,:-v:'y':-::::-'- /- n J-foz. CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. CLERMONT-FERRAND , IMPRIMERIE DE PEROL. SCIENTIFIQUE DE FRANCE si^i^m^ sesssmmn1. SE TROUVB : A PARIS, CHEZ DERACHE, LIBRAIRE, RUE DU BOULOY, N° 7; A, CLERMONT-FERRAND, CHEZ BERTHIER, LIBRAIRE, RUE BALLAINVILLIERS. 1859. fWA AVANT-PR0P0S. ' La position de la ville de Clermont au centre de la France, et loin de touts les autres grands foyers d'instruction, devait necessairement atti- rer dans ses murs une de ces reunions scientifi- ques qui, a Finstar de FAllemagne, s'organisent maintenant sur divers points de la France. Deja en 1 835, laSociete geologique de France y avait ete accueillie avec distinction, et la ville de Cler- mont n'attendit pas d'etre designee comme point de reunion pour le Congres scientifique de France. Son premier magistrat reclama vivement eet honneur , mit a la disposition du Congres de vastes locaux pour ses seances, se chargea de tous les frais que cette reunion pouvait entrainer, et ses habitants payerent aussi leur part de science et de travaux, comme on le verra par le compte- rendu que nous publions aujourd'hui. Les autorites civiles de Clermont , une partie des membres de son Academie royale, et un grand nombre de personnes qui portaient aux lettres et aux sciences un veritable interet, s'empresserent de dormer leur adhesion a cette assemblee et de prendre une part plus ou moins active a ses travaux. La sixieme session s'est distinguee par un tra- vail continuel. Touts ses moments ont ete em- ployes pendant les dix jours de duree du Congres. Rien n'a ete accorde aux plaisirs ni au repos , et si quelques sections ont pu terminer prompte- ment les travaux dont elles etaient chargees, d'autres ont du se reunir plusieurs fois dans la meme journee, et suppleer par un zele actif au temps qui fuyait toujours, malgre le bon emploi qu'elles savaient en faire. Tel a ete le Congres de Clermont ; tout s'y est passe avec calme, avec dignite; des questions graves y ont ete discutees avec moderation h et quoique les journaux de FAuvergne n'aient parle de cette reunion que pour recueillir, en dehors de la session, quelques impertinences qu'aucun merite ne recommandait a la publicite , nous n'en pensons pas moins que la sixieme session du Congres devra prendre place pres de celles qui ont le mieux rempli la tache qui leur etait imposee. ■"J arr£t£ PRIS PAR LE CONGRES A SA SEANCE GENERALE DU 14 SEPTEMBRE 1837 , A METZ. Art. ler. La sixieme session du Congres scientifique de France s'ouvrira a Clermont, departement du Puy-de- D6me, dans la premiere quinzaine du mois de sep- tembre 1838. Art. 2. Le Congres sera divise en six sections, qui por- teront, comme a lacinquieme session, les denominations suivantes : 1° Sciences naturelles ; 2° Agriculture , Industrie et Commerce ; 3° Sciences medicales; 4° Archeologie et Histoire ; 5° Litterature et Beaux-Arts ; 6° Sciences Physiques et Mathematiques. Art. 3. Sous aucun pretexte, il ne pourra etre apporte de changements a ces divisions. Art. 4. M. Lecoq, professeur d'histoire naturelle a Clermont, est charge de remplir les fonctions de secre- taire-general de la sixieme session, en s'adjoignant M. Bouillet, inspecteur des monuments historiques du departement du Puy-de-Dome. Art. 5. La convocation pour le prochain Congres sera faite au moyen dune circulaire ecrite par M. le secretaire de la sixieme session. Cette circulaire sera adressee direc- tement, par M. Lecoq, aux savants du centre et du midi V11J de la France, ou le Congres nc s'est point encore as- semble. Dans le reste du royaume, elle sera envoyee par l'in- termediaire des secretaires-generaux des precedentes ses- sions, savoir: M. de Caumont, dans les departements de la Seine , de Seine-et-Oise, de Seine-et-Marne , dela Seine-Inferieure, de l'Eure, du Calvados, de l'Orne, de la Manche, d'llle- et-Vilaine, des COtes-du-Nord , du Finistere, du Mor- bihan, de la Loire -Inferieure, les ties de Jersey; M. de la Fontenelle, dans ceux de la Vendee, de la Charente-Inferieure , des Deux-Sevres, de la Vienne, de la Charente , de Maine-et-Loire ; M. de la Saussaye, dans ceux de Loir-et-Cher, de la Sarthe , de l'Eure-et-Loire , du Loiret , de l'lndre , du Cher, d'Indre-et-Loire, de la Nievre; M. de Givenchy, dans ceux du Pas-de-Calais , du Nord , de l'Aisne , des Ardennes, et la Belgique; M. Victor Simon, ceux de la Moselle, de la Meuse, de la Meurthe, des Vosges, de la Haute-Marne, de laHaute- Saone, de la Cote-d'Or, de la Somme, de l'Aubc, du Doubs, des Haut et Bas-Rhin, et dans la Prusse rhenane. Les autres invitations, en France ou a l'etranger, se- ront faites par M. Lecoq, qui est en outre charge de prendre tontes les mesures preparatoires necessaires pour la tenue de la sixieme session , d'accord avec M. Bouillet. Art. 6. Les commissaires ci-dessus designes ne pour- ront envoyer aucune invitation hors la circonscription attribute a chacun d'eux. Art. 7. Nul ne pourra etre admis a se faire inscrire au nombre des membrcs de la sixieme session , s'il n'est porteur de sa lettre de convocation. Art. 8. M. le secretaire -general du Congres de 1837r IX s'occupera immediatement dc la publication du compte- rcndudcce Congres, de concert avec MM. les presidents et secretaires des sections, en residence a Metz, qui forme- ront avec lui le comite de publication. — Le volume sera tire a 1,000 exemplaires. Art. 9. Cette commission est chargee de revoir les memoires lus dans les seances; elle choisira ceux qui lui paraitront les plus importants , et pourra n'imprimer que par extrait, ou supprimer tout-a-fait, si elle le juge convenable, les memoires presentes pendant la session, lors meme que l'impression en aurait ete demandee par une section , ou que la lecture en aurait ete faite en seance generale. Art. 10. La meme commission presidera a la distribu- tion du compte-rendu , dont 100 exemplaires au moins, et 150 exemplaires au plus , seront adresscs , au nom du Congres, aux Academies et Societes savantes de France; la commission prononcera sur toutes les difficultes qui pourraient s'elever ulterieurement; elle donnera au secre- taire-general, charge des preparatifs de la sixieme ses- sion, touts les renseignements qu'il pourra reclamer; en un mot , elle sera investie des memes attributions que le Congres qu'elle representera , jusqu'a la publication du compte-rendu de la cinquieme session. Fait et arrete en seance generale, le 14 septembre 1837. Signe a la minute : De Caumont et Lemasson , vice-pre- sidents; et Victor Simon, secretaire-general du Congres. Pour copie conforme a l'original : Le secretaire-general , V. SIMON. CIRCULAIRE DE MM. LES SECRETAIRES DE LA 6* SESSION DU CONGRES SGIENTIFIQUE DE FRANCE Monsieur , L 'institution des Congres scientiBques n'est plus au- jourd'hui a ses annees d'epreuves. Toutes les personnes qui, dans les sciences, cherchent ce qu'elles ont de vrai et d 'utile, ont bientot apprecie le but de ces paisibles reunions; elles ont devine l'avenir des Congres, et les resultats sont venus confirmer leurs previsions. II est done tout-a-fait inutile que nous vous rappelions les agrements et les avantages de ces assemblies d'hommes instruits , qui se reunissent pour se connaitre et s'en- tendre, pour s'aider de leurs lumieres, et qui, par des routes souvent differentes, cherchent a atteindre un meme but, la verite. Ne a Caen , le Congres scientifique de France a suc- cessivement parcouru des contrees dignes d'appeler tout son iriteret : Poitiers , Douai , Blois , et Metz en dernier lieu, ont accueilli ses membres, et leurs habitants se sont empresses de s'associer a leurs travaux. Cette annee (1838) , Clermont est le point de reunion de la solennite scientifique a laquelle nous venons vous prier d'apporter vos travaux et de joindre vos lumieres. Peu de pays sont aussi dignes que l'Auvergne de fixer votre attention. Placee au centre de la France , occupant un plateau qui domine toutes les contrees voisines, on y voit partout ces monuments druidiques qui attestent la barbarie de ses premiers habitants, comme l'antique Ger- govie rappelle leur courage. Ca et la sont encore des in- dices de la domination romaine; puis, de cette meme contree part cet elan religieux dont le pape Urbain II vint donner le signal , en prechant a Clermont la pre- miere croisade. Pendant cette longue periode du Moyen- Age, l'Auvergne s'est couverte d'eglises, de monasteres, d'abbayes , dont l'archeologue peut lire les dates et com- parer les epoques. La nature , de son cOte , a tout fait pour cette magni- fique contree. Une vegetation brillante , qui participe a la fois de la flore du nord et de celle du midi , cache les pentes abruptes de ses montagnes , ou s etend en vastes tapis de verdure sur les flancs de ses vallees et la surface de ses plaines. Des ruisseaux d'eau vive entretiennent partout cette grande puissance de vie vegetale , et des eaux thermales , s'echappant au Mont-Dore , a Vichy , a Neris et dans plus de cent autres localites , semblent rap- peler l'origine volcanique du centre de la France. Tout, en effet, y temoigne d'affreux bouleversements; des cones de scories, des crateres encore intacts, de longues colonnades de basal te aux formes bizarres et gigantesques , le Puy de D6me enfin , s'elevant comme un geant au-dessus des soixante bouches a feu qui out inonde le sol de leurs laves , tout parle a imagination un langage sublime et majestueux. Lc peintrc trouvera en Auvergne des sujets d etudes qu'il cherchera vainement aillcurs , des effets de lumiere que ses montagnes et sa sombre vegetation peuvent scules produire , des tons chauds et des contrastes qui ne peuvent resulter que de 1'association dc ses noirs ro- chers volcaniques avec la verdure qui les couronne et le jour brillant qui les eclaire. Couverte d'une population nombreuse et laborieuse , l'Auvergne est essentiellement agricole. Les laves de ses volcans se sont couvertes de verdure ou d'arbres frui- tiers; ses immenses plateaux basaltiques, caches sous une herbe fine et parfumee , offrent tous les genres de richesses pastorales ; et la Limagne , cette plaine si riche que le roi Childebert desirait tant voir avant de mourir, doit plutot sa grande fertilite aux debris volcaniques dont son sol est ameubli , qu a 1'araire de Virgile qui de- chire encore ses flancs. S'il etait necessaire d'ajouter a cette simple et rapide esquisse de l'Auvergne quelques avantages qui sc ratta- chent plus directement a l'institution du Congres , nous citerions plusieurs etablissements dont la ville de Cler- mont est dotee , et quelques-unes des collections parti- culicres, que leurs proprietaires s'empresseront de mettre a la disposition des membres du Congres; mais nous croyons, Monsieur, vous avoir suffisamment inspire le desir d'assister a notre reunion scientifique, que nous considerons comme une veritable fete pour touts les amis des sciences et du progres. Un programme detaille , contenant a la fois la division du Congres en sections , l'indication des questions a trai- ter, et l'itineraire des promenades scientifiques , vous sera adresse dans le courant d'avril, si, comme nous 1'esperons , Monsieur , vous voulez bien nous donner X11J voire adhesion et nous promettre de prendre part a nos travaux. Si, d'ici a l'impression du programme (ler avril fixe) , vous avez a nous adresser quelqucs sujets de questions relatives aux sciences dont le Congres s'occupc (1) , nous les recevrons avec reconnaissance , et nous nous emprcs- serons de les y inserer. Veuillez agreer, Monsieur, l'expression de notre consi- deration la plus distinguee. Les Secretaires du Congres , H. Lecoq. J.-B. Bouillet. P. S. Comme il nous est difficile de ^onnaitre toutes les per- sonnes qui peuvent faire partie du Congres , et que d'ailleurs des inexactitudes ou des oublis sont presqu'inseparables du travail de distribution des lettres et du programme, nous prions celles qui recevront cette circulaire d'avoir la complaisance de la communi- quer a ceux qu'elle peut interesser. (1) Le Congres sera dmse en six sections qui porteront, comme a la cinquieme session , les denominations suivantes : Premiere, Sciences naturem.es. — Deuxieme , Agriculture, Industrie et Commerce. — Troisieme , Sciences medicai.es. — Qualrieme , Archeologie et His- toire. — Cinquieme, Litterature et Beaux-Arts. — Sixieme, Sciences physiques et matiiematiques. XIV PROGRAMME ARRETE PAR LE COMITE D 'ORGANISATION DE LA 6e SESSION, QUI s'OUVRIRA A CLERMONT-FERRAND , LE 3 SEPTEMBRE 1838. DISPOSITIONS REGLEMENTAIRES. i° La 6e session du Congres scientifique de France s'ouvrira a Clermont-Ferrand, le lundi 3 septembre, a midi , dans la grande salle de la Bibliotheque de la ville. i° La duree de la session sera de dix jours. 3° Les travaux da Congres seront repartis en six sections, savoir : ire Histoire naturelle; ie Agriculture, Industrie et Com- merce; 3e Sciences medicales; 4e Histoire et Archeologie; 5e Phi- lologie, Litterature, Beaux- Arts, Philosophic; 6e Sciences Phy- siques et Mathematiques. 4° Dans la premiere seance , apres le discours d'ouverture , on nommera le president et les deux vice-presidents du Congres, qui, avec le secretaire-general, composeront le bureau central. Les secretaires provisoires de sections, choisis par le comite d'organisation, inscriront les noms des membres du Congres dans les sections dont ceux-ci desireront faire partie. Chacun pourra se faire inscrire dans plusieurs sections a la fois. Independamment des secretaires , il sera nomme un commis- saire pour chaque section. XV 5° II sera adjoint au bureau central un suppleant au secretaire- general, et un tresorier-archiviste, charge de la comptabilite de la 6e session et du depot des ouvrages dont il sera fait hommage a l'assemblee. 6° Le president, le vice-president et les deux secretaires de chaque section seront nommes par les sections memes , le lende- main de l'ouverture du Congres. 70 Les sections s'assembleront tous les matins ; elles fixeront elles-memes la duree de leurs seances. L'ordre d'ouverture des seances sera indique sur une carte particuliere, qui sera remise a cbaque membre du Congres. 8° Chaque jour, a deux heures apres midi, il y aura assemblee de toutes les sections reunies. Le secretaire-general lira le proces- verbal de la seance de la veille; les secretaires des sections don- neront lecture des proces-verbaux des seances particulieres tenues dans la matinee. L'assemblee sera consultee sur les conclusions adoptees par les sections. - On pourra ensuite entendre des lectures et recevoir des com- munications verbales ou autres. 9° Nul ne pourra prendre la parole, a une seance, sans en avoir obtenu la permission du president, a qui la police de la seance appartient de droit. io° Aucune deliberation ne pourra etre prise, soit dans les sec- tions, soit dans les reunions generates, si le quart au moins des membres inscrits n'est pas present. n° Toute discussion sur des matieres politiques ou religieuses est interdite. i2° Aucune lecture ne sera entendue en seance generale, qu'elle n'ait ete approuvee par les sections, chacune dans leur specialite. 1 3° Le Congres pourra ordonner, sur la proposition des sec- tions respectives, l'impression des memoires qui lui seront pre- sentes. 1 4° Outre les questions et propositions indiquees au programme du Congres, tous les membres ont le droit de lui en presenter XVJ de nouvelles; mais elles devront etre formulees par ecrit et de- posees sur le bureau du Congres, en seance generate. Elles seront examinees le soir raerae par une commission permanente, qui jugera si elles peuvent etre admises. Le resultat de la deliberation sera communique le lendemain aux sections competentes. i5° La Commission permanente est composee des membres du bureau central , du president et d'un des secretaires de chaque section. 1 6° Aprcs la tenue du Congres, il sera fait des excursions scientifiques. 170 Nul ne sera admis a se faire inscrire parmi les membres du Congres, sil ne justifie de sa lettre de convocation, et ne verse entre les mains du Tresorier, 011 de son delegue, une somme de dix francs. Chaque personne inscrile devra signer le reglement; cette adhe- sion lui donnera droit a une carte d'entree et au volume ou sera consigne le compte-rendu des travaux du Congres. 1 8° Ce volume sera publie par les soins du secretaire-general et des secretaires des sections. 190 Les personnes qui nepourraient pas se rendre au Congres, sont invitees a y envoyer des memoires sur les diverses questions contenues au programme, ou sur tout autre sujet qui pourrait etre compris dans les travaux de Tune des sections. 200 Sont convoques de droit au Congres les membres des Societes savantes, ceux des corps universitaires, fonctionnaires superieurs dans les ordres ecclesiastique , civil ou militaire, et toutes les personnes qui ont assiste aux sessions precedentes. La meme invitation est faite aux etrangers qui sont dans les memes conditions, ou qui ont assiste aux Congres etrangers, ou qui sont connus par des travaux scientifiques (1). 2i° Avant de se separer, le Congres fixera la date et le lieu de la septieme session, nommera le secretaire-general, et invi- (1) Le Comite desire que ce programme soit communique aux per- sonnes qui ne l'auraientpas rec,u, et qui, par leurs titres, auraient droit d'etre admises au nombre des membres du Congres. xvij tera les Societes savantes de la ville designee , a choisir le comite d 'organisation de la nouvelle reunion. 2*2° Toute difficulty non prevue par les presentes dispositions, sera soumise au comite d'organisation, ou a la commission per- manente qui en decidera. QUESTIONS PROPOSEES POUR CHAQUE SECTION. PREMIERE SECTION. HISTOIRE NATURELLE. i° Quels sont les divers soulevements qui ont imprime au pla- teau de l'Auvergne sa configuration actuelle ? 2° Quel est l'ordre d'anteriorite parmi les volcans modernes ? Ceux qui ont produit les coulees labradoriques sont-ils plus anciens ou plus moderues que ceux a coulees pyroxeniques ? Quels sont aussi les rapports qui existent entre les coulees des tracbites gris du Mont-Dore et les coulees de laves grises de Pariou, la Nu- gere, etc. ? 5° Peut-on prouver les rapports qui existent entre le basalte et la tefrine, par Texamen des proprietes oryctognostiques et par le gisement, de maniere a pouvoir en conclure l'identite d'origine et de formation ? 4° Trouve-t-on dans la nature le soufre cristallise en prisme rectangulaire oblique, et en formes secondaires dependant de ce type ? 5° Quels sont les caracteres qui unissent ou distinguent en Au- vergne les filons de pyrite arsenicale , de sulfure d'antimoine , de chaux fluatee et de galene ? Entrer dans les details de la consti- tution de cbacun de ces systemes, et faire connaitre les nouveaux 9 XVIlj resultats que la suite de l'exploitation des filons de Pontgibaud aurait fait decouvrir. 6° Quelques observations geologiques semblent demontrer que les silicates hydrates sont le resultat d'uue decomposition aqueuse des roches plutoniques dans lesquelles ils sont renfermes. Cette indication serait appuyee, au besoin, par les faibles affinites de l'eau, qui ne lui permettent pas de rester unie aux bases terreu- ses, sous Tinfluence de temperatures elevees. Cependant on peut admettre aussi que ces resultats sont modifies completement par des circonstances de pression, et cette nouvelle maniere d'envisa- ger les faits serait appuyee par quelques recherclies recentes de MM. Dufrenay et Laurent. Un examen circonstancie du gisement des mesotypes et autres minerals hydrosilicates de l'Auvergne, contribuerait ajeter du jour sur cette partie extremement impor- tante pour la geologic 7° Des roches qui etaient en contact immediat avec Tatmos- phere , et qui plus tard furent recouvertes par d'autres terrains, ne furent-elles pas modifiees par Taction de la chaleur centrale ? 8° On a signale un fait extremement important pour la theorie des roches plutoniques. Suivant des observations qui ont ete faites , les laves se modifient pendant leur trajet sur la surface du sol, de telle maniere que les echantillons recueillis a l'extremite des coulees ne ressemblent plus a ceux que Ton peut recueillir au point de depart. Confirmer ce fait par plusieurs exemples et par des analyses qui demon trent que ce changement affecte non-seu- lement la structure cristalline, mais encore la composition intime des laves. 9° Indiquer les rapports qui existent entre les differentes cou- ches de sediment de l'Auvergne et les fossiles animaux et vegetaux qui s'y rencontrent; etablir une double echelle chronologique indiquant 1'age de ces terrains et la nature des fossiles qui y sont enfouis, avec indication de ceux qui sont caracteristiques ; don- ner, autant que possible, un apercu de l'ancienne vegetation de l'Auvergne et des animaux antediluviens qui l'habitaient. lo° Les Geologues qui habitent le centre de la France sont in- vites a presenter au Congres de Clermont un precis de la geologie XIX des contrees qu'ils habitent ; a indiquer les decouvertes recentes qui y out ete faites ; a faire connaitre les tentatives executees pour Tetablissement de puits artesiens, si elles ont ete couronnees de succes, et, dans ce cas, quels phenomenes particuliers ont accom- pagne le jaillissement de l'eau. 11° Quel role ont joue les eaux minerales dans le depot des roches de sediment et dans la composition de l'atmosphere? Quelle action ont-elles pu exercer sur les parois des roches cristal- lisees qu'elles ont traversers pour venir au jour, et quelle a ete leur influence sur le developpement des etres' organises ? 12° La science, dans ses progres, a-t-elle assigne une limite caracterisee entre les animaux et les vegetaux. 1 3° Doit-on admettre avec Spallanzani et Redi que l'anguille (murena anguilla, Lin. ) ne se reproduit que dans la mer ? A-t-on observe et constate de nouveaux faits propres a confirmer ou infir- mer cette opinion ? 1 4° Est-il aujourd'hui constate que chez quelques bombix du sous-genre Psyche, la fecondation s'opere souvent comme cela a lieu chez les poissons ? 1 5° Le mode de reproduction du pou de la phthiriasis ( P. ta- bescentium) est-il connu? La generation spontanee doit-elle etre admise pour les acafus scabiei et exulcerans , et quels sont les animaux chezlesquels elle serait definitivement prouvee? 1 6° Quels sont les oiseaux de passage, principalement ceux de passage accidentel, qui ont ete observes en Europe, pendant l'hiver de 1807 a i838? II sera important d'indiquer les epoques d'apparition, une approximation de leur quantite, et surtout les localites particulieres ou ils ont ete observes. 1 70 Comment s'opere la reproduction et la nutrition du taenia? ou mieux : Assigner l'anatomie et la physiologie du taenia de Thomme. 1 8° Malgre les grossesses extra-uterines , et malgre la fa.meuse experience de Nuck, malgre I'opinion de la plupart des physiolo- gistes, est-il certain que dans les mammiferes la fecondation s'opere a l'ovaire dans l'etat normal? La consideration de ce qui se passe dans la majorite des etres du regne animal, et les opi- XX nions de quelques savants ancienset modernes ne peuvent-elles pas jeter du doute sur cette question ? 19° Le pollen d'une espece differente influe-t-il toujours sur les caracteres botaniques des individus provenant des fruits de I'es- pece fecondee ? 200 Est-il vrai que certaines plantes sont, par leur nature, nui- sibles a d'autres plantes qui les avoisinent? 210 II existe dans les plantes cryptogames, et notarnment dans les families des mousses, des fougeres et des equisetacees, un cer- tain nombre d'individus steriles qui se distinguent par des formes particulieres, et en general par un plus grand developpement des organes foliaces, des especes auxquelles ils appartiennent. Cette apparition d'individus steriles est-elle acciden telle ou necessaire? quelle est leur destination? existent-ils toujours dans les memes proportions relativement aux individus fertiles ? 220 Les botanistes sont invites a presenter au Gongres leurs ob- servations sur la geographie des plantes, et a signaler surtout les divers cas particuliers qu'ils auront pu recueillir sur la distribu- tion des plantes de la flore franchise. 23° II sera fait une enquete sur l'etat des etudes des sciences naturelles en Auvergne. DEUXIEME SECTION, AGRICULTURE, INDUSTRIE ET COMMERCE. 1° Dans quelles circonstances convient-il de preferer les prairies artificielles formees par le semis d'une seule espece de plante (trefle, sainfoin, luzerne, etc.), aux prairies naturelles ou a celles qui sont creees par le semis simultane de plusieurs especes? 20 Apresles graminees et les legumineuses, quelles sont les fa- milies naturelles de plantes parmi lesquelles il faut chercher des plante.s fourrageres? 3° Dans le semis artificiel d'une prairie composee de plusieurs especes de plantes comme le sont les prairies naturelles , quelles sont les especes quil faut preferer, en ayant egard a la nature du sol ? En quelle proportion faut-il les melanger, et quelle quantite XX] de semence melangee (en poids) est necessaire pour une surface donnee (un hectare par exemple)? Quelle est lepoque la plus fa- vorable au semis? Convient-il de melanger peu ou beauconp d'es- peces pour obtenir un bon produit en fourrage? 4° La loi d'alternance, si reraarquable dans la nature, et si bien reconnue dans la reproduction des forets, a-t-elle une influence marquee sur les plantes qui constituent les prairies naturelles ? Doit- on tenir compte de ses effets probables pour l'ensemencement des prairies artificielles composees ? 5° Les plantes qui composent les prairies atteignant des hauteurs diverses , convient-il , dans les semis, de faire attention aux dimen- sions des plantes en hauteur, afin de les combiner de telle maniere que le developpement du feuiliage se fasse h. des hauteurs diffe- rentes, et que le produit en foin soit plus considerable sur un es- pace donne, que si toutes les herbes atteignaient le meme niveau? 6° Quelles sont les essences qui composent plus particulierement les forets du centre de la France? dans quelle proportion existent- elles, et quelles sont celles qui acquierent le plus grand develop- pement? Existe-t-il une grande difference dans la rapidite de l'ac- croissement, selon les localites? Et quel est age le plus fayorable a la coupe des taillis ? 7° Le taillis d'une foret etant coupe, est-ce la meme essence qui s'y developpe encore , ou bien une nouvelle vient-elle la remplacer? Indiquer ces changements ainsi que les especes sur lesquelles ils s'operent. 8°Faut-il reconnaitre, oupeut-onnierabsolumentles iufluences de la lune sur la germination, et sur le cours de la seve? Faut-il tenir compte de ses phases pour l'ensemencement, la plantation, la taille et les autres sbins agricoles ? Les proverbes relatifs a ces influences sont-ils les memes-dans toute la France ? Que conclure de leur concordance ou de leur contradiction? ■ — Un Congres d'hommes rassembles de pays tres-divers , et qui pourraient com- parer ces observations, formulees en proverbes, pouraient resou- dre ces questions, qui ne sont point sans importance, 9° Ce serait sans doute rendre un grand service a Tagriculture que de preserver les fruits (cerises, poires, pommes, noix) de XX1J l'atteinte des vers qui s'y developpent. La connaissance des pro- prieties odorantes des plantes et des antipathies des mouches pour certaines odeurs, ne fournirait-elle pas un moyen d'arriver a ce resultat , en eloignant ces insectes au moment de la floraison? io° Les coramunaux qui appartiennent aux communes ou aux sections de communes, doivent-ils etre vendus, amodies ou par- tages ? Dans le cas ou ils seraient partages , doivent-ils 1'etre par feux et par parts egales pour chaque feu? Est-il necessaire, pour arriver a un resulsat, de provoquer line loi generale pour toute la France? Des ordonnances royales rendues pour les departements dont les usages sont les memes , seraient-elles suffisantes ? Ne vaudrait-il pas mieux s'en rapporter a l'autorite departe- mentale, qui, apres une ordonnance royale, mais speciale pour chaque cas, et sur l'avis du conseil general, des conseils d'arron- dissement et des conseils municipaux, opererait le partage, la vente ou l'amodiation , selon que Fun de ces trois modes d'utili- ser les communaux aurait ete prefere dans la commune , dans Tarrondissement ou dans le departement? Dans le cas ou cette opinion serait admise , ne serait-il pas ne- cessaire que le ministre de l'interieur mit les prefets en demeure de commencer cette operation le plus promptement possible? n° La couleur jaune citrine qu'acquiert le jus de betterave par Toperation de la defecation , tient-elle a Taction de l'air ou bien a celle des divers acides que contient le jus de betterave, sur le fer des rapes , et le cas echeant , indiquer un moyen qui pour- rait reduire cette racine en pulpe sans l'emploi d'aucune substance metallique. 12° Pourquoi des betteraves de meme qualite, semees dans le meme champ, a egale profondeur, croissent-elles, les unes touf a-fait en terre, les autres totalement hors deterre? Celles-ci, de couleur verte, etant moins bonnes de 2/7 environ que les premieres et d'un travail plus difficile, quels seraient les moyens de les faire naitre ou de les maintenir toutes en terre? moyens, toutefois, qui seraient autres que le repiquage, lequel XX11J produit bien cet effet, mais, entre autres inconvenients , tiuit beaucoup au developpement de la plante. Si la betterave, sortie de terre, verdit et perd de sa qualite, n'y aurait-il pasavantage, apres les premiers binages et sarclages, de la butter? Le buttage, si avantageux a la pomme de terre, a-t-il, comme le pretendent certains cultivateurs, l'inconvenient de comprimer la plante , et d'etre, par ce motif, un obstacle a sa croissance ? 1 3° Quels sont les avantages et les inconvenients des chemins de fer etdes canaux relativement au commerce et a Tindustrie? Ges deux moyens sont-ils egalement propres au transport des raar- chandises , ou Tun des deux doit-il etre prefere a l'autre ? Les cir- constances de localite n'ont-elles pas une grande influence sur la resolution de cette question ? 1 4° Qu'etaient le commerce, les sciences et les arts dans les Gaules , et particulierement dans la partie qui comprenait la troi- sieme Lyonnaise, ancienne Auvergne, dont la capitale se nom- mait Augustonemetum, jusqua la cession qui en fut faite aux fils de Clovis par l'empereur Justinien ? i5° La grande division de la propriete est-elle utile a la pros- perito publique et aux bonnes mceurs ? Quels sont ses effets chez les differents penples de l'Europe ? Quels sont specialement ses eflFets en Auvergne, ou elle existe a un si haut degre? 1 6° 11 sera fait une enquete sur l'etat des etudes agricoles en Auvergne. TROISIEME SECTION. SCIENCES MEDICALES. i° Quelle peut etre Taction sur l'economie animale de la ma- tiere organique contenue dans les eaux minerales ? Ces eaux ne doivent-elles pas a cette matiere presque inconnue encore, une partie de leurs proprietes ? qnelles experiences ont ete tentees sur ce sujet , et quelles seraient celles que Ton pourrait faire ? 2» Plusieurs eaux minerales perdent leurs proprietes peu de XXIV temps apres leur puisement a la source, et deposent immediate- ment quelques principes devenus insolubles ; ne pourrait-on pas dans ce cas utiliser , comme moyen therapeutique , ce depot natu- rel des sources qui representerait leurs proprietes ? 3° Scrofules. Tacher d'apprecier, mieux qu'on ne l'a fait jus- qu'a present , les causes et la nature de cette maladie , le mode d'alteration que son principe imprime a la vitalite et aux organes. Indiquer ses rapports avec d'autres maladies telles que les goi- tres , les tubercules , la chlorose , etc. Eclairer sa prophylactique et son traitement; montrer jusqu'a quel point les institutions civiles, appliquees a ameliorer la condi- tion de l'homme, pourraient avoir une influence heureuse sur l'attenuation des causes et du principe de cette hideuse maladie; i° en l'eclairant sur le danger de placer ses habitations dans des lieux insalubres, sur la necessite d'elever au-dessus du sol toute la partie de la maison que la famille doit habiter, de la disposer de maniere a la rendre bien accessible a Taction du soleil et de la lumiere, surtout dans les lieux montueux , dans les climats froids ou temperes ; 2° en lui faisant seutir le danger de certaines pro- fessions qui le condamnent a passer sa vie dans des lieux obscurs , frais et humides , condition qui peut etre consideree comme for- mant la principale cause de la degeneration du scrofule ; 3° en lui indiquant les moyens de rendre sa nourriture plussaine , plus toni- que, plus substantielle, en cultivant mieux la terre, en elevantun grand nombre de bestiaux, en faisant usage des liqueurs fermentees . Enfin , tracer a grands traits les indications que cette maladie presente pour son traitement, et surtout faire sentir les modifica- tions qui doivent etre apportees a ce traitement, selon les diffe- rentes phases que la maladie parcourt , le degre de vitalite des organes , sa marche passive ou active , atonique ou inflammatoire , que l'affection scrofuleuse est susceptible de revetir dans les diffe- rentes periodes de son cours , et selon les dispositions constitu- tionnelles et la position de ceux qu'ells atteint. 4° Syphilis. Rechercher quelle a ete l'influence de cette mala- die sur l'etat physique et moral de Thomme, sur la production et le developpement des maladies scrofuleuses , des affections du cer- XXV veau, du coeur et des arteres, des membranes muqueuses, ainsi que celles des autres tissus. Fixer sa therapeutique mieux qu'elle ne Test; apprecier Taction surcettemaladiedu traitement par lesantiphlogistiques, du trai- teraent local; indiquer quelles sont les conditions dela maladie ou ces methodes de traitement suffisent pour guerir , et quelles sont celles ou la maladie demande , pour etre radicalement guerie , une autre methode de traitement. 5° Analyser quelles sont les causes qui, de nos jours, ont rendu si frequente la monomanie du suicide. Rechercher et ccnstater par l'observation et Investigation des cadavres : i° Quelles etaient les dispositions constitutionnelles de ceux qui se sont suicides ; 2° quelles sont les alterations organi- ques , ou les dispositions vicieuses des organes antecedentes aux lesions qu'a pu produire l'homicide lui-meme , que Ton rencontre chez ceux qui ont termine ainsi leur existence. Indiquer quelles pourraient etre, dans ce qui constitue le regime, les conditions les plus propres a diminuer ce penchant funeste. 6° Quels sont les rapports qui existent entrel'organisationcere- brale et les facultes instinctives , morales et intellectuelles de l'homme ? 7° Quelle est l'influence de la phrenologie sur la condition mo- rale de 1'homme et sur l'education ? 8° Quels secours la phrenologie peut-elle fournir pour l'etude "de l'alienation mentale ? 9° Designer la cause qui entretient la plus grande partie des maladies dans un etat chronique, et indiquer les moyens que Ton doit employer pour detruire cette meme cause. io° Pour prevenir, autant que possible, les maladies qui aftectent les pauvres des campagnes et leur assurer des soins, quand ils en sont atteints, ne serait-il pas convenable de donner quelques no- tions d'hygiene aux eleves des ecoles primaires , et d'instituer des medecins cantonnaux retribues par TEtat ? 1 1 ° Existe-t-il des faits qui prouvent que le voisinage du chanvre, dans les rivieres ou on le plonge pour le rouir, exerce une influence sur la sante publique ? Et dans le cas ou la reponseserait XXVJ affirmative , determiner la cause elementaire de cette influence et le mode de son action. 12° L'art possede-t-il un moyen sur pour maintenir dans un etat d'ecartement permanent les bords de la plaie de la trachee- artere, jusqu'au retablissement de la respiration, apres lopera- tiondela tracbeotomie, pratiquee dans la periode extreme du croup, avec imminence de suffocation, comme unique ressource du salut de l'enfant ? 1 3° II sera fait une enquete sur I'etat des etudes medicales en Auvergne. QUATRIEME SECTION. HISTOIRE ET ARCHEOLOGIE. i° Des recherches nouvelles et surtout des faits nombreux sur la valeur (en sous, livres, derniers) des denrees et des objets em- ployes dans les arts, pendant les i2e, i3e, i4eet i5esiecles, seraient utiles pour completer les travaux de Dupre de St-Maur , de Paucton , etc. Ces documents pourraient eclairer l'histoire civile, politique , et surtout celle des arts et du commerce. II serait im- portant que les faits fussent puises dans chacune des anciennes provinces de France, avec indication du rapport exact des mesures citees aux mesures metriques. 2° Quelle etaitl'origine et la destination primitive des tumulus ? Indiquer les rapports qu'ils offrent entr'eux dans les differentes parties de la France. — Examiner si leur usage dans les Gaules etait specialement affecte aux personnes de l'ordre civil, militaire ou^religieux, ou egalement attribue a ces trois ordres. 3° Quels sont les signes et emblemes caracterisquesque les his- toriens, les monuments et la philologie ont fait reconnaitre pour les diverses peuplades des Gaules ? 4° La monnaie frappee en France , au nom des monetaires, fut- elle , dans le principe, royale ou municipale ? 5° Determiner les limites qui separent les contrees ou Ton par- lait la langue Romane ou langue dOc , des contrees ou Ton parlait la langue d'Oil. Indiquer la ligne de cette demarcation. XXV lj 6° Quelle etait la veritable destination des instrumens de bronze, designes vulgairement sous les noms de hach.es ou coins , que Ton attribue aux Celtes, et que Ton trouve en grand nombre dans toutes les parties de la France , et dans quelques pays etrangers ? 7° A quelles marques peut-on distinguer les tombeaux franks des tombeaux gaulois , quand ils sont depourvus descriptions et de bas-reliefs ? 8° A quelle date peut-on faire remonter en France l'origine de la noblesse hereditaire, et celle de la noblesse comme caste; distinction necessaire pour bien apprecier les faits de cbaque epoque ? 9° Quelle est l'origine de l'arehitecture ogivale? Est-elle, comme quelques personnes l'assurent, une modification de Tart grec et romain ? Est-elle due , au contraire , comme d'autres l'affirment , aux Sarrazins , qui en seraient les inventeurs ? L'arehitecture ogivale a-t-elle pris naissance dans notre pays, ou y a-t-elle ete importee ? A quelle epoque apparait-elle en Europe, en particulier en France? Quelle a ete sa marche? S'est-elle propagee du nord au midi, ou a-t-elle suivi une route inverse? Oubien encore a-t-elle apparu partout en meme temps ? io° Rechercher, relativement a l'introduction de Togive dans l'arehitecture, quels sont les monuments de l'Auvergne qui offrent les caracteres de i'epoque de transition de la periode ro- mane ou bysantine a la periode ogivale ? ii° Le style ogivale primitif etait-il generalement adopte en Auvergne au XIIIe siecle ? 12° Determiner rigoureusement quels sont les caracteres archi- tectoniques (forme, dispositions, moulures, etc. , etc. ) qui dis- tinguent au XIe et au XIIe siecles , les monuments religieux de l'Auvergne. 1 3° Quel est, du style Roman ou du style Ogivale, celui qui convient le mieux a la construction des eglises des villes et des campagnes , eu egard a la fois a la solidite et a l'economie dans les depenses ? \XV1IJ Ce style indique, quelle est, parmi les diverses periodes, cellc qui reunit au plus haut degre les deux conditions ci-dessus ? i4°Le monogramme que Ton trouve sculpte sur beaucoup de croix et dans beaucoup d'eglises de l'Auvergne , est-il bien le monogramme du Christ J H S ? 1 5° Rechercher le lieu ou a existe la Gergovie des Boiens. i6° Indiquer les moyens de tracer une carte de l'aucienne Gaule au ier siecle de l'ere chretienne, avec les voies romaines, les camps romains, les villes existantes a cette epoque, et celles qui doivent leur origine aux etablissements romains. Quel serait le mode a adopter pour parvenir a l'executer ? 1 7° L'histoiredel'invasionromaine prouve que l'Auvergne a ete la derniere province des Gaules qui fut soumise par Cesar. Elle dut peut-etre cet avantage a sa position elevee et centrale; la meme cause n'a-t-elle pas influe sur les invasions des Goths , des Francs, des Sarrazins, des Normands etdes Anglais? Quelle a ete la marche d'Attila en Auvergne? Rattacher , autant que possible, ces diverses invasions a des considerations sur la geographie physi- que de la France. Son plateau central n'aurait-il pas ete toujours ou presque toujours contourne par les conquerants, avant qu'ils allassent porter sur lui leurs derniers coups; et si quelquefois il a ete ravage par des invasions momentanees , comme celles des Sarrazins, nefut-cepas simplementparquelquesbandesdetachees des colonnes principales qui seraient restees dans les contrees basses? 1 8° Existe-t-il des caracteres physiques et moraux qui distin- guent les habitants de l'Auvergne de ceux des autres parties de la France? Ces habitants sont-ils autochtones ou etrangers? Dans ce dernier cas , de quelle race proviennent-ils ? Distingue-t-on plu- sieurs races parmi les habitants actuels de l'Auvergne ? 190 Quelles causes ont ameneen Europe l'abolition del'esclavage domestique ? A quelle epoque a-t-il cesse ? 200 II sera faite une enquete sur l'etat des etudes historiques et archeologiques en Auvergne. XXIX CINQUIEME SECTION. PHILOLOGIE, LITTERATURE , BEAUX-ARTS, PHILOSOPHIE. \° Quels sont les symptomes de la decadence d'une litterature ? — Lorsque ces symptomes se manifestent , est-il au pouvoir des gouvernements ou des hommes de lettres, isoles ou reunis en societe, d'empecher ou du moins de retarder cette chute ? 2° Aquelles conditions le theatre est-il un moyen de civilisation, et jusqu ou s'etend son action civilisatrice ? 3° L'antiquite nous a laisse un chef-d'oeuvre de philosophic et de gout dans VArt poe'tique d'U.orace. Non par une vaine curio^ite, mais pour l'intelligence plus complete de cette epitre, les philolo- gues ont recherche quelle etait l'origine de ce poeme, quel but Horace s'y etait propose. Les opinions de Richard Hurd et de Wieland partagent les savants. Avec les progres de la critique mo- derne , serait-il possible de trancher cette question ? 4° Determiner jusqu'a quel degre l'etude des sciences physiques et mathematiques , et raeme des sciences naturelles, doit entrer dans le plan des etudes classiques des colleges. 5° Peut-on et doit-on joindre, dans Tinstruction publique se- condare (les colleges), un enseignement regulier et raisonne de la musique et du dessin, qui soit en harmonie avec celui des belles- lettres , arts et sciences qu'on y enseigne ? La variete de ces etudes ne nuirait-elle pas a leur solidity, et peut-on tracer un plan de leur distribution qui soit bien en rapport avec l'age consacre a leur culture et le temps que la jeu- nesse peut y employer ? 7° Quels seraient les moyens de donner plus d'unite d'action aux societes savantes des provinces ? 8° Quels sont les travaux anxquels devraient plus specialement se livrer les societes savantes ? — Quelles divisions principales devraient-elles adopter pour leurs recherches ? D'apres quel plan ces recherches devraient-elles etre entreprises et poursuivies ? 9° Rechercher et indiquer les moyens de mettre plus immedia- tement en rapport les diverses societes savantes des provinces de XXX France , de faire connaitre plus generalement leurs differentes pu- blications, de hater l'ecoulement de leurs productions. io° Quels effets l'amelioration des mceurs, les progres de l'ins- truction publique , l'accroissement de Taisance et les institutions liberates exercent-ils sur la duree de la vie, sur l'accroissement de la population , sur le nombre et Tintensite des maladies ordinai- res, sur la frequence, l'affaiblissement ou merae la disparition des maladies epidemiques , endemiques et contagieuses ? Comment concilier les faits contradictoires que Ton dit avoir ete observes chez les differents peuples modernes relativement a cette question ? ii° II sera fait une enquete sur I'etat des etudes litteraires et philosophiques en Auvergne. 120 Aulieu de proposer un grand nombre de questions litterai- res et philologiques, presque toutes epuisees, ou sur lesquelles il serait difficile de concilier les opinions , les secretaires du Congres invitent a apporter des productions litteraires, quelles qu'elles soient, en prose ou en vers, sur les sujets ou questions qui pour- ront convenir aux etudes ou aux vues particulieres de leurs au- teurs. SIXIEME SECTION. SCIENCES PHYSIQUES ET MATHEMATIQUES. i° Quelle est la nature de la matiere organique que Ton rencon- tre dans les eaux minerales ? Cette matiere existe-t-elle dans toutes les sources? Quels sont ses caracteres, et quel genre de combi- naison peut-elle former avec les matieres salines contenues dans ces memes eaux ? 2° L'action electro-magnetique qui a deja ete observeedansl'in- terieur de quelques filons metalliques, uotamment dans le depar- tement de la Mayenne, a-t-elle ete remarquee dans d'autres re- gions , comme appartenant aux masses ou filons de diorite et de melaphyre ? Cette action est-elle egalement exercee par les masses basalti- ques de contr^es volcaniques ? XXXj Ne conviendrait-il pas d'appeler l'attention des savants sur ces actions electro-magnetiques qui semblent offrir une application nouvelle des etudes geologiques, et peut-etre fournir des explica- tions a plusieurs faits ? 3° Quel serait le meilleur moyen d'obtenir sur divers points de la France des observations meteorologiques bien faites et compa- rables , et quels en seraient les avantages? 4° Recueillir soigneusement et reunir les observations au moyen desquelles on pourrait parvenir a etablir la veritable theorie de la grele. 5° Le Puy-de-D6me , par sa forme elancee et son isolement, semble destine a jouer un role dans la meteorologie des envi- rons de Clermont; mais quel est son mode d'action ? Des details sur les divers vents qui tourbillonnent autour de sa base , sur les divers caracteres des nuages qui tantot s'elevent le long de ses flancs,tantot, au contraire, descendent du ciel et gagnent le pla- teau en s'inflechissant sur ses pentes, seraient de nature a devoi- ler la cause de plusieurs phenomenes atmospheriques. 6° L'acide carbonique qui existe dans l'air atmospherique y est-il toujours dans la meme proportion , et ne pourrait-on pas de- terminer cette qnantite, en faisant passer lentement un grand volume d'air a travers'une solution capable d'absorber cet acide ? 7° Les personnes qui s'occupent des sciences pbysiques sont priees de communiquer leurs travaux au Congres; car le nombre des questions qui pourraient faire partie de cette section est si considerable qu'il est presque impossible d'y faire un choix. 8° II sera fait un enquete sur l'etat des etudes relatives aux sciences physiques en Auvergne. Question generale. — Quel serait le meilleur mode d'etablir entre les personnes qui s'occupent de collections diverses , des moyens d echanges egalement avantageux a tous ? Ne pourrait-on pas profiter, pour cet objet, de la reunion des Congres scientifi- ques, et de leurs stations annuelles sur divers points de la France ? XXXlj EXCURSIONS PROJETEES AUX ENVIRONS DE CLERMONT, APRES LA SESSION DU CONGRES , PAR LES SECTIONS SEPAREES OU REUNIES. 1. Clermont. — L'eglise du Port, la Cathedrale, le Pont de pierre et la Source incrustante de Saint- Alyre. — Riom et l'eglise de Mozat. 2. Promenade a Gergovia. — Vignobles de Beaumont et d'Aubiere ; coulee de lave de Gravenoire; pres et vergers de Beaumont. — Site de l'ancienne Gergovie; plateau basaltique de la montagne. — Ravins re- marquables par leur constitution geologique. — Vue du sommet du pla- teau de Gergovia, sur la Limagne, le bassin de l'Allier et les montagnes volcaniques du Puy-de-D6me. 3. Puy de la Poix et de Crouel. — Source bitumineuse tres-remar- quable. — Agriculture de la Limagne. — Point de vue magnitique du Puy de Crouel. — Flore de cette montagne. 4. Excursion au Puy de Pariou et au Puy de Dome. — Flore et agri- culture des montagnes. — Coulee de lave de Pariou; magnifique cratere du volcan. — Le petit Puy de Dome; son cratere ou Nid de la Poule. — Le Puy de Dome. — Vue de son sommet, sur toute la chaine volca- nique, composee de soixante bouches ignivomes. — Retour par Fon- tanas et Royat. — Nouveaux points de vue des plus pittoresques. — Prairies et vergers dela vallee. — Sources s'echappant de la lave, sous la Grotte de Royat.' — Eglise de ce village avec sa crypte. 5. Le Mont-Dore. — Depart par la petite route , a travers les mon- tagnes volcaniques du Puy de Dome. — Puys dela Vache et de Lassolas. — Aydat, son lac et son eglise, ou Ton suppose que fut inhume Sidoine Appollinaire. — Vallee- du Mont Dore ; son elablissement thermal. — > Forets de sapin. — Agriculture des montagnes , — leur belle vegetation, leurs richesses pastorales, — fabrication des fromages, — Cascade de Quereuilh et de la Verniere, — Magnifiques colonades de la Roche Sanadoire, — Cascade du Serpent, — Picde Sancy. — Gorge des Enfers. Retour par Saint-Nectaire. — ■ Murol et son vieux chateau. — Le lac Chambon et le volcan du Tartaret. — L'eglise de Saint-Nectaire, — ses eaux thermales, — ses incrustations, — ses Dolmens. — Retour a Cler- mont par la route d'Issoire. Pour tous les renseignements qui ont rapport a la sixieme session du Congres scientifique , on peut s'adresser, franc de port, a M. H. LECOQ, ou a M. J.-B. BOUILLET, secretaires generaux. C'est chez M. J.-B. BOUILLET, rue du Port, n° 22, que MM. les Membres du Congres doivent deposer leur colisation, signer le regie- ment, et qu'une ou plusieurs cartes leur seront remises, selon le desir qu'ils auront exprime d'etre membre d'une ou de plusieurs sections. XXXllj SEANCE D'OUVERTURE DE LA. 6C SESSION DU COIVGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE SEANCE DU 3 SEPTEMBRE. Le lundi 3 septembre , a midi , une grande partie des membres inscrits pour la 6me Session du Congres se sont reunis dans la grande salle de la Bibliotheque publique. M. Gonod, vice-president de l'Academie royale de Clermont, a ete prie de presider la seance pendant la formation du bureau definitif. M. Gonod, apres avoir exprime ses regrets relativement a l'absence de M. le comte de Montlosier , president de l'academie , a donne la parole a M. Lecoq , qui a prononce le discours suivant. Messieurs, Une institution nouvelle , puisqu'elle compte a peine six annees d'existence, vous reunit aujourd'hui dans l'ancienne cite des Ar- vernes, aa milieu d'une campagne fertile que les Romains dispu- terent long-temps a ses premiers habitants , et qu'ils finirent par soumettre a leur puissance. Depuis lors , les siecles se sont ecoules ; de grands evenements se sont rapidementsuccedes, et la contree 3 XXXIV que vous venez visiter n attend plus d'autres conquerants que ceux dont la parole intelligente peut yrepandre de nouveaux germes de civilisation et contribuer ainsi a la marche progressive des con- naissances humaines. Cette mission, Messieurs, est celle que vous avez a remplir, mission de paix , de progres et de desinteressement ; car aucunc recompense ne viendra vous atteindre , aucune marque distinctive, aucun de ces honneurs si souvent jetes au-devant de l'amour- propre, ne viendront, au fond de l'Auvergne, consacrer la memoire de vos travaux et de votrezele; rien. Mais le souvenir d'une reu- nion d'hommes instruits et devoues aux sciences , restera long- temps dans la ville qui est fiere de les recevoir. Peut-etre aussi , Messieurs , vous rappellerez-vous avec plaisir cette brillante assem- bled, nouvelle croisade, plus pacifique, sans doute, que celle dont huit siecles nous separent et dont les resultats doiventetre sidiffe- rents. II ne m'appartient pas, Messieurs , de tracer la route que vous avez a suivre ; devant vous se presentent des sujets d'etude si varies et si multiplies, qu'une marche tracee d'avance offrirait trop d'obstacles a ceux que Ton voudraity astreindre. II faut, du reste, pour l'avancement des connaissances humaines, que l'esprit etl'imaginationsoientlibres, et quele jugement seulsoit charge de les guider. Si, par la redaction d'un programme, vos secretaires semblent s'etre eloignes de ce principe, e'estqu'ils ont voulu suivre d'abord l'usage etabli dans les sessions precedentes; e'est qu'ils ont voulu appelerl'attentionsur des questions d'une certaine importance, et susciter des debats que votre presence peut vivement eclairer. Telle a ete notre pensee; mais ce programme n'est pas impose au Congres, il ne doit arreter aucune consideration qui sortirait de son cadre , exclure aucune des milles questions que Ton aurait pu y joindre ; il faut que toutes les hautes questions de sciences et de litterature puissent etre librement debattues. Ainsi que vous pouviezle prevoir, Messieurs, l'institution des Congres a grandi chaque annee. A cet accueil froid et indifferent qui dans le principe contrastait si vivement avecle zele d'un petit XXXV nombre de savants devoues, dont les noras vous sont trop connus poor que je vous les rappelle, a succede un interet general, dont le nombre toujours croissant des membres du Congres vient vous donner la preuve. Les societes savantes, qui dans le principe avaient a peine repondu a l'appel qui leur etait adresse, ont bientot senti la necessite et la convenance de se faire representer par quelques-uns de leurs membres; et si nous n'avons pas presents dans cette enceinte tous ceux qui ont ete designes pour remplir cette mission , nous avons du moins les sinceres adhesions des absents a vous offrir, et leurs vifs regrets a vous temoigner. Un temps viendra , et nous devons le croire tres-rapproche de cette epoque, ou. chaque session comptera dans son sein les deputations de toutes les societes academiques, etalors, comme dans la contree la plus savante de l'Europe, comme en Allemagne, l'utilite des Congres ne sera plus contestee. lis imprimeront aux travaux de ces societes un ensemble, une unite d'action qu'elles n'ont pu acquerir encore, et la viendra se generaliser cette masse de con- naissances locales que la diversite des situations peut seule per- mettre de recueillir. C'est done a vous, Messieurs, d'imprimer aux etudes litteraires et scientifiques de la province la direction qui doit leur etre le plus profitable; il vous appartient de reunir dans chacune de vos sessions le faisceau de connaissances que chacune d'elles peut vous apporter , et vous verrez bientot s'elever de divers points de la France, des hommes de sens et de jugement que vous aurez en- courages par votre presence, et qui, eloignes de Paris ou des grands centres de civilisation , seraient encore ignores de tous, sans l'appel que vous leur avez adresse, sans l'exemple utile que vous venez leur donner. Cebutqueje vous signale, Messieurs, vous l'avez atteint en partie en continuant de marcher dans la voie que vous vous etiez tracee des vos premieres sessions , et cette voie il faut la suivre encore. Yous conserverez dans les discussions scientifiques qui vont se presenter , dans les debats litteraires qui vont s'ouvrir, cette dignite, cette urbanitequi sont inherentes au talent, a quel- que contree qu'il appartienne; cette mesure d'expressions qui fait XXXVJ respecter a la fois et la science et les personnes qui s'en occu- pent. Veuillez vous rappeler, Messieurs, que la pensee est libre, que chacun, danscette enceinte, a le droit d'emettre franchement ses idees, et que la recherche de la verite est le seul but vers lequel doivent tendre toutes les discussions. Une reunion comme celle qui siege anjourd'hui , n'aura de vie et de duree qu'en conservant intacte toute son independance. C'est en respectant les personnes , et en discutant leurs opinions avec impartiality, que l'onferafaire de veritables progress aux etudes litteraires et scientifiques. Quelle que soit la hauteur a laquelle un nom s'est place, quelque soit son merite reel, on ne doit point admettre aveuglement des idees que des observations contraires ne permettraient pas d'adop- ter, et le respect le plus profond pour les personnes ne doit point arreter celui qui, par son travail et sa perseverance, croit pouvoir lutter au profit de la verite. Des exemples, malheureuse- ment assez frequents, nous prouvent que parfois le talent lui- merae , soit faiblesse , soit adulation , intrigue peut-etre, se traine sans conviction derriere une celebi ite puissante dont il espere plus tard partager l'eclat et atteindre la fortune. II est penible , Messieurs, d'avouer que de tels exemples existent; mais le con- traire se presente aussi, et semble devoir porter aux sciences d'observation des atteintes plus profondes encore. Des esprits qui se croient superieurs se posent comme des legislateurs qui vien- nent dieter des lois nouvelles et aneantir celles de leurs devan- ciers. Pour eux, les travaux de leurs predecesseurs n'existent pas, a moins qu'ils ne reparaissent deguises dans leurs ecrits. lis ne tiennent compteni d'une celebrite justementacquisepar de longs et utiles travaux , ni d'un nom que le genie a place au-dessus des autres. Une haute idee de leur jugement et quelquefois une pre- somptueuse conviction tiennent lieu chez eux du doute si utile dans toutes les etudes. II est facile, Messieurs, de marcher entre ces deux ecueils, en conservant la bonne foi , la franchise et I'independance qui con- viennent a une reunion dont tous les membres sont sincerement penetres de I'importante mission qu'ils ont a remplir. XXXVlj Pour nous , Messieurs , qui habitous une contree ou les sciences et les lettres surtout ont besoin d'une puissante emulation, ou notre isolement nous fait mieux senlir encore le prix que nous devons attacher a une reunion comme la votre, nous ne pouvons vous offrir que l'accueil franc et sincere d'une population qui marche dans la voie du progres , et qui s'empressera de vous y suivre. Veuillez done, Messieurs, avant de quitter l'Auvergne, jeter un regard studieux sur la.- fertile Limagne, et sur la cein- ture de montagnes dont elle est encadree; veuillez realiser le projet d'itineraires que nous avons trace a la suite du programme, et vous verrez avec un vif interet une contree ou la nature a de- ploye toutes ses richesses , et que les hommes ont couverte , a des epoques differentes , de monuments caracteristiques dont les mi- nes se rencontreront encore sous vos pas. Vous trouverez, Messieurs, dans une bonne distribution de vos moments, la possibility de donner a vos seances 1 etendue qu'elles doivent avoir, et de consacrer a des promenades aussi utiles qu'interessantes, un temps dont l'emploi ne vous laissera pas de regret. Je ne prendrai done plus rien , Messieurs , sur ce temps si pre- cieux pour tous, et si souvent depense avec une si grande prodi- galite. Je vous prie de voir, dans les reflexions que je viens d'avoir l'honneur de vous soumettre , non des conseils que je n'ai pas le droit de vous donner , mais la preuve de tout mon zele pour le succes d'une institution qui doit avoir une influence marquee sur l'avenir litteraire et scientifique de la province. M. Bouillet fait ensuitc l'appel nominal des membres inscrits , et Ton procedc immediatement a la formation du bureau general. Le nombre des votants est de 72. Un seul tour de scrutin a lieu , et offre les resullats suivants : M. De Caumont, president; M. Tailhand, vice-president; M. DeResimoist, idem. XXXVHJ M. Gonod prononce Ies nominations des trois membres elns au scrutin secret, et les invite a venir prendre place au bureau. M. de Caumont remercie Tassemblee , et s'ex- prime en ces termes : Messieurs, J'etais loin de m'attendre a l'honneur que vous venez de me faire en m 'appelant a presider cette assemblee, et j'eprouve le besoin de vous exprimer mes remerciraents. Sans doute, Mes- sieurs, en faisant un pareil choix, vous avez beaucoup moin9 recherche le talent que le zele ; vous avez compte sur mon devou- ment pour le progres d'une institution que j'essayai d'introduire en France, il y a quelques annees, de concert avec plusieurs des membres qui siegent dans cette enceinte. Sous ce rapport, jeferai tout ce que je pourrai pour repondre a la bonne opinion que vous avez eue de mon zele. L'institution du Congres a deja rendu de grands services; elle a donne une grande impulsion aux recherches, une nouvelle vie aux travaux litteraires, dans les contrees ou des sessions ont eu lieu, et je me propose de vous presenter, durant cette session , le tableau des progres les plus importants operes par nos reunions; mais, di- sons-le avec franchise, elles auraient pu faire beaucoup plus encore qu'elles n'ont fait. On a trop souvent oublie que le Congres a pour but de donnerune plus grande impulsion aux etudes litteraires et scientifiques dans les provinces, d'etablir des rapports entre les societes savantes, qui vivent la plupart dans l'isolement, et de les amener a travailler surun plan plusuniforme, a entreprendre des travaux d'ensemble; en un mot, le Congres est une sorte de con- cile ou Ton doit, avant tout , s'occuper de 1'organisation acade- mique. Ce n'est point a dire que Tetude des questions scientifiques doive etre negligee , bien au contraire; mais elles ne doivent point absorber tout notre temps , et nous devons , je crois , commencer par les deliberations relatives aux moyens de donner aux savants reunis en corps l'ensemble et l'unite de vues qui leur manquent. Un sujet de recherches bien important n'a pas encore non plus occupe le Congres, comme on l'avait demande des l'origine; je XXXIX veux parler des enquetes tendant a fixer l'etat des sciences , des lettres et des arts dans le pays ou se tiennent nos reunions. MM. Lecoq et Bouillet ont pris, cette annee , des mesures pour que cette lacune Kit remplie, et un de nos premiers soins devra etre de nous occuper de ce genre de travaux. Ces enquetes faites, il restera au Congres un devoir a remplir; c'est de decerner quelques recompenses aux hommes de province qui se sont distingues par des travaux tres-importants , institues dans lebut de decentraliser, de hater les progres de tout genre dans nos departements : le Congres fera bien de signaler a l'attention publique ceux qui ont marche dans cette voie avec le plus de succes , et afin que la mesure que je propose puisse etre prise im- mediatement, je compte offrir au Congres des medailles d'argent pour ceux qui auraient ete juges dignes de ces recompenses. Je n'ai pas besoin d'insister sur ce fait que , pour etre d'une grande valeur, les recompenses doivent etre rares, n'etre don- nees que pour des efforts vraiment importants , des produc- tions vraiment saillant.es. Vous serez, j'en suis sur, Messieurs, tous de7 cet avis et d'accord sur la necessite d'examiner, avec la plus rigoureuse attention , les titres de ceux qui pretendront a cette distinction qui , decernee par le Congres scientifique de France, sera, j'ose le dire, une des recompenses nationales les plus honorables. Je n'ai plus qu'un mot a ajouter relativement a l'ordre de nos travaux. Avant tout, je crois, nous devons entendre les rapports demandes Tannee derniere sur les travaux des societes savantes des provinces. Ces rapports etant de nature a interesser toutes les sections, doivent, je crois, etre faits en seance generale, et si vous le pensez comme moi, nous pourrons y consacrer la seance generale de demain. Apres cette allocution , dont les conclusions sont taci- ment adoptees , on fixe 1'heure des seances des sections ainsi qu'il suit : Premiere section , Histoire naturelle , de 7 heures a 9 , dans la salle des seances de rAcademie. xl On reunira a cettc section la 6me, dont les travaux , quoique distincts, peuvent, pour la plupart, termes qui sont formes chacun par l'addition des deux precedents. Sou- vent la meme tige presente, dans 1'endroit ou les feuilles sont plus ecartees, une seule spirale, la spire generatrice, dextrorse par exemple; puis, dans un endroit ou les feuilles sont plus nom- breuses , on trouve 2 spirales dans le sens sinistrorse , et 3 dans le sens dextrorse; plus haut, encore, 3 dextrorses et 5 sinistrorses, ou bien i3 sinistrorses et 21 dextrorses, ou bien 34 sinistrorses et 55 dextrorses; enfin, dans une fleur tres-condensee , on trouve 55 dextrorses et 89 spirales sinistrorses, comme dans un tour- nesol. Les nombres de cette serie recurrente ont ete decouverts en premier lieu par MM. Schimper et Alexandre Braun , savants al- lemands, qui n'ont pas meme ete compris dans leur propre pays. Lorsque nous aurons reconnu dans l'examen d'une plante que le nombre des spirales que nous pouvons former sur sa feuille est l'un des termes de la serie recurrente precedenle, la pre- miere et la plus simple de toutes, nous desirons sans doute connaitre le numero d'ordre ou de position de chacune de ces feuilles. Prenons pour exemple un cone de pin dans lequel nous trouverons 5 spirales sinistrorses et 8 dextrorses. Fixons une ecaille a l'aide d'une marque distinctive, avec limplantation d'une aiguille, par exemple, et appelons zero ce point de de- part. Ayant 5 spirales dans le sens sinitrorse, il est evident que notre feuille la plus voisine a gauche sera la 5e du systeme eniier: la feuille qui suivra dans la meme spirale s'appellera 10; les subsequentes seront i5, 20, 25. De meme, ayant 8 spirales dans le sens dextrorse , notre feuille la plus voisine de zero a 4 PREMIERE ET SIX1EME SECTIONS. droite sera la feuille 8, la suivante sera 16, puis nous aurons 24 et 32 , et ainsi nous formerons la figure suivante : On y voit sans peine que pour connaitre le numero d'insertion ^0 23 r •„ i , r 15 18 21 24 27 dune feuille supeneure, u faut 7 10 13 16 19 22 aiouter 5 unites dans une des cinq 2 ^ 8 II 14 17 . . . . . 0 3 6 9 12 spirales simstrorses et 8 unites i 4 dans une des huit spirales dex- trorses. De meme , si nous retranchons 5 unites dans Tune des cinq spi- rales, et 8 dans l'une des huit, nous parviendrons a connaitre le numero de position de la feuille inferieure dans chaque spirale determinee. Les nombres des spirales etant toujours dans le cas present des nombres premiers entr'eux, nous arriverons toujours a la con- naissauce d'une feuille dont le numero d'insertion sera 1 , et nous epuiserons toute la liste des nombres 2,5, 4 > 5 , et sans en omettre un seul. Joignant par une helice on spirale, le point zero qui a servi de depart avec le point 1 , celui-ci avec 2 , puis 2 avec 3 , nous au- rons une spirale enroulee autour d'un axe cylindrique ou coni- que, peu importe. Nous appellerons divergence la distance d'une feuille a l'autre , mesuree sur la circonference coupee par la per- pendiculaire abaissee de 1 , sur le cercle transversal passant par zero. II sera aise de voir que, dans une meme figure, les distances de o a 1 , de 1 a 2 , de 2 a 3 sont toutes egales. Ainsi, nous au- rons toutes nos feuilles ou ecailles de pin reunies par une spirale unique, mais aussi capables d'engendrer les spirales multiples 5 et 8 , et meme celles des nombres superieurs de la serie recur- rente, si la condensation des feuilles etait aussi grande que dans une fleur de tournesol. Nous n'avons pas encore mesure la divergence de deux feuilles dans une meme spire generatrice; essayons d'y parvenir en etu- diant la nature elle-meme , et en observant ce qui se presente a nos regards. Dans un cone de pin a spirales 5 et 8 , la feuille n° 13 paralt placee assez pres de la perpendiculaire elevee en partant PREMIERE Et SIX1EME SECTIONS. 5 de zero; mais la feuille 21 s'en rapproche davantage. Supposons d'abord que le cone de pin soit forme de i3 rangees verticales de feuilles, alors Tangle qui mesurera la distance de zero a 1 , sera T§ : on peut le verifier facilement sur une figure. Mais supposant que le cone ait reellement 21 verticales, Tangle deviendra — de la circonference. Ces nombres sont tres-voisins Tun de Tautre , mais non egaux. Supposons maintenant que nous ayons une fleur de tournesol avec 55 spirales dans un sens, et 89 dans Tautre, la feuille i44 sera placee bien pres de la verticale, et Tetude de la distance de zero a 1 , prise sur une figure, nous prouvera que la distance est alors de ^ de la circonference. Reunissant tous ces angles ob- serves, et ajoutant les angles intermediaires, en montant ou en descendant, nous formerons la serie infinie suivante: i, A, & |, J- JL LL M 1A 65 1$' 21» 34» 55' 89» 141* Or, ces fractions sont les reduites successives de la fraction p£- riodique continue A -[- I _|_ I -f^ i. Supposons toujours que la plante qui presentera pour spirales les nombres de la serie recurrente 1 , 2, 3, 5, 8.... soit organisee de telle sorte que ses feuille"s soient rangees en series verticales ou paralleles a Taxe des tiges , alors la mesure de Tangle qui separe deux feuilles consecutives sera toujours une fraction rationnelle de la circonference : nous venons d'indiquer cette serie de frac- tions. Mais comme la meme tige presente tantot un nombre , tantot Tautre dans ses spirales , un nombre plus eleve si ses feuilles sont plus condensees, un nombre moindre si elles sont moins rappro- chees, il en resultera aussi cette consequence, que dans une meme tige Tangle variera sans cesse, tantot plu's grand, tantot moins grand, selon le caprice de la vegetation. lien resultera qu'il n'existe point d'unite dans la symetrie d'une meme tige, les an- gles etant cependant tres-voisins Tun de Tautre : dans le tourne- sol, par exemple, Tangle du calice sera different en plus de 9' de Tangle du receptacle de la fleur. La serie continue periodique | -f- J -f_ | a un dernier terme qui est une quantite irrationnelle 3 — v~l t Supposons provisoi- 6 PREMIERE ET SIX IE. ME SECTIONS. rement que cette mesure irrationnelle de la circonference soit la mesure veritable de Tangle d'ecartement de deux feuilles , alors ne comprendrons-nous pas niieux l'organisation de notre plante ? Ne sera-t-il pas evident que Tangle ne varie pas dans le bas , le milieu et le haut de la tige ? Nous aurons une unite dans le plan d'une meme tige d'une meme famille. (Par exemple, les ombel- liferes, cruciferes , composees.) Nous aurons en outre Texplication de ce fait , pourquoi on voit succeder le nombre 21 a i3, sans les nombres intermediates ; pourquoi de 21 on monte a 34- La raison en est simple; avec la la mesure irrationnelle 3 ^T on arrive a trouver que i3 est 2 f J plus pres de la perpendiculaire que 8 , 21 que i3, 34 que 21 , et ainsi de suite, sans jamais y parvenir. Lorsque les feuilles d'une plante s'entassent avec symetrie, il est evident que les feuilles les plus voisines de la perpendiculaire, seront les premieres a se rapprocber du point de depart, et les . 34 ou 55 spirales ne sont visibles que parce que, dans le systeme donne, les feuilles 34 et 55 sont les plus voisines du zero. Nous devons d'ailleurs dire que toutes les fois que nous avons cbercbe, le compas a la main et par divers procedes, a mesurcr la distance des feuilles , nous sommes toujours arrives a des me- sures voisines de celles qu'indique la theorie. Nous trouvons quelquefois des plantes qui ont pour spirales un nombre double ou triple de ceux de la serie recurrente. Dans ce cas, le systeme curviserie s'est double ou triple. Un verticille a eu lieu; mais la spirale est toujours restee a angles irrationnels, moitie ou un tiers moindres. Enfin , nous avons trouve des plantes organisees dans trois au- tres systemes differents*, et dont les spirales suivent les trois series recurrences, qui commencent par les nombres 1 et 3, 1 et 4? 2 et 5; mais ces cas sont rares. Nous pensons qu'un tiers environ des plantes connues est or- ganise d'apres une spirale alter ne , avec un angle irrationnel de i37° 3o' 28", et que les proprietes de cet angle sont la cause de toutes les spirales multiples et regulieres offertespar ces vegetaux. Rappelons ici la serie |, ^, |, f,^ l~~v* Nouj» PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. 7 voyons qu'un tres-grand nombre de plantes occupent le dernier terme d'une serie infinie. Examinons maintenant si le premier terme de cette serie ne renferme pas Torganisation d'une moitie des systemes vegetaux conn us. L'angle i est Tangle des feuilles distiques, tres-repandues dans la nature ; Tangle ± appartient aux tiges decussees , egalement tres - nombreuses ; Tangle I aux ternees ; les angles | , -i . JL aux systemes verticillaires a 8, 10, 12 rangees verticales. Dans tous ces cas, les angles sont rationnels a la circonference, et sont tous des puissances de |. II est aise de demontrer qu'en multipliant le distique, deux, trois, quatre fois par une meme tige, on parviendra a produire les systemes a 4? 6, 8 verticales. Dans ce cas, paries intersections des spirales, il se forme de nouveaux points d'intersections de feuilles, et de la Tetat alternatif des anneaux verticillaires entre eux. Dans ce cas, on ne peut pas rapporter la disposition des feuilles a un systeme spiral unique, mais Ton est oblige d'ad- mettre plusieurs spirales generatrices pour expliquer la position des feuilles. Toutes les plantes distiques et verticillaires occupent enfin le premier terme de la premiere serie i|ifinie et sont loin de Te- puiser, comme il est aise de le concevoir, malgre Televation aux puissances dans le denominateur de Tangle du systeme distique, primitif et generateur de tous les autres. On rencontre encore des systemes alternes rectiseries ou a angles rationnels, qui forment une serie |, f , ^ et les angles sont assez rares. Mais a Texemple de la premiere serie, ayant pour spirales 1, 2, 3, 5, 8, et pour angles 4, |,|, |, on peut en former une infinite d'autres ayant pour premiers termes tous les nom- bres connus, pris deux a deux, et premiers entre eux. Ce nombre infini de series nous donnera aussi des infinites de quantites ir- rationnelles, d'apres lesquelles on pourrait faire une infinite de systemes d'organisatiou diflferents de ceux que nous rencontrons sur notre plane te. Nous pouvons reunir tous ces systemes possibles par des helices 8 PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. ou spirales fictives , et reciproquement, en imaginant des systemes de spirales entre-croisees dans toutes les methodes possibles : pla- cant une feuille a chaque intersection, nous aurons des milliers de systemes nouveaux; nous aurons l'infini a chaque pas devant nos yeux. Nous ajouterons qu'entre deux systemes symetriques diffe- rents, qui se suivent lelong d'un meme axe, l'interieur fixe tou- jours la position du superieur. II n'y a point d'espace perdu sur la tige. La ou finit un systeme commence le suivant. Si les deux systemes sont a feuilies alternes, ou si le superieur seul est verti- cillaire, la derniere feuille du systeme alterne est le point de de- part de Tangle du systeme suivant. Lorsqu'un systeme alterne succede au verticillaire , alors une des feuilies du verticille est le point de depart du systeme alterne. En d'autres termes, si Ton prend la spirale en sens retrograde, on arrive a Tune des insertions du dernier anneau verticillaire. Lorsque plusieurs systemes verticillaires se succedent, alors il existera plusieurs feuilies du dernier anneau qui serviront de point de depart au verticille superieur, toutes les fois que les nombres de spirales generatrices auront un diviseur commun. Enfin , toutes les fois qu'on etudie le commencement dun sys- teme nouveau, dans un rameau ou bourgeon implante dans Tais- selle d'une feuille, cette feuille, que nous appelons feuille-mere, est le point de depart du systeme nouveau. II existe quelquefois des modifications d'angles, des deformations; mais en principe, cette feuille-mere est le point de depart du nouvel arrangement , qu'il soit curviserie ou rectiserie , alterne ou verticillaire. Apres cette lecture , M. l'abbe Croizet demande si Ton pourrait appliquer cette methode aux plantes fossiles. M. Bravais repond que generalement les points d 'inser- tion des feuilies ne sont pas assez visibles. Cependant il a vu des fruits de coniferes presentant des spirales en se- ries par cinq et par huit, comme celles des coniferes actuels. II ajoute qu'il ne lui semble pas impossible d 'ap- pliquer une theorie en quelques points analogue a la PREMIERE ET S1X1EME SECTIONS. » cristallographie , et exprime le desir que des tentatives soient faites pour formuler , par des series indefinies , les relations qui peuvent exister entre les mineraux , quant aux angles de leurs molecules elementaires. M. Hunaut de la Pelleterie demande s'il existe des rap- ports entre cette methode et celles qui ont ete admises jusqu'a present. M. Bravais repond que generalement elle se tient en dehors de tous les systemes; qu'elle semble cependant confirmer quelques families. Ainsi toutes les composees , sauf 1 'echinops , sont disposees d'apres un meme systeme. Parmi les plantes que M. Bravais a citees comme fai- sant exception aux lois de ses series, M. Brown pense que Yechinops se distingue des autres composees par un degre different de composition; il appartient a l&polyga- mia segregata de Linne. Ce qu'on a considere comme calices particuliers seraient des involucres dont une seule fleur se serait normalement developpee, les autres etant avortees. II pense aussi que la composition distique de Yanthoxanthum est le resultat d'un avortement. La section demande que le Memoire de M. Bravais soit insere dans le compte-rendu du Congres , et lui en de- mande l'extrait, qui vient d'dtre insere au proces-vcrbal de la seance. La seance est levee a neuf heures. 10 PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS- SEANCE DU 5 SEPTEMBRE 1838. La seance est ouverte k sept heures du matin , sons la presidence de M. Robert Brown. Le proces-verbal de la derniere seance est lu et adopte. La section recoit tes communications suivantes : De la part de M. Limouzin-Lamothe , d'Alby, 1° Une reponse a la vingtieme question du programme ; 2° Des observations sur une question qu'il desire sou- mettre au Congres ; Deux lettres de M. Decombes-Desmorelles, ex-presi- dent du tribunal civil de Thiers ; De la part de M. Yallot, professeur d'Histoire natu- relle, secretaire de la Societe d 'agriculture du departe- ment de la Cote-d'Or, des reponses aux questions 12 y 14, 15 et 20 du programme, ainsi qu'ala neuvieme ques- tion de la deuxieme section ; De la part deM. Scuderi , professeur d'economie civile et d 'agriculture k l'Universite de Catane, Memoria sopra- una nova pianta da tiglio; De la part de la Societe royale d'agriculture , sciences et arts du Mans , 1° Un rapport sur la deuxieme question du programme de la sixieme section ; 2° Un voeu qu'elle soumet a l'approbation de la pre- miere section ; De la part de M. le professeur C. Maravignar 1° Abrege d orictognosie etneenne; 2° Monographic du soufre de la Sicile ; 3° Monographic de la celestine de Sicile ; 4° Catalogue methodique des mollusques et des eoquit- les de la Sicile: PREMIERE ET SIX1EME SECTIONS. 11 5° Solution de la question proposee par l'auleur au Congres, sur les rapports qui existent entre le basalte , la tephrine et le trachite de l'Etna. M. de Caumont offre au Congres la seconde partie de la carte geologique du departement de la Manche, comprenant le sud de ce departement. Cette partie ne contient que des roches anciennes : Des granites et quelques sienites; Des micaschistes et des roches macliferes; Des roches phylladiques ; Des calcaires marbres ; Le groupe du gres rouge ancien , comprenant ses di- ve rses varietes. Ces terrains paraissent affecter des directions voisines de la direction nord-est - sud-ouest ; la premiere se rap- proche de celle que M. Elie de Beaumont rapporte au systeme des Westmoreland et des Hundsruck, qui serait le resultat d'un soulevement des couches les plus anciennes du globe; la deuxieme direction se rapproche de celle du systeme des ballons et des collines du Socage, qui cor- respond aux terrains de transition modernes. Cette carte , avec celle du Calvados publiee deja par M. de Caumont, celle de l'Eure par M. Passy, et celle de l'Orne que va terminer M. Blavier , completera sur une assez grande echelle la carte geologique de la Normandie. M. le general de Resimont demande comment M. Bra- vais determine les angles des lignes dont il a parle hier , et quelle est la loi de degradation des lignes trigonome- triques de ces angles. La solution de cette question se trouve dans les publications anterieures deM. Bravais. M. Lecoq est charge de l'enquete sur les sciences na- turelles. Hi de Parieu a la parole pour la lecture d'une notice 12 PREMIERE ET SIX1EME SECTIONS'. de M. de Laizer et de lui, sur un nouveau genre de pa- chyderme fossile trouve en Auvergne, et nommc par eux oplotherium. lis presentent des fragments da crane et de la m3choire inferieure *r l'elevation du condyle et les tubercules des molaires indiquent un herbivore non ruminant et ayant le pied garni de sabots ; le nombre de ses dents (sept mo- laires, une canine et trois incisives de chaqae cdte , et a chaque machoire) le rapprochent de 1'anoplotherium ; mais iien differe par la disposition et par la forme de ses dents , quoique en serie continue , et par ses canines qui debordent la ligne des molaires , et sont debordees elles-memes plus fortement encore par les incisives me- dianes ; c'est le developpement de ces dents qui est sur- tout en opposition avec les caracteres du genre anoplo- therium. M. de Parieu indique d'autres caracteres qui distinguent roplotherium des anoplotherium ; toutefois , c'est de I'anoplotherium maximum que le nouveau pa- chyderme se rapproche le plus. M. l'abbe Croizet dit qu 'il possede un grand nombre d'ossements de cet animal ; il a des tetes entieres et des machoires inferieures. Dans celles-ci, il n'a pas toujours trouve les canines depassant les autres dents; mais il etait deja convaincu que ce pachyderme devait former au. moins un sous-genre dans le genre anoplotherium. M. de Parieu repond que , probablement , 1'extremite des canines aura ete usee sur les echantillons de M. Tabbe Croizet. Celui-ci demande a M. de Parieu s'il a vu plu- sieurs machoires presentant ce caractere des canines sail- lantes ; sur la reponse affirmative de ce dernier, il declare adopter son genre. II ajoute qu'il possede des ossements de deux et peut-6tre meme de trois especes , dont deux surtout sont bien distinctes par la taille et par les formes* PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. 13 M. de Parieu ajoute que M. Geoffroy-Saint-Hilaire avait deja soupconne sur un seul fragment de m&choire inferieure , que cet animal devait appartenir a un sous- genre, sinon a un genre voisin des anoplotherium. M. Bouillet indique plusieurs localites dans lesquelles il a trouve des ossements du meme animal , ossements qu'il adonnes, avec plusieurs autres, a M. Croizet. Ce- lui-ci profite de cette circonstance pour lui en renouve- ler encore ses remerciments. M. l'abbe Croizet a la parole pour lire une notice re- pondant a la neuvieme question du Congres. Indiquer la paleontologie et la geologie des terrains de sediment de I'Auvergne. C'est une description des depouilles fossiles si nom- breuses et si variees de I'Auvergne, qu'il est parvenu a reunir dans son cabinet , et qu'il a recueillies dans les departements du Puy-de-Dome, de l'Allier et de la Haute- Loire. Parmi les mammiferes des terrains lacustres de I'Auvergne , M. Croizet cite parti culierement les anthraco- theriums , dont il a recueilli des fragments assez nom- breux, suffisant , selonlui, pour etablir que ee genre est plus voisin de 1'hippopotame et du sanglier que du rhi- noceros ; il en possede deux especes. Parmi les pachyder- mes , il cite encore trois rhinoceros differents de ceux du Gers , des paloeotheriums et des anoplotheriums ; les ruminants sont represented dans cette section par plu- sieurs especes d'un genre voisin des cerfs , et qui parais- sent avoir ete tres-nombreux. II existait aussi de nom- breux carnassiers voisins des chiens , des ratons , des chats, des loutres, des martres, des putois. Mais tous ces animaux presentent des differences generiques avec ceux qui vivent actuellement. Deux carnassiers insecti- vores paraissent se rapprocher du cladobate et du con- 14 PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. dylure. Un troisieme, beaucoup plus grand , n'a pas en- core etc determine. La famille des rongeurs est representee par douze es- peces, ou plutot douze genres , tons differents de ce que nous connaissons , ou n'ayant que quelques relations eloignees avec quelques especes de l'Australasie , ou des parties les plus meridionales des deux continents. M. l'abbe Croizet cite comme un des plus remarquables, l'issiodo- romys , qui reunit les membres tridactyles des gerboises aux molaires de l'elamys , ou lievre sauteur du Cap. Parmi les oiseaux, les echassiers, les palmipedes, les carnivores, sont represented par un grand nombre d 'es- peces dont les plus grandes atteignent la taille des herons , des flammants, des oies, des faucons, et par d'autres beau- coup plus petites. Outre les ossements , on trouve aussi des oeufs et des empreintes de plume. De nombreux reptiles terrestres et d'eau douce habi- taient aussi ces contrees aux epoques de la formation des terrains lacustres. On y trouve des crocodiles, des ophi- diens, des batraciens et des tortues de differentes tailles; il existait aussi de nombreuses especes de poissons , des mollusques. Dans les calcaires marneux, schisteux et gypseux de la montagne de Corent, et dans plusieurs autres localites, on a trouve des insectes a l'etat d'ceufs, de larvcs, de nymphes et d'insectes parfaits. Un fait bien remarquable, signale par M. Croizet , c'est que presque tous les animaux qu 'il a cites etaient dif- ferents de ceux qui vivaient a la meme epoque dans le midi de la France ; qu'il en etait de meme de ceux du Velay et de ceux du bassin de Paris. II existait done alors differents centres de creations, suivant les differentes conditions d 'existence. Les terrains d'eau douce de f Auvergne contiennent PREMIERE ET SIX1EME SECTIONS. 15 aussi un grand nombre de vegetaux dont on retrouve des tiges, des feuilles et des fruits appartenant aux families des coniferes, des amentacees, des juglandees, des lilia- cees et d'autres families dont on retrouve des plantes dans les regions les plus eloignees. M. Croizet cite encore un calcaneum que Ton avait cru d'abord appartenir a un edente , mais qui parait plu- t6t provenir d 'un animal constituant un genre ou meme un ordre a part , et tenant par differents rapports a l'or- dre des rongeurs et a ceux des edentes , des marsupiaux et des quadrumanes. II demande si les machoires voisines des makis trouves par M. Lartel, ne pourraient pas provenir d'un animal ayant quelque analogie avec celui dont il vient de parler, plutot que d'un veritable singe. M. Croizet passe ensuite a la paleontologie des terrains meubles et des alluvions anciennes et volcaniques du cen- tre de la France. Ici nous retrouvons des formes de vie bien differentes des precedentes, et distinctes aussi de celles des autres bassins. Les pachydermes de cette epoque etaient des elephans , des mastodontes , le dinotherium , des rhinoceros , des hyppopotames, des chevaux, un tapir et des cochons. Parmi les carnassiers , on trouve neuf especes de chats ; les uns depassent a peine la taille de nos chats domesti- ques , d'autres depassent celle des lions; on y trouve aussi des ours, des chiens, des loutres, des martres et des ci- vettes. Mais les animaux les plus nombreux de cette epoque etaient surtout les ruminants. Outre des antilopes et des bceufs, on trouvait plus de vingt especes de cerfs, dont huit du Velay , differents de ceux de l'Auvergne. Parmi les rongeurs les plus rcmarquables, etaient des 16 PREMIERE ET SIX1EME SECTIONS. castors , des pores-epics et des lievres ; on trouve aussi des oiseaux de diverses grandeurs et des vegetaux diffe- rents, comme les animaux de ceux des couches regu- lieres. Enfin, dans les terrains d'atterissements plus modernes, se trouvent, avec des vegetaux de l'Europe actuelle, des animaux d 'especes perdues, melangees a des especes actuelles. Des differences observees dans les etres organises de divers lieux et de diverses epoques , M. Croizet conclut que les diverses formes ont ete le resultat de revolutions plus ou moins subites , et non de modifications lentes et successives. M. Grasset, maire de Mauriac, a recueilli aussi un grand nombre d'ossements , dont plusieurs appartien- nent a des especes nouvelles ; il en a donne plusieurs a M. Croizet, et entre autres trois especes qui manquaient a celui-ci. M. l'abbc Croizet declare aussi avoir recu plusieurs ossements de M. le docteur Peghoux, de Clermont, et de MM. Aymard , Bertram! de Doue, et Felix Robert, du departement de la Haute-Loire; il en renouvelle ses re- mercimens a ces messieurs. M. Lecoq temoigne a M. Croizet sa reconnaissance et celle que lui doivent tous les naturalistes , pour les soins qu'il a mis a reunir sa belle collection , et pour la raa- niere dont il en a deja decrit une partie; mais il regrette que M. Croizet ait employe dans ce Memoire une classifi- cation geologique nouvelle , non qu'il trouve cette classi- fication defectueuse en elle-meme, mais a cause des nombreux inconvenients qu'entraine un changement de nomenclature , et a cause de la trop grande multiplicite des denominations deja employees par les geologues. PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. 17 M. Croizet, apres avoir justifie sa classification , declare que , bien quelle lui semble fondee , il est pret a l'aban- donner , plutdt que de jeter de nouvelles entraves dans la science. M. le general de Resimont demande qu'une esquisse du bassin de l'Auvergne indiquant les localites ou ces osse- ments ont ete trouves, soit jointe au Memoire de M. Croi- zet. Celui-ci reconnait toute l'utilite de ce travail. Sur la proposition de M. Cheveraux , l'assemblee adopte a l'unanimite la resolution suivante : La premiere section propose au Congrcs d'emettre le vceu que le Gouvernement mette a la disposition de M. l'abbe Croizet une somme suffisante pour qu 'il puisse continuer la publication de son bel ouvrage sur les osse- ments fossiles de l'Auvergne. La seance est levee a neuf heures. SEANCE Dt 6 SEPTEMBRE 1838. La seance est ouverte a 7 heures du matin, sous la presidence de M. l'abbe Croizet, vice-president. Le proces- verbal de la derniere seance est lu et adopte. L'ordre du jour est la lecture d'un Memoire de M. C. Maravigna , intitule : Abrege d* Orictognosie Etneenne. M. Maravigna a la parole. Le savant professeur, desi- reux d'apporter au Congres des travaux dignes de lui etre offerts , mais craignant de ne pouvoir s'exprimer facile- ment dans une langue qui lui est peu familiere, a cherche, dit-il modestement, a attirer l'attention, en s'appuyant 18 PREMIERE ET SIX1EME SECTIONS. sur les choscs elles-m£mes. II a done offert au Congres , entre autres travaux, un catalogue methodique des es- peces minerales de l'Etna. A ce catalogue sont jointes des observations tres-interessantes sur la forme ou le gi- sement de plusieurs especes. A l'appui de son travail, M. Maravigna met sous les yeux de l'assemblee une serie d'echantillons, tous tres-bien choisis, et dont plusieurs sont fort rares , et il les offre au Congres. La section lui en temoigne sa reconnaissance, qui est d'autant plus vive, qu'elle a su que plusieurs de ces echantillons, et les plus remarquables , etaient uniques dans les collections de M, Maravigna, qui veut bien cependant s'en depouiller en faveur du Congres. Parmi toutes les especes minerales de l'Etna, plusieurs membres habitants de 1'Auvergne indiquent celles qui se retrouvent dans les terrains volcaniques de cette contree. M. de Laizer indique aussi dans des granites du soufrc cristallise. MM. Bouillet et Lecoq ont deja indique ce fait dans les Vues et Coupes ge'ologiques de VAuvergne. M. l'abbe Croizet indique a St-Saturnin, dans les pro- prietes de M. Chaumette , maire de cette commune , un gisement de fer phosphate azure qu 'il vient de decouvrir dans des lignites ou on trouve des debris de vegetaux dont les tiges sont souvent changees en fer azure ; il in- dique , un peu plus haut , un gisement de poissons fossiles. M. Bouillet demande l'impression du Memoire de M. Maravigna. Ce travail, deja si interessant, le devien- drait, dit-il, encore davantage si 1 on yajoutait, en regard des indications de M. Maravigna , celles des gisements des memes substances dans les terrains de 1'Auvergne. L'impression du Memoire est votee a l'unanimite avec 1'addition proposee par M. Bouillet. PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. 10 M. Lccoq a la parole pour la lecture d'un Memoire sur les Eaux thermales , et sur le role qu'elles out joue a diverses epoques geologiques. Les eaux thermales, dont les sources sont si nombreuses et repandues dans tant de contrees , degagent generale- ment, en arrivant a la surface du sol, de l'acide carboni- que qui tenait en dissolution diverses substances qui , par suite de ce degagement, se deposent bientot apres. L 'ana- logic que Ton remarque entre ces depots et les differents terrains de sediment , ne permettent pas de douter que les eaux thermales n'aient joue un grand role dans la forma- tion de ceux-ci, bien qu'ils aient ete evidemment deposes sous les eaux. Ainsi les eaux minerales , au lieu d 'avoir emprunte leurs principes mineralisateurs aux couches qu'elles traversent, les auraient puises au-dessous des couches cristallisees qui forment la croute solide de la terre pour contribuer a la formation des couches sedi- menteuses. Maisil faudrait alors admettre que les pheno- menes produits par les eaux thermales avaient alors une energie, une intensite plus grande que celle que nous leur voyonsaujourd'hui ; cette supposition n'est pas une hypothese gratuite. En effet, des faits constants prou- vent que la nature des depots des eaux thermales a change plusieurs fois , meme depuis des temps peu recules. On peuts'en convaincre ici parl'analyse des diverses couches qui forment le Pont de Pierre de St-Alyre. D'un autre cote , on comprend qua mesure que la croute solide du globe devient plus epaisse par suite du refroidissement graduel de la terre , dont l'hypothese est presque gene- ralement admise , les communications des matieres non oxigenees avec l'atmosphere deviennent plus difficiles , les reactions plus lentes, et l'eau se charge moins de substances minerales; elle doit aussi se refroidir a me- •20 PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. sure qu'elle a a traverser une croute plus epaisse , ou des conduits plus longs , pour arriver au jour. Quant au changement de nature des depots des eaux thermales , la theorie les justifie tres-facilement. En effet, les diverses substances minerales qui forment le noyau du globe ont du se ranger par ordre de pesan- teur specifique. Ainsi le silicium et quelques autres ele- ments plus legers ont occupe la surface ; d 'autres subs- tances ont forme des zones au-dessous de celle-ci , et a mesure que la ligne des reactions chimiques a traverse ces zones , les depdts des eaux thermales ont du changer de nature. C'est a ces causes que M. Lecoq rapporte ces couches calcaires si puissantes qui se deposent dans les depres- sions des terrains cristallises, et qui servirent de ciment a des roches mecaniques , les craies et leurs silex , et en general les depdts de diverses natures qui se sont suc- cedes jusqu'a nos jours ; les fers hydroxides que nous voyons encore se former , les bitumes et meme les sels gemmes, la salure de la mer, les gypses et une foule d'autres substances, et surtout la grande quantite d'acide carbonique qui a du long-temps vicier notre atmosphere , et que la vegetation a transforme en couches de houille. Ainsi les phenomenes geologiques se trouvent expliques par les phenomenes actuels agissant avec une plus grande intensite ; et de leur faiblesse actuelle on conclut que notre globe est parvenu a un etat de stabilite remarquable dont il n'a pas toujours joui. Apres cet expose general , M. Lecoq reprend en parti- culier plusieurs series de phenomenes. Ainsi , il explique la formation des filons paries sediments d'eaux thermales qui auraient traverse les fissures produites dans les ter- rains par des dislocations. PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. 2i La grande quantite d'acide carbonique qui parait avoir ete repandue dans l'atmosphere aux premieres ^poques geologiques, s'explique aussi par le dep6t des terrains calcaires de ces cpoques ; car le carbonate calcaire , inso- luble par lui-meme , ne pouvait etre tenu en dissolution que par 0,30 de son poids d'acide carbonique qui le trans- formait en bicarbonate , et le degagement de cet exces d'acide carbonique devait accompagner le depOt calcaire. II y a done eu d'enormes degagements d'acide carbonique; mais ils n'ont pas ete instantanes, et ils se sont succedes pendant une longue suite de siecles , jnodifiant l'atmos- phere , et reagissant par la sur les Stres des diverses epoques. Les premiers calcaires apparaissent en amas lenticu- laires dans la grauwake ; mais les fractures de cette epoque donnerent issue a des sources nombreuses qui de- poserent les calcaires anthraxiferes, et l'acide carbonique degage , par suite de ce depot , alimenta cette vegetation si active qui produisit les couches de houille en meme temps qu'il s'opposa au developpement des animaux respirant l'air par des poumons. La terre etait alors assez refroidie pour qu'un equilibre s'etablit entre les pluies et 1 evaporation , sans que la vegetation fut detruite par les fortes averses dont les erosions peuvent avoir produit les immenses depots de schiste et de grauwake. Alors les continents se couvrirent de verdure ; les vegetaux , favo- rises par une temperature elevee , entoures dune atmos- phere chargee de vapeurs et d'acide carbonique , se deve^ lopperent avec activite et avec les memes caracteres sur toute la surface du globe ou la temperature etait sensi^ blement egale. Le depot de gres rouge succeda a la formation houil- liere ; les blocs qu'il renferme annoncent un mouve- 5 22 PREMIERE ET SI XI E ME SECTIONS. ment brusque de translation. II fut cause peut-etre par 1 eruption des porphyres. Ce depot parait forme dans un liquide agite ou les etres vivants n'ont pu se developper. A cette epoque , les eaux minerales deposerent dans les fissures des depots anterieurs de nombreux filons de subs- tances tres-variees. Apres cette epoque, vient un nouveau depot calcaire pendant lequel la vegetation est deja moins active. Aux monocotyledones de la premiere periode viennent se me- ler quelques coniferes. La vie animale devient plus va- riee ; les formes des poissons tendent a se rapprocher de celles des reptiles. Le gres des Vosges et le gres bigarre interrompent cette formation ; dans le dernier , on com- mence a retrouver des traces de vegetation et de vie ani- male, mais de nombreux animaux marins paraissent dans les calcaires qui les recouvrent : alors se deposent des gypses, des sels gemmes ; les mollusques de formes anciennes disparaissent en partie , et sont remplaces par les belemnites, les gryphees, les ammonites. Alors, les ycthiosaurus et les plesiosaurus vivent au milieu des pois- sons saurotdes, et la vegetation houillere existe encore , quoique un peu ralentie. De nouvelles formations cal- caires se succedent ainsi jusqu'a la periode actuelle. La seance est levee a neuf heures un quart. SEANCE DU 7 SEPTEMBRE 1838. La seance est ouverte a sept heures du matin , sous la presidence de M. Robert Brown , president. Le proces-verbal de la derniere seance est lu et adopte. PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. 23 Le secretaire depose sur le bureau, 1° une note sur la 13e question, parM. de Selys Longchamps, de Liege; elle est renvoyee a la discussion de cette question ; 2° Une proposition de la part de M. Lecoq. M. Lecoq a la parole pour la lecture de la seconde partie de son Memoire sur Vaction geologique des eaux thermales* On retrouve dans les depots les plus anciens des eaux thermales des traces de matiere organique qui existe encore dans les sources actuelles, mais que Ton n'a pu encore obtenir a l'etat de purete, tant a cause de sa tendance a se combiner qua cause de la facilite avec laquelle elle se decompose. Cette matiere parait cepen- dant etre libre dans certaines eaux ou on peut la recon- naitre en laissant evaporer une goutte de cette eau sur le porte-objet dun microscope* M. Lecoq pense qu 'autrefois cette matiere a du etre plus abondante, a lepoque ou les phenomenes des eaux thermales agissaient avec une plus grande intensite. Gette matiere provient-elle de la sur- face du sol , ou est-elle formee de toutes pieces dans les profondeurs du globe ; est-elle la matiere organique pri- mitive qui a ete necessaire pour nourrir les £tres orga- nises qui les premiers ont ete crees sur la terre , et qui n'ont pu s'y nourrir de substance inorganique? Tout porte a adopter cette derniere opinion , et actuellement encore, s'il existe des generations spontanees, comme on ne peut guere en douter, c'est dans les eaux thermales qu'elles ont lieu. M. Lecoq cite les animaux microscopic ques des eaux de Carlsbad et de Saint-Nectaire , et les algues qui se developpent dans les reservoirs des salines , et surtout celles du genre protococcus qui paraissent quelquefois passer, en se developpant, au genre hemato^ coccus. Si Ion voit encore des traces de force vitale, animale et vegetale, dans les eaux minerales, on peut 24 PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. cn conclure que cette force a ete autrefois plus grande, et qu'elle acquerait encore une nouvelle energie par le melange des matieres alcalines a la matiere organique. Aussi, a l'epoque de la periode jurassique, nous voyons la vie animale atteindre des formes singulieres, et pre- senter comme une periode de transition vers les types actuels. Les poissons sauroides se multiplient et se di- visent en genres nombreux ; leur tendance a se rappro- cher des reptiles atteignant sa limite , on voit paraltre une foule de sauriens, dont quelques-uns ont plus de 30 pieds de longueur : le plesiosaure , sorte de serpent greffe sur le corps dun lezard et presque d'un quadru- ple ordinaire , les ycthiosaures et surtout le platyo- don , remarquable par sa tendance a passer aux ceta- ces , aux poissons , aux ornithorinques , et qui parait comme une souche d'ou seraient sorties ensuite les formes les plus nombreuses du regne animal. Le pterodactyle , sau- rien aux ailes de chauve-souris , presente des caracteres qui le rapprochent des oiseaux; des crocodiles et divers cheloniens vivaient avec les precedents , et remplacaient avec eux nos quadrupedes et nos oiseaux. D'autres considerations portent a admettre l'existence d'une matiere eminemment organisatrice repandue a la surface de la terre , et modifiee par des circonstances accessoires. On ne peut admettre , qu'une espece , creee sur un point de la surface du globe , ait pu se transporter sur toute la surface de la terre et se developper par tout. On doit reconnattre qu'il a existe des creations locales que des circonstances analogues ont rendues presque sem- blables. Ainsi , sur des points tres-diffe rents du globe , on retrouve dans les memes conditions les memes genres et des especes voisines , rarement identiques , tandis que, dans des circonstances differentes , les animaux ont pre- PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. 25 sente des caracteres differents. A l'appui de cette opi- nion, M. Lecoq cite les modifications produites par l'homme dans les animaux domestiques et dans les plantes cultivees , modifications qui , lorsqu'elles sont peu anciennes , disparaissent par le retour aux condi- tions primitives, mais qui persistent, apres une longue existence, dans les memes conditions. De la M. Lecoq conclut qua l'epoque ou les phenomenes geologiques avaient assez d'intensite pour faire varier, plus ou moins frequemment, les conditions d'existence, ceux-ci ontdu subir de grandes modifications, tandis que la Constance des especes actuelles serait due a la longue stabilite des circonstances exterieures. En admettant l'existence de differents centres de crea- tions , il sait aussi faire la part de la propagation des es- peces par dissemination et par locomotion; mais cette dernicre faculte n'appartient pas a toutes les especes, et beaucoup d'autres ont rencontre des obstacles qui se sont opposes a leurs migrations. L'homme seul a pu se repan- dre jusqu'aux points les plus recules de la terre. «En pla- » cant en Asie le berceau du genre humain , ditM. Lecoq, » on croit voir un peuple primitif atteindre directement » l'Europe et l'Afrique, passer en Amerique par les lies » Aleoutiennes plutOt que par le detroit de Bering, gagner » la Nouvelle-Hollande par les lies nomb reuses qui la se- » parent de l'lnde, et parvenir de cette grande ile sur la » Nouvelle-Zelande. » Comparant les difficultes de ces voyages, l'etat de civilisation, les differences de formes, de couleur, d intelligence des differentes races, M. Lecoq serait tente d'en faire autant d'especes distinctes, si l'homme ne se modifiait pas chaque jour; si rhomme, creation nouvelle sur la terre, ne se trouvait pas encore dans des conditions qui permettent le perfectionnement 26 PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. de sa race. II indique aussi les circonstances qui ont du favoriscr ou arreter la dispersion des especes vegetales , et les analogies de genre et de forme que Ton rencontre en des points tres-eloignes, mais dans des circonstances analogues. M. Lecoq conclut que de fortes presomptions portent a croire que le Greateur a repandu sur toute la terre une matiere susceptible de vie immediatement , par sa vo- lonte , matiere dont 1'origine a etc et se trouve encore dans les eaux thermales. M. Lecoq termine sa lecture en presentant des considerations sur Taction des eaux mine- rales , sur l'economie animate. II attribue surtout cette action a la matiere organique qu'elles contiennent; il in- dique quelques moyens de fixer ce mucus qui apres quelques jours se change en une substance filamenteuse , qui finit par devenir une veritable algue susceptible d'etre convertie en gelee. II ajoute divers exemples prou- vant que les matieres gelatineuses sont d'autant plus facilement assimilables qu'elles proviennentd'etres moins avances dans la serie organique. M. Croizet demande la parole. Apres avoir fait Teloge du Memoire de M. Lecoq, dont il s'honore d'etre l'ami , il admire son hypothese sur le developpement de la creation ; mais il pense qu'elle serait peut-ctre de nature a porter atteinte a des idees religieuses. Mais le Congres s'interdisant la discussion sur ces matieres, il s'abs- tiendra de repondre sous ce point de vue. Reprenant la question sous le point de vue geologique , il pense que M. Lecoq a fait une trop large part a Taction des eaux thermales dans la formation de Tenveloppe du globe. II dit que des faits nombreux prouvent que les creations n'ont pas ete lentes et progressives, et que les divers sys- temes de creations ont etc detruits par des inondations, PREMIERE ET SIX IE. ME SECTIONS. 27 des soulevements, en un mot, par des revolutions ins- tantanees, et remplacees ensuite par d'autres creations. II cite a ce sujet les elephants et les rhinoceros, qui ont ete conserves avec leurs peaux et leurs chairs dans les glaces de la Siberie, ce qui ne peut s'expliquer que parce qu 'Us ont ete saisis, pour ainsi dire, et enveloppes tout a coup par les glaces. M. Lecoq repond qu'il est loin de nier Taction des inon- dations et des soulevements, qu'il en est au contraire tres-partisan; mais que ce n'etait pas le lieu d'en parler dans son Memoire , qui est intitule : De V Action des Eaux Thermales aux e'poques geologiques. M. de Parieu pense que Ton aurait accorde moins d e- loges au Memoire de M. Lecoq si Ton avait envisage le fond de sa pensee. Ce Memoire, qui n'explique aucun fait geologique, mais qui veut etablir une transition de la geologie a la zoologie , en attribuant aux eaux thermales une influence directe sur le developpement des etres or- ganises, conduit aux opinions de M. Geoffroi Saint-Hi- laire , et par suite au pantheisme. M. Lecoq, interroge par M. de Parieu, qui lui de- mande s'il a bien saisi sa pensee, repond qu'il est loin de repousser les idees de modifications posterieures a une creation , telles que les a cmises M. Geoffroi Saint-Hilaire, idees qui ne sont pas encore etablies dune maniere bien precise , mais qui lui paraissent susceptibles de grands resultats lorsqu'elles auront ete mieux etudiees et plus developpees. II ajoute que si son Memoire tient beaucoup a la zoologie , celle-ci se lie aussi a la geologie par les mo- difications quelle en a recues. M. de Parieu ne comprend l'influence des eaux ther- males sur le developpement des &tres organiques, que par une generation sortant des eaux thermales, ou par 28 PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. un developpement que celles-ci ont imprime a l'organi- sation, hypotheses qu 'il nc regarde pas comrae admis- sibles. Cette energie vitale des sources n'est qu'une phrase qui n'explique rien; les etres organises n'absor- bant pas la maliere organique des eaux par juxtaposi- tion, comment peut-on pretendre qu'il l'absorbaient par intussusception? Certainement les plesiosaurus et les yctio- saurus ne se nourrissaient pas plus que les 6tres actuels du mucus des eaux minerales. M. Lecoq repond qu'il n'a jamais dit que les sauriens mangeaient du mucus , mais que cette substance servait a la nourriture des etres les plus simples , et que lorsque apparurent des animaux plus compliques, ils se nour- rissaient les uns des autres. II sait fort bien que Ton a trouve dans l'estomac des yctiosaurus des debris de pois- sons et autres reptiles. M. Aubergier demande la parole pour presenter quel- ques observations sur la derniere partie du Memoire de M. Lecoq. II lui demande la permission de lui poser quel- ques questions, afin de bien etablir les limites de la ques- tion qu'il veut discuter. II demande d'abord si la ma- tiere organique que deposent actuellement les eaux thermales est produite de la meme maniere qu'aux epoques plus anciennes, si la composition est differente et d'ou elle provient. M. Lecoq repond que cette matiere a du etre produite plus abondamment autrefois ; que sa composition serait sans doute la meme, si elle n'etait modifiee par la com- position des eaux minerales, et par Taction de l'air et de la lumiere ; quant a son origine , il faut sans doute la placer a l'interieur de la terre , et peut-etre a la ligne oil s'operent les reactions entre les matieres oxidables et oxi- dantes. PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS- 29 M. le docteur Guilhomet annonce que M. Turpin vient de decouvrir que les matieres organiques de plusieurs sources minerales etaient les rudiments de plusieurs *es- peces de conferves. M. Aubergier demande encore comment se forme ce mucus dans le sein de la terre. M. Lecoq repond que dans toutes les siences il est un point auquel nous sommes forces d'avouer notre igno- rance et de recourir a la volonte et a la puissance du Createur. L'heure avancee ne permettant pas de continuer la dis- cussion , la seance est levee a 9 heures et demie. SEANCE DU 8 SEPTEMBRE 1838. La seance est ouverte a sept heures du matin , sous la presidencce de M. l'abbe Croizet , vice-president. Le proces-verbal de la derniere seance est lu etadopte. L'ordre du jour est la lecture des Memoires de M. Ma- ravigna. M. Aubergier s'etonne de ce que l'ordre du jour ne soit pas la continuation de la discussion qui s'est enga- gee hier sur le Memoire de M. Lecoq. II demande qu a 1'avenir une discussion commencee ne soit plus ainsi in- terrompue; il demande aussi que cette discussion soit fixee au commencement d'une seance. Elle est fixee a demain 9 septembre. M. Maravigna communique son Memoire sur les rap- ports qui existent entre les basaltes et la tephrine. II etablit par la ressemblance des caracteres orictognosti- 30 PREMIERE ET S1XIEME SECTIONS. ques , et par les passages graduels de structure , que les basaltes , les trachytes et les tephrines sont des mo- difications dune meme substance. II indique ensuite plu- sieurs faits prouvant que l'Etna n'a pas ete souleve , mais qu 'il est un cratcre d'eruption. Personne ne demandant la parole sur cette communi- cation, on entend la lecture d'un autre Memoire du meme professeur. Apres quelques considerations sur la fabrication du soufre , et sur sa formation , qu'il rapporte a la fin de la periode secondaire , et qu'il attribue a des sources chargees d'hydrogene sulfure, M. Maravigna presente une monographic des soufres cristallises de la Sicile. Le savant professeur presente encore une monographic de la celestine de la meme contree , et un catalogue des mollusques de la Sicile. La section vote l'impression de ces Memoires. Elle charge en outre une commission composee de MM. Lecoq et de Laizer, de faire sur les ouvrages de M. Maravigna un rapport qui seralu en seance publique. Dans cette cir- constance , le secretaire de la section croit devoir se dis- penser d'inserer au proces-verbal l'analyse des Memoires si interessants de M. Maravigna. La seance est levee a neuf heures moins un quart. Quelques membres sont deja sortis lorsque M. le presi- dent prie les membres presents de reprendre leurs places pour entendre une proposition de M. Bouillet. Celui-ci demande que Ton fixe un jour pour l'excursion qui doit §tre faite au Puy de Pariou. La grande majorite des mem- bres presents demande que cette course ait lieu le lundi dix septembre, a six heures du matin. La seance est levee a neuf heures. PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. 31 SEANCE DU 9 SEPTEMBRE 1838. La seance est ouverte a 7 heures du matin , sous la pre- sidence de M. Maravigna, vice-president. Le proces-verbal de la seance precedente est lu et adopte. Sur la demande de plusieurs membres , la section con- siderant qu il lui sera impossible de traiter dans la duree du Congres toutes les questions qui lui sont soumises , decide qu'elle tiendra une seance supplementaire le meme jour, a 1 heure. M. Grasset , de Mauriac , a la parole pour la lecture d'un Memoire intitule : Voyage Geologique du Mont-Dor & a Issoire: II decrit les divers terrains que Ton rencontre successivemenfc dans ce trajet. II indique leur composition, leur structure et leur position relative, et s'appuyant sur ces diverses circons- tances, il developpe des considerations sur Torigine de plusieurs couches, etparticulierement sur celle des tufs volcaniques, qu'il designe, avec plusieurs autres geologes, par le nom de Tufa, pour les distinguer des Tufs calcaires avec lesquels ils n'ont aucune anologie. Ii regarde les tufas comme le resultat d^ruptions boueu- ses : il cite des tufas trachitiques qui ont evidemmentcouleavec des trachites. D'autres conglomerats peuvent etre le resulat de Tac- tion des eaux sur les debris des roches volcaniques. M. Grasset in- dique les plantes les plus remarquables de ces montagnes, et en- tr'autres les arbres verts de la montagne du Capucin , qui lui pa- raissent susceptibles de croitre sur une grande partie des montagnes arides de TAuvergne. II cite les beaux cristaux de pyroxene de la Croix-Morand, les trachites de la meme localite, dont quelques- uns se confondraient presque avec du granite, s'ils n'en etaient dis- tincts par l'aspect vitreux de leurs cristaux de feldspath. Apres avoir decrit le lac Chambon et les basaltes de Murol, que les uns regar- dent comme un dike et les autres comme un segment d'une coulee 32 PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. basaltique, il passe a la description du volcan du Tartaret. La fin de ce Memoire est ajournee a un autre seance. Pendant la duree de cette lecture , qui a occupe presque toute la seance, M. Grasset a soutenu l'attention de ses auditeurs, tantpar les faits geologiques que contient son Memoire , que par les episodes interessants et varies qu'il a su y rattacher. M. de Laizer demande a M. Grasset comment il explique dans sa theorie sur la nature des tufas , la formation des couches de lignite qui se trouvent dans plusieurs localites, et notamment a Chaudefour. M. Grasset n'a pas eu a s'expliquer sur la formation des lignites, puisqu'il n'en existe pas sur le trajetqu'il a parcouru. II ne nie pas Taction des eaux dans les localites ou on indique ces lignites. M. le general de Resimont a la parole. II lit une courte note dans laquelle il etablit quel'ambre jaune est le resul- tat d'une modification d'une resine qui aurait sejourne long-temps dans un milieu charge de principes minerali- sateurs; il avu suspenducs auxarbres resineux, precise- ment aux bords de la mer Baltique , des stalactites de resine dans lesquelles on remarquait des fragments d'in- sectes , ou des insectes entiers qui avaient ete attires par ces trompeuses amorces et qui n'avaient pu s'en tirer, au moins totalement , tandis que des resines stalagmiformes avaient englobe, entombant des arbres, des mousses, des lichens, et meme des insectes qui avaient pu aussi etre attires par la resine encore molle. II ajoute que Ton a trouve de l'ambre encore adherent a des troncs d'arbres resineux enfouis'sur les bords de la Baltique. M. de Laizer, qui a parcouru les cotes de la Baltique, dit qu'il s'est assure, enplongeant, que l'ambre de cette mer a, comme celui de plusieurs autres localites, son gi- sement dans des lignites. PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. 33 Plusieurs membres indiquent des echantillons d'ambre dont la forme annonce des stalagmites. M. Tailhand demande l'impression de ce Memoire. Elle est adoptee. M. de Caamont rappelle que tous les natura- listes sont d 'accord sur la nature resineuse de Fambre. Mais si M. de Resimont n'a pas produit une opinion neuve, il a au moins apporte des preuves a l'opinion deja emise. M. Lecoq appuie l'opinion de M. le general Resimont , en rappelant la presence de l'acide succinique dans les resines. M. Maravigna presentera dans la prochaine seance des echantillons d'ambre a l'appui de l'opinion de M. le ge- neral de Resimont. M. Grasset , de la Charite , a la parole pour decrire une variete de chauve-souris qu'il a trouvee a la Charite. L'heure avancee ne lui permettant pasde faire cette com- munication, la seance est levee a neuf heures du matin. DEUXIEME SEANCE DU 9 SEPTEMBRE. M. le comte de Laizer lit, en son nom et en celui de M. de Parieu, une note pour faire suite au Memoire plein de concision et de logique qu'ils ont lu dans une des precedentes seances. Dans cette note , ils donnent des renseignements sur une machoire fossile qu'ils presen- ted au Gongres. Elle proyient des calcaires tertiaires des environs de Clermont. Le nombre de ses dents carnivores denote un animal 04 PREMIERE ET SI MEME SECTIONS. dont l'analoguc ne se rencontre dans aucune des quatre parties de l'Ancien-Monde. II a sept molaires tranchantes sans tuberculeuses. Le thylacine, didelphe dccouvert par Harris au commencement de ce siecle, a la terre de Van-Diemen, et nomme par lui didelphis cynocephala, ou didelphe a tcte de chien , est le seul mammifere qui ait le meme nombre de molaires carnivores que le fossile presente. C'est un espece de chien, a jambes basses, museau ct corps allonges , avec le mode de generation et de gestation des didelphes. Sa depouille se voit au musee de Paris. Ce fossile avail en outre un caractere commun avec le thylacine, l'allongement extreme du museau dont vous avez pu vous convaincre. Gette forme est meme encore plus prononcee chez lui que chez le thylacyne. Ces caracteres ont paru a M. de Laizer et a M. de Parieu devoir rattacher cet animal fossile aux didelphes , bien que l'apophyse posterieure de la machoire ne ressemble que faiblement a celle des didelphes connus. Quoi qu 'il en soit de la place a assigner a ce carni- vore fossile dans la classification du regne animal actuel, le nom de hyenodonte zeptorhynque , hyenodonte a long museau , qui lui a etc impose , n'est plus que l'expression de ses caracteres connus et certains. Ces Messieurs terminent en disant qu'ils auraient pre- sente au Congres une notice etendue sur ce fossile , s'ils n'avaient cru necessaire de soumettre a l'Academie des sciences cet antique temoin d'un monde qui n'est plus, et qui doit signaler aux savants dune maniere plus spe- ciale qu'il n'a etc fait encore, notre geognosie d'Au- vergne. M. Salles lit un Memoire sur une loi qui accompagne et explique toutes les reactions des sels. PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. 35 M. Aubergier expose les resultats principaux de quel- ques recherches chimiques qu'il se proposait de dcve- lopper devant la section de chimie , si elle eut existe dans le Congres. Apres avoir rapporte plusieurs faits qui peuvent contribuer a fixer d'unemaniere decisive la theo- rie si long-temps debattue de la formation de l'ethyle , il exprime le regret que cette importante question ne puisse etre discutee d'une maniere serieuse. M. Aubergier fait connaitre ensuite deux composes nouveaux , confondus jusqu 'ici sous unmeme nom , et que Ton peut considerer, Tun comme sulfate anhydre detherene, ou comme une amide d'hydrogene carbone ; l'autre comme sulfate d e- thyle. Le premier aurait pour formule : SO 3 c 4 h8. La composition du second serait representee par : SO 3 c4h84-h20. L 'action des alcalis et des acides sur les couleurs vege- tales est jusqu'ici inexpliquee. II resulte des experiences de M. Aubergier, que Ton peut considerer la couleur bleue des violettes comme un sel acide ; la couleur rouge , produite par Taction des acides, comme l'acide colorant pur, et la couleur verte produite par les alcalis, comme une combinaison neutre. M. Aubergier a ete conduit a etablir cette theorie par Taction du principe colorant bleu sur les bicarbonates. Apres avoir passe en revue divers principes colorants, et avoir fait remarquer combien il est difficile de se procurer les quantitesles plus faibles de ces substances , il termine par Texpose d'un autre tra- vail qui a pour but d'etablir que la priorite de la de- couverte de Tether cenantique etudie recemment par MM. Liebiget Pelouze, appartient a M. Aubergier pere. Eneffet , Tether cenantique a la meme composition ele- mentaire que Thuile volatile decouverte par M. Aubergier pere, en 1820, dans les eaux-de-vie de marc : la vapeur 36 PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. presente aussi la meme densite ; les reactions sont les memes. Sculement, M. Aubergier pere a demontre, par des experiences precises, que les eaux-de-vie de marc doivent leur mauvais gout a 1 ether oenantique, tan- dis que MM. Liebig et Pelouze lui attribuent 1'arome des vins. M. Aubergier pere a demontre egalement que cet ether existe tout forme dans les pellicules de raisin , tan- dis que MM. Liebig et Pelouze ont cru pouvoir penser qu'il se developpe pendant l'acte de la fermentation. SEANCE DU 11 SEPTEMBRE. La seance est ouverte a sept heures du matin , sous la presidence de M. Maravigna , vice-president. Le proces-verbal de la derniere seance est lu et adopte. M. Lecoq annonce a la section que M. Robert Brown est parti ce matin, et qu'il l'a charge de presenter aux membres qui la composent ses remerciments pour l'hon- neur qu 'ils lui ont fait en l'appelant a les presider, et les regrets qu'il eprouve en les quittant avant la fin du Con- gres. M. l'abbe Croizet , qui n'a pu assister a une seance , demande si un article insere dans I* Ami de la Charte est conforme aux proces-verbaux des seances du Congres. Cet article, relatif au genre oplotherium, dont la descrip- tion a ete presente au Congres par MM. de Laizer et de Parieu , se termine par cette phrase : C'est la premiere fois qu'un genre nouveau est determine dans nos contre'es. M. l'abbe Croizet rappelle qu'il a decrit dans les seances PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. 37 de l'Academie de Clermont, douze genres nouveaux dans la famille des rongeurs , et qu'il les a indiques dans la notice qu'il a lue au Congres. II declare en posseder un treizieme fort remarquable qu'il n'a pas encore decrit. M. de Parieu repond que la note inseree dans le journal est de M. de Laizer et de lui. II donne des explications qui prouvent que la derniere phrase est le resultat d'une erreur involontaire , et qu'il fera rectifier. M. Grasset, delaCharite, lit une notice sur un bois fos- sile appar tenant a une nouvelle espece d elan. Ce bois est remarquable par la direction horizontale que prennent les branches a partir de la meule , par sa forme palmee , par un maltre-andouiller tres-court et rapproche de la meule , et par la direction des autres andouillers qui se trouvent tous sur le cdte* superieur de la palme. II indi- que les caracteres qui le distinguent de l'elan gigantesque des tourbieres d'Irlande. M. l'abbe Croizet pense que cette espece serait inter- mediate entre l'elan, dont il differe par son maltre- andouiller, et le cerf gigantesque d'Irlande, dont il est distinct par la position des andouillers sur un meme cote du bois. M. Maravigna cede un instant le fauteuil a M. Croizet pour lire une courte note sur l'ambre de la Sicile. II met sous les yeux de l'assemblee un grand nombre d'echan til- Ions remarquables par des varietes de couleur qui ne se retrouvent que dans cette contree, et par les insectes qu'ils contiennent , et dont deux ont ete enveloppes au moment de leur accouplement ; ce qui annonce que cette matiere avait une grande fluidite au moment de sa forma- tion. M. de Resimont a vu aussi des resines actuelles decou- lant des arbres avec une grande fluidite. G 38 PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. On decide que la note de M. Maravigna sera imprimee a la suite de celle de M. le general de Resimont. M. Grasset a la parole pour la continuation de son Voyage geologique et pittoresque du Mont-Dor e a Issoire. II reprend la description du Tartaret et de la vallee de Murol. II remarque que le Tartaret est un des volcans de l'Auvergne le plus recemment eteints. II cite plusieurs faits interessants, et il remarque que les volcans de l'Au- vergne ne reposent pas sur le granite , que les laves ont coule sur cette roche , mais que leurs foyers sont au-des- sous des roches visibles. L'heure avanc^e n'a pas permis a M. Grasset de continuer sa lecture. II regrette surtout de n'avoir pu lire la partie qui a rapport aux eaux de St-Nectaire. M. Bouillet, repondant a une assertion de M. Grasset, dit que tous les volcans des monts DOmes sont ouverts dans le granite. M. Grasset n'a pas dit que les volcans n'etaient pas ou- verts sur les granites , mais seulement qu'ils n'y avaient pas leurs foyers. M. Bouillet repond qu'on ignore ou sont tous les foyers volcaniques. M. Croizet observe aussi que les fossiles disperses dans les laves modernes de l'Auvergne et du Velay , prouvent que leurs eruptions ont eu lieu avant l'epoque actuelle. II fait encore une observation sur la partie archeologique du Memoire de M. Grasset. La section decide que, vu l'abondance des matieres qui lui restent a traiter , elle tiendra une seconde seance a une heure. La seance est levee a neuf heures un quart. PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. 39 DEUXIEME SEANCE DU 11 SEPTEMBRE 1838. La seance est ouverte a une heure , sous la presidence de M. Maravigna, vice-president. La discussion s'ouvre sur la deuxieme question du pro- gramme. M. Bouillet pense que les volcans a coulees pyroxeni- ques sont generalement plus anciens que ceux a coulees feldspathiques ; car on rencontre plusieurs volcans, et notamment celui du Puy-Noir, ou une ancienne coulee pyroxeniqne se voit de Teix a Chanonat; elle est re- couverte par une autre coulee feldspathique. Cependant cette disposition n'est pas toujours cons- tants M. Bouillet indique cinq a six coulees de laves re- posant les unes sur les autres, separees par huit a dix pouces de pouzzolanes ou de scories, et qui sont toutes feldspathiques. On a pu les voir dans un puits que M. de Montlosier a fait creuser a Randanne. M. Grasset cite comme pyroxenique la lave du Tarta- ret, que Ton s'accorde a regarder comme un des volcans les plus modernes de l'Auvergne. M. Bouillet repond que la lave du Tartaret est feldspa- thique, bien qu'elle contienne, comme toutes les laves, des cristaux de pyroxene; mais la masse qui empate ces cristaux est feldspathique, et se fond en email blanc par Taction du chalumeau. M. Tailhand demande a M. Maravigna s'il n'a pas dit que des laves d'une meme coulee variaient de nature. M. Maravigna repond que les substances accessoires r£~ 40 PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. pandues dans la pate varient quelquefois , mais que la pate elle-m6me ne varie pas dans toute la coulee. M. Tabbe Croizet pense que les volcans de TAuvergne pourraient 6tre rapportes a quatre epoques distinctes: La premiere comprendrait les trachytes et les phono- lytes; La deuxieme, les basaltes anciens; La troisieme , les basaltes intermediates qui , selon M. Croizet, auraient coule sur des galets de basaltes; Enfin la quatrieme , les laves modernes. M. Bouillet pense qu'au lieu de quatre epoques, il n'en faudrait peut-§tre distinguer que deux , les basaltes ayant succede aux trachytes, sans qu'il y ait eu interrup- tion entre ces deux formations. II pense toutefois, a cause de la difference des produits, qu'il est utile de conserver la division en trois classes. II pense que les cailloux de basaltes cites par M. Croizet, et en general les cailloux roules des volcans, ne sont pas toujours le resultat de Taction des eaux , mais que ces cailloux ont ete roules et polis dans le cratere du volcan par une espece d'e- bullition. M. Croizet , sans rejeter les deux grandes divisions des volcans proposees par M. Bouillet , croit cependant utile de les subdiviser , et regarde sa classification comme con- venable. II croit difficilement que les galets aient pu §tre polis sans Taction des eaux. M. Grasset appuie la division des volcans en trois or- dres. Dans le Cantal , il n'y a pas de lave moderne. Les basaltes y ont quelquefois coule sur des conglomerats ou des trachytes fragmentaires , mais rarement sur des ga- lets roules. II ajoute que le basalte ne se trouve jamais dans le fond des vallees, d'ou il conclut que les basaltes sont anterieurs au creusement des vallees. II rappelle la PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. 41 distinction qu'il a etablie entre les phonolites en couche, et les phonolites en amas , et les phonolites en monta- gnes. La seance est levee a trois heures moins un quart. SEANCE DU 12 SEPTEMRRE 1838. La seance est ouverte a sept heures un quart du matin , sous la presidence de M. Maravigna, vice-president. Les proces-verbaux des deux seances de la veille et celui de la seance supplementaire du 9 sontlus et adoptes. M. Peghoux demande a presenter quelques observa- tions sur la discussion qui a eu lieu a l'avant-derniere seance ; il rappelle, entre autres choses, que le Tartaret se rattache a la ligne des monts D6mes qui sont sortis entre le granite et le gneiss , sur le versant occidental de la chaine primitive. II indique sur le versant oriental une autre ligne de volcans dont fait partie le cratere de Prudelles , et qui s'est aussi fait jour entre le gneiss et le granite. Cette ligne se prolonge au sud jusqu'au Cezallier, passant par le puy de Leyranoux , les volcans d'Ardes et de Mazoires. II reclame la priorite pour la distinction de Tage des coules pyroxeniques et feldspathiques , distinc- tion qu'il a indiquee dans un Memoire publie il y a pres de dix ans. La section adopte et renvoie au Congres une proposi- tion presentee par la Societe d 'agriculture, sciences et arts du Mans. La Societe d'agriculture , sciences et arts du Mans emet le 42 PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. voeu que le Congres invite les savants, etmeme les amateurs, pla- ces dans les localites ou les ressources manquent pour composer des collections generates d'objets d'histoire naturelle, a se livrer plus particulierement a la recherche et a l'etude des objets exis- tants dans leurs localites, afin que l'exactitude des observations supplee a la generality des connaissances. Ce vceu de la Societe est fonde sur l'idee que des collections ainsi formeessur divers points d'un meme pays, presenteront les elements les mieux garantis aux auteurs qui voudront entreprendre des ouvrages generaux. Elle adopte encore une proposition de M. Lecoq ten- dant a coordonner des observations meteorologiques dans diverses localites , et la renvoie a l'approbation du Congres. « Pour donneraux societes savantes un veritable interet d'utilite, ne conviendrait-il pas que celles qui sont placees dans des localites importantes par leur position geographique , pussent s'occuper d'observations meteorologiques completes , en se mettant sous ce rapport , sans aucune idee d'independance mal fondee, a la dispo- sition de l'Academie des sciences, qui aviserait au moyen de donner a ces travaux toute l'unite sans laquelle ils deviendraient presque inutiles. 11 serait, je pense, convenable que cette proposition fut faite a l'Academie des sciences par une societe savante, car Tin- verse pourrait, dans quelques cas, eveiller des susceptibilites qui, malgre leur peu de fondement, n'en seraient pas moins tres- nuisibles a la realisation de ce projet. » M. Grasset annoncequ'il possede pour Mauriac des obser- vations suivies faites pendant sept ans avec le plus grand soin, avec de bons instruments et sur les instructions de MM. Ramond et Arago. M. Lecoq a la parole pour lire un rapport sur l'etude des sciences naturelles en Auvergne. La section en a de- mande l'impression et la lecture en seance generate . M. le docteur Cellier demande la permission de lire PREMIERE ET SI XI EMI- SECTIONS. 43 un Memoire sur un appareil medical qui rentre dans le domaine de la section des sciences physiques. Pour remplacer les divers moyens employes jusqu'a present pour rappeler la chaleur dans le corps des noyes, et dont les re- sultats ne peuvent elre apprecies par le thermometre, M. Cellier a imagine un appareil qu'il appelle lit caloriducteur; il est forme d'un plateau recouvert par un demi-cylindre et ferme a une ex- tremite par un demi-cercle mobile. Le noye est place dans cet appareil qui est en zinc et a doubles parois , separes par un in- tervals de quatre lignes : c'est en versant de Teau chaude dans cet intervalle ou en la faisant sortir en tout ou en partie, que Ton peut elever la temperature de l'appareil ou la modifier a volonte. Des tringles placees au haut du cylindre permettent d'y placer des couvertures, et des fenetres menagees sur les cotes du cylindre permettent d'executer sur le malade les operations neccssaires. Cet appareil a paru tres-ingenieusement combine , et on a f el i cite M. Cellier d'avoir consacre ses etudes et ses moments a un but aussi philantropique. M. Robert lit un rapport sur un Memoire imprime sur les soulevements de l'Auvergne , par M. Fabre. Celui-ci pense que les soulevements n'ont pas sum* pour donner a l'Auvergne sa configuration actuelle, a laquelle ont du contribuer les dejections volcaniques. Je ne m'etendrai pas davantage sur ce rapport, qui sera insere aux actes du Congres. La section aura une seance supplementaire a une heure. La seance est levee a neuf heures et demie. DEUXIEME SEANCE DU 12 SEPTEMBRE 1838. La seance est ouverte a une heure et demie. En l'ab- sence des president et vice-president de la section, 44 PREMIERE ET SIX1EME SECTIONS. M. Tailhand , vice-president du Congres , occupe Ie fauteuil. On propose la discussion de la douzieme question du programme. Elle est ainsi conque : 12° La science a-t-elle assigns une limite caracterise'e entre les animaux et les vegetaux? M. Vallot, de Dijon, ecrit que la presence du canal alimentaire distingue les animaux des vegetaux. Oui : la presence de l'estomac ou d'ua canal alimentaire, cavite interieure destinee a recevoir les substances alimentaires , et a leur faire subir les changements propres a les rendre nutritives, est une limite caracterisee. M. Lecoq repond que certaines families, et notamment les oscillariees, paraissent se rapprocher des animaux, bien qu'on ne leur ait pas encore decouvert de canal ali- mentaire. Sur la treizieme question du programme — Doit-on admettre avec Spallanzani que Vanguille ( muroena an- guilla, Lin.) ne se reproduit que dans la mer? A-t-on ob- serve et constate de nouveaux faits propres a conflrmer ou a infirmer cette opinion ? M. de Selys Longchamps , de Liege , adresse la note suivante : D'apres ce que j'ai observe en Belgique, je suis entierement d'avis que l'anguille ne se reproduit pas dans les rivieres et les etangs de l'interieur des terres. Je me bornerai a citer deux faits: i ° Dans un etang d'eau de sources, mais separe de la riviere du Geer par une haute digue, a Lonchamps, province de Liege, on avait place, il y a vingt ans etplus, un assez grand nombre d'anguilles. On vient de mettre a sec cette piece d'eau , et nous y avons retrouve environ vingt-cinq anguilles de tres- forte taiUe, mais aucun individu jeune. Aucune n'ofFrait interieurement d'in- dices d'ceufs. PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. 45 2° Dans la riviere qui se trouve au pied de la digue de cet etang on rencontre souvent des anguilles de moyenne taille qui ont pu remonter par la Meuse , qui elle-meme les recoit de la mer, mais on n'y a jamais observe, non plus que dans la Meuse, des anguilles plus petites que la longueur d'un pied environ , ou tout au moins de six a dix pouces,et ces dernieres sont tres-rares. La meme remarque s'applique a tous les affluents de la Meuse, en ajoutant que les anguilles de moins d'un pied ne s'y montrent meme jamais. Le contraire a lieu dans l'Escaut, a Anvers , qui , etant plus pres de l'Ocean , recoit un grand nombre d'anguilles de six a dix pouces de long. M. Buvignier ajoute que dans le departement de la Meuse on n'a jamais pris d'anguille au-dessous d'un pied. Les pecheurs de la Meuse ont observe que , tous les ans , vers la fin de 1'automne, les anguilles descendent la ri- viere. M. Newenham a observe , je ne sais plus en quel lieu , des civelles ( petites anguilles ) qui remontaient une ri- viere ; arrivees a un endroit ou se trouvait une digue , les civelles se glissaient entre les pierres et profitaient des moindres inegalites du mur pour parvenir au haut de la digue ; quoiqu'il en retombat un grand nombre , la plupart parvenaient a grimper. M. Buvignier ajoute qu'une personne digne de foi lui a assure qua Sarlat on pechait abondamment dans la Dor- dogne des anguilles de six a huit pouces, mais il est pos- sible qu'elles y viennent de la mer. M. Lecoq , qui a habite les Ardennes , n'y a jamais vu d'anguilles au-dessous de quinze a dix-huit pouces. M. Bouillet , qui a beaucoup peche dans la Bourgogne , n'y a jamais non plus remarque de petites anguilles. Ainsi, jusqu a present, il n'y a pas de preuves que les anguilles se reproduisent dans les rivieres. Sur la quatorzicme question , qui est ainsi concue : 46 PREMIERE ET S1XIEME SECTIONS. Est-il constate que chez quelques bombyx du sous-genre psyche', la fecondation s'opere souvent comme cela a lieu chez les poissons ? M. Vallot adresse la solution suivante : Non : les especes de phalenes du sous-genre psyche s'accouplent comme tous les lepidopteres : les femelles apteres ne quittent ja- mais le fourreau construit par la larve; elles s'y tiennent la tete enbas, en presentant l'extremite posterieure de leur corps du cote de I'ouverture du fourreau. Dans cette position , elles recoi- vent les approches du male , dont l'abdomen , susceptible de s'a- longer considerablement , peut penetrer dans l'interieur du four- reau et arriver jusqua elles. M. Buvigner lit aussi une note de M. Lucas, conser- vateur des collections d'histoire naturelle de Verdun. Celui-ci a vu un male du psyche graminella introduire la partie posterieure de son corps , qui est tres-extensible , dans le fourreau d'une chrysalide femelle. Celle-ci n'est pas eclose, mais les ceufs, ainsi fecondes, ont donne naissance a un grand nombre de chenilles. L'ordre du jour appelle la quinzieme question : La ge- neration spontanee doit-elle 6tre admise pour les acarus scabiei et exulcerans f M. Vallot adresse la note suivante : Non : la vie est une force transmise sans interruption. La presence des sexes chez les mittes , dont les ceufs sont bien con- nus, demontrent la reproduction de ces arachnides. Si Ton trouve sur certains galeux des acarus scabiei et des acarus exulcerans , c'est par suite du peu de soin de proprete de la part des malades. Les experiences de Redi, et les observations plus exactes faitcs par les naturalistes modernes, ont fait justice des generations spontanees. Ilcxiste a la verite quelques faits, tels que la presence des en- PREMIERE ET S1X1EME SECTIONS. 47 tozoaires , qui servent de base a l'opinion des generations sponta- nees ; mais il est a presumer que par la suite on parviendra a decouvrir la veritable maniere dont les animaux parasites intesti- naux s'introduisent dans le corps. On a deja demontre comment les cryptogames parasites intestinales s'introduisent dans les vegetaux. M. Lecoq pense qu 'il existe des generations spontanees dans l'echelle inferieure des animaux. II serait bien dif- ficile d'expliquer par un autre moyen l'existence des vers intestinaux. On passe a 1'examen de la vingtieme question , qui est ainsi concue : Est-il vrai que certaines plantes sont , par leur nature, nuisibles a d'autres plantes qui les avoisinent? M. Vallot, de Dijon, repond affirmativement. En attendant, dit-il , que des observations plus precises confir- ment mon opinion consignee dans les Me'moires de VAcade'mie de Dijon, 1820, p. i5c)-i6o, je vais signaler plusieurs faits qui viennent a l'appui. « L'ivraie nuit aux cereales, le chardon hemorrhoidal a l'a- » voine, le pavot, l'euphorbe et la scabieuse des champs au lin, » l'erigeron acre au froment, la spergula arvensis au sarrazin , » l'aunee officinale a la carotte. » {Diet. Sc. nat.yt. 44, p. 325.) Le myrtus mjcrophila est une de ces plantes sociales qui semblent avoir usurpe le terrain et ne laisssent croitre dans le voisinage qu'un petit nombre d'autres vegetaux. Le noyer etend au loin ses racines , epuise tout le terrain qui l'environne, l'ombrage et ne perraet point aux plantes de croitre sous lui. L'ombre et les racines du caroubier sont funestes a la croissance des autres plantes. L'elychrisumfcetidum, plante du Cap, a tellement pullulesur la cote de Brest, qu'elle y couvre une grande etendue de terrain , au detriment des vegetaux indigenes qu'elle a chasses de leur pays. Dans le Bresil , on rencontre des bois considerables d'orangers , sans melange d'autres arbres, parce que leur ombrage ou le sue 48 PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. des oranges pourries ne perraettent point aux autres vegetaux de croitre. Dans le merae pays , le capius-gordura , herbe a la graisse , trisiegis glutinosa, melinis minutijlora P. B.f s'empare du ter- rain et en chasse toutes les autres plantes. Le barbon de martini forme dans les paturages du Bengale des touffes assez grosses, mais fort ecartees, entre lesquelles il n'y a souvent aucune autre plante. Lorsque deux especes differentes viennent a se disputer le ter- rain, celle qui a le plus de vigueur dans tous ses organes etouffe les individus de l'autre. Tous ces faits auraient peut-etre besoin d'etre corrobores par de nouveaux, cependant ils me paraissent deja assez nombreux pour faire croire a Yantipathie des plantes. M. Limousin-Lamothe , d'Albi, adresse sur le meme sujet la note suivante : II est tres-positif que certaines plantes sont par leur nature nuisibles a d'autres plantes qui les avoisinent ; en d'autres ter- mes, il y a des plantes antipathiques entr'elles, comme il y a des plantes sympathiques. One plante ne succedera pas toujours avec avantage a une autre plante, une culture a une autre culture, parce que les preceden- tes auront epuise le sol, dira-t-on, mais bien , selon moi, parce qu'elles l'auront laisse impregne de leurs emanations deleteres pour la recolte qui va suivre. Le mais, la pomme de terre sont antipathiques au ble i ces cul- tures epuisent le sol, dit-on; sans doute, mais non pas au point de le rendre infertile , de telle sorte que le ble qui succede soit si inferieur. La pomme de terre et le mais se plantent tres-spacieuse- ment, a un demi-metre en tout sens au moins; voila done une quan- tity d'espaces du sol non assez en contact, non assez rapproches des raeines pour pouvoir en etre epuise , a moins que ce ne fut par attraction a grandes distances que l'epuisement put avoir lieu ; il n'y a de terre veritablement epuisee que la periferie, le cercle qui se trouve en contact avec la racine , les tubercules et le chevelu. PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. 49 Mais, outre lepuisement reel , il y a encore impregnation, ema- nation, resultant de la transpiration de la plante , et cet effet est de nature deletere pour le ble , qui souffre sur un sol infecte pour lui , comme l'homme souffrirait dans un appartement infecte par des emanations morbides ou cadavereuses; il faudrait, pour qu'il s'y trouvat a l'aise, l'aerer, le purifier. II en est de me me dans notre question ; le sol dont je parle , pour etre propice au ble , devraitetre aere parplusieurs labours pour en renouveler les sur- faces, les exposer aux benignes influences atmospheriques , et operer la division moleculaire. Voila du moins un des avantages de la jachere, que Ton ne comprend pas toujours assez , d'aerer la terre pour la degager des emanations deleteres dont l'ont impre- gneeles plantes antipathiques auble. Mais celui-ci se semant bien- t6t apres la recolte du mais et de la pomme de terre, et le sol n'ayant pas le temps de se trouver desinfecte, on aura necessaire- ment un ble languissant et peu vigoureux , comparativement a celui qui eut succede a uue plante sympathique. Le trefle, les feves, le lupin, l'esparcet, la luzerne, par exemple, sont des plantes dont la transpiration , dont les emanations impre- gnent la terre d'un fluide propice au ble et a toutes les eereales. Ici les labours ont pour objet, non d'aerer, non de purifier, mais de melanger, par la division moleculaire, toutes les parties terreuses avec le detritus des plantes; les parties du sol im- pregnees d'emanations avec celles qui ne le sont pas. Le pastel , dont la racine longuement pivotante va puiser pro- fondement sa subsistance, n'epuise done pas le sol en absorbant son engrais superficiel ; et cependant le pastel est considere comme plante edace et excessivement devorante : pas du tout, le pastel impregne la terre d'emanations antipathiques au ble. II en est de meme de bien d'autres cultures ainsi que des ar- bres. Yoyez sur le long des routes et sur les lisieres des bois ces espaces de champs de ble qui avoisinent 1'orme et le chene ; le ble y est court et jaunatre comparativement a celui que Ton ob- serve plus loin , et cependant les racines des arbres au developpe- ment desquelles un fosse profond fait obstacle , se trouvent loin de la superficie du sol, etne vont pas l'epuiser parleurs radicules; 50 PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. ce ne pent done etre que par l'effet de la transpiration qui sen exhale et qui est morbide pour le ble. Ces vues, qui peuvent inieux et plus longuement etre develop- pees , n'etant ici qu'indiquees seulement , mieux etudiees , seront d'une application heureuse a toutes les cultures et au jardinage, oil l'onpeut mieux etudier les sympathies et les antipathies des plantes entr'elles, a cause de la rapidite avec laquelle les cultures se succedent. Ainsi Ton trouvera que les plantes azotees, les cru- ciferes, sympathisent merveilleuseraent avec les legumineuses, qui leur succedent avec prosperity. Ces vues pourront encore etre heureusement appliquees a la theorie des assolements et au systeme d'alternat, par l'etude des cultures sympathiques ou antipathiques , de maniere a ne faire suc- ceder que des plantes pouvant se delecter les unes a la suite des autres, pour me servir d'une maniere de parler d'Olivier de Serres. Yoici , sur la question , une autre erreur qu'il est bon de com- batlre. L'on a cru reconnaitre, et Ton a avance que, pendant la periode de vegetation, les plantes n'epuisaient pas ou du moins epuisaient peu lesol, absorbant, de l'atmosphere seulement, les materiaux constitutifs necessaires a leur croissance ; que ce n'etait qu'au moment meme , et dans la courte periode ou le grain se forme, que la plante, par un effort d'action vitale qui lui estpro- pre, soustrait, pour l'elaborer et le nourrir, tout ce qu'il lui est possible de s'approprier de la terre. Je crois , moi , tout l'oppose , et a l'inverse de ce phenomene : aussi cette theorie , nouvelle, je crois, de l'epuisement du sol par les vegetaux avant la formation du grain, et de 1 emanation des plantes qui donne a la terre une qualite salutaire ou deletere aux plantes qui vont succeder, suis-je heureux de pouvoir la sou- mettre au Congres scientifique. Sansdoute, la souplesse, la delicatesse des organes d'un vege- tal pendant sa croissance permet beaucoup de prendre a l'air et aux autres meteores ; mais des plantes d'une vie rapide et lucra- tive, comme le mais, le chanvre, le soleil, le ricin, le tabac, etc. , ne recevraient pas assez de nutrition de l'atmo-iphere seule- ment, si un sol fertile n'etait pas la pour y cooperer. PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. 51 S'il en etait autrement, ces plantes seraient partout egalement belles , egalement vigoureuses , et neanmoins on les voit freles et clietives, long-temps meme avant la formation du grain, sur les sols legersou peu fertiles. J'ai nomme le tabac: pense-t-on que ce soient ses graines imperceptibles qui epuisentle sol beaucoup plus que son ample feuiliage? J'en dis autant du pastel et de tous les vegetaux edaces mais peu fournis de graine. Celle du pastel est men tie comme celle de la grande luzerne, et est assez peu abon- dante sur le meme pied. De meme que la grande luzerne, le pastel pivote et va puiser tres-bas dans la terre sa subsistance. II sem- blerait done que la surface du sol , soustraite a Taction epuisante de la plante, devrait s'etre reposee par la luzerne, comme par toutes les plantes a racines tres-profondes , et , soustraite ainsi a l'epuisement, etre plus favorable a la culture des plantes a racines superficielles. Tout cela estbien, dans la theorie des assolements •. ii n'en est cependant pas ainsi, et cette regie est en defaut a l'e- gard du pastel apres lequel le ble est toujours peu vigoureux, quelle que soit d'ailleurs la bonne nature du sol. II faut done que celui-ci ait retenu quelques principes deleteres pour leble, quelques emanations qui lui sont vraiment antipathiques, puisque, jele repete, e'est dans les couches inferieures quele pastel a ete pomper sa nourriture. Et comment, d'un autre cote, lorsque les organes absorbants de la racinesont deja fletris ; lorsque les organes circulatoires de la tige se resserrent et s'obstruent par un commencement de dessicca- tion, pourraient-ils etre aptes a remplir leurs fonctions premieres ou habituelles en toute plenitude, avec une energie toute nou- velle, rajeunie par une puissance surexcitante ? Non : les materiaux constitutifs du grain sont tout prepares , tout formes dans la plante seulequi a deja recueilli dans les engrais du sol comme dans les meteores les elements de nutrition ne- cessaires a cette fin. Elle est, dis-je, suffisamment pourvue de ces elements divers qu'un nouvel ordre de cboses va bientot transfor. mer et convertir en la propre substance du grain. C'est ainsi que, dans les cereales, le principe sucre, dissemine dans la tige, qui s'en trouve saturee, se decoraposant peu a peu , 52 PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. disparait pour se porter sur le grain et y fournir au principe fari- neux, comme chez les plantes oleagineuses le mucilage se porte de la tige au fruit pour s'y coavertir en huile. On a done cru, d'une maniere absolue , que e'etait par suite de son epuisement et de sa fatigue que le sol se refusait a recevoir de suite une culture de meme espece. II n'est pas douteux que ce ne soit pour quelque chose ; mais il faut prendre aussi en considera- tion l'infection du sol par les emanations mephytiques dont la plante precedente l'a impregne ; emanation antipathique et dele- tere pour la plante analogue qui va suivre. On objectera un carre de jardin qui donne plusieurs fois l'annee la meme recolte ; une cheneviere ouse repete aussi chaque annee la meme culture. Sans doute, mais on les sature d'engrais qui, apres avoir agi comme anti-putride sur le sol, par leurcarbone abondant, lui ap- portent une surabondancede prodigieux elements de fertilisation. Mais, a mon tour, j'objecterai les plantes en pot; les orangers, par exemple : ce n'est pas une terre substantielle qui leur manque ; assurement non, et cependant, de temps a autre, il faut les changer pour en renouveler la terre trop empreinte de leur propre emana- tion, alorsqu'elle est eminemmentfertilisantepourd'autresplantes. Croit-on que le repos d'uu champ par la jachere se compense , par ce repos et par Taction mecanique des seuls labours, des elements fertilisateurs qu'il vient deperdre a la suite d'une culture? Croit-on qu'il se compense , surtout , par l'attraction seule des principes aeriens et des influences meteorologiques ? Je l'accorde jusqu'a un certain point; mais ce qui produit plusde bien encore, ce qui dispose ce champ a recevoir plus tard la culture analogue a celle qu'il vient de fournir, e'est sa purification , si je puis ainsi m'enoncer , sa ventilation des surfaces renouvelees et facilities par les labours divers. Voila pourquoi ces labours multiplies ont une utilite dont on ne s'est peut-etre pas assez rendu compte ; la divi- sion moleculaire de la terre laissant volatiliser les principes mephy- tiques dont elle se trouve impregnee. Sur la vingt-deuxieme question , M. Lecoq a remarque qu'il n'y avait pas de plante qui crut exclusivement sur un terrain d'une nature particulicre, soit granitique , PREMIERE ET SIX1EME SECTIONS. 53 volcanique ou calcaire. M. de Candolle ne connaissait qu'une seule exception , le rhizocarpon geographicum , qu'il croyait propre au terrain granitique, et M* Lecoq l'a trouve dans les terrains volcaniques. Toutefois, M. Le- coq ajoute qu'en general les chataigniers croissent en Auvergne sur les terrains granitiques , et les noyers sur les terrains calcaires : on les trouve reunis sur les terrains volcaniques. M. Martha demande si cette difference de vegetation ne tiendrait pas a la difference des niveaux qu'occu- pent ces terrains. M. Lecoq trouve cette observation juste dans certains cas , mais elle n'est pas generate* M. Buvignier a vu le chataignier reussir dans des ter- rains sableux des Ardennes, tandis qu'on n a jamais pu le cultiver dans les terrains calcaires qui se trouvent au meme niveau. II ajoute que les terrains de transition des Ardennes et les terrains sableux qui les avoisinent se distinguent des terrains calcaires par leur vegetation ; ceux-ci ne contiennent que raremcnt des genets et jamais de bruyeres ni d'airelles, plantes qui sont tres-abondantes dans les premiers. M. Lecoq a aussi observe ce fait ; mais il pourrait tenir, suivant lui, autant a la hauteur et a Taction mecanique des roches qua leur composition chimique. M. Roberta vu dans les environs du Puy des chataigniers qui reussissaient tres-bien dans les terrains marneux. La seance est levee a trois heures. 5i PREMIERE ET SIX1EHE SECTIONS. SEANCE DU 13 SEPTEMBRE 1838. La seance est ouverte a sept heures un quart. En l'ab- sence du president et des vice-presidents de la section , M. Tailhand, vice-president du Congres, occupe le fau- teuil. Le proces-verbal de la derniere seance est lu et adopte. On lit un rapport de M. Gazan sur deux lettres de M. Decombes des More lies, sur les volcans de l'Auvergne. On lit un rapport de la societe royale d'agriculture , sciences et arts du Mans sur Taction magnetique des diorites et des melaphyres , que Ton etablit sur les deux faits suivants : Ier fait. — Des masses considerables d'une roche noire de dio- rite compacte (grunstein ou melaphyre), se presentant, tantot en amas de forme indeterminee, tantot, et leplus souvent, en larges (iions qui courent parallelement entre eux et dans des directions comprises entre le nord et le nord 200 ouest , ont ete observees comme agissant d'une maniere tres-sensible sur l'aiguille aimantee. Des geometres, faisant des levees de plan a la boussole , dans les communes de Vautorte et de St-Denis-de-Gatines, arrondisse- ment de Mayenne, ont vu leurs operations troublees, et sans raccord possible avec celles qui auraient du s'y rattacher, sans qu'il leur fut possible d'assigner une cause a ces erreurs. Cette cause est incontestablement Taction magnetique des mas- ses de diorite compacte qui constituent une portion du sol geolo- gique de ces communes. IP fait. — Plusieurs communes de Tarrondissement de Mayenne, notamment celle de Niort , canton de Lassay , voient les orages les plus menacants se dissiper a leur approche , ou les tourner dans certaines directions. C'est un fait observe et tenu pour au- ihentique par tous les habitants de cette contree. PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. 55 Plusieurs masses ou filons de diorite sillonnent la contree ou l'observation a principalement ete faite, et il parait tout naturel de penser que c'est dans Taction electro-magnetique de ces masses qu'il faut chercher l'explication de ce curieux phenomene meteo- rologique. II semblerait eminemment probable que les deux faits ci-dessus sont connexes, et le premier peut fournir l'explication du second. En les soumettant aux lumieres du Congres scientifique de France, on pourrait poser les questions suivantes : Ire question. — L'action electro-magnetique qui a ete deja obser- vee dans l'interieur de quelques filons metalliques , notamment dans le departement de la Mayenne , a-t-elle ete remarquee dans d'autres regions, comme appartenant aux masses ou filons de diorite et de melaphyre ? IIe question. — Gette action est-elle egalement exercee par les masses basaltiques des contrees volcaniques ? IIIe question. ~]Ne conviendrait-il pas d'appeler l'attention des savants sur les actions electro-magnetiques qui semblent offrir une application nouvelle des etudes geologiques, et peut-etre fournir des explications a plusieurs faits de meteorologie inexpli- ques jusqu'a present. Le president de la societe royale des sciences et arts, DAGONEAU. Sans contester le premier fait , M. Buvignier pense que le second peut etre independant de toute action magne- tique. II a observe des changements de direction dans les nuages, a l'approche de certaines collines entierement calcaires. M. Lecoq, consulte sur la quatrieme question de la sixieme section , relative a la formation de la grele , pense qu'elle est due aux mouvements de translation tres-ra- pide de gouttesd'eau soumises ainsi a un refroidissement suffisant pour la congelation de la grele. II appuie celte 56 PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. opinion sur un violent orage charge dc grele, qui par- courut en quatre heures la distance de l'ile d'Oleron a Clermont. II n'a jamais vu tomber de grele lorsqu'il n'existait pas deux couches de nuages. II ajoute que l'eau provenant des grSlons n'est jamais pure , et precipite par les reactifs. 11 dcmande que le Congres invite les societes savantes a recucillir toutes les observations qui pourraient donner du jour sur la theorie de la grele. Cette proposition est adoptee. Plusieurs membres rapportent des observations sur le rOle que joue le puy de Dome dans la meteorologie des environs de Clermont. M. Lecoq dit que c'est surtout le matin et le soir que le puy de Dome est couvert de nuages. II les attribue a la difference de temperature qui cxiste entre la montagne et l'air atmospherique; tantot la montagne condensant l'humidite des couches d'air dune temperature elevee , tantot l'air vaporisant l'humidite des nuages qui a ete precedemment absorbee par la roche poreuse du puy de Dome. Les questions proposees par les programmes de la pre- miere et de la sixieme section etant epuisees , M. Buvi- gnicr met sous les yeux de l'assemblee la carte geologique des Ardennes , qu'il a entreprisc conjointement avec son ami M. Sauvage, ingenieur des mines a Mczieres. II donne quelques details sur la partie de ce travail deja cxecutee, et prcsente aussi des coupes de quelques terrains du meme departement. Les couches inferieures de cette formation qui reposent sur le terrain de transition , a 1'est du departement, dis- paraisscnt successivement a mesurc qu'on avance vers Vouest; de meme que les assises supericures jurassiques PREMIERE ET S1XIEME SECTIONS. 57 disparaissent successivement sous le gr6s vert, a mesure qu'on avance vers le nord. La section est consultee pour savoir si elle decernera la medaille offerte par M. de Caumont, a la personne qui, dans les departements du centre , aura fait faire le plus de progres a l'etude des sciences naturelles. M. Lecoq propose de l'accorder a M. le docteur Jourdan, professeur d'his- toire naturelle et conservateur du Museum de Lyon. M. Jourdan a cree dans cette ville un des musees les plus intercssants qui existent en Europe. II y a reuni un genera zoologiquc presque complet, et il a reuni tous les materiaux necessaires pour les collections geologiques et mineralogiques qu 'il classe actuellement avec le plus grand soin. La section adopte a l'unanimite cette resolution et la soumet au Congres. M. Buvignier reclame contre une omission qui a eu lieu dans le compte-rendu du Congres de 1837. II avait an- nonce que MM. Moreau , substitut a Verdun , et Denis , medecin a Commercy , avaient decouvert que les cailloux roules de la vallee de la Meuse , provenant de rochcs des Vosges etrangeres a cette vallee et a celles que parcourent les affluents de la Meuse , n'y cxistaient plus au-dessus de Pagny-sur - Meuse , mais qu'ils se prolongeaient de la jusqu'a Toul , par le col qui existe entre les deux localites ; de sorte que ces cailloux provenant tous de rochcs qui se retrouvent dans la vallee de la Moselle, auraient etc amenes par cette riviere qui tombait alors dans la Meuse , a Pagny. En rapportant cette decouverte dans le compte-rendu du Congres de 1337 , on a omis le nom de M. Moreau , et cependant il est probable que c'cst lui qui a le pre- mier observe cc fait. 58 PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. La section ayant termine tous les travaux , et personne ne demandant a faire de nouvelles communications , la seance est levee a huit heures trois quarts. Le president, R. Brown. Les Vice-Presidents, C. Maravigna. L'abbe Croizet. Les Secretaires de la Section, A. Buvignier, H. Aubergier , Gazan. DEUXIEME SECTION. 59 DEUXIEME SECTION. AGRICULTURE, INDUSTRIE ET COMMERCE, SEANCE DU 4 SEPTEMBRE 1838. Les personnes composant cette section se sont reunies sous la presidence de M. de Resimont, vice-president du Congres general, qui a ouvert la seance, et a invite l'assemblee a faire choix d'un president et d'un vice- president. M. Peyret a ete nomme president a une grande majo- rite , et M. Rottin vice-president. M. Lecoq, secretaire-general du Congres, a presente comme secretaires MM. Roudet de Rardon et Adrian. M. Peyret, president, a pris place au fauteuil , et a de- clare la seance ouverte. M. de Caumont a demande qu'il fut fait une enquete sur l'etat des etudes agricoles, en Auvergne, et a pro- pose la nomination d'une commission qui serait chargee de preparer et elaborer les travaux. L'assemblee , consultee, a fait choix de MM. Conchon , Cariol et Chauvassagne , auxquels ont ete adjoints MM. Dumiral et de Tissandier fils. M. le president a ensuite invite les membres de l'as- semblee a deposer sur le bureau et a communiquer les 60 , DEUXIEME SECTION. M^moires concernant les travaux qui relevent de la deuxieme section. Un Memoire , date de Paris du 30 aout 1838 , adresse a M. le president du Congres scientifique , signe Parfait , a ete presente par M. le president, qui a invite l'assemblee a renvoyer l'examen de ce Memoire a la commission nommee. L'assemblee considerant que ce Memoire a besoin d'etre soumis aun examen attentif, l'a renvoye a la commission, qui fera un rapport sur l'utilite de la decouverte. Un deuxieme Memoire a ete lu sur la question de sa- voir si la fertilite extraordinaire de l'Auvergne est due a un lac ou a un yolcan. A cette lecture, un membre a propose de renvoyer l'examen et la solution de cette question a la premiere section, attendu qu'elle se liait intimement a la question des volcans proposee dans cette section. M. le president a fait observer que l'examen de cette question trouvait naturellement sa place dans la section d 'agriculture , puisqu'il etait question de statuer sur la cause de la fertilite de sol de l'Auvergne , et a propose de renvoyer l'examen de cette question a la commission deja nommee. Cette proposition a ete adoptee. Un troisieme Memoire ou Prospectus de M. Fiot , sur l'etablissement d'une banque nationale des families, a ete ajourne jusqu a l'arrivee de l'auteur qui est attendu incessamment. M. le president a ensuite donne lecture de la premiere question posee dans la deuxieme section. Dans quelles circonstances convient-il de preferer les prairies artificielles formees par le semis d'une seule espece de plante (trefle , sainfoin, luzerne, etc.) , aux prairies DEUXIEME SECTION. 61 naturelles ou a celles qui sont cre'e'es par le semis simul- tane de plusieurs espkes ? Sur la premiere question, M. Dumirail dit qu'en ge- neral, dans ce pays, les prairies naturelles l'emportaient sur les prairies artificielles; que leur produit etait plus sur, plus abondant etplus commercable; que ces prairies etaient ordinairement plantees d'arbres a fruit, et d'ar- bres dont le retail se divise par coupes reglees , ce qui en augmente notablement le revenu; il a fait ressortir les avantages de la facilite de l'exploitation qui procure sur la main-d'oeuvre une utile economic Ce genre de propriete offre sur les autres une superio- rite marquee , puisque dans ce departement il est le plus cher de tous, valeur venale. A la verite, il se prete peu aux defrichemens , ce qui exclue les combinaisons d'asso- lement ; mais l'existence des prairies naturelles dans un domaine , n 'exclue point la culture des autres fourrages, qui produisentou fructifient sans le secours de 1 irrigation. Passant a l'examen comparatif des produits des di- verses graminees , il prouve que l'irrigation est pour les prairies naturelles une source de production plus abon- dante , et s'arrete k cette consideration , que la qualite des fourrages est de beaucoup preferable. II etablit enfin , qu'a l'egard des prairies artificielles, le melange du trefle et du sainfoin donne de bons resul- tats, et termine par cette observation bien connue de touslesagriculteurs, que Tapplication du platre a ces ve- getaux double leurs produits. Un membre a expose qu'etant oblige de partir imme- diatement , il priait l'assemblee d'intervertir Tordre des questions posees dans le programme , et il a propose de mettre a l'ordre du jour les trcizieme et quinzicme ques- tions de la deuxieme section. 62 DEUXIEME SECTION. L assemble, consultee par M. le president, s'est rendue a cette invitation, et a mis a l'ordre du jour les trei- zieme et quinzicmc questions, et attendu l'heure avan- cee, M. le president a leve la seance. SEANCE DU 5 SEPTEMBRE 1838. MM. Peyret, president, Bottin , vice-president , et Boudet de Bardon, secretaire, occupent le bureau. L'ordre du jour est l'examen de la treizieme question du programme, relative aux avantages et aux inconve- nients des chemins de fer, sous le rapport du commerce et de 1 Industrie. M. Cantagrel a obtenu le premier la parole. Apres des considerations generates, tendant a prouver qu'il n'esl pas l'adversaire declare des chemins de fer, l'orateur considere la question sous son point de vue financier. L operation, dit-il, sera le plus souvent contraire aux interets des actionnaires ; souvent merae la speculation pourrait etre immorale ; car on sait que c'est ordinaire- ment un banquier qui protege une societc , que le gerant fait fortune, et que l'actionnaire est mine. — A l'appui de cette opinion , l'honorable membre cite pour exemple le ehemin de Saint-Germain , dont l'avenir peut bien ne pas repondre a son etat de fortune actuelle , qui ne semble reposer que sur la curiosite publique. Sous un autre point de vue , M. Cantagrel, qui ne con- teste pas l'utilite des chemins de fer en general, pense qu'un grave inconvenient pour l'agriculture doit resulter de leur construction , qui s'opere ordinairement sans tenir deuxieme section. 03 compte des chemins ruraux, ce qui rendra les communi- cations plus difflciles a raison du changement de niveau que les routes communalcs seront obligees de subir ; il ajoute que les terrains avoisinant les parties des railways ou la pente exigera la construction de levees ou de rem- blais, seront exposes a des inondations facheuses, ces levees devant former de veritables digues qui feront obs- tacle a l'ecoulement des eaux. II pense que dans la plu- part de nos provinces l'agriculture est dans un etat sinon retrograde , du moins peu satisfaisant , et que les capi- taux destines aux routes de fer seraient mieux places a encourager les progres de l'industrie agricole. L'orateur finit en faisant des vceux pour que nous ar- rivions dans les arts a une perfection telle que les incon- venients remarques jusqu'ici dans l'etablissement des chemins de fer disparaissent , et il cite des inventions nouvelles , et notamment un systeme de roues et de char- riots qui serait de nature a franchir l'espace avec rapi- dite , sans avoir besoin de deplacer le niveau des routes ordinaires. M. Boudet de Bardon a repondu qu'il lui semblait que les considerations developpees par M. Cantagrel etaient en quelque sorte un acte d 'accusation dresse contre les chemins de fer, et que les objections dont ils venaient d'etre l'objet n etaient pas a l'abri de la refutation; que l'etablissement des chemins de fer etait desormais une question jugee pour la France , et qu'a l'exemple des pays voisins , nous possederions enfin ces grands moyens de communication ; que , bien que les chambres legisla- tives se fussent montrees lentes peut-etre a seconder le vceu general , la loi recente de l'etablissement du chemin de Paris a Orleans etait pour nous une garantie que les grandes lignes sortiraient enfin de l'etat de projets pour 6-4 DEUX1EME SECTION. devenird'heureusesrcalites; que sous les rapports de stra- tegic, de politique et dc commerce, l'utilite de ces voies a circulation rapide etait universellement sentie ; que e'e- tait une vaine objection que cette fievre pretendue de speculations qui faisait craindre la ruine de quelques fortunes particulieres ; que l'interet prive, dont la solli- citude est toujours active , suffirait pour mettre les capi- talistes en garde contre les entreprises aventureuses , et qu'un arret recent, celui de la Cour royale de Paris dans l'affaire Cleeman , servirait d'exemple aux hommes de mauvaise foi qui seraient tentes de capter par la fraude la confiance publique ; Qu'en fait de chemins de fer, l'exemple de celui de Saint-Germain, cite par le preopinant, paraissait mal choisi dans l'interet de scs convictions; que la position particuliere de ce chemin, voisin de Paris, la foire des Loges, qui y attire un grand nombre de voyageurs, sa belle foret , rendez-vous ordinaire des habitants d'unc grande cite, promettaient a son exploitation financiere un bel avenir ; Qu'en ce qui concerne les interets de l'agriculture , dont les souffrances dans plusieurs departements sont reelles, il faut demander que les fermes-modeles se mul- tiplient; que la reproduction des betes a corne et des chevaux soit favorisee par des encouragements a donncr aux eleveurs. II faut demander une bonne loi de conver- sion des rentes , chose difficile a faire ; il faut demander une nouvelle repartition de la contribution fonciere, et la revision des evaluations cadastrales, qui datent de plus de dix annees ; enfin , il faut propager les institu- tions de credit, et fournir a l'agriculture les capitaux dont ellc manque , par lc secours des banqucs departe- mentales ; DEUXIEME SECTION. 65 Que rien ne serait plus propre a seconder nos progres agricoles, que de faciliter les communications, et par suite le transport des produits du sol; car c'est pour ces produits que le manque de debouches et la stagnation sont une cause de misere; qu'on ne peut, sans une preoc- cupation excessive, s'arreter a certains vices de construc- tion reproches aux routes a rainures; que le corpa savant de nos ingenieurs est appele a en faire justice ; que no- tamment des moyens d'art parviendront sans peine , en creusant des viaducs , des canaux , a fournir aux eaux pluviales, comme aux sources d irrigation, un ecoule- mcnt le long des remblais que necessite l'etablissement des chemins de fer ; Qu'enfin, dit M. Boudet de Bardon, pour repondre a une derniere objection, il est sans doute a desirer que les perfectionnements de la science puissent apporter aux moteurs en usage aujourd'hui des ameliorations progres- sives ; que les arts ne nous ont pas donne , sous ce rapport , lcur dernier mot ; mais qu 'il est bon de savoir, en atten- dant, et par des applications bien dirigees, faire emploi des moyens puissants que nous possedons dans 1 'interet de l'agriculture , du commerce et de l'industrie. L'ordre du jour de demain est la continuation de cette discussion ; M. de Resimont sera le premier orateur en- tcndu. La seance est levee a onze heures. SEANCE DU 6 SEPTEMBRE 1838. Les memes membres que dans la prccedente seance occupent le bureau. 66 DEUXIEME SECTION. Le proces-verbal de la derniere seance est lu et adopte. L'ordre du jour est la continuation de la discussion re- lative a l'etablissementdes chemins de fer. M. Bottin, vice-president, fait une observation tendant a etablir que le voisinage du marche de Poissy sera Un- favorable a l'exploitation du chemin de fer de Saint- Germain. M. le general de Resimont considerant qu'en cette matiere il faut des faits et non des paroles , examine rapi- dement la question sous trois conditions principales : 1° la theorie; 2° la statistique ; 3° la situation Gnanciere. II fait observer que ce serait un tort de l'envisager comme don- nant lieu a des speculations de Bourse ; qu 'ici Ton ne doit pas jouer a la hausse et a la baisse , mais qu 'il faut se borner a faire ce que lui-meme a fait : acheter des actions, ne pas les prendre a haut prix, mais ne pas les vendre , et savoir attendre , dans l'espoir qu'elles prospereront. M. Peyret, president de la section, donne lecture d'un Memoire sur la question. L'orateur etablit un curieux parallele entre nos deux grands moyens de communica- tion , les canaux et les chemins de fer , qui sont tout a la fois les causes etles effets de notre civilisation progressive. C'est en effet par degres que le transport des marchandises a, comme toute chose, obtenu son perfectionnement. Opere d'abord a dos d'hommes, puis a l'aide des betes de somme et par des chemins mal frayes , des sentiers , plus tard on connut 1 'usage des grandes routes et des ca- naux; de nos jours on est entre dans 1 'ere nouvelle des chemins de fer. M. Peyret passe en revue les differentes routes de fer de Roanne a Andresieux , de Saint-Etienne a Lyon , de Paris* a Saint-Germain, etablit par des chiffres precis le tonnage , compare le prix des tarifs et enfin les frais du DEUXIEME SECTION. 67 transport sur chacune de ces lignes avec ceux des canaux du Midi , de Givors , de Briare, et conclut qu'il y a econo- mic dans les frais par la voie des canaux, mais celerity dans la circulation par les chemins de fer , avantage qui n'est pasdedaigne du commerce , puisqu'il arrive souvent, et par exemple dans les approvisionnements a jour fixe , que le transport par les diligences est prefere aux autres modes de roulage plus lents et moins dispendieux. J 'abrege, Messieurs, l'analysedu Memoire deM. Peyret. Votre seconde section, qui en a ecoute la lecture avec interet, croit devoir en demander l'impression, a raison des utiles details de statistique qu'il renferme. M. Cariol annonce que M. Conchon s'est charge de la redaction d'un Memoire d'enquete sur l'etat de l'agricul- ture dans ce departement. M. Jullien communique des observations de M. Cantagrel relatives a la redaction du proces-verbal d'hier , et tendant a etablir qu'il n'est pas l'adversaire declare des chemins de fer, bien qu'il n'en soit pas le zele partisan. Sur la remarque du secretaire , qui croit voir beaucoup d'analogie entre la discussion de M. Cantagrel, produite hier oralement, aujourd'hui par ecrit, et mentionnee au proces-verbal dans des termes equivalents, l'assemblee decide que la redaction du proces verbal sera maintenue, et que le nouveau Memoire de M. Cantagrel y sera annexe. Voici la note remise par M. Cantagrel : Plus ses opinions sur les chemins de fer sont contraircs aux idees generalement recues, et plus illuiimporte que sa penseesoit rendue avec toute l'exactitude que comporte un resume succinct. La section qui a entendu l'expose deM. Cantagrel, bienqu'elle y paraisse defavorable, et par cela meme qu'elle y est defavorable, 68 DEUXIEME SECTION. se doit a elle-meme et a l'auteur de ne point diviser les opinions qu'il a emises et qui, bonnes ou mauvaises, lui appartiennent , et surtout d'en constater les points les plus importants. C'est pourquoi, tout en acceptant les objections qu'on est en droit de lui adresser, l'auteur attend de la justice du Congres qu'il soit fait mention au proces- verbal de deux points qui ont echappe a M. le secretaire de la 2e section , savoir : i° Que dans l'etat actuel de l'agriculture en France, il n'estpas d'une bonne economie sociale d'employer des a present, a la cons- truction des chemins de fer, des sommes enormes qu'il serait plus urgent, selon lui, de consacrer au defrichement ou a l'assainisse- ment d'une partie malheureusement trop considerable de notre sol , qui reste improduciive faute de culture , ou plutot faute de moyens de culture, pour lesquels il a indique la creation de banques communales. 2° Que, dans son opinion, le mode actuel de construction des routes en fer qui , necessitant des plans presque horizontaux , menace de bouleverser le sol et de modifier les conditions de la culture dans un grand nombre de localites, ne peut etre considere comme un moyen scientifique digne de l'avancement des autres sciences a notre epoque; et que, de meme que l'hydrostatique a donne les moyens de conduire a peu de frais et sans changer la surface du sol , ces memes cours d'eau que l'ignorance des Ro- mains ne parvenait a diriger qu'au moyen d'immenses aqueducs eleves a grands frais , de meme la science ( qui n'a pas dit son dernier mot) doit fournir, pour les voies de communication rapide, des methodes plus simples etplus economiques que celle employee actuellement pour les chemins de fer. Loin d'etre contraire a l'etablissement des chemins de fer en ge- neral, M. Cantagrel souhaite ardemment la creation des grandes voies qui rapprocheront et relieront les parties les plus eloignees du territoire. Mais en s'appuyant sur les considerations qui pre- cedent, il a essaye de poser le probleme a resoudre et d'indiquer dans quel sens il lui paraissait convenable d'en chercher la solution. Partant de la , il a fait des voeux pour que les hommes de science et d'imagination s'efforcassent de decouvrir la methode vraiment DEUX1EME SECTION. 69 scienlifique qui permettra de mieux employer une partie de la fortune publique, tout en evitant les inconvenients qu'il a signales et en assurant au pays de nombreux raoyens de rapide communi- cation. M. Cantagrel pense que ce vceu , inspire par l'amour du progres industriel etscientifique, etforme en vue del'avenir, sera favora- blement accueilli par le Congres. M. Jullien fait part a la section d'un Memoire sur l'uti- lite de l'alternance des cultures. M. Chauvassagne en est nomme le commissaire rapporteur. M. le president parcourt successivement les diverses questions du programme qui restent a traiter. M. Buvignier promet une lettre sur la 9e question. MM. Linder et Boudet de Bardon se font inscrire sur la question 10e, relative au partage des communaux. La seance est levee a onze heures. SEANCE DU 7 SEPTEMBRE 1838. Le bureau se compose de MM. Peyrct, president, Bottin, v fee-president , Boudet de Bardon, secretaire. Le proces-verbal lu et adopte , M. Conchon donnc lec- ture d'un Memoire en reponse aux questions adressees a l'Academie de Clermont, par M. le Prefet, sur les moyens de perfectionner l'etat de l'agriculture dans ce departe- ment. L'orateur presente les engrais comme un puissant mobile de fertilisation. II apprecie particulierement l'em- ploi de la marnc dont il a fait lui-meme d'heureux cssais, et dont il passe en revue les moyens chimiques d'appre- 8 70 DEUXIEME SECTION. tier la nature , ainsi que cellc des terrains. Marner un champ, c'est y introduire le principe fecondant qui lui manquait. Le sable , l'argile et le tuf possedent aussi des proprietes fertilisantes qui , en general, sont ignorees des cultivateurs du pays. Le moyen de les faire connaitre et de propager notamment les bienfaits du marnage , serait d'adresser aux maires une circulaire sur ce sujet , d'en- voyer dans les diverses communes des personnes instruites pour y faire la recherche de la marne , et y distribuer des notices sur la maniere de l'employer. M. Conchon passe ensuite a 1'examen des principes de rotation et de l'altcrnance des cultures, methodes agrono- miques trop negligees dans la commune qu'il habite , et ou son cxemple n'a pu encore les introduire. II termine par la description des diverses charrues dont l'usage est le plus repandu, et s'arrete a la charrue de Dombale qu'il a lui-meme cherche a perfectionner , en la rendant moins lourde et plus appropriee au sol volcanique qui a ete l'objet de ses essais agricoles. M. Dumiral critique, pour certains terrains', l'emploi de la marne qui n'est, dit-il, avantageux que dans les terres argileuses. II attribue au morcellement de la pro- priety, qui s'oppose a la multiplication des bestiaux, le vice de notre mode de culture. La discussion s etablit ensuite sur l'enfouissement des plantes en verd , c'est-a-dire sur l'engrais vegetal, et Ton entend successivement MM. Conchon, Borie, Guillaumet, Hunault de la Pelleterie, soit sur les effets de la marne fos- sile , soit sur letat peu prospere ou se trouvent generale- ment les fermes-modeles , soit enfin sur les jacheres, si utilement remplacees par les prairies artificielles. M. Martha fait observer que nos calcaires sont tres- souvent bitumineux, et que dans ce cas ils renferment DEUXIEME SECTION. 71 des principes de fertilisation. II ajoute que cette conside- ration est speciale aux pays d'une nature volcanique. Le secretaire donne communication d'un paragraphe d'une lettre ecrite au Congres par M. Vallot, secretaire de la Societe d'agriculture de Dijon j qui resout negative- ment la question de savoir si la science a decouvert les moyens de preserver les fruits de l'atteinte des insectes. M. Boudet de Bardon est appele a parler sur la dixieme question du programme t relative au partage et a l'amo- diation des communaux. II examine 1'etat de la legisla- tion sur ce sujet, et conclut qu'une loi qui regirait d'une maniere uni forme et absolue pour toutes les communes de France, le mode d 'administration des communaux, ou qui en ordonnerait le partage sans reserve , serait une loi inexecutable oufuneste aux interets agricoles du pays. La discussion est continuee a demain , et la seance levee a onze heures et demie. SEANCE DU 8 SEPTEMBRE 1838. Les memes membres que dans la precedente seance forment le bureau. Apres que le proces-verbal est lu et adopte, M. Hunault indique le voisinage des abeilles comme un moyen de preserver les arbres fruitiers de l'atteinte des vers ; ce qui resulte d'une observation faite par lui pendant un hiver rigoureux. Un verger pres duquel des essaims resisterent a l'hiver, fut en grande partie preserve; un jardin dans lequel les abeilles avaient peri , presenta des fruits pres- que tous atteints de la piqure des vers. 72 DEUXTEME SECTION. L'ordre du jour appelle la continuation de la discussion sur le partage et l'amodiation des biens communaux. M. Delalo recherche les moyens d'etablir sur une base uniforme, un mode de partage applicable a toutes les communes. II pense que dans l'etat actuel de la legisla- tion, les individus n'ont sur les communaux qu'un droit de jouissance, que ces biens sont inalienables , et que s 'ils etaient rendus a la culture , la richesse publique en serait accrue par l'augmentation des produits du sol. Un inconvenient grave qui lui parait s'opposer a toute mise en fermc utile de la part des communes , ce sont les usur- pations de ces biens par les habitants. Les maires refu- sent d'agir pour faire rentrer les communes dans leurs droits, et plutot que d 'employer des mesures de rigueur, donncnt leur demission. Une loi qui ne peut s'executer presente une lacune a remplir. L 'honorable membre de- mande non pas un partage force , mais facultatif de la part des communes, et sous la condition a imposer aux habitants de servir une rente annuelle , qui serait percue comme les contributions. M. Linder parcourt la legislation touchant les commu- naux ; il discutc les dispositions de la loi du 10 juin 1793, du decretde 1804, del'avis du conseil d'etat de 1806, du decret de 1813 , enfin de l'ordonnance de 1818. II fait observer que, dans l'etat actuel , l'alienation des communaux est permise , sauf les formalites legales , et s'attache a rechercher les moyens de contraindre une commune au defrichement de ses communaux , lorsque , par ignorance ou mauvais vouloir , elle s'y refuserait. II trouve ce moyen coercitif dans une ordonnance royale qui rendrait , apres un delai laisse a la commune , l'amodia- tion forcee. A l'egard des portions de communaux qui seraient susceptibles d'etre soumises au regime forestier , DEUXIEME SECTION. 73 l'orateur pense qu'on en tirera grand parti en les conver- tissant en forets, et que, dans ce cas , ce regime doit leur etre applique. M. Delalo regarde comme plus difficile d'aliener les communaux que les biens qui seraient dans le domaine public, non qu'ils soient absolument inalienables , car il ne range dans cette categorie que Tair et l'eau; mais qu'est-ce qu'un bien qu'on petit vendre et non partager? II parle des baux a long terme qu'il serait tente d 'adopter, et persiste a penser que le mode seul de partage peut etre efficace pour prevenir les usurpations. Un membre demande ce que deviendront les rcvenus des biens amodies : seront-ils partages? M. Hunault de la Pelleterie parle de la necessite de conserver des communaux affectes a la depaissance des troupeaux, dans le departement qu'il habite. M. Boudet de Bardon pense que l'application du regime forestier a la plupart de nos communaux ne presente pas une solution vraie de la difficulte ; il conteste au Gouvernement l'usagc de ce droit qui depouillerait les communes d'une jouissance actuelle, pour ne leur laisser que l'espoir d'avantages eloignes et reserves a d'autres generations. II n'est pas non plus le partisan des baux a long terme , attendu que les habitants-cultivateurs aux- quels seraient pour l'ordinaire affermes les communaux, ne sont pas du nombre de ceux qui trouvent dans un long bail des motifs et surtout des moyens d 'amelioration. II repousse la mesure proposee de contraindre les commu- nes , par voie d'ordounance , a l'amodiation , cette mesure lui paraissant contraire au principe de liberie qui doit dominer la legislation, et ne pouvant avoir qu'un unique but , celui de prevoir une exception elrange , le mauvais vouloir d'une commune qui agirait contrairement a ses 74 DEUXIEME SECTION. propres interets. II trouve dans le mode du renouvelle- ment par election des conseils communaux , le remede au mal signale , s'il se peut que ce mal existe : il pense que la loi du 18 juillet 1837 presente aux communes , par la faculte qu'elle leur accorde de passer des baux de ferme de dix-huit ans, qui peuvent etre renouveles a l'echeance du terme, sans que ces baux soient assujettis aux formalites que prescrivait la legislation anterieure, des moyens faciles et suffisants d 'administration de leurs biens communaux. On comprend qu'a l'egard de la propriete , les communes doivent eviter de s'en dessaisir, soit a titre gratuit, car les communes rurales que cette question affecte particuliere- ment sont generalement trop pauvres pour faire abandon volontaire de leurs ressources , de leurs droits et de leurs interets, soit a titre onereux , attendu que le fermage re- presente la rente qu'on propose d'etablir en cas de par- tage , et cela avec plus de garantie ; un titre de propriete etant toujours preferable a un acte de creance. La discussion continue entre MM. Linder , Hunault et plusieurs membres. Enfin la section consultee par M. le president, sur la question de savoir si l'amodiation peut 6tre rendue obligatoire , se prononce pour l'affirmative a la majorite d'une voix. La seconde question : y a-t-il lieu au partage force? est resolue negativement. L'ordre du jour de demain a pour objet le morcelle- ment de la propriete. La seance est levee a onze heures et demie. DEUXIEME SECTION. 75 SEANCE DU 9 SEPTEMBRE 1838. La seance est ouverte a dix heures , sous la presidence de M. Peyret. Les deux secretaires de la section ayant ete forces de s'absenter, M. le president invite M. Aubergier a en remplir provisoirement les fonctions. M. Salvatore Scuderi , professeur d'economie civile et d 'agriculture a l'universite de Catane, a adresse au Con- gres un Memoire sur une nouvelle plante textile , qu 'il croit n etre pas inferieure au lin. Cette plante est le trefle rouge des pres ; elle se trouve dans la partie orientale de la Sicile. II y en a deux va- rietes, l'une a fleurs blanches , l'autre a fleurs rouges. C'est cette derniere qui fournit des filaments a la fois tenaces et flexibles. M. le professeur Scuderi pense que la culture de cette plante donnerait des produits abondants et precieux ; il engage les agronomes de tous les pays a faire des expe- riences pour confirmer scs essais. M. Chauvassagne fait un rapport sur letablissement dune ferme-modele , d'apres des vues developpees dans un Memoire soumis au Gongres par M. William Allen. Sur une etendue de 6,ooo toises, l'auteur eleve une maison d'habitation oflFrant toutes les aisances de la vie , des batiments d'exploitations vastes et commodes ; et si au revenu que doivent representer les constructions et le terrain on joint celui du cheptel, le tout s'elevera a une somme de mille quatre cents francs a payer par an au proprietaire. Pour le fermier , pourvu qu'il observe de bonnes mceurs, qu'ilse prive de liqueurs fortes, rien ne lui manquera , excepte les moyens d'acquitter le prix de 76 DEUXIEIWE SECTION. la ferme. Gar, comme il consomme avec sa famille et Its ouvriers qu'il emploie tout ce qu'il rccolte, il n'a d'autres ressources pour y parvenir que le produit de quatre vaches laitieres. Telle est la ferme-modele de I'auteur, veritable ferme-modele de fantaisie. A Dieu ne plaise, s'ecrie M. Chauvassague , passant alors a nn rapport sur I'industrie sucriere dans le departement du Puy- de-D6me, a Dieu ne plaise que Ton eleve sur ce meme plan les fermes modeles dont nous reclamons l'etablissement en Auvergne ! La manie d'imiter les Anglais n'a deja fait que trop de mal a notre industrie agricole, en determinant la Chambre des deputes a voter un impot sur le sucre indigene. Le parlement de la Grande-Bre- tagne a ete dirige par des vues elevees d'interet commercial et po- litique, lorsqu'il a pris des mesures pour empecher la culture de la betterave de s'etablir sur un sol qui d'ailleurs ne lui convient pas. La province del'Angleterre, cesont les colonies, ditM.Chau- vassagne; la province de Paris, c'est la France. M. Chauvassagne remonte alors aux premiers efforts de I'in- dustrie du sucre indigene, efforts qui datent du commencement du siecle. Le premier que Ton rencontre sur la breche , c'est Proust; il apprend a retirer le sucre de raisin, ainsi que le fait observer M. Tailhand qui , on le sait, n'est etranger a aucune des branches des sciences naturelles; mais le sucre de raisin est loin de pou- voir rivaliser avec le sucre de Cannes. II est tres-difficile de l'obte- nir cristallise, et alors meme qu'on l'emploie sous cette forme, il en faut le double pour produire les memes eftets. II etait reserve a deux cbimistes etrangers, Achard de Berlin, et Margraff, de trouver dans la betterave un sucre parfaitement semblable a celui que la canne fournit a nos colonies. Nous voyons d'abord languir les resultats de cette decouverte, malgre la faveur qu'appelle sur elle le systeme du blocus continental. Les evenements de 1814 et i8i5 semblent lui porter le coup mortel. Toutefois , quelques fabriques se soutiennent dans les departements du Word, et vers 1822 eiles commencent a prendre un developpement inattendu. En 1829, 1' Auvergne ne connaissait encore que de nom la fa- brication du sucre de betterave. M. Daubree arrive parmi nous, et veut gagner ses lettres de naturalisation en l'important sur DEUXIEME SECTION. 77 notre sol. M. Daubree n'avait d'autres ressources que son talent, et il voyait deja sur le penchant de sa mine l'etablissement qu'il avait eleve en faisant des efforts inouis pour surmonter les pre- ventions du commerce, la routine des ouvriers, dont les secours lui etaient necessaires, lorsque M. Chauvassagne vient le soutenir. II y apporte non-seulement les capitaux dont il peut disposer, mais encore ces habitudes d'ordre et d'economie qui doivent dis- tinguer aussi bien le grand proprietaire que 1'industriel. Ce- pendant, malgre quelques ameliorations de details que signale M. Chauvassagne, les avantages pecuniaires qu'il retire ne suffi- raient pas pour l'encourager a en faire continuer les travaux, surtout apres Tim pot vote par les Chambres, s'il n'y trouvait un moyen de nourrir par le travail pendant l'hiver une population pauvre qu'il faudrait nourrir par l'aumone. Puisque cette Industrie est si peu productive, pourquoi, de- mande M. Chauvassagne, la grever d'un impot vexatoire? Si Ton veut absolument qu'elle paye sa dette a l'Etat, pourquoi ne pas l'imposer au moyen de patentes, qui seraient en rapport avec 1 importance des etablissements et avec leurs produits ? Pourquoi mettre de pareilles entraves au developpement de cette belle conquete de notre epoque ? Veut-on que lorsque l'eman- cipation des noirs aura rendu la culture de la canne impossible aux colonies, l'Arigleterre obtienne, a la faveur de ses posses- sions des. Indes , le monopole d'un commerce capable de don- ner une nouvelle extension a cette puissance maritime, qui fait a la fois sa gloire et sa fortune. M. Chauvassagne termine en emettant le voeu que des encou- ragements soient donnes a l'agriculture , et que les services qui lui sont rendus soient signales au Gouvernement par l'autorite, et par l'Academie qui est chargee, ajoute-t-il, de distribuer des recompenses. Cependant elle n'a donne a M. Saulnier-d'Anchal, qui n'est pas le seul qui ait a se plaindre de cette indifference, aucune marque publique de l'interet qu'tlle porte aux travaux de cet honorable vieillard , dont la vie entiere a ete consacree a bien meriter tie son pays. 78 DEUXIEME SECTION. M. Lecoq fait observer que M. Saulnier-d'Anchal fait lui-meme partie de l'Academie , et que les reglements ne permettent pas que des recompenses soient decernees par cette assemblee aux membres qui la composent. M. Dumiral desirerait que le Congres emit le vceu que la fabrication du sucre de betterave ne fut jamais separee dune exploitation agricole; il n'insiste pas sur ce sujet, M. Aubergier ayant fait observer que le Congres ne peut emettre un vceu sur une question qu 'il faut laisser decider paries interesses; elle ne peut etre bien eclairee que par la publication de comptes exacts de culture et de fabrication, ainsi que M. Molin en a donne l'exemple dans son excellent Memoire sur les ja- cheres. Du reste , le membre opposant se reunit a M. Du- miral pour faire observer qu'un des grands avantages de la culture de la betterave reside surtout dans les as- solements qu'elle permet de varier, dans les engrais dont elle multiplie les sources , et enfin dans l'accroissement de valeur qu'acquierent les terrains , avantage qui peut encore etre compte dans les benefices du fabricant , lors- qu'il est en meme temps proprietaire. Des plaintes gencrales sont elevees sur la repartition de la somme de huit cent mille francs accordee par les chambres pour encouragement a ragriculture. On fait remarquer que l'Auvergne, delaissee dans les grandes lignes de canaux et des chemins de fer dont on s'occupe de sillonner la surface de la France, ne recoit, pour comble d'injustice, qu'une portion mesquine sur la somme qui a ete mise a la disposition du ministre du commerce. Plusieurs membres expriment le desir que cette injustice soit hautement signalee et desapprouvee par le Congres. M. le president Peyret fait remarquer que le ministre DEUX1EME SECTION. 79 repartit le fonds commim selon les demandes qui lui sont adressees, et que ce n'est pas au Congres, mais aux deputes du departement , de se plaindre de la maniere dont est faite cette repartition. M. Aubergicr lit quelques pages sur les services rendus par les sciences pendant la revolution francaise. Apres avoir ecoute cette lecture , la section decide , sur la pro- position de M. le vice-president Bottin , que l'auteur sera engage a la repeter en seance publique. M. Martha Beker lit un Memoire sur les inconvenients du morcellement de la propriete. M. Martha commence par resumer l'histoire de la pro- priete ; il montre comment le sol fut de tout temps le mobile des nations conquerantes , la source des privileges, et finit par n'etre plus exploite qu'au profit de quelques castes. Mais vint l'epoque de la reaction , et a la concen- tration absolue succedent la division extreme , les resti- tutions; la main-morte fait place a l'affranchissement ., a l'alienabilite ; par suite, chaque individu s'attache a son heritage, eta chaque deces, le champ paternel se partage. De cette division nait une perte d'effets utiles , de temps, de forces. L'engrais indispensable manque, carle proprietaire est dans l'impossibilite d'elever des bestiaux; chaque par- celle devient pour celles qui la touchent une source de degats quand il faut recourir aux modes de transport. De la des servitudes qui se joignent a celles de l'impot, des droits de mutation. L'auteur expose ensuite que le morcellement est un obstacle a Tetablissement des voies de communication, des travaux hydrauliques, ou autres necessaires a la prosperity de la contree. II cite a l'appui ce qui s'est passe recem- mcnldans les mines de Rivc-de-Gier. 80 DEUXIEME SECTION. En empechant la distribution la plus favorable des eaux dans les prairies, le morcellement devient une source de haines et de proces. Les lignes de demarcation de ces parcelles enlevent une grande etendue a 1 'agriculture, et enfin la grande division engendre les usurpations; la demoralisation multiplie les families d'oisifs et de mendiants. Faisant ressortir ensuite les avantages de la grandc culture , sous le rapport de l'effet utile et de l'economie de forces qu'elle entraine , M. Martha expose qu'elle fait naitre l'industrie ; les fabriques de sucre s'etablissent , la culture de la garance penctre dans les departements ou elle etait inconnue; les sommets arides de nos montagnes se couvrent de forSts ; enfin l'auteur trouve dans la grande culture la plus grande source de moralisation. Expliquant la cause accidentelle du pauperisme en Angleterre , M. Martha fait voir l'economie de bras que la grande cul- ture a rendus disponibles pour l'industrie. En Allemagne, les memes effets se manifestent. En Alsace , le morcelle- ment trouve un contre-poids dans les soins que prennent les paysans de transmettre leurs fermes a un de leurs enfants. L'essor de l'agriculture est arrete dans le Puy-de-D6me par le morcellement ; la moyenne de la surface des par- celles y est de 38 ares. Ce departement peut se diviser en trois regions , le vignoble, le marais de la Limagne et la montagne : La moyenne de surface des parcelles decroit de la montagne jusqu'au vignoble; il en est de meme de la moralite. La tendance au morcellement croit tous les jours, et l'auteur terminc en disant que fixer un minimum de surface serait une mesurc funeste et injuste qui ne reme- DEUXIEME SECTION. 81 dierait a rien , tandis que Ion pourrait, comme dans quelques parties du Nord , ou l'esprit des campagnes est plus eclaire , amener les paysans a amodier leurs parcelles a un seul et a reconstituer ainsi une serie de grandes fermes ou chaque petit proprietaire viendrait travailler comme journalier. II aurait ainsi plus de journees dispo- nibles, par suite plus d'argent a gagner ; ce seraient les fabricants de sucre de betterave , dit en terminant M. Martha, qui pourraient le mieux donner cette im- pulsion, dont les heureux resultats finiraient bientot par convaincre la masse. Apres la lecture du Memoire de M. Martha, qui a ete ecoutee avec le plus vif interet , M. Dumiral presente quelques observations qu'il regrette de ne pas avoir pre- parers davantage. M. Dumiral ne pense pas que les moyens d 'amelioration persuasive et volontaire indiques par M. Martha, puissent etre employes avec succes dans notre pays, ou l'association des interets disparait meme de la famille pour faire place a l'individualisme le plus absolu , et ou il ne suffit pas d'exhorter, mais oil il faut con- traindre; il est persuade qu'il n'est pas impossible d'apporter un remede legal au mal de plus en plus me- nacant de l'excessif morcellement de la propriete. Sui- vant M. Dumiral , les consequences de ce morcellement extreme sont tellement facheuses pour la prosperite et la morale publique , qu'il faut de toute necessite poser une barriere. II croit avoir trouve un moyen qui, renfer- mant la division dans de justes bornes , favorise a la fois les bonnes mceurs, l'agriculture et l'interet bien entendu de la propriete elle-meme, sans causer de perturbations et sans leser les droits acquis. 11 ne s'agit pas ici de debats entre la petite et la grande propriete , la grande et la petite culture ; l'aristocratie et la democratic agricoles 82 DEUXIEME SECTION. sont hors de cause. II faut bien reconnattre qu'a cerlaines epoques de notre histoire, et dans des limites rationnelles, la division de la propriete a eu d'heureux et d 'inappre- ciables resultats, agricoles, politiques et sociaux. Mais la question est seulement celle du morcellement extreme , de celui qui, sans parler de tous les autres inconvenients , rend impossible la culture par bestiaux , et indispensable la culture a bras. Pousse a ce degre deraisonnable , le morcellement a pour resultat necessaire une diminution sensible des produits quittes de la terre , l'epuisement progressif du sol , la degradation physique et morale du cultivateur. C'est done au point ou la culture par bestiaux est encore possible et avantageuse , qu'il faut fixer le mi- nimum de contenance que le morcellement ne devra pas outre-passer. Apres des developpements pleins d'erudi- dition et ecoutes avec une attention soutenue, sur les differentes mesures agraires usitees en France , sur leurs denominations si diverses, leurs rapports entr'elles, et avec les unites de temps , de semence et de travail , M. Dumiral finit par emetlre la pensee que le tiers d 'hectare doit etre adopte pour la nouvelle mesure terri- toriale , ou le minimum de contenance a etablir. Cette unite lui presente la contenance la plus analogue a la generalitc des anciennes mesures, la plus facile a accor- der avec le nouveau systeme metrique , et enfin la plus convenable pour le travail des animaux et l'usage des instruments. M. Dumiral demontre ensuite qu'une loi seule peut forcer le morcellement a respecter cette unite tcrritoriale qu'il vient de fixer; que cette incontes- table amelioration est dans le domaine de la loi ; enfin que la loi a intervenir doit avoir deux buts principaux : prohi- bition de la division, encouragement a la reunion; pei- nes pour un cas, faveur pourl'autre. La division des DEUXIEME SECTION. 83 proprietes, dit-il, a lieu de deux grandes maniercs, par les partages et par les ventes. Quant aux partages, il sufflt d'appliquer par extension les principes duCode civil sur l'utilite de morcelerle moins possible les heritages, a la nccessite de liciter les objets non commodement partageables. Or, peut-on soutenir qu'un fonds de terre soit commodement partageable, lors- que la di vision de ce fonds rend sa culture plus incommode, diminue ses produits, et doit amener sa depreciation pro- gressive. Quant aux ventes , il faut distinguer celles qui produisent ou non un morcellement. Pour les dernieres , pas de prohibition , car peu importe que la parcelle change de maitre, pourvu qu'elle ne se subdivise point ; mais les ventes qui diviseront un heritage en parcelles de moins dun tiers d'hectare , peuvent et doivent etre in- terdites, parce que le droit d 'abuser, inherent a la pro- priety, rencontre cependant des bornes legitimes dans 1 interet general et l'utilite publique. II convient toutefois de faire une exception pour les terrains propres aux cons- tructions, ceux des villes , villages et autres designes par l'autorite municipale. Les encouragements a la reunion devront etre accordes lorsque la reunion de parcelles con- tigues atteindra l'unite territoriale ci-dessus fixee. Apres avoir discute les moyens pratiques de son systemc, M. Dumiral examine rapidement ses consequences, et ter- mine sa brillante improvisation en annoncant que pour formuler sa pensee d'une maniere precise, il redigera un projet de loi qui lui semble le seul remede au mal dont la discussion elevec par M. Martha, dans le sein du Con- gres , a fait sentir toute la gravite. 84 I'l I Ml >ll. SECTION. Projet de loi contre le morcellement. Art. Ier.— *Le minimum de la contenance des fonds de terre autres que ceux prevus par Tarticle 9 ci-apres, est fixe a un tiers d'hectare. Ce minimum prend le nom dunite territoriale. Art. II. — A l'avenir, dans un partage meme entre majeurs, les heritages ne pourront etre divises que dans le cas ou par le re- sulat de la division aucune portion ne deviendrait inferieure en contenance au minimum fixe par l'article premier. Art. III. — Les fonds de terre indivisibles en vertu de Particle qui precede, seront ou licites ou attribues en totalite a Tun des coheritiers, si la succession le comporte. Art. IV. — La licitation continuera a se faire en justice dans les cas de droit. Si les majeurs ne s'accordent point sur le sort des immeubles licitables, la licitation devra avoir lieu devant le no- taire des lieux, sur la mise a prix de cet officier public, sans qu'il soit besoin d'estimation prealable. Dans ce cas, les etrangers devront etre admis. Nul ne peut acheter, vendre ou echanger un fonds de terre d'une contenance rnoindre qu'un tiers d'hectare, a moins que ce fonds ne fu.t vendu en totalite, et que Tinferiorite de sa conte- nance nesoit po:nt le resultat de la vente ou de l'echange. Art. V. — A compter de ce jour, les partages , ventes et echan- ges contraires aux precedents articles, en quelque forme qu'ils aient ete passes, seront nuls et de nul effet. Art. VI. — Est considered comme favorable toute vente ou echange qui aura pour effet la reunion d'immeubles contigus, et produira ainsi un fonds d'une contenance egale ou superieure a un tiers d'hectare. 11 ne sera percu, dans ce cas et sur ces actes , que la moitie des droits ordinaires d'enregistrement. Art. VII. — En cas de contravention aux dispositions de la pre- scnte loi, independamment des nullites deja prononcees, les par- ties et le notaire, si facte est authentique, seront solidairement condamnes a une amende qui pourra s'elever jusqu'a la moitie de la valeur des immeubles partages, cchanges ou vendus, mais ne DEUXIEME SECTION* 85 sera jamais moindre de 3oo francs. En cas de recidive, s'il y a dissi- mulation sur les confinsou les contenances, le notaire pourra etre destitue par le raeme jugement qui prononcera l'amende. Art. VIII. — II ne pourra etre fait de mutation sur les roles de la propriete fonciere, pour des immeubles au-dessous d'un tiers d'hectare, hors les cas de l'article 4 et 9 de la presente loi, sous peine, pour les fonctionnaires qui auraient fait cette mutation, de l'amende portee par Tarticle 7. Art. IX. — Demeurent exempts des dispositions de la presente loi, les terrains compris dans l'enceinte des villes et des villages, et generalement ceux qui auront ete designes comme propres aux constructions par arrete de l'autorite municipale. SEANCE DU 11 SEPTEMBRE 1838. A l'ouverture de la seance, la parole est donnee a M. le secretaire-suppleant , qui fait la lecture du proces- verbalde la seance precedente. Ce proces-verbal contient un projet de loi sur les moyens a employer pour arreter le morcellement. Un membre , sans combattre la proposition au fond , demande qu'On substitue au mot projet de loi celui de mesure, qui est moins pretentieux; il voit dans Temploi de ces mots une porte ouverte a la politique , condamnee rigoureusement par le Congres. M. le president fait observer que toutes les expressions sont convenables et bonnes , si elles conduisent au but que Ton poursuit. M. Aubergier rappelle, au sujet de l'observation de M. Hunault, qu'en repoussant le retablissement des 9 8b DEUXIEME SECTION. sciences morales et politiques, l'honorable president du Congres a fait remarquer avec cette impartialite qu'il porte dans toutes les discussions, qu'on n'avait d'autre but que deviter les discussions oiseuses ou irritantes; que les questions importantes, qui trouveraient place dans cette section , pourraient se reproduire dans une de celles eta- blies. En effet, comme l'a si bien dit M. Bayle-Mouillard , on peut parler de sciences morales et politiques, partout et a propos de tout. Un membre repond qu'il ne tient pas au choix du mot , que c'est de sa part un vceu dont il desire la presentation devant les chambres legislatives , mais qu'il est impor- tant que des moyens legaux viennent mettre un terme au mal qui resulte du morcellement excessif de la propriete. Le proccs-verbal a ete mis aux voix et adopte. M. le president a ensuite accorde la parole a M. Martha pour continuer la lecture de son Memoire; la derniere partie de ce Memoire est en opposition avec le projet de loi presente par M. Dumiral. Les moyens offerts par M. Martha, pour remedier aux inconvenients du mor- cellement , sont les associations ou reunions territoriales pratiquees dans d'autres provinces. Un membre, repondant a un des articles du projet de loi qui Gxe le minimum de la contenance parcellaire au tiers de l'hectare, a fait remarquer qu'en suivant ce projet, l'unite territoriale ne serait point en rapport avec l'unite de valeur; que la difference serait grande entre les pro- prietes de la plaine et celles de la montagne , les bons et les mauvais terrains. Un membre a repondu qu'il serait a desirer qu'on put etablir des rapports parfaits entre l'unite de valeur et de contenance; mais qu'il etait surtout important de fixer le minimum du territoire pour arreter la grande division de DEUXIEME SECTION* 8? Id propriete , ce qui permettrait a l'homme de faire exe- cuter, par les machines , les travaux auxquels il est en ce moment assujetti. Un membre demande que la proposition de M. Dumiral soit discutee regulierement. Un membre s'attache a prouver que les associations recommandees par M. Martha sont impraticables et chimeriques , entierement etrangeres a l'esprit de cette province ou regne un esprit d'individualisme et d'isole- mentcomplet, une tendance materialiste ; que les moyens persuasifs seraient completement insuffisants, et n'em- pecheraient pas les populations de se jeter dans le gouffre du morcellement ; que ces associations sont materielle- ment impraticables et impossibles comme volontaires. M. Martha repond que le morcellement est prejudi- ciable a l'exces, en ce sens qu'il s'oppose a la grande culture, a la substitution des machines aux bras, aux etablissements d'industrie, et qu'il entraine une grande perte de temps; que l'opinion opposee est ennemie de tout progres. Un membre fait remarquer que si on parvenait a natu- raliser une industrie, il y aurait bienfait pour les popu- lations, attendu le grand nombre de bras sans emploi. M. de Douhet fait observer que l'essentiel est d'arreter le morcellement, soit en appliquant le systeme de M. Du- miral ou celui de M. Martha, et qu'il est bon de presenter l'un et l'autre. Un membre , dans une improvisation animee , cherche a prouver l'avantage du morcellement , dont il rattache l'origine a la revolution de 89 ; tout , suivant lui , re- pose sur le sol; 24 millions d'hommes vivent par la cul- ture; s'occuper du sol, c'est s'occuper de tout; chacun \eut (Hre proprictaire d'un arpent par lequel il s'est in- 88 DEUXIEME SECTION. feode a la societe; l'amour du pays, les sentiments de famille , les vertus morales prennent lew developpement dans la propriete du sol ; le morcellement est bienfaisant, il s'agit de le regler. L'orateur pense qu'un remede au morcellement serai t amene par des changements au systeme hypothecate, et par l'etablissement des banques territoriales par de- partement, ou on trouverait des fonds a 3 pour cent. II conclut que, l'humanite et legalite etant la base de tout noire systeme, il fallait respecter le droit de propriete et de possession. M. de Douhet fait observer que les devoirs de l'huma- nite , que la nationalite ne s'eteindront point par la sup- pression du morcellement qui nuit essentiellement a la fortune publique. M. Dumiral repond avec vivacite que le morcelle- ment est un fait excellent en lui , qui a donne a la societe" une nouvelle importance ; qu'il est ami du morcellement social revolutionnaire , mais qu'il ne peut s'empecher d'en deplorer les inconvenients et de chercher a y mettre des barrieres. II pense que le morcellement doit s'arreter la ou la culture par les animaux ne peut avoir lieu ; que dans la situation actuelle, la petite propriete est un mal pour le sol et un mal pour les populations ; que les prin- cipcs dhumanite et d'egalite ne s'opposent point a la fixation d'un minimum : il approuve Tetablissement des banques agricoles, l'idee de credit; mais ces moyens n'empecheraient point le morcellement, le remede legal seul produirait cette heureuse innovation. M. Martha objecte que la fixation du minimum du ter- ritoire nuit au"x acquisitions. M. de Douhet propose de mettre aux voix, et M. le president veut qu'attendu l'importance de la discus- DEUX1EME SECTION. 89 sion , elle soit continuee en seance generate , ce qui est adopte" a l'unanimite. M. Fiot entretient l'assemblee des caisses d'epargne etablies en France; il en parle avec eloge et intcret, et atlendu l'heure avancee, la seance est levee. SEANCE DD 13 SEPTEMBRE 1838. M. Jullien regrette que la commission chargee par la section d'une enqueue sur l'etat de l'agriculture en Au- vergne, n'ait pas fait son rapport : la section desire que le rapporteur de cette commission soit prie de commu- niquer son travail. M. Jullien resume les debats qui ont eulieu dans le sein de la section sur la quinzieme question ; il croit qu on peut ajouter aux autres moyens proposes pendant la dis- cussion, l'amelioration du regime hypothecaire, la dimi- nution des droits d'enregistrement, et letablissement des banques agricoles. M. Fiot pense que la grande propriete est en souffrancc, et qu'on pourrait remedier a cet etat en creant des bons territoriaux. M. Tailhand repond que les bons territoriaux don- neraient peut-etre lieu a l'agiotage, mais qu'il serait possible de former des banques qui pourraient resoudre le probleme. La section forme le voeu que l'attention des legislateurs et des economistes soit appelee sur cet objet. M. Fiot expose un systeme de banque dans lequel il se 90 DEUXIEME SECTION. propose de moraliser et d'enseigner le peuple par Tin- fluence des gens riches; son moyen principal consiste dans une tontine dont il depose un prospectus sur le bureau du president , prospectus qui doit dtre lu en seance publique. II suppose que les personnes pauvres y deposeraient leurs epargnes pour qu'elles y fructifient et soient appli- quees plus tard a l'education de leurs enfants, a leurs etablissements , et aux besoins de leur vieillesse future. M. Tailhand repond que le systeme de M. Fiot suppose la preexistence de principes moraux qui ne se trouvent pas dans ce pays-ci , et que 1 etablissement de ces principes doit devancer les institutions de M. Fiot. La seance est levee a onze heures. Le President , Peyret. Le Vice-President, Bottin. Les Secretaires , Boudet de Bardon, L. Adrian. Le Secre'taire-Suppleant , H. Aubergier. TROJSIEME SECTION. 91 TROISIEME SECTION SCIENCES MEDICALES. SEANCE DU 4- SEPTEMBRE 1838. Les membres de la troisieme section , ou section des sciences medicales, se sont reunis dans le cabinet de mi- neralogie des etablissements scientifiques de la ville de Clermont. La seance ayant ete ouverte par M. Penissat, doyen d age , professeur de pharmacie a l'ecole secondaire de medecine, M. Lecoq remplissant les fonctions de secre- taire, on a procede a la formation du bureau. M. le docteur Lepage , membre de la Societe acade- mique d'Orleans, a ete nomme president. M. le docteur Hunault, membre de la Societe royale d 'Angers, a ete nomme vice-president. MM. les docteurs Borie , secretaire de la Societe scicn- tifique du Puy , et Peghoux , professeur de pathologie interne a l'ecole secondaire de Clermont , ont ete nommes secretaires , sur la proposition de M. Lecoq. La section etant ainsi constitute par la formation de son bureau, il est fait hommage par M. Jullien du compte- 92 TROISIEME SECTION. rendu de la seance generate de la SocieHe nationale de vaccine du 15 aout 1838. On s'occupe ensuite de fixer l'ordre des travaux de la section. A ce sujet, on decide qu'on s'occupera d'abord des questions posees dans le programme general, qu'on entendra ensuite les Memoires et travaux speciaux pre- pares par les membres de la section. Conformement a cette fixation , M . Lecoq voulant bien anticiper en notre faveur sur une lecture importante qu'il doit vous soumettre , nous a entretenus de la ma- tiere organique renfermee dans les eaux minerales. Cette matiere , a dit M. Lecoq , sort du sein de la terre trans- parente , invisible , puis elle s'organise en vegetaux ou animaux microscopiques. A Neris, il se forme dans l'eau hermale , apres sa sortie , une matiere gelatineuse ne tardant pas a se reunir en flocons , a s 'organiser en cellules, a se colorer en vert et a constituer une veritable substance vegetale qu'on appelle dans cette localite le limon. L'ana- lyse de ces sources donnant en resiiltat peu de matieres salines, M. Lecoq pense que, soit pour les eaux de Neris , soit pour celles du Mont-Dore, e'est la substance orga- nique qui contribue essentiellement a Teffet therapeutique de ces eaux , au moyen d'une absorption ou assimilation speciale. Au sujet de l'observation qui a ete faite que les eaux du Mont-Dore deposent moins de matiere organique qu a Neris, M. Lecoq attribue ce resultat a ce que les eaux etant amenagees dans des conduits fermes , la matiere organique se precipite moins facilement loin de la pre- sence de l'air et de la lumiere. La matiere organique est quelquefois unie a la chaux et a la magnesie , sous la forme de crenate et d'apocre- nate de ces bases. M. Lecoq attribue a ces sels une ac- TROISIEME SECTION. 93 tion sur T^conomie, analogue a celle des preparations ferrugineuses, mais moins susceptible d'irriter l'estomac. Suivant lui , on peut en tirer des agents therapeutiques varies qui fourniraient de precieuses acquisitions a la ma- tiere medicale. M. le docteur Hunault fait connaitre , a Toccasion dc la communication de M. Lecoq, les observations et les faits suivants : A Tours, plusieurs puits artesiens ont etc creuses avec succes. Les eaux sont sorties pures et lim- pides du puits de la Villodane; a quelque distance du point de sortie, au contact de lair , une matiere glaireusc s'y manifeste, laquelle prenant une contexture vasculaire , devient un veritable limon. Cette production organisee ne serait done pas exclusive aux eaux minerales. M. Hu- nault se demande si des eaux non mineralisees seraient susceptibles d'acquerir des proprietes medicinales par le developpement et l'organisation de la matiere organique. Neanmoins , M. le docteur Hunault pense que Taction des eaux thermales ne doit point etre separee de celle des circonstances hygieniques dans lesquelles elles sont prises et qui doivent venir beaucoup en aide de leur efficacite. M. le docteur Lepage desirerait que des experiences comparatives fussent faites avec des eaux renfermant on ne renfermant pas de matiere organique , pour mieux preciser Taction de cette substance singuliere. Repondant a MM. Hunault et Lepage, M. le docteur Tixier rappelle les bons effets therapeutiques de la matiere organique verte appliquee seule dans les cas de contrac- tions des membres ou d 'affections des articulations, et pense en consequence que cette matiere joue le principal role dans Tapplication de ces eaux au traitement des maladies. Les eaux, transporters, eprouvent une modifi- cation sensible par le depot de plusieurs de leurs principes 94 TROISIEME SECTION. constituants , et par suite un affaiblissement dans lcur efficacite medicinale. On a la une experience taute faite qui re pond a la question posee par M. Lepage. Aussi doit-on preferer aux caux transporters les preparations pharmaceutiques dans lesquelles ces depSts ou precipites des eaux thermales sont conserves, tels, par exemple, que les produits que M. Lecoq a eu l'heureuse idee de preparer avec les depots ferrugineux des eaux de Jaude, pres Clermont. Employees plusieurs fois par M. Tixier contre les affections chlorotiques , ces preparations n'ont jamais manque de produire une modification avantageuse pour le retablissement de la sante. M. Lecoq a termine cette seance en donnant des expli- cations fort interessantes sur la confection de pastilles ferrugineuses preparees avec les eaux de Jaude, et sur la preparation des eaux fortement chargecs d'acide car- bonique. L'ordre du jour de la seance de demain a ete fixe ainsi qu 'il suit : 1° Enquete sur les etudes medicales et la pratique de la medecine en Auvergne ; 2° Une communication de M. Salles , pharmacien ; une communication de M. le docteur Parrot, relative aux eaux minerales de Medagues ; 3° Examen des questions relatives aux sciences me- dicales , presentees au Congres par di verses societes scientifiques; 4° Rcponse a la deuxieme question du programme de la section de medecine , par M. le docteur Cellier. TROISIEME SECTION. 95 SEANCE DU 5 SEPTEMBRE 1838. Le proces- verbal de la seance precedente est lu par M. le docteur Peghoux et adopte. M. le docteur Cellier ayant obtenu la parole du presi- dent, donne lecture dun Memoire ayant pour titre : Crochets mousses , destines a maintenir dans un e'tat d'e- cartement permanent les bords de la plaie de la trachee- artere , apres Voperation de la tracheotomie , pratique'e comme dernier e ressource dans laperiode extrime du croup avec imminence de suffocation. L'auteur de ce Memoire, apres avoir jete un coup- d'oeil sur l'etat de la science, dans les temps anciens et modernes , relatif a cet objet, apres avoir decrit les symp- tomes du croup , arrive a cette conclusion : i° Que les anciens ne connaissaient pas ce moyen therapeuti- que; que la tracheotomie a ete employee il y a tout au plus un siecle, qu'elle fut abandonnee comme meurtriere, et que c'est seuiement de notre temps que M. Bretonneau l'a remise en honneur; 2° Que loperation de la tracheotomie est malheureusement trop souvent necessaire, et qu'un des inconvenients qui y sont attaches est de ne pouvoir maintenir les bords de la plaie que Ton est oblige de faire. Apres cela, M. Cellier passe en revue les divers procedes qui ont ete preconises pour maintenir separes les bords de cette plaie. Puis, arrivant asa methode, il la decrit avec le plus grand soin, et en montre les divers avantages. Cette methode consiste a introduire dans l'interieur de la plaie deux crochets mousses, l'un a droite, l'autre a gauche , et a fixer chacun de ces crochets au moyen dune bande qui est adherent© 96 TROISIfiME SECTION. a leur extremile libre, et que Ton noue a la partie posterieure du col. La lecture de cc Memoire etant terminee et la discus- sion ouverte , M. le docteur Tixier presente quelques ob- servations relatives aux inconvenients qui de prime- abord paraissent attaches a cette nouvelle methode. Ainsi , dit-il , n'est-il pas a craindre que les liens au moyen dcsquels ces crochets sont maintenus fixes dans les bords de la plaie , ne determinent une pression sur les parties laterales du col , et par suite , ne nuisent a la circulation tant veineuse qu'arterielle ? Si cela etait , ce serait un grave inconvenient , surtout si la tension de ces liens venait a s'accroitre apres l'operation, alors quel'air ayant un libre acces dans la poitrine donnerait a la cir- culation un essor qui ne peut etre que febrile; enfin, ajoute M. Tixier, ce procede, utile sans doute, demande que le medecin surveille avec soin l'etat dans lequel se trouve I'appareil, attendu qu'il peut se deranger par suite des mouvements que peut faire l'enfant. A cela M. Cellier repond , que la trachee-artere jouit d'une grande elasticite , possede une longueur assez grande pour que Ton n'ait pas besoin de beaucoup de traction pour maintenir dans un etat beant la plaie qu'on y a faite , et que , par cela meme , la compression n'est pas assez forte pour arreter plus ou moins la cir- culation , tant veineuse qu'arterielle du col , et que rela- tivement aux soins que cet appareil reclame de la part du medecin, c'est un inconvenient qui est inherent a toute operation grave. M. le docteur Bonnabaud fait remarquer que le pro- cede dont il s'agit presente des avantages dont la science peut tirer profit, alors meme que ce procede aurait quelques inconvenients. Ainsi , pour obvier aux inconvc- TROISIEME SECTION. 97 nientsque Ton apprehende, a savoir, la compression des parties laterales du col par les liens de l'appareil , on pourrait remplacer ceux-ci par une bande elastique. M. le docteur Lepage, dans 1 intention de faire sentir combien on doit avoir de la reconnaissance pour tous ceux qui s'occupent de perfectionner cette partie de la science , fait observer que M. Bretonneau lui a dit : « Dans cette operation, la seule difficulte est de maintcnir ecar- tes les bords de la plaie. » La section remercie M. Cellier du Memoire dont il vient de lui donner lecture, et en vote a l'unanimite l'im- pression, attendu que son avis est que cette methode peut offrir des avantages, et qu'il est a desirer qu'elle entre dans le domaine de la pratique. M. le docteur Parrot lit une notice sur les eaux salines de Medagues, canton de Maringues. Sur la proposition de M. Lecoq, la section en vote unanimement l'im- pression. Le secretaire donne lecture d'un rapport qui a ete adresse au Congres par la Societe royale d 'agriculture , sciences et arts du Mans. Ce rapport est termine par trois questions que cette societe a formulees, et elle manifeste le desir que le Congres en donne une solution. M. Lecoq remarque que ces questions avaient ete adressees aux redacteurs du programme; que si elles n'y ont pas ete inserees en leur entier, c'est qu 'elles sou- levent de trop nombreuses questions ; qu'il ne se refuse pas a ce que la section les examine , les discute , mais il pense qu'il faut renvoyer cette discussion apres que toutes celles contenues dans le programme auront ete resolues. A ce sujet, M. Tixier pense que les questions presen- 98 I ROISIEME SECTION. tees par la societe dn Mans dcvraient etre soumises a une commission qui aurait a en faire un rapport; mais, sur l'observation de quelques membrcs , la section , tout en prenant l'engagement de traiter ces questions, les renvoie apres que celles contenues dans le programme auront ete epuisees. L'ordre du jour de demain est la continuation de la lecture des divers Memoires envoyes a la section , et la suite des questions du programme. SEANCE DU 6 SEPTEMBRE 1838. Apres la lecture du proces-verbal , M. Hunault de la Pelleterie demande la parole. II fait observer qu'a propos du Memoire de M. Cellier, la section n'a pas suivi la marche adoptee dans les precedents Congres, ou toutes les fois qu'un Memoire en reponse a une question avait ete considere comme resolvant la question, la section formulait par ecrit son opinion et la remettait au pre- sident du Congres, qui la soumettait a la sanction des sections reunies. En consequence, il demande que cette formalite soit remplie relativement au Memoire de M. Cellier. La section approuveles observations qui lui sont faites. Elle s'empressera dorenavant d'en profiler; mais elle pense que le proces-verbal doit rester tel qu'il est, et passe a l'ordre du jour , sur la proposition de M. Hunault de la Pelleterie. M. le docteur Peghoux fait hommage a la section de TROISIEME SECTION. 90 son livre intitule : Sur les epidemics qui ont ravage VAu- vergne , depuis le commencement de Vere chretienne jusqu'a nos jours. M. le docteur Peghoux demande a faire quelques reflexions sur les motifs qui Tout determine a s'occuper des epidemies. De notre temps, dit-il, l'attention des medecins est fixee sur les faits cu- rieux que les maladies epidemiques presentent dans leur mar- che, leurs causes et les dangers dont elles menacent les popu- lations. Dans des temps bien divers, la belle province de l'Auvergne a ete desolee par des epidemies de toutes sortes. En rechercher les causes, la marche, constater les moyens therapeutiques dont on s'est servi pour les combattre, ne pouvait etre qu'un travail u tile- men t consulte pour lhistoire generate des epidemies, et ce tra- vail je le soumets a vos lumieres. Tous les faits qui y sont contenus sont exacts; tous ont ete puises dans les chroniques, dans les registres et les archives des mairies de l'Auvergne. Je comprends d'autant plus aujourd'hni toute l'importance de pareilles occupations, qu'il me semble que l'anatomie patholo- gique dont l'utilite est bien appreciee par tous, occupe neanmoins trop les esprits, en ce sens,qu'on se plait trop a penetrer dans tous ses details, alors que Ton semble ne s'occuper guere des grandes idees des anciens medecins sur les constitutions medicales. Desireux, continue M. le docteur Peghoux, de donner a mon ecrit plus d'impbrtance et plus de valeur, ayant recueilli depuis sa publication de nombreux materiaux , je fais, dans l'interet de la France et aussi dans l'interet de l'Auvergne, un appel a tous mes confreres, et les priede me communiquer tous les documents et renseignements qu'ils peuvent avoir en leur possession, et qui ont trait aux epidemies. La section remercie son savant confrere de rhommage qu'il vient de lui faire ; elle partage parfaitement son avis touchant l'oubli dans lequel paraissent etre tombees les 100 TROJSIEME SECTION. observations stir certaines causes dc maladies , influences inconnues dont on ne peut se rendre compte , qui sont quelquefois generates , le plus souvent partielles , et que Ton nomme en medecine les constitutions medicales. M. Hunault de laPelleterie demande si M. Peghoux est, dans son ecrit, d 'accord sur les epoques des epidemies avec M. le docteur Lassis, qui a longuement ecrit sur les epidemies d 'Europe. M. Peghoux repond qu'il ne connait que depuis peu de temps les travaux de M. Lassis, qu'il est d 'accord avec lui relativement a l'epoque des grandes epidemies , mais que son travail n'a trait qua l'Auvergne ou a quelques- unes des provinces limitrophes , et que la plupart des epidemies dont il a parle n'ont ete que locales et n'ont pu interesser M. Lassis. M. Hunault de la Pelleterie , qui s'est beaucoup occupe des epidemies de l'Anjou et de l'ouest de la France , porte alors la discussion sur le terrain des epidemies. Deux points ont ete principalement mis en lumiere dans cette discussion : d'abord les formes variees et exte- rieures que revet la meme maladie pendant le regne dune constitution medicale, symptOmes tellement divers, que si Ton voulait suivre une methode purement anato- mique, on donnerait des noms bien differents a ce qui n'est au fond et essentiellement que la meme affection. C'est ainsi que MM. Peghoux, Hunault et Borie ont observe, dansle coursdu printemps dernier , l'un a Cler- mont, l'autre a Angers, et le troisieme au Puy, une epi- demie dans laquelle les malades presentaient , plus ou moins isolees ou reunies , des otites , des ophthalmies , des parotites et autres inflammations glandulaires. L 'apparition de la grippe en Auvergne a ete egalement examinee. M. le docteur Guillaumet fait observer qu'a IROISIEME SECTION. 101 Montlucjon celte epidemic setait presentee constamment avec un appareil de sympldmes alarmants, mais que ces symptOmes disparaissaient au bout de deux, trois et quatre jours , et qu'alors il ne restait plus qu'un leger catarrhe bronchique. MM. Bonnabaud et Peghoux ont remarque au contraire que cette maladie avait ete fort legere a Clermont , n'avait presente aucun caractere dan- gereux , et M. Borie fait la mcme remarque pour le Puy , on cette maladie n'a que peu reclame les soins des mede- cins , chaque malade sachant ce qu'il convenait de faire dans un pareil etat qui ne durait que quelques jours. Un fait digne de remarque et que M. Peghoux a fait ressortir , c'est qua Clermont , concurremment avec la grippe, s'est developpee, dans les etablissements ou se trouvaient agglomeres un grand nombre d'individus, une fievre tiphoide fort grave et distincte de la grippe. Quels etaient les rapports, quelle etait la connexite de ces deux maladies? C'est la un sujet d 'etudes interessantes qui n'ont pas ete faites. SEANCE DU 7 SEPTEMBRE 1838. Le proces-verbal de la seance precedentc est lu et adopte. Le secretaire donne lecture d'un long Memoire sans titre, et qui a ete envoye au Congres. L'auteur, M. Limou- sin-Lamothe, d'Alby, veut demontrer que Ton n'a pu jusqu'ici expliquer, par la theorie des emanations et des miasmes, les causes de certaines maladies reputees conta- gieuses, et il presente un systeme par lequel, au moyen do 102 TROISIEME SECTION. des animalcules, il se rend compte et de la contagion el de son mode de transmission. « Resumant, dit M. Lamothe, les travaux que j'ai adresses a » l'Academie royale de medecine des l'annee i832; ceux que j'ai » lus au Congres meridional de i835; enfin ceux que j'ai publies » dans divers journaux sur le systeme des animalcules considered » comme cause des epidemies, telles que le cholera, la peste, » lethyphus, etc. ,jesuis arrive aux conclusions suivantes : « Aphorisme I. — Toute contagion reconnait pour cause la pre- sence d'un agent pourvu de proprietes generatrices qui lui per- mettent de se reproduire. Or, ce ne peut etre qu'un agent orga- nique. Done les matieres inorganiques ne peuvent etre une cause de contagion. Commenlaire. — Les matieres inorganiques ne jouissant pasde proprietes qui leur permettent de se reproduire, de se perpetuer par elles-memes, ne sauraient jamais etre regardees comme cause de contagion. Leur action se borne au seul individu sur lequel elle se trouvent fixees. Tels les poisons mineraux , le principe vireux des vegetaux, le poison des animaux prives de vie. II en est de meme des matieres gazeuses deleteres et toxiques : elles peuvent frapper de mort un individu ; mais bornant sur lui seul leur action , le defaut de qualites generatrices ne leur permet pas de se re- produire, de se perpetuer, pour atteindre et frapper d'autres in- dividus, si rapproches qu'ils soient d'ailleurs. II. — Ce n'est qu'apres s'etre perpetue par generation , que l'agent contagieux est apte a se transmettre d'un individu a un un autre, a s'y fixer comme il letait sur celui d'ou il provient, et a y exercer les memes phenomenes. Or, cette action est neces- sairement instinctive. Done elle est produite par un etre anime. Commentaire. — Impossible aux etres inorganiques ou prives de vie de remplir ces fonctions; ii est de leur nature meme de rester stationnaires , et ce n'est que localement qu'ils exercent leur action mecanique, chimique ou physiologique sur les organes. Se bornant la, il est de leur nature meme de ne pas passer outre, e'est-a-dire de ne pas se transporter d'un individu a un autre, d'un malade a un homme sain , pour y exercer les memes phenomenes TROISIEME section. 103 que chez le premier. II en est tout autrement en admettant, comme il le faut necessairement pour ne pas etre dans le vague, une cause organique, aniraee, instinctive, pouvantse reproduire et se per- petuer a l'infini : ce sont les animalcules. Passant d'un individu a un autre, ils s'y reproduisent derechef, et ainsi de suite, selon que diverses causes favorisent ou arretent cette propagation. III. — La reproduction , remission, la propagation , la trans- mission, sont de necessite le moyen de toute contagion. Elles different toutes Tune de l'autre. La reproduction est la multiplica- tion de la chose ; remission, la manifestation de son existence ; la propagation, lapropriete de s'etendre; la transmission, 1'effet par lequel elle est donnee et recue. Or, ces quatres conditions ne peuvent se trouver que dans une classe d'etres animes. Done , ces etres, quels qu'iis soient, sont locomobiles. Commentaire. — Jamais, par exemple , on ne concevra qu'un homme asphyxie par le gaz carbonique, empoisonne par un gaz mephytique, par des sels, par des oxides, par les cantharides, par la morphine, la strychnine, l'acide prussique, etc., puisse trans- mettre sa maladie a un autre individu , d'une maniere quelconque, pas plus qu'un homme ivre peut transmettre l'ivresse. Pourquoi ? C'est qu'il ne peut y avoir reproduction, encore moins multipli- cation de la matiere constitutive occasionnelle de la maladie. II en sera tout autrement si cette matiere est organique, vivante, loco- mobile : alors elle jouit de toutes les conditions generatrices plus ou moins spontanees, plus ou moins actives qui lui permettent de se reproduire, se multiplier, etendre son action. Que Ton ne dise pas que l'haleine, la transpiration, et autres emanations ccrporelles, les habits d'un malade peuvent transmettre une maladie; qu'un navire pestifere peut occasionner la peste, le cholera , sans admettre le principe de cet aphorisme : ces effets ont lieu necessairement, par le deplacement et la propagation des animalcules, setransmettant instinctivement , par affection, par sympathie, par voie d'election et d'appetence , d'un corps infecte deja , a un autre corps pour le- quel ils vont devenir une cause necessaire d'infection , si ce corps offre des predispositions par lui-meme d'ailleurs; car, dans le cas contraire, il y aura repulsion et I'infection n'aura pas lieu. 104 TROISIEME SECTION. IV. — S'il n'existait de contagion que par contact immediat, la moindre faculte locomotrice de l'agent contagieux suffirait pour la transmettre. Or , la contagion se transmet aussi par infection ou a distances plus ou moins eloignees. Done celle-ci est occasionnee par des etres doues d'organes qui leur permettent de franchir les espaces. Commentaire. — L'on concoit que la gale , les dartres, la maladie vene>ienne, l'anthrax, se communiquent par contact immediat, tou jours par generation et propagation de la cause premiere (les animalcules speciaux), avec les conditions de l'appetence ou sym- pathie, de leur cote, et de la predisposition et sympathie aussi de la part de l'individu allant etre infecte. L'on doit concevoir de la meme maniere ce qui se passe en dehors du contact immediat, e'est- a-dire, dans l'espace et dans un eloignement plus ou moins grand. Dansle premier cas, Taction avait lieu de la part d'animalcules, se mouvant seulement, mais prives d'organes ailes (apteres). Dans ce cas-ci , au contraire , ces animalcules pouvant franchir les espaces, vont , viennent , disparaissent , reviennent encore , se portent ca et la, franchissent de plus ou moins grands espaces, selon que leur instinct les appelle vers des lieux et des individus qu'ils appetent plus particulierement que d'autres, et sur lesquels alors il exercent de plus ou moins grands ravages. V. — II n'y a jamais contagion d'une maniere absolue et ge- nerate. Pour qu'elle ait lieu, il faut, d'uncote, predisposition ne- cessaire chez l'individu atteint: de l'autre, appetence et sympathie de la part del'agent organique, cause premiere de contagion. Or, ces conditions ne sont jamais universelles. Done, toutalafois, une meme maladie pcut etre contagieuse et ne l'etrepas, selon les temps , les lieux , et les circonstances. Commentaire. — On ne peut revoquer en doute les aptitudes, les appetences , les sympathies, les antipathies , les predispositions. C'est dans ces donnees qu'il faut rechercher les causes de la con- tagion et de non-contagion. On ne peut les trouver chez les corps inorganiques, materiels: ces proprietes rentrent dans le domaine des etres vivants. Mais, de meme qu'il n'y a pas toujours et dans tous les cas contagion ni infection dans les maladies qui peuvent TROISIEME SECTION. 105 se communiquer par contact immediat, a cause des inappetences, des anthipathies , des indispositions; de meme , toujours et dans tous les cas aussi, il ne saurait y en avoir dans cellos qui se pro- pagent et se communiquent a diverses distances. Cela explique pourquoi, exposes sous la meme influence, dans les memes lo- calites , tel est atteint, plus ou moins affecte, et tel autre ne Test pas du tout. Telle maladie sera done contagieuse pour un individu et ne le sera pas pour un autre, quoique place dans les memes conditions que le premier. Pour Tun on dira la maladie conta- gieuse et non pour I'autre. Ce n'est done pas absolument et uni- versellement qu'il y a contagion , mais bien dans des cas donnes et sous l'influence de conditions speciales et particulieres. Yoila la cause, ce me semble, du disaccord entre les contagionistes et les non contagionistes. Les premiers auront vu la maladie dans les conditions d'appetence, d'aptitude, de sympathies, de predispo- sitions respeetives les plus propres au developpement de l'agent contagieux, et ils auront dit la maladie contagieuse; ils auront eu raison. Les autres auront vu la meme maladie dans des condi- tions opposees : pas de predisposition, antipathic, rien de favo- rable a l'appetence des animalcules; des-lors nulle condition favo- rable a la contagion , et ils auront declare la maladie non conta- gieuse; ceux-ci auront raison egalement. Chacun soutiendra sa these avec le meme avantage, et tous deux se disputeront peut- ttre, comme on l'a vu souvent en cette matiere. L'analyse du fait de cet aphorisme et sa meditation impartiale, approfondie, les mettraient d'accord inevitablement. Develop pements. — L'atmosphere nest done quele vehicule ou se meuvent des animalcules ailes , le milieu dans lequel ils se ba- lancent et franchissent les espaces : que la constitution de cet atmosphere les active ou les paralyse, cela se concoit, cela doit etre; mais vouloir considerer l'atmosphere seule, ses constitutions diverses, ses influences avec tout le cortege iraaginairequ'on veut bien lui supposer comme cause directe des maladies dites conta- gieuses, du cholera , de la peste , de la fievre jaune , du typhus, etc., e'est ce qui ne se concoit pas du tout. L'air , toujours agite; lair, que k moindre ebranlcment change de region ; l'air, que les vents 106 TROISIEME SECTION. transportent a des distances immenses, pourra-t-il jamais etre, en lui seul, l'element occasionnel de ces sortes de maladies? S'il en etait ainsi , de deux choses Tune qu'il faut necessaire- xnent admettre. Ou le vent qui souflle sur une contreeatteinteen detruira la cause en l'entrainant avec lui , ou il la trausportera avec lui sur les autres contrees qu'il parcourra. Eh bien ! tres-sur, le vent a souflle sur Marseille , sur Agde et sur Toulon , pendant Vepidemie cholerique: la cause a-t-elle ete aussitot detruite? a-t- elle ete transmise aussitot dans les diverses regions parcourues par ces memes vents?.,.. Et ces effluves, et ces miasmes, et ces emanations, et ces cons- titutions diverses , quelles donnees satisfaisantes en tirerons-nous dans l'espece ? Ces mots , a tout instant prononces , disent-ils ici quelque chose ? Et avec eux Ton explique toutcependant. Combien est-on plus satisfait , ce me semble, par la doctrine des animalcules, qui rendent netteset precises toutes les explications. Montrez-les-moi, me dira-t-on ? Est-cema faute, repondrai-je , si nous n'avons pas encore des instruments assez perfectionnes? Mais montrez-moi, vous demanderai-je a mon tour, les effluves et les miasmes. Systeme pour systeme, j'aime autant et prefere memele plus raisonnable, celui qui me satisfait lemieux et qui dit quelque chose a mon intelligence. Et quand un systeme deja admis n'a- boutit qu'a laisser sans cesse les choses dans l'affligeant etat ou elles se trouvent , serait-il deraisonnable ou ridicule d'adopter , ne fut-ce que par motif de prudence, un systeme qui s'accorde avec les fa its et avec le raisonnement. Ainsi, jugeant par analogie avec les habitudes connues des autres etres, ce qui est tout aussi raisonnable, tout aussi philoso- phique que les systemes et les conjectures admis jusques ici ; rai- sonnantparcomparaison pour mieuxmefairecomprendre, jedirai meme qu'il est des animalcules diurnes et nocturnes ; et peut-etre est-ce a ces derniers qu'apparfeiennent les animalcules choleriques : que les matieres putrides , les lieux infects , les cloaques , les marais, la vase et le limon des rivieres sont leur element, leur lieu de re- fuge et d'habitudes ou leur instinct, leur appetence, leurs sym- pathies, les portent de preference lorsqu'ils envahissent une con- TR0IS1EME SECTION. 107 tree, que les odeurs fortement aromatiques, le soufre en combus- tion , les mercuriaux, les huileux, la fumee, par sa creozote, tous les insecticides, en un mot, oftrent les moyens les plus surs pour les combattre, les eloigner, les faire disparaitre et les detruire si Ion peut agir immediatement sur eux. Et, a cet egard, voulaut ici borner la question, j'indiquerai le travail adresse en i832 a l'Academie royale de medecine ; celui, plus developpe encore, lu au Congres meridional a Toulouse , auquel ces aphorismes font suite , et diverses autres publications auxquelles je renvoie pour toutes les reponses satisfaisantes aux objections soulevees sur la doctrine des animalcules. Remarque. — C'est a l'occasion du Memoire sur les animalcules microscopiques considered comme cause de la putrefaction, publie par MM. Daniel Beauperthui et Adet de Roseville, dans le Bulle- tin medical du Midi, imprime a Bordeaux , que j'ai cru devoir soumettre et communiquer les aphorismes ci-dessus au Congres scientifique. lis confirment le principe etabli et en developpent la theorie ; ou mieux , ce principe et cette theorie confirment ce que nous avons dit nous-meme depuis quelques annees deja. Mes travaux, adresses a l'Academie royale de medecine , sont la pour constater ma priorite ou plutot la priorite des anciens meme dont je n'ai fait que rajeunir etrenouveler l'application, ainsi que I'ont fait de leur cote quelques modernes , notammentFabroni , Buffon, Bressi, Valli, Astier peut-etre plus que les autres. Je ne dois pas oublier le docteur Mojon dont l'ouvrage imprime semblerait etre une copie litterale de celui que j'ai envoyemanuscrit a l'Academie de medecine, si je n'aimais mieux croire que nous noussommes rencontres parfaitement justes dans les memes idees, moi en i832 d'abord. Comment se fait-il cependant que l'identite soit telle que les deux ouvrages se ressemblent jusques dans les memes de- tails ? Dans mes travaux divers sur l'objet qui nous occupe, il est question de Taction animalculaire, non seulement comme cause de putrefaction , mais encore comme cause de fermentation. L'on suspend, Ton arrete l'une et l'autre a volonte, selon que Ton de- truit les animalcules en tout ou en partie ou qu'on les derange 108 TROISJEME SECTION. dans leur action. On en preserve les corps par les memes moyens.. J en u mere les divers insecticides, mercuriels, buileux, aromati- ques, camphre, sels, chlore, la suie surtout, et preeisement dans les memes termes que MM. BeaupcrthuietAdetdeRoseville. Avant eux j'ai dit a » que toutes les maladies qui se propagent par infec- tion et par inoculation d'un virus, sont produites par des animal- cules. » Aiusi l'anthrax, le bouton pestilentiel, la variole , la verole, le vaccin , les dartres, etc., etc., contiennent chacun leurs animalcules speciaux toutformes, qui n'ontqu a sereproduire sur les individus avec lesquels ils seront mis en contact. Mais em- poisonnez ces animalcules par des moyens locaux, ou faites-les dissiper a l'aide de substances qui leur repugnent , et vousenrayez tout de suite une contagion, une epizootic Ainsi que ces Messieurs, j'ai dit : « que les animalcules se nour- rissent aux depens de la substance dans laquelle ils se sont deve- loppes et s'y multiplient. » Voici a quelle occasion :Les journaux du temps, 1 853 , rapportent qu'une dame atteintedu cholera du- rant sa grossesse, fit de fausses couches et se trouva tout-a-fait soulagee apres avoir accouche : l'expulsion de 1'enfant amena la cessation du cholera. Le journal n'en disait pas davantage. Avec la tlieorie des mias- mes , des emanations, Ton ne pouvait pas expliquer cet etat de choses; moi, avecle secours du systeme animalculaire, je l'expli- quai , ce me semble. Je disais : la mere et 1'enfant se trouvaient sous l'influence des animalcules choleriques. L'enfant, dont les forces vitales sont moindres que chezlamere, ne pouvant apporter la meme resistance que celle-ci, succomba. Un court sejour de ce corps inanime dans le corps de la mere , de ce corps sans resistance vitale, se prete mieux a Taction animalculaire et se met en putre- faction; les animalcules, par voie d'election, de sympathie, d'ap- petence, s'y concentrent en quittantle corps de la mere, qui s'en trouve ainsi degagee en se degageant du foetus. Meme explication, que je rapporte au fait dont parle Ambroise Pare. La peste regnait dans une ville de Cy thie ; ses ravages etaient effroyables, rien ne pouvait les arreter. Un medecin dela contree eut une idee qui , d'apres les systemes recus sur les emanations TROrSIEMB SECTION. 109 puhides comme cause des maladies pestilentielles, etait bien de nature a aggraver la peste au lieu de la faire cesser. II prescrivit de tuer tous les chiens et tousles chats de la ville, et de les laisser exposes en pleine putrefaction dans les rues : Ton fit, et la peste cessa. « Rien debien satisfaisant, disent encore MM. Beauperthui et Adet de Roseville , nTa deeoule des efforts de ceux qui ont le mieux approfondi cette discussion, lorsqu'on s'est demande comment agissaient ces substances (les insecticides ci-dessus). » J'ai dit, en plusieurs occasions , que c'etait en tuant, en empoisonnant les animalcules dans les corps ou. ils se trouvent deja, ou en les em- pechant d'en approcher , soit par leur saveur , soit par leurs ema- nations. Entremille exemplesquejepourraisciter,je mebornerai a celui des poissons sales et enfumes : les barengs saurs par exem- ple. Le sel marin, d'un cote, la fumee a laquelle on les expose, de l'autre, soit qu'elle agisseparlacreozote, par l'acide empyreu- matique, d'autres substances ou toutes celles-ci reunies, le tout ensemble agit comme puissant insecticide ; d'autres diront comme antiputrides, mais n'expliqueront pas la chose rationnellement ainsi quejelefais. Yoila ceque j'ai dit ily a deja plusieurs annees„ On ne s'etonnera done plus « que des agents aussi differents, chimiquement pa riant , que les insecticides pris dans tant de classes di verses, puissent tous produire un meme resultat sur la conser- vation des substances organiques. » « On active singulierement la putrefaction (je dis, moi , on la provoque) en melant une petite quantite dTun liquide putride avec une substance saine. » J'ai dit encore tout cela en en faisant I ap- plication a la variole, a la vaccine, a la verole, aux dartres, a la galle , au bouton pestilentiel , a l'anthrax , etc. Les animalcules sont tout formes dans le virus, et n'ont plus qu'a se reproduire, a se perpetuer par voie de generation. J'ai encore demontre ces faits relativement a la lev are de biere et du pain, chez lesquelles, au contraire, MM. Cagnard-Latour et Quevenne,chacun de leur cote, dans un travail lual'Academie des sciences , ne voient qu'une action orgaaique vegetale , tandis que , au contraire, e'est une action animalculaire qu'il faut y voir. 110 TROISIEME SECTION. Bien avant MM. Beauperthuy et Adet de Roseville , « nous axons eu l'honneur d'annoncer a l'Academie royale de medecine, que nous considerions toutes les maladies qui se propagent par 1' inoculation d'un virus corame produites par des animalcules. » Au surplus, I'adhesion de ces Messieurs au systeme animalcu- laire est une conquete qui en amenera bien d'autres. Deja , de- puis la disparution du cholera , divers journaux ont publie des fragments relatifs a la matiere qui nous occupe, preuve irrecusa- ble que les esprits sont maintenant tournes vers ce point de la science , que Ton cherche a eclaircir en l'approfondissant. Plus heureux, mieux partages que nous relegues dans la pro- vince, ceux qui habitent la capitale ont la ressource de compulser dans les archives academiques , et de s'aider des divers documents qu'elles renferment , pour s'eclairer ainsi des lumieres des autres : c'est fori bien sans doute, puisque c'est un service rendu a la science; mais serait-il juste, du moins, d'avouer la source ou Ton puise, et, en rendant hommage a la verite, faire a l'auteur dont on s'aide la juste part qui lui revient de ses travaux. Je ne dis pas tout a faitceci, je le repete, pour MM. Beauper- thuy et Adet de Roseville. Ainsi qu'avecle docteurMajon , j'aime mieux croire , tout bonnement , nous etre rencontres juste. Mais il est de fait, en general, que les archives des diverses academies et societes savantes dela capitale surtout, sont tous les jours feuil- letees et furetees pour y cherchcr des materiaux applicables a un sujet que Ton veut traiter, et qu'un pauvre autour de province aura envoyes manuscrits, soit qu'il n'ait pu faire imprimer ses Memoir es chez lui, soit qu'il ait voulu les soumettre auparavant a la sanction academique, n'ayant , lui , aucun moyen de fouiller dans les archives. Ces reflexions amenent naturellement a mieux faire apprecier les avantages de la decentralisation, par la belle institution des Congres et la publication des journaux scientifiques des departe- ments. La, du moins, en envoyant notre tribut et notre part de cooperation, nous pouvons legitimement esperer d'y voir la ve- rite occuper sa place, et nos droits reconnus, comme d'attendre de nos honorables collegues une deference bienveillante a ac- cueillir nos justes reclamations, lorsqu'il y a lieu. TROISIEME SECTION. Hi La section pense que le principe animalculaire , admis par l'auteur, est d'autant plus contestable qu'il n'a pas constate la presence de ces animalcules , ni meme leur existence qu'il suppose a priori, D'apres cela, la section est d'avis qu'elle ne peut ni ap- prouver ni improuver ce travail , ou se trouvent du reste des apercus ingenieux. M. Baignoux, ancien depute d'Indre-et-Loire, adresse a la section un Memoire imprime , ayant pour titre : Dis- cours en reponse a la question proposee par le Congres scientiflque de France, et ainsi concue: « Analyser quelles » sont les causes qui , de nos jours , ont rendu si freqitente » la monomanie du suicide... Indiquer les moyens les plus » propres a diminuer ce penchant funeste. » La section charge une commission de lui rendre compte de ce travail, et le president nomme cette com- mission, qui se trouve composee de MM. Hunault de la Pelleterie et Lepage. L'ordre du jour appelait la question des scrofules, de cette maladie qui est endemique dans certaines localites de l'Auvergne; mais la plupart des medecins de Cler- mont, qui font par tie de la section, ne s'etant point rendus a la seance , on a pense qu'ils etaient trop inte- resses a avoir une solution de toutes les choses qui res- sorlent de cette question importante , pour qu'on la traitat en leur absence. L'ordre du jour de demain est : Rapport sur leDiscoursde M. Baignoux , et continuation de la question des scrofules. Le Pre'sident , Lepage. Le Vice-President , Hunault de la Pelleterie. Les Secretaires , Borie, Peghoux. JVota. L'absence des membres composant la section a rendu impos- sibles toutes seances ulterieures. 112 QUATRIEME SECTION. QUATRIfiME section HISTOIRE ET ARCHEOLOG1E SEANCE DU 4 SEPTEMBRE 1838. Aujourd'hui 4 septembre 1838, la quatrieme section du Congres scientifique s'est reunie a onze heures , dans la? salle des seances ordinaires de I'Academie de Clermont , designee a cet effet. M. Tailhand, vice-president du Congres, occupe Ie fauteuil. M. Bouillet, secretaire general, fait Tappel nominal des membres inscrits. L absence dun grand nombre des membres de la sec- tion donne lieu a quelques observations sur Implication de Tarticle 10 du reglement, qui exige pour la validite des deliberations, la presence du quart au moins des membres inscrits. Apres une discussion ou sont entendus MM. de Cau- mont, Jullien de Paris, Mathieu et Tbevenot, la section decide que cet article ne pent s'appliquer aTorganisation du bureau. En consequence, on procede immediatement a la nomination du president et du vice-president. QUATRIEME SECTION. 113 Un des membres propose de nommer deux vice-presi- dents. Cette proposition est adoptee. M. Gonod ayant obtenu la majorite des voix , est pro- clame president , et MM. Delalo et Jullien de Paris vice- presidents. En l'absence de M. Gonod, president, le fauteuil est occupe par M. Delalo. Sur la proposition de M. Bouillet, secretaire general du Congres , MM. Thevenot et Mallay sont nommes secre- taires de la section. L 'organisation du bureau etant completee, M. de-Cau- mont donne lecture des questions proposees a la qua- trieme section du Congres scientifique, pour une enqufcte sur l'etat des sciences historiques et archeologiques en Auvergne. Ire question. — A-t-on reconnu d'une maniere precise les voies romaines indique'es sur la carte de Peutinger et dans Vitineraire d'Antonin ? M. Bouillet annonce qu'il s'est occupe de ce travail dans la carte de statistique monumentale qu'il doit pu- blier incessamment. M. Mathieu entre dans des developpements etendus sur plusieurs voies romaines qu'il a observees sur plusieurs points du departement. II cite la route de Clermont a Lyon par Perignat, et celle de Clermont a Ambert. Celle de Clermont a Lyon par Vic-le-Comte et les montagnes de St-Amant-Roche-Savine. IIe question. — A-t-on constate' V existence d'autres voies antiques non mentionnees par Vitineraire ou la carte? M. Delalo cede le fauteuil a M. Jullien, de Paris, et donne quelques renseignements precieux sur l'existence de plusieurs voies romaines dans le departement du Can- 114 QUATRIEME SECTION. tal, et qui ne sont pas cities dans la carte de Peutinger et 1 'itineraire d'Antonin. Ces au tours n'ont pas compris toutes les voies romaines dans leur travail. M. Delalo annonce que M. Deribier a trouve aussi dans le Cantal des debris de routes et detablissements romains permanents. Les routes les plus remarquables sont celles qui allaient du Quercy en Limousin par Mauriac, et d'Issoire a Bort par les montagnes. IIP question. — Le trace dans differ 'entes voies romai- nes a-t-il ete fait sur des cartes a grand point fcelle de Cassini par exemple)? II n'a pas ete donne de renseignemenls sur ce point. IVe question. — Quelles particularite's les chaussees antiques ont-elles offer tes? M. le comte de Laizer donne des renseignements sur une route a laquelle il donne le nom de route de Cler- mont a Brivas. Le point observe par lui est situe pres de l'Allier , au village de Beaulieu, departement du Puy-de- D6me. Le pave etait forme de pierres coniques , aplaties a la surface, dont le plan approchait de la forme penta- gonale ou hexagonale attribuee aux pierres des voies ro- maines. M. de Parieu pense qu'il est important de signaler la forme des paves des chaussees anciennes. M. Mathieu pretend que la forme des paves nest pas constante. II cite a l'appui un fragment de voie romaine antique au-dessus de la maison de Catalan , sur la droite de la route de Villards. Ve question. — A-t-on decouvert , sur leurs bords , des colonnes milliaires , quelles inscriptions porlaient-elles , et que sont-elles devenues ? II existe dans le departement deux colonnes milliaires. Les inscriptions ont ete inscrites et conservees. QUATRIEME SECTION. 115 Vu l'heure avancee , la suite de la serie des questions est renvoyee a la seance prochaine. La seance est levee a une heure. SEANCE DU 5 SEPTEMBRE 1838. La seance est ouverte a onze heures. M. Delalo, Tun des vice-presidents, occupe le fauteuil. M. Thevenot , l'un des secretaires , donne lecture du proces-verbal de la seance d'hier. II est adopte , sauf deux rectifications demandees par M. Mathieu. M. Bouillet, secretaire general du Congres, fait ob- server que le travail preparatoire sur les questions pro- posees aux differentes sections par le bureau central, prend une portion considerable du temps destine aux seances ordinaires ; il propose en consequence de confier cette operation a une commission speciale. Cette mesure doit imprimer une marche plus franche et plus rapide aux travaux de la quatrieme section. Cette proposition , appuyee par M. Mathieu , est mise aux voix et adoptee a l'unanimite. La commission se compose de MM. Pollet, architecte, Desribier , Tailhand et Mathieu. M. Delalo donne ensuite lecture des questions d'histoire et d'archeologie indiquees par le programme imprime de la sixieme session du Congres scientifique. Cette lecture, faite par M. le president, n'est que prepa- ratoire. Elle a pour but de designer aux membres de la quatrieme section les questions dont ils auront a s'oc- cuper dans les prochaines seances , et d 'inscrire ceux qui 116 QIJATRIEME SECTION. desirent traiter une ou plusieurs des queslions indiquees par le programme. La question comprise sous le n° 14 de la serie, est ainsi concue. Le monogramme que Von trouve sculpte sur beaucoup de croix et dans beaucoup cTe'glises de FAuvergne, est-il bien le monogramme du Christ? M. Bouillet donne lecture d'un Memoire sur cette ques- tion. Ce Memoire est accompagne de lithographies qui sont distributes aux membres presents. Dans ce Memoire, qui contient des recherches sur plu- sieurs monuments de l'Auvergne et des departements voisins , M. Bouillet donne une explication nouvelle du signe generalement connu sous le nom de monogramme du Christ. Dans plusieurs localites , la configuration des lettres a semble a M. Bouillet assez dissemblable des si- gnes connus pour motiver une interpretation nouvelle. Au lieu du monogramme grec compose des trois pre- mieres lettres du mot IHSOS, M. Bouillet a cru lire le mot ITIS , dont il donne Texplication. Ce Memoire donne lieu a une discussion animee. M. Pollet, architecte de Lyon, demande la parole, qui lui est accordee. Les differences signalees dans les lettres par M. Bouil- let semblent a M. Pollet de simples fantaisies des sculp- teurs ornemanistes dans les nombreux monuments de la periode romane et ogivale observes par M. Pollet dans ses nombreux voyages et dans les departements qui envi- ronnent la ville de Lyon. On remarque dans les orne- ments et les lettres des variations plus capricieuses encore que celle citee par M. Bouillet. M. Pollet pense que tous les caracteres indiques par le Memoire se rapportent au monogramme du Christ. M.Tailhand, apres avoir donne une serieuse attention QUATRIEME SECTION. 117 aux differents signes, pense que le monogramme n'est pas constant dans tous les numeros indiques par la litho- graphic; il n'y a pas line ressemblance assez caracterisee pour trancher la question. M. de Parieu pense que ces figures ne designent que le monogramme du Christ. II ne reconnatt dans les signes differents des autres en quelques points qu'un caractere reproduit maladroitement par des ouvriers qui en igno- raient le sens, et qui ont sacrifie a la symetrie habituelle de leurs oeuvres le caractere particulier des lettres. M. Mathieu pense aussi que la forme des lettres ne peut s'appliquer qu'au monogramme du Christ employe des les premiers temps de l'ere chretienne , et rappelle le la- barum dont ilest une reproduction. II croit aussi que la forme des lettres n'a ete alteree que par un gout barbare d'ornementations. M. Delalo ne croit pas que ce monogramme, qui peut se rencontrer dans quelques eglises romanes, remonte au- dela du XIVe siecle ; on ne le trouve pas dans le gothique primitif; rare d'abord, il devient assez commun au XV e siecle, et abondant au XVIe. M. Delalo ne partage pas l'opinion de M. Bouillet , et trouve l'explication trop enigmatique. Toutefois , il adopte la lecon donnee par M. Bouillet , mais il donne a Tinscription un sens different. II pense que ce mono- gramme n'est que la reproduction dune invocation fre- quente dans les actes du moyen-age. Vu l'heure avancee, la seance est fixee a une heure. L'ordre du jour est la continuation de la discussion a la prochaine seance , et de la lecture des questions d'his- toire et d'archeologie soumises a la quatrieme section. 11 118 QUATRJEME SECTION. SEANCE DU 6 SEPTEMBRE 1838. La seance est ouverte a onze heures. M. Delalo , vice- president , occupe le fauteuil. Le proces-verbal de la seance du 5 est lu par M. The- venot, l'un des secretaires. II est adopte sans reclamation. La section reprend la suite de la discussion sur le Me- moire de M. Bouillet. M. Bouillet regrette Tabsence de M. Bayle-Mouillard , qui a eu occasion de voir a Bourges , dans l'eglise de Saint- Bonnet , un monogramme qu'il croit identique avec celui du Christ. M. Bouillet donne une esquisse de cette figure, a laquelle il assigne une autre interpretation. M. Tailhand donne aussi quelques explications sur le labarum, dont l'inscription differe essentiellement de celle indiquee hier par M. Mathieu. Ge dernier fait ob- server que la forme du labarum n'est pas constante. M. Bouillet desire que la section soit consultee sur la question de l'opportunite de la lecture de son Memoire en seance generate . La section , consultee , decide quelle est saisie de la dis- cussion et en ordonne la continuation. M. Mathieu entre dans des developpements paleogra- phiques, et n'accepte pas le sens donne au monogramme du Christ. M. Thevenot demande a presenter quelques explica- tions ; il lui semble que les developpements du Memoire de M. Bouillet n'arrivent pas a une solution possible, et n'offrent pas un caractere de generalite assez marque pour justifier son systeme. M. l'abbe Croizet pense que la question soumise a la QUATMEME SECTION. 119 section est purement paleographique , et demande la for- mation d'une commission. Apres une legere discussion de M. l'abbe Croizet > la proposition est prise en consideration. La commission se compose de M. Delasaussaye , direc- teur de la Revue numismatique a Blois, MM. Pollet, Croizet , Tailhand et Mathieu. M. Mallay, l'un des secretaires, donne ensuite lecture dun Memoire envoye par M. Joseph Bard, membre de plusieurs societes savantes , intitule : Introduction a un Manuel du monumentaliste pour les deux Ecoles du moyen- dge. Apres une discussion assez longue, a laquelle pren- nent part MM. Mathieu, Croizet, Delalo, Delasaussaye, Huguet, M. le president met aux voix une proposition de M. l'abbe Croizet, tendant a inserer dans le proces-verbal de la seance ordinaire l'analyse du Memoire qu'on vient de lire. Cette proposition est prise en consideration. Dans ce Memoire de quelques pages intitule : Introduc- tion a un Manuel du monumentaliste , M. Joseph Bard expose le plan de son ouvrage. Apres avoir signale les ravages de ce vandalisme qui , depuis pres de trois siecles, a mutile ou detruit tant de monuments, 1'auteur considere l'archeologie sous le point de vue conservateur de nos edifices religieux. II entre ensuite dans quelques developpements sur la marche et la disposition de son travail. Suivant lui , le moyen-age doit se diviser en periode bysantine et ogivale; la premiere finit au XIIe siecle , et la seconde embrasse les quatre siecles suivants, auxquels 1'auteur consacre autant de paragraphes. Son ceuvre sera terminee par des 120 QUATRIEME SECTION. conseils aux architectes sur la restauration ties monu- ments. Ge M^moire contient de bonnes vues sur l'art, mais nous regrettons qu'elles soient noyees dans un neologisme de mots qui est toujours un hors-d'oeuvre lorsqu'il s'agit de science. Cette affectation, qui semblele resultat d'un systeme sous la plume de l'auteur, nuit essentiellement au style , et surtout a la propriete des expressions si ne- cessaires en archeologie. M. Bouillet, secretaire de la Societe francaise pour la conservation des monuments historiques, annonce a la quatrieme section que cette Societe tiendra ses seances de sept a dix heures du soir, les 7, 8 et 9 septembre. II invite les membres de la section d 'archeologie a prendre part aux travaux de la Societe. M. de Caumont, au nom de la commission chargee d'examiner les questions manuscrites proposees a la qua- trieme section , annonce que cette commission a renvoye a l'examen de MM. Tailhand , Delalo, GonodetThcvenot, celles de ces questions qui presentent une solution pos- sible dans l'etat actuel de la science et des etudes his- toriques en Auvergne. M. Tailhand demande la parole pour une communica- tion verbale. Vu l'heure avancee , M. Tailhand ajourne sa proposi- tion a la prochaine seance. La seance est levee a une heure. Ordre du jour : Communication verbale de la part de M. Tailhand; Memoire sur la restauration et la rehabilitation de l'e- glise d'Ainay, a Lyon, par M. Pollet, architecte. Ce Me- moire sera suivid'une statistiqueetd'un apercu sur l'etat de l'art a Lyon; QUATRIEME SECTION. 121 Continuation do la lecture des questions du programme imprime. SEANCE DU 7 SEPTEMBRE 1838. La quatrieme seance estouverte a onze heures. M. De- lalo , vice-president , occupe le fauteuil. Le proces-verbal de la seance d'hier est lu par M. The- venot , Tun des secretaires. II est adopte , sauf deux rec- tifications demandees par MM. de Caumont et Bouillet. M. le president fait ensuite hommage a la quatrieme section , de la part de M. Delasaussaye : Des deux premiers numeros de la revue numismatique de l'annee 1838, un vol. in-8°; De la part de M. Rigollot , president : 1° Le Bulletin annuel des Memoires de la Societe d'ar- cheologie du departement de la Somme , tome 2e , pre- miere partie de l'annee 1833 , 1 vol. in-8° ; 2° Memoires de la Societe d'archeologie du departe- ment de la Somme , 1 vol. in-8° ; De la part de M. Bouthors , secretaire perpetuel de la Societe d'archeologie du departement de la Somme, un volume in-8° , sous ce titre : Cryptes de Picardie, ou Recherches sur Vorigine des sou- terrains-refuges qui existent dans les departements de la Somme , du Pas-de-Calais , de VOise et du Nord. M. Tailhand , qui a la parole pour une communication verbale, la cede a M. Pollet, pour une lecture sur les monuments de Lyon. Le Memoire de M. Pollet, sur rachevernent et la res- 122 QUATR1EME SECTION. tauration de leglise d'Ainay, est entendu avec le plus vif interdt. Cette rehabilitation de la seule eglise ro- mane restee debout au milieu des ruines des quatorze eglises de cette epoque qui existaient a Lyon avant 89 , est due a cet habile architecte. Sur la proposition de M. Chevreau , secretaire de la Societe d 'agriculture d'Evreux , la section decide que la lecture en seance generale de ce Memoire , aussi interes- saat que curieux, sera demandeeau bureau central. M. Tailhand succede a M. Pollet pour une communi- cation verbale. L'objet de cette communication est sur ces monuments inexpliques jusqu'ici , et que dans beaucoup de localites on connalt sous le nom de Lanternes des Morts. Apres avoir cite le troisieme bulletin monumental ou M. de Caumont parle de ces singuliers monuments, qu 'il a observes pour la plupart dans le Poitou etla Saintonge , M. Tailhand donne des details pleins d 'inter*} t sur plu- sieurs fanaux ou lanternes qu 'il a vus sur plusieurs points de la province. Quelques-uns de ces monuments ont ete dessines par M. de Laizer. Apres avoir rappele la source dans la- quelle il a puise , M. Tailhand parle des monuments cu- rieux de Felletin , de Montaigut , de Vic-le-Comte , de Culhat, de Cebazat, Aigueperse, Montferrand, et decrit ces singulieres tours octogonales a toit en pyramide , et percees de fen&tres elevees , presque toujours entourees a leur base de degres en pierre. Presque toutes situees dans les cimetieres, elles s'harmonisent parfaitement avec ces lieux funebres. Apres les bruits populaires qui en redisent les mysteres, M. Tailhand mele aux de- tails d'une erudition piquante , la citation des actes d'un ancien concile du quatrieme siecle, connu sous le nom QUATRIEME SECTION. 123 de concile d'Elvire, qui donnent a sa narration le plus puissant inter&t. L 'article 54 de ce concile defend d'allumer des cierges dans le cimetiere, pour ne pas inquieter les ames des saints. L 'article 35 defend aux femmes de veiller dans le ci- metiere , parce que , sous le pretexte de prier , cela offri- rait des dangers pour les moeurs. M. Tailhand cite aussi les commentateurs du concile , qui nous apprennent qu'il fut tenu pour faire cesser les superstitions »des peuples encore enclins aux coutumes pai'ennes ; les commentateurs nous eclairent sur la desti- nation de ces colonnes, autour desquelles les femmes formaient une danse sacree dans certaines circonstances. M. Tailhand , qui ne prend point parti dans ses re- cherches curieuses , redit aussi que dans ces pester, mal- heureusement si communes au moyen-age, ces nom- breux fanaux furent peut-etre destines a donner du feu a chaque menage , a une epoque ou l'isolement etait le seul moyen de salut. Les bruits populaires, d 'accord avec le concile, disent que les esprits aiment beaucoup la lumiere ; et la lan- terne des morts servait a les eclairer a l'heure indeter- minee de la nuit ou ils viennent visiter leurs corps. M. Tailhand ne formule aucune opinion sur la destina- tion positive de ces monuments. M. Bouillet a vu il y a quelques annees une lanterne des morts pres de Monton , et donne quelques details sur ces singuliers edifices , dont en partie il doit la connais- sance a M. Tailhand. M. Mathieu a eu occasion de voir une tour avec des ouvertures a differents aspects dans le cimetiere de Su geres , a laquelle il assigne la meme destination. 124 QUATRIEME SECTION. M. Bottin , ancien secretaire de la Societe des antiquaires de France , a vu aussi beaucoup de tours situees dans les cimetieres, dans plusieurs parties de la France. M. Pollet , aprcs avoir attentivement examine les des- sins presentes par M. Tailhand , croit qu'on doit donner Ic nom de tourelles a ces monuments, qui n'offrent aucune analogie avec des colonnes. II pense que ces lanternes ont eu , dans le moyen-age , le mcme usage que les lampes dans les tombeaux et les chapelles sepulcrales. M. Delalo donne des details sur la lanterne de Mauriac , dans laquelle , tous les samedis , on allumait une chan- delle, en vertu d'une fondation ancienne. Le pre sur lequel la fondation est assise , s'appelle encore le Pre de la Chandelle. Au reste \ c'est une veritable lanterne supportee par une colonne. M. Thevenot donne des details sur la lanterne de la chapelle capitulaire de l'ordre de St-Jean-de-Jerusalem a Montferrand ; ce fanal peut etre detourne de sa desti- nation premiere ; on y allumait du feu a l'epoque des grandes foires dont cette ville fut dotee au moyen-age , pour preserver les voyageurs des dangers d'une route peu sure. II n'est point pris de conclusion sur cette dis- cussion , d'apres laquelle il parait demon tre que ces mo- numents sont simplement des lanternes des morts. La seance est levee a une heure. QUATRIEME SECTION. 125 SEANCE DU 8 SEPTEMBRE 1838. M. Gonod, president, ouvre la cinquieme seance a onze heures. Le proces-verbal de la seance precedente est lu par M. Thevenot, l'un des secretaires. Apres de legeres rec- tifications demandees par MM. de Caumont et Bouillet , l'adoption du proces-verbal est prononcee. On reprend ensuite la serie des questions imprimees. premiere question. — Des recherches nouvelles, et sur- tout des faits nombreux sur la valeur (en sous, livres et denier s) des denrees et des objets employe's dans les arts, pendant les 12e , 13% 14e et 15e siecles, seraient utiles pour completer les travaux de Dupre de St-Maur, de Paucton, etc. Ces documents pour raient eclairer Vhistoire civile , politique , et surtout celle des arts et du commerce. 11 serait important que les faits fussent puises dans cha- cune des anciennes provinces de France , avec indication du rapport exact des mesures cite'es aux mesures me- triques. M. Delalo donne communication dun travail sur le prix des bles dans la Haute-Auvergne , et sur la valeur comparative des monnaies qui avaient cours a quelques epoques du moyen-age. M. Gonod succede a M. Delalo , et se livre a de longs developpements sur la premiere question. M. Gonod , apres avoir fait remarquer que la premiere question avait un objet utile, puisqu'il s'agissait de re- cucillir des faits propres a eclairer l'histoire civile , poli- tique , et specialement celle de 1 Industrie et du commerce, felicite d'abord M. Delalo des recherches auxquelles ce 126 QUATRIEME SECTION. magistral s'est livre , le remercie du premier tribut qu'il a presente a la Societe , et l'engage a continuer ses cu- rieuses et utiles recherches; puis il annonce que les ar- chives du departement du Puy-de-D6me contiennent un grand nombre de comptes de recettes et depenses, qui se referent particulierement aux 15e et 16e siecles, et qui renferment beaucoup des documents desires. II communique quelques donnees prises dans le compte- rendu des recettes et depenses faites pour la construction de la cathedrale de Clermont , depuis le jour de la Pen- tec6te de Tan 1334, jusqu'a pareil jour de Tan 1335; On remarque dans ce compte , redige en latin : 1° Dans le chapitre des recettes : Art. 1 8. Pour six setiers de vin (qui ega- laient environ i85 litres) » 1. 9 s. » d. » ° Art. ii. Pour 57 aunes de toile » 33 » » 2° Dans le chapitre des depenses : Art. 3. Pour i5 liv. d'acier, a 6 d. la liv. » \i 6 » 4. Pour un quintal et iS liv. de fer. . » 27 7 » 5. Pour fabriquer 18 liv. dudit fer. . . » 3 6 * 6. Pour 3 milliers et 700 de tuiles. ...» 43 6 6 7. Pour 1 1 4 setiers de chaux » 116 8 » i5. Pour la pension annuelle de l'archi- tecte 7 M » » 16. Pourcelle de Guillaume Nehel, cha- noine, gardien de 1'edince. ..... » too » » 17. Pour celle de Guillaume Albanelli , procurateur de l'edifice 10 >» » » i5. Pour 18 pareilhs d'anes a un seul pour porter le sable 21 7 » 27. Pour chanvre on cherbe, pour faire une grosse corde 54 8 6 3o. Guillaume Albanelli, quand il est QU ATRIEME SECTION. 127 alle a Billora an synode, a depense pour son voyage et le roncin qu'il a loue 3 6 » etc. , etc. Pour atteindre le but indique dans le programme , M. Gonod propose d'inviter tous Ies membres de la sec- tion a rechercher soigneusement , chacun de leur cdte , tous les faits semblables qui peuvent jeter quelquejour sur ° En 1 497 par 27>9 Si nous appliquons ces calculs au compte des recettes et depenses faites i>our la construction de la Gathedrale , QUATRIEME SECTION. 129 en 1334 , on trouwra que la recette totale , qui fut de 781 liv. 3s. 2d., equivaudrait aujourd'hui a plus de 86,000 fr. ; que les 3 s. 6 d. depenses pour le voyage de Guillaume Albanelli, reviendraient aujourd'hui a 19 fr. 25 c. M. Gonod , en terminant sa lecture , demande que la continnuation des recherches sur la premiere question soit prorogee a la session prochaine du Congres, avec invitation aux personnes qui voudraient traiter cette question, d'adresser a cette epoque des Memoires sur cette matiere. M. Gonod prend l'engagement de donner communication de ses nouvelles recherches. M. Bottin appuie la proposition de M. Gonod , et pro- met aussi un travail sur le m£me sujet pour la septieme session. MM. de Caumont et Deribier du Chatelet prennent le mcme engagement. M. Tailhand s'est occupe dun travail sur les mesures du Puy-de-D6me et du Cantal : le travail sur le Cantal a ete imprime ; il communique a la section un Memoire manuscrit sur les mesures du departement du Puy-de- D6me. M. Mallay a la parole pour une communication sur les dixieme, onzieme, douzieme et treizieme questions. Son Memoire , ou ces questions sont traitees successi- vement avec gout et connaissance approfondie du sujet, sera imprime dans le compte-rendu du Congres. La section arrete que la lecture en seance generale de ce Memoire sera proposee au bureau central. M. de Caumont, adoptant les conclusions tres-justes de M. Mallay, pense que, dans 1'etat actuel des choses, le style roman est plus facilement imite par les architectes que le style ogival. 130 QUATMEME SECTION. Ainsi la plupart des constructions ogivales qui ont ete elevces dans le nord de la France sont plutdt une parodie qu'une serieuse imitation de ce style. Les architectes ont d'ailleurs continuellement employe les moulures parti- culieres aux differents siecles, et les ont disposees d'une maniere maladroite. lis ont au contraire beaucoup mieux reussi dans la restauration des arcades romanes : on en pourrait citer, meme dans les campagnes, qui ont ete refaites et assez bien imitees. M. de Caumont cite ensuite un rapport que lui a der- nierement adresse M. de Lassault, architecte du gouver- nement prussien a Coblentz , et qui parait confimer ces donnees. II ajoute que M. de Lassault , qui a construit de toutes pieces , en Allemagne , plusieurs eglises assez considerables, est parvenu a faire executer les details du style ogival aussi bien que ceux du style roman , et que ses travaux meritent l'approbation des archeologues. M. de Lassault est d'ailleurs parvenu a un resultat qui merite d'autant plus d 'attention qu'il contredit plusieurs architectes francais.Ceux-cipretendent souvent, eneffet, que les constructions dans le style du moyen-age coutent plus a elever que les constructions dans le style moderne. M. de Lassault a demon tre, par des calculs et par son experience, que le style du moyen-age est moins couteux d 'execution. M. Delasaussaye , a l'appui de ce que vient de lire M. de Caumont, cite l'opinion de M. Masse, architecte a Blois , qui a obtenu des resultats a peu pres semblables sur l'economie d'execution des constructions du moyen-age. M. Pollet partage entierement les idees de MM. de Lassault et Masse ; il s'est occupe depuis long-temps de construire et de restaurer les monuments du moyen-age, et son experience lui a donne les memes resultats. QUATRIEME SECTION. 131 II ajoute que le style roman lui paratt plus convenable que tout autre pour les constructions qui ne permettent pas d 'employer des sommes suffisantes et des ouvriers assez habiles. Les constructions en plein cintre seront toujours moins cotiteuses , les variations de l'ogive offrant plus de diffi- culty dans 1 'execution que le style roman, toujours le meme dans sa forme, et demandant plus de fini et de perfection dans ses sculptures et ses details. Apres ces observations, on passe a l'examen de la deuxieme question du programme imprime. Vul'heure avancee, la lecture du Memoire de M. Bottin sur la deuxieme question, sur l'observation de M. Bouil- let, est renvoyee a l'ouverture de la prochaine seance. On entend ensuite MM. Camille Lamothe , Delasaus- saye et Mathieu. La seance est levee a midi et demi. SEANCE DU 9 SEPTEMBRE 1838. La sixieme seance de la section d'histoire et d'archeo- logie est ouverte a onze heures. M. Gonod , president , occupe le fauteuil. Le proces-verbal est lu par M. Thevenot, l'un des se- cretaires, et adopte sauf rectification. M. Bouillet, secretaire general, demande la parole pour un rappel au reglement. II fait observer qu'aucune lecture ne peut etre faite dans une section sans la com- 132 OUATRIEME SECTION. municalion prealable des Memoires au bureau central , qui doit en autoriser la lecture. M. Bouillet presente ensuite un Memoire qui lui a ete adresse sur la quinzieme question du programme imprime. Apres une discussion a laquelle prennent part MM. Bouillet , Tailhand et Gonod , ce Memoire est renvoye a l'examen de M. Large , membre de la quatrieme section , pour en rendre compte a une des prochaines seances. M. Bottin donne lecture d'un Memoire sur la cinquieme question , ainsi concue : Determiner les Unities qui separent les contrees oil Von parlait la langue Romane ou langue d'Oc , des contrees oil Von parlait la langue d'Oil. Indiquer la ligne de cette de- marcation. Les patois sont aussi des monuments de I'antiquite, dit M. Bot- tin; l'Academie celtique, et apres elle la Societe royale des anti- quaires de France Font bien senti, lorsque dans chacune de leurs publications archeologiques elles sesont etudieesaconstaterl'exis- tence de ces patois, a en conserver des traces. Penetre de la pensee que reunir en un seul faisceau tous ces fragments epars dans les douze volumes deja publies par les deux societes , en y joignant ceux que j'avais pu recueillir depuis , serait faire une chose utile pour la science, je me determinai a la publi- cation d'un volume de Melanges sur les langues, dialectes et pa- tois de la France. Je m'en etais prealablement ouvert a feu M. Goqnebert de Montbret. Ge savant et modeste membre de l'lnstitut, qui a rendu de si grands services a la science de la statistique en France , M. Co- quebert applaudit a mon projet , ajouta a ma collection patoise des paraboles de l'enfant prodigue, en tete de laquelle figure celle en patois auvergnat, par M. Tabbe Labouderie, avec textehebreu en regard, et me communiqua un essai manuscrit d'un travail sur la geographie de la langue francaise dont il s'occupait depuis plu sieurs annces, m'aatorisant a imprimer cet essai en tete de mon QUATRIEME SECTION* 133 volume. (lest dans ce savant travail que Ion peut regarder comme etant a peu pres inedit, puisqu'il ne se trouve que dans un volume imprime en i83i , qui a ete tire a un nombre tres-circonscrit d'exemplaires, que je trouve la reponse presqu'entiere a la sixieme question du programme du Congres : Determiner les limites qui se'parent les contrees ok Von parlait la larigue Romane ou lan~ gue d'Oc, des contrees ou Von parlait la langue a" Oil. Indiquer la ligne de cette demarcation. Suivant Coquebert , cette ligne est susceptible d'etre tracee sur la carte. Elle comraencerait au sud-ouest, au bord de la Gironde, pres de Blaye, ou le patois saintongeais confine au dialed e gascon ; elle se dirigerait, a partir de la, a travers le departement de la Charente-Infe'rieure et de la Charente , vers la partie orien- tate de celui dela Vienne, et vers la partie septentrionale de ceux de la Haute-Vienne et de la Creuse ; puis , entrant dans le depar- tement de XAllier, a Test de celui du Puy-de-Dome, au nord de ceux de la Iiaute-Loire , de XArdeche et de Ylsere, elle finirait par embrasser la Savoie et la Suisse-Romande. Au nord de cette ligne se trouve la region ou lejrancais de la capitate et de la litterature est en usage, avec des modifications reelles sans doute, ma is trop peu marquees pour donner nais- sance a de veritables patois. Cette region comprend environ vingt- cinq departements, dont le centre parait etre du cote de Dlois et de Tours , sur les bords de la Loire, contree ou les rois de France firent long-temps leur sejour principal. En allant vers l'ouest, cette meme region s'etend jusqu'aux confins de la Basse-Brela- gne; car, bien que les habitants de la Haute- Bretagne (auxquels les Bretons bretonnants donnent le nom de Gallois) ne parlent pas un francais bien pur, on ne peut mettre le leur au rang des patois proprement dits, puisque les expressions qui le caracteri- sent se retrouvent dans les auteurs du XVe et du XVIe siecles, tels que Rabelais, Amiot et autres de la meme epoque. Mais a quelque distance de la Loire commence le patois poite- vin, usite dans les departements de la Vendee, des Deux-Sevres et de la Vienne, et auquel succede, comme simple variete, le pa- tois saintongeais en usage dans la partie orientale des deux de- 12 134 QUATR1EME SECTION. partementsde la Charente, dont le surplus est de langue Romane. Un fait digne de remarque, dit l'auteur, c'est que dans des pays essentillement de langue Romane, se trouve une enclave de pa- tois saintongeais , faisant partie des arrondissemenls de Li- bourne, de la Re'ole et de Marmande. Cette enclave, connue vulgairement sous le nom singulier de Gavacherie, est habitee par les descendants des colons qui, au XVe et XVIe siecles, y furent attires de la Saintonge; quoiqu'entoures de toutes parts dune population gasconne, ils ont conserve jusqu a present leur ancien langage et des usages particuliers; nouvelle preuve de la lenteur avec laquelle s'opere, sous differents rapports , la fusion des peuplades, meme lorsqu'elles semblent ne differer que par de simples nuances. A Test du pays occupe par le patois poitevin, se trouve le Berri qui n'a pas de patois particulier; mais au-dela commence, dans une partie du departement de I'Yonne et de celui de la Nievre, le patois bourguignon , en usage parmi le peuple dans Y ancien duche de Bourgogne, comme lejranc-comtois Test dans les de- partements qui composaient ['ancien comte de Bourgogne , ainsi que dans le Montbeliard, et probablement aussi dans la princi- paute de Neufchatel. Au nord Awfranc-comtois, on trouve le lorrain, dit aussi par quelques auteurs, austrasien, qui s'etend non-seulement sur Tancienne Lorraine, et par des sous-varietes, sur le pays Messin et une partie de la Haute-Marne , mais encore dans quelques portions de V Alsace. Au nord du patois lorrain se trouvent le picard et le wallon. On retrouve dans le picard un tres-grand nombre d'expressions de notre ancien langage francais. On peut considerer ce patois comme ayant beaucoup influe sur la formation du langage usite a Paris , auquel il passe par des nuances insensibles en penetrant dans le departement de YOise. Du cote oppose, le picard passe de meme par degre au wallon, en traversant le departement du Nord et partie de celui des Ardennes, et en s'etendant sur les provinces belgiques de Tournaisin, du Hainaut, de Namur , de Liege ,sur une partie du Brabant meridional, et sur une partie QUATRtEME SECTION. 135 du pays de Luxembourg , ou probablcrnent il se confond avec le patois lorrain. Le wallon differe d'autant plus du~ picard qu'il s'avance plus loin vers Test; celui que parle le peupledes campa- gnes, dans lepays de Liege et de Limbourg, est tellement altere, qu'on a peine a le reconnaitre pour appartenir a la langue fran- chise. A cette enumeration des principaux idiomes qui se divisent la langue d'Oil, au nord de la ligne de demarcation indiquee ci- dessus, nous ferons succeder celle des idiomes qui se divisent la langue d'Oc, ou langue Romane, et pour suivre la meme marebe, uous procederons de la meme maniere, de l'ouest a Test. « Nous avons dit que le saintongeais , qui est un rameau de la » langue d'Oil, confine, au midi, avec les dialectes de la langue » Romane. Ces dialectes sont, pour le departement de la Cha- » rente Infer ieure le gas con , et pour le departement de la Cha- » rente le perigourdin et le limousin. » Le gascon, qui est le plus occidental des idiomes de la langue Romane en France , a des traits de ressemblance assez marques avec la langue Castellaney dont le separe l'espace occupe par la langue Basque, ainsi que le chemin des Pyrenees. On y peut assimiler, comme sous-variete, le patois du Beam. Le dialecte gascon confine au nord-est au perigourdin, qui fait en quelque sorte le passage entre lui et le limousin, et it touche au sud-est au languedocien. Le perigourdin est usite dans le departement de la Dordogne , sauf une portion assez considerable de l'arrondissement de Non- tron, dont le patois est plus semblable au limousin. C'est encore le perigourdin dont il est fait usage dans qoelques parties des de- partements de la Charente, de la Gironde, etde Lot-et-Garonne, voisines du Perigord.' « Nous viendrons au languedocien , apres avoir parle du pa- v tois limousin, qui succede vers le nord-est au perigourdin , » et qui forme une avance considerable sur le territoire et la » langue d'Oil, entre le Poitevin a l'ouest, le francais du » Berry au nord, el le bourguignon a Test. Ce patois est usite » dans le departement de la Correze, dans la presque totalite des 136 QUATRIEME SECTION. » departements de la Haute-Vienne , de la Charente et de la » Dordogne , voisines de l'ancienne province du Limousin. » Le languedocien et le provencal seraient sans doute au rang » des langues , a aussi bon droit que I'espagnol et Vitalien , si » les cours des comtes. de Toulouse et de Provence avaieut sub- » siste, et si les troubadours avaient eu des successeurs d'une » egale. reputation. Les antiquaires italiens conviennent que la » Provence a eu des poetes avant l'ltalie , et que ces poetes ont » servi de modeles aux leurs ; mais une contree qui cesse de for- v mer un etat separe et devient province d'un autre pays, perd » en merae temps ce qui faisait l'illustration desa langue. » Le languedocien n'est pas usite seulement dans les pays con- » nus sous le nora du Haul et Bas Languedoc et des Ce'vennes , » mais aussi dans le comte de Foix (Arie'ge) , et dans les petites » provinces de Rouergue et de Quercy {Aveyron et Lot)> qui » etaient reputees faire partie de la Guienne. Get idiome occu- » pant un vaste espace , se subdivise en un certain nombre de 3) varietes entre lesquelles on en peut distinguer cinq assez bien m caracterisees , savoir : i° le langage de V Aude et de VHe'rault, » qu'on s'accorde de reconnaitre comme le plus doux; 2° le Ian- » gage de Nimes ; 3° celui des Cevennes, qui passe pour le plus » pur, notamment dans le departement de la Lozere ; 4° celui de » la Haute- Garonne et de V Arie'ge qui se parle aussi dans le de- » partement du Tarn, dans une partie de celui de Tarn-et-Ga- » ronne, et meme dans une partie de celui de Lot-et-Garonne j> ou il confine et se mele bientot avec le gascon ) enfin celui des s departements de V Aveyron et du Lot. » A. Test du languedocien se trouve le provencal, qui en » est separe par le Rhone; c'est le langage de toute l'ancienne >) Provence et du comtat Venaissin s il s'etend au dela de » nos frontieres actuelles, sur le comte de Nice, et il anticipe » dans une partie du departement de la Drome, sur le patois » dauphinois. » Le dauphinois n'est pas usite seulement dans les departe- » ments de VIsere et des Hautes-Alpes , et dans la partie septen- * trionale du departement de la Drome , il Test aussi dans les QUATRIExWE SECTION. 137 » valle'es vaudoises du Pie'mont, et anticipe sur le provencal , » dans une partie du departement des Basses-Alpes, » Au langage du dauphine succede, du cote du nord , niais » hors des limites actuelles du royau me de France, celui de la » Savoie , du pays de Vaud et de toute la Suisse romaine. Malheureusement Coquebert de Montbret manquait de ren- seignements pour eontinuer vers l'ouest, la ligne de demarcation a partir de Geneve, afin de la lier a la partie orientale de l'Au- vergne; il lui restait a determiner exactement a laquelle des deux grandes divisions de la langue dOil ou de la langue d'Oc doit se rattacher le langage des departements de VAin , du Rhone et de la Loire; il travail lait a. remplir cette lacune, et ne desesperait pas d'y parvenir prochainement, lorsque la mort, qui ne menage rien , est venue interrompre ses travaux statistiques. Messieurs , en communiquant au Congres le resultat des lon- gues et consciencieuses recherches de Coquebert de Montbret , sur la question qui vous occupe, je crois, et j'en suis heureux, avoir rendu un hommage public a la memoire d'un des fondateurs de la statistique en France a qui , personnellement, je dois l'encou- ragement d'un prix Monthion , decerne il y a quelques annees par l'lnstitut, pour ma publication de la Statistique annuelle de Vindustrie francaise , sous un titre qui a la verite n'est pas de nature a fixer beaucoup l'attention des savants {V Almanack du Commerce , qui en est a sa \ie annee) ; d'un homme qui aurait vu avec une indicible satisfaction l'institution si eminemment nationale du Congres scientique de France , et qui, certaineraent , n'aurait manque a aucune de ses sessions, tant que l'etat de sa sante le lui aurait permis. M. Bottin ajoute que M. Coquebert de Montbret , au- quel il a emprunte quelques-uns de ces details , a laisse un travail incomplet sur le dialecte parle en Auvergne, et dans le Forez et le Lyonnais. M. Delalo pense que , dans l'etat actuel , la limite des langues d'Oc et d'Oil lui semble exactement tracee par M. Bottin, mais il voudrait que Ton distinguat le.s epoques. 138 QUATRIEME SECTION. II entre dans quelqucs details sur les dialcctes de la Haute-Auvcrgne qui varicnt souvent d'unc commune a l'autre. Le patois de l'arrondissement d'Aurillac n'est autre que le dialecte du Querci et du Rouergue ; celui de l'arrondissement de Mauriac , surtout de la partic meri- dionale, n'est autre que le patois limousin avec quelques modifications dans la prononciation. Tous ces patois pas- sent de Tun a l'autre par des transitions peu sensihics ; mais ils derivent tous du patois du Midi , ou ne sont que des dialectes de la langue meridionale. Apres cette discussion, on passe a l'examen de la deuxieme question. Quelle etait Vorigine et la destination primitive des tu- mulus ? Indiquer les rapports qu'ils off rent entr'eux dans les differentes parties de la France. — Examiner si leur usage dans les Gaules etait specialement affecte aux per- sonnes de Vetat civil , militaire ou religieux , ou egale- ment attribue a ces trois ordres. M. Camille de Lamothe , de Clermont , membre de la Societe francaise pour la conservation des monuments, lit un Memoire sur ce sujet. Ce Memoire contient, entr'autres details , le resultat d'une fouille faite dans un tumulus situe pres de St-Just- en-Chevalet, departement dela Loire. Cette operation a ete executee en presence et sous la direction de M. de Lamothe, qui doit presenter a la qua- trieme section les objets trouves dans ce tumulus. Cette fouille ainsi que beaucoup d'autres executees ailleurs , et dont il fait mention , ne laissent aucun doute sur la desti- nation funebre de ces monuments , qu'ils placaient quel- quefois pres des eaux. M. de Lamothe croit ccpendant que, dans ce dernier cas, ces eminences pourraient bien etre limitatives des territoires, sans autre destination- QUATRIEYIE SECTION. 139 M. Bouillet fait observer que le tumulus de Charbon- niers, cite par M* de Lamothe, est forme de terre jectice, et non de pierres amoncelees. Les tumulus , considered comme monuments funebres, sont en general eloignes des rivieres. M. Tailhand , repondant a quelques assertions du Me- moire de M. de Lamothe , pense que les tumulus conside- red comme tombeaux, different totalement des buttes limitatives. Ces tombeaux sont un amas de terre ou de pierre qui ont des rapports avec les dolmens et les peulvens. II rappelle les usages de l'antiquite lors de l'inhuma- tion des chefs guerriers. Chaque soldat jetait une pierre sur la fosse , et a defaut de cailloux , on amoncelait de la terre. Cet usage a ete general sur le globe; on le retrouve sur tout en Tartaric M. Tailhand cite plusieurs tumulus dans le departement. Celui de Giat est considerable, tres-eleve et n'a pas etc fouille. line serait pas indigne de l'attention du Congres, et des recherches bien dirigees pourraient amener des decouvertes. Le tumulus de Thuret est place dans une direction cu- rieuse; son grand axe est place sur la ligne de deux for- teresses anciennes. Ce tumulus , qui n'a pas ete fouille , netait peut-etre qu'une simple butte d'observation. Le troisieme tumulus est situe a Ennezat : l'existence du palais, aujourd'hui detruit, des dues d'Auvergne , pres de cet endroit, peut faire penser que e'etait une motte comme celle des forteresses du moyen-age. On y a trouve des poteries romaines. Convaincu de limportance de pratiquer des fouilles 140 QUATRIEME SECTION. dans ces differentes localites , M. Tailhand formule une proposition ainsi concue : Le Congres emet le voeu qu'une somme soit deman- ded a l'autorite pour fairc faire dcs tranchees dans les tumulus ou buttes de Charbonniers , de Giat, d'Ennezat, de Thuret et autres monuments , pour en reconnaitre la nature et constater les circonstances, la denomination et la destination. 2° Qu'il soit nomme des eommissaires , lesquels consla- teraient , 1° L'etat des lieux avant qu'aucune fouille ne fut faite ; 2° Les decouvertes successives qu'elles presenteraient ; 3° Le dep6t dans le musee departemental et communal des objets qui seraient trouves, et dresser du tout un Memoire detaille. Gette proposition, mise aux voix, est adoptee a Tuna- nimite. M. Delasaussaye , qui soccupe activement d'un tra- vail sur les frontieres, croit que les tombels cites par M. de Lamothe sont des signes de demarcation. Ces mo- numents sont plutCt limitants que funeraires. Des fouilles operees sur plus de 150 mottes de cette espece , lui ont donne ce resultat. M. Delasaussaye dk encore que les limites naturelles ont ete les premieres en usage ; ce qui explique la pre- sence des tumuli sur le bord des ruisseaux. Ces objets etaient sacres comme les frontieres elles-memes dans l'antiquite. Ainsi, entrela Sologne et le Berry, on trouve des grou- pes de tombels tres-peu eleves , dont la destination est inconnue, mais qui ne sont que des monuments limitants. Les tumuli de grandeur moyenne sont des tombeaux QUATR1EME SECTION. 141 ou Ton trouve ordinairemcnt dcs glaives el autres objets qui ont appartenu a ties chefs. M. Hunault de la Pelleterie , a eu occasion d'etudier beaucoup de tumuli sur les bords de la Loire , entre Saumur et Angers ; le monument de Karnac lui parait etre un tombeau. M. le comte de Laizer, dans son sejour en Russie , a vu beaucoup de tumuli; il cite les plus remarquables qui se trouvent en Crimee, et dans lesquels les Russes trouvent des medailles. Ces monuments ont ete eleves pour les anciens rois du Bosphore. M. de Laizer a vu aussi des tumuli en grand nombre dans la petite Russie et dans les steppes du desert, vers la mer Caspiennc. M. Camille de Lamothe fait observer qu'il lui cut ete facile d'etendre ses citations, mais qu'il s'est restreint aux localites de l'Auvergne. M. Gonod dit quele mot tumulus est dune application moderne, et croit qu'au lieu de chercher une etymologie toujours un peu vague, il serait plus utile de rechercher les noms patois en usage pour designer ces monuments ; on pourrait par ce moyen decouvrir plus facilement leur veritable destination. M. Chauvassagne , membre de la Societe francaise pour la conservation des monuments , formule la propo- sition suivante : La section d'histoire et d'archeologie emetle vceu que la cathedrale de Clermont soit isolee dans sa partie sud- ouest des batiments qui genent la circulation autour de ce beau monument, et que le plan tres-convenable de transporter la salle de spectacle dans une autre partie de la ville, soit signale a l'autorite comme celui qui est le plus propre a degager la vue de la Cathedrale. Cette proposition, appuyee par MM. Tailhand et Ma- 142 QUATRIEME SECTION. thieu , sera recommandee par la section a l'attenlion de la Societe francaise pour la conservation et la description des monuments historiques. M. le secretaire est charge par la section de cette com- munication officielle. A cause de l'heure avancee , la lecture du Memoire de M. Delasaussaye est renvoyee a la prochaine reunion. La seance est levee a midi et demi. Ordre du jour : Lecture des Memoires de M. Delasaussaye , Mathieu etPollet; Continuation de la discussion sur les questions du pro- gramme imprime. SEANCE DU 11 SEPTEMBRE 1838. La septieme seance est ouverte a onze heures , sous la piesidence de M. Gonod. M. Thevenot, secretaire, donne lecture du proces- verbal qui est adopte sans reclamation. Apres cette lecture , M. de Lamothe fait observer que dans la derniere seance on a oublie de statuer sur l'in- sertion de son Memoire dans le compte-rendu du Con- gres. II demande qu'on prenne une decision a ce sujet. M. Delalo dit qu a legard du Memoire de M. de La- mothe, la deuxieme question n'etant pas epuisee, il demandait Tajournement jusqu'apres la lecture de tous les Memoires sur ce sujet. Alors seulement on devra de- cider du choix des travaux pour en voter l'insertion. QUATRUEME SECTION. 143 On reprcnd l'ordre du jour. M. Delasaussaye a la parole sur la deuxieme question. Les details que donne M. Delasaussaye sont extraits d'un Memoire sur les frontieres, ou les faits sont pr£sentes d'unc maniere aussi neuve que savante. Les frontieres etaient une bande plus ou moins large qui sepa- rait les nations entr'elles. Sur ce territoire s'eleverent les tom- beaux, et par suite les assemblies de la nation s'y tenaient. Sur cet espace devenu sacre par le respect du aux sepultures et aux traites accompagnes de sacrifices, les tombeaux eux-memes de- vinrent des autels et servirent en meme temps, par leur position a delimiter le territoire de chaque peuple. Plusieurs causes rapprochent par degre les peuples des fron- tieres : les assemblies pour la paix ou la guerre, le commerce par les echanges; plus tard, les camps romains, les etablissements des rois merovingiens et les ermitages, apres 1'introduction du christianisme dans la Gaule; ces derniers etaient toujours places dans les lieux saints. Selon Dulaure, les menhirs et pier res levees auraient ete l'imi- tation des montagnes, limites naturelles. Suivant M. Delasaussaye, le dieu du commerce, Mercure,se- raitune idee symbolique, personnifiee par les noms d'HPME^ , Mercure, et d'eremos, desert, ayant de grands rapports entr'eux, et siguifiefrontiere, ainsi que Mark ou Merk> d'ou Mercure, le dieu du commerce, des assemblies, etc. Apres ce rapprochement ingenieux, l'auteur ajoute que dans l'antiquite et depuis le christianisme, les autels et les tombeaux sont sou vent confondus; on sacrifiait sur les pierres levees, et presque toujours elles sont des monuments des morts. A Tun et a l'autre titre, ces pierres furent elevees sur les marches ou fron- tieres , et devinrent des monuments limitants par leur position geographique, soit qu'on veuille y reconnaitre des tombeaux, des autels , ou des lieux d'assemblees civiles. Le culte des pierres deifiees fut long-temps tolere par les Drui- des, et ils favorisereut ce fetiehisme qui sans doute servait leurs 144 QUATRIEME SECTION. vues politiques. M. Delasaussaye annonce l'intentibn de publier incessamment ua travail special sur les frontieres du pays Char- train, habile par les Druides. Lorsque les frontieres se retrecissaient par l'absence des obsta- cles naturels, des groupes de tombels, communs en Sologne, ou il n'y a pas de pierres , servaient a delimiter le territoire. Ces monuments, dans Topinion de l'auteur, devaientetre attri- bues aux Gaulois, et ne depassent pas l'epoque gallo-romaine. On trouve cependant quelques traces de ces usages dans les con- ciles : les tombels etaient encore employes comme sepultures au VIIe siecle. M. l'abbe Croizet adopte le systeme developpe par M. Delasaus- saye, mais il pense que ces monuments ont ete aussi nombreux dans l'interieur du pays que sur les frontieres , et cite ses propres observations a l'appui de ce qu'il avance. M. Mathieu rend hommageai'explication savante des faits pre- sented par M. Delasaussaye; il en adopte l'application , mais son opinion sur l'origine de ces pierres est differente. Ainsi, d'apres M. Mathieu , le monolithe ou menhir aurait ete le premier en usage, les peulvens et dolmens seraient posterieurs. Le cumulus ou tumulus etait un amoncellement de terre ou monticule eleve en l'honneur de Mercure; ainsi s'expliquerait l'usage de placer les marches et les foires pres de ces monuments. Le nom feodal de marquis vient encore de marcheou frontiere ou plutot du nom meme du porte-enseigne des armees romaines, appele marches cet officier etait charge de la defense des fron- tieres, et dans le moyen-age, la charge du marquis etait la meme. M. de Lamothe prie la section de prendre une decision en ce qui concerne l'insertion de son Memoire dans le compte-rendu du Congres. M. Mathieu demande a presenter quelques observations sur quelques faits avances par M. de Lamothe. II ne croit pas que les haches en pierre de la butte de Corent et d'autres lieux soient des amulettes, comme le pense M. de Lamothe; leur emploi, et surtout la maniere dont elles etaient emmanchees , sont des faits qui, dans l'etat actuel de la science , QtATRIEME SECTION. 145 paraissent insolubles : on ne peut raisonnablement en attribuer 1'usage aux potiers de terre pour polir et dresser leurs vases. Les haches en question servaient plutot aux exercices gymnastiques des enfants gaulois. Les glaives des Gaulois n'etaient point fabriques en fer ; les Gaulois se servaient d'armures de cuivre. M. de Lamothe repond sur ce dernier point que le bronze a toujours ete en usage parmi les Gaulois, et que les nombreuses epees de bronze que Ton trouve dans la Gaule viennent du com- merce de ce pays avec les colonies phoceennes. Les epees de ce metal etaient communes dans la Grece , dans les temps antiques et a l'epoque ou. Homere a ecrit. L'usage du fer est posterieur. M. Delasaussaye croit que les baches sont devenues des amu- lettes. Elles servaient au culte, ce qui en a perpetue l'usage , mal- gre {'introduction du bronze et du fer. Ces objets, detres- petites dimensions, ne pouvaient etre d'au- cune utiiite , et leur nombre immense indique un emploi autre que la destination primitive des haches qui servaient aux sacrifices. On voit beaucoup de ces objets perces d'un trou pour les porter au cou. M. Delasaussaye a trouve dans une urne funeraire, ou se trou- vaient des oursins et d'autres fossiles en grand nombre , plusieurs petites haches percees d'un trou. II cite encore un fait plus decisif ; il a vu une petite statuette, trouvee dans un cimetiere, qui avait sept a huit petites hachettes attachees au cou. M. Bouillet fait remarquer que sur le grand nombre de haches qu'il possede, ilen est plusieurs a deux tranchans. Aucune ne pre- sente le caractere d'amulettes, et ces dernieres n'ont jamais ete destinees a cet usage. Les haches de M. de Lamothe que M. Bouil- let a vues, ne paraissent pas avoir eu cette destination. M. Bottin, repondant a une observation de M. Mathieu, fait re- marquer que Ton vient de decouvrir recemment dans un marais du departement de la Somme, une hache antique emmanchee dans une corne de cerf. I W> QUATR1EME SECTION. M. Delalo demandc que les fails anvances par M. Dc- lasaussaye et qui sont tres-decisifs dans l'etat dc la ques- tion sur les haches en pierre , soient consignees au proces- verbal. M. de St-Ferreol fait observer que dans les mon- tagnes , les bergers attachent au cou des moutons , pour les preserver du claveau, des hachettes qu'il appellent pierre de tonnerre; e'est sous ce nom que ces objets anti- ques sont connus dans ces contrees ou ils sont tres-abon- dants. A la suite de cette discussion , 1 'insertion du Memoire de M. de Lamothe dans le compte-rendu est mise aux voix et adoptee. On passe a l'examen de la troisieme question, ainsi concue : Quels sont les signes et emblemes caracteristiques que les historiens , les monuments et la philologie ont fait recon- naitre pour les diverses peuplades des Gaules? M. Delasaussaye donne des details uniquement tires de texa- men des medailles de la Gaule. L'embleme le plus ancien des peuples gaulois est le sanglier : on le trouve sur les monnaies des provinces et des chefs de la Gaule, le long du Danube, des etablissements gaulois de la Galatie, chezlesCeltiberes, etsurles monnaies grecques et romainescolo- niales de la Gaule ou de l'Espagne; sur celles-ci, il est place en contre-marque. Ala suite deleur expedition en Macedoine, les Gaulois ont place sur les monnaies le type du cheval, qui est une imitation du bige macedonien. On y remarque aussi tres-souvent la roue du char antique. Le coq gaulois n'est qu'une chose assez recente et venue de la ressemblance du nom latin Gallus. La medaille de Litavicus, chef des Eduens, a pour revers un QUATRIEME SECTION. 147 homme a cheval portant une enseigne militaire qui est un san- glier. Dans beaucoup de revers le sanglier repose sur un socle ; c'est evidemment une enseigne militaire. Des medailles coloniales de Nimes trouvees dans la fontaine de Diane, ont leurflaon prolonge et termine par la cuisse d'un san- glier, et non d'une biche, comme plusieursauteursl'ontcru. C'e- taient sans doute des ex-voto jetes en offrande dans les eaux dela fontaine sacree. La figure allegorique de cette fontaine est repre- sentee couronnee de roseaux , sur les medailles coloniales grecques de la ville de Nimes, et qui ofFrent un sanglier pour type du revers. M. Gonod demande a M. Delasaussaye si les peuplades d'Au- vergne avaient des symboles particulierssur leurs monnaies. M. De- lasaussaye repond qu'il a eu occasion de remarquer sur les mon- naies une oq couchee ou renversee. On remarque ce symbole sur la curieuse medaille de Yercingetorix , piece unique que M. Bouillet a le bonheur de posseder, et sur les autres stateres gaulois dont le type est le meme que celui de cette medaille, et se voyait dans toutes les collections numismatiques de l'Auvergne. M. Delasaussaye l'a remarque egalement sur des medailles de bronze trouvees par lui sur le terrain meme de 1'ancienne Gergovie des Arvernes. M. Croizet, qui atrouve plus de iooo medailles celtiques etgau- loises a Corent, a vu sur piesque toutes le type du cheval : le san- glier y est rare , et il pense qu'il etait peu usite en Auvergne. M. Delasaussaye reprend en' disant que le sanglier a ete em- ploye comme amulette en Auvergne , comme dans tout le reste de la Gaule, ce qui lui donne le caractere d'animal consacre dans le culte particulier du pays. Le sanglier est letype national, le cheval au contraire est une imitation des monnaies etrangeres. Ce qu'on a pris quelquefois pour un coq gaulois , n'est que limitation grossiere de Taigle ro- maine, deployee d'un seulcote. La discussi : 11 est continuee a deraain , a cause de l'heure avancee. 148 QUATRIEiME SECTION. M. Emile Thibaud annonce qu'il s'occupe tie la repro- duction des monuments de l'Auvergne par le moulage. II soumet a la section deux echantillons de ce travail. II pense que les Societes savantes , en adoptant ce moyen facile , devraient operer un echange des types les plus interessants de notre architecture nationale. Cette proposition sera soumise au Congres. M. Thevenot a la parole pour la proposition suivante : L 'education du peuple n'ayant jamais ete dirigee dans le sens de la conservation des monuments , le Congres scientifique appelle l'attention du Gouvernement sur ce point important, et croit que les instituteurs primaires doivent recevoir des instructions a cet egard , ct etre in- vites a faire contracter aux enfants l'habitude de respec- ter les monuments publics. Cette proposition est mise aux voix et adoptee a l'una- nimite. Incidemment a cette proposition, M. Fiot, de Dijon, s'etonne que le nom de Desaix dont l'Auvergnc doit se- norgueillir a juste titre , ne soit pas grave sur la pyra- mide qui a ete elevee a sa memoire dans cette ville. M. Bayle-Mouillard , membre du Conseil municipal de la ville de Clermont, demande la parole. Le monument eleve a Desaix , dit-il , appartient a l'E- tat , et la ville de Clermont , etrangere a ce monument , est loin de 1 etre a la gloire de notre illustre compa- triote. Clermont a donne le nom de Desaix a Tune de ses places , et lorsque le conseil general vient de voter 12,000 francs pour l'erection dune statue a Desaix , sur la place de Jaude , le Conseil municipal de cette ville a repondu noblement a cet appel en votant 6,000 francs pour le merae objet. La seance est levee a midi ct demi. QUATRIEME SECTION* 149 SEANCE DU 12 SEPTEMBRE 1838. La huitieme seance de la section d'Histoire et d'Archeo- logie est ouverte a onze heures et quart , par M. Tailhand, vice-president du Congres. Le proces-verbal est lu et adopte sans reclamation. Pendant cette lecture , M. Tailhand cede le fauteuil a M. Gonod , president de la section. On reprend la suite des questions du programme imprime. M. Pollet a la parole pour un Me moire sur les neu- vieme et treizieme questions. Neuvieme question. — Quelle est Vorigine de V architec- ture ogivale ? Est-elle , comme quelques personnes I'assu- rent , une modification de Vart grec et romain ? Est-elle due , au contraire , comme d'autres Vaffirment , aux Sarrazins, qui en seraient les inventeurs ? L' architecture ogivale a-t-elle pris naissance dans notre pays , ou y a-t-elle ete importee ? A quelle epoque apparait-elle en Europe , en particulier en France ? Quelle a ete sa marche ? S' est-elle propagee du nord au midi , ou a-t-elle suivi une route inverse , ou Men encore a t-elle apparu partout en meme temps ? Treizieme question. — Quel est du style Roman ou du style Ogival, celui qui convicnt le mieux a la construc- tion des eglises des villes et des campagnes , eu e'gard a la fois a la solidite et a Veconomie dans les de'penses ? L'architecture , en general, derive des traditions anciennes et communes a chaque peuple, et sous ce point de vue, il n'est pas de style qui ne remonte par degres a la plus haute antiquite, 13 150 QUATRIEME SECTION. celle des Egyptiens et des Indous. Mais les caracteres originaux d'une architecture donnee derive des besoins du peuple qui l'a creee. L'architecture dite ogivale par les uns, gothique par les au- tres, ne nous vient pas des peuples barbares, et n'a pu etre em- pruntee aux Grecs et aux llomains , et encore moins au style mauresque impregne de toutes parts du gout bysantin , et qui affecte les types de cette ecole dans toutes ses variations. L'architecture gothique est la fille du catholicisme triom- phant, suivant la belle expression de M. Pollet; elle ne doit rien a l'Orient et aux Barbares. On doit, suivant lui, lui donner le nom de Frankaise. Partie des bords du Rhin , elle s'est etendue avec la rapidite de l'eclair en Allemagne , e« Angleterre , en Es- pagne, en Sicile et en Italie, ou elle a ete etouffee sous l'orne- mentation romaine. M. Pollet combat le mot ogival qu'il trouve trop explicite pour caracteriser un style. L'ogive^a ete employee frequemment depuis la haute antiquite et derive de l'enfance de l'art ; ce n'est pas le caractere principal de l'architecture gothique , il faut le chercher dans ses details et ses profits, et dans la hardiesse inouie de ses belles constructions. Sur la treizieme question, M. Pollet pense que Ton ne doit faire choix du style roman qua defaut d'ouvriers assez exerces; le style roman comient dailleurs, dans son allure plus libre , a un siecle dart peu cultive comme le n6tre. Le gothique doit etre reserve pour les monuments plus perfectionnes , et d'une epoque plus progressive. La lec- ture de ce Memoire , ecrit en artiste et en archeologue , et plein d'apercus eleves , est accueillie avec beaucoup d'interet. L insertion dans le compte-rendu du Congres du Me- moire, et sa lecture en seance generale, sont mises aux voix et adoptees. QUATRIEME SECTION. 15i M. Delalo croit que le style ogival est ne sur notre sol , ou on le voit se developper par des nuances insensibles; il n'en est point ainsi lorqu'une importation brusque d'un style vient tout a coup changer les caracteres dune architecture : il ne croit pas a l'origine etrangere de l'ogive. M. Mallay fait observer egalement que l'architecture romane, qui debute d'abord par des piliers carres ou ronds, modifie successivement cet emploi par des co- lonnes engagees , et tend insensiblement au point ou l'o- give devient le caractere de transition. M. Pollet croit que la question , au lieu de s'arreter a ce detail , doit etre prise dans le vaste ensemble et l'effet grandiose, aujourd'hui inimitable, de nos cathedrales. M. Tailhand , qui a etudie aussi cette question , ne se croit pas competent pour la resoudre. L'ogive, dont on a long-temps attribue Introduction aux croisades, etait deja employee en France au 7e siecle. II pense que nous n'avons pas encore d elements suffisants pour la juger; il rend hommage aux recherches de M. Pollet , dont le Memoire lui parait fort important, mais que Ton doit admettre comme une opinion sur laquelle la section ne prend aucune resolution. M. de Montbrizet, capitaine au corps royal du genie militaire , fait observer qu'il ne faut pas confondre le style ogival avec la forme ogivale. On voit encore dans les mines de Tyrinthe la forme ogive employee. Des pierres placees horizontalement sur les pieds-droits d'une porte , et superposees les unes aux autres, se rapprochent a mesure qu'elles s'elevent, et forment l'ogive. On voit ici, dans les premiers essais d'un art grossier , la forme ogive preceder le plein-cintre , beaucoup plus 152 QJDATRIEME SECTION. compose et d'une forme plus savante, par l'emploi des voussoirs. Si la forme seule determine le style , on devrait done donner aussi le nom de romanes aux constructions de la Renaissance et aux monuments posterieurs qui ont le plein-cintre. Apres cette discussion, M. Tailhand fait un rapport sur le travail de la commission chargee d'examiner le Mcmoire de M. Bouillet sur la quatorzieme question. La commission s'est divisee en deux sections ; mais la majoritc s'est decidee en favour de 1 'opinion generale- ment adoptee sur le monogramme du Christ. M. Delasaussaye ajoute a tout ce qui a etc dit sur cette question, que ses propres recherches sur tous les points de la France le font adherer a 1 opinion de la raa- jorite de la commission. M. le president met aux voix ladoplion du rapport , qui est prononcee a une grande majorite. M. Large donne lecture de son rapport sur le Memoire de M. Brugiere de Lamothc, sous-prefet de Montlucon, qui a traite la quinzieme question du programme. II con- clut a l'insertion dans le compte-rendu du Congrcs, et demande la lecture en seance generale. Ces deux propositions sont adoptees. La seance est levee a une heure. Le President, Gonod. Les Vice-Presidents , Delalo , Jullien de Paris. Les Secretaires, Thevenot, Mall ay. CINQUIEME SECTION. 153 CINQUIEME SECTION. PHILOLOGIE, LITTERATURE, BEAUX -ARTS , PH1LOSOPH1E. SEANCE DU 4 SEPTEMBRE 1838. La cinquieme section , composee de trente-trois mem- bres presents , a ouvert sa premiere seance aujourd'hui 4 septembre 1838 , dans la grande salle de la Bibliotheque. M. Tailhand , vice-president du Congres , a invite les membres presents a se constituer en assemblee , en nom- mant un president et deux vice-presidents. Apres un seul tour de scrutin, M. Tailhand a proclame president M. Conchon, maire de Clermont, et vice-pre- sidents MM. Jullien de Paris , et le baron de Talayrat , et les a engages a prendre place au bureau. M. Lecoq , secretaire general du Congres , a propose comme secretaires de la cinquieme section , MM. Mathieu , professeur de troisieme au college royal , et Ferdinand de Douhet. L'un et l'autre ont accepte; le dernier pour- tant, en assurant que l'urgence de ses affaires ne lui per- mettrait probablement pas de prendre part a tous les tra- vaux de la session. Le bureau ainsi constitue , M. de Talayrat , vice-pre- 154 UNQUIEME SECTION. sident, faisant les fonctions de president en f absence de M. Conchon, a lu une piece de vers a rhommage du Congres scientifique ; la lecture de ces vers a ete unani- mement redemandee pour la seance generale de demain. Immediatemment apres, et sur Tinvitation de M. de Caumont , president du Congres , lecture a ete faite de questions diverses relatives a la nature des travaux de la cinquieme section , et destinees a etablir une enquete sur letat actuel des beaux-arts et de la philosophic en Auvergne. M. Jullien , prenant a cet egard la parole , a propose de nommer une commission pour examiner la serie des questions de l'enquete , et y adjoindre toutes les ques- tions nouvelles que 1'experience de la localite jugerait convenables. Cette proposition ay ant ete adoptee , MM. de Talayrat, Gonod , Bouillet , Thevenot , Lecoq , Mathieu, de Douhet, ont ete nommes commissaires a cet egard, avec invita- tion de se reunir en commission des ce soir a sept heures. M. Jullien lit ensuite des vers sur 1'union des pcuples , fondee sur la vapeur et les chemins de fer ; le meme hon- neur qua M. de Talayrat lui est decerne par l'assem- blee ; ses vers seront relus demain en seance generale. Une nouvelle lecture de poesie est faite a l'assemblee par M. de Talayrat ; cette piece , envoyee sans signature a M. Bouillet, par un membre du Congres scientifique, dont nous regrettons la modestie, a ete unanimement applaudie. M. Jullien propose aux investigations de l'assemblee un Memoire sur l'institution pestalosienne en Suisse ; I'etude de ce Memoire interessant pour l'education ge- nerale, est renvoyee a MM. Mathieu et Gonod. CINQU1EME SECTION. 155 M. Jullien lit ensuite les questions inserees ail pro- gramme du Congres relativement aux travaux de la cin- quieme section. D'apres cette lecture, M. Mathieu, secretaire de la cinquieme section , annonce pour les prochaines seances la lecture d'un travail du a M. Gonod , sur Vorigine et le but reel de VArt poe'tique d' Horace. La septieme question du programme appelle ensuite l'attention de 1'assemblee ; elle est relative aux moyens de donner le plus d* unite d* action possible aux Societes sa- vantes de province. Vu son importance et sa vitalite pour les operations de tous les Congres ulterieurs , cette ques- tion est renvoyee a une etude plus approfondie , tant de la part de 1'assemblee en general, que de celle d'une commission nominee plus tard ad hoc , s'il y a lieu. Sur l'observation de M. Bayle-Mouillard , la huitieme question du programme , sur la nature des travaux aux- quels doivent plus specialement se livrer les Societes sa- vantes , etant deja traitee amplement dans un ouvrage de M. Gonod deja publie, un rapport simple sera fait de cet ouvrage pour le resoudre. Un incident survient ensuite a la lecture de la question dixieme; cette question, ou les interets mate ri els et mo- raux des populations se croisent avec des considera- tions sur la frequence et la disparution des maladies epidemiques et contagieuses , donne lieu a une courte discussion. M. Huguet demande qu'a letude de cette ques- tion soient adjointes les questions d'economie socialey proposees hier par M. Jullien ; M. Jullien appuie vivement cette opinion. Quelques membres , entre autres M. Cariol, pensent que cette grave question dixieme , ressortant par la forme de sa redaction du domaine medical , doit etre 156 CINQUIEME SECTION. renvoyee a la troisieme section du Congrcs (section des sciences medicales). M. Bayle-Mouillard cherche a etablir que letat col- lectif de la question doit avant tout la faire considerer comme morale et sociale ; il ne repousse pas d'ailleurs les lumieres de la troisieme section. M. de Talayrat propose alors que deux ou trois mem- bres de la section de medecine soient invites a preter leur concours a la solution de la dixiemc question, qui, du reste, consideree au point de vue philosophique , doit etre maintenue partie integrante et naturelle des travaux de la cinquieme section , et merite a cet egard toute son attention. Cette proposition est adoptee. M. Jullien, de Paris, engage ensuite les membres presents a enrichir les prochaines seances de quelques productions litteraires. La seance est levee a deux heures et demie. L'ordre du jour est la suite de la discussion du pro- gramme. SEANCE DU 5 SEPTEMBRE 1838. La seance a ete ouverte a une heure et demie. Le proces-verbal de la seance d'hier a ete lu et adopte, sauf deux rectifications relatives a la lecture qu'on avait fait esperer d'un travail de M. Gonod sur Vorigine et le but reel de VArt poctique d' Horace, et d'un autre travail de M. Mathieu , secretaire de la cinquieme section , sur les causes de la decadence des Utleraturez. Ces Messieurs CINQUIEME SECTION. 157 ont fait observer que leurs travaux a cet egard n etant pas acheves, la lecture en serait ajournee. M. dcTalayrat, vice-president dela cinquieme section, faisantles fonctions de president en Tabsence de M. Con- chon , president , ouvre les travaux de la seance par la lecture d'un travail sur les rapports de la litterature et de la civilisation; ce travail est d'autant plus important qu'il resoudrait, jusqua un certain point , la premiere question du programme touchant l'etude des symptomes de la decadence de la litterature chez les peuples, si l'espe- rance genereuse de l'auteur ne lui montrait dans le loin- tain la restauration d'une litterature nationale basee sur les progres des beaux-arts et de la science moderne. M. Jullien appelle l'attention de l'assemblee sur la seconde question du programme traitant des influences de localite sur la civilisation. Apres des observations tres- justes sur les tendances immorales du theatre actuel et le besoin pour tout homme de bien d'y apporter remede , M. Jullien formule une proposition en trois articles, sous forme de voeu, tendant a atteindre ce but desirable et surtout fort difficile. Une commission composee de MM. Jullien , Bayle- Mouillard et Cariol , cxaminera cette proposition, afin de la formuler ulterieurement au Congres d'une maniere plus explicite. Sur l'observation faite ensuite par M. de Caumont, president du Congres , que la question huitieme du pro- gramme touchant la nature des travaux auxquels de- vraient se livrer plus specialement les Societes savantes , est du plus grave interet , Tassemblee voudrait en confier la solution a M. Bayle-Mouillard ; mais rien n'est arrete a ee sujet. Deux membres de la cinquieme section nous donnent 158 CINQUIEME SECTION. 1'esperance d'enrichir nos seances suivantes de la lecture de deux ouvrages remarquables; l'un, M. Mathieu, lira un rapport sur Vinfluence du langage sur les mceurs, et reci- proquement des mceurs sur le langage. M. Pollet , de Lyon , produira egalement domain un travail important sur l'ctat actuel des beaux-arts dans le Lyonnais. M. de Caumont, president du Congres, presente a la cinquieme section la medaille d 'argent qui devra §tre de- cernee, a titre d 'encouragement, a la personne du depar. tement ou de ceux circonvoisins dont le zele et le talent auront le mieux merite des beaux-arts ; il designe a cet egard M. Desrosiers , de Moulins , auteur de lithographies perfectionnees , et dont les beaux dessins ont fait de YArt en Province, et surtout de I Ancien Bourbonnais , des mo- numents bibliographiques. M. Bayle-Mouillard indique, de son c6te , comme con- current de la medaille , plusieurs enfants de l'Auvergne , entre autres M. Delorieux, professeur de dessin. Du reste , la medaille d'argent ne sera pas decernee avant une enquete impartiale. L 'attention de l'assemblee est ensuite appelee parM. Jullien , vice-president , sur divers programmes d'ouvra- ges relatifs a des questions morales et sociales. La mo- destie de M. Jullien ne lui permettant pas de faire lui- meme l'eloge de ses propres ouvrages, M. de Talayrat lit a cet egard un prospectus-programme des divers ouvrages de l'auteur de YEmploi du temps. M. de Caumont profite de cette occasion pour rappeler a M. Jullien sa promesse enoncee dans les premieres seances du Congres, d'un projet d 'etudes sur l'education des femmes. M. Jullien la reitere pour les seances sui- vantes. CINQUIEME SECTION. 159 La stance est levee a trois heures. L'ordre du jour est la suite de la discussion des ques- tions du programme. SEANCE DU 6 SEPTEMBRE 1838. La seance est ouverte a une heure. M. Conchon, maire de la ville de Clermont, president de la section, occupe le fauteuil pour la premiere fois. Dans une courte allocu- tion, il remercie la cinquieme section de l'honneur qu'elle lui a fait. M. le baron de Talayrat, interprete des sentiments de tous les membres, repond, en quelques mots, que le choix est du aux qualites personnelles de M. Conchon. M. de Douhet, l'un des secretaires, ecrit a M. le presi- dent qu'il ne peut d'aujourd'hui prendre part aux tra- vaux de la section. Comme il n'a point laisse le proces- verbal de la seance d'hier, la lecture en est renvoyee a demain. La discussion appelle le rapport de la commission char- gee d 'examiner et de formuler la proposition de M. Jullien, de Paris. M. Jullien repond qu'atteint hier d'une indisposition , il a fait ajourner la reunion. Des observations au sujet de la medaille a decerner a l'artiste qui , dans le departement ou dans les departe- ments voisins, a rendu, quant a son art, le plus de ser- vices, sont presentees par M. Emile Thibaud. Dans la seance de demain , il developpera ses reflexions. Une discussion s 'engage au sujet d'un Candida t que M. de Caumont avait paru designer aux suffrages de l'as- 160 CINQUIEME SECTION. semblee. PLusieurs membres y prennent part; et Tun d'eux regarde cettc question comme du domainc de la dcuxieme section, plutot que de la cinquieme. La solu- tion est ajournee a unc autre seance. M. le president demande s'il y a des lectures a Tordre du jour. L'absence du proces-verbal ne permet point au secretaire de repondre a cet appel. M. Mathieu propose, a defaut d'autre, la lecture dun Memoire sur cette question : « Quelle a etc , dans le cours des siecles, 1 influence du langage sur les mceurs, et Tac- tion de celles-ci sur le langage? » Cette lecture terminee, M. Emile Thibaud propose a la section de resoudre ce probleme : « L'art typographique et toutes les parties qui s'y rattachent peuvent-ils etre classes parmi les sciences et arts liberaux , ou seulement ranges parmi les arts mecaniques et industriels? » M. Jullien rappelle a cette occasion que le reglement , article 14 , exige que toute proposition , autre que celle du programme , doit etre formulee par ecrit et deposee sur le bureau du Con- gres, en seance generate. L'assemblee adopte la conclusion de M. Jullien. La seance est levee a deux heures et demie. SEANCE DU 7 SEPTEMBRE 1838. La seance est ouverte a une heure, sous la presi- dence de M. le baron de Talayrat, Tun des vice-presidents, en l'absence de M. Conchon , president. Le proces-verbal de la seance du 5, envoye par M. de CINQUIEME SECTION. 16 Douhet, secretaire, absent pour indisposition, est hi ct adoptc avec deux rectifications rcclamees par M. Gonod ; celui de la seance du 6 est lu ensuite et adopte apres deux rectifications demandees , l'une par M. Emile Thi- baud, et l'autre par M. de Caumont. Le secretaire donne lecture , 1° d'unc lettre de M. Lenoir, ou il s'excuse de ne pouvir assister a la commis- sion chargee d 'examiner les septieme , huitieme et neu- vieme questions du programme. A cette lettre, M. Lenoir joint deux pages de reflexions sur l'objet qu'avait a exa- miner la commission ; 2° d'une note de M. Emile Thibaud , deposee hier sur le bureau central, et renvoyee a la dis- cussion de la cinquieme section. Une discussion s'engage sur la priorite a donner a la proposition de M. Emile Thibaud , ou a la question d'enqufcte au sujet de la rae- daille a decerner. M. Gonod demandc que les observa- tions de M. Emile Thibaud soient renvoyees a demain , afin qu'on se convainque qu'entre les deux objcts de la discussion il n'y a aucun rapport : il demande aussi que la lecture d'un travail de M. Albert, membre du Congres, soit remise a demain, afin que les membres presents aient le temps de se preparer a parler sur le sujet traite par M. Albert. Cette proposition est adoptee. M. le president procede ensuite a la nomination d'une commission chargee d'examiner les septieme, huitieme et neuvieme questions du programme. MM. Gonod , Bayle-Mouillard et Jullien, de Paris, sont designes et ac^ ceptent. Demain, une autre commission sera nominee pour l'examen des quatrieme et cinquieme questions du programme. M. Emile Thibaud obtient la parole, et dans une scrie de reflexions ecrites sur l'importance de l'art typographi- que , M. Emile Thibaud remarque que lorsqu'il s'agit de 162 CINQUIEME SECTION. limprimerie, tout le monde en exalte les bienfaits et 1 influence ; mais personne n'a songe a rendre a cet art ses privileges, son rang et son independance ; il a fourni cependant a la France des noms chers encore a tous les amis des lettres, les du Beslay , les Etienne, les Dumou- lin et bien d'autres. M. Emile Thibaud cite des titres, des ordonnances , des lettres-patentes qui confirment ou oc- troient des privileges a ces clercs-libraires qui , par con- trats notaries, vendaient et transportaient, sous l'hypo- theque de tous leurs biens et sous la garantie de leurs corps meme, des livres bien divises, bien relies; a ces libraires , imprimeurs et relieurs que Louis XIII decharge de la commission d'allumer les chandelles aux lanternes de la ville , avec defense aux commissaires de les y nom- mer a l'avenir, et qu'en 1725 le Conseil d'Etat declara membres et suppOts de l'Universite. Apres cette lecture , M. Emile Thibaud demande qu'il soit fait une enquete sur le merite des imprimeurs de la province. M. Gonod entre dans quelques considerations a ce sujet. II rappelle qu'autrefois les imprimeurs etaient assujettis a un exa- men correspondant a celui de maitre es-arts; il desirerait qu'on exigeat d'eux une garantie de capacite : ce serait un moyen d'arreter ce deluge d impressions fautives que repoussent le bon gout et le savoir, mais qui trompent l'inexperience par la beaute des formes. La discussion, soutenue par l'auteur de la proposition, par M. Bayle- Mouillard et M. Gonod, amene plusieurs considerations relatives a lart typique. M. Emile Thibaud modifie sa proposition et la presente sous cette forme : « L'art typi- que peut-il etre classe parmi les arts liberaux , ou seule- ment range parmi les arts mecaniques et industriels ? » M. le president met aux voix la proposition de M. Emile Thibaud. Enfin , M. Jullien , de Paris, s'etonne que la sec- CINQUIEME SECTION. 163 tion veuille classer Tart typographique. Apres une courte discussion a laquelle plusieurs membres prennent part , M. Jullien propose a la section de formuler ainsi son opi- nion : Considerant que Tart typographique peut etre classe parmi les arts liberaux , la section pense que ceux qui veulent l'exercer doivent etre pourvus d'un dipldme constatant leur capacite. Cette proposition est adoptee. M. Gonod indique une piece de vers pour la seance publique ; elle est de M. le baron de Talayrat , qui en donne immediatement lecture. La section decide qu'elle sera lue en seance publique. M. Gonod en revele une autre du meme auteur. M. le president en donnera lec- ture a la seance de demain. La seance est levee a deux heures et demie. Ordre du jour de demain : 1° Reflexions sur I'excellence de l'histoire, de 1 elo- quence, des sciences exactes sous 1 influence des prin- cipes religieux , par M. Albert , membre du Congres ; 2° Dissertation sur l'origine et le but de Tart poeti- que, par M. Gonod. SEANCE DU 8 SEPTEMBRE 1838. La seance de la cinquieme section du 8 septembre 1838, est ouverte a une heure, sous la presidence de M. le baron de Talayrat, vice-president , en l'absence de M. Conchon , maire de la ville de Clermont, president. Le secretaire donne lecture du proces-verbal de la seance d'hier. M. Gonod demande la suppression de quelques details donnes par le proces-verbal , en faisant observer 164 CINQUIEME SECTION. que les proces-verbaux doivent renfermer seulcment la substance des deliberations et des travaux des seances. M. Mathieu souscrit a la dernierc proposition de M. Gonod , mais il reclame le maintien au proces-verbal des details speciaux qui font le sujet dc la discussion , parce qu 'ils sont deja consigned dans un autre proces-verbal. M. le president propose une modification qui est agreee par la section. Le proces-verbal ainsi modifie est adopte. Le secretaire presente a l'assemblee 1° un ouvrage in- titule : Elements du dessin industriel, par Edmond Tudot, peintre, professeur de dessin au college royal de Mou- lins , ouvrage depose hier sur le bureau central et ren- voye a la section; e'est un volume in-18, accompagne d'une preface et de planches, formant un cahier separe ; M. Mathieu pense que cet ouvrage peut etre utilement ctudie dans les ecoles primaires; 2° un Memoire de M. le docteur Cordova , Sicilien , membre du Congres , Me- moire depose hier sur le bureau central et renvoye a la cinquieme section. L'ordre du jour appelle la lecture des reflexions de M. Albert, sur l'excellence de l'histoire, de l'eloquence, des sciences exactes, sous l'influence des principes religieux. Apres le tableau des mouvements des peuples, l'auteur remar- que que le plau philosophique de l'histoire, la recherche intime des faits, doivent appeler l'attention des penseurs. De ce point de vue, on observe qu'a travers les ages et les evenements, la loi de la rehabilitation divine de rhomme dechu regit et domine tous les faits qui s'accomplissent dans la traversee des siecles. Le monde apparait a l'auteur corame un immense creuset. La main de l'ou- vrier y jette sans cesse de nobles metaux qui se deshonorent et se souillent au contact d'un alliage impur. Mais l'element purifie saisit l'element etranger, il le combat et le travailie; la lutte se prolonge jusqu'a ce que le feu soit vainqueur, et separe pour jamais Tor pur des scories. En vain la philosophic antique avait CINQUIEME SECTION. 165 revelea l'homme son excellence; en vain le pantheisme egyptien avait envahi toutes les races humaines; un vide etait a remplir dans I'existence morale des societes. Le christianisme le remplit. Partout la verite de la foi triomphe des resistances et de l'heresie; letablissement de Cluny, de Citeaux devient l'expression du mou- vement intellectuel. L'art surgit enfin des idees religieuses, qui, au XVIIe et au XVNIe siecles, se concentrent en France. C'est dans les livres saints que nos plus illustres ecrivains ont trouve leurs sublimes inspirations ; Newton puise son systeme dans le premier verset de la Genese. De nos jours, les investigations de la science ont confirme la verite du recit mosaique. Ce discours a ete ecoute avec attention, et M. le presi- dent a temoigne a l'auteur ses remerciments. M. Jullien, de Paris , fait observer que , dans un Congres , chaque communication doit etre suivie d'un voeu ou conclusion pour le perfectionnement de telle ou telle autre branche de l'education, de l'industrie, etc. M. Albert s 'engage a formuler son voeu dans la seance prochaine. La parole est a M. Gonod pour la lecture de quelques passages de son important travail sur l'art poetique d'Horace; c'est la reponse a la troisieme question du pro- gramme. L'auteur passe successivement en revue les diverses opinions emises sur l'origine et le but de la celebre Epitre aux Pisons. — La plus ancienne de ces opinions, et encore la plus accreditee aupres du vulgaire des lecteurs, c'est que cette epitre est un Traite de poetique. On s'est imagine qu'Horace avait voulu com- poser un poeme didactique sur la poesie, et Ton est venu lui de- mander compte de son plan, de la maniere dont il a conduit son poeme didactique, en signaler les lacunes. M. Gonod fait voir que ces critiquels, parmi lesques il regrette de trouver Lambin , Sca- liger, Heinsius, Dacier, se sont places a un faux point de vue. II mentionne ensuite , a cause de sa singularity, l'opinion du Hollandais Marcile qui pretendit, au XVII« siecle, qu'Horace U 166 CINQUIEME SECTION. avait ecrit cette epitre pour payer son tribut a une societe acade- mique formee a Rome par l'empereur Auguste. Apres avoir ex- pose l'opinion de Vossius, qui considere l'ouvrage d'Horace comme une epitre satirique contre quelques ecrivains de son temps, ilaborde celle de Hurd, qui pretend que le but du poete etait de censurer et de regler le drame romain; puis enfin celle de Wieland , qui pense qu'Horace composa son epitre dans le des- sein de detourner de la carriere poetiquele filsaine de Pison, son ami. M. Gonod combat avec superiorite ces deux dernieres hypo- theses ; et quand il a developpe toutes les raisons qui empechent deles admettre, il donne lui-meme une solution toute simple, toute natureile. « Au temps d'Horace, dit ML Gonod, le gout pour la poesie etait devenu une fievre, une sorte de fureur : enfants et vieillards, tous faisaient des vers. Horace, qui en faisait aussi et de fort bons...., etait souvent consulte, surtout par ses amis. Je croirais volontiers que le fils aine de l'ami d'Horace, quoique tout jeune encore, avait compose quelque poeme, peut-etre une tra- gedie ou un drame satirique, sur lequel et le fils et le pere consul- terent Horace. Notre poete en prit occasion de leur adresser cette epitre ouil leur montre, avec tous les details dans lesqueison entre quand on veut reellement instruire, ce qu'il faut eviter et ce qu'il faut faire pour etre digne du nom de poete » M. Gonod termine cette dissertation lumineuse par la lecture de ses recherches sur la date si long-temps discutee de l'Art poe- tique. II etablit, a l'aide d'un rapprochement ingenieux, que cette composition se place dans l'une des trois annees qui s'ecou- lerent entre la mort de Quintilius et celle de Yirgile , lorsque Horace avait 44 ou 45 ans. M. le president adresse a l'auteur, au nom de l'assem- blee, quelques mots de remerctments , dans lesquels il loue le talent qui a preside a ce travail. M. Frederic Degeorge , d'Arras, propose de faire lec- ture d'une courte dissertation sur un sujet qui , dit-il , sans etre bien grave , rentre neanmoins dans le domaine de la section : il s'agit des revenants. CINQUIEME SECTION. 167 Apres quelques reflexions sur la facilite avec laquelle les ames faibles et les esprits ignorants s'en laissent im- poser, M. Degeorge termine par deux anecdotes sur les revenants et les apparitions. Elles prouvent , l'une et l'autre, que Imagination reproduit souvent des images et des scenes fantastiques, dont la coincidence avec des evenements fortuits et analogues a jusqu'ici entretenu la croyance aux revenants. Apres cette lecture , M. le president nomme pour exa- miner la quatrieme et la cinquieme questions du pro- gramme , une commission composee de MM. Degeorge , d'Arras, Chanlaire, professeur de rhetorique au Puy, et Stievenart , professeur a la faculte de Dijon. La seance est levee a trois heures. Ordre du jour : 1° Lecture d'un Memoire de M. Cordova, Sicilien, sur cette question : Quelle est la plus convenable interpreta- tion du vers premier du Paradis perdu de Milton ? SEANCE DU 9 SEPTEMBRE 1838. La seance est ouverte a une heure un quart. Le proces-verbal de la seance precedente est lu et adopte. L ordre du jour appelle M. Albert a presenter les con- clusions de son Memoire lu la veille : Sur V excellence de I'histoire , de Veloquence, des sciences exactes > developpees sous Vinfluence des principes religieux. 168 CINQUIEME SECTION. Les conclusions de M. Albert sont : s 1° La religion est essentiellement civilisalrice ; 2° Les livres sacres , la poesie biblique sont une source intarissable de beau ideal pour 1 eloquence et la litte- rature en general ; 3° L 'etude des sciences exactes doit passer dans l'edu- cation de la jeunesse apres l'enseignement religieux, puisqu ll a ete aujourd'hui assez generalement reconnu par la plupart des sommites de l'intelligence humaine , que les dates mosaiques s'accordent avec presque tous les systemes et decouvertes des geologues modernes. M. Gonod parle contre l'adoption de ces conclusions. II se fonde sur ce que la premiere et la seconde proposi- tions sont dune evidence trop claire pour etre posees en discussion , et sur ce que la troisieme etant plutot du do- maine de la section des sciences naturelles , rentre plus naturellement dans ses investigations que dans celles de lacinquieme section : que d'ailleurs l'adoption de pareilles conclusions pourrait soulever dans le sein du Congres une discussion religieuse , contrairement a l'article on- zieme du reglement, et qu'en definitive, dut-elle rester scientifique, il etait peu seant de donner aux dames le spectacle d'un debat aussi anime. M. F. de Douhet prend la parole ; il declare quenetant pas present la veille a la lecture de M. Albert , il ne par- lera pas sur le fond de la question , mais que la forme des objections de M. Gonod lui paratt defectueuse ; car si l'evidence de la premiere proposition de M. Albert res- sort aux yeux de tous , pourquoi craindre de l'admettre en principe, et si l'evidence de la seconde est contes- table , pourquoi ne pas la soumettre a une discussion ge- nerale du Congres? Le sujet , selon lui , en vaut la peine ; quant a la consideration d'un debat scandaleux pour les CINQUIEME SECTION. 169 dames, il la declare sans fondement : les dames n'assis- tant aux seances generates qu a titre de simples spec- tatrices, et devant naturellement supporter les conse- quences du curieux inter^t qui les y amene , il conclut a ce que la proposition de M. Albert soit , vu son impor- tance, renvoyee a une seance plus nombreuse de la section. M. Jullien, de Paris, vice-president, demande que les conclusions de M. Albert soient mises aux voix de suite ; MM. Gonod et Mathieu appuient cette opinion. M. de Talayrat met aux voix les conclusions de M. Al- bert, qui sont repoussees. L'ordre dujour appelle ensuite la lecture d'un travail de M. Philippe Cordova , docteur es-lois ; ce travail est relatif a la veritable interpretation qu 'il faut donner aux vers du Paradis perdu de Milton ; selon M. Cordova , le premier vers et les suivants de l'exposition du poeme n'ont encore ete envisages par aucun des traducteurs sous leur vrai jour; en preuve de cette assertion, l'auteur envisage seulement le premier vers , dont la traduction vulgaire est celle-ci : Muse celeste , chante la desobeissance de Vhomme et le fruit de I'arbre defendu. M. Cordova fait observer que tous les traducteurs et commentateurs ont neglige le rapport grammatical etpoe- tique que le mot fruit met entre les images de I'arbre de- fendu et de la desobeissance de l'homme , et apres quel- ques considerations tirees du mecanisme meme de la langue anglaise , il conclut a ce que la vraie traduction de ce premier vers soit celle-ci : Muse celeste, chante le fruit de la premiere desobeissance de Vhomme et de Varbre defendu. Cette observation , legere en apparence , est en realite 170 CINQUIEME SECTION. de la plus haute valeur ; elle change tous le sens du poeme ; elle substitue le resultat a l'acte, les consequen- ces du premier peche aux incidents de sa perpetration ; par elle on comprend la profonde pensee de Milton dans les idees sombres qui suivent immediatement le premier vers. Muse celeste , chante la mort , le mal , la perte d'E- den, etc, etc. , Voila toute l'histoire de l'humanite. he fruit de la premiere desobeissance de Vhomme ouvre une breche par ou l'ceil penetre dans les fleaux a venir ; il y voit le deluge , la confusion des langues , il y voit la guerre , 1'esclavage , le bourreau , et toutes ces barbaries mysterieuses qui pesent sur notre nature foudroyee , comme un orage de sang. Un autre avantage ressort encore de l'ingenieuse inter- pretation de M. Philippe Cordova ; c'est celui d'indiquer le veritable heros du poeme. Dans cesdouze chants, semes d'admirables beautes , Dieu , satan , les anges et le pre- mier homme sont tour a tour places dans un relief tene- ment egal , que l'imagination ne sait sur laquelle de ces imposantes figures s'arreter , ce qui faisait dire a Addis- son qu'il n'y avait dans ce poeme aucun heros principal. Quant au poete Dryden, le grandiose de satan l'avait seduit ; le dieu des enfers , puissant et implacable , etait pour sa pensee le heros du Paradis perdu , et cette opi- nion, qui fit des proselytes en Angleterre, pouvait jusqua un certain point decouler de Tinterpretation ordinaire : Muse , chante la premiere desobeissance de Vhomme et le fruit de I'arbre defcndu. Le heros , en effet , que chantait la Muse, n'etait-il pas, d'apres cette interpretation, 1'insti- gateur de cette desobeissance , sa cause formidable , c'est- a-dire satan? Dans celle au contraire de M. Ph. Cordova : Muse, chante le fruit de la premiere desobeissance de CINQUIEME SECTION. 171 Vhomme et de Varbre defendu , le heros de la Muse est le reparateur du fruit de cette desobeissance. Du point de vue deM. Cordova, on entrevoit a l'horizon la croix du Calvaire. Cette remarquable lecture fait la plus vive impres- sion sur l'assemblee , qui en demande l'insertion dans le compte-rendu des travaux du Congres , et felicite l'au- teur de sa pensee ingenieuse , et de sa facilite a l'exprimer en langue francaise. M. Philippe Cordova est Sicilien. M. de Talayrat lit une Hymne a VAmitie, dont l'assem- blee redemande la lecture en seance generate. M. Ferdinand de Douhet presente ensuite un fragment d'une traduction de la Pharsale de Lucain , en vers fran- cais , envoye au Congres par M. Maury , du Cantal. Ces vers sont d'autantplus remarques par l'assemblee , qu'ils reunissent a une facture energique la traduction fidele de toutes les pensees du poete latin. La seance est levee a trois heures. L'ordre du jour est le rapport de la commission char- gee d'examiner les septieme et neuvieme questions du programme. SEANCE DU 11 SEPTEMBRE 1838. La seance est ouverte a une heure et demie. Le proces-verbal de la seance precedente est Iu et adopte. L'ordre du jour est le rapport de la commission char- gee d'examiner les septieme et neuvieme questions du programme. 172 CINQUIEME SECTION. M. Bayle-Mouillard , membre de cette commission , presente un travail a cet egard sous forme de reglement. II pense qu'une correlation permanente entre plusieurs Academies de province associees, resoudraitce probleme, pourvu que Ton assurat des a vantages honorifiques et pecuniaires a cette association. Une distribution de prix de mille francs chacun, resultat d'un concours annuel de ces diverses Academies associees , serait un bon element d emulation a introduire pour les sciences et la littera- ture. Ce concours aurait lieu par annee et a tour de role dans le chef-lieu de chacune des Academies inscrites au tableau de l'association generate , et d'apres l'ordre de leur inscription premiere. Chacune de ces Academies de- viendrait ainsi Academie centrale et directrice pendant un an des travaux de toutes les autres. L'association serait formee des qu'elle aurait reuni l'adhesion de vingt Academies. Une souscription annuelle de 500 francs , par Acade- mie, serait la base de cette adhesion; un secours egale- ment annuel de 4,000 francs de la part du Gouvernement, sur les fonds accordes deja a titre d 'encouragement des lettres , suffirait a couvrir ses depenses et faux frais ge- neraux. En outre de ces conditions, M. Bayle-Mouillard vou- drait que le Congres scientifique de France s'engageat a tenir ses sessions dans chaque chef-lieu d'Academie de- venant centrale a son tour de r61e ; les Academies asso- ciees recevraient ainsi un mouvement de progres etd'e- mulation du concours du Congres , et reciproquement. Ce projet de reglement, divise en plusieurs articles, obtient, par sa lucidite ingenieuse , les remerciments de l'assemblee. CINQUIEME SECTION. 173 M. le docteur Hunault de la Pelleterie parle contre ce projet. II condamne surtout la clause d'enchainer en quelque sorte les operations du Congres aux travaux des Academies; selon lui, le Congres vit, avant tout, d'in- dependance: la est la seule condition de sa force. D'ail- leurs, la connaissance personnelle qu'il a des diverses Academies provinciates le convainc de l'impossibilitc d'une association quelconque entre elles , si cette asso- ciation est regie par des statuts reguliers. Les susceptibi- lites et la paresse ne sauront jamais s'y reduire. II prefe- rerait un mode d 'association libre comme V association britannique , par exemple. Ce projet, aide d'une extension des operations du Congres scientifique, lui paratt suffi- sant pour amener un resultat meilleur , qui est tout ce que Ton peut desirer dans l'etat actuel des choses ; du reste, i\ n'indique de moyens d 'execution ni pour ce projet ni pour 1'extension du Congres. II conclut a ce que Ton nomme une nouvelle commis- sion pour rediger le mode d'appel qu'il faudrait faire aux Societes savantes de province. M. Gonod veut la discussion immediate du projet de M. Bayle-Mouillard ; du reste , il avait prepare, lui aussi, un travail sur la solution de la meme question. L'assemblee, par l'organe de M. de Talayrat, vice- president, en demande immediatement la lecture. M. Gonod lit son travail, ou il etablit que le meilleur moyen de donner de V united' action aux Societes savantes, serait de grouper ces Societes entre elles , par circons- cription de cour royale; Ton obtiendrait ainsi autant de petits centres academiques, d'autant mieux repartis, que les cours royales elles-memes presentent des a present un certain noyau de lumiere pour les sciences en general. 174 CWQUIEME SECTION. La base de l'organisation de tous ces centres serait un concours annuel de toutes les Societes savantes de chaque ressort de cour royale , seant a tour de r61e dans chacune des villes qui composent ce ressort. Ce projet est applaudi comme renfermant de bons details. M. le docteur Hunault renouvelle ses arguments contre toute idee de soumettre a des reglements invariables les Academies de province. M. Mathieu parle de la bonne institution du Congres en lui-meme, et de laliberte que le projet de M. Bayle- Mouillard laisse a tous les Congres ulterieurs ; le Congres devant, selon ce projet, donner aux sciences une impul- sion heureuse que les Societes savantes accueillent et dis- cutent ensuite. M. de Douhet demande qu'avant d'ouvrir une plus ample discussion sur le travail de M. Bayle-Mouillard, on etablisse distinctement , autant que possible , les pre- rogatives et roles respectifs du Congres et de chaque Academie centrale , lors de la reunion annuelle de ces deux corps savants ; les rivalites etant toujours a crain- dre dans ces sortes de circonstances , cette consideration lui semble grave. M. de Caumont, president du Congres, voudrait avant tout que les Societes savantes eussent un plan de travail formule d'avance; il pense que le manque d'occupations regulieres est la grande plaie de ces Societes. M. Jullien, de Paris, vice-president, resume les de- bats ; il voit dans tout ce que l'ont vient de dire assez de materiaux pour la construction d'un beau travail, d'une sorte de testament scientifique , que le Congres, en termi- nant sa session de 1838, leguera a ses operations ulte- rieures; il termine en demandant que Ton se reunisse CINQUIEME SECTION. 175 des ce soir en commission pour discuter la solution pendante. Ce projet est approuve. La commission est composee de MM. de Caumont , Jullien, Bayle-Mouillard , Gonod, Hunault de la Pelleterie. Sur la poposition de M. Bayle-Mouillard , on procede a la nomination d'une deuxieme commission, sous forme de jury , pour decerner la medaille d'argent presentee precedemment a titre d'encouragement pour les arts. MM. de Caumont , Bayle-Mouillard , Jullien de Paris , Pollet deLyon, deDouhet, forment cette commission, qui se reunira au sortir de la seance. L'ordre du jour appelle ensuite une lecture de M. Hu- guet sur la solution de la huitieme question du programme. M. Huguet lit un Memoire a ce sujet, ou il passe en revue et dans les plus grands details, tous les divers tra- vaux auxquels peuvent se livrer des Societes savantes ; il conclut a ce qu'on fonde des ecoles partout ou cela est possible. M. de Talayrat , vice-president , remercie M. Huguet au nom de l'assemblee. La seance est levee a trois heures. On regrette que l'heure avancee n'ait pas permis la lecture par M. Large, membre de l'Academie, d'une traduction en vers francais , d'un fragment du Philoctete de Sophocle. 178 CINQI HEME SECTION. que M. Bayle-Mouillard en a donne lecture , M. Large , inspecteur de l'Academie dc Clermont, fait observer que les grades , dont parle le projet, sont conferes par les Fa- cultes apres un examen , et non par le Ministre de l'ins- truction publique. Admettre cette disposition du projet, ce serait, dit-il, renverser la legislation universitaire. Un jeune homme, pour avoir fait une piece de vers, pourrait etre, sans subir d'epreuve, bachelier, licencie, etc. M. Bayle-Mouillard repond que les grades ne sont pas toujours le resultat d'un examen. Gelui de docteur en droit peut, d 'apres une disposition speciale, 6tre confere par le Ministre au candidat d'un concours , qui , meme sans avoir triomphe , a fait preuve de talent. C'est ainsi qu'on le pratique au-dela du Rhin; en France aussi, on en cite des exemples. Le laureat, auquel le Ministre pourrait donner un grade par collation , n'offrira-t-il pas d'assez puissantes garanties de capacite , puisqu'aux termes du reglement il devra etre membre titulaire d'une Academie , et que son travail sera juge superieur a ceux qu'auront fournis sur le meme sujet vingt autres Acade- mies? M. de Douhet, l'un des secretaires, propose de ne demander un grade que pour l'auteur couronne dans deux ou trois concours successifs. Apres quelques re- flexions de M. Bayle-Mouillard , M. de Douhet retire son amendement. Cette discussion terminee, le projet de M. Bayle-Mouil- lard est mis aux voix et adopte a l'unanimite. Lecture en sera faite en seance generate ; et si le Congres y donne son approbation, MM. les secretaires generaux seront pries de soumettre ce plan a l'approbation de M. le Ministre de l'instruction publique et a l'adhesion des Academies provinciales. M. Mathieu, l'un des secretaires , rapporteur d'une com- CINQUIEME SECTION. 179 mission chargee de formuler une reponse a la 4e et a la 5e question du programme , concernantle plan des etudes scientifiques des colleges, regrette que les occupations de M. Gonod ne lui aient pas permis de prendre part a ce travail. Comme la question est de la plus haute impor- tance , la commission ne s'est pas dissimule que , pour la resoudre, ce ne serait pas trop du concours de tous les hommes eminents qui ont consacre leurs veilles et leur existence a l'instruction de la jeunesse. Aussi , sans tou- cher aux matieres de l'enseignement actuel , dont la va- riete repond a tous les besoins intellectuels et sociaux de notre epoque , s'est-elle bornee, apresun mur examen, a indiquer une nouvelle distribution du temps. Au siecle ou nous vivons , s'est-elle dit, les progres de l'industrie reclamenl dans l'enseignement des sciences une part plus grande qu'autrefois. Le but de 1'education etant de deve- lopper harmoniquement les facultes morales et intellec- tuelles, elle a pense qu 'il convenait de donner un nombre egal d'annees a l'etude des lettres et a celle des sciences, sans toutefois les faire marcher de front. L'histoire des peuples civilises demontre que toujours les siecles de litterature ont precede les siecles de philosophic ; et, comme la marche des siecles n'est determinee que par la marche de l'esprit humain , il a paru rationnel de com- mencer l'instruction de la jeunesse par l'enseignement des lettres. En tete et comme base de cet enseignement , la commission place l'etude de la langue francaise , puis celle des langues anciennes , enfin l'etude des langues modernes, ce qui remplit les six premieres annees des etudes classiques ; les quatre autres seraient consacrees aux sciences et a la philosophic , l'histoire de chaque science et l'histoire politique allant toujours parallele- ment avec les lettres et avec les sciences. 180 CINQUIEME SECTION. Aprcs cet expose, le rapporteur soumet en quelques lignes a la section le plan d'etudes elabore par la com- mission. M. Gonod regrette de n'avoir pu cooperer a ce travail; il an rail probablement modifie quelques - unes de ses vues sur cette matiere, comme il aurait pu modifier celles de ses collegues; d'ailleurs, dit-il, ce n'est pas en un jour ni en deux que Ton peut arriver a la solution de cette grave question. M. le president , sans adopter toutes les dispositions de ce plan, aime a rendre hommage a la pensee qui a preside a cette conception ; il propose de nommer une commission qui reverrait cet apercu et le presenterait demain avec les modifications qu'elle y aurait faites. Sur les observations de quelques membres de la section , que le temps qui reste est trop court, M. le president ne nomme point de commission, mais il demande que le plan propose soit, tel quel, insere dans le compte- rendu. Cette proposition est adoptee. plan d'etudes. La dure'e des etudes serait de dix ans. Art. ler. — Les deux premieres annees seront consacrees a l'e- tude dela languefrancaise,de l'histoire del'Ancienet duNouveau Testament , de l'histoire des premiers peuples, et de la geographie primitive da monde. Art. II. — Les langues anciennes feront l'objet de l'enseigne- ment des quatre annees suivantes. Les langues vivantes seront etudiees, concurremment avec les langues anciennes, a partir du commencement de la troisieme annee de l'etude des langues. La litterature francaise sera comparee a la litterature ancienne et a la moderne. L'histoire de la litterature et l'histoire politique marcheront pa- rallelement avec l'etude des langues. Geographie. CINQUIEME SECTION. 181 Etude des sciences. Art. III. — L etude des mathematiques pures et de l'histoire naturelle (botanique, mineralogie, zoologie) remplira les deux premieres annees de la serie des etudes scientifiques. Art. IV. — Les mathematiques speciales avec la physique oc- cuperont la troisieme annee. Art. V. — Dans la quatrieme annee des etudes scientifiques, qui sera la derniere des etudes collegiales , la philosophie , la cos- mographie etlageologie seront enseignees simultanement. L'histoire des sciences et l'histoire politique suivront graduelle- ment les cours des sciences. M. de Douhet trouve que ce plan embrasse trop d 'ele- ments. M. Mathieu lui fait observer que, sous ce rapport, il n'y a d'autre innovation que l'enseignement de la geo- logic II s'agit seulement de repartir autrement qu'elles ne sont reparties les dix annees d 'etudes classiques dans les colleges. — Vu 1'heure avancee , la seance est levee a trois heures. Ordre du jour : Rapport de l'enquete sur l'etat des etu- des litteraires en Auvergne. SEANCE DU 13 SEPTEMBRE 1838. La neuvieme seance du 13 septembre de la cinquieme section a ete ouverte a une heure , sous la presidence de M. Jullien, de Paris, 1'un des vice-presidents, en l'ab- sence de M. Conchon , maire de la ville de Clermont , president. Le proces-verbal de la seance precedente est lu et 15 182 CINQUIEME SECTION. adopte apres deux rectifications demandces, l'une par M. Bayle-Mouillard , ct l'autre par M. Gonod. La parole est a M. Large , inspecteur de l'Academie de Clermont. II s'excuse de n'avoir pu prendre part jus- qu'alors aux travaux du Congres, a cause des fonctions diverses qu'il a remplies dans les premiers jours du mois. Puis il donne lecture d'un morceau du Philoctete de So- phocle , morceau qu'il a traduit en vers francais. La sec- tion decide que cette piece sera renvoyee a la commis- sion chargee de 1 impression du compte-rendu , pour etre imprimee, s'ily a lieu, dans ce recueil. M. Bayle-Mouillard lit ensuite un rapport de commis- sion au sujet de la medaille a decerner a l'artiste qui, par ses travaux , a le mieux merite de l'art et du pays. 11 designe M. Emile Thibaud , en faisant remarquer que la commission aurait propose M. Thevenot, si deja celui-ci n'avait obtenu le meme honneur de la Societe pour la conservation des monuments. M. Thevenot fait remarquer, en termes pleins de mo- destie et de convenance , que la medaille qui lui a ete decernee par le comite historique , est moins pour l'exe- cution du vitrail que pour le Memoire qu'il a public sur cette matiere. Apres quelques explications donnees par plusieurs membres de la section, les conclusions du rapport de M. Bayle-Mouillard sont mises aux voix et adoptees. MM. Gonod et Thevenot s'abstiennent de voter. Ge rap- port sera soumis au vote du Congres en seance generate . M. de Douhet, l'un des secretaires, communique a la section un rapport d'enquete sur l'etat de la litterature en Auvergne depuis dix ans , en reponse a la onzieme question du programme. Ce travail est encore incomplet, vu le peu de temps que la commission a pu y consacrer ; ClNQUIEME SECTION. 183 avant l'imprcssion du compte-rendu , il y sera fait de nombreuscs additions. A la priere de M. Bayle-Mouillard, M. Jullien, de Paris , entre dans des considerations $hilosophiques sur le mode d 'education des femmes , par tie trop negligee de notre economic sociale. MM. Bayle-Mouillard et Large repondent qua Clermont les ecoles des filles ne laissent rien a desirer, tant sous le rapport de l'instruction que sous celui de l'education ; et que , hors de la ville , dans le ressort de l'Academie , il y a progres a cet egard. Deux medailles ont ete, depuis quelques jours seulement, de- cernees a deux insti tutrices , Tune de Cusset et l'autre de Montlucon. M. Hunault remercie M. le president et le bureau de la direction sage et eclairee qu'en ont recue les travaux de la section. M. Jullien remercie, a son tour, les mem- bres de la section , de leur concours aux operations du bureau. La section prie M. Jullien de formuler son vceu au sujet de l'education des femmes; M. Jullien, apresl'avoir ecrit , le remet au secretaire qui le soumettra au Congres. Le Congres emet le voau : i° Que l'education et l'instruction des femmes, generalement trop negligees, et neanmoins dune si haute importance pour l'amelioration morale et le bien-etre de la societe, et qui forment un element essentiel du bonheur des families et de la felicite pu- blique, fixent au plus haut degre l'attention et les meditations des moralistes et la sollicitude particuliere du Gouvernement; 2° Que les ecoles primaires de filles et les ouvroirs qui leur sont annexes dans plusieurs localites, soient multiplies le plus qu'il sera possible ; 3° Que des ecoles normales, pour former de bonnes institutri- ces , soient etablies dans tous les chefs-lieux de departement j 184 CINQUIEME SECTION. 4° Que les meres de famille qui apprecient la necessite debien diriger 1 education des femmes , et de leur donner de bonne heure des habitudes de moralite, de travail, d'ordre et d'economie, ainsi qu'une instruction parfaitement appropriee a leur destina- tion future dans la societe, veuillent se constituer en comites de dames inspectrices , pour surveiller les ecoles de filles et les ou- vroirs, et pour provoquer aupres des autorites competentes les mesures propres a faire multiplier et perfectionner ces etablis- sements. Le President , H. Conchon. Les Vice-Presidents , Le baron de Taleyrat , Jullien de Paris. Les Secretaires , Mathieu, de Douhet. ASSEMBLIES GENERALES. 185 ASSEMBLIES GENERALES. SEANCE DU 4 SEPTEMBRE 1838. Presidence de M. de Caumont (de Caen). La seance est ouverte a trois heures. Le proces- verbal de la seance precedente est lu et adopted MM. les Secretaires des differentes sections viennent successivement lire leurs proces-verbaux. M. Cariol demande que, dans les seances suivantes , MM. les secretaires des sections donnent seulement une analyse verbale de leurs travaux. M. Hunault s 'oppose a la prise en consideration de cette demande , et objecte que souvent des propositions ecrites sont deposees sur le bureau, et qu'il est essentiel que le proces-verbal en donne 1'enonce exact. M. de Caumont prend la parole pour donner un apercu de I'etat des Societes savantes et de leurs travaux , et s'occupe specialement de celles de la Basse-Normandie ; il s'exprime en ces termes : Messieurs , L'annee derniere, vous decidates , sur la proposition de M. Boi- leau, i° que toutes les Societes savantes de France seraient in- vitees a envoyer au Congrcs un representant des connaissances 186 ASSEMBLIES GENERALES. qui recoivent le plus grand developpement dans chacune de ces Societes ; 2° que ces delegues seraient porteurs d'une statistique des travaux de leurs Societes respectives et de 1'etat intellectuel des lieux ou les Societes ont leurs sieges. Desirant repondre a cet appel du Congres scientifique, quant a l'etat des Societes savantes de la ville de Caen et de la Basse-Nor- mandie dont je suis ici le delegue, je me propose de vous dire brievement quelques mots de l'origine et des travaux de ces So- cietes. J'aurais meme etendu ce rapport verbal a une division de la France plus considerable , ainsi que je m'etais engage a le faire au Congres scientifique de Douai ( i ), si j'avais pu reunir a temps les renseignements qui m'etaient necessaires. J'espere, l'annee pro- chaine, pouvoircontinuereecompte-rendu; etsi, comme j'ailieu de lecroire, je suis seconde par les personnes dont je reclame la cooperation , nous pourrons bientot terminer dans nos reunions annuelles cet apercu statistique des Societes litteraires et savantes de la France. Cette monographic des Societes savantes devra former un do- cument precieux pour notre institution. Nous sommes encore loin, Messieurs, de bien connaitre les forces litteraires de la province; nous ne pourrons les bien apprecier que lorsque nous aurons analyse les differentes publications des Societes savantes r successivement organisees sur les differents points du royaume. En examinant ce qu'ont fait ces Societes , en formant un tableau de leurs travaux divers , nous verrons mieux ce qu'elles ont ne- glige, cequ'elles auraient pu entreprendre, et le Congres, qui est destine a conduire et regulariser les etudes litteraires et scienti- fiques , sera mieux en mesure de donner une impulsion profitable. Ces rapports auront un autre resultat encore, et dont l'impor- tance est immense: e'est de detruire l'isolement facheux dans le- quel vegetent nos Societes litteraires. II me parait bien demontre que c'est a 1'association des Socie- tes savantes entr'elles , par l'etablissement de centres naturels et multiples, que les Academies de province pourront donner (i) Voir le Compte-Rendu de la 3e session , p. 236. ASSEMBLIES GENERALES. 187 le jour a des productions de quelque ported. C'est vers ce but que doivent tendre les efforts du Congres, institution mieux appreciee en Allemagne et en Angleterre qu'elle ne l'a d'abord ele chez nous, raais qui finira par triompher de tous les obstacles. Le rapport que je vais vous faire , et que d'autres membres de cette assemblee viendront sans doute continuer a cette tri- bune, sera concu de maniere a faire connaitre le but principal de chacune de nos Societes savantes de Basse -Normandie, ce qu'elles ont fait de bien , le nombre des publications qu'elles ont produites, et deplus l'indicationfranche destravaux qu'elles n'ont point termines d'une maniere satisfaisante , et les lacunes qu'elles ont laissees dans les recberches qu'il etait de leur devoir de pour- suivre et de completer. Departement du Calvados. 1° Socie'le des Aniiquaires. — Cette Societe a ete fondee (i) vers la fin de l'annee 1823. Elle s'occupe de rassembler et de pu- blier tous les faits qui sont propres a completer l'histoire de la Normandie. Elle a deja fait paraitre dix volumes qui renferment un grand nombre de bons Memoires , principalement sur l'his- toire , la litterature et les antiquites du moyen-age. Elle a publie en outre plus de cent planches lithographiees representant les monuments les plus remarquables de la province. Elle possede une collection d'antiquites qui serait beaucoup plus considerable, si la ville de Caen avait fourni a cette compa- gnie un local plus vaste. Tous les deux ans, je professe pres de ce musee un cours public et gratuit d'antiquites monumentales. — Ce cours est le premier du meme genre qui ait ete etabli en France, et il a beaucoup contribue a populariser la connaissance de Thistoire de l'art. Des l'annee 1825, j'avais donne des lecons d'archeologie a des jeunes gens studieux. Le nombre de mes audi- teurs s'etant considerablement accru, jemedecidai, en Janvier i83o, a rendre mes conferences publiques. On vit alors plus de 70 auditeurs assister au cours d'antiquites , qui fut continue pen- (1) M. de Caumont est le fondateur de cette compagnie. 188 ASSEMBLIES GENERALES. dant plusieurs raois et regulierement snivi. — Dans ces conferen- ces, comme dans celles que j'ai faites depuis , j'ai parcouru l'histoire complete des monuments nationaux depuis les temps les plus anciens jusqu'au 17° siecle. Ce cours est aujourd'hui imprime. Les ressources de la Societe consistent dans la cotisation annuelle des membres residant dans les cinq departements de la Norman- die; cette cotisation est de i5 fr. Elle produit par annee environ 2,5oo fr. La Societe des antiquaires est la plus laborieuse et la plus im~. portante des Societes savantes de la ville de Caen. 2° Association Normande. — L' Association normande n'est pas, a proprement parler, une Societe scientifique; c'est une vaste reunion d'hommes, mettant en commun leurs efforts pour hater les progres de la morale publique, de l'industrie agricole, ma- nufacturiere et commerciale. — L'Association est formee pour les cinq departements de la INormandie; son conseil general admi- nistratif est compose de So membres. — Le nombre des membres de l'Association s'eleve a pres de 800. — La compagnieest dirigee par un certain nombre d'officiers repartis dans les arrondisse- ments et portant le titre d'inspecteurs. — Un inspecteur divi- sionnaire dans chaque chef-lieu de departement est charge de correspondre avec les inspecteurs d'arrondissement el de leur transmettre les instructions. — II correspond lui-meme avec le directeur et le conseil administratif seant a Caen. Les ressources de l'Association consistent dans une cotisation annuelle de 5 fr. que paye chacun de ses membres; an moyen de la recette annuelle, l'Association a pu tenir des seances dans presque toutes les villes importantes des cinq departements , y faire des enquetes sur letat de l'agriculture et de Tindustrie , et recompenses en decernant des medailles, les efforts qui ont etetentes par les hommes progressifs de ces differentes contrees; l'Association a encore vote differentes sommes en faveur de plu- sieurs villes et bourgades, soit pour aider a fonder des bibliothe- ques, soit pour d'ares et ablissements d'utilite publique. L'Association a pubHe regulierement un annuaire dans le for- ASSEMBLIES GENERALES. 189 mat in-8°, qui renferme de precieux renseignements statistiques sur la province de Normandie (i). 3° Societe linneenne de Normandie. — Cette Societe fut etablie dabord sous le nom de Societe linneenne du Calvados ; [elle date du 7 juin 1823, et doit sa fondation a MM. Lamouroux, Deslon- champs, Faucon et moi, et a quelques antres naturalistes. Cette Societe est parvenue a donner une nouvelle impulsion a l'etude des sciences naturelles, non-seulement en INormandie, mais encore dans plusieurs autres provinces voisines. Elle a publie six volumes de Memoires, qui contiennent beaucoup de faits importants et sont accompagnes de 72 planches in-4° , pour servir a 1'intelligence du texte. Un septieme volume est sous presse , et sera presqu'entie- ment compose des savantes et laborieuses rechercbes de M. Eudes Deslonchamps sur la palceontologie. — Un des travaux les plus utiles que Ton doive a l'impulsion de la Societe linneenne sont les car- tes geologiques des cinq departements de la Normandie dressees sur une grande echelle; lorsqu'en 1825 ma carte geologique du Calvados fut dressee, il n'existait encore que celle des environs de Paris, par MM. Cuvier et Brongniard, qui eut ete publiee sur une echelle aussi considerable. M. Passy ne tarda pas a s'oc- cuper de la carte de la Seine-inferieure , qui fut terminee quel- ques annees apres celle du Calvados. La carte de la Manche , egalement sur une grande echelle et formant deux morceaux , a ete publiee par moi, apres celle de M. Passy. II ne reste plus a graver que la carte du departement de l'Orne, qui est terminee , et dont l'auteur est M. Blavier, ingenieur des mines, et celle de l'Eure dressee depuis long-temps par M. Passy. 4° Acade'mie des sciences, arts et belles-lettres de Caen. — Cette compagnie date du mois de Janvier 1705, epoque a laquelle M. Fou- caut , intendant de Caen , obtint pour elle des lettres-patentes de creation, sous le titre d'Academie des sciences et belles-lettres, qu'elle conserva jusqu'a la revolution. Reorganisee sous le nom de Lycee, le 12 decembre 1800, par M. le general Dugua , alors prefet du Calvados, elle prit, l'annee suivante, celui d'Academie (1) L' association normandea ete etablie par M. de Caumont , en i83a. 190 ASSEMBLIES GENERALES. des sciences, arts et belles-lettres. Elle avait publie, avant la re- volution, quatre volumes de Memoires, qui sont devenus assez rares; depuis sa reorganisation, elle en a fait paraitre quatre autres , et va incessamment en donner un cinquieme. L'Academie, comme la plupart de celles qui embrassent dans leur cadre l'universalite des sciences , n'a point de plan arrete pour ses publications. Aussi ses Memoires, qui renferment un melange de dissertations sur les lettres et les sciences, u'ont pas ete aussi recherches que ceux des autres Societes de la ville de Caen , teiles que la Societe des antiquaires , la Societe d'his- toire naturelle et la Societe d'agriculture. II fautdire aussi que la creation de ces Societes a prive l'Academie des productions rela- tives aux diverses sciences qu'elles cultivent; il ne lui reste guere que des Memoires purement litteraires. — Les volumes quelle publie ne se vendent point. 5° Societe de Me'decine. — En 1798, lorsque Ton commenca de sentir le vide qu'avait laisse l'aneantissement de piusieurs institu- tions , l'administration centrale du Calvados reconnut la necessite de s'occuper de la reforme d'abus graves et multiplies, qui com- promettaient la salubrite publique; et, de l'aveu du Gouverne- nement , elle institua un conseil de sante , charge par ses statuts de travailler au progres des sciences medicales , et de fournir a l'autorite des renseignements sur tout ce qui pourrait interesser la sante des citoyens. — Ge corps, qui avait ete forme des profes- seurs et adjoints de l'Ecole de medecine, acquit en 1802 une plus grande importance par l'association de tous les membres de l'an- cienne Faculte de medecine; et la reunion prit alors le nom de So- ciete de medecine. Elle a continue de fournir a l'autorite de nom- breux renseignements, et piusieurs instructions qui ont ete pu- bliees. — En 1825, elle donna une nouvelle extension a ses tra- vaux , en faisant spontanement le fonds d'un prix qui fut decerne a M. le docteur Gintrac, de Bordeaux, pour un Memoire sur le diagnostique comparatif de la fievre cerebrale chez les enfants avec les accidents causes par les vers. Depuis cette epoque , elle a employe a la meme destination les fonds qui lui sont alloues par le conseil general du departement. ASSEMBLIES GENERALES. 191 6° Societe royale d 'agriculture et de commerce. — Cette So- ciete, creee en 1761 sous le nom de Societe d'agriculture, fut re- tablie en 1801 sous sa denomination actuelle. Quatre volumes de Memoires ont ete publies par cette Societe, qui s'est surtout at- tached a propager les decouvertes utiles, C'est a elle, et parti- culierement a son secretaire perpetuel, le respectable M. P. A. Lair, que le commerce est redevable de ces expositions pu- bliques des produits del'industrie, qui sont si propres a encou- rager les arts , et dont la ville de Caen donna le premier exemple sous l'empire. Depuis quelques annees surtout, la Societe d'agriculture a donne, dans le departement du Calvados, une tres- bonne impulsion aux progres agricoles par les concours de charrues qu'elle a institues, par les primes qu'elle a decernees pour les meilleurs taureaux et les plus beaux chevaux, enfin par l'etablissement de courses annuelles de chevaux montes et atteles. Ces courses ont eu un prodigieux succes , et doivent prendre encore une plus grande importance. Eiles ont lieu a Caen , dans la belle prairie qui avoisine la ville. M. Lair, qui a plusieurs fois preside la section d'agriculture du Congres, et que 1'on regrette de ne point voir a Clermont, ne neglige rien pour donner aux travaux de la Societe d'agriculture de Caen toute l'importance qu'ils peuvent atteindre. Societe francaise pour la conservation et la description des monuments historiques. — Dans les six premiers mois de l'annee 1 834, je me concertai avec plusieurs archeologues distingues re- pandus dans les diverses parties de la France, parmi lesquels on peut citer Mgr l'eveque de Bayeux; MM. le baron de Crazannes , maitre desrequetes, a Figeac; le marquis le Ver, a Yvetot ; A. Pele t, a Nimes; L. Delasaussaye , a Blois; L. deGivenchy, secretaire de la Societe des antiquaires, a St-Omer ; de la Fontenelle, a Poitiers ; Aug. le Prevost, a Bernay; A. Deville, a Rouen; Emmanuel Gaillard, secretaire de l'academie de la meme ville; le comte de Beaurepaire, a Falaisej Dubourg-d'Isigny, a Yire; de la Chou- quais, president a la cour royale de Caen; Ed. Lambert, conser- vateur de la bibliotheque publique de Bayeux; Bellivet, notaire a Caen; le baron de Yauquelin, a Ailly, pres Falaise; Beaudot, a 192 ASSEMBLIES GENERALES. Dijon; Duvivier, a Mezieres (Ardennes); le Glay , a Cambrai; Cauvin, au Mans; Yaugeois, a Laigle; de Milly, a Mortain; de Magneville et Spencer-Smith , a Caen ; Schweighauser , a Stras- bourg ; Galeron , a Falaise; et un grand nombre d'autres savants. Le resultat fut l'etablissement d'une Societe sous le titre de So- cietefrancaise pour la conservation et la description des monu- ments historiques. Le reglement de cette Societe fut adopte dans une reunion convoquee a cet effet le 23 juillet i834; et le meme jour , le bureau et le conseil administratif furent constitues Nomme directeur, je m'empressai d'ecrire au ministre de Ins- truction publique pour lui soumettre les statuts qui avaient ete adoptes. Cette compagnie se propose de faire le denombrement complet des monuments francais, de les decrire, de les classer dans un ordre chronologique , et de publier un Bulletin periodique qui ofFrira la statistique monumentale de chaque departement. Elle emploie tous ses efforts pour empecher la destruction des an- ciens edifices , et les degradations qui resultent de restaurations mal entendues. Le nombre des membres est illimite : chacun d'eux doit payer une cotisation annuelle dont le minimum est de 10 francs. Le prix de l'abonnement au Bulletin est de 15 fr. par an : l'abonne- ment est facultatif. Les principaux fonctionnaires sont un direc- teur, 20 inspecteurs divisionnaires, et 86 inspecteurs de departe- ment. Un conseil general, compose dn directeur, des 20 inspecteurs divisionnaires et de 20 membres ordinaires, est charge de Tad- ministration de la Societe, dont le chef-lieu est a Caen. La Societe tient ses seances sur tous les points de la France : deja des sessions ont eu lieu a Douai, a Blois, au Mans, a Tours, et dans plusieurs autres villes moins importantes. Quatre volumes du Bulletin sont deja imprimes, et les nombreux Memoires adres- ses au comite de redaction ne permettent pas de douter que bientot cette publication ne devienne une des plus importantes de France. La Societe a deja vote differentes allocations pour la restaura- tion de plusieurs edifices du Poitou, de l'Angoumois, du Lan- ASSEMBLIES GENERALES. 193 guedoc, de la Lorraine, du Maine, de la Tourraine, dela Sologne, delaNormandie, de l'lle-de-France, del'Auvergne, etc., etc., pour aider a creer des m usees d'antiquites dans ies villes qui n'en avaient point encore, et poor racheter des monuments qui allaient etre detruits. Elle a de plus fourni des modeles d'architecture de differents siecles aux architectes charges de restaurer d'an- ciennes basiliques, et qui ont reclame ses conseils. Mais c'est bien plus encore par son influence que par ses publi- cations et ses allocations de fonds , que la Societe a rendu d'im- porrants services. Nous avons vu plusieurs proprietaires, decides a renverser d'anciens edifices remarquables sous le rapport de l'art, mais qui nuisaient a leurs constructions nouvelles , s'arreter a la voix des membres de la Societe pour la conservation des monuments, abandonner leurs projets et promeltre de respecter des ruines qu'ils ne consideraient auparavant qu'avec une sorte de repu- gnance et de mepris. Toutes les fois que la Societe a accorde une allocation, elle y a mis pour condition que les travaux seraient surveilles par un commissaire qu'elle a designe , et dont le gout et la connaissance des diverses phases de l'histoire de l'art etaient incontestables. C'est ainsi qu'avec des sommes tres-minimes , elle a pu con- duire a bien des travaux considerables et garantir un grand nombre d'edifices des mutilations qu'auraient pu leur faire subir des architectes peu soigneux de conserver aux monuments leur ancien style. Societe acade'mique de Falaise. — A Falaise, il y avait dernie- rement trois Societes , savoir : i° la Societe d'agriculture de 1'arrondissement , institute par M. le comte de Beaurepaire , dans le but d'ameliorer la culture par l'introduction des asso- lements, produits et instruments les mieux appropries a la nature des divers terrains qui composent 1'arrondissement, notamment par Taugmentation des racines et des plantes fourrageres. La Societe publiait un Bulletin trimestriel. 2° L'Association pour les progres de l'agriculture , de l'indus- irie et de l'inst ruction dans l'arrondissement de Falaise , fondee 194 ASSEMBLIES GENERAL ES. Ie q5 aout i834, Par M. Galleron, qui publiait egalement un Bul- letin trimestriel et un Annuaire populaire. 3° La Societe academique des sciences, arts et belles-lettres de Falaise, etablie quelques mois apres la precedente par MM. Gal- leron et Pierre David. En 1837, *es deux premieres Societes se sont reunies a la troi- sieme, qui a conserve son titre de Societe academique des scien- ces, arts et belles-lettres. Gette Societe a public deux volumes in-8° qui renferment plusieurs Memoires interessants sur l'histoire na- turelle , notamment un travail assez considerable sur les conferves d'eau douce, par M. de Brebisson, plusieurs pieces de vers par M. David, et des notices archeologiques par M. Galleron. La mort imprevue de M. Galleron , secretaire -general , est pour cette Societe un malheur bien difficile a reparer. II est a craindre que cette perte si regrettable ne compromette l'existence de l'Academie de Falaise. Societe veterinaire a Bayeux. — La Society veterinaire, qui existait depuis quelques annees, fut autorisee le 19 fevrier i83o, sous le titre de Societe veterinaire des departements du Calvados et de la Manche. Elle tient alternativement ses seances dans les villes de Caen, de Bayeux et de St-L6; mais le siege de la Societe est a Bayeux, ou reside M. Lecoq, secretaire general et fondateur de la Societe. La compagnie a publie un premier volume, en i83i, et successivement trois autres volumes, dont le dernier, le qua- trieme, aparu il y a quelques jours seulement. La Societe compte 4o membres titulaires, et un egal nombre de correspondants. Les conseils generaux de la Manche et du Calvados ont alloue chacun une sorame annuelle de i5o francs pour aider aux frais d'impression des Memoires. Societe d' emulation de Lizieux. — La Societe d'emulation de Lizieux, fondee le i4 novembre i836, s'occupe de recueillir ce qui peut interesser l'agriculture et l'histoire de l'arrondissement. M. Frederic Nasse, membre de la Societe des antiquaires de Normandie, a deja reuni de nombreux documents sur l'histoire des communes de l'ancien eveche de Lizieux. M. Formeville, con- seiller a la cour royale de Caen, et correspondant de la Societe, ASSEMBLIES GENERALES. 195 a publie une notice sur les corporations de la ville de Lizieux. La Societe compte dans son sein plusieurs litterateurs qui prendront une part active a ses travaux. Departement de la Manche. Societe acade'mique de Cherbourg. — Fondee en 1755 , re- connue par le Gouverneraent en 1773, pourvue d'une nouvelle autorisation en 1818, cette Societe avait interrompu ses seances en 1 82 1 , et ne les a reprises qu'au printemps de 1829. A dater de cette epoque , elle a poursuivi avec beaucoup d'activite le cours de ses travaux , et a tenu sa premiere seance publique le 3 novembre i83i. Pour prendre son rang parmi les Societes sa- vantes, il fallait qu'elle publiat des Memoires. Le premier volume a paru en i833, et limpression en a ete facilitee par le conseil general de la Manche, qui, dans la session de mai i83i, avait accorde pour cet objet, sur la proposition de M. le Prefet, une somme annuelle de 3oo fr. La Societe a publie un second volume, etelle reunit en ce moment les elements d'untroisieme. M. Coupe, secretaire perpetuel de la Societe , s'est livre a des recherches im- portantes sur l'institution du jury et sur la legislation au moyen- age. M. de la Chapelle a publie dans les memes volumes le catalo- gue des lichens de Tarrondissement de Cherbourg, et il etudie specialement les plantes marines de la presqu'ile du Cotentin. 20 Societe d 'agriculture, d'histoire naturelleet d'arche'ologie. — Cette societe qui a son siege a St-L6, a ete fondee il y a deux ans , et n'a rien publie encore ; mais on lui doit la creation d'un musee d'histoire naturelle et d'antiquites qui renferme deja des objets interessants , et qui parait devoir s'accroitre rapidement. 3° Societe d' agriculture et d'archeologie d 'Avranches \ — Ces deux Societes sont independantes Tune de l'autre, quoique composees en grande partie des memes membres. La Societe d'ar- cheologie n'a encore rien publie. Elle a ete creee il y a quatre ans , dans le but de decrire les monuments et d'explorer les archives des arrondissements d'Avranches et de Mortain, exclusivement. La Societe d'agriculture , formee il y a dix-huit mois, a fait pa- 196 ASSEMBLIES GENERALES. raitre une serie de questions tendant a fixer par des reponses l'etat de l'agriculture dans le pays. Independamment de ces trois Societes, le departement de la Manche forme one des divisions de l'Association normande ; go membres en font partie et sont autorises a se reunir sous la presidence de l'inspecteur divisionnaire du departement. Departement de I'Orne. Dans le departement de I'Orne, il n'existe point de Societe sa- vante, proprement dite, mais une division tres-considerable de l'Association normande se reunit de temps a autre a Alencon, ou reside l'inspecteur divisionnaire. 140 membres environ composent cette division. Des Memoires interessants sur l'agriculture, la litterature, l'enseignement elementaire et les antiquites, ont ete Jus dans les reunions de l'Association normande, a Alencon. SEANCE DU 5 SEPTEMBRE 1838. La seance est ouverte a trois heures. Le proces-verbal de la seance precedente est lu et adopte. Les secretaires des sections viennent successivement lire les proces-verbaux de leur seance. M. Lecoq annonce que M. Carmelo Maravigna , profes- seur de chimie a Catane, et membre de plusieurs Societes savantes, present a cette seance, a fait hommage au Congres d'un certain nombre d'echantillons de mine- raux de la Sicile, et principalement de l'Etna. On y re- marque surtout de magnifiques cristaux de soufre pur, dont les formes variees doivent etre decrites dans un Memoire destine a la section des sciences naturelles par ASSEMBLEES GENERALES. 197 le savant professeur sicilien. Plusieurs echantillons de lave analogues a eelles de nos volcans d'Auvergne font aussi partfe tie cette collection , et sont des pieces a 1'appui dun Memoire que M. Maravigna doit lire sur 1'oryctognosic de l'Etna. Ces divers morceaux , tres-inte- ressants sous plusieurs points de vue , sont destines au musee de Clermont. M. le president propose d'adresser a M. le professeur Maravigna les remercfments du Con- gres, qui les vote a l'unanimite. M. Bouillet ajoute que Ton doit attacher d'autant plus de prix au don de M. Maravigna, que plusieurs echantil- lons sont uniques et non pas des doubles de sa collection. M. Bouillet lit ensuite la liste des ouvrages , memoires et cartes adresses au Congrcs par diverses personnes. La lecture en est suspendue pour etre continuee dans une autre seance. M. le docteur Hunault de la Pellcterie , designe par la Societe royale des sciences, arts et belles-lettres d'An- gers, a la parole pour un rapport sur les travaux de cette Societe. II commence par une introduction historique, qui le conduit, apres quelques developpements, a 1 epoque de la fondation de cette Societe , dont il se propose d 'ana- lyser les travaux. L'heure avancee, et quelques travaux annonces pour cette memc seance 1'obligent d en sus- pendre la lecture. M. le baron de Tallayrat lit , sous le titre d'Hotnmage, une piece de vers dont Tassemblee admire a la fois la- propos et l'harmonie; d'unanimes applaudissements lui ont temoigne tout i'interet qua inspire cette charmante composition. M. Jullien , de Paris , termine par de nouvelles poesies la premiere seance du Gongres qui ait ete embellie par la 1Q 198 ASSEMBLIES GENERALES. presence des dames. II leur adresse des vers dans les- quels on admire a la fois la iinesse , le sentiment et la diction. Apres cet hommage dont les dames ont certainemenl apprecie tout le merite, M. Jullien a lu une piece de vers que lui a inspiree la vue de la riante Limagne, qu'ilvient admirer pour la premiere fois. L'idee de voir tous les peuples reunis par de grandes voies de communication , et unis par tous les liens qui peuvent enchatner les hom- ines , est heureusement et elegamment developpee par le profond economiste et le venerable philantrope que nous avons tous salue de nos applaudissements. La seance est levee a quatre heures et demie. SEANCE DU 6 SEPTEMBRE 1838. La seance est ouverte a trois heures, sous la presi- dencc de M. de Caumont. Le secretaire general lit le proces-verbal de la seance precedente, qui nedonne lieu a aucune reclamation. MM. les secretaires des sections du Congres donnent lecture des proces-verbaux de leurs seances. Deux propositions ecrites, deposees sur le bureau, Tune par M. Emile Thibaud, l'autre parM. Lecoq, sont remises a la 5e et a la lre sections qu'elles concernent. M. Jullien , de Paris , a la parole pour developper une proposition deja discutee dans une des seances de la 5e section , et inseree au programme sous le titre suivant : A quelles conditions le theatre est-il un moyen de civili- sation, etjusqu'oii s'etend son action civilisatrice ? ASSEMBLIES GENERALES. 199 Considerant, ditM. Jullien , que l'attrait puissant qui s'attache aux representations theatrales, en fait une sorte de besoin general pour une nation dans notreetat social actuel ; que, plus ces repre- sentations , variees et multipliers a l'infini, attirent chaque jour de nombreux spectateurs, plus aussi elles exercent une influence insensible, mais puissante et contagieuse, qui s'etend a toutes les classes de la societe, et plus il iraporte que cette influence soit convenablement et utilement dirigee; Considerant que -le theatre, veritable ecole publique, toujours ouverte a la jeunesse et aux families, dans la capitale, et dans la ,plupart de nos villes, est souvent livre aux plus deplorables ecarts qui tendent a corrohipre les mceurs , a exalter les imaginations en faveur des crimes commis avec audace ou habilete, et presen- ces des-lors comme des produits de l'heroisme ou du genie ; Considerant que 1'affreitse manie du suicide qui etend chaque jour ses ravages, a pu etre, dans queiques circonstances, Teff'et immediat des actes de desespoir ou de folie offerts a des imagina- tions faibles et maladives, facilement impressionnables; Considerant, neanmoins, que l'entiere liberte, garantie pour nos institutions a tous les produits de la pensee et a leur mani- festation publique, ne permet d'adopter ni meme de provoquer aucune mesure preventive pour arreterles ecarts qu'on a signales ; Considerant, enfin, que, dans l'interet de la morale publique et de la societe, on ne saurait trop souvent ni trop fortement rappeler aux auleursdramatiquestouterimportance et la saintete de leur mission morale et regeneratrice ; Emet levceu : que l'administration superieure et centrale, les administrations locales, l'lnstittit de France et les Academies et Societes savantes des diverses parties du royaume, s'associant a la pensee de tous les homines de bien , emploient tous leurs moyens legitimes d'influence, de direction , d'encouragement , pour ex- citer les ecrivains qui se consacrent a la carriere dramatique a se proposer toujours un but de delassament instructif et de culture morale; a ne jamais presenter le vice et le crime de maniere a leur concilier l'interet ou meme Tadmiration; a -choisir de preference des sujets moraux ou historiques, des peintures 4c 200 ASSEMBLIES GENERA LES. moeurs attachantes, propres a reveille r eta nourrir le patriot igdie , le desinteressement , la piete filiale, le devoument a l'humanite, les vertus sociales et les vertus privees; enfin, a ne jamais perdre de vue que la mission de l'ecrivain , qui veut populariser sur la scene des actions et des exemples destines a produire une impres- sion plus on moins vive et profonde sur son auditoire, consiste a proposer et a indiquer aux hommes par quels moyens , par quelles regies de conduite ils peuvent devenir meilleurs , plus mo- raux , plus vertueux , plus heureux. L'un des prix Monthyon ne devrait-il pas etre specialement de- cerned l'auteur del'ouvrage dans lequel ces utiles verites seraient developpees avec le plus d'evidence , de force ct de talent ?.... M. Bayle-Mouillard a la parole sur le voeu que vient if emettre M. Jullien. La question dont M. Jullien vient d'entretenir le Congres, dit M. Bayle, a preoccupe depuis long-temps les esprits, et la section de litterature vient de vous rappeler 1'influence facheuse, Taction perturbatrice que peut exercer le theatre, devenu essentiellement corrupteur. Cette section vous demande, par l'organe de Tun de ses presidents, que des mesures soient prises pour reprimer les atteintes portees tous les jours a la morale. C'est dans celte salle, dit M. Bayle, en sortaot hier d'une seance, que j'ai entendu autour de moi des conversations sur le sujet qui nous occupe, et c'est en quelque sorte le resume de la causerie que je vais essayer de reproduire. Devons-nous, continue l'orateur dans sa brillante improvisation, demander aux auteurs de corriger le theatre? Peut-il etre cor- rigePUn grand genie a soutenu qu'il serait toujours corrupteur. Si Rousseau a raison, nous n'avons rien a faire, rien a ameliorer. Mais examinons la question : L'accusation contre le theatre rao- derne est-elle bien fondee? Le theatre est-il reellement vicieux? J'avoue qu'il me reste des doutes. Les genies modernes sont-ils completement egares, leur defense est-elle done impossible? Le theatre n'est-il pas immoral parce que le public lui-meme est de- iorave? II est bien difficile, Messieurs, de lutter contre Rouss*5** ASSEMBLIES GENERALES. 201 Je ne crois pas cependant que Taction de Moliere sur les esprits ait ete nuisible. Defendant les idees religieuses, fletrissant l'hy- pocrisie, toutesles fois que la religion est restee pure, Tarlufe a sommeille ; mais quand celle-ci , se melant au pouvoir de la po- litique, a devie,a des epoques diff'erentes , de la haute mission qu'elle est appelee a remplir, Tartufe, eveille tout-a-coup, a reparu sur la scene. Mercier etait encore un auteur utile : Mer- cier, a une epoque ou toute desertion etait punie de raort, donna son drame du Deserteur. Le denouement etait la punition infligee par la loi. Une reine, qui combattait alors la peine de mort, sans penser qu'elle plaidait sa propre cause, Marie-Antoinette demande a Mercier de changer son denouement; il a le courage deresister et de mettre pour condition de ce changement le retrait de la loi qui infligeait cette terrible execution. Ce retrait, quoiqueajourne, n'en fat pas moins son oeuvre. Le theatre, comme on le voit, est quelquefois salutaire, et si son action est parfois devastatrice, est-ce a dire qu'il soit tout-a-fait corrompu? II n'y a pas long- temps que la mort a enleve Andrieux; qui oserait dire que son theatre et celui de Colin d'Harleville aient porte quelque atteinte a la morale? Scribe lui-meme, auquel on pourrait reprocher d 'avoir accorde trop de puissance a l'argent r Scribe a eu sur les moeurs une heureuse influence. II a- essaye.de rehabiliter la pro- vince aux yeux de Paris, et il a-reussi. Mais, continue M. Bayle- Mouillard, vous opposerez aux noms que je viens de citer deux autres noms pour les neutraliser, ceux de Victor Hugo et d'A- lexandre Dumas. Ce sont ces deux noms qui ont traine sur la scene le viol, l'adultero, la corruption et tous les genres de crimes; mais n'est-il pas frappant que l'adultere paraisse sur la scene lorsqu'il existe bien moins chez nous qu'au i5e siecle, ou, parce que banni du theatre, il avait envahi la societe presque entiere? Est-ce que le theatre ne s'emparerait des vices qu'au mo- ment ou ils s'eteignent dans la vie privee. Antony a rappele l'attention sur l'etat des enfants naturels, et Ton reviendra un jour a examiner si rhomme doit etre puni de la faute de son pere, et s'il ne peut rentrer dans* la societe qu'en la desorganisant. 202 ASSEMBLERS GENERA LES. Je ne veux pas, Messieurs, me constituer sans limite le pane- gyriste du theatre actuel; il y a du mal, mais il y a toujours dans le genie quelque chose de divin qu'il faut savoir conserver et rehausser encore s'il est possible. Les vices du theatre tiennent beaueoup aux systemes que nos vices nous ont fait adopter. Racine a, lui aussi , parle d'inceste et d'adultere; ilobeissaitalors aux traditions d'unart qui s'eteignait. Les Grecs avaient place les vices dans le ciel , ils en avaient fait des divinites ; les poetes les avaient accueillis sur la scene et cei- gnaient encore leur front d'une aureole divine. On a fini maintenant avec les Grecs et les Rornains , et les vices de l'antiquite habilles a la moderne, devenus plus hideux encore, sont par cela meme plus efFrayants. On fait maintenant des pieces pour de l'argent , pour des ap- plaudissements. Ce que Ton cherche d'abord ce sont les droits d'auteur, et pour cela on essaye de peindre la Societe, et pour mieux montrer ses vices ou ses defauts, il faut les amplifier, a cause de la perspective de la scene ? A qui la faute de ces depra- vations? est-ce au peintre ? est-ce au modele ? le modele est plu9 coupable. L'effet du theatre depend de la disposition des specta- teurs. Ces tableaux produiront un effet different sur les divers assistants. lis seront civilisateurs pour les ames honnetes, en aug- mentant chez elles I'horreur du crime , et ils ameneront a une cor- ruption plus complete celles qui seront deja depravees. J'approuve cependant , Messieurs , le voeu qui vous est presente; je n'attends rien du Gouvernement pour son execution ; rien des Societes savantes, mais le suffrage d'un public nombreux et eclaire peut avoir quelque retentissement. N'oubliez pas non plus la question de moralite ; ramenez les hommes a la vertu , le theatre y sera naturellement rappele , et les auteurs seront aussi forces d'y souscrire. Cette improvisation remarquable est vivement ap- plaudie. M. Jullien se felicite de l'avoir provoquee et d'avoir entendu les developpements de M. Bayle. ASSEMBLIES GENERALES. 203 L'honorable preopinant, dit M. Jullien , n'a pas repousse tout entier le voeu que j'avais forme. Le public, entraine par l'attrait du plaisir, se laissealler plus facilement, et le theatre devientin- sensiblement corrupteur ; il resulte du reste des developpements de M. Bayle, que ce vice merite d'e're pris en consideration par le Congres. Sans vouloircombattre Rousseau, il a reconnu Taction salutaire du theatre et l'influence reelle du theatre sur le public, du public sur les auteurs, et reciproquement ; il a reconnu encore l'influence que pourrait avoir le cri accusateur du Congres sur la partie desorganisatrice du theatre. M. Jullien demande que le Congres delibcre sur sa pro- position, qui est adoptee a une tres-grande majorite. A la contre-epreuve, une seule voix s'eleve contre. Sur l'invitation deM. deCaumont, M. Bayle-Mouillard, secretaire de l'Academie royale des sciences , belles- lettres et arts de Clermont-Ferrand , prend la parole en ces termes : Messieurs , vous desirez un rapport sur les travaux del'academie de Clermont , et bien qu'ii me semble peu seant de parler de soi lorsque Ton est chez soi, je vais essayer de repondre a votre de- mande. Yous en avez fait pour moi un devoir d'hospitalite. Notre academie remonte a 1747 > en 9^) elle succomba pour re- vivre en 1824. En 1829, elle fot reconnue par le roi et autorisee a reprendre son ancien titre d' Academie royale des sciences , belles-lettres et arts de Clermont-Ferrand. Deux noms celebres se rattachent a son origine et a sa restauration. M. deMonthyon contribua a la fonder; depuis i8'i4> M. de Montlosier la preside. Par ses soins , nous avons obtenu des hopitaux de Paris et de l'A- cademie francaise la restitution de la premiere liberalite qui nous fut faite. Grace a lui, nous avons recouvre le droit de decernery nous aussi , un prix Monthyon. Comme toutes les academies, nous ouvrons des concours qui quelquefois sont heureux. Mais nous cherchons aussi a stimuler 202 ASSEMBLIES GENEAALE.s. Je ne veux pas, Messieurs, me constituer sans limite Ie pane- gyriste du theatre actuel; il y a du mal, mais il y a toujours dans le genie quelque chose de divin qu'il faut savoir conserver et rehausser eneore s'il est possible. Les vices du theatre tiennent beaucoup aux systemes que nos vices nous ont fait adopter. Racine a, lui aussi , parle d'inceste et d'adultere; ilobeissaitalors aux traditions d'unart qui s'eteignait. Les Grecs avaient place les vices dans le ciel, ils en avaient fait des divinites ; les poetes les avaient accueillis sur la scene et cei- gnaient encore leur front d'une aureole divine. On a fini maintenant avec les Grecs et les Remains , et les vices de l'antiquite habilles a la moderne, devenus plus hideux encore, sont par cela meme plus efFrayants. On fait maintenant des pieces pour de l'argent, pour des ap- plaudissements. Ce que Ton cherche d'abord ce sont les droits d'auteur, et pour cela on essaye de peindre la Societe, et pour mieux montrer ses vices ou ses defauts, il faut les amplifier, a cause de la perspective de la scene ? A qui la faute de ces depra- vations? est-ce au peintre ? est-ce au modele ? le modele est plus coupable. L'effet du theatre depend de la disposition des specta- teurs. Ces tableaux produiront un efFet different sur les divers assistants. Ils seront civilisateurs pour les ames honnetes , en aug- mentant chez elles l'horreur du crime , et ils ameneront a une cor- ruption plus complete celles qui seront deja depravees. J'approuve cependaut , Messieurs , le vceu qui vous est presenter je n'attends rien du Gouvernement pour son execution ; rien des Societes savantes, mais le suffrage d'un public nombreux et eclaire peut avoir quelque retentissement. N'oubliez pas non plus la question de moralite; ramenez les hommes a la vertu , le theatre y sera naturellement rappele , et les auteurs seront aussi forces dy souscrire. Cette improvisation remarquable est vivement ap- plaadie. M. Jullien se felicite de 1'aYoir provoquee et d'avoir entendu les developpements de M. Bayle. ASSEMBLIES GENERALES. 203 L'honorable preopinant, dit M. Jullien , n'a pas repousse tout entier le voeu que j'avais forme. Le public, entraine par l'attrait du plaisir, se laissealler plus facilement, et le theatre devientin- sensiblement corrupteur ; il resulte du reste des developpements de M. Bayle, que ce vice merite d'e!re pris en consideration par le Congres. Sans vouloir combattre Rousseau , il a reconnu Taction salutaire du theatre et l'influence reelle du theatre sur le public, du public sur les auteurs, et reciproquement j il a reconnu encore l'influence que pourrait avoir le cri accusateur du Congres sur la partie desorganisatrice du theatre. M. Jullien demande que le Congres delibere sur sa pro- position, qui est adoptee a une tres-grande majorite. A la contre-epreuve, une seule voix s'eleve contre. Sur l'invitation deM. deCaumont, M. Bayle-Mouillard, secretaire de l'Academie royale des sciences , belles- lettres et arts de Clermont-Ferrand , prend la parole en ces termes : Messieurs , vous desirez un rapport sur les travaux del'academie de Clermont, etbien qu'il me semble peu seant de parler de soi lorsque Ton est chez soi, je vais essayer de repondre a votre de- mande. Yous en avez fait pour moi un devoir d'hospitalite. Notre academie remonte a 1747 ; en 93, elle succomba pour re- vivre en 1824. En 1829, elle fut reconnue par le roi et autorisee a reprendre son ancien titre d' 'Academie royale des sciences , belles-lettres et arts de Clermont-Ferrand. Deux noms celebres se rattachent a son origine et a sa restauration. M. deMonthyon contribua a la fonder; depuis 1824, M. de Montlosier la preside^ Par ses soins , nous avons obtenu des hopitaux de Paris et de l'A- cademie francaise la restitution de la premiere liberalite qui nous fut faite. Grace a lui, nous avons recouvre le droit de decernerr nous aussi , un prix Monthyon. Comme toutes les academies, nous ouvrons des concours qui quelquefois sont heureux. Mais nous cherchons aussi a stimuler 204 ASSEMBLIES GENERALES. ies intelligences par l'exemple,a connaitre et a faire connaitre notre pays. De la nos travaux, reunis pour la plupart dans les Annates scienlijiques de VAuvergne, qui paraissent regulierement sous la direction de M. Leeoq, et qui forment deja une serie de onze volumes annuels. Vous comprenez , Messieurs , que je ne dois pas vous entrete- tenir de tous ces travaux. J'imiterai 1'exemple de ceux d'entre vous qui , nous parlant de quelques autres Societes savantes , se sont renfermes dans le cercle le plus restreint, me bornant a vous dire ce qui a ete fait, pour l'Academie, par ses membres, dans le cours des deux dernieres annees. Le plus laborieux de nous tous, le plus age, mais aussi le plus jeune par l'imagination, M. de Montlosier, nous a lu un travail important sur VElat actuel des sciences et de la ge'ologie en par- iiculier, puis de Nouveltes Observations sur les evenements du globe , destinees a combattre quelques idees emises par M. Lecoq , dans ses Elements de ge'ographie physique , ouvrage qui a deja pris place dans le haul enseignement. Avant de livrer le second volume a la presse, notre collegue en avait detache pour nous des Considerations sur la vieorganique. Sur ce terrain encore, M. de Montlosier engagea unelutteanimee.il serait difficile dedire tout ee qu'il y a de verve et d'originalite piquante dans ces vues sur V animalite a I'origine du globe. Pius positif et concentrant toutes ses forces sur l'etude des faits, M. Tabbe Croizet a observe les aurores boreales qui ont ete quel- quefois visibles dans nos contrees , et nous a soumis des reflexions sur ces apparitions brillantes qui avaient deja utilement excite Fattention de son collegue M. Mathieu. Revenant bientot adessujets qu'il etudie avec une predilection plus grande, M. Croizet a lu ses Recherches sur les ossementsfos- siles de notre Auvergne ; il nous a fait connaitre les richesses nouvelles qui ont recompense ses investigations. Nous nous sommes emerveilles de cesconquetes du present sur un passe deja si vieux. Le bonheur accompagne toujours la patience unie a la sagacite; or, ce bonheur ne manque jamais a notre excellent collegue, qui ASSEMBLIES GENERALES. 205 n'a parmi nous aucun rival digne de lui , depuis que M. Bouillet a porte sur d'autres etudes ses preferences et son infatigable activite. Un autre geologue , qui s'occupe moins specialement de paleon- tologie , M. Lecoq , a excite une vive attention d'abord par une longue Note sur un spatangue recueilli dans une vigne pres de Clermont; puis en cherchant a nous donner l'explication theori- que d'un phenomene local dans sa Notice sur les petiis lacs des terrains basaltiques d'Auvergne. Ses doctrines ont eprouve quelque contestation de la part de M< de Montlosier et de M. Croizet; elks ont cela de commun avec toules les doctrines nouvelles quinvente une science encore incomplete; mais alors la vivacite des attaques est en quelque sorte un temoignage de l'originalite des idees, de la sagacite de l'auteur; et celui-ci est a l'abri de tout reproche fonde , quand il a bien observe et completement decrit les faits. Ce merite , qui ne manque jamais a M. Lecoq , est un devoir pour l'observateur de province ; mais ce devoir n'est pas toujours bien compris par les voyageurs. Parmi ceux qui nous visitent, quel- ques-uns regardent a peine et decrivent a la hate. L'un deux n'a- t-il pas publie que la temperature des eaux du Mont-Dore baisse graduellement ? II avait entrepris de le prouver en rapprochant quelques experiences faites a la hate et dans des circonstances differentes. Cette assertion hasardee a ete detruite par M. le doc- teur Bertrand; opposant a des observations d'un jour les etudes de toute sa vie, et ne comparant que ce qui etait reellement com- parable, il a prouvesans peine que depuis vingt ans cette tempe- rature n'a pas change. Suivantses traces, son fils est alle un jour etudier d'autres eaux thermales; c'etait une deputation du Mont-Dore aux Pyrenees. Nous connaissons deja quelques fragments du recit de ce peleri- nage, et nous attendons le reste avec une vive impatience, cer- tains d'y trouver , dans un style correct et brillant , des descriptions attachantes, des recherches precienses pour la science et de cu~ rieux rapprochements. Tandis que M. Pierre Bertrand comparait aux eaux thermalei 206 ASSEMULEES GENERALES. des Monts-Dores les eaux salutaires de Bareges et de Cauterets, quelques-uns de ses colleguess'oecupaient de notre hydrographie. Le docteur Lassalas nous presentait un Me'moire sur les sources de la Sioule, et provoquait ainsi un savant rapport de M. le pre- sident Tailhand. L'agriculture, qui recoit des eaux un si grand secours, etait l'ob- jet de travaux utiles. M. de Montlosier , dans son style tonjours jeune, vous racontait comment des sables volcaniques de Ran- danne il avait fait sortir des champs , des bois , des paturages , un hameau. II s'unissait a MM. Conchon de Yolvic , Mercier , Saulnier d'Anchald et Molin, pour repondre a l'appel du conseil general , et tous ensemble exposaient , sous des points de vues differents que M. Molin a ramenes ensuite a l'unite, I'e'lal et les besoins de /.'agriculture en Auvergne. Sa prosperity depend en grande partie du bon etat des routes. Aussi M. Smith , dans son Me'moire sur la construction des che- mins defer par VEtal, a traite une question qui serattache a l'a- griculture. Mais pour l'etudier avec succes , comme l'a fait l'au- teur, il etait surtout necessaire de bien comprendre les besoins de l'industrie et du commerce, de bien connaitre les principes de l'economie sociale. Ces notions, indispensables denos jours a qui- conque s'occupe de legislation , ont ete utilement employees par M. Allemand, qui , apres avoir recherche quels sont le carac- tere reel et les merites de Domat , s'est attache a signaler les lacu- nes de notre regime hypothe'caire, et les moyens de l'ameliorer. Des considerations remblables avaient guide l'un des secretaires de l'Academie de Clermont, dans ses Recherches sur I'emprison- nement pour dettes, que l'lnstitut a(recemment couronnees. Des vues dun ordre moins eleve, maisd'une utilite plus imme- diate, ont conduit le meme membre a executer avec M. Gonod une carte d' Europe de six pieds carres , ecrite en caractere gigantes- ques. Le succes de la carle de France qu'ils avaient precedem- ment publiee, leur avait fait connaitre tous les services que peu- vent rendre dans les ecoles ces especes d'affiches geographiques. II y aloinde cet humble travail aux travaux historiques et phi- losophiquesdeM. de Montlosier. Traitant tour a tour de la Revo- ASSEMBLIES GENERALES. 207 lution dans Vordrede la nature , de la loi salique , de la publi- cation des documents relatifs a Vhistoire de V Auvergne , il s'a- dressait non pas a des enfants, mais a des homines j il faisait de son fauteuil aeademique une cliaire de haut enseignement. De son cote , M. Gonod poursuivant le cours des investigations- laborieuses qui en quelques annees ont doable limportance de notre bibliotheque , nous a fait une communication sur des ma- nuscrits interessants pour l'Auvergne , et trouves a Poitiers ; il nous a dit comment deux ouvrages precieux, les Gapitulaires de Charlemagne et un Gregoire-de-Tours , couverts l'un et l'autrede notes inedites de Savaron , avaient ete sauves des mains de l'epi- cier, par l'erudition genereuse de MM. Turge etThevenot, qui en ont fait don a la ville; il nous a lu des Notices sur un marbre tumulaire trouve dansle bourg deGerzat, sur un cimetiere gallo- romain, decouvert pres de Clermont; enfin sur le plus beau de nos edifices, sur notre Cathedrale, qui, grace a lui, a trouve un historien exact et complet. Dans cet ordre de travaux, j'ai a citer encore la Notice de M. Croizet sur des tombeaux trouves a Coudes, tombeaux qu'il a etudies avec autant de zele, decrits avec autant de soin que s'ils eussent ete pleins d'ossements fossiles; un Essai historique sur le vitrail, dans lequel, utilisant son double savoir d'antiquaire et d'arliste, M. Thevenot a fait l'application a ces restes de l'art re- ligieux des principes poses par M. de Caumont; enfin , des tra- vaux de M. Mallay sur la restauralion de I'e'glise d'Issoire, la plus richede nos eglises a plein-cintre, sur I'e'glise du Port , la plus complete et la mieux conservee. Par ces monographies , il se pre- parait a un travail plus etendu , VHistoire et la Description des eglises bysantines d'Auvergne. Le Souperde Domitien, dans lequel M. Stievenarta fait revivre \e Neron-Chauve j tient a l'etude des antiquites , mais bien plus encore a la litterature. C'etait aussi des ceuvres vraiment litterai- res, ces poesies de MM. Le Camus, de Taleyrat, Reymoud, qui tour a tour ont provoque des sourires et des applaudissements. M. Croizet, M. Tailhand ont excite en vous des sentiments WO ASSEJIBLEES GENERALES. d'un autre ordre, quand ils ont rendu devant nous les derniers devoirs a deux de nos collegues: A M. Dubois , a ce pretre devoue a Dieu et a l'etude de la na- ture, qui pendant la revolution vecut dans les burons des monta- gnes avec un morceau de pain noir, preparant pendant le jour un troisieme volume a la Flore d'duvergne, allant la nuit visiter les malades, baptiser les enfants et benir les mariages; qui , apres la revolution , accepta les plus modestes cures, ne prenant aucun souci de sa place, parce qu'il trouvait partout du bien a faire et des plantes a etudier ; bon et robuste vieillard qui n'avait aucun en- nemi , et mourut octogenaire sous le couteau d'un assassin; A M. Baudet-Lafarge, ce revolutionnaire bomme de bien, qui fut notre representant dans toutes les assemblies nationales , a qui nous nous pressions d'avoir recours dans toutes les crises politi- ques, et qui se hatait de rentrer dans sa retraite quand 1'orage etait calme; qui , dans les temps les plus difficiles, allia I'intelli- gence a la moderation, l'humanite a I'independance; aida a sau- ver les naufrages de Calais, ne voulut du pouvoir d'autre faveur que le droit de faire un peu de bien sous le titre de juge de paix, et chercha dans la contemplation studieuse de nos insectes une distraction des fautes et du malheur des hommes. Comme les sciences et les lettres , la musique et la peinture ont parmi nous quelques representants. Un jour, une greleaffreuse brisa les vitraux de notre Cathedrale. Peu de mois apres, deux de nos compatriotes etaient a l'ceuvre pour les reparer. Sans modeles, sans guides, ilsavaient construit leurs fourneaux , prepare leurs couleurs , decoupe et mis en plomb leurs verres. Par les soins de MM. Thevenot et Emile Thibaud, le mal a disparu en partie. L'art moderne calquant I'art ancien, a comble deja beaucoup de lacunes; les derniers vides auront bien- tot disparu. Enhardis par ce premier succes, ils ont fait d'autres tentatives; et d'autres eglises s'enrichissent des conceptions nou- vellesdeces deux artistes, qui maintenant travaillent separes. Un autre peintre auvergnat, celui qui orna de fresques Saint- Sulpice et la Bourse, M. Degeorge, revenu dans son pays, a continue de cultiver son art, loin du bruit et des excitations de ASSEMBLIES GENERALES. 209 la Capitale. Une bonne action lui a inspire un bel ouvrage, le Songe de Virginie , donne au Bureau de Bienfaisance. Mais son oeuvre la plus importante, dans cesdernieres annees, est la /wonf de Bonchamp. Cette toile, ou respire tant de devoument , d'huma- nite, d'heroisme, est la sous vos yeux. Vans l'admirez ! Qu'avez- vous besoin de mes paroles? Qu'avez-vous besoin aussi que je signale a vos applaudisse- ments le premier de nos artistes, l'auteur de VAlcade dela Vega, du Colporteur , de Guise, de tant de chefs-d'oeuvre d'harmonie. II est des noms qui font la gloire d'une academie ; celui de George Onslow est de ce nombre. Aussi TAllemagne, l'ltalie nous le disputent. Manquera-t-il long-temps a 1'Institut de France ? Voila nos titres, Messieurs; voila nos travaux de ces deux annees. En terminant cette rapide esquisse , il m'a semble que je pourrais rendre plus sensible, par une frappante image, l'esprit qui nous anime ; et vous faire comprendre pourquoi l'archeologie et la geologie sont parmi nous l'objet d'une affec- tion speciale. 11 y a peu d'heures, peu d'instants , je cheminais a travers la campagne, revant aux ceuvres de mes amis, de mes collegues, songeant aux paroles que j'avais a vous dire. Je m'etais ainsi len- tement eleve jusqu'a ce plateau qui ferme la Limagne, et que sur- montent les monts Domes. De la , je voyais briller ces riches campagnes se deroulant sous un ciel aussi pur que le ciel de l'ltalie. Autour de moi etaient des montagnes autrefois menacantes et caracterisees par des cra- teres encore beants; a mes pieds s'epanchaient des fleuves de lave glacee depuis des siecles; ici sedressaient des pics herisses de pris- mes balsatiques, et ailleurs des monticules calcaires; puis, ca et la, sur des puys , sur des monticules , dans les gorges , les vallees , sur les mamelons de la plaine, mon ceil distinguait ou des tours a demi-detruites et faconnees jadis avec des troncons de basalte, ou les remparts brises des vieux chateaux, ou les fleches d'un clocher gothique, ou les formes arrondies d'une eglise romane; partant les ruines des monuments ou les ruines de la nature.... Alors , le sol m'a fait mieux comprendre les hommes ; et j'ai senti 210 ASSEMBLIES GENEUALES. EKALES. pier la regularity du cirque que nous avions sous les yeux. 5oo pieds de profondeur , 900 pieds de diametre , sont des proportions assezgrandes pour donuer a Pariou une superiority marquee sur la plupart de nos autres montagnes ignivomes; il depasse meme de beaucoup, corame nous la dit M. le professeur Maravigna, les cones parasites qui s elevent stir les flancs de l'Etna , mais il n'at- teint pas les proportions du cratere de cette enorme montagne. De Pariou au puy de Dome , le voyage est facile , aussi fut-il entre- pris sans hesitation, et la plaine de bruyere qui separe ces deux montagnes fut franehie en une demi-heure. Nous etions alors au pied du Puy-de-D6me lui-meme , et quelques instants apres nous etions tous groupes sur les bords du Nid de la Poule , joli cratere dont les dejections incoherentes semblent disposees sur deux rangs, et ont produit, par leur accumulation r la montagne du petit puy deDome. La, nous nous separames en deux bandes, dont Tune vint directement rejoindre la Baraque , tandis que l'autre s'elevait lentement sur les flancs de la montagne, qui devait etre le terme de notre excursion. Nous atteignfmes en&n le sommet de ce dome traehytique, ou des nuages que le vent transportait avec une grande rapidite, venai* de temps en temps nous derober di- verses parties de l'immense horizon que nous pouvions embrasser 7 et nous envelopper de leurs brouillards. Nous etions alors isoles sur une iledans l'atmosphere; tout disparaissait a la fois, jusqu'a ce qu'une eclaircie nous laissa apercevoir d'un cote le groupe de montagnes volcaniques que nous dominions, de l'autre le mont Doreen partie voile par les memes nuages qui venaient nous at- teindre. L'heure avancee, et la temperature un peu trop basse de ces hautes regions nous determinerent a les abandonner; nous descendimessur un plateau qui fait encore partie de la montagne, et sur lequel des tuiles a rebords, des morceaux de murailles , et quelques excavations peu profondes nous revelerent l'existence d'anciennes habitations dont les ehartes ni la tradition ne nous ont laisse aucun souvenir. Nous suivimes pour notre retour la vallee de Fontanas et ses charmantes prairies. Nous visitames en passant les eaux pures et les chataigniers kseculaires de Royat ; nous des- cendimes dans la crypte de sa vieille eglise , et le jour avait cesse quand nou rentrames a Clermont. ASSEMBLIES GESERALES 237 MM. Ies secretaires des sections lisent leurs proccs- verbaux. M. Lecoq offre , de la part de MM. Barthomivat-Dcspa- Ienes et Vidal, plusieurs medaillons formes par leseaux incrustantes de St-Nectaire. On admire la beaute de ces reliefs , la finesse de la matiere calcaire , et la perfection de ce moulage naturel. II communique ensuite une lettre de M. Desire Monier , de Lyon , relative a l'usage des anciennes haches gauloi- ses. Elle est renvoyee a la quatrieme section. MM. Tailhand et Lecoq lisent sucessivemcnt , tant en leur nom collectif qu'en celui de M. de Laizer, deux rapports tres-favorablcs sur les Memoires manuscrits et les ouvragcs imprimcs, lus ou offerts au Congrcs par M. lc profcsseur Maravigna. M. Lecoq a la parole. Messieurs , Vous avez charge M. Tailhand, M. le comte de Laizer et moi de vous rendre compte de plusieurs travaux qui vous ont ete s umis par M. le professear Carmelo Maravigna , membre de la Societe gioeniene de Catane et de plusieurs autres Societes savantes. Ces travaux ont presquetous rapport a la Sicile et a ses produc- tions, qui presentent, comme vous le savez, un grand interet aux sciences et surtout a la geologie de l'Auvergne. En efFet, le mont Etna , le plus ancieu des volcans connus , fait partie de cette ile > et malgre les nombreux travaux qui ont ete publies sur cette an- cienne localite, nous devons toujours accueillir avec empresse- ment ceux d'un savant qui habite la base de cette montagne ce- lebre, et dont les observations toutes pratiques sont par cela meme plus utiles a constater. M. Maravigna soccupe d'abord des richesses mineralogiques de lEtna; il decrit les mineraux nombreux et les riches cristaliisa- tions des di verses zeolithes qui tapissent les cavites de ses laves. A 238 ASSEMBLEES GENERALES. l'appui de ses descriptions , leprofesseur sicilien vous presente les echantillons des principales substances minerales dont il a parle. Ce Memoire , long et instructif, est peu susceptible d'analyse. II nous conduit a un autre dans lequel l'auteur considere les rap- ports qui existent entre les differentes roches volcaniques. Pre- nant encore ses principaux exemples sur l'Etna, il nous decrit tous les changements , toutes les degradations que le trachyte et le basalte peuvent subir pour arriver a l'etat poreux que presen- tent certaines varietes, on, ce qui est plus difficile, pour changer de nature en passant graduellement des roches pyroxeniques aux roches feldspatiques. Apres avoir admis corame un fait prouve par des milliers d'exemple, que les caracteres mineralogiques de ces roches sont a peine differents, M. Maravigna en conclut une iden- tity d'origine. Les laves modernes s'epanchent encore aujourd'hui des crateres ou des flancs de l'Etna ; elles coulent sur le sol ; ce sont de veritables eruptions. Suivant l'analogie et remontant par ordre chronologique a l'origine des basaltes, et par suite des trachytes , il arrive a cette consequence que toutes ces laves an- ciennes n'ont pas eu d'autre mode de formation. Ce ne sont done pas, dit M. Maravigua , des soulevements qui ont amene au jour ces anciens produits des volcans; ces pretendus soulevements n'existent que dans Timagination de quelques geologues mo- dernes, et tous les phenomenes geologiques de l'Etna viennent deposer contre cette nouvelle theorie. Le Val del Bove , que quel- ques geologues considerent comme un cratere de soulevement, borde de gigantesques escarpements, n'est autre chose qu'un af- faissement qui a mis a nu presque toutes les couches de la mon- tagne, et la se trouve ecrite en majestueux caracteres l'histoire des nombreuses eruptions du mont Gibel et des violentes convul- sions qui ont precede ses paroxismes. Cette opinion, Messieurs, est loin d'etre partagee par tous les naturalistes. Dans ces derniers temps, un savant francais a tire de la structure du Val del Bove une conclusion toutecontraire a celle du professeur de Catane, et a vu, dans les superpositions et dans rinciinaison des assises puissantes qui y sont a decouvert, la preuve dun soulevement qui les aurait toutes deplacees; mais quelles que ASSEMBLIES GENERALES. 239 soient les theories, les faits sont acquis, et nous devons de la re- connaissance a ceux qui nous les font connaitre avec precision. Abandonnant la region volcanique de la Sicile, M. Maravigna arrive a l'examen des terrains secondaires , et continuant ses pa- tientes recherches sur deux substances dont les gisements de la Sicile sont devenns celebres, sur la celestine et le soufre, il re- sume de longs travaux en nous donnant toutes les formes, toutes les modifications que presentent les brillants cristaux de ces deux mineraux, et pour qu'il ne manque rien a leur histoire, il nous expose avec clarte la seule theorie qui soit admissible pour leur formation. Apres avoir bien demontre que le soufre et la celes- tine se trouvent ensemble et qu'ils appartiennent a la partie supe- rieure des terrains secondaires, apres avoir refute par des preuves la singuliere idee d'attribuer aux mollusques la formation du soufre, M. Maravigna propose l'explication suivante : Prenant pour exemple ce qui se passe encore aujourd'hui sous nos yeux dans les sources sulfureuses , il en conclut par analogie l'origine plus ancienne du soufre de la Sicile. « Rien , dit-il , ne nous em- peche de croire qu'a l'epoque des formations secondaires ou im- mediatement apres , il se developpait en quelques endroits , au sein des mers , des courants de gaz acide hydrosulfurique qui , venant a se dissoudre et a se decomposer dans l'eau, furent l'ori- gine de ces anciens depots. En effet, l'inspection des mines de soufre et le melange de ce combustible avec la marne nous demontrent que les courants de gaz hydrogene sulfure elaient contraints de passer a travers ces de- pots, qui se trouvaient alors a l'etat paleux et par consequent susceptibles d'etre traverses par le gaz. Le soufre s'y arreta done en s'y melaugeant. On peut admettre egalement que le gaz hydrosulfurique, tra- versant la pate, s'est accumule en plus grande masse en divers en- droits, et par cela meme n'a pu couler, a cause de la consistance du magma. La ou se formaient des vides de plus ou moins d'e- tendue, le soufre tenu en solution par l'hydrogene se deposait, et donnait lieu a ces diverses cristallisations que nous retrouvons actuellement. 240 ASSEMBLERS GENERALES. 11 est done plus que probable que les cristallisations de soufre out ete produites par le soufre retenu en dissolution gazeuse, soit par le gaz hydrogene, soit par la clialeur centrale, et qu'en- suite il est alle se deposer contre les parois de ces cavites pro- duites parl'accurnulation du m erne gaz. Apres cette explication de la production du soufre, M. Maravigna explique la creation de la strontiane sulfatee, ou celestine, qui se trouve dans les memes gisements que le soufre, ei; tapisse de ses magnifiques cristaux de grandes cavites des terrains secondares. Sa cristallisation est in- dubitablement contemporaine de celle du soufre. On en a la preuve en ce que ces deuxespeces se trouvent ordinairement cris- tallisees ensemble, tantot la celestine sur le soufre, tantot le sou- fre sur la celestine; mais s'il est facile de se rendre compte dela cristallisation du soufre par sa dissolution dans le gaz hydrogene, il ne Test pas autant d'expliquer la maniere dont la celestine cris- tallise. II est en effet peu probable que Ton puisse admettre que le sulfate de strontiane soit dissous dans l'eau , sachant combien cette substance est peu soluble dans ce liquide; mais il parait plus raisonnable de reconnaitre qu'a cette epoque le soufre du gaz hy- drogene sulfure, se combinant egalement avec l'oxigene de l'eau et avec la strontiane tenue en dissolution dans les eaux,formait alors le sulfate de cette substance qui , a son tour, se combinant avec la chaux, donnait naissance au gypse. Vous voyez , Messieurs, combien la chimie vient en aide au geo- logue pour expliquer naturellement une multitude de faits du plus grand interet ; mais cette science ne se borne pas seulement a des speculations theoriques , elle conduit aussi a des resultats po- sitifs; e'est ainsi que M. le professeur Maravigna, etudiant l'extrac- tion du soufre, a reconnu que Ton perdait {\ de cette matiere, et que Ton brulait par consequent 17 parties de soufre pour en avoir une. II a trouve nn iemede a cette perte immense, au moyen d'un appareil particulier qui permet de reccueillir pres- que tout le soufre , et qui a le grand avantage de mettre a Tabri des vapeurs malfaisaintes de cette substance qui , aux environs des fabriques nuisent singulierement a la sante des habitants et a la vigueur de la vegetation. Tel est cependant ("empire de la routine, ASSEMBLIES GENERALES. 2il que, malgre les honorables encouragements qui ont accueilli ce procede nouveau, le soufre est encore extrait d'apres l'ancienne methode. On pourrait croire que, s'occupant a la fois de deux sciences aussi vastes que la chimie et la geologie, M. Maravigna etait etrangeraux autres sciences; mais on se tromperait, car a ses travaux sur la flore medicalede Catane, il faut ajouter encore ses etudes sur les divers mollusques de la Sicile. Le catalogue qu'il nous a offert nous prouve qu'il asu ajouter aux travaux du celebrePoli, et rendre en raerae temps plus populaire l'etude de ces singuliers animaux, que la nature a repandus avec une sorte de profusion sur les cotes de la Sicile. Nous pensons, Messieurs , que le Congres doit donner son ap- probation aux travaux de M. le professeur Maravigna , et lui te- moigner toute sa reconnaissance pour ses interessantes communi- cations , ainsi que pour les echantillons dont il lui a fait hommage. M. Tailhand, s'exprime ainsi : Messieurs, M. le professeur C. Maravigna a offert au Congres deux ou- vrages ecrits par lui dans sa langue naturelle , I'italienne , et pu- blics cette annee ci a Paris, savoir : i° Tavole sinoliche di V Etna-, 2° Memorle di orittognosia Etnea e de ' vulcani eslinti della Sicilia. JNous avons pense que ce serait, en partie, acquitter la dette de reconnaissance du Congres, en lui faisant connaitre avec de- tail ces deux ouvrages. Le premier presente des tableaux synoptiques de l'Etna qui comprennent la topographie, la description des phenomenes, l'histoire des eruptions, et la mineralogie de ce volcan. Le second, une suite de Memoires d'orictognosie de l'Etna et des volcans eteints de la Sicile ; ils contiennent la description de tous les mineraux simples qui ont ete trouves jusqu'a present dans ces volcans, et deja publies dans les actes de 1' Academic Gioeniene de Catane. 242 ASSEMBLIES GENERALES. Nous a< cms hi avec la plus serieuse attention ces deux ouvra- ges qui nous ont interesses vivement sous tous les rapports; la science du professenr, le talent de l'observateur, et l'habilete du chimiste , nous etaient un sur garant qu'il avait bien vu et bien decrit. D'une autre part, le pays que nous habitons est couvert de productions volcaniques; le soir, le soleil ne nous transmet sa lumiere qu'en dessinant en traits de feu et d'or cette ligne si- nueuse de nos volcans eteints. Mais la nature de nos produits volcaniques est-elle la meme que celle du volcan brulant de l'Etna et des volcans eteints de Sicile? S'il y a des differences, quelles sont-elles? Les ouvrages publies par M. Maravigna serviront beaucoup pour la solution de ces diverses questions. INous allons vous expo- ser aussi brievement qu'il nous sera possible le resultat de l'exa- men rapide de ces deux ouvrages. §. i. Tableaux synoptiques de l'Etna. — Ilssontau nombre dej. Le premier est relatif a lorigine du volcan, sa topographie , sa temperature, sa vegetation et les phenomenes de ses eruptions ; il est divise en 17 paragraphes; les tableaux 2, 3, 4-, 5 , presentent l'histoire des eruptions, les faits remarquables qui s'y rattachent, leurs dates, indication des lieux ou elles ont apparu , leur direc- tion, les auteurs qui en ont parle. Les eruptions de l'Etna, que rappelle l'auteur, sont au nom- bre de 73. II fait remonter la plus ancienne a l'epoque ou les Sicaniens ba- bitaient la Sicile; il s'appuie de I'autorite de Diodore de Sicile. La plus moderne indiquee sur le tableau , est de la nuit du 5i octobre i832. Les tableaux 6 et 7 font connaitre Thistoire des mineraux sim- ples et des roches. Le sixieme est relatif aux mineraux simples. L'auteur en decrit 67 especes , qu'il place dans huit families. Le dernier tableau est consacre aux roches ; M. ledocteur Mara- vigna en admet et decrit douze especes differentes. Ses defini- tions , explications et observations sont claires, precises et exactes. II y a plusieurs substances qui n'avaient pas encore eteobservees ASSEMBLIES GENERALES. 243 dans l'Etna; il yen a quelques autres qui novis ont paru entiere- ment nouvelles. Les tableaux sont disposes avec soin, ordre , clarte et exacti- tude, et nous paraissent etre le meilleur ouvrage de description publie jusqu'a ce jour sur le volcan de l'Etna. Le deuxieme ouvrage est une collection deMemoires distincts, ayant pour but de donner le developpement , l'explication detaillee des huit families des mineraux simples, et des douze especes de roches. Le premier Memoire comprend la famille des substances si- liceuses. L'auteur examine l'origine et la formation des substances siii- ceusesdans les volcans. II les considere sous deux points de vue: i° Sous celui de leur mode de formation ; il les divise en subs- tances : i° formees par la voie ignee de la sublimation ; i° en celles formees par la voie de la fusion et en cristallisations subsequentes ; 3° en celles arrachees de la terre, et specialement du sol primitif; 4° celles formees par la voie humide ; 2° Sous le deuxieme point de vue, il les classe suivant l'ordre qu'il a adopte dans ses autres travaux, et cette classification s'ap- puie sur la composition chimique des especes orictognostiques. II les divise en plusieurs genres : Le premier comprend les produits de l'acide siliceux hydrate; Le deuxieme, les silicates. II sous-divise ce genre en silicates alumineux composes, et en silicates non alumineux; Le troisieme genre est relatif aux carbonates. Ces divers genres sont subdivises en especes et sous-especes. Le troisieme Memoire comprend la famille des substances hy- drogenees divisees en genres; le premier, le gaz hydrogene; le second les hydruresjle troisieme, l'oxide d'hydrogene. Le quatrieme Memoire est relatif aux produits sulfureux. i" genre, le sou/re; 2e, les sulfures ; 3e les sulfuroxides ; 4° les sulfates. Le cinquieme, les produits du chlore. j«' genre, les chlorures ; 2°, les hydrochlorales. ~1\\ ASSEMBLERS GUNERALES. Lesixieme, les phosphates; le septieme, la fa mi lie des pro- ducts ferrugineux : le peroxide defer, lefer oligiste; le fcr ma- gne'tique. On trouve ensuite un apercu sur le sulfate de cliaax qui se forme dans linterieur du cratere de l'Etna, sur la generation desautres sels qui s'y trouvent, et specialement sur une substance tres-ressemblante au kaolin , produite par la decomposition des laves. Un autre Memoire, i° sur la hyalite du basalte de Lamothe; 2° la tremolite de lile des Cyclopes; 3° sur l'hydrochlorate d'am- rnoniaque de leruption de lannee i832; 4° sur quelques especes minerales trouvees dans les cendres desvolcans eteints dela vallee de Nolo. A la fin se trouvent les tableaux oristognostiques que nous avons decrits. Dans ces divers Memoires, le docteur Maravigna a developpe une grande connaissance de la science; tous les au- teurslui sontconnus, il les cite a propos et avecdiscernement. Ces deux ouvragesdeviendront un sujet d'etude pour tousceux qui voudront connaitre les substances volcaniques , et ils trouve- ront dans la collection dont M. le docteur Maravigna a gratifie la ville de Clermont, les moyens de verifier sa theorieet ses clas- sifications. C'est un veritable present qu'il a fait a notre pays; et il a bien merite de la science, a laquelle il a fait faire un grand pas. Je propose au Congres de voter a M. Maravigna de nouveaux remerciments ; cet hommage lui prouvera que nous aimons a ap- precier et honorer le travail du savant, et nous approprier les resultats de ses veilles et les conceptions de son genie. M. Lecoq annoncc que , le lendemain 12 septembre , on visitera les eglises et les autres monuments de Cler- mont qui pourraient presenter quelqu'interet, et comme plusieurs membres etrangers a la section d'archeologie avaient manifeste le desir de faire partie de cette prome- nade, il propose d'y consacrer le temps de la seance ge- ASSEMBLERS GENERALES. 245 nerale , et indique le rendez-vous dans la m£me salle , a deux heures et demie. Apres quelques explications demandees par M. Hu- nault de la Pelleterie , et donnees par M. Lecoq , cclte proposition est mise aux voix et adoptee. M. Lecoq fait observer que si le Congres desire un proces-verbal de cette interessante promenade , qui sera purement archeologique , ses connaissances ne liri per- mettent pas de le rediger convenablement , et il prie M. Thevenot , secretaire de la quatrieme section , de vou- loir bien s'en charger. M. de Caumont rappelle que, lesoir, a huit heures, aura lieu la reunion qui decidera de la ville ou doit se tenir la septieme session du Congres. M. Hunault demande que la liste des membres du Congres soit imprimee immediatement et distribute a tous les membres. M. Bouillet y voit des inconvenients tres-grands , parce que plusieurs personnes qui y sont portees, et notam- ment des membres de 1 'Academic de Clermont, n'ayant point paru aux seances , peuvent , par cette absence , indi- quer un refus d'adhesion , et qu'il serait impossible de s'en informer sur-le-champ. M. Hunault insiste en disant que c'est une susceptibi- lite de position de M. le secretaire general. M. Jullien appuie la proposition de M. Hunault , qui est mise aux voix et adoptee. M. Hunault de la Pelleterie fait hommage au Congres , de la part de M. Jouannot, de sa statistique dela Gironde. M. E. Thibaud fait hommage d'un Memoire sur les anciens vitraux et la peinture sur verre. Ce Memoire etant tres-long, et M. Thibaud n'ayant pu le terminer assez tot pour en demander la lecture , il a pris le parti 19 246 ASSEMBLIES GENEUALES. de le faire imprimer, et d'en offrir un exemplaire a cha- cun des membres du Congres. On vote des rcmerciments a M. Thibaud. L'ordre du jour est la discussion sur une des ques- tions du programme , relative a la seconde section , sur le morcellement des proprietes. Cette discussion est precedee de la lecture du Memoire de M. Marta-Becker , qui avait ete demandee par la se- conde section. M. Dumiral a la parole pour developper sa maniere de voir a cet egard , et renvoie au proces-verbal de la se- conde section , ou ses idees ont ete recueillies et analysees. L'heure avancee force de renvoyer la discussion a une seance prochaine. La seance est levee a cinq heures et demie. SEANCE DU 13 SEPTEMBRE 1838. Le proces-verbal de la seance precedente est lu et adopte. Le secretaire general lit le projet darrete fait la veille par les bureaux reunis , pour designer le lieu ou doit se tenir la septieme session du Gongres , et pour la publi- cation des travaux de la sixieme session ; il est ainsi concu : Arrete pris par le Congres a la seance generale du 13 septembre 1838. Article ier. — La septieme session du Congres scientifique de France s'ouvrira au Mans (Sarthe) , dans la premiere quinzaine de septembre 1 83g. ASSEMBLIES GENERATES. 2W Article i. — Le Congres sera divise en six sections, qui porte- ront, commeala session precedente, les denominations suivantes : io Sciences naturelles; i° Agriculture, industrie et commerce; 3° Sciences medicates; 4° Archeologie et histoire ; 5° Lftterature et beaux-arts ; S° Sciences physiques et mathematiques. Article 3. — Sous aucun pretexte, il ne pourra etre apporte de changements a ces divisions. Artic e 4« — M. Cauvin est charge de remplir les fonctions de secretaire general de la septieme session, en s'adjoignant M. Riche- let, ancien bibliothecaire, et M. Anjubeau, bibliothecaire actuel. Article 5. — La convocation pour le prochain Congres sera faite au moyen d'une circulaire ecrite par M. le secretaire gene- ral de la septieme session. Gette circulaire sera adressee directe- tement par M. Cauvin, aux Savants de la France et de l'etranger. MM. les secretaires generaux des Congres precedents sont pries d'aider M. Cauvin dans Gette distribution, pour les contrees qui les avoisinent. Article 6. — Nul ne sera admis a se faire inscrire au nofn- hre des membres du Congres, s'il n'est porteur d'une lettre de convocation. Article 7. — Les secretaires generaux de la sixieme session s'occuperont immediatement de la publication du compte-rendu du Congres, de concert avec MM. les presidents et secretaires des sections en residence a Clermont, qui fornieront avec eux le comite de publication. Le volume sera tire a 5oo exemplaires. Article 8. — Cette commission est chargee de revoir les Me moires lus dans les seances ; elle choisira ceux qui lui parailront les plus importants, et pourra n'imprimer que par extraits ou supprimer tout-a-fait, si elle le juge convenable, les Memoires presentes pendant la session, lors meme que l'impression en au- rait ete demandee par une section, ou que la lecture en aurait ete faite en seance generale. Article 9. — La meme commission presidera a la distribution 248 ASSEMBLIES GENERAL US. du compte- rendu., dont cent exemplaires au moins, et cent cin- quante exemplaires au plus,serontadresses, au nom du Congres, aux Academies et Societes savantes de France ; la commission pro- noncera sur toutes les difhcultes qui pourraient s'elever ulterieu- rement; elle donnera au secretaire general charge des preparatifs de la septieme session, tous les renseignements qu'il pourra re- clamer; en un mot, elle sera investie des memes attributions que le Congres qu'elle representee, jusqu'a la publication du compte- rendu de la sixieme session. Fait et arreteen seance generate, le io septembre i858. Signe de Gaumont, president; H. Lecoq, secretaire. M. Hunault de la Pelleterie reclame contre le droit que prend le bureau de presenter un projet d'arrete, et de- mande qu'il soit fait mention au proces-verbal des de- bats qui ont eu lieu entre les pretentions de la ville du Mans et de celle d'Angers. II demande qu'il soit constate qu'a une reunion anterieure , Angers avait obtenu un nombre de suffrages egal a celui qui avait ete donne a la ville du Mans ; que ces deux villes avaient ete cgale- ment proposees pour la tenue du Congres , et demande le vote au scrutin secret pour la decision. M. Lecoq fait remarquer que c'est un simple projet qui est soumis au Congres et non un arrete; mais que Ton voit avec plaisir lmsistance de M. Hunault , qui est delegue par l'Academie d'Angers , et qui par consequent doit faire tous ses efforts pour attirer le Congres dans une ville dont il represente les Societes savantes. M. de Caumont , president, apres avoir cede le fauteuil a M. Tailhand , enumere les avantages que presente leMans, sans se dissimuler qu'Angers serait un point de reunion tres-convenable, si ce n'est pour la prochaine reu- nion , au moins pour une de celles qui la suivront. Apres de nouveaux debats, la discussion estcl^«* - H }* ASSEMBLIES GENERALES. 2W projet d'arret6 est mis aux voix article par article; ils sont tous adoptes. M. Buvignier , secretaire de la premiere section , dit que la section d'histoire naturelle a la quelle etaitreunie la section des sciences physiques et mathematiques , ayant ete obligee de faire deux seances par jour, a cause de la multiplicite de ses travaux, les proces-ver- baux se sont accumules , et qu'il serait trop long d'en en- tendre la lecture. II lit deux propositions deja presentees a la premiere section, dont Tune , par l'academie duMans, est relative aux collections ; l'autre , par M. Lecoq , tend a organiser , sous la direction de l'Academie des Sciences, des centres d 'observations meteorologiques. Les deux propositions sont adoptees. M. Buvignier rend compte de la decision de la sec- tion, relativement a la medaille offerte par M. de Cau- mont a la personne qui , dans la France centrale , aurait rendu par ses travaux le plus de services a l'histoire na- turelle ; la section a pense , sur la proposition de M. Lecoq, que M. Jourdan , professeur de zoologie a Lyon , et con- servateur du Musec d'histoire naturelle de cette ville , meritait cette medaille , et pour ses travaux , et surtout pour le zele et l'activite qu'il avait deployes dans la crea- tion de ce Musee , qui peut etre place maintenant , grace a ses soins , parmi les plus remarquables que possede la France. Le Congres adopte ce choix a lunanimite. M. Adrian , secretaire de la deuxieme section , dit que les membres de la section n'ont pas juge a propos de de- cerner la medaille qui leur avait ete remise par M. de Caumont. M. le vice-president Tailhand fait la proposition sui- vante , qui est adoptee. 250 ASSEMBLEES GENERALES. La section de commerce et d' agriculture propose d'ap- peler V attention des economistes et des legislateurs sur la creation de banques dans chaque departement , pour four- nir a V encouragement et aux besoins de I'industrie et du commerce. Les moyens d' administration et d' execution se- ront ulterieurement proposes. M. Thevenot , secretaire de la cinquieme section , lit une proposition de M. Julien,, de Paris, relative a l'edu- cation et a l'instruction des femmes , proposition deja enoncee dans la cinquieme section, et que le Congres adopte. M. Bayle-Mouillard , charge d'un rapport sur la distri- bution de la medaille remise par M. de Caumont a la cin- quieme section , s'exprime en ces termes. Messieurs, Fidele au but qu'il s'est propose, eherchant toujours a secon*- der le mouvement intellectuel de la province, a y reveiller de plus en plus le gout des lettres et des arts, le Congres scientific que de France a 6enti corabien il serait utile de decerner quel- ques recompenses honorifiques, et la generosite de M. de Cau- mont lui en a fourni les moyens.. La cinquieme section a,, comme toutes les autres, recu du presi- dent du Congres une medaille a decerner, et celle-ci doit etre of- ferte a la personne de cette province ou des provinces voisinev qui a rendu le plus de service aux arts. Mais avant de prendre une determination, vous avez voulu qu'une commission formee de M. Jullien de Paris, M. de Douhet et moi, facilitat votre deci- sion par un rapport et quelques investigations prealables. Yotre commission a considere comme un devoir et un besoin de s'adjoindre M. de Caumont et M. Pollet, architecte a Lyon, dont le concours et les lumieres lui semblaient indispensables. Ainsi composee, elle a senti d'abord que, pour atteindre votre but , il fallait indispensablement recompenser des travaux exe- cutes tous ou presque tous en province. ASSEMBLIES GENERALES. 251 Elle a pense en outre que, pour y avoir droit, il ne suffisait pas de brillants travaux individuels ; que ce n'etait pas assez d'etre un grand artiste, meme un artiste europeen ; qu'il fallait par-des- sus tout avoir servi et vivifie l'art en province. Ces deux conside- rations ne nous ont pas perm is de prononcer le nom d'un peintre habile dont vous avez admire les ouvrages. La seconde nous em- peche de proposer a vos suffrages , qui sans cela eussent ete una- nimes, le nom d'un compositeur celebre, qui ne peut d'ailleurs desirer maintenant qu'une seule recompense, qu'un seul titre, celui que la capitale, la France, l'Europe entiere demandent a 1'Institut pour le successeur de Bethowen. Bien que ces considerations eussent resserre les limitesdans les- quellesnous pouvions choisir, il nous restait de brillants travaux a recompenses Nous ne pouvions oublier que dans les murs de Clermont un art ancien etait ressuscite, donnant naissance tout a la fois a un art nouveau, a une Industrie nouvelle; les belles verrieres de notre Cathedrale brisees, apres des siecles de duree, par une grele afFreuse , ont reparu sous la main habile d'artistes indigenes. La rosace nouvelle a pris place avec honneur en face de la rosace seculaire; le vitrail sacre est rentre a son premier rang au mi- lieu des vitraux antiques, et, dans la memecroisee, il a ete impos- sible de distinguer les medaillons nouveaux de ceux que la tem- peteavait epargnes. Ce grand service rendu n'a pas ete le dernier; l'art a ete exploite. Les artistes, comprenant leurs devoirs dans toute leur etendue , ont eu le courage de se faire industriels, de transformer l'atelier en grande manufacture. L'un d'eux , repon- dant a l'appel de sa province et des provinces voisines, 'a, de ses fourneaux agrandis chaque jour, envoye des verrieres nouvelles, d'abord, pres de cette enceinte, aSaint-Eutrope, a Montferrand, a Nadaillat; puis, dans la Creuse, dans le Jura, a Bourbon rAr- chambaud; enfin, par ordre du ministre des cultes, a la Cathe- drale de Moulins. Tant de travaux et, disons plus, tant de succes obtenus en moins de trois ans, ne peuvent pas rester sans recompense. Yotre commission vous propose done de decerner a M. Emile Thibaud la medaille destinee a 1'encouragement des arts. 252 ASSEMBLIES GENERA LES. Si nous nous en tenions la, nous ne serions justes qua moitie. INous savons tous en effetque, dans l'origine, M. Thevenot et M. Emile Thibaud etaient associes ; ils avaient mis en comroun leur savoir , leurs efforts. Tour a tour ils ecrivaient etpeignaient; ils se soutenaient mutueliement dans ees penibles epreuves qui accompagnent inevitablement les tentatives nouvelles ; tous deux ont participe a la restauration de notre Cathedrale; depuis ils se sont divises pour marcher isolement , et toujours avec bonheur , dans la route qu'ils s'etaient ouverte ensemble. Des vitraux, faits par M. Thevenot seul, ont decore le seminaire de Montferrand et notre belle eglise du Port. Mais cette division d'interets ne peufc avoir aucune influence sur nous. Dans notre pensee, nous ne se- parons pas ces deux artistes ; et si nous vous proposons de decer- ner une medaille a M. Thibaud seul, c'est uniquement parce qu'une Societe qui se confond pour ainsi dire avec le Congres , vient de decerner une medaille pareille a M. Thevenot. Nous vous demandons , non pas de consacrer une preference que tous deux repousseraient par un sentiment honorable de delicatessen mais de retablir l'equilibre que la Societe pour la conservation des monuments publics n'aurait pas rompu , si elle avait connu les verrieres et les ecrits de M. Thibaud, lorsqu'elie a decerne une medaille aux vitraux et aux notices de M. Thevenot. Apres vous avoir demande vos suffrages pour un art transforme en industrie, nous croirions ne suivre qu'imparfaitement l'im- pulsion que vous nous avez donnee par vos deliberations pre- mieres, si nous ne demandions quelque chose encore pour les arts liberaux se consacrant au service des beaux-arts. L'imprimerie , la lithographie ont appele votre attention et la notre. A Moulins, M. Desrosiers a donne un corps aux idees d'Achille Allier. II avait misses capitaux, son gout, sa pensee au service de cette brillante intelligence. Lorsquel'artiste, le premier, succomba avant le temps, Timprimeur resta courageusement debout, et continua de deployer la banniere qu'il avait recue. II donna a la lithographie le plus grand developpement qu'elle eut encore ob" tenu en province; et si les grandes editions qu'il publie ne sont ASSEMBLIES GENERALES. 253 pas toujours assez correctes, elles sont toujours brillantes de luxe et d'ornement. A Clermont nous avons remarque l'etat prospere de l'art typo- graphique; chacun reconnait la beaute des editions de M. Perol, la purete de ses types, dont personne ici n'a surpasse l'elegance et la bonne disposition. Dans une autre imprimerie , les grands travaux sont en quelque sorte heredilaires. Les tables barometri- qnes de M. Raniond, imprimees par M. Landriot, inspirerent aux Didot un sentiment louable de rivalite. Son gendre a depuis publie de grands et difficilesouvrages , avec une correction admi- rable. II n'est pas reste etranger aux ceuvres de luxe , comme on peut s'en convaincre en jetant les yeux sur l'histoire du chateau de Randan, et sur le volume de M. d'Allonville, relatif aux camps romains. Prenant dans toutes les circonstances une initiative ho- norable, maisperilleuse, il a introduit le premier en Auvergnela lithographie , les presses mecaniques; et plus tard, une stereoti- pie, une fonderie de caracteres. ]\e recevant chezlui, pour ainsi dire, que des ouvriers indigenes, il a maintenu neanmoins sou industrie dans un rang que personne n'a surpasse. Dans ces tentatives d 'innovations, il y a un genre de service et de merite special qui doit etre reconnu et proclame. Votre commission vous propose en consequence de decerner une mention honorable egale a M. Desrosiers , de Moulins , et a M. Thibaud-Landriot , de Clermont-Ferrand. BAYLE-M0U1LLARD, rapporteur. M» Thevenot, secretaire de la cinquieme section, et charge du rapport sur la promenade archeologique faite la veille , a la parole pour son rapport. L'exploration archeologique des principaux monuments de la ville de Clermont a commence hier a trois heures. Un grand nom- bre de membres du Congres s'etaient reunis a la Cathedrale, mo- nument digne en effet d'attirer sur lui l'hommage dela premiere visitedu Congres scientifique. Apres avoir admire lelegante hardiesse de ses voutes, les aspects 254 ASSEMBLIES GENERALES. varies et pittoresques de son apside , lescolonnes si legeres de son choeur , vous avez pa vous convaincre par vous-memes , Messieurs , dela verite conscieacieuse des dates de constructions donnees par M. Gonod, l'un de vos membres, a Tune des seances de la Societe francaise pour la conservation des monuments. D'apres ce Memoire, que la plupartdevous ontentendu, le choeur et son apside ont ete construits au i3e siecle; Le transcept et unepartie de la nef, au i4e; et quelques parties, tels queles arcs-boutants dela nef, au i5e siecle. Les restes de 1'ancietme cathe drale romane qui forment le massif occidental , ont attire votre attention. Vous avez remarque ces co- lonnes engagees qui se voient dans le grand mur interieur, situe al'occident; elles pourraient, par leur position, fournir lcs materiaux d'une restauration de l'ancien plan de l'edifice roman. Quelques- uns de vous ont remarque, en se transportant sur la place de la Bourse, le point de suture de la galerie exterieure romane avec les grandes nefs de la cathedrale ogivale. En parcourant le prolongement des nefs autour de l'abside , un tombeau antique, qui sert maintenant d'autel dans la chapelle de la Vierge, a specialement attire votre attention. La decouverte de ce tombeau est interessante. En 1823, en depla- cant d'anciennes boiseries, on apercut dansle mur lateral de cette chapelle une arcade dont les scellements en platre cederent aux premiers efforts des ouvriers ; l'autorite ecclesiastique , prevenue ' fit disparaitre les ossements et tout ce que le tombeau place dans cette arcade pouvait contenir. Prive ainsi de ce relief, ce tombeau, devenuun autel, a paru ce- pendant vous occuperfortement. Sur sa face anterieure, on apercoit le Christ entoure des douze apotres. Plusieurs caracteres remar- quables distinguent ces figures. Le Christ estrepresente en cheveux longs, sans barbe; il a les pieds chaussesde sandales : on ne trouve pas dans cette figure l'attitude symbolique si connue dans les bas siecles. Les apotres ont des rouleaux a la main , le type des tetes est evidemment romain, les cheveux sont courts etfrises, les pieds de ces figures sont chausses de bottines. Ces figures sont separees par des colonnes torses qui supportent ASSEMBLEES GENEBALES. 255 des traverses auxquelles sont attachees des rideaux assez elegam- ment releves. Les faces laterales de l'autel oiFrent deux chasses antiques curieuses. Ce tombeau est en marbre. II a ete dore recemment, les figures ont ete respectees. Les vitraux des chapelles de l'abside ont excite l'admiration par la richesse de leurs couleurs et leur effetsi bien approprie au mo- nument religieux. Vous avez aussi remarque la restauration des vitraux de la cha- pelle de Saint-Georges et de Saint-Austremoine mutiles par la grele du 28 juillet i835. Cette restauration est devenue le germed'une veritable renova- tion de Tart. Jaloux d'encourager les hommes qui s'y consacrent, vous venez de decerner une medaille d'argent a M. Emile Thibaud, qui a coopere a cette ceuvre avec un des secretaires de la 4e section du Congres. Celui-ci a aussi, depuis plusieurs mois, recu en recom- pense de ses travaux une medaille d'argent de la Societe francaise pour la conservation des monuments. Apres cette exploration de notre belle Cathedrale, on s'est di- rige vers Teglise de Notre-Dame-du-Port, en passant par la rue qui porte son nom. Arrives a la hauteur de la rue Barnier, plusieurs membres ont remarque la facade d'une des maisons du moyen-age, si com- munes autrefois dans notre ville, et destinees a tomber rapidemenfe devant nos constructions modernes si depourvues de caractere. Au-dessus d'une porte a nervures , du i5e siecle, s'eleve un avant-corps garni i!e machicoulis dont le profil de la meme epoque donne un aspect inusite a cet edifice. Ces temoins de notre etat social, nes des besoins de l'epoque, peuvent nous don-: ner une idee de la securite dont jouissaient nos ancetres dans ces temps de guerres civiles. Les gracieux rinceaux de la renaissance qui se trouvent sur les- panneaux de la porte ne vous ont pas echappe. Parvenus a leglise du Port, l'interieur de cette belle eglise 256 ASSEMBLIES GENEHALES. romane, qui vous etait deja si connue par sa renommee, n'a pas paru a vos yeux indigne de vos investigations archeologiques. L'elegante arcture de ses nefs, soutenues par des pilastreset des colonnes alternees contre lesquelles se serrent des colonnes en- gagers, les bases en marbre de quelques-unes des colonnes de sa nef , les chapiteaux histories de son choeur, l'harmonie des pro- portions du vaisseau et la perspective de ses nefs, ont bien justifie a vos yeux la reputation incontestee de ce beau monument, ve- ritable type du style roman dans nos contrees si favorisees sous ce rapport. Vous avez remarque, avant de visiter l'exterieurde l'edifice, trois grands vitraux places au fond du choeur; ces vitraux, executes par Tun des secretaires de votre 4e section , font partie d'un vaste plan d'ornenientation , concu dans un plan hieratiqueet qui doit embrasser tout l'edifice. Seconde par l'habile cooperation de M. Mallay, archilecte de cette ville , le cure de cette eglise a opere une restauration presque complete de l'interieur de l'edifice, et l'harmonie ac- tuelle qui en resulte n'est malheureusement pas appreciable pour les membres du Congres etrangers a notre ville , et qui n'ont pas connu l'etat deplorable ou un vandalisme seculaire avait plonge ce beau monument. Le portail meridional de l'eglise, orne de sculptures bysan- tines , parait d'une epoque plus moderne que le reste de l'edifice. La decoration exterieure des chapelles et de toute la partie absidale, les appareils articules si varies, les details de sculpture dequelques chapiteaux, ont paru accuser une epoque assez haute par la fermete de leur execution, Cette belle eglise , a part quelques remaniements peu nombreux, semble faite d'un seul jet ; on croit pouvoir faire remonter sa date vers le milieu du ge siecle, epoque ou St-Sigon restaura presque entierement l'edifice eleve par St-Avit vers la fin du 6e siecle. L'eglise de Ste-Marie, situee dans le faubourg qui est pres de Notre-Dame-du-Port , est venue a son lour se presenter a votre esprit, occupe de ce monument depuis que M. Mallay vous la signale comme un edifice de transition. ASSEMBLIES GENERALES. 257 Tout en effet accuse cette epoque , soit dans la forme, soit dans les details de l'architecture. Sous ce rapport, cet edifice, bati au commencement du i5e siecle, est proprea jeter quelque lumiere sur la modification qui s'etablit dans l'architecture romane vers la fin du i3e siecle. Les fenetres a plein cintre du mar ab- sidal sont excessivement allongees et etroites; elles sont sur- montees de rosaces de transition ; la voiite a des arcs doubleaux a ogives , des nervures a concentration ; les bases et les chapiteaux sont de transition. Les regies claustraies du couvent de la Visita- tion n'ont pas permis de visiter l'exterieur du mur absidal. Deux tombeaux de style ogival, situes dans 1 eglise, ont attire votre attention, celui de droite par ses sculptures, et celui de gauche par des peintures a fresque fort degradees, mais d'un style naif, et qui remontent a une assez bonne epoque de l'art. Apres cette visite, la Societe s'est transportee a l'eglise des Garmes - Dechausses , situee hors de la ville, et pres de la bar- riere de Montferrand , pour terminer ses excursions par l'examen d'un tombeau antique qui sert d'autel principal a cette eglise. Ce tombeau, en marbre blanc, a ete pour vous l'objet d'une se- rieuse attention; ses nombreuses sculptures de baut relief n'ont pas paru se preter a une explication claire et formelle. Toutefois , on croit y reconnaitre des sujets empruntes a l'histoire du nou- veau testament. II parait appartenir a cette epoque ou les Chretiens de la primi- tive Eglise essayerent d'imiter les monuments funeraires des ro- mains; l'espece d'indecision et d'obscurite avec lesquelles les differentes scenes sont rendues, jointes a l'emploi du costume ro- main antique , feraient pencher pour cette derniere opinion. L'heure avancee n'a pas permis de visiter les autres monuments de la ville. En resumant les travaux de cette journee, vous avez vu, Mes- sieurs, des monuments de presque toutes les epoques marquantes de l'art chretien. Dans le tombeau des Carmes-Dechausses, vous avez trouve l'art timide, indecis encore et procedant par imitation. Dans le monu- ment de meme sorte de la Cathedrale , il existe de»a un caractere 258 ASSEMBLIES GENERALES. plus franc, et qui se rapproche de lecole symbolique du moyen- iige; une grande eglise romane ou la belle epoque vient ensuite vous montrer les progres constants de l'art vers une forme dont il devait plus tard revetir sa pensee. Enfin, vous avez saisi, pour ainsi dire, dans le monument pre- cieux de transition de Ste-Marie, les secrets de la transformation operee a la fin du XIIe siecle, et qui a produit dans le siecle sui- vant la cathedrale de Clermont, ou viennent se grouper des mo- numents et des creations merveilleuses de la grande periode de l'art chretien jusqu'au seizieme siecle. M. Lecoq lit un rapport sur l'etat de l'etude des sciences naturelles en Auvergne. M. de Douhet, charge d'un travail semblable sur l'etat des etudes litteraires , lit ensuite son rapport. Ces deux rapports seront imprimcs avecles Memoires du Congres. M. Bayle - Mouillard , rapporteur d'une commission composee de MM. Gonod et Jullien , de Paris , lit un tra- vail tres - remarquable sur 1'association des Academies, et sur la force qu'une telle association imprimerait aleurs travaux. Nous le reproduisons ici eD entier. Plan ^association entre les principales Academies des departements. Les principales Societes savantes de province sont invitees a s'associer, avec l'approbation de M. le Ministre de l'instruction publique. Cette association sera formee des que vingt Academies auront adhere aux Statuts suivants . Statuts. — But de 1'association. — i° L'association des Aca- demies departementales a pour but unique d'exciter et de faciliter, en province , la culture des sciences naturelles, des sciences mo- rales et sociales, des sciences hi&toriques, de la litterature et des beaux-arts. Ce but sera atteint autant que possible par restitution de con- ASSEMBLIES GENERALES. 259 pour la litterature et la poesie. ii° A cet effet , chacune des Academies associees transmettra ASSEMBLIES GENERALES. 261 aTAcademie centrale, dans la premiere quinzaine daout , l'indi- cation d'un sujet de prix pour chaque concours general. 12° Parmi les sujets de prix qui lui auront ete indiques avant le i5 aoiit , Tacademie centrale choisira ceux qui seront definiti- vement mis au concours. Le programme sera lu en seance publique dans la premiere quinzaine de septembre, imprime immediate- ment , transmis a toutes les Academies , et rendu public par tous les moyens dont elles pourront disposer. i3° Les travaux des concurrents , portant une devise et le nom del'auteur enferme dans un billet soigneusement cachete, seront envoyes au secretaire de l'Academie centrale indrque dans le pro- gramme, lis devront parvenir avant le i5 aout. L'Academie cen- trale procedera immediatemettt au jugement du concours. 14° Le prix sera decerne en seance publique vers la fin de la premiere quinzaine de septembre. Chaque prix sera de 1,000 fr. i5° Un concours particulier sera ouvert pour les beaux-arts. Dans ce but, une exposition aura lieu chaque annee, du icr au i5 septembre, dans le local determine a. l'avance par l'Academie centrale, et designe taut par la voie des journaux que dans le pro- gramme des concours. Un prix de 1,000 fr. sera decerne, au jugement de l'Academie centrale, a l'ouvrage d'art le plus remarquable envoye a cette exposilion par un artiste de province. Organisation de l'Academie centrale. — • i6° Chacune des Academies associees prendra tour a tour le titre d'Academie cen- trale , en s'adjoignant les delegues dont il sera ci-apres-parle. En consequence, aussitot que vingt Academies auront adhere aux Statuts, une liste en sera dressee paries soins de l'Academie de Clermont , dans l'ordre indique par le sort. L'Academie inscrite la premiere sur la liste prendra la premiere le titre d'Academie centrale. La seconde prendra le meme titre l'annee suivante, etil en sera dememe successivementpour toutes les autres. 1 7° Les Academies associees enverront chacune a l'Academie centrale un delegue nomine par elles en seance generale et qui aura voix deliberative. 262 ASSEMBLIES GENERALES. Chacnn de ces delegues devra , autant que possible, arriver du i,r au 5 septembre , epoque ou devront commencer les travaux de I'Academie centrale , quel que soit le nombre des membres presents. Les delegues feront a I'Academie centrale un court rapport sur les travaux de I'Academie representee par eux. A leur retour, ils feront a leur Academie un rapport sur les operations auxquelles ils auront pris part. Relations entre les Academies de province associe'es et le Congres scienlifique. — i8° Le Congres scientifique sera invite a tenir a l'avenir ses seances dans la ville ou siegera I'Academie centrale. Toutes les fois qu'il deferera a cette invitation , dix de ses mem- bres, nommes parlui, se reuniront aux delegues des Academies et auront les memes privileges. En ce cas, les prix seront decemes en seance publique t.enue par I'Academie centrale et le Congres reunis. La presidenceappartiendra au plus age des deux presidents. Un proces-verbal distinct sera redige par chacundes secretaires. De'penses et moyens d 'execution. — 190 Les Academies asso- ciees contribueront chacune pux depenses pour une somme eva- luee, quant a present, a 55o fr. par an. Sur cette somme , 35o francs serviront aux frais des concours generaux et aux depenses d'impression; 200 francs seront alloues pour frais de route au delegue de I'Academie. Les 35o francs destines aux prix et aux frais d'impression se- ront transmis a I'Academie centrale avant le i5 aout de chaque annee. Ces depenses ne seront neanmoins obligatoires que dans le cas ou M. leMinistre de l'instruction publique ne jugerait pas conve- nable d'y subvenir. 200 Ces Statuts , et la deliberation du Congres qui les aura ap- prouves, seront soumis et recommandes par le president du Con- gres a M. le Ministre de l'instruction publique. Ils seront transmis , par les secretaires du Congres scientifique , aux principales Societes savantes de la province. ASSEMBLIES GENERALES. 263 Les adhesions de ces Societes seront adressees a I'un des secre- taires generaux de l'Academie royale des sciences , belles-lettres et arts de Clermont-Ferrand, qui publieront Texistence de l'asso- ciation des que vingt adhesions leur seront parvenues. Les adhesions ulterieures ne seront admises qu'avec l'approba- cion des vingt Societes inscrites les premieres. M. Hunault demande que , vu l'importance du sujet , *a discussion de ce projet soit remise a la prochaine ses- sion du Congres, et il propose un amendement qu'il de- pose sur le bureau. M. Jullien dit qu'il regarde comme tres-important que le Congres sanctioune , par son voeu , ce projet dune uti- lite generate, saufa en apprecier par la suite les defectuo- sites et a y porter remede. La proposition, redigee par M. Bayle, au nom de la commission, est mise aux voix et adoptee. Elle sera inseree en entier dans le compte-rendu , et copie en sera adressee au ministere parle secretaire general. M. Gonod communique aussi , de son c6te , un projet plus simple que celui de M. Bayle-Mouillard , et comme pouvant etre adopte jnsqu'a ce que celui de M. Bayle , qui exige le concours du Gouvernement , puisse etre mis a execution. Ce projet est egalement adopte, -x La 5e section propose au Congres d'emettre le vceu suivant : I. Que toutes les Academies et Societes savantes qui existent en France etablissent entr'elles des relations de correspondence et de communication mutuelles, dans le but d'exciter une emulation generale entre les divers talents, et de donner une plus forte im- pulsion et une meilleure direction aux travaux scientifiques et litteraires. II. Qu'elles fassent imprimer le resultat de leurs travaux et senvoient reeiproquement leurs publications. 26 i ASSEMBLIES GENERALES. HI. Que chaque volume de ces publications soit termine par un bulletin coraprenant : i° Vindication tres-succincte des principaux travaux executes par les membres de la Societe et qu'il sera juge utile de porter a la connaissance des autres Societes ; 2° Les questions sur lesquelles on appelle l'attention et 1'exa- men des autres Societes. IV. Que, dans toutes les Societes, le secretaire donne lecture de ces bulletins dans la seance qui suivra leur reception et imme- diateraent apres la lecture du proces-verbal. V. Que le meme secretaire soit charge de faire un rapport ver- bal sur ceux des travaux consignes dans les journaux des autres Societes qui pourraient interesser la Societe dont il fait partie. VI. Qu'il y ait, chaque annee, une reunion generate de toutes les Academies dependantes du ressort de la meme Cour royale , tenue successivement dans chacun des chefs-lieux de departement du ressort. VII. Que l'objet principal de cette reunion soit le compte- rendu des travaux de chacune des Societes pendant le cours de Tannee expiree. M. Hunault demande quelle sera la destination des ouvrages envoyes au Congres , et le Congres decrete qu'ils seront offer ts a la bibliotheque de la ville. M. de Caumont lit ensuite un disco urs de cloture dans lequel il s'exprime ainsi : Messieurs , Ce n'est pas sans regret que je prends la parole pour vous an- noncer que nos travaux collectifs sont termines , que notre associa- tion trop courte touche a son terme, et qu'il faut ajourner a Tan prochain la reprise de nos lectures et de nos discussions scienti- fiques. Si nos dix jours de seance ont fui avec d'autant plus de rapidite que cetempsaete plus utilement employe, il n'en sera point ainsi aux qui la composent. Ge manque de local, auquel l'administration mnnicipale songe a remedier, arrete tout developpement ulterieur de nos collections. Aurillac, chef-lieu du Cantal, ne possede que des rudiments de collections reunis a sa bibliotheque. II serait facile d'obtenir dans cette ville, en peu de temps, une belle serie des mineraux et des coquilles fossiles des environs, en faisant un appel au zele de quelques personnes et en affectant un local special aux dons qui seraient offerts. Les collections particulieres sont aussi peu nombreuses et pres- que toutes consacrees a la mineralogie et a la geologic Leurliste, assez complete, est inseree dans l'Annuaire du Puy-de-D6me. Celles des departements voisins me sont presque inconnues. II y a cependant dans notre departement trois collections particulieres, tellement remarquables, qu'elles doivent etre placees en premiere ligne : la collection d'animaux et de plantes fossiles de M. l'abbe Croizet, celle de M. de Laizer, et la magnifique reunion de co- quilles'terrestres etd'eau douce, vivantes et fossiles, de M. Bouillet. Un seul etablissement public est consacre a l'histoire naturelle; c'est celui dans lequel nous siegeons aujourd'hui. Les collections, le jardin de botanique et des cours publics faits regulierement et presque toujours suivis, constituent tout ce qui se rattache a l'en- «eignement de cette science, en y joignant bon nombre de livres de cette bibliotheque. Le jardin est certainement une des parties les plus importantes de cet etablissement. Situe dans une des plus riantes positions de l'Auvergne, il possede plus de 4>ooo especes de plantes de climats differents. Une serre assez vaste a ete construite il y a huit ans. Un bassin en occupe le milieu. II est alimente, comme les autres fon- taines de la ville, par les eaux pures de Royat. Deux ailes laterales constituent, Tune la serre chaude, l'autre une serre temperee. Les herbiers sont peu nombreux en Auvergne. Je ne connais ni ceux du Puy, ni ceux d' Aurillac, si toutefois il existe dans ces deux villes quelques collections de plantes se- ines. Clermont n'est pas beaucoup plus riche. Excepte celui de M. Lecoq, celui de i'abbe Dubois, cure de St-Nectaire, donne a PREMIERE SECTION. 2T7 la ville dans le plus mauvais etat, et celui de M. de Salvert, ancien sous-prefet de Riom, il n'existe plus que des herbiers encore fort incomplets, commences par des jeunes gens qui se livrent a l'etude de la botanique, mais dont plusieurs donnent cependant l'espoir de voir recueillir, dans quelques annees, les materiaux d'une bonne flore d'Auvergne. Je ne cite pas encore la collection de cryptogames commencee par M. Bouillet. Des cours d'histoire naturelle n'existent qu'a Clermont; ils ont lieu au college, au petit-seminaire et aux etablissements scientifi- ques de la ville. Ces derniers sont publics. Its sont faits pendant huit mois de l'annee: l'hiver, sur la geologie, la mineralogie ou la geographie physique; l'ete, sur la botannique. Des herborisa- tions publiques ont lieu regulierement toutes les semaines etsont a peine suivies. Telles sont, Messieurs, nos ressources , et pourainsi dire,notre statistique sur l'etat des etudes relatives aux sciences naturelles dans cette contree. Nous avons, comme vous le voyez, Messieurs, des ameliora- tions a apporter, bien des lacunes a remplir. Mais peu a peu , le mieux arrive , les vides disparaissent, et la marche progressive des connaissances humaines se fait remarquer a la fois dans toutes les parties de l'enseignement, dans toutes les publications , dans toutes les contrees. 21 278 MEMOIRES ET PIECES, ESSAI SUR LA DISPOSITION GENERAIE DES FEUILLES RECTISERIEES , PRESENTE PAR L. BRAVAIS 5 DOCTEIJR EN MEDECINE, MEDECIN DE l'hoTEL-DIEU d'aNNONAY (aUDECIIe) , MEMBRE CORRESPONDANT DE LA SOCIETE PHILOMATIQUE DE PARIS , ET PAR A. BRAVAIS , DOCTEUR ES-SC1ENCES , ANCIEN ELEVE DE l'eCOLE POLYTECHNIQUE, ENSEIGNE DE VAISSEAU , iMEMBRE CORRESPONDANT DE LA SOCIETE PHILOMATIQUE DE PARIS, elC, Quelle que soit I'etendue des travaux modernes sur la botani- que, l'organisation des vegetaux superieurs se presente a nous comme une mine feconde dont les richesses ne s'epuiseront ja- mais. L'ordre qui regne dans la position des feuilles et des noeuds vitaux sur les tiges, a toujours captive les regards des plus pro- fonds observateurs. Plusieurs ont pease que la symetrie des plan- tes appartient a une construction geometrique reguliere ; mais la multiplicity et la bizarrerie des formes vegetaies , enrendant tres- difficile Tapplication de ce piincipe, a souvent mis en defaut les plus brillantes theories. Gependant I'harmonie existe partout dans les etres crees : la ou elle est apercue, elle nous remplit d'admi- PREMIERE SECTION. 279 ration; la ou elle se derobe a nos regards , nous devons redoubler d'efforts pour la decouvrir. Par des recherches speciales , nous sommes arrives a ce resultat, que la plupart des feuilles alternes ne sont point rangees en lignes verticales, mais restent solitaires dans leur lieu d'insertion , au- cune des suivantes ne pouvant jamais les recouvrir. De la l'appa- rence spiralee de ces feuilles, de quelque maniere qu'on les re- garde; de la le nom de curviseriees que nous leur avons donne. Cette propriete est la consequence necessaire de Tangle irra- tionnel ou incommensurable qui ecarte ces feuilles dans leur spire generatrice , et ne leur permet pas de toucher deux fois la meme ligne verticale. Par opposition, nous avons appele feuilles rectiseriees, celles qui sont superposees et dont le systeme en- tier se compose ou d'un nombre constant de feuilles alternes, ou d'anneaux ranges par etages et entrecroises. Ge sont les feuilles distiques, trisliques, quinconciales, opposees , ternees, quater- nees et verticillaires enfin. II existe un grand nombre de systemes rectiseriesconnus; nous ne voulons pas les examiner tous en detail; notre tache serait im- mense. Mais nous essayerons d'esquisser leurs lois les plus gene- rales, de montrer comment ils se succedent les uns auX autres, et comment leur organisation est explicable par les notions e!e- mentaires de la geometrie. Lorsque nous dirons que les feuilles d'un meme systeme sont unies entr'elles par une ou plusieurs spi- rales, nous ne pretendrons point que* ce soit a l'aide d'un lien fibreux ou vasculaire. La spirale est une ligne/?cfrVe, une abstrac- tion de l'esprit par laquelle nous nous rendons compte d'un cer- tain rapport qui enchaine les feuilles voisines; c'est une opera- tion de l'entendement qui nous serta generaliser un grand nom- bre de faits observes. Nous avons demontre ailleurs combien un seul systeme , le cur- viserie ordinaire, engendre de varietes d'organisation lorsqu'il se conjugue, lorsqu'une tige fournit des rameauxhomodromesou antidromes, lorsque l'inflorescence se developpe tantot en clmes helicoides ou a spirales de meme nom , tantot en cimes scorpioi- des ou a spirales difFerentes , tantot en sarmentides , en thyrses , 280 MEMOIRES ET PIECES, en epis, etc. ; mais si nous examinons la reunion deplusieurs syste- mes sur une meme plante, quelle variete infinie de formes et de structures se presente a nos regards ! Ainsi l'ordre curviserie pre- cede ou suit la plupart des autres. II precede l'ordre distique, tris- tique , quinconcial dans les cactus ; il suit le quinconce dans le tuli- pier , la decussation dans l'epi floral de la circee. Le distique precede le systeme terne dans les iris , dans le calice de quelques magnolias; la decussation precede souvent les systemes ternaires, quaternaires; les rameaux des cactees cliangent souvent d'une rangee en plus ou en moins , et les systemes les plus divers peu- vent se succeder de mille manieres, surtout dans les parties con- densees des fleurs. Pour distinguer tous ces systemes, nous compterons d'abord le nombre des feuilles qui se repetent dansleur superposition, ou celui des series verticales dont se compose une tige feuillee. Ainsi les axes distiques , tristiques, ternes, etc., ont 2, 3,6... lignes verti- cales, ou sont composes d'aggregations de2 , 3, 6.... feuilles. On ne doit pourtant pas croire qu'un nombre donne de verticales presente une seule disposition. A la verite, une seule espece de divergence est propre aux tiges distiques et tristiques. Mais dans le systeme a quatre verticales, il existe deja deux modes possibles d'arrangement, Tun ordinaire, la decussation ; Tautre caracterise par une spirale dans un sens et trois dans l'autre. Pour une reunion de 5 verticales, on trouve aussi deux systemes alternes; pour 6 et 7 verticales, on en trouve trois; pour 8 et 9, il existe quatre systemes possibles, et ce nombre va toujours croissant avec des elements plus nombreux. Dans la description de plantes meme vulgaires, les botanistes ont souvent neglige des details importants. Lorsqu'une fleur d'iris est terminate a une tige distique, quelle idee se fait-on de la po- sition de la corolle ? On peut concevoir cette fleur implantee de bien des manieres a Textremite de sa tige , et cependant il existe une seule position qui lui soit naturelle. Beaucoup d'obstacles se presenteront a nous pour determiner la place reelle des organes condenses, des etamines et des carpelles multiples. La presence des glandes et des nectaires derange souvent la symetrie appa- PREMIERE SECTION. 281 rente des fleurs. Tous ces organes n'auront de valeur a nos yeux qu'autant qu'ils representeront unefeuille, un appendice reel, le produit d'un noeud vital determinable. S'il etait prouve qu'on dut les considerer seulement comme des annexes des feuilles voi- sines, leur examen nous inquieterait peu. Mais combien de fois n'est-ilpas impossible d'apprecier la valeur de ces organes mini- mes, et de decider s'ils sont une feuille ou une partie accessoire, une glande, par exemple, de l'axe de la plante. Dans l'etude des changements de systeme , nous arriverons par l'observation a ce fait general d'une extreme simplicity, qu'il n'existe ni lacune, ni espace perdu entre deux systemes ; que Tun commence ou finit I'autre. Les consequences de ce fait sont tres- nombreuses. Et d'abord si deux systemes alternes se suivent, la der- niere feuille de l'inferieur est le point de depart de la premiere divergence du systeme premier. Si le premier est suivi d'anneaux verticillaires; sa derniere feuille alternera avec deux feuilles de i'anneau superieur, en faisant un angle egal a celui des spires general rices du systeme verticillaire. Si le verticille precede au contraire le systeme alterne, alors une des feuilles verticillees sera le point de depart du premier angle du systeme alterne. Lorsque deux verticilles differents se succedent , ou leurs nombres sont premiers entr'eux , oubien ils ont un diviseur commun : dans le premier cas, une seule feuille du systeme inferieur est alterne entre deux feuilles du superieur; dans le second cas, il existera autant de feuilles alternes entre les deux verticilles que d'unites dans leur diviseur commun. Enfin, dans un rameau naissant, la feuille -mere est toujours le point de depart de la premiere divergence. Toutes ces conditions doivent etre rigoureusement remplies, afin quil n'existe aucun vide entre deux systemes. Mais nous pour- rions encore formuler cette loi d'une maniere plus courteet dire: c Entre deux systemes consecutifs , il existe autant de feuilles in- » termediaires que d'unites dans le commun diviseur des nom- » bres des spires generatrices, au point de contact des deux sys- » temes. » Au reste , notre formule sera tres-intelligible , lorsque nous l'aurons developpee dans I'examen de chacun des systemes rectiseries pris en particulier. 282 MEMOIRES ET PIECES , On peut classer ceux-ci d'apres trois methodes, comme noasle verrons u la fin de notre travail. Nous les distinguons ici d'apres Ja nature de leurs divergences. Toutes sont des fractions variables de la circonference ; elles ont toujours pour denominateur le nom- bre des verticales de la tige. Le numerateur change moins, mais il represente le nombre de tours entiers de circonference que de- crivent une ou plusieurs spirales generatrices pour arriver imme- mediatement au-dessus du point de depart. MM. Schimper et Alexandre Braun ont bien connu cette propriete des deux termes de la fraction qui mesure une divergence. Cette valeur, qui n'est qu'approximative pour un systeme curviserie, est rigoureusement exacte dans l'appreciation des systemes rectiseries. Tons les systemes spiraux ayant pour divergence de leurs feuilles les fractions de la circonference I 1 i, |...; tous les conj un- gues du disque ayant pour divergence | , | , |, JL... j appartien- dront a notre premiere serie. La seconde comprendra toutes les plantes a spirale unique dont les divergences sont | , | , | , JL:t ';;. ou des plantes ayant un nombre impair de verticales. Les motifs de notre preference pour cette classification seront apprecies par la suite de notre travail. Commencons par les systemes de la pre- miere serie, et d'abord par I'examen des feuilles distiques. CHAPITRE PREMIER. EXAMEN DES SYSTEMES | , f ET DE LEURS CONJUGUES* § 1. Des Feuilles distiques. Nous reservons le uom de distiques aux feuilles alternes, placees surdeux rangs opposes et qui sont exactement distantes de l8o°. Elles se rencontrent dans les trois grandes classes de vegetaux : les mousses, hepatiques, aroides, graminees, iridees, narcissees, legumineuses , amentacees, et en offrent de nombreux exemples, PREMIERE SECTION. 283 A. Generalites. — Les feuilles distiques sont tantot tordues sur leur tige dans le raeme sens (camellias), tantot opposees presque a merae hauteur et a merithalles inegaux (potamogeton densum , le bas des tiges de la fabagelle) ; souvent les deux rangees sont inflechies vers le raeme cote de la tige (legumineuses, tilleul); quelquefois elles se continuent dans les rhizomes (bulbes des rao- nocotyledones distiques , menyanthes). Une tige commencante ne presente pas toujours une superpo- sition exacte des premieres feuilles avec ses cotyledons. Ainsi, dans I'anagyris fcetida , zygophyllum fabago, melilotus lupulina , les premieres feuilles et les cotyledons sont entrecroises avec un angle plus ou moins voisin de 900 , quoique ces plantes soient partout ailleurs distiques. II est difficile de se rendre compte de cette irregularite sans admettre une sorte de torsion dans les fi- bres du bas des tiges, ou bien la merae cause qui devie les bour- geons des legumineuses, des amentacees distiques. L'organisation distique est rare sur les fleurs; elle se rencontre quelquefois sur celles des graminees; nous croyons devoir lui rapporterla structure del'anthoxanthum odoratum. (Voyezpl. 1 , fig. 3). Chaque fleur se compose du dedans au dehors d'un ovaire, 1 etamines, 6 bractees distiques, presque toutes engainantes. Nous avons represente en a, b, c, d, e, f, les bractees avec leurs formes distinctives ; g et h sont les etamines, i l'ovaire. La fig. 4 est la coupe transversale de la fleur. On ne peut meconnaitre l'or- dre distique dans les bractees; il se prolonge jusqu'a l'ovaire, s'il n'existe pas d'avorteraent d 'etamines. Cette fleur est d 'ailleurs evidemment terminale et differente des fleurs axillaires qui cons- tituent les epillets de la plupart des graminees (1). L'alopecurus pratensis a aussi des fleurs terminales precedees de trois bractees distiques. Yoyez fig. 5. Les trois etamines et l'ovaire sont sur la merae ligne. Est-ce une veritable organisation disti- que, ou bien la compression des parties est-elle cause de cet aran- gement? Si la fleur entiere n'est pas distique, du moins elle est (i) M. Raspail assure (Annales des Sc. nat., t. V, p. 296) que les microlcena stipoiides et distichophylla sont organisees comme la flouve odorante. 284 MEMOIRES ET PIECES, precede par trois ecailles distiques. Qu'on les appelte lepicenesy glomes, paillettes, peu importe; ce sont toujours , dans la famille des graminees, les analogues du calice et de la corolle des autres plantes. Dans le riz cultive , les fleurs sont aussi terminates : on rencon- tre d'abord trois bractees distiques ; la quatrieme forme un verti- cille de trois pieces avec les deux lodicules. Les six etamines sont dans un cercle plus interieur ; nous n'avons pu rigoureusement determiner leur position (i). B. Passage du systeme distique a unsysteme different sur le meme axe.-~ La grande simplicity du distique se manifeste dans la maniere dont il precede ou suit un autre systeme. \° Passage au systeme tristique^ et re'eiproquement. — Le pre- mier passage se remarquesurlesbalisiers:lapartiefeuilleedeleurs tiges est distique; la premiere bractee de l'epi-floral est encore a 1 8o° de la derniere feuille. Mais a partir de ce point commence une spirale de fleurs avec 1200 de divergence. Dans les rameaux late- raux, on trouve d'abord trois feuilles engainantes distiques , puis une quatrieme encore distante de 1800, et portant la premiere cime de fleurs. La spirale de 1200 commence a cette derniere bractee et sans lacune sur la tige. Plusieurs epiphyllum a tiges triangulaires degenerent en lames distiques par la disparution d'une rangee verticale de noeuds vitaux; la continuation de cette lame n'est pas differente des rameaux aplatis et primitivement distiques. 2° Passage du distique au quinconce. — Nous l'avons observe sur quelques epis males de mais et du panicummiliaceum viride; alors la derniere feuille de la tige ou le premier rameau florifere deviennentle commencement de la spirale du quinconce. Le meme (1) Outre les genres antoxanthum , alopecurus , oryza et microlcena , il est probable que nous en rencontrerions d' autres doues de fleurs , ou du moins de calices distiques , parmi ceux qui appartiennent a la premiere section des gra- minees du Memoire de M. Raspail. D'aprl'sla description qu'ildonne (Loc. cit., p. 292 et suiv.) des genres zoygia , asprella , crypsis , cinna , les fleurs sont reel- lement terminales et nou pas laterales connne sur les autres graminees. PREMIERE SECTION. 285 passage s'observe sur les rameauxdu murier blanc , qui presentent leurs premieres ecailles et feuilles inferieures dans un ordre disti- que. A partir de Tune d'elles, on trouve ensuite quinze, vingt feuilles et plus disposees en quinconce. D'autres rameaux sont en- tierement distiques. v L'airelle myrtille ofFre une bizarrerie d'organisation telle que les rameaux aeriens et feuilles sont toujours distiques ; mais la plupartdes rhizomes ou des rameaux prives du contact de la lu- miere par la mousse ou les pierres qui les recouvrent, sont munis de petites feuilles blanches, abortives, comme les oroban- ches, et disposees en quinconce. Les feuilles 5, to, i5 forment une serie en ligne verticale. Les especes voisines , vaccinium uligino- sum , macrocarpum , ont leur feuilles curviseriees. 5° Passage du distique au curviserie, et re'ciproquement. — Les rhizomes distiques du convallaria maialis, bifolia, menyanlhes trifoliata, les tiges de satyrion viride , ophrys ovata, fothergilla alnifolia, vignes, se terminent par des episfloraux curviseries ; la derniere feuille distique est le point de depart d'une spirale de de i37° |; les deux systemes se suivent d'une maniere immediate. Les fleurs curviseriees de camellia sont precedees de 6 ou 8 ecailles distiques. Un rameau de cactus phyllanthus presentait 34 nceuds bien reguliers partout et distants de i37° £• mais le 35e nosud etait eloigne de i8rA; et suivi de i3 autres distiques bien conformes. Un rameau de chataignier presentait a son origine sept ecailles ou feuilles distiques; a partir de la septieme feuille com- mencait la spirale curviseriee ayant i4 feuilles pour sa pousse annuelle. Cette reunion de rameaux distiques et curviseries est frequente dans la nature ; le plus souvent les tiges centrales affectent le der- nier systeme, tandis que le premier est reserve pour les rameaux lateraux. G'est ce qu'on observe dans les plantes suivantes : laurier- cerise, carmichaelia australis, xylophylla latifolia, ruscus race- mosus, virgatus, medeola aspagaroides.... Le lierre presente une disposition inverse, les branches rampantes sont distiques et les rameaux aeriens ou floriferes sont curviseries. MEMOIRES ET PIECES, 4° Passage du distique a Cordre terne. — Cette conversion n'est pas rare; nous l'observons d'abord dans les especes distiques de magnolia (Julan, acuminata, purpurea, cordata). Au-dessus dela bractee spatbiforme qui enveloppe la fleur, se trouve le premier verticille detroisfolioles, ou de trois sepales exterieurs. Le centre de la spathe se trouve au-dessous du milieu de l'espace de 1200, place entre deux sepales, et par consequent , de cette spathe par- tent deux divergences de 6o° a droite et a gauche , divergences propres au systeme ternaire ; en d'autres termes , la spathe alterne avec deux des trois sepales exterieurs. G'est conforme a la regie qui veut que la derniere feuille distique soit la premiere du systeme terne superieur. Dans le magnolia fuscata, les fleurs etant axillaireset non terminales, sont precedees de deux bractees sti- pulates engainantes, et renferment seulement six pieces au calice. Les calices ternes d'azarum europceum , aristolochia sipho, sont aussi precedes par des feuilles distiques, et d'apres les regies or- dinaires. Mais le passage au terne est surtout l'apanage de quel- ques fleurs terminales d'iridees , narcissees, liliacees. Les fleurs laterales des iris ont tantot trois bractees, tantot une seule adossee a la tige, accidentellement deux, quatre ou cinq. La position de la derniere d'entr'elles determine celle de la corolle, et lorsque ce nombre de bractees est impair, cas le plus frequent de tous , alors des trois petales exterieurs , deux sont adosses a la tige, le troisieme est inferieur et au-dessus de la feuille-mere. La meme loi s'observe toujours dans les especes ou existent 2, 3, 4 fleurs successives , munies d'une seule bractee , et qui naissant les unes des autres forment des cimes distiques aninodales , comme dans moroea sinensis, iris sibirica, sambucina, pseudo-acorus, squa- lens, tigridia pavonia. Lesixias, glayeuls, sparaxis, prives de fleurs terminales, ont aussi des bractees monophylles adossees a leurs tiges , et qui fixent la position des petales ex ternes, deux en haut, un en bas. Les bractees de ces fleurs offrent deux grandes nervures laterales se- parees par une membrane tres-mince , quelquefois fendue dans sa longueur. La glume interne de beaucoup de graminees offre aussi cette absence de nervures dans sa partie moyenne. La fente a di- PREMIERE SECTION. 287 verses hauteurs de la bractee d'ixia ou babiana longiflora, nous prouve que 1'ixia ou babiana piicata n'a point deux bractees sous- florales, mais une seule fendue jusqu'a sa base, et que la position des petales externes de cette derniere fleur est fixee par une brac- tee bifide d'apres les regies ordinaires. Beaucoup de fleurs monocotyledones sont placees de memepar rapport a l'axe de leurs tiges. Les unes sont depourvues de brac- tees (orchis , ophys , satyrion, limodorum) ; peut-etre dans ce cas, une bractee adossee a la tige manque. D'autres ont des bractees sous-florales, et il n'est pas facile de preciser leur position (hya- cinthus orientalis). Nous verrons plus tard l'influence des bractees laterales sur les fleurs ternaires. 5° Passage du distique au systeme de'cusse ou quaterne'. — Une tige carree ou decussee de cactus nous a offert une transition au distique. On voyait disparaitre deux rangees verticales opposees ; le reste de la tige se prolongeait en une lame distique dont les nceuds s'elevaient a des hauteurs differentes, quoiqu'ayant ete d'abord la prolongation de deux rangees diametralement opposees. Quelques fleurs d'iris lutescens et xiphioides nous ont offert, par anomalie, quatre petales externes, quatre internes, quatre etamines, quatre loges ovariennes; elles terminaient des axes dis- tiques en observant la loi ordinaire: la derniere bractee alternait avec deux petales exterieurs ; d'elle partaient deux divergences de 45° comme dans les spirales du systeme quaterne. Nous ne parlerons pas du passage du distique a des systemes plus composes dans les aroi'des {arum maculatum, dracunculus, calla ethiopica). Le grand nombre de lignes verticales qui succe- dent a la spathe, derniere feuille de l'axe distique , rend la tran- sition des deux systemes d'une observation trop difficile. Les exemples cites plus haut sont suffisants, sans doute, pour prouver que, dans le passage du distique a un systeme different, sa der- niere feuille est le point de depart des divergences superieures; la transition reciproque a lieu d'une maniere inverse. C. Passages entre des axes diffe'rents. — Comme il est natu- rel dele penser, le plus grand nombre des rameaux distiques nais- sent de tiges organisees de la meme maniere. Et tantot ces ra- 288 MEMOIRES ET PIECES, meauxsont places exactement dans Icplan dela tige-mere (lierre, balisiers, aristolochia sipho); tantot ils sont places transversale- ment ou avec un angle voisin de go0 , soumis a une force inconnue et probablement a une sorte de torsion dans leur point d'origine (bourgeons de tilleul, platane, coudrier); tantot, enfin, la pre- miere feuille etant adossee a la tige , les suivantes affectent peu a peu la position transversale ( trades cantia virginica, zea mats). La meme cause, agissant en sens inverse sur une tige, produit le dejetement a droite des bourgeons d'un cote, eta gauche des bourgeons opposes (amentacees, legumineuses). Le systeme curviserie donne naissance a des rameaux distiques sur tous les arbres et arbustes cites au n° 3 , avec le laurier-cerise. Les tiges curviseriees du melianthus major fournissent, a l'ais- selle de leurs feuilles, des epis distiques de fleurs. Les tiges quin- conciales du myrtille commun ont, a la plupart de leurs noeuds , des bourgeons ou rameaux distiques. Reciproquement , nous voyons des epis floraux curviseries d'o- robusvernus, cercis siliquastrum, chiantbus puniceus, provenir de tiges distiques. Les fleurs de cactus pbyllanthus , epiphyllum , les fleurs a deux bractees de Forme, de statice spathulata,les cha- tons males du coudrier , platane , proviennent aussi de rameaux distiques; enfin, elles donnent aussi naissance a des systemes plus composes de fleurs, ceux du murier, broussonetia. Dans tous ces cas, la feuille- mere est le point de depart du nouveau systeme et fixe la position de sa premiere divergence. § II. Des feuilles tristiques. Nous n'eloignerons pas du systeme distique la description des tiges triangulaires, dont les noeuds vitaux suivent une spirale de i2o°, ou du tiers de la circonference. Ce mode est souvent reuni au systeme distique ou curviserie; au reste, il est rare dans les plantes et plus frequent parmi les monocolyledones qu'ailleurs. On observe cette organisation dans les cyperacees, les balisiers , les cactus triangulaires. Nous avions cru la reconnaitre aussi sur le pandanus odoratissimuSj parce que les feuilles terminates des PREMIERE SECTION. 289 tiges,pliees sur lcur partie moyenne avec un angle diedre de 1200, se recouvrent mutuellernent,la quatrieme exactement sur la pre- miere. Admettre que les feuilles de pandanus sont tristiques a leur base, parce qu'elles le sont a leur terrainaison, ce n'est pas une conclusion rigoureusement juste. En effet, dans le cyperus papyrus, les feuilles inferieures sont triquetres: elles changent de systeme a l'ombelle et deviennent curviseriees. Les treize feuilles de cette ombeile, avant de s'epanouir, sont emboitees mutuelle- mentet forment unespirale egale a celle du systeme tristique. Des qu'elles sont epanouies , on reconnait que ces feuilles ont eprouve Une torsion a leur base et qu'elles sont reellement distantes de plus de i2o°. II pourrait en etre de meme sur le pandanus; pour resoudre la question de son organisation , un individu tres-jeune devrait etre examine. Au reste, dans le cyperus papyrus, la spirale tourne dans le meme sens au bas et dans le haut de la tige. Les rapports qui unissent les tiges tristiques aux autres sys- temes sont tres-simples. La derniere feuille du tristique est la premiere de l'ordre suivant ; et lorsque ce systeme a une seule spirale genera trice, cette derniere est homodrome a la spirale tristique. Dans les cyperacees , le tristique commence souvent dans la partie inferieure de la tige; il est propre a l'epi florifere des bali- siers , comme nous l'avons indique plus haut. Nous avons vu la spirale quinconciale ou de i44° preceder, sur le cactus speciosis- simus, une spirale triquetre homodrome a la premiere. Le sys- teme tristique precede le curviserie dans l'epi terminal des carex brizoi'des, pallescens, panicea, etc., etc. La limite des deux sys- temes existe a la premiere bractee de l'epi, soit androgyne du carex brizoides , soit male des deux autres especes. Les spirales des deux systemes consecutifs tournent toujours dans le meme sens. Les tiges triquetres presentent, al'aisselle de leurs feuilles, des rameaux ou epis de systemes fort diflerents. Ainsi, sans compter les epis de fleurs femelles du carex verna, evidemment tristiques, nous trouvons des epis lateraux evidemment curviseries dans ca- rex brizoides , pallescens ; des epis femelles quinconciaux dans 290 MEM01RES ET PIECES, carex panicea et hordeistychos; un systeme ternaire dans l'epi femelle du carex limosa; des epis femelles a 10 et a n verticales dans un carex indetermine. Probablement, l'examen de beaucoup de cyperacees tristiques ferait decouvrir , a l'aisselle de leurs feuilles , plusieurs autres systemes recti ou curviseries. § III. Systemes conjugues du distique. MM. Schimper et Braun regardent les verticilles des feuilles comme des spirales aplaties et terminees , des anneaux a spire circulaire, unis entr'eux a l'aided'une divergence differente, qu'ils nomraent prosenthese. D'apres eux, la spirale d'une tige verticillee est unique, mais a des angles qui varient entre les feuilles d'an- neaux consecutifs. Ges angles conservent un certain rapport avec ceux de la divergence des verticilles superieur et inferieur. Ces savants distingues admettent trois modes principaux d'organisa- tion auxquels ils ont donne les noms de prosenthese metagogique, epagogique et proagogique. Cette maniere de concevoir la syme- trie des organes verticillaires, nous parait opposee a la simplicity de la nature. Elle introduit dans la science une foule d'angles et de distances de feuilles evidemment secondaires et subordonnes , et qui ne meritent pas les honneurs du premier plan dans le tableau de la nature. Dansle cours de nos travaux, nous sommes partis de principes plus simples; nous n'avons admis pour spirales que celles qui reu- nissent des feuilles placees a egales distances entr'elles. Renoncant a l'idee chimerique d'une spirale toujours unique , nous avons reconnu des spirales multiples ou conjuguees. Par des recherches nombreuses , nous avons ensuite verifie qu'entre deux systemes differents , il n'existe pas de transition ni de divergences moyen- nes, mais qu'ils se succedent Tun a l'autre, chacun avec sa diver- gence propre , sans lacune ni intermediate. L'existence des systemes multiples a deja ete reconnue dans les plantes du systeme curviserie ordinaire. Dans l'ordre rectiserie , ilsjouissent de proprietes geometriques assez importanfes que nous allons enumerer. PREMIERE SECTION. 291 Et d'abord, ils presentent dans les conjugues du distique des nombres egaux de spirales dextrorses et sinistrorses; on ne peut jamais ramener a une seule spirale a divergences equidistantes toutes les insertions vegetales , raais on rencontre deux, trois, quatre, cinq spires generatrices similaires partant a meme hau- teur de la tige. La divergence de chacune d'elles est seulement |, |, |... moindre que celle du systeme elementaire dont il est la conjugaison. On trouvera peut-etre arbitraire d'admettre en principe que les insertions vegetales soient equidistantes dans toute spirale pri- mitive ou secondaire. Mais, si on n'exclut pas les divergences ine- gales , il est impossible de coordonner systematiquement la syme- trie des feuilles ; l'esprit humain ne trouvera plus d'obstacle aux conceptions les plus bizarres sur l'harmonie de position des feuilles. Partant de principes differents de ceux des auteurs alle- mands, et pour eviter les ecueils dans lesquels nous les croyons tombes, nous ferons deriver les dispositions decussees, ternees, quaternees , decelles du distique lui-meme. On ne s'etonnera done pas si nous nous rencontrerons rarement sur le meme terrain. Les botanistes n'ont jamais donne une raison convenable de l'arrangement des feuilles par anneaux aiternes et entrecroises. Peut-etre serons-nous plus heureux dans notre explication. Es- sayons de representer la symetrie des feuilles verticillaires en for- mantdes systemesbijugues,trijugues, quadrijugues, avec le dis- tique modifie. Sur une tige nue (voy. pi. i , fig. i ) , placons en A , B, C, des feuilles dans un ordre distique. Soit un second systeme distique , dans le meme plan vertical, mais oppose au premier, en a, b, c. Pour arriver de la feuille A a B, et de B a C, menons deux spi- rales, l'une dextrorse, l'autre sinistrorse; joignons aussi entr'elles les feuilles a, b, c, notre tige sera parcourue par quatre spirales qui se couperont toujours deux a deux, dabord en A, B, C, a, bt c,puis dans les points nouveaux A' , a , B', b\ Placons quatre nouvelles feuilles dans ces intersections; les lignes qui unissent A' et a, B' et U , couperont a angle droit celles qui joignent A et a t B et b , C et c , etant rapportees a un meme plan. N'avons-nous 292 MEMOIRES ET PIECES, pasici la figure d'unc tige a feuilles opposees, dune labiee, par exemple ? Les spirales fictives qui reunissent les feuilles d'un meme sys- teme sont tellement coordonnees, que leurs intersections sont toujours marquees par la presence d'une feuille; il n'existe pas de lacunes dans cet arrangement. La symetrie vegetale repose sur ce principe d'observation. Dans une tige decussee, on embrasse toutes les feuilles par deux spirales dextrorses aussi bien que par deux spirales sinistrorses. Ce nombre ayant 2 pour commun divi- seur (i), une spire generatrice unique est impossible; nous avons necessairement un systeme bijugue ou a deux spirales primitives. Le systeme simple d'ou il derivera sera le distique. En effet: Les divergences d'un systeme bijugue sont deux fois moindres que celles du systeme simple (2). La distance angulaire de A a a est evidemment Tangle droit. Done, le systeme simple d'ou pro- vient cet arrangement aura pour divergence deux fois Tangle droit ou 1800, e'est-a-dire la divergence du distique. Par des raisons analogues , le systeme terne est le trijugue du distique. En effet , dans une branche ternee , on reunit la totalite des feuilles par trois spirales dextrorses et trois spirales sinis- trorses. II est impossible d'imaginer une spire a divergences equidistantes qui embrassat toutes ces feuilles. Dans cbaque spi- rale oblique, la divergence est evidemment de 6o°. Or, ce nombre est precisement le tiers de la divergence de deux feuilles distiques. Mais les divergences d'un systeme trijugue sont trois fois moin- dres que celles du systeme elementaire d'ou il derive. Done, celles des tiges ternees s'expliquent tres-bien par les lois du systeme trijugue du distique. Construisons au reste a priori une tige ternee d'apres les donnees precedentes. Soient A, A', deux feuilles distiques (voy. fig. 2 , planche I. ) ; placons a droite et a gauche de A , a la meme hauteur et a i2oa de distance, deux autres systemes distiques (1) C'est conform? au principe (C^j)) expose ailleurs. Voir Annates Sc. nat. IIeserie, t. 7, p. 54- (2) Voir ibid. p. 56 , les motifs sur lesquels repose le principe (Ccoq) cjuc nous avons admis. i'BEMIERE SECTION. dont les premieres feuilles soient B et B' , C et C. Unissons toutes ces feuilles deux a deux, par des spirales dextrorses et sinistrorses. Outre les six points d'intersections deja connus , nous en aurons six nouveaux, «, Z>, c, a\ b\ c ; en les gar- nissant de feuilles, nous aurons construit une tige ternee a quatre anneaux de feuilles verticillaires. La distance de A a b est eviderament 6o°, ou le tiers de 1800. Ainsi, une tige ternee peut etre consideree comme le resultat d'un distique trijugue. Nous expliquerons, d'apres les memes priccipes , la disposition des feuilles qui alternent 4^4>5a5, 6a6, etc. Nous dirons done en general : « Parmi les systemes rectiseries , tous ceux qui sont formes de » verticilles de feuilles placees 2 a 2, 3 a 3, 4 ^ 4--- sont des sys- » temes a 2, 3, 4««» spirales generatrices, ou des modifications du » systeme distique alors conjugue. » Ce que nous venons de dire des conjugaisons du distique devra se dire de toutes les conjugaisons possibles des autres sys- temes elementaires rectiseries qu'on pourra decouvrir dans la nature. On doit remarquer ici que tous les conjugues du distique ont, pour la divergence de leurs spires, une fraction dela circon- ference ayant l'unite au numerateur, et au denominateur les nom- bres 4 > 6, 8, 10... qui sont ceux des verticales de leurs feuilles; et ainsi ils rentrent tous dans la premiere serie de divergences du regne vegetal. §. IV. Des feuilles opposees ou decussees. Le systeme decusse etant la plus simple des conjugaisons du distique, nous l'etudierons en premier lieu et successivement dans les tiges, dans les fleurs, les calices, etc. A. Tiges decussees. — Quelle que soit la forme des tiges a feuilles opposees, le plus souvent, leurs quatre rangees sont uniformes, et les gemmes qui en naissent semblables entr'eux. Les rhizomes eux-memes, par exemple, ceux du topinambour, sont soumis a cette regie; mais il est des circonstances ou l'organisation est differente. 22 29 i MEMOIRES ET PIECES , Ainsi , dans justicia adanthoda, sur quatre series verticales, quelquefois une rangee de fleurs ne se developpe pas. Le stachys glutinosa fournit des fleurs par une seule des faces de sa tige; la voisine donne des rameaux a feuilles ; quelquefois la face opposee a cette derniere produit des rameaux plus faibles. M. Decandolle (Organ, veg., t. i, p. 347) indique une discordance entre les feuilles opposees de ruellia anisophylla. M. Poiteau a remarque (Ann. d'hortic, t. xv, p. i'Sq) que plusieurs cariophyllees ont leurs gerames developpes en spirale, et par consequent la moitie des feuilles est privee de bourgeons. Nous avons verifie ce fait dans les lychnis calcedonica , dioica , alsine media, sagina procumbens, galium saccharatum. La decussation est tres-inexacte dans certaines plantes. Ainsi, dans les tiges a fleurs du sagus rapliia, nous remarquons que les bractees opposees, au lieu de se souder a leur base, sont toutes deux amplexicaules et se recouvrent mutuellement. Dans les epis floraux d'euphrasia lutea, odontites, il n'est point rare de trouver un ecartement de plusieurs lignes entre les bractees opposees, inais avec une regularity marquee tout le long des tiges. Dans les eucalyptus robusta, populifolia, l'ecartement est encore plus considerable; il faut examiner les rameaux naissants pour reconnaitre leur decussation. Les deux premieres feuilles sont placees transversalement l'une plus haute que I'autre, et tantot c'est la droite qui est inferieure, tantot c'est la gauche. Des deux feuil- les suivantes , 9 fois sur 10, c'est l'anterieure qui precede la poste- rieure et se trouve alors au-dessous d'elie. Toutes les autres feuil- les se succedent dans le meme crdre que les quatre premieres. L'ecartement des feuilles opposees , moindre d'abord , devient tres- considerable dansle rameau developpe. La feuille superieure reste accolee contre l'axe long-temps apres que sa correspondante s est detachee de la tige en prenant une direction horizontale. De Tarrangement precedent resulte une spirale avec des angles alter- natifs de 1800 et 900, spirale tantot dextrorse , tantot sinistrorse, spirale qui ne ressemble en rien aux spirales a nceuds equidis- tants que nous avons seules admises dans nos demonstrations. Mais si , par la pensee , nous rapprochons deux a deux et a meme hau- PREMIERE SECTION. 295 teur toutes ces feuilles, nous aurons dans les eucalyptus deux spires generatrices, commedans les autres tiges decussees. Quoique les feuilles opposees aient souvent un developpement egal, leurs fleurs axillaires n'epanouissent pas toujours en meme temps ; ainsi les nceuds sont inegaux en force vitale. Nous avons vu souvent les fleurs opposees des labiees, personnees, s'ouvrir 1'une apres 1'autre, meme a plusieurs jours d'intervalle , surtout lorsque le froid retarde la vegetation. Bien plus, i'ordre de suc- cession des fleurs forme quelquefois une spirale reguliere con- forme a celle que nous venons de mentionner sur les eucalyptus {galeopsis letrahit, ieucrium chamcedrys, euphrasia lutea ). B. Fleurs decussees. — La famille des fumariacees (Decand) est la seule a notre connaissance dans laquelle les organes floraux soient toujours decusses. Parmi un grand nombre d'especes a feuilles alternes, on en cite une (fumaria oppositifolia) a feuilles decussees; et dans ce cas, sur la tige entiere, toutes les parties foliacees suivent le meme systeme. Lorsque le calice et la corolle d'une plante ont la meme organi- sation , il est souvent impossible de fixer leurs limites respectives. C'est ce qui arrive dans les fleurs des fumariacees, dans celles de i'hypecoum procumbens qui leur ressemble beaucoup. D'abord, plusieurs genres ont deux bractees sous-florales placees transversa- lement ( fumaria , adlumia) ; d'autres en sont depourvus ( cory- dalis , sarcocaphos , cisticaphos ). Puis viennent toujours deux petales ou sepales externes places -f- , deux internes . — . ; puis deux etaminesa antheres biloculaires, plutot developpees que les suivantes, et placees -fj ensuite, quatre filets a antheres unilocu- laires transversalement placees ; les deux valves de la silique sont -f«j et souvent on trouvedeux placentaires transversaux non sou- des et portant les graines (i). (i) M. Bernhardi (Ann. des Sc. nat. , ze serie , t. Ill, p. 35;) admet dans les fumariees et dans I'hypecoum deux rangs , chacun de quatre etamines , alternes entr'eux. Nous n'admettons pas ce rang supplementaire dont rien n'indique I'a- vortement. Nous n' avons pas vu les glandes dont il parle dans I'hypecoum pro- cumhens , et cette fleur nous a paru organisee avec le mke nomhre de pieces ■que les fumariees. 296 MJ&MOIRES ET PIECES , Le genre diclytra, apres deux bractees transversales, a encore deux autres bractees verticales, et par la le reste de la fleur est recule d'un anneau sur I'axe, les autres organes restant tous en decussation. Si les deux premieres bractees ont des nceuds fertile*, il en resulte des cimes orthogones ( diclytra formosa , adlumia cirrhosa). II existe plusieurs families dicotyledones qui offrent plusieurs genres ou especes doues d'organes floraux parfaitement decusses. Ainsi: i° Berberidees ( acyranthes , epimedium). Dans epimedium alpinum, deux etamines opposees ne se developpent pas egale- ment ; une loge d'anthere s'ouvre avant les trois autres , et lorsque les deux loges d'une anthere ont verse leur pollen, une des loge«? opposees est encore fermee. 2° Thymelees ( pimelea decussata , linifolia ) ; absence de bractees , ca lice a quatre divisions imbriquees a leur extremite; d'abord deux placees— '- , puis . — . ; etamines ^-f, ovaire central. 5° Onagraires. Circcea lutetiana est ainsi organisee : deux se- pales transversaux, deux petales -f, deux etamines . — ., deux feuilles ovariennes -7 • 4° Euphorbiacees. La fleur male du buis a deux sepales exter- nes transversaux, deux internes -^-, quatre etamines . — . et -^ . Parmi les families monocotyledonees, nous trouvons quelques cas de decussation des organes floraux : i° Aroides ( pothos cras- sinervia) ; calice a deux sepales externes transversaux, deux in- ternes dans Taxe vertical , et quatre etamines au-devant des quatre sepales. 20 Asparaginees. Le mayanthemum bifolium a deux sepales externes verticaux, deux internes transversaux, deux etamines exterieures verticales, deux plus internes transversales, deux feuilles ovariennes verticales. 3° Eriocaulees. M. de Martius cite nasmytia septangularis comme organisee de la meme maniere. (Ann. cit., t.2,p. 4o.) 4° Liliacees. Nous avons vu une tulipe a organes tous en de- cussation. G. Fleurs a calices decusses. — II existe un grand nombrc PREMIERE SECTION. 297 de plantes dicotyledones dans lesquelles la decussation s'arrete au calice, les petales, les etamines, les carpelles, suivant un sys- tenie Afferent. Si la fleur est terminale, les dernieres feuilles for-? ment deux bractees sous-florales , et les quatre pieces du calice sont une continuation evidente des feuilles de la tige. Lorsque la fleur est axillaire, les sepales sont tantot parfaitement imbriques et places , deux externes verticalement , et deux internes dans une position transversale : tantot le calice est gamosepale ou a quatre dents toujours dans la position .-]-. Dans les deux cas, tantot on rencontre deux bractees sous-florales transversales ( evonymus , cornus, houslonia) ; tantot ces deux bractees manquent comple- tement , et nous croyons a un avortement (thymelees, cruciferes, onagraires). L'analogie et la comparaison de ces plantes avecleurs congeneres nous les font regarder comme organisees de la raeme maniere. Nous excluons de cet ordre certaines fleurs a calices a quatre se- pales, ayant deux pieces en haut, deux en bas (veroniques, oro- branches , melampyres , plantains, reseda luteola). Nous rappor- tons cette disposition a un ordre spirale propre aux fleurs quinaires , une cinquieme piece du calice venant a manquer dans l'ecartement des sepales superieurs. II n'est point rare, en eff'et , de trouver parmi ces plantes des individus ayant ieur cinquieme sepale dans le haut dela fleur. Dans d'autrescas, ou tout annonce dans un calice a quatre pieces disposees '- — ' rhamnees, rosacees , 298 MEMOIftES ET PIECES, onagrariacees , melastomacees , philadelphees , myrtacees, fi- coides, saxifi agacees , cornees, rubiacees, vacciniees, ericineesr monotropees , oleacees, gentianees, laurinees, thy melees, u«:ticees. On trouvera probablement la meme organisation , soit naturelle , soit accidentelle , dans des especes appartenant a d'autres fa- milies. § V. Passage de la decussation a un systeme different , et reciproquement. Nous avons deja indique la loi generate qu'observent les feuilles dans les changemenlsdes systemes. Ici, nous avons deux spires generatrices; les deux dernieres feuilles opposees formeront avec le systeme suivant la meme divergence que les feuilles de ce dernier entr'elles , toutes les fois qu'il aura quatre, six, huit spi- rales multiples. Une seule des deux feuilles opposees sera com- mune au systeme suivant, s'il est forme par une, trois, ou un nom- bre impair de spires generatrices. Mais examinons plus en detail les systemes qui succedent a la decussation sur le meme axe. i° Passage a un systeme double, et reciproquement. — Le cas le plus frequent des changements de systeme est sans contredit celui du passage d'une tige ou d'un calice decusse a l'ordre quater- naire. Alors , le premier anneau quaterne est alterne avec les deux dernieres feuilles opposees, et le second se trouve dans la conti- nuation des quatre rangees verticales du systeme decusse. Ainsi , dans les jeunes tigesde juniperus lycia , cupressus thuyoides, on voit deux larges cotyledons surmontes de deux petites feuilles qui les croisent a angle droit ; a droite et a gauche de chacune des petites feuilles , sont les quatre du premier anneau quaterne; les quatre feuilles suivantes sont dans la direction des quatre rangees des feuilles decussees. Les rameaux naissants d'erica viridiflora ont d'abord deux feuilles transversales , puis un anneau de quatre feuilles placees deux en haut, deux en bas. Les quatre suivantes sont alternes; ainsi commence un rameau quaternaire. Dans toutes les fleurs a calice decusse du § precedent , la corolle PREMIERE SECTION. Sftjy a quatre divisions alterne avec le calice ; viennent ensuite quatre etamines correspondantes aux sepales, souvent quatre autres al- ternes , et lesfeuilles ovariennes suivent dans le raerae ordre. Le nenuphar blanc ( voy. pi. i , fig. 9 ) a quatre sepales decusses, deux internes transversaux, deux externes verticaux, mais le su- perieur est recouvert par les sepales lateraux s les bractees trans- versales manquent entierement. La grande cavite tubuleuse p , nee a la base du sepale externe inferieur, et poursuivie jusqu'au point d'insertion du pedoncule a l'aisselle d'une feuille , a servi h determiner la position reelle de la fleur sur l'axe du rhizome cur- viserie de cette belle plante. Apres les quatre sepales, on trouve quatre petales alternes , puis quatre correspondant aux sepales ; paraissent ensuite huit petales alternes aux precedents, et huit leur correspondent. Deux ou trois verticilles de seize etamines continuent le systeme de la fleur, et enfin un verticille de seize carpelles. Le systeme decusse s'est double d'abordet ensuite qua- druple dans cette fleur. Arretons-nous quelques instants sur l'organisation des cruci- feres. Leur calice decusse est suivi des quatre petales qui l'entre- croisent; en dedans des sepales externes, on trouve deux glandes vertes tres-manifestes dans le genre brassica, moinsdans erysimum praecox , peu apparentes dans erysimum alliaria , cochlearia armo- racea. Ces glandes manquent dans hesperis matronalis, cheiran- thus cheiri, iberis semperflorens, capsella bursa pastoris, cochlea- ria officinalis. Lorsqu'elles existent, nouspensonsqu'elles forment un anneau quaterne avec les deux grandes etamines placees trans- versalement, verticille qui alterne ainsi avec les quatre petales et avec les quatre longues etamines situees dans le rayon des petales. Nous avonsdonc deja trois anneaux quaternaires. (Voir la coupe theorique d'une fleur crucifere, pi. 1 , fig. 10.) Restent dans la fleur deux autres glandes souvent munies de deux mamelons et situees a la base des courtes etamines qu'elles dejetent et font saillir en dehors avec les sepales correspondants. Ces corps , tres-gros dans brassica , sont apparents dans toutes les especes precedemment citees et se rencontrent plus frequemment que les deux autres. Nulles traces de ces quatre glandes dans alys- 300 MEMOIRES ET PIECES , sura saxatile , deltoi'deum , biscutella didyma, mathiola toruIosa7 etc. , etc. La silique nous offre encore quatre rangs d'organes, deux valves etdeux placentaires, dans le rayon des sepales; puis quatre rangs de graines a droite et a gauche des placentaires. Dans les siliques du colza , ces graines sont opposees deux a deux. En les supposant placees dans l'ecartement des valves et des placentaires , elles formeront quatre rangees verticales au-dessus des petales et des longues etamines. Examinons actuellement si les fleurs doubles des cruciferes ne nous reveleront pas quelques details importants de leur organi- sation. Dans le cheiranthus cheiri, outre le changement des six eta- mines en petales, nousavons trouve plusieurs fois deux petales au- devant des sepales externes , dans le lieu occupe par deux glandes sur d'autres especes; en outre, deux petales nouveaux dans le lieu des glandes transversales. Une fleur etaitainsi conformee : un pre^ mier verticille des petales ordinaires, un second verticille repon- dant aux six etamines , un troisieme de huit petales , un qua- trieme et cinquieme de six petales et en outre quelques filaments. Les fleurs doubles d'erysimum barbarea sont encore plus com- posees. (Voy. pi. i , fig. i). On trouve d'abord facilement deux verticilles de huit petales , et ces huit rangees se continuent dans toute la longueur d'un axe commuu. Nulles traces detami- nes, ni de silique, ni de graines; deux rangees de petales dansle lieu des placentaires, deux dans celui des valves; au lieu des quatres rangees de graines , on trouve tantot des series de pe- tales , tantot de simples filets , semblables a des cordons ombili- eaux. Le centre de la fleur est une tige reelle , souvent tetragone , portant des feuilles petaloi'des sur ses quatre faces et souvent des filets a ses angles ; elle croit lentement durant plus d'un mois en s'allongeant beaucoup. Tantot il existe une disposition reguliere de verticilles quaternes, tantot leur confusion est tres-grande. JN'est-on pas oblige de conclure de ces faits que la silique est une continuation del'axe de la fleur, que les placentaires et les valves sont des feuilles soudees ou des merithalles dont les feuilles avor- PREMIERE SECTION. 301 tent completement , tandis que les feuilles ovulaires se develop- pent seules? et, par consequent, n'est-on pas en droit de regarder les cruciferes corame decussees dans leur calice, et ensuite qua- ternees dans le reste de la fleur ? Cette structure devoilee des cruciferes doit eclairer la science dans l'etude encore si peu avancee de la symetrie des feuilles ovariennes et ovulaires. En appliquant aux pymelees la loi du passage de la decussation au systeme quaternaire, nous avons debrouille leur inflorescence. Au-dessusdes deux dernieres feuilles opposees, on voit s'epanouir d'abord quatre fleurs alternes avec elles , puis quatre fleurs dans le rayon des feuilles de la tige. Plus liaut, huit nouvelles fleurs s'intercalent entre les precedentes et leur succedent dans Tordre de developpement ; enfin , huit autres moins natives completent un systeme de seize rangs de fleurs qui paraissent se continuer jusqu'a la terminaison du support florifere. Dans Gnidia imbri- cata,les quatre fleurs terminales alternent avec les dernieres feuilles decussees ; s'il existe cinq ou six fleurs , une ou deux repondent a ces dernieres feuilles. Le passage de l'ordre quaternaire a la decussation s'effectue en sens inverse ; nous en trouvons un exemple dans tormentilla erecta. Souventles sepaies sont places corame les calices decusses, quoique leurs feuilles soient valvaires ; puis viennent quatre pe- tales, seize etamines; au dernier anneau de huit etamines succede un cercle complet de huit akenes, et en dedans quatre autres dans le rayon des quatre petales, comme les huit akenes dans le rayon des petales et sepaies. 2° Passage a un systeme triple, quadruple, etc., etc. — Le genre escholtzia nous offre quatre petales en decussation; viennent en- suite deux verticilles , chacun de douze etamines, dont quatre repondent aux petales. Un troisieme verticille de huit etamines est complete par les quatre feuilles ovariennes, deux valves et deux placentaires , situees dans le rayon des petales. La clematite viticelle a souvent douze etamines dans le verticille le plus voisin des quatre sepaies. La kescea salicifolia , munie de tiges decussees ou ternees , a ses fleurs axillaires : deux bractees sous-florales sont placees transversalement ; chacune delles a , a sa 302 MEMOIRES ET PIECES , droite et a sa gauche, deux des six sepales; les six petales com- petent les douze rangees verticales. II paraitqu'ii en est demcme dans les fleurs a six sepales de la salicaire , et qu'on doit y consi- dererles calices com me verticillaires. Dans la plupart des papaveracees , aux petales decusses succe- dentdes verticilles d'etaminesplus nombreux encore : ainsi , dans papaver rhaeas , nous avons compte une fois 26 etamines, une au- tre fois 32; dans glaucium flavum , 4o; dans papaver somniferum, 48 j mais ces evaluations ne sont pas rigoureuses et varient selon la grosseur des fleurs : au reste, en considerant ce qui se passe ailleurs, on n'est pas oblige d'admettre theoriquement que ces verticilles sont des multiples de quatre ; sans devier de ses lois ordinaires, la nature presente dans les verticilles tous les nombres possibles. 3° Passage au systeme curviserie'. — Cette transition est fre- quente et arrive soitsur les fleurs , soit sur les tiges. Ainsi quelques pieds quadrangulaires de cactus speciosissimus, se terminent par des fleurs curviseriees; dans ce cas, comme dans tous les suivants, une des deux dernieres feuilles opposees est le point de depart de la spirale dextrorse ou sinistrorse des feuilles florales. Ainsi il arrive a la plupart des cariophyllees, hypericinees , cistinees, meseinbryanthemes munies de calices a cinq divisions spiralees et supportees par des decussees. En verifiant ce fait sur des fleurs terminales, ii est aise de voir que le cinquieme sepale est en deca de la verticale d'un angle convenable au systeme curviserie. Les epis floraux de verbena officinalis, circcealutetiana, antir- rhinum majus.... succedent a des tiges decussees. Un pied de calycantus floridus nous presenta dans ie meme grouppe i\ tiges decussees partout, une decussee dans le bas et ternee dans le reste de son etendue; huit enfin decussees dans le tiers inferieur, et plus haut munies de feuilles alternes curviseriees convenablement distantes. Mais le cas le plus remarquable est celui du melaleuca hypericifolia dont l'epi floral curviserie est precede et suivi d'un axe a feuilles opposees. 4° Passage du quinconce a la decussation. — Nous avons deja parle dans le § 1 du passage du systeme distique aux tiges decus- PREMIERE SECTION. 303 sees. II nous reste a mentionner un cas de tige quinconciale de cactus speciosissimus qui devenait quadrangulaire. Une des cinq lignes verticales cessait brusquement , mais la demiere feuille de cette rangee u'etait pas la terminaison de la spirale quincon- ciale. II en existait encore trois autres ; la derniere de toutes etait placee a 900 des deux premieres feuilles opposees , et les quatre rangees verticales restantes , en s'ecartant convenablement , presentaient des noeuds verticillaires. Getle observation confirme les regies generates que nous avons posees. 5° Implantation des rameaux de'cusse's. — L'implantation de cesrameaux al'aisselle d'une feuille est un autre mode de passage du systeme de la tige-mere a la decussation par un axe different. La feuille-mere est pour ces bourgeons comme la feuille terminale de la spire generatrice d'un systeme inferieur. Ainsi les deux premieres feuilles opposees seront placees transversalement, Tune a droite et l'aatre a gauche. Cctte position des deux premieres feuilles d'un rameau decusse naissant a ete constatee par l'obser- vation de tous les botanistes ; la disposition meme des encalyptus robusta, populifolia, ne s'en eloigne pas. La feuille-mere etant a 900 de chacune de ces feuilles , commence deux des spirales gene- ratrices d'une tigedecussee et determine ainsi sa position. Des tiges ou fleurs a calice decusse peuvent s'implanter sur des axes d'un systeme different, i° sur des tiges curviseriees de fuma- riees, cruciferes, thymelees, et i° sur des tiges ternees de nerium , houstonia , et 3° sur des tiges de bruyeres a 6, 8, 10, 12, 14 verticales ; 4° sur des tiges trisliques et quinconciales de cactus speciosissimus. 6° Systemes derives du decusse. — Des rameaux curviseries pro- viennent souvent de l'aisselle des feuilles opposees. Ainsi on voit en naitre, i° des epis floraux dans veronica montana, beccabunga, verbena officinalis.... et i° des calices spirales de caryophyllees, hypericinees....; 3° des fleurs curviseriees de myrte, de calycan- thus et chimonanthus , et 4° des epis floraux de Ian tana camara , a 9, 10, 1 4 verticales j ceux de verbena aubletii a 1 4 verticales. Toujours la feuille-mere est le point de depart de la premiere divergence du systeme spirale , ou alterne avec deux des feuilles 304 MEM01RES ET PIECES , du premier verticille , lorsque la disposition par anneaux successifs se rencontre. Nous noterons cependant ici que dans le systeme curviserie naissant, les angles des huit premieres feuilles ne sont pas toujours exactement ceux qu'indique la theorie. La premiere divergence du ramean est souvent trop faible et voisine de Tangle droit, la seconde est trop forte et environ de 1800. Cette feuille est a sa place theorique a 5° pres. La divergence de 2a 3 est trop faible, et la feuille reste ou sur la verticale , comme dans les legumineuses , ou la depasse d'un petit angle ; la feuille quatre , adossee a la tige centrale , occupe a pea pres sa position naturelle; la feuille cinq reste trop eloignee de la verticale, et est distante de plus de 32° endeca; la feuille six est assez bien situee; la feuille sept est trop adossee vers la tige. Ainsi, dans un bourgeon curviserie naissant, les divergences i,3,5,7 sont souvent diminuees, et les huit premieres ecailles paraissent reellement?decussees (Juglansregia, bourgeons a fleurs de rubus fruticosus, idceus). Une alteration tantot en moins, tantot en plus, determine cette opposition apparente. Mais au dela des huit premieres feuilles, les divergences sont regulieres et conformes a la theorie curviseriee. § VI. Sy steme terne ou a 6 verticales. Le systeme terne n'est pas tres-frequent sur les tiges ; nous le trouvons habituellement dans juniperus communis, lycia, virgi- niana, gardenia radicans, houstonia coccinea , nerium oleander , aloysia citriodora, catalpa, cephalanthus, plusieurs lysimachies ; accidentellement dans phlomis leonurus , westeringia rosmari- nifolia , grenadier , myrte, lilas, olivier, fuchsia conica, globu- lifera , dahlia pinnata , valeriane officinale , anagallis ccerulea , etc. , etc. Ce systeme est propre a la plupart des fleurs meme doubles des monocotyledons, aux fleurs des berberidees, cneorum tricoccum... II existe dans les calices et corolles desargemone mexicana, papa- ver bracteatum, magnolias , azarum europa'um aristolochia sipho PREMIERE SECTION. 305 et clans les fleurs tetrandres devenues regulierement triandes, etc. Les regies que nous avons constatees sur la succession des sys- temes distiques, tristiques, decusses, avecdes systemes differents, sont applicables en toutes manieres avec le systeme terne. Exa- minons ce sujet sous divers points de vue. i° La derniere feuille d'un systeme unispiral sera placee au- dessous du milieu de l'espace entre deux feuilles ternees, c'est-a- dire a la distance de 6o°, ce qui est la divergence des spires gene- ratrices de l'ordre terne. Nous avons deja constate cette position pour les tiges distiques des iris, azarum; elle existe aussi dans tous les autres systemes unispiraies. Ainsi, dans magnolia grandiflora, la spathe florale est la der- niere feuille du quinconce de la tige. Cette spathe est au-dessous de deux sepales colores a egale distance de Tun et de 1 'autre. Yoyez pi. ii., fig. i. La tige curviseriee des luzula nivea, juncus squarrosus et au- tres se termine par un epi compose, fournisant par sa base d'au- tres epillets et a son extremite deux bractees steriles. La der- niere bractee fixe la position des trois sepales exlernes dela fleur terminate et deux sepales se piacent a egale distance de son inser- tion. Les epillets lateraux, souvent composes eux-memes , ontune spirale curviseriee dont la premiere bractee est sessile a I'origine del epi Uet: les suivantes sont au nornbre de 3 ou 4, steriles a leur terminaison, mais fixent de la raerae maniere l'arrangement de la fleur terminale. Nous avons deja demontre (disposit. symetr. des inflor. §. i., dans le t. 7. des Ann. sc. rial.), que la bractee unique du pedon- cule floral du lys blanc , est le commencement d'une spirale cur- viseriee analogue acelledesa tige. C'est cette bractee solitaire qui fixe la position de la fleur'des lys. M. Braun a indique comme une disposition anomale celle de la fleur du lys blanc, ayant deux pe- tales d'un cote et un seul del'autre. L'observation du fait est vraie ; tantot deux petales externes sont a droite etun a gauche , tantot deux a gauche et un a droite. La cause de cet arrangement s'ex- plique tres-bien par notre formule ; la bractee sous-florale corres- pond toujours a l'ecartement de deux petales externes. Cette brae- 306 MEMOIRES ET PIECES , tee se trouvant placee tantot a droite, tantot a gauche du pedon- cule, determine la position correspondante de la flear. Nous avons souvent verifie ce fait dans lilium candidum , croceum , sinense j poraponium, caledonicum, martagon.... D'apres la meme regie sont places les trois sepales externes des balisiers ; une bractee , a droite ou a gauche , fixe deux sepales , ce qu'on voit tres-bien dans la jeune fleur. Dans l'alisma plantago, la tige florifere est ternee , et les feuilles radicales sont curviseriees; la derniere de celle-ci correspond exac- tement au milieu de Tune des trois faces de la tige triangulaire et terminate de l'alisma, entre deux feuilles du premier anneau terne. Ce fait se voit tres-bien dans les rameaux axillaires qui devront se developper l'annee suivante. II est probable que la position de la fleur terminate des tulipes, safrans^ colchiques, est determinee par celle de la derniere feuille des tiges. Les trois sepales d'argemone mexicana sont egalement placees vis-a-vis la derniere feuille de la tige spiralee. Voir pi. n , fig. 2. Les fleurs laterales munies de deux bractees transversales ont la superieure d'entr'elles correspondante a l'ecartement de ces brac- tees. S'il existe 3, 4 bractees avant la fleur , c'est toujours la der- niere qui devient alterne avec deux sepales , et fixe ainsi le sys- teme entier. Nous avons observe une fleur axillaire avec une seule bractee disposee a l'ordinaire. Yoyez fig. 2, a'. Les calices ternes des magnolia sont suivis d'un systeme curvise- rie d'etamines : une fleur de magnolia grandiflora, outre ses neuf sepales , nous a presente cinq etamines petaloides disposees en spirale; en prenant la plus large d'entr'elles pour la plus exte- rieure, les suivantes etaient de moins en moins larges. En partant de l'un des trois sepales interieurs, on trouvait entr'elles une di- vergence de i37° i; on arrivait a l'etamine 5 placee en defaut de la verticale d'un angle couvenable. Les tiges ternees de nerium oleander sont terminees par des fleurs a calice spirale a cinq ou six sepales. En prenant dans an sens retrograde cette spirale, nous sommes toujours arrives a 1'une des dernieres bractees de la tige. Que le dernier anneau ait fcrois, deux, ou seulement une bractee, c'est toujours l'une d'elles PREMIERE SECTION. 307 qui devient le point de depart de la premiere divergence du calice spirale. Un cactus terne nous a offert une transition au systeme de sept verticales. Dans un point de la tige, une des six rangees semblait sebifurquer, et les rangees voisines s'ecarter convenablement. Mais la succession des nceuds vitaux suivait un ordre conforme a la regie generate. Le noeud place dans Tangle de la bifurcation n'etait point la terminaison du systeme a six verticales. Au-dessus se trouvait encore un verticille de trois nceuds; et c'etaita la hau- teur de l'un de ces trois nceuds que commencait la spirale propre au systeme de sept verticales. De tousles faits precedents, nous tirons les conclusions sui- vantes : Lorsque le verticille de trois feuilles est consecutif a la spirale distique, tristique, quinconciale, curviseriee, etc. , alors la der- niere feuille de la spirale du sysleme inferieur fixe a sa droite et a sa gauche la position de deux feuilles du verticille terne, et par suite du systeme entier a six verticales. Si ce dernier systeme , au contraire , precede un ordre spirale quelconque, alors une des trois dernieres feuilles ternees est le point de depart de la spirale subsequente. 2° Les systemes verticillaires ou a spirales multiples precedent on suivent 1'ordre ternaire, d'apres les regies connues ; ainsi les tiges de lysimachies , de genevriers sont precedees par la decussa- tion : au point de contact des deux systemes , une des feuilles op- posees fixe a sa droite et a sa gauche deux des trois feuilles sui- vantes ; la derniere de celles-ci reste au-dessus de la seconde feuille opposee. Dans la lysimachie vulgaire, une tige ternee devient-elle qua- ternee? Au point de reunion, nous voyons une des trois feuilles avoir a sa droite et a sa gauche deux feuilles du premier anneau quaterne, avec une divergence de 45°. Dans le passage de la de- cussation a 1'ordre terne, et de celui-ci au quaterne, une seule feuille se rencontre entre les deux systemes. Lorsquun nombre double d'organes succede aux verticilles ternes, alors, des six feuilles suivantes, trois alternent avec les 308 MEMOIRES ET PIECES , precedentes, et trois leur correspondent. (Vest ce qu'on observe tres-bien dans les douze etamines et six carpelles d'azarum euro- pceum. Les six etamines du verticille inferieur sont placees dans les trois espaces intermediates du calice et dans le rayon des se- pales. Le second verticille d'etamines alterne avec le premier; le verticille ovarien repond aux six premieres etamines. Dans aris- tolochia sipho, l'anneau des six feuilles ovariennes occupe la place des six etamines superieures de l'azarum. 3° Implantation des rameaux term's . — Nous avons deja dit que la feuille-mere se comportait vis-a-vis d'un rameau naissant comme la feuille terminale d'un systeme spiral. Si cette regie est rigou- reuse, le rameau terne naissant presentera toujours une feuille adossee a la tige centrale et deux au-dessus de la feuille-mere. Cette loi s'observe-t-elle toujours ? Nous l'observons d'abord dans la vaste famille des graminees. Les fleurs etant presque toujours axillaires a de petits epis , nous offrent dans leur premier verticille une paillette adossee au ra- chis et deux lodicules en avant ; puis trois etamines, une en avant , deux en arriere, enfin un ovaire asymetique, avec une rainure dorsale en arriere. (Voyez pi. i , fig. 6.) Ce cas est sans contredit le plus frequent de tous ; a la base de chaque fleur est sa feuille- mere, appellee glume externe. La lepicene ou les valves inferieu- res sont des bractees de l'axe depourvues de fleurs a leur aisselle. Cet arrangement est tellement fixe, que quelquefois letamine anterieure manque , et la symetrie du reste de la fleur n'est pas derangee. (Voyez pi. i , fig. 7 , du bromus madritensis.) Ou bien les deux lodicules manquent comme dans nardus stricta ; a cela pres, la fleur est organisee de la meme maniere. (Voyez fig. 8.) Nous devons cependant avouer que la structure du nard pent s'ex- pliquer sans admettre un avortement de lodicules. La glume in- terne est alors comme une feuille distique, et les trois etamines occupent une place naturelle , comme les trois petales externes des iris. Le nard est en outre a nos yeux une graminee a epi dis- tique le plus simple possible. Parmiles fleurs monocotyledones en epi, une seule s'est presen- tee a nous ayant un petale adosse a l!axe et deux petales au-dessus PREMIERE SECTION. 309 dela bractee-mere. C'est lachenalia orcbioides a fleurs sessiles, obli- quement implantees sur la tige; nulles traces de bractees sous- florales. Mais pourquoi beaucoup descilles,d'orchidees franchises, ont- elles leurs fleurs differemment placees , savoir deux petales contre la tige et le troisieme au-dessus de la feuille-mere ? Nous soupcon- nons que, dans la plupart des cas, une bractee sous-florale a avorte, et que cette bractee devant etre ou adosseea la tige comme celle des ixias , ou laterale aux pedoncules comme celle des lys , sert a fixer la position des premiers petales. Ainsi , ces fleurs n'ont pas leur systeme terne en contact immediat avec la feuille qui les porte a son aissellc. II est plus difficile d'expliquer Torigine suivante des rameaux ternes. On trouve d'abord deux bractees transversales , puis un premier verticille de trois feuilles , placees deux contre la tige , et une en avant au-dessus de la feuille-mere , ou bien dans une posi- tion inverse, deux en avant, une en arriere. Le premier cas se rencontre dans les rameaux naissants de laurier-rose, catalpa, cephalanthe d'occident, houstonia coccinea, dans les fleurs de cneorum tricoccum. Le second cas se presente dans le genevrier commun , mabonia fascicularis. Le systeme ternaire est ici precede par deux feuilles opposees , et d'apres la regie ordinaire, une de ces feuilles devrait alterner avec deux des ternees, avec une divergence de 6o°. Pourquoi ce cbangement dans la symetrie ordinaire? Nous n'eluderons pas cette objection; pour chercher a la resoudre, nous dirons d'abord quelle s'applique a un petit nombre de cas ; ensuite , nous avons trouve quelques rameaux naissants d'houstonia coccinea, dans les- quels l'implantation du terne etait conforme a la loi generale. Peut- etred'ailleurs, dans les rameaux naissants, la feuille-mere a-t-elle une influence directesurle second verticille et contraint-elle lera- meau a avoir une rangee verticale de feuilles commune avec celle qu'elleoccupesurla tigecentrale. Pourexpliquertous les faits d'or- ganisation vegetale, nous n'aurons pas assez generalise notre for- mule. Dans le cas present , le systeme terne est precede de deux feuilles opposees , de la meme maniere qu'il en serait suivi , si la 23 310 MEMOIRES ET PIECES , decussation succedait au terne\ Deux systemes consecutifs sont peut-etre disposes l'un par rapport a l'autre , de telle sorte qu'il soit indifferent ou que l'inferieur fixe la premiere divergence du superieur, ou que celui-ci soit place corame pouvant servir de point de depart au systemeinferieur. La symetrie si variee des fleurs fournira, sans doute, d'autres difficultes a resoudre et des objections contre notre theorie; mais son application est d'ailleurs si etendue, que nous pouvons laisser quelques objections en arriere. Quelle est d'ailleurs, en botanique, la theorie assez vaste pour embrasser tous les faits, et la formule assez souple pour se plier a toutes les objections? § VI. Systemes quaternaire, quinaire,ou & huit , dix , douze verticales. Les systemes a huit, dix, douze verticales se rencontrent dans les tiges de preles,lycopodes, bruyeres, cactees, eupatoires, con- vallaria verticillata. On trouve quelques fleurs monocotyledones a huit rangees d'organes ( paris quadrifolia , allium moly , agapan- thus umbellatus, iris cite deja); mais ces systemes sont tres- frequents dans les fleurs dicotyledonees a quatre ou huit, cinq ou dix , six ou douze etamines. Notre formule generale convient a ces nouveaux systemes commeaux precedents. Auxdeveloppementsdeja donnes, ajoutons quelques transitions dont il nous reste a parler. i° Passages aux systemes alter Ties. — Lequinconce propreaux folioles de l'involucre de chaque fleur d'echinops, ceiui des feuillespedonculaires et calicinales d'epacris grandiflora, est suivi, dans ces fleurs, d'un systeme a dix verticales. Mais nous n'avons pas ete assez heureux pour fixer la position reelle du premier verticille par rapport a la derniere feuille quinconciale. Les petales, etamines et carpelles quinaires sont ordinairement precedes par la spiraie curviseriee qui se continue sur les calices. Les cinq dernieres feuilles se rapprochant et se soudant meme dans beaucoup de cas , la position de la corolle est determinee par celle du calice ou , ce qui est plus rigoureux , par celle du dernier PREMIERE SECTION. 311 sepale. Deux des petales se placent a egale distance de celui-ci , et la position du reste de la fleur est fixee. On dit ordinairement que la corolle alterne avec le calice ; ce langage est rigoureusement vrai lorsque le calice forme un verticille reel. Mais toutes les fois qu'on ne pent meconnaitre une spire calicinale, les sepales n'ont qu'un verticille apparent ; la corolle appartient alors a un systeme different, et si on la suppose debarrassee de Teffet des soudures d'organes , elle sera seulement en rapport avec le dernier des se- pales. Supposons une fleur axillaire binodale : le dernier sepale sera la feuille 7; sa position theorique dans le systeme curviserie est i{i° i5\ Mettons a droite et a gauche deux petales a la dis- tance de36°, et tous les autres 2172° des premiers, nous aurons, pour la position du petale inferieur, 35o° iS\ ce qui est bien voisin de 36o° ou du point immediatement situe au-dessus de la feuille- mere, ce qui est la position qu'on croit reconnaitre a vue d'ceil dans toutes les fleurs quinaires placees ainsi : deux petales en haut et trois enbas. Dans les fleurs binodales , c'est done la septieme feuille ou le cinquieme sepale qui determine l'arrangemeut des verticilles flo- raux; nous sommes obliges d'adopter cette consequence, afin de coordonner dans une raeme formule tous les changements de sys- temes , et specialement ceux qui resultent du passage de l'ordre spiral a l'ordre verticillaire. 20 Passages aux sys times verticillaires dijfe'rents. — Le passage des systemes quaternaires , quinaires , a des verticilles superieurs en nombre, a lieu d'apres les regies ordinaires. Ainsi, lorsqu'un anneau de quatre ou cinq feuilles est suivi de huit ou dix autres , on voit deux des nouvelles eutre chacune des inferieures , et se placer toutes a des distances egales entr'elles. Les quatre sepales et quatre petales de la tormentille sont suivis d'un anneau de huit etamines , intercalees deux a deux entre les petales; le second an- neau de huit etamines est plus en dedans et alterne avec le premier. Dans les potentilles, fraisiers, comarum, apres cinq petales, se voient dix etamines intercalees, et enfin dix autres plus en avant et alter nes avec les premieres. 312 MEMOIRES ET PIECES , Dans metrosideros linearis, apres les cinq p6tales on trouve deux verticilles correspondants de quarante etamines, plus un verticille de vingt interieures , sans compter l'ovaire. Ces nombres d'organes verticillaires decroissent avec la meme regularity en sens inverse ; nousavons deja cite la tormentille dans le n° i du § 5. Lorsqu'une fleur axillaire pentandre ou decandre se termine par deux feuilles ovariennes, nous observons ordinairementdeux loges placees , Tune en haut contre la tige , Tautre en bas dessus la feuille-mere. Une des etamines du second verlicille, lorsqu'il en existe deux , ou du verticille unique , se trouve toujours dans le diametre vertical de la fleur. D'apres noire regie generale, les feuilles ovariennes opposees faisant un angle droit avec une eta- mine, ce sera avec l'etamine impaire , superieure ou inferieure. Ces feuilles ne seront done pas placees verticalement, mais trans- versalement , par rapport a la fleur. Or, voici ce que i'observation apprend a cet egard : Dans les melampyres , la capsule se fend de haut en bas, et on observe deux feuilles ovariennes transversales dont la nervure mediane porte a sa base, de chaque cote, une graine droite. La position de la capsule ne s'ecarte pas des regies ordinaires. Dans les rhinantes, veroniques , euphraises, il est encore evident que les feuilles ovariennes sont placees en travers de la fleur, et non Tune au-dessus de Tautre, et qu'elles portent les graines sur les bords de leurs nervures medianes, souvent soudees entr'elles dans le bas. Gette maniere d'expliquer la position des feuilles ova- riennes me semble la plus naturelle de toutes, et celle qui doit se presenter en premier lieu a un observateur judicieux. II n'en est probablement pas de meme pour les scrophulaires, verbascum , digitales , linaires ; la dehiscence souvent transversale des capsules semble indiquer des feuilles placees , Tune contre la tige , l'autre dessus la feuille-mere. Souvent aussi le trophosperme se detache, comme s'il appartenait a une prolongation de l'axe. Dans ce cas peut-etre , comme dans celui de certains rameaux naissants du systeme ternaire , nous serons obliges de supposer que la position ues feuilles ovariennes , relative au verticille precedent des eta- PREMIERE SECTION. 313 mines, est telle que comporterait la succession d'un verticillequi- naire 'a deux feuilles opposees. On dira peut-etre queles pistils, etant fendus traasversalement, prouvent que les feuilles ovariennes sont reellementplacees,rune contre la tige, l'autre contre la feuille-mere. Mais nous sommes portes a admettre dans plusieurs fleurs des feuilles pistillaires in- dependantes des feuilles ovariennes. La parnassie, lorsque son ovaire est a cinq valves , presente une alternance reguliere entre les petales , etamines , nectaires et feuilles ovariennes. Lorsque celles-ci sont au nombre de quatre , ee qui est le cas ordinaire, alors, en remarquant que le calice est spirale, nous trouvons que le nectaire, place a 1800 du premier sepale, est distant de 45° de deux valves voisines, et sert a fixer ainsi la position des quatre valves. Au reste, les organes floraux, par leurs complications et sou- dures multipliers , presentent un grand nombre debizarreries qui empechent d'etablir des resultats generaux. Souvenons-nous que c'est par l'observation des tiges que nous sommes arrives a une formule, et qu'en cherchant a l'appliquer aux fleurs, nous sui- vons le fil de l'analyse, en marchant du connu a l'inconnu. La symetrie des fleurs ovariennes et ovulaires est encore trop contes- ted pour pouvoir lui appliquer les regies que nous avons recon- nues specialement sur les tiges, les calices, corolles et etamines. On nous opposera de grandes anomalies dans les fleurs; nous con- viendrons du nombre et de la force des objections, quoique la petitesse des angles contestes doive en diminuer l'importance. Mais on nous saura peut-etre gre d'avoir fait une tentative aussi bardie , sans nous dissimuler les dangers de cette perilleuse entreprise; nous eviterons d'ailleurs des details etrangers a un essai sur la disposition generale des feuilles rectiseriees. Le plus souvent, les systemes quaternaires , quinaires, sexe- naires, sont precedes a leur origine par des verticilles de feuilles moins nombreuses. Nous en avons plusieurs fois parle dans les § precedents ; nous n'y reviendrons pas davantage. 3° II nous reste a examiner les tiges ou axes quelconques qui presentent une grande variete dans le nombre des pieces verticil- 314^ MEMOIRES ET PIECES, laires successives, et qui souvent n'ont qu'un seul anneau dans chaquesysteme, cest-a-dire la moitie des feuilles qui devraient le composer. Aiusi , il n'est point rare de voir , apres un anneau de cinq feuilles, en succeder un de six, puis de sept, de huit, etc. En voici quelques exemples : Dans un rameau naissant de pesse commune, nous avons trouve deux bractees transversales , puis quatre au second verticille, puis cinq et sept. Une tige plus grosse offrait plusieurs anneaux de douze, puis de treize , quatorze , seize, dix-sept, dix-huit folioles; a leur aisselle, dans le haut, sont autant de fleurs axillaires, ce qui prouve que ces folioles forment autant de nceuds vitaux sur la tige. Les preles montrent aussi une grande variete dans le nombre de leurs nceuds ; mais l'epi conique de la fructification est surtout remarquable par les differences de nombres des pedicelles qui portent les sporanges. Un epi avait plusieurs verticilies de dix- sept, puis de seize disques ; les derniers avaient seulement les nombres treize , onze , sept , six , trois. Une tige florifere de collinsia grandiflora est decussee en bas, puis offre des anneaux de trois, quatre, cinq feuilles munies de fleurs a leur aisselle. Dans la veronique verticillee , on trouve au bas de la tige la de- cussation , puis l'ordre terne , quinaire , sexenaire et septenaire enfin, qui se prolonge dans l'epi floral, du moins a sa base. Sur les tiges courtes , a folioles verticillaires nombreuses et va- riables d'un etage a l'autre , il est impossible de verifier s'il existe une ou plusieurs feuilles intermediates regulierement placees entre deux systemes consecutifs. Mais les observations prece- dentes vont nous servir a expliquer les organisations les plus com- pliquees. Et d'abord , nous trouvons dans les echinops une tige a feuilles curviseriees , surmontee par une tete arrondie qui porte les invo- lucres des fleurs. Celles-ci sont rangees en series verticales qui va- rient, selon leur grosseur, de dix-huit a vingl-neuf, du moins dans les echinops ritro, sphcerocephalus et giganteus. Les systemes de ces aggregations sont nombreux, mais la plupart appartiennent PREMIERE SECTION. 315 a l'ordre verticillaire ; le nombre des noeuds vitaux est moindre dans le bas et a l'extremite du receptacle commun. Les ovaires , composes des fragariees , clematites , de plusieurs anemones, les cupules des chenes , sont probablement disposes par anneaux verticillaires; leurs variations sont tantot regulieres, tan- tot produites par des avortements. Toutes ces causes reunies ren- dent l'examen rigoureux de ces plantes a peu pres impossible. De la , l'irregularite des spirales dextrorses et sinistrorses qui feraient decouvrir leur organisation reelle. Si , dans un sens, les spirales sont regulieres, souvent dans l'autre existe une deformation ; souvent deux spires convergent en une seule , ou bien une d'elles diverge en deux ou trois autres. II serait aussi aise de soumettre a l'analyse geometrique tous ces organes condenses qu'un cone de pin ou un receptacle de tour- nesol, si le meme systeme etait suivi regulierement dans une zone d'une certaine etendue. Celui qui voudra se livrer a ce genre de recherches, devra se premunir contre les causes multipliers d'er- reurs qu'il rencontrera a l'extremite des tiges. CHAPITRE II. EXAMEN DES SYSTEMES A DIVERGENCES f , f , } , £, ETC. Toutes les feuilles rectiseriees ne sont pas disposees en verticil- les; un certain nombre d'entr'elles suivent un erdre alterne , et une spire generatrice les embrasse toutes. Le cas le plus frequent est celui ou la spirale fait deux fois le tour de la tige avant de re- venir immediatement au-dessus de la feuille qui a servi de point de depart. D'apres la construction geometrique de ce systeme , on comprend aisement que toutes les feuilles etant supposees a egale distance , Tangle qui separera deux d'entr'elles sera egal a deux fois la circonference divisee par le nombre entier des feuilles ; en dautres termes , la divergence de la spire sera une fraction de la circonference , ayant deux au numerateur , et au denominateur fe 316 MEMOlllES ET PIECES, nombre des rangees verticales de feuilles. MM. Schimper, Alexan- dre Braun ont parfaitemeat analyse la divergence de ces systemes. L'observation a demontre que dans tous il existe un nombre impair de lignes verticales, au moins 5, 7,9, ir.... Des qu'une rangee disparait sur un axe, ou s'ajoute aux anciennes sur le meme axe, on reconnait que le systeme devient verticillaire, et se compose alors de plusieurs spires generatrices. Et si le nombre pair de verticales devient impair, alors le systeme alterne reparait avec une seule spirale. Une autre propriete generate du systeme alterne que nous etu- dions dans ce chapitre , c'est que le nombre des spires dextroses les plus visibles diffiere seulement d'une unite du nombre des spi- res sinistrorses de la meme tige. Ainsi, dans le cas de cinq vertica- les, les nombres des spires sont deux et trois ; dans le cas de sept verticales, il existe trois spires dans unsens et quatre dans Tautrej et ainsi de suite. Le sens de la spiral© generatrice appartient tou- jours acelui du plus fort nombre, et par une raison fort simple. Lorsque dans un systeme a sept verticales , nous avons trois spi- rales sinistrorses et quatre dextrorses , la feuille trois est a gaucbe de zero , suppose point de depart ; la feuille quatre est a droite du meme point. Les feuilles trois et quatre etant consecutives dans la spire generatrice, il est evident que pour aller de trois a quatre, il faut tourner dans le meme sens que les quatre spirales dextror- ses qui appartienneut au plus fort nombre. Nous ferons encore remarquer que la somme des spirales dex- trorses et sinistrorses est egale au nombre des rangees verticales -r ainsi, deux des trois choses etant connues, la troisieme se deduit aisement. Examinons les principaux systemes alternes rectiseries , et d'a- bord le quinconce» § I. Des feuilles quinconces. Depuis Charles Bonnet , on appelle feuilles quinconciales celles dont la sixieme recouvre exactement la premiere , apres que leur spirale a parcouru deux fois la circonference dela tige. Toutes ees PREMIERE SECTION. 317 feuilles sont alternes et se renouvellent dans le meme ordre de cinq encinq.Quoique la plupartdesplantesqu'on croyait a feuilles disposees en quinconce soient reellement curviseriees, il en existe cependant plusieurs qui sont douees de cette organisation. Yoici eelles ou nous avons reconnu le quinconce, sans compter les cas douteux; leur nombre sera sans doute augmente par des recher- ches plus etendues. 10 Graminees; quelques epis males de mais et de panicum mi- liaceum viride , digitaria sanguinalis. 2° Quelques cyperacees ; quelques £pis femelles de carex pa- nicea et hordeistychos. 3° Yerbenacees; quelques epis terminaux de buddleia madagas- cariensis. 4° Magnoliacees ; tiges du tulipier, des magnolia grandiflora glauca , rarement tripetale. 5° Rosacees; tiges a boisdes rubus idaeus, fructicosus. 6° Myrtacees; melaleuca pulchella ; quelques tiges du grenadier; 7° Gactees a tiges pentagonales ; cactus speciossimus , cereus Smithii. 8° Composees; involucres partiels des echinops. 9° Yacciniees; tiges souterraines du vaccinium myrtillus; io° Epacridees; calices depacris grandiflora. ii» Urticees; tiges de murier et de chanvre. i2° Amentacees; la plupart des chenes, populus fastigiata, angulata , tremuloides. Les regies quobservent les feuilles quinconciales dans un ra- meau naissant ou dans un changement de systeme, sont exacte- ment les memes que suivent les systemes precedents. Entrons ici dans quelques details, io JXous avons deja indique de quelle maniere se comporte le systeme quinconcial , lorsqu'il est precede par le distique ou la decussation. Hen sera de meme toutes les fois que l'ordre curvi- serie sera place au-dessous ou au-dessus de lui. Nous avons ob- serve un rameau de cactus speciosissimus qui presentait d'abord trente-sept nceuds a la distance de i37° |. Le dernier dentr'eux etait suivie de douze nceuds distants de i44° ? et ranges sur cincj 318 MEMOIRES ET PIECES, lignes verticales. La derniere feuille quinconciale etait suivie de douzenoeuds, ayant unespirale de 1200. Dans les trois systemes consecutifs, la spirale etait sinistrorse. Lorsque le quinconce est suivi de l'ordre curviserie, la spirale conserve encore la meme direction. C'est ce que nous avons tou- joars rencontre dans les fleurs du tulipier. Dans ce bel arbre, les nceuds de la tige sont disposes avec une spirale de i44° > jusqu'au plus externe des trois sepales de la ffeur , la spathe appartenant au systeme quinconcial. A partir de ce permier sepale, on voit la feuille cinq rester en deca de la verticale d'un angle convenable, la feuille huit etre peu en exces , puis on compte huit et treize spi- rales d'etamines , cinq et huit de carpelles, caracteres propres au systeme curviserie. II nous resterait a examiner le passage du quinconce dans cer- tains cactus, a un systeme de six verticales; mais le cas ne s'est point presente a notre observation. 2» Si nous supposons par la pensee que les feuilles quinconcia- les d'un axe tres-courtperdent leurs merithalles , alors ces feuilles feront des anneaux superposes de cinq pieces et non entrecroises comme dans les verticilles a dix verticales. Cette disposition ne se rencontre-t-elle pas quelquefois dans les fleurs, par exemple, dans les petales et etamines correspondants des primulacees, sta- ticees? Plusieurs botanistes distingues ont pense que dans les pri- mulacees un anneau d'etamines alternes avait avorte ; ils se fon- dent sur l'existence de cinq dents alternes aux petales du samolus valerandi , etc. , etc. Nous oserons donner une autre explication de ce fait. N'est-il pas permis d'admettre que les cinq petales d'une primevere suivent un ordre alterne quinconcial, que les etamines sont disposees dans le meme ordre ? Les fleurs doubles presentent deux, trois, quatre rangs de petales, toujours dans le meme rayon , independamment des cinq etamines qui n'en sont point deplacees. II est presumable que si la fleur etait originaire- ment dans le systeme de dix verticales , en devenant monstrueuse dans nos jardins , elle nous revelerait quelque chose de cette or- ganisation. Or, un examen attentif des primeveres nous a con- vaincus de rexistence seulement de cinq rayons de petales et eta- PREMIERE SECTION. 319 mines. La supposition du quinconceest doncfondeesurquelques probabilites. Ne devrait-on pas expliquer de la meme maniere pourquoi , dans les sedum, crassula, sempervivum, il existe deux ou trois an- neaux superposes et consecutifs d'etamines , de glandes nectari- feres et de feuilles ovariennes ? L'ordre d'alternance propre aux verticilles est ici en defaut. Mais le quinconce surbaisse s'y appli- que tres-bien. Toutes les fois que le nombre de nectaires et d'o- vaires sera pair, on devra admettre des verticilles a anneaux dou- bles rentres Tun dans Tautre. Mais si ce nombre devient impair , 5, 7, 9, n, i3, alors, ce nous semble, il est plus raisonnable de penser a l'existence d'un ordre spiral avec les divergences 2 2 2 _2_ 6 » 7 » 9 » 11* 3° Le quinconce a des rapports tres-etroits avec le systeme cur- viserie, qui meritent de fixer notre attention quelques instants. Et d'abord les rameaux a boisdes rubus fucticosus, idaeus, sont evi- demment quinconciaux , tandis que les rameaux qui se terminent par une cime de fleurs sont curviseries. Pourquoi une difference si marquee dans des rameaux voisins ? Quoique le magnolia tripetala soit ordinairement curviserie , nous en connaissons un beau pied a feuilles disposees en quin- conce. Ces deux systemes, au reste, existent separement dans les tiges et dans les fleurs des magnolia grandiflora, glauca, du tulipier. Dans les fleurs des nigella damascena, orientalis, les huit spi- rales d'etamines qui devraient parcourir en neuf pas la demi-cir- conference, atteignent a peine 6°; Tangle de la spire generatrice est alors moindre que 1370 i Cependant on ne peut meconnaitre l'ordre curviserie dans cette fleur et ses congeneres ; mais il faut qu'une cause difficile a apprecier fasse varier ici en moins la dis- tance angulaire des feuilles, ou produise une torsion dans les spirales. Dans les tiges d'epacris grandiflora , nous avons vu souvent les cinq spirales tourner trop peu pour un systeme curviserie; alors Tangle etait plus grand que celui du curviserie , et moindre que 320 MEMOIRES ET PIECES, celui du quinconce. L'un ou l'autre des deux systemes existe dans cette plante, mais modifies par une torsion legere. Dans l'ombelle des feuilles terminales du cyperus papyrus, nous trouvons une disposition singuliere ; la feuille huit , au lieu de de- passer la verticale, reste encore en arriere; les feuilles cinq etdix tournent beaucoup. Ainsi, en supposant que l'axe n'ait eprouve aucune torsion , il faudrait adraettre un angle moindre que « v I- Dans le scirpus sylvaticus, la spire cinq tourne tantot convena- blement dans l'epi terminal , tantot elle tourne trop peu , et la di- vergence s'approche de i44°- Enfin, dans luzula nivea, outre les variations precedentes, nous avons retrouve celles du cyperus pa- pyrus; la feuille treize etaitaussi en defaut sur la verticale. Nous notons ici ces faits pour prouver combien ce genre de recherches est quelquefois difficile , comment il s'etablit quelquefois une tran- sition insensible entre le quinconce et l'ordre curviserie. Si la rea- lite n'existe pas , les apparences de la reunion des deux systemes se presentent, car dans ces cas-la on n'apercoit pas une torsion dans les fibres de ces plantes. II est difficile de dire en quoi consiste ce changement d'angles : est-ce le systeme qui a change , est-ce TeiFet d'une torsion cachee ? Mais , quoi qu'il en soit , les rameaux naissants du quinconce, les passages a des systemes difFerents suivent toujours les regies que nous avons reconnues appartenir aux systemes precedents. §11. Des feuilles a 7, $,11, 13.... rangees verticales et de la maniere de classer tous les systemes spir ales possibles. Les systemes suivants deviennent d'autant plus rares que le nombre des rangees verticales augmente. Nous avons observe celui a sept rangees dans gnidia simplex, erica herbacea, empetrum nigrum, cercus deppii. 11 est habituel aux tiges du cierge du Perou. La divergence de la spirale unique est toujours egale aux | de la circonference. Nous avons observe le systeme des neuf verticales dans les plan- tes suivantes : cereus repandus, empetrum nigrum , prunus lusi- PREMIERE SECTION. 321 tanica, lantana cancara, panicum miliaceum. Dans un epi de Jan- tana, nous avons verifie le point de depart de la premiere di- vergence. L'angle egal a JL de la circonference a ete vu dans les tiges de cactus flagelliformis , cylindricus, echinocactus lenkii, dans les ecailles du fruit de sagus raphia, dansTepi floral du panicum mi- liaceum. Nous avons observe Tangle X dans les cactus flagelliformis, echinocactus multiplex ; Tangle ^ dans cactus sulcatus , etc. , etc. Les divergences qui ont au numerateur les nombres trois, qualre , cinq , sont si rares, que nous croyons inutile de les men- tionner dans cette revue generale. Nous citerons cependant un bel exemple d'echinocactus eyriesii a treize cotes verticales ; au lieu d'avoir une divergence egale aux -2- de la circonference , nous avons rencontie sur lui cinq spires dextrorses et huit spires sinis- trorses, avec une divergence egale aux JL de la circonference. Cette tige n'etait point curviseriee. Pour aider a la decouverte de systemes rectiseries nouveaux , il ne sera pas inutile de donner ici un classement general de tous les systemes possibles. Ce tableau doit embrasser non seulement tous les arrangements connus de feuilles recti ou curviseriees , mais encore tous ceux qui , etant bases sur des nombres variables de spirales , seraient construits d'apres les regies geometriques que nous avons exposees ailleurs. II existe trois methodes de classification generale, et d'abord nous avons adopte, pour les systemes rectiseries, la premiere me- thode , celle qui estbasee sur la difference des divergences des spi- rales generatrices. La deuxieme methode est fondee sur la diversite dans le nombre de lignes verticales. La troisieme enfin considere d'une maniere plus speciale la nature des spirales et leurs rapports lorsqu'on en forme des series recurrentes, II y a , en effet, trois objets principaux a considerer dans la symetrie des organes appendiculaires des vegetaux: la distance angulaire des feuilles dans la spirale primitive et, par suite, dans toutes celles qui sont secondares, ensuite, le nombre de rangees 322 MEMOIRES ET PIECES, verticales des feuilles ; enfm , l'harmonie qui regne dans le nombre des spirales qui embrassent ces feuilles. A. Premiere me'thode. — En classant tous les systemes connus et possibles d'apres les variations dela divergence de la spire gene- ratrice, soit unique, soit multiple, nous formons plusieurs series d'angles. La premiere serie comprendra toutes les divergences ayant runite au numerateur, et au denominateur le nombre de verticales de feuilles , comme il arrive dans tous les cas possibles de systemes rectiseries. Cette premiere serie , comme toutes celles que nous avons a former, est infinie dans ses nombres ; ses deux premiers termes sont connus; les deux suivants n'ont pas ete observes d'une maniere positive dans le regne vegetal. Cette serie est done composee des fractions suivantes de la circonference 11111 ptr pIt 2 > % > I > %> 6 ' elC* » elC- Leurs denominateurs indiquent le nombre de verticales de feuilles propres a chaque divergence correspondante. Les spirales principales observables dans ces systemes sont d'a- bord une spire generatrice dextrorse ou sinistrorse, ensuite une ou plusieurs spires secondaires sinistrorses ou dextrorses, dont les nombres sont egaux aux denominateurs de la divergence dont on retranche Tunite. La cause de cette disposition est la regie sui- vante connue : la somme des spires dextrorses et sinistrorses egale le nombre des verticales dans un systeme rectiserie. Nous forme- rons ainsi une serie infinie correspondante de spirales dextrorses et sinistrorses , dont les nombres seront i et i , i et i , i et 3 , i et 4, i et 5, etc., etc. Enfin , nous pourrons considerer chaque divergence en parti- culier comme susceptible de se conjuguer a TinGni , ou de devenir bijuguee,trijuguee, quadrijuguee, etc., etc. La deuxieme serie de divergences sera composee de toutes les fractions de la circonference, ayant le nombre i au numerateur , et au denominateur la suite de tous les nombres impairs possibles a partir de 5. Nous aurons ainsi -, |, ^L ^, etc. Le nombre de verticales correspondant est clairement indique par les denomi- nateurs. La suite des spirales caracteristiques de chaque systeme, de PREMIERE SECTION. 323 celles qui se presenteront en premier lieu a l'observateur par la plus grande proximite de telle ou telle insertion, sera differente de celles de notre premiere serie. lei, eneffet, la spire generatrice fait deux fois le tour de la circonference avant d'arriver au-dessus deson point de depart. Nous aurons pour serie correspondante de spirales dextrorses et sinistrorses 2 et 3, 3 et 4> 4 et 5, 5 et 6... et ainsi de suite. La troisieme serie se composera de tous les systemes ayant pour divergences, a leur spirale generatrice, la serie infinie des frac- tions suivantes: i, j, X? J_, J_? _L, etc., etc. Les nombres corres- pondants de spirales caracteristiques seront 2 et 5 , 3 et 5 , 3 et 7, 4 et 7, et ainsi de suite. La quatrieme serie embrassera les divergences suivantes : 1, -A-, J_} _L.#, Les spirales caracteristiques qui leur correspondent sont 2 et 7, 3 et 8 , 3 et 10 , 4 et 1 1 , etc. , etc. , etc. Les series suivantes sont faciles a former d'apres les memes principes ; on aurait a epuiser toute la suite arithmetique des nombres pour le nume>ateur des divergences, etau denominateur toute celle des nombres qui sont premiers avec les numerateurs et qui forment une fraction moindre de 1800 de la circonference. Nous noterons encore que, dans toutes ces series, sans exception, on peut encore conjuguer chaque divergence, et meme la conju- guer a 1'infmi , en suivant toute la serie des nombres 2 , 3, 4 » 5 , etc., etc. Tous ces calculs sur le nombre et Tespece de systemes spirales de feuilles, dans l'ordre des possibilites , sont efFrayants par leur profondeur. L'esprit humain rencontre l'infini a chaque pas et s'abime dans son immensite. B. Deuxieme me'thode. — Dans cette methode , on classe tous les systemes d'apres la suite naturelle des nombres de verticales , nombres qui vont aussi a l'infini. Ensuite, dans un nombre donne de verticales, on examine combien d'especes de systemes sont pos- sibles, chacun avec une divergence propre, une ou plusieurs spi- rales generatrices. Ainsi , pour deux verticales de feuilles , nous avons un seul sys- teme, le distique. Pour trois verticales, le tristique est aussi 324 MEMOIRES ET PIECES , unique. Pour quatre verticales, nous avons deux systemes, I'un alterneavec la divergence ^ l'autre verticillaire avcc la decussa- tion ou le bijugue du distique. Pour 5 verticales , deux systemes sont possibles avec les angles Dans le cas de 6 verticales, trois systemes se rencontreront, Tun alterne avec la divergence |, deux verticillaires, le bijugue du tristique et le trijugue du distique. Pour 7 rangees verticales, trois systemes alternes peuvent se rencontrer avec les angles I, |, £, et ainsi de suite a l'infini. C. Troisieme methode. — Par les methodes precedentes, on arrive seulement a la connaissance des systemes rectiseries ou a divergences commensurables avec la circonference. Pour les completer , il faudrait aj outer la serie infinie des systemes a diver- gences irrationnelles. La troisieme methode nous fournira les moyens de remplir cette lacune. Nous sommes arrives kla connaissance d'un premier angle irra- tionnel, celui de i37° 3o' 28", en comparant entr'elles , sur la meme plante ou sur des plantes differentes, les spirales apparentes des feuilles qui forment toujours une serie recurrente dont les nombres sont 1, 2, 3, 5, 8, i3, etc. Nous avons vu qu'en supposant placees sur la verticale les feuilles 2,3, 5, 8, i3... nous avions pour divergences de leur spire generatrice la serie des fractions !> i» l> f» A> etc- -^a^s comme, toutes les fois que le nombre des feuilles augmente, la fraction qui mesure la divergence approche du dernier terme de cette serie, nous avons ete obliges de reconnaitre dans beaucoup de plantes, pour la divergence des feuilles, ce meme dernier terme dont la formule est fs~vsV \ 2 /• La serie fractionnaire i i. i, 1... va done nous ouvrir une 2' 3 ' 5 ' 8* nouvelle maniere pour classer les divergences de systemes recti- series possibles, tandis que son dernier terme nous donnera une cspece de divergence irrationnelle , la plus frequente de toutes , sans contredit. Si nous conjuguons a Tinfini chacun des termes de cette serie, PREMIERE SECTION. 325 •depuis le premier jusqu'au dernier, nous aurons encore une infi- nite de series de systemes possibles. Avec la serie recurrente i, 3, 4» 7» "•■• nous formerons de meme la suite des fractions |, | , ^-, etc. , dont le dernier terme sera /5 v?) ; la premiere partie renfermera une infinite de sys- temes rectiseries ; la seconde, Tangle irrationnel du sedum re- flexum. En conjuguant tous ces systemes , nous arrivons a une foule d'autres systemes nouveaux. Une troisieme serie comprendra les fractions -|, |, rj.., dont le dernier terme sera P ys\; les spi rales du systeme irrationnel se- ront i, 4,5,9, 14... Un second ordre de series recurrentes commencera par les nombres 2, 5, 7, 12, 19... et donnera les fractions |, ^-, A-... et enfin fUg& v 22 /' Un troisieme ordre sera du a la serie recurrente 3, 7 , 10, 17 , 27... et fournira de meme une serie de fractions entieres pour les divergences d'autant de systemes rectiseries, et enfin un systeme irrationnel particulier. Par ces trois methodes , au reste , on arrive a la connaissance de tous les systemes rectiseries possibles , et , par la derniere , seule- ment a celle de 1'ordre curviserie, qui lui-meme peut varier a ^haque instant, et, comme tous les autres, pris chacun en parti- culier, se multiplier ou seconjuguer a 1'infini. § III. RSsumiS et conclusions. La science organographique des vegetaux embrasse speciaiement trois choses : la structure a pparente ou cachee des tissus, la diver- site prodigieuse des formes des tiges , feuilles et fleurs; enfin l'ar- rangement correlatif de ces parties entr'elles. Les lois de la struc- ture intime , la mesure des formes , sont enveloppees d'une obscurite mysterieuse et ont echappe jusqu'a ce jour aux regies du calcnl mathematique. 11 n'en est pas de meme des lois de la symetrie dans les vegetaux superieurs. Des observations puisees dans la nature , et qui sont l'objd 2* 326 MEMOIRES ET PIECES, de notre memoire , nous croyons pouvoir deduire les conclusions suivantes : i° Les systemes divers de feuilles alternes ou verticillaires, a spirale unique ou multiple , se partagent la symetrie connue des organes des plantes phanerogames et oetheogames. 2° La distance de deux feuilles qui se suivent dans une spirale est tantot incommensurable a la circonference, et alors chaque feuille est solitaire sur la verticale qui la contient: c'est un systeme curviserie. Tantot cette distance est une fraction rationnelle de la circonference, et apres un certain nombre de pas on trouve une feuille placee immediatement au-dessus du point de depart : c'est un systeme rectiserie. 3° La plupart des systemes a 4> 6,8, io verticales , sont des conjugues du distique; ils sont formes de plusieurs spirales gene- ratrices d'un nombre egal, soit qu'on les considere dans le sens dextrorse ou dans le sens sinistrorse. II est impossible de les rap- porter a une spirale unique. Chap, i, § III. 4° La plupart des systemes a 5, 7,9, n verticales, sont des systemes alternes ou a une spire generatrice; leur divergence est egale aux |, |, |, jj... de la circonference ; leurs spirales secon- dares les plus apparentes, dextrorses et sinistrorses , different, dans leur nombre, d'une unite seulement. 5° Entre deux systemes consecutifs, l'inferieur fixe la position du superieur ; il n'existe entr'eux ni prosentheses , ni angles de transition, ni lacunes, contrairement a l'opinion de MM. Schim- per et Alexandre Braun. 6° Dans les systemes formes de plusieurs spires generatrices, si le point de depart de l'une d'elles est determine , la position du systeme entier est fixee irrevocablement. 70 La derniere feuille du systeme inferieur est le point de depart de la premiere divergence du systeme superieur dans les deux cas suivants: si les deux systemes consecutifs sont alternes ; si le sys- teme superieur est seul verticillaire ou a spirale multiple. 8° Lorsqu'un systeme verticillaire est suivi par un systeme al- terne, une des feuilles du dernier verticille est le point de depart de la spirale unique du second systeme. PREMIERE SECTION, 327 g° Lorsque deux systemes a spirales multiples se suivent , une seule des feuilles du dernier verticille est le point de depart d'une spire generatrice du second systeme, si les nombres des feuilles des deux verticilles consecutifs sent premiers entr'eux. Si ces nombres ont pour commun diviseur 2 , 3 , 4-»alors2, 3, 4 feuilles du verticille inferieur deviennent le point de depart d'autant de spires generatrices appartenant au systeme superieur. io° II paraitque, dans certains cas,les feuilles du systeme verti- cillaire superieur sont placees comme si ce systeme precedait lui- meme l'inferieur. 1 10 Quel que soit le systeme, alterne ou verticillaire, curvise>ie ou rectiserie , d'un rameau ne a l'aisselle d'une feuille, cette der- niere est toujours le point de depart de la premiere divergence de la spire generatrice du rameau, ou de l'une de ses spires genera- trices , s'il y en a plusieurs. D'apres ce resume rapide, nous voyons que la geometrie nous donne l'explication de tcus les systemes connus de position des feuilles. Leurs distances respectives se classent en series qui sont les reduites de fractions periodiques continues, et dont le dernier terme est une quantite irrationnelle. On peut former un nombre infini de series differentes ; on peut multiplier a l'infini chacun de leurs termes. Les feuilles, par leurs distances respectives, engen- drent un nombre determine de spirales enroulees en sens diffe- rents, et reciproquement, en imaginant autour d'un cylindre tous les systemes possibles d'helices entrecroises , et placant une feuille a chacune de leurs intersections , nous fixerons l'arrange- ment de tous les systemes connus et celle d'un nombre prodigieux de systemes inconnus, mais symetriques et analogues a ceux qui sont du domaine reel de la science. Les plantes connues embras- sent specialement le premier et le dernier terme de la premiere serie infinieque nous avons formulee et qui a pour numerateur et pour denominateur les differents termes de la serie recurrente commencant par l'unite ajoutee unefoisa elle-meme. Telle est, a nos yeux, la base philosophique d'une etendue im- mense sur laquelle reposent toutes nos connaissances sur la syme- trie des feuilles. Le regne vegetal se perd a la verite comme un 328 MEMOIRES ET PIECES, atome dans le vaste plan des systemes possibles , mais il n'en mani- feste pas moins l'unite de type dans son origine et l'infinie variete dans ses details. Gette theorie , d'une haute portee, est enfin une preuve nouvelle de la puissance sans limites et de la science infinie de l'auteur de tous les etres. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 1. Fig. i. Unetige decussee ramenee theoriquement au systeme distique bijugue. A, B, C, lieux d'insertions de trois feuiiles distiques sur une tigedepouillee. A', b, c, lieux d'insertions de feuiiles distiques , opposees aux premieres dans le meme plan. A' , a , B' , V , intersections des spirales des deux systemes dis- tiques , devenant des lieux d'insertions de feuiiles , et completant alors un systeme decusse. Fig. i. A, A', lieux d'insertions de deux feuiiles distiques. B, B' , insertions de feuiiles d'un second systeme distique. C , C, feuiiles d'un troisieme systeme. A, by c, a, b\ c , intersections des spirales des trois sys- temes ; formation theorique des verticilles ternes, qui sont ainsi le resultat de la trijugation du systeme distique. Fig. 3. Parties constituantes d'une fleur d'anthoxanthumodora- tum, grossies considerablement. a , bractee exterieure ; b , deuxieme bractee; c , d, e,/*, bractees suivantes dans leur ordre d'inser- tion, avec leurs formes respectives , toutes vues dans leur sens transversal, g, h, deux etamines ; elles sont representees de face pour que leur formes soient plus apparentes, mais elles devraieut etre vues en profil. «, ovaire central, lisse et prive de suture dor sale. Fig. 4. Coupe de la meme fleur dans le sens vertical des brac- tees distiques et engainantes qui la composent ; les memes lettres represented les bractees de la fleur precedente. Fig. 5. Fleur d'alopecurus pratensis. A droite, fleur grossie, vue transversalement. a, premiere valve; b> seconde valve, soudee PREMIERE SECTION. 611\) avec la premiere dans son tiers inferieur. c, troisieme valve, por- tant une soie en dehors a sa base. A gauche, coupe transversale; a, b , c, trois valves distiquey* absence de lodicules; "i, ovaire; trois etamines et ovaire sur lc nieme alignement. Fig. 6*. Fleur grossie de bromus mollis. A, fleur vue dans sa position naturelle , a 1'aisselle de la glume externequi a ete enlevee. A, cicatrice de la glume externe. b, glume interne, c, c, deux lodicules places en devant. d, d,d, trois etamines dans leur po- sition naturelle. e, une des bifurcations du pistil. B. Coupe transversale de la meme fleur; a , glume externe; b , glume interne; c, c, deux lodicules completant un verticille terne. D, etamines , deux en arriere , line en avant, entre les deux lodicules. E, ovaire. Fig. 7. Fleur grossie de bromus madritensis. A, fleur dans sa position naturelle, privee de la bractee- mere ou glume externe. b, glume interne; c, c , les deux lodicules ; d, d, les deux eta- mines posterieures, rinterieure manque entierement. B. Coupe de la fleur ; a, glume externe; b , glume interne; c , c, lodicules; d, d, etamines ; ovaire central. Fig. 8. A. Epi distique, presque uni lateral du nardns stricta. B. Coupe tranversale d'une fleur vue dans sa position naturelle. rt, glume externe ou bractee-mere. b , glume interne, c, trois etamines. Fig. 9. Nenuphar blanc. F. Petiole de feuille, ayant a son ais- selle un pedoncule floral, a, sepale exterieur et inferieur. b , se. pale superieur et interne ; c, c, deux sepales trans versaux; d, d , d, quatre petales qui alternent avec les quatre sepales; on vpit en dedans la coupe de quatre autres petales repondant aux quatre sepales. p , p , cavite lopgitudinale du pedoncule , partant du se- pale externe, ouverte pour reconnaitre la position naturelle de Ja fleur. Fig. 10. Coupe theorique d'une fleur de crucifere, vue dans sa position naturelle. a, a, deux sepales externes places verticale- ment; b, b, sepales transversaux; c, c, c,c, quatre petales. d , d, deux glandes verticales ; e , e , deux courtes etamines /1 f-> f"> /■> feuilles successive9. 5, position de la nervure mediane de la spathe; celle-ci est verticalement au-dessus de A. a , a , cicatrices de deux sepales externes ou du premier verticille. La spathe est implantee dans l'ecartement des deux sepales. by b , cicatrices de sepales du second verticille. c, ct sepales du troisieme verticille. d, carpelles formant 8 spirales dextrorses et 5 sinistrorses ; e, cicatrices laissees par la chute des etamines. Fig. 2. Tige d'argemone mexicana. F. Feuille qui porte la tige a son aisselle; a , b , c, trois feuilles successives en spirale curviseriee. d , e , fy sepales de la fleur. La derniere foliole c est placee vis-a-vis le milieu de l'ecartement des sepales d et f. Seconde fleur presentant en a une seule bractee sous-florale; b\ c\SC , trois sepales. La bractee a repond au milieu de la dis- tance de 120° qui separe les sepales 6' et d\ Fig. 3. Riz cultive. A. Tige distique, portant des fleurs a cha- que nceud. a, bractee inferieure sous-florale; b , seconde bractee; c, glume externe; dy glume interne. B. Coupe de la fleur observee dans sa position axillaire et ter- minale a son pedoncule. a, bractee adossee a la tige centrale. b , bractee anterieure. c, glume externe. d, glume interne, un peu recouverte par la precedente. e , e , deux lodicules qui com- petent le premier anneau terne. La position reelle des six etami- nes et de l'ovaire nous est inconnue. Manc/ie 1. />'u/. V //// c& J°n'Jia?uwjn &" (■' innew-ap P/anc/ie //. d JrtyJ Sep* 3. Ory-Ktr satzvn . da JR"' ' jrratmkon dt> c": Ann PREMIERE SECTION. 331 ABRfiGE 3DUNUCTOGSTOS31S WITWmmWWM9 ou DESCRIPTION ABREGEE DES MINERAUX SIMPLES QUI SE TROUVENT A L'ETNA, AVEC l'ijSDICATION »ES PRlNCirALES ROCHES ATJXQUELLES ILS APPARTIENNENT (J) ; PAR C.MARAVIGNA, Professeur de chimie et de geologie a l'universite de Catane , AVEC DES NOTES PAR J.-B. BOUILLET , Secretaire general du Congres. INTRODUCTION. Messieurs , Des que je fus invite a me rendre a cette docle assemblee, ou sont reunis les principaux savants de la France et des autres na- tions de l'Europe, je compris toute l'etendue de la mission que j'avais acceptee, c'est-a-dire de venir vous presenter quelque tra- vail digne au moins de fixer un instant votre attention. Ne pou- (i) Ecritpour le Congres scientifique de France de l'annee 1837, et presenle a celui de l'anneesuivante. 33^1 .MEMO IRES ET PIECES , vant esperer trouver en moi une faciiite d'elocution qui me per- melte de vous entretenir dignement et de vive voix, dans une langue qui m'est peu familiere, de faits divers relatifs aux sciences naturelles, j'ai cru devoir chercher un appui dans les choses elles- memes; et, a l'abri de l'interet qu'elles pourront offrir, j'esperai captiver votre attention , sans trop de regrets de votre part , pour quelques-uns de ces instants qui vous sont si precieux. J'examinai done quels pouvaient etre les faits , dans l'histoire naturelle de la Sicile, qui seraient les plus dignes de vous etre soumis dans un memoire ecrit; et, sans que j'aie besoin de vous derouler des motifs que vousappreciez assez, je donnai de suite la- preference a la mineralogie de l'Etna. Ce volcan , fameux sous tant de rapports , au pied duquel j'ha- bite, et dontj'ai pendant toute ma vie suivi assidument toutes les eruptions, fut l'objet constant de mes observations mineralo- giques. II m'a mis a meme de publier a diverses reprises, sur son orictognosie, des memoires qui se trouvent inseres dans les actes de notre academie Gioenia. J'ai done cru bien faire quede reunir tous ces travaux epars, de vous en presenter un ensemble abrege , et de profiler en meme temps de cette occasion pour appeler votre attention sur diverses especes decouvertes par moi-meme. Je termine cette enumeration de nos ricbesses mineralogico- etneennes par une note sur les divers mineraux decouverts egale- ment par moi dans les roches des volcans eteints de la Sicile, et que je veux aussi soumettre a votre jugement. Notre lie offre, en outre, des mines de soufre ricbes et belles en cristallisations , melees de sulfate de strontiane, remarquables par leur transparence et la variete de leurs formes ; j'ai pense bien faire en vous presentant aussi une monographic des formes regu- lieres de ces cristallisations et de celles de celestine, dont je pos- sede une collection que, par ma position, j'ai pu rendre aussi complete que possible. Chercbant a varier les sujets qui pourraient vous interesser1, j'ai pense que la maiacologie et la conchyliologie siciliennes se- raient de nature a fixer un moment votre attention , et possedant egalement une nombreuse collection des moilusques et des co- PREMIERE SECTION. 333 quillesde monpays, il m'a ete facile d'en dresser le catalogue sys- tematique et raisonne, que j'ai l'honneur de vous presenter. Enfm, Messieurs, je me permets de vous soumettre la question suivante, dont la discussion ne sera peut-etre pas sans interet pour cette docte assemblee : « Est-il possible de prouver les rap- ports qui existent entre le basalte etla tephrine, a l'aide del'exa- men de leurs caracteres orictognostiques et de leur gisement , et d'en conclure leur identite d'origine et de formation? » Dans un court memoire, j'aitented'exposer mes idees touchant le developpement de cette question. Auparavant, je vais passer successivement en revue les divers catalogues dont je vous ai parle, et dont la redaction a ete entre- prise dans le but d'essayer de repondre, aulant que possible, a 1'invitation dont vous avez bien voulu m'honorer en m'appelan* parmi vous. Catalogue V<®ricto$no&ie etnitnne W. PREMIERE CLASSE :GAZOLYTES. PREMIERE FAMILLE : SILICIDES. PREMIER GENRE I SILIGE. Premiere espece : Opale hyalite. Se trouve dans les Monti-Rossi , qui ne sont qu'une petite mon- tagne formee par l'eruption de 1669. (2) (i) J'ai promis au Congres de joindre a cet interessant catalogue des notes pour etablir les rapports qui existent entre lies produits de l'Etna et ceux des volcans de l'Auvergne ; je m'en acquitte sans entrer dans de longs details qui ne peuvent trouver place ici, J.-B. Bouiixet. (2) L'hyalite existe en Auvergne sua" des roches volcaniques de differents ages ; sur le domite , au puy de Dome ., a Sarcouy et a Chopine ; sur le basalte ; a Prudelle, a Gergovia , au puy Girou, etc. ; mais ce sont prinoipalement les scories modernes du plateau de Corent qui lournissent les plus beaux ecban- tillons. 334 MEMOIRES ET PIECES, Cette hyalite limpide, decoloree ou dun jaune pale, devient opaque au contact de l'air , et alors facilement friable. On la trouve egalement dans la cave de la Grotte. DEUXIEME GENRE '. SILICATES. Premiere espece : Thomsonite. Formes. lre, primitive; — 2e , octogonale; — 3e , cylindroi'de; — 4e, aciculaire; — 5e, globuliforme ; — 6e mamelonnaire. Cette espece se trouve dans le creux du basalte de la petite ile des Cyclopes , et on la trouve ou seule ou unie avec l'analcime , le piroxene aciculaire, et quelquefois avec l'arragonite. Les cristaux des deux premieres varietes sont plus ou moins transparents , quelquefois d'un blanc opaque, et , en se decomposant, se changent en des varietes globiformes et mamelonnaires. Seconde espece : Analcime. Formes. lrc, triepointe; — 2e, trapezo'idale avec les faces ducube primitif; — 3e, trapezo'idale; — 4e, granulaire; — 5C, aciculaire. Se trouve dans le creux du basalte de Tile des Cyclopes , y git ou seule ou ensemble avec la thomsonite , l'arragonite, le pyroxene augite accerillaire , ou avec le carbonate de chaux inverse. On l'a recemment retrouvee dans la roche du Monte-Finocchio. Elleap- partient a la variete triepointee; ses cristaux sont tres-petits, sans couleurs, et elley git avec la mesotype floconneuse. On la trouve aussi parmi l'argile qui couvre le basalte des Cy- clopes. Enfin, l'analcime fait partie de la roche analcimite, composee de petits morceaux basaltiques et d'analcimes. Dans cette roche, on voit clairement que l'analcime a fourni le moyen d'unir les fragments du basalte. (i) (i) Comme en Sicile , l'analcime existe en Auvergne dans beaucoup de gise- ments de substances differentes , mais elle est moins belle. Au puy de Marman , pres Veyre , elle accompagne presque toujours la mesotype dans les cavites du basalte. Dans des basaltes en decomposition , au mont Dore et au Cantal , on l'apercoit en cristaux de forme tvapezoidale. Elle se trouve aussi dans le pbono- lite de la roche tuilliere ; dans le basalte etdans le peperite de la montagne de la tour de Boulade , pres d'lssoire , etc. PREMIERE SECTION. 335 Troisieme espece : Mesotipe. Formes. lTe, globiforme; — 2C, mamelonnaire radieuse ; — 3e, floconneuse. Setrouve dans les basaltes de la Trezza et dans les laves d'Aci; jel'ai observee recemment dans les cellules de la roche du Monte- Finocchio, ouelle setrouve en varietes floconneuses et ou elle git uniea l'analcime triepointee. La mesotipe de l'Etna est blanche et opaque , mais ses globules sont couverts d'uue tres-legere scorie jaune-pale ou grise. Quatrieme espece: Chabasie. Formes. Rhomboides primitifs. On trouve la chabasie de l'Etna dans les creux du basalte de la Trezza et d'Aci, et les cristaux sont ou detaches ou lies en- semble (i). Cinquieme espece: Feldspath. Formes du feldspath de l'Etna: lro, prismes vitreux indetermi- nables ; — 2e, laminaire ; — 3e, lamellaire. On trouve le feldspath a l'Etna , dans les trachites et dans les tephrines (2). Appendice au Feldspath. Trachite. — Cette roche appartient a l'Etna , et on doit la compter parmi les premieres et les plus anciennes de ce volcan. La vallee del Bove et colic nominee del Trifaglietto en contiennent (1) La chabasie existe dans les basaltes de Gergovia , de Montaudou , et dans celui de la partie occidentale du plateau des Cotes, pres de Clermont. (2) Le feldspath cristallise se trouve en grande abondance en Auvergne , dans les trachites ; les tephrines ne contiennent pas de cristaux apparents , mais on apercoit tres-frequemment du feldspath amorphe dans leur pate. Les trachytes du mont Dore fournissent de tres-beaux cristaux et de formes tres-variees. Le trachite ou domite de la chaine des monts Domes en contient aussi beaucoup , mai9 en cristaux tres-p«tits. 336 MEMOIRES ET PIECES, beaucoup, outre celle erratique qu'on retrouve en plusieurs en- droits de I'Etna. Le Poggio du Calvario et celui du Corvoeto,dans les environs de Biancavilla, sont formes de la menie roche. Elle est plus souvent d'une couleur gris-brun ou rougeatre, et con- tient des cristaux de feldspath, d'amphibole, et du fer oligiste (i). Basalte. — II sefait voir dans tous les environs de I'Etna qui ne sont pas encore recouverts par des laves modernes. Les iles des Cyclopes, du cote oriental de I'Etna, la roche de Motta-Sant- Anastasia, et les regions du Riposto, d'Aderno, de Licoddia, de Paternb , etc. , sont basaltiques. Le basalte contient de l'olivine , du feldspath , de Tamphi- bole, et une variete de celui de Paterno, outre le feldspath et l'olivine, est remarquable encore par le naphte dont il est impregne et dont sont remplies toutes ses cellules (•!). Obsidienne. — Elle est tres-rare dans I'Etna, mais on l'a re- trouvee dans des creuxdes anciens courants de laves, etje possede divers echantillons de celle trouvee dans la fouille executee pour la construction du chemin qui conduit de Catania au village Gravina (3). Ou trouve de plus, au pied de la roche basaltique, dite del Castello , des globules basaltiques dont les lits concentriques al- ternent avec le verre volcanique; dans ces globules, on observe tres-bien la transformation du basalte en verre. lis presentent en- core de grands problemes a resoudre aux naturalistes. Te'phrine. — Tous les nouveaux courants de laves decrits par (i) Nos tracbitesd'Auvergne sont aussi particulierenient remarquables par les divers cristaux qui entrent dans leur composition. Le fer oligiste dupuy de la Tache , au mont Dore , et celui du puy de Dome , se font remarquer dans toutes les grandes collections de l'Europe. (2) Le naphtfl , proprement dit , ne se trouve pas dans les produits volca- niques de TAuvergne , mais le bitume malte (pissasphalte) s'y trouve en grande abondance. Le basalte du petit puy Dulin , qui n'est probablement qu'une cheminee du volcan qui a forme le plateau de Gergovia , ea est fortement im- pregne ; ses fissures , ses cellules en sont remplies. (3) Lobsidienne se trouve aussi au mont Dore et au Cantal , en filons cl en anus, dans le conglomerat trachytique. Nous en posscdons plusieuis varietcs, de !a noire, de la vcrte foncce , de la verte claire , etc. PREMIERE SECTION. 337 leshistoriens de l'Etna, sont formes de tephrine. Elle est ordinai- renient de couleur grise; sa surface est scorifiee; au-dessous, elle est cellulaire, ensuite poreuse, enfin compacte ; elle renferme du feldspath ea petits cristaux ind^termines , laminaires ou lamellai- res, du pyroxene augite, et souvent de l'olivine (i). On croit ordinairement que la tephrine differe du basaltepar la composition, par i'age et par le mode de sa formation; mais mes observations me conduisent a etablir que ces deux roches ne diffe- rent ni du cote orictognostique ni geognostique , le basalte n'e- tantque la partie centrale et plus inferieure des courants tephri- niques. SIXIEME ESPECE *. MlCd. Formes. lre, en prismes hexagones. — 2e, en lames hexagones. — 3e, lamellaire. On le trouve dans les trachytes du Trifoglietto , dans les envi- rons de Biancavilla, et du vallone del Cavallo (2). APPENDICE. Marnes argileuses. En plusieurs endroits on rencontre des marnes argileuses, qui, sans doute , se rapportent a la periode diluviale, et font temoi- gnage du niveau de la mer en ce temps-la. La colline de Cipali , celle de la Trezza , les depots argileux du Fasano en sont formes ; les coquillages, qui sont identiques avec ceux qui se trouvent vivants dans la mer voisine, le prouvent (i)Onconnait trop la ressemblance parfaite des produits des volcans mo- dernes de l'Auvergne avec ceux de l'Etna, pour entrer ici dans des coniparaisons. Comme celles de l'Etna , nos laves contiennent rarement du peridot-olivine. On ne cite pas la presence de cette substance dans les trachites; je l'ai signalee , pour la premiere fois , dans les trachites du Cantal etdans ceux dumont Dore- (2) Le mica affectant plusieurs formes cristallines , mais le plus generalement en lames hexagoijales, se trouve aLondamment dans les trachites du Cantal , du montDore., et dans les domites de la chaine des monts Domes. Sa couleur est ordinairement bronzee. 338 MEMOIRKS ET PIECES, assez; et parmi ceux-ci, il y a le buccinum mutabile, le murex trumulusy Vanomea cepa> la rostellaria pespelicani, etc. , etc. septieme espece : Peridot. Forme granulaire (olivine). Elle se trouve dans beaucoup de laves modernes et dans les basaltes. Les laves des annees 1669, 1787, 179a, en renferment egalement, ainsi que le basalte de la Trezza, de Paterno, de la Motta, etc. (1). huitieme espece : Pyroxene augite. Formes determinables. — lre, ditetraedre. — 2e, bisunitaire. — 3% triunitaire. — 4e, anamorphique. — 5<>, hemitropique. Formes indeterminables. — lre, aciculaire. — 2e, fibreux. — 3e, cotoniforme. On trouve les pyroxenes dans toutes les laves modernes, et dans les anciennesaussi , de meme que dans les trachytes etdans les ba- saltes (2) ; mais on les y rencontre en cristaux indetermines , tandis que les pyroxenes de formes regulieres existent aux environs du cratere de l'eruption de l'annee 1669, delaquelle sortit une im- mense quantite de pyroxenes unis aux scories et aux cendres. (1) On connait en Auvergne beaucoup de gisements ou Ton trouve le peridot granulaire vert et rouge, dans le basalte sur le plateau de Eentiere , pres d' Aides , notamraent ; on peut s'en procurer des masses d'un volume consi- derable. Les produits de plusieurs de nos volcans modernes renferment aussi du peri- dot granulaire. Je citerai seulement ceux du puy de Cbannat etceux duChuquet de Couleyre, pi'es le petit puy de Dome. (2) Les trachytes, les basaltes et les laves modernes de 1' Auvergne contiennent du pyroxene en plus ou moins grande abondance et en cristaux plus on moins volumineux. Le trachyte qui supporte la masse basalticrue de la banne d'Or- denche au mont Dore, et la lave du puy de la Rodde (chaine des monts Domes) en sont petris. On trouve aussi, dans plusieurs de nos autres volcans modernes , independamment des cristaux isoles , des masses plus ou moins volumineuses de pyroxenes sous formes cristallines. Le puy de Corent est le principal gisement de ce genre. PREMIERE SECTION. 339 J'ai decouvert la variete ditetraedre dans le basalte de Tile des Cyclopes, en cristaux bien determines. On a observe cette va- riete jointe a la bisunitaire. Les pyroxenes fibreux et cotonifere existent dans le basalte de Tile des Cyclopes. Le pyroxene aciculaire n'estque le pyroxene en tres-petits cris- taux indeterminables de couleur verte ou grise. Le fibreux d'uue couleur verte-bleue clair, est dispose en minces faisceaux, qui re- sultent d'une nombreuse reunion de filaments fibreux (i). Le pyroxene cotoniforme est un velours verdatre ou rouge, qui couvre I'interieur des petits creux du basalte des Cyclopes. NEUVIEME ESPECE. A. — Amphibole hornblende. Formes. lre, dresaedre. — 2e , dodecaedre. •— 3% lamellaire. L'amphibole se trouve enfoncee dans la pate des anciennes laves du volcan et des trachytes ; c'est pourquoi la determination des formes regulieres en devient difficile , et on doute toujours du ve- ritable nombre de ses facettes (2). B. — Amphibole tremolite. Elle se trouve en fibres, d'un blanc de perle verdatre, liees en- semble, et ordinairement couvertes de petites ecorces fort minces de carbonate de chaux spathique. Elle git dans l'argile de Tile des Cyclopes (3) . (1) Le pyroxene fibreux, c'est- a -dire, en cristaux indeterminables , de couleur vert fonce , tapisse presque toutes les cavites du trachyte blanc grisatre de la montagne du Capucin au mont Dore. (2) L'amphibole hornblende se distingue difRcilement a l'ceil , dans nos pro- duits volcaniques , avec le pyroxene. Elle y existe cependant assez commune- ment en cristaux et en masses cristallisees. On la trouve dans les trachytes du mont Dore, dans la vallee des Bains et dans la vallee de Chaneau; et dans les laves modernes , au puy de Corent , au puy de Montchie. Le domite du puy de Clierzou en contient aussi en prismes rhomboidaux infiniment petits. (3) L'amphibole tremolite existe dans plusieurs gisements de la Haute et de la Basse-Auvergne , mais toujours dans le terrain primitif. 340 MEMOIRES ET PIECES , APPENDICE. Silicates peu connus dans leur composition, dixieme espece : Heuhelite , nepheline (nobis). En prismes hexagones detaches, ou lies, et formant de petits globules. Se trouve dans le tuf de la roche basaltique d'Aci - Cas- tello, et non a Aci-Real, comme l'a avance M. Beudant. Je suis d'avis qu'elle n'est autre que la nepheline, et j'ai expose les raisons de mon opinion dans raon Memoire sur Izfamille des Silicides, insere dans le tome 9 des actes de TAcademie Gioenia , pages 288 et suivantes. onzieme espece. — Philipsite ou sismondine. Formes. lre, ditetraedre. — 2e, en dodecaedres detaches , qui pour la plupart s'unissent et forment de petits globules , ou le sommet de tous les cristaux qui les forment sont bien apparents. — 3% en globules. II se trouve dans les cellules de la roche balsatique d'Aci-Cas- tello et dans son tuf. SECONDE FAM1LLE : CARBONIDES. PREMIER GENRE : CARBURES. ESPECE UNIQUE *. Napflte. Elle se trouve dans les cellules du basalte pres de Paterno; elle estde meme unie avecla pate du basalte. SECOND GENRE : CARBONASSIDES. espece unique : Acide carbonique. Se developpe dans l'interieur de certaines laves de l'Etna , sur lesquelles il y a un peu de depot d'argile et d'eau qui representent en abrege les phenomenes des Macalubes. Ces localites sont desi- nees chez nous sous le nom de salines de Paterno (1) (-i)Poar ne comparer que la partie volcanique de l'Auvergne avec la partie PREMIERE SECTION. 341 TROISIEME GENRE : CARBONATES. premiere espece : Carbonate de soude (sesquicarbonate de soude.) Se trouve en poudre dans les fumerolles des nouvelles eruptions, et en masses fragiles dans les fissures desanciens courants, aux en- virons de Bronte (i). deuxieme espece : Carbonate de chaux. premiere sous-espece : Calcaire ou carbonate de chaux rhomboedrique. Formes determinables. 1 rp, chaux carbonatee inverse. — 2e, chaux carbonnee metastatique. Formes indeterminables. 1 te , granulaire. — 2e, incrustante. — 3e, incrustante mamellaire. — 4e, geodique incrustante. — 5e, ami- gdaloide. On trouve le calcaire cristallise regulierement dans les cellules du basalte des Cyclopes, ou il existe seul ou uni a l'analcime ; on le trouve aussi de forme metastatique dans les laves bitumineu- ses de Paterno. Dans ce dernier endroit , on rencontre du calcaire regulierement cristallise, impregne de naphte. Dans le basalte d'Aci-Real , on trouve le calcaire ferri fere globuli forme , et dans celui des salines de Paterao, on le retrouve incrnstant dans les cellules du basalte (2). volcanique de la Slcilc, je ne citerai que les grottes et les caves qui existent sous la coulee du volcan de Gravenoire , et dans lesquelles on pourrait recueil- ltr en tout temps de I'acide carbonique a l'etat gazeux. (i) On rencontre tres-rarement le natron ou carbonate de soude dans les ca- vites.des crateres modernes de l'Auvergne , mais il est assez abondant (minera- logiquement parlant) en efflorescences sur les calcaires lacustres des bords de TAllier, notainmcnt a l'escarpement de Macbal, pres de Pont du-Cbateau. (2) L'A.uvergne estrenommee pour la beaute de ses calcaires d'eau douce et pour les formes cristallines de ses carbonates decbaux. Les formes determinables inverse et metastatit/ue et les formes indeterminables granulaire t incrustante, amigdaloide , etc., s'y trouvent associees a uu grand nombre d'autres formes. Les principaux gisements du terrain volcanique sont a Gergovia , au puy 'd« 4a Velle, au puy de Corent. 25 312 MEMOIRES ET PIECES , deuxieme sous-espece : Arragonite. Formes determinables. lre, prisme rhomboidal a sommets die- dres. — 2e, prisme hexagone irreguliera sommets tetraedres. Formes indeterminables. lr% aciculaire libre. — 2e, aciculaire jointe. — 3C, aciculaire radiee. — 4e > aciculaire reticulaire. — 5e, aciculaire globuliforme. Formes imitatives. lre, amigdaliforme. — 2e, mamellifere. Accidents de lumiere. lre, limpide. — 2e, Verdatre. — 3e, jaune- pale. — 4«, blancbe translucide. L'arragonite se trouve dans les cellules du basalte des Cyclopes, toute seule , ou unie aux autres especes dont nous avons parle pre- cedemment. Elle se retrouve pareillement dans les laves de Pa- terno et d'Aci. Dans cette derniere , qui proprement est un basalte, on rencontre la belle arragonite aciculaire qu'on remarque dans le9 collections etneennes (i). troisieme espece : Dolomie. Formes determinables. lre , en rhomboedre obtus , cest-a-dire primitif. — 2« , granulaire. Se trouve dans l'argile de Tile des Cyclopes , seule ou unie h l'analcime. Ses cristaux sont tres-petits (2). TROISIEME FAMILLE ! HYDROGENIDES. PREMIER GENRE. espece unique : Hydrogene. L'hydrogene se developpe non-seulement de l'Etna, mais de (1) Les plus beaux echantillons J' arragonite , des grandes collections de France, proviennent des wakes basal tiqucs de Vertaizon;beaucoup de localites, en Auvergne, presentent des wakes cimenteespav de l'arragonite. On la trouve aussi dans beaucoup de nos basaltes. Celui du plateau des Cotes, pies Cler- mont , par exemple, en fournit une -varietc rose. (2) La dolomie se trouve aussi a Gergovia dans le calcaire argileux qui sup- porte le basalte , au sud-est du plateau. Elle existe, dans les nigmes conditions, au puy de Marman , au puy de Corent, etc. Je ne connais que la variete gra- nulaire. PREMIERE SECTION. 343 tous les volcans, et y brule en produisant de vraies flararaes (i). J'ai demontre ailleurs cette verite, de maniere a ne laisser aucun doute a cet egard '(a). DEUXXEME GENRE. UNIQUE ESPECE I EttU. Se trouve sous les trois etats connus sous I'Etna : en forme solide dans la troisieme region, ou elle se rend liquide pendant 1'ete. Liquide, elle forme les ruisseaux et les foritaines; gazeuse, les nuages qui environnent le sommet du volcan , particulicrement dans la saison froide. On a avance que, pendant l'annee 1755, il sortitdeson cratere superieur, un torrent d'eau ; mais ce fait manque de temoins dignes de foi : il parait plus vraisemblable que ce phenomene fut produit par Ja fonte de la neige, causee par le courant de la lave, ^comrne cela arriva dans l'annee i536, en pareille occasion. QUATRlfeME FAMILLE : SULFURIDES. PREMIER GENRE. UNIQUE ESPECE : Soufrc. Formes. lro, en octaedre primitif. — 2e, terreux. II se trouve dans le grand cratere, et dans les fumerolles, comme dansles crateres des eruptions recentes apres I'incendie (2). (1) La source bitumineuse du puy de la Poix, pi'es Clermont , qui nait dans uue wake composee de fragments volcaniques et calcaires , donne egaleiuent nn degagement de gaz hydrog«ne sulfure assez considerable. (a) Actes de V ' Academiettoenia de Catania, tome 8, page 4< et snivantes. (2) II ne peut venir a l'idee de personne de mettre en parallele le soufre vol- canique de l'Auvergne avec les cristaux gigantesques que produit I'Etna. On doit dire cependant que le soufre , a l'etat natif , existe en assez grande abon- dance dans le trachyte du mont Dore , au ravin de la Graic , a la base du pic de Sancy. Un autre gisement de soufre que nous pouvons citer avec orgueil , parce qu'il est a. peu pres unique dans son genre , est celui qui existe dans le granite, au- pi'es de Dore-1'Eglise , arrondissement d'Ambert. Le soufre se trouve la en cris- taux octaedres, tres-petits , mais le plus souvent a l'etat pulverulent , tapissartf •les fissures de la roche. 344 MEMOIRES ET PIECES, SECOND GENRE : SULFURES. premiere espece. — Acide-soufrethydrique. II se developpe du cratere de l'Etna , et se retrouve dans les grottes existaates dans 1'interieur des courants de lave. seconde espece : Sufure de fer ou pyrites. Formes du sulfure de fer de l'Etna. tre, granulaire. — 2e, glo- buliforme. La premiere variete se trouve dans certaines cellules du basalte des Cyclopes, et la seconde tres-rarement dans Tinterieur des anciennes laves (i). troisieme espece : Sulfure de fer magnetique de l'Etna. Formes. lrc, en lames hexagones; — 2% granulaire. II se trouve dans certaines cellules du basalte de Tile des Cyclo- pes. La premiere variete est tres-rare ; la seconde resulte de l'union de tres-petits cristaux, qu'on ne peut determiner a l'aide d'une simple loupe. troisieme espece : Realgar. Le realgar se trouve en poudre, incrustant les scories du cra- tere, et les fumerolles des eruptions recentes : il est tres-rare. TROISIEME GENRE : SULFUROXIDES. premiere espece : Acide sulfureux. II se developpe, sous la forme de gaz , des fumerolles et du cratere. QUATRIEME GENRE : SULFATES. premiere espece : Sulfate de chaux. Formes. ire, trapezoidale. — 2*, lamellaire. — 3% compacle. ()) Le sulfure de fer, a l'etat de pyrite globuliforme, existe dans le trachyte alunitifere du ravin de laCraie, au montDore. J'ai trcuve le sulfure de fer dans d'autres trachytes, mais dont le gisement m'est inconnu. PREMIERE SECTION. 345 Se trouve dans les cellules ar les feux volcanicrues , et forme sur les faces planes de la roche de superbcs dendrites . (•i) Le fer titaniate magnetique en cristaux octaedres est tres-abondant dans Jcs basaltes d'un grand nonibre de localitcs de l'Auvergne. A l'etat granulaire, provenant de la decomposition des roclies volcaniques . on le trouve a peu pres dans tous nos ruisseaux. 348 MEMOIRES ET PIECES , fissures , et y est transports par les eaux , uni a des substances terreuses (i). Appendige. Substances entierement inconnues dans leur composition, Beffanite (nobis). — J'ai donne ce nom a une substance qui se presente en lamines rhombo'idales blanches ou perlees, assez dure pour que l'ongle ne puisse l'entamer. Elle se trouve dans les cel- lules de lanalcimite , ou seule , ou unie au pyroxene aciculaire , ou avec I'espece antecedente et la thomsonite. Son nom rappelle celui du comte Beffa Negrini, excellent mi- neralogiste. Borgianiie (nobis). — J'ai voulu dedier a feu M. le commandeur Cesar Borgia cette substance aciculaire, de couleur grise, jaunatre ou rougeatre, opaque, facile a reduire en poudre. Les petits aci- cules sont amonceles les uns sur les autre9. Nota. — Especes miner ales qu'on trouve dans les volcans eteints du Val de Noto , en Sicile. i° Analcime. — J'ai rencontre cette espece aux environs de Palagonia , et elle git dans les basaltes. Elle est decrite dans un memoire publie dans le tome 4e des actes de l'Academie Gioenia des sciences naturelles de Catania . Formes de l'analcime des volcans eteints et du Val de Noto. 1", cubo-octaedre ; — 2e, trapezoidale. La premiere variete est tres-rare. Ne'pheline. — Je l'ai trouvee dans le meme lieu. Elle git seule sur le basalte ou avec l'analcime et lespece suivante. Formes de cette espece : En prismes hexagones primitifs. Les prismes sont quelquefois unis et formentdes globules. (i) Le fer hydroxide est un peu moins commun. II est cependant a l'et'atf concretionne dans les fissures de beaucoup de basaltes et de beaucoup de tra- chytes , au Cantal , au mont Dore , etc. PREM1KRH SECTION. 349 Maravignite. — Covelli a donne ce nom a une substance que j'ai decouverte dans le merae lieu que 1'espece preeedente, et que javais rapporteea la socialite. Prisme hexagonal termine a ses extremites par trois faces rhombees. L'analyse faite par Covelli a donne un hydrosilicate d'alumine et de chaux, dans lequel l'alumine dominait, et la chaux etait en plus petite quantite. II est facile de reconnaitre que cette espece a besoin d'etre encore plus soigneusement analysee. 350 MEMOIRES ET I IECES , EXAMEN DE LA QUESTION SUIVANTE . Peut-on prouver les rapports qui existent entre le basaltc et la tephrine , d'apres I 'inspection de leurs caracteres orictognostiques et de leur gisement , pour etablir quelque theorie sur Vorigine et le moyen de leur for- mation ? Que pourrait-on dire de probable sur cette question , a Ve'gard des trachytes de VEtna? C. MA11AVIGIVA, Professeur de chimie et de geologie a l'univcrsite deCatane. Dans un temps ou il est admis par beaucoup de geologues , que les principales montagnes du globe sont sorties de ses parties cen- trales, et ou Ton a calcule lepoque probable de 1'apparition des montagnes trachytiques et basaltiques; maintenant qu'on croit que leur formation n'est pas la merae que celle des volcans actuels , et que les roches de ces derniers sont different es du basalte; ac- tuellement qu'on soutient que les montagnes trachytiques et bal- PREMIERE SECTION. 351 saltiques ont ete produites par le moyen de soulevement, et qu'on trouve cependant des geologues respectables qui croient encore le contraire, et qui avancent que les uns et les autres ont ete produits par les volcans, il ne me parait pas inutile d'examiner la question des soulevements basaltiques, d'apres les rapports orictognostiques et ceux du gisement , comme je l'ai propose en tete de ce memoire , et cela sur mes observations faites a l'Etna . Cependant, s'il nous est possible par ce moyen d'etablir que la tephrine et le basalte ne sont pas orictognostiquement diffe- rents, et que s'ils ofFrent entre eux quelque dissemblance , on doit 1'attribuer a un gisement non identique, il me sera permis d'en conclure pourtant qu'ils ont eu la meme origine ; et que si les tephrines sont produites par le moyen des eruptions, les basaltes le furent egalement. Jaime a croire que bientot on verra tomber ces systemes hypo- thetiques, dont les ouvrages modernes sont remplis, en expli- €|uant , par les moyens auxquels la nature a recours aujourd'hui dans ses operations , la maniere dont elle a procede aux siecles passes pour arriver aux memes resultats. , Ayant eu le loisir d'etudier avec attention toutes les roches de 1'Etna , qui sont formees de trachytes, de basalte et de tephrine , je me suis convaincu que ces dernieres ne sont que les modifica- tions de la meme substance , et les observations qui me condui- sent a cette conclusion, sont les suivantes: i°En comparant, par exemple, les basaltes de l'Etna a ceux des iles des Cyclopes, de la Motta et de Pater no , avec les laves moder- nes, il est evident qu'il n'en different le plus souvent que par la eouleur, et par la pesanteur specifique, puisque les premiers sont d'un gris plus fonce r ils paraissent meme contenir plus de fer magnetique que les seconds : mais leur pate est feldspatique, aussi bien dans 1'une que dans l'autre. Ainsi done, la difference entre ces roches se reduit seulement a la pesanteur specifique et a la eouleur. Quant a ce qui regarde les especes mineralogiques qu'on y re- trouve, elles sont communes aux basaltes et aux tephrines, puis- qu'on rencontre egalement dans les deux le feldspath cristallise. 35*2 MEMOIRES ET PIECES, l'olivine et le pyroxene. G'est cequi est prouvejusqu'a l'evidenceT par l'examen des basaltes de la Motta , de Paterno, des iles des Cyclopes et de la Zerra, ainsi que de la lave tephrinique de l'e- ruptiondu Monti-Rossi, en 1669, et qui toutes contiennent , sans exception, les substances ci-dessus indiquees. 2° En etudiant les courants des eruptions modernes, onobser- vera que leur superficie ofFre une lave scorifiee, tres-cellulaire et peu pesante ; qu'au-dessous la lave est deja un peu plus lourde , bien qu'encore poreuse ; que, plus bas encore, ses cavites sont bien plus restreintes, et que par degres enfin, ses cavites diminuant 4e diametre, cette lave devient de plus en plus compacte et pe- sante : enfin, on a bientot la preuve qu'eile commence deja a ac- querir tous les caracteres du basalte, a mesure qu'eile s'approche de la partie la plus profende des courants. On peut facilement suivre ses mutations dans la lave de Gatane , pres du college des Certs , de l'hopital de Sainte-Marthe , du col- lege de Marie, et dans les carrieres des courants de l'Etna , de l'an 1669. La lave de cette menie eruption nous presente un autre fait des plus interessants : en effet, la roche du cratere de cette epo- que ofFre tous les caracteres basaltiques, tandis que la surface du courant ne laisse apercevoir que ceux de la tephrine. Mais autant il est facile de connaitre les rapports qui existent -entre ces roches , autant il est difficile d'observer ceux qui sont communs au trachyte et au basalte de l'Etna; car la premiere presente d'ordinaire une couleur blanchatre, sa pate est visible- ment feldspatique, et remplie de cristaux de cette nature, tandis que 1'aspect du basalte est tout different, tant pour la couleur foncee de la pate , et par la petite quant ite de feldspath qu'il con- tient, que par sa pesanteur, qui est beaucoup plus grande. Cependant, si Ton considere toutes les varietes de trachyte qu'on trouve dans l'Etna, c'est-a-diredans le Val delBove et le Driso- glielto , celle des environs de Biancavilla et des coteaux du Calva- rio , du Carbo , etc. , et dans les autres trachytes du volcan , on verra combien elles s'approchent , par degre , non-seulement du PREMIERE SECTION. 353 basalte, mais encore tie la tephrine, en perdant peu a peu les caracteres qui leur sont propres. Puisque la patetrachytique, en perdant les caracteres de simple feldspath , montre ceux du petrosilex, par ses melanges d'amphi- bole et de fer magnetique , en analysant de nombreux echantillons de ces roches, on sera convaincu que si, dans celles neptuniques et plutoniques , il y a des transitions insensibles , il en existe de meme dans celles qui sont volcaniques. II est indubitable qu'un mineralogiste , qui examinera long-temps les roches de ce volcan, pourra facilement en disposer une suite qui le conduira, par des passages insensibles , du trachyte le plus parfait au basalte et a la tephrine les plus caracterises. Or, si ces formations ont tant de ressemblance entr'elles, et si les courants tephriniques sontproduits par le moyend'eruptions, n'est-il done pas permis de croire que la formation des autres ro- ches fut absolument identique ? Ces observations m'ont convaincu , il y a deja long-temps, que les basaltes isoles qu'on remarque sur la surface del'Etna ne diffe- rent en rien des tephrines. lis ne sont , en effet , que la partie centrale et la plus dense des anciens courants volcaniques reduits en debris par Taction incessante des agents modifiants, alterants et destructeurs, a Taction desquels ils sont exposes depuis tantde siecles. Quant a ces domes basalliques , que Tecole moderne proclame comme souleves de Tinterieur du globe a Tetat de pate molle, ils me paraissent ne devoir etre que la partie interieure des anciens volcans qui a perdu son ecorce exterieure scorifiee. L'etude des terrains trachytiques appartenant a TEtna demon- tre que cette roche a coule comme les laves modernes , et que son developpement , ses fractures, sont TefFet des alterations produites par Taction erosive de Teau et des autres causes alterantes ; enfin , il n'est pas possible de decouvrir les traces d'effets qui puissent prouver un soulevement. -M A ce sujet, les environs de Biancavilla sont egalement dignes d'etre observes. Je les signale aux geologues qui desirent etudier 354 MEMOIKES ET PIECES , l'Etna, leur recommandant surtout le coteau du Calvario forme de trachyte, tres-riche en fer oligiste. Au milieu de ce coteau, on remarque une espece de (lion tra- chytique que je considere plutot comme la partie centrale non encore alteree, tandis que sa surface est forraee d'une substance qu'on pourrait croire etre de la cinerite. Je crois devoir ne pas omettre de faire observer ici qu'au pied du coteau du Calvario il existe une couche de basalte tres-abondante en feldspath cristallise , et sur lequel pa rait avoir coulele tracliyte dont est forme le Calvario lui-meme. Cette observation merile d'etre veriGee, pour savoir si, posterieurement a la formation basaltique ou contemporainement a elle, les tra- chytes continuerent a couler. Ceux de l'Etna sont pour moi le restant danciens courants tra- chytiques, comme lesbasaltes sont le restant de la partie centrale du volcan ou des courants tephriniques, de sorte qu'en etudiant l'Etna, l'observateur impartial ne pourra jamais decouvrir le moindre signe qui puisse le mettre sur la trace d'anciens souleve- ments qui auraient eulieu. II estvrai que lacelebre vallee du Bove, qui existe dans la troi- sieme region de l'Etna, a fait croire a quelques geologues qu'elle pourrait devoir naissance a un soulevement; mais en letudiant sans prevention , on voit au contraire qu'elle a ete formee par l'af- j-aissement du volcan, comme on en observe de semblables, mais moins considerables, il est vrai , dans toutes les eruptions volca- niques. En effet, la rien ne montre le moindre signe d'existence d'un soulevement ; les parois de cette vallee sont loin d'etre cons- truites selon la theorie des soulevements, et, bien au contraire, elles ont la plus parfaite identite avec celle des crateres d'e- ruption. A ce sujet, je ferai remarquer que l'inspection des roches de cette vallee indique parfaitement le mode de formation du volcan ; car on y en trouve de trachytiques, de basaltiques, et quelques- unes qui forment la transition de l'une a l'autre, si bien que, dans cette localite, on rencontre toutes les especes de roches apparte- aant a l'Etna, ce qui est du a TeiTet de 1'alFaissement , qui niit a PREMIERE SECTION. 355 decouvert les roches de toutes les epoques, tant antiques que mo- dernes. Je persiste done toujours dans raon opinion del absence la plus complete de toute trace de soulevement; et si les memes roches sont un produit des feux de l'Etna , si elles ont entr'elles une telle analogie, et si les laves modernes sont le produit des eruptions, n'est-il pas rationnel de reconnaitre que les anciennes roches ont ete, aux epoques les plus reculees, produites de la meme maniere ? II me paraitdonc juste, d'apres ces considerations, d'etablir en principe que le moyen d'emission de toutes les roches consti- tuantes de l'Etna a ete unique etidentique a toutes les epoques, aussi bien que dans les derniers temps , et que dans ce volcan il n'existe aucun cratere de soulevement, mais des crateres d'erup- tion et des affaissements qui ont ete plus ou moins modifies par 1'erosion des eaux. 356 MEMCHRES ET PIECES, MONOGRAPHIE DES IFOIUVIES uQTVEHSES QU'OFFRE LE SOUFRE GRISTALLISE ; PAR C. MAUAVIG1YA, Professeur de chimie et 376 MEMOIRES ET PIECES , en me renfermant dans les limites qui nous sont imposees et sans entrer dans les details que reclameraient des descriptions com- pletes. Passant sous silence les empreintes et les nombreux fruits fossiles que recelent les terrains carboniferes du Puy-de-D6me et de la Haute-Loire , puisque M. Adolphe Brongniart les a decrits,du moins en grande partie, je m'empresse d'arriver a la paloeonto- logie des terrains que j'ai nommes supra-carboniferes, dans la classification geologiqne dont on voit le resume dans nos An- nates du mois d'avril dernier, et que je divise en trois principaux etages. PALOEONTOLOGIE DES TERRAINS SUPRA-CARDONIFERES ET DEAU DOUCE DU FUY-DE-DOME ET d'uNE PARTIE DES DEPARRTEMENTS DE l'aLLIER ET DE EA HAUTE-LOIRE. Mon cabinet renferme des depouilles fossiles de tous les ordres , et meme des classes, ainsi que des families, des genres et des es- peces, dont je vais presenter une courte enumeration. PACHYDERMES. Anthracotherium. — Je suis en mesure d'etablir que ce genre perdu se rapprochait plus de l'hippopotame et du san- glier que du rhinoceros. Je possede des machoires et des por- tions de machoires , ainsi que des dents isolees et des os des jambes de deux especes , dont Tune avait la taille des plus grands rhinoceros, et l'autre a peu pres celle du tapir. J'en ai recueiili les debris dans les assises inferieures de letage moyen de nos terrains lacustres , c'est-a-dire dans les gres et les calcaires marneux inferieurs des bassins de l'Auvergne et du Puy. Genre voisin du rhinoceros , mais qui s'en distingue par plu- sieurs caracteres. — Trois especes , dont la plus petite n'atteignait pas la dimension de la plus petite race de Sumatra , tandis que la PREMIERE SECTION. 377 plus grande avait au moins celle du rhinoceros de Java ; la troi- sieme, qui est intermediaire pour la iaille, se distingue des deux autres par des bourrelets et des facettes particulieres aux mo- laires, et par d'autres differences. Celle*ci a laisse ses debris dans les couches inferieures de notre etage superieur , et les deux au- tres dans l'etage intermediaire de nos calcaires d'eau douce. Ces especes sont difFerentes de celles que M. Lartet a retirees du cal- caire de Sausan, pres d'Auch , departement du Gers. Animaux des genres paloeoiherium^anoplotherium, etc. — Plu- sieurs especes non decrites que m'a fournies l'etage moyen , tant dans l'Auvergne que dans le Yelay. Mais celles de ce dernier bas- sin sont difFerentes de celles du bassin de l'Auvergne. Les deux plus petites especes, dont Tune du sous-genre xiphodon, et se rapprochant de l'anoplotherium murinum , abondent aussi dans l'etage superieur. Je possede de ce genre plus de quarante echan- tillons. RUMINANTS. L'etage superieur de nos terrains supra-carboniferes, c'est-a- dire les calcaires concretionnes , les calcaires indusiens et les cal- caires a cypris faba du Bourbonnais et de l'Auvergne , m'ont of- fert soixante et dix machoires ou portions de machoires , un grand nombre d'omoplates, d'humerus, de cubitus, de radius, de me- tacarpiens, de phalanges, de vertebres, d'os du bassin , de femurs , de tibias, de metatarsiens, en un mot, de toutes les parties des squelettes ; en tout , plus de quatre cents echantillons , qui signa- lent un genre de ruminants voisins des cerfs , et compose de plu- sieurs especes encore inconnues , dont les unes sont plus grandes quele chevreuil, les autres de la taille des petits chevrotains , les unes elancees, les autres trapues, et dont quelques-unes, sinon toutes , sont munies de canines difFerentes de celles des chevro- tains qui vivent en Asie et dans ses iles. Notre etage moyen a aussi presente quelques debris de ce remarquable genre. CARNASSIERS. Un grand carnassier , qui se rapprochedu genre canis. Un autre , voisin du raton, mais plus fort. WIS JWEM01RES ET PIECES, Une espece voisine du chacal ; une autre, du renard, mais dont le museau etait encore plus court que celui de la civette, et la tailie superieure a celle des plus grands renards d'Amerique. Un autre carnassier se rapprochant du genre chat et plus fort que la panthere; un autre qui avait les dimensions du lynx, un autre qui n'avaitque celles de notrechat domestique. Une espece voisine du genre loutre, mais plus petite que la loutre commune, et plusieurs especes se rapprochant des civettes, des mangoustes, des fouines ou martres, des putois, etc. Quel- ques-unes paraissent nocturnes par la forme de leurs tetes. Toutes presentent des caracteres , et plusieurs des caracteres generiques 7 qui les distinguent des especes vivantes. Ces dernieres especes fossiles ont laisse leurs depouilles dans notre etage moyen , et les autres dans 1'etage superieur des terrains supra-carboniferes. Rien de semblable n'a encore ete deerit. Je possede plus de cent echan- tillons de ces sortes de carnassiers , dont quelques-uns se rappro- chent des didelphes. CARNASSIERS INSECTIVORES. Une espece assez analogue au cladobate de Java ; mais elle etait un peu plus forte que le tupa'ia javanica; une autre, qui parait se rapprocher du condylure d'Amerique; une troisieme, dont les dimensions etaient plus grandes, et que je n'ai pas encore deter- minee; et une quatrieme, du genre musaraigne, un peu moins forte que la musaraigne porte-rame. Jela dois aux decouvertes de M. Bouillet. RONGEURS. Une collection de rongeurs des terrains dits tertiaires est aussr fort riche, et n'a pas encore ete signalee au monde savant. Ellese compose de douze especes, ou plutot de douze genres, qui sont bien differents de tout ce que nous connaissons. II en est cepen- dant qui, pour le genre, ou du moins pour la famille, ont de la ressemblance avec des especes vivantes dans l'Australasie, dans les Indes-Orientales , au Cap de Bonne-Esperance , dans 1'Amerique meridionale, etc. J'ai donnea mes rongeurs, sur lesquels j'ai lu PREMIERE SECTION. 379 quelques memoires dans le sein de notre Societe, le nom des localites ou j'ai rencontre leurs debris. Ainsi, je nomme Issiodo- romys, c'est-a-dire rat d'Issoire, un petit mammifere que j'ai d'abord trouve dans lecalcaire d'eau douce, etage intermediaire, des environs dlssoire. Si je n'avais decouvert que les ossements des membres , et en particulier les trois metatarsiens reunis en un merae corps d'os, caractere qui ne se trouve que dans le genre gerboise, il est evident que j'aurais du placer ce rongeur fossile dans le genre vivant en Arabie, en Syrie, etc. II se rapproche d'ailleurs beaucoup du gerbo par la taille, qui est d'environ six pouces du bout du museau a la naissance de la queue; mais ses molaires sont tres-semblables a celles de l'elamys , ou lievre sau- teur du Cap, quoique beaucoup plus petites. Elles ne s'en distin- guent que par les dimensions et par la position inverse des echan- crures. Ne pouvant entrer ici dans les details que reclament mes interessants rongeurs, je me contente de dire que le plus grand tient le milieu, pour les formes, entre le castor et l'ondatra, et que le plus petit n'a que la taille de la souris. Le plus grand, et quelques-uns de taille intermediaire, sont enfouis dans notre etage superieur; les autres ont laisse leurs restes dans nos calcaires marneux de l'etage moyen ; mon cabinet en renferme plus de cent echantillons, dont quelques-uns viennent de celui de M. Bouillet. OISEAUX. Palmipedes , echassiers , carnivores , etc. — Un grand nombre d'especes , dont les plus grandes ont les dimensions et en partie les formes des cigognes, des herons, desflammants, des spatules, des ibis , des oies, des faucons, etc. , et les plus petites celles des gal- linules et des chevaliers. Ces especes sont representees par des tetes , des stern urns , des os des ailes et des pieds, des ceufs, des empreintes de plumes. J'en ai recueilli, surtout dans l'etage supe- rieur , environ cent quarante echantillons. REPTILES. Crocodiles, ophidiens, batraciens, plusieurs especes de tortues terrestres et d'eau douce, dont les plus petites n'avaient que quel- 380 MEMOIRES ET PIECES , quespouces, tandis que la plus grande, analogue a celle qui vit dans lile de France, avait au moins deux pieds de longueur. Les emides se trouvent , en general T dans l'etage moyen et menie dans les couches inferieures de cet etage, au lieu queles tortues terres- tres abondent dans l'etage superieur. Des os des tetes et des pieds, des machoires, des dents isolees, des ecailles , des plastrons, des carapaces , etc. A peu pres cent echantillons de reptiles se trou- vent dans ma collection. poissons d'eau DOUCE. Plusieurs especes differentes de celles qua decritesM. Agassiz; il en est cependant une qui se rapproche de Yaspius brongniarli, une autre du smeridis , et une troisieme du lates. Les autresfor- ment des genres encore inconnus. Plusieurs assises, tant de l'etage moyenquede l'etage superieur de nos terrains lacustres, m'ont offert des empreintes de poissons* INSECTES FOSSILES. OEufs , larves , nymphes, insectes parfaits d'especes qui n'exis- tent plus, du moins dans notre contree, mais qu'on peut classer dans la plupart des families connues. Je counais plusieurs gise- ments qui offrent des insectes. Le plus riche est le calcaire mar- neux, schisteux et gypseux de la montagne de Corent. Quant aux autres fossiles dont je viens de donner une faible idee, je les ai recueillis dans les terrains lacustres des environs d'Issoire , de Neschers, d'Authezat, de Plauzat, de Corent, de St-Saturnin et de St-Amand, de Gergovia, de Cournon , du Pont-du-Chateau , de Ravel, de Chaptuzat pres Aigueperse , de Menat, de Gannat et de St-Gerand, departement de 1'Allier, etc. , ainsi que dans le bassin du Puy (Haute-Loire). Je possede aussi plusieurs quadrupedea fossiles que M. Lartet m'a envoyes du departement du Gers, et qu'il a trouves dans le calcaire de Sansan pres d'Auch. Ici , je m'empresse de signaler au monde savant un fait bien remarquable : c'est qua l'epoque reculee de la formation des terrains d'eau douce , improprement dits tertiaires , les animaux qu'a decouverts M. Lartet^ dans le midi de la France, etaient difFerents, pour les PREMIERE SECTION. 381 especes , de ceux du Velay , et ceux-ci , pour la plupart , de ceux qui vivaient dans le bassin ou sur les bords du bassin de l'Auvergne et du Bourbonnais. II en est de merae de ceux de Montmartre et d'autres localites , qui ont ete l'objet des belles recherches de Cu- vier. 11 existait done, dans ces temps antiques, une immense population detres parfaitement organises, et divers centres de creations, suivant les differentes conditions d'existence. Mes nom- breuses decouvertes repandront quelques lumieres sur la geogra- phic fossile. Elles nous montrent clairement que dans le centre de la France il y avait des insectes , des mollusques et des poissons , pour les animaux insectivores et certains oiseaux ; des pachyder- mes et des ruminants, pour les carnassiers, etc.; que chaqueespece d'un ordre, d'une famille , d'un genre, attirait a sa suite une es- pece d'un autre ordre, d'une autre famille ou d'un autre genre, et qu'ainsi se maintenait l'liarmonie generale. Cette harmonie parait aussi dans les vegetaux de ces temps deja si eloignes de nous. PLANTES FOSS1LES DES TERRAINS d'eAU DOUCE. Ces plantes sont des tiges, des feuilles, des fruits, qui se rap- portent aux families des coniferes, desjuglandees,des amentacees, des lyliacees, des legumineuses, des laurinees, des myrtacees, et a un grand nombre d'autres families qui vivent les unes dans l'A- merique, les autres dans l'Asie et ses iles, les autres dans l'Afri- que, et quelques-unes dans le midi de lEurope. Plusieurs de ces vegetaux , comme plusieurs de nos animaux, ne sont pas sans ana- logic avec ceux qui se trouvent aujourd'hui dans les iles de Java et de Sumatra. Je ne puis entrer ici dans de longs details ; j'ai lu, a Paris, en i836, un memoire sur cette interessante vegetation, dans une seance de la Societe geologique de France. C'est ici le lieu de parler d'un calcaneum droit trouve a la par- tie superieure d'un banc de calcaire a lignite, en 1827. En 1828 , je montrai cet echantillon a M. Cuvier , dont il exerca la sagacite. Ce celebre anatomiste le rapportait a un edente voisin du pango- lin , a cause d'une troisieme facette qui sarticulait avec le perone; mais comme la partie poslerieure de ce calcaneum est large et 382 MEM01RES ET PIECES, aplatie, caractere qui ne se tronve pas dans les edentes et qui est prononce dans les castors , les kanguroos et les singes, nous avons pense, en i856, M. Laurillard et moi , apres avoir interroge plu- sieurs squelettes du Museum de Paris, que cet objet signale un genre etpeut-etre un ordre apart, comme le kinkajoude l'Ame- rique du sud,qui, suivant Frederic Cuvier, devrait constituer un ordre distinct, et que les zoologistes ont place tantot parmi les carnassiers, tontot parmi les makis de Madagascar. Cet ordre fos- silese rapprocherait de celui des rongeurs par le castor, de celui des edentes par le pangolin a courte-queue, ainsi que des marsu- piaux et des quadrumanes. Cettedecouverte m'aporte a presumer que les machoires deterrees par M. Lartet dans le calcaire de San- san, et qu'il attribue a un quadrumane voisin des makis, pour- raient bien se rapporter a ce nouvel ordre. Voici quelques-uns des motifs qui peuvent porter les naturalistes a suspendre leur juge- ment jusqu'a ce que de nouvelles decouvertes viennent dissiper les doutes. i° Mon calcaneum indique un animal a peu pres de la taille du singe reel ou pretendu de Sansan; 2° ma collection ren- ferme plusieurs especes , surtout des terrains lacustres , qu'il est difficile de faire eutrer dans nos classifications actuelles; 3° dans un grand nombre de gisements du centre de la France, ou j'ai recueilli une abondante moisson, je n'ai pas rencontre les vestiges de quadrumanes , pas plus que ceux du corps humain et de l'in- dustrie humaine; 4° Les formes de vie que couvrent les terrains calcaires sont encore plus eloignees de celles dont les alluvions anciennes recelent les depouilles, que des formes de vie acluelles; 5° le systeme dentaire des animaux de cette antique epoque, quoique tres-digne d'attention , n'est pas toujours suffisant pour les determiner. J'en ai cite a dessein un exemple frappant , celui de mon Issiodoromys. En observant attentivement ses molaires , je devais naturellement le placer a cote du lievre sauteur du Cap; mais en creusant dans la pierre qui renfermele squelette, je trou- vai des metatarsiens , reunis en un seul os en forme de canon, qui indiquaient des membres tridactyles, comme ceux du gerbo, et non tetradactyles , comme dansl'elamis; et quoique mon animal fos- sile eut quatrc molaires a chaque branche, comme dans le lievre PREMIERE SECTION. 383 sauteur, quoiqu'il ne s'en trouve que trois, et de formes diffe- rentes , dans les gerboises, je vis que ce rongeur fossile ne se rap- prochait pas moins des gerboises par sa taille et ses membres, que de l'elamys par ses dents. Lorsque M. Lartet decouvrira , ce qu'il presume, les mains de son quadrumane, il est possible qu'elles ne se trouvent que les pieds d'un autre animal. Au reste, la decouverte faite par M. Lartet est toujours fort importante, et merite par la raeme un serieux examen. Elle signale un genre peut- etre plus voisin des singes que le calcaneum dont je viens de vous entretenir. PALOEONTOLOGIE DES TERRAINS MEUBLES ,. AINSI QUE DES ALLUVIONS ANCIENNES ET VOLCANIQUES DU CENTRE DE LA FRANCE. Ici, les formes de vie sont bien ditferentes do celles qui prece- dent, quoique nos alluvions volcaniques reposent immediatement sur les bancs reguliers d'ou nous avons exhume les debris de tant d'etres organises. Ces debris, disions-nous, ofFrent d'autant plus d'interet, qu'ils se distinguent de ceux qu'a decrits Cuvier, et qu'il a recueillis en grande partie dans les terrains d'eau douce de Montmartre , ainsi que de ceux d'autres bassins dits tertiaires , et en particulier de celui du Gers, ou M. Lartet a fait des decou- vertes que le monde savant a su apprecier , quoiqu'elles soient bien eloignees, j'ose le dire, de ce que nous avons decouvert depuis quinze ans. II en est de meme des fossiles fournis a ma collection par les terrains diluviens du centre de la France. Les especes qu'ils ofFrent a la science different non seulement de celles que nous ve- nons d'indiquer et qui sont plus anciennes, et de celles qui vivent maintenant sur le globe , mais encore pour la plupart de celles dont on a rencontre les debris fossiles dans des alluvions ancien- nes, et des terrains meubles , ou d'atterissements anciens, ainsi que dans des cavernes et des breebes osseuses de la France , de lTtalie, de l'Angleterreetde TAllemagne. PACHYDERMES. Mammouth , ou elephant ante'diluvien. — Deux especes, dis- 384 MEMOIRES E T PIECES , tinctes surtout paries lames des molaires. II se trouve dans mon cabinet une molaire ct des portions de molaires , une defense et une portion de defense, d'une enorme grosseur, ainsi que plusieurs os des membres. Mastodontes. — Trois especes, dont la plus petite, trouvee dans nos alluvions volcaniques de l'Auvergne, se rapproche , quoique diflerente d'une espece de Sansan ; la plusgrande, qui est du Velay, du mastodonte a dents etroites, et lintermediaire , d'une espece que M. de Humboldt a decouverte dans le Chili. Dinotherium. — On a rencontre, dans les terrains volcaniques des environs d'Aurillac, departement du Cantal, des molaires de ce singulier genre , que Cuvier avait decrit sous le nom de tapir gi- gantesque. Rhinoceros. — Deux especes, dont l'une,grandeet elancee,se rapprochant du rhinoceros de Java, l'autre de celui de Sumatra ; mais elles se distinguent surtout de ces especes vivantes, en ce qu'elles etaient depourvues de dents incisives. Je possede de ce genre plusieurs ossements entiers. Hippopotame. — Un individu long de seize pieds, et un autre de treize. Cheval. — Des individus de grande taille , dont les ossements gisaient dans une caverne de I'Allier, arrondissement de La Palisse, et d'autres beaucoup moins grands, qui ont laisse leurs depouilles dans nos alluvions anciennes de Perier. Tapir proprement dit , se rapprochant de celui d'Amerique. Cochon. — Deux especes, dont Tune analogue pour la taille au sanglier , l'autre au cochon de Siam. CARNASSIERS. Genre chat. — Neuf especes bien distinctes, en y comprenant deux especes du singulier sous-genre megantereon ou stenodonte. La plus grande surpasse la taille de nos plus grands lions, tandis que la plus petite n'est guere au-dessus de celle de notre chat suavage.Lesautressontintermediairesdepuisletigrejusqu'aulynx, mais avec des caracteres qui les distinguent des chats vivants. L'une d'elles est elancee comme le guepart , une autre est forte et PREMIERE SECTION. 385 trapue comme le cougouar d'Amcriquc. J'ai de ce genre dix raa- choires ou portions de machoires , des dents isolees, des vertebres, et des os de tous les membres. Feu M. Amper, le celebre Geof- froy-St-Hilaire , et un grand nombre d'autres savants de France , d'Allemagne et d'Angleterre , qui sont venus visiter mon cabinet dans le presbytere, qui est une vraie masure de village , pour me servir des expressions de M. Geoffroy a llnstitut, ont examine long-temps les nombreusesdepouilles d'un genre dont l'immorlel Cuvier n'a connu que deux especes. Ours. — Trois especes, dont la plus petite avait a peine les di- mensions de Tours brun , tandis que la plus grande avait celles des grands ours des cavernes ; la troisieme etait intermediate pour la taille. Hyenes. — Au moins trois especes, bien caracterisees surtout par le systeme dentaire et par la taille : Tune du Velay, l'autre des alluvions volcaniques de l'Auvergne , et la troisieme d'une caverne du departement de l'Allier. Genre chien. — Trois especes, dont l'une etait un peu plus forte que le grand chien dogue d'Angleterre, l'autre avait la taille du chien sauvage de la Nouvelle-Hollande, et la troisieme celle du renard jaune d'Amerique. Civettes et martes. — J'ai decouvert dans une caverne et dans des alluvions anciennes plusieurs ossements qui se rapportent a ces deux genres, et qui signalent plusieurs especes. Loutre. Les terrains volcaniques de Perier ©ntfourni a ma col- lection des dents qui indiquent une loutre plus forte que la com- mune , et de la taille de celle de la Guiane. Tous ces carnassiers, qui ont habite nos contrees, puisque leurs ossements n'ont pas ete roules, et que nous trouvons meme leurs excrements fossiles, y necessitaient la presence de nombreux her- bivores. Aussi l'ordre des ruminants y abondait plus encore que celui des pachydermes. RUMINANTS. Genre cerf. — Je possede les debris de plus de vingt especes , dont huitdu Yelay, qui toutes sont differentes de celles de l'Au- 386 MKMOI RESET PIECES, vergne. Ces deux provinces sont separees par de hautes monta- gnes primordiales qui elles-memes sonl ceintes par les profondes gorges de la Loire au levant, et par cellcs de l'Allier au couchant. Notre plus grande espece surpasse la taille de l'elan, tandisquela plus petite n'est guere au-dessus de celle du chevreuil. Plusieurs se rapprochent plus ou moins des especes qui vivent dans les re- gions orientales, par la forme de leurs bois, de leurs molaires, et par d'autres caracteres osteologiques , quoiqu'il n'y en n'ait pas une seule dont on puisse affirmer I'identite avec ces especes vi- vantes, etqu'elies sen distinguent memepar des differences nota- bles. Je possede dece genre plus de cinquante bois ou fragments de bois, a peu pres cent machoires ou portions de machoires, des ossements de toutes les parties des squelettes; en tout, plus de cinq cents echantillons , dont quelques-uns sont petrifies. En laissant aux ruminants , qui ont une veritable analogie avec les cerfs, le nom de ce genre, ceux que M. Lartet a tires du cal- caire de Sansan, et qu'il nomme dicroceres, formeraient un sous- genre qui se rapproche des anoplotheriums par le systeme den- taire ; ceux du calcaire d'Auvergne, un autre sous-genre, sinon un genre particulier, voisin des chevrotains (point de bois); ceux des alluvions anciennes et volcaniques du Velay ; un troisieme sous-genre ou figurent des daims d'une grande dimension, ainsi que d'autres cerfs, dont se rapprochent quelques-uns des cavernes, des terrains meubles et des breches du midi ; enfin , ceux des allu- vions analogues et des terrains meubles de l'Auvergne et du Bour- bonnais devraient constituer un quatrieme sous-genre auquel on peut rapporter quelques especes de la vallee de la Somme, du val d'Arno, etc. , ainsi que de quelques cavernes de la France, et de celles de I'Allemagne et de l'Angleterre. Ces quatre sous-genres fossiles offrent deja a la science au moins quarante especes. J'en possede vingt-six, et il me serait facile, par des echanges, de les reunir presque toutes dans mon cabinet, ou se trouvent deja quel- ques-unes du departement du Gers. On voit* par cette seule con- sideration , combien nos decouvertes recentes agrandissent le domaine de la science. On sera moins surpris de l'existence antique d'un si grand nom- PREMIERE SECTION. 387 bre de cerfs et d'autrcs mammiferes , lorsqu'on pensera qu'ils ont paru a des epoques differentes. Ainsi, les cerfs de Sansan et ceux de nos terrains lacustres sont evidemment plus anciens que ceux dont M. Robert a decouvert des squelettes entiers dans les marnes limoneuses des environs du Puy; ceux-ci sont plus anciens que ceux dont les depouilles gisent dans les alluvions volcaniques du Velay et de l'Auvergne; etces derniers sont egalement anterieurs a plusieurs de ceux dont on trouve les restes dans certains terrains meubles ou d'atterissement , dans certaines cavernes , et dans des brech.es osseuses. Genre antilope. — Deux especes , dont l'une d'une forte taille et l'autre beaucoup plus petite. Genre boeuf. — Au moins quatre especes, dont l'une est d'une enorme grosseur et trapue, une autre fort elancee, plus encore que l'auroch, les deux autres plus petites. Ma collection renferme de ce genre des cornes , une tete entiere, des machoires et des os desmembres, cinquante et quelques echantillons. RONGEURS. Castor. — Une espece plus forte que le castor , vivant dans les deux continents, et qui presente d'autres caracteres specifiques qui Ten distinguent , ainsi que du trogoutherium decrit par Cuvier. Pore- epic. — Une espece plus grande que le plus fort pore-epic vivant, dont les premieres molaires inferieures n'offrent que cinq iles d email, tandis que celles de notre fossile en presentent sept. Lievres et lagomys. — Je possede les restes de plusieurs especes de ces deux genres. Les unes sont de la taille des plus grands lie- vres , les autres un peu plus fortes que le lapin sauvage ; d'autres ont atres-peu pres les memes dimensions que ce lapin; d'autres enfin se rapprochent des divers lagomys. Campagnol. — Deux especes : l'une un peu moins forte que le rat d'eau , l'autre beaucoup plus petite. Rat proprement dit. — Deux especes : une plus grande que notre rat noir qui vient de l'Amerique; l'autre a peu pres de la taille du mulot. 388 MEMOIRES ET PIECES, OISEAUX. Plusieurs especes de diverses grandeurs. Les plus petites n'a- vaient que la taille de nos sylvies. VEGETAUX FOSSILES. Les alluvions trachytiqueset basaltiques deTAuvergne nousont fourni une collection de plantes d'autantplus interessantes qu'elles different, comme les animaux, decellesdes bancs reguliers, et me- me, du moins pour les especes, de celles qui vivent maintenant dans notre coutree, quoiqu'on puisse les placer dans les genres cliene, orrae, bouleau, etc., et dans plusieurs autres genres de plantes herbacees. Enfin , nous avons recueilli dans des terrains moins anciens , e'est-a-dire dans des terrains d'atterissements , dans descavernes, et des travertins , avec des vegetaux de l'epoque actuelle, des de- bris de pachydermes, de ruminants, de carnassiers, de rongeurs , d'oiseaux, etc., dont quelques especes sont eteintes,et dont plu- sieurs animent aujourd'hui la surface du globe. Ilresulte, Messieurs, des faits nouveaux que nous venons de signaler, comme de toutes les decouvertes palceontologiques faites jusqu'a ce jour, que les formes de vie actuelles, tant animales que vegetales, ont remplace les formes de vie de l'age des mammouths, comme celles-ci avaient pris la place de celles del'antiqueepoque ouvivaientles anthracotheriums;que ces dernieres sontcependant moins anciennes que celles des grands plesiosaurus, megalosaurus, etc., de ces pterodactyles , et de ces autres animaux de la mer non moins singuliers qui ont laisse les empreintes de leurs pieds dans le gres bigarre, et sur lesquels nous avons lu , a Paris, en i836, une courte notice dans deux seances de la Societe geologique de France. Ces derniers animaux, quelqu'anciens qu'ils soient, ne sontpourtant pas les premiers qui ont paru; ils ontete precedes par quelques crustaces , par des mollusques marins , etc. , ainsi que par des vegetaux des terrains carboniferes. Ces remarquables vegetaux se trouvent, d'apres les decouvertes modernes, comme d'apres la Genese , les premiers etres organises qui ont couvert PREMIERE SECTION. 389 les terrains sortis du sein des eaux. II resulte encore, si nous avons suivi la chaine de i'immense creation antediluvienne, que ces enormes differences dans les formes de chaque age geologique, au lieu d'avoir ete l'effet de modifications lentes et successives, ont ete la suite de revolutions plus ou moins subites, revolutions ope- rees elles-memes , soit par les agents atmospheriques ou astrono- miques, l'abaissement de temperature, les grandes inondations, qui ont produit nos alluvions anciennes, etc. , soit par les agents interieurs du globe, les tremblements de terre, les soulevements, les affaissements, le degagement de gaz deleteres, les eruptions volcaniques , qui ont tari un grand nombre de sources thermales «t calcariferes. Une seule des conditions essentielles a la vie de cbaque epoque cessant d'exister , les vegetaux et les animaux de- vaient perir. Notre planete a done subi plusieurs revolutions et nonrri un grand nombre de notables populations avant celles qui rejnbellissentaujourdhui , etoulhomme, chef-d'oeuvre duCrea- teur, occupe un rang tout special. C'est deja un grand et magnifique spectacle que la science, exempte de tout prejuge , de tout esprit de systeme, et en parfaite harmonieavec lerecit de Moi'se, presente a nos regards etonnes. Puissentles investigations et les nobles efforts de tant d'hommes qui lui sont devoues, a^randir chaque jour son domaine; puis- sent-ils marcher sans relache a la conquete de la verite avec l'ac- cord, le zele et la bienveillance dont ils donnent en ce moment «n exemple si digne de passer a la posterite ! 390 MEMOIRES ET PIECES, NOTICE SUR MUVEAC GENIE DE PACHYDERME FOSSILE TROIIYE M AUVERG1, ET NOMME OPLOTHERIUM ; PAR MM. DE LAIZER ET DE PARIEU. Quelque multiplies qu'aient pu se trouver, dans les premieres epoques dela creation animale, ces pachydermesqui semblent avoir ete remplaces en partie, sur notre globe, par des herbivores ge- neralement plus utiles a l'homme, il ne reste peut-etre guere d'es- poir aux paleontologistes de nos contrees d'ajouter beaucoup de nouveaux genres a ceux si nombreux tires de leurs tombeaux na- turels par la savante necromancie de Cuvier. Toutefois, il setrouve quelques restes d'un pachyderme a peu pres inconnu dans Jes se- diments tertiaires du bassin de l'Allier. Ce fut un contemporain de ces animaux fossiles de toute classe , dont Tun de nous signala , en 1824, les premiers ossements, et qui out rendu peu a peu , par des exhumations successives, les vallees de 1'Auvergne aussi inte- ressantes pour le paleontologiste , que Test , pour les geologues , le spectacle classique de ses volcans eteints. Le pachyderme qui fait le sujetdela presente notice nous parait etre lememeque celui dont M. GeofFroy-St-Hilaire a signale l'exis- tencedans la Revue encyclope'dique{\%b'5\ etdont il a propose de faireun sous-genre, avec le nom d'anoploterium laticurvatum, en PREMIERE SECTION. 391 regardant aussicomme possible d'en constituerun genrea partsous le nom de ciclognatus. Mais ce savant ne connaissait alors que quelques fragments d'une machoire iuferieure , et cette donnee trop incomplete ne lui avait pas permis d'arriver aux caracteres les plus generiques dans 1 animal dont il s'agit. Nous avons l'honneur de vous presenter plusieurs fragments de la tcte de ce mammifere, tires des gites de Perrier, Cournon, Cliaptuzat et Gannat^ recueillis successivement par Tun de nous. Dans ces fragments, 1 elevation du condyle au-dessus des dents inferieures, les tubercules de la couronne des molaires, la pre- sence des canines et incisives superieures, signalent, au premier regard, un animal place a cote des petits palceotheriums, anoplo- theriums, lophiodons , c'est-a-dire un de ces pachydermes pyg- mees qui ne semblent plus represented aujourd'hui , dans le regne animal, que par les damans de l'Arabie et du Cap. La longueur de la serie dentaire ne depasseguere, en effet, dans la plupart de oos fragments, om,o4. La machoire superieure etait armee , de chaque cote , de trois incisives, une canine et sept molaires; le tout en serie continue, comme dans ce genre anoplotherium qui parait avoir ete si re- pandu sur le sol qu'occupe aujourd'hui la France. Mais, malgre ce rapprochement important, un autre caractere generique de l'anoplotherium , celui que Cuvier, en le decouvrant, a voulu sceller dans son nom meme, c'est-a-dire la faiblesse des canines reduites au niveau des molaires, ce caractere negatif ne se trouve point chez notre pachyderme, qu'on nesaurait appeler, sous ce rapport, un animal sans armes. Chez lui , en effet, les canines depassent la ligne formee par les pointes des molaires, et elles sont armees d'une petite haste un peu recourbee a leur sommet. D'un autre cote, l'incisive la plus rapprochee de la ligne me- diane deborde encore plus sur la canine elle-meme, que celle-ci sur les molaires. Elle s'abaisse verticalement, en presentant en avant un peu de convexite, et ressemble a une incisive de ron- geur. Quant aux deux autres incisives, elles etaient probablement 392 MEMOIRES ET PIECES , intermediaires par leur dimension comme par leur position a l'e- gard des precedenles. Ce developpement des dents anterieures et superieures dans notre pachyderme, est un trait fort remarquable et caracteristique a nos yeux, surtout quand on I'oppose aux autres traits qui sem- blent lier ce meme animal a l'anoplothere , dont le bout du mu- seau est organise d'une maniere difFerente. Les sept molaires su- perieures se divisent en trois groupes, dont deux avant-molaires comprimees lateralement, un peu trilobees et assez tranchantes , comme paraissent letre celles de l'Adapis , d'apres l'ouvrage de M. Cuvier. Ces avant-molaires sont pourvues de deux racines. Elles sont suivies de deux dents intermediaires, par leur forme comme sur leur situation , entre le type precedent et celui sur lequel sont formes les arrieres-molaires. L'une d'elles , l'anterieure, a de plus que ses avant-molaires un tubereule interne qui prete a sa couronne une forme un peu triangulaire. Dans la suivante, ce contour triangulaire semble avoir ete comprime d'avant en ar- riere, de facon a presenter l'aspect d'un prisme couche transver- salement et taille sur son arete saillante en deux tubercules pyra- midesjplus un troisieme externefort accessoire. Gette quatrieme molaire est en quelque sorte la moitie d'une des trois suivantes, a la forme desquelies sa propre forme fait passer par une progres- sion simple. Ces dernieres vraies molaires sont organisees sur un type commun. Leur couronne est a peu pres carree. Elle presente a la surface deux prismes couches en travers, et qui convergent neanmoins un peu vers l'interieur de la machoire. De ce cote , leurs extremites sont meme reunies dans un bord legerement con- tourne, et reposent sur une racine commune fort large, tandis qua l'extremite opposee , c'est-a-dire externe , les prismes s'ap- puient cliacun sur une racine propre. Au fond, la composition des couronnes de ces arrieres-molaires est tiree d'elements a peu pres pareils a ceux qui sont disposes a la surface des dents correspondantes chez plusieurs autres pachy- dermes, tels que l'anoplotherium, le chceropotum, Tanthraco- therium. Mais l'ordredans lequel sont ranges ces elements est dif- ferent ou pour mieux dire inverse. Ainsi, dans les pachydermes que PREMIERE SECTION. 393 nous venons de rappeler, le prisrae anterieur est divise en trois petites pyraraides, tandis que le prisme posterieur n'offre que deux pointesbien marquees, la troisiemeetant rudimentaire. Ici, c'est le contraire, et le prisme posterieur repond au prisme ante- rieur dans les molaires des autres pachydermes , en comparaison et reciproquement. Ainsi , une dent du nouveau fossile est en quelque sorte une des autres dents plantee a rebours. On voit dans l'un de nos fragments une portion assez conside- rable du front pour pouvoir apprecier sa forme bombee d'une facon assez elegante. Les os du nezne sont point disposes de maniere a avoir pu ser- vir de point d'attaclie a une trompe. lis offrent dans leur milieu une depression longiludinale qui a son origine entre les frontaux, et qui partage d'une ma- niere gracieuse le museau , d'ailleurs un peu cambre dans son profit. La macboire inferieure nous offre encore une sorte de probleme relatif a la composition de la serie dentaire. Dans les fragments que nous avons l'lionneur de mettre sous vos yeux , on ne voit en place que les six dernieres molaires et les deux incisives les plus rapprocbees de la symphyse. Entre celles-ci et celles-la , sont deux alveoles que nous supposons avoir ete rem- plies par une canine et une incisive > ce qui rendrait la formule dentaire inegale dans ses deux termes. On voit que toutes ces dents sont en serie continue. Bien plus , les trois incisives, si notre conjecture precedente est juste, au- raient en quelque sorte chevauche entr'tlles, celle qui manque ayant son alveole a cote et en debors des deux existantes qui sont presque superposees Tune a l'autre. Les incisives sont, du reste, couchees a peu pres comme dans le daman et le cocbon, ce qui leurpermettait de coincider avec le recourbement des incisives superieures sous un angle d'environ 1 35°, Cette disposition des incisives den bas rend l'os qui les porte plus court que la macboire superieure. Les molaires inferieures en place sont lateralement beaucoup 394 MEM01RES ET PIECES, plus etroites que celles d'en haut, difference qui s'observe auss/ chez d'autres pachydermes , a divers degres. Les premieres ressembtent aux eorrespondantes d'en haut. On voit leur forme s'elargir dans celles qui leur suecedent, jusqu'aux trois dernieres , dont la coupe, vue en dessus, offre deux triangles a cote Tun de l'autre , ayant leurs bases a peu pres sur une merae ligne vers le dedans de la machoire, mais laissant entr'eux un petit angle ouvert en dehors. A chaque coindes triangles correspond une asperite sur la cou- ronne ; I'arriere-molaire a un lobe supplementaire com me dans les palceotheres , anoplotheres , anthracotheres. II importe d' ob- server que les asperites de ces molairessont beaucoup plus elevees en dedans qu'en dehors. II en est de meme de la base des dents , qui estposee obliquementdans lememe sens, ce qui donne plus de largeur a la branche maxillaire du cote interieur que du cote exterieur. Cette obliquite de la surface de trituration dans les machelieres rnferieures, par rapport au plan de l'os qui les supporte, la forme generale de ces memes dents , celle du devant du crane, sauf le sillon median ci-dessus mentionne, rappellent un peu le chevrc*- tain, transition entre les pachydermes et les ruminants, dont nous montrerons des signes plus particuliers dans le nouveau genre fos- sile. Le condyle est tres-f leve ; quoiqu'un peu endommage , nous avons pu reconnaitre dans le fragment ci-joint sa forme transver- sale; il est place obliquement, un peu comme dans les ruminants, mais il est plus fort et plus arrondi que chez les animaux de cet ordre. L'apophyse coronoide est aussi renversee en arriere par un nou- veau rapport avec les ruminants. L'angle de la machoire offre un contour arrondi tout parti cu- lier, quoique n'ayant pas la forme epaisse qui se voit chez le daman. Cette partie de la machoire nous a paru plus renflee que dans la plupart des pachydermes. L'arc interieur quelle dessine constitue, sur le bord parotidien de la branche montante, une sorte de talon releve a angle aigu, et par consequent plus prononce PREMIERE SECTION. 395 que la saillie correspondante chez l'anopiotherium commun , le tapir, le rhinoceros unicorne. Sur lebord interieur de la branche maxillaire , le contour se termine par une saillie ordonnee, pour ainsi dire, symetriquement par rapport a la premiere, mais d'une forme plus obtuse que celle-ci. Ce talus sur le bord inferieur de la machoire est plus fort que le correspondant dans le cheval ou le rhinoceros unicorne, mais n'est pas comparable a l'apophyse con- siderable qui se voit a la meme place dans le squelette de l'hippo- potame. Nous venons d'envisager Tangle de la machoire de notre pachy- derme dans ses rapports avec l'osteologie des animaux du meme ordre. Cet angle se trouve chez certains rongeurs ; mais il est peut- etre aussi l'objet d'une comparaison interessante pour ce qui con- cerne son rebord sur le cote parotidien. II est en effet des ruminants qui ont cette apophyse bien plus marquee que notre pachyderme. Ce sont les especes de la famille camelienne. Et ces memes animaux ont aussi, par une singuliere coincidence, des canines qui les detachent du groupedes ruminants ! lis ont un condyle intermediate par sa convexite entre celui des ruminants et celui des pachydermes ! M. Cuvier a signale une transition analogue de l'anopiotherium au chameau, en faisant observer que « le chameau lui-meme s'e- « carte assez des ruminants par ses incisives, ses nombreuses ca- rt nines, un os de plus au tarse, une autre nature de sabots, et « meme par quelques differences dans la forme de l'estomac. » Par ces rapports communs de I'anoplothere et de notre pachy- derme avec un ordre different du leur , se trouve confirme de nouveau ce que nous avons enonce plus haut sur l'aifinite res- pective des deux genres , affinite qui les a long-temps fait con- fond re. Cependant, comme place ainsi en regard de l'anopiotherium , notre pachyderme s'en separe a cause d'un caraclere oppose a celu dont l'anopiotherium a tire son nom , et qu'il a au contraire , du moins dans sa machoire superieure, des canines et des incisives relativement tres-developpees ; nous avons cru que le nom d'oplo- 396 MEA10IRES ET PIECES , therium pourrait exprimer naturellement et par une antithese fort simple , sa juxta-position a l'anoplotherium et sa dissem- blance d'avec lui. Du reste , apres avoir etudie et cherche a bien apprecier le type commun dont nous avons cru reconnaitre l'empreinte dans nos fragments fossiles, nous serions loin de pouvoir affirmer l'identite des especes dont ils proviennent. Au contraire , sans vouloir attaclier des a present une grande importance a la distinction des especes d'un genre nouveau, nous observons cependant que deux de nos portions de machoires ac- cusentdes dimensions moindres que toutes les autres. II seraifc* dira-t-on , possible que la difference d'age ou de sexe fut la cause de celle que Ton observe dans ces dimensions; mais elle ne saurait rendre raison de celle tres-notable qui existe dans la lar- geur des branches maxillaires. Nous n'hesitons done pas a la si- gnaler comme se rapportant a deux especes d'oplotherium , a Tune desquelles, sous le nom de laticurvatum , propose par M. Geof- froy-St-Hilaire, nous rattacherons les echantillons les plus forts, tandis que nous laisserons tous les autres, du moins provisoire- ment,reunis dans la seconde, sous le nom d'oplotherium lepto- gnatum. Ces derniers fragments , il est bon de l'observer, pro- viennent tous du gite de Chaptuzat, et d'un meme banc de calcaire tertiaire. Nous sommes heureux d'avoir a faire connaitre aux naturalistes reunis dans la capitale de l'Auvergneplusqu'une espece, un genre nouveau etjusqu'ici propre a notre contree. G'est,nous lecroyons, une addition assez importante a la collection des animaux fossiles tres-improprement appeles antediluviens , et un indice nouveau del'immensevarietedes types zoologiques realises dans les periodes anle-humaines . Nous terminerons cette notice par la formule abregee du nou- veau genre que nous vous proposons, Messieurs; PREMIERE SECTION. 397 ORDRE DES PACHYDERMES. Genre oplotherium. Caracteres. — Denis en serie continue. Canines et incisives moyennes sureminentes par rapport aux molaires dans la machoire superieure. Disposition des croissants sur les couronnes des arrieres-mo- laires superieures exactement inverse de celle des pachydermes qui ont des couronnes composees d'elements analogues. Angle de la machoire inferieure constituepar un contour circu- laire en saillie sur les deux branches. Sillon sur la ligne moyenne du front et du nez. Formule dentaire (en partie presumee pour la machoire infe- Mol. J Canines { Inc. |. Deux especes connues : Oplotherium laticurvatum. Oplotherium leptognathum. 398 MEMOIRES ET PIECES, RECHERCHES SUR ET SUR LE ROLE QU'ELLES ONT REMPLI A DIVERSES EPOQUES GEOLOGIQUES", PAR U. LEGOQ, PROFESSEUR DES SCIENCES NATURELLES DE LA VILLE DE CLERMONT SECRETAIRE GENERAL DU CONGUES. Les eaux thermales sont un des phenomenes les plus generaux de L'epoque geologique actuelle ; il n'y a pas une coutree d'une certaine etendue qui n'ait ses sources d'eau chaude, et Ton est biea loin de conaaitre toutes ceiles qui existent a la surface du globe. Toutes ces eaux ont des caracteres communs qui les reunissent , etquelques autres particuliers qui lesdift'erencient ; mais, en gene- ral , ce sont des eaux chaudes dont le volume et la temperature semblent constants, et qui tiennent en dissolution des matieres PREMIERE SECTION. 399 salines et gazeuses, et une substance qui parait appartenir au regne organique. Quant ces eaux arrivent a la surface du sol , elles sont lirapides et transparentes, et presque toutes laissent echapper une certaine quantite d'acide carbonique , qui tenait en dissolution parfaite quelques principes solubles qui sortent avec elles. Bientot apres, un depot plus ou nioins abondant se forme sur leur passage, et Ton reconnait principalement dans ses depots du sous- carbonate de chaux, de 1'oxide de fer , du carbonate de magnesie , et de la matiere organique qui se trouve entrainee par les matieres insolubles qui se precipitent. Lorsque nous comparons ces creations nouvelles , que les eaux minerales forment sous nos yeux , avec les differents terrains de sediment , nous sommes frappes de 1'analogie que nous presentent les couches d ages differents. Tout en remarquant que les grandes assises sedimenteuses contiennent une grande quantite de debris organiques , et qu'elles ont ete evidemmeut deposees sous les eaux , nous ne pouvons contester cependant qu'une action chimi- que puissante n'ait agi pendant ce depot, et cette action ne peut etre autre que celle des sources minerales. Des eaux excessi- vement abondantes et saturees de differents principes, affluaient continuellement de l'interieur a la surface de la terre ; d'immen- ses depots s'operaient a l'aide d'une temperature elevee , et la vie organique, excitee a la fois par la temperature et par l'humidite, se developpait sous des formes varices qui nous sont maintenant inconnues. Le phenomene des eaux minerales semble avoir joue un role extremement important dans la structure de la terre ; et, loin de croire que les eaux puisent dans les terrains qu'elles traversent les materiaux qu'elles deposent, il faut, au contraire, admettre que tous les terrains ont ete deposes par elles, et qu'elles en ont puise les materiaux au-dessous des roches cristallisees qui forment maintenant la croiite solide de la terre. Dans cette circonstance, comme dans plusieurs autres, nous n'aurions plus, a 1'epoque actuelle, qu'une faible manifestation 400 MEM01RES ET PIECES, d'une action qui fat autrefois assez puissante pour participer a la creation.de tous les terrains de sediment. Nous voyons, en efFet, les sources minerales diminuer tous les jours; nous trouvons, sur plusieurs points de la terre, des masses de travertin dont l'origine est evidente pour nous, et dont la source est tarie, ou bien , si elle coule encore, elle ne depose plus rien, ou n'abandonne a la longue qu'une couche mince et limitee de carbonate de chaux. A peine si quelques cristaux d'arragonite se forment sous nos yeux, tandis que des couches epaisses gisent au milieu des calcaires deposes par les eaux. La silice n'existe plus que dans les Geisers, car les autres sources en renferment de si petites quantites , qu'il est impossible qu'elles puissent former des concretions, tandis que d'anciens travertins en sont penetres au point de ne plus faire effervescence avec les acides, ou bien cette matiere (la silice) s'est rassemblee en masses globuleuses, et reste empatee sous forme de quartz resinite au milieu des cal- caires impregnes de natron ou carbonate de soude ; la source des Celestins , a Vichy, sort d'un enorme rocher calcaire qu'elle a forme, et toute la ville est construite sur le depot des eaux , tan- dis que les fontaines actuelles ne fournissent qu'une faible pro- portion de cette 'substance. Du reste, tout nous porte a croire que les eaux minerales ont change plusieurs fois de nature, et qu'elles ont verse autrefois en abondance des matieres qu'elles necontiennent plus aujourd'hui; et ce ne sont pas la des hypotheses gratuites, ce sont des theories positives etablies seulement pour l'explication des faits. II suffit, pour sen convaincre, de jeter les yeux sur le travail remarquable que M. Girardin a publie sur les sources et les travertins de Saint- Alyre. Ce savant chimiste a recherche la nature du travertin qui se depose actuellement, et de celui qui a forme, il y a quelques siecles, le fameux Pont de Pierre, et malgre le court intervalle qui separe ces deux epoques, il a dejatrouve une difference tres- notable dans les proportions. L'ancien depot contient une bien plus grande quantite de silice et de carbonate calcaire , et beau- coup moins de peroxide de fer. « Nous devons en conclure, dit M. Girardin, que la composi- PREMIERE SECTION. 401 tion des eaux de cette fontaine n'a pas toujours ete la raeme ; qu'a l'epoque ou elles avaient une propriete incrustante si prononcee, elles etaientbeaucoup plus riches en sels calcaires et en silice, et qu'a rhesure que cette propriete s'est affaiblie, elles ont perdu peu a peu de ces principes, en raeme temps qu'elles s'enrichis- saient en peroxide de fer. » Beaucoup de sources thermales ont, comrae St-Alyre , eprouve des changements notables dans la constitution chimique de leurs eaux, etsubi une diminution dans la proportion de leurs princi- pes mineraux. Ainsi, les eaux de Saint-lNectaire, de Vichy , du Mont-Dore, n'ont plus la meme richesse en substances minerales qu'autrefois , et leur composition n'est plus la meme qu'a l'epoque ou elles formaient ces immenses depots siliceux etarragonitiferes qu'on trouve aux environs des lieux d'ou elles sourdent. Les eaux du Mont - Dore deposaient jadis des masses assez consi- derables de silice ; c'est a peine si elles en abandonnent aujour- d'hui. Les eaux de Saint- Nectaire ont forme de l'arragonite, puis dela silice, puis des amas d'ocre tres-friabje , puis du travertin qu'elles deposent encore. Ce n'est pas un des phenomenes les moins curieux que cet ap- pauvrissement successif en principes salins , et surtout en silice, de la plupart des eaux minerales. Sa Constance indique assez qu'ii est lie a quelque grande cause, dont Taction a ete progressivement modifiee et affaiblie; cause qui n'est autre, sans doute , que la chaleur; car il est bien constant, au moins pour la majeure partie des sources de l'Auvergne, que la temperature a sensiblement diminue. On coccoit parfaitement que le volume et la chaleur de ces fontaines s'affaiblissant graduellement , leur richesse en subs- tances minerales, surtout en substances peu solubles, a du suivre la meme progression descendante. II suffit d'admettre le refroidissement graduel du globe, pour se rendreraison de ces singulieres differences. Car si nous supposons que la surface d'action ou se produisent les eaux minerales, est precisement le point ou s'opere la combinaison des matieres non oxigenees de l'interieur du globe , avec l'oxigene ou l'air atmosphe- rique qui peut y penetrer, nous verrons de suite que cette sur- 402 MEMOIRES ET PIECES, face, d'abord tout-k-fait exterieure, s'est rapidement enfoncee , €t qu'elle doit s'enfoncer encore, qtioique tres-lentement. Nous concevons, par la meme raison, que plus elle etait rapprochee de l'exterieur de la terre, plus les communications etaient faciles, et pour Introduction de l'air , et pour remission de l'eau char- gee de differentes matieres. Des-lors, les sources devaient etre plus abondantes, plus nombreuses et plus chargees qu'elles ne le sont aujourdhui. Mais a inesure que la surface d'action s'est eloignee, les communications plus difficiles, des reactions moins intenses ont necessairement affaibli ces phenomenes , dont la puis- sance diminue tous les jours. La temperature des sources a du s'a- baisser graduellement, a mesure que les conduits qu'elles avaient a traverser se sont allonges; car ceax-ci commencent au point cVaclion interieure, et s'ouvrent a la surface , en sorte qu'ils doi- vent augmenter de longueur, a mesure que leur point d'origine s'eloigne du point de sortie; des-lors, la temperature doit dimi- nuer, cotnme l'a tres-bien observe M. Boussingault, en comparant trois sources assez rapprochees , et dont le point de depart doit ttre sensiblement le meme; tandis que l'ouverture arrive a des niveaux differents , et donne precisement une temperature en rap- port avec cette difference. On concoit parfaitement aussi que ces eaux aient change de nature, car les differentes matieres qui forment le noyau du globe, ont du se disposer par couches , selon leur pesanteur spe- cifique, et le silicium et quelques autres elements legers, com- parativement aux autres, ontdu gagner la surface, et la terre doit etre ainsi formee de couches superposees , qui, toutes, jusqu'a une certaine profondeur, ont ete successivement traversees par cette ligne d'action, jusqu'a ce qu'elle ait atteint le niveau ou elle est actuellement. Alors chaque zone, en s'oxidant, a donne naissance a des corps particuliers, que les eaux ont amenes au jour a des epoques differentes. Et si ies zones interieures qui composent le noyau du globe, s'etaient placees par couches d'egale epaisseur, on pourrait, jusqu'a un certain point, reconnaitre le plus ou moins de profondeur de la surface d'action, par la nature du depot des sources. II est tres-probable cependant que jamais on PREMIERE SECTION. 403 ne pourra acquerir ces connaissances , car les nombreuses frac- tures qui existent dans lecorce du globe peuvent avoir eu une influence marquee sur l'acces del'air dans l'interieur, et, par con- sequent, sur l'epaisseur de la couehe solidifiee. Nous pouvons done com prendre a present toute l'importance de ce phenomene geologique , et remission si abondante des sour- ces thermales dans les premiers temps de la creation. (Test a elles qu'il faut rapporter ces couches immenses de cal- caires qui se deposerent dans les premieres depressions des ter- rains cristallises, qui se melerent comme ciment a plusieurs ro- ches mecauiquement formees. G'est a la meme cause qu'il faut attribuer ces puissants depots de craie, avec la multitude de rognons siliceux qui s'y sont deposes , et plus tardla repetition de ce meme phenomene , lors du sediment des marnes et de leurs menilites. EnGn, en se rapprochant encore de l'epoque actuelle, on ne peut leur contester ces nombreuses concretions qui , dans le centre de la France , se sont moulees autour des masses de phryganes, ni ces nombreux travertins que nous voyons naitre sous nos yeux. Les divers amas de fer hydroxide ont ete produits par les sources, dont plusieurs deposent encore aujourd'hui une grande quantite d'ocre jaune. Le bitume , une partie des quartz, des calcedoines, et une foule de mineraux, n'ontd'autre origine que celle qui nous occupe maintenant. G'est encore aux eaux minerales qu'il faut rapporter en partie les depots de sel gemme, la salure des mers, la formation du gypse, et peut-etre cette quantite d'acide carbonique qui , selon toute apparence , a long- temps vicie notre atmosphere, et que la vegetation a transforme en couches de houille. II y a sans doute aussi des filons qui doi- vent naissance aux eaux , et qui ne sont autre chose que les fen- tes remplies qui les mettaient en communication avec l'exterieur du sol. r Si nous connaissions bien la pesanteur speciiique des metaux des terres , si nous possedions leurs caracteres comme nous con- naissons ceux de la plupart des autres metaux , il est bien proba- ble que nous arriverions a des consequences geologiques fort im- portantes , en comparant ces caracteres aux depots que les eaux ont abandon nes a des epoques differentes. 404 MEM01RES ET PIECES, Les eaux minerales ont eu aussi autrefois la plus grande in- fluence sur la vie organique. Leur temperature a certainement favorise le developpement de nombreux corps vivants , que nous ne connaissons que par leurs depouilles; l'acide carbonique qu'elles ont verse dans Tatmosphere , a du contribuera cette prompte et vigoureuse vegetation des grands vegelaux monocotyledohes , en meme temps qu'il s'est oppose a l'apparition trop prompte d'ani- maux a poumons parfaits, qui , selon toutes apparences, n'ont ete crees qu'apres l'epuration de l'air qu'ils devaient respirer. Que Ton compare ces grands resultats auxfaibles efl'ets des eaux thermalesactuelles, on restera convaincu de leur analogie, et en meme temps de l'impuissance des causes actuelles, si nous refu- sons de reconnaitre qu'elles se sont afFaiblies et presqu'aneanties. D'apres cette maniere d'envisager les sources minerales , elles doivent finir par s'eteindre; leur temperature et leur volume doi- vent graduellement s'afFaiblir. Aucune donnee positive, aucune experience irrecusable n'autorise pourtant cette prevision. II nous manque des observations precises sur nos sources thermales, ou du moins , celles qui ont ete faites avec les soins convenables sont tellement isolees et si rapprocliees de notre epoque, que nous ne pouvons en tirer aucune consequence. Notre existence est si courte et les cbangements sont si lents, que c'est en observant avec precision toutes les sources d'une contree, que Ton pent jusqu'a present se rendre compte des modifications que chacune d'elles peut eprouver. Ce que nous venons de dire des eaux minerales , nous prouve qu'il y a encore dans la nature des forces agissantes dont tous les effets doivent etre soigneusement etudies. Celui qui l'etudie doit s'occuper des plus faibles actions; car, pour l'histoire du globe, c'est l'analogie qui doit principalement nous servir de guide. On est revenu maintenant de ces grands calaclysmes auxquels on sup- posait que la terre avait ete soumise; on ne cherche plus ces chocs re cometes, ni toutes ces causes presumees de vastes inon- dations et de cbangements declimats. On pense que notre planete contient en elle-meme le principe et la cause des nombreux cban- gements qui s'y sont operes. En reculant dans l'ordre chronolo- PUEMrERE SECTION. 405 gique des reactions qui s'y manifestent encore de nos jours, en augmentant leur inlensite, on trouve naturellemcnt Implication Pour quelles cspeces de re'coltes reserve-t-on les fumiers ? Pour toutes, mais particulierement pour le froment, seigle et chanvre. Combien d'annc'es une piece de ierre resle-t-elle sans reccvoir defumier ? Dans la partie limagneuse, elle reste cinqans; dans la partie a mi-coteau, on fume tons les ans, et quelquefois pour lesrecoltes du printemps,et pour celles d'hiver : mais les fumures sont lege- res; la terre de cette partie du departement est legere, et elle ne comporterait pas les fortes fumures des pays bas. La montagne ne fume que tous les trois ans, et ton jours sur le seigle ; elle ne fume pas les avoines; quelquefois les pommes do terre ; le fumier leur donne mauvais gout , mais les fait prod u ire davantage : le pacage y est un grand moyen du fumage. Quelle condition faut-il pour quune basse-cour soil bonne a fair e le fumier ? II faut qu'elle soit bien pavee, et en pente du cote du fumier, qui doit etre dans une excavation , pour conserver Thumidite et les sues du fumier. Quels sont les causes qui empechent une ferme de fournir assez defumier pour son usage ? C'est qu'a defaut de fourrages on fait manger la paille : l'e- tablissement en grand de prairies artificielles , en rapport avec l'etendue et les besoins de la ferme , est le seul moyen de parer a cet inconvenient : le departement est en arriere a cet egard. Faiton usage des re'colles en verd pour fumage ? Dans une grande partie de la Limagne, on enfouit les recoltes en verd , et on s'en trouve bien : cette methode est adoptee pres- que partout dans le pays bas ; la montagne ne la connait pas. Quelle est la regie pour Vemploi des fumiers , entre le fer- mier sorlant et lefermier entrant ? Ordinairement , a Tentree d'un fermier dans un bien, il est dresse proces-verbal des quantites de terre qu'il recoit ensemen- cees; il doit en laisser le meme nombre en sortant : tous les fu- miers de la cour restent au domaine. II n'est pas d'usage que le fermier sortant en emporte. DEUXIEME SECTION. 43? CHAUX. L'emploi de la chaux, dans le departement du Puy-de-D6me, ti'est pas en usage. BLE. Quelles souths varie'tesde ble qu'on cullive dans h departe- ment du Puy-de-Dome? Le ble barbu , dans les parties a mi-coteau, et exposees aux vents : eette espece se defend mieux ; la plaine prefere le ble sans barbes, Le ble d'Odessa y prend faveur, ainsi que le rouge du Milanais; ce dernier est recherche pour les pates, la semoule , le vermi- celle et autres ; il graine beaucoup, mais les gelees et le verse- ment l'exposent souvent. La nature du sol influe sur le choix de la variete du ble : il faut au fVoment rouge un tei re tres-substancielle. Fail-on subir au ble une preparation avant la seme/ice? On chaule la semence avec la chaux vive , ou le sulfate de cui- vre, pour la preserver de la carie, et cela ne la preserve pas to uj ours. Quelle quantite de ble emploie-t-on pour semer un hectare ? Dans le pays fort, deux hectolitres; danj le pays moyen , un hectolitre et demi. Seme-t-on le ble avant ou apres la derniere airure ? Toujours avant la derniere airure. Le ble se seme presque par- tout a la raie , et il ne peut lelre qu'au dernier labour, pour re- couvrir la semence, il n'est pas d'usage de se servir de la herse pour cette operation. II y a ccpendant avantage , j'en ai l'expe- rience ; je couvre souvent mes senjenees par ce moyen. L'ensemencement du ble se fait sur la fin d'octobre dans la partie moyenne, en septembre dans la montagne, et souvent en novembre dans la partie basse du departement. Seme-t-on le ble niele avec le seigle ? Generalement, non ; mais cependant quelques parliculiers le font et sen trouvent bien. J'ai lexperience que souvent les pro*- doits oat plus de valeur. Quelle cause Jail dc'ge'ne'rer le ble de semence ? 31 438 MEMOIRES ET PIECES, Four conserver la purete du ble, il faut changer de semence tous les trois ans. Elle degenere ordinairement plustard. Quel moyen emploie-t-on pour conserver de bonne semence? On la choisitdans les bles les plusmiirs et demeilleure qualite. Et si Ton n'a pas dans son cru de beau grain, et surtout s'il s'y trouve du ble carie , il faut la prendre en bon pays et de gens de confiance. II est rare que 1'on soit bien servi au inarche public. Est-ilplus avantageux defumer sur le ble que sur la recolle qui le precede ? L'usage du pays est de funier sur le ble ; il est reconnu que la furaure, sur la recolte qui precede, est plus avantageuse sous le rapport des mauvaises lierbes. Quelles sont les maladies qui attaquent les bles? La carie pour le froment, l'ergot pour le seigle. II serait bien a desirer que Ton connut un moyen sur contre cettc maladie ; elle fait beaucoup de mal. Quelles sont les plantes qui nuisent le plus aux recolles ? Le chiendent, le chardon, le bleuet, le coquelicot, le liseron et le vesceron. On est dans l'usage de faire sarcler les bles ; c'est ordinairement de la derniere quinzaine d'avril a la premiere de mai. On lie le ble avec la paille. Quelle est la grosseur d'une gerbe? De trois pieds a trois pieds et demi de tour. Dans la plus grande partie du departement , on les met en plongeons de trois a quatre cents gerbes , apres les avoir bien lais- sees secher. Le marais ne plongeonne pas ; mais le pays de coteau et la montagne plongeonnent toujours, et ne rentrent lesrecoltes qu'ua mois apres la fin de la cueillette. Combien en coilte-t-il, an'te'e commune, pour couper un hec- tare de ble' avec ou sans la nourriiure? L'hectare a 2,600 toises ; il faut, pour le moissonner, 8 francs en nourrissant. Combien un hectare de bonne terre doit-il donner de gerbes ou de ble? 2,600 toises , ou l'hectare de bonne terre , peuvent donner 18 DEUXIEME SECTION. 439 hectolitres. C'est a six setiers da pays par 1,000 toises; il y a sou- vent plus. AvomE. Quelles sont les varie'te's d'avoine que Von cultive dans le de- par tement? La grosse avoine bianche , la rouge et la grise , dans la Limagne; et la petite avoine, dans la montagne ; la grosse commence a s'y introduire. Quelle est In nature du sol ou Von cultive de preference l'a- voine ? la fume- 1- on ? On ne fait aucune difference du sol dans la montagne ou cette culture est tres-suivie, l'avoine succedant toujours au seigle; il est a remarquer cependant qu'elle prospere mieux dans les ter- rains frais et nouvellement defriches. On spme ordinairement l'avoine, en Limagne, dans le mois de mars ; la partie montagneuse la seme beaucoup plus tard , aprt's deux labours. On ne fume pas la terre pour l'avoine, Combien faut-il d'avoine pour ensemencer un hectare? Cinq hectolitres en petite avoine, dite pied de mouche; il en laut moins de grosse avoine, et surtout dans les bonnes terres ; elle drageonne plus et garnit mieux la terre. L'avoine vient, dans I'assolement triennal de la montagne, tou- jours apres le seigle. L'introdnction de quelques autres plantes, telles que sarrazin , pommes de terre et pois , a change cette mar- che dans quelques pays de montagne. L'avoine e'puise-t-elle moins la terre que Vorge? L'orge passe pour I'epuiser davantage. Quelques person nes pensent autrement. II n'y a rien de bien cxperimente a cet egard. On attend toujours la maturite de l'avoine pour la faucher; on la laisse huit a dix jours en javelle en montagne; elle est beau- coup mieux battue alors. L'avoine fait une partie des produils de la montagne, et est toujours vendue, a quelques reserves pre% pour l'usage de la ferine. 440 MEMOIRES ET PIECES, Quelle quantitt d avoine un hectarede terre produit-il annee commune ? Une terre , de bonne qualite , pent produire de vingt a vingt- cinq hectolitres par hectare; le prix de l'avoine est ordinairement comrae huit est a vingl. PRAIRIES ARTIFICIELLES. TREFLE VIVACE. De quelle nature sont les sols qui conviennent le mieux a la culture du trefle ? Le trefle vient partout par le moyen du platre; mais il prospere mieux dans la terre fraiche. II est loin de donner d'aussi bons pro- duits dans les terrains arides; on le fume en mars, avril et mai; il faut vingt-cinq livres de graines pour un hectare. Les gelees et les insectes le font quelquefois manquer. On seme le trefle dans l'a- voine, l'orge, sur le seigle, sans le recouvrir, on sur le froment, apres le travail du printemps. On le laisse subsister pendant un ou deux ans; on le coupe deux fois, souvent trois en bonne terre et par le secours du platre , qui en double les produits ; la secoude coupe est reservee pour la graine. Le trefle convient mieux aux betes a cornes qu'aux chevaux, qu'il relache trop ; on le donne aux vaches. On ne le fait pas manger sur place , mais sec et dans l'ecurie ; sur place , il y a danger de meteoriser. Le trefle fauche e'puise-t-il plus la terre que lorsquil est mange dans le champ? II doit y avoir peu de difference a cet egard, ou, s'il y en a , elle tient aux excrements des animaux qui paissent sur le champ. La culture du trefle convient mieux a la terre , en ce qu'il entre mieux dans les assolements , ayant une duree plus en rapport avec eux. Quel est le produit du trefle platre"? Le produit du trefle est subordonne au sol et au platrage : le platre double souvent les produits , qui sont ordinairement de einq milliers par mille toises pour la premiere coupe , et quelque DEUXIEME SECTION. 441 chose de moins pour la seconde. II y a peu de difference dans les produitsdes deux coupes quand la terreest favorable. On le cul- tive ordinaireraent pour les bestiaux de la ferme. BETES A CORNES. II a ete repondu. ARBRES. Les pommiers sonl-ils un produit important pour le pays? Les pommiers sont fort importants pour la partie basse et pour la moyenne de la Limagne ; la montagne n'en a pas ; ils sont des- tines en grande partie au commerce de Paris. La plus grande par- tie des prairies de la moyenne et basse Limagne en sont plantees, et c'est la source d'un bon revenu , surtout quand les pommiers sont de bonne espece. Celles dont le commerce se charge sont la reinette, la Canada, l'api, labarbarie. On greffe le pommier apres deux ou trois ans de plantation ; dans le lieu qu'il doit occuper, a la hauteur de cinq pieds. La greffe se fait en fente. On fait rarement du cidre de la pomme et de la poire; ces fruits sont tous destines au couteau. Le poirier est destine au meme usage. Sa culture a beaucoup moins d'eten- due ; elle est peu l'objet de commerce etranger. BOIS. Ya-t-il des bois taillis et de haute futaie ? La haute montagne a assez de bois haute futaie; la moyenne a beaucoup plus de bois taillis. Les essences de ces bois sont le chene, le hetre et le bouleau. Les bordures des pres et des terres ont beaucoup de ces especes; deplus, des frenes et des ormeaux ; le feuillage du premier est un moyen de nourriture d'hiver pour les betes a laine. A quel age ame'nage-t-on les bois ? A dix ans. Que retire-t-on des taillis ? Dans la plus grande partie des pays eloignes des villes , on le reduit en charbon ; on en faitaussi des fagots, pour la boulangerie tl2 MEMOIRES ET PIECES, et l'usage des maisons, de quatre ou cinq pieds de hauteur sur trois de tour , dont le prix est de sept jusqu'a dix francs le cent conduit a la ville. Dans une partie de la montagne, on fait des cercles pour les tonneaux du taillis de bouleau ; on retire du tan de l'ecorce de chene. II s'en fait une grande consommation pour la tannerie. Les grandes forets de la partie basse du department sont celles de Randan et Lezoux, et celles d'Ambert. Quel parti tire-t-on du chene'? Bois de chauffage , de construction , lattes , les douves de ton- neaux. Quel parti tire-L-on du hetre? Des sabots , des attelles , des pelles, des montures de beche , de* coffrets et des ouvrages communs au tour. 1>E LA FERME. Combien faut-il d 'hectares de terre en labour pour composer unejerme? Les fermes, en general , sont peu en usage dans le departement. II y en a dans la Limagne , mais peu dans la partie haute et la moyenne. Les metairies et le colonage sont le mode le plus gene- ralement adopte. Les metairies se donnent de trois a six, a neuf ans. Elles sont ordinairement de quinze a vingt hectares; il est avan- tageux que la metairie ait des terres suffisantes au labour et pour la depaissance des bestiaux , jusqu'a ce qu'on ait adopte en grand les prairies naturelles. Les haies sur des masses de fosses sont-elles avantagcuscs dans lajerme? La Limagne a peu de haies autour des terres, mais des bordures de noyers; elles sont pour les pres; elles les defendent des bestiaux. La montagne en a aussi beaucoup pour cet objet. Celles qui sont autour des terres , ce qui n'est pas I'ordinaire , nuisent beaucoup aux recoltes; elles preservent, il est vrai , de Taction des vents, et quelquefois des orages. Le bien va chercher le mal et peut k «;ompenser. DEUXIEME SECTION. 443 Quelles sont les causes qui, a qualite e'gale de terrain , in- fluent sur le plus ou lemoins de valeur locative desfermes? he voisinage des bourgs et des villes, des grandes routes et des chemins vicinaux, et la facilite de se procurer des engrais. De combien de charrues le plus grand nombre desjermes du de'partement sont-elles compose'es ? Eq general, de deux a trois. II y en a qui vont jusqu'a cinq , mais c'est rare. On comprend par cheval le nombre des bestiaux labourants. Y a-t-il beaucoup de terres loue'es en detail? Won, en general, mais un certain nombre autour des villes et dans les marais ; on les afferme en nature ou en argent. Les bailments sont-ils disse'mine's ou sont-ils re'unis pour for- mer une cour? lis sout ordinairement reunis. Quels sont les bailments necessaires pour V exploitation d'une ferme ? Dans toutes les fermes , grandes et petites , on trouve une mai- son qui se compose d'une grande cuisine, evier, laiterie, grange, etable a vaches, etables a brebis, a pores, quelquefois etable par- ticuliere pour chevaux ; c'est rare. Rentre-t-on toutes les re'coltes dans des batiments ? Oui. Sur la vente de quelle production le cultivateur compte-t-il le plus pour payer ses avances, la rente de sa terre et aulres, ses imp 6 Is ? Sur le ble et grains ; vente des bestiaux , dans la montagne; le chanvre, dans la Limagne; sur le vin et lhuile, dans la partie moyenne ; la montagne a aussi le bois et la laine pour payer ses dettes. Quelles sont les productions qui sont reservees pour la con- sommalion et auires besoins de la ferme ? Le seigle, lesarrasin, la pomme de terre, l'avoine, pour la montagne; les pois, la partie moyenne et basse Limagne; le fro- ment , Forge, la pomme de terre, les fruits, la noix pour huile;. 444 MEMOIRES ET PIECES, le chenevis, pour le nieme objet ; la volaille et les ceufs sont une ressource pour ce pays, ainsi que le lait et ses produits. A quelle somme peuton e'valuerle mobilier d'un cultivateury metayer ou fermier , pour charger saferme et la cultiver avec aisancc ? Pour un fermier dune ferme de vingt hectares , il fautau moins 6,000 fr. ; du mobilier dans les metairies , une grande partie ap- partenant au maitre, et le metayer payant en nature ; il lui faut beaucoup moins d'avance : il suflit qu'il ait de la probite, de I'ae- tivite, et surtout qu'il n'aime pas trop le vin , pour que le maitre soit satisfait et en surete. Quelle est Uespece, Vage, le nombre des bestiaux et autres animaux ne'cessaires sur une ferme a" une e'tendue de'termine'e ? Metairie de vingt hectares: quatre vaches, quatre bceufs, de quatre a cinq ans; quatre eleves, une jument pouliniere, un pou- lain, deux pores , suffisent a la plupart des metairies de Limagne. II faut y ajouter une douzaine de brebis. Quelques domaines de montagne, a cause des grands parcours , comportent plus de betes a laine et font plus d'eleves de betes a cornes. Quel est le nombre de domestiques a gages que ne'cessUe une ferme d'un nombre de charrues determine'? Trois domestiques a labour, unberger, une servante. BAUX A FERME. Pour quel nombre d'annees les baux sont-ilsfaits leplus ha*- bituellement ? Pour trois , six et neuf ans. Le fermier entre ordinairement a la Saint-Martin ouau i5 mars. En metairie , le maitre prend la moitie des produits ; en ferme, on stipule en argent ou en ble. Quelles sont les faisanccs que le proprietaire exige ? Du beurre , des volailles , du fromage, et quelquefois de la laine, quand e'est en ferme. La volaille se donne a la Noel et le beurre enmai. Quelles sont les e'poques des payements dufermage? A. la Noel et au 9 mai, generalement. DEUXIEME SECTION. 445 Ordinairement , le metayer d'un domaine paye la moitie des- irupots; lefermierles paie souvent tous. Ilsentretiennent les con- verts en paille aux depens des recottes croissant sur la ferme. LAITERIES. Quelle est la distribution habituelle des laiteries en Auvergne ? Une chambre et une cave. Quelles sont les conditions les plus favorables pour les lai- teries ? Une temperature qui ne varie pas, un local frais et tres- propre. Quels sont les perfeclionnements apporte'es en Auvergne, de- puis dix anne'es, dans le regime des laiteries? — Quels re'sultats ees ameliorations ont-elles produits ? Aucuns. — Tout est a faire dans la Limagne, mais dans la Haute-Auvergne, on faisait a peine un quintal de fromage par vache,tandis qu'aujourd'hui le taux ordinaire est deux ; cela tient a ce qu'on nourr.it mieux en hiver, et que Ton s'attache plus aux bonnes especes. Quel soin donne-t-on au lait aussitot qu'il est recueilli? Aucun soin particulier, mais seulement pour faire beaucoup de fromages, il faut cailler de suite le lait. De quelle maniere e'crcme-t-on les pots ? Dans le Cantal, on n'ecreme jamais le lait destine a faire le fro- mage ; le beurre se fait avec la creme prise sur le petit lait. Dans la Limagne, une cuillere a pot passee legerement sur la superGcie du lait. Combien laisse-t-on s'ecouler de temps apres que le lait a e'te tire' jusqu'au moment oil on I'e'creme , soil en e'te', soit en hiver ? Douze beures pour le lait , et pour le petit lait 7 a 8 jours. Combien peut-on laisser de temps la crime dans les ce'rennes , avant de faire le beurre ? — Y aurait-il avantage a baralter plus souvent? — Quel usage suivent a cet effet ceux qui ont beau- coup de vaches ? Le beurre gagne beaucoup a elre baralte le plus tot possible. Quels soins donne-t-on aux pots destines a contenir le lait? 446 MEM01RES ET PIECES , — Comment les e'eure-t-on ? — Le grillage est-il absolumenl ne- cessaire ? lis doivent etre teaus tres-proprement; dans le Gantal , on les lave avec le petit lait; il est reconnu qu'avec cette precaution le lait cailleplus facilement. La nature de la poterie employee a contenir le lait influe- t-elle sur la formation de la creme ? Les pots en gres sont les meilleurs. La forme des vases est-elle a considtrer ? — Y aurait-il de lavantage a se servir de vases larges , ecrase's et peu profonds , comme on lefait dans quelques pays, notamment en Suisse et en Angleterre ? Oui. VACHES A LAIT. Toutes les vaches a lait, nourries dans les herbages de V Au- vergne, sont-elles ne'es dans le pays ? Presque toutes. E xporle-t-on de U Auvergne un grand nombre de ge'nisses ? — Dans le cas de V affirmative , quel en est le nombre approximatif? A expliquer. Quelle est la proportion relative dans laquelle naissent les jeunes taureaux et les ge'nisses? — Apprecier, autantque pos- sible, la proportion numtrique des deux sexes ? A pen pres egale , un peu plus d'espece male. Quefait-on des jeunes taureaux? Dans le Cantal , et a cet age, on eleve jusqu'a I'age de 6 a i5 mois , on les vend dans le Poitou , dans la Basse - Auvergne ; ils sont presque tous vendus aux bouchers. A quel age les vend-on au boucher — Quel est a cette e'poque leur poids moyen? Quel est leur prix ordinaire? Trois a six semaines. — 4o a 80 liv. , 20 a 3o fr. Quelle nourriture recoivent - ils depuis leur naissance jus- quau jour oh on les vend? On laisse teter les veaux deux fois par jour , matin et soir. La DEUXIEME SECTION. 7l4i nourriture supplementaire est donnee peu de temps avant fa vente; elle consiste en eau blanche, en feves detrempees. Y a-t-il quelque partie de la province ou Von remarque sous ce rapport quelque progres ? Le progres existe surtout pres des grands centres de population . A quel agefait-on saillir les ge'nisses ? Deux ans ou trente mois. Quel est le prix moyen dune vache a cette e'poque ? Distinguer si la vache est pleine, ou si elle ne Test pas. Non pleine, 120 fr. ; pleine, 160 a 200. Quelle quantile'de laitune vache donne-t- elle envingt-qualre heures ? La reponse a la question est impossible pour les vaches ou- vrieres. Les vaches nourries sur les montagnes donnent par jour de six a huit litres. Quelle est I 'influence des nourritures donnees aux vaches sur la quantite de lait quelles produisent ? L'influence est incontestable. A-t-on fait quelques observations comparatives sur Pin- Jluence que certaines racines peuvent avoir sur cette produc- tion ? par exemple , la betterave accroit-elle sensiblement la quantite du lait? Les vaches qui s'en nourrissent donnent-elles plus de lait que celles qui mangent des pommes , des carottes ou autres racines ? L'experience de la betterave a ete faite et a produit les meil- leurs resultats. La betterave produit un meilleur effet que les carottes, pommes de terre* etc. , mais elle doit etre accompagnee d'autre nourriture, et donnee supplementairement. Combien faut-il de lait pour obtenir une livre de beurre ? Quinze a seize litres. La nature desfonds,ou la nourriture supplementaire donnee a t animal parait-elle influer sensiblement sur la quantite de creme contenue dans le lait; en d' autres termes, la quantite de creme recueillie est-elle ioujours en rapport avec celle du lait? L'influence de la nature des fonds est sensible sur la quantite r<48 MEMOIltES ET PIECES, de creme. — Mais la quantite de creme n'est pas toujours en rap- port avec celle du lait. II est constant que toutes les vaches ne sont pas aussi bonnes a lait les unes que les autres ; a quel caraciere physiologique et anatomique p cut on ge'ne'ralement reconnaitre les meilleures v aches? La reponse n'a pas ete donnee. La couleur est-elle a consider er dans le choix que I' on doit enfaire? — Enumerer les motifs qui portent a prefe'rer telle ou telle robe de ces animaux. II est recu dans le Cantal que les vaches qui ont les narines brunes sont generalement bonnes de lait : il est aussi de certaines formes de mamelles, en avant, avec de grosses veines sous le ventre, qui sont prises pour signes assez certains de bonte. A quelle e'poque de i'anne'e doit-on de preference faire re- nouveler les vaches ? — Motif economique a indiquer. De maniere a ce que la naissance des veaux arrive au moment dela premiere pousse des herbes. Quel est le prix moyen du beurre ? — Oil est-il vendu ? — Quelle est appro ximativement la quantite annuelle de beurre produit dans la province ? Le prix moyen du beurre est ^5 centimes la livre. Quels sont les vases dont on se sert aujourd'hui , et qui sont le plus ge'ne'ralement prefc're's ? Des vases peu profonds , d'orifice tres-large , et de fond beau- coup plus etroit. A-t-on essayede se servir de vases en porcelaine, sifaciles a tetiir propres, et dont la dernicre depense ne serait pas ires- considerable ? — Quelques mots sur V influence des corps lisses sur la fermentation du lait. On ne se sert point de vases en porcelaine , mais de poterie ver- nissee. Le vernis ne parait pas avoir d'inconvenients. A quel age les meilleures vaches paraissent-elles donner le plus de lait, et par suite , quel est I'dge oil elles commcncent a en donner mains ? La quantite de lait augmente oi\tinaireinent jusqua six ans , et ne parait gueres dirninuer ensuite, si la nourriture est bonne. DEUXIEJIE SECTION. Wj Engraisse-t-on habituellcment les vaches , lorsqucllcs de- viennent moms bonnes a lait? — Quel est le prix moyen cCunc vache a cette c'poque? — Combien se vend-elle grasse? On les engraisse ou on les vend pour l'engrais; la vache vieille non grasse vaut 100 fr. ; la vache grasse de i5o a 200. Eleve-t-on beaucoup de cochons en Auvergne ? On en eleve beaucoup, mais il en vient un grand nombre du Li- mousin et du Bourbonnais. La consoraraation en est tres-conside- rable surtout en Limagne. Combien faut-il de lait pour nourrir une porte'e de cochons , et par suite, combien, dans uneferme de huit vaches , eleve-t-on de jeunes pores , anne'e commune? Les cochons sont nourris d'abord par Jeur mere, puisavecdes herbages, des pommes de terre, du petit lait, des feves, de l'eau blanche , mais jamais avec du lait. A quel age vend-on les jeunes pores ? oil sont-ils envoyes ? lis ne sont veudus que dans le pays, et n'en sortent point. Combien les pores qui ont acquis leur accroissement com- plet absorbent-ils de pots de lait par jour? lis sont nourris dans le Gantal avec le petit lait , et non point avec le lait. Pourrail-on indiquer sommairement combien VAuvergne Jburnit, anne'e commune, de tetes de pores, et combien elle en exporte? Dans les campagnes, chaque menage , l'un portantl'autre, con- somme annuellement son pore. toO MGMOIRES ET PIECES, RAPPORT SUR EN AUVERGNE , ET SUR DIVERS DOCUMENTS AGRICOLES PAR M. MO LIN. =»otyy. Messieurs, Un grand mouvement est donne depuis la paix dans toutes les branches dindustrie. Une seule , la plus vaste de toutes, celle qui occnpe les 3/5 de la population, semble s'obstiner a rester immo- bile. L'exempled'une agriculture intelligente et riche en produits , qui lui est donnee par les departements du nord, ne peut encore vaincre son incredulite. Le credit lui-meme refuse ses forces a une Industrie qui meconnalt ses besoins et se complait dans les voies routinieres qui accusent son ignorance. Tous nos efforts doivent done tendre a eclairer les agriculteurs, a leur presenter des me- thodes simples, raisonnees et appropriees a la situation generate de cette interessante portion de la societe,commeaussi a la diver- site des sols qui exigent une culture speciale. DEUXIEME SECTION. 151 Ml le Prefet de ce departement, voulant concourir lui-meme a la recherche des ruoyens propres a fournir un enseignement utile a l'agriculture, nous a adresse , le 23 decembre 1837, une serie de questions. II nous a transrais, en meme temps, copie d'une deli- beration du Conseil general qui a emis le vceu qu'un Memoire fut demande a 1'Academie sur les perfectionnements a introduire dans l'industrieagricole du departement. Par une autre lettre du 27 avril i838, M. le Prefet nous annonce que la Societe d'agriculture de Clermont est comprise pour une somme de 5oo francs dans la distribution desfonds generaux votes par les chambres a titre de secours, mais qu'il desire connaitre 1'emploi auquel elle doitetreconsacree. L'Academie aurait cru manquer a ses devoirs si , oublieuse de son titre de Societe d'Agriculture, elle ne se fut empressee d'of- frir le tribut de seslumieres etde son experience. Plusieurs de nos colleguesont fourni des Memoires tres-longs et complets,qui embrassent les besoins generaux de l'agriculture. lis ont indique l'avantage des assolements reguliers d'une certaine duree. Les irrigations, les dessechements, Amelioration des bes- tiaux, les engrais, 1'emploi des matieres dites amendement etdes meilleurs instruments aratoires , n'ont pas echappe a leur esprit. Vous y remarquerez egalement des comptes de culture et les resultats compares du systerne nouveau avec ceux de la jachere. Le cadre du travail que vous m'avez confie , et le peu de temps qui doit s'ecouler avant la reunion du Conseil general, m'impo- sent l'obligation de ne vous presenter que des analyses succinctes des excellentes idees produites dans les Memoires qui resteront a consulter dans nos archives. M. Tissandier pense qu'il faut rapprocher le plus possible les cornices des differentes circonscriptions qui embrassent la surface totaledu departement. 11 prefere les cornices cantonnaux, afin de les composer des hommes les plus adonnes a l'agriculture et plus zeles pour les experiences et les innovations applicables a la loca- lite. Ces cornices seraient composes de deux membres de chaque commune du canton , sous la presidence du maire du chef-lieu. Les reunions auraient lieu a des epoques fixees pour la communi- 452 MEMOIRES ET PIECES, cation des ameliorations obtcnues et afin d'cxa miner la cause de mecomptes. Ces cornices solliciteraient du comite d'arrondissement des graines pour etre distributes aux agriculteurs les plus zeles. Les fermes-modeles n'offrent pas le merae avantage. Elles ne peuvent pas etre assez multiplies pour servir de regie. Car tel canton, sous ie rapport du terrain, peut avoir une grande ana- logic avec un autre et etre place sous un climat tout different. Elles ont d'ailleurs un defaut qui d'ordinaire tient a l'homme qui les dirige. Le desir d'assurer les progres de la science le porte a tenter des innovations a titre d'essai. Le non succes atteste de vaiues depenseset jette le decouragement parmi les voisins. G'est a peine si leurs resultatsheureux trouventdes imitateurs, dans la pensee que les moyens de les obtenir ne sont pas en rapport avec les produits. Dans i'un etl'autre cas, le directeur d'un pareil eta- blissement, auquel les capitaux convenables sont accordes et qui n'est pas oblige de presenter des benefices, n'inspire aucune confiance. L'auteur de ce Memoire appelle de tous ses vceux 1 'introduction des assolements reguliers et des prairies artificielles. Dans les sols profonds, la luzerne est fortement recommandee, puisque, pen- dant un assez grand nombre d'annees, elle donne, sans frais, des produits abondants. Les prairies artificielles donnent le moyen de renouveler, au besoin , les prairies naturelles usees par une trop longue produc- tion et de bannir la jachere. Elles augmentent la masse des four- rages , fournissent une plus abondante nourriture aux bestiaux, et contribuent puissamment a la masse des engrais. Les defoncements partiels ou par bandes, comme les pratique M. d'Anchald, sont d'un immense avantage, soit parce que les pierres , qui forment obstacle aux labours, peuvent disparaitre, soit meme pour toute culture manuelle, soit aussi par la facilite offerte de ramener a la surface les couches inferieures avec les principes fertilisants qui s'y sont reformes. L'amelioration de la race bovine a fixe lattention de M. Tissan- dier. II cite, a l'appui de son opinion, un Memoire redige par DEirX*KME SECTION. 453 Falvard de Montluc , medecin des eaux de Neris , et un autre par M. Baudet-Lafarge. Comme ces Messieurs , il reclame des primes pour les plus beaux taureaux de 2 a. 3 ans, propres a servir d'eta- lons, et les plus belles vaches de 2 a 6 ans, avec publicite du nom des proprietaires qui les auraient meritees. II voudrait, pour at- teindre un but general , que des taureaux etalons fussent places chez des proprietaires aises , et que les proprietaires des vaches qui leur seraient amenees prissent l'engagement d'elever les veaux qui en proviendraient. II porte a 200 francs la somme necessaire aux primes, dans chaque canton rural, a distribuer au possesseur du plus beaulau- reau et de la plus belle vache de 1'age determine. M. Mercier, qui habite les montagnes situeesau nord-ouest du Mont-Dore, sur un sol volcanique, apercoit deja un commence- ment d'ameliorations dont l'exemple, dit-il, s'etendra a mesure que les charges publiques diminueront. II se livre a de tres-longs et judicieux developpements et pre- sente de nombreux moyens d'ameliorations. Ces ameliorations consistent i° dans une culture mieux entendue de terres labou- rables. Aux cultivateurs qui veulent faire succeder les avoines au seigle, il conseille de nettoyer les champs de leurs mauvaises her- bes et de repandre, avant les semis, une plus grande quantite d'engrais , sous peine d'epuiser les sols ordinairement legers et depourvus de principes nutritifs , parce qu'ils se laissect trop faci- lement laver et entrainer par les eaux pluviales. 20 II conseille de ne pas laisser les eaux dirrigation trop long- temps sur les prairies, et surtout de faire ecouler celles stagnantes ; de donnerdes engrais aux pres qui en ont Je menie besoin que les champs. 3° II blame les proprietaires de construire des etables basses, dans lesquelles I'air se renouvelle avec peine; de ne pas les paver et de les rendre humides, en asseyant le sol sur un terrain plus bas que les lieux environnants. II appelle de tons ses vceux la construction de rateliers au lieu de creches. Au-dessus de pa- reilles etables, les fourrages fermes un peu humides contracted une mauvaise odeur nuisible aux animaux. 32 454 MEMOIRES ET PIECES, 4° II se plaint du complet abandon danslequel on laisse les pa- cages, que des plantes inutiles occupent au detriment de celles si recherchees par les bestiaux. 5° II indique l'aspect du midi comme le plus convenable aux chalets. La fumee y suffoque les vachers et y entretient la malproprete, tandis que la preparation du beurre et du fro- mage exige des soins niinutieux et une grande recherche de proprete. La presure doit avoir toujours la merae force et etre employee en quantite proportionnee au lait. II en est de memedu sel quant a la quantite. 6° L'amelioration de la race bovine indigene fixe plus particu- lierement son attention. Les moyens indiques consistent dans le choix des etalons ; dans le soin de ne pas faire servir ceux-ci a un trop grand nombre de vaches ; de les tenir isoles , afin d'eviter qu'ils s'epuisent par une frequentation constante au milieu des troupeaux en pacage. II demande que l'administration confie, dans chaque com- mune, un ou deux taureaux du pays comme etalons. Ces tau- reaux seraient donnes a d'honnetes proprietaires pour la repro- duction. II observe que les veaux destines a la boucherie sont mieux nourris que ceux qui doivent devenir les eleves du troupeau. Ces derniers , dans les montagnes , sont tres-negliges. De la des etres chetifs, dont le developpement arrete rend nos races si petites, si faibles et si peu productives. Des soins, de la proprete, une meilieure et plus abondante nourriture , rendraient a nos bes- tiaux les belles qualites qu'on admire parfois chez les betes elevees exceptioanellement dans ces bonnes conditions. 7° Quant au lait , dans lequel il reconnait la presence des ma- tieres buti reuse et caseuse en assez grande abondance, il se demande pourquoi les produits en sont d'une qualite aussi infe- rieure ? G'est dans la manipulation qu'il en trouve la cause. II voudrait des burons-modeles pour y puiser des preceptes et de bons exemples. M. Conchon, deYolvic, reconnait que le secret de l'agriculture DEUX1EME SECTION. 455 est dans les engrais. Apres ceux obtenus de la lit iere des animaux, il recommande encore l'en fouissement en vert de certaines recoltes, des excrements meles avec la chaux , la marne comme amende- ment. Cette derniere substance agit chimiquement , en attirant 1'acide caibonique de l'atmosphere si utile aux plantes ; physique- ment, en augmentant ou diminuant la consistance du sol par la predominance de l'un de ses principes. La marne est souvent melee a l'argile dans des proportions va- riables. Le cultivateur peut aisement reconnaitre si les parties cal- caires predominent, en exposant a l'air libre des boules gachees liumides. Si elles dqrcissent au lieu d'adherer facilement, l'argile predomine. Dans cecas, dit-il,la marne convient aux sols legers. Lorsqu'au contraire on doit operer sur une terre argileuse , c'est la marne qui contient le moins d'argile qu'il faut preferer. Les essais faits par M. Gonchon , dans nn sol volcanique , ont ete suivis des plus beureux resultats. Trente ans d'experiences n'ont jamais dementi ses previsions. Le succes a ete le raeme sur les plantes fourrageres. Un pre d'une mauvaise nature, produisant a peine six milliers d'un fourrage repousse par les bestiaux, a double de production des la premiere annee du marnage, et quintuple les annees suivantes. 11 observe que si la jachere a ete abandonnee dans la Limagne , la rotation des recoltes est des plus vicieuses. L'assolement trien- nal en froment, seigle d'hiver et orge, pommes de terre ou chanvre pour le printemps, est le moins productifet le plus epui- sant. Les prairies artificielles, n'ayant aucune place, ne fournis- sent pas a la formation des engrais. INeanmoins, il reconnait que ce mode est encore preferable a la jachere suivie dans les parties niontagneuses. Sur trois annees, Tune est perdue pour le produit etnon pour le travail. M. Gonchon observe avec raison que les instruments aratoires sont aussi vicieux que le systeme de culture suivi si obstinement par nosagriculteurs. L'araire , dont le versoir est presque nul , ne» cessite jusqu'a trois facons pour obtenir I'ieffet dun labour passa- ble. De la une grande perle de temps et des frais qui dimi-uoe** d'autantles revenus. 456 MEMOIRES ET PIECES, II conseille de fumer les terres plus particulierement pour les semis de printemps, afia d'eviter la vegetation des mauvaises herbes si nuisibles aux recoltes ou si dispendieuses a extirper. L'assolement introduit par M. Conchon dans ses terres volca- niques est quaternal. II se divise ainsi : ire annee, pommes de terre bien fumees et sarclees ; 2e annee , froment sans fumier et semis de trefle; 3C annee, trefle ; 4e annee, trefle et defrichement apres la seconde coupe. II a remarque que les trefles platres pre- sentaient une meilleure recolte. Cette experience, repetee sur le meme champ , a donne constamment le meme resultat. Comme tous les hommes qui veulent suivre le mouvement des ameliorations, l'auteur de ce Memoire s'est procure la charrue Guillaume, puis celle Dombasle, la grande herse triangulaire et le semoir Hugues. Ces instruments n'avaient pas etecalcules pour L'emploi d'une force moyenne. II a done fallu , pour eviter le de- peri ssement des animaux, les abandonner.Ceproprietairearepris l'araire, dont, avec un peu de reflexion , il a corrige les defauls, en lui donnant pour soc celui de la charrue Guillaume, et pour versoir l'oreille de la charrue Dombasle en tole. Get instrument , dont les formes se rapprochent le plus de l'araire du pays et s'ac- commodent des-lors mieux avec les idees recues, n'a pas tarde , au moyen de quelques autres perfectionnements , a prendre faveur dans le pays. II en a ete de meme de la herse , transformed a volonte en ratis- soire ; elle coupe les mauvaises herbes entre deux terres et en de- gage facilement le sol avec peu de frais. M. Conchon indique, pour les terres fortes du bassin de la Li- magne, un assolement dans lequel se trouveraient intercalees methodiquement les prairies artificielles, lescereales, le chanvre, Forge, la pemme de terre, les betteraves et le colza. Ces differentes recoltes , alternees suivant les lieux et le plus ou moins de facilite a en vendre les produits , en reparaissant regulierement dans un cercle de cinq ans , augmenteraient la fertilite du sol et la fortune des agriculteurs. Votre digne President, pour exciter le zele de l'Academie, ne s'est pas contente de provoquer des recherches. II a lui-meme ap- DEUXIEME SECTION. 457 porte son tribut en homme pratique; car, comme nous tous, il comprend que les theories ne manquent a personne qui sait lire. Les engrais animaux, qui sortent de nos ecuries, ne lui suffisent pas. II somme les savants des'occuper des moyens economiques, d'en composer a volonte au moyen d elements partout repandus dans la nature. La, des argiles , dela chaux , du gypse, desplantes, de la marne. Ici , des eaux chargees de principes fertilisants. II cite M. Payen, qui est parvenu a utiliser, pres Paris, toutes les precieuses substances animales perdues jusqu'a ce jour pour l'a- griculture. Lui-meme it'a-t-il pas utilise des eaux vives qui , diri- gees sur des pouzzolanes steriles, les ont transformees , par un depot visqueux a principe d'albumine, en des pres d'une belle vegetation. Ce qu'une vieille experience, avec un esprit actif et toujours jeune, a opere comme pour l'edification de la patiente Industrie agricole, d'autres peuvent le completer pour le fruit de leurs recherches. M. de Montlosier , quia susi bien apprecier la valeur du temps, comprend que les agriculteurs , en general, n'ontpas de connais- sances assez vastes pour se livrer a des etudes qui appartiennent plus specialement a la chimie. C'estaux hommes verses dans cette science qu'il s'adresse. II leur demande des engrais abondants et a bon marche. A ces conditions, il declare inutiles les fermes-mo- deles, dontle plus grand inconvenient est de jeter le decourage- ment par l'emploi infructueux de capitaux qui, en se perdant, discreditent les meilleures idees. M. Molin , apres avoir explique lessoins premiers auxquels tout proprietaire doit se livrer pour la reconnaissance de son sol, exa- mine l'utilite incontestable des assolements et celle de l'ameliora- tion des races indigenes. II donne un comptede culture compare dans les deux systemes des assolements et de la jachere. Sur un assolement de cinq ans , dont tous les frais et les produits ont ete releves avec soin par le proprietaire lui-meme, le resultat me- riteune serieuse attention. Dans un terrain argilo-granitique, la rotation suivante a paru la plus avantageuse : ire annee, culture fumee et sarclee ; la 2e , cereale de printemps et semis de trefle ; 1» £58 MEM01RES ET PIECES, 3% trefle; la fc , trefle etdefrichement; la 5e, eerealed'automne. Ons'apercoit de suite que, sur cinq recoltes, le cultivateur a laboure les terres trois foiset ne les a fumees qu'une seule. Les produits nets de cet assolement, compares a ceux de la ja- chere, ont ete comrae 1,001 fr. est a 47^ fr. sur une surface de 1 5,000 toises. La difference 5a8 fr. , a l'avantage du premier sys- teme , provient de ce que, dans Tannee de repos, le cultivateur a donne a ses champs, sans compensation, une main-d'ceuvre equi- valente au 7e de la production, pendant qu'il lui a manque un tiers des revenus. L'abondance et la qualite des engrais sont tout le secret de la- griculture. M. Molin a trouve le moyen d'en doubler au moins la masse. Les plantes de ses prairies artificielles , coupees et donnees en vert a 1'ecurie , outre la tres-grande economie qu'il evalue a cinq •Capitaux pour an, ont resolu pour lui le probleme si recherche. Le fumier d'herbe verte est le plus riche et en meme temps le plus- abondant. Recueilli avec soin dans une saison ou il est perdu meme pour les paeages ou les animaux le deposent, il contribue non seulement a la fertilisation des terres, mais encore aux prai- ries naturelles. Terres et pres, de la sorte, retrouvent, sous une autre forme, les principes nutritifs dont iis se sont depourvus pour les plantes qui les couvrent. Les races croisees suisses (vaches) et du pays (taureaux) ont produit de beaux resultats. Les animaux qui en proviennent ont de belles formes , une taille elevee , et plus d'ardeur au travail que la race pure de Suisse: Ce croisement, opere sansle secours d'au- tres etalons que ceux si chetifs de nos montagnes, prouve que si les taureaux doivent etre choisis , la vache contribue encore plus a l'amelioration deseleves. M. Molin se propose de faire , cette automne , Tessai de la herse- Bataille qui, avec la meme force, remplit rofficede trois araires. Comrae moyen d'encouragement , il propose i° la composition de livres contenant les principes elementaires d'agriculture. Ces li- vres seraient mis entre les mains des enfants dans les ecoles pri- niaires des communes rurales. i° Une prime a ceux qui livreraient au commerce les ins- DEUXIEIUE SECTION. 159 truments appropries aux diffe rents sols, et aux meilleures con- ditions. 5° Une prime a l'agriculteur qui , sur la plus grande surface relative, aurait introduit des prairies artificielles. 4° line prime au meme qui aurait substitue des instruments perfectionnes a ceuxjusqu'a ce jour insuffisants. 5° Une prime aux valets de ferme, ou d'une exploitation d'une surface minimum deierminee , qui auraient servi le plus long- temps chez le meme maitre. La tache etait grande, vous le voyez , Messieurs, par le soin qu'ont apporte les membres a examiner les difficultes qui s'oppo- sentaux progres si desirables de l'agriculture. Des theories aven- tureuses n'ont servi , mal appiiquees, qu'a jeter le decouragement parmi les proprietaires eclaires. Ces derniers ont doute d'une science dont les resultats avaient souvent tourue contre ceux qui n'en connaissaient pas les regies. D'autres, bien plus capables d'executerque deraisonner, sensont tenusa la pratique ancienne* quoique vicieuse, en presence d'un non succes qu'excite leur in- credulite. 1,'ignorauce est done la cause premiere et unique qui retient l'agriculture enlacee dans les liens de la routine. Uu peu moins de ces theories qui ne prouvent plus rien. Un peu plus d'exemples, de faits; nul de nous n'a la pretention de tracer une rotation de culture invariable. Chaque sol , suivant son elevation , le climat, doit etre severement etudie. Des comptes de revient et de produits nous sont necessaires. Chacun alors ira puiser ses lecons ou ses conseils a des sources positives. Long-temps encore il y aura des esprits obstines ; mais l'exemple heureux qui frappe constamment les yeux de l'homme le plus borne, ne tarde pas a jeter le doute dans son esprit. Ce doute est un progres; et n'au- rions-nous produit a lalongue que ce seul resultat, une partie de notre tache sera remplie. Quelque lent que soit le mouvement qui doit s'en suivre, l'interet fera le reste; car les charges d'une localite ne diminuent pas sous l'influence d'une prosperite ge- nerale. i60 MEM01RES ET PIECES, REPONSE A LA 15me QUESTION DE LA DEUXIEME SECTION, AINSI CONQUE : La grande division de la propriete est-elle utile a la pros- perity publique et aux bonnes mceurs? Quels sont ses effets chez les differents peuples de V Europe? Quels sont specialement ses effets en Auvergne , oit elle existe a un si haut degre? PAR M. MARTHA REK.ER. S'il est une question qui ait vivement preoccupe a diversesepo ques, c'est sans doute celle qui a debattu les droits de la masse a la possession territoriale , celle qui a appele chaque individu a la faculte de convertir ses sueurs en un lambeau de cette terre, qui etant frappee dimrautabilite, offre le plus de gages de secu- rite, la grande sorame de garanties, et fut toujours la source des principaux privileges. II est peu de pages des annales romaines qui ne montrent le Forum retentissant du cri de loi agraire. Et quand plus tard s'epancha sur le midi de l'Europe l'invasion des hommes du Nord, ne vit-on pas le sol passer presqu'entierement aux mains des vainqueurs ? Dans l'etat originel des nations, il ne peut eneffet exister d'au- tre propriete. L'industrie , le commerce ne naissent qu'avec la suite des siecles ; ils ne paraissent au jour que lorsque les irrup- tions, les guerres et les luttes ont cesse, pour laisser respirer les peuples. A tous ces ages, la terre sera done leseul mobile deshor- DEUXIEME SECTION. 461 des conquerantes, elle sera seule un gage de noblesse. Ge sera pour maintenir cet ordres de choses , que Ton inventera la main-morte et les substitutions; le globe ne sera plus exploite qu'au profit de quelques castes, de quelques families. Mais le flot du Nord enfin s'arrete ; la lumiere arrive de l'Orient a la suite des croisades ; les arts , le commerce quittent leur ber- ceau de l'Adriatique pour conquerir a leur tour les mers septen- trionales. Le germe civilisateur se developpant, les premieres notions d'egalite jaillisent; la masse acquiert chaque jour plus de force et de consistance; elle aussi veut poser un pied immuable sur cette terre qu'elle feconde; ses conqnetes , d'abord lentes et timides, gagnent peu a peu ; chaque victoire augmente en elle l'idee de sa puissance , et quand avec les obstacles a cru son ener- gie, elle finit un jour par deborder, engloutir, et avec des mi- nes fonder un edifice tout nouveau. Alors , par une de ces reactions , efFet iuff aillible des grandes luttes , a la concentration absolue succedera la division extreme ; les substitutions , la main-morte feront place a l'affranchissement , a Talienabilite. Chaque citoyen se trouvant appele tout a coup a un droit de possession pour l'acquisition duquel les generations passees avaient en vain combattu , se fixe sur cette glebe , si long-temps objet d'envie de ses ai'eux; ce penchant, ses fils le sucent avec le lait, et a chaque extinction du chef de famille , le champ paternel se di- vise. Le pere avait uneherse, une charrue, tous les instruments aratoires; desormais c'est un meuble inutile : la beche et la pioche , voila les seuls elements necessaires pour labourer cet ar- pent dont dix mains se sont partage les debris. La masse des pro- prietaires augmentant, il y aura un plus grand nombre d'hom- mes interesses a feconder le sol. Mais la surgira un ecueil nui- sibie au developpement de la prosperite generale ; car partout ou il y a des forces motrices, ilfaut chercher a leur faire produire le plus grand effet utile possible ; les machines ne creent pas des forces, elles tendent seulement a exprimer de l'agent-moteur toute la puissance disponible. Ainsi , la culture etant reduite par ie morcellement a l'emploi des instruments les plus imparfaits , les 7<62 MEM01RES ET PIECES, plus dispendieux, le travail sera plus lent, plus inegal, moins complet. II y aura perte de temps et de force. La production se fera done avec plus de frais , car ces deux ele- ments ont une valeur immense, dont l'intensite et les avantages ne frappent point encore assez vivement les diverses classes de la campagne. Le paysan se portant de preference sur les terroirs riches et fer- tiles, aimera mieux vegeter sur une de ces parcelles que de cher- cher a faire des conquetes laborieuseslaouilluifaudrait depenser long-temps ses peines avant d'arriver a un resultat. L'exiguite deson champ ne lui permettant pas d'elever des bestiaux, il sera prive d'engrais; neanmoins, avide de tirer toute la substance de ce champ , il l'epuisera sans pouvoir lui rendre le principe repa- rateur, vegetal ou animal; malgre son labeur , il n'aura done qu'une recolte chetive. Yous savez tous , d'ailleurs , que le petit proprietaire est toujours presse de jouir; e'est le present qu'il cou- sidere, e'est a lui qu'il sacrifie , et souvent aux depens de l'avenir. Vienne l'instant ou il faut recourir aux moyens de transport pour enlever les recoltes, ou pour tout autre cause exigeant des charrois , il sera oblige de deployer des voies motrices hors de proportion avec le resultat; et sil se trouve loin dun chemin, enclave entre une foule de cases aussi minimes que la sienne, il deviendra pour ses voisins une cause de degats , d'autant plus sensible, que leurs parcelles seront moindres, et que les recoltes d'un chacun seront d'espece et, par suite, d'epoques dematurite difterentes. Une servitude pesera sur cette foule de petites pro- prietes; servitude qui, s'ajoutaut a une foule d'autres, telles que 1 'impot , les droits de mutation , etc. , dont elles sont grevees a des intervalles rapprochees,diminuera considerablement une fortune deja si mince. Si , passant a d'autres considerations , nous jetons nos regards sur les voies de communication si indispensables a l'agriculture, ou leur etablissement eprouvera-t-il plus de resistance, sinou parmi tous ces parcellaires qui se croient leses quand ils sont obliges de contribuer a quelque grande amelioration. Un travail hydraulique, une digue, un rempart quelconque DEUXIEME SECTION. 463 est-il a creer pour proteger et garantir une certaine etendue de pays, comment amener a un consentement, a une cooperation unanime tons ces hommes dont la par.t d'interet est differente, et qui ne parent a un danger que lorsqu'il est irremediable. Gette resistance est partout tellementvivace , que, pour un fait analogue , nous avons vu , dans le cours de la derniere session legislative , le Gouvernement et les Chambres, frappes des obstacles que revelait sans cesse, dans les mines de houille de Rive-de-Gier , un defaut d'accord parmi des concessionnaires, completer la legislation des mines, et poser les bases d'une unite seule capable d'arreter la perte d'une richesse nationale. La , sous l'empire d'une legislation que l'experience n'avait point assez eclairee , une coucbe puissante avait ete divisee en plusieurs concessions, sans que les cahiers des charges eussent specialement impose les obligations necessaires a la poursuite reguliere des tra- vaux. Un jour les eaux firent irruption dans les galeries inferieu- res, leur niveau s'eleva peu, et chaque annee vit diminuer l'ex- traction, et l'avenir compromis. En vain, pour remedier a ce facheux etat de choses , le Gouver- nement employa tous les moyens qui etaient en son pouvoir pour amener tous les concessionnaires a un accord qui seul permettait d'emerger les mines; ses efforts se brisaient contre un ecueil , la resistance opposee par les concessionnaires superieurs , qui fai- saient plus de benefices a mesure que d'autres s'annulaient. II fallut done introduire une nouvelle loi dans notre Code, il fallut armer l'Etat d'une nouvelle puissance pour recreer cette unite etouffee par la division des concessions. Si je me suis etendu sur cefait, e'est qu'il me semble avoir une grande analogie avec celui qui nous occupe, souvent il est vrai sur une grande echelle ; mais le vice n'en existe pas moins. II existe encore la ou il s'agit de faire la distribution la plus avantageuse des eaux, quand elles sont destinees a arroser , a fer- tiliser. Pour peu que Ton ait vecu a la campagne, on aura ete temoin des discussions et des proces enfantes par I'irrigation. Chacun veut conduire dans sa propriete le filet bienfaiteur, chacun croit y avoir des droits, et s'il existe des titres , les antagonistes saisi- 46i MEMOIRES ET PIECES , ront les ombres de la nuit pour changer le cours. Le proprietaire entamera-t-il sans cesse un proces, aura-t-il des preuves , sera-t-il oblige d'attacher un garde a cette surveillance ? Un pareil vice se propage eviderament avec la grande division , et avec elle gran- dissent les haines et les mauvaises passions. Tels ne sont point les seuls inconvenients du partage indefini ; cliaque parcelle se defiant de sa voisine, il faut laisser un espace vide de demarcation, sinon une haie, du moins un leger sillon; or,integrez tous ces espaces incultes, et vous serez effraye du chiffre auquel vous serez conduit. Supposez un hectare morcele en ses cent ares, et chacun de ces ares isole par un sillon d'un decimetre de large; sur cette surface, il y aura une portion ravie a la culture, qui s'elevera a 22omc. ; la perte sera done le -j-|fj' C'estsans doute une limite extreme; raais ouvrez un journal, et chacune de ses editions vous developpera des ventes, :des mises a prix, dont les lots sont non pas des ares, mais des centiares. A ce mal physique, se joint le mal moral des usurpations et des empietements ; la loyaute est victime de la mauvaise foi, et vous savez tous que dans les campagnes ces actes sont loin de passer pour honteux; le plus faible empiete sur le plus riche, sur celui quipeutexercer la surveillance la moins facile. Gertes, legalement, theoriquement, il est possible d'arreter cet envahissement , il n'en est pas moins vrai que la git une cause de demoralisation. ]N'est-ce point aussi dans ces communes morcelees que vegetent ces families oisives et mendiantes, qui possedent quelques centiares de sur- face , trop exigus pour les nourrir , en font une source de rapt et de degats , et s'immobilisent ainsi sur unsol qu'elles devastent. Suivez, au contraire, la grande culture , les grandes ferraes ; la , manoeuvrent les charrues , les herses , les semoirs, tous les ins- truments d'un labour perfectionne; le sillon s'y trace reguliere- ment, le soc ne s'y brise pas a chaque instant sur une borne. Les etables sont disposes avec ordre le long des faces d'une grande cour; une ligne de betes a cornes y croit et y travaille; aucuue de leurs emanations n'est perdue ; tout va se reunir dans un cen- tre commun, ou le cultivateur va puiser ces principes nutritifs qui doivent rendre a la terre ce que les recoltes lui enlevent. DEUXIEME SECTION. 465 Ailleurs, les eaux , comme les veines qui distribuent le sang aux dernieres extremites du corps humain , se ramifieut avec ordre, et font jaillir leurs bienfaits jusqu'aux dernieres limites du patu- rage. Des digues s'y elevent; l'essence d'arbres la plus propiceest venue y jeter ses racines; ainsi le torrent est resserre dans ses bornes; l'element de combustion est assure a la ferrae.. Maintenant, tout l'effet utile est produit ; il reste un excedant d'activite, de capitaux disponibles; a cet instant commence Fere de l'industrie; les carrieres s'ouvrent, les fabriques s'elevent ; enun mot, tous les arts compatibles avec l'agriculture prennent naissance ; peu a peu l'aisance double dans la contree,car les conquetes du grand proprietaire, du grand fermier profitent a la masse. Ou bien , le pays est propre a la culture de la betterave , de la garance. Or, un etablissement de ce genre pourra-t-il se fonder la ou il y a morcellement extreme, et ou, par une tendance naturelle, chacun ne cultive que les objets de sa propre consom- mation ? C'est aussi ce grand element de centralisation qui seul peut arreter, je ne dirai pas le defrichement des bois , mais la disparition des arbres de toute espete; qui seul peut replacer sur les sommets et les pentes arides de nos montagnes cette couronne d'essences de forets , dont les coupes repetees ont tari nos ruis- seaux , et ont eleve a un si haut degre le prix du combustible. Si done la grande culture parait l'emporter de beaucoup sur celle qui se developpe avec le morcellement, sur le point de vue de prosperite materielle, elle est bien aussi une canse de morali- sation. Pres d'elle n'existe plus cet esprit d usurpation ; pres d'elle sont inconnues ces luttes sourdes nees sur un cours d'eau , ces questions de delimitation ou autres qui , dans les territoires divises, font un ennemi de son voisin. D'ailleurs, le chef de fa- mille qui preside a ces travaux , qui imprime cette volonte unique et centralisante, a une responsabilite morale, laquellelui fait por- ter un ceil scrutateur sur la conduite de ses domestiques et de ses ouvriers; son education plus elevee, ses vues plus eclairees, son interet meme , le font compatir aux souffrances de ceux qu'il em- ploie ; il est leur guide et leur conseil , et prechant par l'autorite de son exemple, il leur met a nu l'ordre et leconomie de sa mai- 466 MEMOIRES ET PIECES, son; il est le premier a leur faire aimer la morale et la religion. En Angleterre, pays classique de la grande culture, la pi a re du pauperisme parait au premier aspect un argument contre elle; la, sans doute, est Texces du systeme; la majeure partie du sol etant entre les mains de la noblesse , la concentration est absolue , poussee a sa derniere limite. Mais le pauperisme naquit a la suite des guerres gigantesques que Napoleon suscita a la Grande-Bre- tagne. A cette epoque, le continent etait ferme pour ses produits manufacturiers; des milliers d'ouvriers se trouverentsans moyens d 'existence; ils tomberent a la charge des communes, et depuis, cette plaie s'est etendue avec la difliculte que presentent de pa- reilles reformes. L'Angleterre, avons nous dit , occupe un des premiers pangs sous le point de vue agricole ; nulle part on nc tire du sol un plus grand effet utile. On a calcule qu'elle n'y employait gueres que six millions d'hommes, tandis que la France y consacre vingt- cinq millions; ce qui etabliten faveur de la premiere de ces puis- sances une balance de plus d'un tiers de bras , relativement a la meme surface, balance qu'elle peut consacrer aux autres bran- ches de richesse nationale. Et encore y a t-il plus de perfection dans le travail. En Allemagne, le morceilement marche a pas lents, beaucoup d'usages feodaux l'arretent; dans la confederation rhenane, l'ex- ploitation agricole , fondee sur une grande base, peut souvent ri- valiser avec la Flandre et la Belgique. A ce sujet, je pourrai citer, dans le duche de Bade, telle ferme dont le chef payant 5oo fr. de bail, a consacre 60,000 fr. a des constructions de gran- ges , d'etables , a des achats de bestiaux. En Alsace et en Lorraine, ou le progres existe, la division est tres-grande ; mais il y a un contre-poids qui en detruit I'effet. Tout paysan , quelque riche quil soit personnellement , prend toujours des terres a bail. II insere toujours dans son testament la clause que son fils aine gardera la ferme, la cour, le bail, sauf a indemniser, par des redevances, ses freres et soeurs; il transmet meme de son vivant. Gest le morceilement qui arrete le developpement de la cul- DEUXTEME SECTION. 467 turedansle Puy-de-Dome, traite si liberalement par la nature. Ses 800,000 hectares sont divises en 2,5oo,ooo parodies, et en ce moment la moyenne de surface de ces parcelles n'est que de 38 ares. Examinons leur mode de distribution. Le departement peut se diviser en trois regions : le vignoble, les terres labourables, representees principalement par le marais de la Limagne, et la montagne. JNous pouvons trouver des types de chacune d'elles dans les cantons de Vertaizon , d'Ennezat et de Pontaumur. Le cadastre indique pour eux les chiffres suivants : Cantons, hectar. proprietaires. parcell. rnoyenne de pare. Vertaizon , 8,527 7'7^8 7^,754 1 1 ares. Ennezat, 11,07.5 4,610 4^,099 24 Pontaum., 35,449 3,785 56,177 62 Ainsi, ces regions, dans l'ordre indique et les cantons desi- gned, donnent pour moyenne de surface des parcelles, 11, 24, 62 ares. Les autres parties du departement nous fourniraient des re- sultats en harmonie avec les precedents : e'est i3, 14 ares pour le vignoble; 28, 3o , pour les cantons de Aigueperse, Lezoux; 61 , 73 , pour ceux de Besse, de Montaigut. Enfin, ceux de plus faible et de plus forte moyenne pour les parcelles, sont les cantons de Veyre et de Latour , qui donnent , le premier , 9 ares , et le second , io3 ares. La division y est d'autant plus grande, que la difference de qualite des terres Test elle-meme; ainsi, dans le marais de la Li- magne, ou cette qualite varie moins que dans le vignoble, il est plus facile d'y trouver a faire des echanges, et par suite a empe- cher le morcellement. Sous le rapport de l'effet utile, il y a un peu moins d'inconve- nients dans ce fait du partage repete pour la partie du vignoble: car le travail des vignes laisse beaucoup de moments perdus , des fractions de journees que le vigneron va consacrer au labour de son morceau de terre arable. II n'en est pas moins vrai que dans ces regions on pourrait produire beaucoup plus en adoptant la grande culture , et en donnant acces a des industries qui met- traient en ceuvre l'excedant de forces rendues disponibles. Dans le marais de la Limagne, ou la division est moindre, ou 468 MEMOIRES ET PIECES , se rencontrent des fermes assez considerables , la culture produit; plus dans le raeme espace de temps, il y a raoins de mendiants, et nul doute que si ces grandes fermes etaient plus nombreuses , si l'effet du partage diminuait, les fabriquesdesucrede betterave s'y multiplieraient davantage , et l'aisance generale ferait plus de progres. Enfin, dans la montagne , ou la concentration est plus forte , les paturages ont acquis un grand developpement; c'est grace a cet eftet qu'elle peut alimenter le Midi et le Charolais de 25,ooo tetes de betail. Quant a l'etat de moralite de ces trois parties du departement , il est un fait avere que la bonne foi et l'esprit religieux sont d'au- tant plus prononces que Ton s'eloigneplusdu vignobleet que Ton se rapproche davantage de la montagne. Telle est la tendance vers le partage dans notre conlree, que tel canton a , dans l'espace de douze ans , accru ses parcelles dans le rapport d'un huitieme, tel autre dans le rapport d'un sixieme. Si done, dans un laps de temps aussi faible, cette tendance fa- cheuse a augmente dans une progression aussi ascendante, il est d'une haute sagesse politique de songer a en attenuer , a en annu- ler les efFets prejudiciables. Mais serait-ce en modifiant la legislation, en renversant les droits de liberte d'action, de propriete consacres par nos moeurs et nos principes ? Non, Messieurs. Pendant long-temps encore, l'homme des champs necroira ni aux actions, ni aux banques, ni aux rentes sur l'Etat; long-temps encore il ne voudra enfouir ses epargnes que dans ce sol qu'il peut toujours contempler, qui est toivjours saisissable pour lui. Imposer un minimum de surface a la mutation, c'est froisser le cultivateur dans ses affections les plus cheres, c'est le forcer a acheter au-dela de ses moyens, puisqu'il obeit toujours a sa tendance, et par suite de recourir a des em- prunts de plus en plus ruineux , lorsque deja, dans l'etat actuel des choses, ses biens se grevent d'hypotheques; enfin, c'est di- minuer legerement le morcellement , mais non reconstruire la grande culture. II est peut-etre d'autres moyens d'amener sans secousse une DEUXIEAfE SECTION, 469 position plus normale, plus favorable aux interets generaux. La reponse a cette question me parait etre dans une mesure dont Vexemple a dejaete donne par piusieurs communes du Nord.Que tons ces petits proprietaires se reunissent , s infructueuses. Ce ne fut qu'en 1808 que, frappe de la croissance spontanee du sainfoin dans une de mes proprietes ou j'etais cer- tain qu'il n'en avait jamais ete seme, et sachant quecette plante aime les terrains calcaires, je pensai que la marne pouvait s'y trouvera une petite profondeur. Penetre de celte idee, j'y fis faire des fouilles, et je trouvai, a quelques pieds de la superficie, une terre blanche melee de coquillages et d'argile. Soumise a Taction des acides, elle fit effervescence ; je ne doutai point alors que ce ne fut de la marne. La presence des coquillages et des ossements fossiles, dont j'apercus quelques vestiges, me la firent juger excel- lente ; je ne tardai pas a en recouvrir mes terres du voisinage , dont le sol argileux et compacte ne produisait que de tres-faibles recoltes et etait d'un travail tres-difficile. #76 MEMO! RES ET PIECES , La recolte qui suivit le marnage fut bonne relativement aus precedentes ; celle de l'annee suivante fut excellente. La terre,, depuis cette operation, fut et s'est maintenue d'un travail facile. Depuis cette epoque, j'ai constamment et successivement marne mes terres qui sont dans le voisinage, et dans toutes je n'ai eu qu'a m'en applaudir. Jefaisfaire le transport de la marne pendant 1'hiver, et je la laisse exposee aux influences de l'air, bien ecartee sur le sol, jur- qu'au mois d'avril. Ce n'est qu'alors que je la fais enfouir par un leger labour , suivi d'un hersage en croix pour bien opererle me- lange avec la terre. Gette precaution est de rigueur; autrement l'effetdu marnage est retarde; it n'est entier que lorsque la terre et la marne sont confondues. Je me suis bien trouve de recouvrir la terre de fumier avant de repandre la marne , que je mets alors a une epaisseur d'un pouce surtoute la surface du sol, ce qui en porte la quantite de voitures, par 1,000 toises, a 200. En les comptant a 5o centimes la voiture, cela donnerait 100 francs. C'est beaucoup pour qui n'aurait pas d'experienee des bons efFets de la marne; mais il y a, pour la terre, une amelioration qui double au moins sa valeur : un champ, ainsi prepare, donne, sans fumier, des produits abondants pour long-temps. II suffit , lorsqu'on remarque qu'ils diminuent, de le fumer faiblement. Outre les avantages produits par cette operation sur les cereales et autres recoltes, j'ai obtenu une grande amelioration dans me3 engrais par une stratification de marne avec mes fumiers ; chaque fois que je fais enlever les litieres de mes ecuries, je les fais recou- vrir de marne de l'epaisseur d'un pouce. Elles se reduisent plus tot en fumier , et prennent une activiteremarquable sur la vegeta- tion, effet sans doute des nitrates de chauxetd'alumine, suite de la decomposition des matieres animates et de leur combinaison avec les oxides de calcium et d'aluminium, principes de la marne. Outre l'amelioration de mes engrais, j 'en obtiensune plus grande quantite par ce procede ; ils sont preserves , par la couche de mar- ne, du dessechement et de l'alteration que leur font eprouver les rents et les ardeurs du soleil. Depuis plus de trente ans que j'emploie la marne, j'en ai pr©>~ DEUXIEME SECTION. 477 clarne les bons effets aupres des personnes avec qui je suis en rap- port ; je l'ai signalee comme se trouvant partout , et je n'ai pas eu d'imitateurs. Cependant, je m'y suis pris de toutes les manieres pour prouver aux autres etpour me prouver a moi-meme les bons effets de cet excitant de la vegetation. Je l'ai fait repandre sur des sillons voisins d'autres sillonsou jen'en avais pa9 mis. Ces derniers etaient fumes et les premiers ne l'etaientpas, et toujours la partie marnee se faisait remarquer par ses beaux produits; a surface egale , j'ai toujours obtenu le double de recoltes. Tel est cependant l'empire de la prevention et celui de la crainte de quelques avan- ces : je suis le seul dans le pays a jouir des bienfaits du marnage ; je reviens souvent a cela , dans le but de vaincre enfm la rebelleet obstinee routine et l'apathie auvergnate. II faut convenir que Ton e9t dispense plus qu'ailleurs , dans une partie de la Limagne, de se mettre en frais du transport de la marne. Elle s'y trouve tellement repandue, et d'une maniere si avantageuse, que Ton y est presque impardonnable de l'avoir igno- ree jusqu'a present. En effet, toutes nos montagnes d'alluvion en etant en grande partie composees , toutes nos plaines limagneuses 1'ayant pour fond, les orages en detachent des hauteurs et en re- couvrent les plaines qui sont a leur pied. Les labours profonds en retirent souvent des couches inferieures, et la mettent a la su- perficie. Ce marnage naturel, dont les cultivateurs jouissent sans le connaitre, les a en quelque sorte dispenses du marnage artificiel ; de la leur ignorance et leur indifference pour ce dernier. La plus grande partie de nos meilleures terres doivent a la marne leur etonnante fertilite ; on peutdonc ignorer, dans ces heureuses con- trees , qu'ii existe a la superficie du sol un principe propre a rendre a la terre ce que lui a fait perdre une culture epuisante. Ces loca- lites sont communes en Limagne; mais combien y en a-t-il de moins bien partagees. Pour jouir des bienfaits des orages, sous le rapport de l'entrainement des marnes , il faut des pentes favora- bles aux terrains inferieurs; et pour jouir de ceux d'un labour profond, sous le rapport de la marne, il faut que la marne se trouve pres de la surface. Ces dispositions de terrain sont loin d'etre les plus frequentes. La connaissance de la marne, de son 478 MEMOIRES ET PIECES, emploi et de eon gisement est done importante pour nous. Je demeure convaincu qu'elle ajouterait beaucoup aux produits de uotre sol , et qu'elle ferait figurer , parrai les meilleures terres , la plus grande partie de celles qui sont regardees corarae infertiles ou comme tres-mauvaises. Que de prairies a faible produit et de mauvaise nature deviendraient de premiere qualite. Rien n'active la vegetation des plantes fourrageres comme la marne bien appro- priee au sol sur lequel on la repand. J'ai un fait a cet egard qui m'en fournit une preuve bien convaincante: j'ai fait marner , il y a une quinzained'annees, une prairie dune fort mauvaise nature; elle repose sur un sol argileux; ses produits s'elevaient a peine a six milliers de foin , et les bestiaux les repoussaient ; ils ont ete doubles la premiere annee du marnage, et depuis ils sont plus que quintuples et les bestiaux les recberchent. Faire connaitre la marne, en proclamer les bons eff'ets, est done rendre un grand service au pays. Je pense que l'administra- tion superieure ne peut faire un meilleur usage de lautorite, dans l'interet des administres, qu'en propageant cette connaissance, en en faisantsentirles avantages a MM. les maires des communes ru- rales; je pense aussi que la Societe academique s'acquerrait un droit de plus a la reconnaissance publique, enattirant l'attention de l'administration sur la pratique du marnage. Les moyens de propagation de ce mode de fertilisation seraient , a mon avis, d'en- voyer , dans toutes les communes rurales , des membres de I'Aca- demie ou autres personnes pour y faire la recherche de la marne etdonner des instructions sur son emploi. ASSOLEMENTS ET INSTRUMENTS ARATOIRES. Quoique tres-partisan du marnage, je suis loin de penser qu'il dispense de tous les autres moyens que reclame l'agriculture. Je me hate done de dire, pour repondre a la seconde question que m'a adressee l'Academie, que sans bons assolements et sans bons instruments aratoires, il ne faut pas s'attendre a de bonnes re- coltes. Notre pays, sous le rapport des assolements et des instru- ments, est loin du perfectionnement ou sont depuis long- temps les habitants de nos departments du Word. DEUXIEME SECTION. 479 Dans la Limagne, on a proscrit, depuis trente ans au plus, la jachere absolue; mais la rotation des recoltes est des plus vicieuses ' elle se borne a un assolement biennal , savoir froment et seigle pour recoltes d'hiver, et quelquefois feves et pois noirs ; orge ,. pommes de terre, pois verts, haricots, chanvre, betteraves, pour le printemps. Les cereales paraissent souvent deux annees de suite t et tou jours d'annee a autre; de cette marche doit souvent suivre l'epuisement de la terre duquel elle n'est qu'imparfaitement rap- pelee qu'a force de fumier. Ce moyen de lui rendre de l'activite est suivi de la croissance de mauvaises herbes dont le sarclage ne- cessite de grandes depenses et absorbe par la une grande partiedu prod u it. On eviterait cet inconvenient en placant les fumiers sur les recoltes printannieres semees a la raieet bien sarclees. Voila las- solement de la Limagne proprement dite. La betterave est culti- vee dans quelques localites; les prairies artificielles le sont aussr, mais sans systeme d'assolement; la luzerne , le trefle et le sainfoin sont les especes en usage. Ce dernier rend de grands services au pays vignoble; il precede avec avantange les plantations de la vigne, et contribue beaucoupa son avenir: la nioitie des coteaux de vignes en sont recouverts ; il rend aussi de grands services a toute la partie calcaire de la Limagne, oii les autres especes vicn- nent mal. Ce pays, avant ('introduction du sainfoin, ne pouvait presque pas tenir de bestiaux. Aujourd'hui, il en nourrit plus qu'il ne lui en faut pour ses travaux agricoles. Quelques personnes, en Limagne, donnent bien l'exemple des bons assolements, des bonnes methodes et des bons instruments aratoires , mais ils font peu d'impression sur les routiniers. Quoique le mode de culture de la Limagne soit bien vicieux , il est beaucoup plus productif que celui de la partie montagneuse du departement du Puy-de-D6me. La regne de tout temps la ja- chere improductive , et toute la rotation de I'assolement est seigle, avoine ou pommes de terres , et jachere la troisieme annee. C'est done une annee de perdue, sur trois , pour le produit, mais non pour le travail. Cette methode est tellement averee dans les habi- tudes du pays, qu'il y aurait bien de la difficulte a la detruire; o» 480 MEMOIRES ET PIECES, y est persuade qu'il n'y aura it pas de recolte hors de ce mode de culture. La est etabli le droit de parcours, duquel on fait depen- dre la possibility d'elever des bestiaux ; sans lui, point de troupeaux de betes a laine, et sans betes & laine, point de recoltes. Parler dans ce pays de nourrir les bestiaux a la creche, et de trouver, pour cela, les moyens de les nourrir beaucoup mieux, dans les produits des terres qu'on y laisse en chaumage, en y semant des graines productives, c'est parler hebreu et se vouer au ridicule. On fume sur le seigle dans toute la montagne, et sans la jachere triennale , les terres y seraient infestees d'herbes. C'est sur cet effet de les detruire quest fondeela necessite de la maintenir jus- qu'a ce qu'on parvienne a introduire un autre mode de culture. On ne veut pas savoir , dans ce pays , que des prairies artificielles, intercalees entre les avoines et les seigles et les autres recoltes , donneraient des produits beaucoup plus abondants et fouruiraient la nourriture des bestiaux; de la , plus d'engrais , plus de moyens de fertilisation et plus d'aisance. INSTRUMENTS ARATOIRES DU PAYS MONTAGNEUX. Les instruments aratoires sont aussi vicieux dans ce pays que le systeme de culture : ils consistent en un petit araire a soc pointu, a petite entrure et presque sans versoir. Pour en obtenir un labour passable, il faut y revenir quatre ou cinq fois, ce qui augmente beaucoup les frais de culture et demande beaucoup de temps. De la de grandes depenses qui absorbent une partie des produits; aussi les cultivateurs y ont-ils peine a s'y nourrir et a payer les impots. Sans la vente du bois et des bestiaux , ils n'y au- raitpasmoyen de tenir dans ce pays; s'ils tiraient meilleur parti de leur terrain, les habitants seraient riches. Volvic, que j'habite, tient le milieu entre la basse Limagne et la montagne; il est sur la ligne des coteaux"qui bordent la Lima- gne ; il jouit des avantages de la plaine et de la montagne ; il siege sur les laves des volcans qui l'avoisinent. Tout, ou presque tout son territoire est volcanise, et, par consequent , different de tout ce qui est au-dessus et au-dessous de lui. Quoique peu avance dans la bonne methode, il Test un peu plus que la montagne. II etaifc DEUXIEME SECTION. 481 assujeti , ainsi que les communes voisines , a I'improductive ja- chere , il y a environ quarante ans ; mais a force de tentatives pour l'en detourner, je suis parvenu a la lui faire abandonner. Mais il veut des cereales d'annee a autre : la pomme de terre, l'orge, les pois verts, les haricots, alternent avec le froment et le seigle mais encore sans combinaison , malgremesrecommandations d'e- loigner les memes recoltes et de ne les faire paraitre qu'apres un laps de plusieurs annees. Je n'ai encore pu persuader nos cultiva- teurs des avantages de cette pratique. J'ai echoue aussi dans le conseil que je leur ai donne de ne fumer les terres que pour les recoltes printannieres. lis s'obstinent a mettre les engrais sur les recoltes d'hiver; aussi sont-ils obliges de mettre, au printemps, beaucoup de temps pour le sarclage de leurs bles. Mais j'ai ete plus heureux dans les conseils et l'exemple que je leur ai donnes d'enfouir certaines rtcoltes en vert , telles que pois , feves noires et pois bivernages. Temoins des bons effets de cette methode, ils l'ont adoptee generalement ; elle est peu couteuse et facile a pra- tiquer. Ces deux raisons et celle de les constituer en peu de de- pense ontcontribue a son adoption. Voici la methode: immedia- tementapres la moisson , on laboure et on seme en meme temps, sur le chaume du ble , soit des pois , soit des feves; la germination s'en fait promptement. Lorsqu'ils ont acquis un pied de hauteur, et qu'ils commencent a entrer en fleurs , on les coupe a deux hauteurs avec une faux, puis on les enfouit. Si la terre est fraiche, ils tardent peu a se decomposer, et la terre alors recoit la semence avec avantage. Cette maniere de fumer est bien meilleure que celle des engrais ordinaires. Des experiences comparatives et faites dans le meme champ , les memes circonstances et le meme temps, ont toujours laisse un grand avantage du cote de Tenfouissement en vert; il n'est pas rare que cet avantage aille jusqu'au double du produit, avec un grand tiers de depense demoins. Mon succes , dans cette methode, m'a fait desirer beaucoup d'en obtenir un semblable dans l'admission des prairies artificielles. Malgre les profits que j'en retire et les bons exemples qu'en donne, dans tout le canton , M. Paul de Feligonde, agronome distingue, Ml MEMOIRES ET PIECES, cette pratique reste en arriere. Par elle , M. de Feligonde est par- venu a doubler ses recoltes cereales , a trouver dans ses terre les moyens de nourrir ses nombreux bestiaux , a en ameliorer les- pece, et a affermer toutes ses prairies naturelles. Quelques-uns de nos cultivateurs sentent bien les avantages de celtemethode,mais l'avidite des recoltes cereales, la grande division du sol, son pen de rapport, pour l'etendue, avec la nombreuse population, sont ■et seront long-temps un obstacle a l'ad mission generate des prai- ries artificielles et de la culture basee sur les bons principes. Dans I'assolement que j'ai adopte, le trefle et la luzerne tiennent cons- tamment rang. Je les seme sur le froment, apres le sarclage du ]>rintemps, que jefais a la herse a cheval dans la premiere quin- zaine d'avril. Apres roperation du sarclage, je seme la grainc dans le rapport de dix livres par mille toises, et apres je fais pas- ser une herse en bois; j'obtiens par la un nivellement parfait de la terre et le recouvrement de ma graine de trefle. Lorsqu'elle a leve, et que les premieres feuilles se montrent, je jette du platre sur le champ, et le trefle se developpe avec rapidite, et au point que, lorsque le temps esthumide , le trefle , a la moisson, a at- teint la demi-hauteur du ble. II arrive souvent qu'il y a, a la mi- septembre, une forte coupe de trefle, sans qu'elle nuise a celles de l'annee suivante. Cette annee, qui est la quatrieme de mon as- solement, le trefle est coupe deux fois , et enfoui a la troisieme par un leger labour a la charrue ; il est essentiel de ne faire ce dernier labour qu'en temps humide : les racines se decomposent plus vite, la recolte en est mieux. Lorsque l'enfouissement a ete fait par un temps sec , les racines tiennent la terre trop soulevee, ce qui fait souvent perir le ble en hiver. NOUVEAUX INSTRUMENTS ARATOIRES. Lorsque j'ai adopte la nouvelle methode de culture, je me suis mis enfrais d'instruments aratoires nouveaux; j'ai acquis d'abord la charrue de Guillaume, puis celle de Dombasle , la grande herse triangulaire a coutres enfer, et d'autres instruments, parmi les- quels figure le semoir de Hugues , que je trouve assez bien rem- plir le but pour lequel il est fait ; il seme regulierement et avec DEUXIEME SECTION. 483 beaucoup d'economie de temps ct de graines. Tout cela a exige une assez forte mise de fonds. J'ai exploite mes champs, pendant deux ans, avec les lourdescharru.es, au grand mecontentement de mes domestiques et au deperissement de mes bestiaux. Les hom- mes trouvaient les manoeuvres agricoles trop fatigantes , et les ani- maux y succombaient. La perte de plusieurs betes en etant arrivee, et les usagers del'ancienne culture en prenant occasion de se mo- quer de moi, je me degoutai de ces moyens de labour et je son- geai serieusement a changer mes instrumens aratoires. J'etais pret a reprendre les anciens ; tous ceux qui etaient dans le com- merce avaient le defaut des miens; ils pesaient trop et ils s'eloi- gnaient des formes de ceux du pays , ce qui etait une raison sufli- sante pour mes ouvriers de les repousser et de presque refuser de s'en servir. Cependant , il m'en coutait d'aller en arriere. Dans cette perplexite, je songeai a faire un instrument nouveau. Je pris alors l'araire du pays; j'en examinai attentivement toutcs les pieces. Je ne fus pas long-temps a m'apercevoir qu'elles etaient toutes bien concues, excepte le versoir qui ne tourne pas assez la terre , chose des plus essentielles dans le labour ; j'adoptai , de ce vied instrument des Romains, le mancheron , sa semelle, l'age et son moyen d'entrure et d'attaquer la terre. Son soc me parut vi- cieux ; j 'eus recours , pour cette piece , a la charrue de Guillaume ; celle de Dombasle me fournit le versoir pour la forme, mais au lieu de fonte, je le fis en tole forte ; j'evitai par la la lourdeur de l'instrument. II n'etait question que d'assembler toutes ces pieces d'une maniere solide et d'un jeu facile. Apres bien des tatonne- ments,j'y parvins, a l'aide d'un ouvrier intelligent et d'un agro- nome distingue et mecanicien habile , M. Amable Ducorail, de Riom. La chose faite , je fais I'essai de mon instrument : il opere bien ; il ressemble a celui du pays ; il est leger ; un homme le porte et le manoeuvre aisement, et il a l'approbation des cultiva- teurs intelligents. II n'en faut pas davantage pour me satisfaire. L'usage , cependant , m'ayant fait sentir qu'il etait possible d'en faciliter le jeu, je songeai a lui procurer cet avantage, et je 1'ob- tins en placant une roulette en fonte sous le talon de la semelle. Par la , je concentrai le frottement sur un seul point , et je facilitai TO* MEMOIRES ET PIECES, ia progression de l'instrument. Cette piece, aidee du long man- cheron de la charrue, donne un point d'appui pour la degager des obstacles et faciliter la manoeuvre ; ma charrue prit alors reputa- tion dans le pays. Ce succes m'encouragea et me porta a ajouter a son jeu : le support de l'oreille ou versoir etait d'une longueur fixe; je remarquai que , dans certaines circonstances, l'entrure se faisait diflicilement et que mes bestiaux etaient quelquefois arretes, parce que 1'ecartement de l'oreille l'empechait de s'enga- ger dans le terrain. J'avisai au moyen de la rendre mobile par le jeu d'une vis de rappel ; j'obtins par ce moyen ce que je desirais: par cette vis, le support etait alonge ou raccourci a volonte, de maniere a augmenter ou diminuer 1'ecartement de deux a trois pouces ; par la , je mettais ma charrue a la portee de tous les atte- lages et de tousles terrains. Depuis ce chaugement, 1'instrument n'a plus ete modi fie , et il m'a paru reunir tous les avantages que Ton peut desirer : il est leger, il laboure, avec une seule paire de vaches ou de bceufs, a huit a dix pouces de profondeur ; il re- tourne bien la terre , et le premier laboureur venu s'en sert aussi facilementque de l'araire ordinaire. Depuis dix ou douze ans que je m'en sers , il n'a pas eprouve de derangement notable. II ERSE ET RATISSOIRE. Lorsque j'eus satisfait a mes besoins de charrue, je songeai a feire une herse legere qui put devenir ratissoire a volonte; j'y par- vins. Je me sers de cet instrument pour herser mes froments au mois de mars, quand I'herbe commence a sortir; elle la detruit bien et tres-vite. Elle me rend de grands services pour cet objet et pour fossoyer mes terres apres les labours d'ete; I'herbe alors germe abondamment,et mon ratissoire la detruit mieux qu'un la- bour et beaucoup plus vite. Pour cette operation , il faut oter a la herse un rateau en fer qui est fixe sur la lame de l'instrument; cette lame est large de six pouces, forte, bien trempee et tran- chante. Le rateau y est adherent par le moyen des coutres de la herse qui ferment a ecroux. Ces ecroux ouverts, la herse est un ratissoire, monte comme et sur l'araire du pays. II est conduit fa- cilementpar un cheval ou un paire de bestiaux. On ne peut en DEUXIEME SECTION. 485 donner une idee exacte que par la vue ; mais ce qu'il y a de positif, il officie tres-bien. * Toutes ces ameliorations dans mes instruments aratoires m'ont fait obtenir de bonnes recoltes et a peu de frais , ce qui est essen- tiel en agriculture , car la plupart de ceux qui en font leur etat n'ont pas beaucoup davauces a faire. Mais en voila assez sur les instruments aratoires; venons a la derniere question du Gonseil general. Eile a pour objet l'assole- ment le plus convenable au departement du Puy-de-D6me. Tout ce qui a ete dit precedemment sur cet objet repond a cette ques- tion. Le terrain etant varie a Tinfini , les assolements doivent va- rierde meme; il faudrait, pour repondre a cette question, entrer dans des explications qui necessiteraient des details fastidieux. JVous terminerons done la ce Memoire, qui deja est trop long. ^ ■ n 486 MEMOIRES ET PIECES, MEMOIR E HIVE NOUVELLE PLANTE TEXTILE, PAR LE CHEVALIER SALYATOR SCUDERI, PROFESSEUR d'eCONOMIE CIYILE ET ©'AGRICULTURE A l/uNlVERSITE DE CATANE ; TRADUIT DE L'lTALIEN PAR M. ANSALDI. Messieurs , Les travaux et les recherches d'un seul individu ne sont ja- mais suffisants pour rendre une decouverte positive , et lui donner le degre d'utilite qu'elle doit avoir. Le hasard m'ayant fait decou- vrir dans une plante des pres une texture filamenteuse qui pour- rait ne pas etre inferieure au lin , et desirant verifier si ma decou- verte etaitreelle, j'ail'honneur de la souuiettre a votrejugeraent. La plante dont je vous parle est indigene des bases orientales de l'Etna et d'autres endroits de la Sicile, et de la plus grande partie du continent europeen. En me promenant, l'ete passe, dans un demes domaines situe sur la limite des regions inferieure et moyenne de l'Etna , sur uu sol forme de laves tres-anciennes, couvertes de terreau, de sable, «t parseme de bouquets d'arbres, je m'apercus que parmi les DEUXIEME SECTION. 487 plantes spontanees destinees au fourrage , il y en avait une qui s'elevait au-dessus des autres, et presentait plusieurstiges droites couronnees par des| epis cylindriques et purpurins. Pousse par la curiosite, j'en arrachai quelques-uns sans aucun but, et j'observai qu'en les arrachant ils laissaient beaucoup de fila- ments tenaces, tres-blancs, et luisants dans les endroits memes ou je les brisais. Frappe d'un tel fait, j'y portai toute mon atten- tion ; je me mis a arracher plusieurs autres tiges, et en detacher avec precaution les filaments. Cet essai ne faisant que me confirmer dans ma premiere idee, je concus aussitot la pensee que cette plante pouvait avoir des rapports avec les plantes textiles; con- vaincu de cela , je tins a en faire l'experience , et j 'arrachai la plus grande quantite que je pus , en usant de la methode employee pour le lin. Ayant separe les tiges de l'epi , je les mis macerer dans l'eau , dans laquelle je plongeai beaucoup d'herbes fanees, pour la ren- dre plus propre a la maceration. Apres dix jours je les sortis, et j'observai que leurepiderme, se detachantfacilement, laissait voir un tissu fibreux tout a fait blanc et luisant ; c'etait le moment de les teiller, mais le defaut d'experience me fit croire qu'ils n'e- taient pas assez maceres : je les remis de nouveau dans l'eau, ou je les laissai pendant deux autres jours , faisant avec une seule tige plusieurs essais, qui m'avertirent que le point de maceration etait passe; alors je les mis au soleil, et apres les avoir legerement secouessur une table, je les teillai avec un peigne de bois : la mace- ration trop prolongee qu'ils avaient soufferte , fit qu'en les teillant , non-seulement les tiges , mais les filaments se casserent ; cepen- dant j'en obtins une telle quantite, que, lies au milieu, ils pre- sentaient la grosseur du petit doigt , et deux palmcs ( mesure d'ltalie) de longueur. Leur apparence etait celle du lin, et sans Jeur blancheur, on eut pu les confondre. Le cours de plusieurs annees a converti la blancheur et le luisant en couleur foncee, comme vous pourrez en juger par l'echantillon que je yous sou- mets. J'auraisdii, il est vrai; faire d'autres experiences. Mepropo- sant bien de les effectuer plus tard, je n'ai pas voulu tarder plus long-temps a faire connaitre mes premiers essais, afin d'engager les societes d'agriculture a les repeter. i88 MEM01RES BT PIECES, La plantc dans laquelle se trouve la propriete precieuse dont je viens dc vous entretenir, apparticnt au genre trifolium , et c'est l'espece designee en botanique sous le nom dc trifolium pralense purpureum. On distingue deux varietes du trifolium pralense, l'une a fleur purpurine, 1 autre a fleur blanche; ces deux varietes n'echapperent pas a la sagacite du celebre Decan- dolle qui, en decrivantce vegetal, s'exprime ainsi : Caulibus ads- cendentibus,foliolisovatis,obtusis vel relusis, integris stipu- lis, latis, nervosis, glabris, breviter acuminatis, injlcxis, capitu- lis ovalis , obtusis , subsessilibus, laciniis calicinis , subpilosis Jlexibilibus inter se subscequalibus , corolla gamopetala, semini- bus reniformibus , complexis , Jlavescentibus. In Alpibus prce- cipuefrequcns. Foliola, viridia scepe. macula centrali albida subsagitfala , notata; variatjlore purpurco et albo (1). ' Le trefle a fleur purpurine a la tige rouge, le tissu fort et fi- breux, les fdaments flexibles et tenaces. Gelui a fleur blanche a une couleur verte pale, et il est presque vide dans Tinterieur, et prive de filaments; il est essentiel d'avoir en vue une telle diffe- rence pour ne pas se tromper dans l'espece dont nous parlons. II est utile de dire en passant qu'il y a eubeaucoup denaturalistes qui n'en ont pas parle, et d'autres qui l'ont particulierement indique. Yildenow, se restreignant a la denomination de trifolium pratense , detaille en lui les caracteres suivants : Spicis densis , ovatis , calicis dente infimo , lubo corollas monopetala? bre- viores ; stipulis aristatis , foliolis ovalibus subintegerrimis , caule adscendente (2). Persoon , a cette description deduite du systeme de Linnee , ajoute : in pratis graminosis. Savi s'etant attache a decrire avec tres-grand soin , en un petit ouvrage, les differentes especes de trefle, en parlant du notre, s'exprime ainsi : Caule adscendente , stipulis glabris , caudis brevibus , aristae formibus ciliatisy capitulis ovatis, obtusis, (1) Decandolle, Prodromus systematis regni vegetabilis. Parisiis, i825. (2) Persoon , Synopsis plantarum, \oc. trifolium , etc. DEUXIEME SECTION. 489 dentibus calycinis subpilosis Jlexibilibus , inferiore carina breviore (i). Je ne pretends pas certainement comparer les methodes des anciens botanistes avec celles des modernes; neanmoins , pour eclaircir davantage mon sujet, je n'omettrai pas que Matliole , en parlant du trifolium praiense, distingue les especes a fleur purpurine, comme il suit : Trifolium praiense alterum. Cauli- culis absurgit laiis obsequiosisquefoliis in unoquoque pedi- culo ternis, varia tamen facie perinde ac bituminosum. Namque quidamque ad radices sunt acetosi trifolii modo quod oxim vocatur, trina ex unico pediculo emergunt, cordis faciem quam- dam tenus imitantur, ccetera verb longa sunt , et in cacumine acuminata seu aphalina. Flores in capitulis sunt illi purpurei inflocci modum (2). Morison fit de meme en la classant sous le nom de trifolium praiense purpureum vulgare (3). De pareils noras furent adoptes par Bauhin et Fuchsius , dans le Pinax et dans Ylsioria plantarum[\). Trew cependant, dans i'Herbier de Blackvell, l'indiqua sous le nom de trifolium vul- gare. Delachamp, dans YHistoire ge'nerale des plantes (5), le nomma trifolium pratense, et de cette derniere denomination se servirent aussi Camerario, Taberna et Tragi (6). Dans tous les ouvrages de ces profonds investigateurs , sur la prodigieuse variete des plantes qui embellissent les parties ter- restres du globe, on a les dessins du trefle purpurin; ils sont (t) Savi , Obscivationes in varias trifolariuni species , etc. Florentis, 18:0. page 29. (2) Mattioli , Compendium, etc. , p. 522, Venetiis, 1 58c. (3) Morison , Histor. plantar. , Oxoniensis , sect. 9., tab. 12, Oxonii, t68o , et Parkinson, Theatrum botanicum , 1 no, fig., London, 1640. (4) Bauhin , Pinax. 327. Historia plantavum , torn. 2, p. 374 , etFucsmusi Historiaplantarum, etc., 817. (5) Delachamp, Hist, plant. , i354, Lugduni, 1587. (6) Camfrario, Epitome utilissimis de plantis , 682 ; Francofurti ad Moenum , i586. — TABERNA , Icones plantaram , seu stirpium. [Francofuiti ad Moenum , 1D90.— Tragi , Historia stirp. German. , 586. Argentine. i552. 100 ME.WOIRES ET PIECES, unifonnes et presque serablables ; cependant , Fuchsius ma semble s'approcher le plus de la verite. Desfontaines le desi- gnant dans sa Flore Atlantique, le qualifie de bon dessin. Je I'ai choisi parmi Ies autres, ef c'est celui-la, Messieurs, que je souraets a vos regards. Aucun des auteurs qui out parle des choses nouvelles, ne s'est occupe de cet objet, que je regarde comrae etant d'une grande importance. Le petit nombre d'essais que j'ai faits, laisse voir ce qui reste a faire pour completer l'histoire industrielle de ce vegetal. 11 faut noter que Fepoque propre au deracinement de cette plante, coincide en Sicile avec le premier juillet, parce qu'alors les tiges ont un degre convenable de maturite, pour donner un filament mou et flexible ; le temps de leur maceration n'excedera pas la duree de dix jours, qui indique le moment ou l'epiderme s'enleve facilement du tissu ligneux. L'eau dans laquelle on les fera macerer sera pure, plutot que bourbeuse, car le celebre Chaptal a demontre que Feau stagnante et putride excite souvent et con- serve une fermentation assez forte pour endommager le tissu (i). Plus Ton tiendra a cette precaution, plus on retirera d'utilite dela culture soignee de cette plant e. Dans son etat naturel , cette plante , privee d'une grande quantite de sues nutritifs, melee avec d'au- tres lierbes spontanees qui rendommagent toujours ; suffoquee dans les racines par 1'extreme durete d'un sol inculte, n'est pas dans le cas d'atteindre une vigoureuse vegetation ; mais si , au con- traire, elle est bien fumee, convenablement sarclee, arrosee abon- damment , si elle est soigneusement separee des herbes sauvages et nuisibles, elle parviendra sans aucun doute a doubler, tripler de sa vigueur. C'est ici surtout qu'il faut faire attention que le premier et plus utile eftet de la culture sera celui d'en retirer les plus longues tiges, afin qu'il soit plus propre a Tusage au- quel on desire le destiner. La physiologie vegetale a clairement demontre que tous les vegetaux aiment la clialeur du soleil, prin- eipale cause de tous leurs phenomenes. Partout ou ils sont at- {l) Chaptal, Elements de chimie, etc. » t. 4» part. 4> chap. 5, pa^e 29,2. DEUXIEKE SECTION. 491 teints en tous points de ses rayons, on en remarque la bienfai- sante influence, et des rejetons lateraux s'echappent ; mais toutes les foisqu'ils ne peuvent recevoir lateralement cette inQuence, ils tendent to uj ours a s'elever verticalement, et a devenir extraordi- nairement grands. Aussi on seme les arbres tres-epais , pour obte- uir les troncs tres-longs et droits ; il est egalement d'usage en agriculture de semer tres-epais les plantes textiles, pour avoir les tiges longues et privees de branches laterales. Les soins qu'on pourra mettre pour la culture de cette plante, ne seront done pas perdus. II sera tres-facile d'en ramasser les semences, d'un jaune vif tres-luisant, placees au fond de petits calices dans l'epi. Le terrain qui leur est favorable n'est pas rare, puisqu'il le faudra leger et sablonneux et de moyenne consistance. Cette culture n'exige ni de longues avances, ni de penibles tra- vaux. Mais si une fois Ton parvenait a en produire une grande quantite avec des regies de culture bien arretees, on augmenterait necessairement une des branches industrielles les plus productives. Je ne puis, ilest vrai, prive comme je suis d'une longue serie d 'experiences , donner beaucoup de garantie a raes previsions; si pourtant je ne me trompe, je dois dire qu'en supposant que le trefle purpurin restat en tout inferieur aux autres plantes texti- les, il serait cependant toujours le premier pour la blancheur ; il faudrait encore le considerer comme une plante tres - precieuse. On n'ignore pas la difficulte de trouver de nouvelies plantes texti- les, et Ton sait que Ton a fait a cet egard beaucoup de vaines tentatives. Avec combien de peine et de perseverance n'a-t-on pas voulu depuis peu reduire en methode l'exlraction du peu de substance filamenteuse qui existe dans plusieurs sida, dans le lupin com- muri, dans le saracchi et dans le houblon. Combien d'agronomes ont essaye d'y reussir. Avec quel avidedesir les intelligents fabri- cants de tous genres de tissus ont-ils cherche quelques heureuses decouvertes en ce genre d'industrie. line faut done pas mettre de cote tout ce que Ton peut esperer en ce genre. II ne faut pas se creer d'avance des difficultes contre le succes d'un essai dont il faut au contraireaugurerfavorablement. Al'epoque actuelle, ou de 492 MEMOIRES ET PIECES , grandes decouvertes et d'admirables inventions attestent dans toute l'Europe le progres des lumieres et la profonde sagacite de ceux qui chercheut a reculer les bornes de la science et a la faire tourner au profit de la societe; a uneepoque on Ton entend partout la voix encourageante de ceux qui sont places dans une sphere plus elevee, j'ai cru devoir apporter mon faible tribut a la masse des connaissances humaines , et prouver au moins le de- sir que j'ai d'etre utile a l'agriculture et a la societe. DEUXIEME SECTION. 493 ECONOMIE PUBLIQUE. CAM AWBZm «■ CSSBJUire 2D^ 3FER » PAR M. PEUREY, DE SAINT-ETIENNE. Quels sont les avantages et les inconvenients des chemins de fer et des canaux relativement au commerce et a l'industrie ? Ces deux moyens sont-ils egalement propres au transport des mar- chandises, ou l'un d'eux doit-il etre prefere a l'autre? Les cir- constances de localite ont-elles une grande influence sur la so- lution de cette question ? De tous les moyens propres a favoriser le developpement de Tindustrie, ou a augmenter l'activite du commerce, il n'en est pas de plus efficaces et de plus desirables que des communications nombreuses et faciles. En ouvrant de nouveaux debouches aux produits de l'industrie agricole et manufacturiere , en reduisant les prix de transport et par suite ceux des objets de consommation , elles excitent une culture plus variee etmieux entendue, ellessti- mulent aux progres dans les arts , et donnent une grande impul- sion a la reproduction. Par les canaux et les chemins de fer, les etablissements indus- tries se multiplient , les forets , les mines s'exploitent, le terri- toire se fertilise , le commerce etend ses operations , le nombre des consommateurs augmente. Des voies de circulation rapides et economiques sont au nombre 494 MEMOIRES ET PIECES, des plus grands bienfaits qu'un gouvemement paternel puisse pro- curer aux citoyens. Abreger en quelque sorte les distances, rap- procher les homraes et les unir, augmenter leurs relations, mul- tiplier les richesses par les echanges, faciliter l'etablissement de nouvelles manufactures, mettre les matieres premieres a la portee des fabricants et les produits des fabriques a celle des consomma- teurs, tels sont les principaux avantages des communications per- fectionnees ; elles sont tout a la fois les causes et les effets d'une civilisation progressive. Le perfection nement des voies de transport signale , en effet , la marcbe de la civilisation et les progres des relations commerciales. Dans l'enfance des peuples, on ne connait que le transport a dos d'homme ou des betes de somme : les chemins sont a peine traces. Bientot s'ouvrent des routes plus ou moins commodes. Ce n'est qu'a une epoque de civilisation avancee que les canaux a ecluses ont ete imagines. Nous entrons dans I 'ere des chemins de fer. Pour apprecier les avantages et les inconvenients de chacune de ces deux voies de transport, il est necessaire de les considerer sous les rapports De i'economie du transport , De la celerite , Dela regularity ou continuity de service, De ladepense de construction et d'entretien. § Ier. — Economie du transport. Inexperience a fait connaitre qu'un cheval de force moyenne, marchant au pas pendant neuf heures par jour, ne peutpas porter sur son dos au-dela de ioo kilog. Ce meme cheval, attele a une voiture, peut trainer a une dis- tance egale, sur une bonne route empierree. . 1,000 Sur un chemin de fer, 10,000 Sur un canal 60,000 Tel est le resultat immense d'un moyen de transport decouvert parle genie deThomme. Un cheval peut transporter, sur un ca- nal, un poids six cents fois plus considerable qu il ne pourrait le faire sur son dos. DEUXIEWE SECTION. 495 La facilite du deplacement d'un poids qaelconque sur l'eau rend ce moyen de transport plus economique que les autres. Iln'y a que la navigation fluviale, a ladescente, quipuisse lui etre preferable. Sur les chemins de fer, le transport est plus couteux, les frais de traction et d'entretien etant plus considerables : aussi les tarifs de peage sont-ils plus eleves sur ces chemins que sur les canaux. Les tarifs autorises jusqu'a ce jour portent le peage , y compris les frais de traction , par tonne et kilometre , sur le chemin de fer de Saint-Etienne a Andrezieu , a 19 c; sur celui d'Andrezieu a Roanne, a 14, 5 a la descente, a 17, 5 a la remonte; sur ceux d'Alais au Rhone, d'Epinac au canal de Bourgogne, a i3 c. ; sur celui de Thann a Mulhouse, a 12 et 16 c. , suivant Tespece des marchandises ; sur celui d'Abscon a Denain , a 10 c. ; sur celui de Saint-Etienne a Lyon , a 9, 80 ; sur celui de Paris a Saint-Germain , a 8 c. pour la houille. Les tarifs des droits percus sur les canaux varient, en general suivant I'espece des marchandises et ne comprennent pas le fret, c'est-a-dire le loyer du vehicule et les frais de traction. Les ma- tures les moins precieuses paient sur le canal du Midi , par tonne et kilometre , 8 c. outre le fret qui est de 1 c. 6; sur les canaux de Givors et du centre, 7, 5 c. ; sur les canaux autorises en 1822, 5 c. ; sur ceux de Briare , de Loing , de St-Quentin , 2 c. Du rapprochement des tarifs, il resultequele prix du transport sur les canaux est beaucoup moins eleve que sur les chemins de fer. La difference vient des frais de traction : ils se sont eleves, sur le chemin de Saint-Etienne a Lyon, a (c. par tonne et kilometre, et les frais d'entretien dans une proportion egale. En Angleterre, ils varient entre 4 et 9 c. Le chifFre le plus has appartient au che- min de Stockton a Darlington , et le plus eleve au chemin de Liver- pool a Manchester. A 1'economie qu'onrent les canaux, il faut ajouter un autre avantage : c'est celui de pouvGir suffire a un transport illimite, tandis que le service des chemins de fer rencontre des limites dans le nombre des wagons, dans les lenteurs du chargement ou 490 WEMOIRES ET PIECES, dechargement, dans I'ordre du mouvement et dans lcs accidents qui eucombrent la voie. C'est par ces diverses causes que, pendant trois ans, la com pa - gnie du chemin de fer de Saint-Etienne a Lyon n'a pu satisfaire a toutes les demandes de transport qui lui etaientadressees par les exploitants de mines. Elle a employe tous ses efforts devant l'au- torite judiciaire et devant l'autorite administrative pour etre af- franchie de l'execution de Tart. 6 du cahier des charges de l'adju- dication, qui l'assujetit a effectuer constamment avec soin , exactitude et celerite, sans pouvoir en aucun cas le refuser, le transport des denrees, marchandises et matieres quelconques qui lui sont confiees. Leplus fort tonnage transports par ce chemin, jusqu'en i838, a ete d'environ 600,000 tonnes et 200,000 voyagenrs par an. On admetque, par l'accroissement du nombre de wagons et par une plus grande diligence apportee au chargement ou dechargement, Ton puisse doublerla quantite des transports, mais il n'est pas pre- sumable quun chemin defer, a 2 voies seulement, puisse trans- porter sans encombrement beaucoup au-dela de 1,000,000 de tonnes. Telle est l'opinion des ingenieurs anglais : ils estiment qu'une route ordinaire peut suffire au transport de 200,000 tonnes , et un chemin de fer a celui d'un million ou 1,200,000 tonnes, tandis qu'un canal peut transporter un tonnage indetermine qui ne trouverait de limites que dans I'insufnsance des eaux ou dans le temps necessaire a la mano?uvre des ecluses. Du reste , la ligne de Saint-Etienne a Lyon est peut-etre la seule en France ou un chemin de ier puisse etre insuftisant pour effec- tuer tous les transports du commerce. Les transports se sont eleves sur cette ligne, en 1837 , par le chemin defer, a 5oo,ooo t. (1) Par le canal de Rive-de-Gier a Givors, . . 200,000 Par les routes de terre, .' . 100,000 Total du tonnage 800,000 (1) Pendant le niois de mai 1 838, il a etc transporte 48,3oo tonnes de com- bustibles ou marcbandises. * DEUXIEME SECTION. 497 qui est encore susceptible de s'accroitrc beaucoup, tandis que les transports qui s'eft'ectuent ooo metres, combler des vallons, faire des tranchees de i5 ou 18 metres de profondeur, etablir des gares , des embarcaderes , des ports sees, etc. En general, si les accidents de terrains ne sont pas trop multiplies, un chemin de fer peut etre construit a moindres frais que les ca- naux a point de partage. En Belgique, les chemins de fer n'ont coute que 5oo,ooo f. par lieue ; ils n'ont coute, aux Etats-Unis, que 25o,ooo fr. D'ailleurs, l'experience a fait connaitre aux constructeurs des economies que Ton n'a pu realiser dans la confection des premiers chemins, etleur fera eviter les erreursqui out necessite des repa- rations dispendieuses. Des observations et des faits qui precedent, il suit que les canaux et les chemins de fer ont des avantages qui leur sont propres. Les premiers, qui operent les transports avec lenteur, mais avec economie, doivent obtenir la preference, lorsqu'il s'agit de (i) Voir les Comptes-rendus. 35 502 MEMOTRES ET PIECES, matieresou marchandises qui sont peu susceptibles d'avarie et ne doivent pas arriver a jour fixe, La destination des chemins de fer semble reservee au transport des voyageurs et des marchandises. precieuses pour lesquelles la ce'le'rite est la plus essentielle des conditions. Ces deux voies de transport, loin de s'exclure, peuvent tres-bien se concilier. L'une peut etre employee dans des localites ou 1'autre serait impraticable, Sur les lignes tres frequentees, comme celle de Saint-Etienne a Lyon, une voie navigable et uue voie de fer peuvent avoir lieu cumulativement. La masse de transports est assez considerable pour donner une grande activite au service de Tune et de 1'autre. Sur les lignes qui ne peuvent pas entretenir les deux voies, Ton peut employer avec avantage la voie d'eau dans les parties inferieures de la contree et la voie de fer dans les parties supe- rieures. Gelle-ci sert a completer le reseau des communications qui doivent embrasser toute l'etendue du royaume, pour qu'au- cune partiedu territoire ne soit etrangere au progres de la pros- perite generate. m TROISIEME SECTION. 503 TROISIEME SECTION. DESTINES A MA1NTENIR DANS UN ETAT P ECARTEMENT PERMANENT LES BORDS M LA PLAIE l)E LA TRACUEEARTERE , APRES LOPE RATION DE L A TRACHEOTOME , Pratiqu6e COMME DERNIERE RESSOIRCE DAKS LA PERIODS EXTREME DU CROUP , AVEC IMMINENCE DE SUFFOCATION. TAR M. CELLIER, DOCTEUR EN ME DE CINE. Ltiomme, des sa naissance, est assujeti a la necessite ,de res- pirer ; sa vie est attachee a cette fonction, et sa lesion compro- met constamment son existence. Aussi l'operation de la tracheo- tomie, pratiquee dans l'intention de retablir la libre faculte de respirer , lorsque la respiration est empechee ou rendue tres-dif- cile , remonte a une haute antiquite. Les causes les plus ordinaires qui necessitent cette operation sont un gonflement inflammatoire du larynx ou des parties envi- ronnantes, un corps et ranger engage accidentellement dans le conduit de l'air, ou arrete dans le pharynx, bouchant la glotte, ou dans rcesophage,comprimant la trachee-artere, sans qu'on puisse le retirer ni le faire descendre dans l'estomac ; enfin , le develop- 504 MEMOIRES ET PIECES, pement d'une tumeur polypeuse dans un des ventricules du larynx qui intercepte le passage de Fair. Home, medecin anglais , est le premier qui ait parle du croup dans un ouvragequ'il a publie en 1765, et qui ait conseille Tope- ration de la tracheotomie dans le traitement de cette maladie. Depuis Home, Michaelis, Garron et autres medecins ont aussi conseille ou pratiqae la tracheotomie dans le croup. Cette operation de salut fut d'abord blamee , critiquee, defen- due; ensuite des tentatives malheureuses, des insucces intimide- rent les praticiens , et la tracheotomie a laquelle ses adversaires attribuaient des dangers, et qui la presentaient meme comme une operation meurtriere, fut decreditee et abandonnee. A cette epoque, il faut le dire, la tracheotomie avait pour objet seulement d'extraire artificiellement la membrane croupale qui revet l'interieur du conduit aerifcre, considered alors comme le croup tout entier, comme constituant toute la maladie, et de retablir ainsi la respiration. Mais comme cette membrane croupale est le produit du croup , ou d'une inflammation specifique appelee croup, qu'elle adhere a la membrane tracheale, et qu'elle ne peut en etre separee artifi- ciellement, l'operation devait tout au plus prolonger de quelques instants l'existence de l'enfant , en permettant a l'air d'aller dans les poumons y ranimer la vie. II etait reserve a M. le docteur Bretonneau d'apercevoir le ve- ritable but de la tracheotomie et de l'atteindre. En eftet, en pratiquant cette operation hardie, au milieu de l'horrible et ef- frayante reunion de signes precurseurs d'une mort imminente par suffocation , M. Bretonneau n'a pas eu pour but unique de donner entree a l'air dans les poumons, de livrer passage a la membrane croupale et autres produits morbides pulmonaires; il a surtout voulu atteindre la maladie elle-meme dans le conduit de l'air, attaquer cette inflammation locale par une medication locale , propre a en changer la nature , a la convertir en une in- flammation simple, facile a guerir; en un mot, a la modifier de telle sorte qu'elle cesse de secreter de nouvelles fausses mem- branes. Le succes a couronne son entreprise. T110IS1EME SECTION. 505 Pour obtenir un aussi heureux resultat , il faut maintenir dans un etat d'ecartement permanent les bords de la plaie de la trachee- artere, afin de pouvoir appliquer sur la muqueuse tracheale en- flammee les topiques juges necessaires. L'artne possedant pas un moyen sur pour maintenir dans uu etat d'ecartement permanent les bords de la plaie de la trachee-artere, apres l'operation de la tracheotomie , on a rempli jusqu'a present cette indication en in- troduisant dans cette plaie une canule dont l'invention est attri- bute a Fabrice d'Aquapendante. Les chirurgiens accusent cet instrument de se deplacer facile- ment par les acces de toux qui tendent a expulser au dehors les mucosites pulmonaires, et les debris de la membrane croupale , d'etre bouche facilement et «ntierem.eut par ces memes causes, ce qui exige une surveillance active et eclairee, sans laquelle la ca- nule venant a se deplacer ou a s'obstruer, l'enfant mourrait suffo- que, si une main habile ne venait promptement a son secours en retablissant la canule dans la trachee-artere. Je ne parle pas de la difficulty de reintroduce la canule, ni de la douleur qu'elle fait eprouver par son frottement sur les bords tumefies et enflammes de la plaie. M. le docteur Trousseau a publie , dans la premiere et deuxieme livraison du Journal des Connaissances medico-chirurgicales, des details pratiques tres-lumineux sur l'operation de la tracheotomie, pratiquee dans la periode extreme du croup. Cepraticien, frappe des inconvenients de la canule, a imagine, pour les eviter, un ins- trument qu'il croit propre a maintenir ecartees les levres de la plaie apres l'operation. Cet instrument est un morceau de fil d'archal d'un assez gros calibre, qu'ii faut courber en forme de pincette; on recourbe en- suite en dehors chaque extremite en eperon , d'une ligne de lon- gueur; il faut donner aux deux branches de cette pincette un ecartement tel que les deux extremites introduites dans l'ouver- ture de la trachee, celle-ci soit maintenue parfaitement beante. Cette pincette, M. Trousseau le dit lui-meme, peutsederanger et exige egalement la presence dune personne instruite pour la remettre en place lorsque cet accident arrive, parce que l'enfant succomberait rapidement k une asphyxie par suffocation. 500 MEMO HIES ET PIECES, Ce malheureux evenement est en efFet arrive a ua enfant de cinq ans, opere par M. Trousseau; ce jeune enfant ne laissant plus d'inquietude , fut confie aux soins d'une persoune qui se di- 8ait eleve en medecine, et qui ne l'etait reellement pas ; 1'instru- ment se derangea , et au bout de quelques minutes l'enfant mou- rut suffoque. D'apres ce que je viens d'exposer, il me parart evident que la canule, ainsi que la pincette de M. Trousseau n'offrent pas des garanties suffisanles pour arriver au but desire, puisqu'on n'est pas siir,en employant Tun ou l'autre instrument, de maintenir ecartees les levres de la plaie pendant la duree du besoin. Gette ouverture permanente de la trachee etant une condition indispensable au succes de la tracbeotomie, il m'a semble qu'on pourrait obtenir cet avantage en se servant de crochets-mousses, au moyen desquels chaque bord de la plaie, tire en dehors, lais- serait une ouverture permanente qui permettrait non-seulement d'explorer la trachee et le larynx , mais encore de porter dans ces endroits une medication locale variable, selon les circonstances. II est facile de construire ces crochets : un morceau de fil d'ar- chal, d'un mince calibre (ou une aiguille a tricoter), d'une lon- gueur de quatre pouces; on le courbe d'abord en forme de pin- cette, on recourbe ensuite en dehors chaque extremite en for- mant un petit anneau , a 1'aide d'une pince a pansement; on re- courbe enfin le haut de la pincette en forme de crochet, en ob- servant de le laisser assez ouvert pour recevoir un peu plus que toute l'epaisseur presumee des levres de la plaie , a cause du gon- flement qui survient apres i'operation. Chaque crochet doit etre fixe a un bout d'un bande d'un pied de longueur. N'ayant pas eu occasion de m'en servir'sur le vivant , je les ar appliques sur un cadavre de la maniere suivante : L'operation de la tracheotomie achevee , j'ai introduit au centre de la plaie le bout d'une sonde cannelee, tenue de la main droite; a l'aide de ce levier , j'ai ecarte la levre droite de la plaie, de ma- niere a l'engager dans un crochet que je presentais de la main gauche; cela fait , j'ai retire la sonde de la trachee , et j'ai exerce TR01SIEME SECTION. 507 une legcre traction sur la bande ; un aide a ete charge de la main- tenir dans cet etat ; j'ai ensuite procede de la merae maniere pour la levre gauche, en me servant de la main gauche. Les bords de la plaie ainsi engages dans les crochets , le bout libre de chaque bande a ete porte derriere le cou, toujours dans un etat de traction, afin qu'ils ne pussent s'echapper des crochets. La, les bandes ont ete serrees moderement; alors une large ou- verture s'est montree a la trachee. La laxite des cerceaux cartilagineux de la trachee-artere apres leur section , dans loperation , explique la facilite avec laquelle j'ai obtenu cette large ouverture j et la faible resistance des bords de la plaie a la puissance qui tendait a les separer, eloigne l'idee d'une compression nuisible des jugulaires par les bandes des crochets. D'apres ce que j'ai vu sur le cadavre, ne suisje pas fonde a penser qua 1'aide des crochets on pourrait avoir un ecartement plus grand que celui qui resulte , soit de l'application de la ca- nule, soit de celle de la pincette de M. le docteur Trousseau ; que cette ouverture serait toujours suffisante a Tissue des mar tieres croupales ; qu'elle ne pourrait etre bouchee par ces ma- tieres; qu'elle presenterait un acces plus facile a la medication locale ; et , consequemment , qu'on arriverait plus surement au but de la traoheotomie? Je termiuerai parle resume suivant, d'un cas de laryngotomie tres-curieux et tres-rare, communique al'Academie de medecine de Paris, au mois de septembre i834, qui seul suffirait pour de- montrer les inconvenients et l'insuffisance de la canule, pour maintenir dans un etat d'ecartement permanent les bords de la plaie de la trachee-artere , apres l'operation de la tracheotomie. Therese Amadori , vingt-deux ans, conduite peu reguliere, af- fectee d'ulceres a la gorge, passa par les remedes;le mal local seul guerit. Elle conserva une aphonie ; elle entra a l'hopilal de Pise , a cause dune difficulty de respirer ; la region du larynx etait tu- mefiee , les tonsilles etaient detruites , le voile du palais ronge en partie, et de fortes adherences pouvaient etre senties au fondde la gorge. Apres une consultation qui eut lieu , on fut d'avis que 508 MEJIOI RESET PIECES, l'unique ressource etait la laryngotomie. Cette operation adoptee, M. Rigolis la pratiqua. La surprise de ce chirurgien fut grande; le bistouri retire de la membrane cricothyroidienne , pas un souffle d'air ne sortit de la plaie; toute cette partie du larynx etait occupee par des brides fortes; l'operation fut agrandie par le bas, et on divisa plusieurs anneaux dela traehee; l'air alors sortit tres- bien, et la respiration se fit librement par cette ouverture. Une canule d'argent y fut placee; mais danslajourneela canule se trou- vantbouchee par des mucosites, il fallut la remplacer par une autre. A deux heures du matin nouvelle suffocation , la canule etait de nouveau obstruee. Le chirurgien se decida alors a exciser une portion des anneaux de la traehee , afin d'avoir une ouverture permanente; il reussit en effet, et par cette ouverture s'echappa une grande quantite de mucus puriforme. On essaya de dilater la partie superieure du larynx , en y introduisant des sondes ; mais ce fut en vain , et la malade guerit de sa dispenee, en conservant a la trachee-artere une ouverture fistuleuse incurable. ]\'est-il pas presumable que si M. Rigolis eut eu l'idee de se servir de crochets, au lieu d'une canule, pour maintenir ecartes les bords de la plaie, il aurait pu detruire les brides qui remplis- saient le larynx de la malheureuse Therese , sok par un instru- ment tranchant, soit par un caustique, ou par tout autre agent therapeutique mieux indique ; en restituant ainsi a l'air sa voie naturelle dans les poumons, il n'aurait pas ea besoin de mutiler le conduit pulmonaire, en emportant avec le bistouri une partie des anneaux fibro-cartilagineux de ce canal aerien , a fin d'obtenir une ouverture permanente a la trachee-artere, organe dont l'in- tegrite est necessaire au libre exereiee des fonctions respiratoires , et indispensable a remission des sons vocaux. II faut pourtant en convenir ; cette infortunee est redevable de la vie a l'operation de la tracheotomie, qui etait reellement, dans cet etat desespere , son unique moyen de salut; seulement, il est facheux que l'excision d'une portion des cerceaux de la trachee- artere l'ait afiligee d'une glotte contre nature , infirmite hideuse?, degoutante, devenue desormais indispensable a son existence. TROISIEME SECTION. 509 NOTICE SUR 3U3S Sl^UIS 2D3i MLWMJkffiUmy PAR M. PARROT , DOCTEUR EN MEDECINE AEX MARTRES-d'aRTIERES. Les eaax minerales de Medague sont situees dans la commune de Joze, canton de Maringues, arrondissement de Thiers, stir la rive droite del'AUier,a trois lieues de Clermont, a une lieue seulement de la grande route de Lyon a Bordeaux , et a un quart de lieue du chemin de grande communication de Pont-du-Chateau a Randan. Ces sources sont au nombrede trois principales, et d'un grand nombre de petits suintements que des fouilles rendraient sans doute plus abondants. Elles sortent du sol dans une plaine entierement cultivee que sa position soustrait a la plupart de ces brusques changements de temperature si frequents au Mont-Dore et dans plusieurs autres localites celebres par leurs eaux. Elles sont abordables en tout temps, meme pendant les neiges del'hiver,et les malades des environs peuvent arriver par eau etsans fatigue jusque sur le lieu meme ou ils viennent cbercher la guerison a leurs maux. Le sol d'ou s'echappent les eaux de Medague fait partie de la grande formation alluviale qui recouvre toute la partie est de la Limagne. C'est une couche puissante de cailloux roules plus ou 510 MEM01RES ET PIECES, moins volumineux, dans lesquels on distingue des granits, des quartz , des basaltes , et la plupart des roches qui existent en Au» vergne. Qa et la , les cailloux et les sables ont ete agglutines par des depots calcaires ou par des arragonites qui proviennent evidem- ment des eauxelles-memes. Aujourd'hui encore, elles cimentent les graviers sur le bord de la riviere, couvrent les roches de fer hydroxide et incrustent les roseaux de sediments calcaires , qui constatent leur nature minerale et l'abondance des matieres qu'elles renferment. La source principale est sit^ee sur le bord de l'Allur etpresque toujours recouverte par ses eaux Elle est done dans le lit meme de la riviere et appartient au Gouvernement; quelques travaux bien entrepris en eloigneraient l'eau facilement et permettraieot de profiter de cette source magnifique qui ne donne pas moins de 465 metres cubes d'eau par 24 heures. II sort avec l'eau une grande quantite d'acide carbonique qui s'eleve en bouillons et dont les bulles viennent crever a la surface du liquide. Sa tempe- rature donne une moyenne de 17 degres; mais comme la source est encombree d'un grand nombre de blocs de rochers, que l'eau est obligee de traverser, on l'obtiendrait certainement bien plus chaude en la debarrassant de l'eau de la riviere et en la recueillant a son point de sortie. Une autre source tres-belle existe dans la proprietede M. Gou- tay , proprietaire a Joze. Elle s'echappe dans un bassin qu'elle s'est creuse naturellement et qu'elle a couvert de concretions calcaires ; elle offre aussi un grand degagement d'acide carbonique, et donne environ u5 metres cubes d'eau par 24 heures. Enfin , la troisieme source appartient a M. Daguillon , aussi proprietaire a Joze. Elle presentelesmemes caracteres que les au- tres et donne a peu pres la meme quantite d'eau que la derniere , e'est-a-dire 1 15 metres cubes d'eau par 24 heures. En reunissant ces diverses quantites d'eau , on aurait un total de 695 metres cubes par 24 heures, quantite enorme qui suffirait pour alimeoter le plus vaste etablissement. L'eau de Medague, notamment celle du Gros-Bouillon , presente les caracteres sui van's: TR0IS1EME SECTION. 511 Elle est limpide, incolore, transparente, et repand une odeur assez prononcee de bitume ; sa saveur, d'abord acide et aigrelette , ensuite piquante, laisse dans la bouche un arriere-goiit alkalin Elle mousse et petille comme le vio de Champagne. Cet effet est du. a la quantite d'acide carbonique qui sen echappe, surtout lorsqu'on la fait chauffer. Sa pesanteur specifique differe peu de celle de l'eau distillee. La quantite de sel qu'elle renferme compense l'acide carbonique qui s'y trouve contenu et qui tendraft a la rendre plus legere. Un litre de cette eau contient : Acide carbonique i , .. 538 Azote . . des traces. Bicarbonate de soude 4> .-.o5i Hydrochlorate de soude o ...672 Sulfate de soude o ... yoS Silice. . des traces. Matiere organique . des traces. Fer. des traces. Du moins en quantite inappreciable au poids. En somrae, cette eau contient par litre pres de sept grammes de principes mineralisateurs , et peu de sources thermales ont offert un semblable resultat. Cette eau est tres -remarquable aussi par la matiere organique qu'elle renferme; bien que sa quantite n'ait pas ete appreciee par l'analyse, il n'en est pas moins vrai que cette matiere joue un role important dans son action surl'economieanimale; elle rend l'eau onctueuse , douce au toucher et comme savonneuse ; il pa- rait que cette substance organique s'y trouve combinee avec une petite quantite de soude. Chaque annee, le nombre des personnes qui frequentent les eaux de Medague augmente d'une maniere tres-sensible : ce nombre , qui etait d'environ trois cents l'annee derniere, a deja depasse quatre cents cette annee, et tout porte a croire qu'il augmente- rait dans une forte proportion, si des precautions etaient prises pour assurer une bonne distribution des eaux et pour empecher certains malades de venir se plonger dans des sources dont les eaux doivent ensuite elre bues par dautres. 512 MEMOIRES ET PIECES , Douees des principes riches que je viens de signaler , elles ont ete depuis long-temps appreciees par tous les medecins de cette partie du departement qui y envoient, chaque annee, de nom- breux malades. J'ai pu moi-meme, depuis pres dequinzeans que j'exerce la medecine dans ce pays , constater leur efficacite dans un grand nombre de cas; et s'il est constant que les eaux mine- rales tiennent un rang eleve dans les salutaires decouvertes de la science medicale, celles de Medague doivent y occuper une place et meritentsurtout d'etre plus connues. Leur position est une de ces bienfaisantes dispositions de la na- ture, qui bien souvent a place le remede a cote du mal. Situees presque sur la limite de nos marais , elles se trouvent pour ainsi dire en face dela plupart des maladies propresaux ha- bitants des lieux bas et humides , ou toutes les circonstances se reunissent pour leur developpement. Les montagnes elevees qui enclosent la Limagne attirent les nuages, les condensent, et donnentlieu a des variations brusques de temperature , a des passages subits du froid au chaud , a des pluies frequenteset abondantes au printemps, etsuivies de cha- leurs suffocantes en ete. Ces pluies, rares a cette epoque de Tan- nee, reparaissent ensuite au mois d'octobre et sont bientot rem- placees par des froids tres-vifs. Une circonstance qui concourt aussi puissamment a entretenir l'humidite de Tatmosphere , c'est la nature et la disposition d'un sol qui s'imbibe d'eau, qui la retient, et sous lequel se trouvent des bancs calcaires tufaces qui lui forment un veritable vase. Joignons a ces causes de maladie tous les accidents qui peu- vent resulter des habitations insalubres et de l'usage de mauvais aliments. L'on observe, dans presque tous les villages de la basse Lima- gne, les dispositions les plus facheuses pour la situation des habi- tations; elles sont pour la plupart placees au niveau du sol et souvent au-dessous, sans pave ni plancher ; les ouvertures en sont rares et toujours tres-etroites, impenetrables, par consequent, aux rayons du soleil. On prevoit des-lors quelles doivent etre les conditions de l'air non renouvele de ces habitations elroites , sales TROIS1EME SECTION. 513 et encombrees d'habitants; et pour ajouter encore a ces circons- tances d'insalubrite, il existe presque constamment, devant ces habitations, des mares ou pourrissent continuellement les engrais dans une eau sale et croupissante. La nourriture du peuple est presque toute vegetale , souvent de mauvaisequalite, presque toujours mal preparee; elle consiste le plus ordinairement en pain fait avec les farines du plus mauvais froment, d'orge, de seigle, de feves, auxquelleson ajoute souvent des pommes de terre grossierement ecrasees. Ce melange forme un pain noir, compact, pesant, presque point fermente et peu cuit; en fruits , en legumes et en laitage, et de temps en temps en viande de pore. Dans la plupart des villages aussi de la basse Limagne, on boit de l'eau de puits, qui est generalement mauvaise; car les eaux, filtrant a travers des couches calcaires et bitumineuses , y dissol- vent des sels de chaux et du bitume, ce qui leur donne unesaveur detestable; en general, elles ne dissolvent pas le savon. D'apres toutes les circonstances atmospheriques et physiques que je viens de signaler, on pent prevoir quelles sont les affections les plus frequentes chez les habitants de la plaine. Les coteaux et lesvoisinages des montagnes presentent plus generalement les ca- racteres des affections aigues avec plethore sanguine. La basse Limagne, au contraire, dont l'atmosphere est froide et nebuleuse pendant la majeure partie de l'annee , chargee des exhalaisons miasmatiques d'un sol humide et marecageux , et viciee de plus , dans les grandes chaleurs , par les matieres vegetales des marais en putrefaction , offrent, en general, a l'observation moins d'acuite dans les maladies et des conditions bien differentes. Un des pre- miers effets de ces conditions, e'est le peu d'energie des fonctions cutanees et les derangements que cette excretion depuratrice est souvent exposee a eprouver. Je ne parlerai pas ici du grand nombre de maladies qui peuvent affecter les habitants de la basse Limagne; ce nest pas le but que je me.suis propose en ecrivant ces quelques lignes ; je ne ferai mention que de celles qui peuvent etre plus specialement gueries ou modifiees par les eaux de Medague; telles sont: 514 MEMOIRES ET PIECES , Les gastrites et gastro-enterites chroniques ; Les engorgements du foie et de la rate ; Les coliques hepatiques et les embarras des conduits biliaires ; Les maladies chroniques des voies urinaires et des organes de la generation ; Les chloroses et les leucorrhees ; Les scrofules et les mesenterites tuberculeuses, indolentes et sans fievre, etc. Les proprietes immediates des eaux de Medague donnent lieu a une excitation generate plus ou moins profonde, a une medication tonique plus ou moins prononcee suivant les individus, suivant l'anciennete et la gravite de leurs affections , et suivant la quantite et la maniere dont l'eau est administree. Le plus souvent, ces deux effets se combinent et determinent une medication mixte qui tend a reveiller Taction des solides, a accelerer la circulation des fluides,et a imprimer un mouvement general de reaction dont les effets sont d'autant plus utiles qu'ils se manifestent d'une maniere plus lente et insensible. Les eaux de Medague determinent, chez presque tous les indi- vidns, un refroidissement remarquable qui se propage de la bou- che j usque dans l'estomac ; elles provoquent ensuite sur cet organe une legere irritation qui a quelqu'analogie avec celle que determinent certaines liqueurs alcooliques gazeuses. Le fait est qu'en meme temps qu'elles excitent l'estomac et facilitent la di- gestion , elles reagissent sur le systeme nerveux cerebral d'une maniere particuliere et qui est assez comparable a celle des vins mousseux. Certains individus eprouvent, apres leur usage, une sorte d'etourdissement qui s'accompagne de quelque hilarite comme dans une legere ivresse. D'autres, au contraire , reconnais- sent leurs effets a une legere cephalalgie et a une agitation qui les prive du sommeil. Les proprietes secondaires des eaux de Medague sont , en gene- ral , d'augmenter l'excretion de l'urine. D'ailleurs elles ne sont que legerement laxatives et purgatives, seulement a haute dose; encore ceteffet n'est-il pas constant chez tous les individus. Les eaux de Medague conviennent surtout dans les debilites de TR0IS1EME SECTION. 515 Testomac et dans les inflammations chroniques et atoniques des voies digestives chez tous les individus d'un temperament phleg- matique et muqueux, qui ont des engorgements de la rate et du foie a la suite des fievres intermittentes. Elles donnent du ton et de l'activite au systeme vasculaire et conviennent particuliere- ment, pour cette raison , dans les chloroses, les leucorrhees, les inflammations chroniques de la matrice avec tumefaction du col ou du corps de cet organe, chez les enfants scrofuleux ou affectes de mesenterite chronique, indolente et sans fievre. Les eaux de Medague ont eu jusqua ce jour des eflfets constants dans toutes les affections que je viens d'enumerer ; dies reussissent dans le plus grand nombre des cas , et reussissent d'autant mieux que les maladies sont moins anciennes et que la texture des or- ganes malades n'a pas eprouve d'alteration ; mais aussi , comme toutes les eaux minerales en general , elles doivent etre severement proscrites dans toutes les maladies chroniques lorsqu'il y a de la fievre, de l'inflammation ou un travail de degenerescence tuber- culeuseou cancereuse : leurs proprietes excitantes et toniques ne font alors qu'aggraver les maladies et sonvent hater une termi- naison funeste. II est done tres-important , avant de soumettre les malades a Taction de ces eaux , de bien examiner leurs organes, de bien en constater l'etat actuel et d'avoir les notions les plus exactes possi- bles sur le siege, la cause , I'anciennete, le degre, l'etendue et les complications de leurs affections; encore ne doit-on les adminis- trer qu'avec beaucoup de prudence et bien etudier leur action. L'on arrive par ce moyen a des resultats presque certains et a yyjirir dfg mpladi^ .^ouvrnt r<:a"v^" : — --,-T - ^1 516 MEM01RES ET PIECES , QUATRIEME SECTION. MEMOIRE REPONDANT AUX 2™ ET 3™ QUESTIONS, AINSI CONCUES : Quelle est I'origine de V architecture ogivale ? Est-elle , comme quelques personnes Vassurent , une modification de Vart grec et romain ? Est-elle due , au contraire , comme d'autres I'affirment, aux Sarrazins? A-t-elle pris naissance dans notre pays ou y a-t-elle ete importee ? A quelle epoque a-t-elle apparu en Europe , enparticu- lier en France ? Quelle a ete sa marche ? Quel est , du style roman ou du style ogival , celui qui con- vient le mieux a la construction des eglises des villes et des campagnes , eu e'gard a la fois a la solidite et a Fe- conomie dans les depenses ? PAR M. POLLET, ARCHITECTE, CORRESPONDANT DU MINISTERS DE i/lNSTRUCTION PUBL1QUE POUR LES MONUMENTS HISTORIQUES. L'architecture francaise, dite gothique, est une architecture originate ; ce serait,ce me semble, disputer sur les mots et tom- ber dans l'argutie que de pretendre le contraire. Avec les disputes de mots, on arriverait facilement a prouver que les Grecs n'ont QUATRtEME SECTION. 517 point inventeleur architecture, qu'ils Tont prise aux Egyptiens, et les Egyptiens aux Indous, qui les premiers rangerent en file des colonnes surmontees ou d'entablements ou d'arcs. Ce qui fait le caractere d'une architecture et lui vaut un nom particulier, ce n'est done pas ce que tous les peuples de la terre, meme des insulaires inconnus , trouveront des qu'ils seront assez civilises pour savoir se faire une regie et un compas au bout des- quels ils rencontreront de suite un plein-cintre ou une ogive; ce qui fait le caractere d'une architecture, e'est un parti architecto- nique bien pris et bien arrete; e'est un cachet solennel donne aux monuments eleves pour les divers besoins religieux et civils d'un peuple ; e'est la science de construction plus ou moins savante , plus ou moins puissante de l'architecture de ce peuple. L'archi- tecture francaise , dite gothique , me paraissant reunir au plus haut point ces diverses qualites , il me semble qu'on ne doit pas hesiter un seul instant a la proclamer une architecture originate. II resulte naturellement de cette opinion que l'architecture grec- que et romaine n'a pu avoir qu'une bien minime influence sur l'architecture gothique , et qu'a de moins fortes raisons on ne saurait admettre,comme on l'a cru long-temps, a cause du grand evenement des croisades coincidant avec son apparition , qu'elle soit due aux Sarrazins. En effet, pour quiconque a approfondi avec soin cette question et etudie les monuments mauresques , soit dans les pays qui en conservent , soit dans les celebres repro- ductions qui en ont ete faites a diverses epoques, et tout recem- menten France et en Angleterre, il resultera cette verite que ce peuple de caractere nomade, et porte par sa nature a jouir des fruits d'une civilisation qu'il trouvait toute faite dans les pays que son epee savait conquerir, n'a jamais eu dans son architecture un caractere qui lui fut tout-a-fait propre. Au contrairej on ne trouve presque en elle que les indices d'une servile imitation des diverses epoques de lage antique. Qui n'a pas entendu,mainteset maintes fois, signaler l'etonnante similitude qui existe, quant aux plans surtout, entre les habitations mauresques et turques et celles qu'on trouve tous les jours a Pompeia, Herculanum et Sta- bia? Je dirai plus : suivant moi, on peut affirmer qu'il se trouve 36 518 MEM01RES ET PIECES , dans leurs monuments les memes variations de style que celles qui se remarquent dans les monuments par eux copies. Cela s'explique du reste par Temploi qu'ils n'ont cesse de faire des divers artistes que leurs conquetes leur faisaient rencontrer. Ainsi on ne peut se dissimuler le sentiment bien accentue du style byzantin ou roman qui regne dans les monuments dEspagne , et se serait probable- ment plus tard impregne de style gothique , si les Maures eussent etc assez forts pour garder leur conquete. Nous devons done, Messieurs, repousser plus que tous autres cette opinion anti-na- tionale qui non seulement tend a nous priver d'une des palmes les plus belles de notre religion et de notre civilisation , mais , ce qui est pis, a en faire hommage a des peuples barbares. J'ajouterai encore , pour les personnes qui regardent si mal a propos l'ogive comme le principal caractere de l'architecture golhique, que ce systeme d'arcades ogiviques ne se trouve presque pas dans les monuments de l'Alhambra et de Grenade. Je reponds done a vos deux questions : i° Quelle est l'origine de l'architecture ogivale? Est-elle, comme quelques personnes l'assurent , une modification de Tart grec et romain? 2° Est-elle due, au contraire, comme d'autreslaftirment, aux Sarrazins, qui en seraientles inventeurs? Je reponds , dis-je, que Tarcbitecture gothique est fille du catho- licisme triomphant. II setrouvait alors en lui trop de seve, trop de vie, trop de puissance, et trop de lumieres surtout, pour en aller cbercber chez des peuples ennemis de ses croyances, et a moins forte raison chez des peuples contre lesquels il s'armait et qu'il avait vaincus. Quant a la question relative au pays ou l'architecture gothique a pris naissance, elle ne me parait pas tout-a-fait aussi facile a re- soudre. Cependant, Messieurs, cette question se simplifie beau- coup quand on est force de reconnaitre, apres quelques recher- ches, que la France et l'Alleinagne , malgre leurs pertes , en con- servent encore les plus beaux types, comme elles en montrent avec orgueil les plus vastes et les plus magnifiques productions. Le meilleur moyen, selon moi, pour arriver a bien comprendre une architecture, estd'en recueillir etd'eneludier avec soin les details et surtout les profils. Je me suis empresse de faire ces collections QUATRIEME SECTION. 519 et cette etude partout ou j 'ai voyage et partout ou des communi- cations m'en ont ete faites. En les comparant , je crois etre arrive a trouver que l'architecture gothique ne se rencontre reellement avec tous ses details , profils et types originaux , qu'en France et en Allemagne. En Angleterre , elle est moins belle , moins pure , plusseche. Ces defauts se font egalement sentir dans les Espagnes. En Italie et en Sicile , elle a ete peu goutee, elle a peu fleuri et surtout peu produit ; elle y est constamment etouftee sous l'orne- mentation et les profils romains. II faut se rappeler aussi que le savant M. Boisseree, dont la vie et la fortune ont ete consacrees a des recherches de ce genre, tout peuetre qu'il est d'admiration pour cette architecture, nefait point hommage de cette sublime invention a son pays natal, l'Allemagne. II laisse cette grande question sans la resoudre, et ilaffirme que l'architecture gothique est nee dans le point de contact le plus an nord entre la France et l'Allemagne. D'apres tout cela, n'avons-nous pas quelques droits aproclamer que cette sublime invention, qui a donne le jour a une nouvelle ere architecturale , est une etincelle de notre genie national qui s'est etendue , avec la rapiditede l'eclair, dans le monde chretien, en commencant par le peuple qui l'a le mieux comprise apres nous, par l'Allemagne. Cette pensee, Messieurs, dont je crois avoir le droit de reclarner la priorite , a depuis long-temps trouve des echos. Je repondrai done a votre 3e question en osant avancer que l'architecture chretienne est fille du nord de la France et quelle a subitement envahi la chretiente en passant par l'Allemagne, l'Angleterre, l'Espagne, et enfin l'ltalie. G'est ici le cas de dire un mot sur le nom ridicule qu'elle a recu dans nos jours de decadence et sur ceux qu'on cherche a lui donner maintenant que son temps de rehabilitation est arrive. Vous savez que si , d'un cote , le nom de style ogival qu'on lui a donne depuis quelques annees a trouve beaucoup d'approba- teurs , un grand nombre d'archeologues et la societe presqu'en- tiere continuent a lui conserver le sobriquet de gothique. Vous savez aussi que l'illustre auteur de Notre-Dame de Paris , a qui j'ai souvent entendu dire qu'il n'avait fait l'oeuvre extraordinaire 520 MEMOIRES ET PIECES , que je viens de citer que pour donner au peuple l'amour de notre architecture nationale, persistea l'appeler ainsi, apres avoir publie qu'il convenait a l'architecture nationale remise en honneur de se parer du nom dont on a essaye de la fletrir. Si on observe enfin que dans les murs cyclopeens d'Arpino, dans les ruines anti- ques de Micene, de Thebes ou de Tusculum , on trouve des voutes ogiviques , que ce meme systeme de voute se rencontre souvent dans les eglises romanes de France et d'ltalie, et dans presque tous les palais et toutes les eglises de Sicile, notamment celles de Palerme et de Montreal , ne vous semblera-t-il pas que cette deno- mination de style ogival est trop explicite pour ne s'appliquer qu'a lage gothique ? On doit craindre qu'elle ne jelte dans trop d'erreurs et de confusion le peuple et les gens du monde ; aussi doit-on eprouver le besoin de changer cette denomination ou du moinsde la modifier. En vous soumettant cette question delicate, vous me permettrez de vous rappeler que toutes les architectures connues sont designees par le nom d'un peuple , et que ce serait tout a la fois nous honorer et rendre service a Fart si nous pou- vions, aide du concours de tous les Savants , arriver a prouverque l'architecture dite gothique, comme j'ai tente dele faire plus haut, est une architecture toute francaise. Nous voici arrives a la derniere question , qui est de savoir « quel est, du style roman ou du style ogival , celui qui convient lemieux a la construction des eglises des villes et des campagnes , eu n'garda la solidite et a Ve'conomie dans les de'penses. » J'ai peu de choses a dire pour essayer de resoudre cette question qui a deja ete agitee dans plusieurjs de vos seances. Je me suis tout-a- fait range a l'avis manifeste dans une lettre ecrite sur ce sujet a notre honorable President, M. de Gaumont, par un savant pra- ticien architecte allemand , qui signale les avantages de toute na- ture qu'il a trouves dans l'adoption , pour les eglises , du style roman. Mes nombreuses experiences pratiques m'ont conduit au meme resultat. J'ajouterai cependant qu'on me semble ne devoir faire choix de ce style que force par la facheuse position ou nous nous trouvons aujourd'hui, prives que nous sommes de ressources pecuniaireset de bons moyens d'execution. Sans cela , Messieurs, QUATRIEME SECTION. 521 nous serions impardonnables de ne pas savoir faire la difference qui existeentre un style qui rappelleles jours de deuil et de per- secution de l'Eglise et celui qui reporte aux souvenirs glorieux de ses prosperites. Ce dernier nous peindra toujours le catholicisme triomphant, l'Eglise dans sa toute-puissance , tandis que l'autre est le premier effort apres les persecutions, l'oeuvre de l'enfance du beau, inspire par la foi chretienne. Les conclusions de cette digression seraient done, selon les honorables communications a nous faites , et que je vous ai dit partager , que le style roman , plus libre, moins jaloux de ses proportions et de la perfection de son ornementation que tout autre style, convient tres-bien a un siecle ou les arts sont aussi peu proteges et aussi peu cultives que dans le notre; mais qu'il ne faut pas hesiter a faire choix de l'ar- chitecture fraricaise, dite gothique, toutes les fois que nous trou- verons pour l'employer des ressources pecuniaires suffisantes et des artistes dignes d'elle. 522 MEMOIRES ET PIECES, MEMOIRE LES 10mc, iime, IJme ET 13me QUESTIONS DU PROGRAMME, M. MALLAY, ARCHITECTED II y a de la temerite, sans doute , a entrer dans la lice , pour for- muler une opinion sur une epoque douteuse de notre histoire archeologique , lorsque debutant a peine dans la carriere, j'aurais besoin de m'eclairer de vos lecons et de votre experience. Cepen- dant , si je dois avouer ma pensee toute entiere , je dirai que la question de date , pour les eglises romanes , bysantines , et de transition, est encore indecise; c'est done principalement pour fixer votre attention sur cette epoque importante de l'architec- ture religieuse, et determiner une discussion d'ou pourront jaillir quelques faits nouveaux, que je viens voas soumettre mes obser- vations sur les ioe, ne, i2e et l3e questions de votre programme ; votre indulgence, que je reclame, me rendra plus legere la tache que je me suis imposee. Dixieme question. — Rechercher, relativement a I introduc- tion de I 'ogive dans I' architecture , quels sont les monuments de I'Auvergne qui offrent le caractere de transition de la pe'riode romane ou bysantine a la pe'riode ogivale. La plus grande partie des edifices religieux du departement du Puy-de-D6me appartient au style roman et romano -bysantin. QUATRIEME SECTION. 523 et avant l'invasion ties INormands, le sol etait couvert de monu- ments remarquables. Clermont seul possedait cinquante - quatre eglises ; si le nombre est bien diminue , nous avons encore des restes precieux de l'epoque romane etbysantine, et les eglises de Merdogne, Orcival, Notre-Darue-du-Port, Issoire , Mozac, etc., oft'rent des exemples complets de l'architecture au onzieme siecle et des fragments da neuvieme. Les monuments de transition sont moins nombreux; il est fa- cile cependant de suivre la marche de Tart et le changement de style dans les eglises de Saint-Amable a Riom, Notre-Uame a Aigueperse, Sainte-Marie a Clermont, St-Pierre a Larouet, etc. Avant d'arriver a l'ogive aux formes elancees , aux colonnettes legeres, on peut y observer les timides essais, les innovations partielles de l'epoque de transition; on peut y remarquer que, quoique le style romano-bysantin eut perdu son prestige, on craignait cependant encore de le sacrifier completement. De la les bizarreries dont fourmillent les edifices intermediates, le doute qui presidait a leur construction. Tantot les colonnettes eu faisceau supportent le plein - cintre roman ; les galeries supe- rieures, alternant en forme d'ogive ou de trefle, sont indifferem- ment geminees ou trilobees. Ailleurs, la colonne cylindrique est couronnee par Tare en tiers-point, tandis que le triforium con- serve le plein- cintre roman; les voutes superieures ont toujours la courbure ogivique avec ou sans nervure. L'examen detaille de quelques edifices suffira pour donner une idee generate du caractere des eglises de transition en Auvergne. Sainte-Marie , a Clermont. L'eglise de la Visitation de Sainte-Marie, fondee en 12 19, par Guidon-de-la-Tour , comte de Bologne et seigneur de Rochefort , fut consacree en l'honneur de la Sainte-Vierge , Tan 1280. Elle faisait partie du couvent des Jacobins , qui s'etablirent a Cler- mont sous Robert-de-la-Tour , soixante-cinquieme eveque. Un chapitre general de lordre y fut tenu en i33g. L'edifice est un parallelogramme rectangle, dont les voutes da- 524 MEMOIRES ET PIECES, rete sont divisees en qnatre travees egales, par trois colonnes en- gagers dans les murs. II est eclaire par douze ouvertures , trois sur chaque face late- rale, cinq sur le raur est, et une sur le inur ouest. Les six de la nef sont romanes, ainsi que les deux inferieures du mur est; au- dessus, deux rosaces circulaires avec Tin trefle inscrit , indiquent I'epoque de transition plus apparente encore dans la rosace su- perieure, divisee par six meneaux rayonnants. Les croisees romanes a claveaux reguliers, sont couronnees a Texterieur par un filet et un conge sans billettes. Les six colonnes interieures ont la proportion romano-bysan- tine; la base est semblable, et ne se distingue que par la feuille placee a Tangle du socle ; les chapiteaux ont le tailloir ronian au- quel on a ajoute deux membres de moulure; la proportion en est plus gracieuse, et les feuilles grasses a crochet de la premiere epoqueogivique, se marient assez bien au diametre du chapiteau ; des arcs-doubleaux , et des aretiers lourds et sans ornements , re- posent sur de petits chapiteaux adosses et d'un effet disgracieux. Les voutes sont ogiviques. A 1'exterieur , les arcs-boutants maintiennent l'ecartement des voutes; ils sont d'une grande solidite, mais peu elegants. L'appa- reil est en pierre de taille et en moellon ordinaire; la difference est sensible avec le mode de construction employe a l'eglise de Notre-Dame-du-Port. Deux tombeaux assez curieux sont places a droite et a gauche de la nef; j'en ajourne la description, qui demande un chapitre separe. Notre-Dame d'Aigueperse. Cette eglise faisait partie du couvent des Benedictins, qui vin- rent s'etabiir a Aigueperse dans le milieu du treizieme siecle. En 1750, la nef toute entiere s'ecroula, et fut reconstruite dans le gout du dix-huitieme siecle, mais avec des dimensions moins considerables, puisque l'ancien clocher place sur l'ante-porche se trouvait au milieu de la route royale. Tl etait supporte par des piliers tres-forts, dont les quatre arcades servaient de passage a la QUATRIEME SECTION. 525 route, d'entree a leglise et a la chapelle de l'Hopital-General , aussi ancieu que leglise, et dont l'administration fut regulariseeen 1D74, par les lettres-patentes de Jean due d'Auvergne. Le chapitre de l'eglise de JNotre-Dame dependait de celui de Thiers , dont les droits etaient fort etendus , entr'autres la nomi- nation du cure, le droit de stalle au chceur, et a une retribution de trois livres par chauoine, lorsque le chapitre de Thiers ve- nait a Aiguerperse celebrer la fete de Saint-Quintien. Forme du Plan. Le chceur droit, dans la premiere partie, se termine par la moi- tie d'un decagone; il a la largeurde la nef principale,et les deux nefs laterales se prolongent autour du chceur, dont elles sont separees par six colonnes isolees. Cinq chapelles rayonnantes, ayant la forme d'un demi-deca- gone , ont leurs ouvertures sur le chceur. Les colonnes isolees ont dix diametres de hauteur, la base com- posed, et le chapiteau de transition, avec son tailloir roman et ses feuilles a crochet. Les colonnes adossees qui leur font face sont reunies en faisceau ; les bases a feuilles retournees reposent sur des socles a moulure; les chapiteaux conservent le tailloir roman, les arcades et les voutes inferieures sont ogiviques et garnies de nervures. Unegalerie a colonnes courtes, surmontee detrefle, regne au- tour du chceur ; et des branches de croix , des croisees ogiviques sont placees au-dessus, et servent a eclairer le chceur dont les voutes sont garnies de nervures qui viennent reposer sur des colonnettes tronquees. Saint-Amable de Riom. On trouve, dans l'Origine des eglises par Dufresse , la date de celle de Saint-Amable en 765, suivant quelques chroniques, et en 1 1 20, suivant les autres. La date donnee dans la Gallia Christiana, se rapproche davantage de la derniere, et me parait plus vraisemblable; sa fondation est jndiquee en 1077. Depuis cette epoque jusqu'en i54«S, il y eut 52b MEMOIRES ET PIECES, trente-huit abbes reguliers; Jacobus fut le dernier, et la licence qui avait augmente au seizieme siecle, rendit la secularisation indispensable. La premiere partie del'eglise, c'est-a-dire la nef jusqu'au tran- ceps, appartient a la fin du onzieme siecle, epoque indiquee pour la construction de l'eglise; le chceur est posterieur, et le tranceps est egalement plus moderne. La nef principale et les deux nefs laterales sont entierement d'architecture roraane ; les piliers carres avec colonnes engagees sur trois faces , les bases attiques , les chapiteaux romans ne lais- sent aucun doute a cet egard. A la hauteur des chapiteaux, le style change, l'ogive a penetre, les arcs-doubleaux et les voutes ont subi cette innovation; mais par un retour aux anciennes doctri- nes, dans lacrainte de s'aventurer, le constructeur revient encore au plein-cintre roraan; les arcades du triforium offrent des co- lonnes courtes a bases et chapiteaux du onzieme siecle, et Tare plein-cintre gemine. Un cordon , compose d'un quart de rond et d'un filet, est place au-dessus des galeries, a la naissance de la grande voute legerement ogivique. Le caractere de cette moulure me ferait penser qu'elle est , ainsi que la voute , d'une epoque plus rapprochee de nous. Le tranceps est completement change ; qua- tre piliers triangulares ont remplace les colonnes engagees; ils supportent le clocher construit en partie dans le dix-neuvieme siecle ; les branches de croix ont egalement perdu leur caractere roman par l'etablissement des rosaces. On remarque cependant a l'exterieur de la branche de croix sud, un beau portail bysan- tin , dans lequel on a encadre un chambranle gothique ; il con- serve encore, malgre les mutilations, ainsi que la base du clocher, des fragments precieux de la premiere epoque. Je ne sais si les traces polycrones que Ton y remarque sont du temps, il n'y au- rait rien d'etonnant , l'emploi de la peinture et de la dorure eiant a cette epoque d'un usage frequent. Le choeur est evidemment d'une epoque posterieure ; il est di- vise en deux parties, Tune formee par la nef principale, 1'autre par le prolongement des nefs laterales ; neuf arcades ogiviques de dimensions differentes reunissent les deux parties; la premiere QUATRIEME SECTION. 527 travee a 3 metres 4°; la deuxieme a i metre go; latroisieme, •2 metres 5o; la quatrieme, i metre 20, et celle du fond, 1 metre 80; les ogives sont supportees par six colonnes reunies en faisceau. Ces arcades, a ogives tres-aigues, sont surmontees d'une gale- rie simulee dont les colonnes courtes supportent des trefles plats. Au-dessus deux croisees plein-cintre , reunies par une rosace circu- lairesans ornements, forment a l'e^terieur une croisee ogivique d'un mauvais effet. Tous les caracteres de cette partie de ledifice se rapportent au style du treizieme siecle; la forme des bases avec la feuille re- tonrnee a Tangle du socle , le diametre des colonnes , la lourdeur des chapiteaux, conservant encore le tailloir roman , tout, jus- qu'aux moulures pesantes des cordons, des galeries, des croisees et des aretes des voutes , rappelle l'architecture romano-bysan- tine, et prouve que Ton craignait encore d'innover, on qu'il y avait des formes et des details consacres auxquels on n'osait tou- cher, et que Ton cherchait a conserver. Je pense done que l'eglise de Saint - Amable presente deux exemples de transition bien caracterises ; le premier dans l'ajus- tement de Tare ogivique sur les colonnes romanes , et au-dessous du triforium egalement roman; la seconde, dans la conservation de details romano-bysantins, meles a la construction ogivique du choeur. Les eglises de Saint-Gervais , Larouet , Bellaigue , Montpensier , Beaumont , Royat , Thuret , etc. , pourraient offrir d'autres faits a l'appui de ceux que j'ai signales; mais la repetition de motifs ou de dispositions analogues deviendrait fastidieuse, d'autant plus que tous les details remarquables des divers monuments re- ligieux de Tepoque romano-bysantine et de transition seront consignes dans l'ouvrage que je publie. Onzieme question. — Le style ogival primitif e'tait-il ge'nc- ralement adopte en Auvergne, au treizieme siecle"? Cette question se trouve resolue par ma reponse a la prece- dente. D'apres les dates que j'ai signalees , il me semble demontre que les eglises de transition appartiennent, dans notie province, a 528 MEMOIRES ET PIECES , la fin du douzieme, ou a la premiere moitie du treizieme, et l'ar- chitecture ogivique primaire ne dut pas etre generalement adop- tee au treizieme siecle. Si Ton trouve un commencement d'ogive a la fin du onzieme siecle, comme a l'eglise de Sauxillanges, con- sacree en ioq5 par le pape Urbain II, sous l'episcopat de Durand, cinquante-troisieme eveque d'Auvergne, on peut dire que c'est un exemple isole , landis que Ton rencontre tres-frequemment des eglises de transition, tenant plutot du style romano-bysantin que du style ogival , et construites a la fin du treizieme siecle. Douzieme question. — Determiner rigoureusement quels sont les caracteres architectoniqu.es , forme , disposition , mou- lure, etc., qui distinguent au douzieme siecle les monuments religieux d'Auvergne. Les eglises des onzieme et douzieme siecle tiennent generale- ment plutot du style roman secondaire que du roman primitif, et l'influence bysantine se fait sentir dans les bas-reliefs qui les decorent, ainsi que dans la plupart des chapiteaux. FORME DU PLAN. Les eglises des onzieme et douzieme siecle sont, a quelques exceptions pres , baties sur le meme plan ; une nef principale , deux nefs laterales, un tranceps , deux branches de croix , et le cliceur entoure de trois, quatre et quelquefois cinq chapelles absydales. Les deux branches de croix sont ornees de deux petites chapelles demi-circulaires qui se coordonnent a l'exterieur avec les tou- relles rayonnantes. Les cryptes n'occupeut que l'emplacement du choeur et des chapelles absydales ; elles sont ornees de colonnes correspondant a celles du choeur, les chapiteaux en sont tres-simples. Les piliers sont carres, avec colonnes engagees sur deux , trois et quelquefois quatre faces ; les bases sont imitees de la base atti- que ; elles reposent sur des socles tres-larges , et qui varient en hauteur de vingt-cinq a cinquante centimetres. On remarque dans le niveau des socles , et par consequent du pave, une inclinaison QUATRIEME SECTION. 529 sensible du sud-est au nord-est. On remarque aussi dans quelques eglises une deviation de l'absyde a droite de l'axe general. Les chapiteaux, surmontes d'un tailloir tres-lourd, sont ornes de feuilles plates ou frisees, de feuilles d'achante, de fleurs, d'a- nimaux fantastiques, ou de sujets tires de l'Ancien et du Nou- veau Testament. Les arcs-doubleaux tombent a plomb du dernier membre des tailloirs, et leur diametre est par consequent plus faible que l'e- cartement des colonnes. Les arcades du triforium sont geminees ou trilobees. Les voutes sont generalement plein-cintre, en berceau dans la nef principale, croisees dans les nefs laterales, en denii-berceau dans le triforium, en pendentif dansle tranceps. A l'exterieur, les croisees circulates sont composees de cla- veaux reguliers, quelquefois alternes, en gres et en scories: elles sont couronnees d'un cordon a billettes. Les moulures sont generalement composees d'un large filet et d'un conge detache avec ou sans billettes, d'un filet avec tore de- tache , d'un filet avec doucine , quelquefois d'un chanfrain deta- che. Les billettes, les damiers, les torsades simples, doubles ou triples, sont frequemment employes; les dents de scie , les frettes, se trouvent plus rarement, et a de rares exceptions pres, je n'ai pas vu sur les moulures d'autres ornements que ceux decrits ou indiques dans l'ouvrage que j'ai publie. Les tourelles rayonnantes sont alternativement decorees de contre- forts carres et de colonnes ; com me le corps principal de l'edifice , elles sont couronnees de corniches a damier avec rosaces refouillees entre les modillons , dont la forme est generalement la raeme, a 1'exception de quelques eglises, dont les corbeaux sont remplaces par des tetes grotesques ou des obscenites. Les aretes des combles etaient composees d'anneaux entrelaces, et les antefix , dont on retrouve de jobs modeles , avaientla forme d'une croix rayonnante , comme a Issoire , ou d'une chaine d'u- nion , comme a l'eglise du Port. Les mosaiques noires et blanches decoraient l'absyde, les cha- pelles rayonnantes et les frontons des branches de croix; les des- 530 MEMOIRES ET PIECES, sins en sont tousdiff'erents, ct je ne fais que les signaler, puisque je les ai deja decrits dans mon ouvrage sur les eglises d Au- vergne. APPAREIL. Les contre-forts , les jambages des croisees, ainsi qu'une partie dqs 1 evetements , sont en pierre de taille mal appareillee ; les claveaux de tous les arcs sont reguliers etde petite dimension. Les parties en moellon sont en maconnerie de blocage dont ie parement se rapproche du pseudisodomum des Romains. II parait que Ion employait dans les constructions de cette epoque , de meme qu'aujourd'hui , des ouvriers a la journee et des tacherons. On remarque en effet que toutes les pierres de revetement ou de jambages n'ont aucun signe, tandis que toutes les pierres des arceaux, qui demandaient plus de soin, ont ete taillees par des ouvriers habiles qui travaillaient a leur tache. Cbaque tacheron prenait, pour marque distinctive, une des let- tres de l'alpbabet, une croix ou une barre pointee. J'ai fait la meme observation dans un grand nombre d'eglises. Treizieme question. — Quel est, du style roman ou du style ogi- val, celui quiconvientle mieux a la construction des eglises des villes et des campagnes , eu e'gard a la solidite et a V economic dans les de'penses ? La solution de la i3° question depend de tantde circonstances qui viennent modifier les projets , qu'il y a peu d'utilite , je pense , a se prononcer d'une maniere exclusive en faveur de Tun ou de l'autre style , et l'appreciation doit en etre laissee a l'arcbitecte qui , charge d'une reconstruction, ne manquera pas de conserver autant que possible tout ce qui presente quelque interet pour l'art. Si maintenant nous laissons les restaurations ou les agrandis- sements d edifice pour parler des exemples tres-rares de construc- tions neuves, je dirai que, dans les deux modes, il y a des avan- tages ou des inconvenients qui liennent quelquefois a la disposi- tion deslieux; ainsi une eglise romane aux voutes basses, aux piliers solides, a Texteriear simple, conviendra parfaitement a QUATRIEME SECTION. 531 nos pays de montagnes, ou le mauvais temps se fait sentir la moi- tie de l'annee ; il faut la de la selidite et de la simplicite pour etre en harmonie avec les habitations. Dans la plaine, au contraire, il faut elever davantage les voutes, et l'ogive convient mieux ; mais , je le repete encore, uu style general, uniforme, ne peut pas etre impose a nos habitudes, a nos mceurs. * Ala place de la mysterieuse obscurite des anciens temples, il faut a nos populations de lair et de la lumiere. II faut done, sans s'astreindre a limitation de tel ou tel style, choisir parmi les beaux exemples de l'antiquite ou du moyen-age, ce qui convient le mieux a la position et au besoin de la commune; en determi- nant d'avance un genre comme preferable, on n'arriverait a aucun resultat et on se lancerait dans des discussions sans fin. Nous ne sommes plus dans les siecles de foi religieuse ou s'ele- vaient, comme par enchan tern ent, les edifices sacres que nous ad- m irons aujourd'hui. Le materialisme de notre epoque etouff'e l'inspiration ; et lorsque sur cent constructions on dira, pour quatre-vingt-dix-neuf ,combien cela coutera-t-il? lorsqu'il faudra soumettre son ceuvre au conseil municipal plus ou moins avance , progressif ou retrograde , lorsque le conseil de fabrique, la prefec- ture et le ministere auront chacun, suivant leur idee, retourne les plans , combine les details ou lornementation avec les res- sources ;alors, soyez-en surs, toute idee de creation aura disparu , et, en presence de cette realite, je crois qu'il est inutile de for- mulerune opinion sur le style le plus convenable, parce que son application est impossible. 532 MEMOIRES ET PIECES , MfiMOIRE SUR CETTE QUESTION : Quelle etait I'origine et la destination primitive des tumu- lus ? Indiquer les rapports qu'ils offrent entfeux dans differentes parties de la France, Examiner si leur usage, dans les Gaules , etait specialement affecte aux personnes de Vordre civil , militaire ou religieux , ou egalement attribue aux trois ordres. M. C. R. DE LAMOTHE. Le mot tumulus, Messieurs , est evidemment derive de I'expres- sion gaelique tumt qui signifie crete, elevation ; les tumulus sont en effet des eminences, ou monceaux de terres etde pierres, dont la destination me parait parfaitement indiquee par le verbe latin tumulo , enterrer , mettre au tombeau ; c'est d'ailleurs ce que nous allons demontrer. Pour proceder methodiquement , je vais etablir mes preuves par ordre de dates. An 1 685. — Un gentilhomme de Normandie, ayant apercu deux men-hirs sur une colline aupres de Cocherel, dansle diocese d'Evreux, fut seduit par l'ideeque ce lieu pourrait renfermer des tresors; il fit done enlever les pierres et creuser profondement ; le resultat de ses recherches fut d'abord la decouverte de deux sque- lettes ayant chacun sous la tete une hache en pierre : l'une etait en QUATRIEME SECTION. 533 beau jade oriental, et l'autre en pyrite. En soulevant une large dalle, ontrouva, au-dessous des deux premiers, deux autres corps qui avaient aussi des haches sous la tele , mais d'une pierre diffe- rente des deux premieres par l'espece et la couleur. En elargissant la fosse, les ouvriers trouverent dix-huit autres squelettes etendus cote a cote sur la meme ligne , la tete tourne'e vers le midi ,- chacun avait egalement sous la tete une hache de silex ; pres d'eux Ton voyait plusieurs os tailles en pointe. A cote de ces corps gisaientquantited'ossements a demi consumes par le feu , etuue urne grossiere, en terre cuite , pleine de charbons. Telle est la decouverte faire , en i685, en INormandie ; ''absence totale d'instruments metalliques prouve, d'une maniere peremp- toire, que le tumulus de Cockerel date de la plus haute antiquite et couvre les restes de chefs et de guerriers gaulois des premieres epoques. Une reflexion se presente ici naturellement , Messieurs : quel pouvait etre, chez les Gaels, l'usagedes haches de toutes dimen- sions que Ton rencontre si frequemment et dans les tumulus, et dans les stations qu'ils habitaient? Voici la seule solution plausible que Ton puisse presenter : Les hachettes de certaines grandeurs ne pouvaient etre d'au- cune utilite pour les besoins journaliers; elles etaient sans doute des amuleltes sacre'es dont se munissaient, contre les malefices, les superstitieux Gaulois; c'est ce que tend d'ailleurs a confirmer leur veneration pour les pierres, dont ils faisaient quelquefois le symbole de la divinite. Quant aux haches de certaine grandeur , leur usage nous est connu par le recit des historiens qui racontent qu'a la bataille d'Hasting, livree aux Bretons par Guillaume-le-Conque'rant , plusieurs d'entr'eux etaient amies de ces sortes de haches. Aux details precedents, j'ajouterai ceux dune fouille faite, en 1784, pres Bapaume en Artois, dans le monticule connu des antiquaires sous le nom de tumulus de Velu; des que Ton eut pratique dans ia partie la plus large du massif une tranchee de 18 a 20 pieds, tant en longueur qu'en largeur , on decou- vrit plus de cent squelettes etendus parallelement, la face tournee 37 534 MEMOIRES ET PIECES , vers le midi ; a gauche de cliacuu d'eux etaient placees des epees; a droitc, des bouts de lance et de javelots; aux pieds, des pots de terre cuite. Les epees trouveesa Velu, dit la notice d'oii j'extrais cette nar- ration, etaient de fer et droites ; les lames etaient terminees par nne pointe de quatre pouces ; elles n'avaient qu'un taillant qui etait d'acier; le dos etait plat et epais de trois lignes. Les pointes- de lame etaient du merae metal ; leur longueur etait d'an pied sur i5 lignes d'epaisseur dans la partie la plus forte; celle des jave- lots n'excedait pas huit pouces sur 10 lignes d'epaisseur; le tumu- lus ne contenait ni casque , ni cuirasse, mais settlement quelques plaques en bronze sur lesquelles etait represente un cheval au galop. II est impossible, Messieurs, d'apres ces donnees, de reconnaitre dans ce monument un tombeau romain; la forme des amies et autres accessoires eloigne cette conjecture. Etait-ce une sepulture d'hommes de race franque? JNon, Mes- sieurs, car les historiens anciens, et notamment Agathiaz, don- nent pour amies offensives aux Francs la hache a deux tranchants et Yangon, arrae terrible dans leur main, espece de lance a deux lames tranchantes se reunissant vers le dard. D'apres ces documents , je pense que nous devons reconnaitre le monticule de Velu pour un tumulus gaulois. Messieurs , il me serait facile de multiplier les citations et de vous entretenir des decouvertes faites en ce genre par M. de Cay- lus et M. Leblond, del'Academie, mais les bornes de cette discus- sion s'y opposent. Je vais cependant, pour corroborer mes opinions, chercher encore quelques preuves dans l'ouvrage d'un archeologue dont la France s'honore. Dans son Cours d'antiquites monumentales, M. de Caumont parle des fouilles entreprises par la Societe des Anti- quaires de Normandie, qui a decouvert, dans le grand tumulus de Fontenay-le-Marmiou , plusieurs niches ou loges sepulcrales dans lesquelles etaient deposes des ossements humains ; les uns avaient ete soumis a Taction du feu, tandis que d'autres etaient dans leur etat naturel. QUATR1EME SECTION. 535 Le meme auteur cite encor le tumulus de Colombier (arrondis- sement de Bayeux), dans lequel on a trouve une grande quantite d'ossements a moitie brules. II me reste maintenant , Messieurs, a vous entretenir d'une in- vestigation archeologique faite par moi, en i834, dans un de- partement voisin. Instruit qu'il existait aux environs de Saint-Just-en-Chevalet , arrondissement de Roanne, des bois ou Ton voyaitdes monuments druidiques , notamment un dolmen, nomme en langue du pays pierre frissoni ere, en francais pierre qui fait fremir, renseigne par les habitants du lieu , je fus , apres plusieurs excursions , assez heureux pour decouvrir les restes d'un tumulus dont le sommet avait ete fortaffaisse par le temps et la culture. Je fis pratiquer a sa base une ouverture d'environ deux metres et de/n/delargeur, etapeu deprofondeur,j'apercus,entre deuxpe- tits vases assez grossiers, remplis d'une terre noiratre, et deux gros- ses pierres qui reposaient sur du charbon, une epee a laquelle etait reunie une sorte de lame de forme bizarre, que j'ai parfaitement reconnu depuis pour la saunie gauloise , dont parle longuement Diodore de Sicile , dans son chapitre sur les moeurs des Gaulois. L'epee est en fer ainsi que son fourreau ; on reconnait parfaitement a sa forme quelle est bien du genre de celles citees par Poly be et Tite-Live, longue et large epee, disent ces ecrivains, qui n'avait pas de pointe, frappaitseulement de taille, et se faussait fort sou- vent; aussi les soldats gaulois etaient-ils obliges de la redresser contre terre avec le pied pour s'en servir de nouveau. Ce qui rend cette decouverte interessante , c'est I'e'tat ou se trouvaient ces deux amies. II parait qu'a la mort du personnage a qui elles ont appartenu , et au moment de les reunir a sa cendre , on les avait, au raoyen du feu,tordues de maniere a n'en plus faire usage. Les Gaulois, par ce procede, voulaient indubitablement honorer la memoire du guerrier, et proclamer qu'apres lui nul n'etait digne de se servir des memes armes. Get exemple n'est pas le seul que je pourrais citer; je possede encore les debris d'une epee gauloise en bronze qui, m'a-t-on as- sure, a ete trouvee rornpue en morceaux dans un tumulus du de- partement de la Correze. 536 MEMOIRES ET PIECES, Ces pieces seront mises sous vos yeux, car je les fats lithogra- phier. Je crois , Messieurs, qu'apres cette masse de faits et de docu- meats, Ton peut assurer aux personnes les plus incredulesqn'avant la domination, et meme pendant la domination romaine dans les Gaules, les tumulus etaient des monuments funebres, delaisses ensuite entierement lors de Tetablissement du christianisme. Cependant, pour rendre hommage a la verite, je dois dire qu'il est quelquefois question, dans les auteurs anciens qui ont traite de l'agriculture , de certaines eminences qui servaient parfois de limites soit a des proprietes particulieres , soit a des territoires* Mais alors on les designaitsous le nom de buttes bolones , ou d'a- mas de pierres scorq/iones. C'est peut-etre ces memes buttes qui sont les mottes du moyen-age; je n'approfondirai pas cette con- troverse. Passons a la i° partie du programme. Indiquer les rapports qu'offrent entr'eux les tumulus dans les differentes parties de la France. Pour resoudre la demande, nous devons reconnaitre qu'il existe dans les tumulus trois compositions distinctes. Les uns sont de simples monceaux de terre couverte de gazon^ j'indiquerai comme tels ceuxde Thuret et des Martres-d'Artieres. D 'a utres sont des amas de pierres ou rochers entremeles de terre. Tel m'a semble, au premier aspect, celui de Charbonnieres pres de Saint-Germain-Lembron. D'autres enfin sont composes de pierres secbes, comme celui quise trouve dans le marais de Chicheboville ( Calvados). Une observation generalement faite sur la position des tumulus, par rapport aux quatre points cardinaux , c'est qu'ils sont diri- ges, la plupart du temps, de Vest a Youest, et les corps y sont places ordinairement la face tournee tantot au midi, tantot a l'orient. Les Gaulois, Messieurs, placaient souvent les tumulus au bord des eaux, par suite du culte qu'ils rendaienta cet element. L'on peut citer les tumulus qui se trouvent dans les marais de Bellen- greville (Calvados). QUATRIEME SECTION. 537 Ceux de Soing, entre Blois et Romorantin , pres dun immense lac creuse de mains d'homme. Ceux encore d'Ouques, entre Blois et Vendome, sur les bords d'un ruisseau. Enfin, ceux que signale M. Bouillet, dans son interessant ou- vrage sur la Haute- Auvergne , et qui se voient au barman de Crouzy, non loin de Mauriac, pres la riviere d'Auze. Quelques-uns sont situes pres des voies romaines : tels sont ceux deTrouville, dans le de'partement de la Seine-Infe'rieure , et dans le departement de la Marne, ceux du village de Chappe, clans les environs du camp d'Attila , sur la voie romaine qui allait a Rheims. Je me resume, Messieurs, et je crois reconnaitre dans Y aspect , les dimensions , les varie'ie's et la position des nombreux tumulus repandus sur le sol de la France, une parfaite identite. J'ose menie avancer, sans crainte d'emettre une opinion erronee, qu'aucune peuplade ou tribu ga'elique ne m'a paru avoir adopte, dans la structure de ces grossiers monuments, une forme ou maliere dii- ferente de celles dont on se servait generalement dans toute la Gaule. J'arrive enfin au troisieme paragraphe de la question. Examiner si leur usage, dans les Gaules, e'tait spe'cialement affecte aux personnes de Vordre civil, militaire ou religieux , ou e'galement attribue aux trois ordres. Cette question , Messieurs , est des plus difficiles , et j'avoue mon insuffisance pour y repondre d'une maniere positive. Je tacherai cependant de presenter quelques considerations tirees de l'his- toire. « Dans toute la Gaule, dit Cesar dans ses Commentaires, deux ordres seulement font nombre et jouissent de la consideration ; le peuple n'est compte pour rien, et sa condition differe peu de celle des esclaves; ces deux ordres sont les druides et les che- valiers. » Par cette bierarcbie, les druides tiennent le premier rang. Nous savons, en effet, qu'ils etaient les ministres des sacrifices, des prieres , des ceremonies et du culte que rendaicnt les Gaulois 538 MEMOIRES ET PIECES, a la divinite. « lis vaquent, dit Cesar, aux choses divines; ils ont « soin des sacrifices particuliers, et expliquent la religion aux « peuples. » Leurs privileges et leur pouvoir etaient immenses; ce sont eux qui rendaient la justice, qui presidaient les assemblies du peuple; ilspouvaient aussi nonseulement excommunier les individus, mais de plus des tribus entieres. Les Commentaires ne laissent pas d'incertitude a cet egard. En voici le passage : « Lorsqu'une per- « sonne , ou meme un peuple, a refuse de se soumettre a leurs « decisions, il est exclu des sacrifices, ce qui est, parmi les «( Gaulois , la plus grande peine ; ceux qui sont excommunies sont « regardes comme des impies et des malfaiteurs . » Les druides , on le voit, formaient, par leur influence et leurs richesses, un corps distinct et separe compose d'un certain nom- brede families et gouverne par sespropres chefs qui devaient avoir des sepultures reservees et distinctes de celles des autres ordres , soit aupres des mallus , soit aupres d'autres lieux sacres. Les tumulus me semblent reserves a la noblesse et aux guerriers servant et combattant sous ses ordres ; c'est ce qui parait demontre par les instruments de guerre en siiex, en bronze et en fer, trouves dans le lieu de leur sepulture. Voila, Messieurs, ce que j'avais a vous dire sur cette interes- sante question , heureux de meriter pour ce travail rapide votre indulgence bienveillante. QUATRIEME SECTION. 539 ESSAI 14 t^n&o^iix mmm i§iiii? ET SUR SON IDENTITE AVEC MONTLUQON, EN REPONSE A LA 15me QUESTION DE LA 4me SECTION DU PROGRAMME, M. BRUGIERE DE LAMOTHE , Sous-prefet de Montlucon, correspondant de l'Acadcmiede Clermont, etc. 1. Les editions modernesdes Commentaires de Cesar appliquent simultanement le nora de Gergovia a deux villes de la Gaule Celtique. 2. L'uae situee chez les Arvernes , a gauche de l'AUier , sur un mont tres-eleve , a plus de cinq journees de marche de Decetia (i) (Decize) , parait avoir occupe au sud-est de Clermont-Ferrand, a environ un myriametre de distance, la crete d'une montagne qui porte ,encore aujourd'hui le nom de Gergovia, et ou Ton a cru reconnaitre ses vestiges (2). 3. L'autre etait la metropole de ces valeureux Bo'iens , qui , vain- cus par Cesar vers Bibracte (Autun) , en combattant avec les (1) De Bello Gallico, lib. 7 , cc. (\ , 34 , 36 , 3j , 38. (2) Delarbre , Notice sur l'ancien royaume des Auvergnats et sur la ville de Clermont. 540 MEM01RES ET PIECES, Helveliens et quelqnes aulres peuples voisins du Rhin, vinrent, a la sollicitation des Eduens, setablir sur l'une de leurs fron- tiers (i), tres-pres des Arvernes et des Bituriges-Cubiens (2). 4- Celle-ci a entierement disparu , et non contents de disputer sur son emplacement, ainsi que sur l'etymologie et l'orthographe de son nom, les savants sont alles jusqu'a contester qu'elle ait existe. 5. L'examen des diverses opinions emises a ce sujet fait precise- ment l'objet de cet essa4 ; et s'il n'est pas permis d'aspirer a dissi- per tous les doutes , peut-etre au moins par quelques nouvelles recherches, et au moyen de rapprochements archeologiques jus- qu'alors inapercus ou negliges, parviendrons-nous a donner a nos propres conjectures un caractere de vraisemblance que n'ont pu obtenir les nombreux systemes successivement produits jus- qu'a ce jour. 6. Les Bo'iens refugies sur la frontiere Eduenne descendaient evidemment de ces autres Boiens, si celebres parmi les Celtes , qui couvrirent I'Europe et une partie de l'Asie de leurs innombra- bles colonies, et dontles armes firentsi souvent trembler la repu- blique romaine (3). 7. Suivant quelques auteurs, cette tige feconde de tant de peu- ples guerriers et conquerants tirerait elle-meme son origine et son nom d'un certain Boi'us, fils de Bibraclus, et petit fils de Le- man. A leurs dires, Leman aurait ete roi des Gaules, et il y serait ne : des chroniqueurs allemands, Dresser entr'autres , veulent au contraire qu'il soit de race germanique; et s'il fallait en croire le benedictin Annius de Viterbe , Manethon aurait fixe son regne vers Tan i5go de la creation (4). 8. D'apres Fodere (5) et Malingre (6) , un autre etymologiste ferait deriver le nom des Boiens du mot Bos, soit a cause de la (i)DeBelloGallico,lib. r,cc a3, ?.8. (2) Id. lib. 7, cc 9, 14, 17. (3) Titi Livii , Hist., lib. 3o a 37. (4) Juigne, Diet. hist. , aux mots Bibraclus , Boiens, Leman. (5) Narrat., hist, et topograph, des couvents de Forclre de St-Francois. (6) Nouveau Theatre du Monde , p. 69. QUATRIEME SECTION. 541 taille extraordinaire de leurs bceufs, soit pqrce que les charrois et les labourages ne pouvaient se faire dans leur pays qu'avec des betes bovines. 9. II serait oiseux de chercher a eclaircir ces obscurites* l'en- fance de tous les anciens peuples se perd a peu pres dans les me- mes tenebres. Ce qui est seulement hors de doute, c'est qu'au temps de Tarquin l'Ancien , lorsque la puissance romaine etait en- core tres-restreinte, les Boiens formaient deja une cite conside- rable^. Ilsfaisaient partie, comnie on sait, de cette monarcbie fe- derative qui comprenait dans son ensemble les republiques nom- breuses de la Gaule Celtique , et dont le centre d'action etait alors constitue cbez les Bituriges-Cubiens. 10. Au rapport de tous les historiens qui en ont parle, c'etait une nation tres-puissante. Mais comment preciser la contree qu'elle occupait a cette epoque reculee ? Quelle etait l'etendue de son territoire ? Quelles etaient les limites ? Nous n'avons a cet egard, il faut bien en convenir, aucun document certain; car si Malingre, Cellarius etquelques autres ont avance que la partie du territoire des Eduens sur laquelle Cesar placa les Boiens, etait le pays anciennement habite par leurs ancetres, ilsn'ont citeaucune autorite propre a donner dela probabilite a leur assertion: et lors- qu'exhumant l'etymologie rappelee par Fodere et Malingre [8], Achille (Allier), notre compatriote, s'en prevalait nagueres pour faire sortir du pays des Bituriges-Cubiens les premieres migra- tions boiennes ; il ne s'apercevait pas que le mot Bos qui servait de base a ses inductions, appartenait a la langue latine ou plutot a la langue grecque , et non a celle des Celtes. Aussi, sur nos ob- servations, s'empressa-t-il de rectifier cette erreur (1). it. Seulement peut-etre, de ce qu'au temps ou, forcee par 1'exuberance de sa population , la confederation celtique lancait au loin sa bouillante jeunesse, les Boiens et les Lingons francbirent ensemble les Alpes, pourrait-on presumer que ces deux peuples etaient voisins, et que leurs cantons se joignaient. Dans cette by- potbese, etcommeles Lingons etaient places au nord de la Celtic , 0) L'Ancien Bourbonnais , t. I , p. 87. 542 MEMOIRES ET PIECES , vers les sources de la Meuse, tellement pres de la Gaule Belgique que Pline et Ptolemee les ont compris parmi les Beiges; comme aussi les Senones et les Eduens , qui les limitaient a l'occident et au raidi, avaientdeja suivi lesdrapeaux de Bellovese, les Boiens, leurs co-expeditionaires, auraient pu les conGner a l'orient , en s'etendant entr'eux et les Sequaniens jusqu'a la Saone, ou meme jusqu'au Doubs. Cette conjecture , du reste, serait d'autant plus vraisemblable, que Strabon cite les Boiens de suite avec les Sequa- niens et les Helvetiens comme etant egalement exposes aux incur- sions des Vindelicienset des Rhetes, ce qui a fait dire a d'Anville que leur ancienne et primitive demeure devait avoir ete limitro- phe de celle des Helvetiens, d'ou , par la meme raison , on peut in- duire qu'elle l'etait aussi des Sequaniens, et consequemment des Lingons. 12. Ge serait done au nord-est de la Gaule Celtique, dans la contree qui forme aetuellement le departement de la Haute- Saone, qu'auraient habite les premiers Boiens : et Ton est d'au- tant plus porte a le croire , qu'au lieu de passer les Alpes par le Mont-Cenis {Taurinus Saltus), comme l'avaient fait les Bituriges , les Arvernes , et les autres peuples du centre de la confedera- tion (i), ils les traverserent par le grand St-Bernard [Alpes Penince) (2), qui, en admettant qu'ils vinssent des environs des sources de la Meuse et de la Saone , leur offrait effectivement la route la plus directe pour aller, ainsi qu'ils se le proposaient , s'etablir au-dela du P6 dans l'Etrurie. i3. Quoi qu'il en soit, et 600 ans avant notre ere, un autre es- saim de Boiens se trouvait parmi les differents peuples que Sigo- vese avait precedemment conduits au-dela du Rhin vers la Foret- Noire (Saltus Hernicus) ; car Tacite , en faisant l'enumeration des Gaulois qui s etaient repandus dans la Germanie, et apres avoir dit que les Helvetiens s'etendirent entre le Rhin, le Mein et cette meme Foret (Sylva Herignia), ajoute que « les Boiens, aussi d'o- i> rigine gauloise, penetrerent plus avant , et que la contree ou ils (i)Tit. Liv.,lib. 5,c. 35. (2) Id. . c. 36. QUATR1EME SECTION. 543 » sefixerent, conservait encore de son temps et a cause d'eux, » quoiqu'ilsl'eussent abaudonnee, lenom de Boiemum (Boheme}, » dont la signification est demeure des Boiens (i). » i4« En quittant la Boheme, ils avaient passe dans le Noricum (la Baviere). Cesar, sur qui Tacite appuie son recit, rapporte en effet (2) : « Qu'autrefois les Gaulois , plus braves que les Germains, » avaient porte la guerre chez eux , et que trop resserres dans » leurs limites, ils avaient envoye des colonies au-dela du Rhin. » Afin meme de preciser d'autant mieux la filiation des Boiens qu'il venait de vaincre, avec ceux qui avaient suivi les drapeaux de Si- govese, il ditailleurs (3) : « Qu'ayant traverse le Rhin , ils s'etaient » ulterieurement etablis dans le Noricum. » i5. Ils occupaient encore cette derniere contree, lorsqu'en l'an 695 de la fondation de Rome, ils en sortirentpour sejoindre aux Helvetiens et a leurs allies, et pour faire avec eux une irruption dans les Gaules (4). A cette epoque, l'ancienne nation des Boiens n'existait plus; les nombreuses colonies sorties de son sein l'a- vaient totalement epuisee, etelles'etait eteinte, confondue ou dis- persee parmi les peuples voisins. Aussi, lorsqu'apres la defaite de l'armee coalisee, Cesar renvoya les vaincus dans leurs pays respec- tifs , en retenant seulement les Boiens , ceux-ci , au lieu d'etre re- clames par des Gaulois du meme nom , qui s'en seraient fait un honneur et un devoir s'ils eussent encore forme une cite, le fu- rent-ils par les Eduens, avec lesquels ils n'avaient aucune rela- tion , et uniquement a cause de leur grande reputation de cou- rage (5). 16. En les placant sur leur frontiere , les Eduens leur abandou- nerent de suite une partie de leur territoire; et bientot apres ils les admirent a la participation de leurs propres droits , ainsi qua l'exercice d'une pleine et entiere liberte (5). Sans doute ce canton etait alors inhabite; on n'aurait pas chasse des citoyens pour ( 1 ) Descriptio Germanise, c. 28. (2)DeBell. Gall., lib. 6,c. 2^. (3) W,lib. I, c. 5. (4)W., c. 6. (5) Id., c 28. 544 MEMO I RES ET PIECES, admettre des etrangers : sans doute aussi les refugies n'y trou- verent aucun autre abri, que quelques cavernes et les arbres des forets; ils furent done obliges, tout d'abord, de construire des habitations: et comme ils allaient faire face au plus dangereux ennemi des Eduens , a celui qui deja avait ravage lepays que leur courage etait appele a defendre, la prudence leur commanda non- seulement de se reunir dans une forteresse, dans un oppidum^ mais encore de s'etablir, suivant l'usage du temps, sur un lieu eleve, afin d'en rendre l'acces d'autant plus difficile . 17. Telle fut l'origine de Gergovia. D'apres Julius Celsus, l'anonyme presume des Commentaires de la vie de Cesar , ce grand capitaine en aurait lui-meme ete le fondateur (1) : au moins aida- t-il beaucoup les Boiens a la batir; car, en arrivant sur la terre deserte qui les recueillait, ils devaient etre dans le plus grand denuement ; et bien qu'ils fussent sortis du Noricum au nombre de trente-deux mille (2), les malheurs de la guerre les avaient sans doute grandement decimes. Toutefois, ses murs seleverent promptement, puisque, sept ans apres, elle bravait les assauls de Vercingetorix, et qu'a cette epoque Cesar attacbaitdeja assez d'importancea sa conservation , pour se croire oblige d'accourir a son secours, du fond de la Gaule Ceitique , et a travers mille obs- tacles de toute nature. 18. Cependant, quelques geograpbes ont conteste son exis- tence. Orthellius, entr'autres, et Samson apres lui, Tont en eftet confondue avec la Gergovia des Arvernes , de maniere a n'en faire qu'une seule et meme ville ; et ils ont motive leur opinion en ob- jectant qu'on n'aurait pas donne un nom semblableaux metropo- les de deux peuples voisins sans y appliquer quelque distinction : mais Cellarius (3), Lamartiniere (4) et d'Anville (5) ont comple- tement refute cette erreur, et ils ont demontre sans replique que la ville situee chez les Boiens , attaquee par Vercingetorix , et (1) Julii Gelvi Comraentaria de vita Jul. Ccesaris , lib. 3, p. 118. (2) De Bell. Gall. , lib. 1 , c. 29. (3) Notitia orbis antiqui , vol, 1 , p. 2 it). (4) Grand Dictionnaire geograph. et crit. , au mot Gergovia. (5) Notice de l'ancienne Gaide , au meme mot. QUATRIEJIE SECTION. 545 secourue par les legions romaines, ne pouvait avoir ete la meme que celle qui fut ensuite investie par les memes legions, chez les Arvernes , et devant laquelle elles furent obligees de se re- tirer. Celle-ci d'ailleurs existait long-temps avant l'entree de Cesar dans lesGaules; I'autre au contraire avait ete fondee tout recem- ment [17]; Cesar, selon Julius Celsus , l'avait construite apres sa victoire sur les Helvetiens. « Oppidum Boiorum iransalpino- rum, ... Ccesareum opus.... sub helvetica? victorice tempus cedi- ficalum a Cass are... 19. Ainsi, tenons-le pour constant, les Boi'ens ont eu, dans les limites du territoire que leur avaient concede les Eduens, une ville qui leur a ete propre , une place d'armes differente de la metropole des Arvernes, et portant cependant un nom identique avec le sien , ou a peu pres semblable. Cette similitude de nom a elle-meme ete l'objet d'une diffi- culte plus specieuse. EUe a fait croire a certains critiques que le mot Gergovia etait une expression generique et applicable a plu- sieurs villes a la fois, plutot que la denomination speciale et dis- tinctive de l'uned'elles : ils ont des-lors pense qu'on n'avait donne le meme nom a la ville des Boi'ens et a celle des Arvernes, que par simple designation, et comme pour indiquer qu'elles etaient, soit les capitales, soit les forteresses de ces peuples; ils ont meme espere pouvoir trouver dans la decomposition du mot Gergovia, les elements d'une etymologie propre a confirmer leur systeme. 20. Sous l'impression de ces idees, les uns sont alles chercher dans la langue germanique les mots wehr gau ou gergau, qui signifient canton de gens de guerre, pour en composer le nom de Gergovia; d'autres l'ont forme de Garw, lieu eleve, d'oii Gergy et de ob , montagne , d'ou ov , — montagne elevee, — et en dernier lieu, M. le Deist de Botidoux le faisait deriver des mots celtiques Keroa Ger, ville, et gos, vieille, — ville vieille. 21. Mais, d'abord, est-il bien certain que, des le principe, Gergovia ait ete le nom propre des deux villes dont il s'agit? on ne le pense pas, et Ton est au contraire fortement autorise a en douter ; car, suivant Orthellius , celui de la ville des Arvernes etait Gergovia ou Gergobia; selon la version grecque des Commen- 546 MEMOrRES ET PIECES, taires de la guerre des Gaules, c'est re/syo6iK; 0n lit, dans Stra- bon : yspyovvioc ; et Polioenus ecrit yspyo&iyj : tandis que, d'apres les plus anciens textes latins, le nom primitifde la villedes Bo'iens a ete Gortona, ou yspyo&vva, si l'ons'en tient a la version grecque. 22. En fut-il autrement , et l'identite de ces noms eut-elle ete irrevocablement etablie, nous dirions encore que la raison ne re- pugne pas plus a admettre le mot Gergovia comme l'appellation particuliere de chacunede ces villes , qu'elle ne le fait a l'egard des denominations deplusieurs autres, notammentencequi concerne les villes de Noviodunum , qui, a la meme epoque, et dans des contrees egalement voisines, ont incontestablement porte le meme nom , d'une maniere propreet individuelle a chacune d'elles. lb. Relativement aux etymologies proposees [11] , il paraitrait bien etrange, s'il fallait lesapprecier serieusement, que des peuples celtes eussent ete prendre le nom de leurs villes ou de leurs cites dans lalanguedes Germains, avec lesquels ils etaientdans unetatconti- nuel d'hostilite. On ne comprendrait pas mieux pourquoi, au milieu d'une foule de nations egalement aguerries, les Bo'iens et les Ar- vernes auraient eu le privilege de faire donner a leurs villes ou a leurs territoires, exclusivement a toutes autres localites, la quali- fication de canton de gens de guerre. Et si ces villes avaient du etre appelees Gergovia , parce qu'elles etaient situees sur des lieux eleves, on se demanderait encore pourquoi Alesia , Toull (i) , et Cant d'autres qui avaient aussi une assiette escarpee, ne portaient pas la meme denomination generique ? Si enfiu, comme le presume M. le Deist de Botidoux, Gergovia signiGait, en langue celtique, ville vieille, comment Cesar aurait-il pu, sans tomber dans le contre-sens leplus manifeste, faire l'application de cette designa- tion a l'oppidum des Bo'iens , a une ville dont la fondation lui etait attribute, etqui etait toute recente [17]? 24. Suivant un autre etymologiste , cette ville aurait tire son nom d'un certain Gargen , roi ou chef des Boiens (2). S'il en etait (1) Toulx-Sainte-Croix, ville celtique , situee a environ 3 myriametres q?. de Montlucon , sur une montagne de forme conicrue , dans le departement de la Creuse , et dont M. le docteur Barailon a explore les ruines. (2) Coiffie*-i>e-Moret, Hist, du Bourbonnais , t. 1, p. 49> not- *• QUATRIEME SECTION. 547 ainsi , et que l'existence de ce Gargen fut bien constatee , ce serait un nouveau motif de reaoncer a voir dans le mot Gergovia une denomination generique. II serait du reste impossible d'assigner une semblable origine au nom de la Gergovia des Arvernes , puisque cette ville etait beaucoup plus ancienne que celle des Boiens, et que des-lors elle n'avait pu modeler son nom sur le sien , non plus que sur celui d'un chef qui lui aurait ete absolument etranger. 25. Sans s'arreter a ces vaines futilites, Scaliger (i; a lout uni- ment rejete le nom de Gergovia en tant qu'on l'appliquait a la forteresse des Boiens , et il lui a semble evident qu'il avait ete in- tercale par les copistes dans le texte primitif. 11 a pretendu que Cesar, selon son habitude de fournir des indications sur les lieux qu'il voulait faire connaitre , plutot que de les designer nomina- tivement, n'avait pas exprime le nom de la ville des Boiens, d'ou il a conclu que ce peuple n'avait pas eu de ville appelee Ger- govia. 26. L'autorite de ce celebre critique est sans doute bien impo- sante; ne craignons cependant pas de le dire, il s'est ici formel- lement trompe; car s'il faut reconnaitre que dans aucun des an- ciens manuscrits , non plus que dans la version grecque, on ne trouve la metropole des Boiens designee litteralement de cette maniere, il est egalement certain que tous les textes l'indiquent sousun nomquelconque, dontles principales variantes sontGorto- na, Gergoma, Gorgoma, Gergonia, Gorgobia, Gergobia, Gergo- bina, Gorgobina , re/syoSivvoc. II u'y a done pas eu d'intercala- tion, ainsi que l'avait suppose Scaliger, mais seulement une variation de denomination, commeon en voit de frequents exem- ples dans la plupart des noms propres des anciennes villes, tt dont la source remonte peut-etre , suivant l'observation qu'en font les annotateurs de la Bibliotheque classique et latine, aux correc- tions operees par Cesar lui-meme sur les editions successives de ses eeuvres. 27. Toutefois, on ne rencontre pas Gergovia parmi les nom- (() Nomenclator geograpliicus , \° Gergovia Boiorum4 548 MEMOIRES ET PIECES , breuses varia rites qui viennent d'etre relatees; remarquons aussi qu'entre toutes, Gortona est celle dont l'emploi a ete pratique a i'epoquela plus reculee; c'est eneffet celle qui se lit dans un ma- nuscrit de la Bibliotheque royale, numerote 5764, et que Ton croit appartenir a la fin duIXe siecle; on la retrouve egalement dans plusieurs autres manuscrits, tous aussi tres-anciens, comme, par exemple, dans le premier de Leide, dans celui d'Oxford, et dans ceux de Scaliger et de Cujas. Ce serait done celle que Ton aurait du preferablement adopter : cependant, comme entre plu- sieurs autres appellations et le mot Gergovia il existait une tres- .grande analogie , et que la similitude devenait memo complete si Ton changeait en v la lettre n de Gergonia ou le b de Gergobia , ce qui a ete d'un frequent usage dans le moyen-age, on s'est gene- ralement accorde a ne plus designer la ville des Boi'ens que sous le nom de Gergovia, et c'est celui que Ton a definitivement em- ploye dans toutes les nouvelles editions des Gommentaires de la guerre -des Gaules [1]. , 28. Mais si les geographes se sont enfin entendus sur ce point, il n'en a pas ete de merae lorsqu'il s'est agi de savoir precisement ou avait ete cette ville. Les uns, sans fixer autrement son assiette, 1'ont placee sur la rive droite de la Loire; les autres, entre la Loire et l'Allier , a Moulins, a Izeure, a Cbavennes ou a Thiel ; ceux-ci a Boen , sur les bords du Lignon ; ceux-la, entre l'Allier et le Cber, a Bourbon-1'Archambault , a Souvigny , a Chantelle , a Mont Lucon, a INeris. 29. L'opinion qui la mettait a Moulins a ete pendant long-temps la plus repandue et la mieux accreditee. Cetait, en efFet, des le XVIe siecle, celle de Belleforest et de Paradin ; Lancelot, (i) s'en rappro- cbait beaucoup; Lamartiniere (2), Turpin de Crisse (3), Wailly (4), Pernet (5), etc., n'ont pas besite a s'y ranger; et le jesuite Briet, qui ecrivait vers le milieu du XVIIe siecle, en avait meme (1) Memoires de TAcademie des inscriptions et belles-lettres , tome 6, p. 635 (2) Au mot Gergovia. (3) Traduction des Gommentaires de la guerre des Gaules. (4) Traduction des me'mes commentaires. • (5) Dictionnaire abrege de geograpbie ancienne comparee, au mot Gergovia. QUATRIEME SECTION. 549 faitun objet de tradition parmi les habitants du Bourbonnais : « Et (( vocari Molins indigence credunt, » disait-il dans sa Parahlla geographia veteris et novce ; mais il est a rernarquer que, dans la carte jointe a cet ouvrage, il place Gergovia, sous le nom de Ger- gobina, sur la rive droite de la Loire, ce qui indique assez claire- ment quel'opinion vulgaire n'etait pas la sienne. 3o. Ge n'etait pas non plus celle de Guy-Coquille (i) ; car tout en concentrant les Boi'ens dans la petite portion de 1'ancien dio- cese d'Autun, limitee par. la Loire etl'Allier, il fait observer que Molins n'avait ete distrait de l'eveche de Clermont, c'est-a-dire du territoire des Arvernes ( les circonscriptions diocesaines s'etant generalement renfermees danscelles des provinces gauloises), que depuis moins de deux cents ans,"ce qui ne ferait remonter cette separation qu'au XVe siecle, puisqu'ii ecrivait au commence- ment du XVIIC. Si done l'emplacement de Moulins a dependu , des le principe, du pays des Arvernes, il est impossible d'y poser la Gergovia des Boiens sans se mettre en contradiction formelle avec tout ce qu'en a dit Cesar. 3i. C'etait encore moins le sentiment de Blaise de Vigenere le Bourbonnais, et il s'en explique categoriquement dans une note de sa traduction des Commentaires de la guerre des Gaules : « Quant a moy , il me semble que ce n'est point Molins (il parle de « notre Gergovia), parce que Cesar n'eust pas teu qu'il estait sur la « riviere d'Allier, et davantagece nest pas le droit chemin pour « aller de I'Auvergne a Bourges; car on laisse Molins a huict ou « dix bonnes lieues a main droite (outre que e'est un pays effron- « dre etmal aiseau possible )y pour prendre le Haut-Bourbonnais « vers Montaigut en Combraille et a Mont-Lucon, estimant que « ce soit iedit Mont-Lucon ou Nery qui est la aupres, ou il y a de « fort beaux bains d'eaux chaudes, et tant de marques et enseignes » de l'antiquite romaine, qu'on n'y fonille gueres encore sans y « trouver quelques medailles et pierres gravees. » 32. Auroux des Pommiers fait sans doute allusion au sentiment de Vigenere, son compatriote, dans ce passage de la preface de (i) Histoire du pays etduclie de Nivemais. 38 550 MEMOIRES ET PIECES , son Commentaire sur la Coutume du Bourbonnais : « Les anciens « habitants du Bourbonnais, qui faisaient partie des Boies ou « Boi'ens, n'etaient, selon quelques-uns, qu'une colonie venue « des environs de Baviere, laquelle, etant sortie de leur pays, <( vint setablir dans les endroits les plus faibles et les plus decou- « verts de cette province , que Ton conjecture etre les environs de « Mont-Lucon, Neris et autres lieux circonvoisins; car le res- « tant du pays, consistant en bruyeres, bois et forets, n'etait pas « habitable. » 33. Philippe Labbe (i) reste indecis entre Moulins, Mont- Lucon et Neris; mais Mandators (2), rejetant hardiment ces dif- ferents systemes, place Gergovia a Boen, petite villedel'ancienne province du Bas-Forez , aujourd'hui departement de la Loire, snr les bords du romantique Lignon, et M. le docteur Barailon (3) parait tout dispose a se ranger a cette opinion. 34. De son cote , Thistorien du prieure de Souvigny avait voulu qu'elle eut ete ou est cette ville, et Fresnay avait re- vendique pour Bourbon - rArchambault 1'honneur d'etre assis sur ses ruines. Piganiol de la Force (4), sans exprimer sa fac.on de penser, dit seulement que « quelques-uns ont pris Neris ( Aquas Neri) pour la Gergovia Boiorum. » 35. Cependant l'idee de ceux qui 1'avaient mise a Moulins, et qui paraissait avoir ele abandonnee, a repris dans les derniers temps une nouvelle faveur, ou du moins, tout en reconnaissant que la position de cette ville ne pouvait convenir a Gergovia, on a cherche, comme l'avait indique M. le Deist de Botidoux (5), a la retrouver dans ses environs , a Izeure , par exemple , qui n'en est eloigne que d'un quart de lieue, ou a Chavennes, commune d'A- vermes,a trois quarts de lieue du cote oppose. 36. Mais M. Coifher de Moret (6) ne se contente pas de faire (1) Phavur Gallia? antique , inprolego. (2) Nouvelles decouvertes sur Tetat de l'ancienne Gaule. (3) Recherches sur l'ancienne ville romaine de Neris , n° 107. (4) Nouvelle description de la France. (5) Traduction des Commentaires de Cesar. (6) Histoire du Bourbonnais , t. 1 , p. 5o. QUATRIEME SECTION. 551 remarquer que ces conjectures sont denuees de preuves et qu'elles ne reposent que sur quelques analogies denom; il ajoute que « Topinion qui place Gergovia sur les bords de l'Allier lui sem- « ble combattue par le detail de la marche de Cesar, qui , ayant '< cotoye, passe et repasse cette riviere, n'aurait pas manque", « dans le recit qu'il fait de cette marche, de parler d'une ville « qui se serait trouvee sur ses bords , et qui , etant a ses amis , au- « rait du servir a son passage. » II prefere, en consequence, la position de Thiel, village situe a deux myriametres de Moulins, vers l'orient , ou il dit qu'ona reconnu l'emplacement de la Sitilia des itineraires romains. 37. Cette proposition , faite, ilest juste de le dire, avecune tres- grande reserve , repose, comme on le voit, sur la presomption de Tidentite de Thiel avec Sitilia , et cette presomption resulterait elle-meme de ce qu'en prenant Bourbon-l'Archambaud pour les Aquce Bormonis dela table theodosienne, on trouverait Sitilia sur la route qui de la se dirige vers Augustodunum (Autun), a une distance a peu pres egale a celle que Ton compte aujourd'hui de Bourbon-1'Archambaud au village de Thiel , environ au centre du pays que selon Topinion vulgaire les Boiens auraient occupe entre la Loire et l'Allier. 38. Ainsi Tidentite de Bourbon TArchambaud avec les Aquce Bormonis serait le point fondamental de cette serie d'idees. Mais, quoi qu'en dise d'Anville, et cette observation n'a pas echappe a M. le docteur Barailon (1), la position de cette ville ne convient pas plus a ces thermales, que celle de Bourbon-Lancy aux Aquce Nisineii des memes itineraires. On s'en convaincra facilement en faisant la verification et Tapplication des distances marquees sur la table de Peutinger ; elles sont ainsi exprimees: — Avaricum, TimollOy XXIII. — Degenna , XXX. — Aquce Bormonis XVI, — C'est done LXXIX lieues gauloises , chacune de 1 134 toises , ou environ quarante lieues franchises, de i5 au degre, entre Ava- ricum et les Aquce Bormonis , tandis qu'entre Bourges, qui est incontestablement TAvaricum de la table, et Bourbon-TArcham- (1) Recherches sur les peuples Cambiovicenses , n<>s ,68, 169 552 MEMOIRES ET PIECES , baud, il n'y a reellement sur le terrain que dix-sept a dix-huit lieues. Et ce n'estpasla encore toute la difficulty : onvoit en eft'et qu'avant d'arriver aux Aquce Bormonis , la route d1 Avaricum a Augustodunum (Autun) passe a Degenna, qui est la ville actuelle deDecize; comment done croire que, de ce dernier point, apres avoir traverse une premiere fois l'Allier au-dessus de Tincollum (Sancoins), la route serait revenue, par un ressaut subit etaigu, vers Bourbon-1'Archambaud, pour reprendreensuite, aussi brus- quement , sa premiere direction , de maniere a s'alonger inutile- ment devingt-deux lieues, et a necessiter, par ce double crocbet , deux autres passages sur une riviere qui n'etait pas gueable ? 39. Selon nous, la position de Bourbon-Lancy s'adapterait beaucoup mieux aux Aquce Bormonis ; car si les chiffres de la table theodosienne, qui sont purement abstraits a partir de Lug- dunum , expriment, pour cette partie de la Gaule, des milles ro- mains , que Ton sait etre de 756 toises , et non des lieues gau- loises, les distances precedemment rappelees n'ofFrent plus qu'un total de 59,724 toises, 011 un peu plus de vingt-six lieues franchises, ce qui est , a peu de cboses pres , la distance de Bourges a Bour- bon-Lancy. Et , comme pour confirmer cette presomption, le hasard a fait decouvrir , en 1792, dans les fondements et sur les rui- nes du cbateau de cette derniere ville, une inscription ecrite en caracteres romains, ou s'est rctrouve en toutes lettres le mot Bormoniee , dont l'analogie avec le nom des Aquce Bormonis semble devoir desormais lever toute incertitude sur la veritable position de cette station de la carte de Peutinger. Le savant Millin a recueilli cette inscription, et l'a reproduite en ces termes . C. IVLIYS EPOREDIRIG1S(i)F. MAGNVS PRO L. IYLIO CALEJNO FILIO BORMONIEE DAMONAEE VOT . SOL. 40. Que si les Aquce Bormonis ont ete a Bourbon-Lancy et non aBourbon-rArchambaud , l'identite supposee de Thiel avec Siti- lia,et par suite celledeGergovia avec Thiel devient insoutenable» (1) Gksar , De Bell. Gall. , lib. 7, c. 54, cite un noble Eckien do ce nom. QUATRIEME SECTION. 553 car Sitilia , placee entre les Aquae Bormonis (Bourbon-Lancy) et Auguslodunum (Autun), devait etre situee, comme le sont ces deux villes, sur la rive droite de la Loire, tandis qu'au contra ire le village de Thiel est sur la rive gauche du fleuve. 4i. Du reste, l'elegant auteur de l'Ancien Bourbonnais (1), tout en confondant les Aquce Bormonis avec Bourbon-l'Archam- baud, rejette la conjecture de M. Coiffier de Moret, et les hau- teurs d'Izeure lui paraissent le seul lieu ou. Ton puisse chercher 1'emplacement toujours incertaine de Gergovia. Cependant, et anterieurement , M. le docteur Barailon (2) avait fait l'observation qu'Izeure n'offrait ni l'assiette, ni I'etendue de la plus petite viile celtique. 42. Au milieu dece dissentiment general, il est reraarquable de voir d'Anville (5), celui de nos geographes qui, sans contredit, a le mieux connu notre ancienne Gaule , avouer avec franchise que la situation de la Gergovia des Bo'iens est demeuree inconnue jusqu'a lui : et si Barbie du Bocage, dans sa carte de la Gaule an temps de Cesar (4), la met sur la rive droite de l'AUier, il a la scrupuleuse attention d'en faire suivre le nom d'un point d'inter- rogation , comme pour montrer qu'il reste egalement dans le doute a cet egard. Enfin , le docte annotateur de la Bibliotheque classique et latine (5) avait encore, vers 1820, le soin conscien- cieux, en rappelant l'opinion de ceux qui la placaient a Moulins , d'ajouter qu'ils le faisaient sans produire de preuves a I'appui de leur assertion ; « Alii dicunt Moulins , sed non probant. » 43. Ainsi, d'apres les plus graves auteurs et les geographes les plus judicieux, la question de savoir ou etait precisement placee la Gergovia des Bo'iens reste encore a resoudre. II serait meme impossible de I'eclaircir davantage, si Ton devait s'astreindre a suivre servilement les traces et la methode de ceux qui lont deja etudiee; car presque tous les ecrivains qui s'en sont occupes, (1) Tome 1 , p. 3 1 . (2) Recherches sur Neris , n° 107. (3) Notice del'Ancienne Gaule , au mot Gergovia. (4) Gallia ulterior ad C. J. Osesaris Comment, accommodata. (5) De Bello Gallico , lib. 7, c. . y , not. 3. 55i MEMOIRES ET PIECES, paraissent avoir et£ predomines par nne commune idee , par une consideration trompeuse, qui en leur cachant la verite et en ega- rant leur esprit, devait inevitablement les conduire a l'erreur. 44- En effet, de ceque les dioceses ont rempiace generalement les anciennes provinces gauloises , et se sont ordinairement ren - fermes dans leurs circonspections respectives, ils ont conclu que les Boiens, an moment de I'introduction da christianisme dans les Gaules, avaient du etre compris dans celui d'Autun, comme ayant toujours ete dans la dependance des Eduens, ou comme n'ayant jamais cesse de faire partie integrante de leur cite. Et parce qu'une portion de cet eveche s'etendait, a I'ouest, au-dela de la Loire jusqu'a l'AUier, et que d'apres le texte des Commentaires de Cesar, les Boiens avaient ete places sur la frontiere des Eduens, on en a encore conclu qu'ils devaient avoir occupe cette petite langue de terre qui se trouve resserree entre les limites primiti- ves des dioceses de Nevers et de Clermont , depuis la Loire jus- qu'a l'Allier , sans depasser cette riviere, derriere laquelle on au- rait au contraire rencontre le territoire des Arvernes et celui des Bituriges-Cubiens. Par suite , et sans prendre la peine de verifier si ce placement pouvait concorder avec les nombreuses indications fournies par Cesar, et avec quelques autres documents histori- ques, on s'est cru virtuellement empeche de chercher ailleurs notre Gergovia. 45. Mais remarquons d'abord que la presomption d'identite entre les cites gauloises et les circonscriptions diocesaines , quoi- qu'appuyee de l'autorite de d'Anville, ne forme pas une regie tel- lement absolue qu'elle ne puisse comporter quelques exceptions. Ainsi, par exemple, laville de Moulins, avant le premier etablis- sement de Teveche de ce nom , dependait du diocese de ce nom , et c'etait la precisement le motif qui avait fait croire si generale- ment qu'elle s'etait elevee sur les ruines de Gergovia. Nous sa- vons pourtant, a n'en pouvoir douter, qu'elle avait ete demem- bree de l'Auvergne [3o] , d'ou suit que, dans l'origine, et quoi- qu'elle ait ete comprise ulterieurement dans un diocese autre que celui de Clermont , elle avait fait partie du pays des Arvernes. Cette regie n'est done pas toujours irrefragable : elle est particu- QUATRIEME SECTION. 555 lierement inadmissible quant au territoire de la ville de Moulins ; et il faudra renoncer semblablement a en fairel'application toutes les fois qu'elle sera incompatible avec des renseignements plus positifs. 46. Remarquons en second lieu , que la cite des Eduens avait ete subdivisee en quatre dioceses; ceux d'Autun, de Nevers, de Chalons et de Macon; que celui de Nevers etendait une partiede son territoire, comme celui d'Autun, entre la Loire et 1'Allier; et que Cesar avait simplement indique le placement des Bo'iens sur la frontiere des Eduens , sans exprimer a quel aspect du soleil se trouvait le canton qui leur avait ete abandonnee. II etait des- lors impossible de determiner celui de ces quatre dioceses auquel ils auraient du etre annexes; rien, surtout, n'autorisait a penser que ce fut a 1 eveche d'Autun plutot qua celui de Nevers : en ad- mettant meme quil en fut autrement, et qu'on eut quelque in- dice de leur incorporation dans le diocese d'Autun, rien encore ne donnait a connaitre de quel cote, a i'orient, au midi, ou a l'occident, il aurait fallu les chercher. Ainsi , l'identite des cir- conscriptions diocesaines avec les cites gauloises, et la simple indication de leur placement sur Tune des frontieres du pays Eduen , isolees de renseignements plus positifs et de toutes autres considerations, ne suffisaient pas pour faire croire que la contree ou ils vinrent s'etablir fut necessairement la petite portion du diocese d'Autun situee sur la rive gauche de la Loire. 47. D'autre part, on raisonn?it comme si depuis leur arrivee sur le territoire des Eduens , les Bo'iens s'etaient confondus abso- lument avec eux, de maniere a ne faire ensemble qu'un seul et meme peuple : on supposait egalement, sans plusd'examen, que cette transfusion s'etait maintenue dans le meme etat jusqu'au moment de la formation des dioceses. Et pourtant des documents certains se presentaient en foule pour demontrer que presqu'aus* sitot apres leur nouveletablissement, ils obtinrent une nationalile propre et distincte de celle de tous leurs voisins ; l'histoire cons- tatait aussi qu'ils en jouissaient encore , de cette nationalite , a une epoque assez rapprochee de l'introduction du chrisfianisme dans les Gaules : de graves indices permettaieut meme d'en suivre 556 ME.YIOIRES ET PIECES, les traces a travers les siecles , et d'en retrouver quelques elements jusquedans les derniers temps. 48. Au moment, en effet, on apres leur defaite aux environs de Bibracte (Autun), ils allaient, comme les autres peuples vaincus, leurs coalises, retourner lihrement dans le Noricum (la Baviere) , d'ou ils etaient sortis, nous voyons une puissante nation les demander avec instance a cause de leur grande reputation de courage, pour les placer sur ses frontieres : Bo'ios, petentibus Eduis, quod egregia virtute erant cognili , ut finibus suis co llo car e nt (1). En les appelant dans cette position avancee, le but des Eduens est evidemment d'opposer , comme le firent plus tard les Romains lorsqu'ils mirent les Ubiens sur le Rhin (2) , une garde fidele et vigilante a des voisins belliqueux et entrepre- nants, aux Arvernes (3), par exemple, que Divitiacus , l'un des principaux chefs, signalait (4) vers le meme temps a Cesar, dont il invoquait l'appui , comme leurs anciens rivaux de puissance et leurs ennemis les plus redoutables : mais ils ne furent pas long- temps sanss'apercevoir qu'un poste de cette importance ne devait etre confie qu'a des citoyens; et ils s'empresserent bientot apres de les aider a se creer une nouvelle patrie, non-seulement par la concession d'une portion de leur territoire, mais encore en les admettanta toute la liberte et a tous les droits qu'ils possedaient eux-memes. Quibus Mi agros dederunt, quosque posted in parem juris libertatisque conditionem , atque ipsi erant , re- ceperunt (5). 49. Et qu'on ne conteste pas la realite de cette emancipation politique, en disant qu'au moment du siege de Gergovia, Cesar les designe encore souslenom de stipendiaires (stipendiarii) des Eduens; car nous savons par Suetone (6), que toutes les pro- vinces de la Gaule, qui etaient sous le patronage des Romains, (i)DeBell. Gall., lib. 1, c. 28. (2) C- Cci'nelius Tacitus, de moribns Germanirc , c (3) V. l'Hist. du Bourbonnais , t. 1, p. ?. 1 , not. 2. (4) DeBell. Gall., lib. 1, c. 3i. (5)/c/. ,lib. 1, c. 28. (6) Divus Julius Csesar, c. 25, QUATRIEME SECTION. 557 avaient ete soumises, par ce liaut protecteur, a une contribution de quarante mille sesterces , appelee stipendium , d'ou suit qu'on nommait stipendiarii ceux qui la payaient. Or , les Eduens ayant cede une partie de leur territoire aux Boiens, devaient recevoir deux une quotite proportionnelle du stipendium qui leur avait ete assigne, et en ce sens, ceux-ci etaient effectivement leur sti- pendiaires, comme ils l'etaient eux-memes des Romains, sans etre autrement les uns ni les autres, et reciproquement, dansun etat de sujetion. Aussi, et lorsqu'en faisant ulterieurement le denombrement des guerriers que chaque nation devait fournir pour secourir Alesia, Cesar enumere et designe par leur nom les clients des Eduens (f), non-.^eulement on ne voit pas les Boiens figurer parmi eux, mais on les retrouve au contraire parmi les cites appeleesa former leur propre contingent. 5o. Ainsi, et des le principe, il ne s'opere pas de fusion entre les deux peuples. II y a plus , la contree ou viennent d'etre places les Boiens, cessant de faire partie de la cite des Eduens, en perd le nom, et elle prend de ses nouveaux habitants celui de Bo'ia (2), comme avaient fait anciennement la Boheme (3), la Baviere et la ville de Bologne, lorsque des colonies Boiennes etaient venues sy etablir. Cesar leur construit une ville (4); cette ville leur est propre ; c'est leur place d'armes , leur Oppidum; et ils la defen- dent eux-memes lorsque Vercingetorix, apres setre avance une seconde fois chez les Bituriges , revient sur ses pas pour l'assie- ger (5). A l'occasion de ce siege, Cesar les distingue formellement des Eduens auxquels il demande des vivres , tandis que, separe- ment , il annonce sa prochaine arrivee aux Boiens en les exhor- tant a rester fideles et a resister courageusement a Tennemi (o). Si. Arrive sous les murs d'draricum, il s'adresse nominative- ment a chacun des deux peuples pour en obtenir des subsis- (1) DeBell. Gall., liv 7, p. 25. (2) Id. lib. 7, c. \!\. (3) De moribus Ger., c. 28. (4) J. Celsus, de vita Csesaris, lib. 3. (5) DeBell. Gall. lib. 7, c. 9. (6) Id. , c. 10. 558 MEMOIRES ET PIECES, tances; et il remarque a cette occasion que Tindifterence des Eduens paralyse les secours quil en attend , pendant que les fai- bles ressources des Boiens sont bientot epuisees; il donne meme le motif de cette insuffisance, comme pour mettre leur bonne volonte a l'abri de tout reproche : Quod civitas erat exigua et infirma{\), et de cette maniere il constate le fait essentiela eta- blir, c'est-a-dire qu'ils formaient deja un peuple particulier, une nation independante; car telle est la veritable signification du mot civitas. 5i. Pline (2) les distingue egalement des Eduens; et d'apres Tacite(3), c'est du milieu d'eux, e plebe Boiorum, que sortait ce brave Maricus, qui aspirant au titre glorieux de liberateur des Gaules, et se disant inspire des dieux afin d'eu imposer da- vantage, osait, a la tete seulement de huit mille de ses con- citoyens, braver les amies romaines au sein meme de la cite eduenne , et dont la fortune digne d'unplus heureux sort, vint echouer d'une maniere si funeste devant l'elite de cette formida • ble nation et les cohortes de Vitellius. 53. Personne, sansdoute, ne recusera i'authenticite des docu- ments historiques que nous venons d'analyser : comment done pourrait-on desormais disputer serieusement sa nationalite a un peuple qui conserve ainsi son ancien nom, qui le donne a la con- tree ou il vient nouvellement habiter, qui est expressement dote de tous les droits de l'independance, qui forme un corps particu- lier de cite, qui a son oppidum , qui y soutient un siege, qui nourrit les legions romaines, chez qui enfin un simple citoyen peut lever une armee avec laquelle il ose entreprendre la de- livrance des Gaules et le renversement de la domination romaine ? 54. Or, cette nationality, maintenant incontestable des les pre- mieres annees de la fondation de Gergovia jusqu'au regne de Vitellius, c'est-a-dire depuis la guerre de Vercingetorix , cin- quante-trois ans avant notre ere, jusqu'a la mort de Maricus, soixante-neuf ans apres, rien ne prouve ni meme ne donne a pre- (i)DeBell. Gall., lib. 7,0. 17. (2) Historia naturalis, lib. 4, c. 32. (3) Histoiise , lib. 2, c. 6i. QUATRIEME SECTION. 559 sumer qu'ii Teut perdue au moment de la formation des dioceses , et qu'a cette epoque il se trouve confondu ou amalgame dune maniere quelconque avec les Eduens. II n'y a done non plus, sous ce rapport , aucune raison de penser qu'il ait du etre annexe a l'un des eveches formes par la cite des Eduens plutot qu'a ceux qui furent constitues chez les Arvernes et chez les Bituriges , ses autres voisins. Seulement , et eu egard a ce que l'exiguite de son territoire ne lui permettait pas den composer un a lui seul , il est vraisemblable qu'il se reunit , pour la direction religieuse , comme le firent presque tous les autres petits peuples des Gaules,a celui qui etait leplusa saconvenance eta sa proximite. 55. Au moyen de ces considerations , nous nous sentons dega- ges du prestige qui, en fascinant les yeux et l'esprit de presque tous les geographes, les avait empeches de chercher les Boiens et leur Gergovia ailleurs qu'entre la Loire et l'Allier [44]- Nous pourrons consequemmentet en toute liberte porter desormais nos investigations partout ou la verite nous offrira sa lumiere , et nous en saisirons certainement quelques rayons si , en suivant Cesar, pas a pas, dans ses mouvements strategiques contre Vercin- getorix , nous nous etudions un peu a faire sur le terrain de ses habiles manoeuvres l'application des indications nombreuses qu'il nous a laissees. 56. Reportons-nous done au moment du soulevement presque general des Gaules, dont le massacre des citoyens romains dans Genabum fut le terrible signal (i). A la premiere nouvelle de cet evenement, Yercingetorix se rend maitre de la Gergovia des Arvernes (2). LesSenones, lesPari- siens, les Pictones, les Cadurciens, les Lemovices, les Turones , les Aulerciens , les Andes , et tous les peuples riverains de l'Ocean, se joignent immediatement a lui (2). On lui confere le comman- dement supreme, et son premier soin est de marcber contre les Bituriges-Cubiens (3). Geux-ci, abandonnes par les Eduens, qui (1) DeBell. Gall., lib. 7, c. 3. (2) Id., c. 4. (3) Id,, c. 5. 560 MEMOIRES ET PIECES, craignent de traverser la Loire, leur limitereciproque , se jettent dans ses rangs (i) ; mais il appreud que Cesar, promptement ac- count de l'ltalie, a penelre dans l'Arverne, et il y revient en toute hate (i). Cesar, aussitot apres ce mouvement , surlequel il avait compte(3), court a Yiennepour y prendre de la cavalerie, et de la il se rend a marches forcees chez les Lingones, en passant chez les Eduens, afin de deconcerter, par sa presence, leurs dis- positions equivoques (3). Ses legions sont rassemblees avant que les Arvernes se soient apercus de son absence ; mais aussitot que Vercingetorix en est informe, il ramene ses troupes chez les Bituriges, d'ou il va mettre le siege devant la Gergovia des Bo j ens (3). 57. Cette manoeuvre embarrasse beaucoup Cesar; cependant, et pour prevenir la defection generale a laquelle l'exposerait l'a- bandon d'un peuple ami, il se decide, malgre la difficulte de se procurer des subsistances dans le fort de l'hiver, a venir a son secours. La:ssant done deux legions et ses bagages a Agendicum , et apres avoir charge directement les Eduens de lui fournir des vivres, il se dirige vers les Boi'ens en leur faisant annoncer sa pro- chaine arrivee (4)- Le lendemain de son depart, il est devant Vel~ launodonum, ville des Senones , et il s'en empare de vive force, pour nepas laisser d'ennemis derriere lui et assurer le service de ses approvisionnements. De la il arrive , en deux journees de marches, a Genabum, qu'il brule dans la nuit, et ou il passe la Loire pour entrer immediatement chez les Bituriges (5). A Novio- dunum, l'une de leurs villes, il rencontre Vercingetorix , qui , en apprenant son arrivee, avait leve le siege de Gergovia et venait a sa rencontre. II le repousse dans un combat de cavalerie, et il con- tinue sa route vers Avaricum (6). 58. Cetle ville, la plus forte du pays, etail silue'ea iextremile (ODeBell. Gall. ,1. 7, c. 5. (2) Id., c.8. (3)/c/,,c 9. ([() Id. , c. 10. (5) Id. , c. ll. (6) Id., c. i2. QUATRIEME SECTION. 561 du territoire ties Bituriges (i). Pendant qu'il en faitle siege, les Gaulois, a l'instigation de Vercingetorix, livrent aux flammes tout Tespace qui s'etend jusqua la Boia (2), ce qui met Cesar dans la necessite de recourir aux Eduens et aux Boiens pour en obtenir des subsistances (3). Apres la prise & Avaricum, des dissensions elevees entre les chefs Eduens le forcent a passer chez eux. II en exprime un grand regret, parce que ces debats l'empe- chent de continuei* la guerre (4) , et aussitot qu'ils sont apaises , il part de Decize pour se porter , en remontant le cours de l'Allier, vers la Gergovia des Arvernes (5). Vercingetorix se trouve de suite de i'autre cote de la riviere , dont il fait couper tous les ponts. Les deux armees campent sur les deux rives et surveillent leurs mouvements reciproques. Cependant Cesar , qui craint d'etre ar- rete dans cette position pendant tout l'ete, parce que l'Allier ne devient gueable qu'en automne, parvient, au moyen d'une con- tremarche habile, a tromper l'ennemi, et, passant sur un pont retabli a la hate, il arrive en cinq jours sous les murs de Gergo- via (6). Enfin , et lorsqu'en se retirant de devant cette place il veut rentrer chez les Eduens (7), il vient repasser l'Allier, a trois journees de marchede la metropole des Avernes. 59. Tel est le bulletin fidele du commencement de cette memo- rable campagne; nous allons y trouver (8) tous les elements neces- sairesa la solution du probleme qui nous occupe, ou, pourparler plus simplement, toutes les indications propres a nousfaire pre- cisement connaitre la contree ou vinrent s'etablir les Boiens, et par suite le veritable emplacement de leur Gergovia. Nous voyons en effet que Cesar etait parti d'Agendicum (Sens) , ou peut-etre plutot Provins (9) , avec 1'intention formellede porter (i)Debell. Gal., 1 7, c. i3. (2) Id. , cc. 14 et i5. (3)W. , c. 17. (4)W. ,c. 33. (5) Id. , c. 34. (6) Id., cc. 35et36. (7)/rf. , c. 53. (8)/p. ij 5 — Marcaille, Antiquitesdu Prieure de Sou-vigny ; — Belley, Ecclauxissements sur l'ancienne Gaule, p. 20^; — Testament d'Haymon (juin 953) en faveur de l'abbaye de Cluny , c'est-a-dire de l'eglise de St-Pierre , situee in pago Arvernico , in vicarid Donobrensi , in villa Silviniaco. (2) « Marca , ora, litus ; interdum et ipse fluvius , quod sit veluti terminus , » limes : — Marcha pro marca frequenter in veteribus chartis (Ducange , Glos- » sarium , voy. Marca^ voy. Marcha. » (3) On a vu (70, note ire) comment les different es nations gauloises avaient conserve leurs lois : cnaque peuple avait aussi sa langue (De Bel. Gall. , lib. r, c, 1), et on a pretendu en retrouver des traces dans le patois de plusieurs pro- vinces (Recherches sur les peuples Cambiovicensses, n° 12.) 572 MEMOIRES ET PIECES, » millium circittr CLX (i) : » et soit que Genabum fut situe a Orleans, selon l'opinion commune, ou a cote de Gien, suivant l'abbe Leboeuf, Silvestre de Saint -Abel, Maltebrun et plu- sieurs autres, cette distance, qui represente approximativement vingt-trois myriametres et derai, se retrouve assez exactement $ntre Tune ou l'autre de ces villes et plusieurs points de la ligne precedemment tracee [76}. Or, cette ligne ne pouvait pas etre en meme temps lalimite des Bituriges, puisque Avaricum etait place sur leur frontiere (2) , et que de Bourges a Orleans ou Ton compte la plus grande distance, il n'y a guere que onze a douze myriametres : d'autre part, nous avons vu les Bo'iens entre l'Allier et le Cher [6l] , toucher les Bituriges [7*2] ; ils s'etendaient done entre eux et les Arvernes, vis-a-vis desquels on les avait places [62}, et des-lorsla ligne qui du nord de Souvigny descen- dait a Chanlelle , et dela au Cher vers la Petite-Marche , devaii etre leur limite reciproque. 78. A l'occident , le Cher confinait les Boiens ; les Lemovices etaient de l'autre cote, et le nom de Marche assigne a la portion de leur territoire qui se prolongeait vers ses bords , et dont s'est formee la province de la Marche, puis le departement de la Creuze, prouve incontestablement que cette riviere les separait d'avec un autre peuple (3). On en puiserait au besoin une nou- velle preuve dans l'extreme difference des statuts locaux qui re- gissaient les deux rives : celui de la Marche etait en effet base sur le droit ecrit; celui du Bourbonnais reposait au contraire sur le principe coutumier : d'un cote etait le diocese de Limoges, de de l'autre celui de Bourges; ici enfin l'Aquitaine, la la l.yonnaise ou Celtique (4). (4)DeBelloGall.lib. 7, c. 3. (2) Id., ch. 1 3. (3) V. [76, note 3. J (4) Pline , Naturalis Historia , lib. IV, cc. 32 , 33 , place effectivement les Boiens dans la Lyonnaise , et les Lemovices dans FAcjuitaine. « Lugdunensis « Gallia habet.., Hedui foederati, Carnuti foederati , Boii, Senones , Aulerci... » jdcfuitanioe sunt. .. Hinc Bituriges liberi qui Cubi appellantur, dein Lemovices, » Arverni liberi. » Remartechnit l'Evangile, vers la m^me epoque , chez les Arvernes (Gregorius Turo- nensis, du gloria confessorum, liv. I, — Hist. liv. I, 2, 3o); les Boiens sontvrai- semblablement entres dans la communion chretienne en m^me temps que leurs voisins. QUATRIEME SECTION. 577 Former a eux seuls un diocese , ils se reunirent aux Bituriges pour organiser celui de Bourges, comme etant de tous leurs voisins ceux avec lesquels ils avaient les relations les plus faciles; qu'ils conserverent neanmoins leur nationality, leurs mceurs, leurs lois et leurs usages; qu'enfin ils ont ete le noyau d'une province qui, au moyen des agregations de quelques parties du territoire des Arvernes , des Lemovices (i), des Bituriges , et surtout de la portion du comte d'Autun, d'entre Loire et Cher, comprise dans la do- nation faite par Charles-le-Simple, en 91 5 (2), au comte Aimar ou Ademar , tige des seigneurs de Bourbon , a forme le Bourbon- nais, dont s'est ensuite compose le departement de l'Allier. 84- G'est done dans cette contree qu'il convient de chercher la Gergovia des Boiens, et Ton ne saurait meconnaitre, apres I'avoir parcourue, qu'il est peude pays qui presente aux yeux des curieux de si nombreux ni de plus beaux vestiges d'antiquites, prin- cipalement le long du Cher , dans la direction de Bourges a Cler- mont, iudiquee par la colonne milliaire trouvee a Alichamp [72]. La, en effet, comme pour nous servir de jalons dans nos recher- ches, et independamment des tumulus gaulois epars autour de Montlucon, se trouvent alignees les ruines des villes romaines de Bruere, de Drevant, de Cordes, deNeris; la se voient parsemes autour d'elles , ou en tasses dans leur ancien circuit, des restes plus ou moins bien conserves de camps retranches, de colonnes milliaires, d'aqueducs, de chaussees pavees ou des debris de tem- ples, de thermes, d'amphitheatres, et des statues, des medailles, (1) La reunion de la portion de l'arrondissement de Montlucon , situee sur la rive gauche du Cher, s' opera sans doute par le mariage de Rathilde, vicomtesse de Limoges, avec A.rchambaud Ier, dans le ioc siecle. M. Coiffier de Moret con- jecture que e'est la aussi l'origine de l'agregation de la ville de Montlucon au Bourhonnais (Hist, du Bourbonnais , t. 1 , p. 92 et 101); il ne s'est pas apercu que la marche des Lemovices ne depassait pas le Cher [78], et que Montlucon se trouvant sur la rive droite ne devait pas en dependre. Les monnaies haronales de Montlucon prouvent au contraire que son territoiie formait un fief par- ticulier plus ancien peut-£tre que celui de Bourbon. Ce serait done par une al- liance differente entre les Odo, titulaires de cette monnaie, et la famille des Ar- chambaud, que le domaine de Montlucon aurait ete annexe a celui de Bourbon. (2) V. Hist. duBourb. , t. 1, p. 92 et mo. 578 MEMOIRES ET PIECES , des vases, des pierres gravees , des inscriptions et autres monu- ments de la pins grande vetuste. 85. Mais qu'on y premie bien garde, quoique Gergovia pa- raisse avoir ete batie par Cesar {17] , ce n'est pas absolument sous des decombres de constructions romaines, ni sous les ruines d'une noble architecture, qu'il faut esperer d'en retrouver la place. Elevee presque subitement par des soldats au milieu des Gaules » dans un pays recemment ravagee par la guerre [62], pour servir de refuge aux Boiens et de rempart aux Eduens, ce fut des sa fondation une villetoute gauloise, un oppidum, une place d'ar- mes. Or, on sait qu'il n'entrait pas de mortier de cbaux dans les edifices des Celtes; que leurs maisons etaient couvertes en chaume, leurs temples ouverts par le haut (1), et les murs de leurs fortifi- cations formes d'un assemblage de poutres, de terre et de pierres grossieres (2). II serait consequemment bien extraordinaire qu'une ville ainsi construite eut pu resister aux simples injures du temps, et meme qu'il en restat aujourd'hui la plus petite trace. lis sont done encore tombes dans une grave erreur ceux qui ont voulu que Gergovia ait ete situee a Neris, a Chantelle, a Bourbon- l'Archambaud , a Thiel, etc., par cette seule raison qu'ils croyaient y reconnaitre des villes ou des etablissements d'origine romaine. 86. Ces considerations nous ont determines a donner a nos re- cherches une direction plus rationnelle. \J oppidum des Boiens nous a semble avoir du etre situe, comme presque toutes les autres villes fortifiees de la Gaule, sur une hauteur plus ou moins ■escarpee. C'est ainsi que l'etaient Alesia , Gergovia des Arvernes, Taricum (Toull, Ste-Croix) (3) et tant d'autres. Des-lors notre at- tention avait a se porter plus specialement vers les positions de ce genre, et il convenait principalement de s'arreter sur celles ou se rencontreraient en meme temps des monuments dont i'origine celtique ne serait susceptible d'aucune contradiction. (1) V. Recherches sur Neris , n° 26. (a) De Bello Gallico , lib. 7,0. 23. (-3) V. les Recherches de M. Barailon sur cette ville celtique. QUATRIEME SECTION. 579 87. Nous devions aussi chercher aupres d'une riviere un em- placement plus rapproclie des limites des Arvernes que de celles des Bituriges; car i° le nom de Cambiovicensts avait ete donne aux Boiens a cause de leur position le long des eaux fluviatiles [82] ; et 20 les Eduens, en les portant a l'extremite de leur frontiere occidentale, avaient voulu les opposer aux Arvernes, qui etaient leurs rivaux de puissance et leurs ennemis, plutot qu'aux Bituri- ges, qu'ils comptaient parmi leurs clients. Gergovia, en un mot, devait necessairement avoir ete fondee dans le voisinage du peu- ple contre lequel elle etait destinee a servir de rempart [62]. Du reste , l'importance que Yercingetorix mit a s'en emparer , comme aussi le mouvement retrograde qu'il opera lorsqu'il revint de chez les Bituriges pour en faire le siege , ne nous laissaient aucune incertitude a cet egard [65]. C'etait consequemmenta l'extremite du territoire des Boiens, du cote et vers les confins des Arver- nes, sur les bords d'une riviere, specialement sur les rives du Cher, ou sont disseminees de si belles ruines [84] , et dont le nom latin Cams a sans doute ete impose par les Remains (1), qu'il con- venait tout d'abord de porter nos investigations. 88. Nous avons ete ainsi amenes a placer Gergovia sur le mon- ticule autour duquel se groupe aujourd'bui la ville de Mont- Lucon. Nous avons cru qu'il s'etait presente d'autant plus prefe- rablement au choix des Boiens, que, situe presqu'au point extreme de leur frontiere et de celles des Arvernes et des Lemo- vices, le Cher en defendait les approches de plusieurs cotes ; que le plateau qui le couronne dominait a une assez grande distance tous les environs; et qu'au moyen de toutes les difficultesde son acces, il leur avait offert la position la plus avantageuse et un fort inexpugnable. 89. Ajoutons a ces premieres inductions qu'il existe aux en- trees de Mont-Lucon , au nord et au midi, deux beaux tumulus, tres-bien conserves. L'un est situe en dehors du faubourg des (1) Peut-£tre le Cher doit-il son nom a 1'empereuv Carus , ou a Carinus son fils, qu'il envoya dans les Gaules en 233- Les medailles de ces princes nous manquent , il est vrai , mais nous avons recueilli sur les lieux celles He Probus leur predecesseur, et celles de Diocletien qui leur succeda. *80 MEMOIRES ET PIECES, Cordeliers, vers Chateauvieux, a cote de l'ancienne route de cette ville a Bourges, qui plus anciennement encore etait la voie romaine & Avaricum zuxAquce-Neri indiquee par la colonne mil- liaire d'Alichamp [96] ; on apercoit l'autre a l'extremite du fau- bourg des Forges, au point ou cette voie se reunissait a celle de Mediolanum a Augusionemeium de la carte de Peutinger, et ou celle-ci se bifurquait pour se diriger plus directement sur Canti- lia [97]; et soit qu'ils aient ete eleves, selon l'usage des Gaulois, pour servir de tombeau (1) a certains personnages eminents, peut- etre a quelques chefs morts pendant le siege de Gergovia , soit qu'ils aient ete destines a recevoir les depouilles de l'ennemi con- sacrees au dieu Mars (2) , ainsi qu'en avait vu Cesar dans plusieurs de leurs villes, on ne peut, dans l'une ou l'autre hypothese, s'empecher de reconnaitre en eux de vrais monuments celti- ques [86] . 90. Assez pres du tumulus de Chateauvieux , dans un enclos qui porte le nom de Conche, nous avons decouvert, il y a peu d'annees, un aqueduc qui conduisait les eaux des sources voi- sines dans la ville gauloise. Sa construction en pieces de terre cuite grossierement travailiees , imitant la forme des tuiles a re- cord si communement eparses sur l'ancienne route de Mont- Lucon a Bourges , et s'engrenant les unes dans les autres, annonce evidemment 1'enfance de I'art; et Ton est tout dispose, en la comparant a celle des aqueducs romains de Neris et de Drevant , a en faire remonter l'epoque a des temps plus anciens. XJn hermite, sans doute dans les premiers ages du christia- nisme, etait venu s'etablir au pied de l'autre tumulus. Le lieu en a retenu jusqu'a nos jours le nom de /' Hermitage. 91. Nous n'avons pu verifier par des fouilles completes la veri- table destination de ces deux tumulus : nous ferons seulement (1) « Les tumuli ou monticules factices etaient les monuments funeraires des « Gaulois ; il en existe encore un grand nombre dans les provinces du centre de » la France. » (Champollion-Figeac , Resume d'Archeologie , 1. 1, p. 102). — « Les Gaulois n'ont laisse aucuns monuments durables que leurs tombeaux ; » e'etaient pour ainsi dire des montagnes (Hist, du Bourb. , t. 2, p. 46)- (2) « Multis in civitatibus harum rerum extructos tumulns locis consecratis conspicari licet. » De Bello Gall., lib. 6, c. 17. QUATRIEME SECTION. 581 observer que le faubourg des Cordeliers, qui est a cote du pre- mier, portait anciennement le nom de Marchio (i), ce qui pour- rait peut-etre faire presumer qu'il avait ete ainsi nomme a cause de son voisinage avec un tumulus consacre au dieu des com- bats. Disons aussi que ce tumulus est contigu a un enclos de vignes qui a conserve jusqu'a ce jour le nom de Champ de ba- taille. Quoi qu'il en soit, et sans attacher a une induction de ce genre plus d'importance qu'elle n'en merite, nous remarquerons que les environs de Mont-Lucon off'rent en plusieurs endroits, a une distance assez rapprochee, des preuves semblables de l'existence et de lhabitation d'un peuple celte. Les tumulus de Givrette, de Domerat, d'Argenty, n'en sont pas eloignes d'un myriametre, et ceux de Reugny ne le sont guere davantage. 92. Une autre analogie se presented l'esprit : on a vu prece- demment [27] que dans les manuscrits les plus anciens et les plus authentiques des Commentaires de la guerre des Gaules, la ville des Bo'iens , dont Cesar fit lever le siege , etait designee ori- ginairement sous le nom de Gortona, et il est arrive qu'en basse latinite, ainsi que le constate Ducange (2), on a quelquefois change dans les mots lalettre G en B ,• de Gortona, par une substi- tution de ce genre, on a done pu faire Bortona. Or, Tun des fau- bourgs de la ville de Mont-Lucon , ou se trouvent des vestiges d'une haute antiquite, porte precisement le nom de Bortoni , qu'on peut, sans trop d'invraisemblance, faire deriverde Bortona, et de cette maniere l'appellation primitive de la Gergovia des Bo'iens serait retablie et presqu'identiquement conservee. g3. A ces premiers indices, qui se rattachent manifestement a des temps et a des ceuvres celtiques, nous allons joindre des ob- servations puisees a des epoques immediatement subsequentes, et qui reposent sir 1'accumulation, autour de Mont-Lucon, d'une foule de monuments romains dont les irrecusables debris semblent avoir echappe a une entiere destruction , comme pour donner a nos conjectures une plus grande apparence de verite, ou plu- ( t) Malingre , Nouveau Theatre ). Or, des long-temps avant la fin du quatrieme siecle, les Aquce-Neri avaient obtenu , par la frequentation des Romains, une importance superieure a celle de Gergovia, et sous ce rapport, comme aussi en raison de la proximite de ces deux stations , il etait tout naturel de n'indiquer sur les tables que la plus remarquable. Placee d'ailleurs au centre de huit grandes routes militaires, dont deux ponts sur le Cher facilitaient le passage de cette riviere torrentueuse, Gergovia avait du se ressentir plus malheureusement que Neris des troubles et des guerres suscites par I'oppression romaine et par l'ambition des competiteurs a l'empire; elle n'avait pas eu non plus les memes avantages pour reparer ses pertes. 108. Son premier desastre remonte, selon toute apparence, a la revoke de Maricus. Yitellius, qui avait livre aux betes feroces ce genereux gaulois, et qui plus feroce qu'elles , s'etait, a leur refus de dechirer une si noble victime, repu de son supplice, n'epargna pas vraisemblablement la metropole du peuple qu'il venait de soulever coutre ses exactions et ses honteuses debau- (1) V. Recfaerches sur Neris , n°6. (z) Bergier, Hist, des gr. cheim , 1. 3, ch. 7. (3) V. les Recherches sur Neris , n° 1 1 4 • QUATRIEMIS SECTION. 591 ches. Ce qu'il yade bien certain, c'est qua compter de ce mo- ment l'histoire ne parle plus des Boi'ens; et si par les soins d'Antonin-le Pieux leur ville se releva sous un autre nom, lorsque tant d'autres, au rapport d'Aurelius Victor, furent fondees, re- baties, reparees ou embellies, ce qui serait d'autant plus presu- mable que tie toutes les medailles recueillies a Mont-Lucon , celles de ce bon prince et de ses trois successeurs sont les plus nom- breuses, eile dut encore souffrir beaucoup dans la lutte de Galien contre Posthume, dont nous avons aussi collige unemedaille, et il serait bien etonnant, dans tous les cas, qu'elle eiit pu s'echapper a la brutalite destructive des nuees de Barbares qui renverserent l'empire romain. 109. Son nom primitif se perdit au milieu de ces terribles com- motions, comme avait disparu celui de ses habitants; et si nous l'avons relrouve dans la denomination du faubourg Bortoni de Mont-Lucon, en lui restituant sa terminaison premiere et en lui rendant Tinitiale G que l'usage avait change en B [92] , nous ne pretendons cependant pas que la ville elle-meme, que Gortona ait survecu a cette grande et derniere catastrophe. 110. Le quartier ou est aujourd'hui le faubourg Bortoni eprouva lui-meme, comme le surplus de la ville gauloise, comme Neris et toutes les autres villes voisines , de frequents ravages ; plus d'une fois il fut saccage, brule , renverse de fond en comble; et le Cher, dans sa crue extraordinaire de i835, en a fourni une nouvelle preuve en mettant a decouvert, sur sa rive droite, pres- qu'en regard du pont Bufecie , des masures et des pieces de charpente la enfouies et eparses depuis un temps immemorial ; mais sa situation sur une voie romaine [99), presqu'au debouche de ce pont Bufecie ou venaient aboutir plusieurs routes militaires [100], le fit promptement relever de ses ruines avant que le nom de Gortona fut entierement oublie. II l'a done retenu ce nom , pen- dant que la partie superieure de la ville se perdait avec lui sous ses informes et grossiers debris ; et il le conservait encore lorsque renaissant de ses cendres , la ville elle-meme recevait de ses der- niers restaurateurs une denomination nouvelle appropriee sur- tout a la position de son chateau sur un monticule escarpe et 592 MEMOIRES ET PIECES, couvert de roches micacees , qui , en reflechissant autour de lui les rayons du soleil, etait vraiment le Mons Lucens que repre- sented les vieilles armoiries de Mont-Lucon. m. M. Coiffier de Moret pense « qu'un passage sur le Cher, » ou se reunissaient plusieurs voies militaires dont on connait » encore les directions, a amene les commencements de cette » ville (i) ; » nous croyons,au contraire, que ces grandes chaussees et les deux ponts, au moyen desquels elles traversaient le Cher, n'ont ete diriges et construits vers ce point que parce qu'une ville d'une certaine importance, la Gergovia des Boiens, par exemple, j existait deja. Elle avait ete fondee en effet par Cesar [17] avant que, sous le regne d'Auguste, Agrippa y fit passer la route de Lugdunum a Condivicuum [98] ; et la chaussee KAvaricum aux Aquce-Neri que Cassini appelle voie de Jules Cesar, ne fut construite qu'en Tan 160 par les ordres d'Antonin- le-Pieux, ainsi que le constatait l'inscription d'une autre colonne milliaire portant le n° 2, trouvee par M. Pajonnet, dans la direc- tion de Bruere a Bourges, a quinze cents pas de la premiere (2). L'existence de Gergovia est done anterieure a la confection de ces routes; et si on ne la cite pas dans l'inscription de la colonne qui donne la distance du lieu ou elle etait placee a Avaricum et aux Aquce-Neri , e'est que, detruite a l'occasion de la revolte de Maricus, en l'an 69, elle ne s'etait pas encore entierement relevee de ce desastre pendant que Neris, dont la fondation remonte vraisemblablement au temps deNerou(3), et quoiqu'ayant par- tage le sort de Gergovia , s'etait plus promptement retablie au moyen de l'attrait tout special que ses eaux minerales et ther- males offraient aux Romains. Depuis cette epoque, et par la raerae raison , elle continua de rester a l'egard des Aquce-Neri dans un semblable degre d'inferiorite, et par suite son nom, ainsi qu'on (i) Hist, du Bourbonnais , t. 2, p. 124* (2) V. les Recherches sur les villes romaines du Berri . n° zt\. (3) Peut-etre Neris , au lieu de devoir son nom a l'empereur Neron ou au dieu tutelaire de ses eaux , a-t-il ete ainsi nomme a cause de ses belles sources thermales ; Neros ayant la m^me signification qu'aquosus (Ducange , v° Nero) ; niais alors Aquse Neri eut ete un pleonasme. Selon 1'auteur des Merveilles des eaux de France , ce sont les Nereides qui ont donne leur nom a cette ville. QUATRIEME SECTION. 593 en a deja fait la remarque, dut etre omis sur la table Theodo- sienne [107]. 112. Mont Lucon, qui a remplace Gergovia, qui, en quelque maniere, est sorti de ses ruines, qui ne fait consequemment avec elle qu'une seule et meme ville, ne doit done pas son origine a la preexistence de ces differentes routes; ses tumulus, ses ponts sont evidemment dune plus grande anciennete. La derniere reconstruction^ Gergovia, que Ton considererait alors comme la fondation de Mont-Lucon, pourrait cependant avoir ete grandement facilitee, comme l'exprime M. Goiffier de Moret, par l'abord de ces nombreuses voies de communication; et quelques traces d'architecture gothique, remarquees par M. le docteur Barailon (1), autoriserait peut-etre a en fixer l'epoque vers la fin du cinquieme siecle, au temps ou Julius Nepos ceda au Visigoth Euric ou Evaric, qui possedait deja toutle midi de la Gaule, ses droits sur I'Arverne et sur le pays jusqu'a la Loire. Depuis cette cession, qui eut lieu en 474> jusqu'a la conquete de l'Aquitaine par Clovis, en 507, le pays des Bo'iens resta soumis aux Visigoths; et il serait tout naturel de penser que dans cet in- tervals de temps ils apposerent le cachet de leur architecture sur les villes qu'ih batirent ou qu'ils reedifierent. n3. L'empereur Enthemius s'etait oppose, avec le secours de douze mille Bretons , a leur etablissement dans cette partie des Gaules, et on a pretendu qu'ayant campe a cote de Mont-Lucon , ces auxiliaires avaient donne leur nom au faubourg de cette ville appele Bortoni : mais e'est la un anachronisme manifeste,car on met a l'an 469 la deroute des Bretons aupres de Deols, dans le Berri, et Mont-Lucon ne put etre rebati par les Visigoths, sur les ruines de Gortona ou Bortona, qu'apres le traite de 4;4- Obser- vons d'ailleurs que le nom des vaincus ne s'impose pas aux lo- calites ou ils out fait une simple halte, et que les Bretons, a cette epoque, etaient connus sousle nom de Britanni et non sous celui de Bortoni. 1 1 4- On est tombe dans un anachronisme egalement etrange . (1) V. les Recherches sur Neris , n° 109. 594 M EM 01 RES ET PIECES , relativement k tin autre faubourg de Mont-Lucon qu'on aurait appele la Prele (Praelium), a cause d'un combat qui, d'apres la date d'un ecusson place tout aupres, au haut del'encognure d'un mui\s'y serait livre en 1392, a l'occasion de la construction du couvent des Cordeliers. II est prouve , en effet , que la premiere pierre de ce couvent, fonde en vertu d'unebulle du pape Eugene IV, a ete posee, le 5 mai i446, sur un terrain concede le i5 mai de 1 ''an nee precedente par un chanoine du chapitre de Saint-lNi- colas. La date de l'ecusson, sur leqnel au surplus on ne voit que des instruments propres a faire soupconner un acte de liberalite de la part de la corporation des bouchers envers les Peres corde- liers, ne peut done pas etre de i3g2 , mais tout au plus de 1492 , et plus vraisemblablement encore de i5q2, si Ton s'en tient a la configuration actuelle de ses chifFres. Or, a l'une commea 1'autre de ces deux dernieres epoques, la langue latine avait depuis long- temps cesse d'etre parlee en France, du moins dans l'usage vul- gaire. Ainsi e'est dans des siecles bien anterieurs que les denomi- sions latinesde Mons-Lucens, deBortona ou Bortonna et de Prce- lium, d'ou derivent les appellations francaises de Mont-Lucon, Bortoni et la Prele ont ete donnees a la ville et a ses faubourgs. 1 1 5. Une decouverte , faite en i835 , en creusant sous les fonde- ments d'une vieille maison , a cote de leglise de Notre-Dame de Mont-Lucon, semblerait devoir faire reculer la derniere recons- truction de Gergovia ou, ce qui est la meme chose, la fondation de Mont-Lucon, vers une epoque tres-rapprochee des temps les plus anciens du christianisme dans les Gaules. On y a trouve on grand nombre de squelettes humains, tous uniformement places dans la direction de l'occident a I'orient, ayant les mains jointes sur la poitrine, et tenant entre leurs doigts un petit vase en terre cuite d'un forme antique (1), destine sans doute a rece- voir l'eau lustrale des funerailles, et qui rappelle les urneslacry- matoires des anciens. C'etait evidemment un cimetiere des premiers chretiens gaulois, et les ossements humains qu'on a (1) Des vases de mSme forme , mais vernisses exterieurement, viennent d'etre fcrouves (l836) presque au pied du tumulus d'Argenty. QUATR1EMK SECTION. 595 exhumes en plusieurs autres endroits de la ville sont aussi des preuves de sa vetuste et des ravages qu'elle a successivement essuyes. 1 1 6. Nous ne pouvons pas fournir de plus amples explications sur les commencements de Mout-Lucon. Nous n'en avons pas da- vantage a donner sur le changement opere dans la designation nomiuale de la ville boienne qu'elle a remplacee. Le nom qu'elle porte aujourd'hui a lui-meme eprouve , avant de s'etre definitive- ment fixe, une si grande variation , qu'il serait bien difficile d'en retrouver precisement l'origine. Seulement, et apres avoir pa r- couru ses nombreuses dissemblances latines et francaises, nous rappellerons les di verses etymologies dont il a ete l'objet. 117. Une lettre des moines de Souvigny , posterieure de quel- quesannees seulement a la mort de saint Odylon — 1049 — ^e- signe ainsi la ville de Mont-Lucon : « Montis- Lucii caslrum. » Yers la meme epoque, Iotsald, l'historien de la vie de cet abbe de Cluny, l'appelle Lucii-Montis castrum. Deux bulles des papes Calixte II et Adrien IV, Tune de 1120, l'autre de n58, l'indi- quent sous le nom de Monslucinus. Geoffroy , prieur du Yigeois , dans sa cbronique ecrite de l'an 1167 a 1184, la nomme Mons- lucius(i). Dans la Gallia Christiana, de Denis deSte-Marthe, c'est Monslucio ; Antoine Mizault dit Montlucio ; Piganiol de la Force, Mons-Luzzonis ; d'autres ecrivent Monslucinp , et sur de vieilles pieces de monnaies on lit Monluco , et Numtelucio par inversion de Muntelucio, suivantl'usage dont nous avons signale une appli- cation remarquablea l'occasion des Camboivicenses, que la table de Peutinger desi^ne sous le nom de Cambiovicenses , en mettant Bio > pour Boi [82]. 1 18. Tous les auteurs s'accordent a donner a la ville de Mont- lucon une tres-grande anciennete; et si son antique origine n'e- tait pas suffisamment constatee par tout ce que nous en avons dit , les lieux memes en fourniraient un temoignage irrecusable, soit par le nom de Pont Vieux affecte depuis un temps immemorial a ce vieux pont de construction romaine, que le Cher a abandonne (1) Une declaration de Guy de Dampierre , de I2i3, conservee dans te Thesauru* Sylviniacensis , la designe sous la denomination de Mons Lux (Mon- ti s-Lucis.) 596 MEMOIRES ET PIECES, au milieu du faubourg Saint-Pierre, et vers lequel venait aboutir la grande chaussee de Lugdunum a Condivicuum [94] , soit par celui de Chateau Vieux retenu egalement par le village voisin du tumulus et du faubourg Marchio, bien qu'en ce lieu la tradi- tion la plus reculee ne renseigne pas meme les moindres vestiges de fortifications quelconques, soit enfin par la denomination si expressive de Ville Mortk, que conserve encore aujourd'hui le canton de Vigues situe a la sortie du faubourg des Forges, vers le Pave; la route Pavee, au bord de la voie romaine de Me'diola- numa. Cantilia [97]. 119. Toutefois, nous ne pouvons indiquer autrement le chai- non , le point de contact entre la fin de Gortona et la nais- sance de Monslucens. Peut-etre plusieurs siecles se sont-ils ecou- les entre la mort de la ville gauloise et sa resurrection ; peut-etre a-t-elle eprouve une longue serie de bouleversements avant d'arri- ver a son existence gotbique. Ainsi done, et sans cbercber a per- cer le voile d'oubli sous lequel doit vraisemblablement resterpour toujours son histoire pendant cette longue periode de destruc- tions, nous nous en tiendrons au sentiment intime qui, en pre- sence de si norabreux elements de conviction , nous a portes a fixer l'assiette de la Gergovia des Bo'iens au lieu meme ou se trouve aujourd'hui Montlucon. On ne sait pas davantage, ainsi que l'ob- serve M. Goiffer de Moret, a quelle epoque la ville de Bourges a remplace X Avavicum des Bituriges, et pourtant personne ne re- voque en doute leur parfaite identite. 120. Notre opinion, au surplus, s'est formee en confrontant consciencieusement les documents ecrits des vieux ages avec les iieux qu'ils decrivent et avec les monuments dont les debris s'of- fraient journellement a nos regards. C'est effectivement en faisant sur le terrain I'application des Commentaires de la guerre des Gaules, que nous avonsreconnu l'impossibilite du placement des Boiens entre la Loire et l'Allier i et c'est en nous attacbant aux pas de Cesar et de Vercingetorix, que nous avons rencontre cette poigneede braves entre l'Allier etle Cher, au postequi leur avait ete assigne sur la frontiere eduenne, au point ou leur cou- rage dont on avait voulu se faire un rempart , pouvait le plus QUATRIEME SECTION. 597 efficaceraent etre utilise. La, a One tres- petite distance d'A- varicum, nous les avons vus livrer presque de la main a la main leurs vivres et leurs fourrages aux legions romaines ; du meme cote, lincendie allume chez les Bituriges s'arretait devant eux; etla colonne milliaire d'Alichamp fixaiten cet endroit la limite de leur territoire. Au cote oppose, a CLX mille pas de Genabum, se presentait la frontiere des Arvernes; et la, entre Bourges et Clermont, ap- paremment au debouche des defdes de l'Arverne, Vercingetorix venait les attaquer dans leur oppidum , afin de n'avoir plus d'obs- tacles dans ses communications avec les Bituriges. D'autre part, en dehors des confins des Eduens , et conse- quemment sur la rive gauche de l'AUier, ils se levaient , selon Tacite, a la voix de Maricus, et bravaieut les aigles de Yitellius. Mais ils ne depassaient pas le Cher, puisque la marche des Le- movices venait y aboutir. Ils ont done bien reellement occupe, entre l'AUier et le Cher, le pays qu'entouraient les Bituriges, les Eduens, les Arvernes et les Lemovices; et la carte Theodosienne, en nous lesmontrant au milieu des Aquce Bormonis , des Aquce Segesle et des Aquas Ni- sineiiy sous le nom aliegorique de Cambiovicenses (Bo'iens voi- sins des rivieres) , nous les a fait retrouver dans la meme position vers les anciens thermes romains de Bourbon, d'Evaux et de Ne- ris,aupresde l'AUier, de la Bouble, du Cher, del'Aumance, de la Marmande et de l'Auron , avec une legislation, un idiome et un costume qui leur etaient propres. 121. Dans cette meme contree, vers le Cher, tout pres de la marche des Lemovices , devant la frontiere des Arvernes , au point le plus opportun pour arreter les irruptions de ces peuples sur le territoire confie a leur garde, des monuments celtiques, et d'autres indices de meme espece, nous ont fait reconnaitre les ves- tiges d'une ville gauloise. Cette ville a du des-lors leur appar- tenir; et s'il en ont eu plusieurs, elle a ete la plus importante de toutes, car huit voies romaines venaient y aboutir, deux ponts jetes aulour d'elle sur le Cher en facilitaient les abords, et nulle part les medaiUes imperiales ne sont plus abondantes. C'e- 41 598 MEMOIRES ET PIECES , tait done leur metropole, leuv oppidum, cette Gortona ou Ger- govia depuis si long-temps detruite, effacee, perdue. Or, cette position reraarquable est precisement cellede la ville de Montlucon, dontle nom latin et symbolique nous reporte aux temps gallo-romains, ou les Visigoths ontlaisse, sur la fin du cin- quieme siecle, des marques encore reconnaissables de leur archi- tecture, et qui a conserve dans la denomination de Tun de ses faubourgs, celui de Bortoni , l'appellation primitive de I'oppi- dum des Bo'iens : il a done fallu en conclure l'identite parfaite de de ces deux villes. &L ^ CINQUIEME SECTION. 599 GINQUIEME SECTION. RAPPORT SUR L'ETAT DES SCIENCES ET DES BEAUX-ARTS EN AEVERG1, PRESENTE AU CONGRES SCIENTIFIQUE PAR M. F. DE DOUHET, SECRETAIRE DE LA CINQUIEME SECTION. x&x L'Auvergne , comme toutes les provinces du royaume de France , a subi la loi du nivellement revolutionnaire. Les quatre departe- ments , Puy-de-D6me, — Cantal , — Haute- Loire, — Allier , se sont formes de son partage. Les deux premiers , neanmoins , s'etant trouves completement circonscrits dans le cceur de la province, n'ont laisse aux deux seconds que quelques debris du territoire auvergnat, qui s'arretent, pour la Haute-Loire, vers les mon- tagnes d'Aurac, et a qaelques lieues plus hautque Montaigut et Gannat, pour le departemeut de TAllier. Un apercu sur l'etat des sciences et des beaux-arts en Auvergne ne peut done etre autre chose qu'un historique de l'etat actuel a cet egard, des deux departements du Puy-de-D6me et du Cantal. Or , les etudes litteraires ont suivi en Auvergne la loi commune. La , comme partout , les intelligences qui surgissaient a la tour- 600 MEMOIRES ET PIECES, mente de 89, ont traduit pendant i5 ans leurs pensees avec d'au- tres instruments qu'une plume. Ce qui restait pendant ce temps- la de jeunesse et d'enfance aux colleges et a la maison pater- nelle etait trop absorbe par la gloire moderne pour penser a la gloire antique , et lorsque la paix survint, chacun, etourdi par la fatigue et la fumee, sassit plutot pour dormir que pour se livrer a l'etude; le sommeil dura plusieurs annees, au bout desquelles, en se reveillant, on put voir le present tel qu'il etait : incertain, confus, traverse quelquefois par des souvenirs eblouissants, plus souvent par des realites constitutionnelles , mais partout em- preint d'une teinte assez studicuse pour nous rappelerque l'Au- vergne avait autrefois produit les Pascal, les Dofnat, les Delille; on ouvrit des livres, on se mil a l'ceuvre, la publication de nos plus importants ouvrages ne remonte guere au-dela de 12 ans. Si le repos force que la guerre avait inflige a la lit.terature et a la philosophic auvergnate avait ete long , le reveil , en compensa- tion , fut vif et presque general La jurisprudence , la politique , la poesie, l'liistoire, toutes les sciences a peu pres furent elaborees a la fois. Tandis que M. Grenier, president de la cour royale de Riom, dont la rectitude d'idees et le talent lui avaient valu de cooperer a la redaction du Code civil, nous donnait a trois edi- tions, succes inoui dans ce genre, son savant Traite des dona- tions et testaments , et son Traite des hypoiheques (1), un autre legiste , pour qui les idees pratiques etaient surtout souve- raines, M. Favard-Langlade, rendait sensible a toutes les intelli- gences nos lois civiles et administratives , dans son Repertoire de legislation. M. Yazeilles, homme serieux et de 1'ecole un peu investigatrice de M. le president Grenier , publiait ses Commen- taires sur les successions , donations et testaments ; un Traite' sur le mariage, et surtout son important Traite des prescrip- tions , ouvrage refait maintenant par d'autres , mais qui , unique a cette epoque en France, s'installait dans toutes les bibliothe- (1) Cet ouvrage , publie pour la premiere fois sous 1' empire , a subi dans ses nouvelles editions de si nombreuses et notables modifications , que Ton peut a juste litre le considerer comme ne remontant pas au-dela de la periode qu'em- brasse ce rapport, e'est-a-dire de id ans environ. CINQUIEME SECTION. 60 1 ques. Preoccupe des ameliorations a apporter au regime hypo- thecate, M. Allemand, avocat a la cour royale, presentait sur cette matiere un ouvrage ingenieux, une source d'excellents ren- seignements pour une revision future du Code. Partout les cer- veaux laborieux etaient en fermentation ; un avocst general a Riom, maintenant juge ^instruction a Paris, M. Gamier, de Bourganeuf, elaborait une Pratique du Code -penal, travail de compilation, mais bien fait, ce qui est rare ; etM. Lachaise pre- sentait un Traite de V expropriation for cee, ouvrage de pro- cedure, attachant a force d'etre clair, quelques annees avant que M. Bayle-Mouillard n'attirat l'attention generale parson re- marquable livre de VEmprisonncment pour dettes , couronne par l'lnstitut. Cependant les sciences et les lettres n'etaient pas en retard sur ce mouvement ; l'Academie de Clermont, fondee en 1747 ■> reorganised en 1824, sous l'inspiration d'un noyau d'hommes consciencieux et fervents, trouvait le moyen de renaitre, lorsque la plupart de ses sceurs de province faisaient de laborieux efforts pour se soutenir. Une publication mensuelle de ses travaux, toujours pleine et attachante, mettait quelquefois au jour, ou- tre les memoires et opuscules divers de ses membres (1), des corps d'ouvrages complets. De ce nombre est le vaste travail sur la Classification des sciences, dont les materiaux et les notes sont diis au savant Ampere , lors de son voyage en Auvergne , et la re- daction au zele incessant de M. le bibliothecaire Gonod. M. Gonod , il faut le dire, a peut-etre ete le plus puissaut levier de ce mou- vement dans la localite ; toujours en tete des mesures utiles, tou- jours sur la breche lorsqu'il fallait conserver ou obtenir; remuant les livres, collationnant les manuscrits egares, il a conquis dans leur poussiere plus de materiaux qu'il n'enfaudrait pour I'erection d'une histoire generale de l'Auvergne; par ses soins, la bibliothe- que de la ville fut reclassee, et accrue dans une proportion lar- (1) Tels sont, par exemple, les spirituels comptes-rendus des travaux de l'A- demiej de M. le docteur Lizet , son ancien secretaire ; un Eloge de B. Pascal , du meme ; de Domat , par MM. Montel, Allemand , Touvet-Desmarant, etc?. 602 MEMOIRES ET PIECES , gement progressive; le nombre des volumes, qui en 1824 netait que de 11,000, s'eleve maintenanta 17,000. Nous devons a M. Gonod une Exposition claire de la me'thode Jacotol, une Description slatistique du Puy-de-Dome, une Chronologie des evequesde Clermont, repertoire d'investigalions curieuses, une Notice interessante sur une de nos plus belles rui- nes feodales, le chateau de Tournoel , et plusieurs autres travaux importants. Concuremment avec le zele eouservateur de nos lettres et de nos souvenirs, MM. Bouillet et H. Lecoq donnaient une vive im- pulsion aux sciences naturelles et archeologiques. Redacteur des Annales scientifiques del'Academie, M. H. Lecoq en remplis- sait souventles numeros du resultat deses recberches, y publiant, en outre, de temps a autre, plusieurs ouvrages delonguehaleine ; dans leur nombre, nous citerons, de M. H. Lecoq, un Voyage au Mont-Dore , et des Promenades a Vichy , ou la grace du style ne cache jamais la valeur des apercus scientifiques; et de M. Bouillet, une Description historique et scientifique du Cantal , la plus complete sur ce sujet (1). Nous venons de parler du Cantal , et ee departement , es- sentiellement auvergnat, fournissait aussi son contingent scien- tifique et litteraire : M. Ganilz publiait des brochures sur les finances, MM. Desribiers , des Statistiques de la Haute-Loire et du Cantal, precieuses pour l'archeologue; M. Mathieu la Force, un apercu sur l'industrie de ce dernier departement; et M. Aigueperse, un Dictionnaire biographique des celebrites de V Auvergne , ouvrage remarquable par ses recherches et la clarte de sa narration; M. de Talayrat fournissait, de son cote, une notice curieuse sur la vieille e'glise de Brioude; et M. Taillan- dier, un Resume rapide de VHistoire d Auvergne (2). • (1) Outre les outrages publies separement par ces deux, auteurs et qui sout nombreux, plusieurs sont dus a leur collaboration mutuelle corame leur bel ou- vrage sur les formations geologiques du departement du Puy-de-D6me , etc. (2) Plusieurs autres auteurs , nes dans le Cantal , ont publie des ouvrages depuis io ans, mais imprimis et repandus a Paris ou Lots du departement : nous n'avons pu les considerer comme productions purement indigene* ; de ce CINQU1EME SECTION. 603 Apres cette enumeration bien incomplete, mais du moinsnom- breuse, de nos richesses provinciales sous le rapport des sciences positives et naturelles , il semble que Ton pourrait , a juste titre , reprendre haleine, si le domaine de l'imagination proprement dite tie nous sollicitait d'autant plus vivement a poursuivre, qu'il doit , lui aussi , nous etaler de brillanls travaux; les sciences mo- rales et la litterature ont eu chez nous des succes, quelques-uns eclatants, presque tons bien merites. MM. de Pradt et de Montlo- sier etaient d'Auvergne, etleurs ceuvres vibrantes remplissent en- core les echos des deux mondes, si attentifs , depuis un demi- siecle, a repeter la gloireetle bruit; c'etaient la de vastes renom- mees s'epanchant hors de la sphere natale ; mais dans cette sphere elle-meme de louables efforts etaient apprecies d'une juste estime ; M. Reymond, d'Issoire, publiait des poesies assez remarquables pour obtenir les honneurs d'une traduction etrangere(i); — M. Le Camus, une Traduction heureuse des odes aV Horace, en autant de vers francais qu'elles contiennent de vers latins; — le savant Morin, une Traduction de Virgile; — r Mme Falaise, des Lecons a ma Fille, en 3 volumes mi-partie vers et prose, et abondants de charme et de poesie ; — M. de Talayrat , son Album litteraire ; — M. Ozaneaux , son poeme de Jeanne d'Arc ; — M. Ravel , sa Pajsade ; — M. Roy, ses S orders ; — Mme la comtesse de Ma- checo, quelques romans de merite: — M. Imberdis , son Der- nombre sont les oeuvres de MM. Saphavie-Labouvderie , collaboratetir de V En- cyclopedic moderne ; Ladevi , professeur a la faculte des lettres de Bordeaux , auteur d'un Manuel cice'ronien et d'une Refutation du mate'rialisme par la physiologie et la psychologie , et quelques autres dont le nom nous ecbappe ; nous citerons neanmoins comnie utiles et honorables pour leur pays, M. Piui- nes , redacteur du Propagateur agricole, qui se publie a Aurillac , et quelques ecclesiastiques distingues , tels que les abbes Chambon de Saint- Vincent , cure de Souvigny , auteur d'une notice sur les tombeaux de la vieille abbaye de ce nom; Migner, de Saint-Flour, directeur de VUnivers 7-eligieux , et l'un des principaux redacteurs; Lacarriere , d' Aurillac, predicateur distingue , et duquel? apres 1' avoir entendu a Paris, M. de Chateaubriand disait : « Si j'etais preHre, je \oudrais pr^cher corame l'abbe Lacarriere. » Le savant ouvrage du docteur Breschet, de Clermont, sur VAnatomie , est de son cote trop europeen pour trouver dans ce rapport la place qu'il merite. (i) Son poeme de la Fee de Royat a ete traduit en italien. 604 MEMOIRES ET PIECES , /tier jour dun Suicide, etude psychologique, triste etude de cette epidemie qui plane sur nos generations decouragees; — Enfin, MUe Seguin presentait modestement ses Fleurs de Bruyere , poesies gracieuses, apresque MM. Vaissiereet Altaroche, Alexis Guillaume et Mme Elisabeth Celnar , nous eurent donne, les deux premiers, des chansons et des pieces lyriques pleines de couleur; les deux autres, un poeme chacun sur le general Desaix. Mm* Elis. Celnar, qui, depuis i83o, a dote non l'Auvergne, mais la France entiere, d'une quinzaine d'ouvrages divers, a sur- tout vise a mettre la morale et l'instruction utile a la portee des populations; pretendre a parler de tous serait vouloir faire l'his- torique des nombreuses Academies et Societes savantes qui les ont accueillis la plupart avecdes couronnes ou des mentions hono- rables (i); mais nous dirons un mot sur son livre de YUtilite* des machines , couronne par les Societes de la Morale chre'tienne et AeY Instruction populaire , parce que ce livre resume et la nature du talent de l'auteur et les idees qui l'incitent ordinairement a ecrire. Le sujet de cet ouvrage, suggere a ces Societes par l'aveu- glement de quelques ateliers d'ouvriers qui,apresla revolution de i83o, cherchaient, comme en Angleterre, dans le bris des ma- chines et mecaniques, un remede a leur manque de travail, etait d'une execution urgente; un concours avec recompense fut ouvert aux auteurs de la meilleure justification aupres du peuple de ces machines innocentes. II y avait la beaucoup de bien a faire; Mme Elis. Celnar se mit sur les rangs; le concours etait ouvert pendant un mois seulement ; au bout de ce delai, son travail etait pret, lu, couronne. Les lauriers de Georges Sand n'empechent pas, comme (i) Maints ouvrages de Mme Celnar ont eu les bonneurs dans maint concours ; ainsi son Traite sur Veclectisme en litterature a ete couronne par l'Academie de Clermont ; ses Soirees du dimanche , ses Veillees de St-Roch , par la Societe de 1 Instruction populaire qui les fit tirer a 4;t,oo exemplaires ; son travail sur la peine de mort , par la Societe de la Morale chretienne , sur un rapport flatteur de M. de Lamartine , et plusieurs autres , entre lesquels se distingue un Traite sur la superiorite du christianisme en fait de morale propose en concours par l'Academie de Chalons , et pour lequel elle partagea leprixavec l'illustre abbe Bautin de Strasbourg; une pareille rivalite peut bien donner a cette demi-cou.- vonne la \aleur d'une couronne entiere. C1NQU1EME SECTION. 605 on voit, MmeElis. Celnar dedormir; elle prefere le bien silencieux au mal retentissant. D'autres ouvrages reraarquables ont encore paru en Auvergne dans ces derniers temps : M. l'abbe Croizet, cure de Neschers, a publie de savantes Recherches sur les ossements fossiles du de- partement du Puy-de-D6me ; M. Grognier, un ouvrage de Me'de- cine ve'lt'rinaire « M. Mathieu , professeur au college royal , des Observations sur les voles romaines en Auvergne } M. le doc- teur Peghoux, des Promenades descriptives au Cantal '• M. Au- bergier, un Traitt de la vini/ication, ou ses profondes connais- sances chimiques ont su prendre carriere tout en restant a la portee generate ; M. Saulnier d'Anchal, un Traite' d' agriculture auvergnate , precieux resultat de ses laborieuses experiences ; M. Lacroze, un Essai sur la culture, oubliee et pourtant si riche, du murier. N'oublions pas les Etudes sur VHopital, de M. Salve- ton ; les Recherches de M. le docteur Bertrand sur les eaux du Mont-Dore ; une Monographic des fossiles de la montagne de Perrier, notamment du genre felis, par M. Bravard, d'Issoire; les travaux pour et contre la canalisation de l'Auvergne, de MM. Paul Blanc, Baudet-Lafarge, Lamy, Brosson, Boudet de Bardon; de bonnes brochures de M. Smith, Conseiller a la Cour royale de Riom, sur les chemins de fer; les deux ouvrages de MM. Thevenot et Emile,Thibaud sur Part de peindre le verre, et enfin le travail commence de M. Mallay sur l'architecture romane. Certes , si Ton veut considerer que le cadre de ce rapport ne nous permet pas de consigner ici les noms et les efforts de tant d'autres esprits de meritedont la parole, les collections d'histoire naturelle , le zele ou la fortune (i) encouragent la propagation des sciences ou des lettres, Ton conviendra que ce sont la desresultats heureux. Si nous abordons maintenant la question des beaux-ai ts, peut-etre y rencontrerons-nous de la gloire. Ce n'estpas que la peinture et la musique soient poussees tres- (x) Nous nous bornerons a citer le don precieux fait a la ville de Clermont du cabinet de mineralogie de Lavoisier, par M. Leon de Chazellcs . heritier de cet homme illustre. 606 MEMOIRES ET PIECES, loin dans nos contrees; ces arts ne se sont pas encore repandus dans les masses , quoiqu'il y ait eu a cet egard des progres nota- bles a l'ecole normale, dus aux soins de M. Lefebvre pour l'ensei- gnementdela musique, et a ceux de M. Delorieux pour celui du dessin etde la peinture; mais s'il y a , en Auvergne, penuriedans la quantite des artistes, c'estque le feu sacre du talent a converge sur quelques tetes d'elite jusqu'a y faire eclore le genie. « JNous « somraes trop noirs ou trop verts; nos horizons sont trop « fuyards, » disait le jeune Marilhat, de Thiers, lorsqu'on len- gageait a peindre des paysages de sa patrie, et un jour il partit pour l'Egypte; il etait alors inconnu, obscur; a son retour, tout Paris venait se chauffer au printemps devant ses toiles transpa- rentes , ou le soleil de l'Orient ruisselait ; le nom de Marilhat re- vint eclatant parmi nous, et c'est aujourd'hui une des grandes esperances de l'ecole paysagiste francaise. M. Delorieux, M. Goutte ontaborde,eux, franchement l'ecueil de la nature auvergnate , le premier surtout. Leurs tableaux ont du merite, et un merite incontestable, celui d'etre vrais; mais quel que soit le taleut de ces artistes, ce n'est pas en presence de leurs toiles que l'observation de Marilhat sera contredite. En joignant a ces trois noms ceux de MM. Sauty, dessinateur distingue; Bachellery, eleve de Gros; Bonhomme, jeune artiste qui vietit de debuter au salon de l'annee derniere par un St Phi- lippe convertissant un eunuque, composition dont l'ensemble chaud et austere est preferable aux details et annonce del'avenir, nous aurons parcouru a peu pres l'echelle de la valeur de nos peintres ; car nous ne croyons pas devoir nous etendre sur quel- ques jeunes reputations couvees encore par l'atelier, non plus que sur celle de M. Degeorges. Le talent des premiers est un mys- tere, et si nous n'avons pas parle de celui du second, c'est que nous nous sommes souvenus qu'il etait ecrit sur les fresques de la Bourse de Paris , sur les beaux portraits dont il a rempli nos de- meures, et jusques dans cette enceinte ou il suffit de lever les yeux pour en apprecier toute la puissance (i). ( i) Le chef-d'oeuvre de M. Degeorgc , la Mart de Bonchamp, oine la salle oil le Congres tenait ses seances. C1NQU1EME SECTION. 607 La sculpture est, on peut le dire, a peu pres nulle en Au- vergne, et I'Ecole, a cet egard, fondee a Volvic par M. de Cha- brol , pendant qu'il etait a la prefecture de la Seine , n'a pas malheureusement repondu a ses nobles etforts pour ressusciter chez nous un art dont la lourdeur de nos constructions publiques actuelles se fut pourtant si bien trouvee; quant a nos constructions privees, au contraire, elles ne semblent plus, comme les an- ciennes, etre sorties toutes volcanisees de la terre : d'un blanc paille, a volets et peintures joyeuses, elles consolent peu a peu nos rues et nos places du ton funebre de nos vieilles maisons de lave. Le progres qu'elles accusent, en fait d'elegance, est d'autant plus heureux qu'il e,«t parisien. La musique est chez nous comme la peinture; ellea subi la loi de la concentration. M. Georges Onslow, que ses riches sympho- nies ont fait surnommer le Beethoven francais , a probablement si bien accapare tout notre genie musical, que nos autres artistes sont vraiment embarrasses; neanmoins, une jeune harpiste d'une haute esperance, M,le Bertucat, est parvenue a ramasser ca et la quelques etincelles dont elle commence a se faire une aureole, et ce serait etre coupable d'ingratitude provinciale que de cou- doyer, sans les voir, des celebrites telles que Lafon, de Si-Flour, le violon; Georges Hainl, d'Issoire, le bassiste; mais, au total, notre instruction musicale est peu avancee. En Auvergne , pays des vents et des nuages, les gosiers et les oreilles n'ont pas cette delicate souplesse de ceux de i'Allemagne et de l'ltalie; on objecte a cela 1'exempJ.e de la Suisse et du Tyrol, ou avec un climat sem- blable au notre les voix sont bien difterentes; a cette difference il existe assurement des causes de race, car toutes les autres nous seraient incomprehensibles. Elles ne sont pourtant pas silencieuses, nos montagnes, et meme la tempete d'hiver ou d'ete n'est pas leur seule harmonic Les buveurs d'eau , les etrangers, ceux qui en ont parcouru les pelouses, par ennui ou par loisir, ont pu entendre ces accords prolonges un peu sauvages et un peu doux de nos chansons po- pulates se prolongeant dans les sapins, sur les vallons et autour des masses noires de roches basaltiques groupees comme "des or- 608 MEMOIRES ET PIECES , gues immenses, et qui ne semblaient attendre que le vent ou les accords pour mugir; ces accords sont plutot tristes que gais, et ils ont eu pour cette raison le privilege de raconter quelques- unes de ces pensees secretes du chantre d'Atala (i). Messieurs, Ces jours derniers, uu esprit ingenieux, faisant au Congres , sous l'impression du bouleversement de nos montagnes , l'histori- que des travaux de I'Academie de Clermont, decernait dans nos contrees la premiere place aux sciences geologiques. Saluons avec lui les monuments de notre nature ; mais convenons en me me temps que peu de provinces, en France, pourraient peut-etre se flatter d'un aussi brillant faisceau d'arts et de sciences que celui que je viens d'essayer de vous decrire, dans ce trop court, mais au moins fidele apercu. (i) La douce romance de Chateaubriand : O mon pays , sois mes amours loujours , est, sur un air des montagnes d'Auvergne. CINQUIEME SECTION. 609 =■- QUESTIONS PROPOSEES PAR M. PHILIPPE CORDOVA , S1CILIEN, DOCTEXJR EN DROIT : » Quelle est la plus convenable interpretation du vers pre- » rnier du Paradis perdu ? » A-t-on,jusqu' a present Men traduit ce vers-la ? •> Messieurs , Desirant entreprendre un voyage en France et en Italie, dans le but de my livrer a mes etudes de droit et a mon penchant pour la litterature et les beaux-arts, j'etais heureux de pouvoir m'attacher, cetteannee, a mon cher ami et mon maitre en sciences physiques, M. leprofesseur Maravigna , appele an Congres scienti- fique de France. C'est a lui que je dois la resolution, dont je me felicite aujourd'hui , de m'y rendre moi-meme. Cependant, n'ayant pris cette resolution que depuis peu et pendant mon voyage , j'etais fache de ne pouvoir rien offrir au Congres qui fut digne de son attention. J'ai done compris que mon partage etait de vous entendre, Messieurs, et sans doute e'etait le plus utile et le plus convenable pour moi. Cependant, j'ai cru que, sans sortir de ces bornes, je pouvais vous faire hom- mage de la question que je viens d'enoncer, dans le but seulement de demander votre avis. C'est ce que je vais faire, en me flattant 610 ME MOIRES ET PIECES , tie poovoir obtenir l'indulgence des savants qui mentendent, si , faute de temps, je n"ai pu bien approfondir mes recherches et si lusage d'une langue etrangere gene et entrave l'expression de mes idees. Je commence d'abord par vous rappeler toute la belle protase du poeme de Milton : Of man's first disobedience , and the fruit Of that forbidden tree, whose mortal taste .• Brought death into the world, and all our woe With loss of Eden , till one greater man Restore us and regain the blissfull seat , Sing heavenly muse, that on the secret top Of Oreh, or of Sinai, didst inspire That shepherd who first taught the chosen seed In the beginning , how the heav'ns and earth Rose out of chaos. Or, if Sion hill Delight thee mose, andSilea's brook, thatfrowed Fast by the oracle of God : I thence Invoke thy aid to my adventurous song That with no middle fligh intends to soar Above the Aonian mount, while itporsues Things unattemptad yet in prose , or rhime. Tous les critiques , et surtout les traducteurs et les commenta- teursde Milton, Pope, Addisson, Warburton ont reconnu en ces vers le style le plus naif, la plus grande simplicity, d'accord avec la plus noble elegance, effet de la pluralite, de la grandeur des images tracees par le poete; merveilleux assemblage , dont nous reviendrons sur 1? source esthetique. Personne n'a jamais contredit jles remarques d'Addisson (i), ni de Delille (2) sur la naivete et l'e- legance du commencement du Paradis perdu. Tous ont repete avec beaucoup de raison , que le poete anglais avait suivi les pre- ceptes d'Horace, I'exemple d'Homere etde Virgile, par la simpli- cite de sa protase, par l'exposition toute naturelle et rapide de son (1) Spectat. , n° 267. ?l) Remarques sur le livre ier du Paradis perdu. CINQUIEME SECTION. 611 sujet, parcourant de la maniere la plus poetique les lieux et les evenements les plus remarquables de Thistoire sacree. Je ne dirai rien de la souplesse du metre et de l'harmonique disposition des accents decette poesie, merite que Milton a emprunte a Shakes- peare et aux poetes italiens, car cela sort des bornes de mon sujet. Je dois seulement parler de la source esthetique de sa sim- plicity, analyser si ce merite est compatible avec la pluralite et la grandeur des images dont derive son elegance; car ceci, comme on va le voir , s'approchebeaucoup de ma question. Je vous rappelle, Messieurs, que la simplicite, meme l'unite litteraire, c'est tout autre chose que l'unite mathematique, les premieres n'etant que des expressions de qualite et de rapport , tandis que la seconde est expression de quantite. L'unite est quel- quefois composee. Et ainsi, il y a des choses tres-simples avec beaucoup de parties. Une machine , quoiqu'une, n'est pas simple, si elle recoit son mouvement par tous les moyens qu'emploie la mecanique, tandis que plusieurs machines avec plusieurs pieces mues par un seul moyen, par exemple le levier, sont toujours simples, car on apercoit promptement leur organisation sembla- ble en toutes les parties. II n'y a done pas d'incompatibilite entre la simplicite et la pluralite des images , poui vu , cependant, qu'un petit nombre de rapports lie cette image ; et le poete, aussi bien que le peintre , peut en rassembler plusieurs dans le meme tableau sans trahir le « simplex et unum » pourvu qu'il observe cette loi. Milton pouvait done de cette maniere parler du fruit defendu , de l'Eden, de la mort du Redempteur, du Sinai, de l'Oreb, de Moise, des Hebreux, du Chaos , de la Terre, des Cieux , de Sion de Siloe, etc., sans cesser d'etre simple. On concoit bien comment Petrarque a ete simple quandil a dit : Veggio la sera ibuoi tornare sciolti Dalla campagna e Dei solcati colli (1) attendu la naivete propre de ces images champetres; mais la grandeur des objets que Milton rappelle ne soppose pas a sa sim- (0 Petr. Camp. 5. 4- 5. 612 MEMOIRES ET PIECES, plicite? pas du tout. Au physique comme au moral , la grandeur n'est pas en opposition avec la simplicity, elle lui est meme auxi- liaire. Au physique, la grandeur des objets accroitla continuation de leurs parties, qui ont,sans doute, un rapport commun de convenance pour etre des parties d'un tout , et non des choses dis- tinctes; et comme la p/Mra///e'oumemerabsence des rapports est celui seulement qui s'oppose a la simplicite, la grandeur vient a son aide en augmentant Tetendue d'un rapport uniforme. Au moral, une grande idee abstraite n'est que l'assemblage des cotes prochains de plusieurs elements concrets; la decouverte meme des grandes verites n'est si agreable que parce qu'elle rapproche plu- sieurs faits divers de quelque loi generate et apporte la simplicite et l'ordre ou ils manquaient. II ne faut done que presenter les ohjets d'un cote semblable, en creant entre eux des rapports, et s'ils sont plusieurs, ils ne cesseront pas d'etre simples , et s'ils sont grands , il y aura meme de l'elegance , car l'elegance dans le style, dans les formes, dans la vie sociale, n'est pas autre chose que la grandeur accompagnee de la simplicite. Milton , dans sa protase, a ecarte tout contraste, tout accessoire qui aurait pu s'interposer et couper les rapports grammaticaux et poetiques qui existent entre ses idees. II a fait meme usage des noms appellatifs ou propres, usage qui rend aussi simples les ecri- tures didactiques et ceux des premiers ages de chaque langue; car quand les objets sont presented par leur nom et sans parure a l'es- prit humain, il exerce sa tendance a y trouver des analogies (i). Le poete se propose de chanter the fruit of first desobedience man 's , and of that forbidden tree « le fruit de la premiere de- « sobeissance de l'homme, et de l'arbre defendu, » et ainsi, par l'i- mage commune du fruit, il rassemble sous un meme aspect deux choses bien diverses, la de sobeissance et l'arbre, causes du malheur de l'homme. II continue : « Whose mortal taste-Brought Death into the World, and all our woe- With loss of Eden, la mort , le mal , la perte de l'Eden , sans accessoires et sans epithetes , se presentent de leur cote commun , comme causes du malheur de (i) Bacon , Anov. Org. Scient. Aph. 45. GtNQUIEME SECTION. 613 rhomme. Je ne continue pas, comme je le pourrais, crainte d'abu- ser de votre temps, cette analyse jusqu'a la fin de la protase; vous pouvez cependant observer en elle qu'on doit sa simple elegance aii soin qua mis Milton a ranger beauconp d'images sous bien peu de rapports. On pouvait esperer que les traducteurs, tout en admirant ce merite, eussent songe a le rend re, en conservant i'arrangement des images et les rapports grammaticaux et poetiques du texte, pour eviter meme d'etre taxes d'avoir meconnu la source des beautes qu'ils admiraient. Pas du tout. Je me borne au vers pre- mier, d'aprfs la nature de ma question, quoique je pusse le de- montrer dans toute la protase. Dans ce vers, tous les traducteurs que je connais ont neglige le rapport grammatical et poetique que le mot fruit met entre les images de larbre def'endu et de la desobeissance de l'homme, chose de bien plus d'interet dans le jugement de tout le poeme,que cette petite atteinte a la simplicity dela protase, ainsi que nous allons le voir. Vous permettrez ce- pendant a un Italien de ne s'occuper surtout que des traductions faites en sa langue : Valli, qui avait beaucoup vecu a Londres et connaissait bien langlais , a traduit : Dell'uom la prima trasgressione , e il frutto Di quell' arbor victato , il cui mOrtale Gustar , morte nel mondo , cogni mal nostro Apporto con la perdita dell' Eden Canta, o celeste musa . . etc. Et Calsabigi i Del nostro primo genitor la prima Disobedienza ed il victato frutto Dell' albera fatale , onde l'assaggio Morte nel mundo introdusse Alessandro Pepoli : Dell'uom la prima inobedienza e il frutto Di quell'arbor victato onde l'assaggio Fatal morte con se nel mondo addasse .... 42 614 MEM01RES ET PIECES, Silvio Martinengo : Dell'uom la prima inobedienza , e il frutto Di quell'arbor \ictato, il cui fa tale Sapor rec6 raorte nel mondo Lazaro Papi : Dell'uom la prima culpa, e del victato Arbor funesto il mal gustato frutto Che 1' Eden ci rapi Felice Mariottini Dell'uomo il primo in ubbidir disdegno E di quella interdetta arbore il frutto II cui funesto assaporar la morte E la scbicra di mali al mondo addusse .... Michele Leoni : Dell'uomo il primo fallo e del victato Arbore il frutto il cui gustar ne tolse L'Eden. Ugo Foscolo : Dell'uom la prima inobedienza e il frutto Dell'arbore \ictata , onde l'assaggio Diede nos tutti a morte. Jacques Delille : Je chante l'homme en proie aux pieges tentateurs Et le fatal peche de nos premiers auteurs , Qui par le fruit mortel prives de l'innocence Nous leguerent le mal , le crime et la souffrance. J'omets plusieurs traductions francaises en prose que je connais. Vous voyez qu'on a toujours traduit le vers premier de Milton , conime si on lisait dans le te\te : « Of man first disobedience » a de l'homme la premiere de'sobe'issance », et non « Of man's first disobedience » « de la premiere desobeissance de l'homme. » On a neglige cette lettre s qui , precedee par une apostrophe et suivant les noms, marque en anglais un casgenitif dont cette noble langue a heritedu latin. Tous les traducteurs ont supplie la muse CINQUIEME SECTION. 615 de Milton de chanter pour lui « la desobeissance de l'homme et le fruit de l'arbre defendu, » pendant que Milton l'invoquait a chanter le « fruit de la desobeissance et de Tarbre, » c'est-a-dire le malheur de l'homme. Milton dit, en deroulant sa periode: « Hevanly muse sing the fruit of first disobedience man's and » of forbidden tree. » « Muse sainte, chante le fruit de la pre- n miere desobeissance de lhomme et de l'arbre defendu , » et on lui fait dire : « O muse! chante la desobeissance. a C'estevidem- ment que les traducteurs ont vu dans cet s qui suit le mot man une autre marque du genitif adjointe a l'article « of de » pour indiquer le cas de man , pendant que, ce cas etant indique parla lettre s> il est evident que of indique le genitif de first disobe- dience « premiere desobeissance, » du moins qu'il est plus con- venable de le croire. i° Pour la raison grammaticale , qu'on ne doit presumer un pleonasme aussi inutile qu'un redoublement d'article dans un ou- vrage aussi parfait que celui de Milton, pendant que Ton peut l'ecarter. i° Pour la raison esthetique, que Tecartement de ce pretendu pleonasme, c'est-a-dire mon interpretation, ajoute au texte une tres-poetique metaphore : « le fruit de la desobeissance , » pour exprimer la consequence du peche , et contribue a simplifier le style en rassemblant des images separees, l'arbre et la deso- beissance , dun rapport commun , l'idee propre du fruit phy- sique de l'arbre, metaphorique du fruit moral du crime. Enfin , elle ramene le vers premier au systeme que Milton a suivi dans toute sa protase, et que nous avons demontre : — rassembler peu de rapports et beaucoup d'images disparates. 3° Notre interpretation, plus grammaticale et plus poetique qu'a Tordinaire, absoutmeme Milton d'une imputation deDelille, qui dit que l'enonciation du sujet, comme remarque Addisson , estde la plus grande simplicity, mais que Milton avait omis une circonstance essentielle, c'est-a-dire 1'heritage terrible de la mort et du malheur , legue par nos premiers peres a leur posterite. Milton, disant : « Chante, 6 muse! le fruit de la desobeissance, « de la desobeissance de l'homme, » etnon la desobeissance, a 616 MEM01RES ET PIECES, precis^ment parle de cet heritage terrible de mort et de malheur qui est le fruit du crime, fruit dont il dit plus loin : « whose « mortal tasse Brought Death into the world, and all our « woe — With lossof Eden . » 4° Enfin, Messieurs, rappelez-vous ces opinions qui ont divise les litterateurs d'Europe sur le veritable heros du Paradis perdu. Addisson croyait qu'il n'y avait aucun heros. Dryden enfanta une nouvelle theorie. C'etait , d'apres lui , Satan le heros du poeme anglais. Cette opinion fit des proselytes en Angleterre, en France , en Italie. Cependant la vie de Milton et ses ouvrages temoignent qu'il etait religieux et theologien. On repondit done, de l'autre cote, que le heros de son poeme etait le Redempteur. L opinion de Dryden etait favorisee par Interpretation ordinaire du vers pre- miers du Paradis. Si Milton chantait la desobeissance de l'bomme, il chantait done la gloire de Satan; mais si , d'apres mon inter- pretation, il chante le fruit de cette desobeissance, e'est-a-dire le malheur de 1'homme , « Till one greater man « Restore us, and regain the blissfull seat. » « jusqu'au jour ou le Redempteur vient nousrouvrir la demeure « du Ciel, » il est evident alors qu'il chante la gloire du Redemp- teur, dont on voit le commencement dans la fin du Paradis perdu , et l'accomplissement dans la Christiade. D'apres l'opinion de M. Michaud, pourrait-on raisonnablement accorder que Satan est le heros, si I'ouvrage finit au livre IX ? Alors meme on pourrait peut-etre accorder I'interpretation usuelle du vers premier, car dausle livre neuvieme la desobeissance est consom- mee. Mais il yala les autrestrois livrestoutprets a prouver le con- traire. En eux, le Redempteur aborde son role. II n'est plus ques- tion de crime, mais de ses consequences. Ces trois livres sont toujours entres dans le plan de Milton. II a voulu meme, dans sa protase, en rappeler l'importance lorsqu'il a dit : « Brougt Death into the world, » mot qui rappelle la descente de la Mort dans le monde, qui evi- demment est I'avant-coureur de cette scene terrible dont l'eveque CINQUIEME SECTION. 617 d'Atterbury ecrivait a Pope que l'antiquite n'avait rien de sem- blable,et Samuel Barrow disait : « Haec quicunque leget , tantum cecinisse putabit « Meonidem ranas, Virgiliumque culices. » Fonde sur ces considerations critiques , je crois done, Messieurs , que Interpretation la plus convenable du vers premier du Para- dis perdu est la suivante : « Muse, chante le fruit de la premiere desobeissancede Thorn me « et de Tarbre defendu. » Et que quand on a traduit : « Muse, chante la premiere desobeissance de Thomme etle fruit « de Tarbre defendu, » on na pas bien compris ou traduit ce vera- la. ft? 618 MEMOIRES ET PIECES DE ^INFLUENCE ET DE L'ACTION DE CELLESCI SUR LE LANGAGE j DISSERTATION, PAR P.-P. MATHIEU , Professeur au college royal de Clermont-Ferrand , Membre de 1'Academie de la meme ville , de la Societe pour la conservation des monuments historiques , 1'un des Secretaires de la 5e section du Congres , etc. II y a entre le langage d'un peuple et son caractere un rapport si intimc , que le bon ou le mauvais etat de l'un determine la phy- sionomie de l'autre. Instrument de la raison , le langage fixe la pensee et devient le miroir ou se reflechit l'intelligence. Sans lui , les idees, simples et fugitives, germant et mourant tour-a^tour, ne laisseraient pas plus de traces dans l'esprit que la lumiere d'un meteore n'en laissedans l'ceilde Fobservateur; sans lui, l'homme et la brute, confondus dans l'echelle immense des etres, n'au- raient forme qu'une meme esp&ce. Ce fut l'art de parler qui donna aux societes primitives leur consistance ; a l'industrie, son essor; a la civilisation, ses developpements , et qui fecondale vaste champ ou sont deposes tous les germes des facultes humaines. De l'ordre dans lequel les signes du langage se lient a la faculte de penser , dependent la nature des idees et la suite qui s'etablit entre elles. Sous ce double rapport, les proprietes d'une langue CINQUIEME SECTION. 619 influent essentiellement sur la maniere de concevoir ; celle-ci reagit a son tour sur la forme du signe et le modifie selon que les sensa- tions qu'il fait naitre sont plus ou moins vives, plus ou moins analogues a l'objet signifie. La relation entre la perception des idees et la condition morale de l'esprit, est si directe , si naturelle, que nous voyons les langues , obscures a leur berceau, comme les peuples qui les parlent, se formuler et s'ennoblir avec eux. Pauvres et grossieres dans des contrees barbares , riches et harmonieuses au sein d'une civilisa- tion avancee , elles revelent, dans les mceurs , et dans les arts qui en sont la manifestation, la simplicity ou la grandeur, la rudesse ou l'elegance. A ce sujet, Messieurs, il me suffit d'en appeler a vos souvenirs et de vous reporter aux epoques ou brillerent , dans toute leur splendeur , la poesie et l'eloquence. Voyez quelle ecla- tante aureole de gloire plane sur l'horizon de la Grece et de Rome ! Partout le genie eleve des monuments qui recoivent de la posterite une immortelle consecration. Les muses du Pinde ani- ment les bosquets de Tibur; et le chantre de Tityre, inspire par le chantre d'Achille, embouche la trompette heroique. Peuples de la terre, arretez ! pretez l'oreille a cet harmonieux concert: il vous penetrera d'une douce chaleur ; il dissipera la tristesse qui voile voire front ; et, plonges dans cette source de sensations nou- velles, vous depouillerez les langes de votre longue enfance pour gouter enfin les delices de la vie intellectuelle. Mais, dira-t-on, le langage, a mesure qu'il se developpe, qu'il excite des sentiments nouveaux, ne porte-t-il pas atteinte a la purete du cceur, et, a force de multiplier ses jouissances, n'e- touffe-t-il pas en lui les elans genereux , l'abandon sublime qui caracterisent l'homme de la nature, pour lui imposer, en echange, les entraves de la contrainte et le renfermer dans un sec et froid egoisme? La philosophie du dernier siecle a resolu cette question , il est vrai, mais a la honte de l'humanite. La vie de l'homme en societe et la vie de l'homme sauvage , different entre elles comme la vie de l'ame difFerede celle du corps, comme l'esprit differe de la matiere. Le sauvage s'agite a peine dans un cercle d'idees sensi- bles; son bonheur est limite aux impressions de ses organes; avec 620 MEMO I RES ET PIECES, le temps, ses facultes s'emoussent et s'enervent; il finit par s'assi- miler au vegetal, et mourir de la mortdu platane qui lui a prete son ombrage. Tandis que dans l'ordre social, l'homme s'eleve de la nature physique a la nature morale ; son existence s'agrandit a proportion qu'il s'eloigne de son origine; et c'est par le langage ecrit ou parle qu'il acquiert la facilite de recevoir et d'exprimer les modifications lesplus intimes de la sensibilite. L'imagination, chez le sauvage , rentre dans le silence des qu'elle a parcouru le cercle des impressions que les objets ont communiquees; sembla- ble a l'echo du desert, elle reproduit quelque temps encore les sons ou les images qui ne sont plus; elle ne saurait les modifier. Mais avec le langage, cette faculte reproductrice rompt ses entra- ves, s'elance dans des spheres inconnues, et la, au moyen des signes convenus, elle associe des idees nouvelies , les groupe de- vant le regard de l'entendement, et forme les vastes et magnifi- ques tableaux qui surprennent l'admiration. Aux accents d'une chanson , l'enfant exile de l'Helvetie oublie ses serments, etrega- gne le sol de la patrie; a la voix d'un ermite, la France et l'Eu- rope s'ebranlent et courent se ruer sur l'Asie. Quelle est done cette puissance irresistible de la parole qui sou- leve un peuple comme un seul homme, le soutient dans ses ef- forts et seme de fleurs les apres chemins de la gloire et de la mort ? C'est que le langage, double instrument de synthase et d'analyse, aide a etablir de nouveaux rapports entre les percep- tions intellectuelles , sert a diriger l'attention dans l'examen des objets complexes , et promenel'intelligence dans les vastes domai- nes de l'imagination creatrice. Pendant que la voix charme l'o- reille, l'analogie imitative des mots, la douceur du style associee a l'harmonie des images, remuent doucement le cceur, enivrent les sens et portent jusqu'au delire les emotions de 1'ame. Scipion 1'Africain , accuse devant le peuple , pret a le condamner : « A pa- reil jour,dit-il,j'ai vaincu Carthage, allons au Capitole en rendre grace aux dieux. » Ses juges , devenus ses admirateurs, ne voient plus en lui que le heros, sauveur de la patrie. C'est qu'alors la vie reelle cede le champ a la vie de 1'intelligence, et celle-ci obtient la preeminence sur les sensations. Bientot on lui abandonne le CINQUIEME SECTION. 621 soin du bonheur fulur. Revetu de celte mission sublime, elle cree la poesie et I'eloquence, et, dans les profondes meditations de la philosophie, elle revele a l'homme l'excellence de sa nature, lui decouvre les merveilles de l'Univers, et, l'arrachant de son immobility, elle le jette au milieu des prodiges, en lui disant : admire et sois heureux! Comparee aux avantages de la vie sociale, la repression des pen- chants impetueux, des mouvements desordonnes de lame, n'est, au fond, qu'un sacrifice inslantane fait dans I'interet de tous et dont chacun retire avec usure une somme immense de bien-etre. Tous les peuples ont compris l'importance de cette verite, et, une fois constitues en corps de nation, il n'en est aucun qui ait meme songe a reprecdre sa condition premiere : tous ont defend u, sou- vent avec le courage du desespoir, leur independance commune contre les agressions de la force et de la violence. La facilite des communications par le langage, le besoin d'embellir l'edifice so- cial, et de satisfaire les exigences de l'esprit, rapprochant les in- dividus et developpant leur facultes, etablissent entre eux une communaute d'habitudes, les rendent plus sensibles aux jouis- sancesdela vie et plus capables d'en decouvrir les veritables causes. C'est par cet echange d'idees et de rapports, que la bienveil- lance et l'amitie unissent les nations, et empechent leretour de ces guerres continentales qui desolent l'humanite , et retardent souvent de plusieurs siecles les progres de la societe. Ainsi , la philosophie des Grecs, resumant les anciennes doc- trines morales, politiques et religieuses, releve l'homme a ses propres yeux, et, appliquee aux constitutions des peuples, elle chauge la face du monde. Partoutoubrille son flambeau , l'homme reconnait des dieux inteliigents, arbitres de sa destinee, se sou- met a des lois , et comprend tout ce qu'il y a de magique dans les mots de famille, de patrie; son devouement n'est plus limitea des interets momentanes et materiels; il s'etend aux plaisirs et aux joies de Tame. C'est ainsi qu'il apprend a ses conternporains et a la posterite que la felicite individuelle et le bonheur des peu- ples reposent sur 1'etendue des lumieres de chacun et surle pa» triotisme de tous. Toulefois celte beatitude n'a rien dabsolu | 622 MEMOIRES ET PIECES, elle est subordonnee a des causes si variables, que, sans le lan- gage ecrit, nne generation pourrait ignorer l'etat de celle qui l'a precedee. On peut en etudier les differences dans les ouvrages des deux peuples les mieux connus de l'antiquite, les Romains et les Grecs. Ici, une langue riche, variee, melodieuse, annonce une nation spirituelle, legere et versatile, qui pardonnait quelquefois a l'orateur de s'opposer a ses volontes, et jamais d'insulter son oreille; la, un langage imposant et severe, comme les mceurs de Caton , revele la majeste des maitres du monde. S'il est vrai que le style c'est 1'homme, cet axiome, applique aux deux peuples , sera plus encore frappant de verite. Jamais idiome ne decela, mieux que le latin, la vigueur et l'elevation du genie, la hardiesse des conceptions, l'inflexibilite de la politique, la superiorite de Intelligence. Concis et vivace, procedant par inversions, comme le grec, son aine, qui le polit et le faconna, il se prete moins aux charmes de la conversation , aux tendres epanchements de l'amitie; l'autre, au contraire, doux et flexible, poetique et musical, obeit a tous les mouvements de Tame, revet tour-a-tour la grace et la noblesse, la simplicite et lelegance: c'est bien la langue d'un peuple esclave de ses sens et idolatre de la beaute des formes. Supposons-le parlant celle des Romains > forme des le berceau a ce ton grave et solennel qui donne a 1'homme la mesure de sa diguite, et l'avertit du sentiment de ses forces; accoutume aux privations, aux fatigues, a ces idees de desinteressement et de conquetes qui endurcissent l'ame et eveil- lent le courage ; je vous le demande , les Grecs eussent-ils suc- combe sous le fds d'Amyntas? Voyez les peuplades du Nord fondre, comme un ouragan , sur le colosse romain : il chancelle et ne tombe pas. C'est que les enfants de cette robuste patrie avaient puise dans son sein l'element de la force , les sues de la longevite; ici, la vie etait au cceur; la, elle voltigeait a la circon- ference; l'un a peri de caducite, et l'autre d'embonpoint. Avant cette longue agonie, et au milieu meme de ces tristes vicissitudes, qui deviennent tot ou tard le partage des empires, les deux peuples avaient successivement jete le plus vif eclat; mais le nord de l'Europe sommeillait encore dans les tenebres CINQUIEME SECTION. 623 dune ignorance qu'il cherissait. Le reveil n'arriva que lorsque chaque nation cut retrempe son caractere aux sources de cette double civilisation. Jusqu'alors les arts, les sciences, la litterature etaient pour ces Geres peuplades, des pays inconnus,dont on igno- rait les richesses, dont on ignorait l'existence; quelle cause pou- vait les determiner a y tenter un voyage? Quelle route prendre pour arriver a de si brillantes conquetes ? Les deux langues , telles que le vent charge de semences qu'il repand sur son passage, vont feconder ces intelligences , adoucir les mceurs farouches de ces contrees, modifier le culte sanguinaire d'Irmensul et d'Odin, faire entendre, au nom de l'humanite, la voix de la conscience, de laraison, de la justice, et renverser enfin l'empire de la force brutale. II serait beau , Messieurs , de suivre , a travers les phases de leur transformation, les langues et les mceurs de l'Europe, quand les populations, appelees a etablir, sur les debris du colosse ro- main, leur nationality, sortent de leur pele-mele, se classent et se dessinent. Les nouveaux idiomes, nes dans le tumulte et la confusion, portent long-temps les traces de leur sanglante origine , et subissent l'influence de tous les elements heterogenes qui en- trent dans chaque nouvelle constitution politique. Aussi trou- vons-nous les langues chantantes et voluptueuses sous les beaux climats, sourdes et apres sous un ciel froid et nebuleux. Qui ne reconnaitrait la douceur des Italiens, a l'amenite de leur langage; la fiertedes Espagnols, a la richesse de leurprosodie, a la majeste de leur prononciation ; le flegme meditatif des Allemands, a la savante combinaison de leurs phrases, a la durete de leurs articu- lations; la dramatique energie des Anglais, a la nature hybride des periodes de Schakespeare ou de Milton ? Parmi tous ces peuples, un seul etait destine, par son caractere et par sa position geographique, a recueillir le double heritage du monde grec et du monde romain, a rallumer le flambeau de la civilisation, adonner a l'univers le spectacle de toutes les vertus sociales unies a rheroisme du courage. Mais combien de genera- tions vont s'user a ce rude travail! Quelle tactique, quelle opi- niatre persistance ne faut-il pas aux legions de Rome pour sou- 624 MEMOIRES ET PIECES , mettrecetteraceceltique, bruyante et mobile, forte et imposante! Qui nous racontera sa tristesse, ses angoisses, quand, avec Vercin- getorix, elle courbe, pres d'ici, son front humilie devant l'aigle victorieuse; quand le druidisme, encore deboul sur un croumlech et ia tete dans les cieux, tombe sous la hache du licteur et fait place aux dieux du Capitole ? Rome alors, par la rapide autorite de la victoire, imprime sur le sol ses moeurs et son langage. L'ele- nient celtique, penetre de toutes parts, cede a une enervante in- fluence. Marseille, avec sa politesse et sa litterature orientales, avec ses arts et sa philosophic, acheve d'effacer les dernieres tra- ces de cette societe antique. Une egale obscurite couvre deja la gloire de cent peuples qui florissaient autour des forets theocra- tiques ; la lyre du Barde se brise entre ses mains; au culte de Mars succede celui des muses; on eut dit que la molleltalie avait franchi les Alpes pour s'asseoir entre le Rhin et les Pyrenees. Deja la Gaule, subjuguee par la langue romaine, fournissait a ses vainqueurs des maitres d'eloquence, quand , selon l'expres- sion dun moderne, au Dieu-Nature le christlanisme substitue le Dieu-Homme, et proclame le dogme de l'egalite. Un faisceau de forces intellectuelles et morales commence a se former entre toutes les nations , entre toutes les classes : le petit et le grand se rencontrent dans le Christ; des-lors s'entrevoit dans le lointain la victoire complete de toutes les verites sur toutes les erreurs , de tous les droits sur tous les abus; car, on le sent, le cfrapeau de la foi ne fera plus halte que dans la liberte du monde. Graces im- mortelles aux Martial, aux Denis, aux Austremoine! Vous tous, ouvriers civilisateurs, recevez les hommages de vos arriere- neveux ! Cependant la lutte entre le latin et le gallique n'est par termi- nee, qu'un nouvel idiome et de nouveaux usages viennent dis- puter le champ de bataille. Alors le langage et la societe separ- tagent en deux camps :a la racegauloise, aux ordres monastiques, le latin , la culture des letlres, le feu sacre des traditions , toute la substance de la vie intellectuelle; au peuple des chateaux, dts Franks, la langue vulgaire, la langue rocnane, composee du parler des vaincus el, de celui des vainqueurs, mais revetiie d'un CtNQUtEME SECTION. 625 caract&re vif, brillant, leger, d'une allure facile et elegante corame la demarche de la chatelaine. C'etait bien le latin, mais le latin depouille de cette syntaxe riche, de ces inflexions sonores, de cette gravite magisti ale, qui annoucaient la grandeur et la puis- sance. Dans ses mots, dans sa souplesse, dans ses atours, la lan- gue nouvelle avait un air frais et juvenile, une physionomie vir- ginale, qui presageaient ses belles destinees; et, avec elle, une societe jeune, mouvante, mais pleine d'avenir, s'organisait sur les debris de I'ancien monde a son declin. Long-temps, a l'une et a l'autre, il manquera des genies superieurs et un bras puissant pour en fixer la vague incertitude. Le Salomon du moyen-age, Charlemagne, avec sa durandale et ses institutions trop vantees peut-etre, fait beaucoup moins pour la langue que la frivolite d'une femme. L'elegante Judith fete le roman provencal dans la poesie des Trouveres, et bientot son fils lui donne une solennelle inauguration dans le premier monument de la nationality fran- chise. Yous connaissez, Messieurs, les malheurs de cette epoque de- sastreuse. Comment une langue, expression morale de l'unite politique, se form ulerait- elle au sein de l'anarchie? II faut a cette delicate chrysalide des jours de calme et de serenite; et le ciel de l'occident est encore trop nuageux. Attendez qu'elle s'epanouisse au soieil deDamas, sur les rives du Jourdain, et de l'onduleuse architecture byzantine, vous verrez jaillir la pensee qui elanca les fleches de nos cathedrales. Cest au milieu des roses de Syrie , parmi les voluptueux concerts des muses arabes, que s'exalte l'imagination des occidentaux, que uait le galant et chevaleresque enthousiasme des Troubadours: race joyeuse et insouciante, qui mele le bon sens a la plaisanterie; qui , sous des formes philoso- phiques, imprime a la langue un caractere de clarte , de grace, d'aimable naivete; qui, par une tournure d'esprit gaie et rail- leuse, amuse le donjon et les carrefours, instruit et corrige en badinant. Cest encore sur la route de l'Asie que s'eveille un nou- vel instinct. A cote de son baron , qu'il voit depouille de tous les prestiges du chateau, et dont il partage les perils et la gloire, le serf, segaudissant au grand air du monde, s'avise de soupconner 626 • MEMOIRES ET PIECES, que ce qui est nest pas bien , et que les homraes pourraient etre egaux. Soudain la cloche paroissiale sonne , pour la premiere fois , avec XAve Maria, l'heure de l'emancipation: resultat inevitable du developpement des idees et des progres du langage. Cet essor, vers un avenir encore lointain, trahit un travail qui s'accomplit sourdement dans les entrailles memes de la societe. Abailard et d'autres hardis penseurs proclament le triomphe de la raison sur les utopies scolastiques , de l'esprit sur la matiere, et ebranlent ie vieil edifice des mystiques croyances, des pieuses legendes, tandis qu'au-dessous deux s'instituent ces tribunaux frivolement serieux ou , a peine maitresse du rang qu'eile vient de conquerir, la femme dispense des couronnes de fleurs et com- mence son ceuvre civilisatrice en imprimant au langage cet air d'abandon qu'il a conserve, et qui charmait jusque dans les ana- themes qu'eile prononcait contre la felonie. Mais cette nature sensuelle et peu orthodoxe dramatise trop puerilement six siecles de labeur et de perplexites. Elle ira s'eteindre dans les auto-da-fe de l'inquisition. Interrogez les champs de Lavaur et de Muret! Ce n'est point, Messieurs, par le delire de l'imagination, par Taction isolee de quelques hommes, et encore moins par d'extra- vagantes institutions, que les mceurs d'un peuple se modifient : il faut l'influence d'une opinion qui ait de nombreux et puissants soutiens; il faut toute l'autorite du genie. Et, dit un philosophe, x l'interet des princes, des classes et des corporations, pour qui le peuple etait une sorte de propriete commune qu'exploitaient leur orgueil et leur avarice, empecha cemouvementregenerateur, inconciliable avec les prerogatives exorbitantes que s'attribuait la souverainete partout plus ou moins absolue , et avec la hierarchie de privileges dout se composait depuis long-temps l'organisation sociale (i). » Que pouvait la langue vulgaire, comprimee entre 1'eglise et la feodalite , se vengeant des mepris de l'une et de l'au- tre par de sanglantes epigrammes, immobilisant le materialisme de la pensee dansdebrutalesbouffonneries ? G'etait manquer evi- demment sa mission reformatrice. Ce grossierprosaismevit encore («) La Mennais. CINQUIEME SECTION. 627 dansles sculptures de quelques edifices religieux de cette epoque. Conteraplez le pieux cynisme de ces chapiteaux; raais n'oubliez pas que , sous ce symbolique travestissement, eclatentla manifes- tationde la liberte morale, I'image d'une efflorescente vegetation, spiritualised quelques siecles avant de produire des fruits. Si Ton setrompa sur les moyens, si le but fut manque, le principe de- meura grave sur la pierre. Ainsi se termine cette periode complexe du moyen-age, impuis- sante a soutenir les destinees de la societe nouvelle, dont la marche sera desormais appuyee, d'un cote, sur les franchises municipales; de l'autre,surla poudre a canon. Deja la boussole et Timprimerie la precedent et vont la conduire, celle-la en Ame- rique, celle-ci a la conquete des droits de l'homme. A son tour, nous voyons la langue chercher a se faire jour dans le style pitto- resque de Villehardouin , dans la naivete de Joinville , prendre une allure plus hardie dans Froissart, et, par les sotties , les ten- sons et les romans ,donnei»a la chevalerie Bayard et Francois Iev. Captive jusqu'alors, sous l'empire du latin, elle s'afFranchit avec la pensee et seconde le mouvement general des esprits. Une or- donnance royaie lui donnele droit de bourgeoisie. Des ce moment, elle devient tour-a-tour licencieuse et boufFonne, grave et philo- sophique, caracteres precurseurs du drame sanglant dont l'Alle- magne joue deja le premier acte. La prose remplace la poesie et son role est immense. L'esprit d'examen et de raisonnement pro- duit le scepticisme de Rabelais et de Montaigne, les hardiesses de Calvin, et inspire la verve heretique de d'Aubigne. Vainement Charles IX et la Ligue essaient de com primer cette explosion philosophique; vainement Ronsard et sa Plei'ade parlent grec en francais ; vainement les deux reines Medicis, eblouies des magni- ficences litteraires del'Italie, tentent de detroner Tididme natio- nal; lalaogue et la societe reagissant Tune sur l'autre, marchent paralleles dans la voie des ameliorations. On veut n'etre ni Grec ni Italien : on veut rester Francais. Que Tune et l'autre s'eclipsent un moment sous la molle in- fluence dune cour corrompue; qu'elles se travestisserit dans une multitude de poesies fugitives, de revues galantes et satiriques, 628 MEMOIRES ET PIECES, Richelieu les releve de la raerne main qui abaisse 1'Aulriche el ecrase la feodalite; et, resumant dans les scenes de Corneille et dans la creation de l'Academie francaise , tous les elements da passe, il ouvre lere brillante du XVIIe siecle, alors que la socia- bility francaise, produit mixte dun monarchisme grandiose etde la purete du christianisme , devient, en s'harmonisant dans une savante unite, un objet, d'imitation pour l'Europeet d'admiration pour laposterite. Apres dix siecles de fluctuations , il etait temps que la langue et la nation se reposassent dans leur propre genie, et qu'en atten- dant l'enseignement de la presse , ce bienfait des gouvernements constitutionnels, ce rempart des libertes publiques, chaque ecri- vain eut conscience de son apostolat. II doit y avoir dans le cceur de l'homme qui veut eclairer son pays, un profond et beau senti- ment d'ou jaillissent, comme de leur source naturelle, les nobles pensees et lesgrandes actions : c'est l'amour de l'humanite; sans lui , la litterature, terne et dessechee dans sa racine, ne porterait que des fruits insipides; mais la, ou il fleurit dans tout son eclat, il rechauffe les ames de son souflle bienfaisant, ouvre a l'intelli- gence de nouvelles routes, affranchitla raison de la tyrannie des prejuges, et propage les verites qui importent au bonheur du genre humain. N'est-ce pas ce sentiment qui respire dans les ouvrages imrnor- tels des grands genies qui dominerent le siecle de Louis XIV? La langue, eclairee par les travaux philologiques de Port-Royal, les plus beaux monuments de ce genre, devient le manifeste d'un monde nouveau. Elle se faconne et se polit comme les moeurs, et, comme elles, revetaut un air grave, mesure, elle acquiert un haut degre de perfection, mais de perfection relative a la nature des questions qui s'agitereut a cette epoque. C'est sous ta plume, 6 Pascal, qu'elle apprend l'art de plaire et declairer, le secret de changer les coeurs sans blesser les convenances. Le premier, tu montras , dans un serieux badinage, que Ton peut rire en gardant toujours cette mesure de bienseance et de logique, qui temoigne du respect de chacun pour les droits de tous. L'alliance de tous ces caracteres ne manque pas a Bossuet, qui, a 1 autorite de la CINQU1EME SECTION. 629 raison, joint l'autorite de la foi ; ni a Racine, dont la suave elo- quence corrige les faiblesses des grands ; ni a Moliere , dont la causticite se sert du langage, en l'assouplissant, pour fouetter et chasser sans retour les travers et les pretentions d'un passe qui expire dans St-Simon et dans Mme de Sevigne. Parlerai-je de l'au- teur du Telemaque, poursuivi par Tautocratie pour avoir fait du christianisme l'auxiliaire de la philosophie , et devance , par ses vceux, la regeneration des temps modernes? A la suite de ces grandes renommees, apparaissent Pelisson, Labruyere et Lafon- taine, qui, par le courage, la franchise et l'ingenuite, sont comme les sentinelles avancees de l'age frondeur qui va s'ouvrir. En effet, le XVII* siecle, apres avoir rempli la terre des flots de sa lumiere, cede son brillant heritage au XVIIIe. Celui-ci, riche par succession , fait, dans les loisirs de l'opulence, la revue des titres de son aine. II s'apercoit que , dans ses vastes domaines , les som mites seules ont eu part a la culture i le reste reclame le meme bienfait. Le voila done a l'ceuvre ; quel sera son instrument ? Cette meme langue francaise, armee de la critique, redira, dans des pages pleinesde sel et a la fois d'amertume, toutes les fautes d'une monarchic ego'iste qui cachait, sous le fantome de la gloire, la misere et la decrepitude. La philosophie , choisissant des deux formes generates du langage, la plus libre, la plus degagee, e'est- a-direla prose, la philosophie viendra de Londres avec Voltaire, pour populariser les idees de tolerance, de justice, d'egalite mo- rale, les principes d'economie politique, les questions de finances, la physique de Newton et la jurisprudence de Beccaria. G'est bien sur ces bases que reposent la morale et le bonheur publics ; mais pourquoi faut-il qu'a ce travail interieur, qui s'operait len- tement au cceur de la societe, se soit mele le vertige de la des- truction? Ne peut-on edifier que sur des ruines ? Les lumieres qui rayonnent de toutes parts font d'une reforme la necessite du temps; et, pour y atteindre, on se jette dans toutes les routes, dans tous les systemes : la langue, descendue des hauteurs ou. l'avait eleveele dernier siecle, se montre, comme les moeurs, ti- mide et craintive, surtout quand elle annonce les paradoxes de I'esprit et quelle touche aux questions fondamentales de la vie 43 630 MEMOIRES ET PIECES, des societes. Ce caractere complexe de force et de faiblesse, de mouvement et d'hesitation , produit l'Encyclopedie , dernier mot d'un passe qui expire, et premier symptome d'une epoque de tempetes. Bientot l'horizon se charge et s'obscurcit : le peuple, les grands, la cour, tout est dans l'attente et la consternation. Alors eclate Tepouvantable catastrophe ou s'engloutissent pele- mele les lois, les institutions, la monarchic, la religion, les verites et les erreurs de tous les ages. Et comment, lorsque la societe en- tiere brise, en rugissant, ses entraves seculaires, lorsque tout craque et se pulverise sur le sol de la France , comment resisterait un instrument aussi leger , aussi frele que le langage? Force de se plieratous les tons, desubir toutes les violences, ilperd, un ins- tant, son naturel et sa grace; il devient rauque et sauvage; et, commes'il etait complice des miseres d'autrefois, il s'abime, avec les mceurs , dans le devergondage des pensees, dansle cynismedes expressions. Toutefois ce desordre ne peint pas mal le battement d'un grand cceur de peuple qui se souleve et se dilate apres une longue oppression. Mais les revolutions morales ne se font pas avec la rapidite des bouleversements politiques. La physionomie d'un peuple est tout entiere dans son langage. II renversera la Bastille; il suivra, du Capitole aux Pyramides, du Guadalquivir au Dnieper, le vol audacieuxdel'aigle; d'une main, il feradescendreunroidu trone; del'autre, ily posera son elu; mais, quant a son langage, il sou- rira de pitie a vos theories paradoxales. « Mon bonheur, vous dira-t-il , exige que je me fasse de chaque chose une idee juste ; que je comprenne mes devoirs et mes droits , la religion , le patrio- tisme et la liberte. » Ce raisonnement est l'expression de l'esprit irancais, de ce bon sens qui perce meme dans les plus grands ecarts, et contre lequel echoueront toujours les tentatives derai- sonnables. C'est a cet heureux preservatif que la langue et la so- ciete durent l'avantage non seulement d'echapper au vertige des innovations bizarres, mais d'en sortir plus riches, l'une de mots et l'autre d'importance. Au delire du neologisme, des esprits sages opposerent I'exemple et la raison pour digues, sans repous- ser les mots bien frappes que legitimaient des usages et des besoins .CINQUIEME SECTION. 631 nouveaux. Quand le soleil de la civilisation est leve, il faut que tout marchea sa lumiere; et une langue qui s'arreterait, parvenue meme a sa perfection, serait bientot , dit M. Villemain, de'cons- truite et alie're'e par la loi de changement naturelle a V esprit humain. Depuis cette epoque, pres d'un demi-siecle s'estecoule : periode courte, mais unique dans les fastes des empires; ou les evenements se pressent, ou s'entassent les prodiges, ou, a l'eclat des grands triomphes succede l'abattement des grands revers, ou, sur les de- bris des trones renverses, se dresse, inonde de gloire, le genie qui des champs de Waterloo, s'en va, voile de deuil, expier sur un roc de l'Ocean les malheurs de la victoire; ou Ton voit le peuple, etourdi d'abord par le bruit de cette vaste infortune, renouer bientot lachaine des idees de liberie, vainement interrompue par le silence de la terreur ou par l'oppression d'un pouvoir sans li- mited La litterature francaise, devenue l'interprete des sentiments et des interets de Thumanite, a conquis l'eloquence de la tribune ; et, revetue de cette dictature des mceurs et du langage politiques, elle embrassetous les elements dela vie et du bonheur des peuples. Sa marche est imposante , solennelle; elle tend a une domination universelle, quand tout-a-coup un scbisme eclate dans son sein, ressuscitant la prose d'Amyot et la poesie de Jodelle, montees sur des echasses et afFublees de grec et de gaulois, comme si le langage et les moeurs pouvaientetre refoules, avec la Societe nou- velle, dans les voiesdu passe : produit bizarre d'impuissance et de vanite, dont le premier effet est de seduire l'inexperience et de surprendre des applaudissements. Mais la raison publique, jalouse de conserver le precieux depot de notre plus belle gloire nationale, et plus puissante que tous les sophismes d'une aveugle ambition, est demeuree fidele au drapeau sous lequel la France avait con- quis l'Europe avant de lui dieter des lois. Eh quoi ! Messieurs , a une epoque de culture liberale , ou l'aris- tocratie du talent est devenue presque une regie de nos moeurs, nous dedaignerions le patrimoine intellectuel dont toutes les na- tions se disputent le partage? Nous souffririons quelle s'altere , cette langue qui, descendue aujourd'hui dans tous les rangs, 632 MEMOIRES ET PIECES , nous montre le laboureur, la Bible d'une main et un Manuel d'a- griculture de l'autre, appcle, com me autrefois ces Romains fa- meux, a prendre place dans les assemblies deliberatives ; cette langue qui fait surgir a tous les degres de la hierarchie sociale les intelligences d'elite ; qui , appuyee sur le respect des lois et de la religion, sur cette egalite qui etait dans uos mceurs avant d'etre dans nos codes, sur cette liberte si glorieusement acquise, si sa- gement reglee, porte un caractere empreint d'une si douce so- ciabilite , qu'elle entre dausl'education de tous les peuples comme element de la perfectibilite humaine ? Quelle autre fut plus propre a seconder les vues de la philoso- phie, a propager les verites utiles, a conduire et a diriger les peuples dans les plans d'une sage reforme?]\'est-ce pas elle qui, apres avoir parcouru Tune et l'autre A merique, est allee, a travers l'Ocean, porter aux bordsdu Gangela strategic francaise et civi- liser l'Asie ? Moins harmonieuse, il estvrai, que les langues meridionales mais plus variee dans sa prononciation , plus riche et plus leste que celles du Nord, dont elle n'a ni la rudesse, ni les rocailleuses articulations, elle a toujours un autel dans le temple des Graces, comme le Francais line couronne dans celui de la gloire; inge- nieuse, delicate dans ses atours, elle fuit la recherche etles mi- gnardises, comme un ornement indigne de sa probite* sure, so- ciale, indocile aux protocoles de la vanite ou de l'adulation,. elle fletrit d'un mot tout ce qui peut deparer la dignite de I'homme. Dans sa marche directe , et dans 1'harmonie de sa periode, ou l'e muet produit le dernier son d'une corde vibrante ; dans ses ex- pressions figurees et dans ses metaphores qui frappent si vivemeut l'esprit ; dans sa souplesse a se preter a tous les effets de l'imagi- nation, sans rien perdre de sa clarte, ne reconnait-on pas la langue d'un peuple libre, gai, spirituel, industrieux, qui donne ses livres et ses modes a toutes les nations , une longue destinee, selon la pensee de Leibnitz, a devenir universelle ? En effet , il n'existepas de litterature qui soit, plus eminemment que la notre, l'interprete des idees, des sentiments et des interets de I'humanite. Elle est eclose sous I'influencede cet esprit philoso- CINQU1EME SECTION. 63$ phique, au sein de cette societe brillante et polie, qui ont tou- jours fait regner le bon goiit et la decence. La, out puise leur teinte de bienveillance et d'urbanite les nations qui cultivent notre langue. C'est done par l'autorite de l'exemple, plus lente que celle des armes, mais aussi plus durable, que la societe francaise est appelee a changer les destinees du monde. Vous venez de voir, Messieurs, que la langue d'un peuple est sa premiere institutrice ; que si elle presente a l'esprit des images pures, nai'ves, l'ame qui les recoit , reflete la beaute de la vertu ; si les mots en sont nombreux et varies, s'ils expriment, outre les ob- jets usuels, des pensees morales, philosophiques , abstraites; s'ils sont sonores, harmonieux, imitatifs , le langage est riche, figure, et le peuple, heureux et civilise. Mais s'ils manquent de ces ca- racteres generaux, la vie n'est alors qu'un tissu de sensations gros- sieres; l'ame est muette, le champ de 1'intelligence sterile, et la force brutale predomine. Dans le coup-d'ceil rapide et superficiel que nous avons jete sur les divers ages de la notre, vous avez re- marque qu'aux epoques de malaise , de divisions politiques , creuset ou se refondent les civilisations vieillies , se rattacheut des pe- riodes de decadence et de corruption pour le langage ; et , qu'en sens inverse , dans les temps de dignite morale, ou tout converge vers un meme centre , les ames s'elevent , les intelligences se deve- loppent; les talents, guides par le gout, amines de 1'amour du bien, trouvent , dans une legitime independance, toutes les hautes inspirations de lapoesieetdel'eloquence. L'admiration et la re- connaissance sont acquises exclusivement a ceux qui , dans de ver- tueuses convictions, dans des mouvements genereux , allient 1* probite du cceur a la purete du langage, et proscrivent de leurs ouvrages, comme de leurs entretiens, ces expressions equivoques qui decelent le libertinage de l'imagination ; ces sauvages associa- tions de mots qui temoignent du desordre des idees ; ces termes ignobles ou barbares quitrahissent, meme sous larichesse du ve tement , le defaut d'education, et n'inspirent que le mepris. Espe- rons que la jeunesse de notre epoque coroprendra ces verites et evitera les ecueils qui viennent d'etre signales. Les exemples ni les lemons ne manqueront a son appel. Seulement qu'elle se persuade 63i MEMGIRES ET PIECES, que de la douceur et de l'harmonie des expressions, naissent I"a- menite et l'elegance des manieres; que la delicatesse des procedes amene, a son tour, celle des conversations, et qu'en un mot, le langage est le tableau fidele de la condition sociale d'un peuple. Mais c'est a l'elite de la generation pensante, c'est a ceux qui, par leur position et leurs lumieres, sont appeles a diriger le mouvement intellectuel , de conserver pures les doctrines morales, religieuses, philosophiques et litteraires; de faire prevaloir le bon gout dans les arts, dans le langage, dans les productions de i'es- prit, sur les temerltes audacieuses de ceux qui , dans le chaos de leurs idees, veulent nous faire remonter le fleuve des ages, de ceux qui, biases sur tout ce qui existe, s'abandonnent aux illusions de leur pensee vagabonde, et pareils au malade en delire, remplis- sent la scene et leurs ecrits d'iraaginations atroces ou grotesques, comme si, dans nos cceurs, il ny avait plus d'echo pourlapitie, d'amour pour la patrie, ni d'elan pour la gloire: c'est aux Congres scientifiques , institution feconde des temps modernes,qui met en rapport les connaissances et les travaux de chacun pour l'instruc- tion detous, c'est aux Congres scientifiques, ou sont discutees les graves questions d'economie sociale, de reculer les limites de l'ho- rizon intellectuel; de faire fleurirla langue et les moeurs, double palladium de puissance et de securite, et de marcher glorieuse- ment dans cette noble carriere de la civilisation et de la liberie , ou le Francais precede et conduit tous les peuples. CINQUIEME SECTION. 635 HOMMAGE ATJ COHTGIUES SCXENKnQlfiB DE CLERMONT-FERRAND, LE BARON DE TALAIRAT, VICE-PRESIDENT DE LA 5me SECTION DU CONGEES. Terre antique et sacree ! 6 champs de l'Arvernie! Lieux si chers a mon cceur, douce et belle patrie , Salut!.. je viens encore, au declin de mes ans, Retrouver pres de vous de jeunes sentiments. Salut , Gergovia ! sur ta montagne sombre De Vercingetorix apparait la grande ombre ! L'aigle romaine, ici, fut contrainte a s'enfuir: L'etoile de Cesar un moment dut palir. Sous le joug il fallut plus tard courber la tete; Rome enfin l'emporta. De sa noble conquete Depouillee a son tour par les Francs, nos a'ieux , Rome dut a jamais s'eloigner de ces lieux. A la gloire , au malheur les Arvernes fideles Tomberent les derniers sous les serres cruelles De ces hommes du Nord, qui venaient entr'ouvrir, Aveugles instruments, la voie a l'avenir. Ces civilisaleurs d'espece singuliere, Ne connaissant d'autre art que celui de la guerre , 636 MEMOIRES ET PIECES , D'autres lois que la force et d'au'tre Dieu que l'or, Devaient nous enrichir d'un precieux tresor : La foi! qu'avec ardeur embrasserent nos peres, Et qui , des deux partis, fit un peuple de freres. Tant la religion sait adoucir les moeurs , Eclairer notre esprit et parler a nos cceurs! Sur ce sol, tant de fois, ouvert par la charrue, Nul debris imposant ne vient frapper la vue. II le faut dechirer et creuser dans son sein Pour decouvrir ou l'urne ou l'anneau d'un Romain ; Du belliqueux Gaulois la hache meurtriere , Sa redoutable epee et sa noble poussiere. Son nom seul est reste debout , Gergovia ! Des siecles a venir ce nom triomphera. Celte terre , aujourd'hui si riante et si belle , Et qui s'offre, en tout temps, abondante mamelle, Etalant a nos yeux les plus riches produits, Oti couverte de fleurs, ou prodigue de fruits, Aux cotaux nuances , aux fertiles vallees , Aux monts audacieux, aux cascades perlees , Ou le reflet si doux et du luxe et des arts , Comme un cadre brillant l'enceint de toutes parts : Celte terre, autrefois apre, inculte, sauvage, N'etait qu'un noir limon, un affreux marecage, Ou souvent eveilles par les foudres grondants , Seuls, pouvaient se mouvoir quelques monstres geants. Ici , le sol tremblait ; et la , la terre emue S'ecroulait dans l'abime ou montait dans la nue. Plus fard, on vit surgir une epaisse foret, Ou le jour n'entrait pas, ou la terreur regnait La , le ministre aflFreux du culte druidique Venait interroger le chene fatidique , Avec sa serpe d'or cueillir le gui sacre ; A son Dieu, comme lui de carnage altere, Dans l'horreur de la nuit , sous l'ombrage des chenes, CINQUIEME SECTION, 637 Immoler, sans effroi, des victimes humaines; S'efForcant d'apaiser par des assassinats Le cruel Teutates, arbitre des combats. Ces lointains souvenirs de notre antique histoire Viennent, en 1'efFrayant, sourire a la memoire. Aux jours ou la tempete allait ici grondant, On aime a comparer le beau ciel d'a present. La science et les arts, nous consacrant leurs veilles, Du monde a nos regards etalent les merveilles. Le compas a la main et d'un oeil curieux On court sonder 1'abime, interroger les cieux. Riche de ses essais, de son experience, Quels prodiges n'a pas enfante la science ? Admirez comme l'eau , condensee en vapeur, De force et de vitesse est un puissant moteur ! Et le jour n'est pas loin qu'a son pouvoir magique On verra succeder un agent magnetique. Du monde primitif devoilant les secrets, La science aujourd'hui formule ses arrets j Des animaux gisants dans le sein de la terre, Assemble les debris , ranime la poussiere ; De ces etres hideux, nos grossiers precurseurs, Nous retrace la forme, et l'instinct, et les moeurs; Du globe, dans ces temps, decrit l'incandescence. Et de 1'homme se plait a constater Tabsence. Tantot , percant des cieux la vaste profondeur, S'eleve par degres , jusqu'a leur createur ; De la comete errante ose tracer l'orbite ; Aux planetes sans nombre ouvre un champ sans limited Des feux tombant du ciel annoncant le retour, De leur pluie abondante elle indique le jour; D'un trop aride sol pour corriger l'injure, De Tabime , a sa voix , jaillit une onde pure. Que dis-je ! transformant en produits genereux Une plante vulgaire en nos climats neigeux , 638 MEMO I RES ET PIECES , Elle vient de doter notre heureuse patrie De ce sue precieux, vrai tresor de I'Asie. Voyez de toutes parts le monde s'agiter, L'esprit se recueillir , le genie inventer! Mes temoins, les voici... Dieux, quelle noble elite! Quels talents! quel savoir ! quel ardeur les excite! Vers nos champs fortunes accourus en ce jour Dans leurs doux entretiens ils offrent tour-a-tour, Pour mieux nous attacher, le precepte et l'exemple : Et pour eux et par eux ce lieu devient un temple. Que j'aime a contempler, en ces parvis sacres , Cesapotres nouveaux, si chers, si reveres, Qui viennent du passe consulter la ruine, Du monde primitif rechercher l'origine , Libres de prejuges pour bien voir; et sachant Differer quelquefois, s'accorder plus souvent. Moi, pour les couronner, je n'ai qu'une guirlande; Puissent-ils accueillir cette modeste offrande! Gardant de ce grand jour le souvenir heureux , Je dirai : .. J'etais la, faible roseau, pres d'eux. SOUVENIRS. Par le me'me anteur. Des vers!... encordes vers!... Dema veine epuisee Comment faire jaillir une heureuse pensee ? Tout commence et finit : et, malgre ses efforts , Notre ame est prosaique avec de vieux ressorts. G'est la memoire alors qu'a son aide elle appelle, Trop heureuse , au besoin , de la trouver fidele. CINQUIEME SECTION. 639 Je voudrais remonter lelong cours de mesans, Rappeler mes plaisirs... et raememes touiments. Faut-il parler des jours de ma debile enfance? Passons... pour arriver a mon adolescence. Quand le coeur parle, alors on sent battre le pouls : Jusque-la, c'est l'instinctqui dirigenos gouts. Vingt ans!... age d'erreurs, d'illusions, de flammes... Tous les biens sont a nous... les honneurs et les femnies. « Je n'aurais pas alors, pour la faveur d'un roi *, » Echange l'avenir qui s'ouvrait devant moi, Je n'avais qu'a choisir : les armes, la finance , Les lettres et les arts me souriaient d'avance ; Je tenaistour a tour la lyre et le pinceau , La gloire du theatre ou l'orgueil du barreau ; Je voyais devantmoi s'abaisser la barriere, Et je cueillais la palme au bout de la carriere. Qu'il etait beau le monde alors que j'anivai A compter mes vingt ans! C'etait au mois de mai. La terre renaissait ; et moi , des fleurs ecloses , Je tressais ma guirlande... elle etait myrte et roses ; Mais 1'epine etait la : toujours, il m'en souvient, La peine etle plaisir, le mal aupres du bien. Eh! qu'importe!... apres tout, j'y reviendrais encore. Qui tiendrait, sans l'ouvrir, laboite dePandore? Les maux sortent, l'espoir reste au fond : et l'espoir , C'est l'aube du matin , c'est l'arc-en-ciel du soir. Quelle peine a toucher un cceur sensible et tendre Qui combat... et pourtant n 'aspire qu'a se rendre ! On aime sans effort , on ne plait pas sans art ■ Et comment reussir avec un cceur sans fard? Petits vers delicats, chanson, ode, elegie , Tour a tour air boudeur , vague melancolie , Rien n'etait epargne; mais, je dois l'avouer, Plus notre ame est brulante et moins on sait louer. Vers de LafonUine. 640 MEM01RES ET PIECES, C'est aux depens du coeur que l'esprit a des ailes ; Et trop souvent l'esprit l'emporte aupres des belles. De mon temps , autrefois , il en etait ainsi ; Mais enfin , de nouveau , les moeurs ont refleliri. Aujourd'hui , je le sais , et j'en ai des nouvelles, Les homines sont constants , les femmes sont fideles. Une femme, toujours , vase d'election , Aura notre premiere et derniere oraison. Le sang, dans le jeune age, est un torrent de Ham me: Vieux, c'est le souvenir qui rechauffe notre ame. Gomme tout serait froid , si Ton otait l'amour ! II allege la vie, et fait luire un beau jour. L'amour!... a son attrait se repare le monde, II alimente l'air, le feu, la terre et l'onde. Sur ce cercle charmant que je jette les yeux, Tout brille de jeunesse L.et moi , seul , je suis vieux. Seul, je depose ici, de ce siecle celebre, Au lever si riant, au coucher si funebre; De ce siecle ou. Ton vit d'Alembert et Rousseau , Voltaire, Montesquieu, Buffon, d'un jour nouveau INous montrerlalueur, qu'a leur ivresse enproie, Et la ville et la cour saluaient avec joie ; Comme si l'avenir renfermait dans son sein, Pour n'etrepas connu, quelque germe divin, Et que le ciel, touche de nos longues miseres , Nous dut convaincre enfin que les hommes sont freres ; Ce siecle ou nos ecrits , nos modes et nos arts , De l'Europe etonnee attiraient les regards; Ou nous marchions gaiment sur le bord de l'abime , Le cceur pur de remords , la main libre de crime ; Ou sur le doute seul on pouvait s'accorder, Ou Ton croyait a Dieu sans lui rien demander. Le but on l'ignorait ; mais la marche etait vivej CINQUIEME SECTION. 641 A peine si du bord on distinguait la rive. Une fois sur les flots, et les ordres donnes, Bientot par le courant tous etaient entraines. Pour devise on avait, sans etre trop fidele, Hommage a toute femme! amour a la plus belle! Voila que tout-a-coup on nous jette en prison ; Nous devenons suspects , atteints de trahison. II le fallutsubir cejoug epouvantable. J'ai vu ce temps affreux... je le crois une fable. Oh! qu'ilsfurent cruels les insenses , qu'un jour Vit surgir au pouvoir! Succombant a leur tour, lis vinrent terminer cette horrible hecatombe, Qui s'ouvrit par un roi qu'on jetait dans la tombe. On ne reverra plus ces longs jours de fureurs : Comme dans les esprits, le calme est dans les cceurs. Parvenu sans encombre au bout de ma carriere, Je me plais a jeter mes regards en arriere. Que j'aime a voir la lice ou j'entrais plein d'ardeur ! J'etais encourage : de plus d'un grand auteur , J'ai recu les conseils, et j'aurais dii mieux faire; Mais des gouts inconstants, une humeur trop legere, Et de quatre-vingt-neuf la vive impulsion, Et quelques ans plus tard la persecution , Vinrent au doux loisir convier ma paresse. Je ne m'en repens pas, et je redis sans cesse : Trop heureux le mortel qui peut vivre ignore! Et de tous ses moments disposer a son gre ! La foudre, qui du cedreatteiut la tete altiere , Ne s'abattit jamais sur une humble fougere. Pourtant, j'eus des amis. J'ai mon album aussi, Ou sont inscrits les noms de Bertin, deParny, De Laharpe , au front dur , a la parole acerbe ; De Delille, au cceur doux, de Lebrun , le superbe, De l'elegant Vigie et du docte Bailly , De Garat, de d'Arnaud , et de Legraud d'Aussy , , 642 MEMOIRES ET PIECES, DeDesaugier, enfin !... II ne manque 'a ma gloire Qu'un nom qui restera long-temps dans la memoire. Avec ces noms fameux , jose esperer encor, O Beranger,un jour, t'inscrire en lettres d'or. C'est assez pour mon coeur : et mon ame charmee Se plait dans la retraite et fuit la renommee ; Ne pour vivre inconnu , j'accepte mon destin; Je me console et dis : Tout soleil a sa fin. Parmi nos vieux auteurs , je compte plus d'un aigle ; On a beau repeter qu'ils aimaient trop la regie , Et qu'a son jougde fer cojistamment asservis, N'osant pas etre grands, ils sont restes petits. Avecleurs successeurs, moi, je les crois de taille A pouvoir, sans peril, accepter la bataille. Leur temps etait celui du genie et du gout; Tout etait grand alors , mais eux par-dessus tout. Avec leur melopee on a fait plein divorce, II est vrai ; mais , pour Dieu , l'horreur est-ce la force ? L'effroi saisissait lame, il revoke les sens. Des cercueils, la torture et des membres sanglants, Sont Tart et les moyens d'emouvoir l'epiderme. De I'attendrissement la potence est le germe , Le rale est le sublime ! il est beau de raler ! Les pleurs viennnent du coeur , on n'en voit plus couler. Sans doute ils ont fini les vieux dieux de la fable ! Leur empire est detruit. O lumiere ineffable Qui doit lesremplacer, viens!... mais de son tombeau Le seul phenix renait plus brillant et plus beau. Jel'attendsce prodige! et j'ai la force encore D'applaudir aux talents dont la France s'honore. J'ai senti mon vieux coeur de nouveau tressaillir, Quand ici l'indulgence a daigne m'accueillir. Heureux si quelques vers , une mince bluette, Paraissent suffisants pour acquitter ma dette! GINQUIEME SECTION. 643 Et vous, anges du ciel , au regard plein de feu, Femmes que j'adorais, que j'aime encore!... adieu. A MA MAISON DE CAMPAGNE ELEGIE, DU MEME AUTEUR. Je te revois enfin , paisible solitude, Retraite chere aux arts , favorable a l'etude, Ou raon pere, eclairant ma raison et mon coeur, Par l'attrait des vertus me guidait au bonheur. O penates, salut! salut, dieux domestiques! Pour couronner vos fronts, pour orner vos portiques, Ma main tresse en ce jour des guirlandes de fleurs. Puissent ces faibles dons meriter vos faveurs ! O champs de mes aieux! 6 modique heritage! Vous m'ofFrez tous les biens que desire le sage : De 1'ombrage, des fleurs , et sur vos bords charmants Les plus nobles pensers, les plus doux sentiments. Ici , Gnit le trouble ; ici , la paix commence ; Silence, ambition! vaine gloire, silence! L'orgueil ne parle plus a mon coeur affermi ; Mon coeur n'a qu'un besoin, c'est celui dun ami. Dans ce bocage epais, a l'ombre de ce hetre, Plus heureux , chaque jour, ne songeant pas a 1 etre, Je saurais du repos, goutant les doux loisirs, Accroitre ma richesse en bornant mes desirs. Qu'il est doux d'etre assis sur les bords d'une eau pure, D'y respirer le frais au bruit de son murmure, D'oublier les humains et d'etre oublie d'euxT Reveur et non chagrin , ce sont la tous mes voeux ! Au fond de ces forets , dans ce vallon paisible , Heureux l'ami des champs, heureux sil est sensible ! 644 MEMOIRES ET PIECES > C'est pour lui que les pres sont emailles de fleurs; Quel'aurore, au matin, vient repandre ses pleurs; Que le chant des oiseaux, dans son ame attendrie Preud soin d'entretenir la douce reverie; Que la fraicheur des eaux, que le baume des airs, Aux beaux jours du printemps raniment l'univers ! O champs! heureux sejour de paix et d' innocence , Ou respire la joie , ou regne l'abondance ! Au tumulte echappe , fuyant de vains debats , Pour trouver le bonheur, je porte ici mes pas. Oh ! qui pourrait quitter ces fortunes bocages Ou l'ame est sans douleurs et le cceur sans orages ! Je me fixe en ces lieux pour ne plus en sortir, Je veux y vivre obscur, en paix j'y veux mourir. Qu'un autre plein d'ardeur, plein d'une noble audace , Coure ravir la palme au sommet du Parnasse, Et pour prix d'un laurier cherement achete, Ceindre son front de gloire et d'immortalite ! Moi, l'humble ami des champs , les champs font mes delices. La nature y sourit, les dieux y sont propices. Libre, et du sortjaloux craignant peu la rigueur, Ainsi que mes plaisirs je derobe ma vie: Et mes jours ecoules sur une pente unie Pour avoir moins d'eclat en ont plus de douceur. J'ai garde l'amitie; l'amour vient me sourire: C'est pour eux que j'accorde et ma lyre et mes chants. Amitie, je te dois mes sons les plus touchants ! Amour, c'est de toi seul que je tiens mon delire! A l'ombre du bosquet que mes mains ont plante, Je ne regrette plus ma rapide jeunesse; Et couronne de fleurs , jusque dans ma vieillesse, Je descendrai gaiment aux rives du Lethe. On jour, 6 mes amis ! lorsqu'a ma froide cendre On rendra les devoirs qu'elle attend de vos soins , CINOWEME SECTION. Vous pleurerez! Alors, s'il est quelques temoins , Dites-leur • « II avait un coeur sensible et tendre , « De l'amitie fidele il a cheri les lois ; « Meme de l'autre bord il entend notre voix. » Et toi, qui reunis les talents et les charmes, Toi, que je veux aimer par dela le trepas ! Lorsque vers mon tombeau tu porteras tes pas, Songe que dans mon sein je recueille tes larmes. 645 . 44 646 MEMOIRES ET PIECES \ L'UNICMN DES PEOPLES, RESCLTAT NATUREL DU PROGRES DES LUMl^RES, ET DES COMMUNICATIONS DE PLCS EN PLCS MULTIPLIEES ET ACCELEREES AU MOYEN DES CHEMINS DE FER$ Vers composed en traversant lal.imagne, le 2 septembre 1838, PAR M.JULLIEN,DE PARIS (1). Par de sots prejuges trop long-temps divisees , De leurs vieilles erreurs enfin desabusees , Dociles a Tinstinct, a la loi du progres, . Qui leur fait mieux juger leurs droits , leurs interets , Les nations , de loin , commencent a s'entendre, A s'aimer, a s'unir, a savoir mieux comprendre Quelahaineetla guerre, execrables fleaux, Du pauvre genre humain ont cause tous les maux. II est temps d'abjurer une aveugle folie Qui , souvent , egarant l'amour de la patrie , Des quun homme etait ne sur un sol etranger, (i) Ces -vers ont ete lus par l'auteur dans la seance generale et publique tin Ingres scientifique de France , tenu a Clermont , le 5 septembre i838. C1NQUIEME SECTION. 6i7 Dans lui, bien loin de voir un hole a proteger , Son frere , son ami , par une erreur bizarre, Lui prodiguait les noms d'ennemi, de barbare; Et des peuples epars, enfants du meme Dieu, La haine ou Tamitie , suivant le temps, le lieu , Le plus simple hasard,le plus leger caprice , Sans consulter jamais le droit ni la justice, Au gre d'un potentat imbecille ou pervers , Ballottait les destins du mobile univers. Ces temps sont loin de nous. De la raison humaine, Dans son rapide essor, le prqgres nousentraine : L'industrie et les arts, fruits heureux dela paix, Versent a flots presses leurs immensesbienfaits. Tel qu'un etre anime , dont la bouche ecumante Exhale avec fureur son ame bouillonnante, Parle genie humain un agent inspire, Un mobile nouveau que l'art seul a cree , Dans un tube enflamme qui le contient a peine , Concentre avec effort sa force surhumaine , Se debat et mugit dans l'etroite cloison Dont la fonte de fer a forge sa prison ; Puis, docile a la main qui lui donna la vie, Redoublant tour a tour et calmant sa furiet Par son souffle de feu fait agir et mouvoir Les wagons et les chars soumis a son pouvoir. Le convoi, que remplit une nombreuse foule, Comme un trait est lance, cc-mme un torrent s'eeoule. La vapeur et le fer, par leur puissant concours, Ont produit ces chemins , merveille de nos jours ; Et ces chemins ailes, bienfaiteurs de la terre, Rapprochant les Etats , feront cesser la guerre. Les peuples, a Tenvi , viendront se visiter; Avides de s 'instruire, ils voudronti miter Lestravaux et les arts que chacun d'eux fait naitre; Ils s'estimeront plus en pouvant se connailre^ 648 MEMOIRES ET PIECES, Des sentiments communs , de communs interets , Agrandiront pour eux la route des progres ; L'ardeur qui les domine et l'esprit d'industrie , Par une mutuelle et forte sympathie, Resserrant les liens dela fraternite, Vers de meilleurs destins poussent l'humanite. Cet espoir consolant sourit a ma vieillesse; Gar du cceur j'ai toujours conserve la jeunesse. Des mes plus jeunesans, l'amour'de mon pays Inspira mes travaux, mes discours, mes ecrits; Et je voudrais pouvoir , au declin de mon age , A mes concitoyens laisser pour heritage Les utiles projets , les sentiments , les vceux , Que pourront feconder nos arrieres-neveux, Etqui, diminuant les peines dela vie, Ajoutant aux tresors de l'humaine industrie, Adoucissant les moeurs, corrigeant les pervers, De mille biens nouveaux doteront l'univers. Telle est l'ambition des ames vertueuses ; Mais leurs illusions nobles et genereuses, Reves souvent trompeurs, prompts a s'evanouir, Jettent un faux eclat que dement l'avenir; EtlaRealite, divinite severe, Des folles visions dissipe la chimere : L'auguste Verite place au bord d'un tombeau Ses austeres lecons et son pale flambeau. C1NQUIEME SECTION. 649 L'AVENIR DE L'HUMAMTE, DU MEME AUTEUR. Vers qui devaient etre lus a la derniere stance g6n6rale du Congres. Avant qu'a la terre Ma froide poussiere Aille se raeler, Je veux reveler L'ardeur inquiete, La flamme secrete, Prophetique eclair Qui , sillonnant l'air , De la race humaine Brule et rompt la chaine i Elle est libre enfin ; C'est la son destin. La brillante aurore Qui deja colore Des feux du matin L 'horizon lointain, De ce jour prospere Que mon cceur espere, Qu'appellent mes vceux , Fait luire a mes yeux -. La clarte prochaine. Oui : la race humaine S'affranchit enfin ; ; C'est la son destin. De longs intervalles, Barrieres fa tales , Des peuples epars Impuissants remparts, Semblaient leur defendrc 650 MEMOIRES ET PIECES, De jamais comprendre Qu'entre les mortels Les noeuds fraternels D'une etroite cbaine A la race humaine Revelent enfin Quel est son destin. Les mortels sont freres, Et dans leurs miseres Se doivent toujours De communs secours. Car la loi divine, Des leur origine, Gravant dans leur sein L'amour du prochain,. Sans eesse ramene La familie humaine Au precepte saint ; C'est la son destin*. Voitures nouvelles Aux rapides ailes, Vous, chemins de fers, Plus prompts que l'eclait'r On franchit 1'espace Sans laisser de trace Par votre secours : L'homme en quelques jours Parcourt son domaine, Et la race humaine Prend un vol divin ; C'est la son destin. Le siecle s'avance r Une ere commence Ou des nations CINQUIEME SECTION. 651 Les dissentions Qui , troublant la terre , Vomissaient la guerre , Vont sevanouir. La loi d'avenir Adoucit les haines, Allege les peines, Et le genre humaiu Remplit son destin. Partout la science, De son influence, Etend les bienfaits : La loi du progres, Loi large et feconde , Doit regir le monde; Et l'airaable paix , Comblant nos souhaits, Noble souveraine, Bienfaisante reine , Ouvre au genre humain Son nouveau destin. Courage et Constance ! L'heureuse alliance Des peuples divers Libres de leurs fers, Magnifique ensemble Qu'un saint nceud rassen D'une longue paix Promet les bienfaits; Et la race humaine, Abjurant la haine, Fraternise enfin ; Cest la son destin. Fraternite sainte! 652 MEMOUtES ET PIECES , CINQUIEME SECTION. Ton auguste empreinte, Gravee en nos coaurs , Doit changer nos moeurs. Ta voix nous eclaire, Partout, sur la terre, Dictant les devoirs , Reglant les pouvoirs , Eteignaut la haine, De la race humaine Ton code divin Change le destin. Prejuges barbares! Coutumes bizarres! Egoi'sme impur! Le nuage obscur Et la nuit profonde Qui couvraient le moude S'eloignent enfin. Glorieux matin D'une ere nouvelle, Ton eclat revele A l'esprit huraain Son nouveau destin. M. A. Jullien, de Paris. LISTE DES MEMBRES. 653 LISTE DES MEMBRES % DE LA gugiinai session iu congress, ET INDICATION DES SECTIONS AUXQUELLES ILS ArPARTIENNENT. ADRIAN, notaire, membre de la Societe franchise pour la conservation et la description des monuments his- toriques 2, 5. Lezoux. (Puy-de-D6me). ALBERT, licencie es-sciences 1,6. Paulhac (Cantal). ALLEMAND, avocat, membre de l'Aca- demie de Clermont 5. Riom. ANCELIN , membre de la Societe des An- tiquaires de l'ouest et la represen- tant 1, 4. Poitiers- ANDRE D'AUBIERE (le baron ), membre del'Academie 4,5. Clermont-Ferrand. ANJUBAULT, conservateur de la biblio- theque du Mans 1,5. Mans. ARDANT, membre de plusieurs Societes savantes 1, 4. Limoges. ASTA1X, notaire 4. Clermont-Ferrand, AUBERGIER iils, pharraacien, membre de l'Academiede Clermont 6. Id. AYNARD, ingenieur des ponts-et-chaus- sees 4. Id. 654 LISTE DES JIEMBRES. BAR (de) , proprietaire 4. BARANTE (de), receveur general des fi- nances 2. BARDONNET DESMARTELLES , docteur en medecine 2. BAYEU, professeuren droit, delegue dela Sociele Philharmonique de Caen . 2, 5. BAUDET-LAFARGE , membre de l'Aca- demie de Clermont 1. BAUDIN, ingenieur des mines, membre de l'Academie de Clermont ._ . . . 1 . BEAUREPAIRE (comte de), ancien mi- nistre plenipotentiaire ....... 4. BAYLE-MOUILLARD, avocat, secretaire de l'Academie de Clermont .... 4, 5. BELLEFONT (marquis de), inspecteur divisionnaire de l'Association Nor- mande 4. BAYLE-BOTTE , substitut du procureur du roi 2, 4. BEILLE-BERGIER , avocat .2. BERTHIER, libraire 4. BERTRAND pere (le docteur) , inspec- teur des eaux du Mont-Dore , membre del'academiede Clermont. 3. BERTRAND fils (le docteur ), inspecteur adj. des eaux du Mont-Dore , mem. de l'Academie de Clermont .... 3. BERTRAND , professeur de litterature grecque a la faculte des sciences de Caen 5. BESSE DE BEAUREGARD, procureur du roi, membre de l'Academie de Clermont 4. BEYNAGUET , maitre de forges 2. BLANC (Leon), banquier ......... 2. BLATIN (Eugene), agent de change. ... 4. BONNABAUD(le docteur), professeur a l'ecole d'accouchemenl de Cler- mont 3. Chanonat (Puy-de-D6me). Clermont-Ferrand. Chateau de Mon- targis (Loiret). Caen. Maringues (Puy-de-D6me). Clermont-Ferrand . Louvagny, presFa- l»ise (Calvados). Clermont-Ferrand. Covigny (Manche). Clermont-Ferrand. Id. Id. Id. Id. Caen. Clermont-Ferrand. Id. Id. Id. Id. LISTE DES MEMBRES^ ROINNAY , directeur de l'enregistrement et des domaines 4. BONNAY (Frederic), notaire 4. BORIE (le docteur), membre de la So- ciete d'agriculture, sciences et arts. 1, 3. BOSCHEB, president de la Societe des An- tiquites de Normandie 4. BOTTIN ( le chevalier ), membre de plu- sieurs Societes savantes 2, 4. BOUBEE (Neree), professeur de geologic 1 . BOUCAUMOND, geometre . ....... 4. BOUCHET (le baron du), intendant mi- litaire 4. BOUDETde BARDON, docteur en droit. 2. BOUILLET(J.-B.), membre deTAcademie de Clermont , secretaire-general de la 6e session du congres .... 1, 4. BOULAGUET, notaire , . . . 2. BRAVA1S (le docteur), membre de la So- ciete philomathique 1, 3. BRAVARD (Auguste), architecte, corres- pondant du ministere de l'instruc- tion publique, membre de plu- sieurs Societes savantes 1,4. BRIOT , avocat , delegue de la Societe philomathique de Verdun 1, 2, 4, BROSSON aine, maire 2. BROWN (Robert), membre de l'lnstitutde France et de la Societe royale de Londres, elc 1. BURDIN , ingenieur en chef des mines, membre de l'academie de Cler- mont 1. BUSCHE-FONTENILLE, proprietaire . . 4. BUVIGNIER , depute de la Societe philo- mathique 1 , 2, 4 CANTAGREL, architecte, redacteur du journal 1'Artiste 2. CARIOL (Jules), ancien depute, membre de l'Academie de Clermont . . . . 2,4. CAUMONT (de), correspondant de l'lns- tilut, president de la Societe pour 655 Clermont-Ferrand. hi. Puy(Haute-Loire). Caen. Paris. Paris. Clermont-Ferrand . Id. Riom(Puy-de-D. ). Clermont-Ferrand . La Guerche (Cher). Annonay (Ardeche). lssoire(Puy-de-D.). Verdun. Pont-du-Chaleau (Puy-de-D6me). Londres. Clermont Ferrand, hi. Verdun. Paris. Clermont-Ferry nd f)56 LIS IE DES ME3IBRES. la conservation des monuments historiques, president de la 6e ses- sion du Congres, etc 1. 4, 5. Caen. CAUVIN , membre de plusieurs Societes savantes 1, 2. Mans. CAVY, ancien n,otaire 4. Clermont-Ferrand. CELL1ER, docteur en medecine 3. Id. CHABROL, avoue 4. Id. CHAMPOMMIER, geometre. ....... 4. Id. CHOPIN ET, directeur de l'ecole normale de Clermont 4. Id. CHARLES, geometre 4. Id. CHAROLOIS, banquier, doyen du Con- seil de prefecture 2, 4. Id. CHASSAIGNE , notaire 4. Id. CHAUTY, chef de bureau a la direction de la caisse d'amortissement. ... 4. Paris. CHAUVIN,professeur d'histoire naturelle au college royal , conservateur du cabinet d'histoire naturelle de Caen. 1. Caen. CHAUVASSAIGNES, membre de la So- ciete pour la conservation des mo- numents historiques 2, 4. Clermont-Ferrand. CHAZELLE (Leon de), membre de l'Aca- demie de Clermont 2. Id. CHEVALIER , ancien ingenieur en chef des ponts-et-chaussees 4. Clermonl-Ferrand. CHEVERAUX, avocat, secretaire de l'A- cademie del'Eure 1,2,4. Evreux. COCQUEREL, ingenieur en chef des mines, depute de laSociete archeologique delaSomme 1, 4. Amiens. COMBAREL (Louis de) , membre de la chambre des deputes 2, 4. Clermont-Ferrand. COMITIS, banquier 2. Id. CONCHON , membre de l'Academie , maire de la ville de Clermont. . 4. Id. CONCHON , membre de l'Academie de Clermont 2. Volvic(Puy-de-D.). CORDOVA (Philippe), docteur es-lois. . . 4, 5. Aidone (Sicile). CROIZET (I'abhe), membre de l'Academie de Clermont 1,4. Ncschers ( Puy-de- D6me). L1STE DES MEMBRES. 657 CULHAT-CHASSIS , membre de l'Aca- demie de Clermont 1,2. Monlferrand. (Puy-de-D6me.; DAGONEAU, president de la Societe royale d'agriculture du Mans . . . 1,5. Mans. DANIEL (l'abbe), proviseur du college royal de Caen 4, 5. Caen. DEBRIGES aine , negociant manufactu- rier 2. Clermont-Ferrand. DEGEORGE (Frederic), redacteur en chef du journal le Progres, represen- tant de l'academie d'Arras .... 2, 5. Arras. DEGEORGE, peintre, membre de l'Aca- demie de Clermont 5. Clermont-Ferrand. DESLONCHAMPS (Eudes), professseur d'histoire naturellea la faculte des sciences, secretaire de la Societe linneenne de Caen 1,2. Caen. DESNANOT ,recteur de l'Academie, mem. de l'Academie de Clermont . ... 6. Clermont-Ferrand. DESSAIGNE , avocat , membre de la chambre des deputes 4. Id. DONNET, maire de Caen 2. Caen. DOUHET (Ferdinand de), membre de l'Academie de Clermont 2,4. Clermont-Ferrand. DOWELL, ecclesiastique 4. Isle de Wight (Angleterre). DUBOIS (Felix), procureur du roi .... 2. Murat (Cantal.) DUCHASSEINT (Felix deLapchier), avoc, membre de la Societe pour la conservation des monuments his- toriques 1,4. Lezoux (Puy-de-D.). DUCROHET,juge de paix 4. Clermont-Ferrand. DUMIRAL , substitut du procureur du roi 2. Id. DUTOUR DE SALVERT(madame la mar- quise), membre de la Societe pour la conservation des monuments historiques 4. Riom (Puy-de-D.). ESPINOSE (d'), membre de la Societe pour la conservation des monu- ments historiques 4. Caen. FABRE, notaire 2, 4 Clermont-Ferrand. FEUILLADE , avoue 4. id. 658 LISTK DES MEMRRES. FIERE, proprietaire et negociant 4. FIOT,ancien depute 2, 5. FLANDIN (le docteur), raembre de la So- ciete d'Emulation de Paris 1,3. FLEURY pere (le docteur), chirurgien en chef de l'Hotel-Dieu , membre de l'Academie de Clermont 3. FLEURY , Victor (le docteur), professeur a l'ecole secondaire de medecine , membre de l'Academie de Cler- mont 3. FLORAND, controleur des contributions directes .4. FONTAINE fds, negociant 2, 4. FORMEV1LLE (de), conseiller a la cour royale de Caen , correspondant du. ministere de l'inslruction publi- que . . . 4. FOURNEAUX (le docteur), president dela Societe linneenne de Caen .... 1. FOURNEL, professeur d'histoire naturelle au college royal de Metz 1. GARNIER , representant de l'Academie d'Amiens "..... 1, 4, GAULTIER-RIAUZAT, avocat, conseiller de prefecture 4« GAZAN, membre de plusieurs Societes savantes 2, 6. GIRAUX, sous-principal du college d'An- gouleme 1, b. GIRARDIN, professeur dechimie, inspec- teur divisionnaire de l'Associalion Normande 6. GIRAUD, pharmacien 1. GODEFROY, tresorier de l'Associalion Normande 4. GONOD, vice-president de l'Academie de Clermont 4. GONOD, pharmacien 6. GRASSET, membre de plusieurs Societes savantes 1» 4. GRASSET , inspecleur des monuments hisloriques, membre de plusieurs Societes savanles 1,2. To urn on. Paris. hi. Clermont-Ferrand. Id. Id, Id. Caen. Id. Metz. Amiens. Clermont-Ferrand. Evreux. Angouleme. Rouen. Clermont-Ferrand. Caen. Clermont-Ferrand. Id. Mauriac (Cantal.) LaCharilefNievre.) LISTE DES MEMRRES. 059 GUILLOMET, docteur en medecine . , . 2,3. Montlucon (Allier). GUILLOT, ancien agent de change. . . . 2. Clermont-Ferrand. HARDOUIN , docteur en droit, depute de la Societe archeologique de la Somme 4, 5. Amiens. HORNER (Leonard) , membre de la Societe royale et de la Societe geologique de Londres J . Londres. HOUDOUART ( Theod. ) , inspecteur des forets 2. Montlugon. HUET, directeur des contributions indi- recles 4. Clermont-Ferrand. HUGUET , avocat 1,5. LI. HUNAULTde la Pelleterie (le docteur), depute de la Societe royale d'agri- culture, sciences et arts d' Angers. 1,3, 5. Angers. IMBERDIS (Andre), avocat, membre de la Societe francaise pour la con- servation et la description des mo- numents historiques 5. Ambert. IMBERTfils, architecte 4. Clermont-Ferrand INGLIS (le baron Robert), membre du Parlement et de la Societe royale de Londres 2. Londres. JOHANNEL aine, proprietaire 2. Clermont-Ferrand. JOLY-DESHAYES , lieutenant de gen- darmerie, membre de la Societe pour la conservation et la descrip- tion des monuments historiques . . 4. Id. JOYAU , presiden t de la Societe d'agricul- ture du Calvados 2, 5. Caen. JULL1EN de Paris, intendant militaire en retraite, membre de plusieurs Societes savantes . . 2, 4, 5. Paris. LACOMBE (Theodore), proprietaire ... 2. Clermont-Ferrand. LAFORCE, membre du Conseil general du Cantal 4. LI. LAFOSSE, president dela Societe de me- decine de Caen 3. Caen. LAIR, secretaire perpeluel de la Societe d'agriculturedu Calvados 2,5. Caen. 660 LISTE DES MEMBRES. LALO (de), procureur du roi, conservateur des monuments historiques du Gantal 1, 4. Mauriac (Cantal). LAIZER (comte de), membre de l'Acade- mie de Clermont 1, 4. Clermont-Ferrand. LAMBERT , membre du Conseil adminis- tratif de la Societe franeaise pour la conservation des monuments historiques, conservateur de la bi- bliotheque de Bayeux 4. Bayeux. LAMBERTY (le comte Leonce de) , pro- prietaire . 1 . Epernay (Marne.) LAMOTHE (le baron Camillede), membre de la Societe pour la conservation des monuments historiques .... 4. Clermont-Ferrand, LAMY, avoue 4. Id. LAPLANCHE, architecte 1. Gannat (Allier), LA RUE (de), inspecteur divisionnaire de . l'Association Normande . ..... 4. Breteuil (Eure.) LARBAUD, avoue 4. Clermont-Ferrand. LARGE , inspecteur de l'Academie, mem. de l'Academie des sciences de Cler- mont 4. Id. LA SICOTIERE (de), inspecteur de l'As- sociation Normande 4. Alencon (Orne.) LATROUETTE, professeur a la faculte des lettres de Caen 5. Caen. LAV AND1ER, negotiant 4. Clermont-Ferrand. LAVERGNE (Alf.), proprielaire 5. Id. LAVORT (le docteur), directeur del'ecole secondaire de medecine, membre de l'Academie de Clermont .... 3. Id. LECHAUDE-D'HANISY, membre du Con- seil administratif de la Societe franeaise pour la conservation des monuments historiques , membre de plusieurs Societes savantes, cor- respondant du ministere de l'ins- truction publique 4. Caen. LECLERC, D. M., vice-president de la So- ciete linneenne de Normandie . . i . Id. LECOQ (H.), professeur d'histoire natu- relle, membre de l'Academie de Clermont, secretaire general de la £e session du Congres 1,2,3. Clermont-Ferrand. LISTE DES MEMBRES. 001 LE COCQ, commissaire en chef des pou- dres etsalpetres. . . . 1,2. Paris. LEDRU , architecte, memhre de l'Acade- mie de Clermont 4. Clermont-Ferrand. LEFEBVRE (le docteur), membre de plu- sieurs Societes savantes 3. Paris. LENOIR , directeur des contributions di- rectes . . 4. Clermont-Ferrand. LEPAGE, membre de la Societe acade- miqued'Orleans etlarepresentant. 1,3. Orleans. LESBRE, avocat 1,2,3. Ebreuil (Allier). LHOMME, chef de bureau a la prefecture du Puy-de-D6me . 4. Clermont-Ferrand LINDER, avocat .;. 2, 4. Strasbourg. LIZET (le docteur), membre de l'Acade- mie de Clermont . 3. Clermont-Ferrand, LUNET , homme de lettres. ....... 5. Rhodez. MACHECO (le comte Palamede de), mem. du Conseil general de la Haute- Loire . 2. Alleret (Haute- Loire.) MAGAUD - DAUBUSSON , ancien lieute- nant de vaisseau 1. Clermont-Ferrand. MAGNEVILLE (le comte de), inspecteur divisionnaire de l'Association Nor- mande 1, 2. Herouville (Cal- vados). M ALLAY, architecte, membre de I'Aca- demie de Clermont 4. Clermont-Ferrand. MANDON , employe au domaine prive de la couronne 1 . Paris. MARAVIGNA (Carmelo), professeur de chimie , membre de la Societe geo- logique de France, etc 1. Catane (Sicile) MARCHE , banquier . . . 2. Clermont-Ferrand. MARRYAT (Joseph), geologue ... . . . 1. Londres. MASSIS,avoue 4. Clermont-Ferrand. MARTHA-BEKER , ingenieur des mines. .1,2. Chateau de Mons. (Puy-de-D6me). MATHIEU, professeur au college royal, membre de l'Academie de Cler- mont 4, 5. Clermont-Ferrand. MEGE pere, adjoint a la mairie .... . 4. Id. 45 GG2 LISTE DES MEMBRES. MEINADIER, prefet du Puy-de-D6me . . 2, 4. MELLEVILLE , membre de la Societe royale et de la Societe geologique de Londres 1 . MILLIROUX , conducteur des ponts-et- ehaussees 4. MOLIN (Louis), membre de la chambre des deputes et de l'Academie de Clermont 2. MONTBRIZET , capitaine du genie . ... 1,4. MONTLOSIER (le vicomte Francois de), proprietaire 2. MORNAC , avoue 4. MORIGEAU, membre dela Societe pour la conservation des monuments historiques 4. MORIN, ancien inspecteur de l'Academie, membre de la Societe academique de Clermont 4. MORTON , architecte 4. MOULIN (G.), procureur du roi 2, 5. MOUROULTDE VILLENEUVE, propriet. 2. NAUDET, inspecteur des postes, secre- taire de la Societe philharmonique de Clermont 4. NEVEU (Edmond), redacteur de l'Ami de la Charte 4. ONSLOW (Georges), presid. de la Societe Philharmonique et membre de l'Academie de Clermont 5. PARIEU (de), proprietaire . , . 1,2. PARROT, docteur en medecine 3- PEGHOUX (le docteur), professeur a l'e- cole de medecine , membre de l'A- cademie de Clermont 1,3. PE AN (Alonzo), membre de la Societe aca- demique de Blois 1, 4. PELACOT (de), proprietaire 2. PELLERIN (le docteur), tresorier de la Societe des Antiquites de Nor- mandie 3, 4. ■Clermont-Ferrand . Londres. Clermont-Ferrand . Id. Brioude (Haute- Loire). Clermont-Ferrand. Id. Mans. Clermont-Ferrand . Id. Thiers. Clermont-Ferrand. Id. Id. Id. Aurillac. Martres d'Artieres (Puy-de-D6me). Clermont-Ferrand . Saint-Aignant (Loir-et-Cher). Clermont-Ferrand. Caen. LIS I E DES MEMBRES 663 PENISSAT pere (le docteur), professeur a l'ecole secondaire de medecine de Clermont 3. Clermont-Ferrand. PEROL , imprimeur-libraire 4. Id. PETIT-MONTSEJOUR , substitut du pro- cureur du roi 5. Thiers. PEYRET-LALLIER, avocat , president de la Societe industrielle de Saint- Etienne 2. Saint-Etienne. POLLET, architecte, correspondant du ministere de l'instruction publi- que, conservateur des monuments historiques du departement du Rhone , 4 Clermont-Ferrand. PONCHON, ancien militaire 1. Ambert. POURCHER aine (le docteur), professeur a ^'ecole secondaire de medecine , membre de l'Academie de Cler- mont 3. Clermont-Ferrand. POURCHER jeune (le docteur), professeur a l'ecole secondaire de medecine de Clermont 3. Id. RAISIN, directeur de l'ecole secondaire de medecine de Caen 3. Caen. RAMOND (Louis), proprietaire 1 . Paris. RESIMONT (le general major de), memb. correspondant de l'Academie roy. des sciences de Metz, etc., vice- president de la 6C session du con- gres 1, 2, 6. St.-Petersbourg. REYNAUD (Jocelyn de), proprietaire. . . 2. Clermont-Ferrand. RIBIER DU CHATELET (de), membre de la Societe des Antiquites de France 4. Ydes (Canlal.) RICHELET, membre de la Societe des Antiquites de Normandie et de la Societe royale d'agriculture du Mans 1, 5. Mans. RIGOLLOT, docteur en medecine, pre- sident de la Societe archeologique de la Somme et depute par elle . . 4. Amiens. ROBERT (Felix), membre de la Societe d'a- griculture , sciences et arts du Puy 1. Puy (Haute-Loire). ROUGANE, capitaine du genie 2. Clermont-Ferrand. 664 LISTE DES MEMBRES. ROUSSELIN, premier president de la cour royale de Caen 4. Caen. SALLE, pharmacien, membre de la So- ciete de pharmacie de Paris .... 6. Clermont-Ferrand. SARRAZIN (de) , membre de l'Academie royale de Metz 6. Metz. SAUSSAYE (de la), directenr, redacteur de la Revue numismatique , cor- respondantde l'lnstitutde France. J, 4, 5. Blois. SEDAIGES (le vicomte Alfred de), pro- prietaire 2, 4. Clermont-Ferrand. SERSIRON, professeur a I'ecole secon- dare de medecine de Clermont. . 3. Id. SIMON, juge, president de la Societe d'histoire naturelle de Metz. . . . 1,4. Metz. SAINT-FEREOL (Amedee de), avocat. . . 2, 4. Brioude (Haute- Loire). SPENCER-SMITH, ancien ambassadeur de S. M. Britannique , membre de la Societe royale de Londres , etc. . 4, 5. Caen. TAILHAND , president de charabre a la cour royale de Riom , president a l'Academie de Clermont, vice-pre- sident du congres 1, 4. Riom (Puy-de-D.). TALAIRAT (le baron de), homme de lettres 5. Brioude (Haute- Loire). TARDIEU, avoue 1, 4. Clermont-Ferrand. THEVENOT , chef d'escadron , secretaire de l'Academie de Clermont .... 4. Id THIBAUD (Emile), membre de la Societe pour la conservation et la descrip- tion des monuments historiques et de l'Academie de Clermont .... 4. Id. THURET (de), ingenieur en chef des ponts-et-chaussees , membre de l'Academie de Clermont 2. Id. TISSANDIER pere (de), membre de l'A- cademie de Clermont 2. Id. TISSANDIER (Adolphe de), proprietaire. 2, 4, 5. Id. TIXIER , avocat , conseiller de prefecture. 4. Id. TIXIER, notaire .2. Id. TIXIER (le docteur), professeur a I'ecole secondaire de medecine de Cler- mont 3. Id. LISTE DES MEMBRES. 665 TlXIER-DUMAS, administrateur des hos- pices de Clermont 4. Clermont-Ferrand. TOURNESAC (l'abbe),inspecteur, conser- vateur des monuments historiques du departement de la Sarthe ... 4. Mans. TURGE (Oscar), redacteur de la Gazette d'Auvergne . . 4, 5. Clermont Ferrand. VERDIER-LATOUR , avocat 4. Clermont-Ferrand? VORTON, avoue 4. /,/. 257. 666 OUVRAGES OFFERTS AU CONGRES. CATALOGUE OFFERTS A LA SIXIEME SESSION DU COJYGRES. Tome X, et 1'atlas des Memoires de la Societe des antiquaires de Normandie. Materiaux pour servir a la statistique du departement de l'Orne ; brochure in-8°. Annuaire des cinq departeraents de l'ancienne Normandie, 4e annee 1838; i vol. in-8°. Visites pastorales d'Odon-Rigaut, archeveque de Rouen, dansles dioceses de la Basse-Normandie , en 1249, i25o, 1256, 1266. Proces-verbaux des seances generales , tenues par la Socicte fran- caise pour la conservation des monuments historiques, dans les villes de Yire, de Caen, d'Alencon et du Mans; bro- chure in-8°. Resume des travaux de la 3e session du Congres scientifique de France, tenue a Douai, en septembre i835; 1 vol in-8°. Notice sur la tapisserie de Charles-le-Temeraire , conservee a la cour royale de Nancy; brochure in-8°, par M. le marquis de Villeneuve-Trans. Nouvelle Geometrie et Trigonometric, etc.; brochure in-8', avec planches, par M. de Sarrazin, de Metz. Deux exemplaires de son Appendice a la nouvelle Trigonometric et Geometrie ; brochure in-8° , avec planches. Principes generaux propres a accelerer leducation de la jeunesse ; brochure in-8° , par le meme. OUVRAGES OEEERTS AU CONGRES. 067 Cinquante exemplaires d'une brochure ayant pour litre: Notions qu'on doitse faire d'un Congres scientifique, pour qu'il puisse devenir de la plusgrandeet indispensable utilite ; par le meme; Deux exemplaires des Lettres sur l'homaeopathie , etc. ; brochure in-8°, par le docteur Perrussel, de Saint-Etieune. Experiences sur le magnetisme animal, par le docteur Eefer, de Metz ; brochure in-8°. Recherches historiques sur la Cathedrale de Clermont ; brochure in-8°, par M. Thevenot. Essai historique sur le vitrail, ou Observations historiques et cri- tique sur Tart de la peinture sur verre; brochure in-8° , par le meme. Memoiresur la disposition geometrique desfeuilleset des inflores- cences, etc.; i vol. in-8°, avec deux planches, par le docteur Bravais. Premiere partie du tome II des memoires de la Societe archeo- logique du departementdela Somme; brochure in-8°. Memoires sur le culte de Mithra, extrait du tome IX de la France litteraire; brochure in-8°, par Spencer Smith, de Caen. Sur V application du systemepe'nitentiaire aux maisons d 'arret ; brochure in-4° , par M. Mallay , architecte. Trois exemplaires du proces-verbal de la seance publique an- nuelle de la Societe francaise de statistique nniverselle. Cinquante exemplaires du proces-verbal de la seance publique annuelle de la Societe nationale de vaccine. Un volume sur le Gymnase normal, et divers imprimes relatifs au Gymnase civil et militaire, par le colonel Amoros, fondateur dela Gymnastique morale, introduite et appliquee en France. Idee generate de la methode d'education de Pestalozzi , par M. Jullien, de Paris. Prince linee di ehimica inorganica , applicata alia medicina ed alia pharmacia, del dott. C. Maravigna. Catane, i836, 3 t. en i vol. in-8°. Istoria dell' incendio dell'Etna, del mese maggio 1819, di Car- melo Maravigna. Catane, 1819; in-8°. 668 OUVRAGES OFFERTS XV CONGRES. Memorie di orithognosia Etnea , c de vulcani estinti della Sicilia, deldott. C. Maravigna. Parigi , i838 ; in-8°. Tavole sinottiche dell'Etna, che comprendrono la topographia, etc. , del prof. Maravigna , 1 838 ; in-f°. Ricerche geologichee chimice sulfe ossafossili retrovate in Sira- cusa, del prof. Maravigna, i834; in-4°. Geognostiche osservationi fatte ne'dintorni di caltanisseta dal Greg. Barn. Lavia-Cassinese, i833 ; in-8°. Opuscoli di varie genere del barone Vincenzo Mortillaro. Pa- lermo, 1836, in-8°. Lettera del barone Vincenzo Mortillaro al padre don Tasallo Cassinese. Palermo, i836; in-8°. Biographia del tenente generale Giambatista Fardella , seritta dal bar. Y. Mortillaro. Palermo, i836; 8 pp. in 8°. Guida per Palermo e pei suoi dintorni del barone V. Mortil- laro. Palermo, i836, in-i8. Glottopedia italo-sicila, o grammatica itaiiana dialettica , del dott* Ninonuzio Fulci. Catan. i836; in-8°. Extrait des seances de la Societe royale d'agriculture et com- merce de Caen ; brochure in-8°. Expose historique des travaux de la Societe d'agriculture et com- merce de Caen; brochure in-8°. Quatrieme exposition des produits des arts du Calvados. Extrait des Memoires de la Societe royale d'agriculture de Caen. Memoire sur des faits geognostiques observees aux points de contact des laves et des basaltes, avec les terrains stratifies, en Auvergne ; brochure in-8° , par le docteur Peghoux. Memoire geologique sur le bassin du Puy (Haute-Loire) ; bro- chure in-8°, par M. Felix Robert. Memoire sur rAmendement des terres , les unes par les autres; brochure in-8°. Memoire sur les chemins vicinaux, par M. le comte Borgarelli d'Isson; brochure in-8°. Division du departement de 1'Eure , daus I'Association normande. Plusieurs Memoires et Discours, extraits des Memoires de la So- ciele royale et de commerce de Caen. OUVRAGES OFFERTS AU CONGRES. 669 Carte geologique du deparlement de la Manche, par M. de Gaumont. Memoire sur les epidemies qui ont ravage l'Auvergne, depuis le commencement de l'ere chretienne jusqu'a nos jours; bro- chure in-8°, par le docteur Peghoux, de Clermont. Cryptes de Picardie , ou recherches sur l'origine des souterrains- refugesqui existent dans les departements de laSomme, du Pas- de-Calais, de l'Oise et du Nord; un vol. in-8°, par M. Bouthars. Notions historiques sur les vitraux anciens etmodernes, et sur l'art de la peinture vitrifiee; brochure in-8° , par Emile Thibaud. Notice sur l'institution departementale des sourds-muets de la Haute-Loire , par le docteur Borie; brochure in-8°. Simple apercu sur la Gymnastique , etc. ; brochure in-8° du meme auteur. Considerations sur la methode generate a suivre, pour traiter ra- tionnellement les maladies scrofuleuses ; brochure in-8° , par le meme. Almanach du commerce de i838 , par M. Bottin. La France en 1825, ou mes regrets etmes esperances, discoursen vers suivi de quelques autres poesies detachees , par M. Jullien , de Paris ; 1 vol. in-8°. Agenda general, ou Livret pratique d'emploi du temps, par le meme; 1 vol. in-8°. , relie. Lettre a la nation anglaise sur l'union des Peuples , etc.; bro- chure in-8', par le meme. Stances par Mllle la princesse Constance de Salm; brochure in-8°. Deuxieme livraison de la Re\uede Vienne, i858; brochure in-8°. Revue du Dauphine, 6G livraison du tome II, 1837. Recherches sur les ossements fossiles du departement du Puy-de- Dome. De plus, les neufs premieres livraisons de la suite du meme ouvrage , par Tabbe Croizet. Mon avis sur le canal lateral a TAllier , et sur un chemin de fer de Clermont a Lyon, par M. Boudet deBardon. Vues et coupes des principales formations geologiques du depar- tement du Puy-de-Dome; \ vol. el atlas, par MM. H. Lecoq et J.-B. Bouillet. 670 OUVRAGES OFFERTS AU CONGRES. Itineraire du departement du Puy-de-D6rae , par les memes; i vol. in-8°. Essai sur l'eatoraologie du departement du Puy-de-D6me, par M. Baudet-Lafarge ; brochure in-8°. Tableau de la Conjugaison francaise , par M. Lenormand. Travaux de la 4e session du Congres scientifique ; i vol. in-8°. Numeros ier et 2e (i838) de la Revue numismatique; in-8°. Discours sur le Suicide, en reponse a une question proposee par la 6e session du Congres , par M. Baignoux , ancien depute ; brochure in-8°. Tome Ier des Memoires de la Societe archeologique d'Amiens. La 2me partie du tome Ier des Memoires de la meme Societe. Douze planches gravees ou lithographiees, par M. Pollet, archi- tecte a Lyon. Memoire sur une Statue romaine decouverte en i833, entre Veyre et Authezat, etc.; brochure in-8°, par M. Mathieu. Indicateur d'Auvergne , ou Guide du voyageur , aux lieux et mo- numents remarquables, par H. Lecoq. Note sur les petits lacs des terrains basaltiques de l'Auvergne, par le meme ; brochure in-8°. Note sur la decouverte de debris organiques marins sur le sol de l'Auvergne, par le meme; brochure in-8°. Observations sur la grele du 28 juillet; brochure in-8°, par le meme. Chaudesaigues et ses Eaux thermales; brochure in-8° , par le meme. Recherches analytiques et medicales sur Teau minerale de Gran- drif; brochure in-8°, par le meme. Recherches generales sur les Constitutions medicales ; brochure in-8°, par M. le docteur Haime, de Tours. Discours prononce dans la Societe medicale de Tours, par le meme: brochure in-8°. TABLE DES MAT1ERES. 671 TABLE DES MATIERES. Avant-propos page v Arr^te pris par le Congres , a la seance generale dn 14 septembre 1837, a Metz vij Circulaire de MM. les Secretaires de la 6e Session du Congres scien- tifique de France x Programme arre'te par le Comite d'organisation de la 6e session , qui s'ouvrira a Clermont-Ferrand , le 3 septembre 1838 xiv Questions proposees pour chaque section xvij Excursions projetees aux environs de Clermont, apres la session du Congres , par les sections separees ou reunies xxxij Seance d'ouverture de la 6e session du Congres xxxiij TRAVAUX DES SECTIONS. Premiere et sixieme sections. — Histoire naturelle, Sciences physiques et Mathematiques ' page 1 Deuxieme section. — Agriculture „ Industrie et Commerce S9 Troisieme section. — Sciences medicales, 91 Quatrieme section. — Histoire et Archeologie . 112 Cinquieme section. — Philologie , Litterature , Beaux -Art?, Philo- sophic 1S5 Assemblies generates , Travaux des seances 18o MEMOIRES ET PIECES DONT LE CONGRES A VOTE L'lMPRESSION. Premiere section. — Rapport sur l'etat actuel de l'etude des Sciences natu- relles en Auvergne , par M. II. Lecoq page 272 Essai sur la disposition generale des feuilles rectiseriees , par M. L. Bra- vais et par M. A. Bravais 278 672 TABLE DES MATIERES. Abrege d'Orictognosie etneenne , ou Description abregee des mineraux simples qui se trou\ent a l'Etna , avec l'indication des principales roches auxquelles ils appartiennent , par M. C. Maravigna , avec des notes , par J.-B. Bouillet , 331 Examen de la 3e question de la ire section du Congres , par M. C. Mara- vigna 3S0 Monographic des formes diverses qu'offre le soufre cristallise , par M. G. Maravigna 356 Monographie de la celestine de la Sicile, par M. C. Maravigna 365 De la nature et de la formation de l'ambre nomme succint, par M. le general major de Resimont 370 Note sur le succint de la Sicile , par M. C. Maravigna 375 Reponse a la 9e question du programme , par M. l'abbe Croizet 375 Notice sur un nouveau genre de pachyderme fossile trouve en Auvergne , et nomme oplotherium , par MM. de Laizer et de Parieu 390 Recherches sur les Eaux thermales , et sur le role qu'elles ont rempli a diverses epoques geologiques ; par M. H. Lecoq 398 Deuxieme section. — Enqueue sur I'etat de l'Agriculture en Auvergne , au nom d'une commission composee de MM. Chauvassaignes , Gariol , et Conchon , de Volvic , rapporteur 432 Reponse a la i5e question de la 2e section du Programme, par M. Mar- tha-Beker 460 Observations sur le mamitgc des terres en Auvergne , par M. Concbon, de Yolvic 471 Memoire sur une nouvelle plante textile, par M. le chevalier Salvator Scuderi 486 Memoires sur les canaux et les chemins de fer, par M. Perrey de Saint- Etienne ." 493 Troisieme section. — Crochets destines a maintenir, dansun etat d'ecai-- tement permanent, les bords de la plaie de la trachee-artere , etc., par M. Cellier, docteur en medecine 503 Notice sur les Eaux de Medague , par M. Parrot, docteur en medecine. . 509 Quatrieme section. — Memoire repondant aux 9e et i3e questions du Progamme , par M. Pollet, architecte ^16 Memoire sur les iop, tie, i2e et i3e questions du Programme, par M. Mallay , architecte S^2 Memoire sur la 2e question du Programme , par M. C. R. de* Lamothe. . . 532. Essai sur la Gergovia des Boiens et sur son identite avec Montlucon , en - TABLE DES MATIERES. 673 Teponse a t5e question du Programme , par M. Bnigiere de Lamotlie , sous-prefet de Montlucon . S39 Cinquieme section. — Rapport sur l'etat des sciences et des beaux-arls en Auvergne , presente au Congres scicntifique , par M. F. de Douhet , secretaire de la 5e section 599 Questions proposees pour le premier vers dn Paradis perdu, par M. Phi- lippe Cordova , Sicilien , docteur en droit 609 De l'influence du langage sur les moeurs et de Taction de celles-ci sur le langage , dissertation, par P. P. Mathieu, professeur au college royal de Clermont-Ferrand , etc 618 Hommage au Congres scientifique de Clermont-Ferrand , par le baron de Talairat , vice-president de la 5e section 63S L' union des peuples , resultat naturel du progres des lumieres , et des communications de plus en plus multipliees et accelerees au moyen des chemins de fer ; par M. Jullien , de Paris 646 Liste des membres de la 6e session du Congres. 655 Catalogue des ouvrages offerts a la 6e session du Congres 666 ERRATA. MM. Chanlaire et Stievenart, dont il est question page 167, ne sont point inscrits au nombre des membres du Congres. Page 15, ligne 13, au lieu r/eLartel, lisez Lartet. Page 268, ligne 13, au lieu de 1838, lisez 1830. Page 275, ligne 16, au lieu de puoliee, lisez publie. Page 287, ligne 8, au lieu rfeophys, lisez ophris. Page 516, ligne 3me, au lieu de 2me et 3me questions, lisez 9me et 13m« questions. ,- VJ