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MEMBRES HONORAIRES. MM. Andral. Becquerel. Bernard Claude) Bouillaud. Chevreul. Coste. MM. Dumas. Littré. Milne Edwards. De Quatrefagoj. N... N... (1} La présidence perpétuelle de la Société étant devenue vacante par la mort de M. Rayer, il a été procédé, dans la séance du 9 novem- bre 18G7 et conformément à l'article 8 des statuts de la Société, à l'é- lection d'un Président perpétuel. M. Claude Bernard, ayant obtenu la majorité absolue des suffrages, a été élu Président perpétuel de la Société de Biologie. VI MEMBRES TITULAIRES-HONORAIRES (1867-68). MM. Balbiani. Bastien. Bernard (Charles). Berthelot. Blot. Bouchut. Bouley (Henri). Bourguignon. Broca. Brown-Séquard. Charcot. Davaine. Depaul. Fournier (Eug.). Giraldès. Goubaux. Guillemin. MM. Houel. Jacquart (Henri). Laboulbène. Leblanc (C). Le Bret. Leconte. Le Gendre. Liégeois. Lorain. Luys. M are y. Martin-Magron. Regnauld. Sappey. Soubeiran (J. L.j. Verneull. Vulpian. MEMBRES TITULAIRES. MM. Bail. Bergeron. Bert (Paul). Bouchard. Chalvet. Chatin. Cornil. (Motard. Duguet. Dumontpallier. Gallois. Gubler. Hardy. Hayem. Hillairet. Isambert. Laborde. Lancereaux. MM. Legros. Lépine. Leven. Magitot. Magnan. Michon. Milne Edwards (Alphonse). Moreau (Armand). Odier. Ollivier. Ordonez. Pelvet. Prévost. Ranvier. Raymond. Robin (Charles). Trasbot. Vidal (E.). VII MEMBRES ASSOCIÉS. MM. Agassiz. Baer (de). Bennett (Hughes). Ehrenberg. Gurit (Ernst-Friedrich). Huss (Magnus). Jones (Bence). Lebert (H.). Liebig (Justus). Mohl (Hugo von). MM. Owen (Richard). Paget (James). Pouchet père. Purkinje. Queteley. Schwann. Siebold. Sédillot. Valentin. MEMBRES CORRESPONDANTS NATIONAUX. MM. Beylard à Paris. Blondlot à Nancy. Chaussât à Aubusson. Chauveau à Lyon. Courty à Montpellier. Dareste à Lille. Desgranges à Lyon. Dufour (Gustave) à Rome. Dugès aîné au Mexique. Duplay à Paris. Ebrard à Bourg. Ester à Montpellier. Faivre (E.) à Lyon. Germain de Saint-Pierre., à Nice. Gosselin à Paris. Guérin (Jules) à Paris. Ehrmann à Strasbourg. Huette à Montargis. Lecadre au Havre. Leroy de Méricourt à Brest. Lespès à Marseille. Leudet (Emile) à Rouen. Martins (Charles) à Montpellier. Ollier à Lyon. Rouget à Montpellier. Saint -Pierre à Montpellier. Stoltz à Strasbourg. Vaillant à Paris. VIII MEMBRES CORRESPONDANTS ÉTRANGERS. Grande-Bretagne. MM. Beale à Londres. Berkeley (M. .1.) à Kings-Cliff. Bowman (W.) à Londres. Carpenter (W. B.) à Londres. Grant (R. E.) à Londres. Jacob (A.) à Dublin. Jones (Wharton) à Londres. Maclise à Londres. Marcet à Londres. Nunneley à Leeds. Redfern à Aberdeen. Sharpey à Londres. Simon (John) à Londres. Simpson à Edimbourg. Thomson (Allen) à Glasgow. Toynbee à Londres. Waller à Londres. Williamson à Londres. Allemagne. MM. Bischoff à Munich. Briicke (Ernst) à Vienne. Carus (V.) à Leipzig. Dubois-Reymond à Berlin. Helmoltz à Leipzig. Henle , à Gœttingen. Hering à Stuttgardt. Hirschfeld (Ludovic) à Varsovie. Hoffmeister à Leipzig. Hyrtl à Vienne. Kœlliker ,..., à W^iirzburg. Leuckart à Munich. Ludwig. à Vienne. Luschka à Tubinge. Mayer à Bonn. Meckel (Albert). à Halle. Rokitansky à Vienne. Schaltze à Bonn. M. M. IX MM. Stannius à Rostock. Stilling à Cassel. Virchow à Berlin. Weber(Wilhelm-Eduard).. à Leipzig. Weber (Ernst-Heinrich) ... à Leipzig. Belgique. MM. Gluge à Bruxelles. Spring à Liège. Thiernesse à Bruxelles. Van-Beneden à Louvain. Danemark. Hanncver à Copenhague. Suède. Santesson à Stockholm. Hollande. MM. Donders à Utrecht. Hartig à Utrecht. Van der Hœven à Leyde. finisse. MM. Duby à Genève. Frey à Zurich. De la Harpe à Lausanne. Miescher à Bâle. Vogt à Genève. Italie. M^L Lusana , à Palerme. Martini à Naples. Moleschott à Turin. Vella , à Turin. Portugal. M. De Mello à Lisbonne. États-Unis. MM. Bigelow (Henry J.) à Boston. Draper à New-York. Leidy (Joseph) à Philadelphie. Brésil. M. Abbott à Bahia. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE RÈGLEMENT PRIMITIF (1848). ORGANISATION. Article 1". La Société de Biologie est instituée pour l'étude de la science des êtres organisés, à Fétat normal et à l'état pathologique. Art. 2. La Société est composée de membres titulaires, de membres ho- noraires, d'associés et de correspondants. Art. 3. Le nombre des membres titulaires est fixé à quarante. Art. 4. Le nombre des membres honoraires est fixé à quinze. Art. 5. Le nombre des associés est fixé à vingt. Art. 6. Le nombre des membres correspondants est fixé à quatre-vingts. Art. 7. La Société est administrée par un président perpétuel, deux vice- présidents, quatre secrétaires et un trésorier-archiviste. Art. 8. Le président est élu à la majorité absolue des suffrages. Il dirige les discussions et fait exécuter le rèizlement. XII Art. 9. Les vice-présidents, les secrétaires et le trésorier-archiviste sont élus à la majorité absolue des suffrages. Le temps de leur exercice est d'un an. Ils peuvent être réélus. Art. 10. Les secrétaires rédigent les procès-verbaux des séances. Ils sont chargés de la rédaction et de la publication des travaux de la Société et de la correspondance. Art. 11. Les mémoires lus à la Société et les notes résumant les communi- cations verbales sont remis aux secrétaires, séance tenante. Art. 12. Le trésorier-archiviste est chargé de recouvrer les sommes dues à la Société, d'acquitter les dépenses, et de veiller à la conservation des ouvrages, des manuscrits, des pièces d'anatomie, etc., adressés à la Société ou acquis par elle. Art. 13. Tous les ans, une commission de trois membres examine les comptes et le catalogue tenus par le trésorier-archiviste. Art. 14. Le trésorier-archiviste est responsable des objets qu'il aura prêtés sans un reçu d'un membre de la Société. Art. 15. Lorsqu'une place de membre titulaire sera vacante, il sera procédé à l'élection un mois après la déclaration de la vacance. Art. 16. Une commission fera un rapport sur les travaux des candidats; ce rapport sera discuté en comité secret. Art. 17. L'élection se fera à la séance suivante, à la majorité absolue des suffrages. Art. 18. La nomination des membres honoraires, associés et correspon- dants sera soumise aux mêmes règles que celle des membres titu- laires. XIII Art. 19. Les correspondants peuvent prendre part aux discussions qui s'en- gagent dans la Société, mais ils n'ont pas voix délibérative. Art. 20. Les séances de la Société ont lieu tous les samedis, à trois heures. Art. 21. Les membres titulaires acquittent une cotisation personnelle fixée par la Société. Art. 22. Toute proposition tendant à modifier l'organisation de la Société devra être signée par cinq membres titulaires. Elle sera discutée dans la première séance du semestre suivant. ADMLNISTRATION. Art. 23. Les revenus de la Société proviennent : 1° De la contribution annuelle des membres titulaires; 2" Des frais de diplôme; 3° Des amendes. Art. 24. La contributionannuelle est fixée à douze francs; elle sera payable par trimestre, sur avertissement du trésorier. Art. 25. Tout membre qui refusera d'acquiter la contribution annuelle sera considéré comme démissionnaire. Il sera procédé a son remplace- ment. Art. 26. Les frais de diplôme sont de dix francs pour les membres titulaires. Les membres honoraires, associés et correspondants en sont exempts. Le titulaire élu sera tenu de retirer son diplôme dans l'espace d'un mois. Art. 27. Les membres titulaires signeront la feuille de présence. Les ab- sences, hors le cas de congé, sont passibles d'un franc d'amende, par séance. XIV Art. 28. Les amendes sont payables tous les trois mois, sur avertissement du trésorier. Art. 29. Les membres titulaires dont l'absence, hors le cas de congé, se prolongerait au delà de trois mois, seront considérés comme démis- sionnaires. Art. 30. Toute proposition tendant à modifier l'administration de la Société devra être signée de cinq membres titulaires et sera discutée dans la première séance du semestre suivant. SOCIETE DE BIOLOGIE FONDEE DANS LE MOIS DE MAI 1848. DÉCRET IMPÉRIAL DU 15 NOVEMBRE 1864 reconnaissant la société de biologie étabi-iISSem:ei}vt d'utilité publique. Napoléon, Par la grâce de Dieu et la volonté nationale, Empereur des Fran- çais, à tous présents et à venir, salut. Sur le rapport de notre ministre secrétaire d'État au département de l'Instruction publique ; Vu la demande formée par la Société de Biologie de Paris; Vu l'art. 910 du Gode Napoléon; Vu les documents à l'appui, faisant connaître la composition de la Société, ses statuts, sa situation financière et ses travaux ; XV Vu l'extrait du testament olographe du docteur Jean-Ernest Go- dard, daté de Jérusalem, le 4 septembre 1862, déposé en l'étude de M* Fournier, notaire à Bordeaux, le 23 octobre de la même anuée; Vu l'acte de décès du testateur; Vu la délibération de la Société portant acceptation du legs de cinq mille francs (5,000 fr.) à elle fait par le docteur Godard; Notre conseil d'État entendu, Avons décrété et décrétons ce qui suit : Article 1". La Société de Biologie de Paris est reconnue comme établissement d'utilité publique. Art. 2. Les statuts de la Société sont approuvés tels qu'ils sont annexés au présent décret. Aucune modification ne pourra y être faite sans notre autorisation. Art. 3. La Société de Biologie est autorisée à accepter, aux clauses et con- ditions indiquées, le legs d'une somme de cinqmille francs (5,000 fr.) à elle fait par le docteur Jean-Ernest Godard, suivant son testament olographe daté de Jérusalem, le 4 septembre 1862. Art. 4. Notre Ministre ^secrétaire dÉtat au département de l'Instruction public est chargé de l'exécution du présent décret. Fait au palais de Compiègne, le 15 novembre 1864. Signé NAPOLÉON. Par l'Empereur, Le Ministre Secrétaire d'État au département de Cinstruciion publique. Signé V. DuRUY. STATUTS DE LA SOCIETE. Article 1"'. La Société de Biologie est instituée pour l'étude de la science des êtres organisés, à Tétat normal et à l'état pathologique. XVI Art. 2. La Société est composée de membres titulaires, de membres hono- raires, de membres associés et de membres correspondants. Art. 3. Les membres titulaires sont nommés par voie d'élection. Leur nombre est fixé à quarante. Art. 4. Les membres honoraires sont élus directement par la Société. Les titulaires peuvent aussi devenir honoraires, sur leur demande, après neuf ans d'exercice. Le nombre des membres directement nommés est fixé à quinze. Le nombre des titulaires-honoraires est illimité; ceux-ci conser- vent les droits et prérogatives des membres titulaires. Ils continuent d'acquitter la contribution annuelle, mais ils ne sont pas passibles des amendes. Art. 5. Le nombre des membres associés est fixé à vingt. Art. 6. Le nombre des membres correspondants est fixé à quatre-vingts. Art. 7. La Société est administrée par un président perpétuel, deux vice- présidents, quatre secrétaires, un trésorier et un archiviste. Art. 8. Le président est élu à la majorité absolue d'es suffrages des mem- bres de la Société tant titulaires qu'honoraires. Il dirige les discus- sions et fait exécuter le règlement. Art. 9. Les vice-présidents, les secrétaires, le trésorier et l'archiviste sont élus à la majorité absolue des suffrages des membres présents au jour préalablement fixé pour l'élection. Le temps de leur exercice est d'un an. Ils peuvent être réélus. Art. 10. Les secrétaires rédigent les procès-verbaux des séances. Ils sont chargés de la rédaction et de la publication des travaux de la Société et de la correspondance. XVII Art. U. Le trésorier est chargé de recouvrer les sommes dues à la Société et d'acquitter les dépenses. L'archiviste est chargé de veiller à la con- servation des ouvrages, des manuscrits, des pièces d'anatomie, etc., adressés à la Société ou acquis par elle. Art. 12. Tous les ans, une commission de trois membres examine les comptes du trésorier et le catalogue tenu par larchiviste. Art. 13. L'archiviste est responsable des objets qu'il aura prêtés sans un reçu d'un membre de la Société. Art. 14. Lorsqu'une place de membre titulaire est vacante, il est procédé à l'élection, un mois après la déclaration de la vacance. Art. 15. Une commission fait un rapport sur les travaux des candidats ; ce rapport est discuté en*comité secret. Art. 1G. L'élection se fait à la séance suivante à la majorité absolue des membres présents. Art. 17. La nomination des membres honoraires, associés et correspon- dants, est soumise aux mêmes règles que celle des membres titu- laires. Art. 18. Les correspondants peuvent prendre part aux discussions qui s'en- gagent dans la Société, mais ils n'ont pas voix délibérative. Art. 19. Les membres titulaires et les membres titulaires-honoraires ac- quittent une cotisation personnelle, dont le taux est fixé par la Société. Art. 20. Les ressources de la Société se composent : r De la contribution annuelle de ses membres; 2" Des frais de diplôme; 3* Des amendes ; b XVIII 4* Du produit des publications ; 5" Des dons et legs que la Société est autorisée à recevoir. Art. 21. Le Bureau soumet à la Société les projets d'acquisition ou d'aliéna- tion de biens immeubles, de placements définitifs en rente sur l'État ou autres valeurs, et les acceptations de dons et legs. Les acceptations de dons et legs sont soumises à l'approbation du gouvernement. Art. 22. Tout membre qui refuse d'acquitter la contribution annuelle ou les amendes par lui encourues est considéré comme démissionnaire. Il est procédé à son remplacement. Art. 23. Les frais de diplôme sont dus par les membres titulaires. Les membres honoraires, associés et correspondants, en sont exempts. Le titulaire élu est tenu de retirer son diplôme dans l'espace d'uu mois. Art. 24. ^ Les membres titulaires signent la feuille de présence. Les ab- sences, hors le cas de congé, sont passibles d'une amende dont le taux est fixé par le règlement. Art. 25. Les membres titulaires dont Fabsence, hors le cas de congé, se prolonge au delà de trois mois, sont considérés comme démission- naires. Art. 26. Toute proposition tendant à modifier les statuts de la Société doit être signée par cinq membres titulaires au moins. Elle est discutée dans une séance fixée spécialement pour cet objet, de manière qu'il y ait entre le jour du dépôt de la proposition et celui de la discus- sion un intervalle d'un mois au moins. Pour que la délibération soit valable, l'assemblée doit réunir les deux tiers au moins des membres titulaires et titulaires-honoraires. Les modifications aux statuts sont soumises à l'approbation du gouvernement. Art. 27. Un règlement particulier, soumis à Tapprobation du ministre de XIX rinstructioQ publique, détermine les conditions d'administration intérieure, notamment les frais de diplôme, le taux de la contribu- tion annuelle et celui des amendes, et en général toutes les disposi- tions de détail propres à assurer l'exécution des statuts. Les présents statuts ont été délibérés et adoptés par le Conseil d'État, dans sa séance du 20 octobre 1864. Le Conseiller d'État, secrétaire général du Conseil d'État, Signé C. BoiLAY. Pour copie conforme : Le Secrétaire général du ministère de Vlnstruclion publique, Charles Robert. RÈGLEMENT INTÉRIEUR. Article 1". Les séances de la Société ont lieu tous les samedis, de trois heures et demie à cinq heures et demie. Art. 2. Les mémoires lus à la Société et les notes résumant les communi- cations verbales sont remis aux secrétaires, séance tenante. Art. 3. La contribution annuelle est fixée à 1 5 francs. Art. 4. Les frais de diplôme sont fixés à 15 francs. Art. 5. Les absences des membres titulaires, hors le cas de congé, sont passibles d'un franc d'amende, par séance. Art. 6, Les amendes sont payables tous les six mois sur avertissement du trésorier. t \ B R ^ ^ -^ '1>. XX Le Ministre Secrétaire d'État au département de l'Instruction pu- blique, Vu l'art. 27 des statuts de la Société de Biologie^ statuts approuvés par décret du 15 novembre 1864 ; Vu le projet de règlement ci-joint présenté par la Société le 5 jan- vier 1865, Arrête : Article 1^'. Le projet de règlement intérieur de l^ Société de Biologie est ap- prouvé. Art. 2. Nulle modification ne pourra y être faite sans notre autorisation. Fait à Paris, le 12 janvier 1865. Signé V. DuRUY. Pour ampliation : Le Secrétaire général^ Charles Robert. DÉCRET IMPÉRIAL DU 22 AOUT 1868 modifiant les statuts de la société. Napoléon, Par la grâce de Dieu et la volonté nationale, Empereur des Fran- çais, à tous présents et à venir, salut. Sur le Rapport de notre Ministre Secrétaire d'État au département de flnstruction publique. Vu le décret du 15 novembre 1864, qui a déclaré la Société de Bio- logie d'utilité publique ; Vu l'article 2 dudit décret; Vu la demande du Président perpétuel de ladite Société, en date du 2 juillet 1868; XXf Vu, à l'appuif le procès-verbal de la séance de la Société du 14 mars précédent; Notre Conseil d'État entendu ; Avons décrété et décrétons ce qui suit : Article 1". Les articles 7, 9 et 10 des statuts de la Société de Biologie sont remplacés par les articles suivants : « Article 7. — La Société de Biologie est administrée par un pré- « sident perpétuel, deux vice-présidents, un secrétaire général, u quatre secrétaires ordinaires, un trésorier et un archiviste. « Article 9. — Les vice-présidents, le secrétaire général, les secré- « taires ordinaires, le trésorier et Farchiviste sont élus à la majorité « absolue des suffrages des membres présents au jour préalablement « fixé pour l'élection. a La durée des fonctions du secrétaire général est de cinq années. « Il peut être réélu. « Celle des autres fonctionnaires désignés dans le premier para- « graphe du présent article est d'une année. Ils peuveat être réélus. « Article 10. — Le secrétaire général est chargé de la publication « des travaux de la Société et de la correspondance. « Les secrétaires ordinaires rédigent les procès-verbaux des « séances. » Art. 2. Notre Ministre Secrétaire d'État au département de l'Instruction publique est chargé de l'exécution du présent décret. Fait au Palais de Fontainebleau, le 22 août 1868. Signé NAPOLÉON. Par l'Empereur : Le Ministre Secrétaire d'État au département de C Instruction publique^ Signé V. DuRUY. Pour ampliation : Le Conseiller d'État, Secrétaire général^ Charles Robert. COMPTES RENDUS DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE PENDANT L'ANNÉE 1868. COMPTE RENDU DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE PENDANT LE MOIS DE JANVIER 1868: Par m. le Docteur LEVEN, secrétaire. I. — Botanique. Sur les causes de la coloration bleue des fleurs de l'Hortensia ; par M. EuG. Fournier. On a souvent observé que les fleurs anomales des Hortensias se colo- rent en bleu plus ou moins franc, dans certaines terres ou par certains modes de culture; on en a donné diverses raisons. On a généralement invoqué les sels de fer. Des horticulteurs ont soutenu qu'ils avaient réussi à faire bleuir les Hortensias au moyen de Tardoise pilée, ce qui peut tenir à la même cause, parce que les ardoises renferment parfois des pyrites de fer, qui, par décomposition au contact de l'air, se dé- litent en un sulfate soluble. M. Chatin a pensé que l'ammoniaque ab- sorbée par les racines agit en faisant virer au bleu la matière colorante de la plante. M. Crochard a demandé si la coloration en bleu ne serait pas due à un sel de cuivre, lequel, contenu dans le terrain, serait dissous par Tamnioniaque. Enfin M. Boisduval a fait bleuir des Hortensias en se servant d'alun ammoniacal. J ai fait sur ce sujet quel- ques expériences, peu nombreuses, mais assez précises, instituées dans l'été de 1866. Ayant choisi des Hortensias portés à fleur depuis l'hiver r,, R. isr.8 1 2 précédent, peu développés encore, mais vigoureux et aussi égaux que possible de taille, je les soumis comparativement à des arrosements divers, faits jour par jour avec de semblables quantités de quatre solu- tions titrées. L'une renfermant 20 grammes d'alun ammoniacal par litre d'eau destillée, l'autre 20 grammes de sulfate de fer, la troisième 20 grammes de carbonate de cuivre, pour la même quantité d'eau ; dans celle-ci l'on avait ajouté un peu d'ammoniaque, afin de dissoudre le sel de cuivre. Enfin la quatrième solution fut une solution pure- ment ammoniacale dont il serait difficile d'indiquer avec précision le dosage. Il fut facile, dès le 15 mai, de reconnaître que les plantes arrosées avec l'alun ammoniacal végétaient vigoureusement; que la solution cupro-ammoniacale nuisait évidemment à l'arbuste qui la recevait (ce qu'on aurait pu présumer), et que la solution ferrugineuse paraissait sans effet. Vers le 15 juin, l'ammoniaque avait déterminé la mort du sujet mis en expérience. La solution cupro-ammoniacale agit de même un peu plus tard, mais avant la floraison. Quand les autres Hortensias fleurirent, ils présentèrent un contraste frappant. La solution ferrugineuse avait formé un sujet fort ordinaire à feuilles rougeâtres, dont les sépales, d'une grandeur médiocre, étaient fortement colorés en rose. Au contraire, la solution d'alun ammoniacal avait produit une plante très-vigoureuse, à feuilles larges, épaisses, fortement colorées en vert, épanouissant de belles inflorescences et de grandes fleurs d'un bleu violacé. Comme il était évident, depuis la mi-mai, que c'était Talun ammo- niacal qui agissait le plus efficacement sur la végétation des plantes mises en expérience, une autre observation avait été entreprise sur une plus grande échelle. Deux grandes caisses avaient été remplies de terreau et d'Hortensias, et l'une fut abondamment arrosée avec la so- lution d'alun ammoniacal, l'autre avec de l'eau ordinaire, mais toutes deux à peu près en même quantité. Toutes les plantes se maintinrent en très-bon état, mais celles qui recevaient la solution d'alun dévelop- pèrent des rameaux plus élevés et plus forts, des feuilles d'un vert plus foncé et des feuilles violacées. Dans cette expérience, il a été facile de constater, à cause de l'épanouissement successif des inflo- rescences, que l'action de la solution était prompte et dépendait de la quantité que Ton en versait sur les racines. Les inOorescences épa- fiouies en dernier, peu de jours après des arrosements plus concentrés, donnèrent des fleurs plus fortement colorées. Ces expériences permettent de discuter les opinions différentes que j'ai rappelées tout à l'heure, 3 Elles ne sont point favorables à l'hypothèse émise par M. Chatin sur l'action de l'ammoniaque. Cet agent, employé isolément, a fait périr les plantes. D'ailleurs le gaz ammoniac, dissous dans Peau, fait verdir et non pas bleuir les fleurs de l'Hortensia. La question de M. Crochard trouve encore une réponse dans une de mes expériences. Le cuivre n'a agi que comme poison. Il a déterminé la chute des feuilles inférieures et enfin la mort de la plante ; on pouvait s'attendre à cette action comme à celle de l'ammoniaque. L'action des sels de fer reste douteuse, bien que mes expériences tendent à la faire rejeter. Elle peut dépendre de la nature du terrain, de celle des eaux qui l'arrosent, c'est-à-dire de la quantité de carbona- tes qui se trouvent dans le sol, et qui font passer ces composés ferru- gineux à l'état insoluble. Notre confrère M. Hardy a bien voulu, à ma prière, analyser des échantillons de terre recueillis à Mur-de-Breta- gne, près Loudéac (CôLes-du-Nord), dans une propriété appartenant à M. Le Cerf, où les Hortensias deviennent toujours bleus, et il a trouvé cette terre très-ferrugineuse. Je connais dans ce pays une source très- ferrugineuse; mais les Hortensias cultivés à Paris dans la terre de Mur ont peu à peu passé du bleu au rose, c'est-à-dire à la teinte des Hor- tensias cultivés à Paris, avec l'eau de Paris. On le voit, ce point de la question est encore plein de difficultés, mais il paraît problable que le fer agit dans certains cas mal définis. Les succès que l'on a obtenus avec l'ardoise pilée paraissent devoir être rangés dans la même ca- tégorie. Enfin Talun ammoniacal agit de la manière la plus constante et la plus certaine. Il y a lieu de rechercher quelle est la nature de cette action. Il me faut pour cela entrer dans quelques détails sur la nature de la substance colorante des fleurs de l'Hortensia. Cette substance ne se rencontre, dans les appendices colorés qui entourent la fleur avortée de IHortensia, que sur un petit nombre de cellules sous-épidermiques, plus abondamment du côté supérieur du limbe. Elle se présente à l'état de sphérules d'un rouge foncé (chez les fleurs qui paraissent roses à cause du petit nombre de ces sphérules), occupant une partie de la cellule; il en existe quelquefois plusieurs dans la même cellule. Ces sphérules persistent sans se dissoudre dans l'eau comme dans la glycérine. Sous '"influence des alcalis, et notam- ment d'une solution purement ammoniacale, la matière colorante dis- paraît d'abord, laissant une sphérule blanchâtre et réfractant la lumière, laquelle, bientôt attaquée et corrodée sur ses bords, disparaît aussi promptement. Quand elle a disparu, et seulement alors, il se développe une teinte verte générale. On peut observer, avant la coloration des appendices en question, qu'il existe déjà dans un certain nombre de 4 leurs cellules une sphérule blanche, réfractant fortement la lumière, dans Tintérieur de laquelle doit se développer la matière colorante. Les fragments de ces appendices, colorés en rose, ne perdent point leur coloration quand ils ont irempé pendant vingt-quatre heures dans une solution concentrée d'alun ammoniacal; les sphérules de matière colo- rante rose n'en sont aucunement modifiées. L'action de lalun ammoniacal n'est donc point une action chimique s'exerçant au contact de la matière colorante et du sel absorbé. C'est une action physiologique plus intime, qui préexiste à la formation de cette matière. Il ne faut pas oublier que les Hortensias traités par l'alun ammoniacal ont une vigueur exceptionnelle et présentent un grand développement de leurs organes de végétation. Or l'alun ammoniacal renferme d'une part des sulfates, d'autre part de l'azote. L'action du sulfate de chaux est bien connue des agricul- teurs. Celle des engrais azotés l'est également. Il semble que l'alun am- moniacal ait agi comme un engrais minéral en augmentant dans de grandes proportions la quantité d'azote fournie à la végétation. Cela tient à ce que Tammoniaque qu'il renferme est incluse dans un composé très-stable, insensible aux réactions chimiques qui déplacent ordinai ■ rement cette substance, et qui lui permet de pénétrer dans le végétal, pour y subir des modifications seulement dans la trame intime de ses tissus. La substance bleue indiquerait donc une végétation plus active et plus robuste. Il est bon de faire remarquer qu'au Japon, d'où tous les Hydrangea sonl originaires, ainsi que i Hydrangea Hortensia L., les fleurs de ces arbustes sont en général bleues, comme les représentent les belles planches de Zuccarini. Le fer, avons-nous dit, a agi dans le même sens que l'alun ammonia- cal. Cela est un argument en faveur de la thèse que nous venons de soutenir, car le fer est un tonique puissant pour les végétaux; on ne saurait en douter depuis les expériences de M. Eusèbe Gris sur la chlo- rose des plantes, confirmées par plusieurs observateurs. Quand des rosiers perdent leurs couleurs vertes, on les traite avec autant d'avan- tage en jelanl à leurs pieds de vieux clous ou du marc de café qui renferme beaucoup d'azote. IL — Pathologie. Note slr l'aîîole; par II. DuGRs. Pendant mon séjour k Gnanajuato (Mexi; étranger se trouvait dans l'œsophage au niveau de son inclinaison hité- rale et qu'il s'était môme engagé dans ce point rétréci, sollicité qu'il était par des efforts de déglutition incessamment répétés. Il n"est p is inutile de remarquer, je crois, que cette partie de l'œsophage, en vertu de sa couche musculaire à fibres striées, participe aux mouvemenls volontaires du pharynx et subit par conséquent l'influence des efforts de déglutition, influence à laquelle la partie inférieure de lœsophage, dont la couche musculaire appartient à la vie organique, échappe com- plètement. Cette particularité de structure explique pourquoi les corps étrangers d'un volume un peu considérable se trouvent si fortement étranglés à ce niveau, auquel ils parviennent par les efforts de déglu- tition, tandis qu'une fois fixés en ce point rétréci leur passage devient aussi difficile en bas qu'en haut. C'est la principale raison qui, selon moi, empoche de rendre, par les efforts de vomissements, un corps étranger arrêté dans l'œsophage. Outre les efforts de déglutition, -les contractions sollicitées dans le plan musculaire du tube œsophagien, par la présence directement irritante du corps étranger, exagèrent à leur tour les mouvements péristaltiques et tendent aussi bien que les aliments liquides pris depuis l'accident à pousser le corps obstruant, que son volume empêche cependant de franchir l'obstacle. C'est ainsi que la difficulté d'extraire un corps étranger de l'œsophage croît tou- jours en raison directe du temps qu'il a séjourné. Mon investigation terminée, je priai M. M... d'amener son enfant le lendemain dans mon cabinet. Voici le mode opératoire très-simple que j'employai pour faire l'extraction : Après avoir donné à la sonde œsophagienne, munie du double cro- chet de Graefe, la courbure qui devait correspondre à la direction horizontale du plancher de la bouche avec la direction verticale du pharynx, courbure qui se représente chez un enfant de cet âge par un segment de cercle dont le diamètre serait d'environ 8 centimètres, je plaçai le petit patient (il poussait des cris épouvantables) sur les genoux d'un homme vigoureux. La bouche fut maintenue ouverte au moyen d'un bouchon de liège placé de chaque côté des joues entre les arcades 78 dentaires. De Tindex de la main gauche j'aplatis la langue et j'intro- duisis la sonde dans le pharynx, en appuyant sur les parois du côté droit à une profondeur qui fit disparaître environ 16 centimètres de la sonde, en comptant depuis son extrémité jusqu'au niveau des lèvres. Les cris aigus de l'enfant me prouvèrent que ma sonde se trouvait dans les voies digestives. Je sentis distinctement le toucher d'un corps so- lide; j'enfonçai alors l'instrument 2 centimètres plus avant, j'exécutai un mouvement d'ascension qui, dès la première fois, eut pour résultat d'engager les bords du corps rond dans l'un des deux mors du crochet de la sonde. Mais à ce moment je sentis une résistance qu'une traction assez énergique ne put vaincre ; je n'osai augmenter l'effort, de peur de blesser la muqueuse de Torgane, et l'extrême agitation de l'enfant me fit perdre le corps que j'avais assez facilement saisi dès le commence- ment. Je retirai donc mon instrument, ne ramenant dans les cavités du double crochet que des mucosités et un petit morceau d'aliment in- complètement trituré. Au bout de quelques minutes je recommençai l'opération exactement de la même façon et en m'appliquant à extraire le corps étranger, que je pus saisir très-facilement par des mouvements de torsion plutôt que par une traction directe. Cette fois mon but fut atteint. Je ramenai sur la pointe du crochet la médaille qui, arrivée à la bouche, roula par terre. L'enfant se remit instantanément. Il but un verre d'eau sucrée d'un seul trait, sans paraître éprouver autre chose qu'une certaine agitation. La médaille a Taspect et la grosseur d'une pièce d'un franc ; elle est découpée à sa circonférence et forme un dodécagone régulier. Elle semble être en alliage de cuivre analogue à celui des pièces de mon- naie. Le petit patient, qui n'a rien ressenti depuis le moment de l'opéra- tion, est parfaitement bien portant, et c'est dans cet état que je l'ai conduit devant vous. L —Pathologie. CaNCROÏDE infiltrant et ulcérant du col et du corps utérin ; OBLITÉRA- TION PUIS rupture d'un des uretères ; hydronéphrose de ce côté ; HÉMIPLÉGIE GAUCHE ANCIENNE ; NOUVELLE ATTAQUE CÉRÉBRALE ; DIFFÉRENCE DANS LA TEMPÉRATURE DES MEMBRES; DIFFÉRENCE DANS LA COLORATION DU SANG DES DEUX COTÉS ; PHÉNOMÈNES CROISÉS; DÉVIATION CONJUGUÉE DES GLOBES OCULAIRES ; ANÉvRisMEs MiLiAiREs CÉRÉBRAUX ; obsorvation recucil- lie et" communiquée par M. H. Liouyille, interne des hôpitaux. Adélaïde-Françoise B..., âgée de 57 ans, femme C..., couturière, née à Paris, entre le 3 février 1868 dans le service de M. Gharcot. — Car- 79 cinome utérin. — Col : lèvres ulcérées, orifice élargi ; on y introduit le doigt ; masse dure, assez volumineuse et s'étendant à gauche. A eu 13 enfants; réglée de 11 à 50 ans. Les pertes sanguines ont recommencé il y a un an ou dix-huit mois ; elles ont cessé il y a quelques jours. Hémiplégie gauche. Sort le 14 mars 1868. Elle entre le 6 juin dans le service de M. Vulpian (salle Saint-Denis, n» 10). Hémiplégie gauche ancienne. Pupille gauche plus dilatée que la droite. A la bouche salive écumeuse. Ce matin à sept heures, après s'être levée comme à l'ordinaire, elle a été prise tout à coup sur sa chaise d"une attaque. Est-elle tombée? Au milieu de ce mouvement, sortes de pleurs; perte de connaissance et de parole; impossibilité de tirer la langue; les dents sont serrées; la saUve s'écoule librement hors de la bouche. Face rouge, vultueuse, fraîche ; la commissure labiale droite est lé- gèrement abaissée. Le membre supérieur droit est dans la demi-flexion ; il faut un effort notable pour étendre l'avant-bras sur le bras ; les doigts sont fléchis ; le pouce est étendu. Ce membre soulevé retombe comme une masse inerte. Quand on pince la malade, elle fait un mouvement pour retirer sa main. Les globes oculaires semblent libres de leurs mouvements ; ils sont déviés à gauche; ils se promènent d'une manière vague. Le membre inférieur du côté droit semble plus faible que celui du côLé gauche, cependant il exécute encore des mouvements ; il n'est pas contracture. Mouvements réflexes dans ce membre. La tête est légèrement déviée à gauche. La respiration est stertoreuse, plaintive. Le pouls est ample et assez régulier (70 pulsations). Respiration : 30. Agitation considérable ; la malade se roule dans son lit et est par moments sur le point de tomber; après ces moments d'agitation elle devient par instants calme et immobile. Cœur. Pas de bruit anormal. Tête. Tendance à tourner à gauche. Joue gauche plus rouge que la droite, aussi plus chaude (de 1°,2). Le membre inférieur droit est plus froid que le gauche. Le membre supérieur droit est plus chaud que le gauche. La température rectale est de 37°, 6. A dix heures quarante-cinq du matin. Même état à peu près, toute- fois paraît un peu plus agitée ; remue assez vivement les membres du côté gauche. 80 La bouche, avec écume, fume toujours la pipe. La température paraît toujours plus grande au membre supérieur droit qu'au membre supérieur gauche; plus grande aussi au membre in- férieur gauche qu'au membre inférieur droit. Il y a donc un phénomène croisé qui paraît très-net. Le sang est examiné des deux côtés, aux deux membres, par des pi- qûres faites, de la même façon, aux doigts médius des mains et des pieds (ces deux doigts ayant été compris dans de petites ligatures pour arrêter le sang). On observe que : Le sang est plus clair au membre supérieur droit qu'au membre su- périeur gauche; Le sang est plus noir au membre inférieur droit qu'au membre infé • rieur gauche. Il y a donc ici encore un phénomène croisé qui paraît très-net et qui est en rapport avec le phénomène croisé de calorification. On observe encore, à la face, chaleur plus grande à gaucho ainsi que rougeur sur la joue. Pupille gauche plus dilatée que normalement et plus dilatée reialivement que la pupille droite. Tendance de la tête à se porter à gauche. Les deux yeux se portent à gauche, l'œil gauche caché vers l'angle externe, l'œil droit caché vers l'angle interne. Soir : six heures trente. La malade est à peu près dans le même état que ce matin; le coma est plus profond, l'agitation moins grande. La tête est manifestement tournée à gauche. Le lavement purgatif a produit son effet. La température rectale est de 38°, 2. 7 juin. Les deux globes de l'œil paraissent saillants (peut-être exoph- thalmie). Léger strabisme parfois divergent; les axes le plus souvent dirigés tous les deux à gauche. Pupille gauche plus large que la pupille droite; les deux pupilles sont à peine sensibles à l'action de la lumière, ne se contractent qu'à peine. Elles sont toutes deux plus dilatées que normalement. Sensibilité au pincement conservée dans le membre supérieur para- lysé. Mouvements réflexes dans les deux membres supérieurs sous l'in- fluence du pincement. D'elle-même, agitation fréquente des membres supérieur et inférieur non paralysés. Elle cherche à s'appuyer sur sa main gauche. Respiration toujours stertoreuse, avec des alternatives de respiration diaphragmaiique et de respiration thoracique. Pulsations 100. Inspiration 36. Température rectale. 39", 4. Le soir. La température rectale est de 39". 81 Respiration toujours fortement stertoreuse. Un peu d'agitation. Contracture du membre supérieur droit. Pas de mouvements des membres du côLé gauche. Excitabilité réflexe des membres du côté droit, surtout du membre inférieur, assez développée. La pupille gauche est toujours plus dilatée que la droite, bien qu'elles soient Tune et Tautre fortement dilatées et à peu près immobiles. Prolapsus de la paupière droite : la gauche se relève assez facile- ment. Mouvements dans les membres du côté gauche, contrastant avec Fimmobilité du côté droit. 8 juin 1868. Râle trachéal s'entendant à distance. Pas de mouvements réflexes dans le bras et dans la jambe du côté paralysé. Il y en a de l'autre côté. Pulsations 100 Inspiration 48 Température rectale. 39°, 2 Battements du cœur désordonnés, irréguliers. Pouls très-faible, ir- régulier, mou. Respiration irrégulière, diaphragmatique, se faisant en deux temps : râles trachéaux, mouvements du diaphragme après le mouvement aspiratif de la trachée. Sous les paupières toujours fermées, yeux saillants. Les deux pu- pilles sont égales et revenues à un diamètre normal (0,003 millim.). En soulevant les paupières on ne constate plus de strabisme ni de dé- viation dans un seul sens fixe : les deux globes de l'œil semblent même alors mobiles et les pupilles contractiles sous l'influence de la lumière. La tête n'est plus portée du côté gauche. La face est cyanosée comme les extrémités : il n'y a plus de rougeur spéciale d'un côté prédomi- nant. La chaleur est grande sur la face, sauf sur le nez. La sensibilité paraît presque partout abolie des deux côtés. De la fosse nasale droite sort une spume rougeâtre, sanguinolente. Renseignements recueillis le 8 juin 1868 : Elle se plaignait des reins; elle ne voit pas clair : elle a un point de vue, disent les femmes ; elle voit de loin ; elle peut se conduire faible- ment et seule; elle allait dans les cours. Elle est paralysée depuis treize ans du côté gauche. Elle se servait bien de sa main droite pour se soulever; parfois elle se plaignait d'engourdissements. Elle se levait tous les jours, marchait avec un bâton, se penchait vers le côté droit. Elle se plaignait de palpitations de cœur très-douloureuses et très- fréquentes. Parfois syncopes; souvent se trouvait mal pendant dix ou quinze G. R. 1868 6 minutes. Après une attaque, au moment où elle faisait son lit, elle a été trouvée sans connaissance par ses voisines; elle est restée deux mois au lit; puis les mouvements sont revenus, mais très-lentement. Le matin, elle se lève; sa voisine l'aide à se lacer; elle voit qu'elle a l'air un peu triste; tout à coup elle pousse un cri, puis elle serre les dents, s'agite un peu, pleure. On la couche; alors, au milieu de l'agi- tation et des pleurs, écume abondante à la bouche qui est très-tournée (elle avait déjà la bouche tournée, mais moins). Les mouvements du bras droit sont comme roides. Elle était comme pleurnichant dans cette attaque d'hier, mais pas de larmes; les dents étaient serrées, elle ne pouvait pas boire. Jamais elle n'a eu de crises pareilles; car on l'a vue souffrir une demi-heure ou trois quarts d'heure, nous dit-on, puis cela semblait s'arrêter. L'agonie continue jusqu'au soir ; la malade meurt à six heures du soir. Elle est examinée dix minutes à peine après la mort (six heures du soir). Sous les paupières fermées, on trouve les deux pupilles très- dilatées égales (de 0,005 à 9,0055 ou 0,006 millim.). Température axillaire gauche. 40°, 6 — centrale (vag.).. 42°, 6 Elle est examinée de nouveau une heure après (sept heures dix mi- nutes du soir). Sous les paupières fermées, on trouve les deux pupilles moins dilatées, égales (de 0,003 à 0,004 millim. à peine). Température axillaire gauche. 39° — centrale (vag.).. 42o,2 Autopsie faite le 10 juin 1868. Températures axillaire, 19°; centrale (vag.); 29°; de l'amphithéâtre, 23°. Seize heures après la mort. Cavité crânienne. — Encéphale (1,150 gr.). Nerfs crâniens sains, sauf le nerf optique droit qui offre une atrophie complète grise, paraissant s'arrêter exactement au cbiasma. Néo-membranes très-vasculaires sur les deux côtés de la faux de la dure-mère. (Faux du cerveau.) L'artère basilaire présente { lusieurs plaques isolées scléro-athéro- raateuses, sans rétrécissement ni dilatation du calibre. Même état des terminaisons des carotides internes. Légères altérations scléro-athéromateuses de la sylvienne droite et de ses branches, sans caillot oblitérant. Même état de la sylvienne gauche. La pyramide droite est plus étroite que la gauche et un peu grisâtre. Tubercules quadrijumeaux sains égaux des deux côtés. 83 La moitié droite de la protubérance est plus étroite que la gauche, surtout à la partie inférieure. L'hémisphère gauche se dépouille assez facilement de la pie-mère; mais la circonvolution marginale postérieure offre un ramollissement superficiel très-manifeste. La partie postérieure du lobe occipital du même côté se dépouille assez difficilement; la pie-mère est fragile et entraîne de petites par- celles superficielles. Les parties ramollies exulcérées ont une coloration un peu rosée. Du côté droit, même état de la pie-mère et de la surface des circon- volutions sur la partie postérieure du lobe occipital. Ramollissement supei ficiel avec teinte rosée delà surface de la partie la plus antérieure de la première circonvolution frontale du côté droit. En faisant une coupe horizontale au niveau de la partie supérieure du ventricule latéral uu côté gauche, on met à découvert un ramol- lissement du noyau blanc de l'hémisphère, commençant immédiatement au-dessous du corps strié et s'étendant eu dehors jusqu'au voisinage des circonvolutions. Le ramollissement peut avoir sur la coupe hori- zontale 3 à 4 centimètres d'étendue anléro-postérieure. En bas, ce ra- mollissement pénètre dans la substance blanche des circonvolutions de linsula. Sur la limite externe du noyau extraventriculaire du corps strié, on trouve un petit foyer de l'altération dite apoplexie capillaire, quelques lacunes anciennes dans le noyau extraventriculaire du corps strié, couche optique saine. Hémisphère droit. Deux lacunes dans le noyau blanc vers le tiers postérieur. Piqueté très-considérable sur toutes les coupes du cerveau. Lacune assez considérable dans le noyau extraventriculaire du corps strié. Lacune assez considérable pouvant loger un gros pois dans la couche optique du côté droit. Sur une coupe, le pédoncule droit paraît un peu plus petit dans sa substance blanche que le gauche. Dans la moitié droite de la protubérance, plus près de la partie postérieure que de la partie antérieure, petite lacune quadrangulaire ayant 0.005 millim. de diamètre. Sur les coupes de la protubérance les faisceaux longitudi- naux du côté droit sont moins développés que du côté gauche. Plusieurs anévrysmes, d'âges différents, sont répartis çà et là dans récorce grise des circonvolutions. Pas d'altérations appréciables sur les coupes des diverses parties du bulbe et di^ cervelet. Cavité thoracique. — Cœur. Volume à peu près normal ; pas d'insuffi- sance aortique. Coagulation molle et récente dans les diverses cavités. Pas de lésion bien manifeste des valvules, sauf un peu d'épaississe- 84 ment. Pas de coagulation ancienne, même dans les auricules. Tissu du cœur mollasse. Plaques scléreuses, un peu graisseuses, saillantes, sous forme mamelonnée, dans l'aorte ascendante et descendante. L'altéra- tion se continue jusqu'aux artères rénales. Au-dessous de ces artères l'aorte devient plus altérée. Dans presque toute son étendue, plaque scléreuse, exulcéréepar places. Poumons (droit, 520 gr. ; gauche, 340 gr.). Emphysème du bord anté- rieur et du pourtour de la base. Pas d'autre altération. Cavité abdominale. Bâte (95 gr.) saine, moyennement dure. Estomac. Injection de la muqueuse au niveau du grand cul-de-sac. Rein droit (95 gr.). Les calices et le bassinet, fortement dilatés, for- ment une tumeur de la grosseur d'un œuf de dinde; quand on coupe l'uretère, il s'en échappe environ un demi-verre d'un liquide clair, transparent. Les parois sont formées par le bassinet et les calices dila- tés; la substance rénale est refoulée vers la périphérie ettrès-atrophiée. Uein gauche[\.[h gr.). Les pyramides ont en partie disparu; la sub- stance rénale est un peu pâle; substance corticale ramollie, mamelon- née, infiltrée de graisse adhérente à la capsule; traces d'anciens infarc- tus; aspect lardacé aux coupes; rien par la teinture d'iode. Les calices et le bassinet ne sont pas dilatés. Foie (1,080 gr.) sain. Vésicule biliaire. A l'extérieur on la trouve épaissie, à la surface très-dure, mamelonnée, évidemment remplie de calculs pressés les uns contre les autres. La vésicule étant ouverte, on constate qu'elle est remplie exactement par des calculs de dimensions diverses, à facettes, pressés les uns contre les autres, avec une très-petite quantité d'un liquide puriforme. Absence complète de bile. Dans Torifice du conduit cystique, on trouve un petit calcul enchatonné qui l'oblitère complè- tement. La membrane muqueuse paraît avoir disparu complètement; à sa place, on voit des épaississements fibroïdes blanchâtres de la tu- nique fibreuse, faisant des saillies aplaties dans la cavité. Aspect spécial aux plaques de périsplénite. Organes génitaux. Cancer ulcéré du col de l'utérus, pénétrant dans la cavité. Le col est dilaté, on peut y introduire le doigt. Il s'en écoule un magma infect. Les ovaires paraissent sains. Vessie saine. Corps tlujroïde hypertrophié, volumineux, dur à la coupe; teinte jaunâtre, cireuse; rien à la teinture d'iode. OEsop liage sain. Larynx sain. Trachée légèrement hyperémiée à sa partie inférieure. Examinée plus attentivement, la pièce utérine montre un cancroïde 8^ infiltrant et ulcérant, ayant détruit la plus grande partie de la face in- férieure du col de l'utérus, pour gagner l'utérus lui-même qui est dé- truit en sa partie inférieure dans les deux tiers. L'affection ayant gagné également les parties latérales, principalement du côté droit, de telle sorte que la coque utérine étant pourainsidire entièrement conservée, sauf la paroi de droite, la face interne est pour ainsi dire creusée en sorte de cavité; et ainsi Ton comprend que le doigt entrât dans le col et pût pénétrer presque jusqu'au fond de l'utérus. La limite entre les parties atteintes et les parties respectées est représentée par la bordure de répithélium et de la couche sous-épithéliale qui, un peu avant, sont à nu. Au milieu du magma qui représente le fond de l'utérus ulcéré, on trouve des parties résistantes qui sont le plancher de l'organe. La vessie étant accolée à l'utérus, on fait passer un stylet par l'orifice vé- sical de l'uretère gauche; cet orifice est normal et assez large. Le sty- let passe facilement au travers des parois vésicales et sort par Turelère sans offrir rien de spécial; mais il n'eu est pas de même du côté droit; l'orifice vésical de l'uretère est difficile à trouver; il est comme obli- téré, en tout cas diminué de volume. Toutefois un fin stylet y est in- troduit; mais au bout dun trajet de 1 centim., il sort au milieu dun , magma de destruction qui est constitué par la paroi vésicale accolée à la paroi utérine (toutes deux détruites par Taffection organique). L'autre orifice de l'uretère est également trouvé en haut de l'ulcération; nous savons que cette portion de l'uretère droit allait en s'agrandissant con- sidérablement et anormalement jusqu'au rein. Nous avons dit plus haut qu'il y avait distension de l'uretère et hydronéphrose notable. (Ces lésions remontaient au début de l'altéra- tion, où il devait y avoir eu compression de l'uretère dans le point compris par le cancroïde avant la période de ramollissement et d'ul- cération-; Examen .AiicROGRApniQUE. — Cet examen montre que la masse granu- leuse ulcérée du col et du corps de l'utérus est composée de nombreuses cellules cylindriques et coniques, se présentant soit seules, soit agglo- mérées au milieu de cellules graisseuses libres ou en amas, ayant près d'elles du tissu conjonctif qui se voit par traînées, quelques-unes alté-- rées, et des fibres utérines rares, comme disséquées, à noyaux infiltrés de graisse par place; les cellules épithéliales cylindriques et coniques forment des sortes de nids alvéolaires renfermés dans des fibres uté- rines écartées. En quelques points, on trouve des cellules fusiformes; dans aucune partie il n'a été rencontré de très-grandes cellules à noyaux; mais on a vu des globes épidermiques très-distincts, c'est-à-dire se présentant sous la forme de cellules aplaties, à grande circonférence, renfermant à leur 86 feyi re trois ou quatre cellules qui sont vues sous un autre aspect, les unes de champ et les autres par leur base. On a donc eu évidemment affaire à un cancroïde infiltrant et ulcérant^ ayant conservé comme stroma une partie du fond de l'utérus, et étant de la variété dite épi- thélioma à cellules cylindriques et coniques avec globes épidermiques. COMPTE RENDU DES SÉANCES r F LA SOCIËTË DE BIOLOGIE PENDANT LE MOIS DE JUILLET 18B8 Par m. BOUCHARD, secrétaire. PRÉSIDENCE DE M. CL. BERNARD. Séance du 4 juillet. M. Krishaber présente à la Société Tenfant sur lequel il a pratiqué l'o- pération dont il a parlé dans la dernière séance. 11 fait également voir l'instrument dont il s'est servi et explique le manuel opératoire qui lui a réussi. M. Broca trouve ces particularités intéressantes à cause de l'âge du sujet; mais il rappelle que des corps étrangers analogues et plus volu- mineux ont été extraits avec succès chez des adultes par plusieurs chi- rurgiens. Ainsi on a enlevé des pièces de cinq francs, de dix centimes, des os, des corps pointus, et dans tous les cas on a employé avec avan- tage le panier de de Graefe. — M. Ranvier communique les premiers résultats de ses recherches sur la structure des tumeurs étudiée à l'aide de l'imprégnation par le 88 nitrate d'argent. 11 a utilisé, à cet effet, la méthode do Recklinghausen modifiée par une sorte de virage au chlorure d'or analogue à celui dont on se sert en photographie. Quand on étudie ainsi des coupes de carcinome, on peut démontrer que les alvéoles ne sont que des élargissements des espaces plasma- tiques. Ces alvéoles communiquent entre eux et avec ces espaces et ces derniers rejoignent, comme on le sait, les vaisseaux lymphatiques. Pour suivre ces diverses connexions, M. Ranvier a pratiqué des injec- tions; en poussant le liquide dans les alvéoles, on peut le retrouver dans les trajets lymphatiques; mais ce point a encore besoin dêtre vé- rifié. Toutefois, dit M. Ranvier, ces particularités expliquent très-bien la rapide propagation du carcinome aux ganglions lymphatiques. M. Broca fait observer qu'il a étudié avec soin le mode de propaga- tion du cancer aux ganglions et qu'il était arrivé de son côté à admettre le transport d^une matière solide dans les glandes lymphatiques, sans pouvoir cependant donner de ce fait une démonstration directe. Les recherches de M. Ranvier viendraient aussi à l'appui de cette manière de voir; mais si les alvéoles cancéreux communiquent con- stamment avec les lymphatiques, on doit se demander comment il se fait que la propagation aux ganglions a lieu dans certains cas en quel- ques mois, tandis que dans d'auires cas elle reste des années sans se faire. M. Broca, dans son hypothèse, avait supposé qu'il pouvait se passer, du côté des lymphatiques, quelque chose d'analogue à ce qu'on observe dans les vaisseaux sanguins ; c'est-à-dire qu'il pensait que les lympha- tiques secondairement envahis pouvaient être oblitérés par des caillots avant de communiquer avec le cancer. M. Ranvier n'a pas eu l'intention de discuter la question de savoir comment se fdit la propagation aux ganglions lymphatiques. Avant de résoudre cette question, il faut étudier préalablement le mode de dé- veloppement de la tumeur. C'est ainsi qu'il croit que les carcinomes débutent toujours par du tissu fibreux alvéolaire qui, plus tard, se trans- forme en tissu carcinomateux. Dans les ganglions, que l'infection se fasse par transport de suc ou de matière solide, le développement du carcinome est le même. Les faits dont il vient d'entretenir la Société démontrent que les alvéoles du carcinome ne constituent pas des cavités closes; mais ils ne peuvent résoudre la question des productions métastatiques. 89 Séance du 11 juillet. M, Gallois propose de placer dans le prochain volume des mémoires le portrait de Rayer. Cette proposition est acceptée à l'unanimité. — M. Ranvier montre des pièces microscopiques à l'appui de la com- munication qu'il a faite dans la dernière séance, relativement à la com- munication des alvéoles du carcinome avec les corpuscules du tissu conjonctif. — M. Hayem présente aussi quelques pièces relatives à une altération artérielle consistant en petites tumeurs de la sylvienne et ayant amené un ramollissement cérébral. Ces tumeurs étaient formées de petites cel- lules comme celles de la névroglie, renfermées dans des mailles fibril- laires et contenaient des vaisseaux pourvus de gaines lymphatiques dans lesquelles existaient de semblables éléments cellulaires. L'artère comprimée par ces tumeurs avait un calibre rétréci et, de plus, l'obli- tération était complétée par des caillots, dont quelques-uns étaient or- ganisés et canaliculés. Les caillots organisés contenaient des tractus fibreux, dans les mailles desquels se trouvaient quelques éléments semblables aux globules blancs du sang. M. BoL'cuARD voit, dans la description que vient de donner M. Hayem, une certaine analogie avec ce que, M. Benni a décrit sous le nom d'en- dartérite hypertrophique ; mais là il s'agissait bien d'une endartérite canaliculée et môme caverneuse, et non de caillots organisés. U. Hayem objecte que dans les pièces qu'il présente on peut recon- naître l'endartère qui n'est pas malade. M. CoRNiL désirerait savoir si les canaliculés dont parle M. Hayem sont des vaisseaux à parois distinctes. M. Hayem n'est pas encore en mesure de répondre à cette question ; peut-être n'y a-t-il là que des canaliculés plasmatiques dilatés prove- nant de globules blancs transformés, et cette transformation pourrait- elle être plus générale et s'appliquer à l'histoire des caillots artériels en général. M. Bouchard pense que l'endartère peut être isolée en apparence et que cependant le produit interne n'est que le résultat d'un bourgeonne- ment d'un point limité de la membrane interne. ^0 CHIMIE PATHOLOGIQUE. Recherches sur l'élimination des bromures et sur la présence du brome NORMAL DANS l'organisme; pQF le docteuF Rabuteau. Bien que j'aie déjà fait connaître, dans la Gazette hebdomadaire du 24 avril, le procédé que j'emploie pour trouver des traces dun bromure dans l'urine, je crois devoir le rappeler ici. J'ajoute un peu de soude pure aux urines, puis je les évapore jusqu'à siccité. Le résidu est en- suite chauffé au rouge dans une capsule de porcelaine, puis traité par l'eau distillée. Après filtralion, j'obtiens une liqueur claire comme de l'eau de roche, dans laquelle il m'est facile de trouver les bromures qui peuvent y exister, en versant de l'acide azotique qui met le brome en liberté, et en recueillant ce dernier à l'aide du sulfure de carbone. Suivant que le brome se trouve en plus ou moins grande quantité, le sulfure de carbone se colore en rougo intense ou en jaune orangé. Ce procédé est long et extrêmement pénible , mais il comporte la plus grande exactitude. En effet, si Ton évapore 500 grammes d'urine, et si la liqueur provenant du lavage du résidu n'occupe que 10 centimètres cubes, on peut reconnaître ainsi 77^^^^ ^^ brome. J'ai publié également les principaux résultats de mes recherches sur les métamorphoses et le mode d'élimination des bromates, et Ion a vu que j'avais retrouvé des bromures dans mes propres urines et dans celles de chiens et de lapins plusieurs jours après l'absorption de fai- bles quantités de bromates. Ces faits ont été pour moi le point de dé- part de recherches nouvelles sur l'élimination des bromures. Le 3 mars, j'ai pris à jeun 1 gramme de bromure de potassium dis- sous dans 50 grammes d'eau. Dès la dixième minute, j'ai trouvé du brome dans mon urine et dans ma salive ; mais ce qui m'a étonné, c'est que le 20 mars j'obtenais encore une belle coloration jaune orangé du sulfure de carbone, après avoir évaporé 100 à 150 grammes d'urine. A dater de ce moment, j'ai dû évaporer des quantités plus fortes, 300 grammes par exemple, mais alors le brome s'est rencontré con- stamment, même au bout de cinquante-deux jours. D'un autre côté, les urines d'un chien que j'avais guéri d'une intoxication saturnine à l'aide du bromure de potassium, présentait du brome depuis deux mois, de sorte que je regrettais infiniment de n'avoir pas analysé mes urines et celles de mon chien avant de prendre le médicament. J'examinai alors les urines d'un grand nombre de personnes; j'en fis même venir de la province huit échantillons, et dans toutes je retrouvai du brow^y lorsque jen avais évaporé de 300 à 400 grammes. Je ne pouvais en déceler lorsque je n'opérais que sur 100 à 150 grammes. Ces essais 91 divers, répétés près de deux cents fois, m'ont amené à conclure que le brome existe normalement dans ^organisme. Quant à celui que l'on trouve en évaporant seulement 100 à 150 grammes d'urine, on peut dire qu'il provient de l'administration d'un bromure, et comme j'en ai trouvé dans ces conditions chez moi pendant trois semaines, chez un lapin pendant seize jours, chez un autre lapin pendant vingt- cinq jours après l'ingestion de bromure de potassium ou de bromates divers, je puis tirer cette conclusion que les bromures s'éliminent lentement. J'ai écrit le 24 avril dans la Gazette hebdomadaire que le bromure de potassium apparaissait pendant plus d'un mois dans l'urine et dans la salive, même lorsque la dose du sel absorbé n'avait été que de 1 gramme. Je ne m'imaginais pas alors que le brome existât norma- lement dans l'organisme; je crois aujourd'hui que i gramme de bro- mure de potassium disparaît au bout de trois semaines, et je fonde ma croyance sur ce que, dans les circonstances ordinaires, on ne trouve pas de brome dans l'urine lorsqu'on n'évapore que 150 gram- mes de ce liquide, à moins qu'on en ait absorbé une certaine dose dans un but quelconque. Quant au brome qu'on retrouve toujours après avoir évaporé 300 à 400 grammes d'urine, je l'appelle brome normal, et il pénètre chaque jour dans l'organisme par l'alimentation. Quelle est Torigine de ce brome normal? Je fais actuellement des recherches à ce sujet, et je me propose de faire connaître à la Société de Biologie les résultats auxquels je serai arrivé. M. Laborde insiste sur la difficulté de la recherche du brome dans les urines, les matières colorantes de ce liquide pouvant induire en erreur. M. Rabuteau dit qu'en effet cette recherche est très-difficile, même quand on a ajouté artificiellement du bromure aux urines. C'est pour ce motif qu'il procède par incinération préalable. M. CnALVET désirerait que pour cette démonstration du brome à l'état normal dans les urines, on ne se contentât pas des réactions; il vou- drait qu'on isolât le métallo'ide. — La séance est levée à cinq heures. Séance du 18 juillet. M. Rabuteau fait devant la Société des expériences relatives à la re- cherche des bromates et des bromures dans les urines, et démontre l'existence du brome dans les urines normales. ïl communique ensuite les résultats qu'il a obtenus en ingérant du 92 perchlorate de potasse. L'effet le plus notable a été le ralentissement du pouls. I. — ;Ghimie physiologique et pathologique. I. LE SULFATE DE QUININE NE DIMINUE PAS LURÉE. II. ÉTUDE PHYSIOLOGIQUE DU PERCHLORATE DE POTASSIUM; EMPLOI DE CE SEL CONTRE LES FIÈVRES INTERMITTENTES; par le dOCteUr RaBUTEAU. On sait que l'arsenic est employé avec succès contre les fièvres in- termittentes simples, et qu'il diminue Turée d^un manière considérable. Je pourrais moi-même citer à ce sujet diverses expériences faites sur des chiens bien nourris chez lesquels j'ai vu ce principe descendre de 65 à 16 p. 1000, sous l'influence de quelques centigrammes d'arsénite de potassium, puis remonter au chiffre normal après l'élimination du poison. En est-il de même du sulfate de quinine? Il paraît que non, d'après des expériences déjà faites, et c'est pour contribuer à élucider la question que j'ai fait les recherches suivantes, à l'instigation d'un de mes maîtres, M. Sée, professeur à la Faculté de médecine. Première expérience. — \° Sulfate de quinine. Le 9 mai, à neuf heures et demie du soir, je prends 1 gramme de sulfate de quinine. Dès onze heures je commence à éprouver des bourdonnements d'oreille; mon intelligence devient moins nette. Je me couche alors, mais je dors peu, à dessein, pour mieux ressentir les effets du médicament. Lorsque je me lève, j'éprouve une véritable titubation. Le pouls est ralenti; mais ce qui me frappe beaucoup plus que le ralentissement, c'est la faiblesse des battements cardiaques. Le lendemain, à six heures, les bourdonne- ments persistent encore; ils diminuent peu à peu et n'existent plus à huit heures. Si j'entre dans le détail de faits bien connus, c'est parce que j'ai éprouvé exactement les mêmes phénomènes, sauf les bourdon- nements d'oreille, après avoir pris 5 grammes de perchlorate de po- tassium. J'aurai bientôt à parler de ce nouveau médicament, destiné peut-être à quelque avenir. J'avais dosé l'urée éliminée pendant les deux jours précédents; j'ai recueilli ensuite mon urine à différents in- tervalles, et l'analyse a démontré que le sulfate de quinine ne fait pas varier la quantité de l'urée. C'est ce qui résulte des chiffres suivants : 93 Jours. Du 7 mai, à 6 heures du soir, Du 8 au 9 mai Urée p. 100. De 6 à 9 heures du soir. . . 16,76 De 9 heures 3/4 à 10 1/2. . . 25,88 , De 10 heures 1/2 (au 10 mai) Du 9 au 10. { à 5 heures du matin. . . . 28.82 1 De 3 à 8 heures 1/2 20,88 De 8 heurt-s 1/2 à midi. . . . 20,88 De midi à 6 heures 19,70 Du 10 au 11 ■ 10 mai, de 6 à 9. h. du soir. 18,23 ' De 9 heures du soir (le 11 heures dn matin 25,87 heiires du matin à 6 dn soir 20,88 , . ju uiai, ae ( De 9 heure < mai) à 9 ( De 8 heiin ^ heures d' Du 11 au 12. Du 12 au 13. Du 13 au 14. Urine des 24 heures. Urée pour 1000. 1085 965 20,12 22,65 1071 22,06 970 23,53 1080 1160 1120 23,50 18,23 20,00 Urée totale éliminée dans les 24 heures. 21,83 21,85 23,62 22,82 25,38 21,15 22,40 Les chiffres de la troisième colonne présentent des différences con- sidérables qui s'expliquent très-bien, car on sait que l'urée existe nor- malement en plus grande quantité dans les urines de la nuit. 2"" et 3*^ Expérience. — Celles-ci ont été faites sur un chien de forte taille, à qui j'avais fait avaler, dans les premiers jours de mars, 10 grammes de bromure de potassium dans un double but. Je voulais d'abord le guérir d'une intoxication saturnine aiguë causée par 20 cen- tigrammes d'acétate de plomb, et, en second lieu, étudier l'élimination des bromures. Ce chien a été guéri instantanément et sa santé est de- meurée parfaite; je l'avais d'ailleurs nourri parfaitement. A dater du 8 mai, je lui donne chaque jour, à six heures du soir, 400 grammes de viande cuite et 200 grammes de pain. Le 10 mai, à quatre heures du soir, je lui fais avaler 2 grammes de sulfate de quinine mélangé avec un peu de viande. Il mange avec appétit, à six heures, le restant des 400 grammes de viande, mais il laisse une partie du pain. A. ce moment, j'observe déjà un certain abrutissement qui devient de plus en plus très-accentué. A sept heures, les battements cardiaques sont moins nombreux ; le chien marche en titubant, il me regarde d'une singulière façon. A neuf heures, il rend la plus grande partie des ali- ments qu'il avait pris; je note ce fait, car il explique la diminution d'urée trouvée le lendemain. Les jours suivants sa santé est parfaite. Le 17 et le 18 mai, à deux heures de l'après-midi, je lui fais avaler 1 gramme de sulfate de quinine, pensant qu'à celte dose le sel ne eau- serait pas de vomissements. Mes conjectures se sont vérifiées. Voici les résultats que m'ont fournis les analyses de ses urines recueil- lies à différents intervalles ; Jours. Urée pour 1,000. 9 mai, neuf heures du matin. 51,47 j neuf heures du matin 50,69 10 mai, ! quatre heures du soir, avant Tex- ( 'périence 47,05 limai, neuf heures du matin... 36,18 12 - id. 52,94 13 -^ id. c 55,80 14 - id. 58,21 15 — id. . 57,35 16 _ id. 60,00 { id. 60.00 ^^ ~ j de quatre à sept heures du soir. . . 57,35 j neuf heures du matin 63,82 ^^ j sept heures du soir 53,82 19 - neuf heures du matin 57,35 20 — id. 58,25 21 — id. 57,90 22 — id. 50,00 23 - id. 60,00 24 _ id. 58,82 Les chiffres précédents présentent quelques écarts assez notables, mais ils ne prouvent aucune diminution de Turée sous l'influence du sul- fate de quinine, car les différences trouvées s'expliquent facilement. Le nombre le plus faible est 36,18, mais le chien avait rendu ses aliments la veille et n'avait rien mangé depuis. D'autres différences sensibles existent entre les nombres fournis par les analyses des urines du matin et du soir; or on sait que les premières renferment normalement une plus grande quantité d'urée. C'est d'ailleurs ce que j'ai observé maintes fois. Puisque l'urée ne diminue pas, puisque d'un autre côté le sulfate de quinine est antipyrétique, abaisse la température et, par conséquent, ralentit les combustions, il faut absolument chercher aillieurs un déficit dans les produits de ces mêmes combustions, Il est infmiment probable que ce déficit porte sur l'acide carbonique; mais je n'ai pas encore fait de recherches à ce sujet. 95 2" Perclilorate de potassium KclO^ Ce sel, lorsqu'il est parfaite- ment, pur, se présente sous Taspect d'une poudre blanche et brillante formée de petits cristaux prismatiques. Il est environ trois fois moins soluble que le chlorate de potassium, mais il est beaucoup plus stable que ce dernier, car il exige une température plus élevée pour se décom- poser en chlorure de potassium et en oxygène. Le perchlorate de potassium du commerce n'est pas pur; celui que j'ai eu à ma disposition renfermait près des deux tiers de son poids de chlorate. Pour le purifier, j'ai d'abord pensé à le traiter par l'acide sul- fureux, qui a la propriété de détruire les chlorates. Ce procédé est bon, mais seulement lorsqu'il y a une faible quantité de chlorate. J'ai alors imaginé un autre procédé, fondé sur la propriété que possède l'acide chlorhydrique de décomposer les chlorates, en produisant un dégage- ment de gaz chloro-chlorique et en laissant des chlorures comme rési- dus. Je traite les perchlorates impurs par l'acide chlorhydrique bouil- lant étendu de la moitié de son poids d'eau. Il se dégage, déjà à froid, un gaz jaune, détonant, d'une odeur particulière, rappelant celle de l'acide chloreux et du peroxyde de chlore. La liqueur est essayée de temps en temp», et lorsqu'elle ne décolore plus l'indigo, sous l'influence de Tacide sulfureux, on est certain que le perchlorate est débarrassé complètement de chlorate. Il ne reste plus qu'à séparer le perchlorate en décantant, traitant le résidu par Teau distillée bouillante qui dissout le chlorure et laisse le perchlorate qui est très-peu soluble. Ce procédé nécessite la perte d'une certaine quantité de matière, mais le résidu obtenu est d'une pureté parfaite. Comment reconnaître la présence des perchlorates dans lurine? J'ai cherché inutilement jusqu'ici un procédé simple et précis. J'ai dû alors me résigner à adopter le suivant qui se présentait naturellement à mon esprit. Je précipite d'abord les chlorures naturels au moyen de l'azotate d'argent, puis je fais bouillir la liqueur et passe au filtre. J'enlève à l'aide de la sonde l'excès d'azotate d'argent, puis je fais bouillir de nouveau et filtre une seconde fois. La liqueur limpide ainsi obtenue est évaporée à siccité ; le résidu est ensuite chauffé au rouge, pour trans- former le perchlorate en chlorure que je dose facilement par les moyens ordinaires. Ce procédé est long, mais exact. Mes recherches sur le perchlorate de potassium se composent d'ex- périences préliminaires faites sur les animaux et d'expériences faites sur l'homme, dans le but d'étudier les eiîets physiologiques de ce sel et son mode d'élimination. Je ne dirai rien des premières recherches, qui seront publiées ailleurs, je passerai donc immédiatement à la se- conde série d'expériences. 1° Le 3 juillet, à quatre heures du soir, je prends 5 gr. de perchlorate 96 de potassium, en partie dissous, en partie en suspension dans 50 gr. d'eau, puis j'absorbe 50 grammes d'eau pure. La saveur du sel est ex- cessivement faible, et bien qu'une partie non dissoute se trouve né- cessairement en contact direct avec les parois stomacales, je n'éprouve aucune sensation épigastrique. Mais je suis bientôt étrangement sur- pris; j'éprouve des accidents tout à fait semblables à ceux que produit le sulfate de quinine, moins les bourdonnements d'oreille. Ma démarche est chancelante, je ressens de la pesanteur de tête, surtout dans la ré- gion frontale, mes idées sont embrouillées, le pouls est ralenti et la cha- leur naturelle me paraît diminuée. Vers sept heures et demie, cette ivresse, que j'appellerai ivresse chiorique, diminue notablement, et à huit heures elle a disparu. Mon urine et ma salive ont été recueillies à des intervalles assez rap- prochés pour être soumises à l'analyse. J'ai reconnu ainsi que le sel s'é- limine rapidement, qu'il apparaît dès la dixième minute dans ces deux liquides et qu'on n'en retrouve plus après quarante-huit heures. J'ai constaté en outre qu'il produit quelque effet diurétique et qu'il ne di- minue pas l'urée; cette dernière propriété établit une analogie de plus entre le perchlorate de potassium et le sulfate de quinine. Les résul- tats de mes analyses sont consignées dans le tableau suivant : Urée totale Urine éliminée dans les Jours. des 24 heures, Urée pour 1,000. 24 heures. Du 1" au 2 juillet..... 900 21,20 19,08 ■ 2 au 3 - 960 18,23 • 17,50 3 au 4 - J226 16,40 20,10 4 au 5 -,.... 920 23,70 21,83 5 au 6 - 915 22,17 20,28 6 au 7 —..... 1025 20,15 20,65 Du PERCHLORATE DE POTASSIUM CONTRE LES FIÈVRES INTERMITTENTES. — LcS effets bizarres produits par ce sel, cette ivresse comparable à celle qu'amène le sulfate de quinine, m'ont suggéré la pensée que le per- chlorate de potassium pourrait être utile dans les fièvres intermittentes. Aussi désirais-je vivement trouver l'occasion de l'employer, lorsqu'elle s'est présentée à moi. 2^ Expérience. — Un jeune homme de 25 ans avait contracté, il y a deux ans, des fièvres intermittentes en Valachie. Depuis son retour en France, il était sujet, environ toutes les six semaines, à des accès quo- tidiens qu'il conjurait par le sulfate de quinine. Le 21 juillet, la fièvre le prit; il me consulta alors et me dit qu'il aurait des accès semblables le lendemain, vers trois heures de l'après- 97 midi, s'il ne prenait pas de sulfate de quinine. Il n'avait pas encore pris de médicament. Je lui donnai alors 5 grammes de perchlorate de po- tassium que j'avais purifié moi-même, et lui recommandai de prendre avec de l'eau cette dose en une fois le lendemain à deux heures, ce qui fut fait. La fièvre ne revint pas; mais ce qui la remplaça, ce furent des accidents semblables à ceux que j'avais ressentis. Mon client vit sa démarche devenir chancelante ; il était obligé de tenir la rampe d'un escalier pour le descendre; ses idées étaient embrouillées et sa tête était lourde. Tout disparut vers six heures, c'est-à-dire quatre heures après l'ingestion du médicament. Les choses s'étaient donc passées comme chez moi. Il est infiniment probable que si j'avais examiné mon malade pendant ce temps, j'aurais trouvé son pouls ralenti. Si les propriétés antipyrétiques du perchlorate de potassium se véri- fient, la thérapeutique possédera un nouvel agent précieux, surtout lorsqu'il faut agir rapidement. On sait que les effets du sulfate de qui- nine ne se produisent pas immédiatement, et que Ton se trouve parfois désarmé devant un accès de fièvre pernicieuse; mais le perchlorate de potassium agit presque aussitôt qu'il est absorbé ; il mérite donc une étude particulière. Je n'insiste que sur une seule condition, su?^ Cem- ploi cCun produit -pur; car le perchlorate du commerce contient une grande quantité de chlorate. J'ai indiqué le moyen de le débarrasser de ce dernier sel. M. Laborde ignore si l'action physiologique du perchlorate de potasse a été étudiée antérieurement. Quant au chlorate de potasse, on sait, d'après les recherches de M. Socquet(de Lyon), qu'il esthyposthéni- sant. M. IsAMBERT croit aussi que le perchlorate de potasse n'a jamais été l'objet d'études physiologiques ou cliniques. Quant aux recherches de M. Socquet sur le chlorate de potasse, elles ne lui ont pas paru démon- trer d'une façon bien évidente l'action hyposthénisante de ce sel. — M. LiouviLLE présente, en juillet 1868, à la Société de Biologie une tumeur cérébrale existant au niveau de l'origine apparente d'un des nerfs trijumeaux. Voici le résumé de l'observation en ce qui concerne les phénomènes qui ont pu être rapportés à la tumeur, et la description anatomique et micrographique de cette dernière. Il s'agit d'une femme, Antonia M..., âgée de 49 ans, venue à la Sal- pôtrière, dans le service de M. Vulpian, pour une affection du cœur compliquant un état des plus avancés du rhumatisme chronique, ayant déformé et ankylosé presque toutes les articulations des membres. C. R. 1868. 7 98 Au milieu de ces phénomènes qui avaient amené la malade à l'infir- merie et qui ont occasionné sa mort, nous avions noté qu'elle souffrait de douleurs fréquentes dans la tête et vers le front, que ces douleurs prédominaient surtout à droite, qu'elles irradiaient souvent vers la tempe et vers la mâchoire , au point que la malade n'ouvrait parfois qu'avec peine la bouche et souffrait des efforts ainsi tentés; Qu'il y avait eu des épistaxis abondantes parfois et fréquentes; Que cette céphalalgie, sur laquelle elle insistait beaucoup, avait déjà paru il y a quelques années, mais que, surtout dans ces derniers temps, il y avait eu des périodes d'intensité plus accusées. De plus, tout en pouvant lire et distinguer les couleurs, la malade parlait de mai aux yeux. C'étaient aussi des douleurs qu'elle y éprouvait, mais différentes. Ces douleurs rappelaient la sensation pénible éprouvée par la présence de sable dans les paupières, et grattant la conjonctive et la cornée. C'était également à l'œil droit qu'elle les rapportait surtout. Toutefois, la malade avait toute son intelligence et répondait bien aux questions. Elle succomba assez rapidement aux conséquences diverses de son affection cardiaque, ayant surtout retenti sur le poumon, et pendant son agonie traduisant une asphyxie des plus intenses, nous consta- tons la température de 41°, 4, dans l'aisselle, une heure avant la mort. Examinée cinq minutes après la mort, la face est pâle, les deux pu- pilles irès-dilatées. On trouve dans Taisselle une température de 42", et dans les parties centrales ^e vagin), celle de 43%2. Revue plus tard, neuf heures après, les pupilles sont redevenues nor- males, égales, et lexamen de la chaleur donne : Température ambiante 26°. — axillaire 32°. — centrale (vagin) 34°. L'autopsie est faite trente-six heures après la mort. L'encéphale pèse 1,320 grammes. Les artères de la base ne sont pas athéromateuses. Les méninges s'enlèvent facilement. Le cerveau est très-décoloré, il n'offre d'ailleurs rien de spécial aux coupes. Mais au niveau de l'origine apparente du nerf trijumeau du côté droit, sur la base du cerveau, se voit une tumeur globulaire de la grosseur d'un pois et de teinte un peu grisâtre, tranchant sur la teinte blanchâtre 99 des fibres nerveuses qui semblent entourer cette tumeur en s' épanouis- sant. Elle est dure, donne une sensation spéciale au toucher, et toute différente de celle du cerveau ou des nerfs crâniens ; elle paraît même déprimer légèrement la protubérance. Une coupe montre qu'elle pénètre de 2 à 3 millimètres. L'examen micrographique que nous avons fait de la tumeur donne les résultats suivants : Une tranche de l'intérieur fait voir une masse composée de petites granulations amorphes, au milieu desquelles existent quelques rares tubes nerveux de petite dimension et un peu variqueux. De plus, on voit quelques filaments qui semblent être du tissu con- nectif. Ayant mis du carmin sur la préparation, puis de Facide acétique, et ayant lavé, puis un peu dissocié, on voit très-distinctement une masse composée de tissu fibrillaire très-fin formant irrégulièrement une intri- cation chevelue, au milieu de laquelle on distingue nettement des noyaux arrondis, un peu allongés, de tissu connectif. Les uns sont isolés, d'autres réunis en masses et devenus très-appa- renls par le carmin. On retrouve dans quelques points les rares tubes nerveux fins dont nous avons parlé. Dans quelques endroits, on distingue des granulations graisseuses. Dans d'autres, on voit des masses ûbrillaires touffues partir de petits éléments flexibles qui paraissent être des cylinders axiles. Dans d'autres points de la préparation, on voit des corps amyloïdes. Us sont très-nombreux et apparaissent fort nettement par la teinture d'iode, les uns arrondis, les autres en forme de masses plus irrégu- lières. Séance du 25 juillet. La Société, sur la proposition de M. Chatin, faite dans une séance précédente et appuyée à l'unanimité des membres présents, décide qu'elle prendra chaque année deux mois de vacances, du 15 août au 15 octobre. — M. Rabuteau communique une observation de fièvre intermittente quotidienne, où après le premier accès d'une reprise de cette maladie il administra 5 grammes de perchlorate de potasse. Il constata des phénomènes physiologiques, faiblesse des membres., dépression du 100 pouls; les accès ne se reproduisirent pas. M. Rabuteau insiste sur une propriété de ce sel, la diminution de l'excrétion de l'urée. M. Bert : Dans ces phénomènes que M. Rabuteau attribue au per- chlorate de potasse, n'y aurait-il pas lieu d'accorder une certaine ac- tion à la potasse? M. Rabuteau : Non, car 5 grammes de chlorate dépotasse ne produi- sent aucun des effets qui succèdent à l'administration de la même dose de perchlorate. M. Laborde indique une recherche qui devrait être poursuivie. Il faudrait savoir si le perchlorate de potasse qui agit sur le cœur porte son action directement sur le muscle ou sur les nerfs. I. ■— Anatomie pathologique. BlATHÈSE ANÉVRYSMATIQUE GÉNÉRALISÉE OU FAITS DE COÏNCIDENCE d'aNÉVRYSMES MILIAIRES DU CERVEAU AVEC DES ANÉVRYSMES DE CALIBRE PLUS CONSIDÉRABLE EXISTANT SUR DES ARTÈRES DE SYSTÈMES DIFFÉRENTS ; par Honri LiOUVILLE, interne des hôpitaux de Paris. La question des anévrysmes viiliaires cérébraux a pris, dans ces derniers temps et surtout par l'impulsion de MM. Bouchard et Charcot, un tel droit de cité dans les discussions scientifiques, et ces altérations semblent en effet participer d'une façon si nette à la formation de cer- tains états morbides de l'encéphale, qu'il devient utile d'enregistrer toutes les notions qui les concernent, au fur et à mesure de leur con- station bien évidente (1). C'est dans ce but que nous avons communiqué le fait suivant à la Société de biologie (juillet 1868), en mettant sous les yeux des membres les pièces anatomo-pathologiques, qui ne pouvaient, du reste, laisser aucun doute. (1) Voir dans les Bulletins des Sociétés de biologie et anatomiqiie, depuis janvier 1868, les présentations de MM. Bassereau, Bouchard, Bourneville, Charcot, Durand, Frémy, Hayem, Lépine, Liouville et Vulpian. Bouchard et Charcot. — Diverses communications à la Société de biologie. 1866 et 1867. Bouchard. — Hémorrhagie cérébrale^ thèse. Paris, 1866. Bouchard et Châvcol. — Arcliives de physiologie patlwlogique, 1868. P. Béhier. — Leçon clinique à l'hôpital de la Pitié (Gazette des hôpi- taux, 1868). 101 Nous résumons l'observation en ce qui concerne uniquement le point qui nous occupe aujourd'hui, c'est-à-dire la diathèse anévrysma- tique généralisée dans les cas d'anévrysmes miliaires du cerveau. Dans une autopsie que nous avons faite à la Salpêtrière le 24 juillet 1868 (service de M. Vulpian), d'une femme âgée de 74 ans, et chez la- quelle tout le système artériel était le siège de lésions scléro-athéro- mateuses plus ou moins prononcées, mais accusées surtout sur les artères de la base de l'encéphale, comme sur quelques branches de l'aorte abdominale, nous avons observé la coïncidence de plusieurs anévrysmes existant sur plusieurs artères de régions différentes (1). Ainsi, sur les artères cérébrales, anévrysme de la grosseur d'un grain de mil, arrondi, noirâtre, existant dans la partie antérieure du lobe frontal gauche^ entre les deux substances d'une circonvolution. Ainsi, sur deux branches de bifurcation de l'artère splénique, deux anévrysmes de la grosseur d'un pois chacun, arrondis, à parois très- épaisses, dures, mais encore perméables, car un stylet passant par une branche artérielle ressortait par l'autre, ayant traversé la dilatation. Toutefois les parois des vaisseaux avaient aussi subi une modification dans leur consistance (dureté) et dans le calibre du conduit qui était, par le fait, très-rétréci. Dans le reste de Tobservation nous trouvons notés, en résumé, pour le cerveau : des deux côtés, mais prédominant du côté de l'anévrysme, des lésions anciennes caractérisées par des foyers à teinte ocreuse, et des lacunes, le plus souvent colorées, existant dans le lobe frontal, dans le corps strié et jusqu'au milieu de la protubérance annulaire (ce dernier foyer pouvait loger une grosse lentille. — Hémorrhagie céré- brale ancienne). Pour le cœur : Les parois sont molles; elles sont friables; leur teinte est jaunâtre, couleur feuille morte. Endocardite au niveau de la base du ventricule gauche. Elle paraît (1) Certains auteurs avaient bien depuis longtemps déjà signalé l'existence d'anévrysmes multiples soit sur différentes artères du corps, soit sur différents points de ces mêmes artères. On trouvera cette question très-bien discutée et augmentée de faits nouveaux dans la Thèse du docteur C. Durand (Paris, août 1868, sur les anévrysmes du cerveau). Toutefois, ils navaient pu tenir compte des coexistences si intéres- santes de ces dilatations vasculaires multiples avec les anévrysmes miliaires du cerveau^ qui leur étaient inconnus. 102 ancienne, mais toutefois il existe quelques infiltrations sanguines ré- centes. Plaques scléreuses sur la face ventriculaire de la valvule mitrale. Elles n'apparaissent point de l'autre côté, fait que nous avons déjà ob- servé plusieurs fois, cette même année, à la Salpêtrière. Ces plaques, irrégulières, assez épaisses et saillantes, vont gagner le bord libre des valvules sygmoïdes de l'aorte, bord qui est épaissi et-de teinte louche. L'artère coronaire est scléreuse dans presque toute son étendue, à tel point que parfois elle n'offre qu'un très-petit calibre pour le passage du sang. Vaorte offre dans toute son étendue des plaques scléreuses qui s'ac- centuent, deviennent athéromateuses à mesure que l'on descend. Cela est très-évident dans tout le parcours. Elles prennent môme bientôt une dureté qui transforme l'aorte ou ses divisions en cylindres à parois cassantes. La coloration de ces points à l'intérieur est bleuâtre, parfois noire. Cela se prononce surtout non loin de la bifurcation en iliaques. Sur la capsule de la rate il existe de fortes plaques d'aspect cartilagineux, rugueuses, saillantes, épaisses (traduisant un état accentué de péri- spLênite. Nous avons déjà décrit les deux anévrysmes des branches artérielles qui se rendaient à cet organe. Nous n'y reviendrons pas. Depuis la présentation de ce fait, il nous a été donné d'observer en août 1868, également à la Salpêtrière et dans le service de M. Vul- pian, deux nouveaux cas très-nettement caractérisés de ces sortes de véritable diathèse anévrysrnalique^ semblant indiquer qu'un pro- cessus pathologique identique concourt à la formation de ces ané- vrysmes multiples et variés sur des artères de systèmes et de calibres différents. Une simple coïncidence fortuite ne nous paraît pas, dans ces cas, se répétant ainsi à notre observation depuis -que nous avons l'attention éveillée sur eux (1), pouvoir être ici invoquée d'une façon plausible. (1) Sur un total de quatre-vingt-douze autopsies faites cette année (1868) dans l'espace de sept mois à la Salpêtrière, service de M. Vul- pian, il m'a été donné de rencontrer dans dix cas des anévrysmes mi- liaires cérébraux très-nettement constatables sur les vaisseaux de l'en- céphale, soit ceux du cerveau, soit ceux des méninges. Ils coïncidaient tous avec des altérations spéciales des centres encéphaliques. Mon collègue et ami M. Bourneville, dans les autopsies d'affections céré- 103 Nous en rejetons l'idée, croyant plus scientifique et plus utile de nous rattacher à une explication ^peut-être discutable, mais sérieuse. Voici ces nouveaux faits qui ont été du reste déjà signalés, mais som- mairement, dans la remarquable thèse de notre ami M. le docteur G. Durand [Sur les anévrysmes du cerveau). Paris, août 1S68. Obs. IL— Marie Gl..., femme âgée de 81 ans, placée dans le service de M. Vulpian à la Salpêtrière, avait offert pendant sa vie, à de nombreuses reprises, des étourdissements, des congestions cérébrales et des troubles divers qu'on rajiportait à des altérations encéphaliques devant différer également le plus souvent comme siège. Son intelligence était des plus atteintes. Elle mourut, le 7 août 1868, à la suite de phénomènes cérébraux qu il fut difficile de bien préciser. Comme nous l'avons fait pour d'autres ob- servations intéressantes à d'autres points de vue, nous résumons égale- ment l'autopsie, et nous nous bornons à ce qui concerne notre sujet actuel. Pas de néo-membranes sur la dure-mère. Les vaisseaux de la base sont rigides, à teinte blanchâtre, et ex- sangues. Les méninges s'enlèvent facilement; toutefois elles exulcèrent un peu la substance grise au niveau des lobes moyens, surtout du côté droit. Là, la substance grise est presque complètement ramollie, et au- dessous de la méninge injectée, vasculaire, on voit de petites dépres- sions jaunâtres, multiples, creusées dans cette substance (lacunes su- perficielles ocreuses). Sur les vaisseaux de la pie-mère, augmentés de volume et plus ap- parents, injectés, on trouve de petites dilatations arrondies, de la gros- braies, du service de M. Charcot, en a également rencontré un nombre remarquable. De plus, cinq cas m'ont été, cette année même, apportés, venant des services d'aliénés^ pour être étudiés et préparés : L'un remis par M. Bassereau (service de M. Moreau) ; Deux remis par M. Roque (service de M. Trélat) ; Le quatrième, par M. Cornillou (service de M. Aug. Voisin); Le cinquième, par M. Peltier (service de M. Trélat). Sur les dix cas particuliers à notre service de vieillards, j'ai ren- contré U^ois fois, d'une façon irrécusable et en la cherchant, la dia- thèse anévrysmatique généralisée. 104 seur et plus petites qu'un grain de mil, que le microscope confirme être de petits anévrysmes. Quelques-uns apparaissent ainsi comme appendus à des touffes vas- culaires, et beaucoup (car ils sont très-nombreux) correspondent à des places du ramollissement superficiel signalé plus haut et à ces lacunes hémorrhagiques, ocreuses, également superficielles. Outre ces ané- vrysmes miliaires méningés; il existe des deux côtés, mais alors, à gauche surtout, un certain nombre d'autres anévrysmes miliaires éga- lement, sur les circonvolutions et dans les circonvolutions, et ilsappa- raissent surtout, une fois les méninges enlevées. Leur volume, celui dun grain de mil, est plus fixe. Une préparation micrographique, faite à l'état frais, des points céré- braux ramollis, donne, en dehors des lacunes ocreuses, des corps gra- nuleux énormes; des vaisseaux tout à fait athéromateux, contenant parfois de ces corps granuleux, qui, d'autres fois, sont libres; des tubes altérés, et des cellules nerveuses, presque transformées en amas gra- nalo-graisseux, quoiqu'elles aient encore conservé à peu près leur forme. Les noyaux des cellules et des vaisseaux sont très-granuleux. Un vaste et ancien foyer hémorrhagique existait dans la partie pos- térieure et moyenne du lobe occipital droit, formant une poche jau- nâtre, à teinte ocreiise, capable de loger une petite orange ayant dé- truit la substance blanche et '-s bords de quelques circonvolutions qui sont comme rongées : ce qu'il en reste est plus dur et résiste sous le doigt. Ces circonvolutions, ainsi réduites de volume, formaient comme un plan affaissé; elles sont recouvertes des méninges un peu plus dures, rétractées, et à cette place il y a comme une dépression, résultant d'un travail de cicatrisation qui paraît ancien. Quelques-uns des vaisseaux qui s'y rendent sont plutôt pâles, blan- châtres, un peu durs, mais à conduit libre; d'autres sont durs, et comme scléreux; leur calibre paraît oblitéré, et ils ont subi la dégénération scléro-athéromateuse. De diverses altérations existant sur la moelle, nous ne noterons que celles qui ont rapport à une dégénération manifeste [sclérosé), existant très-nettement sur les cordons postérieurs (région cervicale, partie supé- rieure), mais surtout sur le cordon postérieur gauche vers la région service -dorsale. Cette altération scléreuse se présente sous la forme triangulaire. Sur la face externe du cœur, au tiers inférieur du ventricule gauche, sur la masse graisseuse qui y est-"située, on voit distinctem.ent deux ané- vrysmes miliaires, superficiels, l'un très-visible à l'œil nu, l'autre petit, tous deux confirmés par le microscope, qui démontre de plus que les 105 vaisseaux sur le trajet desquels ils se remarquent sont athéromateux. Le cœur n'offre pas d'insuffisance aortique, mais un rétrécissement an-dessous de l'anneau aortique causé par une endocardite ancienne, et des plaques scléreuses sur la face ventriculaire de la valvule mitrale. Ces plaques rétractent la base de la valvule et la base des valvules sigmoïdes. Une de ces plaques est dure et très-résistante. Toutefois pas plus que les autres, elle ne se voit sur la face du côté de l'oreillette. Nous avons déjà signalé ce fait. Vers la pointe du ventricule existe un caillot enchevêtré dans de pe- tits cordages très-fins. Ce caillot est composé d'une masse sanguino- lente noire, recouvert de matières grisâtres; non loin de ce caillot existe une rétraction de l'endocarde, comme une cicatrice. Dans les vaisseaux de la couche épithéliale de l'œsophage, se voient à l'œil nu deux anévrysmes du volume d'un grain de mil, arrondis, so- lides, résistants, d'une couleur rouge brunâtre. Les vaisseaux qui les portent, examinés au microscope, sont de plus couverts de granulations graisseuses, noirâtres, et non loin de là existe de la graisse sous forme de gouttelettes. Les vaisseaux de l'utérus sont dilatés. Les veines sont rigides, très-sinueuses. De plus, il faut noter qu'il y avait des hémorrhoïdes. On le voit donc, le système vasculaire avait dans une grande éten- due subi une atteinte, et cette atteinte, partout aussi la même, était la dilatation forcée, I'anlvrysme. Passons maintenant au troisième fait, et résumons-en également Tobservation clinique et l'autopsie. Obs. III— EmélieT.,., femme âgée de 87 ans, placée dans le service de M. Vulpianà laSalpêtrière, avait eu il y a deux ans une hémiplégie su- bite, à droite, sans perte de connaissance, nous disait-elle. La faiblesse avait duré dix-huit mois et avait paru s'amender notablement. Toutefois elle resta très-sujette aux étourdissements et à ce que l'on appelait autour d'elle des accès de fièvre chaude. En effet, elle offrit quelques-uns de ces accès à Tinfirmerie, pendant lesquels la face presque seule devenait plus chaude, brûlante, puis rouge et pourpre. Elle était alourdie, et parfois la joue droite fut notée comme plus chaude et plus rouge que normalement, et même que la joue gauche. C'est au milieu de ces phénomènes qu'elle s'éteignit le 15 août 1868. A l'autopsie, le cerveau pesait 1,120 grammes. L'œil droit, examiné, montre : La rétine offrant des vaisseaux très-apparents, très-gorgés de sang, Mm 106 flexueux, et sur leur trajet des dilatations arrondies, espacées, rappe- lant tout à fait des anévrysmes qu'on soupçonne d'abord, mais que Ton constate bien avec la loupe {!). Le cristallin était dur et un peu rou- geâtre en quelques points. Les deux artères vertébrales, mais surtout la gauche, offrent à leur surface une vascularisation considérable que l'on n'a pas l'habitude de voir jamais si nettement; elle se présente sous forme d'arborisations très- accusées, qui rappellent assez bien une injection très-heureuse des vasa-vasorum. Elles sont très-athéromateuses, ainsi que leurs branches, et leur calibre en paraît ainsi très-rétréci. Il n'y a pas de néo-membranes sur la dure-mère. Les artères de la pie-mère sont par places très-athéromaleuses; sur de fines ramifications l'on observe des dilatations qui ne disparaissent pas, môme en pressant le long des trajets des vaisseaux (et qui sont de petites dilatations anévrysmales). Sur le lobe sphénoïdal droit se dessinent trois à quatre petites pla- ques d'un jaune ocré, friables, de ramollissements superficiels. L'artère sylvienne droite, très-scléro-athéromateuse, offre à sa sur- face une injection très-marquée des vasa-vasorum. A la partie postérieure du lobe occipital et dans la queue du novau intravenlriculaire du corps strié, se trouvent de petites lacunes, et même de petits foyers jaunâtres hémorrhagiques. Non loin de là, dans les circonvolutions, plusieurs cmcvnjsmcs mi- iiaires. Le noyau extraventriculaire du corps strié est criblé de petites la- cunes à teinte jaune ocreuse. La bandelette optique gauche paraît saine, mais vers la partie ini'é- rieure du lobe frontal, on voit un petit anévrysme de teinte ocrée. La substance blanche avoisinante est parsemée de très-nombreuses lacunes. Dans le noyau intraventriculaire du corps strié, des lacunes jaunâ- tres, ocrées, et à côté d'elles se trouvent plusieurs anévrysmes mi- iaires. Un peu plus avant, dans le même noyau, existent, superposées l'une à l'autre, deux pertes de substance irrégulières, cicatrisées, à bords très-indurés. (1) Des lésions pareilles pourraient être constatées par l'examen ophthalmoscopique, qui assurément rendrait encore dans ces cas de vrais services cliniques. Toutefois, dans notre observation, il eût été rendu impossible par l'opacité du cristallin. 107 Ces lacunes pouvaient loger une lentille. Dans la couche optique, petit foyer jaunâtre ocré, avec détritus ré- sistants. Dans la substance blanche des parties antérieures, ancien petit foyer ocreux. Rien à l'extérieur du cervelet, si ce n'est une teinte jaune des cir- convolutions. Dans le corps rhomboïdal droit, anévrysmemiliaire. A gauche, lacune et foyer jaunâtre dans la substance blanche, à 1 centimètre du corps rhomboïdal. Dans la protubérance, à droite, vaisseaux dilatés. Un de ces vais- seaux offre un anévrysme miliaire à teinte jaunâtre. La surface de la protubérance est mouchetée de petites taches arron- dies, colorées d'un brun rougeâtre; quelques-unes un peu saillantes, dures, ne disparaissant pas par le lavage : ce sont de petits anévrysmes miliaires. Cœur. La face externe du cœur offre à droite, sur la superficie de l'oreillette et de l'auricule surtout, des dilatations ampuUaires multi- ples des vaisseaux, ne disparaissant ni par le lavage ni par la pression, revêtant un aspect pointillé, un peu saillant : ce sont de vraies dilata- tions anévrysmales, arrondies, de ces petits vaisseaux. Du reste, sur toute la surface du cœur on remarque une injection très-vive des plus fines ramifications vasculaires gorgées de sang. Le myocarde est jaune, graisseux, friable. Une vascularisation des plus vives se remarque encore sur les par-* lies qui enveloppent la vésicule biliaire, d'où un petit relief très-appa- rent à sa face externe. De môme pour les reins, qui sont très-congestionnés. Dans la couche sous-muqueuse de ïœsophage, on distingue vers le tiers supérieur des dilatations arrondies, noirâtres et brunes, de di- verses grandeurs, depuis un grain de mil jusqu'à une tête d'épingle; elles sont situées sur les vaisseaux de cette couche, distantes les unes des autres, et ne se laissent déprimer ou modifier ni par le lavage ni par la pression. Elles sont bien limitées, arrondies, et les vaisseaux aux dépens desquels elles sont formées présentent de suite leur calibre normal, après comme avant ces vraies dilatations anévrysmales. Or dans ce cas, sur le trajet de l'artère aorte, il existait, outre des foyers athéromateux et des plaques calcaires, des poches anévrysmales ayant refoulé la tunique externe qui leur sert de coque unique. Elles étaient arrondies et saillantes; leur volume était à peu près celui d'une moitié do noix, et leur relief analogue. Mais de plus, on trouvait bientôt deux anévrysmes bien formés, de 108 la grosseur, Tun d'une amande, l'autre d'une cerise, sur l'artère iliaque droite et sa première petite branche ramifiée. A ce dernier anévrysme succède une petite artère de la grosseur d'un fin stylet. Ces poches, dures à l'extérieur, assez lisses, sont remplies de cail- lots rouge brun, durs, stratifiés en couches offrant, par leurs teintes variées, des âges différents. Ici donc, comme dans les cas précédents, on constate la générali- sation de la disposition du système vasculaire à se dilater et à s'ané- vrysmer ; en un mot la (/zaZ/ièie anévrysmalique généralisée est fla- grante, irrécusable. Si des faits nouveaux viennent s'ajouter à ceux-ci, comme nous sommes porté à le croire, il faudra donc désormais, dans la question de la formation des anévrysmcs mUiaires du cerveau et dans leurs conséquences si importantes, tenir un compte sérieux de certaines al- térations vasculaires qui amènent une disposition spéciale du système circulatoire, à modifier sa forme et même à se rompre en partie ou en totalité, sous une influence générale et par un processus identique. Jusqu'à présent nos observations n'ont porté (|ue sur des vieillards. Les mêmes recherches seraient donc intéressantes à poursuivre dans les autres conditions de la vie. II. — Physiologie expérimentale. Des variations dans l'élimination de l'urée sous l'influence des iodures ET des arsenicaux; par le docteur Rabuteau. I. On sait que l'iode est un modificateur de la nutrition. Je m'imaginais d'abord qu'il devait amener une augmentation de l'urée par suite de l'atrophie qu'il tend à produire et de l'appétit qu'il développe. Il paraît que c'est le contraire qui a lieu, c'est-à-dire que l'urée est notablement diminuée, de sorte que l'iode peut à un certain point être considéré comme un moyen d'épargne des éléments azotés. Première expérience. — Le 22 mai et les quatre jours suivants, je prends, à jeun, 1 gramme d'iodure de potassium. Je suivais depuis plu- sieurs jours un régime identique que j'ai continué pendant plus de trois mois, si ce n'est que pendant les jours de grande chaleur j'ai été obligé de boire plus d'eau que de coutume. Le tableau suivant fait voir que lurée a diminué dès le premier jour de l'ingestion du médicament. 109 Urine Jours. des 24 heures. 14 mai 1120 15 — 990 16 — 870 17 - 945 18 — 1410 19 — 910 20 - 800 21 - 895 22 - 810 23 - 825 24 — 740 25 — 785 26 — 900 27 — 815 28 - 955 29 -. 885 30 — 1390 31 - 1115 l*'juin 1315 2 - 3 - 1020 4 -- 1240 5 — 1035 6 -- 885 7 — 1125 8 - 1120 9 - 1415 10 — 1155 11 - 1145 12 — 1170 13 - 1150 Avant l'absorption de l'iodure de potassium, l'urée éliminée dans les vingt-quatre heures n'a jamais été au-dessous de 21 grammes, tandis que la diminution s'est manifestée dès le moment que j'ai pris l'iodure. Le minimum de l'élimination n'a pas eu lieu immédiatement, mais seu- lement le l'^juin, lorsque je ne trouvais plus d'iode dans mon urine. S'il m'était permis de me prononcer d'après une seule expérience, je dirais que Viodure de potassium diminue Curée, et que ses effets n'at- Urée totale éliminée dans les Urée pour 1,000. 24 heures. 20,00 22,40 21,25 21,03 25,88 22,51 24,15 22,82 15,00 21,15 27,06 24,62 30,00 24,00 25,00 22,37 23,82 19,30 23,80 19,63 24,70 18,28 23,67 18,57 21,16 19,04 21,76 17,72 17,06 16,29 21,70 18,20 13,23 18,38 14,00 15,61 10,00 13,15 15,85 16,18 14,70 18,22 18,23 18,86 21,70 19,20 15,50 17,43 15,60 17,87 13,00 18,40 17,35 20,04 17,94 20,54 19,12 22,37 19,41 22,32 110 teignent pas immédiatement leur maximum d'intensité, lorsque la médication est continuée pendant quelques jours. lodure de sodium, — L'iodure de sodium diminue également l'urée; néanmoins l'expérience que j'ai faite est loin d'être aussi concluante que la précédente; elle n'a pas été aussi bien suivie, et d'ailleurs je n'ai pris qu'une seule fois de Tiodure, à la dose de 2 grammes, le 11 juillet, à neuf heures du matin. Urée totale Urine éliminée dans les Jours. des 24 heures. Urée pour 1,000. 24 heures. 5 juillet... 920 23,70 21,83 6 - 913 22,17 20,28 7— 1325 15,59 20,65 8 — » » » 9 - 990 21,25 21,04 10 — « » » 11 au 12 770 23,81 18,33 12 au 13 1105 16,17 17,87 13 au 14 640 31,47 20,13 14 au 15.... 740 27,94 20,67 15 au 16 = 795 22,35 17,76 16 au 17 1080 18,97 20,48 17 au 18 685 28,67 19,64 18 au 19 700 25,00 17,50 Les expériences précédentes prouvent également que les iodures ne sont pas diurétiques. C'est donc à tort qu'on a émis l'opinion, conçue sans doute à priori, que l'iodure de potassium activait la sécrétion urinaire. S'il est vrai que les glandes salivaires sécrètent davantage sous l'influence de ce médicament, qu'il y ait même parfois une véri- table sialorrhée, il est vrai également que les reins fonctionnentcomme à l'état normal. D'ailleurs la structure des glandes salivaires et des reins est tout à fait différente; on conçoit donc que ces organes ne soient pas influencés de la même façon (1). II. Diminution de Curée sous C influence des arsenicaux. — Cette di- minution est un fait constant et que l'on observe toujours lorsqu'on ad- ministre l'arsenic, qui est un modificateur puissant de la nutrition, un (1) Un autre fait déjà connu et qui est corroboré par mes recherches-, c'est que la quantité durée éliminée dans les vingt-quatre heures ne dépend nullement de la quantié d'urine rendue. Si celle-ci est en plus petite quantité, elle est plus concentrée, voilà tout. 111 moyen d'épargne des tissus. Peut-être y a-t-il augmentation de l'urée, lorsque arrive la cachexie sous l'influence d'une absorption prolongée de l'arsenic (G. Sée); ce serait une question à élucider. En Allemagne, Schmidt et Brettschneider ont trouvé que larsenic faisait diminuer Furée de 20 à 40 p. 100. Au commencement de cette année, j'ai voulu étudier le mode d'élimination de larsénite de potas- sium, puisjai abandonné ce sujet pour passera un autre. Néanmoins, chemin faisant, j'ai constaté une diminution de l'urée telle que j'ai re- gretté infiniment de n'avoir pas fait de dosages fréquents de ce prin- cipe; mais tel n'était pas mon but, et l'on ne peut tout faire à la fois. La diminution que j'ai constatée n'a pas été seulement de 20 à 40 p. 100, elle a été de près de 75 p. 100. Expérience. — Le 27 février dernier, je fais avaler à un chien bien nourri 2 centigrammes d'arsénite de potassium dissous dans 30 grammes d'eau. L'animal dîne avec appétit et reste bruyant comme auparavant. Le lendemain je lui fais avaler 5 centigrammes du même sel dissous dans 40 grammes d'eau. Il conserve encore ses allures ha- bituelles ; je n'observe rien, pas de vomissements ; il est vrai que, deux heures et demie avant l'ingestion de la dernière dose, il avait mangé un peu de soupe réservée à d'autres chiens. Je me dispenserai de parler du mode d'élimination de l'arsénite de potassium, attendu que je ne suis pas arrivé à des résuitats satisfaisants. Je dirai seulement que j'ai recueilli les urines de ce chien presque tous les jours jusqu'au 27 mars. Suivant mon habitude, j'ai cherché chaque fois si elles contenaient du sucre ou de l'albumine, et n'ai ja- mais trouvé ces principes. Mais ce qui m'a frappé, c'est le changement de la couleur de ces urines et la manière de se comporter vis-à-vis de l'acide nitrique. Auparavant les urines de ce chien, que je nouris- sais uniquement avec de la viande cuite et de bonne qualité, étaient foncées; elles se prenaient en masse par l'acide nitrique qui formait du nitrate d'urée beaucoup moins soluble que l'urée, surtout lorsque la liqueur est acide. D'après l'aspect du précipité de nitrate d'urée, je puis évaluer par habitude la quantité d'urée; or je puis dire ici que les urines liu chien avant l'expérience renfermaient de 60 à 70 durée p. 1000. Dès le lendemain de l'expérience, et surtout les jours suivants, les urines de ce chien sont devenues claires, et l'acide nitrique n'a bien- tôt plus donné de précipité de nitrate d'urée. Ainsi le 1", le 5, le 6 mars, etc., le précipité est nul; les urines ne paraissent pas plus ri- ches en urée que celles de l'homme, et pourtant celles d'un autre chien, soumis au même régime animal, se prennent en masse. 112 Le 10 mars, je dose l'urée par le procédé de Leconte, et je trouve 15,50 de ce principe p. 1,000. Le 14, j'en trouve 16,76 p. 1,000. Bientôt l'urine du chien commence à donner de nouveau un léger précipité de nitrate d'urée, ce qui prouve que les effets de l'arsénite de potassium commencent à disparaître. Le 19 mars l'urine se prend en masse, je l'analyse et je trouve 55,88 d'urée p. 1,000 Ce principe immédiat augmente tous les jours, car le précipité devient de plus en plus abondant, et les choses se passent vers la fin du mois de mars comme auparavant, c'est-à-dire que les urines sont foncées au lieu d'être claires, et que l'urée y entre au moins pour 60 à 70 p. 1,000. C'est ce que je puis affirmer d'après les résultats que m'ont fournis de nombreuses analyses d'urines qui m'étaient four- nies par d'autres chiens, et qui se comportaient de la même manière vis-à-vis l'acide azotique. CONTRACTILITÉ PULMONAIRE. M. Bert expose des recherches expérimentales qui l'ont conduit à constater la réalité de la contractilité pulmonaire; il montre les tracés de cette contraction obtenus en mettant l'appareil de Marey en rapport avec la trachée d'un poumon séparé du cœur et de l'œsophage et placé hors du thorax. La contraction devient apparente deux secondes après le début de l'excitation électrique, elle est graduelle et non brusque et persiste quelque temps après la cessation de l'excitation. C'est une con- traction qui se produit suivant le type des contractions organiques. Le même effet est obtenu quand on électrise les pneumogastriques. Pour obtenir ce résultat, il faut ne pas insuffler le poumon, mais le laisser s'affaisser naturellement. M. CoRML demande quels sont les éléments musculaires qui se con- tractent. Sont-ce ceux de Reisseissen ou les fibres du parenchyme? M. Bert : L'expérience que j'ai faite ne peut pas servir à trancher la question, mais on y parviendra peut-être en électrisant comparative- ment le pneumogastrique et le sympathique. Une chose remarquable des tracés de la trachée, c'est qu'ils donnent un tracé du cœur, et c'est au moment de la systole ventriculaire que l'air est attiré dans la poitrine, contrairement à ce qu'on pourrait supposer. M. Bouchard pense que cela tient à ce que, le ventricule se vidant brusquement tandis que les oreillettes se remplissent lentement, il y a un moment où le cœur 'en systole a un volume moindre qu'auparavant; il y a alors tendance au vide, dilatation du poumon et abaissement de la tension de l'air qu'il renferme. COMPTE RENDU DES SÉANCES DE r r LA SOCIETE DE BIOLOGIE PENDANT LE MOIS D'AOUT 1868, Par m. BOUCHARD, secrétaire. PRÉSIDENCE DE M, CL. BERNARD. Séances des T' et 8 août. 1. — Chimie appliquée a la médecine. Application delà lui atomique ou thermique aux métalloïdes biatomiques; par le docteur Rabuteau. J'ai trouvé l'an dernier une loi à la démonstration de laquelle j"ai consacré la plus grande partie de ma thèse inaugurale. (Voyez Élude expérimentale sur les effets physiologiques des fluorures et des com- posés métalliques en générai Paris, Germer Baillière, 1867, et Ga- zette hebdomadaire, 15 mai 1868). D'après cette loi, les métaux sont d'autant plus actifs que leur poids atomique est plus élevé ou que leur chaleur spécifique est plus faible; de sorte que deux ou plusieurs mé- taux étant donnés, quelles que soient leurs analogies chimiques, on c. R. 1868. s 114 peut se prononcer sur leur activité relative d'après leurs poids ato- miques ou leurs chaleurs spécifiques. Prenons par exemple le sodium (poids atomique, 23), le potassium (poids atomique, 39), le thallium (poids atomique, 204); le sodium est inoffensif, le potassium est un poison musculaire à hautes doses, et le thallium est aussi terrible que le plomb. Quand je parle des métaux, il va sans dire que je parle de leurs sels. Que Ton compare le zinc et le cadmium dont les analogies chimiques sont remarquables, et l'on verra que le cadmium (poids ato- mique, 112) est beaucoup plus actif que le zinc (poids atomique, 65,02). Je me crois autorisé à prédire que l'iridium, dont le poids atomique est 71,8, présentera des propriétés physiologiques intermédiaires, quant à l'énergie, entre celles du zinc et du cadmium. J'ai pensé que la loi atomique devait s'appliquer à un certain nombre de métalloïdes. Le premier groupe de ces corps simples fait exception, comme on le sait, à la loi de Bouchardat et Stuart Cooper; mais de- vait-il en être de même des autres groupes? J'ai alors fait des recherches sur les métalloïdes biatomiques, et j'ai trouvé une application nouvelle remarquable de la loi atomique. Ces métalloïdes, qui forment le second groupe, sont les suivants : Poids atomiques. Oxygène 16,00 Soufre 32,00 Sélénium 79,50 Tellure 128,28 Les propriétés chimiques de ces corps simples, surtout celles des trois derniers, présentent les plus grandes analogies, de sorte que de tout temps on les a réunis dans un même groupe naturel. Mais ici, de même que lorsqu'il s'agit des métaux biatomiques, les propriétés chi- miques ne sont rien; il faut faire intervenir l'idée des propriétés phy- siques que possèdent les atomes, l'idée de chaleur, et par suite celle de mouvement, car la vie n'est que le mouvement. Si Ton considère les composés hydrogénés de ces métalloïdes, on voit que l'eau H-0 est indispensable à la vie, que Thydrogène svilfuré H^S est un gaz délétère, mais qu'on peut néanmoins en introduire une as- sez grande quantité dans le tube digestif, dans le sang veineux (Cl. Bernard), tandis que l'hydrogène sélénié H^Se est excessivement dan- gereux. Berzélius a failli périr pour en avoir respiré une très-petite quan- tité, et tous ceux qui se sont occupés de l'étude de ce gaz savent qu'une seule bulle introduite dans les fosses nasales produit un coryza te- nace, de léternument et abolit l'odorat pendant plusieurs jours. Quant à l'hydrogène tellure H^Te, gaz instable et très-peu étudié jusqu'ici, il doit posséder des propriétés toxiques au plus haut degré. Je me pro- 115 pose de faire des expériences en faisant respirera des animaux des at- mosphères chargées d'une certaine quantité de ces troiç derniers gaz. On retrouve les mêmes différences relativesà l'énergie physiologique, si Ion compare entre eux les composés oxygénés du soufre, du sélé- nium et du tellure. Les sulfites, hyposulfites, sulfates et hyposulfates sont pour ainsi dire inoffensifs, si le métal qu'ils contiennent est très- peu actif. C'est ce que l'on savait déjà par les trois premiers genres des sels précédents. J'ai démontré que les hyposulfates rentraient dans la règle générale, que l'hyposulfate de sodium, par exemple, peut être pris à des doses considérables, puisque j'ai injecté 5 grammes de ce sel dans les veines d'un chien sans produire aucune altération dans la santé de cet animal. D'ailleurs j'ai pris moi-même 5 grammes du même sel sans rien éprouver, si ce n'est un très-léger effet laxatif. Les séiénites et les séléniates sont au contraire éminemment toxiques; ils font périr rapide- ment les animaux par asphyxie, avec dilatation de la pupille et de tous les sphincters. Enfin les tellurites, d'après une seule expérience que j'ai faite, m'ont paru devoir être plus terribles encore, car après avoir injecté, dans les veines d'une chienne de taille moyenne, une très- faible dose de tellurite de sodium, ce sel a produit les désordres les plus graves que j'eusse jamais vus. Pour rendre plus sensibles les différences d'action des composés que j'ai étudiés, je crois devoir résumer dans un tableau les principales cir- constances de mes expériences et leurs résultats. Animal. Chienne., Chien Chienne. Chien.... Chienne. Chien.... Lapin Chien Chienne. Chien. . . , Chien.. . Sel essayé. Sulfate de sodium Id Sulfite de sodium Hyposulfite de sodium. Sélénite de sodium, c . . Id Id... Id Sélénite de cuivre Séléniate de potassium. Tellurite de sodium. . . Dose Dose injectée dans portée dans les veines. Festomac. Grammes. Grammes. 14 » 4,78 » 4 o 0,25 1) U.12 )) » 0,50 » 0,80 V 0,50 0,25 ï) 0,08 n Eflet. Nul. Id. Id. Id. Morr. Id. Id. Effet passager . Id. Mort. Mort. Je me propose de faire connaître bientôt les effets toxiques des com- posés du sélénium et du tellure. Je dirai seulement que je range ces poisons parmi les poisons mécaniques, classe que j'adopte en lui attri- buant une définition différente de celle qu'on en a donnée jusqu'ici. En i16 effet, je n'admets point, comme poison mécanique, le verre, le diamant, les ongles, etc.; il ne s'agit là que de corps étrangers. Pour moi, un poison mécanique est une substance qui, introduite dans la profondeur de l'organisme, produit la mort en créant des obstacles mécaniques à l'accomplissement d'une ou de plusieurs fonctions. Tantôt ces obstacles résultent des métamorphoses de la substance qui a pénétré dans l'or- ganisme, tantôt ils naissent d'eux-mêmes et leur production est provo- quée par le poison. C'est ainsi que les sélénites amènent la mort au mi- lieu d'une asphyxie effroyable, et le sang est rempli d'une multitude de petits cristaux, quelquefois aussi nombreux que les globules. J'ignore encore la nature de ces cristaux. J'ai développé mes idées au sujet des poisons mécaniques dans un cours public de toxicologie fait à l'Ecole pratique. J'ai dit pourquoi j'admettais trois classes de poisons, savoir : 1° les poisons mécaniques; 2° les poisons caustiques ou corrosifs ; 3° les poisons biologiques. Les tellurites et tellurales, de même que les sélénites et séléniates, appar- tiennent à la première classe. Quant aux métamorphoses des sélénites et des séléniates, je puis avancer déjà que ces composés subissent une réduction dans l'orga- nisme. En effet, ayant injecté 25 centigrammes de séléniate de potas- sium dans les veines d'un chien, l'haleine de cet animal exhalait, quel- ques heures après l'injection, une forte odeur d'hydrogène sélénié. Les composés oxygénés du tellure paraissent aussi subir une réduc- tion dans l'organisme. En effet, Gmelin (1) ayant essayé l'acide tellu- reux sur des lapins, dit que le mucus et les fèces étaient colorés en noir par du tellure réduit. Conclusions de recherches inédites ; par le docteur Rabuteau. 1° Le chlorate de potassium s'élimine totalement en nature. Je crois être le premier qui ait démontré ce fait expérimentalement, en absor- bant du chlorate de potassium et faisant une analyse quantitative du sel retrouvé dans les urines. Wôhler, dès 1824, puis plus tard d'autres expérimentateurs, parmi lesquels je citerai Gustin, Isambert, avaient déjà reconnu le passage du chlorate dans l'urine. Mais des doutes exis- taient à ce sujet, les uns admettant encore, comme au commencement de ce siècle, la métamorphose du sel en chlorure ; les autres (et j'ai été de ce nombre) pensant qu'une partie seulement était réduite dans l'or- ganisme. 2° Vacide clilorique à très-faible dose s'élimine à l'état de chlorure. (1) Husemann, Handbuch de?' Toxicologie, 117 3" Le perchioratc de potassium s'élimine totalement en nature. Son élimination est aussi rapide que celle du chlorate. 4" Les formiates et les succinates se transforment dans l'organisme en carbonates. Il est possible que les succinates se transforment d a- bord en malates, puis en tartrates, et enfin ceux-ci en carbonates. 5» Valcool caprylique^ introduit dans le tube digestif, se retrouve dans les urines en nature, ou peut-être à l'état d'éther; en d'autres termes, il n'est pas brûlé dans l'organisme. J'ai pensé qu'une étude comparative de tous les alcools, au sujet de leur mode d'élimination plus facile à constater, jetterait un grand jour sur le mode d'élimina- tion de l'alcool éthylique ou alcool ordinaire. 6° Le sulfate de sodium injecté dans les veines à la dose de 7 grammes, de 14 grammes, constipe et fait disparaître la soif. L'élimi- nation par les urines, après l'injection de 14 grammes de sulfate de so- dium, a duré deux jours et demi. 7° Les hyposulfates de sodium et de magnésium, injectés dans le sang ou ingérés dans le tube digestif, s'éliminent en majeure partie en nature. Introduits dans le sang, ils constipent; absorbés par le tube digestif, ils agissent comme purgatifs assez doux. 8° Les sulfites se transforment en sulfates dès le moment qu'ils ont pénétré dans l'organisme. Polli a déjà observé cette métamorphose; d'après lui, on trouve du sulfite dans Turine le premier jour, et l'on y trouve un sulfate le lendemain. J'ai reconnu que le sel s'élimine tota- lement en sulfate si la dose a été faible. 9° Les îiyposulfites se transforment en sulfates et leurs métamor- phoses commencent dès l'instant qu'ils ont pénétré dans l'organisme. Kletzinsky avait déjà observé la transformation de l'hyposulfite de so- dium en sulfate. II. — Pathologie. 1° Affection gardiaco-vasculaire ; observation recueillie et communiquée par V. Henry Liouville. AFFECTION CARDIAQUE ANCIENNE; SIGNES STÉTHOSCOPIQUES ET CARDIOGRAPHIQUES EN DÉSACCORD AVEC UNE SIMPLE AFFECTION ORGANIQUE; ASYSTOLIE MANI- FESTE; mort; athéromes et oblitérations artérielles; ramollissement CÉRÉBRAL ; GANGRÈNE LIMITÉE DU COEUR ; COMMUNICATION DES DEUX VENTRI- CULES PAR RUPTURE INTERNE ; MÉLANGE DES DEUX SANGS SANS CYANOSE ; AR- TÈRE PULMONAIRE LIBRE ; ANOMALIE DE l' ARTÈRE CORONAIRE. Marie-Joséphine G..., âgée de 71 ans, couturière, née à Paris, ad- mise. Entrée le 16 mai 1868, morte le 29 mai 1868 à sept heures du matin. (Service de M. le docteur Vulpian.) 118 17 mai. Cette malade a déjà été à l'mfirmene, en chirurgie, et dan? le service de M. Charcot. Elle n'a pas d'infirmités, est venue à pied, se plaint de douleurs dans l'abdomen, à la région épigastrique ; elle vient pour des vomissements répétés. Surdité très-prononcée, plus marquée à droite qu'à gauche; elle ne paraît comprendre qu'au mouvement des lèvres. Cœur. Bruit de souffle intense prolongé, qui a son maximum au pre- mier temps et à la pointe, qui s'entend très-bien au niveau de la base et se prolonge le long de l'aorte, mais non dans les vaisseaux du cou. Palpitations très-fréquentes depuis au moins quatre mois. Malade très- nerveuse; tremblement des lèvres lorsqu'elle parle. Elle a eu à un moment le ventre gros (ascite) ; mais cela a diminué. Urine : densité, 1,010. Pas d'albumine (chaleur). 20 mai. Hier, syncopes, faiblesses très-grandes; sueurs sur la face. Pouls, petit, faible. Cœur. Bruit de souffle plus intense encore, maximum au premier temps et à la pointe; il occupe tout le premier temps, le silence et le commencement du deuxième temps; bruit de forge, rude, impression- nant l'oreille. On ne distingue même pas bien à la pointe le deuxième temps. Urine. Pas d'albumine (chaleur et acide azotique). Pas de sucre (liq. de Bareswill). 21 mai. Température rectale, 38°, 2. 22 mai. Pouls faible (64 puis.). Tracé cardiographique pris par M. Tridon. Ce tracé rend peu compte d'une affection cardiaque bien franche et habituelle; toutefois il montre, comme coïncidants, des trou- bles pulmonaires qui semblent avoir une notable intensité. 24 mai. TouJQurs dyspnée, faiblesse, phénomènes graves d'asys- tolie. Poumons. A la percussion, sonorité à gauche en arrière; matité et submatité à droite en arrière en bas; à l'auscultation, à ce niveau, in- duration hypostatique. (Vésicatoire.) 26 mai. Soif vive. La malade est couverte d'une sueur froide. Soir. Asystolie toujours persistante; refroidissement et sueur froide, visqueuse. Etat de découragement extrême; elle se plaint d'étouffer. 27 mai. Toujours bruit de souffle très-intense, plus intense qu'il y a quelques jours. Râles trachéaux. 29 mai. Elle meurt à sept heures du matin. A aucun moment cette femme n'a présenté de coloration bleuâtre ou cyanose d'aucun point du corps. Les ongl€rs n'offraient non plus au- cune altération qui nous eût frappé. 119 Autopsie faite le 30 mai 1868. Cavité crânienne. Poids de l'encéphale, 1,100 gr. Les artères de la base et les artères sylviennes sont très-athéromateuses. A l'extérieur, ramollissement rouge paraissant nouveau, très-étendu et superficiel. Ce ramollisement existe en effet vers la partie latérale droite du cer- veau, occupant les régions occipitale et moyennne du cerveau, et est caractérisé par une adhérence assez considérable des méninges à ces endroits; les méninges entraînent avec elles la substance grise de quelques circonvolutions, sous forme d'une bouillie cérébrale rou- geâtre; elles laissent un état pulpeux, corié, rouge hortensia des cir- convolutions (substance grise) dans les points que nous avons indi- qués. Cette lésion est superficielle, et des coupes pratiquées pro- fondément à ces mêmes endroits ne donnent rien d'anormal, si ce n'est une injection très-vive, sous forme de piqueté de la substance grise et de la substance blanche. Les ventricules latéraux contiennent une sérosité rougeàtre abon- dante. La couche optique du côté droit paraît, à l'extérieur, irré- gulière, un peu mamelonnée et très-vascularisée. Une coupe montre des teintes différentes existant dans son intérieur; d'abord une coque blanchâtre, assez résistante, externe; puis une masse de substance gris rosé, au milieu de laquelle existent trois plaques de substance blanchâtre, perforée de petits trous, avec lacune, et spécialement vascularisée. Dans le quatrième ventricule, injection assez vive de la paroi an- térieure. L'origine des nerfs auditifs et les nerfs eux-mêmes paraissent très-bien conservés. Cavité tooracique. — Gœu7\ Volumineux (poids 520 gr,). Pas d'adhé- rence du péricarde. Insuffisance aortique. L'endocarde ofi're une rou- geur très-intense avec taches blanchâtres ; les plaques scléreuses présentent un état rouge jaunâtre très- considérable. A la pointe dans le ventricule gauche, ulcération profonde, avec déchirure du myo- carde, des fibres, avec communication des deux ventricules comme nous le décrirons plus loin à part. L'artère coronaire présente dans tout son trajet une dureté considérable, comme un cordon : vers son tiers inférieur, l'artère est complètement oblitérée; au-dessous se trouve une plaque de ramollissement du myocarde (toutes ces lésions se trouvent dans la région qui correspond à l'altération artérielle). AoiHe. Au niveau de la carotide primitive gauche, abcès athéroma- teux de 5 centimètres de longueur et s'étendant horizontalement dans l'aorte. Aorte abdominale. Quelques abcès athéromateux. Poumons. (P. droit 570 gr. ; p. gauche 650 gr.). Congestion légère. 120 Cavité abdominale. — Foie (1,450 gr.). Rien de spécial. Vésicule remplie de calculs. La vésicule biliaire étant ouverte, on voit qu'elle est complètement remplie par des calculs, les uns volumineux, les au- tres plus petits, en tout, au moins 80 ; ils se pressent les uns contre les autres et ont augmenté considérablement le volume de la vésicule : ils sont vert jaune, accolés les uns aux autres par leurs facettes, qui sont irrégulières. Ils sont enveloppés d'une bile épaisse vert brunâtre, peu abondante. Les parois de cette vésicule sont rigides et épaisses. La face interne, bien qu'elle ait été plusieurs fois lavée reste imprégnée d'une couleur vert épinard très-foncée. En examinant cette face, on voit qu'elle n'offre plus que des brides cicatricielles, une sorte d'état de vésicule à petites colonnes (ressemblant en cela aux vessies à colonnes) dans les trois quarts de son étendue; il n'y a plus que sa partie su- périeure où il existe une zone de quelques centimètres qui offre une face interne d'aspect normal, c'est-à-direunétatàpeuprès lisse, un peu ve- louté et la non-existence des fibres musculaires signalées dans la partie inférieure de la vésicule. Quelques-uns de ces calculs, dont la facette adhérait à la paroi interne de la muqueuse ainsi altérée, présentent sur leurs facettes un état mamelonné, caractérisé par de petites saillies granulées que l'on ne retrouve pas sur les facettes des calculs qui exis- taient au centre. Ces calculs sont mous; sectionnés, ils présentent une coque assez résistante, et dans l'intérieur une masse noir verdâtre un peu ramollie. Reins. Rein droit 140 gr., rein gauche 130 gr. Infarctus. Quelques kystes. Raie (110 gr.). Rien de spécial à noter. Ajoutons que l'artère pulmonaire, examinée avec soin, était saine, nullement obstruée, et nous insistons pour indiquer qu'il n'y avait eu aucune apparence pendant la vie, et qu'il n'y avait aucunes traces ac- tuelles de cyanose, ni coloration, ni état spécial des ongles. Le ventricule gauche ouvert, et pour ainsi dire étalé, présente à sa face interne dans sa moitié inférieure du côté de la paroi interven- triculaire, une ulcération, perte de substance que l'on ne découvrait pas à l'extérieur. Elle est d'une profondeur capable de loger une moitié de noix, et fait communiquer les deux cavités ventriculaires du cœur l'une avec l'autre, mais seulement par des fissures visibles à la face interne du ventricule droit. De l'eau répandue dans cette poche passe en effet complètement d'un ventricule dans l'autre. Cette ulcération a détruit dans certaines places la totalité des co- lonnes charnues de la paroi, qui ont complètement disparu et sont rem- 121 placées par un amas granulo-graisseux de fibres dégénérées; dans d au- tres places, on ne retrouve plus les formes des parois ventriculaires ; enfin, en certains points, ces parois ne sont que rongées sur leurs bords. Du côté du ventricule droit, on aperçoit beaucoup moins de ces lé- sions, si ce n'est par l'expérience de l'eau, et par transparence, par des fissures qui alors sont nettes. Cette zone ainsi gangrenée est justement la partie ventriculaire qui se trouve limitée entre les terminaisons de deux artères dont le conduit est oblitéré. Ces artères sont des branches anormales de la coronaire, mais qui toutes deux ont éprouvé dans ce cas (fait singulier) ce que la coronaire seule éprouve parfois. En effet, on voit, au point où apparaît d'habitude l'artère coronaire, naître un tronc artériel volumineux qui, après un trajet de un centi- mètre environ, à partir du sillon auriculo-ventriculaire, se divise en deux branches d'égal calibre et d'une dimension qui, pour chacune, serait du reste la dimension normale. Elles marchent dans la même di- rection, de haut en bas, un peu obliquement, et font toutefois entre elles deux un angle qui, d'abord aigu, grandit à mesure que les bran- ches descendent (angle de 45° environ à l'origine). Alors se dirigeant vers la pointe du cœur, l'une obliquant toutefois un peu et paraissant gagner plutôt la face latérale externe gauche du ventricule gauche, elles circonscrivent entre leurs deux branches une certaine zone cardiaque. Or ces deux divisions artérielles, participant de l'altération scléro- athéromateuse de leur tronc originaire, et offrant des parois dures, ré- sistantes, sont, de plus, toutes deux et à peu près à la même hauteur, vers le milieu des ventricules, oblitérées complètement par une masse résistante, paraissant ancienne et faisant corps pour ainsi dire avec le conduit. Ces bouchons paraissent des caillots solides et de date déjà an- cienne. De plus, c'est la zone cardiaque (ventricule gauche), comprise jus- tement dans leur écartement^ qui offre cet état de mortification et de destruction signalées plus haut. Cette gangrène limitée du cœur paraît donc bien tenir à l'oblitéra- tion des vaisseaux chargés d'alimenter ce petit département organique. Elle mesure justement l'écart des deux troncs artériels anormaux au point précis où commence leur oblitération absolue. L'anomalie, qui eût pu à la rigueur offrir un conduit de précaution, si une seule coronaire avait été bouchée, n'a point même dans ce cas été ainsi utilisée , à l'exem- ple de vaisseaux, dits de sûreté, de certains organes du corps humain. 1^2 C" Corps étranger introduit dans lks voies aériennes ; phénomènes morbides SIMULANT LA PHTHISIE PULMONAIRE TUBERCULEUSE ; CESSATION DES ACCIDENTS ET GUÉR1S0N COMPLÈTE A LA SUITE d'uNE VOMIQUE ET REJET DU CORPS Étranger; observation et pièce à l'appui présentées à la Société de biologie par M. Fr. Laborde, ancien interne des hôpitaux. Ors. — Le 13 février 1862 entrait à Thôpital des Enfants malades, rue de Sèvres, salle Saint- Jean, n° 19 (service de M. Bouvier), un enfant de 10 ans, lequel disait avoir avalé, en jouant, un caillou. Les renseignements fournis par les parents étaient les suivants : l'en- fant toussait et crachait beaucoup depuis quelque temps; il se plaignait d'une douleur vive à l'épigastre et avait perdu l'appétit. Un purgatif lui avait été administré dans le but, soi-disant, de provoquer 1 expulsion dudit caillou; mais celui-ci navait pas été rendu. Avant lentrée du petit malade à l'hôpital, on n'a pas noté non plus, et il ne paraît pas avoir existé ni vomissements ni symptômes de suffocation. Ces phéno- mènes négatifs, joints au résultat d'un examen attentif des parties, au- tant qu'il pouvait être pratiqué de visu, nous fit rejeter tout d'abord et regarder comme une fable ou une illusion l'introduction du corps étran- ger en question. D'ailleurs, plusieurs autres phénomènes se passait dans les organes respiratoires, donnaient une créance légitime, ainsi qu'on va le voir, à des suppositions diagnostiques d'une autre nature. Et d'abord la percussion permettait la constatation facile d'une ma- tité notable au sommet du poumon droit en arrière. De plus, l'ausculta- tion révélait à cet endroit des bruits anormaux pouvant être rapportés à dQ9, craquements, et puis un bruit de souffle se manifestant surtout à l'expiration, bien qu'il ne fût pas complètement étranger à l'inspiration et présentant des caractères teis que l'un de nos collègues et amis, M. Perraud, n'hésitait pas à le regarder comme l'expression de l'exis- tence d'une petite caverne. Ces signes furent également constatés et confirmés par notre maître, M. Bouvier, qui, en raison d'un appareil fébrile très-marqué, de la nature de l'expectoration, de sueurs noc- turnes abondantes, de l'affaiblissement des forces et de l'amaigrissement progressif du sujet, avait exprimé le soupçon non-seulement de l'exis- tence d'une tuberculisation pulmonaire, mais même d'une tuberculisa- tion aiguë. Le traitement fut institué en conséquence. Cependant les symptômes allèrent en s'aggravant, et au milieu des phénomènes dune acuité persistante le malade en était arrivé à un état d'adynamie fait pour inspirer les plus vives craintes, lors- que le 4 mars, sous l'influence de la constitution nosocomiale ré- gnante, il fut pris de rougeole. Aux phénomènes déjà existants dans les organes respiratoires vinrent aussitôt s'en ajouter d'autres, expression 123 des complications habituelles de ce côté de cette dernière maladie. L'enfant, en effet, fut pris de véritables accès de suffocation, et en même temps il fut permis de constater dans les poumons les manifestations stéthoscopiques d'un catarrhe général des mieux caractérisés : râles muqueux et sous-crépitants disséminés. En proie à ces nouvelles com- plications, le malade était arrivé au dernier degré de Tépuisement, lorsque le 8 mars au soir, quatre jours après l'invasion de la rougeole, il fut pris d'un accès de suffocation d'une violence inaccoutumée, à la suite duquel il expectora une assez grande quantité (la valeur d'un cra- choir) de matière purulente. Or au milieu de cette matière se trouvait un corps étranger rougeâtre, de consistance pierreuse et qui n'était autre qu'un caillou. Ainsi quil est facile de le constater, ce caillou a la forme et le volume d'une fève de marais, avec cette différence, toute- fois, que ses bords sont anguleux. Le jeune malade l'a parfaitement reconnu pour être le caillou qu'il disait avoir avalé. Une sédation dans les symptômes du côté des organes respiratoires et un soulagement im- médiat se sont fait sentir. La rougeole intercurrente a suivi un decursus normal ; une amélioration rapide s'est manifestée dans l'état général du jeune malade; tous les symptômes locaux que nous avions constatés, particulièrement dans le poumon droit, ont successivement disparu pour faire place à la respiration normale, et l'enfant sortait de l'hôpital dans les premiers jours d'avril, guéri de tous ses accidents qu'on avait été légitimement porté à juger si sérieux, et ayant de plus acquis un embonpoint relativement remarquable. 3° Phénomènes coNGESTiFS généraux; invasion brusque de phénomènes car- diaques ANORMAUX ; DYSPNÉE INTENSE, MATITÉ PRÉCARDIAQUE RAPIDE ; ABAIS- SEMENT SUBIT ET CONSIDÉRABLE DE TEMPÉRATURE; MORT TRÈS- PROMPTE ; ATHÉROMES ET OBLITÉRATIONS DES ARTÈRES; ÉPANCHEMENT DE SANG DANS LE péricarde; rupture externe du cœur; ENDOCARDITE ANCIENNE; ZONES ALTÉRÉES DE l'estomac ; obsorvation recueillie et communiquée par Henry Liouville. Françoise-Rosalie Ch..., âgée de 83 ans, entrée le 4 mai 1868, morte le 16 mai 1868, à sept heures, service de M. le docteur Vulpian, salle Saint-Denis, n° 9 (Salpêtrière). Cette malade a déjà eu un érysipèie de la face et du cuir chevelu, dont la guérison a été facilement obtenue. Elle rentre le 5 mai 1868 (salle Saint-Denis, n" 9). Elle est souffrante d'une ioux avec bronchite. Un peu d embarra:? gastrique; pas de fièvre. Urine. Pas de sucre (liq. de Bareswill), 124 Pas (l'albumine (chai, et et ac. azot..). Purgatif. 9 mai. Cœur. Pas de bruit anormal. 13 mai. Crachats secs, un peu collants, aérés, blanchâtres. A gauche, en arrière, en bas, à un point vers la colonne vertébrale, on entend, au milieu de râles nombreux de bronchite intense, des râles sous-crépitants et une respiration légèrement soufflante. De ce côté, submatité légère. La pupille droite est un peu plus dilatée que la gauche. La joue droite est manifestement plus rouge et plus chaude que la joue gauche. Pulsation 120 Respiration.., 40 Température 37°, 6 Traitement. Kermès. Douze ventouses sèches. 14 mai. Mieux comme santé générale. Toujours râles sous-crépitants fins à gauche, prédominants. On ne distingue pas de souffle véritable. Pulsation.. 88 Inspiration 42 « Température 37%4 Le soir. Pouls rapide, petit, inégal, irrégulier, intermittent. Respi- ration abdominale avec dyspnée. Teinte un peu jaune pâle de la face. Cœur. Bruits rapides, irréguliers, intermittents, sourds et quelque- fois irrégulièrement frappés. Peut-être bruit de souffle? (Grande diffi- culté d'auscultation.) Pulsation 118 Inspiration 44 Température 37°, 8 15 mai. Cœur, Bruit douteux vers le premier temps (difficulté d'aus- culter). Dyspnée : aspiration pénible, respiration abdominale. Sueur sur la face. Pouls irrégulier, petit, intermittent (92 puis.). 16 mai. Matité précordiale très-étendue. Perte d'élasticité de la ré- gion. Les bruits du cœur sont entendus faiblement. Dyspnée cardiaque. Température 34°,2 Traitement. Potion avec kermès et digitale. Le soir, cinq heures et demie. Oppression toujours très-grande. Face rouge, couverte de sueur. Tendance au refroidissement des extrémités, inférieures surtout. 125 Pouls petit. Dyspnée. La peau du corps est toujours froide; les lè- vres ne sont pas cyanosées. Les pupilles sont égales, moyennement di- latées. Cœur. Mêmes signes à la percussion. Les bruits sont toujours sourds, lointains, à peine perceptibles. Pulsation 90 Inspiration 48 axillaire... 36',0 Température i^^^^^,^^;; 3^;g Elle meurt subitement à sept heures. Trois quarts d'heure après la mort, rigidité cadavérique assez pro- noncée. Pupilles égales, moyennement dilatées. Température axillaire . . . 34%0 Température vaginale . . . 36%0 Autopsie faite le 18 mai 1868. Cavité cranienxNe.. — Encéphale (1,070 grammes). Artères de la base scléro-athéromateuses. Rien d'anormal aux différentes coupes du cer- velet, de la protubérance et du bulbe. Les artères carotides et sylviennes sont également scléro-athéroma- teuses, moliniformes. Les méninges s'enlèvent facilement, sans entraîner de substance cé- rébrale. Dans le noyau intraventriculaire gauche, lacune jaunâtre, ocrée, de la grandeur d'un gros grain de millet. De l'autre côté (à droite), même lacune au même point. Cavité thoracique. — Poids du cœur avec les poumons et le péri- carde : 2,400 grammes. Le péricarde est énormément distendu et mesure dans sa plus grande circonférence 45 centimètres, de la base à la pointe 26 centimètres. Les poumons sont très-affaissés. Poumon droit (450 grammes). Liquide assez abondant (environ un demi-litre, dans la plèvre droite. Pas d'adhérences. Poumon gauche (260 grammes). Le lobe inférieur est réduit à une sorte de lame adhérente à la cage thoracique. Adhérences très-fortes en bas, quelques-unes en haut, peu solides. En un point, l'extrémité des bronches paraît ossifiée? Cœur. Le péricarde étant ouvert, il en sort du sang pur, noir, très- fluide (300 grammes). La face pariétale du péricarde off're des traces de néo-membranes rouges, grenues, chagrinées, sur presque toute son étendue. m On trouve ce même état sur l'origine de l'aorte et sur les faces du cœur, qui sont, de plu?, recouvertes par un caillot solide, noirâtre, membraniforme, pesant 70 grammes. Ce caillot se détache assez facile- ment des faces antérieure et postérieure du cœur; mais, sur le cœur droit, à la face antérieure, vers la partie moyenne, il adhère plus inti- mement en un point qui offre une fissure longitudinale, en forme de boutonnière, d'une longueur de 1 centimètre. Autour, de petits caillots noirâtres adhèrent à la surface du cœur. De cette fissure, déchiquetée irrégulièrement, on fait sourdre, en pressant un peu les parois, du sang d'abord rouge, puis plus clair, mais sortant en assez notable quantité. Une bougie, introduite dans la fissure, pénètre obliquement, de gauche à droite, dans le ventricule droit, du côté de la paroi, entre des co- lonnes de troisième ordre. Ace niveau, dans le ventricule, il existe des caillots noirs autour de la perforation. Dans ce même ventricule droit, on trouve des caillots pris dans les cordages delà valvule tricuspide, d'autres pris dans les colonnes charnues. A la pointe, il existe une masse arrondie, de la grosseur d'une noix, et comme superposée au muscle; en faisant une coupe, on remarque ce qui suit : d'abord l'enveloppe externe ne paraît pas interrompue, mais soulevée; elle est parsemée de cet état chagriné déjà indiqué; ensuite un caillot sanguin, puis une couche paraissant être de la graisse; puis, dans cette masse graisseuse où se voient quelques fibres musculaires, deux kystes sanguins remplis d'un sang semi-liquide; une couche qui paraît être presque uniquement musculaire, quoique sa teinte soit feuille- morte et rouge pâle ; enfin des colonnes charnues du ventricule. Cœu?^ gauche. Il présente à la pointe un caillot enkysté, offrant des teintes différentes comme couleur et des états différents aussi comme consistance. D'autres kystes à contenu puriforme sont enchevêtrés dans les colonnes, près de la paroi; mais le point où l'altération est la plus prononcée est évidemment la partie inférieure de la paroi interventri- culaire. A ce niveau, la membrane interne otiVr^ une zone de la dimension d'environ 4 centimètres en hauteur sur 3 centimètres en largeur, où l'on remarque une disparition presque complète des colonnes du troi- sième ordre, avec état boursouflé, rugueux, de teinte rouge, avec in- jection considérable de ces petites végétations mamelonnées. Dansl'auricule gauche, caillot assez volumineux, ancien, enkysté, (Endocardite mamelonnée et ulcéreuse.) Les valvules sigmoïdes de l'aorte sont très-scléreuses, comme aussi la valvule mitrale; mais leur jeu est encore possible. L'artère coronaire offre un état scléro-athéromateux très-avancé dans toute son étendue; vers la partie moyenne, on trouve un petit 127 bouchon dur, résistant, allongé, ne paraissant pas adhérer à la mem- brane. 2 centimètres plus loin le calibre déjà rétréci est complète- ment oblitéré. Les parois même du vaisseau sont très-épaissies, et il y a ainsi une oblitération qui paraît complète dans la région qui corres- pond aux altérations signalées sur les parois internes. Cavité abdominale. — Foie dur, tendance à la cirrhose. Calculs daps la vésicule biliaire. Estomac. Large plaque de vascularisation et d'injection pointillée, dans un espace d'environ 3 centimètres de diamètre. Reins mamelonnés. Rate dure, épaisse. Nous croyons devoir insister sur laltéralon observée dans le ven- tricule gauche (1). Le caillot principal que l'on y remarque est dur, épais, adhérant for- tement à la paroi du ventricule ; il paraît ancien et composé de plusieurs couches; il commence à deux travers de doigt de l'anneau aortique. Il longe toute la paroi ventriculaire en forme de fer à cheval pour venir se terminer de l'autre côté, vers l'un des piliers de la valvule mitrale. Son épaisseur dans quelques points est au moins de deux centi- mètres. Il s'est pour ainsi dire creusé une coque dans la paroi ventriculaire qu'il a refoulée, et celle-ci se confond tellement avec les couches stratifiées de ce caillot, qu'il serait possible de faire la comparaison avec les couches d'un anévrysme. En tout cas il y a une infiltration sanguine manifeste dans le myocarde lui-même, qui par places, offre certains points bombés, et une coupe faite en ces points donne des couches stratifiées paraissant composées de dépôts sanguins, entremê- lées de couches musculaires. Il est un point où il est difficile de dire si ce sont les fibres muscu- laires seules de la paroi qui empêchent les deux ventricules de commu- niquer vers leur pointe, ou si l'obstacle résistant n'est pas composé par l'ancienne paroi altérée et dans laquelle des caillots sanguins en- chevêtrés en oblitéreraient les points détruits. Examen histologique des pièces principales. — Cœur. Des fibres du cœur, examinées au microscope et prises non loin de l'endroit où exis- tait la rupture, se présentent sous la forme de fibres musculaires rom- pues, courtes, et offrant en de certaines places des dilatations ou des (1) Deux planches dessinées d'après nature avec habileté par notre collègue et ami G. Peltier, permettraient de se rendre compte très- nettement des points principaux intéressants de cette autopsie (cœur et estomac). 128 rétrécissements qui leur donnent un aspect bombé, moniliforme. Pour les plus altérées, la texture normale a complètement disparu et est rem- placée par un amas de granulations innombrables, graisseuses ; pour d'autres moins altérées, l'enveloppe étant à peu près intacte, les gra- nulations graisseuses ne paraissent que couvrir certaines places des fibres qui, dans d'autres points, semblent conservées. Autour des fibres existent de gros amas de granulations volumineuses ressemblant aux corps dits de Gludge, mais le plus souvent envelop- pées d'une cellule fine qui contient les granulations graisseuses. Ces cellules sont arrondies ou allongées. Dans la préparation existent des globules de §ang épanchés, nom- breux, à peu près normaux. Les vaisseaux sont plus volumineux pour la plupart; ils sont couverts de granulations graisseuses, et dans leur enve- loppe externe on constate des amas de granulations sous forme de corps de Gludge , la plupart en cellules ; les noyaux sont très-visibles et dé- générés par la graisse. Dans l'intérieur de ces vaisseaux, globules blancs au milieu de globules rouges. Estomac. Pour compléter l'étude de la portion altérée de l'estomac, le microscope a aussi été utile. La zone altérée de la surface interne de Testomac, signalée plus haut, se traduisait à l'examen histologique par un état très-avancé de dégé- nérescence granulo-graisseuse. Les vaisseaux participaient à l'altéra- tion et montraient un amas de granulations graisseuses noirâtres très- nombreuses pour quelques-uns , enveloppant en partie les conduits comme un manchon; pour d'autres, c'étaient de vrais bouchons, sortes de cylindres de dégénérescence graisseuse, très-foncés de teinte, tout autour, pointillé noirâtre de granulations libres et quelques amas arrondis, de granulations graisseuses. En résumé, le même processus pathologique (altération vasculaire, oblitération circulatoire et dégénération granulo-graisseuse), avait pré- sidé manifestement à ces diverses altérations d'organes différents (cer- veau, cœur, estomac), et avait amené finalement, quel que fût l'organe, des désordres pareils, toutefois avec les différences inhérentes et spé- ciales aux textures de chacun d'eux (la cessation de la circulation, la gangrène, le ramollissement, d'où la rupture organique). Vacance du 15 août au 15 octobre, COMPTE RENDU DES SÉANCES DE A r SOCIETE DE BIOLOGIE PENDANT LE MOIS D'OCTOBRE 1868. Par m. le Docteur BOUCHARD, secrétaire. PRÉSIDENCE DE M. BROCA, VICE-PRKSIDENT. Séance du 17 octobre. 1. — Anatomie comparée. Sur un cas de communication inteuventriculaire chez un mammifère; par M. .1. CeATiN. L'animal qui fait le sujet de cette observation est une jeune hémione [equus hemîonus, Pallas), morte à la Ménagerie au mois d'août 1868, et dont l'autopsie a été pratiquée dans le laboratoire de M. le professeur Milne-Edwards. Cette hémione se trouvait dans des conditions très-défavorables à la circulation générale, puisque trois voies permettaient au sang veineux de se mêler au sang hématose et d'être porté avec lui dans les diverses c. R. IS68. 9 130 parties de l'économie. Ces trois voies étaient : 1" un trou de Botal assez large pour permettre rintroduction de l'auriculaire; 2" une ouverture située à la partie supérieure de !a cloison iiitcM'vcntriculaire et un peu moins large que le trou de Botal ; 3° un canal arlci iel d'un ealibre assez fort. Elle n'offrit cependant aucun des symptômes de la cyanose, et mourut d'inanition, sa mère se refusant à lallaitcr ; à la vérité, la teinte bleue eût pu apparaître postérieurement, et on sait d'ailleurs qu'elle ne coïncide pas toujours avec une altération tératologique du cœur ou des gros vaisseaux, bien qu'elle en soit le symptôme le plus habituel. Mais cette absence « d'ictère bleu » est néanmoins remarquable, puisque dans les cas de communication inter-ventriculaire, cas assez rares et rappor- tés par Mickel, Martin Saint-Ange, Ring, Leadam, Louis, Paget etHow- shipe (1), la teinte bleue ou livide s'est généralement montrée dès la naissance. a. Cœur EN général. — A l'autopsie, le cœur et les gros vaisseaux sont gorgés de sang veineux, mais non pas fluide, comme l'indique Geoffroy Saint-Hilaire dans la plupart des cas cités plus haut. Ce sang forme au contraire des caillots assez gros, fibrineux et souvent adhé- rents aux parois du cœur ot des troncs vasculaires. La forme du cœur est co.-uque comme chez Thomme; mais ici le cône est un peu plus obtus que dans le cœur humain. Les ventricules n'offrent rien d'anormal quant à leurs dispositions générales, voici leurs dimensions : Epaisseur moyenne du ventricule gauche.. . . 10 millimètres. Epaissseur id. id. droit 7 id. Longueur intérieure du ventricule gaucho 80 id. Longueur id. id. droit 65 id. Les oreillettes présentent des auricules fort développées, la valvule d'Eustachi est à peine indiquée par un léger repli meml)raneux; mais on sait que, chez les mammifères de cet ordre, elle est le plus souvent rudimentaire ou même nulle (1); la valvule de ïhebesius est normale. Un des replis de la valvule tricuspide est très peu apparent, mais les valvules auriculo-ventriculaires n'offrent aucur.o trace de dépôt cartila- gineux ou calcaire, tandis que dans l'un des cas cités plus haut et ra{ - porté par M. Louis, cette ossification, coïncidant avec la communication (1) Geoffroy Saint-Hilaire, Traité de Icralologic, t. î. Tood's Cyclo- pœdia of analomy and physiology, art. îJcuri. (1] M. Milne-Edwards, Leçons sur la physiologie cl Canatomic com- parées de l'homme et des animaux^ t. ill. 13t inter-ventriculairo, existait anormalement chez l'homme comme elle existe normalement chez le cerf. b. Cloison interauriculaire. — La cloison qui sépare les deux oreil- lettes du cœur offre une surface li?se et est légèrement dirigée d'avant en arrière et de droite à gauche (1) ; sa forme est normale. Le trou de Botal est situé à l'union des deux tiers inférieurs de la cloi- son avec son tiers supérieur ; du côté de Toreillette gauche se remarque un petit repli haut de 2 millimètres environ ; de ce rudiment de valvule partent quelques filaments extrêmement ténus, qui forment à la partie inférieure du pertuis un réseau à mailles assez larges. Le trou de Botal affecte une forme irrégulièrement ovale ; sa mensuration donne les chiffres suivants : Longueur du côté de l'oreillette droite 17°"",5 Longueur du côté de Toreillette gauche . . . 16°"", 5 Largeur du côté de loreillette droite 9""", 5 Largeur du côté de l'oreillette gauche 8 Quant à la cloison interauriculaire, elle a : Epaisseur moyenne» 6' mm Longueur 26 mm r, c. Cloison interventriculaire. — La cloison interventriculaire offre une surface moins lisse que la précédente; sa forme est triangulaire, son épaisseur est de 8 millimètres. Mais elle présente, dans sa partie antérieure, une fenêtre qui fait communiquer largement entre eux les deux ventricules; cet orifice donne donc à la cloison interventriculaire l'apparence qu'elle offre, selon Meckel, dans la quatrième semaine de la vie intra-utérine du fœtus humain (2). L'ouverture est dirigée de gauche à droite et de bas en haut ; ses dimensions sont celles-ci : Longueur du côté du ventricule gauche 9""°, 5 Longueur du côté du ventricule droit 7 Largeur du côté du ventricule gauche 5 Largeur du côté du ventricule droit 5 La forme de l'orifice est celle d'une ellipse irrégulière ; un petit repli de 2""", 5 de long et de 0'"",5 d'épaisseur la borde du côté du ventricule (1) Les rapports sont décrits ici d'après la position normale de l'ani- mal, qui est un quadrupède; ce qui est antérieur chez l'homme sera donc décrit comme inférieur, etc. (2) Cruveilhier, Anatomie descriptive, t. lîL 132 droit. Les dimensions exiguës de ce repli empêchent de le considérer comme une valvule même rudimentaire; d'ailleurs, à en juger par sa situation et ses dispositions générales, il serait plus propre à s'opposer au passage du sang artériel qu'à celui du sang veineux. d. Canal artériel. — Le canal artériel est fort court, mais très- large, puisque son diamètre est presque égal à celui de l'aorte ; pour- tant on ne saurait dire qu'il y a là une dilatation anévrysmale de ce vaisseau, comme dans un des cas cités plus haut et observé par M. Mar- tin Saint-Ange (1). Les dimensions du canal expliquent d'ailleurs par- faitement cette apparence, puisqu'elles sont, à peu de chose près, égales : Longueur 14 millim. Diamètre extérieur 12 — Autant qu'on peut en juger par le cathétérisme et par l'insufflation, ce canal n'offre aucune trace interne de rétrécissement ni d'oblité- ration. Il établit simplement la communication entre l'aorte et l'artère pulmonaire, sans pour cela remplacer celle-ci comme dans le cas cité par M. Howshipe (2). En outre, les troncs vasculaires qui partent du cœur ou y arrivent, conservent ici leurs rapports normaux, ce qui se voit rarement dans les cas de communication interventriculaire (3). Les cas de communication inter-ventriculaire ne sont pas très-fré- quents, et tous ceux dont nous avons pu trouver la relation ont été observés chez l'homme; l'exemple actuel, offert par un mammifère d'un autre ordre, présentera donc, peut-être, quelque intérêt au point de vue de l'anatomie comparée, et cette considération seule nous a engagés à en faire l'objet d'une communication. — M. Magnan présente des préparations de substance colloïde obser- vées à la surface du cerveau d'un malade qui a succombé aux progrès de la paralysie générale. Cette substance colloïde avait pour siège la substance grise des cir- convolutions des lobes frontaux et sphéroïdaux. Elle avait une couleur (i) Geoffroy Saint-Hilaire, ioc. cit. (2) Tood's Cyclopœdia ofanatomy and physiology. (3) Parmi ces cas, l'un des plus curieux est certainement celui que décrit M. Paget, et dans lequel l'artère pulmonaire seule représentait l'aorte descendante : « The aorta was entirely distributed to the head « and upper extremities, while the pulmonary artery, aftergiving off « two branches to the lungs, continued as the aorta descendens with- « out any communication with the aorta ascendens* » Tood. lac. cit. 133 opaline et déprimait la substance cérébrale. Elle se montrait sous forme d'ilôts. Observée au microscope, on constatait des disques con- centriques d'une matière brillante, opaline, semée de noyaux brillants, et au milieu du disque central on remarquait la lumière d'un vaisseau capillaire dont les parois étaient épaissies. La substance nerveuse elle-même était altérée au même titre que la substance conjonctive, c'est-à-dire qu'elles étaient brillantes ainsi que leurs noyaux. Par l'étude comparative de plusieurs préparations, M. Magnan a été conduit à penser que l'altération histologique com- mençait par les noyaux, et envahissait secondairement les cellules nerveuses. Traitées par la teinture diode et l'éther, ces préparations gardaient leur aspect primitif, les altérations n'étaient donc pas dues à la graisse ou à la présence de matière amyloïde. Toutefois, M. Magnan, pour répondre à une question de M. Balbiani, fait remarquer que les pré- parations traitées par la teinture d'iode n'ont point été soumises à l'ac- tion de l'acide sulfurique. — M. Magnan, après cette première présentation, appelle Pattention de la Société sur l'hématome des oreilles, observé assez fréquemment dans les asiles d'aliénés. Pour le présentateur, ces tumeurs seraient, le plus souvent, la con- séquence d'un traumatisme, contrairement à la théorie de la conges- tion avec hémorrhagie que l'on a voulu faire prévaloir il y a quelques années. A l'appui de l'opinion qu'il défend, M. Magnan présente une pièce anatomique oii il est facile de constater qu'il y a eu pseudarthrose des cartilages fracturés de la conque auditive; c'était autour de cette fausse articulation que siégeait l'hématome. Quant aux prétendues épidémies d'hématome dans un même asile, M. Magnan fait remarquer qu'elles étaient la conséquence des mesures brutales employées par quelques infirmiers. M. Laborde veut bien accepter que le traumatisme ait été souvent la cause de l'hématome des oreilles chez les aliénés; mais il pense que souvent ces tumeurs sanguines sont la conséquence d'une congestion habituelle des oreilles. M. Broca est disposé à accepter l'interprétction soutenue par M. Ma- gnan, et, à ce sujet, M. Broca rappelle que pendant son séjour à Bicê- tre il a observé, dans ses salles de chirurgie, plusieurs cas d'hématome des oreilles qui certes étaient dus à des violences. Les paralytiques ne pouvaient donner, il est vrai, aucun renseignement sur le traumatisme dont ils avaient été les victimes, mais les maniaques chez lesquels sem- 134 blables tumeurs des oreilles étaient observées, savaient bien raconter le lendemain les conditions dans lesquelles la tumeur s'était produite. Déplus, M. Broca a observé la même lésion chez des individus qui avaient été fortement tirés par les oreilles. Une fois cet hématome fut constaté sur l'oreille d'un sergent de ville; une autre fois sur Toreille d'un lutteur, dont les cartilages avaient été brisés dans une lutte, M. Broca ajoute que l'intervention chirurgicale peut être suivie,, dans ces cas d'hématome des oreilles, d'hémorrhagies très-difficiles à arrêter. M. GuBLER fait remarquer que ces hématomes des oreilles, hors des établissem.ents d'aliénés, ne sont guère observés que sur des individus qui appartiennent à une classe de la société où les luttes, les rixes sont l'occasion d'un traumatisme des oreilles. M. DuMONTPALLiER, tout OU accordant au traumatisme une part impor- tante dans l'étiologie des hématomes des oreilles, appelle l'attention sur la fréquence des congestions permanentes des oreilles chez les aliénés, et surtout chez les paralytiques généraux; il n'est pas de médecin qui, en traversant les promenoirs ou les dortoirs des asiles d'aliénés, n'ait été frappé de cette congestion des oreilles qui, du reste, est en rap- port avec la congestion des méninges cérébrales chez les paralytiques généraux. Celte congestion doit donc aussi avoir son point de départ étiologique dans la production des hématomes des oreilles. M. Laborde a aussi observé que la congestion habituelle des oreilles chez les paralytiques généraux est très-fréquente, et tout en acceptant la part du traumatisme, il croit qu'il ne faut point rejeter d'une façon absolue la théorie de la congestion qui a été soutenue dans ces der- nières années par M. le docteur Foville, pour expliquer la fréquence des hématoses des oreilles chez les aliénés . SéancG du 24 octobre. M. Magnan, à l'occasion de sa précédente communication sur les al- térations anatomiques de la paralysie générale, fait observer qu'il a pu, sur des points où l'altération est moins avancée, reconnaître que la dé- générescence colloïde a son point de départ dans la partie moyenne de la couche corticale riche en cellules et en vaisseaux. M. BoucnARD demande si cette lésion ne serait pas l'analogue des plaques décolorées, semi-transparentes, observées dans les cas de pa- ralysie générale. M. Magnan n'a rien à dire sur la nature de ces plaques. A propos de la communication de M. Rabuteau, M. Moreau signale 135 une analogie, cnire ces résiillals et ceux précédemment obtenus par M. Jolyet. A celte occasion, M. Moreau confirme ce fait que le sulfate de maiim'sie conconlré (l pour 5 d'eau) peut tuer les animaux, mais ne les purge pas. MM. DiiMO.Mi'ALLiER cl Legros rapprochent du résultat obtenu précé- demment, les données opposées consignées dans la thèse de M. Du- chaussoy et les recherches de Magendie. M. LABoaDE fait observer, à rencontre de lassertion émise par M. Le- gros, que ^lagendie, à propos de l'action de l'émétique injecté, insiste sur Taclion toxique et non sur Teflet purgatif. M. Gl'blek, à cette occasiot), i';iit remarquer que les faits cliniques donnent untièremcnl raison à i o[)in;un de laction locale des purgatif:-. Sur les cas où des frictions (riiuile de croton ont donné lieu à une iiiir- gation, il Fi'y avait là, suivi. ot iMionorablo membre, qu'une simple coin cidence. RappL^lant les dangers (\i TadRiinistration du tartre stibié aux jeunos enfants, M. Dumontpallier insiste sur Y indépendance de l'action toxi(|uo et de l'action purgative. MM. Laborde et Gubler confirment ce fait intéressant de thérapeu- tique générale. — M. RoLDANOSKY présente des planches photographiques reprodui- sant les coupes de la moelle et du bulbe obtenues par un procédé spé- cial. Sur ces épreuves, M. Roudanosky montre les différences obtenues pour une même préparation faite avec l'acide chromique et avec son procédé. Ce procédé consiste à congeler les pièces après les avoir laissées très-peu de temps dans une solution étendue d'acide chromique. La température de congélation ne doit pas descendre au-dessous de G". La congélation doit se faire lentement. Pour les détails de l'opération photographique, M. Roudanosky fait remarquer que la lumière obtenue par transparence donne des détails plus nets, mais un ensemble moins saisissant; l'effet est inverse en opé- rant avec la lumière réfléchie. Pour les pièces d'ensemble, il se sert de lumière blmche. Une lumière monochromatique, \e rouge, donne aux détails plus de finesse et de précision. M. Broca, à l'occasion de ces procédés de congélation, demande à M. Roudanosky s'il a fait quelques observations sur l'action du froid, la congélation des tissus vivants. M. RouDANOSKv, sans répondre précisément à la question, dit que pour ces préparations, un froid inférieur à 10% une congélation brus- 136 que détruisent les cellules. Il fait aussi remarquer, mais sans donner d'explication, que les préparations faites avec le système nerveux des syphilitiques se déchirent en se congelant. — M. Rabuteau communique la suite de ses recherches sur l'élimination totale du chlorate de potasse ingéré. Il prend 5 grammes de cjiiorate de potasse, il en retrouve 4 grammes ; dans les vingt-quatre heures suivantes il en retrouve encore des traces. Le procédé suivi consiste à se débarrasser d'abord des chlorures de l'urine par Tazotate d'argent; il ne reste que le chlorate; on évapore, on calcine; par la calcination, le chlorate redevient chlorure, et la so- lution titrée de nitrate d'argent permet de le doser. Le résultat serait inattaquable si la méthode était exacte. Pour qu'il en fût ainsi, il faudrait que dans la première opération, tout le chlo- rure de l'urine fût précipité par le nitrate d'argent. S'il peut en rester des traces, ce sont ces traces que l'on retrouve dans l'urine et que l'on dose comme chlorate. i\l. Gubler fait remarquer que les matières albu- minoïdes de l'urine masquent certainement une certaine quantité de chlorure que le nitrate d'argent ne précipite pas. C'est un fait connu et hors de toute discussion. Il met à néant, ou tout au moins diminue considérablement la valeur des résultats obtenus par M. Rabuteau. MÉCANIQUE ANIMALE. Note sur le vol des insectes, par M. J. Marey. J'ai cherché à résoudre expérimentalement certaines questions rela- tives au mécanisme du vol des insectes; voici les principaux points que j'ai tenté d'élucider. 1" La fréquence du battement des ailes chez différentes espèces; 2" La forme des mouvements de l'aile ; 3° La succession des points de l'espace parcouru par l'aile dans cha- cune de ses révolutions; 4° Les mouvements imprimés à l'air par les mouvements de l'aile, et dont la réaction constitue la force motrice par laquelle l'insecte se transporte. A, Fréquence des mouvements de Caile. — J'ai employé pour la déterminer la méthode graphique. Je tenais l'insecte par la partie infé- rieure de l'abdomen au moyen de fines pinces, et je l'approchais d'un cylindre enfumé, de façon que l'aile, à chaque révolution, vînt frôler contre la surface du cylindre en laissant une trace de son passage. En ayant soin de rendre très-léger h-, contact de l'aile avec la surface du cylindre, je n'obtenais pas les conditions normales du vol, et j'obtenais 137 une série de traces du passage de Taile, dont un diapason-chrono- graphe de 500 vibrations simples à la seconde me permettait d'appré- cier la fréquence. On peut voir que la fréquence des mouvements de Taile varie avec l'espèce d'insecte étudiée. Ainsi on trouve pour : La mouche commune 330 Le bourdon 240 L'abeille de ruche 190 La guêpe 110 Le macroglosse du caillelait 72 La libellule 28 Le papillon blanc du chou 9 Sur un insecte fatigué, les battements de l'aile deviennent plus rares. Si Ton charge l'aile d'un poids qu'elle doive mouvoir, ses battements se ralentissent aussi. Enfin, il est probable que le vol libre de l'insecte s'accompagne de mouvements un peu plus fréquents que ceux que l'on observe sur Tanimal captif essayant de senvoler. B. Forme des mouvements de Cailc. — Elle pourrait très- bien être étudiée par la méthode graphique, si Ton disposait d'une surface con- cave animée de translation pour recevoir les tracés. Mais avec un cylindre, les contacts de l'aile sont très-limités. En effet, la pointe de l'aile se meut sur la surface d'une sphère qui aurait pour rayon la lon- gueur de l'aile. La tangence entre cette surface de sphère et celle du cylindre n'est géométriquement qu'un point; toutefois la flexibilité de l'aile permet d'obtenir la tangence sur une étendue d'environ un centi- mètre et même plus dans certains cas. Une autre méthode, que Ton peut appeler la méthode optique, réussit très-bien à faire saisir le parcours de l'aile à chacune de ses révo- lutions. Wheatstone a démontré que la pointe des verges élastiques vibrantes décrit dans l'espace des figures régulières lorsque ces verges se meu- vent dans deux plans perpendiculaires l'un à l'autre avec des fré- quences qui sont entre elles dans des rapports simples. Si la verge vibre avec même fréquence dans les deux plans , la figure décrite est un cercle ou une ellipse, expression géométrique de Vunisson. Si la verge vibre deux fois dans un plan et une fois seulement dans l'autre, la figure décrite est un 8 de chiffre; expression de l'accord d^'octave. Pour rendre visibles ces figures, Wheatstone terminait ses verges 138 élastiques ; ar une boule brillante qui laissait dans la rétine une impres- sion persistante de son passage. Jeus recours à la même méthode, et fixant à la pointe de Taile des insectes une paillette d'or battu, au moyen d'un vernis très-siccatif, je rendis visible le parcours de la pointe de cette aile pendant le vol, en tenant l'insecte au soleil. Je vis alors que, chez quelques-un- des insectes que j'ai étudiés, la pointe de l'aile parcourt, une ellipse plus ou moins allongée. Cette ellipse s'ouvre et tend à se rapprocher du cercle dans les moments où l'animal fait de violents efforis de vol. Toutefois, à la partie supérieure de cette ellipse, j'ai toujours vu une région nébuleuse offrant Faspect d'une petite ellipse superposée à la première, ce qui rapprocherait la forme du mouvement de celle que nous allons décrire. Les rares névroptères et les hyménoptères que jai pu étudier m'ont fourni une autre figure, celle de 8 de chiffre avec changement de direc- tion du plan de l'aile dans les deux phases, l'ascension et la descente. J'ai vérifié, par un autre procédé, l'exactitude de ces formes fournies par les mouvements de l'aile dont la pointe est dorée. Pour cela, j'ai employé un poinçon aigu, que j'enfonçais dans l'intérieur de l'ellipse ou dans les boucles du 8 de chiffre décrit par l'aile. Je rencontrais ainsi des espaces libres, dans lesquels la pointe pénétrait sans heurter l'aile de l'animal. Un frottement contre l'aile se manifestait aussitôt que le poinçon s'approchait trop des bords de ces espaces. C. La succession des points parcourus par Cuite n'est pas donnée par ces expériences; en effet, ou peut concevoir que hi même figure lumineuse soit engendrée par des mouvements de sens tout à fait op- posés. Pour résoudre cette question, j'ai pris un stylet d'argent poli et mousse, noirci à la fumée d'une bougie. J'approchai ce stylet de l'aile de l'insecte, en touchant d'abord la partie postérieure de l'ellipse dé- crite. Dès que le frôlement de l'aile contre le stylet se fut produit, je retirai celui-ci et je vis que le noir de fumée avait été enlevé à sa face inférieure. L'aile se porte donc de bas en haut quand elle effectue son "parcours postérieur. La môme expérience répétée en touchant, dans sa moitié antérieure l'ellipse décrite, montre que l'aile se porte en ce moment de haut en bas. Le sens de la rotation de laile sera, sans doute, facile à déterminer de cette façon sur toute espèce d'insectes, mais je n'ai pu l'étudier jusqu'ici que sur le macroylosse du caille-lait, la saison avancée ayant interrompu mes expériences. D. Le viouvement imprimé par Les aiies- à Cuir ambiant peut être rendu saisissable par divers procédés. Avec la flamme d'une bougie, on voit que l'aile produit un souffle très-puissant chez certains insectes. 139 Un léger rideau de fumée, sur lequel on fait agir ce souffle de l'aile, permet de mieux localiser le point d'où il s'échappe. Ce point corres- pond à la base du cône aplati engendré par le parcours de l'aile dans son trajet elliptique et à la région du bord postérieur de l'aile. Des corps légers, placés devant la base de ce cône, sont projetés assez vivement. Mais si ces mêmes corps sont placés près de la racine de l'aile, ils sont aspirés, entraînés dans le cône et expulsés par la base de ce dernier. L'effet produit par l'aile sur l'air est donc assez analogue à celui d'une turbine, et la réaction qui se fait en sens inverse du souffle de l'aile constitue la force motrice qui pousse le corps de l'animal. Chez les insectes qui meuvent leur aile en 8 de ciiilï're, avec change- ment de l'inclinaison du plan de Taile suivant quc^ celle-ci s'abaisse ou s'élève, l'effet mécanique est assimilable à celui de la godille des bateliers. Enfin, les deux ailes exécutant, en général, des mouvemcnls iden- tiques, produisent, par leur réaction sur l'animal, deux forces dont la direction peut affecter les incidences les plus diverses par rapport à Taxe du corps. Lorsque les ailes sont portées un peu en arrière, et que la base du cône irrégulier qu'elles décrivent se rapproche de la ligne médiane, la résultante des deux réactions, qui s'exercent sur l'animal, est telle que l'insecte est rapidement porté en avant. Si les axes des deux cônes se confondent, et que leurs bases regardent directement en dehors, l'insecte reste immobile malgré le mouvement de ses ailes. Cette posi- tion de l'aile se voit très-bien à l'œil nu sur certains insectes qui pla- nent sur des fleurs. Enfin, en élevant ou en abaissant la base des cônes solaires, l'in- secte peut descendre ou monter, et peut, en portant cette base en avant, rétrograder ou arrêter son élan après un vol rapide, etc. Chez certaines espèces, on voit souvent que les mouvements d'une aile sont beaucoup plus énergiques que ceux de l'aile opposée. Si ce phénomène se produit pendant le vol, il doit donner naissance à une translation latérale. Ces expériences, que j'ai l'intention de reprendre aussitôt que la saison le permettra, me semblent destinées à éclairer un point très- intéiessant do la mécanique animale. 140 Séance du 31 octobre. I. — Physiologie expérimentale. Expériences sur la cicutine; par MM. Pélissad et Jolyet. Exp. I. — (11 octobre 18G8.) Chien adulte de moyenne taille. In- jection dans la veine jugulaire gauche, de 20 centigrammes de coni- cine, dissoute dans 20 grammes d'eau légèrement alcoolisée, à 1 heure 5 minutes. Pendant qu'on pousse lentement l'injection on observe dans la tête et les membres des tremblements convulsifs, suivis presque aussitôt de la perte de tout mouvement et de l'arrêt de la respiration. On fait im- médiatement la respiration artificielle. 1 heure 8 minutes. Pas de mouvements réflexes des yeux, à l'at- touchement des cornées. 1 heure 11 minutes. Excitation du nerf sciatique au moyen de Tappareil dinduction de Legendre et Morin. Aucunes contractions dans les muscles de la patte; muscles très-excitables directement; battements du cœur réguliers et fréquents, 1 heure 30 minutes. Nerf sciatique inexcitable; muscles contractiles. 2 heures. Mêmes résultats. 2 heures 35 minutes. Galvanisation du nerf pneumogastrique gauche à un fort courant. Pas d'arrêt du cœur, dont les battements sont régu- liers de force et de fréquence ; exp. répétée plusieurs fois. 3 heures. Nerf sciatique inexcitable. Muscles contractiles. On n'ob- serve toujours pas de mouvements réflexes des yeux par contact de la cornée; mais, à chaque excitation du nerf sciatique, on voit l'œil, qui est à demi clos, s'entr'ouvrir manifestement. Mêmes mouvements dans les yeux, à la suite d'un fort pincement de la patte ou de la queue. 3 heures 10 minutes. On observe de temps à autre quelques con- tractions brusques dans les muscles du cou et dans le diaphragme. 3 heures 15 minutes. Galvanisation du nerf pneumogastrique; arrêt complet du cœur, exp. plusieurs fois répétée; galvanisation du nerf sciatique ; aucun mouvement dans la patte ; mouvement d'ouverture des yeux plus prononcé. 3 heures 30 minutes. Respiration abdominale plus forte, mais insuf- fisante encore pour qu'on cesse la respiration artificielle. 3 heures 35 minutes. L'excitation du nerf sciatique provoque de lé- gers mouvements dans la patte, en même temps on observe de très- forts mouvements des yeux et du diaphragme, qui manifestent que la 141 douleur est vivement ressentie; respiration abdominale pins forLe,mais toujours trop irrégulière pour qu'on cesse tout à fait la respiration arti- ficielle. 3 heures 55 minutes. On cesse la respiration artificielle; le nerf sciatique a recouvré en partie son excitabilité normale. 5 heures. Depuis quelques minutes, l'animal exécute, avec ses mem- bres antérieurs, des mouvements spontanés volontaires, comme pour se replacer sur ses pattes. 5 heures 30 minutes. On abandonne l'animal qui ne peut encore se tenir debout, le train postérieur étant encore trop faible. 12 octobre. L'animal est parfaitement remis. Exp. II. — (15 octobre.) Sur un chien adulte, du poids de 10 ki- logr., on met à nu la trachée, et l'on isole les deux sciatiques. A 2 heures 11 minutes on lie l'artère iliaque primitive droite, et on injecte aussitôt dans la veine jugulaire 30 grammes d'une solution de cicutine contenant 30 centigram. de cicutine dissoute dans un demi- cent. cube d'alcool. Aussitôt après l'injection, on observe dans les membres des mouve- ments convulsifs qui leur donnent un certain degré de roideur. On fait la respiration artificielle. Les mouvements convulsifs cessent dans le membre postérieur gau- che, alors qu'ils existent encore dans le droit, dont on a lié l'artère principale, A ce moment le nerf sciatique gauche est inexcitable, mais son excitation augmente manifestement et réveille les mouvements convulsifs dans le membre réservé. Ces mouvements durent après 5 mi- nutes à partir de Tinjection. 2 heures 18 minutes. Galvanisation du pneumogastrique droit. Pas d'arrêt du cœur ni de ralentissement de ses battements. 2 heures 26 minutes. Nerf sciatique droit encore légèrement exci- table. 2 heures 50 minutes. Pas d'arrêt du cœur par la galvanisation du vague ; nerfs sciatiques inexcitables ; muscles contractiles. 3 heures 35 minutes. Mêmes résultats. Battements du cœur plus faibles, mais réguliers. 4 heures 15 minutes. Galvanisation du pneumogastrique droit; arrêt complet du cœur; battements du cœur réguliers, mais plus forts. 4 heures 45 minutes. Galvanisation du nerf sciatique gauche; peu de mouvements du membre; les paupières sentrouvrent à chaque excita- tion du nerf. 5 heures. Nerf sciatique gauche excitable; contractions dans l'abdo- men ; respiration diaphragmatique faible et irrégulière. 5 heures 45 minutes. L'animai a depuis quelque temps des mouve* ments spontanés dans les yeux et dans la tête ; respiration abdominale plus forte ; on cesse la respiration artificielle et Ton quitte l'animal. 10 octobre. L'animal est parfaitement remis. Remarques. — Il ressort de l'examen des faits relatés dans ces expé- riences que la cicutine est, comme le curare, un poison du nerf mo- teur, dont elle détruit l'irritabilité, laissant parfaitement intacte la conlracLilité musculaire (Kolliker). Nous insistons sur ce point particulier de l'action de la conicine, qui ressort bien de nos expériences, tandis que par le curare les nerfs du cœur conservent leur action, qui n'est jamais qu'affaiblie. Chez les mammifères ils la perdent au contraire complètement par la cicutine, puisqu'à un certain moment de l'empoisonnement, très-peu de temps après l'injection, l'excitation du pneumogastrique ne produit plus l'ar- rêt, ni même le ralentissement des battements du cœur. Chez les mam- mifères comme chez les grenouilles, la sensibilité paraît conservée pendant l'empoisonnement. Les nerfs sciatiques sont manifestement sensibles à un moment où ils sont encore paralysés comme nerfs mo- teurs, puisque alors leur contraction par l'électricité ou le pincement de la patte provoque des mouvements dans les yeux et le diaphragme, qui sont les premières parties où le mouvement commence à reparaître. Ces deux expériences montrent que l'on peut, en continuant la res- piration artificielle assez longtemps, ramener les animaux à la vie, comme dans l'empoisonnement par le curare. IL — Pathologie. M. JoFFROY présente des pièces recueillies à l'autopsie d'un enfant de 2 ans, chez lequel une tumeur maligne du globe oculaire, enlevée au commencement de septembre, repullula et occasionna la mort deux mois après l'opération. M. Joffroy donne en quelques mots l'histoire du malade et des lésions trouvées à l'autopsie. Il donne en même temps les détails fournis par l'examen microscopique. SARCOME A PETITES CELLULES DU GLOBE OCULAIRE ; ABLATION ; RÉPULLULATION INTRAORBITAIRE EN INTRACRANIENNE ; MORT. Girandeau, (Charles), âgé de 2 ans, est apporté le mardi 25 août à la consultation de Fhôpital des Enfants malades, avec un cancer de l'œil gauche caractérisé par une exophthalmie assez considérable et de la tuméfaction des paupières. Au travers de la cornée encore transpa- rente et de la pupille dilatée, on aperçoit dans le fond de l'œil des 143 dépôts pigmentaires assez abondants. N'ayant pas ce jour-là de lit vacant, l'enfant est renvoyé et il n'entre à l'hôpital que le 28 août. Pendant ces trois jours la cornée est devenue opaque, verdâtre; elle semble sur le point de se perforer. Les renseignements des parents sont plus que vagues. Le ["septembre M. le docteur Meunier, suppléant M. Giraldès, pro- cède à l'énucléation du globe de l'œil; le nerf optique, considérablement hypertrophié et dur, est enlevé dans l'étendue de 1 centimètre en arrière du globe oculaire. L'examen de la pièce montre que l'intérieur du globe de l'œil est rempli par une bouillie noirâtre composée de globules sanguins, de cellules arrondies renfermant chacune un noyau granuleux et des noyaux libres analogues aux précédents, Débarrassé de cette bouillie, le fond de Tœil est occupé par une tumeur en forme de champignon, semblant être l'expansion du nerf optique. L'examen de cette tumeur montre qu'elle est constituée par une trame fibrillaire, déliée, réticu- laire, non alvéolaire, renfermant des éléments cellulaires et nucléaires, analogue à ceux précédemment décrits. A la surface de la tumeur on trouve des plaques de pigment, mais dans son intérieur on aperçoit à peine quelques dépôts pigmentaires. La tumeur renferme un certain nombre de vaisseaux sanguins. Dans la portion de nerf optique enlevée on ne trouve plus de tubes nerveux. Sa structure est la même que celle de la tumeur qui faisait saillie dans le globe oculaire. Quelques jours après l'opération l'enfant présente les symptômes d'un ictère assez intense. Ces symptômes persistent pendant le mois de septembre et disparaissent graduellement vers la fin du mois. A cette époque en même temps que l'état général, fort mauvais pen- dant la durée de l'ictère, redevenait meilleur, op constatait la répul- lulation rapide de la tumeur. Dans les premiers jours d'octobre elle remplissait partiellement la cavité orbitaire. Aucun changement ne se produisait plus chez le malade lorsque vers le milieu d'octobre, la lête sembla augmenter de volume, et un exa- men attentif montra que cette apparence était due à l'augmentation d'épaisseur de la presque totalité du cuir chevelu, tuméfié, dépressible et conservant l'empreinte du doigt. A partir de ce moment, l'état gé- néral devint de plus en plus mauvais et la mort arriva le 30 octobre sans qu'aucun autre phénomène marquant se soit produit. L'autopsie fut faite le 31. Autopsie. —L'incision des parties molles recouvrant le crâne montre qu'une infiltration purulente s'est faite dans le tissu cellulaire qui se trouve entre le cuir chevelu et le péricrâne. Le pus forme là une couche solide, molle, que l'on peut isoler par décollement et du cuir 144 chevelu et du péricrâne. Cette coucheprésente un centimètre d'épais- seur au niveau du sinciput, et diminue d'épaisseur à mesure qu'on se rapproche de la périphérie du cuir chevelu. Cette couche purulente n'a aucune communication avec la surface purulente qui se trouve dans le globe oculaire. Elle en est isolée par toute l'étendue du front, où l'on ne trouve ni trace d'inflammation, ni œdème, ni infiltration pu- rulente. Le cuir chevelu lui-môme est sain et peu adhérent à cette couche pu- rulente. Le péricrâne lui est uni plus intimement. Et à la face profonde du péricrâne, on observe des néo-membranes rouges, paraissant vas- culaires et existant dans presque toute l'étendue correspondant à l'in- filtration purulente. Au-dessous, le crâne ne présente aucune altération. La dure-mère est un peu adhérente aux os, et sa face osseuse pré- sente en quelques points des fausses membranes analogues à celles signalées à la face profonde du péricrâne. On retrouve ces fausses mem- branes plus abondantes à la face osseuse de la portion de dure-mère recouvrant la base du crâne. Nulle part on ne constate de lésions os- seuses. Pas de lésions de la face profonde de la dure-mère, non plus que de la pie-mère. On enlève d'une seule pièce le cerveau et une tumeur de forme co- nique remplissant presque entièrement la cavité orbitaire. Pour tra- verser le trou optique non déformé, cette tumeur se réduit à un cor- don qui pénètre dans la cavité crânienne, s'élargit de nouveau, consti- tuant une seconde masse formée par la dégénération du nerf optique. Cette tumeur intracrânienne présente à peu près le même volume que la tumeur intraorbitaire. Elle se termine à 1 centimètre environ du chiasma, et en ce point le nerf optique reprend presque tout à coup son aspect normal. Au niveau de la masse intracrânienne, le lobe frontal gauche du cerveau est fortement déprimé, et la substance cérébrale est le siège d'un ramollissement inflammatoire. Entre la tumeur et le chiasma, il s'est produit un épanchement sanguin très-récent du volume d'une noix. A l'œil nu, on ne découvre d'autres lésions, ni dans le chiasma ni à l'origine des nerfs optiques, non plus que dans le reste de l'encéphale; il n'y a pas d'épanchement dans les ventricules. Les poumons, le foie, les reins sont congestionnés. La rate est aussi très-congestionnée, et dun volume considérable que Ion peut compa- rer à celui des deux reins réunis. Les plèvres et le péricarde renferment un liquide limpide un peu 145 citrin, transparent et assez abondant, qui sans doute s'est formé pen- dant l'agonie. La vésicule biliaire est considérablement distendue. Par la pression, on ne peut la vider. Les canaux biliaires sont entourés par des gan- glions assez volumineux ; le canal cystique est oblitéré. Le canal cho- lédoque n'est ni comprimé ni oblitéré. L'examen histologique montre que la matière infiltrée entre le péri- ciâne et le cuir chevelu est constituée uniquement par des globules de pus. Les fausses membranes de la face interne du péricrâne et de la face externe de la dure-mère sont constituées par un tissu analogue à celui des bourgeons charnus avec des vaisseaux en voie de formation. Toute la masse de la tumeur qui remplissait l'orbite, ainsi que celle de l'intérieur du crâne, présente la même structure et la même texture que la tumeur enlevée par M. Meunier, lorsqu'il fit Ténucléation du globe oculaire. Entre la tumeur et le chiasma, le nerf optique présente presque la même structure que le tissu de la tumeur elle-même. Cependant les éléments nucléaires et cellulaires sont moins pressés, moins nombreux que dans la masse même de la tumeur. On ne trouve plus en ce point de tubes nerveux. A 1 centimètre en arrière du chiasma, le nerf optique ne présente plus d'éléments sarcomateux ; on trouve des tubes nerveux sains, mais les vaisseaux présentent accumulées dans la gaîne lymphatique des granulations graisseuses fort nombreuses. Plus près de son origine, le nerf optique de ce côté ne présente plus aucune altération. Le nerf op- tique du côté opposé est entièrement sain. En résumé, il s'agit là d'une de ces tumeurs malignes, vulgairement et improprement désignées sous le nom de cancer de lœil, qui ont pour point de départ les éléments de la névroglie qui se trouvent dans la rétine. Le globe de loeil et une partie du nerf optique ont été enlevés à un moment où l'on pouvait supposer que le tissu néoplastique était encore limité au globe de l'œil. L'examen de la partie du nerf optique réséqué a montré que déjà les altérations s'étendaient plus loin dans le nerf op- tique. Aussi la répuUulation s'est-elle promptement faite, tant dans l'orbite que dans le crâne. Si la guérison peut s'obtenir dans cette af- fection par une opération chirurgicale, c'est à la condition qu'on pourra enlever tout le tissu nouveau, et, par conséquent, qu'on pratiquera l'énucléation du globe oculaire et la resection du nerf optique aussi loin que possible, dès le début de la maladie. Enfin, nous croyons devoir faire remarquer qu'aucun symptôme ne C. R. 1868. lu 146 nous a révélé ni la compression d'un des lobes frontaux par la tumeur, ni l'existence d'un foyer assez étendu d'encéphalite, non plus que l'hémorrhagie méningée qui s'est produite au voisinage du chiasma. L'âge du malade, la difficulté de l'examen en sont sans doute la cause. COMPTE RENDU DES SÉANCES r F LA SOCIETE DE BIOLOGIE PENDANT LE MOIS DE NOVEMBRE 1868; Par m. le Docteur BOUCHARD, secrétaire PRESIDENCE DE M. BROCA VICE-PRÉSIDENT. Séance du 7 novembre. M. DuGDET communique une observation de vomique pulmonaire avec gangrène et inflammation des bronches et des poumons chez un homme de 45 ans. Les pièces anatomiques, présentées par M. Duguet, confirment le diagnostic qui avait été établi ; mais l'examen anatomique a révélé l'existence, dans la bronche du côté droit, d'un corps étran- ger fixé dans des replis de la muqueuse à l'endroit où la bronche se divisait en trois branches. Ce corps étranger était une pièce de mon- naie française de la valeur de 50 centimes. Il est probable que la pré- sence de ce corps étranger dans le point désigné remontait déjà à une époque éloignée. Le malade, pendant son séjour à l'hôpital, n'avait donné aucun renseignement sur la pénétration de ce corps étranger 148 dans les voies respiratoires. De plus, le siège de la gangrène était dans le lobe supérieur du poumon gauche, et le corps étranger était fixé dans la bronche droite. Il n'est donc point possible de rattacher la gan- grène et la vomique à la présence du corps étranger. M. Duguet re- mettra une note sur cette observation. — M. Rabuteau continue l'exposé de ses recherches sur l'élimination des chlorates et des iodates. Une note est déposée sur le bureau par M. Rabuteau. Elle sera publiée dans les comptes rendus de la Société. — M. Goujon expose devant la Société le résultat de quelques-unes de ses expériences de greffe de la moelle des os dans le tissu cellulaire de jeunes animaux. Ces expériences ont démontré la possibilité de transporter la moelle en différentes parties où elle continue à vivre et à produire de l'os. — M. Ranvier rappelle quelques-uns des faits consignés dans sa thèse inaugurale, faits qui sont en rapport avec la communication de M. Goujon, et, de plus, M. Ranvier fait remarquer que la blastème sous-périostique de M. Ollier n'est que la moelle sous-périostique à la- quelle doivent être attribuées les greffes du périoste. — M. Paul Bert est amené, en prenant part à la discussion soule- vée par la communication de M. Goujon, à parler de la moelle des os chez les oiseaux. Ce serait, dit-i), un sujet intéressant d'études que de suivre avec plus de soin qu'on ne l'a fait jusqu'ici la disposition de la moelle des os pneumatisés. Pour lui, dans des observations faites un peu à la hâte et sans suite, il a cru voir que les cellules jeunes de la moelle se transforment en fibres lamineuses pour constituer une mem- brane qui tapisse la face interne de l'os, et fait suite à la membrane des sacs pulmonaires. Lorsqu'un corps étranger est ensuite introduit dars l'os, ou qu'il s'opère une fracture, cette membrane devient à son tour comme une sorte de périoste interne, le lieu de formation de nouvelles cellules, et la moelle envahit à nouveau le canal de l'os. Mais ces faits auraient besoin d'être revus avec plus de détails. Au sujet de la cause même de la pneumatisation de certains os, M. P. Bert s'est demandé si, comme on l'admet assez généralement, elle a lieu par suite du développement progressif des sacs pulmonaires, développement occasionné lui-même par les mouvements respiratoires de l'oiseau, ou si elle se fait en raison de l'évolution propre de l'os. Il y aurait, pour élucider cette question, deux moyens expérimentaux. Le premier consisterait à greffer sous la peau un os qui devra devenir pneumatique, et à voir si sa moelle se résorbera. M. Bert ne l'a pas en- core mis en action. Par le second procédé, on oblitérerait la commu- nication future entre le sac aérien et l'os rempli de moelle. C'est ce que M. Bert a fait, en introduisant par Torifice humerai d'un petit pou- 149 let un fragment de cire à modeler qui a fermé complètement le futur canal. Dans cette circonstance, l'os est resté plein de moelle. Mais cette expérience présente ce vice capital que la présence d'un corps étranger a peut-être suffi pour déterminer la formation continue de cellules médullaires. M. Bert se propose de la répéter en oblitérant le trou humerai de très-bonne heure par l'emploi d'une pointe rougie au feu. Cette petite question a plus d'importance qu'on ne pense, à cause du rôle beaucoup trop considérable qu'on a fait jouer, dans certaines questions physiologiques, aux actes mécaniques. Il y a, dans maintes circonstances et dans celles-ci peut-être, moins de mécanisme et plus di"" évolution. 1. — Pathologie. ÉpJLEPSIE et CnORÉE CHEZ UNE IDIOTE; ASYMÉTRIE DES LOBES CÉRÉBRAUX; KYSTE DE LA BASE DU CERVEAU; par M. VlLLARD. Nous publions aujourd'hui l'observation rédigée par M. Villard, observation qui fut le sujet d'une communication antérieure (séance du 30 avril). Arg..., 10 ans, a été admise à la Salpêtrière dans le service de M. Baillarger, il y a environ trois ans. Son certificat d'entrée porte qu'elle est atteinte d'imbécillité. Voici les renseignements recueillis sur ses antécédents : son père est épileptique et tuberculeux, sa mère est robuste et bien portante ; elle a un frère et une sœur, tous les deux maigres, chétifs, d'une mauvaise santé. Quant à elle, dans son enfance, vers l'âge de 8 mois, elle a eu des convulsions, et quelque temps après une maladie grave sur la nature de laquelle on ne peut obtenir aucun détail, mais qui fut suivie de convulsions fréquentes se repro- duisant de dix à quinze fois par jour. Vers l'âge de 7 ans,' elle fut trouvée dans la rue, seule, errante, après avoir quitté sa famille depuis plusieurs jours : on la conduisit à la Salpêtrière. Au moment de son entrée à l'hospice, on constata chez elle une agi- tation continuelle, un besoin incessant de remuer les bras, les jambes et tout le corps; elle présentait en un mot des mouvements choréi- formes. Il y a deux ans, cette petite fille a offert des symptômes de mé- ningo-encéphalite aiguë, et depuis cette époque les attaques sont de- venues encore plus fréquentes que précédemment. Ces attaques sont de même nature que celles qui caractérisent lépilepsie; aujourd'hui elles se montrent dix-huit, vingt et jusqu'à vingt-cinq fois par jour. 150 Elles ne se reproduisent pas tous les jours; il y a des rémissions dans leur mode d'apparition : ainsi, elles restent quatre ou cinq jours sans se produire, puis vient une série de huit ou dix jours pendant lesquels on peut les observer tous les jours. Alors les accès se succèdent rapi- dement et sans grand intervalle. Depuis deux ans cette malade a perdu l'usage de la parole, et ne répond pas aux questions qu'on lui adresse. On ne l'entend que de temps en temps pousser des cris. Depuis la même époque, les membres inférieurs sont dans un état de contracture permanente. La sensibilité cutanée paraît abolie : la malade n'accuse aucune sensation si on la pince ou si on la pique. Elle semble du reste complètement étrangère au monde extérieur. La mort est survenue subitement le 25 avril, à la suite d'une série d'attaques. Autopsie quarante huit heures après la mort. Il n'y a rien de particulier à noter dans les organes de labdomen et de la poitrine ; on ne trouve pas de tubercules dans les poumons. Encéphale. Son poids est de 900 grammes. On remarque une grande irrégularité dans sa forme exiérieure. Ses diamètres sont les suivants : 1" Cerveau. Diamètre antéro-postérieur, maximum de l'hémisphère droit 1 54 millim. Diamètre antéro-postérieur, maximum de l'hémisphère gauche 161 — 2° Cervelet. Diamètre bilatéral maximum 93 — Diamètre antéro-postérieur, maximum du lobe droit. . . 56 — — antéro-postérieur, maximum du lobe gauche. 56 — Hémisphères cérébraux. — Les deux hémisphères ne sont pas de même grosseur. Asymétriques, irréguliers, ils présentent l'un et l'autre des anfractuosités anormales. L'hémisphère du côté droit est moins étendu en longueur que celui du côté gauche, mais il semble plus élargi. A droite, le lobe antérieur et le lobe moyen se continuent sous la ligne de démarcation; après avoir enlevé les membranes, on recon- naît qu'il est impossible de séparer ces lobes l'un de l'autre, leur sub- stance étant intimement unie : de ce côté, il n'existe pas de scissure de Sylvius. A la partie supérieure des hémisphères, les méninges sont très-in- j ectées. On voit au niveau de certains points une teinte ecchymotique et en d'autres une teinte opaline avec des tractus blanchâtres, princi- palement au niveau des sillons et surtout à la partie antérieure do 151 l'hémisphère droit où cette teinte opaline est très-accentuée et assez étendue. Nulle part on ne trouve de granulations tuberculeuses. La partie la plus antérieure du lobe antérieur droit présente une dé- pression de forme irrégulièrement arrondie, d'un diamètre de 2 cen- timètres et demi, profonde de près d'un centimètre et creusée prin- cipalement aux dépens de la deuxième circonvolution frontale. Le fond de cette dépression est occupé par les méninges épaissies, très-injec- tées, et présentant des tractus blancs. Dans l'épaisseur de ces mé- ninges on voit des points rougeàlres, ecchymotiques, au nombre de quinze ou vingt. Les bords de la dépression sont indurés. De même, la deuxième circonvolution frontale du côté gauche offre à sa partie la plus antérieure une dépression analogue, longue de 3 cen- timètres et demi et large d'un centimètre et demi. Elle est un peu moins profonde que celle du côté droit ; à sa surface, les méninges présentent la même apparence que précédemment. A la partie moyenne et à la partie postérieure de l'hémisphère gauche, les méninges ont une apparence normale ; elles sont transparentes et cependant partout elles sont adhérentes au cerveau, et Ton ne peut les enlever sans ar- racher des lambeaux de substance grise. A droite, on constate la même adhérence des méninges, principale- ment au niveau des points" où ces membranes offrent la teinte opa- line. Les méninges enlevées, la surface de la substance grise se présente à l'œil nu avec le même aspect que dans la paralysie générale, c'est- à-dire qu'elle est tomenteuse, fortement vascularisée et se dissocie facilement sous le filet d'eau. Base du cerveau. — A partir d'une ligne passant par le chiasma des nerfs optiques, jusqu'à une autre située à quelques millimètres du cer- velet, sur le côté droit et la ligne médiane, suivant une étendue an- téro-postérieure de 7 centimètres et 1 diamètre transverse de 4 centi- timètres, on voit une tumeur assez volumineuse, légèrement aplatie, limitée extérieurement par les méninges épaissies et altérées, et con- tenant dans son épaisseur une substance semi-fluide gélatiniforme. La surface de cette tumeur est rouge, présente de nombreuses arborisa- tions vasculaires et quelques dépôts blanchâtres. Elle est mollasse au toucher et comme œdémateuse. En dedans, elle touche le nerf optique droit et la protubérance ; en dehors, elle arrive jusqu'au bord de réflexion de l'hémisphère droit. Le nerf olfactif droit est évidemment diminué de volume; il est gri- sâtre, très-mou, et comparé à celui du côté gauche, il se montre beau- coup plus mince. Le nerf optique droit ne semble pas altéré, non plus que le moteur 152 oculaire commun, le pathétique et les nerfs de la 5% 6% 7* et 9* paire, qui paraissent sains. Les artères de la base du cerveau sont normales. Cervelet, bulbe, 'protubérance. — Les méninges qui recouvrent ces parties ne présentent aucune adhérence et s'enlèvent facilement. Ces organes sont sains et symétriques. La protubérance est très-ferme, surtout dans sa partie moyenne : il en est de même des corps olivaires. Toutes les altérations qui viennent d'être décrites sont fidèlement représentées dans un dessin dû à l'obligeance de M. Peltier, interne des hôpitaux. Ce dessin a été montré à la Société de biologie. Examen histologique a l'état frais; par M. Heinri Liou ville. — Dans la masse gélatiniforme, très-vasculaire, semi-fluctuante, et.offrant l'ap- parence dun vaste kyste (base cérébrale poster o-média7ie droite) (1). Une masse constituée par du tissu connectif à mailles plus ou moins serrées, parsemé de nombreux noyaux, quelques-uns granulés, la plu- part volumineux. Des granulations libres sont répandues en grand nombre à des dis- tances variées des noyaux. Des vaisseaux diversement altérés s'y voient également. a. Les uns sont tout à fait altérés et anciens. Leurs parois sont couvertes tantôt de granulations, isolées ou réu- nies; les premières fines, noirâtres, foncées; les autres agglomérées, en masses arrondies, sortes de corps granuleux; tantôt on voit de la graisse sous forme de gouttelettes, qui sont parfois même assez grosses. Ces vaisseaux, de calibre notable, sont comme sectionnés en des fragments notablement courts. Il n'y a plus de globules sanguins dans leur intérieur. b. D'autres vaisseaux, également assez volumineux, n'offrent pas une altération aussi avancée. Mais on y voit des corps granuleux, des granulations dans les parois des branches principales et des divisions. Toutefois des globules de sang y existent avec leur teinte jaune pro- (1) L'aspect de ce cerveau rappelait tout à fait une présentation que M. H. Liouville a faite à la Société de Biologie, en 1865, de l'encéphale d'un jeune idiot, mortà Bicêtre et dont il a fait l'autopsie avec M. A. Voisin. 11 y avait également : asymétrie dans les lobes, induration et sclérose des circonvolutions autour d'une vaste poche semi-fluctuanle gélatiniforme. De plus, des traces de foyers anciens, répandus çà et là, non loin de la transformation cérébrale en cette sorte de kyste. 153 noncée. Dans une préparation, un globule blanc est arrêté au milieu de globules rouges. Dans d'autres vaisseaux, dont la Igaîne est très- apparente, un seul globule de sang paraît pouvoir passer à la fois. c. Enfin, des vaisseaux capillaires plus fins de calibre, mieux con- servés d'aspect, de longueur qu'on peut suivre beaucoup plus loin, sont aperçus, riches de noyaux dans leurs parois; ces noyaux sont allongés le plus souvent, et très-rapprochés les uns des autres. Ils semblent être des capillaires jeunes de nouvelle formation. Au milieu de ces désordres, les éléments nerveux nous ont paru fortement altérés. Ainsi, dans la masse gélatiniforme même, où se voyaient ces lésions précitées, on ne distingue, pour ainsi dire, même plus de débris des cellules ou des tubes. Ce n'est qu'en se rapprochant des bords des circonvolutions indurées, atrophiées, qui enveloppaient celte sorte de kyste, qu'on retrouve des débris d'éléments nerveux. a. D'abord un grand noaibre de tubes rétractés, ratatinés, appa- raissent en sortes de petits bâtonnets sectionnés assez courts, et sur leurs parois on distingue des granulations foncées, de couleur gris noire, teinte qui semble aussi colorer leur intérieur. 6. Puis des cellules également déformées, leur déformation parais- sant être exactement la même que celle qu'ont subie les tubes ner- veux; aspect de rétraction des bords de la cellule, des prolongements et du noyau, quand ce noyau, qui est plus ou moins plissé est retrouvé. Quelquefois il paraît manquer, et ce n'est qu'aux prolongements po- laires qu'on distingue ce qui fut la cellule (tant cet élément s'est plissé et comme ratatiné). Les granulations abondent parfois aussi dans les parois de la cellule, sur les prolongements et dans l'intérieur, et l'on distingue encore la teinte gris noirâtre de ces petites masses, comme celle que nous venons de signaler pour les tubes. La meilleure comparaison que l'on pourrait hasarder de l'aspect qu'offrent ces éléments nerveux ainsi altérés, c'est de les comparer à des éléments comme momifiés. Dans d'autres points moins altérés, mais où la consistance est plus indurée que normalement, outre une prédominance manifeste du tissu connectif à noyaux nombreux , on trouve des vaisseaux granuleux et chargés de noyaux nombreux et très-rapprochés. La partie gauche de la base du cerveau, partie symétriquement op posée à la lésion de droite étudiée plus haut, a été examinée, surtout pour la comparaison, et a été trouvée composée de parties nerveuses à peu près saines, cellules et tubes, sauf un état granuleux très-prononcé 154 des cellules parfaitement visibles, complètes et des tubes assez longs, un peu variqueux. Dans quelques points, le cylinder-axis se distinguait très-bien, mais les vaisseaux étaient encore altérés dans cet endroit. Ils étaient athé- romaleux et surchargés de granulations graisseuses nombreuses, iso- lées ou agglomérées. Enfin, dans les points des deux lobes antérieurs où existaient de chaque côté une dépression de la masse cérébrale, avec une induration environnante, et une sorte de tissu d'aspect lamineux foncé de teinte rouge jaunâtre, avec quelques grains rappehnt la couleur ocrée des vieux foyers, et bien différents en cela de la masse gélatiniforme kys- tique étudiée plus haut, on distingue alors d'une façon évidente les lé- sions d'anciens foyers liémorriiagiques : Etat athéromateux avancé des vaisseaux surchargés de granulations graisseuses , de petites granulations noirâtres , isolées ou agglomérées en amas arrondis placés inégalement le long des parois; Réunion de masses solides de couleur jaune, irrégulières (traces de cristaux d'hématine) ; Enfin, de nombreux corps granuleux très-distincts, bien isolés, très- foncés et prédominant, ayant autour d'eux quelques rares tubes ner- veux, rompus, variqueux, et de plus rares cellules nerveuses sur les- quelles existaient en grand nombre des granulations graisseuses. Séance du 14 novembre. M. Legros a fait voir à la Société un crapaud accouplé à une gre- nouille; mais cette grenouille ne possédait pas d'œufs, de sorte que cet accouplement resta négatif. Cependant il croit que cet accouple- ment peut réussir, et il présente à l'appui de cette assertion un petit batracien trouvé aux environs de Paris, offrant des caractères anato- miques tels que l'on doit le regarder comme un métis de grenouille et de crapaud. Cet animal a été montré à M. (jube et à M. Robin, et ces deux naturalistes se sont prononcés en faveur de cette supposition. M. Le- gros décrira prochainement ce métis après en avoir fait une dissection attentive. M. Balbiani rappelle que Spallanzani avait déjà essayé de faire accou- pler la grenouille et le crapaud sans avoir pu y réussir. M. VuLPiAN, après avoir fait avec M. Philipeaux les mêmes essais au Muséum d'histoire naturelle, et dans les meilleures conditions pos- sibles, n'a également pu obtenir que des résultats négatifs. M. Grandr\ expose les premiers résultats de ses recherches sur les 155 corpuscules de Pacini. Il a étudié ces petits organes chez le chai et diverses espèces d'oiseaux. Il remettra prochainement une note dé- taillée sur ce point. — M. Magnan présente Testomac d'une chienne qui est morte d'intoxi- cation alcoolique. L'animal prenait chaque jour, depuis le 10 septembre jusqu'au 13 novembre, jour de la mort, des doses croissantes d'alcool, depuis 10 grammes jusqu'à 60. On peut voir sur la muqueuse des traces évidentes de gastrite. De plus le foie était graisseux et les cordons postérieurs de la moelle offraient un commencement de dégénérescence grise. A l'analyse chi- mique plusieurs organes, en particulier le foie et le cerveau, conte- naient une certaine quantité d'alcool. L'animal devait servir à com- pléter une série de recherches entreprises par M. Magnan sur Tempoi- sonnement par l'alcool; mais Texpérimentateur saisit cette occasion pour annoncer aux membres de la Société qu'il croit avoir trouvé le mécanisme des attaques épileptiformes dans le cours de l'alcoolisme. Au début de l'intoxication alcoolique on n'observerait que des symp- tômes d'empoisonnement aigu ; plus tard il existerait des lésions céré- brales qui seraient en quelque sorte la prédisposition organique aux crises épileptiques. De plus, comme M. Magnan l'a déjà annoncé dans une de s.es publications, l'absinthe sans mélange donne, chez tous les animaux, des crises d'épilepsie. M. Brown-Séquard fait remarquer toute l'importance de ce dernier résultat. Cette sorte d'absinthisme avec épilepsie lui paraît analogue, dans une certaine mesure, avec un autre genre d'empoisonnement que l'on désigne sous le nom d'urémie. Cette production de crises épilep- tiques généralisées sous l'influence d'une substance toxique, l'absinthe, pourrait permettre de faire sur la prophylaxie et le traitement de Tépi- lepsie des expériences intéressantes. M. Broca appelle l'attention sur un point particulier qu'il a rencontré dans plusieurs autopsies d'alcooliques. D'après les faits qu'il a obser- vés, les lésions d'encéphalo-méningite alcoolique débuteraient toujours à la face inférieure du lobe temporo-sphénoïdal, et de là s'étendraient peu à peu au reste de la surface cérébrale. M. Brown-Séquard demande si l'on trouve des lésions spéciales dans le cervelet. M. Magnan n'en a pas rencontré. Chez les animaux morts pendant la période des crises épileptiques , aucune partie des centres nerveux n'était intéressée d'une manière spéciale. 156 l, — Pathologie. — Pathologie expérimentale. Epilepsie alcoolique; action spéciale de l'absimhe : épilepsie absin- thique; par M. Magnan, médecin du bureau d'admission (Sainte- Anne). Des recherches commencées en 1864 à Bicêtre, avec mon regrelté maître Marcé, et dont j'avais donné les premiers résultats dans les nu- méros de rUxioN médicale du 4 et du 9 août de la même année, me permettent dès à présent d'établir des distinctions dans les divers ac- cidents épileptiques ou épileptiformes qui accompagnent l'alcoolisme. L'épilepsie alcoolique signalée par la plupart des auteurs, et qui se présente le plus souvent, au point de vue symptomatique, avec des phénomènes à peu près analogues, est cependant, suivant les cas, de nature radicalement différente. La perte subite de connaissance avec chute, pâleur de la face et convulsions toniques, suivies bientôt de convulsions cloniques, de salive à la bouche, de stertor, de cyanose, de morsure à la langue, forment l'ensemble symptomatique qui se pré- sente soit en totalité, soit en partie dans Tépilepsie alcoolique. Ces phénomènes peuvent se montrer, ou bien chez des individus qui n'ayant pas l'habitude de boire ou n'ayant éprouvé antérieurement que des accidents alcooliques passagers, ont fait des excès récents de boisson, ou bien chez des buveurs de profession atteints d'alcoolisme chronique. Dans le premier cas, la crise épileptique est produite de toute pièce par la boisson. Dans le deuxième cas, le rôle de la boisson est secon- daire, la cause première réside tout entière dans l'état de l'organisme. En d'autres termes, chez les premiers, l'épilepsie est due à une intoxi- cation; le poison à lui tout seul détermine la crise; chez les derniers, la boisson n'est qu'un excitant agissant sur des centres nerveux déjà préparés et provoquant des accidents convulsifs analogues à ceux qui se produisent, sous l'influence des causes les plus variables, chez les paralytiques ou chez les malades affectés de certaines lésions céré- brales. Aussi faut-il, dans le premier cas, des boissons de nature dé- terminée pour provoquer l'épilepsie; dans le deuxième cas, au contraire, toute boisson stimulante est bonne, pourvu qu'elle soit prise à dose suffisante. Dans quelques circonstances, on le sait, l'alcoolique chro- nique peut même, sans le secours des boissons, réaliser la crise d'épi- lepsie sous l'influence de causes très-diverses; il a en lui l'aptitude delà crise convulsive, les excès répétés ont produit dans son organisme des changements matériels qui ont fait naître cette prédisposition. La 157 clinique de même que l'expérimentation physiologique démontrent ces deux ordres de faits. Nous avons donné, dans IUnion médicale (août 1866), l'histoire d'un malade qui s'est présenté à l'observation, à la manière presque d'un sujet soumis à l'expérience. Un homme vigoureux, âgé de 30 ans, sobre jusque-là, contracte des habitudes alcooliques. Il prend de l'eau-de-vie, du vin, puis il s'adonne à l'absinthe. Il éprouve d'abord des accidents alcooliques auxquels s'ajoutent quelques vertiges, plus tard surviennent des crises d'épi- lepsie. Il entre à Bicêtre, il guérit assez rapidement, sort pour reprendre bien vite ses habitudes alcooliques; à la suite de nouveaux excès d'ab- sinthe il est repris de crises convulsives épileptiformes. Ramené à Bicêtre, il guérit encore assez rapidement, et sort une seconde fois dans un état de santé assez satisfaisant. Là s'était arrêtée l'observation (30 mai 1864), mais le 5 décembre de la même année, il est ramené à Bicêtre pour la troisième fois. Nous apprenons alors qu'a- près sa sortie de Tasile il s'était remis à boire de l'eau-de-vie et du vin ; il n'avait éprouvé d'abord que du tremblement des membres et des hallucinations pendant la nuit ; que plus tard ayant fait de nouveaux excès d'absinthe, des crises épileptiques étaient revenues. Le malade, au moment de son entrée, portait encore à la langue des traces de morsures. Nous voyons ainsi trois fois des accidents alcooliques se montrer après les excès d'eau-de-vie et de vin, et trois fois des crises convul- sives survenir dès que l'individu ajoute la liqueur d'absinthe en cer- taine quantité à ses libations habituelles. Depuis cette époque, nous avons eu l'occasion d'observer un assez bon nombre de cas d'épilepsieabsinthique, dans lesquels l'effet se rat- tachait intimement à la cause. Mais ces recherches, en raison de quel- ques faits exceptionnels, nous ont conduit, en outre, à penser qu'il existait dans le commerce une ou peut-être même plusieurs boissons différentes de l'absinthe capables de produire aussi des accidents con- vulsifs ; toutefois, nous ne pouvons encore rien préciser à ce sujet. En ce qui concerne l'absinthe, des expériences multipliées, faites dans les conditions les plus diverses, sur des chiens, des chats, des lapins, des rats, des cochons d'Inde et différents oiseaux, nous ont fourni la preuve de son action toxique et de la propriété qu'elle pos- sède de provoquer des crises épileptiformes. Les autres substances qui entrent dans la composition de la liqueur d'absinthe, l'essence d'anis, la badiane, l'angélique, le calamus aroma- ticus, etc., employés isolément, ne déterminent pas d'accidents, même à de très-hautes doses; l'alcool, d'autre part, ne provoque pas non plus 158 de crise épileptique, de sorte que l'absinthe seule est responsable deis phénomènes convulsifs, et c'est, en effet, ce que démontrent rigoureu- sement les expériences. Dans l'une de nos conférences cliniques de l'année dernière sur l'al- coolisme, pour laquelle nous avions reproduit quelques-uns de ces faits, l'un des chiens qui avait pris une dose de 5 grammes d'essence d'absinthe, présenta successivement plusieurs crises d'épilepsie (chute subite, convulsions toniques, avec courbure en arc de la partie latérale du corps, puis convulsions cloniques avec stertor, écume sanguinolente à la bouche, morsure à la langue, évacuations alvines) ; dans l'inter- valle des crises, l'animal offrait de véritables hallucinations. Par mo- ments il se dressait sur les pattes, effaré, les yeux injectés et brillants, aboyait avec fureur, en regardant toujours dans une direction déter- minée, avançait et reculait comme devant un ennemi. J'avais déjà constaté des phénomènes de ce genre dans quelques ex- périences précédentes, mais toutefois à un degré moindre que dans celle-ci dont le résultat avait frappé par sa netteté tous les assistants. Administrée à dose plus faible, Tessence d'absinthe provoque un état vertigineux avec des secousses brusques dans la tête et les pattes an- térieures. En combinant l'alcool à l'essence d'absinthe, on voit se développer d'abord le tremblement des membres, la paraplégie (alcool), puis les accidents épileptiformes (absinthe); les effets de ces substances s'ajou- tent et ne se contrarient pas. Qu'il nous suffise en ce moment d'indi- quer ces résultats, nous aurons occasion ultérieurement de répéter la plupart de ces expériences sous les yeux des membres de la Société. Le second fait, à savoir que les boissons alcooliques modifient à la longue l'organisme et le rendent capable plus tard de produire, sous l'influence de diverses causes, des crises épileptiques, peut puiser dans la clinique de nombreuses preuves; mais il serait important d'en avoir aussi la démonstration à l'aide d'expériences sur les animaux. C'est pour arriver à ce résultat que j'avais soumis un chien vigoureux, âgé de 1 ans et demi, pesant 16 kilogrammes, à l'action continue de l'al- cool. Les doses d'alcool (36° aréomètre de Baume, trois-six du commerce) employées s'étaient élevées de 8 grammes le premier jour, à 60 gram- mes dès le dixième jour; elles avaient été administrées tous les matins en deux ou trois fois, l'animal étant à jeun. Tous les dix ou douze jours Il y avait une journée de repos. Les phénomènes principaux obtenus ont été du tremblement dans les membres, de la paraplégie, du sommeil comateux, d'une durée va- riant entre une demi-heure et plusieurs heures, pendant lequel se pro- 159 (luisaient assez souvent des évacuations alvines, plus rarement des vo- missements. Au bout d'un mois, les accidents développés sous l'in- fluence des mêmes doses, tout en conservant les mêmes caractères, se sont montrés plus intenses. Le tremblement se généralisait, des membres il s'étendait aux muscles du tronc, du cou, et provoquait de petits mouvements dans la tête; le sommeil était aussi plus prolongé; on commençait également à voir s'échapper, en débouchant la canule de la fistule stomacale, des mucosités filantes, rappelant assez la pi- tuite des ivrognes. L'expérience commençait vers sept heures du matin; le chien repre- nait au début ses allures ordinaires vers deux ou trois heures de l'a- près-midi, aussitôt après la cessation des accidents alcooliques. Au bout d'un mois l'animal était devenu moins caressant, moins vif, moins alerte, et plus tard il conservait une légère hébétude dans l'intervalle même qui séparait les symptômes aigus. Trois ou quatre fois nous avons donné de 70 à 75 grammes d'alcool en augmentant ainsi la quantité habituelle de 10 à 15 grammes seule- ment, et chaque fois cependant les accidents se sont montrés avec une intensité considérable nullement en rapport avec la faible dose addi- tionnelle que nous avions ajoutée. Il semble exciter autant chez l'homme que chez l'animal un certain degré de saturation qu'il devient dange- reux de dépasser. Le chien soumis à l'expérience est mort le 9 novembre; il avait pris ce jour-là 65 grammes d'alcool, dose presque habituelle; mais durant le sommeil comateux, il était resté par mégarde exposé pendant plus de deux heures à un froid très-vif. Il était dans la résolution la plus com- plète; la respiration et la circulation se sont ralenties insensiblement, les battements du cœur se sont arrêtés, et la mort est survenue sans autre phénomène notable. A l'autopsie, nous avons trouvé l'estomac ratatiné, épaissi dans sa totalité; l'orifice de la fistule, d'un diamètre de 3 centimètres 1/2 à 4 centimètres, est limité par des bords assez réguliers, froncés, épais, un peu durs. La surface de la muqueuse, inégale, offre un grand nombre de plis très-saillants, entre-croisés en différents sens, mais dont quelques-uns présentent une direction assez régulière de Torifice cardiaque au pylore. La teinte générale de la muqueuse est d'un rouge brun plus intense à la grande courbure et sur tout le bord inférieur. Cette coloration ne franchit ni le cardia ni le pylore. La surface de la muqueuse est recouverte par places d'un mucus épais, comme gélati- neux, strié de sang ; ce mucus gluant, vitreux, se présente sous la forme de couches plus ou moins adhérentes à la muqueuse et que l'on détache à l'aide d'un filet d'eau. Au-dessous, la partie saillante des plis montre 160 de petites ulcérations dont quelques-unes gagnent la base de ces plis et s'étendent ainsi jusqu'aux plis du voisinage. En quelques endroits se trouvent des plaques irrégulières, grisâtres qui semblent être un tissu de cicatrice nouvellement formé ; on voit encore dans l'épaisseur de la muqueuse des infiltrations sanguines, quelques unes étalées en nappe, d'autres réunies en petits foyers. Le foie est graisseux, il a une teinte générale jaunâtre, et de plus il est parsemé de points plus foncés occupant la partie centrale des lo- bules. La vésicule est distendue par une bile verdâtre. Les reins ont également subi la dégénérescence graisseuse; ils sont jaunâtres, surtout au niveau de la couche corticale et de ses prolonge- ments entre les pyramides. La rate paraît normale. Le cœur est volumineux, rempli de sang noir, caillebotté; les cavités droites en renferment davantage. Les veines caves sont distendues et remplies par des caillots noi- râtres. Les poumons sont affaissés, exsangues ; en deux ou trois endroits seu- lement se trouvent des suffusions sanguines sous-pleurales du volume d'une pièce de 20 centimes. Dans l'épaisseur des poumons, on ne voit point de foyers apoplectiques. Les méninges n'offrent rien de particulier, sauf une légère infiltration séreuse, un peu colorée en rose par du sang transsudé, au pourtour du chiasma; les vaisseaux ne sont pas notablement injectés, la substance cérébrale a une coloration normale, les coupes ne présentent aucun foyer hémorrhagique ; toutefois, dans quelques points on trouve des veinules gorgées de sang noirâtre. Les méninges rachidiennes ne montrent rien de particulier; la moelle n'est pas injectée et sa consistance paraît normale dans toute son étendue. En pratiquant des coupes aux diverses régions, on aperçoit une teinte grisâtre des cordons postérieurs, à peine visible à la partie supé- rieure de la moelle, mais plus marquée vers le tiers inférieur où elle affecte de chaque côté du sillon médian postérieur une forme triangu- laire à base dirigée en arrière. Dans cette région on voit également une légère teinte grisâtre des cordons antérieurs de chaque côté de la commissure. Ces altérations de la moelle seront plus facilement appré- ciables après le durcissement dans l'acide chromique. L'examen mi- croscopique a montré d'une façon plus nette la dégénérescence grais- seuse du foie et des reins ; dans la muqueuse de l'estomac, les vais- seaux se sont montrés bosselés, gorgés de sang et formant des mailles losangiques irrégulières et à bords tortueux. Dans le cerveau, les vais- 161 seaux, plus particulièrement ceux de la couche corticale, étaient re- couverts par places de grains de pigment et de cristaux d'hématoïdine. M. Chatenier, interne en pharmacie de Sainte-Anne, a bien voulu procéder à l'analyse chimique de ces organes; elle lui a décelé la pré- sence de l'alcool dans le cerveau, le foie, les poumons, les reins, le sang, comme nous l'avions déjà trouvé nous-même dans des cas ana- logues. — M. Laborde fait une première communication sur les effets toxi- ques des substances appelées à tort ou à raison poisons musculaires. Les premiers résultats qu'il a obtenus sont très-analogues à ceux qui ont été décrits par M. Vulpian. Ainsi il s'est assuré que le sulfo-cya- nure de potassium ne produit aucun effet particulier, et que toutes les autres substances minérales caustiques se comportent de la même façon lorsqu'on a soin de faire les expériences dans les mêmes condi- tions pour chacune des substances. M. Laborde remettra prochaine- ment une note détaillée sur ses expériences. M. Brown-Séquard , après avoir démontré par quelques exemples qu'il existe dans la pathologie et particulièrement dans celle du sys- tème nerveux, diverses espèces d'affections que le langage scientifique usuel est insuffisant à caractériser, propose à la Société de nommer une commission qui sera spécialement chargée de créer un certain nombre de noms nouveaux applicables aux récentes conquêtes des expérimentateurs modernes. MM. Littré, Broca, Brown-Séquard et Bert sont immédiatement dé- signés par la Société pour faire partie de la commission. Séance du 21 novembre L — Tératologie vétérinaire. Description d'un monstre du genre célosome (classification de M. Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire) ; observation recueillie sur un fœtus de l'espèce bovine, par M. Goubaux, professeur à l'École vétérinaire d'Alfort. Le monstre dont je vais faire la description à la Société de biologie, m'a été envoyé par Tun de mes anciens élèves, M. Cousin, vétérinaire àVieux-Condé (Nord). Je lai reçu le lundi 2 novembre 1868, et j'en ai fait l'examen et la dissection les 3 et 4 du même mois. Immédiatement après, j'ai écrit à M. Cousin pour tâcher d'avoir quelques renseigne- ments, et j'ai consigné dans ce travail ceux qu'il a bien voulu me transmettre. C. R. 1868. H 162 - Pour donner une description aussi nette que possible de l'individu qui fait le sujet de cette observation, j'examinerai successivement : 1" sa conformation extérieure; 2° la disposition de son squelette, et 3 °, en dernier lieu, la disposition des organes appartenant aux divers appareils fonctionnels. g I. — Conformation extérieure de l'individu monstrueux. Le sujet appartient à l'espèce bovine. Il a été trouvé dans la matrice d'une vache pleine de quatre mois et demi qui a été sacrifiée pour la consommation. La mère était une vache normande qui avait été achetée pour l'en- graissement. Elle avait été mise dans un pâturage où elle a été saillie par un taureau de race normande. M. Cousin na pu me donner aucun autre renseignement. L'individu monstreux est très-contourné sur lui-même, et il importe de le supposer dans sa situation normale en prenant la tête pour point de départ ou de repère de cette position. Dans l'état de la supposition dont je viens parler, les membres anté- rieurs paraissent bien placés. Je dis qu'ils paraissent bien placés, mais en réalité ils ne le sont pas; car il est évident que chacun d'eux a été renversé de bas en haut, de telle sorte que celui du côté gauche est devenu celui du côté droit, et réciproquement celui du côté droit est devenu celui du côté gauche. Il résulte de ce renversement de chacun des membres antérieurs, qui est la conséquence, ainsi qu'on le verra plus loin, de la forte inversion de la colonne vertébrale, que la face interne de chacun de ces membres est devenue la face externe. Si Ton poursuit l'examen de la face inférieure du tronc (d'après la situation normale de la tête), on voit que, en arrière des deux membres antérieurs dont il vient d'être question, se trouvent, de haut en bas et d'arrière en avant, la région lombaire, la croupe et la queue. La base ou l'origine de cette dernière région (la queue) se trouve être placée entre les deux membres antérieurs. Par suite de cette direction vicieuse de la croupe, les deux membres postérieurs sont dirigés en arrière et en haut, relativement à la direc- tion et à la situation de la tête et des deux membres antérieurs. Au-dessus de l'origine de la queue, par suite de la situation vicieuse de la croupe, se trouvent de bas en haut un anus et une vulve. L'individu monstrueux est donc du sexe féminin. Du côté opp^osé à la face qui vient d'être examinée d'avant en arrière, on voit d'une manière bien évidente que les deux parois latérales de la poitrine sont très-écartées l'une de l'autre, et que, au lieu de s"être réunies vers le sternum, elles se sont renversées en dehors et en haut, 163 du côté de la colonne vertébrale. La face interne de chacune des pa- rois latérales de la poitrine est tapissée par un feuillet séreux. Plus en arrière sont les organes qui auraient dû être contenus dans la cavité abdominale, mais qui sont flottants. La peau, rouge, vasculaire, dépourvue de poils à cause du jeune âge du fœtus, recouvre la tète, le cou, le* membres antérieurs et ce qui correspond à la face dorsale du tronc (située entre les deux membres antérieurs, à cause de l'incurvation vertébrale que nous étudierons plus loin), mais elle s'arrête brusquement à partir du bord antérieur de chacune des épaules jusque vers l'entre-deux des cuisses, un peu en arrière du bord abdominal des deux pubis. En examinant l'endroit où la peau cesse de se faire remarquer, et cela d'une manière brusque, sans aucune espèce de transition appa- rente, je vois, au moment où j'éludie le sujet monstrueux, que partout se détache un feuillet séreux qui, dans quelques points, a même une longueur assez considérable. Mais je ne sais si ce feuillet séreux for- mait un sac complet, et si, dans cette hypothèse, ce sac a été détaché ou déchiré par les manipulations en faisant Texamen du sujet. Peut- être que des renseignementsqueje demanderai ultérieurement me feront connaître ce que je devrai conclure à cet égard (1). La colonne vertébrale est fortement tordue sur elle-même; aussi par suite de cette torsion le fœtus est-il très-court. En d'autres termes, la longueur ou l'étendue du fœtus dans le sens antéro-postérieur n'est pas du tout en rapport avec la taille ou la hauteur. On a une idée à peu près exacte de ce que devait être celle-ci par la longueur que présen- tent les deux membres thoraciques ou antérieurs. Voici ce qui me pa- raît résulter de l'examen. En partant de la tête, la colonne vertébrale est d'abord dirigée de haut en bas et d'avant en arrière, puis elle se contourne très-fortement sur elle-même de bas en haut, d'avant en arrière et de droite à gauche. Il faut môme ajouter de haut en bas et d'arrière en avant, à partir de la dernière côte, puisque la face supérieure de la croupe se trouve en avant et presque entre les deux membres antérieurs. Tous ces change- ments sont déterminés d'après la direction et la situation normales de la tête; je le répète pour qu'on ne l'oublie pas. Pour terminer ce qui a trait à la conformation extérieure du sujet monstrueux, je n'ai plus qu'à examiner la région de la tête en particu- lier. Les lèvres ont leur conformation normale, mais il existe une large (1) M. Cousin m'a répondu que tous les organes dont il vient d'être question étaient contenus dans uu sac complètement clos. 164 communication entre la bouche et les cavités nasales proprement dites. Cette communication est divisée en deux moitiés latérales par le bord inférieur du vomer. Je ne puis voir, même en écartant fortement la mâchoire inférieure de la supérieure, si la fissure palatine s'étend jus- que sur le voile du palais. Je compléterai cet examen plus loin, lors de la dissection du sujet. La position des deux yeux n'est pas symétrique. L'œil droit est bien placé, mais l'œil gauche, relativement à celui du côté droit, est environ à 3 cenlimètres plus bas. Au-dessus de l'œil gauche et dans un point compris entre lui et la ligne médiane, il y a deux fissures de 3 centimètres de longueur et de 3 millimètres environ de profondeur; elles sont curvilignes et réguliè- rement écartées l'une de l'autre d'environ 1 centimètre. Je ne sais quelle est ou peut être la signification des deux fissures dont il vient d'être question. Un peu au-dessus et en arrière, il me paraît y avoir un arrêt de développement de la portion correspondante du frontal, et l'os me semble y être remplacé par une simple membrane fibreuse. Enfin, au point ordinaire, — c'est-à-dire au point de jonction du bord supérieur du frontal avec la partie correspondante du pariétal, — il y a une fontanelle, ainsi qu'on le remarque chez les animaux de l'espèce bovine jusqu'à 6 à 7 mois de la vie intra-utérine. Le poids de ce monstre est de 3 kil. 360 gr. Après avoir étudié et pris en note tous les détails qui viennent d'être exposés relativement à la conformation extérieure de l'individu mon- strueux, j'ai procédé à sa dissection ; mais avant d'en rendre compte et pour en rendre la description plus claire et plus facile à comprendre, je crois devoir tout de suite donner un aperçu de la disposition de son squelette. g II. — Anatomie. A. — Squelette. Tête. — Il n'était pas possible de reconnaître toutes les particularités que présente la tête et de les voir nettement avant sa préparation en squelette, car le tissu cellulaire sous-cutané était assez fortement infil- tré de sérosité. Après en avoir fait la préparation, j'ai reconnu ce qui suit : Le grand axe de la tête est fortement incurvé en arc suivant sa lon- gueur, et la concavité de l'arc est tournée du côté gauche. Cette dévia- tion ou courbure du grand axe se fait remarquer dans le crâne et dans les deux mâchoires. (a) Crâne, — Par suite de la déviation dont il vient d'être question, 165 la moitié droite de la cavité crânienne a plus de capacité que la moitié gauche. On y observe deux fontanelles : l'une supérieure et médiane, est pla- cée entre le frontal et les diverses parties du pariétal. On la remarque ordinairement chez les animaux de l'espèce bovine jusqu'au sixième ou au septième mois de la vie intra-utérine. La seconde, inférieure et laté- rale, résulte bien évidemment d'un arrêt de développement de la moi- tié gauche du frontal. Elle est située un peu au-dessus de la moitié su- périeure du contour interne de l'orbite. A ce point et dans une étendue de 3 centimètres environ d'avant en arrière, sur 4 centimètres environ suivant le diamètre transversal, l'os manque absolument et le crâne est complété par une membrane fibreuse. (b) Face. — Par suite de l'incurvation générale de la tête, la face paraît plus large du côté gauche que du côté droit. Cette largeur plus grande paraît due surtout à la direction de la face externe du grand sus- maxillaire qui est presque verticale du côté droit, tandis qu'elle est fortement oblique de haut en bas et de dedans en dehors du côté gauche. Pour la même raison qui vient d'être indiquée (l'incurvation à gauche du grand axe de la tête), l'orbite du côté gauche est plus écartée de la ligne médiane et sur un plan plus inférieur que celle du côté droit. Le contour de l'orbite du côté gauche est moins régulier que celui du côté droit. De ce dernier côté la forme est normale, tandis que du côté gauche sa forme est à peu près celle d'un triangle dont la base est inférieure et le sommet supérieur et postérieur. En dedans du contour interne de l'orbite du côté gauche et la ligne médiane, il existe un enfoncement assez profond des os. Cet enfonce- ment porte principalement sur la partie correspondante du frontal, sur l'extrémité supérieure du sus-nasal gauche et sur la fraction faciale proprement dite de l'os lacrymal. J'ai déjà dit qu'il existe une large fissure palatine; j'y reviendrai plus loin. Le maxillaire inférieur participe à l'incurvation de la face. Il est lé- gèrement tordu suivant sa longueur et à gauche. Sa branche droite est un peu plus longue que sa branche gauche. Colonne vertébrale. — Après avoir dépourvu la colonne vertébrale de ses muscles, voici ce que j'ai nettement reconnu : (a) La région cervicale est normale sous tous les rapports. (b) Région dorsale. — Tous les détails suivants sont déduits d'après la situation et la direction normales de la tête. Les vertèbres dorsales se dévient brusquement de bas en haut et de droite à gauche jusqu'au niveau de la T» ; puis de haut en bas, d'avant i66 en arrière et toujours de droite à gauche jusqu'à la 13' ou dernière in- clusivement. Il est remarquable que, par suite de ce changement de di- rection, toutes les vertèbres dorsales ont la partie inférieure de leurs corps dirigée en haut. (c) Région lombaire. — Les vertèbres lombaires se dirigent de haut en bas et aussi de droite à gauche, de sorte que la croupe est tournée en bas et que le plancher du bassin ou l'entre-deux des cuisses regarde en haut et en arrière. CÔTES ET STERNUM. — Los côtcs du côté droit, au nombre de 13, comme dans l'état normal, se sont recourbées en bas relativement à la tête, mais évidemment en haut relativement à la direction normale de la ré- gion dorsale du rachis; elles sont plus ou moins rapprochées les unes des autres, et cependant elles sont toutes distinctes les unes des autres. Elles se terminent par un prolongement, et les sternales ou vraies côtes correspondent à une moitié du sternum. Les côtes du côté gauche se sont recourbées de la même manière que celles du côté droit. Il en résulte que le thorax est très-largement ouvert en haut (relativement à la position normale de la tête et à cause de l'in- version de la colonne vertébrale), et que tous les organes que cette cavité renferme ordinairement sont plus ou moins à découvert. Toutes les côtes du côté gauche ne sont pas distinctes les unes des autres. Les antérieures et les postérieures sont distinctes, mais plus ou moins écartées ou rapprochées les unes des autres. Au contraire, les 3', 4*, 5*, 6% 7', 8% 9% 10" et 11* sont soudées dans presque toute leur longueur et forment dans leur ensemble une assez large plaque sur la surface interne de laquelle on voit encore assez distinctement la trace de la séparation des diverses côtes qui la composent. Comme celles du côté droit, les côtes du côté gauche ont leurs prolongements, et les plus antérieurs s'articulent aussi avec la moitié latérale correspondante du sternum. Membres. — Les membres antérieurs ne présentent rien de notable quant à leur organisation. Il est seulement à noter que celui du côté droit est devenu celui du côté gauche et réciproquement, par suite du renversement des parois thoraciques et de l'inversion vertébrale. Dans les membres postérieurs, je nai rien remarqué de particulier à noter. Nota. — Je n'ai conservé que la tête de ce fœtus monstrueux. Les os n'étaient point assez avancés dans leur développement pour que je me donnasse la peine de conserver le squelette. Du reste, le cabinet des collections de l'École d'Alfort possède déjà deux squelettes de monstres célosomiens : l'un que j'ai préparé en 1842, et l'autre qu'a préparé M. Colin, alors qu'il était chef de service d'anatomie. 167 B. — Dissection. Tête. — Je ne reviendrai pas ici sur les détails dont j'ai déjà rendu compte à l'occasion de l'examen du squelette du sujet monstrueux ; je les compléterai seulement par les indications suivantes : 1" La fissure palatine est complète : elle commence au niveau de l'endroit où s'ouvrent les conduits buccaux de l'appareil de Jacobson, et s'étend en arrière jusqu'au voile du palais, qui paraît manquer dans le milieu, et qui se confond à droite et à gauche avec les parois latérales du pharynx. Dans toute la longueur de la fissure, on trouve le bord inférieur du vomer, et, de chaque côté, on voit les cornets, c'est-à-dire dans l'inté- rieur des cavités nasales proprement dites. 2° La langue, le pharynx, le larynx, la trachée et l'œsophage ne pré- sent rien de remarquable. Il en est de même de ces deux derniers or- ganes dans toute la longueur du cou. 3° L'encéphale était réduit en une sorte de pulpe ou de bouillie; je n'ai pu l'examiner. Pour continuer la dissection, j'ai placé le sujet de telle façon que la tête était dirigée en bas. Du reste, on se rendra compte assez facile- ment des détails suivants, à présent qu'on connaît la disposition de la colonne vertébrale et celle des parois thoraciques. ORGANES CONTEiNUS DANS LA CAVITÉ TEORACIQUE. On sait, par les détails précédents, qu'il n'existait pas de cavité tho- racique, puisque les deux parois thoraciques étaient très-écartées l'une de l'autre. On sait aussi que par suite de l'inversion vertébrale, le corps des vertèbres regardait en haut. La dissection qui va suivre sera à peu près la môme que celle qu'on ferait alors que le cadavre est placé sur le dos. J'ai cru devoir prévenir de nouveau le lecteur sur ce point. Or voici les différentes notes que j'ai prises en faisant l'examen des organes qui sont habituellement contenus dans la cavité thoracique : Les muscles qui s'attachent ordinairement à l'extrémité antérieure du sternum s'attachaient, les uns à gauche et les autres à droite, sur la moitié correspondante du sternum. L'ordre ou le lieu de leur inser- tion était donc régulier. Sur le plan médian et à la partie antérieure j'ai trouvé le thymus. Il était recouvert par un feuillet séreux. Après avoir enlevé ce feuillet, j'ai reconnu que cet organe remontait assez haut dans la région cervi- cale et le long du côté gauche de la trachée. Après avoir soulevé le thymus en le rabattant d'arrière en avant, j'ai disséqué la veine cave antérieure. Sa disposition était normale. Les 168 troncs veineux qui reviennent des membres antérieurs pour se dégor- ger dans la veine cave antérieure étaient aussi recouverts par un feuillet séreux. Le cœur était contenu dans un sac fibro-séreux. Cependant il était à découvert ou à peu près et sa pointe était dirigée en haut : on le comprend d'après ce qui a été dit, et que je crois toujours nécessaire de rappeler. Pour n'avoir plus à revenir sur cet organe, et bien que j'aie fait plus tard l'examen de sa surface extérieure et de sa surface intérieure, je dirai que sa conformation était normale. Le trou deBotal établissait une large communication entre les deux oreillettes. Son bord droit offrait une valvule dont le bord libre, concave ou échancré en croissant de haut en bas, laissait échapper, vers le milieu de sa longueur, une bride qui allait s'attacher sur la face gauche de l'oreillette gauche. Cette bride laissait échapper elle-même aussi, vers le milieu de sa longueur, un prolongement dont l'extrémité était libre et flottante. Le canal artériel était largement ouvert et établissait une communication entre Tartère pulmonaire et l'aorte postérieure. Les troncs artériels prenaient naissance sur le côté gauche de la base du cœur et à gauche de la masse auriculaire. Le tronc aortique, après un court trajet, se divisait, comme à l'ordinaire, en aorle anté- rieure et en aorte postérieure. Il n'y a rien eu de notable dans la dis- section des vaisseaux artériels. De chaque côté et un peu en arrière du cœur se trouvait un lobe pulmonaire : chacun était contenu dans un sac séreux. Le tissu compo- sant chacun de ces lobes avait les propriétés physiques qu'il présente ordinairement chez le fœtus. Après avoir fait une ouverture et introduit un tube dans la trachée, j'ai insufflé ces lobes pulmonaires qui ont augmenté de volume, ont paru spongieux et se sont colorés d'un rouge vif. Le diaphragme qui, dans l'état normal, sépare la cavité thoracique de la cavité abdominale, m'a paru manquer complètement et simple- ment remplacé par le feuillet séreux enveloppant chacun des lobes pulmonaires et les séparant des organes ordinairement contenus dans l'abdomen. ORGANES CONTENUS DANS l'aBDOMEN. A proprement parler, il n'y avait point de cavité abdominale, puisque les parois inférieures abdominales manquaient absolument, et puisque, ainsi que je l'ai dit à l'examen de la conformation extérieure du sujet monstrueux, tous les organes digestif étaient flottants. Voici ce que j'ai reconnu : Organes digestifs. — J'ai examiné le foie, la rate, l'estomac, l'in- testin grêle et le gros intestin. 169 Les différents compartiments de l'estomac, la rate et les diverses parties de l'intestin (le grêle et le gros) ne m'ont rien présenté de par- ticulier à noter. Le foie recevait une veine ombilicale, et j*ai pu la suivre jusqu'à un point rapproché des deux artères ombilicales ; mais ces trois vaisseaux avaient été coupés ou rompus, et il n'y avait plus aucune trace du cor- don ombilical. L'aorte postérieure suivait les contours de la colonne vertébrale et fournissait les mêmes divisions qu'à l'ordinaire. A son extrémité pos- térieure, entre les troncs iliaque interne et iliaque externe du côté gauche et ceux du côté droit, elle fournissait deux artères ombilicales qui se recourbaient sur elles-mêmes et se comportaient ensuite, à l'égard de la vessie, comme dans les conditions ordinaires. appareil urinaire. — Il y avait deux reins. Sous le rapport de leur forme, des détails de leur surface extérieure et de leur situation rela- tive, je n'ai rien eu de particulier à noter. La vessie était très-allongée. Du milieu de son extrémité antérieure se détachait une sorte de prolongement qui s'étendait entre les deux artères ombilicales : c'était bien évidemment l'ouraque. Pour m'en assu- rer cependant, j'ai fait une petite incision à la vessie, j'ai introduit un tube dans cet organe, et j'ai insufflé d'arrière en avant. Ce petit pro- longement dont il vient d'être question s'est gonflé, a pris une forme à peu près cylindrique, d'un calibre bien inférieur à celui de la partie correspondante de la vessie, car tandis que la partie antérieure de celle-ci avait environ le volume d'une petite noix, le petit prolonge- ment n'avait guère que celui d'une plume de corbeau. L'air s'en est échappé avec un certain bruit, entre les deux artères ombilicales, qui avaient été coupées ou rompues, ainsi qu'il a été déjà dit plus haut. Appareil génital. — La vulve et le vagin n'ont rien présenté de notable. L'utérus, après son insufflation, a présenté la forme d'une poire très-allongée. Cette forme est bien différente de la normale. Il était longé à chacun de ses côtés par une artère utérine. Son extrémité antérieure s'effllait et se continuait directement avec une trompe uté- rine, qui aboutissait à un ovaire unique situé en arrière des reins. Il ne m'a pas paru y avoir de cotylédons à la face interne de la matrice, si ce n'est vers l'extrémité ovarienne de l'utérus, et dans une étendue de 3 centimètres environ. Ce sont là des particularités assez remarquables pour ce qui a trait à la forme générale, aux détails de la structure de la membrane muqueuse, et enfin à la présence d'une seule trompe uté- rine et à celle d'un seul ovaire, et il est évident que tout cela s'éloigne beaucoup de l'état normal. 170 Je signale ces faits anatomiques seulement, et je regrette de ne pou- voir m'arrêter sur leur interprétation. Je laisse à d'autres cette partie intéressante de l'histoire de l'individu monstrueux dont je viens de rédiger l'observation. Le monstre que je viens de décrire appartient bien évidemment à la famille des célosomiens. Les monstres de cette famille sont essentielle- ment caractérisés « par l'existence d'une éventration plus ou moins v7v6ç, mutilé ou estropié, et ow^ia, corps [corps mutilé]). 4° Éventration latérale ou médiane sur toute la longueur de l'abdo- men; corps tronqué après l'abdomen; membres pelviens nuls ou très- imparfaits. Genre IV. — Schistosome (de sxiOTôç, fendu, divisé, et » On voit, à l'inspection de ce tableau : 1" que l'urée n'a pas varié sous l'influence de l'hyposulfate de sodium; 2° que l'élimination de ce sel, après avoir été considérable pendant les premières heures qui ont suivi l'injection, a diminué assez rapidement, puisque lurine n'en contenait plus que des traces au bout de quarante-huit heures. Les différences que présentent les nombres fournis par le dosage des sulfates naturels sont assez considérables ; mais elles sont normales, physiologiques, car on sait que les urines du matin sont toujours plus chargées de principes salins que les urines de la journée, et sutout celles qui sont rendues après le repas ou après l'ingestion de boissons. J'ai déjà eu plusieurs fois l'occasion d'insister sur ce fait. Les sulfates naturels n'ayant pas augmenté après l'injection de l'hypo- sulfate, et ce dernier sel ayant paru en grande quantité dans l'urine, j'avais déjà la preuve que l'hyposulfate de sodium s'éliminait en majeure partie, sinon en totalité, sans s'être oxydé dans l'économie. Exp. IL —Le 18 juin, à neuf heures du matin, j'ai pris à jeun 5 gram. d'hyposulfate de sodium dissous dans 50 grammes d'eau. La saveur de la solution m'a paru aussi amère, mais moins désagréable que celle du sulfate de sodium. Les symptômes observés ont été nuls; en d'autres 206 termes les choses se sont passées, pour ainsi dire, comme si j'avais pris de l'eau pure. J'ai noté cependant un léger effet laxatif. L'urée n'a pas varié et le sel s'est éliminé rapidement comme dans l'expérience précédente; c'est ce que démontre le tableau suivant. Les urines ont été recueillies chaque jour de neuf heures du matin au lendemain à la môme heure. Jours. Du 16 au 17 juin. 17—18 18 juin. 19 juin. 20 au 21, Urine des Urée 24 p. 1,000. heures. 860 1 930 23,00 20,00 760 25,00 670 27,6S 850 25,30 Urée des 24 heures 19,78 18,60 19,00 18,52 21,50 Sulfate de harjoim provenant des sulfates naturels p. 1,000. 6,56 7,80 9 heures et quart. . . . 6,70 9 heures et demie. . . . 6,00 iO heures 6,50 midi 5,59 4 heures 7,90 de 10 heures du soir au 19 juin à 4 heures. . 9,44 4 heures du matin. . . 8,20 9 heures du maiin. . . 7,80 2 heures du soir. . . . 5,70 de 1 0 heures du soir au 20 à 9 heures 8,00 Sulfate de baryum provenan des liypo- sulfates p. 1,000. 0,00 Traces. 4,50 5,89 11,60 15,06 3,60 1,60 Traces. 0,00 0,00 On voit que l'hyposulfate de sodium a disparu plus rapidement chez moi que chez mon chien. En effet, l'élimination n'a paru durer que trente heures chez moi, tandis que chez ce chien elle n'a paru cesser qu'au bout de quarante-huit heures. Je ferai remarquer ici que des faits analogues se sont déjà présentés à mon observation. Ainsi, ayant injecté des iodates dans le sang chez des chiens, j'ai vu que l'élimination de ces sels se faisait moins rapidement que chez moi, après l'absorption par le tube digestif. A quoi attribuer ces différences? Je crois qu'il ne s'agit que d'une question de quantité relative ; en effet, mes chiens pe- sant moins que moi, une même dose d'un sel étant pour eux relative- ment plus forte, devait exiger plus de temps pour s'éliminer. Si Ton considère les chiffres qui représentent la quantité d'urée éli- minée dans les vingt-quatre heures, avant, pendant et après l'expérience, on remarque que l'hyposulfate n'a pas accru l'élimination de ce prin- cipe. J'avais eu soin de me soumettre à un régime identique que j'avais adopté dès le 14 juin. L'expérience précédente avait été faite dans le but de voir si tout 207 l'hyposulfate s'éliminerait par les reins. Après avoir calculé la quantité de sulfate de baryum provenant des hyposulfates, j'ai trouvé le nombre 5*',96.0r, 5 grammes d'hyposulfate de sodium cristallisé correspondent à 95%63 de sulfate de baryum. Tout en tenant compte des traces de l'hy- posulfate qui n'ont pu être dosées à l'état de sulfate de baryum au com- mencement et à la fin de l'expérience, on voit que la différence est considérable entre la quantité indiquée par le calcul et la quantité trouvée. Il fallait donc admettre de deux choses l'une : ou bien l'hy- posulfate s'était métamorphosé partiellement en sulfate, ou bien il s'é- tait éliminé partiellement en nature par le tube digestif. La première hypothèse n'était pas admissible, car la quantité des sulfates naturels éliminés n'avait pas augmenté, comme on le voit d'après l'avant-dernière colonne du tableau. La seconde hypothèse était d'autant plus probable que j'avais éprouvé un léger effet laxatif. Il fallait donc, pour trancher la difficulté, faire une nouvelle expérience plus précise. Exp. III. — Le 1" décembre, à huit heures du matin, je pris à jeun iO grammes d'hyposulfate dissous dans 150 grammes d'eau. La saveur de la solution était amère, mais elle me parut moins désagréable que celle du sulfate de sodium. Je n'éprouvai aucun symptôme morbide, aucune colique, je vaquai à mes affaires comme d'ordinaire ; en d'autres termes, les choses se passèrent comme si j'avais bu un verre d'eau pure. Seulement à midi le sel produisit une purgation et le soir une demi- pur,gation. Les urines restèrent parfaitement limpides le jour de l'inges- tion et les jours suivants; elles furent toujours acides et ne renfermèrent jamais ni sucre ni albumine. 'Voici les résultats fournis par l'analyse avant et après l'ingestion de ce nouveau purgatif: 208 Jours. Da28au 29nov.,à8 heures du matin, Du 29 au 30 nov Lu 30 novembre au 1" décembre. , . 8 heures 1 /2 du ma- tin 10 heures Du r'au 2 déc. / î^\^^* ••••••.•• xju i au i U.CI.. V ^ heures du soir. . 10 heures Le 2 décembre, à 8 heures du matin. / Le 2déc.,à8 heures T^ a o ) du soir Du 2 au 3. . . Lg 3 décembre, à 8 f heures du matin. Du 3 au 4 décembre Du 4 au 3 , . Da 5 au 6 Du 6 au 7 Sulfate de baryum Sulfate de baryum Urines provenant provenant des des sulfat. naturels de l'hyposulfate. 24 heures. ^-^i-^'^— i-- ^ . P' 1,000. Total. P' 1,000. Total. 800 950 930 10,87 6,20 7,20 8,70 5,89 6,70 » » D 24 55 H4 166 195 5,292 4,55 5,50 7,15 5,70 0,127 0,250 0,627 1,187 1,111 Traces. 3,90 13,95 19,15 13,80 Traces. 0,115 1,580 3,312 2,691 335 9,30 7,30 3,115 3,65 0,85 1,223 8S9 6,417 8.921 590 4,307 0,502 372 8,65 8,50 7,70 9,15 8,15 3,217 2,05 Traces 0,00 0,00 0,00 0,763 962 7,524 1,265 970 980 865 910 8,19 7,55 7,81 7,42 Traces. 0,00 0,00 0,00 Les chiffres inscrits dans la dernière colonne de ce tableau montrent que le maximum de l'élimination de l'hyposulfate par les urines a eu lieu huit heures après l'ingestion de ce sel. En faisant la somme des diverses quantités de sulfate de baryum provenant de l'hyposulfate, on trouve 8^', 921 pour le premier jour et 1^%265 pour le second jour, en tout 10^%186, soit 5^', 29 d'hyposulfate, sans tenir compte des traces non dosées au début et à la fin de l'expérience. Comme le calcul indi- que que 10 grammes d'hyposulfate de sodium peuvent donner 19",256 de sulfate de baryum (1), il reste 19,256-10,186 = 9",07 de sulfate de (1) La formule de l'hyposulfate de sodium étant Na^S^Qs + 2H20, et celle du sulfate de baryum, BaSO\ on voit que un molécule d'hyposul- fate correspond à deux molécules de ce dernier sel. D'après cela, il est Î09 baryum non obtenu el correspondant à 4*%71 d'hyposulfate, dont la majeure partie avait dû s'éliminer par le tube digestif. J'avais éprouvé des effets purgatifs; or l'analyse m'a fait retrouver dans les selles 4",50 d'hyposulfate de sodium. Ces 4«',50, ajoutés aux 5^^29 éliminés par les urines, donnent 9^', 79 d'hyposulfate, c'est-à-dire la totalité du sel ingéré à quelques centièmes près. Si l'on tient compte des traces qui n'ont pu être dosées, on est amené à conclure que Vhyposulfate de so- dium introduit dans Cestomac s^ élimine en lotalilé sans subir aucune métamorphose. Les urines n'ont jamais contenu ni sucre ni albumine. Hyposulfate de magnésium. MgS'O* + 6H^0. Ce sel cristallise en prismes obliques inaltérables à l'air. Il est plus soluble dans l'eau et aussi amer que le sulfate de magnésium. On le pré- pare facilement en mélangeant des solutions de sulfate de magnésium et d'hyposulfate de baryum. Exp. — Le 1" juillet, à deux heures de l'après-midi, 3 grammes d'hy- posulfate de magnésium pur, que j'avais préparé moi-même, sont dis- sous dans 40 grammes d'eau et injectés, dans une veine d'une patte postérieure, chez un chien de taille moyenne et à jeun depuis vingt et une heures. L'animal ne paraît rien éprouver de cette injection; un quart d'heure après, il mange avec avidité du pain qu'il trouve à sa disposition. Il boit de l'eau avec plaisir; d'ailleurs la température de l'atmosphère est éle- vée. Mais ce qui me frappe, c'est l'absence d'effets purgatifs, comme facile de calculer la quantité de sulfate de baryum correspondant à 10 grammes d'hyposulfate. 11 suffit de chercher les poids moléculaires de ces deux sels, Na2 =46 Ba = 137 S^ = 64 S = 32 0^ =96 0* = 64 2H^0= 36 BaSœ= 133" Na«S2 + WO = 242 ... 242 10 puis on écrit la proportion ç. ^r^ = — Z X Zoo X ^, , 10x2x233 4660 ..^.. D'oux=— ^^^ = 242 = ^^'^^^• c. R. 1868. 14 210 après Tinjection de l'iiyposulfate de sodium dans les veines. Jamais les urines de ce chien n'ont contenu ni sucre ni albumine. Cette injection avait été faite non-seulement dans le but d'étudier les effets de l'hyposulfate de magnésium, mais aussi dans le but d'étudier la durée de l'élimination de ce sel. Malheureusement je n'ai pu suivre cette expérience avec autant d'assiduité que les précédentes; c'est pourquoi le tableau suivant contient des lacunes assez nombreuses. Cette expérience est toutefois suffisante pour prouver : l°que l'hypo- sulfate de magnésium, injecté dans le sang à la dose de 3 grammes, ne produit pas d'effets purgatifs et ne diminue pas l'urée; 2" que l'élimina- tion de ce sel se fait pendant trois jours, comme celle de l'hyposulfate et du sulfate de sodium, d'après des expériences rapportées ailleurs; 3° que ce sel paraît s'éliminer complètement en nature; 4° que le ma- gnésium n'est pas un métal toxique (1). (l)Dans un mémoire qui vient d'être imprimé dans le Journal de phy- siologie de M. Brown-Séquard, mémoire qui ne contient aucun fait nou- veau, il est dit que le magnésium est toxique. D'après ma loi atomi- que, le magnésium doit être placé relativement à la toxicité, si je puis m'exprimer ainsi, entre le sodium et le potassium, et doit être beaucoup moins actif que ce dernier. En effet, le poids atomique du sodium étant 23, celui du magnésium est 24, et celui du potassium 39. C'est en effet ce qui a lieu, car d'après des expériences antérieures les sels de po- tassium tuent les animaux à de très-faibles doses. Or, si le magnésium est considéré comme un métal toxique par MM. Jolyet et Frémy, le po- tassium doit être suivant eux un métal terrible, et le zinc un métal bien plus terrible encore. Que penser alors du mercure, du plomb et du thal- lium? Je crois qu'on ne peut appeler toxiques que les métaux dont le poids atomique est supérieur à celui du fer. 211 JoTirs. 26 juin, à 8 heures du matin.. . 27 - 28 - 29 - 30 — ( 8 heures du matin 1" juillet, j 4 heures du soir. . ( 10 heures du soir . . o • ■]] ^ ^8 heures du matin 2 juillet.. I 7 heures du so,r. . Q • Miof *^ heures du matin iJ juillet, .j 7 heures du soir. , 4 juillet 5 — 6 — 63,50 52,00 57,90 60,20 » 59^80 60,25 58,82 60,40 63,60 Sulfate de baryum provenant des sulfates naturels p. 1,000. 7,80 6,70 » 4,72 6,50 6,25 5.20 6,25 7,35 2.90 6,84 6,36 6,45 Sulfate de baryum provenant de Ihyposulfate 0,00 0.00 0,00 0,00 0,00 0,00 Traces. 10,55 1,08 Traces. 1,40 Traces. 0,00 0,00 0,00 L'animal en expérience mangeait chaque soir, à six heures, 400 grammes de viande et 200 grammes de pain. On ne s'étonnera donc pas du nombre très-faible 2,90 indiquant la quantité relative du sulfate de baryum donné par l'urine de ce chien le 2 juillet, à sept heures du soir, c'est-à-dire une heure après son repas. Quant au nombre 1,40, trouvé le 3 juillet, à huit heures du matin, je ne puis guère me l'expliquer, at- tendu que la veille au soir les urines ne m'avaient donné que des traces de sulfate de baryum provenant de Ihyposulfate éliminé. Tels sont les résultats de mes recherches sur les hyposulfates. Mais il est deux faits sur lesquels j'appellerai l'atlention. D'abord, Thypo- sulfatede sodium est un purgatifsûr et d'une douceur remarquable. Je le propose comme un médicament inoffensif puisque je l'ai expérimenté sur moi-même. Ce médicament est plus cher que le sulfate, mais si l'usage s'en répandait, son prix diminuerait considérablement. Je le propose donc aujourdhui comme un purgatif des riches. En second lieu, les hy- posulfates de sodium et de magnésium, injectés dans le sang, se com- portent comme les sulfates de ces métaux; ils ne purgent pas, mais produisent la constipation. Ainsi se trouve vérifiée une fois de plus l'explication des effets pro- duits parlespurgatifs salins. Sans entrer dans plus de détails à ce sujet. 212 je renvoie le lecteur à la Gazette hebdomadaire du 15 mai 1867, et à lar- ticle plus étendu de la Gazette médicale de Paris du 24 octobre 1867. J'a- jouterai seulement que le phosphate, le carbonate, le chlorure de so- dium, et tous les purgatifs salins se comportent comme ceux que j'ai déjà étudiés; en d'autres termes, qu'ils sont soumis absolument aux lois de l'endosmose. C'est ce que je ferai voir bientôt, d'une manière plus évidente, par l'exposé de recherches déjà communiquées en par- tie à la Société de biologie. — La séance est levée à six heures moins un quart. Séance du 12 décembre. M. Marey continue l'exposition de sa Théorie du vol de Cinsecte. Dans une précédente séance, il a établi que l'extrémité de Taile décrit dans l'air un 8 de chiffre et a présenté les graphiques qui le démontrent. D'après lui, un simple mouvement d'abaissement et d'élévation de l'aile suffit pour produire le mouvement hélicoïde de la pointe. L'aile, en effet, n'est pas également rigide dans toute sa largeur. La partie postérieure, beaucoup moins rigide qiie la nervure antérieure, s'incline en bas à cause de la résistance de Fair pendant le mouvement d'élévation de l'aile; puis, lorsque celle-ci est arrivée au maximum de sa course, elle tend, en vertu de l'élasticilé de sa nervure, à reprendre sa position primitive. Dans le mouvement d'abaissement, au contraire, la partie postérieure de l'aile s'infléchit en sens inverse. Cette double i nclinaison successive par rapport à la nervure antérieure explique com- ment l'insecte progresse par un simple effet de recul que lui imprime la résistance de l'air. M. Marey démontre ce fait au moyen d'un insecte artificiel dont les ailes sont articulées en manière de ginglyme, de telle sorte que les mouvements d'abaissement et d'élévation de l'aile sont seuls possibles, et qui néanmoins progresse avec une force suffi- sante pour tirer un certain poids. En examinant la figure que décrit la pointe de l'aile, M. Marey a pu s'assurer qu elle décrit comme l'aile na- turelle un 8 de chiffre. — M. Cqarcot communique le résultat de quelques recherches qu'il a faites sur la fréquence du pouls dans L ataxie locomotrice. Ses ob- servations ont porté sur neuf malades de la Salpêtrière; or huit d'entre elles offrent une fréquence moyenne de 90, 100 et même 100 et 124 pul- sations sans que la température mesurée dans le rectum présente d'ail- leurs dans ces cas une modification notable (elle varie entre 37<» et 38", sans jamais dépasser ce dernier chiffre). 213 M. Charcot, sans vouloir chercher une explication de la fréquence remarquable du pouls de ces malades, croit devoir rapprocher ce fait du résultat des observations sphygmographiques de M. Eulenbourg, lesquelles montrent un abaissement considérable de la tension arté- rielle chez les malades atteints de tabès dorsaiis. On connaît en effet, notamment par les résultats de l'expérience de Goltz, les relations qui existent entre l'abaissement de la tension et l'accélération des batte- ments du cœur. M. Charcot fait ensuite quelques remarques relatives à la production des ecchymoses que l'on observe fréquemment sous les téguments de la tête et du cou chez les apoplectiques. M. Charcoi rappelle que les au- teurs qui regardent l'apoplexie comme le résultat d'une fluxion active vers la tête, considèrent la production de ces ecchymoses comme un phénomène du même ordre que Thémorrhagie encéphalique elle-même, c'est-à-dire comme le résultat de l'exagération de la fluxion à un cer- tain moment. Pour lui, Tan dernier, il a cherché à Tinterpréter d'une manière toute différente en la rapportant à une paralysie des nerfs vaso-moteurs de la tête, paralysie analogue à celle que l'on observe dans le membre hémiplégique où elle se manifeste par l'excès de cha- leur, et le plus souvent aussi par l'engorgement et la coloration violacée de quelques-unes des parties de ce membre, A l'appui de cette théorie, M. Charcot peut aujourd'hui apporter les résultats d'une autopsie très-démonstrative. Chez une femme ayant succombé quelques jours après une attaque d'apoplexie avec hémiplé- gie du côté gauche^ M. Charcot a trouvé l'aponévrose épicranienne pré- sentant du côté gauche une coloration rouge vineuse, et dans quelques points de véritables ecchymoses. La coloration s'arrêtait nettement à la ligne médiane, et la moitié droite ùe l'épicrane avait sa couleur blanche habituelle. Du même côté, il y avait un foyer encéphalique. M. Charcot rappelle que M. Vulpian a constaté dans un cas la colo- ration rouge de la pituitaire des fosses nasales du côté correspondant à l'hémiplégie, tandis que la pituitaire de l'autre côté ne présentait rien de semblable. — M. Saint-Pierre, professeur agrégé à la Faculté de Montpellier, fait une communication sur le rôle de certaines moisissures dans la pro- duction de milieux asphyxiants. M. Saint-Pierre a été témoin d'acci- dents d'asphyxie survenus au printemps chez des ouvriers entrés dans de vastes cuves ayant servi à la vendange et dans lesquelles s'étaient développées des moisissures. L'air contenu dans ces cuves présentait une plus forte proportion d'azote et seulement 1 1 pour 100 d'oxygène. Il dit avoir pu se convaincre que l'absorption de l'oxygène doit être rapportée aux moisissures. 214 — M. MoREAu a observé que la présence de la morphine dans le sang met obstacle à la production de phénomènes d'exosmose dans le tube digestif. Ainsi, tandis que 20 centimètres cubes d'une solution au cin- quième de sulfate de magnésie introduite dans une anse intestinale d'un chien détermine, au bout de dix-huit heures, une exosmose assez con- sidérable pour que Tanse intestinale contienne environ 500 centimètres cubes de liquide, on observe, si Tanimal est morphine, que l'anse in- testinale ne contient plus que 10 centimètres cubes environ d'un liquide purulent; il peut même se faire que l'anse intestinale ne contienne ab- solument pas de liquide. — M. Broca communique sommairement l'observation d'un malade qu'i I a guéri en huit jours d'une névralgie sciatique par l'acupuncture, après l'insuccès de plusieurs traitements. Quatre épingles d'acier (les épingles de cuivre ne produisent aucun résultat), puis neuf furent à diverses re- prises plantées sur le trajet du nerf sciatique et séjournèrent dans les tissus pendant une demi-heure, et jusqu'à deux et trois heures. Le fait sur lequel M. Broca désire surtout insister, c'est que constamment les épingles retirées des tissus sont oxydées. Au bout d'une heure, elles sont aussi oxydées qu'après trois heures. Il y a quelques années, M. Broca a déjà constaté par de nombreuses expériences que, sur le ca- davre, cette oxydation n'a pas lieu, et récemment il a renouvelé ces expériences; des épingles implantées dans les tissus une demi-heure seulement après la mort et abandonnées plusieurs heures (jusqu'à quinze heures) ne sont nullement oxydées. Pour expliquer cette différence de résultats, suivant qu'on agit sur le vivant ou sur le cadavre, faut-il in- voquer le courant humain? mais il est encore problématique. Il serait plus vraisemblable d'admettre que l'épingle, sur le vivant, se trouve en contact avec des agents chimiques apportés et renouvelés par le sang. Comme il ne se produit pas sur le cadavre la plus faible oxydation, il faut conclure que la cause n'existe à aucun degré sur le cadavre. M. Marey pense que l'on pourrait juger la question de savoir si le courant humain est pour quelque chose dans la production du phéno- mène, en mettant les épingnes en rapport avec un galvanomètre. M. Bert pense que les épingles sont oxydées par l'oxygène du sang, que si ce phénomène ne se produit pas après le mort, cela tient à ce qu'il n'y a pas d'oxygène libre sur le cadavre. M. Le Bret croit qu'il faut tenir compte de la sueur. Comme on sait, l'acupuncture est bientôt suivie d'une chaleur excessive de la peau, concurremment il y a une transpiration abondante. L'acidité de la sueur expliquerait l'oxydation. M. 'VuLPiAN remarque que l'épingle est oxydée dans toute l'étendue de la partie plongée dans les tissus. 215 M. Le Bret reprend cfiiil a vu d'ordinaire l'oxydation plus grande au niveau de lapeau. M. Laborde rappelle qu'il a fait avec Debout des expériences sur Tacupuncture, à l'instigation de M. J. Cloquet et qu'ils ont confirmé ce qu'avait vu ce dernier, à savoir qu'en chauffant le cadavre (ou la por- tion de cadavre sur laquelle on expérimente), on obtient le phénomène de l'oxydation. L'influence de la température n'est donc pas à négliger dans l'explication du phénomène. — M. BouceEREAu présente l'encéphale d'un homme ayant succombé à Tasile de Sainte-Anne. Depuis cinq à six ans il souffrait d'une céphalal- gie assez intense et avait des vomissements. L'intelligence et la mobi- lité s'étaient affaiblies. A son entrée, on constate une hémiplégie incom- plète du côté gauche et une contriction de ce côté qui a augmenté de plus en plus. A l'autopsie, phthisie pulmonaire (tubercules et pneumonie caséeuse). Une partie des circonvolutions du lobe frontal de l'hémisphère droit forme une tumeur mal circonscrite entourée d'une zone de ramollis- sement. Dans la partie formant tumeur, on constate l'existence d'un grand nombre de granulations composées de petits noyaux. Il s'agit donc d'une production tuberculeuse de l'encéphale. La séance est levée à cinq heures et demie. Séance du 19 décembre. M. DuMONTPALLiER, à Toccasion do la communication faite par M. Broca dans la séance précédente, rappelle que les Chinois auxquels on doit l'acupuncture, et qui paraissent en avoir obtenu des succès, n'emploient que des aiguilles faites avec des métaux inoxydables. L'oxydation ne serait donc pas, au point de vue thérapeutiqne, une condition néces- saire de succès, ainsi qu'on l'a dit. Quant à la non-oxydation des ai- guilles dans les tissus des cadavres, M. Dumontpallier rappelle que M. J. Cloquet, après avoir échauffé au contact du corps des morceaux de viande de boucherie, a vu l'oxydation apparaître dans des aiguilles enfoncées dans oes derniers. M. Legros croit qu'il faut tenir compte pour expliquer la non-oxyda- tion sur le cadavre de ce fait, qu'après la mort tous les tissus, même ceux qui sont acides pendant la vie, présentent une réaction alcaline, parce qu'ils sont imbibés par le sang. — M. Gréhant communique le résultat d'expériences faites sur des chiens, et qui prouvent que dans le pneumothorax traumatique double 216 avec affaissement des poumons, l'asphyxie n'arrive nécessairement que dans le cas où la plaie qui fait communiquer la cavité pleurale avec l'extérieur présente une certaine largeur. Ainsi, la béance des deux plaies étant maintenue par Torifice étroit d'une sonde cannelée, l'ani- mal paraît pouvoir vivre presque indéfiniment, tandis que si la béance est maintenue par deux tubes ayant un diamètre de 5 millimètres, l'a- nimal est anxieux et l'asphyxie arrive au bout d'une demi-heure. Si l'on pratique la suture des plaies, l'asphyxie cesse. M. Gréhant a retiré les gaz contenus dans la cavité pleurale, et l'a- nalyse qu'il en a faite lui a donné les résultats suivants pour 100 cen- timètres cubes. Acide carbonique 5 cent, cubes. Oxygène 10 — Azote , 84,8 — Ainsi le mélange pleural a cédé de l'oxygène, a acquis de l'acide carbonique et peut-être de l'azote. M. Gréhant croit pouvoir tirer de ses expériences une indication thérapeutique, à savoir de fermer, dans tous les cas, la plaie extérieure. Si l'on pratique l'insufflation pulmonaire, et qu'alors on ferme la plaie extérieure, le poumon garde le volume normal qu'il a repris. M. Bert demande à M. Gréhant quel signe lui a servi pour établir l'existence du pneumothorax. M. Gréhant répond que la percussion du thorax lui a paru suffire; qu'au besoin on pourrait déterminer d'une manière rigoureuse le volume de gaz contenu dans la cavité pleurale en mettant cette cavité en rap- port avec une cloche renfermant de l'hydrogène pur (un demi-litre par exemple) et en faisant l'analyse du mélange. M. Bert a observé que le rhythme respiratoire se modifie dès que de l'air se trouve anormalement épanché dans la cavité thoracique, dans les plèvres ou dans le médiastin. L'inspiration est normale, tandis que l'ex- piration s'allonge et se scinde en deux temps. De ces deux temps le premier correspond à l'expiration naturelle et paraît dû à l'élasticité pulmonaire seule. Le second représente un effort : il est produit par la contraction synergique de tous les muscles expirateurs. — M. Rabuteau communique l'énoncé de plusieurs propositions. L'iodure de zinc est absorbé au moyen de frictions. On retrouve un loduredans l'urine et dans la salive. L'iodure de potassium dans un bain ne paraît pas absorbé. Orfila avait dit que 20 centigrammes d'iodure de potassium injectés • 217 dans les veines d'un chien le tuent. M. Rabuteau n'a pas observé ce résultat. M. VuLPiAN remarque à ce sujet quil est important d'injecter les di- verses substances dont on expérimente les propriétés toxiques dans la veine crurale et non dans la jugulaire, afin que la substance n'arrive pas dans le cœur à un haut degré de concentration. M. MoREAu appuie la remarque de M. Vulpian. Il a tué des chiens instantanément en leur injectant dans la jugulaire du sulfate de ma- gnésie. M. Rabuteau dit avoir fait toutes ses injections dans l'une des veines d'une des pattes postérieures. Il a injecté dans les veines d'un chien 3 grammes de chlorure de magnésium sans résultats. 10 grammes de sulfate de magnésie tuent l'animal. D'après M. Rabuteau, Tamaigrissement et les divers symptômes d'io- disme que l'on a mis sur le compte de Tiodure de potassium doivent être rapportés à la présence, dans cette dernière substance, d'iode libre ou bien d'iodate de potasse. I. — Chimie appliquée a la médecine. Rechercbes sur les métamorpooses et le mode d'élimination que présentent LE sulfite et l'hyposulfite de sodium introduits dans l'organisme; mémoire présenté à la Société de Biologie par le docteur Rabuteau. I. — Sulfites. Les sulfites alcalins sont très-solubles; les autres ne le sont pas en général, ou ne le sont que très-peu. Les acides exercent sur ce genre de sels des effets variables suivant leur degré de concentra- tion. Ainsi, tandis que les acides, même les plus faibles, dégagent de l'acide sulfureux des sulfites alcalins, les acides étendus dissolvent simplement les sulfites alcalins terreux qui ne sont décomposés que sous l'influence d'un acide un peu concentré. L'acide azotique ne pro- duit pas seulement un dégagement d'acide sulfureux en agissant sur les sulfites, mais il transforme partiellement ces sels en sulfates, à cause de ses propriétés oxydantes. Cette métamorphose des sulfites en sulfates s'opère également, mais à la longue, au contact de l'oxygène de l'air. Ce fait est important à noter, car le même processus se passe dans l'organisme. Chauffés en vase clos, les sulfites alcalins et alca- lino-terreux donnent des sulfates et des sulfures; les autres produi- sent en général un dégagement d'acide sulfureux. 218 ♦ Rien n'est plus facile que la recherche des sulfites, lorsqu'ils se trouvent dissous en quantité suffisante dans Teau pure, puisque, sous l'influence des acides un peu concentrés, ces sels laissent dégager de l'acide sulfureux qu'on peut reconnaître à son odeur caractéristique, à la propriété qu'il possède de réduire le chlorure d'or, de décolorer la so- lution violette de permanganate de potassium. Mais, si les sulfites se trouvent en très-petite quantité dans un liquide, et surtout si ce liquide renferme des matières organiques, il est impossible de percevoir l'o- deur du gaz sulfureux, ni de se fier aux réactions que je viens d'indi- quer. En effet, l'acide sulfureux, trouvant un dissolvant dans le liquide, ne se dégage pas et, d'un autre côté, les matières organiques rédui- sent le chlorure d'or et décolorent le permanganate. C'est précisément ce qui a lieu dans l'urine. J'ai alors imaginé un procédé d'une délicatesse extrême qui permet de reconnaître des traces d'un sulfite dans l'eau ordinaire, et mieux encore dans l'eau distillée. Mais, malheureusement, ce procédé doit être modifié lorsqu'on l'applique à la recherche des sulfites dans l'u- rine, et il perd alors la majeure partie de sa précision. Voici les prin- cipes sur lesquels cette méthode d'investigation est fondée. On sait que les acides oxygénés au maximum, tels que l'acide sulfu- rique, n'exercent aucune action sur les iodates ; on sait, d'un autre côté, que les hydracides et les acides oxygénés au minimum, tels que l'acide sulfureux, réduisent les iodates en s'oxydant eux-mêmes et met- tant l'iode en liberté. Cela étant posé, si l'on verse la solution d'un iodate pur dans la solution d'un sulfite, puis si l'on ajoute de l'acide sulfurique, l'acide sulfureux est mis en liberté et sépare de l'iode qu'on reconnaît à la propriété qu'il possède de colorer l'amidon en bleu violet et le sulfure de carbone en violet magnifique. J'opère donc de la manière suivante: J'ajoute à la solution du sulfite un peu d'eau d'amidon ou quelques gouttes de sulfure de carbone, puis de l'iodate de potassium en léger excès. Je verse en dernier lieu quelques gouttes d'acide sulfurique étendu; l'iode est aussitôt mis en liberté et colore l'amidon. Si Ion emploie le sulfure de carbone au lieu de l'amidon, il faut agiter le tube dans lequel on fait l'essai. Ce procédé est extrêmement sensible. Avec le sulfure de carbone, j'ai reconnu qu'il permet de décelei-, dans l'eau ordinaire, ysu'qoo ^^ sulfite de sodium cristallisé et, par conséquent, 7^7;^ d'anhydride sulfureux S0-. Mais il doit être modifié pour la recherche d'un sulfite dans l'urine, car l'iodate est réduit dans ce liquide sous l'influence de l'acide sulfurique, sans qu'il soit nécessaire d'y ajouter un sulfite. J'ai essayé l'acide acétique concentré, et j'ai vu qu'on ne peut déceler dans l'urine ^^^- 200*000 ^^ sulfite de sodium à l'aide de cet acide. On peut donc em- 219 ployer l'acide acétique toutes les fois qu'un sulfite se trouve dans l'urine en quantité supérieure à cette limite. L'acide phosphorique se comporte comme l'acide sulfurique; il per- met également de reconnaître dans Teau des traces infinitésimales de sulfite de sodium, mais on ne peut l'employer à la recherche de ce même sel dans l'urine. Exp. I. — Le sulfile de sodium cristallise en prismes transparents et efflorescents qui contiennent dix molécules d'eau. Sa saveur est sulfu- reuse et sa réaction alcaline. Q^^'jOG de ce sel renferment 1 gramme de soufre. Le 25 janvier 1868, 4",78 de sulfite de sodium cristallisé, contenant 50 cent, de métal sont dissous dans 30 grammes d'eau et injectés dans Tune des veines d'une patte postérieure chez une chienne de petite taille. Aussitôt après l'injection, cette chienne se trouve abasourdie; néan- moins elle se promène dans le laboratoire, et je n'observe d'autre symp- tôme qu'une légère titubation sur les pattes postérieures. Au bout d'un quart d'heure l'animal paraît ne rien éprouver. L'expé- rience avait été faite à trois heures du soir. Une heure et demie après, la chienne but du lait avec plaisir et, à cinq heures, elle mangea de la viande avec appétit. Cette épreuve avait été faite, non dans le but de prouver l'innocuité des sulfites, lorsque le métal qu'ils contiennent est inoff'ensif, mais dans le but d'étudier les métamorphoses que présente ce genre de sel intro- duit dans l'organisme. Malheureusement, je n'ai pu recueillir qu'une partie de l'urine de cette chienne, à cinq heures et demie. La quantité obtenue occupait 60 centimètres cubes. Traitée par le chlorure de ba- ryum, puis par l'acide chlorhydrique bouillant, elle me donna 1^'",45 de sulfate de baryum pur. Si l'on retranche 0",25 correspondant à peu près au sulfate de baryum provenant des sulfates naturels, il reste 1",20 provenant de la métamorphose du sulfite. Or ce poids correspond» d'après le calcul, à 1=',05 de sulfite de sodium qui, dans l'espace de deux heures et demie, se seraient transformés en sulfate au sein de l'orga- nisme. Cette quantité aurait été trouvée plus grande encore si j'avais pu recueillir toute l'urine rendue à ce moment par l'animal, d'où il fallait conclure que l'oxydation des sulfites s'était faite d'une manière rapide dans l'économie. Cette urine contenait également du sulfite en nature, ce que j'ai re- connu par le procédé indiqué plus haut. D'ailleurs, l'addition de l'acide chlorhydri(}ue produisit un dégagement d'acide sulfureux reconnaissa- ble à son odeur. Exp. il — Le 21 octobre, à neuf heures du matin, je prends 2 gram- 220 mes de sulfite de sodium cristallisé, dissous dans 60 grammes d'eau. La solution de ce sel possède une saveur sulfureuse désagréable. Je recueille de mon urine etde ma salive à neuf heures vingt minutes, à dix heures et à d'autres intervalles marqués dans le tableau suivant ; chaque fois il m'est impossible de déceler la présence du sulfite dans ces liquides, en les traitant par l'acide acétique, l'iodate de potassium et le sulfure de carbone. Il est vrai que, par l'agitation de l'urine dans mon tube d'essai, le sulfure de carbone finit par se colorer très-légère- ment au bout de quelques minutes ; mais s'il y avait une faible quantité de sulfite, la coloration serait instantanée. Les mêmes essais, faits à divers intervalles de la journée et du lendemain, m'ont conduit éga- lement à des résultats négatifs. L'urine, qui était acide avant l'ingestion du sulfite, a été presque neutre pendant une heure. Elle n'a jamais renfermé ni sucre ni albumine. Voici les résultats fournis par l'analyse avant et pendant cette expé- rience : Jours. Du 18 au 19 octobre 19-20 20-21 21-22. 22-23, 23-24, 24-25. Sulfate Urines de baryum rendues. ^^~- p. 1000. totaL Le 21, à 10 heures dumatiu. 39 gr. 9,00 0.35 à midi 95 10,00 0,95 à 4 heures du soir. . . 185 10,54 1,95 à 10 heures du soir. . 270 10,10 2,73 Le 24, \ à 9 heures du matin. 445 8,30 3,69 Urine des 24 heures 1010^' 1055 1005 1034 985 990 1020 Sulfate de baryum p. loOO. 7,35 7,25 7,30 9,35 8,75 6,95 7,00 Sulfate de baryum total. 7,42 7,65 7,34 9,67 8,57 6,88 7,14 Le maximum de l'élimination du sulfate provenant de l'oxydation du sulfite a eu lieu quelques heures après l'ingestion de ce sel. En ne 221 tenant pas compte des quantités éliminées de 9 heures à 9 heures 20 minutes du matin, quantités qui n'ont pas été dosées, j'ai obtenu, du 21 au 22 octobre, 9^', 67 de sulfate de baryum provenant des sulfates naturels et de l'oxydation du sulfite. Si l'on calcule la moyenne du sulfate de baryum obtenu pendant les trois jours qui ont précédé l'ex- périence, on trouve 7^', 5. La différence entre 9^', 67 et l^%b est égale à 2^^17 et représente donc approximativement le poids du sulfate de ba- ryum provenant de l'oxydation du sulfite ingéré. Or le calcul indique que 2 grammes de sulfite de sodium cristallisé correspondent à 2^'",26 de sulfate de baryum. La différence entre 2,17 et 2,26 étant négligeable dans de pareilles expériences, on peut dire que le sulfite s'est éliminé à l'état de sulfate, et que l'élimination a été presque complète, sinon complète, dans les vingt-quatre heures qui ont suivi l'ingestion. IL — Hyposulfites. Les hyposulfites sont tous solubles; ceux de plomb et de baryum le sont peu. On reconnaît les hyposulfites en ce que traités par les acides ils don- nent naissance à un dégagement d'acide sulfureux et à un dépôt de soufre. On ne doit pas employer l'acide azotique pour provoquer cette réaction, à cause des propriétés oxydantes de cet acide, mais il faut recourir à l'acide sulfurique ou à l'acide chlorhydrique. On ne sera certain de la présence d'un hyposulfite dans un liquide que lorsqu'on aura constaté les réactions indiquées : dégagement d'a- cide sulfureux et dépôt de soufre. On reconnaîtra des traces d'acide sulfureux par les procédés que j'ai fait connaître à propos des sulfites ; on reconnaîtra la présence de traces de soufre à l'aide du procédé de Schlossberger. Ce dernier procédé consiste dans l'emploi d'une disso- lution de molybdate d'ammonium dans l'acide chlorhydrique étendu d'eau : la plus petite quantité de soufre fait bleuir cette dissolution. On peut ainsi reconnaître la présence du soufre même dans un cheveu. Hyposulfite de sodium. — Ce sel cristallise en prismes rhomboïdaux terminés à chacune de leurs extrémités par une face oblique. Ces prismes sont le plus souvent hexagonaux par suite du remplacement de deux arêtes opposées par des faces. Ils contiennent cinq molécules d'eau qu'ils ne perdent pas à l'air; cette propriété suffit à elle seule pour distinguer l'hyposulfite du sulfite de sodium. Exp. L — Le 8 mai, à quatre heures, 4 grammes d'hyposulfite de sodium sont dissous dans 40 grammes d'eau et injectés dans les veines d'un chien d'une taille ordinaire et à jeun. Ces 4 grammes contiennent un peu plus que 1 gramme de soufre. 222 ■ Je n"observe aucun symptôme; la santé de ce chien est si peu altérée que, deux heures et demie après Tinjeciion, il mange avec le plus grand appétit et se bat avec un autre chien pour les morceaux quils veulent s'enlever. Le lendemain sa santé est encore parfaite. J'ai recueilli de ses urines à des intervalles assez rapprochés; voici ce qu'elles m'ont présenté de particulier : Un quart d'heure après l'injection, elles contenaient de l'hyposulfite en quantité notable; en eiïet, elles laissaient dégager de l'acide sul- fureux sous l'influence de l'acide sulfurique, et donnaient un dépôt de soufre. Une demi-heure après l'expérience, elles contenaient de l'hyposulfite en plus grande quantité. Elles renfermaient en outre du sulfate de so- dium, car, les ayant traitées par le chlorure de baryum, j'ai obtenu un précipité assez abondant de sulfate de baryum. A six heures, même résultat. Je remarque à ce moment que le chien a une selle sèche, ce qui prouve que l'hyposulfite de sodium, de même que le sulfate du môme métal, injecté dans les veines, ne produit pas d'effets purgatifs. Le lendemain, 9 mai, je ne trouve plus d'hyposulfite, mais seulement des sulfates en quantité plus considérable qu'à Tétat normal. Ainsi les urines ont fourni : Avant l'expérience 1,55 de sulfate de baryum p. 1000 Une demi-heure après l'expér. 3,40 — — Le 9 mai, à 9 h. du matin. .. . 4,10 — — — à 6 h. du soir 1,65 — — Le 10 mai, à 9 h. du matin. . . 2,00 — — — à 6 h. du soir 1,60 — — En résumé, 4 grammes d'hyposulfite de sodium ayant été injectés dans les veines d'un chien, se sont éliminés partiellement à l'état d'hy- posulfite et de sulfate en vingt-quatre heures environ, car le nombre 2,00 trouvé le 10 mai au matin, peut être considéré comme normal, attendu que les urines de la nuit contiennent en général plus de maté- riaux solides que celles de la journée. L'élimination partielle du sel, à l'état d'hyposulfite, n'a eu lieu que pendant les premières heures qui ont suivi le début de l'expérience. Exp. IL — Le 27 octobre, je prends à jeun, à neuf heures du matin, 2 grammes d'hyposulfite de sodium cristallisé, dissous dans 100 grammes d'eau. La saveur de la solution est beaucoup moins sulfureuse que celle du sulfite ; elle est salée et amère, ce qui la rapproche de la saveur d'une solution de sulfate de sodium ou de magnésium. 223 Il était probable que je ne pourrais déceler aucune trace d'hyposul- fite dans mes urines, vu la faible dose du sel ingéré. C'est en effet ce qui a eu lieu. L'hyposulfite s'est donc transformé totalement en sul- fate. D'ailleurs, en jetant les yeux sur le tableau placé plus bas, on re- marque un excès notable du sulfate de baryum sur la quantité trouvée les jours précédents (10,42 au lieu de 6 à 7). Exp. III. — Le 24 novembre, à huit heures du matin, j'ai prisa jeun 5 grammes d'hyposulfite de sodium dissous dans 150 grammes d'eau. Je n'ai ressenti de cette ingestion aucun effet appréciable, et j'ai con- tinué mes occupations comme si je n'avais rien pris. Mes urines ont été recueillies, ainsi qu'une petite quantité de salive, à des intervalles assez rapprochés, et je n'ai pu y découvrir la présence de l'hyposul- fite. En effet, je n'ai observé aucun dépôt de soufre, lorsque je les ai traitées par l'acide salfurique ou par l'acide chlorhydrique. Conte- naient-elles du sulfite provenant d'une métamorphose de l'hyposulfite? Pas davantage, car, traitées par l'iodate de potassium, l'acide acétique et le sulfure de carbone mélangés ensemble, le sulfure ne s'est coloré que faiblement et à la longue par Tagitation pendant une demi-minute à une minute; or la coloration se serait produite immédiatement si les liquides sur lesquels j'opérais avaient contenu seulement j^'^o de sul- fite ou d'hyposulfite. Il fallait donc admettre que le sel s'était entièrement métamorphosé en sulfate. Et, de fait, c'est ce qu'indique le tableau suivant qui ren- ferme les résultats des deux dernières expériences. J'ajouterai que jamais mes urines n'ont renfermé ni sucre ni albumine. Elles sont res- tées acides ; cependant leur acidité a été moindre pendant les deux premières heures qui ont suivi l'ingestion de l'hyposulfite. TABLEAU RELATIF AUX EXPÉRIENCES II ET III FAITES AVEC L DYPO; ULFITE DE SODIUM. Jours. Du 24 au 25 octobre 25—26 26-27 27-28. Le 27, I à 9 heures 10 minutes là 9 heures 45 minut. là midi „ 4 heures du soir. . à 10 heures du soir. . Le 28, à 9 heures du matin. 28-29, 29-30. 30—31. Urines Suli de bai rendues. . p. 1000. 7gr. 4,57 18 11,33 90 7,35 205 15,43 315 9,40 425 8,00 total. 0,032 0,204 0,660 3,167 2,960 3,400 Du 21 au 22 novembre, 22-23 23-24 24—25. Le 24, à 8 heures et demie. . à 10 heures là midi ._ . . à 4 heures du soir. . 10 heures Le 25, 8 heures du matin. Le 25, l à 8 heures du soir. . . 25-26. Le 26, i à 8 heures du raatm, Urines rendues. 16gr. 42 92 200 285 335 485 425 Urines 24 heures Sulfate \ e baryum ' p. 1000. total. 10,61 22,40 14,30 19,40 18,55 0,170 0,941 1,316 3,880 5,287 13,60 4,556 8,30 4,026 10,95 4,654 26-27. 27-28. 28-29. 1020 1370 950 Sulfate de baryum correspondant aux sulf,ites naturels et aux sulfates provenant de l'hyposulfite. 1115 960 1190 1040 960 1135 785 970 910 920 825 800 p. 1000. 6,50 4,85 6,51 9,345 7,00 6,45 6,25 9,00 7,15 9,40 16,65 9,53 8,35 10,60 10,87 total. 6,63 6,69 6,29 10,42 6,72 7,67 6,50 8,64 8,12 7,38 16,15 8,67 7,68 8,75 8,7Ûli 225 Il est facile, d'après les chiffres de ce tableau, de calculer le poids de l'hyposulfite de sodium éliminé à Tétat de sulfate, afin de contrôler les résultats négatifs fournis par l'analyse des urines. Dans l'expérience d'octobre, la moyenne du sulfate de baryum pro- venant des sulfates naturels, éliminés du 24 au 27, et du 28 au 31 , a été de 6^', 75. Si l'on retranche ce nombre de 10,42 correspondant au jour de l'expérience, on trouve un excès de 3,67. Or le calcul indique que 2 grammes d'hyposulfite de sodium cristallisé correspondent à 3^%758 de sulfate de baryum. La différence entre le nombre théorique 3,758 et le nombre trouvé 3,67 étant très-faible, on peut dire que 2 grammes d'hyposu'fite de sodium cristallisé^ ayant été ingérés dans Ceslomac^ se sont éliminés par les urines à Célat de sulfate presque totalement en un jour. Passons maintenant à l'expérience de novembre. Ici les sulfates na- turels ont augmenté, je ne sais pourquoi, bien que mon régime fût à peu près le même qu'au mois d'octobre. La moyenne du sulfate de ba- ryum, trouvée du 21 au 24 et du 26 au 29, a été de 8,21 au lieu de 6,75. Si l'on retranche 8,21 du nombre 16,15 qui représente le poids du sul- fate de baryum obtenu pendant les vingt-quatre heures qui ont suivi l'ingestion de Ihyposulfite, on trouve 7,94. Ce dernier nombre corres- pond à 4^', 23 d'hyposulfite de sodium, c'est-à-dire à la totalité du sel ingéré moins 0«',77. Retranchons maintenant de la moyenne 8,21 le nombre 8,67, trouvédu25 au 26 novembre, et évaluons la différenceO, 46 en hyposulfite. Nous trouvons le nombre 0,24, qui étant soustrait de 0,77, ramène à 0^',53 le poids de l'hyposulfite non retrouvé. Cette quantité n'est pas négligeable, puisqu'elle forme un peu plus que la dixième partie du sel ingéré. Toutefois, si l'on se rappelle que le sulfate de sodium injecté dans le sang chez un chien à la dose de 14 grammes, a mis trois jours à s'éliminer (voyez Gazette médicale du 24 octobre 1868), on admettra sans difficulté que l'hyposulfite s'étant transformé en sulfate, ce dernier sel s'est éliminé en plus de deux jours, et que par suite Terreur pourrait se restreindre. D'ailleurs, dans le dosage de substances existant normalement dans l'organisme, comme les sulfates, on ne peut arriver qu'à des résultats approximatifs, attendu que l'éli- mination de ces substances introduit une variable dans les problèmes. Néanmoins on peut dire que C hyposulfite de sodium, à la dose de 5 grammes, se métamorphose totalement en sulfate, et que la plus grande partie s élimine dans les vingt-quatre heures qui suivent lin- gestion. Enfin je ferai remarquer que ce sel n'a produit aucun effet purgatif. C'est ce qui devait avoir lieu, d'après ce que j'ai publié antérieurement sur les purgatifs salins introduits dans le sang. Or, dans les expériences C. R. 1868. 15 226 que je viens de rapporter, l'hyposulfite de sodium s'est transformé en sulfate dans la profondeur de l'organisme, de sorte que l'ingestion du médicament a été ramenée en définitive à une injection de sulfate de sodium dans les veines. L'absence d'effets purgatifs après l'administration des sulfites et des hyposulfites avait été déjà remarquée par les médecins qui avaient pres- crit ces sels, mais ils ne connaissaient pas l'explication de ce fait. Travaux antérieurs. — J'ai à citer à ce sujet les noms de trois ex- périmentateurs : Kletzinsky, Polli et Mariano Semmola. Kletzin^ky a étudié l'hyposulfite de sodium, et c'est lui qui a eu le mérite de trouver que ce sel s'oxyde dans l'économie (Voyez Veher die Hypoclilorite, Hyposulfite und die Benzoesaûre in ihrem Ëinflusse, auf den Stoffweclisei, Oestr. Zeilschrift^ n° 41, et CanstalCs Jaliresberic/it, 1858, I, p. 199). Kletzinsky a expérimenté sur lui-même, en prenant pendant quatorze jours de suite une drachme d'hyposulfite de sodium. Il n'a jamais trouvé de sulfure dans ses urines, mais il a vu au con- traire que les sulfates avaient augmenté. 'Voici d'ailleurs les chiff'res qui indiquent les moyennes des résultats obtenus par cet expérimentateur : Urine des 24 heures. Urée. Acide urique. Sulfates. 914 27,86 1,17 2,52 A l'état normal Sous l'influence de l'hy- posulfite de sodium.. . 919 24,62 1,68 6,83 Les résultats numériques qui représentent les sulfates peuvent être critiqués. Scherer fait remarquer d'ailleurs le vague contenu dans l'ex- pression générale de sulfates, sans indication de métal. Il ajoute que Grûner a trouvé 4s',4 de sulfate de potassium, Lehmann 78%02 et 10*',39 de ce même sel dans les urines de vingt-quatre heures. î}uant à moi, je dirai qu'ayant dosé à l'état de sulfate de baryum les sulfates existant nor- malement dans mes urines, j'ai trouvé comme moyenne de mes recher- ches précédentes, et d'autres encore inédites, environ 7 grammes de ce dernier sel, ce qui correspond à 5^', 23 de sulfate de potassium ou à 4«%266 de sulfate de sodium anhydre. On voit que le nombre normal 2,52, cité par Kletzinsky, diffère beaucoup des nombres trouvés par Grûner, Lehmann et par moi-même. Polli a étudié non-seulement les hyposulfites, mais un certain nom- bre de sulfites. Ses recherches ont été faites à un point de vue plutôt thérapeutique que physiologique. (Voy. Bull. gén. de thérap., 1865, et Imparziale.) Il admet que les hyposulfites restent à l'état d'hyposulfites et sont éliminés de cette façon sans passer à l'état de sulfates, ce qui tiàt évidemment inexact. Cette erreur vient sans doute de ce que l'auteur 227 a administré ces sels à haute dose, car, dans ces circonstances , j'ai constaté le passage d'une certaine quantité d'hyposulfile de sodium dans les urines. (Voy. mon exp. 1 sur Chyp. de sod.) Quant aux sulfites, Polli admet qu'ils restent dans le corps à l'état de sulfites, que plu- sieurs heures après lingestion on les retrouve dans l'urine à l'état de sulfites, mais que le lendemain les urines ne contiennent plus de sul- fites, mais au contraire des sulfates. Dans un mémoire communiqué à l'Académie de médecine en 1864, Mariano Semmola n'a rien appris de nouveau sur le mode d'élimina- tion des sulfites. Ce mémoire a trait d'ailleurs principalement à Fac- tion thérapeutique de ce genre de sels. Mais, parmi les conclusions de son travail, Semmola en cite une qui présente de l'intérêt, savoir, que les phénomènes physiologiques d'oxydation continuent, sans altération sensible, sous l'action des sulfites. La quantité d'urée, d'acide carboni- que et de vapeur d'eau. expulsés dans les vingt-quatre heures reste sans aucune variation. Cependant, en jetant les yeux sur les chiffres cités par Kletzinsky, on remarque que l'urée a diminué sous l'influence de l'hyposulfite de sodium. On voit que la question de l'élimination et des métamorphoses des sels précédents était encore indécise, Polli n'étant pas d'accord avec Kletzinsky, à propos des hyposulfites, et admettant que les sulfites s'éliminaient le premier jour à l'état de sulfates. C'est pourquoi j'ai cru devoir étudier cette question à mon tour. Les quelques expériences que j'ai faites avec tout le soin possible me permettent de formuler les conclusions suivantes : 1° Le sulfite et l'hyposulfite de sodium s'éliminent totalement à l'état de sulfates, lorsqu'ils ont été introduits à faible dose dans l'économie. 2° A haute dose, une partie de ces sels s'élimine en nature, pendant les premières heures qui suivent leur absorption. 3° Dans tous les cas, la métamorphose de ces sels commence dès le moment qu'ils ont pénétré dans l'organisme. 4° Le sulfite et l'hyposulfite de sodium ne produisent aucun eff'et pur- gatif. Ce fait s'explique facilement, attendu que ces sels se transfor- ment en snlfate de sodium dans l'organisme, et que j'ai prouvé anté- rieurement que le sulfate de sodium, injecté dans le sang, loin de purger produit de la constipation. -—M. Balbiani présente un strongle géant qui a été trouvé par M. Gréhant dans la cavité péritonéale d'un chien. Lorsqu'il a été remis à M. Bal- biani, il était encore vivant; sa longueur était alors de 86 centim. Après la mort, l'animal s'est allongé ; il présentait alors 92 centim. ; mais 228 après un séjour dans l'alcool, prolongé pendant quarante-huit heures, il n'offrait plus que 74 centim. Son poids était de 40", 8. Le ver était complètement libre dans la cavité péritonéale; il était accompagné de deux individus mâles de la même espèce, mais beaucoup plus petits. Les reins et l'intestin du chien étaient parfaitement à l'état normal, et rien n'indi(]uait que les vers fussent erratiques. M. Balbiani a étudié soigneusement les principaux organes de cetentozoaire.il rappelle que le strongle géant n'a guère été rencontré que chez le chien, le loup, le bison, le bœuf et le cheval, et enfin chez l'homme. Encore les obser- vations, au nombre de vingt environ, qui se rapportent à des strongles de l'homme sont-elles rejetées par Leuckart. Cet auteur pense qu'elles ont toutes trait soit à des lombrics erratiques, soit à des caillots san- guins. Un fait assez récent montre bien la nécessité de soumettre chaque fait particulier à une critique sévère. En 1866, une dissertation a été soutenue à Kiel sur le strongle de l'urine. Or un examen approfondi a démontré ultérieurement qu'il s'agissait dans ce cas d'un caillot, et que les prétendus œufs étaient des spores de lycopode. M. Bert demande à M. Balbiani s'il a pu s'assurer chez le strongle de l'existence d'un système nerveux véritable. Quant à lui, il n'a pu re- connaître par l'examen microscopique, dans les filaments qui ont été décrits par M. Blanchart, autre chose que du tissu fibreux. M. Bert ajoute qu'il serait intéressant de faire quelques expériences sur la re- production du strongle, en introduisant des œufs soit dans le péritoine, soit dans le tube digestif, soit dans le sang d'un chien. — M. Lépine met sous les yeux de la Société un orifice aortique pré- sentant un rétrécissement considérable. Cet orifice est réduit à une fente dirigée presque transversalement (l'extrémité gauche cependant tournée un peu en arrière) ; au lieu des trois valvules qui existent à l'état nor- mal, on ne trouve plus que deux valves, l'une antérieure, l'autre posté- rieure, ayant à peu près les mêmes dimensions. Ces valves sont encroû- tées de sels calcaires formant sur leurs faces supérieure et inférieure des végétations. Elles sont complètement rigides; aussi y a-t-il concur- remment une légère insuffisance. Les parois du cœur gauche sont très- hypertrophiées; la cavité du ventricule gauche présente à peu près ses dimensions normales. La valvule mitrale est saine. Cette lésion appartenait à un homme de 57 ans mort dans le service de U. Lorain. Le malade, interrogé à plusieurs reprises, déclarait n'a- voir jamais eu de rhumatisme ni aucune autre affection aiguë. A l'aus- cultation, on entendait à la base et à la partie moyenne du sternum un double bruit de souffle, celui du premier temps beaucoup plus intense que l'autre qui peut-être même n'était pas constant. Le tracé sphygmo- 229 graphique montrait une ascension extrêmement oblique, et cette obli- quité était telle qu'elle donnait à ce tracé un aspect tout à fait insolite et exceptionnel. Le pouls avait d'ailleurs une certaine ampleur. M. Lépme s'est demandé s'il fallait supposer une malformation con- génitale des valvules du cœur, ou s'il ne valait pas mieux admettre une fusion de deux valvules par suite d'une endocardite. M. Charcot est porté à accepter la deuxième hypothèse. D'après ces observations, les rétrécissements de l'orifice de l'aorte en forme de fente ne sont pas extrêmement rares. II. — Anâtomie. Note sur les cartilages calcifiés; par M. Muron, interne des hôpitaux. Il existe à l'état normal, dans les os de l'organisme, une couche de cartilage calcifié; l'infiltration des sels calcaires a non seulement en- vahi la substance fondamentale, mais encore les capsules cartilagi- neuses. Cette couche, qui se trouve intermédiaire au cartilage articulaire et au tissu osseux pour les os longs, ne se rencontre plus dans les os larges dont le type est représenté par les os de la tête. Partout où il y a du cartilage adhérent à Tos, peu importe du reste la nature du cartilage, que ce soit du cartilage hyalin ou du fibro-cartilage, on trouve une sur- face de séparation, et cette surface est constituée par du cartilage cal- cifié. Ainsi dans les côtes on voit deux points où se trouve ce cartilage, à la partie antérieure, au point d'union des côtes avec les cartilages costaux, et à la partie postérieure, au niveau du cartilage d'encfoû- tement. Ainsi dans les vertèbres, à leur face supérieure et à leur face infé- rieure, il est facile de constater cette couche de cartilage. A quelle période de la vie apparaît-il? Si l'on examine les os du fœtus, on voit que toute l'épiphyse est encore cartilagineuse; le cartilage éniphysaire se continue sans ligne de démarcation avec le cartilage d'encroûtement, et en faisant une coupe il est impossible de saisir une différence entre ces deux parties, qui ne vont pas tarder à être différenciées. En considérant le développement du tissu osseux dans les épi- physes (1), on voit à leur centre un point calcifié représentant la pre- mière phase d'ossification ; à ce premier stade qui est constant dans toute formation de tissu osseux, normal ou pathologique, en succède un (1) Tel qu'il est connu d'après les travaux de IMiiMcr et Ranvicr. 230 deuxième, qui est la médullisation de ce point calcifié, et c est alors de ces éléments médullaires nouvellement formés que dérive le tis?u os- seux. Or cette couche existe pour ainsi dire dès la formation du premier point osseux, car ce point s'agrandissant est sans cesse entouré d'une couche de cartilage calcifié; mais, en réalité, cette couche n'acquiert la forme définitive que lorsque toute lépiphyse se trouve ossifiée, ce qui arrive vers l'âge de 8 à 12 mois. L'épiphyse qui, jusqu'à ce mo- ment, s'était accrue dans tous les sens, ne s'accroît plus que par sa par- tie inférieure, là où elle se trouve en contact avec le cartilage de con- jugaison, et l'on peut considérer dès lors cette couche comme de l'os avorté, s'étant arrêté à sa première phase. Toutefois nous ne voulons établir aucune comparaison entre un tissu calcifié et un tissu ossifié. Cette couche offre une limite de démarcation très-nette soit du côté du cartilage, soit du côté de l'os ; mais vers le cartilage cette ligne est à peu près horizontale, tandis qu'elle présente des ondulations du côté du tissu osseux. On constate des prolongements offrant un aspect à peu près identique aux papilles dermiques; il y aurait là comme des pa- pilles osseuses. Son épaisseur varie entre O"",! et 0""°',2; mais d'après la description que nous venons d'en donner, cette épaisseur n'est pas atteinte dans quelques points au niveau du sommet des papilles osseuses. Lorsqu'on l'examine au microscope, on voit des masses noires se dessi- nant très-nettement au milieu d'une substance fondamentale finement grenue et présentant le même volume et la même direction que les cel- lules profondes du cartilage d'encroûtement; leur grand axe se trouve en effet perpendiculaire à la surface articulaire. La glycérine rend ces corpuscules encore plus apparents, et ils persistent indéfiniment avec le même aspect, contrairement à ce qui se passe pour les cavités os- seuses, qui deviennent au bout de quelques heures tout à fait transpa- rentes. L'acide chlorhydrique les décalcifie complètement et les rend transparents ; mais pour savoir s'il y a dans leur intérieur des éléments cellulaires, il suffit d'ajouter de l'acide picrique après avoir décalcifié et lavé. On constate alors que dans chaque capsule il existe 1, 2 ou 3 élé- ments cellulaires absolument identiques à ceux qui existent dans le cartilage hyalin. Il y a peut-être une différence, c'est qu'ils ne sont pas entourés d'une capsule secondaire dans l'intérieur de la capsule mère (1) ; à part cette différence, ils ont la même constitution, repré- (1) Ce fait avait été noté par M. Ranvier, qui avait établi d'une façon générale que les capsules secondaires manquaient chaque fois que la capsule mère s'infiltrait de sels calcaires. {Journal phys. Brown-Sé- quart, 1862.) 231 sentée par une masse de protoplasma au milieu de laquelle se trouve un noyau. Ce dernier point est important à signaler, car on peut dire que c'est une couche vivante et nullement un corps inerte déposé au milieu des tissus. A vrai dire, la vitalité de celte couche n'est pas aussi grande que celle du cartilage et de Tos, comme nous le démontrerons par des faits pathologiques; mais la présence d'éléments cellulaires permet d'afSrmer sa vitalité. Ce cartilage calcifié présente une certaine friabilité; il se casse plus facilement que l'os sur la pierre ponce, et l'on peut dire par cela même que son élasticité est moindre que celle du tissu osseux. Cette couche de cartilage ne subit aucune modification dans les lé- sions du cartilage et de l'os, voilà le fait que nous allons essayer de prouver. C'est une sorte de revêtement protecteur, du moins pour un certain temps, limitant l'inflammation et l'empêchant de passer au tissu osseux dans le cas d'arthrite primitive, ou au cartilage dans le cas d'os- téite primitive. Tous les faits dont nous allons parler ont été recueillis dans le service de notre maître, M. Trélat. Nous avons eu l'occasion d'observer un cas d'élimination spontanée du scaphoïde à la suite d'un phlegmon diffus de la main et du poignet ; l'élimination s'était faite une vingtaine de jours après le début du phlegmon. Sur aucune de ses faces articulaires le cartilage n'existait; on trouvait une face polie, ressem- blant à de l'os. Une coupe pratiquée sur cet os et comprenant ses deux faces articulaires principales, démontra que le cartilage calcifié avait persisté dans toute son intégrité. Sur la face correspondant à l'articu- lation radio-carpienne, aussi bien que sur la face correspondant à l'ar- ticulation médio-carpienne, cette couche existait et n'avait subi aucune modification ni dans son épaisseur ni dans sa structure. Quant au tissu osseux, l'examen attentif ne nous a démontré aucune lamelle osseuse sectionnée, rien en un mot qui indiquât une ostéite raréfiante. Ce même malade, deux mois plus tard, rendait encore, par un des trajets fistuleux de la région carpienne, un séquestre simulant une la- melle osseuse détachée de la tête du grand os. Ce séquestre offrait une convexité et une concavité, et ses deux surfaces étaient parallèles. Du côté de la concavité se trouvait un tissu osseux aréolaire, dont la blan- cheur contrastait manifestement avec la teinte jaunâtre de toute la la- melle. Il s'agissait ici d'une élimination, sous forme de séquestre, de tout le cartilage calcifié revêtant la tête du grand os. Les capsules de cartilage avaient conservé leur calcification et n'offraient aucune modi- fication. "Voici maintenant une extrémité de phalange enlevée à la suite d'une plaie contuse de la région. L'os enlevé présentait des traces manifestes d'ostéite, à n'en juger qu'à l'œil nu ; des trous nombreux existaient à sa 232 surface ; l'os était devenu lui-même plus vasculaire et moins consistant. Tout le cartilage articulaire avait disparu, mais le cartilage calcifié exis- tait encore et formait une couche continue avec son volume habituel. Nous avons encore trouvé cette couche dans toute son intégrité sur la surface antérieure de l'astragale. A la suite d'une amputation de Cho- part, le malade meurt au vingt-cinquième jour ; le cartilage articulaire avait complètement disparu. Quand on vient à examiner cliniquement un malade atteint d'arthrite suppurée, on constate au bout de très-peu de temps, dix à douze jours, que les surfaces articulaires sont dépouillées de leur cartilage, et l'on sent alors un frottement osseux. Prenons, par exemple, l'arthrite suppurée du gros orteil à la suite d'une inflammation de la bourse muqueuse avoisinante, les faits que nous venons de signaler se constatent avec la plus grande facilité. Ce frottement osseux se produit comme s'il s'agissait de deux corps à sur- face unie qui se trouvent en contact; c'est qu'en eff'et les surfaces sont représentées par ce cartilage calcifié, et l'on comprend dès lors pour- quoi l'on n'a nullement la sensation de lamelles osseuses brisées, comme cela devrait avoir lieu si l'on pressait l'un contre l'autre le tissu spon- gieux enflammé des extrémités osseuses. Le frottement de ces surfaces calcifères persiste longtemps, deux mois et même plus; après sa disparition, le tissu osseux véritable des extrémités finit par se souder avec le tissu osseux ; il se produit là un vé- ritable cal articulaire, désigné sous le nom d'ankylose os-euse. Dans ces cas d'ankylose osseuse, ce cartillage calcifié a disparu complètement, les lamelles osseuses sont continues d'un os à l'autre, et il est même impossible de trouver la ligne de séparation des deux os. Extérieurement les os sont encore un peu distincts, mais dans l'intérieur, la fusion des lamelles osseuses est telle qu'on ne peut dé- terminer ni à l'œil nu ni au microscope ce qui revient à tel ou tel os. Ces phénomènes étaient surtout frappants dans un cas d'ankylose de la hanche survenue à la suite d'une coxalgie supi urée. Nous désirons encore rapporter un cas assez curieux, relatif à cette couche de cartilage; il s'agissait d'un décollement du cartilage articu- laire de l'extrémité inférieure du tibia survenu à la suite d'une chute d'un premier étage, s'accompagnant de fracture compliquée du tibia. En examinant avec soin les surfaces décollées, on sentait du côté du cartilage comme une surface muqueuse: ce qui attestait que ce n'était pas un décollement absolu du cartilage. Or des coupes pratiquées sur les fragments ont démontré qu'il existait une portion de cartilage cal- cifié sur la surface cartilagineuse, une portion de cartilage calcifié sur la surface osseuse, en d'autres termes que le décollement s'était pro- 233 duit dans l'épaisseur du cartilage calcifié. Le même fait se reproduit dans les décollements épiphysaires. Ce n'est jamais au centre du car tilage de conjugaison que se produit la rupture, mais bien dans l'é- paisseur du cartilage calcifié qui se trouve soit du côté de Tépiphyse, soit du côté de la diaphyse; c'est en réalité un décollement pré-épi- physaire ou pré-diaphysaire. Des faits qui précèdent, nous croyons pouvoir tirer les conclusions suivantes : 1° Les capsules de la couche de cartilage calcifié renferment dans leur intérieur un ou plusieurs éléments cellulaires; ce fait permet d'affirmer la vitalité de cette couche. 2° Cette couche peut être considérée comme de l'os arrêté à sa première phase, et formant une sorte de revêtement protecteur soit à l'os, soit au cartilage. 3° Cette couche de cartilage persiste très-longtemps à la surface du tissu osseux. Le cartilage diarthroïdial peut disparaître complètement et cette couche exister encore sans avoir subi aucune modification; le tissu osseux peut être atteint d'ostéite raréfiante, et cette couche reste adhérente à l'os. 4° Elle peut disparaître par deux mécanismes ou bien par absorption dans le cas d'ostéite peu intense; mais longtemps prolongée; c'est ce qui se produit dans les arthrites chroniques se terminant par anky- lose, ou bien par élimination en fragments plus ou moins volumi- neux si l'inflammation est intense, c'est ce que l'on voit dans l'ar- thrite suppurée communiquant à l'extérieur. 5° Cette couche doit disparaître pour qu'il y ait ankylose osseuse, pour qu'il y ait fusion des lamelles osseuses d'un os à l'autre. 6° Le défaut d'élasticité de cette couche nous explique très-bien le phénomène anatomique de séparation du cartilage d'avec l'os, se produisant dans son épaisseur. Séance du 26 décembre. M. Prompt communique le résultat de quelques expériences qu'il a faites sur des lapins dans le but d'éclairer le mécanisme de l'hyperémie des organes consécutive à l'oblitération de leurs artères. Il fait la liga- ture de l'une des artères rénales et laisse vivre l'animal deux heures, après quoi il le sacrifie par la ligature de la trachée. Alors il procède à l'autopsie, et constate que le rein du côté de la ligature est hype- rémié dune manière notable, tandis que celui du côté opposé ne l'est pas. M. Prompt se réserve de fournir ultérieurement l'interprétation de ces résultats. LIBRAB 234 M. GuBLER explique 1 hyperémie du rein dont l'artère est liée par les deux causes suivantes : 1° La suppression de la vis atcrgo, 2" La paralysie vaso-motrice résultant de la ligature concomitante des nerfs vaso-moteurs. M. MoREAu rappelle qu'il a lié l'artère splénique ou l'une de ses branches, et qu'il a toujours constaté une hyperémie totale dans le premier cas, partielle dans le second, qu'il explique par le reflux du sang veineux. De même, après la ligature des artères mésentériques, il a constaté de visu qu'au-dessous de la ligature il se fait un reflux de sang noir. M. Prévost se demande si la strangulation ne favorise pas le reflux du sang veineux. Il voudrait qu'on sacrifiât l'animal par un autre pro- cédé. M. Legros voudrait qu'on tînt compte des anastomoses entre les vais- seaux du rein et ceux des organes voisins. L — Physiologie. l'» Note relative aux fonctions gustatives du nerf lingual; par le docteur J. L. Prévost (de Genève), membre correspondant de la Société de biologie. La communication que je fais aujourd'hui à la Société de biologie doit être complétée et détaillée plus tard, mes expériences n'étant pas encore toutes achevées. Dans ses leçons sur la physiologie de la digestion, M. Schiff étudie avec soin, et au moyen de nouvelles expériences, les fonctions gusta- tives du nerf lingual. En résumé, il remarque : l°Que la section intracrânienne du nerf trijumeau abolit le goût dans la partie antérieure de la langue; 2° Que le même résultat est obtenu par la section du nerf lingual faite au niveau de son union avec la corde du tympan et d'autres pe- tites branches nerveuses que le lingual reçoit au même niveau; 3' Que la section du nerf lingual, faite au niveau de sa sortie et la base du crâne, n'abolit pas le sens du goût. Il faudrait donc, comme le remarque M. Schiff, que les filets gusta- tifs, unis d'abord au trijumeau, quittassent le lingual avant sa sortie du crâne, pour s'unir plus bas à ce nerf. Ces conditions ne peuvent être remplies que par les fibres qui traversent le ganglion sphéno-palatin, et qui vont par l'intermédiaire du nerf vidien former une anastomose entre le trijumeau et le facial. ^35 M. Schiff enlève alors, chez des chats et des chiens, le ganglion sphéno-palatin; chez d'autres, il sectionne le nerf vidien et un autre ûlet émergeant de la partie postérieure du ganglion; chez d'autres, il sectionne ou résèque les branches nerveuses sur lesquelles repose le ganglion sphéno-palatin, A la suite de toutes ces expériences, il ob- serve, dit-il, une abolition de sens du goût avec conservation de la sensibilité générale de la partie antérieure de la langue où se distribue le nerf lingual. Dans les expériences d'ablation de ganglion sphéno-palatin, qui ont fait le sujet d'un mémoire publié dans le Journal de physiologie de MM. Brown-Séquard, Charcot, Vulpian, je n'avais pas cherché avec soin à me rendre compte des modifications qui pouvaient survenir dans le sens du goûta la suite de ces expériences. Mais j'avais remarqué l'absence de dégénération du nerf vidien à la suite de l'ablation du gan- glion, fait qui semble contraire à l'opinion de M. Schiff, car lesfibres qui selon lui suivraient un trajet rétrograde devraient dégénérer. Pendant un séjour que j'ai fait à Berlin l'été dernier, j"ai répété avec M. le professeur Rosenthal les expériences de M. Schiff, et sur plusieurs chiens que nous avons opérés, nous n'avons pu saisir de modification dans le sens du goût à la suite de l'opération. Comme l'examen des sens du goût est chose difficile et délicate, je ne considère pas mes conclusions comme définitives. J'ai opéré au- jourd'hui deux chiens avec M. le docteur Jolyet, et nous communique- rons plus tard le résultat définitif que nous donneront ces deux nou- velles expériences. 2° Considérations sur l'anesthésie dite galvanique; par M. Magitot. Dans une séance du mois de novembre 1867, une communication fut faite à la Société de biologie sur C extraction des dents sans douleur par ^électricité locale. L'auteur de cette communication est M. Pallas, élève adjoint à l'hôpital Saint-André de Bordeaux (1). Nous regrettons vivement de n'avoir pu assister à cette séance, où nous n'eussions pas manqué de demander la parole pour présenter quel- ques remarques au sujet des assertions de l'auteur qui tend à considérer comme démontrée l'action anesthésique du courant galvanique. Afin de réaliser le passage du courant électrique exclusivement pen- dant l'opération pratiquée, M. Pallas a apporté aux instruments des modifications qui ont pour résultat d'interrompre ce courant lorsque ceux-ci sont à l'état de repos, et de rétablir sa continuité par la simple (1) Voyez Comptes rendus des séances, année 1867, p. 181. 236 pression du doigt sur un boulon ou un anneau suivant la forme de lin- strument lui-même. Ces procédés sont assurément fort ingénieux; mais nous ferons re- marquer d'abord que lu même résultat était parfaitement réalisé dans les expériences antérieures, ou tout au moins dans celles qui nous sont personnelles, le courant n'étant établi rigoureusement qu'au moment de Topération par la réunion confiée à un aide de l'un des réophores à l'ap- pareil électrique. Mais là d'ailleurs n'est pas la question sur laquelle nous désirons appeler l'attention : nous ne voulons discuter ici que les effets du courant galvanique lui-même. Nous avons entrepris en 1859 une longue série d'expériences, aussitôt qu'a été apportée en France la nouvelle de la prétendue découverte de l'action anesthésique du courant galvanique. Les résultats de ces expé- riences ont été l'objet de communications à l'Académie de médecine par nos regrettés maîtres Velpeau et Robert. Nous en avons publié per- sonnellement une courte relation dans le même temps dans la Gazette DES HÔPITAUX, et un résumé de ces faits a été inséré dans la dernière édi- tion du livre de Jamain {Petite chirurgie^ 4* édition, 1864, p. 749). De ces expériences, il résultait bien clairement que dans les opéra- tions faites à l'aide du courant galvanique — ouverture d'abcès, abla- tion d'ongle incarné, extraction dentaire, etc., — aucun effet anesthé- sique n'était constaté : ou la douleur restait la même, ou elle était accrue par le passage du courant. Dans quelques cas toutefois, par une sorte de distraction, la sensation électrique se substituait à la douleur relativement faible de certaines opérations. Il est d'ailleurs de la plus simple évidence pour tout esprit non prévenu que le courant galvanique, appliqué sur des parties saines du corps à titre de simple expérience, ne produit jamais d'effet anesthé- sique, si ce n'est toutefois après un temps assez prolongé et alors que le système nerveux sensitif éprouve localement des modifications par- ticulières et une sorte d'hyposthénisation bien connues des physiolo- gistes. Des résultats de ces expériences rendues publiques à la Charité et à l'Hôtel-Dieu, la conviction s'était faite rapidement à cette époque dans tous les esprits qu'il n'y avait rien à attendre du nouveau moyen proposé. M. Pallas, qui ne rapporte d'ailleurs aucune expérience précise, pa- raît avoir borné l'application du courant galvanique à l'extraction des dents. Or nous dirons de suite que cet ordre d'opérations nous paraît être assurément celui qui convient le moins à fixer la conviction en raison de la variabilité considérable que, dans la pratique ordinaire, présentent ces résultats au point de vue de la durée et de l'inten- 237 site de la douleur produite. Et puis est-il admissible que l'anesthésie se produise pendant une extraction dentaire à l'exclusion de toute autre opération? Lorsqu'il s'agit d'apprécier la nature et le degré de douleur produits pendant une opération chirurgicale, il nous paraît nécessaire de tenir compte d'un certain nombre de conditions indispensables à une saine interprétation des phénomènes. Les conditions sont : la nature de la lésion'de l'organe sur lequel porte l'opération ; la forme et le mode d'application de l'instrument ; la durée de l'opération; le tempérament et la susceptibilité du sujet, etc. Or, dans la relation d'expériences sur l'anesthésie galvanique pu- bliées par beaucoup d'auteurs, aucune étude de ce genre n"a été faite. Ce reproche s'adresse tout particulièrement aux faits d'extraction den- taire. M. Palias, dans sa communication, semble dire que l'action anesthé- sique porte spécialement sur la pulpe dentaire et les rameaux nerveux qui s'y rendent par le sommet des racines, rameaux dont la rupture causerait la plus vive douleur ; mais il faut remarquer que dans un grand nombre d'extractions par suite de carie, la pulpe et ses ramifi- cations vasculaires et nerveuses ont complètement disparu. Le périoste représente les seuls moyens d'adhérence de l'organe. Les dents présen- tent ainsi parla variété de leurs altérations autant de conditions diffé- rentes à la production de la douleur qui parfois très-vive, peut être très-faible ou même nulle, ainsi que nous en avons recueilli un cer- tain nombre d'exemples. Il en est de même d'ailleurs de toutes les opérations chirurgicales que certains malades supportent sans se plaindre, tandis que d'autres éprouvent des sensations plus ou moins violentes. Aujourd'hui donc, comme autrefois, nous opposons encore à l'action anesthésique du courant galvanique, tel qu'il a été et qu'il est em- ployé, une dénégation absolue, jusqu'au jour où des expériences pré- cises détaillées et rigoureuses nous auront démontré, contrairement à tous les faits observés jusqu'ici, la réalité de ces effets. — M. Rabuteau a constaté que les iodures diminuent l'excrétion de l'urée dans la proportion de 40 pour 100. Il pense que cette action peut expliquer les bons effets de l'administration de Tiodure de potassium dans le rhumatisme. A ce point de vue, il voudrait rapprocher l'iodure de potassium de l'arsenic. Les bromures n'ont pas une action semblable. — M. Rabuteau a fait de nouvelles expériences confirmatives des résultats qu'il a déjà signalés quant à la constipation produite par l'in- jection dans les veines de petites doses de phosphate de soude. 238 II. — Thérapeutique. De l'innocuité des sels de strontium comparée a l'activité du chlorure DE BARTUM ; par M. Rabuteau. Les propriétés chimiques du baryum et du strontium présentent de si grandes analogies que longtemps les chimistes ne surent distinguer d'une manière précise les sels de ces métaux dans leurs solutions. Cette analogie existe-t-elle entre leurs propriétés biologiques? Nullement, et l'on peut aflBrmer que l'expérimentation physiologique est un moyen certain de les distinguer les uns des autres. C'est ce qui résulte des expériences suivantes. 1" Jai injecté dans les veines d'une patte antérieure, chez un chien de taille ordinaire, 0^^272 de chlorure de strontium anhydre dissous dans 25 grammes d'eau distillée. Ces 272 milligrammes de sel conte- naient 15 centigrammes de métal. Les effets ont été nuls]; l'animal a mangé de la viande avec avidité un quart d'heure après l'injection, et la santé s'est conservée intacte les jours suivants. 2° Huit jours plus tard, j'injecte dans les veines de ce même chien une dose double du sel précédent dissous dans 40 grammes d'eau. L'a- nima^ n'a guère paru gêné par cette injection et sa santé a encore été conservée. 3° Je dissous, dans 25 grammes d'eau distillée, 0^',267 de chlorure de baryum cristallisé BaCP + 2H'0, et j'injecte cette solution dans une veine d'une patte antérieure chez un chien de taille moyenne. Les 267 milligrammes du sel de baryum contenaient, comme dans la pre- mière expérience avec le sel de strontium, 15 centigrammes de métal. L'injection avait duré environ quinze secondes. A peine était-elle terminée que l'animal éprouva des convulsions et poussa des cris. Il était mort une minute plus tard. Ce que j'ai noté comme remarquable, ce furent des contractions fibrillaires sur le tronc et sur les membres. Ces contractions produi- saient des ondulations analogues à celles que produit le vent dans un champ de blé. Elles diminuèrent au bout d'un quart d'heure dans le train antérieur de l'animal et se réfugièrent dans le train postérieur, puis dans les pattes. Néanmoins on pouvait encore les réveiller sur le tronc en le touchant légèrement. Enfin, quarante-cinq minutes après la mort, elles disparurent tout à fait. Il s'est produit sans doute une élévation de température due à ces contractions fibrillaires; ce qui me le fait croire c'est que l'animal est resté chaud pendant plus de temps que d'ordinaire. Malheureusement je n'ai pu à ce moment constater avec le thermomètre cet accroisse- 239 ment probable de la température. Cette dernière expérience, ainsi que d'autres que j'ai faites avec le carbonate et le fluorure de baryum, prouve suffisamment les effets toxiques des sels de baryum, ce qui était déjà connu. — M. LiouviLLE communique l'observation d'une malade morte d'une gangrène de la jambe dans le service de M. Vulpian à la Salpêtrière. L'artère tibiale postérieure présente une endartérite scléreuse ayant réduit le calibre du vaisseau au diamètre d'un fil. La poplitée était oblitérée par un caillot. M. Vulpian insiste sur le mécanisme de l'oblitération de la poplitée qui est postérieure à l'oblitération de la tibiale. La gangrène n'est sur- venue que par suite de l'oblitération de la poplitée. M. Charcot demande si l'on a remarqué pendant la vie de la malade une rigidité des muscles. Il rappelle qu"il a eu deux fois l'occasion d'ob- server au membre supérieur une rigidité des muscles qui meuvent la main consécutive à l'oblitération de i'humérale et tout à fait assimi- lable à la rigidité que les physiologistes produisent dans leurs expéri- mentations. Naturellement lorsque cette rigidité a lieu pendant la vie elle manque après la mort, M. Charcot pense que ce phénomène ne se produit peut-être que lorsque l'oblitération des vaisseaux artériels d'un membre est absolue. — M. LE Président nomme la commission chargée d'examiner les tra- vaux envoyés pour le prix Godard. Elle se compose de MM. Balbiani, Charcot, Giraldès, Moreau, Vulpian. FIN DES COMPTES RENDUS DES SEANCES, MÉMOIRES LUS r- r A LA SOCIETE DE BIOLOGIE PENDANT L'ANNÉE 1868. DE LA LEUGOGYTHÉMIE AIGUË DANS LA RÉSORPTION DIPHTÉRITIQUE Note lue à la Société de biologie PAR M. E. BOUCHUT Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Paris, médecin de l'hôpital des Enfants malades, etc. L'histoire de la cachexie leucocythémique semble complète, et sous ce rapport les recherches de Bennett et de Virchow laissent bien peu de chose à désirer. Mais à côté des leucocythémies chroniques déterminées par les maladies des ganglions lymphatiques de la rate et du foie, il y a la leucocythémie des maladies aiguës purulentes, sur laquelle j'ai appelé l'attention des observateurs il y a quelques années (1), et dont l'étude est à peine commencée. Plusieurs faits ré- cemment observés dans le cours de quelques diphtérites graves vont me permettre de reprendre la question, et l'uni de ces faits, notam- (1) Voir le chapitre intitulé : De la leucocythémie aiguë. Traité des maladies des enfants, Paris, 1868, 5* édition, p. 892. 4 ment celui que je vais rapporter, me paraît digne du plus grand in- térêt. J'avais admis dans mon mémoire sur h fièvre puerpé7'ale,puh\\éen 1844, que la présence des leucocythes constatée dans le sang de cette maladie était un indice de pyohémie. Mais Virchow a considéré cette interprétation comme étant mauvaise. Tout en admettant le fait de leucocythose dans la pyohémie, il l'explique en disant que cette pré- sence de leucocythes dans le sang est le résultat d'une hématopoièse due à l'incitation des ganglions lymphatiques. Néanmoins Virchow déclare que sa manière de voir n'est qu'une hypothèse ayant pour lui l'avantage de s'appliquer à tous les cas de pyohémie et de non- pyohémie où le sang renferme des leucocythes. (Page 166, 2' édition française.) Je suis bien aise que Virchow ait considéré sa manière de voir comme une hypothèse, car cela me laisse la liberté de m'en tenir à celle que j'ai émise. Hypothèse pour hypothèse, du moment où M.Vir- chow, d'accord avec les histologistes, déclare ne pouvoir reconnaître un globule de pus d'avec un globule blanc du sang ou leucocythe, je crois que lorsque la clinique me démontre l'existence d'une intoxica- tion purulente avec hyperleucocythémie, il est plus rationnel de voir dans ces leucocythes des cellules de pus plutôt que des globules blancs normaux. Lors donc que dans la fièvre puerpérale, dans la morve aiguë, chez les opérés qui meurent de résorption purulente, dans le croup et dans l'angine couenneuse avec résorption diphtérique, et dan s toutes les intoxications purulentes graves, on trouve une hyperleucémie accompagnée de purpura des séreuses, d'apoplexie pulmonaire in- filtrées de noyaux d'infiltration purulente des poumons entourés d'a- poplexie pulmonaire, d'abcès miliaires du poumon ou du tissu cellu- laire, enfin de noyaux dinfiUration hémorrhagique du foie ou des reins, on est autorisé à voir là des exemples de résorption purulente. Fièvre puerpérale, morve ou diphtérite, les lésions sont à peu de chose près les mêmes que chez les opérés qui succombent à l'intoxi- cation purulente. Si Ton trouvait les^ lésions dont je parle et que j'ai rencontrées dans la diphtérite sur le cadavre d'un sujet récemment opéré, on n'hésiterait pas à conclure en faveur d'une pyémie. Pour- quoi donc ne pas conclure de même lorsqu'il s'agit d'une maladie qui, comme la diphtérite, tue les malades par un empoisonnement 53 du sang dont personne ne conteste la réalité? Ainsi ai-je fait jusqu'à ce jour. C'est contre cette doctrine que Virchow s'élève par une simple hy- pothèse. Il me semble que ce n'est pas assez. L'anatomie patholo- gique qui ne tient pas un compte suffisant des données de la clinique est sujette à erreur, et là où les symptômes révèlent une intoxica- tion par le pus traumatique morveux, puerpéral, diphtérique ou autre, si les viscères renferment des métastases purulentes avec pyohémie, il faut des preuves matérielles et non une hypothèse pour dire qu'il n'y a pas résorption de pus. Je sais bien que Virchow a été conduit à cette hypothèse par les faits qu'il croit vrais, r de l'obstacle mis au passage du pus par les ganglions lymphatiques formant barrière infranchissable (page 161), et 2° de la thrombose des veinules adjacentes d'une partie en sup- puration faisant obstacle à la résorption purulente veineuse. De là à l'idée d'attribuer les métastases cuites purulentes à des embolies ca- pillaires formant des infarctus, et la pyohémie dont j'ai parlé (1) à une hyperleucocythémie normale, il n'y a qu'un pas. Les affirmations de Virchow sont peut-être vraies, mais quant à présent ce ne sont encore que des hypothèses. On parviendra peut- être à en faire une démonstration qui les transforme en vérités in- contestables. Mais aujourd'hui, de l'aveu même de leur auteur, il n'y a là que des vues de l'esprit. Pour moi, je crois que des éléments du pus, fragments de cellules, noyaux ou nucléoles, peuvent être ab- sorbés, empoisonner le sang et produire des désordres là où ils se fixent. Comme l'a établi M. Lortct, des leucocy thés peuvent même pas- ser en nature à travers les membranes à l'aide de leurs mouvements amiboïdes. Par conséquent il y a des arguments anatomiques et des expériences concluantes à opposer à la théorie de l'hématopoièse leu- cémique. En admettant même que les dénégations de Virchow aient toute l'importance qu'il leur accorde, on peut encore dire que, à côté de cette manière de voir, la clinique ne jugeant que par l'observation des phénomènes, peut encore croire que les ganglions ne sont pas une barrière infranchissable au pus, puisqu'elle sait que les cor- Ci) Traité des maladies des enfants, article Leucocy thémie, 5* édi- tion. 6 puscules ou mieux les principes du cancer, du tubercule, de la mé- lanose, ceux du pus, de la morve les traversent et vont faire des métastases pulmonaires et viscérales tuberculeuses, mélaniques, cancéreuses, chondroïdes, morveuses, etc. Elle peut aussi appliquer son raisonnement à l'absorption des principes du pus par les veines, et dire qu'on abuse un peu de la thrombose et de Tembolie capillaire quand on affirme que dans l'intoxication purulente des opérés ou des femmes en couche, et dans la résorption diphtérique, des caillots se forment toujours dans les veinules adjacentes aux plaies pour empê- cher les principes éléments du pus d'entrer dans les veines. Quoi qu'il en soit, et sans vouloir contredire l'anatomie patholo- gique par la clinique, ni me prononcer définitivement pour l'une ou pour l'autre de ces doctrines opposées qui réclament de sérieuses études et l'appui d'un supplément de preuves, je vais rapporter un fait de résovpiion diphtérique consécutif au croup et ayant produit la leucocythémie aiguë, l'albuminurie, le purpura, l'apoplexie pulmo- naire par infiltration, les noyaux apoplectiques du rein et les noyaux de suppuration pulmonaire infiltrée. J'incline à croire que c'est là un cas de pyohémie diphtérique, mais, je le répète, ce fait, comme tous ceux qui ont été recueillis dans mon service, n'est qu'un appel à la controverse du problème de la leucocythose pathologique. CROUP, ANESTHÉSIE, TRACHÉOTOMIE, RÉSORPTION DIPOTHÉRITIQUE, ALBUMINURIE, LEUCOCYTHÉMIE, MORT, AUTOPSIE. Obs. — Philiberte Régnier, âgée de 5 ans, entrée le 13 mai 1868, au n" 1 de la salle Sainte-Catherine à l'hôpital des Enfants malades, dans le service de M. Bouchut. Le 8 mai, l'enfant a été prise d'un petit rhume qui a continué les jours suivants. Le 5, il y a eu de l'enrouement qui a fait croire à l'existence du croup. Tous les jours le médecin a donné un vomitif à l'ipécacuanha et cepen- dant la respiration s'est embarrassée davantage; il y a eu un accès de suffocation le 12. Le 13, il s'est produit de la cyanose, une dyspnée excessive, avec sifflement laryngo-trachéal et une demi-anesthésie. C'est dans cet état qu'on l'a amenée à l'hôpital. Elle fut aussitôt opé- rée, ce qui lui a fait rendre quelques lambeaux de fausses membranes. Elle a été rapidement soulagée; la nuit a été calme, mais elle a beau- coup toussé; la résonnance de la poitrine est bonne et il y a partout 7 des ràles muqueux abondants. Un peu de soif, un peu dappétit; trois selles en diarrhée. Pouls, 140. Looch blanc. Sous-nitrate de bismuth, 3 gramm. Sirop diacode, 10 gramm. 15 mai. L'enfant a beaucoup toussé et a été très- gênée à respirer cett© nuit. Le matin en toussant, elle a rendu un large et mince lambeau de fausse membrane. La résonnance de la poitrine est bonne, mais l'air ne pénètre pas complètement. On entend un bruit bronchique sans murmure vésiculaire. Pas de vomissements, pas de diarrhée, un peu d'appétit; urine extrêmement albumineuse, précipitant aux deux tiers; pouls, 150. Le sang renferme 140 à 160 leucocythes par préparation. Même prescription. 18. L'enfant est à peu près dans le même état, ayant toujours beau- coup d'albumine et de leucocythémie. Elle tousse beaucoup, et cette nuit elle a eu un accès de suffocation pendant lequel elle a rendu un gros paquet de fausses membranes venant des bronches. Dans la fosse sous- épineuse droite, il y a du souffle et du retentissement de la voix. Peau très-chaude; fièvre vive. 160. Même prescription. Potages. 19. L'enfant est restée hier jusqu'à trois heures sans canule; elle tousse peu, n'a pas rendu de nouvelles fausses membranes. La matité du côté droit est moins forte, le souffle moins évident; mais les deux poumons sont remplis de râles disséminés, surtout à gauche. L'enfant a un peu d'appétit; pas de diarrhée. Fièvre très-vive; 164. Méiiie prescription. Deux potages. 20. Même état : l'albuminurie persiste, mais la leucocythémie semble avoir un peu diminué. On ôte la canule. 21. Depuis hier l'enfant est sans canule. Elle tousse gras, avec ex- pectoration par l'ouverture trachéale de muco-pus sans fausses mem- branes; un peu de diminution du son dans toute la partie postérieure gauche, et en ce point, souffle bronchique considérable. Le souffle existe également sous la clavicule, adroite en arrière le souffle est très-faible. Pas de diarrhée, peau chaude, pouls 160. Même état d'albuminurie et de leucocythémie. 22. Hier, à midi, l'enfant asphyxiait; il a fallu remettre la canule; de- puis lors l'enfant est un peu mieux, ne tousse pas trop; elle a toujours dans la partie inférieure et postérieure des deux poumons un souffle bronchique plus considérable à gauche. Soif fréquente, pas de vomisse- ments, pas de diarrhée; le pouls 156; les urines sont toujours albumi- neuses. La leucocythémie persiste; il y a 90 à 100 globules blancs par prépa- ration sur chacun aes points où l'on arrête les plaques de verre. Potion avec extrait de quinquina, 1 gramme. îd. La journée d'hier s'est passée au milieu d'une assez grande agita- tion, avec toux assez fréquente; un peu de dyspnée, mais sans qu'il y ait imminence de suffocation. Ce matin l'enfant s'est affaissée et elle a succombé vers six heures, peu de temps avant la visite. Le sang extrait du bras présente des globules rouges dentelés et altérés avec un grand nombre de globules blancs. AoTOPSiE, vingt-huit heures après la mort. Le larynx ne renferme plus de fausses membranes, sa muqueuse est rougeâtre, couverte de mucus, et les cartilages arythénoïdes ainsi que les replis épiglottiques sont très-tuméfiés. La trachée et les bronches renferment une petite quantité de muco- pus rougeâtre, et la muqueuse, rouge, ramollie, ne présente pas de fausses membranes. La plèvre présente çà et là, à droite et à gauche, sur les côtes et sur le poumon, une mince exsudation fibrineuse, déterminant quelques adhérences, surtout entre les lobes du poumon. Là où il n'y a point d'exsudation il y a des taches hémorrhagiques de purpura extrêmement nombreuses. Les poumons offrent du côté droit, dans le lobe supérieur, en arrière, une congestion générale rosée lie de vin, et au milieu de ce tissu, quelques noyaux durs noirâtres assez résistants, friables, d'apoplexie pulmonaire par infiltration sanguine. A la base de ce lobe, sous la plèvre, existe une tache d'un blanc jaunâtre, irrégulière, large d'un demi-cen- timètre, entourée d'une zone noirâtre, large de 1 centimètre. C'est un lobule de poumon, résistant, hépatisé en gris, entouré d'apoplexie pul- monaire. A la coupe le tissu est grenu, grisâtre, friable, donnant lieu par raclage à un liquide crémeux purulent, comme serait du pus infiltré. Au microscope, on trouve un mélange de leucocythes et de cellules épithéliales granulo-graisseuses. Dans le lobe inférieur, au milieu d'un tissu compact, assez fortement congestionné, se trouvent deux noyaux jaunâtres semblables au pré- cédent, ayant même consistance, même apparence et même structure histologique ; mais la zone noire qui les entoure est infiniment moins grande que dans le premier noyau que j'ai décrit, et il y a aussi, surtout vers le bord postérieur, des noyaux d'infiltration apoplectique noire, variant du volume d'un pois à celui d'une noisette. Au milieu de ces lobules apoplectiques existent des lobules qui sont durs et gris rosés, grenus à la coupe et laissant suinter du pus sanguinolent, allant au fond de l'eau et entourés d'un parenchyme rougeâtre lie de vin spongieux. Dans le poumon droit, tout le lobe inférieur est le siège d'une splé- 9 nisation marquée; le tissu est rouge violet, lie de vin, laisse écouler un liquide épais, crémeux violacé, comme du pus coloré par le sang al- téré ; il est friable et va au fond de l'eau très-rapidement. Au milieu de ce tissu existent quelques masses d'apoplexie pulmonaire infiltrée, et plusieurs noyaux de pneumonie lobulaire suppurée à l'état d'hépa- tisation grise, rosée, ramollie, très-friable. Des lésions analogues, quoi- que moins avancées, se trouvent dans le lobe supérieur. Les ganglions bronchiques paraissent plus nombreux ; ils ont aug- menté de volume, sont rouges et ramollis. Leur altération est singu- lière : Tun d'eux, gros comme un noyau de cerise, étant coupé, laisse échapper une matière crémeuse épaisse, demi-liquide, rougeâtre, que l'on enlève avec le scalpel en ne laissant que l'enveloppe ganglion- naire. On dirait de la matière encéphaloïde. Dans un autre ganglion, gros comme une noisette, le même procédé enlève une matière de même consistance, mais blanchâtre rosée au lieu d'être rouge. Il en est de même dans tous les ganglions, et cette matière examinée au microscope présente l'altération qui caractérise l'adénome, c'est-à-dire Thyperplasie du tissu ganglionnaire. Les épithéliums nu- cléaires des ganglions sont envoie de prolifération; on suit avec faci- lité les phases de cette prolifération dans les épithéliums cellulaires. Par suite de la segmentation du noyau primitif, on voit se former deux, trois, quatre noyaux dans la cellule qui se rompt et laisse échapper l'é- pithélium nucléaire au dehors. La rate est rosée, claire, a 8 centimètres de long sur 6 de large, et son tissu, de consistance normale, ne paraît pas altéré. Le foie n'est pas augmenté de volume; il est pâle, et son tissu, exa- miné au microscope, est infiltré de gouttelettes dhuile. Le péritoine hépatique présente de nombreuses taches de purpura. Les reins sont très-volumineux; la substance corticale hyperémiée infiltrée de graisse, et d'un côté il y a deux infarctus noirâtres super- ficiels, du volume d'un noyau de cerise. Vintestin grêle est rempli de matières liquides verdâtres mélangées de lombrics ; mais la muqueuse paraît saine et n'offre aucun ramollisse- ment ni hypertrophie des follicules. Lesgang lions mésentéi^iques sont assez volumineux, rougeâtres, sans ramollissement; mais aucun d'eux n'offre l'altération semblable à celle qui a été signalée dans les ganglions bronchiques. Dans cette observation, il y a deux choses distinctes et qui, au point de vue nosographique, ne doivent pas être confondues : c'est d'abord le crowp et ensuite la résorption diphtérique. Le croup n'a rien présenté ici qu'on ne connaisse. Après avoir 10 amené un accès de suffocation, puis Tasphyxie permanente avec le phénomène à'anesthésie cutanée qui, d'après mes recherches, en est la mesure, il a nécessité l'opération. Dès le lendemain, le danger d'asphyxie étant écarté par la trachéo- tomie, un autre danger compromettait la vie de l'enfant. Le pouls était à 140, les urines fortement albumineuses et le sang rempli de leucocythes. C'étaient pour moi les signes d'une résorption diphtérique et très-probablement des indices de mort. L'événement m'a donné raison, mais c'est la moindre des choses. Il ne suflit pas de prévoir un fait, il faut pouvoir l'expliquer d'une façon satisfaisante par une étude complète de ses éléments. Ici l'expérience des faits antérieurs m'a considérablement servi. D'une manière générale, quand le lendemain d'une trachéotomie de croup, le pouls dépasse 140, la situation est très-mauvaise. Elle n'est pas désespérée si les urines sont normales, mais si cette sécrétion renferme beaucoup d'albumine et s'il y a leucocythémie, la mort est à peu près certaine. Ces deux derniers symptômes indiquent la ré- sorption diphtérique la plus grave qu'il y ait, et avec cette résorption, des métastases pulmonaires, hépatiques, rénales ou spléniques, sous forme d'infarctus ou de foyers sanguins et purulents dune nature toute spéciale. Ces lésions ont été constatées à l'autopsie, leurs élé- ments histologiques ont été dessinés et ils sont ce que je les ai trou- vés dans un grand nombre d'autopsies antérieures. Ce qu'il y a de très-curieux dans cette observation, c'est la leuco- cythémie mgnè, accompagnant \-à 7^ésorption diphtérique, phénomène dont les cliniciens n'ont pas encore fait mention. J'ai déjà parlé de la leucocythémie aiguë de la fièvre puerpérale comme d'un état pa- thologique, distinct de la leucocythémie hépatique, splénique ou gan- glionnaire, et j'ai dit que tant qu'on n'aurait pas étudié cette variété de leucocythémie, l'histoire de cette altération du sang serait incom- plète. Sans vouloir créer une espèce nouvelle, j'ai annoncé que dans certains cas de métrite puerpérale grave et dans la résorption puru- lente, il y avait une leucocythémie aiguë se terminant rapidement par la mort. Depuis quelques années, j'enseigne et je montre à ma cU- nique les cas de diphtérite grave également accompagnés de leucocy- thémie aiguë, et j'appelle de nouveau l'attention des observateurs sur cette variété d'altération du sang. Oue s'est-il passé chez notre malade? Dès le premier jour on con- 11 State une leucocythémie considérable caractérisée par la présence de 80 à 100 et à 1 50 leucocythes dans chaque point de la préparation que l'on fixe sous le foyer du microscope. Ces leucocythes traités par Ta- cide acétique sont reconnus comme tels par une foule d'observateurs assistant àma clinique, et pendant dix jours, c'est-à-dire pendant toute la durée de la vie de l'enfant après l'opération, chaque jour l'examen du sang a été fait et chaque fois les résultats de l'analyse ont été les mêmes. La mort arrive; que trouve-t-on ? Des taches de purpura du rein, du foie et du poumon, des noyaux de pneumonie lobulaire au troi- sième degré d'hépatisation grise et des apoplexies pulmonaires par infiltration, enfin des noyaux blanchâtres d'hépatisation grise en- tourés d'apoplexie pulmonaire et un ramollissement des ganglions bronchiques dont les éléments sont en voie de prolifération. Si Ton trouvait de pareilleslésions après une amputation de cuisse, ou ne douterait pas de l'infection purulente. Ici il n'y a pas eu d'am- putation, mais il y a eu une opération, et il y a eu une érosion spé- ciale de la muqueuse des voies aériennes sur laquelle se fait une absorption dont tout le monde reconnaît la réalité; c'est la même chose. Donc les lésions du poumon, du foie, des reins sont le résultat de la résorption diphtérique, et comme toutes les fois que ces phé- nomènes se produisent, j'ai constaté de la leucocythémie, je crois pouvoir conclure que cette altération du sang a des rapports très -in- times avec les maladies où se fait une résorption putride et puru- lente. On pourrait objecter ici que les ganglions bronchiques aiïectés d'hyperplasie aiguë et ramollis ont été le point de départ de cette leu- cocythémie, et que, à cause de cette lésion, le fait n'a rien d'extraor- dinaire. Je ne crois pas que cet argument soit valable, car toutes les maladies aiguës du poumon chez les enfants, déterminent l'hyper- plasie des ganglions des bronches, et alors la branco-pneumonie ty- phoïde et la pneumonie lobulaire devraient être accompagnées de leucocythémie, ce qui n'a pas lieu. J'ai fait bien des fois cette re- cherche, qui a toujours été suivie de résultats négatifs, et je n'ai ja- mais trouvé de leucocythose que dans les cas de pneumonie métasta- tique déterminée par une intoxication purulente ou diphtérique. Sans affirmer que cette intoxication soit certainement la cause du phénomène, je crois qu'il y a lieu de tenir un très-grand compte de 12 cette coincidence à laquelle je suis tenté d attribuer le rôle principal; mais ce sont des faits à soumettre au contrôle des observations ulté- rieures. Le temps et de nouvelles recherches éclaireront ce qu'il y a encore de douteux dans ce point de nosographie, mais dès à présent mes observations prouvent qu'il y a dans les maladies aiguës avec in- toxication purulente et notamment dans la diphtérite infectante, une leucocythémie aiguë qui explique la forme spéciale des lésions pul- monaires et la gravité des symptômes observés chez les malades. NOTE SUR LES VARIATIONS DE TEMPÉRATURE DES MEMBRES PARALYSÉS RELATIVEMENT AUX MEMBRES SAINS lue à la Société de Biologie M. RAPHAËL LEPINE, Interne des hôpitaux. Pendant Tannée 1867, nous avons fait dans le service de notre sa- vant maître, M. le docteur Gharcot, à la Salpêtrière, un grand nombre d'expériences dans le but de rechercher comment se comportent les parties paralysées par rapport aux parties saines symétriques, quand on les place, pendant le même espace de temps, dans un même mi- lieu d'une température tantôt basse, tantôt élevée. Toutes nos expériences ont été faites comparativement sur les membres sains et paralysés de sujets atteints d'hémiplégie. Nous en communiquons ici sommairement les résultats. Pour étudier les résultats d'un refroidissement léger, lorsque les membres étaient dans le lit, nous nous contentions de les découvrir simultanément et de les laisser au contact de l'air un temps plus ou moins long; la température des deux membres était prise avant et après avec le thermomètre. Souvent on peut se dispenser, en pareil cas, de l'emploi de cet instrument, et la paume de la main, rapide- ment portée d'un membre sur l'autre, suffit pour faire apprécier les résultats de température qu'ils peuvent présenter. 14 Mais le refroidissement produit de la sorte est très-peu considé- rable, et ainsi que nous le verrons plus loin, ne fournit pas de bien grands résultats. Nous avons donc eu recours à un mode de refroi- dissement plus énergique, et nous avons procédé de la manière sui- vante : Le plus souvent nous faisions plonger les mains et les avant-bras du sujet dans un grand bassin d'eau, à une température connue et pendant un temps déterminé; puis les membres étaient retirés de l'eau, rapidement séchés avec un linge, et deux thermomètres par- faitement semblables étaient placés dans les paumes des mains, re- couvertes par une couche de ouate qui servait à maintenir le ther- momètre du côté de la main paralysée. Dans quelques cas, pour plus de rigueur, nous nous sommes servi d'un seul thermomètre. Alors les deux membres n'étaient plongés dans l'eau que successivement, afin qu'ils y restassent tous deux rigoureusement le même temps. Le temps était compté avec la montre à secondes. Lorsque les sujets étaient dans le décubitus horizontal, il était na- turellement impossible de plonger leurs membres dans l'eau ; alors, sur les deux membres qui étaient rapprochés l'un de l'autre, nous placions un large vase métallique à parois minces et rempli d'eau à une température déterminée. Au bout d'un temps convenable, le vase était retiré, et à la place qu'il occupait sur chacun des membres, le réservoir du thermomètre était disposé sous une couche de ouate. Il nous est aussi arrivé de n'employer qu'un seul thermomètre; l'ap- plication du vase était alors faite successivement sur les deux mem- bres. Nous exposerons brièvement les résultats que nous avons ob- tenus : r dans l'hémiplégie récente, 2° dans l'hémiplégie ancienne. r Dans l'hémiplégie de date récente, on sait que les membres pa- ralysés sont plus chauds que ceux du côté opposé ; il faut, en outre, observer que l'excès de chaleur est toujours beaucoup plus accusé au membre supérieur qu'au membre inférieur, qu'il est plus marqué dans certains points, par exemple à la paume des mains. Or, l'expo- sition simple à la température des salles, lors même qu'elle est long- temps prolongée, ne fait pas perdre au membre supérieur paralysé, et notamment à la paume de la main, l'excès relatif de chaleur que les parties possèdent. Il n'en est pas de même pour le membre in- férieur paralysé qui, fréquemment, après une exposition à l'air, est plus froid que le membre sain. 15 Si l'on refroidit comparativement les membres supérieurs, par exemple les avant-bras, avec de l'eau peu froide et maintenue peu de temps, on obtient fréquemment un refroidissement plus considé- rable du côté paralysé qui, de plus chaud, devient plus froid. Si alors on renouvelle l'expérience avec de l'eau plus froide (au-dessous de 10°) et laissée au contact des parties pendant un certain temps (deux minutes et plus), on obtient le résultat inverse: le côté sain se re- froidit très-notablement davantage (1). (1) Voici comme exemple les détails d'une de nos expériences. On y voit nettement le refroidissement relatif, d'abord du côté paralysé, puis du côté sain. Obs. — Bonnis, 75 ans (service de M. Charcot). Le 19 décembre 1867 : Avant-bras droit sain. Avant-bras gauche paralysé. Température initiale. 33- I 33%2 Application d'un vase contenant de l'eau à 1 4 degrés pendant une minute; aussitôt après l'avoir retiré : 24° I 23- Application du même vase pendant une minute et quinze secondes ; aussitôt après Tavoir retiré : 21° I 20%5 Application pendant quinze secondes d'un vase contenant de l'eau à 0 degrés; aussitôt après l'avoir retiré ; 16- I 16° Une minute après : 19° 1 19° Application pendant plus de cinq minutes d'un vase contenant Itt l'eau à 3 degrés; aussitôt après l'avoir retiré : 11° . I 14° Une minute après : 14<»,6 I 17°,3 Une minute après : 17°,3 I 19%3 Ainsi le côté paralysé, après un refroidissement prolongé et intense^ reste plus chaud que le côté sain. 16 2' Les nombreuses expériences que nous avons faites sur des su- jets dont l'hémiplégie datait d'une époque comprise entre plusieurs mois et deux ou trois ans (chez ces malades les membres paralysés, surtout le membre supérieur, restent relativement plus chauds), nous ont donné les mêmes résultats que dans les hémiplégies récentes; mais dans les hémiplégies très-anciennes, le côté paralysé est habi- tuellement moins chaud que le côté sain. Dans ce cas, si l'on refroidit simultanément les deux membres par leur immersion dans une eau peu froide, on trouve généralement que le côté paralysé reste plus froid que le côté sain ; mais par un refroidissement un peu intense et prolongé quelques minutes, on obtient, comme dans l'hémiplégie récente, un abaissement de la température plus considérable du côté sain. Chez une malade hémiplégique dès l'enfance et âgée de 27 ans (Joséphine Tribont, service de M. Gharcot), la main droite paralysée était presque toujours beaucoup plus froide ; or, dans une vingtaine d'expériences faites sur elle pendant plusieurs semaines consécu- tives, nous avons presque toujours noté qu'après une immersion des mains dans de l'eau très-froide, pendant quelques minutes, la main droite se refroidissait moins. Habituellement, au sortir de l'eau, elle était à 14°, tandis que la main gauche paralysée était à 13°; parfois la différence était plus considérable et atteignait 3°. iNous croyons inutile de rapporter ces expériences en détail. Nous avons souvent alors pratiqué l'immersion dans de l'eau à 45° environ des deux mains qui venaient d'être retirées de l'eau froide. Presque toujours nous avons pu constater avec la plus grande netteté que lamain paralysée (qui avait pris Teau froide et au moment de l'im- mersion dans l'eau chaude était la moins froide), s'échauffait moins. Tandis que la main saine en sortant de l'eau chaude était à 38°, quel- quefois à 38°, 5, la température de la main paralysée ne dépassait pas 37° ou 37",2. Le membre paralysé ne présentait donc pas des oscilla- tions de température aussi grandes que le membre sain. A priori on pouvait supposer qu'en plaçant pendant le même espace de temps deux membres de température inégale, l'un sain et l'autre paralysé, dans un même milieu possédant une température basse, chacun des deux membres perdrait la même quantité de chaleur; que, de même, ces membres placés dans un milieu chaud gagneraient la même quantité de chaleur, et qu'ainsi la différence de température 17 qu'ils présentaient entre eux au début de l'expérience resterait en- tière. Les faits précédents montrent combien cette supposition serait erronée ; et les variations que subit, par rapport au membre sain, la température du membre paralysé, nous semblent assez notables pour être dignes d'intérêt. Il est assurément très-difficile de les expliquer dans l'état actuel de la science, et nous ne voulons point hasarder une théorie sur ce sujet; car les actions vaso-motrices qui s'accomplissent à l'état physiologique nous paraissent encore enveloppées de trop d'obscurité. Cependant il nous semble permis de concevoir de la ma- nière suivante les effets produits dans nos expériences : ce n'est pas, à proprement parler, une explication, car nous n'allons guère au delà de la constatation du fait. Lorsqu'une partie du corps est plongée dans un miUeu plus froid, elle perd de sa chaleur, mais il ne tarde pas à se produire une « réac- tion; » il se fait une certaine adaptation des vaso-moteurs aux con- ditions nouvelles dans lesquelles ils se trouvent (que ce soit ou non au moyen des nerfs dits « dilatateurs, » peu importe) ; or, si nous ad- mettons, comme on doit le croire, que du côté paralysé l'innervation vaso-motrice est altérée, il est permis de penser que cette adaptation manque, ou au moins est en retard. C'est alors que dans nos expé- riences nous trouvons que le côté paralysé est le moins chaud, quoi- qu'au début il fût le plus chaud. Poursuivons la marche des phéno- mènes. La « réaction » de la partie immergée dans un milieu froid cesse à un certain moment; les capillaires se contractent. Mais, du côté paralysé, cette action ne se produit que dune manière incom- plète, et ce membre, qui était tout à l'heure moins chaud que le membre sain, devient maintenant le plus chaud. Des effets semblables ont lieu si les membres sont plongés, comme dans nos expériences, dans un milieu qui dépasse la température normale. La température du membre paralysé ne peut suivre dans ses oscillations celle du membre sain, parce que l'adaptation se fait ou trop lentement ou dune manière insuffisante. Les vues précédentes sont assurément fort incomplètes, et nous n'avons pas la prétention de connaître toutes les conditions du phé- nomène. Toutefois nous pensons que cette lenteur ou cette insuffi- sance d'adaptation n'est pas simplement une vue de l'esprit, mais une réalité. Cette conception nous paraît découler naturellement de Tob- servation des faits; et quelques résultats que nous avons obtenus MÉM. 1868 2 18 récemment, à laide du sphygmographe, et qui feront l'objet d'une prochaine communication, nous semblent la confirmer pleinement. A Taide de cette dernière méthode d'investigation, nous croyons pou- voir montrer de visu que, du côté paralysé, les actions vaso-motrices se produisent plus lentement. Nous nous sommes gardé de fixer d'une manière précise la tempé- rature de l'eau qui sert à l'expérience et la durée exacte de son ap- phcation, parce que ces éléments varient dans chaque expérience. Ils sont en rapport avec l'état de l'innervation motrice. Il est sans doute superflu de faire remarquer qu'en nous servant df l'expression de température d'un membre, nous voulons parler seu- lement de la température à la surface de ce membre, et qu'il ne sau- rait être ici question de la température de ses parties profondes. CONCLUSIONS. 1° En plaçant les deux membres sain et paralysé d'un hémiplé- gique dans certaines conditions déterminées (et identiquement les mêmes pour les deux membres), on peut observer des variations très-notables de leur température relative. Ainsi l'un des membres peut devenir alternativement plus ou moins chaud que celui du côté opposé. 2« Dans l'hémiplégie récente, le membre paralysé, qui est normale- ment plus chaud que le sain, peut devenu^ le plus froid si les deux membres sont soumis à un certain degré de refroidissement ; si ce degré (qui paraît en rapport avec le degré de la paralysie vaso-mo- trice) est dépassé, le membre paralysé se refroidit moins que le membre sain. 3° Dans 1" hémiplégie très-ancienne avec refroidissement du membre paralysé, ce dernier devient relativement plus chaud que le membre sain, lorsque tous deux sont soumis à un certain degré de refroidis- sement; il reste en général moins chaud que le sain, si tous deux sont alors réchauffés. La température d'un membre dont les vaso-moteurs ne fonctionne- nent pas d'une manière normale, ne semble donc pas susceptible de présenter des écarts soit en haut, soit en bas, aussi considérables qu'un membre sain. 19 4° D'une manière générale, il semble possible de se rendre compte des variations thermiques relatives des deux membres, en admettant que les actions vaso-motrices nécessaires pour l'adaptation au milieu ambiant se produisent du côté paralysé plus lentement et moins complètement. RECHERCHES SUR L'ELIMINATION ET SUR LES PROPRIÉTÉS OSMOTIQUES ET DYNAMIQUES DU SULFATE DE SODIUM, DU SULFATE ET DU CHLORURE DE LITHIUM LES EFFETS DES PURGATIFS SALINS SONT DUS AU MÉTAL QU'iLS CONTIENNENT EXPLICATION DE LA CONSTlPATIOiN SUGGÉDAÎST A L'EMPLOI DES PURGATIFS EFFETS DES PURGATIFS ET DE L'OPIUM DANS LE CHOLÉRA Note lue à la Société de Biologie PAR M. LE Docteur RABUTEAU. Les sulfates s'éliminent en nature, sans doute parce que ce sont les plus stables des composés oxygénés du soufre. En dehors même de toute expérience, on aurait pu affirmer ce fait à priori^ depuis les belles recherches de Wôhler qui a démontré que les sulfures solubles, le foie de soufre, par exemple, s'oxydent dans l'économie. Mon but, en étudiant les sulfates, a été, non de vérifier leur passage en nature dans l'urine, puisque c'est un fait connu, mais de mesurer la durée de leur élimination et d'étudier en même temps leurs pro- priétés osmotiques et dynamiques, afin de pouvoir les comparer plus tard, sous ce dernier rapport, aux composés oxygénés du sélé- nium et du tellure. Sulfate de sodium. — Ce sel cristallise en prismes efflorescents contenant dix molécules d'eau. Le calcul indique que 7 grammes de 22 sulfate de sodium cristallisé renferment 1 gramme de métal et que 10 grammes renferment 1 gramme de soufre. Mes expériences ont été faites avec un sel parftiitement pur et contenant toute son eau de cristallisation. Exp. I. — Le 2 mai, à trois heures, 7 grammes de sulfate de sodium, dissous dans 40 grammes d'eau distillée, sont injectés, dans une veine d'une patte postérieure, chez une chienne de taille moyenne et à jeun depuis vingt et une heures. Les effets immédiats sont nuls; Tanimal n'a pas de fièvre, il conserve ses allures habituelles. On aurait pu s'atten- dre à observer des effets purgatifs. Il n'en a rien été; le contraire a eu lieu, car la chienne^ au lieu d'avoir des selles fluides, a eu de la con- stipation; elle a uriné très-peu, et de plus elle a refusé de boire pen- dant le reste de la journée. Le sang, loin de devenir moins aqueux, par suite d'une sécrétion intestinale exagérée, comme lorsque le sul- fate de sodium a été introduit dans le tube digestif, est donc devenu plus fluide par l'absorption des liquides contenus dans les divers or- ganes; c'est ce qu'explique la perte de la soif, et de fait, je remarque chez l'animal en expérience une certaine dessiccation de la bouche et des conjonctives. Le lendemain, 3 mai, la chienne mange avec appétit, mais elle re- fuse encore de boire; la constipation persiste, car c'est seulement dans la matinée du 4 mai que j'observe une selle peu abondante et très- sèche. J'aurais voulu étudier ici l'élimination du sulfate de sodium ; malheureusement, il m'a été impossible de recueillir l'urine de cette chienne. J'ai été plus heureux dans l'expérience suivante. Exp. II. — Le 5 mai, à quatre heures du soir, j'injecte, dans les veines d'un chien de belle taille, 14 grammes de sulfate de sodium dissous . dans 40 grammes d'eau distillée. Les effets immédiats sont nuls, comme dans l'expérience précédente. Ainsi je n'observe pas de fièvre, pas de vomissements, pas de diarrhée; cependant vers six heures les oreilles et le nez de ce chien sont un peu chauds. A sept heures il aune selle sèche, il dîne avec appétit, mais il ne boit que très-peu. Le lendemain et les jours suivants, sa santé est parfaite. Ce qu'il y a eu de plus remarquable dans cette nouvelle expérience, c'est encore la constipation ayant succédé à l'introduction d'un mé- dicament purgatif dans le système circulatoire. Cette expérience, ainsi que la première, prouve qu'il s'est établi un courant osmotique différent du courant qui se produit lorsque le purgatif est introduit dans le tube digestif; elle vient en outre affermir cette croyance qui 25 se généralise de plus éû' plus depuis Magendie, et que je considère comme une vérité incontestable, savoir que tous les phénomènes qui se passent dans l'économie sont des phénomènes purement phy- sico-chimiques. Or les choses se sont passées ici comme dans un en- dosmomètre ; le sens du courant a varié suivant la place occupée par le sel introduit dans Forganisme. Élimination du sulfate de sodium. — J'ai pu recueillir à différents intervalles les urines du chien mis en expérience. Je les ai traitées par le chlorure de baryum, afin de précipiter le sulfate de sodium à l'état de sulfate de baryum. Les précipités ont été ensuite lavés à l'eau distillée bouillante aiguisée d'acide chlorhydrique, pour les débarrasser des phosphates et carbonates de baryum qui s'étaient formés en même temps. Ces différents essais m'ont démontré que le sulfate de sodium s'élimine rapidement de l'organisme. En effet, les urines m'ont donné : Sulfate de baryum. Le 5 mai, une demi-heure avant rexpérience. 3,40 p. 1000 id. un quart d'heure après rexpérience. 15,10 — id. à sept heures 22,20 — Le 6 mai, à neuf heures du matin 19,92 — id. à sept heures du soir 11,20 — Le 7 mai, à neuf heures du matin 7,20 — Le 8 mai, à neuf heures du matin . . . , 3,80 — La dernière quantité se rapproche beaucoup du nombre 3,40 trouvé avant l'expérience. On peut donc admettre que le sulfate de sodium, injecté dans les veines d''un chien^ à la dose de 14 grammes^ s'élimine en moins de trois jours. On voit en outre que le maximum de l'éli- mination a lieu dans les premières heures qui suivent le début de l'expérience, et que les urines recueillies dans les quinze premières minutes renferment déjà des quantités considérables du sulfate éh- miné. Sulfate de lithium. — Ce sel a pour formule Li-SO* + H^O. Il cristallise en prismes obliques très-solubles; sa saveur est salée et agréable. 9 grammes contiennent 1 gramme de lithium. Exp. — Le 25 avril, à trois heures du soir, 50 grammes de sulfate de lithium sont dissous dans 40 grammes d'eau distillée et injectés, dans une veine d'une patte postérieure, chez un chien de taille moyenne et déjà âgé. L'injection dure environ vingt-cinq secondes. L'animal n'avait pas mangé depuis vingt heures. 24 Les effets immédiats sont nuls. Cependant j'observe bientôt des vo- missements spumeux. On sait d'ailleurs que l'eau pure injectée dans les veines est capable de produire parfois un effet semblable, par le léger trouble qu'elle excite dans l'organisme. Vingt-cinq minutes après l'in- jection, je puis recueillir de l'urine; elle ne contient pas d'albumine, et, une heure après, l'animal a une selle fluide. Pendant tout ce temps, il n'a pas de fièvre ; ses oreilles et son nez sont frais, les battements car- diaques sont normaux ; néanmoins il a quatre ou cinq vomissements aqueux. Il boit de Ceau à plusieurs reprises, et chaque fois plus que de coutume. Enfin, trois heures après l'expérience, il mange de la viande avec avidité. J'ai recueilli les urines de ce chien à différents intervalles ; je les ai traitées par le chlorure de baryum pour précipiter le sulfate de li- thium à l'état de sulfate de baryum, et j'ai obtenu les résultats suivants : Sulfate de baryum. Le 25 avril, une heure avant l'expérience 1,95 p. 1000 id. à trois heures vingt-cinq minutes. 12,60 — id. à sept heures 7,00 — Le 26 avril, à neuf heures du matin 3,40 — id. à six heures du soir . . 1 ,60 — Le dernier nombre 1,60 étant même inférieur au nombre 1,95 trouvé avant l'expérience, on peut conclure que le sulfate de lithium s'est éliminé totalement en moins de trente heures. Il est vrai que, pour que la démonstration fût complète, il aurait fallu recueillir toutes les urines et doser le lithium. J'ai entrepris cette dernière re- cherche, mais des pertes éprouvées dans mes opérations m'ont em- pêché de continuer ce dosage. Chlorure de uthium. — Le chlorure de lithium cristallisé a pour formule LiCl + 4H^0. Il se présente alors sous l'aspect d'octaèdres ré- guliers. Ce sel est déliquescent, sa saveur est salée et je l'ai trouvée, pour ma part, plus agréable que la saveur du sel marin. Exp. — J'ai injecté, dans les veines d'un chien de taille au-dessous de la moyenne, 3 grammes de chlorure de lithium fondu, dissous dans 40 grammes d'eau distillée. Ces 3 grammes de sel anhydre renfermaient 50 centigrammes de métal. Les effets ont été les mêmes que ceux que j'avais observés après l'injection du sulfate de lithium ; c'est-à-dire qu'il y a eu des vomissements aqueux, augmentation de la soif et diar- rhée. Les effets purgatifs ont été peut-être un peu plus marqués, car le chien a eu, dans l'espace d'une heure, trois selles fluides. Une heure 25 et demie après l'expérience, l'animal se portait très-bien; il mangeait de la viande avec appétit (1). Les effets des purgatifs salins sont dus au métal qu'ils con- tiennent. — Comparons les sulfates de sodium et de lithium. Voilà deux sels apparteoant au même genre et produisant des effets com- plètement différents, lorsqu'ils sont introduits dans le torrent cir- culatoire. L'un, le sulfate de sodium, diminue la soif, la fait même disparaître et produit delà constipation ; l'autre, le sulfate de lithium, augmente la soif d'une manière considérable, produit des selles fluides et des vomissements aqueux. L'un opère une sorte de dessic- cation du tube digestif et des autres muqueuses et rend le sang plus aqueux ; l'autre rend le sang moins fluide, le prive de son eau en produisant une sécrétion exagérée des muqueuses stomacales et in- testinales. Si Ton compare maintenant les chlorures de sodium et de lithium, on remarque des différences analogues. Le sel marin, injecté dans le sang par différents observateurs, n'a pas, que je sache, produit des effets purgatifs, taudis qu'introduit à haute dose dans le tube di- gestif, il purge; c'est un fait notoire. Le chlorure de sodium se com- porte donc de la même manière que le sulfate de sodium, c'est-à-dire que les effets osmotiques de ces sels sont identiques, malgré la diffé- rence du métalloïde qu'ils contiennent. Je pourrais même dire que l'iodure de sodium exerce des effets semblables, car j'ai rapporté dans ma thèse inaugurale deux expériences qui viennent prouver cette assertion. Une première fois j'ai injecté 7 grammes 1/2 d'iodure de sodium anhydre dans les veines d'un lapin, et je n'ai pas observé de diarrhée; une autre fois, trois semaines plus tard, j'ai injecté chez ce même animal 10 grammes du même sel, et la mort étant survenue, j'ai trouvé à l'autopsie que le cœcum était rempli de matières dures comme d'ordinaire et que l'intestin grêle était même moins humide. (l) Ces expériences sur le sulfate et sur le chlorure de lithium ont été rapportées dans la Gazette hebdomadaire du 1 5 mai. Elles prouvent qu'on pourrait prescrire à de fortes doses les composés du lithium, dont on a préconisé le carbonate contre les maladies dues à une accumulation d'acide urique ou d'urates dans l'économie. Elles prouvent en outre que le lithium satisfait à la loi atomique ou thermique que j'ai énoncée Tan dernier. Le chlorure de lithium se comporte-t-il comme le chlorure de so- dium? Nullement. On a vu que ce sel agit d'une manière toute différente que le sel marin, puisqu'il produit des effets purgatifs lorsqu'il est injecté dans le sang. Il serait intéressant d'en introduire dans le tube digestif une certaine quantité; il est probable qu'on observerait alors des effets opposés. Puisque le sulfate et le chlorure de sodium agissent de la même façon, puisque le sulfate et le chlorure de lithium agissent également de la même manière, mais en produisant des effets contraires à ceux des sels précédents, on peut conclure que les effets des purgatifs salins sont dus, non au métalloïde, mais au métal qu'ils contiennent. Explication de la constipation succédant a l'emploi des purga- tifs. -- Il est un fait parfaitement connu, c'est que souvent les pur- gatifs produisent des effets consécutifs différents de ceux qu'ils avaient déterminés d'abord. Ce fait a été observé par tous les prati- ciens, surtout lorsque les purgatifs salins avaient été prescrits à faible dose. A ce sujet, un médecin vétérinaire distingué me disait naguère : « Quand je veux me purger, je prends 45 grammes de sul- fate de magnésie; quand, au contraire, je veux faire disparaître une diarrhée, j'en prends 15 grammes. » Ces faits, qui paraissent bi- zarres, sont conformes aux lois les plus simples de la physique géné- rale. Il s'agit là d'une simple action osmotique. Le sulfate de soude est-il introduit dans le tube digestif, il pro- duit des effets purgatifs en déterminant la production d^un courant du sang vers l'intestin ; est-il introduit dans le sang, mes recherches prouvent qull produit un courant de sens contraire, c'est-à-dire de l'intestin vers le sang, d'où résulte la constipation que j'ai notée dans mes expériences (1). Les choses se passent donc comme dans (1) Claude Bernard écrivait en 1857 : « Le sulfate de soude, introduit c( dans les veines, purge aussi bien et même mieux que dans l'intestin. » {Leçon sur les effets des substances toxiques et médicamenteuses ^ p. 85.) Mais, d'un autre côté, Aubert a trouvé que les purgatifs injectés dans le sang ne produisaient pas toujours une purgation (Zeitschrift fur RATIONNELLE Medicin, 1852, t. II, p. 225). Mes expériences ont prouvé que le sulfate de soude, introduit dans les veines à la dose de 7 à 14 grammes dans 40 grammes d'eau, produit une constipation remar- quable et diminue la soif. Î1 un endôsmomètre, où tes cotrraQts varient suivant la position des solutions avec lesquelles on opère. Or les purgatifs salins, administrés à faiLles doses, au lieu de chO' miner dans l'intestin, sont absorbés presque en totalité, c'est-à-dire qu'ils passent dans le sang et s'y comportent comme sïls y avaient été injectés. D'ailleurs ce passage des purgatifs dans le sang est prouvé par les expériences faites en Allemagne et que j'ai rapportées dans un travail intitulé : Etude expérimentale sur les effets physio- logiques des fluorures et des composés métalliques en général. Paris, Germer-Baillière, 1867. Il s'agit de l'élimination d'u magnésium. Ce métal s'élimine à' la fois par les reins et par le canal intestinal. J'écrivais alors : M. Glueke, dans une dissertation inaugurale (De vi magnesise ustse alvum purgante. Dorpat, l'854), a fait connaître les résultats aux- quels il était arrivé en expérimentant sur la magnésie. Lorsque cet oxyde est pris à doses faibles, il ne purge pas et passe dans l'urine (sans doute après s'être transformé en chlorure de magnésium) ; mais lorsqu'il est pris à doses élevées, il produit des effets purgatifs et s'élimine presque en totalité par l'intestin. De leuT côté, MM. Buchheim et Wagner {Ueber die Wirkung des Glaubersalzes ; ÂRCHiv FUR PHYSIOL. Heilk., Heft 1 , s. 94, etc.) ont fait sur eux-mêmes des expériences desquelles il résulte que le sulfate de magnésium est éliminé par les reins en quantité d'autant plus grande que le sel est pris à plus faible dose, ou, en d'autres termes, que le sel produit moins d'effets purgatifs. Ainsi à la dose de 32 grammes, alors que la purgation est rapide, les reins n'éliminent que le quart du sel ingéré. A la dose de 15 à 20 grammes, ils en éliminent le tiers, c'est-à-dire 5, 6 à 7 grammes. Enfin, à la dose de 10 grammes, ces expérimentateurs ont éprouvé des borborygmes assez violents et un besoin de garde-robes ; mais en faisant quelques efforts, les bor- borygmes ont diminué au bout de trois heures et ont disparu com- plètement au bout de sept heures. L'analyse de l'urine a fait retrouver dans ce liquide 7 à 8 grammes de sulfate de magnésium. Us ont alors pensé qu'en employant l'opium l'élimination des sels par les reins serait encore plus considérable ; et en effet, après avoir pris dan- ces conditions 20 grammes de sel de Glauber, ils en retrouvèrent d'ans l'urine jusqu'à 16 à 17 grammes. Je crois devoir rapporter encore une expérience faite lan dernier 28 et citée dans ma thèse inaugurale. Cette expérience avait été faite dans le but de comparer les propriétés dynamiques du magnésium à celles des autres métaux ; mais il arrive souvent qu'une même chose sert à plusieurs fins. J'ai injecté dans une veine jugulaire, chez une chienne de belle taille, 3 grammes 5 centigrammes de chlorure de magnésium dissous dans 25 grammes d'eau distillée. L'injection a duré une demi-minute. Aussitôt qu'elle fut détachée, la chienne courut dans le laboratoire; elle ne parut nullement souffrir, si ce n'est de la blessure qui lui avait été faite. L'opération avait été pratiquée à cinq heures et de- mie ; à sept heures Tanimal mangea de la viande avec avidité. Je me rappelle fort bien n'avoir observé aucun effet purgatif après l'injection du chlorure de magnésium. D'ailleurs ce fait, qui n'a pas été consigné dans mon travail , a été recueilli dans mes notes. L'explication de la constipation succédant à l'usage des purgatifs découle d'elle-même de mes expériences et de celles des observateurs allemands que j'ai cités. Je trouve que le sulfate de sodium intro- duit dans le sang ne purge pas et met alors un certain temps à s'é- liminer ; je vois que le chlorure de magnésium injecté dans les veines ne produit pas non plus d'effet purgatif. D'un autre côté, Glueke trouve que la magnésie purge d'autant moins que l'analyse en montre davantage dans l'urine; et Buchheim et Wagner sont conduits aux mêmes conclusions, au sujet des sulfates de magnésium et de so- dium. Voici donc comment on peut admettre que les choses se pas- sent après l'emploi d'un purgatif salin. Si la dose est forte, presque tout est éliminé par le tube digestif; si la dose est moyenne, une certaine quantité passe dans le sang; enfin, si la dose est faible, presque tout pénètre dans le torrent circulatoire. Dans le premier cas, la purgation est forte; dans le second, elle est faible; dans le troisième, elle est nulle et remplacée même par de la constipation. Mais comme une certaine quantité peut avoir pénétré dans le sang lors même que les effets purgatifs ont été marqués, il peut y avoir consécutivement constipation par suite de la présence, dans l'orga- nisme, du sel purgatif qui s'élimine alors plus lentement que par le tube digestif. En est-il de même des purgatifs autres que les composés minéraux? J'incline à le croire; car on sait que les drastiques produisent sou- vent une constipation consécutive. 29 Effets des purgatifs et de l'opium dans le choléra. — Je dois dire d'abord comment je conçois cette terrible maladie; mes idées, à ce sujet, sont celles d'un maître vénéré, M. Robin (1 ). Le miasme cho- lérique produit dans les humeurs une altération profonde, par suite de laquelle les matières albuminoïdes perdent la propriété de fixer l'eau qu'elles retiennent normalement. De là le passage de cette eau à travers les parois du tube digestif; de là ces vomissements et ces diarrhées séreuses. Cette exosmose effroyable est encore favorisée par la desquamation de l'épithélium de l'intestin, lequel forme dans les selles les grains riziformes caractéristiques. Cette desquamation est un symptôme d'une importance extrême; car on sait quel rôle considérable les épithéliums jouent dans l'absorption. Consécutive- ment à l'issue de l'eau des humeurs survient un amaigrissement su- bit, une dessiccation du sang qui prend l'aspect de la gelée de gro- seille. Les globules sanguins stagnent dans les capillaires que le microscope montre injectés : delà les crampes et la cyanose. Etant encore élève, j'ai observé, dans le choléra de 1865, que les purgatifs salins employés par quelques médecins avaient été suivis assez souvent d'heureux résultats. Je m'explique ce fait en admet- tant qu'une certaine quantité de sulfate de sodium ou de magnésium avait été absorbée, alors que l'épithélium n'était pas encore complè- tement détaché. Le sel introduit dans la profondeur de l'organisme fixait alors de l'eau sur les matières albuminoïdes, et enrayait l'exos- mose jusqu'à ce que, l'épithélium se régénérant, la maladie dispa- rût. Ainsi les purgatifs produisaient un double effet. D'abord ils favorisaient l'évacuation de la cause morbide dont la nature cher- chait elle-même à se débarrasser; puis, cet effet produit, ils arrê- taient une exosmose pouvant devenir fatale par sa persistance. Quant au rôle de l'opium, les expériences de Buchheim et de Wag- ner viennent l'expliquer. On a vu que ces expérimentateurs avaient observé que l'opium favorisait le passage des purgatifs dans le sang. Ce médicament favorise donc l'absorption, et je pense qu'il agit chez les cholériques de deux manières : 1" en augmentant la propriété d'absorption des tissus, ou, si l'on veut, en mettant un obstacle à l'issue de l'eau contenue dans l'organisme ; 2° en calmant les crampes (1) Voyez Robin, Leçons sur ta substance organisée et ses altéra- tions. Paris, Germer-Bailhère, 1866, qu'éprouvent le§ malades; mais ce dernier effet sédatif n'est point celui sur lequel j'appelle l'attention, et il me semble ici dominé par le premier. On trouvera sang doute que j'ai fondé mes explications uniquement sur la physique biologique. J'avoue le fait, car, plus j'étudie, plus s'impose à moi cette conviction que les phénomènes qui se passent dans l'organisme sont d'un ordre physico-chimique. C'est d'ailleurs sous l'empire de ces idées que j'ai guéri presque instantanément, par le bromure de potassium, un chien chez qui j'avais déterminé une in- toxication saturnine (1) et que j'ai appelé l'attention de mes con- frères sur l'emploi des bromures alcalins dans le traitement de cette maladie, où ils jouent le rôle de calmant et d'éliminateurs (2). Et d'ail- leurs est-il possible de voir dans l'action du sulfate de sodium autre chose que des courants osmotiques? On a dit que les diarrhées étaient déterminées par une paralysie de l'intestin. Cette assertion, qui n'est qu'une pure hypothèse, malgré la section des ganghons solaires, est en contradiction avec les effets connus de l'opium qui devrait pro- duire la diarrhée au lieu de la constipation. Eniin la diarrhée est- elle due à une contraction de l'intestin? Pas davantage ; c'est d'ail- leurs ce que prouvent des expériences encore inédites et faites au laboratoire de M. Robin par mes collègues les docteurs Legros et Oni- mus. Ces expérimentateurs, dans une série considérable de recher- ches qu'ils poursuivent sur les contractions intestinales, ont vu que s'il est vrai que le chlorure de sodium, à forte dose, produit quel- ques contractions intestinales, le suif aie de sodium ne produit pas ces contractions. Ainsi, dans l'action des purgatifs salins, il ne faut voir ni paralysies ni contractions, mais seulement des courants os- motiques soumis aux lois de la physique biologique. (1) Voye?i Ga?ette hebdomadaire du 11 septembre et du 15 mai. (2] Un premier essai sur l'homme a été fait à l'hôpital des Cliniques avec du bromure de sodium pur que j'avais préparé moi-même, et, en ce moment, je suis témoin des beaux résultats qu'obtient M. Bucquoy, à l'Hôtei-Dieu, en traitant les saturnins par le bromure de potassium. KECHERGBES SUR L'ÉLIMINATION DE DIVERS CHLORATES ET DE L'ACIDE GHLORIQUE INTRODUITS DANS L'ORGANISME Note lue à la Société de biologie PAR M. LE Docteur RABUTEAU. J'ai eu l'honneur de faire connaître à la Société de biologie, dans une séance antérieure, les résultats de mes recherches sur le perchlo- rate de potassium (1), et Ton a vu que ce sel s'élimine en nature. Il m'est possible aujourdhui de démontrer que plusieurs chlorates, et pro- babieiueat tous, traversent l'organisme sans se trfiQsformer en chlg- rures, c'est-à-dire sans subir de réduction. Ce mode d'élimination, reppussé d'abord au sujet du chlorate de potassium, puis établi, mais d une manière incomplète par Wôhler, avait été oublié ensuite et retrouvé une seconde fois. Mais naguère encore, je pensais, avec plu- sieurs médecins, que les chlorates subissaieut une réduction par- tielle d'autant plus que les bromates, et surtout les iodates, se mé- tamorphosent dans l'organisme. (Yoy. Gazette hebdomadaire du 31 janvier, du 21 février et du 24 avril.) Avant de rapporter mes expériences, je dirai quelques mots des (1) Voy. Comptes i^endus des séances^ p. 92, 32 chlorates en général et du procédé simple qui permet de les retrou- ver dans l'urine ou dans un autre liquide de l'économie. Enfin je dirai comment j'opère pour les doser dans ces mêmes liquides. Les chlorates sont tous solubles dans l'eau, mais en général à un degré assez faible. Ainsi, le chlorate de potassium exige, pour se dis- soudre, seize fois son poids d'eau à la température ordinaire. L'a- cide sulfurique les décompose, même à froid, en donnant lieu au dégagement d'un gaz jaune, le peroxyde de chlore, vulgairement ap- pelé acide hypochlorique. Ce caractère est important à noter, car c'est celui sur lequel Wôhler s'est fondé pour reconnaître le passage du chlorate de potassium dans l'urine. Un autre caractère plus im- portant encore, et qui leur est commun avec les iodates et avec les bromates, c'est d'être détruits par l'acide sulfureux, par l'hydrogène sulfuré, en un mot par les réducteurs. J'ajouterai que les hydracides, l'acide chlorhydrique, par exemple, les détruisent également; mais il faut pour cela que l'acide ne soit pas trop dilué. Sous l'influence de la chaleur, les chlorates sont décomposés en donnant naissance à de Toxygène et à des chlorures lorsqu'il s'agit des chlorates alcalins et alcahno-terreux , mais en produisant aussi un dégagement de chlore lorsqu'il s'agit de plusieurs chlorates des métaux proprement dits. Le procédé, à l'aide duquel on peut reconnaître facilement et rapi- dement la présence d'un chlorate dans Peau ou dans l'urine, est le même que celui que j'ai imaginé pour les bromates , mais il donne ici des résultats inOniment moins sensibles. J'ai dit, en effet, qu'il permet de reconnaître dans l'eau ordinaire -^77^7^7^77 de bromate de so- dUUUUO \ dium, et dans l'urine, au moins ^ ; or, le même procédé, appliqué à la recherche du chlorate de potassium , ne permet pas de recon- naître dans l'urine moins de Tqôqq ^® ^^ ^^^- ^^ ^P^^^ ^^ ^^ manière suivante : on colore légèrement, à faide de quelques gouttes d'une dissolution sulfurique d'indigo, le hquide renfermant un chlorate, puis on y verse une solution d'acide sulfureux. Cet acide met en li- berté une certaine quantité de chlore qui décolore instantanément la liqueur soumise à l'essai. Quant au dosage des chlorates, voici le procédé que j'ai adopté ; 33 Supposons qu'il s'agisse de déterminer la quantité de cldorate de potassium contenue dans une urine. Je verse dans cette urine une solution de nitrate d'argent qui précipite tous les chlorures à l'état de chlorure d'argent; il y a plus, les phosphates, les carbonates sont également précipités, et l'urée forme avec le nitrate d'argent une combinaison insoluble. Je jette sur un filtre ; la liqueur limpide que j'obtiens ainsi est traitée à l'ébuUition par la soude, pour enlever l'excès du nitrate d'argent, et filtrée une seconde fois. Après le lavage du filtre j'évapore , puis je chauffe au rouge le résidu dans une capsule de porcelaine. Le chlorate se transforme alors eu chlorure que je dose par les moyens ordinaires, c'est-à-dire à l'état de chlorure d'argent qui est fondu avant d'être pesé. Supposons qu'on, ait obtenu 50 centigrammes de chlorure d'argent; il est facile de trouver, par le calcul, que ces 50 centigrammes correspondent à 42%7 de chlorate de potassium (1). Chlorate de potassium KGIO^ Ce sel étant connu de tous, je ne dirai rien de ses caractères phy- sico-chimiques. Exp. I. — Le 24 juillet, je prends, à quatre heures du soir, 5 grammes de chlorate de potassium dissous dans 100 grammes d'eau. Dix minutes après l'injection, je constate déjà le passage du sel dans l'urine et dans la salive. Néanmoins ce n'est qu'au bout dune demi-heure que la déco- (1) Cherchons les poids moléculaires du chlorure d'argent Ag Cl, et du chlorate de potassium K Cl 0^, connaissant les poids atomiques des corps simples qui constituent ces composés. Ag = 108,0 K = 39,0 Cl = 35,5 Ci = 35,5 -Âicr=l43;5" 0^ = ^8,0 KCIO^ = 122,5 Puisque 143,5 de chlorure d'argent correspondent à 122,5 de chlo- rate de potassium, pour savoir quelle quantité de ce dernier sel corres- pond à 50 centigrammes de chlorure d'argent, il suffit de poser la pro- portion suivante : 143,5 50 122,5 X .,-, 50x122,5 ,^^^, d'où X — — , ■ ., ' = 42,68. 143,5 ' MÉM. 1868. 34 loration de l'indigo devient rapide sous l'influence de l'acide sulfureux. Elle l'est encore le lendemain, dix-huit heures après le début de l'ex- périence. Mais, à partir de ce moment, le sel paraît diminuer dans l'urine et dans la salive, et, à huit heures du soir, c'est-à-dire vingt-huit heures après l'ingestion, je ne puis rien déceler dans ces deux liquides. J'ai recueilli mes urines avant et pendant l'expérience, dans le but de doser le chlorate éliminé et de vérifier les effets diurétiques consta- tés déjà par Wôhler et par Isambert. Le dosage du chlorate a été fait suivant le procédé indiqué plus haut. Je m'étais proposé également de doser l'urée, comme dans plusieurs autres expériences, notamment dans celle que j'avais faite avec le perchlorate de potassium ; mais la tempéra- ture était tellement élevée à cette époque que l'urine ne pouvait être conservée vingt-quatre heures sans subir une altération partielle. Les résultats de mes recherches sont consignés dans le tableau suivant : Chlorate éliminé. Jours. Urine des 24 heures. Du 21 au 22 juillet, 4 h. du soir..,. 785 Du 22 au 23. 765 Du 23 au 24. 770 Du 24 au 25. 1035| Du 25 au 26. 795} Du 26 au 27. 800 ts%843 18 heures après l'ingestion. 45%690 Les 6 heures suivantes.... 0^*^,153 Les 4 heures suivantes 0,030 (minimum.) Le reste de la journée Traces? » Cette expérience prouve que le chlorate de potassium active la sécrétion urinaire, qu'il s'élimine rapidement et que l'élimination atteint son maximum peu de temps après l'ingestion. Elle prouve, en outre, que ce même sel passe en nature dans l'urine. Je n'ai pas trouvé, il est vrai, la totalité du sel ingéré, c'est-à-dire 5 grammes, mais on conçoit qu'il n'ait pu en être autrement. En effet, bien que je me sois abstenu de rejeter ma salive pendant la durée de l'expérience, jai dû néanmoins en examiner une certaine quantité pour y constater la présence du chlorate éliminé, ce qui était déjà une première cause d'erreur ; enfin, la température étant élevée au mo- ment de l'expérience, une faible quantité a pu disparaître par la sueur. On m'a objecté qu'une petite quantité du sel avait pu passer dans les lèces. Je dirai d'abord que je n'ai pu retrouver le sel dans ces ma- 35 tières et que, d'ailleurs, la constatation de ce passage serait impossible à moins qu'il ne se fût produit des effets purgatifs. Eu effet, on se rap- pelle que certains réducteurs, l'hydrogène sulfuré, le sulfure d'am- monium, par exemple, tranforment les chlorates en chlorures et que, par conséquent, cette métamorphose du chlorate s'opérerait facilement et complètement dans l'intestin toutes les fois qu'il s'y trouverait en petite quantité. Enfin, si l'on tient compte des traces de chlorate qui existaient dans l'urine du 25 au 26, on arrivera encore plus facile- ment au voisinage du chiffre qui représente la totalité du sel ingéré. Il est d'ailleurs facile de calculer la quantité minima du sel qui a été éliminé de la vingt-quatrième à la vingt-huitième heure. Pen- dant ce temps j'ai rendu 300 grammes d'urine, et comme le ré- actif permet de reconnaître -rx— du sel, il est donc certain que ces 300 X 1 300 grammes contenaient d.\x minimum ^ — 3 centigrammes de chlorate. De cette façon, le nombre 4s%843 peut être porté à 4^^,873. Enfin, le restant de la journée du 25 au 26, Turine reufermait très- probablement des traces de chlorate dont le réactif aurait pu indiquer la présence au moins pendant quelques heures, s'il eût été plus sen- sible. Une reste donc, sur 5 grammes, que 12 ii 13 centigrammes au maximum qui n'ont pas été retrouvés et qu'on peut mettre sur le compte des erreurs approximatives, c'est-à-dire de celles que l'on peut restreindre indéfiniment. Mais, pourrait-on objecter, ces 12 à 13 centigrammes sont précisé- ment ceux qui se sont métamorphosés en chlorure dans l'organisme. Soit; j'admettrai même qu'une petite quantité du sel ait traversé le tube digestif et se soit là transformée en chlorure de potassium, sous l'influence de l'acide sulfhydrique ou du sulfure d'ammonium. 11 m'est possible de répondre en quelque sorte à l'objection, en faisant voir que le chorale de potassium, ingéré à très-faible dose, se retrouve en- core en nature dans l'urine et dans la salive, ce qui n'a pas lieu pour les bromates, et notamment pour les iodates qui se réduisent en tota- lité dans l'organisme, si la dose portée dans l'estomac, ou injectée dans le sang, n'a pas été trop considérable. Exp. IL — Je prends, le 15 octobre, à trois heures de l'après-midi, 10 centigrammes de chlorate de potassium dissous dans 50 grammes d'eau. 36 A trois heures dix minutes, je ne puis rien trouver dans mon urine ni dans ma salive; mais dès la quinzième minute après Tingestion, et jusque vers dix heures du soir, je puis déceler des traces de chlorate dans ces deux liquides, en y versant de l'acide sulfureux, après les avoir colorés très-faiblement avec la dissolution sulfurique d'indigo. J'ajouterai que, vers quatre heures, j'ai perçu manifestement la saveur fade du sel éliminé par la salive, bien qu'il s'y trouvât en faible quan- tité. Cette expérience me paraît presque aussi concluante que la précé- dente en faveur de Félimination du chlorate de potassium en nature. En effet, calculons la quantité mininia du sel éliminé. J'ai rendu 500 grammes d'urine de trois heures à dix heures du soir; ces 500 grammes contenaient au moins = 5 centigrammes de chlo- rate. D'un autre côté, j'ai perdu près de 30 grammes de salive pour y rechercher le même sel, et comme ce liquide en élimine une quan- tité notable, on peut évaluer cette quantité à peu près à 1 centi- gramme. Resteraient donc 4 centigrammes au plus qui n'auraient pu être retrouvés; ce que Ton conçoit d'ailleurs, lorsqu'on opère sur de si faibles quantités. Tous ces faits prouvent donc d'une manière incontestable que le chlorate de potassium s'élimine en nature. Abrégé historique des travaux antérieurs sur le chlorate de POTASSIUM. — De tous les composés oxygénés du chlore, le chlorate de potassium est, sans contredit, celui qui a été le mieux étudié des chimistes et des médecins. Découvert en 1786 par Berthollet, il fut, dès l'année 1797, employé en thérapeutique sous l'empire des idées de Fourcroy qui voulait oxygéner l'économie. John Bollo, Cruiscks- hank, Swédiaur en Angleterre, et Alyou en France remployèrent contre la syphilis; Rollo et Thomas Garnett, contre le scorbut et le typhus; puis, plus tard, au commencement de ce siècle, Odier (de Ge- nève) le préconisa contre l'ictère. Jusque-là on n'avait prescrit le chlorate de potassium qu'à de faibles doses; Hector Chaussier en étudia mieux les propriétés, expérimenta sur lui-même et s'assura qu'on pouvait l'administrer à des doses considérables. Malgré toutes ces tentatives pour faire entrer le chlorate de potassium dans le do- maine de la thérapeutique, ce médicament tomba dans un profond ou bU, d'où ne purent le faire sortir Hunt et West en AngîeteiTC. Mais, vers 1854, commença pour lui une ère nouvelle. Herpin (de Genève), 37 puis Blache en France, le préconisèrent contre les stomatites, parti- culièrement contre la stomatite mercurielle, où il agit d'une manière souveraine, et depuis, on peut dire que le chlorate de potassium est devenu l'un des plus beaux médicaments que possède la thérapeu- tique (1). J'ai dit que Fourcroy voulait oxygéner l'économie avec le chlo- rate de potassium, car on a cru d'abord que ce sel se réduisait dans l'organisme en se transformant en chlorure. Telle était l'opinion de Thomas Garnett qui allait jusqu'à calculer la quantité d'oxygène qu'un poids donné de chlorate pouvait fournir à Téconomie. Mais, dès 1824, Wôhler retrouvait du chlorate de potassium en nature dans l'urine d'un animal à qui il en avait administré. (Voyez Zeitschrift FiiR Physiol. von TiEDEMANN UND Theviranus, 1824.) L'cxpéricnce deAYôhler, faite à ce sujet, étant très-peu connue, j'ai traduit textuel- lement le passage oij elle est rapportée. « Uu jeune chien prit une a drachme de chlorate de potassium; on le tua au bout de quatre a heures. Il avait uriné pendant ce temps plusieurs fois. La vessie « contenait environ une demi-once d'urine très-pâle. Lorsqu'on y u versait de Ihuile de vitriol, elle prenait uue coloration d'un jaune « obscur et exhalait l'odeur de l'oxyde de chlore, comme lorsqu'on « verse de l'huile de vitriol dans une solution aqueuse de chlorate de a potassium. Cette urine ayant été réduite à peine à moitié par éva- « poration, le chlorate cristallisa par le refroidissement, aussi abon- « damment que sïl s'était déposé d'une solution saturée. La pro- « priété que le sel possédait de déflagrer sur les charbons ardents, « de produire une détonation avec le phosphore, suffit à le caracté- « riser. L'urine qui avait été rendue une heure et demie avant « la mort de l'animal, et dont on avait recueilli une partie, se colora « également en jaune au contact de l'huile de vitriol et répandit l'o- « deur de l'oxyde de chlore. « On voit que le sel en question ne peut, en aucune façon, exercer « des effets plus actifs que ceux que produit le nitre. Il n'y avait dans « l'estomac aucune trace d'inflammation. Comme tous les sels de la « même espèce, le chlorate de potassium parut activer la sécrétion (1) Socquet (de Lyon), à la même époque (1854), reconnut au chlorate de potassium une action sédative sur le pouls et l'administra, contre le rhumatisme articulaire, jusqu'aux doses de 15 à 30 grammes. 38 « m-inairo, et, de môme que le nitre, il produisit de la diarrhée. >, En i856, M. Isambert choisit le chlorate de potassium comme sujgt de sa thèse. (Voy. Etudes chimiques, physiologiques et cliniques sur l'emploi thérapeutique du chlorate de potasse.V'àVi^, 1856.) Il attribua à tort à M. Gustin le mérite d^avoir le premier démontré que le chlo- rate de potassium s'éliminait en nature par l'urine. Il est vrai que M. Gustin (voy. Bullet. gén. de thérap., t. XLVIII, p. 440) parait avoir ignoré Texpérience de Wohler, et que l'on admettait alors gé- néralement en France et en Angleterre que le chlorate de potassium subissait une réduction dans l'organisme. M. Isambert a repris la question de nouveau. Avant lui, on n'avait cherché le chlorate de potassium que dans l'urine ; il le retrouva dans la salive, dans le lait, les larmes, le mucus nasal et bronchique, la sueur et même dans la bile. Il n'a pu en déceler dans le sperme. Je laisserai l'auteur exposer lui-même les principaux résultats de ses travaux. « Le chlorate de potasse pris à l'intérieur s'absorbe avec une grande « rapidité; il n'est ni fixé ni décomposé dans nos organes. Il s'élimine a rapidement par la plupart de nos sécrétions à l'état de chlorate, par « conséquent sans se réduire, et sans fournir d'oxygène à l'économie. « Ses deux voies principales d'élimination sont l'urine et la salive. « Cinq minutes après avoir pris le chlorate, le réactif (1) en accuse « déjà des traces dans la salive et dix minutes après dans l'urine ; au « bout d'une demi-heure la réaction est déjà à son maximum d'in- « tensité. L'élimination par l'urine et par la salive dure un temps « qui varie de quinze à trente-six heures. On en retrouve quelque- « fois des traces plus de quarante-huit heures après. La salive cesse « un peu plus tôt que Furine de déceler la présence du chlorate. Le « temps de l'élimination paraît à peu près indépendant de la dose du « chlorate que l'on a prise ; il a été à peu près le même dans cinq « expériences comparatives faites sur moi-môme et où j'avais pris « 1 gramme, puis 2, 4, 8 et enfin 20 grammes de ce sel par jour. » Ainsi, la présence du chlorate de potassium dans les sécrétions, après l'administration de ce sel, était un fait démontré; mais jusqu'à présent, si je ne me trompe, il n'avait été fait aucune expérience dans le but de doser le chlorate éliminé. C'est pourquoi on pouvait toujours (1) Dissolution sulfurique d'indigo et acide sulfureux. 39 objecter qu'une certaine quantité, du sel subissait une réduction dans l'organisme. J'ai donc comblé une lacune, et aujourd'hui j'ai la con- viction que le chlorate de potassium s'élimine totalement en nature, d'autant plus que mes expériences avaient été faites primitivement dans la pensée qu'il me serait possible de constater une réduction partielle, ce à quoi je n'ai pu arriver. Chlorate de sodium NaGlO^ Ce sel est beaucoup plus soluble que le chlorate de potassium. Ou l'obtient, à l'état pur, en décomposant le chlorate d'ammonium par le carbonate de sodium. Celui qu'on trouve dans le commerce n'est pas pur en général; il renferme une certaine quantité de chlorure de sodium dont il est difficile de le débarrasser. Exp. I. — Je prends à jeun, à neuf heures du matin, 2 grammes de chlo- rate de sodium dissous dans 50 grammes d'eau. La saveur de la solution est presque nulle. Le sel employé renfermait des traces de chlorure de sodium. De la dixième à la vingtième minute après l'injection, je constate la présence du chlorate dans mon urine et dans ma salive. A partir de ce moment, la décoloration de ces liquides additionnés de quelques gouttes d'indigo se fait rapidement sous l'influence de l'acide sulfureux ; mais, à dix heures du soir, elle ne se produit plus que sous l'influence d'un excès de ce réactif. Enfin, vers minuit, le chlorate avait totalement disparu. Les effets observés ont été presque nuls ; cependant j'ai noté un faible ralentissement du pouls, comme sous l'influence du sel de potassium. Cette première expérience sur le chlorate de sodium prouvait seu- lement que ce sel s'éliminait en nature, au moins eu majeure partie N'ayant pas fait le dosage du chlorate éliminé, j'ai dû m'assurer si, à la faible dose de 10 centigrammes, je le retrouverais encore dans l'urine et dans la salive, comme j'avais trouvé du chlorate de potas- sium pris à la même dose. Exp. il — Quinze jours plus tard, je prends, à trois heures de l'après-midi, 10 centigrammes de chlorate de sodium dissous dans 30 grammes d'eau. La saveur de la solution est cette fois tout à fait nulle. Je constate la présence du chk)rate dans la salive dès la dixième mi- nute, et dans l'urine seulement de la dixième à la vingtième minute. La réaction du sel éliminé devient, de plus en plus nette, mais vers onze heures du soir elle cesse complètement. Chlorate de strontium SfCI^O'. Le chlorate de strontium est soluble, non-seulement dans l'eau, mais encore dans l'alcool. Sa saveur est piquante, néanmoins il est neutre aux réactifs colorés. Exp. — 20 centigrammes de chlorate de strontium, dissous dans 40 grammes d'eau, sont portés, à l'aide d'une sonde, dans l'estomac d'une chienne. Les effets sont nuls. Je ne puis déceler, dans Turine de cet ani- mal, des traces de chlorate que pendant les quatre ou cinq premières heures qui suivent l'ingestion. L'urine, qui était acide avant l'absorp- tion du chlorate, a présenté la même réaction pendant l'expérience. Chlorate de calcium CaCl^O'+îHsO. De même que le sel précédent, le chlorate de calcium est déliques- cent et soluble dans l'eau et dans l'alcool. A l'état solide, il possède également une saveur mordicante; néanmoins sa réaction est neutre, et sa saveur est fade lorsqu'il est dissous dans une assez grande quantité d'eau. Exp. — A deux heures de l'après-midi, je prends 25 centigrammes de chlorate de calcium dissous dans 40 grammes d'eau. Dix minutes après, je trouve déjà des traces de chlorate dans mon urine et dans ma salive. Vers onze heures du soir, ces deux liquides n'indiquent plus la présence de ce sel. L'urine, qui était neutre avant l'ingestion, est res- tée neutre pendant la durée de l'expérience. Chlorate de cuivre CuCl^O'-i-BH^O. Le chlorate de cuivre se prépare facilement en décomposant le sulfate de métal par le chlorate de baryum. On obtient ainsi un sel de couleur vert bleuâtre cristallisant avec difficulté. Ce sel est très- soluble dans l'eau ; la solution possède une saveur métallique et astringente. On sait que les ?els de cuivre produisent des vomissements lors- qu'ils ont été introduits dans l'estomac; aussi ai-je fait inutilement un premier essai sur un chien en lui faisant avaler 25 centigrammes de chlorate de cuivre dissous dans 40 grammes d'eau. L'animal ren- dit presque la totalité de la solution, moins de dix minutes après ngestion. 41 Exp. — A deux heures de l'après-midi, je prépare une solution de 50 centigrammes de chlorate de cuivre que je fais avaler aune chienne, en quatre fois, à une heure d'intervalle chaque fois. La solution avait été d'abord mélangée avec du lait; mais la chienne ayant plus tard re- fusé de prendre ce lait à cause de sa saveur astringente, je mélangeai le reste avec de la viande. Par ce moyen, il n'y a pas eu de vomissement; tout le sel a été absorbé, sans produire aucun dérangement apparent dans la santé de l'animal. Or, 50 centigrammes de chlorate de cuivre renfermant 14 centigrammes de métal, il faut conclure de ce fait que le cuivre n'est pas aussi dangereux qu'on se l'imagine, et qu'il ne fait pas exception à ma loi, comme je l'avais cru d'abord. Trois heures après l'ingestion de la première dose, je recueille un peu d'urine. Elle est acide et décolore l'indigo sous l'influence de l'a- cide sulfureux. J'obtiens la même réaction à huit heures du soir; mais le lendemain, à neuf heures du matin, je puis à peine déceler des traces de chlorate. Les urines de Tanimal en expérience ont toujours été exemptes de sucre et d'albumine. J'ai cherché le cuivre dans l'urine et je n'ai pu le retrouver, ce qui ne m'a pas étonné. Il en est de ce métal comme de bien d'autres qui s'éliminent surtout par la bile. Ainsi le chlorate de cuivre a changé d'espèce en devenant probablement chlorate de sodium, et le métal s'est localisé, pour un temps plus ou moins long, en quelque point de l'économie. Du reste, c'est ainsi que s'est comporté l'iodate de cuivre dans des expériences rapportées antérieurement dans la Gazette hebdomadaire ; seulement le sel a changé alors, non-seule- ment d'espèce, mais de genre, c'est-à-dire que l'iodate est devenu un iodure. On observe quelque chose d'analogue après l'admi- nistration de l'iodure de fer, car on sait, d'après les expériences deMelsens et de Quevenne, que ce médicament se dédouble dans l'organisme, que l'iode se retrouve dans les urines, non à l'état libre, mais à l'état d'un autre iodure, tandis que le fer s'élimine lentement par la bile. Acide chlorique HCIO^. Cet acide se présente sous l'aspect d'un liquide incolore, oléagi- neux et miscible à l'eau en toutes proportions. On ne connaît pas son anhydride GPO", car, lorsqu'on le chauffe, il se décompose en don- nant de l'eau, de l'oxygène, du chlore, et finalement de l'anhydride perchlorique Cl^û'. ^C/Cr> 42 L'acide qu'on trouve dans le commerce n'est pas concentré; il contient toujours une grande quantité d'eau. Celui que j'ai eu à ma disposition ne contenait que 14 p. 100 d'acide normal HCIO', d'après l'analyse que j'en ai faite. Appliqué sur la langue, il la blanchissait à peine ; néanmoins sa saveur était très-piquante. L'acide chlorique concentré est un oxydant énergique. Son insta- bilité fait qu'il se décompose au contact des matières organiques, qu'il enflamme l'alcool et brûle le papier. Mais il perd en grande partie ces propriétés, lorsqu'il est étendu d'une grande quantité d'eau. Exp. I. — Je fais avaler à une chienne à jeun, à dix heures du matin, i gramme d'acide chlorique (soit 14 centigr. d'acide normal) étendu de 40 grammes d'eau. A midi, je puis recueillir de l'urine de cet animal ; elle est très-claire et décolore l'indigo sous l'influence de l'acide sulfu- reux. Cette réaction indique la présence d'un chlorate, car il me paraît difficile d'admettre que l'acide chlorique ait traversé l'organisme sans former un sel avec le bicarbonate de sodium contenu dans le sang. L'urine est acide, il est vrai, mais elle l'était avant l'expérience. D'ailleurs, à deux heures de l'après-midi, je la trouve neutre, et à cinq heures elle est redevenue acide. Elle décolore encore l'indigo à ce mo- ment, mais le lendemain, à neuf heures du matin, je ne puis déceler aucune trace de chlorate. Exp. il — Deux jours après, je fais avaler à la même chienne, à deux heures et demie, une quantité moitié moindre d'acide chlorique, c'est- à-dire 50 centigrammes étendus de 30 grammes d'eau, soit 7 centi- grammes d'acide normal. L'urine que je recueille à quatre heures et demie est très-claire, comme dans l'expérience précédente. Sa réaction est faiblement acide. Lorsque je lui communique une teinte, même très-faible, avec la disso- lution sulfurique d'indigo, la décoloration n'est pas instantanée sous linfluence de l'acide sulfureux, et elle n'a lieu que lorsque je verse un excès de ce réactif. L'urine ne renferme donc pas de chlorate, ou bien elle n'en contient qu'une trace infinitésimale. Dans ces deux expériences, les Urines de la chienne n'ont jamais contenu ni sucre ni albumine. Telle est la série des expériences que j'ai faites sur divers chlorates et sur l'acide chlorique. Celles qui sont relatives au chlorate de po- tassium sont complètes, les autres ne le sont pas, car il aurait fallu doser le sel éliminé en nature. Toutefois, à cause de l'apparition des 43 derniers chlorates dans l'urine pendant plusieurs heures, malgré les faihles doses employées, comme celles de 25, de 20 et de 10 centi- «rammes, il est permis de conclure que probablement les chlorates ne subissent aucune réduction dans l'organisme, quel que soit le mé- tal qu'ils contiennent. Quant à l'acide chlorique ou chlorate d'hydro- gène, il paraît faire exception. L'acide chlorique concentré se dé- composant au contact des matières organiques, il est possible qu'il ne perde pas totalement cette propriété lorsqu'il est étendu d'une grande quantité d'eau. Voici peut-être comment les choses se passent après l'administration de l'acide chlorique dilué. Une partie se décompose dans l'estomac avant d'être absorbée, surtout sous l'influence de l'acide chlorhydrique libre du suc gastrique, et l'autre partie, après avoir pénétré dans le sang, se transforme en chlorate de sodium qui s'élimine en nature. En résumé, chez moi : 5 grammes de chlorate de potassium se sont éliminés en 28 heures. 10 centigrammes 7 — 2 grammes de chlorate de sodium 15 — 10 centigrammes 8 — 25 centigrammes de chlorate de calcium 9 — Chez le chien : 20 centigrammes de chlorate de strontium se sont éli- minés en plus de 5 heures. 50 centigrammes de chlorate de cuivre se sont élimi- nés (probablement à l'état de chlorate de sodium) en 19 — 18 centigrammes d'acide chlorique, en plus de 7 — 9 centigrammes du même acide n'ont pas paru dans Turine. Puisque les chlorates ne se décomposent pas dans l'organisme, comment agissent-ils? J'ai déjà dit que le perchlorate de potassium s'élimine en nature et que, néanmoins, il produit des effets marqués. Le métal ne paraît rien exercer dans ce sel ; il n'est que le support des éléments avec lesquels il est combiné, et ce qui le prouve, c'est que le chlorate de potassium, même à la dose de 20 à 30 grammes, ne se comporte nullement comme le perchlorate ; il ne produit qu'une action sédative sur le pouls. 11 est donc prudent d'admettre que dans le croup, dans les gingivites, dans les stomatites non métalliques, le 44 chlorate de potassium agit (Vune manière que nous ne connaissons pas encore. Quant à la stomatite mercurielle, je crois qu'elle est 'combattue par un double effet du chlorate de potassium. Le premier effet nous est inconnu : c'est celui dont je viens de parler ; le second est, suivant moi, un fait d'élimination du mercure. On sait que tous les chlorates sont solubles ; il est donc probable que, sous l'influence d'un chlorate alcalin, il se forme un chlorate de mercure, de même qu'il se forme un iodure double de mercure et de potassium, lors- qu'on administre Tiodure de potassium, dans le but de chasser le mer- cure de l'organisme. Ce qui vient à l'appui de cette opinion, c'est que parfois, dans la stomatite mercurielle, le chlorate de potassium a échoué complètement, tandis que les iodiques à l'intérieur ont dimi- nué considérablement la salivation. (Voy. Bull, gén, de t/iérap., 1855, t. XLVllI, p. 441.) De même la tainture d'iode, administrée par Ghe- vers, en gargarismes, à la dose de 8 à 20 grammes pour 250 grammes d'eau, a fait disparaître rapidement la salivation (en deux jours), et il est des cas oii ce médicament a montré plus de prise et d'efficacité que le chlorate de potassium {loc. cit., p. 330). D'ailleurs, le fait de la formation d'un chlorate de mercure dans le cas de stomatite mer- curielle, sous l'influence du chlorate de potassium, est facile à véri- fier s'il est exact. Le mercure ne s'élimine pas normalement par la salive chez ceux qui sont soumis à un traitement mercuriel simple; il n'y a donc qu'à rechercher ce métal dans la salive après l'admini- stration du chlorate de potassium ou de sodium. N'ayant fait encore aucune recherche à ce sujet, j'attends, pour me prononcer, que la méthode expérimentale soit venue élucider la question. Conclusion. — Les chlorates ne subissent aucune réduction dans l'organisme. 11 n'y a d'exception que pour l'acide chlorique dont une partie se décompose et l'autre s'élimine à l'état de chlorate (de so- dium?). Certains chlorates, tels que le chlorate de cuivre, se dé- doublent dans l'organisme; ils perdent leur métal qui va se locahser quelque part, et ils se transforment en un chlorate (de sodium?) qui s'éhmiue en nature. TERATOLOGIE VETERINAIRE MEiMOlRE SUR UN MONSTRE m L'ESPÈCE BOVINE CLASSE DES PARASITAIRES, FAMILLE DES POLYMÉLIENS, GENRE NOTOMÈLE (ISIDORE GEOFFROY-SAINT-BILAIRe) lu à la Société de Biologie, dans sa séance du 28 mars 1868, PAR M. Arm. GOUBAUX Professeur d'anatomie et de physiologie à l'École impériale vétérinaire d'Alfort. J'ai riionneur de communiquer à la Société de biologie une nou- velle observation de tératologie que jai recueillie sur un individu de l'espèce bovine. Cet exemple de monstruosité appartient à la classe des monstres doubles parasitaires, à la famille des polyméliens et au genre notomèle de la classification de iM. Isidore Geoffroy-Saint- Hilaire. Ce genre de monstruosité n'est pas absolument rare, mais sa des- cription anatomique est assez incomplète, et c'est surtout sous ce dernier point de vue que cette observation présente de l'intérêt. J'ai eu plusieurs fois l'occasion de faire des études sur les monstres 46 du genre notomèle; aussi, dans quelque temps, je lirai à la Société un travail qui embrassera la généralité des faits et montrera, dans une classification raisonnée, tout ce que ces monstres présentent d'intéressant sous les rapports de la conformation extérieure, de l'anatomie, etc., etc. Ce travail, dont je m'occupe actuellement, aura l'avantage, je l'es- père, de fixer définitivement les tératologistes sur les particularités anatomiques diverses du genre notomèle. Jiijoute que ce travail est devenu indispensable, et que, comme tous ceux qui seront rédigés dans le même but, il contribuera à donner à la tératologie le véri- table caractère qu'elle doit revêtir de plus en plus : celui d'être une science basée sur l'anatomie. Le samedi 3 janvier 1863, l'équarrisseur apporta, dans le service d'a- natomie de l'Ecole impériale vétérinaire d'Alfort, un bœuf monstrueux, qui était mort déjà depuis quelques jours, et qui répandait une odeur de décomposition assez forte. Cet animal provenait d'une ménagerie particulière, où le public était admis à le visiter. On me pria de rechercher, par l'autopsie du cadavre, s'il n'existait pas un calcul dans les voies urinaires. Une incision avait été pratiquée, dans les derniers temps de la vie, dans la région du périnée. Je dirai de suite que les organes urinaires ont été examinés avec soin, et que je n'y ai rencontré ni calcul ni aucune autre lésion quelconque. Cet animal est mort, sans aucun doute, d'une congestion de la caillette ou du quatrième compartiment de l'estomac. Les vaisseaux sanguins de cet organe étaient très-forlement injectés ; la muqueuse en était rouge foncé, épaissie, et il y avait eu une certaine quantité de sang épanché dans son intérieur. Ce sang avait coulé en partie dans l'intestin grêle, et en partie aussi avait reflué dans le feuillet ou dans le troi- sième compartiment de restomac. D'après ces lésions, il est permis de conclure que l'animal est mort, ainsi que je l'ai dit plus haut, des suites d'une congestion de la caillette, qui s'est terminée par hémor- rhagie. Avant de passer à la description du sujet de cette observation, il me paraît utile de rapporter ici textuellement l'annonce que le propriétaire de la ménagerie faisait au public en ce qui concerne l'animal mons- trueux. Cette annonce, imprimée, était remise à chacun des specta- teurs : elle m'a été donnée par l'un des élèves de l'École qui avait vi- sité l'animal comme objet de curiosité. La reproduction de cette an- nonce me paraît indispensable pour qu'on puisse voir, une fois de plus, la différence qui existe entre une appréciation faite par le vulgaire et 47 celle qui résulte de la considération du même fait dans ses rapports avec la science. Je transcris textuellement, mais cependant en suppri- mant le titre, qui est par trop ridicule. a Ce jeune taureau bucéphale (à deux têtes) est le phénomène vivant « le plus curieux qui ait voyagé en Europe; la nature capricieuse a « placé sa seconde tête sur le train de derrière de l'animal. Cette lêle i( supplémentaire a la face d'un orang-outang; le menton est barbu « comme celui d'un homme. Deux membres, également supplémen- « taires, sont adhérents au dos de l'animal : le premier u la forme d'une « patte de biche, avec les mêmes articulations ; le second a la forme d'un « bras humain et peut exécuter les mômes mouvements que lui; mais « comme si tout avait été extraordinaire dans la conformation de ce « phénomène, c'est que les doigts ou extrémités de l'un de ces mem- « bres sont remplacés par des cornes, dont l'une forme un bec de ci* a gogne, et l'autre un bec de perroquet. Entre ces deux membres est « un pis de vache parfaitement formé. « Enfin, et pour compléter cet étrange phénomène, pour étonner tout « le monde et jusqu'aux professeurs les plus savants, jusqu'aux natu- « ralistes qui ont vu tant d'anomalies curieuses. « Le taureau bucéphale est sexipède, c'est-à-dire à deux têtes et à six « pieds, a la colonne vertébrale divisée en deux parties, et c'est dans « la concavité que ces deux parties laissent entre elles que s'emboîte « le bras de l'homme. » « Il ne faut pas confondre ce phénomène miraculeux, qui se porte « à merveille, avec des phénomènes hideux et répugnants qui sont morts « depuis des années et qui n'intéressent aucun appréciateur. « Tandis que ce phénomène vivant est de toute beauté et pèse au « moins 625 kilogrammes » Je m'arrête; c'est déjà beaucoup trop long! Je n'aurais certainement pas transcrit cette annonce, si je n'a- vais pensé qu'il était utile de le faire pour montrer encore, et une fois de plus, combien le public a besoin d'être stimulé par l'attrait des ex- plications ou des interprétations merveilleuses. Examinons maintenant l'animal monstrueux sous le rapport de sa conformation extérieure. § I. — Conformation extérieure. Signalement. — Bœuf, sous poil alezan, marqué de blanc dans plu- sieurs endroits, peut être de race garonnaise (par la conformation de sa tête et par la couleur principale de son pelage. Cependant il n'en a pas les cornes, car les siennes sont fortement arquées en dehors). Quoi qu'il en soit, cet animal avait environ 12 ans, autant que j'ai pu dé- terminer son âge par l'examen des cornes frontales qu'on rendait lisses 48 par des frottements. Il était ditiicile de déterminer l'âge de cet animal par l'examen de ses dents incisives, parce que la mâchoire inférieure est plus longue que la supérieure, et parce que les dents ne frottent pas contre le bourrelet fibro-muqueux. L'extrémité de la mâchoire su- périeure est légèrement camuse. Cet animal devait être fort; ses muscles sont volumineux, et son état d'embonpoint est assez satisfaisant. Sa taille, au-dessus de la moyenne, est celle des animaux de la race à laquelle nous croyons qu'il appar- tenait. Son poids vif devait être inférieur à celui qu'indiquait le pro- priétaire de la ménagerie dont il faisait partie ; mais il avait pu peser ce poids alors qu'il était plus gras. Voici ce qu'on remarque sous le rapport de la monstruosité : Dans la région du dos, en arrière du garrot et en arrière aussi, par conséquent, de la partie supérieure des deux épaules, on observe une sorte de fente ou de dépression longitudinale, mais un peu sinueuse et un peu plus profonde en arrière qu'en avant. Les côtés de cette fente ont été rasés avec soin pour la faire paraître plus profonde très-proba- blement ; aussi les poils sont-ils, îlans les parties correspondantes, d'une teinte plus pâle que partout ailleurs. Du côté gauche de ce sillon se détachent, à quelque distance l'un de l'autre, deux membres qui pendent sur le côté gauche de la poitrine. Entre le sillon médian dont il vient d'être question et le point où se détache le plus antérieur des deux membres parasitaires qui seront décrits plus loin, est un autre sillon beaucoup moins long et moins pro- fond que l'autre. Le grand sillon médian mesure dans sa partie moyenne O^jOTO de profondeur ou dans le sens vertical, tandis que le petit ne mesure que û™,020. A l'endroit où ils se détachent, les deux membres parasitaires lais- sent entre eux un espace de 14 centimètres, limité par un léger sillon tant en avant qu'en arrière. Cet espace est occupé par une partie sur la nature de laquelle nous aurons à revenir lorsque nous en aurons fait la dissection; nous dirons seulement, quant à présent, qu'une partie de peau aplatie de dessus en dessous, épaisse de 3 à 4 centimètres, sui- vant les endroits, pend du côté gauche, entre les deux membres parasi- taires; que ses deux faces sont couvertes de poils, mais que ceux-ci sont d'une teinte beaucoup plus foncée à la face profonde qu'à la face superficielle, et que cette partie est terminée par un prolongement en forme do mamelon. Cette sorte de mamelon a-t-elle toujours existé, ou bien est-elle le résultat d'une compression ou d'un étranglement qu'on aurait produit à l'extrémité de la masse dont il est question ? Je ne puis rien décider encore à cet égard ; cependant il est certain qu'on avait la précaution de raser les poils sur cette partie. Je tiens de deux personnes 49 qui ont vu l'animal vivant, à Paris, que cette sorte de mamelon avait sa surface lisse. Aujourd'hui il est garni de poils courts et roides. Dans tous les cas, ce prolongement ressemble à un mamelon, mais il n'y a aucune trace de perforation à son extrémité libre. Passons à l'examen des membres parasitaires que nous distinguerons, en raison de leur situation, en antérieur et en postérieur, et n'oublions pas que cette distinction n'est nullement basée sur les caractères ana- tomiques. A. Le membre le plus antérieur^ au moment où il se détache du tronc de l'autosite, paraît formé par l'extrémité inférieure dun avant- bras, très-court, dirigé de haut en bas et â' avant en arrière. Cette par- tie de Tavant-bras n"a pas plus de 5 centimètres, si on la m.esure au niveau du sillon qui le sépare de la masse supposée être un mamelon (?) précédemment décrit quant à sa configuration extérieure. Immédiate- ment après vient une articulation, un genou, dont la face antérieure est dirigée en arrière et continue à la masse intermédiaire aux deux mem- bres parasitaires. On peut faire exécuter deux mouvements d'opposition à cette articulation : l'un de flexion, qui a lieu d'arrière en avant, et l'autre d'extension, qui a lieu d'avant en arrière. Ces deux mouvements sont peu étendus. Au-dessous du genou est une région métacarpienne; elle mesure 0°',160 du pli du genou, qui regarde en avant, à la naissance de l'ergot. Plus bas, vient une région digitée qui me paraît simple, formée par un seul doigt, dont la dernière phalange porte une longue production cornée, courbée en arc suivant sa longueur et dont la concavité re- garde en arrière. Elle a une longueur de 0'°,390 en ligne droite, de sa base à son sommet, ou de 0'",490 en suivant son côté antérieur ou con- vexe. Le canon de la région métacarpienne a la forme d'un cylindre aplati de dehors en dedans, et il ne présente de remarquable que son volume peu considérable relativement à l'une des régions correspondantes de l'autosite. Mesurée dans sa partie moyenne, la circonférence de cette région est de 0'°,110. Quant à la région digitée, elle est remarquable par sa forme irrégu- lièrement cylindrique ; elle est relativement plus volumineuse que la région du canon, et par cela même qu elle est simple au lieu d'être double comme on le remarque chez les animaux ruminants en général. L'extrémité libre du sabot de ce membre descendait jusqu'à O^jUÛ au-dessus de la tête du coude du membre antérieur gauche de l'auto- site. A la face interne du canon de ce membre on trouve, à 4 centimètres environ au-dessus de l'ergot dont nous avons parlé pour le côté externe, MÉM. 18C8. 4 50 une production couverte par la peau, garnie de poils, pédiculée, apla- tie de dehors en dedans et d'une forme discoïde un peu allongée. Cette partie paraît formée par du tissu fibreux entouré par la peau ; tout au moins elle en a la consistance, mais nous verrons par la dissection quelle en est la véritable nature. B. Le membre le plus postérieur est plus volumineux, plus long et plus compliqué que celui qui vient d'être décrit. On y trouve aussi un avant-bras, un genou, un métacarpe et une région digitée. 1° Vavant-bras est un peu plus long et plus volumineux que celui de l'autre membre parasitaire; sa forme n'est pas tout à fait normale. Il est dirigé d'avant en arrière et courbé en arc suivant sa longueur; sa concavité regarde en avant. 2" Le genou forme un angle assez saillant dont le sinus regarde la paroi thoracique et le sommet est dirigé en dehors; sa face antérieure est étroite et irrégulière si on la compare à celle d'un genou normal. 3" Le métacarpe descend presque verticalement, a une longueur de 0"*,190 et une circonférence de 0"°, 130 dans sa partie moyenne; sa forme est celle d'un cylindre qui aurait été déprimé d'avant en arrière. 4* Au-dessous on observe une double région digitée portant deux sabots inégalement longs et que nous examinerons en particulier. Il faut signaler aussi un ergot assez fort: il est placé un peu au-dessus du doigt le plus postérieur. Les doigts, qui ont acquis tout leur développement dans ce membre, peuvent être distingués en antérieur et en postérieur. (a) L'antérieur me paraît formé par la soudure de deux doigts. Cette conclusion est basée sur l'examen par le toucher et sur la disposition de la corne du sabot. Ce sabot, courbé en arc suivant sa longueur, très- long, concave de haut en bas et de dehors en dedans, mesure O^iSôO, en suivant sa face externe. Cette face est parcourue longitudinalement par un sillon assez profond qui est limité en avant par une saillie assez forte. L'extrémité libre est bifide. Ces détails de la surface externe du sabot, dune part, le volume de ce sabot et les résultats de l'explora- tion, d'autre part, me font croire qu'il y a là deux régions digitées con- fondues en une seule ou en partie soudées. [b] Quant au doigt postérieur, il est relativement moins volumineux et surtout beaucoup moins long que l'antérieur, et son sabot, courbé en arc suivant sa longueur, à concavité regardant en avant, n'a que 0"',180 mesuré de la base au sommet, en suivant sa surface. L'extrémité libre de ce sabot a été tronquée. Remarque. — Au niveau du genou, deux mouvements sont possibles : l'un d'extension est une sorte d'abduction dans laquelle le membre peut être écarté de la paroi thoracique, et l'autre de flexion, qui est 51 une adduction, mais moins étendue que le mouvement précédent, à cause de l'appui qui a lieu immédiatement sur la paroi thoracique. En prenant successivement chacun des membres parasitaires au ni- veau de la région de Tavant-bras, on lui imprime un mouvement par lequel on peut le rapprocher ou l'éloigner dans une certaine proportion de la région sur laquelle il repose ou dont il semble se détacher. Ce mouvement de soulèvement peut être porté beaucoup plus loin pour le membre le plus postérieur que pour l'autre, et, lorsqu'on Ta produit, on peut alors enfoncer les doigts dans un sillon médian très-profond, placé vraisemblablement entre les deux moitiés latérales des apophyses épineuses des vertèbres dorsales qui sont restées isolées, ou, en d'autres termes, qui ne se sont pas soudées. Il y a donc là un spina bifida. Le fait n'est pas douteux, car au travers de la peau on sent bien le sommet des apophyses épineuses de chaque côté du sillon. Cette description de l'extérieur de l'animal monstrueux avait besoin d'être faite avec quelque soin et avec une certaine étendue; aussi n'ai-je négligé aucun des détails qu'il m'a paru utile de mentionner. Nulle part ailleurs je n'ai observé rien de particulier. Je dis que nulle part ailleurs il n'y avait rien de particulier, et, par conséquent, « la tête supplémentaire qui avait la face d^un orang-ou- tang^ » dont il est question dans le prospectus, n'existait pas. J'ai tout lieu de croire qu'une partie, ayant quelque rapport avec l'annonce, était ajoutée et fixée à la partie postérieure du corps, — peut-être à la queue, peut-être introduite dans l'anus, — et l'animal était sans doute présenté de cette façon au public qu'il n'était pas possible de voir ce qu'il en était réellement. Un de mes élèves, au début de ses études, qui avait vu l'animal depuis peu de temps à Paris, dans la ménagerie où on le montrait au public, fut bien étonné de ne pas apercevoir sur le cadavre le moindre vestige de la prétendue « tête supplémentaire qui avait la face dun orang-ou- tang. » Le monstre notomèle était par lui-même un fait intéressant, mais le propriétaire avait cru nécessaire de faire paraître son animal encore plus extraordinaire. Ne serait-ce pas pour que Tanimal qu'il montrait au public ne fût pas au-dessous d'un individu monstrueux pour lequel j'ai trouvé la mention suivante dans le livre de mon honorable et savant collègue M. Lafosse, professeur de clinique à l'Ecole impériale vétérinaire de Toulouse? 11 s'agit d'une génisse charolaise, îwtomèle, qui était montrée à Tou- louse, en 1859, comme un objet de curiosité, par des baladins des Cé- vennes. « Le monstre en question, dit M. Lafosse, outre un membre pelvien 52 et deux membres thoraciques placés sur le dos et laissant apercevoir entre eux deux mamelons, rudiments sans doute des mamelles, portait sur la fesse gauche une espèce de gaîne cutanée, longue d'environ 20 centimètres, garnie de poils depuis son insertion jusqu'à son extré- mité libre ; là elle manquait de poils, offrait quelques plis et un renfle- ment en forme de tête, lorsqu'une ligature était disposée à 6 ou 7 cen- timètres à peu près au-dessous d'elle, de manière à y interrompre la circulation et à creuser une gorge assez analogue à un col. L'illusion était complétée par les dispositions suivantes : un pli transversal simu- lant une bouche ; au-dessus deux petits plis obliques, ayant quelque ressemblance avec des narines, étaient encadrés par une saillie qui se rapprochait plus ou moins grossièrement de la forme d'un nez épaté. C'est cette singulière production que le possesseur du monstre désignait à son public ébahi et crédule comme représentant la tête d'un orang- outang. « Aucune trace d'os ne se sentait dans cette informe production; lorsque la ligature qui létreignait était enlevée, son extrémité se désen- flait, les rides devenaient plus profondes et très-irrégulières; la peau, dépourvue de poils, paraissait plus épaisse, comme calleuse. Tout me porte à croire que la production cutanée dont il s'agit n'était que le ru- diment du deuxième membre pelvien manquant au parasite ; la peau, dénudée de poils et calleuse, était, selon toute probabilité, l'indice du pied du ruminant et non l'être fantastique que le charlatan avait ima- giné pour son profit. » (Extrait du Traité de pathologie vétérinaire, par M. Lafosse. Toulouse, 1861, t. II, p. 225, à l'occasion des exubé- rances cutanées.) Voyons maintenant les résultats de la dissection du sujet de notre ob- servation. ^ II. — A.NATOMIE. Avant d'exposer les détails anatomiques, je crois devoir dire que je n'ai remarqué rien d'anormal ni dans les organes génitaux, ni dans les organes digestifs, ni dans les organes respiratoires, et qu'il ne sera ques- tion, dans les descriptions suivantes, que des dispositions relatives à la monstruosité. Les particularités anatomiques que j'ai observées se divisent très-na- turellement : 1" en celles qui ont trait à l'autosite, et 2° en celles qui ont trait au parasite; examinons-les successivement. 10 Aixtosite. Région dorsale. — Le nombre des vertèbres dorsales est normal, mais cette région offre une déviation latérale remarquable : elle forme dans 53 sa longueur un angle dont le sommet regarde à droite et le sinus à gauche. A partir de la première, les vertèbres dorsales suivantes remontent de bas en haut, d'avant en arrière et à droite jusqu'à la sixième, qui forme le sommet de l'angle dont il a été question. Puis à partir de ce point, c'est-à-dire de la sixième, les vertèbres dorsales se dirigent gra- duellement de la droite vers la ligne médiane et de haut en bas, de ma- nière à reprendre la direction normale vers la partie postérieure de la région. Il résulte de cette direction vicieuse de la région dorsale que, au niveau de la sixième vertèbre, il y a, au plafond du thorax, un angle ouvert en bas et à gauche. Cette déviation est telle que le corps des cinquième, sixième et septième est tourné de plus en plus à droite, et surtout pour la sixième, car la crête inférieure de son corps regarde tout à fait à droite. Quant au volume, le corps des vertèbres dorsales ne présente rien de particulier. Jriiculalions des côtes avec Les vertèbres dorsales. (a) Du côté droit il n'y a de remarquables que celles des cinquième, sixième et septième, qui sont sur un plan plus élevé que celles qui les précèdent et que celles qui les suivent. (b) Du côté gauche, le fait qui frappe tout d'abord, c'est le rappro- chement des articulations des quatrième, cinquième, sixième et sep- tième côtes, rapprochement encore plus grand entre les cinquième et sixième que pour les voisines. Il n'y a rien de particulier relativement aux autres articulations vertébro-costales. Quant à leur situation, ces articulations suivent les vertèbres dans leur déviation de bas en haut, c'est-à-dire que la cinquième côte est plus élevée que ses voisines. Il y a encore à noter que les cinquième, sixième et septième côtes ont leur tête sur la ligne médiane et au pla- fond de la cavité thoracique, puisqu'elles ont été en quelque sorte entraînées par la déviation du corps des vertèbres correspondantes. Les articulations des têtes des quatrième, cinquième, sixième et septième côtes sont entourées de quelques petites végétations osseuses. Le spina bifida sera étudié à part. Thorax. — Cotes gauches. — Les quatrième, cinquième, sixième et septième côtes sont remarquables par la situation élevée de leur extré- mité supérieure relativement aux autres. Tout cela se lie à la disposition qui a été indiquée pour la région dorsale elle-même. En effet, la situation s'élève graduellement de la première à la cinquième inclusivement ; elle descend ensuite de la cinquième à la dixième et elle devient normale dans les trois dernières côtes. 54 Dans le tiers supérieur environ de leur longueur, les quatrième, cin- quième et sixième côtes sont beaucoup moins épaisses qu'à l'ordinaire, et il semble, surtout pour la cinquième et la sixième qu'il y ait eu un changement de rapport dans la largeur des surfaces : les faces (l'anté- rieure et la postérieure) sont beaucoup plus larges que l'externe et que l'interne. Ces quatre côtes (les quatrième, cinquième, sixième et sep- tième) sont aussi beaucoup plus rapprochées les unes des autres dans le tiers supérieur de leur longueur que dans les conditions ordinaires, et le rapprochement est surtout plus prononcé entre la cinquième et la sixième qu'entre les autres. Côtes droites. De ce côté, pas de particularités sous le rapport de la largeur des côtes, mais mêmes particularités que pour les côtes gauches sous le rapport de l'élévation de l'extrémité supérieure, pour les cinquième, sixième et septième. Écartement plus prononcé que dans les conditions normales entre les quatrième et cinquième, cinquième et sixième, sixième et septième, et qu'entre toutes les autres côtes. La face interne de la cinquième côte est presque en contact avec la face droite du corps de la vertèbre correspondante. Les 'prolongements des côtes ne présentent rien de notable. Sternum. A partir de l'articulation du prolongement de la deuxième côte, le sternum est courbé sur lui-même en arc, d'avant en arrière, convexe en haut et concave en bas. La partie moyenne de la courbure de cet os répond au cinquième prolongement costal. Il semble que cette courbure du sternum soit la conséquence de la déviation de la région dorsale. Faces du thorax. Celle du côté droit est assez fortement convexe d'avant en arrière. La convexité augmente graduellement de la pre- mière à la huitième côte, et elle devient ensuite régulière et à peu près uniforme jusqu'à la treizième ou dernière côte. Celle du côté gauche est plus régulière que celle du côté droit. Elle est aplatie de la première jusqu'à la quatrième côte; elle devient con- vexe de la quatrième jusqu'à la septième; puis l'aplatissement devient graduel, et dans les quatre dernières côtes la forme est régulière. Mesure des angles de la région dorsale. Une règle passant par le milieu du corps de la première vertèbre dorsale en avant, et par le mi- lieu du corps de la première vertèbre lombaire en arrière, montre qu'il y a une déviation de la ligne médiane du corps, au niveau de la sixième vertèbre dorsale. Il y a 0",170 de la ligne médiane à la face interne de la cinquième côte droite, et il y a 0°',080 du même point à la face interne de la cinquième côte du côté gauche. Région lombaire. A part le spina bifida, dont je m'occuperai bien- tôt, cette région n'offre rien de particulier. 55 Les autres parties du squelette de Cautosite n'offrent rien à noter de particulier relativement à la monstruosité. Muscles. —A la dissection, je n'ai trouvé de remarquable que l'abon- dance du tissu graisseux, même dans l'épaisseur des muscles, comme chez les animaux très-gras, en général ; mais je n'ai remarqué aucune décoloration des muscles de la région spinale et de la région costale, même dans les endroits où les côtes étaient très-rapprochées les unes des autres. Spina BiFiDÂ. — L'apophyse épineuse des trois premières vertèbres dorsales présente une disposition ordinaire ou normale. La division commence à partir de la quatrième vertèbre dorsale et s'étend jusqu'à la quatrième vertèbre lombaire, où elle est encore évidente, mais beau- coup moins complète que dans toutes les vertèbres précédentes. îl faut noter tout de suite que le bord supérieur du ligament sus-épi- neux cervical s'écarte beaucoup, à droite et à gauche, à partir du som- met de l'apophyse épineuse de la troisième vertèbre dorsale, pour suivre dans leur trajet toutes les apophyses épineuses situées plus en arrière. Ainsi il y a, à partir de la troisième vertèbre dorsale et sur la ligne médiane, un enfoncement profond de forme triangulaire, à base anté- rieure et à sommet postérieur qui répond, ainsi que je l'ai déjà dit, à l'apophyse épineuse de la quatrième vertèbre lombaire. Du côté gauche, les apophyses épineuses sont fortement déjetées do basen haut et de dedans en dehors, et elles sont plus ou moins écartées les unes des autres. Quelques-unes d'entre elles sont soudées par leurs bords correspondants. Ainsi la quatrième est soudée avec la suivante par son bord postérieur et près de son extrémité supérieure; les cin- quième, sixième et septième sont soudées dans presque toute leur hau- teur et ne sont libres que par leur extrémité ; la huitième est tout à fait libre; la neuvième et la dixième sont soudées dans les deux tiers su- périeurs de leur longueur, et la dixième est aussi soudée par son extré- mité avec la partie correspondante de la onzième. Les autres apophyses épineuses sont libres. Du côté droit il y a moins de soudure ou de fusion entre les apo- physes épineuses. Néanmoins voici celles que Ton remarque : L'apo- physe épineuse de la cinquième vertèbre et celle de la sixième sont soudées dans toute leur longueur; celle de la quatrième est soudée à celle de la cinquième dans le tiers supérieur de sa longueur. Enfin, la huitième et la neuvième sont aussi soudées, mais dans le tissu supé- rieur de leur longueur seulement. Toutes les autres épineuses sont libres. Dans tous les points où les apophyses épineuses ne sont pas soudées, 56 on retrouve un ligament inter-épineux. Ce ligament est donc pair, puisqu'on le rencontre de chaque côté. L'excavation comprise entre le sommet des apophyses épineuses, mesurée en travers et à sa base ou au niveau de l'apophyse épineuse de la quatrième vertèbre dorsale, est de O^jUO de longueur d'avant en arrière, ou de l'apophyse épineuse de la troisième vertèbre dorsale à celle de la quatrième vertèbre lombaire, mesure en ligne droite 0'",550. Voici maintenant ce qu'on remarque dans la profondeur de cette ex- cavation. Il y a une très-grande quantité de tissu graisseux, et seulement du tissu graisseux. A partir de la dixième vertèbre dorsale, le canal ver- tébral est ouvert à sa paroi supérieure jusqu'à la partie antérieure de la deuxième vertèbre lombaire. Il faut remarquer cependant que les deux moitiés de l'apophyse épineuse de la douzième vertèbre dorsale s'opposent sur la ligne médiane et ferment le canal vertébral. Dans les deuxième, troisième et quatrième vertèbres lombaires, il y a une simple division de l'apophyse épineuse au sommet, mais elle est peu profonde et de moins en moins prononcée de la deuxième à la quatrième. C'est dans la partie antérieure de l'excavation dont il est question, et dans le point correspondant aux apophyses épineuses des quatrième et cinquième vertèbres lombaires que se trouvent fixés les membres parasitaires. Il y a là quelque chose de particulier à signaler. D'abord, c'est que les deux moitiés latérales de l'apophyse épineuse de la qua- trième vertèbre dorsale s'opposent sur la ligne médiane et forment la limite antérieure d'une cavité arrondie assez profonde, dans laquelle les membres parasitaires sont maintenus par des ligaments, et seule- ment par des ligaments, puisque, ainsi que je l'ai dit, il était possible de leur imprimer un mouvement. Les côtés de cette cavité sont formés par chacune des moitiés latérales des apophyses épineuses des quatrième, cinquième et sixième vertèbres dorsales. Cette cavité, qui communique largement en arrière avec l'ex- cavation du spina bifida, est limitée en bas, et complétée tout à la fois par une forte lame osseuse qui semble se détacher de la face interne et de la moitié latérale droite de Tapophyse épineuse de la sixième ver- tèbre dorsale, et qui, en s'insinuant à gauche, vient s'appliquer sur l'apophyse épineuse des septième et huitième vertèbres dorsales. Du reste, cette cavité qui contient l'extrémité supérieure des deux mem- bres parasitaires, quoique assez régulière dans son ensemble, a cepen- dant ses parois peu lisses, surtout du côté gauche où les os sont assez rugueux. Il n'y a, je le répète, dans toute la longueur du spina bifida absolu- ment que du tissu graisseux, et la moelle épinière bien entendu. La 57 peau descendait en se repliant en quelque sorte dans son intérieur. Plus tard, dans un autre travail, j'aurai l'occasion de revenir sur une assertion de M. Bouteiller relativement à la cause du spina bifida. Qu'il suffîse que je dise ici que M. Bouteiller a attribué le spina bifida, dans un cas de monstruosité du genre notomèle dont il a fait la description, à la présence de kystes pileux dans le canal rachidien. Je ne saurais partager cette opinion, et j'en développerai les raisons ultérieurement. S" Parasite. (a) La prétendue mamelle, dont j'ai fait connaître la conformation extérieure, était exclusivement formée par une masse de tissu graisseux, traversée par des vaisseaux sanguins, et surtout par une veine qui m'a paru se continuer avec le dorso-musculaire du côté droit; je ne puis cependant pas l'affirmer. (6) Membres parasitaires. Dans la description de la conformation extérieure, j'ai distingué les membres parasitaires en antérieur et en postérieur, d'après leur situation respective, et non pas d'après leurs caractères anatomiques; c'est encore ainsi que je les distinguerai l'un de l'autre pour les étudier en particulier. Il me paraît utile de dire, avant de décrire ces membres parasitaires, que la dissection m'a fait reconnaître plusieurs particularités que je n'avais pu reconnaître par le simple examen de la conformation exté- rieure. C'est pour la raison que je viens de dire qu'on trouvera une dif- férence dans le nombre des régions qui entrent dans la composition de ces membres. A. Le membre le plus antérieur et le plus petit se compose de quatre régions bien distinctes les unes des autres, savoir : un bras^ un avant- bras, un carpe, un métacarpe et un doigt. 1° Bî^as. — L'humérus, très-reconnaissable, quoique ses détails s'é- loignent passablement des caractères normaux, a une direction oblique de bas en haut et de dedans en dehors. Dans sa seconde moitié, la plus inférieure, il est incurvé sur lui-même en dehors, de telle sorte qu'il répond par son extrémité supérieure (inférieure dans l'état normal ou extrémité antibrachiale) à l'extrémité supérieure de l'apophyse épineuse de la troisième vertèbre dorsale. Par son extrémité supérieure, qui est ici inférieure, il est fixé à la partie antérieure au spina bifida, et par des fibres ligamenteuses sur le côté de l'extrémité correspondante de Ihumérus de l'autre membre parasitaire (le plus postérieur). Je ne dé- crirai pas ici cet os dans tous ses détails; mais je dirai que quoique sa forme soit irrégulière, il ne saurait y avoir aucun doute sur sa déter- mination : c'est évidemment un humérus. Son extrémité inférieure est soudée à la partie correspondante de l'avant-bras, et c'est à ce point 58 qu'en dehors on trouve une cavité olécranienne assez profonde et bien formée. A en juger par les éminences d'insertion qui limitent cette fosse, l'humérus appartient à un membre antérieur droit; car la saillie est plus développée d'un côté que de l'autre : l'épicondyle que l'épitro- chlée. 2° Avant-bras.— Cette région a pour base un os contourné de bas en haut, d'avant en arrière et de dedans en dehors, d'une forme très- irrégulière, qui paraît résulter de la soudure de deux os : un radius et un cubitus. Il n'y a pour moi aucun doute à cet égard. Pour abréger, je n'irai pas au delà : l'avant-bras est soudé par une extrémité à un humérus, et par l'autre extrémité à un carpe. 3° Carpe. — Les os qui forment la base du carpe ne sont pas com- plètement distincts les uns des autres; ils sont soudés dans presque toute leur étendue. Quoi qu'il en soit, je reconnais deux rangées, et dans chacune d'elles au moins un os. Ici le cas est douteux, parce que la soudure des os en masque le nombre réel. La rangée inférieure jouit d'un très-léger mouvement sur l'extrémité correspondante du méta- carpe. 4° Métacarpe. — Il est formé par un seul os, assez long, irrégulière- ment cylindrique. 5° Région digitée. — Elle se compose d'un doigt unique. De plus, en arrière de l'articulation môtacarpo-phalangienne, on remarque deux saillies : l'une interne, cutanée; l'autre externe, ostéo-fibreuse. Ces deux saillies représentent probablement deux doigts avortés. B. Le membre le plus postérieur et le plus volumineux est composé aussi de cinq régions : un bras, un avant-bras, un carpe, un métacarpe et une région digitée. 1° Bras.— Un humérus très-long, fortement oblique d'avant en ar- rière et de bas en haut, puisque par l'une de ses extrémités il répond à la partie antérieure du spina bifida, tandis que par son autre extré- mité il répond à l'extrémité des apophyses épineuses (du côté gauche) des dixième et onzième vertèbres dorsales. Il est certain pour moi que cet os est bien un humérus, quoique tous ses détails s'éloignent de l'état normal. Son extrémité antérieure est fixée par des fibres ligamenteuses dans l'excavation dont il a été question, et qui est située à la partie antérieure du spina bifida. Par son extrémité opposée, il est soudé à la partie correspondante de l'avant-bras. A ce dernier point, on voit aussi, comme sur Ihumérus de l'autre membre parasitaire, une fosse olécra- nienne, mais elle est relativement beaucoup moins profonde que dans l'autre membre. 2° Avant-bras. — Un seul os, courbé en arc sur lui-même de bas en haut, d'avant en arrière et de dedans en dehors, forme la base de l'a- 59 vant-bras. Il est très-irrégulier, mais il est permis de croire que cet os résulte de la soudure de deux os (le radius et le cubitus); car on trouve sur sa face supérieure, qui est concave, un sillon paraissant indiquer la trace d'une séparation primitive de l'os en deux parties. Cet os est soudé, d'un côté, avec la partie correspondante de l'humérus, et de l'autre côté, il s'articule très-irrégulièrement et angulairement avec le carpe. 3° Carpe. — Sa face antérieure regarde en dehors, par suite de la tor- sion que présente l'avant-bras dans sa longueur. Les os qui le forment sont au nombre de cinq et répartis dans deux rangées : trois dans la rangée supérieure et deux dans l'inférieure. Il n'y a pas d'os sus-carpien. Ces os sont d'une forme assez irrégulière, mais ils sont assez bien distincts les uns des autres. D'après le volume de ceux qui composent la rangée supérieure, le carpe serait celui d'un membre du côté gauche, car le plus interne est le plus gros; le moyen est aussi le moyen en volume, et l'externe, qui est ici le plus postérieur, est le plus petit. k° Métacarpe» — Il est formé par un seul os dont les faces externe et interne sont parcourues par des sillons qui indiquent sa séparation pri- mitive en deux moitiés latérales, comme dans l'état ordinaire. Mais il y a là une particularité : c'est que l'extrémité inférieure porte trois surfaces articulaires bien distinctes, et que chacune d'elles correspond à une région digitée complète. De plus, il y a un ergot dans l'intérieur duquel se trouvent très-probablement les mêmes os qu'on y rencontre ordinairement; mais je n'ai pas disséqué cet ergot. 5° Région digitée. — Il y a a trois doigts, et chacun d'eux est complet. La seule particularité à noter, c'est que le doigt moyen et le doigt in- terne sont soudés de telle sorte qu'il y a, du côté interne, un seul ongle, très-long, mais à la surface duquel on remarque un sillon pro- fond qui indique évidemment une séparation primitive. Il n'y a de sé- ramoïdes que pour le doigt le plus externe qui est ici le plus posté- rieur. Myologie. — A la dissection des parties parasitaires, je n'ai constaté aucun muscle; il y avait seulement de la graisse autour des os qui forment les régions supérieures des deux membres parasitaires. Ce- pendant dans la région du pied, aussi bien dans l'un des membres pa- rasitaires que dans l'autre, il y avait des tendons représentant ceux des muscles fléchisseurs et ceux des muscles extenseurs; c'est là, du reste, ce qu'on voit ordinairement, et ce que j'ai constaté déjà plusieurs fois dans des cas semblales. Telle est la description du sujet monstrueux qui fait le sujet de ce mémoire, tant sous le rapport de sa conformation extérieure que sous .celui de la disposition anatomique. 60 La pièce anatomique a été déposée au cabinet des collections de l'Ecole impériale vétérinaire d'Alfort. Ce mémoire a trait à une monstruosité qu'il n'est pas absolument rare de remarquer chez les animaux de l'espèce bovine. L'animal qui en fait le sujet a vécu jusqu'à l'âge de 12 ans en- viron, et il n'est mort que par une cause indépendante de la mon- struosité. Son développement était considérable, car à une certaine époque de sa vie son poids a été évalué au moins à 625 kilogr. Après avoir étudié la conformation extérieure de l'individu mon- strueux, j'ai procédé à sa dissection. J'ai rendu compte des diverses particularités que j'ai examinées : 1* En ce qui concerne Cautosite, Le sujet, qui avait acquis tout son développement, présentait une fissure de la colonne vertébrale ou spina bifida, qui s'étendait depuis la troisième vertèbre dorsale jus- qu'à la quatrième vertèbre lombaire. Cette particularité n'est pas constante dans ce genre de monstruo- sité, mais elle devra, à l'avenir, être une raison pour établir, en ce qui concerne l'autosite, deux variétés dans le genre notomèle. J'ai étudié tous les détails de cette division de la colonne verté- brale, mais je me suis abstenu d'en rechercher la cause; c'est un point que j'examinerai dans un nouveau travail, dont la rédaction m'occupe actuellement. En même temps que le spina bifida, il existait une déviation re- marquable de la colonne vertébrale dont j'ai fait connaître aussi la disposition. 2° En ce qui concerne le parasite. J'ai décrit deux membres para- sitaires, distincts l'un de l'autre par leur situation et par leur vo- lume. Ces membres étaient fixés à l'aide de ligaments, dans la région du garrot et à la partie antérieure de la fissure vertébrale. Par l'examen des os qui en forment la base, j'ai reconnu que ces deux membres sont antérieurs, et qu'ils se composent chacun de plusieurs régions : le bras, l'avant-bras et le pied. Quoique ces os présentassent des formes plus ou moins altérées, il m'a été possible de déterminer que ces deux membres étaient ho- mologues, ou en d'autres termes, que Cun était du côté gauche et l'autre du côté droit. Ces membres n avaient pas de muscles^ mais à leur place il y avait seulement de la graisse. Dans la région du pied il y avait des ten- dons correspondant à ceux des muscles extenseurs et à ceux des 61 muscles fléchisseurs. C'est là ce que l'on constate ordinairement dans les cas de ce genre. Je n'ai pas trouvé de nerfs. Quant d.xni vaisseaux sanguins^ une veine et une artère, que je n'ai pas pu disséquer dans toute leur longueur, m'ont paru se continuer avec les vaisseaux qui se ramifiaient dans la région du garrot et du côté droit de l'autosite. Enfin, une tumeur qui existait à la base ou au niveau de l'origine des membres parasitaires, et que le propriétaire de Canimal avait considérée comme une mamelle, n'en avait que grossièrement l'ap- parence extérieure, car sa dissection a permis de reconnaître qu'elle était exclusivement formée par du tissu graisseux. Cette nouvelle observation sera à ajouter à l'histoire du genre no- tomèle, pour lequel les descriptions anatomiques faites jusqu'à pré- sent sont plus ou moins incomplètes, et elle contribuera à montrer que le chirurgien peut intervenir pour restituer les individus mon- strueux à l'état normal par une opération qu'il ne serait pas diflicile d'exécuter, et dont les conséquences immédiates ne seraient pas graves. Ce sont là les dilTôrents points qui ressortent de ce mémoire. Jeudi 26 septembra 1867. MÉMOIRE SUR UN MONSTRE APPARTENANT A LA FAMILLE DES SYMÉLIENS ET SUR LES CAUSES DE LA SYMÉLIE Préaenté à la Société de Biologie, dans le mois de février 1868, PAR LE DOCTEUR GUSTAVE JULLIARD Cliirurgien suppléant de l'hôpital de Genève, ancien interne des hôpitaux de Paris, lauréat de la Faeullé de médecine de Paris, Le monstre qui fait le sujet de ce travail est un remarquable spé- cimen de la difformité à laquelle Is. Geoffroy Saint-Hilaire a donné le nom de symélie ou de sirenomélie, tandis que M. Cruveilliier et d'autres tératologistes Tout improprement appelée monopodie. Cette monstruosité, signalée par les auteurs les plus anciens, n'est point une nouveauté scientifique quoiqu'elle ne soit pas fréquente tant s'en faut; elle est caractérisée par la fusion médiane des membres inférieurs réunis en une seule niasse, par des déformations du bassin ainsi que par des anomalies plus ou moins importantes des organes génito-urinaires et de la partie inférieure du tube intestinal. La soudure des membres inférieurs est sans contredit le fait capital de cette espèce de monstruosité, celui qui caractérise cette famille 64 tératologique et a frappé presque exclusivement les auteurs qui se sont occupés de ce sujet. Toutefois on observe chez les syméliens d'autres déviations qui, pour n'avoir pas tout d'abord attiré l'atten- tion des tératologistes au même degré que la fusion des membres abdominaux, n'en sont pas moins un des phénomènes les plus con- stants et les plus caractéristiques de la symélie : nous voulons parler des anomalies que présentent les organes génilo-urinaires et l'extré- mité inférieure du tube intestinal. Chez tous les syméliens décrits jusqu'ici on a signalé l'absence constante de l'anus, du rectum et des organes génitaux externes. Ces derniers, d'après Is. Geofîroy-Saint- Ililaire (1) et Gruveilhier (2), font toujours défaut, tandis que les organes internes de la génération présentent, eux aussi, des anoma- lies plus ou moins complexes. L'individu que nous avons eu l'occasion d'observer est une rareté scientifique : c'est en effet, à notre connaissance du moins, le seul symélien chez lequel on ait constaté un tube intestinal normal, avec un gros intestin, un rectum et un anus bien conformés, ainsi qu'un vagin et un orilice vulvaire, ce dernier (fait capital), situé à la partie postérieure du membre abdominal, sur les côtés de la colonne ver- tébrale, et juxtaposé à l'anus dont il n'est séparé que par une simple cloison. La singularité de ce fait tératologique nous a engagé à publier le résultat des investigations que nous avons faites sur ce monstre. Dans un premier chapitre nous ferons succinctement la description anatomique des parties, en insistant surtout sur les anomaUes des organes génitaux ; dans un second chapitre, consacré à l'étude des causes de la sirenomélie, nous examinerons les différentes théories à l'aide desquelles on a cherché à expUquer cet ordre de déviations, et nous ferons ensuite l'exposé de nos vues particulières sur le mode de formation de cette monstruosité. DESCRIPTION ANATOMIQUE. Le monstre que nous décrivons ici est un enfant du sexe féminin, né à terme et de dimensions normales. La mère, qui a eu auparavant six (1) Histoire générale et particulière des anomalies de l'organisa- lion. Paris, 1832, t. Il, p. 253. (2) Traité d'anatomie pathologique générale, Paris, 1849, t. I, p. 317. 65 enfants bien constitués et actuellement vivants, dit n'avoir rien éprouvé de particulier pendant cette dernière grossesse; l'accouchement a été des plus faciles; l'enfant est né vivant, a fait quelques mouvements, poussé quelques cris, et a succombé peu de temps après sa naissance. La partie supérieure de ce fœtus est parfaitement conformée, comme cela s'observe chez tous les syméliens; ce n'est qu'au-dessous de l'ombilic que commencent les anomalies. L'abdomen va en effet en se rétrécissant de haut en bas, et vient se confondre insensiblement avec la face antérieure du membre abdominal Outre ce rétrécissement, l'abdomen présente un aplatissement tel, qu'au lieu de la convexité antérieure qu'il doit former, il présente au contraire une concavité; cette concavité répond précisément à la symphyse pubienne qui, ainsi que nous le verrons plus tard, affecte une direction tout à fait anor- male. L'abdomen se continue insensiblement avec la partie supérieure du membre inférieur sans la moindre ligne de démarcation; rien qui rappelle le pli de l'aine; les hanches sont complètement effacées; sur la ligne médiane, la saillie qui correspond au mont de Vénus est rem- placée par une dépression, et l'on ne remarque en cet endroit aucune trace des organes génito-urinaires. Le membre abdominal se présente sous la forme d'un cône aplati sur la face antérieure, arrondi sur la face postérieure; la base est tournée en haut et répond au bassin du fœtus; le sommet est consti- tué par l'extrémité inférieure des jambes et par les deux pieds qui sont écartés l'un de l'autre et dont la disposition rappelle les formes bizarres de ces monstres moitié hommes moitié poissons, auxquels les anciens avaient donné le nom de sirènes. Desinit ia piscem millier formosa siiperne. Sur les côtés du membre inférieur, on observe deux saillies irrégu- lières, arrondies, regardant en dehors. Elles sont formées par les ro- tules qui, au lieu d'occuper la face antérieure du membre, se trouvent sur sa face externe. Les pieds sont dirigés en dehors; la face plantaire regarde en avant et la face dorsale en arrière; ils sont soudés par les talons et une partie de leur bord externe; les orteils, au nombre de dix, sont complets et parfaitementdistincts. La face postérieure du tronc ne présente rien de particulier à noter. La saillie arrondie formée habituellement par les fesses existe, mais elle est un peu moins apparente quà l'élat normal et présente des plis transversaux produits par les mouvements de flexion et d'extension qui ont été communiqués au membre. Un peu au-dessus de l'articulation sacro-vertébrale, et à 3 centimè- tres à gauche de la colonne vertébrale, se trouvent deux orifices con- MEM. 1868. 5 66 tigus et superposés. L'inférieur est arrondi, permet facilement l'intro- duction d'une sonde ordinaire et laisse échapper du méconium quand on presse un peu fortement sur l'abdomen. Au niveau de cet anus, la peau perd brusquement ses caractères pour prendre ceux d'une mem- brane muqueuse. Cet orifice n'est pas enfoncé, il est comme taillé à l'emporte-pièce au milieu de l'enveloppe cutanée, et on n'y rencontre aucun de ces plis qui se trouvent normalement autour de l'anus. L'ori- fice supérieur est situé légèrement en dehors du précédent; il n'est pas arrondi, mais allongé, et affecte presque la forme d'une fente limi- tée par deux rebords. A cet endroit, la peau prend aussi les caractères d'une muqueuse; il est recouvert et presque caché par un appendice flottant, dont la base est fixée à l'extrémité supérieure de la fente, et dont le sommet est libre; la face externe de cet opercule est recou- verte par la peau, tandis que sa face interne, celle qui regarde l'orifice et s'applique sur lui, est tapissée par une membrane muqueuse. Un stylet mousse, introduit dans cette fente, y pénètre à une profondeur de 3 centimètres. Cet orifice, qui constitue la vulve de notre symélien, ne présente rien qui rappelle les petites lèvres, si tant est qu'on puisse considérer les rebords qui le limitent comme des vestiges des grandes lèvres; il n'y a non plus ni clitoris ni méat urinaire. Quant aux organes contenus dans la cavité abdominale, voici dans quel état ils se trouvent. Le foie, la rate et les reins sont normaux, ainsi que le tube intestinal. Ce dernier qui, chez lessyméliens observés jusqu'ici, a constamment présenté des anomalies graves dans sa partie inférieure, est bien constitué dans toute son étendue ; le rectum et la partie inférieure du colon sont gorgés de méconium. L'intestin vient s'aboucher, à gauche de la colonne vertébrale, sur l'orifice dont nous avons parlé plus haut; la situation qu"il occupe normalement dans la cavité du bassin est modifiée, ainsi que ses rapports avec les organes contenus dans cette cavité; c'est la seule anomalie que nous ayons à signaler dans le tube digestif de notre symélien. Les organes internes de la génération nous offrent des anomalies très- importantes. Le vagin se présente sous la forme d'un organe aplati, d'une longueur de 3 centimètres environ sur 1 centimètre de largeur; il est libre de toute adhérence avec les parties voisines et situé derrière la vessie, immédiatement en avant du rectum, avec lequel il est en rap- port par sa face postérieure ; il s'abouche directement sur celui des deux orifices qui est en forme de fente ; sa surface interne est lisse et ne pré- sente rien de particulier à noter. La cavité du vagin s'ouvre d'un côté à l'orifice vulvaire, et de l'autre se termine en cul-de-sac; point de mu- seau de tanche. L'utérus est situé au-dessus du vagin, avec lequel il est uni par un 67 tissu cellulaire lâche et par le péritoine; il se présente sous la forme d'une masse obîongue , mamelonnée , de la grosseur d'une petite amande : on y remarque deux prolongements qui rappellent la disposi- tion des utérus bicornes; on ne peut y distinguer un corps ni un col, non plus qu'aucun orifice. En incisant cette masse on voit qu'elle est cloisonnée, de telle sorte que chacun des mamelons correspond à une petite cavité; ces cavités sont accolées et ne communiquent pas entre elles. Sur les côtés de la colonne vertébrale et un peu au-dessous des reins se trouvent les deux ovaires; ils sont normalement constitués et renferment un grand nombre de follicules de Graaf ; à côté des ovaires se trouvent les pavillons des trompes. Quant aux canaux des trompes, nous avons pu en suivre le trajet pour la trompe droite : elle s'insérait sur l'utérus, mais nous n'avons pu constater aucun orifice au niveau de cette insertion ; pour la trompe gauche, nous n'avons pu la suivre : elle aura été coupée dans la dissection ; il est probable qu'elle se compor- tait comme sa congénère et qu'elle s'insérait aussi sur l'utérus. Les ovaires étaient fixés à l'utérus par des ligaments allongés et très-minces ; les ligaments ronds font complètement défaut. La vessie, notablement plus petite qu'à l'état normal, n'est pas située sur la ligne médiane, mais sur le côté gauche de la colonne vertébrale, au devant du vagin et de la partie terminale du tube intestinal ; elle est aussi placée plus haut qu'elle ne l'est à l'état normal, un peu au-dessus de l'articulation sacro-vertébrale. Elle ne présente à l'intérieur aucun orifice ni pour les uretères ni pour l'urèthre qui fait complètement dé- faut; elle est divisée en deux loges par une cloison complète; ces deux loges, qui ne communiquent pas entre elles, sont remplies d'un liquide incolore qui ne contient point durée et n'est autre chose qu'un reste du liquide allantoïdien. L'ouraque existe et est disposé normalement. Les reins sont aussi bien constitués ; les uretères sont d'une ténuité extrême et viennent se perdre dans le tissu cellulaire qui entoure l'u- térus, sans que nous ayons pu reconnaître d'une façon précise leur ter- minaison. Quant au système musculaire, nous n'en donnerons pas une descrip- tion détaillée; nous nous bornerons à signaler le fait suivant : c'est que les muscles des régions antérieure, postérieure et externe de la cuisse et de la jambe se trouvent tous situés à la face postérieure du membre abdominal, où, par leur réunion et leur enchevêtrement les uns dans les autres, ils forment une saillie volumineuse et apparente sous la peau, tandis qu'à la partie antérieure il ne reste que les muscles de la région interne, dont il manque encore les plus volumineux (les deux adduc- teurs profonds). Il résulte de cette disposition une prédominance très- * marquée du système musculaire à la face postérieure du membre abdo- 68 minai de notre symélien, prédominance qui se traduit aussitôt à rœil par la saillie considérable qu'on remarque dans cette région ; cette saillie fait un contraste frappant avec l'aplatissement de la face anté- rieure, qui, dans toute l'étendue du membre, présente au contraire une concavité assez marquée; dans celte région, en effet, la peau n'est sé- parée du squelette que par un petit nombre de faisceaux musculaires grêles (le pectine et le deuxième adducteur superficiel) et par une mince couche de tissu cellulaire. On verra plus loin, à propos de l'étiologie de la symélie, l'importance que nous attribuons à cette accumulation des muscles à la partie postérieure du membre abdominal aux dépens de la région antérieure. Le squelette est normalement constitué dans toute sa moitié supé- rieure ; les anomalies ne commencent, ainsi que pour les parties molles, qu'au-dessous de l'ombilic. Les vertèbres sont en nombre normal, con- trairement à ce qu'on observe souvent dans la symélie, où leur nombre est ordinairement diminué. La région lombaire de la colonne vertébrale piésente une légère courbure de gauche à droite en même temps qu'une convexité antérieure : cette courbure anormale correspond précisé- ment à l'endroit où sont placés la vessie, le rectum et les organes génitaux internes qui se trouvent, ainsi que nous l'avons dit, situés au-dessus du bassin, plus haut qu'à l'état normal. Le sacrum est consi- dérablement dévié en arrière, au point de former avec la colonne ver- tébrale un angle presque droit. Quant au bassin, il présente des déformations considérables. Les deux os des îles sont renversés en arrière, de telle sorte que leur face interne regarde en avant et leur face externe en arrière. Il en est de même du pubis qui se présente sous la forme d'une masse osseuse pyra- midale, dont la base est tournée en avant et dont le sommet, en forme de lame, pénètre entre lesextrémités supérieures des deux fémurs avec lesquels il s'articule. Il résulte de cette disposition que la cavité du bassin n'existe pas, car l^s os qui la circonscrivent habituellement ne constituent plus une cavité, mais une surface plane regardant en avant, et contre laquelle les parois de l'abdomen sont appliquées. Les fémurs sont renversés en dehors, et ont effectué un quart de rotation en sens opposé, de telle façon que leurs faces postérieures sont devenues internes et que les têtes regardent en avant. Les têtes fémo- rales sont articulées avec des cavités appartenant aux os coxaux : les trochanters sont en outre fortement rapprochés, au point d'être soudés l'un à l'autre, ainsi qu'à un prolongement osseux du pubis qui pénètre entre eux. A leur extrémité inférieure, les deux fémurs sont réunis par une véritable articulation ; ils sont aussi articulés aux tibias ; les rotules regardent en dehors. 60 Les tibias offrent également une inversion semblable à celle des fémurs; ils ne sont cependant pas soudés entre eux : à leur extrémité inférieure il sont articulés à un astragale unique, résultat de la fusion des astragales de chaque pied. Il n'y a qu'un seul péroné, situé sur la ligne médiane, entre les tibias, et formé par la réunion des deux péro- nés; il s'articule en haut et de chaque côLé avec les tibias; en bas il est fixé à l'astragale. Ce dernier os, dont la forme est méconnaissable, est unique et médian ; il est fixé en haut et sur la ligne médiane au péroné. En dehors, il s'articule avec les tibias; en bas, il se confond, par son bord inférieur, avec le calcanéum auquel il est uni intimement , le calcanéum est unique aussi et constitué par la fusion des deux cal- canéums. Quant aux os de la deuxième rangée du tarse, ils sont en nombre normal, mais ils s'articuleni sur la masse formée par l'astragale et le calcanéum; de telle façon que les pieds sont dirigés en dehors perpen- diculairement à l'axe des tibias; la face plantaire regarde en avant et la face dorsale en arrière. Les orteils sont au nombre de dix, parfaite- ment distincts les uns des autres, et ne présentent rien de particulier. ÉTIOLOGIE DE LA SYMÉLIE. Tous les auteurs qui se sont occupés de tératologie, ont cherché à se rendre compte des causes et du mode de formation des monstruo- sités qu'ils avaient sous les yeux. L'étude de l'étiologie des dévia- tions organiques, après avoir passé par des phases que nous n'avons pas à exposer ici, en est arrivée aujourd'hui à des données posi- tives et scientifiques sur un grand nombre de monstruosités. Toutefois, si nous pouvons à bon droit nous féliciter de n'en plus être à considérer les monstres comme des êtres prodigieux, re- marquables par leur conformation bizarre et désordonnée, il existe encore un certain nombre de faits tératologiques sur l'étiologie des- quels nous sommes loin d'avoir des connaissances satisfaisantes. La siréûomélie est précisément une de ces monstruosités qui, après avoir exercé la sagacité des tératologistes, n'en sont pas moins res- tées inexplicables pour la plupart d'entre eux. C'est ainsi que Mec- kel (1) fait revivre, en faveur de cette variété de déviations, l'hypo- (1) Ube7^ die Verschmelzungsbildungen, in Archiv. fur anat. und PHYsioL. Ann, 1826, p. 273-310. 70 thèse surannée de la monstruosité originelle, sans d'autre motif que l'impossibilité où il est d'en trouver une explication satisfaisante. Cependant deux auteurs éminents, MM. Isidore Geoffroy-Sain t- Hilaire et Cruveilhier, ont proposé pour la déviation qui nous occupe des théories à Taide desquelles ils ont cru pouvoir l'expliquer. La théorie de M. Geoffroy-Saint-Hilaire résulte de la combinaison de la loi du développement excentrique de M. Serres, et de la loi d'af- finité de soi pour soi de M. Geoffroy-Saint-Hilaire père. A une cer- taine époque de la vie intra-utérine, dit M. Geoffroy-Saint-Hilaire, d'après M. Serres, tous les organes sont pairs et latéraux, parce que ceux qui plus tard doivent devenir impairs et médians se trouvent divisés en deux moitiés semblables, symétriquement placées à droite et à gauche de la ligne médiane. Ils s'accroissent ensuite, se modi- fient et se développent en passant par une série de transformations successives et déterminées; de telle façon que, de doubles pairs et latéraux qu'ils étaient d'abord eu vertu de la loi de symétrie, ils deviennent impairs médians et réunis par leurs parties similaires en vertu de la loi de conjugaison et d'affinité ; et si chaque organe pair et latéral ne se réunit pas à son congénère parfaitement sem- blable à lui-même, c'est que les organes pairs et latéraux sont sépa- rés les uns des autres par un intervalle plus ou moins considé- rable, et que leur réunion supposerait la destruction des parties intermédiaires; c'est pour cette raison que les membres supérieurs, séparés jDar le thorax, n'ont jamais été trouvés réunis. Les organes pairs et latéraux doivent donc être considérés comme occupant dans l'échelle de l'organisation un degré inférieur à celui des organes impairs et médians, de telle manière que ces fusions, considérées par nous comme des déviations, ne seraient aux yeux du philosophe qu'un degré plus avancé dans Torganisation. En con- séquence, M. Geoffroy-Saint-Hilaire admet que les monstruosités par jonction ou par fusion sont des monstruosités par excès de dévelop- pement. Nous ferons observer qu'il résulterait de cette manière de voir que l'adhésion ou fusion des membres abdominaux serait une chose toute naturelle, et qu'au lieu de s'en étonner, on devrait chercher à expliquer pourquoi elle ne se produit pas plus fréquemment; la soudure des membres inférieurs, qui sont contigus chez le fœtus, et ne rencontrent par conséquent aucun obstacle à leur réunion, de- 71 vrait être la règle, et leur indépendance, c'est-à-dire l'état normal, ne serait que l'exception. Mais les principes sur lesquels repose cette théorie, d'ailleurs vivement combattus dès l'origine par Béclard, 01- livier d'Angers (1) et M. Gruveihier (2), sont loin d'avoir la portée gé- nérale que leur accordait leur auteur. Accueillis d'abord avec faveur, ils n'ont pas été sanctionnés par les progrès que l'embryogénie a faits depuis, et l'opinion exprimée par M. Isidore Geoffroy-Saint-Hi- laire, d'après laquelle la sirénie serait due à un excès de développe- ment, est aujourd'hui inadmissible. M. Gruveilhier (3) admet que la symélie est due à une double com- pression à laquelle auraient été été soumis le bassin et les deux membres inférieurs pendant la vie intra-utérine, compression qui aurait été produite par l'action de deux forces agissant simultané- ment ou successivement, savoir : 1° une force qui aurait imprimé à chacun de ses membres un mouvement de rotation en sens opposé sur leur axe de dedans en dehors et d'avant en arrière, de telle ma- nière que leur face postérieure serait devenue antérieure et réci- proquement; 2° une force qui, pressant ensuite fortement les mem- bres l'un contre l'autre, aurait déterminé leur fusion. Gette manière de voir ne nous parait pas acceptable; en efTet, s'il est possible que cette double pression dont parle M. Gruveilhier puisse entraîner la soudure des membres inférieurs et leur rotation, rien absolument, rien ne prouve qu'elle ait existé. Le symélien que nous avons observé ne présentait aucune trace quelconque d'une pareille pression, dont l'action, pour produire des désordres aussi graves que ceux qu'on lui attribue, aurait dû être très-intense et très-prolongée. Il en est de même pour tous les monstres de cette catégorie dont la description nous a été donnée. Aucun auteur ne signale les traces d'une compression qui, en raison même de son énergie et de sa con- (1) Recherches d'anatomie transcendante et pathologique ; théorie des formations et des déformations organiques, appliquées à Cana- tomie de la duplicité monstrueuse. Paris, 1832, in-4\ Atlas in-fol. Extrait des Mém. de l'Acad. des se, t. XL (2) Arch. gén. de méd., t. VII, p. 271 et suiv., année 1825. Dict. DEMÉD., t. XX. Paris, 1839, article Monstruosité. {Q)Loc. cie , p. 318. n tinuité, devrait toujours laisser son empreinte sur les parties molles du fœtus. Nous rejetons doue la théorie de M. Cruveilhier, au moins dans la forme qu'il lui a donnée dans son livre ; il est en effet possible que la soudure des membres abdominaux soit le résultat d'une pres- sion, quoique le faitne soit nullement démontré; mais ce que nous contestons, c'est que Tinversion des membres soit produite de la manière indiquée par M. Cruveilhier, attendu que nous ne voyons ni en quoi consiste la force qui lui paraît si évidente, ni où elle peut résider; d'ailleurs cette force devrait laisser constamment des traces de son action, ce qu'aucun auteur n'a jamais signalé. Voici la théorie que nous croyons pouvoir proposer pour l'explica- tion de la symélie. L'origine de cette monstruosité remonte, selon nous, à une époque très-peu avancée :du développement embryon- naire. A la fin de la quatrième semaine, on voit apparaître sur le renflement caudal de l'embryon deux petites saillies ou bourgeons, qui représentent l'origine des membres inférieurs. Ces bourgeons se développent en divergeant l'un de l'autre dans l'état normal. C'est leur développement convergent, sur l'étiologie duquel nous revien- drons bientôt, qui entraîne leur fusion et par suite la symélie tout entière. Selon nous, eu effet, les autres anomalies qui caracté- risent cette monstruosité ne sont que la conséquence de la soudure des deux membres abdominaux. La fusion des deux bourgeons une fois opérée, leur développement continue, mais il est influencé par le degré d'adhésion plus ou moins intime de ces parties entre elles; et, suivant que cette adhésion sera plus ou moins grande, on verra les deux fémurs se rapprocher, se juxtaposer, s'articuler même en- tre eux, les tibias et les péronés se confondre et même disparaître, les muscles s'intriquer les uns dans les autres, leurs insertions chan- ger, leur direction se vicier; les pieds enfin seront soudés plus ou moins intimement, quelquefois on n'en trouvera qu'un seul, souvent même ils feront complètement défaut. Quant à la cause qui préside à la convergence des deux bourgeons, elle est complètement inconnue; mais il est permis d'espérer que les pro- grès de la science arriveront à la dévoiler. M. le professeur Valentin(i) (1) Zur Enlwikiungsgeschichte der Fische. Zeitschr. fur wisseusch. Zoologie. Bd 1. S. 267. — CanstaUsJahresbericht, t. III, 1850. 73 ayant fait un jour transporter des œufs de poisson du lac de Bienne à Berne, trouva, sur les individus qui en provinrent, un grand nombre de déviations. La même observation a été faite par d'autres savants, et l'on sait aujourd'hui que le frai transporté donne lieu à de nombreuses monstruosités. On a constaté en outre, chose très- intéressante, que les déviations portent précisément sur les organes qui étaient en voie de formation au moment où la cause perturbatrice a agi, fait qui avait déjà été signalé par M. Geoffroy- Saint-Hiiaire et d'autres auteurs pour d'autres espèces animales. En présence de ces faits, n'est -il pas permis d'admettre que le même phénomène peut se passer chez Thomme, et qu'une cause extérieure, telle qu'un coup, une violence, une simple secousse se produisant au moment où les membres abdominaux du fœtus prennent naissance, peut troubler leur développement et entraîner leur fusion? La chose n'est certainement pas démontrée, ce n'est qu'une hypothèse que nous émettons ici; mais cette hypothèse n'a rien de déraisonnable, et elle trouvera peut-être un jour sa justilication dans les faits. Après la fusion des membres abdominaux , le caractère le plus important de la symélie, ce sont les anomalies que présentent les organes génito-urinaires et l'extrémité inférieure du tube intesti- nal. Chez tous les monstres syméliens l'absence des organes génitaux externes et de l'urèthre a été signalée comme un fait constant : quant aux organes internes de la génération, on a trouvé dans la cavité ab- dominale des rudiments d'utérus, des testicules, des ovaires nor- maux; mais toujours les canaux excréteurs (trompe, canal déférent) manquaient ou bien venaient s'ouvrir dans l'intestin. On a constaté l'absence d'un rein , ou même des deux reins à la fois; la vessie est mal conformée ou n'existe pas : on a même vu l'appareil urinaire manquer tout entier (1). Le rectum manque toujours ainsi que l'anus : le symélien que nous avons décrit est le seul, ainsi que nous l'avons dit, chez lequel on ait constaté un gros intestin normal et un orifice anal. Les anomahes des organes de la génération et de l'intestin , attri- buées par M. Gruveilhier au vice de conformation du bassin, se rat- tachent dans notre opinion à la soudure des membres inférieurs dont (1) Sachsse, Diss. sistens infantis monstris describ. Leipzig, 1803. 74 elles ne sont qu'une conséquence, et, selon nous, voici de quelle façon les choses se passent. Les organes génitaux externes se montrent chez le fœtus dans la cinquième semaine , c'est-à-dire huit jours environ après que les bourgeons des membres inférieurs ont ap- paru : on aperçoit d'abord un petit soulèvement au-dessous de la région caudale de l'embryon ; cette éminence ovalaire se développe ensuite davantage sur les côtés, de manière que le centre présente bientôt une dépression (dépression anale). Le fond de cette dépres- sion communique promptement avec l'extrémité inférieure de l'in- testin , par résorption de la cloison qui les sépare, et le cloaque est constitué. A ce moment, les organes de la génération et l'extrémité du tube intestinal communiquent largement entre eux. Plus tard , la séparation de Tappareil génital et de l'appareil intestinal s'opère, et les organes génitaux en remontant vers l'ombilic s'éloignent de plus en plus de l'orifice anal, qui se trouve ainsi isolé et séparé d'eux par le périnée. Or il est évident que, chez le symélien, l'orifice uro-génital est con- sidérablement refoulé en arrière et en haut par la soudure des mem- bres inférieurs ; il est par conséquent troublé dans son développe- ment, et la plupart du temps il avorte. Chez le symélien que nous avons observé, le cloaque a pu se constituer, l'appareil génital s'est même séparé de l'appareil intestinal; mais il lui est resté accolé, parce qu'il n'a pas pu effectuer son mouvement d'ascension, empêché qu'il en a été par la soudure des membres inférieurs entre lesquels il doit passer pour gagner sa place. Il résulte de cette manière de voir que chez les sirènes, les or- ganes génitaux externes seront imperforés, ou tout au moins se- ront toujours situés à la face postérieure de l'individu , et juxta- posés au rectum et à l'anus avec lequel ils communiqueront , ou dont ils ne seront séparés que par une simple cloison, vestige du périnée. Les anomalies des organes génitaux internes dépendent de la même façon du trouble occasionné dans le développement des or- ganes génitaux externes par la soudure des membres et par la conformation vicieuse du bassin qui en est la conséquence. On sait, en effet, que les parties génitales internes et externes se développent simultanément, mais isolément; leur réunion a heu ensuite, grâce au mouvement d'ascension des parties e-s ternes qui 75 remontent ainsi au devant des parties internes. Or, chez le sy- mélien , la place occupée par les organes externes n'est pas la même que celle qu'ils ont à l'état normal, et comme il leur est de plus impossible de s'élever ^et de venir au-devant des organes internes, la réunion des deux parties devient impossible, et l'ap- pareil génital ne peut se constituer. Il résulte de tout ceci uue grande perturbation dans le développement des organes internes de la génération : cette perturbation , ajoutée aux déviations con- sidérables du bassin, peut très-bien expliquer les anomalies que présente l'appareil génital. Enfin, il nous reste à rendre compte de l'inversion des membres, qui est considérée à juste titre comme un caractère fondamental de la symélie, et n'a pas encore trouvé, de la part des tératologistes, une explication satisfaisante. Dans son remarquable ouvrage, M. Is. GeofTroy-Saint-Hilaire déclare que les causes et l'explication de ce phénomène échappent complètement à notre investigation ; il le con- sidère pourtant comme une des complications constantes de la sou- dure des membres, et il le regarde comme un des éléments de toute monstruosité symélique. C'est aussi l'impossibilité dans laquelle Meckel se trouva d'expliquer autrement cette inversion, qui le décida à considérer la symélie comme une monstruosité originelle. Le professeur Gruveilhier attribue l'inversion des membres à l'effet d'une pression analogue à celle qui a causé leur fusion. Nous ne pouvons, à cette occasion, que répéter l'objection que nous avons déjà opposée à cette théorie : à savoir, que rien n'est moins démontré que cette prétendue pression, dont l'existence nous parait au con- traire impossible. Pour produire, en effet, une rotation pareille, il faudrait une action très-énergique et continue pendant tout le cours du développement des membres; or nous ne pouvons admettre qu'une pareille pression ne laisse aucune trace sur les parties molles d'un fœtus, et nous estimons qu'il faut chercher ailleurs la cause de la rotation des membres. A nos yeux, cette inversion trouve son explication dans la dispo- sition des muscles. On se rappelle, en effet, qu'à la partie antérieure du membre abdominal nous n'avons constaté qu'un petit nombre de muscles, tandis qu à la partie postérieure se trouvaient accumulés tous les muscles des régions antérieure, postérieure et externe de la cuisse et de la jambe. Eh bien ! le renversement en dehors des mem- 76 bres abdominaux est produit, selon nous, par l'action de cette masse musculaire postérieure, qui a pour effet de tirer les os eu dehors et en arrière, et cela d'autant plus énergiquement qu'il n'y a pas à la face antérieure de muscles capables de résister à cette action. 11 se produit alors une déviation tout à fait semblable à celles qu'on ob- serve dans certaines paralysies musculaires partielles, notamment dans les paralysies saturnines des extenseurs du poignet etdes doigts. Telles sont les idées que nous a suggérées l'étude du monstre que nous avons eu l'occasion d'observer. Les causes que nous avons assi- gnées aux phénomènes de la symélie rendent compte, d'une façon satisfaisante, de tous les éléments qui caractérisent cette monstruo- sité. Formulons du reste, pour conclure, les principes que nous avons développés dans notre travail. i" La soudure des membres abdominaux est due au développe- ment convergent des bourgeons sur lesquels ils germent. 2° Les anomalies des organes delà génération sont la conséquence du trouble qui est jeté dans leur développement et leur migration par la soudure des membres inférieurs. 3" Dans la symélie il y aura presque toujours atrésie des organes génitaux externes. Dans le cas où ces derniers présenteraient un orifice, il sera toujours situé à la face postérieure du membre, très- près de l'orifice anal, si ce dernier existe. 4" La rotation des membres et leur inversion sont dues à l'inégale disposition des muscles qui, accumulés à la partie postérieure du membre, et sans antagonistes capables de leur résister, ont insensi- blement et graduellement entraîné les os dans la position vicieuse qu'ils occupent. RECHERCHES SUR LA THEORIE DE LA MARCHE Mémoire présenté à la Société de Biologie PAR M. P. I. PROMPT Inttrne à l'hôpital de Lariboisière. La théorie de la marche a été l'objet de nombreux travaux; mais dans l'état actuel de la science, ces travaux ne peuvent guère être utilisés pour le progrès de la physiologie. Les uns, comme ceux de Borelli, appartiennent à une époque où les sciences mathématiques, encore dans l'enfance, ne fournissaient pas à la médecine les res- sources nécessaires pour approfondir les difficiles problèmes de la mécanique animale. D'autres, comme ceux de Barthez, sont marqués de l'intluonce stérile d'un vitalisme suranné, d'après lequel la phy- siologie devrait marcher avec ses propres forces, sans jamais em- prunter le secours de la physique, ni des mathématiques, ni d'aucune autre science. Plus récemment, les frères Weber ont produit une théorie qui, malheureusement pour nos écoles, a reçu dans les traités classiques l'hospitalité la plus aveugle. On a droit de s'étonner que cette théorie continue à exercer son empire sur l'enseignement, de- puis que M. Giraud Teulon en a démontré l'absurdité dans un mé- moire bien connu. Ainsi, nous manquons aujourd'hui, en physiologie, de notions mathématiques exactes sur le principe de la marche. Je me suis pro- posé de combler, en partie du moins, cette lacune regrettable. Les recherches qu'on va lire renferment une théorie générale de la dy- namique de la marche. Mais avant d'entrer en matière, je dois ré- pondre brièvement à une objection que certains esprits ne peuvent manquer de m'adresser. Quelle est, dira-t-on, l'utilité pratique d'un tel travail? En quoi les recherches mathématiques peuvent-elles ser- vir au diagnostic des maladies et aux progrès de l'art de guérir? Et ne faut-il pas négliger avec le plus grand soin toute recherche dont l'application à la thérapeutique médicale ou chirurgicale n'est pas évidente?.... Voici ce que j'ai à dire à ces sages réflexions. Dans les premières années de ce siècle, quelques savants modestes se préoccupèrent de savoir pourquoi les yeux des chats brillaient dans l'obscurité. Quoi de plus frivole et de plus inutile en apparence ! Cependant c'est en partant de ces humbles travaux que Helmholtz a pu éclairer les ténèbres du champ pupillaire, et révéler à la science tout un monde pathologique jusqu'alors inconnu. Il en est ainsi de toutes les découvertes pratiques ; si l'on remonte à leur origine, on la trouve dans des recherches théoriques dont la signification sem- blait d'abord des plus contestables. On a dit que la théorie devait être l'esclave de la pratique; rien n'est plus faux. La pratique est un aveugle qui, livré à lui-même, irait çà et là au hasard ; la théorie est le guide qui le conduit. L'étude que nous allons faire ici est surtout relative au mou- vement de marche de l'homme en terrain horizontal. Les forces qui entrent en action dans ce mouvement sont les suivantes : 1° L'action musculaire; 2° La rigidité des leviers osseux ; 3* La réaction du sol, que l'on peut décomposer en résistance ou réaction verticale, et en résistance horizontale, ou frottement, 4° Le poids du corps; 5* La résistance de l'air; 6° Les frottements articulaires. Parmi ces forces, les plus importantes à considérer sont Tac- tion musculaire et la réaction du sol. Ce sont elles qui, à propre- ment parler, engendrent le mouvement, et l'entretiennent. Les autres forces ne font que s'équilibrer, ou régulariser le mouvement. Il faut, avant d'aller plus loin, rendre ici un compte exact de la 79 mauière dont la rOaction du sol et l'effort musculaire combinent leurs effets pour déterminer les mouvements du corps. Je ne crois pas que les physiologistes soient jamais parvenus à se faire des idées justes sur ce sujet; aussi je dois m'y arrêter assez lon- guement. Borelli croyait à une impulsion du sol, qui, pressé par les pieds, réagissait à la manière d'un corps élastique, et chassait le corps en avant. Cette idée, évidemment fausse (puisque le sol n'est pas élas- tique), a donné lieu aux critiques de Barthez;etil la confond, à tort, avec une opinion plus ou moins exacte, sur laquelle je reviendrai, qui consiste à comparer le mouvement de la marche à celui d'un bateau qu on fait avancer en appuyant une perche contre le fond de leau. Ces prétendues réactions et répulsions du sol sont imagi- naires, selon Barthez. Cherchant à expliquer autrement le méca- nisme de la marche, il se borne à énumérer les muscles qui entrent en action pour mouvoir le corps, sans comprendre que la réaction du sol, qu'il néglige, est indispensable pour permettre aux muscles de produire un effet utile. Cette faute de raisonnement tient aux principes de vitalisme qui formaient les éléments essentiels de la doctrine de Barthez. Considérés en eux-mêmes, ces principes sont abpurdes; en effet, Barthez s'imagine, ou croit s'imaginer que les êtres vivants sont soustraits à toutes les lois mécaniques, physiques ou chimiques qui gouvernent le monde. Un tel vitalisme n'est sus- ceptible aujourd'hui d'aucun examen, d'aucune discussion. Il y a encore de nos jours des tendances vitalistes (et, s'il nous est permis de mentionner notre opinion, nous dirons que nous partageons ces tendances), mais elles sont beaucoup moins radicales. On ne suppose pas, dans nos écoles modernes, que les êtres vivants sont soustraits aux lois générales de la nature inorganique. On se borne à croire que ces lois ne sont pas les seules qui déterminent l'activité vitale; on croit que cette activité dépend en outre de lois spéciales, dont les analogues n'existent pas, pour le monde privé de vie. Par exem- ple, on regarde le système nerveux comme un générateur de force qui n'est identique ni aux appareils électriques, ni aux machines qui transformeat la chaleur en travail mécanique, ni, en un mot, à aucun appareil existant, ou pouvant exister ailleurs que dans le règne animal. Mais ce serait, au point où nous en sommes aujour- d'hui, une véritable démence que d'aller croire, comme Barthez, que 80 la force nerveuse, exerçant, son action sur un système de points matériels ou de corps solides, se comportera contrairement aux lois connues de la dynamique, contrairement aux lois qui régissent toutes les forces et tous les systèmes matériels. Cela posé, nous devrons, ici comme ailleurs, appliquer à Tétude de notre activité vitale les lois connues de la dynamique. Voici l'énoncé d'une de ces lois, qui va nous être très-utile: Théorème. Un système dans lequel il ne se développe que des forces intérieures ne peut pas modifier la position de son centre de gravité dans l'espace: il ne peut que tourner autour de ce centre, ou bien en rapprocher ou en éloigner ses diverses parties. Le corps humain est un système de ce genre. De sorte que si, par l'action musculaire, nous portons, par exemple, Tune de nos jambes en avant, cette même action s'exerce à notre insu et mal- gré nous, pour porter le tronc ou l'autre jambe en arrière, et si le mouvement de recul n'est empêché par aucune force extérieure, il s'effectue inévitablement, de telle sorte que le mouvement de pro- gression en avant de la première jambe est compensé, et que le centre de gravité reste en place. On a un exemple vulgaire de la succession de ces phénomènes, quand on observe la chute d'un homme qui essaye de marcher sur uu terrain très-glissant. Dès quil porte une jambe en avant, la jambe opposée se porte en arrière. En effet, l'ac- tion musculaire, n'étant plus contrariée par le frottement du sol, exerce tout son effet sur cette jambe. Alors les deux pieds, quittant le sol, n'offrent plus aucun point d'appui aux leviers osseux qui, par leur rigidité, détruisaient l'action de la pesanteur et empê- chaient la chute sur le sol. La chute a donc lieu inévitablement. Ainsi, voilà un premier principe général qui dominera tous nos rai- sonnements; sans forces extérieures, point de translation possible du corps: le centre de gravité reste en place. Nous prouverons plus loin que, parmi les forces extérieures, la seule qui agit utilement pour déterminer la translation du centre de gravité est la réaction du sol. C'est donc par les effets combinés de la réaction du sol et de la force musculaire que la marche de l'homme est rendue possible. La marche des animaux a lieu en vertu des mêmes principes. Il en est encore de même de la progression des machines locomotives. Cette analogie entre la progression des animaux et celle des machines est un fait que beaucoup d'auteurs de physiologie ont méconnu. Il y 81 a un curieux passage des Irôres Weber, qui montre à quelles aber- rations on peut arriver en négligeant de tenir compte des principes mécaniques dont la marche dépend. Il est cependant un cas où la translation des animaux se fait par un mécanisme qui ne diffère en rien de celui qui détermine la progression des machines locomotives : je veux parler du roulement que Ion produit chez les quadrupèdes, et qui a été observé (mais très-rarement) chez Ihomme, à la suite de lésions de certaines parties de Tistbme de l'encéphale. L"animal éprouve, en vertu de la lésion, un trouble nerveux par suite duquel il tend à développer des actions musculaires propres à le faire tour- ner autour de son centre de gravité. Cette rotation se fait autour de l'axe de figure de l'animal, soit de droite à gauche, soit de gauche adroite. Dans ces mouvements, Tanimal appuie sur le sol partout un côté du corps ; la réaction du sol peut alors occasionner deux actions distinctes, savoir : la lésistance au roulement et la résistance au glissement. La première est faible; elle ne suftit pas pour empê- cher la rotation de s'effectuer; la seconde est forte, et elle s'oppose énergiquement à la rotation sur place. Qu'arrive- l-il? L'animal roule en se déplaçant dans un sens déterminé; il se déplace exactement comme la roue des machines locomotives. Dans les locomotives de chemin de fer, une force mécanique énorme détermine la révolutiou des roues autour de leur axe, mais les roues peuvent tourner sur place en gUssant sur les rails, ou bien rouler en entraînant la ma- chine, soit d'arrière en avant, soit d'avant en arrière, selon le sens du roulement. La machine est donc sollicitée à s'avancer par une force égale à la différence qu'il y a entre la résistance au roulement et la résistance au glissement. C'est avec cette force qu'elle agit pour rem.orquer les wagons plus ou moins chargés qu'on enchaîne à sa suite. On voit donc ici les expériences physiologiques venir en aide aux théories mathématiques pour montrer l'identité qui existe entre le corps de l'homme et les systèmes automobiles fabriqués par notre industrie. M. Prévost a montré, dans une récente publication, qu'il était né- cessaire de tenir compte surtout du frottement du sol pour expli- quer le roulement des animaux à la suite des lésions de l'isthme encéphalique. Tout ce que M. Prévost a dit sur le mouvement de translation que prennent les animaux dans ces lésions est parfaite- MÉM. I8681 6 82 ment exact. Ce mouvement résulte du frottement du sol et de Fac- tion musculaire qui tend à faire tourner l'animal autour de son centre de gravité. Si l'on veut déterminer, dans ces phénomènes, quelle est la part de l'action nerveuse, ou (ce qui revient au même) quelle est la part de l'action musculaire, il faut s'occuper exclusivement des mouvements de rotation de l'animal autour de son axe de figure. Le sens de ces mouvements doit seul entrer en ligne de compte. Quant à celui des mouvements de translation sur le sol, il ne faut pas s'en inquiéter, ou, du moins, il ne faut le considérer que comme une conséquence pure et simple du sens dans lequel la rotation a lieu. Je reviendrai plus loin sur cette question. Le raisonnement ma- thém^atique me permettra de formuler une théorie régulière, qui explique à la fois et l'action des diverses parties du système nerveux sur la marche, et le lien qui existe entre les phénomènes physiolo- giques de la marche et de la station, et les phénomènes pathologi- ques qui s'observent chez les animaux, à la suite de diverses lésions de l'encéphale. Au point où j'en suis, il me suflit d'avoir développé et exposé en détail la proposition fondamentale qui domine la théorie de la marche : c'est que l'action musculaire, incapable par elle seule de déterminer nos mouvements de translation sur le sol, parvient cependant à déterminer ces mouvements en combinant ses efforts avec ceux de la réaction du sol. Je dois maintenant démontrer cette proposition ; je dois prouver que c'est en effet la réaction du sol qui entre en jeu pour donner lieu à ce résultat. Pour cela il est nécessaire d'établir une division dans l'étude du mouvement. Il est visible que ce mouvement peut être décomposé en deux autres : l'un de rotation, par lequel les membres oscillent par rapport au tronc; ce mouvement est périodique, il se reproduit à chaque pas. L'autre est un mouvement de translation commun à toutes les parties du corps, par lequel le corps tout entier se trans- porte en avant, de sorte que chacune de ses parties marche exacte- ment avec la même vitesse moyenne, quoique d'ailleurs leurs vitesses individuelles changent périodiquement en raison du mouvement de rotation. La meilleure manière d'étudier séparément la translation et la rotation est de considérer, d'une part le mouvement de transla- tion du centre de gravité du corps, d'autre part le mouvement de rotation des diverses parties autour de ce centre. Une fois ces deux mouvements complètement étudiés, il est clair que nous aurons 83 épuisé la question ; car il uous sera possible du dùtenuiiier, à chaque instant du mouvement, la position et la vitesse de cliaque point du corps, rintensité et la direction des forces qui agissent sur lui. Étudions en premier lieu le mouvement du centre de gravité. Parmi les forces qui agissent sur ce point, nous devons signaler en premier lieu la pesanteur. On sait en effet que l'action totale de la pesanteur sur le corps équivaut à celle d'une force égale au poids du corps, passant par son centre de gravité, et affectant une direc- tion verticale de haut en bas. Pour déterminer convenablement l'ac- tion de la pesanteur dans le mouvement du centre de gravité, il convient d'étudier avant tout les oscillations que ce point décrit dans le sens vertical, oscillations périodiques dont il nous sera aisé de démontrer l'existence à chaque pas de la marche. Il n'est pas nécessaire pour cela de connaître la position exacte du centre de gravité dans le corps; il suffit de se rendre compte approximative- ment de cette position. Il est fort heureux qu'il en soit ainsi; car si nous étions obligés de connaître préalablement la position exacte du centre de gravité, la question deviendrait d'une complication extrême. Borelli a déterminé par à peu près le rapport du centre de gravité avec le bassin, et il s'est borné a dire que ce point était situé dans l'excavation pelvienne. Les iatro-mathématiciens mo- dernes auraient dû imiter cette sage réserve. Eu effet, il est absurde de chercher ii déterminer à quelques millimètres près la hauteur d'un point qui change sans cesse de situation par rapport au corps. Chacun de nos mouvements modifie la situation de notre centre de gravité; lïngestion des aliments lui fuit subir des oscillations diurnes, qui peuvent aller jusqu'à '2 ou 3 centimètres. Ainsi nous mépriserons une vaine précision qui nest qu'un masque sous lequel se cache l'inexactitude. Nous admettrons avec Borelli que le centre de gravité du corps est à peu près au milieu de l'excavation pel- vienne; et nous allons chercher à déterminer par le raisonnement quels sont les déplacements qu'il subit dans le sens de la verticale, lorsque nous effectuons le mouvement de la marche en terrain horizontal. D'abord supposons un homme placé debout sur le sol, dans l'at- titude que les règlements militaires assignent au soldat au port d'ar- mes. Nous choisissons cette attitude comme position initiale et comme type de la station debout, parce qu'elle est très-régulière et 84 très-naturelle. Supposons que cet honuiie se mette en marche en partant du pied gauche; il commencera par fléchir la cuisse sur le bassin et la jambe sur la cuisse, en même temps il étendra le pied, et rélèvera jusqu'à la plus grande hauteur qu'exige le pas qui va s'effectuer. Ce premier mouvement présente une circonstance qui suffit pour le caractériser : c'est que toutes les parties du membre gauche se sont élevées au-dessus de leur situation primitive. D'où il suit que le centre de gravité de ce membre s'est élevé nécessaire- ment. De plus, le reste du corps n'a pas bougé, ou du moins n'a bougé que fort peu ; si bien que le corps peut être divisé en deux grandes régions, l'une formée par le membre inférieur gauche, qui s'est élevé; l'autre formée par le tronc et le membre inférieur droit, qui sont restés en place. Il suit de là que le centre de gravité de tout le corps s'est nécessairement élevé au-dessus de sa position initiale. Nous caractérisons par là le mouvement que nous venons de définir; nous lui donnerons le nom de temps initial de la marche. La marche continuant, le membre inférieur gauche s'abaisse, s'é- tend et se pose à terre; aussitôt le tronc subit un léger mouvement de bascule par lequel il s'incline sur le membre droit, lequel s'étend à son tour, et Ton arrive à un instant où le corps se trouve soutenu par les deux jambes, à peu près au milieu des verticales qui passent par les deux talons; le tronc est alors placé comme la branche verti- cale dun Y renversé, dont les deux branches inclinées figureraient l'une et l'autre jambe. Appliquant à ce mouvement des considérations analogues à celles que nous avons employées pour le mouvement précédent, nous voyons qu'il est caractérisé par des circonstances inverses : toutes les parties du corps se sont abaissées; par consé- quent le centre de gravité du corps s'est abaissé. Ce mouvement étant ainsi défini, nous l'appellerons le premier temps de la marche. Qu'arrive-t-il ensuite? Le membre inférieur droit s'étend à la fois dans toutes ses articulations; il fait effort contre le sol; le tronc, obéissant à cet effort, se relève et se porte en avant, après quoi le membre droit se relève à son tour et vient se placer en avant, dans une position identique à celle qu'occupait, au commencement du premier temps, le membre gauche. A partir de ce moment, le premier temps va donc se reproduire, avec cette différence qu'il se fera à droite au lieu de se faire à gauche, comme tout à l'heure. Nous don- nerons le nom de second temps au mouvement que nous venons de définir. Nous voyons que le premier et le second temps vont se suc- céder alternativement pendant toute la durée du déplacement, jus- qu'à l'époque où le sujet qui est en marche ju PAR M. LE Docteur A. LABOULBÈNE Membre honoraire delà Société de Biologie, etc. (Yoy. planche II.) Léon Dafour, qui a étudié avec tant de soin les métamorphoses et l'anatomie des insectes, constatait (1), dès l'année 1846, le grand nombre d'animaux habitant dans la sève épaissie qui s'est écoulée des plaies des ormes. Les Comptes rendus de l'Institut, les Annales des sciences na- turelles et de la Société entomologique de France renferment la description et la figure de plusieurs insectes trouvés par Léon Du- four dans ce qu'il appelait « la marmelade de l'ormeau. » Je cite entre autres : les Nosodendron fasciculare (Annales de la Société (1) L. Dufour, Sur une colonie d'insectes vivants dans CuLcère de C ormeau (Comptes rendus hebdomadaires de l'Académie des sciences, 1846, t. XXII, p. 318). 150 ENTOMOLOGIQUE DE FRANCE, 1862), Drosophita pallipes, Aulacigaster riifitarsis (id., 1846), Brachyopa bicolor eiSubula cilripes (Annales DES SCIENCES NATURELLES, 1847 el 1848), Ceria coïiopsoides (Annales DE LA SOCIÉTÉ ENTOMOLOGIQUE DE FRANCE, 1847), Rtiyphus fenestralis et Mycelohia paUipes (id., 1849). Je puis actuellement ajouter à cette liste d'insectes : un Dolicho- pode du genre Systenns, une Hylemia et un Ceratopogon. Je ne ferai connaître dans ce travail que ce dernier insecte, que je dédie à la mémoire de Léon Dufour. Ce frêle Diptère est fort abondant et se multiplie dans une substance spéciale; il forme une espèce nou- velle; je m'en suis assuré en le communiquant à J. Winnertz (de Créfeld), qui a publié une Monographie des Ceratopogon. Le petit insecte sur lequel j'appelle l'attention des biologistes, vit sous ses deux premiers états de larve et de nymphe dans la sève épaissie qui suinte des ormes vieux ou ulcérés. Depuis le premier printemps jusqu'à la fin de l'été ou trouve dans les plaies des ormes la larve anguilliforme et très-vive du Ceratopogon Dufouri; la nym- phe est commune et les générations de l'insecte parfait se succèdent rapidement. Les mâles m'ont paru aussi abondants que les femelles; ils sont reconnaissables au premier coup d'oeil aux longs panaches de leurs antennes. Les Ceratopogon Dufouri sont assez agiles, mais ils ne peuvent grimper sur les parois lisses du verre ; il m'est souvent arrivé, en levant le couvercle d'un vase où j'avais placé du magma ulmique, de voir s'envoler un à un plusieurs de ces insectes qui se répandaient rapidement sur les vitres et les rideaux des croisées. Je n'ai jamais pu voir leur accouplement. La marmelade de TOrme nourrit un petit monde d'animaux ; une espèce de Glyciphage, que j'ai communiquée à MM. Gh. Robin etFu- mouze, y est très-commune. Je ne doute pas que sur divers points de notre pays on ne découvre sur cet habitat particulier des esièces autres que celles qui ont été trouvées à Saint-Sever par Léon Dufour ou que j'y ai vues à Paris. § L - Larve. (PL II, fig. 1 à 6.) Larva capitala^ anguiculiformis, postice atlenuata ; luteo-albida, nitida^ capite rufescente, ano unguiculis rclractilibus instructo. — Longitudo lineas duas œquat (4 millimètres et demi). 151 Habitai in Ulmi ulceribus ; Campo Liitetiano haud infrequens. Larve très-allongée, en forme d'anguille ou de petit serpent, d'un blanc un peu jaunâtre et transparent pendant la vie, luisant, avec la tête roussâtre et deux points ocelliformes noirâtres (fig. i). Corps composé de douze segments, la tète non comprise, presque d'égale largeur dans la majeure partie, grossissant un peu vers les premiers anneaux et diminuant à partir des quatre à cinq derniers segments abdominaux (fig. 1). Tête allongée, trapézoïde, d'un jaune roussâtre, offrant une tache noirâtre en fer à cheval ou irrégulièrement arrondie de chaque côté (fig. 2), et deux mandibules quadridentées, à dents externes (fig. 2, 3 et 4) ; plus deux pièces qui se réunissent sous la ligne médiane de la tête (fig. 3) ; labre denticulé (fig. 3). Segments du corps très-glabres; le deruier atténué, présentant à l'orifice anal une couronne de crochets, qui sortent ou rentrent à la volonté de l'animal (fig. 5 et 6) et qui ont la convexité tournée en bas. Pendant la vie cette larve est translucide et fort agile; après la mort le tégument est plus terne et même d'un blanc sale chez l'in- secte conservé dans l'alcool. On sait que depuis les premières observations de M. Guérin et de Bouché sur les larves des Geratopogon (1), Léon Dufour, Perris(2) (!t Héeger (3), ont à leur tour fait coimaitre des particularités curieuses sur l'organisation de ces mêmes insectes. Je ferai remarquer ici que les antennes, si faciles à voir sur d'autres larves de Ceratopogon, sont, chez celle du C. Dufouri, invisibles, à moins qu'on ne regarde comme telles un des poils de la tête situé près de la bouche en avant du point ocelliforme. (1) Guérin-Méneville, Notice sur les métamorphoses des Cératopo- gons, etc. (Annales delà Société entomologique de France, 1833. t. Il, p. 161, pi. VllI, fig. 1 et 2). — Bouché, Nalurgescliickte der Inseclen, p. 23, taf. II, fig. 1-7, 1834. (2) L. Dufour, Observations sur les métamorphoses du Geratopogon geniculalus [k^^khzs de la Société entomologique de France, 1845, p. 215, pi. 3, n° II). — E. Perris, Notes pour servir à C histoire des Cératopo- gons (id., 1847, p. 555, pi. 9, n" III). (3) Héeger, Neue Metamorphosen einiger Dipteren, Geratopogon varius Wlnnerlz (Sitzcncsbericote der kais. Académie des Wissenschaften, Wien, 1856, B. XX). i52 Les parties de la bouche sont très-difficiles à apprécier; de chaque côté il y a positivement une mandibule quadridentée, dont les dents sont extérieures ou tournées en dehors, puis des pièces chitineuses telles que les montrent les figures 2 et 3. Je n'ai pas vu de mâchoires ni de palpes; cependant on aperçoit des parties que la larve vivante fait sortir avec rapidité et rentrer dans la bouche. Les points noi- râtres latéraux, tantôt bien, tantôt moins apparents, et de forme irré- gulière ou un peu arrondie, ne peuvent d'une manière sûre être rapportés à des ocelles. La larve du C. Dufouri m'a paru privée de pattes ou de mamelons ambulatoires, soit sous le prothorax, soit sur le dernier segment; mais elle possède un moyen de fixation des plus remarquables. Qu'on se représente une collection de crochets pressés les uns contre les autres et superposés (fig. 6), placés sur une membrane exsertile; ces crochets, lors de la sortie de cette membrane au dehors, s'écartent, se redressent et se fixent dans l'endroit où se trouve la partie posté- rieure de la larve (fig. 5). Bouché, Léon Dufour et E. Perris ont tous trouvé des piquants ou des crochets à Textrémité des larves de Ce- ratopogon qu'ils ont examinées, mais aucun d'eux n'a eu sous les yeux le curieux organe que j'ai découvert sur la larve du C. Dufouri. Je dois faire remarquer cependant les six spinules terminales et re- courbées figurées par Léon Dufour. (Annales de la Société entomo- LOGIQUE DE FRANCE, 1845, pi. 3, U° II, fig. 2.) Les appendices de plusieurs larves de Ceratopogon sont très-ex- traordinaires; ceux des larves représentées par Guérin-Méneville, Bouché, Léon Dufour, Perris, Héeger, sont tantôt allongés, plumeux, ou, au contraire, consistent en des tiges renilées à l'extrémité en forme de bouton, de petit corps ovoïde ou de disque élevé dans le milieu. Chez la larve du G. Dufouri rien de tout cela ne m'est apparu. J'appelle de nouvelles recherches faites dans des circonstances plus favorables, encore que celles où j'ai observé. Tous ceux qui se sont occupés des larves de Ceratopogon ont parlé de la difliculté extrême de leur étude, il faut que chacun apporte sa part de recherches pour que celle-ci soit complète. Les stigmates existent certainement sur la larve que j'ai étudiée; j'ai, à travers la transparence du corps vivant, aperçu sans peine les trachées, situées de chaque côté et plus près de la région dorsale que de la région inférieure ; mais je n'ai pu compter les ouvertures stig- 153 maliques. Sur une larve de Ceratopogon trouvée à Villegénis en 1856, j'ai reconnu Texisteuce de stigmates et j'en ai donné communication à Edouard Perris; mais, sur la larve du C. Dufouri, il me paraît presque impossible de les mettre en évidence par les moyens les plus soignés d'investigation. Héeger représente ceux de la larve du Ce- ratopogon variiis Winnertz sous la forme de gros boutons arrondis, à élevure centrale, comme un cône très-aplati. Les divers appen- dices boutonneux des larves figurées par Léon Dufour, Guérin-Mé- neville et Perris, se rendraient-ils à l'orifice des stigmates de la peau et les prolongeraient-ils? J'espère que l'avenir nous l'apprendra. La larve du G. Dufouri est très-agile; elle rampe et nage pour ainsi dire dans le magma fluidifié de l'orme, ou bien elle s'attache par la partie postérieure et alors, précipitant son corps en avant, elle se balance de droite et de gauche; rarement elle s'accroche par ses crochets terminaux et, fixe un point avec sa bouche, pour avancer à la manière des arpenteuses ou des sangsues. Les larves les plus jeunes ne sauraient être confondues avec une AnguiUule abon- dante dans les plaies d'Ormeau; cette AnguiUule est beaucoup plus grêle, la partie antérieure n'a pas de tête cornée et l'extrémité du corps est extrêmement efiilée. Les mouvements de ce petit Ver sont des plus vifs. Héeger (/oc, cit., tirage à part, p. 9), en résumant le genre de vie des larves de Ceratopogon, fait voir qu'elles se développent dans les matières végétales en décomposition, le vieux bois, le fumier, le ter- reau, etc. On est sûr de trouver en quantité considérable dans le suc séveux et épaissi de l'Orme celle que je fais connaître en ce mo- ment. Je dirai, pour terminer ce sujet, que la larve du Ceratopogon Du- fouri est en quelque sorte aberrante parmi toutes les larves de ce genre connues actuellement, et de plus que, dans ma conviction , le genre Ceratopogon devra être divisé, et alors la forme des larves con- firmera rétablissement de groupes présentant des caractères parti- culiers chez les insectes à l'état parfait, soit dans les antennes, la nervulation des ailes, etc. § II. - Nymphe. (PL II, fig. 7-8.) Nympha nuda, thorace incrassato, postice attenuata; luteo-rufes- cens; ^culis fuscis ; stigmatibus dorsalibus cornigeris; segmentis 154 abdominalibus spinosulis, segmenta ultimo U-denticulato, — Longiludo unam liniam œquat (2 à 2 millimètres et un quart). Habitat cum larva , in Uimi ulceribus. Nymphe dépourvue de tout cocon ou enveloppe ; allongée, mais renflée vers le thorax (fig. 7), avec Fabdomen légèrement recourbé. D'un roux un peu jaunâtre avec les yeux et le fourreau des ailes plus foncés. Les antennes, les pattes sont bien distinctes. Stigmates thoraciques prolongés chacun en une corne recourbée, à concavité antérieure (fig. 7 et 8). Segments abdominaux munis vers les deux tiers postérieurs d'une rangée de petits mamelons épineux, dernier segment avec quatre pointes (fig. 8). Cette nymphe est remarquable par ses cornes thoraciques, arquées et un peu renflées au bout (fig. 7 et 8); elle est très-vive, et se meut constamment dès qu'on linquiète; elle change de place au moyen des aspérités des segments abdominaux. Quand l'éclosion est proche, elle a le thorax beaucoup plus foncé et la teinte générale plus rembrunie. Le corselet s'ouvre comme à l'ordinaire sur le dos pour livrer pas- sage à l'insecte parfait. La nymphe du C. Dufouri est presque glabre, ainsi que le mon- trent mes dessins; on remarquera combien elle diffère sous ce rap- port do toutes les autres nymphes connues du genre qui sont très- poilues, ou pourvues d'appendices, etc. Une dernière particularité sur laquelle j'insiste, c'est que la nym- phe ne porte pas à l'extrémité la dépouille de la larve. Or, toutes les figures données de nymphes de Ceratojjogon montrent cette dépouille chiffonnée à l'extrémité du corps. J'explique cette circonstance par les mouvements répétés de la larve du C. Dufouri, qui la font chan- ger de place et quitter la dépouille. L'absence de poils sur cette nym- phe et sa forme moins renflée que ses congénères répondent à la con- formation spéciale de la larve. L'absence de la dépouille de la larve à l'extrémité de la nymphe m'a empêché pendant longtemps de pouvoir suivre le développement certain de l'insecte. Ce n'est qu'en isolant des larves et en voyant un même nombre de nymphes leur succéder que j'ai acquis la certitude d'une transformation des premières en nymphes. g IlL —Insecte parfait. (PI. II, fig. 9 à 17.) Ceratopogon Dufouri c?, 9- — Nigro-ciner eus, pilis griseo- 155 sericeis. Antennis atris , thorace cœrulescente-cinereo lineis qua- tuor nîgj^is, abdomine concolore, pedibus luleo-aibidis, nigrescente maculalis. Alis hyalinis. — Longitudo unam lineam fere attingit (2 millimètres). Habitat in umbrosis, circum Parisiorum Lutetiam. Corps d'un gris foncé un peu bleuâtre. Tête avec les yeux noirs, plus grands chez le mâle, sans stemmates; parties de la bouche d'un gris jaunâtre, l'extrémité noirâtre. Antennes noires, à der- niers articles grisâtres sous un certain jour, de 13 articles iné- gaux chez le mâle; panache noir, à extrémité des poils grisâtre ; antennes de 13 articles chez la femelle, avec les poils paraissant grisâtres quand on les regarde devant un corps noir. (Voyez les fig. 10àl3.) Thorax ou corselet d'un gris soyeux et un peu bleuâtre, avec quatre bandes noirâtres longitudinales. Écusson jaunâtre avec une ombre noirâtre au milieu. Ailes à base un peu jaunâtre, ainsi que le bord costal, hyalines, irisées, à poils grisâtres. Balanciers d'un blanc jaunâtre. Pattes d'un jaune blanchâtre, avec la base des cuisses, les genoux, l'extrémité des jambes et le sommet de chaque article des tarses noirâtres; souvent le milieu des cuisses et des jambes rembruni. Abdomen composé de huit segments, d'un gris noirâtre chez le mâle; moins foncé sur l'insecte femelle; à bord des segments et côtés plus clairs, grisâtres. Extrémité du corps noirâtre dans l'in- secte mâle. Dessous des parties buccales d'un blanc jaunâtre, ainsi que les ar- ticulations des diverses pièces pectorales et le bord latéral des seg- ments abdominaux, surtout chez la femelle, au point de réunion des segments supérieurs et inférieurs. Quand les insectes ont été desséchés, les pattes, Fécusson et la bouche sont plus jaunes et plus ternes, au lieu d'être blanchâtres comme dans l'insecte vivant ou récemment mort; les parties dor- sales du corselet sont plus bleuâtres, les antennes ont un reflet plus grisâtre. Chez les insectes récemment éclos (ou immatures), les pattes sont blanchâtres avec très-peu d'ombre à la base des cuisses et aux ge- noux. 11 faut avoir soin de laisser les insectes vivre longtemps pour obtenir leur coloration parfaite ; mais on remarque alors que les 156 poils des antennes du mâle sont caduques et manquent en partie, et que les ailes ont une frange incomplète. Les mâles ont toujours le corps plus foncé que les femelles. La description qui précède et que je n'ai pu abréger était néces- saire pour établir la validité de cette espèce, que Jean "Winertz a, comme je l'aidit, examinée. Une difficulté se présentait tout d'abord, car Guérin-Méne ville a décrit, en 1833, un Ceratopogon flavifrons qu'il a vu éclore de nymphes ramassées « aux environs de Passy sous une de ces plaies humides qu'on voit souvent au tronc des Ormes. » (Annales de la Société entomologique de France, 1833, p. 165, pi. YIII, lig. 2; l'explication des planches ne cadre pas avec les numéros des figures.) Il me parait évident, ou que Guérin a décrit des insectes fraîche- ment éclos et immatures, ou qu'il a eu sous les yeux une autre es- pèce que je n'ai pas encore vue, quoique j'aie élevé toutes les années des Ceratopogon des plaies d'Orme. Dans tous les cas, il est impossible de reconnaître l'insecte qui fait le sujet de ce travail dans la descrip- tion de Guérin-Méneville, et j'ai dû passer outre. Les espèces du genre Ceratopogon avec lesquelles le C. Dufouri a le plus de ressemblance et d'analogie sont les C. scutellatus Meigen, lateralis Meig., univittatus Zetterstedt, dorsalis Zett. et flavo-scu- tellalus Zett., qui ont aussi l'écusson jaunâtre ou blanchâtre; mais il diffère totalement de ces divers insectes par les caractères que j'ai exposés. Winertz a représenté (1) l'aile de son C. versicolor, qui a de très-grands rapports avec celle du C. Dufouri, J'ai tenu à représenter les antennes du mâle (lig. 10) et de la fe- melle (fig. 12) et à bien faire voir la manière dont les quatre avant- derniers articles des antennes du mâle sont composés, étant formés parla soudure de deux articles; les antennes de la femelle ont leurs articles égaux (fig. 13), à l'exception du dernier, qui est très-gros dans les deux sexes, et terminé par une petite pointe. L'extrémité du corps dans les deux sexes est caractéristique au premier coup d'oeil (fig. 15 et 16). Quant à la couleur des pattes, elle varie un peu, comme je l'ai dit, pour la teinte sombre plus ou moins marquée du milieu des cuisses et des jambes. (1) J. Winnertz, Beitrag zur Kenntniss der Gattunc Ceratopogon (Linnœa entomologica^ 1852, VI, S. 45, taf. vi, fig. 41). i57 Je dirai, en terminant ce travail, que j'ai trouvé récemment dans la sève qui s'écoule du marronnier d'Inde les larves et les nymphes du Ceratopogon Dufouri, et que la Mycetobia patlipes y était égale- ment fort abondante. Les insectes parfaits provenant des larves prises dans le marronnier étaient identiques avec ceux recueillis sur rOrme. i NOTE SUR UN CAS D'EMBOLIE DE LA CAROTIDE INTERNE Observation communiquéo à la Société de Biologie, en décembre 1868, M. HENRI LIOUVILLE Interne des hôpitaux. (Voy. planche IV, figure 4.) MORT PRESQUE SUBITE, AVEC HÉMIPLÉGIE INCOMPLÈTE A GAUCHE ; ISCHÉMIE CÉ- RÉBRALE DE PRESQUE TOUT LE LOBE DROIT ; EMBOLIE OBTURANT TOUT LE CALIBRE DE LA FIN DE LA CAROTIDE INTERNE DROITE ET DE SES DEUX BRANCHES, LE CAILLOT EST DUR, BIEN FORMÉ, ARRONDI, LISSE, NON ADHÉ- RENT. Le 25 novembre 1868, à neuf heures du matin, nous sommes appelé auprès de L.... Marie-Louise, âgée de 78 ans, entrée à peine depuis une heure et demie, à l'infirmerie de la Salpêtrière, n° 4, salle Saint- Jean (service de M. Vulpian). Elle est morte depuis une demi-heure, et nous constatons que les membres sont flasques, nullement rigides d'aucun côté ; que la teinte de la face, des lèvres, du corps, en général, est très-pâle, comme exsangue; que les pupilles sous les paupières abaissées et inertes, sont égales et moyennement dilatées. 160 Les températures prises avec les mômes instruments (thermomètre de Leyser), donnent : 37", 6 pour le vagin , 35°, 6 pour le creux de l'aisselle. Nulle autre notion de température spéciale n'est fournie par un membre plutôt que par un autre. Aucun diagnostic sur la cause réelle de la mort ne put donc ainsi être affirmativement établi, d'autant que nous manquions des rensei- gnements suivants, qui fournis plus tard par deux sources différentes, se contrôlèrent et s'affirmèrent par la similitude complète des faits observés. C'était une femme de santé médiocre, mais qui toutefois, depuis quatre ans qu'elle était à la Salpêtrière, n'a jamais eu à venir à l'infirmerie. Elle marchait encore, peu, mais seule ; toutefois elle se servait d'une sorte de béquille comme soutien. Peu sujette aux coryzas, mais atteinte de rhumatismes, elle souf- frait depuis quelques jours de malaises, caractérisés surtout par de la dyspnée, de la toux et de l'essoufflement; elle était assez fortement enrhumée, mais ne suivait aucun traitement. La veille, elle s'était levée, avait un peu marché et pu aider à faire son lit. Pendant la soirée, à la ronde de nuit, elle ne parut rien offrir de spécial. Mais le matin, à six heures et demie, on s'étonne de ne pas la voir levée et assise comme d'habitude, et s'approchant de son lit, les infir- mières apprennent de ses deux voisines, qui n'ont entendu aucun bruit de ce côté, ni rien qui les fît s'occuper de notre malade, que celle-ci ne répond pas et*qu'elle reste presque immobile. On la stimule, on cherche à la réveiller; elle paraît petit à petit com- prendre un peu; quelques sons d'abord mal articulés sont proférés, puis on distingue qu'elle veut boire; elle prononce même le mot de tisane, en indiquant où est sa boisson; elle parle, mais à voix comme éteinte, de son sucre, en montrant quil est dans sa baraque placée près d'elle, puis remercie son infirmière qu'elle reconnaît et appelle de son nom, et paraît retomber plus alourdie et dans une vraie attaque, nous dit-on. La paralysie portait surtout sur le bras gauche, tandis que la jambe gauche, excitée par un lavage, pouvait encore être retirée par la ma- lade, qui semblait aussi sensible à ce niveau que dans tout le côté droit. (Ce côté droit était du reste absolument intact : mouvement et sensibi- lité.) 161 La respiration n'était point trop bruyante. La tête était fortement in- clinée à gauche, vers l'épaule gauche; mais la face regardait à droite, et quand les paupières ne s'abaissaient pas trop, on pouvait distinguer que les yeux étaient fixes. Ici la direction exacte des globes oculaires n'est pas suffisamment indiquée pour que nous y insistions. Transportée sur un brancard, elle paraissait aller plus mal, elle était plus inerte, ne parlait plus, et la respiration s'embarrassait (râles bruyants). A l'arrivée à l'infirmerie (sept heures et demie), une personne ayant l'habitude des malades note que la tête est penchée vers Tépaule gau- che, et qu'en soulevant les paupières assez fortement serrées, les deux globes oculaires sont dirigés d'une façon fixe dans le môme sens, à droite, la face regardant aussi à droite. La malade ne parlait pas, ne répondait point; le bras et la jambe gauches étaient à ce moment tout à fait paralysés, retombaient lourdement inertes, tandis que le bras et la jambe du côté droit semblaient intacts. Les bras paraissaient chauds (on ne put nous dire s'il y avait prédominance de température d'un côté) , tandis que la figure était froide. Les dents étaient très-serrées, mais la face ne grimaçait point. La respiration était plutôt calme, et ce n'est qu'au dernier moment qu'elle fut râlante et bruyante, et que la tête, un peu agitée de différents côtés, brusquement, perdit l'expression de son calme. La mort arriva une heure à peine après que la malade fut cou- chée dans son nouveau lit (huit heures et demie); c'est alors que nous la vîmes (neuf heures). Le lendemain, vingt-cinq heures après la mort, nous pratiquâmes l'au- topsie avec M. Oyon, externe du service. M. Vulpian examina toutes les pièces. L'aspect du cadavre était à peu près le même : blanchâtre pâle. Les deux pupilles étaient égales et dilatées (d'une façon moyenne). Les membres inférieurs paraissaient œdématiés. (Ce fait avait échappé à notre premier examen.) Cavité crânienne. — Le crâne était très-épais. (Les parois mesurent jusqu'à un centimètre et quart d'épaisseur.) Toutefois il est très-mou ; il se laisse casser avec la plus grande fa- cilité. Dans la partie antérieure de l'os frontal, on note que le sinus frontal remonte très-haut. Ce sinus est non-seulement long, mais très-large (il peut loger le doigt indicateur); il a des parois très-minces. Le cerveau enlevé de sa boîte, il s'est écoulé une grande quantité de liquide sous-arachnoïdien. Les artères de la base de l'encéphale, qui sont normales anatomique- MÉM. 18b8, Il 162 ment, ne semblent pas, à la simpie vue, oiïrir de plaques scléreuses ni athéromateuses. Elles ne sont pas non plus toutes très-distendues par le sang; mais, toutefois, on distingue de suite qu'un bouchon résistant oblitère complé- teniient le calibre de l'artère carotide interne droite dans une longueur d'au moins un centimètre; le bouchon oblitérateur se prolonge dans la branche collatérale, la cérébrale antérieure droite dans presque toute son étendue, et gagne peut-être un peu la communicante antérieure, puis une grande partie de l'artère sylvienne droite avant ses bifurca- tions (i). Au-dessus de lui existe aussi du sang coagulé, mais différant complètement du bouchon, d'abord plus friable, de coloration noirâtre ou de fibrine blanchâtre facilement dissociable, ramifié comme les branches vasculaires et d'un calibre beaucoup plus petit qu'elles. Ce paraît être certainement un caillot dit récent, ou fait post mortem, tandis que les caractères du bouchon sont ceux d'une masse dure, compacte, rouge gri- sâtre,comme les teintes des caillots anciens cardiaques ou aortiques. Il est comme serré dans la carotide qui l'étrangle et qu'il a pour ainsi dire di- latée à ce niveau, d'où l'aspect bombé de la surface. Du reste, il n'y a aucune adhérence morbide, le bouchon n'offre non plus ni trace de scléro-athéromes, ni abcès ni inflammation. Le calibre de la cérébrale antérieure droite est dur, rigide dans sa première partie, tandis qu'on retrouve des caillots mous, plus jeunes dans les divisions qui suivent. Il n'y a rien de pareil dans la carotide gauche, rien dans la syl- vienne ni dans la cérébrale gauche, à peine quelques petits caillots mous, sanguinolents, facilement friables par l'eau. Aussi, de ce côté, les différentes coupes du cerveau laissent-elles suinter quelques petites gouttelettes de sang, sans qu'il y ait pour cela hyperémie. Au contraire, ayant enlevé les méninges qui des deux côtés du reste, droit et gauche, sont très-injectées mais n'adhèrent nullement et n'exul- cèrent en aucun point la substance grise des circonvolutions, on est frappé par la teinte pâle du lobe cérébral droit dans ses trois quarts antérieurs au moins. Il n'a point ce reflet rosé existant de l'autre côté, et aux coupes il ne suinte aucune petite gouttelette de sang des différents points; on dirait qu'il n'y a plus d'orifices; les coupes sont à peu près sèches quoique la densité du cerveau ne semble pas augmentée, mais il y a anémie^ et cela d'une façon très-notable. De plus, cette anémie (1) Voir une planche annexée à cette note, planche qui a été faite de suite d'après nature par mon ami M. Oyon, et reproduite en chromo- lithographie par M. Lackerbauer. 163 est considérable aussi par son étendue, puisque nous avons dit que ce n'est environ que dans la moitié postérieure à peine que l'on voit la teinte s'approcher de la normale, reprendre sa nuance gris rosé. Dans un point de cette partie postérieure on trouve un ancien petit foyer de la grosseur d'une lentille, à contenu liquide, existant non loin des méninges, dans le milieu de la substance grise, La perte de sub- stance de la substance grise est peu considérable. Examiné au microscope, le liquide contient des corps granuleux en grande quantité, des gouttelettes graisseuses de formes variées, les unes petites, noirâtres, s'associant en amas arrondis, les autres libres; Des tubes variqueux et peu nombreux; Quelques petits tractus fîbrillaires; Enfin des vaisseaux, dont l'enveloppe est très-couverte de fines gra- nulations, soit très-réfringentes, soit noir grisâtre. Elles existent iso- lées ou agglomérées, en corps arrondis ou allongés, paraissant être dans la gaîne extérieure du vaisseau. Par places, il y a comme un manchon noirâtre de ces petits corps, manchon qui enveloppe tout le pourtour du petit vaisseau. C'est surtout sur les ramifications que les corps granuleux se voient bien. Les vaissaux du voisinage sont un peu malades et offrent la même dégénération granulo-graisseuse, tandis que ceux que l'on prend dans une zone un peu plus éloignée (5, 10 ou 15 centimètres), ceux que l'on prend dans les parties anémiées des points isolés brus- quement de la circulation générale par le fait de l'embolie, sont peu altérés. Ils n off'rent point de granulations dans leurs parois et nulle oblitération par le fait de la lésion scléro-athéromateuse. Il n'a point paru y avoir de dilatation notable des vaisseaux dans les points non anémiés. Il n'a pas paru non plus y avoir de rupture par une distension de vaisseaux voisins, suppléant à Tafflux sanguin brusquement inter- rompu. Dans aucun point du cerveau, il n'y avait d'hémorrhagie ni de traces d'ecchymoses sanguines récentes. Cavité thoracique. — Poumons, La plèvre droite est remplie d'une sérosité très-abondante, environ 1 litre, sérosité non sanguinolente. De son côté, le poumon gauche est revenu sur lui-même. Il offre des adhérences anciennes très-étendues dans presque toute la hauteur. La plèvre viscérale est très-épaissie et forme dans la partie infé- rieure une sorte de coque adhérente au diaphragme. Des ganglions bronchiques très-noirs, durs, se voient par transpa- rence au-dessous des vaisseaux pulmonaires auxquels ils adhèrent. Quelques-uns, assez volumineux et moins durs, ont pris une telle adhé- rence avec les vaisseaux, qu'à ces niveaux la membrane interne du conduit est comme tachetée par de petits points noirs bleuâtres, pig- mentation due au ganglion anormalement adhérent. Dans d'autres points, ces ganglions ont envahi les bronches, soit seules, soit en même temps que les vaisseaux indiqués plus haut, et cela par le même mécanisme. C'est en ouvrant également les bronches que l'on voit par transpa- rence et comme directement sous la muqueuse, qui a résisté, des teintes bleues noirâtres ou des pointillés de nuances foncées, au niveau des points où adhèrent ces ganglions ulcéraiifs. Autour d'eux, la muqueuse des bronches paraît plus épaisse, très- injeclée par places, et participe à la teinte foncée bleuâtre ardoisée, tout à fait particulière. Cela est surtout évident près des plaques pigmentées des bronches dont les parois externes sont absolument adhérentes à ces ganglions. Ceux-ci sont différents à la coupe. Semi-solides, ils offrent des tran- ches tachetées blanc noirâtre durs; ils ont des points comme pier- reux, crétacés. C'est ainsi qu'on les trouve aussi isolés sur les bords du poumon, et rétractant alors la plèvre autour d'eux; le poumon qui les entoure étant devenu parfois plus résistant, plus dense, semi-solide, de teinte gris de fer (pneumonie chronique). De même, dans les sommets se voient des plaques pleurales, jau- nâtres, d'une épaisseur de 4 à 5 millimètres, ayant rétracté le poumon. Non loin d'elles, quelques masses isolées, dures, crétacées. Le tissu pulmonaire n'offre, près d'elles, rien de notable. Cœur. Il n'existe point d'insuffisance aortique ni de rétrécissement. Les mesures, prises comme d'habitude (le ventricule gauche ayant été ouvert avec l'aorte et étant étalé), nous donnent : ( bord libre 0'",085 millim. Anneau aortique . ^ ^i - ^ nm n^t ^ ( bord adhèrent 0'",0/5 — A 1 centim. au-dessous, sur le myocarde.. . 0",Û80 — Toutefois, l'anneau de la valvule mitrale est épaissi à sa partie in- terne par la production de condylômes, sur lesquels flottent de petits débris blanchâtres. A la pointe du cœur gauche on ne découvre pas d'abcès, ni de poly- pes, ni de végétations. Quelques traces cependant d'endocardite superficielle s'y distinguent dans différents points. 165 L'aorte offre quelques plaques scléreuses, mais point d'athéromes ni d'abcès intrapariétaux. Cavité abdominale. — Le foie^ dans différentes coupes, n'offfe rien de notable. Les reins sont durs. Dans quelques points dégénérescence granulo-graisseuse. Au milieu des pyramides du rein droit existent deux petites masses blanchâtres, dures, de la grosseur d'une lentille, assez mal limitées (infarctus ou tubercules?). Sur la paroi externe de l'estomac existent un grand nombre de petits corps arrondis, durs, entourés la plupart de vaisseaux (ganglions in- jectés). Poids des organes : Encéphale 1 ,200 grammes. Poumon gauche 420 — — droit 540 — Rein droit 210 — — gauche 160 — Foie 900 — Cette observation doit donc être rapprochée des faits analogues où une embolie, assez volumineuse pour suspendre le cours du sang dans une grande étendue du cerveau, a eu pour conséquence une mort ra- pide. RECHERCHES EXPERIMENTALES SUR L'ACTION PHYSIO'LOGIQU E ET THÉRAPEUTIQUE DES COMPOSÉS DE POTASSIUM ET DU BROMURE DE POTASSIUM EN PARTICULIER PAR LE Docteur J.-V. LABORDE. De l'action physiologique nu bromure de potassium sur les ORGANISMES SUPÉRIEURS : MAMMIFÈRES ET HOMME. Dans la pemière partie de ces recherches (1), consacrée essentiel- lement à la détermination, par l'analyse expérimentale, de l'action physiologique du bromure de potassium, nous avons été conduit a cette conclusion capitale : que le brornui^e de potassmm agit 'pri- mitivement et électivement sur la propriété excito-motrice de la moelle épinière, en Catlénuant ou en C abolissant. La connaissance première de ce fait est assurément d'une grande (1) V. Archives de physiologie normale et pathologique, publiées par MM. Brown-Séquard, Charcot, Vulpian, numéro de mai-juin 1868, p. 420 à 442. 168 importance, puisqu'elle nous révèle la localisation des effets physio- logiques de la substance dont il s'agit. Mais cela ne suffit pas, et pour que les résultats obtenus acquièrent toute leur valeur au point de vue de l'application thérapeutique, but final qui ne doit jamais être oublié, il nous faut maintenant rechercher si ces résultats con- cordent avec ceux que donne l'expérimentation sur les animaux les plus voisins de lliomme, et sur l'homme lui-même. Ce complément d'études n'est pas seulement nécessaire pour four- nir une base solide et indiscutable aux applications thérapeutiques; elle est de plus indispensable pour établir les effets réels du composé à l'étude sur certaines fonctions de l'économie, dont les modifica- tions ne sauraient être convenablement appréciées sur les organis- mes inférieurs. ÉTUDE DE L'ACriON PHYSIOLOCtIQUE DU BROMURE DE POTASSIUM CHEZ LES MAMMIFÈRES. Il n'est pas facile d'administrer du bromure de potassium à des mammifères : si l'on essaye de le faire prendre à un chien par les voies digestives, à l'aide de la sonde œsophagienne, il est presque toujours immédiatement rejeté; même lorsqu'on prend la précau- tion, bien connue des expérimentateurs, de tenir l'animal suspendu en l'air pendant quelques instants, même alors, dis-je, ce rejet s'o- père le plus souvent quelque temps après que l'animal a été aban- donné à lui même. L'injection sous-cutanée est également peu praticable, à cause de la grande quantité de solution exigée; mais de plus, elle a un très -grave inconvénient, c'est de déterminer invariablement une ir- ritation locale très-rapide, laquelle aboutit au phlegmon, à des es- charres, et en un mot, à des accidents intercurrents capables de masquer ou, au moins, de troubler la manifestation des phénomènes propres à l'action de la substance à l'étude. Cependant nous avons réussi, maintes fois, à l'aide de l'injection sous-cutanée, à provoquer chez les cochons d'Inde des résultats assez significatifs pour mériter d'être mentionnés et retenus. Parmi les nombreuses expériences que nous avons faites à ce sujet, nous choisirons, pour en donner un résumé, les deux suivantes : Exp. I. — Sur un cochon d'Inde adulte très-vigoureux, nous prati- 169 quons, dans l'aine de chaque côté, trois injections succesives d'une solution concentrée de bromure de potassium (ls%50). Après une heure seulement se manifestent les premiers phénomènes de l'action du sel injecté : l'animal se ramasse sur lui-même avec un léger tremblement général; il urine abondamment, et lorsqu'il veut se mouvoir, il chancelé sur ses pattes, tombe tantôt sur le côté droit, tan- tôt sur le côté gauche, traîne ensuite les pattes de derrière, et finale- ment refuse de se déplacer lorsqu'on l'excite à le faire, comme si une paralysie complète s'était emparée de ses membres. En cet état, si l'on pince ou si l'on pique l'extrémité des pattes, elles ne réagissent que très-faiblement ou pas du tout contreces provocations, et cependant l'animal pousse un petit cri plaintif témoignant dune cer- taine persistance de la sensibilité à la douleur; le chatouillement pro- longé de la plante des pattes reste également sans réponse réaction- nelle (1), et si Ton touche la conjonctive scléroticale, les paupières restent le plus souvent immobiles. Trois heures environ après l'injection, l'animal tombe dans une es- pèce de torpeur avec somnolence, d'où on le retire difficilement. A ce moment et dans cette situation, les mouvements respiratoires qui s'étaient manifestement accélérés au- début des accidents, sont maintenant très-ralentis; et en môme temps il est facile de s'assurer par la palpation que les battements du cœur ont également perdu et de leur force et de leur fréquence normales. Cet état a duré plus de huit heures, durant lesquelles l'animal blotti dans un coin n'a pris aucune nourriture. Mais le lendemain matin il avait récupéré ses fonctions normales, mangeait et marchait quoique difficilement, à cause des phénomènes locaux habituels consécutifs à l'injection; des abcès, en effet, s'étaient formés au niveau des piqûres, et les parties présentaient à ces endroits une odeur fétide et comme gangreneuse; ces abcès ont suivi une évo- lution simple, sans complication, et se sont terminés par des cicatrices légèrement rétractiles. Ces phénomènes sont plus accentués lorsque l'on agit sur de jeunes animaux; c'est ce que démontre le cas suivant dont nous donnons une relation très-somftiaire. Exp. II. — A un petit cochon d'Inde à peine âgé de 4 semaines, deux (1) Dans l'état normal ce chatouillement, pratiqué surtout vers l'ex- trémité des doigts de ces animaux, provoque de très-vives réactions accompagnées de petits cris saccadés. 170 injections successives furent faites au niveau de l'aine gauche avec la même solution concentrée de bromure (1*',50), de sorte que 1 gram. du sel, sauf quelques gouttes de déperdition, fut en réalité introduit par l'injection. Après quelques préludes insignifiants, les phénomènes caractéristi- ques commencèrent à se produire, et il y avait une heure et demie en- viron que l'injection avait été pratiquée : l'animal se mit à s'agiter vio- lemment, cherchant à fuir; les mouvements du flanc étaient visible- ment accélérés, de même que lesbattemenrs du cœur perçus à travers la paroi thoracique; cependant, malgré ces efforts, il ne parvenait que très-difficilement à se déplacer, les pattes postérieures paraissant re- fuser leur service et être dans un véritable état de parésie. Lorsque l'on pinçait ou que l'on piquait ces dernières à leurs extrémités, elles réagissaient à peine ou pas du tout contre ces excitations. Bientôt l'animal tomba dans une espèce de collapsus général avec somnolence, auxquels il était presque impossible de l'arracher. A l'ac- célération des mouvements respiratoires et des battements du cœur a succédé un ralentissement très-marqué des uns et des autres. Cet état de torpeur a duré plus de vingt-quatre heures, pendant lesquelles l'ani- mal n'a pris aucun aliment; une grande quantité d'urine a été rendue dans ce laps de temps. Un vaste abcès s'est formé au niveau de la han- che gauche, avec odeur très-fétide et implication de l'articulation coxo-fémorale. La guérison de cet abcès s'est d'ailleurs parfaitement effectuée; mais il s'en est suivi une forte rétraction de la patte de ce côté. Le petit animal a également récupéré toute sa santé, non point sans avoir conservé, durant quelques jours, une certaine hébétude dans ses manières et dans ses allures. 11 est un autre moyen d'administrer le bromure de potassium aux cochons d'Inde qui permet d'éviter les complications locales insépa- rables de l'injection sous-cutanée. Ces petits animaux deviennent très-friands de lait, surtout lorsqu'on les habitue à ce breuvage dès leur jeune âge. Or il suffit de mêler au lait des quantités de bromure qui n'en altèrent pas trop le goût et de livrer aux cochons d'Inde la boisson ainsi préparée, elle est sûrement absorbée. Les résultats ob- tenus dans ces conditions ne diffèrent pas seiîsiblement de ceux que nous venons de consigner plus haut; toutefois ils sont plus lents à se manifester ; mais, par contre, les phénomènes produits sont plus accentués, persistent plus longtemps et arrivent plus facilement aux effets toxiques. Nous avons fait, depuis trois ans, un très-grand nombre d'expériences par ce procédé, et si nous ne les relatons pas 171 ici, c'est afin de ne pas tomber dans de fastidieuses redites. Nous aurons d'ailleurs à y revenir bientôt à propos de l'administration du bromure à des animaux rendus épileptiques. Mais nous croyons de- voir signaler dès à présent une particularité remarquable qui nous a été offerte par un chien dans les conditions expérimentales dont il s'agit. C'était un vigoureux chien brack très-gourmand, auquel nous cher- chions à faire prendre du bromure en mêlant celui-ci à du lait su- cré. Après avoir absorbé environ deux grammes de sel, il se montra fort dégoûté du breuvage, eut quelques velléités de vomir, mais qui n'allèrent pas jusqu'à la réalisation; puis une heure et demie envi- ron après l'ingestion du sel, il devint comme agité avec une certaine gaieté, faisant, par ses cris et ses mouvements, des démonstrations qui témoignaient d'une vive excitation génésique ; il nous fut facile, en effet, de constater la turgescence complète du pénis, laquelle per- sista dans toute sa plénitude durant plus d'une heure. Cet état d'excitation réelle se maintint tout le reste de la journée, c'est-à-dire durant un temps effectif de six ou sept heures. L'animal tomba en- suite dans un sommeil très-profond, auquel il était encore très-dif- ficile de l'arracher le lendemain. Chez un autre chien, dont nous aurons à rapporter plus tard l'his- toire, nous avons observé, à la suite de l'ingestion de bromure, les mêmes effets hypnotiques, mais sans excitation génésique préalable. Il est vrai de dire que la dose de bromure absorbée était inférieure à celle qui avait été ingérée par le premier chien, et qu'en outre le dernier animal était d'un âge très-avancé. Lorsque ces animaux, particulièrement les cochons d'Inde sur les- quels nous avons expérimenté, ont absorbé une dose véritablement toxique de bromure de potassium (cette dose varie de 3 à 6 grammes pour les jeunes cochons d'Inde), on voit les principaux phénomènes que nous avons décrits persister avec une intensité croissante; l'état de somnolence et de torpeur devient continu et tellement profond qu'il est impossible d'obtenir la moindre réaction aux plus vives ex- citations, particulièrement aux pattes postérieures. L'animal finit par tomber sur le flanc insensiblement sans secousses, et comme s'il obéissait à l'influence d'un sommeil de plus en plus profond; en cet état, les mouvements respiratoires sont singulièrement ralentis, et il semble que, par moments, l'animal oublie de respirer; un ralentis- 172 sèment des battements cardiaques proportionnel à celui des mouve- ments respiratoires est aussi facilement constatable; il s'est produit également dans ces conditions un abaissement progressif de la tem- pérature; cette réfrigération est très-appréciable au toucher aux extrémités des pattes; elle se traduit thermométriquement par une diminution de 4 à 5 degrés centigrades au-dessous de la température normale de l'animal. Enfin la respiration, devenue de plus en plus rare, s'éteint com- plètement, sans manifestations violentes ou convulsives, et il semble que la mort se produise par défaut de respiration^ c'est-à-dire par suspension progressive de l'action physiologique des organes qui président à l'accomplissement de cette fonction. Cependant, dans cet état de cessation apparente des actes vitaux , le cœur continue son évolution rythmique, ce dont il est facile de s'assurer en ouvrant la cavité thoracique ; mais les battements car- diaques ont considérablement perdu de leur nombre et de leur force; nous les avons vus persister, avec un ralentissement pro- gressif, plus de demi-heure après la mort apparente de l'animal; toutefois, dans les derniers moments, les contractions n'existent plus qu'aux oreillettes, ayant complètement abandonné les fibres ventriculaires. Ajoutons que si, avant la mort de l'animal , on met à nu l'un des nerfs grands sciatiques , et qu'on l'excite, des contractions éner- giques se produisent dans les muscles correspondants; ce qui té- moigne de la conservation parfaite de la propriété motrice dans le filet nerveux et dans les muscles. On le voit, chez les mammifères comme chez les batraciens, l'ac- tion physiologique du bromure de potassium se traduit par des phénomènes constants et identiques , ne différant guère que par la rapidité et l'intensité des manifestations. Peut-être l'influence hyp- notique, qui coexiste avec la période de collapsus est-elle plus mar- quée ou, du moins, plus appréciable chez les animaux supérieurs; mais, en somme, dans l'un comme dans l'autre cas, les effets pré- dominants, qui témoignent d'une influence véritablement élective, ce sont les effets par lesquels se traduit une modification plus ou moins complète des phénomènes exciio-moteurs, et des fonctions dans lesquelles ces phénomènes interviennent particulièrement. 173 Étude de l'action du bromure de potassium chez l'homme , A l'état physiologique. Notre étude de l'action physiologique du bromure de potassium n'a porté jusqu'à présent que sur les animaux; les résultats aux- quels nous avons été conduit par l'analyse expérimentale ont sans doute une grande importance, et même, il est permis de le dire, une importance capitale, car ils mettent en évidence les phéno- mènes caractéristiques de Tinfluence que le bromure exerce sur Porganisme animal. Toutefois, cela ne suffit pas encore, et le ter- rain n'est, en quelque sorte, que défriché; il faut maintenant essayer de le féconder, et, pour y parvenir, l'étude que nous poursuivons doit être transportée chez [homme lui-même. Rechercher la succession et la subordination des phénomènes pro- duits par l'action du bromure de potassium sur lliomme; rapprocher ces phénomènes de ceux qui ont été observés chez les animaux, et voir s'il y a entre les uns et les autres une parfaite concordance; déterminer déiinitivement, à l'aide de cette concordance, le lieu vé- ritable, et, si c'est possible, le mécanisme des effets physiologiques de la substance dont il s'agit ; entin , déduire de ces résultats les applications rationnelles de cette substance à la thérapeutique des maladies, en y ajoutant le contrôle de l'observation clinique : telle est la tâche que nous nous proposons maintenant de remplir. Nous avons étudié particulièrement sur nousmême l'action physio- logique du bromure de potassium, d'abord dans l'état de santé; et nous avons eu ensuite le triste privilège de pouvoir le faire dans l'état de maladie. Les avantages de cette observation de soi-même faite avec une suffisante compétence ne sauraient être contestés; mais ils sont loin d'être appréciés à leur valeur réelle; car, s'il en était ainsi, ce procédé d'observation, indispensable, selon nous, aux progrès de la thérapeutique rationnelle, serait mis plus souvent en usage. On redoute, il est vrai, les dangers d'une pareille méthode, et l'on se targue de beaucoup de courage pour les affronter; c'est à la fois une erreur et une appréhension peu légitime, car il n'y a pas de cou- rage là où il y a un devoir à remplir; et d'un autre côté, pourquoi craindre de faire sur soi ce que Ton ne craint pas de faire sur les autres? Nous examinerons d'abord, d'une manière générale, les effets phy- 174 siologiques du bromure de potassium pris à haute dose. C'est effec- tivemeat à uue dose élevée (1 0, 1 5 et 20 grammes) qu'au début de nos études sur ce sujet en 1862, nous nous sommes administré le bro- mure; nous obéissions alors à lïntluence des idées émises par M. le docteur Huette, sur la nécessité de remploi de doses massives pour obtenir certains effets, et cette croyance était partagée par le doc- teur Debout, notre regretté maître avec lequel nous avions commencé nos expériences. Nous verrons bientôt que c'était là une erreur ou une illusion; mais il n'en est pas moins important et d'un véritable intérêt de connaître l'ensemble de phénomènes dus à l'influence des hautes doses de bromure. Ayant pris en deux fois, à une demi-heure d'intervalle, quinze grammes de bromure de potassium pur (1) préalablement dissous, à froid, dans un verre d'eau sucrée, voici ce que nous avons éprouvé et observé : Quelques minutes après l'ingestion de la solution, sensation de plénitude et de chaleur à la région épigastrique ; malaise nauséeux suivi d'éructations réitérées et en même temps arrière-goût salé très-prononcé avec hypersécrétion saUvaire, souvent même sputation et crachement, auxquels succède d'ailleurs une sécheresse de la bouche qui persiste longtemps et provoque un besoin quelquefois très-impérieux de boire : tels sont les principaux phénomènes qui se rattachent immédiatement à l'ingestion du bromure et qui sont la manifestation de son premier contact avec l'ippareil digestif. Mais bientôt et à mesure que se fait l'absorption de la substance, sur- viennent des phénomènes d'un autre ordre et qui traduisent plus particulièrement son influence physiologique. Une heure, une heure et demie environ, quelquefois deux heures après ringestion de la solution de bromure de potassium, la vue se trouble et les paupières devenues pesantes veulent forcément fermer les yeux; on se sent pris comme d'un engourdissement général, qui mène invinciblement au sommeil. Ce sommeil est plutôt un état de lourde somnolence ; il est souvent interrompu en sursaut, bien quïl (1) Nous aurons à revenir sur la nécessité de la pureté aussi parfaite que possible de cette substance pour obtenir des résultats constants au point de vue physiologique et des effets non illusoires dans les cas pathologiques. n'y ait pas, à proprement parler, de rêves, ou que les rêves ne prennent pas de formes déterminées; c'est plutôt le cauchemar, et un cauchemar indécis. Cependant l'état somnolent se prolonge indé- finiment et le réveil s'établit avec une extrême difficulté; il semble que la volonté soit perdue et que l'on ne puisse parvenir à reprendre possession de ses idées et de la conscience de soi ; on se sent plongé dans l'hébétude et la stupeur ; la parole est difficile, paresseuse et ne trouve pas son aliment intellectuel habituel; on est pris d'une dou- loureuse tristesse, dune indifférence profonde et presque de dégoût de la vie. Si l'on veut se tenir debout et surtout marcher, on éprouve un vertige singulier caractérisé particulièrement par une sensation de vide autour de soi et sous les pieds, que l'on appréhende de déplacer ; il semble que le sol fait défaut et qu'on a perdu la notion de la ré- sistance; aussi la marche est-elle chancelante, titubante et finale- ment presque impossible ; on se sent, du moins, forcé d'y renoncer. Durant toute cette période de l'action du bromure et même à la période de déclin, alors que plus maître de soi on peut se rendre plus exactement compte des sensations que l'on éprouve, on constate une obtusion profonde de la sensibilité dans ses divers modes, mais plus particulièrement de celle qui intervient dans les manifestations réflexes. Ainsi le chatouillement des pieds à peine senti ne provoque plus les effets habituels; la sensibilité du tégument à la douleur, in- terrogée par le pincement, est aussi réellement amoindrie; les sen- sations manuelles de contact sont modifiées de façon à enlever de leur précision aux mouvements de préhension; enfin, on éprouve une sensation générale de réfrigération plus ou moins marquée vers les extrémités (2). Le pouls a subi un ralentissement notable en même temps qu'il (2) Si nous ne parlons pas ici des modifications de la sensibilité de la muqueuse buccale et pharyngée, sur lesquelles on a tant insisté comme caractérisant spécialement raction du bromure, c'est que, dans les essais du médicament à haute dose, il nous a été très-difficile, surtout à la période d'état, de les apprécier avec une parfaite certitude; mais il n'en a pas été de même dans les cas où nous nous sommes soumis à l'action de doses moins élevées, cas dans lesquels il est permis de mieux saisir les divers phénomènes dans leur développement succes- sif et auxquels nous allons arriver. 176 est devenu dépressible et comme affaissé. Ces modifications de la circulation, appréciées seulement ici d'une façon générale, seront exactement évaluées plus tard. La détente de ces accidents s'accomplit avec lenteur, et durant quinze ou dix-huit heures au moins, on reste plus ou moins sous l'influence du bromure; mais quelles que soient la durée et l'inten- sité des phénomènes, il est une particularité remarquable qu'il im- porte de signaler : c'est que Ton conserve très-nettement le souve- nir des impressions morales et physiques dont on a été le siège aux diverses périodes de l'action de l'agent chimique. Enfin, une lourdeur de tète particulière plutôt que de la céphalalgie réelle survit à la disparition des principaux phénomènes. En répétant ces essais, non sans imprudence peut-être, nous n'a- vons pas tardé à nous apercevoir, à la gravité des accidents produits, qu'il y avait un réel danger à employer des doses aussi élevées, et il nous paraît probable que les exigences de la thérapeutique pour- raient s'accommoder d'effets physiologiques moins accentués et moins graves. En tout cas, et en y réfléchissant, il était plus rationnel d'ex- périmenter d'abord avec des doses inférieures, sauf à les élever pro- gressivement, et nous nous expliquons difficilement pourquoi nos prédécesseurs dans cette étude, notamment les observateurs de l'hô- pital du Midi, se sont adressés d'emblée à des doses massives; ou plutôt nous nous l'expliquons parfaitement par ce fait qu'avant d'a- gir sur le malade, ils n'ont point provoqué les lumières de l'expéri- mentation physiologique. D'ailleurs, l'absorption de doses moins élevées n'amenant point d'emblée ces accidents de haute gravité qui constituent plutôt des effets toxiques, permet une appréciation plus facile et plus nette des phénomènes dans leur succession et leur subordination. Nous nous sommes assuré qu'à cet égard la dose de 6 à 8 grammes, en moyenne, était suffisante et parfaitement eflicace pour la détermination des phénomènes physiologiques propres à Faction du bromure de potas- sium sur rhomme adulte. Voici ce que nous avons observé sur nous-même dans ces circon- stances. 6 grammes de bromure de potassium, dissous dans un quart de verre d'eau sucrée ou dans une tasse d'infusion de tilleul froide, étant pris en deux fois à un quart d'heure ou demi-heure d'inter- 177 valle, nous éprouvons immédiatement une sensation gustative légè- rement salée ; mais cette sensation est bien moins prononcée que dans les cas où une dose plus élevée et double de celle-ci a été prise comme nous Tavons vu précédemment; bien plus, cette sensation n'a rien de désagréable lorsqu'une proportion suffisante de sucre, qu'on apprend facilement à apprécier par l'habitude, a été mêlée à la solu- tion; celle-ci doit également être froide \)Our être moins désagréable au goût. C'est là une particularité importante au point de vue des applications, sur laquelle nous aurons à revenir. Une légère excitation de l'excrétion salivaire se produit aussi après l'ingestion de la solution; puis surviennent quelques éructations sans nausées, et un peu de pincement ou d'obstrictions gastriques, surtout si le bromure est pris dans l'état de vacuité de l'estomac; si au contraire on fait suivre presque immédiatement l'absorption du sel de l'ingestion d'aliments, ces phénomènes plus ou moins doulou- reux, mais d'ailleurs très-passagers du côté de l'estomac, ne se ma- nifestent pas; aussi verrons-nous qu'il y a un réel avantage, à cet égard, à prendre le bromure au moment même des repas. Après ces premières manifestations qui se lient à l'ingestion im- médiate de la solution de bromure de potassium, se montrent des phénomènes plus caractéristiques traduisant les effets de l'agent chimique au fur et à mesure qu'il est absorbé. C'est d'abord un sen- timent général de bien-être et de calme qui invite au sommeil; ce- lui-ci, cependant, ne s'établit qu'à moitié, pour ainsi dire, et dans le demi-sommeil, ne tarde pas à survenir, surtout si l'on est couché en ce moment dans son lit, une excitation génésique plus ou moins in- tense, selon le degré (ïaccoiUumance, excitation qui s'accompagne habituellement d'érection et de pollution; le réveil est presque tou- jours la conséquence de cet état, dont on a, du reste, parfaitement conscience ; et l'on éprouve alors une sensation de plénitude vésicale et de besoin d'uriner, auxquels il est impossible de résister; nous reviendrons sur cette particularité, qui a une réelle importance dans l'interprétation des phénomènes observés. Cet épisode terminé, le sommeil s'établit définitivement, mais avec plus de difficulté ou moins de rapidité que dans les cas où la pollution ne s'effectue pas. Ce sommeil est continu, plus ou moins troublé par des rêves, quelquefois très-lourd et très-difficile à se- couer; lorsqu'on s'y est arraché, on éprouve uae certaine fatigue MÉM. 1858. 12 178 musculaire et comme de la brisure dans les membres et dans les lombes; parfois même, au moment de se mettre en marche, les pre- miers pas sont indécis et chancelants; mais on a bientôt repris toute l'assurance de la station; et, en tout cas, l'intelligence et la volonté conservent toute leur netteté, toute leur initiative, et ne sont point frappées de 'cette paresse, de cette stupeur même que nous avons vues se produire avec les hautes doses. Tels sont les phénomènes observés dans leur ensemble, à la suite de ringestion d'une dose moyenne, mais suffisante de bromure: il s'agit maintenant de les examiner en détail, de passer en revue les principales fonctions de l'économie, et d'analyser les modifications physiologiques qu'amène dans les fonctions l'agent chimique absorbé. Sécrétions, excrétions. — Nous avons vu une hypersécrétion sa- livaire plus ou moins abondante se produire quelque temps après l'injestion du bromure de potassium; il faut sans nul doute tenir compte, en ce cas, de l'effet du contact immédiat de la solution avec la muqueuse buccale et pharyngée, le goût fortement salé de cette solution étant de nature à provoquer et à exciter l'action des glandes salivaires. Mais, d'un autre côté, l'abondance et la persistance de la salivation dans le cas d'absorption de la substance à haute dose, semblent bien montrer que cette absorption exerce une influence réelle sur les modifications sécrétoires ; ce qui se passe du côté de l'excrétion urinaire (et nous allons y revenir) vient encore corro- borer cette présomption. Quoi qu'il en soit, le fait de l'hypersécrétion salivaire qui, à part toute interprétation, est incontestable, appar- tient uniquement à la période tout à fait initiale de l'action du bro- mure; bientôt et pendant la période d'état caractérisée par les phé- nomènes de cûllapsus, on éprouve au contraire une sécheresse plus ou moins forte de la bouche et quelquefois telle qu'elle provo- que un irrésistible besoin de boire. Ces modifications opposées d'une même fonction, à des périodes diverses de l'action de la sub- stance ingérée, expliquent la contradiction apparente des résultats publics par divers auteurs, les uns, M. Gûbler, par exemple, disant que le bromure de potassium produit une diminution constante des sécrétions; d'autres, notamment M. A. Voisin, affirmant quïl donne lieu à une salivation considérable : l'un et l'autre ont raison, mais à la condition, nous venons de le montrer, de considérer deux pé- riodes différentes de l'action du bromure, condition difficilement 179 réalisable, ce qui précède le prouve, lorsqu'on a observé sur d'autres que sur soi-même. Nous devons signaler à côté du fait de l'hypersécrétion salivaire un accroissement notable, à la même période de la sécrétion du muais nasal ; cet accroissement est presque toujours précédé d'éter- uument; mais c'est là un phénomène très-passager, très-fugace, et dans les cas où il persiste à s'établir avec ténacité, nous verrons qu'il en faut accuser habituellement la composition même du bro- mure, laquelle ne présente pas alors la pureté qui convient à sa con- stitution propre : c'est là, remarquons-le en passant, un indice pré- cieux du degré dimpureté de la substance capable de compromettre les résultats thérapeutiques qu'on est en droit d'attendre. On sait^ d'ailleurs, que cette adultération consiste essentiellement en un mé lange plus ou moins grand d'iodure avec le bromure de potassium ; et il est facile de comprendre, surtout après Fétude expérimentale comparative des deux sels, combien ce mélange doit modifier les effets physiologiques et thérapeutiques du médicament. A cette première période, se rattachent enfin deux phénomènes du même ordre, et qui non-seulement obéissent à la même influence, mais qui, en outre, paraissent être liés intimement l'un à l'autre, dans leur production ; ce sont : 1° V excitation génésique avec ou sans émission de sperme ; 2° l'excitation de Cexcrétion ur inaire. Vexcitation génésique se manifestant par l'érection plus ou moins persistante, fait rarement défaut, lorsqu'on n'est pas encore ha- bitué à l'usage du bromure, et surtout lorsqu'on subit son in- fluence, étant au lit dans le décubitus dorsal. L'émission de sperme est souvent le résultat final de cette excitation, mais elle n'est point constante; et une observation attentive sur nous-même de toutes les péripéties de cette première période de l'action du bromure nous a montré que les phénomènes génésiques, bien que parfaitement réels, étaient, en grande partie, sous la dépendance de l'hypersécrétion urinaire concomitante. Si en eiïet, nous efforçant de dominer suffi- samment le sommeil pour que notre volonté fîit au service des sen- sations éprouvées, nous donnions satisfaction au besoin d'uriner, qui presque toujours coïncidait avec la congestion du pénis, jamais il ne se produisait consécutivement de pollution au retour du som- meil, tandis que le contraire avait lieu le plus souvent, lorsque nous ne cherchions pas à prendre la précaution d'uriner. 180 Ce 'fait, du reste, est absûlument conforme à ce que l'on sait de l'influence réciproque des deux fonctions dont il s'agit l'une sur l'autre ; mais il n'en est pas moins tributaire, — et c'est là le point important,— de l'action du bromure de potassium ; il peut également être observé, ainsi que nous l'avons montré, chez les animaux, no- tamment chez le chien; et il a une extrême importance pour l'inter- prétation des effets locaux du bromure et les déductions pratiques qu'il est permis d'en tirer. Quant à l'influence excitatrice du sel bromique sur l'excrétion urinaire, bien quelle soit incontestable et qu'elle s'exerce, dans cer- tains cas, à un haut degré, elle ne nous semble pas constituer, néan- moins, une véritable action diurétique. A la période de coUapsus, chez les animaux et quelquefois aussi chez l'homme, on voit se pro- duire une réelle incontinence d'urine (1); mais ce fait est rare chez l'homme, et nous ne l'avons jamais observé sur nous-même dans les cas innombrables où, depuis cinq années, nous nous sommes admi- nistré le bromure sous toutes les formes et à toutes les doses. C'est également à la seconde période d'action du bromure, période de dépression ou de coUapsus, sur laquelle nous allons revenir en détail, que l'on voit se produire une frigidité g énésique^\\x^ ou moins complète ; mais nous ne saurions assez le répéter, ce n'est que sous l'influence suffisamment intense et prolongée de la substance que se manifeste, d'une façon très-nette, cet effet anaphrodisiaque dont la thérapeutique peut, ou le conçoit, tirer un précieux avantage. La plupart des phénomènes que nous venons de passer en revue appartiennent à la première période de l'inlluence du bromure, pé- riode essentiellement caractérisée par ^excitation d'un certain nom- bre d'actes physiologiques. Les fonctions que nous allons maintenant examiner subissent une influence toute contraire : elles sont plus ou moins atténuées dans leurs manifestations, quelquefois même suspendues ; c'est la période de sédation ou de coUapsus. (1) Un de nos collègues, après avoir pris, d'après notre conseil, une dose de 8 à 10 grammes de bromure de potassium, a éprouvé, entre autres phénomènes, une véritable incontinence d'urine. Tout récemment M. Vulpian rapportait à la Société de biologie des faits semblables observés sur des malades de la Salpêtrière. 181 Respiration, circulation. — Les premiers signes d'une modifica- tion appréciable du côté de la respiration ne se sont guère révélés chez nous, pour autant que nous les ayons observés avec attention, qu'au moment où se prononcent les phénomènes d'hypnotisme et où le sommeil veut s'étabUr : les mouvements respiratoires éprouvent alors un ralentissement manifeste; nous avons vu, dans ces condi- tions, le nombre des inspirations tomber à quinze et même quatorze par minute. Ce résultat n'a, d'ailleurs, rien qui l'éloigné des faits physiologiques normaux de cette nature; car on sait que la décrois- sance du nombre des inspirations concorde toujours avec l'établisse- ment du sommeil. Quoi qu'il en soit, le ralentissement de l'influence du bromure sur les actes de la respiration n'en a pas moins une grande importance, que nous aurons à faire ressortir au chapitre des applications. 11 n'est pas indifférent de rappeler ici que chez les animaux sou- mis"à l'action du bromure, particulièrement chez les animaux infé- rieurs, une accélération des mouvements respiratoires précède con- stamment le ralentissement de ces mêmes mouvements : cette accélération relève de Tinfluence excitatrice initiale de l'agent chi- mique absorbé. Il était aisé de prévoir, par ce qui précède, qu'une modification en harmonie avec celle des actes respiratoires, devait se produire dans la circiUaiion; nous avons pu observer en effet, surtout sur nous- même, un ralentissement notable du pouls et des battements car- diaques, en même temps qu'une dépression marquée de la pulsation artérielle. Voici, pour fixer les idées, les chiffres fournis par une expérience faite sur nous, à ce point de vue. A onze heures du matin, ingestion de bromure de potassium. — Le pouls radial est à ce moment à 65. A midi, le pouls oscille entre 60 et 62 ; De midi et demi à deux heures, il reste fixe à 60. Un repas d'ailleurs peu copieux, fait à deux heures, ne modifie pas le nombre de 60. Vers cinq heures seulement un mouvement d'ascension se mani- feste, et à six heures le pouls a repris son nombre normal de 65 pul- sations. Ajoutons que durant la période de décroissement, la pulsation ra- 182 diale a présenté également un certain degré d'affaiblissement et de dépressibilité; ce caractère s'est maintenu jusqu'au moment où s'est faite la réapparition du nombre normal des pulsations. Nous avons un grand nombre de fois répété cette observation avec des résultats à peu près identiques; c'est-à-dire que sous Tinfluence de la dose moyenne de 6 grammes de bromure, le ralentissement du pouls oscille entre cinq et six pulsations durant la période d'action delà substance. Cet abaissement est certainement plus considérable lorsque des doses plus élevées de bromure ont été absorbées; mais dans les expériences faites sur nous-même dans ces conditions, il nous a été impossible d'obtenir une évaluation exacte des varia- tions du pouls, à cause des effets stupéfiants rapidement produits par le sel à haute dose. Nous devons rapprocher du fait précédent la sensation de réfri- géraiion vers les extrémités que nous avons déjà mentionnées, sen- sation qui traduit d'ailleurs une réalité, c'est-à-dire un refroidisse- ment effectif. Comme cet abaissement de la température se manifeste particulièrement dans les membres, nous n'avons pu en obtenir l'évaluation thermométrique exacte ; mais il nous est permis d'afïïr- mer qu'il est très-marqué, surtout dans les cas d'administration de hautes doses, et cette affirmation est corroborée par les résultats de nos expériences sur les mammifères. Sensibilité. — L'examen des modifications de la sensibilité, dans ses divers modes, est assurément un des points les plus importants de l'étude de raction physiologique du bromure de potassium. Depuis les intéressantes recherches de M. le docteur Huette, on a donné comme caractéristique de cette action Vabolition de la sensi- bilité de la muqueuse de Carrière-gorge. Tout récemment M. le doc- teur A. Voisin a cherché à établir, à cet égard, une distinction qui n'est pas sans importance : d'après cet habile observateur, la sensi- biUté générale de la muqueuse bucco-pharyngée qui préside aux actes réflexes serait seule modifiée, tandis que la sensibiUté tactile resterait intacte. Nous verrons tout à l'heure que, bien qu'un peu subtile, cette distinction est en partie justifiée. Disons-le tout d'abord, le fait d'une action spéciale, élective du bromure sur la sensibilité de la muqueuse bucco-pharyngée, a été très-exagéré, ou au moins trop individualisé ; sans doute il est incon- testable, mais il est absolument du même ordre que tous les autres 183 phénomènes qui impliquent l'intervention de la sensibilité dans les actes réflexes en général : en d'autres termes, la muqueuse bucco- pharyngée participe, au même titre que d'autres parties de l'orga- nisme, aux modifications spéciales que le bromure de potassium amène dans les actions réflexes ; on comprend toutefois que les ob- servateurs qui, les premiers, se sont occupés de ce sujet, frappés de cette localisation curieuse de l'influence de l'agent chimique, aient attribué à ce fait une importance capitale; mais, pour être dans la vérité de l'observation, ce fait doit être étendu à tous les actes ré- flexes de l'économie; et si les résultats de nos expériences sur rani- mai s'accordent à le mettre hors de doute, l'observation de l'homme, et de nous-même en particulier, apporte à sa réalité une sanction définitive. Voyons en effet comment se comporte la sensibilité dans ses divers modes et dans les divers lieux organiques, lorsqu'on est sous l'in- fluence de la dose efficace de bromure de potassium. Il est permis de dire que, d'une manière générale, les diverses sensibilités éprouvent une modification en moins sous l'influence du bromure ; mais il y a dans cette atténuation des différences très-ap- préciables, selon l'espèce de sensibilité. Bien que de Vanalgésie puisse exister à un degré très-marqué à la période d'état et sous l'influence d'une haute dose, la sensibilité à la douleur n'est jamais complètement abolie, du moins n'avons-nous jamais observé cette aboUtion sur nous-même. Il en est de même de la sensation de température qui, quoique positivement affaibUe, persiste cependant jusqu'à la fin de l'évolution des phénomènes organiques. Mais c'est particulièrement dans sa participation aux actes ré- flexes que la sensibilité générale se trouve frappée par l'influence du bromure de potassium. Déjà nous avons mentionné les modifica- tions curieuses de la sensibilité au chatouillement sous la plante des pieds; et c'est là, dans l'ordre des actes physiologiques dont il s'agit, un fait des plus caractéristiques. Nous avons également noté la perte ou l'atténuation de la sensation de contact et de résistance du sol, modification qui paraît se lier intimement aux troubles si curieux de la station et de la déambulation. C'est évidemment dans cet ordre de faits physiologiques que ren- trent les altérations de la sensibilité observées du côté de la mu- queuse bucco-pharyngée. 184 Lorsque, au début de nos recherches, nous nous soumettions à de hautes doses de bromure, nous avons été plusieurs fois frappé par ce fiiit : c'est que, au moment du repas, le bol alimentaire était faci- lement entraîné soit dans les fosses nasales postérieures, soit même vers le larynx (1), au lieu de suivre, dans la déglutition, la voie nor- male; maintes fois cette déviation accidentelle du côté des fosses nasales s'est complètement réalisée ; et dans ce cas, fait curieux quoi- que du même ordre que le précédent, la muqueuse nasale, si suscep- tible dliabitude, supportait sans réagir par Féternument le contact des matières alimentaires; nous ne l'avons pas observé dans les essais faits sur nous-même avec une dose inférieure, mais suffi- sante pour produire, ainsi que nous l'avons vu, les principaux phé- nomènes physiologiques tributaires de l'action du bromure. Cepen- dant dans les mêmes conditions où, sous l'influence d'une haute dose de l'agent chimique, les actes fonctionnels dont l'arrière-gorge est le siège, et qui sont spécialement de nature réflexe, étaient chez moi profondéaient modifiés, le contact de la fumée de tabac avec la muqueuse était difficilement senti et apprécié ; en d'autres termes, la sensibilité tactile de la muqueuse nous paraissait avoir subi, de son côté, une réelle modification. D'ailleurs il nous a toujours paru très- difficile, dans nos expériences sur nous-même, de séparer net- tement les phénomènes propres aux deux espèces de sensibilité; et toujours les modifications dûment établies de la sensibilité réflexe ont coexisté chez moi avec des modifications parallèles, non-seulement (1) Ce fait d'observations répond au desideratum suivant exprimé par le docteur Huette : « Il reste à constater, dit-il, si la glotte ne se- rait pas elle-même frappée de stupeur, et par conséquent hors d'état d'indiquer le passage du sang dans la trachée. (Loc. cit., p. 24.) Il paraît certain, d'après ce qui précède, que les fonctions spéciales de l'épiglotte sont modifiées assez profondément pour empêcher cet organe d'être le gardien fidèle du passage glottique et sous-laryn- gien. Nous avons tenté des expériences chez les animaux dans le but de déterminer si, sous l'influence du bromure, du sang épanché dans la cavité buccale passerait facilement dans la trachée; mais ces expé- riences, très-difficiles et très-délicates, nous ont donné des résultats trop peu concluants pour qu'il soit permis de leur accorder quelque importance. 185 de la sensibilité tactile^ mais aussi de la sensibilité de température; seulement les altérations de la sensibUUé réflexe offrent dans ces circonstances une prédominance incontestable. Ce qui se passe à cet égard dans la muqueuse bucco-pharyngée concorde parfaitement avec ce que nous avons observé dans d'autres parties de Forganisme, notamment sur le tégument externe. C'est ainsi que nous avons vu, par exemple, les modifications si remarquables de la sensibilité ré- flexe de la plante des pieds s'allier à des modifications de la sensation de contact, de telle sorte qu'il en résultait une véritable perturbation dans la station et dans la marche. Mêmes phénomènes du côté des mains et de la préhension, etc. Nous n'entendons pas infirmer, encore moins mettre en doute les résultats observés par M. le docteur A. Voisin ; mais nous nous croyons autorisé suffisamment, par le résultat de notre expérience personnelle, à faire quelques réserves à ce sujet, et à penser qu'il s'agit là plutôt d'une affaire de degré et de contraste dans la mani- festation des phénomènes physiologiques dont il s'agit, que d'une absolue différence. Ajoutons que, dans les observations faites sur les malades, on est exposé à une cause d'illusion, et par conséquent d'erreur, à laquelle on n'a peut-être pas suffisamment songé. Lors- que l'on explore avec un corps solide quelconque la sensibilité iaclile de ha muqueuse de Tarrière-gorge, si l'on ne prend pas la précau- tion de soustraire ce corps aux regards du malade, la vue et lappré- ciation préalable de la nature et des qualités de l'objet exercent sur le jugement à intervenir à la suite du contact avec la muqueuse buc- cale, une influence qui est tout à fait de nature à fausser le résultat cherché; nous nous en sommes assuré un grand nombre de fois, et nous n'hésitons pas à regarder comme susceptibles d'une révision complète les observations faites à l'abri de cette précaution. A part la lourdeur des paupières et l'obscurcissement de la vue, qui est le résultat immédiat de l'influence hypnotique, nous n'avons pas observé du côté de la vue, ni sur d'autres ni chez nous, d'autre phénomène notable; toutefois nous avons vu souvent sur nous- même cette obnubilation persister longtemps après la disparition des autres accidents. M. Huette dit avoir observé une fois, sur un de ses malades, de l'amblyopie; n'est-ce pas plutôt de la diplopie que M. Huette a voulu dire? Nous avons éprouvé une ou deux fois cet état, mais très-passagèrement. Quoi qu'il en soit, ces manifestations Iè6 sont très-rares, si tant est même qu'elles appartiennent en réalité à l'action du bromure. Quant à l'insensibilité de la sclérotique ou, du moins, à l'absence du clignement lorsque l'on excite cette membrane, c'est là un phé- nomène que nous avons vu être à peu près constant chez les ani- maux; il rentre dans cet ensemble de modifications qui semblent appartenir plus particulièrement à l'influence du bromure de potas- sium, modifications qui impliquent les actes fonctionnels relevant du pouvoir excito-moteur de la moelle épinière. Peut-être ce phéno- mène n'est-il pas aussi facilement appréciable sur l'homme, mais il se produit incontestablement lorsque l'on élève suflisamment la dose du bromure; quelquefois même l'insensibilité réflexe s'étend jusqu'à la cornée transparente, mais à la condition que 20 grammes au moins de bromure aient été absorbés un peu rapidement. Mais le plus ordi- nairement, ainsi que l'avait déjà observé M. Huette, les mouvements de l'iris sont conservés et la cornée garde son impressionnabilité : ce qui semblerait démontrer que les filets grands sympathiques sont moins accessibles (car ils le sont) à l'influence du bromure que les filets non ganglionnaires. Enfin Vouïe n'éprouve guère d'autre modification que celle qui résulte de l'action hypnotique et stupéfiante du bromure, action qui atténue naturellement la susceptibilité normale des sens spéciaux aux impressions extérieures. Motricité. — Nous nous sommes suffisamment étendu sur les mo- difications si remarquables que l'action du bromure imprime aux principaux actes de la motilité pour avoir à y revenir ici longue- ment. Ainsi que nous l'avons vu, c'est la locomotion qui est particu- lièrement troublée, et ces troubles paraissent consister essentielle- ment en des phénomènes (ïataxie. Les modifications de la sensibilité spéciale qui intervient normalement dans l'accomplissement des fonctions locomotrices (sensibihté de contact) ne sont pas étrangères sans doute à la production de ces phénomènes morbides ; peut-être même prennent-elles à cette production une part capitale; pour nous, nous ne saurions en douter, après avoir éprouvé et pu analy- ser sur nous-même les troubles si curieux, consistant dans une sen- sation de vide sous les pieds et autour de soi, sensation qui donne l'appréhension terrible de voir le sol se dérober sous les pas; de ne plus avoir de substratum sous le pied si on le meut ; d'être comme 187 suspendu sur un gouffre sans fond et sans bords ; en un mot et selon une façon de dire vulgaire, mais expressive, « on a •perdu pied. « L'implication des phénomènes réflexes qui interviennent dans les actes physiologiques de la locomotion ne saurait être contestée dans les troubles dont il s'agit. Intelligence. — Bien que les troubles qui surviennent du côté de l'intelligence aient particulièrement attiré l'attention des observa- teurs qui se sont occupés de l'étude physiologique du bromure de potassium, et bien qu'une importance capitale leur ait été accor- dée dans l'appréciation de l'influence de l'agent chimique, il n'en est pas moins vrai que ces troubles ne doivent occuper qu'un rang secondaire et presque accessoire dans cette appréciation ; il est con- stant, d'après nos expériences, que les fonctions de l'intelligence et de la volonté ne sont frappées qu'après les fonctions qui relèvent du système nerveux myélitique et périphérique; d'ailleurs ce n'est qu'à la faveur des liaules doses que se produisent les troubles intel- lectuels, bien marqués, de sorte que la manifestation de ces phéno- mènes appartient plutôt à la partie toxique de l'action du bromure. Quoiqu'il eu soit, ces troubles ont eu eux-mêmes une importance réelle, et leur étude offre un grand intérêt ; voici comment nous les avons caractérisés sur nous-même: « Il semble que la volonté soit perdue, et que l'on ne puisse parvenir (en se réveillant) a reprendre possession de ses idées et de la conscience de soi. On se sent plongé dans l'hébétude et la stupeur ; la parole est difficile, paresseuse, et ne trouve pas son aliment intellectuel habituel; on est pris d'une douloureuse tristesse, d'une indifférence profonde, et presque de dégoût de la vie. » Comme on le voit, ce sont surtout l'hébétude et une sorte de stu- pidité qui dominent dans cet état; la volonté est particulièrement frappée d'impuissance, ainsi que l'attention; aussi tous les actes qui exigent l'exercice de ces fonctions sont-ils paresseux, difficiles, ou même impossibles. Parmi ces actes, il importe de signaler la pa- role qui, comme il vient d'être dit, reste en quelque sorte suspen- due, faute « {^aliment intellectuel. » Cependant nous avons noté expressément que, quelles que fussent la durée et l'intensité des phénomènes, on conservait très-nettement le souvenir des impres- sions morales et physiques dont on avait été le siège aux diverses périodes de l'action de l'agent chimique. m Est-ce à dire que la mémoire n'éprouve aucune atteinte? Nous n'avions puisé, à ce sujet, que de très-vagues impressions dans l'ob- servation de nous-même (et cela se comprend si Ton songe que, dans ces conditions, l'intelligence ayant perdu certains de ses attri- buts, son exercice ne peut être complet), lorsque s'est présenté à nous un fait qui fournit les renseignements les plus précis et les plus positifs en ce qui concerne l'état de la mémoire sous l'influence du bromure de potassium. Ce fait, qui se rapporte à un malade au- qiftl nous avions prescrit six grammes de bromure par jour, et qui se crut autorisé à dépasser très-sensiblement cette dose, ce fait, dis-je, mérite, à tous égards, d'être relaté en entier; le voici tel qu'il nous a été transmis par la dame de ce monsieur, jeune Anglaise, peu familiarisée encore avec la langue française, mais dont nous conservons textuellement le récit, pour laisser à l'observation tout son cachet d'exactitude. « Doctor Laborde, « Je vous écrive encore au sujet de Mons X... qui me cause à « présent un vif anxiété. Pendant les premiers douze jours de notre « séjour ici il était dans un très-bon santé. Il dormait très-bien « douze heures chaque nuit. Il était vif, causant, gai, sans être excité. « Nous faisons des longues promenades et il s'amusait beaucoup. « Depuis quatre jours c'est tout changé; on peut dire que les symp- « tomes sont le revers de ce qu'ils étaient à Paris. Il a l'air d'un « homme dans une stupeur. Il dort la nuit depuis dix heures jusqu'à « onze heures du matin, quelquefois encore deux heures avant « dîner; malgré tout cela, il lui est presque impossible de s'empe- « cher de dormir immédiatement après diner. Pendant le peu de « temps qu'il est éveillé il a un singulier expression, il ne levé pas « ses paupières qui sont lourdes, il ne parle presque pas, ça paraît « être un effort; aussi il n'écoute pas ce qu'on lui dise, il faut répé- « ter plusieurs fois. Il oublie les petit choses qui se passe autour de « lui-même quand cela lui intéresse. Hier il m'a dit qu'il fallut acl.e- « ter quelque chose, nous sommes aller directement au magasin, « mais en route il oubliait ce qu'il allait faire, et arrivé au magasin « il fallait lui rappeler ce qu'il voudrait. J'étais bien effrayée, après « quelques minutes, je lui dis : « Ou as-tu mis la boîte? » et il avait « déjà oublié de l'avoir achetée. J'observe la même manque de mé- 189 u moire souvent, mais toujours en ce qui concerne le présent. Le « passé il se rapelle bien. Il n'est pas mélancholique, il a l'air seule- « ment stupide, endormi, et cela est si loin de son naturel j'au- « rais moins peur de le voir surrexcité. D'abord je pensais que « ce fut mon trop d'anxiété qui me fai?ait remarquer tout ceci. Mais « maman est venue me dire qu'elle avait observée les mêmes symp- « tomes avec grand anxiété. » Nous observons, en ce moment même, un vieux malade qui, pour calmer autant que possible d'atroces douleurs déterminées par une affection chronique catarrhale de la vessie, prend de 8 à 10 grammes de bromure par jour; lorsque cette dose est continuée sans inter- ruption durant trois jours au plus, on voit survenir chez lui, au milieu d'autres phénomènes sur lequels nous avons déjà insisté, une modification de la mémoire consistant surtout dans l'oubli des choses les plus prochaines et les plus récentes; la mémoire des mots participe naturellement à cette altération, et il en résulte une difficulté spéciale de la parole, dans laquelle n'intervient eu au- cune façon, ainsi qu'il est facile de s'en assurer, la motilité de la langue. Pour compléter cette étude, il nous reste à dire un mot des effets produits par l'ingestion du bromure sur les fonctions digestives. Nous avons déjà parlé de la sensation immédiate qui suit l'absorp- tion du sel par l'estomac, et nous avons montré que la circonstance la plus favorable à cette absorption, c'était le moment même des re- pas et de ringestion des aliments; mais ce sont les effets consécutifs de l'administration plus ou moins prolongée du sel qui doivent ac- tuellement nous occuper. L'action du bromure sur les fonctions de l'intestin se traduit ha- bituellement par la constipation, ce dont il n'y a pas lieu d'être sur- pris si l'on songe que les actes physiologiques qui s'accomplissent dans le tube gastro-intestinal sont surtout de nature réflexe. Toute- fois, cet effet n'est pas constant, et sa variabilité parait principale- ment tenir aux circonstances suivantes, sans parler des prédisposi- tions individuelles : les doses et l'accoutumance. A une dose inférieure, de 1 à 3 grammes par jour, l'action sur l'in- testin est nulle ou indifférente. A la dose de 5 à 6 grammes long- temps continuée, une tendance à la constipation, puis la constipation 190 réelle s'établissent au début ; mais cet état ne persiste pas, Taccou- tumance se fait, et si la dose n'est pas augmentée, les fonctions in- testinales reprennent leur régularité et leurs qualités normales. Lorsque Ton emploie d'emblée la dose de 8 à 9 grammes et au-dessus, non-seulement on ne voit point se produire d'abord la constipation, mais c'est au contraire la diarrhée qui se montre très-souvent, sinon toujours; elle a même quelquefois une telle tendance à persister, que force est de suspendre le bromure, ou d'en réduire de beaucoup les doses; ce dernier moyen est le meilleur auquel on puisse recourir en pareil cas, puisque avec une dose inférieure la constipation est en perspective. Au moment où nous écrivons ces lignes, nous recevons d'un de nos malades une lettre dans laquelle, nous rendant compte de l'effet produit sur lui par le bromure, il dit : « Je le prends (le bromure de potassium) à la dose de 9 grammes, depuis huit jours, en deux fois, et il a amené la diarrhée. ^^ L'action irritative directe due à l'absorption des hautes doses du médicament n'est sans doute pas étrangère à ce résultat; mais il faut aussi probablement tenir compte de l'influence exercée sur les sphincters, influence qui, selon les doses, peut varier de la simple sédation fonctionnelle à la paralysie; car d'après quelques faits ré- cemment observés par M. Vulpian, il pourrait même se produire une véritable inconiinence des fèces. Jamais nous n'avons, quant à nous, observé pareille chose. Nous rappellerons ici que le bromure possède des qualités apéri- tives réelles; que bien administré, c'est-à-dire dans un moment opportun, avant le repas, il excite l'appétit, et qu'il peut ainsi exer- cer une action favorable sur la nutrition, tout en réalisant lesetfets thérapeutiques essentiels qu'on attend de lui. Plusieurs auteurs, et en particulier M. le docteur A. Voisin, ont noté une éruption cutanée acnéique à la suite de l'administration prolongée du bromure; nous avons aussi observé cette éruption dès le début de nos recherches; mais nous n'avons pas tardé à nous apercevoir que lorsqu'elle était très-abondante et presque confluente, le bromure n'en était pas seul responsable et que Viodure de potas- sium était aussi de la partie ; c'est là encore un moyen physiologique de s'assurer de l'impureté du bromure. 191 En résumé, chez Vhomme comme chez les animaux, le bromure de potassium exerce une action 'prédominante^ par conséquent élective^ sur les actes physiologiques dits réflexes^ quel que soit le siège orga- nique de ces actes. Il agit secondairement sur les phénomènes auxquels président la volonté et Vinteiligence : toutefois chez Yliomme l'influence qu'il a sur ces derniers est plus marquée, plus appréciable que chez les animaux, ce qui se conçoit facilement si Ton songe que, chez Thomme, les actes de l'intelligence et de la volonté sont plus intimement liés et associés aux autres manifestations de l'individu. Chez l'homme, de même que chez les animaux, l'action du bro- mure de potassium sur l'économie se manifeste par une première période, ou période d'excitation , portant essentiellement sur les fonctions dans lesquelles la principale part revient aux actions ré- flexes (fonctions génésique, de sécrétion, d'excrétion, etc.), et une seconde période succédant à la précédente, période de collapsiis^ dans laquelle les mêmes fonctions sont modifiées en sens contraire (1). Ces manifestations sont la traduction réelle d'une modification éprouvée parles éléments anatomiques où 's'élaborent les actes ré- flexes : cellule excito-motrice de la moelle épinière et des centres ganglionnaires du grand sympathique . L'influence hypnotique (2), qui n'est que secondaire, est le résultat de la sédation exercée sur les fonctions indépendantes de la volonté et tributaires du mécanisme réflexe : en agissant sur ces fonctions, le bromure soustrait l'individu aux impressions du monde exté- (1) Cette alternative d'action constitue presque une loi générale pour la plupart des agents toxiques, et M. Cl. Bernard, qui l'a signalée l'un des premiers, l'exprime par la proposition suivante : « Quand un élément histologique meurt ou tend à mourir, son irritabilité avant de diminuer commence par augmenter, et ce n'est qu'après cette exal- tation primitive qu'elle redescend et s'éteint progressivement.» (Revue DES COURS SCIENTIFIQUES, 1868-69, n° 32, p. 508.) (2) L'un des premiers, le professeur Brown-Séquard, a noté et utilisé en thérapeutique l'action hypnotique du bromure de potassium : nous aurons à revenir bientôt sur les observations et les appréciations, à ce sujet, de l'éminent physiologiste; en attendant, on consultera avec in- térêt ses Lectures on tlie Diagnosis and treatment of functional ner- vons affections^ 1868, part. I, p. 35 et passim. 192 rieur, et le prépare ainsi au calme qui convient à l'établissement du sommeil; il ne produit pas directement le sommeil, il y invite. Cependant cette action secondaire et indirecte sur les centres en- céphaliques peut être très-intense, selon les closes, et modifier pro- fondément certains actes cérébraux, par exemple la mewtoiVe, parti- culièrement la mémoire des choses prochaines. Le mécanisme de l'action du bromure de potassium diffère nota- blement de celui des autres composés qui, comme lui, agissent éga- lement sur les actes réflexes, tels que l'éther, le chloroforme, etc.; ces derniers exercent, avant tout, leur influence sur l'encéphale et ses actes fonctionnels; ils frappent tout d'abord Tintelligence, la vo- lonté et la sensibilité, et n'agissent que secondairement sur la moelle épinière; c'est-à-dire qu'ils agissent sur la moelle par l'intermédiaire du cerveau, ainsi que l'a montré M. Cl. Bernard. Au contraire, le bromure de potassium agit primilivement sur la moelle et consécutivement sur l'encéphale. Telle est la localisation organique de l'action physiologique du bromure de potassium, savoir : tes centres d'action réflexes, princi- palement la moelle épinière, et dans ces centres la cellule excita- motrice. Ce résultat expérimental s'éloigne notablemert de ceux que d'au- tres auteurs ont cru pouvoir déduire de leurs recherches ou de leurs appréciations sur le même sujet. Est-il besoin d'insister, après nos nombreuses expériences, sur Terreur de MM. Eulenburg et Gultmann, qui ont été amenés à considérer le bromure comme un poison du cœur? Cette erreur, commise à la faveur d'un procédé fautif d'expé- rimentation, s'étend d'ailleurs à tous les composés de potassium et au sulfocyanure lui-même ; c'est ce que nous nous proposons de dé- montrer plus amplement dans un travail spécialement consacré à cette question. Quant à l'opinion qui attribue au bromure une action primitive sur la circulation, elle est également, selon nous, basée sur une fausse interprétation des phénomènes et de leur véritable subordi- nation ; cette opinion, qui est celle de M. le professeur Sée, a sur- tout pour interprète un de ses plus distingués élèves, M. le docteur Meuriot : « Le bromure, dit-il, diminue les fonctions de la moelle, par suite de la sédation de la circulation, par oligaimie, et non par 193 suite d'une action spéciale élective sur le tissu nerveux (1). » Pour nous, au contraire, c'est parce que les fonctions de la moelle sont troublées que les modifications de la circulation se produisent : l'ob- servation attentive montre toujours cette succession des phénomènes ; mais il faut, pour être sûrement édifié à se sujet, porter l'expéri- mentation sur les organismes supérieurs et surtout sur l'homme lui- même. La grenouille est assurément un précieux réactif physiolo- gique, et personne plus que nous ne rend hommage à ses qualités, que nous nous sommes justement appliqué à utihser dans cette étude ; mais il faut se garder de trop lui demander, elle est toujours prête à donner : je crains bien quel. Meuriot et son éminent maître n'aient été un peu dupes de ses faveurs, lorsqu'ils ont déduit le mode d'ac- tion du bromure des effets immédiats produits par l'apphcalion di- recte du sel sur la membrane interdigitale ou sur d'autres parties extérieures de l'animal. 11 n'est pas de composé, nous ne disons point caustique, mais quelque peu styptique qui, placé sur la peau d'une grenouille, ne produise les mêmes modifications locales que celles observées par iM. Meuriot avec le bromure. ■ D'un autre côté, il importe de ne pas oublier que dans l'introduc- tion d'un agent chimique dans l'organisme, il y a deux phases dis- tinctes : 1° l'absorption externe^ c'est-à-dire la pénétration dans les tuniques des vaisseaux, d'où peut résulter une action locale immé- diate sur les tissus avec lesquels la substance est tout d'abord en contact; c'est à cette action que MM. Sée et Meuriot se sont arrêtés; 2° l'absorption interne, c'est-à-dire la pénétration de la substance dans l'intérieur même du vaisseau, son mélange avec le sang, son transport par celui-ci dans l'économie, enfin l'imprégnation des di- vers éléments anatomiques sur lesquels elle exerce définitivement l'action qui lui est propre : c'est de cette action qu'il s'agit dans l'appréciation qu'il convient de faire des effets de l'agent en expé- rience. Or que se passe-t-il pour le bromure de potassium en par- ticulier? Les résultats de l'expérimentation, identiques et invaria- bles au fond, dans l'échelle animale, sont là pour répondre : deux ordres de manifestations se produisent, phénomènes (^excitation d'abord, phénomènes de sédation et ôedépi^ession ensuite, les uns et (1) De la méthode physiologique et thérapeutique, etc.. par le doc- teur Meuriot, 1868, p. 97. MÉM. 1868 13 J.94 les autres sous la dépendance du même centre organique, quoique de nature différente. Dans l'ordre de succession et de subordination, à quelle période appartiennent les modifications de l'appareil circu- latoire? A la seconde période ou période de dépression; donc ces modifications sont soumises à l'influence primitivement exercée sur les éléments anatomiques de la moelle, et plus spécialement sur lé- lément excito-moteur. Et quoi d'étonnant qu'il en soit ainsi? Les phénomènes de la circulation générale ne sont-ils pas intimement liés et subordonnés aux fonctions de la moelle, directement par sou influence propre de centre nerveux, indirectement par ses relations avec le grand sympathique et les vaso-moteurs? 11 se peut d'ailleurs qu'en raison même de ces modifications primitives, le tissu de la moelle devienne consécutivement le siège d'une anémie plus ou moins considérable ; nous sommes d'autant plus porté à le croire que telle est l'opinion hautement compétente du professeur Brown-Séquard; mais ne l'ayant point constaté, nous ue saurions rien afîirmer à cet égard. MM. Martin Damourette et Pelvet disent à leur tour : « // [le bro- mure) tue tout, système nerveux et muscles, c'est un poison nervo- musculaire général (1). » Eh! sans doute, il « tue tout, » puisqu'il tue l'animal; mais, chez l'animal, que tue-t-il avant et par-dessus tout, c'est-à-dire quelle fonction d'organe d'abord, quel organe ensuite, et finalement dans le tissu de cet organe quel élément anatomique va-t-il atteindre? Là est le véritable problème physiologique à résoudre. Nous espérons l'avoir résolu en arrivant à cette conclusion géné- rale : le bromure de potassium est avant tout un modificateur du pouvoir exciio-moteur de la moelle épinière ; à cette action primitive, prédominante, sont soumises et subordonnées toutes les modifica- tions qu'il exerce sur les autres fonctions de Téconomie. Ajoutons que cette action doit être l'objectif des applications ra- tionnelles de cet agent à la thérapeutique, applications dont nous avons maintenant à nous occuper. (1) Étude expérimentale sur faction physiologique du bromure de potassium. Brochure in-8', 1867, p. 33, NOTE SUR UNE CAUSE PEU CONNUE DES MALADIES ORGANIQUES DU CŒUR ET SUR LA PATHOGÉNIE DE L'HÉMIPLÉGIE PUERPÉRALE lue à la Société de Biologie, le 26 décembre 1868, PAR LE Docteur Auguste OLLIVIER. En 1863 j'eus roccasion d'observer à l'hôpital de la Charité, chez une femme de 25 ans, un cas d'insuffisance mitrale quil était impos- sible de rapporter à une des causes connues des maladies organiques du cœur. J'inclinai donc à penser qu'il s'agissait là d'une endocar- dite développée d'emblée, primitivement. Toutefois un détail m'avait beaucoup frappé, c'est que cette femme, mère de deux enfants, di- sait que les palpitations dont elle se plaignait si vivement dataient de sa première grossesse ou plutôt de son premier accouchement. A quelque temps de là je rencontrai un cas tout pareil chez une femme de 27 ans. Dès lors mon attention fut éveillée, et depuis cette époque j'ai pu observer cinq autres femmes atteintes d'endocardite valvulaire chronique évidemment d'origine puerpérale. Le fait suivant que j'ai recueilli cette année à l'hôpital Saint- Antoine est un exemple de cette dernière espèce d'endocardite; de plus il permet d'étudier la pathogénie de quelques-unes des para- 196 lysies décrites sous le nom de paralysies puerpérales» C'est à ce double titre que j'ai l'honneur de le présenter à la Société. Obs. — Le 7 juillet 1868, la nommée Anne B..., âgée de 30 ans, est admise à Thôpital Saint-Antoine, salle Sainte-Agathe, n° 8. Avant de venir à Paris qu'elle n'habite que depuis dix mois, cette femme a travaillé pendant plusieurs années à la manufacture des tabacs de Bordeaux. Son père vit encore et est bien portant. Sa mère est morte hydro- pique à l'âge de 50 ans; elle n'avait jamais présenté de signes de ner- vosisme. Un de ses frères est mort phthisique à l'âge de 18 ans; un autre d'un coup de sang, croit-elle, à 24 ans. Jamais elle ne s'est adonnée à l'ivrognerie ; elle a toujours vécu dans de bonnes conditions hygiéniques, usant d'une alimentation saine et suffisante et habitant un logement salubre. Elle n'a jamais eu — et sur ce point elle est très-affirmative — de dou- leurs rhumatismales, musculaires ou articulaires. Il n'est point possible non plus de retrouver dans ses antécédents rien qui puisse se rappor- ter à la syphilis. Notons seulement que dans son enfance elle a eu, à plusieurs reprises, des engorgements ganglionnaires au cou, ainsi que des croûtes dans les cheveux. Elle n'a jamais eu la chorée, non plus que la fièvre typhoïde, la scarlatine ou la variole. Enfin, elle n'était point sujette à s'enrhumer et n'a jamais eu ni pleu- résie ni pneumonie. La menstruation s'est établie chez elle de bonne heure, et depuis a toujours été parfaitement régulière. La femme B., mariée à 1 âge de 24 ans, a eu cinq enfants : en ce moment elle était enceinte de six mois. Toutes ses grossesses ne sont pas arrivées à terme. Le premier accouchement s'est fait au bout de neuf mois, l'enfant a vécu un an; le deuxième à neuf mois, l'enfant était mort ; le troisième à cinq mois ; le quatrième à terme ; le cinquième à six mois. Vers lâge de 23 ans elle eut, à la suite d'une forte contrariété, une très-violente attaque d'hystérie. Plus tard, lorsqu'elle travaillait à la manufacture des tabacs, de nouvelles attaques se manifestèrent. Plu- sieurs ouvrières du même atelier étaient fréquemment prises d'attaques de nerfs : aussi, à la vue des mouvements désordonnés de ses compa- gnes, lui arrivb-t-il plusieurs fois de les imiter, de jeter des cris, de pleurer et de se débattre, au point qu'on fut obligé de la porter hors de l'atelier. 197 Indépendamment de ces attaques franchement hystériques, la malade en eut d'autres, à l'époque de chacune de ses grossesses, bien dis- tinctes des premières et caractérisées par des contractures très-dou- loureuses, occupant exclusivement les membres supérieur et inférieur du côté gauche. Ces attaques, qui se sont répétées une vingtaine de fois durant la première grossesse, se sont reproduites, dans les suivantes, avec un moindre degré de fréquence. Une contrariété ou le simple fait de l'extension prolongée des membres dans le lit suffisaient pour en provoquer le développement. Elles avaient ordinairement lieu deux ou trois fois la nuit, plus rarement le jour. Chaque attaque durait envi- ron cinq minutes. A la suite de sa seconde grossesse, la femme B... fut prise de palpi- tations continues qui allèrent toujours en augmentant. Il importe de noter que le second accouchement, pas plus que les autres, ne fut suivi de douleurs articulaires. Il y a trois ans, — elle était alors enceinte de son troisième enfant et presque à terme, — la malade rentrait chez elle portant du linge sur son bras gauche, lorsqu'elle le vit tomber tout à coup. Au moment où elle se baissait pour le ramasser, elle glissa elle-même à terre et ne put se relever malgré tous ses efforts. Elle conserva toute sa connaissance mais elle perdit l'usage de la parole; la bouche était déviée du côté gauche, et les yeux, lui a-t-on dit, regardaient obliquement. Malheu- reusement il est impossible de savoir en quel sens. Ce ne fut qu'au bout de cinq minutes qu'elle put articuler quelques mots à peine intelligibles; mais bientôt elle s'aperçut qu'elle était pa- ralysée complètement du côte gauche et que le bras seul était resté sensible ; il n'y avait aucun trouble des sens sp'éciaux, si ce n'est un peu de surdité. Cinq jours plus tard, elle accoucha; sa délivrance n'offrit rien de particulier. Il est à remarquer que dans tout le cours de cette grossesse les jambes n'avaient pas été enflées; du reste ce fut seulement pendant la première grossesse qu"il survint un peu d'oedème de ces parties. La malade n'allaita pas son enfant, la paralysie ne lui permettant pas de le porter. Depuis cette époque, les membres du côté gauche n'ont jamais re- couvré leur force antérieure; la malade rappelle à ce propos que, dans une attaque d'hystérie, qu'elle eut l'année suivante à l'occasion de la mort de sa mère, les mouvements convulsifs des membres pa- ralysés étaient bien plus faibles que ceux des membres du côté opposé. L'intelligence et la mémoire se sont aussi un peu affaiblies et il est survenu un peu de surdité à gauche. Il y a six mois, c'est-à-dire dix-huit mois après l'attaque de para- 198 lysie, la femme B... est redevenue enceinte. Durant cette sixième gros- sesse, les contractures ont reparu dans les membres du côté gauche, à partir du deuxième mois. Le 7 juillet, elle vient demander un lit à l'hôpital. Voici l'état qu'elle présente au moment de son entrée dans la salle Sainte Agathe : Masses musculaires bien développées, moins cependant à gauche qu'à droite. Pas trace d'oedème des membres inférieurs. Il est facile de reconnaître que les membres supérieur et inférieur du côté gauche sont complètement paralysés de la motilité. La face ne semble pas à prime abord participer à cette hémiplégie ; mais à un exam'en plus attentif on ne tarde pas à constater que la com- missure labiale droite est moins mobile que la gauche. Il existe donc encore là des traces d'une paralysie faciale alterne. Le bras gauche est lourd et ses mouvements sont imparfaits; c'est ainsi que la malade ne peut le lever à la hauteur de la tête qu'avec beaucoup de lenteur et de difficulté. La flexion de l'avant-bras sur le bras ne peut se faire complètement. Enfin les doigts sont légèrement contractures. La paralysie du membre inférieur est bien moins prononcée que celle du membre supérieur. Elle a beaucoup diminué du reste depuis un an. Autrefois les pieds étaient roides, les orteils contractures ; au- jourd'hui ils sont redevenus très mobiles. La malade traîne à peine la jambe en marchant. Il existe dans les masses musculaires de l'avant-bras et dans les doigts une douleur spontanée, intermittente, qui se présente sous forme de fourmillements; elle se développe surtout lorsqu'on maintient l'avant- bras dans l'extension forcée. Rien de semblable ne s'observe au mem- bre inférieur. A côté de ces troubles de la motilité il est curieux de ne rencon- trer, à la face comme dans les membres paralysés, ni anesthésie, ni analgésie, ni thermo-anesthésie. Tout au contraire la sensibilité sem- ble un peu exagérée; mais, hâtons-nous de le dire, cette légère hy- peresthésie n'est point localisée au côté gauche du corps, elle se re- trouve également sur tout le côté opposé. Les sens spéciaux sont parfaitement intacts, à part l'ouïe : on remar- que un peu de surdité de l'oreille gauche. Le sommeil est généralement bon. La malade est promptement essoufflée quand elle marche; elle se plaint de palpitations très-pénibles qui dateraient, suivant elle, de sa seconde grossesse. Le cœur, en effet, est augmenté de volume et abaissé ; la pointe bat dans le sixième espace intercostal à 2 centimè- tres en dehors du mamelon ; les battements sont énergiques et tumul- tueux. A la palpation on sent un frémissement cataire très-net. La matité mesure 8 à 10 centimètres en tous sens; il est difficile d'être plus précis en raison du volume du sein. A l'auscultation on entend à la pointe un bruit de soufïïe systolique intense, ayant tous les caractères du souffle en jet de vapeur. Le pouls est assez fort, mais par moments irrégulier et intermittent. Les deux poumons sont dans un état d'intégrité parfaite. L'appareil digestif est en bon état ; l'appétit est bon, les aliments sont bien supportés, les selles régulières et normales. Le foie et la rate ne présentent rien de particulier à signaler. Les urines sont claires ; elles ne contiennent ni albumine ni sucre. Il est aisé de reconnaître l'existence dune grossesse de six mois' environ. Sous l'influence du bromure de potassium, les contractures dimi- nuèrent notablement et la malade quitta Thôpital le 14 août. Mon intention n'est point d'insister sur toutes les particularités que présente l'observation précédente. Je désire surtout, comme je l'ai dit au début de cette note, insister sur les deux points sui- vants: i" l'origine de la lésion mitrale constatée chez la femme B..,; 2° rhémiplégie qui frappa cette malade vers la fin de sa troisième grossesse. Quelques mots sur chacun de ces points. L Il résulte évidemment des renseignements fournis par la femme B..., que rinsuffisauce mitrale constatée chez elle ne saurait être rapportée ni au rhumatisme, ni à l'alcoolisme, ni à une fièvre gravé, ni même à une inflammation de la plèvre ou des poumons, etc., en un mot à aucune des causes actuellement bien connues des affec- tions organiques du cœur. D'un autre côté, si l'on tient compte de ce fait, qu'à partir de sa seconde grossesse elle fut prise de palpi- tations qui ne discontinuèrent jamais, qui même devinrent de plus en plus accusées, n'est-on pas en droit de voir là le début de l'en- docardite valvulaire dont elle est atteinte, et de considérer celle-ci comme un des effets de l'état puerpéral? Gomment expliquer d'ail- leurs ces palpitations chez une femme qui n'y était point sujette au- paravant? L'expérience de chaque jour ne nous montre-t-elle pas en 200 outre que le plus souvent , sinon toujours , l'endocardite , dégagée de toute complication, est une maladie essentiellement indolente, et par cela même fréquemment méconnue? Pour ces raisons il me semble donc qu'il s'agit bien là d'une lésion cardiaque d'origine puerpérale. Les cas de ce genre ne sont assurément pas aussi rares que semble- rait le faire croire le silence gardé par les auteurs sur ce point de t'étiologie des affections organiques du cœur. C'est en vain qu'on en chercherait même une mention dans les traités spéciaux publiés de- puis vingt-cinq à trente ans. Ainsi le professeur Bouillaud (1), Pi- geaux (2), Aran (3), Forget (4), en France; Hope (5), Latham (6), Bel- jingham (7), Stokes (8), VValshe (9), Blakislon (10), en Angleterre; en Amérique, Flint (il) ; en Allemagne, Bamberger (12), Friedreich (13), (1) Bouillaud, Traité clinique des maladies du cœur, etc., 2* édit. Paris, 1841. (2) Pigeaux, Traité des maladies du cœur. Paris, 1837. (3) Aran , Manuel pratique des maladies du cœur et des gros vais- seaux, Paris, 1842. (4) Forget, Précis théorique et pratique sur les maladies du cœur, des vaisseaux et du sang. Strasbourg et Paris, 1851. Ajoutons que dans un article récent (art. Cœur du Nouv. dict. de méd. et de chir. pratiques, 1868, t. VIII), M. Maurice Raynaud ne men- tionne pas non plus Vétat puerpéral parmi les causes des lésions val- vulaires du cœur. (5) Hope, A treatise on tlie diseases of tlie heart and great ves- sels, etc., 3° édit. London, 1839. (6) Latham, Lectures on diseases of the heart, V édit., London, 1846. (7) Bellingham, A treatise on diseases of the heart ^ Dublin, 1853. (8) Stokes (William), The diseases of the heart and the aorta, Dublin, 1854. (9) Walshe, A practical treatise of the diseases of the heart and great vessels. London, 1862. (10) Blakiston , Clinical observations of diseases of the heart and thoracic aorta , London, 1865. (11) Flint (Austin), A practical treatise onthe]diagnosis, pathology and treatment of diseases ofthe heart, Philadelphia, 1859. (12) Bamberger, Lehrbuch der Krankheiten des Herzens. Wien , 1857. (13) Friedreich, Krankheiten des Herzens, 2* édit. 1867. 201 Oppolzer (1), n'en disent pas un mot. Il en est de même des auteurs de traités généraux de pathologie interne, les professeurs Grisolle (2), Béhier et Hardy (3), Monneret (4), Tardieu (5), Valleix (6), Nie- meyer(7). Par contre^ tous ou presque tous signalent plus ou moins longuement cette variété d'endocardite désignée sous le nom d'en- docardite ulcéreuse, typhoïde, pyoémique, etc., et qui pour la pre- mière fois a été décrite par Senliouse Kirkes (8) ; ensuite par Vir- chow (9), Bamberger (10), Friedreich (11), et enfin par xMM. Gharcot et Vulpian(l2). Ce n'est point' sur l'endocardite ulcéreuse que je désire appeler l'attention, mais bien sur ces endocardites subaiguës, latentes, in- sidieuses, qui se développent chez les femmes pendant l'état puer- péral, c'est-à-dire pendant la grossesse, la parturition et la lactation, absolument comme bon nombre d'endocardites rhumatismales que presque toujours le médecin laisserait passer inaperçues s'il ne pre- nait la précaution d'ausculter chaque jour le cœur. Elles marchent lentement, ne se traduisent par aucun symptôme bruyant et sont le point de départ de lésions valvulaires graves. (1) Oppolzer, Vorlesungen ueher die Krankheiten des Herzens, Erlangen, 1867. (2) Grisolle, Traité de pathologie interne, ^^ édit., 1865. (3] Béhier et Hardy, Traité élémentaire de pathologie interne, 2«édit. 1864. (4) Monneret, Traité élémentaire de pathologie interne, 1864-66. (5) Tardieu, Manuel de pathologie et de clinique médicale, 3« édit. 1866. (6) Valleix, Guide du médecin praticien, 5* édit., refondu par le docteur Lorain. 1866. (7) Niemeyer, Éléments de pathologie interne et de thérapeutique, traduction française, Paris, 1865. (8) Senhouse Kirkes, Edinb. médical and surgical journal, 1853, t. XVIH,p. 119. (9) Virchow, Gesamm. Abhandlungen, 1856, p. 711.— Monatschrift fur GEBURTSKUNDE , t. H, p. 409, 1858. (10) Loc. cit. (11) Loc, cit. (12) Gharcot et Vulpian , Note sur Cendocardie ulcéreuse aiguë à forme typhoïde in Comptes rendus et mémoires de la Société de biologie. 1861, 3^ série, t. HI, p. 205. 20? L'influence de l'état puerpéral sur le développement de l'endocar- dite est variable : tantôt elle s'exerce d'une façon aiguë ou suraiguë, rapide, et alors on observe le plus souvent tous les signes de l'endo- cardite ulcéreuse; tantôt d'une façon subaiguë, lente. Dans ce der- nier cas la lésion de la membrane interne du cœur parie peu, elle échappe même souvent à l'observateur qui n'est pas prévenu et se transforme sourdement en endocardite valvulaire chronique. Le premier mode d'action a été découvert et parfaitement décrit dès 1854 par Simpson (1), puis par Virchow en 1856 (2). Mais, je le répète, ces deux éminents pathologistes ne se sont guère occupés que de l'en- docardite ulcéreuse avec tous ses accidents, — variété d'endocardite qui a une physionomie spéciale et qui, à ce titre, mérite une descrip- tion distincte de l'endocardite puerpérale simple subaiguë. Cette der- nière n'a pour ainsi dire été qu'entrevue. En effet, en 1857, M. de Lotz (3), dans une communication à l'Académie de médecine, chercha bien à établir le rapport étiologique de l'endocardite avec l'état puerpéral, mais il ne fit aucune des distinctions dont je viens de parler. A l'appui de son opinion il rapporta cinq observations : or le diagnostic de l'une d'elle est douteux, et une autre paraît être un cas d'endocardite typhoïde. Est-il possible, dans l'état actuel de la science, d'établir la patho- génie de l'endocardite puerpérale, qu'elle soit suraiguë ou subaiguë? Je ne le pense pas. Aucune des théories proposées jusqu'à ce jour, quelque séduisantes qu'elles soient, ne repose sur des faits suffi- samment démontrés (4). Cela tient sans doute à ce que nous ne (1) Simpson, Edinb. montoly journal, fév. 1854, et The obstetric me- moirs and conlributions^ t. II, 1856. (2) Loc. cit. (3) De Lolz, De Celât puerpéral considéré comme cause d'endocar- dite ; BULLET. DE l'AcAD. DE MÉD. , 1857, p. 744. Dans leurs thèses d'agrégation soutenues en 1866, MM. Simon [Des maladies puerpérales) et Martineau [Des endocardites) font égalempnt mention de l'endocardite puerpérale, mais leur description ne s ap- plique qu'à l'endocardite ulcéreuse ou typhoïde. (4) On ne saurait expliquer, dans le cas que je viens de rapporter, le développement de l'endocardite par la coïncidence de ces arthropa- thies qui s'observent quelquefois chez les femmes nouvellement accou- chées et qui ont été désignées par quelques auteurs sous le nom de rhu- 203' savons pas encore exactement, malgré de remarquables travaux, en quoi consiste la cause première ou essentielle de Tétat puerpéral, « ce xo ôiiov de la clinique des femmes en couche (1). » Cependant il est permis de supposer que les altérations du sang qui se produisent chez les femmes enceintes jouent un rôle impor- tant dans le développement de l'endocardite puerpérale. On peut même, sous ce rapport, rapprocher l'endocardite puerpérale des en- docardites rhumatismale et albuminurique, mais surtout de l'endo- cardite rhumatismale. En effet le rhumatisme et l'état puerpéral déterminent une modification profonde du sang et peuvent donner lieu à l'endocardite ulcéreuse comme à l'endocardite simple. Seule- ment, si Ton juge d'après les faits jusqu'ici connus, la première de ces deux formes serait la plus commune dans l'état puerpéral, tan- dis que ce serait l'inverse pour la diathèse rhumatismale. La connaissance de cette forme subaiguë, latente, insidieuse de l'endocardite puerpérale doit imposer au praticien l'obligation d'exa- miner fréquemment le cœur pendant toute la durée de la grossesse, de la parturition et de l'allaitement. Il serait sans doute possible, en intervenant dès les premiers symptômes, d'enrayer la maladie, et de prévenir ainsi le développement de ces lésions valvulaires chro- niques contre lesquelles la thérapeutique est malheureusement tou- jours impuissante. II. Le second point sur lequel je désire appeler l'attention n'est pas moins important que le premier : c'est l'interprétation qu'il con- vient de donner*à l'hémiplégie observée chez la femme B... Nous avons vu dans quelles circonstances cette hémiplégie était survenue. Quelques jours avant son troisième accouchement, la femme B... fut subitement frappée d'hémiplégie gauche, avec para- lysie faciale du côté opposé, perte de la parole et déviation des yeux. A ce moment elle conserva toute son intelligence. L'hémiplégie du mouvement était complète; en outre, au dire de la malade, il y avait matisme 'puerj)éraL. La femme B... n'a jamais éprouvé de semblables douleurs. (1) Bouillaud, Rapport sur le travail de M. de Lotz, Bull, de l'Acad. DE MÉD,, 1857, p. 751. 204 une anesthésie du membre inférieur et un peu de surdité. Les au- tres sens spéciaux ne furent pas atteints. Trois ans plus tard je constatai l'état suivant : hémiplégie gauche incomplète, sans trouble aucun de la sensibilité du même côté; in- tégrité parfaite de la vue, du goût et de l'odorat, un peu de surdité à gauche; signes légers de paralysie faciale droite. Le fait d'une attaque d'hémiplégie survenue soudainement, sans signes précurseurs, sans cause apparente chez une jeune femme, en- ceinte de huit à neufinois, devait naturellement éveiller l'idée d'une paralysie puerpérale. C'est ainsi, comme on sait, que débutent le plus souvent ces sortes de paralysies. Cependant, comme la femme B... avait eu à plusieurs reprises de violentes attaques d'hystérie, il était également rationnel de se de- mander si l'hémiplégie que nous avions sous les yeux n'était point une manifestation de la même névrose. L'hémiplégie, en effet, n'est pas rare chez les hystériques; elle serait même, suivant M. Briquet, la forme la plus commune de la paralysie hystérique (1). Dans la majorité des cas, elle a un début brusque; eu général elle n'est pas précédée de perte de connaissance, elle est beaucoup plus fréquente à gauche qu'à droite; enfin elle peut être complète. Mais si l'hémiplégie de la femme B... présentait quelques caractères qui la rapprochaient de l'hémiplégie hystérique, elle en présentait aussi d'autres qui l'en séparaient d'une manière complète. Parmi ces derniers, j'indiquerai surtout : 1' L'existence d'une paralysie faciale, très-rare dans l'hémiplégie hystérique ; • (i) Briquet, T7^aité clinique et thérapeutique de C hystérie, Paris, 1858, p. 461. Sur 430 malades, M. Briquet a observé 120 cas de paralysie muscu- laire.Voici dans quel ordre : « La paralysie a frappé les muscles princi- paux du tronc et ceux des quatre membres chez 6 malades; ceux des membres du côté gauche du corps, chez 46 ; ceux des membres du côté droit chez 14; ceux des deux membres supérieurs seulement, chez 5; ceux du membre supérieur gauche chez 7; ceux du membre supérieur droit chez 2; ceux des deux membres inférieurs chez 18; ceux du membre inférieur gauche chez 4 ; ceux des pieds et des mains chez 2; ceux de la face chez 6; ceux du larynx chez 3; le diaphragme chez 2. (/6id., p. 445.) 205 2" L'absence, au moment de l'attaque, de troubles profonds des sens spéciaux. Or ces troubles sont très-fréquents, sinon constants, dans la paralysie hystérique; 3° La presque intégrité, dans le côté paralysé, des diverses espèces de sensibilité qui, au contraire, sont presque toujours plus ou moins affaiblis dans l'hémiplégie hystérique (1); 4° La déviation des yeux qui, lorsqu'elle apparaît dans le cours d'une maladie semblable, ne s'observe guère que dans les affections organiques du cerveau (ramollissement, hémorrhagie, etc.) (2); 5° Enfin, la longue durée de l'hémiplégie, l'amaigrissement des membres. Pour toutes ces raisons, il était donc logique de diagnostiquer daus le cas actuel une hémiplégie puerpérale. Ce premier pas fait, là ne devait point s'arrêter l'analyse. Il restait encore à déterminer, s'il était possible, la cause intime de cette pa- ralysie, c'est-à-dire sa pathogénie. Les paralysies puerpérales sont très-variées dans leurs manifesta- tions. C'est ainsi qu'on rencontre l'hémiplégie, la paraplégie, la para- lysie localisée à un membre, à la face, enfin l'amaurose et la sur- dité (3). Leurs causes doivent donc être probablement multiples. (1) « L'hémiplégie hystérique est presque toujours accompagnée, non-seulement de l'anesthésie de la peau du membre paralysé, mais encore de Tanesthésie des muscles paralysés, et, dans certains cas, l'anesthésie a été jusqu'à frapper le périoste et les os. » (Briquet, op. cit., p. 461. (2) Prévost(J. L.),De/a déviation conjuguée des yeux, etc. Thèse de doct. Paris, 1868. (3) Il ne saurait évidemment entrer dans le plan de cette note de tracer l'histoire complète des paralysies puerpérales. On pourra con- sulter sur cet intéressant sujet : Fieelwood Churchill, Traité pratique des maladies des femmes dans Cétat de grossesse, pendant la grossesse et après r accouchement ; tra- duit de l'anglais sur la cinquième édition parMM. Wieland elDubrisay. Paris, 1866, p. 1106. Imbert Gourbeyre, Des paralysies puerpérales in Mémoires de l'Aca- démie de MÉDECINE, 1861, t. XXV, p. 1. Churchill a rassemblé 35 observations empruntées à divers auteurs ou 1^06 Telle n'a point été cependant l'opinion des premiers observateurs qui les ont étudiées : ils ont cherché au contraire à les rattacher toutes à une seule et même origine. recueillies par lui. Sur ces 35 observations : « 23 fois, dit-il, l'accès a eu lieu pendant la grossesse, 12 fois pendant ou après le travail. « Dans 24 cas où le fait a été noté, je trouve que 10 fois c'était à une première grossesse, 1 fois à une deuxième, 4 fois à une troisième, 2 fois à une quatrième , 3 fois à une cinquième , '2 fois à une sixième , 1 fois à une treizième grossesse, et enfin 1 fois il est dit que la femme avait eu plusieurs enfants, sans que le nombre en soit spécifié. « Sur 35 cas il y eut 18 fois une hémiplégie complète et une incom- plète, 2 fois de la paraplégie, 2 fois une seule jambe avait été paralysée, 6 fois il y eut de la paralysie faciale, 5 fois de l'amaurose, 3 fois de la surdité; mais il faut dire que dans plusieurs circonstances ces paralysies partielles coïncidaient avec l'hémiplégie. Dans 15 cas d'hémiplégie où le côté affecté est mentionné , je trouve 11 fois le côté droit, 4 fois le côté gauche. Sur les 35 malades, 4 ont succombé. « Il pourra être utile d'étudier encore de plus près ces observations, et dans ce but je crois bon de les diviser en deux catégories, celles où la paralysie s'est produite pendant la grossesse et celles où l'affec- tion s'est déclarée pendant ou après le travail. Sur les 23 cas de pa- ralysie développée pendant la grossesse, 13 fois nous rencontrons la forme hémiplégique, 1 fois la forme paraplégique. Quatre observations se rapportent à des faits de paralysie faciale : 2 fois à de l'amaurose et 3 fois à de l'acousie. 11 n'y a aucune régularité quant à l'époque de la grossesse à laquelle ces phénomènes se sont produits. Disons ce- pendant que sur 14 cas où le moment est indiqué, 1 fois ce fut au deuxième mois, 1 fois du troisième au quatrième, 1 fois au cinquième mois, 1 fois du sixième au septième, 2 fois au huitième et 4 fois au neuvième mois; d'où l'on pourrait, avec quelque apparence de raison, conclure que c'est dans les derniers mois de la grossesse que les femmes sont plus exposées à ces accidents. ft Sur 20 cas, 12 paraissent avoir été guéris avant la délivrance ou par le fait même de laccouchement : 8 fois la maladie a persisté un temps plus ou moins long après l'accouchement. Sur 21 femmes, une seule mourut, et dans ce cas la mort paraît bien plutôt due à une lésion centrale, qui était antérieure à la conception, qu'aux progrès mêmes de la paralysie pendant la grossesse. Aussi je crois que ce cas ne doit en rien augmenter la gravité du pronostic dans ces attaques de paralysie pendant la gestation. » (P. 1128.) 207 La plus ancienne des théories qui aient été hasardées sur la pa- thogénie des paralysies puerpérales date des temps hippocratiques : c'est la rétention des lochies. Elle régna pendant près de deux mille ans. La théorie qui lui succéda fut celle des métastases laiteuses. Défendue surtout par Puzos, elle était encore acceptée au commen- cement de ce siècle. De nos jours ont surgi trois nouvelles théories basées, l'une sur riiémn^ologie moderne, l'autre sur les récentes conquêtes de la phy- siologie, une troisième enfin sur les données fournies par l'anatomie pathologique. Ce sont les théories de Vurémie, de Vaciion réflexe et de Vliémorrhagie cérébrale, La découverte de l'albuminurie puerpérale eut pour conséquence naturelle de faire rattacher bon nombre de paralysies qui s'ob- servent chez les femmes enceintes ou récemment accouchées aux convulsions éclamptiques et à l'urémie. Suivant Churchill et Im- bert-Gourbeyre ce serait même là presque l'unique cause de ces paralysies. Cette opinion peut être vraie pour l'amaurose et la sur- dité, mais assurément elle cesse de l'être lorsqu'il s'agit de l'hémi- plégie et des autres paralysies. En effet, les auteurs qui ont écrit sur l'urémie soutiennent presque tous que les paralysies y sont extrê- mement rares et que toutes les fois qu'il s'en est produit une, on peut, dans la grande majorité des cas, sinon toujours, affirmer qu'elle relève d'une cause locale et qu'elle n'est pas sous la dépendance de la maladie de Bright (l). Une telle origine ne pourrait évidemment être invoquée pour l'hé- miplégie de la femme B..., puisque cette malade n'a présenté au- cun des symptômes de l'albuminurie et de Téclampsie. Je n'insisterai pas sur la théorie de l'action réflexe soutenue par Romberg et par le professeur Brown-Séquard, ni à celle de lépuise- ment nerveux défendue par M. Jaccoud. La persistance de l'hémi- plégie après l'accouchement et sa longue durée dans le cas actuel (1) Lasègue, Des accidents cérébraux qui surviennent dans le cours de la maladie de Bright. Arch. gén. de méd., 1852, 4* série, t. XXX, p. 143. Sée et Fournier in Fournier (A.), De Curémie, thèse d'agrégation, 1863, p. 23. 208 ne permettent pas non plus de l'expliquer au moyen de cette théorie. Ne reconnaîtrait-elle point pour cause un foyer apoplectique? L'hémorrhagie cérébrale idiopatique n'est pas rare chez les femmes enceintes. Un grand nombre de faits le démontrent d'une manière péremptoire. Il y a quarante ans, Ménière (1) publia sur ce sujet un intéressant mémoire. Douze ans plus tard, M. Paul Dubois (2) soute- nait également qu'il existe un rapport entre l'apoplexie et la gros- sesse. Cette opinion régna sans conteste jusqu'à l'époque de la dé- couverte de l'albuminurie puerpérale. Dès lors les observations d'apoplexie puerpérale antérieurement publiées furent soumises à une analyse minutieuse, et l'on ne tarda pas à découvrir que quel- ques-unes d'entre elles n'étaient que des cas de maladies de Bright terminés par hémorrhagie cérébrale (3). M. Imbert-Gourbe]/re va même jusqu'à donner cette origine à la grande majorité des faits d'apoplexie puerpérale. Il est évident que, si chez la femme B... l'hémiplégie dépend d'une hémorrbagie cérébrale, il ne saurait être question que d'une hémor- rhagie primitive, développée en dehors de l'albuminurie et de l'u- rémie. Mais l'existence de cette hémorrhagie cérébrale est-elle bien cer- taine? Est-elle bien démontrée par les symptômes qu'a présentés la malade? Je ne le crois pas. La femme B... a été subitement frappée d'une hémiplégie com- plète, comme il arrive dans certaines formes d'apoplexie cérébrale. Cela est vrai. Mais notons, — détail fort important, — qu'elle n'a pas perdu connaissance, qu'elle n'a pas eu d'état apoplectique propre- ment dit. Or, ne sait-on pas que dans l'hémorrhagie cérébrale qui est assez considérable pour déterminer la paralysie complète d'une moitié du corps, il y a très-souvent, sinon toujours, perte de con- naissance? Ne sait-on pas aussi que la perte de connaissance est (1) Ménière (P.), Observations et réflexions sur Chémorrhagie céré- brale considérée pendant la grossesse, pendant et après Vaccouctie- ment. Arch. gén. de méd., 1828, t, XVI, p. 4S9. (2) Dubois (Paul), Journ. de méd. et de chir. prat., 1840, p. 401. (3) ImberL-Gourbeyre, loc. cit., p. 14. Lévi (Pellégrino), Etude sur quelques hémorrhagies liées à la né- phrite albumineuse et à Curémie. Thèse de doct. Paris, 1864, p. 40. 209 infiniment plus rare dans lo ramollissement que dans i'hémorrha- gie cérébrale? Il est vrai qiroit a nié celte proposition, mais les ob- servations de nombre d'auteurs sont là pour en confirmer l'exacti- tude. Enfin, et surtout, l'existence d'une endocardite — développée presque certainement pendant la seconde grossesse — ne rend-elle pas infiniment plus probable le diagnostic : ramoUissement cérébral? Certes il ne s"agit pas ici du ramollissement cérébral par athérome artériel, spécial pour ainsi dire à la vieillesse, mais bien du ramol- lissement des sujets jeunes, celui qui succède à une embolie ou une thrombose des artères cérébrales. Notre malade était atteinte, au moment de l'attaque, d'une endo- cardite déjà ancienne; d'autre part elle fut subitement frappée dhé- miplégie. N'est-il pas rationnel de rapprocher ces deux faits, de les subordonner l'un à l'autre, et d'admettre qu'une végétation valvu- laire, un dépôt fîbrineux, est venu oblitérer l'artère sylvienne droite et produire la paralysie de tout le côté gauche? Aucun auteur, que je sache, n'a songé à invoquer le ramollisse- ment embolique comme cause de Fhémiplégie puerpérale proprement dite (i). Les embolies cérébrales ont bien été signalées dans l'état puerpéral, mais seulement dans Fendocardite ulcéreuse, au même titre que les embolies rénales, spléniques, pulmonaires, etc. Il n'en pouvait être autrement, puisque l'on ne connaissait pas la variété d'endocardite subaiguë, devenant souvent chronique, sur laquelle je me suis efforcé, dans cette note, d'attirer l'attention. (1) Comparez : Imbert-Gourbeyre, op. cit. Cazeaux, Traité théorique et pratique de l'art des accouchements. Paris, i8G7, 7* édit., revue et annotée par S. Tarnier. Joulin, Traité complet d'accouchements. Paris, 1867. Voici ce que Churchill dit seulement à ce sujet : « L'obstruction des artères a été signalée comme fait assez commun pendant Tétat puer- péral par le professeur Simpson. L'artérite peut, ainsi que l'embolie, produire ce phénomène et déterminer un certain degré de paralysie ; mais comme généralement la mort du membre, et enfin de la malade, est la conséquence d'un pareil accident, il faut éloigner cet ordre de causes chez les malades dont j'ai cité l'observation. » (Op. dr., p. 1131.) MÉM. i868f 14 NOTE SUR UNE VARIÉTÉ NON DÉCRITE DE SPINA-BIFIDA Ine à la Société de Biologie PAR M. LE Docteur A. LABOULBÈNE Membre honoraire de la Société de Biologie, professeur agrégé de la Faculté, médecin de l'hôpital Necker. Un honorable médecin de la province me demandait mon avis, à la fin d'octobre 1864, ?iir une tumeur située au bas du dos, chez un enfant âgé de 15 jours; il me faisait connaître dans les termes suivants l'état du petit malade. « La tumeur occupe la réunion du sacrum et des dernières ver- « tèbres lombaires. Est-ce un spina rachidien? Cette tumeur est du a volume d"une grosse pomme, elle est pédiculée; à la palpation on « sent qu'elle n'est pas constituée uniauement par du liquide et par « des membranes distendues, elle est formée aussi par une masse de « tissu mollasse, et ce n'est que sur un point et en bas qu'elle prê- te seiileraiL l'aspect assez c.iraléristique du spina racliidien. Le doigt, a à la l)ase de la tumeur, refoule les téguments et parvient à sentir « une dépression ciiculaire donnant, probablement par une ouver- « tui'e, accès dans le canal osseux du racliis. 212 « La compression réduit peu la tumeur. Je l'ai conseillée d'une « manière permanente, et elle semble produire quelques bons ré- « sultats : la tumeur se flétrit. L'enfant, du sexe masculin, fort, ro- « buste et venu à terme, il y a quinze jours, ne paraît pas éprouver « de malaise par suite de cette compression ; il ne crie point et ne « s'agite en aucune manière. « Dans ma pensée, la médication devrait se borner actuellement a à ce moyen, et nous devrions attendre et gagner du temps; mais « les parents sont pressés d'agir, ils veulent tenter les basards d'une « opération, d'une ligature, voire même d'une excision dont on leur « a parlé. Quelle serait votre opinion? etc. » J'ai répondu à Ibonorable confrère que je partageais son avis sur l'abstention d'une opération immédiate ; que, puisque l'ouver- ture du canal rachidien était fort petite et la tumeur pédiculée, je continuerais une compression légère et méthodique dans le but de faire diminuer la cavité relativement petite que la tumeur portait à la partie inféreure. J'émettais en outre l'opinion que le canal rachi- dien pourrait s'oblitérer, et puisque la compression de la tumeur ne provoquait pas chez l'enfant des cris ou des troubles du système nerveux des membres inférieurs, il n'y avait pas lieu à une ponction, à l'acupuncture, à une injection iodée, ni à l'excision. Une consultation de plusieurs médecins ayant eu lieu une semaine plus tard, décida l'opération par l'instrument tranchant. Mon avis ne prévalut point. L'excision fut pratiquée, la tumeur enlevée, les bords de la solution de continuité rapprochés par première inten- tion. Il s'écoula très-peu de sang; lenfant supporta très-bien l'abla- tion, et le pansement consista en compresses d'alcool camphré pla- cées sur le trajet des lèvres de la plaie réunies. Pendant deux jours tout alla bien; le troisième, des signes de méningite rachidienne se produisirent, et Lenfant mourut quatre jours après l'opération. L'autopsie ne put être pratiquée, mais la tumeur enlevée m'avait été envoyée dans Falcool ; je Lai présentée à la Société de biologie à cette époque, et j'en ai fait la dissection avec M. le docteur Du- breuil, alors prosecteur de la Faculté. La pièce anatomique offrait le volume d'une grosse pomme; elle était longue de 8 centimètres en hauteur sur une largeur de 7 cen- timètres un quart; sa consistance était encore un peu molle, mais le tissu avait dû être raffermi par le séjour dans Falcool étendu. La 213 surface extérieure était arrondie, sans lobes, sans ombilic marqué, sans dépression, et offrait la peau à l'état normal; à la partie infé- rieure, la peau n'était point amincie; enfin, le tégument était crispé et ridé par la rétraction du tissu dans le liquide conservateur. Sur la portion adhérente, on trouvait les tissus divisés nettement, comme ils le sont, par un bistouri très-tranchant, et une ouverture dans laquelle entrait facilement une sonde de femme permettait de pénétrer à 4 centimètres au plus de profondeur dans une cavité dont les parois n'étaient pas lisses et arrondies; au contraire, on trouvait de la résistance, comme si des brides ou des cloisons empêchaient de faire librement mouvoir la sonde dans la cavité. La peau ayant été disséquée avec soin de dehors en dedans, on trouve que le tégument externe est à l'état normal , comme il a été déjà dit, et que la peau ne constitue point à elle seule les parois de la cavité; partout un autre tissu se présente, tissu épais, d'une résis- tance élastique, et donnant la sensation du lipome. La partie inférieure et postérieure de la tumeur ayant été peu à peu disséquée de dehors en dedans et couche par couche, on arrive sur une excavation anfractueuse, c'est-à-dire divisée par des brides ou des cloisons incomplètes rappelant les néo-membranes pleurales. La cavité est formée par l'enveloppe fibro-graisseuse extérieure, re- vêtue d'une couche serrée, ou d'une lame assez épaisse de tissu con- jonctif, qui se poursuit sur les cloisons incomplètes et irrégulières de la cavité. 11 n'existe aucune trace d'hémorrhagie interstitielle ni aucun tissu colloïde dans la cavité, et seulement quelques flocons albumino-fibrineux. L'enveloppe extérieure est formée à l'œil nu par des lames de tissu fibreux dont les faisceaux circonscrivent des aréoles remplies de graisse. On trouve très-peu de vaisseaux dans ce tissu. L'examen microscopique, fait avec le plus grand soin, fait consta- ter une forte couche de fibres conjonctives sur la face interne de la cavité répondant à Torifice du rachis ; les cloisons sont composées uniquement de ces fibres et plus encore de cellules allongées, ou fibro-plastiques à divers états de développement. Nulle part on ne parvient à trouver de tubes nerveux ou de cellules nerveuses sur la paroi interne de la cavité, ni à la surface, ni dans l'intérieur des cloisons irrégulières de cette cavité. Les éléments de la peau normale existent seuls au pourtour de la 214 tumeur, dans l'enveloppe externe. Les lobules sont composés de fibres lamineuses ou du tissu conjonctif; le contenu des aréoles renferme des cellules adipeuses très-reronnaissables, et dans plu- sieurs d'entre elles des cristaux de margarine sous forme de houppes composées de fines paillettes convergentes. Il résulte jusqu'à l'évidence de l'examen à l'œil nu et de lexamen avec le microscope, que la tumeur est formée par la peau recou- vrant du tissu adipeux. On trouve ensuite une cavité tapissée par les membranes rachidiennes ayant communiqué avec l'intérieur du rachis et cette cavité unique est cloisonnée irrégulièrement par des'brides ou des tractusde tissu conjonctif de formation nouvelle; aucun de ces tractus ne renferme, non plus que Tintérieur de la ca- vité, du tissu nerveux provenant de la moelle épinière ou de la queue de cheval. Dans l'intérieur de la cavité on trouve seulement des leu- cocytes. Cette tumeur est extrêmement curieuse et depuis la date éloignée déjà où elle fut présentée à la Société de biologie sous la présidence de Rayer, aucun fait analogue ne s'est présenta à ma connaissance. Il convient actuellement de rechercher, d'après Texamen de la pièce, quelle eût été la meilleure marche à suivre pour en débarasser l'en- fant qui la présentait, et quelle est la véjiîable signification de t:ette tumeur d'après les travaux les plus récents it parus depuis cette époque. Il est incontestable que la tumeur ne renfermait pas de tissu ner- veux et que d'autre part lorifice de communication avec le canal rachidien était étroit; la compression ne produisait pas de troubles sur les membres inférieurs et paraissait iimperçue pour Tenfant. Il eût fallu attendre, comprimer légèrement et d'une manière continue, puis tenter l'accolement des parties internes du pédicule, soit par la ligature sur des tiges résistantes et parallèles de plus en plus rap- prochées, soit par des aiguilles passée? dans le pédicule, ou encore l'injection de quelques gouttes de teinture d'iode sur les points qu'on vo'ilait enflammer et souder. Plus tard enfin, si l'orifice ra- chidien s'était fermé et si la cavité qu'on sentait peu volumineuse dès le début, disparaitsail de plus en plus, tenter l'ablation par l'écrasemeut du pédicule, fait lentement et progressivement. 11 est bien dif^^ne de remarque de trouver la cavité déjà occupée par des membranes. La tumeur datait des premier?; icm])s de la vie 215 intra-utérine, et dans l'intérieur de la cavité, il y a eu un travail inflammatoire qui avait de la tendance à continuer. Le terme de ce travail eût été le cloisonnement de cette cavité et une oblitération, ou tout au moins la division on loges séparées et ne communiquant plus toutes avec la cavité rachidienne. On sait que Malgaigne a réuni un certain nombre d'observations de spina-bifida à cavité cloisonnée, empruntées à Busch, Trowbridge, etc. (1). A quelle espèce de tumeur doit-on rapporter finalement celle qui fait le sujet de cette note? Je vais essayer de l'établir en regrettant que l'autopsie de l'enfant n'ait pas été obtenue et que la colonne ver- tébrale n'ait pas été examinée. Il s'agit là, réellement, d'un spina-bifida , c'est-à-dire d'une col- lection liquide communiquant avec la cavité rachidienne à travers les lames vertébrales, ou les apophyses épineuses non réunies des dernières vertèbres du rachis. Il y avait sûrement là une hernie aqueuse vertébrale, une hydro-méningocèle. Mais cette hydro-mé- ningocèie iombo-sacrée, ne renferme que les membranes spinales, sans nerfs provenant de la queue de cheval, sans cellules médul- laires, et l'on sait depuis Tulpius combien cette disposition des nerfs dans le spina-bifida est commune. Dans la tumeur actuelle, il y avait donc seulement une hernie aqueu>e entourée par les m ''ningcs rachidiennes, et cette pièce con- firme l'établissement d'une variété de spina-bifida où la moelle et les nerfs font défaut et ne viennent pas sétaler sur les parois envelop- pant la tumeur. La disposition du tissu adipeux est extrêmement remarquable. Après avoir cherché des cas analogues, je ne trouve que l'observation de Athol Jonhston (2), rapportée par Wirchow dans sou Traité des lunipurs (3), qui me paraisse devoir en être rappro- chée. Dans ce cas, on trouva sous l'apparence d'un spina-bifida, chez un nouveau-né, un lipome qui, à travers un trou dans le sacrum, (1) Malgaigne, Journal de chirurgie, De la nature et du traitement du spina-bifida, 1845, p. 38. (2) British MEDICAL JouR\AL, 1857 [CanstatC S JahresbericfiC fur 1857, t. IV, p. 287). (3) R. Wirchow, Palhologie des tumeurs^ traduction Aronsohn, t. I, p. 384. 216 atteignait jusqu'à la dure-mère. Une masse de graisse enkystée dans la dure-mère comprimait la moelle épinière. On voit, en définitive, qu'il ne faut pas regarder comme identiques ce lipome décrit par Athol Jonhson et la véritable hernie aqueuse, riiydroméningocèle enveloppée par une masse graisseuse, qui fait le sujet de cette note. Cette dernière tumeur constitue, comme je l'ai annoncé, une va- riété très-curieuse et non décrite du spina-bifidat et me paraît être une des formes les moins difficilement curables de l'hydroméningo- cèle. SUR LES DIVERSES FORMES QUE PEUVENT PRÉSENTER LES GALLES VÉGÉTALES PRODUITES PAR LE M Ê M E I N S EC T E Communication faite à la Société de Biologie PAR M. LE Docteur A. LABOULBÈNE. Quand on observe pendant plusieurs années consécutives les ex- croissances végétales résultant de la piqûre des insectes hyménop- tères de la famille des Cynipides sur différents végétaux, on est frappé de voir des formes différentes produites d'une manière in- contestable par le même insecte. Ces faits semblent au premier abord empêcher toute distinction méthodique, ou toute classification des galles végétales; mais je crois pouvoir affirmer qu'il n'y a là qu'une difficulté facile à résoudre. En effet, quand on obtient des galles dif- férentes, mais analogues avec les mêmes insectes, il ne peut y avoir que des variétés légères de forme ; et si la galle a changé d'aspect et s'est flétrie ou déformée, cela tient à une cause encore non indiquée et mal appréciée que je me propose de faire connaître présentement. Le chêne est de tous les arbres des forêts celui qui produit le plus grand nombre d'excroissances par la piqûre des insectes. Le nombre des Cynipides qui lui confient le soin de protéger leurs larves est con- sidérable; or tel insecte produira sur tel chêne des galles rondes et 218 lisses, et sur un autre des galles arrondies, mais pubescentes ou chargées de tubercules. La raison en est facile à donner quand on a étudié soigneusement le rapport de la galle et l'espèce végétale qui le constitue. Les chênes ne sont pas tous de la même espèce; nous ayons le? Q lier eu s robur, pcdonruUita, sessiUflora,pubesee7iSyeÀc.', or tel insecte qui, pondant sur WQuercus robur, produit une hypertro- phie à fo! me lisse, aura sur le Quercas pubescens une galle à bosse- lures ou à villosités. Gl's failsunt été mis hors de doute par mon ami le docteur J. Gii'aud. 11 faut donc, quand ou veut classer une galle, être sûr de la prove- nance exacte, et pour cela il faut élever l'insecte producteur, puis il reste à confronter entre eux les insectes, et a reconnaître si sur tel ou tel végétal le support herbacé ou ligneux d'espèce différente ne moditie pas la texture de la galle et sa forme extérieure. Une grande difticulté surgit souvent : c'est qu'une même galle est habitée par un grand nombre d'insectes, les uns producteurs légi- times de la galle, les autres parasites de ces preniiers et vivant à leurs dépens. J'ai fait connaître l'erreur de Réauiuur qui avait cu;ifondu les larves parasites avec celles des vrais producteurs de la galle (Voy. ÂNNALHS LiE LA SOCIETÉ ENTOMOLOGIQUE DE FkANCE. 18, p. Il y a encore d'autres insectes qui peuvent être appelés com- mensaux et qui ne sont point destructeurs des larves gallicoles, mais qui vivent de la galle elle-même, du tissu hypertrophié, et qui par- fois par leur nombre font un grand tort aux habitants légitimes en dévoraiiît leurs provisions. La présence des parasites et des conmiensaiix auprès des insectes gallicoles est la seconde cau:e de la aiodidcation de forme extérieure pour ies g;; lies. Je place suus les yeux de mes collègues la galle d"uu jaune verdàtre, très-commune et très-connue, des feuilles du chêne, qui ressemble à une petite pièce de monnaie ou a une lentille, et qu'on a appelée numismate ou ieniicuiuire. L habitant légitime est le Cynips lenlicularis, les parasites sont des PLcromaiiens. Or cette galle, très-abondante à l'automne sur les feuilles de chêne pédoncule, est de forme aplatie, et se détache pendant l'hiver des feuilles auxquelles elle ne tient que par un ])oint central. La galle tombée à terre, dans l'herbe humide ou la mousse, grossit et devient bombée sur les deux faces; elle prend une teinte plus verte et parfois un peu rougeâtre; entln l'msecte parfait, habitant légitime de la galle, en sort au prin- 219 temps. Mais parmi les galles que je présente, il s'en trouve toujours d'autres qui sont bi-unûtres, d'un tissu plus sec et plus scarieux. Comment se fait-il que les premières galles que je caractérise comme étant vertes ou rougeâtres se conservent à la manière des fruits, sans se dessécher ou se corrompre, et que les secondes, au contraire, aient l'aspect desséché ou soient mal conservées par rapport aux premières? Elles ont été produites par le même insecte; mais si vous les ouvrez, vous trouverez dans les unes lïnsecte producteur, et dans les autres les parasites; là est la solution du problème : dans Tune on constate la présence de la larve ou de la nymphe, ou de l'insecte excitant naturel de la galle; dans l'autre le parasite a mis à mort l'insecte producteur, et la gallo, privée de celui-ci, s'est modifiée. On voit en effet, quand j'ouvre les galles normales un Cynips, hahitan; ordinaire, et dans les galles brunâtres nous trouvons constannnent un parasite. En résumé : l°Les galles végétales peuvent présenter des formes différentes, quoique produites par le même insecte, lorsque ces derniers ont pondu sur des plantes de même genre, mais d'espèces difféi-entes. 2' La présence de parasites ou de comniensaux dans les galles, au- près des insectes producteurs, peut modifier la forme de ces galles; 3' La mort de l'insecte producteur sous 1 atteinte des parasites peut changer la forme des galles végétales. NOTE SUR UN CAS DE TUMEUR DU STERNUM SIMULANT UN ÂNÉVRYSME DE LA CROSSE DE L'AORTE lue à la Société de Biologie, le 28 novembre 1868, PAR M. LE Docteur AUGUSTE OLLIVIER (Voy. planche lU.) L'histoire anatomique des aDévrysmes de l'aorte est aujourd'hui parfaitement connue; mais on ne saurait jamais se lasser de contri- buer à leur histoire clinique; chaque jour, en effet, des erreurs nou- velles viennent montrer combien le diagnostic de cette lésion est parfois difficile. Il m'a donc semblé utile de publier l'observation suivante, malgré les lacunes qu'elle présente. La science peut profi- ter tout autant de nos erreurs que de nos succès, lorsque les uns et les autres sont fidèlement rapportés. Obs. — La nommée V... Flore, porteuse de pain, âgée de 53 ans, est admise le 15 novembre 1865 à l'Hôtel-Dieu, salle Saint-Antoine, n* 20, dans le service de M. le professeur Grisolle. Cette femme a toujours été régulièrement menstruée jusqu'à l'âge de 44 ans; elle a eu cinq enfants qui se portent bien. 22^ En 1845 elle tomba mtilade pour lo premièrp fois; elle fut prise d'une atlaque do rliumati!?ine articulaire aigu qui envahit successivement les poignets, les pieds et les genoux, et dura quatre semaines. Depuis lors sa santé redevint excellente et resta telle jusqu'à Tannée 1862. A cette époque elle aurait ressenti, dit-elle, un jour qu'elle cherchait à soulever un lourd fardeau, un craquement d'abord, puis une douleur vive au niveau de la fourchette du sternum. Ce fut seulement au bout de plusieurs mois que cette douleur céda tout à fait. Au commencement de 1863, elle vit se développer à la partie supé- rieure du sternum une petite tumeur dont le volume s'accrut peu à peu. A quelque temps de là, elle eut une seconde attaque de rhumatisme, limitée cette fois aux deux poignets, et vers !a fin de Tannée, elle s'a- perçut qu'elle avait une nouvelle tumeur au sommet du crâne. Il y a un mois et demi environ, ses membres inférieurs, spécialement le droit, devinrent plus faibles et furent envahis par des douleurs in- tenses reparaissant de temps en temps. Son état alla toujours en s'aggravant, et il lui fut bientôt impossible de se tenir debout. Cette paraplégie avait du reste été précédée, pen- dant un certain temps, de douleurs très-aiguës, au niveau des premières vertèbres dorsales. Enfin nous devons ajouter, comme renseignement important, que le père de cette malade est mort à Tâge de 67 ans d'une affection chro- nique de Testomac. Quant à sa mère, elle vit encore et, malgré ses 86 ans, jo-uit d'une excellente santé. Etat actuel. La malade est couchée dans le décubitus dorsal ; elle est très-pâle, mais non amaigrie. Ce qui attire avant tout l'attention, c'est l'existence d"une tumeur si- tuée à la partie supérieure du sternum. Cette tumeur mesure 12 centi- mètres de large sur' 7 de long; elle est arrondie, assez molle, comme fluctuante, légèrement pulsatiledans toute son étendue, mais non réduc- tible. Les battements dont elle est le siège sont parfaitement isochrones aux pulsations cardiaques. Il est impossible dy percevoir la moindre trace de frémissement vibratoire. A la percussion elle donne un sou mat et fait entendre un bruit de souffle rude qui correspond au premier bruit du cœur. Ce souffle se retrouve avec les mêmes caractères dans la carotide droite, tandis qu'il est très-faible dans la carotide gauche. La tumeur n'est point douloureuse par elle-même; elle ne le devient que lorsciu'on exerce sur elle un certain degré de pression. Cependant la malade ressent par moments des élancements dans la région sous- claviculaire droite et le membre supérieur du même côté. Il n'existe rien de semblable dans le membre supérieur gauche. Ce ne sont point là les seuls phénomènes morbides que présente la m malade : ?ur le crânp, an niveau des pariétaux, à peu de distance de leur articulation avec le frontal, se voit une autre tumeur placée en quelque sorte à cheval sur la ligne médiane, mais plus développée à droite, où elle a 5 centimètres de largeur, qu'à gauche, où elle n'a que 1 centimètre et demi. Cette tumeur n'est pas non plus douloureuse ; elle est le siège de battements perceptibles à la vue et au toucher, mais qui disparaissent en grande partie quand on vient à comprimer les artères temporales. A l'auscultation, on n'entend aucun susurrus. L'examen du cœur fournit les résultats suivants : la pointe bat dans le cinquième espace intercostal, à 1 centimètre en dehors du mamelon; les battements sont fréquents et énergiques. La matité semble augmen- tée et se continue avec celle de la tumeur. A rauscultation, on con- state à la base l'existence d'un souffle systolique de médiocre intensité qui devient de plus en plus fort à mesure qu'on approche de la tumeur. Pas d'accès de dyspnée; pouls radial d'égale force des deux côtés, 93 pulsations. Respiration, 28. Le timbre de la voix est un peu altéré. Le lobe droit du corps thyroïde offre un volume double de celui du lobe gauche. Mais cette espèce de goitre unilatéral date déjà de quel- ques années. L'appétit est bon et les aliments sont bien digérés. Seulement la ma- lade se plaint de constipation depuis trois à quatre semaines. Il lui est impossible, en outre, de retenir ses urines; celles-ci ne contiennent ni albumine ni sucre. Le foie et la rate ne' paraissent pas augmentés de volume. Le toucher vaginal permet de constater que l'utérus est parfaitement mobile et que son col est intact. Depuis une quinzaine de jours, les irradiations douloureuses du bras droit sont devenues tellement rapprochées qu'elles empêchent tout sommeil. Elles rendent également difficiles l'exploration de la colonne vertébrale, car le moindre mouvement les augmente encore. Un rapide examen permet cependant de constater qu'il n'existe aucune déformation apparente du rachis, mais que lorsqu'on appuie sur les apo- physes épineuses des premières vertèbres dorsales, le malade accuse à ce niveau la sensation que'donnerait une plaie vive; souvent aussi, en dehors de toute pression, elle y accuse des élancements très-doulou- reux. Il lui semble, en outre, qu'elle a le tronc serré comme par une courroie. Ce sentiment de constriction la gêne beaucoup et rend assez irréguliers les mouvements respiratoires. Il n'y a point de troubles de la vue; les pupilles sont parfaitement contractiles et d'un égal diamètre. Bourdonnements d'oreille pour ainsi dire continus. 224 Les deux membres inférieurs sont presque complètement paralysés; c'est à peine si la malade peut leur imprimer quelque mouvement; en même temps il existe un affaiblissement assez notable de la sensibilité au toucher, à la douleur et à température. La moitié inférieure du tronc présente les mêmes altérations de la sensibilité. Le chatouillement de la plante des pieds u'est pas perçu et ne pro- voque aucun mouvement réflexe bien appréciable. Il importe de noter qu'en aucun point du corps on ne constate d'en- gorgement ganglionnaire. Prescription : Digitale, baume tranquille, 2 pilules écossaises. — 2 portions. Le 21, les deux tumeurs offrent toujours les mêmes caractères. L'in- tensité des douleurs en ceinture est excessive. La malade, pour calmer sa souffrance, se serre fortement l'abdomen avec les deux mains. Parfois les muscles de chaque cuisse sont le siège de contractions spontanées; parfois aussi les genoux et les pieds deviennent douloureux. Pouls à 86, respiration 30. Constipation et incontinence d'urine. Léger eschare au sacrum. Même prescription. Le 26, l'appétit continue à être assez bon : la malade mange bien ges deux portions, mais elle ne peut dormir, tant sont violentes et les douleurs en ceinture et les irridiations dans le membre supérieur droit. C'est spécialement au moment des crises qu'elle éprouve la sensation d'un resserrement douloureux dans les genoux et les pieds. A ce mo- ment aussi elle accuse des envies d'uriner. Pouls à 90, respiration 28. Constipation opiniâtre. 2 pilules écossaises. Ext. théb. 10 centigrammes. Le 30, même état. L'eschare du sacrum sest beaucoup agrandi. Perte d'appétit. Ce matin la malade a eu un léger frisson qui a duré sept à huit mi- nutes. Insomnie persistante. Amaigrissement notable. 3 pilules écossaises. Ext. théb. 20 centigrammes. Le 2 septembre, état cachectique de plus en plus prononcé. Second frisson, très-violent cette fois. Le 5, frissons répétés, chaleur vive à la peau. Mort dans la soirée. Voici ce que l'ouverture cadavérique, autant quil nous fut permis de la faire, révéla d'intéressant. Elle fut faite trente-six heures après la mort. Crâne et racliis. Le cuir chevelu s'enleva avec facilité. Au-dessous de lui apparut la tumeur dont nous avons indiqué déjà les principaux caractères. Elle présentait une coloration violet clair, qui devint plus nette à mesure qu'on détacha la couche celluleuse qui l'environnait. 225 Sa surface, ainsi débarrassée des parties molles, est convexe, lisse et nettement limitée (PI. III, fig. 1 A). Au moyen d'une quadruple section faite avec la scie on enleva la portion de la voûte crânienne sur laquelle elle reposait. On constata alors que la paroi osseuse avait subi une notable augmentation d'é- paisseur. Sur la face concave, au point correspondant à la tumeur, le sinus longitudinal supérieur était soulevé d'avant en arrière dans une petite étendue (fig. 1 B). La tumeur, y compris la portion d'os qui la contenait, étant coupée transversalement, il fut aisé de voir qu'en certains points la plus grande partie de la paroi osseuse et en d'autres la totalité de cette même paroi avaient été détruites et que le tissu anormal qui s'y était développé, communiquait largement avec le sinus (fig. 2). Ce tissu off'rait une coloration grisâtre ou rougeâtre suivant le point qu'on exa- minait; il était très-vasculaire et si peu consistant qu'on pouvait y en- foncer un bistouri avec une grande facilité. Il nous avait été interdit d'enlever le cerveau Disons cependant que cet organe ne parut point altéré, autant qu'il fut possible d'en juger par l'ouverture que l'on pratiqua pour l'ablation de la tumeur. L'examen de la totalité du rachis nous ayant été aussi interdit, nous enlevâmes les deux dernières vertèbres cervicales et les deux premières dorsales. Une coupe fit découvrir que la partie inférieure du corps de la première vertèbre cervicale, le corps entier de la première vertèbre dorsale ainsi que le disque qui sépare ces deux vertèbres étaient entiè- rement dégénérés en un tissu analogue à celui que nous avons trouvé dans la tumeur crânienne. Le corps de la première vertèbre dorsale n'était point déformé à sa face antérieure, mais à sa face postérieure se vDyait une saillie, grosse comme un noisette, qui comprimait manifes- tement la moelle (fig. 3). CaOU. Le lobe droit du corps thyroïde était très-hypertrophié : il était au moins le double de celui du côté opposé. Thorax. La tumeur sternale (fig. 4) occupait toute l'épaisseur de la partie supérieure du sternum qu'elle avait détruit presque entièrement. Elle n'offrait aucune adhérence avec les organes voisins. La saillie qu'elle faisait en arrière comprimait d'une manière notable l'origine de la portion ascendante de la crosse aortique. Cette tumeur était en tout semblable, quant à l'aspect et à la consis- tance, aux deux tumeurs décrites quelques lignes plus haut. Des fragments de ces diverses tumeurs furent mis de côté pour être étudiés au microscope, mais ils furent malheureusement égarés. Quoi- qu'il en soit, si l'examen histologique fit défaut, on peut dire qu'à l'œil MÉM. 1868 15 226 nu ils présentaient les caractères des sarcomes ou des carcinomes des os. Le péricarde ne contenait pas de liquide. Le cœur était hypertrophié : il mesurait en effet 10 centimètres et demi en hauteur et près de 12 centimètres en largeur, mais cette hy- pertrophie portait surtout sur le ventricule gauche dont les parois étaient épaissies. La cavité du ventricule droit semblait un peu dilatée. Les orifices artériels et auriculo-ventriculaires n'étaient le siège d'au- cune altération. Il en était de même de l'aorte, qui ne présentait pas la moindre trace d'athérôme. Les plèvres étaient saines ainsi que les poumons qui crépitaient par- faitement bien. Il existait seulement un peu de congestion dans le lobe inférieur de chaque côté. On ne découvrit rien d'anormal dans les différents viscères de l'ab- domen, que l'on dut péniblement enlever par une ouverture pratiquée au diaphragme. Tel est le fait que j'ai l'honneur de soumettre à l'attention de la Société. Quelques mots maintenant sur les particularités intéressantes qu'il nous paraît présenter. Le diagnostic porté par M. Grisolle et tous les élèves de la clinique fut le suivant : anévrysme de la crosse de l'aorte ayant perforé le sternum et faisant saillie à l'extérieur. Il n'y eut aucune discussion à cet égard , et tous les médecins qui plus tard examinèrent la malade acceptèrent ce diagnostic sans hésiter. Le siège de la tumeur (1), les battements d'expansion dont (1) On sait que les poches anévrysmales de l'aorte, lorsqu'elles se présentent à l'extérieur, sont plus souvent situées à droite qu'à gauche, et que dans la majorité des cas elles sont placées au-dessous de la cla- vicule ; mais il ne faut pas oublier qu'on les voit aussi perforer direc- tement le sternum et se montrer sur la ligne médiane, ou proéminer en arrière et se montrer sur les côtés du rachis. Ajoutons encore que presque toujours les malades éprouvent un soulagement provisoire et respirent plus facilement quand la poche anévrysmale est parvenue à se faire jour au dehors ; ce qui s'explique aisément par la diminution momentanée de la pression intra-thoracique. Voyez Charcot et Bail, article Anéor. de Caorte, in Dic. encycl. des scienc. méd., 1867, t. V, p. 549. 227 elle était le siège, le bruit de souffle qu'elle offrait à l'auscultation, la raucité de la voix, toutes ces données semblaient converger vers le même point. Quant aux phénomènes douloureux, quant aux signes de paraplégie, ils se rapportaient bien naturellement à la compres- sion qu'une tumeur intra-thoracique peut exercer sur Taxe médul- laire ou sur les cordons nerveux qui en émanent. Il est vrai qu'un symptôme signalé dans la plupart des cas d'ané- vrysme de la crosse aortique, nous voulons parler de l'inégalité entre les pulsations des deux artères radiales, faisait complètement défaut chez notre malade. Mais l'absence de ce symptôme s'expliquait faci- lement ici par le développement de la tumeur sur l'aorte ascendante avant la naissance du tronc brachio-céphalique. En effet, la diffé- rence entre les deux pouls ne peut se produire que lorsque Tané- vrysme est situé entre les deux points d'origine des troncs artériels des membres supérieurs. Si l'obstacle siège au-dessus, comme on l'avait supposé dans le cas qui nous occupe, on ne peut constater aucune ditïerence entre les deux radiales. L'idée d'un cancer du sternum s'était bien présentée à notre es- prit; nous n'ignorions point, en effet, que, parmi les diverses lésions qui peuvent sunuler un anévrysme de l'aorte thoracique, il n'en est aucune qui prête aussi facilement à une méprise que le cancer des parties voisines (1). Mais chez notre malade la tumeur était molle, semi-fluctuante ; elle offrait, grâce aux pulsations que lui communi- quait le cœur, des battements d'expansion analogues à ceux des poches anévrysmales. Enfin l'absence d'amaigrissement, d'adénopathie, de cachexie, la conservation de l'appétit, ne rendaient-elles pas invrai- semblable l'hypothèse d'une tumeur cancéreuse? Dun autre côté, si les opinions étaient d'accord sur la nature de la tumeur du sternum, il n'en était pas de même pour la tumeur qui s'était développée sur le crâne. L'existence de l'anévrysme aortique une fois admise, il était permis de se demander si chez le même (1) On peut rapprocher de notre observation le cas rapporté par Bamberger. Une masse cancéreuse, qui siégeait à gauche, derrière les parois thoraciques, fut prise pendant la vie pour un anévrysme de l'aorte. Elle était le siège de pulsations très-évidentes, communiquées par le voisinage du cœur. (Bamberger, Lehrbucli der Krankheilen des Herzens. Vienne, 1857.) 228 sujetne s'était point formé sur un autre point du système artériel une tumeur du même genre, une de ces dilatations serpentines qui ont reçu le nom de varices artérielles, d'anévrymes cirsoïdes (Ij. La tumeur était le siège de battements isochrones à ceux du pouls, mais ils disparaissaient, en grande partie du moins, par la compression des artères temporales; en outre on parvenait à en réduire le vo- lume au moyen d'une pression méthodique. Ce dernier phénomène, dont l'autopsie nous révéla plus tard la véritable cause, à savoir, la communication de la tumeur avec l'un des sinus, pouvait être attri- bué au refoulement du contenu du sac anévrysmal dans l'intérieur de l'artère correspondante. Il existait donc quelques motifs pour accepter une pareille opinion, que, pour ma part, je l'avoue humble- ment, je croyais exacte. Mais ces motifs ne furent pas suffisants pour entraîner la conviction (2). M. Grisolle, tout en inclinant vers l'idée d'un mélicéris, voulut avoir l'avis de personnes très-compétentes sur ce point de diagnostic qui était bien plus du ressort de la chirurgie que de la médecine. Il fit donc appel aux lumières de MM. Nélaton, Gosselin et Dolbeau. Tous trois furent unanimes sur l'existence d'un anévrysme de la crosse de l'aorte proéminaat au devant de la cavité thoracique, mais ils diver- gèrent notablement d'opinion sur la nature de la tumeur crânienne. MM. Nélaton et Gosselin pensèrent qu'il sagissait là dun ostéo-sar- côme du diploé avec destruction de la table externe. Quant à M. Dol- beau,.il diagnostiqua un abcès sous-périostique. Cette diversité d'opinion fut certainement une des causes de notre erreur. Si la nature cancéreuse de la tumeur crânienne eût été ad- (1) Robert, Considcralions pratiques sur Les varices artérielles du cuir chevelu. Paris, 1851. Verneuil (F. -M.), Essai sur C anévrysme cirsoïde ou varices arté- rielles du cuir clievelu. Thèse de doctorat. Montpellier, 1851, n° 44. On sait que des cas où des anévrysmes multiples s'étaient dévelop- pés sur plusieurs points à la fois ont été envisagés comme le résultat d'une sorte de diathèse anévrysmale. On peut consulter à cet égard : Pelletan, Glimque chirurgicale, 1810, t. II, p. 1. Manec, Bulletin de la Soc. anat., 1827, t. II, p. 188. (2) On objecta, non sans quelque apparence de raison, qu'à l'endroit où la tumeur s'était développée, les ramifications artérielles étaient bien grêles pour pouvoir donner naissance à un anévrysme cirsoïde. 229 mise sans conteste, il eût été logique, malgré l'absence de cachexie, d'adénopathies symptomatiques, etc., de songer à Fexistence. d'un cancer atteignant à la fois le sternum (1), le rachis, et le crâne, de grouper ainsi tous les syptômes autour d'une même donnée. L'erreur de diagnostic qui fut commise dans ce cas peut s'expli- quer, ce me semble, par les circonstances assez exceptionnelles que présentait le malade. En effet, la richesse vasculaire de la tumeur crânienne, — sans parler de la communication avec le sinus longitudinal, — explique suffisamment la diminution de volume qui résultait soit dune pres- sion directe, soit d'une compression des artères temporales. Quant à la tumeur préthoracique. on sait que les cancers vascu- laires du sternum peuvent se révéler par des symptômes physiques en tout semblables à ceux des anévrysmes aortiques qui font saillie en avant. D'ailleurs la compression et l'irritation delà moelle et des racines nerveuses rendaient suffisamment compte de la paraplégie douloureuse (2). On comprend donc que l'idée d'un anévrysme de la crosse de l'aorte soit présentée à l'occasion de cette tumeur quïl faut considérer, avec celles du crâne et du rachis, comme un cancer généralisé des 05,^bien que l'étude histologique des tissus moi bides n'ait pas eu lieu. C'est là sans doute une lacune regrettable, mais qui ne saurait effacer l'in- térêt qui se rattache à l'observation que je viens de rapporter. (1) Le carcinome des côtes et du sternum se développe par pro- pagation de la dégénérescence de la glande mammaire ou dumédiastin antérieur; ou bien c'est un symptôme local dune formation cancé- reuse étendue à tout le système osseux. (Foerster, Handbûch der pâte. ANAT., 1865, t. II, p. 968.) (2) Consulter sur cette espèce de paraplégie : Charcot, Sur la paraplégie douloureuse et sur la thrombose arté- rielle qui surviennent dans certains cas de cancer. (Bull, et mém. de LA Soc. MÉD. DES hôp. DE Paris, 2® séfie, 1865, t. II, p. 72.) Tripier, Du cancer de la colonne vertébrale et de ses rapports avec la paraplégie douloureuse. Th. de doct. Pans, 1867. OBSERVATIONS DÉTAILLÉES DE DEUX CAS DE SCLÉROSE EN ILOTS MULTIPLES ET DISSÉMINÉS LU CERVEAU ET DE LA MOELLE ÉPINIÉRE RECUEILLIS EN 1868 A LA SALPÊTRIÈRE dans le service de M. le professeur VULPIAN M, HENRY LIOUVILLE Interne des hôpitaui de Paris, lauréat de la Faculté de médecine et de l'Institut. (Voir planches IV, V, VI et VII.) Les observations complètes de Sclérose en plaques généralisées, ou en ilôts disséminés, ou Sclérose diffuse, irrégulière, affectant des points multiples du cerveau, et à la fois des cordons hétérologues ôelamoelle épinière, sont encore assurément fort rares; et toutefois, presque à elles seules, elles ont pu suffire à dégager cette identité morbide, si nettement caractérisée, du groupe un peu confus au- quel les auteurs donnaient autrefois le nom de myélite chronique, groupe lui-même déjà en progrès sur celui qui renfermait indis- tinctement alors toutes les affections nerveuses de ces régions, re- gardées le plus souvent, à cette époque, comme des maladies sine mater ia. Toutefois si, pour arriver à ce résultat, il a suffi d'abord que des faits observés sans parti pris, mais d'une façon complète, fussent 232 (quoique eucore peu nombreux), analysés, comparés et rapprochés ; et qu'on reconnût clans certains autres faits qui les suivaient, un tableau représentant presque trait pour trait, et les symptômes et les lésions que Ton avait notés, il n'en est cependant pas moins désirable, pour justifier la détermination particulière de cette nouvelle affection et la place spéciale qu'elle doit occuper maintenant dans les classifi- cations pathologiques, de rassembler le plus de faits identiques pos- sible. Par leur nombre, ils amèneront d'abord plus facilement à la persuasion scientifique ceux qui n'auront point été à même de ren- contrer ou de reconnaître des cas analogues, et de plus, ils ne pour- ront manquer d'ajouter, par des examens plus approfondis, des considérations particulières qui assureront de plus en plus la pos- sibilité du diagnostic, favoriseront par là peut-être les tentatives du traitement, et qui enfin pourront certainement éclairer quelques points encore controversés jusqu'ici, concernant le rôle physiolo- gique de certaines portions des centres en céphalo-rachidien s. Nous serions heureux qu'il en fût ainsi des deux observations sui- vantes (1), dont nous avons pu réunir tous les éléments à la Salpê- (1) Ces deux cas sont les seuls qu'en cette année (1868) il nous ait été donné d'observer nous-même et jour par jour, depuis leur nouvelle entrée à l'infirmerie jusqu'à leur mort. Toutefois, également dans le service de M. Vulpian, se trouvaient encore à ce moment plusieurs autres malades (et l'une principalement, jeune femme de 26 ans), qui offraient un tel ensemble de symptômes cliniques, que Ion pouvait, en les observantrégulièrement, voir de nou- veau se dérouler complètement le même tableau pathologique offert par celles, chez lesquelles Tautopsie venait de confirmer si absolument le diagnostic de sclérose en plaques disséminées^ qui avait été porté bien longtemps avant la mort. De plus, il nous était loisible de suivre dans les salles de M. Charcot des malades chez lesquelles on pouvait hardiment affirmer également un tel diagnostic, et leur étude était encore pour nous rendue plus intéres- sante et plus complète par les savantes leçons que M. Charcot faisait sur ce sujet, vers cette époque, à la Salpêtrière même. Enfin notre collègue, M. BournevilLe, avait bien voulu nous montrer, en les présentant à la Société anatomique (13 mars 1868), des pièces provenant de Tautopsie d'une des malades de M. Charcot (femme de 36 ans), et où les lésions scléreuses étaient des plus manifestes sur le cerveau et sur la moelle. 233 trière, en 1868, grâce à l'extrême obligeance de M. Vulpian, dans le service duquel ces malades ont été soignées pendant longtemps. Les pièces ainsi que les préparations en ont été présentées par nous à plusieurs séances de la Société de biologie. En ajoutant cette double garantie, nous pensons que cette pre- mière contribution à l'étude de certains myélites clironiques, dans laquelle nous avons pu mettre à côté de l'examen anatomo-patbolo- gique, fait à diverses reprises, l'histoire complète des malades, à partir des premiers phénomènes morbides, réellement sérieux, sera peut- être regardée comme apportant quelques faits nouveaux et utiles. A l'appui de cette remarque générale, nous donnons de suite la relation des deux observations annoncées. Voici la première : Observation I (1). — Joséphine-Clara B..., âgée de 34 ans, couturière, célibataire, née à Paris. Entrée le 4 avril 1868, salle Saint-Mathieu, n" 14, à l'infirmerie de la Salpêtrière (service de M. le docteurVulpian). Cette malade entre pour la première fois le 30 juillet 1862. Il n'y a pas d'antécédents du côté des parents. Bonne santé antérieure jusqu'à l'âge de 14 ans; à cet âge les jambes commencent à s'affaiblir; mais c'est depuis quatre ans seulement que la marche est devenue beaucoup plus difficile, surtout de la jambe droite. Depuis deux ans les bras commencent également à s'affaiblir, bien que la malade puisse encore coudre, A 18 ans il y a un peu de diplopie. Actuellement elle serre à peu près également les deux mains. Elle peut soulever légèrement la jambe gauche, mais pas du tout la droite. Elle a toujours été bien réglée jusqu'à ce moment. Le début de la maladie date de l'établissement des règles; auparavant la santé était bonne. La malade n'avait jamais eu de douleur dans les membres. L'affection a commencé par de la faiblesse simple : elle tombait alors assez souvent lorsqu'elle marchait; cette faiblesse augmente progressivement, mais très-lentement. A 18 ans la marche est très-difficile ; la malade ne peut pas marcher (l) C'est à l'obligeance de M. Vulpian que je dois la communication de ces premières notes (1862-1863). Je n'ai suivi la malade qu'à partir de sa nouvelle entrée à l'infirme- rie (1868). I D C7 A R 234 plus d'un quart d'heure sans une fatigue extrême. La diplopie, qui est survenue à cet âge, était fort marquée et n'avait lieu que pour les ob- jets éloignés : elle était latérale. Durée d'une année. A 18 ans elle entre à l'hôpital de la Charité, où elle fait deux séjours consécutifs de trois mois chacun (service de M. Briquet). Deux cautères au fer rouge à la partie supérieure de la région dorsale. Electrisation des membres inférieurs. Ether. Aucun changement sous l'influence de ce traitement. Trois ans avant son entrée à la Salpêtrière elle entre à l'Hôtel-Dieu (service du docteur Piedagnel). Dix cautères le long de la région dorso- lombaire. Au moment de son entrée à l'Hôtel-Dieu, la marche était à peu près impossible. La malade traînait ses pieds sur le sol. Elle ne pa- raît pas avoir eu de phénomènes d'ataxie locomotrice? A ce moment-là et déjà depuis plusieurs années, la malade avait des douleurs peu violentes dans la région dorso-lombaire. Depuis l'âge de 20 ans jusqu'à l'âge de 23 ans, incontinence d'urine très-fréquente; depuis lors, cet accident est devenu très-rare. Au moment de sa sortie de l'Hôtel-Dieu, son état s'était légèrement amélioré; la marche était devenue plus facile. Mais cette amélioration a été de courte durée. Au bout de deux ans et demi ou trois ans, la malade rentre à la Charité (service de M. Bouil- laud). Douches en pluie et en jet horizontal. Il y a une légère améliora- tion, puis la malade redevient plus mal et rentre pour un nouveau sé- jour de trois mois. En sortant de la Charité, elle vient à la Salpêtrière. A ce moment, il y a un an qu'elle ne peut plus marcher qu'avec des béquilles. Entre 20 et 25 ans ii y a eu quatre ou cinq attaques nerveuses, pa- raissant avoir été des attaques d'hystérie caractérisées par des pertes incomplètes de connaissance et des cris sans convulsions.' Un an avant son entrée à la Salpêtrière, ses mains ont commencé à s'affaiblir; il y a eu de la lourdeur dans les bras, mais jamais de dou- leurs dans ces parties. Elle n'a jamais rien eu du côté de la face. Elle n'est jamais entrée à l'infirmerie depuis son admission. Avant d'entrer à la Charité elle avait pris pendant un an, chez elle, de l'iodure de potassium. Pendant son dernier séjour à la Charité, elle a pris pendant un mois des pilules de strychnine. Elle n'a jamais eu d'éruption cutanée, jamais non plus de chute abon- dante des cheveux. Etat actuel. Pas d'amaigrissement notable. Santé générale assez bonne. Face assez colorée ; pas de toux ; jamais de palpitations. Pas de 235 bruit anormal au cœur ; pas de diminution appréciable du volume des membres inférieurs. Chair assez ferme. La malade étant au lit ne peut qu'avec la plus grande peine soulever sa jambe droite à quelques centimètres de hauteur; cette jambe re- tombe aussitôt ; encore ne réussit-elle pas à la soulever toutes les fois qu^elle veut. La jambe gauche est soulevée à tout au plus 2 décimètres de hauteur, mais elle retombe aussitôt, sans que la malade puisse la maintenir en l'air. Elle ne peut pas écarter les deux jambes placées l'une à côté de l'autre. Le mouvement de flexion des jambes sur les cuisses est à peine sen- sible. Les jambes étant fléchies sur les cuisses par une main étrangère, la malade parvient à les étendre en triomphant de la résistance que l'on veut opposer à ce mouvement. Le frottement de la plante des pieds est senti, mais il n'est pas ac- compagné de sensations de chatouillement Pas de mouvements réflexes sous cette influence. Les mouvements de flexion et d'extension des orteils se font assez rapidement. Le pincement de la peau des jambes ne produit qu'une faible douleur et détermine des mouvements réflexes très-marqués. Les jambes se soulèvent à une assez grande hauteur. Mêmes eff'ets pour le pincement de la peau des cuisses. La sensation de pincement n'est pas brûlante. La notion de position des membres inférieurs est obtuse : la malade perd quelquefois ses jambes. La sensibilité tactile est obtuse. La sensibilité au froid est conservée. Le contact des objets froids s'accompagne de mouvements réflexes assez étendus, plus marqués dans la jambe droite. La malade serre peu fortement des deux mains. La sensibilité tactile est obtuse aux avant-bras et aux mains : elle sent le pincement de la peau. La vue est égale des deux yeux ; il n'y a jamais eu de déviation appa- rente pour nous. Constipation opiniâtre partielle. L'appétit est bon. Très-rarement de la céphalalgie. Aujourd'hui (2 août 1862) 2 pilules de nitrate d'argent de 0,01 centi- gramme chacune. Le 8 août, la malade assure qu'elle marche un peu mieux que lors- 236 qu'elle est entrée. Elle a pu faire à l'aide de ses béquilles trois fois le tour de la salle. 3 pilules, chacune de 0,01 centigr. de nitrate d'argent. Au moment de son entrée à l'infirmerie, la malade nous dit qu'elle est plus souffrante depuis quinze jours. Elle ne peut plus marcher, tombe lorsqu'elle essaye de se mouvoir, et ne peut presque plus se tenir debout à l'aide de ses béquilles. On commence à donner à la malade des pédiluves électriques le 25 mars 1863. 16 avril 1863. Depuis quelques jours elle va de mieux en mieux. Elle soulève un peu mieux la jambe droite, qui retombe moins vite qu'auparavant ; la malade est obligée de faire des efforts assez grands pour fléchir Légèrement cette même jambe, qui une fois fléchie s'étend avec plus de force. Elle peut faire des mouvements de flexion et d'ex- tension du pied sur la jambe ; elle remue légèrement les orteils. La jambe gauche peut être soulevée dans le lit un peu plus que la droite, et semble aussi retomber moins vite que cette dernière. Le mouvement de flexion semble un peu plus prononcé que dans la jambe droite, et le mouvement d'extension consécutif est un peu plus vigou- reux. Du reste la malade peut, ainsi que pour le membre droit, faire exécuter des mouvements de flexion et d'extension du pied sur la jambe. Les phalanges peuvent se mouvoir les unes sur les autres; tous les mouvements paraissent un peu plus prononcés de ce côté gauche. La malade a continué jusqu'au 2 avril à prendre 3 pilules de nitrate d'argent; on les supprime à dater de ce jour. 1*' mai. Sous l'influence de l'électricité, depuis quatre à cinq jours, la malade exécute un peu mieux les mouvements d'extension et de flexion du pied sur la jambe : elle relève un peu plus la jambe au-des- sus du plan de son lit: la flexion de la jambe sur la cuisse, qui était im- possible ces jours derniers, commence à se faire avec une certaine ampleur. La malade sort le 9 mai 1863, évidemment améliorée par l'électri- cité ; elle lève mieux les pieds quand elle marche. Elle demande à sor- tir pour pouvoir se promener dans les cours. Elle rentre le 5 avril 1868 (Saint-Matthieu 14). Irrégularité des pu- pilles, toutes deux dilatées, mais la droite plus dilatée que la gauche. Elle dit cependant qu'elle voit bien clair, les deux yeux étant ouverts; elle parait voir aussi bien un œil étant fermé. Elle ne souffre pas des yeux. Pas d'exophthalmie ; les deux globes également durs. Teinte un peu noire de la peau du ventre. Nitrate d'argent pris il y a cinq ans? Douleurs abdominales. Constipation habituelle et tenace, persistant quelquefois pendant huit jours, et ne cédant même alors, qu'aux pas- 237 tilles de calomel; cette fois-ci, il y a dix àdouze jours de constipation : le ventre est ballonné, la pression est douloureuse. Pas de vomisse- ments. Pas de fièvre ou une fièvre très-légère. Cataplasme. Lavement purgatif. 5 avril. Les pupilles sont contractiles; la droite est un peu plus dila- tée que la gauche. Calomel, 0,30; pas d'effet. 6 avril. Nouvelle purgation. Limonade purgative. Urine. Densité 1036. Pas de sucre. (Liqueur de Bareswill.) Pas d'al- bumine. (Chaleur.) 9 avril. État actuel (1). Pendant trois ans après sa sortie de l'infir- merie, la malade a pu marcher un peu dans les cours à l'aide seule- ment de ses béquilles; depuis deux ans les jambes sont devenues un peu plus faibles; les membres supérieurs s'étant également très-aff'ai • blis, la malade ne pouvait plus marcher avec ses béquilles; elle n'a- vait plus même assez de force pour les retenir, dit-elle, dans son dor- toir ; à l'aide de ses deux béquilles, elle se tenait debout, mais ne pou- vait avancer que lorsqu'une autre personne lui poussait les pieds, qu'elle ne pouvait faire mouvoir elle-même. Pendant ce temps, les mains se sont progressivement affaiblies d'une manière très-notable, au point que depuis trois semaines à peu-près, elle ne peut plus coudre du tout, ce que jusqu'à cette époque elle avait pu faire un peu. Les membres supérieurs semblent lourds; la malade, le matin, peut porter ses mains à sa bouche, mais dans \à journée, elle ne peut plus le faire, les bras étant fatigués, dit-elle; les mouvements dans les articulations de l'épaule et du coude sont libres : la flexion et l'extension de l'avant- bras sur le bras, du côté gauche, sont très-vigoureuses. La flexion des doigts est complète, l'extension incomplète : l'extension de la main est incomplète, la flexion est complète, mais ces deux mouvements ont lieu avec peu de force. Le membre supérieur droit est en général, dit-elle, plus faible que l'autre ; mais cette dillérence est surtout remarquable pour les mouve- ments de la main et des doigts. Plusieurs fois par jour la main serait fermée par des mouvements involontaires : cependant la malade peut toujours l'ouvrir; les mouve- ments involontaires s'accomplissent lentement et sans douleur. La malade en a conscience; si cependant à ce moment elle voulait y met- tre obstacle, elle nous dit qu'elle ne le pourrait pas. Si après avoir fait fermer les yeux à la malade on fléchit ou l'on (1) Ces notes ont été prises au lit de la malade, avec MM. Chouppe et R. Musgrave Clay. 238 étend l'avant-bras, la main ou les doigts, si l'on écarte les doigts les uns des autres, elle a toujours conscience du mouvement qu'on lui fait exécuter. Si on lève son bras verticalement, elle le dit parfaitement , si, sans lui faire exécuter aucun mouvement, on lui demande quel mouvement on lui fait exécuter, elle ne s'y trompe pas. Elle porte, quand on le lui demande, ses deux mains à sa bouche, mais elle n'y ar- rive qu'avec un peu de tâtonnement et moins facilement de la main droite que de la main gauche. Les mêmes phénomènes ont lieu si on lui ordonne de porter la main à l'un ou à l'autre œil, ou au milieu du front. Si on lui ordonne de prendre une main avec l'autre, ses yeux étant fermés, les deux bras étant étendus le long du corps, elle n'y parvient que très-difficilement et très-imparfaitement. Tantôt elle prend l'avant-bras et le suit jusqu'à la main, tantôt au contraire elle touche son lit, et tâtonne un peu avant de sentir l'extrémité de ses doigts. Si on lui ordonne de croiser ses deux mains en l'air, elle finit par y arriver, mais seulement après avoir fait exécuter à ses bras des mouvements oscillatoires pendant lesquels ses deux mains ont passé plusieurs fois l'une à côté de l'autre sans se rencontrer. Si on lui fait élever alternativement les deux bras en l'air, elle n'a pas exactement la notion de la position qu'ils occupent ; elle les croit rapprochés de son visage quand ils en sont encore éloignés , mais ces phénomènes sont plus accentués à droite qu'à gauche. Elle ne perd jamais ses bras. Sensibilité. — Sensibilité tactile simple. EWe dèi complètement per- due aux avant-bras, aux mains, à la pulpe des doigts, des deux côtés. La sensibilité à la pression est conservée, quoique obtuse dans les mêmes points. La malade désigne très-bien le point que l'on presse. Elle sent assez bien la piqûre; elle distingue même la pointe de la tête d'une épingle. Dans la paume de la main, lorsque l'on touche la malade avec deux épingles éloignées de 2 centimètres au moins, elle n'éprouve qu'une seule sensation. A la face -postérieure des avant-bras, les épingles étant écartées de 20 centimètres, la malade n a qu'une seule sensation. A la face antérieure de l'avant-bras, une épingle étant pi- quée au poignet, l'autre au pli du coude, il n'y a encore qu'une seule sensation perçue. Une épingle étant piquée à l'extrémité de la pulpe du doigt, l'autre à deux phalanges de dislance de la première, il ny a toujours qu'une seule sensation. La malade éprouve moyennement bien la sensation de pincement , elle dit assez exactement l'endroit que l'on pince, soit aux avant-bras, soit aux mains; mais cela plus exactement à gauche qu'à droite. La sensibilité à la piqûre n'est accusée par la malade qu'avec un certain retard. 239 Sensibilité à la température. Si l'on applique sur la main de la ma- lade une cuiller de métal mise en équilibre de température avec de l'eau à 38* (la température du corps de la malade, prise au dos de la main; étant de 27", 6), la malade éprouve très-bien la sensation de chaleur : en appliquant une cuiller mise en équilibre de température avec de l'eau à 15% elle éprouve très-bien la sensation du froid et l'ac- cuse spontanément. La température de la paume de la main étant de 35°, 6; si l'on ap- plique une tige métallique à 29» et une autre à 38, la malade accuse très-n'^ttement la sensation de froid et la sensation de chaud. Sensation au poids. Une pièce de 2 fr. et une pièce de 1 fr. étant placées alternativement dans l'une et Fautre main, ou successivement dans la même main, la malade indique parfaitement (les yeux étant fermés) quelle est la plus lourde des deux. Mouvements réflexes. Les mouvements réflexes provoqués par la piqûre de la paume de la main ou des avant-bras, ne paraissent qu'en- viron une seconde après la piqûre; ils sont lents, prolongés, mais peu énergiques. Pour qu'ils existent, il faut que la piqûre soit assez forte. Face. La sensibilité est partout bien conservée à la face et à la langue ; l'ouïe, la vue, le goût paraissent assez bien conservés. L'odorat parait altéré d'une façon spéciale. (Voir plus loin.) Cou, La sensibilité et les mouvements y sont bien conservés. Tronc. Sensibilité bien conservée d'une façon générale. A la ré- gion inférieure du rachis, surtout du côté droit, la sensibilité tactile simple paraît très-obtuse; la sensibilité à la pression est obtuse, mais conservée; la sensibilité à la piqûre ne se réveille que lorsque celle-ci est énergique; lorsqu'elle est légère, la malade confond la pointe d'une épingle avec l'extrémité du doigt. A la région abdominale antérieure, la sensibilité tactile simple est très-diminuée; la sensibilité à la pres- sion est bien conservée. La malade nous dit que lorsqu'elle sent le besoin d'uriner, elle ne peut y résister. Membres abdominaux. Sensibilité. — Sensibilité tactile simple perdue totalement dans les deux membres. — Sensibilité à la pression perdue absolument dans le membre droit, perdue encore à la cuisse gauche, excepté un petit point limité à la partie postérieure et moyenne. A la jambe du même côté, on trouve deux points restés sensibles, l'un sur la face externe, un peu au-dessus de la malléole, l'autre sur la face interne, à deux travers de doigt au-dessous de la tubérosité interne du tibia : ce dernier point présente une étendue d'environ 10 centimètres de longueur. Dans les points restés sensibles, la malade indique bien le 240 lieu de la pression ; mais, pour réveiller la sensibilité, il faut toujours que la pression soit très-énergique. Sensibilité au chatouillement. Si l'on chatouille la plante des deux pieds, la malade éprouve une sensation, mais c'est une simple sensation de contact, et non une sensation de chatouillement; le simple contact et la pression même énergique, au même point, ne provoque aucune manifestation. Cette sensation de contact, lors du chatouillement, est bien plus obtuse à droite qu'à gauche. Sensibilité au pincement. Elle est bien conservée dans la cuisse gau- che; bien conservée aussi, quoique plus obtuse, dans la cuisse droite. Il en est de même pour les jambes et pour les pieds. Sensibilité à la piqûre. Très-amoindrie d'une manière générale dans les deux membres inférieurs; cependant on trouve certains points, plus nombreux à droite qu'à gauche, où la sensibilité à la piqûre est moins obtuse. A la plante des pieds, la malade sent assez bien la piqûre. Au niveau de la partie interne du cou-de-pied à gauche, on trouve un petit point très-rétréci dans lequel la malade n'éprouve aucune sensa- tion de piqûre, Tépingle étant cependant enfoncée assez profondément. Sensibilité à la température. La température des jambes et des cuisses étant 36°, une lame de métal, mise en équilibre de température avec de l'eau à 32° et à 38", donne une sensation très-nette de froid et de chaud. Force musculaire. La malade ne peut pas du tout se tenir sur ses jambes ; quand on la mettait debout, avant son entrée à l'infirmerie, elle pouvait encore se soutenir, dit-elle; devant nous, nous la faisons soulever; il faut employer une assez grande force pour la maintenir de- bout en la soutenant sous les bras; mais dès que Ion diminue un peu cette force, la malade s'aiï'aisse et ses jambes fléchissent aussitôt. Mouvements volontaires. Les jambes, au moment où nous les exa- minons, sont dans la rotation en dedans, les deux genoux approchés l'un de l'autre, et même assez fortement appliqués l'un contre l'autre ; les deux pieds sont renversés en dedans (position qui, au dire de la ma- lade, serait à peu près constante), même dans la flexion. Les mouvements volontaires sont complètement abolis dans les nom- bres abdominaux; la malade ne peut nullement soulever l'une ou laulre jambe au-dessus du plan de son lit. Les mains appliquées sur les masses charnues, que Ion ordonne à la malade de contracter, ne perçoivent aucune contraction ûbrillaire. La malade ne peut faire exécuter a au- cune articulation un mouvement volontaire. Cependant ces articula- tions ont conservé leur mobilité. La rotule est très-mobile verticale- ment et latéralement. Cependant si, fixant cet os avec deux doigts, on ordonne à la malade de tendre la jambe, malgré les efforts les plus vio- 241 lents auxquels elle se livre, la rotule n'exécute aucun mouvement. Mouvements involontaires. Plusieurs fois dans les vingt-quatre heu- res, sept à huit fois, dit la malade, il survient un mouvement involon- taire, et cependant perçu par lequel les jambes se fléchissent à demi sur les cuisses; puis après être restées un temps variable dans cette posi- tion, un autre mouvement de même nature les ramène à l'extension. Ces mouvements sont presque toujours brusques et uniques, non suc- cessifs, non douloureux; quand la malade est levée, elle éprouve par- fois des mouvements qui écartent les cuisses l'une de l'autre. Tremblement. Parfois, lorsque l'on presse fortement la jambe de la malade avec l'extrémité du doigt, il se manifeste un tremblement par lequel le pied éprouve des mouvements oscillatoires d'extension et de flexion, très-peu de mouvements de latéralité. Si la pression continue, le tremblement s'arrête, puis il revient avec des intervalles et des du- rées variables. Quand on saisit avec la main les pieds qui sont d'ordi- naire dans la demi-extension, et que Ion fait exécuter des mouvements alternatifs de flexion et d'extension, ou seulement que l'on ramène le pied à la flexion, il se met à trembler avec une force telle que si l'on essaye de le retenir avec la main, on ne peut y parvenir; si Ion main- tient cette position, ce tremblement s'arrête ; si on la reprend après un instant de repos, tantôt il revient, tantôt il ne reparaît pas; il est plus fort dans certains moments que dans d'autres. Ce tremblement survient parfois spontanément. D'après ce que nous venons de constater, pourrions-nous afiBrmer qu'il s'apaise, même incomplètement? En tous cas, ses manifestations parfois en sont amoindries, si on les provoque à plusieurs reprises con- sécutives et rapprochées. Sensibilité de position, La malade perd assez souvent ses jambes^ surtout au moment de son réveil. Quand on fléchit la jambe ou le pied ou qu'on les étend, la malade n'a pas conscience des mouvements qu'on lui fait faire ; elle ne peut indiquer d'une manière certaine si lesjam- bes ou les cuisses sont écartées ou rapprochées, si elles sont Tune au- dessus de l'autre ou l'une à côté de l'autre. Il en est de même pour les pieds. Tous ces mouvements communiqués sont faciles et non dou- loureux. Mouvements réflexes. Les mouvements réflexes sont plus facilement provoqués par le pincement et la pression que par la piqûre, ils sont assez étendus et assez énergiques. La sensibilité à la douleur et à la pression est retardée d'au moins deux ou trois secondes aux jambes et à la plante des pieds. Les mouvements réflexes se manifestent presque instantanément au moment de l'excitation, surtout ceux qui sont pro- voqués par le chatouillement à la plante des pieds et à la pression. MEM. 1868. 16 242 Douleurs spontanées. Jamais do douleurs spontanées dans les mem- bres inférieurs, jamais dans les membres supérieurs. Ces douleurs gra- vatives n'existent que dans la région dorso-lombaire. A ce niveau, légère cyphose de la partie inférieure delà région dorsale et supérieure delà région lombaire? 14 avril 1868. Emplâtre de belladone. Sensibilité des muqueuses, muqueuse buccale. La sensibilité tactile simple est partout conservée. Voile du palais. Le chatouillement du voile du palais et de la mu- queuse du pharynx provoque des nausées et des envies de vomir. Narines. La sensibilité du contact est bien conservée : le moindre contact y occasionne une sensation de chatouillement. Conjonctive. Le contact d'une tête d'épingle provoque le clignote- ment et est douloureux. Cornée, Le moindre contact est très-douloureux et provoque le cli- gnotement. Les mouvements des globes oculaires sont intacts. Dans les mouvements de latéralité, la conjonctive se cache alternativement sous le grand angle et sous le petit angle de l'œil, sans laisser aperce- voir la moindre partie de la conjonctive. La malade n'éprouve jamais d'embarras de la parole. Organe dks sens. Ouïe, bien conservée. Vue, Intacte T la pression sur le globe oculaire fait passer des flam- mes devant les yeux à un mètre de distance; la malade distingue très- nettement la pointe de la tête d'une épingle. Goût. La malade reconnaît bien les mets qu'on lui donne ; ia sensa- tion de saveur est bien conservée. Odorat, Lodorat est conservé en partie, mais altéré ; la malade reconnaît certaines odeurs fortes, telles que l'eau de Cologne ; mais les odeurs un peu douces, comme celles d'une orange, d'un citron, du café, sont à peine perçues en tant qu'odeurs et ne sont pas distin- guées l'une de l'autre. L'odeur de la moutarde est sentie ; mais la ma- lade n'y distingue que l'odeur du vinaigre : l'odeur spéciale n'est pas perçue. Le diagnostic porté à ce moment confirme complètement le diagnos- tic pressenti déjà lors de la dernière entrée de la malade à l'infirmerie. Pour M. Vulpian^ c'est une sclérose en plaques multiples et dissémi- nées [forme cérébro-spinale). 18 avril 1868. Depuis quelques jours, la malade éprouve à de certains moments des malaises qui ne disparaissent point et paraissent aller en augmentant; d'abord céphalalgie, puis rougeur de la face, avec colo- ration écarlate des pommettes, surtout par moments. Elle continue 243 pourtant à se lever. Aujourd'hui, elle paraît respirer moins bien: la face est cyanosée. Dyspnée, oppression ; toux peu considérable. Sinapisation active. Les sinapismes prennent bien. Poumons Un peu d'exagération du son sous la clavicule droite Submatité, avec diminution délasticité dans le quart inférieur du pou- mon droit, en arrière. A ce niveau, râles sous-crépitants et ronflants très-forts, sans souffle ni retentissement de la voix. Respiration sibi- lante et ronflante dans presque toute l'étendue du thorax : elle est plus marquée à droite. Peau chaude. Langue derai-sèche avec enduit blanchâtre. On ne nous donne pas de ses crachats. L'affaiblissement est considérable. Urine. Densité 1040. Pas de sucre (liq. de B.) Légère proportion d'albumine, (Chai, et ac. azotique) (1). Pulsations, 114. Inspirations, 37. Température, 49°4. On prescrit : Vésicatoire ; Kermès, 0'''.40. Le soir. La malade a vomi et a de fréquentes envies de vomir ; la langue est humide. La malade dit qu'elle étouffe toujours. La face est toujours cyanosée et, par places très-animée. La joue droite est manifestement plus rouge et plus chaude que la joue gauche. La pupille droite est plus dilatée que la pupille gauche; toutes deux sont contractiles. Respiration oppressée, bruyante; sifflement entendu à distance. Pas de crachats. Soif très- vive. Le pouls est précipité, irrégulier. Pulsations, 114. Inspiration, 38. Température, 40% 19 avril. La malade, qui n'avait pas d'écorchures au sacrum^ en a depuis hier ; elles se sont produites très-rapidement. L'aggravation est notable. L'asphyxie augmente. La respiration est (1) Nous pûmes depuis nous assurer à l'autopsie que cette albuminu- rie était occasionnée par une altération des parties profondes et essen- tielles des reins, altération due à Vabus du nitrate d'argent, dont il restait une imprégnation considérable. C'est même ce cas qui nous conduisit à rechercher s'il pouvait exis- ter, dans ces conditions, une albuminurie spéciale ; et d'autres exemples confirmatifs nous permirent bientôt de lui assigner le nom û'albumi- nurie argentine. On peut consulter, du reste, pour de plus complets renseignements, les notes, spéciales à ce sujet, que nous avons consignées dans les Bul- letins de la Société de biologie pour cette môme année (1868). Voir page 159. 244 trachéale, bruyante. Cyanose considérable de la face, qui est bleuâtre, avec sueur considérable sur le front et les joues. La face est brûlante. Les pupilles sont très-dilatées. Il y a une crise d'asphyxie et d'étouffe- ment. Le pouls est difficile à compter. Pulsations 160 Inspirations 38 Température axillaire 38°,4 Aggravation de plus en plus grande dans la journée; l'asphyxie aug- mente. La mort survient vers deux heures après une nouvelle' crise d'as- phyxie et d'étouffement analogue à celle du matin. Deux heures après la mort nous constatons que la face est pâle; la tête inclinée en avant et fléchie sur le côté droit; sous les paupières fermées, les pupilles sont dilatées. Pupille droite plus dilatée 0,006 Pupille gauche moins dilatée 0,005 Les mains et les extrémités sont cyanosées. Pas de rigidité cadavérique. Températures axillaire, 37%'8; vaginale, 40», 6. Adtopsie faite le 21 avril 1868, quarante-cinq heures après la mort(l). La face n'exprime aucune grimace convulsive; les pupilles sont rede- venues contractées, et elles sont égales (0'°,001 environ). Du côté gauche, pleurésie considérable avec quelques adhérences anciennes au sommet. Adhérences nouvelles et fausses membranes à la base et entre les lobes. Du côté droit, adhérences anciennes, surtout vers le sommet. Cavité thoracique. — Cœur. Les valvules aortiques sont suffisantes; légère altération de l'endocarde à l centimètre au-dessous de l'anneau aortique, où le myocarde est un peu bombé. La face de la vulve est ri- gide, un peu scléreuse au début. Le tissu du cœur est très-rigide. Dans le cœur droit, caillot semi-résistant. Poumons. Poumon gauche, 565 grammes. Au sommet, tubercules dans une étendue de 3 centimètres au moins; granulations grises et plaques de pneumonie chronique. A la base, engouement, broncho-pneumonie au premier degré. Quelcjnes petits morceaux tombent à moitié au fond (1) A cette autopsie, faite par il. Vulpian et par nous, assistaient également MM. Ghouppe, Coyne, Musgrave-Clay et Troisier. 245 de l'eau; îlots de granulations très-fines {pneumonie granulée). Les bronches sont rouges, injectées; un peu de folliculile. Poumon gauche^ 600 gramnies. Même état au sommet et à la base. Larynx. Rien à noter. Le corps thyroïde est un peu plus volumineux qu'à l'état normal, couleur jaune cire, et surtout plus ferme. Cavité ABDOMINALE. — Foie, 1,270 grammes. Un peu dur; petits ilôts d'hémorrhagie dont quelques-uns sont arrondis. Rate, 140 grammes. Tissu un peu dur. Rien de spécial. Rien au pancréas. Dans le périloiiie, ganglions en chapelet, non loin des vaisseaux. Estomac. Injection vers le grand cul-de-sac. Reins volumineux. Rien d'apparent à l'extérieur, au-dessus de la capsule ; mais à l'intérieur, aittrations de la maladie de Bright, parais- sant occasionnée par une imprégnation persistante du nitrate d'argent sur différentes parties des reins (1). Le rein gauche pèse 180 grammes. Le rein droit pèse 215 grammes. Cavité crânienne. — Crâne dur. Rien à l'extérieur de la dure-mère. Le cerveau paraît remplir complètement la dure-mère et donne ainsi une certaine sensation extérieure de dureté. Rien à lintérieur de la dure-mère. Poids de l'encéphale, 1130 grammes. Cerveau. Un peu d'infiltration séreuse sous hi pie-mère de la face con- vexe des hémisphères; granulations de Pacchioni très-développées. Base. Le cerveau reposant sur sa convexité, on remarque les parti- cularités suivantes (voir planche IV, fîg. 3) : Les nerfs olfactifs ont conservé leur apparence normale; seulement, les bulbes olfactifs ont une consistance peut-être un peu plus grande qu'à l'état normal. Les nerfs optiques sont moins gros qu'à l'état normal, durs au tou- cher, de consistance ligneuse; blanchâtres à la surface, ils offrent dans une grande partie de leur épaisseur (ce qui est visible sur la coupe) une teinte grise un peu rosée qui occupe surtout la moitié inférieure de l'épaisseur des nerfs optiques, et qui est plus firononcée pour le nerf optique gauche après l'entrecroisement. Les autres nerfs crâniens paraissent sains. Les artères de la base sont saines. {!) Pour de plus amples renseignements anatomo-pathologiques, voir les notes spéciales à ce sujet {albuminurie, argeniine) (jue nous avons consignées dans les Bulletins de la Société de biologie pour celte môme année (1868, p. 000). 246 Il n'y a pas de pigmentation considérable. La 'protubérance (l)a conservé une forme à peu près normale; elle est cependant un peu diminuée de volume. On constate à la surface l'exis- tence de plusieurs plaques grisâtres, scléreuses, déchiquetées, comme creusées à l'emporte-pièce, très-irrégulières de forme, et dont Tune a plus d'un demi-centimètre de diamètre, et se trouve sur la ligne mé- diane, à la réunion du tiers antérieur avec les deux tiers postérieurs. Les plexus placés autour du bulbe et au-dessous de la protubérance près du cervelet, ont une teinte foncée, noir grisâtre {imprégnation ar - genline profonde et persistante). Une autre plaque grisâtre, placée sur la face latérale droite de la protubérance, offre une étendue de 4 centimètres; elle est très-irrégu- lière dans sa forme qui est oblongue, et enserre dans son îlot grisâtre de petits îlots blanchâtres et les nerfs de la cinquième paire tout en- tiers qui ém.ergent de cette base scléreuse. Cette plaque se rend jus- qu'au cervelet. La protubérance n'offre sur sa paroi gauche que deux petites plaques scléreuses d'étendue moins considérable. Sur la protubérance se voient en outre des pertuis, au nombre de quinze à vingt, pertuis vasculaires disséminés dans la substance blan- che, et laissant suinter du sang en assez grande quantité. La consistance de la protubérance est très-augmentée des deux cô- tés; mais cette consistance est surtout très-notablement augmentée pour le bulbe et la moelle allongée. Ces parties sont examinées dans une étendue de 4 centimètres dabord, et voici ce qu'on observe : Un étranglement assez considérable au-dessous des pyramides, de telle sorte que celte portion rachidienne à ce niveau offre l'aspect d'un sablier. Les deux pyramides offrent une teinte complètement grisâtre, comme les plaques de la protubérance. Ces parties sont recouvertes d'un petit voile d'aspect fibreux un peu adhérent; on retrouve ces plaques grisâtres dans les pyramides ^ur les parties latérales. On retrouve ces plaques grisâtres dans toute l'éten- due de la face postérieure de la moelle allongée, ne laissant apparaître (1) Les lésions que nous allons décrire se distinguent fort nettement, à l'œil nu, à l'état frais; elles sont très-fidèlement et très-heureuse- ment reproduites dans des planches coloriées que voulut bien en faire de suite, d'après nature, notre collègue et ami G. Peltier. Ces planches elles-mêmes sont données dans ce volume, exécutées en chromo-lithographie, par M. Lackerbaiier, dont la consciencieuse habileté rend des services de plus en plus signalés, pour la reproduction des pièces d'analoraie pathologique. 247 de temps on temps que quelques îlots de substance blanche. (Voir planche IV, fig. 3.) Les pédoncules cérébraux, vus par la face inférieure, paraissent offrir une altération plus notable pour le pédoncule gauche que pour le pé- doncule droit. En effet, sur la face inférieure et latérale interne du pédoncule cérébral gauche, on voit une plaque grisâtre analogue à celles précédemment décrites qui offre une étendue de 2 centimètres environ, et qui va gagner la base et une grande partie de la rotondité du tubercule mamillaire gauche pour aller se perdre dans le tuber ci- nereum; elle entoure donc en partie l'origine apparente du nerf moteur oculaire commun gauche. Les méninges s'enlèvent facilement et ne laissent point d'ulcération. Sur une coupe faite dans une partie des circonvolutions cérébrales antérieures, on trouve une plaque rosée, semi-lunaire, de la dimension de 2 centimètres, existant au milieu de la substance grise d'une de ces circonvolutions, et tranchant par sa couleur sur le ton rosé des cir- convolutions (cela paraît être une plaque de sclérose). Une coupe horizontale (plan inférieur) montre une plaque de sclé- rose, dont la surface a une dimension de 1 centimètre à 1 centimètre et demi, existant à langle antérieur du ventricule latéral droit, dans la substance blanciie du lobe frontal droit, et rejoignant la substance gris rosé du noyau intraventriculaire du corps strié droit. Une coupe horizontale montre la glande pinéale volumineuse, résis- tante à la section, et offrant des vacuoles, au nombre de sept, capables de loger une tête d'épingle (kystes). Une coupe horizontale du cerveau (plan supérieur) à la partie moyenne, montre deux plaques de sclérose dont l'étendue a la dimen- sion de 1 à 2 centimètres. Ces plaques* ont leur siège dans la substance blanche (le lobe droit), à la partie postérieure et au bord du ven- tricule latéral droit (le rebord du ventricule est aussi altéré). Quelques teintes variées et tissu un peu dur (substance grise de quelques points des circonvolutions antéro-médianes, surtout à droite). Une coupe horizontale, le cerveau reposant sur sa base, montre deux plaques de sclérose, de la grandeur d'une lentille, ayant leur siège dans la substance blanche du lobe sphénoïdal gauche, dans une coupe qui raserait la face supérieure (la voûte du ventricule latéral gauche). Une autre plaque de sclérose se voit également à gauche dans le même lobe et non loin de la substance grise. Toute la substance blanche dans cette coupe est très-vasculaire; on dirait un petit sablé rougeâtre, le sang suintant au travers des petits orifices. Sur les deux petites dé- pressions sclérotiques, on distingue l'ouverture de deux ou trois vais- seaux qui se présentent tout à fait de la même façon que dans la sub- 248 stance blanche saine. Ces plaques sclérosées sont manifestement plus dures et plus résistantes que les autres parties du cerveau, comme on peut s'en assurer par des coupes faites de suite. Dans le lobe droit, une coupe horizontale plus inférieure donne une altération sclérosique très-considérable d'une grande partie du bord et de la voûte du ventricule latéral, dont la substance blanche est deve- nue dure, lardacée, à teinte rose jaunâtre, tranchant par un rebord irrégulier et un peu déprimé sur le reste de la substance grise. Ce nou- veau tissu pathologique est dur, criant sous le scalpel; il est parsemé de vaisseaux, et deux troncs volumineux avec leurs branches se voient dans son intérieur. Moelle (Voir planche VI, fig. 1 et 2). Les méninges rachidiennés ne paraissent pas offrir de grande altération appréciable, sauf quelques petites plaques dures, blanchâtres, irrégulières sur l'arachnoïde. Tout le long de la moelle, on observe une altération considérable à des places variées, existant principalement sur la face postérieuie externe de la moelle. Cette altération est caractérisée par un état de dureté assez considérable de la moelle, puis par des plaques de sclérose tein- tées en gris rougeâtre, remplaçant l'aspect blanchâtre normal de la substance médullaire externe, plaques irrégulières occupant tantôt les deux cordons postérieurs, tantôt les parties latérales, quelquefois se reliant les unes aux autres, ne laissant plus que quelques îlots de masse rachidienne blanchâtre, et donnant ainsi à la moelle l'aspect de deux couleurs bien tranchées, placées irrégulièrement lune à côté de l'autre, l'une blanchâtre, l'autre scléreuse. De nombreux vaisseaux faisant par- tie de la pie-mère, qui est notablement épaissie, sillonnent cette face postérieure de la moelle, passant indifféremment au-dessus des îlots blancs et au-dessus des plaques scléreuses. Ces alLéraiions se voient dans toute la hauteur de la moelle, mais sont plus prononcées à l'exté- rieur dans les trois quarts supérieurs. Les racines des nerfs rachidiens, naissant au niveau des parties sclé- rosées et paraissant même en émerger, ne sont pas atrophiées ni alté- rées dans leur teinte. Le rapport du volume normal entre les racines antérieures et les racines postérieures rachidiennés ne parait pas changé. Face antérieure {Voir planche VI, fig. 2). La face antérieure offre les mêmes altérations. Quelquefois on ne voit plus que de rares îlots de substance blanc jaunâtre au milieu de la dégénérescence scléreuse, qui parfois occupe toute l'étendue de cette face médullaire : ainsi dans trois points, dont l'un paraît correspondre au-dessous du renflement cervical, l'autre au milieu de la portion dorsale, un troisième à la réunion du tiers inférieur avec les deux tiers supérieurs. 249 Une section de la moelle allongée offre une dureté qui rappelle la dureté du lard ; les teintes sont gris rosé. (Voir planche VI, fig. 3.) Une section des nerfs optiques montre que la dégénérescence sclé- reuse occupe plus des trois quarts de la circonférence, l'autre quart étant occupé par un noyau blanc-jaunâtre, paraissant être ce qui reste du nerf sain. (Voir planche IV, fig. 3.) Une section des ganglions du grand sympathique donne des teintes et une dureté qui se rapprochent peut-être de la sclérose? Examen de la moelle épiniêre. La moelle épinière est examinée de suite, à l'état frais, par des coupes faites à diverses hauteurs, et qui montrent, dans toutes les régions, la profondeur des îlots scléreux, leur répartition inégale, irrégulière dans des cordons hétérologues. Les lésions sont visibles à rœil nu. Les figures 1, 2, 3 les représentent ainsi (planche VI). La figure 3 donne dix-sept coupes, indiquant les lésions spéciales de chaque région ; ces lésions ont été vérifiées depuis, avec le microscope, après les préparations spéciales subies par les pièces. (Acool, acide chromique; alcool à nouveau; carmin; pour quelques-unes essence de thérébentine.) Les coupes sont vues de haut en bas, la moelle étant supposée droite. A la partie supérieure de la région cervicale^ au-dessous du bulbe: sclérose de toute l'épaisseur de la moelle, a Texception de la partie externe du faisceau antéro-latéral gauche, de la partie corticale du fais- ceau antérieur droit, et d'une petite partie médiane des faisceaux pos- térieurs. (Coupe n° 1). A la partie médiane du renflement cervical : sclérose du faisceau latéral gauche, du faisceau postérieur gauche, d'une petite portion du faisceau postérieur droit, d'une petite portion du faisceau latéral droit. Le faisceau latéral gauche paraît un peu moins altéré que le fais- ceau latéral droit. (N° 2.) Au dessous, à 1 centimètre plus bas, à la partie inférieure du ren- flement cervical^ sclérose un peu diffuse, mêlée de parties restées saines, dans le faisceau latéral gauche, dans la partie antérieure du faisceau latéral droit, complètement sclérosée. (N° 3.) A la partie supérieure de la région dorsale, sclérose complète du faisceau postérieur droit, d'une grande partie du faisceau postérieur gauche, de la partie postérieure du faisceau antéro-latéral droit. (N° 4.) Au-dessous, 2 centimètres plus bas, région dorsale, partie supé- rieure, sclérose complète de tout le faisceau latéral gauche, une petite portion du faisceau antérieur étant conservée, du faisoeau postérieur gauche, du faisceau postérieur droit, avec propagation sous forme de 250 bandelette arrondie dans l'épaisseur du faisceau antéro-latéral droit. (V 5.) A 1 centimètre et demi plus bas, région dorsale supérieure, sclérose de toute retendue de la mœlle, à Texception des faisceaux posté- rieurs, en grande partie du moins, car quelques-uns sont malades. (N" 6.) 2 centimètres plus bas, à la réunion du tiers supérieur avec le tiers moyen, sclérose de toute Vetcndue de la moelle, sauf le faisceau antérieur gauche; la teinte sub-blanchâLre de la plus grande partie des faisceaux postérieurs montre qu'ils ne sont qu'à demi sclérosés. (N°7.) i centimètre et demi plus bas, sclérose de toute l'étendue de la moelle, sauf de la partie externe du faisceau latéral gauche. (N° 8.) 1 centimètre et demi plus bas, état scléreux moins prononcé; sclé- rose paraissant .complète du faisceau latéral droit; sclérose incom- plète des faisceaux postérieurs; le faisceau antéro-latéral gauche pa- raît presque normal. (N° 9.) 2 centimètres plus bas, milieu de la région dorsale, sclérose de toute l'épaisseur de la moelle, à l'exception du faisceau postérieur gauche, des deux tiers internes environ du faisceau postérieur droit, et d'une petite lamelle corticale du faisceau latéral gauche. (N" 10.) 1 centimètre plus bas, sclérose d'une grande partie de la moelle. Toutefois, elle est très-incomplète dans les deux faisceaux postérieurs, et il y a conservation à peu-près complète de l'état normal dans les deux faisceaux antérieurs et dans deux parties assez étendues des fais- ceaux latéraux. (N° 11.) 1 centimètre et demi plus bas, sclérose de la moitié postérieure de la moelle, à Texception des faisceaux postérieurs qui ne sont qu'in- complètement sclérosés, surtout le droit. (N" 12.) 3 centimètres plus bas, au niveau environ de 2 centimètres au-des- sus du commencement du renflement dorso-lombaire, sclérose très- étendue d'une grande partie de l'épaisseur de la moelle, à l'exception du faisceau postérieur droit et d'une petite partie postérieure du fais- ceau antéro-latéral gauche. Les faisceaux antérieurs ne sont qu'in- complètement sclérosés. (N° 13.) Partie supérieure du renflement dorso-lombaire, sclérose de la totalité de l'épaisseur de la moelle, à l'exception d'une partie centrale des faisceaux postérieurs; il reste également à l'état sain la- partie tout à fait externe du faisceau postérieur gauche. Le faisceau antéro- latéral droit, dans sa portion antéro-interne, n'est qu'à demi sclérosé. (N° 14.) Au milieu du renflement dorso-lombaire, la moelle est saine en grande partie, sauf la couche corticale du faisceau latéral droit, qui est incomplètement sclérosée; teinte grise beaucoup moins njstte. La par- 251 tie postérieure du faisceau latéral droit paraît beaucoup plus complè- tement sclérosée, et les faisceaux antérieurs sont incomplètement atteints. (N" 15.) Cône terminal^ partie supérieure, sclérose de la presque totalité du faisceau postérieur droit, aussi de la partie postérieure du faisceau la- téral du même côté et de la plus grande partie du faisceau latéral gauche. (N°16.) Cône terminal^ partie inférieure, sclérose de la totalité de l'épaisseur médullaire, à l'exception de la partie corticale des faisceaux antérieurs et d'une petite portion centrale, correspondant au milieu des faisceaux postérieurs. (N" 17.) ExAMEX MicROGRApniQUE. — CewedU. Une partie sclérosée , prise à l'état frais (22 avril; le décès est du 19) et examinée au microscope, fait voir des vaisseaux tout à fait transformés en conduits granulo- graisseux, ne contenant aucun globule de sang; la graisse se présente soit sons forme de gouttelettes, irrégulières et d'un certain volume, soit sous forme de granulations fines, abondantes, tellement agglomérées qu'elles ont un reflet noirâtre et forment parfois comme un manchon^ qui entoure tout le calibre du vaisseau. La masse de la préparation pa- raît constituée par de fines granulations noirâtres, au-dessus desquelles on distingue du tissu conjonctif et de minces filaments ténus, résis- tants (cylindre-axiles). On ne voit pas de cellules nerveuses, et les tubes n'apparaissent pas très-nettement. Ces vaisseaux paraissent avoir subi une hypertrophie considérable et ils sont comme gonflés par places variées. Les gouttelettes graisseuses sont de dimensions variables, les unes très-volumineuses. Elles se trouvent le plus souvent dans la gaîne externe des vaisseaux, gaîne qui s'est aussi comme gonflée (ses renflements ayant également lieu dans des points diff'érents du conduit vasculaire, qui ofi're ains»i des boursouflures, puis des parties comme étranglées, relativement). Une partie sclérosée, prise à l'état frais (22 avril), dans la paroi du ventricule latéral, au milieu de l'îlot complètement scléreux, e*t exa- minée au microscope, et nous y constatons : Du tissu filamenteux; Du tissu connectif avec noyaux très-abondants. Ces derniers sont en prolifération considérable. Leur volume est normal : la plupart offrent le même aspect, quelques-uns plus arrondis peut-être, d'autres plus allongés. Mais non loin, on voit très-nettement d'autres noyaux tout différents de ces derniers. Ils sont plus volumineux. Leur nucléole lui-même est très-gros; ils sont entourés d'une masse de protoplasma qui les englue les uns aux autres et les rapproche, de telle façon qu'ils forment des 252 groupes, distants les uns des autres, mais assez nombreux cependant. Ce sont des sortes de myèlocythes. Non loin d'eux, existe du tissu fibrillaire très-fin. On est frappé de l'aspect de petites touffes assez élégantes, que for- ment les filaments très-fins de ce tissu, au milieu duquel se constatent des noyaux qui sont parfois très-volumineux et qui deviennent des plus apparents par Taddition de carmin. Dans quelques points, on trouve des cylindre-axiles conservés, et quelques-uns nous ont semblé très-volumineux. Ce sont, avec quelques vaisseaux altérés, scléreux eux-mêmes dans leur paroi, les seules parties qui restent de la texture normale du cer- veau, dans les points où la dégénération est le plus avancée. Mais ajoutons que sur les bords on peut trouver tous les degrés, et assister pour ainsi dire aux transformations successives. Nerf optique. Un morceau des nerfs optiques, pris dans les îlots scléreux de l'un de ces nerfs, est également examiné au microscope, à rétat frais, et montre : Un épaississement considérable de Tenveloppe du nerf, dans laquelle on distingue des fibres de tissu connectif de volume très-notable. Ces fibres sont épaisses et larges. Les cloisons qui sé;^arent les faisceaux nerveux sont très-apparents. Leur épaisseur est des plus notables (hypertrophie). Sur ces sortes de bandelettes on distingue du tissu connectif à noyau allongé et des fibres cellulaires aussi larges. Les noyaux sont très-nombreux. Dans quelques points, ils sont en grande prolifération. Leur forme est variable, arrondie ou elliptique. Dans quelques points ce tissu connectif rappelle assez bien, par la forme de ses éléments, le tissu connectif qui entoure certains organes dont la capsule s'hypertrophie (tissu d'aspect cornéen, kératoïdej. On dirait du tissu inter-cellulaire. Les fibres des nerfs paraissent, dans la plupart des points, assez bien conservées, mais dans d'autres, elles sont considérablement dimi- nuées; enfin, dans quelques-unes elles sont altérées, soit qu'elles se présentent entourées et comme étouffées par du tissu granulé (fines granulations graisseuses), soit qu'elles aient été remplacées tout à fait par ce tissu de dégénération. Si l'on emploie un faible grossissement pour voir la préparation de tout le nerf d'ensemble, on remarque qu'il y a des îlots entiers où les faisceaux nerveux ont pour ainsi dire fait place complète, à leurs cloisons qui se sont hypertrophiées, les étouffant, et au lieu du tissu nerveux, on n'a plus que du tissu conjonctif épaissi. Cela est de la véritable névrite interstitielle. 253 Nous passons maintenant à la deuxième observation : Observation II (1). — Brunette-Aspasie B..., âgée de 46 ans, femme D..., marchande de fleurs en 1868. (Salle Saint-Denis, n° 9, à l'infir- merie de la Salpêtrière, service de M. le docteur Vulpian.) On note comme antécédent du côté des parents ce fait, que la mère de la malade a eu des attaques de nerfs pendant un certain temps, mais rien du côté de ses frères. Notre malade a eu dix enfants, dont trois vivants. M.TisLruation régulière jusque dans ces derniers temps. L'affection qui s'est terminée par la mort de la malade a eu une du- rée de treize ans. Elle a été précédée de chagrins et de mauvais trai- tements, dit-elle. Dans les neuf dernières années il lui était impossible de marcher. Elle a fait de nombreux séjours dans différents hôpitaux de Paris, et sortait chaque fois de 1 hôpital ayant subi un peu d'amé- lioration dans sa santé; mais la maladie suivait sa marche progressive malgré des temps d'arrêt. La malade , par sa profession (marchande de fleurs), était exposée par conséquent aux intempéries; cependant elle n'a jamais eu de rhuma- tismes, et on ne peut pas attribuer sa maladie à l'influence prolongée du froid. Il n'y a pas eu d'accidents nerveux antérieurement à la maladie. Depuis le début de l'affection elle a eu deux enfants, l'un il y a six ans, l'autre il y a quatre ans, sans aucune modification ni pendant la grossesse ni pendant l'accouchement. Le début de la maladie a été lent et progressif. Elle n'avait pas en- core de souffrance véritable, sauf un sentiment de fatigue dans la région lombaire. Il y a eu d'abord faiblesse des membres inférieurs avec un peu de tremblement. Il y a quatre ans, l'état se serait aggravé; elle tombait de temps en temps, et le tremblement était un peu plus con- sidérable. Les bains sulfureux ont donné un peu d'amélioration. Au moment de son entrée à la Pitié, il y a trois ans et demi, elle avait une agitation convulsive des muscles de la face, des paupières et des yeux du côté gauche; contraction de la figure, surtout à gauche, et de l'œil gauche. Ce serait au contraire le bras droit qui était le plus malade. On a fait trois applications de ventouses; les accidents ont disparu après avoir duré en tout un mois. (1) C'est encore à l'obligeance de M. Vulpian que je dois la commu- nication de ces premières notes (1862, 1866, 1867. Je nai suivi la ma- lade qu'à partir de sa nouvelle entrée à l'infirmerie (1868). 254 Après sa sortie, elle a continué à prendre des bains sulfureux. L'a- mélioration a progressé pendant quelque temps. Bientôt il y a eu aggravation progressive du tremblement et surtout de la faiblesse. On note quelques troubles de Tintelligence; la malade parle seule : elle a des hallucinations. Pendant quatre mois on note un phénomène singulier : tuméfaction du ventre avec sensation de mou- vement extérieur qui fait croire à la malade qu'elle est enceinte. Intense pendant ce temps, il disparut cependant totalement. Après avoir pris plusieurs bains sulfureux à IHôtel-Dieu et à la Cha- rité, il y a une amélioration très-lente, mais assez prononcée. Au moment de son entrée à la Salpêtrière, la malade est dans l'état suivant : Faciès indiquant une santé générale assez bonne. Le volume des membres n'ofTre aucune diminution remarquable. Lors- que la malade est couchée, toutes les parties du corps sont d'ans la ré- solution. Il n'y a aucun tremblement appréciable. Mais dès qu'elle se lève sur son séant et qu'elle veut mettre en action un de ses membres, n'importe lequel, il se manifeste immédiatement un tremblement évi- dent; ce tremblement est plus prononcé dans le bras droit et la jambe droite. Il y a des oscillations verticales et obliques de la main, surtout lorsque l'avant-bras est dans la demi-flexion ; ce tremblement devient bien plus fort lorsqu'elle tient un objet à la main, lorsqu'elle veut ap- procher un verre de sa bouche ; il est tel qu'elle ne peut pas boire seule, elle renverserait le liquide ou se frapperait violemment la face. Lorsque la malade soulève Tune ou l'autre de ses jambes au-dessus du plan de son lit, il y a des mouvements d'oscillation de tout le mem- bre, dans le sens transversal principalement ; ces mouvements sont surtout très-marqués dans le membre droit. Lorsqu'on fléchit le pied sur la jambe lentement, progressivement, on peut arriver à obtenir la flexion la plus complète possible sans déterminer de tremblement. Si au contraire on fait le même mouvement brusquement, on détermine l'apparition d'un tremblement très-énergique, qu'il est impossible de do- miner, et qui dure environ une demi-minute pendant qu'on tient le membre dans la flexion, puis qui finit par cesser, La malade peut ar- rêter ce mouvement en faisant un grand eff'ort d'extension. Rien de semblable dans les membres supérieurs. Lorsque la malade est assise ou levée, la tête oscille dans le sens trans- versal et antéro-postérieur et même un peu dans le sens vertical; les oscillations augmentent lorsque la malade cherche à faire un mouve- ment volontaire soit avec la tête, soit avec le bras. Le tremblement de la tête s'accroît lorsqu'elle boit, même si le verre est tenu par une 255 autre personne ; il y a unp oscillation qui fait tomber quelque peu de liquide par les deux commissures. La sensibilité paraît intacte en tous les points du corps. La station debout est très- difficile; la malade tomberait presque im- médiatement si elle n'était soutenue. Dès qu'elle est dans cette attitude, le tremblement des bras et de la tête devient très-considérable. Elle peut encore marcher, mais avec une très-grande difficulté, et à condition d'être soutenue sous les bras; elle traîne ses deux pieds sur le sol ; le pied droit se renverse assez souvent dans l'adduction. Assise dans le fauteuil, elle peut lever Tune et l'autre jambes, qui sont prises immédiatement d'oscillations considérables, mais que la malade peut réprimer par un mouvement volontaire. Au dire de la malade, la sensibilité morale aurait diminué pendant que la maladie était à son maximum. Depuis qu'il y a amélioration, elle serait redevenue à peu près normale. Il y a un peu d'affaiblisse- ment de la mémoire. La malade est devenue un peu myope. Rien du côté de l'ouïe. Constipation habituelle. Miction normale. 25 août. On prescrit 1 centigr. de chlorure d'or dans 40 gr. d'eau dis- tillée et 10 gr. de sirop de sucre. 4 septembre. La malade a fait hier, nous dit-on, deux fois le tour de la salle, tenue par les deux mains ; les membres inférieurs iraient mieux qu'auparavant et d une façon notable. L'amélioration ne serait cependant pas très-marquée. ^ On donne 2 centigr. de chlorure d'or. 8 septembre. Depuis deux jours, la malade se plaint de trembler beaucoup plus, surtout lorsqu'elle est debout; c'est à peine alors si elle peut se tenir, tant Tagitation est forte; elle laisse tout tomber ; et cette agitation se transmet à lœil gauche lui-même. Ses règles, qui n'avaient pas paru depuis le mois de juin, ont reparu hier. On supprime le chlorure d'or, qui paraît être réellement la cause de l'augmentation de son agitation. 13 septembre. On donne une potion gommeuse avec vingt gouttes d'huile phosphorée; le tremblement est un peu moins fort que les jours précédents, mais aussi fort au moins qu'au moment de son en- trée. 2 octobre. La malade a pris de l'huile phosphoréejusqu'à ce moment, avec des repos de deux jours sur huit. Au dire de la malade il y a eu d'abord un peu d'amélioration, puis dans ces derniers temps elle assure qu'elle va au contraire plus mal, et qu'elle tremble de plus en plus; 256 elle ne peut pas ou elle peut à peine se tenir debout. On suspend le • médicament. La malade sort le 10 octobre. Elle revient le 30 janvier 1866 pour un embarras gastrique, et sort guérie le 5 février 1866. Elle rentre vers le milieu de décembre 1866 au n° 5 de la salle Saint-Denis. 4 janvier 1867; Elle prend à partir de ce jour, une potion avec vingt gouttes d'huile phosphorée. On a essayé Tiodure de potassium qui n'a rien produit. 23 janvier. La malade n'a pris la potion phosphorée que pendant quatre ou cinq jours; elle se plaint aujourd'hui de ne pas pouvoir remuer les jambes, même au lit; elle remue cependant un peu la jambe droite, mais ne jaraît pas remuer du tout la jambe gauche ; sui- vant la fille de service, elle serait dans le même état que lors de son entrée. Incontinence continuelle d'urine. Sensibilité parfaitement con- servée, sensibilité tactile, aussi bien que sensations de douleur, de cha- touillement, de chaleur et de froid, Les mouvements réflexes sont con- servés même dans la jambe gauche. La malade sort sur sa demande le 26 janvier 1867. Elle rentre le 2 juillet 1867 au n" 22, salle Saint-Mathieu. Elle se plaint de douleurs vagues et de mouvements involontaires lorsqu'elle tousse. L'affaiblissement musculaire est très-grand; mais la sensibilité est conservée, la parole est un peu saccadée et traînante. La sensibilité affective est exagérée. (La malade pleure facilement.) Pas de tremblement notable de la langue. Pas dinégatités pupillaires. Pas d'atrophie musculaire notable. L'avant-bras gauche est ployé à angle droit sur le bras; pour l'éten- dre il faut employer la force et faire souffrir la malade ; de ce côté, la main serre moins fortement et les doigts restent toujours un peu fléchis [contracture). Elle ne peut presque plus remuer la jambe droite ; la gauche se ré- tracte souvent, et la malade ne peut alors l'étendre que très-difficile- ment; elle ne peut la ployer volontairement. Incontinence d'urine, environ depuis le commencement de l'année. Agitation presque continuelle; se plaint de ne pouvoir rester tranquille dans son lit. L'état général est bon, l'appétit conservé, les digestions faciles. La malade sort dans le même état le 6 août 1867. Elle rentre le 21 janvier 1868, n° 9, salle Saint-Denis (1). (1) Le diagnostic, porté à ce moment, confirme complètement le diag- 257 21 janvier 1868. Elle semble avoir eu une nouvelle et forte attaque. Elle dit que tout d'un coup, vers midi, on l'a trouvée plus roide en voulant la mettre au lit; c'était le côté droit qui paraissait repris et plus fort qu'auparavant. La malade paraît avoir assez bien conservé sa mémoire. Elle a conservé aussi son intelligence et aussi une grande- sensibilité de caractère, avec tendance parfois à la tristesse (quelque fois pleurs.) Elle ne pourrait, dit-elle se servir en rien de son bras droit. Au moment où nous l'examinons (cinq heures après ce qu'elle appelle \ attaque]^ elle peut remuer ce bras, le porter gauchement à sa bouche ; mais elle serre très-peu et très-mal avec cette main, dont les doigts sont, un peu rétractés, mais non complètement. De temps en temps, pendant notre examen, secousses involontaires, comme des décharges rapides dans le membre inférieur gauche. Elle les dit un peu doulou- reuses, mais supportables. Elle voit clair des deux côtés ; elle dit cependant mieux voir du côté droit que du côté gauche. Les pupilles sont inégales, la droite étant un tiers plus dilatée que la gauche ; elles sont contractiles devant une vive lumière. La sensibilité à la piqûre est conservée aux membres supérieurs, aux doigts des deux mains, aux yeux, aux joues, aux membres infé- rieurs ; il en est de même aux membres supérieurs pour la sensibilité tactile simple. La parole est toujours un peu embarrassée, traînante, mais la malade peut dire tous les mots. Elle dit que de jour en jour il y a aggravation de ce côté. Il y aurait aussi aggravation dans la diminution de l'acuité des sens, de la vue, de l'olfaction, aussi dans la déglutition et surtout pour les boissons : parfois elle avale de travers. Alors il y a toux et quelquefois menace d"asphyxie, et alors aussi des sensations de corps remontant à la gorge, et sensation d'élouffement. La malade éprouve de la difficulté à tousser. Autrefois elle se plaignait de refroidissements dans le corps ; ses genoux étaient à la glace, dit-elle Aujourd'hui, elle sent des chaleurs ardentes, des feux douloureux depuis les pieds et les jambes. Les bras également lui semblent brûlants. La malade est constipée depuis six jours. Pulsations, 116; inspirations, 28; température, 38°,2 (aiselle). nostic annoncé déjà, par M. Vulpian, à la dernière entrée de la malade à Tinfirmerie. C'est celui d'une sclérose en plaques multiples et disse' minées {forme cérébro-spinale). MÉM. 1868. 17 258 22 janvier. La malade paraît se servir bien mieux qu'hier de son membre supérieur droit; en tout cas, elle s'en sert bien mieux que du côté gauche. Il y a une différence considérable dans les mouvements possibles des deux bras. Ainsi à droite elle peut fléchir l'avant-bras sur le bras et la main sur Tavanl-bras, et les doigts sur la main. Les mou- vements du pouce sont faibles; le mouvement d'extension des doigts sur le métacarpe est incomplet;, il en est de même du mouvement des deuxièmes phalanges sur les premières et des troisièmes sur les deuxièmes. Le mouvement d'adduction des doigts par rapport les uns aux autres est très-incomplet, surtout pour le pouce (ces derniers sont très-faibles). A gauche, dans l'attitude ordinaire de la malade, l'avant-bras est fléchi et contracture sur le bras (angle droit); la malade ne peut pas arriver à l'étendre : l'angle augmente à peine de quelques degrés. Dans les efforts faits par une main étrangère pour étendre l'avant bras, on arrive, en surmontant une résistance moyenne, à étendre presque com- plètement l'avant-bras. Lorsque l'extension est presque complète, elle dit éprouver quelques douleurs dans le coude. Une fois étendu, l'a- vant-bras ne reste qu'un instant dans cette attitude ; peu à peu, par un mouvement lent, spontané, il reprend son attitude morbide. La main gauche serre très-faiblement. La malade accuse peu de douleurs spon- tanées daus les membres supérieurs. Il y a un léger tremblement de la langue, qu'elle tire assez facilement. Pendant notre examen, qui a été assez long, on n'a pas noté une seule fois ces secousses à décharge notées hier soir. Cœur, On n'y distingue pas de bruit de souffle. Poumons. Rien de spécial à y noter ; hier, râles de bronchite ; par- fois respiration embarrassée par des râles des grosses bronches. Pulsation 100; Inspiration 25; Température 38°, 2. 23 janvier. La sensibilité laciile au moindre contact est absolument normale, de même que la sensibilité de température. Le membre infé- rieur gauche .est souvent à demi fléchi, contracture, et il faut employer une assez grande force pour l'étendre, ce qui détermine une certaine douleur. Lorsqu'il est étendu, il revient soit peu à peu, soit par se- cousses à son état de demi-flexion et de contracture. Le membre in- férieur gauche est le plus faible. Les mêmes phénomènes existent à droite, mais à un moindre degré. Le soir. Etant assise sur sa chaise, elle a eu une sorte de faiblesse, qui n'a cessé que lorsqu'on l'a remise étendue sur son lit. Elle est dans le même état, sauf un peu u excitation fébrile ; elle a une escharre au sacrum. Pulsations, 118 ; inspiration, 24; température, 39°, 4. 259 i" février. Depuis deux ou trois jours, la malade est plus faible ; elle a dans le bras droit des tressaillements et des sursauts comme dans les membres inférieurs. La sensibilité tactile, explorée, est tout à fait intacte. 4 février. Aggravation progressive; l'escharre se creuse et s'élargit; la malade esi Ires-tifFaissée, elle ne peut pas exécuter de mouvements étendus avec les bras. Les avant bras sont un peu contractures sur les bras. Elle ne peut pas ou ne peut que très-difficilement serrer lesob- jets avec les mains. De temps à autre, souvent tous les quarts d'heure, dit-elle, mouve- ments involontaires, tressaillements dans les membres inférieurs. Le soir. Le pouls est à 120 ; la respiration à 36. La peau est chaude il y a de la fièvre. La malade tousse, mais la toux est difficile et pré- cédée d'efforts douloureux ; la respiration est un peu embarrassée. La malade dit qu'elle va moins bien. Son intelligence est conservée. 5 février. Le pouls est à 120; la fièvre continue: la malade se plaint de rester trop longtemps au lit. 13 février. Depuis quelques jours la fièvre est bien tombée. L'appétit revient peu à peu; la malade est mieux disposée, mais les membres présentent toujours les mêmes phénomènes. 14 février. Elle se plaint de douleurs continues dans les membres inférieurs. Elle compare ces douleurs à celles que produirait un bra- sier ardent. 16 février. Il y a eu de la diarrhée cette nuit. 22 février. On cesse Tiodure de potassium : la diarrhée a diminué. On donne une pilule de 0",05 d'iodure de phospliélylium. Les membres supérieurs sont moins roides que ces jours derniers- mais les membres inférieurs sont tout aussi roides et sont le siège des mêmes douleurs. 24 février. L'escharre va mieux. Il y a eu cette nuit une diarrhée abondante. 5 mars. Depuis quelques jours la face s'altère davantage; émaciation- poussées fébriles. L'intelligence est toujours assez bien conservée. 20 mars. La malade a les jambes ordinairement contiacturées (flexion); cependant on peut les étendre, et si alors on agit lentement la malade n'éprouve pas de douleur ; elle sent encore très-bien le cha- touillement, mais l'action réflexe n'est pas exagérée. 3 1 mars. La malade se plaint depuis hier de sensations douloureuses dans le côté et d'une ditScuUé de respirer. La douleur aurait })e est épaiss'e, rou- geâtre à l'intérieur tomenteuse, avec membranes de nouvelle forma- tion. Cette poche se reploie par des adhérences solides pour se conti- nuer avec la plèvre à la partie supérieure. Poumon droit (650 grammes). Au sommet, grosses masses dures de tubercules à différents degrés, granulations grises, tubercules crétacés et cavernes purulentes. Poimion gauche (350 grammes). On détache asez facilement la coque de l'abcès pleurétique de la plèvre pulmonaire, qui paraît très-peu altérée. Au sommet de ce poumon, rétraction de la plèvre en certains points, masses dures constituées par des îlots de granulations grises agglomérées. Ces amas de granulations sont répandus inégalement dans tout le poumon. . Vuorte est saine. Cœur Un peu de liquide dans le péricarde. Le volume du cœur est très-petit. Pas d'insuffisance aortique. Pas de rétrécissement mitral ; les val- vules sigmoïdes sont un peu épaisses; la valvule mitrale est scléro- alhéromateuse. Rien dans le cœur droit. Cavité ABDOMINALE. — Rate^ 100 grammes. Elle est molle. Foi^i 1.200 grammes. Rien à signaler. ^lins. Rein gauche, 170 grammes. Rein droit, 150 grammes. Il est vasculaire, très injecté dans son intérieur et à sa surface. Légère adhé- rence avec la capsule et ulcérât on. Les muscles sont jaunes et altérés. Dans le méso rectum, abcès correspondant à la moitié de la hauteur de la face antérieure du sacrum. Un peu sur la partie latérale droite, on trouve une poche remplie d'un pus blanc jaunâtre, un peu vert, bien lié, et communiquantavec les trous sacrés antérieurs (le ceuxième et le troisième). Un siylet enfoncé dans cette cavité vient soulever en arrière l'escharre postérieure. Uescharre du sacrum occupe une étendue de 12 centimètres sur 8. L'os est à nu ; les muscles tout autour baignent dans un pus rougeâtre. Un stylet passant au milieu de l'escharre et enfoncé perpendiculaire- ment pénètre jusque dans le petit bassin. Cavité cramenne. —Crâne assez dur et épais; sa face interne est jau- 263 nâtre et peu injectée. La dure-mère n'est pas tendue outre mesure ; au contraire, elle est ridée. Sous la dure-mère et sous l'arachnoïde, liquide séreux, jaunâtre. Sous la dure -mère, des deux côtés, néo-membrane très-vasculaire, un peu saillante, s'enlevant facilement. La pie-mère est assez injectée. L'arachnoïde, par places, offre des teintes bleu grisâtre. Encéphale (1^20 grammes). Les artères de la base de l'encéphale offrent très-peu de plaques scléreuses. Stase sanguine considérable dans le tronc basilaire. Les nerfs olfactifs sont très-transparents, grisâtres sur leur face ex- terne; on distingue de suite des zones rosées, irréguiières, se présen- tant sous la forme de plaques non proéminentes et plutôt enfoncées, mais légèrement, dans la longueur de chacun des deux nerfs. Elles ressemblent tout à fait aux plaques disséminées de sclérose sur les nerfs optiques et sur la protubérance. Les nerfs optiques sont très-altérés; le nerf optique du côté gauche est plus petit, plus dur et paraît plus altéré (sclérose gris rosée) que le nerf optique du côté droit, qui cependant paraît aussi altéré. Ce nerf optique gauche est altéré dans toute son étendue. Sur la coupe du nerf optique droit, on voit une plaque scléreuse qui occupe la partie infé- rieure et interne. Le volume des nerfs, malgré latrophie, est peu dimi- nué. L'altération des nerfs optiques s'arrête à la limite postérieure du chiasma. La sclérose se prolonge un peu en arrière, sur la bandelette optique gauche, où elle est limitée par un bord festonné. A droite, elle s'arrête immédiatement au niveau du bord postérieur du chiasma. Les autres nei^fs crâniens paraissent sains, La surface de la protubérance offre plusieurs plaques scléreuses; une seule est située à droite du sillon médian antérieur; deux autres, dont lune allongée, s'étendant un peu sur la partie postérieure du pé- doncule cérébelleux moyen, sontsituésàgauche du même sillon médian. Deux autres plaques sont situées sur le sillon médian lui-même ; l'une, antérieure, s'étend un peu plus à gauche qu'à droite du sillon ; l'autre, postérieure, située au niveau du sillon qui sépare la protubérance du bulbe, de forme assez régulièrement arrondie, offrant à peu près un centimètre de diamètre, est placée exactement sur la ligne médiane. Autour des places mentionnées, on voit à la surface des points grisâ- tres, et on voit sourdre des orifices de vaisseaux qui laissent écouler du sang, les uns partant de la substance restée blanche, les autres de la substance sclérosée. Ces vaisseaux, au microscope sont assez dila- tés et contiennent sur leurs parois des dépôts de cristaux hématiques considérables et des amas de granulations graisseuses et noirâtres qui 264 forment quelquefois de petits manchons, les enveloppant et les étouf- fant pour ainsi dire. Cependant un certain nombre de vaisseaux, ou branches, contiennent encore des globules de sang. Bîdbe rachidien. La pyramide antérieure du côté droit est entière- ment scléreuse, excepté un très-petit îlot, situé au niveau de la fossette sus-olivaire, immédiatement en arrière de la protubérance. Immédia- tement en avant de cet îlot, commence au niveau du sillon qui sépare la protubérance du bulbe, une plaque scléreuse qui se dirige en avant sur les parties latérales de la protubérance, dans une étendue d'un cen- timètre environ. A ce niveau se trouve une petite intersection de sub- stance blanche, composée seulement de quelques fibres, d'à peu près un demi millimètre de largeur, qui sépare la plaque dont nous venons de parler d'une autre petite plaque scléreuse, située sur la partie mé- diane du pédoncule cérébelleux moyen de ce côté, déprimée à son centre et présentant une teinte gris cendré assez prononcée; l'olive du même côté est également scléreuse, excepté un très-léger petit point, resté blanc à sa partie antérieure. Les racines du grand hy popoglosse, qui sortent de cette substance scléreuse, paraissent saines. La pyramide antérieure du côté gauche est également scléreuse, excepté une petite bande transversale située immédiatement en arrière du sillon qui sépare la protubérance du bulbe. Cette petite bandelette se continue avec la substance de la fossette sus-olivaire et la moitié antérieure de l'olive du même côté, qui semblent également saines. L'olive n'est altérée que dans une petite étendue, située à la partie antérieure et inférieure au niveau du sillon qui la sépare de la pyra- mide. Les racines nerveuses correspondantes paraissent saines. Immé- diatement en arrière de l'entre-croisement des pyramides, le cordon postérieur du côté gauche semble sain dans toute sa partie interne, tandis que dans sa partie externe il présente une teinte grise assez pro- noncée. Le cordon postérieur droit est entièrement scléreux. Les ra- cines nerveuses j.araissent saines. Il n'y a pas de sclérose à la surface des tubercules mamillaires. Le nerf trijumeau du côté gauche naît d'une plaque scléreuse, mais ne semble pas altéré. A la partie postérieure du pédoncule cérébral gauche, à 1 centimètre en avant de la protubérance, on voit une plaque scléreuse. Dans différentes coupes pratiquées suivant toute l'étendue horizon- tale du cerveau, on a rencontré à des hauteurs différentes des zones de substance blanche et même de substance grise, qui avaient subi la dé- gération scléreuse. Ainsi que le démontrent si nettement les planches que, d'après na- 265 ture (1), avait encore cette fois, bien voulu peindre pour nous notre collègue et ami G. Peltier, nous avons pu noter des plaques, des îlots, des zones, où l'altération scléreuse était des plus évidentes; et cela des deux côtés, une coupe indiquantune prédominance du côté gauche, une autrecoupe parallèle, horizontale, inférieure, indiquant au contraire le côté droit. Si elles étaient irrégulièrement distribuées, elles étaient aussi irré- gulièrement dessinées, car les unes petites, pouvant mesurer la gran- deur d'une lentille, d'autres pouvaient avoir plusieurs centimètres, 4, 5 et même 6; de plus, elles étaient ou superficielles, en sortes de plaques véritables ; ou profondes, en sortes de b(ocs^ ûHLots^ et souvent une coupe faite à 3 centimètres, parallèlement à une autre, supé- rieure, permettait de retrouver des restes de l'îlot scléreux irrégulier, que l'on avait déjà constaté plus haut, soit dans la substance blanche, parties antérieures ou parties postérieures, indistinctement; soit dans les régions avoisinant les parties qui constituent les ventricules laté- raux. Parfois, une plaque partant des ventricules latéraux allait, pour ainsi dire, se«perdre dans la substance blanche de la région postérieure ou moyenne. Il serait impossible de compter le nombre observé de ces points alté- rés dans les deux lobes cérébraux, comme il serait impossible de leur assigner, tant ils étaient irrégulièrement atteints, des points précis où l'altération avait pu commencer, comme aussi des points précis où elle avait pu finir. Les limites de ces plaques sont pourtant bien nettes, bien évidentes, puisqu'elles tranchent si complètement par leur aspect particulier sur le reste du cerveau sain. Tissu bleuâtre, d'aspect un peu cartilagineux, de consistance dure, semblable à du caoutchouc déjà solidifié, très-vas- culaire; paraissant déprimé dans quelques points, de telle sorte qu'on dirait parfois de petites plaques ulcérées, des cicatrices semi-dures. C'est surtout dans la substance blanche qu'il est facile de les distin- guer. Toutefois, nous notions aussi une altération tout à fait analogue sur quelques points de la substance grise. Ainsi, dans les noyaux intraventriculaires des corps striés des deux côtés, à gauche et à droite, surtout sur la partie postérieure, on dis- tinguait des plaques scléreuses qui se prolongeaient jusque dans la (1) Elles ont été reproduites en chromolithographie par l'habile M. Lackerbauer. 266 substance blanche avoisinante. (Voir les coupes complètes de la plan- che V.) Ainsi, dans la substance grise dune des circonvolutions du côté gau- che, on trouvait un îlot de substance dégénérée en sclérose. Il mesurait un centimètre environ, sur quelques millimètres de profondeur, et la résistance à la coupe, l'aspect à l'œil nu confirmé par lexamen mi- croscopique comparatif d'un morceau pris à l'état frais, indiquaient bien que le petit îlot altéré avait subi la transformation scléreuse. Cette zone touchait à une partie de, la scissure de Sylvius. Le cinquième ventricule, si difficile parfois à constater à l'autopsie, était ici des plus évidents. Sa cavité était très-notablement augmentée. Il n'y avait pas de li- quide, mais ses parois étaient épaissies, considérablement indurées, et offraient la dégénération scléreuse des plus manifestes. La rétraction irrégulière subie par ces parois scléreuses devenues un peu rigides, lui avait donné une forme de petite vis à trois tours, de petit tire-bouchon assez bizarre. Mais de plus, ce ventricule adhérait à une plaque scléreuse consi- dérable, existant dans la substance blanche, située au devant de lui (région antérieure des deux côtés). Cervelet. — Il en était de même des différentes coupes que nous pratiquâmes dans le cervelet. Nous les fîmes horizontales, pour juger d'ensemble les deux parties droite et gauche. Des îlots scléreux, apparaissaient à chaque coupe, irréguliers, de tailles différentes, depuis une tête d'épingle jusqu'au volume d'une lentille et d'une noisette. Tout autour d'eux, un peu déprimés et de teinte spéciale, partaient des vaisseaux qui se voyaient très-nettement. M. Peltier a pu reproduire dans la figure 2 de la planche l'y, quelques îlots scléreux qui avoisinent le corps rhomboïdal, partant d'un de ces bords, et allant se perdre dans la substance blanche avoisinante. Le corps rhomboïdal lui-même avait été atteint. La coupe, qui était faite comme les deux feuillets d'un livre, en laisse voir une, coupée en deux et appartenant ainsi aux deux feuillets, qui, en se repliant, la reforment; ce qui indique son épaisseur; et en effet, ces zones altérées étaient parfois assez profondes (quelquefois 5, 6, 8 millimètres). Leur aspect est le même exactement que dans le cerveau et dans la moelle. Moelle. (Voir pi. VII, fig. 1 et 2.) — Les méninges rachidiennes ne paraissent pas offrir de très notables altérations: toutefois on y con- state, disséminées dans différents points, de petites plaques dures, blan- châtres, irréguhèrement adhérentes à l'arachnoïde dont la situation, le 267 rapport avec les vaisseaux et la texture semblent annoncer des restes d'inflammation de date ancienne. La face interne de la dure-mère offre également en de certains points de petifes places indurées. Ce qu'il y a de plus net est une vascularisation considérable, fine, qui existe des deux côt('s et dans toute l'étendue de la pie-mère, l'accompagnant dans toutes les parties où elle se rend. Lorsque les méninges sont enlevées et que l'on a constaté de plus un certain épaississement de la pie-mère, on est frappé par l'aspect carac- téristique qu'offrent les deux faces de la moelle épinière dans toute sa hauteur; il s'agit en effet là encore comme altérations, de scléroses en plaques pour qui les regarde à première vue, ou en îlots pour qui en fait des coupes indiquant la profondeur plus ou moins grande de cetétatsclé- reux. Ces altérations sont également disséminées, tout à fait irrégu- lières. A la face antérieure (pi. VII, fig. 2), elles sont moins nombreuses qu'à la face postérieure; mais elles sont dans leur siège, dans leur étendue, dans leur profondeur aussi variées, et les dessins qu'elles font aussi bizarres dans leur irrégularité ; tantôt c'est une plaque qui peut avoir 4 centimètres de long et qui occupe tout le côté anléro-latéral gauche de la face antérieure (région cervicale), tantôt c'est une petite plaque mesurant à peine un demi-centimètre, qui se voit discrète et isolée sur la partie antérieure de la face antérieure (région dorsale); ou bien une plaque de 2 centimètres environ qui occupe tout le sillon an- térieur, s'étendant de chaque côté de 1 à 2 millimètres sur les cordons avoisinants. La même irrégularité est à constater pour la région dorsale où, en avant, on ne constate, pour ainsi dire, point d'altérations scléreuses visibles à l'œil nu, tandis qu'une coupe faite à ce même niveau en mon- trerait qui sont très-manifestes dans un point; mais ces' altérations pro- viennent de la dégénération scléreuse que l'on remarque au contraire sur la face postérieure, très-manifeste dans ce point (région dorsale, tiers supérieur). En effet, si Ton retourne la moelle, c'est la face postérieure qui [ a- raîL le plus atteinte (pi. 'VII, fig. 1) Tout d'abord à la [)artie su[)érieure (région cervicale), une plaque occupe dans une étendue de 2 centi- mètres en hauteur sur 1 centimètre en largeur, les cordons posté- rieurs. Bientôt lui succède (région cervico-dorsale) une altération scléreuse tellement considérable qu'à son tour elle ne laisse de tissu sain, blanc, que quelques points des cordons postérieurs, qui forment également ainsi un dessin irrégulier. La région dorsa'e est, comme pour la face antérieure, moins atta- quée comparativement à la région cervicale, quoique du côté de la face postérieure, elle le soit davantage que du côté de la face anté- rieure. Ce sont surtout les cordons postérieurs qui sont le plus pris, 268 irrégulièrement comme toujours et enclavant soit de petits espaces blancs, sains, soit des zones qui paraissent complètement intactes, comme par exemple la région dorso lombaire. Mais dans cette face postérieure (pi. VII, fig. 1), l'altération sclé- reuse de la région lombaire est encore plus manifeste que par la face antérieure, et jusque sur le /ï/Mm iermma/e, on voit se dessiner une plaque de sclérose qui va se perdre avec les différentes parties qui constituent la queue de cheval. Notons de plus qu'à une simple inspec- tion, il ne nous a pas été donné de reconnaître d'altération scléreuse aualoeue sur les nerfs rachidiens d'aucune des deux faces (1). (1) Dans ce cas comme dans ceux connus jusqu'à présent, les nerfs rachidiens n'ont pas été notés spécialement atteints de plaques sclé- reuses. Cela ne veut pas dire qu'il doive en être toujours ainsi, car nous avons déjà fourni les preuves que les nei^fs crâniens peuvent être atteints. Ces lignes étaient imprimées quand il nous fut permis d'y ajouter les considérations suivantes, résultant d'un nouveau fait qui vient à l'appui de ce que nous indiquions : Dans une récente observation (mai 1869) de sclérose en îlots dissé- minés également' de la forme cérébro-spinale (femme de 27 ans envi- ron), observation que mon collègue Fontaine et moi avons recueillie à la Pitié dans le service de M. le docteur Bernutz, et qui sera publiée ultérieurement avec détails, nous insisterons sur ce fait que des lésions scléreuses de même aspect (comme couleur et comme dureté), irrégu- lières également et dans leur étendue et dans leur profondeur, ont été rencontrées le long des nerfs qui émergent de la moelle (des deux côtés, face antérieure et face postérieure), mais surtout face antérieure, région cervico-dorsale. Tout à côté se trouvaient des parties nerveuses saines qui faisaient avec celles-ci un contraste des plus nets. C'étaient bien sous forme de PLAQUES, sous formo d'îlots que se présentaient, très-visibles même à l'œil nu , ces lésions scléreuses qui ainsi n'étaient pas totales, n'occu- pant que des zones isolées, irrégulières, les unes mesurant une lon- gueur de plus de 1 centimètre. Ajoutons que, dans ce cas, les altéra- tions scléreuses de \d. protubérance étaient très-prononcées, affectant également la forme é'Hols irréguliers, soit à la superficie, soit dans la profondeur (les coupes montraient une épaisseur qui allait jusqu'à un 1/2 centimètre au moins); de plus, on retrouvait, sur quelques-uns des 269 EXAMEM DE DIFFÉRENTES COUPES DE LA MOELLE. — CeS COUpeS Ont été faiteS de suite, au moment de l'autopsie, quand la moelle étant fraîche avait encore sa dureté spéciale du premier jour, dureté ptus parliculière encore aux moelles qui sont atteintes de la dégénération scléreuse, et que reconnaissent parfaitement ceux qui ont eu de pareilles coupes à faire. On peut les effectuer avec des ciseaux, et elles ne produisent pas, comme sur d'autres moelles, cette espèce de bouillie nerveuse qui gêne l'examen d'une coupe. Celles qu'il nous a été permis de faire nous ont montré les particula- rités suivantes : Partir supérieure du renflement cervical (pi. VII, fig. 3, 14 coupes, coupe n" 1). Sclérose dans les deux tiers de la moelle, occupant à droite le cordon antérieur par îlots, le cordon antéro-latéral en masse; à gauche le cordon antéro-latéral en masse : celle-ci empiète un peu sur le cordon postérieur, comme la première empiétait un peu sur le cordon antérieur du côté gauche. 1 centimètre et demi plus bas (n° 2), la coupe est presque tout en- tière scléreuse, sauf les cordons postérieurs, et encore sur le cordon postérieur gauche existe-t-il un ilotscléreux; la sclérose a envahi éga- lement les côtés du sillon postérieur. 2 centimètres plus bas, fin du renflement ceri)ical (n° 3). Ici c'est le contraire; ce sont les cordons antérieurs qui sont presque respectés, et le reste de la moelle est à peu près envahi par la sclérose. Ainsi l'on voit des traînées scléreuses sur le sillon antérieur et des zones saines sur le cordon antéro-latéral gauche, sur la moitié du cordon postérieur gauche et non loin du cordon postérieur droit. 2 centimètres plus bas^ partie supérieure de la région dorsale (n° 4), Ilots de sclérose dans la moitié postérieure du cordon antéro-latéral droit et dans la moitié externe du cordon postérieur gauche. 1 centimètre et demi plus bas, échappées de sclérose en îlots des NERFS CRANIENS qul émergent de la protubérance, des lésions analogues. Ainsi, d'un îlot de sclérose énorme, profond, on voyait, à gauche de la protubérance, sortir le nerf trijumeau, dont la racine offrait depuis la base des plaques épaisses de sclérose dans presque toute sa moitié comme profondeur, et dans une étendue de près de un 1/2 centimètre comme hauteur. Les nerfs optiques avaient subi également la même dégénération, et les plaques de l'extérieur révélaient, dans des coupes faites perpendi- culairement, des îlots scléreux parfois très-profonds. H. L. 270 deux côtés, dans les cordons antéro-latéraux et dans la moitié anté- rieure des cordons postérieurs des deux côtés. 2 cenlimèlrcs plus bas (n" 6). Ce sont les cordons postérieurs qui sont pris comme dans la lésion de l'ataxie; à peine reste-t-il d'espace sain de ces cordons postérieurs des deux côtés. Toutefois le reste de la moelle n'est pas atteint. 3 ccnlimèires plus bas (n® 7). La moelle est saine ou à peu près. 1 cetuintèlre et demi plus basin" 8). La sclérose réapparaît occupant tout le cordon anléro-latéral gauche et presque tout le cordon posté- rieur droit. 2 cenlimèlrcs plus bas {n" 9). Nous constatons la même lésion pour le côté gauche; mais pour le côté* droit, la sclérose a plutôt envahi le cordon postérieur en profondeur qu'en largeur. Plus bas à an peu plus de 1 ccnlimèirc, et environ à 6 centimètres au-dessous du commencement du renflement dorso-lonibaire (n" 10), la moelle est saine, ou à peu près; à peine existe-t-il une petite zone scléreuse apparente sur les bords du sillon postérieur. Cet état d'irilé- grité extérieure de la moelle paraît se conserver jusqu'à environ 2 centimètres au-dessus du renflement dorso-lombaire. Maisài ccniimèire au-dessus du renflement aorso-lombaire {n" 11), la sclérose réapparaît tellement intense qu'elle occupe plus des trois quarts de la moelle, et que, sur la coupe, on ne voit plus qu'un espace de moelle saine semi-lunaire existant à droite; cordon antérieur, cor- don anléro-latéral, et un peu cordon postérieur. A gauche, l'altération est complète. Milieu du renflement dorso-lombaire (n° 12). Sclérose de la plus grande partie du cordon postérieur gauche, avec des îlots de substance saine au milieu de ce cordon. Un peu au-dessous du commencement du cône terminal {n° 13), al- tération scléreuse irrégulière tout autour de la substance grise, parais- sant prédominer à gauche. Enfin le filum terminale (coupe n° 14) offre une section où l'on ne dis- tingue que de la dégénération de sclérose. 11 ne reste dans cette partie aucune zone qui semible saine. Examen micrograpbique à l'état frais (25 et 26 avril 1868). J'ai procédé dans la journée même de l'autopsie à l'examen histolo- gique de quelques parties du cerveau et de la moelle, alors qu'aucune modiflcation n'était survenue par le fait de préparations artificielles. J'ai examiné des parties saines, voisines et éloignées des points alté- rés, pour posséder les conditions normales de ce cas et pouvoir mieux comparer. Je ne crois pas nécessaire de décrire ce que j'ai constaté comme état 271 , normal. J'ai vérifié ainsi ce que Ton peut constater actuellement con- cernant la texture de la substance nerveuse dans les différentes régions cérébro-spinales. Mais dans les zones qui, avani examen à l'œil nu, nous avaient paru atteintes de lésions scléreuses, voici les modifications que nous pouvons noter : a. Un morceau du corps strié (noyau intraventriculaire) nous présen- tait dans sa substance grise un îlot scléreux, probablement un peu avancé, et que l'on trouvait composé de matière amorphe, tissu con- jonctif granulé de capillaires très-jeunes et portant des noyaux rap- prochés; de cellules nerveuses encore assez distinctes, quoique peut- être pi'! - agglomérées. Non loin d'elles se voyaient des noyaux de cellules nerveuses qui étaient libres et dont on ne pouvait distinguer l'enveloppe celluleuse ramifiée. A côté de ces cellules nerveuses se trouvaient d'autres cellules dis- séminées au milieu des granulations et près de jeunes vaisseaux, et près aussi de quelques fibrilles assez fines et allongées. Ces cellules, le plus souvent arrondies, étaient relativement volumi- neuses; elles apparaissaient toutes formées, avec un noyau ou nucléole, et des granulations qui entouraient le noyau, ou qui parfois étaient placées sur lui. Proportionnellement, la cellule mesurant six divisions, le noyau en mesurait quatre, le nucléole une division et plus, la granulation, une demie ou un quart. Ces cellules n'envoyaient pas de prolongements ramifiés. Des amas de pigment. Enfin et surtout des noyaux très-abondants de tissu conjonctif, par- fois très-rapprochés en îlots et pressés les uns contre les autres, d'autres fois plus disséminés, mais reposant alors sur une sorte de couche constituée par des fibrilles entrelacées de tissu conjonctif, à mailles rapprochées (hyperplasie des fibrilles comme tout à l'heure des noyaux); les vaisseaux avaient également ici une enveloppe plus épaisse, et leurs parois étaient devenues le siège d'une prolifération conjonctive. Sur d'autres, où l'on ne voyait pas cette enveloppe conjonctive, et qui étaient plus jeunes, on distinguait tout'efoisdéjà des granulations grais- seuses en grande quantité tout le long de la paroi; elles étaient fines et le plus souvent isolées, formant cependant parfois des amas et aux angles des sortes de corps granuleux. Tissu fibrillaire des plus abondants: ce tissu est analogue aux fibrilles de tissu élastique; mais ici elles sont juxtaposées, en forme de mèches, de houppes, et dans les interstices filamenteux existent des amas de granulations. 272 Ces granulations, le plus souvent fines, daspect noirâtre, ont été vues dans d'autres points formant de plus petits amas, et quelquefois isolées. Alors leur couleur est moins louche et se rapprocherait plutôt de celle de la granulation graisseuse, plus grosse, qui réfracte tout spé- cialement la lumière. Et en effet, dans quelques points, on signale de la graisse véritable, s'offrant sous la forme de gouttelettes bien nettes, et quelques-unes assez fortes. Les amas granuleux ont au contraire une couleur sombre; mais on y retrouve cependant bien la petite granulation qui en est le point im- portant. Dans quelques places, les fibrilles dont nous venons de parler se plissent à la façon d'un tissu élastique. L'altération des vaisseaux est des plus notables. La plupart a subi une dégénérescence graisseuse. Elle se présente, pour les uns, sous forme de grosses granulations de graisse, soit de gouttelettes huileuses; pour les autres, ce sont de pe- tites granulations arrondies de même volume et qui restent ou iso- lées, alors très-nombreuses et disséminées, ou se rapprochent et for- ment comme des amas, des îlots granuleux, ou des corps dits granu- leux aussi. Les noyaux des vaisseaux sont abondants et allongés. De plus on note sur leurs parois des infiltrations pigmentaires, avec dépôts persistants de reliquats sanguins (hémaline). L'altération scléreuse est tellement prononcée dans quelques points, qu'il n'y a plus traces du tissu nerveux lui-même. On ne trouve plus de tubes nerveux. Dans d'autres points où il en est resté quelques-uns, ils sont comme aplatis et sectionnés; une grande quantité de corps amyloïdes ou de corps amylacés se rencontre dans chaque' prépara- tion; ils sont mélangés avec quelques fibrilles connectives et peut- être quelques cylindres axiles dans les points où domine Taltération graisseuse, qui traduit une période spéciale de l'altération scléreuse de la substance blanche nerveuse. Les lésions que permet de constater le microscope sont en elles-mêmes identiques, quel que soit le point des centres nerveux où on les examine. Ainsi dans le cerveau, dans la protubérance, dans la moelle. En effet, un morceau de partie sclérosée (reconnue telle, au moins, à l'état frais, par la simple vuej est enlevé dans la fossette sus-oiivaire du côté droit, et examiné de suite, il laisse voir des touffes abondantes de tissu connectif fin, ténu, dont les fibrilles s'enchevêtrent les unes dans les autres, emprisonnant des noyaux que colore le carmin, et 273 qui paraissent être des noyaux de tissu connectif. Tout près sont des vaisseaux qui offrent des noyaux rapprochés sur leurs parois, et de temps en temps des granulations. Ces vaisseaux de plus sont entourés d'un grand nombre de fibrilles conjonctives, au milieu desquelles on peut faire apparaître facilement des noyaux qui appartiennent à ces dernières, mais en plus grand nombre. Quelques-uns deces vaisseaux ont desglobulesdesangtrès-apparents. D'autres vaisseaux paraissent plus jeunes. On ne distingue pas leurs globules, restés enfermés dans la gaîne. Ce sont de petits capillaires avec noyaux peu éloignés et déjà quelques petites granulations pariétales disséminées. A côté des houppes de fibrilles, de ce lascis connectif fin, en sorte d'écheveau, et qui fait trame presque complète, on distingue des coi'ps qui ont une forme identique à celle-ci; cellules nerveuses, avec quelques prolongements. Mais ils sont corps isolés, ne paraissant se relier à rien. Ils sont opaques et teintés en gris foncé, d'une couleur mate, et couverts de granulations parfois peu distinctes. Quelques- uns sont comme sectionnés en plusieurs parties, comme s'il y avait eu ou éclat ou mortification et séparation des parcelles. Cependant la forme peut être de suite pour ainsi dire retrouvée, et il semble qu'a- vec des examens plus attentifs, des grossissements plus forts pour cer- tains points, on soit en droit de dire que l'on a affaire là à des cel- lules nerveuses mortes, et non remplacées, à des cadavres, à des pé- trifications ou momifications de cellules nerveuses. La forme en est identique; la vie seule s'en est retirée, non loin d'elles, et les empri- sonnant pour ainsi dire, existent des fibrilles conjonctives qui font une sorte de trame cicatricielle avec des noyaux conjonctifs de formes diverses, allongés ou arrondis, quelques-uns fort volumineux. Dans certains endroits, on voit de plus des corps opaques arrondis, sur lesquels la teinture d'iode agit d'une façon évidente en les colo- rant en violet, ce sont des corps amyloïdes. Les altérations scléreuses constatées avec le microscope sont identi- ques sur le cerveau et sur la moelle. C'est une question d'intensité, de degré, d'altération suivant les points. Nous n'avons donc pas besoin d'y revenir. La lésion scléreuse est la même, examinée au microscope, et elle subit les mêmes réactions sous l'influence de différents agents chimiques em- ployés à cet eS'et : acide acétique, carmin, fuchsine, glycérine seuls ou associés, ou potasse caustique seule, ou teinture d'iode seule éga- lement. MÉM. 1868. - 18 274 Toutefois, il est des points de la moelle où l'altération des vais- seaux a paru si considérable que nous devons la souligner. L'examen a souvent porté sur un point de la moelle allongée, que nous distinguions comme scléreux à simple vue, et qu'on examinait à l'état frais. Dans un point, on voit une des tractions presque complètes de la trame normale nerveuse, remplacée par des amas de granulations iso- lées ou agglomérées, formant des blocs entiers de granulations se su- perposant les unes aux autres, ou de petits agglomérats, arrondis, pa- raissant limités (sortes de corps dits granuleux). Ces granulations graisseuses avaient toutes les dimensions; fines, presque imperceptibles, comme un grain de poussière, elles étaient plus volumineuses et acquéraient, tout près de là, l'aspect de vraies pe- tites gouttelettes. Au milieu de cette trame dégénérée apparaissaient les vaisseaux dont la forme était tout à fait modifiée : Ils avaient des dilatations par places, quelquefois énormes, aux- quelles succédaient des sortes de rétrécissements du conduit, et cela paraissait constitué, soit parce que la gaîne était plus altérée en ce point, soit parce que le conduit était entouré par une agglomération plus grande, de granulations graisseuses, lui formant un manchon plus ou moins épais, plus ou moins constrictif {manchon granuLo-graisseux de la gaine du vaisseau). En effet, la gaîne elle-même participait con- sidérablement à l'altération; elle était, elle aussi, comme boursouflée par places, et ces renflements étaient occasionnés par des amas de gra- nulations qui distendaient la gaîne lymphatique^ {gaine de Robin), ow milieu de laquelle apparaissaient de plus grosses cellules huileuses. Ce n'était pas seulement le vaisseau principal qui avait subi ces dé- formations si notables, c'étaient souvent aussi ses ramifications. Sur des branches même ténues d'un vaisseau ainsi altéré, il a été vu par nous des amas granuleux ayant dilaté tellement certains points du conduit par leur abondante production dans la gaîne, que celle-ci était pour ainsi dire comme prête d'éclater, et que ces renflements irrégu- liers formaient comme de petits renflements anévrysmaux le long du vaisseau. Dans la préparation se voyaient de plus de gros globules graisseux. Les amas granuleux paraissaient venir bien certainement plutôt des parois altérées des vaisseaux que des modifications subies par les élé- ments nerveux ; car le volume de ces amas était énorme, relativement au volume des tubes nerveux, par exemple. Dans un point non éloigné, la même lésion, à un autre âge, à un de- gré diff'érent, faisait voir des vaisseaux qui avaient subi une transfor- 275 mation fibrillaire complète de leur gaîne. Tout autour d'un vaisseau qu i était volumineux, contenait encore des globules de sang non altéré, on voyait une série non allongée de fibrilles qui l'enveloppaient, faisaient adhérer sa gaîne aux parois internes, et lui constituaient une enveloppe connective qui en triplait et quadruplait le volume. Au niveau de ces amas fibrillaires qui l'enserraient dans un conduit spécial (manchon con- jonctif formant gaîne au vaisseau), on distinguait des noyaux manifestes et parfois de petits amas de granulations ; mais, dans ces cas, ce qui do- minait , c'était l'élément conjonctif. Il y avait sclérose des parois vas- culaires elles-mêmes; d'autres petits vaisseaux offraient la même alté- ration d'une façon très-nette. Ailleurs, c'étaient au contraire des tissus qui paraissaient plus déli- cats que l'on observait; et en effet, les vaisseaux semblaient plus jeunes; ils étaient fins, portaient des noyaux distants, qui alternaient sur les parois ; ils étaient isolés, assez facilement rompus parla préparaton, et l'on ne distinguait sur leur parois que très-peu ou môme pas de granula- tions graisseuses. Enfin, dans quelques points, on voyait un grand nombre de ces alté- rations réunies. Houppes de fibrilles enchevêtrées, tissu conjonctif fin, fibrillaire, formant pour ainsi dire la trame, emprisonnant des noyaux allongés, ou ovalaires, ou arrondis, quelques-uns offrant plusieurs ren- flements suivis d'étranglements, et l'indication de nouveaux noyaux sur le point .de se faire à leurs dépens ; tous se colorant facilement par le carmin ^ des vaisseaux jeunes, et tout près des cylindres axiles, longs, flottants parfois dans la préparation, très-distincts des fibrilles, le plus souvent isolés; ou alors, quand ils se rapprochaient, ne formant pas, en tous cas, la texture enchevêtrée de fibrilles conjonctives. Le 30 juillet 1868, nouvel examen du cerveau, qui est bien conservé (alcool). Une coupe horizontale, faite dans toute l'épaisseur du cerveau, tiers supérieur, montre des plaques irrégulières, déchiquetées, de taille différente, grisâtres, d'une teinte analogue à celles que présentent les circonvolutions. Ainsi, sur la face antérieure (lobe cérébral droit), deux plaques, l'une de la grandeur d'une lentille, l'autre de la grandeur de deux lentilles accolées, irrégulières; au milieu de la substance blanche, partie cen- trale, et tranchant bien sur elle, deux petites plaques légèrement dé- pressibles, de la grandeur d'une tête d'épingle. A gauche, une large plaque irrégulière, comme un îlot allongé, vers la partie externe du lobe cérébral antérieur, et s'avançant irréguliè- rement vers la susbtance blanche à l'intérieur. De plus, deux petites plaques arrondies, non éloignées. 276 Dans toutes ces plaques, quelle que soit leur taille, le microscope démontre une augmentation considérable de noyaux volumineux, le long des vaisseaux ; du tissu fibrillaire en touffes fines et en îlots com- plets remplis de gros noyaux de tissu conjonctif ; les éléments nerveux disparus, refoulés ou très-rares. Enfin, plus tard, de nouveaux examens histologiques, répçtés soit par M. Vulpian soit par nous, sur des parties de ces pièces, qui avaient subi les préparations ordinaires (pour leur durcissement et leur con- servation), nous confimaient d'une façon absolue la réalité de la dégé- nération sclérense, dans tous les points où nous l'avons indiquée plus haut; et par là, de plus, nous pourrions conserver des préparations assez durables, destinées à lever tous les doutes, s'il venait à en surgir, re- lativement à ce point spécial. FIN DES MEMOIRES. PLANCHES, EXPLICATION DES PLANCHES, PLANCHE I. DE LA DÉGÉNÉRESCENCE COLLOÏDE DU CERVEAU DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE. (Comptes rendus, page 152, et Mémoires, page 147.) FiG. l. — Configuration de la lésion dans l'épaisseur de la couche corticale (examen mi- croscopique). A. Altération de la région moyenne de la couche corticale (partie envahie la première), B. Altération des régions moyenne et superficielle. C. Altération de toute l'épaisseur de la couche corticale (développement com- plet), D. Lésions disséminées. FiG. n, — Coupes perpendiculaires à l'axe du vaisseau, montrant la disposition de la pa- roi avec les différents degrés d'altération (300 diamètres). A. Cylindre de substance colloïde. B. Lumière du vaisseau à contour régulier. C. S. M. Striations et noyaux. G. Couche périphérique fragmentée (sorte d'écorce). I. Noyaux isolés et agglomérés. J. Contour inégal de la lumière du vaisseau. M. Anneau strié. 0. Rameau vasculaire strié. R. Cylindre régulier. FiG. III. — Coupe suivant l'axe du vaisseau. A. Bande colloïde. B. Conduit vasculaire. C. Disposition de la paroi en massue. D. Extrémité effilée. E. Coupe perpendiculaire d'une petite branche. FiG. IV. — Coupe suivant l'axe du vaisseau. A. Conduit inégal du vaisseau. B. Fissures avec les noyaux. C. Fissures longitudinales. D. Parois irrégulières du conduit. F. Saillie de la paroi restant comme un pont après la section. G. Coupe périphériçpie, Écorce. l'id . 1 ^^iTt"V^ Fiô.2. O ':^-'m^- TL Fid.l. fié. 4 tx 0: v^ v_ /' -./■ Kd.2 |. .S ..i>^> k- c CKarcot acLnat. del. Imp . 13 eo (^u et, Pari s . / t P. _LacJœrbauer litK. PLANCHE n. DESCRIPTION d'un INSECTE DIPTÈRE QUI SE DÉVELOPPE DANS LES PLAIES DES ORMES (CERATOPOGON DUFOURl). (Mémoires, page 149.) EXPLICATION DES FIGURES. FiG. I. Larve du Ceratopogon Dufouri, très-grossie, et à côté d'elle, à droite, mesure de sa grandeur naturelle. 2. Tête de cette larve très-grossie, vue de profil. 3. Tête vue en dessous. 4. Une mandibule encore plus grossie. 5. Extrémité postérieure de cette larve montrant los crochets sortis au dehors et ren- versés qui lui servent pour se fixer. 6. Extrémité postérieure avec les crochets rentrés et au repos. 7. Nymphe du Ceratopogon Dufouri, grossie, vue de profil. 8. La même nymphe vue par le dos, et près d'elle, à droite, mesure de sa grandeur naturelle. 9. Ceratopogon Dufouri mâle grossi, et à côté, à droite, mesure de sa grandeur natu- relle. 10. Tète fort grossie du Ceratopogon Dufouri mâle, montrant les yeux, les palpes, l'an- tenne droite, etc. 11. Les cinq derniers articles très-grossis de l'antenne du mâle pour mettre en évidence leurs articulations et la disposition des poils sur les trois avant-derniers articles. 12. Antenne grossie du Ceratopogon Dufouri femelle. 13. Les trois derniers articles très-grossis de cette même antenne delà femelle, 14. Aile droite grossie du Ceratopogon Dufouri mâle. 15. Extrémité abdominale du Ceratopogon Dufouri mâle vue par le dos de l'insecte. 16. Extrémité, vue de profil, de l'abdomen du même insecte femelle. 17. Une patte grossie du Ceratopogon Dufouri. Pl.ll D"^ Lahoidhene dei . Debrai/ Ce-ratvpo^on Dufouri , laiûiMène Imp. Botuj-te . />. r. Mu/non 4 vV ^OH^ ^^^OOS A,^ |uj|lI8RAR yI- ''^>^AS^>-^-* ■^ Pid. 2. P.C. p. T] J3.T.1. s ]^I°1, A .E arety aduat. del . '$M0' ;.\° 2 D.T.l etDi. P.Lackerl3s.uer litK. Irnp .Bec quet, Tari i Observations de Sclérose en ilôts disséminés par H: Liouvilie . rd nd QJ Q-l Pi.iV. . %l r^ ■l"' r-d rxi >^ '•/. V-- 6^. Reliiez- et Ojon âd ns-t del P- La.ckerha.aer Ckromo-Jith. Jm.-p.Becqv.et à. Paris . PLANCHE IV. DEUX CAS DE SCLÉROSE EN ILOTS, MULTIPLES ET DISSÉMINÉS, DU CERVEAU ET DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. (Mémoires, page 251.) Les figures 1 et 2 appartiennent à l'observation de la femme Aspa- sie B..., morte à 46 ans. — Sclérose en îlots multiples et disséminés (forme cérébro-spinale) ; l'affection pouvant remonter à treize années. (V. Mémoires, p. 253.) CERVEAU TOUT ENTIER VU PAR SA BASE. FiG- 1. a. Plaques de sclérose, disséminées en différents endroits de la longueur des nerfs olfactifs. b. Ilots de sclérose sur les nerfs optiques (quelques ilôts assez profonds). b'. Parties restées saines d'un nerf optique. c. Ilots scléreux sur le pédoncule cérébral gauche. d. Plaques et îlots de sclérose disséminées en divers points de la protubérance, les unes superficielles, les autres profondes; et aspect un peu déprimé au niveau de ces altérations. Les nerfs émergeant de la protubérance paraissent sains. e. Plaques et ilôts de sclérose, occupant irrégulièrement divers points du bulbe rachidien et de la moelle allongée (pyramides antérieures , surtout la droite) ; olive, cordon antéro-latéral. e'. Parties restées saines sur quelques points du bulbe rachidien, f. La coupe terminale laisse entrevoir jusqu'oia a pénétré profondément dans la moelle même, à ce niveau, la lésion scléreuse et comment elle y est irréguliè- rement distribuée. /■' Même région avec quelques points restés sains. Les nerfs émergeant du bulbe paraissent sains. FiG. 2. Coupe horizontale du cervelet, faite de façon à reployer facilement l'une sur l'autre les deux parties ainsi divisées symétriquement. X. y. Lignes d'intersection des deux plans (horizontal et vertical résultant de la coupe). a. Plaques de sclérose disséminées dans la substance blanche, irrégulières comme siège, comme grandeur et comme profondeur. b. Plaques scléreuses ayant envahi le corps rhomboïdal. c. Plaques de sclérose qui ont été sectionnées presque symétriquement en deux parties par la coupe horizontale. d. Vaisseaux très-visibles au milieii des plaques scléreuses (ramifications notables). e. Vaisseaux devenant de plus en plus apparents, dans la substance blanche, à mesure que la coupe est laissée à l'air. Sorte de piqueté très-accentué. La figure 3 appartient à l'observation de la femme Clara B..., morte à 34 ans. — Sclérose en îlots multiples et disséminés (forme cérébro- spinale), Taffection pouvant remonter à vingt années. (V. Mémoires, p. 233.) PORTION DU CERVEAU VU PAR SA BASE. FiG. 3. a. Nerfs olfactifs paraissant sains. b. Ilots de sclérose sur les nerfs optiques (quelques îlots assez profonds). c. Ilots de sclérose sur les pédoncules cérébraux (grande étendue, profondeur notable, surtout à gauche). d. Plaques et îlots de sclérose, disséminés en divers points de la protubérance, les unes superficielles et les autre profondes. Aspect un peu déprimé au niveau de ces altérations. Les nerfs émergeant de la protubérance paraissaient sains. e. Plaques et îlots de sclérose occupant irrégulièrement divers points du bulbe rachidien et de la moelle allongée (pyramides antérieures, complètement); olives, incomplètement. f. La coupe terminale laisse entrevoir jusqu'où a pénétré profondément dans la moelle même, à ce niveau, la lésion scléreuse, et comment elle y est irréguliè- rement distribuée. Les nerfs émergeant du bulbe paraissaient sains. g. Sclérose, au début, dans le tissu qui constitue l'espace perforé postérieur. La figure 4 appartient à un fait d'embolie de la carotide interne droite ayant amené une mort presque subite. (Femme de 78 ans, Marie Louise L..., Salpêtrière, novembre 1868.) L'observation, recueillie dans le service de M. Vulpian, a été communiquée à la Société de biologie par Henry Liouville (décembre 1868). Elle a paru également dans la Gazette médicale de Paris, t. XXIV, n* 39, septembre 1869, (V. Mémmres^ p. 159.) PORTION DU cerveau VU PAR SA BASE. FiG. 4. a. Nerfs optiques et chiasma. b. Carotide interne gauche. c, d. Carotide interne droite, ouverte pour n^ontrer le caillot embolique qui obture, dans une longueur d'au moins 1 centimètre, tout le calibre de la fin de ce vaisseau et ses deux branches (artère sylvienne et cérébrale antérieure). L'em- bolus est dur, bien formé , lisse, prenant la forme des conduits vasculaires moulés sur lui, mais ne leur adhérant point. PLANCHE V. SCLÉROSE EN ILOTS. (Mémoires, page 255.) Les figures 1 et 1 appartiennent à l'observation de la femme Aspasi© B..., morte à 46 ans (sclérose en îlots multiples et disséminés (forme cérébro-spinale). L'affection pouvant remonter à treize années). FiG. 1. — Coupe du cerveaii, faite horizontalement et laissant voir des îlots de sclérose dans différentes régions (substance blanche et substance grise). a. Plaques et ilôts de sclérose dans les régions antérieures (commissure antérieure, parties avoisinant le cinquième testicule. b. Plaques scléreuses gagnant les parties antérieures des bords des ventricules laté- raux. c. Extension des îlots scléreux à rextrémité postérieure des ventricules latéraux. d. Ilots scléreux irrégulièrement disséminés dans la substance blanche des régions cérébrales postérieures; quelques-uns sont très-profonds. e. Vaisseaux très-apparents au milieu des zones scléreuses (ramification notable). /". Vaisseaux devenus de plus en plus apparents dans la substance blanche, qui paraît saine à mesure que la coupe est laissée à l'air. Forme do piqueté très-accentuée. Fie. 2. — Autre coupe du même cerveau, faite aussi horizontalement et permettant de voir des îlots de sclérose dans d'autres régions (substance blanche et substance grise). a. Plaques et îlots de sclérose dans les régions antérieures (commissure antérieure). h. Plaques scléreuses dans les parties antérieures des ventricules latéraux. c. Plaques de sclérose dans la substance grise du noyau intraventriculaire du corps strié droit. (Elles sont multiples, séparées par des espaces sains; quelques-unes sont profondes.) c' . Extension des îlots scléreux à l'extrémité postérieure des ventricules latéraux. d. Ilots scléreux irrégulièrement disséminés dans la substance blanche des régions cé- rébrales postérieures. Quelques-uns sont très-profonds. c. Vaisseaux devenus de plus en plus apparents dans la substance blanche, qui paraît saine à mesure que la coupe est laissée à l'air (sorte de piqueté très-accusé). Observaliop.s de Sclérose en Ilots disséminés par H. Liouville . Pl.V. O O) i-o jxj '•J-.l^eltier Ad iiAt.del. F. Lâckevha.uer Chram o -liih . T-nrip^ecquetÀ PiO'is . PLANCHE VI. SCLÉROSE EN ILOTS. (Mémoires, page 253.) Les figures 1, 2 et 3 appartiennent à l'observation de la femme Clara B..., morte à 34 ans, — Sclérose en îlots multiples et disséminés (forme cérébro-spinale). FiG. 1. Moelle épinière rae par la face postérieure (la dure-mère sectionnée et rejetée de chaque côté). s. Plaques et ilôts de sclérose, irrégulièrement disséminés, de tailles et de formes variées, irrégulières; isolées ou s'unissant par des connexions visibles à la superficie. Elles dominent ici, surtout dans la région dorsale. V. Vascularisatioû méningienne (pie-mère) dominant et empêchant de voir la vascu- larisation des plaques scléreuses elles-mêmes. FiG. 2. Moelle épinière vue par la face antérieure (la dure-mère sectionnée dans toute sa hauteur et rejetée de chaque côté). •S. Plaques et îlots de sclérose, irrégulièrement disséminés, de tailles et de formes variées, à contours inégaux, isolés ou s'unissant par des connexions visibles à la superficie. Aucune symétrie possible à établir avec celles de la face posté- rieure. V. Vascularisation méningienne (pie-mère) dominant et empêchant de voir la vascu- larisation spéciale des zones scléreuses. FiG, 3. Coupes horizontales, faites à diverses hauteurs de la moelle épinière et montrant, dans toutes les régions, la profondeur des îlots scléreux, leur répartition iné- gale, irrégulière soit dans les cordons hétérologues de la substance blanche où elles dominent, soit dans la substance grise. Toutes ces coupes ont été faites à l'état frais; les lésions étaient visibles à l'œil nu; on les a depuis vérifiées avec le microscope, après les préparations spéciales subies par les pièces. Les coupes sont vues de haut en bas, la moelle étant supposée droite. a. Partie antérieure. b. Partie postérieure. s. Ilots de sclérose. Les parties sclérosées sont, du reste, reproduites avec leur teinte qui tranche si nettement sur la substance blanche et même sur la substance grise centrale. N°» 1. Partie supérieure de la région cervicale, immédiatement au-dessous du bulbe. 2. Partie moyenne du renflement cervical. 3. Partie inférieure du renflement cervical. 4. Partie supérieure de la région dorsale. 5. Deux centimètres plus bas, région dorsale supérieure. 6. Un centimètre et demi plus bas, région dorsale supérieure. 7. Deux centimètres plus bas, réunion du tiers supérieur avec le tiers moyen. 8. Un centimètre et demi plus bas, région dorsale. 9. Un centimètre et demi plus bas. 10. Deux centimètres plus bas, milieu de la région dorsale. 11. Un centimètre plus bas. 12. Un centimètre et demi plus bas. 13. Trois centimètres plus bas. 14. Partie supérieure du renflement dorso-lombaire. 15. Milieu du renflement dorso-lombaire. 16. Cône terminal. 17. Partie inférieure du filum terminale. Olservaiions dft Sclérose en ilois dissëmmés par H.Liouville . ^■■^i^^ -^ # 'Tial. ciel. S 0 Y ^l3 ■-ter i^ ^ s .x m 6. 7- 8. s-t ^s 9- -^ Ç-»VS WB--^ 12. 13 / / r, ;-t .,*^ s Ci- 14. 15 lt> ^> i ^ '/ ./" /'Td cknrhAuc r Ch. vo m o - liïh . MÉM. 1868. 19 PLANCHE VIL SCLÉROSE EN ILOTS. (Mémoires, page 253.) Les figures 1, 2 et 3 appartiennent à l'observation de la femme As- pasie B..., morte à 46 ans. (Sclérose en îlots multiples et disséminés, forme cérébro-spinale.) Fie. 1^ — iloelle épinière vue par la face postérieure (la dure-mère sectionnée et rejetée sur les cotés. c. Plaques et îlots de sclérose irrégulièrement disséminés, de tailles et de formes va- riées, irrégulières, isolées ou s'unissant par des connexions visibles à la superficie. Elles dominent ici surtout dans la région cervicale et dans quelques points de la région dorso-lombaire. V. Vascularisation méningienne (pie-mère) dominant et empêchant de voir la vascu- larisation des plaques scléreuses elles-mêmes. Fkj. 2. — Moelle épinière vue par la face antérieure (la dure-mère sectionnée et rejetée sur* les côtés). s. Plaques et ilôts de sclérose irrégulièrement disséminés, de tailles et de formes va- " riées, à contours inégaux, isolés ou s'unissant par des connexions visibles à la su- perficie. Aucune symétrie à établir avec celles de la face postérieure. V. Vascularisation méningienne (pie-mère) dominant et empêchant de voir la vascu larisation spéciale des zones scléreuses. FiG. 3. — Coupes horizontales faites à diverses hauteurs de la moelle et montrant dans toutes les régions la profondeur des îlots sclérenx, leur répartition inégale, irrégulière, soit dans les ioïdons hétérologues de la substance blanche où elles dominent, soit dans la substance grise. (Toutes ces coupes ont été faites à l'état frais ; les lésions étaient visibles à l'œil nu. On les a depuis vérifiées avec le microscope, après les préparations spéciales su- bies par les pièces.) Les coupes sont vues de haut en bas, la moelle étant supposée droite. a. Partie antérieure. p. Partie postérieure. s. Sclérose. (Les parties sclérosées sont, du reste, reproduites avec leur teinte qui tranche si nettement sur la substance blanche et même sur la substance grise centrale. N» 1 . Partie supérieure du renflement cervical. 2. [In centimètre et demi plus bas. 3. Deux centimètres plus bas (fin du renflement cervical). 4. Deux centimètres plus bas (partie supérieure de la région dorsale. 5. Un centimètre et demi plus bas. 6. Deux centimètres plus bas. 7. Trois centimètres plus bas. Ici la moelle est saine ou à peu près. 8. Un centime Ire et demi plus bas. 9. Deux centimètres plus bas. 10. Un peu plus d'un centimètre plus bas. La moelle est saine ou à peu près. Elle est à six centimètres environ au-dessus da commencement du renflement dorso-lombaire, La moelle, extérieurement, paraissait également saine jusqu'à environ 2 centi- mètres au-dessus du renflement dorso-lombaire. 11. Un centimètre au-dessus du renflement dorso-lombaire. 12. Milieu du renflement dorso-lombaire. 13. Uu peu au-dessous du commencement du cône terminal. 14. Filum terminale. La sclérose l'a envahi tout entier. ace t)Osterieure Observations de Sclérose en ilôts disséminés par H.Liouville . f Pace antérieure Y ^ 'J PL.vn. s s ^-^N^Gp) 6. 10. j ■M 12. 13 14. -\' fA. .Peltiav a-dnat. del. Iiap .JjùcaaeL À Fa F-Lâckepiauev Chromo -Jith. TABLE DES MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Pages. 1. De la leucocylhémie aiguë dans la résorption diphléritique; par M. E. Bou- chut 3 2. Note sur les variations de tempéralure des membres paraljués relativement aux membres sains; par M. Raphaël Lépine 13 3. Recherches sur l'élimination et sur les propriétés osmotiques et dj nami(iues du sulfate de sodium, du sulfate et du chlorure de lithium; — les elfets des purgatifs salins sont dus au métal qu'ils contiennent; — explication de la constipation succédant à l'emploi des purgatifs; — effets des pur- gatifs et de l'opium dans le choléra; par M. le docteur Rabuteau. . . . vi 4. Recherches sur l'élimination de divers chlorates et de l'acide chlorique in- troduits dans l'organisme; par M. Rabuteau 3i 5. Mémoire sur un monstre de l'espèce bovine, classe des parasitaires, famille des polyraéliens, genre notoméle (Isidore Geoffroy-Saint-Hilair^j; par M. Arm. Goubaux u , 45 6. Mémoire sur un monstre appartenant à la famille des syméliens, et sur les causes de la symélie; par M. Gustave Julliard ^de Genève) 63 7. Recherches sur la théorie de la marche; par M. P. I. Prompt. ..... 77 8. Etude des bruits objectifs qui se produisent dans les oreilles, à propos d'un cas où ce genre de bruit reconnaissait pour cause une contraction rhyth- mique du muscle interne du marteau, avec spasme des muscles du voile du palais et de la région sus-hyoïdienne ; par M. E. Leudet u3 9. Mémoire sur un monstre de l'espèce bovine, de la classe des monstres dou- bles autositaires de la famille des monosomiens et du genre opodyme ; suivi de quelques remarques sur les monstres de la famille des monoso- miens et de la création d'un genre nouveau, genre synopodyme ; par M. Arm. Goubaux 1^5 10. De la dégénérescence colloïde du cerveau dans la paralysie générale; par M. Magnan. (V. planche 1.) 147 11. Description d'un insecte diptère qui se développe dans les plaies des ormes; par M. A. Laboulbéne. (Voy. planche II.) ]4y 12 Note sur un cas d'embolie de la carotide interne; par M. Henry Llouvllle. (Voy. planche IV, fig. 4.). 159 13. Recherches expérimentales sur l'action physiologique et thérapeutique des composés de potassium et du bromure de potassium en particulier; par M. J. V. Laborde i67 14. Note sur une cause peu connue des maladies organiques du cœur et sur la pathogénie de l'hémiplégie puerpérale; par M. Auguste OUlvier. . . lyi) 15. Note sur une variété non décrite de spina-bifida; par M, A. Laboulbéne. . uu 292 16. Sur les diverses formes que peuvent présenter les galles végétales produites par le même insecte; par M. A. Laboulbéne. 217 17. Note sur un cas de tumeur du sternum simulant un anévrysme de la crosse de l'aorte; par M. Auguste Oilivier. (Voy. planche III.) 221 18. Observations détaillées de deux cas de sclérose en îlots multiples et dissémi- nés du cerveau et de la moelle épinière; par M. Henry Liouville. (Voy. planches IV, V, VI et VIIJ 231 FIN DE LA TABLE DES MEMOIRES. TC^" t I S R A R y]zo TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES "''W CONTENUES DANS LES COMPTES RENDUS ET LES MÉMOIRES DE liA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE POUR l'année 1868 (1). A C. R. Ablation des branchies chez l'axolotl ; par M. P. Bert 20 Accouplement du crapaud et de la grenouille; par M. Legros. . . . 134 Acupuncture dans le traitement de la sciatique; par M. Broca. . . 214 A£Fection cardiaco-vasculaire; par M. Liouville 117 Albuminurie argentique; par M. Liouville 66 Amilo-bactères de Trécul ; par M. Quinquaud 53 — Discussion. M, Balbiani, M. Chaiin 53 Amole (Note sur V) ; par H. Dugès 4 Anesthésie galvanique; par M. Magitol 235 Anévrysmatique (Diathèse) généralisée ; par M. Liouville lOO Aortique (Nouveau signe de l'insuffisance^; par M. Marey 73 —(Rétrécissement extrême de l'orifice); par M. Lépine 228 Aphasie (Lésions de la troisième circonvolution frontale et de l'insula du côté gauche, absence d') ; par MM. Liouville et Broca. ... 202 Artère coronaire (Oblitération d'une) et ramollissement du muscle cardiaque; par M. Liouville 59, 64 et 123 Arthrite spéciale chez les ataxiques; par M. Charcot, et discussion. . 200 Asphyxie (Du rôle de certaines moisissures dans 1'); par M. Saint- Pierre 213 —(Résistance à 1') chez différents animaux; par M. P. Bert 186 Ataxie locomotrice (Arthrite spéciale et fréquence du pouls dans V) 200 et 212 1) Les pages indiquées à la marge sontcellesdes comptes rendiis (G. R.) et des mémoires (M). K.' «.y hJ .'Ss' 294 B C. R. Bactéries chez les végétaux atteints de pourriture; par M. Davaine. . S4 Brome Présence du) dans les urines normales; par M. Rabuteau. . . 9i Bromure de potassium (Recherches expérimentales sur le); par M. La- borde « Bromures (Élimination des); par M. Rabuteau 90 Calcification des cartilages ; par M. Muron 229 Cancroïde du col utérin et anévrysmes miliaires; par M. Liouville. . 78 Champignons dans une dilatation bronchique; par M. Cornil. ... 65 —observés dans les selles cholériques; par MM. E. Fournier et Hallier. 65 Chlorates et acide chlorique (De l'élimination des) introduits dans l'or- ganisme ; par M. Rabuteau » Chloroforme (Action du) sur les battements du cœur; par M. Jolyet. 56 Choléra (Effets des purgatifs et de l'opium dans le) par M. Rabuteau. . >> CicuVne (Expériences sur la); par MM. Jolyet et Pélissard i40 Cœur (Débit sanguin du) à chaque contraction; par M. Marey. ... 59 Colloïde (Dégénérescence) du cerveau dans la paralysie générale ; par M. Magnan » —(Substance à la surface du cerveau; par M. Magnan i32 Communication interventriculaire chez un mammifère (hémione); par M. J. Chatin i29 Constipation (Cause de la) après l'usage des purgatifs ; par îïi. Rabuteau. » Corps étranger extrait de l'œsophage; par M. Krishaber 76 —Discussion Broca 86 Corps étranger dans les voies aériennes, vomique ; par M. Labor.de. . 122 Crachats verdàtres dans la pneumonie ; par M. Cornil 39 Cryptogames du vagin; par M. Cornil 64 Curare (Expériences sur le); par M. P. Bert 174 Diaphragme (De l'action du) dans le mouvement des côtes; par M. P Bert 21 E Électriques (Courants), de leur influence sur les actions réCexes; par MM. Legros et Onimus 57 Électriques (Courants) (Influence des) sur la circulation du sang; par MM. Legros et Onimus 8 —(Influence des) sur les mouvements des cils vibratils et des sperma- tozoïdes; par MM. Legros et Onimus 8 £!mbolie delà carotide interne ; par M. Liouville Sndarterite scléreuse de la tibiale postérieure; par M. Liouville. . —(Discussion); par MM. Hayem, Bouchard et Cornil Endocardite puerpérale et hémiplégie puerpérale ; par M. Ollivier. 2c]pilepsie absinlhique; par M. Magnan — et chorée chez une idiote; par M. Villard Épithélium des vaisseaux sanguins ; par M, Legros " 159 239 » 89 ). 195 156 149 15 295 F C. R. U. Fougères (De la classification des); par M, Eug. Fournier. . . 57 et 6i » G Galles végétales (Formes diverses) produites par le même insecte ; par M. Labouibéne « 217 GrefiPe de la moelle des os ; par M. Goujon, et discussion I4§ » H Hématome des oreilles chez les aliénés ; par M. Magnan, et discussion. 133 Hémiplégie puerpérale (Pathogénie}; par M. Ollivier » 195 Hibernation artificielle des lérots; par M. P. Bert 13 » Hortensia (Sur les causes de la coloration bleue des fleurs de !') ; par par M. Eug. Fournier. , i » Hyperémie des organes consécutive à l'oblitération de leurs artères; par M. Prompt 233 « Hyposulfates (Propriétés physiologiques des) ; par M. Rabuteau. . . 2O3 » i Injections anatomiques sur l'animal vivant; par MM. Legros et Onimus. 7 » Insecte diptère (Ceralopogon Dufouri) (description d'un) ; par M. La- bouibéne » 149 Intoxication alcoolique chez une chienne; par M. Magnan, et discus- sion 155 » lodures (Absorption et élimination des); par M. Rabuteau ; 189 » K Kyste hydatique avec échinocoques du lobe frontal; par M. Magnan. . 174 » L Leucocytes (Origine des): par M. Lortet 33 » —(Origine des). Discussion par MM. Cornil, Hayem, Legros, Ranvier. 38 et 39 » Iieucocythose dans la diphtérie; par M. Bouchut 63 1 Loi atomique ou thermique; par M. Rabuteau ii3 » M Marche (Théorie de la); par M. P. 1. Prorapt « 77 Moelle épiniére (Structure de la); par M. Roudunosky. ..... 135 » Monstre du genre célosome (1. G. S. H.); par M. Goubaux 161 » — Autositaire, opodyme; par M. Goubaux . » 127 — Symelien; par M. JuUiard » 64 — Notomèle ; par M. Goubaux » 45 Morphine (De l'action de la) sur l'exosmose intestinale; par M. Mo- reau , 2i4 » N Nerf lingual (Fonctions gustaiives du) ; par M. J. L. Prévost .... 234 » 296 O C. R. M. Odontome sur la défense d'un éléphant; par M. Magitot, et discus- sion 183 et 185 » Œufs de jîrenouille (Développement à l'air libre des); par M. P. Bert. . 23 » Oreilles ^Bruits objectifs qui se produisent dans les) ; par M. E. Leudet. » 1 1 3 Oxygène du sang artériel des animaux dans des conditions différentes ; par M. P. Bert U P Perchlorate de potassium, de son emploi dans les fièvres intermit- tentes; par M. Rabuteau 93 et 99 » Péritoine (De l'inflammation du); par MM. Cornil et Ranvier 75 » Pneumogastriques (Section et galvanisation des) chez les oiseaux, par M. P. Bert 39 « Pneumogastrique (Action de la compression du) sur la fréquence du pouls; par M. Moreau 48 » Pneumothorax (Des conditions physiques de l'a'sphyxie dans le) ; par M. Grehant 'ii6 Poisons musculaires (Remarques sur les); par M. Laborde. . . . . I6i >» Pouls (Fréquence du) chez les ataxiques; par M. Charcol 212 » Pulmonaire (Contractilité) et de ses rapports avec les pneumogas- triques; par M. P. Bert 55 » Purgatifs salins. Leurs effets sont dus au métal qu'ils contiennent; par M. Rabuteau , » 25 R Respiration (Rapport de la taille des animaux avec le nombre des mou- vements de la); par M. P. Bert 43 et 5i » —(Changements de pression de l'air dans la poitrine pendant les deux temps delà); par P. Bert 22 » —(Mouvements de la) enregistrés chez les poissons, les batraciens et les oiseaux; par ?vl. P. Bert 26 » Rétine (Examen de la) dans la paralysie générale; par M. Magnan. . . 33 » Rétrécissement sous-aortique; par M. Liouville 174 et 177 » Revivification de certaines plantes après dessication à 60 degrés; par MM. Bert et Bureau 53 » S , Salivaires (De la sécrétion et de l'excrétion) chez les édentés; par M. G. Pouchet. 17 Sarcome du globe oculaire; par M. Joffroy. . 142 Sciatique (De l'acupuncture dans la\ et discussion; par M. Broca. . 2i4 Sclérose en plaques généralisée du cerveau et de la moelle épiniére; par M. Charcot, 13 —en plaques (Histologie de la); par M. Bouchard i4 —en îlots du cerveau et de la moelle épiniére; par M. Liouville. . . > 231 Spina-biGda (Variété du); par M. Laboulbène » 2U Sternum (Tumeur du) simulant un anévrysme de la crosse de l'aorte; par M. Ollivier. . » Strongle géant (Communication sur un); par M. Balbiani 227 297 C. R. M. Strontium et baryum (Action comparée des sels) chez !es animaux; par M. Rabuleau , 238 » Structure de la moelle; par M. Roudanosky 135 « Sulfate de quinine (Action du) sur la quantité de l'urée dans les urines; par M. Rabuleau 92 » —de sodium (Recherches sur Télimination et sur les propriétés osrao- tiques et dynamiques du); par M. Rabuleau » 21 Sulfites et hyposulfites de potassium (Des métamorphoses et du mode d'élimination des); par M. Rabuleau 217 • T Température (Variations de) des membres paralysés; par M. R. Lépine. » i3 Tératologie dans l'espèce bovine; par M. Goubaux 26 —(Monstre double autositaire, genre opodyme); par M. Goubaux. . . >> iii — symélien; par M. G. Julliard 64 — notomèle de l'espèce bovine; par M. Goubaux » 45 Truffe (Répartition de la) dans différentes régions de la France; par M. Chaiin 65 et 72 « Tumeur cérébrale au niveau de l'origine des nerfs trijumeaux; par M. Liouville 97 >• —du sternum; par M. Ollivier » 221 Tumeurs (Étude des) par l'imprégnation du nitrate d'argent; par M. Ranvier 88 » —Discussion, M. Broca 89 » U Urée (Élimination de 1') sous l'influence des iodures et des arsenicaux; par M. Rabuleau 108 » V Vie (Durée de la) variable chez certains poissons à l'air libre; par M. P. Bert 49 Vision (Troubles de la) chez les paralytiques généraux; par M. Magnan. 45 « Vol des insectes (Théorie du); par M. Marey 1^6 et 212 » Vomique pulmonaire avec gangrène; par M. Duguet, et discussion. . i47 » VIN DE LA TABLE ANALYTIQUE. TABLE DES MATIÈRES PAR NOMS D'AUTEURS. B C. R Balbiani Strongle géant trouvé dans le péritoine d'un chien. 22" BiiRT Ablation des branchies chez l'axolotl 20 — Aspliyxie (Résistance à I') chez différents animaux. 186 — Curare (Expériences sur le) ni — Diaphragme (Action du) dans le mouvement des côtes. 21 — Hibernations artificielles des lérols 12 — OEufs de grenouille(Développement A Tairlibre des). 23 — Oxygène du sang artériel des animaux dans des con- ditions différentes il — Pneumo-gastriques (Section et galvanisation des) chez les oiseaux 39 — Pulmonaire (Contractilité) 55 — Respiration ^Rapport de la taille des animaux avec le nombre des mouvements de la) 43, 51 (Changements de pression de l'air dans la poitrine pendant les deux temps de la) 22 .(Mouvements de la) enregistrés chez les poissons, les batraciens et les oiseaux 26 — et BuKEAU. . . . Révivificalion de certaines plantes après dessiccation à 60 degrés 53 — Vie (Durée de la) variable chez certains poissoas à l'air libre 49 Bouchard Sclérose en plaques, histologie J4 BoL'CHUT Leucocythose dans la diphtérie » BaocA Sciatique (De l'acupuncture dans le traitement de la). 2i4 Charcot Arthrite spéciale chez les ataxiques 2OO — Pouls (Fréquence du) chez les ataxiques 212 — Sclérose en plaques généralisée du cerveau et de la moelle épiniére i3 Chatin Truffe (Répartition de la) dans différentes régions de la France 65 et 72 Chatin (J.) Communication interventriculaire chez un hémione. 129 300 C. R. M. GORNiL Champignons dans une dilatation bronchique. . . 65 » — Crachats verdàlres dans la pneumonie 39 » — Cryptogames du vagin 64 » — et Ramvier. . . . Péritoine (De rinflammaiion du) 75 » D Davaine Bactéries chez les végétaux atteints de pourriture. . 54 » DuGÈs . Amole (Noie sur 1') 4 » DuGUET Voraique pulmonaire avec gangrène. ... 136 et 212 » F FouRNiER (Eug.). .. Fougères (Classification des) 57 et 6) » Hortensia (Causes de la coloration bleue des fleurs de V) I « — et Hallier. . . . Champignons observés dans les selles des cholé- riques 65 • G Godbaux Monstre célosome lei » Notoméle » 47 Opodyme » 64 Goujon Greffe de la moelle des os 148 » Gkéhant Pneumo- thorax (Conditions physiques de l'asphyxie dans le) 216 » J JoFFROY Sarcome du globe oculaire. i42 » JoLYET Chloroforme (Action du) sur les battements du cœur. 56 » — et PÉLissARD.. . Cicutine (Expériences sur la) 140 » K Krisiiaber Corps étranger extrait de l'œsophage 76 » L Laborde Bromure de potassium (Recherches expérimentales sur le) I) 167 — Corps étranger dans les voies aériennes 122 » — Poisons musculaires I61 » Laboulbène Galles végétales (Formes diverses produites par le même insecte » 217 — Insecte diptère (Ceratopogon Dufouri) (Description d'unj — Spina-bifida (Variété de) Legros. ....... Accouplement du crapaud et de la grenouille. . — Epithélium des vaisseaux sanguins — et Onimls, . . . Electriques (Influence des courants) sur les actions réflexes :j7 — Électriques (Influence des courants) sur la circula- tion du sang. 3 — Électriques (Influence des courants) sur les mouve- ments des cil$ vibratiles et des spermatozoïdes. 8 — Injections anatomiques sur l'animal vivant. ... 7 » 149 .< 2! 1 54 .. 1 j ., 301 0. R. M. LÉPiNE Aortique (Rélrocissement extrême de l'orifice). . . 228 » — Température (Variations de) des membres paralysés. » 13 Leudet (E.) Oreilles (Bruits objectifs qui se produisent dans les). » 113 LiouviLLE Affection cardiaco-vasculaire 117 » — Albuminurie argentique 66 » — Anévrysmatique (Dialhése) 100 » — Artère coronaire (Oblitération de 1'). . . 59, 64 et 123 » — Cancroïde de l'utérus 78 • — Embolie de la carotide interne « 159 — Endartérite scléreuse 2S9 » — Rétrécissement sous-aortique I74 et 177 » — Sclérose en îlots du cerveau et de la moelle. . . » 231 — Tumeur cérébrale 97 » — et BaocÀ Aphasie 202 » LoRTKT Leucocytes (Origine des). . . .- 33 >» M Magitot Anesthésie galvanique dans l'extraction des dents. 235 » — Odontome sur la défense d'un éléphant 183 » Magnan Colloïde (Dégénérescence) du cerveau dans la para- lysie générale • i47 — Épilepsie absinthique. 156 » — Hématome des oreilles chez les aliénés 1S3 » — Intoxication alcoolique chez une chienne 155 » — Kyste bydatique avec échinocoques du lobe frontal. i74 >• — Rétine (Examen de la) dan? la paralysie générale. 33 » — Vision (Troubles de la) chez les paralytiques géné- raux 45 ■ Marey Aorte (Nouveau signe de l'insuffisance de I'). . . 73 » — Cœur (Débit sanguin du). 59 » — Vol des insectes (Théorie du) 136 et 212 » MoREAu Morphine (De l'action de la) sur l'exosmose intesti- nale 214 » — Pneumo-gastrique (Action de la compression du nerf) sur la fréquence du pouls 48 • MuRON. Calcification des cartilages 229 » O Ollivier Endocardite puerpérale » 195 — Hémiplégie puerpérale » 195 — Sternum (Tumeur du) » 221 P PoucHET (G.). . . . Salivaires (De la sécrétion et de l'excrétion) chez les édentés 17 » Prévost , . Nerf lingual (Fonctions gustatives du) 234 » Prompt Hyperémie consécutive à l'oblitération des artères. 233 » — Marche (Théorie de la) » 77 Q QuiNQUAUD Arailo-bactères. , . . . . 53 » 302 R C. R. M. Rabuteau Brome (Présence du) dans les urines normales. . . 9i » — Bromures (Élimination des). 90 » — Chlorates (Élimination des) >> 31 — Choléra (Effets des purgatifs et de l'opium dans le). » 29 — Constipation (Causes de la) après l'usage des pur- gatifs I. 26 — Hyposulfates (Propriétés physiologiques des). ... 203 »< — lodures (Absorption et élimination des) 189 » — Loi atomique et thermique. . 113 » — Perchlorate de potassium; son emploi dans les fiè- vres intermittentes 93 et 99 n — Purgatifs salins; leurs effets sont dus au métal qu'ils contiennent » 25 — Strontium el baryum (Action comparée du) chez les animaux 238 » — Sulfate de quinine (De l'action du) sur la quantité de Purée dans les urines 92 » — Sulfate de sodium (Recherches sur l'élimination et les propriétés osmotiques et dynamiques du). . . » 2i — Sulfites et hyposuUiîes de potassium (Des métamor- phoses et du mode d'éliminaiion des) 217 » — Urée (Élimination de V) sous l'influence des iodures et des arsenicaux) . ics » Ranviep. Tumeurs (Élude des) par l'imprégnation du nitrate d'argent 88 » Roijdanusky. . . . , Moelle épinière (Structure de la) 135 » S Saint-Pierrë. . . . Asphyxie (Du rôle de certaines moisissures dans 1'). 213 » V ViLLARD Épilepsie et chorée chez une idiote i49 » FIN DES TABLES. LISTE DES OUVRAGES 1868. Agassis (Louis)... Natural history of the united slates. Annuaire de l'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux- arts de Belgique. Baillet, professeur à TÉcoIe d'Alfort. Note sur les strongliens et les sclérostomiens de l'appareil digestif des bêtes ^ ovines, etc. 1868. Bert (Paul) ..... Des mouvements respiratoires chez les batraciens et les reptiles. Bulletin de l'Académie royale de médecine de Belgique. Bulletin de l'Académie des sciences de Paris. Bulletin de la Société d'anthropologie de Paris. Bulletin de la Société botanique de France. Bulletin de la Société anatomique. Bulletin de la Société impériale de médecine de Marseille. Bulletin médical du nord de la France. Bulletin de la Société des sciences médicales de Lyon. Bulletin de la Société royale de Londres. Bulletin de la Société médico-chirurgicale des hôpitaux et hospices de Bordeaux. Bulletin de la Société des sciences naturelles de Bordeaux. Bulletin de la Société médicale de Poitiers. Bulletin de la Société des hôpitaux de Paris. Cottard De l'atrophie unilatérale du cerveau, Dally Traduction de Huxley (Anthropologie). DuGUET De la hernie diaphragmatique congénitale. Thèse. 1866. Gazette médicale de Paris. Grehvnt. ....... Manuel de physiologie médicale. FIN.