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In 2010 with funding from
University of Ottawa
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FACULTY OF FORESTRY
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LIBRARY
UNIVERSITY OF TORONTO
CONGRÈS INTERNATIONAL
DE SYLVICULTURE
TENU À PARIS DU 4 AU 7 JUIN 1900
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
MINISTÈRE DE L'AGRICULTURE
ADMINISTRATION DES EAUX ET FORÊTS
EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900
À PARIS
3 E———
CONGRES INTERNATIONAL
HE SYLVICULTURE
TENU À PARIS DU 4 AU 7 JUIN 1900
SOUS LA PRÉSIDENCE
DE M. DAUBRÉE
CONSEILLER L'ÉTAT, LIRECTEUR DES EAUX ET FORÊTS
COMPTE RENDU DÉTAILLÉ
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, OCT 20 1970
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CONGRÈS INTERNATIONAL
DE SYLVICULTUÜRE
TENU À PARIS DU 4 AU 7 JUIN 1900
SOUS LA PRÉSIDENCE
DE M. DAUBRÉE,
CONSEILLER D'ÉTAT, DIRECTEUR DES EAUX ET FORÉTS.
D PÉ
COMITÉ D'HONNEUR ET DE PATRONAGE.
France.
MM. Dupuy (Jean), sénateur, Ministre de l’agriculture, president.
. - . Û Ÿ P
DE Mauy, ancien Ministre de l'agriculture, député.
Méune, ancien Ministre de l'agriculture, député.
6 P
Gomor, ancien Ministre de l’agriculture, sénateur.
Fave, ancien Ministre de l'agriculture, sénateur.
Devezce, ancien Ministre de l'agriculture.
Vicer, ancien Ministre de l’agriculture, député.
Caze. ancien sous-secrétaire d'Etat au Ministère de l'agriculture, député.
B [
. , . nl . . 4 . . r
GirEerD , ancien sous-secrétaire d'Etat au Ministère de l’agriculture. tré-
; 6
sorler-payeur général.
GABÉ, directeur honoraire de l'Admimistralion des Forêts.
Allemagne.
Prusse.
MM. le docteur Danekezmaxx, directeur de l’école d'Eberswalde,
DE ALTEN, conseiller impérial forestier, à Wiesbaden.
Bavicre.
M. le docteur Esermayer, professeur à l'Université de Munich.
Saxe.
M, le docteur Neuwesrer. directeur de l'Ecole de Tharandi.
SYLYICULTURE, l
MM.
MM.
MM.
M.
MM.
M.
M.
M.
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Wurtemberg.
le docteur Tuisxo von Lorey, professeur à l’Université de Tubingue.
Angleterre.
Scuuicu, professeur à l’école de Coopers-Hii.
Fisuer, professeur adjoint à l’école de Coopers-Hill.
Autriche-Hongrie.
Autriche.
LA .
le conseiller d'État Diwrz, directeur général des Forêts d'Autriche
(Vienne).
Frienerica, directeur de la station des recherches de Mariabrunn, près
Vienne.
Hongrie.
DE Socz (Jules), directeur général des Forêts de Hongrie.
le docteur pe Brno, ancien directeur général des Forêts de Hongrie, dé-
puté.
Bosnie-Herzégovine.
F
Perrascuer, conseiller d'État, directeur des Eaux et Forêts.
Belgique.
pe Bruyx, ancien Ministre de l’agriculture et des travaux publics.
Dosois, directeur général des Eaux et Forêts.
le comte Visarr (A.). président de la Société centrale forestière de Bel-
gique.
Canada.
Jonxson (Georges), directeur des statistiques au Département de l’agri-
culture, à Ottawa.
Danemark.
Murzer, directeur des Forêts et chambellan du Roi, veneur de la Cour.
Espagne.
le baron del Casrisco De Cmirez. directeur général de l'Agriculture, à
Madrid.
4
—#2( 5 )e3——
MM. Raraëz Puic x Vazzs, ingénieur en chef des Forèts.
CarLos DE Mazarreno, ingénieur de 1" classe des Forêts.
États-Unis.
MM. Jaume Wissox, président de l’Américan Forestry Association, à Washington.
M.
Fernow, chef de la division des Forêts au Département de lagri-
culture. l
SarGenr, professeur à Jamaïca- Plain (Massachusetts).
Grèce.
Samios, directeur général des Forêts, à Athènes.
Hollande.
MM. van ScaermBecx, houtveiter des domaines de l'Etat, à Ginneken-Breda
M.
M.
M.
M.
M.
(Pays-Bas).
SioKesz, sénateur, président de la # Nederlandsche-Heide Maatschappi] »
au château de Closse, à Lochen (Pays-Bas).
Italie.
le docteur Picciour, directeur de l'institut forestier, à Vallombrosa.
Japon.
SHirasawWA, inspecteur des Forêts au Ministère de l’agriculture et du com-
merce.
Luxembourg.
Kozrz, ancien inspecteur en chef des Eaux et Forèts du Luxembourg
(Luxembourp).
Portugal.
Pepro Rogerro pa Cuna À Sizva, inspecteur général des Forêts.
Roumanie.
Parruuius, inspecteur général, chef du Service forestier.
Russie.
ve Nixirine, directeur général des Forêts d'Etat.
—#2>( 4 )ee3—
MM. Kers, directeur de l'Institut forestier à Saint-Pétersbourg.
Pauporr, président du groupe forestier dans la Section russe à l’Exposi-
tion de 1900.
Serbie.
M. Savires, chef de section au Ministère de l'agriculture et du commerce.
Suisse.
MM. Coaz, inspecteur fédéral en chef des Forêts, à Berne.
pe Morcor, inspecteur fédéral en chef des Travaux publics.
Rouzer, inspecteur général des Forêts, président de la Société forestière
suisse, à Neufchâtel.
COMMISSION D'ORGANISATION.
BUREAU.
Président.
M. Daugrée, conseiller d'État, directeur des Eaux et Forêts, rue de Va-
renne, 78, à Paris.
Vice-présidents.
MM. Cazver, sénateur, président de la Société forestière française des « Amis
des arbres», à Paris.
ViecuarD, député, président de la Société forestière de Franche-Comté et
Belfort, à Paris.
Secrétaire général.
M. CuarcemaGxe (E.-N.), Conservateur des Eaux et Forèts, en retraite, rue
Faraday, 15 (les Ternes), à Paris.
Secrétaire.
M. Lepper (P.-M.), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, à Paris.
Trésorier.
M. TuézarD, ingénieur-chimiste, rue Cauchois, 10, à Paris.
—#2>( D )e3—
MEMBRES.
MM.
le prince »’ArenserG, député, à Paris.
Aunirrren, député, à Paris.
Berr, administrateur des Eaux et Forêts, à Paris.
BonxemÈère, à Paris.
Bopre, directeur honoraire de l'École nationale des Eaux et Forêts, à Nancy.
Boucar», inspecteur général des Eaux et Forêts, en retraite, à Paris.
Bouquer pe La Grye, conservateur des Eaux et Forêts, en retraite, à Paris.
Bouver, conseiller général du Jura, à Salins (Jura).
Brorcziarr, conservateur des Eaux et Forêts, en retraile, à Paris.
Bruan», inspecteur des Eaux et Forèts , à Versailles.
Buisson, ingénieur-chimiste, à Paris.
Caceux, ingénieur, président de la Société française d'hygiène, à Paris.
Caquer, ancien inspecteur adjoint des Forêts, à Paris.
Caze, député, vice-président de la Société nationale d'encouragement à l'agri-
culture, à Paris.
CHarPENTIER, essayeur des monnaies de France, à Paris.
CLavé, ancien inspecteur de la forêt de Chantilly, à Paris.
Decowcze, ancien député, président de la Société des sylviculteurs de France
et des colonies, à Paris.
Doré, architecte, à Paris.
Drowarr, industriel, à Paris.
Durourxer, à Paris.
Dupowr, secrétaire général de l'Association des chimistes, à Paris.
Duvas (Albert), propriétaire, à Paris.
Escanre, chimiste, à Paris.
Férer, administrateur des Eaux et Forêts, à Paris.
GérarDi, ancien inspecteur adjoint des Forêts, à Paris.
Le baron pe Guerne, secrétaire général de la Société d'acclimatation, à
Paris.
Gurrroy, ingénieur agronome, à Paris.
Guicuer, inspecteur des Eaux et Forêts, à Paris.
Guxor, directeur de l'École nationale des Eaux et Forêts, à Nancy.
Joue, membre du Comité des Stations agronomiques, à Paris.
Juuurex , directeur du journal Le Bois, à Paris.
Kuss, inspecteur des Eaux et Forêts, à Paris.
Lawey, Conservateur des Eaux et Forêts. en retraite, à Paris.
Larçurer, directeur du journal L'Écho forestier, à Paris.
Lerégure, vice-président de la section de sylviculture de la Société des « Agri-
culteurs de France», à Paris.
—#>( 6 )e3—
MézarD, inspecteur des Eaux et Forêts, à Paris.
Micaazow, à Paris.
le docteur Minivié, président de la section de sylviculture de la Société des
«Agriculteurs de France», à Paris.
PérarD, ingénieur, à Paris.
REGELSPERGER, à Paris.
Surior, industriel, vice-président de la Chambre de commerce de Paris, à
Paris.
Trisserexc De Borr, sénateur, membre du Conseil d'administration de la So-
ciété d'encouragement à l’agriculture, à Paris.
ViserT, économiste, à Paris.
Lévèque ne Vizmorix, membre du Conseil de la Société des + Agriculteurs de
France», à Paris.
DÉLÉGUÉS.
France.
Ministère de la guerre.
M. le capitaine Grey, à l’Etat-major particulier du génie.
Allemagne.
M. pe Aurex, conseiller impérial forestier à Wiesbaden.
Autriche.
M. Dowrrz, conseiller aulique au Ministère de l'agriculture, à Vienne.
Bavière.
MM. le baron pe Rassrepr, conseiller supérieur des Forêts, à Munich, prési-
dent de la division forestière de la Haute-Autriche.
le docteur Weper, professeur à l'Université de Munich.
Belgique.
MM. Dusors, directeur général des Eaux et Forèts, à Bruxelles.
Cramay, inspecteur des Eaux et Forêts, à Bruxelles.
Bivamé, conducteur principal des Ponts et Chaussées, à Lanklaer.
Bosnie-Herzégovine.
. £ . à ®
M. Perrascaek, conseiller d'État, directeur des Eaux et Forêts, à Vienne.
MM.
MM.
MM.
MM.
M.
—#2( 7 )e3—
Danemark.
Mvuzer, directeur des Forêts, chambellan du Roi et veneur de la Cour,
à Copenhague.
Wozr, chef du Département des forêts au Ministère de l’agriculture, à
Copenhague.
Espagne.
le baron nez Casricco pe Cairer, directeur général de l’agriculture, à
Madrid.
Raraez Puic x Vazcs, ingénieur en chef des Forêts, à Barcelone.
CarLos DE MazarRepo, ingénieur de 1" classe des Forêts, à Madrid.
États-Unis.
Fernow (Prot. 8. E.), chef de la division des Forêts, au Ministère de
l'agriculture.
Taycor (William A.), au Ministère de l'agriculture.
le docteur Tarceron H. Bean, director Department of Forestry and
Fisheries ; U. S. commission.
Wiener Waemsercer, expert Department of Forestry, U. S. commission.
Grèce.
Samios, directeur général des Forêts, à Athènes.
Hongrie.
Kiss ne Newesxer, secrétaire d'État au Ministère de l'agriculture, à
Buda-Pesth.
pe Benô, ancien directeur des Forêts à Buda-Pesth.
Tavx (Gustave), conseiller en chef des Forêts, à Buda-Pesth.
GérarD DE Portere, garde général des Forêts, à Buda-Pesth.
Japon.
SairAsAWA, inspecteur des Forêts, au Ministère de l'agriculture et du com-
merce.
Mexique.
N1EDERLEIN (Gustave), ancien inspecteur national des Forêts,
—+#3( 8 )ee3—
Roumanie.
M. Awroxesco Reuusca, ingénieur forestier.
Suède et Norvège.
MM. Marcus Bi Dance, inspecteur des Forêts.
Uxo Wacwo. officier des Forêts à Jünkôping.
Suisse.
M. Coaz, inspecteur fédéral en chef des Forêts, à Berne.
MEMBRES.
MM.
pe Aurex, conseiller impérial forestier, à Wiesbaden (Allemagne).
Axroni (F.), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts. à Paris.
le prince »'ArexserG, député, à Paris.
Anxouzp (L.-A.), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, à Paris.
Aupirrrep, député, à Paris.
Bavour (Henri), ingénieur forestier, à Montreux (Suisse).
Bapré (J.-Ph.-A.), garde général des Eaux et Forêts, à Joinville (Haute-
Marne).
Bangey (William), à Valleynes (Vaud Suisse).
Barpier DE La Serre (G.-A.), inspecteur des forêts en retraite, à Paris.
Barrmécemy (E.), conservateur des Eaux et Forêts, à Grenoble.
Bauey (Ph.), garde général des Eaux et Forèts, à Toulouse.
BeauriLs (G.-J.-F.), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, à Amiens.
BecquereL, propriétaire, à La Jacqueminière (Loiret).
le docteur ne Benô, ancien directeur général des Forêts de Hongrie, député.
Bénarpeau (F.), conservateur des Eaux et Forêts, à Moulins.
Berce (René), rue Pierre-Charron, 12, à Paris.
Bercer (G.), ingénieur, à la Hulpe (Belgique).
Berxarp (C.-J.-M.), garde général des Eaux et Forêts, à Annecy.
Berr, administrateur des Eaux et Forêts, à Paris.
Berrrann (L.-P.), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, à Saint-Germain-en-
Laye.
Bizcecarn, conservateur des Eaux et Forêts, à Gap.
Bixamé, conducteur principal des Ponts et chaussées, à Lanklaer (Belgique).
Bioczey (Henri), à Count (Suisse).
—#3( 9 yes—
BraxcarD (J.), inspecteur des Eaux et Forêts, à Gex.
Bconpau (Lucien), garde général des Eaux et Forêts, délégué de la Société
centrale forestière de Belgique.
BonneuÈre, rue Chaptal, 26, à Paris.
Bopre, directeur honoraire de l'École nationale des Eaux et Forêts, à Nancy.
Borez (W.), expert forestier, à Genève (Suisse).
Boucan», inspecteur général des Eaux et Forèts, en retraite, à Paris.
Bourancer, inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, à Gondrecourt (Haute-
Marne).
pe LA Bouzraye, inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, à Troyes ; pour la
Société horticole, viticole et forestière de l'Aube.
Bouquer pe La GRYE, conservateur des Eaux et Forêts, en retraite, à Paris.
Bouver, conseiller général du Jura, à Salins (Jura).
Baron pe Brannis (Eberhard), Herzogl. Braunschweig Hofjagdjunker, und
Forstassessor, à Hassefelde, Brunswick.
Breron (Ph.-A.), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, à Valence.
Bricon (E.), horticulteur-pépiniériste, à Ussy (Calvados).
BrorzziarD, conservateur des Eaux et Forêts, en retraite, à Paris.
Bruanp, inspecteur des Eaux et Forêts, à Versailles.
Brumanx (G.), consul général de Suède et Norvège, à Bruxelles.
pe BruüyN, ancien Ministre de l’agriculture et des travaux publics de Belgique.
Buisson, ingénieur chimiste, à Paris.
pe La Bunonière (M.-L.), inspecteur des Eaux et Forêts, à Lyons-la-Forêt
(Eure).
Cacæeux, ingénieur, président de la Société française d'hygiène, à Paris.
Capecz (Georges), député, conservateur des forêts des Indes, en retraite.
Cazver, sénateur, président de la Société forestière française des Amis des
arbres, à Paris.
Caxxox (D.), propriétaire sylviculteur, à Salbris (Loir-et-Cher).
Caquer, inspecteur adjoint des Eaux et Forèts, à Paris.
Carpor (E.), inspecteur des Eaux et Forêts, à Paris.
Carrière (P.-N.-L.), conservateur des Eaux et Forêts, à Aix (Bouches du-
Rhône).
le baron pe Casrizzo pe CrireL, directeur général de l’agriculture, à Madrid.
Caze, ancien sous-secrétaire d'État au Ministère de l'agriculture, député, à
Paris.
Cuawgeau (H.), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, à Chaumont.
CHarLeMAGxE (E.-N.), conservateur des Eaux et Forêts, en retraite, rue Faraday,
15 (les Ternes), à Paris.
CHar»ENTIER, essayeur des monnaies de France, à Paris.
CLavé, ancien inspecteur de la forêt de Chantilly, à Paris.
Coaz, inspecteur fédéral en chef des Forêts, à Berne (Suisse).
{4
_-+( 10 )es-—
Coporniv (R.), ingénieur forestier, à Murcia (Espagne).
Corriemes (M.), inspecteur des Eaux et Forêts, à Villers-Cotterets.
CourroLenc, inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, à Compiègne.
Cramay, inspecteur des Eaux et Forêts, à Bruxelles (Belgique).
Crorzerre-Desxoyers (L.), inspecteur des Eaux et Forêts, à Orléans.
Crouvizier (A.), conservateur des Eaux et Forêts, à Chaumont.
Cuwxa à Syva (Pedro Roberto na), inspecteur général des Forêts de Portugal.
Dance (Marcus Bing), inspecteur des Forêts de Norvège.
Dazrrorr, industriel, à Paris.
lie docteur DaNGkELMANY, directeur de l'école d'Eberswalde (Allemagne).
Dauerée, conseiller d° État. directeur des Eaux et Forêts, à Paris.
Davinesco (Florian), ingénieur forestiér, à Gara Segarcea (Roumanie).
Desreuiz (Charles), RER du Conseil dede de la Société d’accli-
matation de France, quai Pasteur, 50, à Melun (Seine-et-Marne).
DecassasserGxe, inspecteur des Eaux et Forêts, à Bordeaux.
Drevayeur (F.-A.), inspecteur des Eaux et Forêts, à Lorris (Loiret).
Deconcze, ancien député, président de la Société des sylviculieurs de France
et des colonies, à Paris.
DemorLaixE (J.), inspecteur adjoint des Eaux et Forëts, à à Compiègne.
Deroye (J.-F.), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, à Dijon.
Dérué (E.), conservateur des Eaux et Forêts, à Charleville.
Devecce, ancien Ministre de l’agriculture, à Paris.
Dimrrz, conseiller d'État, directeur général des Forèts d'Autriche, à Vienne.
Dites. adjoint forestier, I. R. Weissenbach (Autriche).
Van Duissez, directeur adjoint de la Néderlandsche Heidemaatschappÿ (Hol-
lande).
Docrus (G.), propriétaire, à Riedisheim (Haute-Alsace ).
Doré, architecte, à Paris.
Drevon (E.), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, à Chaumont.
Dreyrus (E.), conservateur des Eaux et Forêts en retraite, à Paris.
Drion (V.), propriétaire, à Bruxelles.
Drowarr, industriel, à Paris.
Dusors, directeur général des Eaux et Forêts, à Bruxelles.
le comte Dusoys-n’AxGers, propriétaire, à Ambillou (Indre-et-Loire).
Dusreuiz (F.-J.), inspecteur des Eaux et Forêts, à Pau.
Ducxaurour (A.), inspecteur des Eaux et Forêts, à Paris.
Ducnewn, négociant, rue Barbette, 8, à Paris.
Durourner, à Paris.
Durraquer (Ch.), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, à Chantilly.
Duprowr, secrétaire général de l'Association des chimistes, à Paris.
Durré-Larour, garde général des Eaux et Forêts, à Grenoble.
Dupuy (Jean), sénateur, Ministre de l’agriculture.
=.
ré, né.
—#3( 11 )es—
Duran (E.), conservateur des Eaux et Forêts, en retraite, à Montpellier.
Durer (P.-M.), à Bordeaux.
Duvaz (Albert), propriétaire, à Paris.
le docteur Eserwayer, professeur à l’Université de Munich (Bavière).
Euery, inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, à Remiremont (Vosges).
Escaxne, chimiste à Paris.
Faas (Voldemar), sylviculteur, Exposition, Groupe IX, Section russe.
Farre (G.), inspecteur des Eaux et Forêts, à Nimes.
Fasre (L.), inspecteur des Eaux et Forêts, à Dijon.
Faxkauser, adjoint de l’inspecteur fédéral des Forêts, à Berne (Suisse).
Farou (P.-J.), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, à Orléans.
Faye, ancien Ministre de l'agriculture, sénateur, à Paris.
Ferxow, chef de la division des Forêts au Département de l’agriculture
(États-Unis).
Férer, administrateur des Eaux et Forêts, à Paris.
Fisæer, professeur adjoint à l'École de Coopers-Hii (Angleterre).
FLanaur (Ch.), directeur de l’Institut de botanique, à Montpellier.
Fricne (P.), professeur à l'École nationale des Eaux et Forêts, à Nancy.
Forruner (J.-A.-E.), conservateur des Eaux et Forêts, à Troyes.
Fourveaux (J.), industriel, à Bruxelles.
Frienerics, directeur de la Station de recherches de Mariabrunn, près Vienne
(Autriche).
GaBé, directeur honoraire de administration des Forêts, à Versailles.
DE Gaiz (Ch.), conservateur des Eaux et Forêts, à Épinal.
GazzanD (J.-A.), conservateur des Eaux et Forêts, à Macon.
GamBce (James), ancien conservateur des Forêts des Indes, Highfeld, East
Liss, Hants (Angleterre).
Gaxpar (E.), inspecteur des Eaux et Forêts, à Wassy (Haute-Marne).
DE Gayrrier (E.-Ch.), ancien conserveteur des Forêts, à la Bussière (Loiret).
Gaz (F.-A.), inspecteur des Eaux et Forêts, à Mirecourt (Vosges).
Gepnarr, inspecteur des Eaux et Forêts, à Blois (Loir-et-Cher).
GENEY, capitaine de l'État-major particulier du Génie, délégué du Ministère
de la guerre, à Paris.
Gzorce-Grimezor (A.-Ch.), ancien conservateur des Forêts, à Paris.
Gérarni, ancien inspecteur adjoint des Forêts, à Paris.
Giserr, inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, à Paris.
Girrorr-Pixcnor, forestier au Ministère des États-Unis, à Washington.
Gicarpont (E.), conservateur des Eaux et Forêts, à Vesoul.
Giucer (Ch.), conservateur des Eaux et Forêts, à Niort.
- GirERD, ancien sous-secrétaire d'État au Ministère de l’agriculture, trésorier-
payeur général.
Gowor, ancien Ministre de l’agriculture, sénateur, à Paris.
DR Ver
Gran (G.-E.), inspecteur des Eaux et Forêts, à Belfort.
Groxwazp (J.), junior, à Vittorio-Venelo (ftalie).
le baron ne Guerne, secrétaire général de la Société d’acclimatation, à Paris.
Gurrroy, ingénieur agronome, à Paris.
Guicuer, inspecteur des Eaux et Forêts, à Paris.
Guicpaur (E.), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, aux Sables-d'Olonne.
Guxor, directeur de l'Ecole nationale des Eaux et Forêts, à Nancy.
Heare (N.), Indian Forest service, à Plymouth (Angleterre).
Hénissarr (J.), secrétaire de la section de sylviculture à la Société des Agri-
culteurs de France, à Paris.
Hexriquer (J.-M.), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, à Étain (Meuse).
Hey (E.), inspecteur des Eaux et Forêts, chargé de cours à l'École nationale
des Eaux et Forëêts, à Nancy.
le baron pe Hérissem, propriétaire, à Bruxelles.
Heyx (J.), marchand grainier, à Darmstadt (Hesse).
Hicz (H.-Ch.), conservateur des Forêts de l'Inde, à Bombay.
Hinscu (P.), garde général des Eaux et Forêts, à Cirey (Meurthe-et-Moselle).
pe Horxeno-y-Huinosro, ingénieur forestier, à Santander (Espagne).
Horxer (J.-F.), commissioner of Woods, à Londres (Angleterre).
Houpaxr (F.), propriétaire, à Lagny (Seine-et-Marne).
Hoxois (V.), industriel, à Mons (Belgique).
Hugerr (E.), ingénieur, à Namèche (Belgique).
Huserry (J.), ingénieur agricole, garde général des Forêts, à Éprave (Bel-
gique).
Hurrez (G.), inspecteur des Eaux et Forêts, à Nancy.
Ixcoun (H.), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, à Raon-l Étape (Vosges).
Jacmarr (G.), ancien élève de L'École forestière. à Bordeaux.
Jacques (Ch.), propriétaire à Etterbeek (Belgique).
Jacquor, inspecteur des Eaux et Forêts, à Neufchâteau (Vosges).
DE Jarza (Adan Mario), à Lequeitio (Espagne).
Jeannerar, garde général des Eaux et Forèts, à Louviers (Eure).
Josez (Henri), ingénieur civil des Mines, ancien dépulé, boulevard de la
Madeleine, 17, à Paris.
Jouxsox (Georges), directeur des Statistiques au Département de l'agriculture,
à Ottawa (Canada).
Jouyer (A.), chargé de cours à l'École nationale des Eaux et Forêts, à Nancy.
Jouuie, membre du Comité des Stations agronomiques, à Paris.
JuLUIEx (J.), inspecteur des Eaux et Forêts en a disponibilité, à Villers-sur-Lesse
(Belgique).
Juiutex, directeur du journal Le Bois, à Paris.
Kezcer (H.), fils marchand grainier, à Darmstadt (Hesse).
Ken, directeur de l'Institut forestier, à Saint-Pétersbourg (Russie).
—#3( 13 )ees—
Kiss pe Nemesker, secrétaire d'État au Ministère de l'agriculture (Hongrie).
Kozrz, ancien inspecteur en chef des Eaux et Forêts du Luxembourg, à Luxem-
bourg.
Kuss, inspecteur des Eaux et Forêts, à Paris.
Lacowse (P.-A.), garde général stagiaire des Eaux et Forêts, à Constantine.
Larosse (H.), inspecteur des Eaux et Forêts, à Paris.
Le vicomte pe Laîrre, boulevard de la Madeleine, 17, à Paris.
Lacrier (R.), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, à Paris.
Lawserr (C.-E.), garde général stagiaire des Eaux et Forèts, à Espezel (Aude).
Lawey, conservateur des Eaux et Forêts, en retraite, à Paris.
Laxpozr (Hans), Forstverwalter, à Büren.
Larçuter, directeur du journal L'Écho forestier, à Paris.
De Larwiar, inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, à Vesoul.
LarziLLièRE, conservateur des Eaux et Forèts, à Aurillac.
Launay (A.), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, à Bar-sur-Seine.
Lenper (L.-M.), inspecteur des Eaux et Forêts, à Rambouillet.
Lenper (P.-M.), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, à Paris.
Le Drer (P.), inspecteur des Eaux et Forêts, à Poitiers.
Leréevre (L.-S.-Ch.), inspecteur des Eaux et Forêts, à Orléans.
Lerégure, vice-président de la section de sylviculture de la Société des Agri-
culteurs de France, à Paris.
DE Lesseux, garde général des Eaux et Forêts, à Bains-les-Vosges.
Levez (P.-E.), inspecteur des Eaux et Forêts, à Chaumont.
le comte pe LimBurG Sriru, à Bruxelles.
Linpen (L.), directeur général de l'Horticole coloniale, à Bruxelles.
LomsarD (F.), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, à Aix (Bouches-du-Rhône).
Loppiner (F.), inspecteur des Eaux et Forêts, à Verdun.
Loyer (F.), conservateur des Eaux et Forêts, à Alençon.
Loze, conservateur des Eaux et Forêts, à Toulouse.
DE Mauy, ancien Ministre de l’agriculture, député, à Paris.
ManeauD (A.), inspecteur des Forêts, en retraite, à Angers.
Marre (J.-P.-E.), inspecteur des Eaux et Forêts, à Paris.
Masorezce (A.), inspecteur des Eaux et Forêts, à Lunéville.
Marion (Louis), horticulteur, à Pontvallain (Sarthe).
le duc ne Marmier, à Ray (Haute-Saône).
Marmi (L.-P.-M.), à Toul.
Marrscexxo, oberfôrster kaiserlich russischer, à Saint-Pétersbourg.
Maruey, inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, à Dijou.
DE Mazarreno (Carlos), ingénieur de première classe des Forêts, à Madrid.
Mérar, inspecteur des Eaux et Forêts, à Paris.
Méune, ancien Ministre de l'agriculture, député, à Paris.
Méxesrrez (Ch.-F.), inspecteur des Eaux et Forêts, à Troyes.
—#>( 14 yes—
Mer ( Émile), inspecteur des Eaux et Forêts, à l'École nationale, à Nancy.
Mersey (L.), conservateur des Eaux et Forêts, à Paris.
MeurGey (V.), industriel, à Courtivron (Côte-d'Or).
Micazow, à Paris.
Micnau» (F.), conservateur des Eaux et Forêts, à Gap.
Micuaur (A.), administrateur de la Compagnie des cristalleries de Baccarat, à
Baccarat.
Miquez nez Campo, ingeniero de Montes, professeur à l'Eseurial, à Madrid.
le docteur Mrrivié, président de la section de sylviculture de la Société des
Agriculteurs de France, à Paris.
E. M° Morr (A.), depuly, Conservator India, en retraite à Castlethorp Brigg
(Angleterre).
Mozreveaux (A.-G.-A.), conservateur des Eaux et Forêts, à Amiens.
Moxcexor, administrateur des Eaux et Forêts, à Paris.
Mowreriore, sénateur, à Bruxelles.
Moreau, inspecteur des Eaux et Forêts, à Abbeville (Somme).
Moriyama Rerzasouro, lieutenant de vaisseau, à Paris.
ne Moror, inspecteur fédéral en chef des Travaux publics (Suisse ).
Moucix (P.-L.), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, à Chambérv.
Muzxer, directeur des Forêts, chambellan du Roi, veneur de la cour de Dane-
mark.
Muzcer (G.-C.), inspecteur des Eaux et Forêts, à Senones (Vosges).
le docteur Neuuesrer, directeur de l'École de Thar andt (Saxe).
le docteur NieperceiN (Gustavo), ancien inspecteur national des Forêts
(Mexique ).
De Nikrnine, directeur général des Forêts d'État (Russie).
Orriza (A), inspecteur des Eaux et Forêts, à Paris.
Pacès (Albert), juge suppléant au Tribunal de commerce de la Seine, à Paris.
Parné (L.-G.-Ch.), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, à Nogent-sur-Ver-
nisson (Loiret).
Parer (J.-A.), commissionnaire en bois, à Paris.
Parisez (E.), professeur de sylviculture à l'Institut agricole de l'État. à Gem-
bloux (Beloique).
Parruzius, inspecteur général, chef du service forestier de Roumanie.
Pécnerar, inspecteur des Eaux et Forêts, à Barcelonnette (Basses-Alpes).
Pequin (J.), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, à Bayonne (Basses-Pyré-
nées ).
PérarD, ingénieur, à Paris.
Penbrizer, inspecteur des Eaux et Forêts, à Thonon (Haute-Savoie).
Perrin (F.-E.), conservateur des Eaux et Forêts, à Bourges.
PerrrcoLLor (E). sous-directeur de l’École nationale. des Eaux et Forêts,
Nancy.
—#2( 15 }es—
Perrascuex, conseiller d'État, directeur des Eaux et Forêts de Bosnie-Herze-
govine.
Perrascuex (Carlo), fils.
Peyroux (E.), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, Le Puy.
Paaz (A.), conservateur des Eaux et Forêts, à Chambéry.
Paiciporr, président du groupe forestier de la section russe à l'Exposition de
1900.
Prarirsky (Alexis), directeur des Domaines du gouvernement d'Irkoustk (Si-
bérie ).
Picano (L.), propriétaire, ofhicier de marine, à Lorient.
le docteur Prccrort, directeur de l'Institut forestier, à Vallombrosa (Italie).
le baron Par pe Pizcnax (Georges), gentilhomme de la cour de Russie, à
Saint-Pétersbourg.
Pinar (Charles), ingénieur, à AHevard (Isère).
Poxceer ( P.), notaire, conseiller provincial, à Gedinne (Belgique).
pe Porrere (Gérard), garde général des Forêts de Hongrie.
pu Pré ne Samnr-Maur (René), membre de la Société des Agriculteurs de
France, membre correspondant de la Société nationale d'agriculture, à
Paris.
Prouvé (Ch.), inspecteur des Foréts, en retraite, à Nancy.
Pure y Vazzs (Rafael), ingénieur en chef des Forêts (Espagne).
le baron pe Rarsrecpr, conseiller supérieur des Forêts, président de la division
forestière de la Haute-Autriche (Bavière).
Récopé (L.-D.), conservateur des Eaux et Forêts, à Paris.
REGELSPERGER, à Paris.
Reuuscu (Antonesco), ingénieur forestier, délégué roumain.
Reuss (E.), inspecteur des Eaux et Forêts. à Fontainebleau.
Reynarp, inspecteur des Eaux et Forêts, à Bastia (Corse).
River, conservateur des Eaux et Forêts, en retraite, à Paris.
Rocuerre pe Lewppes (H.), garde général des Eaux et Forêts, à Gannat (AHier).
Rornés, propriétaire, à Orqueveaux (Haute-Marne).
Rouzer, inspecteur général des Forêts, président de la Société forestière, à
Neufchätel (Suisse ).
Roussecor (E.), inspecteur des Eaux et Forêts, à Djidjelli (Constantine ).
Roux (E.-P.), conservateur des Eaux et Forèts, à Lons-le-Saunier.
Rupozpx (E.), négociant en bois du Nord et d'Amérique, à Paris.
Ruxacuer (S.-A.), inspecteur des Eaux et Forèts, à Montbéliard (Doubs).
Saezo (C.), directeur de la Compagnie des forges d’Audincourt, à Audincourt
(Doubs).
pe Saizzy, inspecteur des Eaux et Forêts, à Limoges.
SaixT-Axce-Lécé (Charles), propriétaire, rue de la Chaussée-d’Antin, 64, à
Paris.
—#2( 16 )e3—
Sarnre-CLaIRE-DEviLce (G.), inspecteur des Eaux et Forêts, à Louviers.
pe Sainriéxon (F.), maître de forges, ancien sous-inspecteur des Forêts, à
Longwy-Bas.
Samos, directeur général des Forêts, à Athènes (Grèce).
SarGenT, professeur à Jamaïca Plain (Massachusetts).
Saviren, chef de section du Ministère de l’agriculture et du commerce de
Serbie.
Senagrrer (G.-H.-A.), inspecteur des Eaux et Forêts, à Chambéry.
Scnermgecx (Van), houveiter des Domaines de l'État, à à Ginneken- Breda (Pays-
-Bas). 3
Scazicæ, professeur à l’École de Coopers-Hill (Angleterre).
SCHLUMBERGER (P. ): inspecteur des Eaux et Forêts, à Andelot (Haute-Marne).
pe SÉBizze, ingénieur, vice-président de la Société centr ale forestière de Bel-
pique, à Bruxelles.
Séresrennixorr (Eugène), forestier conseiller de la cour, à Nertchinsky Zavod
(Sibérie).
SERVIER, propriétaire, à Paris.
Surmasawa, inspecteur des Forêts, au Ministère de l’agriculture et du com-
merce du Japon.
Siekesz, sénateur, président de la Nederlandsche-Heide Maatschappij, au chà-
teau de Closse Lochen (Pays-Bas).
Sizz (Eugène), à Paris.
Surrs van Burésr (C.-A.-L.), économe rural, à Princenhage (Hollande).
Sourz (Jules pe), directeur général des Forêts de Hongrie.
SPRExGEL (F.-R.), Fortsmeister et professeur à l’Académie de Bonn-Poppels-
dorf.
Srarrorp-HowarD (E.), commissioner of Voods, à Londres.
Srarrer-Carr (E.), conservateur des Forêts de l'Inde, à Londres.
Suizzior, industriel, vice-président de la Chambre de commerce de Paris, à
Paris.
Taxassesco, inspecteur adjoint des Forêts, à Campulung (Roumanie).
le docteur Tarzerox H. Beau, director Department of Forestry and Fisheries
U. S. Commission.
Tavx (Gustave), conseiller en chef des Forèts de Hongrie,
Taxcor (William A.), délégué du gouvernement des Etats-Unis.
Teisserexc DE Borr, sénateur, membre du Conseil d'administration de la So-
ciété nationale d'encouragement à l’agriculture, à Paris.
Tessier (L.-F.), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, à Carpentras.
Taérox, inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, à Paris.
Taézarp, ingénieur chimiste, rue Cauchois, 10, à Paris.
Tai (A), inspecteur des Eaux et Forêts, à Paris.
Trurar (J-HL), garde général des Eaux et Forêts, à Mamers (Sarthe).
—+»( 17 )e3—
le docteur Tuisxo von Lorey, professeur à l'Université de Tubingue (Wur-
temberg).
Vaups-CasreeLe (A.), conducteur des Ponts et Chaussées, Blankenberghe (Bel-
gique).
Vermorez, directeur de la Station viticole et de pathologie végétale, à Ville-
franche (Rhône).
Verner (M.), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, à Valence (Drôme).
Visert (Paul), économiste, rue Le Chatelier, 4, à Paris.
ViezzarD, député, président de la Société forestière de Franche-Comté et Bel-
fort, à Paris.
Vizworix (M. Lévèque pe), membre du Conseil de la Société des Agriculteurs
de France, à Paris.
Viouerre (A.-A.), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, à Mont-de-Marsan.
Vicer, ancien Ministre de l’agriculture, député, à Paris.
le comte Visarr (A.), président de la Société centrale forestière de Belgique.
Wazcmo (Uno), capitaine des Eaux et Forêts, à Jonkôping (Suède).
Waxc (F4), professeur et conseiller des Forêts au Ministère de l’agriculture,
à Vienne (Autriche).
War (J.-H.), inspecteur des Eaux et Forêts, à Toulouse.
Wazmieny (L.-D.), ancien garde général des Forêts, à Ferrières-en-Brie.
le docteur Wéger, professeur à l'Université de Munich (Bavière).
WemserGer (Wiener), expert, Département of Forestry, U. S. Commission.
Wisox (Jame), président de l’'Américan Forestry Association, à Washington
(E. U.).
Wuze, chef du Département au Ministère de l’agriculture du Danemark.
Yacuxorr, ingénieur forestier à la Direction des Apanages, à Saint-Pétersboug.
Yoz (Honoré), géomètre des Apanages impériaux de Russie, à Saint-Péters-
bourg.
Zeerever pe Fiscuer, inspecteur en chef des Forêts, en retraite, à Berne.
Zuruixnex (A.), conservateur des Eaux et Forêts, à Rouen.
Zuyzex (van J.), propriétaire, à Liège (Belgique).
SYLVICULTURE. a
RÈGLEMENT.
ARTICLE PREMIER.
Un Congrès international de sylviculture se tiendra à Paris au cours de
l'Exposition universelle de 1900, dans le palais des Congrès; sa durée sera de
quatre jours (du A au 7 juin 1900), non compris le temps qui pourra être
consacré à des excursions en forêt.
ART. 2.
Seront membres du Congrès toutes les personnes qui auront envoyé leur
adhésion au secrélaire de la Commission d'organisation avant louverture du
Congrès ou qui se feront inscrire pendant la durée de celui-ci et qui auront
acquitté la cotisation dont le montant est fixé à 20 francs.
ART. 3.
Les sociétés de sylviculture, comices, syndicats et généralement toute asso-
ciation ayant un caractère sylvicole peuvent faire partie du Congrès et y
envoyer des délégués. La cotisation est due pour chaque délégué.
ART. 4.
Les membres du Congrès recevront, sur le payement de leur colisation,
une carte qui leur sera délivrée par les soins de la Commission d'organi-
sation.
Les cartes, qui ne donnent aucun droit à l'entrée gratuite à l'Exposition,
sont strictement personnelles. Toute carte prêtée sera immédiatement retirée.
ART. D.
Les membres du Congrès recevront gratuitement les publications émanant
du Congrès.
ART. 6.
Les travaux du Congrès sont préparés par la Commission d'organisation.
ART. 7.
Le Congrès comprendra des séances publiques, des séances générales, des
séances de section, des excursions en forêt.
ART. G.
Les membres du Congrès ont seuls le droit d'assister aux séances qui ne
sont pas publiques et aux visites préparées par la Commission d'organisation .
de présenter des travaux et de prendre part aux discussions.
Les délégués des Administrations publiques françaises et étrangères joui-
ront des avantages réservés aux membres du Congrès.
ART. O.
Le Congrès se partage en trois sections :
4re section. — Économie forestière. — Arboriculture. Sylviculture. Aménage-
ment. Exploitation et commerce des bois. Travaux d'amélioration. Législation
forestière. Enseignement forestier. Stations de recherches et d'expériences.
Introduction d’essences exotiques. Statistiques.
2e section. — Jnfluence des forêts au point de vue du maintien des terres, du
répime des eaux el des phénomènes météorologiques. — Restauration des mon-
tagnes. Reboisement des terrains incultes. Dunes. Défrichements. Météorologie
forestière.
3e section. — Application des sciences à la sylviculture. — Sciences mathé-
matiques. Sciences physiques et chimiques. Sciences naturelles,
ART. 10.
Les travaux de chaque section sont préparés par un comité spécial désigné
par la Commission d'organisation.
Les comités de sections prépareront des rapports sur les questions qu'ils
décideront de soumettre au Congrès. Les rapports seront remis à la Commis-
sion d'organisation dans les délais que celle-ci déterminera, pour que ces
rapports soient imprimés en entier ou par extraits avant le Congrès.
Ces rapports préliminaires seront discutés dans les sections avant d’être
soumis aux séances générales.
—+à( 20 )e3—
ART. 11.
Les personnes désireuses de présenter des travaux au Congrès devront
les transmettre, avant le 1° mars 1900, à la Commission d'organisation qui
en saisira le comité de la section compétente.
Aucune question ne sera discutée en séance générale avant d'avoir été exa-
minée en section.
ART. 192.
A la séance d'ouverture du Congrès, le bureau de la Commission d'organi-
sation se constitue en bureau définitif, après s'être complété par l’adjonction
de membres étrangers.
ART. 19.
Les sections constitueront, dans leur première réunion, leurs bureaux res-
pectifs qui seront composés d’un président, de vice-présidents et de secré-
taires.
ART. 14.
La langue française sera adoptée pour la publication et les procès-verbaux
du Congrès.
ART. 19.
Les bureaux des sections s'entendent avec le bureau du Congrès pour fixer
l'ordre du jour des séances générales.
ART. 10.
Les conclusions soumises aux séances générales seront toujours présentées
par écrit.
Les orateurs qui auront pris la parole dans une séance devront remettre
au secrétaire, dans les vingt-quatre heures, un résumé de leurs communica-
tions pour les procès-verbaux. Dans le cas où ce résumé n'aurait pas été remis,
le texte rédigé par le secrétaire en tiendra lieu.
Les orateurs ne pourront occuper ia tribune pendant plus de quinze mi-
nutes, à moins que l'assemblée consultée n’en décide autrement.
ART. 17.
Un compte rendu des travaux du Congrès sera publié par les soins de la
Commission d'organisation. Celle-ci se réserve dé fixer l'étendue des mémoires
ou communications qui y figureront.
—#>( 21 )ee3—
ART. 18.
Le bureau du Congrès statue en dernier ressort sur tout incident non
prévu au Règlement.
AVIS IMPORTANT. — La date du 1er mars 1900, primitivement fixée
pour l'envoi des travaux à présenter au Congrès (art. 11), est prorogée
au 1er avril suivant.
—+#3 ( 22 }ees—
PROGRAMME.
PREMIÈRE SECTION.
Économie forestière.
1° Traitement des forêts de sapin; transformation en sapinières des taillis
à faible rendement situés en régions montagneuses.
SR Conséquences physiologiques et culturales des éclaireies.
3° Utilité de la culture du sol dans les coupes à régénérer (labour à ia
charrue, crochetages avec ou sans répandage artificiel de semences).
h° Traitement des taillis-sous-futaie en vue d'augmenter la production du
bois d'œuvre.
5° Déficit ou excédent de la production forestière dans les diverses régions
du globe; étude du mouvement des importations et des exportations.
6° Législation des terrains en montagne ; législation forestière interna-
tionale.
7° Examen général, au point de vue du peuplement forestier, des essences
exotiques acclimatées ou naturalisées.
8° Stations de recherches et d'expériences; — bureaux d'informations; —
utilité, programmes et résultats.
DEUXIÈME SECTION.
Influence des forêts au point de vue du maintien des terres,
du régime des eaux et des phénomènes météorologiques.
1° Météorologie forestière.
2° Influence des forêts sur les eaux souterraines dans les régions de plaines.
3° Restauration des montagnes et correction des torrents.
4° Travaux de protection contre les avalanches et mesures défensives contre
les dégâts causés aux propriétés inférieures par les eaux provenant des gla-
ciers. (Exemple : catastrophe de Saint-Gervais. )
5° Améliorations pastorales, fruitières; réglementation des pâturages.
6° Défense contre les érosions de l'Océan; voies de vidanges dans les forêts
des dunes.
7° Mise en valeur, par le boisement, des terrains incultes et des terres
épuisées.
8° Défense contre les incendies.
—#>( 23 )e3—
TROISIÈME SECTION.
Application des sciences à la Sylviculture.
1° Unification internationale des mesures de cubage pour les bois d'œuvre ;
forme géométrique des tiges d'arbres; procédés de cubage.
2° Avantages comparatifs du bois et du fer (durée, conservation, résis-
tance).
3° Utilisation des déchets des exploitations; — poêles à combustion lente;
— distillation, fabrication d'alcool, — pâte à papier.
L° Sols forestiers. — Cartes botanico-forestières.
5° Amélioration des transports forestiers.
ORDRE DES TRAVAUX.
Lundi, 4 juin... à 5 heures du soir.. Séance d'ouverture du Congrès.
Constitution des bureaux des sec-
à 10 heures du matin. tions (art. 13 du Règlement) et
séances des sections.
à 2 heures du soir.. Séances des sections.
Mardi, 5 juin... |
| àa1ioheures du matin. Séances des sections.
Mercredi, 6 juin.
à 4 heures du soir.. Séances des sections.
: Lis à 1oheures du matin. Séances des sections,
Jeudi, 7 juin... 1, à ue
à 2 heures du soir.. Séance générale.
Vendredi, 8 juin. Visite de l'Exposition.
Samedi, 9 juin .. Excursion dans la forêt domaniale de Fontainebleau.
SÉANCES DU CONGRES.
Les séances du Congrès se sont tenues au Palais de l'Economie sociale et des
Congrès, sur le quai de la rive droite de la Seine, rue de Paris, à l'angle du
pont de l’Alma.
Le Secrétariat du Congrès y a été installé pendant sa durée.
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COMPTES RENDUS DES SÉANCES.
SÉANCE GÉNÉRALE D'OUVERTURE DU CONGRÈS.
Le lundi, 4 juin 1900, les membres du Congrès de Sylviculture
se sont réunis en séance plénière au Palais des Congrès, sous la
présidence de M. Jean Doruy, Ministre de Agriculture.
La séance est ouverte à 5 heures; prennent place au bureau :
MM. L. Daverée, Conseiller d'État, Directeur des Eaux et Forêts
au Ministère de l'Agriculture, Président du Congrès;
Gomor, ancien Ministre de l'Agriculture, sénateur;
Devee, ancien Ministre de l'Agriculture;
Faye, ancien Ministre de l'Agriculture, sénateur;
Girerp , ancien Sous-Secrétaire d'État au Ministère de l'Acri-
culture, Trésorier-payeur général;
CHARLEMAGNE, Conservateur des Eaux et Forêts, Secrétaire
général du Congrès ;
De ALTEx, Conseiller forestier à Wiesbaden (Allemagne);
Sceaux, Professeur à l'École de Coopers-Hill (Angleterre ) ;
Dimrrz, Conseiller d'État, Directeur général des Forèts d’Au-
triche;
Frieoericn, Directeur de la Station de recherches de Maria-
brünn (Autriche-Hongrie) ;
Dusois, Directeur général des Eaux et Forêts du royaume
de Belgique;
Müccer, Directeur des Forèts et Chambellan du Roi, grand
Veneur de la Cour de Danemark ;
—+2( 26 )e3—
MM. Pure x Was, Ingénieur en chef des Forêts du royaume d'Es-
pagne ;
Samos, Directeur général des Forêts, à Athènes;
Kerw, Directeur de l'Institut forestier, à Saint-Pétersbourg;
Coaz, Inspecteur fédéral en chef des Forêts, à Berne.
Jean Dupuy, Ministre de l'Agriculture. Messieurs, avant d'ouvrir
cette première séance, j'ai le devoir, très agréable pour moi, de
saluer les étrangers qui sont venus de tous les points prendre part
aux travaux de ce Congrès international de Sylviculture.
C'est avec grand plaisir et de tout cœur que je leur souhaite la
bienvenue.
Je puis les assurer qu'ils trouveront parmi nous un accueil
courtois et empressé; je puis même les assurer qu'ils rencontreront
en particulier, auprès de leurs collègues de France, l'hospitalité qui
caractérise la vieille urbanité française.
Je veux aussi saluer et remercier nos compatriotes accourus en
si grand nombre pour collaborer à l'œuvre commune.
J'ai confiance qu'ils tiendront ici la place qu'ils méritent; j'en ai
d'ailleurs pour garant leur expérience, leur bonne volonté et leur
science.
Messieurs, l'Exposition universelle de 1900 ne sera pas seule-
ment une grande solennité n'intéressant que la France, mais le
monde civilisé tout entier; elle ne sera pas seulement un spectacle
grandiose et imposant comme l'on n'en aura jamais vu; elle sera
aussi comme le résumé, la synthèse, et, si je puis employer cette
image, le grand plan en relief de tous les progrès humains, de
toutes les questions intéressant les peuples civilisés et qui vont être
discutées dans de nombreux Congrès.
Vous y avez votre place marquée, et, si les questions que vous
aurez à examiner ne sont pas passionnantes pour le gros public,
elles n'en sont pas moins d’une importance capitale.
Ce n'est pas à vous, Messieurs, qui êtes des techniciens, que
—#3( 27 )e3—
j'apprendrai l'importance de la Sylviculture par sou rattachement
à l’agriculture et à de nombreuses industries, à la vie même des
peuples.
Aussi suis-je convaincu que, dans ce grand débat, vous tiendrez
à honneur de justifier la renommée qui vous précède.
Je déclare ouvert le Congrès international de Sylviculture. (Vifs
applaudissements.)
La parole est à M. Daugrée.
M. L. Dauerée, Président, Monsieur le Ministre, Messieurs, Mon
premier devoir est d'exprimer toute notre reconnaissance à M. Jean
Dupuy.
En se rendant, malgré ses nombreuses occupations, à notre
invitation et en acceptant la présidence d'honneur effective de ce
Congrès, M. le Ministre de l'Agriculture a voulu donner une nou-
velle preuve de sa sollicitude pour toutes les manifestations de la
science agricole et de son attachement pour tous les Fores-
tiers,
Je veux aussi remercier, au nom du Comité d'organisation, les
souvernements étrangers qui ont bien voulu, en nous envoyant de
tous les points du globe leurs illustrations forestières, témoigner
de leur sympathie pour notre pays et de l'intérêt qu'ils prennent
à nos travaux.
Je ne puis omettre également, et cela m'est très agréable,
d'adresser nos remerciements à tous mes anciens chefs au Ministère
de l'Agriculture qui n’ont pas hésité un instant à nous accorder
leur éminent concours et qui tous se sont déclarés heureux d’avoir
une occasion de manifester combien ils s'intéressent aux sciences
forestières.
Je vous remercie enfin tous, Messieurs, qui avez répondu à
notre appel. Je suis d'autant plus satisfait de vous voir nombreux
que je crois que tous nos eflorts réunis ne seront pas de trop pour
—+>( 28 )ee3—
appeler l'attention de tous les peuples sur la situation forestière de
l’ensemble du Monde.
Le déficit de la production ligneuse dans les diverses régions du
globe montre que depuis des siècles on marche à l'assaut des forêts.
H semble qu'au fur et à mesure que lhumanité acquiert plus de
puissance, elle veut affirmer sa victoire sur la nature en détruisant
les forêts dont les profondeurs mystérieuses la remplissaient de
terreur aux âges primitifs.
On a chassé les forêts des plaines et on les a vues trop souvent
se transformer en landes stériles; on les a chassées des montagnes
et, l'équilibre des forces naturelles étant rompu, les terres sont
descendues dans les vallées; les ruisseaux sont devenus des tor-
rents.
Depuis trente ans les principaux États ont porté leurs efforts pour
régulariser le cours des torrents, enrayer les inondations et arrêter
les éboulements et les avalanches. Des travaux de restauration ont
été entrepris; mais ils n'ont pu porter sur tous les terrains dénudés
par suite de la nécessité de ménager l’industrie pastorale dans les
pays de montagne. Ils ont été entrepris pour la plupart sur des
terrains dégradés et d’un accès difficile. Ces travaux très dispen-
dieux, que l'État seul peut entreprendre, donneront bien plus des
massifs de protection que des forèts proprement dites dont on
puisse escompter la production. C'est sur l'initiative des particu-
liers qu'il faudrait pouvoir compter pour recréer les forêts que
l'imprévoyance de l’homme a fait disparaïtre.
Mais on dit : Qu'avons-nous besoin de bois? N'avons nous pas
le charbon de terre comme combustible, le fer et l'acier pour
construire nos maisons et nos vaisseaux ?
Si les pays neufs ont pu facilement jusqu'ici subvenir aux de-
mandes de l’industrie et si on a vu les prix des bois baisser, il n'en
subsiste pas moins que la consommation augmente d'année en
année et que, les unes après les autres, les grandes nations imdus-
trielles ne trouvent plus sur leur territoire assez de bois pour
—+#>( 29 )es—
leurs besoins. On s'adresse toujours aux vastes réserves forestières
de l'Europe septentrionale et orientale et de l'Amérique du Nord.
Mais, chaque année, on leur demande davantage et on pousse les
exploitations au delà du rendement régulier des forêts. On arrivera,
si l'on n'y veille, à diminuer ou à appauvrir la surface boisée. I y
a urgence à se préoccuper dès maintenant de la conservation des
forêts qui existent encore, il y a lieu de rechercher les moyens
d'augmenter leur production. Il faut songer à créer de nouvelles
forêts à la place de celles qu’une aveugle imprévoyance à laissé
détruire. Tel devra être, 11 me semble, le but que nos Congrès
internationaux de Sylviculture auront à poursuivre. Pour l’atteindre
il faudrait, je crois, dans toutes les nations du globe, arriver à faire,
autant que possible d’après une même méthode ou d’après des
méthodes facilement comparables, un inventaire des richesses fo-
restières qui subsistent. On pourra ainsi, j'en suis convaincu, ar-
river à démontrer aux plus aveugles que la consommation dépassant
la production naturelle, le temps n’est pas éloigné où le propriétaire
forestier pourra, pour ses produits, réclamer un prix plus élevé
qui permettra de rémunérer largement le capital employé dans la
culture forestière.
Je suis certain qu'une fois cette démonstration faite, il sera facile
de trouver les ressources permettant de reboiser les vastes étendues
qui, dans toutes les régions de l'Europe, restent presque impro-
ductives. Si nous y parvenons, nous aurons bien mérité des géné-
rations qui nous suivront.
Mettons-nous donc à la besogne, Messieurs, et que de nos déli-
bérations sortent des propositions et des vœux permettant d'éclairer
les divers gouvernements que nous représentons. (Vifs applaudis-
sements.)
M. Jean Dupuy. Messieurs, l'ordre du jour de vos travaux
commencera par une conférence que M. Méraro, inspecteur des
Eaux et Forêts, va vous exposer sur le Déficit ou excédent de la pro-
—#8{ 30 )e3—
duction forestière dans les diverses régions du globe; étude du mouvement
des importations et des exportations.
Je cède la présidence à M. Dausrée et vous remercie, Messieurs,
du bienveïllant accueil que vous m'avez fait. (Applaudissements.)
M. le Ministre se retire de la salle des Congrès. M. Daubrée prend
place au fauteuil de la présidence.
Présidence de M. L. DAUBRÉE.
M. ze Présinenr. La parole est à M. Mécarr.
M. Méraro. Messieurs, sur l'invitation de M. le Conseiller d'État,
Directeur des Forêts, j'ai étudié la question mdiquée au numéro 5
du programme de la première section, c'est-à-dire, le déficit ou
l'excédent de la production forestière dans les diverses régions
du globe.
Le mémoire que j'ai préparé sur ce sujet), est beaucoup trop
long pour que je vous en donne lecture.
Je vais me borner à vous en indiquer les grandes lignes et les
conclusions.
Les générations qui nous ont précédés se sont vivement préoc-
cupées de la production forestière. Elles considéraient le bois comme
une matière première absolument nécessaire à la vie d’une nation.
Je n’en veux pour preuve que la célèbre ordonnance de 1669
rédigée par le grand ministre de Louis XIV, Colbert, et notre code
forestier de 1827.
En présentant, en 1826, le projet qui fut voté l'année suivante,
M. de Martignac disait :
« La conservation des forêts est l’un des premiers intérêts des
( Insuffisance de la production des bois d'œuvre dans le monde, par A. Mécanr,
inspecteur des Eaux et Forêts. Paris, Imprimerie nationale, 1900. Ministère de l'Agri-
culture. Grand in-8°, 119 pages.
—#>( D1 )es—
sociétés et par conséquent, l’un des premiers devoirs des gouverne-
ments.
« La destruction des forêts est souvent devenue, pour les pays
qui en furent frappés, une véritable calamité et une cause pro-
chaine de décadence et de ruine. Leur dégradation, leur réduction
au-dessous des besoins présents ou à venir, est un de ces malheurs
qu'il faut prévenir, une de ces fautes que rien ne saurait excuser,
et qui ne se réparent que par des siècles de persévérance et de
privation. »
Notre génération s’est montrée plus insouciante.
La facilité avec laquelle on pouvait se procurer, grâce au bon
marché toujours croissant des transports, les bois crûs dans l’'Eu-
rope septentrionale et orientale et dans l'Amérique du Nord, ainduit
certaines nations à admettre qu'il n'y avait pour elles aucun in-
convénient à se désintéresser complètement des questions fores-
tières.
D'autre part, l'emploi de plus en plus répandu du charbon de
terre comme combustible, du fer et de l'acier, comme matériaux de
construction, a répandu ce préjugé que le bois serait dans l'avenir
un produit délaissé et que le rôle économique des forêts tendait à
devenir insignifiant.
Cet état d'esprit est plein de péril.
Je vais démontrer, en effet, que si la consommation des bois de
feu sest considérablement réduite dans certaines régions, par
contre, celle du bois d'œuvre est en augmentation très rapide chez
toutes les grandes nations industrielles, celles qui produisent les
plus grandes quantités de fer et d'acier.
Je vais essayer de faire voir, en outre, que les réserves forestières
du globe, auxquelles on s'est adressé jusqu'à présent, sont loin
d'être inépuisables, que la plupart d’entre elles ont besoin d'être
ménagées et qu'il y a lieu de craindre qu'elles ne puissent sufire
aux demandes de jour en jour plus considérables de produits ligneux
dont elles sont l'objet.
—+#3( 32 3—
Le moyen le plus simple d'établir le déficit de production h-
oneuse d’un pays consiste à étudier ses statistiques douanières,
c’est-à-dire, le mouvement de ses importations et de ses exportations.
Si les importations sont supérieures aux exportations et si l'excé-
dent constaté non seulement se maintient pendant plusieurs an-
nées, mais va toujours en augmentant, il est de toute évidence que
le pays considéré a un déficit de production ligneuse.
Quand, au contraire, les exportations sont supérieures aux im-
portations, on peut supposer qu'il y a excédent de production
ligneuse. Mais il n’y a pas, comme dans le cas précédent, certitude
absolue, car l'excédent peut provenir du fait que le pays exploite
plus que sa production normale et alimente une partie de son
exportation, non pas uniquement avec le revenu régulier de ses
forêls, mais avec des réalisations de capitaux, c’est-à-dire, avec des
destructions.
J'ai donc dépouillé les statistiques douanières de presque tous
les pays du globe (tous n’en publient pas) et j'ai dressé des tableaux
d'importation et d'exportation des bois communs, c'est-à-dire, des
bois de service et d'industrie bruts, équarris, sciés ou fendus, en
laissant de côté les bois d’ébénisterie, les meubles, les ouvrages en
bois, ainsi que les autres produits forestiers, tels que lièges, écorces,
résines.
Ces tableaux figurent en annexes au mémoire que j'ai rédigé.
Afin qu'on puisse les consulter et les comparer facilement, ls sont
traduits en français et les mesures et monnaies sont exprimées en
mesures métriques et en monnaies françaises.
En examinant ces tableaux, on voit qu'en Europe, les importations
de bois communs sont supérieures aux exportations en Angleterre,
en Belgique, dans les Pays-Bas, en Suisse, en Allemagne, en Dane-
mark, en France, en Espagne, en Portugal, en Italie, en Grèce,
en Bulgarie, en Serbie et sans doute aussi en Turquie, mais ce
dernier pays ne publie pas de statistique douanière.
Cet ensemble de pays a une surface de 267 millions d'hectares
TA FR
sd trs iuur À d "ho.
—#2( 33 )es—
et une population d'environ 215 millions d'habitants, représentant
57 p. 100 de la population totale de l'Europe.
Il comprend toutes les nations dont la population est la plus
dense, dont l’industrie est la plus florissante, le commerce le plus
actif, toutes celles qui furent le siège des plus anciennes et des plus
brillantes civilisations, toutes celles, enfin, qui produisent en plus
grande abondance le fer, l'acier, la houille. Cette dernière consta-
tation vient à l'encontre de cette opinion beaucoup trop répandue,
que je citais en commençant, que l'emploi du fer et de l'acier tend
à réduire l'usage du bois et permet de se désintéresser de la pro-
duction forestière.
Je ne puis entrer dans de grands détails sur chacun des pays
dont la production de bois d'œuvre est insuffisante.
Je dois me contenter d'appeler l'attention sur quelques-uns des
chiffres les plus saillants. :
L’Angleterre est le pays où l’excédent des importations est le plus
considérable.
Pour les cinq dernières années, il a été en moyenne de 12 mul-
lions de mètres cubes, en grande partie débités, équivalant au
minimum à 15 millions de mètres cubes en grume, valant 470 mil-
lions de francs. Ge déficit est égal à 2 fois et demie la production
totale en bois d'œuvre des 9 millions et demi d'hectares de forêts
que possède la France.
IL est en progression constante, il a plus que triplé depuis 1860.
Les importations anglaises se composent, pour plus des 5/6, de
bois résineux.
Vient ensuite l'Allemagne, dont l'excédent d'importation, en 1 893,
a été de 7,300,000 mètres cubes, valant 343 millions. Ce chiffre
est d'autant plus étonnant que l'Allemagne est un pays bien boisé,
possédant près de 14 millions d'hectares de forêts couvrant
23.3 p. 100 de son territoire, vénéralement bien soignées.
H y a dix ans, l'excédent d'importation en Allemagne n'atteignait
SYLVICULTURE, 3
—#2( 34 jes—
pas À millions de mètres cubes et n'avait qu'une valeur de 94 mil-
lions de francs. |
L'excédent d'importation de 1898 équivaut à 9 millions de
mètres cubes en pgrume : une fois et demie la production totale de
la France.
En Belgique, l'excédent d'exportation en 1898 a été de
1,463,000 mètres cubes, valant 102 millions de francs. Depuis
1860 il a augmenté dans la proportion de 1 à 6 et demi.
En 1888, la Suisse se suffisait à peu près à elle-même, impor-
lations et exportations étaient peu différentes. En 1898,il y a
excédent d'importation valant 14,750,000 francs. C’est la consé-
quence des grands progrès de l’industrie en Suisse, progrès dont la
marche s'accentue par l'utilisation de ses chutes d’eau pour la pro-
duction des forces électro-chimiques. La Suisse n’a pas de houil-
lères comme l'Angleterre, la Beloique ou lAHlemagne, mais elle a
une grande réserve de force dans ses glaciers. Les olaciers, a-t-on
dit, sont de la houille blanche.
Les Pays-Bas ont eu un excédent d'importation de 18 millions
de francs;
Le Danemark, de 31 millions;
L'Espagne, de 29,500,000 francs:
Le Portugal, de 5 millions;
L'{tahe, de 31 millions ;
La Grèce, plus de 3 millions ;
La Buloarie, plus de millions ;
La Serbe, de 362,000 francs. I est à supposer cependant que la
Serbie a une étendue de forêts suffisante, mais, comme elles sont
mal desservies, 1l est moins coûteux de recevoir des bois d'Autriche
par le Danube.
En France, dans les cinq dernières années, la valeur moyenne
des importations de bois d'œuvre commun a été de 140,408,000 fr.,
celle des exportations de 41,660,000 francs, d'où il résulte un
excédent moyen d'importation de 98,660,000 francs.
—#»( 30 )e3—
Si l’on ramène nos importations et exportations au volume en
srume on trouve pour :
PeE D porlabions, 5e ANSE, LAN 3,028,000 €
ERA TU A ÉTTRU LE SABRE CSA MARNE © 1,492,000
ÉXGKDENE: 2: 0... : 2,330,000
En examinant marchandises par marchandises, on s'aperçoit
immédiatement qu'alors que nos importations portent sur des pro-
duits de belle qualité, dont le débit exige l'emploi de bois de 100
à 190 ou 200 ans, nos exportations comprennent surtout des
produits de moindre qualité et des bois peu àgés.
Ainsi il y a un excédent d'importation de 2,800,000 mètres
cubes sur les sciages résineux (les forêts soumises au régime fo-
restier n en produisent que 1 million à 1,100,000 mètres cubes);
nous importons en outre 227,000 mètres cubes de rondins rési-
neux.
Nous avons aussi un excédent d'importation de 428,000 mètres
cubes sur les sciages et merrains de chêne.
Par contre, les excédents d'exportation comprennent 70,000 mè-
tres cubes de traverses de chemin de fer et 1,040,000 mètres
cubes de bois bruts d'essences diverses, de perches et d’étançons.
Le déficit réel est plus considérable que celui révélé par les
comparaisons faites sur les bois communs, car nous importons
122,000 tonnes de pâtes de bois équivalant à 700,000 mètres
cubes de résineux.
J'aborde les pays à excédents d'exportation.
En Europe ils sont actuellement au nombre de cinq principaux :
la Norvège, l’Autriche-Hongrie, la Suède, la Finlande, la Russie
et deux beaucoup moins importants la Roumanie et la Bosnie et
Herzégovine que je laisserai de côté.
La Norvège est le pays sur lequel on doit le moins compter. Elle
3,
—+#3( 36 )e3—
n'est pas très boisée; son taux de boisement n'atteint que 21 p.100
et ses forêts ont été fortement attaquées.
L’excédent d'importation du bois d'œuvre y croît encore en valeur
parce que les bois se vendent à un prix plus élevé, mais reste sta-
tionnaire en volume. H a été de 1,500,000 mètres cubes en 1898,
équivalant à > millions de mètres cubes én grume.
H faut d'autant moins compter sur les forêts de Norvège qu'elles
sont depuis vingt ans sous le coup d'une nouvelle cause de ruine
qui est la fabrication de la pâte à papier.
Tant qu'on ne trouvait à vendre avantageusement au dehors que
les bois de charpente et les sciages, on se bornait à enlever Îes gros
arbres et on laissait sur pied ceux de petites dimensions qui reconsti-
tuaient peu à peu les forêts, mais, la pâte à papier pouvant être
fabriquée avec de jeunes arbres, on est incité actuellement à réa-
liser dans les exploitations tout le matériel sur pied.
Les exportations de pâte à papier s'élevaient en 1875 à 8,500 !.,
valant 944,000 francs.
Elles ont atteint, en 1898, 315,000 tonnes, valant 24 mil-
lions. Ges 315,000 lonnes équivalent à 1,400,000 mètres cubes
urume.
L'Autriche-Hongrie a eu, en 1898, un excédent d'exportation de
198 millions équivalant à 6,800,000 mètres cubes grume.
I est supérieur de 77 p. 100 à celui de 1888 , en raison des de-
mandes de plus en plus grandes des pays importateurs et principa-
lement de l'Allemagne.
Cette augmentation continuera-t-elle? C’est peu probable.
Le taux de la natalité est très élevé en Autriche-Hongrie. H a
été dans la période 1889-1892 de 37.7 pour 1000 en Autriche,
de 42.2 en Hongrie, alors qu’en France il n’était que de 22.5.
En mème temps que la population de l'Autriche-Hongrie
augmente son industrie fait de grands progrès. D'année en année
la consommation intérieure devient donc plus considérable.
Si l'Autriche-Hongrie avait une population aussi dense que celle
Er #, 37 )e3-—
de l'Allemagne, elle posséderait 62 millions d'habitants, alors
qu'elle n’en a que 4 1 millions, et ses 18,780,000 hectares de forêts
ne lui sufliraient peut-être plus puisque, avec 1 4 millions d'hectares
et 55 millions d'habitants, l'Allemagne doit importer l'équivalent
de 9 millions de mètres cubes en grume.
I ne faut donc pas compter mdéfiniment sur les forêts de lAu-
triche-Hongrie.
L'exportation croîtra peut-être encore pendant quelque temps,
puis diminuera si, comme tout le fait supposer, rien ne vient
arrêter les progrès de sa population et de son industrie.
La Suède constitue une des plus belles réserves forestières du
globe. Ses 18,200,000 hectares de forèts représentent Lo p. 100
de la surface du territoire et paraissent être généralement en bon
état de conservation.
L'excédent des importations en 1898 s’est élevé à 6,400,000
mètres cubes, équivalant à 9 millions de mètres cubes grume et va-
lant 198 millions de francs.
Cet excédent ne semble pas destiné à croître beaucoup si la
Suède tient dans l'avenir, comme par le passé, à maintenir son
capital forestier intact.
La consommation intérieure en Suède est en effet très considé-
rable en raison de la rigueur du climat, la population augmente et
l'industrie ne peut que se développer.
Celle de la pâte de bois est très florissante. Les exportations de
ce produit, qui étaient de 30,000 tonnes en 1888, se sont élevées à
181,000 tonnes, d’une valeur de 1 millions et demi de francs,
en 1895.
La fabrication de 1898 a exigé la mise en œuvre de 1 million
de mètres cubes grume.
La Finlande est admirablement boisée. Elle possède 22,500,000
hectares de forêts, couvrant les six dixièmes de son territoire et n’a
que 2 millions et demi d'habitants.
Néanmoins la consommation intérieure est si considérable pour
—#2( 38 63 —
clôtures, constructions, chauffage (on dit que chaque habitant
brüle, en moyenne, 7 mètres cubes de bois par an) que cette con-
sommation, ajoutée aux exploitations faites pour la vente au dehors,
paraît absorber la production normale des forêts accessibles. On
constate même que dans ces forêts la proportion des gros bois tend
à diminuer. Alors qu'en 1889 il suffisait d'employer 33,9 tronces
pour obtenir un standard de bois scié, cette proportion s'est élevée
à Lo tronces en 1896.
Les exportations de 1898 ont porté sur 3,300,000 mètres cubes,
équivalant à 4 millions et demi de mètres cubes grume, valant
89 millions de francs.
La fabrication de la pâte de bois se développe aussi en Finlande.
Les exportations de pâtes et de cartons qui étaient de 3,600 tonnes
en 1877 , ont atteint 42,200 tonnes en 1898.
La Russie, Y compris la Pologne, mais à l'exclusion de la Fin-
lande, a une surface de 501,600,000 hectares et une population
de 103.6000,000 habitants.
La densité de la population n’est done que de 1 habitants par
kilomètre carré.
Les forêts occupent, sur lensemble du territoire, une pro-
portion qui est approximativement de 3° p. 100, un peu supérieure
à celle d: lAutriche-Hongrie 30, mais inférieure à celles de Ja
Suède Lo et de la Finlande 60.
La richesse forestière de la Russie tient donc beaucoup plus à
la faible densité de sa population qu'à l'étendue de ses forèts rela-
tivement à son sol.
À l'heure actuelle, la production forestière de la Russie est supé-
rieure à ses besoins. Elle a donné, en 1897, un excédent d'expor-
tation de bois d'œuvre valant plus de 130 millions.
Peut-on compter qu'il en sera indéfiniment ainsi?
Je ne le pense pas.
[est certain qu'il y a encore en Russie de grandes forêts à peine
attaquées et qu'on pourra, au fur et à mesure qu'elles seront
(39 je —
abordées par des voies de communication, y installer des exploi-
tations et par suite augmenter les exportations.
Cela durera-t-1l 0 ans, 30 ans? je ne sais, mais je suis per-
suadé que la situation se modifiera avant 50 ans. Je l'affirme parce
que je crois à l'immense avenir du peuple russe.
Sa population, qui n'était que de 14 millions d'habitants sous
Pierre le Grand, de 36 millions à la fin du xvurt siècle, est actuel-
lement de 103,600,000; elle sera de 150 millions au milieu du
siècle prochain. Si elle égalait en densité la moitié seulement de
celle de l'Allemagne, elle attemmdrait 250 millions. Cela n'a rien
d'impossible, car si les provinces du Nord ne sont pas destinées à
être jamais bien peuplées, il n'en est pas de même de celles du
Centre etdu Midi.
Prenons seulement le chiffre de 150 millions d'habitants. I en
résultera une augmentation de 50 p. 100 sur la consommation
actuelle, en supposant que la consommation par tête reste con-
stante.
Mais les besoins de bois d'œuvre augmenteront plus rapidement
que la population. La Russie, qui fut longtemps une nation exclu-
sivement agricole, est en train de devenir un pays de grande in-
dustrie. Les progrès dans ce sens sont très rapides. La production
de la fonte, qui n'était que de 286,000 tonnes en 1861, a été de
1,871,000 tonnes en 1897.
La constitution topographique de la Russie lui impose d'ailleurs
l'impérieuse nécessité de ménager ses forêts. La Russie forme une
plaine immense s'étendant sur plus de »,000 kilomètres de Jon-
gueur de l'océan Glacial à la mer Noire, sans être recoupée par
des chaînes de montagne formant abri. Pour atténuer ce que ces
conditions ont de fâcheux pour le climat et par suite pour lagri-
culture, il est de toute importance que le pays soit fréquemment
traversé par des lignes de grandes forêts.
Aux États-Unis, la surface boisé est inférieure à 200 millions
d'hectares, alors que l'étendue totale de l'Union (non compris VA-
—-#2( A0 )e:—
laska et les grands lacs) est de 383,600,000 hectares. Le taux de
boisement n’est donc que de 5 p. 100.
Les États-Unis ne peuvent être considérés comme un pays très
boisé. S'ils possédaient une population en rapport avec leur éten-
due territoriale, leurs forèts seraient tout à fait insuflisantes.
Cette population, qui augmente de 2 p. 100 par an, était de
63 millions en 1890: elle sera, sans doute, de 75 millions cette
année, et d’au moins 100 millions dans vingt ans.
Cependant, la destruction des forêts, commencée depuis trois
siècles, se poursuit sans relâche.
Ce sont ces abatages, faits sans souci de l'avenir, qui alimentent
l'exportation. Celle-ci a eu un excédent d'environ 100 millions de
francs dans l’année fiscale 1897-1898 (147 millions contre 47 mi-
lions).
L'augmentation de la consommation, jointe à la diminution de
production, est destinée dans temps assez court à diminuer Îles
exportations. Elles cesseront ou seront compensées par des impor-
tations d'égale importance.
Le Canada, dont la surface est égale aux quatre-vingt-cinq cen-
tièmes de celle de l'Europe, ne possède que 5 millions d'habitants.
On lui attribue environ 320 millions d'hectares de forêts, soit
37 p. 100 de sa superficie totale. I représente donc actuellement
une magnifique richesse forestière.
Cette richesse n’est exploitée en vue de l'exportation que depuis
les premières années de ce siècle; jusqu'alors les forêts étaient res-
tées à peu près intactes.
Elle n’est pas inépuisable. I faut bien se garder de croire que
toutes les forêts du Canada sont aussi belles que celles qui ont été
attaquées les premières en remontant le long des affluents du Saint-
Laurent, et que l’on a déjà appauvries.
En s'avançant vers le nord on trouvera des peuplements mois
denses, des arbres plus courts, enfin des peuplements rabou-
gris.
—#>( AT es
Les forêts du Canada sont soumises à de nombreuses causes de
destruction.
Il y a tout d'abord les défrichements effectués pour l'établissement
des centres de population et l'extension des cultures. La plupart
d’entre eux étaient nécessaires.
I y a ensuite les exploitations faites en réalisant le matériel de
proche en proche, sans aménagement, sans aucune préoccupation
d'assurer le repeuplement.
Ï y a enfin, et surtout, les incendies qui détruisent plus de WE
qu'il n'en est abattu par la hache des bücherons.
Indépendamment de la consommation locale qui est très élevée
et qui ne peut qu'augmenter, le Canada doit, dès à présent, con-
tribuer à alimenter l'Angleterre et les États-Unis. sans compter ce
qu'il envoie dans le reste de l'Europe et dans l'Amérique du Sud.
D'’année en année sa clientèle s'étend dans l'Extrème-Orient, en
Australie, dans les îles du Pacifique. C'est vers lui que se reporte-
ront les demandes quand elles ne pourront plus recevoir pleine sa-
tisfaction dans le nord et l'est de l'Europe. Les bois du Canada
sont ainsi appelés à trouver des débouchés de plus en plus larges.
Ce serait donc un acte de haute sagesse de chercher à ménager
ses forêts. Si on ne le fait pas, on risque de voir sa grande richesse
décliner rapidement.
L'excédent d'exportation de l'année fiscale 1897-1898 a eu
une valeur de 127 millions de francs.
La fabrication de la pâte à papier prend une grande extension au
Canada ; les exportations, dont la valeur était de 415,000 francs
en 1890, ont atteint 6,276,000 francs en 1898.
En dehors de l'Europe septentrionale et orientale et de l'Amé-
rique du Nord, il n'y a aucune ressource forestière sur laquelle on
puisse compter.
Le temps me manque pour vous parler en détail d l'Asie, de
l'Afrique, de l'Amérique du Sud, de l'Australie.
—+>( 12 )ee3—
Je puis seulement vous y signaler des pays dont la production
forestière est tout à fait insuffisante et qui sont en train de devenir
des clients sérieux pour les autres :
En Asie, la Chine qui s'ouvre aux industries de l'Occident, où
l'on construit des chemins de fer, où l’on commence à exploiter des
mines de houille ;
En Afrique. l'Épypte qui a importé en 1897 pour 12,800,000 fr.
de bois d'œuvre;
L'Afrique australe (Cap, Transvaal, Orange, etc.) où la popu-
lation grandit sans cesse, où abondent les mines de toutes espèces,
et qui achète du bois en Suède;
En Amérique du Sud : la République argentine, pays plein
d'avenir qui, en 1898, a importé pour 26,500,000 francs de
bois d'œuvre et n’en a exporté que pour 00,000 francs, car
je ne compte pas comme bois d'œuvre les rondins de quebracho
envoyés en Europe pour servir au fannage et qui ont eu une valeur
de 9,500,000 francs ;
L’Austrahe, dont le taux de boisement n’est que de 4 p. 100
et qui cependant détruit les forêts beaucoup trop rares qu'elle
possède et doit, dès à présent, importer annuellement pour plus
de 20 millions de francs de bois.
En résumé, plus de la moitié de la population de l'Europe a un
déficit dans sa production.
Ailleurs les excédents sont menacés : en Norvège, par l'épuise-
sement des forêts; en Autriche-Hongrie, en Russie, aux États-Unis,
par l'accroissement des besoins intérieurs dus à l'augmentation de
la population et au développement industriel.
Il ne reste donc que trois réserves forestières d’un certain avenir:
la Suède, la Finlande et le Canada.
C'est absolument insuffisant en présence des demandes toujours
plus grandes des vieux États de l'Europe ou des jeunes nations des
régions australes.
—+#%( 43 )es—
On marche vers la disette..
La hausse des produits forestiers à laquelle il faut s'attendre
pour les belles marchandises ne fera que précipiter l'échéance
fatale.
La production ligneuse, dans laquelle le temps intervient comme
facteur principal, est en effet soumise à des règles économiques
très différentes de celles qui régissent la production industrielle ou
agricole.
En thèse générale, toute augmentation des prix payés par le
consommateur a pour résultat de surexciter la production.
Quand il s’agit de produits ligneux, toute majoration des prix
incite les propriétaires imprévoyants à réaliser les capitaux fores-
tiers accumulés par les générations précédentes; d’où résulte qu'à
toute augmentation de la demande correspond une destruction et,
par conséquent, une diminution de la production.
La situation présente est donc pleine de périls, et 11 est urgent
d'en saisir l'opinion publique.
Il faudrait que, partout où il en est temps encore, on arrètät les
destructions inconsidérées de forêts, soit par des mesures législa-
tives strictement appliquées, soit en faisant comprendre aux pro-
priétaires que leur intérèt bien entendu consiste à n'exploiter que
la production de leurs forêts et à en respecter le capital.
H faudrait écarter définitivement ce préjugé encore trop répandu:
que mettre un pays neuf en valeur consiste à en détruire Îles
forèts.
La production des bois d'œuvre devrait être le but de toutes les
opérations de culture et d'aménagement. Jadis on prétendait que
cette production était interdite aux particuliers à cause du faible
taux auquel fonctionnent les capitaux engagés dans les futaies.
Mais aujourd'hui que l'intérêt des valeurs de tout repos ne dé-
passe plus 3 ‘, et descendra peut-être encore, il semble qu'un
particulier puisse avoir profit à élever sur les taillis des réserves
qui assurent à son épargne un intérêt au moins égal ou à produire
—+#>( 4 \es—
dans les sapinières des bois de sciage.qui lui donnent 2 à 3 p.100
du capital engagé, abstraction faite de l'augmentation cependant
bien certaine du prix du bois.
Ce sont des notions peu connues qu'il faudrait répandre.
L'augmentation de la valeur du bois d'œuvre conduira sans
doute aussi à en éviter le gaspillage, à être plus soigneux dans la
manière de diriger le débit, à n'utiliser comme bois de feu que ce
qui est absolument impropre aux usages industriels. |
Ï faudrait aussi que la propriété forestière ne fût pas accablée
d'impôts, sous prétexte qu’elle est entre les mains de personnes
riches, ce qui d'ailleurs est inexact. I y a en France des forêts
dont l'impôt direct est égal à 20 ou 25 p. 100 du produit brut, et
cependant, maloré ceite large participalion aux dépenses publiques,
ces propriétés ne sont l’objet d'aucune surveillance de la part de
l'autorité, et leurs possesseurs sont obligés d'entretenir et de payer
des gardes particuliers.
Enfin, il n'est pas dans l'Europe occidentale ou méridionale de
pays où l’on ne trouve des milliers et même des millions d'hectares
de terres incultes ou dont l'utilisation agricole a cessé d'être rému-
nératrice. Tous ces terrains devraient être boisés. Les États de-
vraient prodiguer les encouragements non seulement par des
exemptions d'impôts, mais aussi par des délivrances gratuites de
graines et de plants et mettre à la disposition des propriétaires,
pour les guider, leur personnel forestier expérimenté. Is ne de-
vraient pas hésiter à acquérir une partie de ces surfaces. Les achats
de terrains situés en montagne, sur les bords des torrents, sont
certainement très utiles, et il n'y a pas lieu de les ralentir, puis-
qu'ils répondent à un grand intérêt général. Mais par ces achats,
il s’agit plutôt de défendre contre les puissantes forces des eaux cou-
Jantes que de créer des massifs forestiers productifs de marchan-
dises de grande valeur, On verra rarement, sans doute, s'élever
de riches forêts le long des torrents ou sur les pentes abruptes.
Leur place est dans les plaines, sur les plateaux ou sur les mon-
—+#2( 45 es —
tagnes de moyenne élévation. Cest à qu'il importe d'installer soit
des forêts de chènes, soit des sapinières. On disait autrefois : «Il
faut défricher les plaines et reboiser les montagnes». C'était une
profonde erreur. Les forêts sont aussi nécessaires en plaine qu'en
montagne; la plaine produit du bois que ne donne pas la montagne
et toutes les plaines ne se prêtent pas à la culture agricole.
Pour prendre toutes ces mesures, 11 n'y a pas un moment à
perdre. La production forestière ne s'improvise pas; il faut un
siècle ou un siècle et demi pour obtenir des bois de sciage, et la
disette des bois d'œuvre se fera peut-être sentir avant cinquante
ans. (Vifs applaudissements répétés.)
M. ze Présent. Je crois être l'interprète de vos applaudis-
sements en remerciant très vivement M. Mélard de sa communi-
cation si intéressante, présentée avec autant de talent que de
science. (Marques unanimes d'approbation.)
Sur la proposition de M. Le Présinenr, le Congrès international
de Sylviculture vote des félicitations à M. Mérarr.
M. ze Présent. Conformément à l’article o du règlement du
Congrès international, le Congrès se réunira demain dans ses sec-
ü ; 1 L
tions pour l'élection des bureaux.
M. CuarzemaGne, secrétaire général du Congrès, donne connais-
sance de l'article g, ainsi conçu :
Arr. 9. Le Congrès se partage en trois sections :
1"° Section. — Économie forestière (arboriculture , sylviculture, aména-
gement, exploitation et commerce des bois, travaux d'amélioration, légis-
lation forestière, enseignement forestier; stations de recherches et d’expé-
riences, introduction d’essences exotiques; statistique ) ;
2° Section. — Influence des forêts au point de vue du maintien des
—##( 46 )e3—
terres, du régime des eaux et des phénomènes météorologiques (restau-
ration des montagnes, reboisement des terrains incultes, dunes, défri-
chements, météorologie forestière ):
3° Section. — Application des sciences à la sylviculture (sciences ma-
thématiques, sciences physiques et chimiques, sciences naturelles).
Ces sections seront provisoirement présidées, jusqu'à la consti-
tution du bureau définitif : |
La 1° section par M. Fsrer, administrateur des Eaux et Fo-
rêts;
La 2° section par M. Deconcze, ancien député;
La 3° section par M. Cuarpenrigr, essayeur des monnaies de
France.
M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL donne connaissance de l'ordre des
séances du Congrès, ainsi réglé :
Lundi 4 juin. .. à à heures du soir... Séance d'ouverture du Congrès.
‘Constitution des bureaux des
Pc rrne MAUR sections (art. 13 du règle-
[at
ment) et séances des sec-
tions.
Mardi 5 juin... |
2 heures du soir... Séances des sections.
[LES
10 heures du matin. Séance générale.
©
Mercredi 6 PA À S MIdE = EEE Banquet offert aux congressistes.
| à L heures du soir... Séances des sections.
ES | à 10 heures du matin. Séances des sections.
Jeudi 7 juin...
“ = f r L4
| à o heures du soir... Séance générale.
Vendredi 8 juin... Visite de l'Exposition.
Excursion facultative dans la forêt domaniale de Fon-
Samedi o juin... ;
93 tainebleau.
Ux meuere pu conGrÈs demande s'il sera permis de traiter dans les
séances de sections des questions autres que celles qui figurent à
l'ordre du jour.
et de à LA. ;
—#2( 47 es
M. ze Présinenr répond affirmativement, en faisant observer que
ces discussions doivent éclairer toutes les questions forestières 1m-
portantes; ilimporte donc de ne pas se limiter strictement au pro-
oramme primitivement fixé.
Comme conclusion de cette observation, sur la proposition d'un
des membres du bureau, la séance générale du mercredi matin,
6 juin, est remplacée par une séance de sections.
M. ze Présinenr donne lecture de la communication suivante :
J'ai à vous annoncer que, conformément à l’article 12 du règle-
ment du Congrès, le bureau de la Commission d'organisation s’est
adjoint comme vice-présidents :
MM. le docteur Danckezuanx, directeur de l'École d'Eberswalde :
pe Kiss pe Newrsker, secrétaire d'État au Ministère royal hongrois de
l'Agriculture ;
Dnurz, conseiller d'État, directeur général des Forêts d'Autriche;
De Bruyn, ancien Ministre de Agriculture et des travaux publics de
Belgique;
Muzzer, directeur des Forêts et chambellan du Roi, veneur de la
cour de Danemarck ;
le baron nez Casrizo pe Cairez, directeur général de l'Agriculture à
Madrid (Espagne );
DE Niximixe, directeur général des Forêts d'État de Russie:
Coaz, inspecteur fédéral en chef des Forêts, à Berne (Suisse).
Comme secrétaires :
MM. Fisuer, professeur adjoint à l'École de Coopers-Hill (Angleterre );
Pure x Vazs (Rafael), ingénieur en chef des Forêts d'Espagne;
WEBER , professeur à Munich;
Géranp pe Porrere, garde général des Forêts de Hongrie.
Je souhaite la bienvenue à nos éminents collègues et les remercie
de leur si utile concours.
—+#3( 18 )e3—
M, Le Présinenr fait également connaître la liste des membres
du Congrès qui se sont excusés :
France.
MM. Vicer, député, ancien Ministre de l’agriculture;
Gasé, directeur honoraire de l'Administration des Forêts;
Cauver, sénateur, vice-président de la Commission d'organisation.
Allemagne.
MM. le docteur Davcxezmann, directeur de l’École d'Eberswalde ;
le docteur Eserwayer, professeur à l'Université de Munich;
le docteur Neumzisrer, directeur de l’'Umiversité de Tharandt:
le docteur Tursxo ne Lorey, professeur à l'Université de Tubingue.
États-Unis.
MM. Jaue Wivson, président de lAmérican Forestry Association à Wa-
shington;
SarcenT, professeur à Jamaïca Plain (Massachusetts).
Hollande.
M. Sroxesz, sénateur, président de la Nederlandsche-Heide Maatschappi},
au château de Closse-Lochen (Pays-Bas).
Hongrie.
MM. ve Benô, député, ancien directeur général des Forêts de Hongrie;
pe Sozrz, directeur général des Forêts du royaume de Hongrie.
Russie.
M. 0e Nine, directeur général des Forèts d'Etat.
Suisse.
s "A . .
M. Rouuer, inspecteur général des Forêts, président de la Société fo-
restière suisse.
et 09 es —
M. ve Présinenr donne lecture aux membres du Congrès d'une
dépêche de M. pe Nix, directeur général des Forèts d'État de
Russie :
Au moment où va s’inaugurer le Congrès international de Sylviculture,
je viens vous prier, Monsieur le Président, de vouloir bien être l'inter-
prète de mes sentiments chaleureux auprès de l'assemblée forestière uni-
verselle, lui souhaitant prospérité dans ses travaux auxquels, à mon vif
regret, 1l m'est impossible de participer. Je garde un profond souvenir du
charmant accueil que j'ai reçu en France. ( Vifs applaudissements. )
La séance est levée à 6 heures et demie.
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SYLVICULTURE.
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23
PREMIÈRE SECTION.
r
SEANCE DU MARDI 5 JUIN 1900
(MATIN).
La séance est ouverte à 10 heures 20.
M. Ferer, président de la première section de la Commission d’erga-
nisation, prend place au fauteuil de la présidence; il est assisté de
MM. Guxor, vice-président; Bouyer et Bruann, secrétaires.
M. ze Présipenr expose que le bureau actuel n’est qu'un bureau provi-
soire et qu'il y a lieu, conformément à Particle 13 du règlement, de
procéder à lélection du bureau définitif de la section.
Sur la proposition de M. Boprs, le bureau définitif est nommé par ac-
clamations; il est composé de la façon suivante :
MM. Ferer, Présent.
Diurrz, Dugois, Guyvor, Srarrorp-Howarp, Samios, Muzzer,
Vice-Présidents.
Bouver, Bruann, Cranay, Fankmauser, Secrétaires.
MM. les membres élus prennent place au bureau.
M. e Présipenr remercie ses collègues de l'honneur qu'ils lui ont fait
en l'appelant à présider leurs travaux et donne lecture de l’ordre du
Jour.
La première question inscrite au programme est la suivante :
Traitement des forêts de sapin ; transformation en sapinières des taillis à faible
rendement situés en rérions montagneuses.
Trois communications ont élé annoncées sur cette question, par
MM. Ruvacage, Hurrez et Mer. En l'absence de M. Runacher, et M. Huf-
h.
—+2( 59 es
fel renonçant à prendre la parole, M. Mer est appelé à présenter ses obser-
vations.
M. Mer. Si le Comité d'organisation a compris dans le programme des
travaux du Congrès le traitement du sapin, c’est sans doute à cause de
l'importance économique toujours croissante de cette essence et en raison
des controverses qui, depuis une vingtaine d'années, se sont élevées à
l’occasion de ce traitement.
Ces controverses proviennent, semble-t-1l, de ce qu’on s’est appuyé trop
souvent sur des conceptions a priori plutôt que sur une observation métho-
dique des faits. Il est reconnu que la culture d’une plante agricole doit -
varier suivant la région. Ainsi la vigne ne se cultive pas dans le Midi
comme dans le centre; les blés à grands rendements qui donnent d’excel-
lents résultats dans le Nord et l'Ouest réussissent moins bien dans l'Est. Il
en est de même pour les essences forestières. Leur traitement doit varier
suivant les régions. Celui du sapin notamment, dont l’aire de dispersion
est très étendue, ne doit pas être complètement le même dans les Alpes,
le Jura et les Vosges. Pour une région donnée, il doit même se modifier
suivant l'alüitude. Des observations méthodiques, des expériences pour-
suivies pendant de nombreuses années sont nécessaires pour arriver à établir
les conditions les mieux appropriées au développement d’une essence dans
une localité. C’est afin de faciliter l'exécution de ces expériences qu’on a
organisé des stations de recherches.
FPai depuis vingt-cinq ans la bonne fortune, rare chez les forestiers et
surtout chez les forestiers français, d'avoir pu concentrer mes études
sur un même point : la forêt de Gérardmer, dans les hautes Vosges. Ce
sont quelques résultats de ces études, relatifs au traitement du sapin, que
Je compte exposer au Congrès. Ces résultats sont du reste applicables à
tonte la partie de la région, située au-dessus de 700 mètres d'altitude.
Mais auparavant qu'il me soit permis de dire quelques mots du passé de
celte forêt. Très étendue autrefois, puisqu'elle couvrait presque tout le
canton auquel elle a donné son nom, elle a subi de nombreux défrichements
au cours des siècles derniers. Mais de 1830 à 1850, on a repeuplé en
épicéa de vastes espaces livrés au parcours. Jusqu'au siècle actuel, elle
n'était l'objet d'aucun traitement régulier. La production en était du reste
très faible. Pour en donner une idée, je dirai qu'en 1790 , Gérardmer ne
possédait que deux scieries débitant ensemble 20,000 planches, tandis
qu'aujourd'hui il en existe vingt-deux pouvant débiter chacune 60,000
—#>( 03 )ees—
planches, dont une partie, il est vrai, provient de quelques forêts limi-
trophes.
Depuis 1815 ou 1820, on a cherché à régulariser ces massifs en uni-
formisant les âges, mais c’est seulement en 1870 qu'on a commencé à
appliquer à six séries un aménagement basé sur la méthode de réensemen-
cement naturel et des éclaircies, les deux autres séries. en versants escarpés,
restant abandonnées au jardinage.
L'application de la nouvelle méthode n’eut pas d’heureux débuts. On
faisait des coupes de régénération trop claires; il en résultait un développe-
ment excessif d’arbrisseaux : sureaux à grappes, framboisiers, ronces,
etc. Les graines de sapin ne pouvaient pas arriver jusqu’au sol et le repeu-
plement était compromis. Dans les parties exposées au midi, elles tombaient
sur un terrain trop exposé au soleil et les jeunes plants périssaient. Par
contre le hêtre dont on s'était proposé de restreindre les proportions,
prenait une extension inquiétante. Enfin les sapins porte-semences, trop
brusquement isolés, étaient abattus par les ouragans, très violents dans la
n
région.
Cet état de choses a été modifié. Les coupes de régénération ne sont
plus aussi claires. En général elles le sont encore trop. Elles ne de-
vraient être que des coupes de dernières éclaircies, dans lesquelles se
développerait et se complèterait le sous-étage de sapins dont on commen-
cerait à favoriser l'apparition, par voie artificielle, au besoin, dès l’âge de
50 à 60 ans, à l’aide d’éclaircies précoces et graduées. Le recrü se trou-
verait constitué par les plus belles perches de ce sous-étage et l'on n’aurait
plus qu’à faire disparaître le vieux matériel en deux ou trois exploitations
rapprochées. Les arbres, passant ainsi peu à peu de l’état de massif à celui
d'isolement, développeraient graduellement leur ramure et leur enraci-
nement et l’on aurait beaucoup moins à craindre les dégâts causés par les
ouragans.
Avant de laisser à lui-même le recrû qui comprendrait des sujets d’âges
variés, depuis 2 à 3 ans Jusqu'à 4o ou 50 ans, on le passerait soigneu-
sement en revue pour supprimer les tiges surabondantes ou mal conformées
ainsi que celles qui auraient été blessées par l'exploitation. On répartirait
les jeunes plants et dans les vides, même de faible étendue, on effectuerait
des plantations d’épicéa de moyennes tiges.
On doit, en effet, chercher à introduire l’épicéa dans les hautes Vosges,
bien qu'il ne paraisse pas y être indigène, car 1l y était très rare avant
1830. Aux altitudes comprises entre 800 et 1,100 mètres, cet arbre
—+#2( 54 )e3—
présente plusieurs avantages sur le sapin. Il a d’abord une croissance plus
rapide, ensuite il n’est pas exposé à être chaudronné, affection si commune
chez son congénère et qui en déprécie le tronc à un si haut degré.
De plus il n’est jamais gélivé, ce qui est au contraire très fréquent chez
le sapin; enfin il n'est pas atteint par la carie centrale. (Protestations sur
divers bancs.) Devant ces protestations, je me vois obligé d'entrer dans
quelques explications pour prévenir un malentendu. Quand le tronc d’un
arbre est blessé, le bois dénudé meurt plus ou moins profondément et ne
tarde pas à être envahi par des champignons saprophytes qui le détruisent
et pénètrent ensuite dans la région centrale. L’épicéa est à la vérité très
sensible, plus que le sapin et surtout le mélèze et le pin sylvestre, à ce
genre d’altération. Il est aussi attaqué fréquemment, dans les hautes Vosges
du moins, par un champignon parasite (Stereum sanguinolentum) qui, péné-
trant généralement à la suite d'amputation de branches intéressant le tronc,
détruit le cambium et de là envahit le bois jusqu’au cœur. Mais telle n’est
point la carie centrale proprement dite. Gelle-c1 débute par le cœur de
l'arbre et n’est pas causée, dans le principe du moins, par un organisme.
Elle provient de ce que le duramen (partie centrale du tronc, morte et
dépourvue d’amidon) absorbe facilement l'eau de laubier quand celle-ci
s’y trouve en excès. La pénétration de cette eau qui n’est plus de l'eau de
constitution, mais de l’eau d’imbibition, dans un tissu privé de vie et surtout
les alternatives de sécheresse et d'humidité qui résultent de la variabilité
de cette pénétration , suivant la teneur en eau de l'arbre, finissent par altérer
le duramen et y provoquer la formation de fissures, crevasses ou rou-
lures).
Comme c’est par la partie la plus âgée, c’est-à-dire le bas du tronc que
l’altération débute, il en résulte que par ces fissures qui mettent le bois en
communication avec le sol, des champignons s’y introduisent et en com-
mencent la destruction. C’est à la première phase de cette affection que
doit être réservé le terme de carie centrale, car c’est par le centre du tronc
qu’elle commence, tandis que dans les cas d'infection parasitaire ou pour-
riture provenant de mutilations, c'est par la périphérie. Ainsi entendue,
la carie centrale, très commune dans le sapin parvenu à un âge assez
avancé, est au contraire très rare dans l’épicéa dont le duramen est presque
toujours plus sec que l’aubier, sans doute parce que la ramure transpire
davantage. La pourriture dont, à la vérité, le tronc de cet arbre est fré-
quemment le siège, mais qui ne doit pas, je le répète, être confondue
avec la carie centrale, résulte de blessures dues à la maraude ou à de la
—#>( 00 )63-—
négligence dans l'exploitation des coupes. Une active surveillance peut
remédier à cet état de choses.
Pour tous les motifs qui viennent d’être examinés, l'extension de l’épicéa
dans les hautes Vosges non à l'état pur, bien entendu, mais en association
avec le sapin, est à recommander. Dans les quelque stations de la région
où cette association est réalisée, la végétation, de l'épicéa surtout, est très
florissante.
En revanche il serait très avantageux de supprimer les hêtres dans les
hautes Vosges (protestations), ou tout au moins d’en réduire la proportion.
Je parais commettre une hérésie en matière forestière. Qu'il me soit
permis de m'expliquer et qu’on veuille bien ne pas perdre de vue que je
parle ici seulement des hautes Vosges. La croissance de cet arbre y est trés
ralentie, sans doute par suite de l'altitude et de l'état climatérique qui en
est la conséquence, car 1l n’en est pas de même dans basses Vosges où les
forêts des environs de Saint-Dié présentent de magnifiques spécimens de
celte essence. En outre son tronc est souvent couvert de nodosités chan-
creuses causées par une infection parasitaire, due peut-être au Nectria
dinssima ce qui est encore une puissante cause d’affaiblissement pour la
végétation. Des cantons entiers se trouvent ainsi contaminés. Dans les
meilleures conditions de croissance, telles que les fonds de vallées fertiles
et humides de la région, un hêtre de 150 ans n’atteint qu'une valeur de 4o
à 50 francs, tandis qu'un sapin de même àge, dans la même situation, en
vaut 100 à 120. La présence des hêtres ne paraît pas d’ailleurs favoriser
la croissance des sapins, car on rencontre des massifs peuplés uniquement
de cette dernière essence et dont la végétation est aussi, sinon plus active
que celle des massifs où les deux essences sont mélangées.
Pour ces diverses raisons, le hêtre devrait être graduellement remplacé
par l’épicéa et le sapin aux altitudes comprises entre 800 et 1,000 mètres.
Je ne parle pas, bien entendu, des massifs situés à des altitudes supérieures,
peuplés uniquement de hêtres plus ou moins buissonnants qui sont les
derniers représentants de la végétation forestière, immédiatement au-dessous
des chaumes, et dont le maintien s'impose à titre de protection pour les
versants inférieurs.
En résumé moyennant les modifications dont je viens de parler, modi-
fications qui, somme toute, ne sont pas très considérables et dont les effets
réalisés déjà sur quelques points prouvent que l'extension de ces mesures
ne saurait rencontrer de sérieux obstacles, les aménagements adoptés
—#>( 26 )e3—-
pourraient parfaitement être conservés, au moins dans leurs grandes lignes
sans qu'il soit besoin de les bouleverser pour revenir, ainsi que d'aucuns
l’ont proposé, au jardinage, traitement que chacun interprète à sa manière
et dont il n'existe d’ailleurs aucun véritable spécimen, si tant est qu'il
y en ait Jamais eu. Les coupes de régénération doivent être beaucoup plus
sombres et n'être à proprement parler que des coupes de dernière éclaireie
pour que lensemencement se produise à l'âge de 60 ans. I faut associer
l’épicéa au sapin et supprimer peu à peu le hêtre. Je n'ai pas abordé la
question des éclaircies, puisque demain je dois faire une communication
spéciale sur ce sujet.
M. Hurrez. Le Sapin (abies pechnata, V. C.) est, de beaucoup, la
plus importante de nos essences résineuses indigènes, sinon par son abon-
dance (le Pin maritime couvre, en France, une surface notablement supé-
rieure), du moins par la quantité et la valeur de ses produits.
On peut estimer à Aoo,000 hectares, en chiffres ronds. dont la moitié
est soumise au régime forestier, la surface occupée par le Sapin dans notre
pays, à l'état pur ou mélangé. On le rencontre dans toutes nos montagnes,
à l'exception des Ardennes, d’où il paraît avoir été chassé par l’homme. Il
prospère aussi en plaine, lorsqu'il y trouve un climat favorable, comme
c'est le cas en Normandie, par exemple. Il semble que cette essence ne
puisse se maintenir que là où la chute d’eau annuelle atteint au moins
un mètre, dont le cinquième revenant aux trois mois de l'été. C’est cette
exigence, la plus nette qu’elle manifeste, qui arrête son extension vers les
plaines à climat sec de presque toute l’Europe; elle l’exclut aussi des ré-
gions supérieures de la montagne, où la sécheresse de Fair est souvent
excessive et dans lesquelles les pluies sont moins abondantes qu'aux alti-
tudes moyennes.
I n’est pas dans mon intention de m’étendre sur la statistique des sapi-
nières ni sur la physiologie du Sapin; je bornerai à ce qui précède les
quelques généralités sur cette essence, pour entrer immédiatement au
cœur de mon sujet en vous parlant de quelques-uns des modes de traite-
ment qui ont été suivis en France dans les forêts de Sapins.
[
L'aménagement des sapinières constitue, sans contredit, la partie la
plus difficile, la plus obscure et la moins avancée de l'art du forestier.
——#>( 57 }e3-—
C'est vers le milieu du xvi siècle que nos pères se hasardaïent pour la
première fois à mettre en coupes réglées, c'est-à-dire à exploiter systéma-
tiquement, en vue d’un rapport indéfiniment soutenu, leurs forêts de fu-
taie. [ls y appliquèrent simplement la méthode pratiquée depuis plus de
deux siècles déjà dans les taillis, en se contentant d’allonger les révolu-
tions. Cette méthode, qu'ils ont très judicieusement appelée la méthode
+à tire et à aire» ou «à tire et aire» consistait essentiellement à diviser
la forêt en +triages» ou «aménagements » destinés à former des unités de
geslion indépendantes, ce que nous appelons aujourd'hui des + Séries d’ex-
ploitation ». Chacun de ces triages fournissait annuellement une coupe dont
la quotité ou possibilité était fixée par la contenance à exploiter; celle-ci elle-
même était calculée d’après la contenance du triage et le temps que les
bois mettaient à se reformer. C'était donc la surface à parcourir, l’'&re qui
réglait l'importance des récoltes. L’ussiette des coupes était difficile à défi-
nir dans des forêts parfois inexplorées et presque toujours mal connues
dans leurs parties centrales où l’on manquait de points de repère; aussi
avait-on pris le parti le plus simple, qui consiste à aborder le triage par
une de ses extrémités et à avancer progressivement, en suivant toujours la
même direction, jusqu'a l'extrémité opposée. Chaque assiette, chaque
coupe, prolongeait ainsi la précédente; c'est ce que signifie l'expression de
couper à lire. Les coupes ne se sont jamais faites à blanc étoc, on réser-
vait comme «étalons» les plus beaux arbres jusqu'à concurrence d’un
nombre déterminé spécialement pour chaque forêt; les chiffres inscrits
dans l’ordonnance de 1669 et dans celles du xvi° siècle étaient un mini-
num au-dessous duquel il était interdit de descendre. À défaut de régéné-
rations naturelles on recourait largement au semis de glands pour complé-
ter les repeuplements.
Ce système n’a donné de bons résultats que dans les provinces où la
douceur du climat rend les régénérations faciles et promptes. Aussi ne
trouvons-nous de futaies pleines que dans l’Ouest et le Nord-Ouest de la
France. Lorsqu'on a voulu l'appliquer dans la région orientale, on s’est
heurté à des insuccès continuels : on eut alors l’idée de réduire progres-
sivement les âges d'exploitation, car on avait remarqué, dès cette époque,
que les peuplements relativement jeunes se régénèrent bien plus facile-
ment que les vieilles fntaies; on espérait aussi obtenir ainsi un appoint
de rejets de souche dans les repeuplements. De réduction en réduction on
finit par mettre les forêts dans un état qui ne différait plus sensiblement,
quoiqu’avec des noms différents, des taillis avec baliveaux qui existaient
—+#»( 58 )e3—
déjà en très grand nombre, dès le xiv° et le xv° siècles, sur tous les points
du pays! (a),
Le mode des coupes à aire, ou par contenance, n’a jamais pu être ap-
pliqué aux Sapinières. Nos prédécesseurs en ont été convaincus de très
bonne heure, ainsi que le prouve le texte suivant, que j'extrais du règle-
ment forestier édicté le 27 juin 1613, pour les forêts de Dabo (dans les
Vosges), par Jean- Louis et Philippe-Georges, comtes de Linange et de
Dabo... «Nous ordonnons qu'il ne soit établi aucune coupe dans les fo-
rêts Sapinières, et même où 1l y aurait diverses essences de bois, pourvu
qu'il s’y trouve des arbres de Pins ou de Sapins: le mode d’exploitation ou
de vidange se fera en jardinant, attendu que le sol n'est propre qu'à la
production de ces dernières espèces de bois, et qu'en y établissant des
coupes ce serait ruiner notre domaine et ter out moyen d'existence à nos
sujets ». Je cite ce texte 4 extenso puisqu'il est le plus ancien, à ma con-
naissance, où il soit fait mention du danger du système des coupes (c’est-à-
dire des exploitations à blanc avec étalons) dans Îes sapinières. Buflon a
fait la même observation un siècle plus tard; Duhamel la répétée, et
Dralet, celui de nos auteurs anciens qui s’est le plus étendu sur le traite-
ment des forêts de Sapins, insiste longuement sur l'impossibilité d'y faire
des coupes à blanc.
L’ordonnance de 1669 ne fait aucune allusion à l'existence des forêts de
Sapins. Ce silence s’explique dans une certaine mesure par ce fait que la
France du xvi siècle, avant la conquête de l'Alsace et de la Franche-
Comté et l'annexion de la Lorraine, ne renfermait guère de Sapinières que
dans les Pyrénées, où elles ont toujours été très négligées, comme nous le
verrons dans un instant.
Il
On a dit et répété bien souvent que nos pères aménageaent leurs forêts
de Sapins en jardinage. Rien n’est plus inexact, étant donné le sens que
nous attachons aujourd’hui au mot aménagement et à celui de jardinage.
Nos prédécesseurs n’ont jamais aménagé les sapinières pour la raison
bien simple qu'ils n’ont pas eu l'idée d’une autre méthode d'aménagement
() C’est ainsi que la forêt de Chaux, la plus importante de l’ancien duché de Bourgogne,
avail élé divisée d'abord par M. de Marisy en 16 triages, et chacun de ceux-ci en 100 assieltes
de coupes annuelles. Plus tard le nombre des assiettes fut progressivement réduit, et, vers la
fin du xvm° siècle, il n’était plus que de 30.
sure? 59 )e3-—
que celle des coupes à blanc avec baliveaux ou étalons et qu’ils savaient
fort bien que ce système était fatal au Sapin. Ils y faisaient du jardinage,
c'est-à-dire qu'ils y ont continué, jusqu’au xx° siècle, le régime des ex-
tractions d'arbres suivi dès le moyen âge dans les futaies du domaine de
France. Ils opposaient le Jardinage, c’est-à-dire l'extraction d'arbres à titre
extraordinaire, motivée par un besoin local et momentané, et autorisé
spécialement, à la coupe ordinaire réglementée en vue d’une mise en va-
leur de la forêt, d’un rendement annuel et constant. Aménager et jardiner
étaient contradictoires pour eux, et l’aménagement en jardinage leur eût
été un non-sens.
L'idée de faire du jardinage une méthode d'aménagement est entière-
ment récente. Jen trouve les premières traces dans les traités de Dralet
publiés en 18192 et 1820 et dont Lorentz et Parade se sont certainement
inspirés U). Ces auteurs ont imaginé de toutes pièces une méthode d’aména-
gement à laquelle ils ont donné le nom du jardinage ancien avec lequel il n’a
rien de commun. C’est une grave et pernicieuse erreur que de croire qu'un
traitement identique ou même analogue à celui décrit au paragraphe 448
du Traité de culture de Lorentz et Parade (1"° édition de 1837) ait été
suivi sur n'importe quel point et que nous lui devions les vieux peuple-
ments de nos Sapinières actuelles. Voici ce qui se pratiquait dans quel- .
ques-unes des régions où le Sapin avait de l'importance.
Dès le xv° siècle, nous trouvons, dans la région vosgienne, des scieries
ou scies installées sur les ruisseaux, souvent aux mêmes emplacements où
elles existent encore aujoud'hui, et occupées à transformer en planches les
Sapins des forêts voisines. On concédait, par baïl, la scierie à un marchand
de bois pour un temps déterminé, et lon s’engageait à lui faire tous les
ans la délivrance d’un certain nombre de Sapins (ordinairement 200 ar-
bres de sciage). Les arbres étaient pris dans un district déterminé et af-
fecté d’une manière permanente à la scierie.
Pour assortir le marchand on lui délivrait, en même temps que les
gros arbres, une portion convenue de pannes et de chevrons. Tel était,
dans toute sa simplicité, le mode de mise en valeur adopté. Dans la vallée
se trouve une sce et cette scie a son affectation dans les cantons voisins.
® La preuve matérielle en existe dans les annotations qui figurent en marge d'un exem-
plaire de l’ouvrage de Dralet conservé à la bibliothèque de l'École nationale des Eaux et Forêts.
@) Voir, pour plus de détails, le beau livre de mon maître, M. Guyot, sur Les forèts lor-
raines avant 1789.
——#> 60 }e3—
Lorsqu'un canton est épuisé, on le ferme et on passe au suivant; lorsque
tout le bassin d'alimentation de la scierie est usé, on laisse chômer celle-
ci jusqu'à ce qu'il se soit reformé de gros bois, ou bien on abandonne
pour se transporter ailleurs.
I n'y a là rien qui ressemble à un aménagement de Ia forêt. En fait, le
bas des versants était seul attaqué; les parties hautes restaient vierges et la
majeure portion de l'étendue ne fournissait aucun produit. Tel est le
système resté en vigueur jusqu’au commencement de ce siècle dans les fo-
rêts du domaine et des abbayes, c’est-à-dire dans la presque totalité des
Sapinières vosgiennes.
Dans le Jura, on ne trouve aucune trace de réglementation avant la
conquête française. Au commencement du xvur siècle, nous voyons appa-
raître le célèbre réglement Maclot de 1724 et diverses ordonnances qui
insüituent le régime suivant. Les forêts étaient divisées en deux parties :
l'une, formée du quart de l'étendue, était soustraite à l'aménagement et
lon n'y marquait d'arbres qu’en vertu d'ordonnances spéciales ?, Le sur-
plus était divisé en dix assiettes Chaque année on en parcourait une en y
coupant, en principe, le nombre d'arbres que les agents forestiers avaient
reconnu nécessaire pour les besoins des habitants. Le nombre de ces ar-
bres n’était donc pas prescrit par les réglements; 1l était seulement interdit
d’abattre des bois de moins de trois pieds de tour.
En pratique, les exploitations portaient régulièrement sur tous Îles ar-
bres de trois pieds et au-dessus qu’on rencontrait. Aussi les forêts avaient-
elles pris, à la fin du siècle dernier, l'aspect de massifs irréguliers de
jeunes bois, semis fourrés et gaulis mélangés, sans gros arbres. À l'époque
de ia Révolution, le désordre s'introduisit dans les exploitations; on cessa
de respecter les limites des anciennes assiettes annuelles, les coupes ne
se firent plus guère que dans les parties les plus rapprochées des vil-
lages. Le surplus, rarement visité, se couvrit de vieilles futaies qui se régu-
larisèrent de plus en plus, les gros bois étouffant les bois moyens. Telle
£st l'origine de ces magnifiques futaies, quasi-équiennes, âgées aujour-
d'hui de 150 à 200 ans environ, que nous admirons dans beaucoup de
forêts du Jura : elles proviennent du vieillissement des peuplements irré-
guliers de jeunes bois créés par le régime suivi pendant le xvnr siècle et
4 Presque loutes les forêts du Jura appartenaient, à cette époque, aux communes et aux
: PP ; wc ani. -
abbayes. Le domaine de l'Etat dans cette région de la montagne provient presque entièrement
de la sécularisation des biens du clergé en 1789.
dont les éléments les plus jeunes ont péri sous le couvert. Cette dernière
particularité explique aussi la rareté, dans toute la région, des bois qui
auraient aujourd’hui 100 à 150 ans.
D'autre part les cantons rapprochés des villages se rajeunissaient de
plus en plus par l'extraction continuelle de tous les arbres utilisables, et
l'abus des coupes y favorisait la substitution de l'épicéa au sapin. Depuis,
ces cantons ont passé à l’état de demi-futaies d’une régularité souvent re-
marquable.
Dans les Pyrénées les exploitations des a n'étaient soumises,
semble-t-1l, à aucune règle. La propriété même de ces forêts était indécise
entre l'État et les riverains qui en usaient et abusaient à leur gré. Un ré-
glement de 1561 est le premier acte connu par lequel NS RENTE
paraît s'être occupée des forêts des Pyrénées. C’est une ordonnance du
maitre particulier de Quillan qui établit de légers droits d’afforestement
moyennant lacquittement desquels chacun pouvait prendre en forèt ce
qui était à sa guise. Ce système fut successivement élendu à diverses mai-
trises; 1l fut généralisé en 1 667 : on payait 3 francs pour un mât de na-
vire, 2 fr. 10 sols pour lapprovisionnement d'une forge pendant une
année, » francs pour celui d’un atelier à faconner le bois, etc., etc.
C'est vers cette époque que Louis XIV, pressé de trouver des bois pour
la marine royale, fit visiter, pour la première fois, les forêts des Pyrénées
par le plus distingué des forestiers de cette époque, le commissaire réfor-
mateur général de Froidour. Un certain nombre de forêts usurpées furent
restituées au domaine, et 1l fut procédé à un imventaire général des res-
sources existantes. Presque aussitôt après commencèrent les abatages
d’une quantité énorme de bois de mâture, et ces exploitations en masse,
sans autre limite que les besoins du moment, se poursuivirent sous les rois
Louis XV, Louis XVI et jusqu'à la fin du premier Empire. La destruction
des forêts pyrénéennes a fait des progrès incroyables pendant le cours des
xvn°et xvrn'siècles. Dans cet intervalle les sapinières dela maîtrise de Quillan
ont passé de 32,000 à 10,000 arpents, et Dralet a calculé que, en deux
cent quarante ans (finissant en 1820), les forêts du domaine ont perdu les
deux tiers de leur contenance. Celles des communes et des particuliers ont
encore plus souffert. Les destructions étaient provoquées par les exigences
de la marine royale, la nécessité d'alimenter les feux insatiables des forges
catalanes et linsouciance criminelle des bergers, détruisant par le feu
d'immenses étendues dans ie but d'étendre et d'améliorer les pâturages.
En somme les forêts des Pyrénées se présentaient, au commencement de
ce siècle, dans l’état chaotique le plus lamentable; beaucoup n'étaient plus
connues que par les plans conservés dans les archives, et les forestiers en
recherchaient vainement les traces sur le terrain nu où paissaient les mou-
tons et les chèvres.
III
Les fondateurs de l’enseignement forestier en France, Lorentz et Pa-
rade, ont introduit dans notre pays une nouvelle méthode d'aménagement
par contenance, imaginée vers 1820 en Allemagne, par lillustre H. von
Cotta.
Dans cette méthode, au lieu de fixer, comme dans notre antique «tire
et aire», l'assiette de la coupe afférant à chaque exercice de la durée de
la révolution, on se contente d’arrêter en bloc la contenance à exploiter
pendant une série d’années consécutives qu’on appelle une période. Durant
la période, on réalise le matériel qui lui est aflecté en coupant chaque
année un volume égal. Ce système a lavantage de concilier la pratique
des régénérations lentes, par coupes progressives, les seules possibles dans
les essences ombrophiles et sous les climats rudes, avec les procédés si
simples, si clairs, des méthodes par contenance. Appliquée avec succès dès .
1824 dans certaines forêts de Normandie, la méthode nouvelle se répan-
dit rapidement en France, où elle se modilia d’ailleurs assez sensiblement
pour aboutir à celle bien connue que l’on suit actuellement dans toutes nos
futaies de plaine.
On ne tarda pas à l'appliquer aux Sapinières. Mais ici l’on se heurta à
des difficultés considérables.
Dans les Vosges les versants frais sont presque toujours richement peu-
plés. Il y à soixante à soixante-dix ans on y trouvait en abondance, sur
tous les points, de gros sapins sauf sur le bas des versants dans le voi-
sinage des villages. Là l'extraction radicale des bois utilisables avait fait
naître ou découvert de jeunes semis ou fourrés souvent très réguliers.
Les versants chauds étaient le plus souvent en mauvais état, La pré-
sence du hêtre et du chêne, qui y étaient abondants, avait amené nos pré-
décesseurs à y pratiquer des exploitations en taillis. Ils avaient, eneflet, un
besoin urgent de menus bois de chauffage pour les verreries, salines, hauts
fourneaux, et d’écorces pour la tannerie; ils s’eflorçaient d'en produire
partout où cela paraissait possible, Sous l'influence des recépages conti-
—#2( 63 )e3-—
nuels il s'était formé de grands vides, particulièrement au bas des versants,
où l’on trouvait de vastes champs de bruyères que lon commencait dès
lors à remettre en valeur à laide du pin sylvestre.
En somme on trouvait, dans presque toutes les forêts, des gros bois
sur la majeure partie de l'étendue, mélangés à une minorité de bois
moyens; dans le bas des versants frais quelques perchis réguliers et des
terrains mal boisés sur la partie inférieure des versants chauds.
Dans ces conditions les forêts se prêtaient aussi mal que possible à l’ap-
plication de la nouvelle méthode par contenance. Il y avait une inconsé-
quence évidente à vouloir restreindre la coupe des gros bois pendant la
première période, pendant trente à quarante ans, sur le cinquième ou le
quart de l'étendue, alors qu'il se trouvait du vieux matériel sur les deux
tiers de la contenance. Aussi imagina-t-on la modification suivante du
procédé des affectations.
La révolution était divisée en quatre périodes et la forêt en quatre par-
ties égales. Seulement, comme sur ces quatre parties 1l y en avait toujours
au moins deux très riches en vieux bois, on en attribuait deux, soit la
moitié de l'étendue, à la réalisation pendant la première période. A la
deuxième période on réservait les bonnes parties les moins riches, à la troi-
sième les versants en mauvais état.
Ce système aggravait singulièrement l'inconvénient de la surabondance
des gros bois dans l’ensemble des massifs. L'obligation où l’on se trouvait
de «régénérer», pendant trente à quarante ans environ, la moitié de la
forêt entrainait la réalisation, sur cette étendue, non seulement de tous les
gros arbres, mais encore des bois moyens. Il est vrai que la pratique s'était
introduite généralement de ne couper aueun sapin de moins d’un mètre
de tour; mais on en n’était pas moins forcé d’abattre, dans les deux affecta-
tations données à la première période, une quantité notable d'arbres de 3)
à bo centimètres de diamètre. Pendant ce temps voici ce qui se pratiquait
sur l’autre moitié de la forêt. En Il° affectation 1 s'agissait de régulariser
les peuplements en leur donnant l'aspect de vieilles futaies équiennes; on
respectait donc religieusement les arbres mürs et on s’efforçait de réduire
les bois moyens. Dans l'affectation de la troisième période, au contraire, on
faisait des coupes d'extraction des vieux arbres et on s’appliquait à favoriser
les bois moyens.
En somme, coupe excessive de gros bois sur la moitié ou plus de l’éten-
due (affectations I, IV et parois IL), abatage absolument déplorable des
bois moyens sur la plus grande partie de la forêt (aflectations T, IV et sou-
#2 64 )ex—
vent IT), et, comme pendant, le maintien non moins déplorable de bois
surannés en Î[° affectation : tel est le bilan du système.
Au point de vue de la continuité du revenu, la situation n’était pas
meilleure. La première période de la révolution était dotée surabondamment
la deuxième l'était à peu près normalement, la troisième insuflisamment et
la quatrième misérablement. Les précomptages inventés en dernier lieu pour
corriger ce défaut, rendirent le procédé de calcul de la possibilité incohé-
rent, illogique, sans remédier beaucoup au mal.
Tous ces inconvénients étaient encore très aggravés par obligation qu'on
s'était imposée, assez bénévolement, de former les affectations d’un seul
tenant sur le terrain. C’est ainsi que des parcelles de bois moyens, en-
clavées dans des parties riches en vieux bois, étaient affectées à la première
période et réalisées sans pitié; sacrifice énorme fait à la réalisation d’un
idéal trop étroit, d’après lequel tous les bois d’une même catégorie ne
doivent former qu’une seule masse dans la série. Les virements ou transferts
pratiqués pour atténuer cet inconvénient ne le réduisaient qu'en partie et
finissaient par introduire dans les aménagements une complication insup-
portable, d’où naissait le désordre.
En résumé le système amenait à couper les bois moyens et à laisser dé-
pirer les vieux bois ce qui est contraire au bon sens et à la loi suprême de
tous les aménagements; il dotait les périodes successives de revenus in-
égaux et rapidement décroissants; il était compliqué et son procédé pour le
calcul de la possibilité 1llogique.
Dans le Jura, les inconvénients de la méthode par contenance appliquée
au Sapin furent moindres. Les peuplements y sont plus équiennes, les gros
bois beaucoup moins disséminés. La disposition du terrain en plateaux ou
en arêtes rectilignes y rend les forêts infiniment plus homogènes au point
de vue du climat et du sol, ce qui est une condition favorable à l'emploi
des méthodes par contenance.
En revanche , les régénérations sont, dans le Jura, plus difheiles et plus
lentes que dans les Vosges. surtout dans les vieux massifs. Aussi n’a-t-on
guère obtenu de bons résultats qu’en dérogeant aux aménagements, en fai-
sant durer soixante ou même quatre-vingts ans des régénérations qui de-
valent être effectuées en un temps moitié moindre. On a constitué ainsi les
forêts sur un type sensiblement différent (ce qui est heureux à mon sens)
de celui qui était prévu par les règlements. On à aussi très largement re-
couru, dans ces forêts, faute de semis naturels, aux plantations d'Épicéa
—#2( 65 )es—
qu'on à substitué au Sapin sur d’assez grandes surfaces. Malgré cela, c'est
dans le Jura que la méthode par contenance a encore le plus de partisans,
quoique le nombre de ceux-ci diminue de jour en jour.
Il y a une vingtaine d'années environ que la réaction contre la mé-
thode par contenance, que ses adversaires appellent encore quelquefois la
méthode allemande (quoiqu’elle ne ressemble plus guère «au Flächen-
Fachwerck » de Cotta) et que ses partisans ont gralifiée du nom de méthode
naturelle, a commencé à se dessiner. Aujourd’hui limmense majorité des
forestiers lui est défavorable et on a commencé à parler de RETOUR au
sarpinaGe el qu'il est décrit dans les traités classiques. Nous savons ce
qu'il faut penser de ce relour à une méthode qui n’a jamais été appliquée
par nos pères. On essaya cependant de faire des aménagements d’après la
formule imaginée par Dralet et ses successeurs.
Les forêts furent divisées en dix ou douze parcelles. Chaque année, on
devait en parcourir une en coupant une quantité de gros bois calculée en
fonction de la richesse de son matériel. On renonçait à assigner une règle
à la coupe des bois moyens, et, sans doute pour voiler cette impuissance
du système, on déclarait comme un dogme que le jardinage ne comporte
pas de produits intermédiaires. Ge système ne résiste guère à l'épreuve de la
pratique. Je vais résumer ses inconvénients.
Toute méthode d'exploitation doit avoir en vue d'assurer Ja continuité
perpétuelle du revenu, ce qui entraine la constitution des peuplements dans
un certain état idéal, correspondant à l'état aménagé. L'idéal des méthodes
par contenance, les vraies méthodes francaises, est très clair, très facile à
justifier; c’est la constitution d’une suite complète de peuplements équiennes
d’âges gradués. C’est 1à pour ces méthodes un avantage considérable qui
fait que nous ne devons les abandonner qu'à bon escient. Dans le cas du
jardinage nouveau, l'idéal est obscur ou plutôt il n'existe pas à l’état dé-
fini. Nous savons que les tiges de toutes catégories doivent ètre mélangées et
réparties de telle manière entre les différentes classes de diamètre que
l'on puisse réaliser indéfiniment une quantité loujours égale de gros bois.
Mais quelle est la loi de cette répartition? ON L'IGNORE ABSOLUMENT. Chacun
fait à ce sujet des hypothèses suivant son sentiment, et chacun contredit
son voisin. Nous voici done dans l'ignorance de l'état dans lequel nous
devons constituer nos massifs, incapables de discerner si telle ou telle ca-
tégorie d'arbres est surabondante ou en déficit, et, par suite, de prévoir
si les revenus de l'avenir iront en augmentant ou s'ils seront réduits, et
sur quoi doivent porter nos réalisations.
SYLVICULTURE. a]
—+2( 66 )-e3—
Mais il y a plus et pire. Quand même le jardinage aurait un idéal,
quand même serait connu le nombre ou le volume normal des bois de toutes
les catégories, dont le mélange constitue le peuplement jardiné, il est
pratiquement impossible d'exécuter les exploitations de façon à rapprocher
les peuplements de cet état normal.
Quiconque a martelé des coupes dans une sapinière suivant la nou-
velle formule du jardinage a constaté la difficulté qu'il y a à parcourir une
étendue déterminée à l'avance, de 20 à 30 hectares ordinairement, dans
des terrains difhciles, en y répartissant convenablement la coupe d’une
quantité, également fixée à l'avance, de gros bois.
Je sais bien qu’on peut s’aider des inventaires effectués du matériel. On
peut aussi faire reconnaître préalablement les bois dépérissants ou viciés
dont la coupe est imposée. Peut-être pourrait-on même, ainsi que le pro-
posait autrefois M. Gurnaud, diviser la forêt à parcourir en dix ans en vingt
ou vingt-cinq assiettes dont on visiterait annuellement une, deux, trois ou
quatre, suivant les circonstances. Mais ce ne sont là que des palliatifs, et la
difficulté n’en est guère atténuée. Toujours, après une journée de rude la-
beur, le forestier excédé de fatigue s’apercevra, ou bien qu'il est au bout de
la parcelle et qu'il n’a pas encore marqué la quantité de bois voulu, ce
qui l’amènera trop naturellement à concentrer outre mesure la coupe sur
le point où 1l s’est arrêté, ou bien, au contraire, 1l aura marqué la quotité
voulue alors qu'une étendue notable est encore et restera intacte. Chose
singulière! Le jardinage nouveau nous reproduit dans ce second cas, le
plus habituel, un des inconvénients du jardinage ancien, en laissant en
dehors des coupes une partie (naturellement la moins accessible) de la forêt!
Que dire maintenant d’une opération qui nous imposerait, non plus
seulement la coupe d’une quantité de gros bois en bloc, mais qui nous
ferait réaliser tant de bois de 60, tant de 50, tant de Lo, etc., comme on
voudrait nous le proposer ? Qu'en dire, sinon que c’est la chimère toute pure?
Mais ce n’est pas tout encore. Toutes ces diflicultés ou impossibilités
fussent-elles écartées, 1l resterait encore contre le jardinage nouveau style
une objection fondamentale. Admettons que lon sache combien chaque
exploitation doit enlever d'arbres de 20, 30, Lo, 50, etc. Admettons en-
core que le forestier sache diriger l'opération de la marque des arbres assez
heureusement pour les couper tous, ni plus ni moins, en parcourant exac-
tement une contenance fixée. L'opération n’en sera pas moins incertaine
dans ses résultats et il pourra fort bien arriver que la parcelle, après la
coupe effectuée, soit plus éloignée de l’état normal qu’elle l'était auparavant.
—+#3( 67 )e3—
En effet une parcelle, même d’étendue médiocre, en montagne, n’est
jamais semblable à elle-même sur tous les points. Il arrivera toujours que,
bien que les inventaires aient révélé, par exemple, une insuffisance évi-
dente de vieux bois dans l’ensemble, ceux-ci soient cependant, non moins
‘évidemment, surabondants, réclamant l’éclaircie, sur une portion de l’éten-
due. Ne fera-t-on pas alors une mauvaise opération en s’abstenant de couper
les gros bois, là où ils seront surabondants, sous prétexte qu'ils font dé-
faut ailleurs? 1! en sera toujours de même toutes les fois qu'on définira les arbres
à couper en se basant sur un étal moyen qui, naturellement, n’est nulle part
l'état réel. Ce défaut est d'autant plus grave que les parcelles sont plus
grandes ; il peut mener aux conséquences les plus fâcheuses.
Etant donné l'état actuel de nos connaissances, et sous réserve de pro-
grès ultérieurs, la méthode du jardinage ne comporte aucun procédé cor-
rect pour la fixation de la quotité de la coupe, ou, si l'on aime mieux, pour
le calcul d’une possibilité raisonnée. Tous les procédés mis en avant sont
basés sur des hypothèses et des échafaudages d’hypothèses superposées:;
Je viens de plus, je l’espère du moins, de vous montrer que l'application
sur le terrain en est irréalisable.
Je ne concois le jardinage, tel que nous le connaissons actuellement,
que comme un pis-aller, souvent imposé, 11 est vrai, dans les forêts de
montagne, par des conditions particulièrement défavorables de climat, de
sol, de situation, notamment par la brutalité du régime des vents. Là le
but suprême du forestier est le maintien de la forêt; on jardinera, c’est-à-
dire on coupera cà et là des arbres inutiles au maintien du massif à l’état
complet, sans souci de quotité de la coupe. C’est là, à mon avis du moins,
la seule manière possible de jardiner.
Vous voyez que nous ne sommes guère plus avancés, en matière d’amé-
nagement des sapinières, que ne l’étaient nos prédécesseurs 1l y a cin-
quante, ou même quatre-vingts ans. Notre expérience est presque purement
négative. Nous savons cependant que le peuplement de sapins tout à fait
équienne, de hauteur uniforme, à un seul étage, comme disent les sylvi-
culteurs, est ordinairement bien diflicile à conduire en bon état jusqu'à la
dimension voulue pour donner des arbres de sciage®). La forme la plus
(1) Les vieux peuplements quasi réguliers (au moins au point de vue des dimensions, très
rarement au point de vue de l’âge) que l’on cite dans le Jura et les Vosges ne proviennent pas
du développement de jeunes perchis réguliers; ce sont des massifs autrefois mélangés de bois
plus jeunes qui ont été éliminés progressivement, soit par l’homme, soit par le développement
des arbres plus âgés qui les ont étouflés.
5.
(68 je
avantageuse pour les peuplements de Sapin paraît être la forme étagée où
les diverses tiges, croissant côte à côte, présenteraient des différences d'âge
d’un demi-siècle environ entre elles ou, mieux encore, des différences de
diamètre de 15 à 25 centimètres. C’est ce que l’on enseigne à l'École fo-
restière de Nancy depuis plus trente ans. On obtiendra sûrement et avec
facilité ce type de peuplement par la pratique des régénérations très lentes.
On se trouve ainsi amené à préparer ces régénérations, à les commencer
même, dès que les massifs ont pris l'aspect général de futaies, c’est-à-dire
dès que l'accroissement en hauteur se ralentit et que la fertilité devient
régulière. Voici comment pourrait, me semble-t-11, se concevoir la Sapi-
nière idéale susceptible d'aménagement. La forêt renfermerait trois classes
de peuplements qui couvriraient des étendues égales, mais non pas d’un
seul tenant. Les parcelles appartenant à la première classe porleraient des
bas et hauts perchis, c’est-à-dire des tiges de 15 à 35 centimètres de dia-
mètre étagées et confusément mélangées entre elles. Celles de la deuxième
classe présenteraient un mélange de hauts perchis et de demi — ou jeunes
— futaies : d'arbres de 35 à 50 centimètres de diamètre. Les peuplements
de la troisième classe seraient de vieilles futaies de 50 centimètres de dia-
mètre et plus, sous lesquelles croîtraient les semis, fourrés et bas-perchis;
car il est inutile, dans les Sapinières, de réserver une partie de l'étendue
aux bois de moins de 15 à 20 centimètres de diamètre qui se développent
parfaitement sous le couvert naturellement clair et très élevé des vieilles
futaies, surtout lorsque celles-ci ont été entr'ouvertes pour faciliter la ré-
génération. Les parcelles du premier groupe subiraient des éclaircies
faibles ou modérées; celles du second, des éclaircies devenant progressi-
vement plus fortes, à partir de l'état de futaie, jusqu’à prendre nettement
le caractère de coupes d’ensemencement dans les peuplements ayant atteint
environ 40 centimètres de diamètre. Celles du troisième groupe subiraïent
la suite des coupes secondaires et définitives. La question du meilleur mode
de possibilité doit encore être réservée. Tous les dix ou vingt ans aurait
lieu une nouvelle répartition des parcelles entre les trois groupes. Tel est
le type, encore indécis , que nos successeurs préciseront peut-être.
Il nous faut cependant, en attendant, une méthode d'aménagement qui,
ne préjugeant rien, en laissant à nos enfants — qui bénéficieront de nos
expériences et des leurs — Ja faculté de réaliser la sapinière idéale, nous
permette de vivre; je veux dire, de tirer un parti convenable des richesses
dont nous disposons.
Nous possédons aujourd’hui cette méthode. C’est à M. Mélard, chef de
—#>( 69 es
section au service des aménagements à l'Administration des Eaux et Forêts,
dont nous applaudissions si chaleureusement et si justement hier le magis-
tral exposé de la situation forestière du globe que nous la devons.
Je n'ai pas à vous la décrire, Son auteur le fera sans doute lui-même,
bien mieux que je ne saurais. Je termine ici cet exposé rapide de l’histoire
de nos idées en matière d'aménagement des sapinières en émettant le
vœu que, des travaux réunis de tous les forestiers, surgisse bientôt, en une
heureuse synthèse, la méthode parfaite que nous attendons. Félicitons-
nous, pour le présent, de disposer, grâce au forestier éminent que je viens
de nommer, d'un système qui permet de tout utiliser, sans rien préjuger,
sans rien compromettre ni surtout rien détruire.
M. Josez. Je voudrais relever une inexactitude commise par M. Huffel.
Parlant du système de M. Gurnaud. il a dit que ce système consistait
TES LP : 3 : 4 <
à diviser la forêt, à parcourir en dix ans, en 20 ou 25 assieltes, et à
prendre chaque année 1, >, 3, 4 de ces parties, suivant les besoins de la
possibilité. Je ferai remarquer que ces parties n'étaient pas égales et que
le nombre des parties à prendre chaque année était déterminé d'avance
dans le plan d'aménagement.
La base de ce système, qui est appliqué universellement, ce sont les
comptages. Je dirige lexploitation d’une forêt de plusieurs centaines d’hec-
tares, dans laquelle j'ai des chiffres datant de vingt-cinq ans : ces chiffres
L2 ” q J [2 . (4 . q .
étaient d’abord repris tous les dix ans, puis tous les six ans; il faudra adop-
ter comme règle la reprise tous les huit ans. Grâce aux comptages, on
P ptaÿ
k È Ù :
connaît l'accroissement; on sait ce qu’on aura à faire et on enlève une
S s = , S 7/11
partie plus ou moins considérable de cet accroissement. Je m’élève donc
contre l'opinion de M. Huffel. Le système de M. Gurnaud ne présente pas
l'impossibilité qu'il croit.
Permettez-moi de profiter de l’occasion pour exprimer le désir que les
forestiers s'entendent plus souvent entre eux, et le regret que la question
des stations de recherches n'ait été l'objet d'aucun mémoire adressé au Con -
grès. (Applaudissements.)
La séance est levée à midi moins cinq minutes.
—+»( 70 ).e3—-
SÉANCE DU MARDI 5 JUIN 1900
(APRÈS-MIDI).
PRÉSIDENCE DE M. FETET.
La séance est ouverte à 2 heures.
M. Bruao, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la précédente
séance. Le procès-verbal est adopté.
M. ce Présinenr donne aux membres de la section des indications sur
un projet d’excursion à Fontainebleau pour le samedi 9 juin.
M. ze Présinenr donne lecture des conclusions suivantes de M. Mer sur
le traitement des forêts de sapin :
1° Les éclaircies doivent être plus précoces et plus fortes, de manière à
assurer un commencement de régénération naturelle dès l’âge de 50 à
6o ans:
2° Dès que les arbres seront arrivés à l’âge d’exploitabilité, on devra
exploiter ce matériel aussi rapidement que possible en deux ou trois coupes
assez rapprochées ;
3° Les sapins en sous-étage qui présenteront une vigueur suflisante
seront conservés; les autres, de même que ceux qui en assez grand nombre
seront brisés ou mutilés par la coupe, devront être remplacés par des
plantations d’épicéa ;
!° Les hêtres qui ont pris, dans les hautes Vosges, un développement
exagéré, devront être supprimés peu à peu, parce que dans cette région
leur croissance est des plus ralenties, et qu'ils ne présentent qu’une valeur
très faible relativement à celle du sapin.
M. Borre demande le vote par division. La division est ordonnée.
M. ce Présipevr donne une nouvelle lecture du premier paragraphe des
conclusions.
—+>( 71 )e:—
M. Crouvizer Er pLusreurs AUTRES Mewsres. Commencer la régéné-
ration naturelle à 50 ou 6o ans, c’est beaucoup trop tôt; 1l faudrait dire
100 OÙ 120 ans.
M. Runacuer. Les mots « plus précoces et plus. fortes » sont trop
vagues. Îl est indispensable de dire quel doit être le degré de léclaircie.
Cela ne peut être établi que par les stations de recherches.
M. Mer. Je dois traiter demain la question des éclaircies.
M. Bovre. Ajournons le vote sur le premier paragraphe. (Approba-
tion.)
Le vote sur le premier paragraphe, ainsi que sur le suivant, qui découle
du premier, est renvoyé après la discussion de la question des éclaircies.
Le troisième paragraphe des conclusions de M. Mer est adopté.
Le quatrième paragraphe est rejeté,
M. ze Présiexr donne lecture des conclusions de M. Huffel, qui sont
ainsi rédigées :
« La question de la meilleure méthode/de traitement à appliquer aux
sapinières est encore obscure; ni le jardinage tel que l'ont défini Lorentz
et Parade, ni la futaie pleine n’ont entièrement répondu aux espérances.
La méthode de M. Mélard, actuellement suivie dans les forêts soumises au
régime forestier, présente le grand avantage de permettre de conserver les
richesses existantes sans rien préjuger de l’état idéal vers lequel 1l con-
viendra de s’acheminer. »
Ces conclusions sont mises aux voix et adoptées.
M. re Présipenr. L'ordre du jour appelle la communication de M. Runa-
cher sur le traitement du sapin.
M. Runacuer. Mon mémoire étant très long), il serait peut-être pré-
férable que M. Bouvet, chargé du rapport sur mon travail, donnât con-
naissance, à la section, de son rapport. Je me réserve de dire quelques
mots ensuite.
(2 Voir ce rapport aux annexes (annexe n° 1).
—#2( 72 es
M. Bouver donne lecture de son rapport. (Applaudissements.
Messieurs, j'ai à vous rendre compte de deux études fort intéressantes
de M. Runacher : l'une sur le traitement du sapin et l'utilité des stations
de recherches, l’autre sur la transformation en sapinières des taillis à faible
rendement.
Mais je dois. au préalable, solliciter toute votre indulgence, car je suis
redevenu un laïque depuis plus de vingt ans; vous voudrez donc bien excu-
ser la témérité de mes appréciations et me pardonner en raison de l’ardent
intérêt que je porte à la cause forestière et à la grandeur de notre admi-
mistration forestière française, à laquelle je serai toujours fier d’avoir
appartenu.
Voyons d’abord la première étude de M. Runacher, qui a pour titre :
FL -— TRAITEMENT Du sapix. — UTILITÉ DES STATIONS DE RECHERCHES ;
LEUR FONCTIONNEMENT.
L'auteur, après avoir rappelé que deux modes de traitement sont appli-
cables au sapin, le jardinage et la méthode du réensemencement naturel et des
éclaircies, traduit immédiatement ses préoccupations par ces mots :
La méthode de réensemencement, importée en France par Lorentz,
«n’a commencé à y être appliquée que vers la fin de la première moitié de
ce siècle et déjà depuis de nombreuses années, on semble vouloir l'aban-
donner pour retourner au point de départ : au jardinage.
« Ne serait-il pas utile de s'assurer s'il ne conviendrait pas mieux de conserver
cette méthode en y apportant les modifications et les perfectionnements 1n-
diqués par une longue pratique?»
Sage réflexion, Messieurs, que nous avons tous faite à un moment ou
à un autre, car si le jardinage a son champ d'action, pour ainsi dire forcé,
sur les versants abrupts des Alpes et des Pyrénées ou sur les sommets des
Vosges, il est bien permis de se demander si les riches sapinières des pla-
teaux du Jura, par exemple, véritables forêts de plaine, ne sont pas sus-
ceptibles d’un mode de culture moins rudimentaire.
M. Runacher relate ensuite, in extenso et fort judicieusement, le passage
du Livre de Lorentz et Parade énumérant les inconvénients du jardinage; je
les résume : arbres branchus, noueux, moins hauts et moins soutenus que
ceux de la futaie pleine; arrêt dans la végétation des arbres dominés, qu'on
doit toujours conserver, à moins qu'ils ne sèchent, d’où maintien sur pied
—4w( 73 Ves—
d’un capital improductif où mauvais producteur; dissémination des exploi-
lations, d’où surveillance plus difficile et augmentation considérable des
dégâts de l'abattage et de la vidange; en un mot produits très inférieurs en
quantité et en qualité.
Et cependant beaucoup de forestiers pensent de nos jours que ces reproches
ne sont pas justifiés ; à leur tour, ils font le procès de la méthode du réen-
semencement. + Les rendements de la futaie régulière, disent ses détracteurs,
seraient moindres que ceux de la futaie jardinée; la première exigerait une
accumulation plus grande de matériel, de longues révolutions et des soins
délicats et constants; enfin on ne serait pas parvenu à régulariser les massifs
dans les futaies soumises au mode des éclaireies.
« La théorie serait donc cette fois en contradiction avec la pratique. »
En est-on bien sûr? Ne serait-ce pas l'application qui aurait péché?
«A-t-on bien compris la pensée et l’enseignement de nos illustres maîtres
et suivi scrupuleusement leurs prescriptions?» A-t-on pratiqué les éclair-
cles, opération capitale, comme elles devaient l'être?
Je connais, pour ma part, tout un arrondissement, celui de Pontarlier,
où sous l’habile direction d'un excellent forestier, M. Philippe Cardot,
secondé et continué par des agents d'élite, on est parfaitement arrivé à
régulariser les massifs et à en tirer, par l'application de la méthode na-
turelle, des rendements superbes de 100 francs et plus par hectare et
par an.
L'auteur, partisan convaincu de la méthode naturelle, passe à l'examen
de chacune des objections que nous venons de citer :
Première objection. — Les rendements de la fulaie ordinaire seraient moindres
que ceux de la futaie jardinée.
| Siles partisans du jardinage, notamment ceux du + Contrôle», citent des
accroissements de 8 à 19 mètres cubes par hectare et par an, on peut
faire voir des futaies pleines où avec le même procédé de comptages succes-
sifs, on a constaté des accroissements semblables; certaines parcelles,
absolument régulières, ont même accusé des accroissements de 20 mètres
cubes et plus.
D'ailleurs, si cette infériorité existait, deux causes principales l'expli-
queraient et il serait facile d'y porter remède sans condamner la méthode.
« La première vient de ce que l’on a souvent maintenu trop longtemps les
vieux peuplements en massif clair pour attendre des semis qui ne venaient
—+2( 74 }es—
pas ou peu et qu'il eût été préférable de remplacer ou de compléter immé-
diatement par des plantations pour ne pas laisser une partie du sol impro-
ductif pendant plusisurs années; la deuxième de ce que l'on n’a pas tou-
jours fait les coupes d'éclaircie assez fortes, en n’exploitant pas l'arbre près
d'être surmonté, comme l'ont recommandé nos maîtres, d’où double perte
provenant du matériel non exploité et du ralentissement de la végétation
dans des massifs trop serrés. »
Deuxième objection. — Accumulation plus grande du matériel.
« Avant de formuler une opinion sur cette question , il serait nécessaire
de fixer le nombre de tiges et le volume que doivent renfermer les massifs
de chaque classe pour fournir une production normale, puis de comparer
ces volumes à celui d’une futaie jardinée dans les mêmes conditions de sol
et de climat et de ne pas la baser sur la présence d'un matériel souvent
énorme de 600 à 1,000 mètres cubes et plus par hectare, ce que l'on voit
dans quelques parcelles régulières. Il conviendrait de s’assurer tout d’abord
si les accroissements annuels n'y auraient pas été identiques et peut-être
même supérieurs avec un volume initial plus faible. »
Troisième objection. — Longueur des révolutions.
« L'inconvénient qui provient de la durée de la révolution perd toute sa
gravité si l’on applique à la futaie régulière le système de précomptage
général qui permettra, après un délai plus ou moins long, de fixer la pos-
sibilité, indépendamment de la révolution, au moyen des résultats fournis
par des comptages successifs faits à intervalles égaux.
« Ne verrait-on pas disparaître l'incertitude de ces prévisions et linsta-
biité des aménagements, sil y avait plus d’uniformité dans la méthode
et dans les idées des forestiers, si l’on était fixé d’une part, sur le mode de
traitement le plus avantageux, et d'autre part, sur la meilleure manière de
faire les coupes?
« Pourquoi les forestiers ne peuvent-ils s'entendre au sujet du traite-
ment des forêts? Pourquoi les uns sont-ils partisans du jardinage, les
autres de la méthode naturelle? Pourquoi ceux-ci font-ils des éclaircies
assez fortes là où d’autres les font faibles, ou n’en font pas du tout?
«D'où vient cette divergence dans les idées de personnes qui ont puisé
leurs principes à la même source, si ce n’est d’une connaissance insufh-
—4( 75 je—
sante des conditions de la végétation des arbres et des massifs forestiers
qui n’ont pas été observées et étudiées avec tout le soin et toute l’exacti-
tude désirables.
« On s’est contenté, pour la culture des bois, de faits observés à l'œil,
donnant lieu à des appréciations très diverses ou d'expériences isolées, in-
suffisantes et incomplètes. »
Ces divergences radicales se sont manifestées récemment dans le Bulletin
de la Société foreshére de Franche-Comté, où l’on peut lire à propos de la
reconstitution des taillis ruinés que «les plantations résineuses ne pourront
jamais panser le mal» (c’est l'opinion de M. Mathey), et d'autre part :
« Nous avouons que nous avons une préférence marquée pour les résineux,
qui rapportent plus que les feuillus, etc...» (opinion de M. Maire).
Ces lignes ne montrent-elles pas, Messieurs, avec la dernière évidence,
qu'il y a urgence d’entreprendre des expériences suivies, confiées à des
agents d'élite, pour élucider tous ces points fondamentaux ?
Quatrième objection. — Sons délicats et constants.
Sans peine, pas de profits! La futaie jardinée se rapproche de la forêt
vierge, l’homme n’y intervient que pour récolter ce que les forces naturelles
élimineraient bientôt sans lui. À quoi servirait donc la science du forestier ?
À quoi servirait de sortir d’une école spéciale sans égale, si elle ne le con-
duisait pas à cultiver réellement la forêt en discernant, dès le bas âge, les
brins d'avenir et en suivant avec soin ceux-ci pour en faire des arbres à
gros rendements constituant des massifs à rendement maximum comme
qualité et quantité ?
« Quant à la régularisation des massifs, elle ne pourra se faire qu'à la longue
et peu à peu dans les forêts où lirrégularité et souvent le désordre ont
régné pendant des siècles, et où l’œuvre de l’homme est souvent contrariée
et défaite par la nature. »
Nous avons cependant constaté tout à l'heure qu'à Pontarlier et sans
doute ailleurs, cette régularisation était un fait accompli.
Maximum de production assuré par les coupes d’éclaireie.
L’auteur énonce une idée fort juste quand il aflirme que « dans la futaie
régulière les opérations les plus délicates ne sont pas les coupes de régé-
nération, mais bien celles d’éclaircies. Lorsque ces coupes sont bien con-
—#2( 76 )-3-—
duites, elles suppriment tous les inconvénients et désavantages + qui viennent
d’être réfutés.
«On doit, dit M. Runacher, utiliser toute la force productrice du sol
dans les conditions les plus avantageuses.
+ Dans la forêt, l'homme n’a aucune action sur le sol; 1l ne peut agir
que sur le peuplement qui lui, seul en retour, a une influence prépondé-
rante sur la fertilité. »
On a constaté que, sur des parcelles d’égale fertilité, telle parcelle avec
350 mètres cubes à l’hectare donnait la même production annuelle en ma-
tière que la voisine avec 600 à 800 mètres cubes : «On ne doit évidem-
ment pas hésiter à se rapprocher du premier état» car 1l correspond à un
moindre capital engagé et par suite à un taux plus élevé.
«Ce résultat sera acquis au moyen des coupes d’éclaireies si elles sont
faites de manière à ce que toutes les parcelles d’une forêt produisent la
quantité maxima de matière ligneuse, par an et par hectare, avec le moindre
volume initial. »
Mais c’est là précisément que gît l'embarras.
+ Quelle doit être, en effet, la consistance des peuplements pour en obte-
nir ce résultat? On peut afhirmer que la plus grande incertitude règne en-
core sur cetle qusstion.
« Chacun s’est formé, suivant des observations et des appréciations plus
ou moins justes, une opinion, un idéal qui lui sert de base, de terme de
comparaison pour diriger la marque de ces coupes. »
Sont-ce là, Messieurs, les bases nettes, précises et certaines qui de-
vraient exister dans une grande administration et assurer une marche sûre,
régulière et rigoureusement uniforme au traitement de nos forêts?
Aussi voyons les résultats! un exemple entre mille :
Le distingué directeur de école des Barres, mon aimable compatriote
M. Marchand, eut la curiosité, alors qu'il était conservateur à Besançon
(1891-1 897), de rechercher quel volume était enlevé en coupes d’amé-
liorations dans chacune des inspections forestières de sa conservation.
Bien que les conditions de la végétation soient peu différentes dans toute la
partie montagneuse du Doubs, où sont les résineux , et que les peuplements
aient une grande ressemblance, il trouva + que les volumes réalisés par hec-
tare étaient proportionnels aux nombres 1, 2, 3 et 4, et 1l reconnut, dans
ses tournées, que dans l'Inspection où lon avait atteint le nombre 4, il
n'avait pas été commis d’imprudence et de plus que la plupart des massifs
étaient restés encore trop serrés. »
—4#2( 77 je3—
Les populations elles-mêmes, assez compétentes dans cette région, ef-
frayées tout d’abord de la hardiesse de ces éclaircies, ne tardèrent pas à
reconnaître leur heureux effet.
Ajoutons, ce que la modestie de l'auteur lempèche de dire , que l’inspec-
tion où lon coupait 4 était précisément celle de Montbéliard, que dirige
avec tant de distinction M. Runacher depuis plus de dix ans, et nous
savons qu'en 1895 1l reçut, à cet égard, les félicitations de M. l'inspecteur
général Sédillot, qui était venu visiter son service.
Risquerai-je, sur ce point, une timide observation, qui est plutôt une
question? En admettant que l’on obtienne le même rendement en matière
avec des futaies à matériel réduit, c’est-à-dire avec des futaies claires, ne
risque-t-on pas de sacrifier lun des éléments de la valeur du sapin, savoir:
sa longueur et sa forme. Le commerce apprécie beaucoup les bois allongés
et bien soutenus, 1l les paye plus cher. Ce que l’on gagnera en quantité,
ne le perdra-t-on pas en qualité, c’est-à-dire en valeur?
M. Runacher ne s’est pas contenté de démontrer combien il était néces-
saire d'étudier de près et d’une façon suivie les peuplements de sapin, ül
s’est livré lui-même à des analyses d'arbres, fort consciencieusement faites,
formant un atlas complet d’épures que vous avez sous les yeux. Ses ana-
lyses ont porté sur plus de cinquante sapins ou épicéas. Je ne vous dirai
pas, car ce serait un peu long, comment il entend, par ces analyses et par
des places d'essai, arriver à résoudre promptement les incertitudes dont
nous avons parlé et à en tirer des indications sûres et précises pour la
marche des éclaircies.
Je retiendrai seulement de son étude ce fait : qu'il a démontré avec la
dernière évidence utilité des stations de recherches forestières, qui seules
peuvent, en alliant à un grand esprit de suite la sûreté et la précision des
méthodes d'investigation, arriver à résoudre sûrement les questions que se
posent tous les forestiers, et dont la solution peut seule assurer à la ges-
ion de nos forêts une marche rationnelle.
La France possède à Nancy une station de récherches forestières qui a
déjà fait ses preuves; l'étude des résineux et du meilleur traitement à leur
appliquer vaudrait, il me semble, la peine qu'on lui affecte une station
spéciale ayant son siège en Franche-Comté, où l'État possède ses plus
beaux massifs et où l'opinion s'intéresse depuis longtemps avec passion à
ces questions si graves pour l'avenir et la richesse du pays.
L'Allemagne, moins variée que la France comme végétation forestière,
a depuis longtemps créé de nombreuses stations de recherches : celle de
—+2( 78 )e3—
Bavière a entrepris l'étude du sapin, une autre celle de l’épicéa, celle
d'Autriche létude du pin noir, etc. J'ai eu, il y a quelque vingt ans, la
bonne” fortune _e suivre pendant plusieurs mois les travaux de cette der-
nière, tant sur le terrain, dans le Wienerwald , qu’au cabinet, à Vienne,
sous les auspices de son regretté chef, M. de Seckendorf, et j'en ai rapporté
l'impression qu’on faisait là œuvre utile.
La situation est singulièrement déblayée aujourd’hui pour nous Fran-
çais; les études antérieures des stations allemandes, suisse, autrichienne
ont éclairei et fixé bien des points. Dans un remarquable ouvrage paru il
ya quelques années, M. Huffel, le distingué professeur de Nancy, nous a
fait connaître l’état d'avancement de leurs travaux. Qu'on réumisse à nou-
veau ces données, qu'on en dégage les principes aujourd’hui incontestés et
qu'on parte de là pour porter toute son attention sur les points spéciaux
intéressant notre pays et restant à établir. |
Le génie français a assez souvent créé ou inventé ce que nos voisins ont
copié et su mettre en pratique plus vite que nous-mêmes.
Pour une fois, faisons l'inverse, profitons des études de nos voisins,
enregistrons les vérités trouvées, mettons-les rapidement en pratique et
poussons plus avant.
Je crains vraiment, Messieurs, de vous avoir déjà retenus trop longtemps,
et cependant j'ai encore à vous parler de la deuxième étude, fort impor-
tante aussi, de M. Runacher. Celle-ci a pour titre :
IE. — UÜriniTé DE L'INTRODUCTION DU SAPIN ET DE L'ÉPICÉA DANS LES TAILLIS
MÉDIOCRES DE LA RÉGION JURASSIENNE. — PLANTATION DE BOUQUETS
D'ARBRES DANS LES PÂTURAGES.
Il existe en Franche-Comté, à côté de superbes sapinières à gros ren-
dement, une surface fort respectable de taillis médiocres, situés entre 400
et 750 mètres; ceux-ci se vendent en général 100 à 300 francs lhectare
à l’âge de 30 ans, quelquefois 4oo francs, mais souvent aussi 100 francs,
5o francs et même moins.
Le rendement par hectare et par an, qui approche ou dépasse même
souvent 100 francs par hectare et par an dans Îles sapinières du Jura,
tombe donc dans les taillis voisins à 10 francs, 3 francs, ou même 1 franc.
Quel contraste!
Et cependant les bouquets de sapins ou d’épicéas parsemés dans ces
—#3( 79 )es—
maigres taillis ont partout une végétation vigoureuse et tendent à éliminer
les feuillus.
L'un de nos-camarades les plus distingués, M. Mathey, conseille comme
remède une abondante réserve de hêtre et lallongement de la révolution.
Fort bien, mais on ne multipliera ainsi que le hêtre, essence de moindre
Valeur et bien moins recherchée que le sapin. Pour avoir celui-ci, il faut
le planter, lintroduire, c’est-à-dire seconder vigoureusement la nature, qi
mettrait des siècles à accomplir ce que nous avons intérêt à obtenir le ples
rapidement possible.
Le but à atteindre dans les pays de montagne et dans les forêts que
j'appellerai des forêts à hêtre, situées entre la région du chêne et celle ac-
tuellement occupée par le sapin, est leur conversion en futaie aussi rapide
que possible. Les sapinières rapportent beaucoup, surtout parce que ce
sont des futaies; 11 faut donc convertir nos taillis médiocres en futaies et
de préférence en futaies résineuses, parce que ce sont celles qui rapportent
le plus et qu'elles sont faciles à créer.
M. Runacher estime que ce sont là des visées un peu ambitieuses, et
que, ces forêts étant des indigentes, on ne peut demander à leurs proprié-
taires d'aussi gros sacrifices.
Je réponds à cela que la futaie doit être le but, la réserve abondante et
l'allongement de la révolution, un moyen, et je suis d'accord avec M. Ru-
nacher sur l'urgence d'introduire immédiatement les résineux.
Ouvrons une parenthèse pour suivre l’auteur dans les conclusions qu'il a
su tirer des analyses d'arbres dont nous avons parlé précédemment; disons
en passant qu'il a employé la même méthode d'analyse que M. Brenot dans
des études antérieures, avec cette différence toutefois que, gràce à un pro-
cédé ingénieux, «le travail sur le terrain a été réduit et simplifié, et qu'on
peut conserver indéfiniment les éléments de l'expérience», ce qui est un
précieux avantage.
La première expérience a porté sur 19 sapins « provenant de semis na-
turels qui ont vécu sur un sol peu profond, à des expositions diverses,
dans 3 tœllis différents, dont la valeur des coupes est d'environ 100 à
300 francs par hectare à 30 ans».
Cette expérience a prouvé que pour ces sapins isolés sur taillis, «de
30 à 60 ans, le volume décuple; de 60 à 90 ans, 1l quadruple».
La deuxième expérience a porté sur 27 arbres (16 épicéas el 11 sapins)
ayant crû non plus sur des taillis, mais dans des parcours communaux.
«lei lactivité paraît moindre que dans le taillis, puisque, de 60 à
—+3( 80 )e3-- -
40 ans, le volume ne fait que tripler; par contre, avant Go ans, la crois-
sance est plus rapide et en définitive Le résultat final est le même. »
Voyons maintenant comment les résineux se comportent en mélange avec
le taillis.
Jusqu'à 30 ans, ils se confondent avec ce dermier et ils arrivent en
moyenne à donner, au moment de la coupe, des perches de la grosseur des
baliveaux:; à la coupe suivante, ce sont des modernes. « Donc, en général,
jusqu'à 60 ans, ils ne diminuent les produits du taillis que d’une quan-
tité négligeable. » |
Ils croissent en hauteur jusqu’à 60 ans: alors, n'étant plus gènés par
les rejets qu'ils dominent, «ils marchent rapidement, étalent leurs branches,
élargissent leurs troncs et deviennent très encombrants pour le taillis qu'ils
font disparaître à leur tour, mais 1ls payent généreusement leur place ».
Ils valent de 2 à 10 francs à 6o ans, de 20 à 6o francs à 90 ans, äge
auquel ils atteignent un volume de » à mètres cubes.
En conséquence, avec 50 sapins ou épicéas seulement à l'hectare, à
3 mètres cubes l’un en moyenne à jo ans, on aurait 150 mètres cubes
valant 1,400 à 1,600 francs, sans compter le prix du taillis.
Le sapin et l'épicéa s’'accommodent des sols superficiels, rocailleux,
rocheux ou marneux, comme il s’en trouve tant dans le Jura. Partout où
lon verra du hêtre, on pourra mettre du sapin ou de l’épicéa, + qui croi-
tront en grosseur au moins aussi rapidement, et bien plus vite en hau-
teur. Pour une circonférence, à 1 m. 30 au-dessus du sol, égale au même
àge, ils auront un fût deux, trois et jusqu'à quatre fois plus long que leur
rival». Donc, plus de cube, valant plus cher.
L'auteur montre une prédilection marquée pour l'épicéa. Facile à élever
en pépinière, celui-ci réussit partout, jusque dans les terrains marécageux,
où le sapin ne pousse pas; il ne périt pas sous le couvert d'un taillis et
s’'élance après la coupe; bien que son bois soit mou, spongieux et de mau-
vaise qualité aux faibles altitudes. ii rapporte plus d'argent que les essences
les plus précieuses.
L'auteur reconnaît cependant qu'il ne doit être considéré ici que comme
essence transitoire: si l'on veut, aux altitudes basses (relativement), la
conversion en résineux complètement et pour toujours, il faut le secours du
sapin, l'essence désirable à tous les points de vue. «Celui-ci donnera, dans la
région qui nousoceupe, des produits meïlleurs et sans doute plus abondants
que son compagnon ». Enfin il assurera la régénération de la forêt.
e Que l’on se mette donc à l'œuvre immédiatement, dit M. Runacher.
—#2( 81 )e3——
On plantera par hectare, après chaque coupe de taillis, au moins 65 épi-
céas et 35 sapins, espacés de 4 à 6 mètres. Pour les retrouver facilement,
on les disposera par bouquets de 10, répartis sur les différents points de la
superficie, dans les endroits les plus favorables à leur développement. »
On ne réservera des feuillus qu’entre ses bouquets, lors du balivage.
«Après 90 ans, a transformation sera, sinon complète, du moins fort
avancée et on commencera la récolte. »
En admettant 50 p. 100 de perte pendant la première révolution, on
aura en plus du taillis :
»0 résineux de 30 ans:
50 résineux de 60 ans;
50 résineux de 90 ans:
on enlèvera les 50 derniers, qui donneront à eux s:uls 150 mètres cubes
valant 1,500 francs là où l’on ne retire aujourd’hui que 200 francs par
hectare.
Que coûtera l'introduction de ces 30 résineux à l'hectare ?
L'auteur l’évalue comme suit :
! francs par hectare pour mettre en place 100 plants ;
3 francs par hectare pour 2 dégagements, 5 ans et 19 ans après la
plantation: total 7 francs qui, capitalisés à 3 0/0, représenteront une
somme de 89 fr. 50 à 90 ans.
En somme, très léger sacrifice!
Aussi cette amélioration devrait, non seulement être entreprise dans les
tillis que possède l'État dans cette région, mais encore être encouragée
par lui dans les taillis communaux et particuliers. Dans les taillis com-
munaux médiocres, dont la surface est de 3,800 hectares rien que dans
l'arrondissement de Montbéliard, l'État ne perçoit pas même 50 centimes
par hectare pour frais d'administration: + après l'amélioration, 1l touche-
rait le maximum de 1 franc par hectare que la loi lui concède», soit plus
du double. Mais surtout, en poussant les communes et les particuliers à
enrichir leur domaine, il contribuerait, dans une large mesure, à ac-
croître la richesse générale dont il profite toujours indirectement. |
M. Runacher, après avoir démontré péremptoirement qu'il y a urgence
à transformer en sapinières les taillis médiocres, va plus loin. IT estime
qu'aux faibles altitudes, entre 350 et 500 mètres, dans des taillis meil-
leurs comme rendement, l'Épicéa peut encore rendre des services.
On n’y peut en effet, parfois, trouver les éléments du balivage; le
chène manque. Des essais infructueux ont été faits à maintes reprises pour
SYLVICULTURE, 0
—+#+x( 82 )ees-—
_le réintroduire directement. I est cependant urgent d'y avoir à nouveau
de bonnes essences, capables de produire des arbres de futaie; c’est le
seul moyen de relever le rendement.
Pourquoi ne pas recourir à l'Épicéa?
Des précédents existent. L'auteur signale un taillis à 4oo mètres d’al-
titude, en sol profond, frais et fertile, autrefois envahi par les ronces et
les morts-bois, dont une partie a été repeuplée il y a quatre-vingt-cinq
ans, au moyen d'un semis d'épicéas et de pins. Le taillis rapporte 30 à
ho francs par hectare et par an; 1l n'est pas exagéré d'admettre que la
futaie, sa voisine, en rapportera facilement le double d’une façon soutenue.
Ajoutons qu'à son abri le Chêne reprend spontanément possession du
terra.
L'étude si complète de M. Runacher se termine par une question d’amé-
lioration pastorale.
Conduit par ses analyses d’arbres à savoir qu'un épicéa de pâture
cube en moyenne, à quatre-vingt-dix ans, 3 mètres cubes d’une valeur
de Ao francs, il en conclut que ce serait une excellente opération, au
point de vue pécuniaire comme à d’autres, que de multiplier les bouquets
d'arbres dans les vastes surfaces consacrées au pâturage. C’est le meilleur
moyen d'utiliser les parties improductives, rocheuses ou marécageuses, et
de fournir un peu d'ombre et d’abri au bétail tout en rompant la mono-
tonie de ces solitudes.
En plantant seulement 90 à 25 épicéas par hectare de pâture, on
aurait, dans quatre-vingt-dix ans, 6o mètres cubes valant 8oo francs;
les frais de plantation et de clôture, pendant dix ans, ne dépasseraient pas
1 franc par ne soit 25 francs par hectare, qui, capitalisés à 3 p. 0/0,
vaudraient 357 francs.
Donc. re bénéfice !
Sur les 6 millions et plus d'hectares occupés en France par les landes
et pâtures, que ne pourrait-on créer de ces bouquets! quelle fortune d’a-
venir, sans compter l’embellissement du pays, l'influence heureuse sur le
LE etc.
« Le service des améliorations, même si on le renforce et si on lui donne
l'importance et l'impulsion désirables, aura certainement des efforts consi-
dérables à faire pour tiompher et mettre le char en mouvement. »
Aussi l'objection d’une pléthore de bois, que prévoit et à laquelle ré-
pond M. Runacher, n'est-elle pas à craindre. La routine, les résistances
de toutes sortes, l’'apathie générale ne sont-elles pas là pour faire craindre,
—4n( 83 }er—
bien plus tôt, que ces améliorations ne soient introduites que sous forme
d'heureuses exceptions, au lieu de se généraliser avec ensemble?
A supposer pourtant qu'il en soit ainsi et que l’on plante partout à la
fois, ce qui serait assurément désirable, on peut se rassurer: 1l suffit de
Jeter les veux sur nos importations de bois résineux, de pâte à papier, ete.
M. Mélard, le savant chef du service des aménagements, ne nous a4-1l
pas appris, il y a quelques années et à nouveau au début même de ce
Congrès, que le globe se déboisait et que la France pouvait, sans crainte,
garder ses forêts, les enrichir en matériel et en augmenter la superficie!
Aussi ne saurions-nous trop approuver les conclusions de M. Runacher
qui termine ainsi sa consciencieuse étude.
+ Plantez donc des épicéas dans les parties nues de vos pâtures où le
sol est d’une fraicheur suflisante, des sapins derrière les épines et autres
broussailles qui leur fourniront un premier abri, des pins dans les terres
sèches et arides; ajoutez-y quelques bois feuillus, tels que Le Frène, l'Ali-
sier, le Sorbier, pour donner une couleur plus gaie au paysage.
« Plantez encore des sapins et des épicéas dans les taillis médiocres el
dans les bons si c’est nécessaire: vous préparerez ainsi la richesse et la
prospérité pour notre belle France.
+ Que tous les forestiers se mettent ardemment à l'ouvrage, qu'ils y par-
hicipent activement par la parole et l’action, qu'ils engagent, qu'ils poussent
les populations dans cette voie. [ls contribueront de cette manière à ac-
croître les richesses, le bien-être de tous, et 1ls auront la satisfaction
d’avoir rendu un nouveau et important service à leur pays. »
Avant de terminer, permettez-mot, Messieurs, d'ajouter quelques brèves
considérations personnelles qui viennent corroborer les conclusions que
vous avez entendues.
D’après une statistique récente de M. Roux, le sympathique conservateur
de Lons-le-Saunier, l'État à lui seul possède dans mon département
«4,172 hectares sur le premier plateau du Jura, à l'altitude moyenne de
610 mètres, sur terrains en général rocheux, criblés de fissures, et qui
ne sont fertiles qu’à la condition d’être bien couverts par la végétation ».
Je ne fais que citer les appréciations mêmes de M. Roux. Ces taillis do-
maniaux ne rapportent que la somme infime de 29 fr. 75 par hectare et
par an, alors que les sapinières voisines donnent un Le net de plus
de 100 francs par an.
La conclusion n'est-elle pas évidente?
—+#»( 84 )e3—
La conversion en futaie hêtre et sapin ne s’impose-t-elle pas, non seu-
lement dans le domaine de l’État, mais dans celui des communes sur ce
premier plateau?
On objectera peut-être que l'altitude n’est pas tout, que le voisinage de
la plaine influe sur le climat du premier plateau et que, par suite, le
Sapin n’y est plus dans son aire d'habitation. Ceci peut être vrai sur cer-
tains points seulement, mais qu'importe si les résineux y poussent et nous
donnent des rendements de futaie au lieu du misérable revenu de 2 fr. 75?
Empruntons un exemple à l'agriculture, Croyez-vous, par exemple,
Messieurs, qu’en Bourgogne, les bonnes vignes de côte soient seuies à
produire du vin ? Le vignoble ne s’est-1l pas étendu dans la plaine pour le
plus grand profit de tous ?
Done, pas d'hésitation.
Quant à la question si controversée du jardinage et de la méthode na-
turelle, je me garderai bien de me prononcer, ce serait téméraire de ma
part et fort dangereux; mais nous sommes, Je crois, tous d'accord sur ce
point qu'il serait temps d'entreprendre des expériences sérieuses et suivies
qui permettent de trancher, avec exactitude et sans phrases, les grosses
questions relatives au traitement des sapinières, et d'en confier le soin à
une station spéciale de recherches, composée de forestiers d'élite, pour le
choix desquels nous nous en rapportons au discernement éclairé de M. le
Directeur des Eaux et Forêts.
H est d'autant plus nécessaire d’être fixé d’une façon précise, que lin-
stabilité des agents forestiers rend déjà fort difficile tout esprit de suite.
Combien il serait désirable que cette instabilité cessät et qu’à l’exemple de
ce qui se passe chez nos voisins, les agents reçoivent l'avancement sur
place et parcourent toute leur carrière dans la même région!
Les agents de cette station, dont je demande que le siège soit en
Franche-Comté, pourraient être en même temps chargés de pousser aux
améliorations pastorales qui se traduiront, dans bien des cas, par des sou-
missions importantes au régime forestier, et par la plantation de bouquets
épars sur les pâtures. L'étude et la surveillance de ces améliorations leur
seraient utilement confiées.
Je ne suis, en cela, que l'écho du Conseil général du Jura qui avait
demandé en août dernier qu’on affectât à ce département un agent spécial
pour donner une impulsion vigoureuse aux améliorations pastorales ré-
clamées par de nombreuses communes. I y à là d’heureuses dispositions
à encourager, à généraliser; pour cela, il faut un homme qui nous con-
—#2( 85 )re3—
sacre son temps et sa peine. Le résultat sera proportionnel à l'effort dé-
ployé, c’est-à-dire au nombre d'agents spéciaux affectés à cette œuvre dont
le champ est illimité, Il a été répondu que l'Administration forestière man-
quait d'agents, que le personnel était si réduit qu'on ne pouvait distraire
personne, Nous avons maintenu notre demande et nous comptons sur la
bienveillante fermeté de M. le Directeur des Eaux et Forêts pour nous ferait
donner satisfaction.
Voyons, Messieurs, admettez-vous que notre corps forestier en arrive à
cet état d’anémie?
N'est-ce pas plutôt le cas de lui donner une extension, un dévelop-
pement nouveau pour faire face à des besoins qui doivent relever la ri-
chesse de la France ?
Festreindre le personnel en pareille occurrence serait une économie
déplorable, ce serait de ces économies qui coûtent cher au pays.
On distingue, vous le savez, Messieurs, deux catégories d’administrations,
celles qui dépensent et celles qui produisent; sans contredit, l’'Adminis-
tration forestière appartient à cette dernière catégorie; en raison de Ja
modicité des traitements, elle ne charge pas beaucoup le budget, chacun
salt Ça.
Aussi, pensons-nous que plus l'État affectera d'agents soit aux reboi-
sements, soit aux améliorations pastorales, plus il accroîtra la richesse du
pays.
Qu'il me soit permis de faire, en terminant ce trop long rapport, une
constatation tout à l'éloge de l'Administration forestière francaise, c’est que,
malgré les incertitudes et les divergences de vues dont les forestiers fran-
çais n’ont sans doute pas, d’ailleurs, le monopole en Europe, nos sapinières
donnent des résultats fort appréciables.
La Société forestière de Franche-Comté et Belfort, qui a pris une sl
rapide importance sous l’habile direction de son vaillant président, M. Ar-
mand Viellard, avait, dès sa fondation, inscrit dans ses statuts qu’elle
contribuerait de tout son pouvoir :
1° A l’avancement et à la propagation des connaissances diverses théo-
riques et pratiques se rapportant à l’économie forestière ;
2° A la conservation des richesses forestières actuellement existantes:
3° A l'amélioration des forêts de peu de valeur et au reboisement, dans
une juste mesure, des terrains incultes.
Elle n’a pas failli à la tâche qu’elle s'était tracée.
Elle a tenu, en particuher, à faire le jour sur le rendement des sapi-
Luepf 86 Ver
nières dans les Vosges et dans le Jura. Grèce aux travaux statistiques de
trois de ses membres les plus autorisés et en même temps les plus dis-
tingués, M. Mongenot, alors conservateur à Épinal, M. Roux, conservateur
à Lons-le-Saunier, et mon ami Émile Cardot, alors inspecteur à Pontarlier,
nous avons pu établir que les sapinières de l'Etat rapportaient net :
Dans les Vosges, 80 francs par hectare et par an:
Dans le Jura, 100 francs par hectare et par an.
Que les forestiers étrangers qui nous ont fait l'honneur de venir jus-
qu'ici nous disent s'ils obtiennent plus!
Aussi constatons-nous avec plaisir que si l'Administration forestière fran-
caise n’est pas à l'abri de toute critique (qui donc est parfait en ce
monde?), elle peut, du moins, écrire sur sa porte la fière devise qu'on
lit encore sur la pierre de nos forteresses : « Nec pluribus impar ». (Applau-
dissements.)
M. Ruvacuer. Ce matin, M. Huffel a affirmé que le sapin ne pouvait
prospérer à l'état régulier, et à l'appui de son opinion il a cité des forêts
dans les Vosges sur lesquelles cet état a produit des effets déplorables, à
tel point qu'on peut prévoir que ces peuplements disparaîtront avant que
les bois y aient acquis des dimensions qui les rendent propres au sclage.
H'est vrai, a-t-il ajouté, que ces massifs ont été éclaireis tardivement.
C'est là sans doute la cause de l'échec. Dans une futaie régulière. il est
indispensable de suivre les peuplements dès leur Jeune âge, de les éclair-
cir périodiquement pour les maintenir dans un état convenablement serré.
tout en donnant progressivement aux cimes la place nécessaire pour per-
mettre le développement régulier des arbres. À ce sujet, je crois devoir
rassurer M. Bouvet, rapporteur de mon mémoire, sur la crainte de me
voir préconiser des peuplements relativements clairs dans le sapin, si ce
n’est au moment où l’on voudra obtenir le réensemencement du sol.
Quoique partisan de la méthode naturelle que je voudrais voir appli-
quée toutes les fois que les conditions chmatériques le permettraient, je
suis loin de repousser d’une manière absolue le jardinage. Mon mémoire
n’a d'autre but que de montrer la nécessité de faire des expériences et des
recherches, grâce auxquelles on arrivera peut-être à montrer quel est le
mode de traitement qui donne les résultats les plus avantageux.
M. ce Présinenr donne lecture des conclusions de MM. Runacher et
Bouvet, qui sont les suivantes :
—+2( 87 )e3—
L'assemblée émet le vœu que :
° De nouvelles stations de recherches forestières soient créées en
France dans chacune de nos grandes régions forestières, et notamment
qu'une station soit créée tout de suite en Franche-Comté pour étudier le
sapin, sans nuire à la station de Nancy, à laquelle il serait urgent de don-
ner une nouvelle et vigoureuse impulsion. »
Ce vœu est adopté.
«2° Que l'introduction des résineux dans les taillis médiocres du pre-
mier plateau du Jura et stations analogues soit favorisée. »
Ce vœu est adopté.
M. ce Présinent. La parole est à M. Mélard.
M. Méraro. Je laisse de côté la question des aménagements qui a été
traitée par M. Huffel et je ne veux prb que du traitement cultural.
Il s’agit de nous entendre sur ce qu'on appelle des sapinières ; ce ne
sont pas des forêts de résineux en général, mais seulement celles d’abies
peclinata, sapin pectiné, sapin argenté en Français, tanne en Allemand,
pihkhta en Russe, pinabete en Espagnol.
Cette essence est caractérisée par ses feuilles solitaires. disposées en
spirales, mais paraissant distiques par la torsion de la base de la plupart
d’entre elles ; elles sont planes, pourvues en dessous de deux raies blanches
produites par des stomates; les cônes sont dressés, avec des écailles qui se
désarticulent et tombent avec les graines à la maturité.
Cette essence est très répandue en Europe dans les montagnes de moyenne
élévation ; on la trouve en plaine dans les régions septentrionales.
Elle est indifférente à la nature du sol, pouvu qu'il soit frais sans être
compact ou marécageux; elle en assure elle-même la fraicheur par son
couvert épais.
D'un tempérament délicat, cette essence résiste mieux que toute autre à
l'action prolongée du couvert, et s’accommode parfaitement des climats bru-
meux. C'est par excellence l'arbre des régions pluvicuses.
L'abies pechnata à une croissance rapide et donne un très haut ren-
dement. On constate des accroissements annuels de 6 à 8 mètres cubes
par hectare, assurant un revenu qui varie de 60 à 100 francs et peut même
atteindre 120 et 150 francs.
rs 88 Yes
Il y a donc intérêt à favoriser la culture de cette essence et son exten-
sion, puisqu'elle assure un revenu considérable et qu'on demande de plus
en plus des bois résineux, soit pour le sciage, soit pour la fabrication de
la pâte en bois.
Comment doit-on traiter les sapimières ?
En futaies régulières ? ou en futaies jardinées ? Les deux méthodes ont
leurs partisans ardents en théorie ; le marteau à la main, un bon forestier
marquera de la même facon, que ce soit dans une futaie jardinée ou dans
une futaie régulière. ( Vifs applaudissements.) est donc inutile de discuter
beaucoup. Dans un cas comme dans l’autre, le but des forestiers consiste à
remplacer les vieux bois par de jeunes repeuplements et à mettre les arbres
de tous âges dans les meilleures conditions de croissance. Tout aménage-
ment raisonnable doit avoir pour base ce principe : exploiter les gros bois
et laisser pousser les petits. :
Mais on peut opérer soit en ordre concentré, c'est-à-dire en plaçant
“toujours les unes à côté des autres les opérations de même nature, soit en
ordre dispersé, en les portant successivement par très petites taches sur les
points parfois assez éloignés où elles paraissent particulièrement urgentes.
Dans le premier cas, vous avez des séries d’âges gradués se succédant ré-
gulièrement ; dans Île deuxième cas, vous faites çà et là des extractions de
bois. Dans le premier cas, c'est la futaie régulière théorique; dans le
second, le jardinage théorique. .. Sur le terrain, on ne trouve que des
nuances intermédiaires se rapprochant plus où moins soit de lun soit de
l'autre des types extrêmes.
Il faut nous résigner à ce qui existe; prenons nos forêts comme elles
sont: traitons-les comme elles sont et non comme elles devraient être.
(Applaudissements.) Je crois même que, si, par extraordinaire, nous arri-
vions à avoir à un moment donné une sapinière complètement régulière ou
uniformément jardinée, 50 ans après, nous ne retrouverions plus ni Fun
ni l'autre état.
Les arbres ne sont pas des entités mathématiques. Ge sont des êtres
vivants, luttant les uns contre les autres, et en même temps contre d’autres
êtres vivants: insectes, champignons. Îls subissent les effets des grands
phénomènes de la nature : ouragans, orages, grêle, givre, sécheresses, qui
ne les affectent pas d’une manière uniforme, parce qu'ils n'ont pas tous la
même force de résistance. Si une forêt est étendue, les conditions de sol,
d'altitude, d'exposition, ne sont pas les mêmes sur tous les points, ct l'ac-
croissement ne se fait pas partout de la même façon.
—#2( 89 )+3-.-
IL paraît donc difficile de faire entrer les futaies de sapin dans les cadres
inflexibles rêvés par quelques aménagistes. Est-ce à dire qu'il faut s’aban-
donner à la fantaisie de chacun ? Non. On peut poser, sinon des règles
scientifiques, du moins des règles pratiques qui permettent d'assurer le
traitement normal des sapinières et leur constante amélioration :
1° Renoncer aux prévisions à très longues échéances: 190 et 200 ans;
les borner au laps de temps pendant lequel on peut prévoir, avec quelque
chance de succès, l'avenir des peuplements, 20 à 2) ans, 30 ans au
plus :
9° Quand la forêt est d'assez grande étendue et située en terrain peu
accidenté, dans une région où les accidents météoriques sont peu à craindre,
et quand ses peuplements sont d’ailleurs généralement réguliers ou semi-
réguliers, on peut sans inconvénient lui appliquer la méthode régulière,
sous les réserves d'application dont il sera question plus loin. Dans tous les
autres cas, adopter le jardinage ;
3° Quelle que soit la méthode suivie, se garder dans l'application de
toute idée systématique. Si vous choisissez la méthode régulière, ne cherchez
pas à régulariser à bref délai les peuplements irréguliers, en sacrifiant
telle ou telle classe d’âge composée de bois bien venants; n'hésitez pas à
jardiner les bois surannés, quel que soit le point de la forêt sur lequel ils
se trouvent, quand même il devrait en résulter une irrégularité dans Îles
âges. Ne réalisez jamais des bois qui n’ont pas encore atteint toute leur va-
leur économique, sous prétexte qu'ils font tache aux milieu de peuplements
beaucoup plus jeunes qu'eux. Dans les coupes de régénération, évitez soi-
gneusement d'ouvrir trop rapidement les massifs et de donner prise aux
vents. Îl ne faut pas se contenter par conséquent des trois coupes classiques,
ensemencement, secondaire, définitive, mais procéder plus lentement par
extractions successives, en un mot, régénérer en Jardinant.
Si l'on a adopté la méthode du jardinage, ne pas interrompre les mas-
sifs réguliers en bon état de végétation que l’on rencontre dans la forêt
pour leur donner l'aspect jardiné. On ne doit pas considérer cette méthode
comme un procédé empirique par lequel on se borne à récolter les arbres
morts, dépérissants, ou de fortes dimensions en abandonnant à lui-même
le reste du peuplement. Cette méthode comporte les mêmes opérations que
la futaie régulière ; 1l faut se préoccuper de la régénération en effectuant
par petites places (le tempérament du sapin s’y prête fort bien), des coupes
d’ensemencement, secondaires ou définitives: dégager les jeunes semis,
éclaireir les massifs trop serrés, supprimer les perches sans avenir et ne
—+3( 90 \.e3-—
jamais oublier que l'accroissement réellement profitable dans une forêt est
celui qui se porte sur les arbres de choix destinés à atteindre le terme et la
révolution. Ces recommandations sont d'autant plus justifiées que les forêts
traitées par le jardinage présentent très rarement cette irrégularité com-
plète qui est la définition même de la méthode. Ce sont souvent des forêts
composées de nombreuses petites places régulières, de consistances et d’âges
divers juxtaposées sans ordre.
4° Enfin que l’on ait choisi l'une ou l’autre méthode, il faut se bien
rendre compte de la force productive de la forêt avant d’en fixer le rende-
ment annuel ou possibilité.
Si la forêt est normalement constituée, exploiter chaque année sa pro-
duction ; si elle est peu riche, exploiter moins que la production pour amé-
liorer le capital; si enfin il y a excès de matériel, renforcer le rendement
de façon à écouler l'excès dans un certain nombre d’années en prenant soin
de ne pas encombrer le marché.
Quant à la production annuelle, le meilleur procédé pour la déterminer
consiste à comparer entre eux les inventaires généraux du matériel eftec-
tués à quelques années d'intervalle. Ces inventaires généraux ont en outre
le grand avantage de donner les notions les plus exactes sur la composition
des peuplements et leur richesse relative.
Quand on opère dans une forêt, pour laquelle on n’a pas d'inventaire
antérieur à celui qu'on vient de faire, 1l faut nécessairement, en l'absence
d'éléments de comparaison, fixer pour la première fois le rendement annuel
par approximation à l’aide d’un des procédés empiriques en usage. On a
soin, dans ce cas, d'éviter toute exagération et de prévoir qu'un second
inventaire général sera effectué dans un délai assez court, 10 à 15 ans par
exemple.
C’est par des inventaires successifs qu’on suit le mieux les changements
de toute nature que subit une forêt. Je ne saurais trop les recommander.
La faible dépense qu'ils occasionnent est peu de chose en comparaison des
avantages considérables qu'ils procurent et de l’enseignement qu'on en retire.
Tout ce que je viens d'exposer n'est que du bon sens; je n’ai pas eu la
prétention de faire de la haute science. La sylviculture ne peut pas lutter
comme science avec les mathématiques, la physique, etc. Mais si nous
ne pouvons pas être des savants nous-mêmes, tâchons de laisser aux sa-
vants qui viendront après nous des forêts en bon état et bien remplies;
avec leur grande science, ils en feront ce qu'ils voudront. (Vis applau-
dissements. )
—#2( 91 )es—
M. ze Présipenr donne lecture d’un vœu de M. Jobez ainsi conçu :
L'assemblée émet le vœu que le travail de M. Runacher (atlas compris),
le rapport de M. Bouvet et la conférence de M. Mélard soient publiés.
Ge vœu est adopté.
M. ze Présinenr. La deuxième question qui figure à l’ordre du jour est
la suivante :
Conséquences physiolonques et culturales des éclaireres.
La parole est à M. Boppe, directeur honoraire de l'École nationale des
Eaux et forêts, pour présenter son rapport sur le mémoire de M. Broil-
liard?, conservateur des Eaux et forêts en retraite, intitulé : Des résultats
de l’éclaircre.
M. Borrs. Le cours d'aménagement de M. Broilliard, les deux édi-
ons du Traitement des bois en France, les nombreux articles qu'il a fait
paraître dans différents recueils périodiques, marquent sa place au pre-
mier rang des auteurs forestiers.
Praticien par-dessus tout, il fréquente la forêts dans ses intimités et,
mieux que personne, il sait la décrire dans son style personnel, pitto-
resque, et dont les images sont imprégnées du robuste parfum des sous-
bois. Mais c’est surtout en ce qui concerne la question si grave des éclair-
cies que nous avons le droit de le réclamer comme un maître. Nous lui
devons la notion de l'éclærcie vraie, de l'éclaireie par le haut, comme on
l'appelle souvent. Elle consiste + à supprimer dans un massif un certain
nombre d'arbres, en desserrant les meilleurs; — elle a pour objet d’assu-
rer le développement de ceux-ci; — elle rend le massif moins dense et plus
clair, en un mot : éclarcir, c'est desserrer. Mais desserrer n'est pas détruire
l'état de massif. »
La définition étant donnée, M. Broilliard se propose aujourd'hui de
nous montrer les conséquences économiques de cette éclaircie. Aussi, pour
aborder plus rapidement le résultat final, il oublie les vieilles routines des
éclaircies : faibles, moyennes ou fortes; il passe à côté des éclaircies plus
récentes qui se différencient par l'infiniment petit qui sépare en catégories
distinctes les tiges dominantes, surpassées, surcimées, dominées, étri-
3) Voir le mémoire de M. Broizcianp aux annexes (annexe n° 2).
—#%( 92 es
quées, étalées, ete.; 1l néglige, enfin, les éclaircies savantes, dont on cal-
cule mathématiquement les conséquences sur des peuplements artificielle-
ment créés en vue de leur faire l'honneur de l’une des formules 4, b,
ce, d, etc.
IL faut reconnaître que l’éclaicie par le haut est une œuvre complexe,
dont les conséquences varient suivant les cas et suivant les faits qui chan-
gent à chaque pas dans nos régénérations naturelles. Comme preuve de la
difficulté d'application, il cite une page remarquable écrite par un agent
retraité ; elle est de notre excellent camarade Desjobert, un autre forestier
éminent :
+ Quand vous faites une éclaicie, nous a dit M. Desjobert, qui travaillait
dans le centre de la France), vous poursuivez un butsimple : créer un massif
composé d'essences précieuses, chêne et hêtre aux füts élancés sans exagé-
ration, têtes larges et corps trapus, et maintenir un sous-élage d’essences
secondaires qui, conservant la fraîcheur du sol, permette aux racines des
arbres d'y puiser constamment la nourriture abondante dont ils ont be-
soin.
« Tout cela est bien plus facile à dire qu'à faire. Le but doit être pour-
suivi pendant un siècle et plus. Sur le point où vous travaillez, cent cin-
quante personnes, agents ou préposés, ont déjà travaillé hier ou travaille-
ront demain. Elles n’ont pas toujours eu et n’auront pas toujours nos 1dées.
Il faut, à chaque coupe, lenir compte du passé, réparer les accidents
survenus et ne pas opérer de même sur un sol maigre que sur un sol
fertile, sur un peuplement clairière que sur un massif trop serré, dans un
massif de chênes que dans un massif de hêtres ou dans un troisième
d’essences mélangées ; il est nécessaire d’avoir de laudace à l’occasion , de
savoir desserrer vigoureusement au moment psychologique un massif dont
les tiges sont trop grêles; pourtant, il est au moins aussi nécessaire de
n'avoir pas trop de cette même audace, parce que vos arbres, subitement
éclaircis, pourront se couronner; un ouragan, le verglas ou la neige vous
les jetteront par terre, s'ils ne se soutiennent pas suflisamment les uns les
autres; 1l faut. .... mais je n'en finirais pas.
« Pour peu que nous ayons fait quelques éclaircies avec nos hommes et
professé, pendant qu'ils travaillent et vont de l'avant, en cherchant à
expliquer et faire comprendre ce qu'il y a lieu de faire sur un peuplement
donné. nous savons tous que, quand notre discours est fini, il ne s'ap-
% Revue des Eaux et Foréts, 1892, p. 492.
—+n( 93 )es—
plique déjà plus. Le peuplement dont nous parlions est derrière nous; il
est remplacé par un autre qui réclame un autre discours et nc durera pro-
bablement pas plus longtemps que le premier. »
Nous voyons le danger ; mais où est le fil qui guidera l'opérateur dans
ce labyrinthe de l’éclaircie à faire? M. Broilliard nous le présente sous une
forme nouvelle.
Tout d’abord, prenez garde à la hache! — méfiez-vous des idées
fortes, des partis pris qui conduisent à briser le massif, à éliminer une
essence donnée, à nettoyer le sol ; — souvenez-vous que léclaircie «+ se rap-
porte, d’une part, au pied, au corps, à la tête, aux racines, au bois, aux
feuilles des arbres considérés un à un: d’autre part, au peuplement consi-
déré dans son ensemble. »
Puis, admirez les facultés plastiques de l'arbre, et rendez-vous compte
comment, sous l’action des circonstances, son organisme se modifie dans sa
forme et dans la nature de ses éléments; + enserrés dans un massif de tiges de
même âge, les arbres tendent à s’efliler et le fût s’allonge le plus possible en
grossissant lentement. [ls s'élèvent, bien soutenus, de forme approchant
celle du cylindre, nets de nœuds et portant une cime grêle. Isolés en
pleine liber té, ils restent, au contraire, trapus et sont presque tout en
cime. (La forme en est, d’ailleurs, toute différente d’une espèce à l'autre.)
Manquent-ils d'espace dans leur cime comme dans leurs racines, l’orga-
misme s’affablit et peut même s’atrophier. »
C’est l’exagération de ce mal que léclaireie vraie a pour but de préve-
nir, fout en mettant à profit ses conséquences physiologiques.
Afin de rendre la chose plus tangible, plus palpable, M. Broilliard
étudie l’action du massif sur les qualités du bois de deux essences choisies
parmi les plus précieuses : le chêne et Vépicéa.
Quand le grossissement d’un chêne est faible par suite de son état
serré, son bois est poreux, léger, peu résistant; tandis que plus il croît
vite, plus son bois est dur, nerveux. Chez l’épicéa, aux mêmes phéno-
mènes vitaux, correspondent des résultats techniques inverses : l'arbre
serré, à végétation lente, donne un bois dense à grain fin, élastique ,
excellent à tous égards; est-il espacé, à vie active, le bois en est mou,
grossier, de qualité médiocre, de valeur faible.
De ces exemples, les conclusions sont faciles à tirer : prévenir la dégra-
dation des chênes et assurer la qualité de leur bois par un desserrement
large ; maintenir les épicéas à l'état naturel du massif en n’enlevant que les
sujets dégradés.
Autres essences, autres soins; mais ceux-€1, toujours subordonnés à la
sanction économique, c’est-à-dire à la production, pour chaque essence,
du bois le meilleur, le plus utile et le plus cher.
Voilà une solution élégante et bonne puisqu'elle tient aux cordons de la
bourse.
Certes, elle soulèvera des objections. J'entends murmurer autour des
stations de recherches forestières : Mais votre éclaircie technique n’a aucune
forme stable, aucun caractère général; en l'absence de toute règle, il est
impossible de mettre en équation. — Rien de plus vrai. — Mais l’opéra-
tion diffère d’une forêt à l’autre! — Évidemment. Elle doit même différer.
Aussi, pour en faire accepter la pratique, l’auteur n’a qu'une confiance
très limitée dans l’emploi du microscope et des réactifs, fussent-ils mamiés
par les observateurs les plus habiles; et, en dehors des laboratoires dont
aucune science digne de ce nom ne saurait se passer , 11 prévient l’opéra-
teur qu'il trouvera son meilleur guide dans lhustoire du peuplement à tra-
vailler. Histoire bien simple, d’ailleurs, que chacun peut et doit écrire, en
notant, au Jour le jour, sur un registre de contrôle tous les phénomènes
naturels, tous les actes de la gestion qui intéressent la vie de chaque peu-
plement.
En résumé, st la qualité du bois est fonction de l'espace ménagé à l'arbre,
le bois lui-même est l'œuvre du temps dont l'ustoire est l'image,
La conclusion qui se dégage des observations de M. Broilliard est la
suivante :
«Avant tout, quel que soit le peuplement, l’éclarcie est une affaire
d'opportunité ; nulle part léclaircie ne doit être systématique ou mathé-
matique.
« L’éclaircie est une œuvre culturale; celui qui ne se sentira pas la force
de la faire, fera mieux de s'abstenir que de la mal faire ». ( Applaudisse-
ments.)
Je dépose les conclusions suivantes :
« L'éclaircie doit avant tout être opportune, n'être ni systématique, ni
mathématique. »
Ces conclusions sont adoptées.
La séance est levée à 4 heures trois quarts.
—#>x( 95 je —
SÉANCE DU MERCREDI 6 JUIN
(MATIN)
PRÉSIDENCE DE M. DIMITZ VICE-PRÉSIDENT,
ASSISTÉ DE M. FETET, PRÉSIDENT.
La séance est ouverte à 10 heures un quart.
M. Bruaxn, l’un des secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la
précédente séance. Le procès-verbal est adopté.
M. Ruxacuer demande à ajouter quelque mots à la communication qu'il
a faite la veille. L'assemblée, consultée, est d’avis que la question a été
suflisamment discutée, et que, vu le peu de temps dont dispose la section
pour l'examen des. questions inscrites à son ordre du jour, 1l n'y a pas
lieu de revenir sur le travail de M. Runacher.
M. ce Présinenr donne lecture d’une addition proposée par M. Jobey au
vœu émis dans la séance de la veille sur les stations de recherches :
«Il est désirable que les stations d'expériences entrent en relations
avec celles existant à l'étranger et publient le compte rendu de leurs
travaux. »
Ce vœu est adopté.
M. Le Présipent fait connaître que M. Ch. Petraschek, conseiller du
Gouvernement, chef du département des forêts de la Bosnie et de l'Herzé-
govine, a fait déposer, dans la salle du Congrès, plusieurs exemplaires
d’une brochure qu'il a publiée sur le développement de la sylviculture en
Bosnie et Herzégovine.
M. ze Présinenr fait distribuer cette brochure aux membres présents, et
demande à assemblée si elle consent à l’examiner, bien qu’elle ne rentre
pas dans le programme des questions mises à l’ordre du jour de la pre-
mière section. L'assemblée, consultée, est d’avis de prendre connaissance
de la brochure de M. Petraschek après l'épuisement de son ordre du jour.
—+2( 96 )es—
M. ce Présent. La parole est à M. Mer pour faire une communi-
cation sur les conséquences physiologiques et culturales des éclaircies.
M. Mer. Si. dans la dernière moitié de ce siècle, de nombreux travaux
ont été publiés sur la régénération des futaies, 1l n’en a pas été de même
en ce qui concerne la conduite des massifs à laide des éclaircies. Aussi
cette question a-t-elle été l’objet des premières études de la station des
recherches de l'École forestière de Nancy.
Dès la création de cette station, M. Bartet a installé des places d’expé-
rience dans des peuplements de chêne, hêtre et charme mélangés de la
forêt de Haye, pour apprécier comparativement l'influence des modes
d'éclaircie, qui venaient de recevoir les noms d'éclaircie par le bas et
d’éclaircie par le haut. Les résultats de ces expériences furent publiés dans
trois intéressants mémoires dont le premier parut en 1888 et le dernier
en 1889, dû à M. Claudot qui avait repris les expériences de M. Bartet.
De mon côté, aussitôt après mon entrée à la station, en 1886, Je
me proposai d'étudier la question des éclaircies dans les sapinières de
Gérardmer. Laissant de côté les massifs très nombreux de cette forêt, for-
més de sujets d’âges différents, où le hêtre se trouve mélangé au sapin en
proportion fort variable et dans lesquels, par suite de la complexité des
conditions de végétation, aucune expérience comparative n’est possible, Je
me suis adressé à des peuplements de même âge, composés uniquement
de sapin ou d’épicéa et provenant en général de semis artificiels. Me plaçant
à un point de vue différent de celui de M. Bartet, je voulus rechercher lin-
fluence de la précocité des éclaircies sur le rendement en matière et en
argent. J'avais été frappé, depuis dix ans que j'habitais le pays, du ralen-
tissement de la croissance de ces massifs dont la plupart étaient âgés d'une
quarantaine d'années. Les arbres qui les peuplaient avaient des dimensions
fort variables, depuis la perche de o m. 20 de tour jusqu'à a panne de
1 mètre, Les tiges grêles et à cime étriquée étaient très nombreuses, les
sujets d'élite relativement rares. Sur bien des points, l'avenir même de ces
massifs semblait compromis. Ces résultats désastreux me paraissaient dus
à ce que les arbres, n’ayant encore été l’objet d'aucune éelaircie, avaient fim
par se trouver trop serrés. Leur accroissement en grosseur avait diminué
de plus en plus depuis une vingtaine d'années, ce dont il était facile de
s'assurer par des sections transversales du tronc pratiquées à divers niveaux.
Pour mettre en évidence le grand avantage qu’on peut retirer d’éclarreies
faites dès l’âge de 20 ans, je devais expérimenter sur des peuplements
—#3( 97 jes—
de cet âge. On sait combien il est difficile, surtout en montagne, de ren-
contrer des massifs, même de faible étendue, comparables à tous égards.
Je parvins cependant à en trouver quelques-uns, remplissant à peu près
les conditions désirables. Je vais rendre compte des résultats fournis par
June de ces places d'expériences, peuplée d’épicéas plantés en 1866
(pare. à, B). Ces arbres, de grosseurs fort variables, étaient inégalement
distribués dans les diverses parties de la place, un grand nombre de perches
ayant disparu par suite de la maraude, des coups de vent ou de la neige.
On remarquait à première vue que, dans les endroits où il y en avait
moins, les dimensions étaient plus fortes. C’est précisément cet état de
choses qui m'inspira l’idée de choisir cette localité pour voir s’il ne s’accu-
serait pas davantage par une éclaircie.
Après avoir délimité la place, je la partageai, à la suite d’un examen
détaillé de peuplement, en trois placettes contiguës, de contenances iné-
gales : la placette A située au milieu, et qui devait être le siège de l'éclaireie,
les placettes B et C, situées de chaque côté de la première, étaient desti-
nées à servir de témoins.
M. Hurrez. Quelle était leur contenance ?
M. Mer. La placette A avait 34 ares 33, la placette de droite B
18 ares o7 et la placette de gauche C 28 ares 68. Les résultats obtenus
et dont je vais rendre compte ont tous été ramenés à l'hectare.
Au mois d'octobre 1886, le matériel de chacune de ces placettes était
composé ainsi qu'il suit :
Pracerre B. PLacerre A. Pracerre C.
Nombre de petites tiges (de à Fa
0 m. 20 à om. 50 de tour). 2,411, 2,05] 1,491
Nombre de grosses tiges (de 9,138 2,199 1,486
0 m. 50 à o m.70 de tour). 27) 8 65 |
Volume total du matériel... 64" 478 99° 299 63° 607
Valeur du matériel... ..... 319 45 536° 94 392' 81
Prix du mètre eube....... h° 86. 577 6" 17
On voit, par ce tableau, que la placette B, la plus peuplée, était aussi
celle qui renfermait le moins de grosses tiges. Son matériel avait à peu
près le même volume, mais une valeur sensiblement moindre que celui de
Ja placette GC. Le prix du mètre cube était par suite bien plus faible. La
placette À se trouvait la mieux partagée sous le rapport du nombre des
grosses tiges, du volume et de la valeur du matériel, effet dû évidemment
SYLVICULTURE, 7
—+>( 98 )es—
à ce qu’un assez grand nombre de perches ayant été de bonne heure élimi-
nées par les causes fortuites dont j'ai parlé, la croissance du matériel restant
avait été très activée. Si les résultats n'avaient pas été aussi heureux pour
la placette C, cela tient à ce que là l'élimination avait été trop forte et surtout
trop irrégulière. I s'était produit quelques petits vides; le sol n’était plas
suffisamment utilisé.
Au mois d'octobre 1886, Je pratiquai une éclaircie dans la placette A.
J'enlevai 287 tiges (284 petites et 3 grosses) cubant 1 1 m.c. 285, un peu
plus du dixième du matériel. C'était donc une éclaircie très modérée. Je
m'attachai surtout à dégager les arbres les mieux venants, sans cependant
les isoler, ni même abattre tous ceux qui se trouvaient dans leur voisinage
immédiat. Je desserrai aussi les perches placées entre les arbres d'avenir,
en supprimant les plus grêles d’entre elles.
En attendant les résultats de cette opération, ce qui devait demander
un certain nombre d'années, je cherchai à me rendre compte, par un
examen approfondi d'arbres situés dans des massifs éclaircis à des époques
déterminées, des eflets produits par ces coupes sur leur croissance. Un fait
ne tarda pas à me frapper par sa généralité, c’est que les sujets vigoureux
sont les seuls à profiter des éclaircies et encore sous la condition que les
perches supprimées se soient trouvées assez rapprochées d'eux, l'influence
de cette suppression variant d’ailleurs avec le nombre, les dimensions et la
distance de ces perches. C’est surtout à la partie inférieure du tronc que
l'augmentation de croissance se fait sentir. Elle n’est guère appréciable
qu'à partir de la deuxième année, suit une marche ascendante pour culmi-
ner vers la quatrième ou cinquième, après quoi elle diminue. Les éclaircies
modérées ne paraissent pas modifier sensiblement l'allongement des pousses
terminales et latérales; par conséquent, elles n’ont pas une influence mar-
quée sur la croissance en hauteur. J'ai publié les résultats de ces recherches
en 1888.
Au mois d'octobre 1897, je procédai à l'inventaire de la place d’expé-
rience. En voici les résultats :
Pracerte B. PLacerre A. PracerTe C.
Nombre de petites tiges (de a fi
0 m. 20 à o m. 20 detour). 3,164 1,794 1,285)
Nombre de grosses tiges (de 3,189 2,492 11.860
0 m.90 àom.godetour). 325 698 575)
Volume du matériel. . ..... 187" 538 241" 818 191” 680
Valeur du matériel. . ...... 1,221 45 1,945° 52 1,982" 08
Prix du mètre cube... .... 6‘23 8‘ 04 8° 22
anti de Li he.
Pr
> nl, né
és 0
—+#+>( 99 ).3—
La placette À avait maintenu sa supériorité sur les deux placettes té-
moins, par suite de la bonne répartition de ses tiges et de la plus grande
proportion de ses sujets d'avenir, Son matériel avait le plus grand volume
et la plus grande valeur. Toutefois le taux de production était sensiblement
le même dans les trois placettes. Elles avaient triplé ou à peu près leur
volume de 1886 (1), Il semblerait donc, d’après ce fait, que l'éclaircie n’avait
pas produit d'effet, Une telle conclusion serait prématurée, car on ne doit
pas perdre de vue, en effet, que les conditions n'étaient pas les mêmes dans
chaque placette, en ce qui concernait du moins la constitution des peuple-
ments. Le massif étant moins dense dans À que dans B et la croissance de
la première de ces placettes ayant été plus active pour ce motif pendant la
période antérieure à 1886, il aurait pu arriver que, sans léclaircie, son
volume n’eût pas été triplé, ainsi que cela avait eu lieu pour B et C. Les
résultats fournis par l'inventaire de 1897 étaient donc insuflisants pour
nous renseigner à cet épard et 11 devenait nécessaire, afin de sayoir si
l'éclaircie avait été efficace, de recourir à l’examen de quelques arbres de la
placette À appartenant à diverses catégories de grosseur. Je me suis livré à
cette analyse et j'ai reconnu que les tiges à végétation languissante n'avaient
pas augmenté leur production annuelle à la suite de l'éclaireie. Le desserre-
ment dont ils avaient été l’objet n’ayait donc eu pour eux aucun effet, H
en avait été de même pour certaines tiges d'avenir, tandis que pour d’autres
il y avait eu augmentation sensible d’accroissement à partir de la troisième
année consécutive à l’éclaircie. Cette augmentation s'était soutenue, avec
quelques oscillations, jusqu'en 1897, ainsi qu’on peut en juger par les
chiffres suivants fournis, à titre d'exemple, par l'analyse d’un épicéa assez
vigoureux, mesurant o m, 56 de tour et qui indiquent en décimètres cubes
le volume fabriqué par lui dans chacune des années comprises entre 188»
et 1596.
VOLUMES. VOLUMES. VOLUMES.
ANNÉES. = ANNÉES. — ANNÉES. —-
— décim. c. — décim. c. — décim. c.
1889. ...... ANAL 15 PP RRRE “AO |. PErORE 9-0
1085, :..:.. ».6 oi: 6.8 1608:2:2;: 7.9
TT EE 5.3 A4889....... ET AUS 2 7.0
On. Bortt4890: PROS TT CES 8.9
à La 10 | RE 6.4 LULU E PRET ER 7.9 Fe NE. 8.2
® Exactement les rapports des volumes de 1897 aux volumes de 1886 (après
l'éclaircie) sont les suivantes : 2,92 pour B, 2.95 pour A, 3.03 pour C.
F (bo
—+#%( 100 es
Avant 1886, la production de cet arbre allait s’accroissant légèrement
chaque année. Pendant les deux années 1887 et 1888, qui ont suivi immé-
diatement l’éclaircie, ces volumes ont continué à augmenter, mais à peu
près dans le même rapport que les années précédentes; ce qui montre que
l'effet de l'éclaircie ne se faisait pas encore sentir. En 1889 il s'était pro-
duit une brusque élévation qui augmenta en 1890, année où elle atteignait
son maximum. L’accroissement diminua ensuite, avec certaines variations.
L'éclaircie avait donc favorisé d’une manière bien manifeste la croissance
de cet arbre. J'ai constaté les mêmes faits sur plusieurs autres. Si l’éclaireie
n'avait pas eu d'influence sur quelques épicéas, bien qu’aussi vigoureux que
ceux dont il vient d’être question, c’est parce que ces arbres n'avaient pas
été dégagés ou n’avaient pas eu besoin de l'être. Je me suis assuré en effet,
dans une autre place d'expériences, que la suppression de perches situées
au delà de 5 à 6 mètres n’exerce pas une action appréciable. Tous ces faits
sont venus confirmer les conclusions qu’en 1889 j'avais cru pouvoir déduire
de l'examen de massifs éclaircis quinze ans auparavant.
On peut donc être certain que l’éclaircie de 1886 avait produit sur la
végétation de la placette À un effet favorable, qui l'aurait été davantage si
elle avait été plus forte. Il n’est pas possible toutefois de déterminer quan-
litativement l'accroissement de volume dû à cette opération.
De lexpérience dont je viens de rendre compte, il ressort qu'il y a un
réel avantage à ce que, même avant l'âge de 20 ans, les arbres d’un massif
ne soient pas trop serrés et surtout à ce qu'ils soient bien répartis. On en
a la preuve par la placette C. On doit donc chercher, par des dégagements
graduels, à favoriser la formation du plus grand nombre possible de tiges
d'avenir, et pour cela les préparer de bonne heure, sans attendre qu’elles
se constituent d’elles-mêmes. Elles ne sauraient le faire qu'à la suite d’une
lutte plus ou moins prolongée avec les voisines, lutte qu'il faut éviter. car
c’est toujours au détriment de la croissance qu'elle s'exerce.
L’incontestable utilité des éclaircies précoces résulte de la comparaison
des chiffres suivants : la production moyenne annuelle de chacune des
placettes jusqu’à l’âge de 31 ans (1886-1897) a été de 6 m. e. 5 pour B,
8 m. ce. 1 pour À et 6 m. c. » pour C. La différence des rendements-argent
annuels moyens à lhectare est encore plus sensible : 39 fr. 30 pour B,
64 fr. 20 pour A et 51 francs pour CG.
On voit combien est grande l'influence des éclaircies sur la production
en matière el en argent des massifs et quelle importance acquièrent ces
opérations à mesure qu’elles sont mieux étudiées. Nul doute que, par des
li nes.
——#2( 101 }e3—
éclaircies précoces et intelligemment conduites on n'arrive à raccourcir
sensiblement la durée des révolutions.
En réunissant ma communication d'hier à celle d'aujourd'hui, voici le
texte des conclusions que je soumets au vote de la section :
«1° Il conviendrait, par des desserrements graduels, entrepris de très
bonne heure, d'aider à la formation des sujets d'avenir en aussi grand
nombre que possible, et, quand ceux-ci seraient formés, de les dégager
progressivement, afin qu'ils développent suflisamment leur cime et leur
enracinement, conditions nécessaires pour qu'ils aient une croissance ac-
tive et soutenue. On arriverait ainsi à raccourcir notablement la durée de
la révolution. »
(Ce vœu est adopté.)
«92° Les sujets languissants situés entre les arbres d’avenir et dont la
présence ne gênerait pas le développement de ceux-ci seraient conservés
pour la protection du sol; mais comme à partir de l’âge de 50 ou 60 ans,
ils ne rempliraient plus que très imparfaitement ce rôle et que leur crois-
sance serait devenue presque nulle, il serait avantageux de les faire alors
disparaître et de les remplacer par un semis de sapin qu'on provoquerait
au besoin ou qu’on créerait artificiellement. On formerait ainsi un sous-
étage dont la présence serait des plus utiles. »
(Ce vœu est adopté.)
«3° Quand arriverait l’époque où le massif doit être exploité, la ré-
génération se trouverait en grande partie réalisée, le recrû étant constitué
par le sous-étage de sapins dont un assez grand nombre de perches auraient ,
à la suite des éclaircies périodiques, acquis un développement sullisant
pour leur mériter d’être conservées. Celles, au contraire, dont la végéta-
tion serait languissante ou qui auraient été endommagées par l'exploitation
devraient être abattues et remplacées par des plantations d’épicéas de
moyenne tige. Ainsi disparaîtraient les très sérieux inconvénients résul-
tant de l'application des coupes de régénération et dans les hautes Vosges
se trouverait constituée cette association de l'épicéa au sapin qui, dans les
quelques localités de cette région où elle se rencontre, donne les meilleurs
résultats. »
M. pe La Grye. I n’est pas possible de mettre aux voix un texte de
cette nature; ce sont des observations aux forestiers.
4x 102 Ve
M. Hurrez. Il y a là tout un programme de sylviculture sur lequel 11
nous est impossible de nous prononcer de cette façon.
M. Bopre. On ne peut pas voter sur ces théories.
M. Bououer ne La Grye modifie les conclusions de la facon suivante :
«Conserver les tiges du sous-étage assez développées, supprimer celles
qui sont dépérissantes, dégradées, les remplacer par des plantations d’épi-
céa de moyenne tige.»
Ces conclusions ne sont pas adoptées.
M. Le PRÉSIDENT. L ordre du jour appelle ! la discussion de la question
suivante :
Unilité de la culture du sol dans les coupes à régénérer (labour à la charrue,
crochetages, avec ou sans répandage artificiel de semences ).
M. CnarzemaGxe, conservateur des Eaux et Forêts en retraite, donne lec-
ture de son rapport sur cette question :
En principe la régénération naturelle du sol dans les futaies est préfé-
rable à la régénération artificielle; elle est plus économique et se produit
avec une profusion que les repeuplements effectués de main d'homme ne
sauraient égaler sans rendre l'opération trop coûteuse. Mais est-ce à dire
que le forestier doive se croiser les bras et laisser tout à faire à la nature
sans lui venir en aide? Évidemment non. Dans les futaies de chêne, par
exemple, surtout dans les forêts de chêne pur dont le feuillage est Lécée
le sol se durcit sous les vieux massifs: 1l se couvre de hautes herbes et
souvent de bruyères et de myrtilles: toutes circonstances défavorables qui
ne font qu'augmenter avec la coupe sombre, de telle sorte que les glands
tombent sans pouvoir germer. Dans ce cas il est nécessaire d’ameublir le
sol sous les porte-graines, ce à quoi on arrive par l'opération désignée
dans la Sarthe sous le nom de crochetage, dans l'Orne sous celui de croc-
tave. Pour cette opération on se sert soit, comme le nom l'indique, d’un
crochet ou croc en fer à deux dents rapprochées, soit d’une houe étroite,
avec lesquels on déchire et on divise la couche superficielle du terrain de
façon à la rendre accessible aux jeunes. radicules.
Pour se rendre compte des heureux résultats que l’ameublissement ainsi
effectué peut produire au point de vue de la germination, on n’a qu'à voir
dbottnet sd one fi ds ol dd à nm à.
I PT TE
—#>( 105 )e3—
comme les ornières tracées par les roues des voitures dans les chemins de
vidange se couvrent de jeunes chêneaux, alors que les terrains voisins en
sont souvent tout à fait dépourvus.
Dans un terrain ordinaire un homme peut parcourir 8 ares par jour;
en admettant 2 fr. 5o pour le prix de la journée, le coût du crochetage
° . oc
pour un hectare en plein revient à 250 X — 31°95.
Il peut arriver aussi que les arbres restés sur pied après le martelage
ne soient plus susceptibles de fournir de semences, soit en raison de leur
âge avancé, soit parce qu'ils ont crû sur souches, soit par suite de dépé-
rissement. D'un autre côté, dans les climats un peu rudes la glandée peut
subir des retards tels que, si l’on veut l’attendre, les coupes d’ensemence-
ment se referment avant d’avoir été régénérées, que la marche des exploi-
tations se trouve forcément entravée, et enfin qu'il en résulte pour le pro-
priétaire une perte sensible dans le rendement.
Pour éviter ces inconvénients graves, on fait répandre dans le sol, en
même temps qu'on procède au crochetage, des glands en quantité suffi-
sante pouy assurer le réensemencement.
On peu acheter ces glands au commerce ou les faire récolter soit dans
d’autres parties de la forêt où la glandée aurait réussi, soit dans d’autres
forêts voisines, soit enfin dans les bois ou sur les chênes isolés de la ré-
gion. Quand on s’adressera au commerce, il faudra bien faire spécifier,
sur la facture, l’espèce et le lieu d’origine des glands fournis; car 11 est
arrivé que certains fournisseurs peu scrupuleux ont livré des glands de
chêne cerris ou de chêne tauzin pour des glands de chêne rouvre ou pédon-
culé.
Le prix du crochetage effectué ainsi avec répandage de semences peut
être évalué à 75 francs par hectare, savoir :
Achat ou récolte de 8 hectolitres de glands, à 5 francs l'hectolitre 40° 00
Crochetage. ..... ANS UE AD ANUS Hess ve 31 95
Transport et répandage des glands ...,................. à 79
nn mn Map ah dat 75° 00
Ce chiffre de dépense peut paraître considérable; mais 1l est bon de re-
marquer qu'il s'applique à un hectare plan, c'est-à-dire sur lequel 1l
n'existe aucun semis naturel au moment du martelage de la coupe et où
la totalité des arbres de réserve est absolument stérile.
Dans les belles forêts domaniales de la Conservation d'Alençon, que
-ees2( 104 jes—
nous connaissons plus particulièrement, les crochetages, tels que nous ve-
nons de les décrire, réussissent admirablement et nous avons vu d’im-
menses étendues de coupes dont le parterre était couvert de jeunes plants
comme une pépinière.
Outre leur but principal qui est d'assurer le ni du sol,
les crochetages permettent, dans les forêts mélangées de chêne et de hé-
tre, d'augmenter, suivant qu’on le jugera utile, la proportion de l’une ou
de l’autre de ces essences; si le hêtre tend à supplanter le chêne, on se
servira uniquement de glands dans les semis qui accompagneront le cro-
chetage; si le chêne est l'essence exclusive, on forcera dans ces semis la
proportion des faînes, afin d'assurer l'amélioration du sol forestier par l'in-
troduction du hêtre dans le peuplement.
Ajoutons que l’ameublissement du sol par le crochetage améliore la
croissance des réserves, ainsi d'ailleurs qu'il le fait pour les pommiers
dans les vergers et dans les champs lorsqu'on sarele le sol autour de leur
pied.
Frappé de la nécessité de cultiver le sol dans les futaies de Loir-et-
Cher pour en assurer la régénération, mais désireux en même temps de
réduire au minimum les frais de cette culture, M. Dubois, inspecteur des
Forêts à Blois, avait imaginé dans ce but une charrue forestitre à laquelle
on a donné son nom.
Le bâti de cette charrue est armé de cinq socs à versoir, deux à l'avant,
trois à l'arrière et 1l est porté sur trois roues.
Elle trace simultanèment, sur o m. 80 de largeur, cinq sillons FRE
lèles, à égale distance les uns des autres.
Un mécanisme à deux leviers sert à surmonter les obstacles opposés
par les souches et les racines des arbres : l’un de ces leviers, cintré et so-
lidement fixé à l’essieu coudé des roues de derrière, s’ouvre en deux bran-
ches formant une crémaillère à travers laquelle s'engage et glisse hibre-
ment, sur un galet, le second levier qui est horizontal et dont les mouve-
ments sont rendus dépendants du premier par une cheville en fer que l'on
introduit à volonté dans celle des divisions de la crémaillère qui donne
l’entrure désirée. Ge second levier soulève ou abaisse le devant de la char-
rue; le même eflet est produit en arrière par le levier cintré agissant 1s0-
lément; mariés entre eux et avec les roues, les deux leviers mus simulta-
nément abaissent ou soulèvent le bâti et les socs. De plus, dans ce dernier
mouvement ascensionnel, la charrue recule sur elle-même et se trouve
dégagée des obstacles qu'elle aurait rencontrés. Le laboureur placé aux
4 105 je
mancherons obtient ces effets suivant qu'il ramène à lui ou qu'il éloigne, à
l’aide de la poignée, le levier cintré, en définitive régulateur unique de
la charrue. Deux chevaux suffisent pour la conduire.
Dans une notice publiée par les Annales forestières (année 1860, p. 94
à 98) et de laquelle nous avons extrait la description ci-dessus, M. Dubois
calculait que la dépense pour le labour d’un hectare avec la charrue fo-
restière pouvait, suivant la ténacité du terrain. varier de 7 fr. 0 à
13 francs,
Cette charrue eut d’abord un très grand succès, et M. Lorentz, rendant
compte dans la Revue des Eaux et Forêts (année 1863, p. 30 à 34) d’une
brochure de M. Dubois relative aux travaux de reboisement exécutés pen-
dant trois ans avec cet instrument dans le Blésois, terminait ainsi son ar-
ticle :
«Avant peu, nous l’espérons, l’emploi de la charrue se généralisera;
elle fonctionne déjà dans les forêts de la Couronne, notamment dans cel-
les de Compiègne et de Saint-Germain, dans les départements du Loiret,
de l'Allier, de la Sarthe, du Jura, du Haut et du Bas-Rhin; les construc-
teurs Bruel en ont expédié en Russie et au Mexique. Bref, tout annonce
un grand et légitime succès à ce nouveau procédé de culture. »
Ces prévisions ne se sont pas réalisées, et la charrue forestière a cessé
d’être employée à peu près partout, même dans le Blésois, son pays d’ori-
gine. À quoi faut-il attribuer cet insuccès après les promesses du début?
D'abord la dépense que M. Dubois estimait devoir n'être que de 7 fr. 50
à 13 francs par hectare, s’est élevée en moyenne, dans les reboisements
effectués par lui sur 391 hectares, à 26 fr. 35. Il est vrai que M. Dubois
fait observer que si, au lieu de labourer en plein, on se contentait de se-
mer par bandes, avec une bande inculte d’une largeur de charrue, le
prix de revient par hectare se trouverait réduit de moitié. Ensuite la char-
rue forestière, malgré l’ingémiosité de son mécanisme, devenait d’un em-
ploi peu commotle et même impossible dans les terrains pierreux ou en
pente raide, et il était bien difliaile de la faire manœuvrer à travers les
troncs des semenciers sans risquer de blesser leurs racines. Enfin les semis
qui, dans un sol graveleux et divisé, avaient donné de bons résultats, ont
beaucoup moins bien réussi dans les sols compacts, les socs formant, en
pénétrant la terre, des fragments trop gros donnant comme résultat final
une mauvaise préparation.
Tout ce que nous venons de dire sur l'utilité des crochetages dans les
futaies feuillues peut également s'appliquer aux futaies résineuses lors-
—+>( 106 \.e—
qu'elles sont traitées par la méthode, du réensemencement naturel et des
éclaircies, en apportant néanmoins dans l'exécution de ces crochetages les
ménagements que pourrait comporter l'existence, dans ces forêts, de pen-
tes rapides et de rochers.
À l'étranger, comme en France, lutilté de donner une culture au sol
pour assurer la régénération des forêts, est depuis longtemps reconnue.
Nous nous contenterons de citer ici le passage suivant d’une instruction
adressée par l'Administration forestière de Bavière aux agents des forêts du
Fichtelgebirge (Frstliche Mitiheilungen, hvraison de 1 858) :
« La coupe d’ensemencement faite, et lorsque lon prévoit que l’année
sera favorable à la fructification, si le sol est couvert de mousse ou de gazon,
on y ouvrira de petits sions plus ou moins éloignés les uns des autres,
dans lesquels les graines trouveront un sol meuble et propre à favoriser leur
germination, ainsi que le développement des jeunes plantes; s’il est cou-
vert de bruyères ou de Hele on donnera plus de largeur aux sillons,
sur lesquels il sera bon même de répandre la cendre des plants parasites
que l’on aura coupés.
«Si, comme il arrive souvent, les arbres ne donnent qu'un nombre
insuffisant de graines et que par suite on ne puisse espérer vu peuple
ment incomplet, on en fera répandre dans les sillons de manière à garnir
le sol.» (Applaudissements. )
M. CHarLEMAGNE dépose les conclusions suivantes :
«Il convient, surtout dans les forêts de chêne, de venir en aide à la
nature au moyen de crochetages, avec ou sans répandage préalable de se-
mences. »
Ces conclusions sont adoptées.
M. Cnancewacxe donne lecture de son rapport sur la brochure de
M. Prouvé, inspecteur des Eaux et Forêts en retraite : Rérénération par
plantation des coupes de futaies) :
Pour faciliter la régénération des coupes de futaie par voie de plan-
tation, M. Prouvé à imaginé toute une série d'outils, savoir : 1° une bêche-
\
levier; 2° une bêche-plantoir; 3° un plantoir à étrier avec son fourreau.
() Société des agriculteurs de France, rue d'Athènes, 8, Paris. — Régénération par plan-
tation des coupes de futaie, par M. Pronvé (Charles), inspecteur des Forêts en retraite. Paris,
Sociélé anonyme de publications périodiques; P, Mouillot, imprimeur, quai Voltaire, 13, 1800.
—+#3( 107 )ez—
La bêche-lemer consiste en un fer large de o m. 11 et long de o m. 45
à o m. 65, avec nervure longitudinale, étrier et tranchant acéré. Le
manche en fer méplat a deux poignées en bois, l’une transversale au mi-
lieu, l'autre à l'extrémité supérieure. Elle sert dans les pépinières et en
forêt à l'extraction des plants.
La bêche-plantoir, plus légère et plus maniable que la bêche-levier, est
de même forme, à l’exception du manche qui n’est pas prolongé au-dessus
de la poignée transversale. On Femploie dans les sols légers pour extraire
les plants et les mettre à demeure.
Le planioir à étrier consiste en un cyhndre très légèrement aplati, pourvu
à une de ses extrémités d’une pointe aigue et, à l'autre, d’un manche de
fer méplat. avec étrier et poignée transversale en bois.
Le fourreau, qui l'accompagne, peut être simple ou articulé : simple, à
se compose d'un tube en tôle, fendu longitudinalement et adapté à une
poignée en bois: articulé, 1l est formé de deux demi-tubes en tôle, réunis
par deux charnières et adaptés chacun à une poignée en bois. Ces poi-
gnées sont disposées de telle sorte qu’en les rapprochant on ouvre à vo-
lonté la fente longitudinale qu'un ressort tend à tenir fermée. Une chai-
nette, entourant les poignées, permet de fixer à volonté l'ouverture de
l'outil.
Pour mettre les plants à demeure, deux ouvriers travaillent ensemble:
l'un ouvre un trou avec le plantoir; l'autre, à l’aide du fourreau , introduit
le plan dans le trou.
L'économie réalisée sur le coût des plantations ordinaires faites à la
houe varie de 4o à 75, p. 100. L'emploi des outils de M. Prouvé permet,
en outre, de maintenir intact le pivot des chênes et de planter plus pro-
fondément.
Dans la Conservation d'Alençon, que nous connaissons plus particuliè-
rement, ces outils sont d’un usage fréquent pour les regarnis à effectuer
dans les coupes de régénération, et on s’en trouve bien. Ils peuvent aussi
être avantageusement employés pour le repeuplement en plein de futaies
ruinées où les arbres sont dépérissants et ne peuvent plus donner de
graines, où le sol est absolument envahi par les myrtilles et les grandes
herbes, et où la régénération, par voie de crochetages, avec répandage préa-
lable de semences, serait impossible et trop coûteuse. Toutefois nous pen-
sons qu'il ne faudrait pas vouloir trop en généraliser l'emploi et que la
régénération naturelle, partout où elle peut se faire, vaut encore mieux
pour l'avenir des forèts que les repeuplements artificiels : elle est plus éco-
—+3( 108 }ee2—
nomique et garantit mieux le sol. Nous croyons ne pouvoir mieux faire que
de citer en terminant l’opinion d’un excellent forestier, très expert dans le
traitement des futaies, M. de Trégomain, ancien inspecteur des Forêts à Mor-
tagne, aujourd'hui conservateur en retraite à Uzès, qui, dans son livre sur
Le Haut-Perche et ses forêts domaniales (p. 117 et 1 18), confirme ainsi
notre manière de voir : « La méthode de traitement dite du réensemencement
naturel a été l’objet de très vives controverses. Une simple visite des forêts
du Haut-Perche suffit pour clore toute discussion à cet égard, en ce qui
concerne du moins la région dont nous parlons. La vérité s'impose ici avec
la brutalité d'un fait. Nous pouvons montrer toute la succession des peu-
plements obtenus par l'application de cette méthode, depuis âge de 1 an
jusqu'à 70 ans, sans aucune lacune, et cela non dans une seule forêt,
mais dans toutes, et non seulement sur les meiïlleurs sols, mais même sur
des terrains pierreux et relativement maigres, comme dans la forêt de
Réno-V aldieu (canton de Brochard). Il est incontestable que jamais, par
la voie artificielle, on n’aurait pu obtenir des peuplements aussi serrés et
aussi vigoureux que ceux que la nature nous a donnés.
Et maintenant, si l’on considère la question de dépense, comme il est
juste de le faire, nous ferons remarquer que, pour obtenir ces magnifiques
résultats, 1l a suffi d'effectuer des repeuplements complémentaires sur
un cinquième au plus de la superficie. On voit donc que, sous tous les
rapports, la méthode naturelle offre dans la région du Perche une supé-
riorité indéniable. »
M. Charlemagne dépose les conclusions suivantes :
« Les outils imaginés par M. Prouvé pour faciliter le repeuplement des
coupes de futaie par voie de plantation sont excellents pour les regarnis à
effectuer dans les coupes de régénération et pour le repeuplement en plein
des futaies ruinées; mais, là où la régénération naturelle est possible, il
convient de donner la préférence à cette dernière qui garantit mieux le sol
et est, en somme, plus économique. »
Ces conclusions sont adoptées.
M. Bruanp donne lecture d’un rapport de M. Broilliard sur le mémoire
de M. Muller, directeur des Forêts à Copenhague, intitulé De la culture
du sol dans les coupes de révénération 0).
0 Voir le mémoire de M. Muller aux Annexes (annexe n° 3).
|
|
—#n( 109 yes
M. le docteur P.-E. Muller, bien connu par ses travaux de botanique
et d'étude des sols, a bien voulu envoyer un mémoire sur la troisième
question de sylviculture.
En quelques pages fort intéressantes, 1l montre comment on peut vaincre
les difficultés de la régénération des futaies dans les sols durcis ou acides.
La culture, plus ou moins superficielle, et l'addition de chaux y suffisent.
Les heureux résultats obtenus ainsi en Danemark dans la pratique des
exploitations font l'évidence sur ce point.
Le docteur Muller expose clairement les procédés applicables suivant
les sols, leur raison d’être, les frais qu'ils occasionnent et les avantages
qui en résultent. La dépense, qui semble un peu élevée, sera probable-
ment réduite, par l'usage, au strict nécessaire et aux cas particuliers où la
culture du sol est indispensable. En tous cas, les travaux des forestiers
danois ouvrent une voie nouvelle à la pratique des coupes de régénération ,
comme ils l'ont fait déjà à celle des éclaircies.
M. Lawey, conservateur des Eaux et Forêts en retraite, donne lecture
d’un autre rapport sur le même mémoire de M. Muller :
M. le docteur Muller, directeur des Forêts de Copenhague, bien connu
par ses travaux de botanique et d'étude des sols, a bien voulu envoyer un
mémoire sur la troisième question du programme de la section d'économie
forestière, concernant l'utilité de la culture du sol dans les coupes à régé-
nérer.
D'après ce que nous apprend l’auteur de ce mémoire, lexploitation
régulière des forêts a été introduite en Danemark il y a environ un siècle
et l’on a commencé à pratiquer, dès cette époque, dans les coupes de
futaie la régénération naturelle du hêtre, essence principale du pays à
laquelle est, du reste, exclusivement consacrée intéressante étude dont
nous avons l'honneur de rendre compte.
Avant l'introduction du régime forestier, le pâturage des bêtes à
cornes et des chevaux s’exercait à peu près librement, ainsi que le
passage des porcs; les forêts eurent naturellement à souffrir de cet état
de choses qui ne cessa qu'avec l'extinction et la suppression des droits
d'usage.
Sur beaucoup de points l'abus de jouissance avait entraîné lx dégra-
dation du sol à un degré tel que les repeuplements devenaient de plus en
plus aléatoires, et ce n’était plus guère que dans les parties meubles et
fraiches des terrains riches et profonds que lon pouvait espérer un bon ré-
—_+n( 110 es—
sultat du réensemencement naturel, Il en résulta que l’emploi de la mé-
thode de la régénération naturelle du hêtre ne larda pas à causer aux
forestiers un désappointement toujours croissant. On lutta pendant de
longues années contre les insuccès, cherchant à les corriger, mais enfin la
méfiance vis-à-vis de la méthode en question était devenue telle, qu'on
l'abandonnait de plus en plus pour recourir à des plantations cou-
teuses. :
Dans les derniers temps, cependant, l'application des sciences natu-
relles aux études de questions de sylviculture a exercé son influence aussi
sur la pratique des régénérations naturelles, On a commencé à soumetire à
une analyse plus soignense qu'auparavant le caractère du sol forestier au
point de vue de sa biologie et de ses propriétés tant physiques que chi-
miques, d’où a résulté, paraît-il, une renaissance de la méthode des réen-
semencemenis naturels. Toujours est-il, dit M. Muller, que, dans ces der-
nières aunées, on a introduit dans la régénération du hêtre des méthodes
qui, en général, semblent ressortir de lapplication des nouvelles re-
cherches scientifiques et qui ont eu un succès complet, Les forestiers da-
nois croient avoir vaincu, par les nouveaux procédés, les difficultés contre
lesquelles ils avaient lutté si longtemps.
Les traits principaux de la nouvelle méthode consistent d'abord en un
ameublement intensif de la couche superficielle du sol, exécutée par labour
à Ja charrue, par hersage ct autres opérations pareilles, plus ou moins
fortes suivant l’état du sol, et ensuite en l'addition de chaux en poudre
partout où le terreau contient de l'acide humique libre.
À cela, la pratique ajoute encore le répandage artificiel des semences
suffisant pour assurer un semis complet, et quelques opérations aptes à
garantir la germination de la faîne, On se sert de ces moyens de diflé-
rentes manières selon les localités et, à cet effet, M. le docteur Muller in-
dique trois modes principaux de traitement dont les opérations peuvent se
résumer ainsi : 1° système : hersage avant la faînée et passsage du rou-
leau après la chute des faînes; 2° système : labour en plein, à la charrue ,
au printemps avant la frondaison, suivi de plusieurs hersages donnés dans
le courant de l'été et immédiatement avant la faînée; roulage aprés la
faînée; 3° système : dans les forêts à terreau acide, deux ou trois ans avant
l’année où doit commencer la régénération; on donnera un labour à la
charrue, que lon fait suivre de plusieurs hersages, on répand ensuite jus-
qu'à 25 hectolitres de chaux en poudre par hectare, Les hersages sont
répétés de temps en temps jusqu’à la fainée, et après celle-ci on passe le
—#X( 111 }ee3—
rouleau comme dans les cas précédents. M. Muller établit le coût de ces
opérations de la manière suivante : ,
RENE 2 ai) Paire 2 01e à Se de LT CE 25 à 268'par hectare.
AE SYBIOE s 407 LS LR L'OLLRSRRARE ARE ASE 55 à 1°0
DRIAVSLÈME: Lu ds nue de MORE OUR GE EME R 150 à 190
non compris les frais du semis artificiel, s’il y a lieu.
Au moyen de ces opérations on a réussi, en Danemark, à donner à la
régénération du hêtre une sûreté, aux repeuplements une régularité, et à
leur développement une vigueur (même dans les terrains de qualité très
inférieure) qu'on n'avait pu obtenir par aucune autre méthode.
M. le docteur Muller ne dissimule pas que ces opérations occasionnent des
frais assez considérables, mais il en fait ressortir tous les avantages et fait
observer qu’elles sont toujours restreintes strictement aux endroits où elles
sont nécessaires; il explique également la différence qui existe entre elles.
Le labour simple, soit en plein, soit par bandes, ameublit le sol et favorise
l'enracinement des jeunes brins de seraence, mais c’est une opération dont
l'efficacité ne s'étend guère au delà de la première année, Par les opérations
du deuxième et du troisième système on a pour but de créer un terreau
doux et meuble là où il manque, et l'effet que l’on obtient ainsi se main-
tient assez longtemps pour que le repeuplement ait le temps de se forüfier
et soit à même de passer à l’état de fourré. En ameublissant parfaitement
le sol par des cultures répétées, et en y ajoutant au besoin des éléments
alcalins, on modifie sa nature physique et chimique en même temps que
lon agit sur les micro-organismes qu'il renferme. Ces infiniments petits,
dont l’agriculture moderne a constaté le rôle actif, remplissent incontesta-
blement un rôle semblable en sylviculture et c’est ce que M. le docteur
Muller fait bien ressortir, en même temps qu'il demande que des études
plus approfondies soient dirigées de ce côté.
Sous ce rapport les forestiers danois ouvrent une voie nouvelle à la pra-
tique des coupes de régénération, comme ils l'ont fait déjà à celle des
éclaircies.
M. Pérrascuek, fils de M. Ch. Pétraschek, conseiller de Gouvernement,
chef du Département des forêts de la Bosnie et de l’'Herzégovine, donne
lecture d’une brochure de son père, intitulée : Le développement de la syl-
oiculture en Bosme et en Herzégovine.
Avant d'exposer les progrès réalisés par la sylviculture en Bosnie et en
—#2( 112 jee —
Herzégovine depuis que ces dernières sont administrées par le gouverne-
ment austro-hongrois, il nous paraît indispensable de tracer un apercu
général et succinct de ces pays et de jeter un coup d'œil rétrospectif sur
l’état de leur culture au temps de ladministration ottomane.
La Bosnie et l'Herzégovine sont situées au nord-ouest de la presqu'ile
des Balcans; elles ont une superficie de 51,215 kilomètres carrés.
À part la zone septentrionale que baïgnent les rivières de l’Una et de la
Save, la Bosnie et l’Herzégovine sont essentiellement montagneuses. Elles
sont traversées du nord-ouest au sud-est par des chaînes de montagnes
dont l'altitude s'élève graduellement vers le sud-est. Les montagnes de
grande et de moyenne hauteur occupent environ 71 p. 100 de la surface
totale du pays, tandis que les collines et les montagnes basses n’en couvrent
guère plus de 24 p. 100.
La masse principale des montagnes est constituée par des calcaires per-
méables qui leur donnent l'aspect connu sous le nom de + paysage du Karst»
Le reste, sauf de petits massifs de trachyte et de granit, est formé de
schistes paléozoïques, de grès et de calcaires crétacés (Flysch), de serpen-
üne et de roches moins anciennes, de formation tertiaire.
Dans les montagnes calcaires de Herzégovine les dépressions, à l’excep-
tion de la vallée de la Narenta et de ses vallées latérales, sont constituées
par des encaissements fermés de toutes parts. Dans les montagnes calcaires
du sud-ouest de la Bosnie les vallées présentent la même configuration,
tandis que dans les autres montagnes de ce pays où la couche imper-
méable, formée de schiste de Werfen sur laquelle repose le calcaire, se
montre partout à la surface, les vallées débouchent ordinairement les unes
dans les autres, formant des réseaux de vallées reliées entre elles et en—
voyant leurs eaux dans les principales rivières, c’est-à-dire dans l’Una, le
Vrbas, la Bosna et la Drina. Ces dernières, en raison de l’inclination géné-
rale du terrain, vont ensuite se jeter dans la rivière navigable de la Save.
Ce qui manque le plus souvent aux roches calcaires, c’est une couche
de terre profonde et cohérente: aussi la racine des arbres, sur les versants,
constitue-t-elle presque lunique moyen de connexion entre la couche de
terre et la roche sous-jacente. Il en est de même des roches de serpentine,
qui, même dans les endroits où le terrain présente une meilleure structure,
ne sont recouvertes que d’une mince couche de terre. I en résulte que,
pour ces roches comme pour les roches calcaires, il n’y a que les forêts
qui soient en état de retenir le peu de terre primitive qui existe encore.
Les forêts sont également d’une grande utilité pour les sols plus pro-
PP ET UN IL
-#>( 115 )e3—
fonds qui recouvrent les autres roches, attendu qu'elles empêchent que
ces sols, après avoir été.ramollis par la pluie et la neige, ne se détachent
des pentes rapides et ne soient entraînés.
Sous le rapport de la température, de la répartition et de la quantité
des pluies, le climat de la plus grande partie de la Bosnie se rapproche
de celui des pays de l'Europe méridionale. Les froids intenses n’y sont pas
rarés. Par contre le climat de Herzégovine présente tous les caractères du
climat méditerranéen. Une particularité de cette contrée, c’est le vent
froid , extrêmement desséchant, connu sous le nom de « Bora », qui descend
des montagnes par rafales d’une extrême violence.
. Bien que la Bosnie et Herzégovine, comme le prouve le tableau que
nous venons d'en faire, soient des pays de forêts par excellence et que la
nature semble même les avoir prédestinées à la sylviculture, elles n’en
sont pas moins restées, sous le rapport de l’économie forestière, bien en
arrière d’autres pays moins favorisés qu'eux à ce point de vue. Les causes
de ce retard sont des plus étranges; en voici les principales. Les anciens
habitants de ces contrées s'étaient habitués à considérer les forêts comme
un présent de la nature, inépuisable et commun à tous, qui n'exigeall
aucune culture. Lorsque les Osmans se furent emparés du pays, ils y in-
troduisirent des principes de droit très propres à paralyser le développe-
ment aussi bien que l'exploitation rationnelle de La propriété foncière.
Ainsi le gros bétail n’était pas imposé du tout; le petit bétail ne l'était que
faiblement. Par contre les produits du sol n'avaient pas seulement à payer
une dime à l'État, mais encore au propriétaire du sol. Sous la domination
ottomane la propriété privée ne jouissait, dans ces pays, d'aucune sécu-
rité, et la plus grande instabilité régnait dans les institutions publiques.
Ajoutons à cela l'horreur qu'inspirait à la population indigène tout travail,
tout effort physique, horreur provenant autant de la manière de vivre que
de voir des Orientaux. Il en résulta que le paysan se fit berger, d’abord
par suite d’une disposition naturelle et de l'état de dépendance où 1 se
trouvait à l'égard de seigneurs qui n’avaient aucune idée d’une saine ÉCO-
nomie politique: ensuite à cause des charges qui pesaient sur lui et des
obstacles qui s’opposaient à l'exercice de toute autre profession. Mais s'il
devint berger, ce ne fut pas au point de vue d’une économie rationnelle
du bétail, économie qui exige les capacité d’un éleveur. Malgré cela il fut
berger de corps et d'âme, se vouant entièrement à cet état qui lui permet-
tait de vivre commodément et sans beaucoup travailler. Il ne s’intéressait
même à rien d'autre, surtout pas aux forêts dont il ne tirait que le bots
SILVICULTURE. 0
—#x( 114 jes—-
nécessaire à ses besoins. La forêt le gênait-elle, 1l y mettait le feu, ne
connaissant de règle et de barrière que sa commodité.
Le gouvernement ottoman essaya bien, 1l est vrai, d'améliorer cette
singulière facon d'exploiter les forêts en promulgant une loi forestière;
mais cette loi ne parvint même pas à la connaissance de la population et,
de plus, elle n'avait pas la force nécessaire pour opposer une barrière
suflisante aux dommages causés à la substance forestière par usage des
anciens droits de hbre exploitation des bois par les habitants du pays. I
s'ensuivit naturellement que la forêt resta, avant comme après, un objet
d'exploitation, avantageux et sans bornes, au profit de l’économie pastorale
du paysan indigène. Il en abusa d’une manière inconcevable pour agrandir
ses pâturages, refoulant de plus en plus les forêts, sans songér le
moins du monde aux dommages qu'il causait au pays et à son propre
avenir. Le déboisement et, par suite, la destruction des futures générations
d'arbres, lameublissement du sol par le bétail des pacages, surtout en
Herzégovine el au sud-ouest de la Bosnie, amenèrent sur les montagnes
calcaires le triste état connu en allemand sous le nom de «+ Verkarstung»,
qui peut se traduire en français par +dénudation» ou +«karstification ».
C'est ainsi que, malheureusement, une grande partie de l’Herzégovine et
du sud-ouest de la Bosnie ne renferment plus aujourd’hui que des mon-
tagnes dénudées.
Tout homme sensible au sort de ses semblables devait éprouver un sen-
timent de tristesse en voyant ce pays, que les inestimables qualités du sol
semblaient avoir créé pour la prospérité, se délabrer de plus en plus par
suite de lindolence de ses propres habitants.
L'année 1878 mit fin à ce déplorable état d’une manière aussi rapide
que radicale, le gouvernement austro-hongrois ayant pris en main l'admi-
mistration de la Bosnie et de l'Herzégovine. Considérons donc cette année
comme Île commencement d'une ère nouvelle, comme une époque de re-
naissance pour ces deux pays, et voyons ce que vingt-deux années d’ad-
ministration austro-hongroise ont déjà fait pour la sylviculture de ces
contrées.
Le gouvernement de l’Autriche-Hongrie, fidèle à son principe de mé-
nager la législation et les institutions existantes, greffa sur le droit forestier
ture les mesures à prendre pour introduire en Bosnie et en Herzégovine
une sylviculture adaptée aux conditions du pays. Il se réserva naturelle-
ment de modifier cette loi au fur et à mesure que les progres de la contrée
le rendraient nécessaire.
|
pt bo nié d'os h dot D ne honte ete hu the ne
Lostnié… in) «Cie:
+
…w( 115 jes—
Nous croyons d'autant plus opportun de rappeler 11 les principales
clauses de cette loi forestière que, comme on le sait, ladite loi a été éla-
borée à Stamboul par des forestiers français.
La loi forestière turque, cherchant avant tout à régler la question de la
propriété des forêts, divise ces dernières en forêts d État. forêts de « va-
kufs», forêts communales et forêts privées.
Les forêts d'État. sont la propriété de l'État. et les revenus en sont ver-
sés dans le trésor de l'État. Toutefois la loi concède aux habitants du pays
le droit de tirer gratuitement des forêts de l'État le bois de Si Ce
d'ouvrage et de chauffage dont ils ont besoin; cette loi les autorise même
à en ürer, gratuitement aussi, le bois de chauflage et le charbon de bois
qu'ils veulent vendre aux marchés de leur localité, pourvu qu'ils les trans-
portent sur leurs propres chariots ou sur leurs propres bêtes de somme:
cette loi, enfin, permet aux habitants du pays de faire paître leur bétail
dun les foréts de l'État, et cela gratuitement sur le territoire de leur com-
mune, mais contre le payement de Ja taxe de paäturage, si la forêt est
située dans un district étranger : le nombre et l'espèce des têtes de bétail
à faire paître ne sont aucunement limités par la loi.
Les forêts de «vakuf» (forêts de mainmorte de lislamisme) furent
laissées en possession des fondations qui les détenaient auparavant.
La loi forestière turque contient également des prescriptions concernant
les forêts communales et privées.
La distinction de ces catégories de propriétés forestières, différentes au
point de vue de leur nature légale, ne fut établie que par ladministra-
lion austro-hongroise, ainsi que nous le montrerons plus tard.
La loi forestière turque renferme, en outre, une série de dispositions
destinées à maintenir lordre dans l'usage que faisait des forêts la popula-
ton indigène ayant droit aux servitudes. C’est ainsi qu'elle exigeait de cette
population la désignation préalable du bois à tirer, du temps durant lequel
le bétail resterait au pâturage et des conditions dans lesquelles il devait
paître. La loi punissait de peines très sévères les infractions à ces pres-
criplion ainsi que les crimes forestiers.
Telles sont les principales dispositions de la loi forestière turque de
l'année 1869. Au moment de l'occupation de la Bosnie et de Herzégovine
par lAutriche-Hongrie, cette loi, comme nous l'avons dit plus haut, n'a-
vait pas encore été mise à exécution. Elle n'avait, en conséquence, modifié
en rien l’état de l’économie forestière, et l'administration austro-hongroise .
en adoptant la loi turque, n'a fait en réalité que appliquer. Elle ordonna
LE
—+#3( 116 )ee3-—
successivement, par voie d'instructions, une série de mesures destinées à
assurer la protection et l'exploitation rationnelle des bois.
La première mesure à prendre par l'administration austro-hongroise
était de mettre des bornes au gaspillage insensé qui se faisait du bois
au profit de la culture passagère de fruits des champs et de limmense
exploitation des pacages. Il serait trop long d’énumérer ici toutes les me-
sures qui ont été prises pour protéger les forêts. Elles tendaient toutes à
restreindre le droit dont jouissait la population rurale indigène de couper
du bois et de faire paître le bétail dans les forêts, droit si funeste à la
sylviculture. On ne put procéder en cela que lentement attendu que Péco-
nomie rurale, étant dans un état fort primitif, était forcée en toute occa-
sion de recourir aux produits de la forêt.
La seconde tâche pu’il semblait urgent de remplir, c'était de régler les
conditions de la propriété forestière. Sous ce rapport il n’existait rien de
fixe auparavant, de telle sorte qu'il y avait de puissants propriétaires qui
exerçaient tout arbitrairement des droits de propriété. La confusion qui
régnait en cette matière contribua beaucoup à paralyser les efforts faits par
l'État pour protéger les forêts. Avant tout il fallut déterminer avec précision
ce qu appartenait à l'État et ce qui appartenait aux particuliers; ensuite
il s’agit d’aborner les forêts de l'État ; puis, là où la propriété de l'État et la
propriété privé se traversaient, on dut les arrondir de la manière qui ré-
pondait le mieux aux intérêts économiques du propriétaire privé. On prit
aussi en considération les droits de divers vakufs aux forêts qui leur reve-
najent. Quant aux forêts communales, elles ne furent pas délimitées, mais
on déclara propriété de l'État toutes celles aux produits desquelles les ha-
bitants d’une commune avaient droit, tout en laissant subsister les droits
qui autorisaient l'usage de ces forêts. Les travaux de régularisation de la
propriété forestière sont aujourd'hui complètement terminés.
Les forêts de la Bosnie et de Herzégovine occupent une étendue de plus
de deux millions et demi d'hectares, c’est-à-dire 50 p. 100 de la super-
ficie totale de ces deux pays. De ce territoire forestier l'État possède un
peu plus de deux millions d'hectares, soit 4o p. 100 environ de la sur-
face totale du pays, tandis que les vakufs et les particuliers en possèdent
un demi-million ou 10 p.100. 11 y a peu de pays où l'État possède presque
quatre fois plus de forêts que les particuliers: cette circonstance, vu les
conditions où se trouvaient la Bosnie et l’'Herzégovine, doit être considérée
comme exceplionnellement avantageuse sous le rapport de la conservation
des forêts.
Sun 2e 7
—#>( 117 jes-—
Pour conserver et administrer d’une manière rationnelle cet immense
territoire forestier on à créé une. administration des forêts. On a réservé à
cette dernière, dans ladministration du pays, une place qui lui permit de
remplir sa tâche d’une manière qui fût en harmonie avec la situation gé-
nérale et les travaux économiques entrepris dans les autres branches de la
culture du pays.
En même temps que l'on créait une administration forestière, on com-
plétait la formation d’un corps d'agents forestiers capables et d’un bon
personnel auxiliaire de technique forestière. Les efforts de l'administration
du pays tendent avant tout à former des indigènes pour le service auxiliaire
de technique forestière. C’est à cette fin que lon a joint à l'école poly-
technique moyenne de Sarajevo une division particulière où la durée des
études est de quatre ans et dont le principal but, vu la destination de ses
élèves, est l’enseignement de la production forestière pratiqué surtout
du | point de vue des particularités et des besoins du pays et de ses forêts
d'État.
La loi forestière turque n’était applicable qu'aux forèts d'État et à celles
des vakufs. La régularisation de la propriété forestière ayant eu pour ré-
sultat d'agrandir la propriété forestière privée, 1l a fallu établir des règles
pour en fixer l'exploitation et le service de police forestière. Cela n'était
pas seulement nécessaire en ce qui concernait la conduite à suivre par les
propriétaires dans l'intérêt général du pays et de la sylviculture, mais aussi
en ce que les bois répartis aux particuliers sont restés assujettis aux servi-
tudes qui pesaient sur eux auparavant. À propos de ces droits, 1l a été
spécialement établi que l'étendue en serait basée sur les besoins réels et
non sur la volonté des intéressés. Outre cela, tout usage des forêts qui
pourrait, d’une manière durable, porter atteinte aux droits de servitude a
été prohibé. L'exploitation des forêts privées assujetties à de tels droits est
soumise à la surveillance de l'autorité compétente.
Un autre objet de réforme, ce sont les prescriptions pénales pour délits
forestiers. La loi forestière turque était parfois très dure à cet égard; il en
résulta que les auteurs de ces délits étaient rarement punis, mais, quand
la peine prescrite était réellement appliquée, elle mettait en danger l'exi-
stence économique du coupable. Ces inconvénients nécessitèrent de nou-
velles dispositions légales, surtout pour les délits forestiers commis dans
les forêts appartenant à l'État ou qui, du moins, étaient administrées par
l'État. On attacha une importance particulière à ce que la loi fût rigou-
reusement appliquée. Dans ce but on chercha à proportionner le genre et
—+2( 118 )-e3—
la hauteur de la peine à la grandeur et à la nature du délit ainsi qu au
degré de culture de la population en général. Avant tout on laissa au Juge
la latitude de mesurer lui-même, dans de certaines limites, la hauteur
de la peine d’après les circonstances qui caractérisaient chaque cas. Les
dédommagements imposés pour dégâts produits dans les forêts sont géné-
ralement de nature pécuniaire. Dans le cas où le coupable n'est pas en état
de paver le dommage qu il a causé, il est astreint à des corvées au profit
de Ja forêt. C’est justement cette clause qui a le plus contribué à diminuer
le nombre des délits forestiers. Nous croyons devoir encore mentionner ici,
à cause de son originalité, une disposition de la loi concernant les dom-
mages causés par des incendiaires de forêts. Si l’auteur d'un tel incendie ne
peut être découvert, la commune sur le territoire de laquelle l'incendie a
éclaté, est tenue de réparer le dommage; elle doit entourer d’une clôture
la partie incendiée de la forêt et entretenir ladite clôture aussi longtemps
que la régénération de la forêt l'exige. L'application de cette mesure a eu
le succès attendu, car les incendies de forêts ne se sont presque plus re-
nouvelés depuis.
Deux choses ont joué un rôle prépondérant dans lexploitation des fo-
rêts de l'État : la grande étendue des menus taillis (plus d’un demi-mil-
lion d'hectares) et la grande quantité de très vieilles futaies avec les capitaux
qu'elles représentent. |
Les essences dont se composent les menus taillis sont très variées. En
Bosnie c’est le hêtre, le chêne et le noisetier commun qui prédominent;
en Herzégovine c’est le charme oriental, le houx et le genévrier.
La petite économie rurale étant si peu développée en Bosnie et en Her-
zégovine, les forêts d'arbres feuillus ont encore aujourd’hui à remplir le rôle
humanitaire de la pourvoir de feuillage fourrager et de foin de feuillage,
e dont elle ne pourra probablement jamais se passer. C’est pour cette
raison que l'administration forestière s'efforce de peupler les taillis d'arbres
très feuillus, par conséquent d’arbres bas, ou, pour conserver la fertilité
du sol et mieux satisfaire aux besoins de la population, d'arbres de diverses
catégories et de diverses hauteurs. C’est surtout dans les contrées dénudées
(karstifiées), où l'entretien du bétail est le seul moyen d'existence des pay-
sans, que l’on cherche, par des coupes de régénération, à obtenir, des restes
de forêts existant encore. de tels taillis sous futaie.
Les menus faillis qui, entièrement ou en grande partie, sont peuplés
de chênes, et dont le sol est vigoureux au point de vue minéral, sont
transformés. autant du moins que les'conditions le/permettent, en tal
a,
—+#3( 119 je: —
d’écorces, c’est-à-dire en forêts à coupe précoce, afin d'en tirer l'écorce pou
la tannerie. Des milliers d'hectares d'anciennes forêts de la Bosnie ont été
utilisés de la sorte.
Les principales essences que l’on rencontre dans les hautes futaies,
comme peuplements purs ou mélangés, sont, dans l'ordre de leur fré-
quence, les suivantes : le hêtre, le sapin, le chêne rouvre et le chêne pé-
donculé, l'épicéa, le pin blanc et le pin noir. Le hêtre et les différents
conifères surtout atteignent, dans les forêts auxquelles les hommes n’ont pas
encore touché, une hauteur et une épaisseur extraordinaire qu’on chercherait
en vain dans les forêts de l'Europe centrale d'aujourd'hui. Il n’est pas rare de
trouver des troncs de 100 à 180 centimètres de diamètre à un mètre de la
base et de 50 à 70 mètres de hauteur. L'âge en est très élevé et varie de
160 à oo ans et au delà. Ce grand âge prouvait naturellement la néces-
sité d’abattre ces arbres le plus tôt possible, attendu que l’on perdait chaque
année plus de bois, par le dépérissement des vieux arbres, qu'on en gagnait
par la croissance des jeunes. Mais, avant que ce travail d'exploitation püût
se développer convenablement, il fallait organiser le service de protection
des bois et fixer les conditions de propriété des forêts: 11 fallait aussi
construire des routes et des chemins de fer dans les principales directions
afin de mettre le pays en communication avec ses voisins et surtout avec la
mer Adriatique. Aujourd'hui le pays est en relation avec les marchés étran-
gers par les stations terminus de son réseau de chemin de fer, c’est-à-dire
par Doberlin et Bosnisch-Brod au nord, et Metcovich au sud. Enfin une
nouvelle ligne de chemin de fer conduira bientôt à l'excellent port de Raguse
sur l’Adriatique.
C’est à ces lignes qu'est due avant tout la possibilité d’une avantageuse
exploitation des hautes futaies à aspect de forêts vierges; mais 1l à fallu
encore pour cela établir des chemins de fer de forêts, des routes de forêts,
des funiculaires et des glissoirs à la glace pour le transport du bois. Enfin
il a fallu préparer les torrents et des rivières pour le flottage en trains et
le flottage à bûches perdues.
Trois systèmes sont appliqués dans l'exploitation des forêts : ou bien
l'administration se charge elle-même de la production, du transport du
bois ainsi que de la préparation du bois de commerce, ou elle livre le bots
brut à des entrepreneurs, ou enfin elle vend le bois sur pied à des entre-
preneurs qui se chargent du transport.
Ce furent d’abord les troncs de chêne qui furent vendus pour la fabrica-
tion des douves de tonneaux, car le chêne rouvre de Bosnie se distingue
_s( 190 Ves—
par la finesse de ses couches annuelles aussi bien que par la manière droite
et facile dont son bois se fend. Ces qualités ont valu aux chênes de Bosnie
la bonne réputation qu'ils ont acquise sur les marchés français.
La vente des bois résineux a été plus lente à se développer. Aujourd'hui
cependant elle a atteint une hauteur considérable, car exportation annuelle
du bois de sciage s'élève déjà au chiffre d'environ 10.000 wagons par
an (à 10 tonnes), et ce chiffre sera vraisemblablement porté à 15,000
wagons dans quelques années. Le bois de sciage, qui est scié dans des
scieries montées d’une manière toute moderne, est principalement expédié
en France, en Italie, en Algérie, en Tunisie, aux Indes orientales et en
Chine 0),
Abstraction faite des grandes quantités de bois de hêtre que l’industrie
minière moderne du pays consomme à l’état de charbon, du bois de hêtre
employé dans la distillerie de bois de Teslic pour la préparation de lacé-
tate de chaux, de lesprit-de bois, de lalcool méthylique, ainsi que de la
vente assez considérable de ce bois comme bois de chauffage, soit dans le
pays soit à l'étranger, la préparation du bois d’œuvre de hêtre prend chaque
année de plus grandes proportions. La grande aptitude à la fente du tronc
des hêtres de Bosnie augmente tout pente la production des
douves de tonneaux et d’autres marchandises préparées avec du bois de fente.
Les chemins de fer de l’État dé la Bosnie et de l Herzégovine emploient exelu-
sivement des traverses en bois de hêtre, dont on augmente la durée par
limprégnation ou mieux encore par la momification. Ce dernier procédé
rend le bois de hêtre indécomposable, même dans les conditions les plus
défavorables; 1l lui donne, en outre,une dureté qui augmente avec les années:
enfin 1l empêche que les métaux en contact avec ce bois ne soient attaqués
et fait que les clous et les vis de fer y restent fortement fixés. Ce qui augmente
encore la valeur du bois de hêtre momifié c’est que ce bois prend une belle
couleur brunâtre, qu'il se laisse peindre et polir d’une manière aussi belle
que durable. Le hêtre momifié est donc employé avantageusement dans
tous les cas où le bois est exposé à une action destructive de nature chi-
mique, par exemple dans la construction des chemins de fer, des ponts,
des bateaux, etc., ainsi que dans certaines industries. L'usage du bois de
hêtre momifié est tout particulièrement indiqué dans les constructions
® Les plus grandes maisons d'exportation de bois résineux sont celles de Otto Steinbeis à
Doberlin, Louis Ortlieb et J. Eissler à Zavidovic, G. Gregersen et Sühne également à Zavidovie,
Giuseppe Feltrinelli et Cie, à Kasidol près HidZe, et A. Schucany à Han Compagnie-Vitez près
Travnik.
—#x( 191 )ees-—
navales et dans les pays tropicaux, attendu qu'il n'est attaquable ni par le
Teredo navals ni par les termites.
On voit par ce qui précède que l'utilisation des principales forêts feuillues
et résineuses progresse en tous sens. C’est à un fait d'autant plus réjouissant
que, si l'exploitation en était retardée, il en résulterait une perte considérable
de bois, vu le grand âge de ces forêts. L’extraction des grands trésors fo-
restiers que renferme le pays contribue puissamment à augmenter ses revenus
et offre à la population des montagnes l’occasion de gagner de largent.
L'exploitation des forêts est en outre de nature à donner à la population
l'habitude du travail régulier et de la discipline, et à favoriser chez elle
les progrès de la civilisation.
Il est bien entendu que exploitation des grandes forêts se fait d après
certains plans méthodiques dressés à l’avance.
Il est évident aussi que l’administration des forêts, tout en exploitant le
plus avantageusement possible les bois existants, doit veiller à ce que de
nouveaux peuplements remplacent les anciens. Pour le chêne et le hêtre la
régénération a lieu exclusivement par la voie naturelle; pour les arbres ré-
sineux on se sert surtout de la voie artificielle.
Quant aux anciens vides, aux pacages dont on ne peut plus se servir et
aux surfaces désertes, on les boise autant que possible. Les menus taillis
et les surfaces buissonneuses à demi dénudées sont régénérés méthodique-
ment et transformés en bons taillis ou en taillis sous futaie; les trouées
sont plantées de pins.
Comme on le voit par le tableau que nous venons de tracer, la forêt
joue un rôle prépondérant dans la vie économique de la Bosnie et de
l’'Herzégovine. Travailler au développement de la sylviculture dans ces pays,
telle doit être, par conséquent, une des tâches des plus importantes de
l'administration austro-hongroise. C’est aussi ce dont elle a pleine conscience,
et les revenus toujours croissants des forêts d’ État ainsi que les soins cul-
turaux les plus assidus donnés aux peuplements et à leur développement
prouvent avec quel sérieux le Gouvernement remplit ses devoirs envers le pays.
La lecture de cette brochure est accueillie par des applaudissements, et,
sur la proposition du Président, la section vote à l'unanimité des remer-
ciements à M. Petraschek.
Piusieurs mewsres. Quel est le procédé de momufication employé en
Bosnie et en Herzégovine?
Re Le ton , = * ue » ce CN Li LS SE C'Y PER
—#>( 122 jee —
M. Perrascex ris. A l'exposition forestière de la Bosnie et de
l’'Herzégovine, vous verrez des photographies de forêts vierges montrant
les modes d'exploitation ; vous y trouverez une collection de diverses essences
de bois momifiés; un carnet explique les procédés de momification.
La séance est levée à midi cinq minutes.
—#>( 193 )es —
SÉANCE DU MERCREDI 6 JUIN
(SOIR).
PRÉSIDENCE DE MM. STAFFORD-HOWARD. VICE-PRESIDENT,
ET FETET, PRÉSIDENT.
L: 4 . x » [ ,
a séance est ouverte à 1 heures.
M. Srarrorn-Howarp, wce-président, prenant place au fauteuil de la
présidence, prononce Pallocution suivante :
+ Je regrette beaucoup de n'avoir pas lhabitude de la langue française,
car je voudrais profiter de cette occasion pour exprimer, au nom de mes
collègues étrangers et au mien, tous nos remerciements pour l'invitation
qui nous a été faite de venir prendre part à ce Congrès de sylviculture.
«J'ai examiné avec beaucoup d'intérêt les objets qui sont exposés dans
le palais des Forêts, et je trouve qu'on pourrait y passer plusieurs Jours
avec fruit.
« Quant aux séances, Je dois avouer que J'ai eu beaucoup de difhcultés à
suivre les discours qui ont été prononcés. En écoutant ces débats dans une
langue qui n’est pas la mienne, il me semblait que j'étais sur la plate-
forme mobile qui marche à petits pas, tandis que les orateurs, montés sur
la plate-forme rapide de leur langue maternelle, me laissaient toujours en
arrière. (Applaudissements. )
«Mais je lirai ces discours chez moi plus tard avec beaucoup d'intérêt.
surtout celui de notre collègue, qui m'a semblé avoir pour objet de boule-
verser quelques idées générales, au sujet des épicéas, tout comme la maison
à l'envers qui se trouve en face de notre salle des Congrès. ( Rires.)
+ Permettez-moi d'ajouter que ma visite à l'Exposition m'a fait grand
plaisir. Je relournerai chez moi pénétré d'une grande admiration pour
tout ce que j'ai vu, et J'admire le goût de vos artistes. le talent de vos ingé-
meurs et l’habileté de vos ouvriers.
«Enfin, je vous prie d'accepter mes plus vifs remerciements que je vous
exprime de tout mon cœur.» ( Vifs applaudissements.)
—+>( 194 jee. -
M. Le pnésipenr FeTetT remercie à son tour M. Stafford-Howard de ses
très aïmables paroles et dit que l'assemblée sera heureuse de voter l’inser-
tion de ce discours dans le compte rendu.
La proposition est acceptée à l'unanimité.
M. Bruano, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la précédente
séance. Le procès-verbal est adopté. |
|
M. ze Présinext annonce que M. Micæez Tanassesco demande à faire une
communication sur les forêts de Roumanie.
Gette communication est discutée à la suite de l’ordre du jour.
M. ce Présmenr. L'ordre du jour appelle la discussion de la question
suivante : « Traitement des taillis sous futaie en vue d'augmenter la pro-
duction du bois d'œuvre. »
M. Bruno donne lecture du rapport de M. Broilliard sur le mémoire de
M. Watier, inspecteur des Eaux et Forêts0).
M. Watier, inspecteur des Eaux et Forêts à Toulouse, a rédigé une
note sur la 4° question du programme: Traitement des taillis sous futaie
en vue d'augmenter la production des bois d'œuvre.
L'auteur, qui a particulièrement en vue les bons taillis sous futaie aptes
à produire du chêne, de l'arrondissement de Neufchâteau (Vosges), dans
lesquels il a travaillé pendant treize années, expose ce qui suit en résumé :
«L'intérêt que l’on porte aujourd’hui au mode du taillis sous futaie
résulte surtout de son aptitude à produire de gros bois d'œuvre chêne. Cette
production du bois d'œuvre en général et des gros bois en particulier dépend
de la révolution, des balivages et des travaux d'amélioration.
+ La révolution doit être fixée de 30 à 4o ans pour donner des baliveaux
forts, allongés, et favoriser la production de brins de semence.
« Le plan de balivage peut indiquer les dimensions d’exploitabilité pour
chaque essence et la répartition désirable de la réserve en petits bois,
bois moyens et gros bois. Les inventaires, qu'il est facile de pratiquer lors
des balivages et des récolements, fourniront la plupart des renseignements
utiles sur les dimensions d’exploitabilité, les nombres relatifs des arbres
des différentes catégories de réserves et le volume maximum qu'on peul
0) Voir le mémoire de M. Watier aux annexes (annexe n° h).
—+#3( 195 )es—
en obtenir. Ce cube maximum des arbres, déduit de places d'expériences
bien choisies, est de 200 mètres cubes à l’hectare (houppiers compris)
dans les coupes exploitées à 30 ans du cantonnement de Neufchâteau.
Un matériel d'arbres de 250 mètres cubes étouffe le taillis et ne laisse pas
de place suffisante aux baliveaux. On constate d’ailleurs qu'à chaque
exploitation il n’est guère possible de réserver dans chaque catégorie plus de
moitié des arbres ; pour obtenir à chaque passage de la coupe un arbre
de 150 ans, il faut donc en garder: |
1 de 120 ans;
2 de go ans;
h de 60 ans,
et environ 10 baliveaux de l'âge, en raison des accidents auxquels sont
exposés ces derniers. Traduisant cette combinaison en chiffres des dimen-
sions , on trouvera par exemple : pour les petits bois (modernes) de o m. 20
à o m. 39 de diamètre, pour les bois moyens de o m. 4o à o m. 55 et
pour les gros bois de o m. 60 et au-dessus, les proportions désirables de
net.
«Ayant déterminé par les inventaires le coeflicient d’accroissement de
la réserve, qui peut être de 2,5, si 50 mètres cubes réservés sont devenus
en 30 ans 125 mètres cubes, connaissant aussi le volume moyen des arbres
de chaque catégorie, on calcule facilement les volumes représentés par la
combinaison de: 1 arbre de 150 ans, 2 vieilles écorces, A anciens et
8 modernes. Soit, par ex., 262, ces arbres n'ayant que 10° A trente
ans auparavant, quand on les a réservés. Pour réaliser le volume maxi-
mum de 200 mètres cubes, cette combinaison serait reproduite huit
fois dans un hectare. On y réserverait donc, autant que possible, 8 vieilles
écorces, 16 anciens, 32 modernes et 80 baliveaux. Et on pourrait
espérer reproduire indéfiniment un pareil balivage permettant d'exploiter
tousles 30 ans, par hectare, 126 mètres cubes (houppiers compris), dans
une forêt dont les arbres gagnent en moyenne 1 centimètre 1/2 de tour
annuellement. Ce serait environ 72 mètres cubes de bois d'œuvre, soit
près de 2 mètres cubes et 1/2 par an, dont les deux tiers en gros bois,
résultats très beaux.
« La règle à suivre d’une manière générale dans le cas d’une révolution
de 30 ans se formule ainsi: Réserver les deux cinquièmes du volume maxi-
num en ayant soin que la réserve comprenne une vieille écorce pour deux anciens
et quatre modernes.
+ Les travaux d'amélioration consisteront : en dégagements de jeunes
—+3( 126 )e3—
brins repérés après l'exploitation, — en desserrement des baliveaux quel-
ques années avant la coupe, — en plantation de sujets de moyenne tige
disposés par places, si besoin est, — et en émondages de branches gour-
mandes dès l’année du récolement. »
‘étude de M. Watier, très bien déduite d'observations personnelles,
offre des données qui tendent toutes vers le but proposé: augmenter la
production du bois d'œuvre. Le plan de balivage qu'il indique peut},
comme il le pense, entrer dans le domaine de la pratique ? En tous cas il
montre clairement la marche à suivre dans le iraitement de nos bons
taillis sous futaie, producteurs de bois d'œuvre chêne.
M. Hurrec. Il ne faut pas préciser ainsi la proportion des réserves, qui
peut n'être pas applicable partout. I vaudrait mieux dire qu'on devra con-
server les arbres bien venants.
M. Ferer. Ce n'est pas une règle formelle que donne M. Watier, mais
seulement une indication.
M. Hurrer. J'aimerais mieux laisser quatre anciens au lieu de deux, que
de conserver une vieille écorce qui n'est pas bonne.
M. Crouvizier. On peut prendre en considération la méthode indiquée
par M. Watier.
Toutes les méthodes sont bonnes lorsqu'elles ont pour effet d'augmen-
ter le bois d'œuvre dans les taillis. Il est impossible de formuler des règles
préeises ; le mot plan de balinage devrait être supprimé du langage forestier.
M. Hurrez. On doit marquer les arbres en bon état et on ne doit
Jamais être obligé de marquer les arbres en mauvais état.
M. Ferer. Si un forestier marque suivant son caprice, cela peut être
dangereux. La méthode de M. Watier n’est pas formelle; c'est une idée
directrice.
M. Hurrez. On n’a rien trouvé de mieux que ce qui est dans l’ordon-
nance de 1827.
M. Deeyrus. Le nombre des réserves est un résultat; ce n'est pas un
—#>( 127 )es—
guide. Chacun doit baliver le mieux possible pour augmenter la proportion
du bois d'œuvre ; la réserve possible varie suivant le peuplement, le sol, le
chimat, etc...
M. Crouvrzer. Il ny a qu'à prendre en considération Île travail de
M. Watier.
L'assemblée prend en considération le travail de M. Watier et le remercie.
M. Beuan donne lecture du rapport de M. Broilliard sur le + traitement
des taillis sous futaie», par M. Runacher():
« En vue d'augmenter la production du bois d'œuvre dans les taillis sous
futaie, M. Runacher propose de planter des résineux par bouquets de quatre
à huit brins dans les taillis médiocres, même en plaine, là où le chène fait
défaut. I a constaté que ces résineux prennent en telles conditions un
accroissement rapide et donnent du bois qui, sans être de grande qualité,
se vend bien. Il ajoute que plus tard le semis de chêne se présente sous ces
résineux quand le couvert en est élevé.
«Ne serait-il pas préférable de créer sous les mauvais taillis des massifs
complets de sapins ou d'épicéas qui donneraient du bois plus précieux et en
plus grande quantité que les arbres isolés ? En tous cas, la proposition de
l’auteur ne semble pas répondre directement ni d’une manière générale à
la question du traitement des taillis sous futaie.
«Le travail se termine par une excellente observation sur la nécessité
d’un sommier de contrôle pour les taillis sous futaie. L'auteur y à Joint
des exemples de calepins de balivages et de sommiers de contrôle qui sont
bons, mais dont la forme ne permettrait guère l'impression dans les
comptes rendus d’un congrès.
La brochure jointe au travail et intitulée « Utilité de l'introduction du sapin
el de l'épicéa dans les taillis médiocres de la région juressienne renferme d’excel-
lents conseils; mais elle se rapporte à la question du 7raitement du sapin. »
M. Ruvacuer. Pour avoir la plus grande quantité possible de réserves,
il faut trouver des baliveaux, puis des modernes et des anciens. Quelquefois,
même dans les meilleurs terrains, on ne trouve plus que du charme. J'ai
essayé dans des coupes exploitées de planter des chênes en faisant le
dégagement quatre ou «ing ans après: je n'ai obtenu aucun résultat. Le
(Voir le mémoire de M. Runacher aux annexes (annexe n° 5.)
_sx( 198 )es-—
moyen le plus sûr et surtout le plus économique d'améliorer la situation,
c’est de planter des sapins et des épicéas : on obtient.ainsi une production
appréciable de bois d'œuvre. On arrive encore à un autre résultat, c’est que
le chène s'établit ensuite spontanément sous les résineux.
M. Morrevaux. Pourquoi ne pas faire directement introduction du
chène? Dans la septième conservation, cette méthode réussit parfaite-
ment.
M. Runacuer. Je m'occupe en ce moment des tallis: nous avons dû
renoncer à faire des plantations de chênes, à moins d'y introduire des
plants de 2 mètres, et la dépense est alors considérable.
M. Morzevaux. La dépense est de 30 à 35 francs le mille.
M. Hurrez. La difiiculte que signale M. Runacher n'existe que dans les
terrains calcaires; dans les terrains siliceux ou calco-siliceux, le chêne
vient très bien.
I ne faut donc pas planter de chênes dans les terrains calcaires. La
plantation de résineux est un moyen indirect d'introduire le chêne là où
on ne peut pas le planter directement; sur ce point, M. Runacher a
raison. ( Très bien! très bien 1)
M. Ruvacuer. Nous n'avons pas obtenu plus de résultats dans Îles terrains
siliceux que dans les terrains calcaires.
M. Hurrez dépose les conclusions suivantes sur le mémoire de M. Ru-
nacher :
« Toutes les fois que dans les taillis sous futaie où les éléments d’un bon
balivage font défaut, les plantations de chêne ne donnent pas de bons
résultats, on peut arriver indirectement à la réintroduction du chêne en
plantant des bouquets de résineux, sous lesquels le chêne réapparaît spon-
tanément et qui donnent de plus des produits avantageux. »
Ces conclusions sont adoptées.
M. Le Présipenr. La parole est à M. Mélard pour développer les prin-
cipes qui doivent régler le traitement des tailis sous futaie.
“
$
» dec urnes
D
—#3( 1929 es
M. Mérarr. Le taillis sous futaie, ou futaie sur taillis, est une forêt à
deux étages. L'étage supérieur, ou la réserve, est destiné à produire du
bois d'œuvre, l'étage inférieur, ou le taillis, fournit du bois de feu, des
perches de mines, des bois de petite industrie.
Ce mode de traitement est très répandu en France où les bois feuillus
entrent dans la composition des forêts pour une proportion atteignant en-
viron les trois quarts. Il convient très bien aux particuliers qui hésitent
à engager dans leurs forêts les capitaux considérables que nécessitent les
aménagements en futaie. Il présente en outre ce grand avantage de per-
mettre d'élever simultanément, sur la même surface, des arbres de lon-
gévités très différentes, que l’on réalise les uns au bout de deux, les autres
au bout de trois, quatre ou cinq révolutions de taillis.
Mais la production de bois d'œuvre qu’on retire généralement de ce
mode de traitement est fort inférieure à celle qu'il pourrait donner.
Ï est donc très important d'étudier comment cette production pourrait
être augmentée.
La production en bois d’œxivre d’un taillis dépend à la fois du nombre
de réserves de chaque dimension en diamètre que on peut réaliser à cha-
que exploitation et, à nombres égaux, du volume individuel des arbres de
chaque diamètre.
Pour un même diamètre, le volume de bois d'œuvre des arbres augmente
avec la longueur du tronc.
Or, on sait qu'une fois à l’état d'isolement la longueur du tronc d’un
arbre n’augmente plus. Si l’on veut la modifier par des élagages, on risque
de vicier le bois.
Il faut par conséquent que les baïiveaux réservés soient aussi hauts de
füts que possible, c’est-à-dire proviennent de taillis exploités à longues ré-
volutions.
L’allongement des fûts a encore un autre avantage au point de la
croissance du taillis. Il a pour effet, en éloignant les cimes du sol, de
rendre le couvert beaucoup moins dommageable. On sait en eflet que le
couvert d'un arbre n’est pas un cylindre mais un cône dont la base est sur
la cime, Plus cette base est loin du sol plus se réduit la surface couverte
par le cône sur le sol.
Mais on ne peut augmenter indéfiniment les révolutions des taillis. Il y a
une limite variable avec les conditions de sol, climat, essences, à partir de
laquelle les souches rejettent mal et l'accroissement des bois crûs sur sou-
ches commence à se ralentir.
SYLVICULTURE. 9
—#3( 130 ).e3—
À »0 ans, âge trop souvent adopté par les particuliers, les baliveaux
sont sans hauteur et sans force; une fois isolés, ils plient sous le poids de
leur propre cime. Ils ne donnent qu'une réserve branchue, basse sur fûts
où la proportion du bois de feu par rapport à celle du bois d'œuvre est
considérable.
Quant aux produits des laillis, ils sont dans les eirconstanees actuelles de
très médiocre valeur. Ils ne consistent qu'en fagots et bois à charbon,
peu de bois de chauflage, pas ou très peu de perches de mines.
L'âge de 25 ans, indiqué en France eomme minimum par l'ordonnance
de 1827, donne déjà de meilleurs baliveaux, mais qui ne sont généralement
ni assez longs ni assez forts. Il y a trois quarts de siècle on exploitait surtout
les taillis en vue de la production du bois à charbon : l'âge de 95 ans
correspondait très bien à ce qu'on désirait obtenir. Il n’en est plus ainsi.
Chaque fois que le sol le permet 1l faut aller au delà de 25 ans. Ce n'est
qu'entre 25 et Ao ans que s’accentue la produetion des perches de mines,
en » ans la valeur d'un taillis peut doubler.
Si l’on veut obtenir à la fois de beaux baliveaux et un taillis produetif,
il faut donc adopter des révolutions de 30 ans et au-dessus, plus généra-
lement 30 à 35 ans, sans dépasser lo ans, âge à partir duquel on ris-
querait de compromettre la recrue par les souches. Il sera même bon de
ne pas aller au delà de 35 ans avant de s’être assuré par expérience que,
dans la forêt considérée les taillis rejettent encore abondamment au delà
de cet âge.
Le bois d'œuvre ayant une valeur très supérieure au bois de feu, il faut
porter la réserve au maximum. Ce maximum est limité par ces deux eon-
sidérations.
La réserve ne doit pas éeraser le taillis et rendre par conséquent impos-
sible ou trop diflicile le recrutement des baliveaux.
Les arbres de réserve ne doivent sur aucun point se gêner les uns les
autres.
Jusqu'à présent on a généralement basé les plans de balivage sur des
considérations relatives aux surfaces couvertes.
On posait en principe. par exemple, qu'au moment de l'exploitation la
surface couverte ne devait pas dépasser les deux tiers de la surfaee totale.
On cherchait ensuite le couvert moyen d’une réserve de chaque catégorie :
on combinait les nombres de réserves à trouver à l'exploitation de façon
que leur couvert ne dépassât pas le maximum des deux tiers fixé. Puis cette
combinaison faite, il était facile d'en déduire la réserve à laisser sur pied
RP A
mere te
—+2( 1531 es
pour qu'elle se reproduisit indéfiniment, et, par déiérence, les nombres
d'arbres de chaque catégorie à abandonner à l'exploitation.
Pratiquement cette manière de procéder, parfaitement logique en
théorie, offre des difficultés.
La première de toutes est appréciation du couvert moyen d’un arbre
d’un âge donné. Variable d'essence à essence, d'arbre à arbre. il est fort
difficile de l'obtenir avec une approximation acceptable. Les chiffres cités
dans les divers travaux ou ouvrages qui ont traité cette question présentent
de grandes divergences.
Une autre difficulté provient de ce que la composition des forêts aux-
quelles on veut appliquer les plans de balivage combinés au cabinet, s’y
prête souvent fort mal. I y a excès sur certaines catégories, déficit sur
d’autres. On est obligé de faire des compensations laissées à l'appréciation
de opérateur.
Quand on martèle, on ne fait pas ce qu'on veut, mais ce qu'on peut.
(Applaudissements. )
Les plans de bahvage qui figurent aux procès-verbaux d'aménagement
n’y sont que pour la montre; on ne les observe pas. (Nouveaux applaudisse-
ments. )
En fait, le balivage des tailhis sous futaie se pratique à peu près partout
sans contrôle et suivant les idées de celui qui dirige l'opération.
C’est ce contrôle qu'il faudrait pouvoir instituer.
Je me hâte de dire que la question ne comporte pas de solution rigou-
reuse, mathématique.
Peut être trouvera-t-on quelque chose de plus satisfaisant que les cou-
verts en s'appuyant sur une donnée plus tangible, plus facilement véri-
fiable : les volumes.
Mais il ne faut pas compter sur des règles établies à priori. C'est l’ob-
servation seule qui devra servir de guide.
Je suppose donc qu'il s’agisse de formuler les règles de balivage d’une
forêt aménagée en taillis sous futaie à la révolution de 30 ans.
Je me demanderai tout d'abord : quel est le cube maximum, idéal, à
trouver à l'exploitation ?
Je commencerai par cuber celui qui existe soit dans les diverses coupes
à marteler soit dans la forêt, soit dans les forêts similaires voisines. J’ob-
tiendrai une série de chiffres différents, par exemple 100, 120, 150,
180 mètres cubes par hectare.
Si je suis doué de quelque coup d'œil forestier, 1l me sera facile de voir
9:
—4x( 132 Vres—
quel est celui de ces cubes qui répond aux conditions que doit présenter
une bonne réserve, conditions que j'ai énumérées plus haut : taillis pas trop
couvert, réserves ne se gênant pas réciproquement.
Si le chiffre de 150 mètres cubes à l'hectare réunit ces conditions, je
martèlerai de facon à laisser sur pied une réserve ielle que 30 ans après
on trouve de nouveau 150 mètres par hectare.
Peut-être sera-t-1l difhcile la première fois de faire le choix dont 1l vient
d’être question. Mais il en sera tout autrement si depuis plusieurs années
on a pris l'habitude, habitude qui partout devrait être une règle, de cuber
lors des martelages non seulement l'abandon, mais aussi la réserve. On à
alors tous les éléments pour apprécier quels ont été les bons martelages
du passé et, par conséquent, on peut en tirer des enseignements pour
l'avenir.
Je reviens au choix du volume de 150 mètres par hectare que l’on doit
trouver au moment de l'exploitation. J'ai dit qu'il est facile d’en déduire le
cube à laisser sur pied. On connaît, en effet, le volume moyen d’une ré-
serve de chaque catégorie, par conséquent l'accroissement en volume résul-
tant du passage d’une catégorie à une autre et on peut par suite calculer
le cube initial qui 30 ans plus tard a produit 150 mètres cubes. Si je
trouve que le cube initial a été de 75 mètres cubes, je m’arrangerai pour
laisser sur pied une réserve de volume égal.
Vouloir faire plus, régler exactement les proportions des réserves de
chaque catégorie à maintenir sur pied me paraît un but très louable, mais
pratiquement fort difficile à réaliser. Îl ne faut pas oublier que les opéra-
tions de martelage doivent être conduites dans un temps assez court, que
ce ne sont pas des expériences scientifiques auxquelles on peut consacrer
Lout son temps, qu'un agent forestier doit baliver 15 à 20 hectares par
jour sans compter les récolements.
La répartition régulière des réserves entre les diverses catégories peut
donc être une recommandation, mais ne doit pas être traduite en obligation
formelle. Ce sera déjà un résultat fort satisfaisant si l’on arrive à élever la
production d’une manière générale et à la maintenir à un taux à peu près
constant. Il faut d’ailleurs compter qu'il s’établira des compensations entre
les diverses coupes et que telle catégorie trop peu représentée dans l’une
d'elles sera plus abondante dans les suivantes.
On a donné quelquefois pour règle que le cube à réserver doit être
égal à la moitié de celui trouvé au moment de lexploitation, c’est-à-dire
égal au cube à exploiter. Cette règle n’est pas absolue, mais appliquée
ee Lcm. m.
—#%( 133 )es—
à une révolution de 30 ans, elle ne peut donner que d'excellents ré-
sultats.
En effet, une réserve dans la composition de laquelle entrent en pro-
portion convenable des baliveaux, des modernes et des anciens, fonctionne
à un taux d'accroissement qui n'est pas moins de 2 1/2 p. 100. Or un
capital placé à intérêts composés à 2 1/2 p. 100 double en 28 à 29 ans.
Une réserve de 75 mètres à l’hectare par exemple passera en 30 ans à un
volume double, c’est-à-dire à 150 mètres cubes.
Si le taux d’accroissement était inférieur à » 1/2 la proportion de
moitié devrait être légèrement augmentée; il en serait de même si la révo-
lution était inférieure à 30 ans.
Cette proportion pourrait être diminuée pour les révolutions supérieures
à 30 -ans et pour les taux d’accroissement supérieurs à 2 1/2. Ce dernier
cas se présenterait dans les forêts où les réserves sont principalement com-
posées de baliveaux et de modernes et comprennent peu d’anciens. Mais
alors comme on aurait des bois de moindre valeur et un couvert moins in-
tense, 1l serait bon et sans inconvénient , au point de vue du taillis, de sup-
pléer à la qualité par la quantité et 1l y aurait sans doute tout avantage à
s’en tenir à la proportion de moitié.
C’est une question à résoudre surtout par l'expérience et cette expé-
rience doit consister surtout, comme je l'ai indiqué précédemment, à tenir
des registres donnant, pour chaque coupe, la composition et le volume de
la réserve et de l’abandon.
I n’est peut-être pas inutile de faire remarquer que cette proportion :
volume à réserver égal à moitié du volume trouvé au moment de l’exploi-
tation ou autrement dit réserve éyale à l'abandon ne doit être adoptée qu’au-
tant qu'il est reconnu que la réserve actuelle est suffisante. S'il en est au-
trement 11 faudra renforcer le cube réservé de manière à améliorer la
composition future du matériel, bois d'œuvre, de la forêt.
Lorsqu'on peut faire choix sans inconvénient de la proportion dont 1
vient d’être parlé, cela simplifie beaucoup la question des martelages. H
suffit en effet de maintenir un arbre sur deux dans les catégories réservées,
un ancien sur deux, un moderne sur deux, en faisant porter les abandons
sur les essences les moins précieuses ou de courte longévité. Puis on rem-
place la catégorie qui disparaît définitivement, celle des vieilles écorces,
par un cube de baliveaux de l’âge quelque peu supérieur à la moitié de
celui des vieilles écorces afin de tenir compte des déchets qui se produisent
toujours dans le nombre des baliveaux dans les années qui suivent immé-
—_4w( 134 jes—
diatement l'exploitation. Il ne sera pas nécessaire de se livrer à des calculs
compliqués de cubage pour déterminer ce nombre de baliveaux. On con-
nait toujours avec une approximation suflisante leur cube moyen, et pour
être sûr de ne pas se tromper, on en réservera une dizaine de plus par
hectare, ce qui né modifiera pas d’une manière appréciable la valeur de la
coupe.
Tout cela n’est pas scientifique : ce sont des conseils pratiques. ( Vafs
app laudissements. )
M. Guyot. Le problème que vient d'examiner M. Mélard se pose
fréquemment pour les bois de particuliers, lorsqu'ils sont l'objet d'un üsu-
fruit. I faut, dans ce cas, que la forêt fournisse toujours une quantité de
produits de même valeur. La formule indiquée par M. Mélard est done
utile non seulement aux agents forestiers, mais aux particuliers. (Applau-
dissements.)
M, 1e Présinewr. L'ordre du jour appelle la discussion de la question sui-
vante : Déficit ou excédent de la production foreshère dans les différentes régions
du globe: étude du mouvement des importations et des exportations.
Je rappelle que cette question a été magistralement traitée par M. Mélard
dans la séance plénière du 4 juin.
Comme corollaire de cette conférence, M. le Président met aux voix les
conclusions suivantes :
« L'assemblée émet le vœu qu'une entente internationale intervienne
en vue de protéger les forêts contre la destruction et d'assurer ainsi l'appro-
visionnement de l’industrie en bois d'œuvre. »
Ge vœu est adopté à l'unanimité.
M. Présioenr. L'ordre du jour appelle la discussion de la question
suivante : Législation des terrains en montasnes; législation forestière interna-
honale.
La parole est à M. Guyot, directeur de l'Ecole nationale forestière de
Nancy.
M. Guyor. Je voudrais passer en revue les législations étrangères
pour y chercher ce qu'elles prescrivent pour le maintien ou le rétablisse-
ment des forêts en montagne.
en DRE 7 -
_en( 135 )es—
La forêt agit sur les sols montagneux pour empêcher les dégradations
de terrains et conserver la montagne. Cependant, il ne faut pas mettre de
la forêt partout en montagne; il faut conserver une place au pâturage; Je
laisse de côté ce point de vue.
La question que j'examine se subdivise en deux :
° Maintenir les forêts existantes :
2° Rétablir les forêts détruites par des abus de jouissance.
La solution de ces problèmes a nécessité l'emploi de mesures coerci-
tives à l’égard des communes et aussi à l'égard des particuliers. L'État
doit intervenir dans un but d'utilité publique pour imposer des restric-
tions au droit de propriété. Une première difficulté se pose quand on se
préoccupe de protéger la montagne. Que faut-il entendre par montagne?
Les législations à cet égard restent dans le vague... Pour l'application
en France, à défaut du législateur qui n’a pas cru devoir intervenir, ce
sont les tribunaux qui, en cas de difficultés, décident si on se trouve dans
la sphère d'application de la loi.
Un certain nombre de législations étrangères ont trouvé une autre solu-
tion du problème. On a déterminé, soit par des mesures d'ensemble, soit
par des mesures successives, une zone qu’on appelle zone protectrice et dans
laquelle les forêts sont soumises à un régime spécial : on les appelle foréts
protectrices. Ce sont des mots que j'envie aux étrangers el que je voudrais
voir introduits en France. Le système dont je viens de parler fonctionne
en Prusse, en Suisse, en Italie, en Hongrie, en Russie, en Norvège, en
Bavière, etc...
Je reprends maintenant les deux parties de ma question :
* Maintien de la forêt. — 1 faut empêcher le défrichement, en régle-
mentant le droit de jouissance du propriétaire,
Sur ce point, nous nous sommes montrés en France, au cours de ce
siècle, trop respectueux du droit de propriété dans la montagne, Nous nous
sommes bornés à réglementer le défrichement proprement dit. Voia ce
que stipule la loi du 18 juin 1859, (art, 220, $ 1° du Code forestier) :
« L'opposition au défrichement ne peut être formée que pour les bois
dont la conservation est reconnue nécessaire :
«1° Au maintien des terres sur les montagnes et sur les pentes.
RS dois a à PEN BTE OP EPL vhditis lens add
En Europe, je ne trouve guère ous le Gode roumain, qui contienne
des dispositions identiques.
—#>( 136 ).e3—
Les autres États ont été plus hardis, et ont plus restreint le droit de
propriété . JAdmanistration a le droit d'intervenir non seulement pour
punir le défrichement illégalement réalisé, mais aussi pour prévenir les
défrichements; elle peut réglementer la jouissance des propriétaires et
empêcher les abus.
Dans un grand nombre de législations, on prohibe ou l’on réglemente
les coupes blanches ou coupes à blanc étoc (Hongrie, Suisse, Russie, Ba-
vière); dans d’autres, on va plus loin : on prohibe le pâturage, l'extraction
des souches, l’enlèvement des feuilles mortes, ete...
D’autres encore imposent aux propriétaires des règlements d’exploita-
tion: c'est une intervention très grave de l’autorité publique. Je ne conseil-
lerais pas en France d'aller aussi loin; mais nous pourrions faire un pas
dans cette voie. Cette législation opte se rencontre en Suisse (can-
tons du Valais et Neufchâtel), en Prusse, en Italie, en Hongrie, en
Russie, en Norvège, en Autriche (Tyrol).
Le corollaire obligatoire de telles mesures, c’est que le propriétaire qui
subit une perte doit recevoir une indemnité. Tantôt c'est le tribunal de
protection des forêts qui intervient dans ces questions (Prusse), tantôt
un comité forestier spécial (Italie), tantôt un comité conservateur des forêts
(Russie).
J'arrive à la deuxième partie de mon sujet : la création de forèts nou-
velles ou le reboisement des montagnes. Tantôt c'est l'État qui se charge
de ce reboisement, tantôt 1l délèoue ce droit aux propriétaires.
La loi hongroise de 1879 pose un principe qui nous parait extraordi-
naire : l'obligation de payer les frais de reboisement incombe aux pro
priétaires qui doivent profiter du reboisement, c'est-à-dire aux proprié-
taires des plaines qui vont être protégées. Cela est original, mais assez
juste. Les intéressés se réunissent en associations syndicales.
M. Hurrez. Ce système fonctionne également dans la Prusse rhénane.
M. Guyor. Dans tous les autres pays, et notamment en France, on dit
aux montagnards : « Vous allez reboiser et vous allez payer.» Juridique-
ment, ce système peut être contesté. La loi ordonne aux particuliers d’exé-
euter les travaux, sauf indemnité (Prusse, Autriche, etc. ..). Les pro-
priétaires ont généralement le droit d'exécuter eux-mêmes les travaux. En
cas de négligence, l'État se substitue à eux et des sanctions pénales sont
prévues. Habituellement, cette substitution emporte expropriation défini-
mihiiisénetsentss nt. .
it
gén
—#3( 137 es
tive, mais plusieurs législations donnent au propriétaire le droit de se faire
réintégrer.
En France, la loi de 1860 avait cru obtenir le reboisement des mon-
tagnes au moyen des travaux, dits facultatifs, exécutés par les propriétaires.
C'est seulement lorsque Administration ne s’entendait pas avec les pro-
priétaires qu'on les expropriait et qu'on constituait des périmètres dits obli-
gatorres. Les particuliers pouvaient se faire réintégrer dans un délai de
cinq ans, en payant les frais de reboisement.
La io1 du 4 avril 1889 a laissé à peu près complètement de côté les
travaux facultatifs. Lorsque le périmètre a été déterminé par une loi spé-
ciale, on n’a plus besoin de s'entendre avec les propriétaires; l'État est
seul propriétaire, sans faculté de réintégration. Cette manière de procéder
offre les avantages suivants : simplicité, sûreté d'exécution, rapidité. Donc
économie réelle.
L'inconvénient de ce système, c’est que l'Administration s’habitue à ne
pas compter sur l'habitant, qu’elle laisse de côté; c’est celui-ci, d’ailleurs,
qui vient lui-même offrir ses terrains. Si on crée ainsi dans la montagne
des propriétés domaniales, on arrive à ce résultat que les régions mon-
tagneuses deviennent des déserts : on accélère le mouvement de descente
des habitants de la montagne dans la plaine.
Il ne faut cependant pas s'exagérer ce danger. Si la loi de 1889 est
appliquée comme elie doit l'être, on ne reboisera que là ou cela est néces-
saire; si on laisse une part convenable pour le pâturage, l'inconvénient
que j'ai signalé sera assez faible. Mais il faut; à côté d’un bon régime fores-
ter, un bon régime pastoral.
Quels ont été les résultats produits par les lois de 1860 et 1889? Je
les emprunte à M. Prosper Demontzey; je suis heureux de prononcer ici
le nom, populaire à l'étranger, du protagoniste de l’œuvre du reboisement
des montagnes :
« La revision des périmètres constitués sous le régime de la loi de 1860
avait laissé sous la gestion de l'Administration forestière un ensemble de
70,313 hectares reboïsés ou en voie de reboisement, Depuis cette époque,
jusqu'à la fin de 1898, il a été acquis par l'Etat, à l'amiable ou par
expropriation, 80,797 hectares. Il existe donc actuellement 151,1 10 hec-
tares de terrain domanial en montagne, qui ont coûté 21,793,678 francs
(approximativement 145 francs l’hectare). »
Je voudrais indiquer maintenant qu’elles sont les modifications dont
est susceptible la législation française pour les terrains en montagne.
_4n( 138 Ver
Quant à la création des forêts nouvelles, je ne vois pas grand intérêt
pour le moment à refondre la loi de 1889, au moins dans la partie
relative aux périmètres de restauration; malgré quelques imperfections de
détail, elle produit de bons résultats.
Je voudrais seulement qu'on fit une addition à la loi sur le défriche-
ment. Je sais bien qu'il est fâcheux de restreindre le droit de propriété,
mais mieux vaut prévenir le défrichement que d’avoir à le punir. Peut-être
pourrait-on armer l'Administration de certains droits : il y aurait notam-
ment des précautions à prendre contre les.coupes à blanc étoc, les abus de
pâturage; je n'ose pas aller jusqu’à imposer aux propriétaires des règle-
ments d'exploitation. Les propriétaires ne pourraient pas se plaindre; car
s'ils détruisent leurs forêts, ils sont sous le coup de sanctions pénales; leurs
terrains sont englobés dans les périmètres de restauration et ils en sont
privés pour toujours. (Applaudissements. )
M. Moven. M. Guyot a dit que les terrains englobés dans les péri-
mètres de restauration étaient forcément expropriés.
M. Guxor. J'ai dit qu’en fait cela se produisait le plus souvent.
M. Move. Si un particulier offre de restaurer lui-même, quel sera le
régime ?
M. Guror. Vous n'êtes pas obligé d'accepter ses offres : lisez l’article 4,
$ 2 de la loi de 1882.
M. Mouen. S'ils font des consignations suflisantes, l'Administration est
désarmée.
M. Guyor. Vous n'êtes jamais obligé de vous entendre avec un pro-
priétaire. Si son terrain est englobé dans le périmètre de restauration,
vous pouvez l’exproprier.
M. Puaz. Un particulier peut toujours exécuter lui-même les travaux;
cela est écrit dans la loi de 188. ?
M. Mouan. Il faudrait modifier la loi et dire que le propriétaire ne
pourra pas exécuter les travaux sans l'autorisation de l'Administration.
—#9( 139 ).e3——
M. Guvor dépose les conclusions suivantes :
«Ajouter à la loi de 1859 une disposition additionnelle pour régle-
menter les coupes à blanc étoc, ainsi que le pâturage, même dans les bois
de particuliers. »
Ces conclusions sont adoptées,
L'ordre du jour étant encore assez chargé, M. Le Présinenr demande
aux membres de la section de se réunir le lendemain matin à 9 heures au
lieu de 10 heures, ( Adopté.)
La séance est levée à 6 heures.
—#>( 140 )ees—
SÉANCE DU JEUDI 7 JUIN 1900
(MATIN).
PRÉSIDENCE DE M. MULLER, VICE-PRÉSIDENT,
ASSISTÉ DE M. FETET, PRÉSIDENT.
La séance est ouverte à 9 heures.
M. Bouver, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la précédente
séance.
M. Lerésure. Il est bien entendu que la proposition de M. Guyot ne
s'applique qu'aux terrains de montagne situés dans la zone préservatrice,
M. Guyor. Parfaitement.
Sous le bénéfice de cette observation, le procès-verbal est adopté.
M. Faxknauser présente à l'assemblée un journal forestier suisse destiné
à propager les connaissances forestières et publié chaque mois en alle-
mand et en français.
M. ce PrÉsIpeNT remercie M. Fankhauser de sa communication.
M. Le Présinenr. L'ordre du jour appelle la discussion sur la question
suivante :
Examen général, au point de vue du peuplement forestier , des essences exo-
tiques, acchmatées ou naturalisées.
M. Parné, professeur à l'École des Barres, donne lecture de son rapport!
sur les mémoires de M. Vilmorin, intitulés : Arbres forestiers étrangers
Recueil de Notes; Énumération d'exemplaires d'arbres forestiers exotiques exts-
tant sur le territoire de la France continentale » 1)
a) Le premier ouvrage de M. Maurice L. de Vilmorin : Arbres forestiers étrangers. Recueil de
Notes , a été imprimé à Paris, chez M. Édouard Duruy, »°, rue Dussoubs, in-8°, 69 pages.
Le second : Énumération d'exemplaires d'arbres frestiers exotiques existant sur le territoire de
la France continentale , se trouve aux annexes (annexe n° 6).
—#n( 141 jes—
M. Maurice L. de Vilmorin, membre de la Société nationale d’Agricul-
ture, a envoyé au Congrès international de Sylviculture deux mémoires qui
se rapportent à la septième question inscrite au programme de la pre-
mière section : Examen, au point de vue du peuplement forestier, des essences
acclimatées ou naiuralhsées.
Ces deux mémoires portent Îles titres suivants :
° Arbres forestiers étrangers. Recueil de Notes :
°_ Enumération d'exemplaires d'arbres Jorestiers exotiques existant sur le
territoire de la France continentale.
Le premier de ces deux mémoires : Arbres ie étr angers, est de
beaucoup le plus important. Il vient d'être édité à l'imprimerie Édouard
Duruy, 22, rue Dussoubs, à Paris.
Il comprend plusieurs articles publiés précédemment dans des revues
diverses.
Le premier de ces articles, paru, en 1888, dans le Bulletin de la Société
des Agriculteurs de France, est intitulé : Introduction d'arbres étrangers; 1
renferme deux parties.
La première partie est consacrée aux Introductions effectuées. Elle a été
intentionnellement écourtée par l’auteur; les essences dont il est question
se confondent en effet maintenant avec nos espèces indigènes et sont par
suite suffisamment connues de tous.
Ces essences sont :
Parmi les Feuillus : le Merisier, qui est non pas seulement, comme le
dit M. de Vilmorin, une forme, mais une espèce bien distincte de cerisier,
dont l'indigénat est du reste admis par beaucoup d'auteurs; le Noyer; les
Platanes; l’Aune cordiforme, qui peut être utilisé pour «revêtir et amé-
liorer les terres calcaires pauvres de la Champagne»; le Peuplier de
Virginie, dont l'introduction a été suivie « d’un succès imespéré »; le Peu-
plier noir et sa variété pyramidale, dite d'Italie, dont M. de Vilmorin
exagère un peu, à mon avis, les mérites; le Peuplier blanc ou peuplier de
Hollande, d’ailleurs indigène ;
Et parmi les Conifères : le Pin laricio noir d'Autriche, + approprié plus
qu'aucun à la mise en valeur des terrains calcaires pauvres»; le Pin lari-
co de Calabre, dont M. de Vilmorin aflirme avec raison la supériorité sur
les autres races de laricios, partout où il trouve le climat et le sol qui lui
conviennent; —. les essais faits aux Barres prouvent en eflet cette supério-
rité; — le Pin du Lord, qui n’a pas donné les bons résultats qu'on atten-
#3 142 )ees—
dait de lui mais n’en est pas moins susceptible de fournir des produits
utilisables, notamment, à mon avis. pour la fabrication de la päte à
papier; enfin le Cyprès pyramidal qui se recommande, dans le Midi, par
les emplois spéciaux de son bois.
La seconde partie de ce premner article est une revue des arbres étran-
gers qui se montrent rustiques dans nos pays et paraissent devoir y donner
des produits utiles.
C'est un résumé méthodique, très concis, parfaitement fait. L'auteur
passe en revue les principales essences forestières exotiques.
Laissant de côté les descriptions botaniques qui auraient exigé des déve-
loppements considérables, peu en rapport avec le bat poursuivi, M. de Vil-
morin se borne à indiquer, pour chaque essence, sa rusticité, les qualités
et les emplois de son bois; il denne à ce sujet des renseignements des
plus précieux.
Toute cette partie, la plus importante, la plus intéressante de cet excel-
lent article, serait à citer en entier.
Malheureusement le cadre de ce rapport ne le permet pas. Je me
bornerai à énumérer les essences sur lesquelles Fauteur m'a paru in-
sister davantage, celles qu'il semble recommander plus particulière-
ment.
Ce sont, parmi les Feuillus : le Tulipier de Virgimie dont le bois + léger,
tendre et serré» est «importé assez largement»; le Gedrela de Chine qui
mérite d'être l'objet d'essais; le Sophora du Japon qui donne un bois
«extrémement dur» et acquiert des dimensions + auxquelles le robinier ne
saurait parvenir »; le Cerisier de Virginie qui, par sa ruslieité et la qua-
lité de son bois « dur, serré, coloré», «mérite une attention spéciale »; le
Frêne blanc dont le bois est « peut étre supérieur » à celui de nos espèces
indigènes; le Paulownia dont le bois, «à peine plus lourd que le hège »,
peut recevoir de ce fait des emplois spéciaux; le Chène rouge et sa variété
le Chêne gris, — M. de Vilmorin semble même donner sa préférence à
cette variété, — qui se recommandent par leur rusticité et la rapidité de
leur croissance; le Chêne des marais, «très filé, à bois extrêmement dur »,
qui, dans les sables frais, « prend un développement très supérieur à ce-
lui de ses congénères européens »; le Noyer noir et les Caryas, notamment
le Carya alba qui, sous le nom d’hickories, fournissent un bois « dur, fort
et flexible, servant à faire une foule d'instruments agricoles, la earrosse-
rie »; le Planera du Japon, au bois «+ extrêmement dur et fort » et en même
RON L'sgse
temps «relativement léger»; le Planéra du Caucase, dont le bois a +une
force exceptionnelle et une très belle maille ».
Et parmi les Conifères : le Pinus ponderosa «au bois lourd, jaune, très
employé»; le Pinus Jeffrey dont le bois, « dur et fort a encore le mérite de
la légèreté »; le Picea sitchensis «au bois léger, doux et très fort»; le Sapin
de Douglas, «au bois nerveux, élastique »; lAbies nordmanniana du Caucase,
recommandable par «sa rusticité et sa croissance »; le Mélèze occidental au
bois «lourd, extrémement dur et fort», «la première des essences d’Amé-
rique pour l’élasticité »; le Cyprès chauve de la Louisiane qui prend des
« dimensions peu communes » et produit un bois «léger, doux et serré»;
le Thuya pigantea de l'Alaska, espèce très rustique, dont le bois est «très
employé»; le Cyprès de Lawson, au bois «léger, mais dur et fort»; le
Cyprès de Lambert dont «la croissance est si prompte sur les rives de la
Méditerranée »; le Cèdre de Virgimie dont le « bois de cœur passe pour être
incorr bios et «sert aux fabricants de crayons », etc.
Le très court résumé que je viens de faire de ee premier article de
M. de Vilmorin suflit, je pense, pour montrer le haut intérêt qu'il pré-
sente.
Je suis heureux de l'occasion qui m'a été fournie de rendre à cet excel-
lent et substantiel travail, — où j'ai pour ma part puisé des renseigne-
ments précieux, — l'hommage qu'il mérite.
Je me permettra toutefois une légère critique; — tout rapport de la
nature de celui qui m’a été demandé ne doit-il pas en contenir?
M. de Vilmorin craigant sans doute d’effrayer ses lecteurs par lemploi
de mots plus ou moins barbares, totalement inconnus de la plupart d’entre
eux, a évité de désigner les espèces par leurs vrais noms botaniques: 1l
s'est contenté généralement de leur donner des noms français plus ou moins
admis.
Cela peut prêter à confusion, au moins pour certaines espèces. Ainsi
J'avoue avoir dû chercher un peu ce que pouvait être le genevrier blanc des
états atlantiques de l'Union.
De même, dans le but d'éviter de mulüplier les noms, les noms latins
surtout, les genres ne sont pas toujours distingués. Ainsi 1l est question,
indistinetement, dans le même alinéa, de cupressus, de chamaecyparis et de
Jumiperus; je ne parle pas des retinisporas, qui, — le fait a été mis en ÉVI-
dence par les travaux de Beissner, — ne sont que des formes de jeunesse
d'espèces appartenant pour la plupart au genre chamaecyparis. Ailleurs,
dans une même ligne, trois espèces qui appartiennent chacune à un genre
—#3( 144 es
différent, le Tsuga Sieboldui, le Picea alcockana et Abies Vetchi sont con-
sidérées comme faisant partie d’un genre unique, le genre abies, sapin.
Je comprends parfaitement les scrupules de M. de Vilmorin mais ne les
partage pas complètement; je reconnais d’ailleurs que les lecteurs ne sont
probablement pas de mon avis.
Mais j'estime que, si l’on veut vulgariser la connaissance des végétaux
exotiques, — et c’est là le but poursuivi par M. de Vilmorin, — il im-
porte dès maintenant de les désigner par leurs noms botaniques. Sans
doute ces noms sont un peu plus difficiles à retenir; mais ne vaut-il pas
mieux prendre un peu de peine et avoir des connaissances exactes que
d'apprendre, même facilement, des notions qui peuvent plus ou moins
prêter à confusion ?
Cette opinion est certainement admise par les dendrologistes des pays
voisins de la France. En Allemagne surtout, les végétaux exotiques sont
étiquetés lrès exactement sous leurs vrais noms, non seulement dans les
jardins botaniques, mais aussi dans les parcs, les promenades.
D'ailleurs, cela me semble absolument nécessaire si l’on veut éviter des
confusions regrettables. Le Thuya girantea des horticulteurs, — hbocedrus
decurrens Torrey, — n'appartient pas au même genre que le Thuya pigantea
Nuttal des botanistes. L’Acer saccharinum de Wangenheim diffère de lAcer
saccharmum de Linnée; le Quercus nigra de Du Roi n'est pas le Quercus
mpora de Linnée, pas plus que le Quereus mora de Wangenheim; le Carya
alba de Nuttal est différent du Carya alba de Linnée. . ., etc.
Que l’on veuille bien m'excuser de m'être étendu, un peu plus que de
raison, sur ce sujet; chacun n’a-t-l pas sa marotte? Tout ce que je viens
de dire n’a d’ailleurs trait qu'à une question de notation et ne diminue
évidemment en rien la très grande valeur du premier article de M. de Vil-
morin; je m'en voudrais de passer à l’article suivant sans avoir dit une der-
mère fois tout le bien que je pense de cet excellent travail.
Le deuxième article, très court du reste, est consacré au frêne de Ka-
bylie; il a été publié, en 1895, dans le Bulletin de la Société des Amis
des arbres.
M. de Vilmorin énumère les services que rend, en Algérie, cet arbre,
«le plus utile et le plus précieux de la région habitée par la race Kabyle
pure ».
L'article qui suit a pour titre : Le mont Babor; Cèdres de l'Atlas; Sapin du
ee2( 145 yes
Babor. I a paru, en 1896, dans le Journal de la Société nationale d’hor-
tüiculture.
Il contient le récit d’une excursion que M. de Vilmorin fit, en ma
1896, au mont Babor. Ce petit massif de la Kabylie est intéressant pour
le forestier qui peut y admirer de belles forêts de cèdres de l'Atlas et y
étudier le Sapin de Numidie, originaire de cette région. L'auteur donne
d’utiles renseignements sur ces deux belles essences forestières; les forêts
de cèdres en Algérie, font objet d’une digression et le dernier alinéa est
consacré à la très riche flore du mont Babor.
Cet article, écrit avec grâce, fait naître chez le lecteur le désir de faire
cette belle excursion.
IL en est de même de celui qui est intitulé : Le Pin laricio en Corse, ar-
ücle publié, en 1897, dans la Revue horticole.
M. de Vilmorin y rend compte, avec humour , d’une visite qu'il fit, au
o A LA A ? :
printemps de 1897, aux forêts de l'ile de Corse. L’ami des arbres se re-
connaît au plaisir qu'il éprouve de signaler les plus beaux spécimens de
pins laricios qu'il lui a été donné de rencontrer. Après nous avoir fait ad-
mirer la taille élancée et la forme parfaite de ce bel arbre sur les versants
des montagnes, 11 nous le montre court, étalé, complètement déformé, à la
6 [
limite supérieure de la forêt, où 1l à à lutter contre le vent, la neige et cet
autre ennemi de la végétation, la dent du bétail.
L'article consacré au bois de Pichepin, extrait du Bulletin de la Société
des Amis des arbres, année 1897, résoud une question de haut intérêt.
Trompés par la désignation de picht pin qui est donnée au Pinus rioida
dans les États atlantiques du centre des États-Unis, quelques propriétaires
forestiers ont planté cette essence, relativement rustique dans nos pays,
pensant obtenir le bois importé en Europe sous le nom de bois de piche-
pin; il en est résulté des mécomptes, le Pinus rioida ne donnant qu'un bois
blanc et faible qui est loin d’avoir les qualité s du vrai bois de pichepin.
D’après M. de Vilmorin, cinq à six espèces différentes produisent ce bois
en Amérique.
Ce sont, en premier lieu, le Pinus palustris Miller et le Pinus cubensis
Grisebach, essences du mes des États-Unis qui ne réussissent pas en
France. |
En seconde ligne viennent, pour les Etats de l'Atlantique, le Pinus mitrs
et le Pinus taeda le premier de croissance lente et médiocre dans nos pays,
SYLVICULTURE, 10
—+>( 146 )ees—
le deuxième d'une rusticité très relative et donnant d’ailleurs un bois un
peu inférieur, —et, pour les États du Pacifique, le Pinus ponderosa ; arbre de
grande taille, rustique sous nos climats, et surtout le sapin de Douglas qui
réussit très bien chez nous et produit un bois rouge très dur et très fort.
L'article suivant, intitulé : Le Pin luricio de Calabre a paru, en 1889,
dans la Revue horticole. H contient, après quelques considérations générales
sur les laricios, notamment sur ceux de Corse. de Tauride et de Calabre,
une étude plus détaillée de ce dermier.
Introduit aux Barres, vers 1820, par M. de Vilmorin, le Pin laricio de
Calabre y a donné d'excellents résultats.
Les arbres de première génération, issus de graines provenant des forêts
sud-italiennes accusaient, en 1889, un «accroissement moyen, en eir-
conférence, de 28 centimètres en quatorze ans, soit de 2 centimètres par
an».
Ceux de deuxième génération, issus de graines récoltées sur les précé-
dents, avaient une croissance encore supérieure.
Le Pin laricio de Calabre se comporte donc parfaitement aux Barres,
même dans les terres médiocres.
De fait , les récents comptages exécutés sous la direction de M. Marchand,
directeur de l'Ecole des Barres, ont accusé un accroissement moyen de
6 à 11 mètres cubes par hectare et par an.
Je crois utile de faire remarquer que les plantations en question ont été
effectuées dans des terrains précédemment cultivés.
Comme conclusion de son article, M. de Vilmorin étudie la végétation,
la propagation, la rusticité et les emplois du pin laricio de Calabre.
Le dernier article, publié en janvier 1900 dans la Revue des Eaux et
Forèts , est consacré aux Essais d'arbres exotiques dans la forêt d'Eberswalde.
I'est, avec l'article de tête, — dont les données se trouvent ainsi, pour
certaines essences, pratiquement vérifiées, — le plus intéressant du recueil.
Prenons une essence exotique qui rend des services dans son pays
d'origine et qui, plantée dans nos pares et jardins, a fait preuve d'une
grande rusticité et d’une végétation très satisfaisante; 1} est permis de sup-
poser qu'elle donnera également, dans nos pays, des produits utilisables
et quelle se comportera à l'état de massif, dans nos forêts. aussi bien
qu'à l'état isolé dans nos jardins; mais il serait téméraire d'affirmer le fait
sans le contrôler.
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—#2( 1475). -
Les forestiers allemands l'ont parfaitement compris. Les plus intéres-
santes des essences ligneuses exotiques ont été plantées en forêt en difté-
rents endroits, notamment dans le grand duché de Bade, à Weinheim, en
Bavière et dans la Prusse.
M. de Vilmorin, dans le dernier article de son recueil, signale les ré-
sultats donnés jusqu'ici par les plantations exécutées, en Prusse, dans la
forêt d'Eberswalde, située à 50 kilomètres au nord de Berlin.
Les renseignements de cette nature offrent un très grand intérêt au point
de vue pratique; c’est en les réunissant, en les comparant, que l'on pourra
apprécier la valeur forestière de telle ou telle essence exotique.
Après avoir donné la liste des espèces auxquelles sont consacrées, à
Eberswalde, des surfaces notables, M. de Vilmorin apprécie les résultats
- obtenus pour chacune d'elles.
Je cite, en les résumant, les passages principaux :
ESSENCES RÉSINEUSES.
Le sapin de Douglas se fait remarquer par sa rusticité et sa croissance
rapide; ce sapin, écrit M. de Vilmorin, « paraît donc avoir un avenir fores-
tier pour les terres sableuses»; son bois pourra probablement être utilisé
pour la fabrication de la pâte à papier; mais le sapin de Douglas ne doit
être exploité qu'à un âge de 120 à 150 ans; il convient donc de le traiter
à longue révolution: il n’y a guère que les gouvernements qui puissent
faire des placements à si long terme; cette remarque est très Judicieuse;
c’est donc aux agents de PEtat qu'il appartient surtout d'introduire dans
nos forêts les essences liyneuses exotiques, d’où la nécessité pour eux de
bien connaître ces essences.
Le Mélèze du Japon est également remarquable par la rapidité de sa
croissance; la même constatation peut être faite à Lohr, en Bavière, où
cette essence a été également introduite en forêt.
Le Pin du Lord n’occupe pas une grande superficie à Eberswalde, où le
sol n’a pas la profondeur et la fraicheur qui lui conviennent; sa végétation
y est cependant satisfaisante.
Le Cyprès de Lawson, essence très rustique, mais relativement exigeante,
se comporte différemment suivant les qualités du sol où il est planté; dans
les parties un peu fraîches et riches en humus, il vient remarquablement
bien. Ce résultat est à noter, car cette essence produit un bois propre à des
emplois spéciaux.
—#%( 148 ).3.—
Le chamaecyparis obtusa, Vlunocki des Japonais, croît très lentement;
M, de Vilmorin se demande si la qualité de son bois, un des plus précieux
du Japon, compensera sa faible quantité; la question est en effet des plus
importantes. A ma connaissance, cette essence n’a encore été plantée en
forêt qu'a Eberswalde; cet essai est donc particulièrement intéressant.
Le Thuya gigantea n'a pas réussi à Eberswalde. M. de Vilmorin s’en
étonne et je comprend sa surprise, cet arbre étant un de ceux qui ont
donné partout les meilleurs résultats, notamment aux Barres, où il produit
des semis naturels. Cet insuccès doit être attribué, paraît-il, à une affection
cryptogamique.
Le Pinus Jeffreyi vient bien à Eberswalde, mais les plants sont encore
très jeunes; le même bon résultat peut être constaté à Weinheim où lexpé-
rience est plus concluante, les sujets étant déjà d’un certain âge.
Le Pinus banksiana affirme à Eberswalde son extrême rusticité: aussi
M. de Vilmorin pense que ce pin pourrait rendre des services dans les
terrains peu fertiles et sous des climats très rigoureux, comme essence de
reboisement seulement, car cet arbre reste chez nous de très petite taille:
l'essai serait intéressant à faire.
Le Pinus ripida croît très lentement à Eberswalde, où 1l ne trouve pas
le sol frais qui lui convient; cette essence est d’ailleurs d’un intérêt secon-
daire au point de vue forestier.
Au contraire le Picea sitchensis accuse un taux de croissance + très satis-
faisant »: résultat conforme à ceux qu'ont donnés d’autres essais faits en
différents endroits de l'Allemagne.
M. de Vilmorin attribue à la rigueur du climat l'insuccès, à Eberswalde,
du Genevrier de Virginie.
Les plantations d’abies : Abies concolor, Abies amabilis, Abies grands et
Abies nordmanniana, effectuées à Eberswalde, sont encore trop récentes
pour qu'on puisse apprécier les résultats. Sous ce rapport, les boisements
des Barres, en France, et de Weinheim, en Allemagne, sont bien autre-
ment intéressants: 1ls démontrent la rusticité et la belle végétation des
Abies grands, concolor, nordmanniana et de quelques autres.
ESSENCES FEUILLUES.
Le Chêne rouge a réussi à Eberswalde, comme partout ailleurs du reste:
les plantations d'Eberswalde présentent cet intérêt particulier que les lignes
de chène rouge alternent avec des lignes de chêne indigène: la supério-
—#2( 149 es
rité de croissance du premier sur le second est ainsi rendue très appa-
rente.
Si les Juglans et les Caryas un bois bien supérieur à celui du
chêne rouge ils n’ont pas la même rapidité de croissance; sous ce rapport
ils restent même inférieurs, à Eberswalde, au chêne commun. Le plus
vigoureux de la famille paraît être le Carya amara; puis viennent le Carya
alba, le Juglans nigra, le Carya porema et le Carya tomentosa.
L'Érable negundo croît très rapidement à Eberswalde comme aux Barres.
M. de Vilmorin semble le recommander comme essence de reboisement des
terrains de médiocre fertilité.
Le Frêne américain est représenté à Eberswalde par des sujets très
vigoureux mais encore Jeunes.
Il en est de même du Cerisier de Virginie.
Dans lanalyse rapide que je viens de faire des différents articles de
M. de Vilmorin, j'ai dû forcément me limiter, laisser de côté les observations
de détail.
J'espère cependant avoir fait comprendre l'intérêt que présente le tra-
val.
Au surplus, pour terminer, je conseille fortement à tous ceux que la
question intéresse de lire, à tête reposée, le Recueil de Notes de M. de Vil-
morin. [ls y trouveront certainement plaisir et profit.
Le deuxième mémoire présenté par M. de Vilmorin porte le titre : Énu-
mération d'exemplaires d'arbres forestiers exotiques existant sur le territoire de
la France continentale.
M. de Vilmorin, qui a beaucoup voyagé, beaucoup vu, et qui, surtout,
a pris note de ce qu’il a vu, a voulu signaler les beaux échantillons d’es-
pèces ligneuses exotiques connus de lui en France.
Malheureusement, — cette remarque est très Judicieuse, — ia pro-
duction d’un inventaire, quelque peu complet, «excède les ressources de
temps et d'information dont peut disposer un particulier ».
Cette tâche ne peut en effet être menée à bien que par une réunion
de personnes dont les renseignements seraient centralisés et relevés avec
soin.
L’Administration des eaux et forêts est naturellement désignée pour
faire ce travail; elle est parfaitement organisée pour toutes les statistiques
de cette nature.
—+#>( 150 )e:—
Poursuivant la même idée que M. de Vilmorin, — ce qui me dispense
de faire l'éloge de cette idée, — mon camarade Hickel et moi avions fait
demander à l'Administration, à laquelle nous avons l'honneur d’appar-
tenir, l'envoi d’une note circulaire aux agents forestiers les priant de vou-
loir bien fournir, pour leurs circonscriptions, les renseignements néces-
saires à la confection d’un inventaire un peu complet des végétaux ligneux
exotiques existant en France. Nous nous mettions à la disposition de
Administration pour examiner soigneusement tous les renseignements
produits et en tirer tout le parti possible.
Je ne puis, dans ce simple rapport, rendre un compte détaillé des exem-
plaires signalés par M. de Vilmorin.
Je me contenterai d'indiquer les principaux endroits qui, d’après le tra-
vail que je viens de lire, sont particulièrement riches en végétaux hgneux
exotiques, ceux que tout amateur de ces végétaux pourra visiter avec intérêt
et profit.
Ce sont : les magnifiques collections des Barres, à Nogent-sur-Vernis-
son (Loiret), celles de l'État et celles de M. Maurice de Vilmorin: l’arbo-
retum de Segrez (Seine-et-Dise); le pare de Baleine ( Allier ); le parc de
Cour Cheverny, près de Blois (Loir -et-Cier): les collections du Muséum,
à Paris; le parc de Trianon, à Versailles: Le: parc de Verrières (Seine-et-
Oise); F École d’ arboriculturéde Sat Mandéÿde jardin de Diane et le parc
du château, à Fontainebleau: les pares du Monceau et de Vrigny, près de
Pithiviers (Loiret); le pare de la villa Thuret , à Antibes (Alpes- Maritimes ) ;
plusieurs villas à Pau; les pépinières de MM. Croux, à Chatenay (Seine),
Transon, à La Ferté-Saint-Aubin (Loiret), Seguenot, à Bourg-Argental
(Ardèche). ..; enfin les jardins botaniques, parcs, promenades et pépi-
nières des grandes villes, Bordeaux. Toulouse, Montpellier et surtout
Paris. .., etc.
Aux endroits signalés par M. de Vilmorin j'ajouterai : l’arboretum de
l'Ecole de Grignon et le jardin Massey, à Tarbes.
Je termine en exprimant le désir que l'idée de M. de Vilmorin soit
reprise par l'Administration des eaux et forêts et qu'il soit publié, sous sa
direction, un inventaire général des beaux arbres, — aussi bien indigènes
qu’exotiques, — qui existent en France. (Applaudissements.)
M. Le Présinenr. La parole est à M. Fisher, professeur adjoint à
l'École de Coopers-Hill (Angleterre), pour une communication relative à
la végétation des essences exotiques en Angleterre.
—+#3( 151 )e3—
M. Fisuer. Lorsque j'étais élève à l'École de Nancy, ce dont je m'honore,
on recommandait d'effectuer les repeuplements à l’aide des essences spon-
tanées, de préférence aux essences non spontanées, qui sont toujours difi-
ciles à introduire dans un autre pays.
En Angleterre, nous avons fait beaucoup d'expériences; notre climat si
doux facilite le développement des essences du Midi. Nous n'avons pas
beaucoup d’essences spontanées, et elles ne viennent que très lentement;
je citerai le Chêne, le Hëtre, le Pin sylvestre. Le Frêne est l'essence qui a
le plus de valeur; on en trouve beaucoup chez nous,
Nous avons 2 millions d'hectares de forêts, appartenant presque en tota-
lité aux particuliers. Ceux-ci cherchent toujours le bon rendement, les
bois à croissance rapide et de beaucoup de valeur.
On a cherché à introduire des essences non spontanées. On plante des
milliers de mélèzes tous les ans en Angleterre ; c’est un arbre dont la va-
leur est à peu près la moitié de celle du chêne : 1 shelling le pied cube,
soit Ao francs le mètre cube. Malgré la maladie qui attaque, le Mélèze
vient très bien. Je connais des mélèzes en Angleterre qui mesurent
10 pieds de tour et 100 pieds de hauteur, et dont les bois sont en bon
état; ils peuvent se vendre 2 shellings le pied cube. Ces arbres ont
100 ans d'âge; il est très agréable aux particuliers d’avoir des gros bois
avec une révolution courte. Malgré la maladie, sion choisit bien son endroit,
et si on fait les éclaircies en temps opportun, les résultats sont superbes.
Un arbre qui se développe admirablement dans le sud de Angleterre,
c'est le Châtaignier; 11 arrive à 6 pieds de tour et 100 pieds de hauteur
en cent ans; il aurait fallu 200 ans pour avoir un chêne de la même gros-
seur; cet arbre n’a pas d’aubier, son bois est parfait. On croit, en France,
que le Châtaignier ne donne pas de semence qui mürisse; cela n’est pas
exact pour l'Angleterre. Cet arbre ne souffre pas de la maladie; il ne craint
que les gelées; mais les gelées ne sont pas très fortes dans le sud de l’An-
gleterre. Le Châtaignier fournit un bon matériel.
Le Pin Weymouth, essence jugée très médiocre, a été dans le sud de
l'Angleterre introduit avec succès en sous-étage dans des peuplements de
pin sylvestre. Lorsque ceux-ci ont atteint l'âge de 50 ou 6o ans, on en
coupe les mauvais sujets et on les remplace par des Pins Weymouth, qui
ont l’avantage de maintenir le sol toujours couvert. À la fin de la période
de révolution du Pin sylvestre qui est de 120 ans, on obtient par ce
mélange de très bons résultats. Les bois sont vendus à un prix satisfaisant ,
sans qu'on distingue le prix de chacune de ces essences.
—#0( 152 }e—
Dans le pays de Galles, on à introduit le Sapin de Douglas, qui a une
croissance très rapide; on voit fréquemment des arbres de trente ans qui
ont Go pieds de hauteur et 3 pieds de tour. Il n'y a pas de massifs bien
établis de ces pins: c’est une essence qui coûte très cher chez les pépinié-
ristes. Il y a des endroits où le Mélèze ne convient pas et où le Pin Dou-
glas pousse très bien. Il souffre de nos vents d'ouest plus que toute autre
essence; il faut le planter dans des endroits abrités.
Je ne veux pas parler des autres essences exotiques qu’on plante dans
les jardins et dans les parcs; je me borne à celles qui sont utilisables pour
des besoins économiques. [l y a en Angleterre des pépinières plus grandes
que dans tout autre pays; nous possédons, à Chester, une pépinière de
oo hectares avec des arbres de toutes espèces, qu’on plante en Irlande
et au pays de Galles. Si nous sommes en retard sur d’autres pays au point
de vue de la sylviculture, il faut reconnaître que nous plantons beaucoup.
L agr iculture subit actuellement une crise; dans vingt ans, nous aurons de
belles forêts là où 1l y avait autrefois des champs de blé; on a planté en
bois beaucoup de terrains incultes où on ne trouvait que des genêts, des
épines et des lapins. (Applaudissements. )
M. ce Présinent. L'assemblée remercie M. Fischer de sa très inté-
ressante communication. (Applaudissements.) La parole est à M. Zeerleder
de Fischer, inspecteur des forêts en retraite, à Berne.
M. Zerniever. Je voudrais préconiser une essence exotique que j'ai
observée dans nos forêts de Suisse, c’est l’Abies Douglasi ‘qui jouit de la fa-
veur des forestiers suisses et allemands: elle produit de bons résultats dans
les futaies de hêtre et dans les futaies mélangées. Dans les premières, il y
a des emplacements où la venue ne se fait pas d'elle-même; si on veut
faire l'ensemencement, le Douglasi reste en retard et ces lacunes D nn
de subsister pendant tout l'aménagement. Pour les combler, on a essayé
de planter des Épicéas qui poussent trop vite et suppriment le Hêtre; on a
planté aussi des Sapins blanes, mais ils croissent trop lentement.
Dans les positions du nord, nord-ouest et nord-est. le Douglasi, à la
condition de ne pas le laisser libre, parce qu'il souffre des gelées, mais
mélangé avec le Hêtre, pousse très bien, plus vite que le Hêtre, sans le
repousser, [ a des troncs robustes qui résistent bien au vent. Les arbres de
vingt-cinq ans que nous possédons ont 8 à 10 mètres de haut et une
épaisseur du tronc de 15 à 20 centimètres à 1 mètre au-dessus du sol.
“4
|
L
es 153 Jes—
Parmi toutes les essences exotiques. c’est celle qui réussit le mieux chez
nous, et on peut très utilement l’employer comme bois de réserve dans les
taillis sous futaie. (Applaudissements. )
M. Hurrez présente un travail de M. Gilardont, conservateur des forêts,
sur le Chêne de Juin. C’est une variété de Chêne pédonculé très répandue.
Il à pour caractère d’être excessivement tardif; les jeunes plants sont en
retard sur leurs congénères; c’est un avantage dans les terrains où 1l faut
craindre les gelées printanières; c’est une variété qu'il peut y avoir intérêt
à propager.
M. Pardé a dit tout à l’heure qu'il était utile de désigner les essences
exotiques par leur nom véritable; il nous l’a montré lui-même, car ce n'est
pas le Cèdre qui sert à faire les crayons, mais le Genévrier de Virginie.
Quant au Douglasi, je lai vu dans le Palatinat, où 1l donne de bons
résultats; mais il redoute l’insolation et recherche les terrains sablonneux,
frais et profonds. (Très bien ! très bien!)
M. Taxassesco, inspecteur des forêts de l'État, en Roumanie. Je vou-
drais vous conduire dans les forêts de mon pays, qui sont peu connues,
et vous montrer les richesses qui y sont accumulées.
Plusieurs éminents forestiers français ont été envoyés en mission en
Roumanie pour y étudier nos forêts; ce sont MM. Bouquet de La Grye,
Broilliard, et Huffel, le distingué professeur de l'École forestière de 1 Nancy.
avec lequel j'ai passé de belles journées dans nos forêts. Je saisis l’occasion
qui m'est offerte de remercier ces Messieurs des bons conseils qu'ils nous
ont donnés et dont nous avons liré grand profit.
Le royaume de Roumanie est situé entre 20° 5' et 27° 20’ de longitude
Est et entre 43° 38" et 48° 25' de latitude Nord, et il fait partie de la
grande région de l’Europe orientale.
L’étendue de son territoire est de 131,357 kilomètres carrés.
Sa population, en 1598, était de 5,690,880 habitants.
Le domaine forestier se répartit de la façon suivante :
État ares Aie Ve) PERMET AREAS ... 1,085,033 hectares.
Établissements OR 0 PR EE 129,986
Domame des Couronne :.:,:%.7.244:..7. duo. 70,188
PARICRMEDE Sc Ne ni 2e PO rite AN OUR 1,192,841
4) On peut compter 16 p. 100 de vides.
—#2( 154 ).e3—
L'État est donc aujourd’hui le plus grand propriétaire de forêts : il pos-
sède 39 p. 100 de la surface totale boisée du pays.
La sécularisation des biens de l'Église, faite en vertu du décret de
1859 et d’autres lois postérieures, AE l'État propriétaire d'un vaste
domaine forestier, qui est, à peu de chose près, celui d'aujourd'hui, et
dès lors la création d’un corps spécial de forestiers s’imposait tout naturel-
lement.
Les premiers vestiges de cette création se retrouvent dans la loi du
10 mars 1860 par laquelle fut instituée la Direction des Forêts attachée
au Ministère de l'Instruction publique et des Cultes avec le personnel suivant :
À l'Administration centrale : 1 directeur des forêts, 1 chef de cabinet
sous ses ordres immédiats et 5 rédacteurs et commis.
Dans le Service extérieur : 7 chefs de cantonnement pour la Valachie
et 6 pour la Moldavie.
Aujourd'hui les cadres du corps forestier de l'État se composent de
156 agents supérieurs, parmi lesquels 6o sont d'anciens élèves de l'École
forestière de Nancy, qui est l'école du monde ayant fourni le plus grand
nombre de forestiers étrangers.
Le personnel inférieur est composé de 123 brigadiers et de plus de
2,h00 gardes de différentes classes.
IH résulte de là que nous avons un agent supérieur par 7,000 hectares et
un agent inférieur par 425 hectares.
Voilà le personnel dont dispose l'État en 1900. Voyons ce qui se passe
chez les autres propriétaires forestiers.
Parmi les établissements publics, il n’y a que l'Administration des
hôpitaux civils de Bucarest, l'Administration des hôpitaux de S. Spiridon
de Jassy, et l'Église Madona Dudu de Craiova qui ont des sylviculteurs
pour administrer leurs forêts. Ces forêts ont une superficie de 98,741 hec-
tares. Les communes, églises et autres personnes civiles, n’ont pas de syl-
viculteurs.
L’Administration des Domaines de la Couronne administre ses vastes
domaines agricoles et forestiers par un corps de sylvicalteurs et agents do-
maniaux.
La création de ce Corps remonte à 1884, année de la fondation de
l'administration elle-même, et ses membres ont été à l’origine recrutés
pour la plupart parmi les agents forestiers de l'État.
Parmi les particuliers, L y en a fort peu qui aient des forestiers pour
l'exploitation de leurs forêts.
+2 155 )es—
On peut citer : S. M. le roi de Roumanie, la princesse de Schônburg-
Waldenburg; MM. P.-P. Carp, Ghica Comanesti, prince Stirbey, etc.,
qui ont tous engagé des forestiers allemands.
En ce qui concerne la législation forestière, avant 1881, tous les déliis
forestiers étaient punis par les codes civil et pénal alors en vigueur. Les
propriétaires exploitaient ou défrichaient leurs forêts comme ils l’enten-
daent.
Le 19 juin 1881 fut promulgué le code forestier; 1l comprend 46 ar-
cles.
Les forêts sont divisées par ce code en deux grandes catégories : les
forêts soumises au régime forestier et celles qui ne le sont pas.
Sont soumises au régime forestier :
1° Les forêts de l'État et des communes ;
>° Les forêts des établissements publics, des communautés et des
églises ;
3° Les forêts que des tiers possèdent en indivis avec l'État et les autres
personnes civiles.
L'article 4 dispose : «Les forêts soumises au régime forestier ne pour-
ront être exploitées que d’après un aménagement. »
On peut cependant exploiter des forêts après une étude sommaire, en
attendant que l'aménagement soit fait.
Les articles 11 et 13 soumettent au régime forestier les bois des par-
ticuliers et autres situés en région de montagne, de même que ceux qui
servent de protection aux chemins de fer et aux routes; 1ls ordonnent leur
aménagement par les forestiers de l'Etat.
Les forêts qui tombent sous le coup des articles 11 et 13 ne peuvent
être défrichées, non plus que celles qui servent à la protection des barrages,
à la fixation des berges, à la conservation des sources et à la défense du
territoire sur la frontière.
Il est utile de faire remarquer que les forêts de l'État ne sont grevées
d'aucun droit de servitude.
Avant la loi de 1864, par laquelle les paysans corvéables deviennent
propriétaires, les habitants des campagnes avaient droit au bois mort, en
vertu du droit.de corvée et des engagements faits avec le propriétaire,
Ce droit n'existe plus aujourd'hui.
Avant d'aborder les questions de statistique, 1l est utile d'examiner la
flore forestière roumaine, de vous conduire à travers nos forêts que vous
apprendrez ainsi à connaître, Vous pourrez mieux, de cette façon, vous
_aex( 156 }es—
faire une idée de la région climatérique dans laquelle se trouve le royaume
de Roumanie et de l'importance de nos forêts.
Il n'est pas sans intérêt, je crois, de connaitre la manière dont les diffé-
rentes essences forestières entrent dans la composition de nos massifs.
Le royaume de Roumanie a une forme caractéristique qui est celle d’un
croissant. La partie concave est formée par la chaîne des monts Carpathes
de laquelle se détachent de nombreuses ramifications qui viennent se
perdre dans la région de la plaine. Ces plaines sont limitées à l'est par le
Pruth et la mer Noire et au sud par le Danube. La surface du pays est di-
visée en trois régions bien distinctes et bien caractérisées par leur végéta-
tion : la haute montagne, les collines et la plaine.
Région montagneuse. — Les sommets des hautes montagnes sont géné-
ralement dénudés. La végétation forestière y est remplacée par de vastes
pâturages où de jolis troupeaux de brebis et de vaches trouvent la nourri-
ture pendant l'été, du 1° mai au 1° septembre. Ces pâturages se trouvent
à 1.000 mètres d'altitude et au-dessus.
Au-dessous des pâturages, on trouve dans les parties plus abritées le
Pinus mughus sur des étendues assez grandes : c’est là le commencement
de la végétation.
Plus bas, entre 1,800 et 1,300 mètres d'altitude, on trouve l'Épicéa
qui constitue de beaux et grands massifs, à l'état pur; ces massifs sont
encore vierges dans certaines parties de nos montagnes, difficilement acces-
sibles.
Plus bas encore, le Sapin apparaît par e1 par là, et 1l devient d'autant
plus commun que lon descend aux altitudes inférieures. lei, le Sapin,
tantôt par bouquets, tantôt en mélange intime, forme les massifs avec
l'Épicéa.
Ce mélange ne se trouve que jusqu’à 1,000 mètres d'altitude sauf
8 que jusq
les exceptions provenant du fait de l'exposition — car presque en même
temps que le Sapin, apparaît aussi le Hêtre.
Au-dessous de 1,000 mètres d'altitude, le Sapin et le Hêtre constituent
seuls la forêt, le premier devenant de plus en plus rare et cédant sa place
au Hêtre, qui constitue enfin de vastes massifs à l’état pur.
Aux expositions sud et ouest, le Hêtre pur ou mélangé à quelques rési-
neux se retrouve Jusqu'à 1,200 mètres d'altitude.
En résumé, dans la région de montagne on trouve : au sommet l'Épicéa
pur ou en mélange avec le Sapin; sur les flancs, le Sapin avec le Hêtre à
N dt
RAT Ver
égale proportion ou le Hêtre prédominant; enfin, à la base, le Hêtre
pur.
Toutes les autres espèces, telles que Pinus cembra, Larix siberica, Taxus
baccata, Acer pseudo-platanus, ne se trouvent que sporadiquement. Le Bou-
leau (Betula alba) constitue des bouquets sur des cônes de déjection (ou
éboulements) et dans les vallées, bouquets sous lesquels viennent plus
tard s'installer le Sapin et l'Épicéa.
De même le Pin sylvestre (Pinus sylvestnis) se présente sous la forme de
bouquets plus intenses à la base des montagnes, occupant une superficie
très minime.
La répion des collines commence au-dessous de 800 mètres d'altitude.
À sa partie supérieure on trouve le Hêtre pur ou presque pur; il est mé-
langé au Chêne rouvre sur les versants exposés au sud-ouest, et, dans ce
cas, le Chêne rouvre se trouve généralement en bouquets.
A mesure qu'on descend, le Chêne rouvre est plus fréquent et le Hêtre
devient de plus en plus rare; il ne se retrouve plus qu’au fond des vallées,
se mélange au charme et finalement disparaît. Le Chêne rouvre et le Chêne
gârnita (Querceus robur et conferta) constituent alors le massif à l’état pur:
le Chêne pédonculé apparaît sporadiquement dans les vallées, à la base
des collines.
Les éléments principaux qui entrent dans la constitution des massifs de
la région des collines sont donc : le Hêtre, le Chêne rouvre et le Chêne
conferta. Les éléments secondaires sont : le Chêne pédonculé, l'Érable (Ju-
gastru), le Charme, le Frêne, l'Orme, le Bouleau, lAlisier, le Pommier,
le Merisier; parmi ces essences, 1l n’y a que le Charme et le Bouleau qui
forment quelquefois des boqueteaux, les autres ne se trouvent qu'à l’état
isolé dans les massifs.
Le Coudrier-Noisetier est un des arbustes les plus communs de cette
région, au point qu'il est même à craindre.
L’Aune noir et l'Aune cendré forment exelusivement les aulnaies qui se
trouvent dans les vallées de la région montagneuse et de la région des
collines.
La rénon de la plaine commence vers 250 mètres d'altitude; elle est ca-
ractérisée par des massifs de chêne pédonculé pur ou en mélange avec le
Frêne et le Chêne cerris. On y trouve aussi des forêts de composition tout
à fait particulière et qui portent ici le nom de «forêts de sleau». On y
trouve côte à côte le Chêne pédonculé, l'Érable champêtre, l'Érable tar-
tare (Acer tartarica), le Tilleul, le Charme, lOrme, lAlisier, le Chêne
—#3( 158 )e3—
chevelu, le Peuplier tremble, et le mélange de ces essences est tel, que
sur une surface de quelques ares on peut les trouver presque toutes. Ce
sont des forêts dévastées par des exploitations abusives et le pâturage.
Sur les bords des rivières et du Danube. nous avons des aulnaies com
posées de saule, peuplier et aune.
__ La Dobrogea, quoique comprise entre la mer et le Danube, présente,
à cause de la configuration accidentée de son sol, une végétation de plaine
et une végétation de colline; la première est prédominante.
Sur les sols sablonneux du bord de la mer Noire, nous trouvons des
forêts de chène pédonculé pur, mais dégénérées.
Au point de vue de leur importance dans la composition des massifs,
les essences peuvent se ranger dans l’ordre suivant : 1° le Hêtre: 9° le
Chêne et ses variétés; 3° lEpicéa; 4° le Sapin; 5° les autres essences,
comme le Tilleul, le Charme, le Frêne, l'Orme, ete.; le Hêtre couvre donc
plus grande superficie de terrain boisé en Roumanie. Telle est, en résumé,
la composition de nos massifs forestiers.
La Roumanie n’est pas un pays industriel; malgré cela, l'état de ses
forêts n'est pas florissant. Examinons séparément chaque région.
Dans la révion montagneuse, les forêts de résineux des mosnem et des
petits propriétaires sont presque ruinées; les forêts de l'État, des établisse-
ments publics et des grands propriétaires sont encore en bon état: on y
trouve souvent des épicéas de 50 à 65 mètres de hauteur et de 1 mètre
de diamètre à 1 m. 30 du sol.
Dans la région des collines, Ve Quercus robur et le Quercus conferta attei-
gnant les dimensions des bois d'œuvre et d'industrie, deviennent de plus
en plus rares; il n’y en a plus guère que dans les forêts de l'État où l'on
trouve encore des sujets ayant un fût de 10 à 12 mètres et un diamètre
de 6o à +100 centimètres.
Toutefois, l'étendue des forêts se maintient la même.
Dans la région de la plaine, presque toutes les forêts sont exploitées,
même celles de l'État. Le périmètre des forêts est modifié chaque année
par de nouveaux défrichements, le domaine agricole prenant de l'extension
au détriment du domaine forestier dont l'étendue diminue de plus en
plus.
Seuls l'État et les établissements publics conservent encore leurs forêts;
les forêts des particuliers disparaissent peu à peu: on n’y trouve plus
d'arbres de grandes dimensions.
L'État possède encore 9,530 hectares de forêts d’acacias âgés de cinq
ART ds A 5,
AU PPT D PPT NS PS
—#3( 159 es
à selze ans, et provenant des plantations commencées en 1884 dans les
sables mouvants du Danube.
Je ne veux pas abuser de votre bonne volonté, et 11 me faudrait trop de
temps pour vous exposer la manière dont nous avons procédé pour la fixa-
tion des sables mouvants. Je ferai peut-être une communication sur ce
point dans la Revue des Eaux et Forêts.
Après vous avoir montré l’état et la composition de nos massifs fores-
tiers, occupons-nous un peu de statistique.
Le domaine forestier du royaume de Roumanie ne représente que 21
p.100 de la surface de son territoire, c'est-à-dire 4 p. 100 seulement
de plus que la France.
Ce domaine forestier à une étendue de 2,774,048 hectares, et 11 est
réparti de la façon que J'ai indiquée en commençant.
Les forêts de l'État représentent plus de 50 p. 100 des forêts du pays
dans onze départements parmi lesquels :
ee AR are dt meishe te gratte es Ÿ ae © 92 p. 100.
RE he A M Se nas Ut me dote ( 165 )es-
son ressemis naturel et son bon accroissement, même dans des sables
arides.
Somme toute, avec les PR le résultat est encourageant, quoique
la Sologne soit pays de plaine et font chaude en été.
Les essais sur les arbres feuillus portent surtout sur trois chênes améri-
cains : palustris, coccinea, rubra. Tous s’annoncent comme devant réussir
dans les sables de Sologne. L’essai du petit chêne Bamsteri (Q. heifolia)
eût été intéressant. [Il est très accommodant, fructifie très jeune et ses buis-
sons reçoivent fréquemment des semis naturels qui les étoufferont un Jour.
Son utilisation dans les chasses pourrait être essayée en Sologne.
M. Cannon conclut à lintérêt que présentent les essais d'introduction
d'arbres étrangers spécialement pour les régions de plaines et pour les
milieux défavorables à nos arbres indigènes. Dans le nombre si grand des
arbres étrangers. on est en droit d'espérer que quelques uns, doués d’ap-
titudes spéciales, se montreront propres à occuper profitablement des
terrains où les nôtres n'auraient donné que des produits insuffisants. (Ap-
plaudissements.)
M. ce PRÉSIDENT propose de voter des félicitations à M. Cannon et à
ME. de Vilmorin pour leurs intéressantes communications. ( Adopté.)
M. »e Vicmorin donne lecture de son rapport sur le mémoire de
M. Pardé. intitulé : Les principaux vépélaux liyneux exotiques au point de vue
forestier".
Le mémoire très méthodique et complet de M. Pardé donne la descrip-
tion sommaire, l'usage et relate les essais en Europe d’un grand nombre
d'espèces ligneuses exotiques. Ces indications particulières sont précédées
et suivies d'observations générales intéressantes à connaître.
Parlant des essais de culture faits à l'étranger, M. Pardé estime qu'il
n'y a point à pour le forestier une simple question de curiosité, mais qu'il
faut y voir aussi un côté pratique.
Beaucoup contestent ce côté pratique, niant que la naturalisation des
espèces exotiques soit possible ou que leurs produits puissent égaler en
qualité ceux des espèces indigènes. Or l'expérience prouve qne la natura-
lisation a été obtenue pour un petit nombre d'espèces : mürier, platane
et plus récemment peuplier de Virginie. ailante, robinier, ete.
Voir le mémoire de M, Pardé aux annexes (annexe n° 8),
eut 166 Jer—
Sur le second point, si les genres d'arbres indigènes où les espèces
sont relativement nombreuses, chênes, ormes, frênes présentent presque
toujours des qualités supérieures chez les espèces indigènes, il n’en reste
pas moins acquis que celles-ci ne répondent pas à tous nos besoins,
puisque des produits d'arbres étrangers similaires sont importés en notre
pays en quantité notable.
Mais surtout il faut observer que certains genres ne sont pas repré-
sentés en notre pays, bien que les conditions biologiques ne les excluent
nullement; tels sont : le tulipier, les grandes légumineuses, le Paulownia,
les Carva dont le bois n’a point d’analogue dans nos essences indigènes et
trouve des emplois uliles pour des usages variés. Ces bois spéciaux ne
pourraient-ils être obtenus en France?
Il faut encore tenir compte de la productivité; ainsi le Chêne rouge
d'Amérique ne donne pas des produits d’une aussi bonne qualité que nos
chènes indigènes .-mais 1l les fournit beaucoup plus rapidement, H en est
de même du mélèze japonais vis-à-vis du mélèze européen. Enfin cer-
taines espèces étrangères se montrent aptes à végéter convenablement en
des milieux ou terrains où aucun de nos arbres n'aurait une végétation
comparable.
Pour toutes ces raisons, M. Pardé croit qu'un certain nombre de végé-
taux ligneux exotiques peuvent rendre des services à la sylviculture.
La question est de savoir quels sont ces végétaux. Pour la résoudre, il
faut faire des essais et les répéter dans différents sols et différentes sta-
üons.
Tout boisement constituant un placement à échéance plus ou moins
lointaine, les grands propriétaires forestiers et l'État en particulier peuvent
à peu pr ès nt entreprendre ces essais: c’est surtout aux agents forestiers
chargés d'administrer le domaine de l'État qu'il appartient, dit M. Pardé,
de faire les essais qu'il réclame.
Cette opinion de M. Pardé paraît basée sur des raisons sérieuses; nos
lois suecessorales ni nos mœurs francaises ne favorisent la transmission
héréditaire de grands’domaines pendant plusieurs générations et l'œuvre
d'expérimentation forestière chez les particuliers sera forcément rare; les
personnes mêmes qui pensent qu ‘en principe l'initiative privée doit s'exer-
cer partout où la logique ne lui impose pas des limites reconnaîtront que,
dans notre pays, l'État peut ici beaucoup plus que les particuliers,
M. Pardé conclut en émettant le vœu que les résullats obtenus, aussi
bien les mauvais que les bons, soient portés à la connaissance des inté-
4
CRE PEER NN
Édanii sti ntiie: drift hs
He ARR ER Me
si de per = : PRIS
—+#3( 167 )es—
ressés et que les revues et bulletins de sociétés veuillent bien leur faire
une place dans le choix de leurs articles. [ls rendront ainsi service à la
sylviculture tout en intéressant leurs lecteurs.
Telles sont les considérations générales énoncées dans le mémoire ou
qui s'en dégagent.
Dans l’examen critique des apiüitudes de chaque essence et de sa façon
de se comporter dans les essais, plusieurs faits intéressants sont relevés
par M. Pardé. Les essais de M. Buffaut constatent la bonne réussite dans
les dunes de Gascogne du Févier triacanthos, du Négondo commun et sur-
tout du Cyprès de Lambert.
La disparition progressive du Noyer commun est signalée par M. Pardé;
son rôle de producteur d'huile parait fini; on exploite l'arbre quand il est
à maturité et l’on replante rarement, Son bois peut être à peu près suppléé
par celui du Noyer noir d'Amérique, des Carya porcina, alba et amara qui
ont tous sur le Noyer commun lavantage de pouvoir croître en massif;
l'essai sérieux de ces arbres paraît très motivé. Si leur propagation, sur-
tout celle des Carya, déjà fort recommandée par Michaux, n’a pas été plus
abondante, c’est qu'on a été rebuté par la mauvaise reprise des plants. La
longueur du pivot de ceux-ci est, en effet, un obstacle à la replantation,
il faut recourir aux semis en place.
En ce qui concerne les comifères, des essais sérieux sont conseillés avec
le Gyprès de Lawson qui réussit bien dans les dunes de Gascogne et d’ail-
leurs presque partout: avec le Pin du Lord Weymouth dans les sables
humides et même tourbeux; avec le Sapin de Nordmann et le Pinsapo
qui admettent des degrés de sécheresse et chaleur atmosphériques et des
sols caleaires non tolérés par la plupart des autres sapins.
En raison de l’âge avancé auquel il produit son bois de cœur, le Sapin
de Douglas parait réservé aux boisements de l'État seulement, à moins
que l’utilisation de son bois blanc ne s’aflirme plus sûrement.
Le fait intéressant du semis naturel du Tuya gigantea ( Lobbù) en massif
serré est signalé par M. Pardé, é’est un point important en faveur de ce
bel arbre. La réussite du Genévrier de Virginie en sables médiocres, au
voisinage de la mer, est encore un fait à signaler ainsi que la résistance
extrême du Picea alba à la violence des vents. |
Le rapport de M. Pardé sera lu avec grand intérêt par toutes les per-
sonnes pensant à entreprendre des essais et surtout par les forestiers. Îl
est remarquablement complet, mentionnant plus de quarante essences
feuillues et de cinquante conifères.
--#+3( 168 js.
M. Pardé à pu voir un très grand nombre d'arbres exotiques et parti-
culièrement de conifères au domaine des Barres-Vilmorin ., où il a résidé long-
temps. La richesse de cette collection rend désirable impression d’un bon
catalogue descriptif des espèces qui s'y trouvent réunies. ( Applaudissements.)
M. ve Présinenr. L'Assemblée adresse tous ses remerciements à
MM. Pardé et de Vilmorin. (Applaudissements. )
M. Gazix. On vous a parlé du Chêne rouge d'Amérique. Je veux appeler
votre attention sur quelques détails relatifs à cette essence.
Des plantations ds Chènes rouges d'Amérique ont été faites dans les
Vosges 1l y a soixante-dix ans et les massifs sont tous bien venants. Les
sujets sont plus hauts que les chênes voisins; les bois sont plus droits,
parce qu'ils supportent mieux les gelées printanières.
Nous avons à Mirecourt, au mois de mai, — 5°; les chènes ordinaires
ont été gelés, et les chènes rouges, qui étaient déjà feuillés, paraissent
indemnes.
En ce qui concerne la qualité du bois, on m'a aflirmé que e’était un
bois très dur.
Un point très important est la fertilité de ces chênes : 1l y a à peu près
tous les ans une glandée; on trouve à plus de 150 mètres des porte-
graines des chênes rouges qui sont très visibles à l'automne. Cette essence
se propage mieux que les autres par semis. ( Applaudissements.)
M. Borre. Lors de l'Exposition de 1889, j'ai été appelé à faire une
collection des maladies des bois; J'ai constaté que les chênes indigènes
étaient sujets à la gélivure, à la roulure et au double aubier; tous les gros
chènes de Mirecourt portaient des traces de cette maladie. J'ai examiné
aussi les chênes rouges : ils étaient indemnes de toute maladie.
M. Gaz. Les chênes rouges dont je viens de parler ont poussé sur les
terrains siliceux de la Moselle. En connaïît-on qui aient poussé sur des
terrains calcaires ?
M. Rovacuer. J'en ai vu quelques-uns du côté de Baume-les-Dames
qui paraissaient bien venants.
M. Canvox. J'en connais dans le Jardin publie de Pau. qui sont superbes.
Dalé de. .
EEE
—#3( 169 es
M. ve Vismorin. Je les connais très bien; ïls ont poussé sur des terrains
compacts, dépourvus de calcaire. Tous les chênes rouges en Europe sont
calcifuges. Si le sol contient plus de 3 ou 4 p. 100 de chaux. ils ont un
feuillage blanc ou vert pâle. Il ne faut donc pas tenter d'introduire les
chênes rouges dans des terrains calcaires.
M. Gazin a dit que les chênes rouges de Mirecourt avaient un bois très
dur : or, le chêne rouge est considéré en Amérique comme étant d'une
dureté relative. Mais il est possible que le climat d'Europe lui soit plus
favorable que celut d'Amérique; la saison de végétation paraît plus longue
chez nous qu'aux Etats-Unis. Il est possible aussi que les chênes importés
en Europe soient tout à fait de qualité supérieure. ( Applaudissements. )
M. Parpé dépose sur les mémoires présentés les conclusions suivantes :
1° + Qu'il soit fait en forêt, sur de petites surfaces, dans les différentes
régions, sur des stations diverses et sur tous les sols, des essais de boise-
ment portant sur les principales essences exotiques:
2° «Que les résultats, bons ou mauvais, de ces essais soient enregistrés,
centralisés soigneusement , et surtout qu'ils sôient portés à la connaissance
des forestiers. »
M. Zeercener pe Fiscuer demande que ce vœu ait un caractère inter-
national.
Le vœu est adopté.
°,
M. Borre. Sur la question des éclaircies, j'ai recu ce matin le rapport
de M. Büehmerlé, écrit en allemand. Je n'ai pas eu le temps de l'examiner,
je demande qu'un de nos collègues, M. Schaefler, par exemple. soit chargé
de l’examiner et fasse un rapport qui sera inséré dans le compte rendu !!)
(Adopté. )
M. Marion donne lecture, pour M. Clément Sarcé, son grand-père,
(M. Schaeffer a bien voulu accepter la mission de rendre compte de l'ouvrage de M. Bôh-
merlé, ainsi intitulé : Bisherige Erfahrungen aus einigen Durchforstungs und Lichtungsversuchs-
tachen der K. K. forstlichen Versuchsanstalt in Mariabrunn. Anlaszdich der Pariser Welfaustel-
lung 1900, bearbeilet von Karl Béhmerle (Miliheilung der K. K. fortlischen Versuchsanstalt in
Mariabrunn). — Wienn. Verlag von Wilhelm Frick, K. und K. Hofbuchandlung, 1900. — Le
rapport de M. Schaeffer figure aux annexes sous le n° 9.
—#2( 170 jee: C
d’une communication de celui-ci, relative aux délais de transport des
arbres et arbustes par chemins de fer.
Vœu pour l’abaissement des délais de transport.
Le soussigné Clément Sarcé, ancien notaire, membre de la Société des
Agriculteurs de France et des Sociétés forestières de Franche-Comté-Bel-
fort et Belge, expose ce qui suit :
Les plantations, non seulement d'arbres forestiers, mais encore de tous
arbres et arbustes, sont rendues excessivement difiiciles et même sou-
vent compromises par Îlés délais interminables accordés aux compagnies
de chemins de fer. Les plants qui, dans certains cas, ont jusqu'à trente
jours de chemin de fer, arrivent souvent demi-secs et dans le plus déplo-
rable état. La reprise est quelquefois complètement nulle; les propriétaires
se découragent et renoncent aux plantations,
Voiet un exemple de ces délais : Tarif petite vitesse n° 323, De Mavet
(Sarthe), ligne de Tours au Mans, à Paris, distance 541 kilomètres, Îles
délais sont 4 5 Jours, décomposés comme suit :
fl Jour pour la remise ;
s jour pour lexpédition (partout à Fétranger, la remise et l'expédition
se font le même jour );
1 jour pour le trajet de Mayet à Château-du-boir, sur Orléans (20 ki-
lomètres ) ;
1 Jour pour transmission à Château-du-Loir sur l'État :
1 jour de Chäteau-du-Loir à Chartres (139 kilomètres ) ;
1 Jour pour transmission à Chartres;
1 jour de Chartres à Vaugirard-Ouest (80 kilomètres);
Arrivée, 1 Jour.
Total : 8 jours.
Le même trajet de 241 kilomètres se fait à l'étranger bien plus rapide-
ment.
En Angleterre, presque toujours en grande vitesse, à cause de la con-
currence que les compagnies se font entre elles.
En Allemagne, en quatre jours décomposés comme suit : trois jours pour
les 100 premiers kilomètres, compris un jour pour l'expédition et un jour
pour la livraison , un jour pour le trajet de 1 41 kilomètres; les compagnies
doivent faire 200 kilomètres par jour.
in Belgique et Hollande réunies, en trois jours décomposés coime
_sn( 171 js
suit : un jour pour l'expédition, un jour pour la livraison, un jour pour le
trajet de °41 kilomètres. Les compagnies doivent faire 50 kilomètres
indivisibles par jour.
En Italie, en quatre Jours décomposés comme suit : vingt-quatre
heures pour l'expédition dans les gares principales, trente-six heures dans
les gares secondaires, vingt-quatre heures pour les livraisons, vingt-
quatre heures par chaque 125 kilomètres indivisibles. Le délai est aug-
menté de dix-huit lfeures dans le cas de traversée de montagnes offrant
des pentes supérieures à 20 mètres par 1,000 mètres: douze heures pour
le transit d’une compagnie sur une autre.
Et en Russie, en quatre jours décomposés comme suit : vingt-quatre
heures pour le chargement, vingt-quatre heures pour le déchargement,
vingl-quatre heures par 150 verstes (la verste équivaut à 1,077 mètres),
et huit heures pour chaque {ransbordement d'une compagnie surune autre.
J'ai vu les grandes gares de Pétranger. Le personnel ne m'a pas
paru plus intelligent que celui de nos compagnies; le trafic m’a semblé
aussi important qu'en France.
On se demande pourquoi ce qui se fait si facilement à l'étranger ne se
ferait pas en France.
Les compagnies françaises doivent marcher à une vitesse de 150 kilo-
mètres le premier jour, de 125 kilomètre les jours suivants, et dans cer-
tains cas de 200 kilomètres sur les grandes lignes; mais elles ne le font
presque jamais à cause des jours supplémentaires pris pour la remise,
l'expédition et les transbordements aux changements de compagnie où aux
bifurcations sur la même compagnie, etc. .
À l'étranger, les transbordements aux bifurcations d'une même compa-
gnie ne sont jamais comptés. les transhordements d’une compagnie sur
une autre ne sont pas comptés ou bien sont comptés pour huit heures ou
douze heures au plus. En France, c’est toujours un jour.
Cette lenteur nous cause un préjudice incalculable et fait en ce moment
la fortune d'Anvers. Les navires vont décharger leurs cargaisons à Anvers
pour ne point avoir recours à uos chemins de fer. L’Angleterre s'approwi-
sionne de fleurs à Gand et délaisse Angers et Orléans. Dernièrement, au
cours d’un séjour à Gand, j'ai vendu pour 80,000 francs de fleurs en
un Jour.
Les compagnies, en réduisant leurs délais pour les mettre en conformité
de ceux pratiqués à l'étranger, verraient leur trafie augmenter dans des
proportions énormes.
—#+>( 172 )es-—
La fortune publique augmenterait également par le boi-ement de ter-
rains incultes et par des plantations d'arbres de toutes sortes.
En conséquence, je propose au Congrès international de Sylriculture
d'émettre le vœu suivant : |
+ Que les délais de chemins de fer pour le transport des plants d’arbres
et arbustes vivants soient abaissés pour être mis en conformité de ceux
appliqués à l'étranger et surtout que les jours pris pour transbordement
soient supprimés. »
Pontvallain (Sarthe), juin 1900.
Signé : Clément Sarcé.
Nora. — Déjà le Congrès de 189g de la Société des Agriculteurs de
France et celui de la Société forestière de Franche-Comté et Belfort ont
émis le vœu :
«Que les délais des compagnies de chemins de fer en matière de trans-
port de plants d'arbres soient abaissés. »
Et même, la Société des Agriculteurs de France, à la suite de dé-
marches faites auprès des compagnies, a obtenu :
o
1° Leur renonciation aux cinq jours supplémentaires qu'elles avaient le
droit d'exiger en plus des délais réglementaires en cas de transbordement
d’une compagnie sur une autre;
2° Et une amélioration très grande dans les Larifs P.V. n° 323, lesquels
ont été abaissés dans des proportions très sensibles et rendus compréhen-
sibles par la base décroissante à partir de la gare de départ jusqu'à la
gare d'arrivée.
M. Marron dépose les conclusions suivantes :
+ Que les délais de chemin de fer pour le transport des plants d'arbres
et arbustes vivants soient abaissés pour être mis en conformité de ceux
appliqués à l'étranger et surtout que les jours pris pour transbordement
soient supprimés. »
Ces conclusions sont adoptées.
\. Le Présinenr. L'ordre du jour appelle la discussion de la question
suivante :
Stations de recherches et d'expériences : bureaux d'informations. — Uulié.
programmes et résultats.
ar 7e
s a hf te Cons à
—#2( 173 jee —
M. Le Pnésinent fait remarquer que celte question a déjà été traitée
dans les précédentes séances, notamment par M. Runacher.
NM. Guvor ajoute que les résultats constatés au point de vue de la météo-
rologie à la station de Nancy ont été donnés à la 2° section.
M. ce Présipenr. L'ordre du jour est épuisé.
La séance est levée à midi.
Pol.) EME ICE : robe mien À En RSS D ES an és ET ER
- A, "Le 0 La + ês de +? - ER
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LE ER Ca - Je Le
4 - TaAr
-
—#>( 174 js.
PREMIÈRE SECTION.
ANNEXE GES 22
TRAITEMENT DU SAPIN.
UTILITÉ ET NÉCESSITÉ DES STATIONS DE RECHERCHES
POUR DÉTERMINER
LE MODE DE TRAITEMENT LE PLUS AVANTAGEUX.
Généralités , définitions. — Le sapin peut être soumis à deux modes de traitement :
celui de la futaie pleine, ou du réensemencement naturel et des éclaircies, et celui du
jardinage. (Je ne parlerai pas du tire et aire.)
La futaie pleine doit renfermer des bois de tous les âges groupés en masses régulières,
disposées autant que possible les unes à la suite des autres, de manière à présenter
successivement tous les élages depuis les brins naissants jusqu'aux vieilles écorces. Elle
comporte deux sortes de coupes : 1° celles de régénération (ensemencement, secondaires
et définitives) au moyen desquelles on réalise les bois mürs dans les parties les plus
àgées, pour y produire le réensemencement naturel et leur remplaeement complet par de
jeunes bois, semis et gaulis, à la fin de la période: 9° les coupes d'amélioration, net-
loiements et éclaircies, qui ont pour but de maintenir l'ensemble des massifs à l'état
révulier, ou de régulariser peu à peu ceux qui ne le sont pas et, d'autre part, de Îles
amener progressivement ef le plus rapidement possible à la maturité pour être régénérés
les uns après les autres, jusqu'à ce que toute la forêt ait été ainsi parcourue pendant
la révolution. On recommencera et on continuera ensuite de même, pendant chaque
révolution suivante,
Dans la futaie jardinée les bois de Lous les âges sont partout confusément mêlés el
élagés les uns au-dessus des autres. Elle n’est soumise qu'à une seule nature de coupe,
la coupe jardinaloire, par laquelle on prend la possibilité parmi les bois mürs et ceux
que leurs dimensions rendent exploitables, choisis, de ci, de là, sur des étendues va-
riables, mais de manière à parcourir toute la forêt pendant un nombre d'années déter-
miné à l'avance, appelé rotation (8 à 15 ans). On réalise en même temps les bois
défecteux, morts où mourants, toutes les fois que l'on en rencontre.
lei les bois dominés ne doivent jamais être enlevés tant qu'ils sont encore en vie,
puisqu'ils peuvent être appelés à remplacer, d'un moment à l'autre, ceux qui les
dominent.
—#2( 175 jee
Il me semble inutile de donner plus de détails sur ces deux sortes de traitement qui
ont fait l'objet de nombreux traités de sylviculture et d'aménagement et dont les prin-
cipes et les règles sont connus de tous les forestiers.
La méthode du réensemencement naturel et des éclaircies, importée en France par
M. Lorentz, n'a commencé à y étre appliquée que vers la fin de la première moitié de
ce siècle et déjà, depuis de nombreuses années, on semble vouloir labandonner pour
retourner au point de départ, au jardinage. Avant de prendre une pareille détermina-
tion:qui peut avoir une très grande influence sur l'avenir de nos sapinières, ne serait-1|
pas utile de s'assurer, par un examen attenlif et minutieux, s'il ne vaudrait pas mieux
conserver cette méthode en y apportant les modifications et les perfectionnements indi-
diqués par une longue pratique? Autrement, on risquerait, par une trop grande pré-
cipitation, d'avoir à regretter une erreur dont on aurait à réparer les conséquences fà-
cheuses. Car enfin, ce qui était vrai il y a 60 ou 70 ans, l'est encore aujourd'hui et les
raisons invoqnées autrefois contre le jardinage subsistent toujours. On en trouve lénu-
mération complète et détaillée dans La culture des bois, de Lorentz et Parade (p. 502,
4° ligne), que je ne puis nueux faire que de citer en entier : #11 résulte de cette ma-
nière d'opérer (coupes jardinatoires) que la forêt présente, sur tous les points, des bois
de tout âge confusément mêlés, depuis le jeune brin jusqu'à la vieille écorce, et que les
arbres qui ont le plus de grosseur et d'élévation gênent ceux qui se trouvent immédiate-
ment sous leur couvert et en ralenlissent la végétation. De plus, les arbres, n'étant pas
serrés entre eux, s'étendent en branches, deviennent presque toujours noueux et n'at-
teignent pas la hauteur que la nature leur a assignée. [en résulte encore que, s’élevant
pour ainsi dire par échelons, ils ne peuvent se tenir réciproquement et ne présentent
pas assez de résistance aux coups de vent et à la pression de la neige et du givre. Les
bois les plus faibles, arrêtés dans leur végétation par ceux qui les surmontent, con-
tractent des germes de maladie, lorsque cet état de gêne se prolonge; presque toujours
ils languissent, rarement ils arrivent à un beau développement.
-Le jardinage, en disséminant les exploitations sur de très grandes surfaces, rend la
surveillance fort difficile et augmente considérablement les dégäts de l'abatage et de la
vidange. Mais le reproche le plus grave auquel donne lieu ce mode, c'est de ne faire
rendre aux forêts, dans un temps donné, que des produits matériels très inférieurs en
quantité et en qualilé, à ceux que l'on obtient par la méthode du réensemencement na-
turel et des éclaircies. H suflit de comparer l'influence de ces deux modes sur la végé-
tation, pour être convaincu de cette vérité, En eflet, dans les forêts jardinées, nous
voyons les bois de toute catégorie entravés dans leur développement, pendant un temps
plus où moins long et souvent jusqu'à la fin de leur existence; dans la futaie régulière,
au contraire, la croissance est favorisée dès la première jeunesse et activée, jusqu'au
terme de la maturité, par des exploitations périodiques entreprises dans ce but. Or, 1
est évident que, de deux forêts, celle qui fournira le plus de matière dans un temps
donné, est celle où la généralité des arbres aura l'accroissement le plus fort et le plus
soutenu, toutes circonstances égales d’ailleurs. Ajoutons que, dans la futaie jardinée, il
n'est pas question d'enlever, comme dans la futaie régulière, les jeunes bois dominés
qui, par conséquent, sont perdus pour la consommation ?”.
!) Ces bois ne sont enlevés que quand ils sont secs, c'est-à-dire quand ils ont perdu une grande
partie de leur valeur.
#3 176 )3--—
- Quant à la qualité des bois, la facilité qu'ils ont, dans la futaie jardinée, de s'étendre
en branches, les rend inférieurs pour la construction et la fente, à ceux qui ont erû en
massif : el il est à remarquer, en outre, que les dégâts considérables causés par l'abatage
et la vidange dans une telle forêt, y multiplient les arbres viciés, tandis que l'on n'en
rencontre que peu dans les futaies régulières. »
\insi done les résultats du jardinage devraient être inférieurs à ceux de la méthode
naturelle et cependant celle-ci, de l'avis d’un grand nombre de forestiers, ne parait pas
avoir justifié les prévisions de nos maitres qui l'ont enseignée avec une si grande ton-
viction et de nos prédécesseurs, leurs premiers élèves, qui l'avaient acceptée avec tant
d'empressement.
Objections soulevées contre le mode des éclaircies. — Les rendements de la futaie régu-
lière, disent ses détracteurs, seraient moindres que ceux de la forêt jardinée; la première
exigerait une accumulation plus grande de matériel, de longues révolutions et des soins
délicats et constants: enfin on ne serait pas parvenu à régulariser les massifs dans les
futaies soumises au mode des éelaircies,
. Examen de ces objections. — La théorie serait donc, cette fois, en contradiction avec
la pratique! Mais est-on suflisamment fondé à conclure, sans craindre de se tromper,
qu'il faut retourner en arrière et délaisser complètement le mode du réensemencement
naturel et des éclaircies? Est-ce ce mode de traitement qui est mauvais, où ne faut-il pas
plutôt en attribuer les insuccès à l'inexpérience de ceux qui l'ont appliqué, inexpérience
résultant de l'insuflisance de renseignements sur l’état d'un peuplement normal régulier
aux différents âges et sur le degré de consistance qui lui convient le mieux? A-t-on bien
compris la pensée et l'enseignement de nos illustres maitres et suivi scrupuleusement
leurs prescriptions? N'a-t-on pas trop souvent oublié qu'en lappelant la methode du
réensemencement naturel et des éclaircies, s avaient attaché aux éclaireies une importance
capitale? IL est évident que, pour eux, la coupe d'éclaircie doit être considérée comme la
base même du traitement; il suffit de voir avec quels soins et quels détails ils en ont
donné la description dans le traité de culture.
Ce sont elles, en eflet, qui permettent, d'une part, de maintenir les massifs dans un
état convenablement serré, où les tiges seront toujours à une distance suflisante les unes
des autres, pour ne pas trop se gêner réciproquement dans leur développement, mais
cependant assez rapprochées pour que l'élagage naturel et progressif des branches
inférieures provoque l'allongement des fûts: et, d'autre part, d'amener les peuplements
à leur maturité le plus rapidement et dans les meilleures conditions possibles, au grand
avantage des propriétaires.
Les observations et les aflirmations sur lesquelles s'appuient les adversaires de ce
mode de traitement sont-elles réellement inattaquables?
Première objection. — Si les partisans du jardinage, notamment les fervents disciples
de l'inventeur de la méthode dite du contrôle. citent certaines forêts dans les-
quelles deux comptages successifs” ont accusé des accroissements considérables de
Comptages faits de 5 à 6 ans d'intervalle. H suflit de raccourcir l'intervalle pour obtenir des
résultats encore plus surprenants. Ainsi, dans la forêt de Charquemont, inspection de Montbéliard ,
3 ‘, d ‘ Fr
”
j
--t>( 177 js
8 à 15 mètres cubes par hectare et par an, on peut faire voir des futaies pleimes.ou
l'on a constaté, avec le même procédé, des accroissements semblables et dont certaines
parcelles, absolument régulières, ont indiqué 20 mètres cubes et plus. Du reste, cette
infériorité, si elle existe réellement, a deux causes : la première vient de ce que l'on à
souvent maintenu trop longtemps les vieux peuplements en massif clair pour attendre
des semis qui ne venaient pas ou peu, surtout sous les épicéas, el qu'il eut été préfé-
rable de remplacer ou de compléter immédiatement par des plantations pour ne pas
laisser une partie du sol improductive pendant plusieurs années; la deuxième, de ce que
l'on n’a pas toujours fait les coupes d'éclaireie assez fortes, en n’exploitant pas l'arbre
près d'être surmonté, comme l'ont recommandé nos maitres. D'où double perte pro-
venant du matériel non exploité et du ralentissement de la végétation dans des massifs
trop serrés.
Que peut-on tirer des chiffres cités plus baut, relatifs à ces gros accroissements,
sinon le doute sur la valeur de lun ou l'autre des comptages et la nécessité d'avoir
recours à un moyen d'investigation plus rigoureux et plus exact pour faire cesser
toute incertitude?
Deuxième objection. — 1 en est de même de l'accumulation plus grande de ma-
tériel.
Avant de formuler une opinion sur cette question, il serait nécessaire de fixer le
nombre de tiges et le volume que doivent renfermer les massifs de chaque classe pour
fournir une production normale, puis de comparer ce volume à celui d'une futaie jar-
dinée dans les mêmes conditions de sol et de climat et ne pas la baser sur la présence
d'un matériel souvent énorme de 600 à 1,000 mètres cubes et plus, par hectare, que
l’on voit dans quelques parcelles régulières. II conviendrait de s'assurer tout d'abord si
les accroissements annuels n'y auraient pas été identiques et peut-être même supérieurs
avee un volume inilial plus faible.
Troisième objection. — L'inconvénient qui provient de la durée de la révolution perd
toute sa gravité si l'on applique à la futaie régulière le système du précomptage général,
qui permettra, après un délai plus ou moins long, de fixer la possibilité indépendam-
ment de la révolution, au moyen des résultats fournis par des comptages successifs
effectués à intervalles égaux.
Est-il bien vrai que les prévisions faites pour toute une révolution de 120 à 150 ans
ne puissent être réalisées? Ne verrait-on pas disparaître l'incertitude de ces pré-
visions et l'instabilité des aménagements, s'il y avait plus d'uniformité dans la mé-
thode et dans les idées des forestiers, si l'on était fixé, d’une part, sur le mode de
traitement le plus avantageux, et, d'autre part, sur la meilleure manière de faire les
coupes ?
Qu'on remplace un jardinier par un autre dans un jardin, s'ils connaissent tous les
deux leur métier à fond, on ne s'apercevra de ce changement que par des nuances ou
deux comptages faits à » ans d'intervalle ont accusé des accroissements variant de 13 à 30 metres cubos
par hectare et par'an. Une parcelle d'épicéas purs, absolument régulière dans cette mème forèt, a
accusé 26 mètres cubes. Dans la forêt de Charmoille, même inspection, sapin pur, on à trouvé avec
deux comptages effectués à 9 ans de distanes : Pareelle CG, vieille futaie, 18 mètres cubes: Parcelle K,
haut perchis, 29 metres cubes.
SYLVICULTLRE, 14
—##( 178 Ves- -
des détails. Hs auront une préférence pour telle ou telle disposition des carrés et des
massifs, pour telle ou telle forme à donner aux arbres fruitiers. Mais, s'ils veulent
obtenir le maximum de produits, ils emploieront les mêmes procédés pour la culture
des légumes, la même méthode pour la taille et la mise à fruit des arbres. On marchera
bientôt avec la même assurance dans la culture agricole.
Pourquoi n'en est-il pas de même pour la culture forestière? Pourquoi les forestiers,
dont l'intelligence et le savoir ne sont mis en doute par personne, ne peuvent-ils s’en-
tendre au sujet du traitement des forêts ?
Pourquoi les uns sont-ils partisans du jardinage, les autres de la méthode naturelle?
Pourquoi ceux-ci font-ils des coupes d'éclaireie assez fortes là où ceux-là les font faibles
et même pas du tout? Pourquoi y en a-t-il qui recommandent l'emploi des résineux
pour la réfection des vides et clairières dans les taillis et l'amélioration de ces derniers,
tandis qu'il y en a qui le proscrivent d'une manière absolue (1)?
D'où vient cette divergence dans les idées de personnes qui ont puisé leurs principes
à la même source, si ce n’est d'une connaissance insuffisante des conditions de la végé-
tation des arbres et des massifs forestiers, qui n’ont pas été observées et étudiées avec
tout le soin et toute l'exactitude désirables. Tandis que, pour lhorticulture, l'arboricul-
ture et l’agriculture, on a multiplié les essais et les recherches sous toutes les formes,
on s'est contenté pour la culture des bois de faits observés à l'œil, donnant lieu à des
appréciations très diverses, ou d'expériences isolées, insuflisantes et incomplètes,
comme celles qui sont basées sur la seule mesure de la circonférence ou du diamètre des
arbres à 1 m.30 au-dessus du sol, alors que leur forme varie considérablement depuis
la racine jusqu'à la cime.
Et puis, est-ce une raison de condamner un mode de traitement, parce que dans le
cours d'une révolution on aura à faire quelques modifications de détail aux prévisions
d'exploitation; parce qu'on sera obligé, par des circonstances fortuites, de mettre telle
parcelle à la place de telle autre dans la succession des coupes? Ces changements n'au-
ront qu'une influence insignifiante sur le rendement de la forêt si les massifs sont
maintenus au complet et en bon état de végétation.
Quatrième objection. — Enfin, on reproche encore à cette méthode d'exiger des soins
délicats et constants et de n'avoir pas amené la régularisation des massifs.
La première partie de ce reproche est l'aveu que le mode des éclaircies constitue une
culture perfectionnée, Soit, en effet, une forêt dans laquelle on n'a, de temps immé-
morial, fait aucune exploitation, et qui a été abandonnée à elle-même, on y verra
( «Or, il n’est pas diflicile à un garde épris de son métier de répandre quelques litres de noisettes
dans les taillis âgés de 20 à 25 ans, en dehors des points stérilisés par la bruyère, cela vaudra mieux
que de planter des pins : un cautère sur une jambe de bois.» — Puis après avoir parlé des dégâts
cansés par le pâturage : #et ce ne sont pas les plantalions résineuses qui jamais pourront panser le
mal» (Traité des taillis, par M. Mathey, Bulletin de la Sciété forest'ère de Franche-Comté et Belfort,
septembre 1898, p. 524 et 527). — D'un antre côté, on lit dans le Bulletin d'avril 1899 de la même
société : «Nous avouons avoir une préférence pour les résineux, qui rapportent plus que les feuillus ;
en dehors des sols arides où les pins s'imposent, nous boiserions volontiers les autres terrains en
épicéas, s'ils sont frais, ou en mélèzes. En montagne, nous emploierions ce dernier de préférence ,
parce qu'il a la croissance très rapide et prépare aussi bien, sinon mieux que tout autre, la voie à l'in-
troduction du sapin, l'essence désirable à tous les points de vue.» (Traité des taillis, par M. Maire, insp.
des forêts à Gray, Bulletin d'avril 1899, p. 17.)
PV. UT
| FRS L
—#2( 179 js
disparaitre les plus beaux arbres, au fur et à mesure qu'ils arriveront au terme de leur
végétation, ceux dont les sources vives auront été atteintes par une {are, enfin ceux qui
auront élé dominés trop longtemps. Or, dans les coupes jardinatoires, on récolte les
bois mürs avant leur entier dépérissement, les bois tarés, défectueux, et ceux qui
périssent étouffés sous leurs voisins.
C'est done le mode de traitement qui se rapproche le plus de ce qui se passe dans la
nature, H exige peu de soins et d'attention de la part du forestier, dont la main ne se
fait sentir, pour ainsi dire, qu'au moment de la récolte et très pen pour modifier à son
avantage les conditions de la végétation.
Dans le mode des éclaircies, au contraire, on s'occupe des peuplements dès leur dé-
but pour choisir les brins d'avenir qui sont suivis toute leur vie, afin d'en hâter leur
développement dans les meilleures conditions possibles et obtenir du sol le rendement
maximum comme quantité et qualité, C'est donc réellement une culture perfectionnée,
qui exige nécessairement des soins délicats et assidus, comme celle des arbres fruitiers
dans un jardin bien tenu, qui demande la main babile et exercée, l'attention soutenue
d'un ouvrier expérimenté et instruit, d’un homme de l'art, en un mot; landis que
celui-ci est inutile pour un verger où la nature agit seule, sauf pour quelques légers
soins que tout le monde peut donner ou diriger. Mais, si dans le premier cas le travail
est plus compliqué et plus coûteux, par contre les profits sont plus grands et surtout
plus constants.
Quant à la régularisation des massifs, elle ne pourra se faire qu'à la longue et peu à
peu dans des forêts où l'irrégularité cl souvent le désordre ont régné pendant des
siècles et où l'œuvre de l’homme est fréquemment contrariée et défaite par la nature.
Îl ne faut pas compter arriver jamais à une régularité parfaite. Du reste, dans les sapi-
nières, on peut faire marcher ensemble, sans inconvénient sérieux, des peuplements
qui ont des différences d'âges assez grandes, On verra souvent, dans une même
parcelle en tour de régénération, des parties dont l'ensemble des arbres présente
des circonférences de 2 m.20 à 2 m. 60, tandis qu'à côté, ils auront seulement
1 1m. 60 à 2 mètres de tour, Hs seront tous exploitables et cependant les premiers
auront 4o à 5o ans de plus que les autres, reste encore à prouver que les plus vieux
ont donné, pendant leurs dernières années mêmes, un revenu moindre que les plus
Jeunes.
Les deux modes de traitement, dit-on quelquefois, tels qu'ils sont appliqués aujour-
d'hui, ne diffèrent que par une nuance, car les coupes définitives sont en réalité de
vraies coupes jardinatoires, laissant après elles des peuplements rajeunis, mais irrégu-
liers, formés par des jeunes futaies et des perchis clairs, sous lesquels on voit parfois
des semis et des gaulis plus ou moins complets, 1 est hors de doute que l'on a souvent
exécuté avec une certaine exagération la prescription d'après laquelle on doit laisser
dans les coupes définitives les arbres jeunes et vigoureux, destinés ensuite à disparaitre
dans le cours de la révolution suivante, après avoir acquis les dimensions des bois
exploitables, 11 en est résulté des peuplements irréguliers, mais cette irrégularité finit
par s’amoindrir et même par s'effacer, grâce à l'exploitation des vieux bois qui se fait
peu à peu. D'ailleurs, une telle situation serait très rare, si l'on avait toujours effectué
les coupes d'éclaireie comme il convient. En tout cas, elle ne pourrait se présenter dans
un peuplement qui, dès sa jeunesse, aurait toujours été suivi attentivement, puisque
dans les coupes d'éclaircie on enlève Loujours les bois dominés, où ceux sur le point de
12.
—#2( 180 }.e3-—
le devenir, c'est-à-dire les bois les plus petits, jusqu'au moment où le massif sera exploi-
table ®. De sorte que, lorsque l’on fera les coupes de régénération, toutes les tiges
auront les dimensions requises et il n°y aura aucune raison d'en laisser sur pied lors de
la coupe définitive, à la suite de laquelle il ne restera plus que des semis et gaulis. Si
même il y avait dans le vieux massif quelques arbres non exploitables, 1l serait impru-
dent de les conserver, parce qu'ils se {rouveraient isolés et incapables de résister aux
vents.
Maximum de production assuré par les coupes d’éclaircie. — Dans la futaie régulière,
les opérations les plus délicates ne sont pas les coupes de régénération , mais bien celles
d'élaireie. Lorsque ces coupes sont bien conduites, elles sappriment tous les inconvé-
nients et désavantages signalés dans les futaies jardinées. En plus des tiges défectueuses
et viciées, on enlèvera au fur et à mesure celles qui sont surabondantes et gênantes,
on desserrera progressivement les massifs, de manière à assurer la quantité des pro-
duits en mêm® temps que leur qualité, qui s'obtient par la régularité de la végétation.
En un mot, on doit arriver à utiliser toute la force productrice du sol dans les condi-
tions les plus avantageuses.
On conçoit très bien qu'un hectare de forêt, sur un point déterminé, ne peut donner
par an qu'une certaine quantité de matière ligneuse qui ne dépassera jamais, quel que
soit le traitement appliqué, un maximum en rapport avec la fertilité du sol, de même
qu'un champ ne peut fournir qu'une certaine quantité maxima de blé, quelle que soit
la perfection du mode de culture. Celte quantité sera variable avec les terrains, mais
évale pour ceux de même fertilité. Dans la culture agricole, homme peut modifier
l’état du sol, l'améliorer par les labours, les amendements et les fumures. I augmen-
tera encore le rendement par un choix judicieux des semences. Dans la forêt, au con-
traire, il n'a aucune action sur le sol, il ne peut agir que sur le peuplement, qui seul,
en relour, à une influence prépondérante sur la fertilité.
Ce maximum de production, semble-t-il, peut s’obtenir avec un volume initial
variable sur des terrains de même qualité. On a constaté, en eflet. à la suite de deux
complages effectués à un certain intervalle de temps (8 ou 10 ans), que des parcelles à
peu près d'égale fertilité, mais ayant des peuplements de consistance différente, avaient
donné une moyenne annuelle par hectare presque identique. Telle parcelle, avec un
volume de 350 mètres cubes à lhectare, avait accusé une production annuelle de
8 mètres cubes par hectare, alors que telle autre dans son voisinage, avec 600 mètres
cubes à 800 mètres cubes, n’en avait pas fourni sensiblement plus. On ne doit évidem-
ment pas hésiter à se rapprocher du premier état, car si l'on peut retirer d'une pro-
priété le plus grand revenu avec un capital placé au taux de 3 p.100 au lieu de 2 1/2
ou 2 p.100 et souvent moins, on serait insensé de ne pas le faire pour soi el répréhensible
quand il s’agit des deniers publics. Ce résultat sera acquis au moyen des coupes
d'éclaireie si elles sont faites de manière que toutes les parcelles d’une forêt pro-
duisent la quantité maxima de matière ligneuse par an et par hectare, avec le moindre
volume initial,
! Daus des massifs réguliers, surtout serrés, on peut diriger les coupes d’éclaircie, pour ainsi dire,
sans regarder les cimes. Les brins dominés sont en général désignés par le diamètre plus faible que
celui des autres. Un bon garde ne s’y trompe pas, il n’examine les Lêtes que pour vérifier s’il n'existe
pas une raison qui oblige à enlever le plus gros : bois défectueux, viciés, ete.
—en( 181 Ver
Incertitude sur Fétat de consistance que doivent presenter les peuplements pour donner les
produits les plus abondants. — Mais c'est ici que commencent les difficultés. Quelle
doit être la consistance des peuplements pour en obtenir ce résultat? Combien y a-1-il
de forestiers en France qui ont une idée bien nette et bien exacte de pareils massifs?
Où en auraient-ils vu les types? On peut affirmer que la plus grande incertitude règne
encore sur cette question. Chacun s'est formé, suivant des observations el des appré-
ciations plus ou moins justes, une opinion, un idéal qui lai sert de base, de terme de
comparaison pour diriger la marque de ces coupes ©.
Aussi les voit-on pratiquer d'une manière très diverse dans la même région. Toute-
fois on peut aflirmer qu'en général on les fait trop faibles et que les massifs sont
laissés trop denses et trop serrés pour avoir une végétation active, ainsi que le prouve
surabondamment le fait suivant.
M. Marchand, actuellement directeur à l'école des Barres, a fait, pendant les années
(1891-1897) qu'il était conservateur à Besançon, le relevé par inspection des volumes
enlevés par les coupes d'amélioration dans les forêts du Doubs. (Les conditions géné-
rales de la végétalion sont peu différentes dans toute la partie montagneuse du Doubs.
où sont les résineux , et les peuplements y ont une grande ressemblance.) Il a trouvé que
les volumes réalisés par hectare étaient proporlionnels aux nombres 1,92, 3, 4,etila
reconnu , dans ses tournées, que dans l'inspection où l'on avait atteint le nombre 4 et
où, à son avis, on avait réellement opéré plus énergiquement que dans les autres, il
n’avait pas été commis d'imprudence et, de plus, que la plupart des massifs étaient
restés encore trop serrés, à fortiori doivent-ils l'être trop ailleurs. '
Ajoutons que les populalions de ces régions, qui ont une notion très juste sur les
forêts, au milieu desquelles elles vivent constamment et qui s'y intéressent tout parti-
culièrement, parce qu'elles en retirent leurs principales ressources, avaient éprouvé,
dans les commencements, une vive appréhension sur les résullats de ces opérations
qu’elles n'avaient jamais vu faire de cette façon. Quelques municipalités avaient même
manifesté l'intention de protester contre elles et d’en empêcher l'exécution. Deux ou
trois ans après, tout le monde a été pleinement rassuré et satisfait, et nombre de per-
sonnes qui avaient auparavant prédit la ruine des forêts ainsi traitées, ont fini par
reconnaitre aussi que l’on aurait encore pu couper davantage.
Nécessite des recherches et des expériences. — Si Ton veut que les résultats de la pra-
tique concordent avec les indications de la théorie, si l'on veut marcher avec assurance
et arriver à une culture intensive, qui n'est possible, de l'avis des fondateurs de l'en-
seignement forestier en France et jusqu'à preuve du contraire, qu'avec le mode des
éclaircies, 1l est absolument indispensable de déterminer quel est l’état de consistance
que doivent présenter, dans une forêt, les peuplements aux différents âges pour donner
le rendement maximum avec le moindre volume initial, ou capital producteur, ou mieux
pour que toute la force productrice du sol soit utilisée avec le moindre volume initial,
Expériences préliminaires. — Mais l'étude de cette question exigera des recherches,
I] faut croire qu’une longue expérience acquise dans les régions les plus diverses et les plus diffi-
ciles n'offre pas suflisamment de garantie au point de vue de la recherche de la vérité sur ce sujet,
puisque les agents arrivés à la fin de leur carrière et qui se sont lrouvés dans desconditions sem-
blables se prononcent, les uns pour un mode de traitement, les autres pour un autre,
-+#%( 182 ).e3---
des études lôhigües ét minutieuses, qui ne fourniront une solution définitive et vraiment
scientifique qu'après de nombreuses années.
Néänmoins il semble, en attendant, qu’il soit possible d'en trouver une autre se rap-
D
FÉGRLLE
Fig, à. — Figure indiquant la
manière de marquer les hau-
teurs des billes.
prochant plus ou moins de la vérité et qui, bien que ne
supprimant pas immédiatement toule incertitude, don-
nerait, en peu de temps, des indications précieuses et
utiles sur la marche à imprimer aux coupes d’éclaircie.
On y arriverait facilement et rapidement en employant
le procédé suivant :
On choisira dans différentes régions, pour chaque
classe d'âge, à partir d'un âge déterminé, un certain
nombre de parcelles d’une superficie de 2 à 4 hectares,
dans des conditions de sol et de climat à peu près identi-
ques, qui renfermeront des peuplements réguliers, mais
de consistance variable et dans lesquels aucune opération
n'aura été eflectuée depuis 5 ou 10 ans, On les partagera
en deux parties égales dont l'une restera intacte, Tous les
arbres seront numérotés, à la couleur noire, à 1 m. 30
au-dessus du sol, puis on mésureràa avec un compas
forestier, ou mieux avee un ruban inextensible, les cir-
conférences tangentes supérieurement aux numéros. Le
tout serà inscrit, séparément pour chaque portion, sur un
calepin préparé à cel effet, dans une colonne les numé-
ros, dans la suivante et en regard de ceux-ci les cifcon-
férences. On exploitera ensuite un certain nombre de tiges
de toutes les grosseurs prises sur l'une des parties de
chaque parcelle pour les soumettre à un procédé d'analyse
commode et facile, comme celui que je crois utile de dé-
crire ci-après et que j'ai déjà employé pour une autre
étüde. (Plantation de résineux dans les taillis.)
Procédé d’analyse des arbres d'expérience. — Tout d'a-
bord, on détermine sur chaque arbre, avee une boussole
de poche, le côté nord, qui est ensuite marqué sur le
trone au moyen d’un coup de griffe, allant depuis le
collet de la racine jusqu'à une hauteur suflisante pour
rester visible au-dessus de lentaille après l’abatage.
L'arbre une fois par terre, deux opérateurs tendent une
ficelle sur toute sa longueur, du côté nord ; un troisième
fait, tous les 4 m. 08), deux coups de grifle en croix,
l'un dans le sens de la ficelle, l'autre transversalement, pour arrêter la longueur des
billes, On scié l'arbre aux points désignés (fig, 1). Puis on rabote avec soin la base de
(1) Pour ne pas déprécier les billes, on est obligé d'ajouter, à la longueur que devront avoir les
planches, un talon de 8 centimètres pour permettre de fixer les billes sur le chässis de la scie. Cette
partie est ensuite détachée des planches.
ET
21
ne TR
—4##( 185 yes —
chacune des billes, pour y distinguer facilement et nettement les cercles concentriques
des accroissements annuels (fig. 2): sur les bases ainsi préparées, on fixe avec des pu-
naises des bandes de papier fort, de 4 à 5 centimètres de largeur, dont on applique
l'un des bords sur le diamètre passant par le côté nord. Sur ce bord, on fait un trait au
crayon en fegard des accroissements de 5 en 5 ans, ou de 10 en 10 ans”, en allant
£ 1 :
forêt de Moniendon pohren ot, É
#h L
25 15 5
Artre À Parcelle.c! billen
Fig. 2. — Analyse. Base d’une bille avec la bande.
de l'écorce au centre. On retourne ensuite la bande sens dessus dessous, et on opère
de même suivant un diamètre perpendiculaire au premier. On détache ces bandes,
après y avoir inscrit le nom de la forêt, du canton , de la parcelle ou de l'affectation, une
lettre spéciale pour chaque arbre et le numéro de la bille avec sa longueur, si elle n'est
pas de 4 m. 08: puis on les épingle ensemble et on en forme un petit rouleau que l'on
ficelle pour pouvoir l'emporter aisément. Il faut avoir soin de noter, sur un calepin,
tous les renseignements concernant chaque arbre : les conditions de végétation, sol,
M) Suivant le degré d’exactitude que l’on veut atteindre.
AE je
climat, état de consistance du peuplement, hauteur de la découpe au-dessus du
sol.
Si les arbres étaient des corps engendrés par une génératrice fixée invariablement à
l'axe et tournant aulour de celui-ci, les diamètres parlant du nord sur toutes les
bases d’un même arbre se trouveraient dans un même plan, dirigé du nord au sud, et
permettraient de construire une coupe verticale suivant ce plan. Les autres donneraient
une coupe verticale suivant la direction est-ouest. Mais il n'en est jamais ainsi, et les
figures établies avec les éléments de l'analyse ne doivent être considérées que comme
une représentation imparfaite et plus ou moins approchée de ces coupes. Elles donnent
pourtant une idée générale sur la forme de arbre et sur la manière dont il s'est com-
porté aux différentes époques de sa vie.
Application des éléments de l'analyse. — Au cabinet, on déroule les bandes, on les
fixe sur une table pour mesurer les rayons aux différents âges; avec ces éléments on
construit, suivant une échelle convenable, les coupes sur lesquelles on pourra mesurer
les rayons à 1 m. 30, en tenant compte de la hauteur de la découpe. Puis, après avoir
établi les rayons moyens, on calcule le volume de chaque bille de 10 en 10 ans ‘”,
en es considérant comme des cylindres ayant chacun pour base la moyenne de ses
deux bases et pour hauteur celle de la bille. On obtient le volume total de l'arbre de
10 en 10 ans en additionnant les volumes du même âge, augmentés de celui du cône
terminal, dont la hauteur sera déterminée en partageant la longueur de la bille ou du
cône terminal de l'arbre proportionnellement au temps qu'il a mis pour s'accroitre
de cette quantité. s
Procédé d'analyse simplifié par l'emploi de la photorraphie. — Ce procédé peut être
considérablement simplifié par l'emploi de la photographie. Les bandes de papier sont
remplacées par deux tiges plates en métal ou simplement des bandes de papier de
o m. 004 à o m. 005 de largeur subdivisées et graduées à partir du milieu , marqué zéro,
en décimètres, centimètres et millimètres. On les applique perpendiculairement sur la
base du tronc, en mettant le zéro au centre de la moelle et l'une des extrémités dans
la direction du nord marquée sur la découpe. On prend la photographie de cette base
ainsi préparée (fig. 3).
Lorsque les billes ne seront pas trop difficiles à transporter, on en placera plusieurs
l'une à côté de l’autre, ou l’une sur l’autre (fig. 4) pour les comprendre toutes sur une
même épreuve. On pourra ainsi mettre sur une seule photographie les bases des billes
d'un même arbre; seulement pour éviter les erreurs et les confusions on mettra sur
chaque face une fiche en carton sur laquelle on inserira les renseignements destinés à
les distinguer l'une de autre (figure 3) °.
Au cabinet on reproduira les photographies des faces ; soit séparément. soit ensemble,
avec un agrandissement suflisant pour lire sans peine sur la trace des réglettes gra-
duées les longueurs en regard des cercles concentriques. De cette manière, on n'aura
pas à mesurer les rayons qui doivent servir au calcul des volumes. Une simple lecture
des longueurs en regard des cercles de 5 en 5 ans ou de 10 en 10 ans à partir de
l'écorce donnera les rayons correspondants.
® Ou de 5 en 5 ans si on veut avoir nne plus grande exactitude.
% Ce procédé est parfaitement pratierble, il a été essayé etil peut donner d'excellents résultats.
--.#2( 186 )-3-—
On évitera la dépense résultant de la reproduction des photographies, de la manière
suivante : lorsque l'on voudra prendre les longueurs des rayons, on projettera avec
une lanterne magique les images de ces bases suflisamment agrandies sur un panneau
en toile où en papier dans une chambre obscure. On lira facilement sur la trace
des réglettes la longueur des rayons correspondants aux cercles concentriques. Pour
aller plus vite il faudra être deux opérateurs dont lun fera la lecture dans la chambre
obscure et l’autre notera les nombres appelés.
Pour avoir les rayons moyens et, par suite, les sections des billes, avec une plus
grande exactitude, on pourra mettre entre les deux réglettes perpendiculaires plusieurs
autres que l’on appliquera de manière que l'extrémité intérieure soit à une cer-
taine distance du centre afin de ne pas cacher les premiers accroissements. On graduera,
par exemple, ces réglettes à partir de o m. 0h et on les placera à o m. oh du centre (fig. 2).
Calcul des volumes et des accroissements. — Avec les données de ces analyses on éta-
blira les volumes des arbres de chaque catégorie au moment de l'abatage et 5 ou 10 ans
auparavant. On en déduira le volume total de chaque parcelle aux mêmes époques et
l'accroissement moyen annuel pendant le temps considéré. La comparaison des accrois-
sements dans ces différentes parcelles montrera quelles sont celles qui se seront le mieux
comportées et qui, par conséquent. présenteront les peuplements pouvant servir de
types et de modèles pour les éclaircies à effectuer.
IL est indispensable de prendre plusieurs parcelles avec des bois de même âge et de
même consistance, et aussi d'analyser un assez grand nombre d'arbres de même cir-
conférence. Plus on en examinera et plus on se rapprochera de la vérité. Soit, par
exemple, trois parcelles qui présentent un nombre inégal d'arbres à l'hectare, mais
dont les circonférences, à 1 m. 30 du sol, sont comprises la plupart entre o m. ho et
o m. 850),
ENT LE EN EE 0 CE St ce N arbres _
Do nav. tu. RE Tee ee IN re SES SE ET NS TN
Had avant .n: 465.2 de à DRE EN ER OT Ori See NE TONI T
Après avoir partagé chacune d'elles en deux parties égales dont l'une doit rester in-
lacte, on abat sur l’autre, je suppose, Lo arbres de chaque catégorie de circonférence
(om. 4o, o m.60 eto m. 80) afin d’en faire l'analyse qui donnera les éléments nécessaires
pour déterminer le volume de l'arbre moyen de chaque catégorie de circonférence avec
lequel on calculera les volumes de tous les arbres de ces catégories. Leur total donnera
celui du matériel de la parcelle entière. On cherchera de même le volume du matériel
5 ou 10 ans avant l'abatage.
On pourra encore trouver le volume Lotal des parcelles en fonction des surfaces ler-
rières au moyen de la règle suivante employée dans les stations de recherches alle-
( Les circonférences seront mesurées à o m. 01 près pour permettre de calculer les volumes très exac-
tement, la première catégorie comprendra les arbrés de o m. 40, o m.41, 0 m. 42, jusqu'à o m.55; la
deuxième ceux de o m. 66, o m. 57, ete., jusqu'à o m. 70; la troisième ceux de o m. 71 à o m. 8».
@) La surface terrière d'un arbre est la surface de la section de la tige à 1m.30 perpendiculaire à l'axe
de l'arbre. La surface terrière d’un peuplement est la somme des surfaces terrières de tous les arbres
qui le composent.
!
|
—+2( 188 es
mandes pour les peuplements réguliers : Le volume total d'un peuplement est égal au
volume total des tiges d'expérience multiplié par le rapport de la surface terrière du
peuplement à la somme des surfaces terrières de loules les tiges d'expérience.
Soit une parcelle de trois hectares présentant N arbres qui se décomposent ainsi :
n arbres de
| AND Ur LE EL. PT 0” Lo de circonférence,
NA { n’ arbres de 2e... PRES NOURE mie 0” 60
l n° arbres Me 2-2 0280
On partage la parcelle en deux parlies de 1 Lect. 50 dont l'une restera intacte: sur
l'autre moitié on exploitera :
ho arbres des 00 RENE A0 à ; : s
es rc à es. S s S
; RE ER ne, 0" 6o | LES circonférences seront mesurées
; 2 comme ä a été dit à la note 1,
lo-arbres des ee 0° 80 |
que l'on soumettra à l'analyse pour en calculer le volume actuel.
»
Pr
Les 4o arbres de 6" 4o présentant un volume #, l'arbre moven sera... —:
P | 4o
m ’ r “xs v’
Les 4o arbres de 0° 60 présentant un volume +’, l'arbre moyen sera... Ge’
© 6
v”
Les 4o arbres de 0° So présentant un volume v”. l'arbre moven sera... _—
: ho
(Si le massif comprend quelques arbres plus gros. on en formera une catégorie
spéciale dont on déterminera le volume moyen de la même manière. }
Le volume total de chaque catégorie sera :
= r
\ HS
Le volume total de la parcelle sera :
SA ES
On établira de même le volume total de la parcelle 10 ans avant Fabatage, V,,, en
se servant des éléments fournis par l'analyse et la différence V — V,, — d représentera
l'accroissement pendant 10 ans sur les 3 hectares, L'aceroissement moyen annuel par
d
10 X 3
On pourra prendre des nombres variables d'arbres d'expérience pour chaque caté-
gorie de circonférence , surtout si ces nombres , pour chacune d'elles, sont très différents.
hectare sera
(189 Ver —
Si, par exemple, celui des arbres de o m. 80 de tour est double de celui des autres, on
choisira au moins deux fois plus d'arbres d'expérience de cette catégorie.
Si, dans cette parcelle, on représente par s la surface terrière de tous les arbres
d'expérience, » leur volume total, S étant la surface terrière du peuplement de Ja
parcelle, on aura en appliquant la règle indiquée plus haut (p. 19) :
On opérera de même sur un certain nombre de séries de parcelles pour toutes les
classes d’âges suivantes; soit une série de trois parcelles renfermant des arbres de o m. 90,
1 m. 25 de circonférence ; une deuxième série renfermant des peuplements de 1 m. 30 à
11.65 ,enfin une dernière série de parcelles où les bois auront 1 m.70 et au-dessus. Cette
dernière série servira à l'étude de lespacement à donner aux arbres dans les coupes
d'ensemencement.
H sera diflicile de trouver des parcelles où la classification soit aussi simple. On verra
en général mélangés avec les différentes catégories d'arbres indiqués par série, d’autres
de dimensions différentes. Cela n'aura pas grande importance, pourvu que l’ensemble
se rapproche de la conception théorique. On formera avec ces arbres différents une ou
deux classes à part dont on déterminera aussi le volume de l'arbre moyen.
On admet que dans un peuplement régulier les bois ont à peu près le même âge.
Du reste, l'âge moyen du peuplement sera calculé au moyen des liges d'expérience.
Les surfaces lerrières établies pour l'unité de superficie du sol, étant la représenta-
lion mathématique de la consistance des peaplements seront, sans nul doute, d'une
grande utilité pour formuler avec les volumes correspondants des règles sur la manière
d'asseoir les coupes d'éclaircie.
Expériences définitives. — Avec ces expériences préliminaires on aura des indications
précieuses: pour en entreprendre d’autres plus complètes et plus minutieuses, mais
qui exigeront une période assez longue avant de fournir des conclusions définitives
qui viendront corroborer ou modifier les premières.
Pour ces nouvelles expériences on prendra toutes les parcelles avec des massifs trop
serrés. Un tiers de chacune d'elles sera laissé intact pendant la durée de l'expérience
pour servir de témoin. On se contentera d'y enlever les bois secs au fur et à mesure de leur
production. Tous les arbres y seront, comme précédemment, numérotés et mesurés
avec le plus grand soin. Sur la portion comprenant les deux tiers de l'étendue, les massifs
seront éclaircis de manière à les ramener autant que possible pour chaque classe d'âge
à l’un des deux ou trois types qu'on aura déterminés dans les travaux préliminaires,
d'après le nombre des tiges et les surfaces terrières réduites à l'unité de superficie, de
façon à avoir plusieurs parcelles du même type. Dans ces parcelles, les nombres de
liges par catégorie de circonférence doivent être sensiblement égaux , ainsi que leurs
surfaces terrières pour des contenances égales. On pourra sans doute utiliser pour ces
expériences quelques-unes des parcelles qui auront servi pour les premières. Les bois
abattus dans les éclaircies seront inscrits et cubés afin de pouvoir en établir le rapport
avec ceux laissés sur pied.
On suivra ces parcelles dans leur développement pendant 10 où 15 ans, en fai-
sant de 5 en 5 ans un nouveau complage et mesurage des arbres et en déterminant.
—#u( 190 )er—
au moyen d’un ässez grand nombre d'arbres d'expérience pris dans un tiers de
la superficie de chaque parcelle, le volume des bois et les accroissements par hectare et
par an, ainsi que les surfaces terrières d'après la méthode déjà déerite.
Exemple. — Soit une parcelle partagée en trois parties égales, A, B, C, dans
lesquelles on fera séparément le comptage et le mesurage des arbres. Dans C qui doit
servir de témoin, on n'enlèvera que les bois secs
au fur et à mesure. Dans A et B on effectuera l'é-
claircie, Puis 5 ans après on ne touchera pas à B,
mais on choisira dans la moitié de À des arbres
d'expérience avec lesquels on caleulera l’aceroisse-
ment moyen annuel depuis le début, d’après la méthode indiquée, Après einq nou-
velles années, on abaltra des arbres dans la deuxième moitié de A, pour déterminer
dans cette moitié et dans B les accroissements pendant les dix années écoulées, On
prendra aussi une série d'arbres dans la moitié de C pour en comparer les aceroisse-
ments avec ceux du reste.
Par ce procédé, 1l y a tout lieu d'espérer qu'au bout de 10 ou 15 ans on sera bien
renseigné sur cette question pour laquelle on pourra alors formuler des règles d’une
application facile et pratique. Mais pour qu'il ne reste ancun doute, nous pensons
qu'il faudrait établir chaque année, pendant 10 ans, de nouvelles séries de parcelles
qui seraient traitées comme il a été dit.
Expériences dans les futaies jardinées, — Dans les futaies jardinées on aura fréquem-
ment aussi à effectuer des coupes d'éclaircie, cela est absolument certain; j'en pourrai
montrer de nombreux exemples dans les sapinières du Jura. car il n’est pas rare d'y
voir des parties régulières dans lesquelles il serait fächeux de sacrifier des bois trop
Jeunes pour provoquer l'irrégularité désirée, Du reste, dans ces futaies le rendement
est variable avec la composition du peuplement, et la même question peut y être posée
que pour les futaies régulières, Mais dans ce cas elle est plus compliquée et, par suite,
plus difficile à étudier, car les bois de tous les âges étant confusément mêlés, il faudra
chercher quel doit être l'état de consistance et dans quelle proportion doivent se trouver les
bois de chaque classe pour que le rendement soit maximum.
Daus ces forêts on opérera d'une manière analogue à celle employée pour les futaies
régulières, On choisira un certain nombre de parcelles où les bois de tous les âges seront
représentés dans des proportions variables, mais de façon qu'il y en ait plusieurs ayant
des peuplements à peu près semblables, ce que l'on reconnaitra à la suite des comptages.
On les partagera aussi en deux parties dont l'une restera intacte, Après avoir numéroté
et mesuré tous les arbres et inscrit ces données sur un calepin, on en fera abattre sur
la première moitié seulement de chaque parcelle un certain nombre par catégorie
pour les soumettre à l'analyse et en déduire les surfaces terrières, les volumes
actuels el ceux de 5 ou 10 ans auparavant, puis les aceroissements annuels par
hectare, On prendra comme types celles qui auront fourni les résultats les plus avan-
tageux.
On choisira ensuite de nouvelles parcelles que lon tâchera de ramener, par des
coupes faites judicieusement, à l'un des types adoptés précédemment, On en suivra le
développement pendant 10 ou 15 ans, comme pour les peuplements réguliers, Il
-.
##( 191 es
conviendra aussi d'établir chaque année, pendant 19 ans, une nouvelle série de par-
celles d'expériences.
. la suite de ces recherches Sr d'une part, dans les peuplements réguliers
, d'autre part, dans des parties irrégulières et jardinées, on verra si la théorie est
en kr avec la pratique et si le mode du jardinage est réellement nie
à celui des éclaircies.
En tout cas, on sera en mesure de se prononcer en connaissance de cause et on
fera ainsi cesser toute incertitude sur le traitement le plus avantageux pour les forêts
résineuses.
Végétation du sapin comparée à celle de l'épicéa, — Par ces mêmes études, on trou-
vera la relation qui existe entre la végétation du sapin et celle de l'épicéa. On verra les
produits qu’ils sont susceptibles de donner dans les mêmes conditions de végétation.
Il suflira pour cela de noter un assez grand nombre de ces arbres et de les soumettre
à l’analyse. Cette relation a son importance, parce qu'en faisant les coupes dans les
futaies mélangées on favorisera l'essence capable de donner le plus de profits.
Note importante. — Pour les analyses, j'ai proposé de découper les arbres d’expé-
rience en tronces de 4 m.08 qui est la dimension inférieure admise par le commerce
pour les bois d'industrie, On obtiendrait certainement des résultats plus exacts
avec des billes de 1 ou 2 mètres, mais par contre, dans ce cas, le dommage serait const-
dérable, car ces bois, ne pouvant plus être employés que comme chauffage, ou tout au
plus comme étais de mines, subiraient une perte de 10 à 15 francs sur leur valeur par
mètre cube.
Du reste rien n’empêcherait de sacrilier quelques arbres dont on ferait l'analyse
après les avoir découpés en billes de 1 on 2 mètres et dont les résultats permettraient
de voir quel est le degré d’exactitude obtenu avec les tronces de 4 mètres.
Transformation en sapinières des taillis à faible rendement situés dans les régions mon-
tagneuses. — À la réunion de la Société forestière de Franche-Comté et Belfort, du
31 juillet 1899, j'ai traité, dans une conférence, dont je joins un exemplaire au pré-
sent mémoire, la question de l'amélioration des taillis à faible rendement situés dans
la région montagneuse du Jura et du Doubs, et, comme conséquence, leur transfor-
malion en sapinières. J'ai montré que cette amélioration s’obtiendrait facilement par
l'introduction dans ces forêts d’un petit nombre de plants résineux (sapin, épicéa el
même pin), disposés par bouquets de 4 à 8, ou isolément (environ 100 brins à l'hec-
tare), et qu'elle ne nécessiterait qu'une dépense de 7 francs par hectare, tant pour
frais de plantation que pour ceux de dégagement.
D’après les conclusions tirées de l’analyse de 47 sapins et épicéas pris parmi les
arbres isolés ou par petits bouquets dans des taillis ou des pâtures ”, les résultats de
celte opéralion seraient extrêmement avantageux, Ainsi des coupes, qui souvent ne
valent actuellement que 100 à 300 francs l'hectare, quelquelois 4oo francs, rare-
On a souvent émis l'opinion que des expériences faites sur des arbres pris isolément ne peurent
donnér aucune indication sérieuse sur la végétalion des massifs, mais ce n'est pas le cas ici, puisque
les brins qu'on plantera dans les taillis seront isolés où par petits bouquets, émergeant au-dessus des
cépées, comme les arbres qui ont été utilisés pour les recherches,
__4s( 192 Yes
ment plus. fourniraient, grâce à cette faible dépense, à partir de la troisième ré-
volution (75 à go ans). des produits d’une valeur de 1,500 à 2,000 franes à
l'hectare.
Il est Lors de doute que l’on ne peut avoir qu'une confiance limitée dans les conclu-
sions fournies par un aussi pelit nombre d'arbres pris dans une région peu étendue.
H ne faut y voir qu'une simple indication sur lutilité qu'il y aurait à multiplier ces
recherches et ces expériences. Le sujet présente en effet un intérêt assez considérable
pour qu'on en fasse une étude sérieuse.
Résultats probables de l'opération dans les taillis du Doubs et du Jura. — Rien que
pour les deux départements du Doubs et du Jura, les taillis médiocres, soumis au
régime forestier, occupent une superficie d'au moins 45,000 hectares. En admettant
que sur les 81,000 hectares de forêts particulières qui existent dans ces départements.
il n'y en ait que 15,000 de même nature, on aurait un lotal de 60,000 hectares. Si
ces forêts élaient régulièrement soumises au régime du taillis simple ou composé à la
révolution de 30 ans, on y exploiterait en moyenne par an 2,000 hectares de coupes
dont la valeur serait comprise entre 200,000 et 800,000 francs (100 à 4oo franes
l'hectare). Or, avec 50 sapins cu épicéas seulement à l'hectare, ces mêmes forêts don-
neraient, au bout de la troisième révolution, un revenu de 2 à 4 millions, soit
cinq à dix fois le revenu actuel. Et l'on aurait la certitude de voir ces propriétés
s'améliorer plus tard, grâce au semis naturel que les essences résineuses, surtout les
sapins, commencent à répandre abondamment autour d'eux dès l'âge ce 80 ans.
Leur transformation en futaies résineuses serait à peu près certaine et complète après
100 à 130 ans.
Cette amélioration intéresse, sans nul doute, un grand nombre d'autres régions, et
son application aurait pour effet d’accroitre dans une proportion énorme la richesse
publique sans grands eflorts et avec une faible dépense, puisque le revenu d'un grand
nombre de forêts serait triplé, quadruplé et décuplé. H importe donc d'en provoquer
l'exécution le plus rapidement possible et pour cela 1 faudrait multiplier les expé-
riences , les analyses d'arbres partout où l'on trouverait des sujets. soit dans des taillis .
soit dans des pâtures, dont le sol serait semblable à celui des forêts à améliorer et à
transformer, Cela permettrait de mettre en évidence les avantages que l'on relirerait
d'une pareille opération sur les divers points du territoire de la France. On aurait ainsi
des arguments sérieux pour convainere les propriétaires et les amener à faire la petite
dépense que nécessiterait ce travail.
Fonctionnement des stations de recherches. — Pour ces recherches et ces expériences le
travail extérieur comportera : 1° la reconnaissance et la délimitation des parcelles;
2° la subdivision et le lever de ces parcelles et de leurs parties; 3° le numérotage, le
mesurage et le comptage des arbres: 4° la désignation des arbres d'expérience; 5° leur
préparation, abatrge, sectionnement, aplanissement et polissage des bases des billes:
6° le relevé des accroissements au moyen des bandes, ou la photographie de ces bases
et l'inscription de tous les renseignements relatifs à chaque arbre.
Le travail de bureau comprendra : 1° la mesure des rayons soit sur les bandes
de papier, ou au moyen de projections si l’on a employé la photographie; 2° la prépa-
ration des feuilles et la construction des coupes où épures; 3° la mesure, ou le cal-
t
;
L
|
at 2
PA 7
—#>( 193 ee.
eul des rayons au milieu des billes et des rayons moyens; le calcul du volume avec les
rayons moyens des billes, ou avec la moyenne des volumes des parties de troncs
ayant pour bases les quatre secteurs dont les rayons sont les rayons du milieu des
billes (fig. 5 ).
Ï y aurait lieu de créer un bureau central dont la mission serait tout d’abord d’éta-
blir un programme unique pour les expériences à entreprendre, ensuite de réunir et
classer tous les renseignements et documents fournis
par les diverses stations et de faire exécuter les tra- N
NN
vaux de cabinet dont l'énumération est donnée ci- K\
dessus. N É |
Un ou plusieurs agents expérimentés, aidés d'un
photographe, seraient chargés d'effectuer les travaux
exlérieurs, avec le concours des agents et préposés
du service ordinaire, auxquels on octroierait une
indemnité en rapport avec le surcroît de travail qu'on
leur demanderait. Les premiers auraient surtout à
faire eux-mêmes le choix des parcelles et des arbres
d'expérience et de donner à leurs auxiliaires des
instructions précises et détaillées de manière à im-
primer à ces opéralions une marche uniforme pour
toule la France.
Le personnel et la dépense pour le fonctionnement
du bureau et des stations ‘de recherches dépen-
draient naturellement de l'extension que l’on donne-
rait à ce service.
Le champ d’études est vaste et pour ainsi dire
illimité, 1 y aurait de quoi occuper de nombreux
agents pendant une longue série d'années.
En effet la question du maximum de rendement
avec le moindre capital producteur, ou de la consistance que doivent présenter les
peuplements pour utiliser toute la force productrice du sol avec le capital producteur
minimum n'est-elle pas à poser aussi bien pour les futaies feuillues que pour les
résineuses )? N'y a-t-il pas beaucoup de points obscurs dans les taïllis sous futaie qui
ont une si grande importance en France par la superficie qu'ils occupent et par la
quantité de matières ligneuses qu'ils sont susceptibles de donner ?
Quel est notamment le rapport qui doit exister entre le taillis et la futaie pour main-
tenir l’équilibre entre ces deux éléments différents et obtenir du sol tout ce dont il est
capable?
N'y aurait-il pas lieu également d'examiner le tempérament, la manière dont se
comportent nos principales essences, prises individuellement, suivant le sol et le climat?
N'a-L-on pas calomnié le chêne et le pin en les montrant comme inaptes à résister sous
un couvert prolongé? Cependant on trouve des échantillons du premier en très bonne
végélation jusque sous le couvert épais d’une plantation d'épicéa et on voit fréquem-
ment le deuxième isolé au milieu des taillis, sous le feuillage desquels il a dû forcément
Fig. 5.
( I] ne s'agit pas ici de l’exploitabilité commerciale. Voir page 14.
SYLVICULTURE. 19
-#2e( 194 es
vivre pendant presque loute une révolution avant de percer pour s'élever au-dessus des
cépées qui l'écrasaient dans sa jeunesse? Est-ce là un effet de l’assolement ou de toute
autre cause? N'y aurait-il pas intérêt à étudier les conditions dans lesquelles se pro-
duisent ces exceptions, ces anomalies, afin de pouvoir en tirer parti pour l'améliora-
ration des forêts ? etc. |
Toutes ces questions ont une importance capitale pour les aménagements, puisque
le choix du traitement à appliquer aux forêts en dépend.
Ant. Runacner. É
—æs( 195 je
Annexe N° 2.
DES RÉSULTATS DE L'ÉCLAIRCIE,
On m'a demandé un mémoire sur la deuxième question de sylviculture présentée au
Congrès, Ayant déjà beaucoup parlé et écrit sur les éclaircies, je ne pouvais guère me
réeuser, bien que la question n'ait pas été posée à ma guise, car 1 me semble que les
conséquences économiques des éclaircies, non mentionnées, priment les conséquences
physiologiques, dont l'intérêt se rapporte aux premières. Pensant done que la question
sera bien traitée d'ailleurs au point de vue que l'énoncé fait pressentir, je vais me hor-
ner à un bref aperçu des principaux résultats des éclaircies,
Avant de chercher les conséquences de ces opérations, 1 peut être utile de rappeler ce
qu'elles sont et de s'entendre tout d'abord sur ce point. Pour nous, l'éclaireie consiste à
exploiter dans un massif un certain nombre d'arbres en desserrant les meilleurs. Elle à
pour objet d'assurer le développement des eimes en leur donnant plus de place et plus
de lumière ; elle rend le massif moins dense, plus clair, d’où est venu le nom d'éclaireie.
Éelaireir un peuplement, c'est le desserrer.
Disons immédiatement qu'il ne faut pas confondre l'état du massif éclairer avec ee
qu'on à appelé Liehtstand en Allemagne. et déguisé sous divers noms en France, en
d'autres termes, avec l'isolement des cimes. Dans cet état il n'y à plus massif, tandis
que nolre éclaircie doit toujours conserver l'état de massif, dans lequel les cimes se
touchent: le massif d'arbres bien venants est nécessaire, en premier lieu , pour obtenir
la production ligneuse la plus complète que le sol peut donner.
L'éclaireie est née dans les bois feuillus. Hartig, qui en a formulé la théorie, opérait
dans des forêts de hêtre: Duhamel du Monceau et Varenne de Fenille, en France, étu-
diaient nos forêts de plaine. Les arbres feuillus, à couronne large et disposée à s'étaler,
manifestent plus vivement que les résineux le besoin et les effets de l'éclaireie: il est
aussi plus facile de les desserrer sans interrompre le massif que d'éclaireir les conifères
sans les isoler: les cimes de ces derniers, restant pyramidales, étroites et aiguës au
moins Jusqu'à un âge assez avancé, ne s'élargissent que lentement et ne s'étalent ja-
mais. De ces faits, résultent les dificultés, l'hésitation et aussi les erreurs auxquelles
ont donné lieu les éclaircies dans les forêts résineuses.
Dans tous les cas, on comprend qu'il peut être parfois difficile de desserrer conve-
uablement les cimes sans les isoler. C'est 1à une tâche confiée à l'art du sylviculteur.
Voyons done comment il peut s'y prendre pour la remplir, et plaçons-nous, à eet eflet,
dans une futaie de la région de Paris, essentiellement composée de chêne, hêtre et
charme: chacun peut se représenter celle qu'il connaît le mieux , Compiègne ou Fontai-
nebleau , Marly ou Villers-Cotterêts.
En traitant de l'exécution et des résultats de l'éclaircie, on a l'habitude de considérer
19
—4n( 196 )es—
d'abord les tout jeunes bois, les gaulis, puis les perchis et enfin les hautes futaies, pas-
sant ainsi du premier âge à l’âge suivant et, de suite en suite, jusqu'au peuplement
exploitable: sur le terrain c'est une autre aflaire. On se trouve dans un peuplement à
éclaircir: l'est d’un âge déterminé et dans un certain état, bien ou mal constitué, en
sol riche où pauvre. en conditions données, quelconques: peut-être n'a-1l jamais subi
d'éclaircie systématique, bien qu'il ait déjà 60 ou 100 ans. Il ne s’agit pas de savoir ce
qu'on a pu y faire antérieurement , 11 faut le prendre tel qu'il se présente; dès lors, la
question à résoudre : Quelles tiges enlever? est très variable, complexe et souvent difh-
cile. Nous la simplifions en nous proposant seulement d'améliorer état du peuplement
par l'éclaircie, sans chercher une perfection irréalisable.
À cette fin, nous visitons le massif pour en prendre une idée générale. S'il est plein
el assez bien mélangé de chênes, hêtres et charmes, nous desserrons d’abord les chênes,
non pas tous probablement, mais les meilleurs, d'autant plus nombreux que le sol leur
est plus favorable, ce qui se voit. et de manière à en avoir sur tous les points, si pos-
sible. Ce premier soin nous conduit à faire tomber surtout des hêtres, souvent les plus
gros, en tous cas ceux qui gênent le plus la cime des bons chênes: nous n’en prendrons
_guère qu'un ou deux autour de chaque chêne, en évitant d'isoler la cime et nous
bornant à la mettre en meilleur état, pour un certain temps après lequel on pourra y
revenir. Nous desserrerons plus lépèrement les bouquets de hêtres, en y prenant les
cimes les moins larges, en ménageant les charmes, ordinairement subordonnés aux
hêtres par la taille et qui pourront être maintenus plus tard au voisinage des chênes
d'avenir dont ils ombrageront le fût sans en gêner la tête. Rencontrons-nous des arbres
plus ägés que l'ensemble du massif, chacun d'eux sera l'objet d’un examen pour décider
s'il y a intérêt à le conserver ou non et si, en cédant la place, il ne laisserait pas une
trouée regrettable ce qui dépend de lui et de son entourage. Se trouve-t-1l des chênes
sur souche, nous en réduirons le nombre autant que le permettront le maintien du
massif et la proportion de l'essence.
Les cas particuliers sont nombreux, lei c'est du chêne pur que nous desserrerons
légèrement, par crainte des branches gourmandes sur les fûts et de la bruyère sur le
sol; cependant nous chercherons les brins de hêtre et même ceux de charme, qui peuvent
se trouver en sous-étage, pour les éclairer par en haut. Là, au contraire, enserrés
parmi de vigoureux hêtres, des chênes épars se montrent eflilés, alanguis: il faut leur
tâter le pouls et juger s'il est encore temps de leur faire place. Bien d’autres faits se
présentent. |
Si nous quittons notre forêt de la région de Paris, nous retrouvons les mêmes difli-
cultés et d’autres encore.
+Quand vous faites une éclaircie, nous a dit M. Desjobert, qui travaillait dans le
centre de la France, vous poursuivez un but simple : créer un massif composé d’es-
sences précieuses, chêne et hêtre, aux fûts élancés sans exagération, têtes larges et
corps trapus, et maintenir un sous-étage d’essences secondaires qui, conservant la
fraîcheur du sol, permette aux racines des arbres d’y puiser constamment la nourriture
abondante dont üls ont besoin.
- Tout cela est bien plus facile à dire qu'à faire. Le but doit être poursuivi pen-
dant un siècle et plus. Sur le point où vous travaillez, cent cinquante personnes, agents
‘9 Revue des Eaux et Foréts, 1892, p. 492.
Mn Lis à 44 à
—#2( 197 js
ou préposés, ont déjà travaillé hier on travailleront demain. EHes n'ont pas toujours eu
et n'auront pas tonjours nos idées. Il faut, à chaque coupe. tenir compte du passé.
réparer les accidents survenus et ne pas opérer de même sur un sol maigre que sur
un sol fertile, sur un peuplement clairiéré que sur un massif trop serré, dans un mas-
sif de chênes que dans un massif de hêtres ou dans un troisième d’essences mélangées :
il est nécessaire d’avoir de l'audace à l'occasion, de savoir desserrer vigoureusement
au moment psychologique un massif dont les tiges sont trop gréles; pourtant, il est au
moins aussi nécessaire de n'avoir pas trop de cette même audace, parce que vos arbres.
subitement éclaircis, pourront se couronner: un ouragan, le verglas ou la neige vous
les jetteront par lerre, s'ils ne se soutiennent pas suffisamment les uns les autres: il
Mubi rt. 2. mais Je n'en finirais pas.
“Pour peu que nous ayons fait quelques éclaircies avec nos hommes et professé,
pendant qu'ils travaillent et vont de l'avant, en cherchant à expliquer et faire com-
prendre ce qu'il y a lieu de faire sur un peuplement donné, nous savons tous que,
quand notre discours est fini, il ne s'applique déjà plus. Le peuplement dont nous
parlions est derrière nous: 1 est remplacé par un autre qui réclame un autre discours
et ne durera probablement pas plus longtemps que le premier. »
C'est donc une appréciation nouvelle que l'éclaircie demande dans chaque pays, en
chaque forêt, à chaque pas, à chaque arbre pour ainsi dire, et je crois néanmoins que
cette appréciation est moins difficile dans une forêt d'essences mélangées, où l'espèce la
plus précieuse ou la plus rare détermine le choix, que dans une futaie d'essence unique.
J'en excepte les forêts de hêtre pur, où l’éclaircie peut se faire ad libitum et donnera tou-
jours des résultats plus ou moins bons, et les forêts d'épicéa, nées de semis naturels,
qui, en certains cas, peuvent même prospérer indéfiniment sans être éclaircies.
Il est facile de soupçonner dès maintenant que l'éclaireie peut avoir des conséquences
fâcheuses. Celles-ci seront regrettables si on ne sait pas opérer ou si on a une idée forte,
que je ne vois pas comment qualifier autrement. N'allez pas interrompre, briser le
massif, — ni éliminer une essence de parti pris, — ni faire tomber les beaux hêtres qui
ne gênent pas beaucoup des arbres plus précieux, ou sacrifier des chênes bien constitués
à je ne sais quel entraînement , — ou écarter des sapins qui aiment à se sentir les coudes,
— ou nettoyer le sol des sous-bois qui lui conservent fraicheur et vie, — ni vous laisser
entraîner par quelque spéculation généreuse, exagérée, absolue. Prenons garde à la
hache!
Cela dit, quels sont les heureux résultats des bonnes éclaircies? Hs se rapportent an
pied, au corps et à la tête, aux racines, au bots et à la cime des arbres considérés un à
un, puis au peuplement dans son ensemble,
La cime des arbres à l'état serré reste étroite et courte, pauvre en branches et en
feuillage : l'appareil des racines, en un sol encombré de racines des arbres voisins, est
nécessairement restreint d’une manière analogue. L'arbre est mal nourri, tant par le
sol, où la solution minérale lui est disputée vivement, que par l'air, dont l'acide earbo-
nique n'est réduit que dans la mesure permise par une surface foliacée minime et ne
recevant guère la lumière que d'en haut: la circulation de la sève reste affaiblie en rai-
ron du peu d'évaporation par les feuilles et du peu d'absorption par les racines. L'arbre
est anémié, et il en advient de lui comme d’un animal condamné à une alimentation
réduite et confiné dans un air insuffisamment renouvelé: en ces conditions, le sang de
—#2#( 198 )ses—
l'animal s'appauvrit en globules rouges, son organisme s’affaiblit et peut même s'atro-
phier.
On cherchera comment, sous l'action de la chaleur, de la lumière et de la vie, l'ami-
don se formé et se transforme dans les différentes parties de l'arbre suivant que l'état
de massif est plus où moins serré. Je ne veux constater iei que les résultats palpables et
apparents. Quels sont-ils pour le corps de l'arbre et pour son bois ?
Ensérrés dans un massif de tiges de même âge, les arbres tendent à s'efliler et le fût
s'allonge le plus possible en grossissant lentement; il s'élève bien soutenu, de forme
approchant du cylindre, net de nœuds et portant une cime grêle; cependant, en massif
d'une seule essence, les arbres peuvent vivre presque indéfiniment. Isolés en pleme
liberté, ils restent, au contraire, trapus et sont presque tout en cime; la forme en est très
différente d’une espèce à l’autre, en dôme pour le chêne, en pyramide pour Tépieéa, en
boule pour le hêtre, en cylindre pour le sapin: et l'élagage des branches basses a pour
effet inévitable d'abréger la vie des sujets.
Sous l’action des éclaircies la forme de l'arbre élevé en massif tend à s’alourdir: la
cime prend plus d'ampleur, le fût s’allonge moins; les racines se fortifient, et nécessäire-
ment le grossissement est plus rapide:
: Nos arbres sé développent en formant chaque ännée un certie qui enveloppe extéFieu-
rement tout le cofps ligneux. La quantité et la qualité de la sève élaborée donnent immé-
diatement au cerne de l'année utie ampleur et une constitution déterminées; qui se
trouvent en rapport étioit avec la consistance du peuplement.
En l'état serré, le bois formé dans. l'arbre se distingue par sa strücture,; qui varie
d'une essence à une autre: Dans nos chênes du Nord croissant à l'état serré, les cernes
sont minces, réduits à > millimètres, 1 millimètre et demi, quelquefois même 1 milli-
mètre d'épaisseur; mais ils sont poreux, offrant beaucoup de gros vaisseaux évidés, qui
consütuent principalement les faisceaux fibro-vasculaires du bois de printemps très pré-
dominant; le bois d'automne, en tissu fibreux ; solide, est très réduit ; en revanche, les
rayons médullaires sont nombreux. Ce bois de chêne est léger, la densité peut s’abäisser
jusqu'à 0,5 ; il est bien moins fort et moins élastique que le chêne de croissance rapide:
c'est du bois tendre. Les chênes serrés entre eux languissent, mais vivent: sont-ils serrés
entre des essences à couvert épais, ils s’éliolent; s’eflilent, dépérissent et meurent.
En mêmes conditions de sol et de climat, dans un chêne qui a véeu desserré, de
sorte que la cime ait pris un développement convenable, avec une envergure égale à
environ moitié de la hauteur du fût, la végétation est active; les cernes peuvent avoir
2 millimètres et demi, 3 millimètres et 3 millimètres et demi d'épaisseur; la zone in-
terne de chacun d'eux n'est pas plus large que dans les chênes à bois tendre, mais le
bois d'automne, à tissu presque plein, onctueux au toucher, offre même épaisseur que
le bois de printemps; la densité peut s'élever à 0,75; c'est du bois dur, solide et de
qualité moyenne; il est apte à presque tous les emplois. L'arbre montre une végétation
active et soutenue; les pousses de l’année sont allongées, la cime riche en rameaux et
en feuillage, les racines saillantes à leur naissance, au pied de l'arbre.
Sur les chênes isolés ces qualités se développent encore beaucoup et le bois, lourd et
plein, dont la densité peut approcher de 1, la zone d'automne devenant très prédomi-
nante, est dit alors nerveux. Les éclaircies ne peuvent avoir que fort rarement pour
résultat de donner du chêne nerveux en même temps que des arbres de massif, à long
ft. Mais il est très différent d'obtenir des chênes à bois tendre, de 30 mètres de hau-
—æn( 199 jer—
teur sous branches avec 6 m. 50 de diamètre en deux cents ans, ou des chênes à bois
solide de 15 mètres sous branches et 1 mètre de diamètre. dans le même laps de
temps: el les éclaircies permettent de tendre vers ce dernier résultat.
Tous les bois d'arbres feuillus à gros vaisseaux, frêne, orme, etc.; gagnent en qua-
lité avec une végétation active. [l n’en est pas de même dans les autres feuillus, hêtre,
charme, ete., dépourvus de gros vaisseaux, dont la qualité reste assez égale et
dont le mérite dépend surtout de l'absence de défauts et de vices. On pressent, dès lors,
que l'intérêt, les résultats et la forme de l’éclaircie pourront différer du chêne au hêtre,
d’une essence à une autre essence.
Dans les bois résineux, dépourvus de vaisseaux et formés de fibres grossières mais
homogènes, les phénomènes vitaux sont analogues à ceux que présentent les bois
feuillus. Arbre serré, vévétation lente: arbre desserré, vie active. Quant à l'influence
des éclaircies sur le bois même des résineux, elle est contraire à celle qu’on observe
chez les feuillus: en général, ce bois est d'autant moins solide et moins fort que la végé-
tation est plus active.
Dans l’épicéa notamment, le bois d'automne, qui se distingue du bois de printemps
par des fibres plus étroites et plus pleines et qui contribue surtout à la qualité,
forme une zone mince, d'épaisseur assez constante: ici c'est le bois de printemps, le
tissu faible qui est en rapport avec l'activité de la végétation: plus celle-ci est active,
plus le bois est léger, terne, mou et grossier, d'une densité qui peut s'abaisser jus-
qu'a 0,3. C'est l'épicéa de végétation lente qui donne le bois solide, blanc, lustré,
dont la densité peut monter jusqu'à 0,55. On a donc intérêt à élever l'épicéa dans son
état naturel de massif serré et inégal pendant la jeunesse: ainsi maintenu il s’élague
rapidement, et 1 suflit de lui assurer une cime occupant le quart de la bauteur de
l'arbre pour que la santé en reste bonne, le füt presque cylindrique et l'enracinement
capable de le soutenir avec l'appui des voisins.
En France l’épicéa en massif serré donne un bois de qualité mcomparablement supé-
rieure à celle de l'épicéa isolé, noueux et impropre au {ravail, — qualité très supé-
rieure même à celle de l'épicéa élevé en massif clair et doué d'un accroissement rapide.
H suffit de voir la coupe transversale des deux bois sous un grossissement suffisant qui
rende apparents les vides des trachées à large section dans l’épicéa de végétation active.
J'ignote ce qu'il en est en Scandinavie, où. dit-on, les épicéas vivent souvent à l'état
isolé sans développer de fortes branches; mais, sur le Jura, lé mérite du bois d'épicéa
és certainement en raison inverse de l’activité de la végétation. D'autre part, cet arbre
peut s'élancer très rapidement; aussi les différences de hauteur des tiges voisines res-
tent-elles très marquées dans la jeunesse des peuplements spontanés, non plantés de
main d'hotnme, et vers la fin du siècle la forme des arbres y est définitivement acquise.
Enfin la production ligneuse dé ces massifs est énorme; elle peut dépasser 10 mètres
cubes à l’hectare annuellement.
C’est surtout dans les bons sols, frais ét assez profonds, que ces résultats culturaux
sont très marqués. L'exemple du massif de l'Ebenwald, cité dans la Revue des Baut et
Forêts dû 15 août 1898, p. 530, est analogue à des faits que nous avons constatés de
bisu aux Longevilles, à Gilley et au Pasquis aux veaux, de là Grand'Côte (Doubs), en
des forêts où les éclaircies systématiques étaient inconnues. Celles-ci donneront-elles
inieux? Il est permis d'en douter.
En tous cas qu'y a-tl à prendre en éclaireie dans les perchis d’épicéa , — spontanés,
—#>( 200 3
/
je le répète? Des tiges dominées et mortes en cime. des épicéas foudroyés où alteints
d'un autre malheur, quelques cimes déformées par l'état serré, ce qui est beaucoup
plus rare que parmi les sapins, enfin d'autres cimes étriquées et insuflisantes. Mais ces
cimes étriquées, vous ne les enlèverez pas toutes du même coup. sans quoi. dans un
massif d'épicéas restés serrés depuis un temps assez long vous ne laisseriez guère de
tiges: vous ne les prendrez done qu'en petit nombre. de distance en distance et comme
en jardinant, sauf à y revenir très souvent.
Nous voilà aux antipodes de l'éclaircie hardie et large du chène mélangé à d'autres
essences. La nos éclaircies ont pour résultats principaux de sauver les bons chênes,
d'assurer leur vie et de leur procurer une végétation active; à cela tout est profit, ren-
dement des éclaircies, salut d'arbres précieux, bois de qualité. Dans les massifs d'épicéa
spontané, où le bois s'accumule merveilleusement en produits excellents, l'éclaireie
permet surtout d'utiliser des tiges compromises, en laissant à l'opérateur la crainte
d'ébranler le massif. En deux mots, prévenir la dégradation des chênes à conserver, et
maintenir les épicéas à l'état naturel du massif, en n'enlevant que les sujets dégradés,
tel m'apparait le premier résultat cultural, fort différent, à poursuivre dans lun et
l'autre cas.
En tout cela, nous n'avons en vue que d'arriver à la création de peuplements exploi-
tables dans l'intérêt public, c'est-à-dire donnant les produits les plus utiles. Quels sont
ceux-ci? Les plus gros et les mieux conformés que l'éducation en futaie permet d'ob-
tenir, ce qui diffère avec le terrain et la situation. Cependant. qu'il s'agisse de chênes de
o m.8o de diamètre en moyenne et 15 mètres de füt, ou d'épicéas de o m.50 et
24 mètres sous branches, pour arriver au résultat un long temps est nécessaire et un
développement craduel, régulier pourrait-on dire, est désirable. L'éclaireie ne doit
s'opérer que peu à peu. Un changement brusque dans l'état des massifs est à craindre
pour toutes les essences, dans la cime, sur le fût et chez les racines; pour le chéne il
provoque prématurément l'arrêt du fût dans la jeunesse et plus tard le découvert du
sol et des accidents divers: pour l'épicéa il exagère l'accroissement individuel, déve-
loppe des nœuds et peut ébranler les tiges. On en déduit que le retour des éclaircies
doit être fréquent et qu'il est bon de laisser chacune d'elles incomplete. La mesure étant
incertaine et l'appréciation libre, à vouloir tout faire on ferait inévitablement trop.
On a vu des perchis d’épicéa, dont une éclaircie avait enlevé 80 où même 1 00 mètres
cubes à l’hectare, donnant accès partout au soleil de juillet sur le sol et au vent d'ouest
sur les cimes. Une image publiée à l'étranger offrait, comme spécimen d'éclaireie forte,
le même tableau d’épicéas presque isolés. On peut trembler pour l'avenir de ces arbres
de massif, qui oscillent, tombent. ou sechent si facilement : conséquences redoutables
à tous les points de vue, physiologique, cultural et autres.
En opposant l'éclaircie des épicéas à celle des essences feuillues mélangées. j'ar voulu
indiquer que l’éclaircie peut différer beaucoup, d'une forêt à une autre; elle doit même
différer toujours. Autres essences, autres soins. Le Danemark a montré les beaux résul-
tats que l’éclaircie des hêtres peut donner sur des terrains fertiles, frais et profonds :
l'étude des éclaircies du pin sylvestre peut être réservée à l'Allemagne du Nord; les
éclaircies du sapin trouvent un large champ d'observations dans l'Europe centrale: le
bouleau , le tilleul, qui occupent de vastes surfaces en Russie. comportent aussi leurs
—#2( 201 es
éclaircies à eux: il en est de même du mélèze, des différents pins et finalement de toutes
les essences. À ce seul point de vue la tâche est déjà très complexe.
J'ai lu quelque part qu'il faudra des décennies avant que la théorie des éclaircies
soit établie par la comparaison des résultats obtenus et que jusqu'à présent on n’a
fait que de l’empirisme. Je crains fort qu'on ne fasse jamais autre chose, non seulement
quant au degré de l’éclaircie, qui dépend, à chaque passage, de l'activité de la végéta-
tion, du fait des éclaireies antérieures, des accidents, ete.. mais encore en raison du
mélange des essences, qui est toujours en évolution ou en puissance, toujours à dé-
sirer ou à modifier. Î y a là un problème dont je serais heureux de voir la solution
approchée par les stations de recherches forestières.
Pour moi, je la chercherais autrement, Il n’est pas douteux que des expériences très
précises, des observations mierométriques ou microscopiques, conduites et analysées
par des hommes elairvoyants, peuvent élucider les phé1omènes et instruire le publie
sur les éclaircies en général. Mais, ce dont le forestier a besoin, c'est bien plutôt de
données particulières sur la forêt où il travaille, sur le peuplement qu'il doit éclaireir.
puisque , aussi‘bien , l'éclaircie doit s'adapter pour le mieux à ce peuplement et qu'elle
différera de l’un à l’autre.
À cet égard l’histoire du peuplement sera toujours le meilleur guide de l'opérateur.
Elle peut être fort brève : la relation des exploitations précédentes de toute nature, les
dates et le rendement de chacune d'elles avec annotation de l'état contemporain du
massif et des accidents qu'il a subis, suffisent à expliquer l'état consécutif, et les consé-
quences à en tirer sont certaines. Or, cette histoire en quelques chiffres et en quelques
mots, c'est le compte courant du peuplement, consigné au contrôle de la forêt. qui la
donne.
Un cahier formé de deux pages pour chaque parcelle de forêt suffit à relater, sur
une page, les chiffres qui traduisent les faits et à les annoter sur la page voisine, en
face de la précédente. C’est le sommier de contrôle, indispensable pour toute forêt amé-
nagée, pour loutes les forêts. [l constitue, pour ainsi dire, des stations de recherches
forestières propres à chaque parcelle, et l'ensemble des renselenements à en tirer éclai-
rera d’une vive lumière l'application du traitement. H n'y faut ni beaucoup de décennies ,
ni des recherches savantes: seulement les observations locales exigent un peu de soin et
une suite que le propriétaire doit exiger de ses forestiers. I peut leur recommander
aussi de ne pas bouleverser le parcellaire à chaque revision d'aménagement sous pré-
texte d’une 1dée forte. Tout changement brusque trouble l'économie de la forêt: le ré-
gime qui lui est naturel est celui des actions lentes.
Ch. BroiLcrarp,
—_4m( 9209 es -
Annexe N° 5.
DE LA CULTURE DU SOL
DANS LES COUPES DE RÉGÉNÉRATION.
Après que l exploitation régulière des forêts eut été régulièrement introduite en Da-
nemark , il y a 160 à 190 ans, on commença la régénération naturelle du hêtre, es-
seiice principale du pays. À cette époque, le sol des bois était encore sous l'influence
de la grande quantité de bestiaux qui jusqu'alors avaient habité les forêts et parmi les-
quêls les pores jouaient un rôle important. I en résulta que les premiers réensemence-
inents naturels réussirent bien, de sorte que l’on doit aux régénérations entreprises
à l’aide de la hache. au éommeñéement de notre siècle, beaucoup de beaux massifs.
Mais, avec l'iitroduction da régime forestier et des idées rationnelles de sylviculture,
le pâturage des chevaux et des bêtes à cornes dans les forêts fut défendu : après quelques
dizaines d'années les pores disparurent également , et avec l'extinction de ces droits el
usages le sol des bois subit un changement considérable. Le pâturage et même le par-
cours des forêts par les pores n'avaient pu empêcher que, à cette époque déja, beau-
coup de terrains à sol maigre et sec avaient souffert des altérations défavorables à la
prospérité des bois: mais après la mise en défens de toutes les furêts du pays. le sol
boisé s’est transformé sur des étendues encore beaucoup plus grandes, de manière à
augmenter considérablement les diflicultés de la régénération naturelle, de sorte qu'en
général ce ne fut que dans les sols complètement meubles et frais des terrains profonds
et riches que l’on pouvait s'attendre à un bon résultat de ce procédé.
Par suite de cet état de choses, l'emploi de la régénération naturelle du hêtre ne
tarda pas à causer aux forestiers un désappointement toujours croissant. Pendant la
moitié d'un demi-siècle à pen près, on luttait contre les difficultés de éette méthode,
cherchant les moyens de les vaincre, et enfin la méfiance de la méthode en question
était devenue {elle qu'on la quittait de plus en plus pour avoir recours aux plantations,
méthode ordinairement beaucoup plus coûteuse et trop souvent, dans les sols moins
fertiles, incapable de former des massifs de valeur. — H paraît que dans les pays voi-
sins on avait fait des expériences tout à fait analogues.
Cependant , l'application des sciences naturelles aux études de questions de sylvicul-
ture à maintenant exercé son influence sur la pratique des régénéralions naturelles. On
a commencé, il y a quelque vingt ans, de soumettre à une analyse plus soigneuse
qu'auparavant le caractère du sol forestier, au point de vue de sa biologie et.de ses
Re physiques et chimiques, d'où a résulté, à ce qu'il parait, une renaissance de
la méthode des ensemencements naturels. Toujours est-il que, dans ces dernières années,
sous la direction de nos premiers forestiers pratiques, on à introduit dans la régéné-
—+#5( 203 )e3-—
ration du hêtre les méthodes qui, en général, semblent ressortir de l'application des
nouvelles recherches scientifiques et qui ont eu un suceès complet. Selon l'opinion com-
mune des forestiers de mon pays, on croit avoir vaincu, par les nouveaux procédés, les
difficultés contre lesquelles on avait latté si longtemps.
Les traits principaux de la méthode consistent d’abord en un ameublissement inten-
sif de la couche superficielle du sol, exécuté par labour à la charrue, par hersage et
d’autres opérations pareilles, plus où moins fortes selon l’état du sol, et ensuite en
l'addition de chaux en poudre partout où le terreau contient de l'acide humique libre.
À cela la pratique ajoute encore le répandage artificiel de semences, suflisant pour as-
surer un semis complet, et quelques opérations aptes à garantir la germination de Ia
faîne. On se sert de ces simples moyens de différentes manières, selon les localités © :
1° Là où la terre végétale se compose d’un terreau meuble , couvert, à la fin de l'été,
d’une couche mince de feuilles mortes et d’autres détritus, ces éléments sont éloignés
par le râteau en les ramassant autour des pieds des arbres afin de dénuder le sol avant
la chute des feuilles. Ensuite on le remue à l’aide de là herse et, après que la faine est
tombée, le terrain est soumis à un roulage. Plus tard, les feuilles mortes entassées ont
souvent dispersées sur le terrain.
2° Si la couche superficielle du sol est devenue dure et compacte, qualités suivies
souvent d’une réduction de la substance humique du terreau , la préparation du terrain
se fait par une culture plus intensive. Dans le printemps, avant la feuillaison ; lorsque
les bourgeons des arbres indiquent que la floraison aura lieu, on entreprend le labour
en plein à la charrue:; ensuite, dans le cours de l'été on herse plusieurs fois, une fois
immédiatement avant que les graines doivent tomber. Plus tard on entreprend le rou-
lage, et les feuilles mortes de l'année recouvriront la semence.
3° Dans les forêts à terreau acide, où le sol est couvert d’un feutre de débris orga-
niques incomplèlement décomposé, renfermant plus ou moins d'acide humique libre
et reposant sur un sous-sol compact, on commence la culture du terrain plus à bonne
heure.
Deux ou trois ans avant l’année dans laquelle on s'attend à commencer la régénéra-
tion de la parcelle, on entreprend le labour à la charrue, suivi de plusieurs hersages,
en répandant jusqu'à 25 hectolitres de chaux en poudre par hectare. Les hersages sont
répétés de temps en temps pendant la période suivante jusqu'à la fainée, et quand les
graines sont tombées, on les couvre à l’aide du rouleau ou de la herse comme dans les
autres stations. Par ce traitement, la faine aura pour la germination des conditions sem-
blables à celles des sols à terreau doux et meuble, et on a réussi par cette méthode à
créer de jeunes peuplements complets et de bonne croissance dans ces terrains autre-
ment ingrats.
Autour de ces trois formes principales, dont la première n’est qu'une préparation
de l’ensemencement, les deux dernières au contraire une véritable culture du terrain,
se groupe généralement le traitement du sol dans nos régénérations du hêtre, modifié
de différentes manières selon les localités. Pour les travaux que je viens d'indiquer, on
a construit toute une série d’instraments spéciaux, tant de charrues que de herses,
dont quelques-uns sont de {ypes nouveaux. En outre, il faut remarquer que, en dé-
0) 1 faut rémarquer qu'en Danemark les éclaircies fortes permettent ordinaireinent d'omettre les
coùüpes préparatoires,
—#3( 204 es
pensant tant au labour de la terre, il devient essentiel de s'assurer que les sacrifices
pe soient pas perdus par l'insuflisance de la faine., Dans ce but, la semence natu:elle
est ordinairement complétée par un semis arüficiel partout où on n'est pas rassuré sur
son abondance ou sur sa qualité. Du reste, la coupe d'ensemencement et les coupes
secondaires se font comme à l'ordinaire; seulement il sera permis où même nécessaire,
vu l’état complet ou serré du repeuplement, d'accélérer les coupes secondaires : en effet
les jeunes fourrés, ayant une croissance vive, demandent plus de lumière que dans
une régénération purement nalurelle.
Par ces opérations on a réussi à donner à la régénération du hêtre une sûreté, aux
repeuplements une régularité et à leur développement une vigueur, même dans les
terrains de qualité très médiocre, qu'on n'a pu obtenir par aucune autre méhode.
Cependant il est clur que les frais de ces opérations sont considérables. On pourrait
les indiquer, d'après les données de différentes inspections. par les chiffres que voiri :
Opéralions employées à la station 1............... 25 à 38 fr. par hectare.
Opérations employées à la station 2............... SEM ER
Opérations employées à la station 3............... 150 à 190 fr.
non compris les frais du semis artificiel.
En jugeant de l'opportunité de ces dépenses, on pourrait faire les observations sui-
vantes :
H faut d'abord remarquer que, bien entendu, il n’y aura pas lieu de faire des dé-
penses pour la préparation du lerrain à régénérer là où les propriétés du sol sont telles
qu'on peut obtenir un ensemencement complet et bien venant seulement à l'aide de la
hache. Évidemment il en est ainsi dans certains terrains. même de grande étendue,
en France et dans d'autres pays. Mais lorsque le résultat de la coupe d'ensemencement
est incertain, ou bien s'il faut craindre qu'il ne suili-e pas pour fonder un repeuple-
ment complet et qu'on doive prévoir de nombreux remplacements, alors, selon les ex-
périences failes chez nous, les procédés que je viens de noter semblent offrir des avan-
tages.
D'abord, en général, la régénération sera faite par une seule fainée: il n'est pas
nécessaire d'avoir recours à plusieurs aunées de semences successives pour la formation
d'un fourré complet. et les regarnis seront minimes ou nuls.
Ensuite on sera en état de pouvoir faire la coupe définitive après 10 à 15 aus, au
lieu de la reculer encore 10 ans comme dans la régénération naturelle ordinaire, ce qui
causerait un endommagement des gaulis souvent assez considérable.
Enfin il sera beaucoup plus facile de créer à l'aide des éclaircies une futaie régulière
et bien formée d'un massif provenant d'un seul ensemencement complet que d'un re-
peuplement dü à plusieurs années de semences el entremélé de remplacements nom-
breux.
En réalité, nous avons obtenu cts résallats là où l'on s'est servi de manière raison-
née des procédés que je viens d'indiquer. Mais. en outre, on a pu constater que les
frais de I préparation du sol et du répandage artificiel des semences ne dépassent nul-
lement les dépenses qui, sans ces opérations, auraient été nécessaires.
Dans la régénération du hêtre, le labour du sol est, comme on le sait, une opération
fort bie 1 connue et souvent employée, soit le labour en plein, quoique plus rarement ,
—#2( 205 ).es—-
soit le labour par bandes ou par places. Alors il y aura lieu de demander en quoi con-
siste la différence entre la méthode mentionnée plus haut et l'usage généralement ad-
mis : par celui-ci on cherche en divisant le sol à favoriser l’enracinement de jeunes
brins de semence: c’est une opération efficace au moment de la germination ou tout au
p'us pendant la première année. — Par celle-là on a pour but de créer un terreau doux
et meuble où il en manque; c'est une opération dont les effets s'étendront sur la pre-
mière période de la vie du repeuplement jusqu'à ce qu'il soit en état d’abriter lui-
mé-ne le sol et d'y maintenir les propriétés spécialement favorables à la prospérité du
fourré. Le labour partiel du terrain et les opérations entreprises immédiatement avant
le semis ne donnent pas le même résultat: la cause en doit être que le labour en plein
el la culture continuée de la surface changent les propriétés physiques et chimiques du
sol et en font ui nouveau milieu pour la vie organique qui y est venue.
Si enfin on demande en quoi consistent ces changements, nous pourrions faire ob-
server que, par la méthode indiquée, le terrain doit se transformer d’un milieu favo-
rable à la vie des microorganismes anaérobies en un différent qui permet le développe-
ment et la prospérité des aérobiontes. Or, en ameublissant parfaitement le sol et en y
ajoutant des éléments alcalins, on ôte du terrain compact et acide les conditions de la
vie des microorganismes anaérobies, généralement nuisibles à la végétation des plantes
supérieures, et on favorise l’activité des aérobiontes, de laquelle dépend de beaucoup
de manières la fertilité du terreau. Si celte explication donne la véritable cause de la
réussite de nos régénéralions, où bien s'il ne fait qu'indiquer un symptôme d'un cer-
tain état du sol, c’est là une question qui doit être réservée aux recherches de l'avenir.
À cet égard et sur beaucoup d’autres points, la régénération naturelle du hêtre telle
qu'elle s'est développée en Danemark demande encore des études beaucoup plus appro-
fondies et des expériences continuées. Cependant, il me semble qu’elle offre un certain
intérêt, tant au point de vue théorique que par des raisons pratiques : elle engage le
forestier à des recherches scientifiques sur la nature du sol boisé qui, peu pratiquées
jusqu’à présent, promettent à la sylviculture les mêmes progrès que les recherches
analogues ont procurés à l’agriculture.
P. E. Muzrr.
—#>( 206 )3-—
Annexe N° 4.
TRAITEMENT DES TAILLIS SOUS FUTAIE
EN VUE D'AUGMENTER
LA PRODUCTION DU BOIS D'OEUVRE.
L'inscription de cette question au programme du Congrès de sylviculture tenu à
Paris témoigne de l'intérêt que l'on porte aujourd'hui en France au mode du taillis
sous futaie. Peu de contrées renferment dans leur domaine forestier une aussi grande pro-
portion de taillis composés que la France, et cependant il semble que dans notre pays
ils aient été longtemps méconnus, voire même tenus en mépris, alors que toutes les
expériences, toutes les études se portaient sur les futaies, que presque toutes les dé-
penses de travaux d'améliorations étaient faites dans celles-ci.
Depuis une vingtaine d'années les taïllis paraissent s'être réhabilités aux yeux du
forestier français. C’est que le régime du taillis présente d’inappréciables avantages par
la sûreté de sa régénération, la marche régulière de ses exploitations, la fixité de l’as-
siette de ses aménagements; d'autre part, le taillis composé peut, à ‘égal de la futaie,
donner des bois d'œuvre de fortes dimensions ; il n’est point de plus bel arbre que l'an-
cien chêne qui étend au-dessus du jeune peuplement sa cime vigoureuse et complète
qui n'a point été délormée par la lutte pour la vie que soutient dans le massif uniforme
son congénère de la futaie; enfin il peut produire de ces bois d'œuvre en grande quan-
üté, en quantité bien plus considérable qu'on ne croit généralement,
Nous rechercherons dans la présente note quel est le traitement à appliquer aux
taillis sous futaie afin de leur faire produire la plus grande quantité possible de bois
d'œuvre, et, dans celte quantité, la plus grande proportion possible de gros bois. L'état
que nous cherchons à constituer pourrait être défini +la limite du taillis COMPOSÉ » ;
une réserve plus nombreuse que celle que comporte cet état aurait pour eflet la con-
version en futaie. Nous étudierons à cet égard trois points bien distincts dans le traite-
ment : 1° la durée de la révolution: 9° le plan de balivage: 3° les divers soins et tra-
vaux d'amélioration ou d'entretien. -
Il va de soi que cette étude ne se rapporte qu'aux taillis sous futaie proprement dits,
capables de fournir de gros arbres, en écartant les peuplements dénommés taillis sous
futaie, sis sur sol aride ou rocailleux, dans lequel la réserve ne produira jamais d'arbres
de belle valeur.
[. — FixATION DE LA DURÉE DE RÉVOLUTION.
La révolution doit être fixée à un minimum de 30 ans; il sera souvent avantageux
d'adopter une durée supérieure, allant jusqu'à lo ans, si le peuplement est composé
d’essences se reproduisant bien par rejets.
—4##( 207 )ee3-—
Les baliveaux fournis dans les taillis exploités aux âges de 30 ans et plus sont forts,
capables de résister aux accidents météoriques après leur brusque isolement : si l’on
veut faire de la eulture intensive d’arbres de réserve, il est indispensable de s'assurer
de beaux baliveaux. Les longues révolutions seules assurent l'allongement des tiges des
arbres de réserve, facteur important pour la production en bois d'œuvre. Enfin elles
assurent le nombre des baliveaux : vers l’âge de 20 à 25 ans, le taillis s'est élevé, 1l
s’éclaircit quelque peu, de telle sorte que son couvert n’empéche plus les graines, tom-
bées des arbres de réserve, de germer, ni le jeune semis de végéter; ce sont ces semis
qui fournissent le baliveau de franc pied ou le rejet de jeune souche, seuls capables de
former l'arbre de grand avenir I est inutile d’insister plus longuement sur ce point de
la question, qui a été à maintes reprises traité par les maîtres de la sylviculture fran-
çaise.
IL. — PLan DE BALIVAGE.
À proprement parler, les aménagements de forêts traitées en taïllis sous futaie n'ont
guère, jusqu'à présent, consisté qu'en une opération topographique : on groupe dans
une même parcelle des bois d’âges sensiblement égaux, on donne aux coupes des
formes aussi régulières que possible; on s'efforce d'assurer à chacune d'elles une vi-
dange facile et indépendante: parfois encore on prescrit des coupes, de régularisation
n
àges.
Sans doute un pareil aménagement réalise un progrès considérable par la régularité
dans la marche des exploitations, la plus-value des produits facilement transportables
aux lieux de consommation; mais de la quotité de ces produits, des âges et dimensions
d’exploilabilité, de la répartition désirable de la réserve en petits bois, bois moyens,
gros bois, il n’est généralement point question; ou bien les prescriptions de l'aména-
gement sur la manière de marquer les coupes sont vagues, de telle sorte que finalement
le balivage est laissé à l'intuition, au savoir-faire de l'opérateur. En un mot, dans la
plupart des aménagements de taillis sous futaie, le plan de balivage précis, appuyé sur
des inventaires, fait défaut, et, quelque habile que soit l'opérateur, son œuvre prêtera
aisément à la critique, d’ailleurs souvent mal fondée.
Si le plan de balivage fait défaut, c’est que font défaut aussi les renseignements né-
cessaires à sa conception. Que l’on considère combien sont précises et nettes les pres-
eriplions d’un aménagement de futaie jardinée; elles indiquent les dimensions d'exploi-
tabilité pour chaque essence, la possibilité annuelle, les années même auxquelles telle
ou telle parcelle doit être parcourue, C’est que pour pouvoir formuler ses prescriptions,
l’'aménagiste a inventorié sa futaie, il en a classé les produits, déterminé les accroisse-
ments; chaque revision de possibilité vient rectifier les quelques erreurs que peut ren-
fermer l'aménagement primitif. Si l'on considère que la réserve dans un taillis composé
est une sorte de futaie jardinée, on est amené tout naturellement à user, pour la con-
fection du plan de balivage raisonné, de procédés analogues aux études d'aménagement
de la futaie jardinée.
Inventaires. — Les opérations que l'on pratique sur le terrain dans les taillis sous
futaie — balivage et récolement — sont de nature à fournir facilement et sans grand
surcroît de travail la plupart des renseignements désirables,
-#3( 908 ).e3-—
Le calepin de balivage classe les arbres abandonnés à l'exploitation en catégories de
grosseurs, suivant Îles usages et les tarifs de cubages de l'inspection du lieu: 1 indique
le cnbe de chaque catégorie. Si lon complète les données du ealepin par l'indication
des dimensions à partir desquelles le bois commence à se vicier ®”, — le brigadier et le
garde du triage feront aisément ce relevé au moment de l'exploitation des coupes, —
on aura tous les renseignements qu'il est nécessaire d'avoir sur l’ensemble des arbres
abandonnés et sur les dimensions d'exploitabilité.
Si l'opération du récolement doit avoir pour but unique de constater que l'adjudi-
calaire a respecté tous les arbres ayant reçu un ou plusieurs coups de marteau, c’est
bien l'opération la plus fastidieuse du métier: mais si on profite du récoleraent pour
classer la réserve en les mêmes catésories que l'a été l'abandon lors du balivage, si en-
suite on cube cette réserve, en Lenant compte des arbres brisés par l'exploitation , opé-
ration sera d'un grand intérêl.
Les deux calepins donneront l'inventaire complet et détaillé du matériel existant au
moment de l'exploitation © ; ils permettront d'établir à tout moment le bilan de Ia
forêt.
Cube maximum de la futaie. — Si Von veut perpétuer le régime, 1l faut assurer au
laillis sa place nécessaire et suflisante: un hectare d’un taillis sous futaie donné ne peut
donc, à la veille de l'exploitation, renfermer un volume de réserves supérieur à un
certain cube maximum.
C'est une question de fait. On déterminera ce cube maximum V par des places d'ex-
périences bien choisies dans la forêt même ou dans les forêts voisines et semblables.
C'est ce cube maximum que le traitement doit tendre à produire.
Nous avons constaté dans le cantonnement de Neufchâteau sud (Vosges) (que nous
avons géré pendant 13 ans) que des coupes exploitées à 30 ans renfermaient à la
veille de l'exploitalion 200 mètres cubes d'arbres (houppier compris) et que le taillis
fournissait encore les baliveaux en quantité strictement suflisante : d’autres coupes ren-
fermant un matériel d'arbres de 250 mètres cubes étaient à l’état de futaie bätarde qui
avait étouffé le taillis. Nous avons été en droit d'en conclure que le cube de 200 mètres
cubes par heclare est le cube maximum auquel, dans la région , on peut amener les
arbres de réserve, sans changer le régime, — ailleurs ce cube peut être différent, su-
périeur où inférieur, — mais il est probable, certain même , que toutes choses égales
d'ailleurs, ce cube sera d'autant plus grand que la révolution du taillis sera plus longue
Faute de connaitre jusqu'à quelles dimensions les bois restent sains dans chaque coupe , l'opéra-
leur est bien forcé de s'en rapporter aux signes extérieurs de la végétation et ceux-ci sont parfois trom-
peurs : il arrive que tel gros chêne dont la cime est restée vigoureuse est complètement pourri, alors
qu’en d’autres coupes , de gros chênes dont la cime présente de nombreuses branches mortes sont parfai-
tement sains. — Le canton Feyel de 1a forêt communale de Laudaville (arrondissement de Neufchäteau),
d'une contenance de 12 hecfares, a la forme d’un rectangle; il est situé sur un versant uniformément
exposé au midi; il est divisé en deux coupes par une ligne de plus grande pente : il semble donc que
les deux coupes soient identiques. L'une et l'autre renfermaient des chènes remarquables par leur as-
pect vigoureux — füt lisse et élancé, cime globuleuse bien fournie, point de branches mortes, — elles
ont été exploitées, il y a une quinzaine d'années, à un an d'intervalle : dans l’une, tous les chènes
exploités, mème les plus gros, étaient parfaitement sains: dans l’autre, tous les chênes étaient pourris
à partir de 1 m. 0 de tour.
% On néglige l'accroissement qu'a pris la réserve entre le balivage et le récolement.
-..#2( 209 js
et par suite les arbres plus élancés, car avec une plus grande hauteur de fût ils exer-
ceront un moindre effet nocif sur le taillis.
Catégories, déchets, coefficients de réserve. — Dans une étude d'aménagement de
futaie jardinée, après avoir inventorié le matériel, déterminé les âges et dimensions
d’exploitabilité, on se préoccupe de savoir si la forêt étudiée présente en proportions
convenables les bois d’âges moyens et les gros bois. De même il importe que dans la
réserve d'un taillis-sous-futaie les différentes catégories ou classes d'âges soient repré-
sentées en proportions convenables; c'est là, à notre avis, un côté essentiel de la
question.
Théoriquement, on ne devrait exploiter chaque arbre que lorsqu'il est arrivé au
terme de son exploitabilité; il serait remplacé numériquement par l'arbre de la classe
d'âge inférieur et ainsi de suite. Admettons par hypothèse, pour le raisonnement , que
le terme de l'exploitabilité soit 150 ans, et la révolution, 30 ans. La réserve, au mo-
ment de l'exploitation, serait formée comme suit :
25 arbres à exploiter de 150 ans, de 2 mètres de tour, cubant 4°°6
ÉL- : 0 + RS ONE SR Pt SE CE 1190
25 vieilles écorces de 120 ans, de 1°” 50 de tour, cubant 2° 3 ;
l'un 57° 5e
æ £ à
°5 anciens de go ans, de 1” de tour, cubant 09 l'un .... 22 | (ré :
a : FTP : réserver
25 modernes de 60 ans, de 0° 50 de tour, cubant 0% 9 lun 5 )
/
Cet état se perpétuerait théoriquement par l'exploitation des arbres de 150 ans,
parvenus au terme de l'exploitabilité et par la réserve de toutes les autres catégories
auxquelles on ajouterait 25 baliveaux de l’âge.
Mais en pratique. tous les arbres réservés n'arrivent pas au terme de leur exploita-
bilité : les accidents divers, les nécessités d’espacement font tomber sous la hache des
arbres de 60, 90, 120 ans, en même temps que des arbres mürs de 150 ans: c'est
plus d’un baliveau, plus d'un moderne qu'il faut réserver pour oblenir une vieille
écorce.
Pour favoriser la production maxima en gros bois, il importe de connaitre les dé-
chets causés dans chaque catégorie par les accidents et les nécessités d’espacement, afin
de ne réserver, en arbres des catégories inférieures, que le nombre strictement néces-
saire et suflisant pour donner les gros bois. Appelant coefficient de réserve le rapport
des arbres susceptibles d'être utilement réservés au nombre total des arbres d'une caté-
gorie, nous avons trouvé, dans des coupes d'expériences du cantonnement de Neuf-
château sud, que ces coeflicients variaient suivant les coupes :
Gamer. Te Ada de 0:50:2/ 0:00
Pour les arbres de{ go Tr an fade pre 8 d'aide 0.70 0.79
120 or aides tue DE SERA 0.50 0.69
Ges coeflicients étant, dans tous les cas, voisins de 1/2, ou un peu supérieurs , on
peut admettre, dans la pratique, le coefficient 1/2 pour toutes les catégories; c'est-à-
dire que pour obtenir dans trente ans un arbre de 120 ans bon à réserver, il suflira
au moment du balivage d'en réserver deux de go ans: de même pour obtenir dans
SYLVICULTURE. 1
—+2( 210 )e3—
trente ans un arbre de 90 ans bon à réserver, il aura suffi, au balivage, d'en réserver
deux de 60 ans. D’après cela, on est amené à marquer en réserve la combinaison
suivante :
1 vieille écorce . .... dre E SNS AN SES FRS ER asser Hé 120 an
ANCIEN es se soie RE EN nn SN nb dr UE 90
Rinbientes is} 72 512 DEMRRCENRR PPRERE Serra TE 6e
16 bahivoañe 4: 5 SI MEN Men RL DES: 30
Nous admeltons que 2 dixièmes des baliveaux seront brisés par l'exploitation.
Cette combinaison produira au bout de la révolution :
+ Svhre PE ARR LR PR Re ES de 150 ans.
2 vieliles ÉCOPCBS 2 220 2 PR D RNA LISA NS NE 0 120
L anges LR HS SRE 57e DES SRE RS 90
6 modernes 0 Re nu ce Sets darts 60
On exploitera : On réservera :
1 ar ble 4 2e es -de 150:anse CERN LR NS RE
1 vieille écorce. . .…. 120 1 vieille écorce........ de 120 ans.
2 anciens. ....... 99 Cf 0 RENE 90
h modernes. ..... 6o modernes..." 60
AE LD ae Dane 20e + 10 baliveaux.
Pour faire entrer cette combinaison dans le domaine de la pratique, on considérera,
non point les âges qu'on ne connaît pas, mais les diamètres qu'on peut mesurer. Quels
que soient l’âge et les dimensions d’exploitabilité, on classera les arbres en trois caté-
gories, bois petits, moyens et gros; les données des calepins permettront de déter-
miner dans chaque forêt les diamètres convenables à attribuer à ces catégories; par
exemple :
PES DORE ae mere ce ete ie cotes... deo.20 à 0.35 de diamètre.
PO HORS Sun dite axe Gestes 0.40 0.55
Gros Das A Nr a MAS TER T AR oi 0.60 et au-dessus,
et on les réservera dans les proportions de 4, 2, 1.
Accroissement de la réserve dans son ensemble. — Connaissant par le calepin de ré-
colement, Ja composition et le cube de la réserve au lendemain de la dernière exploita-
tion, on déterminera l'accroissement de l’ensemble de cette réserve en inventoriant Île
matériel sur pied à la veille de la prochaine exploitation. On trouvera, par exemple,
que o mètres cubes réservés par hectare sont, au bout d’une révolution, devenus
125%—50X2,5. Nous donnons à ce facteur 2,5 le nom de coeflicient d’accroissement
de la réserve.
U a nécessité, pour être connu, une opération supplémentaire: l'inventaire du maté-
riel sur pied à la veille de la prochaine exploitation. Mais il faut remarquer que cette
opération supplémentaire n'aura besoin d’être faite qu'une fois. On tablera sur ce coefli-
cient en attendant qu'il soit revisé, et la revision s'en fera ultérieurement sans travail
ht te sie tintin. à
—##( 21 Ves—
supplémentaire par la comparaison du cube réservé (calepin de récolement) et du cube
existant au bout de la révolution (somme des cubes portés aux calepins de balivage et
de récolement de da révolution suivante).
Faute d’avoir les inventaires nécessaires, nous avons fait dans les taillis-sous-futaie
des Vosges des expériences ayant pour but de déterminer ce coeflicient d’aceroissement
et nous avons trouvé qu'il est à peu près constant, variant de 2.4 à 2.9 pour une révo-
lution de 30 ans. De l'analyse de la coupe n° 8 du bois communal de Velaine-sous-
Amance, donnée en exemple par notre éminent maître M. Broilliard dans son cours
d'aménagement, pages 339. 340, il résulte que ce coefficient est de 2,5 pour une ré-
volution de 25 ans, il serait de 2,7 pour une révolution de 30 ans.
Cependant, quelques forestiers des plus distingués se sont refusés à croire que la
réserve d’un taillis-sous-futaie pouvait doubler et presque tripler son volame en une
révolution de 30 ans. Nous croyons donc devoir insister sur ce point important de la
question par les considérations suivantes qui démontreront encore que le coefficient
d’accroissement est compris entre 2 et 3 et se rapproche généralement de 2.5.
Considérons la combinaison de catégories d’äges dont il.a été question au paragraphe
précédent et voyons ce qu'elle donne dans les différents sols, en estimant ceux-ci d’a-
près l'accroissement annuel moyen des arbres qu'ils portent :
1° Accroissement annuel de 1 centimètre sur la circonference. — C'est l'accroissement
que lon constate sur les sols de médiocre qualité : moins de deux millimètres sur le
rayon.
1 arbre de 120 ans aura 1” 20 de tour sur 8" de haut et
Cuberd: 7 20e RM ET TN CR CC DAS: de DO
2 arbres de go ans étant 0® 90 de tour sur 7° de haut et
et SO ON PE or IE NE PR EU SCT
arbres de 60 ans auront 0° 60 de tour sur 6” de haut et
CHBPEOTÉS EE re te PPS RS OR US sg Rd
LOU PP CE CE RS ET RES TE NÉE LO0N D
La combinaison donnera au bout de la révolution :
1 arbre de 150 ans, de 1* 50 de tour et 9” de haut,
cubant. Se ER EL PORTRAIT ERA ER Cal:
2 arbres nr 120 ans, de 1” 20 de de et 8” da ce
CHARS UF es co Rien Fluid cer O8, Z Eat».
L arbres ‘S 90 ans, de 0” 90 ë tour et 7° de haut, cubant 3
8 6o 0" 60 6 2 2
°° 6 sont devenus 10°° 8.
* est devenu 2*° 4 (coefficient d'accroissement).
Nora. Pour un volume maximum V de la futaie égal à 200"°, cette combinaison tiendrait
vingt fois dans un hectare.
Houppiers compris. C’est ainsi qu'il faut entendre tous les volumes dont il est question dans
celle note.
14.
—4t#( 219 )es-—
° Accroissement annuel de 1 cent. 1/4 sur la circonférence. — C'est l'accroissement
que l’on constate sur un sol assez bon : » millimètres sur le rayon.
1 arbre de 320 ans aura 1° 35 de tour sur 8" de haut et
cnberaap it c ete dde der ne Reebre eee pee LOU)
» arbres de go ans auront 1° 01 de lour sur 7" de haut et
cuberont se seen this alain eee 2e ete LES que 5
h arbres de 60 ans auront 0° 67 de tour sur 6” de haut et Nr; |
cubperont .-.----r Sa Te Vale ee Te ee nn à Mass ed | “9
t0-baliveaux . NME PER RES ROC
La combinaison donnera au bout de la révolution :
arbre de 150 ans, de 1" 69 de tour et 9” de haut,
CUDant 20 SR Eee Pneu al ue D
2 arbres de 1290 ans, de 1" 35 de A Ë ge de HSE
cnpant RER: Ts GR ee toc ie see es PLUS NEC 13° 4
h arbres de 90 ans, de 1° 01 de tour et 7° de haut, cubant 3 6
ë 8 60 0" 67 6" 2 6
° 5 sont devenus 13° 4.
1"° est devenu 2"° 4 (coeflicient d'accroissement).
Nora. La combinaison liendrait quinze fois dans un hectare, pour V—200°°
3° Accroissement de 1 cent. 1/2 sur la circonférence. — C’est l'accroissement que fon
constate sur un sol de bonne qualité : un peu plus de 2 millimètres sur le rayon.
1 arbre de 120 ans aura 1° 8o de tour sur 9” de haut el
CUDerA ALERTER ASS INA 9226 00
> arbres de go ans auront 1° 35 de tour sur 8" de haut et
CHDETOUL ST ER TS ENS Me EE Re, LE 3 nn PL
HONG
h arbres de 6er ans auront 0% go de tour sur 7° de haut el
cubDeronte st re D EE AN AE LAURE. Pa ee DONNE Lee 2 5
MER TEGU) ot a or non te ee o 5
La combinaison donnera au bout de la révolution :
1 arbre de 150 ans, de 2° 5 de tour sur 10° de haut,
CUDAN AL MEET Ecran Lite ent senc sat cale 6° 4
2 arbres de 120 ans, de 1° 80 de tour sur 9” de Eaak, À
CUBE PR ner mures RE EN Me be FI
& arbres de go ans, de 1° 35 de in sur 8" de haut, cubant 7 6 à
8 6o 0° 90 7 5 # | À
*° 4 sont devenus 26° ».
& 250 devenu 2° 5 (coefficient d'accroissement). 4
j
ue,
Nora. Cette combinaison tiendrait huit fois dans un hectare, pour V=300
—42( 213 js
Aceroissement de 1 cent. 3/4 sur la circonférence. — C'est l'accroissement que l'on
constate dans les sols fertiles : 3 millimètres sur le rayon.
1 arbre de 120 ans aura 2° 10 de tour sur 9" de haut et
CUDET ADS LES Tu are note RS SRE DE
2 arbres de go ans auront 1° 57 F tour sur 8° de haut et
Tuberonte sise us Le OR N ee OUEN DU Ve
4 arbres de 60 ans auront 1° 05 de lour sur 6° de haut et
CuherOnt se ES sed em asn de sm e ini cles
DATE ne re Eee la et ess ec sir &
=
ot
Cette combinaison donnera au bout de la révolution :
1 arbre de 150 ans de 2° 692 de tour sur 10" de haut,
D Me Me ee D Den TN. TES Get)
> arbres de 120 ans de °° 10 de tour sur 9" de hant |
FL PP RP CE CT TER DT ON PE ES CRIER LUN CPR RE
4 arbres de 90 ans de 1° 57 de tour sur 8® de haut, cubant 10 |
8 Go 17 05 6” 6 8
14° sont devenus 35° 7,
1% est devenu 2°° 5 (coeflicient d'aceroissement).
Nora. Cette combinaison tiendrait de 5 à 6 fois dans un hectare, pour V—200""°
Si nous envisageons un sol d’une fertilité extraordinaire, Lel que les alluvions de a
plaine de Gray, où, d'après les renseignements qu'a bien voulu nous donner M. Broil-
liard, l'accroissement annuel moyen est 8 millimètres sur le diamètre, soit 2 centim. 1/2
sur Ja circonférence :
1 arbre de 190 ans aura 3° de tour sur 12° de haut et
LE NE D PRE DE PRE D DÉRLIE À: TA
2 arbres de go ans auront 2" 25 de tour sur 10" de baut
PCDRETON EEE NES NL ea ln ia e ee v'atolet e dloteraa LOS À
k arbres de 60 ans auront 1° 50 de tour sur 8° de haut et 9
Ra ee ana alors sus dires PRET
10 baliveaux (on les portera ici à 1 décistère lun)........ 1 # |
La combinaison donnera au bout de la révolution :
1 arbre de 150 ans, de 3° 75 de tour sur 14° de haut,
UT ÉPRRE NES PAT ET TIR tr ee I TS . 35° 6
2 arbres de 120 ans, de 3" de lour sur 12° de haut, cubant 27 8 gue,
h 90 2" 25 10° 6 = |?
8 60 1° 50 8" 18 6
37° 3 sont devenus 98"° 2
1° est devenu °° 6 (coeflicient d’accroissement).
ani
Nora. Cette combinaison tiendrait deux fois dans un hectare, pour V—200
Ce qui frappe tout d'abord dans l'examen des tableaux précédents, c'est que le coet-
ficient d’accroissement est constant quel que soit le degré de fertilité du sol: mais cela
#8 ( 914 )ee3—
s'explique si l'on considère que dans les sols riches, la réserve comprend nombre de
gros arbres dont ie volume n'augmente pas dans la même proportion que les arbres
de faibles dimensions.
On peut constater par un calcul analogue aux precédents, que dans les sols riches de
Gray, le coeflicient d’accroissement de la futaie atteindrait et dépasserait même le
nombre 3, si l'on réduisait le terme de l'exploitabilité de cent cinquante à cent vingt ans.
On pourrait donc être tenté d'élever plutôt de jeunes arbres dont l'accroissement de
volume est plus considérable, mais il faut considérer 1° que leur valeur à l'unité de
produits sera bien moindre; 2° qu'à volume égal, des arbres jeunes ont un couvert
bien plus considérable que de vieux arbres et que dès lors le volume maximum de
futaie V serait diminué.
Plan de balivage, — Pour le moment, les calepins de balivage et de récolement de
la dernière révolution ne renferment pas les inventaires dont il a été question plus
haut, permettant de déterminer à coup sûr le coeflicient d’accroissement de la réserve
pendant une révolution. On l'arbitrera à ».5 pour une révolution de 36 añs, un peu
moins pour celle de 25 ans, un peu plus pour celle de 35 ans. |
On arbitrera, d'après les données actuelles des calepins et d'après la connaissance
que l’on a de la forêt. les dimensions à assigner aux trois classes, bois gros, moyens
et petits.
On admetira les coefficients de réserve de chaque catégorie égaux à 1 demi. Ces
coeflicients, dont la détermination exige des expériences assez longues, pourront même
être fixés définitivement à 1 demi.
Mais on déterminera immédiatement, par des places d'expériences, le volume maxi-
mum V que peut renfermer, dans la forêt envisagée ou dans des forêts similaires, un
hectare bien constitué en réserves.
Connaissant le volume V, les prescriptions relatives au balivage, dans le cas d'une
révolution de 30 ans, seront les suivantes : Marquer en réserve, par hectare. un. volume
égal à 55 en ayant soin que les gros bois, les moyens bois et les petits bois soient
représentés numériquement dans la proportion 1. 5. 4. Ou, pour employer les expres-
sions usitées dans le traitement des taillis-sous-futaie : Réserver les deux cinquièmes du
volume V en ayant soin que la réserve comprenne une vieille écorce pour deux anciens
et quatre modernes. À ces arbres on ajoutera une centaine de bons baliveaux, un peu
plus si la croissance est lente el que les arbres de futaie soient de faibles dimensions,
un peu moins si la croissance est rapide et que la futaie renferme de gros arbres.
Dans les Vosges, où nous avons trouvé V—200"", on réservera à chaque balivage
80 mètres cubes, formés de bois gros, moyens et petits dans les proportions susdites.
Au bout de la révolution, le volume réservé — sera redevenu V. Cas particulier de
24
la futaie jardinée, le taillis-sous-futaie se retrouvera, comme celle-ci, identique à lui-
même au bout de la révolution.
Revision du plan de balivage. — Au bout d’une révolution du taillis, l'examen des
calepins de balivage et de récolement renfermant les inventaires et les indications que
nous avons signalés plus haut permettra de reviser le plan de balivage pour chaque
forêt, pour chaqué coupe même, N
sh Rd ns à à
todos bit d' be - à
—#2( 915 es
On saura d'une manière certaine jusqu’à quelles dimensions les arbres restent sains
dans chaque coupe; on en déduira les dimensions à assigner à chaque classe — gros,
moyens et pelits bois.
On saura comment s'est comportée la réserve dans son ensemble au point de vue de
l'accroissement et on en déduira le coeflicient d’accroissement.
La revision portera évalement sur V.
Ces revisions seront faites utilement à chaque révolution.
Observations. — Le procédé que nous signalons nous paraît pouvoir entrer dans le
domaine de la pratique parce qu'il est simple, parce qu'il n’exige point de calculs ni
d'opérations sur le terrain en dehors des balivages et des récolements, qu'il suffit pour
l'appliquer de compléter le calepin de balivage par l'indication des dimensions jus-
ppliq P + J
qu'auxquelles les bois restent sains dans chaque coupe — ce que l’on aura constaté au
cours de l'exploitation — et de compléter le calepin de récolement par l'inventaire de la
réserve classée en catégories de grosseur et par son cube, — inventaire qui se fera simul-
tanément avec l'opération du récolement.
Déjà dans la conservation de Chaumont, ces inventaires se fon: ainsi aa moment du
J :
7 . . Fer. . » 1 CE . ’
récolement. La prescription mériterait d'être généralisée: car indépendamment même
de la question du traitement, il sera utile dans bien des cas de savoir quel matériel
d'arbres renferme la forêt et de pouvoir en établir le bilan.
I
IT. — Drivers sois OU TRAVAUX D'AMÉLIORATION OU D'ENTRETIEN.
Les travaux d'amélioration ou d'entretien à exécuter dans les taillis composés et les
soins à leur donner en vue de la production du bois d'œuvre ne sont guère dis-
pendieux.
1° Nous avons dit qu'il se produit des semis naturels dès que le taillis atteint une
certaine élévation , — vers l'âge de 20 à 25 ans. — Aussitôt après l'exploitation du taillis,
un certain nombre de ces jeunes plants bien espacés, futurs baliveaux, devront étre re-
pérés; on les dégagera 1vec soin au fur et à mesure que le taillis en repoussant mena-
cera de les étouffer. Parfois il sera avantageux de les receper a: moment de l'exploita-
tion du taillis. Ces soins concernent le garde du triage.
2° Quelques années avant l'exploitation du taillis, on dégagera les jeunes baliveaux
d'avenir, afin que leur cime prenne de l'ampleur et leur füt du volume, ce qui leur per-
mettra de résister aux accidents météoriques après leur brusque isolement. Il ne faut
pas confondre cette opération, qui tient du nettoiement, avec l’éclaireie du taillis; si
des éclaircies du taillis étaient prescrites, on profiterait du passage de ces coupes, pour
pratiquer le dégagement des baliveaux d'avenir.
3° Si ce double dégagement n'assure pas le nombre de baliveaux désirable, on fera
des plantafions de sujets de moyenne tige, en petit nombre (cent à cent cinquante).
Nous avons vu assurer de cette manière la régénération des arbres de futaie dans la
fertile forêt de Schlestadt (Alsace), traitée en taillis-sous-futaie , où tous les brins de
semence sont détruits par le gibier (daim et chevreuil). Le prix du mille de plants
moyenne tige se monte à 56 marks, soit 70 francs; les plantations sont faites par places
de loin en loin, chacune d'elles est entourée d'un treillage métallique revenant à
_#+2( 216 )e3--—
26 pfennings, soit o fr. 35 le mètre courant. La pénurie du gibier en France dispen-
sera du treillage et la dépense se réduira à 7 francs pour un cent de plants.
4° H arrive fréquemment que les arbres de futaie et surtout les jeunes chênes se
couvrent de branches gourmandes aussitôt après l'exploitation du taillis. Si on laisse se
développer ces branches gourmandes, elles arrivent parfois à former autour de la tige
de véritables manchons qui arrêtent la sève et font sécher la cime. On devra procéder
à l'émondage de ces arbres dès l'année du récolement: s'il y a lisu, on répétera cette
opération une ou deux fois de deux en deux ans.
Les dépenses occasionnées par ces divers soins et travaux d'amélioration ne dépasse-
ront pas 80 à lo francs par hectare au cours d'une révolution. elles seront insigni-
fiantes par rapport à la valeur de la coupe.
H. Ware,
hs tamis à.
Le. me dr SD ES éS
-##( 217 es
Annexe N° 5.
TRAITEMENT DES TAILLIS SOUS FUTAIE
EN VUE D'AUGMENTER
LA PRODUCTION DU BOIS D'OEUVRE.
Généralités : Relation entre le sous-bois et la futaie. — Le tailis sous futaie renferme
deux éléments distincts, le sous-bois et la futaie, qui se contrarient réciproquement
dans leur végétation, mais qui dépendent lun de l'autre et entre lesquels il importe de
maintenir l'équilibre. Dans le sous-bois, les souches, soumises à des exploitations ré-
pétées à intervalles plus ou moins courts, finissent par s'user et disparaitre les unes
après les autres, et la forêt s'appauvrirait peu à peu si les vides n'étaient pas constamment
comblés un peu par les drageons et les marcottes produites par lenracinement des
branches trainantes, mais surtout, pour les essences précieuses, par les semis provenant
des graines que les arbres de futaie répandent autour d'eux. D'un autre côté, le baliveau .
qui est le point de départ de la futaie, ne peut être pris que dans le sous-bois, parmi
les brins de semence, les rejets sur jeunes souches et, seulement à leur défaut, ceux
sur vieilles souches. Ces derniers n'ont pas d'avenir; de plus, ils ont à leur base un
foyer de pourriture qui se propage sans cesse et occasionne sonvent une grande dépré-
ciation sur la valeur des bois.
Choix des bahiveaur. — Le choix doit se porter particulièrement sur le chêne, l'es-
sence principale, qu'il faut rechercher dans la plupart des taillis sous futaie pour con-
stituer la réserve, parce que le prix de son bois augmente avec le volume des arbres,
d’où il résulte une double cause d'accroissement de revenu, ce qui ne se présente géné-
ralement pour aucune autre essence feuillue.
H est inutile de m'étendre longuement sur les règles de culture à appliquer à ces -
forêts, on les trouvera exposées dans de nombreux traités de culture des bois et d'amé-
nagement. Je ne m'occuperai ici que du cas particulier où le chêne fait défaut dans le
sous-bois.
T'aillis où le chéne fait défaut. — Souvent, dans les parties les plus fertiles et les plus
favorables à la végétation du chêne, le sol est entièrement occupé par des cépées d’es-
sences secondaires, au milieu desquelles les futaies sont très clairsemées. On est encore
heureux quand ce sont les bois blancs qui dominent, parce que sous leur feuillage léger.
on ne tarde pas à voir apparaître des semis de chêne et de hêtre qui fourniront plus
tard d'excellents baliveaux. Mais, fréquemment, 1e peuplement est composé uniquement
_en( 918 js
de charme, qui a la faculté de se multiplier rapidement, grâce à l'abondance de ses
graines, et qui écarte peu à peu tous ses voisins à cause de son couvert épais.
Plantations de chénes dans les tuillis. — H semble, de prime abord, qu'il est facile de
réparer le mal en plantant des chênes entre les souches du taillis après son exploitation;
mais tous ceux qui ont employé ce moyen savent ce que l’on peut en attendre. En gé-
néral, quatre ou cinq ans après la mise en place des plants, on n’en trouve presque plus, et
ceux d’entre eux qui se maintiennent quelque temps sont destinés à périr sous les rejets
d'autant plus sûrement que lon ne fait presque jamais d’éclaircie dans les taillis. Ces
opérations y seraient cependant d'une grande utilité, parce qu'elles permettraient de
sauver quelques-uns de ces plants de chêne et favoriseraient la production et la conser-
vation des semis, en relevant le couvert des rejets et en faisant pénétrer sur le sol la
quantité de lumière nécessaire à leur végétation. jusqu'au moment de la coupe pro-
chaine.
Plantations de résineux dans les taillis. — À mon avis, le moyen le plus sûr et sur-
tout le plus économique d'améliorer la situation, €’est de planter dans les taillis, immé-
diatement après leur exploitation, des sapins et des épicéas par petits bouquets de
4h à 8 brins. Ges essences süpportent aussi bien le couvert que les petits charmes, et il
suflirait de les dépager deux fois, cinq et quinze ans après leur plantation, pour être
certain de retrouver la plupart d'entre eux à la coupe suivante. Leur couleur sombre
tranche sur celle des bois feuillus après la chute des feuilles, de sorte qu'on les dis-
tingue facilement en automne et au printemps, qui sont les saisons les plus favorables
pour les dégager.
Cette opinion, que j'ai déjà exposée dans une conférence au Congrès du 31 juillet
1899 de la Société forestière de Franche-Comté et Belfort (”, est basée sur les résultats
fournis par l'analyse de cinquante-six (56) arbres (94 sapins, 30 épicéas, 5 pins syl-
vestres), choisis les uns dans des taillis, et les autres dans des pâtures et des peuple-
ments résineux , et dans des conditions de végétation à peu près les mêmes que celles
des premiers. Ces résultats sont inscrits en tête d’un atlas contenant les coupes verli-
cales des arbres analysés et qui est joint au présent mémoire ©?
D'après ce document, on voit qu'un sapin où ün épicéa planté dans un taillis,
met quatre-vingt-cinq à quatre-vingt-dix ans pour acquérir, en moyénne, an volume
de 3 m. ©, boo de bois d'œuvre, sans causer un préjudice sensible au taillis jusqu'à
l'âge de 60 ans, puisque à cet âge l'un d'eux n’occupe guère plus de place qu'un ba=
liveau où qu'un petit moderne, Par conséquent, la présence, par hectare, seulement
de 25 de ces résineux, dont les branches couvriraient environ 15 ares en lout, pour
un rayon de 4 m. 4o, amènerait un supplément de production de 87 mètres cubes
() Bulletin de la Société du mois d'octobre 1899, p. 166. — P. 14 de lopuscule extrait de ce
bulletin : Utilité de l'introduction des sapins et de l’épicéa dans les taillis médiocres de la région juras-
sienne.
% Uné partie des arbres d'expérience ont été pris dans des taillis à sol médiocre, où à une altitude
élevée de 700 à go0 mètres. Ceux que l'on introduirait dans les taillis des régions inférieures et dans
des sols de première qualité auraient une végétation plus considérable encore que ceux que nous avons
analysés. — L'atlas des arbrés d'expérience, qui n'a pu être compris dans le compte réndu du Congrès
à cause de sa grande dimension; sera déposé à l’école forestière de Nancy.
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- :
Fr
—##( 219 je:
de bois d'œuvre, indépendamment de celle des futaies feuillues qui peuvent s'y trouver.
D'où il résulterait une plus-value de 800 à 1,000 francs au moins, à raison de 10
à 13 francs le mètre cube, défalcation faite de la diminution du taillis sur les 15 ares.
H est vrai que le sapin, et surtout l'épicéa, ne donnent que des produits médiocres
à une altitude inférieure à celle de leur station naturelle. Leur bois est mou, spongieux,
sans résistance. Malgré cela, la vente en est assurée, et les prix indiqués ci-dessus sont
généralement dépassés; car, quand ces bois sont secs, leur légèreté les fait rechercher
pour des usages spéciaux intérieurs de plaquage, caisses d'emballage, etc., pour
lesquels les bois de choix sont trop lourds et surtout trop chers. Le propriétaire est
donc toujours certain de voir celte opération tourner à son profit.
Production de semis de chêne sous les résineux. — Mais là ne se bornent pas les ser-
vices que rendront ces essences, car, une fois qu'elles auront atteint une certaine dimen-
sion , elles favoriseront la production des semis de chêne. Tous les forestiers savent que
l'on emploie les pins comme essence de transition pouf repeupler en bois feuillus des
terrains dénudés et improductifs. Les plantations et les semis directs de ces derniers
n'ont donné, en général, qu'un piètre résultat, Au contraire, les plantations et les semis
de pins réussissent très facilement, même dans des terfains secs et peu fertiles. Puis,
lorsque ces peuplements ont atteint l’âge de Ao ans environ, on voit le sol se couvrir
de nombreux semis de chêne, hêtre et autres, dont les graines ont élé apportées par les
oiseaux où le vent. Ces jeunes brins se développent rapidement sous le couvert léger
de ces pins, si l’on a eu le soin de les éclaircir à temps. Lorsque ceux-ci ont disparu, la
forêt feuillue est constituée dans les meilleures conditions possibles.
Exemples. — Dans la forêt communale d'Étupes, inspection de Montbéliard, la
coupe n° 6, située à l'extrémité nord-ouest d’un massif, était autrefois un päturage en-
vahi par les épines et les bruyères. La commune y fit exécuter, en 1836, un semis de
pin sylvestre dont la réussite a été complète. Ces pins, dont il ne reste plus aujourd'hui
que quelques rares échantillons, ont fait place à un taillis très vigoureux, actuellement
âgé de 8 ans, dans lequel il y a une forte proportion de cépées de chêne et qui est sur--
monté par de nombreux et superbes baliveaux et jeunes modernes qui assureront un
excellent choix pour la réserve de l'avenir. Il n’a fallu que soixante-quatre ans pour
opérer celle transformalion.
La commune de Baume-les-Dames, département du Doubs, possède deux parcélles
de forêt, cantons sous Frament et sur Framont, d’une superficie de 24 hectares environ
chacun, renfermant un épais fourré de bois feuillus, parmi lesquels on remarque un
grand nombre de chênes. Ces mêmes terrains élaient encore océupés, en 1890, par
une jeune futaie de pins sylvestres âgés de 45 ans environ, sous lesquels les semis
feuillus avaient commencé à se former depuis une dizaine d'années.
Semis de chènes sous les jeuplements d’épicéas au milieu des taillis. — Le même phéno-
mène se produit sous les peuplements d'épicéas créés de main d'homme dans la région
des taillis. Ainsi, dans la forêt communale de Saint-Julien-lès-Montbéliard, dépar-
tement du Doubs, à une altitude de 4oo mètres environ, il y a, sur une élendue de
2 h. 94, située dans le quart en réserve, un peuplement d'épicéas âgés de 85 ans, mé-
langés sur le pourtour de quelques pins sylvestres du même âge. C'était autrefois une
—#>( 220 er
clairière envahie par les ronces et les épines et qui a été reboisée au moyen d’un semis
de pin, sapin et épicéa. ( Il ne reste plus qu'un seul sapin : il y en avait encore quelques-
ups, il y à quinze ans; ils ont été renversés par le vent). On y voit aujourd'hui un
semis complet de chêne el de hêtre de 12 à 20 ans, très vigoureux, qui fourniront dans
la suite de magnifiques baliveaux. Des brins de chênes ont pris naissance aux pieds des
épicéas et même de l'unique sapin, par conséquent ils sont sous leur couvert immédiat
et ils ne paraissent nullement en souffrir (,
Le peuplement tout entier se compose de 638 arbres d'un volume de 817 mètres
cubes, non compris le houppier. On a vendu , rien que pendant les dix dernières années,
237 mètres cubes au prix de 3,800 francs, ce qui donne une production de 4 m. e. 2
par hectare et par an, sans compter celle tirée des bois feuillus qui occupent le tiers de
la superficie. Plus de 80 francs contre 30 à ho francs qu'ont donnés les coupes de
taïllis! Et le fond est loin d'être épuisé. Ce procédé de transformation est done très
avantageux pour les propriétaires.
Dans la forêt d'Etupes déjà citée, il existe aussi, sur euvivon 7 hectares, dans les
coupes 10 el 13, un peuplement, tantôt clair, lantôt serré, d'épicéas © âgés de 55 à
6o ans, mélangés par place de pins sylvestres, sous lequel les semis de chène com-
mencent à se montrer en abondance.
[ei encore c'était une clairière sur laquelle on a fait un semis d'épicéa et de pin syl-
vestre. [1 reste actuellement sur pied 1,723 arbres d'un volume de 1,207 mètres cubes,
houppier compris, contre 838 arbres de 628 mètres cubes exploités en 1896 et 1898.
sans compler ceux que l'on a enlevés antérieurement. L'avenir est done largement
assuré, et la commune d'Étupes va bientôt faire une riche récolte sur un terrain autre-
fois presque improductif et dont la prospérité est maintenant certaine, si l'on ne
commet pas d'abus dans la suite.
Nécessité de multiplier les expériences. — Les arbres sur lesquels ont porté mes inves-
tigations sont trop peu nombreux pour que les conclusions que J'ai tirées de ces expé-
riences puissent être considérées comme définitives. Î[l serait utile de pousser les
recherches plus loin. I me semble, du reste, qu'en deux ou trois ans. une seule per-
sonne pourrait, sans trop de difficulté, faire cette étude sur un assez grand nombre
d'arbres convenablement choisis dans les différentes régions de la France où il soit pos-
sible de trouver des sujets, et fournir les éléments nécessaires pour une solution com-
plète de cette question, ainsi que de celle relative à l'amélioration et à la transformation
des tailhs de faible rendement.
Il faut remarquer que ces deux questions sont souvet connexes, car il est rare que
dans une même forêt le sol soit partout également fertile. Dans les meilleures d’entre
elles, il y a des parties où il est peu profond et peu substantiel et où la végétation du
chéne est languissante. Les sapins et les épicéas y auraïent encore une végétation ac-
tive, car leurs racines sont essentiellement tracantes et elles ont la faculté de s’infiltrer
dans les moindres fissures pour y chercher les éléments nécessaires à la vie de l'arbre.
De plus, par leur couvert épais. ils maintiennent la fraicheur à leurs pieds et Lout
% Les épicéas n° 47 à a de l'atlas se trouvaient dans ce massif: l'un d'eux avait un volume de
5 mètres cubes de bois d'œuvre et s'est vendu 100 francs.
? On y a pris les n°” 53 à 56 de l'atlas.
Lin.
—#+3( 221 63
autour d'eux, et ils peuvent, par suite, favoriser la végétation des chênes qui se trou-
veront dans leur voisinage.
I y aurait certainement un grand intérêt, au point de vue de l'augmentation de la
production des bois d'œuvre, à introduire ces essences dans les parties médiocres des
taillis de plaine. Dans les parties les plus mauvaises, on mettra des pins.
Nécessité d’un sommier de contrôle pour les taillis sous futaie. — Pour les forêts sou-
mises au régime de la futaie, on a reconnu la nécessité de tenir un sommier de con-
trôle sur lequel on doit inscrire, tous les ans, les bois exploités dans chaque parcelle.
Ce sommier est surtout d'une importance capitale pour les futaies auxquelles on a ap-
pliqué le système du précomptage général, parce qu'il permet de suivre la marche de
la végétation , de voir à tout moment où l’on en est avec le matériel par la comparaison
du total des bois exploités avec ceux qui ont élé constatés au début de la période ou de
la rotation, et de reconnaitre facilement, à la suite d’un nouveau comptage, quel a été
l'accroissement produit dans les différentes parties de la forêt.
De pareils sommiers sont tout aussi nécessaires pour les taillis sous futaie, si l'on ne
veut pas continuer à marcher au hasard. Pour établir ces sommiers, il sera indispen-
sable de mesurer les arbres réservés en même temps que ceux qui sont abandonnés.
À cel eflet, on devra préparer les calepins de balivage suivant le modèle que je joins
au présent mémoire, avec un modèle de sommier tel que ceux que je tiens depuis
neuf à dix ans pour tous les taillis sous futaie aménagés dans l'inspection de Mont-
béliard.
À la prochaine révolution, on pourra voir assez exactement, par l'examen du som-
mier et du calepin, la composition probable de la futaie et en déduire un plan rationnel
de balivage pour les nouvelles coupes. On arrivera ainsi à améliorer les forêts sans sa-
crifier les droits de la génération actuelle.
Le surcroit de travail occasionné par cette manière d'opérer est insignifiant en regard
du bien qui en résultera (2 à 3 jours de travail sur le terrain et autant au cabinet pour
79 forêts dans l'inspection de Montbéliard). On peut aussi prendre les cireonférences
des réserves en faisant les récolements.
fi
[1
SOMMIER DE CONTRÔLE
STE HE INLASNENP ARR : : “A0
_ LA FORÈT COMMUNALE DE LOUGRES
(203 mecr. 62)
(SÉRIE DE TAILLIS)
en f00 e
Forêt communale de Lougres, série de taillis.
Date du décret d'aménagement +: 21 septembre 1808.
Date du plan d'aménagement : 1° septembre 1874.
Proportion des essences : chêne 20, hêtre 35, charme 30, divers 15.
Durée de la révolution : 30 ans.
î : VOLUME
£ : BALIVEAUX. MODERNES. ANCIENS. £ | £ 5
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1892| 93 |5 05 | 117] 425] 93] 85| 30 | « n | 94 | 47 | 7511 0 035.| 21 | 64 | 197| 28°] 657| 6100 | 488 Û
1893 | 94 |5 08 | 130! 306| 54! 411 63 | « | « | 19 | 37 | 659! o 035 | aa | 58 | 81] 16:| 660| 7100 | 35u
1894 | 95 |5 07 | 1781 151] 79] 125] 41 | 4 | » | 44 | 28 | 645] o 035 | 14 | 64 | 94| 152] 710] 7100 | 35
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1896| 27 |5 14 | 343] 97| 89| 116| 64 | » » | 45 | 5 | 758] o 035 | 18 | 69 | 59| 146] 514| 7200 | »94
1897 | 28 |5 13 | 134] 285| 115} 60! 28 | » | » |-34 | 45 | 7o1] o 035 | 19 | 48 | 108| 170| 564| 5700 | 288
1897| C |4 57] 413] 152] 5] 435] 19 | » | » | 45 | 8 | 955] o 035 | 20 | 51 | 64| 135] 457] 5500 | 177
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Contenance totale : 203 hect. 61.
Contenance des coupes : 15° ect, 55. Possibilité : 4? 80.
Contenance du quart en réserve : 51 hect. 60.
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63,70
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28,80
8.350,20
181,70 3.710,00! Prix de vente.
31,39 8.236,65
313,00
3.870.00| Prix de vente.
36,45 7.334,55
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118,80
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169,00 4.950,00
85,60 7.240,40
136,05 5.307,95
140,00 6.600,00! Prix de vente.
SYLVICULTURE.
=), GTS am enter Uri dé
no
CALEPIN
POUR
LES OPÉRATIONS DE BALIVAGE ET D'ESTIMATION
DES COUPES DE TAILLIS SOUS FUTAIE
EXERCICE 1898 ET 1899
MODÈLE À L’APPUI DU MÉMOIRE SUR LE TRAITEMENT DES TAILLIS SOUS FETAÏES
(NÉCESSITÉ D'UN SOMMIER DU CONTRÔLE )
—#>( 228 js. -
FORËÈT COMMUNALE DE LOUGRES.
N°130 de l'état de l'assiette de l'exercice 1898.
° série. Canton de Lieutaul.
Coupe n° 29. Lot n° :
BALIVAGE.
Pieds corniers.
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N. B. La circonférence de chaque arbre sera mesurée à 1 m. 30 du sol. La hauteur moyenne de chaque classe
d'arbres sera indiquée entre des parenthèses.
OPÉRATION faite le 29 octobre 1897
par MM. Roxacuer et GRANIER.
Nature de la coupe :
T. S. F. Sa contenance : 5 h. 06 ares.
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1.159 2.736 166 277 0.
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11.376 3.799 aË 296 ordinaire et coupon B de 1895.. 49 60
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19.35 10.899 Curer 153 mètres de fossés contre les
1.871 PAFHICUITERS:. e-media 7 65
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POUR L'ÉTAT SIGNALÉTIQUE.
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FORÈT COMMUNALE DE LOUGRES.
N° 194 de l'état de l'assiette de l'exercice 1899.
e série, Canton de Lieutaut.
Coupe n° 30. Lot n°
BALIVAGE.
Pieds corniers.
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N. B. La circonférence de chaque arbre sera mesurée à 1 mètre du sol. La hauteur moyenne de chaque classe k
“sera indiquée entre des parenthèses.
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FORÈT COMMUNALE DE LOUGRES.
N° 194 bis de l'état d’assiette de l'exercice 1899.
e série. Canton de Cujot,
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1.584 m. €. 3 5 | E. Coupon F.
1.296 hétre 39 96 S. Coupons C. et D.
4.386 5.118 = O. Forêt de Montenois.
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Annexe N° 6.
ÉNUMÉRATION D'EXEMPLAIRES
D’'ARBRES FORESTIERS EXOTIQUES
EXISTANT SUR LE TERRITOIRE DE LA FRANCE CONTINENTALE.
L'énumération ci-contre ne donne évidemment qu'une idée imparfaite des beaux et
nombreux exemplaires d'arbres étrangers présentant quelque intérêt au point de vue
du boisement ou de l'ornement, et qui existent actuellement en France.
L'inventaire de ces richesses est extrêmement difficile à dresser et la tâche excède les
ressources de temps et d'information dont peut disposer un particulier.
Cependant J'ai cru que les amateurs d'arbres rares pourraient avoir quelque intérêt
à connaître les lieux où ils pourront visiter de beaux spécimens et je me suis décidé à
rédiger la liste de ceux que j'ai visités et mesurés en un grand nombre de localités.
Les mesurages en circonférence ont été pris exactement , mais à des dates variant de
1888 à 1900; la hauteur est approximative mais le contrôle, fait effectivement sur un
certain nombre d'arbres, indique que les évaluations ne s’écartent pas très sensiblement
de la réalité.
Les indications de numéros des clichés photographiques se rapportent à la collection
de photographies que j'ai faites et données au Comité d’arboriculture d'ornement et fo-
restière de la Société nationale d’horticulture.
Je fais tirer une cinquantaine de ces épreuves pour le Congrès de sylviculture,
I. — ESSENCES FEUILLUES.
MAGNOLIACÉES.
Magxozra acumixaTa L. (Amérique du Nord). — Parc de Baleine (Allier), haut. env.
20 m., cire. 2 m.: domaine des Barres-Viim., haut. env. 15 m.: Porzantrez
(Morlaix), haul. 14 à 15 m., etc.
— GORDATA (ACCUMINATA var, cordata). — Domaine des Barres (V.), haut. env. 15 m.
(photogr. n° 817); pare de Baleine (Allier), haut. env. 10 m.
— GRANDIFLORA L. (Etats-Unis du Sud). — Pau, haut. env. 16 m. (photogr.
n° 923 bis): Paris, jardins publics , etc.
— GRANDIFLORA Var. crispa. — Allard, la Maulevrie, Angers, haut. env. 10 m.
-+2( 241 es
Macxozia GraxpirLora var. Éxonicusis. — Pinet à Landernau (F.), haut. env. 12 m.
(photogr. n° 881).
— MacroPayLLA Michx (Amérique du Nord). — Pépinières Croux à Chatenay, haut.
env. 10 m.
— TRIPETALA L. (Amérique du Nord). — Pépinières Croux à Chatenay, haut. env.
10 m.; parc de Baleine (Allier), haut. env. 8 m.
CERcIDIPHYLLUM JAPONICUM Sieb. et Zuce. — Collection de Segrez (Seine-et-Oise),6 m.
env. ; les Barres, 1 jeunes sujets.
LiriopenproN TucipiFerA L. (É tats Unis). — Château de Frêne, près Chaulnes, haut.
38 m. env. et 5 m. de circ.; château des Essarts, près Noyon, plus de 4 m. de
cire., baron de Segonzac; Pau, villa Marie, haut. 28 m., cire. 3 m.; Les Petits-
Boullands (Loiret): Fontainebleau (pare): Cour-Cheverny (Loir-et-Cher), etc.
Tara america L. (Amérique du Nord). — Porzantrez-Morlaix (comte de Lauzanne),
sujet d'environ 25 m., cire. 3 m./Ao.
— ARGENTEA Desf. (Europe Me) — Domaine des Barres-V. (photogr. n° 82»),
haut. env. 16 m., cire. 3 m. (détruit en 1900); domaine d'Harcourt (Eure),
sujets d'environ 18 m.; Pau, groupe, haut. env. 15 m. (photogr. n° 922 bis).
— periOLaRIS D. C. (Europe orientale). — André, à Lacroix, près Bléré (Indre-et-
Loire), haut. env. 12 m.
RUTACÉES.
PugzLopexproN amurexse Rapr. (Sibérie orientale). — Muséum , pépinières, haut. env.
10 M., CirC. 1 M. DO.
SIMARUBÉES.
Aicaxrus GLANDuLosA Desf. (Chine). — Fontainebleau, jardin de Diane, haut. 25 m.,
cire. 3 m.; Paris, jardins de l'ambassade d'Allemagne, boulevards, etc.
MÉLIACÉES.
CeoreLa sixexsis, À. Juss. (Chine). — Muséum, pépinières, premier pied introduit,
haut. env. 12 m., cire, 1 m. 50: Muséum, haut. en 1887, 10 m., cire. 1 m.08;
pépinières Croux à Chatenay, arbre de 6 à 8 m.: pare de Baleine, arbre de 8 à
10 in.; les Barres, jeunes sujets.
SAPINDACÉES.
ÆscuLus mppocasrawum L. (Macédoine). — Paris, Tuileries, etce.: Bonnel, Palaiseau,
cire. 4 à 5 m.; Sorel (Oise), baron de Segonzac, 5 m. 30 de cire.
— FLAVA Act. (États- Unis). — Fontainebleau, jardin de Diane, haut. env. 16 m.; Vau-
jours (Seine-et-Oise), haut. env. 18 m.
— cave Willd (rugrcuxpa D. C.).— Paris, parcs, etc.; Muséum.
=— RuBICUNDA. — Muséum , 1888, haut. 19 m., cire. 1 m. 90.
Acer pasycarpum Ehrh. (Amérique du Nord). — Malesherbes (Loiret), haut, env.
20 m., cire. 2 m. 86 el 2 m.70 en 1889.
— MONSPESSULANUM L. — Les Barres, sujets de 7 à 8 m.
SYLVICULTURE, 16
—#%( 212 es
Âcer neeuxoo L. (Amérique du Nord). — Muséum, pares de Paris, ete.
— xeGunDo L. (var californicum). — Les Barres, 6 à 8 m.
— pseupo-PLATANUS L. (Europe centrale). — Le Muséum, pares de Paris.
— roBRUM L. (Amérique du Nord). — Bois de Boulogne, îles; Catros, près Bordeaux,
20 m.
— macroPayLLum (Côte du Pacifique). — Pouilly, près Méru (Oise), haut. 10 m.,
cire. 1 m.; domaine des Barres-Vilm., haut. 9 à 10 m.
ANACARDIACÉES.
Ravs vernierrerA D, C. (Chine et Japon). — Collection de Segrez (Seine-et-Oise), haut.
env. 1/4 m., circ. { m.20.
RHAMNACÉES.
Zazvpaus vuzcaris Lmk. — Muséum, 1888, haut, 9 m., circ. 0 m. 00.
PAPILIONACÉES et CÆSALPINIÉES.
Cercis FILIQUASTRUM L. (Région méditerranéenne). — Muséum, plusieurs exemplaires
plantés par Buffon, haut. 16 à 17 m., cire. 4 m. à 1 m.72.
Rosa pseupo-acacra L. (États-Unis or Haut) — Muséum, le pied même planté en
1636 par Vespasien Robin, env. 3 m. de circ.: parcs, ete.: Muséum, 1887;
haut. 14 m., cire. 2 m. 50.
— PSEUDO-ACAGIA (var. {ortuosa). — Pare de Baleine (Allier), vieux sujets d'env. 3 m.
de circ.
— viscosa L. (États-Unis). — École des Barres-V., haut. 10 m.
— NEO-MExICANA. — Les Barres, haut. 5 à 6 m.
Craprasris mixcrorra Rafin. (Virercta Lurea Michx) [États-Unis]. — Fontainebleau,
jardin de Diane, haut. 14 à 15 m. (photogr. n° 969 bis): Muséum, pares, ete.
Spouora 34PONICA L. (Chine). — Muséum, arbres datant de 1747: Muséum, 1888,
baut. 25 m., cire. 3 m.; Sorel, par Orvillers (Oise), haut. 18 à 20 m., cire.
2 m. 45 et 2 m. 62: Courset, près Desvres (Pas-de-Calais), haut, 14 à 15 m.,
cire. 2 m. 4o: jardins de l’archevèché, Paris, 14 à 15 m., cire. env. 2 m. 50.
GYMMOCLADUS cANADENSIS Lam. (Amérique du Nord). — Muséum , 1888, haut., 16 m.
circ. 1 m. 80: la Turpinerie, commune de Geay (Charente), haut. 26 m., cire.
2 m. 80: chäteau de la Chapelle, près Nesles-la-Vallée, haut. 16 nr., cire.
1 m. 4o; Fontainebleau, jardin de Diane, haut. 18 à 20 m.
Gueprrscria sivensis Lam. (Chine). — Verrières, haut. 12 m., cire. env, 2 m, 20.
— rmracanrnos L. (États-Unis orientaux). — Vieux pare de dus: haut, eny. 20 m.
Verrières; pares de Paris; etc.
ROSACÉES.
Pensica paviprana Carr. — Muséum, 1887, haut. 6 m., cire. 1 m.05.
Pruxts pseupo-cerasus Lind. (Japon). — École d'ar borienliiée de Saint-Mandé, haut.
7 à 8 m.
LEA hr OtietE pbs ie
—##( 243 )63—
Paunus vingixtaxa L. (États-Unis). — Catros, près Bordeaux, hant. 20 m.; Popilly,
près Méru (Oise), haut. 15 m., cire. 1 m.63 en 1889.
Pirus seruLæroziA Bunge (Chine). — Les Barres, jeunes sujets.
Craræeçus pINxATIFIDA Bunge (Chine). — Muséum, pépinières.
CraræGus FLAVA. — Muséum 1888, haul. 9 m., cire. o m. 0.
HAMAMELIDÉES.
Disryziun racemosum Sieb. et Zucc. (Japon). — Collections de Segrez (Seine-et-Oise).
Liquinampar ortexraLis Mill (Asie Mineure). — Pare de Baleine (Allier), haut. 15 m.,
cire. 2 m. :
— sryracrLua L. (États-Unis). — Bois de Boulogne, bord du lac, 15 à 16 m.: Ba-
leine, haut. 25 m., cire. 2 m. en 1894 (photogr. n° 895 ): Malesherbes (Loiret)
haut. 20 m., cire. 3 m. 35, en 1894, disparu.
COMACÉES.
Nyssa aquarica Marsch. (États-Unis du Sud). — Pare de Baleine, haut. 20 à 22 m.,
circ. 1 m. et 1 m.20 en 1894 (photogr. n° 89»).
— syLvarica Marsch. (Amérique du Nord).— Pare de Baleine, sujets de 10 à 12 m.:
pépinières de la Muette, 1888, haut. 19 m., circ. 1 m. 0.
ÉBÉNACÉES.
Dioseyros Lorus L. (Asie, Europe méridionale). — Pépinières Sahut, Lattes (Mont-
pellier) , haut. 10 m.
— viRGINIANA L. (Etats-Unis). — Parc de Baleine (Allier), haut. 12 à 15 m.: Ecole
des Barres-V.
OLÉACÉES.
Fraxnus Americans L. (acumixara Lam.) | Amérique du Nord]. — Bois de Boulogne
haut. 15 à 16 im.; les Barres, haut. 14 à 15 m.. ete.
— pimorpaa Coss. et Durr. — Les Barres, haut. 10 m.
Paizyres AxGustiroLtA D. (Région méditerranéenne). — Jardin botanique de Montpel-
lier, haut. 10 à 12 m.
SCROPHULARINÉES.
PauLownia imperiauis Sieb. et Zucc. (Japon). — Boulevards et pares de Paris: Museum,
premier pied obtenu en Europe, planté en 1834, haut, 15 à 16 m., cire, 3 m.
(près de serres); Muséum , 1888, haut. 18 m., cire. 3 m.
BIGNONIACÉES.
Garasra WéoMoipEs. — Verrières (Seine-et-Oise) haut, 10 m., eive. 2 m.
— Kzæwvrert Sieb. et Zuce. (Japon). — Collections de Segrez, haut. 8 à 10 m.
16
—+#2( 244 )ees—
Carazpa speciosa Ward (c. corperoLta Jaume) [Tennessee]. — Les Barres, jeunes
sujets, haut. 6 à 8 m.: collections de Segrez, haut. 12 à 15 m.
LAURINÉES.
SassaFRAS oFFICINALE Ness (Etats-Unis). — Parc de Baleine, haut. 7 à 8 m.; Catros
près Bordeaux, haut. 16 m., circ. 1 m.20:; pépinière de la Muette, 1888, haut.
11 M., cire. 1 m. 80.
URTICACÉES.
Ucwus americaxa L. (Amérique du Nord). — Bois de Boulogne: École d’arboriculture
de Saint-Mandé.
— parvirorA Jacq. (Chine et Japon). — École d'arboriculture de Saint-Mandé.
Zeikowa crexaTa Spach. (Caucase). — Verrières (Seine-et-Oise), haut. env. 18 m.,
cire. 9 m.20: Pau, villa Marie, haut. 18 à 20 m., cire. 9 m. 77: Harcourt
(Eure), haut. 16 m., cire. 2 m.en 1893, etc.
Ceunis occmenrauts L. (Amérique du Nord). — Muséum: École d'arhoriculture de
Saint-Mandé: domaine des Barres-Vilm.
— OCCIPENTALIS (var. crassifolia). — Muséum, 1888, haut. 15 m., cire. 1 m. 40.
— pavinxa (Chine). — Muséum, pépinières, haut. 8 à 9 m., cire. 1 m.20.
BroussoxeriA papyriFera Veut. (Chine et Japon). — École oe ‘iculture de Saint-
Mandé, etc. x
Maczura auranriaca Nutt. (Etats-Unis du Sud). — Jardin des serres du Luxembourg,
Paris, haut. 12 m., cire. 1 m. 4o; domaine des Barres-V., haut. 9 à 10 m.,
circ. 0 M. 090.
Monus azBa L. (Asie tempérée). — Les Barres, haut. 10 à 12 m., cire. 1 m.20.
— ALBA FASTIGIATA. — Verrières, haut. 19 à 14 m.
— nusra L. (Amérique du Nord). — Collection de Segrez (Seine-et-Oise), haut.
10 à 12 M.
PLATANÉES.
PLaraxus acertrozta Wild. (Orient). — Malesherbes, 10 à 12 m., cire. 1 m. 20.
— ORIENTALIS L. (Orient). — Malesherbes (Loiret), haut. 25 m., cire. 3 m.6o et
3 m. 52 en 1889; Harcourt, haut. 18 m., cire. 2 m. 60 en 1893.
— 0ccIDENTALIS L. (douteux). — Harcourt (Eure), haut. 16 m., cire. 2 m. 50.
JUGLANDÉES.
Carya azsa Nutt. (Amérique du Nord). — Parc de Baleine (Allier), haut. 18 à 20 m.;
domaine des Barres-V., haut. 12 à 14 m., cire. 60 à 70 c.
— Amara Nutt. (Amérique du Nord). — Parc de Fe haut. 25 à 28 m., cire. 1 m.
— ouvæ rormis Nutt. (États-Unis du Sud). — Pare de Baleine, haut. 30 m., cire.
1 m. 20; domaine des Barres-V., haut. 16 à 18 m., cire. 1 m. 30.
— mymsricærorms Nutt. (États-Unis du Sud). — Pare de Baleine (Allier), haut. 10 m..,
cire. o m. 62.
-#3( 245 )es—
Carva porcina Nutt. (Amérique du Nord). — Pare de Baleine, haut.'25 m., cire.
1 m.50 env.; domaine des Barres (Vilm.), haut. 18 m., cire. 1 m. 25.
— suLcara Nutt. (Htats- Unis). — Parc de Baleine (C. nie haut. 20 à 22 m.
tronc très mince.
— romenrosa Nutt. (États-Unis). — Domaine des Barres-V., haut. 14 à 16 m.
Jucraxs nicra C. (Amérique du Nord). — Ancien parc de Sceaux, 1 sujet, haut. 25 m.,
cire. env. 2 m. 4o; Verrières (Seine-et-Oise), haut. 18 m., cire. 2 m., etc.;
Montpellier, cire. env. 2 m. 50 (photogr. n° 911 bis).
— GINEREA L. (Amérique du Nord). — Pare de Baleine (Allier), haut. 18 m.: boule-
vards à Angers, haut. 19 à 15 m.
— NRA X REGIA (Noyer Vilmorin), hybride. — Verrières, haut. 29 à 25 m., cire.
h m.; collections de Segrez (Seine-t-Oise), haut. 18 à 20 m.; les Barres,
jeunes sujets.
— REGIA L. (Asie tempérée), noyer commun. — Les Barres: les Motteaux (Loiret)
(photogr. n° 950).
Prerocarya caucasica Camey (Caucase). — Muséum, Segrez (Seine-et-Oise), haut.
20 m.; parc de Baleine, haut. 25 m. (photogr. n° 894 ter); bois de Boulogne,
Îles, etc.
— srexoprer4 D. C. (Chine). — École d’arboriculture de Saint-Mandé; pépinières de
la Ville, à Auteuil , etc.
CUPULIFÈRES.
BeruLa coryziroriaA Reg. et Max. (Japon). — Les Barres, jeunes plants.
— pavurica Pall. (Asie et Amérique boréales). — Domaine des Barres-Vilm., haut.
20 à 29 m., cire. 1 M.
— LexTA Mchx (Amérique du Nord). — Domaine des Barres-V., haut. 14 à 15 m.
— maxmorviczn Regel. (Japon). — Pépinière Lemoine, à Nancy; les Barres, jeunes
sujets.
— “ Mchx (Amérique du Nord).— Parc de Baleine (Allier), haut. 18 m.
— paryrirerA Marsch. (Amérique du Nord). — Domaine des Barres-V., haut. 14 à
15 m., cire. 1 M. 20.
— popuiirolia Marsh. (Amérique du Nord). — École des Barres-V., haut. env.
20 M., CirC. 1 M. 10.
Aunus cormrouiA Tenore (Europe du Sud). — Verrières (Seine-et-Oise), haut. 14 à
15 m., cire. 1 m. 80.: domaine des Barres-V., haut. 15 m., cire. 1 m. 20 à
1 m. Lo; les Barres, boisement en jeunes plants.
Osrrva virénica Wild. (Amérique du Nord). — Pépinières de Trianon, haut. 19 à
1/4 m.
Corvzus coLurxa L. (Europe du Sud). — Muséum, haut. 14 m., cire. 1 m.90: Ver-
rières (Seine-et-Oise), haut. 10 m., cire. 1 m.
Quercus æcycors L. (Europe méridionale). — Verrières (Seine-et-Oise), haut. 12 à
14 m.: domaine des Barres-V., haut. 15 m., circ. 1 m. 30.
— casran&roLia C.-A. Meyer (Caucase). — Collection de Segrez, haut. 12 à 14 m.
—- cernis L. (Asie Mineure, Europe centrale) [sporadique en France]. — Domaine des
Barres-Vilm,, haut, 22 à 24 m., cire, 2 m, 80 (photogr, n° 891).
—#3( 246 js
Quercus srcocor Wild (prinus discolor Mchx) — Verrières (Seine-et-Oise), haut.
15 m,, cire: 4 m. 20: pare de Baleine, haut. 15 m:, cire: 1 m, 20.
paizorA Desf. (Espagne et Portugal), — Allard, la Mäulevrie, haut. 8 à
Q m.
cocaixea Muëncli (États-Unis): — Pare de Baleine (Allier), haut. 30 m., cire.
1 is Bo: domaine des Barres-V., haut. 29 à 24 hu, cire: à mi. à 4 m. 20:
conrerta Kit. (farnetto Ten.), | Hongrie, Italie septeñtrionale |: — Allard; la Mau-
levrie, par Angers, ävénues, haut. de 10 à 12 m:
cuneara Wañgh. (faleata Mehx) [États-Unis |. — Domaine des Barres-V.; haut. 15
à 18 m., cire. 1 à 1 m. 60.
pexrata Thunb: (Japon). = Domainés des Barres-V., haut. 5 m: env.: Allard,
la Maulevrie (Angers); haut. 5 à 6 m:
GLANDULIFERA Blume (Japon). — Les Barres, jeunes plants.
“ereropayitä Mebx: (Amérique du Nord) hybride?. — Domaine des Barres-V.,
haut. 29 à 24 m., cire. 3 m. 60 (photogr. n° 20 ter, h°° 811 et 811 bis); parce
de Bäleine; häuüt: ab! à 30 m:; cire. 1 m, 60:
* ILICIFOLIÀ Wagh (Buster Mechx:) [ Amérique du Nord }: — Verrières (Seine-et-
Oise), haut. env. 6 m.; domaine des Barres-V., haut. env. 8 m:, eiré. 35 c.
(photogr: n° 816 ):
imBricaria Mchx. (Amérique du Nord). — Domaine des Barres-V., haül, 18 m.,
cire. 1 m.30 (déraciné), autres sujets moindres (photogr. n° 862).
LAURIFOLIA Mchx (aquatica laurÿfolia A. D. C.) [ États-Unis]. — Pau, villa Pœymi-
rau, haut. 18 à 20 m., cire. 2 m.50 (photogr. n° 921); domaine des Barres-
Vilm., haut: 15 m:; cire: 36 c:
iranr Oliv: (Ofient). — Muséum; collection de Segres.
LusiTANICA Lam. (Asie Mineure, Europe méridionale). — Allard (Angers), haut.
8 à 9 m:
LyraTA Wält, (Amérique du Nord). — Doniaine des Bartes-V.; haut. 7à8 m.
macrocArpA Mchx (Amérique du Nord). — Muséum, haut. 1 m., cire. 1 M. 20
en 1888; Verrièrés {Seine-et-Oise), haut. 15 m., cire. 2 m. ; dümainé des Barres
V:; haüt, 19 à 13 m., cire. 4 m.
marYLAxDiCA Muench. ( ferruginea Mchx) | Amérique du Nord]. — Domaine des
Barres-V.; haut. +4 à 15 m., ciré, 1 im. Lo. |
mergeckit Dur. (ch. zén.) [ Algérie, Portugal]. — Pau, villa Pœymirau , haut. env.
15 à 16 iñi., cire. 1 m. 66 (photogr. n° ÿo1 bis.)
PALUSTRIS Muench. (États-Unis). — Pare de Baleine, haut. 30 m., cire. m. 03;
Verrières (Seine-et-Oise), haut. 17 à 18 m., cire. 9 m. 20 (photogr. n° 976 bis):
domaine des Barres-Vilim: ; haut. 18 à 20 m., cire. 1 m. 60: MOT,
puecLos L. (États-Unis). — Pau, villa Marie, haut. 26 à 28 m., cire: 3 m. 5o
(photogr. h° 926 ); école des Barres-V. ”
AMBIGUA Fougeroux (Amérique du Nord). — Domaine des Barres-V., haut. 16 à
18 m., cifc. 1 m. 50; terre de Vrigny (Loiret), taillis. {ÈS
RUBRA Le. (Amérique du Nord). — Domaine des Barres-V., haut. 15 à 18 m.:
cire. 1 m: 20; pare de Baleine, haut. 25 m.; terre de Véigiy (Loiret) et Che-
vernÿ (Loir-et-Clier), boisements; pare Baumont à Pau, cire. 3 m., ete.
SERRATA Thg. (Chine et Japon). — Verrières (Seine-et-Oise), haut. env. 10 m.,
Rbsaaie Des L'éste ét 7. ml
hrs Bal à
--#2( 247 jee
cire. bo €, domaine des Barres-V., haut. env. 8 mis, cire. 4o e.: Cheverny
(Loir-et-Cher), haut. env. 15 m.
Quercus srezLaTa Wangh (obtusiloba Mchx) [ États- Unis]. — Domaine des Barres-
V., haut. env. 14 m., cire. 60 €.; part de Baleine (Allier), haut. env, 19 m.
— ALBA L. (États-Unis). — Domaine des Barres-V., haut. env. 15 m., Cire.
1 im. 40.
— sur L. (Afrique septentrionale), — Porzantrez-Morlaix (comte de Lauzanne),
haut. 15 m., cire. 1 m.50 (photogr. n° 882 bis).
— vELUTINA Lam. (g. tincloria Mchx) | Amérique du Nord]. — Domaine des Barres-
V., haut. 20 m., cire. 1 m. 4o.
— vrrexs Ait? (États-Unis du S: E:). — Jaïdii botatiique de Montpellier (plantations
d'A. de Candolle).
— vAmiäinis Blume (Japon). — Les Barres, jeunes süjets.
Cäsranorsis cnrysorüyiià À. D.C. (Californie et Üregoñ). — Pépinières Seguenot,
Boure-Argental (Loire), haut. 7 à 8 in.
Casranea puiza Mill. (États Unis du S.ÆE.). — Verrières (Seine-et-Oise), sujets de
h à 5 m., cire. à la base, 60 e.: Allard, la Maulevrie (Angers ); les Barres, jeu-
nes sujels, haut. 2 m. |
Faëus rennuines Ait: (Amérique du Nord): — Golléctions de Segrez (Seiné-et-Oise).
SALICINÉES.
Siiix sasttowica L. (Japon) | Saulé pleureur |. — Collections de Seprez, etc.: bois de
Boulogne.
PoruLus azra L. (Europe, Asie, Afrique septentrionale) [indigène]. — Segrez (Seine-
et-Oise), haüt. 25 m., cire. 3 m. 49: paré de Uhevérny (Loir-et- Clier), haut.
55 m., cire. 3 m. 37 en 1896; les Baiies, haut. 30 ii. tiré, 9 m . (photogr.
n° 801).
— acsa var. bolleana (Turkestan). — Muséum, haut. 14 à 15 m.: Virÿ (comte
H. dé Choisetl), hatt. 46 à 18 in.; cire. à m.:les Barres, haut. 14 À 15 m. etc.
— NIGRA var. fashioiata (P. d'Italie) [indigéhë |: — Segrez (Seine-el-Oise), liant. 20
à 55 m., ciré. 4 in. 52, été.
—= DELTOIDEA Mätsh. (p. olihfferd) |P. Suissé, P. de Virginie où du Cäñäda]. —
Malesherbes (Loiret), haut. 59 1. env., tiré. 4 in: 91 eñ 188ÿ: parc de Ba-
lite, häut. 95 m., tiré. 4 mi. (arbre dé 64 ans): Bièvre (Svine-et-Oise): Ples-
sis-Picquet, etc. (photogr. n° 851).
== AKevrara Ait. (P. de Caroline). — Béain (Orthez, Bayonne, éte.), haut. 50 à
29 m., cire. 2 à À m., elc.
— tnéiugoides Mébx (Amérique du Nord). — École dés Barres, haut. 15 f1., cire.
1 ni. Ao.
GRAMINÉES.
Bamsusa (arundinariu, japonica S.et Z.), Metake (Japon). —Pau, Gau, Bayonne, haut.
km.
— (arundinaria Simoni À. et C. Riv. Simoni Carr.\. — Antibes, haut. 8 m.
tx 248 es
Bameusa aurea (phyllostachys aurea A. et G. Riv.)[ Japon]. — Antibes, haut. 8 m.
— mrnis (phyllostachys mitis À. et C. Riv.) [Japon].— Pau, Gan, 6 et 7 m. (photogr.
n° 921 lér).
— viocacens À. et G. Riv. (Japon?). — Pare de Baleine (Allier), haut, 5 à 9 m.
II — CONIFÈRES.
SALISBURIÉES.
Gixéxo B110BA L. (Chine). — Viry-Châtillon, haut. 17 à 18 m.: Fontainebleau, jardin
de Diane, haut. 90 à 22 m. (photogr. n° 963); Muséum, haut. 1/ à 15 m.;
Jardin botanique de Montpellier, haut. 20 à 22 m., cire, 2 m,
TAXINÉES.
Taxus cusprrana S. et Zuce. (Japon). — Muséum, pépinières: les Barres, jeunes plants,
1 m.
CUPRESSINÉES.
Juniperus vireniana L. (Amérique du Nord) Ect. — Verrières (Seine-et-Oise), haut.
10 m.,cire. 1 m. 20: Pouilly, près Méru (Oise), haut. 12 m., cire, 1 m. 68
en 1889: domaine des Barres-V., haut. 14 m., cire. 1 m. 20 , etc.
— oxYcepRus L. — Pouilly, près Méru (Oise), haut. 5 m. en 1880.
Cupressus LusiranicA Mill. (origine douteuse). — Villa Marie, Pau, haut. 14 à 15 m.
— macrocARPA Hart. (c. lambertiana). — Villa Thuret, Antibes, haut, 12 à 15 m.,
cire. 3 m.
— SEMPERVIRENS L. fastigiata (Provence). — Jardin botanique de Montpellier, cire.
env. 1 m. 80 (photogr. n° 912 bis).
Cnamæcyparis LAWSONIANA À. Murr. (Californie ,Orégon). — Verrières (Seine-et-Oise},
baut. env. 10 m. (photogr. n° 975 bis): Pau, diverses villas, haut. 15 à 16 m.;
Frémont, près Valognes (Manche), haut. 14 à 15 m.
— NooTkAENSsIS Lamb. (Orégon, Colombie). — Collections de Segrez, haut. 10 à
12 m.: Pau, etc,
Tauya occnenrauis L. (Amérique du Nord). — Pépinières Croux, Chatenay (Seine),
sujet de 10 à 12 m.
— GIGANTEA Nutt. (T. Lobbi) | Californie, Orégon, Colombie). — Cheverny, haut.
18 m.; Harcourt (Eure), haut. 16 m., cire. 1 m. 85 en 1893 (photogr.
n° 829); Pouilly (Oise), haut. 16 m., cire. 1 m. 63 en 1889, etc.: les Barres
(photogr. n° 824).
Lisoceprus pecurrens Torrez (Californie, Orégon). — Verrières (Seine-et-Oise), [ pho-
togr. n° 976], haut. env. 12 m.: Harcourt (Eure), haut. 12 m. envir., cire.
1m.50 en 1893 (photogr, n° 891 ): domaine des Barres-Vilm.: Pau, haut.
15 à 18 m,, ete,
—#2>( 219 \ees-—
TAXODINÉES.
SCIADOPITYS VERTICILLATA Sieb. et Zucc. (Japon). — Collections de Segrez, haut.
env. 6 m.
SEQuoIA G1GANTEA Torr. (Californie). — Parc de Baleine, 20 à 22 m., cire. 4 m. 19
(photogr. n° 894 bis): Robinson , jardin Païllet (Seine-et-Oise), haut. 16 à 18 m.:
Cheverny, etc.
— SEMPERVIRENS Eudl. (Californie). — Pau, villa Marie, haut. 20 à 29 m., cire.
3 m. 04; Pau, touffe de sujets, haut. 18 à 20 m. (photogr. n° 926): Fontenay-
aux-Roses (propriété Ledru-Rollin), haut. 15 à 16 m., cire. 2 m. 5».
Crypromerta s4PONICA D. Don. (Japon et Chine). — Le Plessis-Picquet (Seine), haut,
12 à 14 m., cire. 1 m, 60 (photogr. n° 876), etc.
Taxopiu nisricaux Rich. (Etats-Unis du Sud). — Parc de Baleine, haut. 20 à 92 m.,
cire. 4 m.; Malesberbes (Loiret), haut. 20 m., cire. 3 m. 90 en 1889: Che-
verny (Loir-et-Cher), haut, 20 à 25 m.; Rambouillet, Fontainebleau, Tria-
non, etc,
ARAUCARIÉES.
ARAUCARIA IMBRICATA Pav. (Chili). — Pénandreff, près Saint-Renan (Finistère), haut.
15 m., cire. 2 m. 90 (photogr. n° 880): Frémont (Manche), arbre disparu,
haut. 14 m. (photogr. n° 886).
CuxixGuauia sixexsis R. Br. (Chine méridionale). — Domaine des Barres-V,, haut.
6 m.: pare de Baleine, bant. 8 à 9 m.
ABIÉTINÉES.
Tsuea cananexsis Carr. (Amérique du Nord, Est). — Fontainebleau, jardin de Diane,
haut. 18 à 20 m.: Segrez (Seine-et-Oise), haut. 11 à 12 m.; domaine des
Barres-V., etc.
— Siesoznt Carr. (Japon). — Verrières (Seine-et-Oise), haut. 5 à 6 m.
— MERTENSIANA Carr. (Amérique Ouest). — Verrières (Seine-et-Oise), haut.
env. 8 m.
Picea azea Link. (Amérique du Nord, Est). — Domaine des Barres-V., haut, 10 à
12 m., etc.
— ExGezmannt Engel. — Parc de Baleine, haut. 8 à 10 m.
— xé6ra Link. (Amérique du Nord, Est). — Domaine des Barres-V., haut, 19 à
14 m.; parc de Baleine, 10 à 12 m. (photogr. n° 893).
— oRIENTALIS Carr. (Caucase). — Cheverny (Loir-et-Cher), haut. 10 à 12 m.; Pouilly
(Oise), haut. 10 m., cire. 1 mn. 03: domaine des Barres-V., haut. env.
10 m., etc.
— pourra Carr. (Japon). — Domaine des Barres (V.), haut. env. 4 m., etc.
— PuxGENS Egelm. (Colorado). — Verrières (Seine-et-Oise), haut. 5 à 6 m.: pépi-
nières Transon, la Ferté-Saint-Aubin, haut. 6 à 7 m., ete.
— euBrA Link, — Domaine des Barres-V., haut, env, 10 m,
_rx( 950 Ver
Picea srreexsis Trautv. (Amérique du Nord, Ouest). — Fremont (Manche), arbre
brisé, haut. 7 à 8 m., cire. 1 m. 6o: Cheverny (Loir-et-Cher), haut, 19 à
15 m.; Pouilly (Oise), haut. 19 à 14 mn.
Gebrus arLanrica Manetti (Afrique septentrionale). — Cheverny, haut. 18 m., cire.
> m. 4o env. (photogr. n° 870); domaine des Barres-Vilm., haut. ea à
15 m.,elc.
— peroparA Loud. (Himalaya). — Verrières (Seine-et-Oise), haut. 10 m., cire, 1 m. 20:
Pau (Béarn), haut. 15 à 18 m., etc.
— LiBant Lond. (Syrie, Taurus; Chypre). — Vrigny, près Pithiviers (Loiret), haut.
env. 20 à 22 m., cire. 8 m.: autres arbres, haut. 20 à 25 m., cire. 3 m. 50 à
5 m.; Plessis-Picquet (Seine), cire. 3 m. 5o et 4 m. (phologr. n° 877 et
878); Muséum, 17 m. (est remblayé de 4 m.), cire. 4 in., planté en 1794 par
B. de Jussieu.
Larix Leproceris Endl. (Japon). — Pépinières Croux, Chälenay (Seine).
— pexpua Salisb. (Amérique du Nord). — Verrières (Seine-et-Oise), haut. 7 à 8 m.
Pseuoorarix kæuprert Gord. (Chine). — Verrières (Seine-et-Oise), haut. env. 7 m.
Arres BaLsamea Mill. (Amérique du Nord, Est). — Pouilly (Oise), Laut. 11 à 12 m.
—" GePHALONICA Loud. (Grèce). — Pare de Gheverny (Loir-et-Cher). haut. 14 à 16m.
(phot. n° 869); Verrières (Seine-et-Oise), etc.
— CEPHALONICA X Pixsapo (hybride). — Verrières (Seine-et-Oise), haut. 8 à Q m.
(photogr: n° 475):
— üitiéréx Gârr: (Tatrus). — Pare dé Ohevérniÿ (Büit-et2Cher); sujets de 14 à 18 et
20 m.; Verrières (Seine-et-Oise), haut. 16 à 18 m:
— boncbtoi Lihdl et Gürd. (Colorado). — Pépiniètes Traüson, hatt: 8 mi: (phütogr.
n° 866); Verrières (Seine-et-Oise), 7 à 8 im. (jhotogr. n° 854).
— GranDis Lindi. (gordoniana Carr.) | Californie, Colombie]. — Pare de Cheverny
(Loir-et-Cher), haut. 90 m.; domaine des Barres-V., haut, 15 à 16 m.:
Pouilly (Oise), 16 à 18 m,, cire. 1 m. 28 en 1889.
— LASIOCARPA Hook. (Orégon, Colombie). — Pare de Cheverny, haut, 14 à 15 mi:
Verrières (Seine-et-Oise), haut. ÿ à 10 m., ete.
— Nogiis Lindi. (Orégon, Californie). — Parc de Cheverny (Loir-et-Cher), haut. 16
à 18 m., cire. 1 m. 4: pépinières Trauson, la Ferté-Saint-Aubin, haut. 8 à 10 m.
(photogr. n° 865 ).
— NORDMANNIANA Spach. (Caucase). — Verrières (Seine-et-Oise}, haut. 18 à 90 m.:
pare de Baleine (Allier), haut. 15 à 16 m., ete.
— Monica de Launoy (Kabylie). — Verrières (Seine-et-Oise), haut. 8 à g m.: les
Barres (Loiret), haut. 6 à 7 m.
— pixsapo Boiss. (Espagne méridionale). — Verrières (Seine-et-Oise), haut. 14 à
19 m. (photogr. n° g7/4 bis); Chenevières (Loiret), 14 à 15 m,; domaine des
Barres-V., 14 à 15 m., ete.
— Vreircun Lindi. (Japon). — Collection de Segrez, haut. 6 à 7 m.
Pseupo-sruca Doucrasir Carr. (Amérique du Nord , Ouest).— Parc de Gheverny, haut.
29 à 2h m: (semé en 1850) [ photogr. n° 859 bis]: Harcourt (Eure), haut.
20 m.; cire. 1 m. 85: parc de Baleine, haut. 16 à 18 m. (photogr. n° 892 bis).
Pinus BuNGEANA Zuce, (Chine). — Verrières (Seine-et-Oise), haut. 6 m:: domaine de;
Barres-Vilm., haut. 4 m.: Segrez (Seine-et-Oise), haut. 6 à 7 m.
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ES th ot »/
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Pinus conronra Dougl, — Verrières (Seine-et-Oise), haut: 6 m. (photogr. n° 971 bis).
— Covucrerr D. Don. (Californie). — Verrières (Seine-et-Oise), haut. 8 mn.
— DENSIFLORA Sieb. et Zucc. (Japon). — Domaine des Barres-Vilm. , haut. 7 à 8 m.
— 1NoPs Soland. (Amérique du Nord); Ect. — Domaine des Barres-Vilm., haut.
env. 14 m.
— ixsiéxis Dougl. (Californie). — Porzantrez-Morlaix, haut. 15 m., cire. 2 m. 97
(photogr. n° 882); Brix, près Valogne (Manche), 12 à 14 m., etc.
— 38FFREYI À. Murr. (Californie). — Verrières (Seine-et-Oise), haut. 11 à 12 m.:
Séstez (Seiné-et-Oise), haut. 8 à.9 m.
LARICIO Poir. (Corse, Italie méridionale ).— Muséum, haut. 27 m., diamètre, 1 m.
à o m. 90, planté en 1774 par A. de Jussieu; domaine des Barres-Vilm..
haut. 18 à 20 m.: Courcet, près Desvres (Pas-de-Calais), haut. 16 à 18 m..
cire. 2 m.52; Pouilly (Oise), cire. 2 m. 56.
LARICIO CALABRICA. — Domaine des Barres-V., haut. 20 à 22 m., cire. 2 m. à
2 m. 4o (photogr. n° 812, 815, 816).
LARICIO PALLASIANA. — Parc de Baleine (Allier), haut. 25 m.: Verrières (Seine-et-
Oise), haul. 24 à 25 m.; Harcourt (Eure), haut. 20 m., cire. 2 m. 85.
Laricio du Mont-Etna. — Domaine des Barres (Vilm.), haut. 18 m., cire. 1 m. 80
(photogr. 20 bis).
iris Michx. (Amérique du Nord, Sud-Est). — Catros, près Bordeaux, haut. 15 à
16 m., cire. 1 m. 60 à 1 m. 80: domaine des Barres-Vilm., haut. 192 à 14 m.
monopayLLA Torr. (Utah, Colorado, Nevada). — Verrières (Seine-et-Oise), haut.
5 à 6 m.
PALUSTRIS Mill. (Etats-Unis méridionaux). — Geneste, près Bordeaux, haut. 15 à
16 m. (photopr. n° 915).
PONDEROSA Doupl. (États-Unis, Ouest). — Verrières (Seine-et-Oise), haut. 14 à
15 m. (photogr. n° 912); Harcourt (Eure), haut. env. 9 à 10 m.; domaine
des Barres (Vilm.), haut. 8 à 10 m.
PuNGENs Mchx. (Amérique du Nord, Est). — Domaine des Barres-Vilm., haut.
11 à 12 m.
REsINOSA Soland. (Amérique du Nord, Nord-Est). — Domaine des Barres (Vilm.).
haut. 19 à 13 m. 6
RIGIDA Mill (États-Unis Est). — Domaine des Barres-Vilm., haut. 12 à 13 m..
circ. 1 m. 60; parc de Baleine, haut. 20 à 22 m., cire. 2 m.
saBINANA Doupl. (Californie). — Pépinières Sahut, Lattes. haut. 16 à 18 m., cire.
2 m. (photogr. n° 918 bis).
SALZMANNI (indigène). — Parc de Baleine, haut. 20 à 25 m.: domaine des Barres
(Vilm.), haut. 17 à 18 m., cire. 1 m. 50.
SyLvesTRis L. var. rigensis. — Domaine des Barres-Vilm., haut. 20 à 22 m.,
cire. 1m. à 1 m. 50 (photogr. n* 818 et859); parc de Balincourt (Oise), haut.
17 à 18 m., cire 2 m. 54 en 1890.
ræv4 L. (États-Unis méridionaux). — Geneste, près Bordeaux, haut. 20 à 22 m..
cire. > m. 25 (photogr. n° 415 bis); parc de Baleine (Allier), haut. 25 m., cire.
1 m. 80 et 2 m.
THUNBERGI Parl, (Japon). — Domaine des Barres (V.), 8 à 10 m. de haui.,
cire. 60 €.
—+2( 252 es ; ; 3
Pinus ceusra L. (Europe centrale). — Parcs de Paris: île du bois de Boulogne.
— rxcecsa Wall. (Himalaya). — Verrières (Seine-et- Oise), haut. 1/4 à 15 m.: do-
maine des Barres (Vilm.), haut. 10 à 12 m.
— PEukE Griseb. — Domaine des Barres-Vilm., haut. 8 à 9 m.
— srrosus L. (Amérique du Nord, Est). — Vrigny, près Pithiviers, haut. 20 m.,
cire. 3 m. 20; parc de Baleine, haut. °0 à 23 m.; Pau, haut. 16 à 18 m. (pho-_
togr. n° 922 ).
Maurice L, ne Vizmorix. Z
—#2( 253 je...
Annexe N° 7.
CULTURE D’ARBRES EXOTIQUES
AUX VAUX, PAR SALBRIS-EN-SOLOGNE (LOIR-ET-CHER).
En janvier 1900, M. Maurice de Vilmorin publiait, dans la Revue des eaux et foréts,
une étude bien observée et fort intéressante sur les essais d'introduction d'arbres exo-
tiques dans les forêts domaniales d'Allemagne, notamment à Eberswalde en Prusse,
dans les sols sableux ou argilo-sableux.
Depuis que j'ai commencé, en 1883, à créer des pépinières forestières, je me suis
attaché à élever, dans les sables maigres, siliceux de Sologne, les espèces exotiques les
plus rustiques promettant d’être utiles à la sylviculture ou, à son défaut, à l'arboricul-
ture; parmi elles se trouvent la plupart au moins des conifères cultivés dans les forêts
de la Prusse. s
Déjà, entre 1870 et 1883, j'avais planté quelques-unes de ces espèces dans mon
pare, en terrain très ingrat®), comme spécimens isolés, ou bien en massif, mais en vue
de l'agrément seulement et sans l'intention d’en faire les sujets d’une étude précise.
La nature de mon terrain, très pauvre, et le climat de la Sologne, sec et chaud en
été, très froid en hiver, avec des gelées plus ou moins fortes depuis le milieu de sep-
tembre jusqu'aux derniers jours de maï, restreignent mes essais aux espèces les plus
rustiques; je crois donc que ce qui réussit aux Vaux peut réussir partout en terrain
léger, siliceux, granitique ou de grès.
Partout où nos sables ont un peu de profondeur et partant de la fraicheur, ils se
montrent favorables à la croissance des conifères.
Les jeunes plants, élevés de semis dans nos pépinières, ont été, pour la plupart,
transplantés en mélange dans des massifs, où il est facile de se rendre compte de leur
vigueur, de leur rusticité et de leur accroissement relatifs. Le principal massif, que Je
dénommerai À, fut planté en 1889, avec des plants de quatre ou cinq ans; le peu
d'avance que leur donne cet âge initial fut, on peut ledire, neutralisé par certains in-
convénients du site. Ce massif fut adossé, au levant, à un bois de pin laricio et de
bouleaux, dont les racines font concurrence à celles de son peuplement: son exposition
est par conséquent à l’ouest, mauvaise: le lapin d’ailleurs, grand ennemi du reboi-
sement en Sologne, parvenant à s'introduire de temps en temps malgré les grillages
indispensables, rongeait les branches des petits conifères et retardait leur croissance. Je
() Très novice en ce qui regarde les cultures lorsque je me suis installé en Sologne, pays alors
peu fréquenté et d’une détestable réputation , on m’a tellement effrayé de ses fièvres que, pour être sai-
nement, j'ai choisi le site de mon chalet sur le plateau le plus sec des environs.
—##( 2h4 je
crois donc pouvoir estimer que l'âge de ces massifs équivaut à celui d’une plantation or-
dinaire faite dans la même année, en petits plants , en forêt de fertilité normale, et que
l'accroissement de mon massif À peut être compté comme étant atteint dans l'espace de
onze ans. Deux autres massifs (B et C) furent plantés dans les années suivantes : l’un
exposé au midi, l'autre au levant, Toutes ces plantations reçurent dans les premières
années, comme à Eberswalde, des binages sommaires; depuis elles sont abandonnées à
elles-mêmes, et la végétation des conifères suffit à dominer les herbes. Le terrain est un
bon sable siliceux assez frais.
Les espèces conifères sont, suivant l’ordre alphabétique :
ABIES BALSAMEA. Ceprus ATLANTICA.
ABIES CONCOLOR, Cupnessus Lawsowrana.
ABIEs GRANDIS. Junirerus VIRGINIANA.
ABIES NOBILIS. LIBOCEDRUS DECURRENS.
ABIES NORDMANNIANA. Taxonium pisticHum.
ABIES PINSAPO. Tauva GIGANTEA LOBBII.
Amies ou Picea Menzigsn, WELLINGTONTA OÙ BEQUOIA GIGANTEA,
Ages ou PIcEA ORIENTALIS. Pays RIGIpA.
Amies ou Pseupo-rsuca Doucrasu. Pixus srropus.
Apigs ou Tsuça MERTENSIANA.
Nous commençons done par la tribu des sapins argentés, qui, comme chacun sait,
croit avec une lenteur désolante dans ses premières années :
Aus BaLsamea Miller, Agies gazsamtrera Michaux, sapin habitant le Canada et les
États-Unis du Nord et du Nord-Est, J'ai trouvé cet arbre plus rustique et plus fagile à
élever en terrain see et chaudement exposé que son congénère Amies Psgrinara : il en dif-
fère par ses jeunes rameaux qui ne deviennent distiques qu’en vieillissant , et par ses
cônes plus petits, d’un beau violet à l'état d'immaturité, J'en ai quelques spécimens
dans mon pare, isolés et sur des bordures de bois, qui. plantésen 1892 , ont 1a mètres
de haut, avec une circonférence moyenne de o m. 70°, En massif À, planté en 1889,
ce sapin n'a encore que 3 m, bo de haut, mais il se prépare à s’élancer. L'arbre eroît
en pyramide, svelle, gracieux. Son bois, sans ayoir grande valeur, peut servir à fabri-
quer des caisses où de la volige, ou à faire de la pâte de bois. Sa résine , d'un parfum
très agréable, que répand aussi Ja feuille de l'arbre et dont il prend son nom, fournit le
baume du Canada, employé comme liquide conservateur des préparations microsco-
piques.
En somme, je pense que ce sapin, de taille secondaire et de croissance moyenne mais
rustique et gracieuse, n’est pas à déconseiller aux amateurs comme arbre d’ayenue en
terrain sableux.
Agixs concoLor Lindley, var. Lasiocarpa Veitch, est cultivé à Eberswalde, quoique sa
valeur forestière en Europe ne soit pas encore bien démontrée, Son aire est très éten-
0) Les hauteurs constatées ont été prises à l’aide du elisimètre du colonel Goulier; les circonférences
soul mesurées à 4 m. 30 du sol. Ces mesures constatent la hauteur des arbres à la fin de 1899; pour
l'accroissement de 1900 il conviendrait d'ajouter, d'après la rapidité de croissance de chaque espèce,
0 m. 30 à 1 mètre aux hauteurs et > à b centimètres aux circonférences.
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—#%( 255 )+e3—
due, depuis les Montagnes-Rocheuses du Colorado jusqu'à la Californie du Nord et
l'Orégon , et au Sud jusque dans le Nouveau-Mexique. Il est robuste et remarquable-
ment décoratif, car ses grandes feuilles, distiques, sont argentées sur les deux faces.
Comme l'espèce précédente il pousse tard au printemps et est rarement exposé à soul-
frir des gelées de cette saison. Jusqu'à présent, je n'ai pu me renseigner sur la qualité
de son bois. I atteint en Amérique une jaille gigantesque , s'élançant dans certains sols
favorisés à la hauteur de 80 mètres. Ici, pourtant, j'ai trouvé lente la croissance de la
plupart des sujets que je possède. Un pied isolé, planté en 1889, en terrain see, à
h m. 20 de haut avec o m. 32 de circonférence ; le plus beau, planté en massif C en
1892, n’a que 2 mètres, mais actuellement ces sapins ont pris leur assiette et pro-
mettent de s'élancer.
Ages GANDI, arbre géant, natif du nord-ouest de l'Amérique, depuis la Californie
septentrionale jusqu'à l'île de Vancouver, y atteint la hauteur de 60 mètres, avec une
cireonférence assez ordinaire de 6 mètres: on peut se figurer l'immense volume de bois
qu'un seul pied peut produire. Ce bois, de nuance claire, est d'excellente qualité; ce
serait done une belle acquisition si nous pouvions le produire dans nos foréts. Abies
grandis est rustique aux-gelées : peut-être craint-il les grandes chaleurs et s’accommode-
rait-il d'un peu d'ombrage latéral. Tei ma culture est relativement récente. Un pied
planté en massif G en 1892 et isolé l'an dernier (de sorte que son accroissement de
l’année est à peu près perdu) a maintenant 3 m. 70 de haut. D'autres sujets, plus
jeunes, sont également vigoureux. [Il paraît done avoir une croissance moins lente dans
ses premières années que la plupart de ses congénères et mériter à tous égards un
essai loyal dans la sylviculture.
Amies Nogizis Lindley, sapin très répandu dans la Californie septentrionale et lOré-
gon, où il atteint Ja hauteur de 80 à 90 mètres, justifie son nom par sa superbe pres-
tance, Son port ressemble à celui du Nordmann, avec cette différence que ses feuilles
dressées autour du rameau et légèrement recourbées montrent leurs faces inférieures
glauques au soleil, de sorte que ses teintes sont presque celles du concolor. Jusqu'à pré-
sent il ne se développe guère ici en massif: probablement attend-il à loisir, avee la len-
teur particulière à sa tribu, jamais pressée, le moment de s’élancer. J'ai un spécimen
isolé, mais un peu abrité par des massifs proches, planté 1 v a treize ans, qui a environ
6 mètres de haut avec o m. 44 de circonférence et qui a poussé l'an dernier une flèche
de o m. 70.
Le bois de cette espèce n’est, d’après les voyageurs , que de valeur secondaire : blane ,
facile à travailler, il serait probablement bon à faire la pâte de papier.
ABres NORDMANNIANA Spach , originaire du Caucase, est trop bien connu pour exiger
une description. Très bel arbre d'ornement, un des plus beaux conifères, malheu-
reusement à croissance aussi lente pendant les premières années que celle du Pecrinara ,
il fournit un bois müri de qualité supérieure. Comme les espèces précédentes, il est
rarement atteint par les gelées printanières, ce qui permet de l’élever sans abri. Planté
en massif À en 1889, il a actuellement 4 m. 50 de haut et o m. 23 de circonférence,
et ses flèches s’allongent. Nous apprenons que dans les montagnes du Caucase cet arbre
forme des peuplements purs d’un bon rendement : qu'il y atteint la hauteur de 75 ar-
_e>( 256 je
chines, soit 53 mètres. (Catalogue de la section forestière russe à l'Exposition, publié
par le Ministère de l'agriculture.)
Ages pixsapo Boissier: sapin d’Andalousie, indigène aussi sur les montagnes de la
Kabylie et qui se plait sur le coteau calcaire de la Loire, près Tours, s’accommode
encore à merveille de nos terres et n'y craint point les expositions chaudes. Deux spé-
cimens isolés, très étoffés, ont 5 mètres environ de haut; en massif À, ils sont plus
jeunes et n'ont encore que 2 à 3 mètres, mais 1ls poussent maintenant de vigoureuses
flèches longues de o m. 60 à o m. 70, et promettent de fournir une belle carrière. Le
bois de pinsapo ressemble en tout point. selon Mathieu, à celui du sapin commun.
Comme il supporte mieux la chaleur, il pourrait peut-être remplacer celui-ci avec avan-
lage dans quelques régions du Centre, à des altitudes moins élevés que celles de la
stalion du sapin.
En somme, les espèces de la tribu des sapins argentés, végétant d’abord avec leur
lenteur habituelle , paraissent être venues aussi bien que possible et commencent à s’élan-
cer, promettant un bon développement dans nos sables frais. EHes n’ont souffert qu’ex-
ceptionnellement des gelées printanières, quoique celles de mai 1897, atteignant une
végétation déjà fort avancée et suivies de journées de chaud soleil, les aient fortement
éprouvées et retardées, comme a été d’ailleurs le cas de mainte espèce, ordinairement
indemne de ces atteintes.
ÉPICÉAS.
Asies Mexziesit Loudon, Picea Mevziesit Carrière, Agies srrenexsis Lindiey, épicéa
argenté de l'ile Sitcha, répandu dans le nord-ouest de l'Amérique, où 1l atteint la hau-
teur de 50 à 60 mètres, est peut-être, après le sapin Douglas, le conifère le plus im-
portant pour la sylviculture que nous ayons importé de l'Amérique. De forme robuste ,
il croît en pyramide large, à feuilles très argentées, très piquantes, dressées autour du
rameau comme chez pinsapo; son ensemble est fort décoratif. Ici il n’a pas réussi à
l’état isolé, les spécimens ainsi plantés ayant souffert des sécheresses et des chaleurs de
nos étés: mais en revanche il se comporte fort bien en massif et en ligne. En massif
A, les Menzies ont de 5 à 6 mètres de haut, avee 0 m. 28 à o m. 30 de circonférence:
en bordure d’un bois taillis avec réserves résineuses et feuillues ils ont a peu près le
même développement. Cette espèce est peu difficile pour le terrain, pourvu qu'il soit
frais et léger : elle supporte même l'humidité. Quelques pieds plantés en bruyère assez
fraîche poussent bien. D'un autre côté, la croissance du Menzies en nos terres sèches,
graveleuses est nulle, et son apparence misérable, [a un besoin absolu de fraicheur.
Son bois est connu pour être excellent, ferme et durable. Le Menzies est actuellement
introduit dans les forêts domaniales de la Prusse: depuis longtemps il est cultivé en
,
Ecosse, où 11 atteint déjà la hauteur de 20 mètres.
Amies oRENTALIS Tournefort, Picea omenraLis Link, épicéa de Trébizonde, natif des
environs de cette ville, du mont Taurus et du Caucase, haut de 20 à 25 mètres dans
ces régions, est un joli arbre complètement rustique dans nos sables frais. Il ressemble
à l'épicéa commun, avec des feuilles plus fines et des rameaux plus serrés ; son ensemble
est plus gracieux, Son bois, müri, est excellent , élastique et de grande durée; malheu-
|
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reusement sa croissance est lente, au moins dans sa première jeunesse. Un sujet que
j'ai isolé en 1886 n'a que 3 m. 20 de haut: d’autres, en massif, furent plantés trop
récemment pour fournir une croissance instructive. Mais le catalogue russe déjà cité
nous apprend que dans sa région natale il peut dépasser, comme nordmanniana , la
hauteur de 50 mètres. et qu'en peuplement pur il fournit de gros rendements.
Asres Dougrasir Lindley, Pseuno-rsuca Douecasir Carrière: est jusqu'à présent et par-
tout, je crois, où il a été planté, le triomphe de l'introduction de l'exotique. C’est la
principale essence des immenses forêts qui s'étendent depuis la Colombie britannique
jusqu'au Nouveau-Mexique, c’est-à-dire depuis le 52° degré de latitude jusqu'au
32° degré. Il ne dément pas en Europe la qualité de grande rusticité qu'indique une
aire si étendue. Son bois, müri, est de toute première qualité : fort, élastique, à grain
fin, très résineux’, de couleur foncée, comme celle du bois de Vif, il entre pour une
grande partie dans les importations du bois de pitchpin, Le Douglas est même le seul
arbre cultivable en France sur une grande échelle qui puisse produire ce bois, les autres
{ Pinus australis , mitis, cubencis, eic.) élant incapables de supporter nos hivers ou bien
difficiles à élever en raison de la rareté de leurs semences ou de la délicatesse de leurs
jeunes plants. Le bois du Douglas, long, droit, avec peu de nœuds, est également em-
ployé pour la mâture. Le jeune bois, tout en étant de qualité moindre, a élé utilisé
avec avantage en Allemagne et en Ecosse.
lei il pousse, dès sa première année, à l'encontre des sapins argentés, avec une
rapidité extraordinaire. Un spécimen planté en 1875 sur un sable des plus ingrats, où
il m'est impossible de faire vivre le moindre gazon, à actuellement 13 mètres de haut
avec 1 m. 4o de circonférence; l'envergure de ses branches basses est presque de
10 mètres. Les conditions où a poussé ce Douglas sont singulières. Tous les quatre ou
cinqans, une pie où un aufre gros oiseau , se posant sur sa têle, lui a cassé la flèche,
qui, chez cette espèce, est longue, lourde de sève abondante et par conséquent fragile.
Chaque fois, un rameau latéral s'est redressé et érigé en flèche, poussant de biais pen-
dant un an ou deux, puis se dirigeant verticalement, de sorte que l'arbre reste droit.
tandis que ces ététements successifs, sans trop nuire à sa hauteur, lui ont fait développer
la grosseur et l'envergure remarquables que je viens de signaler. Partout où le Douglas
est planté avec d’autres conifères. il est facile princeps. En massif À, planté en 1889.
il est haut de 10 mètres à 10 m. 30, avec o m. 50 à o m. 55 de circonférence. Dans
une friche peu éloignée, planté avec des pins sylvestres plus âgés que lui, puis, quand
ces associés génants furent enlevés. exposé subitement sans abri aux tempêtes, bref,
dans les plus mauvaises conditions sauf que le sol est frais, il émet actuellement des
‘flèches de o m. 80 à 1 mètre de long.
Jl reste à savoir si le Douglas peut se conquérir une place permanente dans les forêts
de l'État, mais, dès à présent, je pense que sa plantation ne peut être trop recomman-
dée aux particuliers, au moins aux possesseurs de terres légères un peu fraiches, où
il donnerait, en trente ans, ce qu'on n'obtiendrail guère qu'en cinquante ans avec toute
autre essence. On le dit calcifuge ; il e$t avéré qu'il ne réussit pas sur la craie, mais je
pense qu'il s'accommode d’une proportion normale de calcaire dans le sol, comme, par
exemple, celle de cet élément dans le bassin de Paris. H végèle admirablem-nt dans le
parc du petit Trianon, à Versailles, et aussi dans le beau jardin botanique de Tours,
localité où le sol est, je crois, modérément calcaire,
SYLVICULTURE. 17
-
—.#3( 258 )ees—
Le jeune plant du Douglas étant encore cher par suite de la rareté de ses semences,
difficiles à cueillir et à conserver dans les régions montagneuses de son aire, il devrait
être planté très espacé, les intervalles étant remplis avec une garniture temporaire, soit
de mélèze, soit de pin laricio de Corse, soit de pin d'Autriche, selon les circonstances
locales. À 3 mètres l’un de l'autre, il ne faudrait que 1,111 plants à l’hectare, et les
espèces formant garniture pourraient se planter à 1 m. 50 entous sens entre Îles
Douglas.
Ses jeunes plants, lorsqu'ils poussent avec une sève trop abondante jusqu'en au-
tomne, perdent quelquelois leurs têles par les velées de celte saison : dans ces condi-
tions, il est préférable de ne les planter qu'au printemps.
Apres MERTENSIANA Bongard, Tsuca merrensranA Carrière, est une espèce très voisine
de Canapewsis, le HemLocx spruce, et qui habile la Colombie britannique et l'Orégon.
Sa croissance est plus rapide et la qualité de son bois meilleure que chez son congénère ;
ses jeunes plants sont peut-être plus sensibles aux pelées printanières, mais cette
sensibilité passe bientôt. En pépinière, 1e1, cette espèce pousse vite dès la première
année, mais les spécimens isolés sont encore trop jeunes pour qu'on puisse juger leur
développement. Il y a une dizaine d'années j'en ai planté une ligne dans mon pare,
mais j'ai commis l'erreur de l'adosser à une plantation de pins et de chênes plus âgée,
qui la de suite dominée et qui entrave sa croissance. Les meilleurs pieds ont pour-
tant entre 3 et 4 mètres, et je suis convaincu qu'en circonstances normales leur acerois-
sement aurait pu doubler.
Ceprus arLanrica Manetti, considéré par Mathieu comme identique au cèdre du
Liban, présente cependant, au moins dans sa croissance, une apparence sensiblement
différente, par son port plus élancé, sa teinte plus glauque el sa ramure plus svelte,
plutôt ascendante qu'étalée. Sa croissance est plus rapide ici, et 1l promet d’être vigou-
reux, même en mauvais sol. Un pied isolé dans mon pare, planté en 18856, a plus de
11 mètres de haut et 78 centimètres de circonférence, Les sujets du massif À sont hauts
de 6 à 7 mètres, avec o m. 30 de tour, et poussent actuellement des flèches bien al-
longées.
Les cèdres sont rustiques et vigoureux en mauvais terrains calcaires secs ; j'en ai vu
des jeunes très prospères chez notre confrère M. Jules Maistre, dans des garrigues des
environs de Clermont-l'Hérault, où les pins et sapins ne montraient qu'une végétation
languissante, Leur bois, müri dans leur aire, est excellent, d’une très grande durée, En
France celui du Liban a été trouvé inférieur, mais peut-être celui de l'Atlas, plus rap-
proché de son aire, aura-t-il plus de qualité à la fin de la révoiution nécessaire, au
moins dans le Midi ? En attendant, il pourra sans doute servir aux emplois secondaires
du bois blanc.
CUPRESSINÉES.
Curressus Lawsoniana Murray, Cnamarcyparis Lawsowraxa, Parlatore, Caamarcypanis
soursert Carrière, grand arbre de 30 à 35 mètres dans la Californie et l'Orégon, est
rustique à toutes nos intempéries. En Sologne il promet de devenir un admirable arbre
d'ornement, avec ses rameaux fins, élégants, son envergure assez large, son port en
2 259 es—
pyramide régulier sans raideur, ses tetes d’un Joli vert, bien soutenues pendant tout
l'hiver.
En raison de la belle qualité de son bois, à grain fin et serré, il est introduit dans
les forêts domaniales de la Prusse. C'est un arbre de lumière, il conviendrait done de
ne le planter. chez nous, qu'en massif clair. Ses branches n’ont aucune tendance à
prendre trop d'importance au détriment du tronc. À l'état clair, le cyprès profite de
sa pleine exposition, de tous côtés, à la lumière; ombragé, il est très vert, très joli el
parail bien se porter, mais il ne végète que lentement.
Planté en 1890 , dans le massif B, qu'il occupe presque exclusivement, il a de 6 à
7 mètres de haut; un pied qui n'a, par exception, qu’une seule tige mesure o m. 52 de
tour. Les cupressinées, à l'exception des lihocèdres, ont une tendance à se diviser en
plusieurs tiges ; cette particularité a généralement peu d'importance ultérieure, car la
tige centräle s'élance, domine les autres et les déjette par la poussée de ses branches,
de sorte que ces tiges sont réduites à faire fonction de branches latérales. Seulement,
dans les premières années, la tige principale reste mince, étant obligé de partager
avec ses sœurs rivales la nourriture que leur fournit la souche.
Les variétés de fantaisie de cet arbre sont nombreuses, mais sans valeur pratique
dans notre région. Je citerai cependant, pour illustrer la particularité que je viens de
signaler, un pied, planté il y a 27 ans dans mon pare, de la variété fastigiée (erecTA
viripis). Îl se divise, à 50 centimètres de terre, en sept tiges dont l'ensemble forme une
pyramide répulière, plutôt étroite que large; il n'est haut que de 5 m. 5o : mais, entre
le collet et le point de division du tronc, il a 1 m. 60 de circonférence. Cette grosseur
peut faire deviner l'accroissement que prendra plus tard, dans le système normal de la
variélé ordinaire, la lige principale lorsqu'elle aura réduit les autres à Finsignifiance.
Très admirateur du Lawson, je dois pourtant constater que les sécheresses et les cha-
leurs de 1899-1900 ont amené, sur nos jeunes pieds de cette espèce, une grosse fruc-
tification qui pourrait devenir épuisante, I conviendra d'observer pendant un an ou
deux la vigueur qu'ils montreront à la suite de cette épreuve.
Juxipgres vinGrvraxa Linné, le genévrier, improprement cèdre de Virginie, Rev
cepar des Américains, a pris place depuis longtemps parmi nos espèces d'agrément.
Son aire est des plus étendues, allant du lac Champlain jusqu'à l'Amérique centrale et,
dans la direction occidentale, jusqu’à la Nevada et au nouveau Mexique. Naturellement
il est rustique à toutes les intempéries. En 1890 Je l'ai planté dans le massif C, alterné
avec Tauya cicaxrea Lobbii. Sa croissance, inférieure à celle de son associé, n’a atteint
jusqu'à présent que 4 mètres de hauteur, mais elle promet de s’allonger. L° arbre. d'ail-
leurs, n'est que de taille secondaire, dépassant rarement 15 mètres, mais il est recom-
mandable par la belle qualité de son bois qui sert à plusieurs usages fins, à lébénis-
terie, aux meubles tournés et notamment à la fabrication des crayons, en anglais cedar
pencils. D'après M. de Vilmorin, essayé à Eberswalde il à mal réussi, n'y trouvant pas
la somme annuelle de chaleur qui lui est nécessaire ; ici il est rustique et paraît vigou-
reux. Je n'en ai aucun spécimen plus âgé que ceux en massif cités, mais j'ai dans
mon pare, plantés il y a environ 25 ans, quelques pieds de son congénère le genévrier
de Chine, arbre qui lui est inférieur en taille el qui a pourtant pris un certain dévelop-
pement ïci; j'en infère que sUNIPERUS VIRGINIANA arrivera facilement, dans les mêmes
conditions, à sa grandeur normale,
17:
—#3( 260 ).es—
Livocepres pecurkexs Torrey, Tuuxa GiGaxrea Carrière , superbe arbre atteignant la
hauteur de 30 à 4o mètres dans la Californie et l'Orégon , a le tronc très gros quoique ses
branches soient minces et sa croissance en colonne élégante. J'en ai un spécimen isolé
planté en 1870 dans mon pare; sa hauteur est de 14 m. ho, sa circonférence de
1m. 26. En massifC. planté en 1892, le libocèdre n'a encore que 4 m. 50 au plus,
mais ce relard relatif est dû à ce que, dans ses premières années, il a été trop taillé
par le lapin. particulièrement friand de cetle espèce ; 1 promet actuellement de rattra-
per le temps perdu. Comme chez le Weczi@ronrA , la formation de son trone est {rès
conique, mais il devient cylindrique en vieillissant. Son bois, d’un grain fin, est excel-
lent pour les constructions dans son pays.
Le libocèdre est actuellement cultivé à l'état d'expérience dans les forêts domaniaies
de l'Allemagne, notamment en Bavière, la Prusse du Nord, selon M. de Vimorin,
étant Hd comme trop froide pour sa bonne végétation. I végète bien pourtant
en Écosse où la somme annuelle de chaleur n’est pas grande.
Tauya Gcicanrea Nutlall, Tuuxa Mexziesn Carrière, Tauya Lossn Hort., habite lAmé-
rique du Nord-Ouest, Dans le bassin du fleuve Colombia il afteint la hauteur de
50 mètres. Son bois, d’après les descriptions des voyageurs, est d'un grain fin, d'une
belle couleur jaune, et est très usité aux constructions et à la menuiserie.
Ici, un spécimen isolé planté en 1889, a 6 m. 70 de haut; il se divise, selon l'ha-
bitude déjà remarquée chez les cupressinées, en plusieurs tiges, dont la principale à
27 centimètres de lour. En massif A, du même âge, les meilleurs sujets ont à peu près
la même hauteur ; l'un d'eux, dont la tige est simple, mesure o m. 30 de circonfé-
rence.
Cet arbre très intéressant est cultivé depuis longtemps dans les bois de F Angleterre
et de l'Écosse. Le domaine d'Harcourt en montre de très beaux spécimens. À Ébers-
walde, jusqu'à présent, il aurait complètement échoué sous des atteintes cryptoga-
miques. En Sologne, tout semble promettre une meilleure réussite; dépassé dans les
premières années par le cyprès de Lawson, il pourra peut-être le rattraper et le
dépasser à son tour, car ses flèches, jusqu'à présent, augmentent de longueur tous les
aps.
Tasomun nisricauu Richard, Cupressus pisricua Linné, cyprès de Louisiane, eyprès
chauve (il perd ses feuilles en hiver), grand arbre de 30 à 4o mètres à très gros
tronc, figure très ordinairement dans les parcs et jardins publics, autour des pièces
d'eaa ou le long des rivières: notamment au petit Trianon et à Fontainebleau. Peu
adapté à la sylviculture proprement dite, il a son utilité à consolider les berges des
cours d’eau, au moyen de l'extraordinaire enchevêtrement de ses racines, qui en terre
humide se relèvent en ces protubérances étranges connues sous le nom de cypress
kness, genoux de cyprès. Je n'ai que de jeunes spécimens de cet arbre, plantés il y a
quelques années autour d’un lavoir et qui ont entre 3 et 4 mètres de haut; mais au
château voisin de la Ferté-fmbault il existe plusieurs cyprès chauves dont un s'élance à
la hauteur de 28 mètres environ, avec 4 mètres de circonférence ; les autres pieds,
plus jeunes, montrent un développement proportionnel. Cependant cet arbre ne réussit
pas partout ; il craint la sécheresse et je crois qu'il lui faut une terre légère non dépour-
vue d’'humus,
tbe at L
—
Luem( 261 es
Son bois est excellent, léger fort, d'une couleur rougeûtre et d'un grain fin; d’une
très grande durée, spécialement dans l'eau.
SEQUOIA GIGANTEA Torrey, WecLinéroniA G16axrEA Lindley , tout en étant d'une utilité
douteuse en forêt, mérite une mention par son étonnante rusticité et sa vigueur dans
nos sols. J'en ai, en terrain misérable, sableux et sec, où la plupart des arbres indi-
gènes languissent, un spécimen isolé, élevé dans mes pépinières et qui n’a donc pu être
semé qu'en 1883 au plus tôt; 1 fut transplanté deux fois depuis, ce qui n’a pas aidé à
accélérer sa croissance ; sa mise en demeure finale date de 1886. Aujourd'hui il est haut
de 11 mètres et mesure 1 m. 28 de circonférence; il est vrai que son tronc est encore
très conique. En massif, planté en 1889. il a environ 7 mètres de haut avec o m. 66 de
tour. Malheureusement cette espèce est difficile à vulgariser; ses tout petits plants
demandent à être élevés en pot, sans quoi leur pivot prendrait une dimension déme-
surée, contraire à la plantation. En terre forte, je ne crois pas que le Weczixéroxra
réussisse comme dans nos sables. Comme arbre d’avenue ou d’allée forestière je ne le
déconseillerais pas aux planteurs en terres légères : outre son effet magnifique, la grande
quantité de bois qu'il produit, quoique de pauvre qualité, peut trouver son utilisation
dans les emplois secondaires : sa croissance en colonne ne génerait pas le peuplement
principal du massif.
LES PINS.
Pinus riGina Miller, prrcu-pix d'Amérique, Pin à feuilles raides, Pin à goudron, arbre à
feuilles ternées et À à cônes piquants comme ceux de plusieurs autres pins américains, habite
la région est des État-Unis, depuis la Nouvelle-Angleterre jusqu'en Géorgie. D'une crois-
sance très lente à Eberswalde, ne paraissant pas y réussir, ne présentant aux Barres
que quelques spécimens misérables, il se plaît dans mes mauvais sables des Vaux.
Ï y a 14 ans, désirant établir une pépinière dans une petite parcelle de mes friches.
je faisais nettoyer le terrain en brülant la végétation arbustive. Le feu, nous échap-
pant, dévora à côté environ un demi-hectare de bruvère sur sable mort auquel l'an-
cienne mauvaise culture solognote avait renoncé après complet épuisement. Cepen-
dant, comme l'écobuage involontaire opéré sur cette terre l'avait douée d’un peu de
fertilité éphémère, je l'ai cultivée en plants très rustiques pendant trois ans. A la der-
nière année de la culture, nous avons repiqué du P. rigida d’un an, et l'année sui-
vante, en enlevant cette récolle, nous en avons laissé assez pour occuper le terrain. Ces
pins, àgés aujourd'hui de 11 ou 12 ans. ont, en moyenne, environ 5 mètres de
haut avec une circonférence de 30 à 35 centimètres: leurs flèches actuelles ont de
50 à 60 centimètres. Leur massif étant convenablement éclairei, ils poussent très droit
malgré la réputation faite à ce pin d’être noueux et buissonneux. Cette réputation pro-
vient probablement de ce que les voyageurs ne l'auront vu qu'à l'état épars, où ses
branches auraient pris trop de développement, comme cela arrive, par exemple, chez
la variété commune du pin sylvestre.
Son bois est lourd, riche en résine, très dur, mais il n’est pas du tout celui, ni même
lun de ceux qui servent à faire les meubles fins portant le nom de prtchpin. I sert à
bien des usages dans sa région et fournit notamment beaucoup de térébenthine et de
goudron; de là le nom américain de l'arbre.
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ll a cette particularité, commune, je crois, avec SEQuOIA SEMPERVIRENS que, recépé
jeune, il rejette de souche; si on F élague, il se forme des rejets adventifs sur son tronc
autour des plaies. Cette faculté, qui n'a pas encore été étudiée avec suite, serait pro-
bablement utilisable pour la formation de tirés. Les jeunes arbres coupés dans les
éclaircies repoussent même sous l'ombrage de ceux debout. Quelques souches de pins
abattus récemment ont moins bien rejeté que ceux d'autres coupés il y a deux ans; Je
pense done que, pour obtenir de bons rejets, il faut recéper dès l'âge de 8 ou 9 ans.
Toujours est-il que mon massif donne à présent le curieux spectacle d’une petite futaie
sur taillis résineux. |
Je pense que P. rigida peut rendre service en remplaçant le pin maritime en ter-
rain sec, ingrat, en plaine et coteau éloigné de la mer, où celui-ci est décimé par la
maladie ronde et craint les hivers trop rigoureux.
Pinus srrogus Linné, pin de Lord Weymouth, wmire pis : pin blanc des Améri-
cains, nom qui le désignerait mieux que celui généralement adopté, est déjà entré
dans le système forestier français. Dès 1870, il fut planté dans les parties humides,
même tourbeuses, de 1à forêt communale de laon-l Étape (Y osges); en 1890, il y avait
atleint une croissance remarquable pour son âge, et son bois, jusque-là employé à la
fabrication de caisses, était accepté par les papeteries. L'Administration forestière con-
tinue à faire planter cette espèce dans la circonscription de Raon:; je présume done que
son bois trouve toujours un débit rémunérateur. En Allemagne, il sert à faire des allu-
mettes de luxe. L'arbre est cultivé depuis dix ans à Eberswalde. Dans le Morvan, con-
trairement à sa réputation générale, il est estimé pour la charpente. En forêt, il sup-
porte bien un léger ombrage. Sa santé n’est solide que dans les sols un peu frais.
Aux Vaux, il montre une belle végétation. Dans mon-pare, un pied isolé, en terrain
plutôt sec que frais, mesure 15 m. 70 de haut et 1 m. 98 de tour; il fut planté en
1872, mais transplanté depuis. D’autres du même âge, en plein bois, dans un sable
non dépourvu de fraicheur mais fort pauvre, sont hauts de 14 à 15 mètres avec
o m, 80 à 1 m. 10 de circonférence.
En somme, je considère que la réussile des jeunes conifères dans nos sables un peu
frais est très encourageante si l'on tient compte du faible accroissement des premières
années, surtout chez les sapins argentés. Actuellement, tous les conifères des Vaux,
même ceux-là, s'élancent vigoureusement, el je crois que, dans la période de dix ans à
venir le taux d’accroissement aura fortement augmenté; de sorte que, si j'ai le bonheur
de voir réunir un nouveau Congrès de sylviculture en 1911, j'espère pouvoir lui pré-
senter un meilleur record. Je suis confirmé dans cette manière de voir par la croissance
des pieds de vingt à trente ans dans mon pare, en mauvais lerrain sec, où cependant,
toutes choses considérées, ils se comportent bien. Dans les jeunes massifs, les essais
peuvent se comparer sans crainte à ceux d'Eberswalde , et, pour certaines espèces comme
Pinus RiGIDA, JuniPERUS virGivianA et Tauya GicanTEA Logmir, le résultat est même su-
périeur.
Je crois aussi que l'on peut planter les nouveaux conifères, dans une mesure pru-
dente, sans crainte de manquer de débouchés pour le bois à exploiter jeune, Aujour-
d'hui, ce bois est assez demandé, soit pour la fabrication du papier, soit comme
poteau de mine, sans parler d'autres emplois spéciaux.
J'ai donné moins d'attention aux espèces exotiques feuillues qui, tout en végétant
mé A LA
PT.
Len enter let à 50 à ji dé SES SE
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généralement fort bien en pépinière, ne paraissent pas spécialement appropriées à nos
sables comme les conifères. De toutes les espèces essayées à Eberswalde, je n'ai cultivé,
dans mes massifs, que les chênes américains qui sont, à mon avis, notre conquête prin-
cipale parmis les feuillus exotiques.
Les caryas et les noyers américains n'ont pas réussi ici, même en pépinière où ils
poussaien{ si lentement que j'ai dû renoncer à les élever : ils exigent probablement un
sol plus substantiel. Je ne connais pas le Negundo de Californie, qui montre à
Eberswalde, comme aux Barres chez M. de Vilmorin, un accroissement énorme :
à 8 ans, il serait déjà haut de 19 à 13 mètres. S'il remplit cette promesse, il serait
l'eucalyptus des pays de froid tempéré. Cerasus virciniana ou Prunus seroTINA végète
bien dans mes pépinières et esl très joli, surtout avec son feuillage rouge à l'automne,
mais je ne l'ai pas encore planté ailleurs.
Quercus pazusrriSs Michaux, chêne rouge des marais, nalif des États de New-York '
de Pensylvanie et de Maryland, est cultivé aux Barres, où son bois a été trouvé de
bonne qualité, tenace et dur; à Dusseldorf, et en Belgique où il a donné de bons ré-
sultats. Malgré son nom, il prospère aussi bien que les autres chênes d'Amérique dans
les sables secs de mon parc. J'en ai trois spécimens, plantés il y a vingt-cinq ans, qui
ont respectivement 10 mètres, 12 m. 30 et 11 mètres de haut, avec o m. 80,
68 et 78 de circonférence. H faut dire que la transplantation retarde fort la croissance
des chênes américains, mais que, après avoir boudé et poussé lentement pendant quel-
ques années , ils s'élancent bien plus vite que leurs congénères européens. Croissant
très droil, quoique ayant la cime inclinée, presque pleureuse, mes chênes palustres
forment des pyramides régulières, étalées , habillées de feuillage qui, tout rouge à l'au-
iomne, leur donne un très bel effet décoratif, Plantés en bordure d'un massif de pins
sylvestres, et malheureusement après ceux-ci, les palustres, comme les autres chênes
américains, donnent de moins bons résultats, car les pins, les ayant devancés, acca-
parent et dessèchent la terre déjà trop aride, H se trouve pourtant dans ces conditions
des sujets qui mesurent de 10 à 11 mètres de haut avec 4o à 45 centimètres de cir-
conférence, et qui poussent vigoureusement.
La même observation s'applique à Quercus coccixga Michaux, chêne écarlate, le
plus décoratif au point de vue du feuillage, qui, abondant, très découpé, d'un rouge
éclatant dès l'automne, conserve pendant tout l'hiver un ton chaud encore rougeàlre, En
bordure de massifs résineux , il atteint encore la taille de 8 à 10 mètres et promet bien
pour l'avenir.
Quercus ruBRA, chêne rouge, arbre des États-Unis du Nord, forme l’un des princi-
paux ornements du domaine des Barres , où il fournit un grand accroissement et fructilie
tous les ans, où son bois a été trouvé médiocre, mais supérieur à celui de nos essences
de second ordre. En Meurthe-et-Moselle, ce bois est au contraire considéré comme très
bon : 11 y a là, probablement, question d'altitude et de climat.
A Eberswalde, sa croissance dépasse celle du chêne commun. Ici, dans les cir-
constances défavorables que je viens de signaler, il se comporte vaillamment et promet
de dépasser ses voisins incommodes, les pins. Les sujets ont maintenant de g à 11 mètres
de haut avec 4o à 45 centimètres de circonférence. Je n'avais pas, à mon regret, songé
à en isoler quelques-uns au moment de les planter.
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Les chênes d'Amériques, sortant des pépinières. ont encore trop peu de développe-
ment pour être étudiés.
La culture des espèces exotiques énumérées me parait, d'après les résultats signalés ,
désirables dans les sols légers ou sableux analogues aux nôtres pourvu qu'ils soient frais.
Toutes ces essences sont rustiques à loutes nos intempéries ; toutes ont subi sans avarie
les grands froids de 1879-1880 (avec cette exception que les jeunes Wellingtonias et
cèdres, dont le bois n'était pas encore durci, ont péri). Il est à remarquer que presque
toutes ces espèces viennent de l'Amérique du Nord, où, ayant à subir des températures
très extrêmes , elles acquièrent une grande rusticité, supérieure à celle de la plupart des
arbres de l'Extrême-Orient.
Étant donné que cette culture, dans une juste mesure, à l'état d'expérience , est dési-
rable, il convient de considérer comment elle doit être dirigée :
Pinus rigipa, de même que le pin sylvestre, ne peut être planté qu'en massif, et je
crois que, pour les premiers essais au moins, il est bon qu'il y soit à l'état pur.
Amies Dougrasit et Pinus srrogus peuvent chacun former le fond de son massif; le
premier, en raison du prix élevé de ses plants, peut être planté très clair, soit à 3,
à L ou à 6 mètres, les intervalles étant remplis d'une garniture , soit résineuse tempo-
raire d’une essence peu accaparante à feuillage léger, comme par exemple le pin laricio
de Corse, soit d’essences feuillues destinées à constituer un sous-bois. Gette dernière
disposition conviendrait également à Pinus strobus, qui peut être planté moins clair, ses
plants n'étant pas d’un grand prix.
Pour l’épicéa de Menzies, le cyprès de Lawson et le thuya géant de Lobb. on pour-
rait agir comme pour le Douglas, en usant de précaution pour que ces espèces, d’une
croissance moins rapide, ne fussent pas dominées et étouflées par leur garniture,
Mais la meilleure facon d'introduire dans les reboisements les espèces qui n'ont pas
encore fait leurs preuves, est, à mon avis, de les planter en bonne exposition, en bor-
dure des massifs et des allées, lesquelles, dans toute plantation, doivent être dessinées
d'avance et être assez nombreuses. Bien entendu , les exotiques doivent être plantés en
même temps que les essences composant le fond du massif.
Cette disposition, qui peut être employée pour toute espèce décorative rustique, a
de nombreux avantages. D'abord l'œil sera réjoui des belles formes et des belles teintes
de ces espèces. L'agrément entre pour une grande partie dans l'attrait du reboisement
et n'est nullement à dédaigner, soit pour contribuer aux jouissances du propriétaire,
soil pour ajouter même à la valeur vénale de la propriété par le charme qu'il lui donne.
En bordure, ces espèces ne géneront pas les autres, et, si les autres les gênent, leur
influence sera tout de suite visible et il sera facile de la prévenir. Les allées donneront
du jour et de l'espace aux exotiques, et aussi, si elles sont bordées d’un ou de deux
fossés, l'assainissement et partant de la profondeur de terre.
Enfin, cette disposition favorisera la fructification, condition indispensable de toute
vraie acclhimatation el qui s'effectue d'autant mieux que l'arbre fructifiant est le mieux
exposé au soleil. Les arbres d’alignement serviront dès lors. avec le temps nécessaire,
de porte-graines, soit pour repeupler naturellement les bois autour d'eux, soit pour
fournir, dans des conditions acceptables, au commerce et à la culture, le moyen de pro-
pager artificiellement leurs espèces.
sad Clin) à éd
Li È n1i die.
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-e#2( 265 )ee3--—
L'acclimatation des essences exotiques , observe très justement M. de Vilmorin , est loin
d'être une pure chimère ; il suflirait pour s'en convaincre de nommer quelques essences
introduites en France, comme le peuplier de Virginie, l'acacia, le pin d'Autriche, etc.
On pourrait ajouter à cette liste de conquêtes bon nombre de nos arbres fruitiers.
En adaptant bien le choix d'espèces aux localités et aux expositions, et dans les condi-
tions de sol et de climat que je viens de préciser, la cullure des essences énumérées ne
peut guère être désavantageuse; elle sera peut-être très profitable el, à coup sûr, très
intéressante.
Caxwox.
_rm( 266 )er—
Annexe N°8.
LES PRINCIPAUX VÉGÉTAUX LIGNEUX EXOTIQUES
AU POINT DE VUE FORESTIER.
Les végétaux ligneux exotiques sont peu connus en France.
Les horticulieurs en cultivent un grand nombre, mais dans un but tout spécial :
l'ornementation des pares et jardins. Bien peu se préoccupent de leur valeur au point
de vue forestier.
Cétte question devrait intéresser davantage les grands propriétaires de bois et les
agents de l'Administration des forêts. Jusqu'ici, il n’en est rien.
Un voyage que j'ai fait, en 1899. dans les pays qui avoisinent le Rhin et dans les
environs de Londres , m'a permis de constater qu'il en était autrement chez nos voisins.
En Allemagne notamment, il s'est produit, sous linitialive Ce la Société dendro-
logique, un mouvement réel en faveur de la connaissance et de l'étude des végétaux
hgneux exotiques.
Les parcs, les promenades el surtout les jardins botaniques en renferment un grand
nombre , génér alement éliquetés avec méthode et avec soin.
Et, ce qui est plus intéressant encore , des essais de boisement en essences exotiques
ont été faits en maints endroits, tant par les propriétaires particuliers que par le
service forestier.
M. Maurice de Vilmorin a rendu compte, dans la Revue des Eaux et Foréts du
19 janvier dernier, de ceux qu'il a visités à Eberswalde, dans l'Allemagne du Nord.
J'ai parcouru moi-même, avec le plus grand intérêt, ceux qui ont été eflectués à
Weinheim, dans le grand duché de Bade, par ie baron de Berchheim et ceux qu'a
fait exécuter le service forestier dans les forêts du cantonnement de Lohr-sur-le-Main,
en Bavière.
Il est à désirer que cet exemple soit suivi en France.
I n'y a pas là, pour le forestier, une simple question d'intérêt, de curiosité: il faut
y voir un côlé pralique.
Beaucoup contestent ce côté pratique.
Les raisons qu'ils donnent sont les suivantes : les essences exotiques ne peuvent se
naturaliser chez nous, et c'est une chimère que de chercher à les acclimater ; d’ailleurs
ces natura‘sations ou acclimatations pourraient-elles être obtenues, qu'il serait bien
inutile de les provoquer; nos essences indigènes donnent des produits bien supérieurs
à ceux que pourraient donner, chez nous, tous les végélaux étrangers, et ces produits
répondent largement à tous nos besoins.
Sur le premier point, il est certain que la naturalisation ne peut être espérée que
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pour un petit nombre d'espèces et que l'acclimatation n'existe pour ainsi dire pas en
culture forestière. fl n’en est pas moins vrai que la naturalisation a été obtenue pour
un certain nombre d’essences, On peut citer, notamment, comme essences naturalisées
déjà anciennement, le marronnier d'Inde, les müriers, les platanes et de nombreux
arbres fruitiers, plus récemment le peuplier de Virginie, laïlante et le robinier, bien
que ce dernier se reproduise rarement de semis. Actuellement, je considère aussi
comme certaine la naturalisation du chêne rouge et du chène de Banister. H n'est
done nullement chimérique de penser que d’autres essences ligneuses pourront êlre
naturalisées. En tout cas, il ne serait pas sérieux de prétendre le contraire de parti
pris.
Sur le second point, je veux bien que nos espèces donnent des bois supérieurs à
ceux que pourront donner, chez nous, leurs congénères étrangers, d'autant plus que.
souvent. une essence introduite ne produit pas un bois d'aussi bonne qualité que dans
son pays d'origine. J'accorde aussi, que nos bois répondent à peu près à tous nos
besoins; pas à tous cependant, les importations de bois étrangers le prouvent suffi-
saminent.
Mais la supériorité de nos essences indigènes n'existe que pour les genres botaniques
qui sont très bien représentés chez nous. H est certain. que, par exemple, si on se
préoccupe uniquement des qualités des bois, il n°y a guère d'intérêt à introduire des
chênes, des hêtres, des charmes, des ormes, des frênes ou des érables exotiques.
Mais un certain nombre de genres n'ont pas de représentants chez nous : le tulipier,
les grandes lécumineuses, le paulowaia, les caryas, les zelkowas, cte., manquent chez
nous, bien qu'ils habitent des pays où le climat ne diffère pas sensiblement du nôtre.
D'autres genres ne sont représentés, en Europe, que par des espèces secondaires , de
petite taille, alors qu'ils renferment, à l'étranger, des espèces de grande taille.
D'autres enfin sont représentés par des espèces dont, pour des raisons diverses. la
production est insuffisante, C'est le cas de notre noyer, qui Cevient d'autant plus rare
qu'il ne peut être élevé en massif. Le noyer noir d'Amérique et les caryas, qui croissent
en massif et donnent un bois un peu inférieur, mais propre aux mêmes emplois, ne
sont-ils pas tout indiqués pour fournir à l'industrie les produits que notre noyer ne
suflit plus à lui donner?
En outre, les qualités du bois ne sont pas les seuls éléments à considérer, lorsqu'on
veut apprécier la valeur d'une essence forestière.
Il faut aussi tenir compte de sa végétation. Ainsi, le chêne rouge d'Amérique ne
donne pas des produits d'aussi bonne qualité que nos chênes indigènes, mais 1l les
fournit beaucoup plus rapidement. Il en est de même du mélèze japonais par rapport
à notre mélèze européen.
IL faut encore Lenir compte des exigences de l'essence, notamment en ce qui concerne
le sol. Ainsi, le pin laricio noir d'Autriche ne vaut pas le pin sylvestre au point de vue
des produits à en retirer, et cependant nul ne conteste les services qu'il a rendus pour
le boisement des sols calcaires de qualité m'diocre. Le chêne de Bamister me parail
susceplible de rendre les mêmes services pour les landes siliceuses arides. Le chêne des
marais me semble pouvoir être planté avec succès dans les terrains siliceux humides.
De même certains sapins étrangers, le sapin pinsapo dans le Midi, le sapin de Nord-
mann dans le Nord, paraissent devoir s’accommoder de sols qui ne conviendraient pas
à notre sapin pecliné, notamment des sols calcaires secs.
= > 268 }e3—
Pour toutes ces raisons, je suis persuadé qu'un certain nombre de végétaux ligneux
exoliques peuvent rendre des services en sylviculture.
La question est de savoir quels sont ces végétaux. Pour la résoudre, il faut faire des
essais et les répéier dans les différents sols, dans les différentes stations.
Nous pouvons tenir compte des résulials déjà acquis par les expériences faites en
France et surlout à l'étranger.
Dans un rapport fait à la suite de mon voyage en Allemagne et en Angleterre,
rapport qui a été publié dans le Bulletin officiel du Ministère de l’agriculture de juillet
1900, jai passé en revue, en suivant une classification méthodique. les différentes
espèces qui ont été mises à l'essai et signalé les résultats obtenus jusqu'ici.
Comme conclusion à ce rapport, j'ai donné la liste de celles de ces essences qu'il est
permis, dès aujourd'hui, de considérer comme susceptibles de donner des résultats.
Les premières expériences doivent évidemment porter sur ces essences.
Le but de ce nouveau travail est de les étudier un pen plus en détail, en me plaçant
uniquement au point de vue forestier et en me débarrassant de toute classification et
de toute description scientifiques.
Mais, avant d'aborder le corps de mon sujet, je crois utile de donner l'énumération
des espèces dont il sera question ©
ESSENCES FEUILLUES.
Tulipier de Virginie (Liriodendron tulipifera ):
* Cedrela de la Chine ( Cedrela sinensis ):
Cerisier tardif (Prunus serotina ):
Sophora du Japen (Sophora japonica ):
Cladrastris à bois jaune (Cladrastris tinctoria );
Févier à trois épines (Gleditschia triacanthos ):
Chicot du Canada ( Gymnocladus canadensis):
Kælreuteria paniculé (Kælreuteria paniculata ):
Érables à sucre (Acer saccharinum), ronge (Acer rubrum) et negundo (Acer negundo ):
Parrotia de Perse (Parrotia persica):
Distylium rameux (Distylium racemosum ):
Paulownia majestueux ( Paulownia imperialis ):
Plaqueminier de Virginie (Diospyros virgiriana ):
Frènes blanc (Fraxinus alba) ei à feuilles de sureau ( Frarinus sambucifolia ):
Bouleaux meiisier (Betula lenta) et jaune (Betula lutea)
Chènes* rouge ( Quercus rubra), * des marais (Quercus palustris), *de Banister (Quereus Ba-
nisteri), écarlate ( Quercus coccinea), des teinturiers (Querc1s tinetoriu), à feuilles de saule
(Quercus phellos), ferrugineux (Quereus ferruginea), falqué (Quereus falcata) et à feuilles
de laurier (Quercus imbricaria ):
* Noyer noir d'Amérique (Juglans nigra );
Caryas *des pourceaux ( Carya porcina), *blane (Carya alba) el amer (GCarya amara):
Pterocarya du Caucase (Pterocarya caucasica ):
Zelkowas *à feuilles crénelées (Zelkowa crenata) et *à feuilles acuminées (Zelkowmu acu-
minala ) ;
© Dans cette énumération, comme dans le cours du travail, j'ai eru bon d'indiquer par un asté-
risque * les espèces que je considère comme occupant le premier rang d'intérêt au point de vue forestier.
—.#3( 269 es
Micocoulier occidental (Celtis occidentalis ):
Maclure à fruit d'oranger (Maclura aurantiaca ):
Copalme d'Amérique (Liquidambar styraciflua ).
J'ai intentionnellement laissé de côté le robinier faux-acacia, l'ailante et le peuplier
de Virginie qui sont suffisamment connus.
On remarquera, en outre, que l'énumération qui précède ne comprend aucun tilleul,
charme , hêtre, châtaignier, orme; j'estime, en effet, que les représentants étrangers
de ces genres bien représentés chez nous sont d'un intérêt secondaire.
ESSENCES RÉSINEUSES.
Libocèdre décurrent (Libocedrus decurrens ):
*Thuya géant (Thuya gigantea);
Faux cyprès “de Lawson (Chamaecyparis lawsoniana), *de Nutka (Chamaecyparis nut-
kaensis) et obtus ( Chamaccyparis obtusa ):
Gyprès de Lambert ( Cupressus lambertiana );
*Genévrier de Virginie (Juniperus virginiana );
Cryptomeria du Japon (Cryptomeria japonica ):
Taxodium dislique (Taxodium distichum )
Sequoia géant (Sequoia gigantea) et sequoïa toujours vert (Sequoia sempervirens);
Gingko à deux lobes (Gingko biloba );
Pins jaune (Pinus mitis), rouge (Pinus rubra), de Banks ( Pinus banksiana), * à bois lourd
(Pinus ponderosa), * de Jeffrey (Pinus Jeffreyi), de Coulter (Pinus Coulteri), rigide (Pinus
rigida), de lord Weymouth (Pinus strobus), élevé (excelsa), peuce (peuce), de Lambert
(lambertiana );
Faux Mélèze de Kaempfer (Pseudo-larix Kaempfert);
*Mélèze du Japon (Larix leptolepis);
Épicéas * d'Orient (Picea orientalis), “blanc (Picea alba), piquant (pungens) el de Menzies
(Picea sitchensis ); |
Tsuga du Canada ( Tsuga canadensis );
*Pseudo-Tsuga de Douglas (Pseudo-tsuga Douglasi);
Sapins “de Nordmann (Abies nordmanniana), de Céphalonie (Abies cephalonica), * pinsapo
(Abies pinsapo), de Numidie (Abies numidica), * de Ciicie (Abies cilicica), de Veitch (Abies
Veitchii), noble (Abies noblis), baumier (Abies balsamea), concolore (Abies concolor)
el *élancé (Abies grandis).
ESSENCES FEUILLUES.
Tulipier. Liriodendron.
Le genre Lulipier, qui appartient à la famille des Magnoliacées, ne comprend qu'une
espèce.
Tulipier de Virginie (Liriodendron tulipifera Linné). — Le tulipier de Virginie
croit, aux États-Unis, dans Ja région des monts Alleghany; c'est plutôt une essence
disséminée.
_w( 070 Jan
C’est un des plus grands et des plus beaux arbres de l'Amérique du Nord; il a un
füt droit, très régulier et une cime ample, bien fournie.
Il se plait dans les vallées et recherche les terrains meubles et frais; il s’accommode,
toutefois, des sols relativement secs; les terrains siliceux lui conviennent tout particu-
lièrement ; il vient mal dans les sols calcaires.
Son bois est à aubier blanc et à cœur jaunâtre. Ï est serré, très homogène, léger,
tendre, facile à travailler. Il est propre aux mêmes emplois que le bois de peuplier avec
lequel il n’est pas sans analogie; mais il offre une plus grande résistance. Il est re-
cherché par les menuisiers el les ébénistes qui l'emploient en placage: les fabricants
de pianos le payent assez cher; aussi une grande quantité de ce bois est-elle importée
en Europe.
Or, si l’on considère que le tulipier de Virginie vient très bien chez nous, il est
logique de demander que cette espèce ne soit plus élevée uniquement dans nos pares,
pour l’ornement, mais aussi comme essence secondaire, dans nos forêts, pour son bois.
Cedreia.
Le genre cedrela, de la famille des Méliacées, est représenté à l'étranger par plu-
sieurs espèces dont une est très intéressante.
“Cedrela de la Chine (Cedrela sinensis À. Jussieu). — Le cedrela de la Chine est un
grand arbre chinois qui offre beaucoup d'analogie avec l'ailante.
I ne paraît pas très exigeant au point de vue de ia nature minéralogique du sol,
mais semble demander des terrains meubles, frais et profonds.
Il repousse vigoureusement de souche et drageonne abondamment.
Cette essence est d'introduction trop récente pour qu'on puisse, dès maintenant,
apprécier quelle sera sa valeur chez nous. Jusqu'ici, elle s’est montrée très rustique et
de croissance rapide.
Son bois présente un aubier blanchâtre et un cœur rosé. H est dense, dur, élastique,
et M. Mouillefert, qui a éprouvé sa résistance, l’a trouvée considérable, Ce serait done
un bois de premier ordre, se rapprochant du bois de l’acajou qui appartient, d’ailleurs .
à la même famille; comme ce dernier, il serait précieux pour la menuiserie et l’ébé-
nisterie.
Pour cette raison, le cedrela de la Chine est une des essences exotiques feuillues
qu'il serait le plus intéressant d'introduire dans nos forêts, à titre d'essai.
Les Fruitiers.
De nombreuses espèces ligneuses exotiques, du groupe des Rosacées, ont été intro-
duites en Europe pour leurs fruits; une mériterait de l'être pour son bois; elle appartient
au genre prunier, section des cerisiers.
Cerisier tardif (Prunus serolina Ebrhart). — Le cerisier tardif, souvent confondu
avec le cerisier de Virginie (Gerasus virginiuna Michaux), habite une grande partie
des États-Unis: on le trouve également au Canada, sur tout le versant de l'Atlantique.
C’est un grand arbre, à fût allongé, très régulier.
I recherche les sols meubles, frais et profonds, présentant une certaine fertilité; il
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—#n( 974 jes—
s’accommode toutefois, dit-on, des sables presque purs el semble ne pas craindre le
calcaire. -
Il vient très bien chez nous. Cette essence a été plantée en différents endroits en Bel-
pique, et y a donné, parait-il, de bons résultats.
Le cœur de son bois est de couleur rosée; il est serré. dur, susceptible de recevoir
un beau poli et peu sujet à se tourmenter. IT convient donc très bien pour l’ébénisterie
et la menuiserie.
Le cerisier tardif n’est donc pas sans intérêt au pont de vue forestier.
Les grandes Légumineuses.
Outre le robinier faux-acacia, le groupe des Léyumineuses comprend, à l'étranger,
plusieurs végétaux ligneux de grande taille qui se comportent parfaitement dans nos
Pays.
Sophora du Japon (Sophora japonica Linné). — Le sophora du Japon est très
rustique et de croissance rapide: 11 atteint chez nous des dimensions énormes. Le pare
de Carlsruhe en possède un qui ne mesure pas moins de 1 mètre de diamètre, et dont
la cime couvre une surface très considérable; c'est d'ailleurs, paraïtl, le plus ancien
de tous ceux qui existent en Allemagne.
Mais, au point de vue forestier, cette essence ne vaut pas le robinier, dont elle a à
peu près les exigences culturales.
Le sophora du Japon ne doit donc être, à mon avis, qu'un arbre d'ornement.
Cladrastris à bois jaune (Cladrastris fincioria Rafinesque , Virgilia lutea Mi-
chaux). — J'en dirai tout autant du cladrastris à bois jaune, arbre des États-Unis.
bien qu'il soit très rustique et donne un beau bois jaune, assez fort. Mais 1l est de
petite taille, de croissance lente et demande des sols frais, profonds, assez substantiels ,
qui conviennent à des essences indigènes plus précieuses.
Févier à trois épines (Gleditschia triacanthos Linné). — Le févier à trois épines,
très grand arbre épineux de l'Amérique du Nord, vient parfaitement dans nos pays,
y croit rapidement et y fructifie régulièrement et abondamment. I n'est pas rare d'en
voir des spécimens de fortes dimensions. Mais il est inférieur, pour les qualités de son
bois, au robinier faux-acacia que les forestiers doivent, par conséquent, lui préférer.
Néanmoins, mon camarade Buffault, dans sa remarquable étude sur les dunes de
la côte du Médoc, signale cette essence comme croissant très activement dans les sables
médiocres et comme devant être avantageusement propagée dans les dunes.
Chicot du Canada (Gymnocladus canadensis Lamarck). — L'espèce la plus inté-
ressante du groupe, au point de vue forestier, est peut-être le chicot du Canada.
C’est un très grand arbre qui croit aux États-Unis, sur le versant de l'Atlantique.
Son fût est droit, allongé; sa cime est peu fournie et formée d'un petit nombre de
pousses très grosses, caractéristiques.
I demande des sols d'une certaine fraicheur et d’une certaine fertilité. Aussi ne
réussit-il pas partout, aux Barres notamment, bien qu'il soit très rustique. J'en ai vu.
--#+2( 272 jees-—
au contraire, de fort beaux à Strasbourg, à Carlsrube et à Heidelberg. Sa croissance
est lente. Il fructifie à Nogent.
Son bois a peu daubier; le cœur, d’une couleur rosée, est lourd et fort; il se tra-
vaille bien et est susceptible de prendre un beau poli. H convient pour l’ébénisterie.
Cette essence n’en est pas moins, comme les précédentes, d’un intérêt un peu se-
condaire au point de vue forestier.
HKHælreuteria.
Kælreuteria paniculé (Kælreuteria paniculata Laxmann). — Le kælreuteria
paniculé est originaire du nord de la Chine.
C'est un arbre de deuxième grandeur, dont les exigences ne sont pas encore bien
connues.
[l'est très rustique chez nous, mais de croissance très lente.
Son bois ressemblerait à celui du frêne el en aurait toutes les qualités.
Pour cetle raison, celte essence mériterait d’être essayée en forêt.
Les Érables.
Le genre érable (acer) est représenté en Asie, comme en Amérique, par de nom-
breuses espèces.
Beaucoup d’entre elles, notamment les espèces asiatiques, sont encore trop peu
connues, pour qu'on puisse les apprécier autrement qu’au point de vue ornemental.
Les érables américains sont très estimés dans leur pays d'origine; beaucoup se sont
montrés très rustiques chez nous. Mais si plusieurs méritent d'être introduits pour
l'ornementation, notamment l'érable de Virginie (Acer eriocarpum Michaux, vel Dasy
carpum Ehrhart), qui vient particulièrement bien dans nos pays et y croit très rapi-
dement, je ne pense pas que cette introduction présente le même intérêt au point de
vue forestier ; les meilleurs des érables américains ne paraissent pas devoir donner un
bois supérieur à celui de nos espèces indigènes.
Il serait bon, toutefois, de vérifier le fait pour les espèces principales.
Érable à sucre (Acer saccharinum Vangenheim). — L'érable à sucre est surtout
commun dans les provinces du nord des États-Unis et au Canada, sur le versant de
l'Atlantique.
C'est un grand arbre, rappelant l’érable plane.
[Il demande des sols d’une certaine fertilité.
Il est rustique sous nos climats.
Son bois, blanc lorsqu'on le débite, devient rosé à l'air; il est lourd, dur, suscep-
üible de recevoir un beau poli, mais peu durable. C’est un des meilleurs parmi ceux
que donnent les érables américains. Il est très recherché par les menuisiers, tourneurs,
charrons, armuriers; on l'emploie aussi pour la charpente intérieure. C’est, en outre,
un excellent bois de chauffage.
Il convient d'ajouter que lérable à sucre est, avec l’érable à grandes feuilles (Acer
macrophyllum Pursch), un de ceux qui donnent ces variétés dont le bois, connu sous le
nom d'érable moucheté, est payé très cher par les ébénistes.
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—#3( 273 es
Érable rouge (Acer rubrum Linné). — L’érable rouge se trouve, aux États-Unis
et au Canada, sur tout le versant de l’Atlantique, et son aire s'étend assez loin dans
le centre et le midi des États-Unis.
C’est généralement un arbre de grande taille.
H recherche les terrains humides et même bourbeux; les sols siliceux sont ceux
qu'il préfère.
Il est rustique dans nos pays.
Son bois grisâtre, souvent teinté de rouge, est homogène, lourd, dur, facile à tra-
vailler et susceptible de prendre un beau poli. H est également recherché par les ébé-
nistes et les tourneurs.
Érable negundo (Acer negundo Linné). — L'érable negundo est un arbre de
deuxième grandeur qui sonde dans le centre des États-Unis, surtout sur les sols
frais de nature siliceuse.
Chez nous, il s'est montré très rustique, peu exigeant et de croissance très ra-
pide.
Son bois blanc, léger, peu fort, n'a pas grande valeur.
Mais cette essence me parait pouvoir rendre des services dans le boisement des sols
sablonneux de qualité médiocre. Buffault la signale comme devant donner de bons
résultats dans les dunes de Gascogne.
Parrotia.
Le genre parrotia, qui appartient à la tribu des Hamamélidées, de la famille des
Saxifragacées, renferme deux espèces connues ; l'une d'elles est intéressante.
Parrotia de Perse (Parrotia persica C. À. Meyer). — Le parrotia de Perse habite
les forêts du nord de la Perse, notamment les monts Elbourz.
C’est un arbre de seconde ou troisième grandeur, qui rappelle le hêtre par le port et
le feuillage; 11 a, comme lui, le couvert épais.
H se contente des terrains les plus médiocres et s'accommode, notamment, des sols
calcaires superficiels.
Cette essence est représentée dans tous les jardins botaniques d'Allemagne et s'y
montre très rustique; mais les beaux échantillons sont rares, car elle est d'introduction
récente et de croissance lente.
Son bois rappellerait celui du charme, mais lui serait supérieur, notamment comme
dureté; il conviendrait avantageusement aux mêmes emplois.
Étant données sa rusticité et ses faibles exigences au point de vue du sol, le parrotia
de Perse pourrait être introduit, à titre d'essai, dans les terrains de qualité médiocre ,
notamment dans le pays où le charme fait défaut.
Distylium.
Distylium rameux (Distylium racemosum Siebold et Zuccarini). — A Ja même tribu
des Hamamélidées appartient le distylium rameux, arbre toujours vert, qui croit dans
l'ile japonaise de Kiou-Siou.
SYLVICULTURE. 18
—#3( 27h jes—
Cette essence donne au Japon un bois de premier ordre.
Elle est à peine introduite dans les cultures européennes et il faut attendre les essais
pour se prononcer sur sà valeur dans nos pays.
Paulownia.
Le genre paulownia, de la famille des Scrofulariacées, n’est formé que d'une seule
espèce.
Paulownia majestueux (Paulownia imperialis Siebold et Zuccarini). — Le pau-
lownia majestueux croît, dissénuné, dans les forêts de l'ile japonaise de Niphon.
C'est un arbre de deuxième grandeur, qui peut atteindre, en diamètre, de très
fortes dimensions. Le fût est droit, la cimé ample, formée de branches tortueuses.
ll demande des sols frais el profonds.
L! s'est montré assez rustique dans nos cultures; il ne peut, loutefois, supporter les
grands hivers du Nord; sa croissance esl très rapide; il repousse lrès vigoureusement
de souche.
‘Comme les catalpas, de la famille voisine des AS le paulownia n’est cultivé
jusqu'ici que pour l'ornement.
Ï mériterait, peut-être, de l'être aussi pour son bois qui n’a guère d'équivalent,
chez nous, pour la lévèreté, tout en restant tenace. Ce bois conviendrait parfaitement
pour faire des boites légères, des malles surtout, et aussi des petits meubles sculptés,
des étagères en particulier.
Il pourrait être planté, dans ce but, en forêt, par places seulement, car 1l est peu
probable qu'il puisse former des massifs:
Piaqueminier — Hiospyros.
Le genre plaqueminier appartient à la famille des Ébénacées : il renferme un très
grand nombre d'espèces habitant, pour la plupart, les régions chaudes du globe.
Une espèce orientale, le plaqueminier faux-lotier ( diospyros lotus Linné) , a été intro-
duite dans le midi de la France où elle donne un bois de travail estimé.
Une espèce japonaise, le plaqueminier Kaki (diospyros Kaki Linné), est également
cultivée dans le Midi pour son fruit.
Enfin une espèce américaine présente un certain intérêt au point de vue forestier.
Plaqueminier de Virginie (Diospyros virginiana Linné). — Le plaqueminier de
Virginie est très répandu dans les provinces du nord-est et du centre des États-Unis.
C'est un assez grand arbre à cime diffuse.
Introduit en Europe, il s’est montré rustique; il ne fructifie, toutefois, que dans
le Midi.
Son bois parfait est de couleur foncée, quelquefois presque aussi noir que l’ébène ,
qui est, d’ailleurs, fourni par plusieurs espèces du même genre; il est homogène,
lourd , dur, susceptible de recevoir un très beau poli. Il convient done particulièrement
en ébénisterie.
- Ses fruits sont comestibles après maturité.
Mis is éhéos. 2
t
ID étés
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|
|
—#%( 275 )ses—
Celle essence pourrait être introduite, sinon dans le nord, du moins dans le midi
de la France, où elle donnerait des produits au moins égaux à ceux de son congénère,
le plaqueminier faux-lotier.
Les Frênes.
Le genre frêne (fraxinus) est représenté à l'étranger par un certain nombre d'espèces.
Mais, comme pour tous les genres botaniques qui ont chez nous dés essences fores-
tières de premier ordre, il est peu probable qu'il y ait intérêt, au point de vue des
qualités des bois, à introduire des espèces exotiques.
H serait, toutefois, utile d’expéfinénter les plus recommandables de ces espèces.
Frêne blanc (Fraxinus alba Marshall vel americana Linné). — Le fr ‘êne blanc
est commun sur fout le versant de Atlantique, au Canada et aux États-Unis.
C'est un arbre de grande taille, à füt allongé, droit, à cime ample, toulfue.
H demande des sols humides, pas trop cependant.
Introduit depuis longtemps dans les jardins botaniques européens, 11 s'est montré
très rustique. L’arboretum de Kew en possède qui mesurent 20 mètres de hauteur sur
o m. 80 de diamètre.
Cette essence est comprise dans les boisements d'Eberswalde visités par M. de Vil-
morin; les sujets plantés, âgés de six à huit ans, y sont très vigoureux el très bien
venants.
Son bois présente un aubier blanc et un cœur rougeàtre. Îl est à la fois lourd et dur,
souple et élastique. C’est donc un bois du premier ordre, un des meilleurs de l'Amé-
rique du Nord: il est particulièrement recherché en ébénisterie et en carrosserie; on en
fait aussi des manches d'outils, des cercles, des merrains.
Certains prétendent même que le bois du frêne blane d’Améri ‘ique est supérieur à
celui de notre frêne commun. Cela est contestable, D'ailleurs il n’est pas certain que lé
frêne blanc donne, dans nos pays , un bois d'aussi bonne qualité que celui qu ‘il fournit
dans son pays d'origine.
En tout cas, il serait utile et intéressant de l'expérimenter,
Frêne à feuilles de sureau (Fraxinus sumbucifolia Lamarek). — Le frêne à feuilles
de sureau est commun, au Canada, sur le versant de F Atlantique et dans les provinces
du nord des États-Unis.
C'est un arbre de grande taille, à écorce noirätre.
Il demande des sols plus humides que le précédent et s'accommode même de terrains
submergés pendant un certain temps.
Il est encore assez rare dans les cultures européennes, mais s semble devoir s’y très
bien comporter.
Le cœur de son bois est brunâtre, dur, plus tenace et plus élastique, mais moins
durable que celui du frêne blanc. H est surtout employé pour faire des cercles, de
menus objets divers.
Le frêne à feuilles de sureau pourrait être planté, à titre d'essai, dans les terrains
très humides,
Les autres frênes américains, notamment le frêne à rameaux carrés (fraxinus qua-
18.
—#2( 276 )ee:—
drangulata Michaux) et le frêne pubescent (/raxinus pubescens Lamarck) qui habitent
tous les deux le versant de l'Atlantique, au Canada et aux Etats-Unis, sont également
très rustiques chez nous, mais sont, à mon avis, d'un intérêt moindre au point de vue
forestier.
Quant aux frênes d'Asie, ils sont encore rares dans les cultures et par suite peu connus.
H serait intéressant d’expérimenter les frênes du Japon et une espèce de l'Hymalaya,
le frêne floribond (fraxinus floribunda Wallich), espèces dont l'origine permet d'espérer
la rusticité dans nos pays.
Les Bouleaux.
Le genre bouleau (betula) étant bien représenté en Europe, il est peu probable qu'il
y ait intérêt, au point de vue forestier, à introduire des espèces exotiques.
Ainsi le bouleau à papier (betula papyrifera Marshall) qui habite le versant de l'At-
lantique, au Canada , et les provinces du nord-est, aux États-Unis, et le bouleau rouge
(betula rubra Michaux) qui croît dans les sols frais et graveleux de la région du nord-
est des États-Unis, ne donnent pas, chez nous, un bois supérieur à celui de notre
bouleau blanc.
Le bouleau merisier (betula lenta Linné) et le bouleau jaune (betula lutea Michaux)
sont plus intéressants.
L'un et l'autre habitent, au Canada et aux États-Unis, les provinces du versant de
l'Atlantique: l'aire du second s'étend même, au Canada, dans la région du Manitoba.
L'un et l’autre sont assez rustiques chez nous, mais ne semblent pas, le premier sur-
tout, devoir y prendre les dimensions qu ils ont ee leur pays d'origine.
Le bois du bouleau merisier est supérieur à celui des autres bouleaux des États-Unis:
il est de couleur rosée, dur, fort, susceptible de prendre un beau poli; il est recherché
par les ébénistes et importé en Europe pour être employé par les fabricants de pianos
qui le payent assez cher.
Le bois du bouleau jaune présente les mêmes qualités, mais à un degré un peu in-
férieur el a les mêmes emplois.
En raison des qualités de leur bois, ces deux bouleaux, surtout le bouleau merisier,
pourraient être introduits dans nos forêts, à titre d'essai.
Les Chênes.
Le genre chène (quercus), qui est parfaitement représenté chez nous, est un des plus
considérables du règne végétal; il comprend plus de deux cents espèces.
Si on se place uniquement au point de vue des qualités des bois, il n’y a aucun in-
térêt à introduire en Europe des chênes exotiques; nos espèces indigènes donnent, en
effet, un bois de toute première qualité et suffisent largement à nos besoins.
Mais certains chênes étrangers peuvent nous rendre des services à d’autres points
de vue.
Je me contenterai d'étudier les espèces les plus intéressantes.
Chêne rouge (Quercus rubra Linné). — Le chêne rouge d'Amérique croit, au
Canada, sur le versant de l'Atlantique, et aux États-Unis , dans les provinces du nord-est.
F
)
—#3( 277 js. —
C’est un grand arbre pouvant atteindre 25 mètres de hauteur sur 1 mètre et même
plus de diamètre; son füt est assez souvent court, car de grosses branches naissent fré-
quemment à une faible hauteur; ces branches s'étendent à peu près horizontalement
jusqu’à une grande distance; la cime est, par suite, très développée en largeur et
en hauteur.
H se plait dans les plaines et les vallées et ne semble pas difficile sur la nature du
sol; il s’accommode très bien de sables d’une fertilité médiocre, mais vient mal sur le
calcaire.
Introduit en Europe, il s’est montré excessivement rustique ; il s'élève très bien en
massif, fructifie régulièrement et abondamment et se reproduit parfaitement de se-
mences; les jeunes semis supportent assez bien le couvert épais de leurs parents. C’est,
en somme, une essence que l’on peut considérer comme naturalisée.
Sa croissance est beaucoup plus rapide que celle de nos chènes indigènes. Un repré-
sentant de cette espèce, qui a été déraciné aux Barres par l'ouragan du 14 février
dernier, mesurait 2 m.15 de tour à 1 m.30 du sol et accusait au plus 70 couches an-
nuelles. Un autre, planté en 1829, mesure actuellement o m.75 de diamètre.
Son bois a un aubier blanc peu abondant et un cœur d’une couleur blanc rosé; il est
à gros vaisseaux, ce qui le rend assez poreux, peu résistant; il est, de plus, sujet à la
pourriture. Ce bois est donc loin de valoir celui de nos chênes rouvre et pédonculé.
Mais, d’un travail et d’une fente faciles, susceptible de prendre un beau poli, il n’en
est pas moins propre à de nombreux emplois; la menuiserie, notamment, peut en tirer
parti et il convient pour faire du merrain.
De plus, étant donnée sa croissance rapide, il donne, en bois de feu, un rendement
supérieur à celui de nos chênes.
Son écorce peut être employée pour la fabrication des cuirs; elle est toutefois de
qualité un peu inférieure.
Etant données sa rusticité, sa croissance, sa faculté à se réensemencer naturellement,
le chêne rouge peut certainement nous rendre des services pour la mise en valeur des
argiles et des sables de qualité moyenne.
I a été planté en maints endroits, notamment aux Barres, en Sologne, à Weinheim
et à Eberswalde, en Allemagne, dans les Flandres, en Belgique; partout il a donné de
bons résultats.
Buffault reconnaît qu'il est tout désigné pour être introduit dans les dunes.
La variété ambigua, à écorce lisse, est au moins aussi rustique que le type, se com-
porte comme lui, mais donne une écorce plus riche en tannin.
“Chêne des marais (quercus palustris Michaux). — Le chêne des marais croît en
Amérique, dans les vallées humides du versant de l'Atlantique, depuis le Canada
jusqu'à la Virginie.
C'est un grand arbre, pouvant atteindre 30 mètres de hauteur sur 1 mètre de dia-
mètre. Il est susceptible de prendre un très beau fût; sa cime est formée de branches
nombreuses, menues, enchevétrées les unes dans les autres et ayant une tendance à
prendre la direction verticale.
Ï recherche les sables frais ou même humides; aux États-Unis, on le trouve souvent
au bord des mares; il s’accommode néanmoins de sols relativement secs, ainsi qu'on
peut le constater aux Barres.
—eu( 978 jee
Son couvert est moyennement épais; ses feuilles sont nombreuses, assez grandes,
mais {rès découpées.
Introduit dans nos pays, il est très rustique, croît assez rapidement et fructifie. Il
acquiert de très belles dimensions. Le domaine des Barres en possède un échantillon de
forme superbe, qui mesure 25 mètres de hauteur sur o m. 60 de diamètre. Le jardin
de Kew en a aussi de beaux.
Son bois parfait est de couleur rougeätre; il est également à gros vaisseaux, mais il
parait plus dur, plus tenace, plus résistant que celui du chère rouge. Il convient ayan-
tageusement aux mêmes emplois.
Le chêne des marais est, à mon avis, un des plus intéressants parmi les chênes
américains. [1 mérite d'être introduit, à titre d'essai, dans les sols siliceux et argilo-
siliceux frais ou même humides, où il vient particulièrement bien. IL a été planté aux
Barres, à Dusseldorf, en Allemagne et, en différents endroits, en Belgique ; partout il
a réussi.
* Chêne de Banister ou chêne à feuilles d'yeuse (quercus Banisteri Michaux vel
iheifolia Wangenheim). — Le chêne de Banister peuple les forêts du nord-est des
États-Unis.
C’est un arbusle ou petit arbre pouvant atteindre 4 ou 5 mètres de hauteur, sur
e m.°0 à o m. 30 de diamètre. Son tronc est très irrégulier, très rameux ; ses branches,
très nombreuses, très tortueuses, s’enchevêtrent les unes daus les autres, formant des
fourrés d'accès dificile.
H est très peu exigeant au paint de vue du sol: il s'accommode notamment des sables
les plus secs, les plus médiocres.
Il est, chez nous, d'une rusticité à toute épreuve et d’une fertilité extraordinaire:
ses glands, très petits, sont disséminés à d'assez grandes distances par les oiseaux et
reproduisent l'espèce d’une façon envahissante; tout le domaine des Barres et même
les bois voisins sont couverts de semis naturels de cette essence, que l'an peut consi-
dérer comme parfaitement naturalisée.
Les jeunes sujets supportent bien le couvert.
Le chène de Banister rejette aussi abondamment de souche; le peuplement qui existe
aux Barres a été en partie exploité pendant l'hiver de 1898-1899: les rejets se sont
produits très nombreux et ont actuellement 1 m. 50 de hauteur en moyenne.
Le bois, de couleur gris-rougeätre, est de qualité médiocre. D'ailleurs, étant données
les faibles dimensions de ce chêne, ce bois ne peut guère être utilisé que pour le chauf-
fage.
Il n'y a donc, à ce point de vue, aucun intérêt à propager le chêne de Bamister.
Mais son extrême rusticité, ses très faibles exigences et sa facilité extraordinaire à se
réensemencer en font, à mon avis, une essence parfaitement indiquée pour la mise en
valeur des coteaux sablonneux arides et peut-être pour la fixation des dunes. À ce der-
nier point de vue, il n’a pas donné jusqu'ici, dit Buffault, des résultats très satisfaisants;
j'estime que les essais doivent être renouvelés. |
H convient d'ajouter que le chêne de Banister offre encore un intérêt an point de vue
tout spécial de la chasse; il forme des taillis impénétrables où le gibier aime à se tenir,
s'y trouvant en sûreté; (le plus, ses glands, très nombreux, lui procurent en hiver une
nourriture abondante, dont le faisan est particulièrement friand.
—#2( 279 es
Chêne écarlate (quercus coccinea Michaux), chêne des leinturiers (quercus
lnctoria Michaux , vel velutina Wildenow). — Le chêne écarlate et le chêne des teintu-
riers sont assez voisins du chéne rouge, qu'ils accompagnent généralement dans la
région du nord-est, aux États-Unis, et sur le versant de l Atlantique, au Canada.
Ge sont l'un et l'autre des arbres de grande taille, pouvant atteindre 30 mètres de
hauteur sur 1 mètre et plus de diamètre.
L'un et l'autre s'accommodent de tous sols moyens, à l'exception cependant des
terres crayeuses; toutefois ils paraissent demander un peu plus de fertilité que le chêne
rouge.
Introduits en Europe, ils se sont montrés à peu près aussi rustiques que ce dernier ;
ils fructifient presque aussi abondamment, mais se ressèment moins facilemént: en
outre, leur croissance n'est pas aussi rapide. Ceux qui ont été élevés en massif aux
Barres sont en très bon état de végétation et ont environ 15 mètres de hauteur sur
o m. 30 de diamètre.
Tous deux ont un bois parfait, rougeâtre, poreux, assez semblable à celui du chêne
rouge et présentant à peu près les mêmes défauts et qualités.
L'un et l’autre onf une écorce utilisable pour la fabrication des cuirs; celle du chêne
des temturiers est même assez estimée; elle donne aux cuirs une couleur jaune diver-
sement appréciée.
Ces deux chênes ne sont toutefois que d’un intérêt secondaire au point de vue
forestier.
Chêne à feuilles de saule (quercus phellos Linné). — Le chêne à feuilles de saule
croit dans les stations humides des provinces de l’est des États-Unis.
C'est également un chêne de grande taille, à fût droit, allongé, à cime bien fournie.
H recherche les terrains humides; il s’accommode cependant du sol relativement sec
des Barres.
I est assez rustique chez nous, mais craint les grands froids du nord et est sujet
aux gelivures. Îl à une creissance assez rapide et acquiert de très belles dimensions: le
domaine des Barres en possède plusieurs échantillons de 25 mètres de hauteur sur
o m. 4o à o m. 50 de diamètre. Il fructifie assez régulièrement, mais peu abondamment.
Son bois, à aubier peu abondant, est blanchâtre, poreux, tendre, en somme assez
médiocre ; il se travaille très facilement.
Végélant très bien chez nous, particulièrement dans les sols sablonneux humides,
le chêne à feuilles de saule pourrait peut-être rendre des services pour la mise en valeur
des lettes marécageuses des dunes de Gascogne, où il n'aurait nullement à sonffrir des
gelées.
Chêne falqué (quercus faleutu Michaux). — Le chêne falqué se trouve, aux États-
Unis, sur tont le versant de l'Atlantique, dans les endroits frais.
C'est un grand arbre, dont le tronc est revêtu d'une écorce noirâtre , creyassée.
MH ne parait pas très difficile au point de vue du sol.
IL est rustique chez nous. On peut en voir, aux Barres, un sujet de 20 mètres de
haut sur o m. 65 de diamètre, I fructifie peu et nons n'avons pas encore vu de semis
naturels de cette essence.
Son bois est à aubier assez abondant: les rayons médullaires sont larges; les vais-
—#x( 280)
seaux, de moyenne grosseur, sont disposés en lignes rayonnantes ; le cœur est dur,
dense, d'une teinte rougeâtre d’un joli effet, mais il n’est pas facile à travailler, En
somme, sous le rapport des qualités et des emplois des bois, le chêne falqué, tout en
restant inférieur à nos chênes rouvre et pédonculé, parait supérieur à ceux de ses con-
génères américains qui viennent bien dans nos pays.
H conserve la même supériorité pour son écorce.
Pour ces raisons, le chêne faiqué pourrait être introduit, à titre d'essai, dans cer-
taines forêts situées sur des sols relativement pauvres.
Chêne à feuilles de laurier (quercus imbricaria Michaux). — Le chêne à feuilles
de laurier habite surtout la be qui s'étend à l’ouest des monts Alleghany , aux États-
Unis.
C'est un grand arbre, à füt souvent court et à cime développée.
J1 recherche aussi les stations humides.
Ï vient bien chez nous et peut y prendre de belles dimensions. Un arbre de cette
essence, déraciné aux Barres par l'ouragan du 14 février dernier, mesurait plus de
20 mètres de haut sur 1 m. 70 de tour à 1 m. 30 du sol et comptait environ 55 couches
annuelles. H fructifie peu.
Son bois est à aubier assez abondant; le cœur, d’un beau blanc rosé, est dur el
pesant; il me semble de qualité un peu supérieure à celle qui lui est généralement
altribuée.
Le chêne à feuilles de laurier n’en est pas moins, au point de vue forestier, d'intérêt
secondaire.
Chêne ferrugineux ou chêne noir (quercus /erruginea Michaux, vel nigra Will-
denow). — Le chêne ferrugineux croît, aux États-Unis, dans la région de l’est et du
sud-est.
C’est un grand arbre, à écorce noirâtre, assez profondément crevassée.
I vient bien chez nous. On peut en voir aux Barres des sujets qui ont, en hauteur,
des dimensions bien supérieures à celles que lui reconnaît Michaux; l'ouragan du
14 février dernier en a déraciné un qui accusait environ 55 ans et mesurait 20 mètres
de hauteur pour 1 m. 12 de tour à 1 m. 30 du sol. Il fructifie bien: mais nous ne
l'avons pas vu jusqu'ici se ressemer naturellement.
Son bois présente un aubier blanc très abondant et un cœur de couleur foncée , très
dur, dont la qualité me paraît supérieure à ce qu’en disent les auteurs.
Bien que d'intérêt secondaire au point de vue forestier, cette essence doit être
encore étudiée avant d’être écartée définitivement.
Tous les autres chênes américains, notamment le chêne blanc (quercus alba Linné),
le plus important du genre aux États-Unis, le chêne à gros glands (quercus macrocarpa
Michaux), le chêne à poteaux (quercus obtusiloba Michaux)... ne végètent pas sufli-
samment bien dans nos jardins botaniques , pour qu’on puisse songer à les planter dans
nos forêts.
Quant aux chênes d’Asie, ils sont encore assez peu connus.
Le chêne Velani (quercus aepilops Linné), espèce orientale, dont on peut voir aux
Barres un beau spécimen de 15 mètres de hauteur sur o m. 45 de diamètre, n’est pas
—#n( 981 )es—
assez rustique et fructifie trop rarement pour qu'on puisse espérer sa naturalisation ,
au moins dans le No:d.
Le chêne du Liban (quercus Libani Olivier) est beaucoup plus rustique et, comme il
donne, dans son pays d'origine, un bois d'excellente qualité, il sera intéressant à étu-
dier; mais nous n’en connaisons jusqu'ici que des sujels jeunes et de petite taille.
Encore moins connus sont les chênes de l'Himalaya (quercus dilatata Lindley et
quercus incana Roxburgh), qui sont encore rares dans les cultures européennes.
Parmi les nombreux chênes japonais, le quercus dentata Thunberg (quercus Daymio
des horticulteurs) semble très peu important au point de vue forestier.
Plus intéressants me paraissent être le quercus serrata Thunberg, dont on peut voir
aux Barres quelques beaux échantillons, le quercus glandulifera Blume et le quercus
acuta Thunberg, ce dernier à feuilles persistantes; mais les essais dont ces essences ont
été l'objet sont trop peu nombreux et surtout trop récents, pour qu'on puisse actuelle-
ment les apprécier.
Les Noyers. -
Le genre noyer (juglans) est représenté en France par une espèce de premier ordre,
supérieure, par son bois et par son fruit, à tous ses congénères étrangers.
Malheureusement, le noyer tend à disparaitre. Autrefois, le paysan le plantait dans
les champs pour avoir ses noix, dont l'amande lui procurait l'huile nécessaire à ses
besoins. Mais aujourd’hui, l'huile de noix est remplacée, jusque dans les campagnes,
par des huiles qui, la plupart du temps, ne la valent pas, et le noyer, dont le couvert
très épais nuit aux récoltes, n’est plus remplacé lorsque l’âge ou les besoins de l'in-
dustrie en ont amené la disparition.
Abandonné par le cultivateur, le noyer ne peut guère être recueilli par le forestier ;
car, malgré les qualités de son bois, ce ne peut être une essence forestière, puisqu'il n'es!
pas susceplible de croître en massif.
Dans ces conditions, le noyer noir et les caryas d'Amérique, dont le bois, sans
valoir celui de notre noyer, convient aux mêmes emplois, et qui ont, sur notre espèce
indigène , l'avantage de pouvoir être élevés en massif, sont, à mon avis, des essences
très intéressantes au point de vue forestier.
“Noyer noir d'Amérique (juglans nigra Linné). — Le noyer noir d'Amérique
croit, aux États-Unis, dans la région des monts Alleghany.
C’est un très grand arbre, pouvant dépasser 30 mètres de hauteur et 1 mètre de
diamètre. Il présente un füt élancé, couvert d'une écorce notrâtre, gercurée, et une
cime de forme plus ou moins ovale.
H paraît moins exigeant que notre noyer au point de vue du sol; il réussit dans les
sables frais ; il ne vient toutefois bien que dans des terres un peu riches.
Introduit en Europe, il s'est montré très rustique; ses jeunes pousses ont même
moins à souffrir des gelées que celles du noyer commun; il croit un peu plus rapidement
que notre espèce indigène, fructifie régulièrement et abondamment et se ressème natu-
rellement, ainsi qu'on peut le constater aux Barres; enfin il n’est pas attaqué par les
insectes.
Comme je l'ai dit plus haut, il présente en outre, sur notre noyer, l'avantage de
pouvoir être élevé en massif, avantage précieux au point de vue forestier.
—.#3( 982 )3-—
Son bois est à aubier blanc et à cœur d'un rouge violacé: il a le grain assez fin et
est susceptible de recevoir un beau poli: dur, tenace, il est cependant facile à travailler:
il se tourmente peu et est peu sujet à la vermoulure et à la pourriture.
Sans avoir toutes les qualités du bois de notre noyer, il n’en est pas moins précieux,
pour l’ébénisterie et la carrosserie principalement; 1l s’en importe en Europe, notami-
ment en Angleterre et en France, des quantités assez notables.
Si l'on considère que le noyer noir vient très bien chez nous et semble y donner un
bois d'aussi bonne qualité que celui qu'il produit dans son pays d'origine, on com-
prendra facilement Tintérèt très grand qu'il présenteau point de vue forestier, au point
de vue forestier seulement, car son fruit, comestible cependant, est bien inférieur à
celui du noyer COMMUN ; le brou donne une couleur analogue à celle que l'on retire du
brou de la noix de l'espèce indigène.
Les Caryas.
Très voisins des noyers, les caryas sont des Juglandées d'Amérique; plusieurs sont
des plus intéressants au point de vue forestier.
Ce sont eux, en grande partie, qui donnent le bois connu sous le nom de bois
d'hickory.
C'est un bois plus ou moins coloré, très lourd, très fort, très tenace, assez facile à
travailler, mais malheureusement assez sujet à la vermoulure et à la pourriture. S'il ne
convient guère pour la consiruction, étant données sa pesanteur et sa facilité à être
attaqué par les insectes et les champignons, il est très recherché en ébénisterie et en
carrosserie; on en fait aussi des manches d'outils, des bois de chaise, des dents d'’en-
grenage, des chevilles, des cercles... C'est en outre un bois de feu de première qua-
lité, mais qui a l'inconvénient d'éclater.
Les caryas, qui sont pour la plupart rustiques chez nous et peuvent être élevés en
massif, se multiplient par semences; ils rejettent mal de souche. De plus, il faut pro-
céder par voie de semis sur place, car les jeunes plants obtenus en pépinière out un
pivot trop développé pour poux oir être transplantés avec succès.
Ce fait est très important à signaler. Il explique, à mon avis, pourquoi les caryas.
dont Michaux fils avait tout particulièrement conseillé l'introduction au commencement
de ce siècle, sont encore rares dans les cultures et n'existent pas dans nos forêts.
Ceci dit, il me reste à étudier plus en détail les trois espèces que je considère comme
les plus intéressantes.
“Carya des pourceaux (carya porcina Nultal). — Le carya des pourceaux habite.
au Canada et aux États-Unis, les forêls du versant de T Atlantique.
C'est un très grand arbre, pouvant atteindre 30 mètres de hauteur sur 1 mètre el
même davantage de diamètre. Le füt est droit, la cime ample et fournie.
Il demande des sols frais. d’une certaine fertilité; il s’'accommode néanmoins des
sables relativement secs des Barres et de Poppelsdorf.
Introduit en Europe, il s'est montré très rustique et d'uxe belle végétation. I fruc-
üfie assez régulièrement et on peut voir quelques semis nalurels sur le domaine des
Barres, qui possède plusieurs beaux sujets de celle essence, un surtout qui mesure
20 mètres de hauteur sur o m. 3a de diamètre. Le carya des ponreeaux est également
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#2 283 }e3—
très bien représenté à Darmstadt, à Aschaffenbourg, à Bonn et à Kew. I supporte bien
l'état de massif.
Son bois a les qualités et les défauts que j'ai indiqués plus haut pour le bois d'hic-
kory, mais il est un des meilleurs de ceux que produite genre; il est notamment peu
sujet à se fendre.
Pour toutes ces raisons, le carya des pourceaux mérile certainement d'être introduit
dans nos forêts, à titre d'essai.
L'amande de la noix de cecarya est comestible, mais petite et d'extraction difficile.
*Carya blanc (carya alba Nuttal, vel squamosa Michaux). — Le carya blane de
Nuttal (— qui n’est pas le carya blanc de Linné) — croit, au Canada et aux États-Unis,
sur le versant de l'Atlantique et dans la région des grands lacs.
C’est un très grand arbre, à füt allongé, très régulier, dont l'écorce, sur les indi-
vidus âgés, se divise en un grand nombre de plaques qui n'adhèrent plus : à l'arbre
que par leur milieu.
Il demande les sols frais, assez fertiles des plaines et surtout des vallées.
Introduit chez nous, il est très rustique, mais de croissance assez lente. L’arboretum
de Poppelsdorf et celui des Barres en possèdent de beaux échantillons de 20 et 25 mètres
de haut sur o m. 30 et o m. 35 de diamètre. Il fructilie assez régulièrement et a donné,
aux Barres, quelques semis naturels.
Son bois est également un des meilleurs du genre; il est dense, dur, tenace, souple,
élastique, d’une fente facile, très fin et très doux à travailler ; malheureusement, il est
assez sujet à la vermoulure et à la pourriture.
C'est, après le pacanier ( carya olivaefornis Nuttal), l'espèce du genre dont l’amande
est la plus estimée aux États-Unis.
Le carya blanc de Nuttal, comme le carya des pourceaux , mérite donc, au plus haut
degré, l'attention du forestier; mais, comme tous les caryas, il ne doit être introduit
dans nos forêts que par voie de semis direct.
Garya amer (carye amara Nutlal). — Le carya amer, arbre de grande faille, qui
croit également au Canada et aux États-Unis, est peut-être l'espèce du genre qui se
comporte le mieux chez nous. M. de Vilmorin l'a constaté à Eberswalde; je l'ai observé
moi-même en Allemagne et en Angleterre aussi bien qu'en France. Aux Barres notam-
ment, il vient parfaitement et se ressème naturellement,
Mais son bois, lout en ayant les qualités du bois d’hickory, ne vaut pas celui des
deux espèces précédentes.
Aussi, bien qu'il soit au moins égal, pour la rusticité et la végétation, au carya des
pourceaux et au carya blanc de Nuttal, le carya amer me parait devoir être placé an
deuxième rang au point de vue forestier.
Les autres caryas sont moins intéressants. Le carya sillonné (carya sulcata Nuttal) et
le carya tomenteux (carya tomentosa Nuttal, vel alba Linné) donnent un bois de moins
bonne qualité, le second surtoul; le carya pacanier (carya olivaeformius Nuttal), dont
la noix est la plus estimée aux É tats-Unis, ne fructifie pas dans le nord de la France;
il y est cependant rustique; le sujet qui existe aux Barres, le plus beau que je connaisse,
en est la preuve: il mesure 15 mètres de hauteur sur o m, 30 de diamètre, Le carya
—#»( 284 }ei—
aquatique (carya aquatica Nattal) et le carya à feuilles de muscadier (carya myristi-
caefolia Nuttal) sont plus rares.
Les Pterocaryas.
Les pterocaryas sont des Juglandées d'Asie encore peu connues. Les uns habitent le
Caucase, les autres le Japon.
On ne peut encore se prononcer sur leur avenir dans nos pays; mais il serait intéres-
sant de les étudier.
L'espèce la plus répandue dans les cultures européennes est le pterocarya du Caucase
(pterocarya caucasia C. À. Meyer), qui peuple les forêts du Caucase.
C'est un grand et bel arbre, qui se montre rustique chez nous. J'en ai observé
quelques beaux échantillons en Allemagne, notamment à Aschaffenbourg.
Il aime les terrains frais et même humides.
est, dit-on, susceptible de donner un bois coloré, dur, très propre à l'ébénisterie.
C'est une essence à mettre à l'essai.
Les Zelkowas.
Les zelkowas sont très voisins des ormes et appartiennent d’ailleurs à la même
famille; comme eux, ils fournissent un bois de toute première qualité.
Deux espèces sont particulièrement intéressantes,
*Zelkowa à feuilles crénelées (zelkowa crenata Spach, vel planera crenata Desfon-
taines). — Le zelkowa à feuilles crénelées, appelé vulgairement orme de Sibérie, croit
dans les forêts de la région du Caucase.
C'est un grand arbre, pouvant atteindre 30 AE de hauteur sur 1 mètre de dia-
mèlre.
1 demande des sols frais et assez fertiles.
Il est rustique et de croissance assez rapide. Le domaine des Barres et l'arboretum
de Kew en possèdent d'assez beaux échantillons. Aux Barres, il drageonne abondam-
ment. Il fructifie dans nos pays.
Son bois, à aubier blanc et à cœur rosé, est très analogue à celui de l’orme, dont il
a les qualités, notamment la force; certains même affirment qu'il lui est supérieur.
Étant données les qualités exceptionnelles de son bois, c'est une essence qu'il serait
très intéressant d'introduire, à titre d'essai, dans nos forêts.
“Zelkowa à feuilles acuminées (zelkowa acuminata Planchon). — Le zelkowa à
feuilles acuminées croît dans les forêts de l'ile japonase de Kiou-Siou.
C'est un grand arbre à croissance assez rapide.
IL est rustique chez nous, mais encore assez rare dans les cullures; le jardin bota-
nique de Carlsruhe en possède un bel échantillon qui mesure o m. 8o de diamètre;
c'est le plus beau de ceux qui existent en Afemagne. I fructifie en France.
Son bois, très dur, très tenace et en même temps très souple, se rapproche du bois
non plus de l'orme, mais du frêne; il est considéré comme le meilleur bois du Japon,
où il est très employé pour les constructions navales.
—#>( 289 jes—
Comme le précédent et pour la même raison, le zelkowa à feuilles acuminées mérite
l'attention du forestier.
Les Micocouliers.
Le genre micocoulier (celtis), de la famille des Ulmacées, tribu des Celtidées, est
représenté chez nous par le micocoulier de Provence (celtis australis Linné), qui donne
un bois de premier ordre; mais celte essence ne vient bien que dans le midi de la
France.
L'espèce américaine, le micocoulier occidental (celtis occidentalis Linné), assez
grand arbre qui croit sur tout le versant atlantique de l'Amérique du Nord, où il
recherche les sols frais et fertiles, donne un bois qui ne vaut pas celui de notre espèce
indigène; mais elle est plus rustique que cette dernière et pourrait peut-être, pour
celte raison, nous rendre quelques services.
L'espèce chinoise, le micocoulier de la Chine (celtis sinensis Persoon), est moins
connue, mais ne paraît pas offrir beaucoup plus de rusticité que l'espèce indigène.
Maclure. — Maclura.
Le genre maclure (maclura), qui appartient à la famille des Moracées, comprend
deux espèces américaines, dont une est intéressante.
Maclure à fruit d'oranger (maclura aurantiaca Nuttal). — Le maclure à fruit
d'oranger, appelé vulgairement oranger des Osages, croît dans le bassin de l’Arkansas,
affluent de la rive droite du Mississipi.
C’est un arbre épineux de deuxième ou troisième grandeur, pouvant atteindre au
plus 20 mètres de hauteur.
I ne paraît pas très difficile au point de vue du sol.
Introduit en Europe, il s’est montré assez rustique; il vient bien aux Barres, à Hei-
delberg, à Bonn et à Kew: mais il est encore peu répandu et les sujets de belle taille
sont rares; ceux qui existent aux Barres sont les plus beaux que je connaisse et ils n’ont
que 8 à 10 mètres de hauteur sur o m. 20 à o m. 30 de diamètre; ils fructifient assez
régulièrement mais croissent assez lentement.
Son bois, plus ou moins jaune, est lourd, très dur, très fort et en même temps très
flexible; les Indiens le recherchaient pour confectionner leurs arcs. C’est, en somme,
un bois de toute première qualité, convenant tout particulièrement au charronnage.
Le maclure à fruit d'oranger mérite, pour cette raison, d’être planté dans nos forêts,
à titre d'essai, surtout dans le Midi.
Copalme, — Liquidambhbar.
Le genre copalme (liquidambar), de la famille des Platanées, comprend une espèce
orientale très secondaire au point de vue forestier et une espèce américaine qui n'est
pas sans mérite.
Copalme d'Amérique (liquidambar styraciflua Linné). — Le copalme d'Amérique
habite le Mexique et les provinces méridionales et centrales des États-Unis.
—#3( 286 )ses-—
C'est un très grand arbre, à écorce crevassée sur le tronc, subéreuse sur les rameaux.
I se plait surtout dans les vallées et demande des sols humides, tourbeux même ,
d’une certaine fertilité.
Il est rustique dans nos pays; le pare de Carlsruhe en possède un échantillon de
50 mètres de Hauteur sur o m. 60 de diamètre.
Son bois a un aubier plus où moins abondant. Le cœur est rougeâtre foncé, assez
résistant et susceptible de prendre un beau poli: mais il pourrit assez rapidement
lorsqu'il reste à l'air. H est employé, aux États-Unis, dans la menuiserie et l'ébénis=
térie.
Bien que d'intérêt secondaire, le copalmé d'Amérique pourrait être planté, à titre
d'essai, dans les terrains tourbeux.
ESSENCES RÉSINEUSES.
La grande et importante famille des Conifères est tout particulièrement intéressante
pour tous ceux qui s'occupent des végétaux ligneux exotiques.
Les conifères étrangers ont été plus étudiés que les feuillus, ce qui tient probable-
ment à cé qu'ils constittent pour la plupart de magnifiques arbres d'ornement.
Plusieurs, dont la rusticité a été vite reconnue, ont attiré l'attention des forestiers:
les essais faits en France, aux Barres, et surtout en Allemagne, notamment à Weinhem
el à Eberswalde, ont donné, pour quelques espèces, des résultats salisfaisants, qui sont
de nature à provoquer leur introduction dans nos forêts.
I ne faut toutefois pas exagérer. Il y a déjà une certaine tendance à transporter n6s
résineux indigènes en dehors de leurs stations, par exemple à planter en plaine des
essences de montagne comme l'épicéa et le mélèze; ce sont là des erreurs culturales qui
résultent du reste le plus souvent de raisons d'ordre économique.
Il est vrai que, pour les conifères exotiques, la question n'en est pas encore là.
Pour le moment, il s’agit précisément de savoir quelles seront, chez nous, les exi-
gences de ces végélaux; pour cela, il est nécessaire de les expérimenter non seulement
dans les différents terrains, mais aussi dans les différentes stations.
La liste des essences résineuses exotiques intéressantes au point de vue forestier est
asséz longue; je me contenterai d'étudier les principales, celles dont j'a donné l'énu-
méralion au commencement de ce travail.
Libocèdre. — Lihocedrus.
Le genre libocèdre (libocedrus), de la tribu des Cupressinées, comprend 4 espèces
connues; l’une d’elles est intéressante,
Libocèdre décurrent (libocedrus decurrens Torrey). — Le libocèdre décurrent
habite lOrégon et la Californie.
C'est un très grand arbre, pouvant atteindre 4o mètres de hauteur sur 1 m. 650 de
diamètre et même plus. Le tronc est droit, élancé, à écorce rougeätre, écailleuse. La
cime, très allongée, est formée de branches courtes, ce qui donne à l'arbre un aspect
fusiforme.
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—#2( 287 3
1 demande des sols d'une certaine fraicheur et d’une certaine fertilité.
Introduit en Europe vers le milieu du siècle, il s'est montré rustique: il végète assez
bien et fructifie régulièrement: mais je n'ai pas encore vu de semis naturels de cette
essence.
Le libocèdre décurrent est représenté aux Barres par plusieurs échantillons de
15 mètres de hauteur sur o m. 35 de diamètre; j'en ai vu aussi de beaux à Héidel-
berg.
I forme à Weinheim un petit massif d’une hauteur de 10 mètres, en assez bon état
de végétation.
Son bois, assez serré, léger, facile à travailler, est employé en menuiserie.
‘
Thuya.
Le geure thuya appartient également à la tribu des Cupressinéés. On lui connait
3 ospèces : le thuya occidental (#huya oceidentalis Linné), qui croit au Canada et aux
États-Unis, sur le versant de Ÿ Atlantique, espèce très rustique et très répandue chez
nous, mais qui, étant données les faibles dimensions qu’elle acquiert dans nos pays; ne
me paraît pas devoir sortir de nos parcs: le thuya de Standish (thuya Standishi Car-
rière), espèce japonaise très ruslique mais encore peu connue; et enfin le thuya géant
(thuya gigantea Nuttal), qui mérite plus sérieusement l'attention du forestier.
“Thuya géant (thuya gigantea Nutlal; thuya Mensiesir Douglas: thuya Lobbii des |
horticulteurs). — Le thuya géant habite, au Canada et aux États-Unis, les provinces
voisines de l'océan Pacifique.
C'est un arbre de première grandeur, pouvant atteindre 50 mètres de hauteur sur
3 mètres et plus de diamètre ; le fût est droit, élancé: la cime très développée, très
fournie, de forme conique.
Il demande des sols frais, assez substantiels et une certaine humidité atmosphérique.
Introduit en Europe vers 1860, il s’est montré très rustique et d'une croissance
rapide. Il est assez répandu et il n'est pas rare d'en voir de beaux échantillons; le pare
des conifères, à Heidelberg, en possède un de 55 mètres de hauteur sur om. 4o de
diamètre; le domaine des Barres en a aussi de beaux, très bien venants. H fruetifie
régulièrement et abondamment, -et j'ai pu voir, à Nogent-sur-Vernisson, quantité de
semis naturels qui persistaient sous le couvert épais de leurs parents. Il demande à être
un peu abrité dans ses premières années.
Plantée en forêt à Weinheim, cette essence y forme un petit massif d'une hauteur
moyenne de 15 mètres, en très bon état de végétation.
À Eberswalde, le thuya géant n'a pas réussi; M. de Vilmorin attribue cet insuccès à
une affection cryptogamique,
Introduit dans les dunes de Gascogne, il n’a pas donné de bons résultats, ce qui
tient peut-être à ce qu'il a été planté dans des sables trop pauvres.
Son bois présente un aubier blanc et un cœur rosé; il est léger, très durable, d'un
travail. facile; 11 est employé en menuiserie, notamment pour faire des portes et des
fenêtres, et sert à là construction des canots,
C'est certainement, parmi les essences résineuses exotiques, une de celles qui
méritent d'être introduites dans nos forêts, à titre d'essai.
—.#3( 285 )3-—
Faux-Cyprès.
Chamaeeyparis.
Le genre faux-cyprès (chamaecyparis) est un des plus intéressants de la tribu des
Cupressinées. I comprend 7 ou 8 espèces, habitant les unes l'Amérique du Nord, les
autres le Japon. La plupart sont représentées, dans nos jardins, par de nombreuses
variétés ornementales; en particulier, les retinisporas des horticulteurs ne sont que des
formes de jeunesse des faux-cyprès.
Trois espèces méritent surtout l'attention du forestier.
“Faux-cyprès de Lawson (chamaecyparis lawsoniana Parlatore). — Le cyprès
de Lawson croit, au Canada, dans la Colombie britannique et, aux États-Unis, dans
l'Orégon et le nord de la Californie.
C'est un grand : arbre, pouvant atteindre 5o mètres de hauteur sur 2 mètres et plus
de diamètre. Le füt est droit, élancé; la cime, de forme pyramidale, très dense, très
fournie.
I se plaît dans les vallées humides et demande des terrains profonds, frais, d'une
certaine fertilité; 11 préfère les sols siliceux; il vient mal sur le calcaire et l'argile com-
pacte.
Introduit en Europe vers 1850 , il s’est montré excessivement rustique; il croit
assez rapidement, à la condition d’être planté dans des terrains un peu frais, riches en
humus; il fructifie régulièrement et abondamment et on peut voir aux Barres quelques
semis naturels de cette essence. Les beaux échantillons ne sont d’ailleurs pas rares,
aussi bien en France qu'en Allemagne et en Angleterre.
Le cyprès de Lawson forme, dans les plantations-de Weinheim, un petit massif de
10 à 12 mètres de hauteur, en très bon état de végétation.
Il a été également introduit par le service forestier allemand dans les forêts du Spes-
sart, en Bavière, et à Eberswalde, dans la Prusse: j'en ai vu de beaux plants dans une
pépinière forestière du cantonnement de Lohr-ouest. Les résultats, bien que variant
avec les qualités du sol, sont généralement satisfaisants.
Le cyprès de Lawson a été aussi planté dans les dunes de Gascogne et semble devoir
y réussir.
H fournit un bois léger, assez dur, assez fort, d’un travail facile et susceptible de
prendre un beau poli; ce bois, qui n’a pas d'analogue en Europe, est propre à de
nombreux emplois spéciaux.
Pour toutes ces raisons, le cyprès de Lawson mérite d'autant plus d’être introduit
dans nos forêts que sa naturalisation semble possible.
*Faux-Cyprès de Nutka (Ghamaecyparis nutkaensis Spach, Thuopsis borealis
Fischer). — Le cyprès de Nutka habite les mêmes régions que le cyprès de
Lawson.
C’est un grand arbre, pouvant atteindre 4o mètres de hauteur sur 1 mètre et plus de
diamètre. I a le fût droit, élancé; la cime, d'aspect pleureur, est en forme de cône
pointu au sommet et renflé à la base, au moins chez les jeunes individus.
Comme le cyprès de Lawson , il paraît demander des sols frais, assez fertiles.
Introduit chez nous vers le milieu du siècle, il s'est montré aussi rustique que ce
Pr
—#3( 289 \ee3—
dernier: d fructifie régulièrement, mais n’a pas donné jusqu'ici de semis naturels, à ma
connaissance du moins.
Planté à Weinheim à côté de son congénère, il a donné les mêmes bons ré-
sultats.
H produit un bois serré, assez dur, prenant un beau poli.
Comme le cyprès de Lawson , et au même titre que lui, le cyprès de Nutka mérite
d'être planté dans nos forêts.
Faux-Cyprès obtus (Chamaecyparis obtusa Siebold et Zuccarini). — Des (rois |
espèces du genre qui habitent le Japon, le cyprès porte-pois (chamaecyparis pisifera ,
Siebold et Zuccarini), et le cyprès rude (chamaecyparis squarrosa Siebold et Zuccarini),
bien que rustiques chez nous, sont de trop petite taille et de croissance trop lente dans
nos pays pour être autre chose que de magnifiques arbres d'ornement; le cyprès obtus
mérite davantage l'attention du forestier.
Cette essence peuple, au Japon, les forêts des montagnes de l'ile de Niphon.
Cest un grand arbre, pouvant atteindre 30 mètres de hauteur sur 1 mètre de dia-
mètre.
I ne parait pas exigeant au point de vue du sol.
H est rustique sous nos climats, y fructifie, mais y croit très lentement. H a été com-
pris dans les plantations d'Eberswalde, visitées par M. de Vilmorin: les sujets, âgés de
12 ans, y ont une végétation satisfaisante, même dans les parties médiocres.
Si l'on considère que le cyprès obus, le fameux hinoki du Japon, donne un bois lé-
ger, très fort, très durable, très employé dans son pays d’origine pour les meubles et
les constructions, el que ce bois n’a pas d’analogue dans nos pays, on comprendra fa-
clement l'intérêt que présentent les essais d'Eberswalde et l'importance qu'il y aurait à
renouveler ces essais en France.
Cyprès. — Cupressus.
Le genre cyprès (cupressus), représenté dans le midi de la France par le cyprès tou-
Jours ve:t (cupressus sempervirens Linné ), renferme une douzaine d'espèces exotiques,
qui croissent sous des climats plus chauds que celui de la France moyenne.
Les cyprès ne présentent donc aucun intérêt forestier dans le nord de la France. C'est
à peine si les plus rustiques parmi eux, comme le cyprès de Mac-Nab (cupressus mac
nabiana Murray), le cyprès de Gowen (cupressus goweniana Gordon) et le cyprès de
Lambert (cupressus lumbertiana Carrière), peuvent supporter les hivers moyens du cli-
mal parisien.
Mais, outre le cyprès toujours vert, que lon y rencontre sous deux formes, le
cyprès horizontal et le cyprès pyramidal, certaines espèces peuvent rendre des services
dans le Midi.
Le cyprès de Lambert est, à ce point de vue, le plus intéressant du genre.
C'est un arbre de deuxième grandeur, pouvant atteindre 20 mètres de hauteur sur
1 mètre el plus de diamètre, qui habite la Californie. I a une cime très fournie, très
développée: son couvert est par suite épais.
I n'est pas exigeant au point de vue du sol et s’'accommode notamment des terrains
siiceux arides,.
SYLVICULTURE, 3
Q' =)
—#3( 290 )es-—
S'il ne peut supporter les grands hivers du Nord, il se montre rustique dans le
Midi.
Introduit dans les dunes de Gascogne, il y a donné des résultats si satisfaisants que
Buffault conseille de le planter avant tout autre. +Sa végétation, déclare-t-il, même sur
les sables arides, est très active et ne souffre pas dé l’aridité du sol, ni de la sécheresse
du climat. H fructifie, mais son introduction par voie de semis direct est encore à es-
sayer. »
Son bois parait présenter les mêmes qualités que celui du cyprès toujours vert:
comme lui, il convient à la menuiserie et même à la charpente, fournit des échalas de
touté première qualité, et jouit, sous l’eau, d’une très longue durée,
Le cyprès de Lambert est done une essence à introduire en forêt, dans le midi de la
France et en Algérie, particulièrement dans les sables médiocres des dunes.
Geñéviier, — Junipérus
. Le genre genévrier (juniperus) comprend plus de vingt espèces habitant les régions
tempérées et froides.
Une espèce américaine, qui a su nos espèces européennes l'avantage d'étre de
plus grande taille, est de beaucoup la plus importante du genre, au point de vue
forestier.
*Genévrier de Virginie (Juniperus vtrpiniana Linné). — Le genévrier de Virgi-
nie, vulgairement appelé cèdre rouge, cèdre de Virginie, croit dans les provinces orien-
tales du Canada et des Etats-Unis, dépuis là baie d'Hudson jusqu'au golfe du Mexique:
on le retrouve, au Canada, sur le versant du Pacifique.
C'est un assez grand arbre, pouvant atteindre 25 mètres et même 30 mètres de hau-
teur sur 1 mètre et plus de diamètre, H a le fût droit, à écorce brun rougeätre, s'écail-
lant en lanières , la cime formée de rameaux grêles, souvent pendants.
Il n'est pas très exigeant au point de vué du sol, mais préfère les terrains sablon-
neux, frais, riches en humus: il s’äccommode toutefois encore des terres légères el
sèches.
H est très rustique chez nous. Le domaine des Barres en possède quelques beaux
échantillons de 20 mètres de hauteur sûr o m. 30 et o m. 35 de diamètre. H croit
assez lentement, fructifie régulièrement et abondamment , mais ne se reproduit pas na-
turellement.
Planté en forêt en Allemagne, notamment à Weinheim, et en plusieurs endroits de
la Belgique, il a réussi.
Il fournit un bois assez Léger, à aubier blanc et à cœur plus ou moins rouge, d’une
odeur caractéristique, assez fort, très durable, d’un travail facile. Ge bois est surtout
employé à la fabrication des crayons; on en fait aussi des caisses, des meubles com-
muns, des pieux: il est recherché par les fabricants de pianos. s'en importe , en Europe ,
des quantités notables.
Etant donnés sa rusticité, ses faibles exigences et surtout les emplois spéciaux de son
bois, il y aurait un grand intérêt à introduire le genéviier de Virginie dans nos forêts,
notamment dans les sols légers des bords de la mer,
——+»#( 291 es-—
Cryptomeria.
Le genre cryptomeria, de la tribu des Taxodinées, n'est formé que d’une seule
espèce.
Cryptomeria du Japon (Gryptomeria japonica Don.). — li éryptomeria du
Japon peuple les forêts des îles japonaises de Niphon et de Kiou-Siou.
C'est un grand arbre, pouvant atteindre 4o mètres de hauteur su 5 mètres de dia-
mètre. Le füt est droit, élancé, à écorte s'écaitlant en lanières: la cimé, très régulière-
ment conique, es£ assez développée en hauteur mais peu fournie.
Introduit en Europe vers 1850, il s'est montré très rustique: il déniandé des terrains
frais où même humides, mäis s’äccommode néanmoins du sol relativement sec des
Barres, où l'on peut en voir d'assez beaux échantillons, d'une vépélatiôn un peu lan-
puissante . 1l est vrai. [ donne régulièrement et abondamment des praines fertiles, mais
ne se réensemence pas.
Planté en forêt à Weinheim, il sy est comporté médiocrement,
Son bois est encore peu contiu.
Malgré sa rusticité, le eryptomeria du Japon me parait d'intérêt secondaire , au point
de vue forestier.
'axodiuma.
Le genre taxodium appartient à la tribu des Taxodinées: 1 comprend deux espèces,
habitant l’une les États-Unis, l'autre le Mexique: la première seule est rustique sous
nos climats.
Taxodium distique (Taxodium distichum Richard). — Île taxodium distique ,
appelé vulgairement cyprès chauve, croit dans les marais des provinces du sud-est des
É su Unis, notamment dans la Floride et la Louisiane,
Cestun arbre de première grandeur, qui atteint 4o mètres de hauteur sur 2 mètres
et plus de diamètre. Le fût, très élargi à la base, file droit: la cime, très développée, s
dépouille pendant l'hiver des ramilles portant les feuilles; les racines donnent très sou-
vent naissance à des protubérances creuses, de forme conique, pouvant s'élever jusqu'à
1 m. bo au-dessus du sol.
Il se plait dans les marais ou au bord des rivières et demande des sols très humides :
il s'accommode parfaitement des terrains qui sont fréquemment recouverts par les eaux:
il préfère le sable.
Introduit en Europe vers le milieu du xvr siècle, il s'est montré très rustique, mais
ne vient bien qu'au bord des eaux: il végète mal dans le sable relativement sec des
Barres. Il existe au contraire de très beaux sujets de cette espèce à Malesherbes, à Se-
grez, à Cour Cheverny, à Bordeaux, à Carlsruhe , à Francfort-sur-le-Main et à Kew.
Il s’accommode du sable des dunes, à la condition d'être planté au bord des eaux
douces.
I donne un bois léger, de teinte rougeàtre, à grain assez fin, facile à travailler: on
en fait surtout des planches et des intérieurs de meubles.
19.
---#x( 292 )es—
Le taxodium distique peut rendre quelques services dans les sables marécageux et
tourbeux.
Sequoia.
Le genre Sequoia, de la tribu des Taxodinées, comprend deux espèces de taille géante,
habitant la Californie.
Sequoia géant (Sequoia gigantea Endlicher, Wellingtonia girantea Lindley). —
Le sequoia géant habite les versants de la Sierra-Nevada, du côté du Pacifique, à une
altitude moyenne de 1.800 mètres.
C'est le plus grand arbre que l'on connaisse: il atteint 100 mètres et même plus de
hauteur sur 10 mètres de diamètre. Son füt droit. élargi à la base. décroit rapidement :
il est recouvert d'une écorce brun rougeätre, gercurée longitudinalement: sa cime.
très fournie, a la forme d'un cône très régulier.
1 demande des sols profonds, frais ou humides.
Introduit en Europe vers le milieu du siècle, il s'est montré assez rustique: il craint
cependant les grands hivers du nord. H croit très rapidement, fructifie régulièrement
et abondamment, mais ne se reproduit pas naturellement.
Les échantiHons de 20 à 25 mètres de hauteur ne sont pas rares.
Planté en forêt, à Weinheim, en mélange avec des abies et des pseudo-tsugas, 1l s'est
bien comporté et son feuillage glauque forme un curieux contraste avec celui plus foncé
des sapins voisins.
Introduit dans les dunes de Gascogne, il n’a pas donné de bons résultats.
Son bois, d'une teinte rosée, est léger, tendre, en somme de qualité médiocre, bien
que susceptible de prendre un beau poli.
Pour cette raison, le séquoia géant me paraît devoir être, dans nos pays, un arbre
d'ornement plutôt qu'un arbre forestier.
Sequoia toujours vert (Sequoia sempervirens Endlicher, Sequoia taxifolia de
Kirwan, Taxodium sempervirens Lambert). — Le sequoia toujours vert habite aussi
la Californie.
Bien qu'il soit également de taille géante, 1 n’atteint pas tout à fait les dimensions
colossales de son congénère.
H en a à peu près les exigences.
Chez nous, il s'est montré un peu moins rustique: il croit rapidement , mais gèle par
les grands froids du nord: il rejette vigoureusement de souche et drageonne: aussi
forme-t-il très souvent des cépées bien fournies, ainsi qu'on peut le voir aux Barres. I
fructifie régulièrement et abondamment, mais ne se ressème pas naturellement.
Planté en forêt, à Weinheim, il n'a pas réussi. I ne paraît pas avoir donné de
meilleurs résultats dans les dunes de Gascogne, où le climat lui convient cependant
davantage.
H fournit un bois léger, de teinte rougeätre, supérieur à celui de l'espèce précé-
dente: d'un travail et d’une fente faciles, ce bois convient à la menuiserie com-
mune.
Cette essence est d'intérêt secondaire , au point de vue forestier.
—##( 293 )ees-—
Ginkgo.
Le genre Gingko, de la tribu des Taxacées, n'est formé que d’une seule espèce.
Ginkgo à deux lobes (Ginkgo biloba Linné, Salisburia adiantifohia Smith). —
Le gingko à deux lobes, appelé vulgairement l'arbre aux quarante écus, est originaire
des provinces centrales de la Chine.
C’est un arbre de grande taille, à cime allongée, mais peu fournie: 11 est à feuilles
caduques et dioïque. |
Introduit en Europe à la fin du siècle dernier, 1 s'est montré très rustique, mais de
croissance lente. Le pare de Carlsruhe en possède un beau spécimen de 25 mètres de
hauteur sur o m. 60 de diamètre, le jardin de Kew un de 20 mètres de hauteur sur
o m. 80 de diamètre.
Planté en forêt à Weinheim, il a donné des résultats médiocres.
H a été introduit aussi dans les dunes de Gascogne, mais les essais sont trop récents
pour qu'on puisse en tirer une conclusion.
D'ailleurs, étant donnée la faible valeur de son bois, le gingko à deux lobes présente
peu d'intérêt au point de vue forestier.
Pin. — Pinus.
Le genre pin (pinus), le plus considérable de limportante tribu des Abiétinées, est
représenté, en Amérique et en Asie, par un grand nombre d'espèces : plusieurs sont in-
téressantes à étudier dans nos pays, au point de vue forestier.
Pins à deux feuilles.
La section des pins à deux feuilles est trop bien représentée chez nous, pour qu'il y
ait un intérêt à introduire des espèces exotiques appartenant à cette section.
On péut toutefois soumettre à quelques essais les plus rustiques des pins étrangers à
deux feuilles.
Pin jaune (Pinus wütis Michaux). — Le pin jaune croît, aux États-Unis, dans le
Maryland et la Virginie.
C’est un assez grand arbre, qui présente ce caractère parlculier que son tronc et
ses branches se couvrent de petits rameaux feuillés provenant de bourgeons proventifs.
Il est peu difficile au point de vue du sol: il s’accommode en particulier des sols sili-
ceux de qualité médiocre.
Introduit en Europe vers le milieu du siècle dernier, il s’est montré très rustique,
mais de croissance lente et de végétation médiocre, ainsi qu'on peut le constater aux
Barres : il fructifie assez régulièrement , mais peu abondamment , et les graines ne sont
pas de bonne qualité.
H donne un bois à aubier blanc, à cœur jaune, lourd, dur, nerveux, se rapprochant
assez du vrai bois de piteh-pin. On l'emploie, aux Etats-Unis, pour les constructions
navales,
-#2( 29% jees—
Malgré cela, je ne pense pas qu'il y ait lieu d'introduire le pin jaune dans nos
forêts.
Pin rouge (Pinus rubra Michaux, Pinus resinosa Soland). — Le pin rouge
vient dans le nord des États-Unis et dans tout le Canada, sauf sur le versant du Paci-
fique.
C’est un grand arbre, rappelant nos laricios.
H préfère les terrains siliceux.
Ï a donné chez nous, notamment aux Barres, les mêmes résultats médiocres que le
pin jaune.
Aussi, malgré les qualités de son bois, le pin rouge ne présente paur nous aucun
intérêt.
Pin de Banks (Pinus banhsiana Lambert). — Le pin de Banks, qui habite les
parties froides des États-Unis et surtout du Canada. est encore moins intéressant, étant
donnée sa petite taille.
Toutefois M. de Vilmorin, qui a constaté, à Eberswalde , l'extrême rusticité de eelte
espèce, la facilité de sa reprise, sa croissance rapide durant les premières années et sa
fertilité très précoce, pense qu'elle pourrait rendre des services, comme essence de
reboisement , dans des terres peu fertiles et sous des climats très rigoureux.
L’essai serait bon à faire dans la haute montagne,
Les autres pins américains à deux feuilles, comme le pin piquant (pinus pungens
Michaux), le pin chétif (pinus inops Ailon), ele., donnent des bois médiocres, même
dans leur pays d'origine.
Quant aux pins de la même section, qui nous viennent du Japon: pin densiflore
(pinus densiflora Siebold et Zuccarini), pin de Thunberg (pènus Tunbergu Parlatore),
pin de Masson (pinus massoniang Lambert), ils paraissent se comporter médiocrement
dans nos pays: aux Barres notamment, leur végétation est peu satisfaisante.
Pins à trois feuilles.
La section des pins à trois feuilles, qui n’a pas de représentant en Europe, comprend
quelques espèces intéressantes.
Pin à bois lourd (Pinus ponderosa Douglas, Pinus benthamiana Hartweg). — Le
pin à bois lourd croît, au Canada et aux États-Unis, dans les montagnes de la région
voisine du Pacifique. |
C'est un très grand arbre, pouvant atteindre 80 mètres de hauteur sur a mètres de
diamètre et même davantage. Le füt est droit, fort ; la cime formée de branches robustes
et de pousses très grosses.
FH parait préférer le sable, mais supporte le calcaire.
Indroduit en Europe dans la première moitié du siècle , il s'est montré rustique: aux
Barres notamment, il végète bien et fructifie régulièrement; mais, dans nos pays du
moins, il reste trapu plutôt qu'élancé.
Planté en massif à Weinheim, il a donné d'assez bons résultats.
I fournit un bois à aubier blanc, à cœur jaune, dont la qualité varie d’ailleurs sui-
|
—#2( 295 )es—
vant les conditions de la un Ce bois, qui présente une certaine analogie ayec le
vrai bois de pitch-pin . est assez estimé dans l'ouest des États-Unis.
Le pin à bois lourd est, par sa rusticité, un de ceux qu'il convient de planter dans
nos forêts. à titre d'essai.
“Pin de Jeffrey (Pinus Jefr eyi Murray). — Le pin de Jeffrey habite les mêmes
régions que le précédent, mais à une altitude plus grande.
De taille un peu moindre, il dépasse néanmoins 30 mètres de hauteur sur 2 mètres
de diamètre. 1 présente un füt élancé, à écorce noirätre, des branches robustes, des
rameaux gros.
H se contente de sols siliceux d’une fertilité médiocre.
Introduit en Europe vers 1840, il s'est montré particulièrement rustique. C'est,
parmi les pins à trais feuilles, celui qui s'est le mieux comporté à Weinheim, où il
forme un massif très hien venant, d'une hauteur moyenne de 12 mètres.
Un autre essai a été fait dans la forêt d'Eberswalde, visitée par M. de Vilmorin: les
sujets, jeunes encore, sont bien venants.
Le pin de Jeffrey donne un bois dur et fort, quoique léger.
C'est, à mon avis, au point de vue forestier, le plus intéressant des pins à
feuilles: il mérite d'être planté dans nos forêts, à titre d'essai.
trois
Pin de Coulter (Pinus Coulteri Don.), — Bien qu'il soit rustique, le pin de Coul-
er, grand arbre californien, dont j'ai vu à Kew un bel échantillon, me parait sans
avenir dans nos pays.
Pin rigide (Pinus rigida, Miller). — Le pin rigide croit, an Canada et aux Étals-
Unis, sur le versant de l'Atlantique, notamment dans les monts Alleghany.
C’est un arbre de deuxième grandeur, pouvant atteindre au plus 25 mètres de hau-
teur sur 1 mètre de diamètre. Il présente la même particularité que le pin jaune : ses
branches tortueuses se couvrent, comme le tronc, de petits rameaux feuillés provenant
de bourgeons préventifs.
On en a conclu que celle essence devait rejeter très bien de souche; l'expérience a
été faite aux Barres où plusieurs sujels ont été recépés à des hauteurs variables; les
rejets se.sont , en effet, produits abondants; mais je ne suis pas persuadé qu'ils pourront
devenir des rameaux solides et durables,
Le pin rigide n’est pas exigeant au point de vue du soi, mais il ne vient bien que
dans les terrains un peu frais; il S'accommode même très bien de ceux qui sont fréquem-
ment inondés soit par les eaux douces , soit par les eaux de la mer.
Introduit en Europe vers le milieu du siècle dernier, il s'est montré rustique. On
peut en avoir aux Barres de beaux échantillons, deux en particulier qui mesyrent 20
mètres de hauteur sur o m. 4o et o m. 45 de diamètre. Il fructifie régulièrement mais
ne se réensemence pas.
Il a été planté en forêt à Eberswalde, mais ne semble pas devoir y réussir, car il ne
trouve pas, dit M. de Vilmorin , la fraicheur qui lui esi nécessaire.
I fournit un bois à aubier abondant, à cœur blanc, de qualité médiocre.
Ce n’est done pas, comme on l'a eru longtemps, celle essence qui donne le bois co-
loré, dur et fort connu sous le nom de pitch-pin ; les vrais producteurs de se bois sont
em 296 es
des espèces plus méridionales, le pinus palustris Miller vel australis Michaux et le pinus
cubensis Grisebach, qui ne peuvent venir sous nos climats.
Le pin rigide est donc loin de présenter l'intérêt qu'on lui avait accordé: alors qu'on
le croyait capable de donner le bois de pitch-pin. Il pourrait toutefois rendre peut-être
quelques services pour la mise en valeur des sables humides, notamment sur le littoral
de la mer du Nord.
Les autres pins à trois feuilles sont encore moins intéressants; les uns comme le pin
Sabine (pinus sabiniana Douglas) , espèce californienne dont j'ai vu à Kew de beaux échan-
tions, et le pin remarquable (pinus insignis Douglas), également de Californie, ne
sont pas suffisamment rustiques dans nos pays: d’autres, comme le pin de Bunge (pinus
bungreana Zuccarini) , qui croit dans le nord de la Chine, sent rustiques et peu exigeants.
mais ne paraissent pas devoir acquérir chez nous de belles dimensions; quant au pin
torche (pinus taeda Linné). espèce du sud-est des États-Unis, qui donne un bois d'assez
bonne qualité, voisine du vrai bois de pitch-pin, il ne pourrait guère réussir que dans
quelques sols sablonneux profonds et frais de la région du Sud-Ouest,
Pins à cing feuilles.
La section des pins à cinq feuilles, qui n’est représentée chez nous que par le pin
cembro, renferme quelques espèces exotiques intéressantes.
Pin du lord W eymouth (Pinus strobus Linné). — Le pin du lord Weymouth
croit, au Canada et aux États-Unis, sur tout le versant de l Allantique, jusque dans la
région des grands lacs el dans celle des monts Alleghany.
C'est un très grand arbre dont le tronc droit, élancé, conserve longtemps son écorce
lisse et dont la cime est allongée, de forme conique.
H se plait dans les plaines et les vallées et demande des sables profonds, frais et
même humides.
Introduit en Europe au commencement du siècle dernier, le pin de lord Weymouth
peut être considéré comme naturalisé : 1l se reproduit très bien de semences. Il existe en
massif aux Barres, à Weinheim, dans le Spessart, à Eberswalde et dans d’autres en-
droits. Mais ce n’est que dans les sols frais ou humides qu'il vient bien ; il présente alors
des accroissements énormes.
Son bois est blanc, léger, mou, homogène, peu fort, peu élastique, peu durable,
en somme médiocre. Il ne peut être utilisé que pour la fabrication de caisses d’embal-
lage, d’allumettes et de pâte à papier.
Par son bois, le pin du lord Weymouth est loin d'avoir donné les bons résultats
qu'on espérait de lui.
I peut toutefois rendre des services pour la mise en valeur des terrains marécageux
ou tourbeux, de nature siliceuse; mais il ne doit être planté que dans ces sols. *
Pin élevé (Pinus excelsa Wallich). — Le pin élevé peuple de vastes étendues de fo-
rêts sur les versants sud-ouest de l'Himalaya , à une altitude moyenne de 2,000 à
2,00 mètres,
—#23( 297 )es—
C'est un arbre de première grandeur, pouvant atteindre 50 mètres de hauteur sur
1 m. do et plus de diamètre. Ses longues feuilles retombantes lui donnent un aspect
pleureur d’un joli eflet.
H demande des sols frais et profonds et préfère les terrains de nature siliceuse.
Indroduit en Angleterre vers 1830, il s’est montré rustique et de croissance assez
rapide. Le domaine des Barres en possède de beaux échantillons. Î fructifie réguliè-
rement et j'ai pu voir à Nogent quelques s2mis naturels de celte essence.
H a été compris dans les plantations forestières de Wenheim.
Son bois est encore peu connu.
Le pin élevé mérite d'être soumis à quelques essais.
Pin peuce (Pinus peuce, Grisebach). — Le pin peuce, qui habite la Macédoine : la
Roumélie, la Serbie et le Monténégro , est pour ainsi dire un intermédiaire entre le pin
du lord Weymouth et le pin élevé.
H n’at'eint pas les dimensions de ces deux derniers pins.
I est rustique chez nous.
Ses exigences et son bois sont encore peu connus.
Ï faut attendre les essais pour émettre un jugement sur celle essence.
Pin de Lambert (Pinus lambertiana Douglas). — Le pin de Lambert croit aux
États-Unis, dans les hautes montagnes de TOrégon et de la Californi®.
C'est un arbre de toute première grandeur, pouvant atteindre 80 mètres de hauteur
sur 4 mètres et plus de diamètre.
H demande des sols un peu frais et profonds, de nature siliceuse.
Introduit en Europe vers 1830, il s'est montré assez rustique, mais de croissance
lent»; il est d’ailleurs encore assez rare dans les cultures.
H donne, dans son pays d'origine. un bois léger, assez tendre, dont on fait des
planches.
On ne peut encore se prononcer sur la valeur forestière de cette essence; elle me
paraît toutefois d'intérêt secondaire.
Faux méleze. — Pseudo-Larix.
Le genre ne comprend qu'une seule espèce.
Faux mélèze de Kaempfer (Pseudo-larix Aaempferi Fortune). Le mélèze de
Kaempfer habite les provinces du nord-est de la Chine; il existe aussi au Japon.
C’est un arbre de grande taille, pouvant atteindre 4o mètres de hauteur sur 1 mètre
de diamètre.
Ses exigences sont encore peu connues.
Ilest rustique sous nos climats et a fructifié à Angers et à Carlsruhe.
Mais il est rarement cultivé et n'a pas encore été planté en forêt, à ma connais-
sance.
On ignore par suite quel bois il pourra produire dans nos pays,
I faut attendre pour porter une opinion sur celle essence,
—#+2( 298 )es—
Mélèze. — Larix.
Le genre mélèze, outre notre espèce indigène, comprend six à sept espèces exoliques
dont la plus intéressante est le mélèze du Japon.
Méièze du Japon (Larix leptolepis Murray, Larix japonica Carrière). — Le mé-
lèze du Japon se trouve surtout dans les montagnes de l'ile japonaise de Niphon.
C'est un grand arbre, pouvant atteindre 30 mètres de hauteur. H ressemble beaucoup
au mélèze d'Europe, mais a le feuillage plus fourni.
Il demande des sols frais, légers et une grande humidité atmosphérique.
Introduit en Europe vers 1860, il s'est montré très rustique. Il est surtout remar-
quable par sa croissance. J'ai vu à Lobr, dans le Spessart, dans un semis de hêtres, des
plants très vigoureux de cette essence, âgés de 7 ans, qui avaient pris l'année pré-
cédente des flèches de plus de 1 mètre. M. de Vilmorin a constaté le même fait à Ebers-
walde, où les sujets, âgés de 12 à 15 ans, présentent des pousses annuelles qui dépas-
sent souvent 80 centimètres.
Cette essence fournit, au Japon, un bois qui a toutes les qualités de celui de notre
mélèze et est propre aux mêmes emplois. Reste à savoir si elle donnera, sous nos cli-
mats, un bois de même valeur.
En tout cas, pour sa croissance rapide, bien supérieure à celle de notre espèce
européenne, le mélèze du Japon mérite d'être introduit, à litre d'essai, dans nos forêts,
comme cela a été fait en Allemagne.
Les autres mélèzes étrangers me paraissent moins intéressants : les uns, comme le
mélèze de Griffith (larix Grifithii Hooker), espèce de l'Himalaya, ne sont pas suflisam-
ment rustiques; les autres, comme les espèces américaines, sont rustiques, mais
paraissent ne présenter aucune supériorité sur notre mélèze d'Europe; le mélèze OCCi-
dental (/arix occidentalis Nuttal), grand arbre qui croit, au Canada et aux Etats-Unis,
dans les montagnes Rocheuses, et qui donne, dans son pays d'origine, un bois lourd,
dur et fort, pourrait cependant être soumis à quelques essais; il est d’ailleurs très rus-
tique, mais encore rare dans les cultures.
Epicéa. — Picea.
Le genre épicéa (picea) comprend à l'étranger de nombreuses espèces, dont plusieurs,
pour des raisons diverses, sont intéressantes au point de vue forestier.
* Épicéa d'Orient (Picea arientalis Carrière). a L'épicéa d'Orient est originaire des
montagnes de l'Asie Mineure.
C’est un grand arbre, pouvant atteindre 30 mètres de hauteur. Il est assez semblable
à notre épicéa, mais a des aiguilles et des cônes beaucoup plus petits.
Ses exigences paraissent être à peu près celles de notre espèce indigène.
Introduit en Europe dans la première moitié du siècle, 1 a fait preuve d'une très
grande rusticité. Sa croissance, lente dans les premières années, est ensuite rapide, Il
fructifie régulièrement et abondamment.
she trot ls, dite. dE Sd
Dé ne. td
+2 299 }e3—
Il à été planté en massif aux Barres et à Weinheim. Le petit massif des Barres est en
parfait état de végétation ; les sujets qui le composent ont erû d’abord lentement, dé-
passés de beaucoup par des sapins de Douglas, plantés la même année à côté d'eux:
mais actuellement ils prennent de longues flèches et semblent vouloir rattraper leurs
VOISINS.
Le bois que peut donner cette essence, dans nos pays, n’est pas encore connu.
I faut donc attendre pour se prononcer sur la valeur forestière de l’épicéa d'Orient ;
étant donné sa rusticité, 1l mérite d’être soumis à quelques essais.
*Épicéa blanc (Picea alba Link). — L'épicéa blanc, plus connu sous le nom de
sapinette blanche, habite le Canada et le nord des Etats-Unis, de l'Atlantique au Paci-
fique.
C’est un arbre de deuxième grandeur, dont la hauteur dépasse rarement 0 mètres.
H forme une pyramide compacte , d’une couleur vert glauque; les aiguilles et les cônes
sont {rès petits.
[n’est pas diflicile sur la nature du sol, mais ne vient bien que dans les terrains
légers et frais.
Dans nos pays, la sapinette blanche est très rustique, mais de croissance un peu lente.
Elle frucüfie régulièrement et abondamment.
Plantée en massif aux Barres et à Weinheim , elle s’est bien comportée.
Son bois est blanc, de qualité médiocre.
Mais l’épicéa blanc convient pour le boisement des dunes, par suite de sa grande ré-
sistance au vent; il peut rendre des services à ce point de vue particulier.
Épicéa piquant (Picea pungens Engelmann, Picea parryana des horticulteurs). —
L'épicea piquant croît, aux Etats-Unis, dans les montagnes Roc'euses.
C'est un grand arbre, pouvant avoir 30 mètres de hauteur sur 1 mètre de dia-
mètre, à feuillage plus ou moins glauque.
Il est très répandu dans les cultures européennes où il se montre très rustique;
mais 1l est d'introduction trop récente, pour qu'on puisse dès maintenant apprécier sa
valeur au point de vue forestier.
Épicea de Menziès (Picea Menziesii Carrière, Picea Sütchensis Carrière). —
L'épicea de Menziès habite le Canada et les États-Unis, sur le versant du Pacifique, la
Sibérie, enfin le nord de la Chine et du Japon.
C'est un arbre d’une taille assez variable suivant les pays, mais qui peut atteindre de
fortes dimensions. Sa cime est formée de rameaux nombreux, assez grèles, garnis de
feuilles piquantes, de couleur glauque.
H se plait dans les terrains frais de nature siliceuse et demande une atmosphère
humide.
Introduit en Europe, il y a une trentaine d'années, il a fait preuve d’une gra:de
résistance; 11 croit rapidement et fructifie régulièrement.
Ilest planté en massif sur différents points de l'Allemagne, notamment à Weinbeinr .
dans le Spessart, aux environs de Dusseldorf et à Eberswalde. — Partout il semble
devoir réussir.
I donne un bois léger et fort, assez estimé.
-#3( 300 )e3—
Bien qu’on ne puisse encore se prononcer sar la valeur de cette essence, elle mérite
d’être introduite dans nos forêts, notamment, sous les climats froids, dans les sables
qui avoisinent la mer; l'essai en a été fait sur les côtes de l'Allemagne du Nord : il est,
parait-il, assez encourageant.
Plusieurs autres épicéas étrangers, rusliques sous nos climats, sont d'introduction
trop récente pour qu'il soit permis actuellement de porter un Jugement sur leur avenir,
dans nos pays, au point de vue forestier.
Je citerai notamment l’épicéa à queue de tigre ( picea polita Carrière), grand arbre
du Japon, aux pousses très grosses, aux aiguilles robustes et vulnérantes; l'épicéa de
l'Himalaya (picea morinda Link), grand arbre aux longues aiguilles, qui souflre , dans
le Nord . des gelées printanières , mais se montre très rustique dans le Midi, ete,
Tsuga.
Les tsugas, dont les feuilles sont planes comme celles des sapins et les cônes pendants
comme ceux des épicéas, sont pour la plupart rustiques sous nos climats.
Plusieurs sont des ess nces forestières importantes dans leur pays d’origine. Mais,
en Europe, les tsugas me semblent devoir rester des arbres d'ornement.
L'espèce la plus répandue, la mieux connue, est certainement le tsuga du Canada
(isuga canadensis Carrière), assez grand arbre qui croît au Canada et dans les provinces
du nord des Etats-Unis.
Il demande des sols frais.
H est (rès rustique sous nos climats, mais de croissance lente; il fructifie abondam-
ment. Le pare de Carlsruhe en possède un bel chantillon de 20 mètres de hauteur
sur o m. 0 de diamètre.
Planté en forêt à Weinheim, il y végète assez médiocrement.
I donne un bois blanc léger, de qualité médiocre: son écorce est riche en tanin.
“[ n'y a pas d'intérêt, à mon avis, d'introduire le tsuga du Canada dans nos forêts.
Les autres espèces sont encore moins intéressantes au point de vue forestier : les
unes, comme le tsuga de l'Himalaya (Isuya brunoniana Carrière), sont d'une rusticité
relative: d’autres, comme le tsuga de la Californie (tsuga mertensiana Carrière), grand
arbre de la région du Pacifique , et le tsuga de Patton ({suga pattoniana Engelmann vel
hookeriana Carrière), qui habite les hautes montagnes de la Colombie britannique et du
nord de la Californie, donnent un bois de qualité médiocre: d'autres enfin, comme le
tsuga du Japon (tsuga Sieboldui Carrière), espèce originaire des montagnes de l'ile japo-
naise de Niphon, qui est très rustique et semble fournir un bois un peu meilleur, et le
(suga de la Caroline (tsuga caroliniana Engelmann), qui croit dans la région des monts
Alleghany, sont de petile taille.
Faux tsuga. — Pseudo-tsuga.
Le genre faux-suga n’est formé que d’une seule espèce; mais elle est des plus inté-
ressantes au point de vue forestier.
‘Faux-Tsuga de Douglas (Pseudo-tsuga Douplasii Carrière), — Le sapin de
és sens. 7 à
4
à
CP RQ '
PE PS
Léa
one pitié dl
—#2( OT )er—
Douglas peuple d'immenses forêts dans le centre et surtout dans l'ouest du Canada et
des Etats-Unis.
C'est un arbre de toute première grandeur, pouvant atteindre 80 mètres de hauteur
sur 3 mètres de diamètre. H est à füt droit, élancé, couvert, au moins chez les Jeunes
individus , d’ampoules remplies de résine. La cime, de forme pyramidale , est composée
de branches assez longues, portant des rameaux assez grêles, plus ou moins pendants.
1! recherche les sols siliceux, profonds, un peu frais, mais se contente encore de
sables relativement secs et d'une fertilité médiocre: il végète toutefois mal dans les
terrains trop secs et ne vient pas dans le calcaire. Tes plants demandent à être abrités
dans les 3 ou 4 premières années.
Introduit en Europe vers 1830, il a fait preuve d’une extrême rusticité; il est surtout
remarquable par la rapidité de sa croissance: il fruclifie révulièrement , et jai pu voir
aux Barres quelques semis nalurels de celle essence.
Il est très rép:ndu dans les cultures et 11 n'est pas rare d'en voir de beaux échan-
üillons.
I a été planté en forêt dans différentes régions, aux Barres, en Sologne , en France,
à Weinheim, à Lohr et à Eberswalde en Allemagne, enfin en Écosse, en plusieurs
endroits. Presque partout, il a aflirmé sa rusticité et sa rapidité de croissance.
Son bois comprend un aubier blanc assez abondant et un cœur d’une couleur brun
rougeätre: il présente des qualités assez variables, suivant les comditions de sa végéta-
lou: il est en général dur, très résistant. très fort, très élastique: on l'emploie beaucoup
aux États-Unis, pour les constructions, la menuiserie, l'ébénisterie, les mätures: 11 en
est importé d'assez grandes quantités en Europe, où il est très souvent vendu comme
bois de pitch-pin: il en a d’ailleurs la coloration et en possède à peu près les qualités.
Par sa rusticité, par sa croissance rapide et par les qualités de son bois, le sapin de
Douglas mérite de prendre place P: armi nos essences forestières.
Mais il importe de faire remarquer que l'arbre ne donne une porportion avantageuse
de bois parfait que s'il est exploité à un âge assez avancé: jeune, 11 fournit surtout de
l’aubier, de qualité médiocre, que l’on pourra toutefois peut-être utiliser pour la fabri-
cation de la pâte à papier.
Pour le sapin de Douglas, plus encore que pour les autres essences forestières exo-
tiques, les essais doivent donc être faits par les propriétaires qui peuvent placer leurs
capilaux à longue échéance: l'État est évidemment le premier de ces propriétaires.
Sapin. — Abies.
Le genre sapin, représenté dans nos pays par le sapin pectiné, comprend à l'étranger
P Pay pin p Ï
s 9 ] « , . r . .
une trentaine d'espèces qui habitent toutes les régions tempérées ou froides. Plusieurs
paraissent susceplibles de nous rendre des services.
Sapin de Nordmann ( Abies nordmanniana Spach). — Le sapin de Nordmann peuple
de vastes forêts dans les montagnes du nord de l'Asie Mineure.
C'est un grand arbre, atteignant 30 mètres de hauteur sur 1 mètre de diamètre et
même davantage: il est à cime plus fournie, à couvert plus épais que notre sapin
commun.
—-##( 302 )ses—
Il ne semble pas très exigeant au point de vue du sol et paraît notamment devoir
supporter mieux les terrains calcaires relativement secs que notre espèce indigène.
Introduit en Europe vers le milieu du siècle, il a montré une extrême rusticité: il
croît assez rapidement et fructifie régulièrement. I s’est vile répandu dans les cultures
et il n’est pas très rare d'en rencontrer déjà de beaux échantillons.
H a été planté en massif aux Barres, en 1886-1887, à Weinheim, de 1866 à 1876
et, plus recemment, à Eberswalde. Les peuplements sont très bien venants: celui de
Weinheim, d'une hauteur moyenne de 10 mètres. est même très remarquable par sa
vépétation.
On ne connait pas encore les qualités du bois qu'il produira dans nos climats; mais
tout porte à croire qu'il sera à peu près légal, sous ce rapport, de notre sapih pectiné.
En tout cas, par son extrême rusticité, le sapin de Nordmann mérite certainement
d’être introduit dans nos forêts, à titre d'essai.
Sapin de Céphaionie (Abies cephalonica Link). — Le sapin de Céphalonie habite
les montagnes de la Grèce, à une altitude moyenne de 1,200 mètres. Il a donné nais-
sance à plusieurs variétés.
C'est ün arbre de deuxième grandeur, dont la hauteur ne dépasse guère 20 mètres.
Il n'est pas difficile sur 14 nature du sol et parait devoir réussir aussi bien sur le
calcaire que sur le sable.
I est relativement rustique sous nos climats: mais ses pousses sont fréquemment
alteintes par les gelées: il fructifie assez régulièrement. Il est assez répandu, Le domaine
des Barres en possède un dé 15 mètres de hauteur sur 6 m. 30 de diamètre; le parc
des conifères, à Heidelberg, un de 0 mètres de hauteur sur o m. 4o de diamètre.
I 'est planté en massif aux Barres et à Weinheim: les sujets qui composent le petit
peuplement des Barres, éréé en 1889, ont eu souvent leurs pousses gelées, ce qui lear
donne l'aspect d’ arbres äbroutis.
Le bois de cette essence parait valoir au nioitis celui du sapin pectiné.
Néanmoins, à mon avis, le sapin de Céphalonie ést trop sensible aux gelées pour
pouvoir être introduit avec succès dans nos forêts, sauf dans le midide la France.
Sapin pinsapo (Abies pinsnpo Boissier). — Le sapin pinsapo, appelé vulgairement
sapin d'Espagne, forme quelques forêts en Espagné, notamment dans la Sierra de
Ronda et la Sierra de los Nieves, où il se tient à une altitude moyenne de 1,500 mètres.
C'est un arbre qui peut atteindre 25 mètres de hauteur sur 1 mètre et plus de dia-
mètre, Sa cime, composée de branches nombreuses, forme une pyramide compacte, au
feuillage d'un beau vert glauque.
Tous les sols lui conviennent, aussi bien les sols siliceux que les sols calcaires, même
de qualité médiocre.
Le sapin pinsapo résiste assez difficilement aux grands hivers du Nord, H n'est
toutefois pas rare d'en rencontrer, dans nos pays, de très beaux échantillons. Le domaine
des Barres en possède qui mesurent 90 et 25 mètres de hauteur sur o m. 45 à o m. 55
de diamètre. H fructifie régulièrement et abondamment: j'ai pu voir à Nogent quantité
de semis naturels de ce sapin.
Il a été planté en massif aux Barres et à Weinheun. Aux Barres, un pelit groupe
d'arbres, ägés de 50 ans, est superbe: les peuplements plus jeunes sont en bon état,
titine — à HA LR RSS, ns), don à D sé
dnmiiton sf
bé matin 0 ostes dé D, |
—##( 303 Jee3-—
bieu qu'ils aient en à souffrir des gelées. À Weinheim, cette essence a été Lrès éprouvée
par l'hiver de 1879-1880.
Introduit dans les dunes de Gascogne, où il se trouve sous un climat qui lui con-
vient davantage, le sapin pinsapo se comporte très bien et se reproduit par se-
mence.
H fournit un bois supérieur, dit-on, à celui du sapin pectiné. .
Cétte essence n'est pas àssez rustique dans le Nord pour y rendre des services : mais
elle peut étre plantée avec succès dans le Midi,
Sapin de Numidie (Abies numidica de Lannoy, Abies pinsapo variété baboriensis
Cosson). — Lé sapin de Numidie habite, en Algérie, le massif du Babor où il con-
stitue, entre 1,600 et 1.900 mètres d'altitude, en mélange avec le cèdre de l'Atlas, de
très beaux peuplements.
C'est un arbre de deuxième grandeur, dépassant rarement 55 mètres de hauteur: 1l
présenté beaucoup de rapports avec le sapin pinsapo d'une part, avec le sapiñ de
Céphalonie d’autre part.
I est peu difficile sur la nature du terrain: il s'accommüde notamment assez bien
de sols calcaires assez pauvres.
Transporté sous nos climats, il s'est montré rustique et fructifie. On peut en voir aux
Barres quelques beaux échantillons.
H fournit un bois très semblable à celui du sapin pectiné.
Comme le sapin pinsapo, le sapin de Numidie né me parail pas susceptible de rendre
des services dans le Nord: 11 peut être planté, à titre d’essai, dans le Midi.
“Sapin de la Gilicie (Abies cilicica Carrière). — Le sapin de la Gilicie croit, en
Asie Mineure, dans les montagnes du Taurus , à une altitude supérieure à 9,000 mètres.
C'est un arbre de deuxième grandeur, à cime régulièrement tonique, bien fournie ,
à couvert épais.
Il n'est pas difficile sur la nature du sol: il vient bién sur les sables comme sur les
calcaires, même de qualité médiocre.
Introduit en Europe vers le milieu du siècle, il s'est montré relativement rustique;
comme le sapin de Céphalonie, mais à un dégré moindre, il a quelquelois ses pousses
atteintes par les grands froids du Nord: il croit assez rapidement ef fructifie régu-
lièrement.
Le domaine des Barres en possède de beaux échantillons.
I vient bien en imassif et parait devoir donner un bois de bonne qualité.
Pour toutes tes faisons , le sapin de Cilicie mérite d'être introduit, à titre d'essai,
dans nos forêts, surtout dans le Midi.
Sapin de Veilch (Abies Veichii Lindley).— Le sapin de Veitch habite, au Japon,
les montagnes de l'ile de Niphon, à une altitude supérieure à 2,000 mètrés.
C'est un grand arbre, qui peut atteindre fo mètres de hauteur.
Iatroduit en Europe vers 1880 , il à fait preuve d'une grande rusticité et d'une
croissance assez rapide: il commence à se répandre dans les cultures, mais n'a pas
encore été, à ma connaissance, planté en forêt,
&es exigences et les qualités de son bois sont encore jeu connues,
—+#2( 304 )e3-—
I faut donc attendre, pour se prononcer sur sa valeur forestière, les résultats des:
essais auxquels il mérite d'être soumis, étant donnée sa rusticité.
Sapin haumier (Abies balsamea Miller). — Le sapin baumier c’oit, au Canada et
dans le nord-ouest des États-Unis . sur le versant du Pacifique.
C'est un arbre de deuxième grandeur, dépassant rarement 25 mètres de hauteur.
Le tronc, à écorce lisse, se couvre, au moins chez les jeunes individus, d’ampoules
plemes de résine. Les branches, relativement courtes, donnent à la cime la forme d’un
cône assez aigu.
Il préfère les terrains de nature siliceuse.
Introduit en Europe à la fin du xvur siècle, il a fait preuve d’une grande rusticité;
mais sa végétation est rarement très satisfaisante.
Il a été planté aux Barres et à Weinheim.
D fournit un bois blanc. léver, mou, de qualité médiocre.
En semme, le sapin baumier me parait peu intéressant au point de vue forestier.
Sapin noble (Abies nobilis Lindley). — Le sapin nobie habite, au Canada et aux
Étots-Unis, les montagnes du versant du Pacifique, à une altitude de 1,000 à
1,00 mètres.
C’est un arbre de première grandeur, pouvant atteindre 60 mètres de hauteur sur
3 mètres de diamètre et même davantage.
1 demande des sols siliceux, frais, assez fertiles el vient mai sur les calcaires secs.
Transporté en Europe vers 1830, il s’est montré assez rustique, mais vient rare-
ment très bien : 11 fructifie aux Barres.
Planté en massif à Weinheim , il a souffert pendant l'hiver 1879-1880.
I donne un bois blanc , léger, assez dur et assez fort.
ftant donnée sa rusticité relative, le sapin noble n'a, à mon avis, aucun avenir,
dans nos pays. au point de vue forestier; en revanche, la belle couleur glauque de ses
feuilles er fait un magnifique arbre d'ornement.
J'en dirai autant de ses proches parents, le sapin gracieux (abies amabilis Forbes) et
le sapin magnifique (abies magnifica Murray ), qui sont originaires des mêmes régions:
le sapin aïmablè a été cependant compris dans les plantations d'Eberswalde; mais cet
essai esl encore lrop récent pour qu'on puisse en tirer une conclusion.
Sapin concolore (Abies concolor Lindley). — Le sapin concolore croit également ,
au Canada et aux États- Unis, dans les montagnes du versant du Pacifique.
C'est un grand et magnifique arbre, pouvant atteindre 4o mètres de hauteur sur
1 m. 50 de diamètre. Sa cime est formée de gros rameaux portant de longues aiguilles,
d'une couleur plus ou moins glauque.
I demande des sols frais, assez fertiles.
Introduit en Europe vers 1850 , il a fait preuve d’une très grande rusticité: il croit
assez rapidement et fructifie assez régulièrement. Il commence à être répandu dans les
cultures: le domaines des Barres en possède de beaux échantillons de 10 à 15 mètres
de hauteur sur o m. 20 à o m. 30 de diamètre, appartenant les uns à la variété type,
les autres à ia variété lasiocarpa. ;
—#+x( 305 es
Cette belle essence est représentée, dans les boisements de Weinheim, par un beau
massif. d'une har-teur moyenne de 12 mètres, en très bon état de végétation: elle a été
plantée, plus récemment, à Eberswalde,
Elle fournit un bois blanc, doux , assez fort, quoique très léger.
Malgré sa rusticité, le sapin concolore me parait devoir être, chez nous, surtout un
arbre d'ornement.
“Sapin élancé ( Abies prandis Lindley, Abies gordonana Carrière). — Le sapin
élancé habite les montagnes du nord-ouest de la Californie et l'ile de Vancouver.
C'e:t un arbre de toute première grandeur, pouvant atteindre 80 mètres de hauteur
sur 2 mètres de diamètre. Il a le fût très élancé, les branches étalées horizontalement.
les ramules assez grèles: sa cime a la forme d’un cône aigu.
Il demande des sols un peu frais, assez fertiles.
Introduit en Europe vers 1830 , il s’est montré d’une très grande rusticité et d’une
croissance extraordinairement rapide. Le domaine des Barres en possède un très bel
échantillon de 20 mètres de hauteur sur o m. 25 de diamètre le parc des conifères à
Heidelberg en a un de 20 mètres de hauteur sur o m. 4o de diamètre.
Il a été compris dans les plantations de Weinheim et dans celles qui ont été faites,
plus récemment, à Eberswalde: 1l se comporte bien aux deux endroits.
Il fournit un bois blanc, doux, léger, peu fort.
Utant donn'es sa rusticité et sa rapidité de croissance, le sapin élancé mérite d'être
introduit «ans nos forêts, à titre d'essai.
Les autres sapins étrangers présentent jusqu'ici un intérêt moindre.
L'abies firma Sieboïd et Zuccarini, l'abies Maries Masters, l'abies brachyphylla
Maximowiez et l’abies wmbillicata Mayer, espèces japonaises assez voisines, sont rus-
tiques: mais elles ne sont représentées, dans les cultures, que par des sujets encore
jeunes.
L'abies sibirica Ledebourg, originaire des montagnes de la Sibérie , s'est comporté
assez mal sous nos climats.
L'abies Fraseri Lindley, qui croit, aux États-Unis , dans les hautes montagnes de
la Caroline et de la Virginie, est très voisin de l’abies balsamea mais beaucoup moins
connu.
L'abies subalpina Engelmann , qui Eabite , au Canada et aux États Unis. les montagnes
de la région du Pacifique, est d'introduction récente.
L'abies religiosa Lindley, espèce du Mexique, labies bracteata Nuttal, magnifique
sapin de la Californie et l'abies webbiana Lindley, très belle espèce de l'Himalaya, sont
peu rustiques.
On a sans doute remarqué que le plus grand nombre des végétaux ligneux exotiques,
que je viens d'étudier, sont originaires de l'Amérique du Nord.
Cela tient évidemment beaucoup à ce que le climat d'une grande partie des États-
Unis se rapproche assez sensiblement du nôtre.
Mais 1l y a encore une autre raison qu'il importe de signaler.
Les arbres de l'Amérique du Nord sont connus déjà depuis un certain lemps: pour
plusieurs, les essais dont ils ont été l’objet sont assez nombreux et assez anciens pour
SYLVICULTURE, »0
—#>( 306 )3-—
qu'on puisse dès maintenant sinon affirmer, du moins prévoir les services qu'ils peuvent
nous rendre,
Or il est hoin d'en être ainsi pour les végétaux ligneux qui sont originaires de l'Asie,
notamment pour ceux qui croissent dans l'Himalaya et le Japon; beaucoup ne sont
connus que depuis peu et presque tous le sont encore imparfaitement,
Les essais qui ne manqueront pas d'être faits, — plusieurs essences sont déjà à
l'étude — viendront probablement démontrer l'intérêt que présentent certains de ces
végétaux ligneux asiatiques ; mais, pour le moment, 1l faut attendre.
Qu'il me soit permis, pour terminer, d'indiquer le but de ce travail.
En faisant connaître les essences forestières exotiques, en signalant celles qui me
paraissent les plus méritantes, dans nos pays, au point de vue forestier, mon désir
serait de provoquer l'introduction de ces essences dans nos forêts.
Il n’est pas nécessaire que les essais soient faits sur de grandes surfaces, maisils
doivent être répétés dans les différentes régions, dans les différents sols, dans les
différentes stations.
Mais tout essai comporte des chances d’insuccès, et il faut s'attendre à ce que les
dépenses faites soit assez rarement compensées par les recettes réalisées,
En outre, même lorsqu'il doit être suivi d'un plein succès, tout boisement constitue
un placement à échéance plus où moins lointaine, que seuls peuvent faire les grands
propriétaires forestiers , l'État en particulier.
C es donc surtout aux agents forestiers, chargés d'administrer le domaine forestier
de l'État, qu'il appartient Fe faire les essais que je réclame.
Les forestiers allemands l'ont compris et, grâce à eux, nos voisins peuvent déjà
apprécier la valeur de certaines essences exotiques comme le cyprès de Lawson, le
sapin de Douglas, le mélèze du Japon. ...
Il est à désirer que les forestiers francais suivent cet exemple.
Enfin il ne suflit pas de faire des expérienc:s, il faut encore les faire connaître,
Il est nécessaire que les résultats obtenus, aussi bien les mauvais que les bons,
soient portés à à la connaissance de ceux qu ils peuvent intéresser,
Les revues qui s'occupent de questions forestières, notamment la Revue des eaux el
Jorëts, le Bulletin de la Société de Franche-Comté et Belfort, le Bulletin de la Société des
Amis des arbres... . accueilleraient, j'espère, avec plaisir, toutes les communications
qui leur seraient adressées à ce sujet.
Elles rendraient ainsi service à la sylviculture, en même temps qu'elles intéresse-
raient leurs lecteurs.
#00 bes—
TABLE ALPHABÉTIQUE
DES GENRES ET ESPÈCES.
Nota. — Les noms latins et français des genres sont écrits en lettres compactes, les nom
latins des espèces en lettres italiques, une croix (+) indique les espèces étudiées, un asté-
risque (*) les plus intéressantes de ces espèces. — Les noms vulgaires et les noms synonymes
sont écrits en petites capitales, chacun d’eux est suivi du nom qui a été adopté avec, entre les
deux, le signe —.
— balsamea Miller ........:.......
— brachyphylla Maximowicz...........
= frartrate Nuttal ….;...:..........
— + cephalonica Link.................
— CCCICR LIBITIÈTE,- serre rrueon eye
— + concolor Lindley ................
rUsert indie y... eue
— forma Siebold et Zucgarini...........
— RE nn Carr. — prandis Lindiey. .
* grandis Lindley ......... rprre
- one Lindley — abies concolor, va-
riété lasiocarpa Engelmann...,,,,..,
- FAIR
= HMuariesu Masters .:....-...........
Ce MIT. 5... 02.0
— * nordmanniana Spaeh .............
— +numidica de Lannoy.............
— pichta Forbes — sibiriea Ledebourg.. .
— * pinsapo Boissier ,,..... VTT CUIR
— religiosa Lindley......, soso eve
— #ibirica Ledebourg.....,,,....,,,,
— subalpina Engelmann........ Dr
— Tschugatskoi Gordon — cilicica Carrière.
— umbilhcata Mayer..,..............
PE on Le: -:...-..:-......
— webbiana Lindley....,...,. frise)
Acer Tournefort......... ss 0 Ér 62
Acer dasycarpum Ehrhart....
— eriocarpum Michaux. = dasycarpum
Fhrhart. cata se saisie
— macrophyllum Parsh...,,,.., ET
— + negundo Linné,.:,.,,...;, RP
— —+rubrum Linné,.....,..., és uri
Pages.
Acer + saccharinum Waugenheïm....... 124
Arante planduleux.....,..,....:..... 121
B
Bebnla TONFDOIONE- 2-2 eee seen 129
Beat lenta Limne 2. esse 126
=" Élutea Michanxs 2% 022500. se 126
— rigra Linné. — rubra Michaux....... 126
— papyrijera. Marshall”: .....:....... 129
—\rubra Michaux. : ::.::::::::0, 53.0 126
BOULEAU , nom français de BETULA......... 125
C
CAIN TE eue ea es 128
Cara alba Natalie see ee 129
— alba Linné. — tomentosa Michaux..... 129
GATE NUMRL EE 1 Ne e eee eee ste 129
— aquatica Nuttal........, TOSPOUE 129
— myristicaeformis Nuttal............. 129
—— Chvaefornus Nutlal: 2... .0 129
= D LC I T ÉAPOAO OR EORRCER E 129
— squamosa Michaux. — alba Nuttal.... 129
es HMENOUAL EST. 062 «See 129
— tomentosa Nuttal,...,,,,.,,,..,,., 129
Gatalpa Scopoli, , ; 5. svss6s55scvis 196
CÈDRE DE VIRGINIE, nom vulgaire du GExE-
vas de Virgipie ....sssssssrecs 189
Corela LinDÉ, refais cvs, 158
Cedrela * sinensis Jusssieu....,,,,.,,,,., 123
oui Toummalorh,:,:. eee vs ‘130
Celtis australis Linné.....,,,,,,.,..., 130
—: ++ cosidintelis Liens, faits: 180
0,
—#2( 308 )e3-—
Celtis sinensis Spach............. tot
Cerasus Tournefort...................
Cerasus virgin'ana Michaux.............
Chamaecyparis Spach..................
Chamaecyparis * lawsoniana Parlatore.....
— *nutkaensis Spach.................
+ obtusa Siebold et Zuccarrini.......
— pisifera Siebold et Zuccarini-......°.
— squarrosa Siebold et Zuccarrini. .
CHARME, nom francais de CARPINUS........
CHÂTAIGNIER , nom français de GASTANEA.. ..
CHÊNE, nom français de QUERGUS.........
cuicor, nom français de GYMNOCLADUS. . ...
Cladrastris Rafinesque. ....
Cladrastris + tinctoria Rafinesque. ......
COPALME, nom français de LIQUIDAMBAR. . . . .
Cryptomeria Don" -ccrer--trrcerirt
Cryptomeria +japonica Don ...........
Cupressus Tournefort.................
Cupressus goweniana Gordon...........
— +lambertiana Carrière. ............
— mac-nabiana Murray...............
— macrocarpa Hartweg. — lambertiana
Carrière terre e--recres
— sempervirens Linné................
cyprès, nom français de GUPRESSUS.......
CYPRÈS CHAUVE, nom vulgaire du TAXODIUM
FÉCOLCedeoecoonoodbocenvencc
D
HIOSb9rOS DINNÉ.--- eee
Diospyros kaki Linné..................
ous INNE- een ce-etrremmastle
+ virginana Linné.….
Distylium.. ... essor sers.
Distylium + racemosum Siebold et Fast
E
ÉPICÉA , nom français de PIGEA...........
ÉRABLE, nom francais de AGER..........
k
FAUX-MÉLÈZE, nom français de PSEUDO-LARIX.
FAUX-CYPRÈS , nom français de CHAMAECYPARIS.
FÉVIER, nom francais de GLEDITSCHIA.. . ..
Fraxinus Tournelonhs eee
Fraæinus + alba Marshall.............
— americana Linné — alba Marshall. . ..
— floribunda Wallich ........ ee
— pubescens Lamarck ................
— quadrangulata Michaux fils..........
130
123
123
194
131
131
131
131
131
122
122
126
123
123
123
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133
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132
132
132
132
132
132
133
129
129
125
129
124
12/
130
124
Fraxinus + sambucifolia Lamarck .......
FRÊNE, nom français de FRAXINUS.........
G
GENÉVRIER, nom francais de JUNIPERUS.. . .
Gigantabies wellingtonia de Kirwan. — se-
quoia gigantea Endlicher.........
Gingko Kaempfer..................
Gingko + biloba Linné................
Gieditschia Inn. ----. crc
Gleditschia ecebe
Planera crenata Desfontaines — 2elkowa
CTET ALL SAC eee ==
PLAQUEMINIER, nom français de prospyROs...
PLATANE, nom français de PLATANUS. ......
Prunus Linné....:.......... Loboré cos
Prunus +scrotina Ehrhart.............
Pseudo-larix ....
Pseudo-larix + Kaempferi Gordon.......
Pseudo-tsuga Carrière.............. CE
Pseudo-tsuga * Douglas Carrière... ..... :
Pterocarya Kunth..... HAS
Pterocarya + caucasica C. À. Meyer... ...
ss... sms
Q
Ouercus TOUR ES 20e eme diacielsielaeis
Quercus acuta Thunberg...............
— Aegilops Linné................ Jet
— alba Linné.. LÉ don net aa
— umbigua de a — rubra variété
ambigua. ........ s'sil8 slols dates "
= * Barasteri Michaux 2... 505
— + coccinea Michaux................
— cuneata \Vangenheim — falcata Mi-
CHAUX 0e eue ns e SOUL
— Daimyo Horticulteurs — dentata Thun-
POTRE sors sorte due
— dentata Thunberg.................
— digitata Suthworth — falcata Michaux.
— dilatata Lindley...... Des ta de
— + falcata Michaux ....
Quéreus + ferruginea Michaux..........
— glandulifera Blume.sssssssssssisss
— ilicifolia Wangenbheim = Banisteri Mi-
chaux ..... mao on Te ts ossi
— imbricaria Michaux. . ... sh iris ete
— incana Roxburg. ..:.... tasses sa
== Libani Olivier ...ssssss.ssssosiv
— macrocarpa Michaux, ::::::..
— nigra Wilidenow = férruginea Michaux.
== obtusiloba Michaux : ss:
— *palustris Michaux. .... darts ss aus
— +phellos Linné, .,4.,...s5s..
=e *pubra Linnés. ..ssossssusétss. vs
— serrata Thunberg..... Susiscivanss
= + tinctoria Michaux, .., 6605.00
— triloba Michaüx = falcata Michaux,.,
— Velani Olivier — Aegilops Linné.,,,:.
== velutina Wilidenow — tinctoria Mi-
chaus 0-0 RADIO OUEN Cu
R
Retinispora, nôm donné à certaines formes
de chamaecyparis ,,.::,:::.: ua
RÔBINIER faux-acacia .......,.4....444
S
Salisburia adiantifolia Salisbury — ginkgo
bilaba Linné....sssisssssauss.ces
SAPIN, nom français de ABIES....,, iusve
SAPINETTE BLANOHE, NOM Vulgairé du picea
Séquoia Endlichers ssssusosssnseusss.
Sequoia + gigantea Endlicher. .,,4%::3:
== + sempervirens Endlicher,: s54»..44:
— taxifolia de Kirwan — sempervirens End-
HO EP 000 Ie deMOo Tune
Sophora Linné....... FE PS AR ET Ro
Sophora + japonica Linné..............
Spruce, nom américain de sapinette. : : :.
Taxodium Richard............: Aisne
Taæodium +- distichum Richard; 54.545:
— sempervirens Lambert — séquôia semper-
virens Eñdlicher:s:34:::...:, ta
CE CRE En 1
Thuya *pigantea Nuttalis sisssssuvissuss
s( 310 )e3—
138 Thuya Lobbi Horticulteurs — pipantea Nuttal.
128 — Menziesii Douglas — gigantea Nuttal. :
== occidentalis Linhié, ss5s66sissuseu
126 — Standishu Carrière.................
127 Thuopsis borealis Fischer — chamaecypa-
128 ris nutkaensis Spath .............
128 TUEUR eme sotocc .
128 Tsuga Carrière : ::::. daisasossvasss.t
138 Tsüga brunoniana Carrière. ,.,::.::...4
198 — —+canadensis Carrières. .sissssvsss
126 — caroliniana Engelmann.:ssssusssss.
197 — Hookeriana Carrière = pattoniina En-
126 gelmann sss.ssssavss.sosveuuss
128 — mertensiana Garrière. sssssssveusiss
197 — pattoniana Engelmann.............…
127 — Sieboldi Carrière..................
198 TULIPIER , nom francais d@ LIRIODENDRON. . ..
197
U
131 V
191
YERNIS DU saponw, nom vulgaire de l’AÏLANTE
glanduleux...s..:..1::,. dust
Virgilia lutea Michaux — cladrastris tinctorta
Rafinesque..----- Cr ---crrtee
134
138 W
137 Wellingtonia piganteu Lindley — sequoit
133 gigantea Endlicher , 5.444434.
133
133
X
133
123 DNA: e-ccnrcieceiden-ehres at dei
193
137
x à
133
133 Z
133 Zelkowa Spach …... RRRRINRSIREE INR E
131 Zélkowa * acuminata Planchon. . ... itusa
131 — *creñuli Spachiissssssssusesausuis
Panvé,
131
131
131
131
132
122
137
187
137
137
137
137
137
137
129
131
193
133
129
130
150
1
CON PT CNT PT PTT
Lhuadh,. si Sd, |
—#3( 11 js
Annexe N° 9.
RÉSULTATS À CE JOUR DES RECHERCHES ENTREPRISES
SUR
LES ÉCLAIRCIES ET LES COUPES CLAIRES
À LA STATION D'EXPÉRIENCES DE MARIABRUNN.
L'ouvrage, publié sous ce titre et soumis au Congrès international de sylviculture
par M. Boppe an nom de M. Friedrich, conseiller supérieur des forêts de l'empire d’Au-
triche et directeur de la sta'ion d’expérimentation de Mariabrunn, a été élaboré spé-
cialement en vue de l'Exposition de 1900, par M. Karl Bühmerlé, ingénieur, dont le
nom fait autorité en la matière.
H est bien diflicile de résumer en quelques pages un ouvrage aussi documenté,
bourré, pour ainsi dire, de chiffres et de tableaux; nous nous bornerons à donner les
principales conclusions de l’auteur, en attirant l'attention sur la précision et la rigueur
scientifiques qui ont présidé aux observations. ,
Les expérimentateurs de Mariabrunn sont persuadés que, dans les recherches sur
l'accroissement, on ne saurait être trop minutieux et que, pour obtenir des résultats
dignes de foi, la conscience de l'observateur doit être poussée jusqu'au scrupule.
Tout a été par eux mis en œuvre pour éliminer les causes d'erreurs, que M. Bôh-
merlé classe en trois catégories :
1° Celles provenant d'influences extérieures (action réflexe du traitement appliqué
aux massifs environnants, délits, ele. ):
9° Celles provenant de la difliculté où l’on se trouve de pratiquer les opérations
d'une façon uniforme sur toute l'étendue de la placette d'expérience :
93° Celles qui résultent des inventaires.
Pour remédier aux premières causes d'erreurs, on recommande la création de zones
d'isolement aussi larges que possible, la clôture des placettes et le numérotage de
toutes les tiges. .
Afin de pallier les secondes, réduire au minimum la part d'appréciation et obtenir,
dans chaque placette, une constitution homogène, voici à quelles mesures l'on s'est
arrêté : La position de chaque tige, fixée géométriquement au moyen de recoupe-
ments, a été reportée sur un plan à grande échelle; autour du point représentant l'axe ,
on a dessiné la projection horizontale de la cime, déterminée avee précision et on lui a
donné le numéro de l'arbre correspondant.
—#>( 312 es
Ce schéma, image exacte de la constitution du massif, est, pour l'opérateur, un
guide précieux: car l'éclaircie peut, en quelque sorte, se faire sur le papier. Les sujets
qui disparaissent dans les desserrements successifs sont mciqués par des hachures. ce
qui permet de reconstituer la forêt aux différentes époques.
Sur l'initiative de M. Friedrich, notre hôte au Congrès, ces renseignements sont
complétés par des photographies prises de bas en haut en différents points de la parcelle
pour déterminer la densité des eimes; les stations de l'instrument élant d’ailleurs repé-
rées avec soin pour permettre des observations ultérieures.
Enfin, conime il n’était pas possible de photographier les sujets isolément, on s’est
borné à prendre quelques vues d'ensemble et à donner de chaque arbre une deserip-
tion sommaire dans la forme suivante :
N° 1. Tige dominante, avec cime irrégulière, développée vers l'aval: fût dénudé,
légèrement courbe;
N° ». Tige retardataire, cime bifurquée, comprimée à l'Ouest; fût droit et nu, ele.
A ütre d'indication, on note également les modifications qui se produisent dans la
flore, suivant le degré de l'éclaircie.
En ce qui concerne les inventaires, M. Bühmerlé se reporte à l'ouvrage qu'il a publié
sur ce sujet et dont nous avons rendu compte dans la fievue des Eaux et Foréts
(mars 1899); nous ajouterons seulement que les diamètres se mesurent, à un demi-
centimètre près, avec des compas métalliques. L'aluminium donne de bons résultats,
mais on vient d'essayer un alliage nouveau, le magnalium, qui présenterait l'avantage
de joindre à la légèreté du métal pur une dureté plus grande. Certains inventaires se
font annuellement et exigent, pour ce motif, une minutie extrême; il devient néces-
saire, en effet, de tenir compte de la température, dont l'influence, d'après les expé-
riences de M. Friedrich, serait loin d'être négligeable.
Les recherches n’ont porté que sur le pin noir et le hêtre et lon s'est attaché spéeia-
lement à étudier sur la végétation des trois degrés d'éclaircies :
MAS CS SE MONET ee EP AE CR rues SEA RTE ]
Moyenne. ss. tee as. Php about JE 24 Hs Sue TE Se Ce
Korn RO RE ste AS M SIT ee ET RAS CT ER |
Cependant, depuis 1892, on à expérimenté aussi l'effet de Ja coupe claire, compre-
nant l’enlèvement d'une partie notable du matériel principal.
La place d'essai n° 4, située dans la forêt de Wiener-Neusdtadt à 310 mètres d’alti-
tude, est couverte d'un peuplement de pins d'Autriche, provenant de semis et âgé
aujourd'hui de 75 ans. Trois des placetles qui la compo:ent ont été soumises, depuis
1882, aux éclaircies des degrés T, IT et IT, répétées à cinq ans d'intervalle.
Depuis 1892, l'expérience a porté sur une quatrième placette traitée en coupe claire,
c'est-à-dire où l'on n'a conservé que 75 p. 100 du matériel de la parcelle soumise à
l'éclaircie la plus forte.
Aujourd'hui, la situation est la suivante au point de vue du nombre des liges :
dans [, 61 p. 100 des sujets existant en 1882 :
dans IT, 45 p. 100;
dans II, 32 p. 100;
dans IV (coupe claire), 19 p. 100.
ll reste. . .(
th tisands ané 0 nc he. de Cdt 2e Le ne
—49( 313 Ver
L'accroissement en diamètre des sujets résrvés a été, en général, proportionnel au
degré de l'éclaircie.
On a remarqué, d'autre part, que les tiges qui se distinguent par le plus fort gros-
sissemeut sont également celles qui croissent le plus rapidement en hauteur, d’où il
faut conclure que c'est dans les peuplements bien desserrés que se rencontrent les
allongements annuels les plus considérables, Le fait est confirmé par l'expérience.
Cependant il convient de sign:ler la tendance de certaines tiges dominantes à se déve-
lopper latéralement aux dépens de l'accroissement verlical. Mais, de ce que l’éclaircie
forte favorise le grossissement et l'allongement des liges réservées, on ne peut inférer
que la production en matière est maxima dans la parcelle la plus claire: le nombre des
sujets y est, en effet. fort réduit et le matériel générateur relativement faible. C'est
l'éclaircie moyenne qui parait donner les meilleurs résultats au point de vue de la pro-
duction totale en volume.
Dans la parcelle 10, peuplée de hêtres, âgée aujourd'hui de 67 ans, on à étudié
spécialement l'accroissement en coupe claire. L'expérience a commencé en 1888 sur
quatre placettes; le n° 1, devant servir de témoin, a été éclairci normalement; dans
les trois autres, le matériel devait être réduit respectivement à 80, 65 et 50 p. 100 de
celui de F. Les conpes. qui enlèvent une aussi forte proportion du volume existant,
constituent de véritables coupes de régénération , et c'est sous cette qualification que la
coupe claire a été expérimentée à Nancy. À Mariabrunn , on s’est inspiré de la même
idée, puisqu'on a mis à profit la fainée de 1888 pour réduire le matériel de IL, HE, IV
à 80 p. 100 et préparer ainsi les placettes IT et IV à subir ultéri-urement une exploi-
{ation plus intense.
En 1893, l'expérience fut complètement installée sur les bases suivantes :
Dans Il, le matériel sur pied fut ramené à 80 p. 100 du massif plein:
Dans IT, on le réduisit à 65 p. 100;
Et dans IV, à 50 p. 100.
En 1898, cette proportion fut rétablie par une nouvelle coupe.
Dès 1888. tous les arbres avaient été ceinturés à la couleur à 1 m. 30 du sol,et un
certain nombre d'entre eux marqués en outre à 8 mètres de hauteur pour étudier les
variations de la forme du tronc en comparant les diamètres à ces deux niveaux.
d (diamètre à 8 mètres)
a été trouvé ,en 1898, de 0.82 dans la parcelle | simplement éclaircie et de 0.8/4 dans les
autres. Ce résultat est digne de remarque, car il montre que, contrairement à une opinion
souvent émise, un fort desserrement n’influe pas défavorablement sur la forme des tiges.
Les résultats relatifs au volume ont fait l'objet d’une publication spéciale : M. Büh-
merlé se contente, cette fois, de nous donner l'accroissement en matière en tant pour
100 du volume initial.
De 1888 à 1893, période pendant laquelle les parcel'es Il, IE et IV ont subi une
égale diminution de matériel (20 pour cent), les p. 100 d’accroissement ont été
les suivants :
Le rapport qui constitue une sorte de coellicient de forme ,
LE RNE 26 CRE VE SE OO EPS PA AR QE Silver USE cs#ss ee 15 p. 100,
M er Rs ES rates À Brett Dh mnIS le etre dd ee AU nuit UE CRE
LL CR M TP EE ut t ne 20
RE NS TR ET NA fn 9 SÉS e U de - 2
—+##( 311 je:
De 1893 à 1898. véritable période d'expérience sur les divers degrés d'état clair,
on trouve : :
LE APR RARE Re LR Var Ce TS due (sen ADR: US
TS eee Ne ne RRÉT ANA FÉ LÉ RrL 25
IE ER PE desene dase doretets oo UNS LIN nie da nes cos ses
VE. FER UC SR et este sise mestess Ste see DO
5e SES Si teste Ass sl RE RARE RTE metre 30 p. 100.
Île sic RTE ETS Le PO a beetle ee UE eo
A PR no OT Fruee PR TS oem SR De EU ere
IV Te Re RE ee en de à ce no ee ee RATS 50
Les hêtres disposés en coupe de régénération auraient donc une végétation sensible-
ment plus active que dans un massif simplement éclairei, et une réduction du matériel,
pouvant aller jusqu'à 50 p. 100, n'aurait pas d'influence fächeuse sur la production.
Mais comme le dit M. Bühmerlé, cette expérience est bien courte et ïl serait téméraire
de vouloir en tirer des conclusions absolues.
A, SCHAEFFER,
DEUXIÈME SECTION.
a ——
SÉANCE DU MARDI 5 JUIN 1900
(MATIN).
Les membres de la »° section du Congrès international de sylvicul-
ture se sont réunis au Palais des Congrès, le mardi 5 juin, à 10 heures du
matin, sous la présidence de M. Deroxcze, ancien député.
Le bureau provisoire est ainsi constitué :
MM. Decowcze, ancien député, président:
Cacæeux , ingénieur, président de la Société française d'hygiène à
Paris, vice-président ;
Kuss, inspecteur des Eaux et Forêts à Paris. secrétaire.
La séance est ouverte à 10 heures.
M. Deroxeze, président provisoire, annonce que les membres de la
9° section du Congrès international de sylviculture sont appelés à nommer
le bureau définitif.
RL Sd nd Ne je: 07 SL it LCR,
Li]
M. Carrière, conservateur des Eaux et Forêts à Aix. propose d’acela-
mer M. Deloncle comme président.
M. Deloncle, dit-l, a été longtemps le champion de la cause de lagri-
culture et en particulier des forêts, à la Chambre des députés; nul ne sau-
rait présider à nos travaux avec plus d'autorité. (Marques de vive approba-
tion.)
M. Decoxcze est proclamé président.
Sur la proposition de M. ze Pnésipenr, M. Gacneox, vice-président provi-
soire, est élu en qualité de vice-président du bureau définitif.
M. ce Présipenr. J'ai maintenant, Messieurs, à vous prier de nommer,
—#%( 316 )e3-—
comme second vice-président, celui qui oceupe à l'étranger l'une des Éa
mières places par l'étendue de ses connaissances en matière forestière : M. le
baron de Raesfeldt, président de la division forestière de Ja haute Autriche,
que je prie de vouloir bien seconder nos travaux. (Applaudissements.)
M. le baron ne Raesrecor. Je suis très honoré de la distinction que vous
voulez bien m'accorder, Messieurs, mais je crains que ma connaissance de
la langue francaise soit bien insuffisante pour pouvoir vous apporter un
concours eflicace.
M. ce Presiexr. Nous saurons vous aider avec le plus grand plaisir.
plus & P
( Approbation. )
A. le baron pe RAESFELDT prend place au bureau comme deuxième vice-
président.
M. Kuss. secrétaire provisoire . se désistant de ses fonctions de secrétaire.
M. Carpor, inspecteur des Eaux et Forêts à Paris, est élu secrétaire.
M. ze Pnésinexr. Messieurs, je ne veux pas prononcer un discours pour
vous remercier de Phonneur auquel vous m'avez appelé: le temps nous esl
trop limité et notre ordre du jour trop chargé.
I me semble donc utile, pour le bien même de vos travaux. de me dis-
penser de vous adresser un discours-programme. Mieux vaut, à mon sens,
entreprendre dès maintenant un travail réel. Votre besogne, en effet, est
digne de la sollicitude de vous tous, Messieurs. qui n'avez cessé de porter
vos efforts vers l'étude et la solution des grandes questions forestières.
Je vous demanderai done votre assiduité et surtout vos conseils. Ne
craignez pas de nous apporter, en grand nombre, les fruits de votre expé-
rence en prenant une part active à nos délibérations, car 11 importe que
de ce Congrès sortent des résolutions pratiques at fécondes. (Vi/s applau-
dissements. )
Avant de proclamer le bureau définitif de cette 2° section , permettez-moi
de réparer un oubli, bien involontaire de ma part, et qui provient de la
difficulté matérielle de nous connaître tous.
Je veux souhaiter la bienvenue à M. Constantin Samnos, directeur géné-
ral des Forêts à Athènes, et comme preuve de la sympathie des membres
du Congrès pour la généreuse nation qu'il représente, je le prie d'accepter
la troisième vice-présidence à votre bureau. (Applaudissements. )
PPT UT
té nd. don: Été Re
—+>( 317 je.
Je tiens aussi à exprimer les mêmes sentiments à M. Rafaël Puig y
Valls, ingénieur en chef des Forêts du royaume d'Espagne. Nous savons
tous quels importants travaux nous sont venus de la nation qu'il représente
ici, et je suis heureux de lui souhaiter la bienvenue.
Précisément, M. Ricardo Codorniu a bien voulu nous envoyer un travail
très complet intitulé : + Repoblacion forestal de la Sierra de España »; je
demanderat à M. Rafaël Puig y Valls de vouloir bien nous exposer en
quelques mots les conclusions de ce beau travail.
\L. Rafaël Pur x Vazcs. La question de la correction des torrents et du
reboisement des montagnes a fait, en effet, l’objet de nombreux travaux en
Espagne.
Je serai très heureux de présenter, à l’une de vos prochaines séances, le
travail que M. le Président me demande si gracieusement. ( Vive approbu-
hon. )
M. ze Présinexr. Je remarque encore, sur la liste des membres de la
2° section, Le nom de M. Arthur Moir, ancien conservateur des Forêts aux
Indes anglaises. Nous avons tant de sympathies pour les forestiers des
Indes, qui sont un peu les élèves de notre école française, que Je suis très
heureux de pouvoir le saluer et lui demander sa collaboration active.
(Marques d'approbation.) :
Je vois encore le nom de M. de Kiss de Nemesker, secrétaire d'Etat au
Ministère de l’agriculture et délégué de la Hongrie. .
Ce n’est pas seulement à cause de la situation privilégiée qu'il occupe
que Je lui adresse un salut cordial, c’est aussi parce qu'il représente ici la
famille qui, dans ce siècle écoulé, a le plus planté d’arbres.
Vous allez, en effet, tressaillir, Messieurs, lorsque je vous dirai que le
père de M. de Kiss de Nemesker à planté à lui seul soixante-dix millions
d'arbres. ( Vifs applaudissements.)
Je ne pensais pas que nous aurions l'honneur de le compter parmi nous;
nous ne pouvons que nous en féliciter, et qu'il me permette de lui adresser
non seulement nos félicitations à l’occasion de ce merveilleux exemple
donné au développement de l'initiative privée, mais surtout l'hommage de
notre admiration.
Je regretterai, quant à moi, que ce Congrès ne se termine pas par une
distribution de récompenses, ou, tout au moins, l'attribution d’une prime
qui certes serait bien due à l’homme qui, en repeuplant ainsi une grande
»( 318 )er—
artie des coteaux autrichiens, a servi si généreusement la cause forestière.
( Vifs applaudissements, )
Avant de commencer nos travaux, je demanderai à M. de Kiss de Nemesker
de vouloir bien nous soumettre un état complet des travaux accomplis par
son père. Ce sera pour nous, Messieurs, la meilleure lecon de choses.
(Nouveaux applaudissements. )
M. pe Kiss pe Nemesker. Je ne saurais trop remercier les membres du
Congrès, et en particulier M. le Président, en mon nom personnel, au nom
de mon père et au nom de mon pays, de leurs sentiments de profonde
sympathie si éloquemment exprimés par M. le Président,
Je serai très heureux de répondre à la demande que vous m'avez adressée,
Monsieur le Président. (Applaudissements. )
Constitution du bureau.
M. ze Pnésinenr. Le bureau définitif de la 2° section est ainsi constitué :
MM. Deroxcux, président.
CAGHEUX , vice-président.
le baron pe Razsrezpr, vice-président.
Samios, vice-président.
Carpor, secrétaire.
Examen des questions inscrites à l'ordre du jour de la 2° section.
M. ce Présent. L'ordre du jour appelle la communication du rappori
de M. Jolyet, professeur à l’École nationale des EauxŸet Forêts, sur la
Météorolopte forestière.
M. Jolyet étant retenu par les nécessités de son service à Naney, je
donne la parole à M. Cardot, secrétaire.
M. Canpor, secrétaire, donne lecture du rapport de M. Jolyet :
En 1867, M. Mathieu, sous-directeur de l'École forestière, installait
les premières observations suivies de météorologie comparée agricole et
lorestière. Ces études, continuées sans interruption jusqu’à la fin de l'an-
née 1899, par ses soins, puis par ceux de la station d'expérience — qui
L'OTAN SERRE
—+2( 319 }e3—
entreprit même? de nouvelles recherches — ont trait à l'influence de la fo-
rêt, sur :
1° La température de l'air;
Les précipitations atmosphériques :
3° L’évaporation des sols forestiers:
4° Les orages à grêle.
Elles ont fait déjà l'objet de nombreuses publications, qui donnent
le détail, les conclusions et la critique des résultats obtenus.
M. Marureu, Météorologie agricole et forestière, Paris, 1878.
M. Faurrar, Wétéorolonie agricole et foreshère.
M. Banrer, Météorologie agricole et forestière (Bull. Miustère de l'Agricul-
ture, 1893).
M. Cuauvor, Météorologie agricole et forestière (Ann. Société d'émulation des
Vosges, Épinal, 1897).
M. Hürrez, Influence des forêts sur le chmat (Bull. Société foreshère de
Franche-Comté et Belfort, 1895).
Nous serons donc très bref, laissant à des personnes plus autorisées le
soin de rappeler les importants travaux qui ont paru à l'étranger sur ces
mêmes questions; nous nous bornerons à passer en revue les résultats
obtenus en France, en distinguant les faits qui nous paraissent acquis, de
ceux qui demandent à être confirmés ou éclairas.
1° INFLUENCE DE LA FORÊT SUR LA TEMPÉRATURE DE L'AIR.
M, Claudot, en 1897, résume comme il suit l'action de la forét :
1° Rapprochement des minima et des maxima mensuels;
2° Abaissement sensible de la température moyenne pendant les mois
les plus chauds: |
3° Influence minime, tantôt dans un sens, tantôt dans un autre — plu-
tôt dans le sens d’un réchauffement — pendant les autres mois;
h° Abaissement léger de la température pour l’ensemble de l’année,
résultant de ce que la forêt agit d’une manière plus intense sur les maxima
pour les déprimer que sur les minima pour les faire hausser.
La concordance de ces observations avec les résultats obtenus en France
par M. Fautrat et dans différentes stations de Bavière, de Prusse, de Si-
lésie, etc., nous permet de considérer cette question comme résolue.
2660290 Ver
Peut-être, cependant, y aurait-il lieu d'examiner plus en détail dans
quelles limites le couvert d'arbres dépouillés de leurs feuilles peut di-
minuer l'intensité du rayonnement nocturne, cause principale des gelées
printanières.
Nous avouons être quelque peu sceptique à cet égard. Certes, on ne
peut nier l'heureux effet de Fabri des grands arbres maintenus sur pied
dans les coupes successives de régénération d’une futaie régulière; mais
quel est leur mode d'action? Ne résiderait-il pas surtout dans une diminu-
tion apportée au réchauffement et à linsolation consécutives à la gelée?
Et l'on sait combien les dégels DE sont pernicieux aux organes vé-
gétaux. Comme nous l'a enseigné notre maître M. Boppe, directeur hono-
raire de l'École nationale des Eaux et Forêts, les plants épargnés par la gelée
ne sont pas ceux qui se trouvent sous la projection immédiate des réserves,
mais, au contraire, ceux qui sont placés de telle sorte que les rayons dardés
6bliquement par le soleil d'avril leur parviennent tamisés par les branches.
De même, dans la forêt de Lyons, M. l'inspecteur de la Bunodière nous
a montré des pépinières où l'on évite les dégâts des gelées en entourant les
compartiments de haies en charmilles, taillées comme des murailles de
> mètres environ de hauteur : nous ne voyons pas qu'elles puissent
avoir une influence quelconque sur Îe rayonnement, et pourtant leur effi-
cacité est réelle.
H serait intéressant aussi de mieux connaitre la répartition des couches
d'air froid dans un vallon, boisé ou non boisé, à l'époque des gelées
de l'hiver et surtout du printemps. Pendant l'hiver 1879-1880 , M. Boppe
a pu constater, dans un ravin de la forêt de Haye, l'existence d’un véri-
table fleuve d’air froid s’accumulant derrière les obstacles, se gonflant ou
s'étalant en raison de la largeur du thalweg, et dont il a décrit les eflets
dans le rapport de la Commission météorologique de Meurthe-et-Moselle
pour l’année 1880. Sur ses conseils, nous songeons à déterminer dans le
vallon de Bellefontaine, près de Nancy, un certain nombre de profils en
travers; suivant chacun de ceux-ci, des thermomètres, placés à une faible
distance au-dessus du sol, s’étageront sur les deux versants. Une grande
perche, plantée au point le plus bas du profil, portera sur sa hauteur des
thermomètres en nombre égal à ceux qui seront échelonnés sur chacune
des rives et placés à la même altitude.
Peut-être y aurait-il intérêt à adjoindre à chaque thermomètre un hygro-
mètre, mais quel système d° hygromètre adopter?
Enfin M. Hüfel. chargé de cours à l'École nationale des Eaux et Forêts.
dt. ut. ne 0
Q
—#2( 321 je: —
appelait dernièrement notre attention sur l'utilité de mieux déterminer
qu'on ne l’a fait jusqu'ici les causes climatologiques limitant l'aire d’habita-
tion de nos principales essences. Les chiffres fournis par les stations de
météorologie, installées pour la plupart dans les grandes villes, c’est-à-dire
au fond des vallées, ou bien, au contraire, sur des points culminants comme
certains observatoires, ne peuvent, par exemple, nous renseigner sur la
température des zones précises où commence et finit la sapinière sur le
versant d’une montagne : seuls des instruments placés sur les lieux mêmes
donneraient des indications certaines. Sans doute, les facteurs d’un climat
forestier sont très divers; et, si nous soulevons cette question à propos, de
Ja température plutôt qu’ à propos des précipitations atmosphériques, c’est
ponte que le thermomètre est de tous les appareils enregistreurs — qui
s'imposent en pareil cas — Île moins coûteux et le plus commode.
Et, puisque nous avons abordé ce sujet, tous les sylviculteurs ne se
devraient-ils pas une mutuelle reconnaissance, si, chacun dans sa sphère,
publiait des notices relatant le climat des principales régions forestières,
ou de l’habitat de telle ou telle essence? Dans ces notices, le lecteur trou-
verait, bien mis en relief, à côté des renseignements habituels, ces faits si
importants dans la vie des arbres, comme la régularité avec laquelle la
neige couvre le sol pendant la saison froide — Ia répartition des pluies
au cours de la période de végétation — la fréquence des ouragans — lin-
solation et la sécheresse de l'air pendant les journées qui suivent les grandes
velées nocturnes de l'hiver, ete... . Toutes ces données fussent-elles éparses
dans les recueils spéciaux de météorologie imprimés par les postes les plus
voisins, son ignorance de la topographie exacte des lieux lui rend très dif-
ficile leur application aux forêts.
2° INFLUENCE DE LA FORÊT SUR LES PRÉCIPITATIONS ATMOSPHÉRIQUES.
Deux points paraissent acquis :
La forêt augmente limportance de ces précipitations. Ainsi les
hauteurs d’eau pluviale dans une clairière de la forêt de Haye, sur la Hi-
sière orientale du massif, et dans une région agricole voisine, sont entre
elles comme les nombres 100, 47 et 77
Le couvert des arbres feuillus intercepte, en été, environ 8 p. 100
de cette eau, mais comme la forêt reçoit un excès de 29 p. 100 par rap-
port aux champs voisins, c’est encore un bénéfice de 9 — 8 — 14 p. 100
en faveur du sol forestier.
SYLVICULTURE, 21
—##( 322 )es—
Le pluviomètre sous bois installé par M. Mathieu était disposé de facon
à recueillir les eaux ruisselant le long des branches et du tronc des arbres,
que l’on ne saurait négliger sans commettre de sérieuses erreurs.
Bien qu'ici encore nous estimions qu'il y a chose jugée, bien qu’à
l'étranger des résultats aient été recueillis dans des conditions très di-
verses, peut-être pourtant y aurait-il intérêt à reprendre en France cette
question dans les montagnes, dans les sapinières, ou bien encore sous des
climats méridionaux ou marins.
Dans un ordre d'idées voisin, M. Bartet, voulant se rendre compte de
la répartition des pluies sur les différents points d’un grand massif fo-
restier comme celui de Haye, installa en 1891, dans cette forêt, plusieurs
postes pluviométriques. Les observations ont conduit à ce résultat, qu'il
pleut davantage sur la lisière sud-ouest que sur la lisière est, mais que
c’est le centre qui recoit le plus d’eau. Elles peuvent être poursuivies avec
fruit pendant quelques années encore; et même, comme l’orographie joue
un rôle considérable dans une pareille question, il y a lieu, croyons-nous,
si l’on veut obtenir des résultats d'ordre général, de faire des expériences
analogues dans d’autres massifs.
Dans un remarquable travail publié par les Mündener forst liche Helfte,
M. l'Oberforstmeister Weise étudie les conditions très diverses dans les-
quelles les nuages se forment, puis se résolvent en pluie.
Il résume ainsi ses conclusions :
Causes de la formation des nuages
et de la précipitation de la pluie : Influence de la forêt :
Ascension de l'air par suite de son réchauf- }
( La forêt est sans action.
OT CE Re CL OT PT RE NE AS EU
Choc de courants d'air chaud et Tate | L'influence de la forêt est plutôt dans le
contre les flancs d’une montagne. . . ... \ sens d'uneatténuation des phénomènes.
Différence dans la température des couches | u
JE : La forêt est sans action.
L'AMP R E PTE 2 RStTe, |
Courants ascendants provoqués :
a. Par des dépressions ............... La forêt est sans action.
b. Par des masses d’air à déplacement lent. La forêt a une action réelle.
3 | L'influence de la forêt se fait sentir fré-
c. Par des obstacles naturels. ......... #2,
t quemment,.
Phénomènes spéciaux aux vallées de la mon- } . ,
FPE Sn La L'influence de la forêt est considérable.
% Wolkenbildung, Regen und Wald.
“te ù
—#3( 323 je
Nous ne pouvons discuter lès considérations sur lesquelles s'appuie
M. Weise pour établir sa théorie, mais nous ferons remarquer combien 1
serait intéressant que l’on notât, pour chaque précipitation atmosphérique,
les circonstances qui l’accompagnent : déjà, dans les postes créés par
M. Bartet, on inscrit la direction du vent; mais cela ne suffit pas, 1l fau-
drait encore consigner la pression barométrique, la température, etc.
Le gros inconvénient est qu'un pareil bilan — qui est une véritable dis-
eussion de la situation météorologique au moment considéré — appelle
l'intervention d’un spécialiste.
Y aurait-il possibilité de rédiger, pour les préposés chargés des obser-
vations, un questionnaire pratique et suffisamment simple?
3° mc ni
CHUTES DE GREÈLE.
Une étude de l'influence de la forêt sur les chutes de grêle a été pres-
crite par une décision de M. le Directeur des Forêts en date du 0 juin
1882. Un réseau de postes d'observation, créé dans les départements de
la Meuse et de Meurthe-et-Moselle, a permis à M. Claudot de formuler en
1899 de premières conclusions, qui semblent attribuer à la forêt une in-
fluence réelle et heureuse, mise également en évidence par des observa-
tions recueillies de divers côtés, et surtout par des travaux importants
comme ceux de MM. Duchaussoy, docteur Künzer et Riniker. Pourtant
cette opinion n’est pas uniformément partagée; 1l y a donc lieu de conti-
nuer les recherches : des faits seuls permettant, selon nous, d'arriver à une
solution certaine. Le questionnaire remis aux brigadiers des Eaux et Fo-
rêts de la Meuse et de Meurthe-et-Moselle comporte-t-1l des modifications ?
31.
—#2( 324 )es—
STATION
DE RECHERCHES
$ Æ OBSERVATIONS SUR LES CHUTES DE GRÈLE.
L'ÉCOLE NATIONALE
des
EAUX ET FORËÊTS, ;
BULLETIN DE RENSEIGNEMENTS SUR L’ORAGE DU (!) -
TT,
Observateur : M. ; brigadier des Eaux et Forëts, à
1° Heure du commencement et de la fin de la chute de grêle.
2° Direction générale suivie par l'orage de grêle (indiquer si l'orage s’est partagé
en plusieurs directions).
3° L’orage de gréle at-il traversé ou contourné un massif forestier?
4° Description de ce massif :
Appellation administrative.
Désignation sur carte d'État-Major.
b. Altitude de la partie frappée | Point le plus bas.
ou contournée par l'orage. ! Point le plus élevé.
Dans le sens de la trajectoire de l'orage.
Dans le sens opposé.
d. Essences prédominantes et mode de traitement.
e. Age approximatif des peuplements.
J. Hauteur approximative des peuplements.
5° Indication des régions frappées par la grêle :
a. Communes et portions de communes atteintes.
b. Longueur et largeur de la bande frappée par la grêle.
c. À quelle distance du bord de la forêt la chute de la grêle at-elle commencé
(en avant du massif)?
d. À quelle distance de l'autre bord de la forêt a-t-elle cessé (en arrière de la
forêt )?
6° Intensité de l'orage :
a. So nome MP. 2. us
c. Largeur du massif. ......
| Avant la traversée de la forêt.
a. Grosseur des grélons. . ... { Dans l'intérieur de la forêt.
| Après la traversée de la forêt.
b. Description des dégâts maté- | Avant Ja traversée de Ia forêt.
d : re © Dans l'intérieur de la forêt.
MIPIS CONS. che TRES TEA TE
7° La région atteinte est-elle visitée fréquemment par la grêle?
CERTIFIÉ par le brigadier forestier soussigné :
A . le 190 .
Vu par le chef de cantonnement soussigné © :
A e 190 .
| Fig des Eaux et Forêts,
1? Date de l'orage.
2} Sans observations ou avec les observations ci-après.
L FAX
|
2 2"
CU:
—#2( 325 3.
L° ÉVAPORATION DES SOLS FORESTIERS.
C’est peut-être 1ei que les desiderata sont les plus nombreux.
Les expériences de M. Mathieu établissent que l'évaporation d’une nappe
d’eau est bien moindre sous les bois que hors bois; et que, dans une forêt
d’essences feuillues du moins, la proportion, qui est de 1 à 2 environ
pendant la saison froide, devient de 1 à 4 pendant la saison chaude.
En avril seulement, avant épanouissement des feuilles, l’'évaporation
sous bois dépasse la quantité d’eau précipitée sous forme de pluie.
Ce sont là des données précieuses, mais insuffisantes. L’évaporation du
sol forestier ne saurait être assimilée à celle d’une nappe d’eau; et, pour
se rendre compte de la quantité d'humidité qu'il perd dans un temps
donné, nous ne voyons d’autres moyens que les pesées, procédé recom-
mandé par M. Fautrat : isoler un certain cube du sol forestier, et un cube
égal de sol agricole, puis prendre des dispositions qui permettent de les
soulever de temps à autre et de les porter sur une bascule.
Beaucoup de questions encore se rattachent à l'influence de la forêt sur
le régime des eaux : ainsi la transpiration des végétaux, la durée et la
marche de infiltration n’ont pas encore dit tous leurs secrets, malgré les
remarquables travaux de MM. les professeurs Ébermayer et Bühler; mais
le programme dressé sous les auspices de l'Assemblée internationale des
Stations de recherches forestières, et publié dans la Revue des Eaux et
Forêts du 13 janvier dernier, nous dispense d’insister davantage. D'ailleurs,
ce sujet confine de trop près à celui des nappes d’eau souterraines pour
qu'il y ait lieu de le discuter séparément.
M. ve Paésioexr. Les conclusions du rapport de M. Jolyet concordent
avec les conclusions d’un travail que nous à adressé M. Weise, grand-
maître des Forêts royales et directeur de l'Académie forestière à Hann-
Münden, dont nous avons à regretter l'absence. M. Jolyet, d’ailleurs, avait
consulté cet ouvrage qu'il examine dans le rapport dont vous avez entendu
la lecture.
La parole est à M. Henry, professeur à l'École nationale des Eaux et
Forêts, pour une communication relative à l’+ Influence des forêts sur les
eaux souterraines dans les régions de plaines ».
0) Sonderabdruck aus: Münderer forstliche Hefte, herausgeben von W. Weïse (Verlag von
Julius Springer in Berlin).
—#2( 326 )e3—
M. Hexry. Il est tout d’abord essentiel de bien préciser la question
actuellement soumise à la discussion du Congrès.
L'influence des forêts dans les régions de plaines et sur des sols iden-
tiques par leur composition minéralogique, leur perméabilité, l'allure de
leurs nappes souterraines est seule en cause 1ci.
Elle est sûrement différente de ce qu’elle est dansles régions montagneuses.
Ainsi il est incontestable et, je crois, incontesté que les forêts de mon-
tagnes favorisent, en général, la production des sources. Les exemples abon-
dent de sources qui ont tari après des coupes ou des déboisements et qui
ont reparu avec la forêt. Sans qu'on puisse se vanter d’avoir en main toutes
les données si complexes des relations entre les eaux et les forêts de mon-
tagnes, tout en reconnaissant même qu'on ne les aura peut-être jamais,
tant les circonstances de composition et d’allures des couches du sol et du
sous-sol, de l’écoulement des nappes souterraines, de la répartition et de
l'intensité, soit des précipitations atmosphériques, soit de la température.
soit des vents, soit de l’évaporation, sont variables non seulement d'un lieu
à un autre, mais dans un même lieu suivant les années, on voit de suite
deux des causes principales de la différence entre les forêts de la plaine et
celles de la montagne au point de vue des eaux.
Les montagnes boisées attirent les pluies ; c’est là où les précipitations
atmosphériques atteignent leur maximum ; c’est 1à où sont les grands réser-
voirs d’eau ; c'est là où se concentrent presque toutes les sources; les forêts
placées sur les montagnes, notamment sur celles dont la direction est
perpendiculaire à celle des vents humides dominants, déterminent la pré-
cipilation de la plus grande partie de la vapeur d’eau qu'ils contiennent;
il suffit de jeter les yeux sur la carte pluviométrique de la France pour en
être convaincu. Les montagnes nues, chauves, n’ont à cet égard qu'une
action très faible ; c’est ce que montrent d’une manière frappante les con-
trées qui bordent Adriatique et une partie de la Méditerranée et qui sont
connues pour leur sécheresse. Il manque à ces montagnes qui n’ont pas de
forêt le moyen de refroidir Pair et d’amener ainsi la vapeur d’eau quil
contient à son point de saturation. Le sol nu que le soleil pénètre aux
expositions de l'Ouest et du Sud-Ouest d’une chaleur intense ne possède
certes pas celte propriété". La forêt de plaine exerce aussi, comme nous
allons voir, une attraction sur les pluies, mais à un moindre degré,
on le comprend. Done déjà, grâce à la forêt et toutes choses égales d’ail-
Q) Voir Der Wald und die Hochwassergefahr par B. A. Bargmann, Munich, 1900, p. 7.
—4( 397 es
leurs, il pleut ou il neige beaucoup plus sur les montagnes boisées que sur
les montagnes nues. Malheureusement, nous n'avons pas de chiffres à
citer.
Une seconde différence consiste dans l'énorme diminution sur les mon-
tagnes boisées de la fraction de ruissellement comparée à ce qu’elle est sur
les mêmes pentes nues. Ces eaux de ruissellement dues soit à la chute
des pluies, soit à la fonte rapide des neiges, et dont le volume, très variable
avec une foule de circonstances, est toujours consulérable, sont presque sup-
primées par la présence de la forêt, comme on le sait. La fraction de ruis-
sellement pour le bassin de la Durance, à Mirabeau, s’est élevée lors des
trois crues exceptionnelles de 1882, octobre et novembre 1886, à 0,33,
0,39 et 0,42, donc à plus du tiers de l’eau tombée (Imbeaux). Elle peut,
dit M. Ney (Der Wald und die Quellen), selon la raideur des pentes et l’'abon-
dance des pluies violentes, atteindre 4o à 50 p. 100 de la tranche plu-
viale. Les eaux, au lieu de se précipiter dans le thalweg en provoquant des
inondations subites et désastreuses, pénètrent lentement dans la couverture
et dans le sol qu’elles imbibent profondément, et le gain résultant du sur-
plus des pluies et de la diminution du ruissellement l'emporte, comme le
démontrent les sources, sur la perte d'humidité provoquée dans le sol par
la transpiration des massifs boisés. Cette perte par transpiration est toujours
très importante ; mais, dans les forêts montagneuses où la saison de végé-
tation est courte, elle est réduite à son minimum : le taux de cendres des
arbres ou des herbages des hautes altitudes n’est que la moitié ou le tiers
de celui des plaines basses, montrant ainsi que les arbres ou les herbages
n'ont charrié que la moitié ou le tiers de leau qui a passé dans les végé-
taux des plaines.
Donc, sans insister davantage, laissons complètement de côté la ques-
tion si complexe de l’eau et de la forêt en montagne pour nous borner tout
d’abord au cas le plus simple, celui des relations entre la forêt et l’eau
dans les plaines. La logique indique que cette marche du simple au com-
posé, loujours recommandée dans l'étude des sujets compliqués, est la plus
propre à éclaircir cette grande question si controversée et dont les appa-
rentes contradictions disparaîtront peut-être devant un examen attentif des
conditions qui régissent le phénomène.
À. Humudité du sol forestier et du sol nu. — Dans les régions de plaine
où il n’y a pas de ruissellement, l'eau qui n’est pas évaporée à la surface du
sol pénètre dans ses interstices; une fraction est retenue par les particules de
—#>( 328 }e3—-
terre et dhumus sous forme d’eau d'imbibition ; une autre est absorbée
par les racines pour les besoins de la nutrition et de la transpiration : le
surplus s'écoule dans les profondeurs pour alimenter la nappe souter-
raine.
La lame d’eau qui arrive au sol sous une forêt feuillue, à Nancy du
moins, est à peu près de même épaisseur que celle que reçoit le sol nu
voisin ; car, s’il tombe, d’après les observations faites à Nancy pendant trente
ans (1867-1895), 15 centimètres de plus sur la forêt, il arrive au sol,
d’après les mêmes observations, 15 centimètres de moins qui sont retenus
ou évaporés par le dôme de feuillage.
Comme, d’autre part, l'évaporation sous bois est, sans qu'on puisse
malheureusement donner de chiffres précis, bien moindre que l'évaporation
d’un sol nu voisin et que cette évaporation forme une part notable de la
lame annuelle, la moitié à Paris, d’après Marié-Davy, les 4/5 à Orange,
d’après Gasparin, il s'ensuit qu'à texture et composition égales le sol
forestier devrait renfermer plus d’eau que le sol nu voisin.
Or c’est constamment l'inverse qui se présente pendant la saison de végétation ,
si l'on considère une tranche de 5 à 6 mètres d'épaisseur par exemple, d’après
les recherches faites jusqu'alors pour éclaircir ce point capital devenu notion
vulgaire dans d’autres pays, tels que l'Allemagne, l'Autriche et la Russie,
mais qui heurte encore les idées reçues dans notre pays où l’on s’est jus-
qu'ici borné à la comparaison de lhumidité superficielle, bien plus grande
en effet en forêt qu'en plein champ.
Recherches allemandes. — Le célèbre professeur de Munich, Ébermayer,
s'occupe depuis 30 ans de cette question ; dans un article fort important
qui remonte à 1889 0), il donne les conclusions auxquelles l'ont conduit
ses Inngues études.
«I ne faudrait pas conclure, dit-il, des recherches susmentionnées
(celles de 1868-1869) qu'un sol forestier est, à une grande profondeur,
plus humide qu’en terrain non boisé, comme cela est vrai pour la surface,
et que la forêt exerce, par conséquent, une grande influence sur la richesse
d’une contrée au point de vue du nombre et du débit des sources. Je
m'étais moi-même laissé entraîner à celte opinion lorsque j'ai écrit mon
9) Cet article Einfluss des Waldes und der Bestandesdichte auf die Bodenfeuchtigheit und auf
die Sickerwassermengen a paru dans V'Allgemeine Forst-und Jagd Zeitung de janvier 1889. Il a été
traduit par M. Reuss, inspecteur des Forêts, dans les Annales de la Science agronomique française
et étrangère, 1889. T. I., p. 424-454,
f, L l » :
nd tes RS , db de ds ds cfasmtnés foot D hoi6 ne dé de pots ont CS UE SE dé sc méhét:
—#2( 329 ee:
livre précité); mais je vois aujourd’hui, d’après mes nouvelles recherches,
que les conclusions formulées alors n'étaient valables que pour un sol
dégarni de végétation, abrité contre le vent et pourvu d’une couverture
morte (feuilles, mousse), et non pour un sol forestier. Les arbres, en effet,
grâce aux innombrables filaments de leur chevelu, absorbent tous les jours,
pendant la saison de végétation, une si grande quantité d’eau, que, dans
la région occupée par les racines, le sol est plus sec que ne l’est à la
profondeur correspondante un champ de même constitution minéralo-
gique. »
Ü n’y a qu'ajeter les yeux sur le tableau ci-après pour se convaincre que :
1° le sol forestier s’est montré, à o centimètres et à So centimètres
pendant toute l'année, sensiblement plus sec que le sol nu à même pro-
fondeur. I n’y a d'exception que pour le mois de janvier où, en général,
le taux d’eau du sol sous bois est un peu plus élevé qu’en plein champ et
pour le sol du peuplement d’épicéas exploitables (120 ans), qui, à 80 cen-
timètres du moins. est souvent un peu plus humide que le sol nu ;
2° C’est le peuplement d'âge moyen (perchis) qui, été comme hiver,
assèche le plus le sol ; vient ensuite le jeune peuplement (gauls) qui, trop
serré, végétant mal, a soutiré du sol moins d’eau que le perchis ; le peuple-
ment exploitable en a pris moins encore, el son taux d’eau à 80 centimètres
se rapproche beaucoup de celui de la place nue, non plantée, qui est
demeurée la plus humide ;
3° C’est, comme on devait s’y attendre, dans la période de végétation
et pour la profondeur de Lo centimètres que les différences entre le sol
boisé et le sol nu sont le plus accusées; elles sont respectivement de 6, 1,
de 4,5 et de 2, 8 p. 100 du sol humide, suivant que lon considère le
peuplement d'âge moyen, le jeune ou le vieux; elles deviennent 5, A et
1, si l’on réunit les deux zones de Lo centimètres et de 80 centimètres.
0) Die physikalischen Einwirkungen des Waldes auf Luft und Boden 1833, p. 10 et p. 215.
—+#2( 330 )e3-——
TaBLEAu À.
TENEUR EN EAU D'UN LEHM COMPACT (BRUCK, HAUTE-BAVIÈRE ).
MOYENNES TIRÉES D'OBSERVATIONS AYANT EU LIEU 4 À D FOIS PAR Mois.
JEUNE PEUPLEMENT | PEUPLEMENT SOL
PEUPLEMENT D’ÉPICÉAS D'ÉPICÉAS
ee À NON PLANTÉ
D'ÉPICÉAS D'ÂGE MOYEN EXPLOITABLES
(25 ans) (60 ans) (120 ans) ENYBSSEIGAMEARNE
AO MIA So Non
Période de
Mai 1885 17,50 | 18,24 | 13,83
Juin 1885 13,99
Juillet 1884....| 14,84
Août 1884
Septembre 1884.
ET PT TS
Moyennes. ...
Période de repos.
Novembre 1884. D 14,53 | 16,07
Janvier 1885...
Février 1889..
Mars 1885.....
Avril 1885
Moyennes... ..
TE
16,83
I est facile de se rendre compte de l'énorme volume d’eau que repré-
20,24 + 20,15 15,25 + 16,83
2 2
taux d'humidité moyens du sol sous le perchis et du sol nu. D'après les
recherches d'Ebermayer, cette diminution s’accuse dès la profondeur de
20 centimètres ; la marche de l'humidité est donc connue sur une tranche
de 60 centimètres. En supposant que cette couche de 60 centimètres
sente l’écart annuel — ,16 p. 100 dans les
—#2( 331 )ee3—
d'épaisseur pèse 1,400 kilogrammes par mètre cube, ce qui est à peu près
le poids moyen des sols, les 4,16 p. 100 d'humidité en moins corres-
pondent à une diminution de 350 mètres cubes par hectare dans cette
zone comme moyenne de toute l’année ;
h° Si l'on compare les taux d’humidité à Lo centimètres et à 80 centi-
* mètres aux mêmes lieux et aux mêmes dates, on voit que, dans la période
de végétation, c’est toujours la zone profonde qui est la plus humide,
même pour le sol nu où les différences sont, du reste, bien plus faibles.
Le maximum d’asséchement de la zone superficielle correspond au mois de
septembre. Puis, avec Parrêt de la végétation et la chute des feuilles, sur-
viennént les pluies d'octobre et de novembre ; limbibition commence et,
dès lors, dans les quatre premiers mois de l'année, la zone située à Lo centi-
mètres est généralement plus humide que la zone à 80 centimètres, non
encore imbibée, qu'il s'agisse de la forêt ou du sol nu.
Dans ce même travail, Ébermayer étudie la distribution de l'humidité
d’une façon plus méthodique depuis la surface jusqu’à 80 centimètres de
profondeur, dans les zones de o à > centimètres, de 15 à 20 centi-
mètres, de 30 à 39 centimètres, de 45 à 5o centimètres et de 75 à 80
centimètres. Il a opéré sur les quatre emplacements déjà indiqués et réca-
pitule dans un tableau les résultats trouvés pour chacun des mois de
l'année juillet 1885 à juin 1886. Nous nous contenterons de donner ici
les moyennes obtenues :
Tapceau B.
PERCHIS VIEILLE FUTAIE
GAULIS
PROFONDEUR (25 ans), (60 ans). (190 ans). SOL NU:
EN CENTIMÈTRES, TT Fe VE TR —— | ————
1885 1886 1885 1886 1885 1886 1885 1886
see DIRE 34,84 | 45,81 | 20,25 | 24,49
1990... :..: 17,63 | 20,76 | 16,52 | 21,47 | 18,67 | 19,93 | 20,23 | 21,02
30—39....... 17,18 | 20,43 | 15,40 | 16,75 | 17,79 | 18,78 | 19,99 | 21,09
_ EST: PORTES 17,33 | 19,47 | 15,81 | 16,72 | 19,74 | 0,59 | 19,98 | 20,30
79 —80.......| 17,58 | 18,25 | 18,01 | 17,75 | 20,92 | 21,30 | 20,54 | 20,54
Ce tableau montre nettement qu'en forêt les couches superficielles sont
sensiblement plus humides que les mêmes couches dans un champ
dépourvu de végétation ; mais, dès qu’on arrive à 1 5 centimètres au-dessous
de la surface, c’est le contraire qui a lieu.
—+2( 332 }e3—
Ce fait de la plus grande humidité superficielle des sols forestiers est
vulgaire : il suflit d’être entré une fois en forêt pour en être convaincu.
C’est lui qui rend sans doute quelques esprits réfractaires à la vérité:
frappés de ce qu'ils voient, ils ne veulent pas croire à ce qu'ils ne voient pas.
En mettant les choses au mieux, c’est-à-dire en admettant que la zone
de o à » centimètres conserve Jusqu'à 15 centimètres, limite supérieure
de la zone suivante, la même humidité, son taux moyen annuel, pour le
peuplement d'épicéas de 60 ans dont il vient déjà d’être question, s'élève à
21,90 + 37,46 20,25 L 94,2
D]
— 29,48 et, pour le sol nu, à — 992,33, soit à
2
7 p. 100 de plus en forêt, ce qui, toujours au poids de 1,100 kilogr. le
mètre cube, donne 147 mètres cubes d’eau à Fhectare. Ce n’est même pas
la moitié du chiffre (350 mètres cubes) trouvé pour le déficit annuel dans
la zone de 20 centimètres à 80 centimètres sous les épicéas d’âge moyen.
Donc, d'après les résultats d'Ebermayer, le sol forestier demeure toute l'année
plus sec qu'un sol nu voisin et identique, au moins pendant toute la période
d'active végétation de la forêt, pendant le premier siècle, par exemple.
Éecherches russes. — 1° Pendant l'été de 1881, dans le parc de l'École
forestière de Saint-Pétersbourg, M. Vermicheff fit, sous la direction du
professeur Kostytcheff, des observations parallèles sur l'humidité du sol
dans la forêt et dans un champ garni de plantes herbacées. Les échan-
üllons furent pris dans des conditions identiques de sol (c'était du sable),
de relief, ete.. à 5 niveaux : de o à 8. de 8 à 25. de 25 à Lo, de 4o à
8 et de 58 à 75 centimètres.
Le tableau ci-dessous donne les quantités moyennes d'humidité contenues
dans les 75 premiers centimètres du sol :
Tagceau C.
CHÊNES PINS PEUPLE- | pins | sapins | Pins
MENT
MÉLANGÉ.
a A, | ET, |, mm,
(8 ans). (9 ans). | (4o ans). (50 ans). |(40-50 ans).
DATES.
FORÊT. | CHAMP. | FORT. | CHAMP. | FORÊT.| camp. | FORÊT. | cHAMP.| FORÊT. | CHAMP.| FORÊT.| CHAMP.
|
lp. 100.!p. 100./p. 100.)p. 100./p.100, P- 100.1p- 100. p-100. P- 100.!P. 100./p.100.|p.100.
9 juin 1881./1412/14.65/17.27/17.18| ” “ “ " ” n | n
16 juin 1881.| RUE R Et D n | 3.381 5.52! 8.03|10.53| #” |
28 juin 1881.| res u ” u |10.01/14.18| ” | "
9 juin 1881.| ” " u | « n |5.3117.37| ” un | nu
19 juillet 1881.,18.52/20.20/17.44|17.03| on | n “ ” n # “| n
|
COOP
ue dé ETS SR Sd SE D tt dde ds
FU
{
\
db AÉRRS D dE ARRSS À os Lné SS - icdéss
|
CHÈNES
(8 ans).
|
FORET. | CHAMP.
-#2( 333 )e3-—
Tasceau C (Suite.)
PINS
(9 ans).
ST |
FORÊT.
P- 100.|p. 100.|p. 100.
5 août 1881. l
6 août 1881.
8 août 1881.
13 août 1881.
7 sept. 1881.
11 sept. 1881.
13 sept. 1881.
14 sept. 1881.
!
1H
3914.72
[2]
13.42
PEUPLE-
MENT
MÉLANGÉ.
CHAMP. | FORÊT.| CHAMP.
p. 100.|p. 100.|p. 100.
1 nl
#
PINS
(4o ans.)
| —
SAPINS
(50 ans).
FORÊT.|CHAMP.| FORÊT.
p:100.
2.9
!
p.100.|p. 100.
5.17| 8.02
[4
1
7.23
PINS
(40-50 ans).
CHAMP. | FORÊT. | CHAMP.
P- 100. P: 100. P- 100,
10.46| 7
10.07
2.59|3.78
3.08|3.41
| 3.53|4.82
2.6713.27
8.16 7
L'influence asséchante de la forêt est éndente et d'autant plus forte que le
peuplement est plus âgé, du moins jusqu'à 5 O ans, âge maximum des peuple-
ments où ont été faites les déternunations. Les différences seraient plus accusées
si l’on avait comparé la forêt avec le sol nu et non avee un champ garni
d'herbes qui assèchent aussi le sol, comme le montrent les chiffres suivants
relatifs aux observations du 29 juin faites en même temps dans un massif
de pins de Ao ans (A), dans le champ garni d'herbes (B) et dans un sol
nu (GC) :
PROFONDEUR
EN CENTIMÈTRES.
Tagzeau D
0) A, Vermicuerr, Înfluence des foréts sur l'humidité du sol. (Economie rurale et forestière).
journal mensuel, 1889, exxxix, p. 261-295.
—+#>( 334 js
9° Dans tout le cours des deux années 1891 et 1892, M. Khramoff W)
étudia l'humidité du sol simultanément et parallèlement dans la steppe et
dans la forêt de Véliko-Anadol (gouvernement d'Ékaterinoslav). Malgré la
quantité double de neige dans la forêt. malgré la diminution de lévapo-
ration et d’autres conditions Éoebles à l'humectation du sol forestier,
l'humidité y est moindre que dans la steppe en été pour les couches pro-
fondes (71 centimètres); elle est au contraire plus forte, comme on l’a
déjà vu, pour les 1 0 premiers centimètres. Voici les quantités d’eau trouvées
exprimées en pour cent du poids humide :
Tarreau E.
R AVRIL. MAI. JUIN. JUILLET. AOUT. SEPTEMBRE.
|, TT |, TT |, TT |
é' E A A A 1
CENTIMETRES. | FORÊT. | STEPPE. | FORÊT. | STEPPE. es FORÊT. | STEPPE. | FORÊT. | STEPPE.
24,34 | 23,80 | 22,46 | 20,93| 16,14] 14,62! 14,57| 12,63| 16,80! 13,18| 16,88
18,45 | 15,01 | 18,22 | 17,41| 13,04 | 15,92 | 19,16 | 14,30| 19,28] 13,85] 12,01
3° M. Ismaïlsky a fait, pendant huit ans, des observations systématiques
relatives à l'influence des cultures sur l'humidité du sol dans le gouver-
nement de Poltava; il a notamment dèterminé l’humidité jusqu'à 2 mètres
de profondeur, en même temps dans une vieille forêt de chênes, jt un
champ de belteraves et dans une steppe herbeuse situés tous trois à peu
de distance lun de l’autre et dans les mêmes conditions géologiques.
tchernozem à la surface et lôss en dessous. Voici les chiffres trouvés pour
l'été de 1890 :
Tagceau K.
19 AOÛT 1890. & JUIN 1890.
PROFONDEUR a — ———— ————
|
, À s :
EN CENTIMETRES. FORÊT BETTERAVES. STEPPE Se BETTERAVES. STEPPE
DE CHÈNE. HERBEUSE. DE CHÈNE. HERBEUSE,
15,09
13,16
13,91
(M S. Kunaworr, Sur l'humidité du sol dans la forét de Véliko-Anadol.( Journal forestier), 1893
2° livr., p. 140-146. La forèt est un peuplement de 15 ans.
ns à dr 2; à
q—
—+2( 335 )e—
Tasceau F. (Suite)
19 AOÛT 1890. k JUIN 1800.
PROFONDEUR © or ———.
EN CENTIMÈTRES. FORÊT |peTeRaves. | STEPPE FORÊT |perrenaves.| STEPPE
DE CHENE. HRRBEUSE. DE CHEKE. HERBEUSE,
16,19 19,06 12,80 13,14 13,89 11,37
16,86 17,29 12,87 19,02 14,15 11,13
15,27 19,37 13,32 11,97 14,33 11,91
17,29 13,69 10,13 14,71 11,92
108 — 126 ; l 16,28 14,11 9 | 14,12 12,55
126 — 144 16,19 15,45 8,85 14,61 12,71
144 — 162 < 16,57 14,17 8,34 15,01 12,77
162 — 180 16,55 15,24 8,79 15.64 13,01
180 —198....... 7: 16,79 | 15,79 9,48 15,89 13,90
16,56 15,88 9,76 16,09 14,68
Ces chiffres montrent qu'ici comme partout, sans exception, les couches su-
périeures du sol sont plus humides en forêt qu'en terrain découvert: c’est le con-
traire pour les couches profondes.
La nature des cultures influe donc très nettement sur la répartition de
l’humidité. De ses observations faites avec exactitude pendant huit ans,
l’auteur conclut «qu'aucun sol n'est aussi sec que celui de la forêt et qu'il faut
considérer ce fait comme général dans nos forêts de la steppe >.
h° Dans l'été de 1891, M. Bliznin®) a entrepris des observations com-
parées sur l'humidité du sol dans la forêt Noire, à 108 mètres du bord et
dans les champs environnants, à 135 mètres de la forêt, sur un empla-
cement horizontal et normal. Les délerminations , faites à trois reprises jusqu'à
1 m. 50 de profondeur, ont montré que les couches supérieures du sol forestier
sont plus humides que celles des champs cultivés et que les couches in érieures sont ,
au contraire, plus sèches.
0) À, Iswaïssky, Humidité du solet Eaux souterraines en rapport avec le relief de la contrée et
la culture du sol. Poltava, 1894.
) M. Buenx, «Sur l'humidité du sol dans la forêt et dans les champs», 1892, Bulletin
météorologique, n° 7, p. 269-273.
—#%( 336 )e3—
Les points où ont eu lieu les prélèvements ont été choisis de telle façor
affirme M. Bliznin, que la différence d'humidité ne peut être attribuée
qu'à l'influence de la végétation.
TagLEeau G.
TAUX D'HUMIDITÉ.
PROFONDEUR. | A Pé
FORÊT DE 90 ANS. CHAMP DE BLÉ.
EN CENTIMÈTRES. ER ER ne ln
CT De
|
° Le Département forestier de Russie a organisé en 1892 une expé—
dition placée sous la direction du professeur Dokoutchaïef et chargée de
l'étude méthodique approfondie du sol et du climat des steppes. Cette
mission a déjà publié une remarquable série de travaux qui se distinguent
TT —— —
22 JUIN. 23 JUILLET. 7 MAI. 22 JUIN. 23 JUILLET.
à
19,0 1 18,3
11,0 ,° 1259
à
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ut
11,9 1 12,9
|
Es
17.9 | Le 19,9
|
|
par leur rigueur scientifique et méritent toute confiance; désireuse d’élu-
cider complètement l'influence des forêts sur humidité du sol et sur la
nappe souterraine, elle a établi des observations régulières sur l’humidité
du sol sous la forêt et sous la steppe, pendant toute l’année, dans les gou-
vernements de Vorone] (forêt Khrenoff et forêt Chipoff) et d'Ekatermoslaw
(forêt de Veliko-Anadol).
Le résumé ci-après des observations faites sur ce dernier point confirme
encore les résultats précédents.
59
—#2( 337 )e3—
"298
\E.
E
"Hddfis "AddiLs "Lguoa "Hdduis "Lui “HddALs "LUOA "Sddiis “UOX "HddALs "LYUOX “HadALs “LU OX *Hdd4is “QUO =
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—#3( 338 j-e3—
6° M. Vyssorzxy a publié, dans le journal russe La Pédologie (1899 ,
n° 3), un travail®) sur l’humidité du sol et du sous-sol dans les steppes
boisées ou nues de Veliko-Anadol (gouv. d'Ekaterinoslav), d’où nous |
extrayons les données et les conclusions suivantes : |
|
|
Tagceau |.
bla mie
HUMIDITÉ RAPPORTÉE AU POIDS DU SOL HUMIDE.
(ocrosre 1892.)
PROFONDEUR. ET ET OR
STEPPE HERBEUSE.| CHAMP DE PLÉ. JACHÈRE.
Epaisseur de la lame d’eau
existant dans cette couche de h73
2 mètres
« Les quatre points où ont eu lieu les déterminations étaient voisins, dit
M. Vyssotzky, et absolument comparables. La forêt consiste en un massif
serré de frènes et d’érables, âgé de 28 ans, sans couverture vivante. Ges
moyennes sont très caractéristiques et très exactes. On en déduit que :
«1° La surface du sol se dessèche le plus quand elle est nue (jachère):
puis là où la végétation est fauchée de bonne heure (steppe herbeuse ):
vient ensuite le champ de blé fauché plus tard, et enfin la forêt;
«2° Le sol (jusqu'à o m. 75) est le plus sec sous la forêt, puis sous la
steppe herbeuse; puis vient le champ de blé: c’est sous la forêt et la Ja-
chère que le sol est le plus humide;
«3° Le sous-sol (au-dessous de o m. 75) est le plus sec sous la forêt,
puis sous la steppe herbeuse, et son maximum d'humidité se trouve sous la
jachère où, dans une tranche de sol de 2 mètres, l’eau existant en oc-
tobre 1892 formait une lame de 641 millimètres d'épaisseur, tandis que,
() La traduction française de cet article a paru dans les Annales de la Science agronomique
Jrançaise et étrangère, 1900, t. Il, p. 120-138,
—#3( 339 )es—
sous la forêt, cette lame n’atteignait que 456 millimètres; cette différence
correspond à un excédent de 1,850 mètres cubes d’eau par hectare sous la
jachère dans cette tranche de à mètres. . .
«Pour éviter autant que possible les particularités propres à chaque
année et me rapprocher de la moyenne véritable, je donne, dans le tableau
suivant, les moyennes de cinq années (1 893-1897), du mois de mai (humidité
maxima )et du mois d'octobre (humidité minima), pour le sol et le sous-sol
de la forêt et de la steppe herbeuse :
Tagzeau K.
HUMIDITÉ RAPPORTÉE AU POIDS DU SOL HUMIDE.
=
FORÊT. STEPPE HERBEUSE.
"I — CR
OCTOBRE, OCTOBRE.
——————_——— | ——————__—_——— | —__—————————— | ———————_—_—_—
PROFONDEUR.
PAONCHCUE AO MN ON TN,
CR
enr ein eg alercéta sitiein
m'olnc/e vois} + he re de aux
a a se eee se ce eee ene.s
ss...
....
atalole es vie ds sets s ee s'en
Sen s'se rt a ss eccpse
SR ES PAPERS: PATE : 16,1
NE PERS PRES 11,2 12,8 16,4 14,5
LC ER NER vronso see 11,1 11,3 10,2 17,1
TU TE 11,0 12,7 16,1 15,6
16,6
AR Meier vis 2 plie) s véto sas ve
—+#3( 310 )ees—
«... Ainsi l’action fortement desséchante qu'exercent sur le sous-sol les Jorèts
à massif serré et qui surpasse de beaucoup le desséchement produit dans
les steppes couvertes d'herbes ou dans les champs cultivés devient un fait
absolument évident, au même titre que l'achon conservatrice de la jachère sur
l'humidité du sol. Ce desséchement du sous-sol par la forêt dans les endroits
où les eaux souterraines sont suffisamment éloignées est si accusé, que,
malgré la perte insignifiante par l'évaporation du sol forestier de l’humi-
dité provenant des précipitations de l'hiver et du printemps en compa-
raison avec l’évaporation si intense des steppes, même au printemps la pro-
vision générale d'humidité sous la forêt est beaucoup plus basse que sous la steppe. »
(Vyssetzky.)
Tandis qu'en Lorraine il y a en moyenne 150 jours de pluie par an,
donnant une lame d’eau de 600 millimètres, dans la Russie orientale, à
Kazan, limite septentrionale du tchernozem, où ont lieu les recherches de
Vyssotzky, il n’y a que 90 jours de pluie, avec 330 millimètres de pluie ou
neige. Puisqu'il y a, toujours d’après l’auteur que nous citons, une couche,
qu'il appelle morte, où ne pénètrent jamais les précipitations atmosphériques
et où le taux d’eau reste constamment le même; puisque, d'autre part, 1l
est certain que l’évaporation est bien plus intense en sol nu que sous la
forêt, il semble qu’on ne peut se dispenser de conclure de ce fait : « La pro-
vision générale d'humidité sous la forêt est beaucoup plus basse que sous la steppe»,
que la forêt évapore plus que la végétation herbacée.
7° Les derniers résultats russes relatifs à cette question ont élé publiés
tout récemment dans le n° » de l’année 1900 du journal russe La Pédo-
loi. Hs ont trait à la forêt Chipoff, située dans le gouvernement de Vo-
rone] et déjà étudiée par Ototzky au point de vue du niveau des eaux sou-
terraines. Voici textuellement comment l’auteur, M. Morosoff, résume en
francais ses conclusions à la fin de Particle russe :
« liésumé. L'auteur fit, durant 1899, des recherches systématiques sur
l'humidité du sol dans ë forêt Ghipolf. Il détermina lhumidité de six ho-
rizons du sol jusqu’à la profondeur de > mètres, dans une vieille forêt de
chênes, dans une jeune forêt, dans un laillis et dans la steppe tout à la
fois. II fut constaté que, dans les forêts et les endroits ombragés, l’humi-
dité de la couche supérieure du sol jusqu’à la profondeur de 10-20 centi-
mètres est plus considérable que dans les emplacements libres; mais, en
revanche, les couches inférieures sont moins humides sous bois que dans
la steppe voisine. Les recherches dans la clairière et dans la forêt démon-
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trèrent que lhumidité de Fhorizon supérieur du sol augmente dans la di-
rection du centre de la clairière à la forêt, tandis que les couches plus pro-
fondes deviennent plus sèches. Cela dépend de la forte transpiration du
bois. Les sols des lisières orientales et méridionales étaient plus humides
que ceux du nord et de l'ouest. »
I résulte avec la dernière évideace de cet ensemble imposant de re-
cherches concordantes qu’en Allemagne, Autriche et Russie, les zones
superficielles du sol forestier sont plus humides que celles d’un sol nu,
mais que les zones profondes sont plus sèches. On ne voit pas pourquoi il
n'en serait pas de même en France.
B. Il y a un deuxième moyen de se rendre compte de l'influence de la vé-
gétation sur l’eau du sol. En Russie, dans la zone du Tchernozem, la végé-
tation utilise toutes les eaux pluviales; on sait que loute la Russie est com-
prise dans la zone où il ne tombe que de 20 à 60 centimètres de pluie,
sauf autour de la Caspienne où la tranche pluviale n'atteint même pas
20 centimètres; 1l semble que ces eaux aient été insuffisantes pour la végé-
tation forestière, puisque les forêts naturelles font défaut dans cette zone où
les récoltes de blé manquent assez souvent par suite de la sécheresse : on
est en train d’y faire des boisements pour y attirer la pluie. Mais, dans les
régions mieux arrosées, une partie des eaux pluviales s'infiltre pour appro-
visionner la nappe souterraine. À égales conditions de sol et de climat, le
volume de cette eau d'infiltration dépendra évidemment de la végétation.
Parmi les essais de détermination de l’eau d'infiltration dans des sols
nus ou garnis de végétation, citons seulement ceux de la Station centrale
suisse.
M. Buhler a opéré sur deux séries de huit cases, ayant chacune 2 mètres
carrés et 1 m. 20 de profondeur.
Les unes furent remplies de tourbe; d’autres, de pierrailles calcaires;
d’autres, de sable fin; les dernières enfin, de l'argile du jardin de la
Station à Zurich. |
Quatre cases furent laissées telles quelles, quatre furent gazonnées:
quatre reçurent, en avril 1890, des plants de hêtre de 5 ans: quatre recu-
rent, à la même époque, des plants d’épicéa.
Voici les conclusions qu'il tire des trois premières années d’expérience!:
1° Pendant les trente-six mois qu'a duré l'expérience (de novembre 1 891
0 P. 248 des Mitteilungen der Schweizerischen Centralanstalt für das forstliche Versuchs-
wesen, 19° fascicule, Zurich, 1895.
—+#3>( 342 )e3—
à novembre 1894), il s'est infiltré en moyenne les 58 p- 100 des précipi-
tations atmosphériques.
° En hiver, presque toute la pluie passe dans les vases des lysimètres.
En été, par contre, il ne s'infiltre en sol nu qu'environ 60 p- 100 de la
quantité de pluie.
3° L’humus, le calcaire et l'argile rendent en sol nu 71 p. 100 de la
pluie à l'état d’eau d'infiltration, et le sable 84 p. 100.
K° Quand le sol est couvert de gazon, de hôtres ou d'épicéas, l'eau d'infil-
tration est sensiblement diminuée. Il s’infiltre 33 p. 100 environ de moins que
dans les sols nus.
Ebermayer et Wollny se sont aussi occupés des eaux d'infiltration dans
divers sols munis de diverses couvertures vivantes ou mortes{i). A travers
1 mètre de sol, 1l ne filtre pas du tout d'eau, ou seulement quelque peu par
intermittence si le sol est couvert de trèfle, d’épicéas ou de bouleaux,
tandis que, sous le même sol nu, on constate une augmentation continue
de l’eau de drainage proportionnellement à la quantité de pluie. Leur vo-
lume dépend d’une foule de circonstances ®) et varie dans de larges limites
suivant les régions et les sols.
C. Un troisième moyen de se rendre compte de l'influence de la végé-
tation sur l’eau du sol est de déterminer sur de vastes surfaces planes jouis-
sant d'un sous-sol, d’un sol et d’un climat identiques les variations du
niveau de la nappe souterraine et de voir si ces variations, au cas où elles
existeraient, ont quelques rapports avec les cultures superficielles.
Dans un article publié par la Revue des Eaux et Forêts, j'ai fait connaître,
en 1898, les résultats surprenants et remarquablement concordants des
sondages russes dans les gouvernements de Kherson, Vorone] et Saratow,
c’est-à-dire dans la région du tchernozem. La forêt a fait baisser le niveau
de la nappe souterraine d’une dizaine de mètres (de 5 mètres à 15 mètres)
dans la forêt Chipolf, et les faits constatés dans la forêt Noire (Kherson)
sont encore plus étonnants, parce qu'ils montrent l’infiuence de la forêt.
même quand le niveau supérieur des eaux phréatiques est éloigné de la
surface de plus de 10 mètres. Sous la forêt, le plan d’eau se trouve, dans
la saison de végétation, à 4 ou 5 mètres plus bas que sous la steppe ou
sous les champs.
Voir les Forschungen auf dem Gebiete der Agrikultur physik, par E. Wozxny, vol. 11, 1°,
13 et 14.
® Voir E. Rawaxx, Forsiliche Bodenkunde und Standortslehre, Berlin, 1893, p. 23.
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-#2( 345 )es—
Mais, si, dans ce magnifique domaine du blé où, depuis de longues
années , cette céréale cultivée sans engrais donne toujours de très belles ré-
coltes, sauf dans les années de sécheresse, si, dans toute cette région où
les pluies sont peu abondantes, la chaleur et l’évaporation assez fortes, la
végétation forestière abaisse parfois de 10 mètres le niveau de la nappe
d’eau, exerce-t-elle la même action, dans les régions septentrionales, aux
environs de Saint-Pétersbourg, par exemple, à 10 degrés de latitude plus
au nord , où le climat est plus froid, plus humide et l’évaporation moindre ?
C’est le point que la mission Ototzky a voulu vérifier dans sa campagne
de 1897. Et voici sa conclusion : « « Malgré d’autres conditions physico-
géographiques et climatiques (proximité de la surface et abondance des
eaux souterraines. chmat froid et très humide. etc.), dans les forêts de la
zone septentrionale de la Russie j'ai rencontré le même fait que dans les
steppes; partout, dans les forèts étudiées, le premier horizon des eaux souter-
raines se trouve plus bas que dans le champ voisin. »
I semble donc qu'on se trouve en présence d’un fait général pour la
Russie. À la suite de la publication en langue française des travaux russes
et de l’émotion soulevée dans le public forestier par ces résultats inat-
tendus, lAdmimistration forestière française résolut de rechercher si les
choses se passaient en France comme en Russie, et elle voulut bien me
confier cette tâche. Ne pouvant installer ces expériences dans les grandes
plaines de sable des environs de Paris qui conviendraient certes le mieux,
je dus choisir, aux environs de Nancy, une forêt de plaine assez étendue et
croissant sur un sol suffisamment homogène. La forêt domaniale de
Moudon, près Lunéville, réalise assez bien ces desiderata. Des trous de
sondage ont été forés soit dans les vides (terrains de gardes, champs du
pourtour), soit en plein massif. Le nivellement a été fait, et l'examen des
variations du plan d’eau prises chaque mois montrera dans un an si la forêt
exerce en France sur la nappe phréatique la même action qu'en Russie.
En résumé, nous sommes en présence de trois faits concordants, nette-
ment démontrés et intimement liés :
° Plus grande sécheresse du sol forestier, sous-sol compris, malgré la
plus grande humidité de la surface ;
2° Moindre quantité d’eau d'infiltration sous les sols gazonnés ou boisés
que sous les sols nus;
3° Abaissement de la nappe phréatique sous la forêt, parfois à plus de
10 mètres au-dessous de son niveau sous la steppe cultivée où gazonnée
Je laisse à chacun le soin de tirer la conclusion.
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«Jusqu'à preuve contraire, disais-je en 1898, et en s'appuyant sur les
résultats précédents et d’autres analogues, il semble qu’on puisse affirmer
que dans les régions de plaines et, d’une manière générale, partout où
il n'y a pas de ruissellement, la forêt contribue moins à l'alimentation
de la nappe souterraine que le sol nu, et même que n'importe quelle autre
culture.» Ceci a été vérifié pour les pays septentrionaux à faible éva-
poration (Allemagne, Russie). Il serait intéressant de voir ce qu'il advient
dans les pays tropicaux, où l’évaporation est si active en terrain dé-
couvert.
D’après les nouvelles recherches russes, cette conclusion est exacte pour
toute la Russie; mais, dans une question où jouent un si grand rôle la hau-
teur et la distribution des piuies, la température, les vents et surtout l'éva-
poration, tous éléments si variables d’un point à un autre et même dans un
même lieu, je me garderais bien de l'appliquer à la France avant que lon
puisse l’étayer de données numériques positives.
En tout cas, loin de croire, comme certains esprits, que, si la conelu-
sion provisoire qui vient d'être formulée devait se généraliser, la forêt
serait par là privée d’une de ses auréoles, il me semble, au contraire, que
son action bienfaisante comme créatrice des pluies n’en ressortirait qu'avec
plus de netteté et de grandeur et qu’elle s’acquerrait ainsi de nouveaux
titres à notre reconnaissance.
Que lon veuille bien fixer l'attention sur les quatre points suivants
absolument indiscutables, et la conclusion s’imposera d’elle-même :
* La rorÊêT ATTIRE LES pLUIES. — « Ce fait établi pour la première fois.
écrit t M. Ototzky, par l'École forestière de Nancy, est indubitablement
et brillamment confirmé, entre autres, par les travaux les plus nouveaux
de notre Expédition du Département forestier. » Il a été confirmé non seu-
lement en France et en Russie, mais en Allemagne sur plusieurs points
(lande de Lunebourg, forêt de Nuremberg) et jusque dans les Indes.
Mathieu, à Nancy, a trouvé que la tranche pluviale est de 15 centi-
mètres plus épaisse sur la forêt; Ebermayer, en Allemagne, et Blanford,
aux Indes, ont constaté que la hauteur de pluie a été en moyenne de
12 p. 100 plus grande en forêt qu'en plein champ.
2° LA FORÊT A UNE PUISSANGE DE TRANSPIRATION CONSIDÉRABLE. — Cette
énorme puissance de transpiration est incontestable. On a essayé de la me-
surer; mais on ne peut obtenir que des chiffres très variables, puisque
—#2( 3/15 )ee3—
l’eau absorbée par un même arbre varie évidemment dans de larges limites
d’une année à l’autre, suivant diverses circonstances, dont les principales
sont l'abondance et la répartition des pluies, les conditions de tempéra-
ture. D’après von Hôhnel, qui a continué ses déterminations pendant
trois ans consécutifs (1878- 1880), un hectare de forêt de hêtres de
1195 ans absorbe chaque jour de 25,000 à 30,000 litres d'eau, ce qu
correspond à une hauteur de pluie de 2,5 à 3 millimètres par jour ou à
75 à 100 millimètres par mois. En supposant cinq mois de végétation , on
obtient une consommation de 4,500 mètres cubes, correspondant à une
lame d’eau de 15 centimètres.
Cette énorme puissance de transpiration est prouvée encore de deux
autres facons : d’abord par les constatations des météorologistes et des aéro-
nautes. On doit se représenter chaque forêt comme surmontée pendant la
période de végétation d’un prisme d’air plus humide et plus froid de plu-
sieurs centaines de mètres de hauteur, et parfois de 1,000 mètres.
La lettre suivante qui m’a été adressée le 21 mai 1900 par le chef de
bataillon du génie Renard, sous-directeur de l'Établissement central d’aé-
rostation militaire, est des plus explicites à cet égard : « Le refroidissement,
dit M. Renard, — qui fait autorité, on le sait, en matière d'aérostation,
— ressenti par les aéronautes en passant au-dessus de massifs boisés d’une
certaine étendue, n’a jamais été, à ma connaissance, mesuré au thermo-
mètre; mais il se traduit par une descente bien marquée du ballon. Cette
descente ne s'arrête jamais d'elle-même, comme il arrive souvent lors-
qu’une cause passagère la produit; elle ne s’enraie qu'après la projection
d’une quantité souvent notable de lest.
« Quant à la hauteur à laquelle se fait sentir cette influence, elle varie
nécessairement avec l'étendue du massif forestier et peut-être aussi avec
l'altitude et la configuration des terrains environnants.
« En tout cas, un fait précis d'expérience est qu'elle a été ressentie par
nombre d’aérostiers militaires au-dessus de la forêt d'Orléans"), le ballon
étant à une altitude de 1,000 mètres environ.
«Il paraît démontré par toute la série d’ascensions faites jusqu'ici que
l'influence de massifs d’une étendue semblable est sensible jusqu'à une
hauteur de 1,500 mètres environ. »
Les forêts jouent donc le rôle de condenseurs comme les montagnes et
peuvent, jusqu’à un certain point, suppléer celles-ci dans les régions de
(1) Type des forêts de plaine.
—#3( 346 ).es—
plaines. Ce sont des montagnes artificielles de 1,500 mètres de hau-
teur.
Les stations météorologiques forestières allemandes et autrichiennes ont
montré que lhumidité absolue en forêt et hors forêt était à peu près la
même; mais l'humidité relative, la fraction de saturation est plus grande
en forêt, parce que l'air y est refroidi par la transpiration des arbres. C’est
ce refroidissement sensible jusqu’à 1,500 mètres de hauteur qui détermine
la condensation de la vapeur d’eau et la chute de la pluie.
3° LE NIVEAU DES EAUX SOUTERRAINES EST PLUS BAS SOUS LA FORÊT. — Si
puissante que soit la forêt, elle ne peut créer l’eau de toutes pièces: il faut
qu'elle prenne quelque part cette eau dont l’évaporation se fait sentir jus-
qu'à une hauteur de 1,500 mètres; elle ne peut la prendre qu’au sol; 1l
faut qu’elle la prenne en plus grande quantité que n'importe quelle autre
culture, puisque c’est la forêt seule qui produit cet effet sur les ballons.
On ne peut certes invoquer, pour expliquer le fait, la différence d’une
cinquantaine de mètres entre la surface d’évaporation de la forêt et
celle d’une prairie ou d’an champ; cette différence est absolument insigni-
fiante auprès du rayon d'action de 1,500 mètres dont on vient de parler.
À priori donc, on doit s'attendre à trouver le sol plus sec dans son
ensemble sous bois que hors bois.
En effet (et c’est là le troisième point sur lequel je désire attirer l’atten-
tion), le pouvoir asséchant de la forêt pans LES RÉGIONS DE PLAINE est dé-
montré par l’assainissement et l’asséchement des plaines marécageuses,
telles que les Landes, la Sologne, les marais Pontins, etc. Son rôle à cet
égard est bien connu. Chaque fois que lon a besoin d'enlever un excès
d’eau stagnante, on s'adresse, et jamais en vain, à la végétation forestière.
I est démontré surtout, ce pouvoir asséchant, par l’abaissement consi-
dérable du niveau des eaux souterraines en stagnation sous la forêt.
Enfin le quatrième point, également incontestable, vérifié par qui-
conque a mis le pied dans une forêt, est L’HUMIDITÉ BEAUCOUP PLUS GRANDE DU
SOL FORESTIER QUE DU SOL AGRICOLE DANS LA ZONE SUPERFICIELLE.
Ce fait, dû à l'évaporation bien plus faible du sol forestier, est même si
général et si apparent, que, pour beaucoup, il masque la réalité du phéno-
mène et fait croire à une humidité plus grande du sol profond des forêts
de plaine.
Dès lors, en face de ces quatre faits reconnus vrais par tous et si étroi-
tement liés, n'est-il pas évident, pour tous les esprits non prévenus, que
srè > É che
mnt à ar alimuet +0 lit uns sé Eat te ESS AS dé
—+#%( 347 )e3—
la forêt doit être considérée, au point de vue qui nous occupe, comme une
pompe aspirante et foulante d’une merveilleuse puissance? Elle va puiser
jusqu’à une profondeur que ne saurait atteindre aucun autre organisme
les masses d’eau profonde devenues inutilisables par la végétation et les
fait rentrer dans la circulation atmosphérique pour les rendre à leur rôle
primordial qui est l’entretien de la vie à la surface du globe. Ces masses
d’eau transformées en vapeur et projetées dans les airs retombent tôt ou
tard en pluie ou en neige bienfaisantes, qui, venant imbiber les couches
superficielles où circulent les racines, fournissent à celles-ci l’eau qui leur
est nécessaire.
Les forêts peuvent être comparées à des montagnes artificielles (les
seules dont les Russes puissent accidenter leurs immenses plaines) qui
arrachent aux nuages qui passent une partie de leur vapeur d’eau tout en
en fournissant aussi une certaine quantité qui pourra se condenser plus
loin. Et les Russes ne s’y trompent pas. En ce moment, ils sillonnent leurs
Terres noires, leurs 95 millions d'hectares de tchernozem, le plus beau
fleuron de leur couronne, de bandes boisées dirigées les unes Est-Ouest.
les autres Sud-Nord, découpant ainsi cette mer de blé en vastes carrés en-
tourés de bois.
Leur grand ennemi est la sécheresse : le tchernozem confine au Sud-Est
à la région désertique ponto-caspienne, désertique faute de pluies; il y
tombe moins de 0 centimètres d’eau par an. Le tchernozem ne recoit pas
toujours la quantité d’eau suflisante pour la réussite du blé, et c'est alors la
famine. Il est donc d’un intérêt vital pour la Russie de chercher à attirer
sur le sol et à conserver dans la zone accessible aux racines le plus possible
de précipitations atmosphériques sous forme de pluie ou de neige. Ces
haies boisées, rompant la platitude et la monotonie des steppes, abritent
les cultures contre les vents desséchants et diminuent l’évaporation. « Elles
conservent sur le sol la neige qui, sans elles, serait dispersée et évaporée
par le vent. Les mesurages ont montré qu'il y avait beaucoup plus de neige
sur le sol de ces bandes boisées et dans leur voisinage que dans la steppe
ouverte, que la fonte s’y eflectuait plus lentement et que le sol y était plus
humide sur 1 à 2 mètres de profondeur. Tandis qu’au mois de juin herbe
de la steppe ouverte se fanait déjà, celle des carrés bordés de haies plan-
tées restait verte et drue et donna une récolte de moitié plus forte que
l'herbe de la steppe ouverte.» (Vyssotzky. )
Les agronomes russes, convaineus que les forêts attirent les pluies, ont
l'espoir légitime d’enrayer par cet état de bocage l'ère des sécheresses cala-
—#>( 348 je
miteuses dont ils souffrent de plus en plus, en fournissant au tchernozem
le seul élément de fertilité qui lui fasse parfois défaut.
La forêt est un des anneaux de ces circuits si fréquents dans la nature,
grâce auxquels les éléments de l’organisation rentrent incessamment dans
le tourbillon de la vie. Après la mer, dont elle reprend le rôle sur la terre,
c’est le plus puissant et le plus général de tous.
J'ai déjà insisté sur le rôle si utile qu'elle joue dans la nature en rame-
nant à la surface, sous forme de couverture, les principes minéraux des
couches profondes qui, sans elle, seraient perdus, et qu’elle met de nou-
veau à la disposition des plantes.
J'ai montré, le premier, qu’elle s’acquérait encore plus de droits à notre
reconnaissance en enrichissant le sol en cet aliment si rare et si précieux
qui s'appelle l'azote, grâce aux myriades de microbes que recèle sa cou-
verture et dont certains savent fixer dans leurs tissus l'azote élémentaire.
Outre l'azote et les principes minéraux, un troisième élément est indis-
pensable à la végétation: c’est l'eau.
Sous ce rapport encore, l’homme est l’obligé de la grande bienfaitrice,
puisqu'elle seule sait corriger l’action brutale des courants aériens,
répartir plus équitablement les pluies sur les continents, augmenter leur
intensité et qu'elle fournit ainsi à homme le seul moyen qui soit à sa dis-
position (et dont il commence à user) de réduire de proche en proche par
des boisements progressifs la zone des déserts. (Applaudissements. )
M. 1e Présinenr. Je remercie M. Henry de sa communication si intéres-
sante et si approfondie; je crois être l'interprète de vos sentiments una-
nimes en lui adressant ces remerciements, car nous sommes tous animés
du même enthousiasme pour la forêt qu'il aime et qu'il sait si bien décrire.
(Marques d'approbation unanimes. )
La suite de l’ordre du jour est renvoyée à la prochaine séance.
M. ce Présinenr rappelle aux membres de la »° section qu'il a été dé-
cidé, dans la séance d'ouverture du Congrès, que la séance générale, qui
devait avoir lieu le mercredi matin 6 juin, à 10 heures, serait remplacée
par une séance de sections.
La séance est levée à midi.
—+#%( 349 )es—
SÉANCE DU MARDI 5 JUIN 1900
(APRÈS-MIDI).
PRÉSIDENCE DE M. CACHEUX, VICE-PRÉSIDENT.
La séance est ouverte à » heures.
M. Carpor, secrétaire, donne lecture du procès-verbal sommaire de la
précédente séance.
Le procès-verbal est adopté.
M. ce Présipent. L'ordre du Jour appelle la communication d’un rap-
port sur l'observation de phénomènes hydrologiques consécutifs à la plan-
tation de conifères, par M. Servier, à Lamure-sur- Azergues (Rhône).
M. Senvier. Messieurs, tout a été dit au sujet de l’influence qu’exer-
cent les déboisements et les reboisements sur le régime hydrologique d’un
pays, et je n'ai nullement la prétention de vous apprendre quoi que ce
soit de nouveau à cet égard.
Toutefois, si les lois générales de la météorologie forestière sont bien
connues, quelques-unes de leurs manifestations locales présentent des phé-
nomènes particuliers qui méritent encore des observations attentives. En
effet, ces observations nous permettent de vérifier comment se comporte la
théorie classique adoptée, dans les diverses circonstances d'application qui
peuvent se présenter. :
Ayant entrepris moi-même, depuis une dizaine d'années, des reboise-
ments assez importants dans ie département du Rhône (le moins boisé de
France, comme vous le savez), et cela avec la préoccupation constante
d'améliorer le régime météorologique de mes propriétés, il n’a été donné
de faire un certain nombre d'observations de détail qui m'ont paru dignes
d'intérêt, ce qui m'a enhardi à solliciter pendant quelques minutes votre
bienveillante attention.
Les localités dont Je veux vous entretenir s'étendent sur les communes
de Lamure-sur-Azergues et de Claveisolles, dans larrondissement de Ville-
-—#2( 350 )e3-—
franche. Elles dépendent du bassin de l’Azergues, affluent de droite de la
Saône, formé lui-même de la réunion de l’Aze et de lErgue.
Le terrain est sablonneux, etil était, jusqu’à ces derniers temps, presque
entièrement déboisé, ce qui tendait à donner aux cours d’eau un régime
torrentiel.
Néanmoins, partout où quelque bouquet de bois avait été conservé,
même sil était exploité en taillis, sa présence coïncidait constamment
avec celle d’une source.
J'ai été extrêmement frappé de ce fait, et aussi d’un autre phénomène
secondaire, qui en est le corollaire nécessaire et que J'ai pu observer dans
ma propriété même, en ce qui concerne les taillis situés à l’est de la
ferme dite les Hayes. Sur la lisière occidentale de ce taïllis se trouve une
source. Toutes les fois que le taillis est exploité, le débit de la source di-
minue; à mesure que le taillis repousse, le débit de la source redevient
normal.
C’est cette simple observation, beaucoup plus que la lecture des ou-
vrages techniques, qui n’a incité à commencer mes opérations de reboise-
ment dès 1891.
Voici quelle en a été, depuis lors, l'importance, année par année :
TABLEAU DES PLANTATIONS RÉALISÉES PAR M. J. SERVIER,
À LAMURE-SUR-AZERGUES ET À CLAVEISOLLES (RHÔNE ).
ANNÉES. SAPINS. | ÉPICÉAS. | MÉLÈZES. Le PEUPLIERS.
LARICIO.
3,000
3,700
L/4
1,900
19,000
32,200 14,000
Soit un total général de 56,400 arbres.
—#à( 351 )-e3—
Vous remarquerez, Messieurs, que J'ai donné, de beaucoup, la préfé-
rence aux conifères.
Je n’ai pas été guidé seulement en cela par la préoccupation de planter
des essences à croissance relativement rapide, et susceptibles, par consé-
quent, de donner un revenu dans un moindre délai. J'ai obéi encore à
une autre suggestion, d'ordre purement scientifique, résultant tant de
ma propre observation que de celles faites par d’autres sylviculteurs de
mes amis.
Cette observation, c'est que, toutes choses égales d'ailleurs, 11 pleut
davantage sur les forêts d'arbres résineux que sur celles d’autres essences.
Je n’ai pas la prétention d'expliquer le fait ; je me borne à le constater.
Si l’on exprime par 100 millimètres l'importance d’une chute d’eau sur
un terrain non boisé, le chiffre de 105 millimètres exprimera la chute
| simultanée correspondante sur une même surface plantée d'arbres à feuilles
caduques, et celui de 110 millimètres la même chute sur un terrain
planté de conifères.
| Avant d'aller plus loin, permettez-moi, Messieurs, de tirer une pre-
| mière conclusion de ces constatations.
Elle à trait à l’excessive sensibilité avec laquelle l’atmosphère chargée
d'humidité réagit sous les influences les plus minimes des diverses parti-
cularités que présentent les terrains sous-jacents.
On pourrait la comparer — et je crois que cela a été fait — à une
sorte d'éponge saturée d’eau. À la moindre pression, l'éponge dégage une
certaine quantité de leau qu'elle contient. En ce qui concerne latmo-
sphère, cette pression est représentée en partie par l'influence du sol sous-
jacent. Il est probable que, pour une raison que je n’ai pu encore aperce-
voir (peut-être un phénomène électrique dû à la forme aiguë de leurs
feuilles, ou à leur résine), les conifères exercent une action pluviogène
plus considérable que les arbres à feuilles caduques.
II
Permettez-moi de vous faire part de l'observation d’un autre petit fait.
Je vous ai prévenus, Messieurs, que ma communication n'était pas une
, dissertation sur les grandes lois de la météorologie forestière, mais l'étude
| de petits phénomènes locaux. N'est-ce pas d’ailleurs de l'intégration inces-
sante de petites observations que la science est faite ?
fade Aus"
—#2( 359 )es-—
Lorsqu'on me vit planter des conifères, on me fit une objection qui pa-
raissait solidement fondée.
«Eh quoi! me disait-on, vous voulez accroître Fhumidité du pays, et
vous plantez des essences asséchantes ! Ne savez-vous pas que les pins des-
sèchent rapidement les terrains humides sur lesquels ils sont plantés, ce
qui les a fait employer pour assainir les sols marécageux ? En Sologne,
les plantations de pins ont fait disparaître les marais ; dans les dunes de
la Gascogne, elles ont étanché les eaux stagnantes qui s’accumulaient au
fond des vallons ; dans la forêt de Saint-Amand (Nord), la substitution
du pin aux essences feuillues a eu pour effet de dessécher les mares qui
s'y trouvaient, d’assainir le terrain et même de faire tarir les sources à
proximité desquelles les plantations avaient été faites.
+ Après l'exploitation des pins, les marécages ont reparu, et les sources
se sont remises à couler. »
À cela Je répondis :
Comme je ne plante que dans les sols les plus maigres et les plus secs,
Je n’ai pas à craindre de les voir se dessécher davantage.
Et de fait, ces arbres, que l’on dépeint comme si avides d'humidité, ont
poussé dans ces terrains arides avec une vigueur extraordinaire. [ls ont
attiré les pluies et, par contre, détourné les orages de grêle, qui suivent,
depuis lors, un tout autre trajet.
Cela me porte à croire que la prétendue action desséchante des coni-
fères s'exerce tout autrement qu'on ne Île croit. Elle n’est pas un résultat
de la transpiration de leurs feuilles, dont la surface est, en effet, des plus
réduites, mais plutôt un effet du véritable drainage qu'opèrent leurs ra-
cines, et qui facihte l’écoulement des eaux à travers le sol sous-jacent.
Et ici. qu'il me soit encore permis de türer une conclusion plus
générale.
I a été dit que les forêts n'agissaient que sur les sources superficielles.
Comme les sources profondes sont alimentées, aussi bien que celles de la
surface, par infiltration des eaux pluviales, il est bien évident que les fo-
rèts, et surtout celles de conifères, en facilitant cette infiltration, agissent
aussi eficacement sur le débit des sources profondes que sur celui des
sources superficielles.
[IT
Messieurs, je n’abuserai pas davantage de vos instants.
Je terminerai en formulant le vœu que tous Îles sylviculteurs veuillent
—#>( 353 )ee3—
bien enregistrer les menues observations de ce genre qu'ils ont loccasion :
de faire, et qui, quelque modestes qu’elles paraissent au premier abord.
sont éminemment utiles, parce qu'elles se rattachent par des liens étroits
aux lois générales de la météorologie forestière, dont 1l nous importe au
plus haut point de connaître non seulement les grandes lignes, mails aussi
les applications de détail.
J'ajouterai que ces faits précis frappent, plus vivement que les consi-
dérations théoriques, lesprit de ceux que nous avons à convaincre de
l'utilité des reboisements.
Jen ai fait l'expérience dans le pays même où j'opère mes plantations
el où mon exemple commence à être suivi, pour le plus grand bien de
la région que nous sommes en train de transformer au point de vue
météorologique.
J'ai d'ailleurs reçu les récompenses et les encouragements les plus flat-
teurs des deux Sociétés des Amis des arbres, qui font de la propagande en
vue de développer dans la plus large mesure possible cette œuvre d’un
intérêt vraiment national.
Je suis heureux de pouvoir les remercier ici publiquement de l'appui
qu'elles m'ont donné, et je vous remercie aussi, Messieurs, de l'attention
que vous avez bien voulu accorder à l’exposé de mes modestes travaux.
(4 pplaudissements. ) ;
M. Le Présent. J'adresse à M. Servier mes remerciements pour l'im-
portante question qu'il a traitée d’une façon si intéressante.
J'appelle parüculièrement l'attention de cette assemblée sur l’obser-
vation faite par M. Servier, à savoir que les conifères écartent les orages
de grêles.
Il me paraït donc utile de soumettre à la 2° section un vœu relatif à
‘étude générale de cette question.
M. Jolyet a joint à son rapport un projet de vœu: d’un autre côté,
l'étude de M. Henry semble devoir également faire l’objet d’un projet de vœu.
Il serait possible, semble-t-il, de réunir ces trois propositions en un
même projet de vœu.
M. Movaw, inspecteur adjoint des Eaux et Forêts. Les observations
scientifiques, en France, ne se font qu'à la station de Nancy; il serait
désirable de voir augmenter le nombre des stations d'observation, en
France comme à l'étranger.
SYLVICULTURE, 23
—+#2( 354 }e3—
M. Hexar. Il existe un nombre considérable de questions forestières
importantes pour lesquelles les études actuelles sont très insuflisantes.
M. Kuss. inspecteur des Forêts. Celte observation montre bien la né-
cessité de formuler un vœu en vue de l’augmentalion des stations d'obser-
vation. ( Assentiment.
M. Canvor. secrétaire, donne lecture du projet de vœu suivant) :
Projet de vœu : « Le Congrès international de sylviculture émet le vœu :
+ Qu'il serait désirable que l’action des forêts sur les sources et sur les
chutes de grèle fût étudiée dans des stations forestières, non seulement
en France, mais encore à l'étranger, de façon à ce que la question puisse
être reprise dans le prochain Congrès international, et que, par suite, le
nombre de ces stations forestières météorologiques, trop peu nombreuses,
surtout en France, soit multiplié. » |
Adoption d'un projet de vœu. Le projet de vœu est adopté dans ces
termes.
M. ce Présinexr. L'ordre du jour appelle la communication du rapport
de M. Kuss, inspecteur des Eaux et Forêts à Paris, sur +la Restauration
des montagnes et la correction des torrents ».
M. Kuss. Messieurs, après les études théoriques si intéressantes dont
vous venez d'avoir communication, permettez-moi d'aborder des questions
d'un ordre plus pratique.
La restauration des montagnes et la correction des torrents préoccupent,
en France, l'opinion publique depuis fort longtemps.
Après quelques expériences locales faites dans les différentes régions
montagneuses entre 1850 et 1860. une première loi sur le «reboisement
des montagnes » fut promulguée le 28 juillet 1860, bientôt suivie de la
loi sur le + gazonnement des montagnes » du 8 juin 1864.
Leur durée fut éphémère et toutes deux se trouvèrent remplacées par la
loi du 4 avril 1882 qui régit actuellement +la restauration et la conser-
valion des terrains en montagne ».
0) Ce vœu a été complété, dans la séance générale du 7 juin 1900. par l’addition d'un vœu
émis dans la 3° section.
—4n( 355 )er—
La différence essentielle entre ces deux législations repose sur ce fait que,
la loi de 1860 était applicable aux terrains situés en montagne, dont la
consolidation était nécessaire pour arrêter ou prévenir les éboulements et
les glissements du sol, tandis que la loi de 18892 ne peut être appliquée
qu'aux terrains dont la dégradation constitue un danger né et actuel.
En résumé, la loi ancienne voulait prévenir les dégâts, la loi actuelle
se borne à permettre de les réparer.
Toutefois, malgré ses termes impératifs, la loi de 1882 ayant omis de
préciser en quoi consiste le danger né et actuel, elle peut et doit recevoir
une application de plus en plus large au fur et à mesure que opinion pu-
blique se familiarise davantage avec les questions iorrentielles et se rend
mieux comple des causes qui provoquent si souvent encore des crues dévas-
tatrices.
Pour tous ceux qui étudient la formation des laves torrentielles, il est
évident, en effet, que ce ne sont pas seulement les berges dénudées d'un
torrent qui constituent un danger né et actuel, mais que, presque toujours,
le danger résulte d’une trop rapide accumulation des eaux pluviales entre
ces berges, par suite de la dénudation du bassin de réception. C’est donc
cette dénudation qu'il faut combattre, et c'est à la supprimer que doivent
tendre tous les eflorts.
En dernière analyse, on en revient {oujours aux principes si bien posés
par Surell dans son Etude sur les torrents des Alpes. savoir :
1° La présence d’une forêt sur un sol empêche la formation des tor-
rents:
2° Le déboisement d'une forêt livre le sol en proie aux torrents;
3° Le développement des forêts provoque l'extinction des torrents;
h° La chute des forêts redouble la violence des torrents, peut même les
faire renaître.
C'est précisément cette création de forêts dans les bassins de réception
qui constitue, à l'heure actuelle, le point le plus délicat de la question de
la restauration des montagnes, car elle heurte les nécessités de la vie pas-
torale.
Ce serait, à notre point de vue, une erreur complète, de vouloir ré-
soudre ce problème par une loi de coërcition qui n'aurait pour effet que
d'aliéner irrémédiablement les populations de la montagne. dont l’aide et
le concours moral sont, au contraire, indispensables à la réussite de l'œuvre
entreprise.
Ce qu'il faut, c'est, par quelques exemples de corrections de torrents
23.
(66 je
menées à bien dans les diverses régions montagneuses, faire éclater à tous
les yeux les avantages qui peuvent résulter de ces travaux, inspirer con-
fiance aux populations, et par la persuasion les amener à changer leur
mode d'exploitation des pâturages. Avec le pue elles modifieront leurs
habitudes et arriveront à se passer des terrains à reboiser qu’elles céderont
ensuite à l’État sans difficulté.
Ce programme, qui ne repose que sur la confiance réciproque entre les
représentants de l'État et les populations, est applicable partout, avec le
temps. Nous en avons fait une expérience complète en Savoie, où une op-
position violente, qui existait en 1 883. s'est modifiée du tout au tout, à tel
point que lon a vu, en 1897, 150 propriétaires dans une seule commune
signer la cession gratuite des terrains leur appartenant, sans que, sur ces
120 intéressés, une seule opposition se soit manifestée.
D'ailleurs, ce système est largement mis en pratique par l'Administration
des Eaux et Forêts qui, de 1894 à 1899, a acquis à l'amiable 54,000 hec-
tares de terrains en montagne et qui poursuit ces acquisitions à raison de
10,000 à 12,000 hectares par an. Cette contenance ne peut guère être dé-
passée si on veut rester dans la limite des allocations budgétaires.
Ce n’est pas à dire cependant que l'État doive renoncer d’une facon
absolue à l'établissement de périmètres obligatoires de restauration. Seule-
ment ceux-ci pourront être très restreints en général, et serviront surtout à
établir les exemples qu'il est indispensable de montrer pour vaincre lin-
crédulité des montagnards qui considèrent le torrent comme un mal in-
coërcible. Et puis, il peut se présenter des cas où il est nécessaire d'inter-
venir rapidement, soit pour sauvegarder des habitations, soit pour assurer
la circulation sur d'importantes voies de communication. Il ne faudrait
alors pas hésiter à user des armes que la loi a mises entre les mains des
agents des Eaux et Forêts.
Nous ne croyons pas devoir répéter ici les quelques considérations que
nous ayons exposées dans une notice spéciale sur les + Éboulements, olis-
sements et barrages» qui vient d’être publiée.
Nous nous bornerons à appeler l'attention du Congrès sur l'intérêt qu'il
y aurait à maintenir dans le fond des ravines le produit de la désagréga-
üon des schistes liasiques, vulgairement appelés terres noires.
Les eflorts de tous les forestiers se sont portés vers l’étude des moyens
propres à la correction de ces terres noires formant des cônes de déjection
qui s'étendent de proche en proche et constituent un réel danger pour les
terres riveraines.
Lo. sai se
—#%( 357 )ez—
M. Carrière, notamment, a exécuté des travaux de garnissape dans le
fond des ravines.
Cette opération a produit d'excellents résultats, mais dans des condi-
tions spéciales difficilement applicables à certaines régions dénuées de
bois.
Cette question n’est donc pas absolument résolue pour la généralité des
cas et, par suite, il parait intéressant de la mettre à l’étude en vue d'obtenir,
lors du prochain Congrès, des travaux susceptibles de nous faire connaître
la solution la meilleure.
Dans ce but, j'ai l'honneur de soumettre au Congrès le projet de vœu
suivant :
Projet de vœu). — Le Congrès international de sylviculture émet le
vœu :
« Qu'il soit fait un rapport, au prochain Congrès, sur la recherche du
meilleur procédé pratique capable de maintenir dans le fond des ravines
le produit de la désagrégation des schistes liasiques, connus sous le nom
de terres noires, et en général de toutes les roches se délitant rapidement en
fine poussière. »
Adoption d'un projet de vœu. — Le projet de vœu est adopté dans ces
termes.
M. Kuss. Un deuxième vœu fait l’objet des observations que j'ai l’hon-
neur de vous soumettre.
J'ai constaté que, dans les Alpes, les entrepreneurs avaient la mauvaise
habitude de débiter en menus fragments tous les gros blocs destinés aux
barrages.
Cette coutume rend évidemment le maniement des blocs plus facile,
mais nuit considérablement à la solidité des barrages.
Or j'ai vu, dans une reconnaissance faite en Suisse, de superbes ou-
vrages construits avec un seul bloc, de 80 à 100 mètres cubes, placé
directement.
IL est évident que plus les blocs sont gros, mieux ils résistent aux divers
accidents dont ils sont menacés par la violence des torrents. Leur manipu-
lation seule est difhicile.
0) Ce vœu a été adopté dans la séance générale du jeudi 7 juin.
—#>( 3D8 es
A ce sujet, on a donc fait des expériences et on a reconnu qu'il était
facile de manœuvrer, sans cric, des blocs de 5 mètres cubes, à condition
toutefois de ne pas les faire rouler, car alors on n’en serait plus maître.
C’est ainsi qu'en Savoie nous sommes arrivés à constituer des barrages
formés de blocs de 4, 5, 8 et même 10 mètres cubes.
Comme conséquence de cette observation, je soumet au Congrès le projet
de vœu suivant!) :
Projet de vœu. — Le Congrès international de sylviculture émet le
vœu :
- Qu'il serait désirable de donner le plus d'extension possible à l'emploi
des gros blocs dans les barrages, notamment en insérant dans les devis
une clause interdisant aux entrepreneurs de débiter les blocs de moins de
o mètres cubes et même d’un volume supérieur, si les circonstances locales
le permettent. »
M. ze Présipenr demande à M. Kuss s'il a fait aussi des expériences sur
des blocs artificiels.
M. Kuss répond que les blocs naturels suffisant à la région des Alpes,
ina pas eu l'occasion d’expérimenter les blocs artificiels.
Adoption d'un projet de vœu. — Le projet de vœu ainsi conçu est mis aux
voix et adopté.
M. Por x Vaucs (délégué d'Espagne). L'Espagne se préoccupe beau-
coup de ces questions de correction de torrents. Mais les populations sont
encore rebelles à ces théories de progrès, n'étant pas suffisamment éclai-
rées. [Il en est de même en Italie.
Je demanderai done à MM. les Membres du Congrès de formuler une
proposition par laquelle le prochain Congrès devra se tenir soit en Italie,
soit en Espagne, pays de sécheresse ravagés par les torrents.
Je serai très reconnaissant de cette mesure, d'autant plus que cette ques-
lion présente à mon point de vue un intérêt public.
M. Le Présinenr. Nous sommes assurés de l'excellent accueil que nous
0) Ce vœu a été retiré dans la séance générale du jeudi 7 juin 1900.
V_
—#>( 309 )e3—
trouverions à Madrid, mais cette proposition ne pourra être soumise qu'à
l'assemblée générale du Congrès.
La parole est à M. Kuss pour la continuation de sa communication.
M. Kuss. Jen aurai fini avec cette question de barrages lorsque je vous
aurai soumis quelques observations relatives aux ouvrages en maçonnerie
mixte.
Ils sont ordinairement constitués par un mur en pierres sèches vertical
à l’amont, et une carapace extérieure de o m. 80 en maçonnerie de mor-
tier, formant le parement aval, avec un fruit de 20 p. 100.
Cette constitution même présente le grand inconvénient de manquer
d'homogénéité.
Sous l’action de la pression, il se produit des fissures; d’un autre côté,
les aqueducs ménagés dans la maçonnerie sont souvent obstrués; il se forme
par suite un lac temporaire qui vient modifier pour un temps les condi-
tions de résistance de l'ouvrage, la pression s’exerçant alors tout entière
sur le parement aval, dont la force de résistance n’a pas été calculée en
prévision de ce fait.
Il en résulte des désastres.
Plusieurs remèdes ont été proposés.
1° Remplacer la pierre sèche par de la maçonnerie de terre argi-
leuse ;
9° Inverser la disposition de la maçonnerie, c’est-à-dire mettre le mur
d'amont en mortier et le parement d’aval en pierres sèches.
Ce procédé aurait l’avantage de supprimer les infiltrations qui se pro-
duisent dans les murs de pierres sèches, ainsi que je l'ai exposé.
Quoi qu'il en soit, il semble résulter de cect, que la maçonnerie mixte
doive être modifiée dans sa constitution, au moins pour les grands ou-
vrages.
Je soumets donc au Congrès ce troisième projet de vœu :
Projet de vœu. — Le Congrès international de sylviculture, dans sa
séance du mardi 5 juin 1960, au Palais des Congrès, émet le vœu) :
« Qu'il soit étudié si, dans les barrages en maçonnerie mixte, il ne serait
pas préférable que la maçonnerie de pierre sèche fût placée à laval du
barrage et non plus en amont.»
4) Ce projet de vœu a été retiré dans la séance générale du jeudi 7 juin 1900.
—+#3( 360 )«e3—
M. Moverx. Le parement d’aval étant incliné au 1/5, 1 y aurait à
craindre, par le fait de la modification proposée, qu'un bloc venant à
tomber sur le parement aval n’en détachât quelques pierres.
M. Kuss. Je ne connais pas d'exemple d'un bloc tombant sur le pare-
ment aval.
M. Carrière. La forme et la disposition des barrages varient essentiel-
lement avec les circonstances. Elles sont soumises à des règles locales; le
cas semble donc difficile à généraliser.
M. Kuss. Ce sont là des questions de détails, mais la question de prin-
cipe a une importance certaine, et c’est dans ces conditions que j'appelle
l'attention du Congrès sur cette élude.
M. Bévarpeau. La maçonnerie mixte rend incontestablement des services
quand elle est judicieusement employée dans la construction des barrages;
mais, outre que le transport à l’amont de la maçonnerie placée d'habitude
à l'aval aurait besoin d’être justifié, 11 semble qu'une question de cette na-
ture soit plutôt de la compétence du service technique que du Congrès
international de sylviculture.
M. Loze. J'ai vu des barrages construits uniquement en maçonnerie
de pierres sèches, sans maçonnerie de mortier ni en aval, ni en amont.
Une fois l’atterrissement bien établi, 11 n’y a plus de poussée anormale.
Ce procédé a fort bien réussi dans les Pyrénées.
M. Kuss. Dans bien des-cas, ces barrages présenteraient une résistance
insulisante dans les Alpes.
M. Loze. Dans ces cas, je me range à votre avis.
Adoption d'un projet de vœu. — Le projet de vœu est mis aux voix et
adopté dans les termes ci-dessus.
M. ce Présinexr. L'ordre du jour appelle la communication suivante :
«Les landes et les forêts dites futaies plantées, sur les plateaux des
Hautes-Pyrénées, par M. Fabre, inspecteur des Eaux et Forêts, à Dijon. »
—+#%( 361 )e+—
M. Faere donne lecture du rapport suivant :
Messieurs, résumée dans ce qu'elle a d’essentiel, l'étude relative aux
landes et aux futaies plantées, sur les plateaux des Hautes-Pyrénées, s'ap-
puie, en les confirmant, sur deux principes corollaires un de l’autre,
maintes fois énoncés par les sylviculteurs et les géologues : « La forêt ré-
clame, à peine de dépérir, le maintien intégral de la couverture morte ou
vive du sol boisé; — la dénudation de ce dernier entraîne fatalement
l'exagération du ruissellement superficiel, avec toutes ses conséquences
torrentielles. »
Ilne s’agit pas iei du fait acquis de déboisements es ou d'abus
de jouissanse accidentels, le plus souvent suivis de dépopulation, dans une
région où la montagne descend, où le torrent alluvionne plus la vallée qu'il
ne l’inonde.
Sur le plateau de Lannemezan, qui représente la synthèse géologique et
culturale de la zone occidentale prépyrénéenne, certaines forêts constituées
artificiellement, 1l y a plusieurs siècles, disparaissent aujourd’hui et, sur
des centaines d'hectares, elles s’évanouissent entre les mains du forestier.
La population est dense et croissante ; le sol agricole, largement suffisant
en étendue, est courageusement cultivé; les torrents n’ont pas les carac-
tères désordonnés qu'ils affectent en haute montagne. Aucun pays n’a plus
de rivières, moins d’eau et plus d'inondations que la plaine d’Armagnac.
On se trouve donc 1ci dans un milieu physique étrange ; 1l est bien nou-
veau pour la plupart des forestiers, mais plein d'intérêt pour celui qui
cherche à l'étudier, à voir au-dessus d’une simple gestion, à faire mieux
que d'enregistrer passivement des ruines.
Le relief de la plaine occidentale sous-pyrénéenne, de la Garonne à
l'Océan, est caractérisé par l’épanouissement grandiose de plusieurs cônes
torrentiels; les trois principaux, situés dans le département des Hautes-
Pyrénées, sont les plateaux géographiques de Lannemezan, d’Orignac et
de Ger, respectivement étalés aux débouchés de la Neste, de l’Adour, du
Gave.
Une orographie rayonnante les signale à première vue; leur réseau hy-
drographique divergent, orienté sud—nord, évolue sur chacun d’eux. avec
des allures absolument remarquables. Les vallées, sensiblement rectiignes,
parfois sur plus de 100 kilomètres, sont toutes à profil « dissymétrique » ;
un des versants, généralement celui de droite, est très fortement redressé ;
l'autre s'étale en pente douce. Le thalweg s'appuie contre le versant re-
—#2( 362 )e3—
levé, le plus souvent donc vers l'Est; aussi a-t-on cherché à faire intervenir
l’action de la «rotation terrestre» dans ce phénomène qui peut s'expliquer
naturellement, en interprétant lés formes du terrain , sa constitution pétro-
graphique et les données météorologiques de la région.
Une formation superficielle, argilo-caillouteuse, d’origine fluvio-gla-
ciaire, parfois très puissante, recouvre uniformément, jusqu’à 35 ou 40 kilo-
mètres au nord du front montagneux, le substratum essentiellement con-
stitué par des argiles ou des marnes compactes qui ont des centaines de
mètres de puissance et sont d’une imperméabilité absolue.
Le sol agricole des plateaux est, dans son ensemble argilo-siliceux, très
peu riche en acide phosphorique, presque chimiquement dépourvu de
chaux, donc très uniformément pauvre; c’est une terre de landes. ...
ou de forêts.
L'indigence alcaline, le morcellement extrême, soit de la commune,
soit de la propriété individuelle, la banalité de l'usage des landes com-
munales, le voisinage des pelouses de la montagne, et certainement
aussi latavisme pastoral, déterminèrent en définitive le « parasitisme
forestier» de l’agriculture sous-pyrénéenne. Le cultivateur gascon, pour
parer à l'indigence calcique de sa terre, extrait, en vue de la litière, la cou-
verture morte ou vive du sol, quand il ne va pas jusqu’à en décaper ia
couche superficielle relativement riche en humus; après avoir fauché la
brande, râlissé la feuille, extrait le «soutrage», il complétera la spolia-
tion, dont il a ignoré jusqu'ici les désastreux résultats, en faisant pacager
landes et forêts par un cheptel toujours constitué avec un nombre sur-
abondant de bêtes ovines.
À notre époque de culture intensive et de réels progrès agricoles, la
région sous-pyrénéenne reste ainsi obstinément vouée à des errements cul-
turaux surannés : elle réalise ce monstrueux contre-sens économique de
tarir journellement la source d’un élément dont elle ne sait se passer,
épuisant nécessairement, sans aucune restitution, un sol des plus pauvres.
Il est cependant diflicile d'admettre que la science agricole, si puissamment
outillée aujourd'hui, n’arrive pas, quand elle connaitra les dangers de la
situation actuelle, absolument dépendante de forêts qui ne sont plus que
l’ombre de celles d'antan, à trouver des remèdes, d’autres formules cultu-
rales.
Le principe de l’appauvrissement est certain : les analyses de sols et de
couvertures végétales, faites au laboratoire de l'École nationale forestière,
d’une part; de l’autre, les documents statistiques relatifs aux prélèvements
agricoles et pastoraux en sol forestier, ont permis de l’évaluer avec des
éléments d'appréciation concluants. Les moins clairvoyants peuvent du
reste constater ses résultats, en comparant entre eux les massifs forestiers
que nous sommes contraints de livrer au « parasitisme » et ceux que nous
réussissons à lui soustraire, et en particulier l’ensemble des Taillis des
Plateaux. Des centaines d'hectares de forêts d’origine artificielle s’ache-
minent ainsi vers l’état de «landes ».
Dans les châtaigneraies, les mêmes causes produisent la même dégéné-
rescence,
La végétation de la lande sous-pyrénéenne, comme celle de sa voisine
du littoral, est essentiellement silicicole : fougères, ajoncs, bruyères, etc. ;
c'est la «tuye» bigourdanne. Elle est localisée au sommet des Cônes, se
propageant speradiquement sur leurs lignes de faîte divergentes.
Dans le département des Hautes-Pyrénées, la lande des Plateaux couvre
15,000 à16,000 hectares parsemés de boquetaux de futaies-plantées. Plus
de 8,000 hectares sont ainsi dénudés sur l’ensembles des cuvettes termi-
nales du plateau de Lannemezan : 4,000 à 5,000 hectares, appartenant à
douze ou quinze communes, y sont d’un seul tenant. C’est au milieu d’elles
que naissent la Louge, la Gesse, la Gimone, la Save, le Gers, les Baïses,
le Bouès, etc., cours d’eau éminemment torrentiels de la plaine d’Arma-
gnac, périodiquement dévastée par leurs débordements.
Les forêts bigourdannes, dites Futaies-Plantées, couvrent encore plus de
2,000 hectares dans la haute région des Plateaux : elles sont toutes com-
munales et constituent plusieurs centaines de massifs isolés ou attenants à
des acerûs, à des taillis, tous très bien venants; beaucoup ont moins de
10 hectares.
Elles sont essentiellement formées de chênes pédoncalés, plantés en
lignes et à intervalles réguliers. Les jeunes arbres extraits dans les taillis
voisins, à l’âge de dix ou quinze ans, ont de 4 à 6 mètres de haut au mo-
ment de la plantation.
Les exploitations qualifiées + jardinatoires» se font en réalité à «tire-
et-aire», on plante au fur et à mesure de leur avancement.
En fait, les surfaces régénérées n’équivalent jamais à celles exploitées,
par suite de limpossibilité où l’on se trouve, faute de ressources pécu-
niaires, de faire des regarnis : les vides consécutifs aux plantations sont
fatalement voués à la stérilité, Les possibilités sont fixées de manière à réa-
lier, dans un temps donné, souvent moins de cent ans, le massif qu'on
«suppose» régénéré et replanté après cette période; car il s’agit le plus
—+#2( 364 )-e3—
souvent d’une véritable «réalisation » commandée par l’état de dépérisse-
ment manifeste d’un matériel décrépit. Pacage, panage, pâturage, sou-
trage, râtissage, doivent s’exercer en tout temps dans ces forêts intention-
nellement constituées en vue d’une adaptation agricole.
Beaucoup de sylviculteurs seront certainement surpris qu’on ait pu éle-
ver un certain nombre de générations de chênes, parfois de très belle
venue, avec des procédés aussi... barbares, et qu'après un usage plu-
sieurs fois séculaire de pareils moyens culturaux, nous trouvions encore
debout des restes de futaies-plantées.
Le hêtre, d’ailleurs, se prête ici avec la même complaisance que le
chêne à tous les emplois forestiers, culturaux et autres, depuis le furetage
à formules variées jusqu'aux plantations isolées, à haute tige, le long des
routes.
À un niveau plus relevé, la « futaie-plantée bigourdanne » est l’analogue
de la «forêt en tétards» du Béarn, au point de vue des adaptations agri-
coles et pastorales. Si on les rapproche l’une et l’autre des merveilleux
massifs du Bas-Adour, on arrive à constituer un ensemble forestier bien
défini; il est absolument caractéristique de la région d'Aquitaine, elle-
même si remarquable au point de vue physique et que les géographes
individualisent aujourd’hui sous le nom de France sous-pyrénéenne. — C’est
le pays d'élection du «chêne» durant toutes les phases de son existence, à
condition toutefois que l’on puisse suffisamment l’abriter de la faux, du
râteau et de l'abus pastoral.
Il y a deux siècles, le Grand-Maitre Réformateur des Eaux et Forêts,
Louis de Froidour, instituait pour la Futaie-Plantée une réglementation
certainement très prévoyante et des plus judicieuses ; mais elle admettait
tous les abus agricoles et pastoraux, et devait nécessairement conduire ces
forêts à leur état actuel de ruine. Le réformateur nous a transmis, dans
son œuvre,. reconstituée surtout grâce aux remarquables travaux de deux
érudits toulousains, des descriptions nombreuses et détaillées de ce qu'é-
taient alors les cultures et les forêts de Bigorre; nous pouvons ainsi esti-
mer l'extension considérable des unes, le stationnement obstiné de leurs
procédés, la marche nettement régressive des autres.
Sur le plateau de Lannemezan et dans la haute plaine d’Armagnac, on
peut, à l’aide de documents authentiques, établir que, seulement depuis
cinquante ans, plus de 10,000 hectares de + landes ou terrains boisés » ont
été occupés par la culture : près de 5,500 hectares, autrefois. couverts de
forêts ou châtaigneraies, ont été ainsi dénudés ; sans compter les étendues
Léld . hut dmbt-e
—+##( 369 es
peut-être aussi considérables de « défrichements déguisés» qui échappent
aux recherches statistiques. On trouve à peine trace de quelques reboise-
ments sur des surfaces insignifiantes.
D’anciennes « futaies-plantées », situées au sommet du plateau, ne
laissent plus aujourd’hui que des traces historiques: en maints endroits, on
voit encore saillir dans la lande des alignements de vieilles souches larges
et puissantes; ailleurs, nous nous résignons à administrer des massifs qui
n’ont plus de forêts que le nom; demain, on continuera à solliciter la dis-
traction du régime forestier de terrains communaux, boisés jadis, et que
notre génération forestière impuissante a progressivement vus se convertir
en landes.
Au point de vue administratif, aussi bien que dans l'intérêt des com-
munes propriétaires, la première mesure qui s'impose est la transformation
méthodique des Futaies-Plantées en Taillis-sous-Futaies, qui présentent
ici les meilleures conditions de végétation.
Perpétuer un traitement qui porte nécessairement en lui une diathèse
morbide pour la forêt, c’est prêter implicitement la main, et dans un avenir
très prochain, au défrichement déguisé de 2,000 hectares de forêts sou-
mises au régime forestier; avec cette aggravation que le sol ainsi dénudé
ne peut être apte à la culture, qui seule l’a ruiné.
La transformation progressive peut se faire presque sans frais pour les
communes, surlout si l'État intervient; poursuivie avec prudence, mais
avec énergie, elle ne peut causer une gêne sensible et surtout durable aux
populations.
IL est d’ailleurs établi que, dans la région, le rendement en argent des
Taïlis-sous-Futaies est au moins égal à celui des Futaies ; il ne peut qu'être
rehaussé dans l'avenir.
Au point de vue de intérêt général, cette mesure provisoire et d'ordre
administratif ne saurait sufhire.
La région des plates sous-pyrénéens a le fâcheux privilège, dû à sa
position géographique à la naissance de l« Écran pyrénéen », de participer
à toutes les condensations atmosphériques qui se font sur ti chaîne occ1-
dentale française et dans la plaine d’Armagnac. Les bourrasques océa-
niennes y persistent pendant des séries de jours, parfois de semaines ; elles
peuvent y précipiter horairement, par mètre superficiel, 14 kilogrammes
d'eau torrentiellement drainée en quelques heures dans la basse plaine !
IL est vrai que, comme on l’a très justement écrit, «le danger le plus
sérieux disparaît souvent au bout d’un jour et qu'on n’a généralement pas
—#2( 366 es —
de morts à déplorer quand les habitants peuvent se réfugier sur les toits
des maisons inondées et que les murs restent solides ».
Aucun texte n'est plus exact et plus édifiant !
Dans la soirée du 3 juillet 1897, les 44 communes du département des
Hautes-Pyrénées, sinistrées par le fait seul du Lannemezan, ont éprouvé
pour 1,090,851 francs de pertes. À-t-on jamais établi le compte des
ruines subies sous l'action de la même poussée torrentielle, dans les dé-
partements du Gers, de la Haute-Garonne, du Lot-et-Garonne et même de
la Gironde, par les particuliers, les services publics, les compagnies de
chemin de fer, la navigation, etc.? Comment, du reste, apprécier la valeur
de tant de vies humaines englouties dans le secteur compris entre Fic-
Fezenzac et l’Isle-en-Dodon? Et ces prélèvements d'hier sur la fortune pu-
blique, sur des existences précieuses, que Pactualité d’un fait nouveau
efface bien vite du souvenir de ceux qui n’en ont point pâti, ne constitue-
raient pas un de ces dangers que chacun a le devoir de signaler! Tôt ou
tard, ils nous frapperont encore avec une douloureuse et brutale pério-
dicité.
Si, d’ailleurs, on admet avec les maitres de la science que le boisement
d’un sol y ralentit le ruissellement, il est bien certain que la forêt ne rem-
plira jamais mieux son rôle que sur les vastes cuvettes de diramation suré-
levées et imperméables où la gerbe des torrents d’Armagnac puise de for-
midables intensités.
Ce matin, dans un rapide exposé que M. le professeur Henry sut rendre
aussi clair qu'il était documenté, nous avons entendu parler de l'influence
déprimante que joue la forêt de plaine vis-à-vis des nappes phréatiques.
Existe-t-1l en dehors des plateaux argileux et ruisselants des Hautes-Pyré-
nées une région géologique et météorologique plus prédestinée à la mani-
festation de ce phénomène ?
Il n’est, d’ailleurs, pas douteux que la suite des travaux qui seront prés
sentés au Congrès ne confirme encore des principes que je me borne à
énoncer ici,
Avec l'aide d’un collaborateur éminent qui, très utilement, voulut bien
mettre ses connaissances techniques spéciales et ses hautes capacités
scientifiques au service d’une cause forestière, nous avons dû; dans une
étude sommairement présentée, rechercher les causes spéciales de la
torrentialité des Plateaux. Si convaincu que l’on soit de l'efficacité de la
forêt contre le ruissellement, on ne saurait préconiser le reboisement de
par pris, «quand même ». L'étude «forestière » que je préparais, et qu'on
néiésl
(ET es
voulait bien m’encourager à poursuivre, nécessitait des recherches préa-
lables, météorologiques et géologiques, destinées à bien faire ressortir que
l’ensemblé du travail n’était pas une pure spéculation, uniquement bonne
à augmenter d’une unité vaine les projets formulés depuis longtemps en
vue d’une simple «utilisation » agricole, hydraulique ou pastorale de mil-
liers d'hectares de landes qui offusquent la vue par leur stérilité.
Il s'agissait donc surtout de démontrer à quel point cet état de + dénu-
dation superficielle » touchait à l'intérêt général. Ce n’est pas encore la
« dégradation » formulée au texte de la loi du 4 avril 1882. La loi ne sau-
rait tout prévoir. Le législateur d'il y a dix-huit ans ignorait absolument
l’état de ruine où les abus contemporains conduisent certaines forêts pyré-
néennes; 1] n'avait jamais examiné le cas torrentiel bien spécial des argiles
caillouteuses qui, plus ou moins filtrantes, recouvrent sur près de
150,000 hectares le substratum absolument imperméable, la «glace» du
Lannemezan. La région ne présentera jamais un «aspect dégradé » dans le
sens strict du mot : c'est beaucoup plus l’«hygroscopicité» du sol que sa
«restauration » qu'il s’agit de provoquer 1c1.
Est-ce à dire que, par une subordination étroite de l’esprit à la lettre,
qui certainement fut loin de Îa pensée du législateur, quand il limita
si étrangement les sollicitudes de l'État aux «dangers nés et actuels»,
l'action publique soit aujourd’hui désarmée? La question a été examinée
par d’autres, bien plus au fait que je ne puis l'être des .choses forestières
et torrentielles dans les Pyrénées, et résolument tranchée dans le sens de
l'adaptation du texte légal au cas du Lannemezan.
L'État sera donc fondé, au moment voulu, peut-être beaucoup plus
prochain qu’on ne croit, à poursuivre, dans les formes requises, lacqui-
sition de terrains dont l'intérêt public exige le reboisement.
Des considérations géologiques et torrentielles me conduisent à évaluer
à près de 4,000 hectares l'étendue du «périmètre de régularisation » à
créer; il comprendrait des landes, des forêts dégénérées, communales sur
plus des 9/10 de l'étendue totale.
Nulle part le boisement en lui-même ne saurait trouver plus de facilités,
une rémunération plus rapide et plus certaine.
On nous à parlé hier de la disette de matière ligneuse que le xx° siècle,
celui de la houille, du fer et de l'acier, verra certainement se produire en
Europe et peut-être dans le monde entier. L'éminent conférencier, dont les
arguments si documentés embrassent tous les points du globe, disait très
Justement qu’en parlant à notre époque de l'utilité des boisements, il ne
—+2( 368 )e3-—
fallait pas seulement env isager la « protection », mais aussi la « production ».
Ces deux objectifs s’atteignent simultanément ici. Édifiés comme vous l'êles
maintenant, Messieurs, sur la région du Lannemezan, vous pouvez facile-
ment admettre qu'en cinquante ans, des forêts nouvelles, créées à peu de
frais, y auront déjà rempli leur rôle de sauvegarde publique en même temps
qu elles donneront des produits très rémunérateurs.
Les obstacles sont d’un autre ordre, car personne n'ignore la complexité
des questions forestières qui, sorties du domaine de la science pure, se
heurtent, ici comme ailleurs, à mille difhcultés agricoles, économiques et
autres.
C’est une raison pour livrer plus volontiers l’idée que nous croyons
utile à la discussion de tous. afin de l’acheminer plus vite vers une solu-
tion. À ce point de vue, je ne pouvais trouver, en l'exposant aujourd'hui,
une meilleure occasion pour.faire connaître à une assemblée de sylvieul-
“teurs une région qui peut être ignorée de beaucoup d'entre eux, et mérite
à coup sûr l'intérêt de tous.
Les pièces du procès des landes de Lannemezan se trouvent ainsi pré-
sentées aux juges les plus compétents.
Mais, après avoir essayé d’intéresser des forestiers et de conquérir leur
appui moral, 11 faut affirmer le principe hors d’un milieu trop spécial,
faire naître un courant d'opinions dans la région qu'il vise tout spéciale-
ment et où l'œuvre du temps aidera celle des hommes à déterminer son
application.
Nous venons d’ apprendre à l'instant que, dans maintes régions alpestres,
les populations «offrent» aujourd'hui la venie à l'État de leurs terrains
dénudés. Pourquoi ne pas admettre que l'éducation forestière et pastorale
du cultivateur pyrénéen, prudemment guidée, ne permette pas d'atteindre
ce résultat bien autrement préférable à la brutalité d’une prise de posses-
sion légale ?
Il est d’ailleurs une autre solution, à mon sens bien plus conciliante et
que je crois très réalisable.
Que les populations du plateau, progressivement ralliées à l'idée for-
restière qu'on leur a faussement présentée comme étant en antagonisme
inné avec leurs intérêts, alors qu’elle peut rester jusqu’à un certain point
un auxiliaire utile de la culture et du pastorat, demandent à l'État de les
subventionner, de les aider dans le boisement de leurs landes : 1l est hors
de doute que la participation des deniers publics soit acquise aujourd'hui
sans discussion et dans la plus large mesure à de pareïls travaux qui lais-
#2( 369 }e3—
seraient ainsi aux communes, sous la garde du régime forestier, la pro-
priélé pleine et entière de leurs terrains mis en valeur et de leurs forêts
pour toujours améliorées.
Que les taches forestières commencent à se plaquer dans les landes
sous-pyrénéennes, elles s’y développeront comme jadis elles le firent sur
les landes du littoral : aujourd’hui l'arbre n’est pas seulement dans celles-
el une sauvegarde, mais un puissant instrument de richesse et de civili-
sation.
Il existe dans les Pyrénées des centres d'étude généreusement ouverts à
nos discussions; elles y sont accueillies par des hommes de haute valeur
intellectuelle, spécialisés dans toutes les branches de la science, familiers
de la langue gasconne et du caractère pyrénéen : c’est là que doit être ré-
pandue la parole forestière, et que le +reboiseur» trouvera, pour l’ac-
ton ultérieure qu'il sera appelé à exercer, les plus utiles auxiliaires.
Puisse donc cette étude, Messieurs, après avoir intéressé ici, réunir à
convaincre là-bas.
M. Fasne, comme conclusion à son rapport, dépose le vœu suivant :
Projet de vœu. — +11 serait désirable que l'État prit l'initiative d'étudier
la région des landes et des forêts dégénérées du plateau de Lannemezan,
en vue de la constitution d’un périmètre de rérularisation des cours d’eau de
la plaine d’Armagnac, à décréter ultérieurement d'utilité publique. »
M. Carrière. Il serait bon de montrer, dans l'expression du vœu, com-
bien la loi qui nous régit actuellement entrave notre action par sa dispo-
silion qui vise le «danger né et actuel ».
M. ce Pnésinexr. Je ferai remarquer à M. Fabre, en le remerciant de
sa très intéressante communication, que le projet de vœu qu'il formule ne
présente pas le caractère d’études générales qui est le seul que nous puis-
sions envisager dans l'expression d'un vœu.
M. Loze fait observer que le Congrès n'a pas qualité pour inviter l'État
à prendre une mesure législative d'un ordre particulier; il propose de pé-
néraliser les termes du vœu, en donnant satisfaction à M. Fabre par la
mention : « Comme conclusion du rapport de M. Fabre sur le plateau de
Lannemezan. » ( Assentiment.)
SYLVICULTURE. 24
#3 370 )-e:—
En conséquence, le projet de vœu est modifié ainsi qu'il suit U):
« Comme conclusion au rapport présenté par M. Lucien Fabre, sur le
plateau de Lannemezan, le Gongrès de s;lviculture émet le vœu :
« Qu'il serait désirable d'étudier les travaux de rcboisement dans les
terrains ou landes, alors même qu'il n’y aurait pas « danger né et actuel»
et où la régularisation des cours d'eau est devenue nécessaire au point de
vue général. »
Adoption d'un projet de vœu. — Le projet de vœu ainsi modifié est adopté.
M. ce Présimenr. L'ordre du jour appelle la communication du rapport
de M. Canror, inspecteur des Eaux et Forêts à Paris. sur «les améliorations
pastorales, fruilières; réglementation des pälurages ».
M. Canvor donne lecture du rapport suivant :
Déoradation du sol des montaones. Ses conséquences. Ses causes. —
On est de plus en plus en plus frappé et alarmé en France et dans la plu-
part des contrées européennes de la dégradation du sol des montagnes.
Après des défrichements, des déboisements imprudents qui avaient pour
objet d'étendre la zone des cultures et celle des pâturages, on s'aperçoit que
ces cultures et ces pâturages souffrent d’une stérilisation progressive ct de-
viennent de plus en plus impuissants à fournir des moyens d'existence aux
populations des régions montagneuses. Celles-ci se dépeuplent : dans nos
Alpes françaises, dans les Pyrénées, c’est un courant d'émigration continu
vers les pays étrangers. Dans le Plateau central, et dans la plupart de nos
autres régions de montagnes et de collines, c'est un afllux vers les grandes
villes.
On s'aperçoit aussi — un peu partout — que le régime des cours d'eau
s’est gravement altéré. Les ruisseaux sont devenus torrents, Nos rivières et
grands fleuves s’ensablent, s’assèchent de plus en plus en été, deviennent
de plus en plus impropres à la navigation ; leurs crues sont fréquentes,
excessives, et les dépâts dus aux inondations vont en se multipliant et en
s'ageravant,
Et si on analyse ces faits, si on cherche à en déterminer les causes, on
%) Ce vœu a été modifié dans la séance générale du jeudi 7 juin 1900.
|
L
L
.
—#3( 371 )e3—
arrive bientôt à reconnaître qu'ils dérivent surtout d’un mauvais régime
pastoral.
La stérilisation des pâturages montagneux se manifeste sous deux
formes distinctes : l'usure progressive du sol vépétal qui aboutit à la dénuda-
tion, puis à l'érosion; — la transformation de la flore herbacée par la sub-
stilulion aux bonnes espèces végétales d'espèces de moins en moins pro-
duclives et nutritives, puis par l'invasion des végélaux coriaces, ÉpInCux,
sous-ligneux, des arbustes et buissons impropres à l'alimentation du bétail.
Le pâturage devient lande, herme, garrigue.
Et, si ces transformations regrettables se produisent, c'est qu'on ne
prend pas soin de régler le nombre de têtes de bétail d'après l'étendue et
la fertilité des herbages, — ni d'entretenir ceux-ci par des fumures et
travaux appropriés. mi enfin d'aménager les pâturages en vue d’une pro-
duchon soutenue et d'une exploitation lucrative.
La plupart de ces pâturages appartiennent à des groupements commu-
naux, communes, sections de commune, et les administrateurs de ces
collectivités n’ont eu jusqu'ici ni une initiative, ni une autorité suflisantes,
ni surtout les moyens d'exécution nécessaires, soit pour élablir et faire
respecter de bonnes réglementations, soit pour régler l'exploitation des
piturages d’après des aménagements rationnellement établis, soit pour
leur donner l'outillage nécessaire et les soins d'entretien les plus indis-
pensables.
Lépislations étrangtres. — On a commencé à réagir au nom de l'intérêt
public contre cette insuflisance ou cette impuissance des collectivités à main-
tenir en bon ordre et en bon état leurs pâturages de montagnes. C’est en
Suisse que l’on paraît avoir pris jusqu'ici les mesures les plus importantes
et les plus efficaces. Les législations cantonales renferment généralement
des dispositions énergiques et sévères pour assurer la répression des abus
de jouissance. Je citerai notamment, à titre d'exemple, — la récente
loi votée par le Grand Conseil du canton de Neuchâtel et qui a subi victo-
rieusement l'épreuve du referendum. Elle soumet au régime forestier tous
les pâturages boisés, appartenant à l'État, aux communes, aux corpora-
tons et aux parhculiers, s'inspirant de ce principe que la conservation des
lerrains et de la végélation sur les pentes des montagnes est d'intérêt public. Je
cilerai aussi les réglementations très anciennes et très conservatrices du
canton de Glaris; le règlement des alpages du canton de Vaud, 1876 ; le
décret du 23 novembre 1878 sur l'amélioration des alpages du Valais, qui
24.
—#%( 372 es
a imposé notamment la construction du chalet-abri pour le parcage des
bestiaux dans toutes les montagnes qui en étaient dépourvues, etc.
Tous les cantons et la Confédération elle-même ont des crédits d’une
certaine importance pour subventionner les travaux d'amélioration pasto-
rale. Enfin des hommes dévoués à leurs pays, Landolt, Schatzmann, cte.,
ont, par leurs écrils, par une propagande incessante, développé liniliative
des communes, provoqué l'établissement de bons règlements de pâturages
qui fixent l'étendue des pâquiers, soit la surface nécessaire à la nourriture
d’une vache pendant Fété, provoqué également l'exécution de travaux
d'entretien. Dans la plupart des communes du Jura suisse, chaque usager
est tenu de fournir, pour ces travaux, un nombre de journées ou d'heures
de prestation en rapport avec le nombre de têtes de bétail qu'il est auto-
risé à conduire au pàturage.
En Autriche-Hongrie, le Conseil de l'Empire a voté, en 1883, une loi
‘qui autorise Îes législations des pays à prescrire la réplementation des com-
munautés agraires (ayant des droits de propriété ou d'usage souvent très mal
définis sur des terrains en nature de pâturages, bois, et même de cul-
tures), el qui les autorise, d'autre part, à provoquer la division des terres
communes entre les propriétaires usagers, si l'utilité de ce partage est
constatée. Cette législation n'a pas produit, jusqu'iet, de grands résultats;
mais les dégâts considérables (ils ont élé évalués officiellement à plus de
ha millions de francs), occasionnés l’année dernière par les inondations
en Autriche, détermineront vraisemblablement des applications plus nom-
breuses et plus étendues de la loi en vigueur.
En Allemagne aussi, on a commencé à se préoccuper de l'appauvrisse-
ment des pâturages communs. Ainsi, en 1887, une enquête fut faite sur
l'état des pâturages situés dans quelques districts de la Forêt-Noire, et la
Commission administrative qui en fut chargée conclut : 1° à la promulga-
tion d'ordonnances réglementant l'exercice du pâturage; »° à la mise en
défens temporaire et à l’exécution obligatoire de travaux d'amélioration
dans les parties dénudées ou couvertes de mauvaises herbes; 3° au boise-
ment des pentes dangereuses.
Lépislation française. — En France, les lois du 28 Juillet 1860 et du
L avril 1882 ont eu principalement en vue le reboisement des pentes ra-
vinées et la correction des torrents. Elles ont pour objet de corriger les
dangers nés et actuels, résullant de l'érosion, du phénomène torrentiel. Ce-
pendant, le législateur de 1860 comprit que le reboisement seul, en 1m-
-#2( 373 )e3—
posant à l'État et aux communes usagères des sacrifices trop longtemps
prolongés, ne pouvait être appliqué qu'à des surfaces relativement res-
treintes; que, d'autre part, 1l ne faisait qu'aggraver, au moins momen-
tanément, la situation économique des habitants. II compléta sa loi par des
dispositions nouvelles visant le RE (loi du 8 juin 1864). Le
législateur de 1882 a obéi aux mêmes préoccupations en introduisant des
dispositions concernant la réolementation des pâturages, rendue obligatoire
pour certaines communes désignées dans un règlement d'administration
publique et la mise en défens , qui, après une enquête publique, peut être
prononcée par un décret rendu en Conseil d'Etat.
Ces législations successives établirent, d'autre part, ce principe que des
subventions pourraient être accordées par l'Etat aux communes, établisse-
ments publics et particuliers pour travaux de reboisement (loi de 1860),
de gazonnement (loi de 1864); pour travaux ayant pour objet l’améliora-
tion, la consolidation du sol et la mise en valeur des päturages en mon-
tagne (loi du 4 avril 188»).
Ses résullats. — Quels ont été les résultats obtenus au point de vue pas-
toral par ces législations successives ?
On peut signaler d’abord une réduction très sensible de la transhumance
des moutons provençaux dans la région des Alpes. L'établissement des péri-
mètres de reboisement pes eut, en eflet, pou conséquence d’obli-
ger un certain nombre de communes à rendre à la jouissance des habi-
tants leurs montagnes précédemment affermées à des bergers de Pro-
vence.
On peut signaler encore les résultats obtenus en application des idées
préconisées surtout par MM. Marchand. Calvet, Briot, Broilliard, cete.,
et tendant à provoquer la substitution, au moins partielle, de l'espèce
bovine à l'espèce ovine dans l'exploitation des montagnes. Les subven-
tions accordées pour établissements de fruitières dans les Pyrénées et les
Alpes ont certainement exercé une action importante sur le développement
ou le perfectionnement de l'industrie laitière dans ces résions, et, si l’on
ne peut aflirmer qu'elles aient contribué jusqu'ici à réduire sensiblement
. le nombre des bestiaux de l'espèce ovine qui parcourent en été les mon-
tagnes, on a toute raison de croire qu'en se propageant par l'exemple
et apportant plus de bien-être dans les vallées ces utiles établissements
provoqueront peu à peu l'abandon de ce système pastoral si arriéré, si
improductif et en même temps si destructeur, qui consiste à entretenir
_ex( 374 jes—
seulement le bétail pendant la saison d'été, et à ne poursuivre ni l’engrais-
sement n1 la production du lait.
Mais, d’une façon générale et dans son ensemble, la situation pasto-
rale, — il faut bien le reconnaître, — ne s’est pas sensiblement modifiée.
Les mêmes pratiques imprévoyantes et dévastatrices continuent à s'exercer.
Si on recherche les causes du peu d'importance des résultats obtenus jus-
qu'à ce jour, on trouve que, d’une part, notre législation n’a vraiment pas
abordé la question pastorale dans sa généralité, ni dans ses détails essentiels:
qu'elle a imposé des règles, conditions, formalités d'application nuisibles
parfois au but poursuivi ; on trouve encore que le service forestier, chargé
de son application, fut obligé dès l'abord de consacrer des crédits impor-
tants aux grands travaux d’art qu’exigeait la correction de torrents les plus
dangereux, puis aux expropriations si onéreuses imposées par la loi;
qu'ainsi il ne disposait plus ni des ressources financières, n1 surtout du
personnel nécessaire pour pouvoir donner une impulsion sérieuse aux tra-
vaux d'amélioration ou aux réglementations pastorales.
Aujourd'hui, d’après M. Demontzey, qui en fut le principal promoteur,
les grands travaux d'art appliqués à la correction des torrents semblent
appelés à diminuer un peu d'importance, «les lorrents restant à éteindre,
étant de moindre envergure ». On a reconnu, d’ailleurs. qu'ils ne pouvaient
donner des résultats décisifs et durables qu’à la condition d’être complétés
par la correction de tous les petits ravinements et la restauration végétale
de toutes les pentes dégradées des bassins de réception.
D'autre part, on tend à limiter les expropriations qui obligent l'Etat à
payer à un prix souvent trop élevé des berges en ruines ou des pentes
ravinées. Enfin, l'acquisition amiable par l'Etat de terrains étendus, des-
linés à être reboisés, peut constituer, dans certains cas, une solution
excellente, parfois, la meilleure de toutes; mais elle ne peut être encore
qu'une solution hmitée, en raison des sacrifices importants qu'elle entraine
pour le Trésor, de la difliculté et de la longueur des négociations et for-
malités; en raison aussi du très grave inconvénient qu’elle présente de
favoriser en une certaine mesure la dépopulation locale.
Le service des améliorations pastorales. — Le moment semblait donc venu
d'aborder franchement la question pastorale qui, d’après l'avis unanime
de nos auteurs spéciaux, Surell, Cézanne, Mathieu, Marchand, Calvet,
Demontzey, Briot, Broilliard, Thiéry, est à l’origine de toutes les dégrada-
tions du sol des montagnes, et dont la solution peut seule, par conséquent,
-—#%( 375 )e3—
assurer complètement et définitivement leur restauration végétale et leur
régénéralion économique.
C'est dans ce but que, par décret en date du 30 décembre 1897, un
service des améliorations pastorales a élé inst tué au Ministère de l'agricul-
ture, direction des Forêts. Ce service, avec des moyens pour le moment
très restreints, a pour tâche essentielle d'encourager et aïder, par des sub-
ventions, où seulement par des conseils, plans de travaux ou d'aménagement
fournis gratuitement, les départements, les communes et les particuliers
dans les efforts qu'ils voudront faire, en vue de la restauration, de la
mise en valeur et de l'aménagement de leurs p'turages dégralés où appau-
vris.
C’est une œuvre importante el qui demanderait à être largement déve-
veloppée. Elle peut s'appliquer, en effet, en France, à des terrains d’une
superficie de 6,226,8 1 9 hectares qui. d’après la statistique agricole de 1892,
sont classés sous la dénomination de landes, pütis, bruyêres, sols rocheu.c
ou montagnes inculles, marécages et tourbières dont le proluit est absolument nul,
ou tellement infime qu'il est inutile d’en faire mention. Or, ces terrains, sur plus
des trois quarts de leur surface, sont susceplibles d’une mise en valeur ré-
munératrice par l'amélioration de leurs herbages dans leurs parties les plus
planes et les plus fertiles, et par des plantations forestières dans toutes
v
1 les parties rocheuses, embroussaillées, en pente rapide, impropres enfin
au pâturage ; le plus souvent, donc, par des travaux -mucles : pasloraux ct
k forestiers.
s Le développement de ces travaux aurait pour résullats d'accroitre dans
une mesure très importante les moyens d'existenre des populations rurales dans
les répions montagneuses de notre territoire, et de donner à notre industrie laitière
1 el à nos exploitations syloicoles une importance en rapport avec les besoins que
1 révèle le chiffre st considérable de nos importations en bois, bélail et produits
4 laitiers.
Ce service a encore pour mission d'assurer une application plus com-
l plète et plus étendue des dispositions de la loi du 4 avril 18S2, conccr-
$ ; ë ; ; Si À ;
nant la réglementation des p turages et les mises en défens, Enfin, ses
études et ses travaux lui permettront sans doute de préparer les bases
; ’ ps ° RES : , , , . .
L d’une législation plus générale et plus eflicace, d'assurer l'organisation
4 en France d’un régime pastoral mieux approprié à notre état social, mieux
4 en harmonie avec une civilisation, avec des progrès agricoles qui, jus-
à 2. b] Ris à RAS à - si Re
+ qu'ici, semblent s'arrêter à la lisière des montagnes ; — l'organisation d'un
è régime pastoral susceptible de développer les profits aujourd'hui si res-
&
—+3( 376 )ee3—
treints qui dérivent de la jouissance des terres communes; d'assurer entre
les usagers une équitable répartilion de ces profits ; susceptible enfin d’en
garantir à perpétuité le renouvellement et, ainsi, de sauvegarder les droits
légitimes des générations de l'avenir.
Conclusion et vœux. — Cette organisation d'un régime pastoral constitue
peut-être lune des réformes les plus importantes et les plus urgentes qui
puisse s'imposer à l'attention des pouvoirs publics dans le siècle qui com-
mence : la destruction du sol des montagnes de la pâture libre, exercée sans
réple ni mesure, sans le souci d'assurer la révénération des gazons et des bois,
a contribué pour une grande part à la ruine des anciennes ciilisations. L'expé-
rience doit nous instruire.
Comme conclusion, je propose que le vœu suivant soit adopté par le
Congrès() :
« Le Congrès international de sylviculture, dans sa séance du
, au Palais des Congrès, à Paris, en vue d'arrêter le progrès
de la dégradation du sol des montagnes,
+ Émet le vœu que, dans chacune des nations représentées, une législation
pastorale soit étudiée, ou, si elle existe déjà, que, par une application aussi
étendue qu'il sera possible, on en obtienre l'effet maximum ; puis, que l'on étudie
les moyens de la compléter ou de la perfectionner ;
« Que, d'autre part, toutes mesures administratives et financières soient prises
pour assurer la reconshtution, la mise en valeur et L fructueuse exploitation de
toutes les terres publiques, appartenant à des collectivités : Éats, provinces,
tribus, réunions de communes, communes, sections de commune, établissements
publics ;
« Qu’enfin, en raison de l'importance de ces deux questions, il soit fait un
rappcrt dans le prochain Congrès international des dispositions législatives adop-
tées et des mesures prises par les différents États. » (Applaudissements.)
Adoption d'un projet de vœu. — Le projet de vœu ci-dessus est adopté
à l'unanimité.
M. ce Présinenr. L'ordre du jour appelle la communication du rapport
de M. Violette, inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, sur les Défenses
contre les érosions de l'Océan; voies de vidange duns les forêts des dunes.
® Ce projet de vœu a été adoplé par le Congrès dans sa séance générale du jeudi
7 juin 1900.
me. me de
—#%( 377 js
M. Vrocerre donne lecture du rapport suivant :
LA VÉGÉTATION FORESTIÈRE ET HERBACÉE PROTÈGE LE LITTORAL
CONTRE LES ATTAQUES DES FLOTS.
Messieurs, l'examen des procédés de défense contre les érosions de
l'Océan devait intéresser votre deuxième section. Les effets bienfaisants
de la végétation, tant forestière qu'herbacée, sauvegarde de la montagne
contre les dégradations des méléores, s'étendent également aux basses ré-
gions du littoral, que l’arbre et la plante protègent contre les attaques in-
cessantes des éléments.
EXPOSÉ DU MODE DE DÉGRADATION DE LA DUNE LITTORALE
PAR LES EAUX.
I
ANALOGIE ENTRE LES PHÉNOMÈNES DE REMANIEMENT DU LIT DE L'OCÉAN
ET LES PHÉNOMÈNES TORRENTIELS.
L’analogie est grande entre les phénomènes de remaniement du lit de la
mer et les phénomènes torrentiels. L'aflouillement de la plage, l'érosion
de la rive, la mise en suspension des matières désagrégées dans les eaux
dont les remous Îes brassent et dont la vitesse les soutient, le transport,
en mélange de ce limon, des débris de toutes grandeurs entraînés par les
vagues où par Îles courants côtiers, l'abandon des blocs, la précipitation
des poussières sur le point où le flot cesse d’être rapide ou agité, sont des
phénomènes foncièrement semblables à ceux de l’affouillement et de l’éro-
sion des bassins de réception des torrents, au soulèvement des boues et
des quartiers de roc, au charroi des matériaux dans le canal d'écoulement,
à leur dépôt dans le lit de déjection.
On remarquera même que, comme le torrent nous présente tour à tour
ses crues impélueuses et ses périodes de déversement plus modéré, l'Océan
nous offre le contraste de la simple mobilité quotidienne de ses eaux et du
déchainement exceptionnel de ses tempêtes.
La série des profils momentanés ‘équilibre, formés sur les rivages par
les assauts des courants et des vagues, marque les phases successives de la
—+2( 378 )es—
balance entre la puissance variable de remaniement possédée par les flots
et entre les résistances, plus ou moins uniformes, qui proviennent de la
configuration de la côte ainsi que de sa constitution spécifique. Nous y re-
trouvons tout l’analogue des profils momentanés d'équilibre, modifiés aus-
sitôt que créés, qui se succèdent au cours du premier tumulte, désordonné,
de chaque crue des eaux de la montagne.
Lorsque, pour une période d’une certaine durée, les effets de dégradation
et de restauration portés par la masse océanique se détruisent et s’annulent,
le modelé des hauts-fonds demeure quelque temps invariable. Ces profils
temporaires d'équilibre de la rive submergée rappellent exactement les
prolils de compensation, non moins temporaires, qa’impriment à leur lit
d'épanchement les eaux alpestres, dans le plein écoulement de la fin de
l'orage.
Mais le profil de stabilité du torrent dompté par le génie de l’homme
n’a pas de correspondant pour Îles travaux à la mer. Le maintien à peu près
définiüf d’un certain aspect des relicfs est le résultat de l'établissement d’un
régime presque permanent de l'action des eaux. En montagne, l'existence
de profils stables atteste le succès de l’œuvre de régularisation du dégorge-
ment des eaux météoriques. Pour obtenir à la mer des eflets de fixation
sensiblement persistants, il faudrait réglementer, sur une zone d’une assez
grande étendue, le régime des courants côtiers.
CARACTÈRE ESSENTIELLEMENT PRÉCAIRE DES TRAVAUX DE DÉFENSE À LA MER.
Nous ne pouvons nous altacher à la création d'une œuvre aussi colossale,
L'entreprise serait d’ailleurs injusliliée, puisque nous parvenons, au prix
d'efforts peu dispendieux, à produire des résultats à peu près satisfai-
san(s.
Il est donc bien entendu que nos systèmes de défense contre les érosions
des flots ne poursuivent d'autre but que de fournir une protection d’un ca-
ractère plus ou moins passager.
Si les ouvrages ont peu de consislance ou si, en raison même du mode
de leur action, leur ellicacité est de peu de durée, ils devront être sans
cesse renouvelés.
Si les travaux effectués sont considérables, s'ils sont de nature à résister
durant de longues années, ce ne sera pas assez de pourvoir à leur entre-
tien. Il faudra songer encore à les adapter constamment aux conditions
toujours nouvelles de l’attaque. Ces divers soins devront être donnés avec
RS à à, à
à
|
ai |:
—+3( 379 ).e3—
continuité. Ils se traduiront par l'exécution de séries de réparations plus ou
moins importantes, et par l'établissement, de temps à autre, d'ouvrages
complémentaires de deuxième ordre.
Il
LIMITATION DE NOTRE EXAMEN À LA DESCRIPTION DU MODE DE PRÉSERVATION
DU LITTORAL DES DUNES.
Dans cet examen sommaire des procédés de préservation de nos rivages,
nous ne décrirons que les travaux de protection effectués sur le littoral des
dunes. Seules de nos frontières maritimes les dunes intéressent le forestier.
Sur leurs côtes, meubles ct fertiles, les moyens d'action dont 1l dispose
sont particulièrement efficaces. C’est là aussi que ses aptitudes spéciales et
la confiance des Pouvoirs publics lappellent à lutter contre les empiéte-
ments de l'Océan.
FORMATION DES DUNES PAR LES EAUX. LEUR DESTRUCTION PAR LES EAUX.
Les dunes sont des amas de poussières arénacées, qui s'accumulent, en
forme de longues chaînes de collines et parfois de monticules isolés, aux
confins de toutes les plages dont le sol est tapissé de sable sur une forte
épaisseur ainsi que sur une étendue superficielle considérable. Ces maté-
riaux ténus, crachés par les vagues, sont saisis par le vent sur la lisière
que le flot découvre périodiquement et portés vers l'intérieur des terres.
Mais la côte, formée d’une silice inconsistante, est bientôt dégradée par les
mêmes eaux auxquelles elle doit en partie sa naissance. Les sables, issus
de l'Océan , sont repris par les courants, qui les restituent aux régions VoI-
sines de celles d’où ils les ont extraits, ou qui les entraînent définiuve-
ment dans les gouflres d’où ils ne remonteront jamais.
NATURE DES COURANTS OCÉANIQUES SUR LA CÔTE LANDAISE.
L'importance du rôle que jouent les courants marins, aussi bien dans le
renforcement de la côte par la constitution d’apports sableux que dans la
dégradation des hauts-fonds et dans la destruction des rives émergeantes,
mérite que nous en disions quelques mots.
_#( 380 jes—
Ces courants sont de diverses natures. Ceux qui règnent dans la région
des dunes de Gascogne se ramènent à quatre classes :
Le courant propre du flot de marée se renverse à chaque oscillation
semi-diurne de l'Océan. Nous ne le citons que pour mémoire, car ses effets
alternatifs portent un résultat à peu près nul, en raison de ce que la vitesse
du flot descendant diffère peu, ici, de celle du flot montant.
Les courants locaux temporaires se confondent, sur les rives du golfe
Aquitain, avec les déplacements des eaux produits par les escourres et par
les pointes. Îls tendent toujours à entrainer le sable vers le large.
Le courant d'impulsion du vent est limité aux couches superficielles de
l'Océan. Toutefois 1l se communique à une zone d'autant plus profonde
que l'intensité du souffle atmosphérique est plus prononcée.
Les orands courants côliers se montrent à peu près permanents, comme
assiette et comme régime. Ces courants ne sont autre chose que la mani-
festation des effets d'ensemble provoqués par les forces naturelles qui tendent
à établir un état général d'équilibre dans les eaux qui baignent les rives.
Leur tracé, leur importance sont le résultat, tant des différences de densité
de l'élément neptunien, dues à la disparité de salure, de température, de
pression, que du relief des fonds et des formes du continent. L'influence
des grands courants devient prédominante par un brassiage supérieur à
quelques dizaines de pieds d’eau. — Sur les côtes landaises et girondines,
l'écoulement le plus considérable des eaux littorales se fait en plongeant
vers les grands fonds du gouffre de Biscaye.
Outre les grands courants sous-marins, il existe, dans les régions supé-
rieures de la zone bordant les dunes gasconnes, un déplacement d’eaux,
d’un très fort débit, qui s'effectue dans la direction du nord au sud, en
longeant la côte. Ce mouvement de la masse liquide paraît constituer une
répercussion parlielle des ondes du courant de Rennel, fleuve atlantique
qui s'écoule des promontoires de Ja Galice vers les récifs de la Bretagne.
PUISSANCE DÉGRADANTE DU VENT.
Le vent saisit, sur les rives découvrantes, les détritus rejetés par les
eaux. Îl transporte ces niatières sur la région constamment émergeante de
la côte: il les dérobe aux remaniements ultérieurs du lit de l'Océan; il
amoindrit ainsi la valeur de protection que possédait la masse sableuse de
la haute plage.
La puissance dégradante du vent est donc extrémement grande, non
— #2 381 ea
seulement par ses effets indirects, qui sont ceux des tempêtes qu'il à
soulevées, mais encore par laflouillement direct qu'il exerce sur la
plage.
Il est à remarauer que le vent, en creusant les rives découvrantes, oblige
l'Océan à affouiller ses hauts-fonds et à charrier du sable vers les terres,
pour reconstituer le profil d'équilibre correspondant à l’action actuelle des
eaux.
Le vent cause encore des dégâts considérables au bourrelet de défense
constitué par l’amoncellement des sables de la dune littorale. Il suffit de
mentionner celte circonstance pour laisser entrevoir toute l'étendue de ses
conséquences, sur lesquelles 1l n’est pas besoin d'insister.
MÉCANISME DE L’APPORT ET DE L’EMPORT DU SABLE SUR LES FONDS.
Le mécanisme de l'apport du sable vers les rivages, et celui de son
emport vers les profonds, constitue la base de la technique des systèmes
appliqués à la défense du littoral. Nous devons le définir sommaire-
ment.
Les particules sableuses, que les remous des eaux ont soulevées jus-
qu'aux couches liquides soumises à laclion des courants montants — cou-
rants qui, d'ordinaire, règnent à la surface — sont transportées dans Ja
direction du continent, en même temps que, sous l'effet de leur poids, elles
sont entrainées vers le fond.
Bientôt les parcelles sont saisies, au cours de leur chute, par les cou-
rants qui descendent vers le large. Les premières masses refluentes, dans
lesquelles les sables pénètrent, ont toujours assez de puissance pour les
ramener vers la haute mer, parce qu’elles ne sont point saturées dema-
üières en suspension. Mais elles ne les conduisent pas très loin, les eaux ne
se déplaçant que lentement dans le voisinage du courant inverse qui règne
dans les zones supérieures. Ainsi les corpuscules flottants gravitent d’abord
dans un sens peu différent de celui de l'attraction terrestre. Puis 1ls tra-
versent, suivant une direction plus ou moins oblique, la zone des eaux
médianes, animées d’une vitesse plus grande, eaux d’autant plus voisines de
leur point de saturation que lon descend davantage. Les détritus quart-
zeux pénètrent enlin dans Îles couches inférieures les moins rapides, les
plus fortement chargées de matière pulvérulente, qui, en les admettant,
sont contraintes de déposer sur les fonds une quantité exactement égale
des parcelles qu’elles charriaient.
—#2( 382 }ee3—
EFFETS DE CREUSEMENT OÙ D’EXHAUSSEMENT DES RIVAGES,
RÉSULTANT DU TRANSPORT DES SABLES.
Il suit que, selon le degré des intensités relatives des courants montants
et des courants de:cendants, encore selon le temps pendant lequel les grains
siliceux demeurent soutenus dans la masse liquide, c'est-à-dire selon la
hauteur à laquelle les remous les ont soulevés, les matériaux retomberont
plus près du rivage qu'ils n'ont été pris ou, au contraire, se déposeront
plus loin.
Si l'influence des courants descendants est la plus forte, le talus des
rivages submergés ira constamment se creusant dans ses parties hautes et
s’élevant dans ses parties basses, c’est-à-dire que la pente des fonds s’adou-
cira jusqu’à une assez grande distance en mer, en même lemps que les
eaux gagneront sur le continent. Si la prédominance appartient à l’action
des courants montants, le profil du lit océanique se creusera dans ses par-
ties basses et s’élèvera dans ses parties les plus hautes, sur la lisière litto-
rale. La pente des hauts-fonds se raidira, en même temps que la terre
gagnera sur les flots.
Ill
CARACTÈRE INCOMPLET DE L’ANCIENNE TECHNIQUE DE LA DÉFENSE DES DUNES.
La description de la nature et du mode d’action des puissances actives
qui modifient les contours et les reliefs du littoral des dunes est achevée.
IL nous reste à examiner les procédés de défense mis en usage pour
parer à ceux des effets de ces agents dont Île travail consiste à opérer la
destruction progressive de la côte.
À notre très vif regret, nous ne pourrons nous acquitter, aussi entière-
ment que nous l'eussions désiré, de la tâche que le bureau de votre
deuxième section nous a fait l'honneur de nous confier.
Nous sommes aujourd'hui parvenu à la conviction intime que la trans-
formation des rivages des Sables de Gascogne est un phénomène dont la
production est déterminée par un très petit nombre de lois extrêmement
simples dans leurs principes, quoique des plus complexes dans leurs con-
séquences. Les circonstances principales de la mise en œuvre des forces qui
entraînent ces résullats, et, par suite, les résultats eux-mêmes demeurent
sensiblement identiques, à échéance séculaire. Même dans les effets immé-
… mt fl... suit. he
d'ours. à LL De. à
rats dé en RS
PE APT RES.
M ls D | he dé
-#ù( 383 Ve4—
diats que portent leurs manifestations du moment, ces forces montrent
une continuilé, une uniformité d'action à très peu près invariables, pour
des périodes d'assez longue durée. Cette conviction, qu'actuellement nous
possédons pleine et absolue, ne s’est pas formée chez nous dès l'abord.
BUT PREMIER DE LA CONSTRUCTION ET DE L’ENTRETIEN DE LA DUNE MARITIME,
Appelé par notre Administration, pour nos débuts dans la carrière du
forestier, à diriger, durant quatre années, les travaux d’entretien d’une tren-
taine de kilomètres de la dune littorale des Landes, et de nouveau, depuis
trois ans, à protéger, dans la même réyion, une longueur d'environ vingt-
cinq kilomètres de côtes, nous n'avions, au cours de la première période
de notre passage dans ce service spécial, que très incomplètement saisi le
mode d'action dela mer. Nous considérions alors l'attaque des flots comme
une force aveuyle, désordonnée, capricieuse, détruisant aujourd’hui’ce
qu'elle reconstituera demain, renforçant la dune sur ce point en même
temps qu'elle la dégrade sur cet autre, sans aucun motif, sinon celui qu'il
faut bien que les sables arrachés aux rivages aillent se déposer quelque
part. Nous nous appliquions à réparer de notre mieux le bourrelet littoral,
parce que nos maîtres et nos devanciers, s'appuyant sur l'expérience que
donnent l’âge ou la pratique, avaient, lous et toujours, été d’avis de main-
tenir en bon état la dune maritime; parce qu’encore l'obligation d’un tel
entrelien est imposée par la nécessité de retenir les sables nouveaux, pour
empêcher qu'ils ne viennent ensevelir les plantations qui fixent les sables
anciens, ou qu'ils ne les détruisent en les cinglant mortellement de leurs
grains projetés avec violence par l'ouragan.
DEUXIÈME GENRE DE SERVICES RENDUS PAR LE REMPART LITTORAL.
L'utilité que présente limmense rempart de la dune littorale, en tant
qu'amoncellement de matières issues de l'Océan et destinées à être récu-
pérées par les eaux, destinées encore à se voir restituées à la côte, puis
bientôt reprises pour être rejetées à nouveau, amusant, par leur va-et-
vient, la force vive d’érosion possédée par les flots, nous avait à peu près
complètement échappé. Volontiers, n’eût été la dépense, nous aurions
élalé la dune, largement, aux fins de diminuer le coût de la réparation des
dégâts causés par le vent, sans nous rendre compte que c'était faire le jeu
—#2( 384 )e3-—
de l'ennemi, lui faciliter ainsi de pousser plus rapidement vers l'intérieur
de terres que nous avions reçu la mission de défendre contre ses attaques.
BASES D’UNE TECIINIQUE NOUVELLE.
Ce n’est qu'à la suite d'un travail latent d'induction, corollaire accou-
tumé d’une observation persistante des phénomènes de la nature, que nous
avons dégagé le mécanisme très simple de l'attaque des côtes sableuses par
l'Océan, et reconnu leur mode de résistance spontanée. Certains déplace-
ments internes des eaux littorales, irréguliers et sans suite, s'entre-dé-
truisent; 11 n’en subsiste aucune trace. D’autres mouvements s’opèrent avec
continuité, et se traduisent par des eflets durables. En fin de compte, les
remaniements des rivages des dunes dépendent uniquement des rapports
de l’action tour à tour destructive et réparatrice des courants côtiers avec
Ja résistance que la configuration du littoral et notamment les reliefs des
fonds opposent à celte dégradation et aussi à cette restauration.
Ainsi, notre exposé des divers modes de protection de la côte, pour
qu'il constituät un examen critique bien complet, une étude parachevée,
devrait être présenté dans ses relations avec les effets d'attaque et de re-
construction qui résultent de la balance variable de l'équilibre entre les
forces agissantes et résistantes de la mer et des rivages. Il nous faudrait
même, non seulement discuter rationnellement les procédés de défense de
la dune dans leurs rapports avec celte technique spéciale, mais comparer
le coût des travaux à leur durée probable et à la qualité présumée de l'effet
produit.
C’est à une œuvre où nous serions trop novice.
CIRCONSTANCES QUI RENDENT DIFFICILES, AUJOURD'HUI DU MOINS,
DE DÉTERMINER LES MÉTHODES À SUIVRE.
L'insuflisance de notre expérience n’est pas la seule difficulté à laquelle
nous nous soyons heurté. Des circonstances accidentelles nous ont mis dans
l'impossibilité, après nous être expliqué le mode de l’action des caux sur
les sables, d'obtenir, par l'observation de faits expérimentaux choisis parmi
les plus simples, quelques conclusions premières, qui eussent servi de com-
mencement pour la constitution d’une méthode scientifique d'entretien
de la dune, au point de vue de la protection des rivages contre l’action des
eaux.
De om fe à ne de
rotatif ét
—+#+2( 385 )ees-—
Depuis quelques années, en effet, nous sommes entrés dans une période
de dégradations anormales. Les érosions récentes sont vraiment exceplion-
nelles par leur importance, par leur persistance, et même par le processus
de leur production.
LES RELATIONS ENTRE LE CONTINENT ET LA MER PARAISSENT ACTUELLEMENT SE MODIFIER
SUR LES CÔTES GASCONNES.
La théorie, dont nous avons ci-dessus exposé les bases. nous induit à
admettre qu'une modification aussi radicale des conditions de l'attaque des
flots ne peut être l'effet du hasard.
I y a certainement quelque chose de changé, sur le littoral des Landes.
dans les relations entre le continent et la mer.
Ou bien le régime des courants côtiers est modifié, par contre-coup de
modifications survenues dans le régime des grands courants atlantiques,
ou pour tout autre motif.
Ou bien le niveau du continent varie, s’exhaussant ou s’abaissant par
rapport au niveau de l'Océan.
Ou, enfin , les deux circonstances se produisent à la fois.
Nous aurons à revenir plus loin sur ce sujet complexe, à l'occasion du
vœu dont nous vous proposerons l'adoption. Mais nous retiendrons, en
passant, que le moment actuel est aussi peu favorable que possible, dans
la région gasconne, pour entreprendre de fonder une technique complète
du mode de défense des dunes contre les attaques des flots. Les circon-
stances sont, au contraire, on ne peut plus favorables pour étudier les rap-
ports entre la mer et ses rivages, et arrêter ainsi les bases de la technique
future.
DIFFICULTÉ DE L'ÉTABLISSEMENT D'UN SYSTÈME RATIONNEL D'ENTRETIEN
DE LA DUNE LITTORALE.
IV
BASE, ACTUELLEMENT LA SEULE EXPÉRIMENTÉE, D'UN SYSTÈME DE DÉFENSE CONTRE LA MER:
MAINTIEN, SUR LA RIVE MÊME, DES MATÉRIAUX REJETÉS PAR LES FLOTS.
Dans cet état de la question , nous nous bornerons à dire que, dans l’éta-
‘blissement d’un système rationnel de protection des côtes, une seule base
SYLVICULTURE, 21
_æx( 386 )es—
de la ligne de conduite à observer peut être actuellement considérée comme
acquise, étant la seule consacrée Jusqu'ici par le contrôle de l'expérience :
Il faut accumuler aussi près que possible de la mer les’ sables qu'elle a rejetés.
Dans la pratique, on complétera l'énoncé de cette règle primordiale
de la défense des dunes, par la mention de cette condition restrictive :
dans la mesure où l'on y parviendra sans augmenter sensiblement le coût
c, 2..9 jan
des travaux d'entretien.
RÔLE PROTECTEUR REMPLI PAR LE BOURRELET LITTORAL, EN DÉGORGEANT SES SABLES
DANS LES EAUX AGITÉES.
À défaut de connaître, dès aujourd'hui, la nature de procédés efficaces
en même temps qu'économiques, s’adaptant à la défense directe de la côte
contre les attaques de l'élément salé, on ne peut, assurément, concevoir
‘une méthode de protection indirecte d’une nature plus simple, d’une appli-
cation plus aisée que le système qui consiste à entasser, au plus près des
limites de la mer, les détritus qu’elle a crachés.
On constitue de la sorte, sur la rive, des amas de matériaux, qu'au cas
de la production d’une série d’érosions on laissera se répandre peu à peu
dans les flots. Les sables ainsi reversés dans l'Océan empècheront qu'il
n’arrache à son lit un volume important de substances, dont la masse diffé-
rerait peu de celle des poussières restituées par le continent. Les eaux, lors
des fortes tempêtes, sont en effet dans un état de chargement voisin du
point de saturation, et toute addition de matières nouvelles suflit pour y
provoquer des dépôts.
V
PRINCIPES DE CONSTRUCTION ET D’ENTRETIEN DU REMPART MARITIME.
La mise en exercice, quant à la construction et à l'entretien du bourrelet
littoral, du principe fondamental que nous venons d'avancer, se traduira
par l'observation d’un petit nombre de préceptes, les uns ayant pour but
exclusif de favoriser la résistance de la dune contre les érosions de l'Océan,
les autres s'appliquant aux conditions générales de la protection de cette
dune contre les dégradations causées par le choc des eaux ou par le souffle
atmosphérique. Nous énoncerons simplement, sans les expliquer, ces pré-
ceptes dont le bien fondé se conçoit d’ailleurs assez aisément. Une telle
discussion nous entrainerait trop loin.
|;
—#2( 387 )e3--—
SOLIDITÉ D’ASSIETTE.
Le bourrelet siliceux sera fortement assis. Sa base sera franchement
large. Sa section droite se rapprochera d'autant plus de celle d’un trapèze,
et la face exposée à la mer présentera une pente d'autant plus raide que
l'attaque des eaux, sur ce point du littoral, sera actuellement plus vive. Si
la dune n’éprouve guère de dommages que du fait des ouragans, on lui
donnera une section à peu près triangulaire, et l’on établira en pente
douce le talus qui reçoit les assauts de la tempête.
IMPORTANCE DE MASSE; PROXIMITÉ DE LA MER.
Les dunes qui sont constamment érodées par les flots seront construites
de manière à laisser échapper le moins possible de sable dans l'intérieur
des terres. On fixera ces matériaux au plus près de l'Océan; on les accumu-
lera d’ailleurs en quantité aussi forte que faire se pourra.
COUVERTURE ABONDANTE DE GOURBET.
Le rempart littoral demeurera constamment garni, sur ses talus et sur
sa plate-forme, de plantations du roseau connu ici sous le nom de gourbel,
ailleurs appelé oyat, jonc de mer. Il sera revêtu de cette couverture vivante,
sans aucune exagération comme abondance ou comme parcimonie. Mais
on mettra plutôt trop de gourbet, que trop peu.
Cette prescription, extrêmement importante par les sérieuses économies
qu'elle entraine dans le coût de l'entretien des talus Hittoraux , et aussi par
la valeur pratique des résultats obtenus, a d’ailleurs été donnée, d’une
manière générale, aux agents du service des dunes, par la plus haute au-
torité de notre corps forestier en matière de travaux, M. l'administrateur
Bert.
Le gourbet constitue pour le bourrelet de sable une protection des plus
efficaces; 1} est aussi le meilleur régulateur de sa forme.
GONTINUITÉ DES RELIEFS IMPRIMÉS AUX TRONGONS CONTIGUS.
Les profils en long et les profils en travers, pour une série de tronçons
contigus, seront travaillés de manière que la dune ne présente aucun
changement de figure quelque peu prononcé.
25.
—#3( 388 )-3—
Lorsqu'on ne pourra éviter cet inconvénient, en raison de l’état du
bourrelet existant et par suite de considérations d'ordre pécuniaire, les pro-
fils différents devront être soudés entre eux par des raccordements à peine
sensibles.En un mot, selon la brève expression de M. l'inspecteur de Lignières,
il faut prendre soin « d’aplanir les angles ».
IL NE FAUT TOUTEFOIS PAS VISER À UNE RÉGULARITÉ TROP ABSOLUE DES CONTOURS.
Ceci ne veut pas dire que lon doive s’appliquer nécessairement à déve-
lopper, par delà les limites de l'horizon, l’'uniformité indéfinie de contours
sobres et de reliefs symétriques, s'attacher à faire naître des aspects en
quelque sorte architecturaux, qui ne s’établiraient point comme spontané-
ment par le seul jeu de entretien courant. En fait, les profils voisins, sur
la chaine littorale, présentent toujours entre eux de grandes analogies
° de tracé, parce que, sur ces points, la dune a été constituée dans les
mêmes conditions, puis entretenue selon les mêmes méthodes. Une cer-
taine harmonie du modelé doit même être très vivement recherchée, parce
qu'elle se prête à une meilleure ordonnance des travaux de réparation, et,
partant, à leur exécution plus économique. Mais elle ne doit être pour-
suivie que sous ce rapport.
La régularité des formes de la dune peut ainsi, dans l’art de la bien
entretenir, devenir un moyen. Elle ne doit jamais être un but. La confusion
est toutefois assez facile à commettre. L’on ne saurait trop se prémunir
contre cette tendance, susceptible de devenir dangereuse par ses consé-
quences pécuniaires.
VI
APPLICATION COURANTE DES RÈGLES DE CONSERVATION DES DUNES LITTORALES.
Voici, dans l'état actuel de la technique de la défense de la dune litto-
rale, et, par application des règles que nous venons d’énoncer, les mé-
thodes générales de conduite de l'entretien de celte dune qu'une pratique
datant déjà de plus de douze années nous a engagé à adopter.
CAS OÙ LA DUNE EST PEU MENACÉE PAR LES EAUX : EMPLOI DE LA PENTE DOUCE
POUR LA FACE INCLINÉE À LA MER.
Si la dune est très peu menacée par les flots, nous lui donnons une
plate-forme relativement étroite, qui constituera, vers l'arrière du rempart,
|
|
À
—#2( 389 )e-.—
une sorte d’allée culminante, d’une largeur au plus égale au quart de la
profondeur totale de la base de la levée des sables. Nous formons ainsi,
sur la face inclinée à la mer, c’est-à-dire sur le côté ouest de la dune, un
talus d’une très faible déclivité, se raccordant par des pentes progressive-
ment adoucies avec la plage supérieure.
La hauteur et la largeur de la colline littorale dépendront de la quantité
des matériaux amoncelés, c’est-à-dire de l’âge de la dune, et aussi du lieu
de sa situation. Sur les côtes du pays de Born, plus spécialement étudiées
par nous, l'accroissement de masse du bourrelet maritime, selon le point
du rivage où on le considère, varie approximativement entre 12 et
25 mètres cubes, par mètre courant de façade et par an.
I est préférable d'établir des dunes de peu de hauteur, l'intensité du
vent étant très sensiblement amoindrie dans le voisinage immédiat du sol.
Mais il ne faudrait pas tomber dans l'exagération et construire des dunes
en quelque sorte aplaties. Des pentes ouest qui se tiendront entre 20 et
30 p. 100, pour des dunes de masse totale plutôt fable, mais qui attein-
dront de 30 à Ao p. 100 pour des levées de sable d’un cube assez im-
portant, nous paraissent les plus convenables, au point de vue de l’éco-
nomie obtenue dans les dépenses de lentretien courant.
;
;
}
INCONVÉNIENT D’UNE TROP FAIBLE DÉCLIVITÉ.
Il faut en effet bien remarquer que, si la pente douce présente, sur la
pente moyenne, l'avantage d’être moins violemment heurtée, moins endom-
magée par le vent, elle exige, pour loger un même cube total de matériaux
et à égalité de hauteur de la dune, un plus grand développement superficiel
des talus. On perdra fréquemment, par l'augmentation des dimensions de
la partie de dune la plus coûteuse à entretenir — la face inclinée à la
mer — plus qu'on ne gagnera sur la diminution du coût des réparations à
l'unité de surface.
GAS OÙ LA DUNE EST FORTEMENT ATTAQUÉE PAR L'OCÉAN :
EMPLOI DE LA PENTE RAIDE.
Si la dune est dangereusement atteinte par les eaux, nous accroissons
fortement l'étendue de la plate-forme, à laquelle nous attribuons une lar-
geur qui excède moitié de celle de la base du rempart littoral. Nous consti-
tuons, sur la face ouest, un talus très raide, présentant une pente de 6o et
même de 80 p. 100.
—æs( 390 es—
Le rempart devient ainsi beaucoup plus difficilement pénétrable à la mer.
I arrive en eflet que la brèche, pour une profondeur relativement peu
accentuée, doit bientôt entailler les sables sur toute la hauteur de la dune,
c’est-à-dire sur une épaisseur désormais constante, qui varie généralement,
aujourd'hui, de 10 à 1 6 mètres. Pour une même longueur d’avancée vers
les terres, le cube de sable jeté dans les flots est devenu double ou triple
de ce qu'il était aux débuts de l'attaque, de ce qu'il demeurerait encore
pour une dune à pente douce. Les eaux, dès lors promptement saturées
sur leurs rivages, ne tardent pas à perdre leur puissance d'érosion avec leur
force vive d’emport.
Ainsi, le sable amassé sur l'extrême rive est devenu, pour la côte, un
agent de préservation. Admis plus avant dans l'intérieur des terres, 11 eût
cessé de remplir, contre les eaux, son rôle protecteur. Il serait en même
temps devenu, au cas d'une dégradation de la dune, d'autant plus perni-
cieux pour les plantations que ce rempart abrite, qu'il s’en fût trouvé déjà
plus rapproché.
DÉCLIVITÉ-LIMITE DES TALUS OUEST.
Lors de la détermination de la pente à donner au talus ouest, on ne
perdra pas de vue qu'il est indispensable, pour entretenir la vigueur de la
végétation du gourbet, d'admettre dans la plantation qui couvre la dune
un peu de sable frais : soit que ce sable possède effectivement une puis-
sance nutritive plus marquée que les matériaux déjà lavés par les pluies;
soit que le gourbet, sur ces terrains battus par les ouragans, ne demeure
vivace qu'à condition de s’alimenter par l'intermédiaire de racines fréquem-
ment renouvelées, issues des nœuds de reprise qui se forment les uns au-
dessus des autres, et qu'ainsi 11 lui devienne nécessaire que le sol s'exhausse
constamment autour de lui. |
L'inclinaison des talus ouest ne devra donc jamais dépasser la pente
limite que, sous l'impulsion même des tempêtes, le sable ne parvient à re-
monter qu'avec peine.
CAS SPÉCIAL DES STATIONS BALNÉAIRES DE LA RÉGION DES DUNES.
Devant les stations balnéaires, que l’on rencontre assez nombreuses sur
le littoral des dunes de Gascogne, on maintiendra aussi raide que pos-
sible la pente regardant la mer, en sorte d'éviter que les constructions éta-
blies sar le sommet du rempart ou abritées derrière lui ne viennent à être
noyées sous les apports de sable. Répartie, en eflet, sur la largeur approxi-
r
Sue ed. or
--+#+2( 391 3
mative de 100 à 00 mètres de la plate-forme et des talus, l'admission
intégrale des poussières rejetées par la mer, suivie de leur dépôt. provo-
querait un exhaussement du sol susceptible d'atteindre, chaque dix ans,
une épaisseur nouvelle de 1 mètre à 1 m. 50.
Remarquons qu’en empêchant ainsi le bourrelet de s’accroître on se
prive, contre l’action des flots, d’un moyen de défense dont nous avons sou-
ligné la grande eflicacité : celui qui résulte de l'accumulation, sur les ri-
vages, d’une énorme réserve de matériaux. Dans ces conditions. ce serait
une grosse imprudence que d’élever des bâtiments sur une dune qui ne pré-
senterait pas préalablement une masse importante et une forte assiette. Les
risques deviendraient particulièrement graves, si l’on dressait les édifices
trop sur l'avant des sables.
CAS INTERMÉDIAIRE DES LEVÉES LITTORALES MOYENNEMENT DÉGRADÉES PAR LES FLOTS.
Entre les exemples que nous venons de décrire, et que nous avons
choisis parmi les cas extrêmes, existe toute la série des circonstances inter-
médiaires, des modes divers de l'attaque de l'Océan.
ART SPÉCIAL DE LA DIRECTION DES TRAVAUX DE LA DUNE.
A chaque modalité de l'attaque correspond un remaniement du système
d'entretien de la dune. La mer variant de temps à autre les conditions de
ses assauts, l’art de l'ingénieur forestier exige qu’il reconnaisse prompte-
ment la nature du changement qui se dessine dans l’action des flots, ainsi
que son caractère de permanence présumée, et qu’il arrête aussitôt un plan
de campagne s’adaptant à la situation nouvelle.
Le choix précis d’une méthode, l'esprit de suite dans son application
sont choses d'autant plus nécessaires dans la direction des travaux de la
dune que les ouvrages effectués ne portent complètement leurs résultats
qu'à quelques années d'échéance. On ne saurait donc ‘trop se prémunir
contre le danger de fausses manœuvres, consistant à exécuter successive-
ment des opérations plus ou moins contradictoires, et contre l'éventualité
de surprises dans les effets obtenus.
INEXISTENCE DE MÉTHODES ABSOLUES D'ENTRETIEN À BON MARCHÉ
DES DUNES MENACÉES PAR LES EAUX.
Puisque, aux différents modes d’attaque par les flots, correspondent,
pour la dune, différentes conditions préférables de structure des profils et
—#3( 392 je: —
de situation de la masse par rapport au rivage, il semblerait que l’on puisse
ramener tous les cas possibles à un petit nombre de types principaux,
pour chacun desquels il serait établi des méthodes de travail déterminées.
Le projet est séduisant. Mais il se heurte à un écueil insurmontable,
En effet, le mode d'action de la mer— c’est une circonstance que nous
avons signalée en son lieu — n'a rien de permanent pour une région
définie de la côte. Les règles directrices de l'entretien d’un même tronçon
de dunes doivent en conséquence, de temps à autre, être modifiées.
D'autre part, les travaux d'entretien ne portent que lentement leurs effets.
La méthode de préservation adoptée ne saurait donc jamais consister à
remanier à fond les formes du rempart, en vue d'obtenir un état qui pour-
rait être devenu défectueux au moment où 1l serait atteint.
Aussi, rien n’est généralement plus décevant, et, en tout état de cause,
rien n’est plus coûteux que l'entreprise qui consiste à poursuivre la créa-
tion de la dune supposée la mieux en état d’être entretenue à bon marché.
Un seul genre de soins ne trompe jamais l’attente des directeurs de Ja
défense : c'est celui qui consiste à maintenir la dune convenablement
varnie de gourbet.
INCLINAISON À DONNER AUX TALUS EST.
Nous n'avons rien dit de la pente applicable aux talus est. Une incli-
naison moyenne, plutôt un peu faible, est celle qui, quelles que soient la
forme générale de la dune et sa position par rapport à l'Océan, convient
le mieux pour cette face arrière, uniquement exposée aux dégradations,
peu importantes, des tempêtes qui soufflent du continent vers la mer.
Les talus orientés du côté de la terre doivent, comme le surplus de la
surface de la dune, être bien complètement garnis de plants de gourbet.
Toutelois lespacement des pieds y sera plus accentué.
VII
TRAVAUX EFFECTUÉS, SUR LA PLAGE MÊME, CONTRE LES ÉROSIONS.
La production des érosions, temporaires ou persistantes, se manifeste
nécessairement par l'accroissement de profondeur du lit océanique sur ses
bords. Un procédé des plus eflicaces pour ralentir la dégradation des ri-
vages émergeants, sinon pour l'arrêter à peu près complètement, consiste
à apporter des entraves à tout creusement un peu prononcé de la haute
plage.
ESP, RE 2
—#2( 393 )es-—
DEUX SYSTÈMES DE CONSERVATION DE LA PLAGE.
Ce mode de préservation de la rive supérieure comporte l'emploi de
deux types principaux de défenses :
1° Exécution de travaux qui retiennent directement le sable;
2° Construction d'ouvrages qui restreignent l'enlèvement du sable, en
diminuant l'intensité de l’action des eaux.
Les deux systèmes peuvent être appliqués séparément ou simulta-
nément.
Le Service des Eaux et Forêts exécute actuellement, dans le départe-
ment des Landes, des travaux destinés à protéger, contre l'attaque des
flots, les stations balnéaires de Mimizan et de Contis. Il met en œuvre les
deux catégories de défense combinées.
Nous allons indiquer sommairement la nature des ouvrages spéciaux
effectués devant ces deux stations.
OUVRAGES DE FIXATION DU SABLE.
En regard de la dune couverte par les villas des baigneurs, à une quin-
zaine de mètres en avant du pied du talus ouest, nous fichons profondé-
ment, sur la plage, trois à quatre rangées contiguës de longues et lourdes
fascines, faites de pin maritime ou de grosse bruyère. Ces fascines sont
disposées par gradins et dressées de telle sorte que la première rangée
constitue, du côté de la mer, un parapet incliné de 10 à 20 p. 100 sur
la verticale, appuyant légèrement vers la dune.
En surplus des faisceaux de branchages, ou simplement en leur place,
selon l'importance des intérêts sauvegardés, nous entrelaçons des clayon-
nages autour de forts piquets, enfoncés d’environ 4 mètres au-dessous du
niveau que les sables atteignent le plus fréquemment sur cette partie de la
rive.
Devant les ouvrages de fixation des sables nous battons une ou deux
lignes de piquets, très forts et profondément enfoncés, qui brouillent les
eaux et favorisent l’action des fagots et des cordons tressés.
Ces divers travaux seront d'autant plus résistants, d'autant plus du-
rables que la tranche de sable maintenue par eux est plus voisine de ce que
nous appelons les + assises» ou «fondations» de la plage, c’est-à-dire plus
voisine de la couche de sable qui, dans l’état actuel d'équilibre entre les
forces dégradantes de la mer et les forces résistantes du rivage, et au mi-
—#2( 394 es
lieu des déplacements incessants des bancs, des escourres et des pointes,
n’est jamais affouillée ou presque jamais.
Sur cette base solide, nous avons toutes facilités pour exécuter des
clayonnages et fascinages de deuxième ordre, travaux courants qui pro-
voquent l’accumulation des sables, avec la garantie que ces améliorations
subsisteront assez longtemps pour fournir un résultat des plus satisfai-
sants.
OUVRAGES DE RUPTURE DU CHOC DES VAGUES.
Devant le groupe des ouvrages destinés à retenir les sables existants,
ainsi qu’à accumuler les sables apportés, nous établissons un demi-brise-
lames en pieux. Les tronces employées auront une masse assez considé-
rable pour atténuer fortement le choc des vagues, et une fiche sullisante
pour demeurer à l'abri de tout danger de déchaussement.
Le rôle de ces pieux est multiple :
[ls empêchent les lames de s’äbattre avec autant de violence sur les
clayonnages et sur les fascinages, travaux en somme peu résistants.
Ils arrêtent les épaves, d’un volume et d’un poids considérables, telles
que mâts de navires, poutres, etc., qui sont jetées à la côte par les fortes
tempêtes. Ils font obstacle à ce que ces corps ne viennent dégrader les
travaux, de masse relativement faible, établis près de la base de la dune.
Ils contribuent, dans une large mesure, à diminuer importance de
l’affouillement de la plage derrière eux. En coupant la vitesse des eaux, ils
contrarient l'enlèvement des sables, et ils en facilitent le dépôt.
COÛT ÉLEVÉ DE CES TRAVAUX. LIMITATION DE LEUR EMPLOI.
Ces travaux sont d’un coût très élevé. Leur prix d'établissement varie,
selon la masse des ouvrages, de 30 à 60,000 francs par kilomètre pro-
tégé. Nous ne pourrons déterminer que par la suite le revient courant de
leur entretien, d’autant que ces dépenses conservatoires comprendront
nécessairement l'exécution de quelques ouvrages complémentaires dont
l'expérience, seule, nous fera connaître la nature.
Un tel système de défense n’est applicable que pour sauvegarder des
intérêts suffisamment importants. À ce point de vue, il s'adapte bien au
cas des agglomérations balnéaires de Mimizan et de Contis, stations dont
l’une au moins prend aujourd’hui une extension rapide, que la sécurité
maintenant donnée aux propriétaires d'immeubles va encore favoriser. -
—+»( 395 )e3—
L’exécution de pareils travaux n’est d’ailleurs entièrement justifiée qu'au-
tant que la surface du continent n'est l'objet d'aucun soulèvement ou
d'aucun affaissement par rapport au niveau moyen des eaux. Dans le pre-
mier cas, la construction d'ouvrages aussi considérables deviendrait inutile.
Dans le second cas, elle se montrerait inefhicace. Un obstacle impénétrable,
c’est-à-dire un mur de dimensions suffisantes pour n'être tourné par aucune
de ses extrémités, pourrait seul, en cette dernière circonstance. fournir une
protection durable.
RÔLE PROTECTEUR DE LA FORÉT.
VIII K
LES FORÊTS DES DUNES REMPLISSENT. À L'ÉGARD DU PAYS INTÉRIEUR, LE DOUBLE
RÔLE DE PROTECTION QUE LE BOURRELET LITTORAL REMPLIT VIS-A-VIS D’ELLES-
MÊMES.
La dune littorale a pour objet de préserver, contre l’envahissement des
sables, les semis forestiers créés à son abri. Elle doit encore servir de frein
pour user la puissance de dégradation possédée par les eaux, qui menacent
également ces semis.
Le double rôle que remplit le bourrelet maritime, au regard des dunes
complantées, ces dunes le remplissent elles-mêmes vis-à-vis des terrains
qu’elles séparent de ‘étendue atlantique. La fixation, par le pin maritime,
des montagnes de sable mouvant, a sauvé d’un ensevelissement certain des
milliers d'hectares de cultures. En retenant, au plus près des rivages, la
masse énorme des débris vomis par les flots, nos pineraies sont aptes à
devenir un jour, pour l'intérieur du pays dont elles forment lisière, un
secours particulièrement efficace contre des érosions possibles.
Si jamais le mouvement de plongée, extrêmement lent jusqu'ict, auquel
les côtes de Gascogne paraissent soumises depuis plus de mille ans, venait
à s’accélérer, l'intensité des attaques neptuniennes s’accroîtrait dans des
proportions vraiment inquiétantes pour l'avenir de la région littorale. Mais
les remparts immenses des sables ensemencés, d'une largeur cumulative
de plusieurs kilomètres, et dont l’épaisseur moyenne atteindrait 15 à
20 mètres, en les supposant uniformément étalés, sufliraient , pendant des
siècles, à retarder les progrès de l'Océan.
Ainsi, le long des rivages de la mer comme sur les flancs de la mon-
—_4x( 396 )e:—
tagne, la plante, à tous ses degrés de développement, herbe, arbrisseau,
haute tige, protège l’industrie et la vie humaine contre les dangers qu’elles
encourent par le fait d’une action hostile des forces de la nature. (Applau-
dissements.)
Comme conclusion à son rapport, M. Viorerre dépose le projet de vœu
suivant ) :
« Première partie. — Un nivellement de haute précision sera effectué, le
plus tôt possible, sur la rive gasconne, puis renouvelé à intervalles régu-
liers, pour déterminer l’importance de laffaissement ou du soulèvement
de cette partie de la côte. Le niveau moyen de l'Océan, fourni par des ma-
réographes, constituera plan de comparaison.
« Deuxième partie. — Le profil de sections littorales transversales, toutes
rattachées au nivellement en long, sera levé à différentes reprises, à
échéances régulièrement espacées, aux fins de rechercher la résultante
actuelle de l'action propre des eaux sur les rivages sablonneux. »
Adoption d'un projet de vœu. — Le projet de vœu ainsi formulé est mis
aux voix et adopté.
La suite de l’ordre du jour est renvoyée à la prochaine séance.
La séance est levée à 5 heures.
®) Ce projel de vœu a été modifié dans la séance générale du jeudi 7 juin.
: Ée. .
7
‘
0097 jes—
SÉANCE DU MERCREDI 6 JUIN 1900
(MATIN).
PRÉSIDENCE DE M. DELONCLE, PRÉSIDENT.
La séance est ouverte à 10 heures un quart.
M. Carpor, secrétaire, donne lecture du procès-verbal sommaire de la
précédente séance.
Le procès-verbal est adopté.
M. ze Présinenr. L'ordre du jour appelle la communication de M. Tes-
sier, inspecteur adjoint des Eaux et Forêts à Carpentras, sur le versant
méridional du massif du Ventoux.
M. Tessier. Messieurs, J'ai publié au commencement de la présente
année, dans la Revue française des eaux et forêts, une monographie du ver-
sant méridional du massif du Ventoux, de laquelle il me semble que cer-
tains points sont de nature à présenter un intérêt international.
Ce massif, dont l'altitude extrême est 1,908 mètres, est situé sous le Ll°
de latitude N. Il est, vers l’ouest, comme une sentinelle avancée des Alpes
méridionales et se dresse de toute sa hauteur et de‘tout son isolement au-
dessus de la plaine de Provence.
L’olivier couvre sa base; les plantes de la zone alpine se rencontrent sur
ses sommets, et celte situation lui donne une personnalité telle que
l'Ecole forestière de Nancy le comprend chaque année dans sa tournée
d’études pratiques.
Le massif du Ventoux est formé d’une longue et vive arête dirigée de
l'est à l’ouest, de telle sorte que l'exposition y a, au point de vue de la ré-
partition des zones de végétation. son influence maxima.
Ses deux versants, exposés l’un plein sud et l’autre plein nord, présentent
à tous égards des aspects très différents. Ainsi se justifie qu'on puisse les
étudier séparément.
tn 398 er
La surface du versant méridional présente l’aspect d’un immense plan
incliné, de 10 à 30 p. 100 de pente, et sillonné de combes étroites et
profondes.
Les roches qui le constituent appartiennent aux étages néocomien et
urgonien.
Le néocomien y est représenté par le faciès siliceux des couches supé-
rieures à Ammonites difficilis (Barrèmien).
Ce sont des calcaires gris clair, à texture grossière, fréquemment rem-
plis de rognons de silex ou de calcaire siliceux, alternant avec des parties
marneuses moins dures et sans rognons siliceux. Ils se délitent sur place
en plaquettes tranchantes, sonores, et cette nappe de rocailles forme les
casses si caractéristiques du sommet.
Sur les pentes rapides, ces fragments, sous l’action continue de la pe-
santeur et du piétinement des moutons, sont en continuel mouvement et
donnent naissance à un genre de dépôt intermédiaire entre la casse, dépôt
de surface et l’éboulis, dépôt de pente.
L'urgonien se présente le plus souvent sous forme de calcaires à rascles.
Les rascles sont des affleurements de couches calcaires peu inclinées, dont
la surface est sillonnée d’arêles rugueuses et de cavités abruptes, pro-
fondes, en réseau capricieux. La marche y est très difficile, car les pieds
se prennent dans ces étroites crevasses, qui ont valu à ces terrains le nom
original de «tire-bottes »; c’est le faciès récifal de l'Aptien inférieur.
Ces calcaires ont été comme hachés dans toute leur masse par les dis-
locations géologiques successives. Depuis la fin du tertiaire, époque à
laquelle se sont produits les derniers mouvements qui ont donné au massif
du Ventoux son retef général définitif, ces roches, de pâte peu homogène,
n'ont pas cessé de se fragmenter sous l'influence des alternatives du gel et
du dégel. Les eaux pluviales quaternaires ont creusé les combes et en-
trainé les pierrailles; ces pierrailles se sont déposées au débouché des
combes en cônes de déjection qui se sont soudés les uns aux autres pour
lormer une bande ininterrompue d’éboulis.
Les eaux pluviales modifient sans cesse, lentement et dans la me-
sure de leurs forces, le relief du versant : dans les éboulis du haut elles
agissent encore, quoique faiblement, comme force de transport; sur les
anciens cônes de déjection du bas, elles commençaient déjà des affouille-
ments sérieux que les reboisements ont, dès aujourd'hui, à peu près en-
rayés; partout, par leur action dissolvante, elles continuent à creuser les
combes et corrodent les masses calcaires, mettant en liberté une terre
|
:
|
—#2( 399 ee —
argilo-siliceuse généralement rouge et riche en fer. Cette terre végétale
fertile s’abrite sous le manteau uniforme de pierrailles qui est la caracté-
ristique de cette région et y trouve une protection des plus efficaces.
L'analyse, faite au laboratoire de l'Ecole forestière de Nancy, de plu-
sieurs échantillons de terre fine, prélevés à l'altitude d'environ 950 mètres,
a donné :
CRAN EE AS Re «2 AO a me es a 29,70 P. 100.
Mn OUR RECU RL LEE A RAGTRNS 1,06
Acide phosphorique ................ DHL HUM LEE 0,58
J'ai cru utile de m'étendre longuement sur la description géologique.
afin de permettre à nos collègues étrangers de voir immédiatement à quels
terrains de leur pays pourraient s'appliquer les conclusions que je don-
nerai tout à l'heure. Je continue par l'étude de lhydrologie si spéciale de
cette région.
Le travail vertical des eaux d'infiltration, suintant goutte à goutte à tra-
vers les cassures préexistantes de la roche, y creuse un réseau chaque jour
de plus en plus complet d'innombrables canaux intérieurs et de cavités
souterraines. On se rendra compte de l'importance de cette érosion, si on
considère que les eaux toujours limpides de la Sorgue, dont le débit moyen
peut être évalué à 16 mètres cubes à la seconde, enlèvent chaque année à
la montagne, par voie de dissolution, environ 35,000 mètres cubes.
Actuellement le degré de perméabilité est tel que le ruissellement à la
surface du sol et même dans les thalwegs des combes est un phénomène
exceptionnel qui depuis vingt ans ne s’est produit que deux fois. En régime
normal, les eaux pluviales s’infiltrent immédiatement dans le sol et y cir-
culent comme dans une éponge. Ces petits ruisseaux souterrains forment
les affluents de la source du Grozeau et de la fontaine de Vaucluse.
La fontaine de Vaucluse est alimentée par des cours d’eau et des lacs
souterrains, sur le régime et la nature desquels 1l n'existe encore aucune
donnée expérimentale. La Sorgue, qui en sort toute formée, est employée
à irriguer plus de 2,000 hectares et met en mouvement de nombreuses
usines représentant une force motrice de 2,000 chevaux. Son débit est
assez irrégulier : ses limites extrêmes sont 6 et 120 mètres cubes; 1l a été
pendant cinq mois en 1895, dix mois en 1896, six mois en 1897 et
einq mois en 1898, inférieur au volume de 18 mètres cubes. qui corres-
pond au plein fonctionnement des usines. Par contre, chaque année, pen-
dant un temps plus ou moins long, l'excès des eaux apporte une gêne très
—+2( 400 je —
notable aux intérêts industriels. Nous avons donc ici un cours d’eau sou-
terrain, dont la régularisation du débit est vraiment une œuvre d'utilité
générale.
L’Administration des Eaux et Forêts en France poursuit méthodiquement.
epuis près de quarante ans et dans la mesure de ses forces, la création
d’un grand massif forestier sur une partie du bassin de réception de cette
rivière,
Toutes les régions de l’Europe méridionale qui possèdent des sources
vauclusiennes (les géologues ont admis ce terme) pourraient vraisembla-
blement, dans le reboisement de leurs terrains vauclusiens, profiter de
l'expérience acquise dans le Ventoux.
Je ne vous ferai pas l'historique des différents travaux de reboisement
effectués de 1861 à 1899 et réussis sur 4,374 hectares, à raison de
81 fr. 76 par hectare de terrain effectivement reboisé.
Je n’entreprendrai pas l'analyse de la géographie botanique si intéres-
sante du versant en question, dont M. Flahaut a bien voulu me faire l'hon-
neur d’intercaler une étude dans cette monographie.
Je me contenterai de vous donner la marche qui semble devoir être
suivie dans l’œuvre du reboisement de tous les terrains analogues à ceux
du Ventoux.
Partout où cela est possible, 1l faut introduire les chênes indigènes par
le semis direct des glands; 2,000 potets par hectare donneront une con-
sistance acceptable, et dans chaque potet 20 glands suflisent. Le potet
sera ouvert à o m. 25 de profondeur; les glands, préalablement passés au
minium, y seront disposés en deux couches, une à o m. 15, l’autre à
o m. 07 de profondeur. Cette méthode a l'inconvénient de perdre parfois
quelques glands qui se trouvent enfouis trop profondément, mais elle est
une précieuse assurance contre la mauvaise exécution du travail : cer-
tains ouvriers ayant tendance à semer trop au fond, et d’autres, au con-
traire, trop superficiellement. De plus, elle rend pius improbable lépui-
sement des potets par les rongeurs, et à peu près impossible la destruction
complète du semis par une gelée printanière. On emploiera ainsi un
hectolitre et demi de glands à l’hectare, et la dépense ne dépassera pas
55 francs.
La limite au-dessus de laquelle on devra cesser d'introduire le chêne
vert peut se déterminer pratiquement par la présence de la lavande aspie
(lavandula lahfoha). Cette plante, en effet, qui accompagne presque par-
tout le chêne vert, disparaît toujours plus bas que lui; en se guidant sur
L'MAd EE 62
—#>( O1 y —
elle, on sera donc certain, puisque Île chêne blanc descend volontiers dans
la zone du chène vert, de ne jamais commettre d'erreur préjudiciable à
l'avenir des peuplements créés. Lorsqu'on arrivera aux environs de la limite
supérieure du chêne blanc, on devra tenir compte de ce que, sur ce versant
du Ventoux, 1l n'existe pas de zone intermédiaire occupée par le mélange
de cette essence avec le hêtre: ce fait extrêmement important est signalé
par M. Flahaut dans les termes suivants :
« Dans tous les cas. sa limite vis-à-vis du chêne rouvre est très nette.
Î n'y a pas ici ce mélange intime des deux espèces qu'on observe dans
toute la France du Nord, et qu'on remarque déjà dans le bas Dauphiné,
dès qu’on a dépassé vers le nord le cours de lsère. [e1, comme tout autour
du bassin méditerranéen. le chêne s'arrête à peu près exactement là où
commence le hêtre.
+ Leurs exigences sont différentes. Le hêtre ne descend pas au-dessous de
la limite inférieure qu'atteignent habituellement les nuages qui couvrent
si souvent nos montagnes méridionales pendant l'hiver. »
Les semis de chêne blanc effectués dans une situation douteuse risquent
d’être tous détruits la première année par une gelée de printemps. On
peut poser comme règle générale que, sur la limite des deux zones, on
doit plutôt faire descendre trop bas essence du haut que monter trop haut
celle du bas; mais 1c1, à cause de l’ardeur du soleil provençal, il semble
également dangereux de tenter trop bas l'introduction du hêtre. Dans ces
cas douteux — ils se présenteront rarement — on fera bien de planter des
pins et de laisser à la nature le soin de résoudre le problème devant lequel
le forestier aura hésité.
L'introduction du hêtre se fait sur le versant méridional du Ventoux, à
l’aide de plantations qui, grâce à quelques soins particuliers. s'installent
en plein découvert avec une certitude complète de succès. Ces soins parti-
culiers se réduisent à la construction au-dessus de chaque potet d’un petit
dolmen de pierres plates ouvert au nord: ils entraînent une dépense sup-
plémentaire qui ne dépasse pas 4 francs par mille potets.
La pierre remplace ainsi très avantageusement l'essence intermédiaire
habituelle, les pins qui, jusqu’à 1,400 mètres, sont chaque année affaiblis
par les processionnaires et dévastés par les pyrales; on pourra utilement
mélanger au hêtre l'érable et l'alisier blanc. Au-dessus de 1,400 mètres
ces feuillus(hètres, érables et alisiers) ont une moins bonne végétation et
les pins à crochets ne redoutent plus les processionnaires ni les pyrales:
là, cette dernière essence sera donc employée à l'exclusion de toute autre.
SYLVICULTURE. 26
—+#2( 402 )æs—
La plantation dans toute la partie supérieure devra toujours être faite
au printemps.
Je ne puis m'empêcher 1c1 de vous dire quelques mots du rôle que joue
la truffe dans nos reboisements du Ventoux.
Les truffes de la Haute-Provence sont botaniquement et gastronomique-
ment identiques à celles du Périgord. Brillat-Savarin l'avait déjà fait ob-
server, et je crois qu'on peut se fier à sa compétente gourmandise.
Les semis truffiers de chêne de la région montagneuse entrent généra-
lement en production vers l’âge de 10 ou 12 ans; ils atteignent le maxi
mum de fertilité aux environs de leur vingtième année. À mesure que ces
semis grandissent, que les peuplements prennent de la consistance et que
la forêt se forme, la fertilité trufhière diminue; la truffe est comme une
maladie de croissance de la forêt,
Mais il importe de ne pas se faire d'illusions : la fertilité truffière ces-
sera partout lorsque la forêt sera constituée et la destruction même de
cette jeune forêt en vue d’un nouveau reboisement (l'expérience a été faite)
sera impuissante à la faire renaître. Néanmoins, il faut rendre hommage
au précieux champignon qui, non content d’être le diamant de la cuisine,
s’est fait le joyau du reboisement.
Sur le versant qui nous occupe, on a dépensé (travaux particuliers com-
pris) 358,000 francs. Les communes ont touché par les truffes, depuis
1867, plus de 1 million de francs, et les truflières particulières rapportent
environ 120,000 francs par an. Ces résullats sont encourageants. (Applau-
dissements.)
M. Henry. Je désire apporter aux observations présentées d’une façon
si intéressante par M. Tessier l'appui d'une constatation que nous avons
pu faire à Nancy, et qui est, je le crois, encore inconnue des géologues.
Nous avons, en effet, pu faire l'analyse des calcaires dont a parlé
M. Tessier, et nous avons reconnu qu'ils sont absolument poreux; c'est ce
qui les rend probablement «sonores», ainsi que le disait M. Tessier. À
l’intérieur, ces porosités renferment des alrues.
M. ve Présroenr. L'ordre du jour appellerait la communication de
M. Bargmann, de Munich, sur les forêts et les crues. M. Bargmann, mal-
heureusement, n'a pu se joindre à nous et M. Kuss a bien voulu me com-
muniquer une traduction de cet intéressant travail (Annexe n° 1). Il peut
fre
+”
—#>( 103 )es—
se résumer en un mot, qui en est la conclusion : «La Forêt doit être re-
mise sous la protection de tous. » (Marques d'approbation.)
Cette conclusion trouvera, d’ailleurs, place à la fin de nos débats, car
J'aurai moi-même à présenter au Congrès des conclusions dans le même
sens, au point de vue international.
C’est, en effet, l'intérêt général que nous devons uniquement avoir en
vue, faisant abstraction complète de tout esprit de particularisme. (Très
bien! trés en!)
M. ze Présmenr. L'ordre du jour appelle la communication du rapport
de M. Mougin, inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, chef de service à
Chambéry, sur les travaux de protection contre les avalanches et mesures
défensives contre les dégâts causés aux propriétés inférieures par les eaux
provenant directement des glaciers.
Tout le monde sait qu'un corps quelconque placé sur une surface in-
chnée est sollicité, par l’action de la pesanteur, à tomber, mais que a
mise en mouvement de ce corps est contrariée par le frottement qu'exercent
les rugosités de la superficie de ce corps sur celles de la surface de sup-
port. Cependant si l’inclinaison de cette surface va en augmentant de plus
en plus, il arrive un moment où la pente est telle que la résistance op-
posée par le frottement est vaincue et le corps se met en mouvement :
inversement, si on suppose que le frottement diminue de plus en plus et
si le poids du corps augmente , il est clair que ce corps s’ébranlera sur des
pentes de plus en plus faibles, La neige ne saurait faire exception à cette
loi si générale : telle est l'origine des avalanches sur les versants dénudés,
souvent abrupts, des hautes montagnes.
Toutefois, l’action de la pesanteur seule n’arriverait pas à provoquer
des avalanches bien terribles. Il faut le concours de divers agents : le froid
et la chaleur, le vent et la pluie, la nature du sol et le sens des couches
du terrain.
Sans vouloir refaire une fois encore la description du mécanisme des
avalanches, je crois qu'il est indispensable, pour la clarté de l'exposition,
d'adopter des termes uniformes, compris de tous.
Sous le nom d’avalanches de fond seront désignées celles qui enlèvent
jusqu’au sol toute la neige déposée sur un versant. Ce sont les avalanches
dites lourdes, terrières, chaudes, etc.
L’avalanche de poussière est celle qui est constituée par de la neige
26,
—>( 404 yes—
pulvérulente à basse température. On la désigne aussi sous le nom d’ava-
lanche volante. froide, etc.
Enfin, si une couche de neige glisse sur une couche plus ancienne,
gelée, elle forme une avalanche superficielle.
Il est bien clair que ces avalanches n’ont lieu que sur des pentes nues :
des bois de haute futaie, des gros fragments de rocher hérissant le bassin
de réception s'opposent à la formation du phénomène.
Au-dessus de la zone de la végétation forestière , des avalanches tombent
annuellement des escarpements rocheux ou des pelouses fortement inchi-
nées, mais tantôt elles s'arrêtent sur un plateau, tantôt elles se heurtent
aux grands massifs boisés inférieurs.
L'homme, malheureusement, n’a pas compris que les arbres étaient
pour lui le meilleur des remparts. «Pour trouver des prairies sur les
rampes 1l a détruit de vastes forêts. Les forêts détruites, les avalanches de
neige ont coulé en masses énormes sur les pentes. Ces avalanches pério-
diques ont entrainé avec elles humus produit des grands végétaux, et, à
la place des prairies que le montagnard croyait ménager pour ses trou-
peaux, il n’a plus trouvé souvent que le roc dénudé, laissant couler les
eaux pluviales ou celles des fontes en quelques instants eur les parties
basses, alors brusquement submergées et ravagées. Sur les cônes de déjec-
tions, produits des avalanches, cônes tout composés de débris, dès que
quelques végétaux essayaient de pousser, il envoyait ses troupeaux de
chèvres, qui détruisaient en peu d'heures le travail de plusieurs années. »
(Viouzer-1e-Duc, Le massif du mont Blanc.)
Menacé chaque hiver dans son existence et dans ses biens, l'habitant des
montagnes a cherché à se protéger contre les avalanches au moyen de
murs de dérivation. Il s’est creusé des voûtes dans les rochers ou en a
construit en maconnerie et à grands frais, mais souvent tous ces efforts
restaient yains. Ce n’est qu'au xix° siècle que l’on a songé à tarir à sa
source même le fléau des avalanches. Viollet-le-Duc, à qui nous emprun-
tons encore ces lignes, dit : «C’est à l’origine qu'il faut prévenir le mal et
non quand il a acquis une telle puissance que les efforts de l’homme de-
viennent illusoires. L’avalanche suit toujours, ou peu s’en faut, le même
chemin ou couloir et y entrainant chaque année des débris en fait une
longue traînée de pierres plus ou moins menues, mobiles, sur lesquelles la
végétation ne peut s'attacher. Qu'arrive-t1l souvent? Les bücherons s'at-
taquent principalement aux arbres qui bordent les couloirs d’avalanches
parce que ces couloirs leur font un chemin tout préparé pour le transport
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des bois. Les troncs d'arbres abattus, abandonnés sur ces pentes, y glissent
jusque dans la vallée où on les recueille. Dans leur trajet, ils brisent les
Jeunes sujets qui essayent de passer entre les pierres, ils font encore
ébouler celles-ci, de telle sorte que le printemps suivant, l’avalanche, au
lieu de ne trouver qu’un étroit couloir et des arbres latéraux qui la brisent
et l'éparpillent, a devant elle une large voie unie et toute préparée pour
faciliter sa chute. Loin de déboiser les couloirs, 1l faudrait les boiser.
« À l'extrémité (supérieure) des lits d’avalanches on peut, à laide des
pierres, abondantes sur ces lits, former une série de barrages perpendi-
culaires aux directions des pentes; les bourrelets n'ayant qu'un assez faible
relief arrêtent les neiges, les empêchent de glisser en nappes et les obligent
à fondre sur place. »
C'est ainsi qu’en quelques mots le grand architecte a indiqué tout le
mécanisme de la correction des avalanches. S1, en France, on ne trouve
que peu de travaux contre les avalanches, il en est tout différemment en
Suisse. Nos voisins sont aujourd’hui passés maîtres dans cette branche de
l’art du forestier et M. Coaz, inspecteur fédéral en chef des forêts helvé-
tiques, en a tracé, de magistrale façon, les principes essentiels que nous
allons résumer 1e1 brièvement.
Après avoir reconnu et déterminé d’une façon certaine le point de dé-
part d’une avalanche, il faut établir suivant des horizontales dans la partie
supérieure du bassin de réception une série de murs en pierre sèche, fai-
sant saillie au-dessus du sol, à l’amont de 1 mètre à 1 m. 5o. Ces
ouvrages sont construits, soit au pied d’escarpements rocheux, soit au
bord de petits replats. Il peut y avoir deux ou trois lignes de murs : les
maçonneries, au lieu d'être continues, sont dispersées en échiquier.
Au-dessous, on plante dans le versant, également suivant des horizon-
tales, des rangées de pieux distants de o m. 60 à 1 mètre. Là où la pente
s’accentue et où la charge de neige menace d’être plus forte, une rangée
de pieux peut avantageusement être remplacée par un mur.
Si l'altitude le permet, tout le bassin d’avalanche est reboisé en pin
cembro, mélèze et épicéa. Lorsque la forêt est relormée, tout danger a
disparu.
Quand Pavalanche a son origine au-dessous de la limite supérieure de
la végétation forestière, et que des bois abondants se trouvent à proximité
aux maçonneries on peut substituer une série d'ouvrages en bois établis
en travers du couloir et à l'abri desquels on opère le reboisement.
Souvent, 1l suffirait de laisser faire la nature dans les couloirs d’ava-
—#+2( 406 )+e3-—
lanche, mais le berger est là qui veille et le berger est l'ennemi des forêts:
ce qu'il demande ce sont des pâturages. Tant qu'il le peut, il dévaste ces
forêts sans se douter que leur ruine entraîne fatalement celle de la plupart
des prairies. Il devrait done y avoir des règlements pour interdire l'exploi-
tation libre des bois en haute montagne, car, on peut le dire d’une façon
générale, ce sont les abus de jouissance qui sont dans les Alpes la cause
originaire de la formation des avalanches aussi bien que des torrents. En
France, d’après une jurisprudence constante, la coupe blanche qui rase
tout un canton de forêt résineuse n'est pas assimilée à un défrichement.
A quoi bon, dès lors, faire des travaux contre les avalanches si tout
particulier, propriétaire de forêts en montagne, peut, à sa volonté, par un
déboisement inconsidéré, annihiler l’œuvre (Poeme ouvrir aux masses
neigeuses de nouvelles voies vers la vallée à côté des anciennes corrigées
à grands frais?
Pourquoi donc, puisque l'intérêt général est 1ei fortement engagé, tous
les bois particuliers, les prés bois, les pâturages boisés ne seraient-1ls pas,
dans les hautes montagnes, soumis au régime forestier, ou au moins à un
contrôle réel de PAdntetetust
Une telle mesure préviendrait bien des désastres et épargnerait des
dépenses considérables. Qu’on ne dise pas qu'elle est impraticable : elle est
en vigueur en Suisse, dans le canton de Vaud notamment; il est vrai qu'au
nord du lac Léman l'intérêt général n’est pas un vain mot et que la belle
devise de la Confédération helvétique : Un pour tous. tous pour un, reçoit
chaque jour des applications pratiques.
On le voit donc, l'homme arrive à lutter assez avantageusement contre
les avalanches et à se prémunir contre leurs fâcheux effets, surtout en
rendant à la forêt les surfaces qu'elle occupait jadis. Beaucoup plus difi-
ailes, au contraire, sont les mesures de protection contre les glaciers et
contre les eaux qui en proviennent; par leur progression lente, leur plas-
ticité, les masses de glace peuvent causer de véritables catastrophes. On à
vu, dans ce siècle même, des glaciers barrer d'importantes vallées et for-
mer en amont des lacs considérables par suite d’un arrêt dans l'écoulement
des eaux. Devant ce glacier, tout cède ou tout est submergé : ainsi, en
septembre 1848, le glacier d’Alesch a ravagé sur 4 kilomètres de longueur
une magnifique forêt de sapins âgée de plus de deux cents ans.
Contre la progression du fleuve de glace, l’homme n’a qu'une res-
source : la fuite; s'il perd ses biens, du moins il a la vie sauve. Mais
comme 1l semble faible et désarmé, quand il lui faut se protéger contre
—+2( 407 )es—
les torrents glaciaires ou contre la rupture des réservoirs d’eau formés
par les glaciers.
Obéissant aux lois de la pesanteur, les glaciers cheminent dans de vé-
ritables vallées, ou dans des couloirs, vers les vallées principales. Ce
mouvement ne peut s’exécuter sans des frictions énergiques de la glace
contre les berges et contre le fond du lit, qui occasionnent, avec le con-
cours des agents atmosphériques, des éboulements de rochers. Des gra-
viers, des sables, sont également transportés et se déposent sur les flancs
et en tête du glacier en amas, de puissance parfois considérable, désignés
sous les noms de moraines latérales et de moraine frontale. Les eaux pro-
venant de la fusion du glacier remanient ces débris et les étalent en forme
de cône de déjections dans la plaine et affectent des allures torrentielles.
Siles moraines sont de fortes dimensions, chaque afflux d’eau produit
par des pluies chaudes et orageuses où par le vent du Sud peut donner
naissance à une lave et il y a transport de matériaux dans la vallée. Si, au
contraire, la moraine est pauvre (cela se présente quand le bassin du
glacier est peu étendu), il peut se faire que les filets liquides ne trouvent
pas à se charger de sable ou de graviers; la crue sera affouillante, elle
produira un charriage, lorsque, par suite de l’éboulement des crêtes su-
périeures, la moraine se sera reconstituée.
Les seuls moyens de défense qu'on puisse avantageusement proposer
sont les barrages de retenue qui accumulent derrière eux les matériaux
amenés par le torrent. Îl est nécessaire, d’ailleurs, de remarquer que ces
ouvrages n'auront qu'un effet temporaire; leur rôle utile ne dure qu'autant
que l'atterrissement n’est pas complet. Mais, comme il est impossible à
l’homme d'empêcher la désagrégation des roches supérieures et d'arrêter
le mouvement du glacier, il en résalte qu'au bout d'un temps plus ou
moins long, il lui faut exhausser son barrage ou en construire un nouveau
immédiatement en amont. Des places de dépôt, que l’on cure après chaque
crue, peuvent aussi être aménagées dans le lit du torrent. Dans tous les
cas, pour mettre à l'abri la vallée et ses cultures, l'intervention incessante
de l’homme est nécessaire, parce que dans les torrents glaciaires , à la dif-
férence de ce qui se passe dans les torrents à aflouillement, on ne peut
songer à tarir dans les bassins de réception la source des matériaux.
Alors qu'il est si pénible de se défendre par des travaux répétés contre
le charriage des eaux de fusion, quelles difficultés ne risque-t-on pas de
rencontrer lorsqu'il s’agit de se prémunir contre les brusques irruptions
des masses liquides retenues par les glacicrs! Quels moyens seront sufli-
—+3( 408 )<3—
sants pour conjurer des catastrophes comme celle de Saint-Gervais-les-
Bains, en 1892?
En effet, 100,000 mètres cubes d’eau, brusquement lancés sur des
pentes atteignant Jusqu'à 126 p.100, tombant du glacier de Tête-Rousse,
sis à 3,270 mètres, dans la vallée de l’Arve, au Fayet, à 565 mètres,
ont transporté dans la plaine 1,000,000 de mètres cubes de blocs et
de boues, en dix-huit minutes, après avoir effectué un parcours de
15,160 mètres.
Les dégâts causés furent terribles : 11 maisons du village de Bionnay,
sans compter les granges, les bains de Saint-Gervais, 9 maisons du Fayet
et 150 personnes disparurent. Dans une note présentée le 8 août 1893,
à l’Académie des sciences, M. Demontzey, inspecteur général des Forêts,
constatait que cette coulée de boue avait présenté tous les caractères d’une
lave torrentielle. Mais il restait à savoir comment on pourrait prévenir le
retour d’un semblable phénomène. A la séance du 14 août 1699 de l’Aca-
démie des sciences, une autre note de MM. Delebecque, ingénieur des
Ponts et Chaussées, à Thonon, et L. Duparc, concluait ainsi :
«De toute facon, la vallée paraît exposée, dans un avenir peut-être
prochain, peut-être encore éloigné, à une catastrophe semblable à celle
du 12 juillet 1892. Aucun travail préventif ne semble possible. Une sur-
veillance assidue et, au besoin. une évacuation de la vallée sont les seuls
remèdes. » {Officiel du 19 août 1893).
M. Kuss, inspecteur des Forêts, chef du service du reboisement de la
b° conservation, tout en croyant à la possibilité de la reconstitution d’une
autre poche d’eau, ne pensa pas que l’on fût désarmé. Un levé complet de
la route suivie par la lave, accompagné de nombreux profils en travers et
de vues photographiques, un examen répété des lieux lamenèrent à for-
muler l'avis suivant : « Le remède doit consister à empêcher la formation
d’une nouvelle lave et il n’y a qu'un moyen d'y arriver, c’est d'empêcher
l'irruption soudaine des eaux de Tête-Rousse. ou plutôt c’est d'empêcher
la formation d’un lac sous les glaces de Tête-Rousse, d'obliger les eaux
qui viennent l'alimenter à s’écouler immédiatement. Cet écoulement ne
pouvant être obtenu sur le front des plans tourné vers le Nord et constam-
ment obstrué par les glaces et par les nevés, nous croyons nécessaire de le
chercher à travers la crête rocheuse qui sépare Tête- Rousse de Bionnasset.
Cet écoulement aurait lieu alors sur un versant très escarpé, entièrement
rocheux et exposé au Sud-Ouest; il ne serait jamais obstrué par les neiges
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En en dos à LS à + à
—#+2( 409 )ee3-—
superficielles et aurait l'avantage de rejeter toutes les eaux sur le glacier
de Bionnasset où, quel que soit leur volume, elles ne sauratent jamais
produire d'accident, toute leur violence devant fatalement venir se briser
contre les séracs et dans les crevasses de cet immense glacier.
«Il faudrait pour cela creuser dans le roc une galerie souterraine de
160 mètres de longueur environ, à laquelle il faudrait donner 2 mètres
de largeur sur 2 mètres de hauteur. »
En 1898, l'Administration des Forêts, adoptant ces conclusions, ouvrit
un crédit de 93,000 francs pour l'ouverture d’un tunnel d'échappement,
d'un chemin d'accès de 12 kilomètres de longueur et d’une baraque-
abri.
Pendant ces études, le trou ouvert en 1892 s'était peu à peu comblé,
et c’est à peine si une légère dénivellation de la surface du glacier indique
encore la place de l'énorme cuvette.
L'été 1898 fut employé uniquement aux travaux du chemin et au dé-
blaiement du point d'attaque de la galerie.
En 1899, la campagne fut consacrée au percement de 120 mètres de
galerie. Telle était la rigueur du climat à ces grandes altitudes, que les
ouvriers, malgré une alimentation exceptionnelle, malgré la réduction à
8 heures de la journée de travail, malgré une forte paye, ne pouvaient
demeurer plus de trois semaines sur les chantiers.
Dès que la montagne sera devenue praticable en 1900, le percement
sera repris, des galeries iront à travers le glacier chercher les poches
d’eau, donneront aux filets liquides une voie d'échappement complètement
inoffensive. Peut-être même ces travaux nous livreront-ils le secret de la
formation de ces cavités intraglaciaires si dangereuses et nous permet-
tront-ils de prévenir désormais d'aussi terribles accidents.
Pour le glacier de Tête-Rousse, on peut, ce semble, imaginer la ma-
mère dont s’est formée la poche.
À une époque antérieure, en eflet, le glacier de Tête-Rousse n’était
qu'une branche du glacier de la Griaz et participait à son mouvement, c'est
ce que démontre surabondamment l'inclinaison des couches de glace infé-
rieures. Par suite des frictions énergiques exercées sur le fond, le dessous
du glacier se trouva avancer moins vite qne le dessus, qui forma une saillie,
Cette saillie vint s’ shape contre les masses de glace amoncelées derrière
l’'arète rocheuse qui sépare Tête-Rousse de Bin Cette soudure,
toute superficielle, se produisit en infléchissant au point de contact les
couches de glace et en laissant libre au-dessous une cavité considérable,
--+x( 110 js
en forme de galerie, qui s'est obstruée vers l'aval, peu à peu, sous lin-
fluence de l'accumulation des neiges. C'est le même phénomène qui a été
observé et noté depuis 1892.
La soudure est très visible sur orifice aval photographié en 1892 et
au sommet de la galerie latérale observée depuis le trou supérieur.
Quand l’ocelusion de ce boyau fut complète, les eaux s’y amoncelèrent,
la pression exercée sur le bouchon alla sans cesse en augmentant jusqu’au
Jour où elle fut assez forte pour faire céder l'obstacle et causer le désastre
dont on n’a pas encore perdu la mémoire.
L'existence des poches d’eau internes n’esl pas spéciale au seul glacier
de Tête-Rousse.
Dans un rapport de M. Vallot, lu le 2 avril 1894 au conseil général de
la Haute-Savoie, il est dit en effet : «La formation d’une poche d’eau
intraglaciaire n’est pas, comme on l’a cru, un fait isolé. J'ai observé un
accident analogue dans un des glaciers qui descendent du mont Blanc.
La partie du glacier des Bossons qui descend du grand plateau, du mort
Maudit et du mont Blanc du Tacul vient verser ses eaux dans une gorge
profonde appelée le Gouffre, située vers 1,100 mètres d'altitude, près de
de Pierre Pointue. L’écoulement de l’eau se fait par un orifice irrégulier,
assez large, mais très bas, au-dessous d’un à-pic de glace. Chaque année,
sur la fin de l'été. il sort de là un énorme torrent d’eau dont le fracas
s'entend de plusieurs kilomètres. Le premier flot forme une énorme vague,
comparable à un mascaret; ensuite l'écoulement torrentiel dure une demi-
journée, en conservant une intensité remarquable. J'ai été témoin du phé-
nomèue en 1892 et en 1893.
« Cette eau ne peut provenir que d’une poche intraglaciaire qui brise
ses barrières et s'écoule une fois l'an. Mais ici il n’y a pas chute de glacier;
l'eau ne vient au jour que par un couloir étroit, ce qui fait durer lécou-
ment pendant plusieurs heures au lieu de le précipiter d'un coup comme
à Tête-Rousse. »
[l est infiniment probable que les glaciers de Tête-Rousse et des Bos-
sons ne sont pas seuls à renfermer de semblables cavernes et peut-être
que les autres glaciers des Alpes menacent les régions situées à leurs pieds
de catastrophes analogues. Dans l'état actuel de la géologie, il est impos-
sible de prédire avec certitude l'existence des poches d’eau : il faut donc
un examen incessant des glaciers par un personnel habitué à la montagne,
y séjournant toute l’année. Ne conviendrait-il pas de noter exactement
tous les ans, par des observations répétées, les mouvements du front des
r
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glaciers, de tenir compte des précipitations atmosphériques qui se pro-
duisent dans les bassins de formation de ces glaciers. Par suite du défaut
d'appareils automatiques enregistrant les quantités de neige tombées dans
les hautes régions, on ignore encore les relations exactes qui peuvent
exister entre la progression ou la régression des glaciers et leur alimen-
tation.
Depuis un siècle seulement, on s'est mis à étudier les glaciers et les
données que l'on a sur eux sont bien incomplètes. Bien évidemment, les
observations faites par les Saussure, les Martins, les Tyndall, les Dolllus,
les Vallot, les Jannesen et tant d’autres. ont une inestimable valeur, mais
ne croit-on pas que la surveillance journalière d’un glacier et la notation
des mille petits fait qui s’y produisent ne puissent donner à la longue
des indices bien nets permettant de caractériser un glacier.
Les régions de montagnes étant aussi des régions boisées, 11 y a jusque
dans les vallées les plus reculées, des gardes, des brigadiers forestiers.
Ce sont ces modestes fonctionnaires qui pourraient le plus facilement
fournir les indications nécessaires: vivant au milieu des populations al-
pestres, avec les guides, ils pourraient apprendre de la bouche d’un voisin
tel petit fait survenu dans un glacier et le vérifier ensuite eux-mêmes.
Rassemblés par régions, tous ces documents permettraient peut-être
d’éclaireir plus d’un mystère.
Quelques crédits, mis par V'État à da disposition de ce service glaciaire.
seraient dépensés en expériences, en sondages, comme, par exemple, au
dessus du gouffre des Bossons. et peut-être arriverait-on ainsi à éviter de
nouvelles catastrophes.
Les aceumulations n'ont pas toujours lieu à l'intérieur des glaciers : il
arrive même, le plus souvent, que le glacier barre complètement une
vallée principale ou qu'il forme une digue naturelle à Fextrémité d’une
petite dépression du sol. Arrêtés dans leur écoulement, les filets liquides
s’amoncellent derrière lobstacle, forment un lac de plus en plus grand.
La pression qu'ils exercent sur la paroi de glace va sans cesse en croissant
jusqu'au moment où la barrière de glace, rongée par les eaux plus
chaudes, cède sous la pression et la débâcle cause dans les régions infé-
rieures des dégâts considérables.
Tantôt la formation de ces lacs est due à une progression anormale du
glacier dans la vallée et revêt alors un caractère purement accidentel.
C'est le cas du glacier de Vernagtfernes, dans le Tyrol, qui, en 1600,
1667, 1679 et plus récemment de 1843 à 1848, avait coupé le cours
——#>( 112 }es-—
d’un ruisseau. Le lac se remplissait et se vidait à peu près deux fois
par an.
Une fois entre autres, ce lac, formé en quatorze jours, se vida en
une heure, jetant dans l'Inn plus de 2,000,000 de mètres cubes d’eau.
Dans le bassin du Rhône, la Dranse du Val-de-Bagne fut souvent barrée
par le glacier de Gétroz : en 1818, la rivière refoulée forma un lac d’en-
viron 5,000,000 de mètres cubes, de 2 kilomètres de long et profond en
certains endroits de 80 mètres. La digue céda au mois de juin, et, en
une heure, la masse liquide se précipita, rasant tout sur son passage,
jusqu'à Martigny. Même accident avait déjà eu lieu en 1595.
La Viége, également, a eu onze débâcles semblables dans une période
de deux cent quarante ans.
Ces barrazes n’ont lieu qu'exceptionnellement et, pour prévenir des
inondations toujours désastreuses, il conviendrait d'empêcher un amon-
éellement des eaux en leur ménageant un chenal d'écoulement. Les frais
d’un tel travail seraient moindres que ceux nécessités pour relever les
villages de leurs ruines et pour remettre en valeur les terres dévastées.
Ailleurs, les glaciers amènent la formation de lacs permanents : tel est
le cas du lac Meærjel, dans le Valais. Le glacier d’Aletsch en constitue la
digue à l'Ouest, et à l'Est Le lac est Himité par un petit monticule qui le sé-
pare du glacier de Fiesch. Ce lac, contenant environ 10,000,000 de mètres
cubes, se vidait fort brusquement par lAletsch dans le ruisseau de la
Massa, qui se jette dans le Rhône près de Naters, et devenant ainsi une
source de grands dangers pour la vallée. « Des déversements de ce genre
ont eu lieu en 1872 eten1878: ensuite d'observations faites lors de ce
dernier, le niveau du Rhône s’est élevé à Brigue de 1 m. 50 et de o m.90
à Sion. Heureusement le niveau du Rhône était passablement bas à cette
époque, quoiqu’on fût en mi-juillet, et il n’y a pas eu de dégâts à déplorer.
Dans d’autres circonstances, ce déversement aurait pu devenir fatal pour
la partie supérieure de la correction du Rhône, où il aurait doublé le
maximum de la quantité d’eau habituelle.
«C’est pourquoi on a songé aux moyens de remédier au danger. On
s'est persuadé de bonne heure qu’on pourrait, en percant le monticule
mentionné plus haut, obtenir l’écoulement du lac dans cette direction. »
Le message présenté à lAssemble fédérale le 18 juillet 1884 prévoyait
l'ouverture d’une tranchée de 540 mètres de longueur sur 12 m. 50 de
profondeur, ce qui abaissait d'autant le niveau du lac. Mais à la tranchée
on a substitué une galerie souterraine de même longueur, de 4 mètres
2
(043 jes—
carrés de section, ayant une pente de 2 p. 100 vers le glacier de Fiesch.
Le lac Mærjel a vu, de ce fait, sa capacité réduite à 5,400,000 mètres
cubes.
Ces exemples divers montrent surabondamment que l’on peut se pro-
téger en bien des cas contre les eaux glaciaires, non pas en essayant de
les diriger, de les endiguer dans la plaine, mais en cherchant à régulariser
leur écoulement à leur origine, dans la région même des glaciers.
Il est clair que, si, dans leur trajet jusqu’à la plaine, ces eaux, même
réduites, produisent quelques érosions, on devra appliquer dans les gorges
pour combattre l'affouillement les méthodes habituellement usitées pour la
correction des torrents.
L’exposé qui précède montre que l’homme peut lutter aussi bien contre
les eaux glaciaires que contre les avalanches. Pour mettre à sa disposition
d’autres procédés plus efficaces, 11 lui faudrait observer, selon des règles
identiques, les phénomènes glaciares pour en déterminer les lois, em-
pêcher dans les alpages la destruction systématique des bois et restreindre
dans de justes limites le droit trop absolu du propriétaire en montagne,
et confier la direction de ce service aux forestiers, en France, aux com-
missions de reboisement là où il en existe. (Applaudissements.
M. Mouerx, comme conclusion à son rapport, dépose le projet de vœu
suivant 0) :
« Le Congrès international de Sy Aviculture émet le vœu :
« De soumettre au contrôle de l’État les bois poncuee en montagne, les
prés-bois, les pâturages boisés, en vue de prévenir la formation des ava-
lanches ;
D'organiser, dans chaque pays, un service d'observation des glaciers
dans le but de prévenir le retour de catastrophes et de renseigner les ser-
vices intéressés sur les mouvements et la formation des glaciers. »
Le projet de vœu est mis aux voix et adopté.
M. ce Présinenr. La parole est à M. Coaz pour une communication con-
cernant la statistique des avalanches.
M. Coaz. Messieurs, permettez-mot de vous faire une courte communi-
} Ce projet de vœu a été adopté dans la séance générale du jeudi 7 juin.
—+>( MA jes—
cation concernant la statistique et le barrage des avalanches en Suisse. La
Suisse est traversée par deux chaînes de montagnes, le Jura et les Alpes.
Le Jura n’a point d’avalanches; les Alpes, par contre, une quanüté innom-
brable. Je dis innombrable. parce que c’est bien difficile de fixer la limite
entre de simples glissements des neiges et les avalanches proprement dites.
Figurez-vous en loutre un grand massif de rochers, d’une longueur de
quelques kilomètres peut-être, sillonné d’une quantité de couloirs d’ava-
lanches. Comment voulez-vous les compter? à
Dans un cas semblable il n’y a pas d’autre moyen que de donner, en
même temps, la description des couloirs principaux et celle de l’ensemble.
(Photographie des Churfirsten.)
Une autre difliculté pour la statistique se rencontre sur les glaciers. Là
il n’y a pas seulement de grands massifs de rochers, mais il se détache
des avalanches de toutes les pentes escarpées couvertes de glace, et il y a
souvent des glissements simultanés de neige sur une largeur de plusieurs
centaines de mètres. [ci la statistique des avalanches n'offre pas seulement
des difficultés, mais aussi des dangers.
Voilà pourquoi les avalanches tombant sur les glaciers sont une lacune
de notre statistique: on n'osait pas demander aux employés forestiers,
chargés de dresser cette statistique, un travail si dangereux, en dehors de
leur sphère d'occupation et qui leur aurait aussi pris trop de temps.
Ce sera une étude à part qui ira de pair avec l'étude des glaciers. Les
avalanches qui précipitent des masses énormes de neige dans les combes et
dans les vallées étroites des hautes montagnes nourrissent ainsi les glaciers
et à une époque, il est vrai, très reculée, elles ont contribué activement à
la création des glaciers.
Comme j'ai déjà eu l'avantage de vous le dire, ce sont les employés fo-
restiers qui ont été chargés de lever la statistique des avalanches, À cet
effet ils ont reçu une instruction spéciale, la carte au 50,000° et les for-
mulaires nécessaires. Ils avaient à indiquer, dans les différentes rubriques,
le canton, l'arrondissement forestier, la commune et la localité d’où l'ava-
lanche se détachait; de plus, la qualité de lavalanche, si c'était une ava-
lanche de fonds ou de poussière, ou si elle descendait sous une forme ou
sous une autre: si elle se détachait annuellement ou périodiquement ou si
c'était une avalanche nouvelle; si elle occasionnait des dommages et, dans
ce cas, s'il y avait possibilité de la barrer. Enfin on devait indiquer l'étendue
de l’avalanche.
Nous possédons maintenant les matériaux de cette statistique, et vous
|
nn UiE es
voyez là la carte des couloirs d’avalanches au 250,000°. C’est, je pense, la
première carte de ce genre qui existe.
À une si petite échelle il est impossible d'indiquer tous les couloirs d’a-
valanches, mais la carte vous donne au moins une idée de ce phénomène.
bien plus fréquent que l'on ne se l’imagine ordinairement. C’est un phéno-
mène général dans nos Alpes.
D'après cette statistique, levée de la manière indiquée, les avalanches
occupent un territoire de 24,700 kilomètres carrés, soit à peu près la
moitié de la surface totale de la Suisse (41,424 kilomètres carrés).
Le nombre,des avalanches se monte, en chiffres ronds, à 10.000 au
moins; 8 à 9,000 tombent chaque année, la plupart au printemps, mais
presque autant en hiver; 7,000 se détachent à une altitude de 2,000 à
3,000 mètres au-dessus de la mer. soit en général au-dessus de la limite
supérieure des forêts; 3,100 tombent sous forme d’avalanches de fonds et
1,000 comme avalanches de poussière.
Les couloirs d’avalanches occupent un terrain de 1.416 kilomètres car-
rés; 5,200 menacent des villages et des bâtiments, des chemins et des fo-
rêts. Il y a possibilité de barrer 3,000 couloirs, et 160 ont été déjà barrés
au moyen de murs en pierres, de pilotis et terrassement. On a dépensé,
pour ces travaux, 806,000 francs, dont la moitié à la charge de la Confé-
dération.
Ces barrages ont rempli leur but et on a parfaitement raison de continuer
à en élever.
Aux barrages on fait toujours succéder le reboisement, si possible.
On a prétendu que la chute des avalanches, en dégarnissant de neige
les pentes des vallées, serait d’un grand avantage pour la végétation des
alpages; ces pentes ainsi découvertes s’échauffant plus vite et présentant
alors une végétation plus précoce.
Je ne partage pas cette manière de voir; je crois qu'il est préférable que
la neige reste sur place et qu’elle y fonde, pour que le terrain profite de
l'humidité et de engrais provenant de cette couche de neige.
Là où l’avalanche à enlevé la neige, le terrain souffre de la sécheresse,
devient dur et peu productif. Il est vrai que la végétation s’éveille plus tôt là
où la neige a élé enlevée, mais la végétation précoce souffre des gelées et
des frimas. Aussi les paysans et les montagnards préfèrent-ils, en général,
les printemps tardifs.
Le barrage des couloirs d’avalanches, en retenant la neige sur place,
aurait donc, d'après mon idée, un avantage chimatérique aussi.
—+5( M6 )es-—
Du reste, Messieurs, malgré tous nos travaux de protection il nous res-
tera toujours encore assez d’avalanches. Nous ne voudrions pas non plus
les voir disparaître totalement de nos Alpes: nous n’aimerions pas à être
privés de ce spectacle sublime des avalanches tombantes, accompagnées de
tonnerre et de nuages de neige et chassant devant elles le tourbillon. Les
Alpes perdraient avec les avalanches un cachet très prononcé et caracté-
ristique.
Mais il n’y a pas de danger; la main de l’homme n’est pas assez forte
pour faire disparaître de nos Alpes toutes avalanches. (Vifs applaudissements.)
M. ze Présinenr. Nous remercions tous M. Coaz de sa communication si
intéressante.
Venant d'une telle autorité, elle nous est d’autant plus précieuse.
J'ajoute que nous nous associons à sa conclusion humoristique et que
nous serions, comme lui, désolés de ne plus voir quelques avalanches dans
nos Alpes.
Cette statistique occupera assurément une place d'honneur dans les
comptes rendus de notre Congrès. Ce sont, en eflet, de tels travaux qui
nous font défaut et nous sommes trop heureux de les connaître pour ne
pas en profiter. (Approbation.
M. Coaz veut bien également nous présenter une notice de M. Bürkh,
inspecteur fédéral des travaux publics, sur les travaux exécutés en Suisse
pour empêcher l'écoulement subit des eaux de glaciers et l’'amoncellement
des glaces. Si la »° Section y consent, cette notice, d’un grand intérêt,
pourra être publiée dans nos comptes rendus. ( Assentiment.)
I. Lac ne MÂryELEN.
Le lac de Märjelen est formé par une vallée située entre les Strahlhôrner
et l’'Eggishorn, et barrée à l'ouest par le grand glacier d’Aletsch.
Lorsque le niveau des eaux était élevé, le lac s’écoulait au sud, dans la
direction du glacier de Fiesch; 11 se vidait parfois subitement, en se
frayant un passage à travers le glacier d'Aletsch jusque dans la Massa, et se
déversait ainsi dans le Rhône en amont de Haters.
Au moment du niveau maximum, la surface du lac était de 0.445 kilo-
mètres carrés, correspondant à un volume d’eau de 10,4 millions de mètres
cubes.
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Ces irruptions amenaient une crue subite du Rhône, en sorte qu'on
avait toujours à craindre de voir, au moment des hautes eaux, des dom-
mages considérables causés aux travaux de correction.
En 1878, par exemple, le lac de Märjelen s’est vidé en trente heures : le
cube d’eau s’écoulant de cette façon était en moyenne de 85 mètres cubes
par seconde, ce qui eut pour conséquence une crue du Rhône de 1 m. 50
à Brigne et de o m. 90 à Lyon. Si le moment de lirruption avait coïncidé
avec les hautes eaux du Rhône, les travaux de correction auraient pu être
être sérieusement endommagés.
Pour conjurer ce danger, il fallait abaisser la berge du lac du côté du
glacier de Fiesch pour abaisser le niveau des eaux et diminuer le cube d’eau
s’écoulant par le glacier d’Aletsch, en sorte qu'il püt être, sans danger,
absorbé et entraîné par le Rhône.
Le projet, établi par le canton du Valais et devisé à 150,000 francs, a
été adopté en 1884 par l’Assemblée fédérale, qui lui a alloué un subside
de 50 p.100 des dépenses.
On a percé une galerie d'écoulement de 1 m. 85 de hauteur, 1 m. 20 de
largeur et 583 mètres de longueur. La hauteur maxima du lac a été ra-
menée ainsi de 45 à 31 mètres, et le volume d’eau emmagasiné réduit,
en conséquence, de 5,2 millions de mètres cubes. Les travaux ont com-
mencé en 1889 et n’ont pu être terminés qu'en 1896, par suite de l’alti-
tude et des difficultés de déblaiement provenant des faibles dimensions de
la galerie.
L'entrée et la sortie ont été munies de grilles, pour empêcher le bétail
de pénétrer dans la galerie : en hiver, on les ferme en outre avec des portes
en bois, ce qui empêche au moins partiellement la congélation des issues.
Le coût du travail a été de 81,483 fr. 53, y compris l'établissement
d’une galerie latérale qui a été murée après l'achèvement des travaux.
IL. Gzacrer DE CRrÊTE-SÈècHe.
À la jonction du glacier d'Otemma avec celui de Crête-Sèche, dans le
fond de la vallée de la Dranse (vallée de Bagnes), il s’est formé ces der-
nières années, sur le glacier de Crête-Sèche et ensuite de son retrait, une
profonde dépression qui, au moment de la saison chaude, le remplit d’eau
de fonte des places.
La première irruption violente des eaux coutenues dans celte cuvette à
eu lieu en 1894. L’écoulement naturel au pied de la moraine longitudinale
SYLVICULTURE, 27
——#3( 118 }se3—
du glacier d'Otemma (a), était évidemment bouché pour unecause inconnue
et, le 28 juin, après les premières journées chaudes, lirruption se fit subi-
tement dans la direction AE et BD; la conséquence en fut une crue impor-
tante de la Dranse, déjà très forte. La rivière déborda en plusieurs points,
presque tous les ponts furent entraînés et des dommages considérables
causés aux propriétés et aux chemins.
Dans les années 1895-1897, le phénomène s’est reproduit, la cuvette
s’est élargie et approfondie; les dégâts ont été cependant moins considé-
rables.
En juillet 1898, l'eau s’écoulait en partie au-dessus du rempart de
glace b, et se creusa un étroit passage qui fut bientôt comblé par les pierres
qui s’éboulaient peu à peu.
Comme le danger menaçait toute la vallée et que l'irruption de 1898
avait causé de nouveau des dommages considérables, on décida d’appro-
fondir arüficiellement ce passage et de mettre des deux côtés la glace à nu,
en sorte que la fonte de la glace facilite le travail.
On a renoncé à creuser une galerie le long des rochers de la pointe
d'Aïas (direction AE), parce que l'établissement d’une longue galerie à
l'intérieur du glacier a paru être une entreprise dangereuse, aléatoire et
d’un résultat douteux.
On espère pouvoir amincir en B la paroi de glace ABC barrant la cuvette,
de telle sorte qu'avec le temps on obtienne une tranchée complète, cela
grâce à l’approfondissement de haut en bas du canal d’érosion, et grâce
aussi à l'agrandissement du canal d'écoulement naturel souterrain qui se
fait peu à peu de lui-même. |
Le projet de canal BB;,, conjointement avec le déblaiement des talus de
glace, était budgeté à 53,000 francs; il a été adopté en 1898 par le
Conseil fédéral qui y a alloué un subside du 50 p- 100 des dépenses réelle-
ment faites.
Le même été (1 898), on a commencé les travaux, qui ont été continués
énergiquement l’année suivante.
Les fouilles n’ont pu être entreprises qu'avec les plus grandes précau-
lions, à cause de l’éboulement continuel des matériaux de la moraine;
l'altitude du chantier en outre, 2,500 mètres, a empêché d'activer ces tra-
vaux, comme on l'aurait voulu : on a dû les interrompre à chaque appa-
riion du mauvais temps.
On a construit. pour abriter les ouvriers, une vaste cabane.
La tranchée a été établie pour commencer, sur une largeur de 3 mètres
ROMEO Ve:
pour 12 mètres de profondeur; on l’a élargie ensuite Jusqu'à 6 m. 50 (b,).
Enfin on a creusé encore le fossé, sur la moitié seulement de la largeur au
plafond, de telle sorte que le pointle plus profond ( b,) atteigne à peu près
le niveau supérieur de l’eau, l’année dernière.
Dès que le temps le permettra, on reprendra les travaux pour les achever,
si possible, cette année encore.
[IL Gzacier DE Giérror.
Durant les années 1815-1817, le glacier de Giétrot qui domine la paroi
rocheuse située sur la rive droite de la Dranse, en amont de Mauvoisin,
était dans une période de crue telle que la glace, poussée et précipitée en
bas de la paroï de rochers jusqu’au fond de la vallée, obstruait le cours de
la Dranse, en sorte que l’eau s’accumulait derrière ce barrage de glace.
Cette accumulation d’eau forma bientôt un véritable lac qui remplissait la
population de la vallée de terreur et on se décida, sur les conseils de l'in-
génieur cantonal valaisan, alors M. Venetz, de creuser une galerie dans la
glace pour permettre l'écoulement de Veau. Le travail fut terminé en
juin 1818, et l’eau commençait à s’écouler selon les prévisions, lorsque
toute la digue de glace céda subitement à la pression, vidant ainsi le lac en
une fois et avec une violence épouvantable. Environ g millions et demi de
mètres cubes d’eau s’écoulèrent en une demi-heure, en causant des ravages
considérables.
Durant Fhiver 1821-1822, le barrage de glace se forma de nouveau et
recouvrit le torrent sur une longueur de 4oo mètres environ. L’ingénieur
Venetz essaya alors avec succès d’amener avec des canaux de bois, sur le
cône de glace, des filets d’eau réchauffée en passant sur les rochers, afin
de le désagréger par la fusion. Ces essais réussirent et de grands blocs de
glace qui cubaïent jusqu’à 1,000 mètres cubes se détachèrent ainsi.
On construisit ensuite, en travers de la vallée, des digues en pierre qui
devaient amener un élargissement de la section du torrent et avoir pour
conséquence une fusion continuelle de la glace. On empéchait ainsi la for-
mation d’une voûte de glace et on obligeait les parties continuellement bai-
gnées à se désagréger.
Les digues en pierre construites à cette époque, et soigneusement entre-
tenues dès lors, ont fait leurs preuves. Il est vrai que le glacier a tellement
reculé ces dernières années qu'il n’y a plus de danger pour le moment.
Si une période de forte crue apparaissait de nouveau, on pourra se
27.
—#3( 120 ).e3-—
demander s'il ne conviendrait pas, étant donnés les moyens techniques
dont on dispose aujourd'hui , de percer la paroi rocheuse formant la rive
gauche de la vallée pour contourner ainsi avec une galerie la place exposée
à étre obstruée. Cette galerie aurait une longueur de Aoo mètres environ.
Les dangers résultant d’un barrage de la vallée seraient ainsi défimiti-
vement écartés.
IV. Lac ne Marrmark.
Un cas semblable se présente au fond de la vallée de Saas, au-dessus
du petit village d'Almagell.
Lorsque le glacier d’Allalin est en crue accélérée et que la température
de l’eau qui s'écoule ne permet plus la formation de la galerie du torrent
à l'extrémité de la langue du glacier, on peut craindre de voir les nom-
breux filets d’eau, qui s’écoulent dans la cuvette formant le lac de Matt-
mark, être arrêtés et emmagasinés derrière le glacier et constituer ainsi
un danger appréciable pour les propriétés situées en aval. L'aspect du fond
de la vallée dès le lac jusqu'à Almagell permet facilement de conclure à
diverses irruptions antérieures de ce lac.
On n’a fait, jusqu'ici, ni travaux de protection, ni travaux de dérivation,
le glacier ayant reculé ces dernières années. Mais, si une période de crue
devait survenir de nouveau, il faudrait prendre les mesures nécessaires
pour empêcher cette accumulation des eaux.
PUBLICATIONS :
Berzerscn : Schweizerkünde.
Cazman : Untersuchung der Schweiz Wildbäche.
Div. hydrométriqne de l’'Insp. Féd. des Trav. Publics : Flächeninkalt des
Rhone gebicks.
Ph. Gosser : Der Merjelensee.
M. ze Présinenr. La parole est à M. Puic x Vars, ingénieur en chef des
forêts en Espagne, qui a bien voulu nous apporter une traduction des con-
clusions de ouvrage publié par M. Ricardo Codorniu.
M. Puic x Vaucs donne lecture de la communication suivante :
M. Ricardo Codorniu, dans sa brochure intitulée : Apuntes relativos à la
Repoblacion forestal de la sierra de Espuña, comme ingénieur en chef du
— 7
st en " dés” DS sh Se
+ RON Ves—
bassin « del Segura», en Espagne, a voulu donner au Congrès international
de sylviculture à FExposition universelle de 1900, à Paris, une idée pré-
cise des travaux qui se font en Espagne, pour enrayer les inondations d’une
portion de la côte du levant.
De cette brochure on peut conclure :
£
r
ss
.
1
1° Qu'on a commencé les travaux en faisant les études du bassin de Lu-
chena, qui comprend deux grands périmètres de restauration d’un total de
20,294 hectares.
2° Que de 1896 à septembre 1899 on a reboisé 3,250 hectares, expro-
prié 2,981 hectares, construit 3 maisons forestières, 4,349 digues en
pierres sèches cubant 19,661 mètres cubes, et 122 kilomètres de routes
forestières.
3° Que l’on a reboisé aussi six périmètres et fait l'étude de quatre autres
périmètres, avec un ensemble de 2,700 hectares.
4° Que l’on a déjà commencé avec succès l'aménagement des masses
forestières qui se trouvent dans les périmètres de reboisement.
° Que l'on a monté six observatoires depuis Alhama, à 228 mètres au-
dessus du niveau de la mer, jusqu'au Morron de Espuña, à 1,500 mètres
d'altitude.
6° Que les essences employées pour les semis et les plantations ont été
le pin d'Alep, le pin sylvestre, le pin maritime et le pan larico, avec des
succès très différents mais avec des conditions économiques exceptionnelles;
— que le chêne vert et l’orme ont une grande importance dans le reboise-
ment de la Sierra Espuña.
7° Que les deux barrages plus importants, construits transversalement
au fleuve Espuña, le premier sur le grès triasique, à 770 mètres d’alti-
tude, sur 31 m.67 de longueur, sur 8 dans le soubassement et sur 5
dans le couronnement, avec un eube de 1,435 mètres, ayant coûté
3,792 piécettes, soit 2,604 piécettes le mètre cube; et le second d’une
longueur de 28m. 30 avec 7 mètres de soubassement et 5 mètres au
couronnement, a coûté 4 piécettes le mètre cube, en pierre sèche et en
moellon.
8° Que l'on a construit divers chemins de communication et de vidange,
depuis 1 mètre de largeur jusqu'à { mètres, à des prix exceptionnels et à
très bon marché, et que l’on a terminé une route carrossable de 4 mètres
de largeur sur 10,664 mètres de longueur. ( Applaudissements.)
M. ve Présinenr. Nous remercions M. Puig y Valls du concours qu'il
—+>( 422 \es—
nous apporte et nous applaudissons aux travaux que l'Espagne pousse avec
tant de vigueur. Nous formons également le vœu que les populations de
l'Espagne se rendent compte, enfin, que c’est dans leur intérêt immédiat et
non pas contre leur intérêt que les forestiers travaillent. C’est 1à un pré-
jugé regrettable contre lequel nous avons à lutter sans cesse,
C’est en ce sens que j'ai l'honneur de soumettre à votre approbation le
projet de vœu suivant :
+ Qu'un enseignement sylvicole soit introduit dans les écoles normales
et primaires de tous les pays; que, par une campagne de conférences et
d'affiches publiques, les Etats, provinces et communes combattent sans
répit les préjugés populaires contre la restauration des terrains en mon-
tagne et la correction des torrents: que des primes nationales et même
internationales soient attribuées annuellement aux particuliers qui auront
le plus activement collaboré à l'œuvre de la restauration des terrains en
montagne. » (Vifs applaudissements.)
Le projet de vœu est adopté avec addition des mots écoles normales, pro-
posé par M. Leddet.
M. Puic x Vaurs. Permettez-moi de vous dire qu'à Barcelone j'ai
fondé une Société des Amis de l'Arbre.
Cette société a organisé une fête annuelle, appelée la fête de l’Arbre. Ce
jour-là les enfants sont habitués à planter des arbres, apprenant ainsi à
les respecter et à les aimer.
Cette pratique tend à se répandre dans de srandes proportions, et déjà
nous pouvons enregistrer d'importants succès.
Je serais heureux que le vœu adopté par la »° Section exprimât aussi
le désir de voir se généraliser, dans les diverses nations, cette fête de
l'arbre.
M. ve Présipenr. Cette disposition pourrait former l'objet d’un vœu spé-
cial corroborant le vœu qui vient d'être adopté.
Nous n’aurions pas eu besoin d'exprimer un tel désir si, dans ces der-
nières années, la propagande des sociétés pratiques de sylviculture ne
semblait s'être un peu ralentie. Je demanderai donc à lun de vous, Mes-
sieurs, de formuler un vœu répondant à la pensée exprimée par M. Puig
y Valls.
9) Ce vœu a été adopté dans la séance générale du jeudi 7 juin.
—+#3( 493 )ee+—
J'ajoute que j'aurai à vous soumettre, de mon côté, à la prochaine
séance, un projet de vœu très important, auquel j'ai déjà fait allusion,
dont je tiens à vous donner lecture d'ores et déjà, afin que vous puissiez
en entretenir vos collègues des autres sections, dans l'intervalle de nos
deux séances."
Ce projet de vœu est ainsi conçu :
« Que les États étudient la formation d’une entente internationale pour
la protection des forêts existantes, la restauration des terrains en mon-
tagne et la défense contre les glaciers, les avalanches, les torrents et les
incendies; qu'un bureau international soit créé pour centraliser les en-
quêtes à ouvrir sur la question sylvicole et les législations forestières des
divers Etats, réunir tous documents utiles, et préparer une législation in-
ternationale qui permette aux nations d'unir leur action et, au besoin
même. leursressources en vue de leurs intérêts communs. » ( Vive approbation.)
Cette union, à mon sens, est appelée à rendre les plus grands services.
I est impossible, aujourd’hui plus que jamais, de ne pas admettre qu’une
nation se déboise au détriment des autres nations voisines et nous devons
l'aider, par nos encouragements et nos conseils, à se reboiser.
Si la Russie achève son grand œuvre de reboisement, ainsi que vous la
magistralement exposé M. Mélard dans sa conférence, les forêts arrêteront
ces terribles vents d'est redoutés par Allemagne, par la France, par l'An-
gleterre et qui sont déchaïnés par les immenses steppes de la Russie.
Quand on songe au rôle important que jouent les forêts au point de vue
météorologique, quand on pense que les déboisements de l'Amérique ont
une telle influence sur le régime des vents que les courants de l'Atlantique
sont eux-mêmes perturbés jusque sur nos côtes, modifiant les conditions
climatériques, nous avons le droit de nous demander si, d’un contact avec
l'Amérique, ne pourraient pas sortir des mesures à prendre en vue de ré-
gulariser ces perturbations et les faire servir à nos intérêts mêmes.
C’est ainsi encore que la question des avalanches et torrents est com-
mune à bien des nations par les dégâts qu’elles ont à supporter de ce fait.
La Suisse, par exemple, si belle, si laborieuse, qui représente à nos yeux
une si grande école de progrès, celte Suisse est aujourd’hui tenue de nous
donner des inondations et de gêner le cours du Rhône, du Rhin, du Danube.
Pourquoi ne pas rechercher avec elle dans quelles conditions on pourrait
modifier le régime des avalanches et des torrents; pourquoi n’avoir pas
souci de son intérêt commun avec le nôtre? (Applaudissements.)
—#>( 121 \ees—
M. Puie x Vars. Je suis absolument d’accord avec M. le Président , mais
il n’y a ni lois ni règlements qui tiennent devant l'ignorance des popula-
tions.
C’est pour cela qu'il faut commencer par intéresser la jeunesse, même
les femmes, à la sylviculture. À ce point de vue la fête de l’Arbre, en tant
que fête nationale, doit avoir une grande influence.
M. Cacueux. Les États-Unis ont aussi une fête de l’Arbre. Nous avons
fait, en France, des essais dans cet ordre d'idées et nous avons créé des
sociétés locales des « Amis des arbres». Une vingtaine de sociétés scolaires
fonctionnent ainsi avec fruit.
Si le Congrès engageait les nations à établir une fête de l’Arbre natio-
nale, ce mouvement serait certainement profitable aux campagnes.
M. Sawros s'associe aux déclarations de M. Puig y Valls, en ce qui con-
cerne l'éducation des populations, mais fait des réserves sur l'établissement
de fête de Arbre en tant que méthode d'éducation.
M. le baron ne RazsreLpr fait observer que les conclusions du travaii de
M. Bargmann, dont M. le Président a fait l'éloge, tendent précisément vers
le but que se propose M. le Président dans l'expression de son projet de
vœu.
M. ze Présipenr répond qu'il se félicite de cet accord entre sa pensée et
les idées exprimées par la plume d'un publiciste qui parait aussi dévoué
que compétent en la matière.
Rien n’est plus précieux pour nous, ajoute M. le Président, que cette
unité de vues entre le délégué de lAllemagne et notre 2° Section. Nous
savons l’action vigoureuse développée par le Gouvernement allemand dans
ces questions de restauration. Je crois donc être votre interprète en re-
merciant M. Bargmann de sa communication dont les conclusions sont
si sympathiques et auxquelles nous nous associons très volontiers. (Vive
approbation.)
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
La séance est levée à 1 1 heures 45.
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—#2>( 125 )e3—
SÉANCE DU MERCREDI 6 JUIN 1900
(APRÈS MIDI).
PRÉSIDENCE DE M. LE BARON DE RAESFELDT, VICE-PRÉSIDENT.
La séance est ouverte à 4 heures.
M. Carpor, secrétaire, donne lecture du procès verbal sommaire de la
précédente séance.
Le procès verbal est adopté.
M. 1e Présinenr. Je prie M. Delassasseigne, inspecteur des Eaux et Forêts
à Bordeaux, de nous donner lecture de son rapport sur la question in-
scrite à l’ordre du jour : « Défense contre les incendies. »
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
M. Derassasseiexe. Les forêts sont la proie d’incendies qui, dans cer-
taines régions, atteignent des proportions considérables, ruinent les pro-
priétaires, réduisent à la misère de nombreuses familles d'ouvriers et
laissent même parfois derrière eux des victimes humaines.
Deux contrées en France sont particulièrement atteintes : les Maures et
l'Estérel, dans les départements du Var et des Alpes-Maritimes, et les
Landes de Gascogne, dans les départements de la Gironde, des Landes et
de Lot-et-Garonne.
Nous laisserons de côté les autres départements, dans lesquels les dan-
gers de propagation du feu n'existent pas, à beaucoup près, au même degré,
et où les mesures prises par l'Administration des Eaux et Forêts et les
propriétaires, ainsi que par les préfets, paraissent suffisamment garantir la
propriété boisée.
La région des Maures et de l'Estérel, qui occupe une superficie d’en-
viron 105,000 hectares, était, avant 1870, dévastée, chaque année, par de
terribles incendies, qui jetaient l’effroi et la désolation dans cette partie de
Provence.
—#3( 426 )e+-—
En 1850, le 27 juillet, à la suite des pressantes instances des popu-
lations intéressées et de leurs représentants, une loi de protection intervint.
Votée d’abord pour une période de vingt années, elle fut prorogée de deux
ans, puis de six mois, afin de permettre au Gouvernement de préparer un
nouveau projet amendé d’après les indications de lexpérience, et fina-
lement remplacée par celle du 19 août 1893, sous l'empire de laquelle
on se trouve aujourd'hui.
On est unanime, dans les deux départements, à reconnaitre les bienfaits
qui résultent de son application.
Celle-e1 a consisté principalement dans la création d'un personnei de
surveillance payé par l’État et qui exerce son action non seulement sur les
forêts que celui-c1 possède, mais encore sur l’ensemble du massif des
Maures et de l'Estérel, dans lequel les forêts domaniales et celles commu-
nales soumises au régime forestier sont intimement mélangées avec les
forêts communales non soumises et les bois particuliers. Ce personnel
veille à ce que les prescriptions de l'article essentiel de la loi de 1893,
l'article 2 relatif à l'allumage du feu, soient appliquées: 1l fait des tournées
fréquentes ou occupe des postes de surveillance élevés, il donne avis im-
médiat des incendies qui commencent, se transporte sur le lieu du simistre
et organise les secours.
L'État, en créant ce personnel et en faisant les travaux d'ouverture de
garde-feu et de débroussaillements, les Compagnies de chemins de fer, en
établissant de chaque côté de leurs voies de grandes tranchées de protection,
ont donné l'exemple, Îl a été possible, avec le temps, de déterminer quel-
ques communes propriétaires de bois à agir de même partiellement. Certains
particuliers enfin, quoique en fort petit nombre, sont entrés dans la même
voie.
Mais il reste encore beaucoup à faire, tant en ce qui concerne l'ouver-
ture des garde-feu que pour ce qui est des débroussaillements. Les com-
munes et les particuliers sont arrêtés par les grandes dépenses que néces-
sitent ces opérations et que ne vient pes couvrir la vente des produits.
Pour les encourager et agir même à leur égard avec des idées de justice.
étant donné l'intérêt général qui s'attache incontestablement à l'existence
des forêts des Maures et de l'Estérel sous leur climat torride, en un sol
uniquement propre à la culture forestière, il semble que l'État, qui ailleurs
fait des dépenses pour encourager les boisements, devrait dégrever de
: impôt foncier toute propriété boisée entourée et coupée de tranchées. et
débroussaillée, dans des conditions déterminées.
—+x( 497 Ve: —
Des subventions en argent pourraient même être allouées à certains
propriétaires, suivant le cas.
En attendant, les particuliers pratiquent le mode du petit feu, qui con-
siste à détruire les broussailles en les incinérant sur pied en mème temps
que les feuilles gisantes et les débris végétaux.
Ce système est très économique, mais il est en même temps extrêmement
dangereux, parce qu'il occasionne parfois l'incendie que lon veut justement
prévenir. En outre, il a pour résultat fâcheux de détruire la couche de
terreau et d’humus nécessaire à la bonne venue des arbres et d'enlever au
sol une couverture naturelle qui le défend très utilement contre l’ardeur
d’un soleil brûlant.
Aussi remarque-t-on qu'en certains endroits où cetle pratique esi ap-
pliquée les peuplements existants dépérissent et que la régénération de ces
parties de forêts paraît compromise.
Toutefois, 1l est des cas où l’on peut l’employer avec un avantage réel.
Le tout en cela, comme en beaucoup de choses, est de mettre de l’attention
et de la mesure.
ÉTUDE SPÉCIALE DE LA QUESTION DES INCENDIES DANS LES LANDES DE GASCOGNE.
Importance des désastres occasionnés par les incendhes. — La seconde région
dont nous avons parlé, celles des Landes de Gascogne, d’une superficie de
800,000 hectares environ, c’est-à-dire près de huit fois plus étendue
que l’autre, est ravagée également par de formidables incendies qui ont
motivé à plusieurs reprises la demande de mesures spéciales de la part des
Corps élus, notamment du Conseil général de la Gironde, de la Société
nationale d'agriculture de Francel", d’un grand nombre de propriétaires,
de personnages politiques et d'hommes éminents, prenant à cœur la si-
tuation d’une contrée extrêmement éprouvée.
Quelques chiffres donneront l'idée de l'importance des désastres.
En 1870, dans le département de Lot-et-Garonne, 2,261 hectares
furent brûlés avec une perte évaluée à 791,490 francs.
Cette même année, dans le département de la Gironde, 10,000 hec-
tares de bois, évalués 10 millions de francs, furent détruits.
De 1869 à 1872, dans le département des Landes, 54,000 hectares
furent la proie des flammes, avec un dommage de 4,800,000 francs.
(U) Séance du 16 décembre 1891.
—_4>( 198 }es—
En 187/,un incendie considérable, qui dura trois jours, parcourut la
commune de Lacanau et brûüla 1,100 hectares.
En 1892, le feu s’étendit sur 4,000 hectares dans la commune de Bis-
carrossse et quatre communes voisines ; un autre détruisit 1,500 hectares
de bois et landes dans les communes de Saint-Jean-d'Illac et du Temple
( Gironde), occasionnant la mort de 10 personnes qui périrent au mulieu des
flammes.
En 1893, dans le département de la Gironde, du 1° mars au 1* sep-
tembre, 132 incendies ont eu lieu, brûlant 35,589 hectares évalués à
plus de 6 millions de francs.
En 1898, dans ce même département, du 15 juillet au 17 octobre, il
s’est produit 10/4 incendies qui ont parcouru 13,034 hectares, causant
1,600,000 francs de pertes.
Cette même année, le 21 août et jours suivants, un incendie a détruit
12,000 hectares dans le département des Landes et 5,000 dans celui
de la Gironde, faisant même dans ce dernier département deux nouvelles
victimes.
En 1899, dans le département de la Gironde, les incendies se sont
étendus sur 12,435 hectares, entraînant un dommage de 1,387,000 francs.
Situation géographique. — La région des landes de Gascogne est com-
prise entre la Gironde, la Garonne, la Baïse, la Gélise, l’Auzone, le
Midou, la Midouze, l’Adour et l'Océan.
Elle occupe un immense plateau de 1 07 mètres d'altitude dans sa partie
centrale, s’abaissant d’une manière insensible (environ o m. 001 par
mètre) à mesure que l’on s'approche des étangs voisins de l'Océan et des
vallées périmétrales.
À l'Ouest, entre ces étangs et la mer, on trouve les dunes, collines de
sable d’une altitude variant de o à 90 mètres, actuellement fixées depuis
les travaux de Brémontier et de ses successeurs.
Sol), — Le sol est formé d’une couche de sable siliceux sans mélange
d'argile ni de calcaire, d'une épaisseur de o m. 30 à o m. 80, reposant
sur labos, banc à peu près imperméable et de consistance variable, formé
d’un mélange de sable et d'argile imprégné de matières organiques et
souvent de matières ferrugineuses.
0) Le sol des Landes paraît appartenir au premier élage supérieur du terrain tertiaire dit
alluvion de la Bresse.
—+3( 129 )es-—
Division en landes et en bois. —— Essences forestières. —— La surface de
800,000 hectares se divise en :
Landes proprement dites et cultures. ................ 130,000 hectares.
HORS Re date ea Meme ee ns Me Cao 670,000
Ces dernières sont constituées par des peuplements de pin maritime de
tous âges et à l’état pur. Par exception, on trouve avec le pin du chêne pé-
donculé et du chêne tauzin, et aussi du chêne occidental (appelé dans le
pays chêne-liège ou corcier ). Cette essence se rencontre principalement dans
la partie ouest du département des Landes, au sud de l’étang de Sant-
Julien, et dans la partie sud-ouest du département de Lot-et-Garonne.
La superficie boisée se répartit, comme il suit, entre les trois dépar-
tements :
RE OR OR AE RE IS LAS DRE UN. 235,000 hectares.
ÉRnESE Nes A A CR ARR et rusSahnl:s Loo,000
RÉÉeR Garonne. D Re es El CET Re «de À 3,000
Dora AL EURE tn 670,000
Sur cette étendue, l'État possède 51,106 hectares (4,998 dans la
Gironde et 26,108 dans les Landes) constituant les forêts des dunes, qui
forment une bande, parfois interrompue, de 4 à 5 kilomètres de largeur le
long de l'Océan. L’Administration des Eaux et Forêts gère en outre en-
viron 8,000 hectares de forêts communales soumises au régime forestier,
ce qui porte à 59,000 hectares, en nombre rond, la surface boisée dont
elle a la surveillance, soit à peine 9 p. 100 de l'étendue totale des forêts
de la région.
Vésétaton buissonnante. — Le sol est recouvert presque partout d’un
sous-bois très abondant, constitué par des ajoncs, des bruyères arbores-
centes (brande) et des petites bruyères. Par places, on rencontre des fou-
pères, ainsi que diverses plantes du genre des fétuques, parmi lesquelles
la canche gazonnante.
Ce sous-bois qui recouvre uniquement la lande rase, cest-à-dire la
partie de la lande dépourvue d'essence forestière, se montre encore, sou-
vent très épais, sous le couvert des pins. Il s'y trouve alors mélangé avec
des feuilles mortes, des mousses et des débris végétaux dont l’ensemble
constitue une sorte de feutre qui a, en certaines places, jusqu'à »0 et
29 centimètres d'épaisseur.
Si on ajoute à ces conditions les circonstances qui tiennent à la chaleur
du climat, à la sécheresse naturelle du sol et à la violence des vents à
certains moments, on s'explique sans difliculté l'intensité que prennent les
incendies.
Cause des incendies. — Les causes de ceux-c1 peuvent être classées de la
manière suivante :
1° Imprudence des chasseurs, des fumeurs et des ouvriers employés
aux exploitations agricoles et forestières:
2° Écobuages à feu courant dans les landes;
3° Malveillance:
4° Mise à feu des charbonnières dans de mauvaises conditions et ré-
pandage trop hâtif du charbon chaud;
5° Locomotives des chemins de fer:
6° Montgolfières , lancées principalement dans les fêtes de petites villes
et de campagne;
7° Feu du ciel.
Cause de la propagaton rapide des incendies. Une fois déclarés, les in-
cendies se propagent avec une extrême rapidité. Les raisons en sont dans
la nature et l'abondance du sous-bois, l'éloignement des centres habités,
qui fait que les secours arrivent tardivement et en quantité insuffisante,
dans l'absence surtout de dispositions législatives, d’où résulte non seu-
lement que les mesures nécessaires de préservation ne sont pas prises ,
mais encore que le feu est combattu sans moyens d’action suffisants, d’une
manière hésitante et incertaine.
Moyen de combattre les incendies. — Les moyens employés pour éteindre
un incendie de forêt consistent d'ordinaire à disposer les travailleurs sur
une route, un chemin, une grande tranchée, dite garde-feu où pare-feu,
débarrassée de toute matière combustible. Chacun d'eux üent en main
une perche munie de quelques branches vertes et frappe les parties em-
brasées, soit sur la ligne de feu, soit en arrière lorsqu'un nouveau foyer
produit par des flammèches portées au loin vient à éclater.
Souvent, pendant que les uns font ce hattage, d’autres, avec une pelle,
tracent une espèce de sentier jusqu’au sol, nu pour arrêter la propagation
du feu par le tapis végétal, et jettent sur tout ce qui brûle des pelletées de
sable frais.
À
3
À
4
2
d
Ti
4 4BA per
A défaut de route, de chemin ou de garde-feu, on opère en plein bois,
après avoir auparavant abattu les arbres, quand ils ne sont pas trop gros,
et coupé les morts bois.
Mais, lorsque le personnel dont on dispose est en nombre insuffisant,
qu'une fumée abondante poussée par le vent aveugle les travailleurs, qu'il
est impossible de tenir toute la ligne d'incendie, on a recours au contre-feu.
Tout le monde se porte à une certaine distance en arrière, à 100, 500
mètres et plus, suivant le cas, en s'appuyant à un grand espace vide, un
garde-feu, une route, un chemin en terrain naturel, parfois même un
simple sentier, et on allume la broussaille en ayant grand soin d'empêcher
le nouveau feu, dont on doit toujours demeurer maître, de sauter en arrière.
Les deux feux viennent à se rejoindre et s’éteignent faute d’aliment.
Parfois 1l arrive, les travailleurs faisant par trop défaut, ou le vent
déjouant leurs efforts, que le contre-feu les dépasse. On court plus loin se
placer le long d’une nouvelle base d’opérations et l’on recommence.
Ainsi qu’on peut en juger, l'allumage d’un contre-feu est une mesure
des plus délicates, qui engage fortement la responsabilité de celui qui le
commande, surtout quand on agit dans des propriétés particulières. En
‘état actuel de la législation, on s'expose à de graves conséquences.
On risque encore, si on ne prend pas toutes les précautions d’avertis-
sement voulues, d'oublier des personnes entre les deux feux et de causer
d'irréparables malheurs.
Aussi cette mesure est-elle rarement employée par les autorités commu-
nales, ou l'est trop tard, après un temps d’hésitation et de discussion
pendant lequel le feu a fait de rapides progrès et a rendu plus difficile la
réussite de l'opération.
Ce procédé nous apparaît cependant comme le seul qui permette de
venir rapidement à bout des grands incendies.
État de la lépislation. — L'incendie volontaire est un crime puni par Par-
ticle 434, S 3, du Code pénal.
L'article 458 du même code punit d’une amende de 50 à 500 francs
les incendies causés par des feux allumés à moins de 100 mètres des forêts,
bruyères et bois.
La loi des 28 septembre-6 octobre 1791, dans son article 10. stipule
l'interdiction d'allumer du feu plus près que 50 toises (97 m. A5) des bois ou
forêts, sous peine d’une amende égale à la valeur de 19 Journées de tra-
vail.
—#>( 1392 jee —
Cet article a été remplacé en 1827, pour les bois et forêts. par l’ar-
ticle 148 du Code forestier, qui punit d’une amende de 0 à 100 francs,
sans préjudice, en cas d'incendie, des peines édictées par le Code pénal, le
fait de porter ou allumer du feu à l'intérieur et à la distance de 200 mètres des
bois et forêts.
Dans ces divers cas, l’article 1389 du Gode civil permet de réclamer
des dommages intérêts lorsque le feu a occasionné des dégâts. Cette dispo-
sition est inscrite dans l’article 1 48 du Code forestier.
Ces diverses prescriptions n’atteignent pas les propriétaires des forêts
et bruyères (landes), en ce sens qu'ils peuvent allumer des feux sur leurs
terrains et en laisser allumer à distance prohibée.
I leur est loisible d'agir à cet égard comme ils l’entendent, sauf à en-
courir les peines prévues par l’article 434, $ 3 et 7, du Code pénal, si l'in-
cendie se communique aux propriétés voisines.
Is sont tenus d'observer les obligations des articles 458 du Code pénal,
10 de la loi de1791 et 148 du Code forestier.
Attributions des préfets el mesures prises par eux. — Les lois du 22 dé-
cembre 1789, 8 janvier 1790 et l’article 99 de la loi du 5 avril 1 884 sur
l’organisation municipale permettent aux préfets de prendre des arrêtés à
l'eflet de réglementer emploi du feu dans la région du pin maritime et
des landes.
Les infractions à leurs arrêtés sont punis de 1 4 5 francs d'amende en
vertu de l’article 471 du Code pénal.
Dans le département de la Gironde, l'autorité préfectorale s’est préoc-
cupée depuis longtemps de faire disparaître les causes d'incendie résultant
des incinérahons des landes. C’est ainsi qu'ont été pris les arrêtés des 24 juin
1809 (approuvé par décret du 29 octobre suivant), ! janvier 1810, 3 no-
vembre 1824 et 11 juillet 1859.
Dans ce même département, un arrêté du 15 septembre 1899, pris sur
la proposition et conformément à la rédaction du service local des Eaux
et Forêts, règle «exploitation des charbonmtres dans les pignadas et bois
feuillus ».
Dans le département des Landes, les incinérations de bruyères sont régle-
mentées par un arrêté du 17 mai 1843, dont l'article 13 a été successi-
vement modifié par les arrêtés du 10 avril 1856 et du 8 octobre 186».
De plus, trois arrêtés aux dates des 16 juillet, 1° septembre 1860 et
12 septembre 1899 se rapportent spécialement aux charbonmères.
ST CS Jr NOT
DS ur ‘|
ex( 133 je
Dans les trois départements de la région des Landes, les arrêtés relatifs
à la chasse interdisent l'emploi en forêt des bourres combustibles.
Enfin, en 1889, un arrêté préfectoral de la Gironde a prononcé la
prohibition de fumer dans les forêts de pin.
Attributions des maires. — Les pouvoirs des maires en la matière résultent
de Particle 47 de la loi du » avril 1884 sur l’organisation municipale.
Les arrêtés qu'ils peuvent prendre pour prévemr les incendies sont va-
lables, s'ils sont justifiés par la nécessité des choses), et les contrevenants
sont passibles d’une amende de 1 à 9 francs, par application de Far-
ticle 471 du Code pénal.
Lorsqu'un incendie s'est déclaré, les maires peuvent réquisitionner des
travailleurs, des outils et faire allumer des contre-feux. Tout refus de
concours esl puni d’une amende de 6 à 10 francs, en vertu de l’arucle 475
du Code pénal.
Dispositions concernant spécialement les forêts soumises au régime foresher.
Mesures prises par l'Administration des Eaux et Forêts. — Dans les bois
soumis au régime forestier, les charbonnitres, les loges et baraques d'ouvriers
et les ateliers ne peuvent être installés que sur les emplacements désignés,
par écrit, par les agents des Eaux et Forêts, sous peine d’une amende de
50 francs par emplacement non autorisé (art. 38, C. K.).
Il est défendu aux adjudicataires et à leurs ouvriers ou employés d'ul-
lumer du feu ailleurs, à peine d’une amende de 10 à 100 francs (art. ho,
GR).
Les installations de locomobiles pour scieries sont autorisées, dans
chaque cas particulier, par des arrêtés préfectoraux qui indiquent les pré-
cautions à prendre. Toute infraction est punie, suivant les circonstances,
d’une amende de 50 francs (art. 38, C.F.), ou de 10 à100 francs (art. 4»
du même Code), sans préjudice de la réparation du dommage qui pour-
rait résulter de la contravention.
Les écobuages de terrains situés à proximité des bois soumis au régime
forestier sont autorisés par le préfet, sur la proposition du conservateur et
aux conditions arrêtées entre eux d’après les rapports des agents locaux.
En cas de désaccord, le Ministre statue (arrêté ministériel du 1 4 juillet
18/41).
D Béquer et Larenmière , Répertoire du droit administratif, L. VE, p. 99, n° 1925.
SYLVICULTURE. 28
—>( 434 )es—
L'Administration des Eaux et Forêts a pris, dans les forets domaniales, les
mesures de préservation suivantes :
1° Ouverture, dans Pintérieur des massifs et sur leur périmètre, de
grandes tranchées (garde-feu ou pare-feu), ayant presque toutes 10 mè-
tres de largeur, situées en général à 1 kilomètre de distance, complète-
ment débarrassées d'arbres et parfaitement nettoyées;
2° Dépôt dans les maisons forestières d'outils spéciaux (par maison :
5 volants, 4 daillots, sortes de racloirs, et 8 râteaux);
3° Obligation pour les adjudicataires de tenir dans leurs coupes, sur
des endroits désignés, par surface de 500 hectares : 3 volants, 2 pelles,
3 râteaux et un faisceau de 20 perches mesurant 2 mètres de longueur et
o m. 20 de circonférence au gros bout;
4° Apposition en forêt, à l'entrée des chemins, d'écriteaux défendant de
fumer;
5° Surveillance spéciale dans la saison chaude :
6° Débroussaillements de chaque côté des chemins;
7° Création de lignes téléphoniques reliant les maisons forestières aux
bureaux de poste et de télégraphe les plus rapprochés. ù
Grâce à ces dispositions, la propriété boisée gérée par l'Etat est beau-
coup moins atteinte par les incendies que celles appartenant aux com-
munes et aux particuliers. Dans un rapport en date du 2 février 1893,
M. le Conservateur des forêts à Bordeaux a fait connaître que, pour la pé-
riode 1833-1892. dans le département de la Gironde, la proportion des
bois incendiés n'était que de 2 p. 100 pour les forêts communales sou-
mises au régime forestier de 2 p. 1000 pour les forêts domaniales, tandis
qu'elle était dans l'ensemble, pour la surface lotale boisée du département,
de 1,1 p. 10.
Vœux des populations. — Tentatiwes faites par l'Administration des Eaux et
Forêts. — Ainsi que nous l'avons dit en commençant, les doléances les
plus vives se sont élevées à diverses époques vers le Gouvernement, en vue
de voir mettre un terme à un état de choses aussi désastreux.
Nous nommerons en premier lieu le Conseil général de la Gironde qui,
depuis environ 4o ans, réclame avec énergie des mesures exception
nelles.
Par délibération du 6 mai 1892, prise à l'unanimité et rappelant des
délibérations antérieures, puis par celles du 6 septembre 1892 et du
17 avril 1895, la haute assemblée a demandé qu'une loi analogue à celle
ee NT COQ EN Te SU OST
ht. 6 an. … i. à 4
Pr
.. dpmf dé. sin cam) sé
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|
|
—+#3( 435 je:
qui régit les forêts des Maures et de l’Estérel füt appliquée aux forêts lan-
daises. En 1898, dans la séance du 7 septembre, ce vœu a été renouvelé,
mais avec un amendement réclamant d’une manière moins précise une
loi protectrice contre les incendies. En 1899, dans la séance du 6 septembre,
des propositions formulées dans le sens du projet de loi de 1894, ré-
digées par l'inspecteur de Lesparre et présentées par le conservateur,
ont obtenu l'approbation unanime de l'assemblée départementale, sous la
réserve de la suppression d’un membre de phrase relativement peu im-
portant.
Dans sa séance du 16 décembre 1891, la Société nationale d’agri-
culture de France a adressé au Ministre de l’agriculture un vœu, émis à
l'unanimité, pour qu'un projet de loi fût soumis le plus tôt possible au
Parlement.
M. le sénateur Monis — aujourd'hui Ministre — a bien voulu s'inté-
- resser à la question et a déposé au Sénat, le 18 mai 1893, un projet de
loi relatif à cet objet.
M. Chambrelent, l'ingénieur éminent auquel on doit l'assainissement et
la mise en valeur des landes, le promoteur de la loi du 19 juin 1857, a
fait souvent entendre sa voie autorisée pour que l’on sauvät de la destruction
des forêts que l’on avait eu tant de peine à créer et qui constituaient
l'unique fortune d’une vaste région.
L’Administration des Forêts, de son côté, a fait tous ses efforts pour
essayer d'arriver à une solution.
En 1873, le Directeur général venait faire sur les lieux une enquête
qui durait 12 jours et prenait l'initiative d’un projet de loi, qui ne put
malheureusement aboutir par suite de l'opposition rencontrée dans le dé-
partement des Landes.
En 1894, à la suite du mouvement d'opinion créé par le projet de
M. Monis, et après que les sénateurs et députés intéressés eurent émis l'avis,
à une grande majorité, qu'il était nécessaire de faire une loi spéciale, un
projet de loi fut établi, sous la haute direction du Ministre de l’agricul-
ture, par les soins de l'Administration des Forêts.
Ce projet, conçu d'une manière générale comme la loi du 19 août 1893
(pour les Maures et lEstérel), et ayant beaucoup de ses dispositions tirées
du projet de 1873, n'eut pas de suite, par suite des critiques ardentes qui
surgirent encore du département des Landes.
Nous avons dit que le conservateur de Bordeaux avait présenté en
28.
…
—+9( 436 )ees—
1899 (mois d'août) un projet de réglementation destiné à prévenir et à
combattre les incendies dans les bois et landes, et que celui-ci avait obtenu
l'approbation unanime du Conseil général de la Gironde.
M. le Préfet a tenu à avoir les avis des communes. A la date du 26 avril
dernier, 168 avaient répondu : 103 sont favorables au projet, 25 l'ac-
ceptent avec des modifications, dont quelques-unes peu importantes, 8 le
repoussent et 32 se déclarent désintéressées.
Celles dont la réponse n’est pas encore parvenue se trouvent hors de la
région du feu. Cette consultation, comme on le voit, est tout à l'avantage
du projet.
Celui-ci, considéré dans ses grandes lignes, ajoute quelques prescrip-
üons à celles contenues dans les arrêtés préfectoraux existants en ce qui
touche l’écobuage et la mise à feu des charbonnières; rappelle et prononce
certaines interdictions relativement aux bourres combustibles, aux allu-
mettes, aux cigarettes des fumeurs; établit que louverture de la chasse
pourra être reportée au 15 septembre; définit les travaux de préservation
à exécuter par les Compagnies de chemin de fer et les industriels qui
font fonctionner des machines fixes; détermine une pénalité nouvelle, plus
sévère (10 à oo fr. d'amende, 2 à 15 jours de prison , ensemble ou sépa-
rément), sans préjudice des dommages-intérêts, avec responsabilité des
maris, pères, mères, tuteurs , etc. ; élargit le cadre des agents verbalisateurs ;
prononce l'obligation de débroussailler, sur une largeur de 4 mètres au
moins de chaque côté, un certain nombre de chemins vicinaux ou ruraux,
de limites de communes, de cours d’eau; rend obligatoire l'ouverture de
garde-feu de 10 mètres de largeur à entretenir bien nettoyés; indique les
fonctionnaires qui auront la direction des secours et feront le contre-feu,
en mettant complètement à l'abri leur responsabilité.
Conclusion. — Vuu formulé. — H résulte de l'exposé qui précède qu'une
orande région de la France , d’une superficie de 800,000 hectares environ,
est ravagée presque chaque année par d'immenses incendies qui passent en
laissant derrière eux la désolation, la ruine et parfois des cadavres d'êtres
humains.
Les mesures législatives existantes sont insuflisantes. Une loi spéciale
calquée de plus ou moins loin sur celle du 19 août 1893, régissant les
forêts des Maures et de l’Estérel, est nécessaire. Elle est demandée depuis
de longues années par le Conseil général de la Gironde et des personnages
politiques éminents; une consultation toute récente des communes du dé-
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partement vient de faire connaître que la grande majorité des assemblées
communales est acquise à l'idée.
Nous venons donc, au nom de la »° Section du Congrès international
de sylviculture, formuler le vœu que les pouvoirs publics, qui se sont à
diverses reprises occupés de la question, la reprennent avec la ferme vo-
lonté d'aboutir, et que. dans tous les cas, le département de la Gironde,
qui veut être protégé contre le redoutable fléau du feu, ne voie pas plus
longtemps disparaitre ses richesses forestières, une des sources importantes
de la fortune publique.
M. Dérassasserene, comme conclusion à son rapport, présente le projet
de vœu suivant : « Que les Pouvoirs publics des différents Etats prennent,
sans plus tarder, les mesures nécessaires pour mettre fin, dans la mesure
du possible, aux incendies qui détruisent les richesses forestières. »
M. Carrière. Il y aurait peut-être lieu de spécifier qu'il s’agit surtout
des forêts d’essences résineuses.
M. Carpor. Il est préférable de laisser la liberté d'appréciation et de
formuler un vœu très général.
M. Carrière. Cela implique aux nations des obligations bien trop éten-
dues. Les calamités sur lesquelles on appelle l'attention des différents
États se localisent en réalité aux forêts d’essences résincuses.
H s’agit de savoir si l’on imposera aux Gouvernements des charges aussi
considérables.
M. Cannot. C’est là une question d'espèces; les Gouvernements appré-
cieront les mesures à prendre, en concordance avec les nécessités locales.
M. Pure x Vazrs. En Espagne, on a décrété l'usage des gardinages pour
toutes les forêts, sans distinction d'espèces.
M. e Présent. [1 ne paraît pas que la question actuelle présente une
importance absolument générale , car 11 y a des forêts qui sont peu mena-
cées de ce fléau.
En Bavière, nous n'avons pas d'incendies sur de grandes surfaces.
Cependant, dans la Franconie, aux environs de Nuremberg, la ques-
—#3( 138 les —
tion semble prendre plus d'intérêt au point de vue des forêts particulières
plus menacées par le danger de l'incendie.
D'ailleurs, il n'existe, en Allemagne, qu'une seule Société d'assurances
contre l'incendie qui couvre les sinistres forestiers.
J'accepte néanmoins la résolution proposée par M. Delassasseigne, en
considération de l'intérêt qu'elle présente au point de vue général.
M. Cacmeux. Le projet de vœu répond bien à ces conditions.
M. Bénaneau. Îl serait possible de maintenir à ce vœu un caractère
général en ajoutant les mots : «+ En ce qui les concerne», et par suite dire :
« Comme suite au rapport de M. Delassasseigne, la 2° Section du Congrès
international de sylviculture émet le vœu que les Pouvoirs publics des
différents États prennent, sans plus tarder, en ce qui les concerne, ete... ».
(Assentiment.
Le vœu ainsi modifié est adopté.
M. Cacneux, vice-président, informe la 2° Section que M. de Kiss de Ne-
mesker lui a remis un tableau des travaux exécutés par son père.
M. Carpor donne lecture de ce tableau.
TABLEAU SUR LES BOISEMENTS EXÉCUTÉS DANS LES FORÊTS DU DOMAINE DE VÉHGLES
DE 1970 À 1899.
PÉPINIÈRES : ;
ÉTABLIES TERRITOIRE BOISE QUANTITES
annuellement.
2 CS RS PR UE
ANNÉES. | | des FRAIS.
Y— ; . par - des
Œ = par en GRAINES
E d PLANTA- FREE PLANTS
2 5 SEMIS <= TOTAL TIÈRES Den
employées.
hect.a. |nect. a. |hect. a. hect. a. kilogr. nombre. couron. liv.
18702 2 u " o 48 290 06 220 54 24 1,033,966 4,378 48
18710007 7 1 98 61 06 | 184 16 245 92 301 1.159,793 5,762 77
1872-0-c--6 6 1 86 51 16 | 153 94 oh Lo 104 1,115,258 2,747 30
LOT 9 2 19 k 06 77 19 81 95 269 824,036 3,046 84
NET TE 7 a 68 8 99 64 50 75 49 3a4 563,076 2,856 42
ANT. s - à 2 96 | 145 65 87 15 232 80 617 714,640 h,894 4o
LOTB EE ee 22 8 2 73 hh 93 71 49 115 72 269 757,600 3,536 64
À TÉPORÉEP: 2 men re DAT AE MR 6,461,369 27,159 85
.
sn dt ds. datent > on 4
anti
fond s"irin se dis Lo Sd Sd nn dd. étés ttes
|
|
—4»( 439 }es—
TABLEAU SUR LES BOISEMENTS EXÉCUTÉS DANS LES FORÊTS DU DOMAINE DE VÉHGLES
DE 1870 À 1899. (suirs.)
PÉPINIÈRES
CERN TERRITOIRE BOISÉ. QUANTITÉS
annuellement.
EE
ANNÉES. Fee
ä à des
= GRAINES
ÿ É Pa PLANTS
E = TIÈRES EMPLOYÉS,
employées.
È hect. a. |hect. a. |hect, a. kilogr. nombre. couron. liv.
E Res 6,16:,369 27,152 85
J 435 788.518 3,454 17
2 547 1,06:,007 5,660 64
\ 2 396 1,816,905 5,314
, 2 ho6 1,056,615 h,122
| 9 460 1,256,345 4,836
2 510 2,161,725 6,382
o © 992 2,280,940 6,840
2 1,458 2,457,888 9,056
3 1,015 3,014,060 10,480
10 1,328 3,164,100 10,889
12 2,626 3,999,000 11,310
13 2,100 3,820,589 14,092
3 2 1,823 k,352,940 12,974
2 927 5,071,190 13,522
1 1,210 3.674,300 12,195
2 1,000 3,638,100 12,591
1 655 3,6:8,927 13,720
us 3 1,123 3,062,240 11,262
2 3,505,530 11.334
2 2,927,019 11,165
6 2,524,230 10,220
mn 1,556,120 10,008
2,45-,700 0,447
69,758,358 | 247,968 33
Observation. — La superficie de 8.354 hect. 31 a été boisée avec les
essences suivantes en pour cent :
de eu au o 80.0 p. 100.
$ he No dele nan en 0 ul M eN'oieià 10.4
Pins noir ef gylvestrbis dues c ae leu ie MAS US 5.3
1 Ne Lens LA ES at 3.9
D in Vie MD Etes Su à M 0.6
‘ RCA ADEU RE TURN IV U SNS NL TOUS A NI 0.2
is
11e 4
—#>( 110 )es-—
La »° Section décide que ce tableau sera publié dans les comptes rendus
de ses séances.
M. Cacaeux exprime à M. de Kiss de Nemesker les remerciements de
la 9° section.
M. Deconcze. Il me semble, Messieurs, qu'une sanction s'impose.
Je propose à la »° Section de voter des félicitations à M. de Kiss de
Nemesker, qui, dans ce siècle passé, nous a donné l'exemple de ce que
peut la persévérance d’un travail appliqué à la sylviculture.
Vous savez quelles dificultés on peut rencontrer en matière de sylvi-
culture, dont la première est celle du temps.
En employant trente années à faire ce magnifique domaine, M. de Kiss
de Nemesker a donné véritablement un merveilleux exemple qui doit de-
meurer, et rien nest plus propre à encourager les sylviculteurs que les
félicitations que je vous propose de voter. (Vifs applaudissements.)
La »° Section vote des félicitations à M. de Nemesker en ces
termes : l
« La 2° Section vote des félicitations à M. de Kiss de Nemesker qui, aux
termes du rapport soumis à cette section, a lui-même, en trente années,
de ses deniers, planté 70 millions d’arbres. »
M. ze Présent. L'ordre du jour appelle la communication du rapport
de M. Leddet, sur la mise en valeur, par le boisement, des terrains in-
cultes et des terres épuisées.
M. Leoper, inspecteur adjoint des Eaux et Forêts. Messieurs, la question
de la mise en valeur, par le boisement, des terrains incultes et des terres
épuisées, que la Commission d'organisation de notre Congrès a jugé utile
de faire figurer à son programme et de soumettre à votre discussion , est
une de celles qui, aujourd'hui, mérite d’attirer d’une facon toute spéciale
l'attention des sylviculteurs.
C'est qu’en effet son importance est considérable, non seulement pour
le propriétaire qui cherche une augmentation de revenus dans la transfor-
mation de ses landes en un bois productif, mais aussi pour la Société à
laquelle il appartient, par cela même qu'elle envisage des opérations dont
le but est de créer des richesses nouvelles où l’industrie moderne puisse,
un jour, venir puiser une matière première indispensable à des besoins de
—#2( ANT es
plus en plus grands. Personne n'ignore enfin que bien souvent la défense
du sol et la régularisation du régime des cours d’eau sont intimement liées
à l'existence des massifs boisés, et à ce dernier titre on peut dire encore
que le boisement des terres incultes présente souvent un intérêt de pre-
mier ordre.
On a prétendu que les forêts n’offraient la plupart du temps aux capi-
taux qu’un taux de placement dérisoire, et que tout propriétaire soucieux
de ses intérêts devait s’'empresser de les vendre ou de les défricher pour les
rendre à l’agriculture ; c’est là, du reste, une erreur que bien peu sou-
tiennent aujourd'hui, tant sont évidents au contraire les avantages de la
forêt. Si elle ne donne qu'un taux de placement modéré, quoique géné-
ralement très convenable encore, n’offre-t-elle pas par contre une sécurité
de placement, une facilité de gestion qu’on ne trouve pas dans les pro-
priétés agricoles? Ne présente-t-elle pas enfin ce caractère tout parüculier
de permettre à celui qui la possède de se créer des réserves toujours dis-
ponibles, d'être en un mot pour lui une excellente caisse d'épargne et de
capitalisation? Loin d’avoir intérêt à la faire disparaitre, il ne peut done
qu'être avantageux de la conserver partout où elle existe encore et, dans
bien des cas, de la reconstituer là où elle a disparu.
La crise que l'agriculture traverse à notre époque et la nécessité qui en
résulte pour elle, sous peine de ne plus être rémunératrice, de concentrer
le travail et les fumures sur les terres de façon à en porter le rendement à
son maximum et à abaisser en même temps le prix de revient des produits,
tendront forcément de plus en plus à faire abandonner les terres épuisées
sur lesquelles les récoltes obtenues ne sont plus en rapport avec les efforts
dépensés. Le meilleur moyen de tirer parti de celles-ci est de les reboiser.
Les nombreux procédés dont on dispose à cet égard, pleinement consa-
crés aujourd'hui par une longue pratique, et la variété des végétaux fores-
tiers susceptibles d'être propagés sur des terrains de nature très différente
permettent du reste d'entreprendre ces sortes de travaux dans les cas les
plus divers avec toutes chances de succès.
Certains propriétaires ont pu éprouver, il est vrai, de graves mécomptes
dans les reboisements qu'ils ont entrepris, et y ont perdu à la fois leur
temps et leur argent; mais 1l ne faut le plus souvent attribuer ces insuccès
qu'aux conditions défectueuses dans lesquelles ont été exécutés les travaux :
trop de fois une connaissance insuflisante des sols et des climats, des exi-
gences des essences employées et du mode le plus avantageux de leur pro-
pagation, a été l'unique cause de tout le mal.
—#>( 442 y
Envisagée au point de vue de l'intérêt général, la mise en valeur, par le
boisement, des terrains incultes et des terres épuisées n’est pas moins né-
cessaire.
Le boisement est un des plus puissants leviers dont on puisse se servir
pour améliorer le sort des pays déshérités et ramener la richesse et la
prospérité dans ceux qu'ont ruinés l'imprévoyance des hommes ou la fu-
reur des éléments.
Nous en avons en France un exemple bien frappant dans cette par-
tie de l’ancienne province de lOrléanais, la Sologne, qui, grâce aux nom-
breux reboisements exécutés depuis le milieu du siècle, a vu la plus grande
partie de ses landes et de ses marais disparaitre pour faire place à de
superbes pineraies, son climat, jadis fiévreux, s'améliorer, sa population
autrefois chétive et rare, croître et se forlifier, et qui, malgré la terrible
épreuve que lui a fait subir le rigoureux hiver de 1879-1880, a su, sous
l’'énergique impulsion de M. l'inspecteur général Boucard, l’éminent pré-
sident de son Comité central de reboisement, trouver encore dans la réfec-
tion de ses bois dévastés, le moyen de recouvrer une prospérité qui va
sans cesse croissant et qui ne tardera pas à égaler celle qu’elle avait
autrefois.
S1 la présence des arbres exerce une incontestable et salutaire influence
sur le climat et la prospérité d'un pays, elle joue encore, tout le monde le
sait, un rôle considérable dans la fixation des dunes littorales, la régula-
risation du régime des cours d’eau, l'extinction des torrents et la protection
des propriétés inférieures dans les régions montagneuses.
À tous ces égards, le reboisement des terrains incultes est donc essen-
tiellement recommandable.
Il nous reste à montrer enfin qu'au point de vue économique cette
opération présente une importance capitale.
L'emploi de la matière ligneuse ne cesse de s’accroître, avec le déve-
loppement de lindustrie moderne; l'extension donnée aux constructions
en fer et l'usage de jour en jour plus répandu de la houille ne supprime-
ront pas plus l'utilisation du bois que les chemins de fer n’ont supprimé
l'emploi des chevaux; et les statistiques prouvent au contraire que la con-
sommation de celte matière première éminemment utile suit une marche
ascendante rapide.
Par contre, les massifs boisés répartis à la surface du globe s'appau-
vrissent et diminuent chaque jour sous une exploitation abusive ou mal
entendue,
:
|
L
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Re PT
ef 443 jer—
Comme le faisait si justement ressortir M. l’Inspecteur des Eaux et Forêts
Mélard dans un travail des plus intéressants et des mieux documentés, qu'a
publié, en 1897, le Bulletin du Ministère de l'Agriculture, «il pèse sur
l'avenir de Fapprovisionnement en bois des nations civilisées une incerti-
tude et une menace qu'il serait imprudent d'écarter comme un présage de
mauvais augure; l'Europe, en particulier, serait coupable de se reposer
dans une fausse sécurité : c’est dans ses propres forêts qu’elle devra, avant
deux ou trois générations, trouver son approvisionnement : il n'est que
temps de s'occuper de leur conservation et de leur amélioration, de
chercher à en accroître l'étendue et la richesse, s1 l’on ne veut pas être pris
au dépourvu. »
Il ne faut pas oublier, en eflet, que, dans nos sociétés modernes, actives
à l'excès, le bois est une marchandise qu'on use plus vite qu'on ne la fa-
brique, et que la nature met 100 à 150 ans pour faire un beau chêne ou
un beau sapin.
Nous aimons à reconnaître que dans bien des pays déjà on s’est ému
de cet état de choses et préoccupé de conserver les richesses forestières
existantes aussi bien que d'en créer de nouvelles, afin de constituer pour
l’avenir des ressources dont on aura si grand besoin.
Nombreux sont les vœux qui ont été émis en faveur des reboisements.
Tout récemment encore, à la dernière assemblée de la Société des Amis
des Arts à Londres, M. Hutchins, conservateur des forêts au Cap, en pré-
sence de la situation de plus en plus grave de l'Angleterre au point de vue
de son approvisionnement en bois, proposait la création de forêts doma-
niales et réclamait de l’État la somme de 1 million de livres par an, pour
cette importante entreprise. Chez nous enfin, le distingué député de la
Loire, M. Audiffred, ne vient-il pas de son côté d'appeler l'attention des
Pouvoirs publics sur la nécessité de reboiser le bassin supérieur de la
Loire ?
Des mesures législatives ont été déjà prises dans les différents États, les
unes visant la protection des forêts, la prohibition des défrichements, la
réglementation même des exploitations, les autres ayant pour but de favo-
riser les reboisements tant en vue de la correction des torrents que de la
création de nouvelles sources de produits.
Mais, s'il a été fait beaucoup dans cet ordre d'idées, il reste encore
beaucoup à faire, et, notamment en ce qui concerne la mise en valeur des
terrains incultes par le boisement, deux choses, à notre avis, paraissent
désirables pour mener à bien cette œuvre capitale : tout d’abord. une vul-
—#w( A4 Yes—
garisation plus complète des connaissances sylvicoles, puis une coopé-
ration plus large de la part de L'État aux travaux entrepris par les parli-
culiers.
Les connaissances sylvicoles sont actuellement répandues dans les
masses d’une façon insuflisante: trop rares sont ceux qui savent tout le
profit qu'on peut tirer des terres improductives en Îles reboisant, et parmi
ceux-ci trop nombreux ceux qui, comprenant l'utilité des reboisements,
hésitent à les entreprendre dans la crainte de les exécuter d'une manière
défectueuse. 1! nous semble nécessaire que, de même que l'agriculture, la
sylviculture soit l’objet d’un enseignement raisonné et pratique aux divers
degrés de l'instruction et que les instituteurs, après l'avoir recu eux-mêmes
dans les écoles normales, puissent à leur tour, dans les écoles primaires,
le répandre parmi leurs jeunes élèves.
Il est d’autre part hors de doute que, maintes fois, la question d'argent
est susceptible de faire reculer le propriétaire désireux de reboiser ses
landes; si donc nous considérons comme un devoir de a part de l'État de
l'aider Fe ses conseils , il ne nous semble pas moins indispensable qu'il ui
vienne en aide de son argent dans la plus large mesure possible. A cet
égard, nous nous demandons si, en France, il ne serait pas possible d’é-
tendre à tout propriétaire qui, même dans les régions de plaine, mettra
en valeur des terrains improductifs en les reboisant, le bénéfice de Far-
ücle 5 de la loi du 4 avril 1882 rendu déjà applicable aux terrains com-
imunaux de ces régions par la loi de finances du 28 avril 1893, et de le
mettre ainsi à même de prétendre à à une subvention de l'État.
Tels sont, Messieurs, les principaux desiderata qui nous semblent mé-
riter plus particulièrement votre attention, et le Congrès aura fait, croyons-
nous, œuvre utile, si, adoptant les conclusions de cette modeste étude, il
se résout à les formuler en un vœu.
Deux notices relatives à la mise en valeur, par le boisement, des ter-
rains incultes et des terres épuisées ont été déposées sur le ee du
Congrès :
La première, intitulée : Étude de reboisement par repiquage , nous à
été adressée par M. Adrian à Blamont (Meurthe-et-Moselle). L'auteur
considère qu'on doit chercher dans les reboisements à couvrir le sol aussi
rapidement que possible pour le mettre à l'abri des rayons directs du
soleil, retenir l’humidité, et forcer les arbres à pousser en hauteur ; il
préconise donc la plantation serrée (plants à 1 mètre de distance) et con-
seille d’ailleurs le mélange des essences. Toutefois, comme parmi celles-ci
—#>( 445 es
les plus vigoureuses risquent fort d’étouffer les autres, 1l convient. d’après
ui, de les planter par parties de chaque sorte séparées par un certain
espace; dans le cas d’une plantation de résineux et de feuillus. on les dis-
oserait alternativement sur des bandes de 5 à 10 mètres de largeur,
entre lesquelles seraient ménagés des intervalles de 2 mètres; les semis
naturels se chargeront dans l'avenir d'établir le mélange intime des
essences.
La seconde a trait à la mise en valeur des terrains calcaires du centre
de la France; nous n'avons fait qu'y consigner un mode de reboisement
aussi simple qu'économique dont nous avons pu constater les heureux ré-
sultats dans les plaines arides de la Champagne berrichonne. I consiste à
semer en plein et à la volée des graines de pin noir d'Autriche et de
ne les recouvrir que par un simple hersage, sans une autre culture du
sol.
Malgré tout l'intérêt qu'elle présente, nous ne ferons que signaler une
brochure adressée par M. de Beukelaer, conseiller municipal et provincial
d'Anvers, sur le défrichement des bruyères campinoises et leur transfor-
mation en terres arables à l’aide des gadoues de la ville d'Anvers. Gette
étude n’a pas en effet un caractère sylvicole et semble rentrer plutôt dans
les questions susceptibles d’être étudiées au Congrès d'agriculture.
M. ze Présmenr. M. Leddet doit évalement nous donner communication
d'un travail sur la mise en valeur, par le boisement, des terres épuisées
sur les sols calcaires du centre de la France.
M. Lenper. Nous ne nous proposons pas dans cette étude de passer en
revue les différents procédés de boisement susceptibles d’être appliqués
avec succès sur les sols calcaires et arides du centre de la France; notre
seul but est de faire connaître un moyen pratique de les mettre en valeur,
en les transformant en bois, moyen qui a été employé avantageusement
sur plusieurs points de cette région et qui, à n’en pas douter, est appelé
à être appliqué dans bien des cas avec toutes chances de réussite.
Les terrains sur lesquels on a opéré sont situés dans cette partie de l'an-
cienne province du Berry qui, à raison de la nature essentiellement cal-
caire de son sol et de son aridité, y est connue sous le nom de « Champagne »
et qui, ‘dans les départements du Cher et de Findre, forme de vastes
plaines desséchées et monotones coupées par les vallées profondes du
Cher, de l’Auron et de l’Arnon.
—#%( 146 ).e3-—
Cette contrée repose sur la formation de l’oolithe moyenne qui a reçu
le nom de calcaire lithographique (groupe du calcaire corallien ): celle-ci
s'y présente sous la forme d'un calcaire compact, blanc jaunâtre, à grain
fin, à cassure conchoïde, sonore, fragile et très sensible aux changements
de température; près de la surface du sol, la roche se divise en bancs
de faible épaisseur, présentant fréquemment des fissures verticales que
viennent remplir des argiles tertiaires contenant des grains de minerai de
Ce calcaire a la propriété de se dessécher et de se fendiller par
son exposition à l'air, ce qui rend très facile l'absorption des eaux à la
surface; il est vrai que celles-ci ne font que le traverser pour se perdre
dans les profondeurs d’un sous-sol très perméable; en outre, bien que
très sensible aux actions atmosphériques, et aux changements de tempéra-
ture, 1l ne se fond pas, comme cela a lieu, par exemple, pour les calcaires
tertiaires, mais se brise au contraire en morceaux présentant une cassure
très nette et ayant en général une assez grande surface sous une faible
épaisseur.
On conçoit que. dans de semblables conditions, la formation d’une
couche de terre végétale un tant soit peu puissante devienne très difficile,
et que les terres qui reposent sur ce calcaire soient d’une nature maigre
en même temps que d'une sécheresse extrême.
C'est au pin noir d'Autriche (pinus laricio austriaca) que l'on s’est adressé
pour tirer parti de ces sols ingrats; il était en effet tout désigné pour rem-
phr ce rôle. Il réussit, comme on le sait. d'une facon étonnante dans
les terrains très calcaires et arides où nul autre arbre ne pourrait prendre
place, et a l'avantage de se plaire à quelque exposition que ce soit, aussi
bien dans les plaines que dans les régions montagneuses; on devait donc
tout naturellement lintroduire avec succès sur les plateaux de la Champagne
berrichonne.
De nombreux reboisements entrepris à l’aide de ce pin par divers pro-
priétaires du Cher et de l'Indre ont, de fait, pleinement réussi.
Là où la terre végétale était assez profonde et substantielle, il a pu être
propagé avec succès par voie de plantation : mais on ne peut nier cepen-
dant que ces sortes de repeuplements risquent fort, après avoir boudé
pendant plusieurs années, de ne donner naissance qu'a des pineraies plus
où moins rabougries et clairiérées. C’est qu'en effet, placés forcément dans
ce cas (sous peine de dépenses excessives), à une assez grande distance
les uns des autres, les plants se trouvent au début dans des conditions de
. végétation très nie sur ces terrains arides, brûlants et à peu près
—#+2( 417 \ees-—
complètement nus, et qu'ils n'arrivent à pousser avec quelque vigueur que
le jour où le massif, venant à se fermer, le sol peut, grâce à l'abri que lui
procure celui-c1, échapper à un desséchement complet et se couvrir de
quelques herbes.
Le semis donne au contraire des résultats que nous regardons comme
plus sûrs et plus satisfaisants : 1l est d’ailleurs d’une exécution plus facile
et occasionne en général une dépense moins considérable que la plan-
tation.
Le procédé suivant, qui nous parait présenter le plus de chances de
réussite, est aussi simple qu'économique; c'est avec un succès complet qu'il
a été employé depuis un certain nombre d'années et sur une étendue qui
se chiffre aujourd’hui par plusieurs centaines d'hectares, par M. Hémery
de Lazenay, dans son domaine de Mocpanier, commune de Reuilly (Indre),
et c’est à lui que M. le comte Duboys d'Angers doit la mise en valeur de
près de cent hectares de landes et de terres épuisées dans son domaine de
Saint-Soing, commune de Saint-Georges (Indre ).
Loin de chercher à donner au sol une culture complète, sous prétexte d’en
accroître la fraicheur et de favoriser la germination des graines et la végéta-
tion des jeunes plants, on se contente de pratiquer un léger hersage immé-
diatemént après le répandage de la graine; c'est qu'on se trouve 1c1 dans des
conditions toutes spéciales, et que, eu égard à la faible épaisseur du sol
cultivable et à l'extrême perméabilité du sous-sol, une culture profonde, en
provoquant l’ameublissement du premier, lui enlèverait le peu d'humidité
qu'il peut encore conserver sous une certaine cohésion, sans lui permettre
d’ailleurs de réparer cette perte en faisant appel aux couches inférieures
du second; traversée presque instantanément par les eaux pluviales au fur
et à mesure de leur chute, grâce aux nombreuses fissures qu'elle présente,
la roche calcaire sous-jacente s'oppose en effet par sa nature et sa puissance
à tout retour par voie de capillarité des eaux souterraines à la couche su-
perficielle du sol.
Le terrain à reboiser ne recevra donc aucune préparation; c’est là une
preseriplion qu'il y a lieu d'observer scrupuleusement sous peine de com-
promettre la réussile du semis.
Les graines de pin seront semées en plein et à la volée, comme le
seraient des graines de céréales.
Il y a lieu, pour assurer une égale répartition des plants, de diviser
préalablement le terrain en parcelles d'égales contenances (20 à 30 ares)
et de partager aussi la semence en un même nombre de parts égales.
—#2( 148 ).e3—
Dix kilogrammes de graines désailées de pin noir sont largement suffisants
pour ensemencer un hectare.
I peul être avantageux, si le sol s'y prête, d'employer, conjointement
avec le pin noir, le pin sylvestre; dans ce cas, huit kilos du premier el
un à deux kilos du second formeront un bon mélange pour un hectare.
L'avantage que présente cette facon de procéder est de permettre de con-
situer un peuplement moins uniforme dans sa croissance (le pin sylvestre
ayant dans le jeune âge une végétation plus active que le pin noir, même
sur ces sols calcaires), et de pratiquer des éclaircies qui, tout en étant
plus faciles à conduire, donneront en même temps des produits plus ré-
munérateurs. [ ne faut pas oublier enfin qu'un peuplement mélangé est
toujours moins exposé aux dégâts des insectes et que, dans le cas d’une
invasion de ceux-ci, il est rare qu’elle soit également dommageable aux
diverses essences qui le constituent.
L'époque la plus favorable pour exécuter le semis est le commencement
du mois de mars; on a tout intérêt en effet à y procéder de bonne heure,
de facon que les jeunes plants soient déjà assez bien enracinés à l’époque
des premières chaleurs, particuhèrement à craindre dans ces terrains
arides et brülants. Les semis d’automne ne sont d’ailleurs pas à con-
seiller, comme étant trop exposés aux dégâts des oiseaux et des rongeurs.
Les graines une fois répandues, il ne s’agit plus que de faire herser le
terrain ; ce travail doit s'effectuer à l’aide d’une herse légère à dents de fer.
qu'il est d’ailleurs inutile de charger et qu'un seul cheval suffira à traîner;
il est nécessaire, pour bien assurer le recouvrement des graines, de donner
un hersage en lour croisé, c'est-à-dire dans deux directions perpendiculaires
l'une à l’autre.
Les frais auxquels donne lieu un reboisement exécuté dans les con-
ditions qui viennent d’être indiquées peuvent être calculés à hectare
comme 11 suit :
Achat de 10 kilos de graines désaïlées de pin noir à
DR VMN e Re PU PURES ANR UE TL TES RE. HOT
Semis : demi-journée d'homme à 3 fr. l'une ....... 1 50 57' 50.
Hersage : demi-journée de cheval avec conducteur à |
ia fr REC PER rs DAT ee NAS RENE 6
Cette dépense, déjà très minime, deviendra encore moins lourde pour
le propriétaire reboiseur, si celui-ci ne néglige pas de profiter du dégrè-
vement des trois quarts de impôt que lui accorde pendant trente ans la
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loi du 3 frimaire an vu, et qui, dans les lerrains pauvres de la région
que nous avons considérée, peut atteindre 1 fr. 50 à 2 francs par hectare
et par an, c’est-à-dire, à peu de chose près, l'équivalent de l'intérêt à
3 p. 100 de la somme engagée par lui dans les travaux de reboisement.
M. Crauay, inspecteur des Eaux et Forêts, délégué de la Belgique. J'ai
pratiqué cette méthode en Belgique sur des terrains analogues à ceux dont
parle M. Leddet, sur un sol calcaire, et je partage absolument les idées
qu'il a développées, notamment en ce qui concerne l'association du pin
noir et du pin sylvestre.
J'ajouterai seulement que j'ai dû abandonner, après huit ans d’expé-
riences, les semis pour les plantations, en prenant la précaution, dont a
parlé déjà M. Tessier, de protéger le pied du plant par des pierres plates,
et en ayant soin d’avoir bien ameubli le sol auparavant.
Je ne crois donc pas que l’on doive exclure la plantation d’une façon
absolue.
Enfin ces plantations étaient faites très tôt en automne; cela peut sem-
bler anormal, mais a donné de bons résultats.
M. Levper. Cest, je crois, une question d'espèces qui n'influe pas sur
les résultats de cette méthode, bien que j'aie plus de confiance dans le
semis.
Je suis heureux, d’ailleurs, de lobservation présentée par M. Crahay en
ce qui concerne l’époque des plantations; elle sera d’une grande utilité dans
nos expériences ultérieures.
M. Server s'associe aux observations de M. Crahay à ce dernier point
de vue.
M. Sawios expose également que les plantations d'automne -sont em-
ployées en Grèce sur le sol calcaire et donnent de bons résultats.
[ ajoute qu'il serait d’ailleurs impossible de procéder par semis sur ce
sol et que l’on fait usage de petites pépinières volantes; toutefois on ne
peut employer pour ces plantations que des plants de moins de trois ans.
(Approbation. )
M. Lenper présente le travail de M. H. Boucard sur la transformation de
de la Sologne.
SYLVICULTURE, 20
—#2( 150 )es—
M. 1e Présinenr propose que le travail de M. Boucard, inspecteur géné-
ral des Eaux et Forêts en retraite, dont on connaît la haute compétence et
les éminents services forestiers, soit imprimé dans le compte rendu des
séances.
Cette motion est adoptée, et la 2° Section vote des félicitations et re-
merciements à M. H. Boucard.
Elle prend la même décision en ce qui concerne la note de M. Rolland-
Gosselin sur les qualités ignifuges des Opunta, note qui est la reproduc-
tion de son travail envoyé à l'Académie des sciences.
TRANSFORMATION DE LA SOLOGNE.
:
SON ASSAINISSEMENT ET SA MISE EN VALEUR (1 85o-1 400)
PAR M. H. BOUCARD.
Situation et contenance de la Sologne. — La Sologne est un vaste plateau
de 504,450 hectares) situé au centre de la France, entre les vallées de
la Loire et du Cher, à la porte d'Orléans et à environ 1 25 kilomètres de Paris.
Elle forme une région naturelle bien tranchée, toute différente, comme
aspect et comme constitution, des provinces environnantes, telles que l'Or-
léanais, le Blésois, le Berry, etc.
Dans la Sologne, le relief du terrain est presque nul; le sol, générale-
ment de faible épaisseur, est composé de sable et d'argile en proportions
variables; mais le calcaire y fait complètement défaut; le sous-sol, au con-
traire, est constitué uniquement par de l'argile et du calcaire, lesquels,
en revenant afleurer aux périmètres, forment une sorte de cuvette imper-
méable, C’est par suite de cette constitution qu'il a été possible de compa-
rer la Sologne à «un îlot de sable et d'argile àu milieu d’une mer de cal-
care)».
Les eaux pluviales ne pouvant ni pénétrer dans les profondeurs, ni
s’écouler facilement à la surface, s'accumulent dans les plis du terrain et
y forment des mares d'eaux stagnantes jusqu’à ce que les chaleurs de l'été
les fassent évaporer en miasmes malsains.
U) Contenance portée au dernier rapport adressé au Ministre de l'agriculture.
@) M, de Saint-Venant.
Le
-#>( ADT jes-—
On comprend aussi que, privés de l’un des éléments indispensables à la
Ca Q Ce £ A k. » A! -, ?
végélation , les terrains ne se prètent à la culture qu après 1 apport d’amen-
dements coûteux. é
Insuffisante inclinaison et peu d'épaisseur du sol, imperméabilité du
sous-sol, absence totale de calcaire à la surface, telles sont les conditions
défavorables imposées par la nature à la pauvre Sologne; une très effective
intervention de l’homme peut seule en triompher.
Alternatwes de grande prospérité et d'extrême misère. — Aucune région,
autant que la Sologne, ne paraît avoir passé par des alternatives succes-
sives de prospérité et d'extrême misère. Et personne ne saurait méconnaître
quels efforts et quels sacrifices ont, dans ces derniers temps, nécessités l’as-
sainissement, la mise en valeur et le relèvement de tout ce grand pays
resté longtemps malsain et dépeuplé.
Ce sont ces périodes de grandeur, de décadence et de transformation
que je voudrais rappeler 1c1, en résumant brièvement ce qui concerne Île
temps passé et en entrant dans quelques détails pour ce qui s’est accompli
de nos jours.
Mon but, en rappelant l'état misérable de la Sologne ancienne et en
constatant l’état prospère de la Sologne actuelle, est d’abord d’honorer nos
prédécesseurs, qui ont pris l'initiative et la direction de cette rénovation
avec tant d'énergie et d'intelligence, puis de faire apprécier tout ce qu'ont
fait, pour réaliser cette grande œuvre, leurs successeurs, pour la plupart
membres du Comité central agricole de la Sologne.
Puissent les faits constatés et fes résultats obtenus être de quelque uti-
lité pour ceux qui s'occupent de la mise en valeur des autres régions malheu-
reuses. Malgré les grandes améliorations réalisées, 1l en existe encore en
France, notamment dans les Landes, la Brenne, le Forez, les Dombes, etc.
Grande prospérité dans les temps anciens. — La Sologne a connu autrefois
des temps de grande prospérité; elle était alors très boisée et on la re-
cherchait à la fois pour la douceur de son climat et pour ses belles
chasses.
Cette prospérité est attestée par tous les auteurs qui se sont occupés de
la région, et nous allons citer quelques-uns de leurs témoignages :
‘n 1546, Lemaire, conseiller) au présidial d'Orléans, écrit que «la
(0 Histoire des antiquités d'Orléans et du duché d'Orléans.
20:
—# > L52 Je
Sologne était abondante en prez, pastilz, bois de haute futaye, taillis,
buissons, estangs et rivières; portant bled, méteil et seigle, abondante
aussi en bestial et gibier ».
Dans son mémoire de 1788, M. de Froberville dit «que la contrée
offrait une population nombreuse , les seigneurs habitant leurs châteaux et
la culture étant faite par un grand nombre de petits propriétaires ».
À son tour, en 1789, M. d’Autroche explique + que l’ancienne Sologne,
riche, prospère et peuplée avait des prairies soignées, des coteaux couverts
de vignes, avec de nombreuses locatures possédant des bestiaux abondants
et bien nourris».
Enfin, en 1839, M. Bourdin assure « qu’autrefois l'assainissement et la
culture des terres élaient convenablement pratiqués, qu'une assez grande
étendue de terrain était plantée en vigne, et que, parmi la nombreuse
population altachée au sol, on comptait une infinité de petits propriétaires,
ce qui annonce l’aisance d'un pays*.
Du reste, il n’est pas possible de douter que la Sologne ait été jadis une
contrée très prospère, puisque, de nos Jours, il en reste encore des ves-
tiges matériels, à savoir : les ruines de nombreux châteaux, les restes de
fermes et de villages abandonnés, les traces de rigoles d'assainissement,
des débris de souches de vieux chênes et de ceps de vignes dénonçant la
place de futaies détruites et de vignobles disparus.
S'il est difficile de fixer l’époque à partir de Jaquelle la Sologne a joul
d’une grande prospérité, 1l est certain qu’elle s’est continuée jusque sous
le règne de Louis XIT, comme en témoigne le séjour qu'y firent ce prince
et son successeur, On sait, en effet, que Louis XIT tint souvent sa cour à
Blois, en même temps que la duchesse d'Angoulême faisait sa résidence à
Romorantin (capitale de l'ancienne Sologne). On sait également que
François I”, qui passa une partie de sa jeunesse dans cette ville, fit, après
être monté sur le trône, construire en Sologne le château de Chambord.
Aussi, dans son mémoire de 1844, M. Beauvallet a-t-1l pu dire que « au
commencement du xvi° siècle, l’état de la Sologne était satisfaisant, la ma-
jeure partie de son territoire restant couverte de bois et le reste divisé en
cultures avec un quart planté en vignes ».
Décadence. — Ses causes et ses effets: longue période d'abandon. — Mal-
heureusement cette prospérité vint à décroître au commencement du xwr
siècle, et la décadence alla en s'accentuant jusqu'à la fin du xvur siècle ;
elle eut pour causes : la guerre de Cent Ans, les guerres de religion qui
—42( 453 es-—
enlevèrent tous les hommes valides, puis les guerres de Louis XIV avec
l'étranger, l'éloignement des châtelains, les impôts excessifs qui écrasèrent
les habitants et, enfin, des épidémies qui décimèrent le reste de la popu-
lation.
Peu favorisée par la nature, la Sologne avait dûü sa prospérité au tra-
vail de nombreux colons dirigés par des propriétaires résidant dans le pays
et s’occupant effectivement d'agriculture. Avec la désertion des uns et le
départ d’un grand nombre des autres, cette prospérité disparut.
Les conséquences du dépeuplement furent les suivantes : les fossés d’as-
sainissement ne furent plus entretenus; 1l en résulta une stagnation plus
complète des eaux et la production de miasmes fiévreux; les prés se cou-
vrirent de jones et de ronces et se transformèrent en pâtures; les terres
basses, les meilleures, envahies par les eaux, devinrent impossibles à cul-
tiver pendant une grande partie de l’année et on ne laboura plus que les
terres maigres des hauteurs qui furent promptement épuisées; les vignes.
faute de bras, ne furent plus faconnées et disparurent. Enfin, des exploi-
tations de futaies irréfléchies, des coupes de taillis mal faites et l’introduc-
tion des bestiaux dans de trop jeunes bois ruinèrent graduellement la pro-
priété forestière en livrant le sol aux bruyères.
Tout fut laissé à l'abandon: à la misère succédèrent les maladies; la
décadence fut aussi complète que possible.
Chargé d'une mission en Sologne, voici, du reste, comment, dans un
rapport adressé en 1880 au Ministre de l'agriculture, je m'exprimais sur
la situation passée de cette contrée :
«I y a cent ans, sous l'influence de ces causes de destruction, la So-
logne était devenue une immense plaine de bruyères humides parsemée
d’étangs marécageux, avec des restes de forêts ruinées par une exploitation
défectueuse, l’abus du pâturage et de fréquents incendies; on n’y trouvait
plus qu'une population clairsemée, ruinée par la maladie, découragée par
les privations, cultivant au jour le jour quelques champs d'avoine, de seigle
ou de blé noir, de facon à ne pas mourir de faim. »
Divers écrivains se sont apitoyés sur le sol de la Sologne en termes encore
4 plus pessimistes; nous nous bornerons aux citations suivantes :
En 1787, l'agronome anglais Arthur Young s'écriait après avoir par-
$ couru la Sologne : « Grand Dieu, accorde-moi la patience quand je vois un
pays aussi négligé, et pardonne-moi les Jurements que je fais sur l’absence
et l'ignorance des propriétaires. »
En 1843, M. Salvat disait : «après avoir parcouru les champs privilégiés
7:
4
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—#8( 154 js
de la Beauce et du Gâtinais, le voyageur traverse la Sologne, vastes
plaines incultes où règne la triste bruyère, avec de rares métairies, des
habitants rachitiques et de maigres troupeaux. La Sologne, au cœur de la
France, à 30 lieues de sa capitale, offre encore au voyageur surpris ce
spectacle de misère et de stérilité. Sa population a toutes les privations et
toutes les douleurs de la pauvreté et de la maladie, alors que partout au-
tour d'elle le sort des hommes s'améliore ».
En 1854, M. Heurtier, directeur de l’agriculture, écrivait : «c’est une
province qui n'appartient que de nom à la France, car on ne possède pas
le néant, et la Sologne, c’est la stérihité et la misère ».
Enfin, on allait jusqu’à désespérer de l'avenir de ce pays; c'était une
terre totalement, irrévocablement vouée à la bruyère et aux ajones; ce
que formulait ce vieux dicton : + Lande tu as été, lande tu es, lande tu
seras ».
Réveil et premiers efforts pour le relèvement. — La Sologne a iangui long-
temps dans cet état d’engourdissement. Pourtant, quelques esprits clair-
voyants pensaient qu'il n'était pas impossible d'en tirer parti avec de
l'intelligence, de la persévérance et des capitaux judicieusement em-
ployés.
Telle fut l'opinion des illustres savants Lavoisier, Élie de Beaumont,
Brongniart, Becquerel, ete... Lavoisier, dès 17861), croit au relèvement
possible de la Sologne et il propose à l'Assemblée provinciale de l’'Orléa-
nais d'obtenir ce relèvement par la reconstitution du bétail et la canalisation;
il fait allusion à la plantation de bois résineux. Brongniart®), en 185»,
termine son rapport au Ministre en conseillant surtout d'encourager Île
boisement et la création de voies de transport économiques.
Enfin. en 1856, dans la Revue des Économistes, M. Léonce de Lavergne
osa émettre cet avis : «que, dans cinquante ans, la Sologne serait comme
une autre».
À partir de la fin du dernier siècle, on sent qu'il y a une réaction contre
le parti pris d'abandonner la Sologne à sa misère et que le découragement
cesse d’être général.
En effet, des hommes de cœur et de résolution, MM. d’Autroche, Ba-
! Rapport sur l’agriculture et le commerce de l'Orléanais, présenté à l’Assemble provin-
ciale, publié dans le tome VI des Œuvres de Lavoisier, par M, Grimaux.
@) Chargé par le Gouvernement d’une mission dans la Sologne pour étudier les plantations
forestières.
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guenault de Viéville, de Beauchêne, du Bruat, Bigot de Morognes, Dupré
de Saint-Maur, Huet de Froberville, de Laâge de Meux, de la Selle, de
Lockhart, de Mainville, Mallet de Chilly, Marthe, Ginson, de Poterat,
Soyer, Verdier, de Tristan, de Vibraye (leurs noms méritent d'être hono-
rés) publient des mémoires sur les moyens de régénérer la Sologne ou
tentent eux-mêmes des essais d'amélioration; des savants s’en occupent:
l'attention publique est éveillée; elle s'intéresse à cette question qui touche
à la fois à l'intérêt général et à tant d'intérêts particuliers.
Mas, promptement, les courageux novateurs s'aperçurent que; pour ré-
générer une contrée de 500,000 hectares, les efforts isolés étaient im-
puissants; la régularisation des cours d’eau, la création de voies de com-
munication, ete., nécessitent un plan d'ensemble qu'une direction unique
peut seule lien et faire adopter, et dont l'exécution nécessite l’interven-
tion des Conseils départementaux et laide de l'État.
Comment les intéresser suffisamment à la Sologne?
Pour le Gouvernement, une circonstance heureuse valut son appui : la
Sologne avait été, à la F erté-Beauharnais. le berceau de la famille mater-
nelle du prince Louis-Napoléon; ïl s’en souvint après son élection à la
présidence de la République, fit, dans le but de donner l'exemple, ac-
quisition au centre de la région, des terres de Lamotte-Beuvron et de la
Grillère et ne cessa de témoigner à la Sologne un véritable et puissant
intérêt.
Quant aux Conseils généraux, la Sologne était dans de mauvaises con-
ditions pour les atteindre. Elle n'avait pas conservé, dans la division admi-
nistrative du territoire, cette unité que lui avait donnée la nature: elle
avait été découpée en morceaux et répartie entre les départements du Loir-
et-Cher, du Loiret et du Cher). Sans doute, les intérêts Solognots étaient
représentés dans chacun des trois Conseils généraux, mais ils s’y trouvaient
en présence d’autres plus absorbants; et, faute d’avoir pu se concerter,
les défenseurs de la Sologne émettaient parfois des opinions divergentes.
Quand il était question d’agir dans l'intérêt de l'ensemble, rien ne pouvait
aboutir.
Le remède à un état de choses aussi défavorable fut indiqué dans une :
réunion mémorable qui se tint à Lamotte-Beuvron le 27 décembre 1898.
Des délégués de tous les comices agricoles de la Sologne s’y assemblèrent
() Étendue : dans le Loir-et-Cher, 279,970 hectares: dans le Loiret, 123,430 hectares
dans le Cher, 108,050 hectares.
RU
spontanément, témoignant ainsi de l'étroite solidarité qui unissait les diffé-
rentes parties de la région, et l'unité agricole, si longtemps rompue par
les exigences administratives, s'y reforma pour ainsi dire naturellement,
sous l'influence de l'un des représentants les plus vénérés de l'agriculture
locale, M. Thuant de Beauchesne, dignement secondé par des hommes de
bien, que guidait le patriotisme plus encore que leur intérêt privé.
Création d'un Comité central directeur ; son but et son programme. — Dans
cette séance du 27 décembre 1858, on décida la création d’un Comité
central agricole de la Sologne qui aurait pour mission : de rechercher les be-
soins généraux de la région, de centraliser les études, de renseigner Île
Gouvernement et les autorités départementales, d'éclairer les propriétaires
et les fermiers par des conseils aussi bien que par des exemples.
Le Gouvernement consacra l'œuvre des représentants agricoles de la
‘Sologne en approuvant les statuts de la Société nouvelle (25 juin 1859)
et il en fit presque une institution d'État en décidant que les préfets et les
ingénieurs en chef des trois départements seraient membres d'oflice du
Comité et devraient assister aux séances qu'il fit présider par un haut fonc-
tionnaire, le très distingué M. Vicaire, directeur général des Forêts. Si
plus tard (avril 1879) le Comité central de la Sologne devint société
libre et perdit un peu de son prestige, son but resta le même et son action
continua à s'exercer avec ensemble et eflicacité.
À partir de 1859, toutes les bonnes volontés, toutes les forces éparses
se concentrèrent en la personne du Comité central et concoururent à la
transformation de la Sologne.
Parmi les fondateurs de ce comité, outre les sénateurs et les députés de
la contrée, les principaux agriculteurs et les grands propriétaires du pays,
figurèrent des savants ÉTEREE des membres de l'Institut, des ingénieurs
et des économistes tels que : Élie de Beaumont, Brongniart, Delacroix.
Michel Chevallier, Dumas: ils appartenaient à toutes les opinions politiques
sans distinction (1)
Une association constituée de la sorte devait arracher le pays à sa tor-
peur et faire de grandes choses; elle n’y manqua pas.
Le Comité se mit de suite à l’œuvre et il traça un programme qui est
9 M. Tisserand , éminent directeur de l'Agriculture, fit partie de ce groupe et est encore
président d'honneur du Comité central. Lecouteux, le grand agronome, prit part à ses travaux.
Bien peu de temps après sa création, M. Ernest Gaugiran entra dans le Comité; il en est le
secrélaire général honoraire, et nul n’ignore son long dévouement et ses excellents services.
n'en béni let 5 il
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—#2( 457 jes—
un modèle de sagesse et de prévision. Voici comment nous croyons pou-
voir en résumer les principales dispositions :
° Pour tirer la Sologne de son insalubrité, il faut surtout faire dispa-
raître ses immenses bruyères, réceptacles d'humidité, cause des miasmes
qui empoisonnent l’atmosphère. Ce résultat ne peut être obtenu que par la
culture des terres ou par leur reboisement.
9° Le boisement doit être la règle, et les cultures, l'exception. Le boise-
ment, en effet, est facile à installer et 11 donnera partout de bons résul-
tats à la condition qu’on assure à ses produits des débouchés suffisants;
tandis que la culture des maigres terrains de la Sologne nécessite limpor-
tation d’amendements coûteux, sans pouvoir partout donner l'assurance de
rendements assez grands pour être rémunérateurs. Îl est donc prudent de
concentrer ses efforts de culture et ses sacrifices d'argent sur les seules
meilleures parties et d'occuper tout le reste, au moins temporairement,
par des semis et des plantations de bois.
3° Pour obtenir des récoltes, l'apport d’amendements calcaires est in-
dispensable; il faut les introduire sous forme de marne et de chaux. Il
existe des gisements de marne sur les périmètres et c'est une ressource
précieuse pour les terrains qui se trouvent à proximité; mais l'emploi de
la marne étant limité par les frais de transport de son poids considérable,
on aura, pour la partie centrale, recours à la chaux, dont le poids moindre
peut supporter un parcours quatre ou cinq fois plus étendu.
4° Pour être profitables, le boisement et la mise en cultures nécessitent
l'une et l’autre, que la Sologne soit dotée de voies de transport écono-
miques, indispensables à l'exportation des bois et à l'importation des amen-
dements calcaires; la création d’un réseau de voies de communication est
donc le premier travail à entreprendre pour arriver à transformer la Sologne.
Des résultats considérables n’ont pas tardé à justifier la création du
Comité central; en peu d’années, sous son inspiration, la Sologne a été
dotée d’un magnifique réseau de routes agricoles; ses cours d'eau ont été
régularisés et ses étangs supprimés ou assainis; enfin, les bruyères ont
fait place à une certaine étendue de cultures, dont les résultats dépassent
les premières espérances, et à d'immenses massifs de pins qui constituent
la plus grande richesse du pays.
Parler de l'influence vivifiante du Comité et des travaux particuliers exé-
cutés par les propriétaires au point de vue des cultures et des bois, avant
d’avoir suffisamment constaté limportance des travaux d'ensemble réalisés
grâce au concours de l'État, serait une véritable ingratitude ; aussi, allons-
--#2( 158 )ee3—
nous commencer par donner un aperçu de tout ce que les gouvernements
qui se sont succédé depuis cinquante ans ont bien voulu faire pour la ré-
généralion de la Sologne.
Travaux d'ensemble dus au concours de l'État. — Nous avons rappelé
combien fut précieux pour la pauvre Sologne le haut patronage de lem-
pereur Napoléon IT et de son gouvernement: nous tenons également à
dire que, sous la République, tous les ministères qui se sont succédé,
ainsi que 1 conseils généraux et les autorités des trois départements, ont
continué à pue le plus grand intérêt à notre région:
Cet intérêt s’est traduit principalement de 1848 à 1870 par des con-
seils, par des encouragements et par de grosses subventions. Dans ces der-
niers temps, lors des désastres causés par les gelées exceptionnelles de
l'hiver 1879-1880, l'État est de nouveau venu en aide à la Sologne ; nous
en constaterons les résultats au chapitre des pineraies.
Les travaux qui, au commencement de la deuxième partie du siècle der-
nier, ont été faits par l'État, au profit de la Sologne, sont considérables:
les principaux consistent dans louverture d’un canal, dans la création
d'un réseau de routes agricoles, dans le curage des rivières et dans la
livraison de la marne à prix réduit
Canaux. — W fut question tout d’abord d'ouvrir un grand canal de
navigation et d'arrosage qui, traversant la Sologne de l'Est à l'Ouest, aurait
mis en communication le canal latéral de la Loire avec le canal du Berry
et, par conséquent, la Loire avec le Cher.
Des canaux secondaires se reliant à cette artère auraient desservi toute
la contrée.
Ce projet grandiose, qui avait des adhérents convaincus et passionnés ©)
fut cependant abandonné, l'entreprise ayant paru trop coûteuse (évalua-
tion : 23 millions).
On s’est borné à creuser le canal de la Sauldre, entre Blancafort (Nièvre),
où se trouvent des gisements d'excellentes marnes, et Lamotte-Beuvron,
centre de la Sologne. Ce tronçon fluvial, d’une longueur de 43 kilo-
mètres 274 mètres, a eu pour rôle spécial de faciliter la distribution des
marnes sur les deux rives de son parcours. Plus tard, mis en communica-
() La plupart des chiffres qui suivent sont puisés dans un remarquable rapport fait par
M. Sainjon au Comité central de la Sologne, le 30 juin 1873.
2) Notamment l'honorable M. Guillaumin.
|
L
|
—#3( 159 es
tion avec la station de Lamotte du chemin de fer du Centre, il a permis
le transport des marnes vers les parties centrales de la Sologne.
Routes agricoles. — En 1861, on substitua au système des voies navi-
gables celui des voies de terre: celui-ci consista à projeter, pour l'avenir,
la création de chemins de fer secondaires, de tramways, venant se greffer
à la grande voie ferrée du chemin du Centre, et, dans le présent, à effec-
tuer immédiatement la construction d’un réseau de routes agricoles sil-
lonnant tout le pays et tracées de façon à mettre en communication les
chefs-lieux des communes, dirigées en majeure partie vers les diverses sta-
tions de cette grande ligne.
Ce projet, surtout soutenu par M. Baguenault de Vieville, réunit la
grande majorité des suffrages et sa réalisation a été, pour la Sologne, le
plus grand des bienfaits et la cause principale de son relèvement.
Le développement entier du réseau est de 593,251 mètres; les routes
qui le composent ont été classées par décrets dés 16 octobre 1861,
17 mars et 5 mai 1869, 30 avril 1871; la première adjudication des
travaux a eu lieu le 25 mars 1862, et tout a été terminé dans le délai de
douze années. — La dépense totale s’est élevée à environ 3,000,000 et
demi, à raison généralement de 6 francs par mètre courant.
Toutes ces routes ont été ouvertes sans expropriation, gràce aux ces-
sions gratuites obtenues des propriétaires, ce qui est la meilleure preuve
de leur utilité.
Cours d'eau. — Les encouragements donnés à la Sologne ne se sont pas
bornés à l'ouverture de nouvelles voies de communication; des subventions
ont, en outre, été accordées pour le curage ou le redressement de 487 ki-
lomètres de rivières; elles ont provoqué l’organisation de dit) sur
presque tous les cours d’eau; 80 d’entre eux ont été l'objet d’un service
d'entretien; leur régularisation a entrainé celle des moulins qu'ils alimen-
tent; il s’est produit un grand nombre de demandes de prises d’eau des-
tinées à l'irrigation; enfin, les assainissements ont repris faveur dans la
plupart des vallées.
Service des marnes. — La sollicitude de l'État s’est portée sur l'impor-
() La dépense de construction du canal de la Sauldre a été très grande, les travaux ayant
été faits par des ouvriers quelconques réunis en ateliers nationaux, Le but principal du gou-
vernement était alors de les éloigner de Paris.
—-#+2>( 160 )es—
tante question du marnage des terres et il a été pris deux séries de me-
sures pour en favoriser l'extension :
° L'État a acheté à l’origine du canal de la Sauldre, près Blancafort,
6 + CR de gisements de marnes qu'il a abandonnés à l’industrie privée
pour qu'en soient faits l'extraction et le transport par eau aux points à
amender. Sur ces 6 hectares, À hect. 90 furent concédés à un entrepre-
neur tenu de livrer la marne aux agriculteurs, sur tout le parcours du canal
de la Sauldre, à des prix variant, suivant la distance, entre 1 fr. 85 et
2 fr. 60 le mètre cube. Le surplus des terrains acquis par l'Etat fut affecté
à une marnmière publique.
> Comme disposition transitoire et dans le but d’avantager immédia-
tement l’agriculture, sans attendre le creusement du canal, l'Administra-
on décida qu'elle livrerait aux particuliers et au prix de 2 fr. 50 par
mètre cube, des marnes qu'elle se chargerait d’approvisionner sur le
parcours du chemin de fer du Centre, en sept lieux de dépôt bien éche-
lonnés.
La Compagnie du chemin de fer d'Orléans se prêta de son côté à cette
opérations en effectuant le transport à prix réduit.
En résumé, le prix du mètre cube de marnes, tous frais CORRE reve-
nait à l’État à Afr. 706 les propriétaires le payaient » fr. 50; c’est donc
une subvention de 2 fr. 30 qui leur était accordée par mètre cube — et,
comme de 1859 à la fin de 1869, 1l a été ainsi fourni à la Sologne
221,790 mètres cubes de marnes U), l'État a, de ce chef, déboursé en
chiffres ronds 488,000 francs.
Aux yeux de tous les agriculteurs de la Sologne, la livraison de la marne
à prix réduit a été Pune des dispositions qui ont le plus contribué à pré-
parer l'avenir de cette contrée.
Tous ces travaux ont été l’œuvre d’un service spécial des Ponts et
Chaussées, créé pour Pamélioration de la Sologne , il a été successivement
dirigé par MM. les ingénieurs Delacroix, Machart et Sainjon, qui y dé-
ployèrent un zèle méritant et la plus grande activité.
Il y a lieu de remarquer, en terminant, qu'en subventionnant la Sologne
l'État n°a pas seulement accompli un acte de générosité, mais qu'il a fait
aussi une bonne opération financière; car, d’ après toutes les prévisions,
il bénéficiera des avances qu'il a consenties; la Sologne les lui rembour-
Ce chiffre, en prenant la base admise de 4o mètres cubes par hectare, pour un marnage
devant durer 20 ans, cor respond à une superficie marnée de 8,000 hectares.
.
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—#2( 61 es
sera largement par toutes les branches d'impôt que cette vaste région,
rendue à la production, est appelée à verser au Trésor public, aux caisses
départementales, aux Compagnies de chemins de fer, etc.
Mise en valeur par les propriétaires. — Après l'ouverture des routes et la
régularisation des cours d’eau, travaux exécutés par l'État, il incombait
aux propriétaires de mettre en valeur les terres incultes de la Sologne;
voici le résumé de ce qui a été fait jusqu'à ce Jour.
Reboisements, pinerues maritimes. — Le pays était sain et prospère au
temps où les bois couvraient la moitié du territoire; c’est le déboisement
qui a fait apparaitre l'insalubrité et la misère, sa conséquence naturelle;
le remède tout indiqué pour la Sologne consistait donc à restaurer les
bois inconsidérément détruits l'; c'était, du reste, la seule solution pratique
applicable à ces immenses étendues et elle était suffisante pour atteindre
le but principal : suppression des brandes humides et assainissement du
pays ©)
Tous les propriétaires furent donc d'accord pour entreprendre des re-
boisements. On avait à les exécuter sur trois catégories de terrains : ancrens
taillis clairiérés, vieilles terres épuisées ne donnant plus de cultures rému-
nératrices, et, principalement, vastes lerrains incultes envahis par Îles
bruyères et les ajoncs.
Autrefois, en Sologne, on ne connaissait que les essences feuillues; 11
s'agissait donc de boiser en chêne et en bouleau, seuls jusqu'alors em-
ployés; le chène, dans les parties suffisamment argileuses, et le bouleau
dans celles plutôt sablonneuses,
L'opération était facile dans les anciennes terres, car les cultures pro-
longées y avaient détruit les bruyères; il suffisait, pour réussir les semis à
peu de frais, de semer avec une dernière récolte de céréales dont la paille
coupée haut procurait un abri favorable aux jeunes plants.
Mais dans les clairières, comme dans les brandes (ce qui était le cas
général), les bruyères opposèrent de grandes difficultés. Ces plantes, en
4) Au commencement du xx° siècle, si on exceptait quelques massifs, comme Chambord,
la forêt de Boulogne, celle de Bruadan et les parcs des divers châteaux, les bois étaient deve-
nus rares en Sologne et ne consistaient plus qu'en taillis d’essences chêne et bouleau, livrés au
bétail, rabougris, parsemés de vides et de clairières envahis par des bruyères et des ajoncs.
2) Conclusion, en 1852, du remarquable rapport fait par M. Brongniart sur les plantations
forestières de la Sologne.
el 162 er
effet, croissent vigoureusement, en massif serré, persistent longtemps et
reviennent spontanément après les défrichements. Ni le chêne, ni le bou-
leau, dans leurs premières années, ne peuvent lutter avec elles, car les
racines des bruyères et des ajones, s'emparant du sol, s’y développent,
s’entrelacent et étranglent les jeunes plants, tandis que les tiges de ces
mêmes plantes, poussant vigoureusement, occupent la surface, s'élèvent,
se Joignent et, dépassant les brins feuillus. les étouffent sous leur épais
couvert.
Il y avait donc nécessité, avant de confier au sol les graines ou les jeunes
plants forestiers, de le débarrasser des bruyères par un défrichement as-
sez complet; mais, dès lors, il fallait envisager une transformation coù-
teuse. On chercha à diminuer les frais en tentant, à l’aide des engrais
chimiques, d'obtenir une ou deux récoltes rémunératrices, mais bien peu
des terrains maigres de la Sologne se prétèrent à cette combinaison. Alors,
on essaya de réduire la dépense de préparation du sol en opérant par
potets ou par bandes alternes; mais les résultats furent rarement satis-
faisants , car les bruyères des parties non défrichées ne tardaient pas à en-
vahir les places voisines occupées par les jeunes plants feuillus.
Du reste, le chène, essence pivotante, ne jouit d’une bonne végétation
ni dans les sols sans profondeur, ni dans les terrains très sablonneux;
seule fait exception la variété dite tauzin qui s’accommode des terres les
plus sèches et donne à la fois des rejets et des drageons: mais le tauzin
atteint rarement de grandes dimensions et il ‘oblige à exploiter en taillis
très Jeune. Quant au bouleau, cette essence n’est pas sans valeur, parce que
ses plants sont d’une reprise facile, qu'ils réussissent dans tous les sols et
qu'ils ne gèlent jamais; mais souvent le bouleau reste rachitique et, en
tout cas, son feuillage très léger, ne couvrant pas suflisamment le sol, le
laisse exposé au soleil et aux vents: d’où il résulte que tous les terrains
consacrés à celte essence vont en s’appauvrissant de plus en plus.
Pour ces motifs, on réclamait des essences plus rustiques, dont la con-
sütution robuste pût s'accommoder des terres les plus arides et dont la
vigucur permit de lutter avec les bruyères. On les trouva heureusement.
Ce furent des résineux % et particulièrement le pin maritime. Les premières
graines de cette espèce furent, dit-on, apportées par M. Dupré de Saint-
Maur; MM. de Tristan, de Morogues, Lockart, de Laage de Meux, ayant
des relations avec Bordeaux, eurent l'idée d’acclimater, en Sologne, ce
‘Pin maritime, pin sylvestre, pin noir d'Autriche, pin Laricio, etc.
—#>( 165 )es——
pin déjà répandu dans les Landes; leurs essais furent encourageants. À
ces initiateurs succéda une autre génération : les Mainville, les Bague-
nault de Vieville, les Robert de la Matholière, qui créèrent d'assez impor-
tants massifs.
Ce qui fit adopter les pins maritimes, ce fut le bon marché de leurs
graines et leur facile réussite, même au milieu des bruyères, qu'ils étouf-
fent en partie sous leur couvert. Bientôt on constata leur influence salu-
taire, ces pins purifiant l'air par leurs émanations balsamiques et assainis-
sant le terrain par le drainage naturel de leurs racines. Quant à la qualité
du bois et à l'usage qu'on pourrait en faire, on n’y pensait pas au début et
on ne se préoccupait guère que d'occuper les terrains vagues, et de produire
quelque chose 1à où il n’y avait rien. Tout au plus espérait-on introduire
plus tard le chêne sous le couvert des pins, qu’on aurait fait disparaitre
au moyen d'éclaircies successives.
Mais il en fut autrement, lorsqu'un ingénieux propriétaire du pays eut
trouvé, pour les bois de. pin, une utilisation spéciale : le chauffage des
fours de boulangerie et un débouché avantageux : la place de Paris. En
fabricant des falourdes 1) et en les faisant adopter pour la cuisson du
pain, M. de Laage de Meux à rendu à la Sologne gn immense service.
Aussitôt après «son invention», on créa des pineraies de tous les côtés ?;
la contrée entière se couvrit de ces bois, dont l’étendue atteignit
80,006 hectares: ils devinrent une véritable richesse, le plus important
des produits de la Sologne.
En effet , l'exploitation des pineraies donna des résultats dépassant toutes
les espérances ); sans tenir compte des bourrées et du petit bois dont le
produit couvrait la dépense de premier établissement, les frais de garde
et les impôts, le rendement d’un hectare de bonnes pineraies, mises en
coupes d’éclaircies successives, puis exploitées à trente ans, s’éleva jusqu’à
4,000 falourdes, dont 1,000 de qualité secondaire et 3,000 de première
qualité. Tous ces bois trouvèrent des débouchés assurés: la totalité des fa-
1) Fagots de boïs de pin, ayant 1 m. 14 de longueur et o m. 75 de circonférence, liés à
‘ deux harts et composés de bois pelés et fendus. Le 100 de ces fagots équivaut à 5 stères 1/2
de bois empilé.
®) On comptait, en 1853, 26,000 hectares; en 1858, 34,000 hectares et plus du double
en 1870.
# La Sologne se compose de terrains de qualités très inégales et la production d’une pine-
raie varie avec la fertilité du sol, l'âge et la consistance des peuplements. On admet que la
coupe définitive d’un massif âgé de 30 à 35 ans donne un rendement d'environ cent falourdes
par an.
—+#>( 464 ).es——
lourdes était expédiée à raison de 80 p. 100 sur Paris et de 20 p. 100
sur Orléans, Blois, Tours et les environs; les bourrées étaient consommées
sur place par les habitants ou pour l'alimentation des fours à chaux et à
briques. Sur place, après façonnage, on vendait en moyenne 1,600 francs
les 4,000 falourdes; il fallait déduire de cette somme 10 francs par
100 falourdes pour frais de façon, soit 4oo francs; le produit net, par
hectare, s'élevait donc à 1,200 francs et, par suite, le revenu était d’en-
viron Lo francs.
En appliquant ce chiffre aux 80,000 hectares de pineraies créés en
Sologne, on arrivait à cette conclusion qu’elles produisaient à leurs pro-
priétaires une somme annuelle de 3,250,000 francs...
L'introduction des pins avait ainsi complètement transformé la région;
le pays était devenu sain et productif, l'état de la population s’'améliorait;
enfin, il fournissait son contingent à la richesse générale de la France.
C'était un résultat immense dû à la réunion d’efforts méritants et les pro-
priétaires se trouvaient bien récompensés de leur persistance énergique et
de leurs sacrifices pécuniaires. Le Comité central pouvait en revendiquer
une grande part, car toutes les questions de sylviculture avaient été l'objet
de ses études et de ses encouragements; les remarquables observations
pratiques de M. Baguenault de Vieville M, les mémoires couronnés de
MM. Poucin et Fenebresque, enfin les publications de M. Girard et autres
membres de association méritent particulièrement d’être citées.
Désastre causé par les gelées de l'hiver 1879-1880. — Malheureusement,
ce retour à la prospérité fut tout à coup interrompu par le terrible
hiver de 1879-1880, qui fit périr tous les pins maritimes de la contrée.
Pas une pineraie de cette espèce ne fut épargnée. Le désastre fut 1m-
mense.
Si un vaste incendie eût traversé la Sologne, les conséquences en eus-
sent semblé moins néfastes, ear, à la destruction des productions du
passé, ne se seraient pas ajoutées autant d'inquiétudes pour l'avenir. On
craignait que les bois gelés ne valussent plus les frais de leur exploitation
et l’on redoutait, si ces bois pourrissaient sur pied, de voir se produire
des invasions d'insectes et des maladies. C’était à déserter la région et à
désespérer de la destinée.
D Observations pratiques sur la culture des pins en Sologne, 1875. Imprimerie Puget, à
Orléans,
_æn( 465 )es--—
Sous celte épreuve, les habitants ne perdirent pas cependant courage cl
ils furent soutenus par le concours eflicace du Gouvernement, énergique-
ment réclamé par toutes les autorités des départements : sénateurs, députés,
préfets et maires, aussi bien que par le Comité central de la Sologne et
les comices agricoles.
Ce concours se manifesta de deux façons :
L'État fit donner des directions et il accorda des subventions; le Gou-
vernement confia au conservateur des forêts, à Tours, la double mission
d'éclairer la situation et d'indiquer la voie à suivre, puis d'organiser les
secours devenus nécessaires. Ce fonctionnaire parcourut la Sologne pour
pouvoir juger la situation et renseigner le Ministre de l'Agriculture.
Il accomplit sa mission en présentant un rapport ) qui peut se résumer
. comme suit : aux propriétaires , 1l recommanda la prompte exploitation des
bois gelés, déclarant qu'ils étaient encore susceptibles d'utilisation et il
conseilla d'adopter principalement la plantation du pin sylvestre, pour les
reboisements à faire. Au Gouvernement, il signala des procédés écono-
miques de repeuplement, proposa l'établissement de grandes pépinières de
secours et sollicita, en faveur des sinistrés, la distribution gratuite des
millions de plants qui y seraient élevés.
Ces propositions furent adoptées et elles ont donné les plus beaux ré-
sultats. Tous les pins gelés, exploités avec certaines précautions, ont, en
effet, trouvé acquéreurs; puis, en cinq années, 1l à été délivré dans les
pépinières de secours, plus de 50 millions de bons plants dont la dépense
totale n’a pas dépassé 135,000 francs, soit seulement 2 fr. 70 par 1,000
plants; enfin, lors de la suppression des subventions, entraînant l'abandon
des pépinières de secours, tous les propriétaires, gagnés par l'exemple,
avaient chez eux organisé des semis et des repiquages de sylvestres en pro -
portion avec leurs besoins.
Grâce à ces encouragements, les propriétaires de la Sologne, loin
d'abandonner leurs terres, se sont remis à l’œuvre; il a été refait
80,000 hectares de pineraies et moins de dix années ont suffi pour accom-
plir cette œuvre gigantesque. Enfin, suivant le dicton. « À quelque chose
malheur est bon», le domaine forestier de la Sologne a certes, actuelle-
ment, plus de valeur que n’en avait l’ancien, puisqu'il est constitué avec
des sylvestres qui ne craignent pas les gelées.
} M. H. Boucarn, Dommages causés par l'hiver 1879-1880 aux pineraies de la Sologne.
se éditions publiées en 1880 par les conseils généraux et le { Comité central. Orléans, impri-
merie Puget.
SYLVIGULTURE, 30
—+#2( 166 ).e3-—
Reboisement en pin sylvestre des 80,000 hectares de pineraes maritimes dé-
truites. — Ayant conseillé et dirigé l'exploitation des bois gelés et le reboi-
sement des pineraies détruites, on comprendra que nous préférions ren-
voyer à deux pièces dont copie est donnée ci-après sous forme d’annexe
(pages 480 à 184).
La première est le rapport du Jury international de l'Exposition uni-
verselle de 1889 qui, appréciant l’œuvre de la Sologne, a décerné le
diplôme de Grand Prix à la collectivité des membres du Comité central.
La deuxième est la décision de la Société des Agriculteurs de France,
qui attribue à nos reboisements la grande médaille d’or mise au concours
par le congrès agricole réuni à Versailles en 1 8910.
Ces deux documents, dont l'autorité s'impose, donnent des explications
préférables à celles que nous aurions pu fournir nous-même.
Très touchés de l'hommage ainsi rendu à leurs efforts, les sylviculteurs
de la Sologne nous approuveront cependant de ne pas l’accepter pour eux
seuls et d'y associer l'Administration forestière et personnellement nos
collaborateurs de la première heure : MM. les inspecteurs de la Taille et
de Maisonneuve, le brigadier Julien et le chef de pépinière Clément;
leurs services ont, du reste, été officiellement reconnus, puisque, en
1896, M. le Ministre de l'Agriculture, sur notre proposition, leur a ac-
cordé des médailles avec félicitations spéciales.
Enfin, il nous semble utile, malgré la crainte de nous répéter, de con-
signer ici les quelques renseignements qui ont été souvent demandés et
qui pourraient rendre des services si, malheureusement, venait à se repro-
duire une catastrophe semblable à celle de 1879-1880.
Conservation des bois de pin gelé. — Le rapport présenté au Ministère et
distribué aux propriétaires sinistrés avait, en 1880, émis l'avis que les
pins gelés pourraient se conserver et être utilisés: les faits ont confirmé
cette opinion.
Déchirés par le gonflement de leur sève glacée, les tissus des pins gelés
avaient laissé écouler toute l’eau qu'ils contenaient, étaient devenus très
légers et se montraient extrêmement disposés à absorber l’eau des pluies;
mais ils avaient conservé toute leur résine. Pour éviter qu'ils ne pour-
rissent, il a sufh de les promptement abattre, écorcer et façonner, puis de
4) Cette décision a été précédée d’un très intéressant rapport présenté par M. F. Caquet,
au nom de la commission spéciale nommée par la Société des Agriculteurs de France pour vi-
siter la Sologne.
1% PET Te ? UN he CEA PA F À ‘
1 Cd) tod J ES = :
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—4s( 467 )rer—
les empiler sur des emplacements élevés, en ayant soin de terminer le
sommet des tas par une sorte de toit formé avec une couche de rondins
serrés et débordants que l'on inclhinait au moyen de brins mis en travers.
De cette façon, on a assuré l’écoulement des eaux de pluie et on les a em-
pêchées le plus possible de pénétrer dans l’intérieur de la pile.
Ainsi traités, les bois de pin gelé, qui n’avaient presque rien perdu de
leur puissance calorifique, se sont conservés pendant plusieurs années et
ils ont tous été achetés par la boulangerie.
Résineux préférés aux feuillus. — Les reboisements essayés directement
en essences feuillues n’ont pas été possibles dans les terrains encore occu-
pés par les brandes (bruyères et ajoncs). Et même, ils n’ont pas donné de
bons résultats dans les terres cultivées où les jeunes plants forestiers
manquaient d’abri pendant leurs premières années.
Au contraire, les résineux ont pu partout être installés, malgré les
bruyères, et ils se sont élevés sans aucune protection.
D'abord choisis comme essence transitoire destinée à faciliter lintro-
duction du chêne, les pins n’ont pas tardé à être généralement adoptés
pour constituer des peuplements cultivés sans mélange.
Substitution du pin sylvestre au pin maritime. — Pour la reconstitution des
pincraies on a très généralement substitué le pin sylvestre au pin mari-
me.
Le pin maritime, dont le semis est peu coûteux et facile à réussir,
pousse vigoureusement dans tous les sols de la Sologne M), même dans les
sables les plus maigres ; il fournit assez promptement des produits avanta-
geux; mais, ses racines élant pivotantes, il dépérit de bonne heure dans
les sols qui manquent de profondeur. Enfin cette essence, qui appartient
à des climats plus doux, n’est pas, en Sologne, dans sa station naturelle
et elle n’a pu y supporter les gelées de l'hiver 1879-1880.
Après ce désastre, il aurait été imprudent dans cette contrée, de res-
taurer le pin maritime sur une aussi vaste échelle. On a dû préconiser
le pin sylvestre, qui vient du Nord et est beaucoup plus rustique. Cette
essence a été importée en 1792, dans la forêt de Fontainebleau, par
M. Lemonnier, grand botaniste (ami de Linné et de Jussieu aîné), qui fit
0) A l'exception des terres marnées, pour lesquelles il faut avoir recours au pin noir d’Au-
triche.
30,
—#>( 168 )e3—-
venir les graines de Riga. Les forêts d'Orléans, de Montargis, de Chinon,
en possèdent actuellement des massifs âgés de 70 ans qui sont bien ve-
nants. Déjà, lors du grand hiver, des sylvestres en mélange avec les mari-
umes composaient le peuplement d’un certain nombre des pineraies de la
Sologne. Tous ces sylvestres ont résisté à la gelée qui a anéanti leur congé-
nère.
Le pin sylvestre se propage aussi bien par plantation que par semis.
S'il pousse, tout d'abord, avec moins de vigueur que le pin maritime, il
prend le dessus vers l’âge de 15 à 20 ans. Ses racines traçantes se con-
tentent d’une faible couche arable, il jouit d’une plus grande longévité
dans nos terrains de Sologne, où 1l sera même susceptible de régénération
naturelle. Doué d’une forte ramure et d’un feuillage abondant, 1l étouffe,
sous son couvert, toute végétation arbustive et la convertit en humus fer-
ülisant. Enfin, la boulangerie de Paris et les Compagnies houillères, nos
principaux consommateurs, acceptent les bois de pin sylvestre tout aussi
bien que ceux de pin maritime.
Modes adoptés pour les repeuplements : sens et plantations. — La place nous
est ici mesurée, et nous sortirions du cadre de ce travail en décrivant les
différents modes de repeuplement qui ont été adoptés en Sologne et Îes
divers procédés qui ont été suivis.
D'ailleurs ces opérations ont été nue discutées, détailiées dans notre
rapport précité adressé en 1880 à M. le Ministre de l'Agriculture, et,
depuis lors, elles ont fait l’objet des publications de notre collègue, M. Da-
vid Cannon, qui est un savant et un sylviculteur pratique). Nous nous
bornerons à quelques explications avant d'arriver à indication des chiffres
qui ont été souvent réclamés (quantité des semences ou des plants à em-
ployer, dépense en résultant).
Pour faire des semis 11 faut, avant tout, se procurer des graines ayant
conservé toute leur vitalité; en conséquence, on les a loujours essayées
avant de les acheter, afin de bien connaître leur degré de germination.
Pour réussir les plantations, il faut des sujets garnis de racines nombreuses,
arrachées entières et conservées fraîches à l'abri du vent et du soleil; ces
conditions ont été obtenues dans les nombreuses pépinières locales créées
à l'exemple de l'État et à limitation des habiles pépiniéristes du pays.
1) Manuel des pins en Sologne, 1884, imprimerie Puget, à Orléans. — Propriétaire-Plan-
teur, 1894, Rothschild, éditeur, Paris.
—#2( 169 js.
Si Le semis est le seul procédé suivi pour la propagation du pin maritime,
il en est autrement pour l'introduction du pin sylvestre. Suivant les cir-
constances, pour cette essence, on a eu recours tantôt au semis, tantôt à
la plantation. Étant donné que la graine de sylvestre est d’un prix élevé et
que la réussite du semis est un peu difhcile, on a généralement employé
la plantation.
Les meilleurs résultats ont été obtenus avec des plants élevés en pépi-
nières, âgés de 2 ans et préalablement repiqués ; ils sont courts, trapus,
munis de beaucoup de chevelu.
Deux procédés de plantation ont été adoptés dans la région et ils ont
été appliqués suivant la composition du sol et l'état de la surface. On a
planté à la pioche dans les sols argileux et difficiles, tandis qu'on a em-
ployé de préférence la bêche demi-circulaire dans les terrains plus sablon-
neux et faciles.
Les quantités de graines et de plants employés par hectare, et la
dépense de main-d'œuvre ont beaucoup varié. Nous croyons bien faire en
indiquant les proportions et les prix adoptés par M. Banchereau, auquel
a été attribué la médaille d’or de la Société des Agriculteurs de France,
pour la réussite de ses importants reboisements dans la terre des Aubiers,
près Salbris.
Semis de pin maritime, par hectare :
16 kilogrammes de graines à o fr. 45 ................... 7 20
Mad uvre. 2 ie FETES RER CA RS 2 00
ROMA ea de ce 9 20
Semis de pin sylvestre, par hectare :
3 kilogrammes déorHnean fr Do... ue iii. 16° 50
1 D ee dim ei cu e eote 2 00
Don So Li aut < 18 50
Semis de pin maritime et sylvestre en mélange, par hectare .
12 kilogrammes de graines de maritime à ofr.45........,, 5f Lo
2 kilogrammes de graines de sylvestre à 5 AV PR 11 Q0
MM nn rs Lt NE Né VA OR 2 CO
—4n( 470 jer—
En cas d’adjonction de glands, par hectare :
Ajouter un hectolitre de glands de prix très variable : de 5 francs à 20 francs.
Plantation par hectare :
8.000 à 8,500 plants de pins sylvestres repiqués. Achat à
5 fr.2bo 1 ile: RENTE Eur SCD ER 45° Lo
Frais de plantation ; 8 à 10 journées à 2 francs... ....... .. 18 00
Tone ane Le ose 63 Lo
Nous conservons à dessein les prix consignés sur les livres de M. Ban-
chereau ; ils ont un peu varié avec le temps et suivant les localités.
I existe, en Sologne, un grand nombre de bois feuillus:; ils consistent
surtout en anciens taillis et aussi en DE” EEE provenant des
glands que certains pr opriétaires avisés avalent semés en mélange avec
leurs pins maritimes. Après les gelées qui ont détruit ces résineux, les
chênes se sont trouvés maitres du terrain et y ont constitué des peuple-
ments bien venants et parfois complets (,
À cause du peu de valeur du bois à charbon et des fagots, la véritable
amélioration pour les taillis consisterait à allonger la durée de leurs révo-
lutions, de façon à obtenir quelques bois d'industrie ou au moins de gros
bois de feu; mais, généralement , le manque de profondeur des sols de la
Sologne ne permet pas cette transformation; le chêne, notamment, dépé-
rit de bonne heure et oblige à l'exploiter entre 15 et 20 ans.
Nous ne croyons pas devoir insister sur les travaux faits dans ces taillis,
quoiqu'ils aient eu leur part d'améliorations comme tout le reste de la
Sologne : ils ont été assainis, entourés de fossés, sauvegardés de la dent
des bestiaux par la suppression ou au moins la réglementation du pâtu-
râge et mieux exploités qu'autrefois en vue de la conservation des souches-
mères; enfin, leurs vides et clairières ont été regarnis en résineux destinés
à préparer la réinstallation du chêne.
Prairies et herbages. — La Sologne a été de tout temps un pays d'her-
bage. Elle possédait des prairies naturelles même aux plus mauvaises
0) Citons M. Timothée des Francs, l’un des maîtres de la sylviculture en Sologne, qui avait
eu la prudence de mélanger du chêne ou du sylvestre aux semis de pin maritime de sa terre
de Gautray. Aussi lui est-il resté quelques beaux peuplements, après la gelée des pins mari-
times.
—#2( 171 yes
époques de sa culture; elles étaient situées dans le voisinage des bâtiments
.ou le long des rivières; mais elles ne produisaient le plus souvent que de
lherbe de médiocre qualité; c'était néanmoins grâce à elle que le bétail
pouvait passer l'hiver.
Depuis 50 ans, on a appris à améliorer les prairies; on les a aussi
considérablement augmentées en y consacrant très avantageusement les
terrains voisins des cours d’eau et des étangs.
À cause de la nature du sol, de son peu d'épaisseur, et de l’imperméa-
bilité du sous-sol, il a fallu, pour ces transformations, réaliser des travaux
intelligents et assez coûteux; mais on a réussi à faire de bonnes prairies
avec des terrains bas où la stagnation des eaux avait détruit les racines
des bonnes plantes et favorisé le développement des jones.
Trois conditions s’imposaient :
1° Assurer l'écoulement des eaux arrêtées par le sous-sol; on a créé ou
rétabli des fossés et des rigoles à ciel ouvert; le drainage aurait été plus
coûteux.
2° Fournir à la couche siliceuse les éléments chimiques qui lui man-
quent (chaux, potasse et acide phosphorique ), afin de favoriser le dévelop-
pement des graminées et des légumineuses, On a généralement satisfait à
ces conditions en apportant, par hectare, 1,500 kilogrammes de scories
de déphosphoration et 100 kilogrammes de kaïnite. C’est, de ce fait, une
dépense de premier établissement de 125 à 130 francs. Il sullit ensuite
d'entretenir en répandant alternativement 500 kilogrammes de scories ou
500 kilogrammes de kaïnite coûtant de 25 à 30 francs par an.
3° Utiliser toutes les eaux disponibles provenant des rivières, des
étangs ou de l'égout des terres cultivées, pour irriguer les terrains et
combattre les grandes sécheresses; car, si les eaux stagnantes sont la mort
des plantes, les eaux courantes en sont la vie.
Ces travaux ont été exécutés par un grand nombre de propriétaires et
notamment par MM. Rousseau et Courtin dans leurs terres de la Rebu-
tinière et du Chesne. Le premier, notre regretté vice-président du Comité
central, a créé ainsi plus de #o hectares de prairies, dont 6 étaient à l'état
de «pätis» marécageux que les habitants déclaraient impossibles à amé-
liorer; M. Rousseau les a transformés en une véritable prairie donnant,
chaque année, au moins 25,000 kilogrammes de bon foin.
À côté des prés naturels, les cultivateurs de la Sologne ont maintenant
d’autres ressources temporaires : les prairies artificielles.
Pour les réussir, il faut choisir un sol bien propre, et y répandre, par
eo 172 jen
hectare, 300 kilogrammes de superphosphate ou 500 kilogrammes de
scories de déphosphoration avec 100 kilogrammee de chlorure de potas-.
sium. On sème ensuite, dans une céréale de printemps, des graines ap-
propriées au sol. Enfin on fauche pendant deux années consécutives et on
fait pâturer pendant deux autres années.
Voici, par hectare, quelle a été la semence adoptée par M. Rousseau :
fétuque de prés, À kilogrammes; fétuque durette, 4 kilogrammes; dactyle
pelotonné, 8 kilogrammes:; ray-grass anglais, 1 0 kilogrammes ; paturin des
prés, 5 kilogrammes; fléole, 5 kilogrammes:; minette, 4 kilogrammes:
trèfle blanc, 3 kilogrammes: trèfle hybride, 2 kilogrammes; total, 48 ki-
logrammes. Ce mélange a fourni de belles récoltes, en même temps qu'il
donnait un excellent pâturage.
Les prairies actuellement créées en Sologne permettent des élevages
de toutes sortes, dont nous constaterons plus loin la grande importance.
Agriculture. — Tous les terrains de la Sologne ne sont pas susceptibles
de cultures ordinaires à grand rendement; mais leurs meilleures parties,
bien amendées, peuvent donner des récoltes assez rémunératrices.
La situation actuelle est bien différente de ce qu’elle était il y a cin-
quante ans. À cette époque, la petite culture n'existait qu’autour des vil-
lages et dans de rares locatures situées auprès des grandes fermes; ses
efforts se bornaient à exploiter d'anciens jardins qui les faisaient vivre.
A côté, sans transition, on trouvait la grande culture avec ses grandes
fermes de 150 à 300 hectares, où l’on ne cultivait guère que les terres
maigres des hauteurs, parce qu'elles étaient faciles à assainir et qu'elles
donnaient moins de mal à travailler. Le seigle et le blé noir en étaient à
peu près tout le produit; ils suffisaient à grand'peine pour faire vivre la
femille du fermier et pour nourrir les animaux de la ferme.
Avec une semblable culture, les bestiaux ne pouvaient être que d’une
qualité très médiocre. Dans l'écurie, quelques juments poulinières, saillies
par les chevaux du pays. fournissaient des produits durs à la fatigue, mais
sans élégance et sans valeur marchande. A létable, on avait des vaches
plus médiocres encore, grandes, osseuses, mauvaises laitières et peu
recherchées pour la boucherie. La porcherie était sans importance. Seuls,
les moutons «solognots», race spéciale du pays", étaient nombreux et
s’'accommodaient très bien de la vie vagabonde à travers les bruyères et les
(1) Race vorace se contentant d’une nourriture médiocre et s’entretenant là où d’autres races
seraient mortes de faim.
|
|
—#>( 473 }e3-—
bois (c'était la production la plus considérable et la plus lucrative des
industries locales). Quant aux volailles, poules, oïes, dindes, nourries
de blé noir, elles représentaient ce qu'il y avait de meilleur à porter aux
marchés.
Le fermier payait un loyer qui ne dépassait guère dix francs par hectare
et qui, souvent, restait inférieur à ce chiffre.
Maintenant, la situation s’est complètement modifiée : louverture des
routes, l’assainissement des terres, l'apport des amendements calcaires
(chaux ou marne) ont transformé le pays et permis l'amélioration des cul-
tures.
‘étendue des fermes a été diminuée par la plantation en pins des mau-
vaises terres, et, à mesure que s’est opérée cette réduction, le sol, ayant
été mieux cultivé, est devenu plus productif.
Les bâtiments d'autrefois, construits en colombage de bois et en terre,
ont en grande partie disparu pour céder la place à de confortables con-
structions en briques ou en pierres.
Dans les terres assainies et amendées, on récolte aujourd’hui du blé-
froment, de l’avoine et de l'orge. Les betteraves, topinambours, carottes,
rutabagas, y donnent d’abondants produits.
L'amélioration du bétail a été la conséquence de celle des terres"), La
Sologne est devenue productive de chevaux et les dépôts d'étalons établis
par l'État ont amené , avec la vieille race du pays, des croisements remar-
quables; les nouveaux produits sont de taille moyenne, robustes et propres
aux services du trot. L'ancienne race des vaches solognotes , fortement char-
pentée, mais peu laitière et peu disposée à l'engraissement, n'existe plus
guère que dans une faible partie de la contrée; de nombreux croisements
avec des taureaux normands ou de la race du Mans ont donné des vaches
meilleures laitières et plus avantageuses pour la boucherie. Les moutons
solognots, toujours très appréciés des gourmets, ont été l'objet de croise-
ments particulièrement avec les disley-mérinos, et on a obtenu de bons
résultats, mais il est généralement admis qu'il est préférable et plus lucratif
de conserver, en la sélectionnant, notre précieuse race du mouton so-
lognot. Depuis vingt-cinq ans, l'élevage des petits porcs, vendus pour
l’'engraissement, s’est considérablement développé et est devenu un des
meilleurs produits du pays. Enfin, 1! ne faut pas oublier la basse-cour,
qui fournit abondamment des volailles de toute sorte, et particulièrement
0) En 1899, de très remarquables rapports ont été faits au Comité central par M. Angot,
médecin-vélérinaire à Orléans.
4x 474 Ves—
les poulets, les oies et les dindons qui vont approvisionner les marchés
de Paris et de Londres.
Toute cette transformation s'est faite grâce aux enseignements du Co-
mité central et aux exemples donnés par les grands propriétaires, qui
n’ont pas hésité à faire les essais et les expériences. Peu à peu les fermiers
ont adopté les nouvelles méthodes de culture, ils ont employé la marne,
la chaux, les engrais artificiels, les instruments perfectionnés. C’est ainsi
qu'en moins d'un demi-siècle, ont été trouvés et appliqués les modes de
culture qui conviennent le mieux au climat, au sol, au milieu dans lequel
on opérait. À É
La présence des propriétaires et leurs dépenses faites à propos sont
certainement la principale cause de la régénération de la Sologne.
Dans ce pays arriéré et malheureux, avant d'arriver au fermage, 1l a
fallu le plus souvent cultiver par domestiques, constituer le cheptel et
passer par le métayage, considéré, du reste, généralement, comme le
mode de gestion le plus avantageux. En tout cas, quand le propriétaire
s’est trouvé dans l'impossibilité de faire valoir directement toute l'étendue
de sa terre, il a dû conserver au moins une réserve pour y donner l'exemple
en réalisant les améliorations qu’il conseillait et en faisant apprécier leurs
résultats. Ces réserves étaient de véritables champs de démonstration où
les métayers et fermiers sont venus apprécier les variétés de semences,
constater les effets des phosphates naturels, des scories de déphosphora-
tion, des superphospates et des nitrates de soude, et se rendre compte par
eux-mêmes des résultats obtenus.
Le succès a récompensé les propriétaires et agriculteurs qui ont marché
prudemment, n’entreprenant qu'au fur et à mesure de leurs ressources et
évitant de se lancer dans des entreprises coûteuses dont le résultat n'est pas
assuré.
Ainsi ont procédé la plus grande partie des propriétaires de la Sologne
et la liste de leurs noms méritants serait longue à établir; nous nous bor-
nerons à citer le résultat obtenu par lun des doyens du Comité central,
M. Ed, Fougeu, qui possède depuis quarante ans la terre de la Couchère
et y cultive 275 hectares dans les conditions qui viennent d'être indiquées,
Au début, son produit net annuel était de 3,000 francs: 1l atteint actuel-
lement 14,000 francs, soit environ 50 francs par hectare“),
Les prix de vente du blé et du seigle ne se relevant pas de leur abais-
(1) C’est un chiffre élevé, car les terres ordinaires, affermées à prix d'argent, ne donnent pas
plus de 25 francs l'hectare.
élue DL té RS hs: à sc 'tts
—#2( 175 )e3—
sement, de bons esprits ont pensé à faire, en Sologne, des cultures indus-
trielles, notamment des betteraves et des pommes de terre. La betterave
demande une terre plus riche en acide phosphorique que ne l'est généra-
lement celle de la Sologne; mais la pomme de terre, bien moins exigeante,
semble être la véritable plante sarclée indiquée pour notre région. Son
débouché le plus avantageux serait la vente à des usines qui la transfor-
meraient en fécule et en glucose. Plusieurs de nos collègues sont déjà entrés
dans cette voie, notamment MM. Julien et Champonnois, à Selles-Saint-
Denys et MM. Courtin père et fils, qui dans leur terre du Ghesne, près de
Salbris, ont constamment donné leur intelligent et dévoué concours à tout
ce qui a été tenté pour l'amélioration de la Sologne.
Résumé. — La Sologne est une région de 500,000 hectares, située au
centre de la France, aux portes d'Orléans et à environ 1 25 kilomètres de
Paris. C’est un vaste plateau déshérité par la nature-en comparaison des
contrées fertiles qui l'entourent; son sol, mélange de sable et d’argile, est
privé de tout élément calcaire; 1l n’a généralement qu’une faible épaisseur
et il est assis sur un sous-sol imperméable.
Dans ces conditions, la culture ordinaire des terres de la Sologne est
forcément coûteuse et elle ne saurait promettre des récoltes toujours
-rémunératrices. Aussi, au xvr° et au xvinr° siècles ; après des déboisements
inconsidérés, tout ce grand pays est-il tombé dans un état misérable qui
s’y est continué pendant longtemps,
En effet, si l’on se reporte à cinquante ans en arrière, on trouve encore
la Sologne presque déserte et divisée en un petit nombre de très vastes
propriétés. Elles consistaient principalement en bruyères parsemées de
quelques taillis ravagés par le bétail; de loin en loin seulement, on ren-
contrait des fermes ou locatures, dont les bâtiments incomplets étaient
mal entretenus.
Il n'existait que des chemins impraticables, souvent à peine tracés à
travers la lande,
Tous ies bas-fonds, toutes les bruyères étaient, pendant les deux tiers
de l’année, couverts d’eaux stagnantes dont les miasmes pestilentiels em-
poisonnaient l’atmosphère.
Les habitants, aussi bien que les animaux de fermes, étaient chétifs et
sans vigueur.
Tous les produits de la Sologne ne consistaient plus véritablement que
dans les bois et les moutons, le poisson et le gibier.
4n( 476 js
Et cependant, certains esprits pensaient que l'on pouvait tirer parti de
ce sol improductif, en suivant une direction unique et avec un programme
d'ensemble.
C’est alors que fut fondé, en 1859, le Comité central agricole de la
Sologne qui, depuis ce temps, n’a cessé de travailler à la régénération et
à la transformation du pays. On doit à son initiative et à ses démarches:
un magnifique réseau de routes, qui a tant contribué au développement
de la contrée, l'organisation des concours tels qu'ils existent encore aujour-
d’hui et ils ont donné partout les meilleurs exemples, les dépôts de marne
établis dans toutes les gares de la ligne du Centre, les mesures d'hygiène
et de salubrité, telles que le curage des rivières, l'assainissement des
étangs, etc., qui ont rendu le pays habitable.
Après quarante ans d'efforts, de travaux, de dépenses, le pays est
transformé, les bruyères font place à des cultures rémunératrices, à des
vignes bien soignées, à des bois de pins ou de chêne habilement entre-
tenus et sagement aménagés.
Partout des routes excellentes relient chaque village aux villages voi-
sins; les vieilles constructions en terre et en bois sont remplacées par des
maisons en briques, élégantes et propres.
Les assainissements et une meilleure alimentation ont absolument mo-
difié les conditions d'existence : les fièvres ont disparu, la population s'est
augmentée de 50 p. 100, une nouvelle génération solognote, pleine de
santé et de vigueur, travaille courageusement à terminer l’œuvre à laquelle
s’est consacré le Comité central de la Sologne.
Le rôle de ce Comité ne s’est pas borné, dans le pays, à conseiller et à
encourager les propriétaires et les ouvriers; 11 s’est activement occupé de
toutes les questions extérieures pouvant intéresser la région, notamment
de la construction des chemins de fer et des tramways, qu'il a la grande
satisfaction de voir réussir M), Il a aussi étudié les nouveaux débits et re-
cherché les nouveaux débouchés dont nos productions sont susceptibles.
Citons un seul exemple ; il concerne nos forêts résineuses, la plus grande
richesse du pays. I était à prévoir que l'exploitation des 80,000 hectares
de nouvelles pineraies, créées en même temps, exploitables en même
temps et donnant les mêmes produits, encombrerait le marché; il était
(1) L'exécution des tramways de Sologne vient d’être votée par le Conseil général du Loiret.
Le Conseil municipal d'Orléans a décidé de participer pour un cinquième dans la dépense de
leur construction. Le gouvernement, en outre des subventions d'usage, a consenti à accorder
950,000 francs pour moitié de la dépense d’un deuxième pont-route sur la Loire.
nt dé oc me de 5
Le
--#2>( 477 )<:-—
à craindre que la boulangerie de Paris ne fût pas un consommateur suffi-
sant; par suite, le Comité a étudié l'utilisation de nos pins en étais de
mines; en pâte à papier et autres industries.
La fabrication en étais paraissant être actuellement la meilleure de nos
ressources, le Comité a renseigné les propriétaires et les a entraïnés dans
cette voie, puis il a obtenu des Compagnies de chemins de fer la réduc-
tion de tous les tarifs de leur transport. Aujourd’hui est créé, au profit
de la Sologne, un marché d’approvisionnement pour les houillères du Nord
et du Pas-de-Calais. Les bois de mines, après les bois de boulangerie,
feront la fortune du pays.
Tel est l'historique abrégé de l’œuvre dela Sologne; commencée par
nos prédécesseurs avec beaucoup d'intelligence et d'énergie"), elle a été
continuée par les membres actuels de notre association, avec persévérance
et dévouement.
Afin qu'on puisse juger en toute connaissance de cause quel était l’état
de la Sologne ancienne et quelle est la situation de la Sologne nouvelle,
nous tenons à insérer (annexe, pièce n° 3) une lettre de M. Tisserand,
l'ancien et éminent directeur de l'Agriculture. Venu ofliciellement en So-
logne, accompagné de MM. Daubrée, directeur des forêts, et Revoil, chef
du cabinet du Ministre de l'agriculture , afin de juger, sur le terrain, les
travaux de transformation , il voulut bien écrire cette lettre, qui est, pour
nous, le plus précieux des témoignages.
Enfin, nous terminerons par quelques chiffres de statistique, empruntés
à l’ancien cadastre de 1830, à l'intéressant travail de M. Duchalais, fait
en 1889, etenfin au rapport tout récemment adressé au Ministre de lagri-
culture par MM. les Ingénieurs du Loiret. Quant aux notes sur la valeur
des terres et leur prix de fermage, ainsi que sur la location des chasses,
nous les avons relevées dans l'étude d’un notaire, fort au courant des
affaires de la Sologne. |
[
La Sologne à été dotée par Etat d’un réseau admirable de voies de
communication; mais elle a su les auginenter; ainsi, en 185», elle avait
(1) Qu'on nous permette de rendre ici un particulier hommage à nos deux prédécesseurs,
élus présidents du Comité central : M. E. Boinvilliers, sénateur, conseiller général de Loir-et-
Cher, qui a consacré trente-cinq ans à la régénération de son pays natal (1850-1885) et
M. Boussion, président de chambre à la Cour d'appel d'Orléans, l’un des Solognots les plus
savants et les plus dévoués (1886-1888).
| —+2( 4178 }es--
1,293 kilomètres de routes de terre; elle en comptait 2,865 en 1869:
elle en possède actuellement 3,536 kilomètres.
Il
D'après le cadastre de 1830, les bruyères couvraient 122,094 hectares
et les étangs 11,693 hectares: la dernière statistique constate que les M"
bruyères n'oceupent plus que 33,644 hectares et que les étangs sont ré= +
duits à 8,946 hectares: 1 y a donc eu plus de 91,000 hectares de bruyères
humides et de queues d'étangs convertis en cultures ordinaires (céréales,
prés, vignes) et surtout en bois feuillus ou résineux. |
Ill si
Le
| Également, pendant à même période, l'étendue des bois qui était de
69,824 hectares, s'est élevé À 123,578 hectares: 1! a donc été boisé à nou
veau 55,72 4 hectares et, comme, à la suite du désastre causé par les gelées, NT
il a été reboisé environ 80,000 hectares d'anciennes pineraies maritimes
détruites, il en résulte que les Solognots ont créé où reconstitué en totalité
136,000 hectares de taillis ou de pineraes. 4
IV
Au fur et À mesure de ces améliorations, qui apportaient aux habitants
la santé par l'assainissement et la bonne nourriture par le travail, la popu-
lation à beaucoup augmenté de nombre. En 1830, on ne comptait en
Sologne que 103,995 habitants; en 1846 , il y avait 120,590 eten 1806,
155,435. Cest une augmentation de 5o p. 100 pour la période de soixante-
six ans: elle n'aurait été que de 29 p. 100, pour ces dernières années,
d'après le rapport des ingénieurs. En fait, le nombre des décès qui, en
1850, était de 28,3 pour 1,000 habitants, n'est plus maintenant que
de 15,7.
V
Quant aux résultats matériels obtenus, voiei très approximativement
comment ils peuvent être évalués :
Pendant longtemps, les terres de Sologne ne valaient que 50 franes par
hectare; c'est seulement après la guerre qu'elles ont été recherchées et,
ae UC MS ua, ip ia CT Aie RS RS
. MU TITRE. art ; 1
—+#3( 179 \es—
depuis lors, la progression des prix de vente a été continue. En 187, les
propriétés non bâties et peu boisées, dont le sol était de qualité moyenne,
se vendaient difhcilement 300 francs l’hectare. Ces mêmes terres, sans
constructions, mais plus boisées et mieux cultivées, valent aujourd’hui de
500 à 700 francs l’'hectare, suivant leur situation plus ou moins rappro-
chée des gares de chemins de fer. Les propriétés bâties et boisées, qui
valaient au plus 600 francs, se vendent aujourd’hui 800 francs et le prix
de 1,000 francs a été atleint, quand lhabitation est confortable et la
chasse giboyeuse.
Les terres louées 6 à 8 francs l’hectare, il y a quarante ans, et qui ne
servalent à vrai dire qu'au pacage, s’aflerment après défrichement et mise
en culture de 15 à 26 francs, suivant leur qualité et leur éloignement plus
ou moins grand des centres de consommation. Ce revenu peut être aug-
menté quand le propriétaire fait intelligemment de la culture directe ou
du métayage et 1l prend des proportions très grandes quand au revenu
des terres, on joint la location de la chasse.
Il y a trente ans, la chasse en Sologne n'avait pas de valeur, mais elle
y est devenue aujourd’hui un des principaux éléments de revenu.
Autrefois, les quelques propriétaires, éloignés du pays qui louaient leur
chasse, se trouvaient sasislaits d'abandonner ce droit moyennant 1 ou
2 francs par hectare. Maintenant, la coutume d’affermer la chasse s’est
généralisée, parce que, grâce aux trains express, la Sologne est à la porte
de Paris et que tout concourt à rendre ces chasses agréables. Aussi les
prix de location se sont ils élevés d’une façon surprenante; sans habitation
la chasse se loue de 8 à 10 francs l’hectare et quand il y a une habitation
les prix s'élèvent de 12 à 15 francs. Bien entendu, tout n’est pas bénéfice
dans le produit de la chasse; car 1l faut faire des dépenses d'élevage et de
clôtures, sans quoi les lapins détruiraient les récoltes.
Les travaux exécutés en Sologne depuis cinquante ans ne sont pas seu-
lement fructueux pour les intérêts privés. En arrachant toute une région
à l'insalubrité et à la pauvreté, ils ont servi les intérêts généraux du pays;
ils ont contribué à augmenter la fortune de la France; ils ont amélioré le
sort d’un grand nombre de ses habitants.
Après avoir rappelé la reconnaissance qui est due aux Gouvernements
qui se sont succédé et aux autorités des trois départements du Loiret, du
Cher et du Loir-et-Cher, nous avons mentionné les services rendus par le
Comité central.
Mais qu'il nous soit permis de placer au premier rang un élément qui
inf 1800 —
a loujours été présent à notre pensée quand nous écrivions ces hgnes, c'est
Ja population du pays : c’est cette population de propriétaires-résidants
qui s’est donnée, avec cœur, à l'œuvre qu'une nature rebelle rendait si
ardue; c’est aussi la population des paysans solognots, sobre , résistante el
douce , qui, avec l’acharnement et l'endurance des pionniers dans la brousse,
a exécuté le défrichement., l'assainissement et la mise en valeur de ce sol
ingrat. Sa volonté a su triompher de la nature.
H. Boucan»,
Président du Comité agricole de la Sologne.
PIÈCES À L'APPUI DU RAPPORT PRÉCÉDENT.
LA SOLOGNE À L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1900.
EXTRAIT DES RAPPORTS DU JURY INTERNATIONAL
PUBLIÉS SOUS LA DIRECTION DE M. PICARD.
PIÈCE N° 1.
Nous terminerons en parlant des résultats si remarquables obtenus en Sologne, sous
l'inspiration et la direction de M. H. Boucard, conservateur des Forêts.
Désastreuses gelées. — L'hiver de 1879-1880 a été marqué, en Sologne, par des
gelées exceptionnelles; elles y ont détruit environ 70,000 hectares de pineraies mari-
times nouvellement créées.
La grande etilégitime émotion causée par ce désastre, entraînant une perte évaluée
à Lo millions, faillit aboutir à la ruine de la Sologne; on parlait de ne pas faire la
dépense d'exploiter ces bois gelés et de ne pas reboiser. C’est alors qu'à la suite d’une
tournée des Préfets avec M. l'inspecteur général des Forêts Clément de Grandprey, on
donna à M. Boucard, conservateur à Tours, la mission qui eut pour résultat le relève-
ment de la sylviculture dans cette contrée.
Deux questions étaient posées par le Ministre à M. Boucard :
1° Uülisation des bois gelés et déblaiement du sol;
2° Reconstitution des pineraies détruites.
La situation pouvait être envisagée à deux points de vue distincts :
Intérêt général : salubrité, travail à donner aux ouvriers;
Intérêt particulier : secours à allouer aux sinistrés.
—+#>( BL )e3—
Utilisation des bois gelés. — 11 parut à M. Boucard qu'il y avait grand danger à les
laisser pourrir sur pied: invasions d'insectes, incendies et finalement ruine des pro-
priétaires el de la population, ouvriers privés de travaux. C'était le retour à la misère
et à l'insalubrité, Par contre, on craignait de ne pas pouvoir vendre les bois gelés
après avoir fait les dépenses de leur façonnage.
M. Boucard ne se laissa pas arrêter par les objections qu'on lui prodiguait :
+M. Boucard, écrivait un forestier censeur, pense que le bois gelé pourra être vendu
comme bois de feu et débité en cotrets: nous voudrions pouvoir partager cette espé-
rance, mais nous savons trop avec quelle facilité le bois de pin maritime sain s’altère,
pour admettre que des tissus désorganisés par le froid puissent offrir quelque résis-
tance. Il faut que les propriétaires de la Sologue ne se fassent pas d'illusions à cet
égard , car le consommateur ne les parlagera pas.»
À cela, dans son rapport du 31 juillet 1880, M. Boucard répliquait : +Les bois
gelés se conserveront si on les exploite avec certaines précautions: ils trouveront écoule-
ment, si on sait attendre: ils se vendront même très cher, pour la boulangerie de
Paris qui ne saurait s'en passer.» Le succès confirma ces prédictions et couronna les
efforts de M. Boucard. Les 100 falourdes (5 stères et demi), ayant coûté 12 francs de
façon, se sont vendues, avec progression croissante, d’abord 22 francs, puis jusqu'à
65 francs et facilement 60 francs dans les gares du chemin de fer de Paris à Orléans.
Le pin gelé s'est conservé depuis 1880 jusqu'à ce jour”, et il a été utilisé par la
boulangerie jusqu'au dernier morceau.
L'importance de l'opération fut grande, comme on en peut juger par les chiffres :
ho millions de falourdes vendues à Go francs le cent, soit 24 millions de francs,
encaissés par les propriétaires.
Quarante millions de falourdes, à raison de 19 francs de façon et de 10 francs de
conduite par cent, ont donné 4 millions de francs de travail aux ouvriers locaux, sans
parler des transports de chemins de fer.
Reconstitution des pineraies détruites. — Après avoir exploité les bois gelés, il fallait
songer à reconstituer les pineraies détruites. Trois buts furent visés par M. Boucard :
substituer le pin sylvestre, qui ne gèle pas, au pin maritime qui gèle: activer le re-
boisement: fournir de l'ouvrage aux ouvriers et, pour cela, tout en aidant le pro-
priétaire, l'obliger à faire les dépenses nécessaires.
Les moyens d'exécution auxquels on s'arrêta furent les suivants :
Faire préférer la plantation au semis; motifs : nature des bois qu'il s'agit de restau-
rer : des graines données gratuitement pourraient être trop facilement jetées sans frais,
c'est-à-dire risquées sur terrains non suflisamment préparés, tandis que des plants,
même donnés, nécessitent, pour être utilisés, une dépense minimum de 30 francs par
hectare.
Créer des pépinières dans les principaux centres de pineraies détruites et y élever
directement et économiquement des plants; car les pépiniéristes (du commerce), non
préparés, n'ont pas les quantités suflisantes et, d'ailleurs, maintiennent leurs prix trop
élevés (5 à 8 francs le mille).
Les résultats obtenus ont pleinement justifié la marche suivie.
1) Pendant dix ans.
SYLVICULTURE. 31
—+>( 182 )es-—
Les pépinières créées par le service forestier ont parfaitement réussi; on y a élevé de
très bons pins sylvestres de deux ans, dont un de repiquage.
Avec 28,000 francs de subvention annuelle, on a délivré en moyenne 12 millions de
plants par an, soit environ 2 fr. 30 de dépense par mille plants.
Les propriétaires, remontés, stimulés, conseillés, ont fait tout le possible. Un grand
nombre d’entre eux ont établi chez eux de petites pépinières sur le modèle de celles
de l'État. Hs se sont également inspirés des méthodes économiques de reboisement du
service des forêts. La contenance des pineraies détruites, actuellement reconstituées,
est d'environ 70,000 hectares.
En moins de dix années, le grand désastre de la Sologne à été réparé et on voit,
par l'exposé succinct qui précède, l'importance des services rendus à la Sologne par
l'initiative hardie et dévouée de M. H. Boucard, dont l’entreprise si difficile a été cou-
ronnée d'un plein succès. C’est une œuvre considérable et d'importance très grande au
point de vue de l'intérêt général. Son exécution fait le plus grand honneur au forestier
qui l’a conçue et dirigée, aux propriétaires et aux ouvriers de la Sologne qui l'ont réa-
lisée.
Le Jury international des récompenses a décerné :
‘1° Un diplôme de grand prix au Comité central agricole de la Sologne (exposition
collective) ©.
2° Un diplôme de médaille d’or à M. Boucard (Henri), ancien inspecteur général
des Forêts, président du Comité central agricole de la Sologne.
LE COMITÉ CENTRAL AGRICOLE DE LA SOLOGNE
AU CONCOURS RÉGIONAL DE VERSAILLES.
EXTRAIT DU RAPPORT DE M. LE DOCTEUR MÉTIVIÉ,
VICE-PRÉSIDENT DE LA SECTION DE SYLVICULTURE DE LA SOCIÉTÉ DES AGRICULTEURS DE FRANCE,
PIÈCE N° 2.
Tous ici, Messieurs, vous avez encore présent à la mémoire le terrible hiver 1879-
1880 et les désastres qui en ont été la cruelle conséquence.
Loin de moi la pensée, en rappelant cette date fatale, de vouloir assombrir cette
Noms des propriétaires qui ont dignement représenté la Sologne, en faisant figurer à l'Exposition
des plans et notices indiquant les grandes améliorations par eux effectuées : M. Banchereau, terre des
Aubiers (Loir-et-Cher); M. Cannon, terre des Vaux (Loir-et-Cher); M. Courtin (Auguste), terre du
Chesne (Loir-et-Cher); M. Fortin-Hermann, terre des Réaux (Cher); M. E. Rousseau, terre de la
Rebutinière (Loir-et-Cher); M. Wallet, terre de la Minée (Cher).
La vitrine de l'Exposition contenait, en outre, les publications de la Société réunies par les soins
de M. Gaugiran, secrétaire général, et des travaux importants sur les insectes nuisibles et sur la sta-
tistique de la région faite par M. Duchalais, ancien conservateur des Forêts.
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fête de l'agriculture où nous admirons tant de richesse; mais qu'il me soit permis de
rendre justice à cette admirable ténacité française, à ce travail infatigable qui caracté-
rise notre race et nous relève de nos désastres avec une ardeur qui ne se décourage
Jamais.
J'en citerai, comme exemple frappant, la Sologne, cette belle région, tantôt vantée
pour ses récoltes, ses prés, ses bois de haute futaie, tantôt citée avec dédain pour son
aridité et sa décadence. En 1879, elle est dans une période de pleine prospérité, quand
un jour de gelée vint anéanüir quarante années de labeur.
Est-ce la misère, la dévastation et la ruine qui vont s'implanter dans ce pays et le
faire abandonner? Non, à un immense malheur répond un immense effort : 80,000 hec-
lares de pineraies sont détruites et, dès 1886, sous l'habile direction de M. Boucard,
inspecteur général en retraite, secondé de MM. de la Taille et de Maisonneuve,
inspecteurs des Forêts, 60,000 hectares sent replantés.
Vous n'avez pas oublié le savant et consciencieux rapport de M. Caquet, fait en 1887
au nom de la Commission des Agriculteurs de France, chargée d'aller examiner les
travaux accomplis à cette époque. Les noms des de Laage de Meux, créateur du com-
merce des falourdes, des Timothée des Francs, prudent inspirateur du mélange du
pin sylvestre au pin maritime, des de Vibraye, des Tristan, des Rousseau, Banche-
reau, D. Cannon, Normand, de Larnage, Pépin Le Halleur et tant d’autres résonnent
encore à vos oreilles et disent assez haut la gloire de ces infatigables reboiseurs.
Honneur à eux, Messieurs !
Depuis, s'est-on arrêté? Le travail s'est-il ralenti? Non, grace à Dieu, il continue
sans relâche, et actuellement 80,000 hectares sont verdoyants et couverts de pins syl-
vestres ou maritimes, assurant une richesse nouvelle.
Ce chiffre de 80,000 hectares parle assez haut par lui-même pour que je n’aie pas
besoin d’insister sur la somme de travail, d'efforts, de sacrifices que tous, agents,
gardes, propriétaires, ouvriers planteurs ont consacrés à la reconstitution d’un pareil
domaine forestier, reconstitution qui a été, nous le reconnaissons avec gratitude, aidée
par l'administration subventionnant des pépinières nouvelles, en provoquant la création
dans le domaine privé et distribuant plus de 50 millions de plants en cinq ans.
Il n’est pas possible d'entrer ici dans le détail des opérations; 11 me suflit de constater
le résultat obtenu, résultat dont vous ne trouverez pas un exemple semblable ailleurs
en France.
Nous pouvons dire avec fierté que la Sologne , et sous ce titre j'entends le modeste
journalier aussi bien que le grand propriétaire, que la Sologne, dis-je, a bien mérité
de la patrie et contribué pour une large part à refaire la fortune de la France. Quels
trésors sortiraient du sol, si tous les terrains encore en friche subissaient même traite-
ment!
La Société des agriculteurs de France saisit avec bonheur cette solennité agricole
pour témoigner de nouveau sa sympathie, son admiration, je ne dirai pas ses encou-
ragements (ils n’en ont pas besoin), aux reboiseurs de Sologne. La section de sylvi-
culture aurait voulu décrire les méthodes employées, faire ressortir les enseignements
pratiques qui résultent de ces travaux, montrer l'accroissement de la population suivant
la prospérité forestière, dégager enfin le plus digne, le plus méritant. Etait-ce pos-
sible? Dans le bref délai mis à sa disposition, sans longues études sur les lieux mêmes,
pouvait-elle faire ce choix devant lequel ont reculé la Commission de 1886, le Jury de
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—#3( 184 es
la dernière Exposition universelle et le président du Comité central de la Sologne lui-
même; et qui, cependant, la connaît mieux que lui? Fallait-11 done se contenter d’atta-
cher une nouvelle récompense à la hampe du drapeau si noblement porté par les
reboiseurs solognols? On ne l'a pas cru davantage.
Aussi, aujourd'hui, la Société des Agriculteurs de France, tout en décernant une
médaille d’or aux reboisements de la Sologne en général, charge-t-elle son Comité cen-
tral agricole de nommer une commission locale qui, dans le délai d'un an, étudiera
les travaux accomplis dans le Loiret et le Loir-et-Cher et décernera cette médaille au
plus digne, au nom même de la Société des Agriculteurs de France.
L'œil du maître ne peut être présent partout et toujours: des auxiliaires sont indis-
pensables.
Si la Société récompense la tête qui dirige, elle ne peut ni ne veut oublier les
membres uliles et dévoués qui, dans une sphère plus modeste, contribuent par leur
précieux concours au succès de l’œuvre entreprise. Aussi accorde-t-elle au même Co-
mité une somme de 200 francs à distribuer aux gardes que des services exceptionnels
signaleront plus particulièrement à son attention. |
. La Commission instituée en Sologne pour remplir les intentions de Ja Société des
agriculteurs de France a rendu sa décision le 93 octobre 1892; voici quelles ont été
ses conclusions :
1° Médailles d’or ex æquo à MM. de Loynes d’Estrées et Banchereau, propriétaires
des terres de Villedart et des Aubiers.
> Médailles de vermeil ex æquo à MM. Baranger, pour ses propriétés de Chaumoni-
sur- Tharonne, et le baron d’Ailly, pour sa terre d’Alosse :
3° Médailles d'argent ex æquo à M. le vicomte d'Orléans, pour sa terre d'Ardeloup,
et à M. le vicomte de Durfort, pour sa terre des Mazeaux:
4° Prix en argent à MM. Pousse, Harang, Tourne, Chesneau, régisseurs et gardes.
PIÈCE N° 3.
Paris, 14 octobre 1890.
À M. Boucaro, ancien Inspecteur général des Foréts,
président du Comité central agricole de la Sologne.
Monsieur et cher Président,
Grâce à votre extrême obligeance, mes collègues, MM. Daubrée, directeur des Fo-
rêts, Révoil, chef de cabinet de M. le Ministre de l'agriculture, et moi, avons pu faire
une magnifique tournée en Sologne et voir beaucoup en peu de temps.
Nous devons, tout d’abord, vous remercier, ainsi que vos honorables collègues du
Comité central qui nous ont accueillis et nous ont montré leurs travaux avec tant
d'empressement. Je connaissais, pour ma part, de longue date, la cordiale hospitalité
qu'on reçoit en Sologne; j'ai pu constater que les bonnes traditions vont se continuant
dans ce beau pays; oui, je le répète, dans ce beau pays; car mes collègues et moi
B.
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ait Li à ‘Tite ci
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—#2( 485 )-e:-—
nous y avons trouvé tous les charmes de nos plus belles campagnes : des propriétaires
aimant leur pays, vivant dans leur terre, y conduisant eux-mêmes les travaux de mise
en valeur et d'amélioration, réunissant chez eux et autour d’eux tous les agréments de
la grande vie rurale. Nous y avons vu de magnifiques bois, parfaitement composés el
aménagés, admirablement découpés par des chemins d'exploitation bien tenus. Des
herbages où paissent'de beaux bestiaux, des terres assainies et cultivées d’après les
meilleures méthodes, appuyées par lemploi des engrais chimiques, y donnent des
résultats étonnants pour quiconque ne connaît la Sologne que par son ancienne répu-
tation, et n’a pas la juste notion de la valeur productive de son sol.
Nous nous attendions à voir partout les traces du +grand désastre» de 1879; mais,
comme les viticulteurs du Midi, les propriétaires de Ja Sologne ne se sont pas décou-
ragés; ils n’ont pas désespéré de leur pays, ils se sont mis vaillamment à l'œuvre.
Guidés par vos sages conseils, soutenus par vous, encouragés par l État, ils ont, en
moins de dix ans, reconstitué leurs bois, 1ls ont fait mentir l'antique proverbe, auquel
les éléments conjurés semblaient naguère vouloir donner raison : «Lande tu as été,
lande tu seras.»
Cette œuvre importante fait le plus grand honneur au Comité central qui a été le
moteur principal en Sologne, et aux hommes d'initiative et de dévouement qui ont
dirigé sa marche en avant. Elle vous fait bien honneur à vous, mon cher Président,
car nous avons pu juger, par l'hommage qui vous a élé rendu, combien votre concours
a été précieux lors du grand hiver de 1879-1880. Vous avez montré aux propriélaires
de la Sologne la voie à suivre pour réparer les désastres et assurer l'avenir!
Livrer à la culture arable les meilleures terres, faire des herbages dans les terres
fraiches ou susceptibles d'être’ arrosées, faire, dans le reste, des bois, en choisissant
les essences éprouvées, appropriées au sol et au climat, faire de l'assainissement par-
lout, faire des terres labourables, et dans les herbages et pâtures un large emploi des
engrais complémentaires, principalement de l'élément calcaire et de l'acide phospho-
rique, telle est la formule de progrès que le Comité central a inscrite dès le premier
jour en tête de ses annales et qui a toujours servi de guide à ses efforts.
La Sologne en recueille aujourd’hui les bons effets: sa population a augmenté de
50 p. 100: l'air est assaini, le pays est découpé de magnifiques routes; au lieu d’en-
fants à l'air hâve et chétif, on ne rencontre plus que garçons vigoureux et que fillettes
à joues roses et fraiches. .. La vieille Sologne n'existe plus! Les témoignages publics,
auxquels nous joignons notre modeste appréciation, montrent à la nouvelle Sologne
qu'elle a été bien guidée, qu’elle est dans une bonne voie, et qu’elle n’a qu'à continuer
pour recueillir gloire et profit, et pour tenir dignement sa place dans notre belle
patrie.
Pour vous, mon cher Président, encore une fois merci, et croyez à nos sentiments
d'affectueux attachement.
E. TisseranD.
—+>( 186 }eez—
DOCUMENTS NOUVEAUX
SUR LES QUALITÉS IGNIFUGES DES “OPUNTIA»,
PAR M. ROLAND GOSSELIN.
Monsieur le Secrétaire général, dans le Bulleun de la Société d’acch-
matation paru en février 1599, vous avez publié une lettre que je vous
écrivais, relative à l'incombustbilité des Opunta, et aux avantages offerts
par ce genre de plantes, pour arrêter les incendies de broussailles. Depuis
un an que Je m'occupe de cette question, J'ai constaté de toute part d’inté-
ressantes tentatives, dont les premiers résultats sont encourageants. Dans
la région du Sud-Ouest, il faut avant tout acclimater une espèce de taille
suflisante. Plusieurs rapports me donnent à espérer que l'Opuntia balearica
que j'ai distribué s’y comportera bien.
Le Ministère de la guerre a prescrit à la poudrerie de Saint-Médard-en-
Jalle (Gironde) de faire des plantations d'essai. Cet immense établisse-
ment, pour enclore ses bâtiments, aurait à former plusieurs kilomètres de
haies d'Opuntia.
Vous comprendrez facilement que, malgré mon empressement à offrir
tout ce dont je pouvais encore disposer, je n’aie pu satisfaire à de semblables
demandes de plantes. J'ai dû surtout envoyer des graines, permettant
de faire sûrement, mais plus lentement que par boutures, de solides bar-
rages.
Lorsque j'ai vu que l État sonpemit à tenter un essai de celte importance,
j'ai demandé à faire des expériences en présence de représentants du Mi-
nistère. Je me proposais de démontrer deux faits : d’abord, l’absolue in-
combustibilité des Opuntia soumis à un feu même violent; puis, la pos-
sibilité d'arrêter un fort incendie de broussailles par une haie d'Opuntia.
L’Administration de la guerre a ordonné que ces expériences auraient
lieu chez moi, en présence d’un officier attaché à la Direction d'artillerie
de Nice et de l'ingénieur en chef des Poudres et Salpêtres de Marseille,
tous deux chargés d’un rapport.
Voici ce qui a été fait :
J'avais fait établir un fort buisson d'Opuntia de 1 m. 50 de hauteur, de
diamètre égal, complètement isolé (A), et un peu plus loin, une haie de
quelques mètres de longueur, sur 1 m. 25 de hauteur et 80 centimètres
d'épaisseur (B ï
#2 ( 187 ).e3—
Les branches d’Opunta, solidement fichées en terre comme des bou-
tures, semblaient poussées sur place, et la nature était imitée aussi bien que
possible.
Le buisson avait été entouré d’une épaisse couche de matériaux secs,
paille, copeaux, branches de lentisques, et chaque côté de la haie était
aussi garni de la même manière.
Sur le tout, au dernier moment, j'ai fait répandre du pétrole en abon-
dance, pour augmenter l'intensité des flammes. Les Opuntia eux-mêmes
en avaient été arrosés.
/
4
Croquis montrant la disposition des Opuntia en buisson compact (A) ou en haïe (B), pour les
expériences faites chez M. Roland-Gosselin. Des matières sèches arrosées de pétrole sont ré-
pandues partout en 1 et 2.
Le feu a été allumé du côté du buisson. A trois reprises successives le
côté 1 a été recouvert de bottillons de paille pétrolée. Les flammes s’éle-
vaient à 3 mètres, enveloppant le buisson, mais les Opuntia ont merveil-
leusement résisté à celle rude épreuve. A peine si leur épiderme était
fané !
De même pour la haie. Le feu venait tourbillonner du côté 1, mais s’ar-
rêtait contre le premier rang de plantes, ne parvenant pas à atteindre le
côté 2, où était répandue la même quantité de matières sèches qu'en 1.
Si la haïe avait été enracinée, je suis certain que la végétation suivrait
son cours normal, sans dommage appréciable.
De cette expérience, qui a été poussée aussi loin qu'il est possible, par
l'accumulation et le renouvellement de matériaux pétrolés développant un
calorique considérable, voter ce qu'il est permis de conclure :
Aucun feu de broussailles ne peut avoir raison des Opuntia.
Une haie de ces plantes un peu épaisse et de hauteur suflisante arré-
tera les flammes à ses pieds.
—+>( 188 )63-—
Aucun feu naturel n'aura la violence de celui que j'ai fait allumer. I
n’y a donc aucun doute possible, de l'avis unanime des témoins de l'expé-
rience.
Dans la région méditerranéenne, en Algérie et dans nos colonies tro-
picales, Opuntia ficus indica, qui m’a servi ici de sujet d'expérience, semble
un des meilleurs à choisir. On peut, sans frais, en établir rapidement d’im-
menses plantations, l'espèce étant naturalisée un peu partout. Là où on
ne le trouverait pas, toute autre Sn à grand développement remplira
aussi bien le but proposé.
Certains Opuntia tuna, Re armés, seront même pour nos
ouvrages d'excellents moyens de défense accessoire, infranchissables aux
hommes les plus résolus, aussi bien qu'aux chevaux, et presque indestruc-
übles par l'artillerie. Les éclats de projectiles trouent les articles, peuvent
briser le tronc des plantes, mais l'Opunta reste sur place et les morceaux
en sont aussi peu abordables que la plante entière.
Dans les Landes bordelaises, les mêmes avantages d’incombustibilité
sont assurés à l’aide de l'espèce que les essais auront fait reconnaître assez
rustique pour supporter les hivers de cette région.
Dans l'Estérel, que le feu dévaste chaque été, le succès est certain ct
il est bien regrettable qu'on ne fasse aucune tentative pour se défendre
contre le fléau à l’aide d’Opuntia ficus indica. Tout le département du Var
et celui des Alpes-Maritimes sont remplis de spécimens de cette espèce,
qu'on peut multiplier sans aucuns frais.
J'ajouterai pour terminer que les fruits de l'Opuntia ficus indica, vulgai-
rement connus sous le nom de Figues de Barbarie, sont très bons à man-
ger frais. La confiserie de Grasse et de Nice les achète, et dans de vastes
plantations ils constitueraient un revenu à considérer.
Ces fruits peuvent être consommés dans les pays chauds, sans crainte
de troubles intestinaux. De plus, les fleurs séchées sont, paraitl, un re-
mède eflicace employées en infusion contre la dysenterie.
Vous savez aussi que les articles d’Opuntia constituent un bon fourrage
pour les bestiaux. [Il suffit d'exposer les plantes à un feu clair pour faire
disparaître les aiguillons.
Agréez, etc.
M. ce Présinent. L'ordre du Jour est épuisé.
M. Cranay. Je pense qu'il y aurait lieu de compléter un vœu émis ce
L
.
|
L
|
—#2( 489 )-:—
matin, relatif à; la protection des arbres grâce à la multiplication des so-
ciétés privées des «amis des arbres» et à l'instruction à donner dans les
écoles primaires.
Je crois qu'il y aurait mieux à faire.
Le public, en effet, n’a pu, Jusqu'icr, que s'adresser au dévouement
désintéressé des agents forestiers.
Il est certain que notre mission consiste non seulement à porter nos
efforts vers laccomphissement de nos devoirs envers l’État ou les communes,
mais encore à nous mêler au public pour lui montrer lintérêt quil a à
améliorer son bien conformément aux règles de 1a sylviculture.
Cela pourrait être réalisé par l’organisation de causeries familières dans
les cantonnements.
Je pense donc que, au point de vue international, on pourrait émettre
ce vœu :
«1° Que les agents forestiers se mettent en relation constante avec le
publie, de facon à l’éclairer, à lui faire comprendre lutihité et importance
des forêts et du reboisement des terres incultes;
«2° De faire donner, par les mêmes agents, des conférences ou des
causeries familières, destinées à atteindre le même but. et des consulta-
tions de nature à éclairer les particuliers et les administrateurs de biens
collectifs sur la manière la plus rationnelle de traiter les forêts, ou de boiser
les terres improductives, ou de faire des plantations isolées ou par bor-
dures dans les territoires agricoles". »
M. Bexarpeau fait observer que les agents forestiers donnent sans cesse
des consultations de ce genre.
M. Cramay répond que, dans sa pensée, 1l s'agirait de régulariser et de
multiplier ces conférences ou consultations en invitant, au besoin, les États
à allouer des indemnités spéciales de ce chef aux agents No désignés
pour celte mission.
M. Deconcze fait remarquer que ce vœu vient compléter un vœu émis
ce matin même; il considère, en conséquence, qu'il y a lieu de lappuyer.
Le projet de vœu est mis aux voix et adopté.
1) Ce projet de vœu a été adopté dans la séance générale du 7 juin.
4x 490 Yes
M. ce Présinent rappelle à la 2° section que M. Deloncle a donné lec-
ture d’un projet de vœu relatif à l'enseignement agricole dans la séance
précédente; 1l propose de mettre aux voix le projet de vœu. (Assentiment.)
Le projet de vœu est adopté)
M. Deroncre. Après les observations présentées ce matin par M. Puig
y Valls et M. Cacheux, 11 semble que la 2° section est désireuse d'émettre
un vœu en faveur de l'établissement d’une « Fête de l'arbre ».
I serait désirable, à ce point de vue, que la « Fête de l'arbre » soit célé-
brée le même jour dans tous les pays.
Le même jour, à la même heure, tous les enfants du monde civilisé
planteraient, comme ils plantent aux etre
Cette heureuse coutume existe, je le sais, non seulement aux États-
Unis, mais en Allemagne, en Suisse, en HE en Italie, en Espagne,
de même qu'elle est pratiquée en France par É sociétés dont M. Cacheux
et moi-même nous nous occupons, mais ellé n’a pas reçu la sanction offi-
cielle à laquelle doit tendre notre vœu.
Je propose donc à la 2° section le projet de vœu suivant?
«Le Congrès émet le vœu qu'il soit créé, dans chaque État, le deuxième
dimanche d'octobre une « Fête de l'arbre », analogue à celle qu existe aux
États-Unis, et qui sera consacrée par les élèves de écoles à planter des
arbres. »
J'ajoute que je vois dans cette proposition non seulement le symbole
de ce que les enfants devront plus tard à la sylviculture, mais aussi le
symbole d’un acte viril. (Applaudissements.)
Le souvenir de cet acte séra assurément gravé dans la mémoire de l’en-
fant, qui plus tard, revenu dans son pays, se plaira à considérer l'arbre
planté par lui-même et souffrira si cet arbre n’a pas vécu.
Je demande, pour ces motifs, l'intervention de l'État, intervention bien
modeste pour lui, sans, toutefois, chercher à en faire une obligation.
Loin de moi celte pensée, si elle devait engendrer une cause de discorde.
(Nouveaux applaudissements.)
M. Samros. À Athènes, nous nous eflorçons d'apprendre aux enfants à
amer les arbres.
Ce vœu a été modifié dans la séance générale du jeudi 7 juin 1900.
éd: ‘si
—#+2( HIT )e3—-
Nos eflorts n’ont pas été vains puisqu’aujourd’hui ils respectent les
arbres de nos promenades.
C’est par la vulgarisation de la science forestière que l'enfant apprendra
à aimer la nature, et cela est nécessaire surtout pour nous.
Je demande donc également que l’on étudie le mode le meïlleur d’édu-
cation des enfants, capable de les amener à aimer la nature.
M. Cannor. A ce point de vue, Je puis citer un exemple pris en Franche-
Comté.
Un instituteur, M. Mayet, a eu l’ingénieuse idée de former une petite
société scolaire, moyennant une infime cotisation de chacun de ses élèves.
Cette petite somme est employée à donner une oratification à l'enfant qui
plante le mieux, sous la direction de l’instituteur, dans le domaine com-
munal où 1l conduit ses élèves.
Voilà une forme possible de l'éducation.
Actuellement d’autres petites sociétés scolaires se sont ainsi formées dans
l'arrondissement de Saint-Claude, grâce aux encouragements de M. l'In-
specteur des Eaux et Forêts, M. Cochon.
M. Samios. On ne peut exiger de ces sociétés scolaires qu’elles se four-
nissent elles-mêmes des arbres nécessaires. Ce serait plutôt le rôle de F État.
M. Drrowee. Le rôle de l'État est, en eflet, d’être de plus en plus
l’'éducateur général. H doit donner le premier l'exemple, c’est-à-dire, en la
matière, favoriser les maires, les instituteurs, les forestiers qui auront pris
l'initiative de ces fêtes.
Comment? En fournissant les plants. Je ne dirai pas des subsides en
argent, car je suis éloigné d'approuver le principe qui consiste à donner
une rémunération à l’enfant.
I doit comprendre, sans lappät du gain, que son devoir est, non pas
de détruire, mais de planter.
Le projet de vœu présenté par M. Deloncle est adopté.
M. Deroweze. J'ai enfin à vous présenter un dernier projet de vœu.
Lorsque nous avons pris l'initiative de demander qu'un congrès de syl-
viculture fût tenu en France, nous n’avions pas le sentiment qu'il serait à
la fois le premier et le dernier.
Nous avons cherché seulement à grouper les sylviculteurs.
—#>( 492 )ees-—
Mais pourquoi ne nous retrouverions-nous pas chaque année et succes-
sivement dans les différentes capitales de l'Europe?
Je crois que ce vœu est dans l'esprit et le cœur de la plupart des mem-
bres du Congrès.
Nous obtiendrions ainsi, j'en suis persuadé, des résultats considérables
pour la cause que nous soutenons de tous nos efforts, tenant ainsi en haleine
les gouvernements et l'opinion publique. ( Applaudissements.)
En conséquence, la ° section adopte le vœu suivant :
« Qu'un congrès de sylviculture ait lieu chaque année dans lune des
capitales de l’Europe et que le prochain congrès ait lieu à Berne.»
M. ze Présipenr, sarox DE Rarsrecnr. Avant de lever la séance, per-
mettez-moi, Messieurs, de vous adresser tous mes remerciements pour
votre bienveillant accueil et la sympathie dont j'ai été l'objet. ( Vifs applau-
dissements.)
M. Cacueux. Je tiens à adresser, au nom de tous les membres de la
2° section, nos plus sincères remerciements à notre président, M. Deloncle.
( Nouveaux applaudissements.)
La séance est levée à 6 heures 1/2.
1) Ce vœu a été repris par l'assemblée générale et voté sous une autre forme.
- +3( 493 es —
SÉANCE DU JEUDI 7 JUIN 1900
(MATIN).
PRÉSIDENCE DE M. LE BARON DE RÆESFELDT.
La séance est ouverte à 11 heures.
M. Carvor, secrétaire, donne lecture du procès-verbal sommaire de la
précédente séance.
Le procès-verbal est adopté.
M. ze Présinenr. La parole est à M. Paul Vibert pour une communica-
tion relative au reboisement des Pyrénées.
M. Paul Viserr. Messieurs, je ne suis pas un spécialiste en matière
forestière; je ne suis qu'un modeste économiste, mais je vis dans les Pyré-
nées, je les aime comme vous aimez la forêt et la montagne, et j'ai promis
à mes amis pyrénéens de soumettre au Congrès de sylviculture deux vœux.
Le premier se rapporte à des phénomènes d’avalanches, qui se repro-
duisent chaque hiver plus ou moins régulièrement.
Cette question a été traitée en général, je le sais, dans des brochures
émanant des hommes les plus compétents, mais 11 est cependant des lois
que l’on ne songe pas à observer dans la nature.
Tel est le cas que j'ai l'honneur de vous exposer.
Il y a quelques années, au village d'Orme, une avalanche engloutit
d’un seul coup vingt-trois personnes. Un peu plus loin , dans l'Ariège, une
ferme est emportée en un instant par la descente d’une avalanche. Tels
sont les faits qui se reproduisent chaque année ayec plus ou moins d'inten-
sité, désastres qui proviennent uniquement d’un abus local facile à répri-
mer par un simple arrêté des maires ou des préfets.
En effet, dans un but intéressé facile à concevoir, les habitants de ces
petits villages, très pauvres, très misérables même, ont l'habitude de
mettre, chaque été, le feu aux genêts qui couvrent la montagne.
—#2( 494 yes
Le feu court; il ne reste plus alors qu'un squelette de broussailles et de
genêts desséchés, faciles à couper et à emporter. Cela constitue ainsi leur
approvisionnement de bois à brüler pour l'hiver.
Or il est reconnu que ces broussailles et genèêts coupent et arrêtent les
avalanches.
Les hameaux étant dégarnis au-dessus d'eux de cette broussaille pro-
tectrice, grâce à l'abus que je viens de signaler, les avalanches arrivent
avec toute leur force et c'est ainsi que nous avons à déplorer de trop fré-
quents malheurs.
I semblerait donc utile, à ce point de vue, d'adopter le projet de vœu
suivant :
+ Le Congrès international de sylviculture,
+ Considérant qu'il importe de protéger les villages, et généralement
toutes les habitations contre les avalanches de neige dans les Pyrénées,
émet le vœu :
+ Que les maires, et préfets au besoin, prennent des arrêtés interdisant
la destruction par le feu ou la coupe des genêts plantés au flanc de la
montagne, directement au-dessus desdits villages et dans les axes de
chute. »
Le second point que je désire vous soumettre présente un intérêt plus
général.
Lorsqu'on arrive à une altitude de 1,200 mètres ou de 1,400 mètres,
on ne trouve plus que des pins, et encore avons-nous beaucoup de som-
mets pyrénéens complètement dénudés.
Je n'ai pas à vous démontrer l'influence des forêts au point de vue mé-
téorologique, d’autres l'ont fait avec plus d'autorité que Je ne saurais en
avoir, mais il est certain que tout le monde est d'accord pour rechercher
les moyens efficaces de reboiser les sommets des hautes régions.
Dans ces dernières années, on a dépensé des sommes considérables
pour le reboisement des sommets pyrénéens; mais, que ce soit le fait des
pluies, des oiseaux ou de la sécheresse, toujours est-il que les graines cou-
lent, disparaissent et que les résultats obtenus sont déplorables.
Or on pourrait remédier à cet état de choses par un ensemencement
préparatoire.
En un mot, il s'agirait de favoriser la culture du rhododendron Jus-
qu'aux plus mere alütudes possibles.
Lorsque l’on aurait implanté cette couche, cette chevelure de he
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drons, recouvrant les hauts sommets, il suflirait un peu plus tard, cinq ou
six ans après, d'établir des tracés horizontaux, où l’on sèmerait régulière-
ment le pin, avec chance que les graines restassent dans ces sillons et v
germassent.
Je suis convaincu que cette méthode porterait ses fruits.
Si la »° section juge à propos d'émettre un vœu relatif à cette question
tout en insistant moins sur celui-c1 que sur le premier, car le fait ne me
paraît pas absolument démontré, je lui soumettrai le projet de vœu sul-
van :
« Le Congrès international de sylviculture ,
«Considérant qu'il importe à tous les points de vue économiques de
reboiser les Pyrénées dans les hautes altitudes, émet le vœu :
« Que l’on propage le rlododendron comme culture préparatoire aux
semis de pins qui, déposés dans des sillons horizontaux, seraient ainsi pro-
tégés contre le ravinage inévitable des pluies en terrain dénudé. »
M. Carpor, secrétaire. Je remercie, au nom de M. le Président et de
la 2° section, M. Vibert de son intéressante communication.
En ce qui concerne le premier vœu présenté par M. Vibert, je ferai ob-
server à la 2° section qu’elle a déjà adopté un vœu plus général, traitant de
la question des avalanches et dont le vœu actuel n’est qu'un cas parti-
culier.
Il ne me semble donc pas d’absolue nécessité de le mettre en discussion ;
d’ailleurs, l'expression de ce projet de vœu figurera au procès-verbal comme
complément à la pensée qui a présidé à l'adoption du vœu dont je viens de
parler. (Assentiment.)
Quant au deuxième projet de vœu présenté par M. Vibert, il vise un cas
trop particulier et un détail de restauration qui ne paraît pas pouvoir faire
l’objet d’un vœu à présenter au Congrès international.
M. Puic x Vaucs fait observer qu'il intéresse la région pyrénéenne de
l'Espagne.
La 2° section, consultée, décide qu'il n’y a pas lieu de présenter ce projet
de vœu à la séance générale, mais qu'il convient néanmoins d'en faire
mention dans le compte rendu.
M. Tessier. J'ai attendu que les travaux présentant un caractère d'intérêt
international soient terminés pour prier la 2° section d'entendre une très
—#3( 96 j63—
courte communication qui n'intéresse évidemment que la France, mais qui
ne suppose aucune sanction, ne soumet qu'une idée bonne à répandre dans
notre pays et que je serais heureux de voir figurer dans le compte rendu de
ces séances. (Assentiment.)
M. ce Présinexr. En conséquence je donne la parole à M. Tessier, sous
la réserve indiquée par lui-même.
M. Tessier. Le plus grand fleuve de notre France, celui dont le bassin
est le plus étendu et le plus riche, la Loire, voit chaque année son lit
s’ensabler et le régime de ses eaux se modifier dans le sens torrentiel.
Les montagnes granitiques du Plateau central, déboisées, s’effritent et
s’'émiettent en sable que les crues ligériennes entraînent et déposent dans
la partie inférieure du fleuve dont le lit s’exhausse avec une inquiétante ra-
pidité.
Les restes de villas romaines exhumées récemment sur ses bords sont à
plusieurs mètres au-dessous du niveau actuel.
Dans les vieilles églises romanes, parure artistique de gracieux villages
qui se mirent dans ses eaux, on descend déjà par plusieurs marches comme
dans une cave.
Au xvn siècle le danger était déjà né et actuel, puisqu'on fut obligé, pour
protéger les cultures de la vallée, de construire une levée.
Aujourd'hui, ce danger est de plus en plus grandissant et on parle de
surélever cette digue.
Bientôt, si on n’y veille, la Loire sera pour la France de l'Ouest aussi
menaçante que l'est le Pô pour la Haute-Italie.
Le remède à ce mal est là, à notre portée; ïl sufhrait de fixer par le re-
boisement tous les terrains granitiques en voie d’érosion.
Plus de sable enlevé aux montagnes du bassin supérieur, plus d’exhaus-
sement du lit dans le cours inférieur.
Les crues, faites d'eaux relativement claires, provoqueront au contraire
dans le thalweg inférieur un affouillement bienfaisant. Ÿ
Je voudrais voir se grouper toutes les initiatives, toutes les intelligences,
tous les intérêts particuliers, toutes les collectivités : communes, comices
agricoles, syndicats, depuis le Croisic jusqu’au sommet du Gerbier-des-
Jones, pour constituer une société puissante ayant pour but: la restauration
de la Loire.
Je demande que les forestiers reboiseurs ici présents s'unissent en un
AR mené À A.
—#3( 497 )ses—
comité de propagande destiné à jeter les bases de la constitution de cette
société.
M. Canpor. Cette pensée a déjà été mise en œuvre: la question de l’amé-
lioration de la Loire par le reboisement de son bassin supérieur fait l’objet
de négociations actives auprès des conseils généraux intéressés, et dont
M. Audiffred, député, est l’un des promoteurs.
M. Leoper. Le conseil général de la Loire-[nférieure a émis un vœu en
ce sens; le souhait de M. Tessier, de voir les collectivités se grouper depuis
la pointe du Croisic jusqu’au Gerbier-des-Joncs. n’est donc pas loin de se
réaliser.
M. Tessier. H reste alors à un comité de propagande le soin de grouper
ces efforts convergents.
M. Servier appelle l’attention de la section sur l'utilité de présenter un
vœu tendant à ce que la loi sur le dégrèvement des terrains reboisés en
montagne et en plaine pendant 30 ans soit appliquée par l'Administration
des contributions directes, qui souvent oppose aux justes réclamations des
intéressés une fin de non-recevoir absolue.
M. Canvor fait observer que la proposition ne semble pas présenter un
caractère assez général pour pouvoir être soumise à l’assemblée du Congrès
international, mais que mention pourra être faite de ce vœu dans le pro-
cès-verbal. (Assentiment.)
M. Le Présinexr. Les travaux de la 2° section étant terminés, la séance
est levée.
La séance est levée à 11 h. 50.
[4
SYLYICCLTURE,.
-—+2( 198 es
DEUXIÈME SECTION.
Annexe N° 1.
LA FORÊT ET LE DANGER DES INONDATIONS,
PAR BERNARD-ALEXANDRE BARGMANN.
è ANALYSE D’UNE NOTE EN LANGUE ALLEMANDE
ENVOYÉE PAR L'AUTEUR.
Les inondations qui se produisent tous les ans en Allemagne avec plus de violence,
causant des pertes de plus en plus grandes en hommes et en argent, donnent un
intérêt puissant à cette question : Quel est le rôle de la forêt au point de vue du
danger des inondations ?»
Lorsqu'on se trouve sur le sommet d’une montagne boisée, au commencement d'un
orage ou au moment d'une dépression barométrique, — et surtout lorsqu'on a devant
soi, dans la direction du sud-ouest, une vaste plaine, — on peut souvent constater
que la montagne s'oppose au passage du courant d'air, et qu’elle l'oblige à monter
vers les couches d’air supérieures. La masse d'air, refroidie dans son mouvement d’as-
cension , laisse échapper une partie de sa vapeur d’eau. Celle-ci se condense et apparaît
sous forme de brouillard ou de nuage dans l'air jusqu'alors transparent,
l'est admis d'ailleurs, aujourd'hui, qu'il faut toujours un mouvement ascensionnel
d'air renfermant de la vapeur d’eau pour qu'il y ait formation de pluie. La montée
produit une dilatation qui a pour conséquence une baisse de la température des masses
d'air ascendantes. Le refroidissement amène une augmentation progressive du degré
d'humidité et lorsque, à une certaine hauteur, la masse arrive à saturation, la vapeur
d'eau se condense en gouttelettes qui deviennent finalement si grosses et si lourdes
qu'elles tombent en «pluie» sur le sol.
Les montagnes provoquent donc, en général, une augmentation de la fréquence
des pluies, par ce fait qu’elles opposent une résistance à la marche des courants et les
obligent à pénétrer dans des couches d'air plus élevées et plus froides. La condensation
de la vapeur d'eau se produit alors, soit par le mélange de masses d'air présentant des
tempéralures inégales ou des degrés différents d'humidité, soit par la dilatation et,
par suite, le refroidissement des masses ascendantes. C’est pour celle raison que les
localités situées du côté du vent par rapport à la montagne, recoivent des pluies fré-
quentes, tandis que celles placées +à l'ombre du vent» manquent souvent de pluie.
—#2( 199 )ees—
Mais les montagnes boisées ; seules, augmentent la fréquence des pluies.
L'influence considérable des forêts sur les pluies a été reconnue et constalée scienti-
fiquement, notamment par Dove, Berghaus, Brun, Blanqui, Ebermayer, Graham ,
Marchand, Meldrum, Marte, Surell, Graeger, Milne, Home, Clavé et Boussin-
gault.
Les forêts, comme les massifs montagneux, donnent naissance à de fréquentes dé-
pressions atmosphériques. Comme eux , elles arrêtent les vents et provoquent le mélange
de masses d’air portées à des degrés inégaux de température et d'humidité, Les masses
d'air qui environnent les terrains non boisés et celles que contient la forêt se trouvent,
en effet, dans des conditions différentes au point de vue de la température et de l'état
hygrométrique, car le soleil ne parvient pas directement sur le sol de la forêt et l'éva-
poration, à la surface de la terre, y est moindre. En outre, tous les courants ne
pénètrent pas dans la forêt, car chaque tige d'arbre constitue un obstacle qui modifie
sa direction et diminue sa force : aussi le sol de la forêt se dessèche-t-il moins vite que
celui des terrains non boisés. D'autre part, les masses d'air situées au-dessus de la forêt
sont plus humides que celles avoisinantes, car le sol et les feuilles abandonnent peu à
peu 30 à 50 p. 100 de l’eau de pluie dont ils sont restés imprégnés.
Des expériences très intéressantes ont été faites en Allemagne et en Autriche sur le
climat des forêts. Elles ont eu lieu, en Allemagne, dans des stations météorologiques
parallèles, c'est-à-dire établies à quelques centaines de mètres de Ja lisière de la forêt,
les unes sous bois, les autres en plaine. En Autriche, on s’est servi de stations rayon-
nantes, c’est-à-dire installées à des distances variables autour d’une station principale
placée au milieu d’une grande forêt.
I! résulte de ces expériences que l'humidité absolue de l'air est sensiblement la même
hors forêt qu'en forêt. Quant à l'humidité relative (c'est-à-dire au degré de saturation de
l'air), elle dépend évidemment de la température. On a trouvé des différences notables
_de température entre les masses d’air de la forêt et celles situées hors forêt. La tempé-
rature est notamment plus basse sous bois, pendant le jour, qu'à l'air libre.
Les forêts et les montagnes boisées peuvent donc provoquer une chute de pluie, non
seulement parce qu'elles peuvent forcer les courants d’air à se déplacer vers des couches
plus froides, mais encore parce qu'elles peuvent être par elles-mêmes une cause de
refroidissement des courants. Les montagnes non boisées sont dépourvues, au contraire,
de cette dernière faculté. Fortement échauffées par les vents de l’est et du sud-est, elles
n'ont pas ce pouvoir de refroidissement et n’ont pas une influence prédominante sur la
formation des pluies.
Mais comment celte augmentation de la fréquence des pluies éloigne-t-elle le danger
des inondations ?
Pour s'en rendre compte, il faut se souvenir que la vapeur d'eau qui sert à la for-
mation des pluies n'est produite qu’en faible partie sur place et qu'elle est amenée,
surtout en Allemagne, par les courants équatoriaux de l'ouest et du sud-ouest. Cette
vapeur se condense en pluie soit parce que les courants se refroidissent en montant vers
le nord, soit parce qu'ils rencontrent des vents d’est et du nord-est, soit sous l'influence,
précédemment indiquée, des forêts et des montagnes. Mais, comme en général le sol
est trop chaud, en été, pour que les courants équatoriaux se refraidissent en se di-
rigeant vers le nord, on se trouve seulement en présence des deux derniers effets. Il en
résulte que, dans les régions dépourvues de montagnes boisées ou de forêts, des quan-
32.
—#>( 500 )ee3-—
tités énormes de vapeur d’eau pourront s’accumuler et que la transformation de cette
vapeur, au lieu de se faire en plusieurs fois comme dans les régions boisées, se fera
d'un seul coup (lorsque les vents d'ouest et du sud-ouest rencontreront ceux de l’est
et du nord) et déversera subitement des quantités considérables d’eau sur le sol.
La forêt agit donc comme un réoulateur et elle constitue, à ce titre, une protection
contre les inondations.
Mais son rôle ne se borne pas à celui-là ; grâce à elle, en effet, une partie importante
des eaux de pluie est employée à la création et à l'alimentation des sources.
On a cru longtemps que les sources étaient le produit d’une distillation: on a sup-
posé ensuite que les eaux de sources montaient jusqu'à la surface du sol par capillarité :
mais on sait aujourd'hui que la formation des sources obéit à des lois hydrostatiques.
L'eau pénètre dans le sol par l'effet de sa pesanteur. Lorsqu'elle rencontre une couche
rocheuse horizontale ou oblique, il se crée une source et cette création est grandement
favorisée par la forêt, car la forêt ralentit l'évaporation et l'écoulement des eaux de
pluie, augmentant ainsi d'autant les chances d'infiltration dans le sol.
On a pu constater souvent, d’ailleurs, que des défrichements ont eu pour consé-
quence une disparition des sources. M. Grebe, conseiller forestier à Eisenach, a cité
beaucoup d'exemples de ce cas au Congrès forestier allemand tenu à Eisenach en 1876,
et l’auteur lui-même a vu se tarir deux sources dans la vallée de Saint-Amarin (Alsace),
après l'exploitation de coupes situées au-dessus d'elles.
Enfin la forêt intervient encore, au point de vue du régime des eaux, comme un ré-
gulateur de leur écoulement. Elle s'oppose en effet par son feuillage, par ses tiges,
par sa couverture, à leur écoulement direct et brutal.
Le rôle de la forêt est donc triple. Au-dessus de terre elle agit comme distllateur et
régulateur des pluies; sous terre comme créateur de sources: et à la surface comme
éponge ou manteau de pluie.
H ressort des chiffres cités par l'auteur, — chiffres basés sur les expériences de
Dumas et sur les observations faites de 1890 à 1894 dans seize stations météoro-
logiques de la Haute-Alsace, — que les masses d'eau qui envahissent les terres au
moment des inondations sont moins considérables qu'on ne pourrait le croire, et 1l
estime qu'on peut arriver à se défendre contre elles; mais, à son avis, les travaux
qu ‘on effectue habituellement dans la partie inférieure du bassin des fleuves et des ri-
vières (régularisation, augmentation de la profondeur du lit, élargissement, création
de bassins, de canaux de délire. etc. ), sont certainement insuffisants. Il faut prendre
le mal à sa racine. Il faut empêcher les eaux de descendre trop rapidement les pentes
des montagnes. Pour cela on les retiendra par des fossés horizontaux et par des bar-
rages : on créera des lacs artificiels; on s'opposera à un écoulement rapide des sources;
on laissera les chemins escarpés sans fossés bordiers: on installera au contraire, sur
la chaussée, des revers d’eau qui aboutiront, de chaque côté, à des fossés Lotb RO
En forêt on se servira des laies, des chemins de schlitte, des chemins creux pour di-
minuer la rapidité d'écoulement des eaux. On laissera les sources à découvert et on les
emploiera à la formation d'étangs dont les eaux pourront être utilisées dans la vallée.
Mais tous ces moyens sont secondaires, Le remède primordial contre les inondations ,
c'est la conservation des forêts.
Les dégâts causés par les inondations en Provence et en Dauphiné et, plus tard,
dans les Alpes suisses par suite de la destruction irréfléchie de forêts démontrent que
Ca
—#2( D01 )ees-—
cette destruction est un crime. Elle a les conséquences les plus dangereuses, non seu-
lement pour les habitants qui vivent dans son voisinage, mais même pour tous ceux
d'un même bassin.
On n'a certes pas à redouter des déboisements aussi calamiteux en Allemagne ;
cependant on laisse aux propriétaires particuliers, en matière d'exploitation et de dé-
frichement , une liberté beaucoup trop grande, surtout si l’on considère que Lo p.100
des forêts appartiennent à des particuliers.
En Alsace-Lorraine les lois de 1860 et de 1864, dues à l'initiative de Napoléon TT,
rendent des services appréciables, I conviendrait d'adopter des mesures analogues pour
toute l'Allemagne. H faudrait même les rendre internationales.
Rossmässler, professeur à l'Académie forestière de Tharand de 1830 à 1849 avait
déjà reconnu cette nécessité. I demandait la réunion d’un congrès international dont
il conduirait les membres sur le sommei d'une montagne. De là, il leur montrerait la
masse imposante des foréts allemandes, et, si ce spectacle ne suffisait à leur faire com-
prendre le rôle considérable et salutaire des forêts, il supplierait Jupiter Pluvius de
déverser pendant un jour entier le contenu de son urne sur la terre. Ils verraient
alors le sol de la forêt se gorger d'eau de pluie, tandis que les fleuves des vallées ne
recevraient que son trop-plein. [ls se transporteraient alors dans le sud de la France, et
Ja ils verraient, au contraire, les eaux se précipiter sur les pentes nues et ravinées des
montagnes, et arriver en masses énormes dans le fond des vallées. On comprendrait
alors l'importance internationale des forêts et comment les Hollandais, par exemple,
peuvent souffrir d'abus d'exploitations ou de défrichements commis dans le duché de
Bade et en Suisse.
L'auteur termine son intéressante notice en exprimant le vœu qu'une loi interna-
tionale vienne bientôt protéger les forêts et spécialement les forêts situées en montagne.
TROISIÈME SECTION.
SÉANCE DU MARDI 5 JUIN 1900
(MATIN).
PRÉSIDENCE DE M. PAUL CHARPENTIER.
La séance est ouverte à 10 heures et demie du matin.
M. Le Présmenr. Messieurs, la troisième section doit commencer, d’après
son ordre du jour, par procéder à la constitution de son bureau; je crois
devoir lui rappeler que la Commission d'organisation se composait de
M. Paul Charpentier, président, Joulie, vice-président, et Thézard, secré-
taire.
M. Pacès. [ me paraît alors que le meilleur parti à prendre est de
maintenir en fonctions les membres de ce bureau qui sont au courant de
toutes les questions que nous avons à examiner.
La proposition de M. Pagès est adoptée.
L'assemblée désigne ensuite M. le docteur Rudolf Weber, professeur
à l'Université de Munich, pour représenter, comme vice-président, les
membres étrangers.
M. ce Présinenr. Je remercie l'assemblée, au nom des membres du bu-
reau, de l'honneur qu'elle nous fait et je puis l’assurer que nous nous
efforcerons de nous en rendre dignes.
L'un des membres de la section, M. Pagès, craignant de ne pouvoir
assister aux séances ultérieures, demande à présenter immédiatement
quelques observations sur une question qui n’est pas à l'ordre du jour; il
s'agit de emploi du méthylène comme dénaturant. Si personne ne s’y op-
pose, je donnerai la parole à M, Pagès. (Marques d'assentiment.)
—4#n( 504 }es—
M. Pacs. Je viens vous entretenir, Messieurs, de l'alcool. Peut-être.
tout d’abord, trouverez-vous étrange que mes observations sur ce sujet se
présentent à propos de la question des bois; mais je vous rappellerai im-
médiatement que l'alcool de bois ou alcool méthylique tient une très grande
place dans le développement de notre richesse forestière.
Il existe actucllement en France environ quarante usines qui, par la
distillation en vases clos, produisent le méthylène. Or sous savez que la
régie française ayant à protéger contre la fraude les droits très élevés qui
frappent l'alcool, s’est adressée à des savants qui, après de longues études,
après des expériences prolongées, ont estimé que le méthylène était Le produit
qui, mélangé à l'alcool, empêchait le plus sûrement de reconstituer celui- .
ci à l’état pur, les deux produits ayant des points de distillation très voisins.
C’est donc le méthylène qui garantit le mieux les intérêts du Trésor; de là
l'importance qu'il a prise durant ces dernières années.
Mais, depuis environ deux ans, les sucriers et les betteraviers du Nord
et du Pas-de-Calais ont entamé une campagne pour obtenir la diminution
de la proportion de méthylène employé à la dénaturation de l'alcool destiné
au chauffage, à l'éclairage, à la fabrication des couleurs et des vernis. Ils
ont même été plus loin et ils ont demandé de supprimer le méthylène
comme dénaturant et de le remplacer par de l'huile de suint, produit que
l'on obtient par le lavage des laines, et auquel on a donné le nom un peu
barbare d’éthyl-méthyl-cétone; 1l a été découvert par deux savants profes-
seurs de Lille, Messieurs Buisine, et 1l a été lancé par un député, grand
industriel de ja région, M. Motte.
La Commission qui fonctionne au Ministère des finances et qui s'occupe
de la question des dénaturants, a dû étudier ce nouveau produit que l'on
voulait substituer au méthylène. Des expériences ont été faites, mais elles
n’ont pas donné les résultats que certains en espéraient et la Commission
a décidé de conserver le méthylène comme dénaturant ofliciel.
Les députés du Nord et du Pas-de-Calais avaient aussi saisi la Chambre
des députés de la question; mais ils furent encore battus.
I s’agit là, Messieurs, d’un intérêt de premier ordre au point de vue
forestier; les usines qui fabriquent le méthylène sont répandues sur toute
Ja surface de la France; elles emploient comme ouvriers, comme büche-
rons, comme charretiers, plus de cent mille personnes; elles permettent
d’ employer des bois qui n’auraient pas d'autre utilisation pus et font
vivre de très nombreuses familles.
Supprimez le méthylène et vous ruinerez un grand nombre de départe-
—#3( 505 )ees-—
ments parmi lesquels on peut citer tout particulièrement lYonne, la
Nièvre, le Saône-et-Loire, qui forment ce massif forestier connu sous le nom
de Haut et Bas-Morvan.
Pour exploiter ce massif dépourvu de chemins de fer et de routes, on
se sert des cours d’eau par le système des bûches perdues. Il y a bien
longtemps que dure cette industrie, car on trouve des édits de 1315 qui
reconnaissent une société de flottage spécialement constituée pour assurer
le chauffage de Paris.
Dans le Morvan comme aussi dans le Jura et la Haute-Saône, ce sont les
fabriques de méthylène qui font vivre l’industrie forestière.
C’est pourquoi, Messieurs, tenant compte à la fois des intérêts des fo-
rêts et des intérêts du Trésor, je viens vous proposer d'émettre un vœu en
faveur du maintien du méthylène comme dénaturant, puisqu'il répond à
la fois aux exigences de la science et de la pratique.
Pour le fabriquer, on se sert surtout des hêtres, des chênes, des char-
mes. Ces arbres, quand ils ont environ vingt-deux ans, forment de petits
taïllis très serrés, que lon ne peut employer ni comme charpentes pour la
construction des maisons, ni pour celle des navires, n1 pour les traverses
des chemins de fer, ni pour les poteaux de mines; on les utilise done au
moyen de la distillation. F
J'ajouterai une autre considération. Vous savez comme moi, Messieurs,
que les charbons de bois fabriqués dans les forêts disparaissent de plus en
plus de la consommation ; les usines de méthylène emploient les bois qui
ne servent plus à fabriquer du charbon, donnant ainsi une heureuse com-
pensation aux propriétaires forestiers.
M. Daubrée a d’ailleurs entre les mains une carte de France où toutes
les régions intéressées au maintien du méthylène comme dénaturant sont
teintées en vert. |
Vous y verrez les départements des Ardennes, du Nord, de la plus
grande partie de la Normandie et de la Bretagne, de ceux des Pyrénées,
de la Nièvre, de l'Yonne, de Saône-et-Loire, du Jura, du Doubs, des
Bouches-du-Rhône, du Vaucluse, du Haut-Rhin, le Lyonnais, etc.
I s’agit donc, Messieurs, je le répète, d’une industrie qui fait vivre
plus de cent mille ouvriers et qui rend d'immenses services à l'humanité;
elle a produit, en effet, la créosote, le gayacol, les couleurs d’aniline.
Il y a une corrélation évidente entre les deux côtés chimique et forestier
de la question qui intéresse autant les pays étrangers que la France.
Je m'excuse, Messieurs, d’avoir retenu si longtemps votre attention;
—+2( 506 es —
mais le sujet est important et je suis certain que vous n’hésiterez pas à
émettre un vœu en faveur du maintien du méthylène comme dénaturant
officiel dans les différents pays d'Europe qui emploient actuellement.
Le vœu proposé par M. Pagès est mis aux voix et adopté.
M. ze Présinenr. M. Demorlaine a présenté une notice sur le quarrimètre;
Je lui donne la parole pour expliquer lutihité et l'usage de cet instru-
ment.
M. Demorrae. Personne de vous n'ignore, Messieurs, que le pin est la
richesse forestière des Landes; il y a remplacé toutes les autres cultures et
la production de la résine dans cette région s’est si bien développée que
nous avons pu concurrencer d'une facon sérieuse la production américaine
sur les marchés étrangers.
Mais, d’un autre côté, les pins sont devenus, comme bois, l'objet d’une
exportation considérable; les Anglais viennent en acheter de grandes quan-
tités pour les employer comme poteaux dans les mines.
Le problème qui se pose est donc celui-c1 : exploiter l'arbre au point de
vue de la production de la résine de manière à lui conserver sa valeur
comme bois.
Malheureusement 1l arrive que les résiniers, croyant obtenir des produits
plus abondants, creusent à la résine des sillons trop larges ou trop pro-
fonds. Or la quarre, c’est le terme forestier, intelligemment comprise,
doit être proportionnée au diamètre du pin exploité; aller, par suite, en
diminuant, à mesure qu'elle s’avance le long de l'arbre qu'elle en-
taille.
Elle ne doit jamais être trop profonde; la résine, en eflet, s'écoule sur-
tout de canaux situés dans la partie vivante du bois, immédiatement au-
dessous du liber. Si l'on entaille plus profondément le pin, c'est au détriment
de la vigueur et du développement de l'arbre, de l'accroissement du bois,
sans profit cependant pour la production de résine puisque l’ouvrier a dé-
passé la couche qui la produit en plus grande abondance.
Il conviendrait donc de régler l'exploitation de façon à obtenir une pro-
duction régulière de la résine et du bois et, pour cela, 1l suflit de détermi-
ner d’une façon normale et raisonnée l’entaille de la quarre : il faut, pour
cela, limiter à la fois la largeur et définir la longueur de la quarre pour
toutes les hauteurs de pins auxquelles elle peut être pratiquée.
Dans les forêts domaniales des Landes. l’Admimistration forestière a dé-
Re
PONTS PR
{
|
|
4
—4#2( 507 )e3—
terminé ces limites par le cahier des clauses spéciales du 4 avril 1894 où
je trouve les indications suivantes :
« Pour les pins gemmés à vie (au-dessus de 1 m. 10 de circonférence) la
quarre aura, la première année, une LEE de om.65; chacune des trois
années suivantes, 0 m. 75, et, la cinquième année, 80 centimètres, de façon
que la hauteur totale de la quarre soit de 3 m. 70.
« La largeur de la quarre ne pourra excéder 9 centimètre dans la partie
inférieure de l'arbre et 8 centimètres dans la partie supérieure, c’est-à-dire
au-dessus de la hauteur de la quarre de la troisième année (2 m. 90 à
partir du sol).
« La profondeur ne pourra excéder 1 centimètre, mesure prise sous corde
tendue d’un bout à l’autre de l’entaille, à la naissance inférieure de la par-
tie rouge de l'écorce. »
J'ajoute qu'à mon avis, la profondeur de la quarre, pour un arbre de
1 mètre à 1 m. 10 de circonférence, ne doit pas dépasser 1 centimètre au
maximum ; sa largeur, proportionnée aux différentes hauteurs de la partie
entaillée, doit osciller entre les dimensions suivantes :
A4 One due eus PA ARE A LT EP 0,09
PONS GE TA MAÉ UATS S Ra le à Lee MuPate Lie 0,08
PROS CID LS En RE NT AN AE le den en e . 0,07
LE MA rte le Eee ni D ET ne ON PR CURE EURGR STRELT EUR ES 0,06
Sa hauteur ne devrait pas dépasser 3 mètres.
Il est urgent, pour augmenter la double production de la résine et du
bois, de généraliser l'application de ces dimensions; il s’agit d’un intérêt
national lésé par des gaspillages trop fréquents.
Mais 1] convient de remarquer qu'il n’est pas très aisé d'arriver à tailler
habilement du premier coup un pin, d'autant plus que l’on emploie aujour-
d'hui pour aller plus vite des instruments très tranchants, appelés rasclefs,
au lieu de l’ancien habchot et que le travail se fait actuellement en se te-
nant au pied de l'arbre, au lieu de monter le long de l'arbre; cette manière
de faire a le défaut, si l'on n’y prend pas bien garde, de creuser l'arbre
d’une façon exagérée.
Il est donc indispensable que le propriétaire surveille ses ouvriers et sur-
tout qu'il puisse les contrôler; c'est dans le but de leur permettre ce con-
trôle que J'ai imaginé, au cours de mes tournées dans les Landes, un petit
appareil permettant de déterminer à la fois et aussi nettement que possible
les deux dimensions d’une quarre (largeur et profondeur ).
se Dee
Cet appareil, auquel J'ai donné le nom de quarrimètre, est exposé dans
le Pavillon des Forêts.
H se compose d’une règle graduée en millimètres, formée de deux lames
d'acier laissant entre elles un certain intervalle et réunies à leurs extrémités
par deux masselottes en cuivre. L'une d'elles porte à sa partie inférieure
une pointe d'acier. Entre les lames de la règle graduée, peuvent cireuler
deux curseurs que deux vis permettent de rendre fixes sur la règle graduée.
Le premier de ces curseurs porte, comme la masselotte, une pointe d'acier
à sa partie inférieure; il est muni, en outre, sur son côté d’un repère qui
se déplace en même temps que lui sur la partie graduée de la règle; le se-
cond curseur présente les mêmes dispositions; en outre, la première vis,
creuse à sa parie inférieure, est traversée par une tige filetée qui pent être
actionnée par un bouton.
Cette tige porte, gravés à sa partie inférieure , des traits hélicoïdaux dont
le pas est exactement d'un millimètre. Perpendiculairement à ces traits
en ont été gravés deux autres, d’inégale longueur, qui, venant se placer en
regard d'un repère vertical placé sur le curseur, indiquent que la vis a
tourné d’un nombre entier de millimètres ou de demi-millimètres. suivant
la longueur du trait vertical qui vient se placer devant le repère.
Cet instrument permet de déterminer avec la plus grande facilité la lar-
geur et la profondeur d'une quarre.
J'espère, Messieurs, avoir fait partager ma conviction par l’Assemblée
et je la prie d'émettre un vœu tendant à ce que l’on fasse respecter par tous
les moyens possibles, par les résiniers, les dimensions prescrites par l’Admi-
nistration des Forêts, pour les quarres, dans le document dont je vous ai
donné lecture il y a quelques instants.
Le vœu proposé par M. Demorlaine est mis aux voix et adopté.
if hé sbé émet. mi
smith mms Dé st ot Sd
CS ES RUE PO PU
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=
—+3( 909 )e3——
SÉANCE DU MARDI 5 JUIN 1900.
(SOIR.)
PRÉSIDENCE DE M. PAUL CHARPENTIER.
La séance est suspendue à 11 heures 10: elle est reprise à 2 heures et
demie.
M. ze Présinenr. Nous avons recu, Messieurs, de M. Reynard, inspec-
teur des Eaux et Forêts à Bastia, un mémoire sur le cubage mental des
chênes. Je l'ai communiqué à plusieurs membres de la section, mais aucun
d’eux n’a voulu prendre sur lui de venir ici développer des théories fort
abstraites, fondées sur des principes qu'il serait tout au moins nécessaire
d'expliquer et de démontrer au tableau.
Dans ces conditions, la section ne peut qu'exprimer le regret que
M. Reynard n’ait pu venir lui-même exposer ses idées et indiquer ses ar-
guments, et passe à l’ordre du jour.
M. E. Juccrex donne lecture d’un rapport sur les travaux envoyés au
Congrès par M. Anrran :
M. A. Adrian, à Blamont (Meurthe-et-Moselle), a présenté un volume
ayant pour titre Barème forestier!"
Il a publié ce travail dans le but de propager l'usage général du système
métrique en ce qui concerne les bois.
En outre des explications relatives aux divers modes de cuber les bois
en grumes et équarris, ce volume contient :
Les calculs faits du cubage des bois en grume de 0 m. 06 à 3 mètres
de circonférence, de centimètre en centimètre, sur la longueur de o m. 25
en o m. 25 à 16 mètres, au volume réel et avec conversion au quart de
la circonférence ou au cinquième, sixième, dixième déduit ;
3) Barème forestier, À. Anrtax, 5° édition. En vente chez l’auteur À. Adrian, à Blamont
(Meurthe-et-Moselle) et chez les libraires.
—#>( 510 ).es-
Les calculs faits du cubage des bois en grume de o m. 05 à 1 mètre
de diamètre, de centimètre en centimètre, sur la longueur de o m. 25 en
o m. 25 à 16 mètres, au volume réel et avec conversion au quart du dia-
mètre ou au cinquième, sixième, dixième déduit ;
La conversion des cubes métriques en solives ou celles-ci en cubes mé-
triques, ou au quart, cinquième, sixième, dixième ;
L'évaluation des grumes en sciage et bois de chauffage:
Les calculs faits de bois équarris de o m. 05 à o m. 50 sur 1 mètre
de côté de o m. 25 à 20 mètres de longueur:
Les tableaux de bois équarris qu'on peut retirer d’une pièce ronde, à
vive arêle, ou au quart de la circonférence, ou échantillonnée;
Les modes d'estimation des bois en général sur pied, d’après mesures
à 1 m. bo du sol;
Les calculs faits, spécialement pour les sapins sur pied;
* Les calculs faits, spécialement pour les chênes ou autres sur pied;
‘évaluation-au volume réel et en planches des sapins sur pied mesurés
à 1 m. bo du sol;
Le rendement en planches diverses et chons d’une tronce de A mètres,
d’après mesures au petit bout:
Les calculs faits, de conversion du volume réel, au quart de la circon-
férence ou du diamètre, ou au cinquième, sixième, dixième déduit.
Î a aussi joint une brochure (" comprenant les dessins de détail du débi-
tage des bois de sapins pour ensuite établir le rendement par arbre entier
et celu! du mètre cube de bois brut.
M. ve Présipenr. J'ai reçu, Messieurs, la lettre suivante que je crois
devoir vous communiquer :
« Monsieur le Président,
«Quoique je me fusse préparé pour participer aux travaux du Congrès,
Je me trouve empêché, au dernier moment, d'exécuter ce projet.
+ Maintenant je viens vous prier d’avoir la bonté d'offrir à la Section HI
de notre congrès mon pelit travail cr-inelus. Probablement la section aura
envie de discuter ma proposition et de prendre une conclusion pour le
Congrès.
«Soyez assuré, mon honorable président, que je suis fort désappointé
4 Débitage des sapins, par A. Anmax, à Blamont (Meurthe-et-Moselle).
EL es
de ne pouvoir assister à notre congrès, parce que j'en attendais un choc
des opinions qui fait du bon à notre métier si beau.
« Agréez, etc.
« Van SCHERMBECK. »
M. ze Secrétaire donne lecture du rapport de M. Van Schermbeck,
houtveiter des domaines de l’État, à Ginneken-Breda (Pays-Bas).
Ce rapport est ainsi conçu :
Honorable Président,
Messieurs,
Si j'ai la hardiesse de fixer pour quelques moments votre attention sur
un thème qui n'attire pas encore la plupart de nos collègues en fonctions,
savoir la recherche du sol, c'est à cause de ma conviction pendant les
douze dernières années de ma pratique forestière dans la plaine du nord-
ouest de l'Europe.
C’est elle qui me dit que le sol est le moyen productif de notre métier,
qui peut réagir sous l'influence de notre technique. L'inséparabilité du sol
et du peuplement dans le métier forestier, fait réagir énergiquement le
sol sur le traitement du peuplement, mais aussi un correctif du sol, ap-
pliqué au juste moment, est capable de faire fraichir un peuplement en
malaise.
Après avoir consacré mes forces à la forêt de l'État à Java pendant
presque treize années, une maladie chronique me força de changer de
champ de travail et d'observation, mais, heureusement, non de métier.
Du moins, je suis encore fort reconnaissant d’avoir eu l’occasion d'étudier
la nature dans l'expression de sa volupté végélative, mais en même temps
de sa destruction végétale.
C’est à cet enseignement supérieur pour notre métier qu'on apprend à
se garder de toutes les manipulations trop artificieiles en négligeant les
moyens naturels qui sont à notre disposition.
Depuis ce changement dans ma vie, je me suis mis à la tâche de
pousser une énergie revivante des Néerlandais sur le terrain sylvicole.
Dans ma patrie, tout devait reculer pour le défrichement agricole causé
par le développement du principe individuel, planté dans les idées des
Néerlandais par l'influence des Romains sur notre agriculture des terrains
riches. Voilà la cause du déboisement presque total de la Néerlande. La
—#3( 519 )e3—
même cause fit reconnaître que toute végétation voluptueuse dans la forêt
virginale ne donne pas toujours les garanties suffisantes pour une agricul-
ture permanente.
Tant qu'il serait intéressant de parcourir l’histoire économique de ma
patrie dès Jules-César, les Franes et les Gaulois, suivis par les Saxons,
jusqu’à présent; 11 faut que je me borne au résultat final.
La Néerlande, autrefois aussi boisée que l'Allemagne, est à présent
presque dérobée de bois. If n’y a pas plus de 3 à 4 p. 100 du sol en pro-
duction ligneuse, plus de 4 p. 100 sont en état de tourbière, et environ
20 p. 100 sont des terrains vagues, dédaignés par l'agriculture. Pourtant
ces terrains incultes indiquent partout des traces de l'industrie humaine,
dépendante d’une certaine richesse en bois. Par conséquent, il fut un
temps que la forêt devait reculer pour la culture des plantes alimentaires.
Les terrains maintenant vagues se montraient incapables de produire in-
éessamment des fruits agricoles. Ils furent abandonnés, en laissant plein
pouvoir à la brebis, qui prévenait chaque régénération supérieure aux
bruyères.
Pendant cette grande période, depuis le premier déboisement jusqu'à
présent, le sol fut soumis à bien des changements.
D'une part, le sable devint et resta mobile, en conséquence des grands
transports pour entretenir les relations de commerce avec les pays voisins,
formant des dunes étendues; d'autre part, les coulements d’eau réguliers
furent arrêtés, donnant l’origine à des marais plus ou moins larges, qui
se développaient en tourbière à cypéracées. Aussi il se formait des tour-
bières à sphaignes bien larges.
Ces changements totaux et successifs de la physionomie du pays ne se
bornèrent pas à l'extérieur. L'intérieur du sol se changea également. L’ar-
rangement chimique des éléments composants fut souvent varié aussi bien
que les qualités physiques du sol.
Lorsque le sol forestier se marqua autrefois par une transition douce du
friable au dur, d’une couleur foncée à une couleur claire, la transformation
en bruyères fit paraître des couches à couleurs fort divergentes et aux qua-
lités chimiques et physiques d’un caractère souvent contraire à celui du
temps que le sol fut couvert de forêts.
Dans les tourbières à cypéracées on trouve sur un sous-sol, riche en
limonite, une végétation flottante. Sous la tourbière à sphaignes on aper-
coit un alios si dur et si profond qu'on ne le rencontre presque jamais
sous la végétation des bruyères, surtout après le drainage. Les dunes ter-
PPT vit
-#+>( 513 es
ritoriales (les sables mouvants) ne représentent qu'une masse mouvante en
couleur jaune uni.
Je n’ai qu'à mentionner que les réactions entre le sol et l'atmosphère se
changèrent par ces transformations, accompagnées de la disparition des
animaux souterrains et des microbes qui participent si énergiquement à
l’humification normale.
S'il est vrai que les transformations du sol si profondes sont presque
toujours les conséquences d’un empiètement humain assez brusque dans
l’ordre de la nature, 1l y a pourtant de pareils changements qui avancent
si lentement qu'il faut œil d’un observateur-connaisseur pour s'en aperce-
voir. Pour lui il est possible de juger sur leur progrès en les dérivant des
symptômes végétatifs.
À mesure que la science, coopérant avec la pratique rationnelle, réus-
sira à éclaircir les différents phénomènes du procédé de transition entre
les moyens physiques et chimiques du sol, on trouvera la manière de res-
taurer les grands changements nuisibles qui ont eu lieu depuis longtemps
dans le sol des terrains qui, dans leur condition actuelle, sont incapables
de se régénérer naturellement.
Si l'étude de la station forestière nous apprend à reconnaître les con-
ditions convenant à un développement énergique du peuplement fores-
üer, l'application conséquente de ces principes nous livrera une base s0o-
lide pour les travaux que nous comprenons sous le terme de défrichement
dans le sens le plus étendu.
La comparaison entre les montagnes boisées et déboisées nous à
fait connaître que c’est grâce à la végétation forestière que nous main-
tenons des conditions favorables pour l’agriculture des terrains bas. Sa-
voir : la résistance du terreau et des racines contre le déplacement du
sol, faisant entretenir une couche pour une végétation sur les pen-
chants.
La régularisation des eaux atmosphériques, qui fait couler les petits
ruisseaux pendant l'été aussi bien que pendant l'hiver.
La protection des terrains bas contre un rehaussement par les décombres
des montagnes.
Si nous voulons redresser les calamités causées par le déboisement, 1l
ne nous reste rien que de construire petit à petit, artificiellement, des ré-
sistances qui puissent retenir les produits de la délitation des montagnes
dérobées. Les petites terrasses plantées sont à élargir lentement, afin que,
après un siècle et plus, les penchants soient recouverts d’un peuplement
SYLVICULTURE. 35.
—#2( 514 js
forestier qui, pour la suite, gardera de nouveau les intérêts des cultivateurs
des terrains bas.
L’insolation du sol forestier le dérobe de sa susceptibilité pour la régé-
nération naturelle. Le rétablissement d’un ombrage convenable aux circon-
stances nous rendra les conditions qui pousseront l’ensemencement na-
turel.
Des circonstances non favorables pour une végétation supérieure nous
donnent l’alios dans le sol: par conséquent, la disparition de cette forma-
tion si nuisible aux plantes d'ordre supérieur ne peut être obtenue que par
des moyens contraires à la cause qui a fait naître cette formation.
Aussitôt que le forestier s'aperçoit que la taupe vient de disparaître de
son territoire, il faut qu'il en cherche les causes pour les supprimer. Si un
pareil animal ne peut plus respirer dans le même médium où il respirait
autrefois, la ventilation du sol est abolie; et le peuplement doit en aper-
cevoir les conséquences défavorables. Rien de plus naturel que çà. Avec la
taupe, les vers, ces travailleurs infatigables du terreau, se sont retirés
aussi des terrains tellement fermés pour la circulation d'air. Mais partout
où l'air est si exclu, les microbes de la destruction complète des déchets
organiques cessent leurs fonctions. Au lieu qu'un humus doux couvre le
sol, on y trouve bientôt lhumus acide, suivi par une sorte de tourbe.
La dernière est la vraie contradiction du peuplement forestier. Des for-
mations pareilles, abandonnées à la nature, ne cessent que par ruiner le
peuplement forestier, se développant elles-mêmes en tourbières à
sphaignes.
Il faut me contenter de vous avoir rappelé quelques faits, suflisant pour
démontrer la nécessité d’une recherche exacte et rationnelle d’après les
réactions dans le sol de culture. Les résultats de cette étude nous procure-
ront les moyens de maintenir les circonstances les plus convenables en
faveur d’une végétation saine.
Ce fut Liebig qui s’occupa le premier des réactions dans le sol, mais 1l
n’en étudiait que le côté chimique. Parce qu'il négligeait absolument a
grande influence des fonctions physiques, qui dominent les réactions chi-
miques dans le sol, 1l est évident que ce grand maître se vit bien souvent
placé devant des problèmes inexplicables pour lui.
La pratique savait déjà depuis longtemps qu'il y avait des sols dont la
chimie constatait une richesse en minéraux abondante, qui se portent ab-
solument stériles pour la végétation. À présent, nous savons qu'un manque
d'énergie physique dans ces sols en est la cause.
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2. Batng LA
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—#2( 515 )ees—
C'était aussi la pratique qui avait déjà reconnu qu’un sol sablonneux,
bien pauvre en sens chimique, peut porter une végétation supérieure et
voluptueuse si la nature est en état d’y accumuler une grande quantité de
déchets organiques en destruction complète. Dans ce cas, action harmo-
nieuse des pouvoirs physiques complétait dans le sol ce qui lui manquait
en richesse minérale.
De pareilles observations s’augmentaient constamment depuis le temps
que la pratique commençait à utiliser les fruits de la recherche scienti-
fique: mais, réciproquement, on transformait la chimie agricole, devenant
la science physico-chimique qui s'occupe autant des fonctions physiques
que des réactions chimiques dans le sol.
I faut constater que la pratique n’a pas encore lémoigné une activité
remarquable pour rendre plus fructueuses les études et les expériments du
laboratoire. Pourtant la jeune science physico-chimique, qui s'est associée
à la bactériologie aussi, ne peut avoir de grand succès sans la collabora-
tion des gens qui s’oceupent de la pratique, c'est-à-dire des gens du mé-
tier d'une éducation et ambition assez scientifique qu'ils puissent et veuil-
lent consommer les fruits de la science.
Je ne m'égarerai plus de mon thème et me bornerai au côté physique,
qui présente au praticien le champ d'observation et d'énergie propre à son
métier.
La recherche, d’après les qualités physiques du sol, nous donne à présent
des chiffres tirés des échantillons artificiels, qu’on a reconstruits dans le labora-
toire, mais qui ne représentent nullefors le sol dans son état naturel.
Par exemple :
Pour constater la perméabilité, le poids du volume, la capillarité d’un
sol, on remplit un réservoir, un tube quelconque, soit de volume connu,
soit inconnu, selon la question à traiter, d’une quantité de la matière
qu'on a fait prendre sur le terrain. Les particularités du sol, qui dépen-
dent de la structure et de l’arrangement des éléments composants, se sont
perdues par cette opération. Par conséquent, les chiffres obtenus ne nous
indiquent rien d'autre que les qualités physiques d’un sol du laboratoire,
mais non du sol pour la culture.
Les couches successives, qu'on rencontre dans presque tous les sols fo-
restiers, mais surtout dans les sols de la plaine, ont été examinées chacune
pour soi, sans rapport aux couches voisines. La pratique nous indique
pourtant qu'un changement soudain de la perméabilité d’une couche à
l'autre fait toujours naître une résistance plus ou moins défavorable pour
33.
—4#( 516 )e—
la végétation forestière. Nos essences forestières ne sont pas si limitées
dans leur exigence au point de vue de la perméabilité, mais si cette qualité
varie de haut en bas, il est nécessaire que le changement vienne peu à peu
et non soudainement. Dans le premier cas, les racines peuvent s’ac:om-
moder lentement aux circonstances; dans l’autre cas, 11 faut qu’elles s'ar-
rêtent à la lisière des deux couches.
Si un sol assez pénétrable est couvert d’une couche de poussière, ce qui
résulte fréquemment des influences éoliennes, il est absolument incapable
de résorber les eaux atmosphériques s'il fut chauffé et séché pendant une
période chaude. Ce phénomène est à observer chaque fois après une pluie
forte non précédée d’une pluie fine. Surtout les sols sablonneux s’inchinent
à cette particularité.
Ces exemples peuvent être suffisants pour nous donner la conviction que
les qualités physiques, pour la plupart, doivent être examinées sur le ter-
rain même, sans dislocation de la matière en question.
Il faut consentir qu'il est bien difheile de construire des outils et des
instruments pratiques pour ce but; pourtant, ua peu de patience et on
viendra au but. Depuis quelques années, J'ai fait des études pour con-
struire un instrument assez pratique pour examiner la perméabilité du sol
pour les racines. Le résultat final a été l'instrument dont vous voyez la
photographie.
La sonde va libre dans l'hélice tubulaire. En baissant lhélice, la sonde
doit suivre par moyen du ressort qui entoure la sonde; aussitôt que ta
sonde rencontre une résistance, le ressort doit être pincé et un endex nous
indique, sur une échelle divisée, la résistance du moment. La sonde
pointue ayant un diamètre au point de 4 millimètres, nous n'avons qu’à
diviser le montant de l'index par 12,566 pour obtenir le chiffre en kilo-
grammes pour la résistance contre lentrée d’une racine sur le millimètre
carré de sa coupe transversale.
Pour les résistances les plus fortes, on à un ressort et une échelle de
0 à 19 kilogrammes; pour les résistances moins importantes, on à un
ressort aussi long que le premier, avec une échelle de o à 5 kilo-
grammes.
Aussi on est en voie de faire un instrument pour prendre des échantil-
lons de situation naturelle; mais le forgeron m'a dupé, ce qui cause que
je ne puis produire une photographie de l'installation. Par moyen de cette
installation, nous pouvons examiner la capillarité, la quantité des pores
dans le sol, la perméabilité pour l’eau à la superficie et bien d’autres qua-
—#2( 17 je:
lités du sol, dans les conditions comme on les rencontre au terrain, el
non comme on les prépare dans le laboratoire.
Vous comprendrez, Messieurs, que je suis très désappointé de ne pou-
voir démontrer une installation qui m'a fait bien de peines.
Certainement je n'ai pas encore trouvé la perfection; pourtant 1l me
semble d’une haute importance que les collègues de la pratique s'occupent
autant que possible des questions physiques du sol, afin que les labora-
toires soient stimulés d'atteindre une plus grande exactitude qu’à pré-
sent.
Proposition au Congrès. — Encouragé par un commencement de succès,
il me semble le juste moment de faire la proposition suivante à l'honorable
assemblée :
« Le Congrès veuille s'exprimer sil est à souhaiter de nommer une com-
mission qui se chargera de la tâche de projeter un programme pour les
recherches rationnelles des qualités du sol: pour la manière d'exploiter les
chiffres obtenus en faveur de l'étude de la station et pour la construction
des cartes agronomiques, qui seront faites, des terrains examinés. »
Ce terrain, presque original dans notre science, rendra une récolte
assez riche, et les résultats pour notre métier vaudront bien la peine.
Par exemple :
Comment jugerons-nous l'effet d’un défrichement après quelques di-
zaines d’années, si nous n'avons point de moyens pour comparer les con-
ditions du sol avant et après notre acte mélioratif?
De quelle manière pouvons-nous créer un système rationnel pour la
régularisation de l'eau, sans avoir la disposition de cartes topographiques
nous indiquant l’ondulation du terrain en combinaison avec la structure
du sol qui domine la perméabilité pour l’eau ?
Ce sont les éludes du sol sablonneux qui ont fait reconnaitre le
quartz si fin qu'on le nommait autrefois de largile. Pourtant, ses réac-
tions sur l’eau souterraine sont absolument différentes de celles de
l'argile.
Pour élargir notre savoir de traiter notre sol et nos peuplements, il n°y
a rien de plus nécessaire que la recherche exacte des qualités physiques de
notre sol.
Ce fut cette conviction qui m'a donné le courage de vouloir conférer,
dans votre assemblée, sur ce thème important, tant qu'il me soit difficile
de m’exprimer assez compréhensible dans la langue du Congres.
—#3( 518 ee:
Quoique je sois empêché par mes besognes de venir assister à votre
réunion et que Je regrette infiniment de ne pas pouvoir défendre moi-
même ma proposition, J'espère que vous trouverez dans mes communica -
tions quelques principes dignes d’être discutés.
Si en cas le Congrès peut prendre une conclusion sur la question posée,
je serai bien flatté et, en cas de besoin, je participera volontiers aux tra-
vaux d’une commission qui voudrait se charger d’un devoir indiqué e1-
dessus.
Veuillez agréer, mon honorable président et Messieurs, mes vœux les
plus sincères et sympathiques pour le succès de votre travail, dont je ne
puis faire qu'une étude des publications émanant du Congrès.
M. Gurrroy. Le Gouvernement a déjà fait quelques tentatives dans le
sens indiqué par M. Van Schermbeek; elles ont fait dépenser beaucoup
d'argent et n'ont pas donné de résultats appréciables.
M. Deuorzane. Cependant l'idée est ingénieuse, et il est bien évident
qu'il serait utile de la mettre en pratique. Il s'agit de comparer les deux
états du sol d’abord dénudé et ensuite planté.
M. Juzuex. J'avoue que cette comparaison ne me paraît guère présenter
d'utilité.
M. Gurrroy. L'analyse chimique du sol ne serait pas d’ailleurs le seul
élément à prendre en considération.
M. Guicuer. C’est possible; mais j'estime que cette analyse pourrait
rendre de très réels services, et M. Thézard pourra vous éclairer tout à
l'heure à ce sujet.
M. Le Présinenr. Il ne s’agit pas, Messieurs, je dois le faire remarquer,
de prendre une décision, mais simplement d'émettre un vœu.
M. Gurrroy. D’après le mémoire, il faudrait choisir les arbres à plan-
ter dans un terrain d’après les résultats de l'analyse du sol de ce terrain ;
je crois que cette idée est radicalement fausse; ce qu'il serait intéressant
de rechercher, c’est l'influence qu'exercent les forêts sur la composition
chimique du sol qui les porte.
He té.
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HR dé LS db és
_t>( 519 jes—
M. Deuorcaine. En tenant compte du désir exprimé dans le travail de
M. Van Schermbeek et des observations qui viennent d’être présentées, je
propose l'amendement suivant au vœu proposé :
« La section reconnait l'utilité de l'analyse des sols forestiers comme
terme de comparaison entre les sols dénudés et les sols boisés et comme
méthode de propagande en faveur du reboisement des terrains reboisés à
tort.»
L’amendement de M. Demorlaine est adopté.
M. Taézano donne lecture du rapport suivant :
M. Devarenne, ancien inspecteur des Forêts, membre de la Société fo-
restière de Franche-Comté et Belfort, présente au Congrès de sylviculture
une note sur un procédé de cubage sans tarif permettant d'apprécier
approximativement les volumes des arbres tant sur pied qu'abattus. Ce pro-
cédé empirique est basé sur la relation entre le volume de larbre et sa
circonférence mesurée à hauteur d'homme (voir annexe n° 1).
M. ve Secréraire donne lecture du rapport suivant de M. Maurice Buis-
son sur un mémoire de M. Martin (de Toul) relatif à utilisation de la
sciure de bois pour le dévoloppement des clichés photographiques (voir
annexe n° 2).
M. Paul Martin présente au Congrès de sylviculture un mémoire sur
l'emploi de la sciure de bois pour le développement des photographies
faites sur papier sensibilisé au bichromate de potasse.
Des procédés identiques ont déjà été publiés 1l y a plusieurs années,
notamment le procédé Artigue, à Bordeaux, qui a donné entre les mains
des amateurs qui l'ont employé, des résultats magnifiques. Nous pourrions,
si nos souvenirs sont exacts, rappeler les épreuves exposées par MM. Mau-
rice Buquet, Mouton, Drouet, etc., au Photo-Club et qui ont fait Fadmi-
ration du public.
M. Marun, dans son mémoire, signale un fait qui pourrait, jusqu'à un
certain point, expliquer certains accidents signalés dès l'apparition du pro-
cédé Artigue. Toutes les poudres de bois ne peuvent pas être employées
pour le développement des photocopies. Les poudres provenant d'arbres
renfermant des résines, des essences, du tanin (pins, sapins, épicéas,
chênes, ete.) doivent être rejetées; de telles poudres, lors du lessivage de
l'épreuve, donnent des taches. La poudre qui, d'après M. Martin, donne
le meilleur résultat provient du charme,
—#3( 220 )es—
M. Le Présent. M. Marion, membre de la Société des agriculteurs de
France, nous a adressé le vœu suivant :
« La question du gui préoccupe les sylviculteurs de tous les pays où ce
parasite s’est implanté. En ce moment en Belgique, à l'Administration des
Forêts, on fait une enquête sur les ravages causés par le gui.
«Ce parasite est incontestablement le plus terrible ennemi de certaines
espèces d'arbres, telles que peupliers, pommiers, acacias, érables, til-
leuls, etc.
«C'est un véritable cancer : on croit l'avoir détruit par l'enlèvement de
toutes les pousses et même de l'écorce de larbre; mais il ressort de plus
belle l’année suivante. Pour s’en débarrasser, il faut couper la branche qui
le porte.
«On peut affirmer en toute sûreté que tout arbre dont le tronc est in-
festé de gui périra par le gui, car la sève montante est arrêtée au passage
par ces parasites; et en peu de temps l'arbre prend la forme d’une massue;
la partie du tronc qui se trouve au-dessous est bien plus grosse que celle
qui se trouve au-dessus.
«Ce parasite est propagé par les grives draines qui sonttrèsfriandes des
baies de gui, lesquelles baies sont gélatineuses et gluantes, el renferment
des graines qui passent dans le corps de ces oiseaux sans perdre leurs fa-
cultés germinatives. Comme les grives sont des oiseaux nomades, voya-
geurs, migrateurs, on voit d'ici que la propagation s'opère tout naturel-
lement et à de grandes distances.
« Tous les pays d'Europe sont intéressés à la non propagation du gui.
« I est donc urgent que ce parasite soit détruit partout, par mesure ad-
mimistrative, On a pris en France, dans quelques départements, des arrêtés
de destruction. Mais la mesure n’a point produit les effets espérés attendu
que les grives apportent les graines des départements où on laisse croître le
eu en toute hberté.
« De nombreux vœux pour la destruction du gui ont été émis, particu-
lièrement par la Société des agriculteurs de France, par les Congrès de
Laval, Angers, Laigle, et par le Congrès international d'agriculture de
Lausanne.
« La destruction du gui n’est plus qu’un simple jeu depuis l'invention des
crampons qui permettent de monter dans les arbres les plus élevés sans
leur faire le moindre mal.
« En conséquence, M. Louis Marion propose au Congrès d'émettre le vœu
que le gui soit détruit par toute l'Europe, par mesure administrative. »
——#>( 521 es
M. Jucurex. Si ce sont les grives qui propagent le gui, il faudrait tuer
les grives; ce serait un moyen radical.
M. Guieuer. Îl n'est que trop employé.
M. Jucuren. Le vœu qui nous est proposé va beaucoup trop loin; ül
constitue une véritable atteinte à la propriété.
M. Guicuer. Cette critique n’est pas péremptoire, car elle pourrait
s'adresser à d’autres lois existantes, entre autres à celle qui prescrit l’éche-
nillage. Mais je me demande si lon peut réellement prendre des mesures
pratiques ; je me demande également si le gui est aussi nuisible qu’on le
prétend au point de vue particulier de la sylviculture.
M. Demorcaine. Je dois faire remarquer que, dans certains départements,
il existe des arrêtés préfectoraux pris pour la destruction du gui.
M. Taézaro. Et ces arrêtés sont pris en vertu d’une loi; je ne vois done
pas quelle serait l'utilité du vœu proposé.
M. Guicuer. Ces arrêtés sont principalement contre le gui des pommiers
et dans les départements où ces arbres sont en grand nombre; je me de-
mande jusqu’à quel point le pommier peut rentrer dans la série de nos
travaux.
M. Juzurex. Quoi qu'il en soit, la question est bien petite et nous avons
à exprimer des vœux d’une bien autre importance.
Le vœu n’est pas adopté.
M. Gorrroy donne lecture du rapport suivant sur un mémoire relatif aux
truffes et à la trufficulture présenté par M. George-Grimblot, conservateur
des Forëts en retraite (Annexe n° 3) :
Les truffes laissées en terre sont perdues pour la production future, se
décomposant complètement; leurs spores pour germer doivent étre sorties
de terre et exposées à l’action des agents atmosphériques. Ce dépôt à la
surface se fait par les animaux tubérivores (mammifères, oiseaux et in-
sectes ).
Le dépôt sur les feuilles, qui a servi de point de départ aux recherches
—#2( 7922 )es—
de M. de Gramont de Lesparre, n’est qu'insignifiant, étant donné les di-
mensions microscopiques des spores et l'existence de spores sexuées devant
s’accoupler.
La place truffière en préparation affecte, comme pour les autres cham-
pignons la forme circulaire. Cela tient au mode de germination de la spore
qui, aux dépens des matériaux de réserve qu’elle renferme, étend tout
autour d'elle des filaments de mycélium. La zone centrale finit par être
occupée par du mycélium mort, tandis qu'à la périphérie est le mycélium
vivant.
L'extension de ces cercles prend fin lorsque le mycélium, d’épigé, devient
hypogé pour gagner le système radiculaire supérieur des arbres ou ar-
bustes. D'ailleurs, au début, la germination se fait à l’une des extrémités
du grand axe par l'émission de cinq filaments s’écartant comme les doigts
d’une main, cloisonnés et porteurs de boucles latérales correspondant aux
cloisons : «on dirait une main de squelette. »
Si le sol est nu, les filaments mycéliens en se multipliant désagrègent
les grains de terre superficiels, 1ls «+ brülent» le terrain. S'il y a une végé-
tation superficielle, le mycélium se fixe aux radicelles, vit à leurs dépens,
les dessèche et amène la mort des plantes, Ce phénomène constitue ce qu’on
a appelé la préparaton.
Dans ses expériences faites pour montrer ce processus, M. Grimbloi a
dû attendre quatre années avant d'obtenir la germination des spores, ce
qui est comparable à ce qui se passe dans la nature où, lorsqu'on procède
à la plantation des chênes, la truffe apparaît au plus tôt dans la cinquième
année, après avoir été annoncée l'année précédente par le phénomène de
la préparation. Îl est à remarquer que ces faits sont absolument en con-
tradiction avec la germination dans l’année des téleutospores de M. de
Gramont de Lesparre.
Afin de pouvoir fructifier 11 est nécessaire que le mycélium puisse
gagner les racines des pieds devant lui fournir son alimentation, et pour
cela les filaments mycéliens s'agglomèrent en cordons qui s’enfoncent ver-
ticalement dans le sol.
Aux points où le mycélium vient s'implanter, 1l se produit de nom-
breuses, courtes et fines radicelles agglomérées formant les + amas coral-
liformes». Les racines des plants non producteurs et celles des plants pro-
ducteurs qui sont exempts de mycélium ne présentent aucune de ces
pelotes radicellaires. Pendant la saison morte, le mycélium à l'état de
repos est confiné dans ces amas coralliformes.
;
|
:
L
|
—#2( 525 )e3—
Il convient de distinguer, dans les mycéliums qu’on peut trouver dans
ces amas, ceux qui sont avec boucles (mycéliums trufliers) et ceux sans
boucles, qui sont des mycorhizes ordinaires. Quant à la différence de dia-
mètre, d'épaisseur des parois et de coloration (jaune clair où brun), ce
n'est qu'une question d'âge.
Les filaments mycéliens fasciés constituent une forme de transfert d’un
point à un autre, par exemple lorsqu’ une racine étant épuisée, le mycé-
hum iruffier vient en gagner une autre.
Si l'on compare dans sa partie supérieure le système radiculaire d’un
Fe truffier à celle d’un chêne non truflier, on trouve dans le premier
, Sur une hauteur à partir du collet corespondant é à la profondeur des
fouilles du porc, le pivot et souvent même les premières racines, sur une
largeur correspondant à ces fouilles, ne présentant que des racines atro-
phiées, sans radicelles ni chevelu, où même entièrement nus. Dans l'arbre
non producteur, au contraire, on trouve dès le collet de nombreuses racines
bien développées et munies d’un chevelu abondant et vivace.
Lorsque le mycélium entre en végétation, d’une part, des filaments sim-
ples partent des flancs des cordons et vont se fixer aux extrémités des radi-
celles vivantes des amas coralliformes, et, d'autre part, les cordons s’al-
longent pour s'épanouir en forme de gerbe ou d’aigrette. Cet allongement
et cette multiplication se font tant qu'a lieu l’afflux de sève.
Pour le Tuber melanosporum presque toujours le développement ne dé-
passe guère l’amas coralliforme où 11 était à l'état de repos, si bien que
les tubercules sont généralement accolés, pour ainsi dire, aux racines. Pour
le Tuber uncinatum, au contraire, les cordons en s’allongeant quittent les
amas coralliformes, et les radicelles de ces derniers donnent naissance pour
s’allonger à des toufles de fines et longues radicelles blanc jaunâtre, dé-
pourvues d'écorce, qui servent à la nourriture et à l'élongation du mycélium.
Pour la frucufication du mycélium 11 n’y a nullement, contrairement à
ce qu'avait avancé M. de la Bellone, de filaments mâles et femelles se con-
juguant. C'est simplement une conséquence du développement et de Fali-
mentation du mycélium truffier, qui est à la fois créateur et alimentateur
de la truffe.
La coque filamenteuse qui se forme est, à l’origine, molle et facilement
déchirable ainsi que son parenchymne interne, ce qui explique l'introduction
dans la chair des truffes de petits corps étrangers, ensuite emprisonnés
lorsque la coque se transforme en une enveloppe ou « péridium » solide et
verruqueuse,
—#3( 524 es
Lorsque cette transformation s'est opérée, le tubereule étant définiti-
vement clos, le rôle alimentaire de l'arbre est terminé, et celui du sol
commence. Les filaments extérieurs se dessèchent et sénéralement dispa-
raissent et, en se brisant à la surface du péridium, y laissent comme une
infinité de suçoirs microscopiques servant à aspirer l’eau du sol nécessaire
à la végétation et les sucs nutritifs qu'elle peut contenir en dissolution.
Peut-être servent-ils aussi pour lexcrétion des produits gazeux de la res-
piration des corps reproducteurs.
D’après M. de Gramont de Lesparre des téleutospores ou spores finales
truffières germeraient dans l’année même de la dissémination sur les
feuilles des spores mâles et femelles. Or, en principe, toute femelle fé-
condée met au jour, à moins d'avortement, le produit de sa fécondation;
la spore femelle fécondée devrait donc émettre directement son mycélium.
Par suite, l'existence des téleutospores ne se comprendrait guère (?). D'ail-
leurs, ce qui se passe sur le limbe des feuilles, à l'air libre, doit se passer
de même à la surface du sol. Or, dans les expériences de M. Grimblot, la
germination ne s’est manifestée que dans la quatrième année suivant”la
dissémination des spores, pour produire alors le phénomène de la prépa-
ration. Dès lors, il est à présumer que les spores femelles fécondées et
restées accolées aux feuilles n’ont nullement germé, ou ne lauraient fait
que dans la troisième année qui aurait suivi la chute des feuilles mortes
sur le sol.
La germination vue par M. de Gramont est formée de « filaments ténus,
peu visibles» couvrant le limbe + d’un réseau transparent, fin, pointillé»,
ne correspondant nullement à celle du mycélium truffier qui est jaune
clair, à parois lisses, cloisonné et bouclé. Ce mycélium se rapproche beau-
coup, au contraire, de celur qu'on rencontre sur les feuilles mortes des
chênes verts et blancs, et qui constituait pour M. Condamy le mycélium
blanc femelle de la truffe, qui se serait enfoncé dans le sol pour se con-
juguer au mycélium brun, mâle, fixé dans les amas coralliformes. Il est
plus que probable que, dans ce cas, 11 s’agit tout simplement d'une ger-
mination d’un cryptogame inférieur, dont la prétendue téleutospore ferait
partie.
Dans la préparation première ou d'apparition, qui se fait cireulatrement
étant donné le mode de germination des spores, le développement du
mycélium se faisant à la surface et étant centrifuge, ce sont les végétaux
inférieurs, à enracinement tout à fait superficiel, qui périssent d’abord,
en allant du centre à la circonférence.
Lindos. d.
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Ltée Lo à me Éd
-#>( 525 )e3—
Dans la préparation de retour, l'emplacement occupé comprend tout
l'ancien cercle truffier, mais la destruction va cette fois de la périphérie au
centre, et le mycélium se développant dans un plan parallèle au sol, à une
certaine profondeur, ce sont les plantes plus ou moins enracinées qui pé-
rissent, alors que celles à enracinement superficiel peuvent persister.
Cette préparation en retour, imputable à un mycélium ancien, montre que
celui-ci ne se détruit pas facilement et tend à prouver que le mycélium
truffier quitte les plantes mortes ne pouvant plus l’'alimenter pour passer à
celles voisines, qui sont vivantes.
L'absence de tout mycélium sur les plantes compiètement mortes prou-
verait que ces filaments peuvent abandonner les fibrilles radicellaires
desséchées par leur succion sans laisser trace de leur passage, de mème
que la mort de la végétation superficielle dans le premier cas, et son
maintien en parfait état végétatif dans le second, donnent à penser que le
mycélium truffier agit bien par voie de succion directe et non indirec-
tement par voie d'épuisement du sol.
+ Alors que les bonnes trufles sont en général plus où moins profondes,
se fouillant dans la région occupée par les racines, les mauvaises truffes ou
«nez de chien» se trouvent tout à fait à la surface du sol dans les débris
végétaux qui le couvrent. Les premières sont parasites des arbres; les se-
condes sont saprophytes, se nourrissent de l’humus superficiel : aucun
phénomène de préparation n’annonce d’ailleurs l'apparition de ces der-
nières.
Le parasitisme des bonnes truffes est encore démontré par ce fait
qu'il y a pour elles deux récoltes bien distinctes, l'une estivale, l’autre
automnale qui correspondent aux deux mouvements séveux de leur hôte,
ce qui parfois avait fait croire à l'existence de deux espèces de truffes.
Ce qui prouve d’ailleurs bien leur même nature, c'est que souvent, à
la récolte d'été, on trouve côte à côte avec de belles truffes bien mures,
bien colorées et parfumées, d’autres de grosseur moindre, généra-
lement sans couleur ni odeur, qui ne seront bonnes à récolter qu'en au-
tomne.
Contrairement à ce qui se passe pour les champignons saprophytes, la
production des truffes, loin d’appauvrir le sol, lenrichit, ce qui prouve à
l'évidence que l'origine de leur nourriture n’est pas dans le sol, mais bien
dans la sève même de l'arbre.
Si l'on appelle N la richesse du sol naturel; P la richesse du sol en pré-
paration; T la richesse du sol en production, on a pour l'acide phospho-
—4n( 5926 )e—
rique, la potasse et la soude qui forment dans la truffe plus de 50 p. 100
du poids des cendres
PET-=N,
IL y aurait donc chez les arbres destinés à devenir producteurs de trufles,
formation surabondante de sève, puis excrétion. La valeur de P s'explique
par un enrichissement continu sans dépense; celle de T, par un enrichis-
sement contrebalancé par la dépense de la nourriture du mycélium traf-
fier.
L'absence de tout mycélium mort sur quelques-uns des végétaux des-
séchés des places en préparation trouve son explication dans l’un des deux
cas ci-dessus : attaque par des filaments isolés, ectotrophes, sur des racines
à surface lisse, ou bien attaque des racines par des filaments complètement
fasciés, formant des cordons cylindriques d’un certain diamètre, qui se
détachent sans se déchirer.
Si le mycélium truffier qui détruit les végétaux herbacés ou semi-ligneux
à la surface des places en préparation ne tue pas les chênes, cela tient,
outre la résistance évidemment plus grande de leurs racines et radicelles,
à ce que, à l’âge de 5 ans, lorsque dans la truffière artificielle les chênes
deviennent producteurs, leur pivot et leurs racines latérales extrêmes ont
déjà atteint une profondeur à laquelle le mycélium truffier cesse de se
montrer (a fortiori si c’est à un âge plus avancé que les pieds sont atta-
qués ).
Îl n'en est pas moins vrai qu'en privant les plants truffiers d’une parte
de leurs organes d'alimentation, le mycélium exerce en fait une influence
ficheuse sur leur végétation. Aussi, dans les repeuplements en chênes verts
el blancs, par exemple, peut-on remarquer que les plants qui ne sont pas
devenus producteur ont souvent au collet un diamètre presque triple et at-
teignent une hauteur presque double de ceux des plants entrés en pro-
duction.
La théorie de symbiose de Frank n’est pas applicable en la circon-
Ï PP
stance : le mycélium truffier est un simple parasite.
Etant connu le mode de pénétration dans le sol des filaments mycéliens
à la recherche des racines qui devront les nourrir, il convient de choisir,
pour la création des truffières, des variétés à enracinement superficiel et
traçant, si l’on veut que la truffière soit productrice. Un arbre à racine
pivotante, se ramiliant profondément, ne pourra jamais devenir truffier.
—4n( 597 Vs
PROCÉDÉ À EMPLOYER POUR OBTENIR LA GERMINATION DES SPORES DES TRUFFES.
Prendre de la terre végétale en forêt et en remplir un pot à fleurs.
Capturer des mulots et les nourrir avec des truffes müres, saines, frai-
chement extraites; recueillir leurs excréments. (La chose n’est pas facile;
les mulots meurent souvent, sinon aussitôt pris, du moins avant qu'on
puisse les alimenter; on peut, au besoin, les remplacer par des souris
ordinaires ).
Saturer en quelque sorte de spores truffières la surface de cette terre,
soit en y répandant les excréments pulvérisés, soit en l’arrosant avec de
l’eau dans laquelle ils auront été délayés.
Exposer ce milieu en plein air, à l’action directe des rayons solaires.
Le maintenir à l’état frais par de légers arrosages d'eau pure, substi-
tuant à celle-er, dès que possibilité il y a, de l’eau de pluie d'orage.
Pendant la mauvaise saison, le milieu se remise en cave ou local quel-
conque à l'abri des gelées.
En mai-juin de la quatrième année suivant la dissémination artificielle
des spores, celles-c1 germent et émettent leur mycélium.
On en est averti par le phénomène connu sous le nom de préparation
dans les pays producteurs. Si la terre est restée nue, par son eflritement
superficiel, le terrain se brüle, suivant la pittoresque expression des
rabassiers vauclusiens; mais ce signe demande, pour ne pas induire lob-
servateur en erreur, la grande habitude de ces gens du métier.
Si la terre a été garnie à sa surface d’une végétation herbacée quel-
conque, par le dépérissement puis la mort complète de celle-ci (mais, à ce
moment, il est trop tard pour trouver encore des spores en germination).
PROCÉDÉ DE TRUFFICULTURE PAR VOIE DE SEMIS DES SPORES.
Choisir un certain nombre de pieds ou cépées de divers âges en forêt,
autant que possible isolés, essences chêne vert et chène blanc (régions
méridionales), essences chêne, hêtre, charme, coudrier (régions septen-
trionales).
Sur plusieurs points de l'emplacement occupé par le système radiculaire
de ces pieds ou cépées, léger grattage du sol s'il est nu, arrachage d’une
touffe d'herbe ou toute autre plante sil est garni d’une végétation super-
ficielle quelconque, nivelage du terrain ainsi remué, enfin répandage sur
—#2( 528 )1-—
chacune de ces petites places d’une forte pincée de poudre exerémentielle
(exeréments de mulots ou sourisnourris avec destruffes du pays). Dans les
régions septentrionales, on peut employer des excréments de ces animaux
nourris avec des truffes du Midi ou du Périgord; on tenterait ainsi, en
même temps que la propagation de la truffe en général, l’acclimatation de
la truffe noire.
Au bout de quatre années, les spores germeront; les filaments mycélieux
émis, attaquant les végétaux superficiels, sil y en a, les détruront, puis
gagneront le système radiculaire des pieds ou cépées. (IL est préférable de
faire choix d’un sol gazonné parce qu'on sera plus sûrement averti de a
réussite de la germination.)
L'année suivante, cinq ans après le semis des spores, la production ap-
paraîtra, ce qu'indiquera le pore ou le chien
Au cas où, dans le Midi, 11 s'agirait, non de peuplements existants à
tenter de rendre truffiers, mais de peuplements à créer (de truffières arti-
licielles à établie), il y aurait lieu, renonçant à opérer par voie de semis,
de recourir à la plantation (chênes verts, chênes blancs et quelques cou-
driers-noisetiers), plants de 5 à 6 ans, HE garnis de racines et radicelles
superficielles et traçantes.
La plantation faite, on effectuerait au pied de chaque plant un semis
de spores comme il est dit ci-dessus. La truffe devant se montrer au plus
tôt dans cinq ans, ces plants, âgés d’une dizaine d'années, se trouvcraient,
comme appareil foliacé et système radiculaire, dans les meilleures con-
ditions pour une abondante production.
Afin de prouver la valeur de son procédé de trufficulture, M. Grimblot
a fait effectuer en 1897 des semis de spores :
Dans la forêt domaniale du Corgebin (Haute-Marne) [ Tuber uncinatum |.
Dans la forêt communale de Bedoin (Vaucluse) | Tuber melanosporum |.
Cette dernière espèce a, en outre, été semée à Rochefort-en-Yveline et
en Vendée.
La « préparation » devra se manifester en 1901, et la production com-
mencer en 1902.
M. Tuézaro donne lecture du rapport suivant qu'il fait sur un mémoire
imprimé en allemand publié par M. Jentsch, membre de Académie royale
de Munden, sur l'exploitation, en Allemagne, des arbres à écorcer et sur
son avenir; ce travail a été adressé au Congrès par son auteur : «Il n’y à
pas de branche forestière, dit M. Jentseh dans son intéressante publi-
est es -
cation, qui n'ait été tant discutée en public. Pendant que la totalité de
l’économie forestière allemande a continuellement progressé, celle-ci a été
absolument négligée malgré les plaintes réitérées de maintes régions que
cette industrie intéresse au plus haut point. »
M. Jentsch fait ressortir les avantages que l’on pourrait retirer de cette
exploitation en s'appuyant sur les principes de la chimie et de la physique.
Il compare les différentes essences qui pourraient donner les meilleurs
résultats; puis les différentes exploitations forestières entre elles. Il donne
des tableaux à l'appui de sa théorie et appelle particulièrement l'attention
de l'Etat sur les forêts de l'Ouest allemand.
M. Le Présent. Nous avons reçu de M. Huberty, garde général des
Eaux et Forêts à Eprave (Belgique), un mémoire sur le nitrate de soude en
sylviculture; Vauteur ne se présentant pas pour le développer, nous ne
pouvons que lui donner acte de sa communication.
La séance est levée à 4 heures.
SYLYICULTURE. 34
—#2( 530 3
SÉANCE DU MERCREDI 6 JUIN 1900
(MATIN).
PRÉSIDENCE DE M. PAUL CHARPENTIER.
La séance est ouverte à 10 heures 1/4.
M. Gurcuer remplit les fonctions de secrétaire en remplacement de
M. Thézard, retenu à son poste de trésorier.
M. ze Présinenr donne lecture d’une lettre de M. Joulie, vice-président,
P
qui s'excuse, sur son état de santé, de ne pouvoir assister aux séances de
‘la Section.
M. Gurrroy donne lecture de son mémoire sur l'nfluence de la fumure
des pépinières au point de vue du développement et de la résistance des essences
Jorestièr es.
Si, au point de vue agricole, le x1x° siècle a pu être appelé le «siècle
des engrais», 1l faut bren avouer qu'il est loin d'en être de même en syl-
viculture où l’on en est encore à la période de tâtonnement. Nous ne nous
occuperons pas 11 de la question de la «fertilisation des forêts », traitée
précédemment par notre ami et collègue, M. A. Thézard, mais nous insis-
terons particulièrement sur la fumure des pépinières. On ne saurait, en ce
cas, objecter aucune difficulté d'emploi ni aucune dépense onéreuse : nous
sommes bien sur le terrain pratique. Rien de plus simple que la fumure
du terrain destiné à être transformé en pépinière : c’est une opération sem-
blable à celle que l'agriculteur effectue pour son champ.
Déjà, depuis près de deux ans, nous poursuivons simultanément des
essais en pleine terre et en pots ou caisses, destinés à démontrer tous les
avantages pouvant être tirés de cette pratique. Nous publierons plus tard
tous ces résultats, lorsqu'ils seront bien coordonnés et bien complets. Dès
maintenant nous nous contenterons de démontrer expérimentalement ;
1° Que la fumure active le développement;
>° Qu'elle augmente la vitalité de l'essence:
3° Qu'elle accroît sa résistance aux divers agents nuisibles (intempéries,
maladies, parasites, etc. ).
étions mil
;
à
|
É
+
Pr
Nous prendrons pour exemple des essais faits au laboratoire sur l’érable
sycomore ( Acer platanoides ).
Les graines furent semées en deux lots : l’un dans une terre très pauvre,
l'autre dans la même terre abondamment additionnée du mélange nutritif
suivant :
Phosphate de chaux;
Azotate de potasse;
Phosphate d’ammoniaque ;
Sulfate de magnésie.
Les eaux d'égoutage étaient d’ailleurs recueillies et servaient à l’arrosage.
Afin de bien démontrer que dès le début de la végétation l'action des
engrais se manifeste déjà nettement, 25 pieds avec engrais ont été arra-
chés, et de même 25 pieds sans engrais, lorsqu'ils présentaient à la fois la
paire de feuilles cotylédonaires, la première paire de feuilles et le bour-
geon terminal devant produire la seconde paire. Des mesures rigoureuses
ont été faites dans chaque cas, pour chaque partie de la plante. Voici les
moyennes fournies ensuite par le calcul:
AVEC ENGRAIS. SANS RENGRAIS.
Lonsueur totale de la plante............. à ee 18,0 #1,5
(e) .
Longueur de la racine.............. De th 6,0 9.5
Longueur de la tige sous re feuilles cotylédonaires . 25 5,5
8 5° 2
Longueur du premier entre-nœud............... 1,5 1,0
Longueur du bourgeon. farmunal. 2%, 2.6 : 0,4 0,2
Hat entre l'insertion des pétioles et le point Fe
plus élevé du plan foliaire.. : RAR er. 3,0 1,5
Longueur des feuilles, de la pointe : à la naissance du
Poe aunie he, 25 curl. 200... 3,D 1,7
(Voir à ce sujet les figures 5 et 6 : r etr'— racines, avec et sans en-
grais; { et ( — tige sous les feuilles cotylédonaires; e et e— premier entre-
nœud; @ et @ — hauteur entre l'insertion des pétioles et le point le plus
élevé du plan foliaire.) (Fig. 7 et 8, F et F’ diag. des feuilles.)
Les diverses parties des plantes ayant été examinées au microscope, on
a obtenu : ,
Ï. — Pour LES FEUILLES.
Epaisseur relative du parenchyme foliaire :
Aer fe RE NT AS à PO Re I ME ER RE 5
(Voir lig. Q et 10, f ét.)
FE 37
CRE
n) Liderii J
sd Le: tu
TA En es
= Le
À 2 n. 2
e à à R
sut d à
SUR or co
PT AA re À op Le
1
n” .
IKKS
RIRE NN
—#>( 533 es —
IL. — Pour La vice.
Epaisseur relative de ses diverses parties :
AVEC ENGRAIS, SANS ENGRAIs
PATERCRYMECODHICAl en che croco 30 26
Cercle hpéro-honeux se ee ee 17 18
Parenchyme médullaire (rayon)................ ba 43
Rayon de la tige......... EN Re ne MER à le 99 79
(Voir fig. 13: Eet E,, écorce avec et sans engrais; B et B;, cercle
libéro-ligneux; M et M,, moelle | rayon |.)
IL, — Pour LA RACINE.
La . . . .
Epaisseur relative des diverses parties £
AVEC ENGRAIS. SANS ENGRAIS.
Éénchyie corhienl: ANS Cr COR ne 30 16
Sercenhibéro-lipneux JS TS RS SE RRt 17 8
Parenchÿme médullaire (rayon)................ 34 17
Rayon de la racine. .... Se AR EME RARES: HI RLRAS 81 h1
(Voir fig. 11 et 12: E et E’, écorce avec et sans engrais; B et B,
cercle libéro-ligneux; M et M’, moelle [rayon |.)
Observations : Les coupes ont été faites :
Pour les feuilles, au milieu du limbe:
Pour les tiges, à 1 centimètre au-dessus du collet;
Pour les racines, à 1 centimètre au-dessous du collet.
Nous avons représenté à gauche de la planche, dessinés à la même
échelle, le parenchyme cortical, en toute son épaisseur, et un fragment de
parenchyme médullaire, avec et sans engrais. (E et E’, écorce; M et M’,
moelle ; fig. 1 à 4).
On sera frappé pour l'écorce, de la différence apportée par la fumure :
augmentation d'épaisseur, plus grand nombre de couches cellulaires, plus
grandes dimensions des cellules (ces dernières ont déjà d’ailleurs leurs
parois sensiblement plus épaisses). Pour ce qui est de la moelle, outre
l'augmentation de diamètre, multiplication des cellules, qui sont bien plus
grandes, et qui renferment des grains d’amidon plus nombreux et plus
gros.
—#3( 34 )es-—
Les diverses parties de la plante nous ont de même fourni cette multi-
plication du nombre des éléments cellulaires, et l'accroissement de leurs
dimensions; dans les feuilles avec engrais, les grains de chlorophylle
étaient plus nombreux et plus gros.
On peut donc conclure de ces diverses mesures et de ces différents exa-
mens que grâce aux engrais :
1° La vitalité de la plante est augmentée, ce qui résulte du nombre
plus grand d'éléments cellulaires, des dimensions plus grandes de ces der-
mers, de l'accroissement en nombre et grosseur des grains de fécule et de
chlorophylle ;
2° L’accroissement de la plante est plus rapide, dès le début même de
la végétation, ce qui ressort de nos mesures el diagrammes:
3° La résistance de la plante aux divers facteurs morbides (mauvaises
conditions physiques, parasites animaux et végétaux ) est augmentée. En
effet cette résistance est individuellement la résistante de deux facteurs : la
vitalité et la constitution physique de certains organes. Or, nous avons vu
que la vitalité est accrue par la fumure, et il est évident, d'autre part,
“qu'une plante à écorce plus épaisse résistera mieux aux lésions occasion-
nées par les insectes et offrira plus de difiiculté à la pénétration des para-
sites, de même que le plus grand volume de ses diverses parties et la plus
grande quantité de ses réserves (amidons) et de sa chlorophylle, lui per-
mettront de lutter plus avantageusement contre la sécheresse, l'inanition
par pauvreté du substratum, les mauvaises conditions d’éclaitrement, etc,
Expérimentalement , nous avons pu vérifier, en infectant du microbe de
la brunissure, des pieds fumés et des pieds non fumés, la plus grande ré-
sistance des premiers, où la maladie, plus lente à se déclarer, était moins
développée.
Nous pouvons enfin dès maintenant dire qu'il semble jusqu’à ce jour que
nos essais en pleine terre viennent corroborer nos résultats de laboratoire,
mais nous y reviendrons plus tard, dans un autre travail.
La fumure des pépinières se pose done dès maintenant comme une né-
cessité qui permettra d'obtenir :
1° Une meilleure réussite des semis, en taille et en vigueur:
2° Un pourcentage plus faible des pertes en pépinière:
3° Une meilleure reprise à la plantation ;
°° Un développement meilleur/et plus rapide par la suite des essences
forestières, le début de la végétation influant toujours considérablement
sur la vie tout entière du végétal.
—#>( 035 )es--—
Pratiquement on aura recours, pour cette fumure, aux engrais du com-
merce :
Engrais phosphatés (superphosphates, scories de déphosphoration );
Engrais azotés (nitrate de soude, sulfate d'ammoniaque) ;
Engrais potassiques (kaïnite, sulfate de potasse, chlorure de potassium ).
Il serait à souhaiter que l'Administration des forêts, suivant l'exemple
donné pour les plantes agricoles par FAdministration de l'agriculture, mul-
üpliät, par ses agents, la création de champs d'expériences qui permettraient
d'établir les meilleures formules de fumure à adopter, suivant l'essence et
le terrain.
Comme conclusion à ce rapport, la section émet le vœu que l'Admi-
nistration forestière prenne l'initiative d’études expérimentales ayant pour
but de déterminer, pour chaque essence et chaque terrain, la meilleure
fumure à donner aux pépinières, en poursuivant, après la plantation en
forêt, l'étude de linfluence postérieure de cette fumure en pépinière.
M. Tuézarn dit qu'il à présenté un travail au Congrès international de
chimie tendant aux mêmes études.
M. Gurrroy donne lecture du mémoire suivant, qui est dû à sa collabo-
ration avec M. Léveiuré, sur Les Cartes botanico-forestières en France.
On peut affirmer en principe qu'il n’existe pas en France de cartes
botanico-forestières. C'est là une vérité mise en évidence par la discussion
qui ent lieu à propos des cartes géo-botaniques au Congrès de botanique
tenu à Paris en 1889.
S'il existait alors aux États-Unis des cartes dressées par les administra-
tions, si à cette époque on put citer les travaux de Wilkom, ceux de
M. Th. Koppen en Russie, ceux de M. Sargent dans l'Amérique du Nord,
les publications de cartes représentant la distribution des espèces fores-
tières du Canada parues à Montréal, enfin les recherches alors inédites de
M. Regel, on dut avouer que nous ne possédions en France que des cartes
forestières dressées d’après les indications souvent douteuses des gardes
forestiers on brigadiers généralement ignorants de la botanique et ne com-
prenant pas l’espèce à la facon des botanistes.
Nous n'avons pas oui dire que cet état de choses ait changé depuis. Et
pourtant il serait fort utile d’avoir, pour les espèces forestières moins va-
riables et fixes dans leurs stations, des cartes géo-botaniques bien faites, de
même que nous avons pour des espèces herbacées les cartes de De Can-
+. 536 )ees—
dolle, Grisebach, Gottrel, Watron, Regel, Sargent, Drude, Hitchcock,
Hisinger, Fedtschenko.
A notre avis, la meilleure carte botanique devrait être conçue de la
même façon que l’a été la carte botanique inédite de la Sarthe de M. Ambr.
Gentil. Ce savant botaniste a pris comme substratum la carte géologique
du département, puis a indiqué l'aire géographique de l'espèce au moyen
de lignes continues ou pointillées, ce qui est le meïlleur système d'indi-
cation pour les espèces rares. La dispersion des espèces communes ou
assez répandues peut, au contraire, être indiquée au moyen de teintes
diverses et continues.
Nous croyons que la notation de l'aire de l'espèce sur une carte géolo-
gique aurait le double avantage de permettre de se rendre compte de lin-
fluence du sol et de faciliter les recherches des localités d’une espèce. Bien
.que les arbres paraissent moins sensibles à l’action du terrain que ne le
sont les espèces herbacées, la nature du sol n’en est pas moins un facteur
important dont il est bon de tenir compte, car certaines essences forestières
ne sont pas totalement indiflérentes et peuvent être regardées, pour cer-
taines régions du moins, comme suflisamment caractéristique des terrains.
Dans ce mémoire, sans publier de carte botanico-forestière, nous nous
proposons simplement d'indiquer la liste des arbres constituant la flore
forestière française, en donnant succinctement pour chacun les grandes
lignes de sa dispersion géographique dans notre pays.
Nous poserons ainsi quelques jalons pour P avenir et préparerons la con-
fection de cartes botanico-forestières exactes et utiles.
La flore forestière française est répartie entre 10 familles, 25 genres et
69 espèces ou formes, dont 64 indigènes et 5 naturalisées.
Nous allons les parcourir rapidement l'une après l'autre.
ARBRES (AU SENS FORESTIER)
INDIGÈNES OU NATURALISÉS (ET NON HYBRIDES) EN FRANCE.
l'E 'OREACGEES.
Ocea eunoræa L. — Naturalisé dans le Midi et en Corse (centre de Pile
excepté).
Par Midi il faut entendre seulement la zone littorale du Languedoc et
de la Provence,
idiots is scsi
—#2( 537 )es—-
Fraxnus Onnus L. Spontané dans les Alpes-Maritimes et en Corse.
Fraxinus aRGENTEA Lois. — Corse (Vico).
Fraxnus excezsior L.— Bois des plaines, des collines ou des montagnes
peu élevées. S'élève moins en altitude que le hêtre.
Fraxinus oxvpHyLa M. B. — Région méridionale. Isère, Savoie, Haute-
Savoie, Var, Drôme, Hérault.
Fraxinus RosrraTa Guss. — Région méridionale : Perpignan, Montpellier,
Marseille, Toulon.
Fraxinus 812804 G. G. — Région méridionale : Hérault (Saint-Martin-
des-Landes), Savoie (Conflans).
Fraxinus parvirozra Lamk. — Environs de Montpellier , sur le littoral.
Il. -— ACÉRINÉES.
Acer PsEupo-PLaTANUS L.— Croît dans les bois montagneux, descend en
plaine dans l'extrême nord de la France. Dépasse dans les montagnes la
région du sapin, parvient dans les Alpes jusqu'à 1,500 mètres. Manque à
l'état indigène dans la Bretagne, la Normandie, le Maine, la Flore pari-
sienne et tout l’ouest de la France jusqu'aux Pyrénées.
Acer camPesTRE L. — Toute la France sauf la Corse.
Acer opuzirouium Vill. — Forêts montagneuses du Sud et du Sud-Est,
jusqu’à une haute altitude. Jura, Alpes du Dauphiné et de la Provence,
Cévennes, Pyrénées. Cette espèce dans le Jura croît sur la lisière des mon-
tagnes peu élevées, sans s'élever jusqu’à la zone des sapins.
Acer MOoNsPessuLaNuM L. — Croît dans la France méridionale jusqu'à
Gap, Lyon, Grenoble, Bourg et Annecy, à l’est ; Poitiers et Niort à l’ouest.
Acer pLaTaANoïDes L. — Vosges, Lorraine, Bourgogne, Jura, Dauphiné,
Savoie, Cévennes, Auvergne, Pyrénées.
III. — TILIACÉES.
Trua pLarypayiros Scop. — Jura, Vosges, Lorraine. Ne paraît pas
spontané dans le Midi. Ne dépasse pas 1,400 mètres dans les Pyrénées-
Orientales.
Ticra ULMIFOLIA Scop. — Croît particulièrement sur les sols calcaires et
dans les plaines, excepté dans la région méditerranéenne. S’élève peu en
-#2( D38 ).e3—
montagne, où il ne dépasse pas l'altitude du chêne. Rare à l’état indigène
dans beaucoup de départements de l'Ouest. Manque dans la Manche.
IV. — ROSACÉES.
Pinus communis L. — Plaines et collines de toute la France à l'exception
de la région des oliviers où 11 semble manquer.
Prirus sazvirozra D. C. — Naturalisé çà et à sur le Plateau central.
Pinus mazus L. — Plaines et collines de toute la France. la région mé-
diterranéenne exceptée. Dépasse 1,000 mètres d'altitude dans le Jura.
Sorgus nomEsrica L. — Toute la France. N'est cependant indigène ou
naturalisé n1 dans le Maine, ni dans la Normandie ni dans la Bretagne au
nord de la Loire.
Sous aucuparra L. — Plus rare dans les plaines que sur les coteaux et
les montagnes où 1l s'élève à une grande altitude. Répandu dans toute la
France, mais parfois assez rare dans certaines régions.
Sorgus scanica Fr. — Vosges, Jura, Alpes (s’y élève Jusqu'à 1,500 mè-
tres), Auvergne, Pyrénées.
Sorgus ArA L. — Manque dans l'Ouest, est rare dans le Nord, fait dé-
faut parfois sur de grandes surfaces ; commun sur les sois calcaires et s'élève
à de fortes altitudes.
Sorgus LaTIrOLIA Pers. (Non hybride sûrement.) — Environs de Paris,
Fontainebleau ; Yonne, Lorraine; hautes Vosges : Hohneck.
Sorgus TormINALIS Cr. — Commun ou assez commun dans le bas de
plaines, de coteaux ou de montagnes peu élevées. Pénètre à peine dans la
région des oliviers.
Prunus avium L. — Toute la France, hormis la région des oliviers où 1l
ne semble pas exister à l'état spontané. Atteint en montagne la zone du
hêtre sans la dépasser.
V._— LÉGUMINEUSES.
Cercis siLiquasrrum L. — Çà et là dans la région méridionale. Manque
en Corse. Drôwe, Montélimar, Tain; Héraurr, Montpellier; Aupe, Nar-
bonne.
Roginra pseuno-acacra L. —— Naturalisé dans toute la France où il tend
TT |
ce, ai 'ÔE ( 539 js
dans certaines régions à étouffer la végétation spontanée. Fournit d’excel-
lentes clôtures vives mais est peu recommandable comme bois.
VI. TÉRÉBINTHACÉES.
Pisracra Teregivraus L.— Région méridionale : Dauphiné méridional.
Remonte les vallées du Rhône et de FIsère jusqu'à Chambéry; Provence,
Languedoc, roches calcaires de la Montagne-Noire, causses de l'Aveyron,
Roussillon.
VIT — ÉBÉNACÉES.
STyYRAx OFFICINALIS L. — Commun dans quelques parties du département
du Var où il peuple à lui seul des collines entières, toute la vallée du Ga-
peau et celle de ses affluents.
VIIL — ULMACÉES.
Uruus camresrris Sm. — Vallées et plaines dans toute la France.
Ucuus moxraxa Sm. — Répandu dans les plaines, coteaux et montagnes.
Manque toutefois dans le Maine, lAnjou, la Normandie, la flore pari-
sienne où il est probablement méconnu.
Uumus Pepuneurara Foug. — Argonne, Meurthe-et-Moselle, Aisne, Oise,
Loiret, Yonne, Nièvre, Cher, Loir-et-Cher, Maine-et-Loire, Loire-Infé-
rieure, Rhône, Puy-de-Dôme.
Ceuris ausrrazis L.— Région méditerranéenne; ne dépasse pas 90 0 mè-
tres.
IX. _— AMENTACÉES.
Faeus sizvarica. L. — Abondant dans toute la France, excepté dans
l'Ouest au sud de la Loire où il est peu commun. Fait presque totalement
défaut dans la région des oliviers, en dehors des montagnes; Corse. Domine
dans toutes les forêts de la Bretagne au nord de la Loire.
Casraxga sariva Scop. — Toute la France et la Corse, dans les sols gra-
nitiques ou siliceux des régions montagneuses peu élevées.
Quencus PepuncuraTa Ehrh. — Commun dans le Nord, l'Est, l'Ouest, et
le Sud-Ouest et le Centre, principalement dans les plaines.
—#2( 540 )es—
Quercus sessiztrLora Salisb. — Répandu dans toute la France. S’élève
jusqu’à 1,600 mètres dans les Pyrénées. Peu commun sur certains points.
Quercus pu8escexs W. — Surtout dans le Centre et le Midi ; Nièvre.
Cher, Loir-et-Cher, Loiret, Indre, Vienne, Deux-Sèvres, Maine-et-Loire,
Sarthe, Mayenne, plaines du Languedoc, du Roussillon et de la Provence
où il est plus répandu que les deux précédents; Charente-Inférieure,
Vendée, Loire-Inférieure, Seine-Inférieure, Eure, Rhône, Isère, Drôme.
Quercus apeNniNa Lamk. — Région méridionale : Rhône, Ain, Drôme.
Quercus Toza Bose. — Bois sablonneux des landes de l'Ouest, depuis
Le Mans et Angers jusqu'aux Pyrénées. Quelques pieds dans la Mayenne
et dans les départements du Morbihan, des Côtes-du-Nord et de l'Ille-et-
Vilaine.
Quercus Cerris L. — Doubs, Jura, Maine-et-Loire, Loire-[nférieure,
Deux-Sèvres, Vendée.
Quercus Suser L. Littoral de la Méditerranée et entre l’Adour et la
Gironde. Atteint 500 mètres dans les Pyrénées-Orientales.
Quercus ÎLex L. — Région méridionale: pénètre assez avant dans les
vallées des Alpes, de la Provence et des Pyrénées, remonte vers l'Ouest
jusqu'à Quimper et Laval.
Quercus ruBRA L.
Naturalisé en France dans quelques vallées.
OsTRYA CARPINIFOLIA Scop. — Littoral de la région méditerranéenne,
Aipes-Maritimes et Corse.
Carpinus Berozus L. — Très abondant dans le Nord et l'Est, plus rare
et disséminé dans Ouest où il manque complètement sur le littoral jusque
dans la Loire-Inférieure; fait défaut dans la plus grande partie de la Bre-
tagne et du Cotentin.
Sauix ALBA L. -— Toute la France. On trouve entre cette espèce et la
suivante de nombreux intermédiaires. Ce sont peut-être des hybrides.
SaLIX FRAGILIS L.— Répandu dans toute la France, mais rare dans cer-
tains départements, notamment en Bretagne.
Sauix papaNoipes Vill. — Les Alpes, où 1l atteint 1,800 mètres, et le
long des cours d’eau qui en descendent jusque dans la plaine.
SaLix VIMINALIS L. —. Toute la France, surtout dans le Nord. Manque en
Corse,
LU ET NN I TT 7
_es( 54A jes—
Sazix caprea L. — Très commun dans le Nord, l'Est et le Centre; plus
rare ou même rare dans l'Ouest, sauf en Normandie. Manque dans la ré-
gion méditerranéenne mais atteint 1,800 mètres dans le bassin du Var.
Le salix caprea est souvent méconnu dans l'Ouest ainsi que le S. aurita.
Avant la publication de la flore de la Mayenne, cette espèce était considérée
comme manquant dans ce département où présentement nous la regardons
comme seulement peu commune. Même au point de vue botanique il faut
un @l très exercé pour distinguer les Salir caprea et aurita des multiples
variations et formes du Salix cinerea. Nous réunissons en ce moment Îles
matériaux nécessaires en vue d’une monographie des Sahix de France.
Poruzus azBa L. — Spontané dans quelques vallées. très fréquemment
planté. Assez commun dans les sables maritimes au sud de la Loire.
Poruius Tremuza L. — Commun partout sauf dans la région méditer-
ranéenne, où il est à peine représenté en dehors des montagnes.
Poruius xiera L. — Toute la France (Corse comprise).
Azxus iNcaxa W. — Jura et Alpes, d’où il descend le long des cours
d’eau qui y ont leurs sources. Dépasse dans les Alpes 1 800 mètres d'alti-
tude. Se rencontre au bord des eaux dans une très notable partie de la
France. Doit être souvent méconnu. Aussi n'est-il pas fait mention de celte
espèce dans la flore de lOuest. Douteusement indigène à Saint-Léger
dans la flore parisienne; on le retrouve à Domifront et aux portes du Mans.
Auxus eLurinosa Gærtn. — Commun partout; s'élève à 1,700 mètres
dans les Pyrénées-Orientales.
Aznus corntroLtA Ten. — Corse.
Beruza acsa L. (B. verrucosa Ehrh). — Commun dans les régions basses
et marécageuses du Nord, de l'Est et de l'Ouest et les régions élevées du
Sud jusqu’en Corse. Atteint ,000 mètres dans les Pyrénées. Particulière-
ment répandu, au moins dans le Maine, sur les sols siliceux granitiques ou
schisteux.
Beruca Pugescexs Ehrh. — Commun dans le Nord, le Nord-Est et l'Ouest
de la France.
X. CONIFÈRES.
Pinus CemBra L. — Hautes Alpes de la Savoie, du Dauphiné et de la
Provence.
—4>( 542 )es—
Pivus sizvesrris L. — Alpes de Savoie, Dauphiné, Provence jusqu’à
Menton: Auvergne, Cévennes, Pyrénées. Douteusement indigène dans les
Vosges. Manque dans les Ardennes et le Jura. Descend à 400 mètres dans
l'Auvergne et s'élève jusqu'à 2,000 mètres dans les Pyrénées.
Pinus Laricro Poir.— Corse, Cévennes et Pyrénées de Aoo à 1,700 mè-
tres.
Pnus Pinasrer Sol. — Commun dans les landes et les dunes de l'Ouest;
abondant en Provence, Languedoc, Corse. S’élève du littoral jusqu’à
1,000 mètres d'altitude. Ne se reproduit qu'assez difficilement de lui-
‘même dans la Sarthe où il a été importé des Landes.
Pinus pie L. — Çà et là dans la région méditerranéenne. Corse. Ne
dépasse pas 1,000 mètres.
Pinus nazepensis Mill. — Plaines et collines de la région méditerra-
L \ Al 27, 4 « r \ , =
néenne où, à l'état spontané, il ne dépasse pas à l'Ouest Îles environs de
Sommières ( Gard). S'élève du littoral jusqu'à 800 mètres.
Pinus srrogus Scop. — Parfaitement naturalisé.
Agres vuzcaris Poir.— Toutes les régions montagneuses, de 4oo mètres
 VER x = A S a. =
(Vosges) à 1,700 mètres (Corse).
Ames exceLsa D. C. — Régions montagneuses du Jura, des Alpes, des
Pyrénées et des Vosges. De 600 mètres (Jura et Vosges) à 1,720 mètres
(mont Ventoux).
Larix europæa D.C. — Alpes de Savoie, du Dauphiné et de Provence, à
la limite supérieure de la région des arbres verts. De 1,000 à 2,500 mè-
tres. Indiqué par Grenier et Godron comme naturalisé dans les Vosges.
CONCLUSION.
IL serait à désirer que des cartes indiquant la délimitation exacte des
essences rares ou peu communes fussent dressées au plus tôt. Elles auraient
non seulement un intérêt scientifique qui leur vaudrait un bon accueil de
la part des botanistes mais encore , au point de vue pratique, elles rendraient
service tant äux particuliers qu’à l'Administration des forêts, en permettant
l'extension des plantations de bon nombre d'arbres dont l'étude de la dis-
persion et des conditions de végétation permettraient de tenter l’acclima-
tation avec quelques chances de succès.
Cent é D ein à à
s: mr des
—#2( 543 )e3—-
M. Guicusr. Je ferai remarquer qu'il serait indispensable, dans une
carte de ce genre, de distinguer Faire naturelle d’une plante de l'aire où
elle a pu être transportée par accident ou d'une façon préméditée ; les ré-
sultats obtenus peuvent être tout à fait différents. Je prends pour exemple
le mélèze; c'est un arbre de montagne que l'on a cru devoir importer dans
les Ardennes; il s’y développe à merveille, mais donne des produits détes-
tables.
M. Gurrroy. Il y aurait évidemment une grande difficulté à distinguer
ces deux aires naturelle et artificielle; mais on pourrait la résoudre au
moyen d’un texte explicatif, La carte indiquerait les terrains où l'on peut
planter telle ou telle espèce, et le texte explicatif, qui serait rédigé par des
forestiers, signalerait les endroits où les produits obtenus ne sont pas satis-
faisants.
M. Gurcuer. Je crois que le mieux serait d'indiquer la zone où l'espèce
croît naturellement.
M. Gurrroy. Ou bien encore celle où lon peut la cultiver avantageuse-
ment.
M. Guicuer. Je le veux bien, mais où sera le critérium?
Le pin Weymouth, transporté dans une zone artificielle, n’a pas d’abord
donné de résultats satisfaisants; mais il est arrivé que les fabricants de
pâle à papier ont eu l'idée d'utiliser cet arbre pour leur industrie et qu'ils
se sont très bien trouvés de son emploi. Ils en achètent donc beaucoup, et
ceux qui ont planté des pins Weymouth se félicitent du résultat obtenu.
La question peut donc avoir une solution différente suivant l’époque à la-
quelle on l’étudie.
M. Gurrrox. La carte que nous préconisons serait une œuvre durable :
au contraire, le texte explicatif dont j'ai parlé n'aurait qu'une valeur tem--
poraire et devrait être modifié quand ül se produirait des circonstances nou-
velles comme celles que vient d'indiquer M. Guichet.
M. Gurcusr. Peut-être pourrait-on distinguer, par des teintes diflé-
rentes, les deux aires naturelle et artificielle.
M. Gurrnoy. Pour ma part, je crois que les teintes donneraient de
—#>( 544 es
meilleurs résultats que le système des points qui donne toujours des résul-
tats assez embrouillés.
M. Weser. En Bavière, on a adopté le système des points pour déli-
miter l’ensemble des zones naturelle et artificielle, et on les distingue l’une
de l'autre par des lignes de couleurs différentes.
M. Demorzae. Je ne crois pas qu'il y ait grand intérêt à distinguer les
deux zones; le côté pratique de la carte, et c’est le seul auquel l’on doive
s : : RAS L |
s'attacher, c’est de permettre à un propriétaire de savoir quelles essences 1l
peut planter dans un terrain donnié. Par conséquent, plus la carte sera sim-
plifiée, mieux cela vaudra.
M. Guicuer. Je crois qu'il y a intérêt à faire la distinction entre les deux
"aires, parce que les plantes importées donnent souvent de moins bons ré-
sultats et que même il arrive qu'elles ne se reproduisent pas. Au contraire,
l'arbre qui est dans sa zone naturelle ne peut donner lieu qu’accidentelle-
ment à de tels mécomptes.
M. Devorzae. Je dois ajouter que bien souvent 1l sera très difficile de
tracer la ligne de démarcation entre l'aire naturelle et l'aire artificielle.
M. Guicuer. [ convient encore de faire observer que, à quelques excep-
tions près, on peut planter dans presque tous les terrains les essences in-
digènes.
M. Tuézanv. La grosse question est que le terrain contienne les éléments
essentiels en quantité sufhisante pour assurer la vie de la plante.
La Section émet le vœu que l'administration forestière fasse dresser par
ses agents des cartes bolanico-forestières indiquant l'aire de dispersion des
diverses essences, afin de faciliter aux propriétaires le reboisement de leurs
terrains.
En outre, la Section se prononce en faveur du mode de représentation
des aires par des teintes plates, avec l'indication par des points des sta-
tions où l'espèce n’est que naturalisée.
M. Guyor. M. Thiéry, professeur à l'École nationale des Eaux et Forêts,
PR
en( 545 jes—
à Nancy, dont je suis le directeur, voulait vous faire une communication
très courte au sujet des transports forestiers; 1l avait le désir d'appeler
votre attention sur le système qui est maintenant pratiqué en Suisse pour
le transport du gros bois, système qu'il a été étudier sur place. Dans les
hautes montagnes, au lieu de procéder par voie de lançage des bois, ce
qui les détériore toujours plus ou moins, on les fait descendre par des
câbles aériens parallèles. Il convient d'ajouter que ce mode entraine un prix
de revient assez élevé.
Je regrette que M. Thiéry n’ait pu venir vous faire lui-même sa commu
nication; peut-être pourra-t-1l assister à votre séance de demain.
M. Le Présinexr. Nous lespérons; c’est pourquoi nous réserverons la
question jusque-là.
La séance est suspendue à 11 heures 10; elle est reprise à 4 heures. :
SYLVICULTURE. 39
t#2e( DAG es
SÉANCE DU MERCREDI 6 JUIN 1900
(SOIR).
PRÉSIDENCE DE M. PAUL CHARPENTIER.
M. ze Secrétaire donne lecture d’un mémoire de M. Flahault sur les h-
mates supérieures de la vévétation forestière en France.
L’abaissement de la limite supérieure de la végétation forestière dans
nos Alpes avait fortement impressionné Demontzey. Des faits incontestés,
* les témoignages certains recueillis sur une foule de sommets secondaires et
dans les hautes vallées au-dessus de la lmute actuelle de la végétation h-
gneuse l’avaient convaincu que les pelouses continues, situées au-dessus
des forêts actuelles, sont les témoins de l’existence de forêts supérieures dis-
parues par le fait de l’homme, après avoir été la cause principale de la
production de ces gazons. Le gazonnement des terrains de montagne com-
plètement dénudés est impossible, on le sait, sans lintervention protec-
trice d’une végétation ligneuse. Pour reconstituer les hauts pâturages, il
faut refaire les forêts.
I y a pourtant, dans la doctrine de Demontzey, un point sur lequel il
est en désaccord avec les résultats des observations accumulées depuis vingt
ans. Îl croyait que la limite supérieure normale de la végétation forestière
atteint la base des neiges permanentes et ne s'arrête qu'aux terrains où les
neiges sont susceptibles de demeurer pendant plusieurs années de suite),
On croyait, il y a peu d'années encore, que la température seule inter-
vient pour déterminer les limites en altitude des espèces végétales; on se
préoccupait d'établir quelle somme de température annuelle exige telle ou
telle espèce, et l'on attribuait leur disparition successive au déficit qu'elles
subissent, à partir d'un niveau différent pour chacune d'elles, à l'égard de
la somme annuelle de température nécessaire à leur développement. On
sait aujourd’hui que la limite des végétaux en altitude est fixée par un en-
Q) Demonrzer. Traité pratique du reboisement, cte., 2° édit., 1882, p. 313. — L’Extinction
des torrents en France par le reboisement, p. 63.
—#3( 547 )es-—
semble de conditions climatiques variées et par leurs multiples combinai-
sons. La diminution de la pression atmosphérique, entraînant l’abaisse-
ment de la température, la diminution de la vapeur d’eau et l'augmentation
de l'intensité des radiations calorifiques, les vents qui activent la transpira-
tion et l’évaporation, la nébulosité, humidité relative et l'humidité absolue
de l'atmosphère, les précipitations atmosphériques sous forme de pluie ou
de neige, leur distribution suivant les saisons, se combinent de la manière
la plus diverse et exercent sur la végétation une influence considérable.
On a pu analyser, dans un certain nombre de cas, la part qu revient à
chacun des facteurs pris isolément; on connaît, d’une manière à peu près
certaine, les résultats synthétiques de leur action commune sur les princi-
pales formes de la végétation des montagnes.
Dans les basses montagnes, le passage du climat de la plaine à celui
des hauteurs est tout d’abord favorable à la végétation ligneuse. À mesure
qu'on s'élève, la pression diminuant, la capacité de Fair en vapeur d’eau
est moindre, les pluies sont moins fréquentes et moins abondantes, les
vents plus forts activent la transpiration. Ces conditions sont défavorables
à la végétation higneuse; en s’exagérant, elles lui deviennent fatales et em-
pêchent complètement; elles sont, au contraire, favorables à la végétation
herbacée. À partir d’un certain niveau, qui varie suivant la situation géo-
graphique des montagnes, suivant les conditions climatiques qui agissent.
sur elles, suivant les détails topographiques même, la végétation ligneuse
est donc impossible.
Les différences que présente la physionomie de la flore traduisent de la
manière la plus exacte les différences climatiques: mais aucune espèce,
prise isolément. ne fournit un sûr crilérium pour la distinction des zones
naturelles de végétation. La physionomie de la flore est déterminée par
l'association d’un certain nombre d'espèces vivant ensemble, dans une dé-
pendance nécessaire les unes à l'égard des autres; les besoins de chaque
espèce prise 1solément variant dans des limites plus étendues que ceux de
l'association considérée dans son ensemble, l'association exprime mieux
qu'une espèce quelconque (füt-elle tout à fait dominante par ses dimensions
ou le nombre de ses individus) les rapports entre la végétation et l’en-
semble des causes qut agissent sur elle. Ni le mélèze, ni le pin de mon-
tagne, ni le pin Cembro, ne permettent, par eux-mêmes et 4 eux seuls, de
fixer la limite supérieure de la végétation arborescente; alors même qu'ils
n'auraient pas été détruits par l'homme, 1ls n’occupent pas tous les points,
toutes les stations de la zone qu'ils occupent. Ils sont éliminés ici par la
39.
—.#>( D48 )e3-—
nature du sol (tourbières, rochers), ici par l'exposition, ailleurs par la
violence des vents ou par l'action réitérée des avalanches. La limite supé-
rieure de la végétation forestière est marquée par la limute des forèts de pin de
montagne, des forêts de mélèze, d’épicea ou de pin Cembro et des associa-
tions dont ces arbres sont les termes principaux. Que lespèce principale
manque, son cortège habituel persiste et marque à sa place la zone natu-
relle dont il s’agit. C’est la zone subalpine; elle est donc très nettement carac-
térisée dans nos hautes montagnes de France. Elle paraît moins facile à
limiter dans les Alpes orientales, dans les grands massifs de l’Europe cen-
trale et le Caucase.
Tout effort de reboisement est inutile au delà de cette limite fixée par
la nature, déterminée par le climat et fixée par la végétation. Demontzey
se faisait illusion sur ce point.
Mais la limite supérieure normale de la zone subalpine, autrement dit
de la végétation forestière, a été abaissée de 300 mètres environ, depuis
les temps historiques, dans nos montagnes de France. Cet abaissement n’est
pas déterminé par le climat; imputable à l’homme seul, 11 a les plus graves
conséquences pour l'économie des montagnes. [ faut retenir, en effet, que
le maximum de condensation des pluies correspond à la zone subalpine,
essentiellement forestière, que la zone dénudée reçoit, par suite, des pré-
cipitations abondantes, très fréquentes et très brusques. Ajoutons que les
eaux s’écoulent sur des pentes très fortes en général, sur lesquelles elles
font nécessairement naître des torrents, suivant le mécanisme ordinaire,
Si donc il est inutile de songer à boiser les montagnes au delà de la li-
rite supérieure de la zone subalpine, il est urgent de reboiser la partie
supérieure de cette zone, à peu près universellement dépouillée de sa végé-
tation normale dans nos montagnes de France. Y reconstituer la forêt, c’est
rétablir l'ordre dans la nature, ordre sans lequel toute économie agricole
est troublée d’une manière profonde. La reconstitution des forêts y est dif-
licile, très lente, exposée à toute sorte d'accidents qui en compromettent
le succès. Alors même qu'on n’en peut espérer aucun produit rémunérateur
et qu'on n’en peut attendre qu'un succès partiel au point de vue de la re-
constitution du bois, 1l est du devoir de l'Administration forestière de pour-
suivre ses efforts dans cette direction. Ils sont justifiés par le grand intérêt
qu'offre le boisement aux grandes altitudes :
1° Protection contre l'altération de la surface du sol par les avalanches,
les eaux, les éboulements et les glissements;
0
2° Production de quantités de bois, si minimes qu’elles soient;
tnt dt thémens ttt
RE Éd de Sn À LR So ne DL de de
|
|
|
--83( 949 )es-—
3° Formation du gazon qui, du pied même de l'arbre qui l'abrite, gagne
peu à peu, fait ea d'huile, devient confluent et forme finalement un
pré-bois.
M. Le Secrérame donne lecture d'un rapport de M. Mélard sur le mé-
moire ( annexe n° 4) de M. Guflroy, relatif à la réparhhon des forêts en
France; ce rapport est ainsi concu :
Le travail de M. Ch. Guffroy a consisté simplement à effectuer 87 divi-
sions pour déterminer le taux de boisement des 87 départements, en pre-
nant pour base la statistique agricole de 189.
Les résultats obtenus, n'étant complétés ou éclairés par aucun renseigne-
ment sur la consistance des forêts, n’ont qu'un médiocre intérêt et sont
plutôt de nature à induire en erreur.
C'est ainsi que le Var et l'Ariège, départements très pauvres au point
de vue du matériel ligneux et du rendement en bois, occupent l’un le deu-
xième, l’autre le cinquième rang dans la classification reposant sur le taux
de boisement.
Un travail analogue a déjà été fait par M. Mathieu en 1876 (p. 3 et 6
de la Statistique forestière et carte n° V).
Il n’y aurait aucun inconvénient à imprimer le travail de M. Guffroy;
cependant il semble difficile de le faire rentrer dans le programme du
Congrès.
On voit bien, il est vrai, à la troisième Section, question n° 4 : Sols fo-
restiers, cartes botanico-forestières, mais les eartes dressées à lappui du
travail ne sont autre chose que de la statistique graphique et n’ont aucun
rapport avec les sols forestiers ou la botanique.
Ces cartes elles-mêmes ne pourraient être reproduites qu'après avoir
été complètement modifiées. La répartition des teintes dans la carte poly-
chrome et l'échelle des teintes dans la carte monochrome sont entièrement
défectueuses.
M. Gureroy. La question que j'ai traitée dans mon mémoire à, au point
de vue climatologique, une importance sur laquelle M. le Rapporteur ne
s’est pas expliqué; la carte que je voudrais voir dresser permettrait des com-
paraisons qui serviraient à déterminer l'influence des forêts sur les orages
à grêle. C’est sur ce point que je prends la liberté d'insister.
La Section émet le vœu qu'il soit dressé une carte orographique indi-
quant la densité forestière des diverses régions et la répartition des
—#3( 550 )se3-—
orêle afin d'en déduire linfluence des forêts sur ce phéno-
orages à ÿ
mène.
M. Tuézarp donne lecture du mémoire suivant sur l'analyse des plantes et
des sols.
Au Congrès international de chimie appliquée de Bruxelles-Anvers en
1894,eten 1 896 à celui de Paris, j'ai fait différentes communications sur
les avantages que l’on pourrait retirer de l'application de la science agro-
nomique à la sylviculture.
Comme suite à ma brochure sur le reboisement el la fertilisation des forêts,
parue en 1896, sur l'invitation de plusieurs de ces messieurs des Forêts
et notamment sur les encourageants conseils de M. H. Joulie, notre cher
vice-président ; sur l'avis de M. Guichet, inspecteur des Forêts, qui m'avait
manifesté le désir de poursuivre plus tard, en collaboration, cette inté-
‘ ressante étude, et qui m'a souvent fait ressortir le parti qu'il y aurait prati-
quement à aborder les études sylvicoles au point de vue chimique, je me
permets aujourd’hui d'essayer de traiter ce sujet en commençant par l'ana-
lyse des sols et des plantes.
TERRE VÉGÉTALE.
Toute terre qui donne une végétation spontanée et des herbes de mau-
vaise qualité se montre, par cela même, cultivable. Modifiez peu à peu sa
composition et vous la rendrez apte à produire des plantes utiles aussi long-
temps que vous saurez maintenir sa composition en harmonie avec leurs
exigences.
Les éléments contenus dans une terre n’ont pas tous la même impor-
tance et pourtant, en l'absence absolue des uns ou des autres, la végétation
devient également impossible.
On distingue dans un sol trois sortes d'éléments :
Les éléments mécaniques, qui servent de rapport aux végétaux sans parti-
ciper à leur formation par leur substance;
Les éléments assimilables achfs, qui sont les agents par excellence de la
production végétale et dans lesquels réside essentiellement la fertilité ;
Et les éléments assimilables en réserve qui remplissent d’abord les fonctions
d'éléments mécaniques, mais qui, à un moment donné, peuvent devenir
assimilables et rentrer dans la catégorie des éléments actifs.
PU UT VOTE
Er)
M Er à Te gi ge Débit ls fait A 0e print ais
——#3( 551 jee
COMPOSITION D'UN SOL FERTILE.
© Sable.
Calcaire.
Arpile.
Gravier.
|
l
| Humus.
Eléments mécaniques...................
| Organiques . . .. Ammoniaque.
Nitrates.
| Acide phosphorique.
Assimilables actifs... ....( | Acide sulfurique.
{
l Chlore.
\ Minéraux......
DR à à Siice.
Potasse.
Soude.
Chaux.
Magnésie.
Oxyde de fer.
Oxyde de manganèse.
| Assimilables en réserve . AN PS ne
Pour simplifier notre travail, nous classerons nos éléments en deux ca-
tégories :
Éléments mécaniques ;
Eléments actifs.
Cette étude du sol, qui paraît si simple en apparence, présente de telles
difficultés dans la pratique, que les premiers chimistes qui ont voulu s’en
occuper ont tous fait fausse route. [gnorant ce qui pouvait être utile à
l'alimentation des plantes, ils ont commencé par doser les éléments méca-
niques. s
Inutile de dire que leurs recherches furent couronnées d’insuccès.
Enfin, lorsque le voile qui masquait la physiologie végétale fut enlevé,
une nouvelle route s’ouvrit au chimiste et ses recherches portèrent sur les
éléments actifs.
ANALYSE MÉCANIQUE DE LA TERRE.
* [lest dificile de donner une appréciation au sujet de l'analyse physique
ou mécanique de la terre.
Néanmoins nous pouvons admettre que les meilleures terres agricoles
—#>»( DD2 je
sont composées de sable mélangé à une proportion convenable d'argile
(jà1op. 100), avec environ 10 p.100 de calcaire et 2 p.100 de ma-
tières organiques.
I y a toutefois beaucoup de terres fertiles dont la composition s’écarte
lus ou moins largement de ces proportions.
Le défaut ou l'excès d'argile peut, en effet, se trouver compensé par un
excès de calcaire ou de matières organiques. Celles-ci peuvent aussi, avec
le concours de l'argile, remplacer le calcaire dans une certaine mesure.
Mais le calcaire et l'argile ne peuvent contrebalancer que faiblement le
manque de matières organiques, car les excès de ces deux composants exi-
gent eux-mêmes des quantités plus élevées de ces matières. C’est donc, au
point de vue de la constitution physique ou mécanique du sol, la propor-
tion de matières organiques qui remplit le rôle le plus important, puisque
ce sont elles qui régularisent l'influence des autres composants et les rem-
placent, au besoin, mais ne peuvent être remplacées par eux.
Nous allons exposer rapidement les propriétés de chacun de ces élé-
ments physiques du sol.
HUMUS.
L’humus est la matière noire que contient, par exemple, la terre de
bruyère; c’est un produit de la décomposition des détritus végétaux et 1
joue forcément un grand rôle en sylviculture.
Chimiquement, c’est une substance peu soluble dans l'eau, qui perd
entièrement sa solubilité par l’action alternative de la gelée et de la chaleur;
la potasse le dissout et les acides le précipitent de cette dissolution sous
forme de dépôt spongieux et semi-pulvérulent.
Au contact de l'air l’humus absorbe l'oxygène et le change en acide car-
bonique; il en résulte qu'il détermine, dans le sein de la terre, toujours
plus ou moins aérée, une production incessante d'acide carbonique aux
dépens de son propre carbone.
Ce n’est pas une substance chimique simple comme beaucoup sont tentés
de le croire. C’est une collection de corps divers dont les uns sont utiles
et les autres indifférents où même nuisibles. On a cru, pendant un mo-
ment, en examinant des terres noires de Russie, que leur extrême fertilité
était due à la couleur noire de l’humus, mais on en est vivement revenu
après les expériences qui ont été faites dans du sable lavé caleiné et pré-
paré en conséquence.
L'humus n'est donc autre que la substance qui, par sa décomposition, a
——#>( 993 Fe
donné la tourbe, laquelle, par la suite des temps, s'est transformée en
charbon de terre.
Les propriétés de l’humus, considéré comme agent ou support de la
végétation, sont multiples et quelques-unes très importantes. Nous place-
rons en première ligne la faculté qu'il possède d’absorber et de retenir une
grande quantité d'eau :
100 parties d’humus peuvent absorber jusqu'à 1 .90 parties d’eau. À ce
seul point de vue la présence de Thumus dans le sol est une condition émi-
nemment favorable au succès des cultures.
Dans un terrain privé d'humidité, la végétation est impossible, parce
que les éléments minéraux constitutifs des plantes, le phosphate de chaux,
la chaux. la magnésie, la silice, le fer, ne sont assimilables pour elles qu'à
la condition d’être préalablement dissous dans l'eau.
Une propriété très précieuse de Phumus est qu'il absorbe l’ammoniaque
et la fixe dans le sol sans nuire à son assimilation par les végétaux. Ces
effets de fixation jouent un grand rôle dans les phénomènes de la végé-
tation.
La faculté d'absorption de lhumus ne s'exerce que sur l’'ammoniaque
(Az HS) et nullement sur les dissolutions de sels ammoniacaux.
L'humus possède une troisième propriété non moins remarquable et
précieuse au point de vue sylvicole. IT absorbe l'oxygène de l'air et le trans-
forme incessamment en acide carbonique au sein de la terre végétale. Cet
acide carbonique, résultant de la combustion spontanée de Yhumus, ne
sert pas seulement à la nutrition des plantes, fonction dans laquelle l'acide
carbonique de l'atmosphère pourrait le remplacer; il joue un rôle beaucoup
plus important, celui de désagréser et de rendre plus facilement solubles
les éléments minéraux du sol. Les feldspaths, par exemple, résistent moins
à l’eau chargée d’acide carbonique qu'à l’eau pure, et la chaux, la silice,
la potasse, produits précieux de leur décomposition, sont ainsi dissous
plus facilement et en plus grande quantité.
Le phosphate de chaux, insoluble dans l’eau naturelle, se dissout égale-
ment dans l’eau chargée d’acide carbonique, et il n’est pas jusqu’au phos-
phate d’alumine qui, l'acide carbonique aidant, n'abandonne, en présence
de la potasse ou de la chaux, une partie de l'acide phosphorique qu'il con-
tenait à l'état insoluble, sans profit pour la végétation.
L’humus, dans le même ordre d'action directe et immédiate, produit sur
les phosphates de chaux et de fer un effet de dissolution très remarquable
et qui favorise leur absorption par les végétaux. Les récoltes obtenues dans
4m( 554 jes—
du sable mêlé d'humus contiennent plus de phosphates que celles venues
dans le sable pur. Avec ou sans humus, dans des conditions de fumure
identiques, le rendement est le même, mais la récolte contient, dans le
premier cas, plus de phosphate de chaux que dans le second.
Enfin, lhumus, et c'est Là sa fonction principale, favorise singulière-
ment l’action fertilisante du carbonate de chaux et ne manifeste lui-même
d'effet utile qu'autant qu'il lui est associé.
INCONVÉNIENTS DE L’HUMUS.
Si, dans des proportions raisonnables, l’humus donne de bons résultats,
il en est autrement lorsqu'il se trouve en trop grande proportion. Il est
facile d'enrichir un sol en humus, il n’est pas toujours commode d’en
combattre les excès.
Chez nous, le défaut d'humus ne se rencontre guère que dans les cul-
tures arriérées; car dans celles-ci l'excès des matières organiques est bien
plus fréquent que leur défaut et crée des difficultés autrement redou-
tables.
Les terres de vieilles prairies, d'anciens bois, de marais desséchés,
les tourbières assainies se trouvent également dans cette fàächeuse si-
tuation.
Partout où la richesse en humus arrive à 10 p. 100 du poids de la terre
sèche, proportion qut est indiquée par un dosage de 5 à 6 millièmes d’a-
zote, la fertilisation devient le plus souvent très diflicile, même par les
engrais chimiques, attendu qu'ils sont absorbés et insolubilisés par humus
qui ne les cède plus que très lentement aux plantes, au fur et à mesure de
sa destruction.
On arrive à se débarrasser des excès d’humus par l’écobuage, l'essar-
targe, les chaulages, les marnages, par l'apport de sable et ensuite par la
culture de ‘plantes maraichères ou d'avoine.
Les scories de déphosphoration ou les phosphates fossiles donnent de
bons résultats dans ces terrains.
ARGILE.
L’argile est ce que l’on appelle en chimie silicate dalumine hydraté: elle
entre, pour une large part, dans la composition de presque tous les sols
et provient de la désagrégation de silicates à plusieurs bases, parmi les-
quels il faut surtout compter alumine.
»!
(555 jer—
Un échantillon d'argile m’a donné à l'analyse :
MMICE D: 20e da 0 MMS EN de 54,00
DRE ee 2 SU nano te ER à D Ad ace te D ste 26,00
Uxydeide fers JL ee eee ceperrecc ss scms ee 18,40
DER MA A ER ENR TS SR Rs Aa Rte sata 1,60
L’argile, bien qu'insoluble, joue un rôle de premier ordre dans l’écono-
mie de la végétation; elle règle à la fois la diffusion de lammoniaque dans
le sol et son assimilation par les végétaux.
Comme lhumus, l'argile possède la propriété d’absorber une grande
quantité d’eau et de la fixer dans le sol s’opposant également et à son
écoulement dans les couches inférieures et à son évaporation.
Cent parties d'argile absorbent 70 parties d’eau, et là où le sable.
mouillé au même degré, perd, en quatre heures, 88 parties d’eau, la perte
de l'argile n’est que de 46 parties.
L'argile partage avec Fhumus la faculté de soustraire lammoniaque à
ses dissolutions dans l'eau et d'autant plus que la dissolution est plus
concentrée. Cette fixation n’est pas le résultat d’une combinaison et n'a
rien de définitif. Il ne faut y voir qu'un eflet purement physique. L’argile
prend l’ammoniaque à l'eau, mais l'eau à son tour reprend l’ammontaque
à l'argile; ces deux effets se produisent avec la même facilité : la soustrac-
tion dans un sens ou dans l'autre dépend uniquement du rapport entre
les quantités réagissantes d’eau et d'argile suivant que l'état du sol passe
de la sécheresse à l'humidité.
Mieux partagée que l’humus, elle exerce sur les dissolutions salines la
même action que sur l'ammoniaque. Elle fixe la potasse, la soude, la
chaux, Pacide phosphorique qu'elle rend ensuite aux plantes.
Lorsqu'elle agit sur une dissolution formée de plusieurs sels, l’aroile
détermine ou favorise de doubles décompositions qui ne se seraient peut-
être pas accomplies sans sa présence, car en séparant les corps de l'eau
qui leur servait de véhicule, en les condensant, en les rapprochant, elle
multiplie leurs points de contact et seconde leurs actions mutuelles.
SABLE.
On appelle sable des grains de différentes substances minérales et plus
particulièrement de quartz, qui sont restés isolés, indépendants les uns
des autres.
2 500 ee
Le sable est l'élément principal, souvent unique, du sol mouvant des
dunes et des déserts; c’est la matière principale des alluvions déposées par
les rivières; c’est lun des éléments nécessaires des terres arabes: aussi
est-il employé à l’ameublissement de celles qui sont trop compactes.
Le sable diffère de l'argile par sa nature, comme par son gisement. Il
n’en diffère pas moins par ses propriétés agricoles.
Au point de vue agricole, il y a deux espèces principales de sable :
le sable à grains de quartz ou de silice: le sable à grains calcaires ou de
carbonate de chaux. |
Le sable a la propriété de laisser pénétrer l'air et eau dans le sol, et sa
proportion par rapport à l'argile varie selon les pays. Dans les pays où 1l
pleut beaucoup, le sable doit être en plus forte proportion que dans les
autres, et pour l'emploi des engrais solubles 1 y a à tenir également compte
de ce phénomène.
: CALCAIRE.
Calcaire est le nom que l’on donne au carbonate de chaux (56 de
chaux, 44 d'acide carbonique). IL porte différents noms selon sa forme
ou ses usages.
Au point de vue sylvicole le calcaire a un double rôle. En dehors de ses
propriétés physiques il sert à la nutrition des plantes et à la décomposition
des matières organiques.
Un terrain est dit calcaire lorsqu'il renferme au moins 10 p. 100 de
carbonate de chaux intérieurement mélangé à toute la couche arable dont
le poids à lhectare et sous une épaisseur de 20 centimètres ne peut être
évalué à moins de 4,000,000 de kilogrammes.
ANALYSE CHIMIQUE DE LA TERRE.
L'analyse chimique des terres exige une série d'opérations chimiques
des plus délicates, et il est impossible de songer à la faire exécuter ailleurs
que dans un laboratoire bien organisé et par d’autres mains que celles
d’un chimiste très expert en cette matière et en possession de bonnes mé-
thodes.
Il arrive souvent que beaucoup de chimistes, qui croient pouvoir se -
charger de ée travail, n'arrivent qu'à des résultats très erronés, et cela au
détriment du propriétaire qui y a recours. Malheureusement aussi ce der-
nier, voulant aller par trop à l’économie, court de lui-même au-devant de
sa ruine.
+ FM}
(Des
I oublie volontiers qu'une analyse chimique n’a de valeur que celle
qu'on peut attribuer moralement au chimiste qui la faite et à son outillage
qui doit être des plus complets; toutes choses qui représentent une valeur
et de certains frais qu'il est nécessaire de couvrir.
Nous ne donnerons pas ici toutes les méthodes proposées ou suivies
dans les laboratoires, nous ne signalerons que les deux principales qui
diffèrent entre elles par le mode d’attaque de la matière.
La première, due à M. Paul de Gasparin et que je propose à la 3° section
du Congrès international de Sylviculture de vouloir bien accepter a été
décrite dans son merveilleux Traité de la détermination des terres dans les la-
boratoires. Elle consiste à attaquer la terre par Veau régale (mélange d’acide
azotique et chlorhydrique).
La seconde méthode suivie par les stations agronomiques a été décrite
dans les bulletins et publications du Ministère de l’agriculture.
Elle consiste à attaquer la substance par l'acide nitrique seul.
Jai toujours suivi la première méthode, et pendant le long stage que
j'ai fait au laboratoire de M. H. Joulie, j'ai continué à employer avec lui
cette même méthode avec les quelques modifications qu'il a apportées
dans le dosage des éléments minéraux. On laisse de côté tout ce qui n’in-
téresse pas directement l'alimentation des plantes. Cette méthode est ra-
pide autant RE et repose actuellement sur des résultats obtenus au
moins d'après {1,000 analyses de diverses terres sur lesquelles c on a obtenu
par la suite d'excellentes cultures.
Les terres les plus fertiles ne contiennent pas plus de 3 à 4 p. 100 de
leur peus en éléments essentiels. Le premier soin du chimiste est donc
de séparer, par exemple à laide de l'eau régale, cette partie précieuse de
la masse de matière inerte qui lui sert de réservoir.
Mais, direz-vous, la plante n’a pas d’eau régale à sa disposition pour at-
taquer le sol aussi énergiquement qu'elle et l'eau de pluie, bien que char-
gée d'acide carbonique et des sels qu'elle trouve dans le sol même, ne
saura Jamais en extraire autant de substance active que l’eau régale?
La somme des éléments utiles que l'attaque à l’eau régale permet de
doser représente le maximum de richesse de la terre, la provision d'ali-
ments qu'elle cédera lentement à la végétation pendant le cours des siè-
cles, sans donner cependant la mesure de ce que le cultivateur est en
droit d'en attendre immédiatement ou même pendant la durée de son en-
treprise.
Cette constatation n’en a pas moins une grande importance car s'il est
—#>( 958 )e3—
impossible d’en tirer aucune conclusion pratique à l'égard des éléments
trouvés en abondance, il n’en est pas de même pour ceux qui font défaut
ou qui ne se montrent qu'en faible proportion. Pour ceux-là, du moins, on
est assuré de la nécessité absolue d’en apporter par les engrais, si l’on
veut utiliser les autres et obtenir des récoltes.
En substituant l'eau dstllée à Yeau régale, dont l’action est trop éner-
pique, d’après certains chimistes, on obtiendrait une dissolution des élé-
ments immédiatement disponibles. Mais, cette fois, au lieu de dépasser le
but, on serait loin de l’atteindre. Le résultat obtenu serait un minimum
car l'eau qui imprègne le sol pendant toute la saison de végétation pos-
sède une action dissolvante plus puissante que celle de l’eau distillée,
grâce à l'acide carbonique dont elle est chargée. Elle agit, d’ailleurs, dans
des conditions fort différentes et beaucoup plus favorables. Certains ma-
tériaux du sol, complètement insolubles dans l'état où ils s’y trouvent, su-
bissent, à la longue et sous les influences multiples des agents atmosphé-
riques et des sels contenus dans le sol, une décomposition lente qui en
dégage peu à peu des produits solubles dans l’eau et capables d'alimenter
les plantes.
C'est ainsi que l'acide phosphorique, par exemple, uni à Foxyde de fer
et à l’alumine, est complètement insoluble dans l’eau et sert cependant à
l'alimentation des plantes par l'effet des réactions que certaines matières
organiques en décomposition exercent sur les phosphates de fer et d’alu-
mine. L’acide phosphorique, séparé de ces bases, devient soluble dans l’eau
du sol à l’état de phosphate de potasse, d’ ammoniaque , de chaux ou de
magnésie.
L'analyse des produits solubles dans l’eau ne peut donc nous indiquer
qu'un minimum souvent très éloigné de la vérité qui se trouve entre les
points extrêmes indiqués par les deux méthodes et à une distance “e
n'est pas encore possible à la chimie de préciser.
L'attaque à l'acide nitrique seul donne des chiffres plus faibles que ceux
obtenus par l’eau régale sans qu'il soit possible d'indiquer un rapport à
peu près constant entre les résultats des deux systèmes. Ce rapport varie
dans des limites assez étendues. Les résultats seraient en quelque sorte les
intermédiaires entre l'eau régale et l'eau distillée; alors nous n’en Voyons
pas bien Putilité.
On à égaleme nt proposé d'attaquer les terres à l’aide des acides orga-
niques, mais nous passerons ces méthodes sous silence.
La raison pour laquelle les stations agronomiques ont adopté l'attaque
DR TT PRE TRS OS D
D ORPI TT, PR TT TT TU
—#3( 559 es
à l'acide nitrique bouillant pendant cinq heures est que l’'ébullition ne
modifie pas la composition du réactif; cette raison aurait une valeur sé-
rieuse si l'acide nitrique donnait une attaque plus complète que celle par
l'eau régale; mais, comme c’est le contraire qui se produit, 1l faut donc
aller chercher ailleurs cette adoption.
INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS À L’HECTARE.
Généralement voilà comment on dispose le bulletin d’une analyse de
terre.
Nom du propriétaire. .............. RS EP LE PSE.
Cenmune et département... 24424 - ea cece
HÉHSÉPHEMENS. : . 2. 4e me mo ones drame
Tamisage.
MAMIE à Led ee 0e Ne Re CC OU rat sl cie 709,9
eRPaSes 5) dur LS A Se PRE le SR ARE NE, 290,9
ri Ph
OMR UE LOUE Sn et ee 1,000,0
Analyse mécanique de la terre fine.
Us NERO PR MN A QE PARU PEN TEN CARNET PRET 803,18
À LOT CR TANER PAR NE REA PRE PA ERREERE RE 152,56
RES ONE PAST ARR PA ee Le à traces.
Matières organiques. .:.........::.........,...... 10,81
RE SN TT MER NN EE LE LR A TTSS s 31.45
DOM LUN DIE AMe he 1,000,00
ANALYSE CHIMIQUE,
DANS 1,000 KILOS. |À L'HECTARE
ÉLÉMENTS UTILES. ——_—_— dans APPRÉCIATIONS.
m PRES
rene Five. avec pignnes. [© 20D ÉPAISSEUR.
Acide phosphorique. ......... 45 3: 1,280 Très pauvre.
Acide sulfurique ; 1,440 Très pauvre.
aligné PSS ET EE 3,6: 14,180 Riche.
Chaux 2,00 h6 5,840 Très pauvre.
Magnésie É € 7:920 Assez bien.
Oxyde de fer 36,15 144,600 Bien.
1,800 Très pauvre.
1,680 Bien.
—#>( 200 )ee3-—
Une semblable analyse, faite consciencieusement, revient à 50 francs.
L'analyse chimique est comptée 30 francs et suflit largement, et l'analyse
mécanique 20 francs.
Voici comment on calcule l'analyse précédente :
La densité des terres, déterminée par le poids du litre, varie dans des
limites assez étroites autour de ©.
On prendra donc la densité moyenne 2 pour base du calcul. Sd
En multipliant par 20 la richesse centésimale, on aura la richesse d’un
mètre cube de terre qui pèse 2,000 kilogrammes en moyenne et, en
multipliant les nombres trouvés par la profondeur de la couche arable,
multipliée elle-même par 10,000, on aura la richesse à l'hectare.
Exemple : lanalyse précédente donne dans une terre, pour le dosage
de l'acide phosphorique, 0,049 p.100 sur la terre fine; 0,045 X 20 —
o kilogr. 900, richesse du mètre cube de terre.
= La couche arable a o m. 20 d'épaisseur.
0 In. 20 X 10,000 — 2,000 mètres cubes, volume de la couche arable.
o kilogr. 400 X 2,000 —1,800 kilogrammes d'acide phosphorique à
l'hectare. |
Si la couche arable n’avait-que 12 centimètres d'épaisseur moyenne, le
même dosage conduirait à 0,045 X 20 — 900 X 0 m. 19 X 10,000 —
1,080 kilogrammes seulement.
Cette manière de calculer la richesse à l’hectare n’est pas rigoureuse-
ment exacte :
1° Parce que la couche arable n’a pas toujours une épaisseur toujours
égale sur toute la surface du champ;
2° Parce que le poids du mètre cube de terre n’est que rarement égal
à 2,000 kilogrammes exactement;
3° Enfin, parce que la couche de terre qui est au-dessous de la couche
arable peut intervenir dans une certaine mesure pour l’alimentation des
plantes, surtout si l’on a fait un sous-solage.
Mais, comme il ne s'agit d'obtenir par lanalyse que des indications
approximatives, ainsi que nous l’avons déjà expliqué, ces causes d’inexac-
ütude sont sans importance.
À ces caleuls vient également s'ajouter un autre facteur, c’est la quan-
uté de pierres contenues dans un champ, et pour cette raison on remarquera
l’action des dissolvants énergiques employés dans le Jaboratoire comme
celle des dissolvants plas faibles qui se trouvent dans la couche arable de
nos champs (et lon pourrait ajouter comme celles des racines elles-mêmes)
Pair
cc cut Étant it. nié PORN PSP
--#>( 261 )e3-—
est d'autant plus grande pour un certain poids de terre que cette terre est
divisée en particules plus petites et que l’ensemble de ces particules offre
ainsi à cette action une surface plus grande. De plus, c’est principalement
dans la terre fine que réside le pouvoir absorbant du sol pour lammo-
niaque, la potasse, l'acide phosphorique, ete... . On aura donc des do-
sages plus ou moins élevés suivant que lon fera porter l'analyse sur une
matière plus ou moins fine: et nous considérons cette séparation de la
partie fine et de la partie grossière du sol comme un des points fonda-
mentaux de l'analyse chimique des terres; car, en dehors de ce point de
vue chimique, comment pourrait-on comparer deux terres, l’une pleine de
cailloux et l’autre composée de terre fine ?
Ainsi, dans l’exemple précédent, nous remarquons à gauche du tableau
le mot tamisave et nous voyons que pour 1,000 de la terre analysée nous
avons 709,9 de terre fine et 290,5 de pierres.
Alors si nous ne tenions pas compte des pierres 1l arriverait ceci : c’est
que nous aurions pour l'acide phosphorique 0,45 pour 1,000 au lieu de
0,32, ce qui nous ferait à l’hectare 1,800 kilogrammes au lieu de 1,280.
L'appréciation devrait donc être modifiée.
Done, lorsqu'il y a des pierres dans une terre, 11 faut en tenir compte
et modifier par le calcul les résultats obtenus sur la terre fine après tamisage.
Exemple pris dans le tableau précédent :
Acide phosphorique p. 1,000 dans terre fine, 0,45
0,15 X 709,5 D 33.
1,000
Acide phosphorique p. 1,000 avec pierres égalera donc 0,32.
Ainsi de suite pour les autres éléments.
On calcule la richesse à l’hectare en se servant des résultats ainsi modi-
liés (d’après la quantité de pierres) en multipliant tous les chiffres par
h,000.000, poids de la couche de terre à lhectare divisé par 1,000.
39 XK !/|
Exemple : °°? X 1000000 _ , 380.
1,000
SIGNIFICATION DE L'ANALYSE.
Si nous admettons avec M. Joulie qu'une terre, pour qu’elle soit dans de
bonnes conditions, doit renfermer à l'hectare :
ER ERUE Er5d t me du ne UD des 0e 08 HECD A h,000
Re PIQUE se 0 Mae US à mu ue not ns NM LE à h,000
SYLVICULTURE. 36
Potagse. à eu à d'arc EN PC ER NME 10,000
Chang. see He SR PR 200,000
Marnésie,: 4 ceci nee Dodo one 12,000
Oxyde de PRE EL ENTREE EEE EE NACRE 150,000
Azote: 2} 83 408 SPORE Pa EIRE MAMIE TS" DER h,000
Et si l’on compare les chiffres de lanalyse précédente avec ceux-e1, on
voit que la terre examinée est riche en potasse et en oxyde de fer et pauvre
en tous les autres éléments.
ÉLÉMENTS MANQUANTS.
Les indications de l’analyse précédente sont donc parfaitement claires.
Si l’on veut obtenir une récolte de blé abondante et de bonne qualité sur
cette terre, il faudra l’enrichir des éléments minéraux qui lui manquent
(Pour mieux faire ressortir notre exemple nous prendrons le blé au lieu d’une
plante forestière. )
Mais faudra-t-1l, du premier coup, lui donner des quantités suflisantes
de ces éléments pour l’amener à la richesse de la bonne terre? Cette ma-
nière de procéder exigerait une dépense hors de proportion avec les avan-
tages à en retirer et ne donnerait d’ailleurs pas de meilleurs résultats agri-
coles.
Si, par exemple, on donnait à l'hectare et sous forme assimilable les
2,720 kilogrammes, lexcédent qui ne serait pas utilisé par la récolte ren-
trerait dans des combinaisons insolubles, et cela reviendrait au même que
si l’on avait employé du phosphate fossile.
Ce n’est pas de la sorte qu'il faut procéder.
Supposons qu'il s'agisse de mettre cette terre en blé.
Sachant la quantité d'éléments qu'emprunte au sol et à l'hectare une
bonne récolte de blé, nous cflectuerons les calculs suivants :
ACIDE PHOSPHORIQUE.
L’acide phosphorique contenu dans le sol y existe à l'état de phosphates
plus ou moins solubles, mais qui se décomposent peu à peu et mettent
chaque année une petite quantité d'acide phosphorique à la disposition
des plantes.
C’est ainsi qu'une terre où l'analyse trouve 4,000 kilogrammes d'acide
phosphorique à l'hectare peut facilement fournir les 55 kilogr. 19 néces-
“ msn LES NZ “ nm
—#2( 563 )3—
saires à une bonne récolle de blé. Bien que cette dose d'acide phospho-
rique ne s'y trouve pas à l'état soluble à aucun moment de l’année, elle
passe à cet état successivement et pour ainsi dire à mesure du besoin.
En supposant que l'acide phosphorique assimilable fourni pendant la
saison de végétation par une {erre quelconque soit proportionnelle à sa
richesse donnée par l'analyse, ce qui est vrai pour la plupart des terres,
nous arrivons à trouver que si la terre à 4,000 kilogrammes peut fournir
9 kilogrammes d'acide phosphorique assimilable, la terre que nous
avons analysée et qui donne à l'analyse 1,280 kilogrammes fournira dans
| q ÿ 6
AE 1,280 X 59,19
les mêmes conditions : °°° 2°??? 1764.
U,000
Or, cette quantité d'acide phosphorique ne peut donner, en supposant
que le poids de la récolte corresponde à 5 kilogr. 15 d’acide phospho-
17° 64 X 14,536*
rique, soit de 14,536 kilogrammes, EEE
— 1,649 kilogrammes
de blé (plante entière).
Si donc on veut amener celte terre à une production possible de
14,936 kilogrammes, 1l faut lui donner un supplément d’acide phospho-
rique qui doit être égal à la différence entre la quantité nécessaire et la
quantité disponible, soit :
55 15 — 17" 64 — 35.51 kilogrammes.
7 2° 6
Mais la terre ne pourra fournir tous les ans, la même quantité d'acide
phosphorique: elle en donnera de moins en moins, à mesure qu'elle s’en
épuisera, si on en enlève les récoltes sans opérer d’autres restitutions que
les 37 kilogr. 51 nécessaires à la production des 14,536 kilogrammes de
blé et si d'autres causes ne s'opposent pas à l'obtention d’une récolte de
cette importance. Son épuisement sera représenté par une progression dé-
croissante, et par conséquent la dose d’acide phosphorique à apporter
annuellement devrait s’accroître en progression inverse.
Il est possible, dans une certaine mesure, d’atténuer les dépenses de
resütution annuelle par une mise de fonds un peu plus élevée au dé-
but.
Ce qui ne peut être fait, par exemple, pour la potasse, les nitrates ou
autres sels solubles, ne présente pas d’inconvénients pour l'acide phos-
phorique, qui peut être donné sous forme de phosphate fossile ou scories,
dont la conservation dans la couche arable est assurée par une insolubi-
lité presque complète, On pourrait donc à la rigueur enrichir d’un seul
36.
—#>( 904 )e3—
coup, la couche arable, de tout l'acide phosphorique nécessaire pour lui
assurer une longue fertilité.
Si l'on admet pour le phosphate fossile la même assimilabilité que pour
les phosphates contenus dans le sol, ce qui est certainement au-dessous
de la vérité, pour amener d’un seul coup la terre en question à la richesse
des bonnes terres, 1l faudrait lui donner à lhectare 4,000 — 1,280 —
2,720 kilogrammes d'acide phosphorique, soit 18,133 kilogrammes de
phosphate fossile à 15 p. 100 d'acide phosphorique.
Un semblable phosphate valant environ 5 francs les 1 00 kilogrammes, la
somme à ajouter, de ce chef, aux frais de fumure serait de 906 fr. 65.
C'est là une dépense évidemment exagérée, qui effraiera tout le monde;
mais, au lieu de la faire en totalité, on pourrait {rès bien ne la faire
qu’en partie.
Pour les cultures ordinaires, cela n’a pas une très grosse importance;
mais, s'il s'agissait de création de prairies, l’occasion serait unique pour en-
richir la terre au moyen du phosphate fossile. Plus tard, lorsque la surface
serait garnie d'herbe, ce phosphate ne pourrait plus avoir qu'une action
très faible, et il faudrait avoir recours à des engrais plus assimilables, mais
aussi plus chers.
Nous pensons donc qu'il serait, dans le cas présent, d'une bonne écono-
mie d'enterrer dans la couche superficielle, au moyen du rayonneur,
2,000 kilogrammes environ de phosphate fossile, ce qui augmenterait
de 100 francs les dépenses, mais atténuerait sensiblement les frais d’en-
tretien annuel.
Cette manière de procéder n’est cependant pas obligatoire pour une
terre semblable à celle dont nous venons de donner lanalyse et destinée
aux céréales. Suivant le capital dont on peut disposer, on choisira entre les
deux systèmes.
Mais pour une même terre destinée à la prairie et ne contenant, par
exemple, que de o à 1,500 kilogrammes d'acide phosphorique à lhec-
tare, ce qui est le cas, il serait indispensable de former une première
provision, à l’aide du phosphate fossile, dont a dose devrait être portée
alors à 3,000 et même 4,000 kilogrammes à Fhectare, sil était pos-
sible.
I serait ensuite tenu compte de l'augmentation de richesse donnée ainsi
à la terre pour calculer la quantité d'acide phosphorique immédiatement
assimilable à apporter par les engrais.
Pour cela, 1 n’y aurait qu'à refaire le calcul que nous avons indiqué
—#x( 565 )e+--
plus haut, en ajoutant à la richesse de Îa terre la quantité d'acide phos-
phorique apportée par le phosphate fossile.
Supposons, par exemple, que l’on ait donné à la terre en question
2,000 kilogrammes de phosphate fossile à 15 p. 100. On aura ainsi
ajouté à sa richesse naturelle 300 kilogrammes d’acide phosphorique, ce
qui l'aura portée à 1,280 + 300 — 1,580.
Nous dirons encore : Si 4,000 kilogrammes de richesse fournissent an-
nuellement 55 kilogr. 15 aux récoltes,
1,580 X 55,19
h,000
1,580 fourniront =
et la quantité à donner sous forme d’engrais immédiatement assimilable
sera 59,19 — 21,78 — 93 kilogr. 37 au lieu de 37 kilogr. 51 qu'il aurait
fallu donner si on n'avait pas mis de phosphate. Il résultera donc du
phosphatage une économie annuelle de A kilogr. 1 4 d'acide phosphorique
assimilable, valant o fr. 4o le kilogramme rendu à la ferme, soit 1 fr. 66.
Or, l'intérêt des 100 francs de phosphate employé est de 4 francs par an.
I n'y aurait done aucun avantage à faire cette opération si le phosphate
fossile n'était pas plus assimilable que les phosphates naturels du sol,
ainsi que nous l'avons provisoirement admis. Mais cette hypothèse est-elle
fondée ? |
[ est difficile de répondre à la question d’une manière générale. La ré-
ponse dépend évidemment des matières que le phosphate rencontrera dans
le sol. S'il peut s’y dissoudre facilement, il sera beaucoup plus actif que
l'acide phosphorique préexistant, et alors ce n’est plus une économie de
1 fr. 66 mais bien de À et peut-être même de 10 francs que le phospha-
tage permettra de réaliser annuellement. Peut-être même pourra-t-on
continuer, dans ce cas, à alimenter la terre par le phosphate fossile. Mais,
dans l’état actuel de la science, nous ne possédons aucun moyen précis de
décider par avance ce qui se passera à cet égard. C’est donc en définitive
un risque à courir, dont les calculs qui précèdent mesurent l'importance.
Si le sol est défavorable à l'action du phosphate fossile, l'emploi de
2,000 kilogrammes, au début, sur une terre semblable à celle que nous
avons prise pour exemple, déterminera une perte annuelle d'intérêt de
2 fr. 34 par hectare. St, au contraire, le sol se trouve dans des conditions
favorables, cette même opération pourra se régler par un bénéfice annuel
plus ou moins élevé.
Les calculs qui précèdent nous ont conduit à savoir que la terre exami-
—#3( 566 )e3-—
née doit recevoir, sous forme d'engrais, 37 kilogr. 51 d'acide phospho-
rique assimilable, si lon n’emploie pas de phosphate fossile, ou une dose
moindre, 33 kilogr. 37 au plus, si l'on enterre 2,000 kilogrammes de
phosphate fossile à l'hectare avant de semer. Il nous reste à préciser les
quantités d'acide sulfurique, de chaux, de magnésie, d'azote.
On établit par des calculs analogues tous les autres éléments à apporter
par les engrais. (Voir Les Prairies , par H. Jourte.)
POTASSE.
La terre présente est riche en potasse, 14,480 kilogrammes, au lieu de
10,000. Ainsi que nous l'avons remarqué, la potasse contenue dans le sol
y existe à l'état de silicates insolubles dans l’eau, mais qui se décomposent
peu à peu et mettent chaque année une petite quantité de potasse à la dis-
position des plantes.
Une terre qui contient 10,000 kilogrammes de potasse à l’hectare four-
nit aisément les 80 kilogr. 29 qui sont nécessaires à une bonne récolte de
blé.
H suflira done simplement d'entretenir cette terre en potasse.
Si cette terre est pauvre en cet élément, contrairement à ce que nous ve-
nons de dire pour l'acide phophorique, on ne pourrait pas lui donner d'un
seul coup ce qui lui manque, pour la raison que cette manière de procéder
exigerait une dépense hors de proportion avec les avantages à en retirer, et
ne donnerait d’ailleurs que de très mauvais résultats agricoles.
Si, par exemple, il manquait à cette terre 2,000 kilogrammes de po-
tasse à l’hectare et que nous les ajoutions sous forme de sel, la dose de
potasse assimilable serait très exagérée et troublerait l'équilibre utile à
la végétation.
Tous les sels de polasse étant d’ailleurs très solubles dans l'eau, cet
excès de potasse serait rapidement entrainé dans le sous-sol et aurait été
la dépensé en pure perte.
ACIDE SULFURIQUE.
Cette terre est très pauvre en acide sulfurique, 1,440 kilogrammes au
lieu de 4,000 à l’hectare.
I n'y a pas lieu de s'occuper outre mesure de cet élément car les su-
perphosphates en apportent une grande quantité, environ 20 à 25 p.100
—#3( 567 )e3-—
en SO. Quand on donne {oo kilogrammes de superphosphate de 14 à
15 p.100 de PhO5 à lhectare, Fapport en acide sulfurique est de 100 ki-
logrammes et seulement de 60 kilogrammes en acide phosphorique. Le
plâtre en apporte évalement, ainsi que Île sulfate d’ammoniaque, et une
bonne récolte de blé n’en enlève que 48 kilogr. 61 à l'hectare. ;
Si on employait continuellement le superphosphate sur cette terre à la
dose de oo kilogrammes par an elle pourrait donc s'enrichir assez rapi-
dement en cet élément, et en quarante-neuf ans environ elle aurait lar-
gement les 2,560 kilogrammes qui lui manquent.
Un excès d’acide sulfurique n’est pas nuisible. Nous avons trouvé des
terres qui en contenaient 8,360 kilogrammes à lhectare et qui donnaient
d'excellentes récoltes. Alors, avec de semblables richesses en cet élément,
des chaulages superficiels légers et fréquents produisent de très bons
effets.
CHAUX.
Pour la chaux, le même système de calcul conduirait à établir l'utilité de
35 kilogr. 66 à l’hectare de chaux assimilable; mais, ici, il est nécessaire
de faire intervenir des considérations d’un autre ordre.
Son rôle multiple. — La chaux remplit, dans le sol, des fonctions mul-
tiples :
1° Elle sert d’aliment aux végétaux, au même titre que la potasse et l’a-
cide phosphorique, et nous savons qu'une récolte de blé de 14,536 kilo-
grammes en absorbe 41 kilogr. 75.
C’est là son rôle physiologique ;
> Mais elle remplit aussi des fonctions chimiques de la plus haute 1m-
portance.
a. Elle sature les acides qui se produisent dans le sol par la décompo-
sition lente des matières végétales et lui conserve, par conséquent, une
réaction neutre ou légèrement alcaline.
b. Elle maintient ainsi les conditions favorables à la vie et au dévelop-
pement du ferment nitrificateur et permet à la nitrification de transfor-
mer en azote assimilable l'azote inerte contenu dans les débris orga-
niques.
c. Elle réagit sur les silicates, facilite leur décomposition et contribue
à mettre en liberté la potasse que la terre doit fournir à la végétation.
d. Elle réagit sur l'argile, lui enlève sa plasticité et rend le sol plus per-
méable à Pair et à l'eau.
—#3( D08 es.
La richesse de 200,000 kilogrammes à lhectare que nous avons indi-
quée, comme richesse normale des bonnes terres, répond à toutes ces né-
cessités.
Mais si on ne veut considérer la chaux qu'au point de vue de son rôle
physiologique, c’est-à-dire de l'alimentation des plantes, l'expérience ap-
prend qu'à cet égard les terres qui contiennent 1 p. 100 de chaux ou
ho,000 kilogrammes à hectare ne laissent rien à désirer.
Les superphosphates et les phosphates apportent bien un peu de chaux
(de 20 à 50 p. 100), mais pour une semblable terre il faudra avoir recours
au marnage à la dose de 40,000 à 50,000 kilogrammes tous les dix ans.
MAGNÉSIE.
Pour la magnésie le système de caleul précédemment employé condui-
rait à la nécessité d’un apport de 6 kilogr. 64. Mais le chiffre de 1 2,000 ki-
logrammes que nous avons donné comme représentant la richesse normale
des bonnes terres n’est encore que provisoire. [1 n’a pas été fait sur les
engrais magnésiens des expériences assez nombreuses et assez suivies pour
que nous puissions savoir exactement à partir de quelle richesse la terre
suffit au besoin des récoltes.
Nous avons admis le chiffre de 12,000 kilogrammes parce que c’est à
peu près la moyenne de la richesse des bonnes terres; mais nous ne sau-
rions aflirmer dès maintenant qu'une terre qui ne contiendrait que la
moitié ou même le quart de cette richesse ne serait pas capable de four-
nir, par elle-même, aux expériences d’une ou plusieurs bonnes récoltes.
On pourra donc, sans grand danger, réduire la dose de magnésie indi-
quée par le système de calcul qui précède ou même la supprimer complè-
tement.
I serait, au contraire, indispensable d’en introduire dans engrais,
si l'analyse du sol donnait une richesse inférieure à 3,000 kilogrammes à
l’hectare.
MANGANÈSE, CHLORE, ETC.
Nous trouverons encore d’autres corps dans l'analyse des sols et qui
jouent, bien qu’en très petite proportion, un certain rôle dans l'alimentation
des plantes, mais jusqu'à présent on ne les a pas encore suffisamment étu-
diés pour se prononcer avec connaissance de cause.
ni Ge
s'en Ver.
RSI D ue
sm 569 )es
AZOTE.
Il nous reste à examiner la question de l'azote. Notre calcul nous in-
dique que 99 kilogr. 42 nous seraient nécessaires à l’hectare.
Mais, pour tirer tout le parti de cette terre, il serait bon d’y cultiver
une légumineuse que l’on enterrerait en vert, ou de lui ajouter une bonne
fumure au fumier, de façon à avoir de l'azote en réserve pour les cultures
futures; après cela 1l n’y aurait besoin que d’avoir recours à une dose an-
nuelle d'entretien, selon l'aspect de la végétation.
Comme nous allons le voir tout à l'heure, si les récoltes enlèvent une
certaine quantité d'azote à la terre, elles lui en restituent aussi une notable
quantité et en sylviculture ces chiffres sont encore beaucoup plus élevés.
RÉSIDUS ORGANIQUES LAISSÉS PAR LES RÉCOLTES.
M. de Gasparin a observé qu'un hectare de luzerne laisse au sol, au
moment du défrichement, un poids de matières s’élevant à 37 kilo-
grammes et renfermant 296 kilogrammes d’azote, ce qui équivaut à plus
de 50;000 kilogrammes de fumier de férme.
Les résidus organiques abandonnés au sol par les plantes proviennent
de trois sources différentes :
1° Des racines et radicelles disséminées dans l'épaisseur de la couche
arable; telles sont celles :
POIDS SEC
PAR HECTARE,
kilogr.
ne à a ue se 3 1,500
ec De at on ue due De og ee 1,637
D nu SU de ns ne a LORIE 2,264
LL LOTO PORERRE PRES ER PR NUE 2,500
D unes (ueyenne) ne. es miens set ae 3,000
OR ch no ut ete ota à ie nue ie à h7,000
2° Des chaumes, fanes et feuilles abandonnées au moment des récoltes :
POIDS POIDS
À L'ÉTAT NORMAL de
par hectare. L'AZOTE.
kilogr. kilogr.
PT on sn LE 2 Du IT tune 10,000 51
ARR SR aire le gras. UE nie. 15,000 45
Detleraves TOnTapÈres. 520 44 44 Je de vogess ae 20,000 6o
BEEN nie sue dec u Rae PU de 12,000 36
DR OP ARE PR Ta ere Dee ce 5,000 “
—##( 570 )e:—
3° Des débris tombés sur le sol, durant la période de végétation des
plantes. Ainsi, une tige de blé est pourvue au printemps de feuilles abon-
dantes; peu à peu, les feuilles jaunissent et tombent sur le sol; à mesure
que lépi se développe et approche de la maturité, la quantité de feuilles
, ee FA hé À s Pen Es
desséchées qui restent adhérentes à la tige est insignifiante,
Tous ces débris organiques qui retournent et profitent au sol sont en
quantité beaucoup plus importante qu'on ne le soupçonne généralement.
Ainsi nous avons pour :
POIDS SEC
PAR HECTARE,
kiogr
(5 CPP RE NE LL REIN 1 iv 45000
AVOÏNE sous à ces Sie FO pie Fables sans 1,600
COAST RE te D LE 1,000
Pavot : Me TR ne TT a à Pc NS SUR SEE 1,700
En additionnant toules ces quantités diverses de matières organiques,
on arrive à comprendre combien il est facile d'enrichir le sol en humus,
par l'emploi des engrais chimiques. En effet, la quantité totale des racines,
des chaumes et des débris végétaux est proportionnelle aux rendements
culturaux obtenus.
Les terres mises en herbages ne font que s'enrichir en azote, mais il
peut arriver dans ce cas (c’est celui de toutes les vieilles prairies) que la
terre, malgré sa richesse en cet élément, ne peut fournir à la végétation
la petite quantité d’azote combiné qui lui est indispensable dans sa Jeu-
nesse, et qu'au lieu de partir vigoureusement au printemps, les plantes
végètent péniblement et présentent une teinte jaune qui atteste leur état
plus ou moins anémique.
Cet accident est dû au défaut de nitrification. Les matières organiques
ne sont pas absorbables par les racines et si, pendant l'hiver, il ne s'est
pas formé, à leurs dépens, une quantité suflisante de nitrates, la végé-
tation, à son réveil, manque d'azote assimilable.
Or, nous avons vu que l'absence de la chaux est un obstacle à la nitrifi-
cation, Il peut donc arriver que laccident dont nous parlons se produise
dans la terre examinée, puisqu'elle est pauvre en chaux.
Il existe done deux moyens d'y parer :
Le premier, de faire un chaulage ;
Le second, de donner une certaine dose d’azote assimilable sous fe
d'engrais.
SH PERRET
—+#( 571 \es—
POIDS DE LA MATIÈRE ORGANIQUE.
On obtient le poids de la matière organique (humus) d'une terre en
multipliant le chiffre à l'hectare obtenu pour lazote par 17.
Dans la terre en question, nous avons trouvé 1,800 kilogrammes; ce
chiffre correspond donc à 1,500 X 17 — 30,600 kilogrammes.
Pour compléter ce travail, 11 faudrait faire ressortir encore les dangers
d’un excès de chaque élément fertilisant par rapport aux autres et d'indi-
quer, selon la nature du sol ou de la plante à cultiver, sous quelle forme
doit être donné chaque sel employé comme engrais, mais cecl nous en-
traînerait trop loin et sort complètement du cadre que Je m'étais tracé pour
ce présent travail.
L'exemple que nous avons pris comme base de notre démonstration
s'applique aussi bien à la grande culture qu'à la sylviculture, mais pour
cette dernière, comme en arboriculture, on tient compte du sous-sol et au
besoin on borne les calculs au cube de terre occupé par les racines de
l'arbre.
ANALYSE DES PLANTES.
Les chiffres obtenus dans l'analyse des cendres sont souvent rapportés
au pourcentage de cendres. C'est pourquoi beaucoup d'analyses que nous
trouvons dans les ouvrages ne peuvent pas servir pour le caleul des ex1-
gences de chaque végétal.
IL faut aussi ajouter qu’au fur et à mesure que les procédés analytiques
se sont perfectionnés, de nombreux opérateurs ont réanalysé les mêmes
plantes et sont arrivés à des résultats très différents des premiers, si bien
que c'était encore une véritable cacophonie, lorsqu'un chimiste, le profes-
seur Wolff, eut l'idée de mettre un peu d'ordre dans ce chaos en dressant
des tables de la composition des plantes cultivées. Ces tables, publiées en
France en 1869, sont devenues le vade mecum de tous les agronomes et de
tous les chimistes qui se sont occupés de cette question, si bien que dans
les meilleurs et les plus récents ouvrages, tels que le Traité des engrais, par
MM. Muntz et M. Ch. Girard, ce sont encore les tables de Wolff qui font les
frais de tous les calculs des exigences des récoltes et de l'épuisement du sol.
Nous trouvons à ce sujet la note suivante dans l'intéressant travail de
M. H. Joulie sur la composition et les exigences des céréales : « Or, comment
ont été établies ces tables? M. Grandeau nous l’a expliqué dans un article
publié en 1869 dans le Journal de l'Agriculture pratique (p- 924 et suI-
—#2( 572 )es-—
vantes). Pour chaque élément, M. Wolff a pris la moyenne des nombres
donnés par les diverses analyses que possédait alors la science, sans se
préoccuper des méthodes suivies, n1 des écarts considérables existant entre
les mêmes éléments. Le but de M. Wolff, en dressant ces tables, était de
fournir aux agriculteurs un guide pratique pour le calcul approximatif de
l'épuisement du sol par les récoltes et des restitutions à opérer par les en-
grais, pour maintenir sa fertilité. »
Ces calculs n’exigeant, le plus souvent, pas une très grande précision,
les tables de Wolff ont certainement rendu les services qu’en attendait leur
auteur et peuvent encore être utilisées, pour ce même usage, faute de mieux.
Mais, au point de vue scientifique, elles sont entachées d’un vice radi-
cal : elles supposent à l'espèce végétale une fixité de composition qu'elle
ne possède pas.
I serait donc à souhaiter que lon eût recours à des procédés plus mo-
dernes et plus scientifiques. ;
La méthode d'analyse de plantes que je propose est celle publiée par
M. Joulie dans le Moniteur de Quesneville.
Sans citer ici tous les détails de la méthode, voici comment on dispose
les bulletins d'analyse et comment on les calcule.
Bien qu'ayant à notre disposition un bon nombre d'analyses de plantes
forestières, nous prendrons encore comme exemple une plante de grande
culture.
Plante analysée : Blé d'Australie.
Famille : Graminée.
Provenance : Culture de M. Nicolas, Arcy.
Age physiologique : Maturité du grain.
Date de la récolte : Août 1881.
Nombre d'individus : 47 chaumes sur 1 mètre carré.
Longueur des tiges : 1 m. 20.
FRAIS. SEC À AO°. COMPLÈTEMENT SEC.
ei PNR MT RE En NUE 1,807 1,558 1,453 62
Poids de l'individu moyen... ee. tRt 35231
Subdivision de l'échantillon séché à 40 degres :
Grain... SEE EE ER OR RER Los:
Paille balles et rachuiés::2,: 58, M LCR ER CT 801
Raciñes . . 5 tee du Dm ne Ne ne Ie IR CE 348
COMPOSITION DES 1,000 KILOS. COMPO-
RAPPORTS. | SITION
COMPLÈTEMENT centésimale
sec. DES CENDRES.
|
|
OR TS Nes co ce |
Magnésie
Potasse
Site:
Chlore
Manganèse
Acide carbonique
100 00
0,2633 | 0,997
On procédera de même pour chaque organe de la plante :
MÉTHODE DE CALCUL.
L'échantillon arrivé au laboratoire est pesé, et son poids est inscrit sur
le présent tableau Poms rrats; les tiges sont comptées; les grains ou les
fruits, les racines, etc. sont séparés. Le tout est haché ou découpé iso-
lément et selon les besoins, puis mis à une étuve à la température con-
stante de 4o degrés pendant le temps nécessaire à la dessiccation: après
quoi, 1l est repesé et la différence entre le poids frais d'arrivée et celui
ainsi obtenu donne le sec À 40°.
On a remarqué que les plantes, et en général toutes les substances or-
ganiques soumises à celte température, étaient plus aisément pulvérisables
et qu'elles ne perdaient plus ni ne reprenaient plus sensiblement d'humi-
dité; on a observé, en outre, que les substances organiques desséchées
partiellement se conservaient très bien lorsqu'elles ne contenaient pas plus
de 5 à 8 p. 100 d'humidité.
Après pulvérisation, la malière est calcinée dans une ‘capsule en platine
—#2( 574 )ees—
afin de séparer la matière organique de la matière minérale (cendres) et
l'on procède finalement à l'analyse des cendres.
L'analyse organique se fait directement sur le produit. Puisque lon a
opéré sur la matière sèche à 4o degrés, les résultats obtenus et rapportés
à 1,000 de celle-ci seront inscrits dans Ja 2° coLonxe (sec à 40°) et servi-
ront de base aux calculs de la 3° coconxe (complètement sec).
Nous remarquerons d'abord que, malgré cette dessiccation à 4o degrés,
il reste encore 67 kilogrammes d'humidité p. 100. Pour la doser, nous
avons simplement porté un poids connu de notre échantillon à 100 degrés,
température à laquelle les matières organiques perdent toute leur humidité,
Pour calculer notre colonne cowPrèrgmenr sec, il suffira de faire dispa-
raître cette humidité (67 p. 100) et d'augmenter proportionnellement
tous les chiffres de la colonne sec à 4o°, en tenant le raisonnement sui-
vant :
Si 1,000 kilogrammes de matière séchée à ho degrés contiennent
67 kilogrammes d'humidité, ils représenteront 1,000 — 67 — 933 kilo-
grammes de matière sèche. C'est donc, en réalité, dans 933 kilogrammes
de matière sèche que sont contenues les quantités d'éléments inscrites
dans la deuxième colonne. Or, si 933 kilogrammes de matière sèche con-
tiennent une quantité a d'un élément quelconque, 1,000 kilogrammes de
cette même matière sèche contiendront :
a X 1,000 :
933
ou a multiphé par la fraction © qui est égale à 1,0718.
Il suffit donc de multiplier par ce coeflicient tous les nombres de la
deuxième colonne pour obtenir ceux de la troisième. 11 est très important de
vérifier soigneusement les chiffres de cette colonne, car ce sont eux qui serviront
désormais à établir ceux des autres colonnes.
Comme nous venons de le voir, Fhumidité joue un grand rôle dans les
résultats obtenus par Panalyse chimique et on ne saurait trop insister sur
ce point.
Selon que l’on aurait soumis isolément deux parties d’une même sub-
stance à la même analyse, on obtiendrait des résultats absolument diffé-
rents, suivant que l'une d'elles serait plus humide que l'autre et si pour les
comparer on n'avait pas soin de les ramener par les calculs à l'état complète-
ment sec, comme nous venons de le faire, on risquerait fort d'en tirer une
conclusion toute différente de celle attendue.
—##( 575 )e3—
La quarrième coconxe, intitulée Rapports, contient la composition de
l'échantillon analysé, rapportée à l'acide phosphorique, pris pour unité. On
attribue à Liébig d’être le premier qui a pensé à exprimer la composition
des plantes en fonction de l'acide phosphorique qu’elles contiennent. Cette
méthode est certainement très logique, car l'acide phosphorique, élément
essentiel de la vie, est en même temps le moins variable et celui qui ne
peut être remplacé par aucun autre.
Pour calculer ces rapports, on n'a qu'à diviser 1 par le poids de l'acide
phosphorique complètement sec (soit 3,79) et à multiplier tous les chiffres
de la colonne complètement sec par le quotient.
Nous avons donc :
1
de 0,2633 X4a,b,c, etc.
Il ne faut pas confondre les chiffres ainsi obtenus avec ce que Georges
Ville appelait la dominante. Car ceux-ci sont mathématiques, tandis que les
chiffres cités par ce savant agronome pour désigner l'élément le plus fort
dans la composition d’une plante, étatent fondés sur l'observation et par
conséquent étaient faux.
La ciNQuiÈME coonne de notre tableau contient la composition centési-
male des cendres.
Pour la calculer, nous divisons 100 par le poids des cendres indiqué
dans la troisième colonne et nous multiplions les chiffres de la colonne
complètement sec par le quotient.
Nous avons donc :
100
os6 — 0997 X 4, b,c,etc.
On se demandera pourquoi nous n’avons pas commencé nos calculs par
la première colonne. En voici la raison :
Pour calculer cette première colonne (frais), c’est-à-dire pour donner
la composition de l'échantillon en tenant compte de sa quantité d’eau, tel
qu'il arrive au laboratoire, il faut d’abord ramener son poids à l’état com-
plètement sec,
Dans les renseignements en tête de notre tableau nous avons à poips :
frais, 1,807 grammes; c’est le poids que pesait l'échantillon tel qu'on la
prélevé dans le champ. Ensuite, nous avons : sec à 40°, 1,998 grammes;
c’est le poids que l’on a trouvé après l'avoir desséché à l’étuve à la tem-
—#3( 976 )e3—-
pérature de ho degrés. Enfin, nous avons, pour le complètement sec,
1,453 gr. 02. Ce dernier chiffre est obtenu par le caleul, et voici
comment :
Nous avons opéré l'analyse sur la matière séchée à 40 degrés et, comme
nous l'avons déjà fait observer, dans ces conditions elle contenait encore
67 kilogrammes p. 1,000 d'humidité, que nous avons inscrit dans la
deuxième colonne de notre tableau.
Nous disons donc :
Si 1,000 kilogrammes de matière sèche à 4o degrés contiennent
67 kilogrammes d'eau, 1 contiendra 1,000 fois moins et 1,558 contien-
dront 1,558 fois plus.
Donc :
67 X 1,258 >
MR oh ot
1,000
pour 1,958 de matière sèche à lo degrés, il nous reste encore 104.38
d'humidité. En retranchant ces 104.38 de 1.558 nous aurons donc le
poids de notre échantillon complètement sec.
1,958 — 104.38 — 1,43 gr. 6.
Ce chiffre 1,453 gr. 62 nous permettra de calculer la première colonne
en tenant le raisonnement suivant :
Si 1,807 grammes, poids de l'échantillon à l'arrivée, ont donné
1,453 gr. 62 de matière sèche, 1 donnera 1,807 fois moins et 1,000
donneront 1,000 fois plus.
Donc :
1,453.62 X 1,000 804.4 X a, b, c.
1,807 1,000
Dans 1,000, nous avons done 80/4 de matière sèche et 199.7 d'humi-
dité. Tous les chiffres de cette colonne s’obtiendront en multiphant #5 par
ceux de la colonne complètement sec.
Avec les données consignées dans cette analyse, il devient facile de cal-
culer l'importance de la composition de la récolte à Vhectare. L'échantillon
ayant été pris sur 1 mètre carré, 1l suflit de multiplier par 10,000 tous
les renseignements fournis pour les rapporter à lhectare.
Nous inscrivons habituellement les résultats de ces calculs au verso de
la feuille qui porte les données précédentes.
--#3( 077 )e3-—
Voici donc, dans ce cas particulier qui nous sert d'exemple, comment
ce verso se trouve hbellé :
RÉCOLTE À L’HECTARE,
Nombre d'individus : 4,h70,000 tiges et épis.
FRAIS. SEC A AO°. SEC
kilog. kilog. kilog.
ns 0 PR MG) h,ogo 3,810
Pons. tParlles el balles. ...:: 1207 \ Pl | 8,010 7:473
Babines:: 0513 RARES h,hoo 3,480 3,247
Toran.,.:222:.:049,970 15,80124530
COMPOSITION DE LA RÉCOLTE ENTIÈRE : RACINES COMPRISES.
PEL: 2 Ant e L'DTERR RIRES Re PS CU 15611
Hebres 1 0 SR NS OR RE OUAIS A OST ee NL 1,456 72
SEE phosphorique, LA ER SU RPARR RRA ARE R LS 55 ‘25
See phlurique. .t,0 AU REA UPS CIN GT NME 48 G1
Dan Sun muni Gen een RUE tie h1 979
_ LT D TENT PASNMRORRE SRE RO RE CRETE 20 A1
MRC LL Re ee eee Se Pen cr tre 80 29
RS LR SU ets PRE SR TS SL Ob E LE Le 9 12
ado de Er. RE ee LS 02. 36 31
LATE NEMR RME LS PT AE ENTER GNT AE LENS ERP ER ES RE TEL EOER 1,106 18
; : : , 1: |{ racines comprises ...... 359231
Poids moyen d'une tige sèche! Dr £.
MEN races... 2.07. 2 504
Racines sèches par tige moyenne. .................. 0 727
EDG OF MOYENNE - . 5 eee ee ny coute o 820
Grain pour cent de la récolte sèche (sans racine)... .:.. 32 7h
ne 1l00d:graims ses: I 2 La cdi 30 99
Ainsi nous avons multiphié le nombre de tiges 447 de l'en-tête de notre
premier tableau par 10,000.
Puis les poids frais, 1,807, et complètement sec, 1,443, respectivement
par 10,000, ce qui les a portés pour l'hectare à 18,070 kilogrammes et
à 14,536 kilogrammes.
Alors il ne nous est plus resté, pour obtenir les chiffres des éléments
énumérés dans ce tableau, qu'à nous reporter au premier et à multiplier
14,536 kilogrammes, poids sec de la récolte entière à l’hectare, par
ceux de la troisième colonne du complètement sec en suivant ce raisonne-
ment.
SYLVICULTURE.
—#( 978 )e3—
Si 1,000 kilogrammes renferment 10.74 (d'azote par exemple),
1 renfermera 1.000 fois moins et 14,536 renfermeront 14,536 fois
plus, |
10.74 X 14,536
1,000
— 156.11
et ainsi de suite.
Pour terminer nos explications, nous ajouterons que l'analyse de blé
qui précède a été faite sur un mélange proportionnel du grain, de la
paille et des racines: mais il arrive quelquefois que lon est obligé d'ana-
lyser isolément chacun de ses organes à part et ensuite de ramener tous
les résultats obtenus à la plante entière.
Pour établir cette moyenne (ou reconstituer la plante entière), on prend
sur chaque feuille Fanalyse complète à l'hectare (composition de la e
colte) que l’on inscrit sur une nouvelle feuille (côté de la composition à
l’hectare) par colonne et dans le même ordre en regard de chaque élé-
ment. On additionne alors les éléments de même nature et on inscrit la
somme correspondante sur la même ligne. On a donc ainsi une quatrième
colonne.
Puis on prend tous les porps secs À L'HECTARE, on les additionne et lon
divise 10,000 par leur total.
En prenant les chiffres du tableau précédent nous aurions donc :
10.000
34,536 — 0: 687.
Eh bien, si nous avions la composition des grains, de la paille et des
racines et que nous ayons eflectué tous les calculs que nous venons
d’énoncer, nous multiplierions tous les chiffres de la quatrième colonne
composés de la somme des trois analyses dont les chiffres sont disposés
en regard des éléments de même nature, et nous obtiendrions de nou-
veaux chiffres que nous inscririons à leur place dans la troisième colonne
(complètement sec) d’une feuille semblable à celle de notre premier tableau
et ces nouveaux nombres nous permettraient de calculer les rapports et
les autres colonnes exactement comme nous le ferions pour une nouvelle
plante.
Une analyse de plante, au point de vue de sa composition et de ses exi-
gences, se paye ordinairement 4o francs, et au point de vue alimentaire
également 4o francs.
—as( 50 Vs
Pour terminer, nous indiquerons comment on dispose et que l’on calcule
l'analyse au point de vue nutritif et alimentaire.
ANALYSE DE BLÉ.
KOBMAL. SEC.
HARAS 7 an PDT SRE ASE 13.46 D
-añotées.. Alimentaires: 2 4 4 cs 88 14.06 16.25
azotées non alimentaires... .......... 2.37 2.74
ns PABBER à 2 CU TER RARE h. 5.51
Pr CE ne Le eV 6 0.74
AMIVIAUCES : « + LE ete AS ee ee cos à Lka.71 h9.35
| GRTTACLEVES 24 VE DRE ANS 8.54 9.86
Cellulose ..,..... 246 PEN TE RCE 7:10 8.21
Bee phosphorique. . .: 2224020 2.88 RIRE
TUE ES CORRE De RE CT ETS RU 3.47 h.o1
100.00 100.00
Relation nutritive
16.25 1
73.67 4.53
Valeur alimentaire
21.76 1
68.16 3.139
Pour une, semblable analyse, les calculs sont les mêmes que les précé-
dents. La seule différence, c’est que l'analyse porte sur les matières orga-
niques, au lieu d’être opérée sur les cendres et que les chiffres obtenus
sont rapportés aux 100 kilogrammes.
La relation nutritive s'obtient en additionnant les matières grasses, su-
crées, amylacées, extractives, la cellulose, et la somme de ces produits sert
de dénominateur à une fraction qui a comme numérateur la matière azotée
alimentaire. On divise le dénominateur par le numérateur et le quotient
sert de dénominateur à une nouvelle fraction qui a 1 pour numérateur,
comme nous l'avons remarqué dans l'exemple précédent.
La valeur nutritive s'obtient en additionnant la matière grasse et la ma-
lière azotée alimentaire qui servent de numérateur à une fraction qui à
pour dénominateur la somme des matières sucrées, amylacées, extractives
et cellulose. On divise, comme précédemment, le dénominateur par le
numérateur et le quotient sert de dénominateur également à une nouvelle
fraction qui a 1 pour numérateur.
Ces calculs permettent donc de comparer entre eux des produits destinés
37:
RD ur
aux mêmes usages et de leur attribuer la valeur qu'ils méritent, soit au
point de vue alimentaire ou à celui d'argent.
C’est ainsi que l’on a découvert que certaines feuilles, des brindilles, e:c.,
avaient une valeur beaucoup plus grande que certains foins.
I est malheureusement regrettable qu'à l'heure actuelle on se borne
encore à acheter les fourrages, les avoines, les blés, etc. aux 100 kilo-
grammes, sans même tenir compte simplement de leur teneur en azote ou
en acide phosphorique, les deux principales bases de toute alimentation.
Maintenant que notre direction forestière possède un service concernant
les pâturages, la sylviculture ne peut pas se désintéresser de cette question
qui permettra d'attribuer à certaines plantes une valeur encore mé-
connue.
M. Gurrroy. Dans l'analyse du sol et des plantes, il ne faut pas oublier
combien est important le rôle de l'acide carbonique, bien qu'il n'exerce
que des réactions très faibles; mais 1l agit en raison de son abondance.
M. Guicuer. L'étude à laquelle M. Thézard nous convie aurait le résultat
fort intéressant de nous fixer sur le point de savoir si, dans. les grands
massifs forestiers, le sol s’appauvrit ou s'enrichit et, si la première hypo-
thèse est la vraie, de nous faire connaître les engrais à employer dans les
forêts.
M. Tuézan. I faut commencer par régulariser les méthodes d’analyse
du sol; on arrivera ensuite à l'interprétation des résultats obtenus sur la-
quelle on n’est pas d'accord actuellement. C’est ainsi que certaines per-
sonnes croient que la potasse et la soude peuvent se remplacer indiflérem-
ment lune par Fautre, eh bien; cela est vrai pour certains végétaux, mais
non pour tous. En dehors du rôle de véhicule que ces bases jouent envers
l'acide phosphorique et l'acide sulfurique, la potasse sert également à la
formation de certains fruits ou de certains organes où on la trouve en plus
grande abondance.
M, Guicuer. La question est, à coup sûr, très intéressante.
M. Gurrroy. Je voudrais surtout qu'en partant de la méthode indiquée
par M. Thézard, on dirigeat les recherches sur l’'appauvrissement ou l’en-
richissement du sol par des plantations nouvelles,
_sn( 581 js. -
M. Tuézarn. Le sol forestier s’enrichira forcément parce que les racines
des arbres vont chercher dans les couches profondes des éléments miné-
raux qui lui seront rendus ensuite par la décomposition des feuilles à sa
surface; c’est ce qui constitue le terreau.
Mais il ne faut pas oublier que le terreau est plus azoté que minéral et
n’est bon que pour les plantes qui ont besoin de beaucoup d’azote. Si vous
laissez une plante dans le terreau, elle ne donne pas une végétation
ligneuse, elle ne produit pas de fruit; c’est le cas de la vigne qui, dans le
terreau, reste improductive et pousse en herbe.
La plante jeune a besoin d’un peu plus d'azote; quand elle devient plus
vieille, il lui faut des éléments minéraux et surtout de l'acide phospho-
rique, mais elle ne donne qu’une production herbacée qui la rend accessible
à toutes les maladies; nous en avons vu des exemples sur la vigne,
IL est très difficile d'utiliser les engrais dans les forêts; 11 faut les en-
fouir profondément; si on les laisse à la surface, ils sont bien longtemps
avant de produire des résultats sensibles et 1ls servent le plus souvent aux
mauvaises herbes qui, en se développant outre mesure, étouffent les nou-
velles pousses; si on se sert d'engrais en forêts, 1l faut donc les enterrer
profondément.
Les engrais servent surtout pour les terrains incultes et 1ls doivent être
choisis d’après une analyse exacte du sol; c’est ainsi que l'on peut arriver à
mettre ces terrains en valeur.
M. Weger. L'analyse doit-elle porter seulement sur les éléments miné-
raux, ou comprend-elle aussi les matières azotées ?
M. Taézaro. D'une façon générale, elle porte sur les ans et sur les
autres; quand lanalyse se sera généralisée et aura produit tous ses résul-
tats, on évitera certaines erreurs. Par snple en Belgique, on défend
d'enlever les feuilles mortes: pourquoi? on ferait mieux de faire payer
Le leur enlèvement ane somme que lon emploierait à acheter les engrais
nécessaires. Î[l pourrait en être de même pour l'herbe qui croît dans Îles
bois.
M. Guicuer. Cependant vous trouvez dans ces feuilles mortes l'acide
carbonique qui vous est indispensable,
M. Tuézar. Quand il y a trop de feuilles mortes, le terrain devient
très acide et la végétation s’arrête ou se manifeste sous la forme herbacée.
—#2( 582 )es—
C'est ce qui se produit quand un terrain est trop chargé d'humus. Les
vieilles forêts sont dans ce cas.
M. Gurrroy. Il faudrait que l’on pût aussi déterminer la dose d'engrais
nécessaire et savoir en combien de fois 11 faut l'épandre.
M. Tuézar. J'ai fait des études dans l'Eure sur une forêt de chênes;
j'ai constaté que les engrais avaient amené l'augmentation de la production
du gland et de la partie ligneuse des arbres, voilà déjà un résultat.
Pour bien se rendre compte de leflet des engrais sur la végétation, il
importe surtout d'analyser les feuilles, les fruits, les jeunes pousses, et
c'est d’après les résultats obtenus que lon verra si l'arbre a assimilé une
plus grande partie de matière minérale.
Pour faire ces études, il est surtout indispensable que lon se mette
d'accord sur la méthode d'analyse des plantes, afin de pouvoir comparer
les divers résultats obtenus.
Le plus souvent, les résultats des analyses que l’on trouve dans les pu-
blications sont rapportés au pourcentage de cendres et non à la matière
sèche.
Ce qu'il y a de mieux à faire est de sécher la plante à une certaine
température, 60 degrés par exemple, de la pulvériser, de prendre un
poids donné de la poudre ainsi obtenue et de l'ineinérer. C'est le produit
ainsi obtenu que l’on analyse et dont on peut rapporter tous les chiffres à
1,000 kilogrammes de matière sèche ou à 1 d'acide phosphorique pour se
rendre compie dans quelle proportion Îes éléments sont groupés,
Je parlais tout à l'heure des ennuis résultant du défaut d'analyse quand
on ne tient pas compte de l'analyse du terrain ou de la plante, quand on
les calcule mal, en voici encore un exemple : Georges Ville. après une cer-
taine série d expériences faites à Vincennes, avait déclaré que la potasse
était un excellent engrais pour certaines plantes. Et il l'avait tout de suite
nommée la dominante de ces plantes, uniquement parce qu'en ajoutant de
la potasse à son terrain, qui était largement pourvu des autres éléments.
elle lui avait donné les meilleurs Rd dans son champ d'expériences
de Vincennes, mais pourquoi? Parce que le terrain sur lequel il opérait
manquait de potasse. Il aurait pu ajouter de la potasse à un autre terrain
qui en aurait été largement pourvu et il n'aurait pas obtenu la même chose.
M. Gurrroy. Ce qui m'intéresse, c'est le côté pratique de la question.
—#2( 583 )e3—
M. Thézard nous dit que la forêt, par ses racines, mobilise les couches
inférieures du sol; eh bien, je voudrais savoir quelle est la balance qui
s'établit au bout d’un certain nombre d'années, si le terrain se sera finale-
ment appauvri ou enrichi et dans quelles proportions?
M. Demorcane. Les parties inférieures du sol sont rapidement épuisées
et le terrain, après s'être enrichi, s’'appauvrit, cela est évident et je ne
crois pas qu'il soit besoin d’une analyse pour constater ce résultat.
La Section émet le vœu :
1° «De l'unification internationale des méthodes d’analyse des sols et
des plantes:
2° «De l’emploi de l’eau régale pour moyen d'attaque pour l’analyse
des sols;
3° « De la réduction au tant pour mille des matières sèches dans l’ana-
lyse des plantes. »
La séance est levée à 5 heures 35.
—#2>( D84 es
SÉANCE DU JEUDI 7 JUIN 1900
Hs
PRÉSIDENCE DE M. PAUL CHARPENTIER.
La séance est ouverte à 10 heures.
M. ze Présipent. M. Thiéry n’est pas présent pour développer la com-
munication qu'il devait nous faire au sujet de l'amélioration des transports
forestiers et dont le programme était le suivant :
Modes actuellement employés pour le transport des bois. Nécessité de supprimer
le lançage et le traïnage. — Avantages de substituer au lancage le transport
par câbles aériens. — Cas dans lesquels des cäbles peuvent être avantageuse-
ment installés. — Remplacement, dans les massifs montagneux, des routes
empierrées par des votes ferrées élroites, auxquelles aboutissent des chemins de
schlitte et des voies Decaunille 1).
M. Devorcaxe. L'absence de M. Thiérvy est regrettable, car le sujet
qu'il devait traiter est des plus intéressants. C’est ainsi que, dans les
Landes, les matériaux manquant pour l’empierrement des routes et pour
leur entretien, on se sert de grès agglomérés qui contiennent du sable,
des matières agglomérées; c’est ce qu’on appelle allios; cette matière est plus
ou moins dure suivant la profondeur du gisement ; on ne la trouve que du
0) M. Thiéry a fait paraitre, seul ou en collaboration, sur les transports par câbles aériens»,
deux ouvrages, savoir : 1° Les transpor ts par câbles aériens , par E. Triéry, professeur à l'Ecole natio-
nale forestière, et Ca. ee ingénieur des arts et manufactures. Extrait du Bulletin de la Société
industrielle de l'Est, année 1896. Nancy, imprimerie A. Nicolle, rue de la Pépinière, 25; 1896,
in-8°, 112 pages. 9° Les transports par câbles aériens, par M. Trié, professeur à l'École
nationale forestière de Nancy. — Société d’encouragement pour l'industrie nationale, extrait du
Bulletin d'août 1897. — Paris, typographie Chamerot et Renouard, 19, rue des Saints-Pères,
1897. in-8°, 31 pages.
La note suivante de M. Thiéry sur le transport des grands bois par les cäbles aériens», en
date du 20 juin 1900, fournit, en ce qui concerne les frais d'exploitation, d’utiles renseigne-
ments :
«Dans un livre que nous avons publié en collaboration avec M. Demonet, ingénieur civil, et
dans une conférence que nous avons faite à la Société d'encouragement pour l’industrie nationale ,
—#2>( D8D )e3—
côté des Pyrénées; les frais de transport sont fort élevés et les routes,
tout en coûtant fort cher, sont dans un état déplorable, ce qui présente
les plus graves inconvénients dans un département forestier qui exporte
beaucoup de bois.
Pour remédier à cette situation, je proposerais de substituer au roulage
sur route le transport par petits chemins de fer à voie étroite, construits
nous avons donné la description et les calculs d'établissement d’un certain nombre de câbles, et
nous avons fait un article spécial pour le transport des bois.
«Quant aux frais d'exploitation, ils comprennent :
-1° Le silaire du personnel;
«2° Les matières consommées pour la mise en marche du moteur;
«3° L'entretien des câbles et du matériel roulant;
«h° L'intérèt des capitaux engagés et l'amortissement des frais de première installation.
«Les frais par tonne kilométrique diminuent rapidement avec la longueur d? la ligne et Pim-
portance du tonnage.
æ Voici les chiffres donnés par la maison Bleichert pour les câbles industriels, non compris le
salaire des ouvriers :
LONGUEUR DE LA VOIE.
TRAFIC JOURNALIER. EE ——
500 MÈTRES. |1,000 MÈTRES. | 1.900 MÈTRES.
SL (one en APR EE ET Ps 0'66 7 033
AROSLDETIES en AUS ee date ei danainope te Sie cle le 0,45 :3 0,26
ADO NIOTIMES cs ste leiieie ele lsiete siecle te tetele 0.2/ 0,19
«Ces chiffres peuvent êlre considérés comme des maxima, s'il s'agit du transport des bois, les
frais d'installation devant être moindres que ceux d’un cäble industriel. Ajoutons qu'en mon-
tagne, on pourra également faire l’économie d’un moteur.
« Prenons un exemple: On transporte journellement avec cinq ouvriers (2 au chargement,
au frein, 2 au déchargement) 50 tonnes de bois de mélèze sur un cäble de 500 mètres de lon-
gueur. Le poids spécifique du mélèze élant de 0.600, à combien revient le prix de transport
d’un mètre cube ?
«Le prix de la tonne kilométrique étant de o fr. 66, le transport d’une
tonne sur 500 mètres, soit d’une demi-tonne kilométrique, coûte. . . .. 0° 33
«A ce chiffre, il faut ajouter, pour le salaire des ouvriers (5 ouvriers à
3 francs, soit 15 francs pour le transport de 50 tonnes). . ... Me Gi à 0 30
DOTE ren 0° 63
et pour un mètre cube de bois: 0 fr. 63 X 0.600 — 0 fr. 38.
«Il est à remarquer que ces chiffres sont supérieurs à ceux de o fr. 30 ou o fr. 35 correspon-
dant au transport sur essieux d’une tonne kilométrique.
«Mais il ne faut pas oublier que les câbles ne sont généralement établis que dans le but de
raccourcir considérablement les distances, ou surtout lorsqu'il est impossible de construire des
routes ou des des chemins de fer.»
—#2( 586 )e3-—
sur l’accotement des routes; 1l en résulterait une grande amélioration. Je
propose donc le vœu suivant :
« La section émet le vœu que le service forestier prenne les mesures né-
cessaires pour développer par tous les moyéns possibles l'amélioration des
transports forestiers dans les Landes de Gascogne, en prenant l'initiative
de la création de transporteurs sur voie ferrée parallèlement aux routes
empierrées dont l'entretien se fait de jour en jour plus coûteux et plus dif-
ficile. »
Le vœu est adopté.
M. ce Présinexr. Je n'ai rien reçu au sujet de la communication de
M. Krôsel sur l'emploi des lessives des fabriques de cellulose ou sulfite.
qui figure à l’ordre du Jour. Je ne puis donc inviter la Section à la dis-
‘cuter.
J'ai reçu de M. Houdant la lettre suivante :
« Monsieur, une circonstance imprévue me force à partir précipitamment
pour lAutriche, sans me laisser le temps d'assister au Congrès de sylvi-
culture.
«Je déplore infiniment ce contretemps, non pas que je désirasse ab-
solument lire moi-même mon travail, mais parce que cet accident de la
dernière heure peut vous causer de l'embarras. Vous m'avez dit aussi que
les membres du Congrès demanderaient probablement quelques renseigne-
ments complémentaires, et, de ce chef, mon absence peut être regrettée.
«Je pense que la maison Darblay père et fils, sous le patronage de la-
quelle j'ai agi en cette circonstance, saura facilement me remplacer pour
les éclaircissements à donner, si vous le jugez convenable.
« Recevez, etc.»
Vous connaissez, Messieurs, la compétence, en la matière qui nous oc-
cupe, de M. Houdant, ancien directeur des usines de fabrication de pâtes
à papier de M. Darblay; lecture va être donnée de son travail.
M. ze Secréraire donne lecture du mémoire de M. Houdant: il est ainsi
concu :
Développement pris au x1x° siècle par l'industrie du papier. Premières machines
adoptées. Cellulose. Pâte de bois râpé de G. Keller. Pâte à la soude de Houghton.
—e»( HOT je —
Pate au hsulfite, Tilohman , Ekmon, A. Mitscherlich. Pâte au sulfate de
Dahl. Pâte demi-chimique. Des machines les plus en usage dans les divers pro-
pis DE ü LS
cédés. Pâte mécanique, préparation des bois, défibrage et raflinage. expédition
des pates humides. Pâte au sulfate, régénération de la soude, différents appa-
P » TE PP
Re 3 de |
reils d'épuration de la pâte, expédition de la pâte sèche. Pate au bisulfite,
préparation de la lessive, cuisson du bois. Quelques données économiques.
PÂTE À PAPIER.
Historique. — L’essor remarquable pris par lindustrie pendant le
xIx° siècle ne pouvait manquer de s'étendre à la fabrication du papier. L'idée
des premières machines destinées à accélérer son travail fut due à Robert
d'Essonnes, en 1799: plus tard, en 1805, l'Anglais Joseph Bramah in-
venta la machine à cylindre de forme. Fourdrinier perfectionna , en 1518,
la machine Robert, et Chapelle de Paris construisit, en 1830, une ma-
chine à toile sans fin, dont l’ensemble diffère peu de nos machines actuelles.
L’insuflisance du chiffon, comme matière première de cette fabrication,
devait bientôt se faire sentir; mais la science était prête à fournir son con-
cours, et la Providence tenait en réserve, dans les régions peu accessibles
des Alpes de l’Europe centrale et des Alpes scandinaves, un succédané ca-
pable de répondre aux besoins nouveaux: le bois de sapin épicéa.
Vauklin est le premier savant qui se soit occupé de la cellulose; puis
vinrent les travaux de Gay-Lussac en 1829, et surtout ceux de Payen en
1840. Cette substance, à peu près à l’état de pureté dans le hber du lin et
du chanvre, forme la charpente de tous les végétaux. Pour l'en extraire,
avec ses fibres longues et flexibles, si propres à former le feutrage du pa-
pier, il suflit de dissoudre par les agents chimiques, soit acides, soit ba-
siques , les matières étrangères incrustées avec le temps dans les cellules
végétales, ou bien interposées entre elles.
L'application de ces agents au bois présente quelques difficultés: aussi
les premiers essais suivis de résultat portèrent-ils sur un défibrage violent
de cette matière par une usure sur des meules en grès. Ils furent exécutés
par le Saxon Gottfried Keller, de Gross-Heinichen. La pâte ainsi obtenue,
qui devait jouer plus tard un si grand rôle dans la fabrication des papiers
à bas prix, ne pouvait seule résoudre le problème : ses fibres courtes et
sèches étaient incapables de remplacer les filaments longs et liants des
chiffons de chanvre ou de coton. Aussi, parallèlement à la fabrication de
cette pâte dite mécanique , deux autres industries auxiliaires furent créées ,
--#>( D08 )e3-—
ayant pour principe la dissolution des matières incrustantes, la première au
moyen de la soude, lautre par l'acide sulfureux.
La soude fut essayée d’abord sur des végétaux d’un traitement facile :
A.-Ch. Mellier, de Paris, s’adressa à la paille, si abondante dans le rayon
de cette ville, et Th. Rouledge, de Londres, à l'alfa.
D'autre part, l'Anglais Hougton avait, dès l'année 1 857, réussi à prépa-
rer la cellulose par la cuisson du bois de tremble, à 180 degrés et sous
une pression de 11 kilogrammes. Cette invention commença à recevoir son
application en Amérique vers 1860.
La pâte à la soude est jaune, et doit être traitée au chlore pour entrer
dans Îles papiers blancs. Son prix de revient est assez élevé, et, en somme,
elle a servi, en quelque manière, de transition, en attendant l’établisse-
ment du procédé de fabrication par l'acide sulfureux.
Les acides faibles n’attaquent pas la cellulose comme le fait la soude,
le feutrage résultant est plus solide et le rendement meilleur; mais les dif-
ficultés pratiques étaient plus grandes, car 1l fallait des récipients capables
de supporter de fortes pressions, et le fer, dont on ne saurait se passer,
subit une corrosion rapide. Les premiers brevets concédés ne furent suivis
d’abord d'aucune création industrielle sérieuse. Nous rappellerons ceux de
l'Américain Tilghman en 1863, de l'Allemand A. Mitscherlich en 1874,
celui des Français Vautravers et Lheureux, la même année, et celui de
Lioud, en 1877.
Le Suédois C.-D. Ekman paraît avoir réussi le premier à surmonter
tous les obstacles; l'usine fondée par lui à Bergvik livre ses produits de-
puis le 3 octobre 1874.
Alexandre Mitscherlich est considéré pourtant comme le créateur de
cette industrie auxiliaire, tant pour les dispositions vraiment pratiques
inaugurées dans son usine de Münden, que pour le zèle apporté par lui à
la diffusion de sa méthode.
Son second brevet est du 23 janvier 1878. Le procédé décrit était, en
principe le suivant:
L’acide sulfureux obtenu par la combustion directe du soufre était aspiré
dans une tour en bois d’une vingtaine de mètres, remplie de carbonate de
chaux. Une pluie d’eau tombant dans cette tour formait une dissolution
sulfureuse; puis, par l'attaque du calcaire, une lessive contenant de la
chaux et de l'acide sulfureux. Le rapport entre ces deux dernières substances
est représenté par la formule CaH?(S05}, d’où le nom de pâte au bisul-
fite donné au produit obtenu. La lessive cependant ne contient que le
_rn( 589 es -
sulfite de chaux dissous à la faveur d’un excès d'acide sulfureux. Le bois,
coupé en morceaux de 2 centimètres environ d'épaisseur, était jeté dans un
lessiveur horizontal et traité à l’aide de cette dissolution. Pour défendre Île
récipient de la corrosion, on le revêtait de plomb, puis de ciment. Le bois,
devait subir d’abord l'action de la vapeur d’eau afin de chasser l'air inter-
posé entre les fibres, puis la lessive introduite était portée à 108 degrés
par un courant de vapeur circulant à travers un serpentin en plomb. La
cuisson, opérée en 24 heures sous une pression de 3 kilogrammes, était sui-
vie de échappement de l'acide sulfureux dans les tours d'absorption. Après
soutirage et lavage, la pâte était déchargée à la pelle. L'acide était donc
en partie récupéré; il eût été d’ailleurs impossible de le perdre dans l'air,
à cause de son odeur intolérable.
Les autres méthodes introduites plus tard ne pouvaient différer de celle-
ci que par quelques détails d'appareils; nous citerons seulement ceux de
Putter Kellner, en Autriche; de Franke et Flodquist, en Suède; de Gross,
en Angleterre, et de Pictet, en Suisse.
Le procédé Ritter Kellner, adopté par l'usine de Waldhof. est caracté-
risé par sa cuisson directe, la position verticale de ses lessiveurs, la conte-
nance plus forte d'acide libre dans la lessive et la pression de 5 kilogr. 1/2
dans le lessiveur. La pâte est plus pure, mais le rendement moindre.
On a cru longtemps à l'utilité d’augmenter la proportion d'acide sulfu-
reux; certaines usines ont livré à cet effet de l'acide liquide, et le procédé
Pictet, qui n’emploie qu'une dissolution concentrée d'acide sulfureux, est
l'expression la plus radicale de cette manière de voir.
I est abandonné aujourd'hui; la présence d’une base est indispensable
pour retenir l'acide sulfurique formé et éviter une coloration brune. La
chaux produit ici un sulfate insoluble, que l’on évite en partie en s’adres-
sant à un mélange de chaux et de magnésie. On y arrive en remplissant
les tours de dolomie au lieu de calcaire ordinaire.
L’acide sulfureux, avons-nous dit, ménage les fibres du bois; aussi le
rendement peut-il s'élever, par stère, à 160 kilogrammes de pâte mar-
chande, pâte contenant 10 p. 100 d’eau. Par contre, 1l laisse au bois sa
couleur d'origine, et l'emploi d'épicéas dont la croissance a été rapide est
préféré à cause de leur nuance plus claire.
L'industrie de la pâte au bisulfite eût tué la précédente, si Dahl, de
Dantzig, n'avait réussi à remplacer la dépense de soude caustique par une
dépense chimiquement équivalente de sulfate de soude.
Dans le procédé initial, la soude doit être récupérée par l’évaporation,
—#3( 390 es «
puis par la dessiccation complète de la lessive soutirée. Cette dernière opé-
ration se fait dans des fours à longue flamme, portés à 1,000 degrés. Le
salin retiré des fours contient environ, pour 100 parties, 6 de soude caus-
tique, 60 de carbonate de soude, 3 de sulfure de sodium et 16 de sulfate
de soude. Après sa dissolution dans l'eau, le salin est caustifié par la chaux
vive, et le liquide, décanté, peut servir aux cuissons suivantes.
Dahl, au lieu d'ajouter, avant la caustification , le carbonate de soude
nécessaire pour compenser la perte, donne à chaque fois une quantité
équivalente de sulfate dans le four à régénérer. Seulement, comme ce sel,
tout en donnant son nom au nouveau procédé, n’a aucune action sur les
matières incrustantes, il faut le transformer, autant que possible, en sul-
fure de sodium. A cet effet, la température du four est portée à 2,000 de-
grés et l'admission de l'air dans le foyer réduite au juste nécessaire. La
composition du salin est alors, pour 100 parties, de 5 de soude, 45 de
‘carbonate de soude, 30 de sulfure de sodium et 2 de sulfate de soude. Il
est à remarquer que la caustification donne chaque fois une petite quan-
üté de chaux. Il en résulte une décomposition du sulfate dans le four, et
une régénération continuelle de la soude caustique dépensée. On ajoute
environ 20 p. 100 de sulfate à chaque opération.
Malgré cette heureuse innovation, le procédé au sulfate demeure encore
plus coûteux que celui au bisulfite, et la pâte obtenue est jaune; mais il
permet d'utiliser une qualité de bois rejetée nécessairement par les usines
au bisulfite. Un fabricant suédois, après de longs essais, a pu utiliser les
déchets de scierie. Le prix insignifiant de la matière première lui fait es-
pérer un beau bénéfice. ,
Dans le même ordre d'idée, et pour être complet, 1} convient de men-
tionner un dernier procédé trouvé par accident à Zwikau, en 1870: 1
s’agit de la pâte demi-chimique d’Oswald Meyh. Le bois est cuit par la
vapeur en vase clos. Pour l’épicéa, en 10 heures, par une température de
152 degrés, on réussit à réduire en poussière les matières incrustantes, el
à rendre alors fort aisé un défibrage à la meule. La pâte est brune , mais
longue et liante, et l’on peut utiliser tous les bois, même ceux ayant subi
un commencement de décomposition.
PROCÉDÉS DE FABRICATION ET MACHINES UTILISÉES.
Cette première partie de notre exposition fait ressortir une division de
l'industrie de la pâte de bois en trois groupes. Nous entrerons plus avant
—#2( 591 je —
dans la question en décrivant les machines adoptées le plus souvent par les
industriels.
1° Pâte mécanique.
Les bois sont préparés avec le plus grand soin; ils doivent être blancs
et sans nœuds; les espèces les plus convenables sont le tremble et l'épicéa.
On peut utiliser encore le peuplier et le sapin blanc. Les opérations à el-
fectuer sont le sciage, l'écorcage et l'extraction des nœuds.
La scie à balancier, qui permet de scier environ 1 25 stères par 2 4 heures,
est presque exclusivement adoptée pour débiter les bois. L'écorcage se fait
à la main, si le bois est cher; autrement on fait usage d'écorceuses à pla-
teau. Le bois est appuyé à la main contre un plateau vertical de 700 mil-
limètres environ, armé de deux couteaux.
M. Bache-Wig, de Bôhnsdalen, en Norvège, a utilisé, pour le même
objet, le frottement et le choc des rondins les uns sur les autres, en les
enfermant dans un cylindre en tôle tournant à 18 tours par minute.
L’extraction des nœuds est la partie la plus délicate et la plus importante.
On y arrive, soit à l’aide de machines à percer, dont l'outil est vertical,
soit à l’aide de fraiseuses. Avec celles-ci, il convient d’abord de fendre le
bois pour mettre les nœuds à nu.
La fraiseuse est composée de 3 lames de scies circulaires de faibles dia-
mètres, presque accolées sur un même axe et tournant à 1,200 tours. Les
bois sont présentés suivant la direction du nœud. Le déchet est grand,
mais la possibilité que l’on a d'enlever également la moelle du bois à son
importance.
La fabrication proprement dite comprend le défibrage, le classage et
le raflinage.
L’usure quelque peu violente du bois contre une meule semble d’abord
peu logique; il faut dépenser une force énorme, 6 à 10 chevaux en
2 À heures pour produire 1 00 kilogrammes de pâte marchande; cependant,
si lon considère que les filaments de la pâte mécanique ont la longueur
des cellules du bois employé, on pourra regarder comme avantageux de
retenir celles-ci devant l’outilen profitant de la cohésion du bois.
Les grès les meilleurs sont ceux de Grillenbourg et de Pirna, en Saxe;
leur ciment siliceux résiste à l’eau, et il est facile de donner à la surface
le mordant voulu en y pratiquant des trous au marteau. Ceux-ci sont d’au-
tant plus grands que le bois à défibrer est plus dur.
Les meules sont horizontales ou verticales, et de 1 m. 50 à » mètres de
—#2( 292 )es-—
diamètre. Les bois de 500 millimètres de longueur sont contenus dans
des caisses de 2 m. 80 de largeur et pressés contre la meule à l’aide de
pistons. Un courant d’eau empêche l'encrassement de la pierre, et le tra-
vail s'opère par une pression de 250 grammes à 1 kilogramme par centi-
mètre carré de bois. On a remplacé, aujourd'hui, les pignons à cônes de
friction commandant les anciennes crémaillères des pistons par la pression
hydraulique. Une même conduite d’eau dessert les défibreurs, et la pression
est réglée par un compensateur, qui la maintient constante, tout en lais-
sant varier la provision d’eau en réserve. Un défibreur horizontal de
1 m. 90, faisant 150 lours et possédant 10 caissons de 6o centimètres
de hauteur et une pression de 500 grammes, prend 200 chevaux.
La pâte, diluée dans l’eau, se rend aux classeurs. Ce sont des appareils
à battements et à table lévèrement inclinée vers la sortie. Un mouvement
rapide de va-et-vient est imprimé par un excentrique de tête faisant oo
“tours; des bielles supportent l’autre extrémité. Une partie de la pâte tra-
verse avec l’eau des trous de 9 dixièmes de millimètre pratiqués dans la
table, l'autre s’essore et tombe en queue pour être conduite au rafhneur
par un transporteur. Du raffineur la pâte retourne au canal de distribution
des classeurs et ne peut sortir de ce cercle d'opérations qu'en traversant
un des classeurs.
Si le défibreur donne un produit grossier, il convient de former les
classeurs de plusieurs tables superposées présentant des ouvertures de plus
en plus fines à partir de la table supérieure, afin d’alléger le travail.
Les raflineurs employés sont le plus souvent des meules horizontales,
taillées comme les meules à farine, et rapprochées à affleurement.
. Les Américains ont modifié le travail du défibrage en profitant de la
chaleur développée par le frottement. Leurs meules, d’un diamètre un peu
moindre, sont verticales et plongent, par le bas, dans un bac dont l'eau
se renouvelle lentement. Trois caisses seulement occupent la partie supé-
rieure. Elles ont une largeur de 365 millimètres afin de permettre aux
parcelles détachées de subir un premier raflinage sur la meule même. La
pression la plus élevée atteint » kilogrammes par centimètre carré. L'éco-
nomie de force parait faible, mais la pâte est plus grasse. Malheureuse-
ment, la caisse supérieure, non équilibrée, exerce sur les tourillons de la
meule une pression énorme.
Pour l'expédition, la pâte est mise en cartonnage par un presse-pâte à
cylindre de forme. Il se compose d’un cylindre recouvert d’une toile métal-
lique n° 80. L'eau tenant la pâte en suspension traverse la toile pour res-
FOND ATEN 4
à . 7 à
À D : "
—#2( 993 es:
sortir par le cylindre, laissant sur celui-ci une couche de pate. Un feutre
appuyé par une presse la relève en feuille pour la conduire entre deux
autres presses. Elle s'enroule sur celle du dessus , et l’ouvrier l'en détache
à la main quand il juge l'épaisseur suffisante. Il obtient ainsi une feuille
qu'il plie en quatre. Ces feuilles empilées sont soumises à la presse hydrau-
lique et mises en ballots pour l'expédition. La pâte contient 50 p. 100
d’eau.
2° Pate au sulfate.
La préparation du bois, dans ce procédé comme dans le suivant, est
identique; elle diffère de celle donnée précédemment par une opération
complémentaire, le coupage.
L'action de la lessive ne peut être efficace si le bois présente une grande
épaisseur dans le sens des fibres, aussi certaines usines ont-elles scié leur
bois en rondelles avec des scies à ruban. La perte en sciure a fait abandon-
ner ces machines pour les coupeuses à plateau.
Un lourd plateau de 2 mètres environ de diamètre porte 2 couteaux de
300 millimètres de longueur, émergeant légèrement. Les bois jetés dans
une caisse inclinée viennent glisser jusque sur le plateau, et chaque cou-
teau détache au passage une épaisseur de bois. Si l'affutage des couteaux
est bon et leur inclinaison convenable, on obtient des rondelles presque
entières se prêtant à un excellent triage à la main. En diminuant la vitesse
du plateau et augmentant encore son poids, les rondelles, subissant plus
longtemps l'action de loutil, se brisent à moitié, suivant des lignes paral-
lèles équidistantes.
On en a profité pour obtenir un triage automatique des nœuds. En
broyant les rondelles, les morceaux contenant un nœud conservent une
taille plus considérable, et peuvent être éliminés par un triéur mécanique.
Parfois, on retire encore à la main les quelques nœuds que l'on peut aper-
cevoir, si la pâte doit être très soignée.
Pour supprimer la main-d'œuvre , les copeaux , après triage, sont relevés
par un propulseur à air dans des trémies de chargement placées au-dessus
des lessiveurs.
La fabrication proprement dite emploie, pour la cuisson, des lessiveurs
cylindriques tournants , chauffés à la vapeur directe. Des cloisons intérieures
déterminent un brassage de la masse. Après soutirage de la lessive, la
pâte subit deux lavages, le premier avec leau du deuxième lavage de
l'opération pécédente. La lessive soutirée et l'eau du premier lavage sont
SYLVICULTURE. 38
—e( 594 jes——
concentrées dans une chambre qui vient à la suite d’un four, puis amenées
sur la sole de celui-ci pour être desséchées. Un brassage fréquent permet
à toutes les parties de subir l’action de la flamme.
. Le résidu, nommé salin, est dissous dans des bassins, puis caustifié à
l’aide de chaux vive remplissant un cylindre perforé qui tourne au milieu
du liquide. Après décantation, on procède à un double lavage, le premier
se faisant avec l’eau du deuxième lavage de l'opération précédente. Le li-
quide recueilli sert, après clarification, pour les cuissons suivantes.
Pour supprimer le brassage, qui est fort pénible, on a établi en
Angleterre des fours cylindriques horizontaux tournants. La masse, ce-
pendant beaucoup plus compacte, doit être mélangée, à la fin de l’opéra-
tion, d’un peu de chaux vive, dont le foisonnement amène la division du
salin.
La pâte, après lavage, doit passer par de nouveaux appareils ayant pour
objet de l’épurer: ceux-ci se divisent en broyeurs , caisses de dépôt, raff-
neurs et épurateurs à fentes.
L'un des broyeurs les plus employés est le broyeur Füllner. La pâte
presque sèche y est battue par des agitateurs armés de bras en fer.
Les sabliers sont de longs canaux en bois dont le fond est garni de
lattes transversales peu élevées, et que la pâte très diluée parcourt sous
une faible épaisseur. Les grains de sulfate de chaux, les petits nœuds et
les incuits se déposent entre les lattes.
Les raffineurs ont d’abord été des piles. Dans ces appareils, un lourd
cylindre en bois, armé de lames métalliques plus ou moins tranchantes,
tourne en affleurant une platine armée également de lames, celles-e1 in-
clinées par rapport à l'axe du cylindre. [l en résulte un cisaillement de la
matière. [ei toutefois, ne voulant pas couper les fibres, on doit agir avec
des couteaux émoussés et une pâte très épaisse.
Les piles sont le plus souvent remplacées par des meules verticales ou
par des meules horizontales. Nous signalerons encore le broyeur Engel-
mayer, dont le principe est différent. La pâte, convenablemement essorée,
est répandue entre deux cylindres bien dressés, approchés à affleurement
et animés d’un mouvement diflérentiel à la circonférence.
Les épurateurs à fentes sont parfois plats et ressemblent alors, sauf la
forme des ouvertures, aux classeurs de la pâte mécanique; parfois cyhin-
driques. L’épurateur Reinecke et Jaspe, fort usité, se compose d’un cy-
lindre tournant dont la surface présente des fentes de 5 dixièmes de
millimètres. Pour éviter l’engorgement, la pâte, qui doit traverser Île
—+#>( 295 )es--—
+
cylindre de l'extérieur vers l’intérieur, esl tenue en mouvement par une
table cylindrique à secousses enveloppant la parte inférieure du cylindre
et recevant l’action de deux excentriques marchant à 800 tours.
Les usines n’emploient pas de la même manière ces appareils d’épura-
tion ; parfois, on ajoute des épurateurs à fentes plus larges pour retenir les
impuretés et empêcher leur morcellement par le raflineur; d’autres fois, on
place des sabliers après les raflineurs. Ges caisses de dépôts, d’un faible
entretien, ne sauraient être trop multipliées.
Quand l'expédition a lieu en pâte marchande, le presse-pâte utilisé res-
semble, à part quelques simplifications, à une machine à papier à toile
sans fin. La pâte, servie par une caisse de distribution, s'étend sur une
toile métallique qui l’essore et la fait passer entre deux presses garnies de
manchons en laine. Le cartonnage est repris ensuite deux fois par des
feutres afin de subir l’action d’autres presses, puis s’enroule sur une série
de 10 à 20 cylindres chauffés à la vapeur. La machine se termine par une
coupeuse ou par une enrouleuse, suivant le mode d'expédition.
La pâte, qui doit être livrée blanchie, est macérée avec une dissolution
de chlorure de chaux, ou soumise à un courant d’eau apportant les pro-
duits chlorés et oxygénés résultant de la décomposition par la pile du
chlorure de sodium. Elle est livrée ensuite au presse-pâte sécheur.
3° Pâte au bisulfite.
Après les développements que nous venons de donner, il nous suflira,
pour le procédé au bisulfite, de parler de la fabrication proprement
dite.
Le procédé Franke et Flodquist est souvent imposé pour préparer la
lessive, parce qu'il donne peu d’émanations sulfureuses. Le soufre est
brûlé en vase clos, sous l’action d’un courant d'air produit par une pompe
foulante. L’absorption , après passage dans divers refroidisseurs en plomb,
a lieu dans trois cuves superposées remplies d’un lait de chaux. Le li-
quide descend à intervalles réguliers d’une cuve dans l’autre, et il est con-
duit de la cuve inférieure dans un réservoir plombé. C’est par refoulement
que cette lessive est amenée dans les lessiveurs. Elle peut contenir jusqu’à
30 grammes d'acide sulfureux libre par litre.
La cuisson est faite dans des lessiveurs verticaux de forme cylindrique
terminés par 2 parties coniques. Leur contenance est d'environ 100 mètres
cubes. Leur revêtement intérieur en plomb est défendu par une double
38.
—#2( 296 )ses—
épaisseur de briques résistant aux acides. [ls sont chauflés soit à la vapeur
directe, soit avec l’aide de serpentins en cuivre. L'opération dure de 15 à
20 heures avec une pression de » à 6 kilogrammes, et quand elle
est terminée, l'acide sulfureux est dirigé dans un refroidisseur spécial,
puis dans les cuves d'absorption. Dès que la pression est descendue à
1 kilogramme, on utilise ce qui en réste pour décharger rapidement l’ap-
pareil et amener la pâte dans les bassins de lavage. Un transporteur la
conduit ensuite à l'atelier d'épuration où nous retrouvons les appareils
déjà décrits dans le traitement de la pâte au sulfate.
L'industrie de la pâte de boïs présente au point de vue économique un
si grand intérêt que nous ne saurions nous dispenser, en terminant, de
faire une courte excursion dans la partie de cette science qui la con-
cerne.
L'usage de, ce succédané s’est généralisé très rapidement, provoquant,
à partir de 1880, une baisse générale du papier. En nous arrêtant en 1899,
avant le mouvement de hausse qui se continue en 1900, nous voyons le
papier de journal tomber de 90 francs en 1870, à 30 francs; le chiffon
blanc, de 50 francs en 1878, à 39 francs; la pâte mécanique d'épicéa,
de 18 fr. 50 en 1884, à 10 francs; la pâte au sulfate blanchie. de 45 francs
en 1886, à 3° francs: enfin, la pâte au bisulfite écrue, de 4o francs en
1886, à 25 francs.
La consommation a doublé pour le papier d'impression pour livres, et
décuplé pour le papier de journal. En 1892, la fabrication en produits
entièrement manufacturés atteignait 2,500,000 tonnes pour l’Europe, et
3,700,000 pour le monde entier. L’accroissement annuel depuis cette
époque à été de 1 soixantième environ. |
Si lon admet que les 7 huitièmes de la pâte employée sont tirés du
bois, le poids correspondant à celle-ci est, pour l’Europe, de °,000,000
de tonnes. Or 1 stère de bois donne 150 kilogrammes de pâte chimique,
et 300 kilogrammes de pâte mécanique, et le rapport.entre le poids de la
première et celui de la seconde, dans la consommation, est de moitié; 1l
en résulte une dépense de 8,500,000 stères. La France, qui entre 11
pour 1 cinquième, utiliserait donc 1,700,000 stères, quand sa production
est de 276,000 stères en bois d'épicéa propre à la fabrication qui nous
occupe. On peut admettre, en eflet, qu'un hectare de forêt donne au plus
4 stères de bois par an, dont un quart seulement peut être transformé en
pâte de bois; en sorte que le nombre des stères est le même que le nombre
des hectares de forêts d’épicéa.
—#3( 997 jees-—
Cette dépense considérable a élevé le prix du bois de sapin et développé
la richesse forestière. La hausse a été de moitié pour les rondins de 15 à
27 centimètres. Autrefois, ces bois ont servi souvent à faire du charbon
de bois; on retirait ainsi environ 2 fr. 6o d’un stère de bois qui vaut au-
jourd’hui 9 francs. On voit comment la Société de PAlpine-Montan a été
conduite à supprimer en partie sa fabrication de fer au bois. La culture
des forêts s'est améliorée, notamment par la création de routes nouvelles,
et cet état prospère ne peut que se développer encore. On peut regretter
cependant certaines coupes hâtives: dans les pays où la législation laisse
aux propriétaires toute hiberté d’abattre les bois; el surtout l’usagé fréquent
d’arracher les branches pour la litière des bestiaux. Cette dernière circon-
stance arrête la croissance des sapins, si bien que le Zillerthal, par
exemple, avec ses 45,000 hectares de forêts, ne produit que 6 à 7,000
mètres cubes de bois d'œuvre.
Les ressources sont loin d’être épuisées, mais on s'adresse, d'année en
année, à des contrées nouvelles : déjà la Norvège donne moins et es usines
vont chercher leur bois en Finlande et jusqu'à Arkangel. La Russie se
hâte de construire des établissements industriels, et les Etats-Unis ne lais-
seront bientôt plus à l'Europe l'espérance de profiter des immenses res-
sources du Canada.
La hausse de 1900, favorisée il est vrai par des circonstances excep-
tionnelles, pourrait bien se maintenir en partie, car la consommation plus
grande forcera l'industrie à reculer les coupes forestières de chaque pays
vers des endroits de plus en plus distants des lieux d'expédition.
M. Deuorzune. Ces détails sont très intéressants; ils démontrent que la
fabrication de la pâte à papier est une cause de destruction pour les
forêts.
M. Tuézaro. Il en serait de même de la fabrication de l'alcool, mais 1l
ne faut pas nous en plaindre puisque les industries sylvicoles sont une ri-
chesse pour un pays.
M. Demorzane. Il serait donc urgent de se préoccuper de la question
du développement des forêts, de manière à compenser les différentes causes
de destruction qui les menacent.
La section décide que le mémoire de M. Houdant sera imprimé #
exlenso.
#2 598 se3-—
M. ce PRÉSIDENT. Messieurs. la section a épuisé son ordre du jour et
ersonne ne demande plus la parole pour une communication nouvelle; je
déclare donc nos travaux terminés. Les vœux que la Section a émis seront
présentés à l'assemblée générale qui doit avoir lieu dans l'après-midi.
La séance est levée à 11 heures et demie.
—#n( 599 je
TROISIÈME SECTION.
Annexe N° f.
CUBAGE SANS TARIF
DES ARBRES SUR PIED OU ABATTUS.
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
On assimile, le plus souvent, le volume du fût d’un arbre à celui d’un cylindre de
même hauteur ayant pour base la circonférence moyenne de cet arbre, Les deux facteurs
de ce volume sont donc la longueur de sa tige et sa circonférence moyenne. Pour les
arbres sur pied, on ne peut facilement mesurer quela circonférence à hauteur d'homme;
mais la conformation spéciale de la tige et la pratique des exploilations fournissent au
forestier expérimenté les indications suflisantes pour fixer la décroissance que comporte
la circonférence de base, et pour régler, en conséquence , la mesure de la cireonférence
moyenne. Cette décroissance, eu égard à l'essence et à la situalion de l'arbre (en massif
ou à l’état isolé), varie de 0.10 à 0.35 environ de la circonférence prise à hauteur
d'homme; en général, elle est de 0.15 pour les arbres feuillus des taillis sous futaie ,
et de 0.30 pour les résineux.
Des tarifs spéciaux, établis pour les différentes décroissances, servent à effectuer les
cubages; à leur défaut, on emploie les procédés géométriques. Maïs 11 peut arriver que
le tarif nécessaire manque à l'opérateur pris à l'improviste; d'autre part, si le cubage
comprend des arbres de différentes catégories de circonférence , l'emploi des formules
mathématiques peut nécessiter dé nombreux caleuls qui demandent beaucoup d'atten-
tion et de temps. Le cubage des arbres peut donc, dans certaines circonstances, pré-
senter des embarras et des difficultés qu'il serait désirable de prévenir, Ce but serait
atteint si on découvrait une relation très simple entre le volume d'un arbre et sa cireon-
férence mesurée à hauteur d'homme, et permettant de remplacer, dans la plupart des
cas, les tarifs et les caleuls géométrique par un procédé plus simple qui facililerait et
abrégerait l'opération du cubage. L'auteur de la présente note croit avoir trouvé cette
relation, comme le montrent les observations exposées ei-dessous :
1° Arbres feuillus dans les taillis de futaie. — Si en eflet, on eube les arbres de
1 m, 20 à 2 m, bo de tour pris à 1 m. 30 au-dessus du sol, et si l'on admet que leur
—#3( 600 )-es-—
circonférence moyenne puisse être réglée aux 0.88 de la circonférence de base, ce qui
correspond à une décroissance de 0.12 (comme cela se présente généralement pour les
arbres des taillis sous futaie dont la décroissance varie de 0.10 à 0.15 environ), on
constate que leur volume, évalué au cinquième déduit en décimètres cubes et par
mètre courant, est égal à dix fois la somme plus un des chiffres pris avec leur valeur ab-
solue, et exprimant, en mètres et décimètres , la longueur de la circonference mesurée à hau-
teur d'homme. On remarque, en outre, que si cette circonférence comprend des centi-
mètres, il suft, pour en tenir compte dans le cubage, d'en ajouter le nombre à la somme
obtenue par le procédé ci-dessus.
En représentant par m, d, c, le nombre de mètres, de décimètres et de centimètres
de la circonférence mesurée, le volume au cinquième déduit, en décimètres cubes et
par mètre courant, sera :
V—1o(m+d+1)+c.
Cette règle générale ne comporte qu'une bien légère modification; c'est dans le cas
où l'arbre considéré est compris dans la catégorie de 2 mètres à 2 m. 50 de tour et
pour lequel on procède comme pour l'arbre de 1 m. 20 à 1 m.95, mais dont le volume
ainsi obtenu doit être majoré de 100 décimètres cubes; soit :
V=1o(m+d+1)+c+100.
Dans ce procédé de cubage, on considère comme arbre-type celui qui vient d'être
analysé et dont la circonférence moyenne est égale aux 0.88 de la circonférence prise
à hauteur d'homme, c’est-à-dire l'arbre dont la décroissance est de 0.12.
Pour les arbres plus petits ou plus gros que l'arbre-type , mais de même décroissance ,
et dont la circonférence est un sous-multiple ou un multiple, dans le rapport de 1 à 2,
de la circonférence de l'arbre-type, le volume s’'obtiendra, pour les plus petits (de
o 3. 60 à 1 m. 90) en divisant par 4, et pour les plus gros (de 2 m. 60 à 5 mètres)
en multipliant par 4 le volume de l’arbre-type correspondant.
Gelte manière de calculer ces volumes est d’ailleurs conforme au théorème géomé-
trione qui démontre que les volumes de deux cylindres de même hauteur sont entre
eux comme les carrés des circonférences de base.
1° Arbres de toute catégorie et pour un taux quelconque de décroissance. — Le procédé
exposé d'autre part se rapporte, comme on la fait observer déjà, au cubage des arbres
dont la circonférence moyenne est réglée aux 0.88 de la circonférence prise à hauteur
d'homme; il s'applique spécialement aux arbres de taillis sous fulaie pour lesquels cette
proportion est généralement admise: mais il convient, en outre, pour cuber tous les
arbres quelles qu’en soient l'essence et la conformation, pourvu que la décroissance de
leur tige soit connue, Il est d’ailleurs indispensable, quel que soit le mode de cubage
adopté, tarif ou formules mathématiques, de connaître préalablement la décroissance
des tiges qu'on se propose de cuber; la détermination de cet élément de calcul n'est
done pas une complication inhérente au procédé expéditif. Connaissant donc le taux de
décroissance d’un arbre, on le comparera à celui de l'arbre-type, on doublera la diffé-
rence entre les deux décroissances, et le résultat de cette petite opération donnera le
facteur de conversion indiquant le tant pour cent dont il faudra diminuer ou majorer le
—#>( GOT }ee3—
volume de l’arbre-type correspondant, suivant que le taux de décroissance de l'arbre
considéré sera plus grand ou plus petit que 0.12.
Si on appelle d la différence des deux décroissances, V le volume de l’arbre-type et
Vzæ le volume cherché, on aura :
2 d
Va
100
En eflet,
Vz « (Gæd})}: GEdHoedC
NE TEE C
el, dans le cas particulier
& 88+d+ad88 & sd
er RTE DNS
+: dt ‘ ; À :
mais CEE est une fraction toujours extrêmement petite, donc, dans la circonstance,
Are onu à 2 d 5 ;
négligeable, et à on peut substituer —— sans commettre une erreur très appré-
88 100
ciable; donc :
L'intervention de formules algébriques paraîtra peut-être inopportune dans la cir-
constance; cependant elle a semblé nécessaire pour justifier la manière spéciale dont le
facteur de conversion a été établi.
3° Arbres abattus. — Si l'arbre est abattu, la circonférence moyenne peut être me-
surée directement; elle n’est donc pas susceptible de réduction; dans ce cas, la diffé-
rence des taux de décroissance est de 0.12 — 0.00 — 0.12, et le double de cette diffé-
rence est de 0.24. Il suflira donc de calculer le volume par le procédé expéditif et de le
majorer de 0.24 ou d’un quart environ, pour avoir le volume de l'arbre considéré.
. Grâce à cet artifice de calcul ayant pour objet la détermination du facteur de con-
version, le procédé expéditif de cubage peut être employé pour évaluer le volume de
tous les arbres sans qu'il soit nécessaire de se livrer, pour cela, à des calculs longs et
compliqués.
Le tableau suivant, qui permet de comparer entre eux les volumes donnés par les
procédés mathématiques et par le procédé expéditif, met en évidence la simplicité de la
méthode de eubage proposée et l'exactitude suffisante, en pareille matière, des résul-
tats qu'elle fournit.
--+2( 602 )e3-—
CUBAGE DES ARBRES, AU 1/5 DÉDUIT, EN DÉCIMÈTRES CUBES
CIRCONFÉRENCE
SOUS-MULTIPLE
de celle de l’arbre-type.
ARBRE DE O M. 60 À 1 M. 10.
Circonférence moyenne : o m. 88.
Décroissance : o m. 12.
EEE —— 7 —
Circonfé-
| Volume Volume
décim. c. mètres décim. c.
139 | 2,979
ET PAR MÈTRE COURANT.
ARBRE-TYPE.
DE 1 M. 20 À 1 M. DO DE TOUR
À HAUTEUR D'HOMME.
Circonférence moyenne
Décroissance : o m. 12.
©
Cirronfé-
Volume
rence
approché.
Volume
décim. c. mètres déeim. c.
V=1o(m+d+i)+e
1 20 Lo
25 45
30 Do
39 55
Lo 60
45
100
105
111
117
V= 10(m+d+1)+c+100
130
199
140
145
150
155
160
165
170
179
180
124: 3 00 |
130 2 0
137
113
190
196
163
171
178
184 |
193 |
IE se va tr
|
W 1 D ND 1 19 19 D 1»
3,945
:0 m. 88. |
CIRCONFÉRENCE
MULTIPLE
de celle de l’arbre-type.
ARBRE DE 2 M. 60 À 5 MÈTRES
de tour.
o m. 88.
0 m. 1°.
Circonférence moyenne :
Décroissance :
Volume
approché.
décim. c.
décim. c. mètres
2
2
2
2
3
3
3
3
3
3 6
3
3
3
ù
SRE Eee
&e =
11.440
DEVARENNE.
##( 603 )e+—-
Annexe N° 2.
UTILISATION DE LA SCIURE DE BOIS
POUR
LE DÉVELOPPEMENT DES CLICHÉS PHOTOGRAPHIQUES.
COMMUNICATION DE M. PAUL MARTIN,
MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ FORESTIÈRE DES AMIS DES ARBRES ET DE LA SOCIÉTÉ FORESTIÈRE
DE FRANCHE-COMTÉ ET BELFORT.
La sciure de bois est d’une grande utilité dans l’industrie et se prête à un grand
nombre d’usages divers,
Ses emplois sont très nombreux; on s’en sert journellement soit comme substance
absorbante, soit comme allume-feux où la résine sert d’agglutinant, soit pour la con-
servation des œufs et des fruits (pommes et poires), soit encore pour ameublir les terres
argileuses et fortes, et retenir l'humidité, en donnant une douce fraicheur, dans les
terres trop légères et sablonneuses. Dans l’industrie, les sciures de bois servent à la fabri-
cation de l’acide oxalique ainsi que d’un bois spécial obtenu par compression et agglo-
mération. Mélangée au sulfate de fer, la sciure de bois constitue le mélange de Laming
qu'on utilise pour l'épuration du gaz d'éclairage; enfin, aux États-Unis plusieurs
grandes scieries distillent les scrures pour l'éclairage et ses sous-produits ammoniacaux,
Chacune de ces indications suceinctes mériterait une note très développée: mais notre
but, ici, est d'indiquer une nouvelle application de la sciure de bois, relative au déve-
loppement des clichés photographiques.
Ce procédé, assez original, ne nécessitant l'intervention d'aucune action chimique,
donne de bons résultats, comme on peut s'en rendre compte par les épreuves ci-jointes,
Nous avons pensé intéresser Messieurs les membres du Congrès international de syl-
viculture en leur communiquant la courte étude suivante sur cette utilisation des scrures
de bois appliquée à la photographie, Ce modeste travail ne saurait être mis en parallèle
avec les grands travaux scientifiques qui seront traités dans cette haute assemblée; mais,
quoique simple, il nous a paru bon de le présenter, Si l'on pense que nous sommes
resté au-dessous de notre tâche, nous comptons sur lindulgence de nos lecteurs en
faveur de notre grand désir d’être utile,
Les procédés usités pour le tirage des clichés photographiques ne présentent pas
(ous une garantie suflisante de conservation. On a remarqué que beaucoup d'épreuves
ee CURE
déjà anciennes, qu'on possède sur papier aux sels d'argent, out une tendance à s’altérer:
quelques-unes même disparaissent complètement au bout d'un temps relativement
court. Cela tient souvent au peu de soin avec lequel sont faits le lavage et le fixage:
mais, cependant, on ne saurait garantir d’une façon absolue une inaltérabilité complète
à une épreuve lirée sur un papier à base d'argent avec fixage à l'hyposulfite de soude,
quels que soient les soins apportés aux diverses manipulations qu'il comporte.
La question, des plus intéressantes pour l'avenir de la photographie, est étudiée tous
les jours de plus près, et les organes spéciaux sont remplis de travaux intéressants à ce
sujet; mais la conclusion générale est que. si avec du soin on peut garantir une assez
longue vie à l'épreuve, on ne saurait assurer qu'elle sera d'une conservation indéfinie,
et cela a son intéret au point de vue des photographies documentaires que nous laissons
aux siècles futurs.
Jusqu'à présent, on a eu recours à d’autres procédés tels. que le tirage au charbon.
Nous ne voulons rappeler que très sommairement le principe de ce procédé, pour indi-
quer quelles sont, à notre avis, les causes de son insuccès auprès des amateurs; mais
hätons-nous de dire que plusieurs d’entre eux l’emploient avec succès et que les photo-
graphes de profession, qui se sont fait une spécialité dans ce genre, arrivent à coup sûr
à des résultats merveilleux. |
[ci, pour la reproduction de l'image, on emploie une poudre inerte et les réactions
chimiques n'interviennent pas pour la fixer sur le papier. Ce procédé n’est cependant
pas aussi répandu qu'il devrait l'être parmi les amateurs, parce qu'il exige des opé-
rations un peu délicates, ef qu'on ne réussit pas toujours. On sait ou l’on ne sait pas
qu'il repose sur la propriété qu'a la gélatine bichromatée de prendre un degré d'inso-
lubiité proportionnel à l'intensité de la lumière reçue. Le papier recouvert d'une
couche de gélatine bichromatée est teinté à l'encre de Chine ou au noir de fumée. Sa
conservation dans cet état est indéfinie.
Au moment de lusage, on sensibilise en trempant le papier dans une solution
ainsi composée : 10 grammes de bichromate de potasse et 500 grammes d’eau distillée:
on fait sécher ce papier, puis on tire au chàssis-presse en mettant un cliché en contact
avec la couche sensible. Mais aucune modification apparente ne se produit; il faut appré-
cier le temps de pose par comparaison avec un autre genre de tirage ou au moyen d'un
photomètre. On y arrive assez facilement.
Pour révéler l'image, il faut la tremper dans l’eau tiède, et toutes les parties non
insolées se dissolvent, les autres restent. Mais l’insolation s'étant faite peu à peu, par
pénétration à travers la couche de gélatine, la surface en contact direct avec le cliché
est entièrement devenue insoluble (sauf dans les noirs très opaques): les demi-teintes
se montrent donc au développement de l'autre côté de la pellicule que forme l’émulsion ,
c'est-à-dire du côté qui est en contact avec le papier qui lui sert de support : d’où la
nécessité de décoller cette pellicule pour la placer sous un autre support avant de pro-
céder au développement, d'où l'inconvénient aussi d’avoir, par suite de cette opération ,
une épreuve retournée où la droite devient la gauche et la nécessité de faire, après dé-
veloppement, un deuxième transfert sur le support définitif pour remettre les choses en
bonne place.
Nous avons pensé que si l’on pouvait simplifier la méthode en supprimant les reports ,
et si l’on pouvait obtenir une épreuve directement, comme avec les papiers aux sels
d'argent, il y aurait un grand avantage.
LEE 60e —
C'est à ce sujet que nous avons confectionné un papier spécial qui nous a donné de
bons résultats. Le principe est le même que celui dont nous venons de parler: la poudre
colorée est incorporée à une substance qui jouit, comme la gélatine, de la propriété de
devenir iusoluble proportionnellement à l'insolation qu'elle reçoit.
Lorsqu'on veut employer ce papier, voici comment il faut procéder:: on le sensibilise
en l’imprégnant d’une solution ainsi composée : 10 grammes de bichromate de potasse
et 500 grammes d’eau distillée. On l’immerge complètement dans une cuvette, on laisse
sécher à l'obscurité et on procède ensuite au tirage au châssis-presse. Pas plus que
dans le procédé au charbon on ne voit venir l'image. Aussi doit-on opérer, pour la
détermination du temps de pose, par comparaison avec un tirage sur papier aux sels
d'argent ou au moyen d’un photomètre. On arrête le cliché an bout de 3 ou 4 degrés
de photomètre , et, au développement, on verra s'il y a excès ou défaut de pose. On mo-
difiera en conséquence le tirage et on notera sur ce cliché le nombre de degrés néces-
saire pour avoir un bon résultat. Une fois cette expérience faite, on aura des données
certaines pour l'avenir.
On procède au développement au sortir du chàssis-presse, car si l'on attendait plu-
sieurs jours, le papier une fois sensibilisé ne se conserverail pas.
On prépare, dans une terrine, une bouïllie formée de 3 ou litres de sciure de bois
el d’eau chaude; on remue avec un bâton et, au moyen d'une petite réserve d’eau bouil-
lante, on amène le mélange à une température de 30 degrés centigrades, ce dont on
s'assure avec un thermomètre que l'on plonge dans cette bouillie.
Ceci étant fait, on trempe l'épreuve dans l’eau froide pour la ramollir, puis on la fixe
au moyen de pinces sur une feuille de verre. On prend alors de la bouillie dans une
petite cruche en terre. Tenant la feuille de verre d’une main, on verse de l’autre la
bouillie à la partie supérieure de l'épreuve, de manière qu'elle se répande partout et
retombe dans la terrine; on continue ainsi et on voit l'image apparaître comme par
enchantement.
Si l'image ne vient pas assez vite, on augmente la température de la bouillie de
quelques degrés: si, au contraire, elle vient trop vite, on se sert d’une bouillie plus
froide de 20 degrés environ, qu’on a préparée à l'avance dans une autre terrine.
L'épreuve, une fois venue à point, est simplement lavée à l’eau froide pour enlever
toute trace de bichromate de potasse: elle est ensuite prête à être collée sur carton.
La sciure qui nous a donné les meilleurs résultats est celle de charme parce qu'elle
ne contient aucun principe susceptible de tacher le papier. Les sciures de sapin, d'épi-
céa, de pin ou de chêne renferment les unes de la résine, les autres du tanin, subs-
tances capables de détériorer les épreuves.
Les photographies obtenues par le procédé à la sciure de bois sont assez jolies et,
par leur teinte brune, elles ressemblent à celles qui sont faites au charbon: si toutefois
elles ne sont pas aussi arlistiques que par ce dernier procédé , elles n'en sont pas moins
aussi inaltérables, car on comprend que dans cette opération aucune action chimique
n'intervient; il n'y a qu'une action purement mécanique lente et uniforme qui dégage
peu à peu, proportionnellement à l'insolation, la matière colorante emprisonnée dans
cette substance coloïde.
—#3( 606 )e3—
Annexe N° 3.
—
TRUFFES ET TRUFFICULTURE
PAR
M. A. GEORGE-GRIMBLOT,
CONSERVATEUR DES FORÊTS EN RETRAITE.
PRÉFACE.
Cette étude, mais limitée alors à la seule question du mycelium truffier, devait
constituer une communication à l’Académie des Sciences, qui lui aurait été adressée
en cours 1899. La partie scientifique, observations et préparations imicroscopiques
eût été surtout l'œuvre de M. Ray, préparateur de botanique au laboratoire de l’École
Normale supérieure et secrétaire de la Société mycologique de France.
Nommé à la rentrée des classes maitre de conférences à l'Université de Lyon,
M. Ray dut quitter Paris avant d’avoir pu terminer le savant travail dont il avait
bien voulu se charger. Il m'a fallu alors poursuivre seul cette fois, l'exécution des deux
dernières des multiples recherches dont J'avais fixé le programme.
La présente brochure comporte l'ensemble de toutes ces recherches, l'examen de
plusieurs autres questions liées à celle du mycelium des truffes, le résumé de mes ex-
périences de 1892-1896, sur la germinalion des spores du Tuber Uncinatum (truffe de
la Haute-Marne) et quelques explications relatives à la communication qu’à la suite
de ces expériences j'ai faite à l'Académie des Sciences.
Elle se divise en trois parties, à savoir :
1° partie. — Trufles (spores, mycelium, tubercules), en particulier Tuber Uncina-
tum et Melanosporum ;
2° partie. — Questions diverses : Préparation première et préparation de retour. —
Parasitisme, faux des mauvaises truffes et réel des bonnes. — Excrétions radiculaires.
— Usure des racines par le mycelium truflier. — Forme nécessaire du système radi-
culaire des arbustes et arbres producteurs.
3° partie. — Truflicullure directe par voie de semis des spores.
#2( 607 es
PREMIÈRE PARTIE.
a —
TRUFFES.
Avant-propos. — Les tubercules truffiers, champignons hypogés, sont indéhiscents.
Or de nombreuses observations ont démontré que les truffes, mises ou laissées en terre
étaient perdues pour la production future, se décomposant complètement : leur chair
d'abord avec ses innombrables spores, leur péridium ensuite, et que par eonséquent,
leurs spores, pour germer, devaient être sorties de terre, extraites de leurs thèques,
et exposées à l’action des agents atmosphériques.
Le dépôt des spores truflières à la surface du sol s'effectue principalement par les
déjections des animaux tubérivores, mammifères, oiseaux et insectes, en particulier
les insectes broyeurs et parmi les mammifères, la tribu des rongeurs, dont le mode
de manducaion, en déchirant une grande partie des thèques, met les spores en li-
berté.
H peut y avoir aussi un transport purement mécanique des spores par les insectes
tubérivores , à l’état de larve ou à l’état parfait, ces insectes abandonnant sur les feuil-
les des arbres, où ils vont se poser à leur sortie de terre, les spores qui, durant leur
vie souterraine, se seraient par leurs papilles attachées à leur corps, pattes ou ailes.
Mais ce genre de dépôt, qui a été sans doute le point de départ des recherches de
M. de Gramont de Lesparre, ne saurait être qu'insignifiant, étant donné, et les di-
mensions microscopiques des spores et l'existence des spores sexuées devant s’accou-
pler, existence que précisément M. de Gramont de Lesparre a mise en évidence (com-
munications à l'Académie des Sciences 1897-1898).
On verra plus loin, page 61 , une conséquence logique et très importante de sa belle
découverte.
GERMINATION DES SPORES TRUFFIÈRES ET PREMIERS DÉVELOPPEMENTS
DE LEUR MYCELIUM.
La truffe est un champignon, comme l’agarie champêtre et comme le mousseron ;
les mousseronnières constituent des cercles bien définis, et les place truflières en pré-
paratiou affectent aussi la forme circulaire (je dis en préparation et non en production,
car celles: ci sont loin d’être toujours circulaires, ne présentant cette forme que quand
la truffière entoure complètement l'arbre ou cépée producteur; alors les racines rayon-
nant en tous sens et végétant sensiblement de même, la ligne passant par leurs extré-
mités est une sorte de circonférence dont l'arbre ou cépée occupe le centre).
Il était à penser d’après cela que le mode, et de germination de la spore truflière et
de développement primordial de son mycelium, ne devait pas différer, sensiblement du
moins, de celui constaté pour certains agarics.
Avis de M. Ray. — «D'abord il est certain que les premiers stades du déve-
J . l .
loppement s’accomplissent aux seuls dépens des matériaux de réserve renfermés dans
—an( DB
la spore et des aliments contenus dans le sol. Le mycelium s'étend en toute direction
autour de son origine et occupe un espace circulaire de plus en ‘plus grand.
- La figure ci-dessous représente une sporeS ayant produit ainsi du mycelium, lequel
ne sort guère du plan horizontal passant par la spore.
«La production du mycelium s'effectue cireulairement et il est hors de doute que
les parties les plus anciennes se détruisent au fur et à mesure que d'autres se déve-
loppent.
«La zone centrale [ est occupée par le mycelium mort et la zone annulaire Il par
celui vivant, d'autant plus jeune que l’on se rapproche de l'extérieur. Ces deux zones
augmentent peu à peu d’élendue. »
x
À à
: - SI
“4 ,
Cette progression est évidemment limitée et prend fin tout naturellement quand le
mycelium truflier d'épigé devient hypogé pour gagrer le système radiculaire supérieur
des arbustes ou arbres.
N'ayant pu conserver, lors de mes expériences de germination des spores du Tuber
Uncinatum , Va préparation qui montrait encore une spore, venant de germer, fixée à
l'extrémité d’une fibrille radicellaire d’un plant de sarrazin, je ne dois employer que le
conditionnel.
La spore truffière, de forme ellipsoïdale, germant, émettrait, par l’une des extré-
mités de son grand axe, cinq filaments s’écartant lun de l'autre comme les doigts de
la main largement ouverte; ils décriraient ainsi, dès le début , une sorte de cercle ou
mieux d’éventail, avec le surplus de la spore comme noyau central, ce qui différerait
un peu de ce qu'indique la figure ci-dessus, pour sans doute se développer ensuite
conformément à ladite figure.
Ces filaments sont cloisonnés et porteurs de nodosités ou boucles latérales corres-
pondant aux cloisons. Aussi, l'aspect de la spore truflière venant de germer serait-il
dépeint, on ne peut mieux, par cette expression de M. Itasse, chimiste agricole,
-#%( 609 es
demeurant à Paris, 67, rue de Provence, qui procéda en ma présence à la prépara-
tion en question : «On dirait une main de squelette jaune. »
Quoi qu'il en soit du mode d'émission par les spores truffières de leur mycelium,
toujours est-il que lorsque cette émission s’est opérée à la surface du sol, voici ce qui
se passe :
PHÉNOMÈNE CONNU SOUS LE NOM DE PRÉPARATION.
Ou bien le sol est nu, ou bien il est garni d’une végétation superficielle herbacée
où semi-ligneuse quelconque. Dans le premier cas les filaments myceliens, se déve-
loppant et se multipliant, désagrègent successivement les grains de terre superficiels:
le terrain se met en poussière, il se brüle, suivant la pittoresque expression des Ra-
bassiers Vauelusiens.
Dans le second cas, le mycelium se fixe aux fibrilles radicellaires des plantes super-
licielles ; l'énergique puissance de succion dont ses filaments sont doués, ne tarde pas
à dessécher ces délicats organes et amène promptement la mort de ces plantes. Peut-
être dans certains cas agirait-il simplement par voie d’épuisement du sol, +c'est du
moins, comme on le verra plus loin, ce que pense M. Ray.»
Des extractions nombreuses de végétaux herbacés pratiquées dans la Haute-Marne.
sur des places en préparation de retour (dans les bois taillés de cette région, je n’a
pas trouvé d’emplacements étant sûrement en préparation première), et aux confins
de places en production , m'ont prouvé qu'il en était ainsi.
Ce sont les envois de ces herbages divers, envahis par le mycelium du Tuber Unci-
natum , faits à M. de la Bellone, qui lui ont permis de dire, à la page 163 de son
livre La Truffe et les Trufiières, couronné par l'Institut dans sa séance du 30 décem-
bre 1889, que l'explication la plus simple et la plus vraie du phénomène de la prépa-
ration revenait tout entière à M. Grimblot.
Dans mes expériences de germination des spores du Tuber Uncinatum , j'ai pu réa-
liser ce curieux phénomène sous sa double forme, désagrégation du sol puis destruction
de la végétation superficielle, plants de sarrazin. De là la communication que Jai
adressée en décembre 1896 à l'Académie des Sciences, mais simplement réduite à ceci :
Procédé à employer pour la germination des spores truflières et procédé de Trufficul-
ture.
Dans ces expériences, j'ai dû attendre quatre années avant d'obtenir la germination
des spores et sa conséquence, la préparation. Ce long délai concorde avec ce qui se
passe dans la nature. En effet, lorsqu'on crée une truflière artihcielle par voie de semis
de glands ou de plantation de chênes, la truffe apparaît au plus tôt dans la cinquième
année qui suit la mise en terre des glands ou plants (Cuarin, La Truffe, 1869, p.116),
mais sa venue est présagée l’année d'avant, c’est-à-dire la quatrième, par le phéno-
mène de la préparation.
Ce fait, naturel et de laboratoire, d’une gestation de plus de trois ans, était à signa-
ler, parce qu'il esten contradiction avec celui de la germination dans l’année des téleuto-
spores ou spores finales de M. de Gramont de Lesparre.
Je reviendrai du reste sur cette question des téleutospores et de leur germination.
Que se passait-il avec le mycelium du Tuber Melanosporum, truffe noire de Vau-
cluse et les plantes semi-ligneuses qui généralement constituent, au mont Ventoux
par exemple, la végétation superticielle ?
SYLVICULTURE. 30
—#2( 610 )e3-—
En juillet 1898, j'ai fait venir du Ventoux de Bedoin, provenant d’une place en
préparalion , des plants de thym, lavande et sarrictte.
Examen de ces plants par M. Ray. — «Parmi les plantes recueillies sur une place
en préparation, il y en a de complètement flètries et desséchées, d'autres sur le point
de l'être et l'on ne trouve de pieds bien portants qu'autour de l’espace occupé par les
pieds malades.
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Quand on examine au microscope les racines des végétaux qui ont souffert de la pré-
sence du champignon, on trouve : sur les uns, pas de mycelium ni vivant ni mort; ce
sont des végétaux qui ont simplement subi l’action indirecte du champignon, celui-ci
les a tués en les privant de nourriture;
«Sur d’autres, des débris de mycelium mort, et les débris ne sont pas seulement
superficiels mais aussi, par endroits, dans les cellules périphériques de la plante;
-Cetle endotrophie du champignon ne se manifeste pas sur tous les végétaux obser-
vés; pour un certain nombre il y aurait simplement ectotrophie;
«Enfin , sur les derniers un assez abondant mycelium vivant, tantôt encore endotro-
phe, tantôt ectotrophe.
«Les figures 1 et à ci-dessus schématisent ce qui s’observe indifféremment sur les
thyms, lavandes et sarriettes.
Figure 1. — +Mycelium superficiel M sur une racine R, pénétrant en f dans l'écorce
ai Lai
—.#3( 611 )ee3-—
À et A’ filaments isolés anastomosés en 4. B B’ B" filaments accolés longitudinalement
(mycelium fascié) dont un B anastomosé en b à A”.
Figure 2. — «Cellules corticales dont deux renfermant le mycelium. Quand il est ex-
térieur le mycelium présente bien l'aspect du mycelium truflier, irrégularité de calibre,
couleur caractéristique à un certain âge. Quand il est intérieur, 1l tend au contraire à
ressembler à n importe quel mycelium endophyte, à quoi il faut s'attendre par expé-
rience. Mais le mycelium interne se rattache manifestement au mycelium externe.
Conclusion : par rapport aux plants qui poussent sur une place en préparation, le
mycelium truflier peut constituer une michorize, tantôt ectotrophe, tantôt endotro-
phe, au sens de Frank. Mais dans certains cas, il agit indirectement sur les plantes en
épuisant le sol où elles prennent leur aliment.»
En résumé, les végétaux semi-ligneux Vauclusiens sont envahis par le mycelium du
Tuber Melanosporum , comme l'étaient les plantes herbacées Haut-Marnaises par celui
du Tuber Uncinatum. C'est donc bien, dans les deux cas, le mycelium truflier qui, par
sa succion délétère, produit la destruction de la végétation snperficielle, le phéno-
mène connu dans les pays producteurs sous le nom de Préparation.
PHASES DIVERSES DU MYGELIUM TRUFFIER.
C'est en 1885 seulement que, par une communication au Congrès des Sociétés sa-
vantes de Grenoble, M. de la Bellone a rendu publique sa découverte du véritable
mycelium du Tuber Melanosporum ; mais 11 m'en faisait part dès 1881, me demandant
de faire de mon côté des recherches sur eelui du Tuber Uncinatum.
De là, la correspondance à laquelle M. de la Beilone fait allusion dans la préface de
son livre de 1888, accompagnée d’envois de plantes malades de place en préparation,
de cordons de mycelium inertes extraits en la saison morte, de petites racines et radi-
celles porteurs de mycelium en plein développement, enfin de tubercules, non mürs et
mürs, garnis encore ou non de leur coiffe mycelienne.
1 y avait lieu de vérifier sur le Tuber Melanosporum de Vaucluse les nombreuses ob-
servalions que j'avais pu faire sur le Tuber Uncinatum de la Haute-Marne, d'autant plus
que depuis mon départ d'Avignon, je ne m'étais que fort incidemment occupé de la
Truffe noire et qu'à cette époque, d’ailleurs, 1880, l'existence de son véritable myce-
Jium était inconnue.
Dans les places en préparation de retour fouillées dans la Haute-Marne, le myce-
lium truflier se rencontrait à l’état de filaments simples, séparés les uns des autres
(on a vu plus haut, p.610, fig. 1, que dans celles en préparation première de Vaucluse
les filamerits mycéliens sont parfois accolés longitudinalement, mais en nombre res-
treint).
Or ce n’est pas sous cette forme d'isolement ou de fasciation incomplète qu'il prend
possession du système radiculaire des arbustes ou arbres.
La faible alimentation que le mycelium a pu trouver dans le sol et dans les fibrilles
radicellaires des végétaux inférieurs superficiels l’a maintenu en vie, a subvenu à ses
premiers développement et multiplication, mais elle est impuissante’ à le faire fructi-
lier. [ lui faut gagner les racines des pieds ou cépées devant lui fournir l'alimentation
sui generis qui lui convient, et pour ce faire, le mycelium doit transformer son mou-
39:
—#x( 612 jes—
vement superficiel et horizontal en un mouvement en terre et quasi vertical. Pour ac-
quérir la force de pénétration qui ferait défaut aux filaments isolés, ceux-ci jusque-là
plus ou moins épars, se rapprochent, s’accolent longitudinalement en quantité consi-
dérable, de façon à constituer des cordons ou faisceaux cylindriques résistants. La puis-
sance d'émission des spores, du développement de leurs filaments dans le sens hori-
zontal a évidemment une limite.
Celle-ci une fois atteinte, le mycelium arrêté à la périphérie de l'emplacement en
préparation et ayant derrière lui, ou épuisé le sol ou détruit la végétation superficielle,
serait menacé de mort. Dans ma pensée, c'est à ce moment, critique pour le myce-
lium , que se produisent les accolements longitudinaux de ses innombrables filaments ,
séparés jusque là les uns des autres, sauf les cas d’anastomose ou d’agrégaition par-
tielle comme par exemple ceux B B’ B” de la figure 1 de la page 610.
En résumé, la forme en cordons ou faisceaux du mycelium truffier serait celle de sa
translation verticale dans le sol, de la surface de celui-ci au système radiculaire des ar-
bustes ou arbres.
PÉRIODE DE REPOS.
Un premier plant de chêne blanc truffier a été extrait au mont Ventoux de Bedoin
(Vaucluse) au début de mai, après la clôture de la récolte 1897-1898 et avant la sève,
c'est-à-dire quoique un peu tardivement peut-être comme on le verra plus loin, en
temps d’arrêt encore de la végétation souterraine cryptogamique comme radiculaire,
Ce plant possédait un système radiculaire bien développé, pivot et racines latérales,
sauf sur une hauteur de 10 à 15 centimètres à partir du collet où il n'offrait que quel-
ques racines courtes et dépourvues de radicelkes et chevelu (usure dûe à la production
antérieure). Le mycelium ne se rencontrait pas sur toutes les racines indistinctement ,
loin de là; celles sur lesquelles j'ai constaté sa présence étaient de faibles dimensions,
1 à 2 millimètres de diamètre et 2 à 3 décimètres de longueur; de plus, ce n'est pas à
proprement parler sur les racines le supportant qu'il gîte, mais dans des amas globu-
buleux des fines radicelles, courtes, diversement enchevêtrées, placés sur ces racines ;
c'est ce que le docteur Frank de Berlin désigne sous le nom d’amas coralliformes, et,
que M. Condamy , pharmacien à Angoulême, dans sa brochure de 1876 désignait sous
celui de bédérars.
Sur le point des racines où il vient s'implanter chaque cordon mycelien y détermine
par sa piqüre la production de ces nombreuses, courtes et fines radicelles, contournées,
son futur logis, de même que le cynips, venant déposer ses œufs sous l'épiderme des
rameaux de l'églantier, détermine, par la piqüre de sa tarière, la formation de ces
amas ronds de filaments herbacés qu'on appelle en botanique des bédégars.
Aussi, les racines des plants non producteurs, comme celles de ceux producteurs,
exemptes de tout mycelium, ne présentent-elles aucune de ces sortes de pelottes radi-,
cellaires. C'est, en ce qui concerne les premiers, ce que je constatais dès 1879 en
comparant le système radiculaire d’un plant de chêne blanc non truflier et de cinq au-
tres plants trufiers, venus côte à côte dans une bande de semis au Ventoux de Bedoin,
et, en ce qui concerne les seconds, sur les racines du premier chêne ci-dessus de 1898
inférieures à celles porteurs du mycelium.
Le mycelium, à l'état de cordon, enlace de ses replis les radicelles des amas coralli-
formes: en humectant largement les amas et par suite le mycelium y fixé, puis en
—ex( 613 Je —
écartant successivement les radicelles à la pointe d'une aiguille, on peut le dérouler et
l'obtenir presque intact. ;
Ces cordons, d'aspect rhyzomorphe, sont visibles à l'œil nu pour le Tuber Uncina-
tum et micr oscopiques pour le Tuber Melanosporum.
En résumé, pendant la saison morte. le mycelium à l’état de repos est confiné dans
les amas coralliformes.
En deçà d’enx et jusqu’à leur point d'insertion sur le pivot, comme au delà d'eux et
jusqu’à leurs extrémités, les racines du premier chéne porteurs des amas coralliformes ,
ne présentaient pas le moindre filament mycelien.
Cette dernière constation n’a pu être faite par M. Ray qui. de ce premier chêne n'a
eu entre les mains qu'une préparation sommaire d’un amas coralliforme avec le cordon
mycelien détaché des radicelles et plusieurs amas coralliformes pour lui permettre de
procéder lui-même à l'extraction du mycelium y inséré.
PÉRIODE. D'ACTIVITÉ.
En cours juillet 1898 , après le mouvement séveux, c’est-à-dire alors que le mycelium
truffier, supposé parasite et alimenté par la sève élaborée affluant aux racines, avait dû
prendre tout le développement dont il était susceptible pour la dite année , deux plants
de chêne blanc trufliers ont été extraits (deux, parce que le premier reçu était dépéris-
sant, ses racines couvertes de moisissure, que cet état avait dû, sinon l'empêcher, du
moins entraver le développement du mycelium, et qu'il était dès lors à remplacer par
un autre en pleine vigueur).
Aux préparation sommaire et amas coralliformes du premier chêne, aux deux plants
de chêne ci-dessus, remis à M. Ray à Paris, il faut ajouter des préparations et amas
coralliformes provenant d'un troisième chêne extrait vers le milieu d'août et d'une ra-
cine de chêne extraite en octobre, qui lui ont été envoyés à Lyon.
Après examen de toutes ces pièces, plants et radicelles constituant les amas coralli-
formes, M. Ray formule son avis en les termes suivants :
“Le mycelium truffier se conduit comme un michorize et cela encore tantôt ecto-
trophe, tantôt endotrophe. Il déforme par sa présence les racines des chênes (amas
coralliformes) : sur le premier comme sur le dernier chêne, ce mycelium est très souvent
fascié, sans qu'on puisse assigner à la fasciation un lieu spécial ou une époque spé-
ciale.
+ Ce sont toujours des filaments isolés et non des cordons qui pénètrent dans le chêne,
ainsi que je l'ai indiqué pour les plantes d'une place en préparation. Seulement, au
lieu de tuer la plante ici, ils semblent ne lui causer qu'une simple transformation de
son système radiculaire plutôt qu'un dommage apparent. Peut-être même y a-t-1l sym-
biose du chêne et du champignon, c’est-à-dire vie en commun avec bénéfice mutuel.
“Les figures ci-après représentent le mycelium existant sur les racines de ces
chênes.
Explication de la figure 1.
(a) Divers filaments myceliens ordinaires, les uns présentant des boucles, les autres
en étant dépourvus. Ils sont jaune clair.
—.#2( 614 )e3.—
(b) Filamenis bien plus gros, à membrane plus épaisse et munis les uns des bou-
cles caractéristiques, les autres étant sans boucles. Ts sont brun foncé.
CHERE dé D Thrie gurrtprles.
Ce (6)
Explication de la figure 2.
(c) Cordons myceliens de la première catégorie, filaments bouclés et filaments non
bouclés.
(d) Cordon mycelien de la deuxième catégorie, filaments sans boucles avec anasto-
mose en À de 2 de ses filaments.
L'avis ci-dessus demande quelques explications :
1° Il y a tout d’abord là deux végétations eryptogamiques distinctes :
Celle avec filaments à boucles. — Mycelium Trufier, et celle avec filaments sans bou-
cles. — Michorize ordinaire;
2° La différence de diamètre, d'épaisseur des parois, de coloratlon des filaments
dans chacune de ces végétations, n'est qu'une question d'âge. Tandis que dans mon
expérience de 1892-1896, les filaments émis par les spores du Tuber Uncinatum étaient
à diamètre restreint, à membrane mince et de teinte jaune clair, ceux rencontrés sur
les herbages malades de quatre places en préparation de retour de la forêt du Corge-
—+0( 615 -jes—
bin (Haute-Marne) en août 1882, provenant du mycelium ancien fixé anx racines des
quatre cépées, élaient, eux à gros diamètre, à membrane épaisse et de Leinte brune;
3° Les investigations de M. Ray ont porté en fait sur des plants ou amas coralli-
formes, alors que le mycelium commençait déjà à végéter ou était en plein développe-
ment et élalail sur le système radiculaire ses filaments, tant simples que diversement
accolés, et de là sa remarque.
Figure £.- TE Re ) faoctes.
il
|
>
(<) (a)
«Pas de lien spécial à assigner à la fasciation des filaments myceliens.
# Quant à celle-ci, ainsi que je l'ai déjà dit plus haut, c'est une forme de transfert d'un
point à un autre, présentant une force de pénétration que n'auraient pas à un degré
suflisant des filaments isolés. C'est elle qui a permis au mycclium des places en prépa-
ration d’atteindre en terre le système radiculaire des arbustes ou arbres, et qui lui
permeltra, lorsqu'il quitte les racines desséchées par sa succion délétère et ne pouvant
plus l'alimenter, d’aller se fixer sur des racines vivantes el plus profondément insé-
rées.
—#>( 616 )+e3-—
4° Pour se rendre compte du dommage réel, et non d’une simple transformation
causé aux racines des arbres producteurs par le mycelium, au cas particulier celui du
Tuber Melanosporum , 1 faut, ce que n’avait pu faire M. Ray, avoir comparé dans sa
partie supérieure le système radiculaire de plants de chêne trufliers et non trufliers.
Alors que dans les plants producteurs, sur une hauteur à partir du collet correspon-
dante à la profondeur des fouilles du pore, les pivots et souvent mène des premières
racines principales sur une largeur correspondante à celle de ces fouilles, ne présentent
que des racines atrophiées sans radicelles ni chevelu, ou même sont entièrement nus,
les plants non producteurs offrent, eux, dès le collet, de nombreuses racines bien dé-
veloppées et munies de radicelles et chevelu abondants et vivaces.
Cette constatation, je l'ai pu faire en 1879, avec l'extraction des six plants de chêne
blanc, trufliers et non trufliers. relatée ci-dessus, au troisième paragraphe 4 de la
page 611.
Ces explications données je reprends la question formant l'intitulé du présent cha-
pitre : Période d'activité du mycelium.
Le premier chêne blanc truffier avait été extrait dans les premiers Jours de mai seu-
lement, parce que l'on avait voulu attendre la fin de la récolte 1897-1898, se clôtu-
rant au 30 avril.
Pour obtenir le mycelium du Tuber Melanosporum à Yétat de repos, d'inertie,
comme j'avais obtenu dans la Haute-Marne celui du Tuber Uncinatum, cette époque
d'extraction, sous le ciel de Vaucluse, était un peu tardive; la plupart des cordons
présentait un début de végétation.
Cette entrée en végétation se manifestait sous deux formes, iséhiéicent et par les
extrémités des cordons.
Végétation latérale. — Des filaments simples partent des flancs des cordons et vont
se fixer aux extrémités des radicelles, vivantes encore. qui constituent par leur enche-
vêtrement les amas coralliformes.
Végétation extrême. — Les cordons s’allongent pour s'épanouir en forme de gerbes
ou aigrettes composées et de filaments uniques et de filaments multiples diversement
accolés.
Les racines des arbres ne eroissent, on le sait, que par leurs extrémités ; il y a done
là des tissus à l’état naissant, que viendra gonfler la sève descendante.
Les filaments attachés aux extrémités des radicelles commencent leur succion, et
tant que dure l'afllux au système radiculaire de la sève élaborée, ils se gorgent de ses
sus , s’allongeant et se multipliant.
Pour le Tuber mélanosporum, cordons, filaments simples se détachant de leurs flanes,
épanouissements gerbeux de leurs extrémités en filaments tant isolés que diversement
fasciés, tout est microcospique; il en résulte que presque toujours le développement du
mycelium ne dépasse guère l'amas coralliforme où il gitait à l’état de repos en la saison
morte. D'autre part, la quantité des filameuts uniques comme multiples qui s’atta-
chent aux radicelles dans ce cas, est telle, qu’elle les épuise et s'oppose à leur allonge-
ment.
H n’en est pas de même pour le Tuber uncinatum. Ses cordons mycéliens quittent
rapidement en s'allongeant les amas coralliformes; les radicelles de ceux-ci n’ont alors
—#3( 617 )e3-—
à subir que la succion des filaments simples qui se sont échappés des flancs des cor-
dons, laquelle ne suffit pas pour arrêter leur allongement : alors les amas coralliformes
donnent naissance à des touffes de fines et longues radicelles de couleur blanc jau-
nâtre, dépourvues d’écorce, de consistance presque molle, que les filaments précités,
trouvant dans les tissus nouveaux des éléments d'alimentation , suivent en leur accrois-
sement progressif.
Si l'amas coralliforme desséché ne peut plus alimenter le mycelium du luber mela-
nosporum comme du Tuber uncinatum, le cordon mycélien le quitte et étale sur les radi-
celles voisines vivantes ses filaments isolés et accolés. Dans le cas où la racine elle-
même-est desséchée, le ou les cordons mycéliens labandonnent et vont s'implanter
sur d'autres inférieures et vivantes.
La conséquence de ce qui précède, en ce qui touche le Tuber melanosporum , est que
les tubercules sont généralement accolés pour ainsi dire aux racines. Ce n’est que dans
des conditions exceptionnelles qu'il se développe en terre pour fructifier à une certaine
distance des racines. Le fait suivant, que M. de la Bellone cite à sa page 28, en
est un très curieux exemple; il mérite d'être rapporté en détail, parce qu'il n'est
guère compréhensible qu'avec l'existence d’un mycelium à la fois créateur et alimen-
tateur.
M. Caire, de Croagnes (Vaucluse), possédait une truflière artificielle essence chêne
vert, et il avait pour son irrigation durant les fortes chaleurs de l'été, établi une con-
duite d’eau. Celle-ci perdant , avait besoin d'être réparée. En février 1882, M. Gaire
la dénude pour chercher la fuite, et il trouve à o m. 30 de profondeur une truffe qui
par un de ses côlés était presque libre dans la conduite trouée.
À environ o m. 15 au-dessus de la truffe passait une assez forte racine de chêne et
de cetle racine partait comme une toile d'araignée brunâtre qui enveloppait la truffe
la coilfant en quelque sorte.
Le mycelium en cordon gitait sans doute en un amas coralliforme de cette racine
entré en végétation , il a développé ses innombrables filaments. Attirés par l'humidité,
ils se sont dirigés tous de haut en bas vers la conduite, constituant dans leurs accole-
ment et enchevêtrement une sorte de tissu aranéeux, visible à l'œil nu. Après o m. 19
de ce développement vertical en terre il eût fallu , pour aller plus loin, que ces filaments
mycéliens s’engageassent dans le vide supérieur de la conduite; ils se sont alors arrêtés
là, ont tissé la coque du tubercule, l'ont organisé, alimenté, et celui-ci grossissant a
pénétré par sa face postérieure dans la conduite.
Pour le Tuber uncinatum les cordons débordent promptement les amas coralliformes
pour se développer, ou directement en terre, ou bien en suivant, soit les toufles radi-
cellaires émanées des amas coralliformes, soit les racines porteurs desdits amas, pour
fructifier.
Il en résulte que ses tubercules gisent, soit à quelque distance des racines, soit
accolés à celles-ci, soit placés à leurs extrémités mêmes.
De nombreuses fouilles pratiquées dans la Haute-Marne m'ont fourni des exemples
de ces trois sortes de gisement et de développement du mycelium, d'autant mieux
constatables que ce mycelium est en partie visible à l'œil nu et que les tubercules,
même mürs, conservent assez souvent leur coifle mycelienne.
—#5( 648 )eer—
N PÉRIODE DE FRUCTIFICATION.
S'occupant en particulier du Tuber panniferum, M. de la Bellone s’exprimait ainsi à
la page 36 de son livre de 1888 : +Le mycelium trouvé tout autour du tubercule ne
doit être qu'un mycelium secondaire. Il est probable que sur le mycelium primitif né
directement de la spore, une conjugation, une fécondation particulières se produisent
dont bien des cryptogames fournissent l'exemple. De ce point naïtrait le tubercule qui
pousserait alors tout autour de lui ces filaments de nutrition qui sont le mycelium secon-
daire dont le Tuber panniferum est si abondamment pourvu.»
Existail-1l sur les filaments du mycelium du Tuber melanosporum de ces points de
conjugalion, de fécondation? En d’autres termes, la forme fasciculée, en rapprochant
les innombrables filaments jusque-là plus ou moins épars de ce mycelium , était-eile en
même temps que celle de son transfert de la surface du sol aux racines des arbres
celle de conjugation, d’accouplement de filaments mâles et femelles? «M. Ray a bien
voulu, à ma demande, procéder à l'examen d'un cordon mycelien, et le résultat de son
investigation est le suivant : Il n'y a pas de rapport bien défini entre les divers fila-
ments d'un cordon, il n’y a que des rapports accidentels, des anastomoses, comme
on dit.
«Déjà entre deux filaments libres se manifestent souvent de ces liaisons (voir en a,
lig.1,p.610,etend, fig.1.p. 614). Îl n’y a aucune raison pour voir là un phénomène
de fécondation, pas plus qu’on ne qualifie de fécondation le rapprochement si fréquent
de branches ou de troncs voisins dans les arbres de nos forêts,
Des anastomoses analogues s’observent entre filaments contigus d’un cordon (voir
en À, fig. 2 d, p. 615); mais, je le répète, ce ne sont là que des rencontres acciden-
telles. La désagrégation d’un cordon se fait naturellement ou arüficiellement.
«Dans le premier cas, les filaments séparés les uns des autres ne présentent rien de
particulier. Dans le second cas, ils ont des déchirures à l’endroit des anastomoses. Les
anastomoses sont très fréquentes chez les champignons et ne suggèrent en aucune façon
l'idée d’une fécondation, ce mot signifiant, à moins qu'on ne le détourne de son sens,
union fertile et nécessaire.
+ Les boucles sont des anastomoses d’un genre particulier : elles correspondent tou-
Jours à une cloison; ce sont des anastomoses entre deux articles successifs d’un même
filament. »
Gette identité des filiments constituant les cordons, l’absence de toute conjugation
spéciale démontre qu'il n'existe pas de filaments mâles et femelles s’accouplant et
que le mycelium, émanant des spores femelles fécondées par les spores mâles (et qui
s'est conslilué en cordons pour aller prendre possession du système radiculaire des
arbres), possède, par cela seul, la propriété de créer, en se développant annuellement
et sous l'alimentation séreuse qu'il recoit, les tubercules truffiers.
Cette queslion capitale ainsi élucidée, je passe à celle énoncée ci-dessus : Période de
fructification du mycelium.
Un troisième plant de chêne blanc trufier a été extrait, et cette fois en caisse et motte
entière de o m. Lo en tous sens, vers la mi-août 1898. L'extraclion avait été fixée à
celle époque , l'opiuion générale dans Vaucluse étant que la formation de la truffe noire
_an( 619 js
s’opérait en juillet-août; le bien fondé de cette opinion m'était prouvé du reste par
l'expérience suivante :
Un 13 août, M. Carle, de Villes (Vaucluse), le principal fermier de la fouille au
Mont-Ventoux de Bedoin, extrayait à ma demande et en motte entière un jeune plant
de chêne blanc qu'il avait fructueusement fouillé en janvier, et dans la motte de ce
chêne se trouvaient trois truffettes à peine grosses, l’une comme un pois el les deux
autres comme des lentilles et à surface presque lisse encore, tubercules qui par suite
devaient être de formation tout à fait récente.
Je dirai d’abord que dans la motte de près de o m.c.o70 de ce troisième chène, dont
la terre a élé désagrégée en quelque sorte grain à grain, je n’ai pas trouvé le moindre
embryon truflier formé. D’ores et déjà , il était à présumer que la sécheresse excessive et
persistante des mois de juin, juillet et août 1898 avait entravé le développement du
mycélium et à tout le moins reculé le moment de la fructification. (C’étail la même
cause qui avait fait manquer l'expérience de 1879 dont j'ai déjà parlé aux pages 611 et
616 ci-dessus. Entrés en production à la campagne 1878-1879 les cinq plants de chêne
blanc extraits de mai à septembre reslèrent stériles à la campagne suivante. En août
la terre englobante était réduite par la sécheresse à l’état de cendre; pour peu qu'ils
fussent peu profondément enracinés les plants s’arrachaient presque sans effort.)
Avant de décrire l'état des racines et de leur mycélium, je crois utile de faire con-
naître ce que, à la suite de mes recherches et constatations de plus de huit années sur
le Tuber uncinatum de la Haute-Marne, je pensais du rôle du mycelium des truffes.
Si on extrait des tubercules à mycélium permanent, par exemple des Tuber panni-
Jerum, Genœa, etc., ou des tubercules avant maturité, garnis encore de leur coiffe
mycélienne, Tuber uncinatum, et qu'on en monte des préparations, comme l'a fait
M. de la Bellone, ou mieux encore si l'on s'adresse à des espèces de truffes à anfractuo-
sités, dans l'intérieur desquelles on trouve presque loujours le mycélium accolé au
péridium, en filaments uniques et multiples, comme par exemple le Tuber lapideum
(expériences de M. le docteur Mattirolo, directeur du jardin royal botanique de Turin
1887), on peut suivre le développement intérieur de ces filaments, faisant suite à la
coque qu'ils ont tissée. Mais alors les filaments jaunes ou bruns pour les uniques,
brun-noirâtre pour les mulliples, sont incolores, blancs, ayant abandonné dans ce
tissage de la coque leur matière colorante qui se concentre dans celle-ci.
Or il n’y a qu'un mouvement centripète du dehors au dedans et non un mouvement
centrifuge du dedans au dehors, qui, alors que parenchyme interne, péridium et my-
célium externe ne font qu'un, puisse rendre compte de cet abandon de la coloration
des filaments mycéliens, tout en ne permettant pas dès lors de considérer le mycélium
extérieur, coloré, lui, comme un mycélium de simple nutrition, émanant des tuber-
cules.
Donc, un seul mycélium , à la fois créateur et alimentateur.
Voici, du reste, trois autres faits qui, mieux encore que la truffe Caire, relatée plus
haut, conduisent à la même conclusion :
Le premier est rapporté par M. de la Bellone à sa page 29; c'est l'envoi qui lui a
été fait en septembre 1886, sur le désir de M, le docteur Quélet, par M. Paul Bru-
naud, de Saintes, membre de la Société mycologique, d’un Tuber æstivum , récolté hors
terre, dans une cave au milieu d’un entrelacement de radicelles, tubereule qui s'était
développé jusqu’à atteindre le volume d’une noix.
-æ>( 620 )-es-—
Je tiens le second de M. Kiefer, alors sous-inspecteur des forêts à Uzès (Gard), m'é-
crivant à Avignon qu'il venait de recueillir lui-même un Tuber melanosporum, gisant
dans une anfractuosité d’une pierre plate quasi émergeante, anfractuosité entièrement
dépourvue de terre, et m'offrant de m'expédier pierre et tubercule.
Le troisième est relatif à la truffe de la Haute-Marne Tuber uncinatum; il s’agit
d'une truffe trouvée pour ainsi dire hors terre par un truffier de Richebourg, qui me
la it remettre par le garde forestier local. Ce tubercule, de la grosseur d’une noix,
était encastré dans une coquille d’escargot à peine à moitié remplie de terre sur laquelle
il reposait, terre dans laquelle s'épanouissait le délicat chevelu, plein de filaments my-
céliens, d'une fine radicelle qui avait pénétré dans celte terre par un petit trou latéral
de la coquille.
Plus ou moins mous à l'origine cette coque filamenteuse et son parenchyme interne
sont facilement déchirables à la rencontre en terre de corpuscules divers par le tuber-
cule grossissant , et ces déchirures se recousent ensuite, si on peut s'exprimer de la
sorte, De là, l'emprisonnement dans la chair des truffes de petits corps étrangers dont
le denier du prêteur romain Licinius est un exemple tant de fois rapporté. N'étant pas
indéfiniment extensible, la coque se fendille et se transforme en une enveloppe ou péri-
dium , solide et verruqueuse.
C’est une transformation de même genre que subit la pellicule épidermique des
galles souterraines; elle se couvre de verrues, au point de faire ressembler, à s'y mé-
prendre, ces galles à des tubercules trufliers. De là cette collection de galles dont M. de
la Bellone parle à sa page 157 et que son propriétaire, M. Bressy, de Pernes (Vau-
cluse), regardait, pour cette raison, comme étant des trufles.
Lorsque cette transformation s'est opérée, lorsque le tubereule est définitivement
clos par son péridium verruqueux, le rôle alimentateur de l'arbre, par le canal des
filaments mycéliens ses créateurs, est terminé et celui du sol commence.
Ayant en quelque sorte déversé au profit des tubercules les sucs séveux dont ils se
sont gorgés, les filaments extérieurs se dessèchent, s’effritent et généralement dispa-
raissent en terre entre ces tubercules et les racines; c’est ce qui arrive, par exemple,
quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent pour le Tuber melanosporum , dont lemycelium, en
filaments isolés comme fasciés, est microscopique.
Mais en se brisant à la surface même du péridium, ils y laissent comme une infnité
de suçoirs miscroscopiques, dont le rôle principal est d’aspirer l’eau du sol nécessaire
à toute végétation, et par conséquent à la vie des tubercules, et avec elle les sucs
divers qu'elle tient en dissolution, soit directement en raison de la composition chi-
mique naturelle du sol, soit indirectement en raison des excrétions radiculaires. Peut-
être aussi, comme le dit M. de la Bellone, constituent-ils en même temps des canaux
d'expulsion par les veines blanches, continuation de ces sucoirs, des produits gazeux
de la respiration des corps reproducteurs, formant, eux, les veines noires.
En réalité, l'extraction d'août 1898 comportait deux plants :
Le plus gros, d'environ 3. centimètres au collet, était très bizarrement enraciné;
après s'être enfoncé verticalement sur 12 à 15 cantimètres, son pivot se contournait
brusquement pour se développer ensuite presque parallèlement à la surface du sol, et
il devait se développer bien au delà de la molte, car, tranché par le fer de la bêche à
sa sortie de celle-ci, il avait encore un diamètre de plus de 2 centimètres.
Le petit, de grosseur moitié moindre, enfonçait son pivot comme le gros: puis ce
sut OM)
pivot se divisait en deux branches d'environ chacune 20 centimètres de long; des ra-
cines usées existaient sur 8 à 10 centimètres de hauteur, puis à partir de cette profon-
deur, tant du pivot que de ses deux branches, ledit plant présentait de nombreuses
racines latérales, de faible longueur, mais bien vivaces, garnis de radicelles et chevelu
abondants, les uns avec amas coralliformes, les autres en étant absolument dé-
pou: vus.
La partie verticale et une portion de celle quasi-horizontale du pivot du premier
plan étaient usées par la production antérieure, puis seulement apparaissaient de rares
racines latérales vivantes. La première, d’un diamètre de 1 millim. 5 avait à peine
o m. 20 de longueur; elle était munie de radicelles nombreuses, variant de 1/2 à
3 centimètres de long, les unes simples et les autres ramifiées, et presque toutes por-
tant, tantôt sur leurs flancs, tantôt sur leurs extrémités, des amas coralliformes.
Sur sa première moitié, racine principale. radicelles et amas coralliformes, étaient
bien vivants, ce qu'indiquait la teinte jaune brun de leurs écorces; sur la seconde
moitié au contraire, la racine, ses ramifications, les amas coralliformes étaient morts
ou peu s’en fallait, ce que dénotait la couleur noire de l'écorce. Cette moitié desséchée
commençait du reste à se détacher de celle vivante.
Cette partie morte ne présentait pas la moindre trace de mycélium; celui-ci s'était
détruit ou plutôt il l'avait abandonnée pour aller s'implanter ailleurs; peut-être élail-ce
lui que l’on trouvait abondant sur la partie vivante. Entre toutes les radicelles de ces
amas coralliformes, on constatait sous le microscope la présence d’nn nombre infini de
filaments. Le long de celles qui en constituaient la paroi ils présentaient dans la terre
accolée et dont un lavage à l’eau acidulée avait débarrassé cette paroi, une sorte de
tissu à mailles, les unes larges encore, les autres déjà serrées. C'était là le début du
tissage de la coque des futurs tubercules. mais arrêté par le défaut complet d’humi-
dité. Aussi tous ces filaments, au lieu d’être comme ceux vivants, jaunes ou bruns,
transparents, élastiques, élaient-ils noirâtres, opaques et friables ; ils se brisaient sous
la moindre pression.
Les amas coralliformes des autres racines latérales du gros plant et tous ceux du
petit plant donnent lieu à des constatations sensiblement identiques à celles ci-dessus.
La motte de ces deux chênes n’ayant pas renfermé la moindre truffette, j'ai demandé
en cours octobre que l'on me trouve, si possible était, une truffe superficielle, en em-
ployant le procédé connu sous le nom de recherche à la marque. (Quand des tuber-
cules viennent superficiellement dans un sol meuble, 1ls soulèvent en grossissant la
terre au-dessus d'eux. laquelle se fendille; en écartant à la main celte terre désagrégée ,
on met à nu la face supérieure des tuberenles. )
Une belle truffe, de la grosseur d’un œuf de poule, a été ainsi découverte; puis elle
a, comme je le demandais, été extraite en motte de o m. 15 environ en tous sens,
détachée à l'aide d’une bêche à fer bien acéré, de manière, si racines il y avait, à les
trancher à leur entrée et sortie de la motte sans rien déranger à son intéricur.
Une racine cylindrique dans toute sa longueur, tranchée par la bêche à ses deux ex-
trémités, traversait à peu près diagonalement le bloc terreux en s'élevant du fond
presque contre la face gauche de la motte, puis s'infléchissant pour gagner, en s'éle-
vant obliquement, la partie supérieure de la face droite.
Usée presque complètement par la production antérieure, cetle racine ne présentait
dans l'intérieur de la motte que deux embranchements: le premier se développant plu-
—#3( 622 je - 4
tôt dans sa partie gauche et le second dans sa partie droite. Le premier, de 1 millimètre
de diamètre et 10 centimètres environ de long, ne dépassait pas le tubercule; usé sur
un peu plus du tiers de sa longueur comme la racine principale, il présentait ensuite
des radicelles nombreuses mais très courtes, simples ou ramifiées. Deux de ces radi-
celles portaient des amas coralliformes, et l'embranchement lui-même se terminait par
un amas de l'espèce.
Le deuxième embranchement, de dimensions à peu près égales à celles du premier,
élait dans toute sa longueur garni de radicelles et chevelu vivaces, mais en la forme
ordinaire, c'est-à-dire dépourvus de tout amas coralliforme, sans le moindre filament
mycelien.
Les trois amas coralliformes du premier embranchement se trouvaient sur une lon-
gueur de 4 centimètres. Leur volume réel élait presque triplé par la terre englobante
et si fortement adhérente qu'il a fallu, pour l'enlever, joindre au lavage à l’eau aiguisée
d'acide chlorhydrique une désagrégation à la pointe d’une grosse aiguille. La face pos-
térieure de la truffe reposait exactement sur cette partie finale de 4 centimètres de cet
embranchement: là, le péridium présentait aussi des parcelles terreuses fortement
adhérentes à ses verrues.
L'examen des radicelles des trois amas coralliformes, de la terre qui les entourait,
de celle accolée au péridium a démontré qu'elles étaient pleines de filaments, en même
temps que de minces lamelles du peridium détachées sous la terre accolée décelaient à
la surface de celui-ci la présence d’une multitude de fragments de mycelium, les su-
coirs microscopiques dont il a élé question ci-dessus.
Le tout formait done un réseau ininterrompu entre les amas coralliformes, points de
départ, et le tubercule, point d'arrivée. Les trois amas avaient dû participer à la forma-
tion du tubercule qui les recouvrait; c’est ce qui expliquait peut-être la forme mame-
lonnée de sa face inférieure, alors que les autres, sauf celle de droite échancrée par une
pierre, étaient arrondies.
En comparant sous le microscope ce mycelium à celui de l'extraction d'août, deux
faits frappaient vivement, à savoir : le doublement au moins du diamètre des filaments
et plus que le triplement du développement extra-radicellaire. Mais comme en octobre,
le rôle créateur et nourricier du mycelium était, et depuis longtemps, joué, les fila-
ments extérieurs élaient comme ceux d'août, noirâtres, opaques et friables.
Quant à la truffe, sa chair était encore complètement blanche et n'avait aucune
odeur.
En somme, c'était là, avec une trufle arrivée à tout son développement, mais non
müre, et des filaments myceliens externes desséchés, morts, la preuve matérielle du
rôle créateur et alimentateur du mycelium, que, sans la sécheresse extrême de l'été de
1898, l'extraction d'août aurait sans doute donnée, avec des embryons trufliers venant
de naître et un mycelium vivant encore.
Aïnsi que je l'ai dit à la page6og ci-dessus, je reviens sur la question des téleutospores
ou spores finales truflières de M. de Gramont de Lesparre, et de la germination de ces
téleulospores dans l’année même de la dissémination sur les feuilles des spores mâles et
femelles. :
în principe, toute femelle fécondée met au jour, à moins d’avortement, le produit
de sa fécondation; la spore femelle fécondée par celle mâle devait émettre directement
—#2( 623 )e:.-
son mycelium. L'existence des téleutospores ou spores finales admise par M. de Gra-
mont, dès lors, ne se comprend guère.
Les évolutions de fécondation des spores femelles par celles mäles se sont opérées sur
le limbe des feuilles où les spores avaient été déposées, c'est-à-dire à l'air libre; ce qui
s’est passé là doit se passer de même à la surface du sol. Dans mon expérience de 1592-
1896, les spores mâles du Tuber Uncinatum ont dù féconder les spores femelles ; celles-
ci ont émis leur myce'ium, produisant sous double forme le phénomène de la Prépara-
tion. Mais celte germination ne s'est manifestée que dans la quatrième année, suivant
la dissémination des spores. Dès lors, à mon avis, les spores femelles du Tuber Mela-
nosporum lécondées et resiées accolées aux feuilles n'ont nullement germé, el ne l'au-
raient fait que dans la troisième année qui aurait suivi la chûte des feuilles mortes sur
le sol.
M. de Gramont dit, il est vrai, avoir vu germer les téleutospores, et c’est en les
termes suivants qu'il décrit leur germination : «Elles émettent des filaments ténus, peu
visibles; le limbe est couvert d'un réseau transparent, fin, pointllé.»
Un tel mycelium diffère complètement du mycelium truflier, à filaments toujours
microscopiques, jaune clair dans leur jeunesse, à parois lisses, cloisonnés et bouclés. I
se rapprocherait, au contraire, beaucoup de celui que l’on rencontre en filaments blan-
châtres sur les feuilles mortes en particulier des chênes verts et blancs, lequel consti-
tuait pour M. Condamy, le mycelium blanc femelle de la truffe, s'enfonçant en terre
pour se conjuguer avec le mycelium brun mâle fixé, lui, aux racines des chènes, dans
ces amas de radicelles qu'il appelait des bédégars.
Les filaments que M. de Gramont a pu observer cheminant dans le parenchyme fo-
liace, seraient très probablement alors le développement des spores de ce eryptogame
d'ordre inférieur, ayant pénétré par les stomales dans l'intérieur des feuilles, leur mi-
lieu de germination, et les téleulospores, ces pelits corps noirs et durs, placés aux
extrémilés de ces filaments, une arme leur permettant de percer l'épiderme, pour
s'élaler, se développer à l'air libre sur le limbe des feuilles et, sans doute, plus tard y
fructifier.
En cours décembre 1898, j'ai pu me procurer par les trufliers locaux, alors en
pleine fouille, des Tuber uncinatum, ayant encore radicelles et terre adhérentes à leur
peridium , ou portant encore leur coiffe mycelienne.
À ce même moment, puis plus tard vers la mi-janvier, j'ai fait venir de la Haute-
Marne de nombreuses petites racines et radicelles de places en production porteurs de
leurs amas coralliformes.
Le tout a été expédié à M. Ray pour examen.
Cet examen lui a fait reconnaitre, en ce qui concerne le mycelium existant sur ces
racines d’essences diverses Michorize et mycelium truflier, exactement ce qu'il avait
constaté sur celles des chênes blancs de Vaucluse.
Michorize et mycelium truflier du Tuber Uncinatum se conduisent de même que ceux
du Tuber Melanosporum.
——#3( 62/4 lez -
DEUXIÈME PARTIE.
QUESTIONS DIVERSES LIÉES À CELLE DU MYCELIUM TRUFFIER.
1° Préparation première ou d'apparition,
et préparation de retour.
Appelé à vivre sur les racines des arbres, le mycelium truflier doit chercher à les ga-
oner au plus tôt. Son séjour à la surface du sol est donc essentiellement provisoire: la
durée de ce séjour dépend du temps qu’il met à développer ses filaments en nombre
suflisant pour constituer ses cordons ou faisceaux de pénétration verticale en terre.
De forme circulaire, en raison du mode de développement du mycelium primordial ,
les places en préparation première occupent en général un espace assez limité.
” La destruction de la vésétation superficielle va du centre, point de germination de
la spore, à la circonférence.
Comme le développement de son mycelium se fait en un plan horizontal passant par
la spore, dont il ne s’écarte pas sensiblement du moins, plan presque épigé, ce sont
les vévétaux inférieurs à enracinement tout à fait superficiel, mousses, lichens, gazon,
elc., qui périssent d'abord, étant attaqués les premiers par les filaments myceliens et
n'offrant qu'une faible résistance à leur succion délétère, et seulement après les plantes
herbacées ou semi-ligneuses à enracinement plus prononcé. à radicelles beaucoup plus
fortes aussi et par suite plus résistantes.
Dans la Préparation de retour, l'emplacement occupé comprend tout l’ancien cerele
truflier.
La destruction de la végétation superficielle va, à, de la circonférence au centre.
Le mycelium qui, partant des extrémités de l’ancien système radiculaire, gagne celui
nouveau à l'aide de la végélalion reparue sur la Truflière éteinte, se développe en un
plan parallèle à la surface du sol et à une certaine distance de celle-ci. Alors que les
plantes plus où moins enracinées périssent, celles à enracinement superficiel peuvent
persister.
En août 1882, j'ai pu constater cette préparation de retour sur quatre cépées,
chêne et hêtre, au lieu dit Fontaine Sainte-Libère de la forêt domaniale du Corgebin
(Haute-Marne), cépées âgées à ce moment de 12 ans.
Des bandes des herbages, morts et dépérissants, extraites sur le même rayon, ont
fait constater l'absence de tout mycelium sur les radicelles de ceux éloignés des souches
des quatre cépées, et-sa présence en abondance sur celles de ceux les plus rapprochés
de leurs souches.
Ce mycelium était en filaments isolés, non anastomosés, à gros diamètre, à paroi
épaisse, à couleur brun foncé, par conséquent mycelium tout formé.
Au cas particulier, ce sont des mousses qui persistaient à la surface du sol, tapissant
tout le cercle truflier ancien et dont la belle couleur verte, indice d’une végétation vi-
goureuse, faisait ressortir d'autant plus la teinte jaunätre des herbages desséchés.
GE TE se
—-#3( 625 )es---
Il est à présumer que si mon extraction avait quelque peu tardé, je n'aurais plus
trouvé nulle part trace du mycelium, celui-ci ayant constitué ses cordons et gagné le
nouveau système radiculaire des cépées.
Leur production paraissait être tellement imminente qu'un truflier avait déjà tenté,
au pied de Tune d'elles, une fouille à la pioche, demeurée infructueuse; les quatre cé-
pées entraient en production l'année suivante.
La préparation de retour, imputable à un mycelium ancien, prouve que celui-ci ne
se détruit pas si facilement que ça, et qu'il a, comme on dit vulgairement la vie
dure.
La marche en avant du mycelium, celui-ci ne se détruisant pas, tendrait à prouver
que le mycelium truflier quitte les plantes mortes ne pouvant plus l'alimenter pour
passer à celles voisines vivantes.
L'absence de tout mycelium sur les herbages complètement morts prouverait que les
iilaments , isolés et à coup sür ectotrophes au cas particulier, peuvent abandonner les
fibrilles radicellaires des plantes herbacées desséchées par leur succion sans laisser sur
leur épiderme trace de leur passage.
Enfin, la mort des mousses dans la préparation première avec un mycelium épigé
qui les attemt forcément, et leur maintien en parfait état végétatif dans la préparation
de retour avec un mycelium plus ou moins hypogé, qui par suite ne les touche pas,
donnent à penser que le mycelium truffier agit par voie de succion directe et non indi-
rectement par voie d'épuisement du sol.
2° Parasitisme faux des mauvaises truffes et réel des bonnes.
I y a lieu de faire une distinction entre le parasitisme réel s’exerçant sur les végé-
laux vivants et le parasitisme faux s’exerçant sur divers organes morts et se décompo-
sant desdits végétaux. É
Le mycelium des bonnes truffes est doué du premier et celui-ci, tout d'abord des
mauvaises ou fausses truffes, ne posséderait que le second. En ce qui concerne ces der-
nières, celle opinion se base sur les observations suivantes :
Les trufles fausses. sauvages, ou nez-de-chien, jaune, blanc, rouge et noir, comme
on les appelle dans Vaucluse, se fouillent partout en forêt, aussi bien dans les massifs
complets que dans les peuplements clairiérés, aussi bien dans les sols gazonnés que dans
les terrains nus, aussi bien quand elles se trouvent aux mêmes lieux que les bonnes,
dans la zone centrale éteinte des grandes truflières où la végétation superficielle a re-
paru, que dans celle annulaire d'extinction récente où la végétation n'est pas encore
revenue et que dans celle circonférencielle de production où cette végétation fait
défaut.
Si elles sont plus nombreuses l'hiver, on en rencontre aussi en été, mais leur pro-
duction n’a aucun rapport avec celle des bonnes truffes de ces deux saisons, la blanche
et la noire, C'est ainsi qu'en 1881, M. de la Bellonne m'écrivait que les nez-de-chien
étaient très abondants dans Vaucluse, alors que la truffe noire était au contraire très
rare; précisément, cette même année, la récolte de la traffe de la Haute-Marne (Tuber
Uncinatum ) fut, elle aussi, plus que médiocre.
ën outre, à sa page 188, M. de la Bellone fait remarquer que les Tuber Rufum et
les autres variétés de nez-de-chien sont quelquefois très abondantes, mais quelquefois si
SYLVICULTURE. lo
—#>( 626 3
rares aussi, suivant des conditions peu connues, qu'on a peine à s'en procurer quelques
échantillons quand on veut les étudier. Une telle pénurie ne se présente jamais dans la
production des truffes.
Si, en ce qui concerne ces mauvais tubereules, on considère ceux qui, en partieu-
lier, se rencontrent fréquemment dans les truflières arüficielles de Vaucluse, à savorr
des Balsamie, Gencea, Rhizopogon luteolus, Melanogaster, Variegatus et Hymenozaster
citrinus , puis les diverses variétés du Tuber Rufum, Von constate ce qui suit :
Les premiers se trouvent surtout dans l'intervalle des lignes des chênes, souvent en
dehors de l'emplacement de leurs racines: ils gisent, de plus, presque à la surface du
sol, à peine recouverts parfois par les feuilles mortes.
Quant aux Rufum, is se fouillent dans la région accupée par les racines des chênes,
et généralement, ils gisent à une certaine profondeur relative.
Le mycelium des premiers puiserait surtout son alimentation dans lhumus superti-
ciel résultant de la décomposition des feuilles, ramilles et autres débris végétaux jon-
chant le sol et celui des seconds dans l'humus résultant de la composition de ragines
radicelles et chevelu, voire l'un et l'autre dans ces divers organes morts et se décompo-
sant.
Ni l'un ni l’autre ne serait doué d’une puissance de succion leur permettant de puiser
leur nourriture dans les sucs séveux des racines vivantes, des plantes lherhacées comme
semi-ligneuses, des arbustes et arbres.
Aussi, alors que la production des bonnes truffes, OEstioum , Melanosparum, Unei-
natum, est toujours précédée, puis accompagnée par la destruction de la végétation
superficielle, conséquence de la succession délétère de leurs filaments myceliens, aucun
phénomène de l'espèce n’annonce l'apparition des mauvaises truffes, ou, celles-ci
venues, ne décèle leur gisement, lorsqu'elles se fouillent en dehors des emplacements
producteurs des bonnes truffes.
Dans la Haute-Marne, j'ai reconnu que cette absence de tout signe extérieur présa-
geant leur venue ou signalant leur présence, n'était pas spécial à ses mauvaises ou
fausses truffes
(Sa truffe rousse : Tuber Rufum ;
Sa truffe jaune : Tuber Excavatum ),
mais encore à de vraies trufles
(Sa truffe violette : Tuber Brumale; de.
Ses truffes puantes : Tuber Moschatum et Tuber Bituminatum),
espèces qui y sont, il est vrai, fort rares, mais dont J'ai pu recueillir cependant quelques
échantillons pour les adresser à M. de la Bellone, envois qu'il a bien voulu mentionner
à ses pages 127, 195, 1/42 et 146.
Aussitôt ces curieuses constatations faites, j'ai, par questionnaires écrits, fait con-
sulter de nombreux rabassiers des arrondissements d’Apt et Carpentras: leurs réponses
ont été unanimes; ce que j'ai dit ci-dessus de ces espèces de truffes peu communes dans
la Haute-Marne s'applique à celles de Vaueluse où elles sont, en particulier les Tuber
Brumale et Tuber Moschatum , relativement abondantes.
Le parasitisme du mycelium des bonnes truffes est, lui, réel; c’est hien dans la sève
élaborée afluant aux racines des arbres qu'il puise l'alimentation nécessaire à ses déve-
loppement et fructification annuels.
Or, il y a deux mouvements séveux: le premier, printanier, et le second estival, eelui
dl à 7
Le
PT Dre
connu sous le nom d'aoûtement, À chacun de ces mouvements de sève doit correspondre
un développement, une fructification du mycelium, et, entre les deux maturations, il
doit exister un laps de temps notable durant lequel toute fouille est suspendue.
Primo. — Tuber Uncinatum.
Aucun doute à cet égard n'est possible en ce qui touche le Tuber Uncinatum , truffe
de la Haute-Marne.
H ya, en effet, dans cette région, deux récoltes bien distinctes : l'une estivale (juiliet-
août), l'autre automno-hivernale (novembre-décembre). C'est précisément le fait de
cette double récolte qui, pendant si longtemps, à fait croire à l'existence, dans la Haute-
Marne, des deux espèces de truffes suivantes : la truffe blanche (Tuber OEstioum), ré-
colte d'été, et sa truffe noire ( Tuber Rufum). récolte d'hiver (Caari, La Truffe, 1869,
pages 44 et 144, suivant MM. Passy et Tulanes), alors que l'OEstioum n'a jamais existé
dans la Haute-Marne et que son Tuber Rufum n'est qu'un vulgaire nez-de-chien, en
tout semblable à celui de Vaucluse,
Ce n’est, en effet, qu'en 1883 que M. Chatin a reconnu que la truffe de Bourgogne-
Campagne constituait une espèce particulière à laquelle 1 donna, en raison des pa-
pilles erochues de ses spores, le nom aujourd’hui scientifiquement adopté d'Uncinatu ,
truffe que, depuis la campagne 1881-1882, M. de la Bellone et moi Connalssions sous
le vocable de -+trufle de Chaumont. :
En novembre 1881, le sieur Chalmandier, truflier à Richebourg, aidé de son chien.
avait en ma présence fouillé fructueusement un arbre essence hêtre de la forêt du Cor-
gebin; interrogé sur l'existence de la double récolte de la truffe hant-marnaise, ce vieux
praticien me donna les renseignements suivants : # La truffe récoltée l'hiver doit être la
même que celle fouillée l'été, car elles se trouvent absolument aux mêmes places; sou-
vent. à la récolte d'été, on trouve côte à côte avec de belles truffes bien müres, bien
colorées et parfumées, d'autres de grosseur moindre généralement, sans couleur ni
odeur, »
Voulant m'assurer de la véracité du dire de Chalmandier, je le chargeaï, en cours
août 1882, de me trouver, si possible était. des tubereules mürs au pied du même
hêtre. Son chien en marqua deux, et, pour que je puisse les retrouver sûrement, leur
emplacement fut désigné par des amas de pierrailles. Quand, à la fin du mois, je pus
me rendre sur les lieux, je n’en rencontrai plus qu'une, l'autre ayant été mangée par
un mulot. La première gisait à {rois mètres au moins du hêtre, et à environ 15 centi-
mètres de profondeur, grosse comme un œuf de poule, elle avait sa chair bien colorée
et était très parfumée. Cette belle truffe portait encore sa coiffe mycelienne, mais dans
sa motte d'environ o m, 20 en tous sens, il n'y avait aucune racine ou radicelle. La
seconde gisait à peine à un mètre du hêtre, et à peu près à la même profondeur que
la première: les débris du repas du mulot, trouvés dans la galerie creusée par l'animal
sous l’amas de pierrailles pour arriver jusqu'à la truffe, prouvaient que cette deuxième
truffe était, elle aussi, parfaitement müre.
Or, en enlevant à la main la feuille morte et graltant légèrement ayec la lame d'un
couteau le sol entre l'emplacement de la truffe mangée par le mulot et le pied du hétre,
je mis à nu, à tout an plus un décimètre de cet emplacement el sur un double déci-
mètre carré environ, cinq autres truffes. Leur grosseur variait de celle d'une noix à celle
Lo.
—#>( 028 )es—
d'une balle seulement: leur chair était blanche comme neige el sans aucun arome;
c'est pourquoi elles avaient échappé à l’odorat du chien. Elles étaient placées aux extré-
milés des ramifications d’une petite racine: le mycelium était très visible à l'œil nu, et
sur ces radicelles et sur le péridium même des tubercules.
C'étaient des truffes ea plein développement, mais qui n'auraient été récoltables qu'à
l'automne. :
Dans le Midi, rabassiers et propriétaires de truflières naturelles comme artificielles
s'accordaient à reconnaitre qu'en général les truffes les plus superficielles mürissent les
premières, el qu'en général aussi elles acquièrent les plus fortes dimensions.
Le fait ci-dessus est en contradiction absolue avec cette opinion des gens du métier:
par contre, il s'explique naturellement avec l'existence de deux formations et, par
suite, de deux époques distinctes de maturation.
Au surplus, le 12 Janvier 1899 je recevais de la Haute-Marne un assez grand
nombre de petites racines et radicelles, munies d’amas coralliformes, extraites de places
productrices fouillées en novembre et décembre 1898 : au milieu de nombreux filaments
desséchés, noirâtres, opaques, cassants, reste du mycelium extérieur des tubercules de
la dernière récolte. J'ai, sur des amas coralliformes de quelques-unes de ces racines,
constaté la présence de filaments bien vivants: leur petit diamètre, la faible épaisseur
de leur paroi, leur teinte jaune clair décelaient une origine récente. Sans doute, ce sont
ces filaments qui, plus lard, se développant et se multipliant, auraient participé à la
fructification estivale.
Secundo. — Tuber OEstioum.
Ce qui est dit ci-dessus du Tuber Uncinatum , qui ressemble tant , extérieurement du
moins à l’æstioum, ressemblance qui explique pourquoi, durant tant d'années , la truffe
récollée dans la Haute-Marne a été considérée comme étant un Tuber OEstioum s'applique
à celte espèce de trufle.
Tous ceux qui s’en sont occupés, depuis M. Chatin (1869) jusqu'à M. de la Bellone
(1888), pour ne citer que ces deux auteurs, disent que l'OEstioum commencerait à se
former en automne, et c’est le fait de Ja possibilité d’une formation automnale de tuber-
cules trufliers qu'il importe tout d’abord de retenir.
L'OEstioum se récolte dans le midi en mai-juin, d'où son nom provençal de Maïenco
et Jouannenco. De maturité plus tardive en remontant vers le nord, elle est appelée
truffe de la Saint-Jean dans le Poitou, Messingeonne dans le Dauphiné, truffe d'été à
gros grain el à petit grain autour de Paris et en Bourgogne.
Récoltée aux époques ci-dessus de l'année, la chair de cette truffe est d’un gris jau-
nätre et son odeur est faible.
Mais le Tuber OEstivum se lrouve aussi en automne-hiver mêlée aux truffes noire et
musquée dans le Midi: à la truffe mésentérique, dans le Nord (Guam, La Truffe,
page 46). Il n'est pas rare, dit aussi M. de la Bellone (La truffe et les truffières,
page 189), de la rencontrer mélangée aux trufles noires que l’on apporte aux marchés
en octobre-novembre. »
Récoltée à cette seconde époque de l'année, l'OEstioum a alors sa chair bistrée et son
odeur est beaucoup plus forte.
Au moment où paraissaient les livres des deux savants auteurs précités, le lien intime
qui unissait l'arbre à la truffe, l'intervention de la sève élaborée dans les développe-
Es
si
p
--#2( 629 )es—
ment et fructification de son mycelium étaient choses inconnues. Pour eux ces truffes
blanches recueillies en automne-hiver. à coloration plus foncée, à odeur plus pro-
noncée, étaient simplement des tubercules arrivés à l'époque d'extrême maturité.
Or, en ce qui concerne du moins la truffe vauclusienne, voici un fait qui ne permet
pas, à mon avis, d'admettre cela :
Comme pour le Tuber Melanosporum, c’est le parfum des tubercules, signe de leur
maturité, qui décèle à l’odorat du porc et du chien le Tuber OEstivum. Or, une fois
juillet venu, le porc, conduit sur les truflières notoirement connues comme richement
productrices de l'OÆstioum (ainsi que le Melunosporum, l'OEstivum a ses truflières
propres), n'indique plus le moindre tubereule mür. Les rabassiers cessent alors la
fouille, qui ne reprend qu'après près de trois mois d'interruption, au moment ou les
premières truffes noires arrivent à maturité.
La récolte automno-hivernale de l'OŒEstioum correspondrait à sa formation estivale,
et la récolte estivale à sa formation aulomnale.
Tertio. — Tuber Melainosporum.
La truffe noire, si connue sous le nom de truffe du Périgord, est une truffe d'hiver.
et il ne saurait y avoir, comme pour l'Uncinatum et Y OEstivum , d'interruption dans sa
fouille.
. Généralement la grosse production est celle de janvier, à laquelle succède un rende-
ment moindre de février à avril.
Mais dans son livre de 1869 (Études sur les truffes comestibles), M. Henri Bonnet,
vice-président du Comice agricole et membre de la Chambre consultative d'agriculture
de l'arrondissement d’Apt, propriétaire de riches truflières en son domaine boisé de
la Roche-d’Espeil, commune de Buoux (Vaucluse), s’exprimait ainsi, page 23 : Quand
les pluies ayant fait défaut en automne tombent au mois de novembre et que la tempé-
rature des mois suivants se maintient à une élévation suflisante, la récolte, faible dans
les premiers mois de l'hiver, est généralement assez bonne de février à avril, d'où l'on
peut déduire encore cette conséquence : qu'il faut environ trois à quatre mois à la trufle
noire pour arriver à maturité.»
D'autre part, la récolte de 1881-1882, ainsi que J'ai eu occasion de le constater
page 33, a été mauvaise au midi comme au nord, en Vaucluse comme dans la Haute-
Marne. Or, M. de Bosredon, dans son Manuel du truffculteur, s'occupant de la produc-
tion truffière dans le pays qu'il habite, observe ce qui suit : r L'été avait été très sec:
pas la moindre pluie en août et septembre 1881, lorsque le 20 de ce dernier mois sur-
vinrent d’abondantes pluies d'orage qui s’étendirent sur tout le Sarladais et régions
avoisinantes. La présence des truffes, qui jusque-là faisait défaut, fut aussitôt signalée
(probablement, dès lors, en employant le procédé de recherche à la marque). Avec
cela, l'hiver fut très doux. Quoique tardives, les truffes ont parfaitement muüri, et la
récolte de début 1882 a été, dans ces régions, assez bonne.
Du rapprochement de cette observation locale de M. de Bosredon et de la remarque
générale ci-dessus de M. Henri Bonnet ressort, selon moi, pour le Tuber Melanosporum ,
également une double formation , bien qu'il n'y ait pas, comme pour l'Uncinatum et
l'OEstioum , de cessation dans la fouille: formation estivale, récolte de novembre à jan-
vier, et formation automnale, récolte de février à avril.
—+#5#( 630 )es—
3° EXCRÉTIONS RÀDICULAIRES.
J'ai dit plus Haut, page 616, que les filaments mycéliens , en se brisant à la surface
du peridium y laissent une infinité de suçoirs microscopiques, aspirant l'eau du sol et
avec elle les sels qu'elle tient en dissolution, provenant soit du terrain lui-même, soit
de l'excrélion des racines.
D'autre part, le mycélium truflier puisant son alimentation dans la sève élaborée, el
l'élaboration de celle-ci s’elfectuant dans les feuilles sous l’action de la lumière et de la
chaleur solaires, il faut, pour une bonne production truffière , une abondante formation
des sues séveux ; il faut par suite que l'appareil foliacé puisse recevoir, de tous côtés à
un certain degré d'intensité el de durée, l'influence de ces agents atosphériques;
c'est päree qu'il n'eh est pas äinsi sans doute düns les peuplements complets, que les
places truffières font défaut on y sont très rares.
La question dès lors se pose ainsi :
Existe-t-il réellement chez les arbustes ou arbres destinés à devenir producteurs
puis l’étant devenus, naturellement, formation surabondante de sève, puis excrétion de
celle-ci ? c'ést-h-dire éxcrétion enrichissant notablement le sol, préparant ainsi äin tnilieu
favorable à là gertiniation dés spores et à l'alimentation de leur mycélium, leur
couche, si je peux m'exprimer de la sorte, pour plus tard fournir aux truffes formées
et closes; léurs éléments dé nutrition.
Des excrétions de l'espèce n'étaient guère que soupcorinées. C’est ainsi que M. Cha-
tin dit, à sa pagé 36 : #Peut-être les excrétions des racines expliqueraient-elles mieux
qé les produits de leur propre décomposition les qualités particulières attribuées par
beaucoup de rabässiers aux trulfes suivant l'espèce de l'arbre près de qui celles-ei se
sotit développées,» ét plus loin, page 37 : «Gette époque de l’entre deux Sèves étänt
justéiient celle qui succède au premier mouvement de la végétation et précède la sève
d'août, ni coriprendrait bien qu’elle correspondit à la période de plus grande excré-
tion qui suit le principal travail de nutrition.»
Adméltant qu'il ÿ ait lieu de répondre par l'aflirmative à la question ci-dessus
quelle devra être la conséquence d'une telle réponse?
Appelons N le terrain naturel où feutre, P et T ce inême terrain en préparation puis
production; N ä s4 composition chimique propre, parce qu'il w'y a là ni acquisition,
ni dépense; P sera beaucoup plus riche que N, parce qu'il y aurait là acquisition et pas
de dépense, et T serd aussi plus riche que N, mais moins que P, parce qu'il ÿ aurait
là. après acquisition, dépense en cours.
L’acide phosphorique et la pütasse et soude comptent parmi les agents vépélatifs les
plus éérgiques. D'un autre côté, les analyses de M: Ühatin ont démontré qu'ils con-
stilitent à éux sétils plus de 50 p: 100 du poids des cendres des truffes.
C'est donc surtout de ces deux substances qu'il ÿ a lieu de tenir compte dans la com-
paraison de richesse chimique des terrains N, P et T.
Dans ia brothüre (Études sur la Truffe, lnprimerie nationale, Exposition de 1878),
figurent, pages 94 et 56, des analyses chimiques faites en août 1877, à la station
agronomique d'Avignon, d'échantillons de terre, en ses divers états, eu égard à la
truffe (térrains, naturel, en préparation, en prodüction, en extinction révente el ah:
cienne) dans les trois forêts de Villes, Bedoin ét Flassan ( Vaticluse ).
—..#3( 631 )e3-—
Extrayant de ces analyses les teneurs correspondantes aux états N, Pet T, on obtient
le tableau suivant :
FORÊTS
Æ "4 —- — — =
DÉSIGNATION. Es. 3 DE FLASSAN.
0.048
0,636 0,604
soit bien les relations de richesse résultant de l'intervention de l’excrétion radiculaire,
ci-dessus prévues.
A Villes, il y a pourtant une exception, insignifiante du reste en ce qui concerne la
potasse et soude, T dépasserait P de 0,005, mais la distance PT est un peu forte.
35 mètres, cela tient à ce que là, j'avais cherché à trouver tous les états sur le même
emplacement. Si à T, terre productrice, on substitue E, terrain en extinction, la dis-
tance séparant P de E n'étant que de 1 mètre, l'exception disparait.
En effet E donne :
PHO = 0,102 et KONaO — 0,235.
H n’y à aucune exception pour Bedoin et Flassan, où les distances séparant les
échantillons N et T ne sont que de 1 m.50 et 1 m.30. Dans une communication à
l'Académie des Sciences, du 22 mai 1876, relatée à la page 31 de mon Étude préci-
tée de 1878, M. L. Cailletet , expliquant l'existence des cercles verts. cercles des fées
où sorcières, constituant au printemps la zone circonférencielle des mousseronnières,
dit : #Que le mycélium, en se décomposant l'hiver. abandonne à la terre les matières
äzolées el surtout les sels de potasse et de soude et l'acide phosphorique qu'il avait
puisés dans le sol à une assez grande profondeur. Lorsque revient le printemps, le
grämen, ajusi que les plantes à portée de ces engrais naturels, les absorbe et prend
ühe vigueur et une coloration bien différentes de celles des végétaux voisins,» et plus
loin : «J'ai établi par l'analyse que le mycélium enlève au sol la presque totalité des al-
cälis et de l'acide phosphorique qu'il renferme. »
Or, tandis que N terrain naturel ne contient pas le moindre filament mycélien, et
que lé mycélium existe au contraire dans P et T (préparation et production) se déve-
loppant dans le premier, tout développé dans le second. la teneur relativement forte
en acide phosphorique et potasse et soude de ces deux derniers, me parait exclure
toité succion du mycélium truflier, en particulier celui du Tuber Melanosporum ; s'exer-
cant sur le sol et susceptible de l'épuiser. Aussi, rien de pareil au phénomène des
cercles verts ue se constate à la circonférence des truffières.
Dans les places trullières, terrain désigné el-dessus par la lettre T, la végélation su-
perficielle fait, on le sait, généralement défaut; T étant plus riche que N, terrain na-
lüurel où cette végétation existe, ce n'est donc pas à un manque d'alimentation, consé-
quence de l'épuisement du sol par le mycélium , que le fait peut être attribué,
>( 632 ).e3-.
Là, la végétation est détruite au far et à mesure qu'elle tend à reparaîlre. Dès que
les radicelles des plantes revenues à la surf:ce d’une truflière arrivent en contact avec
les racines del'arbuste ou arbre producteur, porteurs du mycélium , les filaments my-
céliens s’y attachent, les dessèchent et amènent rapidement la mort de ces plantes.
En extrayant, dans des places en produetion de la Haute-Marne. des herbages divers,
verts encore, mais présentant quelques signes de malaise, J'ai maintes fois constaté ce
qui suit : À l'œil nu comme à la loupe, rien n'est perceptible, mais, en exaninant au
microscope à un fort grossissement, les fines extrémités de leurs fibrilles radicellaires,
on y rencontre accolés des fragments de filaments; c'est le début de l'attaque d'un
mycélium hypogé sur les extrémités mêmes des touffes radicellaires.
Aussi, s'il s'agit de plantes inférieures à enracinement éminemment superficiel,
elles peuvent. leurs fibrilles radicellaires n'étant pas touchées par le mycélium sous-
jacent. et celui-ci ne leur coupant pas les vivres en épuisant le sol par sa succion, per-
sister.
C’est ce qui explique ces passages 21 el 22 du livre 1869 déja cité, de M. Henri
Bonnet : +Bien souvent, les rabassiairés préjugent de la présence des truites par las
pect maladif de la végétation des plantes voisines, où par l'absence complète de ces
dernières sur le terrain qui les couvre. Néanmoins, ce dernier signe n'est pas con-
stant ... Plusieurs des trufhières de la Roche d'Espeil (propriété de M. Henri Bonnet)
se couvrent chaque année, à l'époque de la récolte, d'un tapis de Iychens.»
Du préambule qui accompagnait les avis de M. Ray, avis détaillés ci-dessus en leur
lieu et place, J'extrais ce qui suit :
En présence des faits d'observations indiscutables, d'où résulte qu ilya un rapport
manifeste entre le mycélium truflier et les plantes qui vivent au voisinage, on doit im-
médiatement établir un rapprochement déjà connu :
° Cas du champignon de couche et de divers agaries. — En se développant dans le
sol + prairies, divers agaries produisent ce qu'on appelle les ronds de sorcière, places
circulaires de plus en plus larges, pouvant atieindre jusqu'à 15 mèt es de diamètre ,
limités en dehors par une zone de 15 à »0 centimètres d'un vert plus intense, où le
gazon est plus vigoureux, et en dedans par une zone jaunâtre où le gazon est mort.
Dans certaines années, le cercle vert externe contient un grand nombre d'appareils spo-
rifères. Ces cercles traduisent au dehors la croissance périphérique du thalle dans le
sol à partir de la spore primitive. La région centrale meurt progressivement: à la pé-
riphérie, pendant qu'une certaine zone vient d'être épuisée par le thalle dans sa posi-
tion actuelle, la zone qui la louche au dehors ayant recu l'engrais produit par la
décomposition rapide des fructificalions, est devenue plus fertile; de à le contraste
signalé plus haut (Van Thieghem ).
° Cas des endophytes radicaux. — Les endophytes radicaux, e’est-à-dire les cham-
pignons vivant en rapport avec les racines des végétaux supérieurs, ont été observés
particulièrement en Allemagne par de nombreux savants, depuis Pfefler (1877) jus-
qu'à Janse (Annales du jardin botanique de Buitenzorg , 1896). en passant par Franek
(Preingsteins Jahresbericht, 1889), qui. lui, distingue :
Des michorizes ec Lotrophes dans des conifères et eupulifères dont les jeunes racines
sont enveloppées d'une graine de nombreux filaments mycéliens qui se fraient un che-
Fréd.
#2( 633 es. —
min entre les cellules épidermiques, — et des michorizes endotrophes, dans des or-
chidées, éricacées, etc. où les racines sont recouvertes d’un nombre restreint de fila-
ments superficiels qui se développent abondamment dans les cellules.
Ces extraits permettront à chacun de constater combien les avis de M. Ray sont
logiques et conformes aux données actuelles de la science.
J'ai tenu à bien établir ce fait alors que mon opinion persounelle, qu'on trouvera e-
après, diffère, sur plusieurs points, de celle de M. Ray.
Mon opinion se base sur les diverses observations qui terminent les deux chapitres
ci-dessus, intitulés : 1° Préparation première et préparation de retour, et 3° Excrétions
radiculaires.
Son exposé, groupant les observalions én question, nécessite un certain nombre de
redites.
Les filaments du mycélium truflier se composent de compartiments ou articles tubu-
laires superposés et solidement rivés Pun à l'autre (Schnallen-Verbindungen de Müller,
Unioni a fibbia de Mattirolo ).
Leur membrane compacte oppose une grande résistance à toute déchirure ou rup-
ture. Enfin, ces filaments sont doués d'une remarquable élasticité.
Quoique microscopiques, ils sont donc bien autrement résistants que ceux, visibles
à l'œil nu, du mycélium ou blanc des agaries, auxquels l'avis de M. Ray les assimile,
filaments que leur consistance molle, spongieuse, doit rendre facilement destruc-
tibles.
Les filaments du mycélium truffier ne disparaitraient pas en partie comme ces der:
niers lors de leur développement superficiel, c'est-à-dire que le cercle qu'ils décrivent
ne présenterait pas une partie centrale circulaire occupée par le mycélium mort. el
une parle circonférencielle annulaire occupée par celui vivant.
Le phénomène de la préparation de retour est la preuve de celte vitalité, pour ne
pas dire indestructibilité, du mvycélium truflier; là, en effet, c'est le mycéllum fixé
aux extrémités de l’ancien système radiculaire qui va gagner celui nouvellement formé,
c'est-à-dire qu'il revit après, au cas particulier que J'ai rapporté, une période d'inertie
de douze années.
Les cinq filaments primordiaux émis par la spore et ceux résultant de leur multi-
plication successive persisteraient et inctacts, qu'ils demeurent isolés en s'anastomo-
sant ou non, ou qu'ils se fascient diversement. Tout ce mycélium qui , en somme, esl
appelé, à un moment donné, à abandonner les végétaux superficiels détruits par sa
succion, progresserait, quiltant les plantes mortes ne pouvant plus la nourrir et pas-
sant à celles voisines vivantes.
C'est certainement ainsi qu'a dû cheminer, dans les quatre places en préparalion
de retour de la forêt du Corgebin, le mycélium du Tuber Uncinatum , alors qu'il ne se
trouve plus de filaments mycéliens sur les herbages complètement morts, les plus
éloignés des cépées et qu'on en rencontre au contraire et nombreux sur ceux les plus
rapprochés, récemment flétris ou seulement dépérissants.
Le mycélium truffier détruisant la végétation superlicielle dans les places en prépa-
ration première (Tuber Melanosporum), comme dans celles en préparation de retour
(Tuber Uncinatum) et s’opposant à sa reprise de possession de celles en production, ne
doit agir dans les trois cas que par voie de succion directe,
Les mousses, lychens et autres végétaux inférieurs à enracinement éminemment su-
—#3( 634 ee:
pérficiel, des places en préparation première, alors que là existe un mycélium quasi-
épigé les attäquant toujours, meurent tous.
Les mousses (cas particuliers des quatre places en préparation de retour haut-mar-
naises), alors que le mycélium, plus où moins hypogé, n’atteint pas leurs courtes
fibrilles radicellaires, persistent et en outre, en un état végétatif des plus vigou-
réux. |
Dans les places en production, où le mycélium est complètement hypogé , les végé-
taux à enracinement quelque peu prononcé sont détruits au fur et à mesnre qu’ils ten-
dent à reparaitre, le mycélium, ainsi que des extractions de graminées diverses dans
les truflières de la Haute-Marne, en ont donné la preuve matérielle, les attaquant par
les extrémités mêmes de leurs plus profondes radicelles, tandis que celles tout à
fait superficiellement enracinées, échappant aux atteintes du mycélium sous-jacent,
peuvent persister. (Exemple: les lichens destrufliières de la Roche d'Espeïl, de M. Henri
Bonnet.) à
S'il en était autrement, c'est-à-dire, si c'était en les privant d'alimentation par
site de l'épuisement du sol par son énergique succion que le mycélium avait causé
la mort des mousses dans le premier cas, comme celui du mousseron cause celle du
gazon à l'intérieur de la mousseronnière , il aurait produit le même état destructif dans
les deux autres cas (mousses des places en préparation de retour, et lichens des places
productrices). ?
D'autre part, grande relativement est la teneur en acide phosphorique et potasse et
soude de la terre productrice T; si donc, comme le dit M. L. Cailletet, l'analyse dé-
montre que lé mycélium des agaries enlève au sol la presque totalité des substances
phosphorée et alcaline qu'il renferme, il n’en est pas de mêmie du mycélium truffier.
De plus, cette terre T avec mycélium, prise à l'intérieur du cercle truflier, ést plus
riche que celle N sans aucun mycélium, prise à l'extérieur de celle-ci.
Enfin, supposons tracée sur le terrain la circonférence du cercle truflier, c’est-à-dire
la ligne qui, passant par les extrémités des racines de l'arbre ou cépée producteur, limite
le gisement el de ces racines et du mycélium qu'elles portent, Que constate-t-on? En
deçà de cette ligne la végétation superficielle fait défaut; au-delà, la végétation super-
ficelle existe, mais sans que les plantes contiguës à la circonférence présentent plus de
vigueur que celles Lout à fait extérieures. Le mycélium fixé aux extrémités des racines
ne se détruit done pas, ne produit pas par sa décomposition un engrais naturel resli-
luant au sol, avec les matières azolées, l'acide phosphorique et la potasse et soude
qu'il y aurait puisés. .
Le premier cas, riche composition en ces substances de la terre productrice, exelu-
rait une succion du mycélium truflier susceptible d'épuiser le sol.
Les détix ätitres, enrichissement notable du sol producteur T par rapport à celui
non producteur N, et absence à la circonférence des truflières de tout phénomène comi-
parable à celui des cercles verts des moussonnières par exemple, excluent toute suc-
cion sur le sol de la part du mycélium trufier, puisant son alimentation dans les
librilles radicellaires des végétaux superficiels (places en préparation) el dans les racines
des arbustes où arbres (places en production ).
Ceci étant, cottiniént expliquer la présence du mycélium mort sûr certains végétaux
flétris des places se préparant et de leur absence sur d'autres ?
Les filaments du mycélium truffiér sont isolés où fasciés. Ceux isolés sont endütroples
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—+#5( 635 ).3—
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ou ectotroplies. En cas d'endotrophie, le mycélium superficiel, lié à celui interne.
ne peut se détacher des racines envahies par lui. et il meurt avec elles.
En cas d’ectotrophie, l’anastomose de deux filaments , ou, s'il n°y a pas anastomose,
là résistance à l’arrachement que certains crampons de fixation des filaments peuvent
offrir, par suite d'une insertion plus profonde dans les gerçures de l'écorce des racines.
en retiendrait au moins une partie, laquelle périrait avec celles-c1 flétries.
H peut se faire par contre que l'écorce, lisse comme l'épiderme des Lerbages haut-
marnais, n'offre qu'une assiette peu stable aux filaments, qui alors quittent les racines
sans laisser de traces de leur passage; c'est ce qui s’est passé avec le mycélium du Tuber
Uncinatum dans les quatre places en préparation de retour.
Les filaments fasciés sont toujours . eux, ectotrophes.
En cas de fascination incomplète, c'est-à-dire s’il s’agit simplement de quelques fila-
ments longitudinalement accolés et ce. presque en un même plan horizontal, comme
un détachement simultané n’est suère possible, ces faisceaux partiels doivent généra-
lement persister et, par suite, mourir avec les racines. leurs supports.
S'il s’agit au contraire d'une fasciation complète, c’est-à-dire de cordons cylindri-
ques d'un ceftäini diamètre, composés d'une infinité de filaments, il faudrait, pour
qu'ils laissent c'es vestiges de leur passage, qu'il se produisit, ce qui n'est pas admis-
sible, des déchirures des filaments constituant leur paroi d'application aux ra-
cines.
L'absence de tout mycélium mort sur quelques-uns des végétaux desséchés des
places en préparation, trouverait donc son explication dans l'un des deux cas ci-dessus
examinés, attaque par des filaments isolés de racines à surface lisse. ou bien attaque
des racines par des filaments déjà réellement fasciés.
l° USURE DES RACINES PAR LE MYCÉLIUM TRUFFIER.
M. Condamy, pharmacien à Angoulême, signalait, dans sa brochure de 1876, avec
déssins à l'appui, l’asure des racines du chêne par le mycélium du Tuber Melanospo-
rum. Cette usure, ainsi que je l'ai dit page 287, consiste en ceci (ce que l'aspect des
plants trufliers extraits en 1898 a pleinement confirmé) : sur une profondeur et une
largeur correspondant à celles des fouilles du pore, pivots et premières racines laté-
rales principales, ne présentent que des radicelles atrophiées, desséchées, ou des por-
tons plus ou moins longues de racines mortes, sans radicelles ni chevelu, ou bien
enfin, si la cause destructive remonte déjà à quelques années, ils sont complétement
nus, c’est-à-dire sans la moindre ramilication latérale.
Quand une radicelle, qu'elle soit isolée ou qu’elle fasse partie d'un amas coralli-
forme, a eu à subir la succion délétère du mycélium trufber, on reconnait, par l'abla-
tion de ses petites pousses latérales, que celles-ci sont dans un état de dessication plus
où moins prononcée, le mal allant de l'extrémité au point d'insertion.
Cette dessication de la ou des radicelles finit par gagner la racine, la ou les portant.
. Radicelle et amas coralliformes desséchés se détachent de leur racine : celle-ci desséchée
à son tour, peut alors laisser des fragments plus où moins longs insérés sur les pivot :
ou racines principales.
Puis , l'humidité et la chaleur terrestres aidant à la dessication , succède la décompo-
sition, la pourriture noire, et tout alors disparait.
= +p(- 636) —
C'est ce qui se passe généralement avec des racines de faible diamètre: il en est
autrement sur celles de orosseur moyenne et surtout sur celles principales, Menacées de
mort par la destruction de leurs organes latéraux d'alimentation, ces racines réagissent.
Toute la force végétative se porte à leurs extrémités et y donne naissance à de longues
pousses, d'un tissu ligneux blanc jaunâtre, presque mou, dépourvu d'écorce. Plus
tard, ces pousses nouvelles achèvent d'organiser leurs tissus internes, se recouvrent de
leur enveloppe corticale, émettent leurs ramifications, radicelles et chevelu, et recon-
stituent ainsi les supports nourriciers du mycélium, en decà détruits.
C'est là l'explication de la marche en avant de la productien suivant l'allongement
des racines, allongement si remarquable en particulier chez le chêne blanc. Un des
plus curieux exemples de cet allongement figure à la page 11 el à la note 2, page 98.
de ma brochure de 1878: il s’agit de 3 chênes blanes d'environ 80 ans, propriété du
garde-forestier de Blauvae, qui, à la campagne 1876-1877. présentaient, l'un de
1 im. 90 de tour, 3 places trulfières distantes de 6 mètres (minima) à 25 mètres (ma-
xima); le second, de 1 m. 50.5 avec 4 et 20 mètres, le troisième, de 1 m.50 égale-
ment. 3 avec 7 et 15 mètres. et dont les emplacements producteurs pour la campagne
suivante 1877-1878. s'étaient encore éloignés des troncs d'une longueur variant de
2 à / mètres.
Ces longues pousses, sorte de barbe jaune suivant l'expression des rabassiers, étaient
regardées par eux comme élant des germes de truffe les assimilant sans doute à ceux de
la pomme de terre. En 1881, M. de la Bellone, procédant dans une truflière de chêne
vert, propriété de lan d'eux, à la recherche de ces prétendus germes, constate que
c'élaient simplement des pousses radiculaires nouvelles émergeant d'amas de radicclles
noirâtres, se décomposant, et pleines encore de mycélium. Dès que M. de la Bellone
m'a fait part des résultats de ses recherches, je me sui: fait envoyer du mont Ventoux
(Vaucluse), à Chaumont, de ces pousses de chênes verts et blancs trufhers, et sur
toutes, à leur base, je trouvais accolés des filaments mycéliens. Le mycélium allait
donc bien prendre possession de ces nouveau supports-nourriciers.
C'est surtout le mycélium du Tuber Melanosporum qui use les racines, ee qui üent
à ses dimensions mieroscopiques. Ne quittant pas pour ainsi les amas coralliformes
dans la généralité des cas. les innombrables filaments résaltant du développement an-
nuel de ses cordons. exercent sur les radicelles desdits amas une succion telle, qu'ils
ne lardent pas à dessécher complètement ces amas el les racines qui les portent , si elles
ne sont pas en état de réagir contre cette acion morbide, Avee un mycélium non mi-
croscopique comme par exemple celui du Tuber Encinatum, en partie du moins, les
cordons débordent rapidement les amas coralliformes, ceux-ci. non épuisés par une
succion de filaments, persistent, durant presque aulant que les racines les portant. Là
alors, le mal est insignifiant et non apparent.
Si le mycélium truflier qui détruit les végétaux herbacés où semi-ligneux à la sur-
face des places en préparation, ne tue pas les chênes, par exemple, l'essence trufh re
par excellence, cela tient, outre la résistance plus grande à sa succion dont leurs ra-
cines et radicelles sont évidemment douées. à bien des causes.
C'est, au plus tôt. à l'âge de 5 ans, que les chênes. dans les truflières artificielles
deviennent producteurs, et quand leurs plants entrent dans leur cinquième année,
leurs pivotsel leurs racines latérales extrêmes ont déjà atteintune profondeur à laquelle
le mycélium truflier cesse de se montrer.
—#%( 637 )e3——
À fortiori, si c'est à un àge plus avancé que leurs pieds ou cépées sont attaqués par
le mycélium.
Les plants trufliers essence chêne blanc, extraits en 1898. ont fait voir que le my-
célium n'existe pas sur toutes leurs racines, loin de là. il use les unes avant de passer
à d'autres.
Les racines principales, en particulier, réagissent comme il est dit ci-dessus contre
son action destruc'ive.
Enfin, très souvent, les traflières ne sont que d'un côté des pieds où cépées: plus de
moitié, dans ce cas. des racines sont indemnes.
Mais, privant prématurément les plants trufliers d’une partie de leurs organes
latéraux d'alimentation, le mycélium exerce en fait une influence fâcheuse sur leur
végétation. Aussi, dans les vastes repeuplements en chène vert el blanc effectués depuis
1860, surtout au mont Ventoux, les plants qui ne sont pas devenus producteurs. onl-
ils souvent au coilet un diamètre presque triple et atteignent-ils une hauteur presque
double de ceux des plants entrés en production, dont un grand nombre sont et restent
rabougris.
Le nombre des végétaux sur les racines desquels on trouve des michorizes est au-
Jjourd'hui considérable. La présence sur des plants de tant d'espèces ou essences diffé-
rentes des michorizes, tend à prouver que leurs filaments joueraient le rôle attribué
jadis aux spongioles, et justifie la théorie de symbiose de Franck.
Est-elle applicable au mycélium truflier ?
Etant données, d'une part l'action destructive du mycélium du Tuber Melanosporum
sur le système radiculaire des arbustes et arbres producteurs, et, d'autre part, la
présence des amas coralliformes, prélude de cette destruction , sur les racines porteurs
des filaments de ce mycélium, tandis qu'il n’en existe pas sur celles exemptes de ces
filaments, comme sur celles des pieds ou cépées non producteurs, J'estimerais qu'il v à
lieu de répondre à cette question par la négative. Le mycélium truffier serait done. à
mon avis, un simple parasite.
D° FORME DU SYSTÈME RADICULAIRE DES ARBUSTES ET ARBRES PRODUCTEURS.
Le mycelium truflier né de la spore germant à fleur de terre se développe d’abord à
la surface du sol, puis il la quitte pour pénétrer en terre et gagner le système radi-
culaire supérieur des pieds ou cépées devant alors devenir producteurs.
A la page 611 ci-dessus, j'ai dit sous qu'elle forme le mycelium en prenait pos-
session, sous quelle forme, par conséquent, s’effectuait ce transfert quasi-verlical en
terre, à savoir celle en cordons ou faisceaux, amas cylindriques d'une infinité de fila-
ments longitudinalement accolés.
Pour que cette jonction s'effectue, le trajet dans le sol de ces cordons devait être le
plus court possible, d’où nécessité de racines latérales se développant à une faible pro-
fondeur.
M. Regimbeau, alors inspecteur des forêts à Nimes, dans son livre le Chéne vert ou
yeuse dans le Gard, constate l'existence, non de variétés proprement dites, mais de
formes, au nombre de trois, qu'il appelle Chêne yeuse dur, Chêne yeuse tendre et Chêne
yeuse commun, Va dernière se rapprochant plus où moins tantôt de lune, tantôt de
l’autre des deux premières avec de nombreuses nuances. De la minutieuse description
—#2( 638 )s:——
qu'il donne des deux premières formes, J'extrais, pour le point de vue qui m'occupe,
ce qui suit :
Chêne yeuse dur : enracinement superficiel et traçant épais et diffus. — (héne yeuse
tendre : enracinement relativement clair et profond.
Puis, s'occupant de la production trufière, M. Regimbeau dit : + Le chêne yeuse dur
est truflier, parce qu'il trace; le chêne yeuse tendre ne peut que le devenir si le sol l'y
engage ou l'y oblige.» Aussi, dans sa brochure de 1878 (Culture de la truffe, 2° rapport
à la Société d'agriculture du Gard), M. Regimbeau, traitant la question de création
des truffières arüficielles dans la région et préconisant l'emploi du chêne vert, l'essence
qui presque à elle seule constitue les forêts du Gard, dit expressément que c'est au
chène yeuse dur qu'il faut demander ses glands ou ses plants.
Donc, bien qu'à cette époque la raison n’en füt pas exactement connue, l'utilité des
racines traçantes pour la production (ruflière était chose admise.
Le fait qui suit en démontrera la nécessité.
M. Rousseau, de Carpentras (Vaucluse), crée en 1830, à proximité de sa grande
trufière artificielle du Puits du Plan de 7 hectares, une seconde truflière de 1 hectare
seulement. Alors que celle du Puits du Plan avait été établie par voie de semis de
glands, 11 opère pour la seconde par voie de plantation de chênes, verts et blancs.
plants de 5 à 6 ans élevés par lui en pépinière et provenant de glands récoltés sur des
pieds ou cépés producteurs de la première, mais sans avoir eu la précaution de pro-
céder en pépinière à l'ablation des pivots, et sans aucune taille des racines des plants
lors de leur mise en place. H espérait, par ce procédé, avancer le moment de la pro-
duction et par le large espacement donné aux lignes des plants et aux plants dans
chaque ligne pour permettre une culture intermédiairede la vigne, obtenir en même
temps un rendement meilieur.
Or, la truffe n’a apparu qu'à la campagne 1876-1877, c'est-à-dire pas plus tôt que
dans celle du Puits du Plan et, d'autre part, dans les premières années qui suivent son
apparition, la production de cette truflière n'est que de quelques kilogrammes, alors
qu'arrivés au même âge, les chênes de celle voisine du Puits du plan donnaient près de
80 kilogrammes à à l'hectare. M. Rousseau attribuait cet insuccès relatif à la trop grands
épaisseur de la terre végétale de sa seconde truffière, et c’est l'explication qu'il en
donnait, en ma présence, à une commission d'agents forestiers du Gard qui, sous la
pere de M. Thiriat, conservateur des forêts de Nimes, visitait en 1879 les truflières
de l'arrondissement de Car pentras. Après celte visite, M. Rousseau me prévenait qu'il
allait faire arracher les plants chéne vert et chêne blanc restés improductifs. Cet arra-
chage confirma indirectement l'opinion de M. Rousseau. Ces plants avaient profon-
dément pivoté et ne présentaient des racines latérales mi-pivotantes, mi-fraçantes qu'à
une assez grande distance de la surface du sol, tandis que sur ceux devenus produc-
teurs, on constalait la présence de racines superlicielles traçantes. Le mycelium avait
pu se fixer sur celles-ci, mais n'avait pu atteindre celles-là.
Les deux expériences suivantes prouvent à la fois l'utilité des racines traçantes et la
nocuité de celles pivotantes,
Pemière expérience. — En piochant le sol au pied de l'un des chênes blancs du garde-
forestier de Blauvac, je constatais encore à la racine maitresse, à 3 mètres du trone,
un diamètre de 15 centimètres. Arrivée à cette longueur horizontale de 3 mètres, la
—#2( 639 ).e+—
racine rencontrait un banc de roche presque émergeant: elle se recourbait brusquement
à angle droit, pour s’enfoncer le long de la paroi supérieure du bane racheux. Jusqu'à
qu'elle profondeur? Je l'ignore, ayant arrêlé Jà ma fouille de 1876. Toujours est-1l
que cette racine, ayant trouvé une faille dans la roche, ou une couche de terre entre
deux lits rocheux, a dû se contourner de nouveau, s’y engager et reprendre son
accroissement de l'autre côté du banc de roche dans le sens horizontal: en raison de
la pente même très prononcée du terrain, elle n’a pas tardé à regagner, pour aimsi
dire, la surface du sel et la production a alors apparu ou reparu, car il est fort pos-
sible, bien que le garde n'ait pu me renseigner sûrement à ce sujet, que le chêne
en question ait élé jadis producteur sur l'espace de 3 mètres compris entre son tronc
et le bane de roche à l'encontre duquel la racine maîtresse, jusque-là traçante, a du
s’enfoncer. Depuis, la racine traçante continue à s’allonger et la production suit son al-
longement.
Deuxième expérience, relatée déjà aux pages 55 et 56 de ma brochure de 1878.
Une perche essence chêne blanc de la forêt de Villes (Vaucluse) [celle au pied de
laquelle ont été pris des échantillons de terre pour l'analyse chimique] présentait d'un
côté l'extinction et de l’autre la préparation.
Après avoir placé des piquets au centre des diverses places fouillées par les porcs
places visibles encore, l'extinction étant relativement récente, j'ai fait piocher le sol au
pied de la perche du côté de l'ancienne production el rencontré une racine maitresse
traçante el presque superficielle, laquelle a été dénudée successivement en s'écartant
du tronc. Chaque fois que l’on se trouvait en face d'un emplacement piqueté, soit à
droite, soil à gauche de cette racine, on constatait l'existence de racines secondaires par-
tant de celle maîtresse et lraçantes comme elle, lesquelles étaient à leur tour mises à
nu. Ces ramifications latérale: de la racine principale étaient dépourvues de radicelles
et chevelu entre leur point d'issertion et lemplacement producteur auquel elles abou-
tissaient (usure de la production antérieure), et dans lequel ceux-ci reparaissaient. Les
emplacements les plus éloignés du tronc se trouvaient à une distance d'environ 5 mè-
tres; à quelques centimètres plus loin, la racine maîtresse, jusque-a superficielle, se
recourbait en bee de corbin; elle s'enfonçait profondément dans une faille du sol de-
venu rocheux, et la production a pris fin. ( Cette expérience était pour moi d'autant
plus intéressante que, interprétant la précédente du chéne blanc de Blauvac, j'avais.
préalablement à tout piochage du sol, prévenu l'agent et les préposés forestiers qui
m'assistaient, des résultats que la fouille devait mettre au jour.)
Done, dans le premier des deux cas ci-dessus relatés, apparition (ou peut-être réap-
parition) de la production quand la racine maîtresse de pivotante est devenue traçante,
et dans le second, suppression de la production quand de traçante, la racine maîtresse
est devenue pivolante.
Impossible de trouver, pour la perche du chêne blanc de Villes, une autre cause de
cette suppression de sa production, d'autant plus que, âgée de 30 à 35 ans au plus. elle
était en parfait état de végétation et, qu'en outre, elle présentait de l'autre côté de son
pied la préparation.
Enfin, les extractions de six plants de chêne blanc de 1879, que j'ai déjà eu l'occa-
sion de rappeler, ont fait voir que, pour les cinq plants producteurs, le système radi-
culaire latéral était traçant, tandis que chez celui non producteur loutes les ramifications
-#2( 640 es
de son long pivot, du collet à l'extrémité de celui, racines , radicelles el chevelu.
élaient nettement pivolantes. se développant quasi parallèlement au dit pivot.
Devant les curieuses constatations, résultant de ces diverses fouilles ou exiractions.
j'ai bien cherché un moyen de véritable démonstration de ce qui se passait là. mais vai-
nement.
Peut-être ce qui suit l'expliquerait-t1l d’une façon acceptable.
Les choses étant supposées réduites à leur plus simple expression, la tête foliacée de
l'arbre peut se considérer comme un réservoir plein surmonlant sa tige, celle-ci comme
une conduite aérienne d'écoulement du réservoir supérieur, le pivot comme une con-
duite souterraine faisant suile à celle aérienne, enfin les racines comme des prises laté-
rales à différentes hauteurs de la conduite souterraine: puis ces divers canaux peuvent
à leur tour se considérer comme remplis d’une substance spongieuse, absorbant sue-
cessivement le liquide afuant jusqu'à saturation. après laquelle l'affux continuant 5 y
aurait expulsion du trop plein.
La sève élaborée par l'appareil foliacé parvient par la tige au pivot: les races l'y
puisent dans lenr ordre d'insertion de haut en bas et suivant les besoins de leur nutri-
tion. Si, ces besoins satisfaits, 11 y a un excès de sève produit , et c'est ici qu'intervient
la situation particulière de labre au point de vue de l'action solaire, rendant le travail
chimique d'élaboration, dont les feuilles sont le siège, plus productif, ce sont les ra-
cines les plus superficielles qui, les premières, les recevront puis l'excréteront.
Mais cet excès de sues séveux exceptionnel ne saurait être que limité: l'absorption et
sa conséquence l'excrétion vont en diminuant au fur et à mesure que les racines sont
plus profondément insérées, et finissent par s'arrêter faute d’aliment.
Avec des racines traçantes plus ou moins horizontales, le mouvement de circulation
des sucs séveux en exers, de leurs points d'insertion à leurs extrémités est relativement
lent et permettrait de subvenir largement à l’absorbante succion du mycelium fixé sur
ces racines.
Avec des racines pivotantes (même alors que seules les racines maîtresses le deviennent
il y aurait un appel tout puissant des sucs séveux à leurs extrémités), le mouvement de
circulation serait trop rapide, le mycelium, insufisamment alimenté ne se dévelop-
perait qu'imparfaitement et n’arriverait pas à fructifier , à créer les tubercules.
Nora. J'ai cru devoir revenir, en y insistant, sur cette forme du système radiculaire des
pieds producteurs naturellement, afin que, si l'on met en pratique mes procédés du truflicul-
ture directe, dont l'exposé constituera la troisième et dernière partie du présent travail, on
s'assure, avant d'opérer les semis de spores à leurs pieds, que les sujets choisis, arbres ou
cépées, possèdent un système de racines traçantes à une faible distance de la surface du sol.
TROISIEME PARTIE.
TRUFFICULTURE DIRECTE PAR VOIE DE SEMIS DES SPORES.
Arriver à faire germer les spores truflières n'élait pas seulement la démonstration
vigoureuse, le crilerium scientifique de l'existence du mycelium des truffes, c'était
aussi la possibilité de les semer utilement, par suite créer la trufiiculture directe.
—#2( 641 es
Dès 1886 j'avais, dans la Haute-Marne, cherché à obtenir la germination des spores
de sa truffe, Tuber Uncinatum et comme conséquence le phénomène de la préparation.
Pour le semis des spores, j'employai des räpures de truffe fraîche (essai de cabinet,
hiver 1886) et de la poudre de truffe sèche (essai à l'air libre, printemps de 1887),
et comme végétation superficielle du blé (hiver 1886) et du gazon (printemps de
1887).
Le résultat a été nul. (Il devait en être ainsi du reste, rien que par cette seule raison
que la durée de chacun de ces essais n’a pas dépassé six mois. )
La terre employée provenait de la forêt du Corgebin.
Son analyse, faite par M. Joffre chimiste de la maison Gallet (puanos et indigos) de
Paris, démontra qu'elle était assez riche en potasse, pauvre en acide phosphorique et
plus que pauvre en chaux; elle n’en renfermait que des traces. L’ayant enrichie en tes
deux dernières substances par des arrosages de super-phosphate de chaux soluble, je
répétai les essais ci-dessus. Même résultat négatif et pour les mêmes motifs.
(C'est la même cause évidemment qui a rendu infructueuses les si nombreuses et si
savantes expériences de M, de la Bellone, quant à la germination des spores du Tuber
Melanosporum , velatées à ses pages 33 à 35.)
Ne songeant pas, à celte époque, au long délai que les truflières artificiellement
créées demandent avant d'entrer en production, je dus, en présence des insuccès com-
plets ci-dessus mentionnés, porter mes investigations d’un autre côté.
On obtient partout, au Midi comme au Nord, et en abondance, l'agaric champêtre
ou champignon de couche, en créant simplement des couches de crottin de cheval, sans
emploi aucun de son mycelium ou blanc. (Voir à ce sujet l'intéressante brochure de
M. Kiefer, alors sous-inspecteur des Forêts à Uzès [Gard] : la Truffe et l’Agarie cham-
pétre 1879.) Point même n'était besoin de joindre à la couche le sel ammoniacal et le
son de froment dont M. Kiefer préconisait l'emploi, car chaque année M. Didion , alors
inspecteur des Forêts à Vassy (Haute-Marne), récoltait ce champignon et abondam-
ment, dans des couches composées uniquement de crottin de cheval.
Les spores du champignon ne pouvant se trouver en suspension dans l'air ambiant
de tous ces locaux (caves, celliers, granges ou écuries), choisis comme lieux d’établis-
sement des couches, dans la Haute-Marne comme dans le Gard , et disposées par lui à la
surface desdites couches, il fallait donc qu'elles existassent, et en nombre considérable,
mélées aux grains d'avoine, l'aliment ordinaire des chevaux. Mais lesdites spores sont
libres, nues; passant par les voies digestives de ces animaux supérieurs, elles y subis-
saient l'action physico-chimique de la chaleur-et des sucs stomacaux.
I était possible, dès lors, qu'il en fut de même pour les spores des truffes.
En ce cas, il fallait se procurer des spores mises en liberté et digérées.
En dehors des larves d'insectes et des insectes broyeurs tubérivores à l'état parfait,
il n’y avait guère que les rongeurs dont le mode de manducation remplissait la pre-
mière de ces conditions.
De là, mon choix des mulots, que je savais d’ailleurs par expérience être très
friands des truffes. Je demandai donc à des préposes forestiers de la Haute-Marne et
de Vaucluse, ee capturer en forêt des mulots, de les nourrir exclusivement avec des
tubereules bien mürs et sains, et de m’expédier leurs excréments. Je ne me doutais
pas alors des difficultés qu'on allait rencontrer, la plupart de ces animaux mourant
avant qu'on ait pu les alimenter.
SYLVICULTURE. 11
—#3#( 642 )es—
Cette impossibilité de recueillir ces excréments et en quantité suffisante pour l'expé-
rience à faire se présenta partout pour la campagne 1890-1891: s'étant encore pré-
sentée pour la campagne 1891-1892 dans Vaucluse, elle faillit en faire de même pour
la Haute-Marne. Ce n'est, en effet, qu'en fin décembre 1891 que le garde-forestier de
Richehourg réussit à prendre un mulot de forte taille, lequel, dans sa captivité de
quarante-huit heures, dévora quatre truffes chacune de la grosseur d’une belle noix.
En janvier 1892, je saturai en quelque sorte des sporas du Tnber Uncinatum, à sa
surface, la terre d'un pot à fleurs de grosseur moyenne, en l'arrosant avec de l’eau
dans laquelle étaient délayés les excréments du mulot. Ces déjections contenaient des
spores libres en quantité, mélangées à des spores encore enfermées dans leurs thèques
et à la matière excrémentielle. Comme végétation superficielle, je choisis le sarrazin,
uniquement parce qu'une circonstance particulière avait mis à ma disposition une abon-
dante provision de sa graine.
Les graines, semées successivement en 1899, 1893 et 1894 lèvent bien, les plants
conservés se développent, fleurissent puis meurent sans avoir présenté le moindre ma-
laise prématuré; les examens au microscope de leurs toufles radicellaires n°y décèlent
aucun filament mycelin.
C’est alors que, me reportant au délai minimum de 5 à 6 ans que demande la truffe
avant de faire son apparition , je me liverai au petit calcul suivant, l'apparition des tu-
bercules étant précédée l’année d'avant par la préparation :
1892 + 5 — 1897 et 1897 — 1 — 1896.
1892 + 6 — 1897 et 1898 — 1 — 1897.
D'où inutilité de tenter un nouveau semis de sarrazin en 1896; de plus, je ‘pensais
le faire plus tôt en 1897 qu'en 1896. Mais en fin mai 1896, examinant attentivement
la surface de mon milieu de culture, je constatai une désagrégation sensible de sa terre
superficielle, signe que les spores avaient dû enfin germer.
Le 30 mai je repiquai, et relativement assez profondément, quelques graines de
sarrazin : toutes levèrent, mais je ne conservai que cinq plants les mieux venus. En fin
juin, leur état végétatif était des plus vigoureux, ce qu'altestaient, outre leur hauteur,
la belle couleur rouge des tiges et celle vert foncé de leurs très larges feuilles.
Dans les premiers jours de juillet, le malaise se manifeste sur l'un d'eux, s'étend ra-
pidement aux quatre autres, et le 10 ces cinq beaux plants se flétrissent complè-
tement.
C'était le phénomène de la préparation se manifestant sous sa seconde forme. L'exa-
men au microscope décela, en effet, la présence sur leurs radicelles des filaments
jaunes, bouclés, du mycelium truffier et, de plus, ainsi que je l'ai dit au début de la
présente étude, d’une spore en germination fixée à l'extrémité d'une fibrille radicel-
laire du second plant extrait en ma présence au laboratoire de M. Hasse,
Cette germination tardive était dûe, soit à ce que cette spore avait été entrainée en
terre lors de l'arrosage, soit plutôt à ce qu'elle aurait été enterrée par une graine de
sarrazin lors du semis de mai, opéré par voie de repiquement à une certaine profon-
deur relative en raison de la présence des filaments du mycelium à la surface du milieu
de culture décelée par sa désagrégation.
A la suite de cette expérience, enfin réussie, j'adressai, le 12 décembre 1896 à
du re s ve à + dit al à 2 Ch el État Ette ÉRS OS Der
—t»( 643 js
l'Académie des sciences, un court mémoire pour lui faire connaître et la solution de
limportante question scientifique de la germination des spores des truffes, et comme
. conséquence de cette germination, la possibilité d’une culture de celles-ci par semis de
leurs spores. ;
On trouvera ci-après le texte de ma communication.
Observations. — Les expériences de M. de Gramont de Lesparre ont démontré que,
même dans des tubercules secs les spores mâles avaient conservé la faculté de germer,
d'émettre leurs organes de fécondation ; la preuve n'est pas faite quant à la faculté ger-
minatrice des spores femelles, à l'émission par elles de leur mycelium, car, ainsi
que je l'ai expliqué plus haut, pages 629 et 623, les spores femelles de l'expérience de
M. de Gramont, fécondées par celles mâles et restées fixées sur le limbe des feuilles
n'ont pas dù germer; mais il n’y a aucune raison qui puisse faire supposer qu'il n'en
soit pas d'elles ce qu'il en est des spores mâles. Dès lors, point ne serait indispensable
d'employer des spores digérées, si difliciles à se procurer, surtout en grande quantité;
on pourrait donc les remplacer par de la ràpure de truffes fraiches ou de la poudre de
truffes sèches, pourvu que l'une ou l’autre renferme des spores mises en liberté, en
quantité considérable, quantité que nécessite le double fait des dimensions microsco-
piques des spores et de la fécondation des spores femelles à opérer par celles mâles.
IL y avait un intérêt capital à se fixer dans le plus court délai posible, sur le plus ou
moins de valeur de mon procédé de trufficulture directe.
Dès l'automne 1896, je demandai le concours de deux agents forestiers : MM. les
inspecteurs adjoints Jacquot à Chaumont et Teyssier à Carpentras.
Ils ont bien voulu répondre à mon appel, et je leur en fais ici, quoi qu'il en arrive,
tous mes remerciements,
En 1897, des semis de spores, obtenus par mon procédé de germination, ont été
effectués par leurs soins, en se conformant aux indications de celui de trufiiculture;
dans la forêt domaniale du Corgebin (Haute-Marne), spores du Tuber Uncinatum ; et
dans celle communale de Bedoin (Vaucluse), spores du Tuber Mélanosporum.
D'autre part, des semis de l'espèce, et toujours avec des spores du Tuber Melano-
sporum, mais semis dont je n’eus connaissance qu'après leur entière exécution, on été
opérés par un ami, qui se trouvait au courant de mes recherches, aux environs de
Paris, à Rochefort en Yveline (ce qui constituait en même temps une tentative d’aceli-
imalation de la truffe noire), puis en Vendée.
Les semis de spores ayant été effectuées en 1897, il faut avoir la patience d'attendre
encore, s'ils sont appelés à réussir, 1901 pour voir se manifester la préparation, et
1902 pour voir apparaître la production.
1.
--#>( 614 )ee3—
Annexe N° 4.
RÉPARTITION DES FORÉTS EN FRANCE
PAR M. CH. GUFFROY,
INGÉNIEUR AGRONOME (1. N. A.), LICENCIÉ ÈS SCIENCES NATURELLES ,
SECRÉTAIRE DE LA SOCIÉTÉ DES SYLYICULTEURS DE FRANCE ET DES COLONIES.
L'importance pour un pays de la bonne répartition de ses forêts n’est plus à établir
à ses différents points de vue (climatologie, régime des eaux , hygiène, industrie, ete. ).
Cependant, jusqu'à ee jour, on s'est à peu près borné, pour notre pays, à des généra-
Jités, à des statistiques officielles indiquant par département la superficie totale des bois.
Ce qui importe, c'est :
1° D'établir pour chaque département sa densité forestière ;
Surface des bois
Surface du département
>° De grouper suivant cette caractéristique nos départements en classes bien limitées ;
3° De représenter sur des cartes les régions ainsi déterminées.
Cetle représensation cartographique aura, eroyons-nous , un grand intérêt pour l'é-
tude de questions importantes, telles que celles de la température, des orages, des
inondations, ete., en même temps qu'elle mettra bien en évidence sous nos yeux
les points faibles où la forêt, loin d'être détruite, doit être reconstituée.
Le tableau suivant a pour base la statistique décennale du Ministère de l'agricul-
ture, de l’année 1892, étant donné qu'il sera suflisant d'étudier tous les dix ans la
variation pouvant se produire dans la répartition des forêts. Afin d'éviter les nom-
breuses décimales de la +densité forestière», nous l'avons remplacée par le pourcentage
des bois (nombre d'hectares de bois pour 100 hectares), soit par un chiffre cent fois
plus fort.
: SUPERFICIE SUPERFICIE L
DÉPARTEMENTS. SLR ae Le Ke me
hectares. hectares.
AD Are Ce oc 0 roro e 579,897 120,184 20.7
AISNE ee cie ie le sisi 739,200 104,519 14.2
Mier::t7 02 DRE DATE 730,837 81,640 11.0
Alpes (Basses-) ...... PPT RS LOUE: 695,418 190,703 18.6
Alpes (Hautes-) Re ANR 558,961 110,186 25.1
Alpes-Maritimes... . . sites el RER 391,662 91,049 23.9
Ardèche is eme eds SÉPELN TE : 552,665 102,415 18.5
—#2( 645 )ees—
SUPERFICIE
DÉPARTEMENTS. du
DÉPARTEMENT.
hectares.
TETE. 26 eco MM elnoeiete ets ieitleue 523,289
ARR RE SECRETS EURE 489,387
AUDE eu ANS SN ele et De 600,139
ADUE A Sen Ge ds dima ders Dress ea aa a 2 à 631,394
ANEVION Mec HEC L ONCE 874,333
Bouches-du-Rhône. .............. 510,487
CANATOE. creme lis sertie ON 552,072
Cane ARR ER ERA EU 574,147
Charente. : .... HS ER 2 Cr RE SRE et Cr 594,238
Charente-Infeneuress Celtes 682,569
CERN a CS Een 71 9,934
CON ODA SEEN RES ee TRE 586,609
CRT SERRE RS A ANNE LE LE 874,710
Gite HORS ARE Re RO IE EE 876,1 16
MOÉBRAUEN ONE ee PA NE ERP U R ARENIN 688,569
ERREUR ti 556,830
LEE ÉTERNEL AE 918.256
nr Le ee nee SU a 529,755
A ae PT a 659,155
LUPRE LR FRE RER A ERA Ve 595,765
LIL LES LUE IT ARRRRSENNENCE RER ES MRRERRES 587,430
TT NN SRE RE ER SE 672,167
LR M Al ture so eu 583,556
Bnunne (Hauté}..0. 444021, 628,988
CR A LA TL, 628,031
NA ren Mae ssl a e Are 974,032
HA En en elec ele teut aie otelote ete 619,799
ARE nee 2 dia dvd 672,583
D LS REP A ER PER EE 679,530
Mc ire. 2... RUE 611,370
nn ee dose rene 828,934
MR ee Mens à letebouel ele tee de less ee ne h99,401
LES Re ERP EE RE 932,131
Mn CHer 20 Leu cars se A tanre 635,092
ns sde NN TT h75,962
LL LIEU ES PARA PENEEE 7 496,225
Pone-Iniéréure... eus. co euis 687,156
D D me elies se ue 677,119
LES ME AE EC ERNERE EPE NE 521,174
ÉG-eL-Garonne ; ., 4 4er en save 535,396
SUPERFICIE
DES BOIS.
hectares.
141,354
169,339
125,749
61,377
85,111
72,980
38,366
83,964
88,212
79,538
135,639
119,972
183,171
255,081
33,167
37,174
200,799
139,116
185,175
112,958
61,436
34,185
125,217
89,833
53,060
397,639
85,247
46,511
88,026
109,274
181,770
197,615
522,768
136,791
64,710
90,626
h1,541
130,781
117,965
76,14
P. 100
DES BOIS,
27.0
34.8
20.9
9-7
9-7
14.9
6.9
14.6
1.8
11.6
18.8
20.9
20.9
29.1
4.8
6.6
21.8
25.8
28.3
18.9
10.4
9,8
21,4
14,2
8.!
36.7
13.7
6.9
12.9
17.8
21.9
91.0
56.0
21.9
13.6
18.92
6.0
19.3
29.5
14.2
—#%( 64G ).3-—
SPRICE SUPERFICIE P. 100
: + DES BOIS. DES BOIS.
DÉPARTEMENTS.
DÉPARTEMENT.
he:tares. hectares.
516,979 59,999
712,093 57,920
592,838 20,874
Marne 818,044 158,497
Marne (Haute) 621,968 189,683
Mayenne : 517,063 27,991
Meurthe-et-Moselle 523,234 133,974
622,787 183,197
679,781 46,326
681,656 199,868
568,087 43,357
585,506 102,259
609,729 81,385
660,563 36,713
799,051 94,399
762,266 161,317
452,945 84,627
h19,211 68,387
61,014 20,23/
.. 279,039 31,638
Dane (Hanip-): se. 1-02: 533,992 166,958
Saône-et-Loire 855,174 151,407
620,668 91.971
579,990 122,664
431,472 110,463
47,875 2,198
603,550 92,062
573,635 106,562
560,364 106,099
Sèvres (Deux-) 599.988 43,691
Somme : : 616,120 ho,447
574,216 77129
372.016 47,624
602,753 260,780
394,771 76,901
670,390 31,379
697.037 84,419
551,658 45,490
585,265 209,986
742,804 171,589
—1#2( 647 )e3—
Si l’on se contentait de considérer la surface des bois et non leur densité, on ver-
rait que 41 départements possèdent plus de 100,000 hectares de forêts :
TT MR 522.768 hect. 22 Loir-et-Cher. .... +... 136.791 hect.
Tone eau eu un 357.632 DA LHErS- 2 esse sas + 199.639
Rs RTE ONE EN et IP Re 260.780 TD OURS. nue à des met 139.116
HEC SUR Nsle 255.081 25 Meurthe-et-Moselle ..,. 133.574
SAUCE RO RTE 209.986 JONÉOrrels site nr 130.781
G'Dordogne 200.755 27 Alpes (Basses-)....... 129.703
HAINE Tee sense 199.868 SA AUBEr- serre <. 125.749
8 Marne (Haute-)....... 189.683 CITE LE TT RRREAESRS ss... 490.817
MAD de dns n ea 185.175 HAPBAVOIÉ. , ss ses pe0s .. 199.664
ANNEE SARL RO 183.197 DAATRN es ss es 0 00 ‘1180104
PROD 2 sc ocsouc à 183.171 RANCDIDÉERS cesse . 119.57a
RAIN enr ede se 181.770 33 Lot. .... cosossosses 117.005
None 522: SOS . 171.589 3h Eure......,..... +. 112.908
HAT RE eeeseanse 169.339 39 Savoie (Haute-)....... 110.463
15 Saône (Haute-)....... 166.958 36 Indre-et-Loire. . ... +. 109.274
16 Pyrénées (Hautes-). .., 161,317 37 Seine-et-Marne. ...... 109.562
ALL ET TA NRERRRERER 158.497 38 Seine-et-Oise. ....... + 106.099
10 Jura... Eng eee 157.615 20/AïnE nt ces 104.519
19 Saône-et-Loire. ....... 151.407 ho Ardèche ....,.....,, 102.415
Jo Ardennes............ 141.354 POSE sut vo. 109.255
a1 Alpes (Hautes-)...... . 140.486
H est beaucoup plus intéressant et plus rationnel d'établir le classement d’après le
pourcentage des bois, chaque classe se trouvant comprise entre deux limites différant
de 5 p. 100.
De cette façon dix classes peuvent être faites :
1° classe. — Moins de 5 p. 100 de bois.
Manche. ..... ts in ele ae a oies en 3,5 Nanterre tes sale die ARE L,7
SÉRO ÉTAT OR RIES : k.5 Cûtes-du-Nord:-:-: 55.0 RER h.8
2° classe, — De 5 à 10 p. 100 de bois.
LT EURE SES RC Er 522 Hie=et-Vtaines. ar ieeten ce ste 6.9
LAIT ET SERRE EE 5.5 Settes (Rens). LORS PPS 1 Via
Fin ARRETE 5.8 NOrdemen tint sole CR : 7.6
orre-Inferieure. .. ..... 4.000. 6.0 Matnesot LOIRE NE EE EEE 8.0
SIULUELEUS FRERE RRER EE 6.5 Vienne (Hautes); ee enr 8.2
PAR Een iece oo o io 1e lol ete À) à 6.6 Gest RÉEL ee ae Tee 8.h
5. de les 6,8 AR dense de MC tee 9:7
mate rmme sue 6.9 AVENTURE ee rues us des ei edest 9-7
3° classe. — De 10 à 15 p.100 de bois.
bte NUIT OMR EI APE EL 10.4 Cbarente-Inférieure. ..,........... 11.6
re ones genou 10.8 Pux de-Domies tot res 11.8
ARTE Re se serais ste ses NU Le 11.0 VIENE IE INSEE Nas DT ele 12.1
—#»( 648 )es—
LARre. 7. + LME RCE 12.9 Bouches-du-Rhône. .............. 14.a
Dre sers MES 13.3 Garonne (Haute-). .............. 14.0
L'H 1e Ne PR Ce 13.4 Lot-et-Garoaue : 2e SRE 14.9
Éoire:s 2: AMÉSRL RCE RRE 13.6 Gantal eee Tee LEA 14.6
Hérauit./.F 6" RPRENERRRERCRE 13.7 Charente... :"2#,..,..5.5 4-00 EDRRE 14.8
LUE TOR RAC OR RL A RIRE TE, | 14.2 Bastien: ete sans TOR 14,8
4° classe. — De 15 à 20 p. 100 de bois.
Seine-Inférieure................. 15.2 Alpes (Bases). Pose Etc 18.6
Pyrénées-Orientales. ............. 16.5 Pyrénées (Hautes-).............,. 18.6
LPO RES, PART ET à NT 17.4 CRE Se ee CEE 18.8
Saûne-et-Loire.. ........:....... 17.7 AT PT EE - 18.9
Indre-et-Loire .................. 17.8 See OI. Cee -Ce 18.9
Lorre (Haute=)... "CEE. 18.2 RÉ ETS bc 19.3
Ardèche... ….. das neierimer 18.5 Marne. ....... cn ot de see ee 19.3
Seine-et-Marne ................. 18.5
5° classe. — De 20 à 25 p. 100 de bois.
CDEROZG dc slee nas senresse 20.3 Loiret-Chen.:.....0.... T1
Am. de nome done ces 20.7 Vaucluse... Le ROME RTE
Aube. ..... crane ee mess 20.9 Dordogne. : 5.252100 21.8
Come re ee Ten nee 20.9 Irene 21.9
Pyrénées (Basses-). .............. 21.1 LE ee PER A PR nc 29.5
SAME Rene rsentecuesthobre 21.3 JOnné 2.02 ne OR CES 23.1
EESTI or rem eee 21.4 Alpes-Maritimes. . .............. 23.9
Alpes (Hautes-)................. 25.1 Drôme. 00-00 28.3
Meurthe-et-Moselle.....,........ 25.5 Côte-d'Or SLT RE CES 29.1
Savoie (Haute-)................ 25.6 Niévib. in. ae et 20.8
Doubs eee NE RENTE RTE "SE RU M CREER to dÉbe eiee . 29.4
Ardennes. ..... RTL PAU 27.0
7° classe. — De 30 à 35 p. 100 de bois.
Marne (Hante-) 2"... 30.4 Ron) ( Hadith). 4020 ct 33.1
Saône (Haute-). ................ 31.3 Ariège. 5. See aaenseer ee 34.8
EE EE A OO PS Te 31.5
Vosges... ...... snsssoneee +... 35.8 | Gironde..................s.. 36.7
Var... soc commoccessmenemiremeeme teens se SC 43.2
10° classe. — De 55 à 60 p. 100 de bois.
FT RE ET EN TRE E Las ENT SES Ra dt TAN S LUREÉS TRES EAU +... 56,0
—#m( 649 )er—
C'est-à-dire que l’on à :
L° départements avec moins de...................... 5 p. 100 de bois.
16-départements ‘avec:. 4052 RO se 5 à10
20 SR EEE, 0 A DR PILE 10249
19 = NL EME ERREUR RCE 2e AUS 15 à 20
1 RL TE ramener ner fee versie 2 20 à 29
9 ON eme r ee ed aee deeee 25 à 30
5 LATE PRO RP EARER RENTE EE 30 à 39
2 A VO ar ER ue OR ER 35 à Lo
1 = A Ne Re CR CR eine n LL ho à 45
o EN MA ss ne ana ee eue ee 45 à 50
0 UT UN AE Dee es te sis etc) es 5o à 55
1 NT RIT TE Sa A An ne ea e dore cie are 014 55 à 60
Si l'on représente par un graphique l'importance relative de ces diverses classes, on
obtient :
14
9
5
LE
IR RE
0 5/0 19% 15% 20% 25% 30% 35% 0% 45% 55% 60%
tn( 650 }ee3—
La représentation cartographique des régions de même densité forestière peut être
faite suivant deux procédés : le procédé polychrome qui donne des délimitations bien
nettes, le procédé monochrome qui fait mieux voir l'augmentation de densité. Que l’on
choisisse l'un ou l’autre, il conviendrait en tous cas que l’on conservât dans toutes les
cartes à faire les mêmes tetes et les mêmes symboles. Nous proposons les suivants :
PROCÉDÉ POLYCHROME.
17 Ca le 8 a 0 DR vs... Garmim foncé.
a Pda A A... once .. Carmin pâle.
RAR EL CR RIT 0) CP OP RE .... Bleu verdatre pâle.
Riad en cer Ras TUE Bleu verdâtre foncé.
D MOD RE Li nt Ne Don Net Vert émeraude clair.
6° — de 95 à 30 PRET MN ENN CIE Vert émeraude foncé.
106 DA 2e Le OR das Cie Vert olive clair.
De NOM RO Se ac clean. .-. Vert olive foncé.
BAISE ae AD AD NC RL RE. Bleu de Prusse clair.
1002/4050 400 MES ER NRRe 7E Bleu de Prusse foncé.
PROCÉDÉ MONOCHROME.
DCE or aer ÉOC COR . vert pâle.
D PRE HR CRUE . vert clair.
SR OT CE srescss:. (Vert ioncé.
MR NE lee eee vert foncé avec petits ronds.
DA Rate en ds vert foncé avec rayure horizontale moyenne.
6° — .................. vert foncé avec rayure verticale moyenne.
D tee =-s-sccce . vert foncé avec quadrillage moyen.
RS RE Te vert foncé avec rayure horizontale fine.
EN SP .... vert foncé avec rayure verticale fine.
ÉD —- e-ree-seres TER vert foncé avec quadrillage fin.
IL peut être utile de montrer d’une façon nette les régions insuffisamment boisées et
les régions qui le sont abondamment.
Pour répondre à ce but, on teinterait en rose sur une carte spéciale les départements
ayant moins moins de 10 p. 100 de bois et en vert ceux possédant plus de 20 p. 100
de bois.
Les régions insuffisamment boisées forment trois groupes :
Le groupe du Nord, avec 3 départements (un quatrième isolé [la Seine] peut y être
rattaché);
Le groupe de l'Ouest, bien homogène, malgré ses 11 départements; :
Le groupe du Centre sud, à départements isolés (5).
Les régions abondamment boisées forment deux groupes :
Le groupe de l'Est, avec 23 départements (un vingt-quatrième, isolé [le Loir-et-
Cher] peut y être rattaché):
Le groupe du Sud-Ouest, avec 7 départements dont un isolé (Ariège):
La Corse , complètement isolée, rentre dans ces régions.
—#>( 651 es
L'utilité de semblables recherches et de semblables cartes étant, eroyons-nous,
“maintenant admises, nous terminerons ce travail en attirant l'attention sur l'intérêt
que présenterait la confection de 3 cartes d'Europe :
1° carte. — Délimitation dans chaque pays des régions correspondant aux diverses
classes.
2° carte. — Tracé dans chaque pays des régions ayant moins de 10 p. 100 de bois et
des régions en ayant plus de 20 p. 100.
3° carte. — Carte des densités forestières moyennes de chaque pays.
SÉANCE GÉNÉRALE DU JEUDI 7 JUIN 1900.
PRÉSIDENCE DE M. LUCIEN DAUBRÉE.
La séance est ouverte à deux heures.
M. CHaRLEMAGNE, secrétaire général, donne lecture du procès-ver-
bal de la précédente séance générale; le procès-verbal est adopté.
M. ce Présipexr communique à l’Assemblée les lettres d’excuses
de MM. Méline et Viger.
M. Le Présinenr. Je vais mettre aux voix successivement les vœux
et conclusions adoptés par les différentes sections; mais je dois
tout d’abord déclarer que, dans ce Congrès international, peuvent
seuls être mis aux voix les vœux ayant un caractère international.
Je donne la parole aux Présidents des sections pour communi-
quer à l’Assemblée les résolutions adoptées par leurs sections res-
pectives.
M. Ferer, président de la premnère section, donne lecture des vœux
et conclusions adoptés par sa section :
1"e (uesrion : Traitement des foréts de sapin; transformation en sapt-
mères des taillis à faible rendement situés en régions montagneuses.
Coxezusioxs pe M. Mer :
« Les sapins en sous-étage qui présenteront une vigueur sufhisante
Lem( 658 Ve
seront conservés; les autres, de même que ceux qui en assez grand
nombre seront brisés ou mutilés, devront être remplacés par des
. DV ONNT x
plantations d’épicéas. »
Ces conclusions sont adoptées.
Coxczusions DE M. Hurrez :
« La question de la meilleure méthode de traitement à appliquer
aux sapinières est encore obscure; ni le jardinage , tel que Font
défini Lorentz et Parade, ni la futaie pleine n’ont entièrement
répondu aux espérances. La méthode de M. Mélard, actuellement
suivie dans les forêts soumises au régime forestier, présente le
grand avantage de permettre de conserver les richesses existantes
sans rien préjuger sur l'état idéal vers lequel il conviendra de s'a-
cheminer. »
M. Le Présipexr. Pour conserver au vœu son caractère interna-
tional, il conviendrait de supprimer les mots : «dans les forêts
actuellement soumises au régime forestier», qui visent les forêts
françaises d’une façon trop directe.
Les conclusions de M. Huffel sont adoptées avec la suppression
proposée par M. le Président.
Les conclusions de MM. Runacher, Bouvet. Jobez sont ensuite
mises aux voix. M. le Président propose de les modifier de la façon
suivante :
«L'Assemblée émet le vœu : que de nouvelles stations de re-
cherches forestières soient créées, qu'elles entrent en relations les
unes avec les autres, qu’elles publient les comptes rendus de leurs
travaux. »
M. Josez. Cette question a été soulevée à l’occasion du traite-
ment des forêts de sapin; il serait peut-être utile d'indiquer que les
communications devront surtout porter sur ce point.
—#2%( 655 ):—
M. Le Présipexr. Plus le vœu sera général, plus il sera agréable
aux sylviculteurs.
M. Bouver. Une mention spéciale pour le sapin serait bonne,
parce que le traitement du sapin est l’objet de grandes con-
troverses.
L'addition proposée par M. Bouvet est repoussée et les conclu-
sions, formulées par M. le Président, sont adoptées. |
2° Quesriox : Conséquences physiologiques et culturales des éclaircies.
Les conclusions de M. Boppe et les conclusions de M. Mer,
adoptées par la section (premier et deuxième paragraphes), sont
adoptées.
3° Question : Utilité de la culiure du sol dans les coupes à régénérer.
Les conclusions de M. Charlemagne sont adoptées.
Le Question : Traitement des taillis-sous-futae, en vue d'augmenter
les produits du bois d'œuvre.
Les conclusions de M. Huffel sont adoptées.
D° Quesrion : Déficit ou excédent de la production foreshère dans les
diverses révions du globe.
M. ce Présinent. La première section a adopté sur cette question
les conclusions suivantes de M. Fetet :
# L'Assemblée émet le vœu qu'une entente internationale inter-
vienne pour protéger les forêts contre la destruction et assurer
ainsi l'approvisionnement de l'industrie en bois d'œuvre.»
Je propose l'addition suivante : -et pour publier des statistiques
résumées faisant connaître la richesse forestière et la consommation
de bois de chaque pays.*
—#2( 696 )<3-—
Les conclusions de M. Fetet et l'addition proposée par M. le Pré-
sident sont adoptées.
Sur la question n° 6, M. Guyot retire le vœu, adopté sur sa
demande par la section, comme n'ayant pas un caractère interna-
tional.
7° Quesriox : Examen général, au point de vue du peuplement fores-
her, des essences exotiques.
Les conclusions de M. Pardé sont adoptées.
M. ce Présipent. La première section a encore adopté un vœu
de M. Sarcé, qu'il ne me paraît pas possible de mettre aux voix,
parce qu'il n'a pas un caractère international.
M. ve cowre Visarr. [Il est souvent impossible en France de se
procurer des produits venant des pépinières de l'étranger, à cause
de l'élévation des tarifs.
Je demande que le vœu de M. Sarcé soit modifié de la façon
suivante :
« Qu'en ce qui concerne les expéditions de plants et arbustes
forestiers, les tarifs des chemins de fer et les délais d'expédition
soient réduits, que les jours de transbordement soient supprimés,
de façon à rendre possibles les échanges internationaux. »
Ces conclusions sont adoptées.
M. Carnor, secrétaire de la deuxième section, donne lecture des
vœux et conclusions adoptés par la section.
1 (Juesrion Er 2° Quesrion jointes : Météorologie forestière. —
Influence des forêts sur les eaux souterraines dans les régions de plaines.
Projet de vœu adopté comme suite aux rapports de MM. Jolyet,
Henry et Servier.
«Le Congrès international de sylviculture émet le vœu qu'il
EE
| —#3( 697 )e3—
serait désirable que l'action des forêts sur Iles sources et sur les
chutes de grèles fût étudiée dans des stations forestières, non seu-
lement en France mais encore à l'étranger, de facon que la
question puisse être reprise dans le prochain Congrès international
et que, par suile, ces stations forestières météorologiques, trop
peu nombreuses, surtout en France, soient multipliées. »
M. Le PrésipexT fait observer qu'il serait préférable de suppri-
mer les mots : en France et à l'étranger. (Assentiment.)
Le projet de vœu ainsi modifié est adopté.
3° Quesriox : Restauration des montagnes et correction des torrents.
1° Projet de vœu adopté comme suite à la communication de
M. Kuss :
«Le Conorès de sylviculture émet le vœu qu'il soit fait un rap-
port, au prochain Congrès, sur la recherche du meilleur procédé
pratique capable de maintenir dans le fond des ravins le produit de
la désagrégation des schistes liasiques, connus sous le nom de
terres noires, ct en général de toutes les roches se délitant rapide-
ment en fine poussière, »
Ce projet de vœu est adopté.
2° Conclusions présentées par M. Kuss sur la même question :
« Le Congrès international de sylviculture émet le vœu : qu'il
serait désirable de donner le plus d'extension possible à l'emploi
des pros blocs dans les barrages, notamment en insérant dans les
devis une clause interdisant aux entrepreneurs de débiter les blocs
de moins de 5 mètres cubes et même d’un volume supérieur, si les
circonstances locales le permettent.»
M. ze Présinexr fait observer que ces conclusions ne présentent
pas un caractère assez général; il en propose le retrait. (Assen-
timent.)
Ces conclusions sont retirées,
SYLVICULTURE. la
--#2( 658 63.
3° Conclusions présentées par M. Kuss sur la même question :
« Qu'il soit étudié si, dans les barrages en maçonneries mixtes,
il ne serait pas préférable que la maçonnerie en pierres sèches fût
placée à l'aval du barrage et non plus en amont.»
M. Kuss dit que ce sont de simples conclusions et non pas un
projet de vœu; ilen demande le retrait, en tant que projet de vœu.
(Approbation. )
Les conclusions sont retirées.
l° Projet de vœu adopté comme suite au rapport de M, Lucien .
Fabre sur «les landes et futaies plantées des plateaux des Hautes-
Pyrénées » (3° question).
«Le Congrès international de sylviculture émet le vœu quil
serait désirable d'étendre les travaux de reboisement dans les ter-
rains ou landes, alors même qu'il n'y aurait pas «danger né et
actuel », où la régularisation des cours d’eau est devenue nécessaire
au point de vue général ».
M. ze Présinexr. Le Congrès International ne peut adopter un
vœu dans ces termes.
Les mots «danger né et actuel» sont les termes mêmes de la
législation française de 1882. Gela donnerait au vœu un caractère
essentiellement local.
M. Lucien Fagre. Je ne m'oppose pas à la suppression de ces
mots, d'autant moins que les landes consuituent assurément un
danger actuel puisqu'il est de tous les instants,
Le projet de vœu ainsi modifié (suppression des mots : alors
même qu'il n’y aurait pas danger né et actuel) est adopté.
4° Quesrio : Travaux de protection contre les avalanches et mesures
défensives contre les dévâts causés aux propriétés inférieures par les eaux
provenant dhrectement des glaciers.
TNT LE 'RL 1
=4m( 659 )es—
Projets de vœux adoptés comme suite au rapport de M. Mougin.
1° «Soumeltre au contrôle de l'État les bois particuliers en
montagne, les prés-bois, les pâturages boisés, en vue de prévenir
la formation des avalanches. »
M. Carvor. M. Paul Vibert a fait, dans la deuxième section,
une communication très intéressante relativement aux avalanches
dans les Pyrénées. La deuxième section n’a pas cru devoir présen-
ter le projet de vœu de M. Vibert, qui n'est qu'un cas particulier
du projet de vœu de M. Mougin, mais en a décidé l'insertion,
comme conclusions, dans les procès-verbaux d: la Section.
Le premier projet de vœu de M. Moupgin est adopté.
2° «Organiser dans chaque pays un service d'observation des
glaciers, dans le but de prévenir le retour de catastrophes et de
renseioner les services intéressés sur les mouvements et la forma-
tion des glaciers. »
Ce deuxième projet est adopté.
o° Quesriox : Améliorations pastorales; frurtières ; réplementation des
pâlurapes.
Projet de vœu adopté comme suite au rapport de M. Cardot.
«Le Congrès international de sylviculture émet le vœu que,
dans chacune des nations représentées, une législation pastorale
soit étudiée, ou, si elle existe déjà, que, par une application aussi
étendue qu'il sera possible, on en obtienne l'effet maximum ;
«Puis que lon étudie les moyens de la compléter ou de la per-
fectionner :
«Que, d'autre part, toutes mesures administratives et finan-
cières soient prises pour assurer la reconstitution, la mise en valeur
et la fructueuse exploitation de toutes les terres publiques appar-
tenant à des collectivités : États, provinces, tribus, réunion de
communes, communes, sections de communes, établissements
publics ;
ha,
--.#2( 660 )e3-—
«Que, enfin, en raison de limportance de ces deux questions,
il soit fait un rapport, dans le prochain Congrès international, des
dispositions législatives adoptées et des mesures prises par les diffé-
rents États.
Ce projet de vœu est adopté.
6° Quesriox. Défenses contre les érosions de l'Océan ; votes de vidange
dans les foréts des dunes.
Projet de vœu adopté comme suite au rapport de M. Violette :
«1 Partie. Un nivellement de haute précision sera ellectué Île
plus tôt possible, sur la rive gasconne, puis renouvelé à intervalles
réguliers, pour déterminer l'importance de l'affaissement ou du
soulèvement de cette partie de la côte. Le niveau moyen de l'Océan,
fourni par des maréographes, constituera plan de comparaison.
«2° Partie. Le profil de sections littorales transversales, toutes
rattachées au nivellement en long, sera levé à différentes reprises,
à échéances régulièrement espacées , aux fins de rechercher la ré-
sultante de l’action propre des eaux sur les rivages sablonneux. »
M. Viozevre. Ce projet de vœu qui semble présenter un carac-
tère particulier dans la forme est réellement général dans le fond;
il renferme en effet, les conclusions d’une étude très générale. Je
demande donc de modifier la première partie ainsi :
« 1" Partie. En vue de déterminer les bases d’une méthode ration-
nelle d'entretien des dunes littorales menacées par les eaux, des
nivellements de haute précision seront effectués le plus {ôt possible,
puis renouvelés à intervalles réguliers, pour reconnaitre limpor-
tance de l'affaissement ou du soulèvement des côtes. Le niveau
moyen de l'Océan fourni par des maréographes, constituera plan de
comparaison. » (Assentiment.)
Le vœu ainsi modifié est adopté.
—#>( 661 )e3——
8° Quesriox. Défense contre les incendies.
Projet de vœu adopté comme suite au rapport de M. Delas-
sasseigne :
+ Le Congrès international de sylviculture émet le vœu que les
pouvoirs publics des différents Etats prennent, sans plus tarder,
en ce qui les concerne, les mesures nécessaires pour mettre fin,
dans la mesure du possible, aux incendies qui détruisent les ri-
chesses forestières, »
Le projet de vœu est adopté,
M. Carvor. En dehors des questions inscrites au programme,
plusieurs vœux ont été adoptés par la deuxième section; ce sont
les suivants :
1° Projet de vœu présenté par M. Crahay, délégué de la
Belgique :
« Le Congrès international de sylviculture émet le vœu :
«1° Que les agents forestiers se mettent en relation constante
avec le public, de façon à l'éclairer, à lui faire comprendre Futi-
lité et importance des forêts et du reboisement des terres incultes ;
«2° De faire donner, par ces mêmes agents, des conférences ou
causeries familières, destinées à atteindre le mème but, et des
consultations de nature à éclairer les particuliers et les adminis-
trateurs de biens collectifs sur la manière la plus rationnelle
de traiter les forêts ou de boiser les terres improductives, ou de
faire des plantations isolées ou par bordures dans les territoires
agricoles. =
M. ze Présinenr. Je suis d'autant moins opposé à la présentation
de ce vœu que j'ai pu me rendre compte par moi-même de la façon
remarquable dont la théorie préconisée ainsi par M. Grahay était
mise en pratique en Belgique. (Approbation. )
Le projet de vœu est adopté.
—so( 662 es
9% Projet de vœu présenté par M. Deloncle sur la proposition de
M. Puis y Valls, délégué de l'Espagne.
« Le Congrès international de sylviculture émet le vœu :
« Qu'il soit créé dans chaque État, le deuxième dimanche d’oc-
tobre, une Fête de lArbre, analogue à celle qui existe aux États-
Unis, et qui sera consacrée par les élèves des écoles à planter des
arbres. »
Plusieurs membres du Congrès. West difficile d'imposer la même
date à tous les Etats.
M. Samios. Je demande que le Congrès ne spécialise pee ainsi
la question.
Le but vers lequel nous tendons tous, c'est l'étude du meilleur
mode d'éducation de la jeunesse.
H se peut, par exemple, que, en Grèce, la Fête de Arbre ne
produise aucun résultat, alors qu'un autre genre d'enseignement
pratique serait propre à développer chez les enfants amour de la
nature. (Vive approbation.)
M. ze Présinenr. Le Congrès aura à statuer dans un instant
sur un autre vœu relatif à l'enseignement sylvicole.
M. Samos. J'insiste néanmoins sur ce fait qu'il n'est pas désirable
de voir la Fête de lArbre imposée aux États chez lesquels ce moyen
ne serait pas le plus pratique.
Je demande que le vœu soit ainsi modifié :
« Que les États cherchent, par tous les moyens possibles, à popu-
lariser et vulgariser la science forestière.» (Approbation)
M. Pure x Vazs. Je tiens à conserver la proposition primitive.
J'ai eu l'honneur de fonder, à Barcelone, une «Société des Amis
des arbres» au sein de laquelle la Fête de arbre est mise en pratique.
Nous avons obtenu de grands résultats; la # Société des Amis des
DAT
ie per
Lie cf or n°
—##( 663 }se3—
arbres» s'est déjà répandue jusque dans les montagnes et les pro-
vinces basques.
C'est ainsi que nous avons eu deux Fêtes de l'arbre à Barcelone
et une à Puycerda. [ se produit done un grand courant d'opinion
en faveur de cette méthode, et je suis persuadé que si l'enfant
commence ainsi à comprendre l'utilité des repeuplements, nous
arriverons à des résultats excellents, sans qu'il soit utile de faire
intervenir des lois et des règlements.
Je demande done le maintien de la Fête de l'arbre et j'ajoute
que je désire voir supprimer la date fixe du deuxième dimanche
d'octobre. (Applaudissements.)
M. ze Présinexr. La cause vient d'être si bien plaidée qu'elle est
assurément gagnée auprès de tous les membres du Congrès. (Ap-
probation. )
M. Samos. Je demande au Congrès de vouloir bien, dans ce
cas, ajouter ma proposition à la formule primitive du vœu.
Bien que le deuxième vœu de M. Deloncle, dont a parlé M. le
Président, me donne satisfaction sur un point, je tiens à bien pré-
ciser ma pensée, c'est-à-dire que, selon moi, on ne peut définir
d'une manière absolue un mode d'enseignement sylvicole pour la
jeunesse. Ce mode d'enseignement peut et doit forcément différer
dans chaque pays selon le caractère ou les mœurs.
En Grèce, les forestiers sont un peu considérés comme les mé-
decins au moyen-âge; ils passent pour des sorciers. (Jüres.)
Nous sommes donc obligés d'aller progressivement dans la vul-
garisation de la science forestière, et c’est en cela que je ne puis
approuver la Fête de l'arbre. (Applaudissements.)
M. 1x Présinenr. Dans ces conditions, le vœu pourrait être ainsi
formulé :
« Qu'il soit créé, dans chaque Etat, une Fête de l'arbre analogue
Let TPE
à celle qui existe aux Etats-Unis, et qui sera consacrée par les
élèves des écoles à planter des arbres ; ou que les Etats cherchent,
par tous les moyens possibles, à populariser et vulgariser la science
forestière.» ( Assentiment.
M. Samios. Des statistiques forestières pourraient utilement être
faites dans chaque État et communiquées aux autres États, leur
permettant ainsi de se rendre compte des progrès accomplis en
Europe.
M. ce Présinexr. C'est une question à régler par une entente
internationale ; en ce sens, il y a un autre vœu de M. Deloncle qui
vous donne implicitement satisfaction.
Le projet de vœu, modifié dans les termes ci-dessus, est adopté.
3° Projet de vœu, présenté par M. Decoxcze, relativement à
l'enseignement sylvicole :
« Le Congrès international de sylviculture émet le vœu :
+ Qu'un enseignement sylvicole soit introduit dans les écoles
normales et primaires de tous les pays; que, par une campagne de
conférences et d'affiches publiques, les États, provinces et com-
munes combattent sans répit les préjugés populaires contre la res-
tauration des terrains en montagne et la correction des torrents ;
que des primes nationales et mème internationales soient attri-
buées annuellement aux particuliers qui auront le plus activement
collaboré à l'œuvre de la restauration des terrains en montagne. *
Le projet de vœu est adopté.
L° Projet de vœu présenté par M. Decoxcze :
+ Que les États étudient la formation d’une entente internatio-
nale pour la protection des forêts existantes, la restauration des
terrains en montagne et la défense contre les glaciers, les ava-
lanches, les torrents el les incendies; qu'un bureau international
—.#3( 665 ).e3-—
soit créé pour centraliser les enquêtes à ouvrir sur la question
sylvicole et les législations forestières des divers États, réunir tous
documents utiles, et préparer une législation internationale qui
permette aux nations d’unir leur aclion et, au besoin même, leurs
ressources en vue de leurs intérêts communs, »
Le projet de vœu est adopté.
5° Projet de vœu présenté par M. Decoxcze :
« Le Congrès international de sylviculture émet le vœu :
« Qu'un Congrès international de sylviculture ait lieu chaque
année dans lune des capitales de l'Europe et que le prochain
Congrès ait lieu à Berne.»
M. ze Préswenr. Cette question viendra à la fin de l'ordre du
jour; j'aurai moi-même une proposition à soumettre au Congrès.
M. Cnarrewrier donne lecture des vœux et conclusions adoptés
par la 3° section. |
Question n° 4 : Sols forestiers, cartes botanico-forestières.
1° Vœu de M. van Schermbeck. (Adopté).
2° Vœu de M. Guffroy | fumure des pépinières |. (Adopté).
3° Vœu de MM. Léveillé et Guflroy (cartes botanico -fores-
tières).
Ux meusre. C'est un vœu platonique; presque toutes les Admi-
nistrations forestières possèdent ces cartes.
M. 1e Présmenr. Îl y a beaucoup de nations où ces cartes n’exis-
tent pas.
Le vœu est adopté.
h° Vœu de M. Guffroy.
« Qu'il soit dressé une carte orographique indiquant la densité
—#2( 666 3
forestière des diverses régions et la répartition des orages à grêle
afin d’en déduire l'influence des forèts sur ce phénomène. »
M. Bexaroau. Ge vœu fait double emploi avec un autre vœu
de MM. Jolyet et Henry, émis par la 2° section, et déjà adopté par
l'assemblée générale.
M. ve Présinexr. On pourrait fondre ces deux vœux; je propose
le texte suivant :
« Qu'il serait désirable que l'action des forêts sur les sources et
sur les chutes de grêle fût étudiée dans des stations forestières, et
qu'il fût dressé des cartes orographiques indiquant la densité fo-
restière, de façon que la question puisse être reprise dans le pro-
chain Congrès international, et que, par suite, le nombre de ces
stations forestières météorologiques, trop rares, surtout en France,
soit multiplié. »
Ce vœu est adopté,
5° Vœu de M. Tnézar». (Adopté).
Question n° 5 :
Vœu de M. Demorlaine : Amélioration des transports forestiers.
Ge vœu est adopté, moins les mots : dans la région des Landes.
Vœu de M. Pacs :
L'assemblée émet le vœu +que le méthylène soit maintenu
comme dénaturant officiel ».
M. ue Présienr. Ge vœu ne me paraît pas devoir être mis aux
voix, parce qu'il n'a pas un caractère international.
M. Pacès. Un tel vœu me semble pouvoir être émis par le
Congrès.
Les taillis perdent de jour en jour de leur valeur parce que les
_se( 667 jees—
movens d'utilisation de leurs produits diminuent : ils fournissent
l'alcool de bois, qui est employé dans tous les pays. En maintenant
le méthylène comme dénaturant officiel de l'alcool éthylique, les
Gouvernements favoriseraient l’utilisation des produits des taillis
et, par conséquent, leur conservation.
Il a été aussi question, dans la 5° section, d'un instrument pré-
cieux pour la conservation des pins maritimes qui produisent les-
sence de térébenthine. Je propose à l'assemblée d'émettre un vœu
pour ladoption de cet instrument qui a été mventé par un garde
général de France. Ce vœu à un caractère international,
M. Demorrae. Je demande aussi qu'on fixe dans tous Îles pays
les dimensions des pins maritimes à gemmer et à exploiter et qu'on
impose aux particuliers l'obligation de respecter ces dimensions.
M. Viousrre. est impossible de soumettre les particuliers à
une telle obligation ; on ne peut qu'essayer de les persuader qu'ils
gèrent mal leurs forêts de pins maritimes, et qu'ils auraient intérêt
à observer la règle proposée.
Les vœux de MM. Pagès et Demorlaine ne sont pas adoptés.
M. ze Présinenr. Nous avons terminé l'examen des vœux adoptés
dans chaque section; il nous reste à examiner la question de la
permanence du Congrès de sylviculture.
Deux solutions se présentent :
L'une nous laisse notre complète indépendance en reformant des
Congrès de sylviculture successifs, dans les mêmes conditions que
celte année.
L'autre consiste à nous fondre avec le Congrès d'agriculture où
nous formerions une section à part.
Cette méthode, qui assurément nous fait perdre notre indé-
pendance, présente cependant de sérieux avantages, tant au point
de vue pécuniaire qu'au point de vue des facilités matérielles.
—#2( 668 )e3—
J'ai été heureux de constater l'empressement avec lequel les fo-
restiers et les sylviculteurs avaient répondu à cet appel, mais nous
ne pouvons nous dissimuler que l'attrait de l'Exposition est bien pour
quelque chose dans cet empressement. Nous avons donc à redouter
bien des absences dans les prochains Congrès de sylviculture indé-
pendants; d'autant plus que les Compagnies de chemins de fer,
pressenties en vue d'accorder la faculté du parcours à demi-tarif
aux membres du Congrès, ont été effrayées du nombre des Congrès
actuels et n’ont voulu consentir cette faveur qu'à l'égard des Congrès
déjà anciens.
Ux ueuere DE L'Assemezée. Les Compagnies étrangères sont plus
généreuses; elles accordent le permis entier.
M. Le Présinexr. Dans ces conditions, la fusion avec le Congrès
d'agriculture , existant depuis plusieurs années, nous offre un réel
avantage.
J'ajoute qu'il sera matériellement plus facile au Congrès d’agri-
culture qu'à nous-mêmes d'organiser la permanence.
Je n'ai d'ailleurs pas besoin de faire ici l'éloge de l'homme
éminent qui préside le Congrès d'agriculture, et je puis vous assurer
qu'il nous accueillera avec grand plaisir.
Vous savez également que déjà M. Méline a réussi plusieurs fois
à instituer dans les Congrès d'agriculture une section de sylvicul-
ture, notamment à Buda-Pest.
Je vais donc vous soumettre tout d’abord la question de la per-
manence.
La permanence du Congrès de sylviculture est adoptée à l'unani-
mité.
M. 1e Présibexr. Quant à la question d’annualité ou de périodi-
cité du Congrès, elle sera naturellement résolue par le vote qui
proclamera la fusion ou l'indépendance.
tx 669 Ve
Le Congrès d'agriculture se réunit tous les deux ans, successive-
ment dans chaque pays; si vous adoptez la fusion, vous adopterez
en mème temps la périodicité du C-agrès d'agriculture dans lequel
nous formerions une section.
Je tiens, à ce sujet, à vous rappeler à nouveau que déjà, à plu-
sieurs reprises, le Congrès d'agriculture a formé une section de
sylviculture.
M. Lerépure. Ne serait-il pas préférable de voter en premier
lieu sur la périodicité : tous les ans, tous les deux ans, ou même
plus? Cette dernière conception aurait l'avantage d'assurer la so-
lution d'un plus grand nombre de questions, les recherches en
matières forestières étant fort longues.
M. ce Présinexr. Le vote de la fusion entraîne naturellement la
périodicité de deux ans. L'indépendance ou la fusion constitue
donc une question préjudicielle.
M. Guxor. La section de sylviculture aurait-elle, en quelque
sorte, un bureau permanent, spécial?
M. 1 Présinexr. Il existe, pour le Congrès d'agriculture, un bu-
reau central permanent qui deviendrait notre bureau central.
M. Minivié. De la sorte, nous serions noyés dans lagricul-
ture.
M. Mouenx. Les propositions soumises en assemblée générale,
seraient-elles soumises à l'assemblée générale des agriculteurs dont
les intérêts sont souvent opposés aux nôtres?
M. Pure vx Vars. Je suis partisan de l'indépendance ; sans cela
nous passerons Inapereus, Cela serait contraire au but que nous
—##( 670 ).3-—
poursuivons, qui est de nous faire connaître du publie, surtout au
point de vue des nations où l'on est encore dans une période de
transformation : telle l’Espaone.
pag
M. Le Préswenr. Je vous ferai observer, Messieurs, en réponse
à la demande qui vient d'être formulée, que tous les vœux émis
par la section de sylviculture, chaque fois que le Congrès d'agri-
culture a pu en former une, ont été admis sans discussion par
l'assemblée générale des agriculteurs.
Cette question ne fait aucun doute.
J'ajoute, et j'insiste sur ce point, que la fusion nous assure for-
cément l'existence, tandis que, avec l'indépendance, certainement
plus séduisante, nous risquons de ne pas aboutir
Enfin je puis vous assurer que M. Méline sera le premier à
faire respecter votre indépendance en matière sylvicole.
Après une épreuve douteuse, 1l est procédé au vote au scrutin
sur la question de l'indépendance ou de la fusion.
Le principe de la fusion est adopté à la majorité.
M. ze Présimexr. Le principe de la fusion étant adopté, je de-
mande au Congrès de me donner le mandat nécessaire pour m'en-
tendre avec M. le Président du Congrès d'agriculture, vous assu-
rant encore que votre indépendance sera respectée dans les limites
du possible. (Marques d'assentiment.) (Applaudissements. )
Il me reste, Messieurs, à vous remercier de l’assiduité avec la-
quelle vous avez bien voulu prendre part à nos travaux el à souhai-
ter de nous retrouver aussi nombreux dans le prochain Congrès. Je
remercie tout spécialement nos collègues étrangers du précieux
concours qu'ils nous ont prêté et dont nous garderons le plus
cordial souvenir. (Applaudissements.)
Je rappelle que le prochain Gongrès aura lieu en 1902; le pays
où il se tiendra sera fixé par le Congrès international d’agricul-
—#%( 671 63 —
ture. Nos collègues seront informés directement et en temps
utile de la date de notre prochaine réunion.
J'ajoute que le Congrès d'agriculture ouvre ses séances le 7 juillet
prochain et que, si quelques-uns d'entre vous désiraient y prendre
part, ils seraient les bienvenus auprès des membres du Comité
d'organisation. (Applaudissements. )
La séance est levée à 4 heures et demie.
L'après-midi du vendredi 8 a été consacrée à la visite des expo-
sitions forestières des différents peuples.
BANQUET DU MERCREDI 6 JUIN.
Le mercredi 6 juin, les congressistes se sont réunis dans un dé-
jeuner qui a eu lieu, à l'Exposition, au Cabaret de la Belle-Meunière,
lun des principaux restaurants du Trocadéro. Ce banquet a été
présidé par M. Daubrée, président du Congrès. On comptait parmi
les convives : MM. Gomot, Faye, Develle, anciens ministres de
l'agriculture; Girerd, ancien sous-secrétaire d'État : Dimitz, direc-
teur général des Forèts d'Autriche ; Kiss de Nemesker, sous-secré-
taire d'État au Ministère de l'agriculture de Hongrie; Dubois,
directeur général des Eaux et Forêts de Belgique; Muller, directeur
des Forèts et grand veneur de la Cour de Danemark ; Coaz, inspecteur
fédéral en chef des Forèts de Suisse ; Samios, directeur général des
Forêts de Grèce; Kern, directeur de FInstitut forestier de Saint-
Pétersbourg ; Friederich, directeur de la Station de recherches fo-
restières de Mariabrunn; Wulf, chef du département des Forêts à
Copenhague; de Alten, conseiller forestier à Wiesbaden ; le baron
de Raesfeldt, conseiller supérieur des Forêts de Bavière ; le docteur
0) Le Congrès iuternational d'agriculture a décidé que le prochain Congrès se tiendra en
Italie (voir annexes page 699).
—#3( 672 )e3-—
Weber, professeur à l'Université de Munich ; Rafael Puig y Valls,.
ingénieur en chef des Forêts à Barcelone; de Mazarredo, ingé-
nieur des Forêts à Madrid; Tavy, conseiller en chef des Forêts à
Budapest; de Pottere, garde général des Forêts à Budapest; Shira-
sawa, inspecteur des Forèts à Tokio; Niederlein, ancien inspecteur
national des Forèts du Mexique ; Dah!, inspecteur des Forêts de Nor-
vège; Walmo, oflicier des Forèts de Suède ; Schlich, professeur à
l'École de Coopers-Hill (Angle‘erre); Fisher, professeur adjoint à
l'École de Coopers-Hill; Fankhauser, adjoint à l'inspecteur fédéral
en chef des Forèts de Suisse; Wang, conseiller des Forèts en Au-
triche ; Petraschek, directeur des Forèts de Bosnie-Herzégovine ;
de Sébille, vice-président de la Société forestière de Belgique;
baron de Brandis, officier forestier de Brünsvick ; Cadell, Gamble,
Hearle, Staflord-Howard, M° Moir, S'atter-Karr, baron de Hé-
rissem, Binamé, Crahay, Hoyois, Petraschek fils, Landolt, van
Dissel, van Zuylen, Zeerleder de Fisher, Borel, Tanassesco, Faas,
Yol, etc. |
Étaient également présents : MM. Fétet, administrateur des
Eaux et Forèts; Deloncle, ancien député; Gharpentier, essayeur
des monnaies de France, présidents des sections du Congrès inter-
national de sylviculture; Bert et Mongenot, administrateurs des
Eaux et Forêts; Boppe, ancien directeur de l'École nationale
forestière; Bouquet de la Grye, de Gayflier, Broilliard, George-
Grimblot, Dreyfus, Charlemagne, Lamey, Rivet, anciens Conser-
valeurs des Forêts ; Guyot, directeur de l'École nationale des Eaux et
Forèts; Fiche, professeur à l'École nationale des Eaux et Forèts : Bar-
thélemy, Bénardeau, Billecard, Carrière, Crouvizier, de Gail, Galiand,
Gillet, Larzillière ,Loze, Mersey, Molleveaux, Perrin, Phal, Récopé,
Zurlinden, conservateurs des Eaux et Forêts; le docteur Mitivié,
président de la section de sylviculture de la Société des agriculteurs
de France; Lefébure, vice-président de la section de sylviculture de
la Société des agriculteurs de France; Gacheux, président de la So-
ciété francaise d'hygiène ; le baron de Guerne, secrétaire général
—+8( 673 )e3—
de la Société d’acclimatation; Antoni, Arnould, Becquerel, Bou-
langer, Bruand, de la Bunodière, Cannon, Cardot, Cottignies, De-
breuil, Delassasseigne, Delaygue, Demorlaine, Drevon, Duchauf-
four, Duchemin, Duval, Emery, Fabre (G.), Fabre (L.), Fatou,
Gandar, Gazin, Gibert, Guffroy, Guichet, Henriquet, Henry, Hüffel,
Jacmart, Jacquot, Jeannerat, Jobez, Jullien, Kuss, Lafosse, Lallier,
Launay, Leddet (L.), Leddet (P.), LeDret, Lefebvre, Level, Lop-
pinet, Maire (E.), Majorelle, Marion, Mélard, Mer (E.), Michalon,
Mougin, Muller (C.), Orfila, Pardé, Pécheral, Pequin, Perdrizet,
Picard, Rothéa, Rudolph, Runacher, Schaeffer, Schlumberger,
Siz, Théron, Thézard, Thil, Trutat, de Vilmorin, Violette, etc.
Parmi les membres de la presse qui assistaient au banquet, on
comptait : MM. Sagnier, publiciste, secrétaire général du Congrès
d'agriculture; de Varigny (le Temps), Brusse (Peu Journal), Fla-
mant (Peut Parisien), Basset (le Matin), Barbier (Agence Havas),
Duchène (Agence nationale), de Loverdo, Fabius de Champeville,
publicistes, etc...
Au dessert, M. Dausrée, président du Congrès, a prononcé les
paroles suivantes :
« Honneur à nos hôtes étrangers qui ont bien voulu nous appor-
ter les trésors de leur science et de leur expérience. Merci à leurs
gouvernements qui en ont délégué un si grand nombre pour assis-
ter à nos séances. Je remercie aussi mes fidèles collaborateurs qui
ont préparé avec tant de zèle les travaux de notre Congrès. J'adresse
aussi mes remerciements à la presse qui s’est montrée toujours si
bienveillante à notre égard.
«Au nom de la France, je lève mon verre en l'honneur de nos
hôtes étrangers. »
Plusieurs toasts ont ensuite été portés notamment par MM. Faye,
Samios, Muller, Kiss de Nemesker, Dimitz, de Alten, Fisher, Puig
y Valls, Pétraschek, Boppe, Guyot, Walmo, etc.
SYLVICULTURE. 13
—#2( 6074 es
EXCURSION DANS LA FORÊT DOMANIALE DE FONTAINEBLEAU
LE SAMEDI © JUIN 1000.
Le samedi 9 juin, le Congrès s'est agréablement clôturé par
une excursion dans la forêt de Fontainebleau, important massif
qui, au point de vue de la superficie, occupe le second rang
parmi les forêts domaniales françaises, puisqu'il comprend près de
17,000 hectares et que seule la forêt d'Orléans (34,000 hectares)
l'emporte en étendue. Ajoutons que la forêt de Fontainebleau est
très intéressante à raison de la variété de ses peuplements qui com-
prennent 9 séries de futaie feuillue, 3 séries de futaie résmmeuse,
5.séries de futaie jardinée, 3 séries de taillis sous futaie et 1 série
artistique. Partis de Paris par le train de 9 h. 10, les congressistes,
au nombre de 8°, ont trouvé à la gare de Fontainebleau de
grandes voitures de courses, où tous ont pu prendre place. Ghacun
d'eux a reçu un plan de la forêt, avec une très intéressante notice
due à l'inspecteur local, M. Reuss d), et un itinéraire habilement
tracé leur a permis de parcourir, pendant la matinée, des cantons
très intéressants tant au point de vue forestier qu'au point de vue
pittoresque. À 1 heure a eu lieu, au restaurant des Gorges de Fran-
chard, sous une tente dressée à cet effet, un charmant déjeuner
égayé par de fort belles sonneries de trompes, exécutées par léqui-
page de ladjudicataire de a chasse à courre, M. Lebaudy.
Le déjeuner était présidé par M. Daubrée, ayant à sa droite
M. le comte Visart, président de la Société centrale forestière de
Belgique, et à sa gauche M. Kern, directeur de l'institut forestier
de Saint-Pétersbourg. Y assistaient également MM. Viellard, de
Sainte-Fare, Goaz, baron de Raesfeldt, Bert, Mongenot, Puig y
Valls, de Alten, comte Limbourg, de Sébille, Picard, Niederlin,
Récopé, de Vilmorin, baron de Guerne, Charlemagne, Samios,
Cadell, Weber, Guyot, de Mazarredo, Lamey, Dreyfus, Fisher,
0) Voir cetle notice aux annexes : Notice sommaire sur la forét de Fontainebleau, rédigée à
l’occasion du Congrès internatioual de sylviculture, annexe À.
—##( 675 )e3—
Carrière, Crahay, Petraschek père, Sprengel, Fankauser, Galland,
Jobez, Reuss, Zurlinden, Bénardeau, baron de Brandis, Walmo,
Zeerdeler de Fisher, de Pottere, Perrin, Rudolph, Thézard, Mer-
sey, Shirasawa, Yachnoff, Martschenko, Statter-carr, Loppinet,
Lefebvre, Bruand, Cannon, Moir, Tanassesco, Yol, Van Zuylen,
Hofmann, Granier, Leddet (L.-J.-M.), Maire, baron de Hérissem,
Badoux, Hénissart, Van Dissel, Gazin, Delayoue, Hoyois, Dupla-
quet, Marion, Binamé, Pommeret, Berger, Henriquet, Guilbaud,
Demorlaine, Rothéa, Pétraschek fils, Violette, Cardot, Leddet
(P.-M.), Lafosse, Couttolenc.
À la fin du repas, plusieurs toasts ont été portés.
M. Daverée a pris le premier la parole; il a rappelé que la
forêt de Fontainebleau était non seulement une forêt des plus inté-
ressantes au point de vue sylvicole, mais encore qu'elle avait créé
toute une école de paysagistes et que son histoire était intimement
liée à celle du château de Fontainebleau et à celle de la France. I
ne lui manquait que d'être choisie comme siège du premier Con-
orès international de sylviculture, et cette gloire vient de lui être
donnée. Il a adressé ensuite à M. le conservateur Récopé, dans
l'arrondissement duquel se trouve la forêt, ainsi qu'aux agents
locaux sous ses ordres, MM. Reuss et Pommeret, toutes ses félici-
tations pour avoir organisé la tournée de façon aussi agréable et
fructueuse,
M. Récopé a remercié M. Daubrée de ses bonnes paroles et les
congressistes de leur présence; il a porté un toast en leur honneur.
M. Ken a rappelé que les premières graines de pin sylvestre.
employées à la régénération de la forêt de Fontainebleau avaient
été achetées à Riga; les produits de ces graines se sont acclimatés
dans la forêt et y peuplent aujourd'hui de vastes superficies. C'est
l'emblème des bonnes relations qui existent entre les forestiers
français et les forestiers russes et vont sans cesse en augmentant.
13,
#2 ( 676 }e3—
M. Guyor a constaté qu'à Fontainebleau, comme partout ailleurs,
les forestiers recevaient l'accueil le plus cordial.
M. Fisuer, professeur de sylviculture à l'École forestière anglaise
de Coopers-Hill, ancien élève de l'École forestière française de
Nancy comme un grand nombre de ses confrères anglais, a men-
tionné les liens de camaraderie qui unissent les forestiers des deux
nations et cité les noms des anciens professeurs communs dont le
souvenir est gravé dans leurs cœurs; il a rappelé que, chaque
année depuis dix ans, une des promotions de l'École de Coopers-
Hiil venait, sous sa direction, étudier les magnifiques futaies
feuillues de la Normandie, et qu'il avait toujours trouvé, chez les
forestiers des conservations d’Alencon et de Rouen le concours le
plus utile et le plus aimable.
M. Perrascuex fils a vanté les charmes de la forêt de Fontaine-
bleau et engagé ses auditeurs à venir visiter celles de la Bosnie et
de l'Herzégovine.
M. 0e ALTEN a parlé de l'admirable réception faite aux forestiers
par la «belle France ».
MM. Coaz et Pure y Vazzs ont pris ensuite la parole au nom de
leurs pays.
Enfin, M. Reuss a bu à la santé du Président du Congrès et
proposé de perpétuer le souvenir de cette fête mémorable en don-
nant le nom de «Carrefour du Congrès» à l’un des carrefours de
la forêt; cette proposition a été accueillie avec acclamations par
l'assistance.
Après le déjeuner les congressistes, remontant en voiture, ont
traversé de beaux peuplements de la série arlistique. [ls ont mis
pied à terre auprès des restes du Briarée, le plus gros des chènes
|
|
—#3( 677 3
de la forêt, dont ils ont pu admirer l'énorme tronc. Ils sont ensuite
revenus vers la ville et, constatant qu'ils pouvaient disposer de
quelques instants, ils les ont très agréablement employés à visiter le
château de Fontainebleau; puis, reprenant le train, ils sont rentrés
à Paris à 7 heures.
NOTE
RELATIVE À LA FUSION DU CONGRES INTERNATIONAL DE SYLVICULTURE
AVEC LE CONGRÈS INTERNATIONAL D’AGRICULTURE.
Dans sa séance générale de clôture du 7 juin dernier, le Con-
grès international de sylviculture a émis le vœu que, pour se
perpétuer, il conviendrait de demander sa fusion avec le Congrès
international d'agriculture, dont il deviendrait ainsi une section,
la Section de sylviculture; 11 a ensuite autorisé M. Dausrée, son pré-
sident, à s'entendre à cet effet avec M. le Président du Congrès
international d'agriculture.
Sur l'intervention de M. Daubrée, le Congrès d'agriculture,
dans sa séance du 7 juillet 1900, a donné son adhésion. à la fusion
proposée.
Il a décidé ensuite que le siège du prochain Congrès inter-
national d'agriculture serait fixé en Italie, le choix de la ville où 11
se tiendra étant réservé.
Toutes les personnes qui s'intéressent à la sylviculture recevront
une convocation en temps utile l.
) Voir Annexe B.
—4w( 678 )er—
ANNEXE À.
NOTICE SOMMAIRE
SUR
LA FORET DE FONTAINEBLEAU
RÉDIGÉE À L'OCCASION
DU CONGRÈS INTERNATIONAL DE SYLVICULTURE l.
Vaste et sombre forêt, de qui le haut feuillage
Va chercher le soleil qu'il aime, et qu'il détruit...
Coizeter, 1606.
Nom, origine, situation. —- La forêt de Fontainebleau, connue autre-
fois sous le nom de forêt de Brére, est un reste de l'immense massif qui
s’étendait encore, au temps de la monarchie franque, entre les vallées de
la Seine et de la Loire, et dont les forêts actuelles d'Orléans et de Mon-
targis sont deux autres importants vestiges.
Le nom de Fontainebleau a été donné à la forêt de Bière à partir de
l'époque où ce massif a pu être considéré comme une simple dépendance
du célèbre château qu'avant la Révolution la Cour venait habiter, chaque
automne, en déplacement de chasse.
Après 1789, le domaine dont il s’agit a fait partie de la dotation de la
liste civile des différents souverains qui ont régné sur notre pays.
Depuis 1870, il est devenu une forêt d'Etat sans affectation spéciale.
ILest situé dans le département de Seine-et-Marne (arrondissements de
Fontainebleau et de Melun), presque en entier sur le territoire communal
de Fontainebleau.
(1 H existe une monographie détaillée de la forêt de Fontainebleau due à un de ses anciens
chefs de cantonnement. (Histoire de la forêt de Fontainebleau , par Paul Domet, sous-inspecteur
des forêts, Paris, Hachette et C*, 1873.)
Q
—#2%( 679 3.
Au point de vue de lorganisation du service forestier, il ressortit à la
re Conservation (Paris) et constitue une chefferie dont Fontainebleau est
le siège et qui comprend deux cantonnements.
Contenance. — La surface de la forêt de Bière n’a guère varié depuis
plusieurs siècles et est demeurée sensiblement voisine de 17,000 hectares,
soit deux fois et demie l'étendue de l'enceinte fortifiée de Paris. Elle se
chiffre exactement aujourd'hui par 16,880 hectares; mais dans ce nombre
sont compris 300 hectares de terrain provisoirement soustraits au régime
forestier et affectés, pour la plupart, aux services de la guerre (polygone
d'artillerie de 190 hectares, champs de tir et de manœuvres, ete.). La
surface livrée à la production sylvicole dépasse donc de fort peu 16,500
hectares.
Constitution géologique et orographique. — [a forêt occupe l'extré-
mité Nord-Est du vaste plateau du Gâtinais, que la Seine contourne en
amont de Melun, après avoir reçu les eaux du Loing et de l'Yonne.
Le sous-sol est généralement formé par les sables et près de Fontainebleau,
précisément appelés ainsi du nom de a localité où 1ls sont le plus déve-
loppés, et dont les assises, déposées par la mer oligocène, ont souvent de
30 à 4o mètres de puissance, Îls présentent à la partie supérieure un banc
assez régulier de grès à ciment tantôt siliceux, tantôt calcaire, au-dessous
duquel s'étend une couche de sable quartzeux, micacé.
Les grès et les sables étaient, à l’origine, recouverts sur toute leur éten-
due par des bancs calcaires, dits calcaires supérieurs, ou calcaires lacustres
de la Beauce, et allectant des aspects variés s (marnes sableuses, calcaires,
veines ou rognons de pierre meulière). Mais, à l'époque quater naire, le
ruissellement des eaux a produit des phénomènes d'érosion qui ont eu pour
conséquence d’arracher les lits du calcaire supérieur, dont il ne reste plus
que des lambeaux, et de mettre à nu les vastes bancs de grès. Ceux-ci
même, sur certains points, enlevés à leur tour jusqu aux sables, se sont
éboulés et brisés, et ont recouvert les flancs des ravins creusés par les eaux.
On constate, d'ailleurs, une orientation très remarquable des massifs de
grès et de sable non corrodés; leurs axes longitudinaux sont tous dirigés
de louest à l’est, avec une très légère déviation vers le sud.
Les collines résultant des phénomènes dont il s'agit portent, dans le
pays, le nom générique de monts lorsque leurs sommets sont demeurés
mamelonnés et recouverts du tégument calcaire (Monts de Fays, Mont-
Chauvet, Mont-Ussy, Mont-Morillon, Mont-Merle, Haut-Mont, etc. ).
Quand, au contraire, les grès apparaissent à vif, rongés par les eaux ou
les agents atmosphériques, forment des crêtes étroites, à contours pro-
noncés, on appelle rocher l'arête qu'ils constituent au sommet de chaque
= a(- 680
colline (Rocher-Canon, Rocher-Saint-Germain, Rocher-Cassepot, Rocher
de Milly, Rocher de la Salamandre, Rocher-Bouligny, Rocher-Fourceau,
Long-Rocher, etc. ).
Si, enfin, les bancs de grès sont demeurés plats et horizontaux, dans la
osition où ils ont été agglutinés, ils constituent des platières (Platières
d'Apremont, de la Touche-aux-Mulets, des Béorlots, etc.).
Les parties basses existant entre les monts, les rochers ou les platières,
sont également dénommées d’une façon spéciale, suivant leur largeur, leur
étendue ou leur aspect.
Dans les cas habituels, on a affaire à des vallées (Longues-Vallées,
Vallée de la Solle, Vallée-aux-Cerfs, Vallée-Jauberton, Grande-Vallée,
etc.).
Mais les dépressions deviennent des gorges, lorsqu'elles se resserrent,
se contournent, se compliquent d’anfractuosités dues, sans doute, à l’agi-
tation et au tourbillonnement de la masse liquide qui affouillait les grès et
les sables (gorges d’Apremont, de Franchard).
Telle est la constitution géologique du sol de la forêt sur les deux
tiers de l'étendue de celle-ci, principalement au sud et à l’ouest. Mais,
quand on s’avance vers le nord et l'est, en se rapprochant de la Seine, on
voit affeurer, sous les sables, les calcaires inférieurs ou calcaires lacustres de
la Brie, qui présentent, comme les calcaires supérieurs, des aspects divers
travertin, meulière, marnes) et qui forment les plaines basses de la forêt
Plaine de Samois, Plaine des Ecouettes, Plaine de Saint-Louis, Plaine
Rayonnée, Plaine du Rozoir, etc.).
La forêt repose donc, soit dit en passant, sur une formation marine
comprise entre deux dépôts lacustres.
Plus bas encore, sur le bord de la Seine et dans la partie inférieure de
la vallée où ont été bâtis le château puis le bourg de Fontainebleau,
apparaissent, suivant une bande étroite, les marnes vertes.
Il faut ajouter, pour n'être pas trop incomplet, que sur une grande
partie de la forêt, aussi bien sur les plateaux et les collines que sur les
plaines basses, on rencontre une couche meuble de diluvium composée
de débris arrachés aux divers terrains sous-jacents, et tantôt argileuse,
tantôt sableuse.
Altitude. — On devine, d’après cela, que l'altitude de la forêt est très
variable, tout en présentant, en général, des cotes moins élevées sur le
périmètre oriental et septentrional qu'à l'intérieur du massif et dans la
région Sud-Ouest. Les altitudes extrêmes sont : 4 A mètres auprès de la Seine,
vers Fontaine-le-Port, et 144 mètres dans le voisinage de la Croix-
d’Augas, sur les hauteurs qui dominent la gare de Fontainebleau; elles
offrent donc 100 mètres d'écart en nombre rond.
a ( OEL Jen
La différence de niveau constatée entre les monts ou les rochers, d’une
part, et, d'autre part, les vallées, les gorves ou les plaines immédiatement
sous-jacentes dépasse rarement /o mètres, mais elle suffit pour donner
aux promeneurs l'illusion d’un pays de petites montagnes.
Hydrographie. — Les terrains siliceux et calcaires que nous avons
énumérés sont presque tous très filtrants, et le plus perméable d’entre eux
a en même temps une extrême puissance : aussi n’y a-l-il pas de cours
d’eau dans les dépressions du sol et les sources n'existent qu en petit
nombre sur le pourtour oriental du domaine boisé, aux points où se mon-
trent les calcaires inférieurs. La plus remarquable est la Fontaine-Belle-Eau,
auprès de laquelle Louis VE, le Gros (1108-1137), séduit, dit-on, par la
beauté et la fraîcheur exceptionnelle du site, PAU un rendez-vous de
chasse qui fut l’origine du palais actuel. Quelques autres sources sont
échelonnées sur le flanc de la vallée de la Seine (sources de la Madeleine,
Fontaine-Saint-Aubin) ou se déversent dans l'affluent de cette dernière, le
ru de Changis, après avoir formé les pièces d’eau du parc ou alimenté
la ville et le château.
A l'intérieur de la forêt, on ne trouve de l’eau que dans des mares.
Certaines de ces mares, situées dans les plaines basses du nord et de
l'est, sont dues à la présence sur les calcaires de la Brie d’une couche d’ar-
gile qui s'oppose à linftration des pluies (Mare aux Evées, Mare à
Beauge, Mare d Épisy, | , Mares de By). La mare aux Evées et la mare à
Beauge, sa voisine, occupaient encore au commencement du siècle le
centre d’un vaste canton marécageux qui, sans grand profit peut-être pour
la végétation ligneuse, fut «assaini» sous le règne de Louis-Philippe à
l’aide de tout un système de fossés et de rigoles : la mode était alors à
cette sorte de travaux.
D'autres mares occupent le haut de plätères que l'absence de fissures
verticales a rendues étanches (Mare de Franchard, Mares aux Pigeons,
Mare aux Corbeaux, Mare aux Fées, etc.). Elles sont plus pittoresques que
les premières, la main de l’homme n’ayant pas régularisé leurs contours,
mais leurs dimensions ne dépassent pas, en général, celles de simples
flaques et elles se dessèchent presque complètement en été. Cela n’em-
pêche pas des habitants du pays de se faire délivrer chaque année, à prix
d'argent, l'autorisation d'y pêcher à la ligne.
Sol végétal. — Le sol végétal qui sert d’assiette aux peuplements
forestiers est, d’après ce qui précède, de qualité généralement médiocre.
Même quand la base minéralogique consiste en un mélange de l'élément
calcaire et de l'élément siliceux, elle se compose, le plus souvent, de
particules trop grossières pour avoir le degré d'hygroscopicité désirable.
—-1##( 682 )3-—
C'est seulement sur quelques plateaux recouverts du hmon des terrasses
que la fertilité est vraiment satisfaisante et que les arbres sont vigoureux et
élancés (la Boissière, la Plaine de Bois-le-Roi, le Bas-Bréau , ‘la Tillaie,
le Gros Fouteau, les Ventes Bourbon. les TT à la Re: les Ventes
Emblard, les Forts de Marlotte).
La couverture vivante du sol se prévoit également. La bruyère (Calluna
vuloaris, Salisb.), la fougère (Pteris aquilina, L.), la Canche (4ira, L.)
garnissent de grandes étendues. Les genêts (Sarothamnus vulgaris, Wimmer)
sont plus rares. Parmi les arbustes caractéristiques de la région, il faut
citer le genévrier (Juniperus communis, Lin.), dont les tiges atteignent
jusqu'à 5 mètres de hauteur et o m. 30 de diamètre, et servent à la
fabrication des menus objets de bimbeloterie.
Essences, climat. — Le climat ne nous intéressant que dans la mesure
où il se traduit par la composition des peuplements et leur état de végéta-
tion, nous énumérerons de suite les essences mères de la forêt.
Le chêne rouvre (Quercus sessihflora, Smith.) est de beaucoup la plus
importante à tous les points de vue. Rien qu’en ce qui concerne le nombre
des sujets, on peut admettre que la proportion des chênes de o m. 10 de
diamètre et au-dessus, à 1 m. 30 du sol, atteint 50 p. 100 du nombre
total des tiges de cette grosseur.
La prédominance du chêne sur les autres essences est un peu moins
forte en ce qui touche le volume du matériel ligneux, mais le taux de
50 p.100 est certainement dépassé si l’on considère la valeur de ce ma-
tériel et la valeur des produits réalisés en temps ordinaire, Le chêne rouvre
est, à Fontainebleau, en plein dans son aire et dans une de ses stations
oplima ; 1 fructifie parfois avec abondance et donne de bon bois de sciage,
à accroissements faibles, à grain régulier, dont s’approvisionnent la me-
nuiserie et l’'ébénisterie parisiennes d’une part, la batellerie de la Seine
de l’autre. Ainsi que le prouvent de nombreux spécimens de lespèce, il
peut vivre jusqu’au delà de 500 ans et acquérir plus de 2 mètres de gros-
seur diamétrale.
Le chêne pédonculé (Quercus pedunculata, Ehrh.) se rencontre aussi
dans la forêt, subordonné au rouvre, mais sa présence tient, sans doute, à
l'emploi, pour les repeuplements artificiels, de glands tirés d’autres forêts.
Après le chêne rouvre vient, comme essence spontanée, le hêtre (F agus
syloatica ; Lin.), mais il n'entre guère, jusqu'à présent, que pour 15/100
environ dans la composilion des peuplements. Il parait ne pas trouver
dans le Gâtinais des conditions très favorables à sa croissance : c'est ce
que dénote, d’ailleurs, l'aspect des feuillards et des fouteaux, même lorsque
l'épithète de gros leur est attribuée; ils n’ont pas les fûts droits et ey-
lindriques, l'écorce lisse et argentée, la frondaison luxuriante qu'on leur
—_4n( 683 )r—
connaît dans d’autres régions de la France, par exemple à Villers-Cotte-
rets, à Saint-Gobain, à Mormal. La qualité de leur bois se ressent, au
surplus, de cette sorte de chétivité : les hêtres de Fontainebleau ne sont
Jamais propres à l'œuvre et, fait bien caractéristique, on leur préfère
toujours le chêne pour le chauffage. Néanmoins ils sont précieux, 161
comme partout, en raison de leur couvert épais et de leur accroissement
rapide, et l'objectif des forestiers locaux a été, depuis longtemps, de les
propager le plus possible, notamment sous les massifs de chêne pur,
Les autres essences spontanées qui contribuent d’une facon appréciable
(pour environ 5 p.100) à la formation des peuplements sont le charme
(Carpinus betulus, Lin.) et le bouleau (Betula alba, Lin.). Cette dernière
espèce surtout est utile sur les rochers, où elle s'installe heureusement
d'elle-même après les incendies.
Les peupliers ou grisards (Populus alba, Lin.), les ormes ( Ulmus efusa
Wild.), les érables (Acer campestre, Lin.), les frênes (Fraxinus excelsior, Lin.)
les alisiers ( notamment Sorbus lati ifoha, Pers, spécialement signalé par les
botanistes dans la forêt de Fontainebleau) ne se rencontrent qu'à l’état
très disséminé.
Le châtagnier ( Castanea vulgari is, Lam. } qui avait été introduit jadis
en plusieurs endroits, occasionna à un certain moment des mécomptes et
tomba en discrédit; mais on tend à revenir à lui maintenant, au moins
à titre transitoire, car 1l est apte à regarnir rapidement les parties ro-
cheuses où les are ont détruit les résineux et 1l n’est pas inflam-
mable comme ceux-e1.
“Nous avons enfin à parler d’une essence de Fontainebleau qui se place
immédiatement après le chêne et que nous mentionnons en dernier lieu
parce qu'elle a été introduite artificiellement : nous voulons dire le pin
sylvestre (Pinus sylvestris, Lin.). Sa naturalisation date du règne de Louis XVI:
elle est due au botaniste Lemonnier, premier médecin ordinaire du
roi, qui fit venir de Riga des graines et des plants du nouveau conifèreP).
La futaie qu'il créa, en 1786, sur la pente nord du Petit-Mont-Chauvet,
existe encore partiellement aujourd'hui. La plupart des pineraies actuelles
ont été semées ou plantées sous le Gouvernement de juillet (1830-1848),
ar les soins d’un inspecteur des forêts de la Couronne, M. Achille Mar-
rier de Bois d'Hyver, dont le nom, ainsi que celui de M. le baron de Lar-
) En se reportant à l'Atlas de la Statislique forestière de 1878 (Paris, Imprimerie na-
lionale), on constate que , déjà très subordonné dans le département de Seine-et-Marne, le hêtre
disparait même complètement de certaines parties des départements de Seine-et- Oise et dn
Loiret. Le phénomè ne tient, sans doute, aux grandes chaleurs estivales d’un climat conti-
nental très accusé : : l'altitude real faible du Gâtinais n'arrive pas à corriger cet effet,
comme cela a lieu, par exemple, plus au sud de Paris.
&) Le Jardin des Pins (actuellement Jardin anglais), qui ombrageait déjà le château au temps
de François [“, parait n'avoir renfermé, en fait de pins, que des pins maritimes.
—-#2( 684 )e3-—
minat, son prédécesseur et beau-frère, est demeuré populaire dans Îe
pays: Grâce au zèle et à la persévérance de cet agent distingué, comme
aussi, il faut le dire, aux ressources mises à sa disposition par la Liste
civile, les cinq ou six milliers d'hectares qui occupaient jadis un bon
tiers de la forêt ont cédé la place à des peuplements de rapport qui
valent jusqu'à 12 francs et 13 francs le mètre cube sur pied. Sans doute
des bataillons de pins d'une certaine monotonie ont envahi, au déses-
poir des artistes, les déserts au milieu desquels Saint-Louis se complaisait
déjà et où les rois chasseurs, Capétiens, Valois, Bourbons, accomplis-
saient de préférence leurs exploits cynégétiques, mais il serait diflicile de
nier que l’œuvre colossale dont il s’agit, et qui a été complétée pendant la
seconde moitié de ce siècle, constitue un réel progrès.
Le pin sylvestre est maintenant naturalisé à Fontainebleau, à tel point
qu'il s’installe de lui-même partout où l’état superficiel du sol et le degré
de lumière qui y arrive conviennent au tempérament du jeune plant. On
n'aura donc pas de peine à régénérer les pineraies exploitables, et cela par
le jeu même des coupes, sans recourir à des procédés coûteux. Si on a
craint le contraire, c’est qu'on avait observé des massifs trop serrés et où la
litière d’aiguilles n'était pas encore arrivée au stade voulu de sa décom-
osition.
Par malheur, les peuplements de résineux sont très inflammables et
offrent des proies faciles aux incendies, dont ils sont devenus les foyers
depuis que le développement de la circulation en chemin de fer d’une
part, la mode du tourisme, du cychsme, de l'automobihsme d'autre part,
ont transformé en une sorte de succursale du bois de Boulogne la solitude
où erralent jadis quelques initiés. Le danger du feu s’est surtout accru par
l'emploi que font les fumeurs de «tisons » et d’allumettes-bougies.— Ainsi,
tandis qu'avant 1890 les principaux sinistres signalés dans les enceintes
garnies de conifères dépassent rarement 10 hectares (1 a et 15 hectares en
18/2 ; 19 hectares en 1858; 13 hectares en 1870), ils ont ravagé dans
ces dernières années des étendues beaucoup plus considérables (en 1892,
190 hectares; en 1893, 200 hectares ; en 1897, 350 hectares; en 1899,
190 hectares).
Dans ces conditions, le service forestier ne saurait se borner à com-
battre les incendies, ni même à empêcher l'introduction du feu en forêt :
il doit songer également : à restreindre le plus possible la quote-part de
l'élément résineux dans la constitution des boisements. Le moyen qu'on
applique le plus volontiers, car il paraît répondre à à tous égards aux exi-
gences d’une sylviculture rationnelle, consiste à favoriser, lors des éclair-
aies et des coupes de régénération , la croissance des sujets feuillus venus
après coup dans les pinerales, ou trouvés à l’état préexistant. On peut
espérer réussir de la sorte, sinon à remplacer progressivement les coni-
—+##( 685 ).e3—-
fères par les feuillus, du moins à obtenir un mélange satisfaisant des vé-
gétaux des deux groupes.
Peuplements. — Les peuplements seraient susceptibles d’être étudiés
à une foule de points de vue, mais le cadre de cette notice ne nous permet
pas de les aborder tous. Nous nous contenterons donc de donner un
aperçu de leur composition et de leur origine.
a. Composition. — Nous entendons par là la question de savoir si les
essences mentionnées à l'article précédent sont à l'état pur ou mélangé.
En attendant la réalisation du vœu formulé tout à l'heure pour les pine-
raies, nous constaterons que ces dernières occupent parfois des tènements de
plusieurs centaines d'hectares , où l’on ne découvre, par exemple, des hêtres
qu'en fort petit nombre. Et cependant, il y a une vingtaine d'années, quand
on disposait des crédits nécessaires pour cette sorte d'amélioration, on
a introduit le hêtre artificiellement sous beaucoup de perchis résineux ;
mais les jeunes plants boudent très longtemps et paraissent souffrir de la
dent du gros gibier.
Le chêne est loin de couvrir, à l’état pur et sans solution de conti-
nuité, d'aussi vastes espaces que le pin. Il y a toutefois des chênaies d’une
étendue notable dont quelques-unes voisines de leur exploitabilité (Plaine
de Bois-le-Roïi, Plaine des Ecouettes, Bas-Bréau, Chêne-Feuiilu, Plaine
Ravonnée, Pure du Rozoir). Sous plusieurs d'entre elles on a également
fait des plantations de hêtre, et la tentative a mieux réussi, en général,
que sous les pins; le succès a été particulièrement remarquable au Bas-
Bréau.
. Le mélange intime des chênes avec des hêtres et des charmes de même
àge existe, bien entendu, à Fontainebleau, puisque les trois essences S'
rencontrent simultanément, mais le problème de leur éducation en com-
mun est moins difhicile à lee que là où les auxilaires classiques du
chêne ont plus de vigueur et où les glandées sont plus rares.
b. Origine. — La partie centrale de la forêt, ce qu'on peut appeler
son noyau, à toujours été traitée en futaie à long terme ; mais, depuis une
époque fort ancienne — le xiv° siècle, parait- ion pourtour a été exploité
en taillis. La conversion a eu lieu tout d'abord pour favoriser l'approvi-
sionnement de Paris en bois de chauffage, puis, à ce motif d'ordre éco-
nomique se sont joints, dans la suile, particulièrement au cours de ce
siècle, les exigences des véneries impériales et royales qui demandaient des
tirés» et des remises pour Île petit gibier poil et plume. Enfin, jusqu'à
1870, l'abondance des grands animaux (cerfs el daims), d'une part, des
lapins, de l'autre, a nui à la végétation et à la croissance de nombreux
—#5( 686 )e+-—
peuplements, a nécessité des recépages, des travaux culturaux, souvent
accompagnés d’entreillagements. Les effets de cette faune surabondante se
: : ya Re ;
manifestent, du reste, encore aujourd’hui par l'existence d'arbres bas et
branchus, qui ont survécu aux abroutissements, et que les pins ont fini
par enserrer là où des résineux ont été employés pour regarnir les vides.
On voit donc, en définitive, que la forêt présente une grande diversité
au point de vue de lorigine des sujets, comme de la forme des arbres,
de la configuration des tiges et des houppiers, de la densité des boise-
8 ; PP
ments, etc., et le faces des peuplements se ressent de tout cela.
Fléaux divers. — Les incendies et les dégâts du gibier ne sont point,
d’ailleurs, les seuls fléaux qui contrecarrent les efforts du sylviculteur et de
l’'aménagiste.
D’autres événements calamiteux doivent encore être mentionnés, même
dans une notice aussi sommaire que celle-ci.
En ce qui concerne les troubles atmosphériques, on rencontre fré-
quemment, lors des martelages, des fûts de chêne sillonnés par la foudre
et, chose rare, un gros hêtre a été fracassé par elle en 1898. De même,
des cyclones venant du sud-ouest opèrent de temps à autre des ravages
dans les massifs; 11 y en a eu de très graves en 1671, 1897, 1893.
Tout récemment, dans la nuit du 13 au 14 février 1900, une tempête
formidable, s’acharnant surtout sur les pins, qui lui offraient plus de prise
à cause de leurs feuilles persistantes et de leur enracinement superfi-
ciel, en a renversé environ 12,000. représentant 4,000 mètres cubes
de marchandises. Un certain nombre d’entre eux qu'on n'a encore pu
exploiter, gisent sur le sol en attendant l’accomplissement des formalités
réglementaires.
Les gelées printanières règnent, pour ainsi dire, à l’état endémique
dans certains bas-fonds et sur les bords de la Seine : elles sont d’autant
plus nuisibles, qu’elles se produisent parfois jusqu’à la fin de mai et au
commencement de juin (19 juin en 1893).
Mais les deux phénomènes d'ordre météorologique qui, de mémoire
d'homme, ont le plus malmené l'antique forêt de Bière sont le verglas
du 23 janvier 1879 et le froid de l'hiver 1 879-1880.
À la première de ces dates, les branches et les eimes de milliers de
sujets, particulièrement d’essence pin, se brisèrent sous le poids de l’eau
congelée qui y adhérait : il n’y a done rien d'étonnant à ce que les tempé-
ratures vraiment sibériennes qui survinrent un an plus tard aient achevé
des êtres végétaux déjà fortement éprouvés. Aussi le désastre prit-il le ca-
ractère d’une véritable catastrophe.
Tout d'abord, un conifère qui avait été introduit avec succès dès le
xvi‘ siècle dans les «déserts» voisins du château et qui, après avoir péri
—4##( 687 )es—
dans l'hiver de 1788-1789, avait été l’objet de nouvelles tentatives, le
pin maritime (Pinus pinaster, Solande), fut frappé à à tel point, que l’on dut
exploiter tous les massifs de cette essence : c'est à peine si quelques rares
sujets adultes subsistent encore cà et là sur les rochers, en compagnie de
Jeunes brins provenant de la graine de 1 879; et voilà pourquoi nous men-
tionnons maintenant seulement un arbre qui a joué un rôle assez impor-
tant dans la mise en valeur des vides de la forêt.
Les châtaigmiers furent également anéantis : on les recepa et les souches
de beaucoup d'entre eux n'émirent plus de rejets.
Le froid fut aussi très cruel aux chênes pédonculés qu'on avait eu le
tort d’adjoindre aux rouvres autochtones lors des travaux de repeuplement.
Les chènates de rouvre elles-mêmes, qui représentent en quelque sorte
l’ossature de la forêt. furent sérieusement atteintes, et le forestier. en les
parcourant, reconnaît encore aujourd'hui à la gelivure de telle tige ou au
couronnement de telle cime les effets sinistres de deux fléaux accumulés.
Les pins sylvestres, en gens du Nord, ont résisté aux froids du second
hiver, mais nous avons vu que le verglas du premier ne les avait pas épar-
,
gnés.
Quant aux hêtres, s'ils ont également traversé sans trop de mal la pé-
riode des grands froids, ils sont devenus dans la suite très sensibles aux
coups de soleil.
Bref, aucune espèce ligneuse, sauf le bouleau peut-être, n’est sortie
absolument indemne de la double épreuve que nous venons de remé-
morer.
Aussi la secousse recue par l'organisme végétal occasionna-t-elle un sé-
rieux trouble économique. L'application de laménagement en vigueur
fut tout à fait suspendue, et l’on exploita de 1880 à 1882 plus de
300,000 mètres cubes de bois gelés ou brisés par le verglas et dont la
réalisation forcée appauvrit sensiblement le capital ligneux du domaine.
Une sorte de monument funéraire placé au milieu d’un carrefour (croix
de Franchard) perpétue, même parmi les promeneurs les moins initiés
aux choses forestières, le souvenir de cette triste époque.
En admettant que les marchandises ainsi jetées brusquement et préma-
turément sur le marché n'aient perdu que moitié de leur valeur normale,
les ventes exceptionnelles dont il s’agit font déjà ressortir pour l'Etat une
perte d'environ 2 millions de francs. Mais le dommage causé ne se
réduit pas à ce chiffre, car, depuis 1880 et maintenant encore, les pro-
duits des coupes annuelles comprennent une quantité notable de bois ava-
riés dont les tares peuvent être attribuées aux mêmes phénomènes, et dont
la moins-value s'élève bien, en moyenne, à 50,000 francs par exercice.
La perte primitive serait donc actuellement doublée, et la comptabilité qui
s’y rapporte n’est pas close.
ref 668 de
Il ya lieu dès lors de se féliciter qu'à côté d'agents météoriques si fu-
nestes, d’autres ennemis de la propriété boisée se soient montrés plus
bénins qu'on n'était en droit de s'y attendre. Il y avait à craindre, en
effet, qu'une étendue de 5 à 6,000 hectares peuplée de pin sylvestre pur
ne formât un milieu très favorable aux invasions d'insectes. Mais, jusqu’à
présent du moins (Du, avertite omen!), ce danger a été écarté. Des bos-
triches et des hylésines sont bien installés en permanence dans les pine-
raies, mais 1ls ne semblent y avoir jamais causé grand mal. Les vers blancs
et les hannetons occasionnent périodiquement des dégâts aussi considé-
rables dans les chênaies.
Par contre, les forestiers qui auraient des connaissances suflisantes en
m; cologie seraient à même, à Fontainebleau, de les mettre à profit pour
étudier et combattre la maladie du rond dont sont atteints divers massifs
de pin sylvestre.
On pouvait enfin, autrefois, ranger dans la catégorie des fléaux divers
de la forêt les exploitations de grès opérées en vue de la confection des
pavés : c'est, du reste, la qualification qu'emploic M. Domet, dans son his-
toire, publiée en Hd En eflet, à cette époque-là encore, des ouvriers
carriers, au nombre de plusieurs centaines, occupaient, pour ainsi dire
en maitres, les sites les plus pittoresques, débitant les roches déjà décou-
vertes, exhumant les autres, arrachant ou mutilant les arbres, ravinant les
chemins, tout cela parce que les matériaux qu'ils extrayaient étaient indis-
pensables à l'entretien des rues de Paris et des grandes routes condui-
sant à la capitale. La population dont il s’agit, particulièrement génante
aux époques troublées (elle faillit faire un mauvais parti au personnel
forestier en 1830), s'est réduite peu à peu, au fur et à mesure que le
macadam a remplacé le pavage en pierres et que le pavage en bois s’est
développé à son tour. Le cyclisme, en exigeant le convertissement des der-
nières chaussées pavées qui subsistaient en rase campagne, a porté le
dernier coup à l'industrie des tailleurs de grès et, aujourd’hui, il y a tout
au plus une douzaine d’entre eux qui occupent les vastes ateliers où se
côtoyaient leurs devanciers.
Aménagements anciens. — Nous avons vu que les parties centrales de
la forêt sont toujours demeurées traitées en futaie, que les cantons péri-
phériques ont, en général, été exploités en taille, et que les exigences
de la chasse ont souvent, jusqu'en 1870, primé les considérations sylvi-
coles.
Les abus commis en forêt par les riverains, les usagers, les officiers
même des maîtrises, étaient devenus tellement criards dans la seconde
moitié du xvn° siècle, que Colbert, le vigilant ministre de Louis XIV,
résolut d’y remédier. Il le fit avec d'autant plus de zèle que, se rendant
4
È
|
—.#3( 689 ).e3-—
chaque automne à Fontainebleau avec la cour, il pouvait voir par lui-même
ce quis y passait. Îl occupa d'ailleurs, pendant une année ou deux, tout
au moins à titre hononifique, la charge de «orand forestier en la forêt de.
Bière», et ce n'est pas un mince honneur pour les inspecteurs actuels de
voir figurer sur la liste de leurs prédécesseurs le nom de cet illustre
homme d'Etat. La Réformation de la forêt, en 1664, fut le résultat de sa
sollicitude.
Mais l'édit de Rélormation ne comportait pas un règlement d'exploi-
tation proprement dit, et ce fut seulement en 17 71 6 qu'intervint un acte de
ce genre. Nous ne pouvons que le mentionner ici, comme nous nous bor-
nerons à signaler i ie règlement de 1750, qui fut appliqué dans ses grandes
lignes jusqu’au commencement du second empire.
Nous dirons seulement qu'au cours du règne de Louis-Philippe, l'Admi-
nistration de la liste civile inaugura à Fontainebleau la méthode de
réensemencement naturel et des éclaireies, dont l’école de Nancy, alors à
ses débuts, s'était faite la pr opagatrice, et que les praticiens en fonctions
n'acceptaent qu avec une cerlaine méfiance. Ce sont les coupes assises
suivant ce système qui, mal comprises par les uns, mal exécutées, peut-
être, par certains autres, devinrent si fameuses sous le nom de coupes
sombres, et fournirent des thèmes à tant d attaques contre le monarque,
accusé de réaliser les futaies dont il n’avait que Ho “uit.
Le premier aménagement établi sur les bases du mode de traitement
perfectionné dont 1l s'agit date du second empire (1861). Rédigé avec
beaucoup de soins par une commission des plus studieuses, il parlageait Ja
forêt en trois sections, savoir :
13,724 hectares traités en rite éclaireie à la révolution transitoire de
120 ans (> périodes de 24 ans);
1,018 hectares exploités en taillis sous futaie à la révolution de
30 ans;
1,031 hectares à exploiter sur propositions spéciales.
5 1 section forma dix séries; la 2° quatre; la 3° comprenait les
tirés, les promenades et les dépendances affectées au service des chasses.
Cet aménagement fut assez régulièrement suivi jusqu'en 1880; mais les
dégâts occasionnés par le verglas et les froids de 1879-1880 rendirent
inapplicables un grand nombre de ses dispositions ; les coupes de bois vif
furent suspendues et lon chercha avant tout à se débarrasser de l'énorme
masse de bois morts ou brisés qui encombrait la forét, comme aussi à
refaire les peuplements au moyen de plantations. Ce fut l'objet d'un
règlement provisoire sanctionné par un décret de 1883.
Les quatre séries de tallis et les dix séries de futaie devaient être sou-
mises, pendant une période transitoire de douze ans (1885, 1896), à
des coupes de régénération, d'amélioration et d'extraction, toutes réglées
SYLVICULTURE. h/
—#2( 690 )63-—
par surface, et à des travaux de repeuplement dont il appartenait au Di-
recteur des Forêts de fixer l'ordre et l'importance.
Grâce à l'humidité de quelques années consécutives, l’ensemble des mas-
sifs se reconstitua plus rapidement qu'on ne l'avait supposé et on reconnut,
dès 1891, que l’on pouvait revenir à un règlement d'exploitation normal.
De là, l'aménagement actuellement en vigueur.
Aménagement actuel. — Îl a été homologué par un décret du 20 oc-
tobre 1892 et il a, entre autres mérites, celui de la simplicité et de la
netteté.
Il divise la forêt en cinq sections :
L°° Secrion. — Futaie feuillue...,........ ........6.... 7,239" 10"
9 séries (n°1 à 9), trailées par le mode du réensemencement
naturel et des éclaircies à la révolution de 120 ans (4 périodes
de 30 ans).
2° Secrion. — Futaie résineuse................ sefhesdrre de 3,292 39
3 séries (n° 10 à 12), traitées par le mode du réensemence-
ment naturel et des éclaircies à la révolution de 72 ans (8 périodes
de 9 ans).
3° Secrion. — Futaie jardinée.....,.....,....s........sssse 3,979 06
5 séries (n* 13 à 17), avec rotation de 7 ans pour les jardi-
nages.
4° Secrion. — Taillis sous futaie ......... rc ER TT TR Ca
3 séries (n°* 18 à 20), où le sous-bois est recepé tous les 30 ans.
5° SEcrion. — Parties artistiques ......,,..,....ssssucesose.e 15010 39
4 série (n° 21), sans coupes réglées.
Torres doser emundas ss fes L'ARONR
L'existence de la première section n’a pas besoin de justification. Nous
ajouterons seulement que, pour la 1® décennie de la première période
(1893-1902), les coupes de régénération de toutes les séries, sauf la 1°et
la 3°, sont affranchies de la taxation par volume : on à reculé avec raison
devant le danger qu'il y avait à exiger un rendement annuel invariable
de massifs, où les considérations culturales doivent primer toutes les
autres. Nous pensons même que la mesure sera avantageusement main-
tenue dans la suite.
La section de futaie résineuse comprend les pineraies jugées aptes
par leur constitution à être soumises, d'abord à des éclaircies, puis à des
coupes de régénération intensives. La courte révolution de 72 ans s'explique
PCR PT Te Ta
e
6 Lr
|
|
|
1
--##( GOT ).3—
par le fait que les pins de la région sont exclusivement débités en bois de
feu et que c'est vers 80 ans que se réalise le maximum d’accroissement
annuel des massifs de cette essence.
La section de futaie Jardinée comprend certaines parties rocheuses,
plus ou moins bien garnies de pins et de bouleaux, où le jardinage s'im-
pose au point de vue sylvicole. On y à classé, en outre, des futaies régu-
héres, que l'on traiterait facilement par le mode des éclaircies, mais qui,
sans avoir un caractère artistique ofliciel, sont cependant trop appréciées
da publie pour qu'on puisse songer à au faire traverser jamais une pé-
riode de rajeunissement général.
On s’étonnera, peut-être, de voir maintenir des taillis dans une forêt où
le sol.est le plus souvent léger, sec, pierreux, et réclame un couvert épais
et constant. Mais il faut se rappeler que les taillis en question sont assez
pauvres en réserves, et qu'en pareil cas d'excellents esprits recommandent
une ou plusieurs révolutions de taillis avec balivages serrés comme la
meilleure préparation à la futaie pleine. D'ailleurs, la coexistence des
deux régimes dans un même domaine, sur des terrains analogues, donne
lieu à des rapprochements intéressants et instructifs.
Enfin la section artistique se compose de tous les cantons remarquables
par la beauté des arbres qu'on y rencontre ou par l'aspect pittoresque des
sites en eux-mêmes (rochers, gorges, mares, etc.). Elle n’a une exis-
tence oflicielle que depuis 1864: mais, de temps immémorial, les exploi-
lations y ont été légères et espacées.
C'est là que se trouvent les principaux colosses végétaux de la forêt, ces
chênes archiséculaires si connus des promeneurs, que l’on nomme le Clovis,
le Pharamond, le Jupiter, etc., et dont tant de générations humaines au-
jourd’hui disparues ont déjà admiré le port et la majesté. Ils ne sont pas
éternels non plus, hélas! ces vétérans, et l’un de leurs doyens, le Briarée
s'allonge maintenant sur le sol, tandis que le plus gigantesque de tous, le
Bouquet du Roi), ne subsiste qu'à l’état de souvenir.
Les cantons dns il s’agit se groupent en cinq tènements où l'on dis-
tingue surtout les lieux dits Bas-Bréau, Gorges d’Apremont, Gros-Fouteau ,
Tillaie, Gorges de Franchard, Ventes à la Reine, Gorge-aux-Loups. Selon
le vœu des peintres, des amis de la belle nature et de toutes les personnes
qui s'intéressent à un titre quelconque à la forêt, la hache du bûcheron
est bannie à tel point de ces bois sacrés que l’on ne touche aux arbres
que lorsqu'ils sont tombés naturellement par terre; quelquefois même,
sur la prière d’un artiste, on les laisse gisants à l’état de chablis. Maint
forestier sourira, peut-être, de ce sentimentalisme : pourtant, le plus en-
4) On appelle bouquet, à Fontainebleau, un arbre dont la cime très développée a la forme
d’un immense bouquet de fleurs.
hh.
—#2( 692 )es-—
durei d’entre nous ne vibre-t-1l point avec le poète lorsque celui-ci s’'écrie,
par exemple :
Ce vieux chesne a des marques sainctes;
Sans doute qui le couperoit
Le sang chaud en découleroit
Et l'arbre pousseroit des plaintes?
Tristan L'HERMITE, 1633.
Routes. — La forêt de Fontainebleau est desservie par un réseau de
routes des mieux conçus et des plus complets qui permet de la parcourir
facilement en tous sens et qui contribue beaucoup à l'agrément des visiteurs.
Sans parler d’une centaine de kilomètres de voies publiques (routes na-
tionales, départementales, chemins vicinaux), nous dirons que la partie
purement forestière du système a un développement d'environ 1,500 kilo-
mètres. Là-dessus, près de 80 kilomètres sont empierrés ou pavés. La
plus importante Je voies forestières est la Aoute Ronde, qui décrit autour
du château une courbe à peu près équidistante (5 kilomètres) de ce dernier
et de la limite extérieure de la forêt. Sa création remonte à Henri IV: elle
a 26 kilomètres de long sur g mètres de large et rend beaucoup de ser
vices aux personnes désireuses de suivre les chasses à courre en voiture ;
c’est, du reste, précisément à cette fin qu'elle a été ouverte.
D'autres routes importantes ont été tracées dans la suite, notamment
sous Louis XIV, et en ce qui concerne le xix° siècle, sous Louis-Phiippe
et Napoléon III.
Les grands artères qui rayonnent de Fontainchleau, sont des routes na-
tionales parfaitement entretenues, gr âce auxquelles on peut gagner en
peu de temps, à l'aide des moyens rapides dont on dispose de nos jours,
les extrémités les plus éloignées de l'immense massif.
Nous négligerions une particularité locale très intéressante si nous omel-
üons de mentionner un ensemble de charmants sent'ers de piétons, œuvre
des «sylvains», Denecourt et Colinet, qui atteignent aujourd’hui un déve-
loppement de 250 kilomètres.
Chasse. — Dans les conditions où le droit de chasse s'exerce depuis
1870 (amodiation au plus offrant, par voie d’adjudication publique et par
baux de 5 années), la quantité de gibier a naturellement diminué beau-
coup, pour le plus grand avantage de la production ligneuse. Toutefois,
l'espèce la plus dangereuse, le lapin, est loin d’avoir été détruite et on est
tenu de veiller à ce qu'elle ne recommence pas à pulluler dans certains
cantons. Le grand gibier subsiste aussi en proportion notable, car on
compte que la forêt renferme de 3 à Aoo cerfs, biches et faons. Les cerfs
sont chassés à courre, et, en vertu d’une tradition fortement ancrée dans
les mœurs de la population, leur poursuite constitue une sorte de diverlis-
—#2( 695 es
sement public. On signale encore quelques daims, vestiges des troupeaux
qu'entretenait la vénerie impériale. Les sangliers sont rares, mais assez
nombreux cependant pour permettre à un vautrait de venir de temps à
autre en déplacement dans la région.
Rendement en matière et en argent. — Nous donnons-ci-après la
moyenne annuelle des recettes et dépenses relatives à la forêt, pendant la
période décennale 1889-1898:
Poduit des coupes. . en matière.... 395,666 mètres cubes :
CROP Rene neserae . 22,501 14
Produits accessoires en argent (chasse, délivrances diverses). , 82,362 50
ES da OR PT 504,863 64
Valeur des travaux effectués. .............. 56,156° 33
Feuside furiellance, 0e mes à « suce me 30,747 20
EE LÉO EERESRR SO TER PR n Per ni 17,030 81
Dépenses totales. . ........,,.... 103,934 34 103,934 34
Différence. — Revenu ner............,... Loo,929 30
De ces chiffres, rapprochés de la surface totale du massif, soit
16,880 hectares, découlent d’autres résultats, dont voici quelques-uns des
plus dignes d’être retenus :
ie CH UIRATIÉFE 2. = Late ciel ciao 2 149
Rendement des coupes à l'hectare nt CE SRE
Revenu brut de la forêt à l’hectare.............,.......... 29 91
Revenu net à l'hectare............ RE CR ee re LS 23 75
Mais on se rappelle que la section artistique (1,616 hectares) ne con-
tribue presque en rien au rendement des coupes, et qu'il y a plus de 300
hectares non productifs de hois affectés à des services publics, notamment
au Ministère de la guerre. Pour se faire une idée exacte de l'importance des
exploitations, il faut donc diviser le rendement total, non pas par 16,880,
mais tout au plus par 15,000 en nombre rond, d’où les moyennes rec-
tifiées suivantes :
en mafière: > 000 > 8 de 2° 377
ent des s à l’hectare.
Den IERenE des Coupe etalpent. sde 28° 17
Cette statistique terminale confirme un fait qui ressortait déjà de tout
l’ensemble de la notice, à savoir que le domaine de Fontainebleau, l’un
des plus vastes et des plus justement célèbres de la vieille France, n’est pas
un des plus productifs au point de vue sylvicole. Mais elle met aussi en
lumière que les exploitations y sont actuellement très modérées et que les
frais d'entretien et de surveillance y sont descendus aussi bas qu'on peut le
souhaiter.
—#2%( 694 ).83—
ANNEXE B.
CONGRÈS INTERNATIONAL D'AGRICULTURE.
——Q——
SÉANCE DU 7 JUILLET 1900.
ee ———
PRÉSIDENCE DE M. GOMOT.
RENOUVELLEMENT DES POUVOIRS DE LA COMMISSION INTERNATIONALE D’AGRICULTURE.
M. Henri Sacnier, secrétaire général. Messieurs, nous espérions que M. le
Président, qui a été retenu à la Chambre des députés, arriverait à temps
pour nous permettre d'accomplir sous sa présidence le dernier acte du
Congrès. Nous ne devons pas vous faire patienter plus longtemps et je vous
demande la permission, conformément au règlement des Congrès pério-
diques d'agriculture, de procéder aux opérations qui terminent toujours
nos congrès.
La première consiste à renouveler les pouvoirs de la Commission inter-
nationale d'agriculture.
Les présidents d'honneur sont actuellement :
MM. Méune (Jules), président du Congrès à Paris en 1889, à la Haye
en 1891, à Lausanne en 1898, et notre président actuel;
Bauoux (D.), président du Comité exécutif du Congrès de la Haye
en 1091;
pe Brun, ancien Ministre de l'agriculture de Belgique, président
d'honneur du Congrès de Bruxelles en 1895;
Carruvvezs von Der Linpen, président du Comité exécutif et du Con-
grès de Bruxelles en 1805;
DE Daranvi (Ignace), Ministre de Pagriculture du royaume de Hon-
grie, président du Congrès de Budapest en 1896;
Viquerar, chef du Département de lagriculture et du commerce du
canton de Vaud (Suisse), président du Congrès de Lausanne
en 1898.
_em( 695 )e--
Ce sont les présidents des congrès antérieurs; ils sont maintenus
d'office.
Les membres d'honneur du Congrès sont :
1891. La SOCIÉTÉ HOLLANDAISE D'AGRICULTURE ;
1896. La Société narionaze n’aGRICULTURE DE Hoxcrir.
On a voulu ainsi exprimer la reconnaissance des précédents congrès
pour le concours que l'une et l’autre sociétés ont généreusement prêté aux
Congrès de la Haye en 1891 et de Budapest en 1896.
Aux termes du règlement, la Commission internationale est nommée
par le Congrès qui la renouvelle par moitié à chaque session. Le Bureau
vous propose de renouveler les pouvoirs des membres sortants, et d'ajouter
quelques membres nouveaux, que j'indiquerai, pour chaque nationalité.
France.
Les membres sortants sont : MM. Méline, Jules Bénard, le marquis de
Vogüé et Henri Sagnier. Si vous les maintenez en fonctions, la Section
française se composera comme il suit :
MM. Méuwe (Jules), député, ancien président du Conseil, ancien Ministre
de l'agriculture, président du Congrès à Paris en 1889, à la
Haye en 1891, à Lausanne en 1898 et à Paris en 1900;
Gomor, sénateur, ancien Ministre de l’agriculture;
Pisor, député, ancien président du Conseil des ministres;
Passy (Louis), député, membre de l'Institut, secrétaire perpétuel de
la Société nationale d'agriculture ;
Tisseran», directeur honoraire de l’Agriculture, membre de la Société
nationale d'agriculture ;
Bénano (Jules), membre de la Société nationale d'agriculture ;
Foucriros, sénateur ;
le marquis ve Vocüé, membre de l'Institut et de la Société nationale
d'agriculture, président de la Société des agriculteurs de France ;
SaGxier (Henri), membre de la Société nationale d'agriculture, direc-
teur du Journal de l'Agriculture;
Tarorr, maître des requêtes au Conseil d’ État, secrétaire des Congrès
de 1889, de 1891, de 1899 et de 1900.
Nous vous proposons, au nom du bureau du Congrès, de leur adjoindre
trois nouveaux membres :
MM. Dausrée, conseiller d'Etat, directeur des Eaux et Forêts, qui repré-
senterait spécialement La sylvie ulture, pour un moûf sur lec quel ] je
reviendrai;
—#>( 696 )-e3-—
MM. Vassruière, directeur de l'Agriculture ;
Pusaxr (Alfred), président du tribunal civil de Versailles, qui a or-
ganisé le Congrès de la vente des blés. Les résolutions de ce Con-
grès ont été renvoyées, pour exécution, à la Commission inter-
nationale. Il est donc tout naturel que M. Paisant participe à
l'exécution des résolutions qui ont été votées ici sur son initiative.
( À pplaudissemen {s. )
M. Le Présipenr. Si personne ne demande la parole, je mets aux voix
les propositions faites par le Bureau et relatives à la composition de la
Commission internationale d'agriculture.
Les propositions du bureau sont adoptées à l'unanimité.
CONMUNICATION D’UNE LETTRE DE M. LE PRÉSIDENT DU CONGRÈS DE SYLVICULTURE.
M. Henri Sacnier, secrétaire général. Messieurs, à la suite du récent
Congrès international de sylviculture, qui s’est tenu à Paris, le président
de la Commission internationale d'agriculture a reçu la lettre suivante de
M. Daubrée, conseiller d'Etat, directeur des Eaux et Forêts, président de
ce congrès :
« J'ai l'honneur de vous faire connaître que, dans sa séance générale de
clôture du 7 juin dernier, le Congrès international de sylviculture, qui
comprenait 343 membres, a, sur ma proposition, émis le vœu que, pour
se perpétuer, il y aurait lieu de demander sa fusion avec le Congrès inter-
national d'agriculture, pour former dans ce congrès une section spéciale
de sylviculture,
«Je vous serais reconnaissant d’en informer le Congrès international
d'agriculture et je serais heureux si vous vouliez bien appuyer ce vœu de
votre haute autorité.
«Je vous prie également, Monsieur le Président, de me faire savoir la
suite donnée à ce vœu, afin d’en aviser les membres du Congrès de sylvi-
culture. » |
Nous nous trouvons donc en présence de l'offre faite par les forestiers
de s’adjoindre à nous pour travailler ensemble dans les futurs congrès et
pour former une section permanente.
C’est pour répondre d'avance à ce vœu que nous vous avons proposé
tout à l'heure l’adjonction aux membres de la Commission internationale
d'agriculture de M. Daubrée, président du Congrès de Sylviculture.
x
a
A
à
M. Le Présipenr. Je mets aux voix l'adoption de la proposition formulée
_æ( 697 )er—
par M. le Président du Congrès de sylviculture, dont M. le Secrétaire
général du Congrès vient de donner communication.
(Cette proposition est adoptée.)
PRÉSIDENCE DE M. JULES MÉLINE.
SUR LE SIÈGE DU PROCHAIN CONGRÈS.
M. Henri Sacnier, secrétaire général. Messieurs, 11 est d'usage, confor-
mément à notre règlement, de décider à la fin de chaque congrès dans
quel pays se tiendra le congrès suivant. Nous avons déjà tenu six congrès :
à Paris, en 1889; à la Haye, en 1891; à Bruxelles, en 1895; à Buda-
pest, en 1896; à Lausanne, en 1898; et nous voici à Paris en 1900,
terminant le sixième congrès. Il s’agit de savoir où aura lieu le septième
:
congrès.
En présence d'offres très gracieuses qui nous ont été faites, nous vous
demandons en ce moment, au nom du Bureau, de décider que le septième
Congrès international se tiendra dans deux ans, c’est-à-dire au cours de
l'année 1902, en Italie.
Je crois que nous pouvons compter, de Ja facon la plus complète, tant
sur le Gouvernement italien que sur les sociétés d'agriculture de ce pays.
M. ce Présinexr. La parole est à M. de Riepenhausen-Crangen.
M. »e Rigpennausen-CranGen. Je crois que nous pouvons tous accepter
le projet qui nous est présenté par le Bureau.
Si j'ai demandé la parole, c'est simplement pour dire que la Commission
internalionale désignera en Italie la ville qui lui conviendra, que nous
avons toute confiance en elle, que nous sommes persuadés qu’elle organi-
sera le prochain congrès en Italie aussi bien que le congrès grandiose de
Paris.
Et puisque j'ai la parole, je voudrais prier l’assemblée de remercier
M. le Président et tous les membres de la Commission d'organisation de
tous les eflorts qu'ils ont faits pour organiser si agréablement et si réguliè-
rement ce congrès. (Applaudissements.)
M. Le Présent. La parole est à M. Pavoncelli.
M. Pavoxcertr. Messieurs, en ma qualité de représentant de l'Italie, je
vous remercie de tout mon cœur d’avoir bien voulu proposer que le pro-
—#3( 698 )3—
chain Congrès international d'agriculture aurait lieu dans mon pays. Je
vous propose et je vous prie d'accepter la ville de Rome comme siège du
Congrès. Je ne vois aucune autre ville que Rome qui puisse donner satis-
1action aux sentiments du Comité d’ organisation et à ceux du peuple 1la-
lien. (Très bien! Très bien 1)
Aussitôt que j'ai été prévenu de la décision du bureau, je me suis em-
pressé d'en informer mon Gouvernement, et je vous habile la permis-
sion de vous lire la réponse télégraphique que M. le Ministre de l’agricul-
ture m'a envoyée de Rome :
«Je suis heureux d'apprendre le projet du Comité international d’agri-
culture de réunir le prochain Congrès à Rome. J'en suis pleinement recon-
naissant. Je ne puis que promettre le plus cordial et le plus amical appui
et assurer les membres du Congrès que notre capitale saura se montrer
digne des traditions de l'Italie entière et faire honneur aux hôtes désirés
et attendus.» ( Vis applaudissements.
Il ne nous restera, Messieurs, pour vous remercier de votre amabilité,
qu'à vous rendre aussi agréable que possible votre séjour à Rome.
Et permettez-moi, pendant que j'ai la parole, de me faire l'interprète
des sentiments des membres étrangers du Congrès pour adresser mes re-
merciements à notre illustre président et au Comité d'organisation qui a
su régler nos travaux de telle sorte que le Congrès international d’agricul-
ture de Paris aura un grand retentissement dans toute l'Europe. ( Nouveaux
applaudissements.)
M. Bowrsco. Je crois qu'on devrait laisser plein pouvoir à la Commis-
sion internationale pour choisir l'endroit où aura lieu le prochain congrès;
car, d'ici deux ans, d’autres pays pourraient demander à recevoir le con-
1
grès.
M. Henri Sacnier. Nous connaissons et apprécions les sentiments qui
animent notre excellent collègue, M. Bouesco, qui a été avec nous à Paris
dès le premier jour, en 1889, et qui a toujours suivi avec un grand inté-
rêt les travaux des congrès successifs qui ont eu lieu depuis. Mais 1l me
permettra de lui faire remarquer qu'en vertu du règlement adopté au
Congrès de la Haye, en 1891, le devoir de la Commission est de sou-
mettre à chaque congrès une proposition ferme pour le pays où doit se
tenir le congrès suivant. En ce moment, nous nous conformons strictement
au règlement que tout le monde a accepté. Vous imposeriez à la Commis-
sion internationale une assez lourde responsabilité si vous lui demandiez
de choisir elle-même la ville où aura lieu le septième congrès. Ce serait un
mauvais cadeau à lui faire, alors que nous sommes saisis par de nom-
—##( 699 ).e3—-
breuses sociétés d'agriculture, par le Gouvernement italien lui-même, de
l'offre ferme de nous recevoir dans deux ans.
Je demande donc au Congrès d'accepter la proposition du bureau et de
voter des remerciements au Gouvernement italien et aux sociétés d’agri-
culture d'Italie, qui nous ont déjà promis leur concours le plus complet.
(Applaudissements. )
M. ve Présmenr. Je rappelle, en effet, avec l'honorable M. Sagnier,
qu'aux termes du règlement, c’est le Congrès lui-même qui doit déterminer
le pays où siégera le prochain congrès. Il n’y a eu qu’une seule exception
à cette règle, parce que nous étions alors saisis d’un certain nombre de
propositions et que nous ne savions pas bien si elles seraient agréées par
ceux-là mêmes qui les formulaient.
Cette fois, la proposition de nous réunir en Italie est faite d’une façon
ferme et acceptée par le Gouvernement italien. De ce côté, nous avons une
certitude dont nous sommes très reconnaissants au Gouvernement italien,
et Je prie M. Pavoncelli de lui faire parvenir l'expression de notre recon-
naissance pour l'empressement qu'il a mis à répondre à l'offre du Bureau
du Congrès.
Mais je demanderai, selon l'usage, de réserver le choix de la ville; non
pas que je fasse la moindre objection au choix de Rome, bien au con-
traire; mais, au dernier moment, il peut se présenter telle circonstance
imprévue qui pourrait obliger le Congrès à se réunir ailleurs.
Sous celte simple réserve, je mets aux voix la proposition tendant à
fixer en Italie le siège du prochain Congrès.
( Cette proposition est adoptée à l'unanimité. )
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TABLE DES MATIÈRES.
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EME S SF ANGES 1 Ale Aie Lac iai ane bite on ou à Sign le Suis Maine din sta AU 23
CouPTES RENDUS DES SÉANCES :
Séance générale d'ouverture du Congrès du 4 juin 1900 :
Discours de M. Jean Deruy, Ministre de l agriculture . «PESTE ENCREE 26
Discours de M. L. Dausrée, conseiller d'État, directeur des Eaux et
RAS ne LOL E Ga RATS de is 51000 4 à eh 27
Conférence de M. Mérarp, inspecteur des Eaux et Forêts, sur à se
suffisance de la produelion des bois d'œuvre dans le monde»
(Question n° 5 du programme de la 1" section.)............. 30
Adjonction de membres étrangers au Bureau du Congrès. ......., 7
1" SECTION :
Séance du mardi 5 juin 1900 (malin) :
éco den, ue PAL Le RSR TE en etibie se 51
“ question du programme :
Rapport de M. Men......:........,......4.....se0. ba
Rapport de M. Hurrgz .......................,....... 56
Séance du mardi 5 juin 1900 (soir) :
* question du programme (suite) :
Rapport de M. Bouver sur le mémoire de M Rumicaen ts... 4.5, 79
Rapport de M. Mérano ................,..,..,,....1..... : 87
2° question du programme : Rapport de M. Bopre sur le mémoire de
M Does Tune ieRemi se et Éd RC LR 91
—#2( 702 )es-—
1° Secrion (suite) :
Séance du mercredi 6 juin 1900 (matin) :
2° question du programme (suite) : Rapport de M. Mer... ........
3° question du programme :
Rapport.de M'CBahtemaene #52. iii ur...
Rapport du même sur la brochure de M. Prouvé...........
Rapport de M. BrorcrrarD sur le mémoire de M. Murzer.. . ...
Rapport de M. Lamey sur le mémoire de M, Murzer.........
Communication de M. Pérrascuer sur le développement de la sylvi-
culture en Bosnie et en Herzégovine... .................,.,
Séance du mercredi 6 juin 1900 (soir) :
4° question du programme :
Rapport de M. Broizcrar» sur le mémoire de M. Warter. . . ..
Rapport de M. BrorzLrar» sur le mémoire de M. Roxacuer.. . ..
Rapport de: M Méca, du à cover 5 a ST
6° question du programme : Rapport de M. Guxor..............
Séance du jeudi 7 juin (matin) :
7° question du programme : Rapport de M. Parpé sur les mémoires
de M:-ne Vicmonin..- :.:.........
Communication de M. Tanassesco sur les
so hetie le efe sex a + Ga ote'ers:t
forêts de Roumanie. .....
7° question du programme :
Rapport de M. pe Virmorix sur le mémoire de M. Cannon. ....
Rapport de M. »e Vismorix sur le mémoire de M. Pan... ...
Proposition de M. Ciément Sarcé relative à l’abaissement des délais de
fransport des plant his LE TE ST TERRE
Annexe N° 1. Traitement du sapin, par Ant. Ronacuer.. .............
Annexe N° 2. Des résultats de l’éclaircie, par Ch. Brorcrrarn.. .........
Annexe »° 3. De la culture du sol dans les coupes de régénération, par
RÉ NS AU ee de à dés ne nl RS DDR
AnxexE N° 4. Traitement des taillis sous futaie en vue d'augmenter la pro-
. . 2 ü
duction du bois d'œuvre, par H. Warier. ...........
o. Traitement des taillis sous futaie en vue d'augmenter la pro-
duction du bois d'œuvre, par Ant. Runacuer..........
ANNEXE N
Annexe N° 6. Enumération d'exemplaires d'arbres forestiers exotiques exis-
tant sur le territoire de la France continentale, par Mau—
rie Las Nanommi PU Te, PT ere
AnxexE N° 7. Culture d'arbres exotiques aux Vaux, par Cannon. .......
AnNexe N° 8. Les principaux végétaux ligneux exotiques au point de vue
forestier, par Panpés à se cat steve dee Té Dene
Annexe N° 9. Résultats à ce jour des recherches entreprises sur les éclair-
cies et les coupes claires à la Station d'expériences de Ma-
Mabrtan.:par DéRAMIRR SJ nent 24 cena
202
206
217
240
253
266
311
RÉ LE a
É.. éme sambé ee
—#8( 703 3
2° SECTION :
- Séances du mardi 5 juin 1900 (matin):
PR D oréten 52 8 AU, NE NER 319
1° question du programme : Rapport de M. Jouvet. ............ 318
2° question du programme : Rapport de M. Hexry.............. 326
Séance du mardi 5 juin 1900 (soir):
2° queslion du programme : Rapport de M. Senvier.. ........... 349
3° question du programme :
DADPPRT de D RUB: 12 een see Ru en een Te ere 354
Rapport de M Patte nus ce VV in Dé 261
5° question du programme : Rapport de M. Carpor............. 370
6° question du programme : Rapport de M. VioettE. .......... 377
Séance du mercredi 6 juin 1900 (matin).
7° question du programme : Rapport de M. Tessier. ........... 397
4° question du programme :
Rapportde ME Mob... nt aa rie a koë
Rohpues de M Mae. nee se ra k13
Rapport de DR AUBRRE diet ton Vue dune eo de k16
Rapport NE ue NA RO EE vs Net aies 420
Séance du mercredi 6 juin 1900 (soir) :
8° question du programme : Rapport de M. DerassasseiexE. . . ..... 425
7° question du programme :
Rapport de M. »e Kiss pe NemEsxer. .................... 438
Rapport de DE Last en de Pa al ia o à hu kho
Rapport de ME Dodene SRE nn GE eue à ou à» oo nù 450
8 question du programme : Lettre de M. Rozaxp-GosseLix. . ..... 486
Séance du jeudi 7 juin 1900 (matin):
3° question du programme :
POUR ANNE VIRERR A. 2 bn denuessvi rw 493
Paper de RE Pan te ea VE Mrs vie 495
Annexe N° 1. La forêt et le danger des inondations, par Bernard-Alexandre
TS TU RON EE PE LT TE ENT TS 498
3° SECTION :
Séance du mardi 5 juin 1900 (malin) :
PRE COR DU VI ET RS REC 503
3° question du programme : Discours de M, Paaès. .,.......... 50h
2° question du programme : Discours de M. Demoraixe. ........ 506
Séance du mardi 5 juin 1900 (soir):
1 question du programme : Rapport de M, Juzzien sur les travaux
DOM AIN 5 à ss vo sva nn der me nt SC Re 509
—#2>( 704 jee3—
3° SECTION (suile) :
4° question du programme : rapport de M. vax ScuermBEcx, ......
1° question du programme : rapport de M. Taézar» sur la nolice de
ML Devanenne. 2590... at CR en Re CDR
3° question du programme : rapport de M. Buisson sur le mémoire
de M. Marre es, CR ONE OT I PE
4° question du programme :
Rapport-de MEMARioN. SRE ES MEN RON
Rapport de M. Gurrroy sur le mémoire de M. Georce-GrimgLor.
Rapport de M. Tnézarp sur le mémoire de M. Jexrseu.. .....
Séance du mercredi 6 juin 1900 (matix) :
4° question du programme :
Rapport-de MGurenor.t.%.. 0.100. CEE ENS
Rapport de MM. Gurrroy et Lévenré.. ..:.:,. 420.000
Séance du mercredi 6 juin 1900 (soir):
4° question du programme :
Rapport de M-Frimaurr. 52 CSS A CARESRMERRPEE
Rapport de M. Mécarp sur un mémoire de M. Gurrroy......
Rapport de M. Tnézann..............................
Séance du jeudi 7 juin 1900 (malin) :
5° question du programme : Note de M. Turéry................
3° question du programme : Rapport de M. Hounaxr. ...........
Axvexe x° 1. Cubage sans tarif des arbres sur pied ou abattus, par
DEVARENNE, 4 sub tasses ne ee CCE
Axxexe N° 2. Utilisation de la sciure de bois pour le développement des
clichés photographiques, par Marrix................
Annexe N° 3. Trufles et trufhiculture, par GroncEe-GriuBLor. ...........
Axxexe n° 4. Répartition des forêts en France, par Ch. Gurrrox. ......
SÉANCE GÉNÉRALE DE CLÔTURE DU 7 JUIN A A Re Le. :
BANQUET DU MERGREDI 6 JUIN 1900... ste eesse sine se ee ee eee
Excursion DANS LA FORÊT DOMANIALE DE FONTAINEBLEAU LE SAMEDI Q JUIN 1900...
NoTE RELATIVE À LA FUSION DU CONGRES INTERNATIONAL DE SYLVICULTURE AVEC LE
ConcRES INTERNATIONAL D AGRICHEPERR. 5 date 0 6» de elec an ee «
Anvexe A. Notice sommaire sur la forêt de Fontainebleau, par E. Revss..
Axxexe B. Congrès international d'agriculture : extrait du compte rendu
de la séance du 7 juillet 1900.......................
Les Coxeressistes pans LA FoRËT DE FoxramnenLeau. (Pholotypie n° 1.).
Forèr pe Fonraieszeau : Une futaie de chéne. (Phototypie n° 2.).
Forèr or Foxranerzeau : Le chêne +le Superbes (Photolypie n° 3.).
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NT du 4 au 7 juin ss .
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