordages tendineux qui s'y in- sèrent sont aussi devenus trop longs. Le muscle cardiaque ne présente au microscope aucune altération ; la striation transversale des fibres est très-nettement accusée. Tous les vaisseaux de la base du cœur sont comprimés et aplatis, surtout le tronc brachio-céphalique. L'aorte thoracique est parsemée de quelques plaques athéroma- teuses. Abdomen. Il n'y a pas de liquide dans la cavité péritonéale. Au-devant de la colonne vertébrale existe une énorme tumeur qui s'étend de la dernière vertèbre dorsale à l'articulation sacro-verté- brale, puis se continue de chaque côté avec les ganglions inguinaux. Cette tumeur, dont le poids est de 640 grammes, est constituée par un amas de ganglions lymphatiques ; les plus petits, gros comme une noi- sette, les plus volumineux comme un œuf; les premiers sont très-durs, les autres de consistance molle, demi-fluctuants. La terminaison de l'aorte abdominale et la veine cave inférieure sont englobées dans ces masses ganglionnaires qui les compriment. Vestoniac est ratatiné, mais sans lésion appréciable. Vintestin, dans toute son étendue, n'est le siège d'aucune altération; seulement on aperçoit à sa surface des veines noirâtres, très-distendues évidemment par suite de la compression qu'exerce sur elles la masse hy- pertrophiée des ganglions mésentériques. Le foie paraît congestionné ; il est de consistance ferme; ses dimen- sions, notablement augmentées, sont les suivantes : Diamètre transversal 25 centimètres. Diamètre antéro-postérieur 21 — Diamètre vertical au niveau de sa grosse extrémité. 10 — Cette augmentation de volume est due surtout à la congestion ; en effet, il est aisé de constater sur des coupes, après durcissement dans l'alcool, que le diamètre des capillaires est très-augmenté; il égale le diamètre des cellules hépatiques. Ces capillaires sont remplis de glo- 107 bules rouges au milieu desquels se voient des globules blancs en notable quantité. Fis. 1. L. Coupe à travers un îlot du foie. c Réseau de cellules hépatiques. V Vaisseaux sanguins. r Globules rouges. h Globules blancs. (400 diamètres.) Le nombre de globules blancs semble plus considérable ici que sur un foie qui aurait subi une simple congestion. Les cellules hépatiques ne présentent aucune altération importante. La rate est augmentée de volume; elle mesure : En longueur 15 centimètres. En largeur 10 — En épaisseur 5 — Elle présente une teinte rouge lie de vin, et est parsemée régulière- ment de petits îlots blanchâtres, de 1 à 2 millimètres de diamètre, qui rappellent les glomérules de Malpighi tels qu'on les voit chez les en- fants. Les reins sont peu volumineux, mais tout à fait normaux. La vessie, l'utérus et ses annexes ne présentent rien de particulier qui mérite d'être signalé. Si nous examinons maintenant, dans les différentes régions, les caractères des ganglions hypertrophiés, voici ce qu'on observe : Les ganglions isolés sont généralement arrondis, mais ceux qui con- courent à la formation des grosses masses dont nous avons parlé plus haut, présentent des déformations, des aplatissements par pres- sion réciproque. Rien de plus variable, du reste, que la disposition de ces ganglions les uns par rapport aux autres. Il arrive même en 108 certains points, au devant de la colonne vertébrale, par exemple, qu'un ganglion en coiffe un autre absolument comme la capsule sur- rénale coiffe les reins. Le volume de tous ces ganglions est fort variable, comme nous l'avons vu ; quelques-uns sont devenus aussi gros qu'un œuf. Leur surface de section est loin d'être partout la même; les uns se montrent avec tous les caractères du tissu splénique, les autres ressemblent à de l'encéphaloïde, chez d'autres, enfin, ces deux as- pects se trouvent réunis. L'examen histologique fournit des résultats un peu différents, sui- vant qu'il porte sur la première ou la seconde espèce de ces gan- glions. Ceux qui présentent l'aspect de la pulpe splénique donnent, par le raclage, un suc qui contient des cellules semblables aux grandes cellules pigmentéeg de la rate, avec cette différence, toute- fois, qu'à côté des cellules à pigment rouge ou brun il en existe d'autres qui ne renferment qu'une matière colorante diffuse. Le volume de ces cellules varie de 0,015 à 0,025 de millimètre. Elles con- tiennent un ou plusieurs noyaux arrondis. On trouve en outre dans ce suc de petites cellules pareilles à celles qui existent normalement dans la pulpe des ganglions lymphatiques, et quelques rares cellules fusiformes ou étoilées qui appartiennent évidemment à leur stroma. Les ganglions d'aspect encéphaloïde contiennent des éléments analogues aux précédents, mais aucune cellule n'est infiltrée de pigment. D'après cet examen fait sur les ganglions frais, et simplement à l'aide du raclage, il était bien difficile de dire si ces tumeurs n'étaient autres qu'une simple hypertrophie des ganglions, ou si elles étaient le résultat d'une hétéroplasie cancéreuse ; en effet, beaucoup de tu- meurs carcinomateuses présentent à l'œil nu les caractères de ces masses ganglionnaires, et les éléments que l'on en extrait par la pression ou le raclage ne diffèrent pas notablement de ceux que nous venons de décrire. Les ganglions furent placés dans l'alcool et examinés ensuite sur des coupes traitées au pinceau et colorées par le carmin. Le stroma se montra alors avec tous les caractères du tissu connectif réticulé, qui, comme on le sait, forme la charpente des ganglions lympha- tiques. Quelques particularités, néanmoins, méritent d'être signa- lées : les filaments du stroma étaient plus épais qu'à létat normal ; ils 109 atteignaient 0,006 de millimètre de diamètre, et en plusieurs en- droits, au niveau de leur entre-croisement, on apercevait des noyaux très-manifestes. Or, sur les ganglions normaux les filaments du stroma sont beaucoup plus minces, et leur diamètre dépasse rare- ment 0,002 de millimètre ; de plus, on n'observe jamais de noyaux à leur point d'entre-croisement. La couche réticulée qui recouvre les capillaires était également augmentée d'épaisseur. La figure 2, dessinée sur une préparation provenant d'un des gan- glions du cou, montre ces diverses particularités. Fig. 2. Adénie. — Coupe à travers la substance corticale d'uu gaoglion lymphatique s Stroma réticulé. a Noyauï de ce stroma. c Capillaire sanguin. n Noyau de capillaire. (500 diamètres.) Nous ajouterons que, malgré leur volume considérable, ces glandes lymphatiques ne présentaient dans leur épaisseur aucune trace de régression caséeuse. On sait qu'il en est tout autrement dans l'adé- nite simple ou scrofuleuse. Cette observation présente plusieurs particularités dignes d'inté- rêt au double point de vue des symptômes et des désordres anato- miques. L II est aisé de reconnaître dans révolution successive des phéno- 110 mènes observés chez notre malade trois périodes assez nettement dis- tinctes. Une première période latente, caractérisée par quelques accidents locaux, très-inoffensifs en apparence. Ainsi, vers la fin d'octobre 1866, la malade sentit se développer sur les parties latérales du cou deux ou trois petites tumeurs dures, mobiles, indolentes, qui n'étaient autres que des ganglions lymphatiques hypertrophiés. Gomme sa santé ne s'en altéra point, elle n'eut aucune inquiétude. Quelques mois plus tard apparurent deux nouveaux symptômes : de la douleur dans les hypocondres et delà dyspnée. Le premier de ces symptômes tenait probablement à un état congestif du foie et de la rate, le se- cond au gonflement des ganglions bronchiques, qui déjà commen- çaient à exercer une certaine compression sur les parties voisines. C'est alors que la voix devint plus faible, et qu'on entendit au som- met du poumon gauche un souffle assez prononcé pour faire croire au premier abord à une tuberculisation commençante. Bientôt la maladie se généralisa, les ganglions des régions axil- laires, inguinales, de l'abdomen et du bassin, etc., se prirent à leur tour, les ganglions primitivement atteints augmentèrent encore de volume. Puis de nouveaux symptômes de compression se manifes- tèrent de tous côtés : de la dysphagie, des accès de suffocation, l'œ- dème des jambes, l'œdème de la main et des avant-bras, etc. Cette seconde période caractérisée par la tendance à l'envahissement, par la générahsation des lésions ganglionnaires, ne tarda pas à produire des désordres profonds dans la santé générale qui jusque-là s'était maintenue en bon état. Alors commença une troisième période, période de débiUtation gra- duelle et finalement de véritable cachexie. La malade pâlit, perdit ses forces, elle eut des sueurs profuses, même à l'état de repos; son amaigrissement devint considérable et enfin elle tomba dans le ma- rasme le plus complet. En même temps les symptômes de la période précédente, l'aphonie, l'œdème, etc., ne firent que s'accroître, les ac- cès de suffocation se rapprochèrent de plus en plus et prirent une intensité telle qu'ils emportèrent la malade. Parmi les effets de compression dus à l'engorgement des ganglions lymphatiques, il en est un que nous n avons pas reconnu pendant la vie, mais sur lequel nous désirons cependant appeler l'attention ; c'est l'atrophie du cœur. Suivant M. Trousseau, « dans aucune au- in topsie on n'a constaté que les masses ganglionnaires aient comprimé et déformé les gros vaisseaux qui sont voisins du cœur (1). » Or dans le fait que nous venons de rapporter, non-seulement les gros vais- seaux du cœur étaient comprimés, aplatis, mais encore le cœur lui- même était atrophié ; son poids était bien au-dessous du chiffre nor- mal, les vaisseaux des sillons antérieur et postérieur, devenus trop longs, décrivaient des sinuosités remarquables; enfin les cordages tendineux des valvules auriculo-ventricuiaires étaient repliés sur eux-mêmes. Trouvons-nous dans les antécédents de notre malade la cause réelle d'une si étrange affection? Malheureusement non. Deux points seu- lement nous semblent mériter d'être mis en relief : ce sont d'une part les métrorrhagies abondantes et fréquemment répétées que cette femme eut au moment de la ménopause, et d'autre part le chagrin profond que lui causèrent la mort de son mari et la conduite de ses enfants qui la laissèrent dans l'abandon le plus complet. Nous signa- lons ces deux faits, mais nous sommes loin de vouloir établir entre eux et le développement des ganglions lymphatiques une véritable relation de cause à effet. II. Arrivons maintenant aux particularités anatomiques que pré- sente cette observation. Tout le travail pathologique semble s'être fait dans les ganglions; nous n'avons rencontré nulle part ailleurs de ces productions lymphatiques'que l'on observe si souvent. Cepen- dant, si l'on en juge d'après les autres observations, la maladie a duré assez longtemps (huit mois) pour que ces productions aient pu se développer. On est donc en droit, dans ce cas, de se demander s'il ne s'agit point là d'un processus inflammatoire, d'une adénite qui aurait en- vahi successivement un grand nombre de ganglions lymphatiques. L'étude clinique suffit pour faire éviter toute erreur de cette nature: l'absence de douleur et de toute trace inflammatoire, et le dévelop- pement purement hypertrophique , sont des signes qui séparent nettement une néoplasie simple d'une néoplasie inflammatoire. Les altérations des ganglions dans l'adénie ne diffèrent pas moins de celles qu'ils présentent dans l'adénite. Dans l'adénite, en effet, le (1) Trousseau, Ciinique médicale de VHôtei-Dieu^ 2* édit., 1865, p. 574. 1J2 processus histologique tend à la formation de pus, de matière ea- séeuse ou de tissu tibreux. Dans l'adénie, ainsi que dans la leucémie (nous n'avons pas besoin de revenir sur le seul caractère difi'érentiel entre ces deux maladies), les ganglions conservent leur structure essentielle, les follicules sont élargis, mais ils sont toujours formés par le tissu caractéristique, tissu lymphatique, tissu adénoïde de His. Le stroma réticulé reste très-net; le plus souvent ses fibrilles sont même mieux accusées et beaucoup plus volumineuses; au point de jonction de quelques-unes d'entre elles existent des renflements munis de noyaux. Ce dernier fait mérite de nous arrêter un instant. A l'état normal, et quand leur développement est achevé, les ganglions ne présentent pas de pareils noyaux dans leur stroma. L'existence de ces noyaux indique un certain degré d'irritation. Mais ce n'est point là un caractère exclusivement propre à l'adénie; il se retrouve aussi dans la néoplasie inflammatoire. Dans l'une et dans l'autre ce ne sont pas tous les points d' entre -croisement qui sont le siège de cette production de noyaux^ mais seulement quelques-uns d'entre eux. Rappelons en terminant que si, à l'œil nu, il est possible de con- fondre un ganglion hypertrophié dans l'adénie avec un ganghon qui aurait subi une dégénérescence cancéreuse, la confusion devient complètement impossible après examen histologique. Les signes que nous avons indiqués au début de ce travail sont bien suffisants pour établir cette distinction, et ce que nous avons dit des productions hétéroplastiques du foie, de la rate, etc., peut s'appliquer parfaite- ment aux ganglions lymphatiques eux-mêmes. KYSTE DE L'OYAIRE PAR INCLUSION FOETALE OVARIOTOMIE, PÉRITONITE, MORT TROIS JOURS APRÈS l'OPÉRÂTION AUTOPSIE ; Observation recueillie à l'hôpital des Enfants malades (service de M. Giraldès) PAR MM. BOURNEVILLE et BOURGEOIS Internes des hôpitaux. (Voyez planche I.) Marie 0,.., âgée de 17 ans, est entrée à l'hôpital le 30 janvier 1867. Elle porte une tumeur abdominale d'un volume considérable pour la- quelle elle réclame une opération. Cette tumeur a fixé l'attention de ses parents il y a une dizaine d'années. On l'amena dès cette époque à l'hô- pital des Enfants, et M. Guersant, alors chirurgien de cet établisse- ment, diagnostiqua une inclusion fœtale. Une intervention active ayant été jugée inopportune, l'enfant fut rendue à sa famille. Elle rentra au bout de quelques années. M. Giraldès confirma le diagnostic et, comme la tumeur était encore peu développée, n'occasionnait pas d'accidents, il remit l'opération à une date plus éloignée, si elle devenait indispen- sable. Or, depuis trois ans, la tumeur a pris des proportions inquiétantes, elle a plus que doublé de grosseur. Elle occupe la plus grande partie de la cavité abdominale, depuis l'arcade crurale et le pubis jusqu'aux fausses côtes gauches. Le ventre a un aspect irrégulier; les veines sous- MÉM. 8 114 cutanées, à gauche, sont légèrement dilatées. Quant à la tumeur eli même, elle est facilement délimitable. Elle figure une espèce de haricot, ou mieux de gourde, obliquement disposée de bas en haut et de droite à gauche, c'est-à-dire qu'elle se compose de deux renflements : l'un, plus volumineux, remplit le bassin; l'autre, plus petit, s'étend jusque dans l'hypochondre gauche. Ces deux renflements sont séparés par une partie étranglée. La tumeur est mobile en totalité; on peut la déplacer de telle sorte qu'il est possible de faire passer le segment supérieur deThypochondre gauche dans l'hypochondre droit. La masse entière décrit alors autour de l'ombilic, comme centre, un quart de cercle. Par suite, il est probable qu'il n'y a pas de nombreuses adhérences. La percussion fournit une matité complète dans tous les points corres- pondant à la tumeur. Le palper montre qu'elle n'est pas homogène. On sent à la base des aspérités, des corps durs, simulant des apophyses osseuses; d'un autre côté, la fluctuation constatée en d'autres endroits ne laisse aucun doute sur l'existence d'un liquide. Toutefois cette fluc- tuation a quelque chose de particulier : la sensation de flot, au lieu d'être transmise à l'extrémité opposée à celle où s'exerce le choc, comme dans les collections tout à fait liquides, reste circonscrite. L'explora- tion n'a pas été complétée par le toucher vaginal. La compression exercée par ce kyste engendre des troubles divers. Les digestions sont souvent difficiles, et parfois, après les repas, la ma- lade éprouve de la dyspnée, des lipothymies. Les garde-robes sont assez régulières; mais le besoin d'uriner est plus fréquent qu'à l'état normal. Malgré l'âge déjà avancé de la jeune fille, les règles n'ont pas encore paru. Ajoutons, pour achever notre description, que, dans la marche, la malade porte le corps en arrière, à la manière des femmes enceintes, et qu'elle ne peut se baisser qu'avec peine. A part ces phé- nomènes, la santé générale est satisfaisante. Les inconvénients dus à l'existence de cette masse dans l'abdomen, son accroissement constant pouvant, à un moment rapproché, amener des acidents, déterminer des péritonites partielles et par conséquent des adhérences, autant de circonstances qui faisaient prévoir, à une époque plus ou moins prochaine, la nécessité d une opération, décidèrent Mi Giraldès à intervenir. 2 février. Une ponction exploratrice, faite avec un petit trocart, donna issue à quelques gouttes d'un liquide épais, sirupeux, sortant difficilement, grisâtre, sans odeur. L'examen microscopique y révéla la présence de graisse et de paillettes de cholestérine. La nature de ce liquide, la constitution de la tumeur nécessitaient une opération radi- cale. Elle fut pratiquée le 16 février. 115 OpératiOin. — L'enfant fut anesthésiée, non pas avec lo chloroforme selon la coutume de M. Giraldès, mais avec l'éther. L'anesthésie se produisit lentement. Dans sa leçon du 21 février, M. Giraldès a décrit en ces termes le manuel opératoire : « Je pratiquai sur la ligne médiane « de l'abdomen, au-dessous de Tombilic, une incision de 8 à 10 centi- (( mètres de longueur, en coupant couche par couche. Les muscles « droits écartés, je saisis avec des pinces à griffes l'aponévrose que (( j'incisai. L'abdomen fut ainsi ouvert. La plaie était insuffisante; je la « prolongeai, puis j'introduisis la main, préalablement lavée avec de « l'eau chlorurée, dans la cavité abdominale. Je reconnus alors qu'il « n'y avait pas d'adhérences. « Mais pour faire sortir la tumeur, en raison de son volume, il fallut « de nouveau agrandir la plaie à l'aide du bistouri boutonné. Cela fait, « les deux mains glissées entre la paroi abdominale et le kyste me per- « mirent de faire basculer celui-ci au dehors en le faisant rouler sur (( lui-même. Deux fortes ligatures, puis le clamp furent appliqués, et a avec l'écraseur je séparai la tumeur de son pédicule. Cette première « partie de l'opération terminée, je procédai à la toilette de l'abdomen, « c'est-à-dire qu'avec des compresses sèches j'étanchai le sang et le li- « quide épanchés dans le péritoine. Je réunis ensuite les lèvres de la « plaie par des sutures métalliques. Enfin, après avoir badigeonné la « plaie avec du coUodion, je la recouvris d'un linge de flanelle trempé « dans de l'eau tiède laudanisée, que je maintins avec une large bande « de même étoffe. Entre ces deux linges, j'interposai un morceau de « taffetas gommé, afin de mettre obstacle à l'évaporation. » (Mouvement BIÉDICAL, n" 12.) 16 février. L'état général est satisfaisant; la malade a pris avec plai- sir du bouillon et du vin de Bagnois; cependant le pouls reste très-fré- quent, 112 pulsations. Café; de deux heures en deux heures, pilule de 2 centigrammes d'extrait thébaïque). 17 février. Pouls à 124. La peau est terreuse, surtout à la face. As- soupissement continuel attribué à l'opium qui est supprimé. 18 février. Le matin, à la visite, le pouls est à 136. La face est légè- rement grippée; il y a du hoquet et le ventre est ballonné. La plaie a un bon aspect. Le soir, on compte 152 pulsations, et outre les symp- tômes constatés le matin, on note des nausées. 19 février. La nuit a été mauvaise. Après l'ingestion intempestive d'un peu de lait réclamé par la malade, des vomissements, puis de la diarrhée sont survenus, et la situation de l'enfant s'est aggravée. Ce matin le pouls, à 152, est petit; des gaz se développent en quantité dans l'intestin qui se dilate passivement et menace de faire céder les sutures. Renvois gazeux qui fatiguent la malade en gênant l'ampliation de la 116 poitrine. Dans l'après-micli, subdelirium ; le pouls, incomplable, offrait des intermittences. L'agitation a augmenté dans la soirée, et à huit heures la malade succombait. Autopsie le 21 février, trente-quatre heures après la mort. Rigidité cadavérique assez marquée. La putréfaction est déjà fort avancée; le cou est parsemé de sugillations; la face est considérablement décompo- sée. Nombreuses plaques noires sur le tronc. Seul, l'abdomen a été examiné. L'estomac, les intestins sont distendus par des liquides et des gaz. La surface externe de ces organes est légèrement injectée; le pé- ritoine est épaissi. On a quelque peine, en raison des adhérences, à dé- tacher la masse intestinale. La cavité abdominale renferme un peu de liquide séro-purulent mêlé de sang, exhalant une odeur très-fétide. Vovaire droit est volumineux et contient plusieurs vésicules de Graaf. Vutérus offre un volume en rapport avec l'âge de la jeune fille. Du côté opposé il reste, adhérent à la corne de l'utérus, un petit fragment du ligament large et de la trompe. La tumeur occupait donc l'ovaire gauche. La constriction exercée par la ligature et qui portait juste au niveau du bord gauche de l'utérus a laissé une tache noire verdâtre. Les reins sont mous, sans hyperémie. Le tissu cellulaire environnant le rein gauche est ecchymotique. La rate, moitié plus grosse qu'à l'état normal, est flasque et verdâtrre. Il en est de même du foie, dont la surface et la coupe offrent une teinte et une mollesse semblables. Examen de la tumeur. — La tumeur pèse 3,950 grammes. Son grand axe, dirigé de haut en bas et de gauche à droite, mesure 24 centimè- tres; le diamètre transversal de la grosse extrémité (inférieure), 20 centimètres, et celui de la petite (supérieure), 14 centimètres. La forme générale de la tumeur est celle d'une gourde. La tumeur est constituée par l'ovaire. Son pédicule, simulant une bandelette étendue obliquement sur la face postérieure, renferme la trompe dans son épaisseur. Extérieurement le kyste a une couleur blan- châtre, jaunâtre; on voit encore quelques points noirâtres, traces pro- bables de la petite inflammation consécutive à la ponction exploratrice. Çà et là existent des bosselures de dimensions variables, fluctuantes, à parois amincies. Toute la surface externe est sillonnée de veinules di- latées et variqueuses. Le jour de l'opération, le palper dénotait presque partout de la fluc- tuation; mais le lendemain une partie de la masse liquide s'étant soli- difiée, on avait au doigt la sensation d'un bloc de suif durci. A la base de la tumeur on sent les saillies osseuses beaucoup plus aisément qu'on ne pouvait le faire, sur la malade, à travers les parois abdominales. 117 Amincie et demi-transparenle en certains points, l'enveloppe du kyste est, d'une façon générale, épaisse, fibreuse, résistante. La partie liquide de son contenu offre les mêmes caractères que le liquide extrait par la ponction exploratrice. La masse solide, caséeuse, de nature sé- bacée, renferme une énorme quantité de cheveux très-longs, enchevê- trés, les uns blonds, les autres d'une nuance plus foncée. Ces cheveux, en quelques endroits, s'implantent manifestement sur la paroi. On voit à la face interne de la grande poche ou poche mère, quatre ou cinq kystes secondaires. Les uns sont remplis de matière sébacée, les autres sont distendus par un liquide limpide. Le plus gros a le vo- lume d'un œuf de poule. Une plaque osseuse, à contours indéterminés, ressemblant vaguement à un segment du thorax d'un fœtus est incluse dans la paroi inférieure du kyste. Après avoir isolé, par une dissection attentive, cette plaque osseuse, on voit qu'elle est quadrangulaire, plus épaisse au centre qu'à la périphérie, munie d'apophyses nombreu- ses et percée de quelques trous. Elle présente une certaine ressem- blance avec l'os temporal. Un véritable périoste la revêt; la structure osseuse est évidente. On trouve encore disséminées sur la paroi interne du kyste des concrétions calcaires, dures, dans lesquelles le microscope a révélé l'existence de canalicules de Havers et d'ostéoplastes. M. Damaschino, à qui est dû l'examen microscopique, a constaté dans l'épaisseur de la couche interne du kyste, des papilles analogues à celles du derme, des bulbes pileux complets et annexés aux follicules, des glandes séba- cées volumineuses, hypertrophiées. Il n'y a pas rencontré de glandes sudoripares. C'est le seul des éléments importants du derme qui fasse défaut. Cette structure prouve que la masse sébacée qui remplit la tu- meur est le produit de sécrétion, constamment accumulé, des nom- breuses glandes pariétales. L L'augmentation de volume de la tumeur, la gêne progressive qu'elle occasionnait dans la marche, la dyspnée qui survenait parfois après le repas ou pendant la nuit, plaidaient en faveur d'une opéra- tion radicale. A ces considérations s'en ajoutait une autre non moins puissante, fournie par l'âge de la malade. En lisant le travail de Spencer Wells sur l'ovariotomie, M. Giraldès a trouvé trois cas se rapportant à des jeunes filles, qui se terminèrent par la guérison. II. La marche de la tumeur, son apparition dès l'enfance, sa com- position (parties dures et liquides) avaient fait diagnostiquer un kyste dermoïde par inclusion fœtale. L'examen de la pièce a confirmé le diagnostic. 118 III. Dans les auteurs, M. Giraldès n'a pu recueillir que trois exem- ples de tumeur par inclusion fœtale atteignant des dimensions aussi remarquables que celles de la tumeur qu'il allait opérer. Ils appar- tiennent à Dupuytren, Young et Highmore. Dans ces trois cas, il y avait des adhérences nombreuses, unissant la tumeur d'une part aux organes voisins, de l'autre à la paroi antérieure de l'abdomen. Chez notre malade, il était à présumer qu'elles n'étaient pas considérables, s'il eu existait, car, avec la main, on pouvait déplacer le lobe supé- rieur de la tumeur, le faire passer de l'hypochondre gauche dans la région opposée où il demeurait immobile. Il suffisait alors d'une légère percussion pour lui faire regagner sa position habituelle. IV. L'opération fut rapidement faite; il s'écoula très-peu de sang; nulle ligature artérielle ne fut nécessaire. Aucune traction ne fut exercée sur les intestins ; seul l'épiploon fut tiraillé et maintenu au dehors durant quelques instants. V. L'examen de la tumeur n'a fait que démontrer la nécessité de l'intervention chirurgicale. Composée d'une vaste poche mère, elle était, de plus, parsemée de petits kystes plus ou moins volumineux ; plusieurs d'entre eux étaient près de s'ouvrir dans la cavité abdo- minale. Cet accident eût été inévitablement suivi d'une péritonite mortelle. NOTE SUR UN CAS D'ÉTRANGLEMENT INTERNE QUI FUT PRIS POUR UN CAS DE CHOLÉRA ÉPIDÉMIQUE PAR LES DOCTEURS Alfred FOURNIER et Auguste OLLIVIER. Il existe déjà dans la science nombre d'observations dans lesquelles, pour des raisons diverses, des étranglements de l'intestin survenus brusquement ont été pris pour des cas de choléra. Mais il n'en est aucune, à notre connaissance du moins, où les symptômes de cette dernière maladie se soient trouvés réunis d'une façon aussi complète que dans le fait suivant, dont la relation, à ce titre, pourra présenter quelque intérêt. Non-seulement, en effet, le malade dont nous allons rapporter l'his- toire se présentait à nous avec cette série de symptômes choléri- formes que l'on rencontre dans un grand nombre de cas d'iléus, tels que vomissements répétés, soif vive, altération profonde des traits, excavation des orbites, cyanose des extrémités, refroidissement gé- néral, peau visqueuse, prostration, pouls filiforme, crampes, anu- rie, extinction de la voix, etc. ; mais il offrait en outre d'autres i20 symptômes qui font habituellement défaut dans l'étranglement, et qui constituent par leur absence même la base d'un diagnostic ditîé- rentiel entre cette maladie et le choléra. C'était en premier liru de la diarrhée, de la diarrhée qui, survenue dès le début des accidents, ne s'arrêta que l'avant-veille de la mort; c'était encore une rétraction notable de l'abdomen; c'étaient enfin des vomissements séreux, ino- dores et riziformes, contenant en suspension de petits grumeaux blanchâtres exactement analogues à ceux des déjections cholériques. Nous devons avouer qu'en face d'un ensemble de symptômes aussi caractéristiques nous crûmes aune attaque de choléra, d'autant plus qu'au moment où nous observions ce malade l'épidémie de ces der- nières années n'était pas absolument éteinte à Paris. Traité comme cholérique, le malade ne tarda pas à succomber, et l'autopsie nous révéla l'existence d'un étranglement interne, consti- tué par une bride fibreuse enserrant une anse d'intestin grêle à la façon d'un nœud coulant. Notre erreur avait donc été aussi complète, aussi radicale que pos- sible; car, il faut le dire, elle n'était pas le résultat d'une surprise non plus que d'un examen superficiel; elle avait été tout au contraire méditée et mûrie. Connaissant les cas nombreux où de semblables confusions s'étaient déjà produites, nous avions soigneusement ob- servé notre malade au point de vue de l'étranglement; nous avions recherché l'iléus, nous en avions discuté entre nous la possibilité; nous avions basé notre diagnostic sur des signes scrupuleusement recueillis ; et, somme toute, nous ne nous étions mépris qu'en connais- sance de cause et après un examen assez complet pour ne nous rien laisser à regretter aujourd'hui. Cette erreur peut donc, à notre sens, avoir son enseignement pour montrer que l'étranglement interne affecte en certains cas l'allure et la physionomie du choléra, au point de lui emprunter ses symptômes les plus essentiels et les plus caractéristiques. Elle prouve une fois de plus que le diagnostic différentiel de ces deux maladies offre par- fois des difficultés extrêmement sérieuses, et que la possibilité d'une méprise, même dans les cas simples en apparence, doit toujours être présente à l'esprit du médecin. Cela, croyons-nous, est d'autant plus utile à rappeler que certains médecins ont considéré ce diagnostic comme la chose la plus simple et la plus élémentaire du monde, af- fectant de ne pas croire possible une confusion entre deux états 121 morbides aussi différenls. Or la vérité est qu'une telle confusion s'est souvent produite et qu'elle n'a pas été commise sans motifs non plus que sans excuse. Mais exposons d'abord notre fait, pour revenir ensuite sur les par- ticularités intéressantes qu'il nous paraît présenter. ÉTRANGLEMENT INTERNE PRIS POUR UN CAS DE CHOLÉRA. — DIARRHÉE JUSQU'a l'avant-veille DE LA MORT; RÉTRACTION DE l'aBDOMEN; VOMISSEMENTS SÉ- REUX, INODORES ET RIZIFORMES; CYANOSE, REFROIDISSEMENT, CRAMPES, ANU- RIE, EXTINCTION DE LA VOIX, ETC. — A l' AUTOPSIE, ILÉUS PAR BRIDE FI- BREUSE ÉTRANGLANT UNE ANSE d'iNTESTIN A LA FAÇON d'uN NŒUD COULANT Obs. — Dans la journée du 26 juillet 1 867 est admis à l'Hôtel-Dieu (salle Sainte-Jeanne, lit 41) le nommé D. A..., employé au gaz, âgé de 34 ans. Les personnes qui ont transporté cet homme à l'hôpital ne connaissent rien de ses antécédents ni de sa maladie. Voici dans quel état nous le trouvons à cinq heures de l'après-midi : Ce qui frappe au premier coup d'oeil, c'est l'altération des traits et l'aspect cyanose de la face. Visage grippé, anxieux ; nez effilé ; yeux enfoncés dans les orbites et entourés d'un cercle noir. Lèvres livides, violacées. Refroidissement général, très-marqué surtout à la face et aux extré- mités. Peau froide couverte d'une sueur visqueuse et donnant au tou- cher la sensation que produit le contact d'une grenouille. Nez comme gelé. En appliquant le doigt sur la langue on croirait toucher un mor- ceau de glace; l'haleine est également refroidie. Teinte violacée des pieds et des mains; coloration ardoisée de la peau du tronc. Perte d'é- lasticité de la peau, qui conserve les plis qu'on lui imprime. Pouls filiforme, à peine sensible, accéléré. La voix est cassée, à demi éteinte. Le malade accuse une soif très-vive. Il a eu de fréquents vomisse- ments, nous dit-il, depuis quelques jours, et même il a vomi à deux re- prises depuis son entrée à l'hôpital. Ces vomissements, qui nous sont présentés, consistent en un liquide séreux, inodore, trouble, opalin, grisâtre, dans lequel nous distinguons de petits grumeaux blanchâtres analogues aux flocons riziformes du choléra. Ventre rétracté, non douloureux au toucher, sauf au creux épigas- trique. A ce niveau, sensibilité très-vive à la pression ; épigastralgie véritable. Sonorité normale. Nulle part nous ne sentons ni de tumeur, ni d'empâtement, ni de tension. Pas de selles depuis hier, mais auparavant diarrhée assez intense; 122 plusieurs jours de suite, depuis le début, « selles fréquentes et li- quides. » Cette diarrhée n'a été supprimée, dit le malade, qu'à la suite d'un lavement qui lui fut prescrit par un médecin et dont il ne connaît pas la composition. Le malade n'a pas uriné une seule fois dans la journée. La vessie semble vide ; le cathétérisme, en effet, ne permet pas d'en extraire plus de deux ou trois gouttes. Anxiété respiratoire ; 48 respirations par minute. Cependant la per- cussion et l'auscultation ne révèlent rien d'anormal ni dans les poumons ni dans le cœur. De temps à autre, crampes très-douloureuses dans les mollets. Ces crampes se sont produites il y a quelques jours et ont toujours persisté. Sensibilité cutanée notablement émoussée. Pas de trouble appréciable des sens. Intelligence nette. Mais le malade est tellement prostré et, de plus, il est en proie à une anxiété telle qu'il ne répond pas toujours à nos questions d'une façon bien satisfaisante. Traitement : thé au rhum, à forte dose; frictions répétées; sina- pismes. Dans la journée, l'état reste le même. Vomissements répétés, offrant toujours les mêmes caractères; anxiété et prostration ; crampes ; anurie complète; pas de selles. La nuit est très-mauvaise; agitation continue, mais pas de délire. Le 27 au matin, aggravation de tous les symptômes. Les vomisse- ments ont continué ; ils ne sont composés en grande partie que des boissons ingérées, et n'ont qu'une odeur alcoolique. Pas de garde-robe. —Anurie absolue; pour la seconde fois le cathétérisme estpratiqué, et il ne sort pas une seule goutte d'urine de la vessie.— Ventre toujours ré- tracté.—Voix absolument éteinte. — Pouls insensible aux radiales. Cya- nose accrue.— Refroidissement général; sueurs froides et visqueuses. Les crampes ont cessé. Prostration complète ; le malade ne répond même plus aux questions. Mort quelques heures après la visite. Il nous parvint plus tard sur ce malade quelques renseignements que nous devons noter ici. C'était un ouvrier assez laborieux, menant une vie régulière et ne commettant aucun excès. Depuis un certain temps, ses camarades avaient remarqué qu'il était triste et préoccupé ; il se plaignait, disent-ils, de perdre ses forces, mais ils ignorent s'il éprou- vait à ce moment des troubles digestifs et s'il était sujet aux coliques. Ce qu'ils peuvent affirmer, c'est que le lundi soir, 23 juillet, il ressentit soudainement des douleurs abdominales et dut quitter son travail pour aller se coucher. La nuit, ces douleurs devinrent tellement vives qu'il 123 réveilla ses voisins par ses cris. Il eut alors plusieurs garde-robes li- quides. On ne sait s'il avait de la diarrhée les jours précédents. Le lendemain matin, 24 juillet, il fit mander un médecin qui lui pres- crivit des cataplasmes sur l'abdomen, des frictions avec un Uniment calmant et des sinapismes aux extrémités inférieures. Quelques heures après, se sentant mieux, il voulut manger une soupe aux haricots et en mangea quelque peu. Dans la soirée, il fut pris de vomissements, alimentaires d'abord, puis bilieux, mais sans diarrhée ni crampes. Dans la nuit du 24 au 25, les coliques reparurent plus violentes que la veille et s'accompagnèrent d'uiie garde-robe liquide. Le 25 au matin, l'état s'étant encore aggravé, on fit appeler un second médecin qui prescrivit, entre autres remèdes, un lavement laudanisé. Ce lavement n'a pas été rendu, et à dater de ce moment le malade n'a plus eu de selles. Les vomissements continuèrent; l'anxiété et les dou- leurs étaient très-vives. Le 26, le malade vomissant de plus en plus, commençant à se re- froidir et s'étant plaint de crampes, ses voisins effrayés le firent trans- porter à l'hôpital dans l'après-midi. Autopsie. — A part l'examen du cerveau, qui nous fut interdit par raison administrative, l'autopsie fut faite avec grand soin et donna les résultats suivants : Les organes thoraciques sont absolument sains. Un peu de congestion hypostatique à la base des deux poumons. Abdomen rétracté. Aucun épanchement dans le péritoine. Au premier abord, les intestins n'offrent rien que de normal ; mais on ne tarde pas à découvrir, dans la fosse iliaque droite, un peloton d'anses intestinales dont la coloration violacée tranche avec la teinte assez pâle des anses avoisinantes. En soulevant ce peloton, qui forme une masse d'environ 15 centimètres de diamètre transversalement, on reconnaît aussitôt qu'il est étranglé à sa base par une forte bride blanchâtre, semblable à une corde du calibre d'une plume de corbeau. Cette bride forme au- tour du pédicule des anses étranglées une sorte de nœud coulant. Ses deux chefs paraissent se continuer d'une part sur le rectum, et d'au- tre part sur le cœcum et le détroit supérieur du petit bassin. Les anses étranglées appartiennent à la portion inférieure de l'iléon. Elles sont agglutinées légèrement les unes aux autres. Elles sont rem- plies de gaz et de matières fécales demi-solides. Nous ne parvenons qu'avec peine à dégager ces anses du nœud qui les enserre. Ce résultat obtenu, le nœud se déroule et la bride s'étale. Nous reconnaissons alors qu'elle est constituée par une sorte de liga- ment jeté comme un pont entre la face antérieure du rectum et la por- tion du mésentère qui avoisine la valvule iléo-cœcale. Elle est cylin- t24 drique à sa partie moyenne, et étalée en éventail à ses deux extrémités, où elle se continue sans ligne de démarcation avec la séreuse périto- néale. Comme aspect on ne saurait mieux la comparer qu'au canal dé- férent. Incisée, nous constatons qu'elle n'a pas de cavité centrale; elle est exclusivement constituée par du tissu blanchâtre, très-résistant, d'apparence fibreuse. Suivant toute probabilité, cette bride doit être fort ancienne. L'intestin, dans sa portion étranglée, est épaissi, violet, fortement congestionné. Partout ailleurs il est sain. La portion supérieure à l'étranglement ne présente que fort peu de distension. Cela explique l'absence de développement et de tympanisme pendant la vie. Le gros intestin est vide. Le foie et la rate n'offrent aucune lésion. Reins un peu congestion- nés. Vessie rétractée, ne contenant pas une seule goutte d'urine. Il sera évident pour tout le monde que l'observation précédente contient le tableau complet du choléra le plus classique. Pas n'est besoin d'insister sur ce point. Mais ce qui est plus intéressant, c'est de rechercher les symptômes qui nous ont fait écarter l'idée d'un étranglement interne et qui nous ont conduits à une erreur raison- née, nous dirions presque rationnelle. Nous avions songé à la possibilité d'un iléus, et, eu conséquence, nous avions soigneusement examiné le malade à ce point de vue. Or, cet examen fait, trois signes spécialement nous amenèrent à re- jeter ce diagnostic pour adopter celui de choléra. Ces trois signes étaient les suivants : r l'état de l'abdomen ; 2* la diarrhée continue jusqu'à la veille de l'entrée à l'hôpital ; 3° les vomissements séreux, inodores et riziformes. Quelques mots de développement à propos de chacun de ces signes, r Non-seulement l'abdomen ne présentait sur notre malade ni tym- panisme ni développement général ou partiel, mais de plus il était notablement aplati et même rétracté. Sans doute, dans les étrangle- ments rapidement produits par une bride solide, il est assez rare que l'abdomen prenne un développement excessif, et cela pour des rai- sous diverses fort bien signalées par notre collègue et ami M. Besnier dans un très-remarquable travail (l); mais dans cette variété même de l'iléus, un certain degré de développement du ventre ne manque guère (1) Des étranglements internes de Cintestin. In-8". Paris, 1860. 12b de se produire ; cela est la règle, cela n'a jamais fait défaut d^ns tous les cas que, pour notre part, nous avons observés jusqu'à ce jour. L'absence absolue de ce symptôme chez notre malade, et même la con- statation d'un état opposé, d'une véritable rétraction du ventre, nous portait donc tout d'abord à exclure l'idée dun étranglement, d'autant plus, d'ailleurs, que l'exploration la plus attentive de l'abdomen ne nous révélait ni douleur, ni matité, ni empâtement superficiel ou profond, ni même résistance ou tension des parois sur aucun point. 2' Point capital : le malade accusait une assez forte diarrhée depuis le début de sa maladie : plusieurs jours de suite, disait-il, il avait eu des selles fréquentes et liquides. Il donnait de plus ce renseignement, que la diarrhée ne s'était arrêtée que la veille de son entrée à l'hô- pital, et cela à la suite d'un lavement médicamenteux prescrit par un médecin, lavement que nous supposions, — et non à tort, — devoir contenir une certaine dose d'opium. Or la diarrhée n'est certes pas un signe que Ton observe soit au début, soit dans les premiers jours, soit — encore bien moins — dans la durée presqiw totale d'uu étranglement. Non-seulement, en pareil cas, la constipation est le signe caractéristique très-habituel et presque constant (1), mais cette constipation s'établit même d'em- blée; elle est précoce, comme on l'a dit; elle n'attend jamais, que nous sachions, la période ultime pour se produire, comme cela se présen- tait à nous sur notre malade. En conséquence, cette diarrhée fut considérée par nous comme un signe presque sufiisant à rendre très-improbable, impossible même, l'existence d'un étranglement. Il va sans dire qu'inversement le diagnostic choléra s'accommodait fort bien de ce symptôme. Nous trouvions dans cette diarrhée l'un des signes lec plus habituels de cette maladie, lequel complétait un ensemble déjà très-significatif. Il était bien vrai que depuis vingt-quatre heures environ, lorsque nous vîmes le malade pour la première fois, les garde-robes liquides s'étaient supprimées et avaient fait place à de la constipation, si tant est qu'on puisse appeler de ce nom une absence de selles pendant ce (i) Sur vingt cas, dans lesquels il est donné des détails suffisants, la constipation est indiquée dix-neuf fois. (Besnier.) 12G court délai. Mais cela ne nous paraissait en rien incompatible avec l'existence d'un choléra; car, d'une part, il n'est pas rare que les évacuations se suppriment à une certaine période de cette maladie et surtout à une période aussi avancée que celle où nous trouvions notre malade ; et, d'autre part, dans le cas actuel, celte suppression avait succédé à une intervention thérapeutique vraisemblablement dirigée dans ce but. En somme, pensions-nous, cette absence de selles pendant vingt- quatre heures était bien plus acceptable pour le diagnostic choléra que ne Tétait une diarrhée continue pour le diagnostic étranglement. 3° Mais ce qui acheva de décider notre jugement etdenousafTermir dans notre erreur, ce fut l'examen des vomissements. Les matières vomies par le malade étaient purement séreuses et inodores ; elles contenaient de plus en suspension de petits grumeaux blanchâtres qui nous rappelaient exactement ceux que nous avions souvent constatés dans les déjections des cholériques. Ces divers caractères, il faut en convenir, cadraient fort bien avec les signes précédents pour concourir au diagnostic choléra. Et ce qui est bien plus curieux, c'est qu'ils semblaient exclure la possibilité d'un étranglement, surtout d'un étranglement remontant déjà à plu- sieurs jours et voisin de la terminaison fatale. Il n'est pas usuel en effet dans cette maladie, que les vomissements, à cette période, soient simplement séreux et absolument inodores. Nous en appelons encore sur ce point au travail si précis et si consciencieux de M. Besnier : « Sur 17 observations d'étranglement par brides solides, dit notre collègue, où la nature des vomissements est indiquée avec quelques détails, 11 fois les vomissements ont été constitués par des matières fécales ou à odeur fécale, à une période plus ou moins avancée de la maladie, le plus souvent dans les derniers jours. Quelque considérable que soit le degré de fréquence des vomissements stercoraux indiqués par ces chiffres, il est encore, sans aucun doute pour moi, au-des- sous de la réalité. » Enfin, la présence dans les matières vomies des cor^puscules rizi- formes est un fait complètement anormal dans l'iléus, fait que pour notre part nous n'avions pas encore observé et dont nous ne trouvons même pas mention dans les auteurs qui ont écrit sur ce sujet. M. Bes- nier, par exemple, ne signale cette particularité dans aucun des nom- breux cas dont il a reproduit dans son livre une minutieuse analyse. 127 En face d'un tel ensemble de symptômes, nous renonçâmes à l'idée d'un étranglement interne et nous crûmes, sans arrière-pensée, à l'existence d'un choléra. Il est un signe toutefois qui, même dans les conditions où nous étions placés, aurait encore pu nous détourner de l'erreur et nous remettre sur la bonne voie. Malheureusement il nous fit défaut, il nous échappa; et si nous en parlons, c'est qu'il nous paraît consti- tuer la seule sauvegarde contre une méprise semblable dans un cas du même genre. Ce signe consiste dans les douleurs abdominales, les coliques vio- lentes et quelquefois excessives, préludant aux autres phénomènes de l'étranglement. La notion de semblables douleurs peut très-utile- ment servir à différencier l'iléus du choléra. Ces douleurs s'étaient bien produites chez notre malade, comme nous l'apprîmes plus tard de personnes qui l'avaient assisté au début des accidents; mais lui-môme ne nous en avait pas parlé. Interrogé par nous à plusieurs reprises sur ce point spécial, il ne nous avait rien répondu de satisfaisant, soit qu'il eût confondu ces coliques ini- tiales avec l'anxiété épigastrique et les crampes qui succédèrent à ces premiers phénomènes, soit plutôt qu'il ne fût plus en état de rendre un compte exact de ses antécédents. Tel est le cas que nous avons observé. Nous ne voudrions pas en déduire des conclusions générales qu'il ne comporte pas; mais les enseignements que nous en avons tirés pour notre part, et sur les- quels nous désirons appeler l'attention, sont utiles, pensons-nous, à mentionner. Ce qu'il nous a appris, c'est d'abord que l'étranglement interne peut, en certains cas, emprunter au choléra, non pas seulement quelques-uns de ses phénomènes, mais la symptomatologie presque complète, au point de donner le change à des observateurs prévenus et attentifs ; — c'est de plus qu'il peut exister : 1" sans ballonnement du ventre et même avec un certain état de rétraction de l'abdomen ; 2° avec des selles liquides se continuant pendant plusieurs jours, pour n'aboutir que très-tardivement à la suppression complète des évacuations alvines; 3° enfin, avec des vomissements séreux, ino- dores et riziformes; — c'est en dernier lieu et surtout que, sous cette forme essentiellement insidieuse, il expose le médeciu aux er- reurs les plus inattendues et les plus regrettables. 128 Certes, il n'est pas à croire que dan notre cas une opération eût pu sauver le malade, dans l'état désespéré où il fut apporté à l'hôpi- tal. Mais, commise plus tôt et dans d'autres conditions, une semblable erreur eût été déplorable; car ayant pour conséquence d'exclure toute intervention chirurgicale, elle eût enlevé au patient son unique chance de salut. C'est surtout en vue de cette dernière considération que l'histoire de notre malade nous a paru digne d'intérêt et utile à faire connaître. NOTE SUR LE ROLE PHYSIOLOGIQUE DE LA GAINE FI6R0-MUSGULAIRE DE L'ORBITE RELATIVEMENT AUX MOUVEMENTS DE PROJECTION DU GLOBE OCULAIRE LORS DE L'ÉLECTRISATION DU GRAND SYMPATHIQUE CERVICAL Présentée à la Société de Biologie, le 16 novembre 1867, PAR MM. J. L. PREVOST et F. JOLYET, M. Cl. Bernard attira le premier l'attention sur la projection du globe de l'œil qui se produit lors de l'électrisation du bout supérieur du grand sympathique cervical. M. Cl. Bernard pensait que ce mou- vement était peut-être dû à un relâchement des muscles de la face et de rœil contractés sous l'influence du nerf sympathique (1). Depuis lors, H. Mûller (2) et Turner (3) décrivirent dans l'aponé- vrose orbitaire.de l'homme et des mammifères des fibres musculaires lisses; c'est à ces fibres musculaires que H. Mûller attribua la pro- (1) Comptes rendus de la Société de biologie, 1852, 155 et 168. (2) H. Millier, Journal de physiologie du docteur Brown-Séquard ,* 1860, p. 176 et 1861, p. 279. Voy. aussi R. Wagner, même journal, 1860, p. 174. (3) Turner, même journal, 1862, p. 562. MÉM. 9 130 jection du globe oculaire lors de l'électrisation du bout supérieur du grand sympathique cervical, les considérant comme «antagonistes « des muscles qui tirent ou poussent le globe de Toeil au fond de l'or- « bite (muscles rétracteurs — orbiculaire). » Turner, au contraire, peu disposé à faire d'un muscle lisse l'anta- goniste de muscles striés, pensait que « ce muscle avait quelques re- « lations spéciales avec la disposition des vaisseaux dans Torbite. » Nous devons ajouter que M. Sappey, étudiant récemment les mus- cles lisses de l'orbite de Ihomme (1 ), qu'il divise eu plusieurs fais- ceaux, complète les descriptions anatomiques qui avaient été four- nies par les auteurs précédents. Dans des expériences que nous avons faites ensemble, nous avons pu observer l'action de ces fibres musculaires lisses et fournir de nouveaux arguments à l'opinion émise par H. Millier, relativement au rôle physiologique de ces muscles. Sur deux chiens curarisés et soumis à la respiration artificielle, une des fosses ptérygo-maxillaires avait été mise à nu par l'ablation de Tapophyse zygomatique et le nerf vague sectionné. Quand ces chiens furent complètement empoisonnés et qu'il ne se produisit plus de mouvement dans la patte par la compression du nerf sciatique, nous électrisâmes le bout supérieur du nerf vague (2) et nous pûmes observer les faits suivants : Quelques secondes après l'excitation du nerf, et coïncidant avec la dilatation pupillaire, il se produisit une projection du globe de l'œil. Dans ce mouvement, le globe oculaire fut porté en avant et un peu en dehors en effectuant une légère rotation sur son axe ; les paupières s'écartèrent l'une de l'autre, et au moyen d'un point de repère fixe placé à quelques millimètres de la partie antérieure de la cornée, nous pûmes apprécier que l'amplitude du mouvement de projection du globe oculaire était d'environ 1 ou 2 millimètres. Ce phénomène, qui, comme les mouvements dus aux muscles de (1) Académie des sciences, séance du 21 octobre 1867. (2) M. Vulpian, dans une note lue à la Société philomatique (1866) relativement à l'action du curare sur le grand sympathique, avait déjà fait observer que sur les chiens curarisés la galvanisation du nerf vague produit, en même temps que la dilatation de l'iris, une oscillation du globe oculaire autour de son axe antéro-postérieur. 131 la vie organique, ne cessa que quelque temps après l'excitation du nerf, put être reproduit, à plusieurs reprises, chaque fois que nous électrisâmes le bout central du nerf vague. Nous produisîmes encore ces mouvements par la galvanisation di- recte de la gaine orbitaire. Il fut au contraire impossible de produire cette projection de l'œil par la galvanisation du bout central du nerf vague, quand, au moyen d'une incision longitudinale, nous eûmes ouvert dans toute son éten- due l'aponévrose orbitaire. Chez le chien, des fibres musculaires lisses nous ont paru exister dans presque toute l'étendue de l'aponévrose orbitaire. Ces fibres, faciles à observer dans les préparations traitées par l'acide acétique, se rassemblent eu plus grande abondance dans certains points où elles forment des faisceaux plus distincts. Nous pensons que, grâce à ces fibres musculaires, l'aponévrose orbitaire qui contient les parties molles, en oflrant des points d'at- tache au pourtour de l'orbite, peut être considérée comme une sorte de manchon contractile de forme conique, à base fixe dirigée en avant, qui, en se contractant, presse d'arrière en avant sur la partie postérieure du globe de l'œil et produit le mouvement que nous avons décrit ci-dessus. Nos expériences prouvent : r Que le mouvement de projection du globe de l'œil en avant est dû à des fibres musculaires lisses, puisqu'il peut être produit par l'électrisation du bout supérieur du nerf vague faite sur des chiens, chez lesquels le curare a aboli l'action que ce nerf peut avoir sur les muscles striés; 2° Que ce mouvement est bien dû à la gaine fîbro-musculaire de l'orbite, puisqu'il se produit lors de l'excitation directe de cette gaîne, et qu'il cesse au contraire quand on l'a ouverte dans toute son étendue (1). (1) C'est peut-être aussi à l'action de cette gaîne qu'il faudrait attri- buer l'exophihalmie observée par MM. Voisin et Liouville lors de l'em- poisonnement par le curare, et que ces auteurs ont rapporté à raction de ce poison. Sm L'EXISTENCE DE TROUBLES VÂSO-mOTEURS DES MEMBRES DANS QUELQUES AFFECTIONS FÉBRILES ET SPÉCIALEMENT DANS LA PNEUMONIE Mémoire lu à la Société do Biologie M. RAPHAËL LEPINE, Interne des liôpitanx. On a depuis longtemps noté la congestion dont peut être affectée l'une des pommettes dans certains états morbides, particulièrement dans la pneumonie. Dans ces dernières années, M. Gubler a fait de ce phénomène l'objet de recherches précises et en a donné une inter- prétation en harmonie avec les théories physiologiques modernes. Mais, dans les membres, on n'a pas jusqu'ici signalé l'existence de troubles vaso-moteurs semblables, ou plutôt (car on trouverait dans les écrits des anciens quelques indications assez vagues, d'ailleurs, sur les troubles partiels de calorilîcation qui peuvent se rencontrer chez les a ataxiques »}, aucun auteur moderne ne fait mention, dans les maladies fébriles, dans la pneumonie, par exemple, de diffé- rences de température entre les membres d'un côté et ceux du côté opposé. La littérature étrangère ne fournit rien, à notre connaissance, sur ce sujet, et les traités de séméiologie n'y font même pas allusion. Ainsi l'ouvrage le plus complet, celui de M. Monneret, ne renferme 134 que les lignes suivantes : « La température s'élève dans un membre enflammé atteint cVanévrysme, de phlébite, de lymphangite, de pa- naris, de phlegmon, etc. (1). » Et plus bas : « La diminution partielle de la température ne s'observe que dans les cas oii l'artère princi- pale d'un membre ou son nerf ont été liés ou altérés de manière à ne plus pouvoir remplir leurs fonctions (2). » En réalité, les troubles vaso-moteurs des membres ne sont pas rares. Comme nous étions placé à l'hospice de la Salpêtrière, où la pneumonie est la seule affection fébrile qui se présente avec une grande fréquence, nous ne pouvons guère actuellement parler que de cette maladie ; or nous les avons observés dans plus de la moitié des cas. Il est probable qu'ils sont moins fréquents dans la pneumonie des adultes. Cependant, sur un très-petit nombre de malades, nous les avons vus deux fois. Nous ne saurions rien dire de leur fréquence dans la pleurésie. Ils existaient dans le seul cas de pleurésie que nous ayons observé cette année à la Salpêtrière. Mais c'est peut-être un fait exceptionnel. Dans laphthisie pulmonaire, d'après ce que nous avons vu, nous pensons qu'on les rencontre chez un quart au moins des sujets. Chez un malade atteint de fièvre typhoïde au quatrième jour, nous les avons notés; mais ils ont été très-fugaces. Quelque incomplets que soient nos matériaux, nous les communi- quons à la Société, espérant qu'ils seront le point de départ de nou- velles recherches. Toutes nos observations ont été recueillies dans le service et sous les yeux de notre savant maître, M. le docteur Char- cot, depuis le mois de mars de cette année, époque à laquelle notre attention s'est fixée sur ce sujet. Les troubles vaso-moteurs des membres, à cause de leur complexité, sont difficiles à décrire; mais en jetant les yeux sur les observations suivantes, on pourra s'en faire une idée exacte. Voici, en peu de mots, en quoi ils consistent : Chez des malades (atteints par exemple de pneumonie) n'offrant d'ailleurs aucun symptôme de paralysie de la motilité et de la sen- sibilité, les membres d'un côté du corps présentent une température très-notablement plus élevée que ceux du côté opposé. La différence (1) Monneret, Traité de patliologie générale^ t. III, p. 540. (2) M, p. 542. 135 peut n'être sensible que sur un segment de membre, au lieu de se manifester sur sa totalité. Quelquefois, mais très-rarement, il existe en même temps une différence de coloration. Les troubles vaso-mo- teurs paraissent plus fréquents et plus notables aux membres supé- périeurs qu'aux membres inférieurs; ils sont loin d'être manifestes pendant toute la durée de la maladie. Nous n'avons pas besoin de faire observer que nous nous sommes prémuni, autant que possible, contre toutes les causes d'erreur; ainsi toutes les fois que chez des malades se trouvant ou non dans le décubitus latéral, nous avons pu supposer que les membres étaient inégalement couverts, nous nous sommes abstenu de rien noter. Souvent nous avons mesuré exactement avec le thermomètre placé sur la peau et recouvert d'une couche de ouate la différence de tem- pérature qu'offraient les parties symétriques, nous avons trouvé or- dinairement un à deux degrés, quelquefois près de trois degrés; mais dans le plus grand nombre des cas, nous nous contentions de consta- terpar l'application de la paume de la main l'existenced'une différence et nous la faisions constater par une ou deux personnes non préve- nues. Toutes les fois qu'il y a eu le moindre doute, nous nous sommes abstenu. Dans les cas où l'un des membres supérieurs présentait un excès de chaleur, l'exploration des deux aisselles avec le thermomètre nous a permis d'y reconnaître des ditférences de température, beaucoup plus faibles à la vérité que celles des bras ou des mains, et qui atteignaient en général quelques dixièmes de degré (1). Nos mensurations ont été (1) L'existence d'un écart entre la température des deux aisselles n'est pas sans avoir quelque importance. On sait déjà qu'entre la tem- pérature de l'aisselle et celle des cavités telles que le rectum et le va- gin, il existe ordinairement une différence de plusieurs dixièmes de degré, quelquefois même de plus d'un degré. Si cette différence chez un sujet donné, pendant tout le cours de sa maladie, était invariable, la thermométrie axillaire serait parfaitement suffisante pour juger de la marche de la fièvre; il importerait peu que l'ensemble de la courbe fût représenté trop bas, si chacun de ces points donnait une indication re- lative exacte. Mais il n'en est point ainsi : les deux courbes axillaire et rectale ne sont nullement parallèles; les observations extrêmement nombreuses que nous avons recueillies cette année sous la direction de M. Charcot, démontrent surabondamment ce fait. La courbe axillaire 136 faites soit avec deux thermomètres très-sensibles, donnant des indi- cations parfaitement semblables, préalablement échauffés et placés en même temps, soit plus fréquemment avec un seul thermomètre préalablement échauffé et transporté de l'une des aisselles dans l'autre. Dans tous les cas, la durée de l'application a été suffisam- ment prolongée. Il est à noter que l'aisselle la plus chaude correspondait au bras le plus chaud, quel que fût le côté où siégeait la pneumonie. Chez nos malades, nous ne pourrions donc expliquer réchauffement relatif d'une aisselle par le voisinage du poumon enflammé, comme l'ont fait quelques observateurs (1). ne mérite donc pas une confiance absolue. Comme elle peut s'élever alors que descend la courbe rectale, et réci)woquement, elle peut con- duire, dans quelques cas, à une conclusion opposée à la vérité. Mais nos recherches sur les différences que peuvent offrir les deux aisselles montrent une deuxième cause d'erreur. A l'erreur résultant de l'ab- sence de parallélisme entre les courbes rectale et axillaire peut venir s'ajouter celle qui dépend de l'écart possible des deux aisselles, de telle sorte que chez nos malades la thermométrie isolée de l'aisseile présen- tant des troubles vaso-moteurs nous eût conduit à tracer de leur état fébrile une courbe tout à fait fausse. (1) Dans son mémoire (Union, 1857), M. Gubler rapporte une obser- vation de pneumonie au deuxième degré de la moitié inférieure du poumon gauche avec congestion du poumon droite dans laquelle la température de l'aisselle gauche était 41, G; celle de faisselle droite, 41,9. « Cette élévation relative atteignant un tiers de degré, n'est pas sans importance et nous montre l'influence que peut avoir sur la tem- pérature d'une région le voisinage d'un organe enflammé.... Le chiffre obtenu dans l'aisselle gauche ne saurait lui-même, dans le cas actuel, présenter exactement la température générale du corps, puisqu'il exis- tait de la congestion inflammatoire dans le poumon droit. » Chez un enfant atteint de pleurésie, M. Roger avait déjà observé une différence d'un degré entre les deux aisselles. M. Hardy (thèse Paris 1855), dans un cas de broncho-pneumonie double (pneumonie franche à droite) chez une femme de 1i ans, a noté entre le septième et le huitième jour une différence entre les deux aisselles. 38,8 38,7 38,3 38,2 D'ailleurs il ne cherche pas à expliquer le fait. 137 Les troubles vaso-moteurs n'ont aucune importance pronostique. La mortalité des malades chez lesquels on les rencontre n'est pas sen- siblement augmentée. Afin de ne pas allonger inutilement ce travail, nous ne publions pas en entier nos observations. De nos observations de pneumonie, les unes sont résumées au point de vue spécial qui nous occupe, les autres sont simplement analysées en quelques lignes. Nous avons cru devoir les ranger en catégories. La première renferme les pneumo- nies lobaires. PREMIÈRE CATÉGORIE. — PNEUMONIES LOBAIRES. A. Pneumonies lobaires umlatérales. Obs. L— Boucher (Marie), 79 ans (service de M. Ch?LV coi) . Pneumonie Lobaire droite; cliaieur prédominante dans les membres du côté de la pneumonie. 22 mai matin. Point de côté à droite; souffle au sommet droit. Tem- pérature du rectum, 39,2; temp. de l'aisselle droite, 38,5; temp. aiss. gauche, 38,2. Soir. Un peu de délire loquace, face rouge, pouls régulier, 116. Temp. durect., 39,2; temp. aiss. droite, 39; temp. aiss. gauche, 38,4. 23 mai matin» Délire la nuit ; actuellement délire et agitation. Temp. durect., 38,9; le membre inférieur droit paraît un peu plus chaud. Temp. aiss. droite, 38,3; temp. aiss. gauche, 38,3. Soir. Moins dagitation ; mais elle ne reconnaît pas les personnes qui l'entourent; pouls régulier, 120. Temp. du rect., 39,6; temp. aiss. droite, 38,4; temp. aiss. gauche, 38,4. 24 mai matin. Délire tranquille, pouls, 124, respiration très-fré- quente (56). Temp. du rect., 39,5; pied, jambe, genou, cuisse plus chauds à droite, coloration rosée de la peau de ces parties; bras, avant- bras, main plus chauds à droite. Temp. aiss. droite, 38,4; temp. aiss. gauche, (?). Soir. Faciès hippocratique, pouls très-fréquent, respiration, 57. Temp. du rect., 41,4; avant-bras et main assez chauds à gauche, froids à gau- che. Temp. aiss. droite, (?); temp. aiss. gauche, 40,4, Mort une heure après. Autopsie. — Poumon droit. Hépatisation rouge du sommet et du bord postérieur. Poumon gauche sain, cœur petit et flasque (poids 220). Foie petit et sain, calcul dans la vésicule. Kate petite et très-friable. Beins petits (poids 130), atrophie de la substance corticale. i38 Encéphale sain ; seulement les petits vaisseaux sont gorgés de sang. Obs. IL— Gautier (Manuelle), 77 ans (service de M. Charcot); entrée le 1" octobre, morte le 18. Pneumonie lobaire gauche; excès de cha- leur non constant, mais toujours à l'avantage du bras gauche. Obs. III.— Dufour (Marie), 77 ans (service de M. Charcot); entrée le 24 mars, sortie le 19 avril. Pneumonie lobaire droite ; excès de cha- leur généralement du côté droit. Pommette droite ordinairementplus chaude. Obs. IV.— Blanche ^Marie), 73 ans (service de M. Charcot); entrée le 17 juin, morte le 18. Pneumonie lobaire gauche; excès de chaleur du membre supérieur gauche. Obs. V.— Billet (Antoinette), 83 ans (service deM. Charcot). PweMmo- nie lobaire di^oite à rechute. Le côlédroit est tantôt plus, tantôt moins chaud. 25 mars soir. Frisson il y a trois jours ; vomissements répétés de- puis lors, actuellement : Temp. du rect., 39,4; râles crépitants dans la fosse sus-épineuse droite; pommette droite plus rouge. Temp. aiss. droite, 38,9; temp. aiss. gauche, 38,8. 26 mars matin. Temp. du rect,, 41,3; pommettes rouges et chaudes, surtout la gauche; avant-bras et main à droite moins chauds ; jambe et genou plus chauds. Temp. aiss. droite, 40,8 ; temp. aiss. gauche, 40,5. Soir. Temp. du rect., 40,5; pommette droite plus chaude ; bras droit et membre inférieur droit plus chauds. Temp. aiss. droite, 39,9; temp. aiss. gauche, 39,7. 27 mars matin. Temp. du rect., 39,4; cuisse droite plus chaude. Temp. aiss. droite, 38,5, temp. aiss. gauche, 38,5. Soir. Temp. du rect., 39,4; membre supérieur droit moins chaud. Temp. aiss. droite, 38,7; temp. aiss. gauche, 39,1. 28 mars matin. Temp. du rect., 38.4; pouls très-faible et irrégulier; râles sous-crépitants et souffle aigre dans toute la hauteur du poumon droit ; pommette droite plus chaude ; bras et genou droits moins chauds. Temp. aiss. droite, 37,4; temp. aiss. gauche, 37,6. 5oîV. Temp. du rect., 37,6; temp. aiss. droite, 37,5; temp. aiss. gauche, 37,5. 29 mars matin. Hier soir elle a été prise de délire. Râles sous-cré- pitants et souffle à droite. Temp. du rect., 39,3; temp. aiss. droite, 38,5; temp. aiss. gauche, 38. Soir. Temp. du rect., 40,3; temp. aiss. droite, 39,1; temp. aiss. gauche, 38,4. 139 30 viars matin. Temp. du rect., 38,4; temp. aiss. droite, 37,4; temp. aiss. gauche, 37,4. Soi?\ Temp. du rect., 39,6; une des aisselles, 39,1. 31 mars matin. Délire la nuit; pouls très-faible et irrégulier; mêmes signes stéthoscopiques, râles sous-crépi tants et souffle à droite, poumon gauche parfaitement sain. Temp. du rect., 39,8; temp. aiss. droite, 38,4; temp, aiss. gauche, 38,4; les genoux sont froids; le droit Test moins. Soir. Temp. du rect., 38,4; refroidissement général, face grippée; bras droit moins chaud. Temp. aiss. droite, 37,5; temp. aiss. gauche, 37,9. {"avril matin. La nuit a été bonne; faciès naturel; mêmes signes stéthoscopiques. Temp. du rect., 37,8; bras droit moins chaud. Temp. aiss. droite, 36,7; temp. aiss. gauche, 37,2. Soir, Temp. du rect., 37,8; bras et genou droits moins chauds. Temp. aiss. droite, 37; temp. aiss. gauche, 37,4. 1 avril matin. Nuit très calme. Temp. du rect., 37,2; temp. aiss. droite, 36,4; temp. aiss. gauche, 36,4. Soir. Temp. du rect., 37,5; râles sous-crépitants, rednces; les bras et les jambes sont des deux côtés froids; les cuisses, sont chaudes; pied droit moins froid que le gauche. Temp. aiss. droite, 36,4; temp. aiss. gauche, 36,5. 3 avril matin. Temp. du rect., 37,6; pas de somimeil cette nuit; pom- mette droite rouge. Temp. aiss. droite, 36,5; temp. aiss. gauche, 37. ^ avril soir. Convalescence. Temp. du rect., 37,5; les aisselles à 36,5. Tandis que dans les quatre premières observations l'excès de cha- leur était prédominant du côté de la pneumonie, nous voyons que dans l'observation précédente, cet excès de température n'a siégé du côté du poumon affecté qu'au début et au moment de la recrudes- cence de la fièvre. Lorsque le 27 la température du rectum est tom- bée de plus d'un degré, le côté droit est devenu moins chaud, et le même phénomène s'est représenté le 31, lorsque, après la recrudes- cence, la fièvre est de nouveau tombée. Dans l'observation suivante, il y a eu aussi une recrudescence de la fièvre, mais le résultat n'a pas été le même : l'excès de chaleur qui, jusqu'alors, avait persisté du côté du-poumon droit, a passé, au mo- ment de la recrudescence fébrile, du côté du poumon sain. Obs. VI.— Verrieu (Marguerite), 68 ans (servicedeM. Charcot); entrée 140 le 9 mai, morte le 11) mai. Pneumonie lobaire droite; excès de chaleur à droite. Le septième jour, recrudescence de la fièvre; dès lors excès de cludeur à gauche. La pommette gauche à la fin était aussi plus- chaude. A Cautopsie, hépatisation grise adroite ; poumon gauche par- faitement sain. Obs. vil Rœd (Marie), 76 ans, service de M. Charcot, entrée le 1" octobre, convalescente le 11 octobre. [Pneumonie lobaire gauche à rechute. Pommette gauche plus chaude. — Excès de chaleur dans les membres du côté gauche., sauf deux exceptions, à savoir tout à fait au début et au moment de la chute de la fièvre après la recrudescence.) Obs. VIII. Bosquet (Françoise), 76 ans (service de M. Charcot), entrée le 22 mars, convalescente le 29. [Pneumonie lobaire gauche. Conges- tion persistant de la pommette gauche. — Excès de chaleur dans le membre inférieur gauche. Pour le membre supérieur {aisselle com- prise)^ il était le plus souvent moins chaud du côté gauche). De l'observation précédente, il faut donc retenir que le membre supérieur du côté de la pneumonie a été le plus souvent moins chaud que le membre opposé. Dans l'observation suivante, le même fait a été observé pendant presque toute la durée de la pneumonie plus constamment (sauf à la tin) ; aussi en donnons-nous le résumé : Obs. IX. Parisot (Marie), 81 ans, service de M. Charcot. (Pneumonie lobaire gauche, membre supérieur gauche moins chaud au début, moins froid à la fin. Congestion de la pommette gauche). 20 novembre soir. Depuis hier point de côté à gauche, vomissements hier soir. Actuellement peau peu chaude; pouls, 92. Température rec- tale, 39,6 ; râles crépitants dans l'aisselle gauche. 21 matin. Peau brûlante, pouls 96. Température rectale, 40,2. Soir. Température rectale, 39,2. Bras droit brûlant; bras gauche beaucoup moins. Cuisse droite moins chaude que la gauche. Temp. aiss. droite, 38,7 ; gauche, 38 ; bras droit, 37,3; gauche, 35,7. 22 matin. Pouls 88. Température rectale, 39,4; pas de troubles vaso- moteurs. Soir. Température rectale, 39,4; soif vive, pommette gauche plus chaude; pouls, 88, mais les membres supérieurs sont peu chauds. Température aisselle droite, 38,2; gauche, 38,2; cuisse droite, 37; cuisse gauche, 36,5. 23 matin. Agitation lanuit; extrémités froides. Temp. durect., 38,4; membre supérieur droit plus chaud. Temp. aiss. droite, 37; gauche, 36,9; genou droit plus chaud. 141 Soir. Temp. du rect., 39,2; pouls, 92; pommette droite plus chaude; avant-bras droit plus chaud. ^^matin. Temp. du rect., 38,7. Soir. Pommette gauche plus rouge; temp. du rect., 39,6. 25 matin. Temp. du rect., 37,5. Soir. Temp. du rect., 38,8; pouls, 116. Le côté droit est beaucoup moins chaud. '^6 matin. Temp. du rect., 38,1. Refroidissement de tout le côté droit. Soir. Temp. du rect., 38,4. Bras droit froid. Bras gauche chaud, cuisse droite moins chaude. Temp. aiss. droite, 36,8; temp. aiss. gauche, 37,2. Mortàune heure du matin. Autopsie. — Poumon gauche. Hépatisation rouge avec passage au troisième degré. Poumon droit sain. Les autres organes ne présentent rien à noter. Le grand sympathique cervical et le premier ganglion dorsal ont été disséqués de chaque côté, le troisième ganglion cervical à gauche est plus gros et plus rouge. L'examen microscopique n'a rien présenté de manifestement mor- bide. B. Pneumonie lobaire bilatérale. Dans robservation suivante, l'excès de chaleur du membre supé-- rieur et de l'aisselle s'est maintenu, malgré le développement d'une pneumonie de Tautre côté, pendant toute la durée de la vie du côté de la première pneumonie. Obs. X. — Chomann (Jacqueline), 84 ans, service de M. Charcot. Pneumonie Lobaire double^ ayant débuté du côté gauche. Chaleur gé- néralement plus grande dans le membre supérieur gauche et inférieur droit. 21 mars soir. Fièvre depuis deux jours. Actuellement râles crépi- tants dans l'aisselle gauche. Temp. du rect., 39; pommette gauche rouge ; une des aisselles, 38,8. Ilmars matin. Temp. du rect., 39,5. Une des aisselles, 38,4. Soir. Râles crépitants et souffle dans presque toute la hauteur du poumon gauche. Temp. du rect., 39,7; main droite moins chaude que la gauche. Temp. aiss. droite, 39; temp. aiss. gauche, 39,6; la tempé- rature des deux points symétriques des parois thoraciques, l'un à droite, l'autre à gauche, est égale (38 degrés); pied droit, 36,6; pied gauche, 35,2. 142 23 mars matin. Temp. du rect., 39,6; main droite froide; main gau- che chaude. Temp, aiss. droite, 38,8; temp. aiss. gauche, 39. Soir. Temp. du rect., 39,3. Temp. aiss. droite, 38,4; temp. aiss. gau- che, 38,6. 24 mars matin. Temp. du rect., 38,8.Râlescrépiiants très abondants à droite ; main droite froide. Temp, aiss. droite, 38, 1 ; temp. aiss. gauche, 38,3. Soir, Temp. du rect., 39; main droite notablement plus chaude; jambe droite plus chaude. Temp. aiss. droite, 38,5; temp. aiss. gauche, 38,8. 25 mars matin. Temp. du rect., 39,2. Temp. aiss. droite, 38,8; temp. aiss. gauche, 38,8; genou et jambe droite plus chauds. Soir. Temp. du rect,, 39,2; dépression; pouls très-petit; pommette droite plus rouge et plus chaude; bras et main droite moins chauds. Temp. aiss. droite, 38,6; temp. aiss. gauche, 38,9. 26 viars matin. Délire la nuit; mêmes signes stéthoscopiques. Temp. du rect., 38,4; les bras sont froids. Temp. aiss. droite, 38,1 ; temp. aiss. gauche, 38,3. Soir. Perte de connaissance. Temp. du rect., 38,3; pommettes chau- des et violacées, surtout la droite; bras, avant-bras et mains moins froids à droite; membre inférieur droit plus froid. Temp. aiss. droite, (?); temp. aiss. gauche, 37,8. 27 mars soir. Temp. du rect., 39; pas d'asphyxie; pommette droite plus chaude. Temp. aiss. droite, 38,2; temp. aiss. gauche, 38,8. Morte le 28, à quatre heures du matin. Autopsie. — Hépatisation des deux poumons; lésions beaucoup plus avancées à gauche qu'à droite, où Phépatisation ne dépasse pas le deuxième degré. La partie hépatisée occupe plus d"étendue à droite; le poumon droit pèse 610 grammes ; le gauche 430 grammes. Cœur graisseux. Foie et rate à l'état normal. Reins petits. Substance corticale un peu atrophiée. DEUXIÈME CATÉGORIE. — PNEUMONIES LOBULAIRES. Les trois observatioDS suivantes ont trait à des pneumonies lobu- laires occupant les deux poumons. Dans les deux premières, les troubles vaso-moteurs se présentent avec une grande netteté et une grande simplicité. Pour cette raison, nous pouvons nous contenter d'en donner un extrait : Obs. XL — Rivaux (Victorine), 77 ans, service de M. Charcot; entrée 143 le 29 mars, convalescente le 7 avril. Pneumonie lobulaire droite avec 'prédominance très-marquée des symptômes stétlioscopiques du côté gauche; congestion de la pommette gauche; excès de chaleur toujours dans le membre supérieur gauche et dans faisselle correspondante, Obs. XII. — Coutan (Madeleine), 87 ans, service de M. Charcot; en- trée le 2 avril, sortie le 15 mai. Pneumonie lobulaire double avec pré- dominance des symptômes stélhoscopiques à gauche ; excès très-net de chaleur dans le membre supérieur gauche. Obs. XIII. — Haranger (Marie), 77 ans, service de M. Charcot. Pneu- monie lobulaire double paraissant avoir débuté du côté droit; chaleur moindre dans le membre supérieur droit qui était parfois algide. 30 mars soir. Frisson la nuit précédente; actuellement râles sibi- lants adroite. Temp. du rect., 39,6; bras droit moins brûlant que le gauche; jambe droite plus froide que la gauche. Temp. de l'aiss. droite, 38,7; temp. de l'aiss. gauche, 38,8. 31 mars matin, Temp, du rect., 39,8; temp. aiss. droite, 39,4; temp. aiss. gauche, 39,4. 1" avril matin. Râles sibilants et sous-crépitants à droite ; respiration pure à gauclïe. Temp. du rect., 40,2; ■dvant-hras elmmn moins chauds à droite qu'à gauche. Temp. aiss. droite, 39,5; temp. aiss. gauche, 39,8. Soir. Râles sous-crépitants fins des deux côtés de la poitrine; pouls irréguiier, 108. Temp. du rect., 40; pommettes froides et violacées également; bras droit froid; bras gauche chaud; main droite plus c/ittwde que la gauche. Temp. aiss. droite, 39,2; temp. aiss. gauche, 39,7. 2 av?H matin. Râles sous-crépitants très-fins dans tout le poumon droit; respiration pure à gauche; pouls irrégulier, 100. Temp. du rect., 39,3; pommettes froides; extrémités froides; les bras sont chauds; le droit moins chaud. Temp. aiss. droite, 38,2; temp. aiss. gauche, 38,7. Soir. Temp. du rect., 39,2 ; pouls dépressible, 120; face pâle; pom- mette droite chaude et rouge ; bras, avant-bras, main à droite presque froids; à gauche, chauds. Temp. aiss. droite, 38,3 ; temp. aiss. gauche, 38,8. 3 avrilmalin. Au sommet du poumon droit, submatité; pas de souffle; râles sous-crépitants fins à timbre métallique; urines très-colorées, non albumineuses. Temp. du rect., 39,3; bras droit chaud; bras gauche très-chaud; main droite froide; main gauche chaude; les jambes plus chaudes que les cuisses, surtout la gauche. Temp. aiss. droite, 38,6; temp. aiss. gauche, 38,6. Soir. Temp. du rect., 39; pouls irrégulier ,108; face pâle, quoi- 144 que chaude, grippée; pommette droite rouge et violacée; bras droit chaud; bras gauche brûlant; avant-bras droit moins chaud que le gau- che; genou droit moins chaud que le gauche. Temp. aiss. droite, 38,3 ; temp. aiss. gauche, 38,7. 4 avril matin. Submatité au sommet droit; pour la première fois on perçoit du souffle au milieu des râles sous-crépitants fins. Temp. du rect.,38,8; pouls très-petit, irrégulier, 140; face pâle, froide, plombée; mains, genoux et pieds froids et violacés; le membre supérieur droit, dans son ensemble, est plus froid que le gauche. Temp. aiss. droite, 38,3; temp. aiss. gauche, 38,7. Soir. Râles sous-crépitants dans les deux poumons; pouls, 130. Temp. du rect., 38,7; face pâle; pommette droite plus chaude; bras droit moins chaud que le gauche ; main droite plus froide que la gau- che. Temp. aiss. droite, 38,2; temp. aiss. gauche, 38,3. 5 avril matin. Temp. du rect., 38,1 ; temp. aiss. droite, 37,4; temp. aiss. gauche, 37,3. Soir. Temp. du rect., 38,6; pouls presque insensible; pommettes li- vides ; la gauche est chaude ; bras chauds ; mains algides ; le bras droit un peu plus chaud (?) ; pieds froids; le droit moins froid. Temp. aiss. droite, 38,1 ; temp. aiss. gauche, 38. 6 avril matin. Temp. du rect., 38,3 ; temp. aiss. droite, 37,7; temp. aiss. gauche, 37,7. Soir. Temp. du rect., 38,7; pommettes livides, la droite chaude ; bras droit moins chaud que le gauche; mains froides; jambe droite moins chaude que la gauche. Temp. aiss. droite, 37,8; temp. aiss. gau- che, 38,1. Mort le 7 avriL à sept heures du matin. Autopsie. — Pneumonie lobulaire, surtout à droite; très-peu de con- gestion autour des lobules enflammés. Cœur. Petit, non graisseux; pas de caillot fibrineux. Foie. Petit; calculs dans le vésicule; dilatation des canaux biliaires. Reins petits ; assez sains. Quelques arborisations de la muqueuse stomacale. Encéphale sain. Ici, contrairement à ce que nous avons vu dans les deux observa- tions précédentes, le membre supérieur a été constamment, sauf à la fin, plus froid du côté où a débuté la pneumonie et où elle paraissait prédominante. Aussi, à ce point de vue, cette observation pourrait être rapprochée de l'obs. IX. Voici en extrait l'observation de pleurésie avec troubles vaso-mo- teurs ; 145 Obs. XIV. — Remy (Catherine), 82 ans, service de M. Charcot; en- trée le 24, morte le 27. Pleurésie gauche; riende 'particulier aux pom- mettes; excès de chaleur trè sue t {plus d'un degré] au bras gauche» Les autres observations que nous possédons ne sont pas assez com- plètes pour que nous puissions en faire usage. Nous ne croyons pas être actuellement en état de rendre compte de la variabilité que présentent dans les membres les troubles vaso- moteurs, et leur physiologie pathologique nous semble offrir encore beaucoup d'obscurité. On pourrait se demander s'ils ne sont pas sous la dépendance d'une altération fonctionnelle des hémisphères céré- braux, et si alors ils ne devraient pas être considérés comme ana- logues, à un moindredegré, aux hémiplégies pneuvwniqiœs^ sur les- quelles M. Charcot a attiré l'attention (1). Tandis que, dans ce dernier cas, l'hémiplégie porte à la fois sur le mouvement, sur la sensibilité et sur la contractilité vasculaire, cette dernière serait seule en cause dans les faits qui nous occupent; mais nous ne croyons pas que cette manière de voir puisse être soutenue, car nos malades n'avaient au- cun symptôme apoplectique, et leur état cérébral ne différait en rien de celui des pneumoniques ordinaires. De plus, la paralysie vaso- motrice n'était pas franchement hémiplégique; jamais elle n'occu- pait les deux membres du même côté dans toute leur étendue. Les phénomènes vaso-moteurs des membres ne sont donc pas plus céré- braux que la congestion de la pommette, et l'encéphale n'est pas le centre réflexe de leur production. Deux fois nous avons examiné la moelle avec le plus grand soin, une fois le grand sympathique cervical et ses anastomoses avec le plexus brachial. Nous n'avons remarqué qu'un peu de congestion sur la valeur de laquelle nous avons de grands doutes; d'ailleurs les ré- sultats négatifs fournis jusqu'à présent par l'examen de l'encéphale dans les hémiplégies pneumoniques sont, il faut l'avouer, peu encou- rageants. L'anatomie pathologique reste donc à faire. On a pu remarquer dans les observations précédentes que l'excès de chaleur existe plus souvent du côté de la pneumonie. Nous croyons que ce rapport n'est pas fortuit et qu'il exprime une règle générale. Seulement on peut affirmer que les troubles vaso-moteurs des rnem- (i) Charcot, Leçons cliniques sur les maladies des vieillards, 2* le- çon, p. 19. MÉM. 10 14(5 bres fout plus souvent exception à cette règle que ceux de la pom- mette. On sait d'ailleurs que les exceptions pour la pommette ne sont pas très-rares, et M. Gharcot nous a souvent fait constater que Fa con- gestion malaire pouvait se rencontrer du côté opposé à la pneumonie. Il se pourrait que le trouble fonctionnel vaso-moteur n'existât pas toujours en réalité là où l'on constate l'excès de chaleur et qu'il se manifestât quelquefois par de l'algidité. Tel serait par exemple le cas deHaranger(obs.XlII]. Chez cette malade, le trouble fonctionnel, dans cette hypothèse, aurait siégé du côté de la pneumonie. Lorsque nous voyons les mêmes membres devenir successivement plus chauds et plus froids que ceux du côté opposé, au lieu d'admettre que le trouble fonctionnel passe d'un côté à l'autre, nous serions assez disposé à croire qu'il se manifeste successivement par des effets opposés. Cette opinion nous semble confirmée par les résultats des expé- riences que nous avons faites chez des hémiplégiques sur la tempé- rature du côté paralysé comparée à celle du côté sain, et qui ont fait l'objet d'une autre communication (1). Voici comment nous procé- dions : nous soumettions à un refroidissement artificiel les membres sain et paralysé (lequel présentait au début de l'expérience un excès de chaleur). Or nous avons maintes fois constaté que si le refroidis- sement ne dépasse pas un certain degré , le membre paralysé peut devenir relativement plus froid. Si l'on continue à les refroidir da- vantage, c'est le membre sain qui devient le plus froid. Lorsque l'in- nervation vaso-motrice d'un membre est troublée, on peut donc voir, dans certaines conditions, sa température devenir successivement plus haute, puis plus basse, et redevenir plus haute que celle du membre sain. Nous pensons qu'on peut ainsi expliquer, non pas toutes, mais quel- ques-unes des variations, en apparence si singulières, que les phé- nomènes vaso-moteurs nous ont présentées. CONCLUSIONS. 1° Dans quelques maladies fébriles, surtout dans les afTections tho- raciques et particulièrement dans la pneumonie, on peut observer (1) Note sur les variations de température des membres paralysés relativement aux membres sains. (Voy. année 1868, Mémoires, p. 13.) 147 assez iréquemmeut des troubles vaso-moteurs des membres. Peut- être sont-ils plus communs chez le vieillard. 2° Les différences de température que présentent des portions sy- métriques des membres de l'un et de l'autre côté peuvent être de 1 à 2 degrés et même plus. Entre les deux aisselles il y a généralement alors une différence de quelques dixièmes de degré. 3' Dans la pneumonie, le membre le plus chaud paraît être plus souvent celui qui correspond au poumon affecté ; mais il y a de très- nombreuses exceptions. Peut-être faut-il admettre que le trouble fonctionnel peut se manifester soit par un excès, soit plus rarement par une diminution de chaleur. 4" L'existence des troubles vaso-moteurs n'aggrave pas le pronos- tic. L'anatomie pathologique est jusqu'à présent muette. NOTE suu LES ALTÉRATIONS DES HUMEURS PAR LES MATIÈRES DITES EXTRACTIVES lue à la Société de Biologie PAR M. LE Docteur P. GHALVET. INTRODUCTION. Les travaux de Lavoisier, de Fourcroy, de Berzélius, de Thénard, de Dumas et Prévost, de Boussingault, etc., firent progressivement tomber dans un juste oubli les hypothèses de l'humorisme ancien et de la chimiâtrie de Van Helmont. Les premières recherches sur les matières animales (Fourcroy) sui- virent les phases du développement de la chimie inorganique, et bientôt les suppositions absurdes de l'alchimie du moyen âge furent remplacées par l'étude rigoureuse des principes immédiats qui com- posent l'organisme. Ces études eurent d'abord le caractère général de la méthode d'a- près laquelle elles étaient conduites, elles furent purement chimi- ques. On se contenta de décrire les propriétés physiques et la com- position élémentaire de ces principes immédiats. Bientôt les procédés analytiques se perfectionnèrent; on fit l'analyse quantitative (Berzé- lius) des tissus et des humeurs; on étudia la composition chimique des os, des cartilages, des muscles, du cerveau (Vauquelin), du sang, de la lymphe, de l'urine, de la bile, de la salive, etc. Une fois ces connaissances acquises, on songea à faire des appli- cations de la nouvelle science à la médecine (Liebig). Quelques chi- mistes abordèrent la clinique, et bientôt des médecins ouvrirent des 150 laboratoires. Alors parurent les traites de Simon, de Lliéritier, de Lehman, de Robin et Verdeil. Ces ouvrages et beaucoup d'autres pu- blications avaient pour but de compléter les études anatomiques, physiologiques et pathologiques par Timmixtion de la chimie aux sciences biologiques. Mais les chimistes ne tardèrent pas à manifester la prétention dangereuse, selon les médecins, de créer par leurs analyses uneno- sographie spéciale. Les cliniciens alarmés crurent devoir s'opposer à cette invasion de ce qu'ils appelaient la chimiâtrie. Les beaux ré- sultats obtenus par MM. Andral et Gavarret furent impuissants, en France du moins, à conjurer la défaveur pour les sciences physico- chimiques. Notre regretté maître, Alf. Becquerel, était le seul médecin des hôpitaux, il y a une douzaine d'années, qui fit une application journalière de ces sciences à l'enseignement pratique. La chimie pa- thologique était non-seulement négligée parmi nous, mais elle était frappée d'une sorte de réprobation parles cliniciens purs. Au lieu de nous encourager dans cette voie, aujourd'hui si fructueusement ex- plorée, beaucoup de nos maîtres ne négligeaient rien pour nous en détourner. Ils pensaient que les analyses des humeurs étaient inutiles pour les progrès de la clinique, et que les recherches sur l'hygiène des hôpitaux ne pouvaient que nuire à ceux qui les faisaient sans être utiles à ceux qui en étaient victimes. Aucune de ces craintes ne s'est heureusement réahsée. Les analyses chimiques ont porté leur fruit, l'hygiène des hôpitaux a été progressivement améliorée, et les cri- tiques que nous avons publiées en 1862 (Gazette des hôpitaux, n' 17, 21, 26, 32, et Thèse 1863) avec des preuves incontestables à l'appui, seraient aujourd'hui hors de propos, car une nouvelle or- ganisation a remplacé l'ancienne : preuve que tout n'était pas alors pour le mieux comme le prétendaient les satisfaits. Les satisfaits invoquent encore l'exemple de Sydenham en faveur de la médecine traditionnelle! Sydenham, disent-ils, fut un grand mé- decin sans microscope, sans physique, sans chimie! Certainement que Sydenham fut un grand observateur, personne ne le conteste, bien que sa méthode n'ait pas été exempte de fantaisie. C'est parce que la phy- sique était encore dans une enfance improductive que l'Hippocrate an- glais ne soupçonna même pas les avantages que la clinique retirerait un jour de l'auscultation et de la percussion, moyens d'exploration que tout physicien instruit découvrirait aujourd'hui dès les premières 151 années de ses études médicales! C'est parce que les belles lois de l'analyse et de la synthèse n'avaient pas été découvertes, que Sy- denham et ses successeurs immédiats n'eurent jamais qu'une idée vague et mal formulée sur le diabète, les hydropisies, la goutte, etc. Qui oserait contester aujourd'hui que les connaissances si précises que nous avons sur ces divers états pathologiques, et dont il serait superflu de justifier Futilité pratique, ne soient le fruit des progrès des sciences physico-chimiques appliquées à la biologie? — Ces sciences, heureusement pour les progrès de la médecine, ont été mieux accueillies en Allemagne et en Angleterre. Pendant que nos cliniciens éloignaient de la clinique tout ce qui n'est pas observation pure à lœil nu, tradition et empirisme, des analystes infatigables ont perfectionné les moyens d'étude et créé, en Allemagne et en Angle- terre, une doctrine médicale qui emprunte ses principales ressources d'observation aux sciences physico-chimiques. L'histologie et la chimie appliquées à la physiologie pathologique ont permis de décou- vrir des entités morbides nouvelles (Wirchow, Bennet), de préciser les altérations humorales (Frérichs, Schérer, Streiker, Neubauer et Vogel, Schottin, Reuling, Hoppe, Oppler, Al. Schmid, G. Bird, Has- sell, Beale, etc.), qui permettront à la génération présente de recon- stituer un nouvel humorisme avec des faits précis, lequel humorisme sera le complément indispensable du solidisme que la physiologie expérimentale vient de régénérer (Sée). Pendant que ces recherches étaient activement poursuivies chez nos voisins, quelques chimistes et quelques physiologistes français (Denis, Wurtz, Robin, Berthelot, Schutzenberger, etc.) suivaient iso- lément le progrès malgré l'indifl'érence des médecins. Les belles dé- couvertes de M. Cl. Bernard ayant pour ainsi dire à chaque instant besoin d'emprunter des moyens d'observation à la chimie et à la phy- sique, ont beaucoup contribué à ranimer dans l'esprit des auditeurs qui suivaient ses leçons, le goût des sciences physico-chirniques (Sée, Charcot, Yulpian, etc.). A mesure que les analyses bibliographiques (Jaccoud), les traduc- tions et, dans ces derniers temps surtout, les leçons de physiologie expérimentale de M. le professeur Sée ont vulgarisé parmi nous les travaux des Allemands et des Anglais, on s'est épris d'une admiration en quelque sorte fanatique pour ces recherches. Le courant germanique principalement a bientôt entraîné toute la 152 génération laborieuse, qui s'est empressée de contrôler et de complé- ter les assertions de nos voisins par la publication de mémoires qui ont eu, dès le principe, tous les attraits de découvertes nouvelles. Les vérifications physiques surtout ont été mises à Tordre du jour; les travaux micrographiques ont pris un nouvel essor, et notre anatomie pathologique, remarquée par l'école de Berlin, a fait en peu de temps de rapides progrès. Enfin est venue Tère des tracés spbygmogra- phiques et thermographiques. Pour les tracés sphygmiques, M. Marey n'avait pas attendu l'impulsion étrangère, et nous sommes actuelle- ment assez avancés pour qu'il nous soit permis de croire que la sphygmographie française ne sera pas encore dépassée. Les tracés thermographiques préconisés en Allemagne (Wunderlich, Thomas, Gûrgensen, etc.) jouissent en ce moment d'une grande fa- veur dans nos hôpitaux. Cette partie purement artistique des recherches physico-chimiques a séduit les observateurs français à un tel point, qu'il n'est pas de problème clinique que l'on ne cherche à résoudre par des courbes. Je ne conteste pas l'utilité de ces nota- tions, mais on peut affirmer que prises isolément, comme on le fait d'habitude, elles n'aideront jamais sérieusement à résoudre les pro- blèmes pathologiques, parce qu'on ne tient pas assez compte des di- vers produits d'excrétion qui demeurent ainsi des inconnues qu'il serait indispensable de connaître pour la construction des formules morbides. En effet, les oscillations enregistrées par les courbes ne traduisent pas les diverses formes d'une fièvre, comme on l'a dit; elles corres- pondent tantôt à la succession des crises qui jugent par l'élimination des déchets les diverses phases d'une maladie, tantôt aux intermit- tences des fonctions de l'organisme. Lorsqu'on prend la température d'un varioleux, par exemple, et que l'on note 41% on n'a pas le droit de conclure que les combustions organiques sont très-actives, car souvent cette élévation de la température n'est pas en rapport avec le poids des produits de la désassimilation, source incontestable de l'excédant de chaleur dans l'état morbide. — L'examen des fonctions de la peau peut parfois rendre compte de cette espèce d'ataxie. Quand la peau est sèche, que la chaleur est acre et mordicante, le thermo- mètre accuse une élévation plus considérable de température que lorsque la peau est halitueuse, parce que la chaleur animale n'est pas absorbée par l'évaporation sudorale, et que peut-être aussi sou pou- ir)3 voir rayonnant est modilié. Il faut bien savoir également que les os- cillations des lignes thermographiques ne s'expliquent pas seulement par Faction réfrigérante des sueurs, mais aussi par la mise en acti- vité de certaines fonctions physiologiques qui, pour se produire, ab- sorbent des quantités très-variables de calorique; le spasme des éléments contractiles de la peau et les crampes des muscles donnent parfois la raison mécanique incontestable du refroidissement péri- phérique chez les cholériques. Chez ces malades, la périphérie du corps se réchauffe de suite après la mort, parce que la chaleur em- ployée à produire certaines fonctions devient rayonnante après la cessation de ces fonctions. Tous ces faits trouvent leur explication dans la théorie dynamique de lachaleurappliquéeaux différentes espècesde mouvements (Tindall, GavarretjOnimus). — Lorsque l'on applique le thermomètre sur un membre sans cesse agitépar le tremblement mercuriel, on constate un abaissement de température, une certaine quantité de chaleur se trans- forme en mouvement comme dans les machines ordinaires. Mais Ifes mouvements de translation ne sont pas les seuls qui se passent dans les éléments anatomiques, on y observe aussi les mouvements molé- culaires de la nutrition : ces derniers sont à la fois les producteurs et les absorbants du calorique, la cause et l'effet des actes de la vie (Onimus). C'est en ne tenant pas compte de ces phénomènes qu'il n'est plus possible de nier, que l'on a pu affirmer sur la foi des tra- cés que la température dans les fièvres augmente jusqu'à la mort. L'observation chimique nous démontre que les oxydations organi- ques diminuent à mesure que la vitalité s'alfaiblit; les appréciations thermométriques ne peuvent nous donner la mesure du cnloriqne dé- veloppé dans l'organisme, et l'élévation de la température in extremis ne peutexprimer que le ralentissement progressif des fonctions (ady- namie), qui meten liberté une plus fortequantité de chaleur. L'étude des sécrétions dans les différentes périodes des maladies gravesdonne pleinement raison à cette théorie. Cette même étude démontre aussi que la défervescence n'est pas toujours l'indice d'une oxydation moins active des tissus, elle correspond parfois au rétablissement de fonctions troublées ou supprimées : l'organisme continue dans ces cas à brûler avec la même intensité, mais il utilise une plus forte somme de la chaleur produite. Dans ces cas, le pouls conserve une fréquence qui n'est plus en 154 rapport avec rabaissement de la température, et la dénutrition con- tinue à être active comme on peut en juger par le chiffre de l'urée qui reste bien au-dessus de la moyenne, bien que les malades soient tenus à la diète. J'ai principalement observé ce phénomène au commencement de la convalescence des fièvres typhoïdes graves, à cette période où les malades maigrissent rapidement, comme si l'organisme, avant de commencer à réparer ses pertes, avait besoin de déblayer les élé- ments altérés pendant la maladie. A cette période, en effet, on con- state une recrudescence dans la désassimilation sous l'influence du rétablissement des fonctions qui président à la nutrition. La mise en activité de ce mouvement moléculaire rend compte de l'abaisse- ment de la température, tandis que l'analyse des sécrétions démontre qu'il se produit une plus forte quantité de chaleur que ne semble l'indiquer le thermomètre. On observe le phénomène inverse chez certaines femmes en cou- ches qui n'allaitent pas. Il n'est pas rare de noter chez ces femmes, six ou sept jours après l'accouchement, une accélération énorme du pouls (130 !) et une élévation très-appréciable de la température, sans augmentation proportionnelle des déchets organiques; l'urée est au contraire plutôt au-dessous de la moyenne physiologique. Si Tonne tient compte que des constatations physiques, on peut croire en pareil cas avoir affaire à une véritable fièvre, tandis que l'examen chimique des sécrétions permet d'affirmer que la somme du calorique produit n'est pas augmentée. Il est donc rationnel de penser que l'élévation de la température est le résultat du ralentissement ou du repos momen- tané de certaines fonctions, qu'une partie de la force qui préside aux fonctions est mise en liberté et s'accuse par un rayonnement plus considérable de la chaleur normale. Ici l'élévation de la température et l'accélération du pouls ne traduisent en réalité qu"une pseudo- fièvre, car le véritable état fébrile équivaut à une suroxydalion de forganisme. Ces exemples prouvent que cette espèce de balancement dans les troubles fonctionnels de l'économie ne peut être justement inter- prétée d'après les investigations physiques 5«f/e5, qu'il faut de toute nécessité que les recherches chimiques interviennent concurremment pour apprécier les déchets, sous peine de ne rien comprendre aux anomalies des tracés et à l'état des forces dans les maladies. Tous les progressistes reconnaissent TiUilité de cette intervention de la chimie; cependant ces recherches trouveront encore des ob- stacles pratiques même parmi les représentants les plus actifs des sciences physico-chimiques. Cette lenteur dans les applications delà chimie à la clinique tient à plusieurs causes : d'abord à ce que notre enseignement des sciences que l'on nomme à tort accessoires puis- qu'elles se trouvent être fondamentales, n'est pas organisé pour ini- tier à la pratiqué des manipulations; en second lieu, parce que les médecins ne sont pas assez chimistes pour pouvoir bien diriger leurs analyses et les chimistes assez médecins pour pouvoir imprimer à leurs travaux une direction utile à la physiologie pathologique et à la thérapeutique expérimentale ; il en sera ainsi tant que les observateurs ne sauront pas apprécier la nature des déchets dans chaque état morbide, et les modifications que les diverses indications apportentdansles échanges moléculaires de l'organisme. Par quel autre moyen pourrait-on interpréter, par exemple, les oscillations des tracés thérapeutiques, sous l'influence des fébrifuges tels que le sulfate de quinine, les préparations arsenicales? L'histologie pathologique ne comblera ses lacunes que parle con- cours de la chimie. On ajoute une extrême importance à l'étude mi- nutieuse des produits morbides qui sont le caractère absolu de Fin- curabilité. On donne à la constatation de chaque variante de forme de ces produits les proportions d'autant de découvertes. Rien de mieux ; ces constatations physiques sont des conquêtes utiles, on ne saurait le contester; mais il nous semble qu'il ne serait pas moins Important d'enregistrer rigoureusement la composition des humeurs à toutes les périodes des maladies appelées organiques, pour com- prendre comment la lésion d'abord localisée trouble successivement toutes les fonctions et conduit à la cachexie. L'observation clinique de chaque jour ne nous démontre-t-elle pas que les néoplasies n'altèrent la santé générale qu'à la période de leur dégénérescence? L'analyse chimique permet à ce moment de constater une altération profonde du plasma sanguin, et l'on peut affirmer aujourd'hui que cette altération débute par une véritable métastase (Virchow), c'est-à-dire par le passage et le transport dans le torrent circulatoire de quelques-uns des produits de cette dégéné- rescence qui vont successivement troubler les fonctions des divers éléments anatomiques. Alors les déchets résultant des troubles fonc- 156 tionnels viennent encore concourir à la vicialion des humeur?, et l'économie ne tarde pas à être généralement infectée, parce que les crises sont insuffisantes à produire la dépuration. Voilà comment l'altération des liquides succède à l'altération des solides et se montre bientôt incontestablement prépondérante. Les détracteurs de l'humorisme moderne accusent les hématolo- gistes de n'apporter par leurs recherches chimiques aucun éclaircis- sement à la question des infections virulentes et miasmatiques. 11 suffit de répondre à ces accusateurs qu'ils ont une fausse notion des virus et des infectieux. Les infectieux sont impondérables, comme le froid; ils ne modi- fient pas directement la composition des humeurs; ils commencent par agir sur les actes moléculaires de la nutrition, les uns par actions réflexes, c'est-à-dire par l'intermédiaire du système nerveux, les autres par leur contact immédiat. Cette première action se fait à bas bruit, d'une manière latente , c'est la période d'incubation. Mais ces actes moléculaires amènent pou à peu dans le torrent cir- culatoire des déchets qui s'y accumulent, et, comme nous l'établirons expérimentalement, les premiers troubles fonctionnels, c'est-à-dire les prodromes se manifestent dès que le sang n'a plus une composi- tion compatible avec ses fonctions normales de milieu, à la fois nu- tritif et excitateur. Ces troubles tendent à produire des crises qui dépurent le sang par la mise en activité des divers émonctoires. Quand la crise produit rapidement et complètement la dépuration, la santé se rétablit après un accès critique (fièvre intermittente); quand la crise est impuissante à produire cette dépuration, l'état morbide continue pendant un temps qui varie avec chaque maladie (fièvres continues), et si la crise reste toujours insuffisante, la vita- lité des organes s'affaiblit et cesse après une lutte plus ou moins longue (rage). Il est des infectieux qui persistent indéfiniment dans l'économie et produisent des séries régulières de troubles nutritifs (infectieux paludéens, syphilitiques); il en est d'autres qui ne produisent qu'une seule série de perturbations violentes, et perdent temporairement ou définitivement la propriété d'influencer les solides ou les liquides de l'organisme (fièvre typhoïde, fièvres éruptives). On ne peut donc apprécier les infectieux que par leurs effets sur 157 les organes, mais un peut les apprécier sûrement par l'intermédiaire lie l'organisme qui est le réactif fidèle de toutes les impressions mor- bigènes. Que l'on se garde bien de croire que toutes les impressions morbi- gènes (froid infectieux, etc.) produisent les mêmes altérations hu- morales ! Chaque impression produit ses déchets variables avec les tissus, chaque espèce de déchets provoque ses troubles fonctionnels, el chaque trouble des fonctions met en activité ses émoncloires pour dépurer les humeurs. C'est parce qu'on ne tient pas compte de toutes ces circonstances que la doctrine de l'humorisme moderne^ quoique basée sur des faits scientifiquement établis, trouve tant de résis- tance. Cependant des analyses nombreuses donnent l'assurance que les recherches cliniques auraient un grand avantage à s'engager ré- solument dans cette voie. Les hématologistes ont soigneusement étudié la fibrine, l'albu- mine, les hématies ; ce que je pourrais ajouter en ce moment à leurs publications aurait peu d'intérêt. Je dois dire cependant que l'étude de ces trois principes laisse encore à désirer sous beaucoup de rap- ports. J'aurai l'occasion de parler ailleurs de leurs altérations : de l'albumine, à propos de mes recherches sur le choléra; de la fibrine, dans un travail sur l'hypérinose, et des hématies, dans des recherches sur la réfringence des humeurs normales et pathologiques au moyen du spectromètre. — Dans la présente note, il ne sera question que des altérations des humeurs (urine et sang) par les matières dites extrac tives. I. Les chimistes ont donné le nom générique de matières extractives à un groupe de substances cristalloïdes et colloïdes qu'ils dosaient d'abord en masse dans les analyses des humeurs de l'organisme. Lors- qu'on eut compris que, pour bien apprécier les phénomènes physio- logiques et morbides qui s'opèrent dans les tissus, il était nécessaire de mieux connaître la composition atomique des déchets, on tenta avec succès l'isolement de chacun de ces produits (1). (1) Voir pour les détails : la Chimie anatomique, par Ch. Robin et Verdeil, Paris, 1853; — les Leçons sur la cliimie animale^ par VV. Od- ling, Londres, 1866; — les Leçons sur les humeurs^ par Ch. Robin, Pans, 1867. 158 Dans cette note, les matières extractives désigneront, soit dans l'urine, soit dans le sang, l'ensemble des principes solubles dans Cal- cooL absolu^ à l'exception de l'urée. Les matières extractives des urines ont peu fixé l'attention des observateurs. Tous sans exception, depuis Becquerel et Rodier, Bird, Parkers, Hassell, jusqu'à Beale, Neubauer et Vogel, Robin, etc., pen- sent avec raison que ces matières, très-variables dans les divers états morbides, n'ont pas encore de signification précise en patho- logie. Il n'en est pas de même des matières extractives du sang; Schot- tiu, Scherer et Hoppe ayant constaté un excès de ces matières dans le sang des albuminuriques, ont opposé à la théorie de Wilson (ex- cès d'urée dans le sang) et à celle de Frerichs (ammoniémie) une théorie nouvelle par laquelle ils ont rattaché les accidents cérébraux urémiques à la dépuration imparfaite du sang -par les urines. Cette dernière théorie aura toujours sur les précédentes Favan- tage de reposer sur un fait incontestable. L'excès des matières ex- tractives dans le sang, dont parle Schottin, est un fait constant, non- seulement dans l'albuminurie, mais dans toutes les maladies qui retentissent sur l'organisme entier; tandis que l'accumulation de l'urée dans cette humeur, chez les urémiques, est tout au plus une exception fort rare, puisque, dans une dizaine d'analyses, j'ai con- stamment trouvé l'urée diminuée dans le sang et dans les urines. Les trois observations de Parkers, de Schottin et de Mosler, citées par M. Jaccoud (clinique de la Charité) dans lesquelles l'encéphalopathie urémique coïncidait avec un excès d'urée dans les urines (27; 26,26; 40,2 grammes en vingt-quatre heures) ne peuvent être interprétées que par une compUcation ou une augmentation proportionnelle des matières extractives, ce qui n'est pas indiqué. Relativement à cette question, on peut affirmer, règle générale : 1° que, pendant l'attaque dite urémique, l'urée diminue paraUèle- ment dans le sang et dans l'urine ; 2° qu'après l'attaque l'urée aug- mente parallèmentdans le sang et dans l'urine, sans jamais descendre jusqu'aux limites inférieures de l'état physiologique ; dans l'albuminu- rie, en un mot, les combustions organiques sont à tel point ralenties, qu'il se fait toujours moins d'urée qu'à l'état normal, eu dehors, cela s'entend, de toute complication. Un nombre considérable d'analyses m'ont permis de découvrir un 159 rapport à peu près constant entre le chiffre de l'urée retenue dans le sang, et celui de ce même produit éliminé par les reins. Ce rap- port est exprimé en centièmes, c'est-à-dire qu'il y a en moyenne autant de centigrammes d'urée dans 1,000 grammes de sang que de grammes de ce même déchet dans 1,000 grammes d'urine. Cette re- lation existe à l'état morbide comme à l'état sain. Dans ce dernier état, en effet, j'ai trouvé pour moyenne 0,18 d'urée pour 1,000 grammes de sang et 18 grammes durée pour la même quantité d'urine. Chez les albuminuriques, dans l'intervalle des attaques, l'urée va- rie de 9 à 12 grammes p. 1,000 dans l'urine, et de 0,09 à 0,12 p. 1,000 dans le sang. Pendant l'attaque éclamptique, ces quantités sont modifiées sans changer de rapport. Ainsi, lorsque l'on sonde le malade pendant l'accès, on constate que l'urée des urines diminue à mesure que l'on s'éloigne du commencement de la crise, et que le chiffre varie de 4 à 7 grammes p. 1,000 ; si l'on fait en même temps une petite saignée de 20 grammes sur l'une des veines superficielles de l'avant-bras, on peut s'assurer facilement que l'urée est en petite quantité dans le sang, à tel point que pour doser l'urée dans ces cas, il faut opérer sur 60 grammes environ de sang, tandis qu'à l'état normal, 20 gram- mes de ce liquide permettent d'extraire de 9 à 12 milligrammes de nitrate d'urée, quantité aisément pondérable. On constate par ce moyen que l'urée du sang varie de 0,04 à 0,07 pendant l'attaque éclamptique. Les chiffres ne sont pas toujours exprimés avec cette exactitude proportionnelle; mais dans ce résumé, je reste dans la vérité des faits en traduisant les résultats généraux par des chiffres ronds. Ces recherches prouvent une fois de plus que c'est pendant les ac- cidents réputés urémiques que le sang est le moins chargé d'urée. Cette coïncidence paraît facile à interpréter. Lorsque l'innervation des tissus est profondément troublée pendant l'attaque, la désassimi- lation peut être modifiée au point qu'il ne se produise que peu ou pas d'urée dans l'organisme. Mais l'élimination par les reins de l'urée déjà formée, ou de la petite quantité qui se forme, n'étant pas sup- primée, il en résulte que, pendant l'accès, le sang se débarrasse pro- gressivement de ce produit, et Ton comprend sa diminution paral- lèlement dans les deux humeurs. L'assertion que l'abaissement du i60 chiffre de l'urée dans les urines était dû à la rétention de ce produit dans le sang était une supposition toute gratuite. Il se passe ici l'in- verse de ce que l'on observe dans le choléra. Dans la première période de cette maladie, l'urée se forme en assez grande abondance dans les tissus (1), mais les reins n'excrétant plus d'urine, l'urée s'accumule dans le sang, et dans quelques analyses, j'ai trouvé que son chiffre pouvait atteindre 4 grammes par 1,000. Il est bon de remarquer que cette accumulation énorme d'urée dans le sang des cholériques est une expérience naturelle qui prouve qu'un excès d'urée dans le sang ne détermine pas l'éclampsie. Des expériences personnelles, faites avec le plus grand soin, m'au- torisent à partager l'opinion de ceux qui nient la réalité de la trans- formation dans le sang de l'urée en carbonate d'ammoniaque. Lors- que je me suis mis complètement à l'abri des causes d'erreurs, je n'ai jamais constaté la présence de ce composé ni dans Pair expiré ni dans le sang. MM. A. Ollivier et G. Bergeron, dans une note de leur traduc- tion de S. Beale, aflirment n'avoir pas été plus heureux. Le carbonate d'ammoniaque n'a été trouvé dans les urines fraîches que dans certaines affections organiques du foie (Graves, A. Becque- rel). Le même fait, que je sache, n'a pas été démontré dans l'albumi- nurie proprement dite. M. Jaccoud qui, dans ses leçons, admet les théories de Frerichs et de Schottin, qu'il a le premier bien fait con- naître en France, déclare n'être pas parvenu à constater lui-même la présence du carbonate d'ammoniaque dans l'air expiré en se servant du papier d'hématoxyline. A cet égard il me semble que les faits sont assez précis actuellement pour que l'on puisse aftirmer que ces théories de l'urémie proprement dite (Wilson) et l'amnioniémie (Fre- richs) ne reposaient que sur des hypothèses rationnelles ou sur des (1) Depuis la lecture de ce travail, M. le professeur Primavera (de Naples) a repris la question de la formation de l'urée par le rein {Chi- mie clinique. Naples, 1868). Ce savant expérimentateur conteste la préformation de l'urée dans les tissus, déjà attaquée par Oppler, et donne à l'appui de son opinion des preuves sérieuses qui ont ébranlé mes convictions. Ce qu'il y a de particulier dans la discussion de M. Pri- mavera, c'est qu'il invoque précisément mes analyses à l'appui de ses démonstrations. Il eal donc nécessaire de reprendre ces études sur le terrain où vient de les placer le savant médecin italien. 161 exceptions inexpliquées qui ne s'oiïriraicnt que rarement aux ob- servateurs. J'ai cru devoir formuler ici les conclusions de mes recherches sur ces théories, parce qu'elles comptent encore beaucoup d'adhérents, qui ont négligé de contrôler les analyses, malgré les justes critiques dont elles ont été l'objet. Flint lui-même [Leçons su?' les humeurs, par Ch. Robin) s'exprime ainsi : « De même que l'accumulation de Turée dans \v. sang lue avec les symptômes que l'on désigne sous le nom dhirémie, de même l'ac- cumulation de la cholestériue dans ce liquide constitue la cholesté- rémie que l'on observe, par exemple dans l'ictère grave. » Des analyses nombreuses me permettent de résumer ainsi mes recherches à l'égard de l'urémie classique : 1" l'urée ne s'accumule pas dans le sang des albuminuriques, ni dans l'intervalle, ni pen- dant l'attaque éclamptique; 2» l'accumulation de l'urée dans le sang est un phénomène très-rare, ne s'observant bien que chez les cholé- riques, tant que dure la suppression des urines; 3° aucune analyse positive n'a démontré jusqu'ici la décomposition de l'urée en carbo- nate d'ammoniaque dans le sang même. Nous allons voir, au contraire, que loin d'être un principe nuisible dont l'économie aurait hâte de se débarrasser comme d'un poison, l'urée est un diurétique naturel (1) favorisant l'élimination par les émonctoires, d'autres déchets moins inoffensifs qui, mélangés au sang dans certaines proportions, sont capables de produire des trou- bles fonctionnels variés et notamment les accidents désignés à tort sous le nom ^urémie. Autant les assertions de Wilson et de Frerichs sur l'urémie sont en opposition avec les résultats fournis par mes expériences, autant Tacholie de ce dernier auteur et la cholestérémie de Flint sont con- formes à ce que j'ai constamment observé. Je reprocherai à ces deux théories d'être trop restreintes et d'at- tribuer aux acides biliaires et à la cholestérine des accidents que peut déterminer l'accumulation dans le sang d'un grand nombre (1) M. Gallois a vu dans ses expériences que l'urée administrée par l'estomac ressort intacte p:ir les urines comme le nitrate de potasse, mais que si l'on exagère la dose au delà de certaines limites, variables avec le poids de l'animal, on peut produire des effets toxiques. MÉM. Il 162 d'autres produits destinés à être éliminés, non pas seulement par les reins, mais par tous les émonctoires de l'organisme. La périphrase d'insuffisance rénale (Jaccoud) ne donne pas à l'uré- mie sa signification complète, car la dépuration suffisante du sang ne peut pas s'effectuer par les reins seuls, comme le démontre la néces- sité des crises par d'autres émonctoires, tels que le flux intestinal dans certaines fièvres continues, le stade de sueurs dans les fièvi-es intermittentes, les éruptions exantliématiques et énanthémaliqucs dans les fièvres éruptives. Il existe pour ces dernières fièvres surtout des particularités in- téressantes. Ainsi, pour la variole modifiée ou non modifiée, on peut affirmer que l'éruption exantbématique est la véritable crise qui élimine les déchets produits par le virus variolique ; aussi il n'existe pas de variole frustre. La variole qui n'est \)SiS jugée par fexan thème est maligne et se termine par la mort. Dès que l'éruption s'est faite, au contraire, la fièvre s'apaise, les accidents généraux s'amendent, parce que le sang est épuré en grande partie par fexanthème, jus- qu'au moment où la résorption du contenu des pustules vicie secon- dairement le sang et provoque la fièvre dite de suppuration. Il n'en est pas de même de la scarlatine et de la rougeole : l'énanthème et l'uropoièse peuvent les juger; aussi les accidents généraux sont moins influencés par l'exanthème, parce que la dépuration se fait surtout par d'autres émonctoires (scarlatine et rougeole sans érup- tions cutanées). Ces différences cliniques auront leur explication dans le résumé de nos analyses. Des phénomènes, absolument comparables à l'encéphalopathie uré- mique, peuvent s'observer en dehors de l'insuffisance rénale, car l'insuffisance de l'uropoièse ne saurait être invoquée quand les reins sont parfaitement sains et fonctionnent normalement. Jai observé, il y a quelques jours, dans le service de M. le profes- seur Sée (laboratoire de Beaujon), une femme qui présentait tous les symptômes de l'encéphalopathie urémique, moins falbuminurie. Cette femme avait un cancer de l'utérus. Ses urines, analysées avec soin, donnèrent en moyenne les résultats que voici : Albumine 0. Urée 9,60 pour 1 ,000 gr. d'urine. Matières extractives. 20,40 id. On peut affirmer, dans ce cas comme dans bien d'autres, que j'ai 163 observés et ({ue l'un observe journellement, sans|y prendre garde, toutes les fois que l'albuminurie fait défaut, que les reins remplis- saient exactement leurs fonctions. Ces organes ne peuvent éliminer que l'urée préformée dans le sang; la diminution de ce produit, dans le cas présent, indique tout au plus rinsuflisance des oxydations organiques. L'augmentation consi- dérable des matières extractives relativement au chiffre de l'urée nous semble confirmer ce même fait. J'ai déjà dit que, dans l'état normal, le chiffre des matières extrac- tives des urines est à peine inférieur à celui de Turée ( : : 17 : 18). Dans lobservation que je viens de citer, ces matières sont représen- tées par un chiffre plus que double. Bien que l'analyse du sang nait pas été faite chez cette malade, d'après des relations fournies par d'autres analyses, relations qui sont pour moi, en quelque sorte, des lois de diffusion, je puis rationnellement admettre que le chiffre des matières extractives retenues dans le sang n'est pas inférieur à celui des matières excrétées par les urines quand il dépasse celui de l'urée. En effet, un excès d'urée favorise l'élimination de ces déchets que je vais étudier collectivement; mais lorsque l'urée est en moins grande quantité que ces matières, j'ai trouvé, règle générale, le même chiffre de ces dernières dans le sang et dans les urines. II. Avant de pousser plus loin ces interprétations, je dois indiquer comment par induction j'ai été conduit à entreprendre les séries d'expériences qui ont servi de prémisses aux conclusions de cette note. En 1862 (service de M. Matice), j'entrepris des recherches sur les sécrétions morbides en général. J'avais surtout pour but de compa- rer cUniquement les troubles de sécrétion dans les fièvres et dans les phlegmasies. Mes premières analyses eurent pour objet les urines dans la fièvre typhoïde. Après avoir constaté une augmen- tation parallèle des matières extractives et de Turée, je fus égale- ment frappé de la diminution subite et passagère que subissait l'urée dans certains cas de cette fièvre à formes graves (adynamique et ataxique). Comme cette diminution de l'urée coïncidait souvent avec iC4 une augmentation de la diarrhée, je supposais que l'urée était élinii- néo, sans doute, par une autre voie que les reins. Je cherchais ce principe dans les matières diarrhéiques, et je constatai, en effet, de faibles quantités d'urée (nitrate d'urée) dans ces déjections. Bientôt de nouvelles analyses me démontrèrent que l'urée pouvait Laisser dans les urines sans augmentation concomitante de la diar- rhée, et de plus, que les déjections contenaient de petites quantités d'urée, lors même que ce corps était en excès dans les urines. Ayant observé le même fait dans tous les états typhoïdes, il était naturel de penser que dans ladynamie les combustions organiques étaient par fois insuffisantes pour transformer la plus grande partie des déchets en urée, et qu'il se faisait alors des produits intermédiaires repré- sentés par les matières extractives des urines. Cette supposition était rationnelle, car ces modifications de Turo- poièse correspondaient habituellement à une aggravation des étals organiques et des troubles fonctionnels. Je m"aperçus bientôt qu'il était impossible d'admettre dans les urines la substitution pure et simple des matières extractives à lu- rée. Des dosages précis vinrent me démontrer que ces matières suivaient les mêmes lluctuations que l'urée. Ainsi une première ana- lyse des urines dans la fièvre typhoïde m'avait donné : Urée 35 grammes p. 1,000 i:ramiiies. Matières extractives 22 — — — Une nouvelle analyse donna : Urée 15 — _ _. Matières extractives.... 18 — — — La quantité d'urine rendue en vingt-quatre heures était la môme, 850 grammes; mais les phénomènes nerveux s'étaient aggravés. Ce fut alors que sans connaître les travaux de Schottin, de Reuiing, de Hoppe et de Oppler, sur l'accumulation des matières extractives dans le sang des urémiqnes, je pensai qu il était important de s'assurer si l'urée et ces matières n'étaient pas retenues dans le sang, non- seulement des albuminuriques, mais de tous les malades, avec des symptômes graves du côté du système nerveux. La difficulté d'obtenir du sang en quantité suffisante pour faire ces analyses par les procédés classiques, chez des malades où les énns- sions sanguines étaient contre-indiquées, fut pendant longtemps un ic.r, obstacle à ce genre de recherches. Celle difliculté fat en partie levée le jour où je fus convaincu qu'un dosage en masse de ces matières ex- Iractives sunisait pour servir de base à un premier travail, et que je fus arrivé à pouvoir doser Tuiée du sang et des urines avec quel- ques grammes de liquide. Cette modification des analyses, qui n'a dinédit que le tour de main, a bien son importance pratique; elle permet, dans toutes les circonstances, de pouvoir se procurer une quantité suffisante des diverses humeurs organiques, et l'on com- prend les services que peut rendre cette méthode d'investigation, non-seulement à la pathologie, mais surtout à la thérapeutique. En effet, pour pouvoir apprécier toute l'action d'un médicament, il ne suffit pas d'étudier ses eff'ets directs sur les difierentes espèces d'éléments anatomiques , c'est-à-dire ses effets physiologiques primitifs, il faut de plus pouvoir apprécier ses conditions et ses voies d'élimination, et surtout les modifications consécutives qu'il produit sur la nutrition des divers tissus. Ce dernier elTet ne peut être connu que par l'analyse qualitative et quantitative des déchets. Un exemple formulera mieux notie pensée : lalcool qui ralentit la combustion des tissus est un agent ^'épargne nutritif, mais il est de plus un éliminateur des matières extractives, comme nous le démontrerons. Dans ces analyses du sang, je pouvais négliger les recherches relatives aux globules, à la plasmine, à la fibrine, c'est- à-dire, aux principes qui sont surtout modifiés par la nutrition, car les hématologistes ont en quelque sorte épuisé ce sujet dans toutes les espèces morbides. Si les globules paraissent physiquement altérés dans quelques maladies générales, ces altérations peuvent être consécutives aux modifications de la crase du plasma qui chan- gent dès lors les conditions d'endosmose et d'exosmose entre les hé- maties et le sérum. Ces recherches devaient donc porter sur les vingt et quelque?, principes qui peuvent être isolés dans le sérum à titre de déchets • de la dénutrition physiologique ou morbide. Je résolus d'en faire le dosage comparatif et en masse dans le sang et dans les urines. Je re- connais l'insuffisance de ce dosage restreint; mais il était important, je le répète, d'avoir un fait général, expérimentalement démontré pour servir de base à ces études humorales. Depuis deux ans j'ai profité de toutes les occasions qui se sont of- fertes pour étudier comparativement les matières extractives dans ir.r, le sang et les urines des liévreux, des albuniiiiuriqiies et des cholé- riques. Pour la fièvre éphémère, j'ai analysé le sang de jeunes chiens prématurément alimentés, afin de simuler expérimentalement la fièvre gastrique. Je ne donnerai qu'un tableau synoptique, en quel- que sorte, des principaux résultats obtenus. Fièvre typhoïde. — Voici une analyse type de cette maladie : Urée 30 gr. pour 1,000 gr. d'urine. Matières extractives. 21 — — Matières extractives. 13 gr. pour 1,000 gr. de sang. Ces chiffres, dans la fièvre typhoïde, sont sujets à des variations que je vais indiquer en citant deux analyses fournies par le même malade, qui succomba au milieu d'accidents ataxiques deux jours après la seconde de ces analyses : L'urée tomba de 32 à 15 gr. p, 1,000 gr. d'urine. Les matières extractives de. 23 à 17 — — Dans le sang, les matières extractives montèrent : De 19 à 25 pour 1,000 gr. C'est l'étude comparée de ces deux analyses et d'autres cas sem- blables qui m'a fait admettre que l'urée est un diurétique naturel, favorisant l'élimination des diverses matières extractives : dans cette observation, l'urée ne s'accumulait pas dans le sang, tandis que les matières extractives y étaient représentées par un chiffre d'autan t plus élevé qu'il se produisait moins d'urée dans l'économie. Les deux analyses qui suivent me portent à croire que l'alcool, comme l'urée, favorise l'élimination des matières extractives du sang par les urines. Le 2 octobre 1867, j'eus à donner des soins à une malade de la ville, atteinte de fièvre dite puerpérale et sortie la veille de la Ma- ternité. Désirant connaître les altérations du sérum chez cette ma- lade, je fis, sur une veine superficielle de l'avant-bras, une saignée insignifiante de 15 grammes de sang. Je trouvai pour le sang : Matières extractives. . . . 13,60 pour 1,000 gr. El pour les urines : Matières extraclives. . . . 23,15 pour 1,000 gr. Urée 38 167 La malade rendait environ 700 grammes d'urine en vingt-quatre heures. Je la soumis à un traitement alcoolique à haute dose (cognac, vin de Malaga) ; les signes de l'infection purulente suivaient lentement leur marche progressive. Le 4, l'analyse des urines donna le tableau suivant : Urée 24 gr. pour 1,000 gr. d'urine Matières extractives. .18 — — L'alcool fut maintenu à haute dose et les symptômes adynamiques s'étaient amendés. Le 7 au soir, j'avais la modification suivante sur le tableau des urines : Urée 16,40 pour 1,000 gr. Matières extractives. . 20,75 — Cette marche inverse du chiffre des matières extractives et de l'urée (diminution de l'urée et augmentation des matières extrac- tives) est tellement conforme à deux actions physiologiques connues de l'alcool (diminution de la dénutrition et par cela même des dé- chets), et si manifestement en désaccord avec ce qui se passe le plus habituellement, que je me crois autorisé à admettre, jusqu'à preuve du contraire, que, dans le cas que je viens de citer, les alcooliques ont agi comme diurétiques dans la véritable acception du mot; ils ont favorisé l'élimination par les urines des matières extractives re- tenues en excès dans le sang; ils ont, en quelque sorte, remplacé l'urée dont Félimination entraîne hors de l'organisme une quantité proportionnelle de ces matières. Aussi, lorsque la diminution de l'urée dans l'urine coïncide avec une aggravation des symptômes, il ne faut pas songer à une rétention de l'urée dans le sang, mais à une accumulation des matières extractives, par le fait même d'une insuf- fisance de la formation de l'urée, véritable diurétique formé par l'or ganisme. — La malade en question rendait à peu près la même quantité d'urine en vingt-quatre heures, c'est-à-dire 700 grammes : elle ne mourut que le 13 octobre, après des améliorations et des ag- gravations successives. Variole. — Mes recherches n'ont porté que sur des varioles modi- fiées, mais le nombre des analyses est déjà considérable. Dans trois cas j"ai fait l'analyse complète des urines et pris la température pen- dant toute la durée de la maladie. Je n'ai jamais pu me procurer du sang. Malgré celte lacune, l'analyse des urines est remarquable, au point de vue de l'étude que je fais en ce moment. Il me sufiira de donner ici deux moyennes du dosage comparé de luréeet des ma- tières extractives, l'une prise le jour de l'éruption, et l'autre le jour de la convalescence confirmée. Jour de l'éruption : Urée 48,00 gr. p. 1,000 gr. d"urine. Matières extractives. 29,70 — — — La quantité d'urine rendue en vingt-quatre heures était de 380 grammes. Veille du jour de la sortie : Urée 6,20 p. 1,000 gr. Matières extractives. 7,12 — — La quantité durine rendue en vingt-quatre heures était de 1,800 grammes. En comparant les analyses d'urine de ce varioleux, on remarque de suite que, si l'on tient compte de la quantité de liquide rendue en vingt-quatre heures, l'urée et les matières extractives sont plutôt di- minuées dans la période d'état (18,24 d'urée; 11,28 de matières ex- tractives pour 380 grammes d'urines), et qu'ils sont bien au-dessous de la moyenne physiologique dans la convalescence. (11,16 d'urée; 12,81 de matières extractives pour 1,800 grammes d'urine.) C'est à la diaphorèse et à l'élimination par Vexanthème, crise natu- relle de la variole, qu'il faut demander l'explication de cet abaissement relatif du chiffre des déchets dans les urines de la période d'état. Quant aux urines de la convalescence, elles traduisent l'activité de l'assimilation à ce moment même et sont une preuve indirecte que le malade s'est fortement dénourri pendant la fièvre. J'ai comparé les urines de ces convalescents à celles des femmes qui allaitent. Chez ces dernières, les déchets sont représentés par un chiffre inférieur, ce que l'on peut expliquer, jusqu'à un certain point, par les besoins d'une fonction nouvelle qui utilise à la fois les produits de la nutri- tion et de la dénutrition (1). (1) Les urines des femmes en couches et des nourrices sont fortinté- 1 09 RoDiEOLE ET SCARLATINE. — Contrairement à ce quG nous venons (le constater pour la variole, luiée et les matières extractives aug- mentent considérablemeat dans les urines de la période d'état de ces deux fièvres. Les urines sont généralement plus abondantes que dans Il variole, ce qui prouve qu'il s'élimine moins d'eau par d'autres émonctoires, et que les crises, c'est-à-dire les éiiminalions succes- sives des déchets, s'effectuent abondamment par les reins. .rai pu doser les matières extractives du sang dans un cas de rou- geole grave. JVivais fait appliquer doux sangsues à un enfant de 5 ans pris d'une congestion pulmonaire formidable le jour où devait se faire léruption morbilleuse. Une des piqûres donnait une si grande quantité de sang, que je dus intervenir pour arrêter l'hémorrhagie. Je profitai de l'occasion pour recueillir 3 grammes de ce liquide qui coulait goutte à goutte. Ce sang, épuisé par l'alcool absolu, donne 11,45 grammes de matières extractives pour 1,000 grammes de sang. Chez ce jeune malade, l'éruption exanihémaiique se fit régulière- ment, et malgré cela, Venant hème pulmonaire fit courir de graves dangers à l'enfant, d'où nous avons conclu, d'après une série d'ob- servations et d'analyses chimiques, que la rougeole et la scarlatine ne se jugent pas comme la variole, que dans cette dernière pyrexie, l'exanthème joue un rôle dépurateur ou critique qu'aucune autre détermination organique ne peut suppléer. Albuminurie. — J'ai fait une dizaine d'analyses d'urines albuini- neuses pour contrôler les différentes théories de l'urémie. Ces ana- lyses ont porté tantôt sur des maladies de Bright primitives, tantôt sur des dégénérescences rénales consécutives à des cirrhoses et à des lésions cardiaques. J'ai déjà formulé mes résultats à ce sujet. Je donnerai comme type, tant pour les urines que pour le sang, le tableau de l'analyse suivante : Urée. 12,00 pour 1 ,000 gr. d'urine. Matières extractives. 21,99 — — — Albumine 10,35 — — — Urée environ 0,12 pour 1,000 gr. de sang. Matières extractives. 18,66 — — — ressentes au point de vue des recherches qui nous occupent en ce mo- ment. Je donnerai ailleurs le résultat d'analyses que j'ai commencées en 1863 dans le service de M. Empis, à l'hôpital de la Pitié. 170 GpttP analyse, faite le lendemain d'une attaque d'enc(iplialopathie urémique (service de M. Sée), représente une moyenne, excepté pour Falbumine des urines, généralement plus abondante. Pendant l'at- taque ce même malade avait 12 grammes d'albumine et 7,80 d'urée. Chez un autre malade du même service nous avons trouvé 31 grammes d'albumine pendant l'attaque. Choléra. — Les éléments du tableau qui suit ont été pris dans le service de M. Gubler (1866). Le sang fut retiré avec des ventouses chez un cbolérique qui délirait. Dans les urines : Urée des traces impondérables. Matières extractives. . 14 gr. pour 1,000 gr. Dans le sang : Urée , 3,60 pour 1,000 gr. de sang défibriné. Matières extractives. 19,60 — — — Quand la fonction rénale se rétablit chez les cholériques, l'urée et les matières extractives abondent bientôt dans les urines. Ainsi pre- nant au hasard une de ces analyses, je trouve dans la période de réaction le tableau suivant : Urée 28,60 pour 1,000 gr. d'urine. Matières extractives. 22,00 — — — Le malade rendait alors 700 gr. d'urine en vingt-quatre heures. Fièvre éphémère. — J'ai voulu m'assurer si ces matières aug- mentent dans les fièvres de courte durée, comme la synoque simple se répétant aux changements des saisons et à la suite de troubles di- gestifs (fièvres gastriques). Jai toujours trouvé dans ces cas un excès d'urée et d'extractifs dans les urines. N'ayant pu me procurer du sang de ces malades, j'ai remplacé cette analyse clinique par les expé- riences suivantes, qui ont une certaine valeur au point de vue de l'ahmentation prématurée des nouveau-nés : Le 19 juillet (1867) je saigne un jeune chien allaité par la mère. Je trouve 8,66 pour 1,000 de matières extractives. Ce même jour je sèvre un second chien de la même portée et je le nourris avec du lait de vache additionné de fécule. L'animal huvait très-bien, et cependant, dès le second jour, il fut pris de fièvre, le poil se hérissa et, le 21, il avait déjà maigri. L'analyse du sang me 171 donna 17 pour 1,000 pr. dcniatiùros cxtractives. Al'aiit()psi(\ !( s [ran- alioiis mésentériques étaient rouges et tuméfiés. J"ai répété cette expérience sur deux portées successives de jeunes chiens, dans un autre but, mais toujours les troubles digestifs ont amené la fièvre et un excès d'extractifs dans le sang. Si j'ajoute que ces accidents cessent lorsque le jeune chien est rendu à la mère, j'au- rai donné une explication rationnelle de l'influence de la diététique et de la tempérance sur la fièvre consécutive aux excès de table et aux mauvaises digestions. Matières extractives dans le sang normal. — On se procure plus difficilement du sang physiologique que du sang pathologique pour les analyses. Je donnerai seulement le résultat des analyses de deux saignées pour servir de terme de comparaison. La première de ces saignées fut pratiquée à la demande du malade, qui était pléthorique. Elle a donné 4,90 de matières extractives pour 1,000 gr. de sang. La seconde fut faite à un apoplectique. Le pouls était petit, battait 120 fois par minute, la face était violacée, le coma complet depuis dix heures que l'attaque avait eu lieu. Saignée de 300 grammes, mort six heures après. Le sang de la saignée contenait 6 grammes de matières extractives pour 1,000 gr. Les urines obtenues par le cathétérisme donnèrent : Urée 24 gr. pour 1,000 gr. Matières extractives. . 18,50 — Cette analyse faite au commencement de la fièvre nous permet d'assister, pour ainsi dire, au début des altérations humorales dans les maladies primitivement localisées qui se généralisent par le fait même du mélange au sang de produits qui prennent naissance dans l'altération locale. Je ferai observer en terminant ce court exposé de quelques faits, que dans ces recherches il faut toujours opérer de la même manière et avec le même échantillon d'alcool, si l'on veut avoir des résultats comparables : cette condition est plus indispensable encore que l'exactitude absolue des analyses. Ces quelques emprunts faits à mes recherches tendent à prouver que toutes les fois que les fonctions de l'organisme sont troublées, il \n existe une altération matôrielle appréciable des liquides de léco- nomie. Le terme de maladie sine maieria ne saurait être rigoureuse- ment exact dans aucun cas, pas même peut-être dans les névroses. La constatation d'un excès de matières extractives dans le sang et dans les urines n'est certainement pas une découverte nouvelle. J'ai déjà dit que Schottiri (1853), Reuliiig (1854), Hoppe (1854), Oppler (1861), Péris et Zelesky (1864), etc., auteurs dont les travaux ont été vulgarisés en Fiance principalement par les publications de M. Jac- coud, avaient successivement édifié une nouvelle tbéorie deFurémie basée sur la rétention dans le sang et dans les tissus de produits azotés insuflisamment éliminés par les reins. Deux expérimentateurs qu'on ne peut suspecter, MM. Kulne et Strauch, ont réfuté scientifiquement la tbéorie de Wilson et démon- tré l'absence du carbonate d'ammoniaque dans le sang des urémi- ques, contrairement aux affirmations de Frerichs (1). Je ne prétends pas dire que le fait avancé par Treits, c'est-à-dire la formation de sels ammoniacaux dans le tube digestif et leur passage dans le sang par absorption, soit un fait inexact; je suis, au contraire, persuadé qu'un grand nombre d'infections légères ou graves peuvent se faire par le mélange au sang de matières ayant subi la fermentation pu- tride dans les cavités de l'organisme; je conteste seulement le lait au point de vue de la pathogéuie de l'urémie. J'admets cette autotoxémie dans un grand nombre de maladies infectieuses surtout, et j'en ai parlé dans mon mémoire sur les désinfectants à propos de la désin- fection interne. De nombreuses analyses de matières fécales m'ont porté à croire que la dyspepsie, l'état de malaise, les frissons erratiques et même la fièvre qui tourmentent les personnes habituellement constipées ou sujettes à de mauvaises digestions, dépendent de l'absorption in- cessante de principes septiques provenant de la décomposition pu- tride des matières retenues dans le tube intestinal, La grande différence qui existe entre les remarquables travaux que je viens de citer et la théorie que je développe en ce moment, est que (1) Depuis cette communication, le docteur W. Rommelaere a publié sur le même sujet une étude fort remarquable [De la pathogéîiie des symptômes urémiques). Ce laborieux analyste croit aussi à la théorie des matières extractives et sa réfutation de rammoniémie est un ciief- d'œuvre d'exactitude scientifique. 173 j'applique par l'analyse à toute lu palhulogie , [jour ainsi dire, des faits qu'on s'etrorce à tort, selon moi, de restreindre à l'albuminurie. Pour bien exprimer ma pensée sur ce point de la doctrine humo- rale, quelques détails de physiologie histoîogique sont ici nécessaires. Les travaux successifs de Virchow, de Cl. Bernard, ont démontré que les éléments anatomiques qui composent les êtres vivants, vivent et se renouvellent avec une complète indépendance de l'ensemble, qu'ils ont une existence propre, que chaque espèce d'élément joue un rôle spécial dans l'accomplissement des fonctions de l'organisme, fonctions qui ne sont que l'expression collective des forces élaborées dans les divers milieux histologiques. Ces milieux, pour fonctionner, ont besoin d'opérer des échanges avec le monde extérieur, comme toute machine en activité. D'après les lois de la physique biologique (cours de M. le professeur Gavarret), on comprend le mécanisme de ces échanges à travers les membranes anhystes qui limitent pareillement les cavités des vi^is capillaires et les éléments anatomiques. Le sang porte aux éléments dos tissus les matériaux nécessaires à la nutrition, et reçoit en même temps, pour les transmettre au monde extérieur par un cou- rant inverse, les produits de la dénutrition ou déchets organiques. Les déchets sont éliminés par les émonctoires formés par des ap- pareils destinés à conserver au sang toujours la même composition. Mais le sang n'est pas un simple milieu où s'opèrent les échanges nutritifs, il est, de plus, le principal agent excitateur qui met en activité régulière les éléments histologiques. Les diverses espèces d'éléments sont alimentées et excitées d'une manière spéciale; mais il est diflicile de bien comprendre par quel artifice d'organisation sont spécialisés les échanges nutritifs et lus excitations. Ces phénomènes sont-ils dus à la disposition atomique de l'enveloppe ou à la composition moléculaire du contenu? Cela nous importe peu pour le moment, et bien que la constatation de ce fait soit d'une grande importance en théra|)eutiqae et en pathologie expérimentale pour concevoir les actions électives des médica- ments (1) et interpréter les effets de certaines inoculations morbides, (1) M. le professeur Sée, dans son cours de thérapeutique à la Fa- culté, a classé les médicdments d'après leur action sur les éléments histologiques. 17^1 pour le moment il nous sufîit détablir que les excitations incon- scientes qui font fonctionner les organes naissent directement du conflit du sang avec les éléments liistologiques. En effet, lorsque la circulation vient à s'arrêter ou même à se ra- lentir considérablement, comme dans la syncope, toutes les fonc- tions cessent progressivement; mais les éléments continuent à vivre pendant un temps plus ou moins long, en verlu de leur réserve nu- tritive et de la persistance temporaire des effets de l'excitation circu- latoire. Si la syncope se prolonge au delà d'une certaine limite, va- riable avec la résistance vitale de chaque individu, l'activité des éléments cesse, et la mort apparente de l'ensemble devieut réelle par la réalité de la mort des partiesconstituantes. Le sang vient-il à être modifié dans sa composition au lieu d'être ralenti ou interrompu dans son cours, la vie persiste, mais les fonctions qui la traduisent sont troublées. Les principes susceptibles de modifier la composition ou la crase du sang peuvent provenir de quatre sources : 1° De la métamorphose morbide de quelques-uns des principes constituants du sang; 2" De la dénutrition des tissus (métamorphose régressive ou histo- lyse), sous forme d'urée, d'acide urique, d'acide lactique, d"acide oxalique, de créatine, de créatinine, de cholestérine, de leucine, d'oléine, de margarine, de matières grasses phosphorées, etc., etc. Ces divers principes prédominent ou existent à l'exclusion les uns des autres suivant les tissus qui subissent la dénutrition ou la na- ture du processus morbide; 3° D'un état intermédiaire du pabidmn nutritif et de celui du tissu qui doit l'assimiler; 4" De la pénétration directe dans l'économie des principes morbi- gènes capables de changer les propriétés physiologiques du sang. La première de ces sources est la moins probable. Cependant M. le professeur Gh. Robin admet que les principes septiques modificiit les principes coagulables du sang, et changent ainsi la crase de ce liquide. Il me semble qu'il est plus conforme aux faits d'admettie que ces principes troublent d'abord les fonctions en modifiant par leur seule présence Vaciivité physiologique du sang, et que les dé- chets ou matières extractives qui altèrent le sérum proviennent réellement de la dénutrition des tissus En effet, lorsque les effluves 175 marématiques pénètrent dans l'organisme, les fonctions ne sont pas instantanément troublées; il commence par se faire au sein des or- ganes une dénutrition latente accusée par une élévation graduelle de la température et la concentration progressive de l'urée et Oes matières extractives dans les humeurs, concentration dont le maxi- mum est atteint au moment où le frisson commence. Après l'accès de fièvre, l'urée est progressivement descendue de 30 à 15 grammes p. 1 ,000 grammes dans les urines. L'urée ne se produit pas aux dépens des éléments du sang; la for- mation des déchets a donc précédé l'explosion des troubles fonction- nels, et ces déchets, que l'accès de fièvre élimine rapidement par les divers émonctoires, proviennent certainement de la désassimilation des tissus. La formation préalable d'un grand excès d'urée explique, jusqu'à un certain point, le jugement brusque des fièvres intermittentes. L'urée, rapidement éliminée par l'accès même que nous semble pro- voquer l'excédant des déchets, entraine avec elle une quantité pro- portionnelle de matières extractives et favorise ainsi la dépuration du sang, comme le ferait un diurétique puissant. Je ne prétends pas dire qu'une production exagérée de ce corps soit toujours un bien ; il en est ainsi seulement dans les maladies où sa formation s'arrête aux limites nécessaires pour favoriser l'expul- sion des matières extractives en excès; mais elle peut être un mal et produire tous les dangers de Vautopliagie quand les combustions or- ganiques dépassent ces limites, comme dans certaines formes du diabète. La seconde source des principes qui modifient la crase du sang n'est pas contestable. Cependant je dois ajouter que la désassimilation physiologique n'est pas toujours le point de départ de ces produits. Lesnécrobioses interstitielles (dégénérescence) qui s'opèrent au ceniru des altérations organiques ou autour de corps toxiques désoxydanls (phosphore), abandonnent au sang des principes généralement stéa- tosés, qu'on peut accuser de produire cette série de troubles fonc- tionnels qui commencent par la fièvre rémittente symptomatique, et se terminent par la cachexie. Parfois la marche de ces empoisonne- ments est plus rapide et donne de suite le spectacle de l'état typhoïde, comme on l'observe dans la cholémie et la cholestérémie (ictère grave, dernière période des dégénérescences du foie), au moment où la stéa- 17G tose phosphorée est un fait accompli (Fritz, Ranvier, Verliac), et parfois quand le caillot obturateur dune phlébite subit certaines ré- gressions et se mélange peu à peu à la masse du sang. C'est p;ir des faits de cette nature que l'on a cherché à expliquer radynaniie dans rcndocardite ulcéreuse et les états typhoïdes consé- cutifs aux divers ramollissements, et surtout à la nécrobiose cérébrale. Les hématologistes Becquerel et Rodier) ont noté une augmenta- tion de ces matières dans le sang des cancéreux, des tuberculeux, etc., ù la période où commence la dégénére.-ccnce graisseuse et le l'amol- lissement de ces nosorganies. C'est à ce moment que se manifesleiit, en etVet, les phénomènes généraux des productions diathésiques, et nous nous expliquons naturellement le mécanisme de cette généralisa- tion des accidents par cette théorie basée sur des faitsbien constatés. Lorsque la loxéinie n'a pas été portée trop loin, c'est-à-dii-e que les solides et les liquides de l'organisme n'ont pas subi d'irréparables désordres, comme dans la cachexie complète, l'ablation du tissu dé- généré sullJl pour ramener temporairement la santé, comme on l'ob- serve à la suite de l'opération des cancers. Si parfois ces nosorganies demeurent indéfiniment localisées, il faut en chercher la cause dans leur mode de nutrition qui les pré- serve de la dégénérescence (tumeurs fibreuses, squirrhe ligneux), ou dans une modification morbide des tissus environnants formant une sorte de barrière entre le torrent circulatoire et la production orga- nique (cancers à longue durée du col de l'utérus, masses tubercu- leuses enkystées). La troisième source d'infection demande aussi quelques dévelop- pements pour être bien comprise. Lorsque les peptones de la diges- tion ne sont pas en trop grand excès et qu'elles ont subi une élabo- ration convenable, elles se mêlent au sang sans déterminer de ti-oubles fonctionnels, tout au plus un léger sentiment de froid qui ne va ja- mais jusqu'au frisson véritable. 11 n'en est pas de même dans les conditions opposées. Non-seulement on peut alors observer tous les phénomènes de la fièvre, mais encore des désordres anatomiques dans certains organes et une modification générale de l'économie tout entière; c'est ainsi que se produisent l'adénopathie abdominale, l'hypertrophie du foie et le scrofulisme chez les jeunes enfants mal nourris ou prématurément alimentés. La quatrième source de ces empoisonnements est relative à des 177 solutions de continuité des tissus laissant pénétrer des principes nui- sibles dans le torrent circulatoire. Personne ne conteste que des principes de la nature des matières extractives ne puissent passer des surfaces suppurantes, par exemple, dans le sang. Ces principes, dissous dans le sérum du pus, peuvent par résorption se répandre dans toute l'économie et produire des ac- cidents généraux. Pour éveiller la fièvre, les matières infectantes résorbées avec le sérum du pus n'ont pas toujours besoin d'avoir préalablement subi le contact de Fair. Des expériences que nous ferons connaître plus tard prouvent que les différentes espèces de pus ont des qualités nui- 8\h\es intrinsèques, et que la distinction d'infection putride et d'infec- tion purulente établie par les chirurgiens est parfaitement légitime. Ou peut, par inoculation ou par injection directe, faire pénétrer dans le torrent circulatoire des principes inoffeusifs en apparence qui troublent gravement toutes les fonctions. Je citerai, comme exemple, la remarquable expérience de M. le professeur Béliier, par laquelle ou détermine des états typhoïdes chez les lapins en injec- tant des corps gras liquides (huile, graisse) dans le tissu cellulaire de ces animaux. Dès que ces principes, quelle qu'en soit la source, ont pénétré dans la masse du sang, les éléments anatomiques sont troublés dans leurs fonctions et la fièvre éclate. Alors deux alternatives peuvent être ob- servées : ou bien la réaction générale de l'organisme dépure le sang par les émonctoires et l'ordre fonctionnel se rétablit par une crise spontanée ; ou bien la réaction, dont la modalité peut varier, épuise l'organisme ou augmente encore l'altération du sang en y mêlant de nouveaux déchets, et le rétablissement de l'équilibre fonctionnel ne peut être obtenu que par l'intervention des principes médicamenteux dont l'action la moins contestable, pour nous, est de favoriser Téli- mination des déchets, de produire une crise artificielle ou provoquée. M. Sée, dans son Cours de thérapeutique, a beaucoup insisté sur cette action des médicaments, « dont le plus grand nombre, dit le savant professeur, agissent eu quittant l'économie. » Lorsque l'organisme et les agents thérapeutiques sont impuissants à produire ces effets, la crase du sang reste anormale, se vicie de plus en plus, l'état général du malade se trouve dans cette grave con- dition ^autotoxémie qu'aucun mot ne saurait exactement désigner MÉM. * 12 17^ et qui coDStitue Tun des caractères les plus importants de la mali- gniié. La malignité, en effet, quil ne faut pns confondre avec la gra- vité, qui exprime un danger en rapport avec des lésions, la malignité, disons-nous, est caractérisée par des désordres fonctionnels qu'on chercherait en vain à expliquer par des altérations des solides, mais dont les altérations humorales, jointes à l'impuissance des crises^ rendent un compte suffisamment exact (1). La grande classe des névroses n'échappe peut-être pas à cette théorie, avons-nous dit. Les matières extractives pondérables peu- vent bien ne pas être dans les humeurs les seuls produits capables de troubler les fonctions de l'organisme. On ignore, bien que l'on ait lieu de supposer leur existence, si des produits de dénutrition plus subtils, ayant échappé jusqu'ici aux appréciations endiométriques, n'interviennent pas comme des miasmes endogènes pour provoquer la manifestation des phénomènes nervosiques. Certains faits relatifs au nervosisme (Bouchut), les propriétés physico-chimiques des an- tispasmodiques, l'inoculabilité savamment affirmée du tubercule (Villemin, Hérard, Cornil, Roustan) ont à tel point ébranlé les opi- nions qui paraissaient le moins ébranlables en pathologie, qu'on ne sait plus où les recherches exactes peuvent nous conduire. Sans croire à l'infection nei^vosique avec M. Bouchut, on ne peut s'empêcher de reconnaître que les malades en proie à certaines af- fections nerveuses exercent assez souvent sur les personnes qui les entourent une influence morbide. Tous les antispasmodiques, dont les effets sont incontestables, ne sont-ils pas des substances riches eu principes volatils qui ressortent rapidement de l'organisme, et sont, par cela même, capables d'en- traîner hors de l'économie des gaz ou des étiiers animaux que l'in- tuition des anciens avait hypothétiquement qualifiés de vapeurs? On ne pouria pas avoir d'opinion sagement ariêiée sur ce point, tant que (1) On a sans doute remarqué que nous avons détourné le mot crise de sa signification hippocralique, qui n a aucune raison pour être con- servée, puisqu'elle représente une erreur reconnue par tout le monde. La crise pour nous, au point de vue du véritable humorisme moderne, est l'exagération rémittenle des fonctions des émonctoires ayant pour effet de débarasser l'organisme de l'excédant des déchets qui s'y accu- mulent pendant la maladie. 179 l'on n'aura pas étudié avec plus de soin dans les diverses névroses les gaz et toutes les émanations org analeptiques du sang; les diffé- rences d'odeur de ce liquide que Ion constate au. moment de la sai- gnée ne peuvent-elles pas tenir à la présence de fluides volatils sus- ceptibles de jouer un rôle pathologique? Ou conçoit facilement la possibilité de ces rectierchi^s, surtout de l'étude spéciale des diverses espèces de matières extractives, àla condition de ne doser qu'un petit nombre de produits dans chaque analyse (l). Quant à l'inoculabiiité de la tuberculose, des e:;périences (1) Les déchets varient avec la prédominance dénutritive de chaque espèce de tissus. Ce fait est incontestaljle, et sans vouloir anticiper les conclusions de recherche encore incomplète, on peut affirmer la coïn- cidence d'un excès de certains produits avec des phénomènes sympto- matiques constants. Pour ne donner qu'un exemple plein d'actualité, je citerai l'excès d'un produit spécial que j'ai constamment trouvé dans \é(at typhoïde. Si Ton traite le sang de ces malades, d'abord par de Talcool absolu froid, puis par de l'alcool absolu bouillant, on obtient par cette der- nière opération un extrait particulier qui présente les caractères phy- siques suivants : masse pâteuse dune coloration jaunâtre. Lorsqu'on met cette substance entre deux lames de verre et qu'on l'examine au microscope, on ne voit aucune disposition morphologique, rien qu'une masse qui se laisse uniformément écraser. Mais aussitôt qu'on fait pénétrer une goutte d'eau dans la préparation, cette matière prend des formes celluleuses et tubuleuses si nettement dessinées, qu'on pourrait, à un examen superficiel, les confondre avec les élé- ments de la substance blanche des centres nerveux. Quand j'ai montré ce phénomène si remarquable à la Société de biologie, j'ai donné le nom de myéline de Vircliow à ce singulier produit. D'après Virchow, le protagon décrit par Oscar Liebricht est suscep- tible de s'altérer rapidement sur l'animal mort, et de revêtir les formes morphologiques les plus bizarres sous le nom de myéline.. 11 nous semble que cette métamorphose se fait d'une manière continue dans l'a- nimal vivant sous l'influence du travail dénutritif, et que certains états morbides peuvent exagérer considérablement cette transformation. Il ne faudrait donc voir dans l'excès de myéline des typhiques que le ré- sultat d'une usure considérable de lélément nerveux et des globules sanguins, puisque les hématies renferment aussi le protagon, d'où dé- riverait la myéline. 180 persounelles peu nombreuses, il est vrai, ne me permettent pas d'a- voir encore une opinion allirmative. Je ne conteste pas les résultats obtenus par M. Villemin , je déclare seulement avoir été moins heu- reux que cet habile expérimentateur pour ce qui regarde le tuber- cule ; mais je crois fermement à l'empoisonnement général, simulant certains états morbides, par l'inoculation de matières provenant d'in- dividus malades ou d'un foyer putride. Là s'arrête ce que j'avais à dire sur le rôle des matières extractives dans les maladies. Les idées que je viens d'émettre touchaut cette doctrine humorale rajeunie paraîtront peut-être bien hardies à certains esprits conservateurs; cependant il faudra bien s'habituer à leur hardiesse, si la médecine tient à se constituer en une science exacte, si elle ne veut pas s'é- garer, pour la centième fois, dans le dédale des conceptions métaphy- siques. Je ne prétends pas dire que l'observation clinique pure ait fait son temps : bien loin de là ; par ces recherches faites au lit des malades, j'affirme son importance pratique, et je montre la direction qu'il convient de donner aux investigations chimiques. Dans mon esprit, ces deux moyens d'étude sont concurremment utiles aux progrès de la science médicale. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'HÉPATO-ADÉNOME (ADÉNOME HÉPATIQUE) Mémoire In à la Société de Biologie PAR LE Docteur LANCEREAUX. (Toy. planche II.) ' Organe des plus compliqués, le foie est sujet à des manifestations morbides diverses qui se localisent de préférence sur l'un ou l'autre de ses tissus constituants. En effet, à côté des lésions des voies bi- liaires, dont le groupe est parfaitement distinct, se rencontrent les altérations non moins tranchées du tissu connectif ou trame orga- nique du foie et les altérations primitives des cellules hépatiques. Chacune de ces altérations, soumise à des causes spéciales, présente de plus une évolution et des formes particulières. Ainsi, à ce dernier point de vue, une différence notable sépare les lésions de la trame des modifications des cellules du foie; tandis que les premières sont le plus souvent de nature hyperplastique, les dernières, au con- traire, sont presque toujours dégénératives. Dans quelques cas pour- tant, les cellules hépatiques deviennent le point de départ d'un pro- cessus prolifératif, et ce sont précisément des cas de ce genre qui font l'objet de ce travail. 182 Les faits que je vais rapporter ont été autrefois communiqués à la Société de biologie avec pièces anatomiques à l'appui; rapprochés de quelques observations récemment publiées, ils contribueront, je l'espère, à éclairer un point nouveau de l'étude anatomo-patholo- gique du foie, Thistoire des adénomes hépatiques. AUGMENTATION DU VOLUME DU FOIE, ASCITE ET ICTÈRE; OBSTRUCTION DU TRONC DE LA VEINE PORTE, DE LA PLUPART DE SES BRANCHES ET DES VEINES HÉ- PATIQUES PAR UNE MASSE DIVERSEMENT COLORÉE RENFERMANT DES CELLULES hépatiques; tumeurs NODULAIRES MULTIPLES BANS LE LOBE DROIT DU FOIE. Obs. I. — Fontel. (Antoine), âgé de 54 ans, domostique, entre à l'hô- pital de la Charité le 1" septembre 1858 (service de M. Rayer); il a perdu son père, à l'âge de 81 ans, d'une hernie; sa mère est très-pro- bablement morte d'un cancer de lutérus à lâge de 60 ans; deux de ses frères sont morts à 10 et 15 ans. C'est un homme petit, maigre, atteint dès sa plus tendre enfance d'une affection rachitique de la co- lonne vertébrale, laquelle a été suivie d'une gibbosité dorsale proémi- nente à gauche, avec courbures de compensation au-dessus et au-des- sous. Ce malade accuse, comme maladie antérieure, une fièvre qui aurait duré huit à neuf jours, en 1840, et que l'on aurait caractérisée du nom de fièvre cérébrale. 11 n'a jamais eu ni hémorrhoïdes, ni érup- tions cutanées, ni douleurs rhumatismales, et c'est seulement six se- maines avant son entrée à l'hôpital qu'il s'est aperçu que son ventre commençait à grossir. 2 septembre. Ascite, œdème des jambes et de la paroi abdominale; langue saburrale, diarrhée datant de quelques jours; le foie volumineux, déborde légèrement le rebord costal. Circulation et respiration nor- males; tumeur bosselée, dure et sans adhérence à la peau dans la ré- gion parotidienne. (Bain.) Le 4 mai, teinte jaune, ictérique des conjonctives au pourtour des yeux et des ailes du nez. Cette coloration, le 5, gagne toute la face; le 6 elle atteint le tronc et descend jusqu'à l'ombilic. Ce même jour des élevures papuliformes jaunâtres et prurigineuses, par groupes de 5 à 6, sont disséminées sur les cuisses; des traînées jaunâtres concomitantes paraissent suivre le trajet des vaisseaux lymphatiques. Les bras et les jambes sont en outre le siège de taches jaunâtres comme ecchymoti- ques ayant les dimensions d'une pièce de 1 franc. (Purgatif.) Le 7, la partie supérieure des bras est jaune; le 8, les avant-bras, les jambes en plusieurs endroits et la partie inférieure du tronc con- servent encore leur teinte normale. Le 13 septembre, l'ictère des par- ies supérieures prend beaucoup plus d'intensité; la région sous-ombi- 183 licale est envahie, mais la teinte de la peau est encore peu prononcée; l'œdème et l'ascite progressent; les urines sont fortement colorées de- puis plusieurs jours; les matières fécales sont grisâtres. Le pouls a pris un peu de fréquence. Le 15, Ticlère est général; le 17, toute la surface cutanée offre une teinte jaune clair. Le 19, distension gazeuse de Testomac et de Tintes- tir. ; abdomen très-volumineux, respiration pénible sans anxiété notable. Mort le lendemain vers onze heures du matin, à la suite d'une courte agonie. Autopsie. L'aspect extérieur du cadavre n'esl pas changé. L'ouverture de la cavité abdon:iinale donne issue à un litre environ d'un liquide sé- reux jaunâtre coloré par la bile ; épaississement et induration des franges péritonéales ; quelques nodules disséminés sur le péritoine. Le foie augmenté de volume présente une surface inégale teintée de brun et de jaune. Sa consistance est ferme. Le lobe gauche est moins altéré que le lobe droit; celui-ci est le siège de plusieurs petites tu- meurs arrondies jaunâtres, du volume d'un pois ou d'une cerise. Ces tumeurs ne sont pas rétractées à leur centre et ne présentent qu'un lé- ger degré de ramollissement; elles sont circonscrites par le tissu fi- breux épaissi. La surface de section de l'organe est partout lisse, c'est à peine si Ion y aperçoit quelques vaisseaux béants. En effet, une partie des veines sus-hépatiques, la plupart des branches de la veine porte, le tronc de cette veine, la veine spléniqùe et l'extrémité supé- rieure de la veine mésenterique supérieure contiennent une matière jaune, rougeâtre ou grisâtre assez ferme et consistante, qui les obstruent complètement dans un grand nombre de points. Malgré l'oblitération de ces veines, la sécrétion biliaire n'est pas tarie, puisqu'il existe des canaux hépatiques dilatés et remplis d'un liquide épais verdâtre qui est certainement de la bile. Les parois du canal cholédoque sont épaissies et son calibre notablement rétréci ; il en est de même du canal cystique, qui est en outre obstrué par un calcul. Les parois de la vésicule biliaire sont parsemées de nodules fermes, blanchâtres; son contenu est un li- quide épais, visqueux, à peine coloré. La rate est hypertrophiée; les reins sont normaux. Le poumon droit est moins développé que le poumon gauche par suite de la déviation thoracique. Le tissu du cœur est mou, les orifices en sont sains ; le cer- veau est intact. Uq fait avait fixé mon attention pendant la vie de ce malade, sa- voir : la localisation de l'ictère pendant plusieurs jours à quelques- unes des régions du corps. Jamais, en effet, je n'avais rien observé de semblable. Un autre fait non moins important vint plus tard frapper 184 mou esprit, c'est l'obstructioû de la plupart des veines du foie par une substance colorée jaunâtre, n'ayant aucune ressemblance avec la ma- tière cancéreuse ordinaire ou encéphaloïde. Acet effet je priai mon ex- cellent ami Gh. Dufour, malheureusement trop tôt enlevé à la science, de .vouloir bien examiner ce contenu veineux, et voici la note qu'il me fit remettre par son frère, le docteur Anat. Dufour, alors externe du service : « Dans les portions transformées en matière blanche il n'existe ni cancer ni épiihéliome, mais une substance unissante, granuleuse, amorphe, composée par un tissu fibroïde dense et quel- ques rares cellules hépatiques atrophiées ou brisées; dans celles qui sont jaunâtres, je constate en outre des granulations graisseuses teintes de la matière colorante de la bile. Sur un point du contenu de la veine porte, où je croyais trouver une masse fibrineuse, il exis- tait une substance uniquement composée des cellules des acini du foie un peu flétries, non graisseuses. Quelques cellules, en outre, semblent avoir la forme cylindrique, comme si elles provenaient de la face interne de quelques gros canaux excréteurs de la glande. Les tumeurs contenues dans le foie ont la même composition. L'une de celles qui se trouvent dans l'épaisseur de la paroi vésiculaire n'a présenté qu'un épaississement du tissu fibreux normal. » Cette relation, émanant d'un observateur dont l'autorité scienti- fique et le savoir microscopique sont bien connus, ne peut laisser le moindre doute sur la nature de l'altération rencontrée à l'autopsie. Il est clair que cette altération était surtout produite par une hyper- génèse des cellules propres du foie. ICTÈRE ; MORT RAPIDE ; HYPERGÉNÈSE DES CELLULES PROPRES DU FOIE FORMAXT AU SEIN DE CET ORGANE DE PETITES TUMEURS ARRONDIES ; CELLULES SEMBLABLES DANS l'une DES GLANDES LYMPHATHIQUES SITUÉES A LA PARTIE INFÉRIEURE ET POSTÉRIEURE DU STERNUM. Obs. il — Coste L,.., âgé de 29 ans, compositeur d'imprimerie, né à Guillac, entre à l'Hôtel-Dieu le 28 novembre 1859; c'est un jeune homme peu robuste et d'assez frêle apparence. Bien portant jusqu'à l'âge de 15 ans, il a contracté une blennorrhagie à 16 ans, mais il af- firme n'avoir jamais eu ni maux de gorge, ni taches sur la peau, ni rien qui puisse indiquer l'existence d'une syphilis. Il a habité Angoulême et plusieurs villes du Centre et du Midi sans avoir jamais été atteint de fièvre paludéenne. Ses parents, dit-il, sont bien portants, mais c'est là un fait qu'il faut admettre avec restriction. 185 Dans les premiers jours du mois d'août 1859, ce jeune homme ressen- tit des douleurs dans le côté droit, douleurs qu'il attribua au froid dont il fut saisi un soir au sortir du théâtre. Ces douleurs persistèrent au point de l'empêcher de dormir. Cependant l'usage des bains sulfureux et d'une pommade camphrée les avait rendues très-supportables, lors- qu'il y a un mois (fin d'octobre 1859) elles se firent sentir de nouveau et s'accompagnèrent cette fois de troubles digestifs et d'ictère. A la date de l'entrée à l'hôpital : ictère généralisé depuis quinze jours; coloration de la peau légèrement verdâtre; ventre ballonné, douloureux; pouls accéléré et petit. Les jours suivants le ventre demeure toujours un peu ballonné, mais moins douloureux. Le pouls se serre et acquiert une plus grande fréquence; le malade succombe le 12 décembre. Autopsie. L'aspect extérieur n'offre rien de spécial. Poumons légère- ment emphysémateux et pigmentés, cœur normal, rate volumineuse, estomac intact. Le péritoine n'est pas enflammé, bien qu'il y ait une assez grande quantité de sang et de sérosité extravasé dans sa cavité. Quelques-uns des ganglions sus-pancréaliques sont volumineux et colorés. Un gan- glion, situé dans le thorax à la pointe du sternum, est également volu- mineux et de teinte verdâtre. Le foie est volumineux ; à sa surface et dans la profondeur de son parenchyme existent des nodules arrondis, de la grosseur d'une lentille ou d'une petite cerise, verdâtre ou blan- châtre, diversement colorés, avec épaississement du tissu conjonctif circonvoisin ; cet épaississement est très-marqué à droite de la vésicule. L'examen microscopique de ces diverses tumeurs a été fait en com- mun avec M. Robin ; elles étaient composées de cellules propres du foie simplement hypertrophiées et granuleuses, munies d'un ou de plusieurs noyaux. Des cellules semblables et colorées par un pigment verdâtre se rencontraient au sein du ganglion lymphatique signalé en arrière du sternum. Quelques-unes des glandes sus-pancréatiques, comme aussi certains dépôts lenticulaires trouvés à la surface péritonéale dans le voi- sinage du foie, contenaient des éléments cellulaires un peu plus petits, mais néanmoins très-analogues aux précédents. ASCITE ET OEDÈME ; MORT SANS ICTÈRE ; TUMEURS DISSÉMINÉES DANS LE FOIE ; OBSTRUCTION COMPLÈTE DES VEINES SUS-HÉPATIQUES PAR DES CONCRÉTIONS SE PROLONGEANT JUSQUE DANS LA VEINE CAVE ET FORMÉES DE CELLULES HÉPA- TIQUES ; OBSTRUCTION INCOMPLÈTE DE l'uNE DES BRANCHES DE LA VEINE PORTE PAR DES CONCRÉTIONS SEMBLABLES. Obs. III. — Douv., âgé de 49 ans, concierge, né à Forbain, entre à l'hô- pital de la Pitié le 4 janvier 1860 (salle Saint-Athanase). Cet homme, d'une force et d'une taille- ordinaire, est affecté depuis quelques se- 186 maines d'ascite et d'œdème des jambes. D'ailleurs cœur volumi- neux, léger épanchement pleural à droite. Vin diurélique, digilale. Malgré ces moyens, Tascite et Ihydrothorax prennent de l'accroisse- ment; le malade s'affaiblit chaque jour, son teint se décolore de plus en plus; survient de la diarrhée, la langue se sèche, et la mort arrive le 30 janvier, sans teinte ictérique bien appréciable. Autopsie. Emaciation des membres supérieurs; œdème considérable des membres inférieurs et de la paroi abdominale; issue d'un liquide abondant, séreux, légèrement teinté en jaune à l'ouverture de l'abdo- men. Un semblable liquide s'écoule de la plèvre droite. Le poumon cor- respondant, revenu sur lui-même par suite de la compression, n'est pas autrement altéré ; le poumon gauche est sain ; hypertrophie ventricu- laire gauche; intégrité des orifices. Le cerveau est intact, la rate, les reins et le tube digestif sont sains. Le foie est légèrement augmenté de volume ; sa surface est irrégulière et mamelonnée ; sa capsule fibreuse est épaissie. A l'extrémité isolée du petit lobe une portion du parenchyme se trouve rattachée par cette capsule au reste de l'organe. Ce lobe présente d'ailleurs une apparence cirrhotique ; à la coupe il offre des inégalités constituées par des grains saillants et jaunâtres. Dans l'épaisseur du lobe droit, relativement plus volumineux que le gauche, sont disséminées de nombreuses tumeurs du volume d'une noix ou d'une noisette; une tumeur semblable envahit le lobe de Spigel presque tout entier. Confondues avec le parenchyme, ces tumeurs ne sont pas énucléables; elles ont une coloration jaunâtre, uhe consistance un peu molle, homogène; elles ne présentent ni la rétraction centrale ni l'aspect brillant de certaines formes de cancer. Le tiers inférieur du foie n'en renferme qu'un petit nombre, mais il possède une coloration violacée très-manifeste, due sans doute à un état variqueux d'un cer- tain nombre de petits vaisseaux, à l'intérieur desquels le sang est coa- gulé. L'examen des vaisseaux offre d'ailleurs le plus vif intérêt. Le tronc de la veine porte et ses branches sont libres, à l'exception toutefois d'une branche de troisième ordre dans laquelle existe un coagulum allongé, blanc jaunâtre, qui remplit environ les deux tiers de son ca- libre et envoie quelques prolongements dans les divisions subséquentes. Toutes les branches des veines sus-hépatiques sont obstruées de telle sorte que la circulation n'y paraît pas possible. Les concrétions qu'on y rencontre se réunissent, comme les branches de ce vaisseau, en quel- ques troncs, et se prolongent jusque dans la veine cave, où elles se terminent par cinq à six masses volumineuses, lisses, arrondies, poly- piformes, superposées et adhérentes à la paroi. L'aspect de ces concré- tions est variable ; d'une teinte jaune verdâtre dans la veine cave, elles sont assez fermes pour pouvoir être tranchées par le scalpel; plus molles dans la plupart des veines suS'hépatiques, elles ont une coloration jaunâtre ou blanchâtre, et sur plusieurs points une apparence caséeuse. L'aspect lisse et la forme arrondie de celles de ces concrétions qui sont contenues dans la veine cave pourraient faire penser qu'elles ont pris nais- sance dans le foie, et qu'elles n'ont pénétré dans ce vaisseau qu'en re- poussant devant elles la membrane interne ; mais l'examen microscopique de la mince pellicule qui les recouvre, montre que ceMe-ciaune struc- ture très-différente de celle de la membrane interne; d'ailleurs cette dernièreest saine et paraît recouverte de son épithélium. Si à l'œil nu ces concrétions diffèrent peu des concrétions fibrineuses, il n'en est pas de même au microscope. Elles sont constituées, en effet, par des cellules polygonales ayant la forme et les dimensions des cellules du foie, seu- lement un peu plus irrégulières. Un certain nombre de ces cellules pos- sèdent plusieurs noyaux et un contenu finement granuleux avec pig- ment verdâtre et granulations graisseuses. A côté de ces cellules existent des cellules allongées fusiformes (corpuscules conjonctifs), et sur plusieurs points une véritable trame fibroïde. Les tumeurs du foie sont composées d'éléments cellulaires semblables; mais ceux-ci pré- sentent en plusieurs endroits une disposition spéciale, à propos de laquelle M. Robin a bien voulu me remettre la note que voici : (( Une dilacération méthodique des fragments du tissu malade m'a montré : 1° des filaments cylindriques ramifiés, larges de 1/10 de milli- mètre environ, offrant à leur périphérie une gaîne transparente fine- ment striée en long, épaisse de 0,005 à 0,008 de millimètre. Ces fila- ments étaient, non pas tapissés, mais remplis de cellules épithéliales semblables à celles du tissu sain, mais toutefois un peu plus petites et «n peu plus irrégulières. La plupart de ces filaments offraient d'espace en espace des resserrements qui leur donnaient un aspect moniliforme, à renflements plus ou moins allongés. Sur quelques-uns on voyait les rétrécissements tellement prononcés que certains d'entre eux ne ren- fermaient qu'une seule rangée de cellules, tandis que d'autres n'en contenaient pas du tout et se présentaient sous la forme d'un filament clair, strié en long, et souvent les renflements qui leur faisaient suite étaient plus volumineux et contenaient des cellules plus granuleuses. En certains endroits, et surtout vers le centre des parties malades, il existait même des renflements libres, à la suite de Tatrophie et de la rupture des filaments résultant du resserrement de la paroi. Les masses sphériques ou ovo'ides, ainsi libres, offraient souvent à leurs deux pôles un reste du filament interrompu, reste dont la continuité avec la paroi enveloppante était de^ plus manifestes. Les cellules de ceux de ces renflements qui se trouvaient déchirés se dissociaient et s'écrasaient à 188 la moindre pression. Il était facile, en somme, de reconnaître dans ce cas que la lésion provenait d'une hypertrophie de la paroi propre du tube hépatique avec multiplication et même hypertrophie des cellules hépatiques, formant des masses ovoïdes ou arrondies par suite du ré- trécissement d'espace en espace, ou même de l'interruption complète de ce tube. — Ce fait, ajoute M. Robin, semble propre à nous rensei- gner sur la structure du foie qui, comme on sait, est toujours incomplè- tement connue. » ASCITE, MAIGREUR ET FAIBLESSE PROGRESSIVES; TUMEURS MULTIPLES FORMÉES DE CELLULES HÉPATIQUES ; OBSTRUCTION DE PLUSIEURS BRANCHES DE LA VEINE PORTE P.VR LES MÊMES ÉLÉMENTS. Obs. IV. — Lem,, âgé de 72 ans, journalier, entre le 22 avril 1862 à l'hôpital de la Pitié (salle Saint-Alhanase) , service de M. Marrotte. Ce ma- lade, nourri par le bureau de bienfaisance, continuait, bien qu'un peu souffrant, à se livrer à quelques occupations légères, lorsque quinze jours environ avant son entrée il s'est aperçu du développement de son abdomen et en même temps d'un amaigrissement progressif. Sa physio- nomie triste exprime la souffrance; sa peau ridée offre une teinte bron- zée jaunâtre qui a la plus grande analogie avec la teinte cancéreuse. L'abdomen volumineux contient une faible quantité de liquide dans sa partie déclive. Le foie ne dépasse pas le rebord costal, son volume est par conséquent normal ou même un peu petit ; il est à peine douloureux. L'innervation et la respiration sont intactes, comme du reste la miction. Au premier temps du cœur existe un léger bruit de souffle qui se pro- longe dans l'aorte. Absence de fièvre, mais grande faiblesse. Le diag- nostic n'est pas sans difficultés, car si l'état général du malade éveille le soupçon d'une affection cancéreuse, le volume du foie et l'ascite sont en faveur d'une cirrhose. Quoi qu'il en soit, les troubles s'aggravent; l'ascite prend tout à coup des proportions considérables; l'affaiblisse- ment augmente et le malade succombe le 15 mai. Autopsie. Œdème des membres inférieurs, épanchement ascitique abondant ; péritoine lavé ; rate saine ; le rein droit normal ; le rein gauche est le siège d'un noyau induré d'apparence cancéreuse, qui malheureu- sement n'est pas examiné au microscope. Le foie est peu volumineux, il adhère au diaphragme et à la paroi costale dans une partie de son étendue; sa surface convexe est ferme, inégale, d'apparence cirrhosée ; on y trouve des bosselures nombreuses formées par des tumeurs un peu molles, du volume d'une noisette ou d'une noix, blanchâtres sur quel- ques points, verdâtres ou jaunâtres ailleurs; sa face concave est le siège d'une nodosité saillante et blanchâtre qui éveille l'idée d'un cancer. Dans l'épaisseur de l'organe, nodules lenticulaires circonscrits par le 189 tissu conjonctif épaissi ; masses vèrdâtres et Ijlanchâtres. La branche droite de la veine porte est oblitérée par une concrétion qui a le vo- lume d'un doigt. Ce bouchon, d'une longueur de plusieurs centimètres, est constitué par une toile extérieure très-mince, formée d'un tissu fi- broïde; il contient, dans son épaisseur, une substance blanche rosée, sorte de magma composé de cellules en tout analogues aux cellules hépatiques, à part leur contenu granulo-graisseux, qui est beaucoup plus abondant; cette substance renferme, de plus, quelques vaisseaux et des corpuscules conjonctifs. La paroi veineuse est ramollie et paraît détruite à ce niveau. Dans une branche de deuxième ordre à gauche existe un bourgeon du volume du petit doigt qui fait saillie à Tinlérieur du vaisseau et l'obstrue. A son niveau la paroi veineuse est détruite. L'altération, peu différente en tous ces points, est essentiellement con- stituée par des cellules semblables aux cellules propres du foie. Ces éléments, toutefois, se font remarquer par ieur volume exagéré, la mul- tiplicité de leurs noyaux, au nombre de 2, 3 ou 4, leur contenu gra- nuleux et leur forme irrégulière. Les granulations graisseuses sont abon- dantes en quelques endroits et surtout dans les veines où les cellules ont subi un degré notable d'altération. —Poumons adhérents aux parois costales; pneumonie de peu d'étendue; artères et veines pulmonaires libres; crétificalion légère des valvules aortiques; hypertrophie car- diaque ; cerveau non examiné. ICTÈRE ET ASCITE, VOMISSEMENTS NOIRATRES. — HYPERGÉNÈSE DES CELLULES PROPRES DU FOIE ET DES ÉLÉMENTS CONNECTIFS DE CE MÊME ORGANE ; OBSTRUCTION DE LA VEINE PORTE ET DE SES BRANCHES PAR DES CELLULES SEMBLABLES AUX CELLULES HÉPATIQUES; ÉPANCHEMENT SANGUINOLENT DANS. LA CAVITÉ PÉRITONÉALE. Obs. V. — Darb., âgé de 62 ans, marchand ambulant, entre à l'Hôtel- Dieu, salle Sainte-Jeanne, n° 16, le 22 juin 1863 (service de M. Potain). Il raconte qu'il reçut, il y a douze ans, un coup de timon de voiture dans la région du foie et que depuis cette époque il a toujours ressenti une douleur vague en ce point ; il prétend n'avoir pas abusé des alcoo- liques. Il y a deux mois, tandis qu'il prenait son café, il éprouva, au même endroit, une douleur tellement vive qu'on dut le transporter chez lui. Depuis lors, accroissement de labdomen et œdème des extré- mités inférieures. Le 23 juin, décubitus horizontal, teinte jaune verdâtre de la peau formée tout à la fois par une coloration ictérique récente et par la teinte jaune paille de la cachexie ; ballonnement du ventre avec épanche- ment ascilique; douleur vive dans la région du foie; proéminence de cet organe d'un à trois travers de doigt au-dessous du rebord costal ; 190 sensation de dureté et de résistance à la palpation; absence de dila- tation des veines abdominales superficielles. Chaleur de la peau et fréquence du pouls ; fièvre ; cœur normal ; léger épancheraent en ar- rière et à droite de la poitrine; appétit nul; bouche amère; langue sale ; les urines, rouges 'depuis deux mois, ne précipitent pas par Tacid-e nitrique, mais elles se colorent en vert; coloration jaune des scléro- tiques. Limonade tartrique, cataplasmes sur le ventre. 25 juin, oppression considérable, parole faible, langue sèche, soif vive, nausées, appétit nul, diarrhée; le soir, refroidissement, collapsus. Mort le 26 au matin, après un vomissement noirâtre abondant. Autopsie. Teinte ictérique de la peau, absence de taches et d'ecchy- moses; grande maigreur. Cavité abdominale remplie d'un liquide san- guinolent; péritoine et épiploon épaissis, fermes, comme il arrive dans l'ascite. Le foie dépasse à gauche de deux à trois travers de doigt le rebord costal; sa surface est parsemée de granulations diversement co- lorées dont les plus grosses, du volume d'un gros grain de raisin, sont séparées par des traînées de tissu conjonctif. Libre de toute adhérence avec le diaphragme, le foie se trouve accolé au duodé- num, par son bord antérieur, en un point voisin de la vésicule. Le tissu hépatique, en ce point, est jaunâtre et ramolli ; ailleurs il est ferme, élastique et résistant. A la coupe il présente des traînées grisâtres con- stituées par des éléments conjonctifs et des masses jaunes ou verdâtres, molles et formées de cellules hépatiques hypertrophiées, déformées et plus ou moins altérées. Un grand nombre de ces cellules sont chargées de granulations pigmentaires, de granulations moléculaires et munies * de plusieurs noyaux. L'artère hépatique est libre et intacte. Le tronc de la veine porte est obstrué dans sa moitié supérieure par une concré- tion solide. Les deux branches principales de ce vaisseau sont égale- ment obstruées, mais la branche gauche est de plus distendue et dilatée par son contenu. Partout où l'on vjent à faire une section du foie on trouve les rameaux veineux comblés par une substance jaune foncée, verdâtre ou même brunâtre, assez solide, ou bien dune consistance molle et d'apparence caséeuse. Cette substance se détache assez facilement de la paroi vasculaire et ne laisse de trace qu'au niveau des éperons, où elle est plus adhérente ; elle est composée dun tissu fibroïd© parcouru de vaisseaux remarquables par la minceur de leurs parois, et, de cellules polygonales ou arrondies, remplies de fines granulations moléculaires et pigmentaires. A côté de ces éléments, se rencontrent quelques corps allongés, fusiformes. Les parois veineuses lisses et po- lies sont peut-être un peu amincies, mais il est absolument impossible d'y découvrir la moindre déchirure ou perforation. Des concrétions analogues, mais moins volumineuses, existent dans quelques-unes des 191 branches des veines sus-hépatiques dont les parois paraissent intactes. Les voies biliaires sont libres et nullement altérées, à l'exception toutefois de la vésicule, qui renferme un coagulum volumineux baigné par un liquide sanguinolent, noirâtre. L'examen microscopique dévoile au sein de ce caillot la présence de cellules polygonales granuleuses un peu plus petites que les cellules hépatiques. La vésicule renferme une faible quantité d'un liquide visqueux et verdâtre. Sa paroi est épaissie et parsemée de petites nodosités jaunâtres formées de cellules granu- leuses en tout semblables aux cellules du foie. Les ganglions lymphatiques du bile du foie sont pigmentés, fermes et volumineux. La rate est hypertrophiée, elle mesure 15 centimètres dans son plus grand diamètre. L'estomac renferme un liquide brunâtre analogue à de la suie délayée, il est large et non altéré; les intestins ont leurs parois un peu épaissies. La surface des reins est granulée et parsemée de petits kystes; la substance corticale de ces organes est jaunâtre et manifestement atrophiée. Infiltration œdémateuse à la base des poumons qui sont d'ailleurs sains. D'un volume normal, le cœur contient à droite un coagulum fibrineux de petite dimension. Son tissu, de teinte un peu jaunâtre, est plus mou et friable qu'à l'état ordinaire; les fibres musculaires sont granuleuses. Méninges intactes, liquide cé- phalo-rachidien abondant, substance cérébrale un peu molle, vaisseaux non altérés. ICTÈRE, ASCITE, VOMISSEMENTS NOIRS ; HYPERGÉNÈSE ET HYPERTROPHIE DES CEL- LULES HÉPATIQUES DISPOSÉES SOUS FORME DE PETITES TUMEURS; OBSTRUCTION PARTIELLE DU TRONC DE LA VEINE PORTE. Obs. VL — La nommée Corv., âgée de 59 ans, souffleuse de perles, entre à l'Hôtel-Dieu, salle Saint-Antoine, le 6 août 1864; maigre et de petite taille, cette malade ne nous apprend rien sur ses antécédents mor- bides et se plaint à peu près uniquement d'anorexie, de troubles diges- tifs et de diarrhée. Le diagnostic porté est enlérile.kw bout de quelques jours toutefois, nous reconnaissons que la glande hépatique est volumi- neuse, qu'elle dépasse le rebord costal et que sa surface est bosselée. Le 14 il n'y a aucun doute à cet égard. Le 16 apparaît une teinte icté- rique de la peau qui revêt chaque jour une intensité plus grande. Saillie bosselée évidente à la région hépatique, ascite légère. L'appétit dispa- raît, la faiblesse s'accroît chaque jour, surviennent des vomissements noirs, la malade tombe dans la torpeur et succombe le 22. Autopsie. — Teinte ictérique de la surface cutanée; écoulement d'une petite quantité de liquide séreux à l'ouverture de la cavité abdominale Le foie est augmenté de volume, plus épais et plus large, parsemé de nodosités plus ou moins saillantes et diversement colorées en jaune et 192 en brun. Ces nodosités, qui ont le volume d'une noisette, se retrouvent à la coupe. Elles sont formées par une hypergénèse des cellules hépa- tiques qui sont en même temps plus volumineuses et plus granuleuses que dans Télat normal. Un certain nombre d'entre elles sont très-irré- gulièrcs et renferment d'abondants granules graisseux ; pas d'épaissis- sement notable du tissu connectif ; dans le tronc de la veine porte existe un caillot sanguin qui obture en partie ce vaisseau; aux extrémités de ce caillot, une substance molle jaunâtre se prolonge dans les branches collatérales; elle est composée en grande partie de cellules polygo- nales colorées en jaune et analogues aux cellules de la substance hé- patique. Quelques jours après l'observation de ce fait, le 7 septembre, un malade succombait à Tâge de 51 ans, dans le service de M. le pro- fesseur Grisolle, avec une altération du même genre. Le foie, aug- menté de volume, présentait des bosselures ou de petites tumeurs circonscrites par des traînées grisâtres dues à l'épaississemerît du tissu connectif. Ces tumeurs, de consistance molle, de teinte jaunâ- tre ou verdâtre, étaient encore constituées par les cellules propres du foie, granuleuses, volumineuses et colorées par un pigment ver- dâtre. Les veines étaient pour la plupart obstruées par des concré" lions d'un vert jaunâtre, au sein desquelles se rencontraient des élé- ments semblables. Ce malade, comme ceux qui précèdent, avait d'abord offert différents phénomènes, entre autres de lascite qui avait conduit à diagnostiquer une cirrhose. A ces phénomènes vint se joindre un ictère dans les derniers jours de la vie. Tels sont les faits que nous avons observés; si nous les comparons, nous sommes frappés de leur ressemblance tant au point de vue aDa'iomique que symptomatique. La lésion matérielle, pour ainsi dire identique dans tous les cas, consiste eu une infiltration du paren- chyme hépatique par des nodosités lenticulaires susceptibles d'at- teindre par leur groupement le volume d'une noisette ou d'une noix. Diversement colorées, de teinte jaune verdâtre, brunâtre ou même gris blanchâtre, ces petites tumeurs, de consistance variable, géné- ralement un peu molles, sont formées en grande partie par des cel- lules qui ont les caractères des cellules propres du foie et qui, comme elles, renferment fréquemment du pigment et des granulations grais- seuses. Elles sont polyédriques, irrégulières, troubles, granuleuses, souvent hypertrophiées et munies de gros noyaux vésiculeux ayant 193 chacun ui; liiicléulc. Des cellules troubles et hypertrophiées se ren- contrent en outre dans des parties saines en apparence pour l'œil nu. Au pourtour des nodosités, dans une grande étendue de Torgane af- fecté, existe en général un épaississement notable de la trame de tissu conjonctif, el dans cette trame se rencontrent parfois des cel- lules fusil'ormes ou étoilées. En même temps les vaisseaux portes et les veines sus-hépatiques sont plus ou muins complètement obstrués par une substance dun jaune verdàtre assez ferme, ou bien plus molle et d'apparence caséeuse, ou encore analogue à de la matière sébacée. Cette substance, qu'il est facile de prendre tout d'abord pour de la fi- brine altérée, ne diffère pas, quant à sa composition histologique, des nodobilés hépatiques. Elle est formée, comme ces dernières, de cel- lules semblables aux cellules du foie, m.ais quelquefois flétries et comme ratatinées par suite d'un certain degré de pression et daltéra- tion, d une matière tibroïde et même de corpuscules conjonctifs, plus rarement de fibrine et de globules sanguins altérés. Fait digne de remarque, les parois des vaisseaux qui renfermaient cette substance n'ont paru altérées que dans un seul cas; toutes les autres fois l'alté- ration, sil en existait une, a échappé à notre investigation, et ainsi nous avons été conduit à nous demander si le processus en question n'avait pu se développer simultanément dans le parenchyme du foie et à l'intérieur de ses vaisseaux. La masse considérable de substance trouvée dans les bronches de la veine porte, des veines sus-hépatiques et jusque dans la veine cave, alors que ces diffé- rents vaisseaux nofraient aucune trace d'altération , si elle n'est une preuve positive, tend du moins à faire admettre la possibilité de ce développement. En tout cas, il est à noter que, malgré l'ob- struction des veines du foie, la sécrétion biliaire n'a pas cessé de se produire, ce qui, du reste, a déjà été constaté par d'autres obser- vateurs. Les symptômes correspondant aux lésions qui précèdent ont peu différé dans nos divers cas; et comme leur évolution a toujours pré- senté un certain ordre, il y a lieu den tenir compte pour le diagnos- tic. Au début, les malades n'accusent guère qu'un léger malaise ou des douleurs un peu violentes à la région hépatique; en même temps ils commencent à maigrir, leur foie augmente de volume et peu a peu il se proiiuit de Tascite. L'émac.ation et l'atlaiblissement progressent, survient un ictère généralement tres-prononcé, avec MÉM. 13 194 toutes ses conséquences; plus tard, la cachexie, le marasme, une sorte d'état adynamique conduisent à la mort. Parmi les affections susceptibles d'être confondues avec celle qui nous occupe, la cirrhose, tient le premier rang; plusieurs fois même elle a été, ainsi que nous l'avons vu, l'occasion d'une erreur de diag- nostic. Mais la fréquence de l'ictère dans nos faits contrairement à la rareté de ce sympiôme dans la cirrhose, l'augmentation du volume du foie, au lieu de son atrophie dans cette dernière affection, sont des circonstances qui pourront aider au diagnostic, si elles ne l'étahlissent toujours d'une façon certaine. Labsence d'ascite ou lap- parition tardive de ce phénomène dans le cancer encéphaloïde ou squiriheux du foie, comme aussi la rapide augmentation du volume de cei organe, telles sont les particularités symptomatiques qui, avec une cachexie souvent prompte, serviront à différencier cette der- nière altération de 1 hépaio-adéuome, affection qui, d'après nos obser- vations, serait également des plus sérieuses. Cette affection toutefois n'est pas commune, et le nombre des faits dans lesquels il est possible de la rencontrer est jusqu'ici tellement restreint quil n'est pas sans intérêt de les reproduire. Nous nen con- naissons qu'un seul en France, il est du professeur Vulpian qui l'a communiqué à la Sodéte médicale des hôpitaux dans la séance du 24 janvier 1866; le voici tel qu'il se trouve rapporté dans i'UmoN MEDICALE (nouvelle série, t. XXIX, p. 419, 1866). RAMOLLISSEMENT CÉRÉBRAL ANCIEN ET RÉCENT, CAILLOT ANCIEN DANS l'aURIGOLE GAUCHE, ETC. ; CIRRHOSE PARTIELLE DU FOIE ; RAMOLLIS^EMENT DU TISSU DU FOIE DANS UN GRAND NOMBRE DE POINTS ; OBSTRUCTION DE LA VEINE PORTE ET DE SES BRANCHES HÉPATIQUES PAR LES ÉLÉMENTS DU FOlE PROVENANT DE CES POINTS RAMOLLIS. Obs. VII. — La nommée B..., âgée de 68 ans, atteinte de démence sénile, entre à l'infirmerie de la Salpêtrière le 27 novembre 1865, parce qu'elle a une ascite considérable. Elle répond d'une façon très-im- parfaite aux questions qu'on lui adresse ; cependant elle dit que son ventre aurait commencé à augmenter de volume six mois environ avant son entrée à l'infirmerie, et ce n'est qu'au bout d'un certain temps que ses membres inférieurs, qui sont maintenant assez fortement infiltrés, auraient commencé à se tuméfier. Elle est très-maigre, sa peau est sèche, comme terreuse. On diagnostique l'existence d'une cirrhose du foie. Il y a une dyspnée assez intense qui paraît produite par le déve- 105 loppement énorme de rabdomon.On fait, le 30 novembre, une ponction qui donne issue à près de 14 litres de sérosité citrine. Lorsque les pa- rois abdominales sont alîaissées, on peut sentir quelques inégalités de la surface du foie. Une nouvelle ponction devient nécessaire ; elle est pratiquée le 20 dé- cembre. On retire de l'abdomen 15 litres de liquide. Enfin le 9 janvier, on fait une troisième ponction qui donne encore issue à 15 litres de liquide. La malade, qui avait été un peu soulagée après chaque ponc- tion, lest encore momentanément cette fois. Mais Taffaiblissement a fait des progrès continuels, et elle meurt le 14 janvier. L'autopsie est faite le 15 janvier 1865. Le foie est diminué de volume, il pèse 1,110 grammes. On reconnaît à première vue de nombreuses bosselures, dinégales dimensions, et des granulations jaunâtres saillantes, modifications prononcées surtout dans l'exlrémité droite du foie, dans le lobe gauche et dans la partie du ti.ssu la plus rapprochée de la face supérieure de Torgane. Mais ce qui attire surtout l'attention, c est l'état de la veine porte hépatique. Elle contient une matière comme caséeuse, d'un gris un peu jaunâtre, d'une apparence grenue, et elle en est tellement remplie qu'elle est comme boursouflée. Les branches qui naissent du tronc de la veine pour pénétrer dans le foie sont également bourrues de cette matière, et en les disséquant au milieu de lorgane, on voit que les rameaux veineux en sont pleins eux-mêmes. Il paraît indubitable que c'est à cette oblitération de la veine porte, plutôt qu'à la cirrhose du foie, qu'était due l'ascite. Le tissu du foie, à la face inférieure de l'organe et autour des bran- ches principales de la veine porte, est très-peu altéré, ou du moins n'offre pas les caractères de la cirrhose, caractères très-marqués, au contraire, dans les parties extrêmes des lobes droit et gauche. On examine avec soin l'origine de la veine porte hépatique, et l'on constate que la matière comme caséeuse qui remplit cette veine cesse d'exister à l'endroit même où la veine splénique se réunit à la veine més- entérique. Ces deux dernières veines ont leur cavité entièrement libre. La rate n'offre aucune lésion; elle a son volume normal. Les intestins ont leur coloration ordinaire. La vésicule biliaire renferme de la bile un peu jaunâtre, filante. Le duodénum contient du mucus coloré par de la bile. Les incisions qui sont faites en divers sens dans le foie montrent que tous les rameaux de la veine porte sont remplis d'une matière analogue à celle que contient le tronc de cette veine; seulement, à mesure que l'on s'éloigne de ce tronc, on voit la matière contenue dans les rameaux I9n veineux changer un {hmi d"a?poci; oile est piii> roiiiffâiro: elle semble de date moins ancienne. Les veine? sus-hé[)aliques et hMirs racines rif renferment aucun contenu du mt^'me genre. Cet examen à l'œil nu avait t'ait penser qu'il s"a:iissait là dune coagu- lation du sang d»ns la veine porte, bien que les parois de cette veine n'eussent présenté aucun indice d'inflammation. Mais l'étude micros- copique de la matière renfermée dans la veine porte donna des résul- tats tout à fait inattendus, La matière, grise jaunâtre, grenue, contenue dans le tronc de la veine, et qui ressemblait tout à fait à de la fibrine en voie de destruc- lion, se montra, sous le microscope, constituée par de petites plaques subarrondies, un peu irrégulières, renfermant des granulations grais- seuses, et par des granulations graisseuses libres. Il n'y avait pas un seul leucocyte. J'eus immédiatement l'idée que j'avais sous les yeux des cellules du foie altérées, flétries. J'examinai alors la matière grenue rougeâtre qui se trouvait un peu plus loin dans les rameaux de la veine porte, et qui faisait suite à la substance grisâtre que je venais d'étudier. Cette fois, il n'y avait plus à douter : la maiière était entièrement formée par une accumulation de cellules hépatiques qui paraissaient, pour la plupart, tout à fait saines. Je fis des incisions sur le morceau de foie que j'avais emporté : sur la surface des coupes on voyait de nombreux rameaux de la veine porte divisés en travers et remplis de cette même boue épaisse et rougeâtre. Partout cette matière était uniquement formée de cellules du foie, la plupart dissociées, quelques-unes soudées encore les unes aux autres en petites plaques. Ces cellules contenaient soit un, soit deux noyaux parfaitement conservés. Les divers caractères de ces cellules, et la comparaison qu'on en a faite avec les éléments des parties saines du foie, ne pouvaient laisser aucun doute sur leur nature. Je revins à la matière remplissant le tronc de la veine, et je parvins, non sans peine, à découvrir quelques cellules flétries possédant encore leurs noyaux. Dans une petite branche de la veine porte, il y avait un liquide pu- riforme. Il ne contenait pas un seul globule de pus, mais on y trouvait d'innombrables cellules du foie sans altération visible. En résumé, une malade dans la démence sénile est atteinte d'as- cite, maigrit et succombe à la rupture d'un infarctus cardiaque. L'autopsie révèle, outre l'altération du cœur et les désordres qui en sont la conséquence, une modilicalion de la glande hépatique qui est parsemée de granulations saillantes et jaunâtres, tandis que la veine 197 porte et ses branches sont remplies par une matière d'apparence caséeuse formée, comme les granulations, de cellules du foie alté- rées et flétries. Ainsi, identité parfaite de l'altération constatée dans ce cas et dans les nôtre?. Quelques faits semblables ont été vus en Allemagne ; Rokitansky (1), en 1849, signale dans le foie d'une femme d'âge moyen, dont il a été appelé à faire l'autopsie, la présence de masses morbides composées de tissu hépatique. Plus récemment, Friedreich et Hoffmann rappor- tent chacun un cas d'altération du foie, constituée également par l'hypergenèse des cellules hépatiques. Le malade de Friedreich (2j est un homme âgé de 56 ans; il avait une afl'ection cérébrale ancienne, lorsqu'il fut atteint d'ictère quel- ques jours avant sa mort causée par une apoplexie. Le foie de ce ma- lade est volumineux; il contient de petites tumeurs disséminées, dont un certain nombre font saillie à sa surface. Ces tumeurs sont formées par des amas de cellules hépatiques, serrées les unes contre les autres et pour la plupart de forme irréiiulière ou polygo- nale. Ces éléments ont le double ou le triple du volume moyen des cellules hépatiques noimales; ils renferment d'un à trois, et même quatre noyaux ronds ou ovales munis chacun d'un gros nu- cléole brillant, de forme vésiculaire. A côté de ces éléments se ren- contrent des cellules plus petites qui ont à peine les dimensions des cellules du foie, et qui peut-être proviennent de la division des élé- ments ci-dessu?. Le contenu de ces parties est trouble et grenu; au pourtour des noyaux existe quelquefois du pigment biliaire, et dans certains points on constate la présence de gnmulations graisseuses, indice d'un commencement de dégénérescence. Au sein de ces masses on voit des extravasats biliaires en partie transformés en noyaux jaunâtres solides et en grume.mx. Le tissu interstitiel épaissi con- tient des cellules fusiformes, étoilées, facilement isolables. La rate de ce même malade est également volumineuse; elle ren- ferme de nombreux petits nodules constitués par des éléments dont les uns ressemblent aux éléments cellulaires propres de l'organe, tandis que les autres, qui ont les dimensions des petites cellules des (i) Rokitansky, Allezem. Wie^ser med. Zeitung, n" 14, p. 98. (2) Friedreich, Archiv f. ?athol., a^at. vad physiol., t. XXXIÎÏ, p. 16, 48. 108 tumeurs hépatiques, donnent lieu de croire aune formation hétéroto- pique des cellules du foie. Le cas observé par Hoffmann (1) est relatif à une femme âgée de 48 ans, morte d'une affection tlioracique. Dans le foie existe une tumeur molle, élastique, saillante; à la face concave du gros lobe, à droite de la vésicule biliaire; cette tumeur lobulée, vasculaire, con- fondue avec le tissu voisin, est composée de cellules disposées dans des travées de tissu conjonctif, de forme polygonale, muliiuucléo- lées, troubles, grenues, contenant des granules pigmentaires, de sorte qu'il n'est pas douteux qu'elle soit produite par une hypergé- nèse des éléments propres du foie. Dans ces deux cas, Ihypergénèse des cellules du foie n'est pas contestable, et si la nouvelle formation a pris moins d'extension que dans les faits précédents, c'est peut-être simplement parce que la mort a été l'effet d'une circonstance accidentelle. Il n'eu est pas ainsi de quelques autres observations publiées sous le titre de tumeurs adénoïdes du foie ou considérées comme telles. Effectivement, dans les unes, qui sont rapportées par Griesinger et Rindfleisch (2), Wa- gner (3), Eberth (4), l'état pathologique du foie, caractérisé par des masses noueuses, multiples, presque entièrement formées de culs- de-sac glanduleux remplis d'éléments épithéliaux, est notablement différent de celui auquel nous avons affaire, et par conséquent doit être rapporté à l'épithéliome plutôt qu'à l'adénome hépatique. Dans d'aulres cas, au contraire, ou il s'agit soit de tumeurs hépatiques rencontrées chez de jeunes enfants (Rukiiansky), soit de tumeurs situées dans le ligament suspenseur du foie, ou séparées de cet or- gane auquel les rattache une toile fibreuse, il y a lieu de voir, avec Klob et Hoffmann, bien plutôt des lésions congénitales que des for- mations pathologiques spontanées. Pas plus que les nôtres, les faits rapportés par Vulpian, Friedreich et Hoffmann ne peuvent être considérés comme des cas de dégéué- (1) Hoffmann, Archiv. f. patuol. anatomie u>d physiolog., t. XXXIX, p. 193. ("2) Griesinger et llindfleish , Archiv. der Heiskunde, 1864, p. 385 et 395, et Arcdiv. gén. de liiÉDECJNE, 1864, t. II, p. 424. (3) E. Wagner, Arcbiv. der Heiskuxde, 1861, p. 471 et 473. (4) C. J.Eberlh, Arcuiv, f. patuol. anat. undphysiol.,1865, t.XLIII,p. 1. 199 rescence graisseuse, car cette métamorphose y est toujours secon- daire et tardive comme dans la plupart des néoplasmes. Si l'on ne tenait compte que de l'état trouble ;'es cellules, de la mulHplication de leurs noyaux et de l'hypertrophie dont un certain nombre sont le siéçre, il y aurait sans doute lieu d'admettre ici un processus plilp^masique. Mnis lor.-^qu'on envisas^e l'abondante proli- fération qui survient alors, l'envahissement des glandes lymphatiques par un tissu semblable à celui du foie, il devient évident que ce pro- cessus se rapproche de relui des carcinomes, que l'adénomedu foie peut être comparé à l'adénome des mamelles, par exemple, et que, comme ce dernier, il est tantôt bénin (cas de Friedreich, Hoffmann), tantôt malin (observations ci-dessus). Ces considérations, que nous avons cherché à faire prévaloir devant la Société de biologie dans chacune de nos présentations, ont été résumées dans une note que renferme la thèse de notre confrère, le docteur Moricourt (1), et l'extrait que voici est encore aujourd'hui le meilleur résumé que nous puissions faire de ce travail : distincte par ses caractères anatomiques, par sa marche ordinairement rapide, cette lésion (hypergénèse circonscrite des cellules hépatiques) doit rentrer dans le groupe des affections cancéreuses, tant à cause de la présence d'un néoplasme au sein des vaisseaux veineux que de l'envahissement des glandes lymphatiques par le produit de nouvelle formation, caractère qui n'appartient ja- mais à la cirrhose. Elle n'est donc qu'une variété du cancer hépa- tique, dont les cellules propres du foie sont l'élément principal. A cette variété de cancer s'en ajoutent deux autres : l'une, c'est la plus fréquente, a son point de départ dans une altération des élé- ments du tissu conjonctif, tandis que la dernière est due à l'hyper- génèse des épilhéliums cylindriques des conduits biliaires. Ces ré- flexions, exactes au point de vue du cancer primitif du foie, ne le sont plus lorsqu'il s'agit du cancer secondaire de cet organe. Ce dernier présente toujours la composition du cancer primitivement développé dans un autre point; ainsi les noyaux d'épithéliome pavi- menteux ne sont pas rares dans le foie des femmes atteintes de can- cer épithélial du col utérin. (1) Jules Moricourt. thèse de Paris, 1864. NOTE SUH IL\ VOLUMINEUX HYSTÉRO-FIBRÔME (LEIOMYOME FIBREUX) AYANT EU UN DEVELOPPEMENT RAPIDE Eï OBSERVÉ CHEZ UNE FEMME DE 23 ANS; M LE Docteur A. LABOULBENE, Professeur agrégé à la Faculté de médecine, médecin des hôpitaux, etc. .Voyez planche IV.) La détermination anatomique des tumeurs est devenue, grâce aux recherches modernes, d'une grande précision ; mais les dénominations qui servent à désigner les tumeurs composées ont été et seront en- core plus ou moins heureusement choisies. Le professeur Broca a nommé fiystér ornes [Traité des tumeurs, 1. 1, p. HO, et II, 252) les corps fihreux de l'utérus, si exactement décrits par notre vénéré maître le professeur Gruveilliier, en prenant surtout en considération la com- position et la structure de ces corps libroides, formés presque tou- jours d'éléments musculaires lisses, ou de la vie organique (1). La (!) Vogel, ErLaûterungstafeln zûr patiiologisckcn Histologie, Leip- sick, 1843. Oldham, Guy's hospital reports, 1844. Lebert, Compt. resd. DE LA Soc. DE BioL., t. IV, p. 68, 1852. Laboulbèno, Compt, reind, de la Soc. DE BIOL., 2« série j t. II. p. 7, 1855. 202 désignation de myômes, ou de myômes à fibres lisses, ou de leio- myômes, leur a été aussi appliquée, et si le nom d'hystérôme est ex- trêmement commode pour distinguer immédiatement le corps fibreux utérin, ce ternie n'est plus aussi heureusement trouvé quand il s'a- git de spécifier une autre tumeur à fibres musculaires lisses, ne provenant pas de l'utérus, mais de l'intestin, par exemple. Enfin le terme hystérôme ne peut en aucune manière remplacer le mot myôme qui a un sens plus compréhensif, s'il s'agit de désigner nettement les agglomérations anomales, ou les tumeurs formées par les fibres musculaires striées de la vie animale, encore rares, mais bien ob- servées parRukitan?ky et Billrolh. La pièce qui fait le sujet de cette note, et que je place sous les yeux de la Société, est une tumt^ur utérine, observée chez une femme de 28 ans, dans mon service à l'hôpital Saint-Antoine. La tumeur, dont la nature a été reconnue pendant la vie, s'est développée en seize mois et a fait périr la malade à la suite d'hémorrhagies îibondantes et répétées; elle a un poids de plus de 10 livres. La figure qui accom- pagne l'observation donne une idée exacte de la forme de cette tu- meur, et les coupes quej'ai pratiquées dans sa masse font voir que la texture n'en est pas homogène, qu'elle est par places libroïde et très- dense, ailleurs mollasse et rougeâtre, mais que nulle part elle ne présente de cavités, ou géode, creusées dans le tissu. Après avoir rapporté l'observation de la malade qui offrait cette volumineuse tumeur utérine, je ferai suivre cet exposé de remar- ques relatives aux symptômes observés pendant la vie, et de l'exa- men microscopique de cette production remarquable. Obs. — La nommée Aup... (Marie), âgée de 28 ans, journalière, entre à Ihôpilal Saint-Antoine le 10 juin 1867, salle Sainte-Thérèse, n" 7; morte le il juillet. Cette femme d'une constitution ordinaire, d'une taille moyenne, frappe au premier abord par la teinte pâle des téguments et la décoloration des lèvres; elle a au plus haut point l'aspect anémique. Elle nous apprend qu'il y a seize mois, sans avoir jamais été malade auparavant, elle s'est aperçue que son ventre grossissait; le développe- ment du ventre s'est fait presque sur la ligne médiane, sans être d'abord plus prononcé à droite ou à gauche : à ce moment elle n'a éprouvé au- cune perte de sang. Interrogée sur ses antécédents, elle dit avoir eu plusieurs maladies de 203 l'enfance, la scarlatine, la rougeole, la coqueluche. Elle a été vaccinée et perle des cicatrices gaufrées de vaccine aux deux bras. Elle a été réglée à 13 ans, « sans avoir éprouvé de fatigue pour se former, » et les règles ont paru périodiquement depuis lors et duraient trois jours. Ra- rement elles ont été précédées de pertes blanches : celles-ci sont ex- ceptionnelles chez la malade ; enfin elle n'a jamais eu d'enfants ni fait de fausses couches ; elle affirme n'avoir jamais éprouvé de retard menstruel avant l'époque où le ventre a grossi. A 1 âge de 20 ans elle a eu une fièvre muqueuse (typhoïde) qui l'a tenue un moisau lit. Jamais ellen'a eu de rhumatisme ni de syphilis; employée comme journalière à la campagne, puis à Paris, elle n'a jamais été dans un atelier où on employât des substances nuisibles à la santé ou toxiques; elle habitaitdansdesendroitsaéréseï secs; son alimenlaiion était bonne, ordinaire; elle n'a jamais souffert de privations. Enfin elle affirme n'avoir jamais fait d'excès sexuels. Ses parents qu'elle a connus ont eu une bonne santé ; ni sa mère ni sa sœur n'ont eu de tumeurs abdominales ni de pertes utérines, à sa connaissance. La santé de cette femme s'est dérangée il y a au plus seize mois, et à ce moment le ventre a grossi ; la malade a éprouvé des coliques et des diffi- cultés de digestion, une constipation a?sez forte. Il y a deux mois, entre deux époques menstruelles, a eu lieu une perte abondante qui lui a fait croire d'abord que ses règles revenaient. Cette perte l'a fort affaiblie. Il y a quinze jours, une nouvelle perte a eu lieu, aussi forte que la pre- mière ; enfin, il y a huit jours, une nouvelle perte s'est déclarée ; la ma- lade dit avoir rempli de sang un plein vase de nuit. C'est à la suite de cette dernière perte qu'elle entre à l'hôpital. Elal actuel. Téguments décolorés, d'une teinte de cire, sur tout le corps; muqueuses des lèvres et de la bouche pâles; sclérotique très- blanche; cheveux châtain clair. Chairs molles; sensation de faiblesse très-grande; sensibilité au froid malgré la température assez élevée, dès qu'une fenêtre ou une porte sont ouvertes et que l'air est agité. L'abdomen à parois souples, sans coloration spéciale, sans vergetures, est très-développé et présente à la palpation une tumeur dure, inégale, s'élevant au-dessus de l'ombilic dans la région épigasirique et vers Thy- pochondre gauche. Cette tumeur, bosselée et lobulée, offre une portion plus spécialement épigastrique, située un peu à droite de la ligne mé- diane, une seconde plus basse et située à gauche, également lobulée, et une tumeur médiane et inférieure, sensiblement lisse et arrondie, s'a- vançant dans les fosses iliaques des deux côtés. Ces tumeurs sont ab- solument mates à la percussion, sans fluctuation, sans adhérence avec les parois abdominales qui glissent sur elles. Les intestins sont refoulés sur les côtés des tumeurs. 204 Par le toucher vaginal on trouve que l'utérus est peu mobile et que le col abaissé, facile à atteindre, dur, présente un petit orifice transver- sal, sous forme de pli, ne pouvant pas recevoir l'extrémité du doigt; la lèvre supérieure est plus avancée que l'inférieure; toutes les deux sont lisses, sans granulations. En pressant la paroi abdominale et déprimant la tumeur avec la main gauche, le mouvement se communique au doigt de la main droite, qui touche le col ; la tumeur fait manifestement corps avec l'utérus. Le tou- cher rectal montre le segment postérieur de lulérus développé, ar- rondi, sans bosselures. L'examen au spéculum n'a pas lieu à cause de l'état de faiblesse de la malade et d^une crainte excessive manifestée par elle. L'appétit est languissant. La langue assez nette, large et sans enduit blanchâtre ou jaunâtre. Peu de sensibilité épigastrique. Constipation du- rant depuis quatre jours. Respiration libre, mais un peu fréquente. Poitrine sonore, ne présen- tant ni en avant ni en arrière aucun bruit anormal soit à la percussion, soit à l'auscultation. Bruit de souffle doux au cœur, à la base et au premier bruit; le cœur n'est point hypertrophié ; la pointe bat dans le cinquième espace inter- costal, en dedans du mamelon. Souffle extrêmement marqué et rappe- lant le bruit continu d'un train de chemin de fer, dans les vaisseaux du cou ; frémissement des plus marqués, des plus évidents sous le doigt qui presse les veines du cou, et plus fort encore à droite qu'à gauche. Aucune tache, aucune cicatrice sur le corps, aucun vestige de syphi- lis; ganglions du cou et de Taisselle non hypertrophiés. Foie petit, ne débordant pas les fosses côtes. Raie petite. Urines claires, citrines, lé- gèrement acides, ne renfermant ni albumine ni sucre. Envies fréquentes d'uriner et quelquefois miction difficile. Peu de sommeil ; la malade dit n'avoir jamais eu d'attaques d'hystérie et ne pas être très-nerveuse ni impressionnable. Pouls à 116, très-petit, mou ; respiration à 26. Température axillaire, 37; température vaginale, 37°, 8. Le tracé sphygmographique du pouls n'offre rien qui ait paru nécessaire de le faire repr^^senter. Prescription : petite centaurée; potion gommeuse avec extrait de quinquina 4 grammes, eau de Rabel 20 gouttes; lavement huileux; une portion d'aliments; vin de quinquina. Diagnostic : tumeur fibreuse (hystérome volumineux et bosselé) de Futérus. 12 juin. La malade n'a pas eu de garde-robe. La perte a été moindre les linges sont à peine tachés de liquide sanguinolent. Prescription : huile de ricin, 32 grammes. ^05 13 juin. La nuit a éU» calme. Évacuations abondantes dans la journée. La perte est tout à fait arrêtée. La malade demande à manger. Prescription : fer réduit par l'hydrogène, 0,10 centigr., 2 portions. 19 juin. Jusqu'à aujourd'hui la malade s'est sentie mieux, mais ce matin elle a eu des vomissements bilieux abondants avant la visite. 20 juin. 120 pulsations; 28 respirations; température axillaire, 37°2. La perte a reparu. L'abdomen est indolore, les tumeurs sont dans le même état qu'au moment de l'entrée. Langue large et blanche; peau assez chaude; le bruit de souffle du cou et des crurales ainsi que le frémissement déjà notés sont extrêmement prononcés. 21 juin. Même état qu'hier. Vomissen:ents bilieux. La tumeur gauche, dont la partie bosselée supérieure est dure, paraît plus molle à la partie inférieure. Prescription : glace par fragments; eau de Seltz; bouillon et potage froids. 22 juin. 120 pulsations; 24 respirations. Vomissements moins fré- quents; un peu de diarrhée. La tumeur parait fluctuante à quelques personnes, mais le Chef de service n'y trouve que la sensation de mol- lesse et une fausse fluctuation. Il éloigne absolument l'idée d'une col- lection liquide ou d'un abcès. 26 juin. Depuis quatre jours la malade se plaint de douleur de gorge. L'examen de cette région n'a montré rien qu'un peu de rougeur, mais la langue est lisse, la réaction acide au papier réactif alcalin, et sur les côtés il y a aujourd'hui quelques taches punctiformes formées par du muguet. Prescription : collutoire au borax trois fois par jour. L'état de l'abdomen ne s'est pas modifié; à gauche et en bas la sen- sation de fausse fluctuation est toujours perceptible. 27 juin. 120 pulsations ; 28 respirations ; température axillaire, 37°,^^. Douleurs abdominales pendant la nuit, surtout à gauche. La malade tient les jambes fléchies, disant qu'elle souffre moins dans cette posi- tion. Œdème léger des jambes constaté pour la première fois. Peau assez chaude et sèche. 28 juin. Perte abondante pendant la nuit. La palpation de l'abdomen n'est pas douloureuse. En faisant coucher la malade sur le côté, on constate une petite quantité de liquide dans la cavité péritonéale. Prescription : injections astringentes; perchlorure de fer; glace. 29 juin. Le sang a cessé de couler. Pas de changement notable dans l'état de la malade. 1" juillet. Nuit calme, la malade dit se trouver mieux. Le muguet a disparu. CKdème très-marqué aux membres inférieurs. La tuméfaction abdominale est plus prononcée en haut, les tumeurs toujours mates et 206 dures ; à gauche et en bas sensation de mollesse et de fausse fluctuation. Prescription : reprise du fer et des toniques, une portion. 4 juillet. Une perte abondante a eu lieu cette nuit. 5 juillet. 120 pulsations ; 28 respiration?. Les vomissements qui avaient tout à fait cessé se sont reproduits; ils consistent en matières aqueuses et verdâtres. Prescription : eaudeSeltz; glace par fragments; potion anti-émétique de Rivière. 6 juillet. 124 pulsations: 28 respirations; température axillaire, 37°. La malade a perdu beaucoup de sang; affaiblissement extrême. Souffle très-fort, mais sans rudesse, au premier temps et à la base du cœur; frémissement extrêmement prononcé dans les veines du cou, surtout à droite, cessant quand on comprime le vaisseau au-dessus du point où le doigt perçoit le frémissement. Pouls petit, difficile à percevoir à la radiale. 7 juillet. Les vomissements ont reparu dans la journée d'hier. Muguet buccal. Prescription : vésicatoire à l'épigastre. 9 juillet. 120 pulsations ; 28 respirations ; température axillaire, 37°, 8 ; température vaginale, 38°, 2. Douleurs abdominales; affaiblissement plus marqué. La malade a eu du délire pendant la nuit, et à la visite du matin elle demande à quitter la salle et à sortir. 10 juillet. Aggravation de l'état noté hier, délire presque continuel. 11 juillet. Mort. Autopsie faite trente heures après la mort. Cadavre émacié, décoloré ;sugillations à la partie postérieure du corps seulement. Putréfaction presque nulle. Le cerveau n'a pu être examiné. Cavité thorucique ne présentant rien d'anormal. Poumons décolorés; pas de liquide dans la cavité pleurale ; aucune adhérence des plèvres. Les poumons incisés n'offrent aucune granulation tuberculeuse. Gan- glions bronchiques de petit volume. Cœur mou, cavités non remplies de caillots, valvules sans épaississement; aorte non altérée. Cavité abdominale. En ouvrant Tabdomen, qui renferme très-peu de liquide citrin, on a remarqué immédiatement une grosse tumeur irré- gulière qui, détachée, extraite et mise dans la balance, pèse 5 kilogr. 60 grammes. (Voy. pi. IV.) Cette tumeur, constituée par l'utérus hypertrophié et couvert de masses mamelonnées, offre la forme reconnue pendant la vie à travers les parois abdominales. Le côté droit (voy. pi. IV, b) est largement hy- pertrophié et arrondi, avec la trompe etlovaire droits à la partie supé- ^07 rieure et externe (/oc. cit, f). Au-dessus, deux tumeurs superposées, ayant presque le volume du poing, s'élevaient près de Tépigaslre [toc. cit. d)\ à gauche et en haut, six tumeurs moindres et agglomérées allaient, en s"étagpant, depuis le haut jusqu'à la moitié latérale gauche de la tumeur utérine principale. En ce point se voyaient la trompe et l'ovaire gauches {loc, cit. g). Ces tumeurs sont dures, la plupart très-résistantes; mais à gauche {loc. cit. c) la tumeur principale est mollasse, d'un rouge sombre ayant un aspect charnu, et elle offre une fausse fluctuation; partout ailleurs le tissu est d'un blanc jaunâtre, à peine rougeâlre. Plusieurs incisions sont pratiquées; une médiane, et un peu inclinée à droite, divise un tissu dur, résistant, et permet de constater que la tumeur est plus dure et encore plus dense et g^i^âlre dans la partie ca- chée. La cavité utérine a disparu ; il est extrêmement difficile d en trou- ver des vestiges, à peine voil-on sur un point une trace bnéaire où les tissus ne sont pas confondus; mais vers le haut et en bas surtout, il y a fusion complète entre les diverses parties de la tumeur principale. A gauche, le tissu mollasse incisé ne laisse pas sortir de sérosité ou de li- quide purulent. Il n'y a qu'un tissu rougeàtre et plus mou, mais tout à fait analogue à l'œil nu à celui de la partie périphérique de la tumeur principale. Les tumeurs bosselées de la partie supérieure sont toutes constituées par un tissu dense d'un blanc jaunâtre, à fibres enroulées. Nulle part on ne trouve de cavité en forme de géode, ni de partie d'as- pect crétacé. L'orifice de la matrice est bouché {loc. cit. a); il est absolument im- possible d'introduire un stylet par le repli senti pendant la vie sur le col, et qui figurait à s'y méprendre l'orifice du museau de tanche. La cavité cervicale a disparu, et les coupes les plus attentives ne peuvent la mettre en évidence. Tout est confondu en un tissu homogène d'un blanc jaunâtre. Les vaisseaux sont développés dans la portion périphérique de la tu- meur utérine ; dans la partie centrale, ils sont à peine visibles ; il en est de même pour les tumeurs de la partie supérieure épigastrique et de l'hypochondre gauche. Les trompes et les ovaires n'offrent que peu de chose à noter; à droite, il existait un petit kyste ovaf ique de la grosseur d'une lentille. Le reste du stroma était sain aussi bien à droite qu'à gauche. Les trompes étaient à l'état normal, leur cavité n'était point obturée. Le péritoine renferme une quantité modérée de sérosité non flocon- neuse ; les intestins sont à l'état presque normal ; ils ne présentent que des arborisations rares, et après l'incision, les plaques de Peyer n'offrent point de saillie. La valvule de Bauhin est à l'état normal. ?08 Le foie et la rate paraissent à l'état sain , ainsi que les ganglions mésentériques. Les reins et la vessie sont pâles, mais sans offrir rien de notable. J'ai fait lexamen histologiiiue en prenant des portions de la tunneur ramollie à gauche et de? parties périphériques de la tumeur droite; enfin des portions des tumeurs supérieures. J'ai trouvé en majeure partie les éléments de l'utérus normal , des fibres musculaires lisses très-reconnaissables après avoir avoir ajouté à la préparation de l'acide acétique, et presque aussi développées sur certains pomts que dans l'uiérus gravide. C est principalement sur la tumeur gauche quelles étaient bien reconnaissables; ailleurs, elles étaient réunies fortement par une matière amorphe dense, parsemée de fines granulations moléculaires; sur plusieurs points, le tissu con- neclif à fibres lamineuses très-serrées, très-difficiles à isoler, existait en majorité. Les portions des divers viscères, foie, rate, poumon, etc., que j'ai examinc'es ne m'ont rien offert digne d'être noté. Les symptômes offerts pendant la vie par cette malade sont dignes d'intérêt. On est frappé d'abord du développement rapide et effectué en seize mois; la tumeur n'a pas beaucoup grossi pendant le séjour de la malade à l'hôpital , la masse était formée et s'est peu accrue. Il n'y a pas eu de retrait ni d'augmentation notables, seulement la partie gauche a diminué de consistance, et elle donnait la sensation mollasse d'une collection liquide. Plusieurs personnes qui suivaient la visite pensaient à la possibilité d'un abcès ou dune collection de liquide; j'ai toujours affirmé qu'il n'y avait qu'une sensation trom- peuse de fausse tluctuntion, qu'en ce point Thystérome était plus mou, et la constation anatomique a prouvé que j'étais dans le vrai. Le spéculum aurait sans doute fait reconnaître l'occlusion de l'ori- fice du col utérin; il eût été impossible d introduire Ihystéromètre; le repli senti par le toucher pendant la vie, et qui faisait croire à un orifice légèrement transversal du col, nous a induits tous en erreur. C'est un des points les plus remarquables de celte observation que l'hémorrhagie considérable qui s'est produite par le col lui-même, non ulcéré, ni même granuleux, mais lisse, assez ferme, ainsi que la nécro^copie a permis de le constater. Aucune portion du vagin n'était érodée ; de plus, aucune partie de la tumeur n'était le siège de ruptures ou d'ecchymoses sanguines. L'hémorrhagie ne s'est point faite sur une muqueuse utérine qui avait disparu, ni dans une 209 cavité dont ou retrouvait à peine trace; mais par le col utérin qui ne paraissait pas s'éloigner beaucoup de l'état normal. L'explication de ces pertes hémorrhagiques si considérables est, on le voit, fort difficile à donner. Les vomisssements dont la malade a été si souvent atteinte auraient pu faire penser aune péritonite pelvienne ou abdominale; mais cette pelvi-péritonite n'existait pas, et je ne Tai point admise, parce que je ne trouvais pas de caractères suffisants pour la diagnostiquer. On a dû remarquer, au contraire, les troubles causés par le poids de la tumeur, la miction rendue difficile et la constipation opiniâtre éprouvée par cette femme. Je dois insister sur les signes d'anémie profonde que présentait la malade. La teinte de cire des téguments et surtout le frémissement vibratoire des vaisseaux superficiels du cou qui, sous une pression modérée du doigt, donnaient une sensation de vibration extraordi- naire. L'autopsie a montré l'intégrité complète du système circula- toire central et périphérique, car une des veines superficielles a été ouverte et trouvée à l'état normal. Les globules rouges n'avaient subi aucune altération et il n'existait pas de leucocythose appré- ciable. Enfin l'examen histologique m'a confirmé dans mon idée première de tumeur formée en grande partie par les fibres-cellules utérines; j'ai examiné surtout les portions de la tumeur mollasse (pi. IV, e), et sur des préparations ayant longtemps éprouvé Faction de l'acide acé- tique. Ces fibres lisses musculaires étaient aussi évidentes que pos- sible. J'ai parfaitement vu depuis ces mêmes fibres lisses en me ser- vant d'acide azotique étendu. MM. Gh. Robin, Ordonez et d'autres collègues ayant pris des portions de cette tumeur, ont trouvé, sur- tout à la partie centrale et un peu vers la droite du tissu fibreux condensé, des fibres de tissu connectif et lamineux. Ces éléments prédominaient au centre, et le fibrome, d'abord interstitiel, a refoulé la muqueuse utérine qui avait fini par disparaître ; puis les deux pa- rois, plus spécialement connectives, s'étaient soudées de manière à ne laisser qu'une faible trace de la cavité utérine. Cette abondance du tissu fibreux au centre de la tumeur explique pourquoi j'ai donné le nom d'hystéro-fibrôme ou de myôme fibreux à cette production mixte. De là encore la précaution indispensable d'examiner tous les points d'une tumeur pour avoir une idée complète de sa composition. MÉM. 14 210 11 n'existait aucun point calcifié dans la tumeur; ce fait est digne d'être noté, car avec la présence du tissu connectif fibreux, le dé- pôt des sels calcaires doit avoir plus facilement lieu qu'avec les fibres musculaires lisses. La pathologie comparée nous montre souvent chez les oiseaux les tendons et les parties connectives envahies par la cal- cification autour et dans les masses musculaires. C'est également à la périphérie des articulations, dans les fibres lamineuses et les tissus conjonctifs que se déposent les sels calcaires. Je termine en joignant à ce travail la note que m'a remise mon collègue et ami M. Ordonez, qui a constaté la présence des fibres musculaires lisses et des fibres connectives du tissu lamineux dans cette volumineuse tumeur utérine. NOTE ADDITIONNELLE DE M. ORDONEZ. Dans une des dernières séances j'ai communiqué à la Société le résultat de mon examen de la portion intra-utérine de la tumeur présentée par M, Laboulbène. J'ai montré, ainsi que je l'avais fait constater à M. Robin, que cette partie était purement fibreuse. J'avais cru, d'après l'analogie d'aspect extérieur, pouvoir généraliser à toute la tumeur l'opinion que cet examen m'avait donnée de sa nature ; mais en étendant mes observa- tions aux diverses portions extra-utérines de la masse morbide, j'ai reconnu que ces tumeurs extra-utérines étaient constituées pour les 7 à 8 dixièmes environ de fibres-cellules ou fibres musculaires lisses, onduleuses, disposées en faisceaux ayant tous une direction bien dé- terminée et écartés les uns des autres par une trame de tissu fibril- laire. Je présente à la Société mes préparations obtenues à laide de coupes et de dilacérations pratiquées en plusieurs endroits de la tu- meur. Elles montrent nettement ces nombreuses fibres musculaires presque aussi développées que sur l'utérus gravide ; elles font voir que la portion extra-utérine formant de beaucoup la plus grande partie de ce produit pathologique, est bien positivement un myôme des plus caractérisés, ou hystérôme, comme lavait dit M.Laboutbène. J'ai fait constater à M. Robin ces faits et lui ai montré ces prépara- 211 tions, comme je l'avais fait pour l'autre partie de la tumeur. Je lui ai, de plus, fait constater la plus grande vascularité et la portion extra- utérine comparativement à la tumeur intra-utérine, et la disposition des faisceaux de fibres musculaires lisses à direction bien détermi- née, contrairement à ce que montraient les faisceaux de tissu fibreux de la masse intra-utérine. FIN DES MEMOIRES. PLANCHES, EXPLICATION DES PLANCHES PLANCHE I. KYSTE DE l'ovaire PAR INCLUSION FOETALE. (Mémoires, page 113.) OS TROUVÉ DANS LA PAROI DU KYSTE OVARIQUE RAPPELANT LA FORMF. DE l'oS TEMPORAL. Fi6. ^. Surface interne (regardant l'intérieur de la cavité). a. Pyramide saillante et criblée d'orifices, simulant le rocher. b. Surface déprimée, semblable aux fosses latérales. c. Apophyse représentant l'apophyse zygomalique. d. Saillie analogue de l'apophyse styloïde. e. Apophyse mastoïde, Fi6. 2. Surface externe. a. Fosse temporale. b. Dépression occupant à peu près la place de la cavité condylienn^. FiG. 3. Petit os isolé comparable à un cornet nasal. Fié. 1 PL c y^^- m. 3. I\ ■>.■ r ^^.^ Ré. 2 ~V- ■^ i r:^^^ Î.LàckerlDaxier lita. Imp Eeccjuet a îan. PLANCHE IL CONTRlBniON A LÉTUDE DE L'HEPATO-AnEXOME. (.Mémoires, page 1*^1.) FiG. i. Adénome hépatique. — Portioa de foie atteint de cette lésion : s. face convexe; a, surface de section présentant de petites nodosités analogues à celles qui existent à la face convexe, h, h, veines sus-hépatiques en partie obstruées par des cellules hépatiques et de la fibrine, c, caillot de même composition occupant la veine porte. (Voir obs. V du Mémoire.) FiG. 2. Coupe microscopique (140 diamètres) du même foie. /", trame fibreuse épaissie, e, cellules hépatiques constituant le lobule; r, vaisseau obstrué par des éléments cellu- laires semblables aux cellules du foie. FiG. V. Cellules hépatiques hypertrophiées provenant de l'un des lobules ci-dessus; Tune d'elles,/), possède un double nucléole. (320 diamètres.) FiG. 3. Faible portion de la face convexe du foie avec une nodosité centrale. (Voir obs. lY du Mémoire.) FiG. 4. Surface de section du même organe destinée à montrer les nodosités n, circonscrites par un tissu fibreux abondant f. — c, une de ces nodosités subissant la transformation caséeuse. FiG. 5. — ce, cellules hépatiques hypertrophiées, possédant de un à quatre noyaux vésicu- leux. (450 diamètres.) Ces cellules proviennent du foie précédent. Pl^.l K_,U. 2. yip.3 o ;?#>' "^ê- '■'■'^^. Lackerbau.er adTiat.piTix. et'iitK /vy /. ^j „ ■■! . t^^ JV^^^^' ////. ^, '///. ^7 1 ^' 3 •â ' //i/. J. ^' y^' y;^/. // mm:i - /l„//>/„a/ ,/,■/. hup. ('/? Chardon aine . Paris . \ soi'osîxu'iiiK's (les Wl's à soie PLANCHE m. ÉTUDES SUR LA MALADIE PSOROSPERMIQUE DES VERS A SOIE. (Comptes rendus, page 105.) FiG. 1. Psorospermies du ver à soie, dites corpuscules vibrants, vues avec un objectif n" 9 ?. immersion de Hartnack, et supposées grossies 1700 fois. a. Leurs formes les plus habituelles. b. Formes que l'on trouve souvent mêlées aux précédentes. Avec de très-forts grossissements et les meilleures lentilles, on parvient à apercevoir une ligne longitudinale saillante sur un grand nombre d'entre elles comme sur les autres psorospermies. (Comparer la figure 12 qui représente des psorospermies vues chez un pyrale.) Longueur des corpuscules = 0,0028 à 0,0045 de millimètre; largeur = 0.0020. c. Formes anormales résultant de la soudure fortuite, plus ou moins intime, de deux ou de plusieurs corpuscules pendant leur développement. Ce sont ces formes qui ont fait admettre par M. Lebert d'abord et d'autres observateurs ensuite la prétendue repro- duction des corpuscules par scission. Elles sont très-rares relativement aux formes a et b. FiG. 2. Psorospermies dans l'intérieur des cellules vitellines où elles sont tantôt éparses et mêlées aux globules huileux vitellins, comme dans a et b, tantôt disposées par groupes forme's d'un plus ou moins grand nombre de corpuscules réunis par une substance homo- gène ou légèrement granuleuse qui n'est autre chose que la gangue, ou le plasma, au sein de laquelle se développent les psorospermies, comme on le voit dans la cellule c. Les cellules vitellines sont plongées dans l'eau salée et assez fortement aplaties par compression afin de rendre visibles leurs noyaux n et les psorospermies renfermées dans leur intérieur. L'une d'elles, a, montre sur son bord plusieurs lobes transparents dus à l'action de l'eau salée sur la substance protoplasmique intérieure et laisse échapper les corpuscules conte- nus. (Grossiss., 250 diamètres.) FiG. 3. Psorospermies aux différentes phases de leur évolution, telles qu'on les rencontre fréquemment mêlées aux formes parfaites de la figure 1, lorsque leur multiplication est très-active, par exemple chez les jeunes vers qui naissent à l'état corpusculeux et chez ceux auxquels on a inoculé la maladie en leur donnant à manger des feuilles corpus- culeuses. V. Taches claires, arrondies, qui sont probablement des vésicules intérieures (nucléus?). FiG. 4. Deux globules formés d'une substance transparente renfermant des psorospermies à différents degrés de développement. De la cavité du corps d'un petit ver venant d'éclore. V. Large vacuole dans l'intérieur d'un de ces globules. (Grossiss. de 250 diamètres.) FiG. 5. Portion de la glande soyeuse d'un jeune ver à soie corpusculeux, long de 1 centi- mètre. Un grand nombre de cellules de cette glande a-%aient subi une dilatation consi- dérable sous l'influence d'un développement abondant de psorospermies dans leur intérieur. Ce ver avait été rendu artificiellement malade par une nourriture corpusculeuse. c. Cellules glandulaires normales. p. Cellules très-dilatées par les psorospermies qu'elles renferment. s. Matière soyeuse dans l'intérieur du canal de la glande. (Grossiss., 250 diamètres.) FiG. 6. Portion d'un tube malpighien du même ver, dans la partie inférieure de laquelle les cellules sont obstruées par des psorospermies et ont perdu leur noyau. L'intérieur du tube est rempli par une substance blanchâtre formée de granulations et de petits cristaux qua- drangulaires d'acide urique. (Grossiss., 250 diamètres.) FiG. 7. Section optique de la paroi de l'estomac d'un ver corpusculeux au moment de l'éclosion. e. Cellules épitbéliales remplies de psorospermies. m. Tunique musculeuse dans laquelle se trouvent quelques traînées formées par les parasites. c. Cuticule. s. Enveloppe séreuse de l'estomac. (Grossiss,, 250 diamètres.) 2J8 Fi6. 8. Eïtréraité de l'intestin d'un petit ver corpusculeux retourné en manière de doigt de gant et faisant saillie hors de l'orifice anal par l'effet de la compression exercée sur le Ter. L'intestin est en train de se vider de son contenu dans l'eau environnante. m. Granulations du méconium mêlées de nombreux corpuscules. f,f'. Fragments du chorion de l'œuf rongés et avalés par la petite chenille au moment de l'éclosion. L'un de ses fragments porte l'appareil micropylaire de la coque, recon- naissable à la double rosace qui entoure le raicropyle. c. Cuticule. e. Épithélium intestinal. m. Tunique musculeuse. s. Enveloppe séreuse. /. Anses formées par les tubes malpighions entraînés hors du corps par la sortie àc l'intestin. (Grossiss,, 80 diamètres.) FiG. 9. Partie moyenne de l'intestin d'une petite chenille du Gastropacha neustria rendue artificiellement corpusculeuse. On voit sous la séreuse s, et dans l'intervalle des fibres musculaires longitudinales, de nombreux amas formés par des psorospermies à différents degrés de développement. p^p. Masses de matière psorospermique homogène dans quelques-unes desquelles quel- ques psorospermies commencent à se former. p',p'. Amas psorospermiques arrivés à maturité et contenant des parasites k l'état parfait. s. Enveloppe séreuse de l'intestin. m. Couche des fibres musculaires transversales, m'. Couche des fibres musculaires longitudinales. (Grossiss., 250 diamètres.) FiG. 10 et 11. Sphères trouvées au nombre de quinze à vingt dans un papillon du Pyralis viridana, d'où elles se sont échappées lors de l'ouverture de la cavité abdo- minale. Ces sphères, d'un diamètre de 0,23 à 0,40 de millimètre, étaient entourées d'une enveloppe assez épaisse et renfermaient dans leur intérieur quelques amas arrondis formés de fines granulations brunâtres et suspendus dans un liquide visqueux homo- gène; les psorospermies étaient répandues à la surface au-dessous delà membrane d'en- veloppe. Dans quelques-unes de ces sphères (fig. 11), les parasites étaient mêlés à de nombreux globules d'apparence graisseuse, insolubles dans la soude caustique et prenant une coloration lie de vin sous l'influence de l'iode. Un deuxième individu de cette espèc? renfermait quatre sphères semblables à celles de la figure 10. (Grossiss., 05 diamètres.) Fig. 12. Quelques-uns des corpuscules renfermés dans les sphères précédentes. Ils ont une grande analogie avec les psorospermies que l'on trouve sur les branchies et dans différents organes des poissons d'eau douce (1). Ils présentent une forme elliptique légè- rement aplatie et leur bord est parcouru par une ligne saillante qui semble produite par la juxtaposition de deux valves comme chez les psorospermies des poissons. De plus, ils offrent, comme ces dernières, tantôt deux petits grains géminés brillants placés à une de leurs extrémités, tantôt quatre grains semblables disposés par paires aux deux bouts du corpuscule. Ni les alcalis concentrés, ni les solutions acides faibles ne les modifiaient d'une manière sensible; mais après quelques minutes de séjour dans l'eau salée, ils avaient pris un aspect brillant et homogène tout à fait semblable à celui que présentent normale- ment les corpuscules du ver à soie. (Voyez mon Mémoire sur les Corpuscules delà pébrine, loc cit., T^. 601.) a, Psorospermies de la pyrale vues de face. b, b. Les mêmes vues par leur bord. c, c, c. Changements d'aspect produits par l'eau salée. (Grossiss. supposé de 1,500 fois.) (1) Voyez J. Millier, Ueber eine eigenthumliche krankhafte parasitische Bildung mit speci- flsch organisirten Samenhorperchen. {Mûller's Archiv., 1841, p. 477 et suiv.). — Balbiani, Sur l'organisation et la nature des psorospermies. {Comptes rendus de l'.icadémie des sciences, 1863, t. LVII,p. 157-161.) PLANCHE IV. XOTE SUR UN VOLUMINEUX HYSTERO-FIBRÔME. {Mémoires, page 201.) EXPLICATION DES LETTRES. a Eitrémité du col utérin; orifice bouché; un simple repli sépare les deux lèvres du col. b Partie droite de l'hystérônie. c Partie gauche où l'on avait la sensation de mollesse du tissu et de fausse fluctuation. d Portion supérieure et bosselée de l'hystérôme. e Pubis osseux coupé de chaque côté. f Ovaire et trompe du côté droit. g M. Id. du côté gauche. PL. 4 Lùboulhène del_Lèvejile lith Imj) Lemercierec C'^Iûtis TABLE DES MEMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 1. Recherches pour servir à Thistoire de la pellagre sporadique et de la pseudo-pellagre des alcoolisés; par M. E. Leudet 3 2. Mémoire sur révolution de la notocorde, des cavités des disques interver- tébraux et de leur contenu gélatineux ; par M. Charles Robin. .... 3i 3. Note sur l'action physiologique de la vératrine, à propos d'un mémoire de MM. deBezold et Hirt, par M. J. L. Prévost 39 4. Note sur deux cas d'héraorrhagie sous-méningée; par M. Raphaël Lépine. 45 5. Recherches sur l'anatomie de la voûte du crâne; par M. Prompt, , . . . 8i 6. Observation pour servir à l'histoire de l'adénie; par MM, Auguste Ollivier et Louis Ranvier 99 7. Kyste de l'ovaire par inclusion fœtale ; ovariolomie, péritonite ; mort trois jours après l'opération; autopsie; par MM. Bourneville etBourgeois.(Foi/. planche I.) U3 8. Note sur un cas d'étranglement interne, qui fut pris pour un cas de choléra épidémique; par MM. Alfred Fournier et Auguste Ollivier 1(9 9. Note sur le rôle physiologique de la gaîne fibro-musculaire de l'orbite, relativement aux mouvements de projection du globe oculaire lors de l'électrisation du grand sympathique cervical; par MM. J. L. Prévost et F. Jolyet 129 10. Sur l'existence de troubles vaso-moteurs des membres dans quelques affections fébriles, et spécialement dans la pneumonie; par M. Raphaël Lépine = 133 11. Note sur les altérations des humeurs par les matières dites extractives; par M. P. Chalvet i49 12. Contribution à l'élude de l'hépato-adénome (adénome hépatique); par M. le docteur Lancereaux. [Voy. planche H.) i8i 13. Note sur un volumineux hystéro-fibrôme (leiomyome fibreux), ayant eu un développement rapide, et observé chez une femme de 28 ans ; par M. A. La- boulbène. (Voy. planche IV.) 20i FIN DE LA TAULE DES MEMOIRES. ^ TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES ^^^- CONTENUES DANS LES COMPTES RENDUS ET LES MÉMOIRES DE liA SOCIETE DE BIOLOGIE POUR l'année 1867 (1). A C. ■. H. Absorption cutanée dans le bain sulfureux; par M. Le Bret m » Acarus du blé (Éruption cutanée due à 1'); par MM. Robin et Rouyer. i78 " Adénie (Observation pour servira l'histoire de 1'); par MM. Ollivier et Ranvier » »» Alcoolisme (Anatomie pathologique de T); par M. Bouchard 180 » — (— de la pseudo-pellagre dans les cas d'); par le docteur E. Leudet. . » 3 Altérations tuberculeuses des organes génito-urinaires; par M. Magnan. 66 » Amphioxus (Note sur T) ; par M. P. Bert 17 » Anatomie de la voûte du crâne (Recherches sur I'); par M. Prompt. . » 8i Anévrysmet des artérioles du cerveau et hémorrbagie cérébrale; par M. Lépine 3 » —chez le cheval ; par M. Raymond 175 » Anomalie du canal central de la moelle épiniére; par le docteur Jolyet. 7 » B Bourgeons (Note sur le développement, l'anatomie et la physiologie des) ; par M. Quinquaud . 3S » Bromure de potassium (Action physiologique du); par le docteur W. Laborde. . . , 48 C Caféine (Action de la); par M. Leven i79 » (i)Les pages indiqu ées à la marge sont celles des comptes rendus (C.R.) et des mémoires (M,). 224 C. R. M. Canaux périvasculaires (Note sur la structure des); par M. Lépine. . . 173 » Cancer de la colonne vertébrale consécutif au cancer du foie et du pou- mon; par MM. OUivier et Prévost 136 » Capsule surrénale (sur la structure de la); par le docteur Grandry. . 1 « Cartilages (Cicatrisation des); par M. Ch. Legros 80 b Chancre induré (Greffe d'un) ; par MM. Legros et Michot 165 » Choléra traité par les injections hypodermiques de curare par M. Isam- bert 49 Cocaïne (Recherches sur l'action physiologique de la); par M. Jolyet. .162 »• —(Action physiologique delà); par M. Moreno y Maïz. ..... i64 » Colchicine (Action de la) chez les grenouilles; par M. Jolyet 16O <• E Électricité locale dans Textraclion des dents; par M. Pallas 181 » Encéphalite et Épilepsie ; par M. Bourneville 9 » —chronique avec épilepsie; par M. Magnan I3i » Éruption cutanée due à l'acarus du blé; par MM. Robin et Rouyer. . 178 » Étranglement interne pris pour un cas de choléra; par MM. A. Four- nier et OUivier » i'9 F Fève de Calabar (Emploi de la) dans le traitement du tétanos; par M. Bourneville I6î » G Gangrène spontanée de l'extrémité inférieure; par M. Benni. ... 113 » Glycosurie et goitre exopblhalmique chez le même malade; parle doc- teur Dumontpallier H6 « Goitre exophthalmique et glycosurie chez le môme malade; par M. Dumontpallier 1 16 » Greffe d'un chancre induré sur le cochon d'Inde ; par MM. Legros et Michot 165 « H Hémorrhagie cérébrale et anévrysmes sur les artérioles du cerveau ; par M. Lépine 3 » —et ramollissement du cerveau (De la température des parties centrales dans les); par le docteur Charcot 92 » —sous-méningée; par M. R. Lépine >• 45 Hépato-adénome ; par le docteur Lancereaux » '8J Humeurs (Altérations des) par les matières dites extractives; par M.Chalvet » i^» Hystéro-fibrome; par le docteur Laboulbène " 200 Infarctus multiples avec ramollissement. — Rupture du cœur; par MM. Magnan et Bouchereau. 82 Inoculation de matière mélanique; par le docteur Goujon 93 225 K C. A. M. Kyste de l'ovaire par inclusion fœtale; par MM. Bourneville et Bourgeois. • us N Néphrite urique; par le docteur Lancereaux 28 • Nicotine (Empoisonnement par la); par M. Rosenlhal di » Notocorde des cavités des disques interyeriebraux; par M. Ch. Robin. . 31 o Occlusion du trou de Bolal chez les animaux; par M. Goubaux. ... 179 » Œsophage (Dilatation anormale de T) chez le cheval; par M. Raymond. 121 » Orbite (Gaîne libro-musculaire de 1'); par Prévost et Joiyet • nu Ovaire (Kyste de 1'; par inclusion fœtale; par MM. Bourneville et Bourgeois » nS Oxalate de chaux dans la tige cristalline de la moule; par M. Vulpian. lis » P Parasite de la peau chez l'homme (Nouveau); par le docteur Judée. . 73 » Pellag^re sporadique et pseudo-pellagre des alcoolisés; par le docteur E. Leudet • » Phosphorescence chez des animaux marins (Note sur quelques phéno- mènes de); par M. Pelvet 25 « Poissons de mer dans l'eau douce (Mort des); par M. P. Bert îî » Poulpe (Influence du système nerveux sur les changements de la peau et les mouvements des ventouses chez le); par M. Pelvet 6I » Psorospermique (Maladie) des vers à soie; par M. Balbiani. . . 103 » Pus (Formation d'éléments analogues aux éléments du) chez les mol- lusques ; par M. Vulpian 116 » R Rotation (Mouvements de) consécutifs aux lésions encéphaliques unila- térales; par M. Prévost. . iZ» u Rupture du cœur; par MM. Magnan et Bouchereau 82 » S Seiche fRecherches anatomiques et physiologiques sur la); par M. P. Bert 127 » Sels purgatifs (Action de divers) sur l'intestin de la grenouille; par M. Jolyet k . . . . 163 • Sensitive (Mouvements de la); par le docteur P. Bert 99 » Sulfate de quinine (Remarques critiques sur l'action du) ; par M. Jolyet. 46 » -chez les grenouilles (Action du); par le docteur Jolyet 23 Sulfocyanure de potassium (Expériences sur l'action du); par MM. Du- breuil et Legros 87 »• T Température des parties centrales dans le ramollissement et l'hémor- rhagie du cerveau; par M. Charcot 92 Tétanos (Traitement du) par la fève de Calabar; par M. Bourneville. . i65 » Trachée (Déformation de la) ; par , M. Raymond 68 » MËM. 15 226 _ C. R. M Tnchophyton (Analomie et développement du); par M, Bouchard. . 177 Troubles vaso-moleurs des membres dans la pneumonie et d'autres affec- tions fébriles; par M. Lépine „ 13 Tubercules des organes génito-urinaires ; par M. Magnan «c Vératrine (Note sur l'action physiologique de la); par M. Prévost. . Vers à soie (Maladie psorospermique des), arec planches; par M. Bal- biani 103 Z Zona à la suite du traumatisme: par M. Bouchard 183 FIN DE LA TABLE ANALYTIQUE. TABLE DES MATIÈRES PAR NOMS D'AUTEURS. B C. R. M. Balbiani Études sur la maladie psorospermique des vers à soie (avec planches) 103 » Ball Discours sur la tombe de M. Rayer » xii Benni Gangrène spontanée de l'extrémité inférieure. . . ii3 « Sert (P.) Sur l'amphioxus n » — Sur la mort des poissons de mer dans l'eau douce. 22 » — Note sur l'anatomie et la physiologie de la seiche. . 127 » — Sur les mouvements de la sensitive 99 » Bouchard Anatomie pathologique de l'alcoolisme 18O » — Anatomie et développement du trichophylon. ... m » — Du zona à la suite du traumatisme i83 • BoucHEREAuet Magnan, Voy. Magnan. HouRNEViLLE. ... De l'emploi de la fève de Calabar dans le traitement du tétanos 165 » — Epilepsie et encéphalite 9 » — et Bourgeois . . Kyste de l'ovaire par inclusion fœtale. Ovariotomie. Mort » 113 Chalvet Altérations des humeurs par les matières exlraclives. ~ • 149 Charcot De la température des parties centrales dans l'apo- plexie liée à l'hémorrhagie cérébrale et au ramol- lissement du cerveau 92 »• DcBBEciL et Legros. Expériences sur le sulfocyanure de potassium. . 87 Ddmontpallier. . . Goitre exophlhalmique et glycosurie chez la même malade , • • ne FouRNiER etOi.LiviER. Notc sur un cas d'étranglcmeui interne pris pour un cas de choléra 228 G c. ». GouBAcx De l'occlusion du trou de Botal chez les animaux. . 179 Goujon Inoculation de matière raélaniqae 93 Grandrt Structure de la capsule surrénale chez quelques animaux 1 I IsAMBERT Traitement du choléra par les injections hypodermi- ques de curare 49 JOLTET Canal central de la moelle épinière (Anomalie du). 7 — Recherches sur l'action physiologique de la cocaïne. i62 — Sur l'action de la colchicine chez la grenouille. . . 16O — De l'action du sulfate de quinine chez les grenouilles. 23 — Action de divers sels purgatifs sur l'intestin, spécia- lement chez la grenouille 163 — Remarques critiques sur les expériences de M. Eulen- bourg relatives à l'action du sulfate de quinine chez les grenouilles 46 JODÉE Sur un nouveau parasite de la peau chez l'homme. 73 LiBORDE Note sur l'action physiologique du bromure de po- tassium 43 » Laboclbène Hystéro- fibrome volumineux et à développement rapide i> 200 Lancereaux Diathèse urique dans un cas de néphrite intersti- tielle chronique 28 » — Hépalo-adénome (Contribution à l'étude de T;. • • ' 181 Le Bret Expériences sur l'absorption cutanée dans les bains sulfureux 125 » Legros (Ch.) Cicatrisation des cartilages 80 « — et MicHOT. . . . Greffe d'un chancre induré sur le cochon d'Inde. . 165 >• Lépine Anévrysmes des artérioles du cerveau. Hémorrhagie 3 » — Note sur deux cas d'hémorrhagie sous-méningée. . 45 » — Note sur la structure des vaisseaux périvasculaires des centres nerveux 173 » — Troubles vaso-moteurs des membres dans la pneu- monie » 133 Le^det De la pellagre sporadique et de la pseudo-pellagre des alcoolisés » 3 Leten Action de la caféine 179 » M Magnan Abcès tuberculeux du rein droit avec transformation caséuse du bassinet, de l'uretère et de la vessie. . 66 » 229 Magnan Encéphalite et épilepsie J3j — et BoucHEREAU. Infarctus multiples avec ramollissement dans plu- sieurs organes. Rupture de la paroi antérieure du ventricule gauche du cœur 82 MicHOT et Legros. . Voy. Legrcs. MoRENO y Maïz. . . Action physiologique de la cocaïne i64 O Ollivier etFouRNiER. Voy. Fournier , — et PREVOST . . . Cancer vertébral consécutif au cancer du foie et des poumons 13S ~ et Ranvier. . . , Adénie (Contribution à l'histoire de I') > 119 9» 61 Pallas De l'électricité locale dans l'extraction des dents. . Pelvet De la phosphorescence chez des animaux marins. . — Influence du système nerveux sur les changements de la peau et les mouvements des ventouses chez le poulpe Prévost Note sur l'action physiologique de la vératrine. . . » — Recherches expérimentales relatives au sens des mouvements de rotation dus aux lésions encépha- liques unilatérales .... 139 — et JoLYET. . . . De la gaine fibro-musculaire de l'orbite « — et Ollivier. . . Voy. Ollivier. Prompt Recherches sur l'anatomie de la voûte du crâne. , QUINQUAID. . . Note sur le développement, l'anatomie et la physio- logie des bourgeons R 33 Ranvier et Ollivier. Voy. Ollivier » Raymond Deux cas d'anévrysmes chez le cheval 75 — Dilatation anormale de l'œsophage chez le cheval. . 121 — Déformation de la trachée chez un mulet. ... 69 Robin (Ch.) Mémoire sur l'évolution de la notocorde des cavités des disquesintervertébraux, et de leur contenu gé- latineux n — et Router. . . . Éruption cutanée due à l'acarus du blé i78 RosENTHAL Sur Un phénomène observé dans l'empoisonnement par la nicotine 91 99 VuLPiAN Sur la formation d'éléments analogues à ceux du pus chez les mollusques. US — Sur la présence de cristaux d'oxalate de chaux dans la tige cristalline de la moule ii5 FIN DES TABLES. LISTE DES OUVRAGES OFFERTS A E.A (SOCIÉTÉ OF BIOIiOGlIF. 1867. A Annuaire de l'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux- arts de Belgique. 1866. B Bulletin de l'Académie royale de médecine de Belgique. Bulletin de l'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux- arts de Belgique, 1865-1866. Bulletin de l'Académie des sciences de Paris. Bulletin de la Société médicale de l'Aube. Bulletin de la Société d'anthropologie de Paris. Bulletin de la Société médicale d'Angers. Bulletin médical de l'Aisne. Bulletin de la Société botanique de France. Bulletin de la Société médicale d'émulation, envoyé par M. le ministre de l'instruction publique. Bulletin de la Société impériale de médecine de Marseille, envoyé par M. le ministre de l'instruction publique. Bulletin médical du nord de la France. Bulletin de la Société des sciences médicales de Lyon. Bulletin de la Société royale de Londres. Bulletin de la Société des sciences médicales de l'arrondissement de Gannat (Allier). Bulletin de la Société médico-chirurgicale des hôpitaux et hospices de Bordeaux. Bulletin de la Société médicale de Poitiers. Bulletin de la Société des hôpitaux de Paris. Bulletin de la Société des naturalistes de Moscou. Bulletin de la Société royale des sciences de la Saxe. Bulletin de la Société médicale du Havre. Bulletin de la Société de chirurgie de Paris. Bulletin et mémoires de l'Institut égyptien. Bulletins de l'Institut national genevois. 232 Berchon Commission sanitaire des États-Unis d'Amé- rique. Revue critique. Bert (Paul) Anatomie et physiologie comparées. — Mouvements de la sensitive. Broca Dégénérescence (De la prétendue) de la popu- lation française. Bouchard De la pathogénie des hémorrhagies cérébrales (Thèse inaugurale, 1867). C Castorani Taches de la cornée (Traitement des). Comptes rendus De l'Académie des sciences de Chicago. — De l'Académie des sciences de Philadelphie, F Fort Mémoire sur Tanatomie et la physiologie du poumon. G Gazette médicale de Paris. G,?j;"î|te médico-chirurgicale de Toulouse. Giraldès Leçons cliniques sur les affections chirurgi- cales de l'enfance, J Judée. Action de l'électrophore sur la grenouille. — Circulation cardiaque chez les animaux. L Le bret Compte rendu des travaux de la Société d'hy- drologie médicale, 1865-1866. M Magitot De la carie dentaire. Maygrier De la vaccine. Rage (Remèdes contre la). Marey Leçons au collège de France. Marquez Ulcère perforant du pied. O Odier et Blache Mortalité des nouveau-nés. S Statistique médicale de l'armée, 1865. T Tripier Cancer de la colonne vertébrale. (Thèse, 1867.) FIN. •i!iV;!;mî :,'.vM 'kP i;i-;;',i UP'irÂ'm p:Vviv!o;.;^: 'îH'lv ^;t.'!rv;'