•.:■■■:;'•■ ' ■:•:■, .;,. -• .-,. .■;t'...-i.:.;: .;;.;:;.. , •. -: ■:• : ■ _■•■■ (.12/ Jfoz. C 0 \ (. H E S SGIENTIF1QUE DE FRANCE. if i a i a 3 ID? .331AH 30 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. QUINZIEME SESSION, TENUE A TOURS, EN SEPTEMBRE J847 TOME FltEJFIE «. ty ■^< AU SECR^TARIAT-G^N^RAL PARIS ? CHEZ DERACHE, LIBRAIRE, RUE DU BOULOY, 7. AOUT 4848. m nan i - mm sGiEMifioiJi DE FRANCE, Quinzierae Session. La faveur meritce et loujours croissantc qui s'attachc a Futile institution des Congres , avait inspire aux habitants de Tours un vif desir dc voir sieger dans leurs murs le Congres scicntifique dc France. Deja, en 1838, ccttc villc, cboisie pour la reunion du Congres archcologiquc, avait etc a raerac d'apprecicr tout lc bicn qui emane de ces so- lennclles assemblies dans les licux ou cllcs portent la lu- mierc dc leur flambeau civilisateur. Les societes academi- qucs du departement d'Indre-et-Loirc, celle de medecinc , animccs du meme esprit, Grent parvenir au Congres dc Marseille leur dcinande unaninie pour obtenir un choix 1 6 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. aussi flatteur. Elu a la premiere vice-prcsidence de la sec- lion d'Archeologie ct d'Histoire , M. Lambron de Lignim , delegue des Societes savantes de Tours, put, en cette qua- lite , faire valoir dans le sein du conseil general du Congres, les justes pretentions de cette ville , et faire accueillir sa demandc par cette bienveillante assemblee. Ce cboix fut sanctionne par le Congres , dans sa seance generate du 9 septcmbre 1846 , et formule en ces termes dans Tarrete definitif de cette reunion : Art. ler. La xve session du Congres scientifique de France se tiendra a Tours en 1847; elle s'ouvrira du ler au 10 septembre, et durera au moins dix jours comme les annees precedentes. Art. 2. Le Congres sera divise en six Sections qui por- eront les memes denominations que par le passe , savoir : 1° Sciences naturelles. 2° Agriculture, Industrie et Commerce. 3° Sciences medicales. 4° Archeologie et Histoire. 5° Litterature et Beaux-Arts. 6° Sciences physiques et Mathematiques. Sous aucun pretexte il ne pourra etre apporlc de changc- ments a ces denominations. Art. 5. MM. Champoiseau, dc Sourdeval et Lambron de Lignim sont charges de remplir les fonctions de Secretaircs- generaux de la xve Session. M. Viot-Prudhomme est prie de remplir les fonctions de tresorier. Art. 4. La convocation sera faite au moyen d^une cireu- laire tiree a grand nombre et adressee aux savants de la France et de l'etranger. MM. les Secretaires-generaux des precedentes Sessions sont pries d'aider MM. les Secretaires de la x\e Session dans la distribution de ces lettres d'invi- tation. Le Programme des questions qui seront miscs a 1'etudc devra etre distribuc huit mois avant l'ouverturc de la Ses- sion. QUINZIEME SESSION. 7 Art. 5. Lc Congres se reunira, en 1848, dans la ville de Nancy. Art. 6. MM. les Secretaires-generaux de la xiv* Session s'occuperont immediatement de la publication du Comptc- Rendu de celte Session, de concert avec MM. lcs Secretaires et Presidents ou Vice-Presidents de Sections, en residence dans le departement des Bouches-du-Rhone , qui formeront avec eux le Comite de publication. Ce Compte-Rendu sera tire a Mille exemplaires. Art. 7. La meme Commission est chargce do revoir les Memoires lus dans les Seances ; elle choisira ceux qui lui paraitront les plus importants ; elle pourra n'imprimer que par extrait ou supprimer, si elle le juge convenablc, les Memoires presenter pendant la Session. On observera , pour la disposition des matieres, le meme ordre que les annees precedentes. Art. 8, La meme Commission presidera a la distribution du Compte-Rendu , dont Cent exemplaires au moins seront adresscs, au nom du Congres, aux Academies et Societes savantes du royaume. La Commission prononcera sur toutes les difticultes qui pourraient s'elevcr ulterieurement. Elle donnera aux Secre- taires charges de preparer la xve Session , tous les rensci- gnements qu'ils pourront demander. En un mot, elle sera investie des memes attributions que le Congres, qu'ellc rc- presentera jusqu'a rouverlure de la xve Session. Art. 9. Apres la distribution du Compte-Rendu de la xive Session aux Membres du Congres et aux Societes sa- vantes, un depot sera fait a Paris, chez M. Deracbe , li- braire, deja depositaire des precedents volumes. Le prodgit de la vente sera verse entre les mains du Tresorier de la xve Session, jusqu'a ce que le Congres en ait arrete l'em- ploi. Art. 10. Vingt-cinq exemplaires du Compte-Rendu seront aussi deposes au Secretariat-General. Lc premier Secretaire- general du dernier Congres devra, chaque annee, adresscr un exemplaire de ce Compte-Rendu aux Secretaires char- ges dela direction des Sessions ulterieures du Congres. 8 CONGBES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Art. dl. Un Compte-Rendu des recetles ct des depenses dcla xiv* Session sera rendu par le Tresorier a MM. les Sc- cretaircs-generaux , a l'ouverture de la xve Session. Art. 12. Toutes les depenses seront soldees par M. le Tresorier de la xive Session , sur des bons a payer ordon- nances par M. P.-M. Roux, Secretaire-general de la Ses- sion. Delibere en seance, le 9 septembre J 846. Signe : A. de CAUMONT , President de la xive Session, vicomte de cussy,) Tr. „ ; ;, ruiMTvuv \ Vice-Presidents. CAUVIERE, D.-M., ) P.-M. ROUX, d.-m., Secretaire-general. BERTULUS , d.-m., Secretaire-ge'neral-a djo int. P. LOUBON, Tresorier. Conformemcnt a cet arrete, MM. les Secrctaircs-gene- raux designcs de la xvc Session , ayant accepte avee eni- pressement l'honorable mission qui leur etait coniiee , sc sont occupe immediatement de l'organisation du Congres. lis l'ont fait connaitre a toutes les Societes savantes du royaumc et a un tres-grand nombre de notabililes seicnli- liques et litteraires, tant de la France que dc l'ctrangcr, par la circulaire suivante : Tours , le 30 avril 1847. Monsieur , Lc Congres scicntilique de France ouvrira a Tours sa xvj Session, le dcr septembre procliain. Apres quatorze annees d'epreuve , nous sommes lieurcux dc pouvoir constater aujourd'bui l'utilite de cctte gencrcusc institution. Les Congres scientifiques sont nes en Allemagne , pays qui , n'ayant pas un centre commun d'etudes ct dc lumie- rcs , a lc premier senti l'avantagc dc rcunir les savants de tous les points dc son tcrritoirc. La science, en y elisant pour sa capilale temporaire chacunc des villcs les plus im- quinzieme session. 9 portantcs, a offert les liommes les uns aux autres , a livre successivement chaquc partie de cettc vastc contree, avcc scs monuments physiques, archeologiques , arlistiques, avec sa physionomie et ses mocurs , a l'cxamen , a la medi- tation de tous. En France, ou un centre unique, resumant en lui les for- ces intellecluellcs de la nation , brille du plus vif eclat, les Congres n'etaicnt pas moins necessaires. En effet, trop sou- vent les provinces etaient portees a se reposer exclusive- ment sur les lumieres et les travaux de la capilale ; elles se voyaicnt abandonnees de leurs esprits d'elite ; elles res- taient sans explorateurs, sans historiens; leurs antiques monuments tombaient en presence d'une froide insou- ciance. Deja, pourtant, des Societes savantes avaient ete fondees dans la plupart des departements , et avaient commence a fixer sur le sol l'esprit d'etude 3 d'observation et d'altaehe- ment aux vieux souvenirs. Mais ccs Societes, formant autant de foyers isoles , avaient besoin de se reunir entrc elles pour donner a leurs travaux une impulsion commune. Tel a etc le but du Congres scientifique de France, fonde, en 1832 , par le zele du savant M. de Caumont. Le Congres se transportc sur tous les points ; il glorifie nos villes tour-a- tour , et presentc a l'appreciation d'une savante assemblee les richesses scienlifiqucs recelees par chacun de nos de- partements. ; Les homines et les choses gagncnt egalement a celte epreuve : de toutes parts le sol est decrit , l'histoire locale est edifice, les vieux monuments sont respectes, preserves de la destruction ; ct ces heureux resultats sont dus aux Compagnies savantes et aux Congres. Cette annee , le Congres a choisi pour le lieu de ses as- sises solennelles laville de Tours, si heureuseincnt siluee au centre du royaume. Tours est, a tant d'egards, le cceur de la France ! C'est la que s'ouvrit notre histoire nationalc sous la plume d'un saint eveque; qu'un heros arreta cct immense et rapide incendie propage au nom de Mahomet etpret a devorer la chreticnte; que la bergere dc Domremy 10 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. vint saisir le glaive de Fierbois pour s'elancer, holocauste victorieux , et dans l'arene dcs combats et sur le bucher funebre; c'est la enfin que le sejour prolonge de nos rois a laisse a la langue franchise scs accentuations les plus suaves. La Touraine est la patrie des trois Boucicaut, de Georges d'Amboise, Rabelais, Andre Duchesne, Racan, Descartes, Nericault-Destouches ; des celebres artistes Pinaigrier, Mi- chel Colombe , les freres Juste , Claude Vignon , Abraham Bosse , Nicolas Jcnson et Cbristophe Plantin. Aujourd'hui , apres tant de ruines consommees , la Tou- raine s'enorgueillit encore de monuments du plus haut interet. Elle offre les debris majestueux de Locbes , de Chi- non, de la basilique de Saint-Martin; elle presente son elegante cathedrale , Teglise de Saint-Julien , naguere si beurcusement racbetee par le zele de nos concitoyens et par la munificence de l'Etat ; enfin , les vitraux de Saint- Gatien et de Cbampigny , les chateaux de Langeais , d'Am- boise, d'Azay-le-Rideau , d'Usse, et surtout ce merveilleux Cbenonceau qui, deployant sa ricbe architecture sur les ondes argentees du Cher , semble une creation empruntee a la poesie de TOrient. La bibliotbcque de la ville de Tours est un precieux heri- tage de abbayes de Marmoutier, de Saint-Martin , de Saint- Julien; elle est egalement riche en manuscrits et en edi- tions rares. Dans les sciences naturelles, les objets d'etude ne sont pas moins interessants. Le Museum , le Jardin botanique, les terrains si varies du departement, les bancs de coquilles fossilcs connues sous le nom de Faluns , les tranchees pro- fondes faites pour les travaux dcs chemins de fer , et qui mcttent a nu les couches du sol , sont dignes de toute l'at- tention des savants. La Colonic philanthropique de Mettray, a quatre kilome- tres do Tours , est la premiere qui ait cte etablie en France ; elle est arrivee a un point de regularite et de bonne direc- tion qui fait Tadmiration de ses visiteurs. Parlerons-nous de ces edifices mod61es dont notre ville QUINZ1EME SESSION. 11 s'oM enrichie depuis quelques annees : — du Quartier dc Cavalerie , — du College Royal , — du Palais-de-Justice , — du Penitencier , ou se resout si hcurcusement le pro- blemc de la moralisation des prisonniers, — de l'Embarca- dere du chemin de fer, le plus considerable et le plus beau que Ton ait construit jusqu'a ce jour? Citerons-nous nos collections particulieres d'objets d'art et dc science , nos Filatures , notre belle Imprimerie , nos Fabriques d'Etoffes de Laine et de Soie , de Passementerie , de Faience , de Cuirs , de Produits cbimiques , de Topis , la Fonderic de Poce , etc ? La ligne de fer qui relie la ville de Tours a la Capitalc par un trajet de six heures seulement , promet au Congres u n brillant concours de la metropole des Sciences et des Arts; elle placcra en quelque sorte, sous les raurs de Paris , les savants de tous les pays qui assisteront a la quin- zieme Session. MM. les Ministres de FAgriculture et du Commerce et dc rinstruction publiquc nous ont fait esperer qu'ils honore- ront le Congres de leur presence. Nous avons Fhonneur de vous adresser le programme des questions qui seront discutees. Nous esperons, Monsieur, que vous voudrez bien nous envoyer votre adbesion , et que vous nous permettrez de vous compter au nombre des per- sonnes distinguees qui viendront s'asseoir a ce noble et fra- ternel banquet de la science. Recevez l'expression des sentiments tres-distingues avec lesquels nous sommes , Monsieur , Vostres-bumbles serviteurs, Les Secretaires-gene'raux de la quinzieme Session, N. CIIAMPOISEAU, Cn. de SOURDEVAL, H. LAMBRON de LIGNIM. 12 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. PROGRAMME mtti PAR LA COMMISSION GENERALS PR0V1S0IRE D'ORGANISATION DE LA QUINZIEME SESSION. I. Dispositions r^fflemeiilftireeu Art. ler. La xve Session du Congres scientifique dc Franco s'ouvrira a Tours le ler septembre 1817 , a midi, dans l'une des salles de rArchevechc qui seront mises a sa dis- position. Art. 2. Tous ceux qui s'interessent auprogres des Scien- ces , des Lettres et des Arts , ct plus specialement les per- sonnes qui ont dcja fait partie du Congres scientifique dans les Sessions precedentes , sont invites a s'associcr aux tra- vaux de la xve Session. Art. 3. Les Academies et les Socieles savantes de France sont priees de communiquer au Congres la statistiquc de leurs travaux et de s'y faire representer par un ou plusieurs de leurs membres. Art. 4. La durce de la Session sera de douze jours. Art. 5. Les travaux du Congees seront repartis en six- Sections : d,e — Sciences naturelles. 2e — Agriculture , Industrie ct Commerce. 5* — Sciences medicales. 4e — Histoire et Archeologie. 5e — Littcrature ct Beaux-Arts. 6e — Sciences physiques et Mathematiqucs. Celte dcrnierc pourra , en cas dc necessite, elre rcunie a la premiere. Art. 6. A l'ouverture dc la premiere Seance, on nom- mera le President ct les quatre Vice-Presidents du Congres, QU1NZ1EME SESSION. lo qui, avec les Secretaires-gcneraux et le Tresorier, formc- ront le Bureau central. Chaque Secretaire inscrira dans sa Section tous ceux qui desireront en faire partie. On pourra se faire inscrire dans plusieurs Sections a la fois. Art, 7. Chaque Section, le lendemain de l'ouverture du Congres, nommera son President, deux ou trois Vice- Presidents , et, au besoin, un ou deux Secretaires-adjoinls. Art. 8. Les Sections s'asscmbleront chaque jour. Elles fixeront a la premiere reunion la duree de leurs seances. Elles pourront, dans l'interet de leurs travaux, se distri- buer en Sous-Sections. L'ordre d'ouverture des seances des Sections sera indique sur une carte particuliere qui sera remise a chaque Membre du Congres. Art. 9. Chaque jour, a trois heures precises apres midi, il y aura assemblee generate de toutes les Sections. Un des Secrctaires-generaux lira le proccs-verbal de la seance de la veille; les Secretaires des Sections donneront lecture des proces-verbaux des seances particulicres tenues dans la matinee. La lecture des proces-verbaux des Sous-Sections aura lieu dans les Sections dont elles dependent. La seance de l'assemblee gencrale sera ensuite consacree a des lec- tures de memoircs et a des communications verbales. Art. 10. Nul ne pourra prendre la parole a une seance sans l'autorisation du President. Art. 11. Aucune deliberation ne sera prise, soitdans les Sections , soit dans les seances generates , si le tiers des Membres inscrits n'est pas present. Art. 12. Toute, discussion sur la religion et la politique est formellement interdite. Art. 13. Aucun travail ne sera lu en seance generale qu'apres avoir ete approuve par la Section a laquelle il ap« partiendra. Art. 14. Les savants et les litterateurs etrangers pourront lire des Memoires et discuter au besoin en d'autres langues que la langue francaise. Art. 15. Les Membres ont, outre le droit de communi- quer des travaux, celui de presenter des questions aulres 14 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. que celles du Programme; mais ces questions devront etre prealablement deposees sur le Bureau," en seance ge- nerate. Elles seront examinees le soir memepar la Commis- sion permanente qui jugera si elles peuvent etre admises. Le resultat de la deliberation sera communique le lcnde- main aux Sections competentes. Art. 16. La Commission permanente est composee des Membres du Bureau central et des Presidents des Sec- tions. Art. 17. Des excursions scientifiques pourront avoir lieu pendant et apres la tenue du Congres. Art. 18. Seront Membres du Congres , les personnes qui, ayant accepte l'invitation qui leur aura ete faite, auront verse entre les mains du Tresorier la somme de dix francs, pour scrvir a acquitter les frais de la tenue du Congres et de Timpression du Compte-Rendu des travaux de la Session. Art. 19. Chaque Membre du Congres aura droit a un cxemplaire de ce Compte-Rendu , qui sera publie par les soins des Secretaires- generaux et des Secretaires des Sec- tions. Art. 20. Les personnes empechees de se rendre au Con- gres pourront, de raeme que celles qui y assisteront , pre- senter des Memoires sur les diverses. questions contenucs dans le Programme, ou sur tout autre sujet relatif aux travaux de Tune des Sections, sauf, dans ce dernier cas, a se conformer a Tart. 15. Art. 21. Avant de se separer , le Congres fixera la date etlelieu dela xvne Session. Art. 22. Toute difficulte non prevue par les presentes dispositions sera soumise a la Commission permanente. Art. 23. Chaque Membre du Congres sera tenu de signer le present Reglement en retirant sa carte d'entree. Signe: MM. N. CHAMPOISEAU , Cii. DESOURDEVAL, II. LAMBRON DE LIGNIM, Secretaires- generaux; VIOT-PRUDHOMME, Tresorier. QUlNZlfrWE SESSION. 13 II. Administration et Organisation. La Commission centrale sc compose dcs Secretaires- generaux , du Tresorier et des Secretaires de chaque Sec- tion. SECRETAIRES GENERAUX DU CONGRES. MM. N. Champoiseau , ^ , Manufacturer, President de la Societe archeologiquc de Touraine, ancien Presi- dent et Membre de la Chambre de commerce de Tours, des Societes d'agriculture, sciences , arts et belles-lettres dTndre-ct-Loire et de Maine-et- Loire, du Conseil-general de la Societe-Francaise, Correspondant des Comites historiques. Ch. de Sourdeval, Juge au tribunal, Vice-Prdsident de la Societe archeologiquc de Touraine , Secre- taire perpetuel de celle d'agriculture , sciences , arts et belles-lettres dTndre-et-Loire, Membre de plusieurs Societes savantes. II. Lambron de Lignim, Capitaine dc cavalerie,, Mem- bre du Conseil-general administratif de la Societe- Francaise pour la conservation des monuments his- toriques , des Societes d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres de Tours et d'Angers, du College heraldique el archeologique de France , de la Societe archeologique de Touraine, de lTn- stitut archeologique d'Angleterre, d'Ecossc et d'lr- lande, etc. TRESORIER. M. Vjot-Prudhomme, Membre du Conseil d'arrondisse- ment , Tresorier de la Societe d'agriculture dTn- dre-et-Loirc et de la Societe archeologique de Touraine. 46 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. SECRETAIRES , DES SECTIONS . PREMIERE SECTION. Sciences naturelles. — Ge'ologie , bolanique, zoologic. MM. Blanciiet, Membre de la Societe medicale de Tours et de la Societe d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres d'Indre-et-Loire. Ferte-Senectere (lc Marquis de la), Membre de la So- ciete archeologique d'Indre-et-Loire. Giraudet, Docteur en medecine , Membre de la So- ciete d'agriculture et de la Societe archeologique, Laureat de PInstitut. Jacquemin , $fc , Membre de la Societe d'agriculture d'Indre-et-Loire. Petelard , Medecin-Veterinaire , Membre de la So- ciete d'agriculture d'Indre-et-Loire. Romand (de), ^ , ancien Payeur du Tresor public. Tassin, Pharmacien en chef de l'hospice general de Tours , Professeur au Jardin botanique. DEUXIEME SECTION. Agriculture, Industrie, commerce, MM. Roilesve, ^£, Membre du Coaseil-general d'lndrc- et-Loirc et de la Societe archeologique de Tou- raine. Bonnedault, Membre de la Societe d'agriculture. Breton, Membre de la Societe d'agriculture. QUINZIEME SESSION. 17 MM. Courteilles, >fe (le Vicomte de Brctignercs de), Membre de la Societe d'agriculture et de la So- ciete arclieologique, Direcleur dc la Colonic agri- cole de Mettray. Gouin (Eugene), Banquier. Mame (Ernest), President de la Chambrc de com- merce de Tours , Membre de la Societc arclieolo- gique. Odart (le Comte), Vice-President lionoraire de la Societc d'agriculture. TROISIEME SECTION. Sciences me'dicales. MM. Bretonneau, ^, Doctcur en medecinc, Membre de l'Academie royale de medecinc et de la Societc medicale. Ciiarcellay-Laplace , Professeur de cliniquc interne a l'Ecole preparatoirc dc medecine de Tours, Vice-President de la Societc medicale , Corrcspon- dant de l'Academie. royale de medecine. IIaime, Professeur de pathologic a l'Ecole prepara- toirc de mcdccinc de Tours. Leclerc (Frederic), Medecin en chef de l'bospice ge- neral, Professeur a l'Ecole preparatoirc de mede- cine de Tours. Millet, Docteur en medecine, Membre de la Societc medicale et de la Societe arclieologique. Morand , Medecin de la Colonic agricole de Mettray, Membre de la Societe medicale. Tonnelle fils , ^ , Directeur de l'Ecole preparatoirc dc medecine et de pharmacie, Cbirurgicn en chef dc l'bospice general de Tours , Membre correspon- dant dc rAcademic rovale dc medecinc. 18 CONGRES SCIENTIF1QUE DE FRANCE. QUATRIEME SECTION. Histoire et archeologie. . MM. Beaumont-Vassy , sfe (le Vicomte de), Merabre de la Societe archeologique de Touraine. Bourasse (l'Abbe), Cbanoine de l'Eglise metropoli- taine de Tours, Membre de la Societe archeologi- que , Professeur d'archeologie , et Correspondant des Comites historiques. Guerin (Gustave), Architecte de la Prefecture et de la Mairie, Membre de la Societe archeologique. Jacquemin (Charles), Architecte, Membre de la So- ciete archeologique. Manceau (l'Abbe), Cbanoine de l'Eglise metropoli- taine de Tours , Inspecteur des monuments histo- riques, Secretaire^Adjoint de la Societe archeolo- gique, Correspondant des Comites historiques. Meffre, ^, Architecte, Membre de la Societe ar- cheologique. Salmon (Andre), ancien Eleve de l'Ecole des Chartcs , Archiviste honoraire de la villc de Tours, Membre de la Societe archeologique de Touraine. CINQUIEME SECTION. - Philosophie, litter atur e , beaux-arts. MM. Archambault, $fc, Censcur des etudes au College royal de Tours, Olficier de l'Universite. Brizard, Avocat, Membre de la Societe d'agri cul- ture, sciences, arts et belles-lettres d'lndre-et- Loire. QUINZ1EME SESSION. 19 MM. Lange-Croue, Colonel de la Garde nationale de Tours, Membre du Conscil municipal. Laurent (Alfred), Membre de la Societe d'agriculture et de la Societe archeologique. Luzarche (Victor), Maire de Tours, Membre de la Societe d'agriculture et de la Societe. archeologi- que. Ornano (le Comte Rodolphe d'), Membre de la Societe d'agriculture et de la Societe archeologique. Vapereau , Professeur de philosophic au College royal de Tours, Membre de la Societe d'agricul- ture, sciences, arts et belles-lettres d'lndre-ct- Loire. SIXIEME SECTION. Sciences physiques et mathe'matiques. MM. Bailloud, % , Ingenieur en chef des ponts et chaus- sees. Borgnet, Proviseur du College royal de Tours , Doc- teur es-sciences , Membre de la Societe d'agricul- ture, sciences, etc., d'Indre-et-Loirc. Brame , Docteur en medecine , Professeur de chimic a l'Ecole preparatoire de medecine et de pharma- cie. Daguin , Professeur de physique au College royal de Tours. Delaunay (Jules), Fabricant de produits chimiques. Morandiere, >%£ , Ingenieur des ponts* et chaussees. Pambour (le Comte G. de), sjfe, Membre corrcspon- dant de l'Academie des sciences de Berlin et de la Societe d'agriculture, sciences, arts et belles- lettres d'Indre-et-Loire. 20 GONGRfiS SCIENTIFJQUE DE FRANCE. DETAILS RELATIFS AUX FETES. La Commission generate d'organisation , d'accord avce les autorites , a arrete les dispositions suivantes : Des excursions scientifiques et industrielles auront lieu sous la direction des commissaires nommes a cet effet. Une exposition d'objets d'art anciens sera preparee par les soins de la Societc Arcbeologique de Touraine. La Societe Pliilharmonique de Tours donnera un Con- cert, auquel seront admis les membres etrangers adherants au Congres. Les Societes acadcmiques de Tours tiendront une seance general e. Un bal sera donne dans les salons de niotel-de-Ville. Les etablissements publics de la villc seront ouverts aux membres du Congres sur la presentation de leur carte. Afin de faciliter les relations entrc les membres, M. le Maire s'enpressera d'ouvrir cliaque soir les salons delTIotel- dc-Ville pendant toute la duree de la Session. Des commissaires ont ete nommes pour s'occuper dc la reception des Membres etrangers , ct de tout ce qui pourra contribuer a ragrement de leur sejour, Afin de faire connaitre a MM. les Membres qui n'ont point assiste aux precedentcs Sessions la marcbe snivie or- dinairement dans ces solennites scientifiques , un Comptc- Hendu du Congres dc Marseille leur sera rcmis avec la carle d'entrce aux seances. QUINZIEME SESSION. *M QUESTIONS Pro|»osee@ pour cliaeune cleg feecfjons. PREMIERE SECTION. Sciences naturelles. 1. Trailer des progres, de l'etat aclucl ct do ravenir de la geologic. 2. Le parallelisme des soulevements d'une ineme epoquc, d'apres la tbeorie de M. de Beaumont, est-il un fait sufli- samment demontre? 5. Est-il bien etabli qu'il n'ait pas existe de mammifcres avantl'epoquc jurassique ? A. Renconlre-l-on en Tourainc des traces bien marquees du diluvium de Bukland et de Cuvier? 5. A qucllcs causes doit-on attribucr la formation des depots appelcs Faluns , ct la presence dans ccs depots des debris organiques dc di verses epoques? 6. Donner la paleontologie des Falunicres dc la Tou- rainc 7. A quel etage des terrains tertiaircs faut-il ranger les calcaires d'eau douce qui se montrent sur plusieurs points du departcment dTndre-ct-Loire? 8. Le lit des flcuves ct des rivieres ne s'exbausse-t-il pas dans la proportion de la masse de sables et dc galcts qui est charriec par leurs eaux? 9. Est-il avantageux pour l'etude de labotaniquc d'adop- ter le nouvcau systfemc dc classification propose par M. Bronguiart ? 2 22 CONGR^S SCIENTIFIQUE DE FRANCE . 10. Comparer la valeur des fails qui militent en favour des divers systemes sur l'accroissement des vegetaux. H. La connaissance des deux forces vegetales nominees, par Dutrochct, endosmose et exosmose, est-elle susceptible de recevoir une application dans la pratique dc Tart horti- cole? 42. Dresser pour le departement d'Indre-et-Loire , ou mieux pour un bassin natural qui comprendrait le tout ou bien partie de plusieurs departements , un catalogue rai- sonne des plantes dont les especcs ou les genres lour appar- tiennent exclusivement. 13. Peut-on determiner la nature des lenticelles? 14. Est-il possible d'expliquer la structure du fruit des grenadiers? 15. L'ombilicaire d'Europe habite-t-elle exclusivement les rocbes depourvues de chaux? 16 Une histoire naturelle de la France qui ferait con- naitre a l'agriculture, au commerce et a l'industric, les ri- chessesdu sol, elant un ouvrage eminemment utile et hono- rable pour le pays, indiquer les moyens d'atteindre ce but. 17. Les insectes qui attaquent certaines parties des vege- taux sont-ils le produit constant d'une ou de plusieurs ma- ladies de la plante, ou peuvent-ils etre regardes, dans cer- tains cas , comme la cause reelle de ces maladies? 48. Faire connaitre les ordres et les families d'insectes nuisibles a l'agriculture et decrire leurs mceurs , leurs habi- tudes. 49. Quel est l'etat des Sciences naturclles et spccialement dc FEntomologic et de la Botanique en 4847? 20. L'csprit de classification en histoire naturelle ne l'emporte-t-il pas trop'maintenant sur l'csprit d'observa- tion? 21. Discuter l'opportunite d'etudes dc Zoologie appli- quees a l'agriculture, et par suite ccllc de Introduction des elements de ccttc science dans renseigncment agri- cole. 22. L'cspecc est-elle immuablc en Zoologie, ou bien QU1NZ1EME SESSION. 25 a-t-elle subi dcs modifications coincident avcc lcs circons- tanccs climatologiqucs de la surface du globe ? 23. Connait-on quelqucs faits susceptibles d'etablir que certains animaux inferieurs qui se developpent sur des ma- tures animales ou vegetales en decomposition, nc provien- nent pas d'eeufs ou germes deposes par des individus scra- blables ? 24. A quoi peut-on attribuer les differences que Ton re- marque dans la forme des oeufs chez la plupart dcs families d'oiseaux? 25. Quelles sont les modifications remarquables dans la forme du squelette des oiscaux en rapport avec lcs diffc- rents genres de vol particuliers aux differentcs especes? 26. De quelle maniere la vision peut-ellc s'operer cbez lcs insectes dont les yeux sont composes ou a facettes ? 27. Quelle est la cause de la rumination cbez lcs herbi- vores polygastriques ? 28. Comment se fait lemecanisme de la respiration chez les insectes? 29. Les Tuniciens crccs par quejques Zoologistcs peuvent- ils servir de passage entre lcs Mollusques et les Zoo- phytes ? DEUXIEME SECTION. Agriculture, Industrie et commerce. 1. Si Ton s'occupe de dresser la carte agronomiquc du departement d'Indre-ct-Loire, d'apres les bases indiquccs precedemment au Congres par M. deCaumont, en combicn de regions agricoles ce departement devra-t-il etre di- vise ? ,2. En considerant l'organisation dcs Fermes-e'coles , re- commandees par le conseil-general de ragriculture , pour Tenseigncment agricole en France, ou devrait-on etablirdc pareillcs fermes dans les departements de l'lndre , dlndrc- et-Loire, de la Vienne, dcMaine-et-Loire, dcs Deux-Scvrcs, 24 CONGHES SCIENTIFIC DE FRANCE. etc., etc. Quclles seraicnt les contrees ou ces ctablissements devraient etre fondes pour produire le plus de bien et re- pandre lc plus utilement les principes d'agriculture applica- blcs aux differentes regions qui viennent d'etre citees? 5. Quelle sera Taction des Congres agricoles et des asso- ciations regionales sur les travaux des Societes d'agriculture et des cornices? N'est-il pas temps d'etablir des rapports plus intimes entre les societes locales et les associations re- gionales? 4. Quels sont les travaux publics les plusimmediatement utiles a cntreprendre pour l'agriculture sur les rives de la Loire? 5. Quels ont etc, pour les sables de la Sologne, les effcts du marnagc dans les contrees ou cette pratique a ete es- sayee? Dans quelles contrees de la Sologne le marnage peut- il etre utile? Quels sont les autres aniendcments a rccom- mandcr pour la Sologne , suivant les diverses regions agri- coles de cc pays et la nature des terrains qui les consti- tuent? 6. Les encouragements donnes jusqu'ici a l'agriculturc par l'intermediaire des Societes locales (Societes de depar- tement, d'arrondissement , cornices, etc., etc.) remplissent- ils completement le but qu'on se propose d'attcindrc? Qucl- les innovations pourraient etre utilement proposecs a cct egard? Quelles modifications croirait-on utiles dans lc mode des concours? 7. Quelles observations a-t-on faites , dans le bassin de la Loire, sur l'influence exercee par la nature des paturages sur le devcloppement des formes cbez les jeunes cbevaux? Donncr des details sur les faits recueillis a cet egard et in- diqucr les nouvelles observations auxquelles il conviendrait de se livrcr. 8. Quelle influence la nature du sol exerce-t-elle enTou- raineeten Anjou sur la qualite des vins? Quelle est la com- position des terrains qui produisent les yins les plus charges d'alcool? La presence des silex dans certaines terres plan- tecs en vigne est-ellc la cause des qualites qn'olfrent cer- tains crus ? QU1NZ1EME SESSION. 25 9. Peut-on retrouvcr le cepage que lc senateur de Bolo- gne, Petrus de Crescentiis, auteur de l'ouvrage agronomique le plus estime de son temps (xme sieele) , a designe sous le nom de Sclavo , ct qu'il met en premiere ligne pour la qua- lite du vin? 10. Rechercher l'effet produit par le travail des condam- nes dans les maisons centrales de detention , sur le taux des salairesdesouvriers libres et sur l'industrie en general. 11. La culture de la vigne, qui va toujours en augmen- tant , est-elle favorable a la prosperite generale du pays et surtout a son agriculture? 12. Quelle est l'origine de l'industrie sericicole enTou- raine? Quels out etc les progres de Tart du filage de la soie depuis cette origine jusqu'a nos jours? Quelles ont ete les phases divcrses de la fabriquc d'etoffes de soie dans la ville de Tours? Tracer l'histoire de la fabrication de la soie sous les rapports artistiques et industriels. 15. Quelle est l'influence des baux a long terme et de la grande culture sur la population , sur l'industrie agricole et sur l'emigration de Findustrie manufacturiere dans les cani- pagnes? 14. Quels seraient les moyens de detruire les altises qui font de si grands ravages sur les plantes oleagineuses cru- ci feres? 15. Quels sont les moyens de combattre les ravages de la cuscute sur les prairies artificielles ? 16. Quelle influence la nature geologique du sol exerce- t-elle sur la forme et l'etendue des exploitations rurales ? 47. Quel est, dans la Touraine, l'Anjou, le Poitou, etc., etc., le produit compose en argent du boeuf a Tengrais et de la vache laitierc ? 18. La loi sur l'cchenillagc , telle qu'elle existe encore actuellcment, est-elle en harmonie avec les besoins de Tagriculture? 19. Quel role joue lc sel(chlorure de sodium) ajoute a la ration dans le dcveloppcment du betail? 20. De la culture du murier; son, origine en Touraine, les causes de sa prosperite ct celles de sa decadence. 2G CONfiRES Sf.IEXTIFIQUE DE FRANCE. 21. Du credit agricolc ; necessHc de dinger lcs capitaux vers ragriculture pour en obtenir des ameliorations ; voies et moyens d'exccution. 22. Indiquer une substance d'un prix peu eleve qui puisse rcmplacer dans l'operation du tannage des cuirs l'eeoree de chene qui, dans l'etat actucl des cboses, menace de deve- nir insuffisante pour la fabrication. 23. Comparer les progres de l'industrie de la chauxdans le departement d'Indre-et-Loire etles departements voisins. Traiter des moyens les plus economiques de production. 24. Indiquer l'origine des prejuges qui nuisent au deve- loppement de l'agriculture; faire connaitre les moyens les plus efficaces pour en detruire lcs facheux rcsultats. 25. Lc voisinage de la mcr a-t-il une influence apprecia- ble sur la nature et la qualite des paturages situes sur la cote? 26. Quels seraient les meilleurs moyens de fixer sur le sol , avec le gout de l'agriculture , lcs classes ricbes trop preoccupees de la recherche des emplois publics, ct les classes pauvres qui desertentles champs pour solliciter dans les villes le salaire de l'industrie ? 27. Le developpement tres-remarquable que prennentlcs magnolias et les camelias cultives a Nantes et a Angers, doit-il etre attribue a la nature schisteuse du sol plutot qu'au voisinage de la mer ou a toutc autre cause? 28. Quels avantages presente Temploi du falun en agri- culture? 29. Le moyen le plus avantageux de tircr parti des lan- des et bruyercs , dans toute la France, serait-il d'y cultiver le pin maritime et d'y etablir des gemmcries a 1'instar du departement des Landcs? 30. Quel est l'etat de nos connaissanccs sur ragriculture, ' l'industrie et le commerce de la Chine? QUINZ1EME SESSION. 27 TROISIEME SECTION. Sciences me'dicales. 1. .La nature geologique du sol exerce-t-ellc une in- fluence appreciable sur le developpement et la propagation plus ou moins rapide des maladies epidemiqucs; en d'au- tres termes , la geographic des roclies est-elle une chose a considerer dans l'etude des maladies humaines et de leur developpement? 2. Quelles sontles maladies endemiques dans le departe- ment d'Indre-ct-Loire et en particulier dans la ville de Tours? A quelles causes doit-on en attribuer le developpe- ment et la reapparition? Quels sont les moyens les plus ef- ficaces pour les prevenir ou les combattre ? s 5. A quelles causes peut-on attribuer l'amelioration si no- table que Ton remarque dans l'etat sanitaire de la ville de Tours , qui , pendant le cours des xve et xvie sieclcs et jusqu'au commencement du xvne, fut decimee par des epidemics presque continuelles? 4. Preciser, d'apres l'expcrience, les avantages et les in- convenients des operations chirurgicales pratiquees sur un malade reduit a l'inscnsibilite par l'opium , le magnetismc ou la vapcur de l'ethcr. Etablir, d'apres les faits , s'il est utile, d'une maniere absolue ou relative, d'adopter cettc methode, et, dans cc cas, indiquer, d'apres l'observation clinique, lequel des trois proccdes est generalement prefe- rable? 5. Quelles sont les regies qu'on doit observer dans rem- ploi dei'ethcr, et autres substances medicamenteuses vola- tiles, dans les affections nerveuses et autres? 6. Indiquer, d'apres l'experience, le caracterc etlcmode d'aetion des medicaments dits antispasmodiques , ainsi que la difTcrencc qui existe entre cux et les stupefiants. Preciser les indications et les contre-indicalions generales de leur emploi. 28 C0NGRES SCIIWTIPIQUE DE FRANCE. 7. Quels sont lcs moyens lcs plus puissants pour detruirc les ascarides vermiculaires qui, en raison de leur habitat ct de leur facile reproduction, sont de tous les helmintlics ccux qui opposent le plus de resistance aux vermifuges con- nus? 8. Recliereher lcs causes et la nature de la laryngitc pseudomembraneuse , vulgairement appelee croup, et de- terminer la valeur des differents moyens de traitement aux* quels on a recours dans cettc maladic. 9. Des causes, de la nature et du traitement du teta- nos. 40. La formation des tubercules estdle necessairement liee a line certaine disposition de l'organisation tout en- tiere, ou bien peut-elle avoir lieu stir un ou quelques orga- nes seulement? L'etude physiologico-ehimique du sang et de la matiere tubcrculcuse peut-elle eclairer cettc question? 14. Y a-t-il un rapport immcdiat entre la production de la pneumonie et Texees de fibrine que le sangpresente dans cette maladie? Un depot de fibrine dans les cellules pulmo- naires est-il le point de depart de l'affection? 42. Des ficvres intermittentes pernicieuses. Indiquer leur analogic avcc le typhus du Nord , la fievre jaunc du Midi et la peste d'Orient. ¥ 45. Des avantages de l'anatomie comparee appliquee a Tanatomie descriptive de rbomme. 44. La fievre typhoide a-t-elle ete observee sur lcs ani- maux herbivores? S'il en est ainsi, quels sont ses caracle- res, sa marche, sa gravite et les lesions cadaveriques qu'elle presente chez ces animaux ? 15. Quels sont les rapports entre le fluide ncrveux et le fluide electrique? Y a-t-il identitc entre lcs deux agents? IG. Quelle est l'influencc du systcme d'emprisonnement ccllulaire sur la sante physique et morale des detenus? 47. Du traitement medical du cancer. 48. Des conditions dans lesquelles se trouvc place le corps medical en France; quelles sont celles qui nuisent le plus a sa dignite? Proposer des moyens d'organisation pro- pres a les corabattre. quinzieme session. 29 40. Qu'est-ec que la miliaire? Cettc affection eruptive est-elle symptomatique ou idiopa- tbique? Si elle est symptomatique , tous les organes peuvent-ils lui donner lieu, ou quels sont ceux qui la produisent? La miliaire n'aurait-elle pas pour cause une alteration desliquidcs? Quel est son traitement ; est-il toujours le meme? D'ou vicnt que la miliaire est presque toujours mortelle, quand elle se developpe dans les affections rbumatis- males? 20. Pourqnoila vaccine tombe-t-elle en discredit dans la societe? Quelles sont les causes de cette defaveur? Ces causes trouvees , si la vaccine est un veritable pre- servatif de la variolc , indiquer les moyens de les com- bat t re. QUATRIEME SECTION. Histoire et arche'ologie. i. Quelles sont les causes, les developpements succcssifs et les lois du symbolisme dans Tart cbretien? 2. Quelles ont etc l'origine, la nature et la duree de nos divcrses monnaies provinciales? 5. Tracer l'histoire de la rivalite qui a existe dans le cours des xie et xue siecles, entre les comtes de fours et de Blois, descendants de Tliibaut-le-Tricbeur, et les eomtes d'Anjou , issus de Tertulle. A. Quelle influence Foulques-Nerra , comte d'Anjou, grand constructeur de cliateaux , a-t-il exercee sur le devc- loppement et les progres de l'arcbitecture militaire du Moyen-age? 5. Quels sont les caracteres qui diffcrencient au xne sie- clc l'arcbilecture religieuse de la Touraine et de l'Anjou de cellc du Poitou? Quelles limites geographiques doit-on re- 50 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. connaitre cntre lcs deux regions monumentales que nous venons d'indiquer? 6. Preciser les caracteres de Thistoire de saint Gregoire de Tours ; rappeler les services rendus par cet eveque a l'Eglise de France ; esquisser l'liistoire de cette memo Eglise pendant son siecle. 7. Tracer l'histoire de l'organisation des classes infe- rieures de la societe sous les Romains et pendant le Moycn- Age. 8. Rechcrcher comment, pourquoi , ou et a quelle epo- que ont ete fixees les regies de la science heraldique. 9. Les armes reconnues legalement aux families de bour- geoisie constituent-elles unc sorte de noblesse personnclle ou hereditaire? Les signes heraldique s dont sont timbres les ecus prouvent-ils toujours la possession du titre nobi- liaire qu'ils annoncent? Enfin , les signes heraldiques qui meublent les ecus clcs families nobles peuvent-ils faire re- connaitre, d'une maniere certaine, les causes de leur ano- blisscment? 10. Rechercher les elements de l'liistoire civile et admi- nistrative de la ville de Tours et du bourg de Saint-Mar- tin, de 1151 a 1203; quels droits y exercaicnt simultane- ment les rois de France et les rois d'Angleterre ; notam- ment quelle part ces princes purcnt avoir dans la fabrica- tion de la monnaie de l'eglise de Saint-Martin et comment cctte monnaie tournois devint la base du systeme monetaire de la France enticre. 11. A quelle epoque remonte l'intronisation rcligieuse et feodale des eveques? Existe-t-il , soit en France, soit a l'etranger, des documents relatifs a cette ceremonic ? 12. Quels sont l'origine , la destination primitive et les divers usages, aux differents siecles du Moyen-Agc, des parvis menages devant la porte principalc des eglises? 13. Du xme au xvie siecle inclusivement , on remarquc frequemment sur les verrieres l'image des artistes ou dona- teurs : a-t-on rctrouve aussi Timagc des sculpteurs ou ar- cbitectes sur lcs sculptures ou bas-reliefs qui ornent les tvm- pans et autrcs portions bistoriees de nos eglises gothiqucs? QUINZIEME SESSION. 51 Comment les distingue-t-on des autres pcrsonnages ou bien en sont-ils separes et munis de quelqucs signes caractcris- tiques? 14. Existe-t-il encore en Touraine et ailleurs quelqucs- unes des eglises mentionnees par saint Gregoirc de Tours? Quels sont les caractercs des edifices presumes appartenir a eette epoque? 15. Quelle influence les monuments eleves en Touraine, dans les premieres annees du xie siecle , ont-ils exercee sur les developpements du style Romano-Bvzantin? (eglise de Saint-Martin de Tours, rebatic en jOOl, consacrcc en 1014. — Eglise de Prcuilly, b&tie de 1001 a 1009. — Eglise dtf Beaulieu, batie en 1010. — Eglise collegiale de Not re-Dam e- dc-Locbes, fondee en 965, consacrcc en 965. — Eglise de Cormery, batie en 1018, etc.) 16. Faire l'histoire du camp d'Amboise et des monu- ments numismatiques qu'on y trouve journcllement. 17. A quelle epoque faut-il faire rcmonter la construc- tion de l'enceintc antique des villes gallo-romaines , telles que Bordeaux, Angers, Sens, le Mans, Tours, etc., dont les fondements sont composes de debris de monuments? Quelle a ete la cause de l'cnfouissement de ccs debris et de la destruction des edifices auxquels ils appartenaient? 18. Quelles sont les analogies qu'olfre la pile de Saint- Mars avee les autres monuments de meme forme, et presu- mes du meme age , qui existent en France? 19. Determiner le lieu ou Charles-Martel remporta sur les Arabes , en 732 , la eclebre victoire appelee Bataille de Tours par la plupart des ecrivain's. 20. Le caraterc politique de Louis XI a-t-il ete jusqu'a cc jour justement apprecie par les historiens ? 21. Faire Tliistoire de retablissement et de Pinfluence de l'ordre de Saint-Benoit en Touraine. 22. Histoire du parlement a Tours. 25. Histoire de l'hotel des monnaies de Tours. 24. La carte ancienne du pays des Turons a-t-elle etc terminee? Presenter cette carte auCongres avccTindicRtion de toutes les localites oil ii a ete decouvert des antiquites romaines. 32 CONGRES SCIENTJFIQUE DE FRANCE. 25. Indiquer, d'apres les monuments ecrits , quel a ete, avant lc xive siecle, le cours de la Loire de Tours aux Ponts-de-Ce. Rechercher les causes des inondations de ce fleuve , indiquer les precautions a prendre pour s'en garan- tir ct les moyens de reparer les desastres causes. 26. A quelle epoque remontcnt les vitraux de la cathedrale de Tours? en donner la description et l'cxplication; signa- ler le nom des artistes et le lieu ou ces vitraux ont ete exe- cutes. 27. Les peuples de l'Europe ont-ils tous suivi une mar- clie parallele depuis le \ic siecle? Quelles revolutions ont- ils subies en commun, quelles dissidences ont-ils eprou- vees? 28. La periode du Moyen-age doit-elle etre divisee en deux parties distinctes : 1* occupation du sol et conversion religieuse; 2° chevalerie? Quel a ete le moment de transi- tion de Tune a l'autre epoque? 29. Quels ont ete les points de ressemblance et les points d'opposition les plus remarquables dans le developpement des institutions de la France et de l'Angleterre depuis le xie siecle? CINQUIEME SECTION. Philosophic, litter ature et beaux-arts. 1. Est-il vrai que le doute soit au fond de tous les sys- temes philosopliiqucs? 2. La mcthode inductive decrite dans le Novum organum de Bacon suffit-ellc pour assurer le progres des sciences na- turelles ? 3. Comparer la structure, le developpement et la dispo- sition du systeme nerveux cbez l'homme et les animaux su- perieurs. 4. Etablir nettement des distinctions entre l'instinct, le sentiment et Fintelligence chez les animaux. 5. Recherclier quelles modifications les croyanccs de QUIXZIEME SESSION. 53 feerie ont recucs du contact des idees religieuses ct cheva- leresques du Moyen-age et'du melange des traditions de l'Orient. 6. Quelle influence a eue l'invasion des peoples du Nord sur la transformation de la langue laline enltalie, enEspa- gne et particulicrement en France ? 7. Les mots gothiques substitues aux mots latins ne sont- ils pas en grande partie les memes dans les trois con- trees ? 8. Quelle est l'origine des noms de famille en France et quels ont ete leurs divers modes de formation ? 9. Quelle est la limite qui separc la langue d'oil de la langue d'oc? 10. Quelle influence le sejour de la cour en Touraine a- t-il exercee sur le langage et sur le developpcment de Fart theatral dans cctte partie de la France ? 11. Quels services Rabelais a-t-il rendus a la langue fran- chise, et quelle influence a-t-il exercee sur les ecrivains qui sont venus apres lui? 12. Examiner et juger les ceuvres d'Andre Duchesne, etablir s'il merite le titre de pcre de Fhistoirc de France. 13. Rechercher si les chants des premiers chretiens etaient des traditions de la musique grecque ou de la mu- sique hebrai'que. 14. Quelle a etc, depuis Alcuin , ^influence de TEcole de Saint-Martin de Tours sur lc progres des sciences et des lettres en France pendant le Moyen-Agc ? 15. Quel a etc le parallelismc de la litterature franchise et des litteratures etrangeres depuis la Renaissance? 16. Quelle influence la forme des voutes des xn* et xmc siecles a-t-elle du exercer sur Forigine et l'emploi dc l'ogive? 17. Comparer la poussee des voutes ogivales avec cclle des voutes romanes. 18. Quelles sont les fonctions de l'arc-boutant? N'est-il employe seulcment que pour s'opposer a la poussee des voutes ? 19. Rechercher si dans la peinture sur verre , au xme 34 COKGR&S SCIENT1FIQUE DE FRANCE. siecle, les formes hieratiques, adoptees par les artistes dc cette epoque, n'auraient pas line analogic quelconque avec les regies qui regissent la science heraldique? 20. La construction de l'eglise cathedral e a-t-elle attire a Tours des artistes on imagiers qui aient fonde une ecole en cette ville? A quelle epoque florissait-elle ? Quels sont les monuments qui constatent son existence ? 21. Quels ont ete l'etat et les progrcs de la sculpture aux xve etxvi* siecles dans l'Anjou, la Touraine , le Maine et le Blaisois? Faire l'histoire des monuments crees par cette ecole. 22. De Tinfluence d' Abraham Bosse sur Tart du gra- veur. 23. Rechercher les procedes propres a remploi de la cire en peinture decorative, en exceptant sa dissolution par l'emploi des sels , huiles ou huiles essentiellcs. 24. Comparer et faire ressortir la valeur particuliere des pcintures faites a la fresque et celles faites a la base de cire. 25. De rimportance dc la galvanoplastie dans les arts et de quelques moyens propres a en facililer rapplication et les developpements. SIXIEME SECTION. Sciences physiques et mathematiques. 1. Du systeme de propulsion sur les chemins de fer par le moyen de la pression atmospherique. — Discuter les avantages et les inconvenients des differents systemes es- sayes ou publies en les comparant au systeme de propulsion par les locomotives. 2. Discuter les differents moyens proposes pour eviter les deraillements sur les chemins de fer. 3. Quelle est 1'origine de relectricite produite par la pile dc Volta? Le contact a-t-il une influence sur la nature et la quantitc des Uuidcs qui se portent aux poles? QUINZIEME SESSION. 55 A. Dc l'avenir des applications a Tindustrie de Tagent electrique, dont la galvanoplastie , l'application des metaux a la surface d'autres" metaux, les moteurs electromagneti- ques , les telegraphes electriques nous offrent des applica- tions variees. 5. De la theorie des Hydracides de Davy et Dulong , com- pared a la theorie des Oxacides de Lavoisier. 6. Indiquer un procede efficace et d'une execution facile pour bruler completemcnt les gaz combustibles qui s'cchap- pent du foyer des fourneaux alimentes par la houillc. 7. Rechercher le moycn d'utiliser les gaz combustibles produits par la transformation de la houille en coke , sans nuire aux qualites qu'on recherche dans ce dernier pro- duit. 8. Rechercher et indiquer le moyen soit de bruler en les utilisant les parlies noires et volatiles qui proviennent de la combustion du charbon de terre, soit de les empecher de se repandre au dehors. 9. Les phenomenes dits catalytiques ou de contact doi- vent-ils etre rapportes a Taction d'une force particuliere? Doit-on les partager en plusieurs ordres? Premier ordre. Action de la mousse de platinc , du char- bon, des corps poreux en general sur les combinaisons ga- zeuses. Second ordre. Action de l'acide sulfurique sur l'alcool dans la production de Tether, de divers corps sur Teau oxygenee. Troisieme ordre. Action des divers ferments dans les fer- mentations alcooliquc , saccharine, visqueuse, etc. Quatrieme ordre. Actions physiologiqucs : separation de Turee du sang par le rein , etc. 10. Lequel des deux proccdes, de Tanalyse et de la syn- these, est preferable dans Tetude et la recherche des phe- nomenes physiques et physico-chimiques en general? 11. La production de la chaleur dans les phenomenes chimiques est-elle propre a eclairer la theorie de la pro- duction de la chaleur en general ou celle de la nature et de la cause dc la chaleur? 36 C0NGRES SCIENTIF1QUE DE FRANCE. 12. Etudier Taction dcs sels mineraux et des mineraux en general sur la production et le developpement des cellu- les vegetales et des divers tissus animaux. 43. Comparer la forme protogenique apparente dans les trois regnes, ainsi que le premier developpement dc la ma- tiere organisee , avec celui de la matiere organique et de la matiere minerale. Ne pourrait-on pas ainsi arriver a demontrer Yunite dans les lineaments visibles de la matiere ? 14. Dans l'etat actuel de la science, quels sont les meil- leurs procedes pour caracteriser Tarsenic obtenu au inoyen de Tappareil de Marsh? Quels sont les meilleurs procedes pour caracteriser l'anti- moine et le separer facilement de l'arsenic , dans le tube con- densateur de l'appareil de Marsh ? Est-il necessaire , ou du moins utile, de peser le poison metallique ou le radieal de ce poison , dans les expertises medico-legales? 45. Quclles sont les proprietes des courbes a double courbure des troisieme et quatrieme degres ? 16. Rechercher, dans les surfaces du second degre, une propriete analogue a celle qui, dans les courbes du second degre , porte le nom d'Hexagramme de Pascal. 17. Rechercher une methode qui puisse etre employee dans toutcs les questions de geomctrie sphcriquc. 18. Calculer sur l'ensemble des observations Torbite de la planete Leverrier et comparer les resultats dc cette etude directe avec ceux qu'a fournis la theorie des inegalites d'Uranus; assigner la cause des discordances. 19. Determiner Taction qu'a pu cxercer sur la comete de Halley la planete Leverrier et decider si , conformement aux vues que developpaitM. Valz, en 1835, cette seule ac- tion expliquc le disaccord sur le passage au Perihelie. 20. Comparer Teffct exerce dans les hypotheses de M. Valz par Taction de Tether sur la comete d'Encke, a Tef- fet qui doit resultcr des suppositions qu'admet TObserva- toirc dc Berlin. 21. Les mouvemenls dc rotation ct dc translation de la qujnzi&jke SESSION* $? terrc combines sont-ils, comme l'a experimcnte M. Norict (de Tours), la veritable cause dc la deviation des corps dans leur chute? Cc fait admis , devient-il facile dc determiner d'avance, au moyen d'une table, le jour et l'heure etant donnes , de quel cote doit avoir lieu la deviation d'un corps dans sa chute? ■*6*gg%JBg9^ COISGHES SCIEM'lFlQUti DE FRANCE. SEANCE D'OUVEMTRE > DE LA QUINZIEME SESSION DU CONGRES SGIBNTIF1QUB DE FRANCE, 6^3 < Presidcnec dc M. Champoiseau , Secretaire-general du Congres. M. Lambron de Lignim, Secretaire. La premiere reunion , en assemblee generate, des mem- bres du Congres scientifique de France , a eu lieu le ler sep- tembre d847, a midi et demi, dans la salle des assises du Palais de Justice de la ville de Tours, mise obligeamment a la disposition de MM. les Secretaires-generaux par l'auto- ritc judiciaire. Environ six cents membrcs sont presents ; on remarque parmi eux un grand nombre de savants etrangers de dis- tinction et des delegucs des diverscs Academies; une foule de dames sont placees a droile et a gauche du Pretoire. Prennent place au bureau, a cote de M. le President: Monseigneur Morlot , archeveque de Tours, M. le Prefet du QUJNZIEME SESSION. 39 departernent, Monseigneur PEveque de Nevers , M. le ma- rechal-de-camp Gudin, M. le President du tribunal civil, M. le Maire de la ville, MM. de Sourdeval et Lambron de Lignim, Secretaires -generaux, et M. Viot-Prudhomme , Tresorier-general du Congres. On remarque egalement aupres des membres du bureau Phonorable M. de Caumont , President du dernier Congres scientifiquede France, tenu a Marseille, en septembre 1846, et M. le colonel du ler regiment de lanciers, dont la mu- siquc, placee sous le peristyle du Palais , execute en eel instant de brillants morccaux d'barmonic. M. le President, apres avoir declare ouverle la xve ses- sion du Congres scientilique de France, prononce Pallo- cution suivante: Messieurs , Appeles , par les suffrages des membres de la xive ses- sion du Congres scientifique de France , a Plionneur de pre- parer les travaux de la quinzieme, e'est avec une- grande defiance de nous-memes que nous avons accepte cette. tache : le concours de nos concitoyens , Pappui si bienveillant des autorites superieures Pont rendue plus facile. Toutefois , nous avons eu plus d'un obstacle a vaincre. Nous devons vous rendre compte de nos efforts pour nous acquitter di- gnement de la mission qui nous a ete confiee , et dans la- quelle nous avons ete diriges par MM. de Caumont ct Ricbelet, qui ont eula complaisance denous aider de leurs conseils. En toute circonstance, le desir de vous etre agrcable et celui d'etre utile au pays, ont soutenunotre courage. Heureux si nous avons pu meriter votre approbation dans ^organisation de vos travaux ! Qu'ilnous soitpermis d'abord d'adresser nosremerciments de bonne visite aux savants etra'ngers arrives de tous cotes aupres de nous. Disons-leur combien nous sommes fiers de possedcr ici cette elite de Pintelligence , cette reunion d'hommes aussi distingues par Fetendue de leurs connais- 40 CdNGI^S SCJOTIFiQUE »E PRANCE, sanceg que par leur zele pour lc bien public , veaus de tous les points de la France et de l'Europe pour partager de no- bles travaux. Nous les prions de vouloir bien agreer l'ex- pression de notre vive et sincere reconnaissance. Notre assistance ne leur manquera pas. Rien ne sera neglige par cliacun de nous pour leur rendre profitable le sejour qu'ils feront dans nos murs toujours si convenableraent hospita- licrs. - MM. les Ministres de l'Agriculture ct du Commerce et de l'lnstruction publique nous avaient pcrmis d'esperer qu'ils assisteraient a vos seances. L'ouverture de la session des Conseils-Generaux a ete fixee , contrairement a toulc attentc et a tout precedent, au raerae jour que la votre ; nous avons le vif regret de vous annoncer que cette dispo- sition nous pnvera de Tbonneurde recevoir MM. les minis- tres ainsi que de la presence d'un grand nombre de notabi- lites scienlifiques ; e'est un ecliec que rien ne pouvait faire prevoir. Rendons ensuite hommage au concours si spontane que nous ont prete l'eminent prelat du diocese, lc premier ma- gistral dece departement etla plupart de nos compatriotes. A notre premier appel , plus de cinq cents habitants de Tours ont adhere au Congres et forme le noyau de cette reunion si brillante d'intelligence , de zele et de bonne volonte, qui se presse autour de nous dans cette en- ceinte. Quant au petit nombre de ceux qui ne nous ont pas compris , ou qui , pour se singulariser , ont cherche ou chercheront a tourner nos travaux en ridicule , qu'ils re- viennent de leur erreur ; qu'ils cessent de se renfermer dans le ecrele de leur froid egoisme. Excites par vos succes, ils viendront grossir plus tard , n'en doutons pas, votre utile phalange; et vous les verrez deploycr d'autantplus de zele, qu'ils auront ete jusqu'ici plus indifferents ou meme plus hostilcs. De nombrcux secretaires ont accepte la mission de ren- dre compte des travaux des six sections dans lesquelles sont repartis les membres duCongre§. Nous regrettons vivement QI71NZIKME SESSION," 44 que quelqucs-uns (Ventre eux se trouvent, soit par maladie, soit par toute autre cause , dans l'impossibilite de vous etre utiles. Halons-nous de dire que la plupart nous ont dejii prete activcraent leur concours par la redaction ou la dis- cussion des questions portees au programme; nous avons egalement reclame celui de toutes les Societes savantes du royaume ; nous avons desire que le plus grand nombre pos- sible fut appele a donner son avis, pour preparer ce grand tournoi de la pensee et de la parole , auquel vous allez prendre part , et qui remplacc pour nous les joutes du Moyen-Age. Depuis cette epoque, le temps et la civilisation ont marche. Aux cris de guerre pousses dans la lice , aux coups de lance des preux , aux prix decernes par la plus belle au plus adroit et au plus vaillant, ont suocede les combats de la science , non moins vifs, mais plus utiles. Le cercle brillant qui nous environne nous prouve que les femmes de nos jours ne dedaignent pas d'assister a ces lut- tes pacifiqucs , et qu'elles les encouragent egalement , bien qu'elles n'aient plus de palmes a y deccrner. Au 31oyen-Age , on etait dominc par une seule idee : lc developpcment le plus complet possible des forces phy- siques , pour les appliquer a la guerre , e'est-a-dire a la destruction. Chez nous , au contraire, grace surtout a la sage direction imprimee par l'habile monarque qui gou- vernc la France, une grande pensee dirige la societe rao- derne : lc developpcment des forces intellcctuelles , pour l'appliquer a Taccroissement des connaissances humaines , ou a la science, dans un but de conservation. La science, e'est la verite; Y ignorance n'est autre chose que Yerreur, Or, la ve'rite, ou l.a science, ne peut avoir qu'un seul but, \e pro- gres. Mais le progres sage , lent , modere, tel que nous l'in- diquela marche de la nature, qui, commera dit un illustre ecrivain, interrogee a chaquc instant, ne rcpond qu'un mot par siecle. Par le developpement progressif de l'intelligcnce dans les masses , la science ne doit tendrc qu'a deux resul- tats : au moral , rendre les homines meilleurs et par conse- quent plus heureux , puisqu'il n'existe pas de veritable bonheur sans la sagesse; au physique, pourvoir a tous les 42 congres scientifique de France. besoins dc rhumanite, augmenter la somme de ses jouis- sances , et diminuer le plus possible ses fatigues et ses souf- frances. La philosophic, dirigee par la religion, en etablissant les regies de la morale ; les belles-lettres , en exprimant de nobles sentiments ; les arts , en elevant les cceurs par le culte du beau ; l'histoire , en indiquant aux rois et aux peu- ples leurs devoirs et les fautes qu'ils ont commises , pour leur en eviter de nouvelles, doivent s'efforcer, par tous les moyens, d'ameliorer Tesprit de l'homme. Lecrivain qui s'ccarte de cettc mission, confiee a tous ceux qui se sentent quelquegenie,manque completementa ses devoirs; ilcommet un grand crime envers Dieu et la societe. Combien sont done coupables ceux qui , doues , par le Createur , des dons de rintelligence, ne les emploient qu'a creer de dctesta- bles productions; qui , speculant, dans un \i\ interet, sur la faiblesse bumaine, ne tendent qu'a pervertir et a demora- liser leurs freres , en excitant cbcz eux les plus mauvaises passions , dont nous ne voyons que trop cbaque jour les fu- nestes ravages. Les sciences malhematiques, pbysiques et naturelles se ratlacbent sans cesse au second resultat que nous avons indique. L'astronomie pare it avoir ete la premiere des sciences etudiees, comme si l'liomme, avant d'abaisser ses regards vers la terre pour admirer les diverses parties de la creation , eut senti le besoin de contempler les merveilles celestes. Mais quelle vaste carriere cette science n'a-t-elle pas parcourue depuis les observations des peuples pasteurs jusqu'aux decouvertes dues au calcul , jusqu'aux admirables travaux qui font la gloire de la France. La mecanique economise nos forces; la cbimie nous procure de puissants moyens curatifs; la pbysique garantit nos habitations des ravages de la foudre; la mineralogie tire du sein de la terre ces debris carbonises, aliment precieux de nos usines; la botanique varie les sources de notre alimentation ; la zoologie fournit a nos besoins des races vigoureuses ; Tar- clieologie, qui parait, au premier abord, Tune des moins bien partagees, n'est pas restee en arriere. N'est-ce pas a QUINZIEME SESSION. 45 l'etude consciencieuse des voies romaines que Mac-Adam fut rcdevable de ees routes nouvelles sur lesquelles on chemine si doucement ? Avec quel avantage n'ont-elles pas remplace rancien pave qui , pour le moindre voyage , mettait tous nos muscles a la plus rude epreuve. En un mot, chaque science concourt a l'utilite commune. Ces principes elant poses , vous voyez , Messieurs , comb'ien serait grande Perreur de ceux qui regarderaient retu.de des lettres et des sciences corame une vainc specu- lation, un temps perdu ou au moins mal employe pour le bien de l'humanite. Cette erreur etait partagee par le plus grand philosophe de l'antiquite. Socrate regardait, dit-on , comme inutile toute science qui n'avait pas d'application directe. C'est que ce grand genie n'envisageait pas la question d'assez haut; c'est que, bien qu'il eut compris les grands dogmes de l'unite de Dieu et de l'immortalile de Tame, il n'avait pas suffisamment apercu les relations in- times qui existent entre la Divinite et Tame de 1'homme qui en emane. C'est qu'il ne pouvait se d outer des immenscs progres que, grace a la decouverte de l'imprimerie, devait faire plus tard la raison humaine. Chaque science, en effet, meme la plus inutile en appa- rence, nc nous revele-t-elle pas une infinite d'admirables mysteres qui elevent l'esprit jusqu'a Dieu, nous apprennent a le connaitre, a l'admirer, a l'aimer, et, par consequent, nous rendent meilleurs. Cliaquc science, d'ailleurs, nc trouve-t-elle pas tot ou tard son application? L'expcriencc la plus speculative, au premier abord , ne produit-ellc pas souvent un resultat utile? L'immortel Lavoisier decouvre la composition de l'eau et parvient a separer les deux elements qui la constituent. Qu'il etait loin de penser alors , ainsi que ses contemporains , qu'nn demi-siecle plus tard , nos palais , nosmaisons, nos rues, nos places publiques, seraient inondes , par suite de sa decouverte, des flots d'une lumiere si vive et si pure ! Lorsqu'en pesant Tbydrogene, il le trouva plus leger quel'air, pouvait-il se douter qu'il avait ouvert a 1'homme la route par laquelle, intrepide aeronaute , il allait , s'elancant vers les cieux , 44 CONGRES SCIENTIFIC^ HE FRANCE . ouvrir une nouvclle voie aux communications ties peu- ples ? Toutes Ics sciences tendent done, Messieurs, au plus grand bonlieur de 1'homme ; et comme nous l'avons dit, aucune science n'est sans but utile , actuellement ou dans l'avenir : ainsi l'a voulu la loi du progres , ainsi le veut la divine Providence, dont 1'homme n'est que le faible instru- ment. Tous les efforts des veritables amis de l'humanitc doivent tendre u Amelioration progressive des races au physique et au moral. Par Fagriculture , le premier des arts, puisqu'il est le plus utile , assurons a une popu- lation de jour en jour plus nombreuse une alimentation saine et suflisante. L'industrie ne pent pas davantage so passer du secours de la science et lui est redevable de ses progres. D'autre part, agissons cbacun, dans notre sphere d'activite , de maniere a developper l'intelligence de nos semblables, soit par nos ecrits, soit par nos paroles; soit par nos actions a leur faire connaitrc leurs devoirs envers Dieu, envers la patrie, envers la societe. L'humanite nous Tordonne, la raison nous y engage , notre interet bien en- tendu nous le prescrit. Et ce serait, Messieurs, en face de ces besoins depropagcr la science, qu'on oseraitnierl'utilite de nos savantes reunions? que, meconnaissant le but de notre institution, la diffusion des lumieres, on viendrait les traiter d'inopportunes ? N'e- coutons pas ces clameurs aussi vaines qu'impuissantcs a nous empocher de faire le bien. N'oublions pas que la veritable mission de l'honnete homme sur cettc terre , dans quclque position qu'il sc trouve , est de concourir par les moyens en son pouvoir , quelque faibles qu'ils soient , au grand oeuvre de la civilisation. Nous, Messieurs, apotres de cettc civilisation, places, par notre position sociale et intellectuellc , a son avant-garde , donnons un sublime cxcmple. Renoncons a de funestcs divisions d'interets et de partis qui ne tendent qu'a la dissolution de la societe. Mettons en commun nos forces intellcctuclles, formons-en un faisceau que rien ne pourra rompre, si nous restons unis dans ce noble but; marchonscourageusement, et avec le calme QUINZIKME SESSION. 43 dc la force , dans cette large voie d'un sage progres ; faisons sentir , par nos preceptes et encore plus par nos excmples , qu'il n'y a de felicitc sur cette terre que par le travail , l'ordre et la vertu; que toutes nospensecs, que toute notre energie , que toutes nos volontes , ne tendent que vers un seul but : Le bonheur de Vhumanite ! Ce discours est accueilli par d'unanimcs applaudisse- racnts. M. de Sourdeval obtient ensuitcla parole pourprononcer le discours d'ouvcrturc. II a choisi pour tcxte : Y Etude en Province, et s'exprime ainsi : Messieurs, En presence d'unc reunion si nombreuse et si impo- sante , Tame s'eleve parce qu'elle applaudit aux efforts que vous venez faire pour la glorification de la science et de la patrie. Une lacune se faisait sentir au milieu de nos progres, e'etait la desertion toujours croissante des esprits studieux vers la capitale, et aussi cet entrainement exagere vers les emplois publics , cause trop frequente de la dispersion des families. Tl est donne aux Congres , en ramenant l'etudc sur le terrain de la province, d'etendre les racines de la science sur tous les points du territoire, et d'accroitrc, dans une notable proportion, les forces intellectuclles de la nation. II n'est point d'edifice si important, si magni- fiquc, dont il ne soit plus essentiel d'elargir et de con- solider la base que d' clever et d'orner indefiniment le faite. Et vraisemblablcment la concentration excessive de nos lumiercs sur un seul point n'a pas peu eontribue a former noire reputation de legerete nationale. Aujourd'hui que la societe gravite vers le progres, mais, au milieu dc circonstances difficiles, ce n'est plus par une vie legere, facile, oisive que les families et les individus peuvent* comme autrefois, marquer et leur position et le temps de leur passage sur cette terre. Ce meme genre qui , jadis , suflisait pour navigucr sur un fleuve tranquille, de nos jours 40 COOGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. conduit a une ruine infaillible, dans le torrent impetueux qui nous entraine. Le travail et l'etude sont deux ancres de salut au milieu de ce eourant formidable. lis doivent etre, aujourd'hui comme au temps de l'eloquent orateur de Rome, l'appui de la jeunesse, la force de 1'age mur et la consolation de la vieillcsse ; l'ornement de la prosperite et Findemnite du malheur; ajoutons enfin qu/ils offrent une carriere pleine de seve et de charme a tout homme qui sail la suivre. Or, Messieurs, que devons-nous entendre par l'etude en province? Appellerons-nous studieuxceux qui emploient leur loisir a lire ces ouvrages ephemeres dont les journaux sont remplis ou qu'offrent lcs cabinets de lecture ? De bons ouvrages lus de la sorte, sans suite et sans systeme, ne peuvent meme suffire pour etablir un ordre solide d'idees; quel fruit, quelle consolation pourra-t-on consequemment attendre de lectures frivoles et trop souvent dangereuses? Les lectures entassees sans plan offrent toujours l'inconve- nient du celebre tonneau de la fable ; leur masse , quelle qu'elle soit, ne forme jamais rien de veritablement plein. L'homme de province qui veut etudier avec interet , qui veut ameliorer son ame et ennoblir sa destinee par des progres intellectuels , doit observer attentivement les ele- ments qui 1'entourent : la nature est d'une richesse infinic sur tous les points, elle remunere ses explorateurs au fond des deserts comme au sein des cites, dans les profondeurs de la terre comme dans celles des cieux ; partout dans nos provinces , ricbes de deux mille ans de souvenir , l'histoire, Tart ont grave leurs monuments ou plante leurs jalons ; partout le temps a laisse ou ses edifices ou ses debris. Que de champs interessants pour l'liomme studieux , et comment peut-on croire que le sanctuaire de la science se renferme en quelques enceintes de villes ? La science est partout comme la nature; il ne s'agit que de la chercher pour la rencontrer; et sur tous les points elle se montre belle, riche de details et de couleurs, faite pour charmer l'exis- tence de celui qui s'y donne. La science des champs , ou l'agriculture, est-elle moins QUINZ1EME SESSION. 47 attachante aujourd'hui qu'au temps d'Homere ou de Virgile? N'a-t-elle pas vu , au contraire, ses destinees accrues de toutes les ressources du genie, de tous les effets de Fenm- lalion cliez les divers peuples ? Ces magnifiques races de betail que l'industric liumaine a , en quelque sorte , embellies entre les merveilles de la creation , n'offrent- elles pas un attrait puissant a l'homme qui veut honorer sa vie par les travaux de l'agriculture? Que vous dirai-je de l'etude des sciences naturelles ? N'est-ce pas le premier livre ouvert devant les yeux de tout homme place en dehors des cites? C'est la, surtout, que les oeuvres du Createur sont infinies ; l'observation d'une plante, d'un insecte , revele souvent des prodiges aussi t'tonnants que ceux contemples par nos regards dans l'im- mensite du ciel. Pour bien etudier la nature, il faut etre en face d'elle; un petit nombre de livres suffit pour nous mettresur la voie; nos propres investigations font aisement le reste. Heureux l'habitant de la campagne qui sait , a cet egard , tirer parti de sa position ; l'onereuse oisivete dispa- rait pour toujours de son foyer, et sa solitude se peuple d'enchantements. L'archcologie, l'liistoire ont un peu plus besoin de la frequentation des cites , mais leur etude se groupe heureu- sement par province , par fraction de territoire. II n'est pas plus donne au savant de la capitale qua celui de Lyon ou de Strasbourg , s'il ne va les etudier sur les lieux , de comprendre et de connaitre a fond tous les mysteres histo- riques ou tous les details archeologiques de la Normandie , ou de la Bretagne ; le vrai caractere de chaque contree et de son passe est inherent a son sol comme a ses documents ecrits. Aucune bataille , aucun fait historique n'est exacte- ment narre par quiconque ne l'a pas controle sur les lieux , rhistoire a la main. L'homme de province, qui s'occupe de recherches historiques, doit done se considerer comme (Hant en mission perpetuelle sur le sol ou il lui est donne de rectifier l'liistoire et de la retablirpar mille monuments impossibles a apprecier par Tecrivain lointain ou voyageur de peu de jours. 48 CONGRES SCIENTIFIQUE T>E FRANCE. Cette noble tache, Messieurs, lcs Benedictins la rem- plissaient autrefois a l'cntour de lcurs cloitres; ils parta- gcaient leurs travaux entre l'histoire locale et des rechcrchcs d'interet plus general. Les ceuvres qu'ils nous ont laissees sont l'expression de vies longues , laborieuscs , doucement passees entre les devoirs du monastere et les delices de l'etude. La plupart des materiaux vieillis ou disperses de notre histoire ont etc, par eux, rassembles et rajeunis. Cc fut surtout pendant le dernier siecle de leur existence que ccs pieux ecrivains accomplirent leurs plus savants travaux, nobles chants du cygne, dont les eclios se repeteront au loin sur les rives de cc fleuve qui , sous le nom de Temps, emporte toutes les ceuvres et toutes les destinees humaines. Aujourd'hui que ccs illustres corporations ne sont p^us, e'est aux compagnies savantes qu'il appartient de reprendre et de continuer leur tache. Le gouvernement a etabli, dans cc but, Tecole des Chartes , dont les elcves , ou restes a Paris, ou repandus dans lcs departements , se distinguent deja par des rcchcr- clics aussi profondes que judicieuses. Des Societes areheo- logiques, ou des compagnies savantes, sous des titres plus generaux, se sont formees sur tous les points; elles se sont particulicrcment impose la taclie de decrire leur lo- ealile ct d'en cdifier l'histoire. Les Congres , dus au zele du savant auteur du Cours cV Arche'ologie monumentale , sont venus donner a ces Societes de l'ensemble, de Timpulsion ct de l'emulation. Des lors, un champ nouveau fut ouvert a l'etude en province; une foule d'hommes qui eussent perdu leur vie en de frivoles loisirs, sc sentirent emus par l'attrait du travail; d'autres, qui avaient bonne volonlc, qui ressentaient un vague desic de bien faire, restaicnt ccpendant steriles , faute d'un foyer auquel il pusscnt se rcchauffer, fautc d'une gymnastique qui leur enseignat a rcgulariscr leurs mouvements pour en etendre la puis- sance. Les Congres leur ont tendu une main secourable, et leur ont revele Tart da travail , immense bienfait dont profitcnt non-sculcmcnt les individus qui acceplent la mis- sion, mais leurs families, mais lepays tout cntier ! QUINZltofE SESSION. 40 Et quelle province ponvait mieux profiler tie la venue du Congres que la Touraine , ee centre de la France si jus- lement renomme ! Aussi loin que nos regards peuvent plonger dans l'histoire de la Gaule,"ils apercoivent la ville des Turons qui, bientot ensuite, recoit le nom de Tun des Cesars. Quclques siecles apres , l'histoire de France nait sous la plume veneree de l'un de nos premiers eveques , a l'ombre des murs de la basilique de Saint-Martin. Plusieurs des hifmbles villages qui nous entourentrecoivent de cetlc plume illustre une consecration qui leur donne a nos jeux toutle prestige de ces lieux jadis celebres par les poetes de la Grece. La Touraine fut le theatre de plusieurs drames importants de l'histoire de France. Ce fut sur ces rivages que, selon quelques historiens , le flot envahisseur de l'ls- lalisme vint expirer, et dut se relirer jusqu'aux Pyrenees, premiere digue que lui imposa la chretienle de l'Occident, en attendant qu'elle le refoulat jusqu'en Afrique. Ce fut de nos murs que Charles VII partit pour reconquerir son royaume , precede de l'hero'ique bergere qui devait sceller deson sang la mission que la Providence lui avait conficc. • C'est du chateau du Plcssis que Louis XI "fit jouer ces res- sorts secrets qui devaient avoir tant d'influencc sur les des- linees de la France. Dans ce meme Plessis , ou Henri de Valois et Henri de Bourbon se rcconcilierent, ce dernier lira l'epee qui ne devait rentrer dans le fourreau qu'apres la conquete de son royaume , dont il sut etrc le pere encore plus que le vainqueur. Mais tous ces souvenirs scsont, en quelque sorte, de- taches de la terre pour se grouper dans la region intellec- .tuclle de riiistoirc. II en est,helas! trop souvent ainsi des monuincnls que l'art du Moyen-Age nous devait leguer. De grandes mines ont ete consommees : l'ancienne basilique de Saint- Martin, si veneree dans tout le cours de notre histoire, est reduite aujourd'hui a de faibles vestiges; le monastere dc Marmoutier , enrichi par la pietc de tant de souverains, ornc par des chefs-d'oeuvre de tant dc siecles , illustre par les travaux d'unc savantc congregation, a disparu pour res- 50 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. tituer son sol au desert qu'avait trouve saint Martin , son premier fondateur. Nous regrettons encore beaucoup d'edifices religieux , avec de splendides chateaux , tels que Veretz , Chanteloup, Richelieu. Mais k travers tantde ruines , nous sommes heu- reux d'avoir a vous offrir encore de precieuses reliques du genie d'autrefois. II nous reste un certain nombre de monu- ments sacres et profanes que vos yeux exploreront avec interet. La Touraine , en un mot , se presente au Congres avec. line partie de la grandeur de ses souvenirs. Tousles ages hisloriques sont encore represented dans ses monu- ments. Les pierres druidiques qui se dressent dans la plaine, ou qui se rangent en allees couvertes, semblent etre, sur notre sol , l'image de ce chaos qui dut preceder la nais- sance de Tart. De vieux fragments des murs de Cwsarodu- num , les aqueducs de Luynes et d'Athee , la pile Saint- Mars , sont les restes grandioses de la puissance romaine. Les eglises de Gravant et de Preuilly sont des monuments authentiques des premieres constructions religieuses du xie siecle. L'eglise de Saint-Julien , si heureusement enle- vde a la profanation et a la ruine , notre belle cathedrale, ■ avec son cachet si particulier d'elevation effilee , avec les faisceaux multiplies de ses colonnettes , ses rosaces , ses adniirables vitraux, son demi-jour si tendre, sont les types de l'art religieux pousse a son apogee pendant le Moyen- Age. La Renaissance a exerce son imagination orientale et ses elegants ciseaux en construisant les chapelles de Cham- pigny , d'Usse , d'Amboise , en sculptant Azay-le-Rideau au milieu des ondes de l'lndre, ou en suspendant Chenon- ceaux sur celles du Cher. L'age moderne, enfin, a couronne tant d'oeuvres diverses en tracant ses lignes simples et se- veres , symboles d'une epoque ou l'isolement n'est plus possible , ou tous les interets se croisent , se rattachent les uns aux autres. Telle est la pensee qui presida a l'etablis- sement de notre belle rue Royale , coupant en deux la vieillc cite, a la construction de notre pont, Tun des plus re- nommes de TEurope , a ces allees spacieuses qui , de tou- tes parts, convergent vers notre ville, a ce vaste arsenal de QUINZ1EME SESSION. 51 machines animees par lefeu, qui transporter^ rhomme d'un point a un autre avec la rapidite de la foudre, enfin a cettc magnifique enceinte dans laquelle" nous avons l'honneur de vous recevoir. Ce discours est egalement ecoutepar l'assemblee avec les marques dela plus vive sympathie. M. le president denne la parole a M. de Caumont. Get honorable membre rend compte des operations de la Com- mission centrale de la xive Session, en ce qui concerne l'or- ganisation du Congres de 4848. Cette Commission avait ete chargee par le Congres tenu a Marseille l'annee der- niere, dontelle a ete la representation jusqu'a l'ouverture de la xve Session, de s'entendre avec MM. Du Haldat et Digot, Secretaires-generaux designes pour la constitution definitive du Secretariat -general de la xvie Session. M. de Caumont a done correspondu a ceteffet, a titre de Presi- dent-general dela xive Session, avec MM. Du Haldat et Digot. Ces deux honorables Secretaires-generaux ont demande que MM. Soyer-Willemet et Blondeau leur fussent adjoints, et la Commission s'est empressee d'acquiescer a ce voeu. En consequence, le Secretariat-general de la xvie Session, qui s'ouvrira a Nancy , en septembre 4848, a ete compose de la maniere suivante : MM. Du Haldat, d. m., correspondant de Tlnstitut; Digot, membre de plusieurs academies, inspecteur des monuments historiques; Soyer-Willemet, secretaire de la Societe centrale d' Agri- culture de laMeurthe; Blondeau, d.m., professeur a l'ecole secondairede rne- decine de Nancy. M. Lainbron de Lignim donne lecture des dispositions rcglementaires adoptees pour la tenue des seances du Con- gi'es. |tl COKflRiS SCiENTIFJQUE »E FRANCE, On allait proeeder a rejection du bureau central , lors- qu'un membrc du Congres, connu par de nombrcux ct in- tercssants ouvrages , M. l'abbe Auber, cbanoine et bistorio- graplie du diocese de Poitiers , obtient la parole et donne lecture a l'assemblee de la piece de vers qui suit : AU GOHfi&ftS SCiSNliFiQUE DE TOURS. ..... O Mseoniae delecta juvenilis Flos veterum virlusque virum.... Eneide, lib. viij. I. Commc apres lcs combats de la terre et do 1'ondc Les vents , dont les efforts sc disputaient lc mondc , Apaisteml>re. Presidence de M. le docteur Bally, M. iV. Champoiseau, Secretaire MM. deCaumont, Roux , Richelet, Angellier, vice-pre- sidents ; Champoiseau, de Sourdeval, Lambron de Lignini, seeretaires-generaux; Viot-Prudbomme, tresorier , sont au bureau. Messeigneurs l'Arcbeveque de Tours et l'Eveque de Nevers, ainsi que M. le Maire de Tours, sont venus s'y as- seoir apres l'ouverture de la seance. La seance est ouverte a trois heures. M. de Sourdeval lit le proces-verbal de la seance precedente ; il est adopte sans reclamation. M. le President annonce qu'il a recu une lettre sans si- gnature, relative a la vingt-sixieme question de'la Section d' Agriculture , Industrie et Commerce : le renvoi en est or- donne a la Commission permanente , en engageant rauteur de la lettre a vouloir bien prendre part a la discussion de la vingt-sixieme question ou a fournir un memoire sur le sujet a traiter. M. le President donne ensuite lecture d'une autre lettre par laquelle M. le President de la Societe des gens de letlres annonce que M. Stanislas Bellangcr a ete delegue par le co- mite de cette Societe pour la representer a la xve Session du Congres scientifique. M. Jacquemin, pere, presente le rapport de la seance de la Section des Sciences naturelles, qui a ete tenue le 3 sep- lembre, sous la presidence de M. le comte de Tristan. M. Brame lui succede a la tribune pour rendre compte 72 CONGRES scientifique de prance. des travaux de la sixieme Section , celle des Sciences physi- ques et mathematiques. Dans cette seance, MM. Blon- deau de Carolles, professeur de chimie au College royal de Rhodez, et M. Brame lui-meme, ont tres-savamment dis- cute sur l'etude des phenomenes dits catalytiques ou de contact. Le rapport lumineux de M. Brame , dont la lecture a etc entcndue luer avec le plus vif interet, devant etre in- sere au Compte-rendu des seances des Sections du Congres, nous ne vous en presenterons pas ici une froide ana- lyse. M. Breton, Tun des Secretaires de la Section d' Agricul- ture, Industrie et Commerce, presente le detail des tra- vaux de cette Section , dans sa seance du 5 septembre , pre- sided par M. de Buzonniere. M. le docteur Millet rend compte de la seance des Scien- ces Medicales, tenue hier, sous la presidence de M. Bertini, et dans laquelle MM. les doctcurs Pommier et de Lonjon ont ete nommes Secretaires-adjoints. M. Fabbe Bandeville lit le rapport relatif a la seance de la quatrieme Section , presidee par M. l'abbe Bourasse. M. Paul Huot lui succede pour analyser les travaux de la cinquieme Section , dont il est l'un des Secretaires-ad- joints, dans la seance du 2 septembre, presidee par M. de Cussy. M. le President donne la parole a M. Car tier fils, sur la premiere question du programme de la Section d'histoire et d'archeologie : « Quelles sont les causes, les developpements successifs et les lots du symbolisme dans Vart chretien ? » M. Cartier monte a la tribune et lit le memoire sui- vant: Messieurs , En proposant au Congres cette question , mon intention n'a pas ii€ d'y repondre moi-meme; j'ai voulu seulement pro voquer une discussion et obtenir de vos lumieres une solution qui puisse servir de base a toutes mes etudes a venir. Les Congres sont la puissance legislative dela science; le monde civilise" y envoie ses reprdsentants , et si les decisions de ces conciles ne sont pas infaillibles , elles font autorit6 du moins , jusqu'a ce quinzi&me session. 73 que ceux qui les ont porters les modifient ou les detruisent eux-memes. Contre unCongres, il n'y a d'appel qu'a un Congres nouveau. II etait done Men naturel de chercher presde vous une regie, une doctrine , pour tfclai- rer mes travaux ; j'ai consacre' raa vie a l'dtude de l'iconographie et du symbolisme Chretien , et je vous demande , au debut de la carriere , une definition et des iddes justes , afin de n'y pas faire fausse route. Si je prends la parole pour vous exposer une theorie particuliere, c'est votre critique que j'espere , plut6t que votre approbation. Avant tout, Messieurs, que veulent dire ces mots : sijmbole, symbo- lisme, symbolique. 11 faut , pour parler ensemble , avoir une langue commune et attacher aux mots une meme signification. II me semble que le mot symbole est un des mots les plus nets et les plus precis de la langue franchise. Son e'tymologie grecque ramene a Tunite* ses diff^rentes acceptious. Eu^oXov , symbole , indique toujours une union, un rappro- chement. C'est une id£e representee par un mot , par une image , et que la convenance , la verite" du rapport fait comprendre et employer par un certain nombre d'individus. Ainsi , symbole veut dire a la fois le signe materiel d'une id£e, d'un droit , d'une dignity, d'une association ; c'est l'embleme d'une re'alite' , c'est un drapeau, un mot d'ordre ; c'est une for- mule de religion. Le symbolisme est 1'ensemble des symboles. La symbo- lique en est la science. Entrons maintenant dans la question. L'etude des causes du symbolisme nous en fera surtout comprendre la valeur et l'essence. Les causes du symbolisme sout en nous. Le symbolisme est une neces- sile de notre nature , et la religion ne pent nous atteindre sans son inter- me'diaire. Notre compatriote Descartes a dit : Je pense, doncfexiste. En effet, nous connaissons notre existence par notre pensde. La pens^e est l'image, la manifestation do l'6tre simple, et de meme que dans la Trinity divine , le Pere se contemple dans une image £gale a lui qui estle Fils, notre ame se voit dans sa pensde, qui est egale a notre nature et a notre education. Des que vous savez les pens^es d'un homme, vous le connais- sez tout entier. Mais, dans les conditions particulieres de notre existence terrestre, nous ne connaissons pas nos pens^es d'une maniere simple et substantielle. Nous ne les voyons qu'au moyen d'un signe que nous fournit notre m£- moire. Les mots et les images , par l'interm£diaire de nos oreilles et de nos yeux surtout, arrivent a un centre , a un reservoir commun, ou l'aclivite' de notre ame va chercher des materiaux pour raisonner ses croyances et ses affections. Cette operation est si ne'eessaire que , lorsque le sommeil ou rdvanouissement interceptent par des vapeurstoute communication avec les sens, Tame rentre pour ainsi dire dans l'm'sensibilite" du ndant et ne connait cet (Stat que par l'instant du r£veil qui est une nouvelle naissance, une veritable resurrection, Ces bases metaphysiques etaut poshes , nous 74 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. pourrions examiner ces signes de nos pensles et & tablir la difference qui existe entre les mots et les images ; les mots qui n'appartiennent qu'a 1'homme et les images qu'il partage avec l'animal ; les mots idealisant les images etjdonnant des formules algebriques aux problemes que se pose notre liberty ; tandis que l'image materielle preside seule a la decision de la brute et que le baion on la caresse du maitre fait toute sa morality. Mais ces considerations nous retarderaient trop dans la longue route que nous avons a parcourir. En nous bornant au seul symbole image , nous avons encore a franchir la matiere d'un volume, et pour ne pas abuser de yes instants, nous allons marcher a toute vapeur. Le symbolisme Chretien, comme la religion, date de la creation. Dieu s'est manifesto a nous par des choses visibles. Nous ne pouvons le voir que par reflet ; nos yeux sont trop faibles pour fixer le soleil qui est la source de la lumiere; nous le voyons seulement sur les objets qu'il colore. Saint Thomas-d'Aquin , au commencement de ce livre qui est reelle- ment la grande merveille de l'esprit humain , etablit la ne'cessite' du sym- bolisme en en prouvant l'orthodoxie. « II faut Men, dit-il, rendre les choses spirituelles et divines sous des images corporelles ; car Dieu pourvoit a chaque etre selon sa nature , et il est de la nature de 1'homme d'arriver aux choses intellectuelles par les choses sensibles, puisque la connaissance nous arrive par les sens. » Aussi la sainte Eeriture est-elle pleine d'images, et saint Denys l'areopagite , dans le premier chapitre de la Hidrarchie celeste , dit que le rayon divin ne peut nous parvenir qu'enveloppe" , adouci par des voiles nombreux. Saint Paul, enfin, dans son epltre aux Romains, nous donne une raison touchaute du symbolisme : il est rninistre de Dieu et par consequent « II doit la verite* aux petits comme aux savants. » Et , eneffet, les hautes intelligences pourraient peut-etre se contenter d'un langage sans image ; mais le peuple, qui n'a pas le temps d'etudier les definitions profondes et d'analyser les proprie'te's des choses, a besoin de comparisons , de symboles. La Bible , le iivre le plus aucien, le plus universel, surabonde d'images. A c6te, par exemple, de cette definition infmie de Dieu , je s%iis celui qui suis, setrouve pour ceux dont l'esprit ne peut en sonder la profondeur, un magnifique symbolisme qui manifeste a la multitude les perfections de la cause premiere. Le psalmiste et les prophetes prennent toute la nature pour peindre aux yeux de 1'homme le Dieu qu'il doit adorer, et dont la terre n'est que le marche-pied. Outre l'inspiration de la verite, il y a une raison de la poesie de la Bible ; sa langue suppiee aux mots qui lui man- quent souvent par des images , et les images sont les mots de la poesie. Du langage, le symbolisme a passe dans l'Ecriture; si ce mode admi- rable de fixer et de commuuiquer nos pensees ne nous est pas venu directement du Ciel , c'est sans donte a l'imitation des objets sensibles qu'il doit son origine. Le mot avait idealise l'image, l'image peinte ma- QUINZIEME SESSION. 75 te>ialisa le mot. II suffit de rappeler pour toute demonstration les hiero- glyphes de l'Egypte et les rudiments d'^criture de quelques sauvages. Du langage et de 1'lcriture , les images ont passe" dans l'art.L'art est une Venture publique commune a tous les hommes et a tous les temps , parce que ses caracteres ne sont pas convenliounels; ce sont les represen- tations d'objets naturels et invariables. Ainsi, soit qu'il se parle a lui-m6me, soit qu'il s'adresse a sou sem- blable, soit qu'il perp^tue sa pensce par l'^criture et par Tart, 1'homme emploie toi)joutsrimage,c'est-a-dire le symbole.Devons-nousnousdtonner maintenant que dans l'acte supreme de son intelligence et de son couur , dans le commerce reel et eflicace qu'il dtablit entre lui et Dieu , dans la religion enfin , 1'homme ne renonce pas aux symboles ? e'est la pr^cisement son seul moyen de reussir ! L'bistoire du monde est partag^e en deux par la venue de Jesus-Christ. Ce n'est pas mon sujet d'examiuer le symbolisme de l'antiqnite' paienne ; ce travail serait long, difficile, mais honorable, je pense , a l'hnmanite\ Nous verrions, sous ses symboles nombreux, des theories profondes et des ve>ites qui , pour 6tre incompletes , n'en sont pas moins glorieuses a la raison et la justifient de beaucoup d'absurdit&s. Juger les religions antiques par les oignons adoreYen Egypte, ou par les aventures burlesques que les poetes present aux Dieux , e'est tomber dans I'erreur de ceux qui jugent le christianisme dans des pratiques qu'ils ne comprennent pas ou par ces superstitious que l'ignorance de>eloppe quelquefois dans nos campagnes. Signalons seulement la grande difference qui existe entre le symbolisme paitm et le symbolisme Chretien. Le symbolisme paien etait un voile qui cachait la doctrine aux profaaes; le symbolisme Chretien est une explication qui met la verite a la portee de tout le monde : e'est-a-dire, qu'il y a entre ces deux choses la distance qui separe I'egoisme et 1'amour. Dieu se communique avec bonte; 1'homme se garde avec orgueil. Mais Dieu , qui donne la richesse pour qu'on la r^pande , punit ceux qui veulent jouir seuls de la verite. Les initios des temples qui cachaient leur sagesse a la multitude ont ete chaties ; ils sont maintenant ensevelis sous leurs symboles , comme les Titans sous ces montagnes qu'ils avaient entassdes jusqu'au ciel. Ainsi done le symbolisme Chretien existe , ses causes sont le besoin de 1'homme et la bonte de Dieu qui veut y satisfaire. Examinons maintenant ses dOeloppements. Des qu'une religion est rev&ee, e'est de Dieu qu'elle a recu non-seule- ment sa doctrine , mais encore son culte et sa forme , e'est-a-dire son sym- bolisme. Dieu est l'auteur du symbolisme chre'tien et il l'a marque de son invariable signature qui est l'unite dans la Trinity. Le symbolisme chre'tien est un dans trois choses : dans son principe , dans son moyen , dans son objet. 76 CONGRES SCIENTIFI^UE DKFRANCE. Le priiicipe du symbolisme est Dieu , source de toutes choses, de qui tout part , a qui tout aboutit ; Dieu qui a bien voulu faire l'homme a son image; Dieu qui nous a rendus maitres dans notre libre arbitre, comrae il est sou verain dans son 6ternit£; Dieu qui nous permet de cboisir entre le bien et le mal , entre lui et le neant , et qui se manifesto a nous pour solli- citer, pour obtenir la preference. Le moyen de cette manifestation est son fils, la splendeur du vrai , sa parfaite ressemblance et son complet symbole. Ce symbole, nous ne pou- \ions le voir que par des symboleS intermediaires : aussi le Verbe a pro- nonce \etfiat de la creation et notre premier pere entendit l'eeho de cette parole qui remplissait toutes les profondeurs du firmament. Ce symbo- lisme naturel etait clair et soffisant; l'homme, avant sa chute, y pouvait lire par cette intuition qui penetre le principe des cboses , et Dieu amena devant lui toutes ses creatures afin qu'il en vit la signification et l'expli- quat par un nom. Cette science d'Adam est un mystere pour nous. La faute originelle qui vicia notre nature nous a condamnes a des tdnebres interieures que la grace seule pent dissiper. Alors, Messieurs, le Verbe s'est fait chair et il a habite parmi nous. Cette seconde manifestation (Je Dieu par le Verbe est la clef du symbo- lisme cbre'tien •. il ne faut pas croire qu'elle a pour limites les trente-trois amines de la vie de Notre-Seigneur. Elle a sa date premiere dans la pro- messe qui adoucit la condamnation d'Adam ; elle continuera encore an jugement qui terminera les siecles; elle fera ensuite l'admiration supreme de toute l'eternite\ L'ancien Testament commence l'incarnation comme l'aurore commence le soleil. L'astre qui devait eclairer le monde n'^tait pas encore au-dessus de l'borizon ; mais du fond de son repos , il lancait ses rayons a travers les choses dont il est Iesouverainmaitre.il se reflCtait sur Adam , sur Abel , sur Joseph , sur la mannc du desert , sur le serpent d'airain , et les propbetes etaient des astronomes qui calculaient sa marche et annoncaient le jour precis de son apparition. Lorsqu'il eut fourni sa carriere , lorsque sur le calvaire il eut atteint son midi , et que sa radieuse figure disparut a 1'heure de l'Ascension , sa presence se continua encore par la cbaleur qu'il a Iaissde dans l'Eucharistie et par cette lumiere infaillible qu'il pro- jette sur I'e'glise, comme le soleil communique sa clarte" h l'astre des nuits. Ainsi qu' Abraham 1'avait desire', que Platon 1'avaitrevd, et que saint Jean l'a raconte , Dieu est venu parmi nous et sa gloire nous a die" mani- festee. J6sns- Christ est le signe , le symbole de Dieu , non pas un symbole idtfal, fel que la raison humaine pent en inventer, non pa's une de ces divinit^s immobiles qui ont des bouches muettes , des yeux aveugles et des oreilles sourdes; mais un symbole vivant, une divinite palpable, une r£alit6 semblable a nous , ayant des yeux qui regardent , une bouche qui enseigne, des oreilles qui exaucent et par dessus tout un coeur qui aime QUINZ1EME SESSION. 77 et qui attire ; symbole egal a Dieu , qui s'est fait egal a nous , qui s'est rMuit a notre mesure et qui, pour nous montrer Dieu jusqu'a residence , est enfin monte* sur uue croix. La croix est le symbole de Dieu porte a sa plus haute puissance, c'est ce qui domine le monde et l'histoire. Une croix se voyait jadis sur le disque myst&ieux qui couvrait le tr^pied prophetiquedeDelphes et les savants l'expliquent par les quatre parties du monde etles quatres saisonsqu'Cclaire le soleil.Eh bien! la croix du Cakaire estun symbole semblable. Lorsque Je'sus-Christ y fut cloue, la croix 6"claira les parties les plus opposes du monde, elle embrassa la totality des temps et des choses : le pied touchait la terre , le sommet pgn&rait le ciel et ses deux bras unissaient le passe" et l'avenir. C'est le signe universel , inde- structible , et le sang des martyrs ne fait qu'en altiser la splendeur. Quand on ne l'adore pas avec le cceur , qu'on l'apprecie du moius avec l'esprit ! Lorsque dans un pays stranger , nous nous trouvons en presence d'ua monument d'une gloire ennemie , notre antipathie nationale ne doit pas nous empecher d'admirer les proportions de remittee et le talent mer- veilleux de l'artiste. Pour celui-la m6me qui n'est pas chre'tien , la croix doit etre une belle chose; c'est le symbole le plus historique, le plus philosophique , le plus consolant, le plus riche d'iddes et d'espe>ance ; il serait toujours le plus aime" , s'il n'e"tait le plus ensefguant et si ces enseigne- ments n'elaient point absolus comme la ve>ite\ Nous venons de passer, Messieurs, par des cheminsun peu theologiques, mais ceux-la seulement pouvaient nous conduire a ces hauteurs' d'oii nous devions juger le pays que nous avons a parcourir. Nous allons maintenant descendre dans la plaine et nous y trouverons des lieux et des objets qui nous sont plus familiers. Nous avons reconnu le principe et le moyen du symbolisme Chretien , nous allons en voir le but et la realisation. Le but du symbolisme chr^tien est de nous rendre nous-memes les images et les symboles de Dieu. L'espace infini qui existe entre Dieu et l'homme a 6i6 comble par l'incarnation : J^sus-Christ est un terme moyen qui unit deux extremes. Je'sus-Christ est l'imagede Dieu; si nous devenons l'image de Jesus-Christ, nous serons done l'image de Dieu. Ceci estutie proposi- tion logique , math^matique. Le symbolisme Chretien existe pour nous montrer cette grande figure dont nous avons a reproduire la ressemblance. Chaque symbole peut nous la presenter sous trois faces, dans le passe, dans le present, dans l'a- venir, et c'est cette triple manifestation qu'on nomme symbolisme histo~ rique , symbolisme Irojwlogique , symbolisme anagogiqae. Pour les 6tres simples, la ressemblance s'accomplit par l'amour; l'amour egalise en uuissaut , et le degre' de l'amour est le degre' de la ressemblance: aussi disons-nous , pour exprimer l'affection a sa plus haute puissance , ces deux personnes ont la meme vie, le meme esprit, la meme ame. Mais 78 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. qu'est-ce que cette faculty d'aimer dont Ie creiir semble l'organe ? Les anciens lui avaient spirituellement donne pour symbole un enfant qui est aveugle. En effet , rien n'est plus faible , plus naif, plus facile a tromper. Les caprices de 1'amour sont aveugles, et ses chutes, ses illusions conli- nnelles. Les Dieux de l'Olympe lui avaient donne', pour le conduire, la Folie, c'est-a dire le mensonge et la Tolupte. Le Dieu du Calvaire en a en pitie ! apresTayoir baptist dans son sang, it a commis a sa garde la Foi et l'Espe>ance. Ces deux vertus sont chargees de mener 1'amour jusqu'aux portes du ciel : la Foi lui montre le ehemin , et l'Esperance l'y nourrit en lui faisant respirer les paifums d'un bienheureux avenir. C'est la Foi qui preside au symbolisme bistorique. Nous avons vu jesus- Christ toujours present dans le monde. II est maitre des faits comme des elements et il peut se peiudre aussi bien dans l'histoire que dans la creation. Notre liberty n'est qu'interieure ; Dieu veut ou permet ce qu'elle nous fait accomplir; nous sommes des materiaux que la Providence emploie, et nous avons beau nous atteler aux evenements, c'est toujours sa main sou- veraine qui nous conduit. L'histoire du monde est l'histoire de Dieu , JJossuet en a ecrit quelques pages. Le symbolisme historique nous fait done connaitre la vie de Jesus-Christ, 1'enfajitement de son e'glise par le sommeil mysterieux d'Adam , la gloire de sa passion par les persecutions et les souffrances de Joseph , sa charite eucbaristique par Moise qui nourrit et abreuve le peuple au desert, et quand il fut declare que tout etait consomme , son histoire se renonvela , se perpetua dans ses sacrements et dans ses disciples. Jesus-Christ ne pent plus mourir puisqu'il est ressuscite. Le symbolisme tropologique est l'application du symbolisme bistorique a la vie de chaque fidele. Ce sont les exemples de Jesus-Christ studies et pratique's. — La pauvrete de la creche , l'humilite de son enfance, la cha- rite de ses miracles , le devouemenl de sa croix , la purete de son tombeau, et la force de sa resurrection , doivent se refieter dans nos ames et se re- produce par 1'amour dans toutes nos actions. Enfin, comme la tache est longue et difficile, l'Esperance nous soutient par le symbolisme anagogique et nous montre Jesus-Christ dans l'avenir, comme la conclusion , la recompense finale. La Foi etudie surtout l'Ancien Testament ; la Charity l'Evangile, et l'Esperance feuillette les pages myste- rieuses de PApocalypse. Lorsque le disciple bien-aime eut qnitte la poi« trine du maitre pour l'exil de Pathtnos , un ange consolateur lui entr'ouvrit les champs de l'avenir et lui montra la merveilleuse Jerusalem qui nous y attend. Maintenant, Messieurs , nous savons combien le symbolisme est naturel a l'homme; nous avons vu que le christianisme possede un symbolisme admirable de grandeur et d'unite; nous en connaissons le principe, le moyen etle resultat; nons en connaissons par consequent les lois. Reste. quinzieme sessiox. 79 a prendre rapidement une idee de son histoire comme science et comme realisation dans l'art. La science du symbolisme Chretien a 6t6 cre'e'e par Jesus-Christ lui- m6me. II l'a pratique pendant toutesa vie et ii l'a merae donne- comme preuve de sa mission divine lorsqu'il a dit : Les pauvres sont Evangelists, pauperes evangelizantur . En dehors du symbolisme de sa vie et de ses actions, il a cre'e un symbolisme d'enseignement; ii s'est peint aux yeux du peuple dans de touchantes paraboles que les Apotres r^pCtaient sur les toits. Il s'est dit le bon pasteur qui cherche la brebis Egaree , la vigne qui porte les rameaux fertiles , la poule qui veut Yeunir ses petits et l'epoux desirable au-devant duquel doivent aller nos ames. II a commence" le symbolisme de ces belles legendes qui sont vraies par le possible en racontant l'histoireconsolantedu pauvre Lazare etle pocme si touchant de l'enfant prodigue. L'Eglise, qui est la continuation , I'irradiation de Jesus-Christ, l'Eglise ne pouvait pas renoncer an symbolisme; elle le de>eloppa au contraire et l'etendit jusqu'aux plus petits details de sa doctriue, afin que tous les oiseaux du ciel ,• c'est-a-dire toutes les intelligences, puissent s'y reposer. Tout fut symbolique en elle , pour que tout annonc&t la vdrite, sa consti- tution , ses sacrements, son culte, ses dgiises et ses fetes Elle convoqua ses enfants et leur livra les saintes Ecritures afin que, sous chaque mot , souschaque chose, ils cherchent et de'couvrent Je'sus-Christ . Alors sefit le travail immense, univcrsel qui commence a saint Pau let se continue jusqu'a nous par saint Jerdme , saint Augustin , saint Bernard, saint Tho- mas-d'Aquin et saint Bonaventure. Si on veut en avoir une idEe, qu'on ouvre le beau livre appele" Catena aurea, la Chaine d'or, parce que, pour nous attacher au veritable sens de l'Evangile, le docteur ange'lique y a reuni les plus belles explications des Peres de l'Eglise, comme des an- neaux prdcieux qui nous rendent captifs de la ve>ite\ Lisez, par exemple, la parabole des Vierges folles et des Vierges sages. Saint Grdgoire vous apprendra que les dix Vierges sont nos cinq sens qui se consacrent au bien ou qui s'abandonnent au mal. Origene nous dira qu'elles prennent leurs lampes, c'est-a-dire leurs organes, poursortir du monde et aller au-devant du Sauveur. L'huile est la doctrine e'vange'lique ou, selon saint Hilaire, le tremor d'une bonne conscience. Selon saint JOome, les lampes qui conservent l'huile, ce sontcelles qu'on tientvers le ciel, c'est-a-dire les sens qu'on applique a la contem- plation des choses d'en haut. Les lampes qui se vident, sont celles qu'on renversevers laterre en s'adonnant aux plaisirs sensuels. Lesnoces, selon saint Hilaire, expriment l'immortaliti, l'union beatifique. L'huile qu'on veut acheter quand il n'est plus temps est, selon saint Jean-Chrysost6me, la misdricorde qu'on reclame vainement apres la mort. La porte enfin qui se ferme pour ne plus s'ouvrir est , selon saint Aug'istin, le jugement der- 80 eONGRES SG1ENTIF1QUB DE FRANCE. nier qui fixe, d'une maniere irrevocable, la recompense ou le chatinient. Voila comment s'est forme' le symbolisme Chretien. Dieu a mis les sain- tes Ecritures au milieu du monde comme-un terrain solide pour appuyer nos croyances. Le Hot des siecles n'eo a rien emporte. Les interpretations individuelles au contraire sont venues s'y attacher par Porthodoxie , et il est rdsulte de cette alluvion continuelle une immense contr^e capable de nourrir tout le monde, le pauvre comme le savant. C'est un pays que n'epuiseront jamais la culture de 1'esprit et les insatiables besoins du coaur. A mesure que le symbolisme s'est developpe , les artistes Pont realise. Pour comprendre leurs oeuvres , le plus simple moyen est de connaitre leur programme. L'etude des saints Peres devrait Gtre la base de notre archeo- logie nationale. L'art cWtien n'est que la science ecclesiastique illustr^e. Mais a notre epoque , qni secouera la poussiere de ces enormes in-folios? lis reposent dans les solitudes de nos bibliotheques publiques , comme les pyramides dans les deserts de PEgypte. De temps en temps quelques cou- rageux voyageurs nous en rapportent des dessins , des inscriptions , et nous les remercions de nous epargner par leurs livres des explorations si p^nibles. Eh bien ! Messieurs, un homme a visits pour nous ces regions lointai- nes ; il en a parcouru les monuments ; il en a ddchiffr^ les ecritures , et il nous en a rapports toute Phistoire , la Somme de saint Thomas resume les siecles qui Pont precede , et ce qu'elle a dit , les siecles qui ont suivi n'ont pas sufii pour Papprendre. Ce livre contient toute la science , tout Pensei- gnement du Moyen-Age ; sur le symbolisme Chretien comme sur bien d'autres choses , saint Thomas vous r^pondra mieux que bien des Societes savautes. Interrogez-le , par exemple , sur le symbolisme et sur la distinc- tion des aureoles et des gloires, il vous appreiidra , en vous racontant les magnificences du paradis , que les gloires represented Punion avec Dieu , et les aur£oles les moyens employes pour y parvenir ; la gloire , c'est la lumiere de Dieu meme , c'est la gloire substantielle des bienheureux ; Paureole , c'est Pastre du fidele , c'est la couronne qu'il se tresse lui-meme ici-bas ; Paureole crucifere de Jesus-Christ n'est pas reellement une au- reole, c'est l'&lat de son humanite d'oii jaillissent toutes les autres aureoles. Saint Thomas nous dit que les aureoles devraient fitre variees comme les merites des sainls et que les aureoles des vierges, des martyrs et des docteurs sont tre-s-differentes; maisennous en detaillant la beaute, il ne donne a aucune la preference; la superiorite est dans le degre du triomphe et non dans sa nature. Joignez a la Bible et a la Somme de saint Thomas , la Legende dorde , qui nous initie a toutes les deiicatcsses d'une imagination pieuse , et vous pourrez expliquer tout le symbolisme Chretien. II existe , il est vrai , des traites sptfeiaux sur le symbolisme ; nous QUINZIEME SESSION. 81 possedons un grand nombre de Bibles moralisees , et nous connaissons tous le Ralionnal de Guillaume Durand ; mais il faut , il me semble, user avec prudence de ces travaux rarticuliers. Les interpretations indivi- duelles y sont meldes aux interpretations de l'tfglise et la difficulty de les separer nous expose a prendre qnelquefois les reves d'un homrne pour.des explications ge^ieralement adonises. Je n'en donnerai qn'nn exemple : Casalius, dans ses recherches sur les symboles et les ceremonies des Chretiens, veut faire de la chouette q'i'il a rencontree sur l'obglisque du Vatican, un symbole de Jesus-Christ, et il cite a 1'appui de ce qu'il avance plusieurs passages de P^criture, tandis que, dans saint Thomas et dans tous les Bestiaires des xue et xnr sieves , la chouette est l'embleme de la sagesse humaine ; le symbolisme Chretien a malicieusement conserve' a l'oiseau de Minerve sa valeur allegorique, mais il en a fait l'embleme de ceux qui voient dans les tCnebres seulement , c'est-a-dire de ceux qui sont sages et habiles dans lea choses de la terre, mais dont les regards ne peu- vent contempler les choses du del. L'archeologie en cherchant son plaisir dans l'explication des monu- ments , doit en retirer aussi une utilite pratique. Malgre bien des efforts et bien de sinistres prophecies, le christianisme vit encore et ce n'est pas , je pense , pour ceiebrer ses funerailles qu'on restaure nos vieilles cathe- drales avec tanfc d'ardeur et de depenses. L'art est appele a rendre les memes idees qu'autrefois. Comment reussira-t-il, s'il ignore le symbolisme et son histoire ? Quand it re"pare , il faut qu'il continue le caractere parti- culier de chaque dpoque; quand il cree , il faut qu'il s'inspire des raeil- leurs modeles. Le symbolisme du xu:c siecle est le plus parfait et le plus complet. Au xiy" siecle, l'art perd de sa purete par la multiplicite des details , et le symbolisme quitte le naturel et la vOite par une profusion exageree. Philippe de Vitry , par exemple , qui mourut Cveque de Meaux en 1361 , a fait soixante-douze mille vers pour expliquer chretienncment les meta- morphoses d'Ovide. II se fait pardonner, il est vrai , cette idee bizarre par des interpretations d'une delicatesse charmante , et il nous a soutenus dans cette laboricuse lecture par les richesses d'une poesie veritable ; mais il y a certainement la exageration , abus ; chaque divinite* de la fable est minutieusement etudiee , sous le rapport historique , tropologique , anagogique. Ainsi Jupiter represente Jesus-Christ; les Tritans ten versus sont les Anges punis , ou nos pens^es orgueilleuses confondues , ou le jugement final qui doit assurer la paix du ciel et fermer a tout jamais les enfers. Les differentes formes que revelit le maitre des Dieux out cte pri- ses egalement par noire Sauveur ; e'est un cygne par sa douceur et sa purete, e'est un bcrger par la sollicituole qu'il a pour nos Ames; e'est un feu qui nous consume quand il descend en nous et qu'il y fait naitre un homme nouveau , e'est la pluie d'or tombee dans le sein de la Yierge 82 CONGfiES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Marie. Jdsus-Christ devient un Persee qui combat les trois Gorgones on les Irois concupiscences , et qui de'livre Andromede , c'est-a-dire l'ame de la servitude et de la mort. Son £cu , c'est la Foi qui a douze attaches par les douze apotres. L'imagination du poete allonge le texte pour augmenter son symbolisme ; il donne a Mercure un chapeau de fleurs afin d'expliquer la rose , la violette , le lys et le souci qui s'y trouvent. II met a ses pieds les chaussures d'une nette conscience , et pour tenir le caducde qui siguifie la pe'nitence, il lui prete des gants qui sont la crainte de mal faire. Tous ces vers , tout cet esprit faisaient les devices de cette jeunesse qui perdit la bataille de Poitiers , et le bon roi Jean les relut sans doute pendant son insouciante captivite\ Au xv* siecle , naquit un symbolisme batard qui fut libertin de bonne heure. Apres avoir partage" toutes les mascarades pa'iennes de la Renais- sance et s'etre chamarre de devises et d'emblemes italiens , il se mit a voyager dans le pays du Tendre , dont il nous a laissC la carte. Les ro- mans de Scuderi et les bons mots de Voiture occuperent sa vieillesse. Il mourut enfin a l'hdtel de Rambouillet , et Moliere , dans ses Pre'cieuses Ridicules , se chargea de prononcer son oraison f unebre. Maintenant , Messieurs , ces folies , ces hommes sont passes; le symbo- lisme Chretien reste tout entier, et nous le saluons aujourd'hui de tout ogite respect, de toute notre admiration. Nous avons vu , dans un rapide exa- men , ses causes dans I'homme , ses develeppements dans Je'sus-Christ et dansl'Eglise, ses lois dans la doctrine et sa realisation dans l'histoire. A l'ojuvre, maintenant, e'tudions-le , pene'trons-le, et si nous croyons quelquefois payer bien cher, par notre travail, les jouissances de l'esprit, que l'espoir , que l'ambition d'etre utiles , encouragent nos sueurs ! Le symbolisme Chretien est un moyen de faire connaitre , de faire aimer la vdrite. En le de* veloppant , nous nous associons done a l'ceuvre de Dieu meme , nous devenons ses auxiliaires , auxiliatores Dei sumus. Ce discours est accueilli par Tassemblee avec beaucoup de sympathie. M. l'abbe Crosnier lui succede, et, dans un discours ou il fail entrer des citations d'un memoire tres-intercssant, par- lantd'abord du symbolisme de Tart en general, et ensuitc sur le symbolisme de Tart chretien en partieulier, rorateur captive continuellcmcnt l'attention de l'assemblee (1). (4) Messieurs les Secretaires-gencraux regrettcnt que M. l'abbe Cros- nier ne leur ait paslaisse ce niemoire interessant, pour I'mserer dans ce Compte-rendu. QUINZ1EME SESSION. 8§ M. dc la Sieotiere, d'Alencon ,. demande la parole sur la merae question. II exprime son opinion apeu pres en ces termes : Si nous entrons, dit-il , dans plusieurs eglises, nous y rencontrons tou- jours certaiues figures, certains signes qui ont entre eux une parfaite res- semblance ; il faut done admettre , en effet , la representation symbolique de certaiues pensees communes a tons. Mais, n'y aurait-il pas d'autres causes qui auraient produit des figures pretendues symboliques ? Vou- drait-on, par exemple, trouver du symbolisme dans ces milliers de figures, plus on moins grotesques, qu'on apercoit sur un grand nombre de chapi- teaux ? L'orateur repond par la negative ; il pense que , de meme qu'on ren- contre souvent , dans les eglises , les portraits de leurs fondateurs, ou c nom des ouvriers qui ont conslruit I'edifice , circonstance dans laquelle rhomme a cberche a subslituer son image a celle de Dieu ou des saints, il a bien pu arriver aussi , dit-il, qu'apres avoir fait la part de Dieu, l'bomme ait voulu faire la sienne. 11 est presumable que l'ouvrier, apres avoir sculpte- le portrait du noble fondateur de I'edifice, ait voulu y pren- dre place a son tour, et faire acte de presence dans l'ojuvre qu'il menait a iinavecautant de petseveraficeqiiededtjjsinteressement. 11 a bien pu arriver que ces ouvriers, voulant aussi avoir leur blason , aient reproduit divers objets , diverses choses de ce qu'ils affectionnaient. Voila ce qui peut nous expliquer la presence , dans les eglises, de divers ornements iuexplicables autrement. Apres avoir sculpte , comrae nous l'avous dit, 1'effigie du grand seigneur qui le mettait en ceuvre , n'a-t-il pas pu se servir du chapiteau , commed/une presse, pour exprimer son opinion sur tel sujet ou sur tel individu ? N'etait-ce pas une signature vivante qui durera plus que le nom de ceux qui ont fait eMever ces eglises ? Et de nos jours, continue l'orateur, l'Eglise, si severe , peut-elle exer- cer un contr61e utile et continuel sur la forme des divers ornements ? Comment voulez-vous que les eccldsiastiques du Moyen-Age aient impose leur volonte a des artistes libres? Car nos eglises et nos cathedrales, remarquez~le bien , n'claient baties que par des bommes independants et qui n'agissaient qu'excites par le zele et la Foi. Rappelez-vous, Messieurs, s'est eerie l'orateur, que l'architecture religieuse a disparu le jour ou les arcbitectes ont sigue les plans de leurs calbe'drales. Et d'ailleurs, pouvons-nous regarder comme un symbole les feuilles d'Acantbe qui torment le cbapiteau des colonnes grecques ? Nou , certes , ces feuilles sont devenues un type. Pourquoi, dans nos eglises, la represen- tation d'un signe quelconque, indifferent d'abord, ne seraitil pas devenu, plus tard, par la reproduction reiteree de cc signe, un veritable type? 81 CONGRES SCIENT1FIQUE DE FRANCE. Vouloir iuterdire au caprice ou a la fantaisie une veritable part dans la reproduction de ces signes, parait impossible a l'orateur; ily voit nicme souvent l'expression de la satire et de la raillerie de Fartiste , s'altaquant soit au seigneur qui le payait mal , soit a une confrerie rivale , soit a une communaute d'un autre ordre. — U serait encore possible que I'E^lise ait vouludegouterdu vice par l'expression du laid; n'est-il pas possible encore que le laid reprCsente sous les formes les plus bideuses , ait CtC place par l'artiste comme un repoussoir pour faire mieux ressorlir les beaut^s de son oeuvre? Le laid et le grotesque sont des 61£ments de l'art moderne que la Grece avait ignores. Le grotesque est le revers du beau , mais un revers dont l'aspect n'est pas indifferent a l'effet produit. Souvent, pour produire uncontraste, les artistes du Moyen-Age nous ont sculpte" des enfants montCs sur des arbres et cueillant des pommes, a cote des scenes si im- posantes de la Passion. En resume- , l'opinion de M. de la Sicotiere , partagee par M. de Cau- 1110 nt et plusieurs autres maitres de la science , est que le syiubolisme n'existe nullement dans ces mille petits details oil on se plait a le cher- cher, et que la plupart des figures que Ton observe dans les dglises ne se rapportent pas au symbolisme Chretien ; et il termiae , pour appuyer son opinion a cet e'gard sur une base solide, par un passage de saint Bernard , dans lequel ce grand bomme regrette vivement la defense oceasionuee pour la representation de lant de figures aussi bizarres qu'inutiles. La brillante ct vive improvisation de M. de la Sicotiere a cte cntendue par l'assemblee avec autaiit de plaisir que de profit et d'interet. La seance est levee a cinq heures et demie. Seance generate alu 4 Mepfeinbre 18K, Presidenee de M. le docteur Bally. M* Lambron de Lignim , Secretaire. Siegcnt au bureau: MM. de Caumont, Angellier, Ricbc- let et Roux, Vice-Presidents; Cbampoiseau, de Sourdcval , Lambron de Lignim, Secretaires-generaux; et 'Viot-Pru- dhommc, Tresorier-general du Congres. QUINZIEME SESSION* 85 M. Chanipoiseau lit lc proces-verbal de la seance du 5 septembre. II est adopte. M. le President annonce a l'assemblec, qu'a l'occasion du Congres scientifique , Monseigneur rArchevequc dc Tours i'era celebrer, demain dimanclie 5 septembre, unr/messc pontificale , a dix beures et demie du matin, dans l'cglise Cathedralc. Des places seront reservees pour MM. les Mern- bres du Congres. M. le President fait aussi connaitre que MM. les Adminis- trateurs de la Colonic agricole de Mettray seront heurcux de recevoir, demain dimanclie, a uneheure, la visitc dc MM. les Membrcs du Congrfes, et qu'ils s'empresseront de leur faire connaitre, dans le plus grand detail, 1'organisa- tion entiere de cc pbilantbropique ctablisscment. M. Giraudet , Secretaire de la premiere et de la sixiemc Sections reunics , donne lecture du proces-verbal de la seance de ce jour. I/heure des seances dc cette Section est changee : elles auront lieu desormais de neuf a onzc lieures. MM. Breton , Secretaire dc la deuxieme Section ; de Lon- jon, de la troisieme; Salmon , de la quatrieme; donnent lecture des proces-verbaux des seances dc leurs Sections respectives. M. Paul Huot donne lecture du proces-verbal dc la seance tenue bier parlacinquieme Section, et dkm rapport fort in- tercssantsur les excursions arclieologiques faitesparla qua- trieme Section , dans les journces des 2 et 5 septembre. M. Breton obtient la parole pour lire un memoirc sur la vingt-unieme question dc la deuxieme Section , ainsi con- cue : « Du credit agricole ; ne'eessite de diriger les capilaux vers I 'agriculture pour en oblenir des ameliorations, voies et moyens d' execution. » L'bonorable lncmbre s'exprinic ainsi : Messieurs 5 Dans une grande partic de nos departements , les habitants des champs sont privds de moyens pecuniaires suflisants pour ameliorer leurs cul- tures ct en obtenir des produifs plus abondants, qui assureraient leur 6 86 CONGRES SCIENT1PIQUE DE FRANCE. bien-etre et fourniraient ce qui manque a la consommation generate ; toutes les issues leur sont ferrates pour sortir de la gene qui les accable. La rarete de 1'argent et l'impossibilite de s'cu procurer , meme a un taux eleve, formentun obstacle insurmontable a toute amelioration et arretent toute espece de progres , et meme , dans les pays de grande et bonne culture , les cultivateurs qui n'ont pas tous une grande aisance Cprouvent souvent le besoin de recourir a un eniprunt , dans des circonstances for- tunes et pressautes , soit pour remplacer des animaux de trait ou de route , perdus par suite d'accident ou de maladie , soit pour augmenter le nombre des bestiaux de leurs exploitations , soit pour faire face a des lie*aux qui viennent ruiner toutes les esperances et les travaux d'une ail- ne'e entiere, tels que la grele , la gele'e , les iuondations , les incendies , soit enfin pour entreprendre une amelioration quelconque. « La moiti£ de la France agricole, dans le centre, l'ouest et le midi , « prive'e de capitaux et d'instruction snfiisante, dit M. Royer , inspecteur « g£ne>al de Pagriculture , pr^sente le plus desolant tableau de la mi- te sere. Le metayer, que rien ne stimule, ne travaille qu'autant qu'il y est « force" pour ne pas mourir de faim, tandis que le propri^taire , souvent « dans la gene , manque du capital indispensable pour les ameliorations. « D'immenses Vendues ne fournissent a peu pres rien a la consomma- « tion gene>ale , si ce n'est, a grande peine , la miserable nourriture des « exploitants; il n'est pas rare de voir des propriety excellentes ou « moyennes donner pour tout revenu un produit brut de trois a quatre « francs par quintal melrique de foin naturel que la Providence y a place; « avec des capitaux bien employe's , nul doute que le produit agricole de « ces pays ne puisse Gtre facilement quintuple. « Aiusi, ce n'est pas l'insuffisance des benefices agricoles qui empeche « ou arrGte les plus importantes ameliorations de l'agriculture et la main- « tient dans une inferiority relative tres-facheuse , mais bien l'absence de « capitaux circulants et l'impossibilite de s'en procurer. » Aucun doute ne peut done s'elever dans les esprits , sur l'ctendue des souffrances de notre agriculture et sur sa principale cause; e'est un fait notoire, incontestable; et il est aussi certain qu'une grande amelioration est possible et facile avec des capitaux plus abondants. Les etats officiels de nos douanes rOelent , chaque annee , le cbilfre &iorme des importations de produits agricoles necessaires a notre con- sommation iute>ieure , et que notre agriculture est encore impuissante a creer : impuissance prouvee par la faible somme generale de tous nos produits, comparee avec celle plus elev£e obtenue par nos voisins; im- portations dont le prix payC a l'ctranger est une forte prime d'encourage- ment exported au detriment de notre industrie nationale. II devient done ndcessaire , indispensable, de rcchercher et d'appliquer le plus promptement possible tous les mbyeus de venir en aide a la QUINZIEME SESSION. 87 premiere, a la plus importante de toutes nos industries, afin qu'elle puisse satisfaire a toutes les dernaudes de notre marche" inte'rieur , et que l'augmentation de ses productions rende impossible le retour de la cala- mite qui a pese" sur le pays l'an dernier, et mette un terme a des soulfran- ces qui reagissent sur le corps social tout entier. On adit, cependaut, quece soin devait regarder les proprietaires, qu'ils etaient inte'resse's a secourir les exploitants; que e'etait une charge de la propridtd d'accord avec ses interets ; mais cette objection ne ponvant s'appliquer qu'a la grande propriety, qui, chez nous , est une exception , manque de base dans la plupart des cas, pnisque la petite et la moyenne propriete forment la grande masse des possesseurs du sol; d'ail- leurs , la gene permanente de notre population agricole prouve evidem- ment qu'elle n'est pas aidee et qu'elle ne peut l'6tre efficacement en la laissant livree a ses propres ressources , partout insuffisantes. II faut done y reme'dier puisque la force , la puissance et la prospente du pays y sont attaches. C'est pour venir en aide a cette partie si inte'ressante et si nombreuse de la population agricole qu'il faudrait crCer des e'tablissements speciaux chargds de faire de faibles avances qui , cependant , produiraient d'im- menses avantages, dont chacun peut se rendre comple s'il a vu de pres I'e'tat des metayers et des petits fermiers dans la plupart de nos pro- vinces. La petite et la grande culture sont dans la meme position , out les memes besoins ; le metayer n'aurait-il trouve" a emprunter qu'une somme suffisante pour possCder en propreune tete de bCtail , sans aucun doute , il y attacherait un inte'ret qui tournerait a son profit et a celui de sa cul- ture, de me'me qu'a celui du proprietaire du sol; le fermier trouverait dans un emprunt facile a contracter dans un moment opportun, le soutien de son credit, le moyen de resister a un desastre ou de se soustraire au fle'au de l'usure et souvent la cause d'une ame"lioration dans ses af- faires. Malgre' tous les faits a l'appui, il y a des personnes qui doutent de reHicacite" du systeme des banques de credit; elles pensent que lesculti- vateurs pcuvent ou doivent faire des ameliorations sans y etre aides par des avances pecuniaires ; nous sommes loin de partager cette opinion com- battue et detruite par les faits recueillis de toutes parts, et que toutes les ob- servations confirment. L'agriculture souffredepuistroplongtemps,lesamd- liorations sont indispensables dans l'interet general ; elles existent partout autour de nous; I'etat actuel est ruineux pour les exploitants et nuisible a laprospe'rite du pays; il serait done absurde de ne rien faire pour sortir de cette position anormale :am£liorer la position de nos habitants des champs, rendre letravail moins penible et plus lucralif, procurer un aliment alac- tivite" des uns , stimuler celle des autres, faciliter la r6"ussite de toutes les 88 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. entreprises , occuper tous les bras , favoriser les defrichemenfs , les irri- gations , l'eleve du betail et toutes les ameliorations agricoles, et contri- buer puissamment a moraliser cette classe si nombreuse de nos habitants chez qui l'ignorance , les deTauts et les vices qui en sont inseparables , croissent en raison du plus grand eioignement du centre d'action des lois , tel est, a nos yeux, le problemea resoudre. Nous ne connaissons, pour arriver a ce te'sultat, aucun plus puissant vehicule que l'inte'ret per- sonnel bien ordonne" et dirige vers les ameliorations du sol et de sa cul- ture. Mais les moyens d'executien manquent de toutes parts ; la penurie de l'argent est generate dans nos campagnes ; l'envahissement de nos villes par la classe ouvriere aux ddpens du travail des champs , les Emigrations a l'exterieur se multipliant dans certaines provinces et l'extension crois- sante du paupCrisme, ne sont-ils pas la pour le prouver? II faut done nc- cessairement y pourvoir le plus promptement possible, pendant qu'il en est temps encore : e'est un devoir pour le gouvernement, pour les parti- culiers , pour la societe entiere. C'est un Mont-de-Piete que nous demandons , non pas pour venir en aide a la population ouvriere des villes , qui , presque partout , en est dotCe , encore bien qu'elle trouve trop souvent dans les pr6ts sur gages des occasions de defenses irrefiechies et de dtfbauche ; les etablissements que nous demandons sont destines a produire les plus grands avantages qu'il soit possible d'assurer a 1'immense population agricole en souffrance, a cette population laborieuse qui , avec les plus faibles avances , pourrait arriver un jour peu eioigne a l'aisance; ce que nous demandons est fort loin de ressembler aux etablissements decorEs du nom de Monts-de-Piete , pretant sur gage, avec l'autorisation du gouvernement , a un intCret de 9 a 12 0/o par an et au dela , et malgre* ces taux usuraires pcur ceux qui les paient , jouissant de l'estime populaire. Quel sera done le nom de nos etablissements de credit destines a venir au secours de cette population tranquille et sobre, qui arrose la terre de ses sueurs , vegete , souffre et meurt sans se plaindre; a laquelle cepen- dant personne ne songe et pour laquelle on n'a rien fait encore , quoique la subsistance du pays depends d'elle seule. Et Ton s'etonne de la voir emigrer vers les villes en desertant les champs qui I'ont vu naitre; mais nedevrait-on pas, an contraire, s'etonner de voir encore quelques habi- tants des champs , lorsqne les ouvriers des villes occupent exclusivement la sjllicitude des philantrophes et des economistes ! L'ouvrier ne trouve- t-il pas a la ville tous ies etablissements destines a tous ses besoins : lors- qu'il est indispose , il a des medecins stipendies qui lui donnent des con- sultations gratuites; s'il est malade gravement, il a des h6pitaux pour le recevoir; s'il a besoin d'etre aide dans sa convalescence ou pour eiever sa famille, des bureaux de bienfaisance sontfondes dans ce but j s'il lui faut QUINZ1EME SESSION. 89 une avance pour faire face a ses besoins ou pour faire une orgie le diman- che ct meme le lundi , il a les Monts-de-Piet6 ; s'il a des enfants en bas- age , il a les salles d'asile et les creches pour les garder ; s'il desire s'in- struire , il a des e"co!es d'adultes a sa disposition; en hiver, il a des chauffoirs et des distributions de bois et m6me de pain , de linge et d'ha- billements; s'il a des affaires contentieuses , il a des consultations gra- tuites des meilleurs avocats ; s'il a des difficulty avec ses maitres , il a des juges parmi ses egaux , les prnd'hoinmes, pour lui Cviter les frais e'leve's et les leuteurs de la justice civile ; s'il veut retourner au village , il ob- tient un passeport gratuit et une indemnity de route ; dans des situations pareilles, l'ouvrier des champs n'a que des soutf ranees et des privations en perspective ! Mais n'oublions pas que , rnalgre toutes ces aduiirables institutions fondles par la plus ardente charite, les ouvriers nrbains su- bissent la peine de leur desertion de nOi campagues , de l'ingrat abandon de I'air vif et pur qu'ils y respiraient , car ils regrettent sans cesse la joie et la sante- qui entourerent leur jeune age. Mais n'y aurait-il done aucun moyen de soulager les infortunes de nos hommes des champs? N'y aurait-il aucune possibility de les aider un peu ? Nous ne demandons cependant pas actuellemeut des hdpitaux , des salles d'asile , des prud'hommes , quoique nous voudrions voir toutes nos bour- gades dotCes de toutes ces institutions , nous savons que tout ne peut etre fait a la fois. Nous ne demandons ni aumdne , ni taxe des pauvres ; e'est une banque de pret dont nous demandons la creation pour prlvenir la ne'eessite' de recourir a tous les nombreux e'tablissements de charite'. Nos voeux seront-ils exauc^s , nos demandes seront-elles satisfaites , quoiqu'il ne s'agisse que des ouvriers agricoles ? Nous devons l'esplrer, parce qu'en France on n'a jamais fait un appel a la bienfaisance sans obte- nir satisfaction ; toutes les ide^es grandes et g£ne>euses excitent la sympa- thie; nous avons souscrit pour les malheureux Grecs, paries refugi^s strangers , pour les incendiCs , les inondes strangers , coloniaux et natio- naux. Tous les ans la bienfaisance , sous les traits de nos dames du pre- mier rang , recmt des sommes considerables , en dons , pour soulager l'infortune daus les villes ; n'en peut-il done 6tre de m£me pour l'indus- trie agricole, non pas a titre de dons, raais seulement a titre de prets ? On a trouvg , dans la creation des caisses d'epargnes , le moyen de diri- ger vers l'economie et l'ordre une partie de la population des villes, qui dtait entratule a dCpenser mal a propos le fruit de son travail ; nous pen- sons que ce n'est la que la moitie" du but a atteindre , son complement ndcessaire consiste a utiliser ces fonds , a les rendre fructueux , a les em- ployer h. la creation du travail pour la partie de la population qui en a besoin , afin d'assurer la subsistance de tous : moyen beaucoup plus fa- cile , plus sdr et infmiment moins couteux que tous les remedes proposed 00 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. on employes pour fairefacea la disette; et loin de chercher a entraver, par une loi , l'extension de ces placements dans les caisses d'epargnes , nous aurions voulu la voir provoquer, par tous les moyens a la dispo- sition du gouvernement, pour leur donner l'emploi special que nous in- diquons. Le credit applique" a I'agriculture doit etre classe" sous deux grandes divisions naturelles, qui exigent chacune des developpements et un plan particulier : l'une est le credit agricole proprement dit ; l'autre est le cre- dit foncier dans ses rapports avec I'agriculture. Par credit foncier , nous entendons toute espece de pret fait a I'agricul- ture et garanti par un gage immobilier auquel s'applique un systeme hypothecate conferant un privilege, au profit du preteur, sur l'immeuble possede par l'emprunteur, ou toute autre combinaison ayant pour base une garantie territoriale. Le credit agricole, au contraire , est priv£ de garantie immobiliere , mais peut se reposer sur un gage de nature mobiliere , soit avec une con- dition de privilege sur tout autre pret poste'rieur, soit simplement sur la solvability pr£sum£e de l'emprunteur , comme dans le commerce. Cette importante distinction nous a paru utile a faire, parce que jus- qu'ici on ne s'est occupe , en France , que du seul credit foncier, quoiqu'il soit a nos yeux fort loin d'etre actuellement le premier et le plus pressant a sat is faire , attendu qu'il n'est pas a crCer comme l'autre, qu'il existe depuis longtemps , qull procure des capitaux avec facility , si ce n'est a bon marche", et qu'il ne s'agit que de l'ame'liorer. L'e'tablissement de banques agricoles se pre'sente done naturellement a l'esprit avec une organisation ge^ne'rale renfermant des dispositions facile- ment applicables , d'une execution pratique, dont les details simples et la marche peu compliquC'e faciliteraient Taction, pour venir en aide a titre de prets a tous les producteurs agricoles , mais principalement a la classe la plus nombreuse et la moins a l'aise. L'intervention de l'titat et l'intermediaire des caisses d'epargnes sont reclame's indispensablement , parce que notre organisation politique , ad- ministrative et sociale , reposant sur la plus forte centralisation de toutes les forces du pays entre les mains du gouvernement, l'Etat seul peutof- frir la s^curitd n£cessaire pour donner une confiance entiere aux capita- listes , a un taux d'interet relativement moins elev£ ; la destination de ces fouds en fait encore une loi , parce que le commerce et l'industrie elant en possession des capitaux avec surabondance , autant par l'habitude que par la facility des recouvrements qu'offrent les placements a courts termes, malgre tous les risques et les inconvenients qui y sont attache's , il faut ngcessairement une garantie plus graude, plus solide aux yeux de tous, quoique les placements dans I'agriculture devraient presenter une plus grande seouitS et une infiniment plus forte solidite que ceux conned QU1NZ1EME SESSION. 91 au commerce et a l'industrie, puisqu'ils ne sont pas exposes, comme ceux- ci , a toutes les crises qui occasionnent journellement taut de pertes. L'intervention de 1'Etat pour retablissement des banques agricoles ne prdsente d'ailleurs que de grands avantages, sans aucun inconvenient, et elle ne saurait 6tre constestec sans la plus graude injustice ; nous n'avons besoin de citer a l'appui de cette opinion que la protection et les capitaux accorded par 1'Ftat aux eutreprises des chemius de fer, dont cependant 1'existence n'a pas la meme importance pour la prospente du pays, si ce n'est dans une sphere moins eievee et moins generate. L'organisation des Cahses d'epargnes offre un moyen economique et sur pour le mouvement des fonds a recevoir et a preter ; il ne s'agit pas de dis- poser des fonds versus, mais bien de faire un appel a de nouveaux fonds qui seraient recus dans ces etablissements pour la destination sp^ciale dus banques agricoles. Ces banques seraient organisees dans tous les departements pour preter uniquement aux cultivateurs ou proprietaires exploitants , chez lesquels des conditions de morality, de conduite, de loyaute et de fideiite a remplir leurs engagements , offriraient des garanties. Ce mode d'action produirait l'effet le plus salutaire sur les habitudes et les moeurs de nos habitants des champs; ce serait m6me le seul et le plus puissant moyen de corriger les mauvais penchants, de reformer l'indelicatesse et de combattre victorieu- sement la mauvaise foi qui existent souvent chez eux. Les fonds affected a cette destination speciale seraient reet au taux de quatre et demi pour cent et seront exigibles a dater du premier septembre de l'anne'e cou- rante, epoque de la rentre'e des rdcoltes. Ce de'lai pourra Mre prorogd pen- dant trois mois, pour faciliter le battage et la vente des produits 5 mais il sera ton jours facultatif pour le directeur. 94 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. 8° Le remboursement s'effectuera a la caisse d'epargnes , sur un de- compte dresse par Ja banque, vise du directeur et signe par le caissier-re- ceveur, en ^change duquel docompte-recdpisse le titre primitif sera resti- tue a Temprunteur libe're. 9° Aucim delai ne sera accords a l'e'cheance fixe'e ou prorogee, a moins de versement des interests dans le couraut du raois precedent et pour une nouvelle anne'e agricole; ncanmoinsle debiteur pourra se liberer en tout temps du capital et des interets conrus. 10° Pendant le delai d'un mois prdcddant l'echeance, un avertissement par lettre sera adresse" au debiteur pour rembouiser ou renouveter ; a de"- faut par lui d'obtemperer, le titre sera recouvre par les voies ordiuaires , a la diligence du directeur. 11° Le directeur sera charge des Ventures en partie double contenant les comptes des emprunteurs, celui du tresor et celui des interets verse's a la. caisse d'epargnes ou dus a cet etablissement. II sera aussi charge' de la correspondence, le tout sous Tinspection du conseil de surveil- lance qui arretera et verifiera chaque mois les Ventures. 12° La banque jouira d'un privilege special, pour le montant de ses prets, sur la moitie des rdcoltes de Temprunteur, en concurrence avec le proprietaire et tous autres prefers. Ce dernier sera prevenu, a la dili- gence du directeur de la banque , par simple lettre recommande'e a la poste, dans la huitaine du pret effectue. Aucune vente des re'coltes affec- tees au privilege dela banque, ne pourra avoir lieu valablement a son pre- judice, quelle que soit sa forme, sans l'assentimeut pr^alable du directeur, ou le remboursement integral du pret effectue'. 13° Toute fausse declaration de* Temprunteur relative a la destination agricole de Temprunt , a sa propriety mobiliere, a ses re'coltes ou a leur dCtournement , le rendra stelliouataire et passible des peines encourues, suivant les dispositions de la loi. 14° L'excCdant des interets payesa la caisse d'epargnes, servira a ac- quitter les frais de direction , le traitement du directeur, ceux des corres- pondents d'arrondissements, les frais de correspondence , de loyer, de bu- reau , de voyages aux arrondissements et cantons, et enfin tous les frais d'organisation. 15° Les banques, organisers par une loi, resteront sous la surveillance et dans les attributions du ministre de Tagriculture, a qui, chaque annee, un compte detailie sera rendu de toutes les operations de chaque banque, par les directeurs. 16° Le capital necessaire aux operations de chaque banque sera fixe d'a- pres la population rurale de chaque departement , il s'eievera en moyenne a un million, et pourra etre augmente suivant les besoins, et apres une experience de trois annles. QC1NZIEME SESSION. 95 La lecture de ce memoire est accueillie par l'assemblee avec les marques de la plus vivc sympathie. La parole est ensuite accordee a M. l'abbe Jules Corblet, du diocese d'Amiens, pour lire son Memoire sur l'Art Chre- tien au Moyen-Agc, dont la quatricme section a demande a lecture en seance gene-rale* — Cejcune et savant ecclesias- tique s'exprime ainsi : Messieurs , On a dit que la literature £tait I'expression de la soci£te\ Ne pourrait- on pas, a meilleur droit, appliquer cette definition aux beaux-arts et surf out a l'architecture? Une oeuvre litteraire n'est souvent que l'expres- sion isolee de sentiments individuels. On peut dire de la forme qu'elle revet : le style , c'est Vhomme ; il n'en est pas ainsi d'ung oauvre monu- mentale : son style , ce n'est point l'artiste, c'est l'epoque, c'est la nation. L'architecture, pr^sentant dans son caractere une plus grande unite" que les belles-lettres, doit done 6tre un miroir plus fidele de la socie^td (1), Voyez les massifs monuments de l'£gypte, charges d'hie>oglyphes sym- boliques et gardes par des sphinx : ne vous r£velent-ils pas I'orgneil d'un peuple fastueux, qui pretendait avoir 6t6 gouverne vingt mille ans par- ies Dieux , qui n'aspirait a rien moins qu'a la conquete de l'univers, et dont la religion myste>ieuse se de>obait aux yeux du vulgaire ? Voyez les temples de la Grece: ils se distinguent par la rtfgularite" des proportions , l'atticisme du style , la grace des ornements...; mais rien d'inspire\ rien de surhumain , rien qui fasse deviner que c'est la lesanctuaire de la reli- gion; et pourquoi, en effet, aurait-on eleve" des temples gigantesquespour contenir ces dieux n£s du cerveau des poetes et du ciseau des statuaires , et dont les exemples absolvaient toutes les aberrations de l'esprit et tou- tes les turpitudes du coeur ? Les temples des Romains avaient de plus lar- ges dimensions ; c'est qu'aussi il y avait quelque chose de plus nerveux et de plus grandiose dans le genie du peuple-roi , et que c'&ait dans ces temples que la religion consacrait la gloire des triomphateurs , Et du pied des autels semblait dire aux humains : Rome commande au monde et le ciel aux Romains ! mais apres tout, c'est toujours une copie de Tart hellenique , c'est l'ceuvre des artistes grecs a la solde des conque>ants romains. Quant a ces der- (\) « L'architecture est le grand livre de l'humanite , l'expression principale de l'homme a ses divers etats de dcveloppements , soil comme force, soit comme intelligence. » Victor Hugo. 96 CONGRES SC1ENTIFIQIJE DE FRANCE. wiers, il entassent, comme Verres, statues sur statues, colonnes sur co- lonnes, sans trop se soucier des regies du gout. — Mais quand le christia- nisme eut arbore" son e'tendard au sommet du Capitole, avec une religion notivelle s'e'leva une nouvelle architecture. Les murs trop 6troits du tem- ple paien ne peuvent contenir 1'immensite' du Dieu qui reroplit l'univers. II faut que l'art invente de nouvelles combinaisons et depasse pour ainsi dire les limites du possible , pour se mettre en harmonie avec la religion du Golgotha. — L'art grec, c'est la voluptueuse Y6nus; l'art romain , c'est le robuste Mars; l'art cJire'tien , c'est un Dieu sur la croix. L'art grec adorait la forme ; l'art chretien enchaine la forme a la pensde. Le premier parle au sens, le second a l'&me. L'un a compris et exprime le beau ter- restre; l'autre, sublime Prome'the'e, a de>obe\au ciel le feu de l'inspiration; il a fait incame" le beau celeste dans l'ceuvre de ses mains. L'art paien a convie dans ses temples toutes les graces de la nature ; l'art catholique y a fait descendre le ciel avec ses anges ! Si nous admettons, avec Winkel- mann, que la beaute- dans les objets est la convenance des parties avec le tout, et de ce tout avec sa destination, dites-moi s'il existe quelque chose de plus profonddment beau que la cathedrale du Moyen-Age, oil l'unile' se ddploie en une luxuriante varied ; que la cathedrale du xme siecle, ce sublime chant lyrique dont les mille strophes chantent la m6me priere et se confondent dans un meme concert d'enthousiasme et d'amour ! Ce n'est pas , sans doute, d£s son origine, que l'art chre'tien pouvait parvenir a cette sublime apogee. Le style roman garda longtemps dans nos climats l'empreinte du caractere romain. Mais au xi* siecle, de m6me que la langue romane, il brisa ses antiques liens, pour marcher sans en- ttaveset devenir tout national. Bien des causes contribuereut a re'ge'ue'rer l'architecture du xie siecle. La joie que concurent nos peres en voyant apres l'an 1000, se prolonger l'existence du monde, dclata dans l'empres sement qu'on mit a Clever des temples au Dieu tout-puissant, qui avai bien voulu ne pas accomplir les lugubres predictions du synode du Man . D'un autre c6td, quand les hommes du Nord se furent convertis a la Foi , ces m6mes guerriers, qu'on avait vus renverser et piller les dglises, voulu- renl Sparer leurs ravages, et prouver leur repentir, en elevant de nou- veaux edifices sur les ruines qu'ils avaient faites.— En Orient, l'lslamisme se divisait, le Califat tombait, l'idolatrie voyait abandonner ses temples; tandis que le christianisme etendait sur une moitie" de l'univers l'dtendard de la croix et que tous les peoples se prdcipitaient dans son sein. C'est alors que nous voyons s'elever partout de vastes dglises , ou de minces colonnettes se groupent en faisceau autour des larges piliers, comme les vasseaux d'alors serraient leurs rangs aupres d'un puissant suzerain, et oil des chapelles commencent a rayonner autour du sanctuaire, en meme temps que les tours fdodales s'elevent a c6te" du trone. C'est dans ces chapelles solitaires que la douleur ira se recueillir ; c'est la qu'ira gdmir QUINZIEME SESSION. 97 la pauvrc mere, dont le fils sera mort aux Croisades, martyr d'un saint enthousiasme ; c'est la que le serf ira murmurcr tout bas le nom dti tyran qui l'opprime et dire a Dieu : Seigneur ! vous etes vcnu apporter la liberte au monde, et pourtant je suis encore csclave ! Au xuc siecle, la religion, les sciences et les arts brillent d'un nouvel eclat. Saint Bernard fonde le monastere de Clairvaux ; des dcoles de droit et de thdologic sont ouvertes, et de nombreux troubadours, Croisds de la podsie, vont de castel en castel, chanter les nobles preux. C'est a cette epoque que l'ogive sort du plein-cintre, comme une rose de son bouton. La sculpture offre un relief plus saillant, un modeld plus precis ; mais elle conserve toujours pour ses statues un type conventionnel de longueur demesurde, qui imprime aux personnages un caractere surhumain. Pen- dant cette periode hie"ratique , les statuaires, comme autrefois Eschilles, quand on l'cngageait a refaire Thyme d'Apollon, disaient qu'il y avait des traditions sacre'es dont on ne pouvait s'eloigner sans tdmerite'. C'est la sans doute le motif de cette absence de vie et de mouvement qui carac- terise ces statues, au visage immobile, couchees sous les voussures, et resseroblant a des phalanges de morts qui attendraient le reveil du juge- ment dernier. On ne peut point raisonnablement l'attribuer a l'imperitie des artistes: ilsont su , quand ils le voulaient, donner une terrible Cner- gie aux citations de leur ciseau. Qu'on examine attentivement les chi- meres, les gargouilles, les monstresinfernaux, grimpCsau hautdes contre- forts. Tout enchained qu'ils soient par l'impuissance de la matiere, nc semblent-ils pas vouloir s'e'lancer en hnrlant de leurs demeures aeriennes, pour devorer les fideles qui fianchissent le seuil du parvis ? A mesure que l'esprit se polissait, que les moeurs s'epuraient, rornementation monu- mentale devenait plus riche et plus fleurie ; tout enfin prdsageait cette glorieuse epoque oil l'architecture, en traduisant toutes les iddes par la pierre, allait devenir la grande Presse du Moyen-Age ! II y a quelques amides, le xix" siecle s'est grandement rejoni. 11 venait de crder un nouveau genre de poesie ; podsie que n'avaient point connue les chantres de l'Attique et de la Mdonie, qui n'avait point parfumC" les doux ombrages de Tibur et de Mantoue, qui n'avait point vibre snr la barpe du Dante ou d'Ossian, ni sur la lyre plus timide de cette grande famille de poetes, qui fonmient la resplendissante aurdole de Louis XIV. Le xix* siecle ne manqua pas de choyer son oeuvre : lier de sa paternitd il leva haut la tete, et jetantun radieux coup d'ccil aux generations dtein- tes il leurdit-.— Qu'ai-je a vous envier? j'ai cre"61e Poemehumanitaire(i). Ah! ce n'est point dans ces pages, ou brillent encore, il est vrai, quelques reflets lointains d'un genie palissant, mais d'ou est bannie la Foi, la cle unique de cette grande dnigme qu'on appelle — l'homme , — ce (1) Jocelyu , la Chulc d'un Ange , etc. 98 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. n'est pas dans ces pages incompletes que nous trouvons le poeme huma nitaire. Notre poesie humanitaire, — a nous, — c'est la cathe"drale du xiii° siecle. La, sont deroule"es, dans toute leur ampleur, les archives du monde, depuis la creation, jusqu'au sombre drame des solennelles assises; tout est la : Iilcriture sainte, dogmes sociaux et the'ologiques, histoire sacree et profane, traditions legendaires, regne de la nature, morale, philosophic et poesie ; tout est compris dans ce vaste cycle epique qui racoute a l'homme, en un sublime langage, quelle est son origine, sa nature et sa fin, et ou tous les arts et toutes les grandes ide"es se sont reunis dans un perpetuel Congrbs ! L'architecture ogivale, qui l'emporte sur toutes les autres par sa rare habilete" a d^guiser les masses sous la legerete" des details et par son elo- quence symbolique, a, pendant le xm0 siecle, paiseme" notre sol d'innom- brables chefs-d'oeuvre. Jetez les yeux sur les bords de la Loire, de la Seine ou du Rhin, partout vous voyez la vieille cathedrale he'nir de sou ombre sacre'e la cite qu'elle domine, et se trouvant tout etonnee de voir ces constructions modernes, elle qui a garde* ses allures du Moyen-Age ; de voir ces nouveaux costumes, elle qui n'a point depouille* ses gothiques parures ; de voir tout un siecle enveloppe* dans l'indiffe>ence comme en un froid linceul, elle qui n'a point abjure ses croyances et sa Foi. Voyez ! c'est Saint-Gatien de Tours, impuissant a lasser notre admiration ; c'est Notre-Dame-de-Par is, avec ses ing&nienses sculptures ; c'est Saint- Pierre de Beauvais, poeme incoraplet dont le xvi° siecle essaya en vain de terminer les pages ; c'est Notre-Dame-de-Rheims, le Parthenon du Moyen-Age; c'est Notre-Dame-de*Chartres, la basilique a double Ctage, toute fiere de ses trois mille statues ; c'est la cathedrale de Strasbourg, dont la fleche s'elance a 500 pieds du sol, comme une aspiration de l'hu- manite*, vers le Tout-Puissant; c'est Notre-Dame-d'Amier:s, vaste Edition illustree de la Bible; c'est la Sainte-Chapelle de Paris, grande chasse cisel^e dans la pierre, pour servir de reliquaire a la couronne du Sauveur ? On se sent £pris, Messieurs, d'une ardente admiration quand on con- temple ces f£eriques catheMrales ; mais elle s'eleve encore a un bten plus haut degre quand on se rappelle comment elles ont 6t6 edifices. C'etait tout un peuple qui se faisait artiste; c'6taient cent mille bras quelquefois, comme a Strabourg, qui sculptaient U pensde d'un seul homme. Les prelats, les barons, les princes, les abbes, cousacraient souvent a cette grande ccuvre une partie de leurs revenus : le peuple, — lui, — y consa - crait son temps, sa patience et son genie. Les populations accouraient d'un rayon de vingt lieues pour prendre part a l'oeuvre commune. lis rlisaient un chef qui distribuait a chacun sa tache : ceux-ci devaient sculpter de lexers chapitaux , ciseler de gracieuses consoles, tandis que les moines pr^paraient dans leurs cellules des vitraux images ; ceux-la extrayaient des carrieres un calcaire docile au ciseau ; d'autres depeu- QUINZIEME SESSION. 99 plaient les forets de leurs chataigoiers seculaires. lis comprenaient tous que c'dtait la, avant tout, une oeuvre de pidte (t); aussi, ils s'y dispo- saient par la priere, la penitence et le pardon des injures ; aussi, leur zele etait bien ardent, et parfois, — lorsque la unit commencait a jeter ses sombres teintes sur l'ddifice commence', — on voyait tout a-coup etinceler mille flambeaux, dont 1'eclat faisait palir le front des e"toiles , et la foule, oubliant le poids des fatigues du jour, redoublait de courage et d'ardeur, en chantant des hymnes et de pieux cantiques. Visitons par la pensee un des chefs-d'oeuvre de ce siecle; dirigeons nos pas vers cette sainte basilique qui porte si haut la tete et montre le signe consolateur a tous les hameaux groupes autour de la cite. Le torrent des ages n'a pu miner ses fondements. Elle a vu les flots tumultueux des re- volutions gronder a ses pieds ; elle a entendu le fracas des trtnies qui s'ecroulaient ; elle a vu les orages populates uiveler l'orgueil des donjons feodeaux; elle a vu la guerre moissonner les heros , la peste vomir ses venins , le temps devorer les generations.... Elle seule est encore debout ! Salut! salut! 6 noble cathddrale, monument Cternel de la Foi de nos peres. Comme l'Eglise de JCsus-Christ, dont tu es l'image, tu as bravd la fougue des tempetes. Le marteau des modernes Vandales a bien pu sillonner ton front de larges cicatrices; mais leur rage impuissante est venue se bri- ser contre ton corps de ge"ant. Oui, tu peux lever fierement la t6te et dire aux nations : « Je suis la demeure du Christ, je ne pdrirai pas ! » Le portail est eouronnd d'une aureole de saints a la robe d'azur, a la chevelure d'or, qui sont si attentifs a lire leurs livres de pierres, qu'on croirait presque les voir en retourner les feuillets. Au tympan, 1'archange sonne la trompette fatale ; et les squelettes, se levant de leurs sepulcres noircis, paraissent devant le Fils de l'homme : — morale parlante, qui certes vaut bien le LvtoGi crsaurov du temple de Delphes. — Des myriades de saints et de saintes, dont les traits ascdtiques semblent amaigris par la meditation, nous invitent au recueillement — Les deux gitantesques tours qui flanquent le portail, en symbolisant I'autoriie tcmporelle et l'au- toritd spirituelle, nous figurent l'union qui doit les rapprocher. — Les panneaux oil sont sculpted les signes du zodiaquo, avec les travaux de cha« quemois, nous enseignent l'amour du travail... Cbaque pierre eniin nous proclame une ve>ite\ — Entrons avec recueillement dans la sainte basi- lique. Quelle immensity, agrandie encore par les illusions de l'optique ! Comme ces voutes s'enfoncent dans une obscurite mysterieuse ! Comme ces colonnes se groupent, s'entrelaceut et s'dlancent vers les cieux ! Voyez etinceler de pourpre et d'azur le vitrail historic" : il est charge de cate- chiser le peuple, de lui parler un eloquent langage, compris de l'ignoraut (1) « L'artj a cette epoque, etaitdevenu uh article de Foi, ct sou exercice une pratique eligieuse. » A. Lenoir. 100 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Iui-m6me. Ces tableaux diaphanes ne laissent pdntftrer qu'un jour douteux, favorable au recueillement de la priere ; ils captivent les regards sans dis- traire la pie'te, puisqu'ils racontent la legende miraculeuse de ceux que Dieu a couronnes de la couronne immortelle et qu'ils sont l'e'cole de la vertu. — Grace a la puissante influence de saint Dominique, la chapelle absidale de la Vierge apris un grand accroissement. C'est la que le Moyen- Age deploie tout la sdduction de ses pompes. Les corbeilles des chapiteaux se tapissent de vigne et de lierre, les fenetres se ramifient en fleurous aeriens, et la statue de Marie s'abrite sous la riche dentelle d'un gracieux pinacle. — Les chapiteaux ne sont plus, comme jadis, decores de plantes orientales, de palmiers et d'acanthe : ils sont tapissds de feuilles de trefle, de vigne et de chene ; 1'art s'etait nationalise, il s'etait mis en harmonie avecla Flore occidental, il avait e*voque dans nos temples le souvenir des forets. Ces'voutes nous rappellent les domes e*pais deleur feuillage; ces colonnes, leurs gigantesques chenes ; ces arcs, leurs rameaux entre- lace"s ; ces cles pendantes, les fruits qui s'inclinent sous leur poids ; ces bas-cote's tournants, les allees obscures qu'eclaire un demi-jour mysterieux. — Sous nos pieds se dessinent des pierres tombales, qui nous demandent 1'aumdne d'une priere, mais qui n'envient pas, pour la cendre de leurs morts, la gloire d'un catafalque; car ils ont la cathCdralc entiere pour mausolee ! Les architectes du xur3 siecle ne modelent point leurs ocnvres sur un type uniforme. De nombreuses nuances diffe'rencient les monuments d'une meme e*poque. Ces nuances, ddja bien sensibles de province a province, le deviennent encore bien plus de royaume a royaume. En Angleterre et surtout en France, rarchitecture ogivale est plus simple, moins cliarge'e d'ornements qu'en Allemagne, oil elle ne s'introduisit qu'un peu plus tard. En Italie, les monuments gothiques sont tres-rares, et ils ne sont point, comme chez nous, des prodiges de hardiesse et de lCgerete*. Cela se com- prend : les artistes italiens, familiarises avec les oeuvres du genie romain, ne pouvaient accueillir avec faveur une architecture rdvolutionnaire qui brisait les entraves des regies classiques, et qui, quand bien meme elle observait les lois gdnerales, essenliellement inherentes a toute construc- tion, semblait affecter de les me"connaltre. Nos sombres cathe'drales s'har- monisent bien avec le climat nebuleux de 1'Allemagne, de l'Angleterre et du nord de la France; mais ne seraient-elles pas toutes ddpaysees (qu'on nous passe 1'expression) sous le del calme et pur de cette molle Italie, qui veut respirer le parfum de son air embaumC jusque dans l'asile de la priere ? Nous autres, hommesdu nord, nous sommes portdspar la tristeSse du climat a nous replier sur nous memes, et les sentiments qui ddrivent de cette propension nous donnent Intelligence et l'amour des choses graves et sereres, dans les lettres comme dans les arts. L'ltalie, au contraire, qui se rCpand tout entiere dans les objets exte*rieurs, et QUINZIEME SESSION. 101 dont la riante imagination est coloree par un soleil toujours priutanier, lltalie se laisse difficilement p^netrer par les sentiments (Tune grave et religieuse me'lancolie. Une cathedrale gothique, dans la patrie du Tasse et d'Arioste, nous semble une anomalie dans les arts, comme la naissancc du Dante a Florence nous en parait une dans les letlres. Tel fut l'art Chretien au xuic siecle ; mais sa splendeur fut de courtc durde. Sur le seuil du xv° siecle, un voit deja se dresser le Genie du Ratio- nalisme : il est vrai qu'alors il se contentait de sourire du bout des levres... Mais qu'un siecle s'e'coule, et il s'appellera Martin Luther. Des lors la foi s'affaiblit, le doute envahit les ames, et l'architecture est frappee du meme coup dont lemoine de Wittemberg a voulu saper le catholicisme. La Renaissance italiennc termina l'agonie de l'art chretieu. On remplaca l'inspiration eteinte par l'ltude de Vitruve; l'architecture lit comme lu poetc Ronsard , Dont la muse en francos parla grec ct latia , etle Paganisme entra triomphalement dans la maison de Dieu. Jadis Savoiiarole ecrasait de sa foudroyante eloquence ceux qui paga- nisaient l'art catholique, en donnant a la matiere une fuiicstc predomi- nance sur 1'esprit Ah! s'il pouvait, de son large coup-d'ceil, contempler la France du xiy" siecle, que dirait-il? Quelle male indignation saisirait sa grande ame d 'artiste, en voyant ces boudoirs parisiens, qu'on veut bien appeler des eglises, et ou sont appendues ces etudes anatomiques qu'on appelle, — derjsoirement sans doute, — des tableaux de martyrs. — EU quoi! s'ecrierait-il, vous l'avez done ainsi fait, cet art sublime, descendu des cieux ! Vous lui avez ravi sa splendide aureole, et vous en avez fait un corps sans ame ! Vous vous etes insurges contre le Paganisme dans la litterature , et vous avez rendu a ses mains deciles le sceptre des beaux- arts 1 O profanation ! Part n'est done plus pour vous qu'une frivole fantai- sie ? ce n'est done plus la Foi qui guide votre main ? Ce n'est done plus la foi qui fait battre vos cceurs? —V art pour Vart , — voila votre devise ; vous vous e'prenez d'un amour insense pour la forme, et vous me'prisez l'esprit qui vivifie ! Vous petrissez une terrestre Pandore ; mais vous ou- bliez de ravir au ciel le feu sacre qui seul peut l'aiiimer ! — Sous le poids de cesjustesreproches, nous ne pourrions que courberla tote... Mais nous aurons bientot, Messieurs, le droit de la relever : un mouvement re'geiie'ra- teur s'est empare' de tous les esprils; la Foi re'clame son empire sur les intelligences e*puisees par le travail du doute. Aussi l'art est-il entre* dans une nouvelle voie; les chefs-d'osuvre du Mo\ en-Age sont etudies avec amour, reproduits avec bonheur ; sur tous les points de 1'Angleterre et de la France, on voit s'e'lever des monuments gothiques dont l'hahile conception est un sincere et noble hommage rendu au passe; et dans 7 102 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. cette ville, plus que partout ailleurs , nous voyons se renouer l'antique chaiuedes saintes traditions (I). Tout doit done nous faire esperer que nous pourrons bientot , dans notre noble terre de France, admirer la su- blime alliance du genie , des arts et de la religion, et que l'architecture catliolique, apres un sommeil de trois siecles, se rdveillera brillante de splendeur, quand la Foi lui dira , cornme autrefois Jesus-Christ aux morts : Leve-toi et marche ! Surge, et ambula ! Des applaudissements unanimes constatent tout le plai- sir que M. l'abbe Corblct a fait eprouver a l'assemblec par son intcressante communication. L'ordrc de jour appelle la continuation de la discussion sur la premiere question de la quatrieme Section. « Quelles sont les causes , les developpements successifs , et les lois du symbolisme dans far I chretien? > La parole est donnee a M. l'abbe Crosnier; il la cede a M. l'abbe Auber, qui, pour repondre a la these soutenue dans la seance d'hicr , par M. de la Sicotiere, rcntre dans la discussion generale en ces termes: Messieurs. La question du symbolisme me scmble dpuisee : ce que vous avez eiitnndu a ce sujet doit suffire pour que le programme de votre qua- trieme Section se trouve rempli. Neanmoins, ayant are'pondre aujourd'hui a l'lionorable membre qui, hier , se montra si pen d'accord avec mes pen- secs , je me sens oblige de re'sumer l^s principes emis et sur lesquels nous nous entendrons tous pour mieux faire comprendre l'importance de ma reponse. Pour trouver done l'origine du symbolisme, il faut remonter a l'origine du monde ; je pourrais vous y condnire avec moi et vous montrer des lors une foule de symboles, dont les hommes eurcnt besoin pour se comprendre.Ne craignez pas toutefois que, dans une discussion que je veux rendre courte , et que vous aimerez sans doute vous-mftmes a me voir abrdgcr, j'abuse de ces faits historiques en les multipliant dans mon dis- cours. Je passe au ddlugcy et la je ne m'arrfite qu'a cet arc que Dieu fait paraitre apres la grande catastrophe pour devenir le signede son alliance; a cette eolombe qui rapporte dans l'arche la premiere branche d'olivier, dont on a fait le symbole de la paix. — Un symbole, e'est done un signe (I) Allusion aux Iravaux de M. l'architccte Guerin et a 1'influcBCe (ju'eierccut par leurs conseils ct leurs ccrits MW, les chanoincs Bourasse ct Mauccau, QUINZIEME SESSION. 103 de convention destind a faire comprendre une verity , un fait commuu a la vie humaine ou special a telle ou telle circonstance ; et encore devant nous , autour de nous, le monde en est plein depuis l'expression la plus e'leve'e de Tart, jusqu'a l'enseigne quelquefois grotesque de l'industriel ou du commercant. Vous concevez comment la religion, elle aussi, dut l'approprier a ses enseignements. L'Ancien-Testament n'etant , de l'avcu detousceux qui ont e'tudie' les divines Ecritures, que la figure et 1'annonce du Nouveau , nous trouvons dans celui-ci la realisation de tout ce que l'autre avait exprime , et jamais le symbole et la figure significative ne furent employe's avec plus de profusion que dans ces livres sacrds oil le Sauveur , comme on vous l'a rapped , se reprdsente si complaisamment sous les traits du bon Pasteur et tant d'autres , et oil l'Apocalypse sur- lout, proplnjtie nouvelle, devient une source de mysticisme et de repre- sentations. Le Christiauisme une fois e"tabli se fait un symbolique a lui. Des le principe nous le voyons , par les constitutions apostoliques , or- donner Indentation des Cglises ; les catacombes s'ornent de fresques et de sculptures oil les instruments des divers etats se reproduisent , non pas, commele pretend notre spirituel adversaire, dans le but de satisfaire un sentiment personnel, mais comme signe , comme dcriture hieroglyphique constatant la ou la les restes d'un personnagea qui ces instruments furent familiers. — Quant aux eglises chrdtiennes, nous n'avons que de vagues renseignements sur celles qui precedent le vme siecle; il n'en reste pas, que je sache, du siecle suivant; mais nous en avous du x" quelques unes, beaucoup du xi° , encore plus du xne; enfin le xme nous a legu£ en grand nombre ses magnifiques temples , et c'est la que vous voyez le symbolisme rdgner sur les facades, aux corniches , aux archi- traves ; se manifester dans les mddaillons , les chapiteaux , les verrieres enfin qui , en ne nous dormant la lumiere qu'avec une certaine parci- monie , font rayonner a nos yeux les mille couleurs qui toutes nous apportent avec des faits historiques les developpements de la morale et du dogme. Tels sont, Messieurs , les sources et les phases successives du symbolisme. Quant a ses lois, elles ne furent jamais redigdes dans un code absolu oil il nous faille aller les chercher et les prendre. Mais l'usage qui en a et6 fait , les sources oil puiserent ceux qui en voulurent l'appli- cation, peuvent tres-bien nous faire sentir en m&me temps l'importance qu'on y attachait et les conditions de l'emploi qu'on en dut faire. Ainsi YEcriture sainte est son principe le plus fecond , et je mets en fait, et je soutiens avec toute la conviction d'6tudes continuelles a cet egard , qu'on y peut trouver , en cherchant bien , le texte de presque tous les motifs de notre symbolisme. Mais avec elle, et comme son complement indipensable, j'ouvre les Peres de VEglise, et je les vois nous donner des mysteres Chretiens, d'innombrables expositions tirees d'images symboliquesj je les vois attacher un sens aux choses , aux phrases , aux mots les plus 104- CONCHES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. simples en apparence et m'en faire un sujet de reflexion d'oii jaillissent toujours quelques nouvelles Ydritds. Enfin vient apres eux la Legendc , c'est-a-dire l'liistoire eccle'siastique dans quelques-uns deses faits particu- liers , de ses Episodes Ies plus earactdrise's par une teinte de mysticisme qui plait aux auies simples , que 1'Eglise n'impose pas toujours comme un sentiment indispensable, mais qu'elle ne ddsapprouve point parce qu'il n'exprime rien de contraire a Taction possible de Dieu , et de la grace sur notre cocur et nos sens. Voila, Messieurs , les trois sources principals du symbolisme Chretien. En admettant la quatrieme , le sentiment et les actes dela vie humaine, j'exprime formellement une intention impor- tante. Je ne veux pas qn'on puisse confondre cet element humain, employe jusqu'au xive siecle exclusivement , avec l'usage qu'on en fit a partir decette dpoque. C'est d'ici, en effet, que part le caprice, 1'imagination qu'on reprocne a la sculpture religieuse de nos dglises du Moyen-Age ; car ici le Moyen-Age voit disparaitre sa purcte artistique. Ce n'est plus I'evfique seul, ou l'abbe , le clerge* en un mot, qui e"Ieve les magnifiques edifices cousacres a la leligion. La fdodalite" s'est tout-a-fait emancipe'e ; elle a enchalne la liberty de l'cglise ; elle lui impose ses hommes qu'elle range avec leurs idees mondaines &u rang de ses prCIats et de ses chefs , et, des lors , maitresse daiis Teglise, elle y grave ses ai'moiries , elle y ecrit ses lCgendes equivoques, elle s'y represente orgueilleusement dans les vitraux peints, et satisfait vraiment sa vanite par un moycn qui n'avait etd aux donaleurs dn xm° siecle que comme une manifestation de pidtd sincere et comme une signature apposde a ses actes de liberality. Arriere done, pour ce qui est du symbolisme , le xiv siecle et les deux suivants ! Je n'en veux pas , je le repudie, et je vengerai la religion du peu d'honueur qu'il lui a fait sous ce rapport, en ecartant de la discussion toutes ses donnees. Mais ce que je ne puis admettre, c'est qu'on lui compare les ages prece- dents en les accusant d'avoir admis dans rorncmeutation de nos chapiteaux et des autres details arehitectoniques , les insignifiantes pensees d'ouvriers capricieux , tantot se vengeant par des satyres , tautot creusant la pierre sans intention arreted, et se phisant sans motifs a ridiculiser la matiere dans un local outout rappelle quelque chose de spirituel. Ceci est evidem- ment en opposition avec toute l'liistoire de cette epoque. Eh ! quoi, vous voudriez nous persuader qu'on laissat a rim3gination d'un sculpteur le choix et l'exdcution libre d'un seul sujet dans un temple dont la moiodre partie etait subordonnde a des regies tracdes par les genies les plus respec- tables ? iVest-ce pas alors, en effet, que Jean Beleth avait expliqud la jegendeet analyse les momdres vdgelalions des corbeilles de nos colonnes? Vincent de Bcauvais n'avait-il pas donnd ce Bestiaire ou les mocurs des animaux sont. rapproches des ndtres par d'ingdnicuses comparaisons ? Guillaume Durand , et'eque de Mende , n'a-t-il pas fait, un peu plustard, son fameux Rational des saints offices , livre que tons les antiquaircs QUINZIEME SESSION, 4 OS ont maintenanfc sur ieur bureau , et dans lequel il oublie si peu les int^- ressantes prescriptions du symbolisme, qu'il va jusqu'a nous expliquer les plus obscures parties de la maison de Dieu , et meme la pense'e attached au pave que nous y foulons ? II semble tres-difficile a croire, Messieurs , qu'en face presque de ces mailres et quand cette science qn'ils professent a tout son 6"clat ; lorsque la liturgie est conserved encore si intacte et si pure des combinaisons de I'arbitraire, on puisse avoir laisse" a la volonte maniaque d'ouvriers ignorants ou mal inspires la facture do ces figures plus ou moins grotesques , de ces histoires plus ou moins explicables qui nous e'tonnent parfois , mais qui n'en ont pas moins une explication , la- quelle nous arrive toujours apres une e"tude plus serieuse , plus appro- fondie. — Pour moi, s'il est permis de se citer, je declare que ces recher- cbes, qui me sont devenues famiiieres depuis longtemps , m'apportent chaque jour quelques lumieres nouvelles : iien en cela d'e'tonnant pour nous,bommes deludes, que notre position, nos besoins intellectuels, ap- pellent a palir sur ces maitres de la doctrine , que les hommes du monde doivent necessairemeut beaucoup moins connaitre et avec lesquels nous sommes heureux de vivre. Ah ! ces e'tudes sont pour nous pleines de charme, et j'aime a le dire ici, c'est qu'elles n'ont pas pour nous un but passager et perissable : elles 616 vent notre arae plus baut que ce monde, aussi elles nous servent pour ainsi dire a soubait ; elles nous apportent la verite et jettent ses rayons sur des obscurites que nous avions cru quel- quefois impossibles d'e'clairer. Ainsi, Messieurs, en sera-t-il pour quiconque voudra puiser a la meme source. Mais pour entirer ce qu'on y chercbe, fau- dra-t-il encore y apporter une serieuse attention, y revoir parfois a plu- sieurs reprises , et surtout s'assurer de l'authenticite' destextesou del'm- terpretation qu'ils doivent avoir. Cette derniere peusee que j'emets ici , a bien son importance dans mon plaidoyer actuel contre mon honorable adversaire. Le spirituel avocat que j'ai en tete vous a rapporte' bier un passage de saint Bernard que vous avez fort applaudi , et vous avez bien fait , car j'ai applaudi aussi moi- meme. II dtait en effet parfaitement expose, elegamment traduit; mais etait-il aussi complet qu'il aurait pu l'etre ? J'ai la preuve du contraire , et je vous rapporte tout entier , afin que vous sacbiez bien et la valeur de l'arme dont on s'est servi et de quelle faiblesse elle est dans l'argumen- tation de M. de La Sicotiere. Je n'ai pas besoin de vous dire, Messieurs, qu'il n'est point ici question de bonne foi. Je ne doute nullement qu'on n'ait mis dans l'espece toute celle qui peut y etre mise; mais je crains que le texte de Tabbe" de Clairvaux n'ait passe" sous les yeux de l'honorable membre qui l'a cite", d^tachd de ce qui le precede ou de ce qui le suit; je crains qu'il n'ait 616 pris dans quelque livre qui ne soit pas de saint Bernard, et qu'apres avoir servi au systeme de certains antagonistes du symbolisme entre les mains desquels je l'ai deja revu maintes fois , il n'ait i06 congres scientifique de France. e^e" adopte- par M. de La Sicoliere, sans plus d'examen qu'on n'y en a mis avant lui. A cela, je m'efforce de le redire , rien d'e'tonnant jusques a un certain point. On n'a pas toujours saint Bernard sur sa table, surtout quand on ne fait pas des Peres une e"tude spe'ciale et habituelle; on cite de la meilleure foi du monde sur la foi d'autrui, et Ton se trompe ainsi sans le vouloir. Permettez done , Messieurs , que je vous lise non pas seulement le passage en question , mais tout le chapitre dont il est la fin, et nous verrons ensemble s'il renferme reellement les consequences qu'on en a tiroes contre l'opposition de saint Bernard au symbolisme , ou si Ton peut en conclure que saint Bernard n'y croyait pas. On reprochait a 1'ordre de Citeaux le luxe et l'ostentation d'une vie trop exte>ieure. Guillaume, abbe" de Saint-Thierry, en Champagne, present saint Bernard des plaintes qu'il a entendues a ce sujet , et l'engage a prendre des mesures pour que de tels abus ne subsistent point dans son ordre. Le saint y repond par un traite" qu'il envoie a son ami, sous le titre (YApologie; dans ce traite* il s'excuse de la part qu'il semblait prendre a ce faste, et consacre le chapitre xii a stigmatiser les abus et le lure qui sesont introduits dans la construction des Cglises, dans leurs orne- mentations et leurs peintures. Remarquez bien ici le titre de ce chapitre : « Luxum et abusum in templis et oratoriis extruendis , ornandis , pingendis, arguit. » Ici Porateur donne lecture de ce morceau : Traduction du iexte latin de saint Bernard. J'en viens a. des choses plus importantes, et qui ne le paraissent moins que parce qu'elles sont plus repandues. Je ne parle pas ici de ces vastes di- mensions qu'on donne aux oratoires, des marbres et des peintures curieu- ses qui couvrent leurs murs, qui , en attirant les regards de ceux qui vien- nent prier, refroidissent leur pie"te et me represented, en quelque faeon , les usages oublids du judaisme. Mais enfin, que tout cela se fasse, j'y con- sens, pour la plus grande gloire de Dieu : Moi, religieux, je n'en demande pas moins a des religieux ce qu'un payen demanclait a des payens , et je dis comme Perse ; « Dites-moi, 6 pretrcs, a quoi sert votre or dans Ic sanctaairc ? « )i Dicite, pontifices, in sancto quid facit aurum ? » Ainsi, en m'attachant au sens plus qu'au vers lui-m6me , je repete aujour- d'iiui : Dites-moi, pauvres religieux, si toutefois on peut vous qualifier de pauvres, que fait voire or dans votre dglise. II n'en est point, en effet, desmoines comme des e"veques : ceux-ci , nous le savons, se doivent aux ignorants comme aux savants, aux faibles comme aux forts. Ne pouvant ali- Tnenter par des moyens spirituels la foi des populations peu intelligentes, QU1NZIEME SESSION. 107 ils y parviennent en se servant d'objets mattriels. Nous, au contraire, qui sommes separ^s de ce people, nous qui avons abandonne' pour Jesus-Christ tout ce que le monde a de pr^cieux et de beau , qui avons abdiqud tout ce qui pent briller aux yeux, resonner doucement a l'oreille , flatter l'o- dorat et le gout, plaire au toucher ; nous enfin, qui avons regardd toutes les devices du corps comme de viles choses pour gagner Je'sus-Christ, de qui voudrions-nous, je vous prie, exciter la devotion par de tels moyens? quel fruit en retirons-nous ?... On nous expose tel saint ou telle sainte revetus de tous les embellissements de l'art , et on les croit d'autant plus grands saints que de belles couleurs y brillent davantage. On accourt pour les baiser, on fait son offrande, et Ton se sent bien plus touche" de cette beaute" materielle que de la saintete de leur vie... Mais je demande aussi pourquoi nous montrons si peu de respect aux images des saints dont on charge jusqu'au pave des eglises et que par cela meme nous foulons aux pieds ? II nous arrive souvent de cracher dans la bouche d'un ange ; souvent la face d'un 6\a est effaced sous le talon des passants. Que si les images sacre'es vous semblent si peu dignes de managements , comment n'epargnez-vous pas du moins ces belles couleurs ? pourquoi orner ainsi ce qu'on couvrira bientdt de souillures ? pourquoi peindre ce qu'il faudra dans un instant fouler sous ses pas? que font les belles formes sur des dalles que ya salir la poussiere, et de quel interet peuvent etre tant d'inutilite's a des pau- vres , a desreligieux, a des hommes qui font profession d'une vie toute spirituelle ? Peut-etre repondrez-vous au vers du poete que j'ai cite" par ce verset du psalmiste : « Seigneur, j'ai aim6 la beaute" de votre maison et le lieu oil habite votre gloire. » Je l'accorde : admettons-le dans une e'glise, car enfin , si de tels ornements flattent par trop l'orgueil et l'amour de 1'or, du moins est-il certain quHls ne peuvent etre nuisibles aux dmes qui joignent une grande sifnplicite a la sincerity de leur devotion. Mais dans les cloitres, en presence de moines dont l'^tude est une oc- cupation , que font, je vous prie, tous ces monstres ridicules, et ces beau- tes difformes, et ces belles difformite's si admirees ? Pourquoi ces sales images de singes , ces feroces lions , ces centaures monstrueux , ces per- sonnages qui n'ont que la moitie' du corps humain, ces tigres tachete's, ces soldats qui se battent, ces chasseurs qui sonnent de la trompe? La, vous voyez une seule tete sur plusieurs corps a c6te" d'un seul corps pour plu- sieurs tetes. Ici, c'est un quadrupede termine" par une queue de serpent, ou unpoisson qui separe d'une tfite de quadrupede. La encore, une bete monle un cheval dont la croupe est celle d'une chevre. Plus loin, voila qu'un ani- mal arme de cornes n'est plus qu'un cheval parle bas du corps. En un mot, j'apercois une si grande varie'te' de figures repandues de toutes parts au- tour de moi, qu'on se trouve entrainC a lire beaucoup plus sur le marbre que dans les Uvres , et plus attentif certainement a regarder tout le jour 408 CONGRES SCIENT1FIQUE DE FRANCE, ces singularity qu'a mdditer la loi de Dieu. Grand Dieu ! mais si vous n'a- vez pas honte de telles inepties, au moins comprenez un pcu de quelle va* nite sont pour vous do telles depenses ! Apres quoi il reprend : Yous le voyez, Messieurs, il ne s'agit pas ici pour saint Bernard d'atta- quer le sens qu'il faut donner a ces figures grotesques dont il parle, mais de faire comprendre a ceux qui les adoptent qu'elles sont pour eux des motifs de distractions nuisibles et des objets de depenses inutiles. II parle comme religieux a des religieux ; ils ont fait voeu de pauvrete" et il leur reproche de jeter de l'argent a des superfluites que la se've'ritC de leur re- gie rend coupables. C'est toute sa pens^e : il ne va pas au dela. Et com- ment, en effet, voudriez-vous que saint Bernard , le genie de son siecle, le dernier pere de l'£glise et par consequent l'bomme de son temps le mieux instruit de ses myst^rieuses pens&s, le plus au fait de tout ce qui se rat- tachait au culte, eut parle comme s'il en avait ignore tous les precedents ? Ici son but est de persuader l'abandon de ces choses : il parle en rheleur habile, il amplifie , il 6numere avec complaisance les inconv^nients de ces sculptures dissipantes et cotiteuses , mais il ne les condamne pas en elles- memes ; il consent que les Cveques en mettent dans leurs cglises , parce que la, dans ces lieux qu'abordent tous les jours une foule ignorante qui a besoin d'etre prise paries sens, il faut donner des images et attirer l'at- tention par les regards. Or, croyez-vous que si la chose Ctait mauvaise en elle-m6me, que le saint la crut telle, qn'elle ne renfermat aucun sens, et que par cela meme elle ne fiit plus que ridicule et impertinente, il en con- cMat l'emploi partout ailleurs que chez des moines ? Ce qui est mal en soi est mal partout etne doit se permettre nulle part. C'est done dans l'interet de l'esprit de pauvret6 e'vange'Iique , libre jusqu'a certain point pour le commun des fideles, mais obligatoire pour des moines, que saint Bernard a parle" dans le fameux passage qu'on nous objecte. Eme'ric David , dans son Histoire de lapelnture au Moyen-Age, l'entend uniquement dans ce sens. — Molanus , Histoire des saintes images , le cite et l'interprete comme moi. L'abbe" de Clairvaux, en parlantde la sorte, prechait done en faveur de lasimplicite religieuse; il suivait les traditions de son ordre , comme lorsqu'il reprochait aux moines d'employer de l'or dans les minia- tures des manuscrits. J'espere done qu'on ne nousapportera plus ce malen- contreux passage k l'appui d'un systeme qu'il ne peut soutenir et que je crois vous avoir demontre' , Messieurs , par tant d'autres raisons comme insoutenable, comme contraire a la dignitC de r£glise, qui a toujours su ce qu'elle faisait et qui ne demande, comme le disait Tertullien des les pre- miers siecles , qu'a etre mieux £tudi£e pour etre mieux comprise. Pour moi, je n'en doute point : a cet Cgard, comme h tant d'autres, un jour vien- quinzieme session. i09 draou la lumiere sera faite et oil Ton ne verra plus que des ve'rite's incon- testables dans mille points importants aujourd'hui encore obscurs ou ina- percus. Ce sera la gloire de la science ; ce sera la notre si nous lui sommes fideles; ce seracelle de vous tousqui, par de genereux et continuelstravaux, y aurez si utilenient contribue\ De nombreux applaudissements accueillent cctte impro- visation. M. de La Sicotiere demande la parole pour donner quel- ques explications. II ne veut pas rentrer dans la discussion gene'rale; dans la forme , il n'aurait pas assez d'avantage ; au fond il en aurait trop. 11 n'est pas exclu- sif; il admet 1'intervention du syrabolisme religieux dans un grand nombre de cas, et il ne combat dans le systeme de M. l'abbe' Auber, que ce que ce systeme renferme de trop exclusif et de trop absolu, m6me depuis les concessions nouvellement faites , et qui limitent a la fin du xin* siecle le rcgne du symbolisme. En rcclamant pour la liberie', la fantaisie, la vanite, les passions de l'liomme, la part qui leur appartient dans la ddcoration de l'Eglise , il n'a fait que constater des tendances qui sont comme une loi meme de rhumanitd. Petit-etre aussi eut-il pu invoquer la tolerance volon- taire ou forcde du clerge" , de l'Eglise pour des abus dont la brusque sup- pression ertt pu froisser trop vivement les habitudes ou les prejuge's des populations. M. de la Sicotiere, a l'appui de son opinion , ne citera qu'un seul fait qui lui a 6U rappelC par plusieurs membres du Congres : A Caen, sur l'un des chapiteaux de l'un des piliers de la belle eglise Saint-Pierre, on voit le philosophe Aristote marchant a quatre pieds et sa mallresse montee sur son dos, un fouet a la main ; — Palmerin d'Angleterre traver- sal la mer a genoux sur sa bonne e'pee; — la licorne poursuivie par les chasseurs et se refogiant dans le sein d'une jeune fille : (la legende voulait que cet animal ne put etre ptis que par une vierge) ; — embl6mes qui peu- vent avoir pour but de pr^munir I'homme contre les dangers de l'amour, en montrant dans quel aveuglement, dans quels exces il peut pr^cipiter les plus forts et les plus sages, mais qui n'ont rien de religieux , qui sont em- prunt(k non aux livres saints , mais aux romans de chevalerie ; non aux legendes de l'Eglise, mais a celles dont l'Eglise blamait I'usage. Quant au passage de saint Bernard, continue M. de la Sicotiere, je ne l'ai cite' qu'apres I'avoir lu et se>ieusement ve'rifie, comme il convenait en in- voquant une pareille autorite", dans un pareil sujet, et devant un pareil au- ditoire. Je maintiens mon interpretation. Dans les autres passages die's par M. l'abbe' Auber, saint Bernard blame Tabus des decorations, leur richesse exage're'e, les profanations auxquelles leur multiplicity meme exposait les 140 C0NGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. figures des saints et les images religieuses : — dans le mien, il condamne les grotesques sans raison comme sans forme et sans nom , les monstres , les figures grimacantes qu'il appelle des inepties, ineptiarum. rSes repro- ches ne s'adressent plus a la profanation, a Tabus ; mais a la composition, a l'usage. Son texte est parfaitement clair, et la force n'en est en rien affai- blie par ce qu'on a voulu y opposer. M. Michelet, dans letome u de son Histoire de France, en avait cite' une partie; M. de Caumont, si scrupu- leux et si exact, l'a cite dans la derniere Edition de son Cours abrdge, dans le sens ou je l'invoque moi-m6me, et ou j'avais incontestablement lc droit de l'invoquer. Cette brillante improvisation est accueillie par les applau- dissemcnts reiteres de toute l'assemblee. La seance est levee a cinq heures et demie. Seance generate da O geittemlire. Presidence de M. Bally. M. de Sourdeval , secretaire. Siegent au bureau • MM. de Caumont, Angellicr, Ricbclet, Roux , vice-presidents ; Champoiseau , de Sourdeval , Lam- bron de Lignim , secretaires-generaux , et Viot-Prudbomme, tresorier general du Congres. M. Luzarclie, mairc de Tours, prend place egalement au bureau. M. Lambron de Lignim lit le proces-verbal de la seance de samedi dernier; il est adopte. Les proces-verbaux des Sections sont lus par MM. Blon- dcau et Brame pour les premiere et sixieme Sections rcu- nies; M. Breton pour la deuxieme; M, Millet pour la troi- sieme; M. Tabbe Bandeville pour la quatrieme. M. Paul Huot, apres avoir lu le proces-verbal de la cin- quieme Section, seance du 4 scptembrc, donnc lecture du QUINZltME SESSION. 441 rapport des excursions archeologiques faites le matin meme, et termine par la relation de la messe ponlificale celebree hicr, 5 septembre , dans l'eglise cathcdrale de Tours, par Mgr l'Archeveque de cette ville. L'orateur prend la parole en ces termes ; Messieurs , Je vous ai rappeld , hier, la visite que nous avons faite samedi a Saint- Julien. Dimanche, la sainted du jour du repos a, moraentanement, inter- rompu nos travaux que le prelat de ce diocese a daign6 b&nir dans une messe solennelle. Cette messe, e'est encore de l'archeologie, et je viens, en quelques mots, vous en expliquer le symbolisme, dont le respectable abbe Manceau a bien voulu me dSvoiler les mysteres. Le culte catholique , qui parle aux sens et au coeur en meme temps , ne de'ploie jamais en vain la po^sie de ses clocbes , de ses chants et de ses prieres; mais lorsque ces pompes sacre'es vous enveloppent de leurs seduc- tions au milieu d'une cathcdrale aux ogives e'lance'es, aux chapiteaux touf- fus, aux splendides verrieres ; lorsque la procession des officiants se de* ve- loppe majestueusement a travers les mSandres des piliers , il ne vous semble plus seulement que le Seigneur soit avec vous, ainsi que vousle re"- p6te, a certains intervalles, la voix grave du pretre, il vous semble encore que, transports dans un autre siecle , vous vous retrouvez au milieu de celte vieille lithurgie gallicane empreinte, dans son ensemble comme dans ses moindres parties , de tous les celestes parfums rapport^s de l'Orient par Polycarpe et les premiers disciples des ap6tres. Ainsi en est-il a Saint-Gatien de Tours , lorsque se de>oule , a travers la foret de ses colonnes, la double procession de Vordre. Al'Introit, le fidele place* dans la nef, en i&ce de l'abside, voit tout a coup apparaitre , a droite 1'appariteur qui precede les officiants, puis un enfant de chceur portantle benitier pour purifier leurs pas; entre euxun espace qui n'est pas arbitraire, mais fix6 par le rite traditionnel a la dis- tance d'un pilier ; derriere eux le tr^sorier, dignitaire du chapitre, ouvrant la marche triomphale , puis un enfant de choeur portant un chandelier charge" de son cierge de cire allume*, puis un autre , puis un autre, sept en tout , s'avancant a pas lents et figurant la mystique promenade du Christ sauveur au milieu des sept chandeliers d'or de I'Apocalypse ; derriere eux, l'Ctendard de la croix et les sept induts en tuniques portant devant leur poitrinc sept reliquaires ou brillent les restes v6ne>ds des martyres de la Foi, rappelant les sept dglises et les sept dons de l'esprit ; puis les diacres et sous- diacres, d'honneur et d'office, puis le porte-insignes du prelat ; en- tin, deux archidiacres, couverts de leur chappe, et pr^cSdant le prelat lui- 112 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. meme , revetu de ses habits pontificaux , la mitre en tete , la crosse en , main. Ceux d'entre vous , Messieurs , qui out assists au Congres de Reims et a la messe pontificale qui en a sanctifie les travaux , se rappellent que cette procession de lTntroit ne se fait pas dans la lithurgie re'moise, qui a con- serve", elle aussi, plus d'une remarquable tradition indigene; la, au con- traire, le pre'lat v6tu sans pompe , est ddpouille , un a un , de ses simples ornements ; quand il ne lui reste que sa robe , les officiants le revetent de ceux qu'il doit porter pendant le sacrifice ; il y a la d'autres emblemes dont M. le baron de Roisin vous a, je crois, explique la signification dans un travail special. La seconde cdrdmonie particuliere a ce diocese, c'est la procession des dons, qui remonte a une haute antiquity puisqu'elle est mentionnee, ainsi que la premiere, dans les Merits de Gregoire de Tours; c'est un vestige pr^cieux de l'usage primitif qui admettait les dons volontaires des fideles au moment de l'Offertoire. Tout semble dispose" pour le sacrifice; mais la matiere, mais les vases n'ont pas encore paru. Le prelat depute, pouiToffrande, un de ses diacres, deux induts et trois ceroferaires. lis se dirigent vers le sacrarium et, pen- dant le Credo, la seconde procession, conservant toujours la distance tra- ditionnelle d'un pilier, se met en marche dans l'ordre suivant ; Un appariteur ; — le tr&orier ; — un ceroferaire suivi d'un indut, por- tant l'eau et le vin voiles, et pre"ce"dant un autre ceroferaire ; — apres eux, un indut portant, sur une large patene, le pain sacre" sous un voile; — en- core uu ce^rofe'raire, puis un diacre avec le calice egalement voile". Ces voiles et ces flambeaux ne sont pas disposes ainsi pour le vain plai- sir des yeux ; c'est encore une symbolique image du mystere auque! vous allez assister, tandis que sur ses tenebres le flambeau de la Foi verse les flots de sa lumiere. Enfin, deux autres usag^J nous ont paru dignes d'etre remarques ; l'un appartient aux messes pontificates en general , l'autre a la catWdrale de Tours en particulier. Ordinairement l'officiant bdnit les assistants apres le He missa est. — Or, malgre" le respect que nous devons tous et que je professe personnelle- ment pour les choses saintes , il m'a toujonrs semble" voir quelque chose d'illogique dans la place donnde par le rituel a cette be"ne"diction : « Allez, dit le pretre aux assistants, allez, la messe est dite. » Et, quelques instants apres, il les benit. 11 est evident que s'ils suivent litte"ralement ses ordres , s'ils partent quand il leur dit ; « Allez ! » ils ne recevront pas sa benedic- tion. — Je ne crois pas proferer une impiete en disant que la benediction devrait pre"ce"der le He missa est. Ainsi en est-ildans la messe pontificale. C'est avant la communion que le prelat benit ses enfants. Ne semble-t-il pas alors leur dire : « Ce n'est qu'apres avoir recu l'imposition des mains QUINZIEME SESSION. 415 de celui que Dieu vous a donnd pour pere , que vous pouvez dignemeut vous associer au sacrifice qu'il va offrir , en votre nora , a votre Pere qui est aux cieux. » L'autre difference, dgalement pleine de poesie , regarde Vimposilion du Credo; ordinairement, le grand chantre ou maitre du choeur s'avance jusqu'au pied de 1'autel et, s'inclinant devant le prClat, psalmodie les pre- miers mots du Symbole des Apotres , pour lui annoncer que e'est en cet endroit qu'il doit confesser la foi du Christ. Cette Imposition n'a pas lieu a Tours; aussitot apr&s l'evangile chante* par le diacre , le prelat, spontane- ment et comme entrained par ce qu'il vient d'entendre, s'ecrie : « Voila ce que je crois! Credo in anurn Deum omnipotentem, etc. » Dans ce vieil usage conserve* a Saint-Gatien, vous verrez encore un pre- cieux document historique, mais vous y verrez, comme moi, Messieurs, autre chose encore que de I'archdologie. Plusd'un parmi vous, j'en suis sur, avait deja saisi, comme a Reims, ces saintes particularites du rite indigene ; plus d'un aussi a remarque ce qui manque ici, ce qui ne manquait pas a Reims, la pompe ext&ieure des or- nemeuts du temple et des officiants. Ces chappes d'or qui ctincclent au milieu du demi-jour distills par les vitraux des verrieres, ces flambeaux , ce crucifix, ces calices, ces aiguieres richement ciseltfes, dans un gout, il est vrai , peu en harmonie avec le style de l'eWice , mais ou la richesse de la matiere s'harmonise , du moins, avec la solennite des pompes religicuscs dont elle est l'instrument. C'est que la metropole de Reims, Messieurs, est comme une veuve a qui 1'epouxauraitlaisse, enlaquittant, de splendides atours, etqui, h certains jours de fete, quitte ses habits de deuil pour rev6tir les dons de celui qu'elle aimait ; tandis que la metropole de Tours ressemble plutot a cette autre veuve dont nous parle l'Ecriture, portant dignement et tierement sa sainte pauvrete, et sachant encore, a l'occasion , donner aux pauvres cet evangd- lique denier que le Christ pr eferait aux splendides offrandes des Scribes et des Phaiisiens. Celtc lecture est aceueillic par les applaudissemcnts de rassemblce. Lordrc du jour appelle en seance generale la discussion sur la huitienic question de la premiere Section, ainsi con- cue : - i Le lit des fleuces et des rivieres ne s'exhausse-t-il pas dans la proportion de la masse de sable el de galets qui est charrie'e par leurs eatix? » Wit CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. de Sourdcval a la parole ct s'exprime ainsi : Messieurs , Ce phenomene a et6" l'objet d'observations faites depuis la plus haute antiquity. Le Nil , ceiui peut-Gtre de tous les fleuves dont les eaux trans- portent le plus de matieres etrangeres , non-seulement etend vers la mer la surfaee de sa longue valiee, mais il exhausse le sol de cette valiee, il eieve meme le fond de son lit dans une progression constante; ce qui fait que, chaque siecle , 1'inondation depasse de beaucoup les marques qu'elle a laissees dans les sieeles precedents. Iierodote nous dit qu'un espace de neuf cents ans avait suffi pour etablir une difference de niveau de sept a huit coudees. Les savants qui accompagnerent l'expedition d'Egypte con- staterent qu'a Elephantine 1'inondation surmonte de plus de deux metres les plus grandes hauteurs qu'elle atteiguit sous Septime-Severe. Au Caire, elle n'est jugee suffisante aux arrosements qu'autant qu'elle depasse d'un metre vingt centimetres la hauteur qui etait necessaire au ix siecle. Les monuments antiques de cette terre celebre sont tous plus ou moins enfouis par leur base. Le limon amene par le fleuve couvre meme de plusieurs metres les monticules factices sur lesquels reposent les anciennes villes. (1) Les fleuves et rivieres qui descendent des Alpes entrainent avec eux une grande quantite de galets, debris de roches arraches aux flancs des monta- gnes. Ces masses pierreuses exhaussent ou plutot obstruent partout le lit des torrents dans les hautes valines et tendent a deleter constamment a droite et a gauche le cours des eaux. C'est ainsi que le lit du Rhone , au- dessus du Le"man , est presque impossible a fixer, et qu'il semble vouloir elever tour a tour chaque point de la valine reste plus bas que les autres. 11 en est ainsi de l'lsere et de la Durance qui ravagent de larges espaces et ne peuvent s'encaisser nulle part, moins a cause de l'ioegalite de leurs eaux qu'a cause des masses mobiles de pierres qui forcent leur cours a des changements incessants. Celles des rivieres alpestres qui se deversent en Italie ont cependant etc domptees par 1'industrie humaine jalouse de soustraire a leurs ravages les fertiles plaines de la Lombard ie. Mais alors de nouveaux phdnomeues se sont produits , et l'hommea lini par se trouver menace par l'e"chafaudage meme qu'il avail eleve pour sa surete\ Le P6, I'Adige et d'autres rivieres contenues entre des digues ont exhausse le fond de leur lit d'une maniere effrayante. II a fallu elever de plus en plus les enormes chaussees destinees a encaisser ces cours d'eaux. (i) Cttyier, Vumrt tW ks rvwkiivw du ykhe, qulnzieme session. 115 Le niveau ordinaire des caux du V6 depasse le toit des maisons de Ferrare, et le superbe Eridan domine la ville du Tasse comme du haut d'un aqueduc. Mais le phenomene de l'exhaussement des rivieres nous a paru surtout curieux a observer aux confluents des cours d'eau qui charrient des mas- ses inegales de matieres. II est dans les lois physiques que le fleuve , qui sert en quclque sorte d'axe a tous ses affluents , qui percoit le tribut de leurs ondes pour le verser au seiu de la mer, suive la ligne la plus pro- fonde du bassin qui lui est affecte. Les deux plans du bassin se reinvent a droite et a gauche en fond de carene ou en amphitheatre , de maniere quele lit des affluents soit plus eieve et par consequent d'un cours plus incline, plus rapide que celni du fleuve median. C'est ainsi que les choses sont disposCes dans les hautes valines des montagnes , oil toutes les lois de cctte declivite sont si fortement accusees. Cependant , i! se trouve que, si le fleuve median charrie plus de matieres que ses affluents , ce qui a lieu surtout Iorsque le fleuve vient des montagnes et ses affluents de la plaine, son lit s'exhausse dans une proportion d'autant plusgrande a re- gard du lit des affluents, que la masse des matieres transposes par lui de- passe celle de chaque riviere laterale. On peut observer ce phenomene au conlluent de la Sa6ne et du Rhone. Ce dernier fleuve , ou le courant pri- mitif des matieres pierreuses est intercepte par le Leman qu'il comble d'une maniere tres-remarquable, recoit encore assez de debris siliceux par l'Arve , 1'Ain et autres rivieres torrentueuses venant des Alpes et du Jura, pour charrier devant Lyon beaucoup plus d'eiements solides que la Saone; aussi , cctte riviere , dont la pente est d'une rapidite moyenne pen- dant presque tout son cours , cesse-t-elle tout a coup de couler quand elle est pres d'aborder leRh6ne dont le fond du lit se presente a elle, non avec progression de declivite, mais au contraire comme une barre : ce fut la sans doute que l'observa Cesar , quand il dit que la pente de cette riviere est si insensible qu'on ne peut distinguer de quel c6te elle coule , tandis que le Rhone est tres-rapide. Mais c'est sur la Loire surtout que nous avons fait porter nos observa- tions. D'une part , ce fleuve charrie une certaine masse de sable et de galets qui lui vient des roches volcaniques des cevennes; de l'autre , il traverse, depuis l'embouchure de l'Allier, son principal affluent et son principal auxiliaire de productions siliceuses, un bassin tellement evase, aplati que le cours des rivieres afflucntes est generalement tres-lent. Cette absence d'inclinaison dans les plans lateraux est meme d'autant plus sen- sible a mesure qu'on s'approche de I'Ccean. Quoiqu'il en soit, le fleuve median a du , originairement , et en vertu de la loi physique que nous avons signalee, tracer son lit dans le fond de carene de son bassin ; si, au- jourd'hui , le fond de son lit se trouve plus eieve que celui de la plupart 416 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. de ses affluents de la plaine, cette Elevation nous semble devoir etre attri- bute a des changements survenus depuis la disposition primitive. Notre premiere observation s'est portee sur la difference de niveau qui existe entre le lit de la Loire et celui du Cher devant Tours. Des observa- tions, faites avec le plus grand soin par les ingenieurs des ponts et chaus- se"es, au mois de juin 1847, ont constate que le lit du Cher, sous le pont qui traverse I'allee de Grammont , est de soixante-trois centimetres plus bas que le lit de la Loire , au pont de Tours. Or, depuis la terminaison, au hameau de Rochepinard , du coteau qui separe les deux bassins , en amont de Tours , les deux rivieres d^bouchent dans une meme vallee et leur inclijiaison naturelfe devrait les porter a s'y reunir promptement, eu se jetant l'une et l'autre dans la ligne la plus basse de cette vallee ; il n'en est pas ainsi , cependant; la Loire -, maintenue par des levees artilicielles , continue de couler au nord de la valine , tandis que le Cher serpenle dans les prairies , le long de la rive meridionale. Si le lit de la Loire etait plus bas que le sien, il se haterait d'y deverser ses eaux ; mais comme , au contraire, ce lit est plus Cleve , il s'en eloigne tant qu'il peut, et co- toyant le revers de la valine, il n'entre dans la Loire qu'a deux myriamelres au-dessous de Tours, lorsqu'il a suivi assez longtemps le cours du ileuve pour retrouver son niveau et lorsque, d'ailleurs, il est ramene' forcement vers la Loire par la rencontre du coteau de Villandry. Le Cher charrie du sable aussi , mais en quantity bien moindre que la Loire; aussi , son lit s'est-il eleve' dans une proportion bien plus faible. 11 y a toule apparence que jadis , avant l'epoque oil cette difference de niveau fut aussi profondement tranchee, les deux cours d'eau avaient bien plus de propension a se rejoin- dre dans la vallee. La trace du ruisseau Saint-Lazare , qui suit une ligne diagonale du Cher a la Loire aboiitissant a Sainte-Anne, faubourg en aval de Tours , a surement donne' cours anciennement soit au Cher tout entier, soit a un bras important de cette riviere, aujourd'hui comble, parce que sa pente se trouve en sens inverse de ce qu'elle fut autrefois. Un ta- bleau representant la ville de Tours a la date de 1640, et dont uue copie est ii l'Hotel-de- Ville , marque le cours d'un ruisseau partant du Cher et venant aboutir a la Loire, a travers la ville de Tours elle-meme , et ce ruisseau parait suivre les traces actuelles du ruisseau Saint-La- zare. L'entree de l'lndre dans la Loire se fait, pour ainsi dire, d'une ma* niere aussi timide que celle du Cher. L'humble riviere, en debouchant dans la vaste vallee oil elle doit perdre son nom, se garde bien d'accourir tout d'abord vers le recipient deTmitif ; elle s'en eloigne , au contraire , se glisse obscure'ment le long des coteaux d'Usse" , et c'est quand la Loire re- vient elle-m6me, par un retour brusque, ranger les memes coteaux, que la jonction s'opcre. La Vienne et la Maine de"bouchent dans la Loire presque a angles droits , QUINZlEME SESSION. 117 en rasant de liauts promontoires qui les forcent a entrer dans le ileuve sur nn point determine et ne permettent pas de fuir, comme les deux rivieres pre"ce"dentes , pour aller chercher, en aval , un niveau plus abordable. La Vienne transporte fort peu de sables; la Maine , de nieme que l'lndre, n'en charrie pas du tout ; cette circonstance a rendu , a la longue , le lit de ces affluents beaucoup plus bas que celui du fleuve central , et a du produire cet effet que , si le nivellement ne s'operait pas par le fond des lits, il devait se fai re par la surface des eaux. Le courant de toutes ces rivieres a done subi un temps d'arret aux approches du fleuve. Toutes ont cesse de couler, elles ont amoncele leurs eaux a des bauteurs considerables sur le vieux lit et elles ont trop souvent inond6 leurs prairies m6me au coeur de 1W. C'est particulierement ce que fait la Maine entre Angers et la Loire ; le courant de la riviere est tout a fait annule dans cet espacc : les bateaux , cinglant sur une eau profonde et endormie , s'avancent avec la meme faci- lite que sur un lac, ils ne craignent pas les greves et ne font aucune diffe- rence de la descente a la remonte. Des qu'il y a une crue dans la Loire , le fleuve dominateur se projette dans chacun de ces affluents etlcs remonte a plusieurs lieues avec la rapidite" d'un torrent; on le voit souvent se pre- cipiter a travers les arcbes des ponts d'Angers comme s'il devait trouver son embouchure dans quelque gouffre des plaines du Maine ou de l'Anjou. Les autres petites rivieres qui se jettent dans la Loire, comme le Loiret, la Brenne, l'Evre, la Sevre , l'Erdre, et ne cbarrient pas de sable, eprouvent une egale difficulte a s'emboucher. Quaud elles le peuvent , elles de"vient, comme le Cher et l'lndre, pour chercher en aval une en- trde aussi lloignee que possible ; quand des coteaux empechent la devia- tion et commandent une jonction immediate, elles accumulent leurs eaux pour atteindre le niveau de celles du Ileuve et couvrent de marecages les prairies situdes a la partie inferieure de leur cours. II est remarquable qu'aux environs de Nantes , pays de bouleversemeuts schistenx et granitiques , les deux plans du bassin de la Loire paraissent s'ouvrir de maniere a acquerir une horizontal^ complete , aumoins dans certaines valines ; ces faits sont inddpendants de l'elevation progressive du lit de la Loire, mais ils recoivent de ce phenomene un relief nouveau. Les deux plus remarquables de ces vallees sont celle de l'Erdre et celle del'Acheneau ou du lac de Grand-Lieu. La premiere est J'une horizonta- lite" telle; qu'il a suffi d'un barrage d'un metre a la partie inferieure pour assurer a la navigation une eau profonde et sans courant , sur une lon- gueur de trois myriametres. Cette circonstance a produit une entree excel- lente pour le canal de Nantes a Brest. La valine de l'Acheneau n'est pas seulement horizontale , elle est presque declive a l'dgard du lit de la Loire. II est vraisemblable que, si ce fleuve eiit rencontre les pentes actuelles, lors du cataclysme qui forma son cours, il se fut precipitc du cote du lac de Grand-Lieu ; mais , sans doute, la valluc qu'il suit etait plus basse alors H U8 CONGUES SCIENT1FIQUE DE FRANCE. qu'aujourd'hui : son lit s'est exhauss6, selon toute apparence, tandis que , d'un autre cote- , le fond occupe par les eaux du lac de Grand-Lieu a pu subir une depression du sol dans quelque secousse volcanique dont la tra- dition locale semble avoir conserve" le souvenir quand elle attribue la for- mation de ce lac a une 16gende analogue au rdcit biblique de la formation de la mer morte. Les moines de Buzay creuserent , dit-on , le canal de l'Acbeneau ; cela ne doit s'entendre que pour la partie de cette riviere qui toucbe la Loire et du marais qu'y avaient occasionne" l'exbaussement du fleuve, ses inondations, ses ensablements. Les moines ont du creuser le canal qui s'embouche dans la Loire, et deTendre , par des ecluses , la val- lce contre les crues du fleuve : e'est ce qu'ils ont fait ; mais a cela" pres , l'Achencau , entre Buzay et la Loire , a tous les caracteres gCologiques d'une riviere naturelle , sauf la pente qui est nulle. Quoiqu'il en soit , la condition de ces deux valines est iudependante de la proposition que nous avons emise que les fleuves et les rivieres ex- haussent leur lit dans la proportion des matieres charriees par lews eaux. Nous voyons , d'une part , les fleuves qui cbarrient des matieres dans une dnorme proportion , tels que le Nil , le P6 , le Rhone , le Rhin , clever leur lit dans une proportion effrayante pour les pays qu'ils traver- sent; nous voyons enfin la Loire tenir son lit d'autant plus eleve a l'egard de ses affluents , que chacun de ces cours d'eau accessoires se presente avec moins de matieres transporters. Ce memoire recoit les marques de la plus flatteuse appro- bation. M. de Caumont prend la parole et dit que , pour comple- ter ce travail , ilfaut consulter les observations publiecs par M. James Iates , de la Societe geologique de Londres. M. Iates a reconnu que les matieres pierreuses cbarriees par les fleuves striven t une marclie plus ou moins rapidc , scion la nature des rocbes qui les composent; les schistes argilcux formentles galets qui lui ont semble se transporter le plus facilcment et s'elancer le plus loin dans le cours du Ueuve, pbenomene qui s'explique asscz aisement par la na- ture pcu pesante et, jusqu'a un certain point, soluble et spongieusc de cctte roebe , tandis que les granits ou les si- licates, plus pesants, doivent elre ralcntis par leur poids. M. Jacqucmin fait observer que la Vienne , d'apres les rccbercbcs de M. I3odin, n'avait pas son emboucbure dans la Loire, immediatement pres du coteau de Caudes, comme QUINZIEME SESSION. 119 aujourd'hui ; que jadis , la Loire coulant au nord de la val- lee , la Vienne la suivait parallelement jusqu'a Saumur. M. Lambron de Lignim est appele a la tribune pour don- ner lecture d'un Memoire sur la dixicmc question de la cinquieme Section, ainsi concue : « Quelle influence le se'jour de la cour en Touraine a-tril exerce sur le langage. et sur le de- vcloppement de Vart theatral dans cette parlie de la France ? > L'orateurlit et improvise successivement le discourssuivant: Messieurs , On reconnait gen^ralemenl a la Touraine et au Blaise-is un langage plus pur, et raoins accentue, que celui dont on use dans les autres contrees qui avoisinent ces deux provinces. Le sejour de nos Rois en Touraine, celui des comtes d'Orleans a Blois , ont sans doute contribue a produirc un resultat que nous nous bornons a signaler sans chercher a en appro- fondir plus particulierement les causes (1). La presence de la cour dnt aussi inspirer leg&iie dramatique dans ces monies lieux. II n'entre point dans le cadre de notre travail , tout spe- cial a la Touraine, de rechercher les premices de cet art qui fut introduit, dit-on, dans les chateaux et les manoirs des plus grands seigneurs par quelques pelerins et par les troubadours et les jongleurs , a leur retour des saints lieux (2). Ces joyeux aventuriers ce"le"braient , apres y avoir pris quelquefois une part active , les evenements les plus dramatiques arrivds pendant ladurde des Croisades ; Indiquons seulement ici le gout constant de la noblesse Franchise pour ces jeux de l'esprit, afin de sou- tenir notre opinion bien arreted que le se'jour de la cour en Touraine dut contribuer puissamment a l'introduction et au developpement de l'art theatral dans cette province. Dausses etudes sur les mysteies, if; Onesime le Roy, fait remarquer, avec beaucoup de raison, le goat que les habitants du nord ont eu dans tous les temps pour les representations religieuses. En effet, elles ont donn6 naissance a ces assemblies appele'es kermesses qui, surtout en Flandre, altircnt encore maintenant les populations, de plus de trente lieucs de distance; mais ce sentiment du g&iic dramatique , ce gout, que le feu (i)Nous avions Fcsperance de voir M. de Sourdeval trailer la premiere partie de cette question; scs etudes approfondies sur ce sujet nous promeltaient un article remarquable. Les travaux relatifs a l'organlsalion du Congres ont mis obstacle a la realisation de ce projet. (2) Voyez sur ce sujet l'excellent ouvrage intitule la Poe'sic du Troubadour (pages 27, 28 et suivantcs) par Frederic Diez , traduit de l'allemand par M. le baron Ferdinand de Roisin , l'un des plus savants et des plus dignes souliens de la science archeologique dans nos Con- gres, Jules Labitle, libraire , Paris 1343. — Format in-S°. 120 CONGRES SCIENTIF'IQUE DE FRANCE. sacre de l'enthousiasme a conserve jiisqu'a ce jour dans ces contiees, a-t-il precede" ou suivi l'impulsion et l'exemple donnas par la Touraine ? C'est ce que nous allons chercher a reconnaitre , sans aucune intention d'enga- ger une discussion se>ieuse sur un sujet aussi peu important a nos yeux. que celui d'une date ; qu'elle soit un peu plus ou un peu moins ancienne , le but vraiment utile que nous nous sommes propose" d'atteindre n'est pas la. Nous avons pense" qu'uu expose chronologique et sommaire des di- verses phases de Part theatral en Touraine , depuis la .fin du xrv* siecle2 ne serait pas sans inte>et au point de vue historique» et qu'une compilation de cette espece pourrait servir utilement a elucider une question qui n'a &t6 que fort peu etudiee jusqu'a present. Les plus anciens documents relatifs a la representation des mysteres dont l'histoire nous ait conserve le souvenir , ne nous paraissent pas re- monter beaucoup au-dela du commencement du xv° siecle. La pieuse so- ciete fondle sous le titre de Confrerie de la Passion , obtint du roi Char- les VI des lettres patentes , datees du 4 d^cembre 1402 (1) , par les- quelles son existence legale fut deTinitivement reconue. Elle avait deja represents a Saint-Maur , pres Paris, en 1398, la premiere partie du mysterede la passion ; niais ce ne fut qu'en 1404 qu'elle donna une re- presentation de la seconde partie de cette pieuse trag«5die (2). A cette epo- que , au moment de sa creation , elle dtait formee de clercs ou du moins la plus grande partie de ses membres appartenait au clerge\ La composi- tion du personnel de ces premieres exhibitions dramatiques n'a pas moins change que le caractere des pieces representees depuis par les come- diens du roi qui descendent , dit on , par une se>ie non interrompue, de la societe des Confreres de la Passion. Treize ans avant la creation legale de la Confrerie de la Passion , la ville de Tours avait vu ceiebrer dans ses murs des jeux ou mysteres ; elle en conserve encore dans ses archives le t^moignage authentique. La crainte que nous eprouvons d'affaiblir l'interet qui s'attache a des titres aussi an- ciens , nous engage a les presenter dans toute leur naive simplicity. Nous laisserons parler les receveurs des deniers communs de la cite" et les magistrats possesseurs du droit d'accorder ou de refuser l'autorisation de ceiebrer ces mysteres. 1390.— « Pay£ la somme de xx sols a Michel Ruffe Jehan Saulay « Mace des Noiers et a plusieurs autres , montans vm personnes, lesquelz a par leconseil et advis des gens deglise bourgeois et habitans de ladite (1) Ordonnances des Rois de France , Tome Viil, page ass. (i) Voir sur ce sujet un excellent article de la Revue des Deux Mondes , intitule: les dernier8 jours de la Tragedie Grecquc, par M. Emile Deschanel , dans lequel il cite avec beaucoup de developpcment la Passion du Christ, piece que Ton croit du rvc siecle et que Ton attribue a Saint-Gregoire de Nazianzc; page 820 du T, 18. 2C serfe. quinzieme session. 421 « ville furent ordonnez le dimanche feste Saint-Cristophe (25 juillet) iii c « iiii xx et dix pourestre tout cellui jour taut sur la Tour monseigueur «■ Saint-Martin de Tours pour estre eschaugues comi agarder les portes «. et estre sur les murs de ladite ville pour eulx donner garde que aucuns « gens non cogneuz ne venissent ala dite ville cellui jour pour ce que de « lassentement des liabitans dicelle ville , les gieux des sept vertuz et des « sept pechiez mortelz furent jouez cellui jour en ladite ville pour ce par « mandement desdiz esleuz et quitance sur ce donnez le XXY° jour de « juillet Ian mil iiic iiiixx et dix. xxs (i) Quelle heureuse inspiration lit naitre ces premieres Emanations du genie dramatique ? Le choix de ce mystere nous re" vele un rapport intime entre les chefs-d'oeuvre de nos vieux ymagiers et les representations sce- niques de cette Epoque. Les sujets de la majeure parlie de ces mysteres appartiennent a l'ancien ou au nouveau testament ; les sujets choisis par 1'iconographie chre'tienne ne nous offrent pas une autre origine, et les moralite's , transporters aussi sur la scene, n'en sont en quelque sorte que le complement oblige". On sait combien de talent deploy aient alors ces artistes qui , sous le titre modeste de tailleurs d'ymaiges, repandaient avec profusion les richesses de leur vive imagination dans l'ornementation des monuments Aleve's par la pieuse munificence de nos pores. Ce sujet des vertus et des vices etait un de leurs themes favoris qui se trouve varie" a l'infini dans la plupart de nos cites. On voyait au chateau d'Ara- boise, vers le milieu du xvc siecle, un edifice appele" le pavilion des sept vertus du nom des statues qui le d^coraient (2) ; les eglises de Civray et de Parthenay , la facade de celle de Blazimont, dans le Pe>igord, offraient Egalement parmi leurs sculptures le combat des vertus et des vices. (3) Mais , lorsqu'a ces creations du g£nie il ne manquait plus que la vie et son animation, l'auteur du drame sacre" est venu completer Poeuvredu statuaire, et se rappelant les paroles de son divin maltre au pauvre Lazare : surge et ambula , il a fait descendre ces froides images de leurs pi^destaux et leur a donnd sur la scene cette vie intellectuelle dont elles avaient £te privies jusqu'alors (4). Mais il n'appartient qu'a la seule puissance divine d'ope>er de semblabies (1) Comptes sur parchemin de Guillaume leSaintier, receveur des deniers communs , commis a cet office par Jehan Ailgcmbourse , bailli des ressorts et exemptions de Touraine, d'Anjou , du Maine , et de Poitou , et par maltre Jehan Prunele, senechal de Touraine , commissaires en cette partie , 1389 — 1390. — Archives de l'H6tel-de-Yille de Tours, (2) Essais historiques sur la ville d'Amboise , p. 41 , par M, E, Cartier, (3) Bulletin monumental , 13° yoI. p. 603. (4J Al'entree du due de Betfort, le 8 soptembre 1424 , les enfants de Paris reprewni ler ent i< le mystere du viel testament, et du nouvel, sans parler, et sans signer, comme ce fus- sent ymaiges enlevees contre un mur. » Journal de Jean de Paris , Edition in-4° , page 101 , TheAlre Francais desfr^res Parfait , %" vol. p. 304, 4 22 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. merveilles, et la creation complete du drame sacre ne pouvait etre le r£snltat que d'un long et laborieux enfantement. Les sujets a traiter sur la scene et les personnages une fois indiquCs par la statuaire, les costumes le furent par la peinture. Nous ferons remarquer qu'a cette dpoque , il existait un tel luxe dans les arts , que le travail du sculpteur n'elait regarde" comme acheve' que lorsque le peinlre , lui pretant son utile concours , avait prqdigue Tor, Tazur, la pourpre et les plus riches couleurs de sa palette pourdonnerledernierdegrdd'ornementaUona son oeuvre. Les anciens monuments que nous possedons encore, ceuxqu'on dCcouvre tous les jours et qui, delivres de la couche epaisse de badigeon dont ils £taientsouiIles, so montrent a nos regards dans un etat plus rapprocheVde leur premiere splen- deur , concourent a prouver dgalement le fait que nous avons signale" (I). Nous avons done reconnu trois phases bien distinGtes dans la mise en scene et la representation des mysteres. La premiere dpoque nous offre plutdt des tableaux d'ensemble que des representations theatrales : Les personnages ; grouped par l'auteur , sont immobiles et muets ; des inscrip- tions, placees au-dessus de leurs tetes, font connaitre le role q.i'ils sont charges de remplir. En un mot , les figures en cire du salon de Curtius don- neraient une ide"e assez juste de ces premieres exhibitions. Le second age de la scene franchise pre*sente une amelioration bien digue deremarque; on y voit reparaitre les pieces mimiques , ces pantomimes dout, au vi° si6cle , l'empereur Charlemagne avait Cte" force de rdprimer Textreme licence par de severes mais justes edits. Nous ferons remarquer a cette occasion que les pantomimes furent les premiers comediens chez les Fran^ais comme ils l'avaient €t€ chez les Grecs et chez les Romains. Mais, a Tepoque que nous signalons, les sujets choisis pour la plupart dans les saintes e'eritures , ne pouvant offrir au peuple que d'utiles et reli- gieux enseignements , furent accueillis avec empressement par toutes les classes de la socicte, qui souvent oubliant les distances qu'imposent lanais- sance , la fortune et l'education , se re"unirent d'un commun accord pour prendre des roles dans ces pieux mysteres sous la bienveillante direction du clerge lui-mfime. Du moment oil la pantomime s'empare du thlatre, les acteurs rivalisent de z61e pour imprimer a Taction cette vie intellectuelle, dont l'absence ren- dait les representations sceniques si monotones. Les sujets sont plus nom- breux et plus varies , et pourtant le genie dramatique n'est point encore parvenu a son apogee. Le silence regne toujours sur la scene, mais des anges apparaissent, a chaque changement de tableau, pour indiquer le sujet de Taction qui va se passer par des inscriptions tracers sur des banderoles qu'ils exposent a la vue des spectateurs, EnGn, dans la derniere phase qui complete Torganisation definitive du (1) Monuments franfais , par A. L. Milliu , 2" vol, , article Abbaye de Royaumont , torn- beaux de la famille de Saiut-Louis. QUINZIEME SESSION. 123 theatre, les divers elements que nous venons d'indiquer se trouvent re'unis aux paroles , ou au pocme , que l'auteur confie a la me'moire et au talent des personnages que son sujet appelle sur la scene. La marche progressive que nous venons de signaler se trouve indiqude par des nombreux docu- ments ; toutefois, batons-nous de reconnaftre que ce nouveau systeme de classification n'a pas e'te , selon toute apparence , sans recevoir de nom- breuses modifications, et qu'il n'est acceptable qu'en these g£ne>ale. Les archives de la ville ne nous fournissent aucun autre document sur l'organisation du the'atre jusqu'a l'anne'e 1406, quatre ans apres l'orga- nisation complete et reconnue, de la Confre'rie de la Passion : nous ignorons si ce fut avec le concours des membres de cette pieuse association que ce mystere fut represents a Tours ; toutefois, l'article qui a rapport a la dd- pense faite a cette occasion, est concu en ces termes : ( Arcbives de la mairie, 1406.) 1406.— «. Paye" a Pierre Gouce, la somme de onze livreV sous tournois « h lui bailies pour et ou non des clercs et compagnons qui ont joue et « fait en ladite ville le mistere de la passion de notre Sauveur , pour les «< causes contenues es lettres de monseigneur le bailli de Touraiue, ou son « lieutenant, donne'es le4aout 1406, ct signers P. Duplesseis. » 1420. -- Ici se trouve une lacune dans la sdrie de nos documents , mais jetons un coup-d'oeil sur la marche de Part theatral dans les villes les plus rapproche'es de notre cite". En 1420, Gilles de Laval, connu sous le titre de mare'chal de Retz , dont le nom se rattache au souvenir de tant de crimes qu'il expia sur un e"chafaud, faisait cdldbrer les jours de grandes fetes, tels que la Pentecote , PAscension , des mysteres sur des theatres Aleve's a ses frais dans les places publiques et notamment a Angers et a Orleans (1). 1436.— Nous trouvons egalement quelques renseignements assez curieux sur les f6tes qui furent c&Cbreesa Tours, les 24 et 25 juin 1436 , a l'occa- sion de l'entree solennelle de Marguerite d'Ecosse, et de ses noces avec le Dauphin qui devait rdgner plus tard sur la France , sous le titre redouts de Louis XIe du nom . Le temps trop limits pour achever les preparatifs de ces fetes n'ayant pas permis aux habitants de representor des mysteres devant la cour , ils furent remplacds par des danses moresques et par des cho3urs. Les executants furent accompagnes par l'orgue de la cathe'drale qu'on avait transporte a cet effet sur la place Notre-Dame-la-Riche, qui par la suite re^ut le nom de place des Yictoires. Void la copie du me'moire relatif aux defenses occasionnees par ces fetes: « Payd audit Pierre Blondelet receveur dessusdit la somme de treize livres un solz huit deniers tournois pour certaine despence par lui faite ala venue de ma dame la Daulphine en ladite ville. De laquelle despence les parties sensuivent. Premierement a Robin Lebarbier , envoye a Chinon et Lodun pouressaier a trouver deshabillemens a jouer des parsonnaiges a la joyeuse (1) Bodin , Recherches sur Angers, I" r. p. 452. 424 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. venue de madite dame la Daulpliine, pour despence et louaige de son che- val et de lui xxx\\ — A Richart Gaugain pour quatre vielz draps delit a faire trois abiz pour ceulx qui danszons lamorisque devant madite dame xt\ — A Jehan Avisart costurier pour avoir taille couzu et fait lesdits habiz x\8. — A Denis le Vitrier paintre pour avoir hastivement et riche- ment peint lesdits habiz et quatre barbes pour lesdits danceurs Ix *. — a Gervaise Lechanteurs pour xxvii. Dn ' de sonnetes baillees auxditz dan- ceurs et au taborin xxx!. A lui pour le louaige de partie desdites sonnetes quilui furentrendus vs. — A Andre Hacqueteau cellier pour avoir couzu en cuir lesdites sonnetes pour les mectre es mains et jambes desditz danseurs vij' vjd. — A deux femmes qui avoient cuilli des fleurs pour faire des chappeaux auxditz compaignons ii" vjd. — Pour la, despence desdiz compaignons a desjeuner disner apres quilz eurent danse xxx\ — A Pierre Rossigneul et ses compaignons menestries qui cornerent au carroe aux chappeaux a la venue de madite dame la Daulpliine x\ — A quatre compaignons qui firent un chaffaut sur le pout leveys duboulvert de la Kiche, ou furent les orgues et plusieurs compaignons de leglise de Tours, et pour cerises pain et vin pour eulx \\ — Pour cordaige pour ledit chaf- faut atenir les couvertures dicelui iiis iiiid. — Pour quatre compaignons qui apporterent et repporterent lesdites orgues iiis iiiid. — A M" Robert le deable lun desditz danseurs pour sapaine et pour avoir ordonne ladile dance, les abiz et paintures diceulx et pour une paire de chausses quil di- soit avoir casses a ladite dance xxx\ — Pour pain vin et cerises qui furent donnes au maistre et petiz enfens de Monseigneur Saint Martin qui aladite yenue chanterent sur le portal de la Riche v* pour ce pare lesdites parties par mandement donne le vij« jour de juillet Ian mil CCCC xx\ et six pour ce xiii1 ic viij'1. A Thomas Pater lun des procureurs de la coufrarie de Dieu et des Apos- tres la somme de dix livres tournois pour desdommagement de ladite l'rae- rie, dont partie a este perdu, et lequel linge par ordonnance des habitansde ladite ville feut prins pour sei vir aux nopces de Monseigneur le Daulphin ou il a este fort gaste ct endomaige, et pour la paine de lavoir porte raporte blanchi playe et ordonne ainsi que mestier estoit pource par mandement desditz Esleuz et quittance dudit Thomas donne le viije jour de juillet Ian mil CCCC xxxvj pour ce xl. Comptes de Pierre Blondelet receveur des deniers communs', 1435- 1430. 1441. — En 1441, la ville de Tours fit representor le mystere de Saiut- Marlin, ainsi que le constate le litre suivant : « Paye a Jehan Ringuet xl' tant pour luy que pour ses compaignons (au -» nombre de xv.) pour leur peine et salaire davoir vacque en personne ar- » mez et enbastonnez dimanche dernier passe" xiiij" jour.de ce present mois >' (mai 1441) deuz par deuz sur les portes et aux, eschalles comme Ion QU1NZIEME SESSION. 425 » monic sur les alees des murs de ladite ville pour soy dormer garde que » ledit jour que loa jouet par personnaiges en ceste ville le trespassement et » plusieurs miracles de Monseigneur Saint-Martin aucun inconvenient ne » sourvenist a ceste ville et pour laisser cheoir les herses des portes en » cas de neccessite. » Premier compte de Jehan Minot, receveur des de- niers communs de la ville depuis la Toussaint 1440 jusqu'au jour de la meme fete en Fannie 1441 . Sous le regne de Ren£-le-Bon , roi de Jerusalem et de Sicile, comte de Provence et due d'Anjou, vers le milieu du xve siecle, fut repre'sente' a An- gers le Mystere de la Resurrection , divise" en trois journeys. Cette piece est attribute a Jean Michel, originaire de cette ville, qui £crivit £galement en vers francais le Mystere de la Passion de Notre-Seigneur, en quatre journeys, dont la representation eut lieu en la ville d'Angers avec beaucoup de magnificence, et commenca le dimanche 20 aout 1486 (1). 1455. — Le Mystere de la Passion fut aussi reprdsentC a Tours, sur la place de la Foire-le-Roi, en 1455, ainsi que nous l'apprend une charte en parchemin conservee dans les archives de la ville et ainsi concue (2) : A tous ceulx que ces presentes lettres verront : Pierre Godeau lieutenant de Monseigneur le Bailli de Touraine et des ressorts et exempcions dan- jou et dumaine, salut. Comme honnorables homines maistre Loys Char- tin et messire Mace Hubaille chanoines de leglise Monseigneur saint Martin de Tours, et eulx representant pour chapitre de ladite eglise. Mais- tre Jehan Farineau advocat du roy nostre syre Martin de Argouges Jehan Bonnart Jehan Dupuiz Francoys Bernard et Jehan Bernard Jamet Chambellant Pierre Blondelet Pierre Laillier Jehan Gaudin Martin Mar- quet Jaquet Sergent Pierre de Sepeaulx Olivier Sainton Habert Giroys Jehan Cardin Jehan Godeau et plusieurs autres bourgeois et habitans de ladite ville se soient aujourd'hui assemblez en lostel de ladite ville cs presences de nous et de maistre Rene Dreux procureur du Roy noire syre oudit bailliage pour deliberer sur plusieurs affaires de la- dite ville et inesmement sur ce que a este mis en deliberation que despieca plusieurs gens de bien de ladite ville qui ont entreprins de remonslrer par perconnages es foiriers de la feste de Penthecouste prochaine ou autre brief temps tel que sera possible en ladite ville au lieu de la foire le Roy le Mistere de la Passion de Nostre Seigneur Jesus-Christ et en sont pieca les rolles baillez, et les chafaulx plus de la moitie faiz et on et en besoigne chacun jour, et ont plusieurs ja fait faire leurs habits. Lesquelles choses leur s'eront de grand coustz et raises a faire et supporter et ace quilz pe- vent appercevoir aleur fait et aux choses qui leur convient avoir, et les faintesdudit Mistere faire impossible leur seroit sans avoir aide daucune somme dargent et mesmement que aucuns aqui ont este baillez percon- (1) Bodin, Uecherches sur Angers, V to!., p. 46. (2) Archives de l'II6tel-dc -Yille, liasse i\* 157 ^Gyremonies),..' 126 CONGRES SC1ENTIFIQUE DE FRANCE. nages dudit Mistere nont de quoy faire faire leurs habitz comme ces choses ils out fait dire et remonstrer aux gens de ladite ville ce jourdui et autres, savoir faisons que lesdiz gens deglise bourgeois et habitans dessus nom- mez tant pour eulx que pour les autres gens de ladite ville considerant les choses dessusdites et mesmement que ledit Mistere est bien convenable pour remonstrer plusieurs beaux enseigneraens au peuple pour le salut des araes, et que bien ont este inforraez lesdiz habitans que acause de ce faire conviendra plusieurs grans raises se sont consentuz et consentent tant pour eulx que pour les autres gens deglise bourgeois et habitans de ladite ville, ledit procureur du Roy ace non contredisant , que pour ledit Mistere soit aide et bailie la somme de cinquante livres tournois pour condvertir et emploier es affaires touchant le fait dudit Mistere. Et ycelle somme prendre sur les deniers communs de ladite ville de cette presente annee. Et par rapportant ces presentes mandement sur ce des eleuz de la- dite ville et quitance sur ce de maistre Jehan Bernard a qui a este ordonne ladite somme estre baillee. Ladite somme de L1 T. sera alouee es comptes du receveur qui apresent est pour ladite ville par ceulx qui! appartiendra, entemoingt de ce nous avons fait sceller ces prdsentes*du seel ordonne aux causes du Bailliage le vijc jour de may Ian rail CCCC cinquante et cinq. Signe, A. Dreux. De votre coramandement, Briconnet. Charte enparchemin scelde en cire rouge aux armes de France; des 2 c6- t<*s 3 fleurs de Lys. Ce titre est preueux par les details qu'il contient sur le drame, dont les r61es dtaient d ville de Tours , et imprime' a Paris par Anthoine Verard, libraire, de- » mourant a Paris sur le pont Nostre-Dame, a l'image sainct Jehan l'tfvan- » geliste, ou au Palais au premier pilier devant la chapelle ou Ton chante >. la messe de Messeigneurs les Presidens. » In-fol. sur velin avec des mi- niatures. Une autre edition du meme'mystere, imprim£e par Pierre le Dm, en 1508, a fait croire a M, Chalmel que cette moralite etait la premiere qui eut 6t6 representee a Tours (3). (1) Essais historiques sur la ville d'Aroboise, par M. E. Cartier, p. 50. (2) Andre Thevet, cosmographie, t. XV, p. S86., ed. de Paris de 1878, — Hist, dela ville de Loudun, p. 3, par duTMoustier de la Fond, Poitiers, 1778. (3) Tablettes chronologiques de Touraine. par M. Chalmel , annie 1508. — Catalogue des livres de la. bibliotheque de feu M. le due de la Vallifcre, par Guillaume de Bure, 428 CONGRES SC1ENTIFIQUE DE FRANCE. 1483. — - Une requete ins6r£e dans les registres des deliberations du corps de \ille de Tours, rappelle, inciderament, l'enlr£e solennelle que fit en cette ville le Roi Charles YIII, au niois de Janvier 1483, ainsi que deux des mysteres qui furent represented devant ce jeune prince. Cette petition est ainsi formulee (1) : « A mestres honnorez Seigueurs, Messieurs les Maire, Bourgeois et Es- » chevins de la ville de Tours, » Supplie tres humblement Jaques Belotin, praticien en court laye, » comme des le xxviii* jour de decembre nail iiii c iiii xx et trois honora- » bles hommes maistres Jehan Bernard et Jeban Sainctier licenciez es loix » donnerent chardge audit suppliant de faire faire les fainctes des misteres » des Roys Clovis, jugement du Roy Salomon et autres choses pour lentree » du Roy nostre Syre faicte en ceste ville de Tours le mercredy xiiijc jour » de Janvier audit an, pour les quelz misteres y fut employe la somme de » vingt livrcs tournois ainsi qu'il vous plaira veoir par les parties dudit >j suppliant, ou ledit suppliant avacque par plusieurs journees et fait plu- » sieurs aultres voyages pour ladite ville dont ledit suppliant neut jamais s aucun salaire, aussi a ledit suppliant eu et soutenu plusieurs pertes et » domaiges qui luy sont survenus aloctastion desdits misteres qui soient » longues a reciter pour le present etc. » K Le mystere du jugement du Roi Salomon est trop connu pour fixer un seul instant noire attention (2), mais celni du Roi Clovis devait offrir un lout autre interet aux habitants de Tours par l'evenement memorable dont il rappelait le souvenir. Apres la celebre bataille de Vouille , et sa victoire sur Alaric, Clovis etant repasse" par Tours , recut dans l'eglise de Saint- Martin les envoyes de l'empereur Anasthase ; il monta ensuite a cheval, et, revetu des insignes de la royautC,la tete ceinte d'une couronne d'or, il passa son armee en revue sur l'emplacement qu'occupa depuis l'abbaye de Saint-Julien. II est presumable que le sujet de ce mystere avait ete indique paries religieux de ce monastere, car le martyrologe de Saint-Julien con* tient le recit dCtaillC de cet 6venement (3). Si le sujet que nous indiquons (1) Registre de 1475 a 1510. Dans l'assemblee du 16* jour d'arril mil iiii c iiii xx et dix, aprcs Pasques, une commission fut nommee pour examiner les litres de Jacques Belotin ; sans cette requele, l'entree de Charles VIII a Tours futrestee inconnue. (2) Voirle TheAlre-Francais des freresParfait, lit*?, in-l2,t. H, p. 336. 3) Lan de grace environ Y", le Roy Clovis, en venant de Saint-Martin de Tours, mercier ledit glorieux sainct de la victoire quil avoit eue sur Alaric, Roy des Goths , et sur les gens teretiqucs Arricns sur lc fleuve de Clem, monta sur son cheval quil avait lesse au cloistre du- dit saint Martin, et mist couronne dor sur sa teste, et en allant par la ville de Tours, sarresta en la place ou a este depuis fbnde le monastaire de saint Julian le martir, laquelle place estoit lors vuide, el illec present le peuple. Respendit et donna grant quantite dor et dargent. Martirologium sancti Juliani martiri Turonensis, page iiii xx. manuscrit in-f", Bibliotheque de Tours, n° 2019. — Voir aussi le manuscrit intitule Me- moire pour servir a. l'histoire de l'abbaye dc Saial- Julien, p, 7. QUlNZlEME SESSION. 129 ici ne fut pas represents a Tours dans cette circonstance, il est assez pro- bable que ce fut le mystere qu'on trouve dans le theatre du Moyen-Age (T. I, p. 609), ainsi indique" : « Comment le Roy Clovis se list crestienncr » a larequeste de Clotilde sa femme, etc. (1). » 1491. — Les depenses de la cour, consignees dans un registre decomp- tes de l'anne'e 1491, constatent la representation de deux mysteres, joues en presence du Roi , dans une des localites les moins importantes de la Touraine. Le mystere de Saint-Genouph fut represents dans le village de ce nom, situe a huit kilometres de la ville de Tours ; il fut suivi de celui de Saint-SSbastien, qui avait tout a la fois sous son patronnage nos ouvriers fabricants d'etoffes d'or, d'argent et de soie, et les confines d'arbalestriers de Troyes, Dijon et de plusieurs autres villes de France. Cette defense est ainsi indiquee (2) : « A Lancelot Platel, tapissier dudit seigneur pour tendre la tapisserie.... « et pour avoir fait mener partie de ladite tapisserie pour servir a l'escha- » fault dudit seigneur a Saint:Genou pres Tours, ou Ton a jou£ le mystere » dudict saint devant le Roi » Compte des depenses de la cour, annce 1491, manuscrit conserve" aux archives du royaume. « A Gaultier, tapissier, x sous, pour avoir fait porter partie de ladite ta- w pisserie a Saint-Genou, oil Ton a joue le mystere de Saint-Laurent » Ibidem. 1491. — Nous avons aussi recueilli quelques litres qui pourront supplier a h perte tres- regrettable d'un registre des deliberations du corps de ville de I'annee 1491 (3). On y trouve l'indication des fetes publiques qui furent celSbrSes a Tours pour la joyeuse entree de la nouvelle reine de France Anne de Bretagne, lorsque cette princesse vint habiter le chateau du Ples- sis-les-Tours, apres la ce>£monie de son mariage qui avait eu lieu a Lan- geais le 16 dScembre 1491. Voici les principaux mysteres qui furent repre- sented a l'occasion de ce memorable evenement. Nicolle Charetier notaire et secretaire du Roy nostre syre maire de la ville de Tours les esleuz de ladite ville et le commis pour les gens deglise tous commis avecques Iedit maire quant a la distribucion des deniers com- muns de ladite ville seulement a Gacico de Nouveau receveur desdits de- niers salut , nous vous mandons que des deniers de vostre rccepte vous baillez et delivrez aux personnes cy apres nommees la somme de quatre cens soixante dix neuf livres douze soulz toumoys qui deue leur est pour les parties cy apres declarees qui ont este faictes baillees et delivrees pour ladite ville par nostre commandement ou moys de decembre dernier passe pour lantree de nostre souveraine dame la Royne par elle laicte en ceste (1) Mysteres manuscrits, 2 vol, in-f". n° 7208. Bibliothcque royalc, fonds de Cange, n° 828, — 39° fol. 262 du 2^ vol. (2) Hisloire des Franfais des divers etals, pir M. Jlonteil , 4C vol., p. 418. (3) Archives de riI6tel-de-YiBede Tours, liasse u° 137, Ceremonks, 130 COOGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. dite ville audit moys en ensuivantles deliberacions et conclusions des gens dcladitevillefaitesenlostel dicelle les vije, xiiij0, xv°,xvij', xix.0 etxxiij* decembre. Mystere des Sibylles. C'est assavoir pour la despence faicte ou chaffault qui a esle fait davant le chasteau dudit Tours ou fut joue le mistere des Sibilles (1) et estoient dix sept personnaiges tout revestuz et habillez de drap de saye de plusieurs coulleurs ainsi quil appartenait et fut prins en lostel dudit receveur pour iceulx habiller trente cinq aulnes et demye et demy quart de Taffectas de fleurance de plusieurs coulleurs qui valient au pris de quarante solz pour ce, lxxj" \\ Item a Guillaume Besougnart cousturier pour la facon de quinZe robbes pour lesdits personnaiges dudit taffectas a iii' iiijd pour ce, 1'. Item a Jehan Dubamel mercier pour six onces et demye de ruban de saye dore pour broder lesdites robbes a xij* vjd lonce pour ce, iiii1 i* iiid. Item a luy pour demye once autre ruban broche dor et pour espingles tant grosses que menues prins fait a luy pour ce, xiis vjd. Item a Gautier pour dix sept pere de gans de chevrotin baillez ausdits personnaiges a xxd cbacune pere pour ce, xxviij" iiijd. Item a Colin ciergier pour ung chappeau de cire verte en facon despiues ung cierge de cire blanche et ung rousier fait en facon de fleur dont a cste fait prins a luy pour ce, xx\ Item a luy pour achapt dune lenterne et ung berceau que servent audit mistere pour ce, iiij*. Mystere du roi Salomon et de la reine de Saba. Item a Jehan Blondeau charpentier et autres ses compaignons pour avoir fait a leurs despens ung chaffault ou carrefour de la Foire le Roy ou aeste joue le mistere du roy Salmon (Salomon) et de la royne Sabba dont estoient commissaires Guillaume Baudet , Guion Desbordes , syre Loys de la Meziere et autres et cousta ledit chaffault pour ce , viijd. Item a Goubelet menusier pour avoir fait sur ledit chaffault ung autre petit chaffault a six degrez pour mectre la chaire du roy Salmon (Salomon) et fait un dressouer a mectre la vesselle d'argent et autres choses par luy faictes audit chaffault, pour ce, Is. Item a Geoffroy Rousseau pour clou cordes espingles et autres choses atandre latapicerie dudit chaffault, pour ce, viij» xd. Item a Jaques Malledent Pelletier pour avoir forre derminnes la robbe (I) Lc mystfere d'Octaviem et des Sibylles (MM), cite dans le theatre francais des lrfcfesPar- fait, 2* vol., p. 349, n'appartient reellement ni a l'Ancien ni au Nouveau Testament ; mais , c'est commeun trait d'union, presquc indispensable, qui reunit les deux epoques de ccs recits bibliques. On vicnt raconter a l'Empereur Augustc les prodiges qui ont paru a la moil de Jules Cesar. II mande aussitot la sibylle Tiburte pour les lui expliquer. Apres cetter entreyue les douze sibylles vienucnt successiyement devant lui pour prophotiser la venue du Aussie, QU1NZIEME SESSION. 131 tie drap d'or du roy Salmon (Salomon) durant Iedit mistere troys escus d'or pour ce Cvs Item a Andre Denisot pour vingt-sept aulnes et ung quart de taffetas de plusieurs couleurs prins en sa maison pour faire sept robbes des person- naigcs qui ont joue audit chauffault qui valient audit pris de xls tournoys laulnepour ce, liiij' x8. Item a Jehan Lenoir Cousturier pour la facon desdite sept robbes a iij* iiijd pour piece pour ce, xxiij5 iiijd. Item a quatre menestriers qui furent asonner deleurs instrumens ce jour de lantree de la royne oudit chaffault pour ce , xl'. Item a Pierre Vielle pour avoir fait les dictz et noms desditz roy Salmon (Salomon) et royne Sabba , pour ce , x*. Mystere des neufpreuses. Item, ou chaffault qui a este fait ou carreffour de feu Jehan de Beaune dont estoient , commissaires Victor Blondelet , Estienne Millet et Jehan Gastellier esleu ou quel aeste joue le mistere des neuf preuzcs ou quel chaffault aeste fait de la despence qui sensuit cest assavoir. a charpentier pour avoir fait et deffait ledit chaffault qui estait grand et a fourny de tout boys dont lesdits commissaires fisdrent marche a luy a dix livres tournoys pour ce , x1. Item , en cordes espingles boys fagots charbon despen de bouche fete a ceulx qui jouerent ledit mystere et autres menues despence pour ce , lxj* iiijd. Item, audit receveur de la dite ville la some de Iv! v' tournoys pour xxvij aulnes et demye et demy quart de taffectas de fleurance de plusieurs coulleurs quil a baillez ausditz commissaires pour fere les robbes desdites neuf preuzes qui valient audit pris de quarente solz tournoys laulne pour ce, lv1 \\ Item , a Jehan le Noir cousturier pour la facon desditz neuf robbes dudit taffectas a iiis iiij'1 pour piece pour ce , xxxs. Item, aux menestriers de monseigneur de Bourbon qui sonnerent audit chaffault ledit jour de la dite entree deux escus et demy ainsi qui! appert par la quictance de Francoys Desmalles lun deulx, pour ce, iiij1 vij3 vjd. (1). Item, a syre Jasquesde Beaune pour troys aulnes de taffectas de troys couleurs pour faire troys petites robbes a troys filles qui furent mises ou chaffault qui aeste fait devant le portal de lostel de la dite ville de Tours [l) Ce n'est point un mystere qui fut reprcsente sur l'echafaud dresse pres du portail de l'Hu'el-de-Ville , mais une exposition heraldique dans laquclle on offrit aux yeux de la reine , a cote des armoiries de la cite , cclles des maires qui avaient ete anoblis par l'exercice de cette charge; les jeunes filles, placees aupres de ces tableaux, ne remplissaient pas un autre office que eclui de supports , ou mieux de tenants, tels qu'on les trouve habituellement aupres des ecus armoiries. 132 CONGRES SCIENTIF1QUE DE FRANCE. duquel eut la charge maistre Estienne Binet ouquel estoit lescusson des armoyssiers (armoiries) de la dite ville esquelles armoisiers qui sont enle- vees furent mises lesdites filles valient lesditz troys aulnes dudit taffectas audit pris de xls laulne pour ce , vj1. Item , a Thomas Rousseau cousturier pour la facon desdites troys robbes a ii1 vjd piece pour ce, vij* vjd. Item , a Huguet menusier et son serviteur qui ont vacque a descendre et abatre ladite armoysie qui estoit actachee en la chambre de lostel de la dite ville mises et assemblees audit chaffault et icelles rassem- blees et remises aleur lieu aquoy faire il a fourny de clou crochetz et chandelle pour ce , xx\ Mystere de Madame Sainte-Arme. Item , ou chaffault qui aeste fait au carreffour de devant la maison Pierre Carre (carroi des chapeaux) ouquel aeste joue le mistere de madame Saincte Anne pour lequei ordonner avoient la charge Jehan Thevenin controlleur Michel Pele ledit Carre et autres et ouquel chaffault aeste faite la despense qui sensuyt cestassavoir a Jehenin qui vole charstier pour dix tours de charroy par lui fais amener et remener le boys dudit chaffault prins sur les ponts de Loire a xxd letour pour ce, xvjs viij'. Item , pour six petites pollies pour servir a tirer les ridaulx dudit chaf- fault qui estoit grant pour ce , v*. Item , pour sept livres et demye de corde a xxd la livre et pour huit livres et demye de grosse lisselle a x\d la livre employee atandre la tappicerie dudit chaffaulx et auxrideault, pour ce, xxiij* vjd. Item , a troys menestriers qui jouerent deleurs instrumens audit mistere dessusdit a chacun vij! vjd tournoys , pour ce , xxij* vj'1. Item, a Jehan Godart Cousturier pour la facon de troys robbes de femmes de taffetas a ill* iiijd piece, pour ce x\ Item, pourla facon de huit escripteaux baillez a lmit petiz enffans qui estoient revestuz de taffectas qui jouerent audit mistere et pour Huge qu j fut bailie pour ce, \\ Item , pour le dechet de deux cierges de cire que les carmes preslerent pour ledit mistere pour ce , ii5 vj\ Item, audit rcceveur de ladite ville pour trenfe troys aulnes de taffectas de fleurance de plusieurs couleurs qui ont este delivrees par le commandc- ment desditz commissaires dudit chaffault pour faire plusieurs robbes ct failles qui ont e'ste ajouer ledit mistere dessusdit qui valient audit pris de xls tournoys laulne , pour ce, lx vj'. Mystere da roy Assacrus. Item, ou chaffault qui a este fait au portal de Nostre Dame de la Riche ouquel aeste joue le mistere du roy Suaire (Assuere, Assuerus) dent estoit commissaire M« Mace Papillon pour iceluy ordonner aquoy QUINZ1EME SESSION. 153 faire aeste faictc la despence qui sensuit cestassavoir a Jehan Le- vasseur et autres charpentiers la some de xvij1 xd pour avoir fait ledit chaffault ct une nue a jouer ledit mistere aquoy il a fourny de tout boys et oste dudit lieu, dont pour ce fut fait marche a luy pour toutes choses pource, xvij'xd. Item, audit receveur la somme de xxxiij1 xiij* iiijc*. pour seize aulues deux tiers et demy detaffectas de plusieurs couleurs par luy baillees et delivrees pour fere les robbes de ceulx qui ont joue ledit mistere cestassavoir a la royne atroys filles qui laeompaignoient pour leberger et pour Iabergere qui valient audit pris de xl" laulne pour ce , xxxiij' xiij5 iiijd. Item, alny pour xxj aulnes sarge blanche et tannee par luy baillees pour faire six robbes de pastoureaulx qui jouerent audit mistere qui valient a vij5 vjd laulne, pour ce,vij' xvij5 vjd. Item, plus audit receveur pour une piece et demye bougran bleu pour faire une nue au mistere qui aeste joue devant le chasteau et pour para- cbevez une autre nue qui fut faicte au mistere qui fut joue au portal de nostre dame de la Riche contenant ladite piece vj aulnes a vij5 vj'1 laulne pour ce xlv' et pour dix aulnes de toille blanche pour couvrir laporlc doree du mistere de saincte Anne qui aeste joue au carrefour devant la maison Pierre Carre dessusdit a iii" iiijd tournoys laulne le tout bailie a Poiet painctre, pour ce,lxxviij3 iiijd. Item, a Jehan Gallocheau la somme de xliij5 iiil' pour les parlies cyapres declarees quit a baillees audit Jehan Poyet afaire lcsditz misteres. cestas- savoir pour quatre cens or fin au pris de xxxv5 le cent valiant vij', pour ung pappier argent fin valiant xx', pour huit douzaines estain dore vert et noir xxvj5 viijd, pour demye livre vermilion vj' viijd et pour quatre on- ces vuide fine x5 pour ce , xl iiijs iiijd. Item , a six compaignons archiers qui furent ordonnez a aller jour et nuyt le sabmedi et dimenche dela dite entree par cestedite ville enbas- tonnez pour garder lesdifz chaffaulx, les tantes qui avoient este failtes de la tappicerie et autres linges des mauvais garsons qui estoient en ceste- dite ville en grand nombre et aussi pour faire ranger le peuple a chacun carreffour dela dite ville durant ladite entree a chacun deulx dix solz tour- noys pour ce, Ix*. 1500. L'entree solennellede Louis xii a Tours, le 24 novembre 1500, et celle de la reine Anne de Bretagne, son epouse , qui eut lieu le surlen- demain , offrent des temoignages si marque's de l'affectiou des habitants de cette ville pour ces princes veritablement dignes de leur amour, que nous sommes heureux d'en consigner ici la louchante expression. Les habitants de Tours , prevenus de cette royalevisite, s'eHaient pre- pares a la feter de la maniere la plus honorable pour la cite. Une coupe d'or , du poids de 8 marcs, avait ete commanded a Jean Gallant, orfevre 154 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. d'un talent reconnu ; Michel Colombe, le celebre tailleur d'ymaiges, avait 6t6 charge- de composer le modele des 60 pieces d'or qui devaient etre de"posCes dans cette coupe afin de conserver le souvenir de cette joyeuse entre'e. Ces medailles commemoratives , dont la facon fut confine a Jean Papillon, orfevre de la meme ville, etaient grandes et larges; elles of- fraient d'un c6te" l'effigie du roi et de I'autre les armes de la ville surmon- tdes d'un porc-Cpic. Le corps de ville ne montra pas moins de magnificence dansle choix du present dont il fit hommage a la reine. II acheta a Remon Guionuet , marchand orfevre a Tours , une nef, d'un travail tres-dClicat, faite en partie d'or et d'argent dor£ ; elle e"tait ornee de pavois et d'ancres d'or et couta a la ville la somme de416l 5" tournois. La munificence de la cite fut sans bornes dans cette circonstance. Phe- lipe Dufour , folle du roi , faisait partie du cortege ; elle etait a cheval , marchant devant ledit seigneur lorsqu'il fit son entree : les maires et eche- vins voulurent qu'elle eut aussi sa part dans la distribution des largesses de la ville et lui fircnt present d'une belle robe d'e'carlate , garnie de lour- rure et d'un chaperon defin drap noir de Rouen (1). Nos ediles firent aussi preparer la splendide banniere, aux armes de Frauce, qui devait figurer au milieu de cebrillant cortege. Elle servitCga- lement a l'entree de la reine , mais on fit couvrir la moitid de l'ecusson royal des armes de Bretagne, et cet £cu parti , selon l'expression heral- dique, fut entoure" d'une grande cordeliere (2). On fit e"galement confectionner deux poeles, ou dais, pour porter au-des- sus du roi et de la reine. Le ciel et les pentes du dais du roi etaient d'une riche Ctoffe de soie semde de fleurs-de-lis d'or sur un fond bleu d'azur : les quatre Mtons qui supportaient le ciel etaient peints d'un bleu sembla- ble et parsemes de fleurs-de-lis d'or. Le dais prepare pour la reine etait entierement different. Le ciel en etait aussi d'une riche Ctoffe de soie, mais il etait partage en deux parties cgales,l'une bleu d'azur, seme"ede fleurs-de-lis d'or, I'autre blanche, ae- mee d'hermine; les batons pour soutenir le ciel etaient Cgalement peints par moitie aux armes de France et de Bretagne. II entrait alors dans les attributions et privilege!* des maires et eche- vins de se revetir de robes ecarlates et de porter alternativement ce dais sur la tete du roi pendant la marche du cortege. Le meme ceremonial de- vait etre observe" a l'entree de la reine. Enfin , cinq stations furent fixers a l'avance et prepares sur les principals places de la ville, pour la ceie- (l) On sait que les rois et les princes avaient souvent des foux aupres de leurs personnes, mais e'est le premier exemple que nous avous tronve d'une femmc remplissant cet office. (Voir essais sur Paris, par Ste-Foix. — 4* vol. , p. 137.J (2j L'usage de cet ornement avait tile iutroduit a la cour par Anno de Bretagne, mais il etait en usage avant cette epoque, — Ste-Foix, essais sur Paris, 3° vol., p. 308* QUINZIEME SESSION. d35 bration de plusieurs mysteres, car il existait a cette epoque dans toutes Ies classes de la societe un gout trop general pour les representations sceni- ques , pour ne pas fixer l'attention du corps-de-\ille, re*uni pour deter- miner a l'avance le programme des fetes publiques. II ordonna done que des mysteres seraient joue"s par personnages aux joyeuses entries du Roi et de la Reine et que ces deux ceremonies auraient lieu separement, et a deux jours d'intervalle, pour leur donner plus d'dclat et de magnificence. Mais parmi ces mysteres celui qui devait, selon l'opinion generate, contribuer le plus puissamment a la glorification de la cite etait le mystere de Turnus, donfc nous nous occuperons plus specialement. Mystere de Turnus. L'on sait que les principals villes de France avaient alors la pretention, plus ou moins bien fondee, de tirer leur origine de quelque heros ou per- sonnage ceiebre dans l'histoire. La ville de Chinon, en Touraine, faisait remonter son existence a Cain, le fils aine de notre premier pere (1) ; Tours, plus modeste dans ses pretentions, reconnaissait Turnus pour son fonda- teur (2). C'est done le sentiment de leur dignite qui, presumablement, in- spira aux Tourangeaux le desir de representer un mystere sur ce sujet national , afin de faire connaitre a la cour l'illustre origine de leur cite. It serait difficile d'apprecier aujourd'hui, d'apres les documents incom- plets qui sont sous nos yeux, la donuee historique sur laquelle reposait le plan et l'intrigue de cette ceuvre dramatique. Le Cygne de Mantoue, dans le vers sublime qui termine le dernier chant de son Eneide, ne nous laisse aucune incertitude sur le destin reserve a l'infortune Turnus lorsqu'il tombe sous les coups d'&iee, son vain- queur: Vitaque cum gemilu fugit indignata sub umbras. Par quel heureux destin ce jeune heros est-il revenu des sombres bords pour fonder sur les rives de la Loire cette noble cite a laquelle il imposa son nom ? C'est ce que le drame de Turnus nous efit sans doute appris , et ce qui doit rester a jamais un mystere impenetrable pour la posterite. La legende fabuleuse de l'origine de la ville de Tours, donnee par Jean Bou- chet, dans ses Annates d'Aquitaine (3) et reproduite par M. Robin, cure" de Saint-Pierre d' Angers, dans son ouvrage intitule le Mont-Glonne (4), au- rait-elle inspire le plan du mystere de Turnus ? (i) Les Antiquites des villes de France, par Andre Duchesne, 1615, p. S3 2. ("2) Ibidem, p. 499. (3) Premiere edition, Poitiers, 1328. — Premiere parlie, (4) Deux vol. iu-12, Paris 1774, p. 62, 2° partie. 156 CONGRES SCIENTIFIQUE DE PRANCE. Toutefois, cette piece fut monte^e avec une maguificence et im soin ex- tremes. Mc Guillaume Garreau, l'un des deux elus du corps de ville, fut choisi pour remplir le r61e de Turnus, le principal he'ros de ce drame. Ce fut aupres de la porte du boulevard de Notre-Dame-la-Riche, sur un thea- tre jete* au-dessus des douves dont les eaux, alimentees par la Loire, bai- gnaient le pied des murailles de la ville, que fut represente ce mystere dont les comptes de Gilles Desquartes, receveur municipal, nous font connaitre les principaux personnages. « Paye" a maistr3 Jehan Calouet la somme de neuf livres cinq solz six dc- niers tonrnoys qui deue luy estoit pour despence par luy faite pour ladite ville au portal de la Riche le xxvj" jour de novembre Ian de cedit compte pour cause de lentree de la Royne ainsi quil sensuit. Et premierement en beuf mouton et lart pour le disner de Turnus ses gensdarmes, charpen- iiers,nolonniers, tappissiers, manenvres, en fans de cueur et autres ordonnez de par ladite ville pour la conduite des misteres dudit lieu vingt solz tournoys, pour ce, xx' t. Item, pour le louaige de deux houlles a faire cuyre laviande, choux, naveaux etboys, pour ce, \>j' vij't. Item pour six fagotz et vin prins leditjour, oultre celuy que a bailie Jeban Perrigault, pour ce, x" iijd t. Item pour despence faicte a la Tour pres des Esluves par les gens de Turnus le jour que le Roi fist son entree, xxxvj' t. Item, en charbon pain et bellechere a la femme Guillaume Hocbet qui fournist de linge ledit jour, pour ce, xvj' t. Item, pour les joumees de buit hommes qui servirent ledit jour a tendre les voilles et porter et rapporter les tappisseries et icelles rendre qui y vac- querent par ung jour et demy chacun deulx au piix de ijs vjd pour cliacun, pource, xx't. Item, pour le louaige desdites voilles tendues audit lieu, xxs t. Item, pour avoir fait detacher une robe descarlate qui servit auditz mis- teres, x* t. Item, pour clou prins de Loys Tardif sept solzs ix deniers tournois, pour ce, vij* vjd t. Item, a Jehan Bahier qui a servy troys jours ausdites entrees et pour avoir emprunte les robes bagues et joyaulx dont les personnaiges out este habillez et fourny de ficelle, pource, xv' t. Item, a Julien Bruneau seigneur de Lave Maria pour xxiij busches et xj fagotz pour chauffer lesditz gensdarmes de Turnus et autres dudit mistere pour ce, vj* viijd t. Item, au gendre de Taffin le victrier pour avoir fourny de belles et chiefs pour les anges dudit mistere, \s t. Item, a la de la Boeste pour avoir habille les fitles qui jouerent ledit jour, vij* vjd t. QUINZIEME SESSION. 157 A Michel Colombe tailleur dymaiges la somtne de cent cinq solz tournois qui deue luy estoit, cestassavoir Ixx' t. pour avoir fait le raousle du har- noys de Turnus de terre fort grasse pour bailler a maistre Guillaume Gar- reau esleu de ladite ville pour jouer le mistaire de Turnus a lentree du Roy et de la Royne a la porte de Nostre Dame de la Riche ainsi quil a este de- vise a lanticque fasson. A Henry Mathieu paintre demeurant audit Tours pour avoir fait ung harnoys enleve et moule dore dor bruny et de Gn argent que maistre Garreau avoit sur luy ; item, avoir fait une targete nervee enlevee et doree de fin or bruny et bon aznr ; item, ung grant escusson aux armes de ladite ville a trois grans tours estonffe d'azur et de noir; item, pour une lance "rouge semee de tours destaing blanc servant a lesleu Garreau ; avoir fait deux heaulmes dont Iun estcouvert destaing blanc et lautre jaulne et rouge pour servir audit Garreau avoir escript pour Turnus et pour le Due Hugues six ou sept dictez. Item a maistre Guillaume Garreau lun desditz esleuz de ladite ville la somme de xxl t. qui deue luy estoit assavoir pour ung sayon de blanchet par luy leve pour jouer Turnus a la porte de Nostre-Dame de la Riche qui luy a couste soixante solz, pour ce, lx* t. Audit Garreau pour un pourpoint fourre pour ce quil faisoit grant froit les deux jours que le Roy et la Royne firent leurdite entree en cestedite ville, lequel pourpoint cousta Is t., pour ce, 1'. Audit Garreau pour une paire de brozequins et une paire de pantofles quarante solz tournoys, pour ce, xl\ A luy pour ung chappeau couvert de taffetas vert ou quel avoit ung plumet dorfaiverie qui fut gaste par la pluye et pour autres menues choses estansoudit chappeau quarante solz tournoys, pour ce, xl" t. A lni pour une faille (sic) de harnoys et pour gardebraztant pour la fac- zon que pour les nectoyer trante solz t., pour ce, xxx* t. Audit Garreau, qui joua Turnus, qu'il avoit bailie au grant Robert che- vancheur qui joua avecques luy et fist faire son habit de martraz de paille espres, avec une paire de brozequins lequel Robert tenoit ung [levrier en lejse quarante solz t., pour ce, xl' t. Audit Garreau quil avoit bailie a ung nomme Phelipes hommedarmes qui.asemblablement joue avecques luy arme ablanc de harnoys complet trante solz t, pour ce, xxx* t. A luy quil avoit paye a trois autres hommes darmes qui ont semblable- ment joue avecques luy pour leurs habillemens trente solz , pour ce, xxxs t. • A luy pour deuxfilles estans es Tours dudit chaffault font pour gans espingles que pour esguilletes pour lesditz gensdarmes dix solz t., pour ce, x* t- A luy pour avoir fait boyre et menger en sa maison les meres desdites 458 CONGRES SCIENT1FIQUE DE FRANCE. filles et autres joueurs dudit mistere de Turnus esdites entrees du Roy et de la Royne, xxx* t. A luy pour les journees et despens de trois hommes qui ont vacque a porter et rapporter les habillemens dudit mistere du Turnus et pour les serrer, xx* t. 4 A luy quil a bailie a Jehan de Troys pour le louage du harnoys quil a bailie a son filz qui a aussi joue avecques ledit Garreau, xx* t. A BlaizeMeauze, Jehan Janyier, Robert de Montagu, Jacotin des Moulins, Pierre Braquemart(l), Estienne Arraeurier, Estienne Angibault, Guillaume Janvier, Simon Aubergeons, Jehan Phelipes, Girard Petit et Jehan Raba- ron tous armeuriers pour leurs paines et sallaires davoir vacque oudit chaf- fault de la Riche auxdites entrees du Roy et de la Royne tous armez a blanc de harnoys corables dont ilz ont fourny pour jouer le mistaire de Turnus que a joue maistre Guillaume Garreau et luy tenir compagnie a quoy faire ils ont vacque par xx journees et fourny dabillemens au pris de xij' vjd t. par jour, pour ce, xij' x" t. Item, a Michelet Pele aussi marchand demourant audit Tours pour xj aunes trois quartiers et demy dautre taffetas gris bleu et rouge de Florence par luy bailie par le commandement desditz Perrigault et Papillon pour servir a faire robes aux filles qui ont joue auxdites entrees du Roy et de la Royne a la porte de la Riche du pris de xxxvij* vjd t. laune, pour ce, xxij' vij* iiijd t. • . Pour avoir aide a tirer le grant challan de la ville qui estoit au fond de leau. Avoir leve les chaffaulx au travers de la douve dudit lieu (porte du bou- levart de la Riche) pour servir a jouer le mistere de Turnus a lentree du Roy et de la Royne. Avoir tendu le grant escusson et les' tours en lostel de ladite ville. Un registre des delibe rations du corps de ville, a la date du 4 novembre 1500, mentionne quelques mysteres qui ne sont pas indiqu^s dans les comptes du receveur des deniers communs. On repre'senta devant l'Cglise monseigneur Saint-Gacian, les mysteres de Hester, de Judic, et de Anna patronne de la Reine; devant la maison du general de Beaune fut fait le jardin de France (1): «A Henry Mathieu paintre, pour avoir reffaict dazur les armes du Roy par troys foiz, avoir fait une cote darmes surtaffetas bleu estouffee de fin or pour le roy, avoir fait le moule de la serpent et delenfant et moule dessus lesditz (1) Une epee large et courte portait ce nom : L 'avait-elle recu ou donne a cet armurier? fl) Piece allegorique que nous avons lieu d'attribuer a M" Guillaume Sireau, lieutenaut-ge- neral du Bailli deTouraine. Un mystere semblable, nomm6 le Vergier de France fut represent a Paris a l'entree de Marie d'Angleterre, Reine de France, le 6 novembre 1814 (Ceremonial francais, 2" in-fol.) Pour les mysteres d'Esther, de Judith et autres, voir l'Histoiredu Theatre- Francais, 2* vol., oil ils sont tous indiques. QUINZIEME SESSION. 139 monies ladit serpent dazur et ledit enffant de beau rouge qui demonstroient estre les amies des Milan que le roy tenoit en ses mains sur les chaffaulx, avoir fait deux moules de serpens pour Hercules et moule sur lesditz moules de painture lesditz serpent et Hercules, avoir fait ung cueur dore de fin or dehors et dedans fait dazur a troys fleurs de lys doree (1) Et deux gros boys en faczon de croix tous painctz de beau vert servans au jardin. Avoir escriptz tous les dictez des chaffaulx qui estoient ou carroy de syre Jacques -de Beaune tant de Sanson, David, Golyas et Hercules, pour le Roy qui lenait la serpent, pour Ludovicus. Avoir, fait trois grans rolletz servans audit chaffault. Avoir fait dix autres grans escripteaulx baillez par maistre Guillaume Sireau pour servir au jardin ordonne. A maistre Robert Gueru, escripvain pour avoir fait et escript en grosse lettre plusieurs escripteaux du nom de Loys dont en y avoit plusieurs en tres dor par lordonnance de maistre Robert Pertuys. A Jacques Bouchier marchant demourant audit Tours pour quatre aulnes trois quartiers rolleau vert par luy bailie pour servir a faire la robe et habillement au petit roy David qui a joueauxdites entrees ouchauffault pres la maison monsr le general de Beaune du pris de x* xd t. laune pour ce cy la somme de Ij* vd t. A Henry Mathieu paintre pour « Avoir fait le moule de Golyas et moule et « estouffe dessus ledit moulle de painture ainsi quil appartient et fait les « cheveux et le chappeau tous pains et fait dedans la teste de Golyas une « faincte qui rendoit le sang. » Paye a Jehan Colas tailleur dymaiges la somme de douze livres dix solz tournoys qui deue luy estoit pour avoir fait et taille ung lyon de boys de noyer de la sorte de celuy qui est enferme a la Tour feu Hugon (2) ainsi quil luy a este devise et ordonne par maistre Mace Papillon pour servir a lentree du Roy nostre dit syre dont estoit bruyt quil devoit faire entree nouvelle en ladite ville de Tours cedit an, en ung chaffault et mistere qui doit estre fait et joue a ladite entrCe au carrefour devant la maison de monseigneur le general de Beaune ou quel a este joue entre autres choses Sanson le fort qui deffist un lyon avecques les mains, a quoy faire ledit tail- leur a fourny de boys et rendu a ses despens prest a dorer et paindre par (1) Voir, au sujet de ce coeur, les essais sur Paris , par Ste-Foix, 4a vol., p. 131 , entree de Louis XI a Tournai, en 1463. — Histotre du TheAtre-Francais , 2e vol., p. 18*, entree de la Reine Anne de Bretagne. a Paris, le 19 novembre 1S04. (2) Louis XII avait confie aux habitants de ToUrs la garde d'un lion qui fut renferme dans la tour feu Hugon ; ils ne furent delivres de cet h6te dangereux que par la protection de M. de Colombiers fie Breton de VillandryJ.On offrit a ce seigneur, conime marque de reconnaissance, quatre poincons de vin de Sainct-Poursain qui couterent a la ville la somme de xiiij1 1. — Meme manuscrit de 1000. d<40 CONGRES SCIENTIF1QUE DE FRANCE. composicion et marche fait avecq luy par ledit maistre Papillon a ce commis de par ladite ville a la somme de xij' x' tournoys. Paye a Henry Mathieu paintre pour « Avoir painct le lyon et fait le poll la barbe et estouffe coinme ung lyon. » A Georges Lemore, Jehan Lenfant, Marsault Perotin et Jehan Batheline armeuriers pour avoir vacque par chacun deux jours tous armez a blauc au chaffault et mistaires fait au carrefour de raonsr le general de Beaune au pris de douze solz six deniers. Audit Henry Mathieu pour avoir escript quatre autres rollets l'un pour Philistin, l'autre pour Judic, l'autre pour le Grec et lautre pour Genera- ciones, avoir colie lesdits escripteaux sur les ays desditz chaffaux. Paye a Estienne Thoreau menuisier la somme de cinquante solz tournoys pour les tableaux par luy faiz de son mestier pour fairs les escripteaux qui ont estefaiz ausdites entrees... pour servir aux misteres desditz chaffaulx. Is t. » Nous trouvons encore dans le meme manuscrit, parmi les documents relatifs a cette entree, quelques articles qui presentent beaucoup d'interet ; ils font connaitre les principaux dexors des theatres prepares pour la representation de ces mysteres et la composition de l'orchestre tlont le concours completait l'ensemble de ces joyeuses solennite's. « Paye a Chariot Gaby marchant demourant a Tours appoticaire la somme de trente cinq livres tournoys qui deue luy estoit... pour avoir fait de son- dit mestier a lentree du Roy et de la Royne par lordonnance de maislres Mace Papillon, Robert Pertuys cure de Charge et Robert Rouelle commis- saires ordonnes a faire lesditz misteres qui ont este faitz esdits entrees es carrefour devant monseigneur Saint Gacian dudit Tours et devant la mai- son de monseigneur le general de Beaune par deliberation des gens de ladite ville faicte en lostel dicelle le iiije jour du moys de novembre lau de cedit compte.Cestassavoirpour avoir fait une espine fleurie, ungolivier, ung meurier, ung guignier, ung cerisier, ung oranger, ung grant lys et certaine grant quantite de rouses tant blanches que vermeilles avec autre quantite de fleurs de toutes couleurs a mectre et semer les chaffaulx et preaulx qui ont este fais esditz lieux. xxxv1 t. » A Guillaume Havart, tapissier demourant audit Tours la somme de six livres dix solz tournoys de composicion faicte avecques luy le xij° jour de decembre Ian de cedit compte, pour avoir tendu et detendu le nombre de dix pieces de tapisserie de meme verdure au chaffault qui a este fait a la porte de Nostre Dame de la Riche pour servir a lentree du Roy et de la Royne par eulx faicte nouvellement en cestedite ville ou moys de novembre Ian de cedit compte, et pour icelle tapisserie avoir habillee en plusieurs endroiz dicelle ou elle avoit este rompue et dessiree audit chaffault par les archiers et autres durant lesdites entrees qui furent faictes par deux divers jours ou (lit moys, laquelle tapisserie avoit este prestee etbaillee a ladite QUINZIEME SESSION. 441 ville par Alixis Dargouges es mains de Jehan Perrigault et maistre Jehan Caloet commissaires a ladite porte et misteres dicelle qui lavoient fait tendre par lcdit Havart, tj1 x' t. Paye a Denys Gerbier, Guillemin Legoux et Ieurs compaignons joueurs dinstrumens la somme de quatre livres tournoys pour leurs paines et sa- laires davoir vacque par deux journees a jouer de leurs instrumens en deux bandes ou ilz estoient quatre dentre eulx en chacune bande tant de lentree du Roy que de la Royne par eulx (aicte en ladite ville de Tours a la fin du moys de novembre Ian de cedit compte aux cbaffaulx qui furent faitz a la porte de Notre Dame de la Ricbe une bande et au carroy monsieur le general de Beaune une bande selon et en suivant lordonnance de maistre Mace Papillon et Jehan Perrigault comrais a faire les misteres dessus ditz de par ladite ville qui est pour chacune desdites bandes x1 1. Paye a Martin de Stinct Martin cierger, pour une autre torche baillee au Prevost de ceste dite ville de deux livres de cire pour aller par ville la nnyt au soir ou moys de novembre que le Roy et la Royne fisdrent leur en- tree en cesdite ville pour chasser les mauvais garcons qui estoient en icelle et pour faire vectir les rues. ' 1500. Peu de jours apr6s cette brillante ceremonie, la ville d' Amboise fit aussi ses prcparatifs pour recevoir dignement Louis XII et Anne de Bre- tagne. Elle choisit, comme celle de Tours, un sujet national pour feter leur joyeuse entrde et mit a l'e"tude le mystere de Jules-Ce'sar. La tradition liistorique conservait encore le souvenir du sejour de ce h£ros a Amboise; mais, plusieurs articles de la defense faite pour la mise en scene de cette piece, nous prouvent que ce projet ne fut pas mis a execution et que la Reine usa seule de ses droits.de joyeux avenement (1). « Pour trois grands pannots, esquels a une toise de bois, faits pour le « mistaire de Julius-Cesar que on vouloit jouer a la Tour des Grands-Ponts « a la venue du Roy, ce qui n'a pas est£ fait, parce que ledit seigneur ne « fist aucune entrde, a estd paye' vijs vjd. » 151G. L'entr^e solennellede Francois Ier et de la Reine son Spouse, dans la ville de fours, eut lieu le 21 aout 1516. M. Gilles Desquartes, bourgeois ct echevin de cette ville (2), ayant recti la mission de conduire-vers ce prince deux bateaux montes par quarante-deux homines d'equipage, se rendit h Lussault, et ce fut en ce lieu que le Roi, la Reine et leur suite s'embarquerent pour descendre la Loire jusqu'a Tours. Les comptes du receveur des deniers communs ne donnent malheureusement que fort peu de details sur cette cerdmonie. On repr£senta devant la cour les Misteres des Hercules et celui de Bethsabee; le premier de ces myst^res devait (i) Essais historiques sur Amboise, p. 53, par M. E. Cartier. (i) Ce Giles Desquartes, d'abord receveur, plus tard echevin, et enfin maire de la ville de Tours, qui mourut le 7 decembre l'^22 dans l'exercice de cette charge, etait bisai'eul du philo- sophe Descartes. 442 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Hatter singnlierement les gouts de ce prince chevaleresque ; celui de Beth- sabde donna lieu a un arrets du corps de ville que nous citerons apres avoir indique les articles relatifs a la raise en scene de ces deux mysteres. MENUE DESPMCE, Pour une angille pour faire .lessay, iiijs vjd. Pour quatre peres de brayes de fin pour les arculles, xx* vjd. Pour queux et crains de chevaulx pour faire les parrucques et barbes des arculles, ixs. Pour une douzaine et demye boucles pour les souliers des lyons, ijs. Pour troys quartiers toille de lin pour couvrir le sercle de Bersa- be'e, xxs. xxi journees des garsons qui ont servy aux lyons desditz mystaires, a xxdt. par jour, xxxvs. x journees de ceulx qui ont este sur les chaffaulx es mystaires de Her- culles et mene les bestes et autres, a xxs, %\ Pour cincq paires de soulliers pour les Herculles. Pour quinze toyses preau- fait a la fontaine, a cinq solz tournoys la toyse, lxxvs. Pour troys toyses de reppartaige et pour six douelles de quartier a faire les masses des arculles et autres choses pour ce, vs. Paye a Matburin painctre pour les penonceaulx quil a faitz pour les enf- fants qui ont crye vive le Roy par lordonnance de monseigneur le general de Beaune, xxvs. Pour blouches de rideau, iiis. Pour faire porter quatorze saulmons de plomb et iceulx rapporter a h rriaison de syre Gilles Desquartes pour mectre aufons du tonneau de Ber- sabee, iiis iiiid. A Rene Brosseau et Bertheloin Berthier menuysier pour avoir plancheyc les cincq chaffaulx savoir est celluy de la Riche, le carroy aux chappeauh, Saint-Jullien, la Foire le Roy et icelluy de Saint Gacian, xiij'. Paye a syre Pierre Forget receveur des lannes pour les sablons mis en la ville a ladite entree du roy, vij1 xvs. La jeune fille, que sa beaute" avait fait choisir par les magistrats de la cite* pour remplir le rdle de Bethsab^e au bain, n'obtint pas toutes les marques de sympathie que sa condescendance a se rendre aux voeux de ses concitoyens aurait du lui assurer. 11 paralt que le costume plus que transparent dans lequel cette jeune actrice avait du se montrer, par res- pect pour la verite" historique de*son r61e, avait nui quelque peu a sa repu- tation, du moins sommes-nous portd a le pre\sumer par l'arrete" suivant pris en sa faveur par le conseil municipal de Tours, ce rigide gardien des bonnes moeurs et de la morale publique. «. A Thomyne poissonniere jeune fille demourant en ceatedicte ville de QUINZIEME SESSION. 145 Tours la somme de dix livres tournoys qui ordonnee et tauxcee luy a este par messeigneurs de ladicte ville en lassembl^e dicelle tenue le dixseptieme jour du moys de novembre Ian de cedit present compte et ce pour avoir par ladite Thomyne joue le personnaige de Bersabee ou carroy de monsei- gneur de Sainctblancay a lentree dernierement faicte par le Roy nostre dit seigneur en ladite ville et ce a la requete et priere de messeigneurs de la- dite ville, aussi pour ayder a marier ladicte Thomyne comme le tout des choses dessus dictes est plus applain contenu speciffie et declaire par ledict mandement et ordonnance (1). » L'histoire nous a conserve" plusieurs exemples de representations aussi peu conformes a la sevOite" de nos mceurs actuelles ; nous nous bornerons a citer l'entr£e que fit le roi Louis XI, dans sa bonne ville de Paris, le der- nier jour d'aout 1461. « Et ung peu avant dedans ladicte ville estoient a la fontaine du Pon- « ceau, hommes et femmes sauvaiges, qui se combattoient et faisoient « plusieurs contenances ; et si y avoit encores trois belles lilies faisans per- « sonn'aiges de seraines (sirenes) toufes nues, et disoient de petits mo- te tets et bergerettes, et pre"s d'eulx joiioienfc plusieurs bas instrumens qui « rendoient de grandes melodies. « Et ung peu au dessoubs dudit Ponceau, a l'eudroit de la Trinity y x avait une Passion par personnaiges, et sans parler Dieu estendu en croix, « et les deux larrons a dextre et a senestre (2). » 1520. Ce fut en cette annee que la ville d'Amboise vit cel^brer dans ses murs, pour la derniere Ms, des representations dramatiques. On y joua le mystere du trepassement de Notre-Dame et celui de la vie de monseigneur St-Denis, patron de la principale paroisse de cette ville (3). 1540. Noustrouvons dans les tablettes cbronologiques de Touraine, par Chalmel, sous cette date, 1'article suivant: « On joue a Tours pour la seconde fois des drames connus sous le nom « de mysteres. On repre^ente cette annCe : La creation de I'homme et de « lafemme, ainsi que la Conception, Nativity Manage et Annonciation « de la benoiste Vierge Marie, avec la Nativity et Passion de notre « Sauveur et RedempUur Jesus-Christ. » Nous croyons inCdit le mystere de la creation de I'homme et de la femme; celui de la conception de la Vierge est cite* dans l'histoire du theatre fran- cais (t. 2, p. 301), et dans le catalogue des livres de la bibliotheque de M. le due de la Valliere, par de Bure, qui l'attribue a Jehan Michel (t. 2, p. 415); le mystere dela Nativite de Notre-Seigneur se trouve egalement (1) Comptesde Martin Travers, receveur de deniers communs, du 1" novembre 1318 au l,r novembre 1819. (l) Histoire de Louis XI, ou Chornique scandaleuse, p. 2t , edit, ie-12 par Jean de Troyes. (i) Essais historiques sur la villle d'Amboise, parM. E. Cartier, p. 61. 144 CONGW&S SC1ENTIFIQUE DE FRANCE. dans l'Histoire du Theatre Francais des freres Parfait qui en dounent une courte analyse dans le tome 3C, page 43. 1541. Ce meme ouvrage, tome 2, page 378, nous fait connaitre avee beaucoup de details le mystere des Apostres, compose' vers Tan 1450 par les deux freres Simon et Arnoul Greban; il fut represents a Tours et a Paris en 1541. Cependant, l'agitation religieuse qui se d&veloppa en France pendant le cours du xve siecle, devail mettre un terme force a la representation de ces drames si bien appropries a la naive simplicity de nos aieux. Un arret du parlement, en date du 17 novembre 1548, donna naissance a notre theatre national en ordonnant la suppression definitive de ces divertissements sc£- niques, dans lesquels on aurait cherche en vain l'expression des progres de la societe et de sa civilisation. Ces representations furent remplacees par des arcs de triomphe (1). Depuis cette epoque les ceremonies d'appa- rat, en Touraine,ont du leur principal eclat a la magnificence des costumes des personnages que leur rang eieve obligeait a iigurer dans le cortege officiel, et surtout au concours des compagnies de la Bourgeoisie toujours empress^es a choisir les plus splendides babillements pour l'lionneur de la cite. Aussi, la belle ordonnance de ces citoyens, tous bien armes et mar- chant silencieusement, enseignes d^ployees, sous le comraandement de leurs capitaines, a-t-elle ete consideree par nos historiens comme un fait remarquable et digne d'etre mentionne dans nos archives nationales (2). Les titres de rH6tel-de-Ville de Tours sigualent ce nouvel ordre de choses, ce changement complet de decoration dans l'ensemble des diver- tissements officiels. Nous trouvous deux entrees solennelles laites dans cette ville par Henri II et la reine son epouse qui, en depit du prdcepte conforme a la raison non Us in idem, nous semblent bien rapprochees Tune de l'autre. La premiere eut lieu le 5 mai 1551, et la secondele 18 mars 1550. Dans ces deux circonstances il ne fut plus question de jouer des mysteres decant ces princes, mais de rdunir sous les armes tous les corps des metiers de la Cite. Les memes documents indiquent les depenses faites en cette occasion pour lespoisles (dais) armoyries, thddtres, portauloc, montagnes et autres decorations artifwielles. Tels sont les rcnseignements que nous offrent nos archives sur Fart theatral enTouraine, depuis Fannie 1389 jusqu'en 1548. Peut-etnvaurions- nous du, pour .rendre ce travail plus complet, faire quelques recherches (Jj Ce fut vers la fin du regne de Charles V (l 364-1 380] que les mysteres represents sur des echafauds furent introduits : ils firent parlie des ceremonies qui s'observaient aux^entrees des Rois et des Reines de France, jusqu'a Francois I" inclusivement. Henri II les supprima, et on y substitua les arcs de triomphe.- Histoire du Theatre-Francais, t. 2, p. 16 V, note A. (i) Voir le Ceremonial francais, 2 T. in-fol., Entreis des Rois et Reines; L'Histoire de la ville de Paris et celle de Touraine,par Chalmel, 2e vol., p. 379. QUINZIES^ SESSION. 145 sur les mysteres represented dans nos principales eglises et collegiales, et citer les ce>dmonies religieuses (loot le rit offrait des differences avec celoi des aotres dioceses. Le voile de l'oubli s'e*t etendu sur plusieurs usages qui, quoique proscrits par les exigences d'une civilisation dont aucun obstacle ne peut arrester l'essor, n'en sont pas moins intercssanls au point de vue de l'histoire. Nous savons que la fete des Fous, ou des Inno cents, se celebrait a Tours, et qu'elle fut supprime'e par un arret du Parlc- meut rendu le 16 decembre 1423, la cour 6tant a Poitiers. (1) Ou pourrait aussi consulter avec fruit plusieurs ouvrages sur le raerae sujet; mais il est plus que temps de terminer ce long mcmoire, et nous nous bornerons a indiquer par exception le savant ouvrage de dom Martenne qui a pour titre de antiquis eccleslw rllibus. CeMemoire, ecoute avec attention par Fassemblee . est honore des marques de sa sympatliie. Apres la lecture d'une charmante elegie de M. l'abbe Aubcr, la seance est levee a cinq b cures et demic. Seanue generate ilia ¥ set»4e£a»l3iieur; ce chassis s'ouvre et se ferme au moyen d'une corde qui, renferm^e dans un tube^en tole fix6 a la voute de la cellule , va rdpondre dans les galeries; l'entree est ferme'e par une grille en fer , et par une seconde porte en chene plein et perce'e d'un trou recouvert d'une plaque mobile en zintfqui permet aux gardiens de voir le prisonnier sans en etre vu. Les cellules des stages snperieurs sont desservies au moyen de balcons en sapin , de quatre-vingts centimetres de largeur, relic's entr'eux par des ponts; on y monte par des escaliers de bois placds aux extremites de chaque aile et a leur point d'intersection. Les uns et les autres seront prochainement remplac&3 par des constructions en fer plus elegantes, et n'offrant pas les memes dangers en cas d'incendie. Une salle de bains , une pharmacie et une lingerie admirablement tenues par les soeurs qui desservent l'e'tablissement , occupent avec le greffe et le logement du directeur, la portion du batiment qui fait face a la porte d'entrde. Les ddtenus couchent dans des hamacs garnis d'un matelas, d'un drap en forme de sac , de deux couvertures et d'un oreiller. Les femmes ont un lit en fer. Dans un coin s'ouvre une bouche du calorifere qui dans l'hiver , maintient la temperature a quinze degre centigrades ; dans un autre coin un siege d'aisance toujours maintenu dans un &at de propretd complet. Le prisonnier a en outre pour son usage, des rayons de planches oil il met son pain et les objets qui lui appartiennent; une table avec un banc de chene oil il prend ses repas, oil il peut aussi lire ou ecrire ; un metier oil il execute un travail qui varie depuis la boitc de carton a mettre les allumettes chimiques , jusqu'aux galons de passemeutier les QUINZIEME SESSION. 149 plus compliques par la variete tie leurs dessins ; un broc rempli d'eau renouvelee chaque jour , et une terriue pour les soins de proprete. Le preau oil les detenus se livrent chaque jour a une hcnre de prome- nade , se compose d'cnclos disposes en eventail , de chacun un are ct demi de superficie et aboutissauta une grille qui permet au gardien d'cn surveiller quatre a la fois. Le parloir, oil les parents des detenus peu vent communiquer avec eux, est un corridor etroit , de chaque cote duqnel s'ouvrent des sortes de niches ou les condamne"s et les visileurs sont places les uns en face des autres, de maniere a se voir et s'entendre, sans pouvoir se toucher. Les condamnes a mort ne sont pas soumis ici a l'horriblc torture dc la camisole de force , comme a Paris, ou des chaines, comme a Versailles. Dans cette derniere ville, il existe egalement une maison cellulaire ; Deux mots sur sa disposition materiellc comparee a celle de Tours , sur les quelques'.differences de rdgime qui existent cntre elles, ct sur les obser- vations que l'une et l'autre peuvent fournir a l'ecouomiste , termineront ce que nous avons a dire du Penitencier. A Versailles, onse proposait de reproduire la disposition adoptee let, mais le terrain ne Ta pas permis ; la maison se compose d'un seul corridor avec quatre stages de cellules desservis par des balcons de fer , ct par un double escalier dispose a Tune de ses extremites. Deux vis tournant rune autour de l'autre, comme au chateau de Chambord, sont disposces de ma- niere que deux personnes qui montent ou descendent en meme temps, ne peuvent ni se voirni separler. L'un conduit a l'etage superieuralfecte' aux. femmes, l'autre aux trois galcries intermediates consacrees aux homines. L'aspect des cellules est different; cellcs de Versailles sont moins graii- des, elles n'ont pas de double porte, et sont munies d'une cuvette en zinc , adaptee au mur et surmonte"c d'un robiuet qui fournit au prisonnier I'eau necessaire a ses besoins. — En revanche, la disposition du caloriferc et du siege d'aisance laissent a de"sirer en ce qu'ils permettent a certains detenus de communiquer entre eux en s'en servant comme de porte- voix ; ici , on y a rem^die" en mettant a l'un une double cuvette qui amortit le son, a l'autre une galerie en grillage qui isole l'orifice. A Versailles, le terrain manquait pour la chapelle. — On l'a construite dans une niche qui fait saillie a l'ex- terieur, sur le chemin de ronde , et s'ouvre, a rinte"rieur, dans le mur qui fait face aux cellules; separee du resle de 1'eWice par toute la largeur du corridor, e'est-a-dire de la prison , elle se relie au balcoii des cellules par un pont-levis, ordinairement dresse de maniere a boucher l'ouverture , et qui, pour les besoins du culte , s'abaisse au moyen d'un ingdnieux me"ca- nisme. Les pre"aux sont disposes de la meme maniere qu*ici ; comme ici, la prison communique avec la cour d'assises par un chemin creuse sous terre. Maintenant , quant au regime moral , quant aux consequences que Ton 10 150 congres scientifique de France. peut en tirer, il y a pen de rapprochements a faire entre cesdeux etablisse- ments, ainsi que vous allez le comprendre ; la maison cellulaire de Ver- sailles n'est ni penitencier, ni maison d'arret, ni maison d'emprisonnement correctionnel ; mais senlement maison de justice, conciergerie ; elle ne con- tient done, en general, que des individus transfers la au moment des as- sises pour y attendre quelques jours leur jugement, ou des individus, con- damne's par le jury, et attendant leur transferement au bagne ou dans des maisons centrales, par consequent , une population flottante de detenus dontlesejour est toujours indetermine; de detenus ayant toujours subi, au moins pre'ventivement, 1'emprisonnement en commun de la maison d'arr6t; il en requite que les observations morales qu'ils fournissent sont moins coneluantes et plus difficiles a reieverque celles fournies par les detenus de Tours ; il en re- suite aussi que les administrateurs ne peuvent organiser le regime, preparer on constater Pamelioration de gens qui vont sortir de- main parce qu'ils seront acquitted, ou dans le delai indetermine et toujours bien court qui separe la condamnation du transferement. Ainsi, a Ver- sailles, deux categories seulement : les accuses qui ne portent pas le cos- tume, qui peuvent se procurer une nourriture plus soignee que celle de la prison , du vin , du tabac, et qui ne sont pas astreints au travail ; les con- damues prive*s de ces douceurs et astreints au costume et a un travail uni- forme, la fabrication, au crochet, de chaussons de lisiere. Ici, au contraire, quatre categories : les detenus, les prevenus et les ac- cused, les condamnds a moins d'un an, les condamnes attendant leur trans- ferement. Les deux premieres categories jonissent des memes exceptions que les accuses de Versailles, les deux, categories de condamnes sont sou- mises aux memes restrictions. Mais le travail, onle comprend, peut etre varie" : volontaire pour les pre- venus et accuses, force" pour les autres ; different pour ceux qui attendent leur transferement et pour ceux qui ont a subir correctionnellement une peine dont la duree est fixde par le jugement. On comprend , en effet, que Ton n'apprendra pas un travail complique et demandant une certaine etude a un homme condamne' a un mois de prison , ou a un homme condamnd a cinq ans de travaux force's, et qui peut par consequent, quitter la maison au prochain passage dela voiture cellulaire, cette autre invention mod erne qui a si heureusement remplace l'ignoble chaine d'autrefois. Le travail, base du systeme cellulaire, est parfaitement organise dans la prison de Tours. II n'est pas seulement moralisateur (1), il est productif et pour les detenus dont il ameliore la position, et pour le departement qui retrouve, dans la portion qui lui est attribuee, une partie des depenses extraordinaires occasionnees par le nouveau regime d'emprisonnement. — (l) Le travail, el surlout le travail solitaire, a une grande puissance moralisatricc. (Rapport de M, Berangcr, page 3 8. ) QUINZIEME SESSION. 151 Les detenus qui se conduisent bien sont places, a leur sortie, par les soins del'administration. Sur dix-huit admis, soit dans des e"tablissements, soit chez des habitants de la ville , huit y sont encore et s'y conduisent bien : les autres ont quitte" le pays.— Des qu'un condamne a 10 fr. a sa masse de reserve, le directeur fait prendre, au nom du detenu et ayec son consente- ment, un livret a la Caisse d'epargnes, oil se trouvent deposCs, en ce moment, 320 fr. pour treize condamne's. Apres le travail , les autres elements moralisateurs du regime cellulaire sont la lecture et les visites ; pour la lecture , il y a ici, comme a Ver- sailles, une bibliotheque speciale d'ouvrages moraux et instructifs; et, en outre, les detenus peuvent se procurer par leur famille, leurs amis , ou les ames charitables, des livres qui leur sont livr&s sous le contrdle de l'aumo- , nier. Les visites sont faites par la commission des prisons dont un membre parcourt cbaque jour l'etablissement, par le me'deciu, par l'aumonier ; a Versailles on a, par une heureuse innovation, ajoute" aux visiteurs officiels, les freres de la doctrine chrdtienne dont l'e>ang£lique devouemeut va, cbaque jour, porter, de cellule en cellule, des consolations, des exhorta- tions et des encouragements. Les resultats moraux de l'organisation dont je viens de tracer le tableau ne"cessairement incomplet, ne peuvent se constater, ai-je dit, a Versailles comme a Tours. En effet, les dCtenus de la premiere catdgorie de nos con- damne's n'arrivent a la cellule qu 'apres avoir snbi une prevention plus ou moins longue en commun, apres avoir 6t6 souillCs par le contaet de rCcidi- vistes ou de pre>enus plus coupables qu'eux ; on ne peut done pas observer chez eux l'effet de Pisolement d'une maniere concluante. Je desire, Mes- sieurs, que les personnes dtrangeres au palais saisissent bien cette diffe- rence que Ton fait farement, dans le monde, entre le prdvenu et Paccuse ; difference qui-se subdivise encore en prevenus d'instruction et prevenus de jugement. — Le pr^venu d'instruction n'est que soupconnd ; il y a plainte contre lui, il peut etre relache sans subir I'^preuve du jugement ; le pre- venu de jugement a subi dCja une premiere dpreuve qui ne lui a pas 6te favorable ; la ehambre du conseil du tribunal de premiere instance, sur le rapport du juge d'instruction, a constate, contre lui, des charges assez graves pour le renvoyer devant le tribunal de police correctionnelle qui peut l'acquitter, qui peut le condamner ; mais le fait qui lui est impute" ne constitue qu'un delit dont la peine ne peut etre infamante quant a sa na- ture, ni supe>ieure a cinq ans quant a sa dur£e. — Enfin, l'accuse est celui contre lequel s'dlcveut des charges suffisantes pour le renvoyer devant le jury sous l'accusation d'un fait qualifie crime par la loi, ct pouvant entrai- ncr une peine infamante. Tous ces non condamnes sont presumes innocents par une fiction legale qu i ne fltohit pas meme devant le flagrant delit, et l'ou comprend combien ici 452 CONGUES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. le systeme ceilulaire est supdrieur a tout autre; quelle que soit la diver- gence d'opinions en ce qui touche la cellule comme rooyen d'expiation, je ne crois pas qu'il y ait un horame de bon sens qui liesite a l'adopter lors- que sa duree ne peut excdder trois raois, lorsque le detenu peut se procu- rer les adoucissements permis par les reglements. Personne ne niera que le prdvenu coupable n'ouvre plus facilement son ame au repentir et a l'aveu, qui en est la premifcrc manifestation, lorsqu'il sera seul avec lui-meme, en face de son crime , et qu'il ne recevra d'autres conseils que ceux des hon- ndtes gens ; personne ne niera que le prevenu innocent n'ait un immense avautage a sortir de la prison tel qu'il y est entrd, sans ces hideux ensei- gnements du preau, sans ces redoutables dangers du chantage , qui l'ex- posent, lui, honnete bomme, momentandment ddtenu par une erreur promptement reparee, a rencontrer dans un lieu public, dans une voiture, dans son atelier, un miserable qui lui dira : « Nous avons dtd en prison en- semble."— Ces doubles et diffdrents avaniages du systeme ceilulaire, appli- que's aux prdvenus, sont constats par les observations faites ici, et par celles faites a Versailles, observations du reste qui laissent entiere la question en ce qui touche les peines de longue durde , comme celles de dix ou quinze ans. Neanmoins, les exempts sont nombreux a Tours, ainsi qua Versailles, de condamnds a plus d'un an demandant comme une faveur de subir leur peine en cellule ; et quand on considerc que la condition sine qua non de ces sortes de demandes, est 1'engagement par le condamnd , de se nourrir a ses frais, on comprend qu'ils seraient bien plus nombreux encore sans cette condition. — 11 y a dans ce moment, au Pdnitencier de Tours, une iille condamnee a quinze ans de reclusion qui a obtenu , depuis trois ans, de rester en cellule ; sa sante est parfaite, sa conduitecxccllente ; depuis trois ans qu'elle paie sa nourriture sur son travail, elle a place 50 fr a la caisse d'epargnes. Quant a 1'effet moralisateur du systeme adoptd a Tours, il est prouve d'une maniere victorieuse par les exemples citds plus haut de libe- res repris comme ouvriers par leurs maitres. Du reste, Messieurs , ce n'est pas ici le lieu de se livrer a une discussion des avantages et des inconvenients du systeaie ceilulaire; dans quelques jours un Congres special, le Congres pdnitentiaire s'ouvrira a Bruxelles, et la, ceux qui voudraient recueillir ou apporter de nouveaux elements utiles a la solution de ce probleme social, trouveront des adversaires ou des auxi- liaires compdtents; 1'objet de ce rapport dtait surtout de *ous donuer une idee du bel dtablissement que possede cette belle ville ; je me suis efforce d'atteindre ce but, et, quel que soit l'avenir d'un systeme, encore a l'etat d'essai, je dirai en terminant, et ceux d'entrc vous qui out visits le Peni- tcncier de Tours, diront avec moi et avec M. de la Rochejaquelin, l'un des plus zdlds adversaires de la cellule : <> 11 est impossible de trouver reunis plus de soins, plus de zele, plus d'inlelligence pour donncr au systeme cei- lulaire toule la perfection qu'il comporte. » QUINZIEME SESSION. 455 Des applaudissements accucillent ce memoire. M.'lc President met aux voix un vceu emis par la 4e sec- tion, qui demande que les statues de Fontevrault, arbitrai- rement enlevees paries ordrcs de laliste civile, soient ren- dues a leur ancienne destination. Ce vocu est adopte a l'unanimite par le Congres. L'ordre du jour appelle la discussion sur la 20e question de la 4e section, ainsi concue : < Le caractere politique de Louis XL a-t-il e'te'jusqu'a ce jour y> justement apprecie par les historiensl » M. Pernot est appele le premier a la tribune pour traitei ce sujet, il s'exprime en ces tcrmes : '< Cc fut par le moyen du caractere prudent et energique , quoique fort peu aimable , de Louis XI , qu'il plut au Ciel , qui fait servir la tempete , comme la pluie la plus douce , a ses desseins , de rendre a la grande nation franchise les bienfaits d'un gouvernement civil , qu'elle avait presque entitlement perdus au moment de son avenement a la couronne, » (Sir Walter Scott.) Messieurs , L'epigrapbe que nous placons en tete de cet essai , en reponse a la ques- tion du programme, et que nous avons choisie avec quelque intention dans les Merits superieurs d'un dtranger, d'un Anglais, exprime deja d'avance l'opinion que nous allons emettre , d'abord sur le sujet choisi , puis celle qui dominera dans nos idees personnelles relatives aux jugements des di- vers historiens qui ont passe trop legerement sur le regne de Louis XI, en condamnant a la fois l'liomme etle roi. Nous examinerons done pourquoi les e'erivains d'e'poques bien diffe- renles n'ont pas su et n'ont peut-etre pas pu apprecier et bien juger la nuance politique d'un roi qui eut dans son caractere toutes les contradic- tions que le pbilosoplie peut remarquer dans l'homme , cet 6tre qui n'est pas toujours d'accord avec lui-meme. Qu'il me soit permis de vous dire, avant d'entrer en matiere, pour- quoi , plus coimu par mes faib'es travaux en peinture , en dessins bis- toriques , qui se lient si bien a l'arcbeologie , cette sccur de l'bistoire , je viens aujourd'bui vous demander un instant d'attenlion. 154 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Charge, depuis longues anises, par l'autorite supe>ieure , de reproduire avec mes pinceaux et mes crayons la vue des monuments anciens qui or- naient le Vieux Paris; ayant, surtout, apres toutes mes recherches consciencieuses , voulu donner une id£e de cette cite si eminemment his- torique et pittoresque, de la vieille capitate , j'ai cherche dans l'histoire Fepoque qui e"tait preferable pour donner au spectateur, au penseur, a l'historien et meme a I'arche'ologue une espece de specimen de ce qui n'est plus , et 1'epoque de Louis XI m'a paru la plus convenable. Paris avait encore tous ces monuments civils et religieux qui devaient un jour dispa- raltre soit par le despotisme de la mode, soit par celui des revolutions , tous deux acharne's k d^truire ce que nous ve'ne'rons , ce que nous recher- chons le plus aujourd'hui. J'ai done transports sur le haut des tours de Notre-Daine de Paris ce meme spectateur pour lui derouler ce vaste et sublime panorama encore tout couvert de la poussiere du Moyen-Age. Mes investigations nombreuses etaient faites , mon dessin de tres-grande dimension terminC, lorsqueparut un ouvrage devenu populaire et qui fit une veritable reaction , je ne dirai pas dans Thistoire , mais dans les gouts archdologiques : je veux parler de Notre-Dame de Paris. II est inutile de vous dire qu'il y eut quelque fierte- de ma part d'avoir eu, dans ma petite speciality, un rapport d'id£es avec un homme de gCnie. J'avais done , comme lui , dans un but different, fait des recherches sur tout ce qui pou- vait avoir rapport avec l'epoque qu'il fallait peindre qu ddcrire ; voila pourquoi , Messieurs, j'osc donner de vive voix mon opinion, bien faible sans doute , sur la question si interessaute pos£e par le programme a sa vingtieme page et a la quatrieme Section. Le culte des temps anciens a fait un pas immense depuis la fondation des Congres scientifiques. C'est un des bienfaits que ces grandes reunions portent avec elles et rdpandent si glorieusement pour notre epoque. Nulle part les souvenirs historiques qu'on aime a dvoquer dans son imagination , je ne dirai pas de poete seu lenient, d'artiste ou d'antiquaire , mais de Francais ; nulle part, dis-je, ces souvenirs ne sont plus palpitants , plus curieux que dans cette cite de Tours, qui se serait montrde, j'oserai le dire, inattentive , ingrate m6me, en repudiant un passC dont les details of- frent malheureusemeut des pages sanglantes , il est vrai , mais brillantes aussi d'une aurCole de gloire. C'est pres de ses murs que vdcut (je ne dirai pas en Roi , en monarque g£ne>eux) cet homme si extraordinaire dont on vient nous demander si les historiens ont Men connu et appreci6 le carac- tere politique. Le caractere politique , Messieurs , est bien different , ce me semble , de celui qu'on peut avoir comme fils , comme mari , comme pere , meme comme prince , el je crois que le plus grand nombre de nos historiens ont juge" Louis XI comme tel , ne voyant pas la grande portee des plus pstita QUINZIEME SESSION. 455 details de la vie politique, cauteleuse et fausse, je l'avoue , d'un de nos rois pour lequel rieu n'dtait indifferent , depuis cet habit rape et etroit qu'il portait jusqu'a ces images de plomb attaches si simplement a son chapeau de fourrure. Bien certainement , celte idde de faire cette question si inte'ressante ne serait pas venue aux hommes instruits qui composeront le programme du Congres futur de Nancy , et elle n'a pu venir dans l'esprit du Congres de Marseille; et pourquoi cela? parce que nous marchons encore ici, et a deux pas, sur cette vieille poussiere qu'a foulee Louis XI ; c'est ici qu'il a vecu, c'est d'ici que partaient ses ordonnances , ses nousveaux et merveilleux ddits , comme parle un vieil auteur. Eh bien ! cette curiosite" devenue si puissante depuis quelques annees pour tout ce qui retrace l'histoire (car l'histoire , Messieurs , c'est tout ce qui a existe jusque dans les plus petits details), ce gout pour ce qu'il y avait de merveilleux m£me dans les usages , dans les costumes , dans les monuments d'une epoque envolde pour jamais, ce gout est notre contem- porain ; on dddaignait autrefois d'entrer dans ce detail, on trouvait pue- ril ce que , de nos jours, des auteurs privile'gie's ont fait et font encore avec bonheur , car rien n'est plus interessant que ces recits qui nous initient aux secrets dont fut tdmoin le foyer de nos ancetres; secrets qu'il faut, pour ainsi dire, deviner et savoir trouver. Cependant, pour l'epoque de Louis XI, on a encore des monuments , des matCriaux... Plessis-les-Tours a dis- paru, il est vrai..., mais son souvenir reste : il n'est personne qui ne cher- che et ne visite le lieu ou e"tait ce chateau de plaisance d'une nouvelle forme et dont I'antiquite- meme n'offrait aucun modele. Tous les historiens sont d'accord pour nous dire « qu'il dtoit entoure' de « fosse's a fond de cuve , d'un treillis de gros barreaux tout a 1'entour, « puis d'une muraille chaperonnde de broches de fer a plusieurs poinctes... « Dans les angles etoient trois remparts garnis de creneaux et de tou- « relies, on tournelles , comme on les appelait alors Autour des « murs dtait un foss£ de vingt pieds de profondeur, oil 1'eau arrivait au « moyen d'une saignde faite a la riviere Un second fosse rdgnoit encore « au pied du second mur; un troisieme defendoit pareillement la derniere « muraille , et tous trois etoient de dimension peu ordinaire. Les rives « inte>ieures et extdrieures etoieut garnies de ce qu'on appelle , en terme « de fortification , chevaux de frise armds de poinctes bien aigues et diver- « geantes en tous sens, de sorte qu'on ne pouvoit risquer une escalade « sans s'exposer a une mort certaine. (1) » Dans l'inte>ieur de l'enceinte formde par le troisieme mur s'dlevait le chateau dont nous possddons encore , a la Bibliotheque royale de la rue Richelieu, quelques dessins curieux et detaillds. II dtait compost de bati- (\) Sir "Walter- Scott et auteurs divers. 186 CONCHES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. meitfs constructs a differentes e^poques que dominait une tour noircie par le temps et garuie de barbacanes pratiques de distance en distance en guise de fenetres. Enfin , tout semblait etre d'accord pour donner I'idee d'une prison plu- lot que celle d'un palais. Celui qui Phabitail avait meme ajoute" a cet effet ; car, sembiablc a la plupart des gens soupconneux (disent des Memoires du temps) qui n'airaent pas qu'on puisse deviner leur pensee, « Louis Xt avoit « fait construire les fortifications nouvelles de maniere a ce qu'on ne put « les distingucr des anciens edifices. On avoit employe pour cela des bri- * ques et des pierres de la couleur la plus sombre et mele de la suie dans « le ciment , de maniere que tons les bailments avoient la meme teinte « d'anliquitC. » Cctte place formidable n'avait qu'une seule entree Elle e'tait, sui- vant l'usage , situde entre deux fortes tours , defenses ordinaires d'une pprte armee d'une berse en fer et d'un pont levis. Des tours semblables s'elevaient de meme a la seconde et a la troisierne enceintes; mais elles n'etaient pas dans la meme direction. II fallait devier deux fois de la ligne droite pour entrer dans la cour, au centre de laquelle s'elevaient les bati- ments et l'eglise Saint-Jean. Tous les environs du chateau etaient parsemes de pieges , de trappes , de fosses et d'embuchts de toutes sortes qui mena- caient de mort quiconqite oserait s'y hasarder sans guides ; i) y avait sur les murs des espcces de guerites en fer, appelees nids d1 hirondelles , d'ou les sentinelles nombreuses pouvaient tircr prcsque a coup sur contre I'in- dividu so pre'seutant sans avoir le signal ou le mot d'ordre change chaque jour Pardonnez-moi, Messieurs, ces longs details; mais est-ce quevousne trouvez pas que cet aspect materiel de la demeure ne peint pas d'avance le caractere politique de celui qui s'y etait refugie\ au lieu d'habiter ces somptueux palais de Paris, du Louvre, de l'hdtel Saint-Paul , comme l'avaient (ait nos rois ses aucetres. Mais Louis avait voulu pour cela , comme pour bien d'autres choses , « tenir des maximes toutes contraires « a celles de ses preJecesseurs. » Comme nous l'avons deja dit, lien u'&ait indifferent a ce politique profond , tout etait calcule chez lui , depuis le moment on ii s'etait assis sur ce trone si ehancelaut, avec la volonte forme de !e raffcrmir, ce trone , par des moyens jusqu'a lui inconnus , moyens qui ressemblaient bcaucoup a ces poisons de quality opposees qui ont la verln de rdagir l'un par l'autre et d'empechcr rCciproquement leur efiet. II s'e"tait done donue une tache, cet homme qui , tres-instruit pour son dpoque, honorait taut la memoire de Charlemagne, « qu'il commanda « qu'on en chomat la fete par tout le royaume et transporta la statue de « cet empereur, du rang oil elle etoit entre celle des rois, sur 1'antel de la « Sainte-Chapelle du palais, pour l'y re've'rer. (l) » Ainsi, malgresesvi- (i) Mezeray^Hialoire de France. QU1NZ1EME SESSION. 157 ces , malgrd sa cruaute' , il y avait done quelqne chose dans cette tete qui ne voulut point etre dominie par des rainistres ni par nn conseil , et cela pendant vingt-deux anndes , Messieurs, quel longregne!.. qoand de nos jours, en vingt ans, nous voyons iant de choses, tant de changements di- vers A la verite" , le regne de Louis XI est fertile en grands evenemenf s , mais tout ce qui arriva de grand , de sdrieux pendant sa vie , il l'a pour ainsi dire prepare , et il sut merveilleusement en profiter. Permettez-moi de jeter un coup d'oeil sur cette epoque peu comprise , je l'avoue , par la majority des historiens , qui , reculant devant ce tyran , comme ils l'appellent, ce fils denature qui se rait deux fois a la tete des eomplots tramps contre Charles VII , qui effraya par ses supplices , des le jour de son elevation sur le trdne , les villes rebelles de Reims, d'Angers, d'AIencon et d'Aurillac, out pensd qu'ils ne pouvaient l'absoudre de ses crimes , en faveur de son patriotisme , car il eut toujours en vue le salut de l'Etat. 11 est vrai que la plume se refuse a retracer tous ces details hor- ribles souvent augmented par les passions du moment et les inte'rets froisse's par des mesures sages , mais dures. Nous accordons qu'on a une certaine horreur pour un mauvais ami , un mauvais fils , un frere denature et un mari peu aimable, qui fut fatal a tout ce qui l'approcha-, qui poussa la superstition jusqu'au ridicule ; mais voyons, cependant , si, malgre tous ces vices, enfanfs d'une epoque encore barbare , il n'y a pas quelque louange a donner a celui qui voulut mettre de i'uml6 dans la monarchic et quireussit, avec des moyens terribles, il est vrai, mais dans l'interet de tous, a la rendre grande et independante ; qui abaissa des pretentions nuisibles a l'Etat, pretentions qui, elevant un trdne a cdtc" d'un tr6ne^ avaient , plus d'une fois avant lui , mis le royaume a deux doigts de sa ruine ; qui , enfin , d'une main ferme , enleva aux grandes families des prerogatives impolitiques et augmenta notre territoire d'environ un quart. Comme vous pouvez le pressentir, d'apres son caractere si connu , la mort de Charles VII ne causa dans Tame de Louis que des mouvements de joie trop apparents. J'aime a croire que , sentant sa force politique , il vit de suite la mission qui lui e*tait reserved. Il £tait mauvais tils, ami faux , mais il se sentait la force d'etre roi , ou , si vous aimez mieux , adminis- trateur et grand homme d'Etat. ' . Les miseres publiques le toucherent peut-etre plus qu'on ne pense; elles etaient a leur comble , ct comment cela ne pouvait-il pas etre avec ce fteau , fruit des longues guerres entre la France et 1'Angleterre. De nom- breux corps qui prenaient le titre de soldats , reunis en bandes , parcou- raient toutes les parties de la France, qui commencait un pen a respirer, et ils justifiaieut par toutes sortes de rapines et de cruautCs les noms ex- pressifs que le peuple leur donna de Tondeurs et d'Ecorcheurs. II falJait 458 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. done une main de fer, plus severe peut-etre que juste , pour tout arreter, tout changer , et la Providence voulut que ce fut celle de Louis XI qui commencat cette ceuvre. C'est un des rois qui arriverent deja ages a la cou- ronne (il avait trente-huit ans) ; son enfance , sa jeunesse s'e'taient ecoules au milieu d'e've'nements merveilleux , mais plus souvent tristes et malheu- reux ; en un mot , il e"tait, comme caractere , l'oppose de son pere , et son activity sans pareille , cette vigueur de resolution qui ne le quitta jamais , devaitne'eessairement enfanter des dissensions dans la tamille royale ; cela amena m6me la re>olte. II serait troplongd'enumCrer ici les griefs du filset la peine que ressentit le roi, qui resta toujours bon pere. Vint enfin pour lui le moment de monter sur ce trdne de France , restaur^ si miraculeuse- ment quelques annees avant par la valeur he'roique d'une jeune bergere devenue martyre , et que Louis oublia peut-etre moins que Charles VII. Quelques auteurs ont assure" que ce fils de France , auquel il etait facile de supposer un mauvais coeur, apprit (comme je viens de le dire plus haul) la mort du roi son pere avec joie , et qu'apres avoir portd le deuil seu- lement une matinee , il se vetit de Mane et d'incarnat Permettez-moi de dire , Messieurs , que ce jugement est empreint d'une grande legerete. La v^rite" , pour ce qui a rapport au deuil exte>ieur, est qu'il ne fit en cela que suivre un usage. Duclos observe avec justesse « que « cette circonstance a 6t6 relevee par quelques auteurs peu au fait des usa- « ges de la cour de France et qui ont voulu en tirer la preuve du mauvais « naturel de Louis XI , qui ne gardoit pas meme une journee le deuil de la « mort de son pere- II est probable qu'il n'e'tait pas fort afflige ...., mais « quelle que fut la joie secrete qu'il eut pu en ressentir, il e'tait trup dissi- « mule pour la manifester par une pareille inconvenance. Le fait est que a l'usage de se vetir en pourpre violette, et non en incarnat etblanc, « existait de tout temps a la cour de France, sans doute pour montrer que « le roi ne meurt jamais. » Si , cepeudant , Messieurs , Louis XI a ele" juge" par ses historiens dans d'autres circonstances de sa vie de la meme maniere , on peut done assu- rer que son caractere politique , de meme que son caractere moral , n'a ete ni connu ni appr^cie" , et qu'il reste une e*nigme a expliquer. En mettant aussi en parallele ce roi et ses comp^titeurs ou ses ennemis naturels, par exemple le due de Bourgogne , que Ton a g£n£ralement peint comme g^nereux , sincere, mais ardent , impe'tueux , absolu, qui outra le caractere guerrier et chevaleresque de notre nation , on a voulu attribuer a Louis XI un caractere oppose , surtout sous le rapport chevale- resque. Eh bien ! voici comment parle un vieil auteur (1) qui entre dans quelques details qui paraissent vrfcs , tant ils sont naivement rapportes , ■ et ils donnent une autre idee du ruse" Louis XI, au moins au commence- ment de son regne : (l) Mezeray, Histoire de France, p. 271 et 272. QUINZIEME SESSION. 159 « Le due de Bourgogne et son fils (dit Mezeray) armerent incontinent «■ tous leurs sujets pour accompagner Louis a son sacre Mais le Roi , « qui e'toit jaloux de leur grandeur, les pria de ne point mener une si « grande multitude de gens arme's ; si bien qu'ils choisirent seulement « 4,000 chevaux , avec lesquels ils le conduisirent a Reims. II y entra le « quatorzieme d'aoust etle lendemain fut sacrd et couronnS Etant sur « le point de recevoir l'onction , il lira son dpe"e et la bailla au due de « Bourgogne , le priant de le faire chevalier. Le due , aussitOt , lui donna « 1'accolade, etensuite furent faits plus de deux cents chevaliers nou- « veaux. » II y a la , Messieurs , un tact , une convenance politique peu communs. Louis , si faux , si ombrageux , mais guerrier courageux , semble recon- naitre le plus publiquement possible , et au pied des autels , de la maniere la plus chevaleresque, ce qu'il doit au due de Bourgogne Je sais qu'on ne s'en aimera pas davantage, surtout avec le comte de Charolais, mais les historiens disent qu'en se quittant dans ces lieux memes oil nous som- mes , a Tours , on avait eu lieu une entrevue quelque temps apres le sa- cre, « chacun d'eux songeoit deja , de son cOte" , a trahir son ami. » Charles le Te'me'raire ne valait done pas mieux que le ruse' Louis XI, seulement il n'dtait pas roi. On doit meme s'etonner de tous les managements q>:e ce dernier prend a diffe>entes e^oques envers la maison de Bourgogne. II £tait monte sur le trOne , comme nous l'avons dejadit, avec la volonte' ferme et arreted de rend re a rautoritC royale toute sa force et de ne plus laisser entraver son action par les pretentions d'une foule de princes , de dues, de seigneurs...., et en premiere ligne etaient les dues de Bourgogne. Je n'ai point intention de faire ici I'histoire chronologique du regne de Louis; je tachede donner quelques preuves que son caractere n'a pas en- core 6t6 peint et bien connu. Une chose qui frappe encore, e'est que si Louis XI fut mauvais pere , mauvais mari et faux ami , il ne fut mauvais fils que pour son pere , car il fut plein de defences pour la reine Marie d'Anjou , que mille qualitds rendaient recoramandable et dont la ville de Tours a du conserver tant de souvenirs, car e'est dans ces lieux qu'elle epousa, en 1413, Charles VII; e'est dans ces lieux qu'elle revit son fils errant pendant si longtemps avant que d'etre roi. Le vieil historien que j'ai d£ja cit6 s'exprime ainsi : « Quand Louis XI fut parvenu a la couronne , il alia aussitdt rendre ses « devoirs a sa mere et la pria de demeurer pres de lui pour Tassister de « son conseil. En effet , le respect qu'il lui portoit e'toit tel , qu'il ne l'osoit « dedire en aucune chose ; et cette princesse eut 6t6 plus ne'eessaire que ja- « mais sous un tel regne plein de calomniateurs et d'injustices, mais « comme Dieu retire les bons d'un Etat quand il les vent affliger, aussi « il appela de ce monde en l'autre cette reine douairiere, le pe'nultieme de « novembre 1463. 160 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. « Non-seulement cette princesse tftoit douee d'one singuliere prudence, oulant maints tableaux gracieux, « Ravir tout a la fois et le occur et les yeux « Par le riant attrait de la simple nature, « A benir son auteur porter la crdature. «< 11 sait, en nous peignant un site ve'ne're', « Par de grands souvenirs a jamais consacre' « Le jardin oil le Christ, dans l'angoisse infmie, « D'une sueur de sang, a souffert l'agonie ; « Ces lieux que d'un martyr illustra le trepas ; « Ceux oil le saint laissa la trace de ses pas : « II sait, en nous montrant la grotte solitaire, « Oil Termite deja n'habitant plus la terre, « N'avait pour se nourrir que le rayon de miel, « Nous ramener encor vers les choses du ciel. » Des applaudissements accueillent cette lecture. M. Todiere, agrege de l'Universite, professeur d'histoire au college royal de Tours, lit un memoire sur le merac su- jet, dont voici le resume : Parmi les e'crivains, dit M. Todiere, qui nous ont laisse' le re'cit des e>e- nements de Louis XI, les uns n'ont vu que les re'sultats brillants du regne cle ce prince, et ils en ont faitun heros en politique; les autres, n'ont pense' qu'aux combinaisons d'intrigues politiques auxquelles il eut recours, aux moyens qu'il mit en usage, et l'ont repre"sente comme un tyran, comme une espece de monstre. Chacun de ces deux points de vue, meme pris isole'- ment, manque de justesse. Le r^gne de Louis XI est fecond en re'sultats, il est vrai, mais il faut convenir que le fils de Charles VII fut merveilleu- sement servi par les circonstances. « Et quant a cette periidie, a cette « cruaut£ par lesquelles on a voulu le fl^trir, l'e'tude conscencieuse des « faits ne nous apprend-elle pas que c'e'tait chose commune a cette e'poqiie « et pour laquelle Philippe de Valois, Jean-le-Bon et Charles V lui-meme « n'eussent eu rien a reprocher au roi de Loches et de Plessis-les-Tours.»(l) IN'a-t-il pas recu en he'ritage de ses pred^cesseurs l'arme dont il s'est servi pour frapper et renverser les sommitds feodales ? La difference qui existe cntre eux et lui, c'est qu'il Fa saisie d'une main plus vigoureuse. II a su la manier en Hercule et il a portc des coups plus terribles. Ce n'est done pas dans la politique de Louis XI que nous Irouverons le caractere original de (l) Burette el MagiD. Histoire de France. 164 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ce prince que n'ont pas su justement apprdcier la plupart des £crivains ; « il ne lit qu'imiter ses pre^de'cesseurs en les exagOaut quelquefois, il est « vrai ; c'est dans ses moeurs qu'il faut le chercher, et la encoie tout n'est « pas personnel, » ainsi que le prouve l'auteur du memoire. Ce qui lui donne une physionomie a part, ce sont les petitesses de son caractere, son exterieur ndglige et raesquin, les petites gens dont il aimait a s'entourer, non par amour du peuple , mais en haine du luxe, de tout ce qui jetait quelque e"clat, et de la noblesse qu'il voulait eloigner de sa cour. Mais ce Louis XI si impenetrable dans ses secrets, si profondement dissimule, qui Ctait lui-meme son conseil, une seule chose le grandit et le place a la hauteur de sa reputation : c'est la puissance de volontc avec laquelle on le voit lutter contre ces vassaux, ces sujets, ces voisins insolents, terribles et ambitieux qui s'armaient de toute parts contre une monarchic dont ils voulaient se partager les lambeaux. Plein de cette ide"e que tout devait plier devant la royaute, il mit la main a l'osuvre et march a avec une invin- cible Constance au but qu'il s'Ctait propose. Mais comme le caractere de Louis XI, ce caractere aux nuances si fines , si deliees, quelquefois si contradicloires, n'est pas de ceux dont un simple coup d'oeil snffit pour juger l'ensemble, M. Todiere entre dans une discussion rapide et severe de tous les actes qui peuvent faire ressortir le caractere politique de Louis. La saitie critique etles judicieux apercus de l'auteur nous font regretter de ne pouvoir insererici tout son memoire. M. Todiere termine ainsi: L'etude des faits les plus importants du regne de Louis XI a du nous faire connaitre suffisamment le caractere de ce prince. Sa memoire etait detestee, et cependant elle apparaissait encore comme l'unedes plus grandes ombres des rois de la troisieme race. C'est qu'en lui le peuple avait reconnu de prdcieuses quality qui font Phomme d'etat celebre: Beaucoup d'aulo- rite dans le caractere, un royal sentiment de son importance, une puis- sauce de volonte" sans egale, une perseverance active et obstiuee, qui doit toujours finir par rencontrer des circonstances favorables, une grande foi dans le but qu'il avait bien dtUermine', un regard ferme dans cette direction vers laquelle il se precipita d'abord, puis marcha et memo rampa. Mais il n'importe, il ne s'agit ici que de son but. Louis XI a laisse bien loin der- riere lui tous les rois de son epoque ; lui seul l'a bien comprise; lui seul a comptis que la politique g£ne>aie de l'Europe devait prendre une autre forme, qu'elle allait se compliquer plus fortement que jamais, que le pro- gres des arts, des sciences, de l'imprimerie, de la navigation, allait multi- plier entre toutes les puissances des points de contact. II fut vraiment l'liomme de son siecle, il en eut la pensee dominante. Et en effet, la France du xve Steele, pressed de sorlir des tdnebres et de la brutalite" des temps Jeodaux, penchait plus que jamais vers le pouvoir royal. Or, en Louis XI, vices et qualiles, tout fut tourn6 vers I'abaissement des sonmiites feodales ct raccomplissement de son rove chcri, l'unite de la QUINZIEME SESSION. 165 Fiance. Doruiue par la pensee de la concentration du pouvoir, il la lit do- miiier sur tout. Figure etrange et unique dans notre bistoire, personnage d'une po&ie sombre et terrible, genie monstrueux et plein de contrastes, il mit la royaute hors de page, en substituant l'intelligence a la force bru- taledu moyen-age. 11 fut grand politique. En un mot, nous pouvons repeter avec Comines : « Tout mis en balance ce fut un roi. » M. Todiere quittc la tribune au milieu des applaudissc* ments dc rassemblec. M. Champoiseau cite un trait de la vie dc ce prince dont la connaissance peut aider a elucider cettc question et qui prouve toute la force qu'il puisa dans l'organisation rnuni- cipale. M. Ernoult prend ensuite la parole sur le memo sujet et presente successivement les opinions des historiens sur le car.actere d'un prince si difficile a apprecier. M. Porclier, horticulteur a Tours et membre du Congrcs, obtient la parole : il demande a l'assemblec la faveur dc donncr a un dalbia qu'il a obtenu de ses serais le nom dc M. de Caumont. Cettc beureuse pensee est accueillie par unc triple salve d'applaudissements et prouve combien 1'as- serablee, toute cntierc, partage les sympatbiqucs et alTec- tueux sentiments dc l'habilc horticulteur pour rhommc eminent, et plein de modeslie, qui a devouc son existence a la propagation des mcilleures doctrines scicntifiques et a la conservation des ricbesses monumcntales de la France. La seance est levee a cinq heures et demie. Seance generate du S sei»iem1irc« Prcsidencc dc M. le doctcur Bally. M> de Soiirdeval , secretaire. Siegcnt au bureau : Mgr 1'Archevcque, M. lc Prelet et M. leMaire de Tours; MM dc Caumont, Richelet, Angellicr, 41 166 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ttoux; vice-presidents, Cliampoiscau, de Sourdcval, Lambron dc Lignim, secretaires generaux et M. Viot Prudhoinme, tresorier general du Congres. M. Lambron de Lignim lit le proces-verbal de la seance d'hier; il est adopte. M. Champoiseau donne lecture du titre des ouvrages di- vers qui sont offerts au Congres par leurs auteurs. La lecture des proces-verbaux des sections est donnee dans cet ordre : de la lre par M, Blondeau de Carol , de la 2e par M. Chaleil, de la 3epar M. Millet, de la 4e par M. l'abbe Bandeville, et de la 5e par M. Paul Huot. M. Huot monte k la tribune pour donner lecture de son rapport sur la visite faite par le Congres a la colonie de Mettray : Messieurs, Comme s'il £tait donne" au departement d'Indre-et-Loire de marcher a la tete de notre nation dans la voie des ameliorations morales, nous trou- vons aux portes de cette ville, si remarquable par son p^nitencier cellu- laire , nn etablissement analogue qui me>ite et qui a su se concilier les sympathies de tous les gensde bien. Vous le savez , Messieurs, dans une socie'te' aussi avancde que la notre, il existe, dans les classes infe'rieures surtout, des families oil les lois de la morale et de la religion sont plus completemeut ignores que dans les peu- plades sauvages de l'Oc6anie; des families oil 1'absence de probity va jus- qu'au vol, oil 1'absence de toute pudeur va jusqu'a l'inceste ; il en existe d'autres oil, tout en restant hors des atteintes du Code p£nal, les parents abandonnent leurs enfants a eux-memes, sans aucun principe moralisateur, sans aucune notion du juste et de Tinjuste. tfnfin, il est encore d'autres en- fants a qui la mort ou le crime ont enleve' le pere dont le travail devait les nourrir, la mere dont les soins devaient en faire d'honnetes gens. Ces malheureux enfants, avant d'avoir atteint l'age d'hommes, se trouvent souvent pousses par la misere ou par de mauvais penchants qu'on n'a pas rdprimCs, a des delits, a des crimes punis par la loi. Mais pour eux, qui, le plus souvent, n'ont compris ni la portCe morale ni la conse- quence pdnale de leurs actes, le Code a modifie' ses rigueurs salutaires. Le legislateur a voulu que, sans les fletrir par une condamnation, sans les rendre a leurs families, lorsqu'elles sont indignes de les conserver, la so- ciety fut mise a l'abri de nouveaux actes semblables de leur part, et il a ordonne' que ces enfants , quoiqu'acquitte's, fussent detenus pendant un QUINZIEME SESSION, i 67 temps plus au moins long, dans une maison de correction; mais, laissaut dans son ceuvre une deplorable lacune, il a neglige" d'organiser ces maisons de correction, et pendant trente ans, ces malheureux enfants ont ete, par toute la France, comme ils le sont encore aujourd'hui dans la plupart de nos dCpartements, detenus entre les murs de prisons insalubres pour leur frele constitution, plus insalubres encore pour leurs jeunes Unties, exposes, malgre des reglements incomplets et souvent inexecutes, au redoutable contact d'hommes pervertis, au milieu desquels ils trouvaient, non pas la correction promise par la loi, mais au contraire, la demoralisation qu'elle voulait prevenir, l'apprentissage du crime, le stage du bagne. C'est pour arreter cette demoralisation , que deux hommes de coeur, d'intelligence, j'ai presque dit de genie, out, en 1840, fonde laColonie de Mettray, que nous avons visitee dimanche dans tous ses details. La, au milieu d'un site heureusement choisi, s'eievent quelques maisons d'une rustique elegance, au-dessus desquelles se dresse le clocher d'une modeste chapelle. La, pres de cinq cents enfants, arrets a leur debut dans le crime, recoivent les enseignements moralisateurs du travail et de la charite ; les uns, minis soit dans la ferme modele annexee au chef-lieu de la colonie, soit dans des fermes isoiees qui en sont les succursales, appren- nent a devenir agriculteurs, d'autres a manier les outils des diverses pro- fessions industrielles, dont les produits sont affectes a l'utilite de l'etablis- sement ; d'autres se balangant aux mats et aux cordages d'un pout de navire etabli dans la cour, apprennent le rude metier de matelot ; tous apprennent a devenir un jour des citoyens utiles. Je n'entrerai pas ici dans tous les details de cet etablissement deja consignes ailleurs, mais j 'essaierai de vous retracer les souvenirs de cette visite, qui vous a tous si profondement, si doucement emus. Vous vous le rappelez, Messieurs, a notre arrivee, une certaine agita- tion regnait dans la Colonie. Un incendie venait d'eclater dans les envi- rons, et une partie des colons s'etait empressee de counr, sous la conduite d'un des directeurs, pour y porter les premiers secours. Bient6t, un bruit de pas cadences, de roues et de ferraille se fait entendre, et nous voyons deboucher dans la vaste cour.d'entree, au pas de course, tous ruisselants de sueup, tous noircis de fumee et de charbon, deux cents jeunes gens, les uns trainant, les autres accompagnant les pompes a incendie. Ainsi , notre visite debutait sous d'heureux auspices ; ainsi, chacun de nous pouvait sans phrases, sans explications, saisir d'un regard, dans ce fait plus eloquent a lui seul que les plus beaux discours, un des mille bien- faits, un des cent miracles de cette oeuvre philantropique ; vous aviez la deux cents enfants sur le sort desquels la justice avait statue; deux cents enfants, aux quels naguere encore les forcats du bagne ouvraient leurs rangs d'avance ; et voila qu'au premier bruit d'alarme, au premier signe de leurs chefs, ces apprentis du crime vont s'exposer aux fatigues, aux 168 CONGAS SCIENTIEIQUE DE FRANCE. dangers de l'incendie ; et eux, qui avaient enfreint la loi des homines, mettre en pratique la loi du divin maitre : « Aimez-vous, secourez-vous les uns les autres ! » Mais , dans toute reunion d'etres humains, a c6te# des bons il y a les mauvais. Tandis que leurs compagnons allaient faire preuve de denoue- ment et de bonne volonte, d'autres colons expiaient, dans la partie cellu- laire de la maison, sorte de penitencier en miniature, les delits qu'ils avaient commis ; le coeur serre*, vous pen^trez dans ce repaire du crime, en vous demandant avec angoisse s'il faut de'sespe'rer a tout jamais de l'es- pece'humaine, puisqu'en presence du bien-etre materiel, en presence des enseignements moraux qu'on leur prodigue, il s'en trouve parmi ces enfants qui peuvent faillir encore et retourner au mal. Sur la porte de chaque cellule est suspendue une ardoise oil sont rela- tes les meTaits des detenus. Vous vous approchez avec inquietude, vous lisez... L'un a menti, un autre a derobe des noisettes, op autre du raisin, cet autre a e*te insolent, un autre a desobeu Alors le sourire renalt sur vos levres en reconaissant-la ces fautes enfautines qui se commettent chaque jour au sein de vos families j ces delits champetres, que plus d'un parmi vous retrouVerait peut-etre au fond de sa conscience en interrogeant ses souvenirs de college. Alors , vous demandez , vous obtenez pour ces innocents criminels une amnistie gene>ale, et plus d'un, parmi les hommes graves auxquels je m'a- dresse (et ce n'est pas ici une figure de rhCtorique, je pourrais citer des noms propres), plus d'un parmi vous, mele de douces larmcs aux larmes de repentir et de reconnaissance qui coulent des yeux de ces enfants. Sous la conduite d'un des gene^eux directeurs et fondateurs de Met- tray, nous visitons ensuite une des maisons. Ceux qui out concu et realise la grande et noble pensee .dont nous voyons aujourd'hui les resultats, voulant rendre a leurs jeunes pupilles la famille que la mort ou le crime leur avait ravie, out voulu, ont su ressus- citer la vieille famille patriarchale des livres saints, nombreuse, soumise a son chef, se livrant sous ses ordres, a d'utiles travaux. Chaque famille a sa maison, oil cinquante enfants, vingt-ciiiq a chaque etage, lorsqu'ils ne sont pas aux champs ou a l'atelier, sont re"unis dans des salles qui leur servent a la fois de dortoir et de refectoir ; aux heures des repas, des tables a charnieres s'abaissent d'un pilier a l'autre, pour se re- lever le soir, et faire place a des hamacs fixds par leurs extrcmitds a des barres transversales. A la tete de ces cinquante enfants, deux, pris sur le tableau d'honneur, et soumis a l'election de leurs camarades, portent le titre de freres aine"s; au-dessus d'eux le sous-chef de famille, jeune homme sans antecedents ju- diciaires, appartenant a quelque honnute maison du yoisinage, puis enfin le QUINZIEME SESSION. 160 chef de famille, homme fait, d'une moralite £prouve>, choisi le plus sou- vent parmi de vieux soldats retire's du service et dont plus d'un inspire a ses enfants un re^oubleraent de respect et d'ob&ssance, en dtalant a leurs regards le signe de l'honneur qui brille sur sa poitrine. Ces maisons portent chacune le nom d'un des bienfaiteurs de la colo- nic ; il en est une cependant que Ton a placed sous une plus haute et plus sainte invocation. On y lit, au-dessus de la porte, Maison de Marie; elle est spdcialement consacre>. aux enfants de moins de douze ans. N'est-ce pas, Messieurs, une heureuse et poetique inspiration que d'avoir consacre" a la mere des afflig^s ce toit qui sert d'abri a ces pauvres enfants qui n'ont plus de mere. Apres avoir examine" le materiel de l'dtablissement, nous nous sommes rendus dans la salle d'dcole oil, chaque jour, on donne aux colons les ce- ments de I'&lucation primaire. La, tous les enfants rdunis et dirigds par un chef de famille, nous ont fait entendre des chants dont nous avons admire rensemble et la precision ; puis , apres une paternelle allocution de Mgr l'eveque de Nevers, qui avait honore" de sa presence celte interessante excursion, ils ont defile" avec ordre, en marquant le pas, au son des clai- rons, qui rfcglent tous les exercices, et sont venus se ranger devant nous dans la cour. Puis, spectacle touchant, a un signal donnd, tous se sont agenouiltes, tous ont respectueusement ddcouvert leurs jeunes fronts, et le prdlat, apres avoir invoque" l'esprit saint, a repandu sur eux les graces de sa benediction. Et, pendant cette cerdmonie, vous vous etes, pour la plu- part, agenouillds comme eux. Plus d'un spectateur qui s'incline peut-etre rarement sur les dalles du saint lieu, a, spontandment, sans hisiter, mar- que i'empreinte de son genou dans la poussiere de Mettray, comprenant que, quelles que soient les convictions que regie la liberty de conscience, il Itait de ben gout de donner a ces enfants rdgenOds un salutaire exemple d'humilite" chrdtienne. Ainsi s'est terminee sainlement cette visite a Mettray, dont nous gar- derons tous un profond et touchant souvenir, et aussi, Messieurs, un utile enseignement. Dans un autre ordre de fails, dans un autre ordre d'iddes, de mauvais esprits ont voulu, dans ces derniers temps, raviver un facheux antagonisme entre ce qu'on appelait jadis les clercs et les laiques. Or, voici un dtablissement laique par sa fondation, laique par son or- ganisation, et qui ne laisse rien a envier aux pieuses fondations dessiecles passes, voici un dtablissement laique qui a su se concilier les sympa- thies, la protection et les bienfaits des membres les plus eminents du clerge. Voici , dans cette enceinte, une assemblee d'hommes d'elite dont les uns portent l'habit du citoyen, et d'autres 1'austere vetement du pretre, et qui tous daignent m'dcouter avec une egale bienveillance. N'est-ce pas une nouvelle preuve a ajouter a tant d'autres, que, tous tant que nous 170 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. sommes, clercs et laiques, nous devons nous donner fraternellement la main, et marcher du mCme pas a I'accomplissement de notre oeuvre, an but que s'est propose" l'illustre fondateur du Congres : l'union, par le travail commun de l'intelligence , de tous les hommes de bien, de savoir et de coeur. L'orateur termine son interessante communication au mi- lieu d'une salve d'applaudissements. M. le President donne lecture des vceux emis par la sec- tion d'agriculture a la suite de la discussion de" la vingt- sixieme question de son programme, ainsi formulee : « Quels > seraient les meilleurs moyens de fixer sur le sol, avec le gout i de V agriculture, les classes riches trop preoccupe'es de la re- » cherche des emplois publics , et les classes pauvres qui de'ser- » tent les champs pour solliciter, dans les villes, le salaire de » Vindustrie? » La deuxieme section exprimcle desir que le Congres emelte le voeu suivant : 1° Que le Gouvernement soit prie de prendre des mesures promptes pour que l'instruction agricole soit repandue le plus possible parmi la jeunesse des deux sexes qui frequentc les ecoles primaires et superieures; 2° Que l'organisation generate de l'agriculture ait lieu d'apres les bases de celles du commerce et viennent donner a cette grande industrie l'impulsion quilui est necessaire; 5° Que des distinctions honorifiques soient accordees aux cultivateurs praticiens , et qu'un traitement soit attache a cette distinction pour les cultivateurs peu aises. M. de Caumontpense qu'il ne fautpas demander au Gou- vernement des ameliorations d'une execution trop difficile ; il appuie la demande de distinctions honorifiques, et pro- pose de supprimer le troisieme paragraphe. Les vceux de la deuxieme section, mis aux voix avec l'amendement presente par M. de Caumont, sont adoptes par Tassemblee. M. le lieutenant-colonel Jacquemin a la parole pour de- velopper succinctement le travail qu'il a lu dans la section d'archeologie, sur le harnachement du cheval. Cette com- munication est accueillie avee beaucoup de faveur par le Congres. QU1NZIEME SESSION' 474 Apres quelqucs observations de M. do Trobriand , sur la lecture du proces - verbal , la seance est levee a cinq heures. Stance g&ierale du 9 septembre. Presidence de M. le docteur Bally, M. Lambron de Lignim , Secretaire. Siegent au bureau : Mgr l'Archeveque de Tours , MM. de Caumont, baron Angellier, Richelet et Roux , vice-presi- dents; Champoiseau, de Sourdeval, Lambron de Lignim, se- cretaires-generaux et Viot-Prudhomme , tresorier-general du Congres. M. de Sourdeval lit le proces-verbal de la seance prece- dente ; il est adopte. M. l'abbe Chevalier, secretaire des lre et 6me sections reu- nies ; M. Chaleil , de la 2e; le docteur Millet, de la 3e ; M. l'abbe Manceau, de la 4e; et M. Ernoult, de la 5% don- nent successivement lecture des proces-verbaux de leurs sections respectives. Plusieurs vceux, emis par differentes sections, sont mis aux voix et adoptes par le Congres. M. de Trobriand obtient la parole pour repondre au rap- port presente par M. Huot, sur le regime adopte dans les prisons cellulaires, et s'exprime ainsi : Messieurs , Moraliser les detenus est une pensde chretienne ; developper leurs for- ces par des travaux agricoles en les rendant utiles a la Soeie'te', est une pensee philantropique ; a ce double titre, je ne puis que souhaiter de longs jours a l'e'tablissement de Mettray, tout en desirant que de pareilles insti- tutions s'elevent au plust6t en faveur des enfants qui n'auront pas debute" dans la vie en contrevenant aux lois de la Soeie'te. — Esperonsce resultat de Pesprit d'association de notre e^poque. 472 congres scientifique de France. Peut-etre , en emettant ce voui patriotique, en presence des essais mal- heureux recemment tentes, serait-il a propos d'examiner s'il est pos- sible , sans l'appui de la religion , de former des associations durables ; peut-etre serait-il utile de faire ici ressortir la profonde sagesse de nos peres substituant des fondations pieuses aux migrations armies, aux flots devastateurs des populations que la faim expulsait du territoire de la mere-patrie. — R^unissant en faisceau des forces iuntiles , remplacant , sur la terre , la sterility par l'abondance et consacrant chastement au Seigneur, dans de paisibles asiles, l'exuberance de la population, les con- vents resolvaient-ils sans effort le terrible probleme qui preoccupe de nos jours les economistes les plus distingu6s ? — Au lisque de passer pour retrograde (car l'liomme convaincu ne fait aucune concession aux iddes donviantes , quand elles lui semblent errone"es) , j'eusse peut-etre essaye de soutenir devant vous , Messieurs , cette these importante ; mais, il eut fallu relire Malthns si calomnie\ le docte Sismondi et les ceuvres del'ambassadeur de France pres du Saint- Siege ; d'ailleurs , e'est de"ja trop pour moi de combattre l'eloquent rap- port que vous avez entendu sur le systeme celtulaire et je renoncerais a cette tentative , si l'amour du bien public ne faisait taire l'amour-propre. Notre peuple, le plus spirituel de la terre, est aussi le plus leger des peuples ; nous nous laissons facilement abuser par des mots et , sans des- cendre au fond des choses , nous passons de Tid^e a l'application avec une febrile impatience. — Ainsi, a propos du systeme am&icain, on s'est dit: « Les Chartreux s'enferment dans leurs cellules pour ne songer « qu'a Dieu dans le silence et la meditation, enfermons les criminels « dans des cellules , ils y seront predisposes aux iddes religieuses et leur « moralisalion sera la consequence de leur isolement. » Mais on n'a pas songd qu'une de ces reclusions est volontaire et que 1'autre ne Test pas. — Autant nous sont faciles a supporter les privations que nous nous im- posons , autant nous sont odieuses celles qu'on nous impose , et nos \6- gislateurs ont neglige" cette observation de la nature humaiuc. Ainsi , le chartreux n'est pas dans la condition du condamne-ccllulaire. Le chartreux n'est pas constamment renferme dans sa cellule ; chaque matin, il en sort pour creuser sa tombe en presence de ses freres; avec eux , il laboure le champ de la communaute ; avec eux , il prend ses re- pas silencieux ; avec eux , surtout, il prie , et sa parole , captive durant le jour , se mele avec ardeur aux saints concerts qui montent vers le ciel durant Toffice nocturne, alors que la lampe mysteneuse et solitaire pro- jeite, dans le clwur, les grandes ombres des austeres religieux. Le char- treux, progressant sans cesse dans l'ascdlisme , est dtranger au monde exterieur, ou plutot , il n'est plus de ce monde ; sa vie est galvanique ; son corps se plie a la regie du monastere , mais son esprit, son ame, sa pensee sont au ciel oil sans cesse il aspire.., Sa cellule, illumined par la QUINZIEME SESSION. 173 gloire des saints et la lumiore des anges, est pour lui le p^ry stile du Paradis. Dans la cellule du condamne apparaissent le gendarme et le bourreau ; derriere eux, se dressent e'tincelants le glaive de la loi et l'instrument du supplice. — Pour ^chapper a cette effrayante vision , veut-il considerer l'avenir ? — II recule devant l'infamie qui l'attend au seuil de la prison,— pour lui, plus d'amis, plus de famille, plus de ville natale ; la reprobation s'attache a 1'etre degradd, la reflexion qu'engendre la solitude ne peut que nourrir chaque jour dans son cceur l'amertume , la haine, la rdvolte et la vengeance ! — Grande est done la dissemblance du chartreux ennobli par la cellule et du condamne' qu'elle stygmatise ; les cellules religieiises et les cellules penitentiaires n'ont de commun que le nom.... ce qu'il importait d'e'tablir avant d'entrer au pe'nitencier. Ceux d'entre vous qui ont visits cet etablissement , ont sans doute ete prie's par le directeur de consigner leurs observations sur un registre ad hoc; ce'dant a ses instances, j'ai du, comme tous les visiteurs, exprimer mon opinion ; je l'ai fait a peu pres en ces termes : «< Les cellules ne pre'sentent pas le sombre aspect des prisons du moyen- « age , mais je redoute Tabus qu'on peut faire du secret et de l'isolement, « — timco Banaos... » Mon opiuion est toujours la meme, permettez-moi de developper cette phrase inscrite sur le registre de la prison. Dans cet elablissemcnt, d'une extreme proprete', rien n'attriste d'abord les regards; rien n'affecte p&iiblement l'odorat; il y regne partout une sorte de coquetterie seMuisante , et I'e'clat du jour tombant sur les larges dalles des vastes corridors soigneusement entretenus et la blancheur des murs et la politesse exquise du directeur, tout fait oublier qu'on se trouve dans un lieu de souffrance et de chatiment; mais quand, penetrant dans les cachots (que les philantropes me pardonnent), dans les cellules , et touchant la voftte basse et massive qui recouvre les quelques pieds des- tines a une creature bumaine, vous vous representez, dans cet <§troit espace, le prisonnier ne pouvant apercevoir meme la main du geolier qui lui porte sa nourriture de chaque jour, quand on vous expliqueles precautions prises contre toute tentative de communiquer avec ses sem- blables, quand on vous montre "ces promenoirs oil, entre deux murs Ale- ves, sous l'oeil d'un gardien invisible, le malheureux, toujours et jamais seul, semeutainsi que la bete fauve dans sa loge grillee; quand vous son- gez a l'ennui, a la tristesse, a la pesanteur toujours plus accablante de ces jours uniformes de l'expiation , vous ne pouvez vous ddfendre d'un effroi glacial; vous comprenez le de*sespoir inevitablement suivi de la fo- lie ou du suicide ! — Loin d'admirer les ing&iieuses combinaisons qu'on vous d&aille avec tant d'urbanite , vous fremissez d'une cruautd si froi- 174 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. dement calcuiee et les cachots de requisition vous semblent raoins odieux que le supplice incessant de Yisolement absolu ! Vous citerai-je Popinion des chefs de la science sur les consequences fatales de ce systeme tant vante ? — Vous dirai-je , d'apres des docu- ments irr^cusables, que la plus forte organisation ne saurait register a cette perpetuelle sequestration , a ce retranchement du nombre des vi- vants, a cette mort anticipee Je n'exhumerai pas les noms des pri- sonniers morts, sur le Mont-Saint-Michel, par suite de Yisolement ; je ne vous dirai pas ceux que Ton a transferee trop tard dans le midi et qui ont succombe au germe fatal de Yisolement. — Je ne crie pas ven- geance, anathSme, je raisonne : On vous a rendu compte d'une visite au pSnitencier , visite rapide qui n'a permis aux observateurs de n'apercevoir que l'aspect general des murs de la prison et la disposition des cellules sans pouvoir apprecier les inconvenients que seuls constatent le temps et l'experience. — Certains faits relates devant vous veulent etre approfondis. — La femme dont on vous a entretenue et qui , depuis trois ans , etale une si belle sante pour la glorification du systeme , cette femme ne sort-elle jamais de sa cellule oil parfois on ne l'a pas rencontre^ ? — Ne va-t-elle jamais passer les soi- rees chez la femme du concierge, qu'elle aiderait, dit-on , dans les tra- vanx domestiques? Si , pour elle , on a fait fiechir la rigueur du reglement inte>ieur , ne peut-on aussi avoir adouci , pour elle, la rigueur du regime alimentaire? Si, pour sa robuste personne , le pe'nitencier n'est qu'une tnaison de santt, il est naturel qu'elle s'y porte a merveille. Mais gardons- nous de conclure , en voyant prosp£rer et s'arrondir cette forte filje des champs , gardons-nous de conclure en faveur du systeme cellulaire , — redhibition qu'on fait d'un tel sujet peut donner a penser qu'une fraud e pbilantropique ne serait pas etrangere aux soins exceptionnels qu'elle doit sans doute autant a sa bonne conduite, qu'a la charite de M. le Di- recteur dont le registre constate un grand nombre de maux de tete (en langue cellulaire, ces maux de tite sont de mauvais augure), — Pour- quoi , sur ce meme registre, ne trouve-t-on pas de deces? Parce que, Messieurs, les maladesvont expireral'hflpital. L'opinion des savants voyageurs est d'un grand poids sans doute, et pourtant vous voyez, Messieurs, qu'elle pourrait n'Gtre pas suflisamment edifiee ; permettez-moi de vous raconter ce que j'ai vu et entendu moi- meme. « Les detenus, me disait le chefde l'etablissement , se feiicitent cha- re que jour de leur transfert dans notre maison » et, sur son invitafion je fus interroger un prisonnier qui , d'une voix haute et claire , me debita quelques phrases fort remarquables sur les honteux exces commis dans les prisons de sa connaissance. — Je ne sais pourquoi jeirouvai a sa voix quelqu'analogie avec Torgane du perroquet, et changeant le sujet de QUINZ1EME SESSION. 175 la conversation , je lui demandai quelle avalt 6t6 sa jeunesse , sa profes- sion, etc... Je ne retrouvai plus la mftme vigueur de pense*es, ni le mftme choix d'expression. Au sortir de cette cellule ou Ton m'avait fait entrer, je demandai a pe'ne'trer dans une autre que je de'signai moi-m6me ; elle me fut ouverte. — RestC seul avec le condamne" , je n'obtins d'abord de lui que louanges de ses chefs et du regime de la prison; mais quandje lui eus dit : je suis un simple visiteur qu'amene ici le d£sir de con- naltre la verity ; je n'appartiens pas a l'administration : vous pouvez par- ler sans crainte et vous fier a moi ; etes-vous reellement content de votre sort? — Convaincu de ma si nee" rite" , le pauvre jeune homme se prit a pleurer et a me dire bien bas : qu'il prdfererait travailler tout le jour et pouvoir parler a qtielqu'un, — qu'il £tait bien malheureux, etc. Je lui demandai s'il se promenait une heure par jour ? — Oh ! non, Monsieur, une demi-heure au plus ! ( j'ai consults mes notes; il y a huit promenoirs pour cent dCtenus qu'on lache a tour de role dans ces ruelles de 7 heures et demie a 4 heures en e'te" , de 8 heures a 3 heures et demie en biver). — Les detenus ne peuvent done se promener que pen- dant quarante minutes en Cte , et 36 minutes en hiver) . Je lui demandai encore si le bouillon qu'on lui donnait deux fois par jour e"taitde bonne quality? S'il etait bien gras ? — Monsieur, e'est du bouillon maigre fait avec des Idgumes , ifl litre chaqite fois. — Vous donne-t-on des legumes avec cette soupe ? — Noii , Monsieur, un tout petit morceau de pain blanc (96 grammes ou Ijb de livre). — Mais sur le prix de votre travail , vous pouvez, m'a-t-on dit , acheter du beurre ou des rillettes , — out, Monsieur, pour trois sols. Je vis le pain, e'e'tait du pain de munition, tel quel. — Le hamac me parut plus court et plus e'troit que celui des matelots, mais, a part moi, je songeai tristement que ses cordes de suspension pouvaient offrir au prisonnier le moyen de finir une existence insupportable. Depuis, j'ai appris que ma provision s'etait plusieurs fois re'alise'e ; car , si les journaux ne nous ont pas trompe's, de 1843 a 1847, il y a eu cinq suicides par strangulation! le dernier date de quinze jours a peine et il a etc" con- somme" au moyen de la corde d'une fenetre. — Tout leur est bon pour sortir de la vie, et les malheureux qui commettent cet attentat contre Dieu et la Socie'te , sonl peut-6tre les plus dignes d'intiret ; le reste des detenus s'abrutit dans le vice solitaire et cette infame demoralisation se propage surtout parmi les plus jeunes et les plus fortement constitues. Que peut, tous les huit jours, la voix de l'aumdnier sur ces 6tres abrutis et degrades ? son impuissance est malheureusement aujourd'hui constated! II faut une rdformel Ici, comme ailleurs, Messieurs , il faut une re"- forme radicale ! Tant qu'on n'aura pas remis l'administration des mai- sons de correction aux congregations religieuses, on ne pourra reme'dier a cette honteuse plaie des prisons cellulaires ; il ne suffit pas d'etablir 476 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. line regularity disciplinaire ; le but est de moraliser , et le zele religieux peut seul inspirer aux surveillants des paroles qui ravivent l'&me dans les corps debilite's par le vice. « En fait de science, de foi, d'espe'rance, de charity les freres en sa- « vent plus long que les plus habiles docteurs es-lettres, dit un medeciu « ldgiste (M. Decurret, me'decine des passions), c'est cette science la « qu'il s'agit pour eux d'inculquer aux prisonniers. Cette science, ils ne « la peuvent donner que par leur contact habituel avec chaque detenu « en particulier. Un predicateur peut agir sur la masse , un frere ne peut « agir que sur rindinau. Ce ne sout pas des sermons qu'ils de'bitent , a ces hommes simples et pieux , ce sont de simples conseils qu'ils don- « nent. Une phrase , un mot , un simple sourire d'encouragement agi- « ront plus efficacement que les plus longs discours. L'exemple de ce frere « sequestre volontairement du monde , sera, pour chaque detenu cellule', « un modele vivant d'abndgation , de renoncement , de resignation, de « courage individuel qui l'aidera puissamment a supporter sa peine et « a faire de sa solitude un asile prive de regeneration et de repentir. « Le fr6re Yisiteur »era l'ange visiteur du detenu ; ce sera sa compagnie , « son confident , son ami: avec lui, plus d'ennuis, plus de decourage- « ment, plus d'isolement ou plulot plus de solitude, plus de sinis- « trcs pens^es; avec lui, sa cellule sera toujours peuplee , et le bon » grain que sa parole y aura seme, sera sur de germer dans l'dme du cou- rt pable, sans crainte d'en 6tre chassd par le vent des mauvais discours , « des mauvaises actions , des mauvais exemples de ses compagnons de « crime ou d'infortune. Voila le grand bienfait de la cellule fecondde par «< la religion , c'est-a-dire , par l'edification rdciproque de chaque frere et « de chaque detenu. » Jen'aipas craint, Messieurs, devous faire cette longue citation parce qu'elle resume tous mes voeux pour Amelioration du penitencier : con- server la cellule ; mais qu'a toute heure , puisse y penetrer l'homme de Dieu ; isolementy c'est-a-dire , separation des medians; mais non pas la solitude] rappelez-vous que le seigneur a dit : vce soli. Je crois au moins inutile de comparer les freres aux gardiens des pri- sons; a Tours, cet emploi est si penible ou si difficile a remplir, qu'on en change constamment; elle est si importante, la tache devolue a ces humbles fonctionnaires ! N'oublions pas, Messieurs, qu'il s'agit, non de faire souffrir , mais de r6gene>er la creature de Dieu, n'oublions pas que le gardien se doit efforcer non d'aggraver la peine , mais de hater la con- version des malheureux confids a ses soins. Vous prodiguerez vainemen Tor des contribuables sans rencontrer dans le monde des hommes de par- tience et d'eWication se devouant a cette ceuvre ingrate et difficile (il serait plus aise" de trouver des ministres). La religion peut seule inspire QUINZlEME SESSION. 177 tant (Tabulation. Aux freres done de purifier les prisons et d'en chasser le vice qui produit la folie ! Je ne dois point, Messieurs, oublier de vous dire que , depuis 4 ans six detenus ont 6te atteints d'alidnation mentale et que , pour cette cause , Tun deux a ete* rdcemment transfdre a l'hopital. II en est ainsi dans tou- tes les prisons cellulaires : le rapport du me'decin de la prison de Pentou- ville, a Londres, constate, page 14, que sur 332 detenus, trois sont de- venus fou en 1843. — On lit a la page 6 de ce meme rapport : « quand « un prisonuier subit sa peine plus ou moins longue dans la prison de « Pentouville, la pense'e de la detention solitaire lui cause souvent une « grande exasperation ; puis , a raesure que sa peine avance , il tombe « dans une profonde tristesse ; ainsi la detention cellulaire et le desespoir « de ne pas voir abreger le terme de la peine sont des causes d'halluci- « nation et de folie. » Je me bornerai a ces preuves de la ne"cessite d'une reforme. Plusieurs d'entre vous, Messieurs, m'dcoutent peut etre avec impatience , car, en France, tout est mode et les iddes nouvelles jouissent d'une baute faveur jusqu'a ce qu'elle soient a leur tour detr6nees dans l'opinion. L'importa- tion amdricaine vantee par un jeune publiciste , sert aujourd'hui de texte quotidien aux philantropes utilitaires, mais je dois vous presenter quel- ques considerations philosophiques sur cette institution, et vous, Messieurs, les adeptes de la science , qui vous appliquez a connailre les effets deri- vant des causes, vous m'autoriserez a vous signaler la cause probable des plus deplorables effets: J'ai commence par faire l'eloge des administra- teurs du penitencier; je ne saurai assez dire combien leur caractere , leur zele et leur intelligence promettenl de justice et de droiture dans l'exercice de leurs penibles fonctious; mais, Messieurs, le caprice d'un preset ou d'un ministre peut les renvoyer demain ; demain , les detenus peuvent tomber sous la verge d'un de ces etres fCroces qui se plaisent aux tortures, et de quel pouvoir n'est pas revetu le chef d'un penitencier , celui qui regne sur des infortune's isoles et ferm(5s dans le silence. Les rares \isites du procureur du Roi et du president du tribunal sont insufiisantes; le pri- sonuier ne peut lutter contre celui qui est a la fois son nourricier , son juge et son geolier; sa plainte serait vaine et ses pleurs steriles. — Mais, Messieurs, si, au gouvernement sous lequel nous avons le bonheur de vi- vre, succedait un pouvoir oppresseur , quel usage ne pourrait~il pas faire de ces prisons silencieuses ? rappelez vous l'antique Bastille ! etes vous tentes de revenir aux lettres de cachet? Est-il un seul d'entre vous, fut-ce le plus pacilique, qui, avec des lois preventives , puisse se pro- mettre, sous le susdit gouvernement , de ne pas etre enfoui dans les pri- sons cellulaires , quand le nombre de ces maisons de detention egalera celui de nos departements ?... II serait singulier , sans doute, qu'une re- volution commenced par la destruction d'une bastille, amenat re>edion 478 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. d'une centaine de bastilles; il serait douloureux de penser que tout ce qui porterait ombrage au pouvoir , pourrait , dans toute la France , le m6me jour , sur un signe du telegraphe , etre retranche" du nombre des vi- vans... Le despotisme oriental ne dispose pas d'un tel moyen d'oppre3- sion! mais, grace auciel, nous nesommes pas, comme les Turcs, cour- bes par le fatalisme ! Vous , Messieurs . qui connaissez l'histoire et ses enseignements , je ne vous rappellerai pas la terrible execution de cent mille Romains, perpe'tre'e par ordre du roi de Pont; je ne parlerai pas de l'arrestation combined des chevaliers du Temple et de la destruc- tion juridique de cet ordre ce'lebre , mais , qu'il vous souvienne des mas- sacres de septembre — Vous tous, Messieurs , qui cherissez la science et plus encore la liberte" , vous saurez vous garder de l'engouement politiquement propage" en faveur d'un systeme que repoussent a la fois la science , la morale et l'humanite ; enfin , songeant a Tabus qu'on peut faire des institutions nouvelles, vous craiudrez, par votre approbation, d'accrediter en France le plus terrible et le plus odieux instrument de despotisme. De nombreux applaudissements terminent cettc lecture. M. le corate de Falloux a la parole sur la vingt-neuvieme question, de la 4e section, ainsi concue : « Quels ont ete les points de ressemblance et les points d'op- » position les plus remarquables dans le de'veloppement des in- » stitutions de la France et de I'Angleterre , depuis le [onzieme * siecle? > ^'auteur s'exprime ainsi : Messieurs , Pour remplir les conditions d'un pareil programme, il faiulrait appro- fondir les principaux Clements qui constituent une civilisation, c'est-a-dire le caractere primitif d'un peuple, sa religion , ses lois, ses lettres. Chacun de ces points de vue pris a part meriterait un mur et special examen ; en les re"unissant tous ensemble , on ne pent done que les effleurer. Mais les rapprochements plus sommaires ont du moins la chance d'etre plus sail- lants, et chacun trouvera facilement dans son propre savoir de quoi com- pleter les assertions insuffisamment justifie"es. N£es dans un berceau commun, le christianisme , e'veille'es pour ainsi dire au son de voix des memes missionnaires et du meme l^vangile , se disputant les origines de leur langue et jusqu'au glorieux nom de Bretagne, QUJNZ1EME SESSION. 179 1'Augletcrre et la France apparaissent presque a la fois sur le seuil de l'histoire moderne : sentinelles avanc&s de conquetes encore inconnues , Ik oil elles posent le pied, la recule ou decline la barbarie. Cependant le caractere des deux peuples ne tarde pas a prendre ses aspects dis- tinctifs. Le caractere francais , temped comme son climat , brille surtout par l'harmonie. Ses deTauts semblent plutdt des lacunes que des vices; et cha- que siecle lui apportant, avec l'experience, son tribut de lumiere et de force, a pu le completer en le murissant, sans avoir trop a le corriger ou a le combattre. Le caractere anglais, au contraire, soumis aux influences d'un ciel plus sombre, isole" entre des rochers et des flots, pr^sente des angles aigus que la main de la civilisation eut plus de peina a polir et qui opposerent une resistance plus opiniatre a ('action salutaire du temps. Aussi, bien que l'Angleterre possede la plus ancienne charte authenti- que, puisqu'elle remonte vers Tan 1220 jusqu'au regne de Jean-sans-Terre, elle n'a pas et£ la veritable initiatrice de la civilisation en Europe. Ce role appartient a la France, qui le remplit sans relache, plutdt par ses mceurs, par l'&an naturel de son genie, que par sa legislation e'crite, mais enlin, dont le travail sur elle-meme et sur les autres ne s'est jamais interrompu depuis Charlemagne jusqu'a nos jours. Ce qui distingua la France dans ce glorieux labeur, c'est l'abnegation ! c'est cette promptitude, ce devouement a faire de la cause d'autrui la sienne propre : mouvements spontanea qui lui ont coute" dCja bien du sang et des sacrifices, mais qui lui ont valu aussi sur toute la surface de l'Europe, a toutes les extremite's du globe , des sympathies , des fraternite's bien ge'ne'- reuses et bien efficaces aussi. L'Angleterre, au contraire, placee a TCcart par sa configurat'on gCogra- phique, s'est faite de bonne heure insulaire dans ses pensdes, e'goiste dans ses inte'r^ts, dans ses entreprises. Trop souvent coupable de jalousie, pres- que tonjours aussi elle a e"t6 punie par la meTiance universelle, et des l'o- rigine de cette e*tude il est aise" de designer deux buts bien differents chez deux nations presque semblables. Les Anglais ont fait des prodiges povir l'Angleterre, les Frangais ont fait des prodiges pour tout le monde. Cherchons maintenant dans l'histoire le Wmoignage de ces assertions. En nous donnant le onzieme siecle pour point de depart, le congres nous interdit de faire ressortir les admirables offices de la race carlovingienne, la constitution de 1'indCpendance du Saint-Si^ge et nos merveilleux combats 180 CONGRES SCIENTIFIQTJE DE FRANCE, contre l'invasion sarrasine. Tandis que 1'Anglcterre , dpuisee par I'cnfan- tement du grand Alfred, passait du joug des Saxons sous celui des Nor- lands, la France e*tait de"ja assez virile pour preter son bouclier a la com- munaute" des races chre"tiennes sur la Loire , a la security des souverains pontifes au-dela des Alpes. Le cri des eroisades part de Clermont! PAngleterre et la France y pre- tent en meme temps Poreille et le coeur. Cependant notre chevalerie y est signalee a ce point que, pour tous les peuples de I'Orient, c'est le nom de Franc qui demeure synonyme d'Europe'en. Les premiers princes de ces nouveaux royaumes comptent parmi nos aieux, et le chantre inspire' de ce grand poeme du christianisme consacre a chaque page le privilege delpo- polo franco. Lorsque l'Europe rentre chez elle, lorsqu'elle abandonne peu a pen cette tutelle de I'Orient, que sa propre Education ne comportait pas encore et qui etait, je l'espere, reserved a nos jours, la France est encore la premiere a poser les bases du droit public europ6en ; elle consolide sa loi salique , af- francbit les communes, organise les finances, regularise les bandes armees, adoucit enfin, regne par regne, la rudesse de la f£odalite\ Si Philippe-le- Bel contriste la cbretiente", ses pre^lecesseurs s'appellent Philippe-1'Au- guste, Louis-le-Saint : ses h&itiers : Jean- le- Loyal, Cbarles-le-Sage. L'Angleterre demeure en proie a l'orgueil de ses barons. Habiles a pren- dre leurs precautions contre la couronne , ils exigent la propriety en une sortede monopole qui n'estpas encore brise aujourd'hui, tiennent l'epouse dans l'abaissement et quelquefois la livrent a l'enchere. Le trone est en- sanglaute"; on egorge des enfants en attendant que Ton dCcapite des fem- mes. La religion est bautement menaced, et a l'epoqne meme oil chez nous Louis-le-jeune partage Pempire avec Suger et saint Bernard , Hem i II fait attaquer saint Thomas de Canterbury au pied d'un autel. Le quatorzieme et le quinzieme siecles represented surtout nos luttes armees. L'Angleterre est chassee de notre sol, mais elle y a re"gn£ ; sa fierte et notre deuil dureront autant que les noms de CrCcy et d'Azincourt. Mais s'il est difficile d'assigner precisement ici la longueur ou le poids des dp£es, nous demeurons incontestablement mattres de la lice d'honneur. II a fallu le coeur denature" d'une mere et la ddmence d'un roi pour humilier nos ca- pitals : il a suffi de l'enthousiasme d'une jeune fille pour effacer cette pas- sagcre honte. Jeanne d'Arc perissant d'un dernier coup de lance ne nous eftt qu'affranchis : Jeanne d'Arc expirant sur un bucher nous venge au tri- bunal de la civilisation. Le seizieme siccle s'ouvre , et c'est peut-etre lei la plus belle epreuvc du QUINZiEME SESSION. 181 caractere francais. Luther presentait une grande tentation aux peuples. 11 les seMuisait par l'attrait de toutes les passions qui leur sont communes, et il offrait en outre a la nation franchise un appat auquel on la croit particu- lierement accessible, celui de la nouveaute\ De ce que la France aima ses rois jusqu'a l'enlhousiasme, on en conclut souvent aussi qu'elle est facon- nee et predestined a un perpe'tuel despotisme. H6 bien ! la France r^siste en meme temps a ses passions, a ses" caprices, a ses princes. Centre tout, et contre tous, elle deYend sa foi. A la fermete elle unit la perseverance : liee par le coeur et par le sang a l'ensemble de la politique europeenne, elle etait depuis 800 ans l'avant-garde de toutes les grandes Evolutions. Fidele au catholicisme, elle en embrassait les horizons infinis ; associee a sa splen- dour humaine, elle n'en deserta point la detresse passagere, et cette lutte de cinquante amines entre Iesquelles s'encadre la Ligue, aurait du suffire pour laver a jamais notre nation du reproche d'elourderie comme de celui de servilite\ L'independance et la fermete seraient bien petites Glioses en ce monde, si un royaume tel que la France avait pu naitre, grandir et pros- pe>er sans elles ; si un peuple avait pu , sans porter lui-meme ces deux germes puissants dans son sein, subjuguer, captiver par ses armes, par ses moeurs, par sa langue, tant d'ennemis et taut de rivaux, et je ne sache pas un plus sanglant outrage a faire a la liberty que de n'en pas recoimaitre un seul atome vivant dans l'histoire de nos ancetres , que de lui d&iier toute participation a leur gloire. Toutefois, l'heroisme meme de la Ligue ne fut pas exempt d'exces. C'(i- tait bien d'avoir doming le pusillanime Henri 1IJ et resiste aux chevaleres- ques appels du Bearnais. Cependant , allait-on livrer a l'Espagnol l'(jeuvre deja si avanceede l'unite francaise? Les convoiiises de la politique et les subsides de 1'etranger souilleraient-ils la purete" d'un si bel elan ? Lorsque l'heritier huguenot d'Henri III eut reconnu dans son coeur les suggestions sinceres de la foi et proclamd devant son arm£e les lois fondamentales de la monarchic, ne devait-on pas mettre bas les armes ? Le grand sens de la nation francaise prit a peine le temps d'h&siter. Au bout de quelques mois cette glorieuse capitulation s'appelait Henri IV, et l'aurore d'une popula- rity devenue plus tard sans pareille etait saluee d'une generate accla- mation. Que fit 1'Angleterre pendant ce seizieme siecle ? Elle tomba dans tous les pieces que la France dvitait. Elle commenca par l'apostasie , et descendit jusqu'au dernier echelon de la servitude; elle prostitua son culte au prince le plus indigne de respect, elle abandonua une a une toutes les garanties de rindependance spirituelie, c'est-a-dire de la conscience humaine, a la ty- 12 182 CONGRES SCIENTIPIQUE DE FRANCE. rannie, a la brutality temporelle. Elle retrograda, en plein seizieme siecle, jusqu'aux plus d^plorables maximes de Bysance ou de Moscou. Le par- leraent se fit a la fois esclave , pontife et bourreau ; ii apostasia sur l'ordi e d'Henri VIII ; il se repentit pour complaire a sa fille; il abjnrade nouveau pour e^pouser les intOets d'Elisabeth; il poussa la contradiction a ce point de restituer aux femmes 1'aptitude a rhCredite- de la couronne au moment oil le diademe ne semblait que les marquer au front pour l'eehafaud. II vulgarisa dans tous les rangs le desordre des amours royales et brisa les liens sacrCs de la famille par 1'introduction du divorce. L'Angleterre et l'E- cosse, separ^es a peine par les sinuosites d'un fleuve, n'avaient pu parvenir encore a vaincre leur mutuel antagonisme et a se reuuir en faisceau. Mais 1'lrlande avait subi et se disposait a cherir la suprematie anglaise. Ces liens furent brises. La Reforme appesantit le joug de la force materielle au-dela de toutes les limites connucs depuis l'ere chretienne, et laissa tout beant der- riere elle ce creuset de sang et de larmes d'oii devait surgir, au bout de trois siecles, le genie libe>ateur d'O'Connell. Nous avons vu la France souder pour jamais a son unite religieuse son unite' morale et son unite' politique. L'unite' territoriale avait aussi besoin de recevoir sesderniersdeveloppements. Ce futl'ceuvre de Richelieu etde Louis XIII. En nommant Richelieu aux lieu et place de son roi, ce n'est pas que je veuille rayer ce prince des fastes de notre histoire. Louis XIII eut un grand et rare me>ite, celui de ne se point nourrir aveugtement d'a- dulation, de reconnaitre a la fois le faible de son epoque et le faible de son caractere, et de prendre la oil il les savait trouver le g6nie et la force. Louis XIV continua et porta a son apogee le travail de centralisation de la monar- chic franchise ; il fit de sa personne et de son gouvernement le type ou l'envie des monarchies europeennes. En 1715, l'empereur Charles VI, te- nant un conseil, recut une depeche pressee; il l'ouvrit ets'ema: Ah! Messieurs, le roi est mort! nul ne s'avisa de lni demander lequel , tous comprirent que Louis XIV venait de fermer les yeux. Cependant une telle splendear n'avait point 6te accordee a un prince et a un royaume sans con- ditions et sans charges. Tout favorisa la premiere moitie de ce regne, mais tout , durant la derniere pe>iode, fut avertissement et legon. Un tel ascen- dant ne fut point accorde a la roy aute parmi les peuples pour les ramener a une sorte d'idolatrie, mais bien pour que les guides, voyant de plus haut, les conduisissent plus surement a raccomplissement de leur mission pro- videntielle. Lorsque l'intelligence de Louis XIV commenca a s'(5nivrer dans le triomphe, a s'engourdir dans l'orgueil, Dieu I'eiivoya visiter par deux grands maitres des choses humaines ; la vertu et l'adversite\ F^nelon per- QUINZIEME SESSION. 185 sonnifiait l'ecolede la sagessechrEtienne, et la mort frappait a coups re- doubles dans 1'intErieur de la maisou royalc, tandis que la victoire aban- donnait nos drapeaux. Louis XIV mit sa dignity a rejeter les conseils et a rendre les coups sans chercher a approfondir les uns et a conjurer les au- tres; il mourut, laissant a son successeur tout a faire ou tout a re- parer. Les jugements portes aujourd'hui sur cette epoque sont dieted par l'e'vi- dence et sanctionne's par le malhenr. lis n'etaient alors, il faut bien le dire, que ceux d'un petit nombre de contemporains , et Louis XIV mourut dans la plenitude de sa confiance eu lui-meme. L'Europe continua jusqu'au bout d'etre sa complice et consacra une seconde fois ce privilege unique dont nous nous sommes de"ja glorifie" : lorsque l'Europe chre'tienne se caracte'- rise pour la premiere fois, le type du chfEtien, du chevalier, du soldat, c'est le Franc, et lorsque la monarchic est devenue la forme pre'domi- nante de la civilisation et veut s'admirer elle-m6me dans un grand mo- narque, le roi, d'une extrEmitC de l'Europe a l'autre , signiiie le roi de France. En Angleterre, cette epoque si brillante pour nous a pour Equivalent la transmission penible du sceptre des Tudor aux Stuarts, et la continuation de ses guerres religieuses. Triste pEriode qui s'ouvre par le meurtre de Marie Stuart, crime que nous dirions sans exemple et sans imitation pos- sible, si l'ombre doulonreuse de Marie-Antoinette et de Madame Elisabeth ne nous imposait deja silence ! Triste pCriode, qui s'ouvre par I'e'chafaud de Marie Stuart et se clot par celui de Charles 1"'. Mais avant de regler entre les deux peuples le compte de ces t6tes royales , arreions-nous a tracer en peu de mots l'esquisse de leur rivalite' intellectuelle. Le style c'est Phomme , la litte'rature c'est le peuple, et Shakespeare re- produit admirablement la nation anglaise tout entiere : geme puissant , mais abrupt, fEcond, mais sauvage, il choque et subjngue. De mfime que l'Angleterre se suffit a elle-m6me , Shakespeare suftit a l'Angleterre et s'E- leve longtemps comme le monument unique de sa gloire litteraire. Nul ge1- nie, il en faut convenir, n'est aussi varie" et aussi profond a la fois ; Shakes- peare est peut-etre avec Homere le poete le plus crEateur dans la veritable acception de ce mot ; celui dont le souffle, a l'egal de Dieu, si cette expres- sion pouvait etre employee sans blaspheme , donne l'etre et I'immortalite a ses propres Emanations. Ulysse et Achille, Hamlet et Romeo, appartien- nent-ils a la fiction ou a l'histoire ? Nul ne le sait , nul ne s'en inquiete. lis appartiennent a la grande race de l'heroisme et de la passion, et ils ne raourront qu'ayec elle, 184 CONGRES SCIENTlFlQUE DE FRANCE. Les rayous que l'Angleterre a concentres dans un seul astre qui perce dc sa lumiere un ciel epais, ces rayons se partagent en France entre plusieurs constellations qui eclairent a l'envi un firmament toujours radieux. Cor- neille, le plus original de nos poetes , Test encore infiniment moins que Shakespeare, car il s'inspire a la fois du genie espagnol etdu genie romain. Racine, notreplus tendre peintre des mouvements du coeur, est encore raoins sensible que Shakespeare, car il emprunte Andromaque et Iphige'- nie , tandis que Juliette et Opheiie semblent ne*es des entrailles et des larmes memes de leur auteur. Mais Corneille et Racine ne sont qu'un des lleurons de notre couronne. L'Angleterre a surtout un poete , la France a toute une po£sie. Son poete a de plus hautes qualites, les notres n'ont point de taches. Shakespeare supporte peu la traduction et trouve encore beau- coup d'esprits rebelles a son charme : Moliere et La Fontaine sont de tous les pays et de toutes les langues. En France, la litterature se compose de zones Vendues et multipliers a l'infini, et son corps academique peut se recruter perpe'tuellement sans descendre au-dessus d'un honorable niveau. En Angleterre, Shakespeare et Milton sont demeures longtemps des aigles solitaires, et s'il avait fallu leur entretenir depuis trois siecles une escorte de quarante compagnons, on ne sait quelle excentricite obscure et bizarre n'eut pas pris rang a leur suite. L'on ne pourra du reste se mettre d'accord sur la valeur des lettres franchises et des lettres anglaises que lorsqu'on se sera cntendu sur la deTinition du mot classique et du mot romantiqiie. La France a aussi incontestablement droit au premier titre que l'Angle- terre au second. La France, plus soumise k des regies immuables, offre de plus purs modeles ; l'Angleterre, plus affranchie d'entraves, produit de plus saisissantes images et de plus soudaines Amotions- En Angleterre, la littera- ture vecut longtemps dans un domaine a part et comme livre'e a une sorte de v£g£tation agreste ; en France , les lettres jettent leurs racines dans le domaine public, et c'est par elles que nous pouvons , sans transition, ren- trer de l'Academie dans l'histoire. Le vrai successeur de Louis XIV, c'est-a-dire, le veritable heritier du sceptre de l'opinion et des mosurs, ne fut pas Louis XV, mais Voltaire. Ce n'est plus la monarchic qui donne le ton a la France et a l'Europe, c'est la philosophic, et la philosophic, pas plus que la royaute, ne compiit sa mis- sion durant le dix-huitieme siecle. Louis XV n'avait pas de temps a perdre pour rendre au trone et a l'aristocratie leurs veritab)es bases. Voltaire n'a- vait ni trop d'esprit, ni trop de popularite pour rendre a la conscience hu- maine son independance et sa foi. Ni l'un ni l'autre n'y songerent. Voltaire se nait a saper le christianisme commc Louis XV a corrompi c la QUIN74EME SESSION. d8ft monarchie. La constitution, en France, etait plut6t faussde que fausse, et il s'agissait de remonter au vrai sans qu'il ftit nCcessaire de rien inventer, mais il fallait, sous peine de s'egarer completement , se mettre a l'oeuvre sans retard. Chaque jour, au contraire, eioigna davantage du se'rieux et du vrai, tant en politique qu'en philosophie. 11 y avait desuetude plutdt qu'in- suffisance de garanties politiques, chez un peuple qu'une Equitable ponde- ration de pouvoir et une savante division de la representation nationale protCgeaient depuis des siecles. Mais on passa de la de'sue'tude a la negation. Les services, parmi toutes les classes, etaient anciens. Les abus seuls etaient modernes : Tabus se substitua a la loi. 11 n'est pas jusqu'a l'inegale repartition des charges, devenue la plus re'voltante des injustices, qui n'etit eu a son origine une haute et juste raison d'exister. Elle reposait sur de grandes considerations publiques : e'etaient d'abord le recrutement mili- taire impliquant nou seulement la presence continuelle de la noblesse a l'arme'e, mais encore la prodigalite de la fortune comme du sang. C'Ctaient ensuite un grand principe moral et une prevoyance politique dont le de- faut se fait cruellement sentir de nos jours : la separation des hommes d'fitat et des hommes d'argent. L'on interdisait le ndgoce k quiconque ma- niait les affaires et les deuiers du peuple. L'on ne comprenait pas qu'un pays el un homme fussent mis a cette difficile epreuve de confondre dans la meme main les speculations publiques et les speculations privees. On exemptait done legalement de sa part dans l'impot xelui qu'on excluait legalement de tous les postes lucratifs et de tons les benefices du com- merce ; en un mot, pendant plusieurs siecles , le senl mobile de l'honneur, le simple attrait d'une consideration heritee et transmise, suffirent a de- frayer nos armees et nos tribnnaux de ses plus grands capitaines et de scs plus illustres magistrats. Mais peu a peu ces positions, ces conditions, ces moeurs avaient change. Le grand tort de Louis XIV et de Louis XV fut de n'avoir pas reconnu cette transition et de ne lui avoir pas d'eux-m£mes trace sa legitime voie ; d'avoir, au contraire , etouffe le cri de leurs con- seillers naturels , d'avoir supprime les litats-Generaux aux epoques memes oil l'£gUse, la noblesse et le tiers-etat avaient le plus besoin de ce concer- ter entre eux et de se concerter avec la couronne. Peu a peu l'ignoranee quitta les classes moyennes pour monter dans les regions superieu res. Peu a peu, ce qui avait ete devoir dans les classes eievees, devint simplement vanite; ce qui avait ete division du travail pour le bien commun de la pa- trie, devint l'oisivete d'un petit nombre et prit pour la foule le caractere d'un irritant dedain. Le peuple oublia promptement ce qu'il devait a la no- blesse, parce que la noblesse sembla ne plus se souvenir elle-meme de ce 486 CONGRES SCIENTIFIQUE DE PRANCE, qu'elle avait fait pour le peuple. Le sens politique s'eteignait chez les uns en meme temps que l'esprit de justice se perdait chez les autres. Ce de- placement des idees et des intents, ce malentendu officiel deja trop pro- long^ sous le regne de Louis XIV, s'aggrava deplorablement sous Louis XV ! Les fautes furent pouss^es si loin qu'un simple redressement n'en paraissait plus possible, et que la plus cruelle des expiations se decida dans les se- crets conseils de la Providence. Louis XVI monta sur le trdne, pur, mais timide, liberal, mais isoie, et avec toutes les vertus qui rendent plus ma- nifeste l'intervention divine et les chatiments providentiels. Toutefois, et meme dans cet abime de maux , la France conserva encore une grandeur qui de'passe toute proportion connue et etonna le monde en meme temps qu'elle attesta la vigueur de sa regeneration prochaine. En Angleterre , bien que les evenements semblent jetes dans le meme moule, les faits et les hommes eurent une moindre proportion : Ton se re- volta contre un roi plus que contre la royaute. La raison humaine, livrde a elle-merae, s'y porta plutdt au fanatisme de l'esprit de secte qu'a l'impiete. L'ordre politique y fut plusieurs fois reconstruit et renverse sans que Tor- dre social ressentit de ces ebranlements un aussi profond contre- coup. A.ussi, quand on vent parler des grands accidents de ia democratic, de l'a- ristocratie, de la royaute, des grandes combinaisons par lesquelles elles se combattent ou se r^concilient, on parle des revolutions de l'Angleterre, on d^signe celle de 1649 ou celle de 1688; mais quand on veut parler d'une renovation sociale , des droits et des devoirs de I'humanite, des rapports primordiaux de gouvernement a peuple et de peuple a gouvernement, d'une de ces crises enfin qui traversent le monde tout entier et font epoque pour tous les peup'es, on dit la Revolution ; et personne en Europe ne se me- prend sur celle dont on veut parler, pas plus que deux siecles auparavant on ne se meprenait sur l'acception du mot roi, et quelques siecles plus loin encore sur l'acception du mot franc. Frappes du rapprochement superficiel de Ia revolution anglaise et de la revolution franchise , beaucoup d'esprits se sont plu , en outre, a chercher d'etroites analogies entre Louis XVI et Charles Ier. Ces analogies existent, en effet, d'une maniere apparente dans les phases exterieures de la vie de ces deux princes ; elles disparaissent completement dans l'etude plus refie- chie de leurs deux caracteres. Peut-etre done un parallele attentif ne sera-t- il point deplace ici. Charles I" et Louis XVI monterent sur le tr6ne sous des auspices peu differents bien que charges d'un inegal fardeau. Entre Elisabeth et Charles se placa le regne de Jacques I" ; comme celui de Louis XV entre Louis QUINZIEME SESSION. • 187 XIV et Louis XVI. Nul rapport n'existe entre Elisabeth et Louis XIV, mais tous deux eurent cela de commun , qu'ils Reverent a un haut degre la prosperity de leurs royauraes par des raoyens perilleux, inh^rents a leur ascendant personnel ; que tous deux -endirent formidable l'honneur de leur succSder. Ne"anmoins , Charles I" trouvait au debut de son regue de plus fermes auxiliaires que Louis XVI. L'Angleterre se glorifiait encore d'une noblesse puissamment riche , initie'e de longue main aux secrets du gouvernement. En France, nous venons de le voir, les gentilshommes , tenus a l'ecart des grands devoirs de la vie publique , devaient etre considers plutdt commc un ornement que comme un appui. Charles pouvait conjurer l'orage avee les ressources ordinaires d'un esprit resolu, a Louis, il fallait un coup-d'ceil surhumaiu pour saisir le point juste de jonction entre le passe" et l'a- venir, imposer a toutes les frivolites sa raison, a toutes les resistances sa volonte*. Charles debuta avec l'entrainement , le luxe et la galanterie de la jeu- nesse ; il choisit pour ministre un favori , le due de Buckingham , arrogant et inhabile; Louis se donna pour premier conseiller un Mentor septuagS- naire , le comte de Maurepas, qu'honorait la deYaveur du precedent regne et qu'un long exil avait pare" de me>ites dScevants. Louis marcha doucement d'ameliorations en ameliorations, d 'economies en economies. Charles fatigua les communes de demandes de subsides et de pretentions outr^s. Louis ne fit au dehors que des entreprises conformes 'aux intdrets de son peuple ; il releva la marine francaise et transporta avec succes dans l'Ame'rique notre vieille lutte contre 1'Angleterre. Charles choisit maladroitement ses champs de bataille et laissa entrevoir m&me dans ses guerres exterieures la pensee de n*attaquer que ses Parle- ments. Quand les problemes apparurent a Louis XVI d'une solution trop diffi- cile, il convoqua les notables. Quand les notables, a leur tour, reconnu- rent leur impuissance, il appela les Etats-G6ne>aux. Charles releva le gant jete- entre lui et les communes, recourut aux armes et placa le premier les chances de sa couronne sur celles de la guerre civile. Charles et Louis demeurerent inebranlablement attache's au sol natal, et se montrerent sous ce rapport egalernent penStrdsdes plus Sminentes obli- gations de leur naissance. Louis ne voulut jamais accepter un asile stran- ger, meme en m^ditant sa retraite sur MontmSdi. Charles refusa toute proposition d'embarquement et se laissa transferer de l'lle de Wight a Londres, comme Louis XVI de Varennes au Temple. 188 CONGRES SC1ENTIF1QHE DE FRANCE. Tous deux professerent sincerement leur religion, tous deux souffrirent pour elle. II y eut plus de ferveur dans la devotion de Louis, plus de poli- tique dans la pie'te' de Charles : ce qui ddrivait de la situation des deux Eglises, autant que du caractere des deux princes; car entre l'anglicanisme et la maison de Sluart la solidarite dtait forcee, tandis que le catholicisme vit partout de l'existence qui lui est propre : Charles se rangeait derriere l'episcopat, comme derriere un rempart, l'episcopat, a son tour, en defen- dant le Roi , se deTendait lui-meme. En France, au contraire , l'Eglise fit prompt et bon marchd de sa place dans la Constitution politique; c'est sur le dogme seulement que sa resistance et celle de Louis devinrent he'roi- ques. La captivitd de Charles fut couite et entouree d'une constante deference de formes : celle de Louis ne fut qu'un long et continuel outrage. Tous deux rencontrerent dans leur dernier serviteur un ami fidele et un naif historien. On nepeut lire Herbert sans respect, on ne peut lire Clery sans larmes. Les sombres frimats de l'hiver enveloppaient de leur tristesse les deux journees funebres ; cependant l'obscurile morale y etait bien diffe- rente. Le 9 fevrier ne ferma ni n'ouvrit une carriere au monde. Son lende- main rapide fut une transaction oil la royaute' recouvra ses avantages. Le lendemain du 21 Janvier etait une revolution incommensurable en etendue et en durde. Louis fut aussi plus cruellement que Charles abandonne" par sesame's natuiels. Le prince le plus intim6ment uni a la cause du roi d'Angleterre etait Louis XIV, mais en 1649, Louis XIV, age" de onze ans, se debattait lui-m6me dans les troubles d'une orageuse minorite. En 93 l'Empereur, beau-frere du roi de France, ne se preoccupa de son sort que de facon a 1'aggraver, et au moment oil succombait sa propre soeur, il ddployait au Nord ses intrigues et 6es armies pour achever l'extermination de la Pologne. | MM ^S Les deux monarques gouterent du moins presque egalement les consola- tions domestiques. Henrielte et Marie-Antoinette , douees l'une et l'autre de plus d'impetuosite que de perseverance, de plus d'instincts gdndreux que de solide jugement, accepterentavec un devouement pared le diademe d'epreuve que Dieu subslitua aux deux brillantes couronnes qui leur avaient ete cfferles. L'une et l'autre exercerent une grande influence sur deux princes qui les aimaient tendrement. Henriette, toutefois, demeuraitautant reine qu'epouse, et quand le glaive du bouneau se leva a Witehall, elle avait passe sur le conlinent pour y enflammer des defenseurs a sa cause. Marie-Antoinette assista au depart des princes emigres sans admetfre QUINZIEME SESSION. 489 l'id£e qu'un seul pe>il ou un seul jour pussent la trouver s^pai^e du Roi. A mesure que grandit la menace, son attachement s'eieve et son courage se fortifie. Distincte de Mme Elisabeth a Versailles et a Trianon, elie se con- fond , au Temple, avec l'ang&ique sceur du Roi, et dans les derniers em- brassements du malheureux prince on n'apercoit plus entre sesbras qu'une seule image, type accompli des affections humaines. Considered moralement , Charles et Louis conservent encore des traits separCs. L'ame de Charles 6tait celle d'un roi selon les ide'es absolues qui pr^dominerent en Europe durant le xvie et le xvn" siecles. L'ame de Louis, plus Cprise de justice que de domination , etait, avant tout, celle d'un chrdtien, et entre tous les monarques modernes, il est assurement celui qui se forma 1'idCe la plus sainte de la royaute" et de sa mission. Charles lutta pour dCfendre ou accroltre ses prerogatives ; Louis pour faire accepter ou comprendre ses concessions. Charles mourut avec l'angoisse attachee au souvenir de Strafford. Louis retrouva pour deTenseur un ami de sa jeu- nesse, M. de Malesherbes. Tous deux etaient instruits et honoraient la science. L'un etait plus eloquent, l'autre plus judicieux. Charles le*gua a la posterity un remarquable livre, Louis une admirable vie (l). Morts du meme supplice, ils ne doivent cependant pas porter le meme nom. Charles Iers'appelle victime, et Louis XVI martyr. Quoi qu'il en soit, 1'Angleterre et la France ont les premieres jete" leur ancre dans le port des sociltls modernes ; c'est sur ce terrain ddsormais que se poursuivra leur antagonisme, mais nous devons constater que notre rivale s'y est de"ja cree de nombreux avantages. Lance" moins loin,battu de moindres tempetes, son vaisseau, plus prompt a reprendre la mer, a garde" ncoins longtemps les cicatrices de son nauf rage. L'Angleterre n'avait voulu faire qu'une revolution politique , et apres une courte deviation, elle est revenue au point de depart, son aristocratie en tete, son Eglise intacte, ses rouages politiques plus souples ou plus puis- sanls que jamais. La France, qui avait arrose de son sang la surface entiere de l'Europe, eut a Sparer un epuisement qui, chez toute autre nation, eut etc" irreparable : a la perte des forces il faut ajouter les blessures morales, moins faciles encore a la gue>ison. L'ane"antissement des pouvoirs sociaux, la division des esprits, la dispersion des elements politiques, l'6branlement de la foi religieuse, l'araoindrissement du respect envers toute hierarchie, out surv^cuf survivent encore aux dejsastres matdriels, rapidement ou- (\) L'authenticite de VEillon lasilike a ete longtemps contestee. L'opinion qui refuse de l'at- tribuer a Charles semble prevaloir aujourd'hui, mais il est hors de doute que plusieurs pages fill appartiennent, ctque le plus grand nombre n'ait etele fruit de ses meditations habituelles. 490 CONGAS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. blids. Semblables aux convalescents dont les organes vitaux ont 6t6 pro- fondement lCsds, le marasrae intellectuel se rdvele encore chez nous par d'affligeants symtomes, lorsque depuis longtemps la prostration du corps a disparu. Pendant cet iotervalle, l'Angleterre n'est pas devenue seuleraent le type des gouverneraents parlementaires, elle a pris dans le champ des dCcou- verfes et des perfectionnements industriels une avance dont il n'est pas permis de dCtourner le regard. Ce n'est pas un vain accident qui a fait naitre la ddcouverte de la vapeur et son accouplement avec le fer, dans un temps ou les questions les plus lointaines arrachent l'Europe hors de ses ornieres de trois siecles. Ce hasard n'est ici-bas que l'incognito de la Pro- vidence , et jamais cette main , invisible et pre'sente , qui nous gouverne sans nous opprimer, n'a plus clairement dessine" son ombre au-dessus de nos tfites. Nous avons appris a m^priser l'espace au moment ou l'espace a parcourir se centuplait devant nous; nous avons appris a vaincre plus surement les vents et les fiots au moment oil l'horizon europeen laissait tomber son voile et oil se bouleversait le vieux dchiquier de nos hommes d'etat, au momeot oil leur compas, accoutumd a tracer de petites e'chan- crures dans les Flandres, le Palatinat ou la Savoie, est oblige' de s'allonger sur l'Egypte, la Syrie, 1'AmOique et le Japon. Que la France ne s'y trompe done pas et se hate. Jamais plus noble et plus large carriere ne s'ouvrit pour les peuples civilisateurs. Bientdt, d'ailleurs, notre rivale peut fldchir elle-m6me, et a qui le monde serait-il Hvr6 si l'Angleterre et la France n'en dominaient pas les futures desti- nies? Notre dpoque ne doit pas ddsesperer d'elle-meme , en s'absorbant dans la contemplation douloureuse de ses miseres actuelles. Un siecle , comme un homme, ne revele pas des l'abord, ne connait pas toujours lui-meme le secret de son avenir deTinitif, la physionomie distinctive qui lui demeurera attached dans le souvenir de la posterity ! Aucune ambition ne nous est encore interdite, et pour ne s'attacher qu'aux dernieres pdriodes de notre propre histoire, qui eut, en 1647, devind Louis XIV, souverain absolu de la France, rdgulateur de l'Europe, dans l'enfant fugitif qu'on derobait aux es- carmouches de la Fronde ? Cent ans plus tard , lorsque la France, avec un enthousiasme qui n'dtait pas factice, ddcemait a Louis X^ le titre de bien-aime', qui eut revd 89, 93, et ces immenses intervalles, parcourus en si peu d'instants, de Robespierre a Bonaparte , de Bonaparte a Na- poleon ? Ah ! ne calomnions pas, dans notre amertume pre'sente, les futurs effets QITINZI^ME SESSION. 491 de la mise>icorde divine, qui e>,laire et fortifie le xix« siecle par ses dpreuves memes , et pr£parons-nous seuleraent a nous rendre dignes des nouveaux offices que d'un jour a l'autre la France sera sommee de rera- plir. Soyons jaloux a notre tour de l'Angleterre, mais de la jalousie des grands cceurs qui ressentent tous les aiguillons de la gloire, et pas une des bassesses de l'envie. Au point oil en sont rendus aujourd'hui les deux peu- ples, la civilisation ne marchera que d'un pas bolteux, taut que l'une ou l'autre lui fera deTaut. Avec l'Angleterre seule , elle est trop limitde dans l'ordre moral : avec la France abandonnee a elle-meme , elle serait trop restreinte dans l'espace physique. L'Angleterre est une grande puissance : la France est un grand gCnie : l'avenir a besoin de tous deux. Les applaudissements reiteres de l'assemblee accueillent la brillante improvisation de M. le comte de Falloux. M. de la Sicotiere rentre dans la discussion de la ques- tion posee sur le caractere politique de Louis XI. Cet ha- bile orateur la traite avec cette superiorite de talent, dont il a deja donne tant de preuves dans les precedents Congres, et qui lui assure une place si distinguee dans ces reunions scientifiques. M. Ernoult remplace M. de la Sicotiere a la tribune et combat quelques-unes des opinions emises par cet orateur. La seance est levee a cinq heures et demie. Stance generate du 1 0 gepteinl»i*e« Presidence de M. Bally. M. N* Champoiseau , Secretaire Sont presents au bureau : MM. de Caumont, Roux, Riche- let et Angellier , vice -presidents ; Champoiseau , de Sour- deval, Lambron de Lignim , secretaires-generaux et Viot- Prudhomme, tresorier-general du Congres. M. Lambron de Lignim donne lecture du proces-verbal de la seance precedente; il est adopte sans reclamation. 192 CONGRES SCIENTIFIQCE DE FRANCE. M. Champoiseau donne le detail des ouvrages adresses en hommage au Congres par plusieurs de ses Hiembres , auxquels M. le president adresse les remerciements de l'assemblee. MM. Blondeau, secretaire de la ler section, sciences natu- relles, physiques et mathematiques; Chaleil, au nom de la section d'agriculture, industrie et commerce; Millet, en celui de la section des sciences medicales; Salmon, secre- taire de la 4me section, histoire et archeologie; Huot, se- cretaire dc la 5me cbtiennent tour a tour la parole pour la lecture des travaux de leurs sections respectives. M.Tabbe Bandeville avait presente, apres le rapport de M. Salmon , le recit aussi anime que savant d'une promenade archeologique et historique a Saint - Symphorien , Sainte- Radegonde et Marmouticr. M. Charles Ernoult est appele a la tribune pour lire son rapport sur la visite faite a la gare du chemin de fer. Messieurs On vous a rendu compte tous ces jours des promenades archeologiques que vous avez suivies avec tant d'interet. Vous avez tous applaudis au talent spirituel de l'ecrivain qui, dans un style pittoresque et anime', eta- lait a vos yeux le brillant panorama de votre belle Touraine. Vous avez remercid de vos plus vives sympathies la touchante pensde d'un noble coeur, M. de la Sicotiere, qui est venu vous demander, pour un grand artiste , l'honneur de votre cite' , une recompense et un souvenir !... Je viens vous prier, moi , de m'accorder un moment de votre bienveil- lante attention, que je consacrerai a vous entretenir d'une chose qui touche aux interets les plus vitaux de votre excellent pays. II n'elait pas possible que le Congres se sCparat sans visiter le chemin de fer. Ilier done, un grand nombre de membres r£unis a la gare du chemin d'Orleans a Bordeaux , sur l'invitation de M. le vicomte de Cussy, admi- nistrateur de cette ligne, a accompli cette visite. C'est ici le lieu , Messieurs , de saluer de notre admiration , non pas le genie d'une nation, mais une admirable manifestation du genie humain. Quoi de plus beau, de plus grand, en effet, dans les conquetes del'intel- ligence humaine , que cette lourde machine que la vapeur anime et qui transporte avec la rapidite du vent des myriades de voyageurs. L'imagina- tion reste frappee des immenses ressouces de ce nouvel agent. Par lui les distances se rapprocbent , les relations sont port&s au-dela du possible ; QUINZ1EME SESSION. 195 l'imprieierie a donne la vie a la pensee humaine , les chemins de fer lui crderont uu moyen nouveau. Quand j'ai dit rapide comme le vent, c'est sans hyperbole , vous pouvez en juger : La vitesse du vent fort est de 9 lieues a l'heure. du grand vent , 1 2 ' de la tempete, 20 1[4 de la grande tempete , 24 1 14 M. le marshal Soult, qui a etc conduit sur le chemiu de Liverpool a Manchester avec une rapidite" de 23 lieues a l'heure, est done alle plus fort que la tempete. Qui de vous , Messieurs , n'a pas ambitionne , dans ses r6ves d'enfant , le sort des oiseaux , qui d'un vol leger franchissent si rapidement 1'espace. Eh bien ! cette pesante machine que la vapeur active court sur les rails a devancer l'oiseau qui fuit devant elle : La vitesse moyenne des oiseaux est de 10 lieues a l'heure. de pigeons voyageurs , 12 du faucon, 18 Quel eclatant triomphe de I'homme sur la nature. Laissez , laissez au genie son elan, ses t£me>it6s, et il cre'era un monde nouveau. Mais, pardon , je m'apercnis que l'elan de mon imagination m'eloigne un peu de mon sujet, j'y rentre sans prdambule. A gauche et en retour de la facade principale de la gare, s'etendent sur plusieurs centaines de metres une suite de constructions approprides aux differents besoins du chemin. Les batiments destines aux voyageurs d'abord , puis la gare des mar- chandises, les ateliers de reparation , de construction, les remises des loco- motives, des voitures , etc. II n'est pas besom de dire l'activitg et l'ordre admirable qui regnent dans ces etablissements. Une chose nous a frappes surtout , c'est une intelligente et prCcieuse entente de 1'emploi des forces dans les ateliers. Les machines y produisent tout ce qu'elles peuvent produire , et les hommes , puissamment aides par les agents m^caniques, y accomplissent un travail relativement conside- rable. Toute la science economique des forces est la. L'atelier que j'appellerai des tours , est servi par une machine de la force de 18 chevaux. Un arbre horizontal, supporte par des colonnes en fonte et co'mmuniquant a la machine par un systeme d'engrenage, occupe toute la longueur de l'atelier. Sur cet arbre viennent s'adapter les poulies sur lesquelles s'enroulent les courroies et qui communiquent le mouvement a d'autres machines a tourner, a diviser, a tarauder, a planer, a polir, etc. La confection des bandes des roues a singulierement aussi captive l'at- tention et eveille l'inte^ret des visiteurs. Les bandes preparers a la forge, sont mises a rCchauffer dans un immense fourneau dont la devorante cha- leur rayonne au dehors a briiler le sang. La roue, une fois chauffe'e, est 194 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. placee sur une plaque en fer, avec un appareil pour en maintenir la forme ; et quatre hommes, que dis-je ? quatre Cyclopes, rabattent dessus a grand e vollCe avec des marteaux de 15 a 20 k. La roue est ensuite portee a la forge et soud^e avec une etonnante promptitude. L'atelier de reparation des locomotives a permis d'&udier l'anatomie de ce puissant organisme. MM. les Ingenieurs de la compagnie ont divul- gue", avec une complaisance parfaite, au plus grand nombre des visi- teurs, qui ne s'en doutaient guere, tous les secrets du moteur. Beaucoup de personnes ont Cte- frappCes de la simplicity des moyens mis en oeuvre, en raison de la grandeur du re"sultat. Un foyer, une chaudiere tubulaire, une prise de vapeur, une soupape de surete", un piston, des tiroirs de distribution, un jet de vapeur dans la chemine'e, voila tout le secret : le corps et l'ame de ce g^ant a bottes de 100 lieues, comme vous le disait M. de Falloux, dans son poelique lan- gage. La compagnie a en ce moment 29 locomotives, toutes d'une parfaite confection. Nous avons parle" de l'ordre qui regne dans cette gare ; une chose nous a plus impressionne* encore : C'est Taction e"vidente d'une vigilante solli- citude pour tout ce qui peut donner le confort aux voyageurs et prevenir les accidents. Les voitures spacieuses, commodes pour toutes les classes ; les ressorts, les attaches, les freins, le systeme exte"rieur des pistons des locomotives, leur confection, l'applicatiou enfin des divers perfectionne- ments qui peuvent donner la securite- , tout temoigne du zele et des heu- reuses dispositions qui animent 1'administration d'Orteans a Bordeaux. Je ne terminerai point, Messieurs, sans rendre hommage a 1'urbanite habituelle avec laquelle M. de Cussy a fait les honneurs de chez lui. De nombreux applaudissements terminer! t cette lecture. M. le president donne lecture des voeux exprimes par la section d'agriculture sur le tannage des cuirs. Le premier relatif a la production du tan; le second a la plantation des terrains ineultes en pins ou autres arbres verts. Ces voeux sont adoptes par le Congres. M. de la Sicotiere demande et obtient la parole : il fait remarquer que le Congres a plusieurs Ibis decerne des me- dailies pour des ouvrages litteraires ou de grands travaux histOriques; que divers motifs ont engage a renoncer a ces distributions; mais qu'en presence de faits nouveaux, on pouvait et on devait changer de marche. M. de la Sicotiere entretieut alors Tasscmblee d'une Yisite faite chez le modeste QUINZ1EME SESSION. , 195 artiste de Tours auquel on doit ces belles imitations de Bernard -Palissy, dont tout le monde admire a Imposi- tion de si bons modeles ; c'est a la perseverance de cet ar- tiste , dit M. de la Sicotiere , que nous devons ces resultats; c'est a M. de Mellet que nous devons la proposition de lui decerner une medaille d'encouragement. Cette medaille lui dira quelles sont nos sympathies pour son ceuvre et combien nous nous interessons a ses progres. Nous prions le Congres, ajoute M. de la Sicotiere, de recompenser les courageux efforts de M. Avisseau, pour l'engagera faire mieux encore, a suivre les conseils des homines del'art, et a perfectionner son travail; d'ailleurs, imiter comme M. Avisseau, c'est presque creer. Le CongreSj aux applaudissements de l'assemblee , decide qu'une medaille d'encouragement en argent sera decernee a M. Avisseau. M. de Caumont remet immediatement cette medaille a l'un des secretaires generaux. M. le docteur Giraudet a la parole pour lire un memoire sur les progres, l'etat actuel et l'avenir de la geologie, dont la lecture, en seance generate, a ete demandee par la lre section. — M. le docteur Giraudet s'exprime ainsi: Messieurs, Soit que i'on considere la geologie dans son vaste et barmonique en- semble, soit qu'elle de"roule a nos regards les traces des grandes revolu- tions qui out agit£ le globe, les innombrables debris des races Cteiutes qui l'ont habite" , elle nous apparait egalement comme une science immense par le nombre et la variete" des objets qui sont de son domaine , immense encore par le nombre et la variCte des problemes qui lui restent a resou- dre. • II n'entre pas sans doute , il ne peut entrer dans nos id^es de tracer ici un tableau complet de l'origine, des progres, et de l'avenir de la geologie, et de suivre dans son cours le long enfantement de cette science; mais nous essaierons au moins d'esquisser a grands traits , les diffCreutes perio- des de la vie qu'elle a parcourues et de dire un mot de la lutte victorieuse qui lui a ouvert la voie du progres. Cette lutte a etc longue, ses chauees tie succes out &e souuiises a bien 106 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. des epreuves. L'esprit humaia Iongtemps incertain sur la route qu'il de- vait suivre, est souvent reste" stationnaire , a quelquefois 6"te retrograde; mais en depit de tous les obstacles , chaque generation de travailleurs a apporte sa part de materiaux a l'edifice commun, jusqu'a ce qu'enhn, eomme il Test aujourd'hui, le plan de son ensemble fut nettement trace, le but clairemeut signale aux efforts de chacun. Au milieu de toutes les alternatives qu'a presentees la geologie dans sa marche progressive, trois periodes principales peuvent etre distinguees, trois periodes ont existe ou existeront aussi pour toutes les autres sciences d'observation. Dans l'une, periode d'essai et de confusion avec les autres branches des connaissances humaines ; le Sage, pour employer l'expression des anciens, le savant selon l'expression des modernes , coraprend dans ses larges mais vagues meditations, tous les phenomenes que les mondes exterieur et interieur offrent a ses yeux ou a sa pensee. Ardente, avide, temeraire, comparable a un enfant dont les facultes nouvelles s'exercent incessamment sans reserve et sans choix , sur tout ce qui l'entoure, la science de cette periode se hate de recueillir des faifs dans toutes les directions et d'enfanter des systemes pour l'explication de tous les phenomenes. Mais ces fails non soumis a l'analyse, ces systemes , ceuvres brillantes et fragiles de l'imagination, instruisent moins l'esprit qu'ils ne lui plaisent et ne Petonnent ; la science n'en conclut rien. C'est l'analyse au contraire qui domine dans la seconde periode. Le regne mineral a desormais ses observateurs speciaux , et de cette division du travail naissent immediatement une precision, une rigueur jusqu'alors inconnues. La geologie j usque la sans principes et sans nom , s'enrichit ra- pidement de faits authentiquement constates, examines avec soin dans toutes leurs circonstances, analyses dans leur detail, en un mot, de faits bien observes. Des lors, cette science prend place, elle acquiert un rang distinct et important dans le cercle des connaissances humaines. Ce n'est pas qu'elle soit encore une science constituee, mais une base solide et du- rable est desormais assume aux travaux des geologues futurs, et la voie du progres est largement ouverle. Dans la troisieme periode, les decouvertes se succedent aussi rapidrment qu'elles etaientrares d'abord, et chaque jour leur importance croitcomme leur nombre. Une multitude de faits etant connus , il devient a la fois pos- sible et necessaire de saisir entre eux une foule de rapports inapercus , d'en deduire les generalites , d'en rechercher les lois , de les comprendre dans une formule generate ; les ban 'teres tombent , et les sciences , si long- temps separees par l'etude des faits de detail , s'unissent pour la decouverte des grandes lois de la nature. Alors apparaissent des conceptions aussi larges, des systimes aussi vastes que I'oeuvre de la creation ellc-meme. QUINZ1EME SESSION. W Comme a l'origine de la science , mais avec la raison pour guide , Ima- gination peut deployer ses ailes vers les sommets les plus Aleve's , et la poe'sie retrouver de sublimes inspirations dans la contemplation de ces ma- gnifiques harmonies que revelent a nos regards les choses de la terre. Ainsi , confusion de toutes les sciences et essais audacieux dans toutes les directions; Isolement de la geologie et analyse des fails; Association de la gdologie avec les autres sciences, et generalisation des faits; Tels sont les caracteres des trois periodes qu'a prdsentees le cours prc- gressif des developpements de la geologie, et dontil nous reste, apres avoir indique" les traits gene'raux , a montrer les phases principals et l'enchal- nement. < Dans l'antiquite' la plus reculee , epoque dont le caractere le plus es- sentiel fut la confusion de toutes les sciences , la geologie est sinon dis- tincte , du moins cultivee a l'e"gal des autres branches des connaissances humaines. On entrewit quelques lueurs de son existence dans les temoi- gnages de l'histoire sur la religion egyptienne. Quelle etait son importance ? mil ne peut le dire. Les notions scientifiques , precieusemcnt conservees dans les temples , n'arrivaient au peuple que sous le voile de l'alldgorie, et comme des mysteres que Ton devait re've'rer sans chercher a les comprendre. Moise, a la parole inspiree, raconte dans la Genese la creation du monde et l'origine des etres. He'siode, Aristote, Thdophraste, Ovide, Virgile , Plutarque, parlent d'un chaos qui preexistaita l'univers. D'autres auteurs contemporains de Plutarque disent quelques mots des mines me'talliques exploitees de leur temps , et des debris organiques fossiles qu'on rencon- trait dans certains terrains. Piine, compilateur dldgant, spirituel mais peti scrupuleux, dcrivant se"- rieusement, sur les pages de son livre, des fables absurdes , des contes de bonne femme, Pline cite assez souvent des faits qui sont bien e'videmment du ressort de la geologie. Durant le moyen-age, les tluSologiens , les physiciens, les aslrologues , erudits plutot que savants, compilentles anciens, disposent dans un ordre nouveau ce qui e*tait ddja su depuis plusieurs siecles , mais ne contribuent eu rien aux progres de la science , ou du moins ne lui rendent aucun ser- vice re"el. Comment auraient-ils pu l'enrichir de notions nouvelles? les faits qu'il observent sont entasses sans ordre et sans choix , puis au lieu de chercher a saisir les rapports inapercus que ces faits ont entreeux, ils mettent tous leurs efforts a creer, pour leur explication, des hypotheses etranges , souvent ridicules , rarement applicables aux fails qu'ils pr£ten- dent exprimer. Bizarre condition de l'esprit humain de ne pouvoir e"chapper a la loi qui 13 198 CONCURS SCIENT1FIQUE DE PRANCE. le condamne a s'exercer sur des erreurs , avant qu'il lui soit permis d'a- border la v£rit<$ ! Jusque vers la moitid du xvie siecle, la g^ologie reste statiomiaire. Priv£e des secours que lui pretermit un jour la mineralogie, la cbimie, la botanique, la zoologie et l'anatomie compared, elle laisse araonceler sophismes sur sopbismcs pour demontrer que notre planete n'est pas ronde, que l'univers a la forme d'un coffre dont la terre est le fond plat entoure de raurailles, et qui a le ciel pour couvercle. Savez-vousoii en etaient a cette e'poque les iddes cosmograpbiques ? Je vais vous le dire. La terre doit ressemblcr a une table ayant une longueur double de sa largeur, et par consequent a celle du tabernacle, qui avait a cbacun des angles trois pains de proposition, symbole des trois mois de cbaquesaison. — Plusieurs cieux sont place's Tun sur l'autre, comrae les Plages d'une maison. — An moyen des reservoirs d'eau dont quelques-uns sont pourvus, on explique la cbute des cataractes d'eau tombant sur la terre pour en diminucr la cbaleur. — La formation de tous les terrains sans distinction est regardee comme un seul depot contemporain et- instantane. — L'en- fouissement des ve*getaux des bouilleres est attribue" au deluge mosaique. — Les coquilles trouvdes au sommet des montagnes y ont ete apportees par des pelcrins. — Les ossements fossiles des mammiferes sont les restes des animaux employes a la guerre ou dans les spectacles par le peuple-roi. Telle est la science de la terre du ier au xvc siecle. Un peu plus tard Agricola, en Saxe, publie les traites de Causis subter* rands, et celui de Re melallicd. Bernard Palissy, son contemporain , simple potior de terre, aussi grand pbysicien que la nature seule peut en creer, dtfduit de l'observation ties coquiiles fossiles des iddes pleices de justesse sur la formation des diffe- rcntes coucbes du globe; Leonard Gasmer s'occupe avec beaucoup de zele des petrifications; Frascatore, revenantsur ce sujet,fait remarquer que les yesiiges dont a parle Gasmer ne doivent pas avoir 616 enfouis a la merae epoque; puis arrive Stenon laissant entrevoir que ces petrifications peuvent servir a faire connaitre l'age relatif des terrains qui les renferment. Ccpcndant l'apparition' de plusieurs grandes cometes, les eruptions de l'Etna, du V&uve et d'autres vokans excitentune attention plusseneuse, plus generate de la part des savants. Leibnitz, Woodward, Burnet, Scheuchzer, YVbiston , Reicb , chercbent a donner une explication satis- faisante des cbangements generaux que Iq terre a subis. Si les ouvrages de ces pbilosopbes conliennent peu ou point d'observa- tions positives, quelques-uns sont remarquablcs par des apercus ingdnieux, ct cbose bizarre, par des opinions avancdes sans preuves, reposant assez souvent sur des bypotbeses gratuites, mais qui deux siecles plus tard sont reconnues vraies. C'est a cette memorable epoque que nous fai- sons comraenccr la seconde pcriode de la geologic, Tous les caracieres QUlNZlfofE SESSION. 499 que nous lui avons assignes sont en effet deja marques a un haut degre" dans les travaux de la plupart des hommes que je viens de citer. Quelque soit la vogue dont ces speculations aient pu jouir, je crois devoir passer sous silence quelques-uns des systemes imagines par les savants du xvne siecle , sur l'origine de notre planete , et sur les modifi- cations qu'elle a eprouvees avant d'arriver a son dtat actuel. J'ai hate d'aborder une epoque oil il ne suffit plus d'imaginer des hypotheses , ou de croire aveuglement les anciens sur parole pour concourir sdrieusement aux progres de la science. Au xvmc siecle , une ere nouvelle se prepare , les prdceples de Bacon sont compris , l'analyse veut tout voir, tout verifier par elle-meme , les observations se suceedent aussi rapidement qu'elles etaient rares d'abord ; les obstacles disparaissent , et les sciences si Iongtemps sdpardes pour l'etude des faits de detail , s'unissent pour la ddcouverte des grandes lois de la nature ; c'est tout a la fois l'epoque des temps fabuleux qui se clot , et celle de l'observation qui s'ouvre , c'est le passd qui finit et l'avenir qui commence. L'analyse des faits , la division du travail , tel est le double caractere dont nous allons desormais trouver l'empreinte dans les oeuvres des gdologues les plus dminents de ce temps et de ceux de l'ecole moderne. Linnde, Buffon , Bergmann , Pallas, Saussure, Werner, Dolomieu, Deluc, recueillent un grand nombre d'observations , en ddduisent les gendralitds , en recherchent les lois, et donnent une vive impulsion a la marche pro- gressive d'une science qui bientdt n'aura plus qu'a suivre son cours pour s'avancer de succes en succes. . Linnde, homme aussi patient, aussi sagace dans la recherche des faits qu'ingdnieux a les coordonner, plus prudent que hardi dans ses conclu- sions , emet l'opinion que notre globe est compose de couches ddposdes successivement les unes sur les autrcs par une mer universelle dont la retraite graduelle a mis a ddcouvert nos continents: Buffon, qui , par la richesse et la podsie de son style , eut le raente de rdpandre dans toutes les classes le gout de l'histoire naturelle , adopte le sentiment de Linnee sur la formation des couches superficielles de la terre; Bergmann, savant d'un haut mente, expose dans un ordre mdtho- dique tous les faits geognosliques connus de son temps ; Pallas , observa- teur ingdnieux , voyageur infatigablc, enrichitla science de ses importantes recherches sur les grands ossements fossiles du nord de l'Europe ; Guettard, Monnet , Gensanne , Faujas , Desmarets , font connaitre la structure du sol qu'ils parcourent; Saussure , esprit dclaird , observaleur judicieux et sans prevention , assure par ses travaux et par des reoherches geologiques d'un haut interet la marche des iddes nouvelles; Deluc, son compatriote et son emule , avide de contempler la nature dans son ensemble, de s'ele- ver vers les hautes regions de la science , mais s'egarant quelquefois dans les espaces incounus oil il Planes san§ guide , eclaire divers points de la 200 CONGRES SCIENT1FIQUE DE FRANCE. physique du globe ; Werner, que Cuvier nomma le plus habile des mine- ralogistes , un de ces horames puissants par la synthese , qui , franchissant d'un pied hardi les limites de leur e'poque, marchent seuls en avant vers je but qu'ils veulent atteindre, cree la geologie positive, et imprime a cette nouvelle branche de l'histoire naturelle le mouvement qui lui a fait faire de si grands progres dans les dernieres annles ; Dolomieu , natura- liste d'un talent superieur, £tudie dans ses voyages les principaux volcans de I'Europe , et , par ses beaux travaux sur la nature de leurs produits , se place au rang des observateurs les plus sagaces; Vogt decritles basaltes. Tous travaillent , tous complement en quelque sorte la pe>iode d'observa- tion. De la science telle que ces naturalistes l'ont faite , nous arrivons sans autre transition a la science de I'ecole raoderne. Voyez comme elle a marchd rapidement, cornme depuis son point de depart elle a franchi l'espace , et laisse" loin derriere elle les ddcombres des siccles qui ont prece"dC le ndtre. Admirable exemple de ce progres continu qui entraineles sciences avec une vitesse toujours croissante, comme la pierre qui tombe s'elance de plus en plus rapide vers le point qu'elle doit atteindre ! Nous aurions aime" a continuer cette esquisse faite a grands traits de la part plus ou moins grande que nos devanciers ont prise aux progres de la geologie. Nous aurions voulu payer a toutes les gloires contemporaines , a tous les services rendus , le tribut d'eloges qui leur appartient. Mais com- ment apprecier avec un esprit degag6 de toute prevention les travaux des hommes au milieu desquels nous vivons, qui ont efe nos maltres, et dont quelques-uns sont Teste's nos amis? Quoi que nous fassions, ils ne peuvent nous apparaitre sous le point de vue ou i!s apparaitront a la poste>ite. It pour ne parler ici que de ceux dont nous deplorons la perte recente , la vtfrite a laquelle ils ont droit n'est encore , en quelque sorte , que pro- visoire. Je me bomerai done a rappeler ici que les progres les plus importants dont la science est redevable l'^cole moderne doivent etre attribue's au savoir etendu et profond des Humboldt, des Ldopold de Buch, des Cuvier, des Brongniart , des £lie de Beaumont, des Constant-Prevost, des Lyell , des Buckland , des Labeche , des Couybeare , et d'nne foule d'autres sa- vants d'un merite incontestable. Grace a leur puissant concours , la geo- logie, liee de la maniere la plus intime a toutes les sciences physiques, n'est plus le roman de la nature , mais bien son histoire avec ses dates , ses dvtfnemenls, se» revolutions gravies en caracteres pins durables que ceux qui nous retracent l'histoire des nations , monuments informes de l'instabilite des choses humaines , en regard desquels on eprouve le besoin de placer une pensee d'immortalite qui rafraichisse et qui console. La palceoutologie dtfvoiie chaque jour a notre curiosito de savoir, de plus QUINZlta session: 201 en plus avide, les richesses des creations animates et veg&ales qui appar- tenaient aux diffe>ents Ages de la vie du globe. Ces systemes de cafa- clysmes et de deluges, ve'ritables coups de theatre se'parant d'une maniere tranchee chaque grande operation creatrice , sont abandonne"s par tout le monde. Tous ces beaux reves de l'apparition premiere des cryptogames marins, puis des cryptogames terrestres, puis encore de la succession posterieure des pbane'rogames monocotyledons etdycotyle'donssesont evanouis. Grace a la marche plus philosophique qui va du connu a l'inconnu , on sait au- jourdhuique toutes ces classes d'organisation se sont de'veloppe'es en m6me temps, et on a m6me 616 oblige* de modifier l'idde que, dans cbaque classe, la nature avait procexle* du simple au compose*, comme un botaniste ecri- vant un systeme naturel de botanique. Des especes et des genres ont 616 simplement remplace\s par d'autres lorsque les conditions necessaires h leur existence ont cesse* ca et la sur la terre. Rien n'indique jusqu'ici que ces metamorphoses aient 6t6 determiners a certains moments par des cataclysmes ge*ne*raux, quoiqu'il devienne de jour en jour plus probable que parallelement aux causes journalieres d'en- sevelissement des organisations nature] les, des dislocations du sol, des soulevements de chaines , des e*ve*nements cosmiques et peut-etre meme l'approche de quelques corps celestes, ont bouleverse, de temps en temps, certaines parties du globe, etenfoui dans son sein les creations qui le cou- vraient. L'horizon que les sciences gdologiques offrent a nos regards peut done etre consider^ comme tout nouveau , et cette nouveaute ne sera pas une des moindres merveilles dont le xixc siecle, dans la suite des temps, con- servera la gloire d'avoir dote* l'humanite. Tout incomplete qu'elle est, cette esquisse de l'origine et des progres de la geologie suffira, sans doute, pour vous donner une ide*e de ce que cette science a fait, de ce qu'elle peut faire encore pour l'avanccment de la civilisation, pour le bien-etre commun. L'esprit ge*ne*ral qui preside aux de*couvertes physiques donue, des a present, les plus beaux re*sultats, et promet des espe*rances plus belles encore, car la ge*ologie , par sa marche sage , ne s'expose plus a faire de pas en arriere. Diramaintenant ou s'arretera cette marche incessante , juger cette nou- velle pe*riode de la science dans son court passe* et dans son long avenir, e'est ce que , d'apres les conditions du programme on serait en droit de me demander, et cependant e'est ce que je ne tenterai pas , car le temps n'est pas venu oil il soit permis de mesurer la direction et la vitesse d'un mou-. vement si pres encore de son origine. De nombreux applaudisscments suivent la lecture de cet interessant memoire. 202 CONGRES SClENTlFIQTJF. PE FRANCE. M. Cesar Daly a la parole sur les progres et les tendances do 1'art. Nous ne suivrons pas l'eloquent orateur dans 1c developpement ingenicux et profond a la fois de son im- provisation, ou les images touehantes et gracieuses viennent contraster avec l'elan le plus energique vers les idees clevees. De nombreux applaudissements suivent la lecture de cet in- teressant memoire. Vous avez tous etc trop vivement impressionnes , bier, par la vive et brillante improvisation de l'orateur pour que j'essaie de la reproduire ici. M. de Boislecomte vient appuyer, dans une replique, egalement improvisee, et par les considerations les plus puissantes, les developpemenls de M. Daly. La seance est levee a cinq heures et demie. S&tnee generate flu ft septemlire* Presidence de M. le docteur Bally. M. de Sourdeval, Secretaire. Prennent place au bureau avec Mgr rarchcveque de Tours ct M. Romieu, prefet du departement; MM. de Caumont, Angellier, Riclielet et Roux, vices presidents; Champoi- seau, de Sourdeval ct Lambron de Lignim, secretaires generaux; Viot-Prudhomme, tresorier-gencral du Con* gres. Les proces-verbaux des sections sont lus; pour la I1'0 par M. Blondeau de Carolles ; pour la 2e par M. Chaleil ; pour la 56 par M. le docteur Millet; pour la 4e par M. L'abbe Manceau; pour la 5e par M. Ernoult. Lecture est donnce d'unclettre de M. Banet, docteur cs sciences matbematiques de la facultc de Paris, exprimant le regret d'etre empecbe par sa santc de pouvoir assister au quinziAme session. 205 Congres; cllc accompagnc l'envoi d'un mcmoirc sur la marche de la comete d'Enke. M. de Caumont a la parole pour dormer connaissance de l'arrete pris par la commission generate, dans sa seance d'hier, pour la tenue de la dix- septieme session du Congres scientifique de France. Art. ler. La XVIIe session du Congres scientifique de France se liendra a Rennes en 1849; elle s'ouvrira du dcl au 10 scp- tembrc, ct durera au moins dix jours comme les annecs preccdcntes. Art. 2. Le Congres sera divise en six sections qui portcront les memes denominations que par le passe, savoir : 1° Sciences naturellcs; 2° Agriculture, Industrie et Commerce ; 5° Sciences medicates ; 4° Archeologie et Histoire; s 5° Litterature et Beaux-Arts ; 6° Sciences physiques et medicalcs. Sous aucun pretexte il ne pourra etrc apporte de cliange- ments a ces denominations. Art. 5. MM. Le Gall, conseiller a la cour royale de Rennes, Ana- tole Barthelemy, conseiller de la prefecture de Saint-Brieuc et de Blois, membre de l'lnstitut des provinces, a Quimper, sont charges de remplir les fonctions de secretaires-gene- raux de la XVIle session. Art. 4. La convocation sera faitc au moyen d'une circulaire tiree 204 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. a grand nombre et adressce aux savants de la France ct de l'etrangcr. MM. Ics secretaires-generaux des precedentes sessions sont pries d'aider MM. les secretaires de la XVIIe dans la distribution deslettrcs d'invitation. Le programme des questions qui seront mises a l'etude devra etre distribue six mois avantl'ouverture de la session ; il sera, selon l'usagc, communique a l'lnstitut des provinces avant d'etre imprime. Art. Le Congres se reunira en 18i8 dans la ville de Nancy, departemcnt de la Meurtbe. Art. 6. MM. Ics secretaires-generaux de la 45e session s'occupc- ront immediatcment de la publication du compte-rendu de cette session, de concert avec MM. les secretaires et presi- dents ou vice-presidents des sections, en residence dans le departement d'Indre-ct-Loire, qui foraieront avec eux le co- mite de publication. Ce compte-rendu sera tire a 1,200 pxemplaires. Art. 7. La nierac commission est chargee de revoirlesmcmoircs lus dans les seances; ellc cboisira ccux qui lui paraitront les plus importants; elle pourra n'imprimcr que par extrait ou supprimcr, si elle le juge convenablc, les memoircs prescntes pendant la session. On observcra pour la dispo- sition des matieres, le meme ordre que les annccs prece- dentes. Art. 8. La meme commission presidera a la distribution du QUINZIEME SESSION. 205 compte-rendu , dont 100 cxemplaires au moins seront adresses, au nom du Congres, aux Academies et Societes savantes du royaume. La commission prononcera sur toutes les difficultes qui pourraient s'elever ulterieurement, Elle donnera aux secretaires charges de preparer la 16e ses- sion, tous les renscignements qu'ils pourront desirer; en un mot , elle sera investie des memes attributions que le Congres, qu'elle representee jusqu'a 1'ouverture de la 16° session. Art. 9, Apres la distribution du compte-rendu de la 15e session aux membres du Congres et aux societes savantes, un depot sera fait a Paris, chez M. Dcrache, libraire, deja depositaire des precedents volumes. Le produit de la vente sera verse cntre les mains du tresorier de l'lnstitut des provinces, jus- qu'a ce que le Congres en ait arrete l'emploi. Art. 10, Vingt-cinq exemplaires du compte-rendu seront aussi de- poses au secretariat de l'lnstitut des provinces : le directeur dc cette compagnie devra, chaqueannee, adresser un cxem- plairc de ce compte-rendu aux secretaires charges de 1'orga- nisalion des sessions ulterieures du Congres. Art. 11. Un compte des reccttes et des depenscs de la 15e session sera rendu par M. le tresorier et MM. les secretaires-gene- raux a rouverturc de la 16° session. Art. 12, Toutes les depenscs seront soldees par M. le tresorier de 206 CONGRES SCIENTIFIQUE r>E PRANCE, la 15e session, sur des bons a payer ordonnances par MM-, les sccrctaires-generaux de la session. Cet arrete, apres avoir etc mis aux voix, est adopte. M. le docteur Roux, secretaire-general de la 14e session du Congres scientifique de France, appele a la tribune pour presenter 1c rapport qu'il a prepare sur le budget de cette session, prend la parole en ces termes : Messieurs , Conformement a l'art. 11 de rarrete* du Congres scientifique, relatif a la tenue de la xve session , M. Loubon , trdsorier de la xiv% devait rendrc aujourd'hui un compte de'taille de sa gestion. D'incessantes affaires admi- nistratives I'ont empech6 de venir accomplir ce devoir et ra6me de nous fournir les moyens de le remplir definitivement en son nom. Elles lui ont fait ajourner la rentree du montant de beaucoup de cotisations, au point que le jour de notre depart il ne connaissait pas precisement le ciiiffre des non-valeurs , et qu'il n'a pas cru par cela seul devoir arreter alors sa comp- tabilite\ Mais il nous a bien promis de la faire connaitre incessamment a MM. les secretaires ge'ne'raux du Congres de Tours, afin qu'ils puissent en faire mention dans l'expose' des actes de la xve session. En attendant nous pouvons, Messieurs, vous donner un apercu approxi- mator de cette comptabilite. Le nombre des adherents a la xv* session a 6t6 de 603 ; le montant des cotisations serait done de. . . 6,030 fr. 11 a e'te pereu de £20 adherents : 5,040 » 11 y a a percevoir de 86 . 860 » De 9, les cotisations sont admises en non-valeurs, d'oii re- sulte une perte de. . ...:.... 90 » De 4, on presume que les cotisations ne rentreront pas; ce qui causerait un deficit de 40 » Total ; . . 6,030 » 11 " "■' En ddduisant de cette somme totale de 130 fr. admise en non-valeur ,• • -. 130 » la recette n'est en en rdalitd que de. . ." 5,900 » Les depensess'dtant elevens a. 5,940 » prdsenteraient done un exeddant de 40 » sur les recettes. Toutefois nous pensons qu'il y aura balance entre les unes QUINZIEME SESSION. 207 et les autres, parce que nous avons des raisons de supposer que le mon- tant des quatre adhesions prdsumdes etre des non-valeurs sera paye\ Maintenant , Messieurs , si vous jetez un coup-d'oeil comparatif sur les depenses necessities par l'impression des travaux du Congres, depuis sa fondation , vous vous apercevrez que les deux volumes publics par la xive session ont, toutes chosesdgales d'ailleurs, bien moins coute" queceux dus aux sessions antecddentes. Yous remarquerez aussi qu'il a e^e" fait face aux defenses avec le seul produit de*ja assez restreint des cotisations ; c'est dire que les 10,000 fr. votes par la ville de Marseille pour recevoir dignemeut le Congres, ont servi a Impropriation des locaux, a des fetes , etc., ainsi que vous l'apprendra le rapport que ne manquera sans doute pas de vous communiquer I'adjoiut du maire, M. Loubon , en sa qualitd de president de la commission municipale nommee a cet effet. Mais ce fonctionnaire vous dira que les defenses faites par la ville, bien qu'en faveur du Congres , ne rentrent nulleraent dans la propre comptabi- litd de celui-ci qui, consCquemment, ne doit pas y porter 2,400 fr. destines a faire graver et frapper une medaille en 1'iionneur de la xive session. Pour prouver qu'elle n'a pas 616 infe'rieure a celles qui Font pre'ce'dee, cette session ne saurait mienx faire que de s'e'tayer du compte-rendu general de ses actes. Elle m'a charge" de vous en offrir deux exemplaires , accompagne's de Tune des medailles d'argent frappdes en petit nombre a son occasion. C'est la , Messieurs, une modeste offrande , mais un gage de vive sympathie pour la xvc session comme pour celles qui , il faut aimer a se le persuader, lui succederont a perpetuity , en vue de continuer d'dta- blir, et de maintenir les meilleurs sentiments de confraternity parmi les ve>itables amis de tous les genres de savoir, en vue aussi de chercher a rapprocher d'une maniere intime les diverses associations scientifiques et d'utilite" publique. M. le president remercie, au nom de l'assemblee, l'hono- rable secretaire-general de la 14e session du zele qu'il a mis ct de tous les soins qu'il s'est donne pour organiser cette scientifique reunion. EXPOSITION DE TABLEAUX ET d'OCJETS d'ART ANCIENS DANS LA VILLE DE Touns. Lasociete arcbeologique deTouraine, a la suite du rap- port d'une commission speciale , lu en 1841 et insere dans le premier volume de ses annales , arreta qu'une exposition de tableaux et d'objets d'art anciens aurait lieu a Tours, a une epoque qui serait ultericurement determince. 208 CONGW&S SC1ENTIFIQUE Tit FRANCE. Diverses circonstances retarderent l'execution de ce pro- jet, qui fut rcpris au moment ou la ville de Tours se dispo- sait a inaugurer la tcnue de la quinzieme session du Con- grcs scienlifique. En consequence une commission Jut institute definitivc- menl ainsi qu'il suit : MM. Boilleau pere , — Boilleau fils , — Cathelineau , — Devouge , — Gouin (Henri ) fils , — Guerin , — Guyot, — Jeuffrain-Delaveau , — de Lacombe , — Laurent (Alfred), — Lobin , — Luzarcbe (Victor), — - Mame (Ernest) , — Noriet, — Raverot, — Rouille-Courbe, — Roux, — Smith. Cette commission constitua nn bureau compose de : MM. V. Luzarcbe, maire de Tours, president honoraire; Laurent (Alfred), president; Roux, Boilleau pere, Guerin, secretaires ; Guyot, tresorier. La commission ainsi constitute se conforma aux disposi- tions arretees par la societe archeologique en redigeant un programme qui contenait : d° Un appelaux departements d'Indre-ct-Loire, deMaine- et-Loire, de la Sartbe, de Loir-et-Cher, de lTndre et de la Vicnne, pour les inviteraexposer des tableaux et des objets d'art anciens ; 2° Un appel special au departement dTndre-et-Loire , qui seul etait admis a exposer des tableaux d'auteurs vivants ; 3° La duree de l'exposition fixee a douze jours; 4° La formation d'un jury d'examen charge d'apprecier le merite des objets envoyes a l'exposition. L'exposition s'est ouverte le ler septembre, dans l'eglise des Minimes, raise a la disposition de la commission par le proprietaire, M. Bucheron, qui a fait preuve dans cette cir- constance, d'un honorable desinteressement ; elle a etc close le d2 du meme mois. Pendant tout le temps de sa duree, l'exposition n'a pas cesse d'etre visitec par les membres du Congres et par un grand nombre de personnes empressees de venir admirer les richesses reunies par les soins des membres de la com- mission. Apres la fermeture de l'exposition, la commission a ete ' quinzieme session. 209 invitee a assister a la seance de cloture du Congres ; M. Lau- rent (Alfred), president, a donne lecture d'un rapport dont lcs principaux passages sont ici reproduits : Messieurs , La peris^e d'une exposition de tableaux et d'objets d'art anciens n'tst point nouvelle a Tours : elle a pris naissance en 1841, dans le sein dc la societe" archeologique de Touraine. Une commission jeta , a cette Cpoque , les bases de cette solennitl dont diverses circonstances out retarde" jus- qu'a ce jour la realisation. La tenue du Congres scientifique a Tours ne pouvait plus permettre au- cune hesitation. En effet, Messieurs, la societe- Archdologique comprenant la pensde qui a preside a la creation des Congres scientifiques en France , dCplorait celte disposition nCe du gouvernement imperial , qui , centralisant tout a Paris , monopolise meme les connaissances humaines au profit de la capi- tate. La societe" Archeologique de Touraine a voulu apporter une nouvelle pierre a l'edifice si brillamment fonde" par M. de CaUmont ; frappCe des beaux resultafs obtenus pour les sciences et les lettres , par la creation des Congres scientifiques en France , elle a r£solu de prouver que la province sait, tout aussi bien que Paris, comprendre, encourager, cultiver les arts. C'est dans cette pensCe qu'elle nous a charges d'une amvre que naguere on croyait impossible , celle d'improviser, sans rien emprunter a Paris, une riche collection d'objets d'art, digne d'un Mus£e royal. Nous sommes fiers de le proclamer, Messieurs , le problome est resolu , le succes est complet. Nous sommes heureux a reunir plus de 350 tableaux appartenant a toutes les dcoles , a tous les genres , et dont la plupart dmanent de maitres celebres; des dessins remarquables, des meubles anciens d'une grande beaute; et une infinite d'objets d'art qui font Fadmiration des connais- seurs , soit par l'anciennete' , soit par la richesse et le fini du travail. Cette agglomeration de chefs-d'oeuvre, symetriquement disposes au milieu d'une nef spacieuse, enrichie elle-meme d'un magnifique autel sculpte et dc boiseries remarquables , offre un aspect imposant qui se'duit tout d'abord. Cette multiplicity de richesses , que nous nous etonnons nous-m6mes d'avoir pu reunir dans un si court delai , place notre exposition au pre- mier rang parmi les expositions provinciales. A notre dCpartement en revient tout l'honneur ; car, il faut bien qu'on 210 C6NGRES SCIENTIFIQITC DE FRANCE. le sache : sur 350 tableaux exposes nous n'en avons recu que il des debasements voisins appelds a concourir; le departement d'Indre-et-Loire, la ville de Tours particulierement, out fourui tout le reste. Pour les objets d'art , notre ville a contribue dans la m6me proportion. Notre belle Touraine peut desormais marcher de pair avec les provinces les plus eclaire'es, les plus amies des arts. La patrie des Gregoire de Tours, Racan, Rabelais, Descartes, Neri- cault-Destouches, Meunier de la Place, de Marescot, n'a pas cesse* de mar- cher a la tete de la civilisation et de se montrer digne de ces noms illustres. Messieurs, il est une verite de*moutre"e par l'histoire; e'est que plus un peuple honore et cultive les arts , freres des sciences et des lettres , plus il est capable de grandes actions. C'etait aux beaux jours de Pencles que Phidias offrait sa Minerve a ['admiration des Athe'niens; c'etait pendant le cours des triomphes du conque'rant de l'Asie qu'Appelles produisait ses chefs-d'oeuvre. Dans les temps modemes , c'etait alors que Louis XIV gagnait des ba- tailles, qu'une brillante pleyade d'e"crivains et d'artistes illuminait le triom- phe des arts et immortalisait les gloires de la litterature franchise. Sous un autre point de vue, les expositions des tableaux et des objets d'art peuvent produire d'excellents effets. A une epoque oil la societe" marche sans s'arreter dans des voies demo- cratiques, il est bon d'inilier le peuple au tabeur des hommes d'intelligence ; il est bon de lui apprendre que les travaux les plus rudes ne sont pas ceux qui sont purement manuels; il est bon qu'il comprenne par combien d'etudes et de veilles le peintre cClebre a dii passer avant de produire des chefs- d'eeuvre; il est utile aussi que le peuple apprenne combien 1'homme riche honore et encourage le travail, lorsqu'il attribue aux plus belles pro- ductions arlistiques des prix quelque fois considerables. Nous nous bornerons, Messieurs, a passer sommairement en revue les objets les plus remarqnables de l'exposilion. Nous vous dpargnerons done la longue nomenclature de tousles tableaux anciens qui auraientdroita une mention speciale parmi les 350 toiles qui ont forme notre Musde improvise danslachapelle des Minimes ; nous nous garderons de faire ici la paraphrase dela notice redigee par nos soins, et dans laquelle nous avons consigne" le nom des exposants et la designation de chaque tableau. A ce sujet, la com- mission doit vous declarer qu'elle n'a point entendu se porter garant des attributions consignees au livret ; elle s'est bornde u constater l'ecole a laquelle appartient chaque toile , et le plus souvent elle a accueilli , sans les discuter, les designations d'auteurs donne'es par les proprietaires. Une critique qui eftt porte sur ce sujet edt pu detruire plus d'une illusion , renverser plus d'une croyance, sans profit pour personnc, La commission QUINZI&ME SESSION. 211 a pense* , Messieurs , que , devant vous , elle devait user de la meme re- serve. Perniettez-nous cependant de vous rappeler sommairement les tableaux devant Iesquels la foule s'est le plus constarnment arretee , et d'exprimeL' en quelques mots notre reconnaissance pour les personnes qui ont le plus g^ndreusement contribue* a enrichir notre exposition. Nous devons a M. le colonel Gore de magnifiques tableaux gotbiques , rares specimens des premiers efforts de la peinture a l'huile, et qui appar- tiennent a l'ecole d'Albert Durer et de Lucas de Leyde ; M. l'abbe* Mauduit, M. de Courteilles, M. Roux , M. Salmon nous ont aussi confie des loiles remarquables dont le travail remonte aux xm et xive siecles. Le grand nom du Poussin a appele tous les regards sur le Christ en croix appartenant a M. Devouge ; et si nous he"sitons a nous attribuer le droit de proclamer officiellement l'authenticite* de cette toile, nous devons dire qu'aucun des habiles connaisseurs qui I'ont examine* n'a pu nier posi- tivement qu'elle fut due au pinceau du celebre maitre auqnel elle est attri- bute. Hatons-nous encore d'adresser nos remerciments a M. Chamber t-Pean , de Blois, qui a bien voulu detacher de sa belle galerie dix tableaux , capi- taux pour la plupart,et qui sont venus ajouter un grand lustre a noire collection. Nous voudrions abreger, Messieurs? mais nous manquerions a un devoir, si nous ne nommions ici au moins ceux de nos concitoyens qui nous ont confie* le plus grand nombre de toiles parmi celles qui figuraieut a Impo- sition des Minimes. Nous citerons seulement MM. Luzarche, Bellisle-Viot , de Maisonneuve , Henry Gouin, Jeuffrain, Budan, Twent de Rosemberg, Boissin d'Assion, Raverot etDurrans, qui ont bien voulu mettre a notre disposition les plus precieuses richesses de leurs cabinets. Mentionnons encore, et d'une maniere spe*ciale, un ravissant portrait de Greuze appartenant a madame Loiseau et la charmante collection de ta- bleaux modernes due au gracieux concours de M. de Lacombe- Nous somrnos beureux de saisir cette occasion solennelle pour exprimer toute noire re- connaissance a ces amateurs eclaire^ des beaux arts dont la bienveillaucc a rendu si agreable ia mission laborieuse que nous avions acceptee. 11 est une autre partie de notre exposition qui n'offrait pas un interfit moins vif , mais sur laquelle nous avons cru devoir nous abstenir de consi- derations d^veloppe'es; nous voulons parler des tableaux dus a des artistes et a des amateurs de notre d^partement. La commission avait d'abord arrete* qu'elle Se renfennerait dans un silence complet a cet egard ; mais elle s'est de*cide"e a faire exception pour deux artistes qui, par le merite et l'importance de leurs compositions se sont places en premiere ligne. M. Calhelineau , depuis de longues annees , appartient a notre dfyarte- inent , oit son talent est connu et apprecie. 2J2 CONGRES SCIENTJFIQtE DE FRANCE. Nous regrettons qu'il n'ait pu montrer les compositions importantes qu'il a produites et qui maiiitenant appartiennent aux eglises auxquelles elles etaient destinies. Le saint Francois et VEcce Homo, parmi les toiles qu'il a exposees, se font distinguer par des quality solides et brillantes. La sainte Catherine et deux tetes d'enfant sont peintes avec finesse ct verite". Ses portraits sont d'une ressemblance et d'une energie remarquables. Nous devons ajouter que M. Cathelineau a obtenu une me\iaille d'or a l'exposition des tableaux, a Tours, en 1841, et une m^daille d'argent a Angers pour sa sainte Catherine. Plus beureux que M. Cathelineau, M. Lobin a pu produire a l'exposition deux grandes toiles qui ont constamment attire" l'attenlion du public. L'une d'elles, Leonard de Vinci peignant la Joconde , a obtenu une mcdaille d'or a l'exposition du Louvre de 1846. Cetle distinction hono- rable nous dispense de l'apprewation de cette oeuvre et des eloges qu'elle merite. Le Tasse, e'gare'dans les montagnes de Velleiri, independamment des qualites de detail qui s'y rencontrent, a paru surtout remarquable par la belle ordonnancede sa composition. Le tableau de chevallet , Michel-Ange et son valet Orbino, a recu une approbation gendrale et justement me>itee. Nous devons revendiquer, comme appartenant a notre departement , M. Lesourd de Beauregard, ne a Loches et quia remplace Redouts en quality de professeur du Jardin des Plantes. Ses beaux tableaux de fleurs et de fruils se font remarquer par le liiii precieux , la richesse de la composition et le brillant des couleurs. La sculpture n'a 616 representee a l'exposition que par M. Noriet, qui malheureusement ne s'est occupe de statuaire qu'a un age deja avancc\ Malgre les difficultes immenses qu'il a du rencontrer, M, Noriet a pro- duit des ccuvres remarquables. Ses statues deja appreciees, a l'exposition des produils des arts et de l'industrie qui a eu lieu a Tours en 1841, lui out valu une mddaille d'or ; nous sommes beureux de constater ici que cc jugement a 6t6 raiifie" par les nombreux artistes et amateurs qui ont visite notre exposition. Nous regrettons vivement que re* tat de maladie dans lequel M. Noriet est lombe" depuis quelqucs annees ne lui ait pas permis de poursuivre une carriere dans laquelle il avait si brillamment debute. La seconde partie du rapport a trait aux nombreux objcts d'art qui ont enricbi 1'exposiliou , et contient des details titendus sur les pieces remar- quables qui ont lc plus tixc l'attention publique : les emaux de Limoges, QUINZ1EME SESSION. 215 l'application de Ismail a la ceramique , les gres allemands ^maill^s , les vcrres de Venise , d'Allemagne el de Boheme, exposes en grand nombre, sont successivement passes en revue et apprecie"s d'une maniere remar- quable au point de vue de l'art. La commission adresse des remerciements aux principaux amateurs qui ont produit les morceaux les plus pr^cieux , MM. Luzarche , Roux , Andre Salmon , de Mericourt, d'Espaulard. II est impossible, continue le rapporteur, de passer sous silence un magnifique chandelier de fer cisele-, que son possesseur M. d'Espaulard, attribue au xue siecle , et qui a excite" le plus vif inte>et Les seuls de- tails de son execution auraient fait de cette piece, peut-etre unique, un veritable sujet d'dtudes , lorsqu'une hypothese s'est presentee , qui tendrait a lui donner une valeur historique inappreciable. En effet, quatre vers teonins graves sup le bord extirieur et sur la tige de ce chandelier nous apprennent que primitivement un abbe" de Gloce.ster en a fait don a son couvent; deux autres vers graves sur le bord interieur indiquent que, peu de temps apres, mais toujours au xne siecle, Thomas l'a donne" ix son tour au prieure" de Poche" , situe" dans le Maine. Cette origine anglaise et ce nom de Thomas ont fait songer au c&ebre Thomas Becket , arche- veque de Cantorbery. 11 est constant que, en 1169, il assistait a l'entrevue qui eut lieu a Montmirail , dans le diocese du Mans , entre Henri II d'An- gleterre et Louis VII de France, le jour de l'lSpiphanie. Or, l'inscription interieure dit que ce chandelier fut donne" au prieure de Poche" quum sol renovavit annum , c'est-a-dire le 25 decembre, quinze jours avant l'Epi- phanie. N'est-il pas possible d'admettre maintenant que Thomas Becket se soit trouve dans le Maine quinze jours avant celui de l'entrevue des deux Rois, et que le prieur de Poche" ay ant £te son hole, il lui ait fait don de ce chandelier le jour de Noel, epoque a laquelle on se fait encore aujourd'hui en Angleterre les presents de la nouvelle annee? C'est a M. Ducballais que Ton doit ces ingenieux rapprochements , dont nous souhaitons que toutes les inductions puissent se confirmer. Le rapporteur signale ensuite plusieurs ivoires sculptes exposes par MM. Salmon, de Cussy, Ferre" et Cliambert, d'un travail fort remar- quable. La bienveillance du clerge" a permis d'exposer trois pieces d'orfevreria du plus haut interet : un calice choisi parmi les vases sacre"s de la cathe" drale et qui date du commencement du xve siecle ; les ciselures du bas de la coupe sont de la main la plus habile , le pied est de"core de sujets en relief figurant la Passion, obtenus par le repousse" , travail d'une execution si difficile et a peine pratique aujourd'hui. — Un ciboire provenant de 1'eglise de Notre-Dame-la-Riche offre un mOdele en ce genre, l'exe"cution en est parfaite. — Enfin un calice confie par la communautc du Refuge : il fut donne par un pape a Marguerite de Vasse , religieuse du couvent da Patience a Laval; c'est ce qu'indique rinscription do la Patene sur la- 14 214 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. quelle, ainsi que sur le pied du calice , se voit le blason emaille de Vasse. La coupe est entourde des statuettes des douze ap6ttes et le bas de la tige de huit autres statuettes reprdsentant rAnnouciatioii et les e'vange'lisles. Ce calice , attribue" a Benvenuto-Cellini , mais qui tout au moins est de son ecole , est un objet d'art d'une grande importance. Le rapporteur signale en outre un grand nombre d'objets fort remar- quables, tels que des meubles sculpted, coffrets, travaux de marque- terie, etc., qui ont puissamment excite" l'attention des amateurs. Jl meutionne le profond intdret qui s'est attache a l'exposition d'un cadre coutenant i'Armorial des maires de la ville de Tours, travail d'une haute importance et qui prouve chez son auteur, M. Lambron de Lignim, un profond savoir dans la science he>aldique et des connaissances tres-eten- dues daus l'histoire de la Touraine. Le rapporteur accordeuue mention speciale a MM. Avisseau et Landais, imitateurs des poteries emailldes de Bernard-Palissy ; tous les deux habi- tant la Tiile de Tours, font progresser l'art de la cdramique et m6ritent d'honorables encouragements. M. Avisseau surtout, saitdonner a ses compositions le cachet du genie; toutes ses compositions sont empreintes d'un profond sentiment de l'art; modelant lui-meme les sujets qu'il appose sur ses pieces, il sait leur don- ner le naturel et la vie ; ses emaux parfaitement rdussis tant pour la va- riety et la richesse des couleurs que sous le rapport de la cuisson , peuvent rivaliser avec ceux du fameux Bernard-Palissy. Le rapporteur termhie en adressant, au nom de la commission, des re- merciments aux exposants qui , avec un louable empressement , ont bien voulu concourir a enrichir l'exposition ; aux visiteurs dont l'afiluence tou- jours croissante a permis, moyennant un leger droit d'entrde, de couvrir les defenses et de distr ibuer aux pauvres une somme de quatre cents francs ; et a M. Bucheron, proprietaire de l'dglise des Minimes, qui a mis ce beau local a la disposition de la commission, pendant plus de deux mois, avec beaucoup de bienveillauce et de desinte'resscmenl. De nombreux applaudissements accueillent cette lecture. M. Lambron de Lignim obtientla parole pour adresser au Congresdes paroles de remerciementetd'adicu ; il s'exprimc aiusi : Messieurs, Nous touchons a la cloture du Congres , et dans cette enceinte , oil nous prenons la parole pour la derniere fois, nous eprouvons l'imperieux besoin de faire retentir encore les voOtes de ce palais des accents de notre recon- QUINZIEME SESSION. 215 naissance. Dans cette oeuvre , souvent si ardue de l'organisation d'un Con- gres, nous n'avons trouveici, Messieurs, parmi nos compatriotes , que bon vouloiret bienveillantes sympathies; qu'ils en recoivent le te'moignage public de notre gratitude, ainsi que ces deux coeurs genereux , ces deux nobles esprits, que leur modestie m'empeche de nommer, mais que vous recounaitrez tous, Messieurs, lorsque j'ajouterai que, dans cette organi- sation, dont je vous signale les sdrieuses difficulty , leur fraternel con- cours a contribue si puissammeut a la bonne direction imposed aux tra- vaux de cette savante assembled. Lorsque le Congres scientifique de France, r£uni a Marseille en 1846, choisit la ville de Tours, pour y tenir, l'annee suivaute, ses solennelles assises, et nous imposa la flatteuse mission de preparer les travaux de cette reunion, nous sentimes vivement l'honneur qu'il nous faisait person- nellement et les devoirs que nous imposait une semblable delegation. De- puis ce jour, Messieurs, nos efforts constants ont eu pour but de profiter d'une occasion aussi favorable pour faire connaltre notre belle Touraine, car, je vous le demande , Messieurs , la faire connaltre , n'est-ce pas la faire aimer ? Nous avons desire- presenter la ville de Tours sous tous les aspects a la fois; nous avons voulu que les nombreux et digues representants de la science , qui devaient se r£unir daus ses murs , fussent mis en demeure d'apprecier l'urbanite et l'hospitalite empressee de ses habitants, et leur gout si de>eloppe" pour la litterature , les sciences et les arts. Pour parvenir plus surement a ce but , une Stance Academique a ete tenue par les soctetCs savantes de cette ville , et leurs secretaires g£ne>aux se sont acquittes avec bouheur de la mission qui leur avait etc" confine de mettre en lumiere le merite incontestable des travaux de ces scientiliques et liberates associations. Nous avons mis sous les yeux de ces botes distingues les richesses de nos jardins, les triors artistiques recueillis et conserve avec un gout eclaire dans nos Musses et nos cabinets particuliers j enfin , Messieurs , la societe Philharmonique de cette ville , dans un concert dont on conservera longtemps un bien doux souvenir, nous a inities aux suaves harmonies qu'elle recele en son sein. Les bals, donnes a l'occasion du Congres , ont prouve aux strangers qui y fureut convies que pour le bon gout et la parfaite elegance de leurs toi- lettes , nos aimables compatriotes n'ont rien a envier aux plus seduisantes Parisiennes; leur presence en ces lieux, dont elles font 1'ornement, et la maniere dont elles ont suivi les travaux du Congres , prouvent egalement leur gout naturel pour des occupations plus serieuses. Que toutes les autorites constituees de cette ville recoivent done Pex- pression de notre reconnaissance pour leur sympatique concours. Le Con- gres leur sera redevable de son principal eclat. Monseigneur l'Archeveque 216 CONGRES SCIENTIF1QTJE DE FRANCE. de Tours, M. le PreTet et le premier magistral de cette cite voudront bien rccevoir en particulier 1'expression publique de toute liotre gratitude, ainsi que M. le President du tribunal civil qui a bien voulu raettre a b disposition du Congres cet admirable Palais. Et vous, nobles strangers, qui etes venus parmi nous apporter le tribut precieux de votre vaste drudif ion , permettez-nous de vous remercier, au nomdenos compatriotes, du bien que vous avezfait, de I'impulsion beu- reuse que votre passage en cette ville aura imprimi a la science et aux arts. Si nos vccux sont ex auc£s, votre action providentielle sur la civilisation lie renccntrera plus aucun obstacle dans cette voie de progres oil vous marcbez si bonorablement ! Chers et digues collegues , Que le mot adieu ! ne vienne point atlrister les derniers instants de votre trop court sejour en ces lieux, mais serrons-nous la main, en nous prometlant de nous revoir 1'ann^e prochaine a Nancy, afin de pour- suivre, avec un zele semblable, le coins regulier et philantbropique dc nos travaux. A vous tous, Messieurs, bonneur, reconnaissance!... Au voyagcur, beureux retour dans ses foyers !... Cette clialeureuse allocution est accucillic paries applau- disscments unanimes dc 1'assemblee. M. Paul Huot est appelc a la tribune pour lire unc piece dc vers intilulee, Adicux au congres. 11 est bien de finir comme on a commence" , Quand le commencement est bon ; — j'ai done pense Qu'il fallait un pendant aux vers qu'un jeune sage Vous a lus, au debut de ce pelerinage, Avec un si brillant et si juste succes (1). Si les siens 6taient bons, si les miens sont mauvais, Vous me pardonnerez — cbez nous, je plaideen prose — Mais j'ai cru qu'en prenant une si belle cause, Me faisant, pour un jour, l'avocat du Congres, Je devais vous parler en vers presquefrancais. Ceci, e'est mon exorde — a present, je commence — On vous a, l'antre jour, racontd, par avance, Ce que vous alliez voir — je viens dire, a mon tour, Ce que vous avez vu pendant votre sejour. (1) M. 1'ttLbe Aubcr, dc Poitiers, avail lu, dans la seance dWvcrlurc, une piece de vers Scr leCoDgres qui allail s'ouwir. QUINZJEME SESSION. 217 Messieurs, yous avez vu — je vous l'ai dit en prose (1) — De vieux murs, de vieux gres — c'est deja qiielque chose — Mais aussi, vous avez, chercheurs laborieux, Soumis a votre esprit ce que voyaieut vos yeux ; Vous avez su percer ^a douteuse origine De plus d'un vieux debris, de plus d'une ruine ; Vous avez, en uu jour, et d'un seul tour de main, •A Vurbs turonica (2) refait son raur romain. Vous avez admire' la sainte basilique, Ses splendides vitraux , son gracieux portique; Et, du grand Saint-Julien le temple profane' # S'est montre\ libre enfin, a votre oeil &onn6. Vous avez visits d'autres temples encore, Dignes de vos regards... sauf celui que de'eore Un tableau... vous savez (3)?... Non! soyons indulgent* !j Et, puisque nous partons, parlons en bonnes gens, Et laissons en repos aussi ces bons Vandales Qui, du grand Saint-Martin ont disperse les dalles. Vous avez encor vu mainte vieille maison, Oil l'arabesque en fleurs se deroule a foison ; Vous avez reconnu la corde ou cordelidre Qu'attribue a Trislan une erreur singuliere (4), Qui veut que ce prevot du vieux Plessis-les-Tours, Mit cet affreux blason a sa maison de Tours. 11 faut en convenir, c'est une audace extreme Qu'oser, ainsi, suspendre un fragile systeme Dans un cerveau malade un beau jour descendu, Au lien vacillant d'une corde a pendu! — Et lorsque, revenus des rives de la Loire, Nous entendrons parler de cette sotte histoire, Nous saurons que re'pondre — et d'avance j'en ris — Aux bourgeois, aux oisifs, aux badauds de Paris. > Vous me permettrez bien de passer sous silence (\) M. Huot etait charge de faire au Congres les rapports archeologiques , coneernant les monuments que Ton visitait chaque jour. (2 J Vrbs turonica, nom latin de Tours, dotot les murailles romaines avaient cte explorees par les savants du Congres. (3) Dans l'eglise de Saint-Francois-de-Paule , on a place un affreux tableau repn'sentant !a conversion de M. de Ratisbonnc, et que l'auteur setait permis de critiquer dans-un de ses rap- ports. (4) Une maison sur laquello est sculptee une cordeliere, passe, aux yeux de quelques Tou~ rangeaux, qui y ont vu une corde de pendu, pour la maison de Tristan-rErmite , pr6v6l de Louis XI. 218 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Vos travaux — les juger, serait inconvenance ; Les louer, blesserait ces modestes savants, Desquels on pourrait dire, ainsi que des enfants i Maxima debetur et ccetera. — Je pense Que le latin serait, en derniere stance Surtout, fort de'place'. — Done, e'est bien entendu, Je ne viens pas, ici, faire un compte-rendu. Mais je rappellerai la sainte matine'e, Commencant dignement une sainte journtfe (i), Je vous rappellerai ce service imposant, On le passe" venait se meler au present, Ou le digne prelat, de sa main bienfaisante Daignait sanctifier votre course savante. Je vous rappellerai le voyage touchant De Mettray, noble asile ou plus d'un pauvre enfant, A qui la mort ou bien le bagne a pris son pere, A qui le*vice ou bien la mort a pris sa mere, Retrouve Tun et l'autre en ce couple be'ni, Qui les embrasse tous d'un amour infmi (1). « La, comme a dit naguere un chantre plein de grace Dont les vers en ce lieu doivent trouver leur place (3), On reTorme la loi qui ne doit pas unir Le pouvoir de corrompre au pouvoir de punir ; Les detenus, objets d'une peur legitime, Ces captifs, trop longtemps les pupilles du crime, Trouvent, encouragds par l'exemple du bien, La vertu pour tutrice et l'honneur pour gardien, Et,' places sous 1'abri d'une saine culture, Retournent aux penchants de leur droite nature. Tels, amasses sans ordre en un confus taillis, Des arbres tortueux et des vers assaillis, L'un par l'autre £touff£s, ve"g6taient... Mais leur tige S'^lance versle ciel par un soudain prodige, Quand l'art, les transplantant dans un riant verger, Aux rayons du soleil se plait a les ranger, Sur leurs troncs, d£pouill£s d'un branchage inutile, Greffe de l'avenir la promesse fertile, (1 ) Monseigneur l'Arckeveque de Tours avait celebre une messe pontificale en l'honneur du Congres. (2) M. et M™* B... de C..., connus de tous ceux qui ont visite Meltrar. f3jM. Bignan, epitre aux fondateurs de Mettray. QUINZIEME SESSION. 219 Et voit, de toutes parts, leurs rameaux £tendus Reverdir, couronn^s de fruits inattendus. » Ciel ! j'allais oublier, — j'ai done perdu la tete ? — Du bal d'hier au soir, la magnifique fete (1) ; Ou plutdt — soyons francs — mon stegc Umt fait; Ce bal n'dtait encor qu'a l'dtat de projet, Quand, le matin, je lusces vers a la seance De notre section. J'y passais sous silence, Cette fete future, et, lorsque vint le soir, Je me sentis en proie au remords le plus noir • De n'avoir pas prdvu toute cette merveille, Theatre d'une joie a nulle autre pareille, Et dont, a tout jamais, le charmant souvenir Domine mon passe comme mon avenir. 11 fallut, ce matin, souder cette rallonge A ce pauvre recit qu'a regret je prolonge, Et je viens, l'ceil encor par la veille engourdi, Le jarret par la danse encore tout raidi, Vous dire quelques mots de cette nuit splendide Qui nous a rappele le vieux palais d'Armide. Vu cette infirmite" de la jambe et des yeux, Ne vous 6tonnez pas, si les vers sont boiteux. Vous avez admire^ tout savants que vous ctes, Cette fete admirable entre toutes les fetes, Vous avez admir6 l'heureux emplacement Oil tournoyait sans cesse un tourbillon charmant De femmes et de fleurs doucement parfum6"es, Du jardin tourangeau corbeilles embaumees ; Vous avez savoure", sans choisiri au hasard, L'^clat e"blouissant de plus d'un fin regard ; Vous avez contemple" plus d'un joyeux sourire,' Et la science enfin, — pourrai-je le redire ? — Allons ! un peu de honte est bien vite passe", Je le dirai : Messieurs, la science a danse" ! Voici venir l'instant, — instant que Ton redoute — Ou chacun du logis va reprendre la route. (1) La ville de Tours avait offert aux membres du Congres un bal qui eut lieu dans les salle* de l'H6tel-de-Ville. 220 CONGRES SCIENTIFIQtfE DE FRANCE. Or, avant de partir, pour la derniere fois Contemplez ce palais rempli de votre voix, Et n'oubliez jamais ce singulier spectacle Oil votre seul aspect a pu faire un miracle (1). Naguere, Ton disait t d'autres auditeurs : « Ce banc des assassins, des forcats, des volenrs !• Ddsormais, on dira : « C'est le banc ou la grace, L'esprit et la beaute" viennent prendre leur place. >■ Heureux les accuses qui, bient6t, vont s'asseoir Sur ces bancs rajeunis ! ils auront grand espoir De se voir acqnitter par des jures affables Conservant du Congres les souvenirs aimables. Seulement, le barreau se plaint, avec raison, Qu'on lui ravisse ainsi mainte pdroraison, Voici venir l'instant oil chacun doit se taire ; — Nous autres avocats, cela ne nous va guere ! — Mais enfin, a la loi nous nous rCsignerons, Et voici, pour finir, ce que nous vous dirons : Nous avons, cette anne'e, admire laTouraine, Nous irons. Fan prochain , explorer la Lorraine (2). N'avez-vous pas, expres, choisi ce pays-la Pour me faciliter la rime que voila ? Je vous en remercie. — Et vous, botes aimables, Ne nous verrons-nous plus a des fMes semblables, Ne pourrons-nous done plus, en de savants loisirs, l-Lcbanger avec vous l'or de nos souvenirs ? Ob ! de vous rencontrer dans quelque coin de France, A ceux qui vont partir, n'olez pas 1'esperance, Et, si nous ne pouvons nous retrouver ici, Bons habitants de Tours, venez done a Nancy ! De nombreux applaudissemcnts accueillent cette lecture. M. le docteur Bally, president du Congres se levc et prononce une brillante allocution dans laquelle il reunit (1J Les seances se tcnaient dans la salle d'audienec de la cour d'assises. et le Line des accu- ses elait un de ceux r6serv6s aux dames. (J) La scizieme session du Ccngres se liendra a Nancy. QUINZlta SESSION, 221 les principaux traits de la quinzicme session du Congres scientifique de France. Monseigneur l'archeveque de Tours ajoute quelques pa- roles a celles prononcees par le president du Congres ; Apres l'eloquente allocution du savant Prelat, M.le pre- sident general leve la seance, et prononce la cloture de la quinzicme session du Congres scientifique de France. ■*6*gg®£g&£e* 222 CONGRES SCIENTIFIQTTE DE PRANCE. SEANCE GENERALE DES DU DEPARTEMENT D'INDRE-ET-LOIRE , Tenue a Voccasion du Congres scientifique de France, dans la salle d'assises du Palais-de- Justice, le samedi 4 septembre 1847, dj huit heures du soir. Presidence de M. Victor Luzarche, Maire de la ville de Tours. M. Lambron de Lignim , Secretaire. Prennent place au bureau: MM. de Caumont, vice-presi- dent du Congres; Baron Angellier, vice-president du Con- gres et president de la Societe d'agriculture , sciences, arts et belles-lettres du departement d'Indre-et-Loire ; Richelet et Roux, vice-presidents du Congres; Champoiseau, secre- taire general du Congres et president de la societe archeo- logique de Touraine; de Sourdeval , secretaire-general du Congres et de la societe d'agriculture, sciences, arts et bel- les-lettres; Lambron de Lignim, secretaire-general du Con- gres; Ladeveze, secretaire-general de la societe archeologi- quc de Touraine; le docteur Anglada, secretairergeneral de la societe medicale du departement d'Indre-et-Loire ; l'abbe Manceau, cbanoine de la catbcdrale, secretaire-adjoint de la societe archeologiquc de Touraine, et Boilleau, tresorier- archiviste de la mime societe. QtJINZIEME SESSION. 223 On regrette vivement l'absence forcee de M. Bally, pre- sident-general du Congres, et de M. le docteur Thomas , president de la societe niedicale de Tours. La belle et vaste salle des assises presente un coup d'oeil des plus brillants, unefoule de dames placees a droite et a gauche du pretoire, embellit cette nombreuse reunion de sa presence. M. le docteur Roux, secretaire-general de la xive session du congres scientifique de France, obtient la parole pour offrir a chacune des societes academiques de Tours un exemplaire du compte - rendu du Congres tenu a Marseille au mois de septembre 1846. II donne egalement a la societe archeologique de Touraine, pour orner son cabinet, une medaille en argent, frappee a l'occasion de cette solennite. M. le president remercie M. le docteur Roux, au nom des societes academiques de cette ville. La parole est donnee a M. de Sourdeval, secretaire-gene- ral de la societe d'agriculture , sciences, arts et belles-lettres, pour lire une notice historique sur Torigine et les travaux de cette societe \ cet honorable membre s'exprime ainsi : Messieurs, • Vers le milieu du siecle dernier, Pelan intellectuel et litteraire qui avait tant illustre* la France sous le regne de Louis XIV, comment a e'tendre , d'une maniere plus spdciale, ses etudes vers les choses d'utilit^ pratique. Cette marehe nouvelle se fit par degre's : on vit la science sortir des hauteurs de la thdorie ets'avancer progressivement vers le sol de l'observation physi- que. C'dtait , sans doute, une marehe inverse a celle de la nature; mais, enfin,. il fallait bien partir du point ou Ton se trouvait alors. L'etude de la nature avait e'te' ueglige'e depuis l'antiquite' classique. La science, trop dd- tachde de la terre, s'e'tait, plus d'une fois, perdue dans l'espace comme un mCtCore. C'est au milieu de cette course sans gouvernail qu'elle fut saisie par le geiiie de Bacon et de Descartes , et remise dans les voies de la nature. Elle dut se rapprocher encore de la terre et des rdalites du monde, par les Merits de Newton, de Leibnitz, de Montesquieu, de Rousseau; enfiu elle y implanta ses racines, graces aux travaux de Buffon, de Lin- nee , de Saussure et de tant d'autres profonds observateurs. Ce fut, dis-je, vers le milieu du dernier siecle que ragriculture , jusque- 224 CONOIDS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. la simple routine nde de l'esclavage antique et de la glebe du Moyen-age, commenca a recevoir l'initiation de la science. C'e'tait le temps des Du- hamel, des Rozier, des Tull, des Arthur Young, des Backwell, esprits e'miiients dont la place est depuis longtemps marquee parmi les genies bienfaiteurs de leur epoque. Nous devons nous hater de reconnaitre qu'ils avaient £te" pre'ce'des par l'itlustre Olivier de Serre, devant la memoire duquel nous ne pouvons pas- ser sans nous incliner. Mais le Thedtre (V Agriculture avait devance" son siecle de trop loin ; il etait donne a notre temps de le comprendre et de 1'honorer beaucoup plus , sans doute , qu'a l'epoque de preoccupation ou il parut. L'Clan general qui entrainait les esprits vers le progres de Thumanite', donna I'ide'e de creer, a l'instar des Compagnies acade'miques , des Socie- tes savantes agricoles , destinies a mettre ensemble les lumieres de chaque membre, et de les grouper en un faisceau pour les repandre ensuite ayec plus d'a vantage sur la surface du pay3. En Touraine, ce furent les noms les plus eminents de la province , ceux de MM. de Choiseul, d'Argenson, de Luynes, d'Effiat, d'Harembure , qui s'inscrivirent en tete du projet d'association , et la Societe royale d' Agri- culture de la generalite de Tours fut e'tablie par arret du Conseil d'Etat duRoi, le 24 fevrier 1761. Elle fut divisde en trois bureaux , e"tablis a Tours , Angers et Le Mans. Cette Societe fonctionna avec une grande ac- tivity et une veritable distinction ; on le voit par ses registres deposed dans nos archives, et aussi par le volume qu'elle publia en 1763. On trouve dans ce volume des me'moires interessants de M. Burdin sur la nature des terres, et de M. Duverge sur l'analyse des terres de Touraine. Ce volume contient, en outre , un article sur les semoirs de Duhamel , le savant aca- demicien et le ce^lebre agronome , que la Societe s'honorait de compter parmi ses membres. Cette premiere Societe a disparu dans le naufrage revolutionnaire; ses archives ont passe a la Societe actuelle. Sous le Directoire , deux Socie'te's furent formers a Tours : l'une portait le titre de Societe" des Sciences, Arts et Belles-Lettres , et fut autorisee par arrete" de l'autorite Centrale du de'partement , en date du 3 pluviose an vi (22 Janvier 1798); l'autre fut e'tablie par arrets du 11 flordal an vii (30 avril 1799) , sous le mom de Socie'te a" Agriculture , d*Arts et de Commerce. Ces Societes publierent les Me'moires qui furent lus dans leurs sdances annuelles et publiques. Ces deux SocietCs furent reunies en une seule, le 22 ddcembre 1805, par arrete preTectoral de M. de Pommereul , et donnerent ainsi naissauce h la Societe" actuelle, sous le nom de Socie'te1 d' Agriculture, Sciences, Arts et Belle s-Lettr is du dfyartement d' Indre-et~ Loire. Sous la presidence de M. le baron Deslandes, maire de Tours, la nou- QUINZIEME SESSION. 225 velle Sociele s'occupa aussildt de rdparer les miseres du temps par des encouragements donnes a 1'agriculture. Elle offrit des prix pour le reboi- sement, pour l'introduction des moutons-merinos, pour la creation des prairies arlificiellcs et 1'ameiioration du bdtail. Eile porla surtout ses efforts vers rindustrie de la soie , antique richesse de la Touraine ; elle lui attribua des prix qui furent distribues cbaque anne'e au milieu d'une so- lennite a laquelle contribuaient les diverses sections de la Soeiete. La sec- lion des beaux-arts ornait la salle avec ses tableaux ou ses dessins , et exe*cutait des morceaux de mnsique. La section des lettres lisait des essais litte'raires ou bistoriqucs qui attestent les connaissances varices et solides des fondateurs de la Soeiete. Nous citerons particulierement un rapport sur la formation de Society, par le secretaire perpetuel, Veau-Delaunay ; une notice sur la basilique de Saint-Martin de Tours , par Cbalmel; une notice du meme sur l'Cglise metropolitaine de Saint-Gatien; une notice bistorique sur le chateau d'Amboise, par M. Calmelet, qui, depuis, a ete procureur imperial, depute dlndre-et-Loire et president de la Soeiete; un coup- d'ceil sur les rocbers q-:i bordeut la Loire, par Dufour; une nolke sur quelques monuments historiques du dCpartement, par M. Vauquer-Simon. On remarque, en outre, des morceaux de litterature et de poesie qui font lionneur a la verve et a la facilite" de leurs auteurs. Tels sont un article sur 1' 'Eloquence , par 1'avocat Bernazais, qui a laisse debrillants souvenirs au barreau de Tours; une Imitation de V episode de Cacits, par M. Dreux , conservateur de la bibliotheque; une Epilre a monfils sur le bonheur, par Veau-Delaunay. A pies la seance publique de 1810, les publications furent interrompues, et la Soeiete se borna a inscrire sur ses registres les recompenses agricoles qu'elle ddecrna, oil a deposer dans ses archives les morceaux de litterature qui lui etaient presents par ses membres. Mais, au mois de Janvier 1821, les publications furent reprises par les Soins de M. le comte de Waters, alors prefer d'Indre-et-Loire, et elles rc- curent le titre, qn'elles portent encore aujourd'bui, A'Annales de la So- ciete d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles- Lettres. Les premiers vo- lumes de ces Annales contiennent, avec des articles reproduits de la pressc agricole parisienne, d'excellents morceaux dus a rcxpetience et a la plume de M. Aubry, agricultcur distingue", qui babitait alors la terre de la Borde, a Saint- Antoinedu-Rocher. D'autres articles d'agricullure etaient fournis par MM. Aubry-Palas , Conty , Houssard, Maurice. La litterature, l'his- toire, les sciences y furent dignement representees par M. Villoteau, an- cien membre de la Commission des sciences et arts de l'expedition d'E- gypte, et par MM. Jacquemin-Bellisle , Albert Marcliant de la Ribellerie, Dujardin, alors professeur de cbimie a Tours, Dutrocbet, depuis membre de rinstitut, Andre Jeuffrain, possesseur d'un riche cabinet de meiailles, 226 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. a Tours, le comte de Montlivault, dont l'esprit etait egalement apte aux problemes math^matiques et aux morceaux de poesies l^geres. Le secretaire pepeluel, M. Chauveau, bibliothe"caire de la ville, homme instruit et laborieux, dirigea la 8001616" avec distinction, et commenga, en 1828, a faire, chaque annexe, sur les travaux de la Socieie, un rapport qui fut toujours rCdigd avec talent et e^coute avec iuteVet. Vers ce meme temps, c'est-a-dire de 1828 a 1832 , les Annates se remplirent surtout d'articles fort remarquables , dus aux auteurs que nous avons nomme^s. La Flore d'Indre-et- Loire a 616 dressee , en 1832 , sous les auspices de la Socieie, par quatre de ses membres, MM. Derouet-Picault, ancien capi- taine du genie et botaniste fort distingue , auquel doit revenir le principal honneur de ce beau travail, Felix Dujardin, Jacquemin et Diard. Cette Flore forme un volume in-8°, qui a ele" imprime" aux frais de la Sociele\ M. Dujardin a public, en outre, une notice g^ologique sur la Touraine (Annales, 1828) ; une notice sur les fossiles (1829). Plus tard, les travaux du meme membre prenant de Pextension, l'auteur publia un ouvrage plus complet, intitule" : Mdmoire sur les couches du sol en Touraine, et des- cription des coquilles, de la craie et desfaluns ; enfin un travail sur le regne animal dans Indre-et-Loire.— II avait commence" a travailler a une carte ge"ologique du ddpartement, qu'il ne put publier qu'apres son depart, arrive en 1834. Le meme membre, sur la proposition duquel la Sociele fit l'acquisilion d'instruments de pbysique, comraenca, en mai 1832, une se- rie d'observations met^orologiques a Tours, qui, depuis, n'a pas ete" in- terrompue. Apres le depart de M. Dujardin, elles furent continuees par M. Noriet, de 1834 a 1836. Depuis cette 6"poque, elles sont confiees a M. Delaunay, qui s'en acquitte avec un zele soutenu, et qui, plusieurs fois, a recu, pour l'exactitude qu'il y de"ploie, les felicitations des corps savants et de M. le Ministre de l'Agriculture. • La culture de la vigne trouve en M. le comte Odart, vice-president ho- noraire, l'un de ses representants les plus eminents. M. Odart joint la pra- tique a la theorie, et, sur les deux points, il est l'un des viticulteurs les plus distingue^ de la France. 11 a relini, dans sa propriete de la Dore^e, a 15 kilometres de Tours, une precieuse collection des cepages les plus renom- mes. 11 a publie, dans les Annales, un grand nombre d'articles sur la par- lie de l'agriculture qui est l'objet de sa predilection, puis sur l'liorticulture et sur d'autres sujets d'e"conomie rurale. M. Odart a elabli, en outre, vers 1820, dans le departement, la culture du cbanvre de Piemont. II a enfin publie", en dehors des Annales, deux ouvrages d'un grand mOite : l'un in- titule, dans la premiere Edition, Expose" des divers modes de culture de la vigne, et, dans la seconde, Manuel du Vigneron ; l'autre est XAmpe- lographie, oeuvre de longues recberches et de vastes eludes, que la science a accueillie a son apparition, en 1845, avec un baut sentiment de distinc- tion, Enfin, M. le comte Odart a elo" envoye, en 1839, par le gouvume- QUINZIEME SESSION. 227 ment, en Hongrie, avec la mission d'y (Hudier la nature et la culture des cms renommes de Tokay. Digne emule des travaux de M. Odart, mais dans une autre direction, M. Margueron a execute, sous les auspices de la Socidttf, de beaux travaux sur la culture du Polygonum Tinclorium et l'ex traction de la matiere colorante de ce ve'ge'tal Venu de la Chine et pouvant, au besoin, rempla- cer l'indigo indien. 11 nous est perrnis de declarer que M. Margueron a pleinement resolu le probleme du Polygonum Tinclorium, et sous le rap- port de la culture et sous celui de l'extraction de la couleur. On peut s'en convaincre en lisant les trois rapports de M. Margueron, inserts dans nos Annales, en 1839 et 1840. Des exemplaires de ces rapports et des exhan- tillons de matieres colore"es ont e'te' adress^s a M. le Ministre de i'Agri- culture, a l'lnstitut, a toutes les Societe's savantes qui correspondent avec la notre. La route est aujourd'hui tracee par la science et par les travaux de M. Margueron, il ne reste plus qu'a voir l'industrie prive'e s'emparer de ces faits qui lui sont livrCs et en profiter. Ses experiences sur le Polygonum auraient suffi pour assurer a M. Mar- gueron une place e"minente dans nos Annales, mais la ne se sont pas arres- tees ses vues de progres et de philanthropic. C'est a son zele et a ses sa- crifices qu'est due surtout la creation de notre vaste Jardin Botanique. Une souscription avait e'te ouverte par la Soci6t£ pour cette fondation, en 1831 et en 1836. Cette souscription fut reprise en 1842, etM. Margueron, profitant de l'offre que faisait radministration de l'hospice general de Tours d'abandonner une partie des marais infects qui s'Ctendaient devant sa facade, pour en faireun jardin botanique, prit la direction de ce grand ouvrage. Le marais fut remblaye, assaini et converti en une belle surface, digne du noble e'tablissement auquel il e'tait destine'. M. Margueron a di- rige' la "distribution du jardin, ses plantations, la construction des series; il s'est mis en relation avec les e'tablissements publics ou privets les plus susceptibles d'enrichir la collection naissante ; il a obtenu de l'amitie' de M. Andre Leroy, que ce celebre horticulteur d'Angers vlnt planter lui- meme la partie forestiere et fruitiere du jardin. La construction de ce bel etablissement, sur un terrain fangeux et difficile, a necessity des defenses qui ont de beaucoup surpass^ les faibles ressources mises par la souscrip- tion etJa Society a la disposition de M. Margueron ; la libe'ralite de l'ho- norable directeur du Jardin Botanique a comhle les vidcs. La Societe d'Agricultnre et la ville de Tours aiment a proclamer qu'dles sont surtout redevables de Tun des plus inte>essants monuments de la ville au zele de M. Margueron et a celui de M. le roaire Walwein. Enfin, pendant que le Jardin Botanique s'ddifiait et reveillait en Tou- raine le gout de l'horticulture, la Soci^te" instiluait, en 1839, les exposi- tions de produits horticoles. Elles les a, depuis cette epoque, conduites 228 CONGRES SCIENTIF1QUE DE FRANCE. dans uue voix constante de progres, qui a donne une vie nouvelle au culte de Flore. Nos e^ablissements, autrefois results a quelques faibles dchan- tillons , sont aujourd'hui de riches bazars, oil la Flore de toutes les parties du inonde e*tale le tre'sor de ses mille couleurs. Tels sont les travaux de la Socie'te'. Nous osons croire que, dans le eours de sa carriere deja longue , elie n'a failli a aucun de ses nombreux litres ; que l'agriculture , les sciences , les lettres et les arts n'ont cessC de trouver chez elle de zdle's repre'sentants; et que les noms de Chalmel , Deslandes , Veau-Delaunay, Dreux , Rougeot, Raverot , Durrans (1), Aubry de la Borde , P£card-Taschereau , Chauveau , Dujardin , Dutrocbet , de Mont- livault, Odart, Margueron, jetterontun eclat durable sur les Annales qui contiendront leurs ceuvres. Ce memoire est accucilli par les applaudissements una- nimcs del'assemblee. M. Ladeveze, secretaire -general de la Societe Arclieolo- gique de Touraine, rcmplaceM. de Sourdeval a la tribune et donne lecture du rapport suivant. Messieurs , L'origine de la Society Archeologique de Touraine ne date pas de loin, a peine remonte-t-elle a sept amines. Sept ans! c'estfjuelque chose dans la vie d'un bomme ; c'est pen de chose habituellement dans la vie d'une socie'te' scientifique. Eh bien ! Messieurs , permettez-moi de le dire avec 1'impartialite de l'historien desinte'resse , ces sept annexes ont CtC bien remplies, elles out donne d'importants re'sultats. Vous le reconnaitrez avec raoi si vous consi- de'rez et l'exiguite des ressources dont nos societe's disposent dans l'elat imparfait de leur organisation actuelle; si vous tenez compte de la situa- tion de la plupart de leurs membres dans l'existence positive et laborieuse desquels l'etude de l'archCologie n'entre que comme accessoire, comme de'lassement ; si vous calculez enfin les effets d'une centralisation qui s'exerce, avec la toute puissance d'une irresistible attraction , jusque dans le domaine de la science elle-meme. Ce dernier obstacle au progres de nos societes provinciates vous a trap- ped, Messieurs , vous les fondateurs et les soutiens de'voues des Congres; vous avez re'solu de le faire disparattre et vous avez raison. Mais , si le (1) M. Durrans a fait liommage a la societe des portraits des litterateurs les plus illuslres de la Touraine , peints par lui; ils ornent la salle des seances de la Societe. Ce sont ceux dc Rabelais, Racan , Descartes,. Dcslouch.cs , Yeau-Dclaunav, Drew, Chalmel , Rougeot ct Bouilly. QU1NZIEME SESSION. 229 succes est assure a vos efforts, si 1'avenir vous appartient, le passe* no vous a pas appartenu et c'est l'histoire du passe* que je fais en ce mo- ment. La Societe Archeologique de Touraine a ete fondee le 18 octobre 1840. Je vous donne, Messieurs , le jour de sa naissance legale. Ce n'est pas de cefte epoque pourtant que date parmi nous l'etude des monuments que les siecles passes nous ont legues. Si je consulte , en effet , les Annales de notre Societe departementaled'agriculture, des sciences, des arts et des belles lettres, dont la carriere multiple vous a ete retraced tout a l'heure, je vois de loin en loin l'archeologie se glissant furtivement sous le convert des nombreuses specialitcs de son programme. Mais , qu'il me soit permis de le dire avec toute la deference que nous devons a nos devanciers , alors meme que nous ne nous croyons pas tenus de suivre leurs traditions, c'etait une archeologie incomplete que celle-la , car elle se basait uniquement sur l'histoire ecrite des monuments et ne tenait pas compte de leur caractere particulier, de leur valeur historique intrinseque. Ces reflexions m'amenent naturellement a vous patier du premier, de 1'un des plus grands services rendus par la Societe Archeologique de Tou- raine. En matiere d'art , vous le savez , Messieurs , comme en bien d'autres cboses, la masse des individus aime generalement a trouver tout prepares les elements d'une opinion. M6me pour les hommes en etat de se former une maniere de voir, ce n'est jamais trop de rencontrer un appui dans les jugements qu?ils sont appeies a porter. On a beau avoir une conviction arreted , on n'est pas fache ne^anmoins de trouver autour de soi des gens qui la partagent. Cela est vrai particulierement quand il s'agit depreciations artistiques. II y a la toujours , quoi qu'on fasse, un peu de mode, et tout le monde tient , bon gre mal gre, a 6tre de son siecle et de son temps. Or, il etait de mode , et il n'y a pas de bien longues ann("es de cela , de faire tres-peu de cas de ce qui se rattachait au moyen-age , ou , pour parler plus exactement , de ce qui ne pouvait justifier, tant bien que mal , d'une origine grecque ou romaine. C'etait un travers , au-dessus duquel se pla- caient peut-etre quelques hommes d'eiite ; mais, outre que les hommes d'eiite ne sont pas le grand nombre, les bons esprits , ou ceux que Ton etait convenu d'appeler ainsi , se laissaient aller sans examen et sans resistance au torrent. On faisait chez nous comme partout ailleurs. En voulez-vous une preuve sensible. La Touraine moderne ne compte encore qu'un seul historien, Chalmel. M. Chalmel etait un homme instruit, un homme de sens ; c'etait aussi, assure-t-on, un homme de gout et d'esprit. Eh bien ! ouvrez son histoire de Touraine , et voyez ce qu'il pense de nos monuments du moyen-age. 15 230 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. « 11 ne se Irouve aujourd'hui, ^crit-il quelque part, aucunes traces des « edifices que les Romains pouvaient avoir construits pendant un sejour « de cinq cents ans, si ce n'est quelques ruincs informes ensevelies dans « les caves et dans les fondations de plusieurs maisons situees dans le « voisinage de la cathedrale. — Les siecles plus rapproches n'ont pas et6 « plus f^conds en constructions dignes de remarque. Les Temples memes « n'offraieut rien qui fCit au-dessus du mediocre, a l'exception pourtant de « la cathedrale d'une architecture assez elegante et dont on admire le « portail ome d'une belle rosace entre ses deux tours jumelles de deux « cent seize pieds de haut. » C'£tait en presence de notre beile ^glise de Saint-Julien, devant ceite elegante eglise de Saint-Clement, pr^cieux hommage fait a la cil^ par le premier de ses maires que Chalmel prononcait un semblable blaspheme. Et voyez encore, s'il consent, par une exception toute particuliere, a placer au-dessus du mediocre notre magnifique cathe'drale, ne semble-t-il pas que ce soit de sa part pure condescendance, a peine ose-t-il prendre sur lui ce jugement favorable a notre remarqnable £glise metropolitaine. « On ad- mire, dit-il, son portail ornfi d'une belie rosace, >• et il s'empresse de passer a la hauteur des clochers dont je le soupconne d'avoir ete plus frappe que des admirables proportions, de l'ei£gante hardiesse, de la gracieuse lege"- rete de l'edifice. Jugez par la, messieurs, de l'opinion qui avait cours, en ce qui concer- nait l'architeclure du moyeu-age. C'est au milieu de ce courant d'id^es que la Soci£t6 Archeologique de Touraine est venue se placer. Comparez maintenant le point d'aniv^e au point de depart et dit< s si , par les resultats qu'elle aobtenus et dont une part lui revient, notre Soci^te" ne merite pas, sinon vos eloges, au moins vos bienveillants encouragements. Yoyez quel respect entoure aujourd'hui nos vieux monuments, quel en- thousiasme inspirent leurs beautes trop longtemps meconnues. Voyez avec quel soin on les etudie , avec quel gout on les restaure. Voyez le badigeon proscrit, I'anachronisme des reparations scrupuleusement evite^; voyez le style grec avec ses colonues et ses frontons abandonner L'intOieur de nos eglises qu'il avait envahies , et je pourrais dire profanees. Enfin le retour est complet. Si l'avenir laissait quelque crainte, ce serait de voir la reaction poussee trop loin depasser le but. Et je serais tente" de dire avec le savant et judicieux president de cette societe des antiquaires de Normandie qui a tant de titres a la gloire d'avoir reliability notre architecture nalionale , mais dont je n'entreprendrai pas I'&oge, dans cette enceinte, oil il aurait le caractere d'un hommage direct et trop personnel a l'un de ses plus illus- tres membres, je serais tente de dire avec M. Vitet : « L'arch6ologie du moyen-age sera d'autant plus prospere , elle obtien- « dra d'autant plus de respect et de credit qu'elle ne se muleia que de ce QUINZ1EME SESSION. 231 « qui la regarde. « Le plus sage conseil qu'on puisse lui donner, c'est de se « renfermer dans son domaine, c'est-a-dire dans le champ du passe"... « Qu'elie derneure archeologie , c'est-a-dire etrangere au monde d'aujour- « d'hui. » A cdte" de cette heureuse influence exercee sur l'opinion publique par la Societe" arche^ologique de Tonraine , il ne me sera pas difficile de vous in- diquer des titres plus precis , plus spe^ciaux a la reconnaissance des amis de la science. Je vais essayer de les retracer brievement. Avant d'entreprendre la description et la restauration des monuments dont la Touraine est parseme'e , notre society a commence" par en dresser un catalogue complet, par les classer. Ce classement n'est pas, vous le ■savez, messieurs, une simple nomenclature sans inte>6t et sans utility. Inventorier ainsi les monuments, "c'est les recommandera l'attention de ceux qui etudient , les designer au respect de f ous , c'est en prendre pos- session , pour ainsi dire , au nom de la science et les defendre contre I'im- piete" des de"molisseurs cupides ou ignorants en les placant sous la sauve- garde de l'opinion publique et du bon gout. Ce devoir a etc" rempli ; mais , Mtons-nous de rendre justice a notre pays et de le proclamer h son hon- neur : nous n'avons jamais eu a deplorer de ces actes de vandalisme qu'un illustre orateur stigmatisait naguere du haut de la tribune avec autant d'es- prit que de justesse , et qu'il reprochait en particulier a certaines cites riveraines de la Loire dont vous mc pardonnerez , messieurs , de taire le nom par esprit de bon voisinage. Et combien ne faut-il pas se feliciter de ce respect des monuments quand on jette les yeux sur toutes les richesses dont le passe" semble avoir pris plaisir a couvrir notre sol, ou chaque e"poque, chacune de ces puissances qui enthousiasment et dominent Thumanite", la religion, le ge"aie, la gloire, les beaux arts, out laisse" leur empreinte- Terre heureuse oil toute grande chose se resume dans un grand nom ; ou la saintete" est representee par Saint Martin , l'histoire par Gre"goire de Tours qu'on nous dispute en vain quand les contemporains et la posterite" nous l'ont donne" , la philosophic par Descartes ; oil Rabelais personnihe d'une maniere si edatante cet in- ge"nieux melange, cet ensemble etincelant et tout francais, d'imagiuation et de bon sens, de finesse, de malice et de galte" qui s'appelle l'esprit. La Socie'te Arche"ologique n'eut accompli qu'une partie de sa tache, si, se contentant d'avoir recommande" aux autres le respect et le soin des monuments, elle ne se fut pas fait un devoir d'en donner elle-meme l'exemple. Son oeuvre n'est pas rested incomplete et le premier acte par lequel elle a, pour ainsi dire, offlciellement notifie" son existence au pays a etc" la reparation, disons mieux, la consolidation de la Pile de Saint-Mars, car cejnot de reparation inquiete toujours, etavec raison, les veritables amis, les amis e"claire"s de la science archiologique. 252 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Objet de longues et persdverantes investigations, d'opiniatres etudes, de savantes discussions, la Pile de Saint-Mars se recommandait par son an- tiquite" incontest^e, par l'incertitude de son origine et de sa destination a la preference dont elle a 6t6 l'objet. Une commission fut charged de pren- dre toutes les mesures pour en assurer la conservation, en faciliter l'acces, en garantir les abords. Elle a rempli sa mission avec un soin dont vous jugerez vous-memes, Messieurs, et dont votre approbation sera la juste recompense. Si les nouvelles investigations auxquelles la commission s'est Iivre"e n'ont pas eclaire 1'origine de la Pile ; si malheureusement elle a ac- quis la preuve que la curiosite\ la cupidite peut-etre avaient devance' la science en penetrant dans les entrailles memes du monument et que le mot de cette Cnigme de pierre resterait encore un mystere; au moins, au- jourd'hui consolide>, la Pile peut traverser des siecles et attendre sans dauger que l'avenir lui donne son Champollion. L'eglise de Saint-Julien est a la veille d'etre rendue au culte. Des a pre"- sent elle est a Pabri des mutilations et, qui mieux est, de ces malencon- trcuses restaurations, qui, confondant les styles et les epoques, ne reculent pas devant l'idee de faire surgir, par exemple, une indiscrete et t^meYaire ogive dans la massive epaisseur d'une construction romano-byzantine. Cette belle basilique est aujourd'hui sauv^e. Reudous graces, Messieurs, a ce prllat Cclaire qui occupe si dignement le siege ventre des Lidoire, des Martin, des Gre"goire de Tours. Rendons-en graces a la commission des monuments bistoriques dont la sollicitnde et le de" vouement ont si puissam- ment contribuc" au succes de cette ccuvre capitate de restauration ; mais n'oublions pas que l'initiative d'une entreprise qui va restituer a 1'admi- ration du pays une des plus belles pages de l'arcbitecture du XHIe siecle, apparlient a la Society Archeologique de Tours. Hier, Messieurs , visitant dans tous ses details notre admirable eglise m^lropolitaine , vous rendiez bautement justice a l'iutelligente etsavante direction imprime'e aux travaux qui vont lui rendre sa splendeur premiere. Permetteznous de nous faire un titre aujourd'bui de votre pre'cieuse ap- probation. Si, en effet, vous reportant a l'epoque oil ces travaux furent entrepris , vous la voyez concorder exactement avec celle ou commencait a se faire vivement sentir l'influence de notre society si vous trouvez pre"- sidant ou concourant par leurs richesses a cette ceuvre importante des hommes que la socie'te' se fait bonneur de compter au nombre de ses mem- bres les plus z6\6s et les plus laborieux , vous sera-t-il permis de meYon- naitre l'impulsion a laquelle est due une entreprise dont nous avons droit d'etre fiers. La France devait une statue a Rene* Descartes. Mais une prescription de deux siecles semblait avoir irrOocablement couvert la dette sacree que la postc'rite' avait contracted a l'Cgard du ge"nie. Compatriotes , dt$sormais incoutesttfs , du grand philosopbe, nous avons Youlu l'acquitter dignement. QUINZlEME SESSION. 235 Sans de regrettables obstacles, tardiveraent surmontes, la statue de Des- cartes serait debout sur son pi6destal, et la Soci^te" Archeologique , se pla- cant sous le patronage de la plus glorieuse renomme'e de la Touraine, pourrait vous montrer avec orgueil rhomraage rendu au gdnie et vous dire : « Voila ce que j'ai fait. » Quelques mois encore, Messieurs, et la Touraine vous conviera a l'inauguration du monument qu'elle e'rige a Des- cartes; et vous vous empresserez, nous en avons l'espoir, d'assister a cette solennit/j, qui sera un grand jour pour elle, comme pour vous , comme pour la Fiance; car ce sera le jour on s'accomplira un acte 6clatant de justice et de reconnaissance. Les hommes aussi bien que les clioses ont eu , comme vous le voyez , leur part dans l'ceuvre de rehabilitation , entreprise par nous , des gran- deurs du passe. Je m'arrSte ici, Messieurs. J'aurais voulu , apres avoir euumere' les heu- reux resultats dus a Taction collective de notre Society vous faire appre- cier les efforts individuels de chacun de ses membres. Mais, comment entreprendre une tache ou je viendrais sans ccsse me heurter contrc des noms propres; oil je craindrais de ne rendre qu'impar- faitement justice a chacun ; oil une justice complete froisserait, j'en suis sfir, la modeslie de laborieux et savants collegues qui aiment a apporter leurpierre a l'edifice commun, mais obscur^ment, comme ces pieux erudits des ages passes qui,au fond de leurs cloitres, travaillaient pour la postdritd, oubliant , humbles Chretiens , de lui laisser leurs noms. Que si je me bornais a vous parler de leurs ceuvres, votre sagacite* ne supplCerait-elle pas a mon silence. Si je vous parlais d'une plume inge- nieusement erudite qui refait, page a page, l'histoirede notre architecture religieuse en Touraine, ne vous aurais-je pas, sans le vouloir, indique* le savant auteur des CatMdrales de France? Si je vous disais les travaux de ceux d'entre nous qui demandent aux lumieres, longtemps incomprises, de la numismatique ou de l'art herald ique le secret du passe, ne vous au- rais-je pas signaie des noms que vos suffrages ont indique's d'avance. Pourtant, il est des noms a regard desquels le silence serait presque de l'ingratitude. Vous avez compris qu'il s'agit de ces membres de'voue's qui, appetes a pre"sider aux travaux de notre Society, ont si puissamment con- tribue" a sa prospe'rite*, et a ses succes par l'habile et bonne direction im« primee a ses etudes. En proclamant devant vous ce que notre SociCte" doit a MM. Henri Gouin et Champoiseau, j'accomplis un devoir, j'acquitte au nom de tous une dette sacre'e. Us me pardonneront, je l'espere, l'exception que je fais en prononcant leurs noms. Et vous, Messieurs, indulgents a votre tour, pour l'historio- graphe malheurejusement trop de"sint^ressC de la Socie'tC Archeologique de 234 CONGRte SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Touraine, vous me pardonnerez d'avoir accompli une tache que tant d'au- tres auraient remplie plus dignement que moi. Les applaudissements reiteres de l'assemblee prouvent tout l'interet qu'a su repandre dans son rapport le digne or- gane de la Societe archeologique de Touraine. La parole est ensuite accordee a M. le docteur Anglada , secretaire - general de la Societe medicale du departement d'Jndre-et-Loire , pour lire un memoire sur les travaux de cette utile et savante compagnie ; l'orateur s'exprirne ainsi : Messieurs , La Societe' medicale d'Indre-et-Loire, sollicitde paries repr&entants de la xve session du Congres scientifique , vient apporter son tribut a la 8016011116 de cette stance. En deTerant a cette invitation , la compagnie ne s'est pas dissimule' tout le d^savantage de sa tache. Apres les comptes, rendus qui viennent de vous 6tre faits, celiii des travaux de la Soci6t6 ne peut offrir d'interSt qu'aux personnes familiarises avec les connaissances mCdicales, et l'uniformite' du langage que ce genre de narration exige ajoute encore a la monotonie du snjet. Mais , ici , Messieurs , nous avons a parler devant une assemble d'elite , bienveillante ; et si quelques-uns d'entre vous ne sont pas compl&ement initios a la sp6cialit6 de nos eludes , tous , vous vous associez au but que nous nous proposons , aux bonnes intentions qui nous dirigent. Nous venous done , avec plus d'assurance , vous tracer un historique rapide de l'origine , de la fondation et des travaux de la societe mldicale du departement d'Indre-et-Loire. La viMe de Tours , autrefois le sidge d'une grande g^ndralite" , poss^dait un college de m^decine cre'e' par un 6dit du roi Henri II, et que Francois II et Charles IX avaient continue" par" lettres patentes enregistrdes au parle- ment de Paris. Elle avait aussi un college royal de chirurgie enseignant, elabli par lettres patentes , 6galement enregistre'es. Ces deux colleges existaient concurremment. Le premier avait dans ses attributions l'agregation des mddecins , une haute surveillance sur l'exercice de la me"decine , et la repression du char- latanisme. Les me^decins de la ville y trouvaient l'occasion de se rtunir, de se voir, QUINZ1EME SESSION' 235 de s'entendre, et de discuter les questions concernant l'hygiene publique, et tout ce qui a rapport a l'art de gudrir. Le second s'occmpait de l'enseignement des differentes branches de la chirurgie. Durant la tourmente revolutionnaire, sanglante, anarchique, mais si heroique et si gloriense Epopee de notre grande hisfoire nationale , la sup- pression des colleges mddicaux fut une consequence de la mesure generate qui , sans distinction , abolit tout ce qui , a tort ou a raison , Ctait suspect de privilege. Alors, le premier venu sans instruction, etsans offrir aucune garantie, put se livrcr a l'exercice de la me'decine. Mais cet etat de choses ne pouvait avoir une longue durde , et de toutes parts des reclamations ne tarderent pas a s'elever contre cette calamity. Au milieu des embarras sans nombre que suscitaient a la France ses ennemis du dehors et ceux du dedans , il etait difficile d'improviser les institutions destinies a remplacer celles qui n'etaient plus en harmonie avec nos lois , nos mccurs , nos ide"es nouvelles. line renovation aussi com- plexe ne pouvait etre que le fruit du calme et de 1'expcrience. Bien qu'il fallut se resigner% a cette exigence , il pouvait etre permis , cependant , de supplier, par l'exemple, l'influence morale et le denoue- ment a tout ce qui n'exisfait plus. Ce fut alors que, penetres. des obligations qu'ils avaient contractees, des hommes honorables de notre ville s'entendirent et deciderent qu'ils solliciteraient du gouvernement Pautorisation de se reunir pour meltre leurs travaux en commun , et fonder une compagnie ayant pour objet de s'occuper des sciences in6dicales , de la sante" publique, et de la conser- vation de Vespece humaine. Ces hommes etaient des philanthropes eclairs , d'un commerce facile , d'une inepuisable bienfaisance , d'une inflexible probite, sachant honorer et faire respecter leur profession. , Ainsi , Bernard- FeTtx Bouriat , principal moteur de la fondation de la Societe\ Mddecin actif, laborieux, d'un esprit orne, quelquefois railleur, mais toujours bienveillant ; Jacques • Se'bastien Bruneau, homme integre par excellence, d'une Erudition non contestee. Le type des convenances et de la dignite pro- fessionnelles; Jean-Baptiste Dtjchesne-Duperron , praticien d'un savoir varie , d'un esprit fin et jovial simulant une naive bonhomie; Jean Origi t , n?edeein eclectique , modele d'abnegation et de desinte- ressement; d'une amenite et d'une modestie extremes, a la memoire duquel ses compatriotes d'adoption devaient , un jour, consacrer un mau- soiee , temoignage spontane de leur reconnaissance. Mais il me serait impossible de vous les rappeler tous avec le cachet de 236 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. leurs caracteres distinctifs sans m'exposer a une redite des m&mes titres. II suffira de vous nommer Bar bier, Chamber t, Duratid , Dufour, Frich, Moreau, Metges, TonnelM. Le docteur TonnelU , le dernier sur cette liste des fondateurs de la Socidte, est aussi celui qui le dernier a pay6 le tribut a l'implacable destin. Me'decin d'un sens pratique remarquable , oculiste d'un grand renom , liomme de bien par-dessus tout, sa perte est trop recente, ses droits a votre estime sont trop presents a votre mdmoire pour qu'il soit necessaire de vous les dire. Si Ton se reporte a cette epoque d'entralnement ge'ne'ral et irresistible vers les evenements qui se succddaient avec tant de rapidite , il sera facile de se faire une juste idee des sacrifices que durent s'imposer les hommes qui , au milieu d'une semblable effervesceuce, surent se maintenir, exempts de toute exageration politique et sans preoccupations , dans le saiictuaire de la science. De tels hommes ne pouvaient inspirer aucune crainte au pouvoir ombra- geux d'alors. Aussi, la Society me'dicale d'ludre-et-Loire , d'apres leurs sollicitations , fut-elle legalement autorisee et institute le 29 nivtisean ix. Elle s'occupa d'abord d'un code obligatoire pour tous. Les statuts et le reglement qui le constituent furent discutCs et votes article par article ; et pour que personne ne put se mdprendre sur le motif de l'association , la compagnie adopta pour devise : Lex nostra, publica salus. Quoique I'esprit de confralernite prdsidat a sa constitution , elle imposa cependant des conditions destruction et de moralite aux candidats qui solliciteraient leur agregation. C'est pour cette raison qu'elle exigea d'eux la presentation d'un me'moire inddit et le patronage de deux membres rdsidanls. Organisee dans un intdret general , la Socidtd arrdta qu'elle s'occuperait d'hygiene publique, des dpiddmies, des dpizooties , et qu'elle se tiendrait a la disposition des autoritds pour toutes les questions de sa competence. Elle crda un cours gratuit d'accoucbements ; elle institua un comitd permanent dont la mission dtait d'aider de ses conseils les malades indi- gents , et de faire jouir leurs enfants des bienfaits de la ddcomerte d' Edward Jkmner. Les fondateurs de la Society apprdciaient toute l'importance des condi- tions atmospberiques sur la nature, la forme et la marche des affections morbides. lis voulurent que les observations concernant la constitution mdtdorologique et les maladies rdgnantes fusscnt recueillies avec soin et consignees dans une publication trimestrielle. QU1NZIEME SESSION. 237 Et, afln d'avoir le plus de renseignements possible , ils reclamerent le concours des praticiens du d^partement , en leur adressant par la voie du journal des communes des questions sur les maladies dominantes , les particularity qiCelUs avaient prdsente'es, leur dur6e la plus ordinaire, leur terminaison, les moyens curatifs mis en usage , et leurs rtsultats. Ces questions concernaient aussi I'dge, le sexe, le temperament qui avaient e'te" le plus particulierement affecUs; et, enfin, lespheno* menes atmospMriques coincidents. Dans le but d'exciter et d'entretenir le zele de ces m£decins , la com- pagnie arreta que des prix seraient de'cerne's a ceux dont les travaux lui auraient paru dignes de ces distinctions. C'est aussi par suite de ces dispositions que des questions souvent ont Cle mises au concours. Les mCdailles ont toujours 616 accord6es a des memoires qui avaient meritd 1'assentiment unanime de la Socie'te'. Cette direction donne'e aux travaux de la compagnie fixa l'attention du Ministre de l'int^rieur, et lui fit concevoir le projet de re"unir les documents necessaires pour la publication d'une statistique ge"nCrale des variations me'te'orologiques et de leurs rapports avec les maladies. La correspondance de cette Cpoque prouve le zele et l'empressement de la Socie'te' a seconder les vues philanthropiques qui dictaient une sem- blable entreprise; et le Ministre luimeme, en plusieurs occasions, ne dedaigna pas de donner un temoignage flatteur de satisfaction et d'encou- ragement en indiquant aux autres Socie^s medicates de France le recueil de celle du ddpartement d'Indre-et-Loire comme un modele a suivre. Dans l'interet de la science et de l'bumanite^ il est peut-etre a regretter que l'heureuse impulsion donnee aux affaires m£dicales sous )e ministere de M. Chaptal, que la socie'te s'honore d'avoir compte au nombre de ses membres, n'ait pas requ tout le developpement qu'on devait en attendre. Une direction speciale, r&inissant dans ses attributions tout ce qui con- cerne la sante, aurait une grande influence sur l'hygiene publique, l'e'tude, le traitement, la guerison, le soulagement raeme des maladies dont notre espece est tribntaire. La modicite des funds dont la socie'te' dispose ne lui a pas permis d'edi- ter aucun ouvrage de longue baleine. Cependant, depuis sa fondation qui dale aujourd'bui de 4G annees, elle publie regulierement le recueil trimes- triel dont nous avons deja parle\ Elle l'envoie gratuitement a tous les me- decins et pharmaciens du de'partement, a ses membres associe's et aux compagnies savautes qui correspondent avec elle. Des son apparition, ce journal a e'te' d'une grande utility. Les commu- nications scientifiques e'tant alors rares, dispendieuses, il servait a tenir les praliciens de la campagne au courant des progres en medecine. 11 leur indiquait les nouveaux moyens proposes et les decouvertes recentes. En- liu, ils y tiouvaient des observations ayant le me'rite de Vaclualite. 238 CONGRES SCIfiNTIFlQUE DE FRANCE. La faveor avec laquelle ce journal a ele" accueilli, les demandes inces- santes de sa collection qui nous sont faites par des liommes haut places dans la science, tout nous autorise a penser que les me"moires qu'il ren- ferme ne sont pas denies d'inte'ret. Je voudrais qu'il me fat permis de vous signaler ceux qui meritent plus particulierement d'attirer votre attention, raais je dois me borner a jeter un coup-d'oeil sur l'ensemble des travaux de la societe- Au moment oil celle-ci se constituait, l'attention du monde me'dical e'tait vivement excitde par Pimportante de"couverte du Cow-pox. La societe me- dicale fut une des premieres a reconnaitre et a proclamer cet immense bienfait qui donnait enfin l'esperance de voir une des plus meurtrieres et des plus affreuses contagions ne plus imposer son frequent tribut aux gyrations. Le docteur Bouriat, secretaire-general, fut charge" de s'a- dresser directement a Jenner. Par suite de cette premiere d-marche et de la correspondance active qui s'etablit entre eux, des sentiments d'estime et de bienveillance unirent ces deux hommes. Bientot le premier, accom- pagne dedeux enfants qu'il avait choisis dans les conditions les plus favo- rables pour etre soumis a I'inoculation, se rendit aupres.d'un vacciuateur experiments. Le docteur W. Woodwille venaita peine d'importer le vac- cin en France, que le docteur Bouriat eu dotait deja le departement d'ln- dre-et-Loire. Mais, il ne suffisait pas a la sociele meMicale d'avoir acquis la certitude de l'efficacite' de la vaccine, il fallait en proclamer et en prouver le pouvoir au moyen d'expe>iences. Puissamment seconded par une administration remplie de bonne volontd, la compagnie provoqua une seance publique, et le 26 flordal de Tan ix, douze enfants furent vaccinas en presence d'une reunion nombreuse. L'opdration eut tout le succes desirable, des pustules caracteristiques parcoururent sans accidents toutes leurs periodes. Trois moisplus tard, le 21 tliermidor, ces m£mes enfants, dontl'identite avait £te constats, furent inocules avec le virus variolique recueilli sur un sujet age de sept ans, affecte" de petite ve>ole confluente au 10e jour, et dont l'aspect, d'apres les termes du proces-verbal dresse" h cette occasion, faisait reculer d'horreur. Quelque temps apres, cette inoculation vario- lique fut r&teree sur les memes sujets. Enfin, le 21 vent6se cTeTan x, il fut constate" qu'il n'existait aucune (race de piqtire, on mSme d'incision sur les bras inocuUs ; que ces enfants n'avaient aucun vestige de bou~ tons sur le corps, qu'ils avaient toujoarsjoui d'une sante par/aite. Ces experiences, ainsi que nousl'avons dejadit, eurent lieu en stances publiques prdsideespar le PreTet du departement. La societe ne crut pas devoir s'en tenir la. Elle usa de tous les moyens convenables pour amener les parents a soumettre leurs enfants a la vacci- nation. Elle poussa meme le zele jusqu'a vouloir entendre le b&ieTice de QUINZlta SESSION. 239 cette d^couverte aux animaux domestiques, car elle tenta une multitude d'expdriences qui n'ont pas 6t6 sans r^sultats utiles. Cependant, cette sollicitude ne l'empechait pas de s'occuper de toutes les questions de son ressort, et de chercher a les eclairer de son expe"- rience. Ce n'est pas que la compagnie ait jamais eu la pretention d'imposer ses doctrines. Mais , pe'ne'tre'e de ces maximes , a savoir que le cercle des connaissances particulieres s'agrandit par la communication fre"- quente, libre et amicale entre les personnes qui s'occupent des mcmes e'tudes , et que les hommes , dans V association , trouvent des ressources qu'ils chercheraient en vain dans I'individualite , elle pen- sait ne pas sortir des convenances et de la reserve qu'elle s'e'tait imposes , en publiant , dans toutes les occasions importantes , le fruit des observa- tions et de la pratique de tous ses membres. Cette reserve , la Socie'te' ne s'en est jamais e'carte'e , soit qu'elle ait 616 consulted par les hommes de l'art, soit que, dans des questions de salu- brity et d'hygieue publiques, l'autorite' administrative ait reclame' son assistance. Ses nombreux rapports ont toujours 6t6 bienveillants , conci- liants, autant que possible, et dans les cas encore eu litige, la oa la science n'avait pas encore d^finitivement prononce, elle a cru devoir conseiller la prudence , au lieu de prendre ce ton tranchant qui convient si bien a ce- lui qui n'a jamais appris a douter. Durant les premieres annees de 1'installation de la socie'te' , les accidents causes par l'emploi des champignons, et par la morsure des chiens affecte\s de rage,«etaient frequents. La compagnie publia des instructions sur la conduite a tenir dans ces malheureuses circoustances , et les fit parvenir aux maires, aux ecclesiastiques , aux officiers de sant^ des communes. Elle insistait pour faire comprendre aux populations peu eclaire'es, combien il est impeneux de se hater de porter les premiers secours, et combien il est dangereux de se confier aux soins inintelligents et cupides de ces charlatans qui , spCculant sur la crddulitC publique , sont le fleau des dupes qui les consultent , et la honte de toute administration qui les tolere. Ainsi que nous l'avons deja dit, Mude des maladies r^gnantes a tou- jours Cte l'objet des preoccupations de la socie'te' meMicale. Des que quel- ques-unes se sont pre'sente'es avec une spontanea ou une frequence qui leur donnait le caractere endemique ou Cpidemique , elle s'est empresses de faire connaitre son opinion sur la nature-, le traitement et meme la pro- phylaxie de ces affections. A cette occasion , nous pourrions citer la rou- geole> la scatlatine, les angines gutturales, la grippe , etc., nous ne fe- rons que rappeler le cholera asiatique. Anssitdt les premieres menaces de I'iuvasion de ce terrible fl^au , en 240 CONGRES SCIENTIF1QUE DE FRANCE. Europe , et bien avant son apparition en France , la societe redigea un resume" de toutes les connaissances acquises jusqu'alors. Ce travail fut envoye' a tous les praticiens du departement. Les e'pide'mies ont anssi £te le sujet des rccherches de la socie'te'. Si nous consultons les documents a notre disposition, et, particuliere- ment le tableau chronologique des maladies ation, et meme simplement d'habitude secr^toire qui, eliez les gens peu soucieux QUINZIEME SESSION. 241 des soins que reclame leur sant6 , devient le point de depart du plus grand nombre de nos miseres pathologiques , et de ccs catarrhes chroniques si communs chez les vieillards. Les autres maladies ne sont, pour ainsi dire, que l'exception; telles sont les Eruptions cutanees, les congestions c^rebrales, les fievres conti- nues , les ndvralgies , les rhuntiatismes. C'est dans la serie des comptes-rendus portaut le titre de Constitution mddicale, public's dans le Recueil de la society que les preuves de ce qui precede deviennent dvidentes. La variete* des affectious qui s'y trouvent decrites est restreinte. C'est a tort qu'on y chercherait une espece pour chacun des genres d'une nosographie generate, et encore moins ces mala- dies hideuses, si communes parmi les populations miserables : elles n'y figurent jamais. Nous pouvons done nous louer avec raison de l'^tat sanitaire de notre pays. Une hygieue mieux comprise, une aisance plus gdn^ralement rd- pandue, rassainisseraent etle ddfrichement de terres autrefois incultes, et surtout l'influence d'un cliraat tempdrd, tout coucourt a ces heureux rdsultats. Cependant , on a prdtendu que quelques maladies , sans nous appar- tenir spdcialement , etaient plus souvent observers parmi nous qu'elles ne le sont ailleurs , et Ton a d£sign6 plus particulierement les fievres inter- mittentes, les fievres continues comprises sous le nom gdne>ique d'affec- tions typhoides , et les angines pseudo-membraneuses croupales. Un examen rapide ddmontrera l'inexactitude de cette assertion. Un de nos collegues, en 1839 , dans la refutation d'une brochure qui a contribu^ a faire croire que les fievres d'acces dtaient plus communes ici qu'elles ne le sont dans les pays arrosds par de nombreuses rivieres, et place's , a peu pres, sous la meme latitude , a prouve que si ces pyrexies ont quelquefois regue e'pide'miquement , on doit 1'attribuer a des circori- stances accidentelles , temporaires et jamais a une exageralion endCmique babituelle. Ainsi, le creusement du canal de jonction entre la Loire et le Cher ayant ne'eessite' le deplacement d'une quantity immense de terre d'alluvion, la partie Estde la ville, et le faubourg oil se pratiquaient les travaux , furent seuls- atteints e'pide'miquement, tandis que, plus tard, l*ad ministration ayant fait combler l'ancien canal d£sign£ sous le nom de Ruau de Saint- Anne, silue' a V Quest de la ville, la population qui l'avoisine eut seulea. souffrir d.e cette nouvelle epideinie. II en a &e de meme sur le parcours des deux lignes du chemin de fer qui traversent le departement. A l'epoque de«teur terrassement, les habitants riverains virent un grand nombre de fievres intermittentes quotidiennes ou tierces scvir parmi eux. Quaut aux causes apprcaables des autres epidemics de cette csptoe, 242 CONGRES SCIENT1FIQUE DE FRANCE. on pent les expliquer par l'influence des grandes chaleurs favorisant la va- porisation des etangs, des ruisseanx, si nombreux dans ce pays, et les transformant en eaux stagnantes, quelquefois fangeuses, d'ou s'echappaient, vers le soir et pendant la nuit, des effluves de nature palude'enne. Cette opinion est d'autant plus rationelle que ces fievres intermittentes n'ont re'ellement exists avec le caractere epide'mique qu'a des epoques au- tomnales succedant a des ^tds oil le thermometre ^tait reste pendant long- temps, et d'une maniere continue, a un degre' tres-e'leve' , et , qu'an me^ne temps, d'autres contre'es, en France , placets dans des conditions sembla- bles a celles dans lesquelles nous nous trouvions , avaient a se plaindre des monies accidents. Les fievres typho'ides se rencontrent a Tours et dans le departement, comme partout ailleurs , avec les formes muqueuses , bilieuses et adyna- miques; les dernieres sont les plus rares. Les bijieuses ne se montrent qu'a l'epoque des grandes chaleurs, et, surtout, parmi les gens adonne's aux travaux des champs; la forme muqueuse est la plus fre'quente. Qu'y a-t-il Ik d'extraordinaire et de bien inquie'tant pour la population ? N'est-ce pas ce qui se voit partout? Voudrait-on rendra la Touraine soli- daire d'une affection geiie>alement repandue dans toute l'Europe , et qui , chez nous , se pre'sente le plus souvent avec le caractere de sa plus grande benignite ? Si Ton a cru que le croup etait ende'mique, ici, c'est que nous avons apporte plus d'attention et plus de perseverance dans l'etude de cette re- doutable maladie. D£ja, en 1807, avant que la question ne fut mise au concours par les ordres du gouvernement , le docteur Bouriat publiait, dansle recueil de la society, une notice importante sur cette angine qu'il rappelait avoir ete designee sous le nom d'angine membr 'aneuse. Ce travail , qu'on ne relit pas sans intent, contient des details qui prouvent toute la sagacite d'ob- servation de son auteur. Depuis cette epoque , la society s'est constamment occupee du croup , et c'est I'un de ses membres qui , le premier, a conseilie la cauterisation a raide du nitrate d'argent. A part ces circonstances, la diphth&ite laryngo-tracMale n'est pas une affection qui nous soit propre. Elle se rencontre partout ailleurs aussi fre- quemment, et si Ton a emis une opinion contraire, c'est qu'a l'aide des angines couenneuses tonsillaires ou pharyngiennes communes et sans ca- racteres serpigineux , on a entretenu dans cette erreur la population etrangere aux connaissances medicales. Nous croyons avoir demontre que l'apparition des fievres intermittentes sous forme epidemique n'a ete qu'accidentelle ; et que les fievres con- tinues graves , ainsi que le croup , n'ont ete signages comme affections plus communes , chez nous , que parce que ces maladies ont ete plus attenti- QUINZIEME SESSION. - . 245 veraent, et, peut-etre, plus fructueusement etudiees par les m^decins de Tours. Mais, qu'avons-nous besoin d'insister? Vous le savez , Messieurs , la calomnie s'altache a tout ce qui lui parait digne d'envie. La position topographique , le climat, les productions aboudantes de la Touraine; les nombreuses rivieres qui la sillonnent, le fleuve capricieux qui la traverse danssa longueur, et que bordent jle tous c6tes d'admirables paysages, ces avantages re'unis out valu a cette contr^e le surnom de Jar- din de la France- Des detracteurs ont pretendu que le caractere de ses habitants devait se ressentir de 1'influence e'nervante d'une vie trop facile. Et, donnant une fausse acception a certaine epithete dont se serait servi le fondateur de l'ancien Ceesarodunum, ils ont dit que les hommes de ce pays e'taient peu soucieux des travaux de l'esprit et de l'intelligeuce. Si les conditions au milieu desquelles nous nous trouvons places ren- dent la vie douce et facile, si elles contribuent a polir les mceurs, doit-il s'en suivre qu'elles aient l'influence qu'on leur attribue ? La Touraine, riche en souvenirs bistoriques, a toujours compte, panni ses enfants , des hommes devoues aux sciences, aux arts et aux belles-let- tres. Nous pourrions citer avec orgueil les noms de Racan, de Rabelais, de Descartes, de P.-L. Courrier et de bien d'autres encore ; et, pour rentrer dans notre spCcialite", rappeler qu'a cette e^poque, il n'est pas de province qui fournisse a l'enseignement des sciences me"dicales, et a leur application, d'aussi nombreux et de plus habiles interpretes. Quelle confiance, alors, accorder a nos detracteurs, et, surtout, a cette fameuse carte stalistique qui ternit, sans raison, le departement dTndre- et-Loire ? Les assertions qui tendent a faire douter de la salubrite dont nous jouis- sons, ne me>itent pas une plus grande faveur. L'&ude attentive de la constitution medicale, les rapports nombreux adress^s a la sociele, et enfin tout ce qui precede prouve que la Tou- raine, et particulieremeut cette fertile valine qu'arrosent la Loire et le Cher, n'a pas dechu de cette haute reputation qu'elle avait si justement acquise durant les siecles oil les rois de France y faisaient leur sejour de predilection, et a TCpoque oil les riches coteaux de Vouvray, de Rqche- corbon et de Roche-Pinart, situds aux portes de Tours, etaient signa- les a Louis XIV, alors valetudinaire, comme les lieux les plus agr£ab!es et les plus salubres ou il pilt habiter en France. Messieurs, Charge de vous rendre compte des travaux de la sociCte', nous avons dd vous en presenter le resume- avec le plus de concision possible. Sans cette necessity , nous eussions siguale a Yotre attention de nombreux et d'impor- 244 C0NGRES SCIENTIF1QUE DE FRANCE. tants memoires qu'il nous a fallu passer sous silence. II nous eut 6te facile aussi de vous indiquer moins sommairement que nous ne l'avons fait , 1'in- ilueuce climaterique sur la nature des affections morbides qui nous sont departies. Nous aurions pu encore vous parler de cette meme influence sur le physique et le moral des habitants , question qui , souvent contro- versy dans nos reunions, a toujours eu pour re'sultat de nous demontrer ime £vidente concordance entre les diverses constitutions qu'elle em- brasse. Mais nous avions a vous entretenir de faits et non de speculations plus ou moins theoriques qui vous eussent fait croire, peut-6tre, de notre part, a des pretentions qui ne sont pas les n6tres. Notre compaguie n'a et ne doit avoir qu'un but pratique j elle ne recherche ni l'eclat ni la celebritd. Toute l'ambition de ses membres est de remplir consciencieusement et utilement la tache de devouement que leur imposent les devoirs sacr^s de leur honorable profession. La lecture de ce discours , qui a ete ecoute avec la plus constante attention, est suivie d'applaudissements reiteres; l'assemblce saisit avec empressement cette occasion de ma- nifester toutes ses sympathies pour les homines cminents dont les etudes infatigables ont pour but de propager les moyens les plus efficaccs de soulager les maux nombreux qui affligent l'humanite. Cette seance, dont les Societes academiqucs de Tours ont si dignement fait les frais, laissera dans le souvenir des ha- bitants de cette ville, et des savants etrangers qui yfurent admis, 1'opinionla plus favorable sur la maniere distinguce dont les sciences, les lettrcs et les arts sont cultives dans le departement d'Indre-et-Loire. La seance est levee a neufheures et demie. QUINZIEME SESSION. 245 PROCES-VERBAUX 1»ES SEANCES. PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS REUNIES. I1ISTOIRE NATURELLE, SCIENCES PHYSIQUES ET MATI1EMATJQUES. Seance flu £ meptemhve, A sept hcures la seance est ouvertc. M. Champoiseau, Tun des secrelaires-gencraux du Con- gres, charge de presider la section jusqu'a ce que le bureau soit definitivement constitue, fait 1'appel de MM. les secre- taires et les invite a vouloir bien prendre place au bureau. Un membre propose la reunion des lre et 6e sections en une section unique. Cctte proposition, reproduitc par M. 1c secretaire-general et appuyce par M. dcCaumont, est misc aux voix et adoptee. La section des sciences physiques et mathematiqucs nc devant se reunir qu'a neuf heurcs, la seance est suspendue jusqu'a cette heure, afin deproceder, de concert avec la sec- tion d'histoire naturelle, a la formation du bureau. A la reprise de la seance, M. le secretaire-general fait Fappel des membres inscrits; cette operation tcrminec, le scrulin est ouvert pour la nomination d'un president ct dc quatrc vice-presidents. 16 246 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. II est decide que le premier tour de scrutin aura lieu a la majorite absolue, et le second, a la majorite relative. Nombre des votants. ....... 30 Majorite absolue 16 Le depouillement des votes donne les resultats suivants : President, M. lecomtede Tristan; Vice-Presidents, MM. Des Moulins, de St-Ouen, Borgnet, Feuillet (de Lyon.) M. le comte de Tristan remercie J'assemblee du temoi- gnage d'estime qu'elle a bien voulu lui donner en l'appelant a Thonneur de la presider ; il regrette que des raisons de sante ne lui permettent pas d'accepter Phonorable mission qui lui est confiee de la diriger dans ses travaux. Sur les vives instances de M. Champoiseau qui, dans cette circonstance , s'empresse d'etre l'interprete de MM. les membres de la section, M. de Tristan se rend aux vceux de 1'assemblee, et prend place au bureau. Un de MM. les secretaires donne lecture des questions du programme ; elles sont le sujet de quelques remarques de la part de plusieurs membres ; les noms des personnes qui se proposent de prendre la parole lorsque celles-ci seront a l'ordre du jour, sont inscrits en regard. Un membre demande quel sera l'ordre suivi dans la dis- cussion des sujets scientifiques determines au programme des deux sections qui maintenant sont reunies en une seule. La lre section epuisera-t-elle son programme avantque la 6m8 section procede a la discussion du sien. Telle est la question sur laquelle plusieurs membres sont cntendus. M. le president propose d'arreter un ordre du jour pour la seance suivante qui sera fixe ainsi qu'il suit : Examen de la premiere question inscrite au progamme de l'liistoire naturelle ; Examen de la premiere question inscrite au progamme des sciences pbysiques. M.ledocteurGiraudetarempli lesfonctions de secretaire. La seance est levee a onze heures. QUINZIEME SESSION. 247 Seance ilit 3 geptembre. Presidence de M. le comte de Tristan. MM. Jacquemin pere et Brame, secretaires. La seance est ouverte a sept keures du matin. M. DesMoulins offre au Congres plusieurs ouvrages pu- blics par lui : M. le president remercie , au nora du Congres , M. Des Moulins de l'offre qu'il a bien voulu faire. Ensuite M. le president donne lecture de la premiere question a mettre en discussion , elle est ainsi concue : Trai- ter des pr ogres, de Vetat actuel et de Vavenir de la geologie. La parole est a M. de Caumont qui s'exprime ainsi : Messieurs , Traiter desprogres, de Vttat actuel et de Vavenir de la gdologie , est un sujet immense et qui sort des propositions ordinaires de nos pro- grammes. Formulae d'une maniere aussi vague , il est impossible, je le crois , d'aborder cette proposition tout entiere ; aussi , dois-je la restreindre a mon point de vue, et n'aborderai-je que quelques parties de cette vaste question qued'autres, plushabiles, attaqueront sans doute plus a fond apres moi dans cette enceinte. 1° D'abord les progres de la gdologie sontincontestables; tous ceux qui suivent, meme de loin, les publications qui se font dans toutes les langues , ne sauraient douter de la richesse et du nombre des faits conquis depuis vingt ans a la science geologique. La pale'ontbologie s'est enrichie d'une foule d'observations , et l'anatomie des etres fossiles est presque aussi bienjconnue que celle des Gtres vivants. Les progres de la ge"ognosie pro- prement dite n'ont pas etd moins rapides ni moins grands; les Ctages des rocbes ont e'te' classes rigoureusement, je pourrais dire presque mathe'ma- tiquement. Le synchronisme de formation a e'te- determine' par suite d'e'tu- des profondes et simultan^es dans tous les pays, par suite aussi de voyages nombreux entrepris par les memes hommes dans des pays eloigne's, voyages qui ont permi aux mSmes gens {et ceci est un grand point) de comparer les memes terrains dans des pays diffeVents, et d'apprecier rigou- reusement leurs analogies ou lews dissemblances. 248 CONGR&S SCIENTIFIQUE DE FRANCE. 2° Uetat actuel de la geologie , c'est le point oil nous sommes arrives et que constatent tous les ouvrages pnblies, que constatent aussi chaque annee, en tenant compte des progres successifs, les cours si inte'ressants professes par des homrnes eminents; a Paris d'abord , puis , en province , dans nos faculte's , dans nos colleges , dans les se'minaires, et meme au sein de quelques societds locales ; car on a vu des professeurs be'nevoles impro- viser pour leurs amis des cours de geplogie qui pouvaient , quant a I'im- portance de ces lecons, etre mis en parallele avec les cours officiels. Un des bienfaits de la geologie , au point oil elle est arrivee parmi nous, c'est d'avoir produit depuis quelques temps la carte geologique generale, mais surtout un grand nombre de cartes partielles dressees sur une echelle assez grande pour permettre aux observateurs de comparer la configuration du sol et les regions physiques avec la nature du terrain ; d'avoir ainsi de'montre' que la diversity des regions et des productions naturelles du sol , la diversity d'aspect de nos campagnes dans des cantons tres-rapprocbes, souvent aussi dans le meme canton, tient a la diversite des roches et a leur distribution ; de telle sorte que pour etre bon geographe, je dirai m6me bon statisticien , il faut £tre ge'ologue. Les cartes ge'ologiques par departe- ment (et je suis beureux d'etre entre le premier dans cette voie en publiant, des l'an 1828, la carte geologique du Calvados) ont done rendus d'im- menses services non-seulement pour l'avancement de la geologie et la vul- garisation des faits qu'elle enseigne, mais aussi pour le progres des sciences differentes qui s'y rattachent de pres ou de loin ; telles que la geographic botanique , Hiydrographie, la topographie , la configuration du sol et bien d'autres branches des sciences physiques et naturelles. Quand a Vavenir de la geologie, nous ne saurions le pr&lire absolu- ment , nous n'avons pas le don de lire dans l'avenir , et personne , je pense, n'oserait se flatter de pouvoir deviner ce qui adviendra ; mais nous dirons quels sont nos pressentiments sur certains points de la science future. Une science aussi nouvelle, quoi qu'elle soit deja fort avancCe, fera natu- rellement de nouveaux progres; c'est le propre de toutes les sciences , etla geologie a devant elle encore, nous le croyons, un champ assez vaste. Nous ne nous permettront point d'indiquer sur quels points porteront les modifications qui pourront survenir dans les id£es, et pourtant il nous seni- ble que, parmi les travaux les plus utiles a entreprendre dans l'etat actuel de la science, il faut indiquer l'etude des terrains meubles qui ont e'te' Ugere- ment examine" s presque par tout et la plupart classes dans le diluvium. Quelques - unes de ces couches, par suite d'une etude plus approfondie et de circonstances favorables pour l'exploration , devront prendre place parmi les terrains quaternaires, d'autres meme parmi les terrains tertiaires. Mais les etudes geologiques devront aussi , je pense , elre dirigdes par la suite de maniered venir en aide a I 'agriculture. Quand on aura mieux observe le terrain meuble, on comprendra mieux aussi que l'etude geo- QUINZ1EME SESSION. 249 logique d'une contree quelconque se lie a l'dtude de sa constitution agro- nomique; il y a vingt ans que je disais aux agriculteurs et que j'imprimais les paroles snivantes : « La science des terrains est indispensable a l'agronome intelligent ; car, « pour distribuer convenablenaent les amenderaents et les engrais, il doit « connaitre la nature du sol sur lequel il opere. Ne sait-on pas quelle heu- « reuse revolution s'est accomplie depuis quelques anndes dans un grand « nombre de' canton, par l'emploi de la chaux dans les regions non calcaires « et dans les terrains calcardo-argileux ? Nul doute que d'autres amdliora- « tions basdes sur l'observation de la nature du sol u'ameneront Men d'au- " Ires re'sullats ; l'amendement des terres les unes par les aulres est un <<. sujetde la plus haute importance, auquel les expdrimentateurs out a « peine soDgd (1). » Depuis cette dpoque , l'dtude du sol, de sa constitution, de sa capacity productive a un peu occupe ; dans ces dernieres anndes surtout, les discus- sions dlevdes au sein des congres out ouvert les yeux sur l'importance de cette dtude. Nous espdrons beaucoup, pour l'avenir, de cette heureuse im- pulsion que nous nous felicitons d'avoir donnde un des premiers. Etude geologique du sol applique'e a I 'agriculture y voilk done un des vastes horizons qui se ddroulent a nos yeux et que devra parcourir la gdologie. II examinera d'une maniere approfondie quel rdle joue la composition des terres sur le mode de culture, sur l'dtendue des exploitations et sur bien d'autres faits,ce que les observateurs n'ont expliqud que par ces mots vides de sens , Vusage du pays. Tout se tient, tout s'enchaine dans la nature. Comme je le disais en commencant , il resterait a mon point de vue l'examen de la question inscrite au programme du Congres scientifique de France; d'autres l'euvisageront sous d'autres faces. J'avais quelque droit, moi qui ai le premier parle de cartes agronomiques en France , de pro- clamer ici que dans l'avenir la gdologie dojt venir en aide a l'agriculture par une dtude approfondie du sol meuble , par la classification rigoureuse des terrains soumis 4 la culture. La parole est ensuite donnee a M.DesMoulins : Le* terrain connu , dit-il , sous la ddnomination de molasse a dtd classd par M. Dufrdnoy (Me'moire sur les terrains tertiaires du midi de la France) dans la partie moyenne de ces terrains (dtage miocene de M. Lyell). M. Joseph Delbos, de Bordeaux, membre de la socidte gdolo- gique de France , vient tout rdcemment de proposer un changement d'at- tribution qui rdunit ddja un grand nombre de suffrages et ne manquera pas d'en conqudrir bient6t de plus nombreux encore , parcequ'il est basd sur (\) Topographie geognostique du Calrados, un toI. in-8, avec atlas de 7 planches. 250 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. 1'gtude de faits bien constates. M. Delbos place le terrain dont il s'agit dans I'e'tage e'ocdne (infdrieur des terrains tertiaires). Le terrain de molasse , dans le S. O., est essentiellernent forme de sa- bles siliceux et d'argiles. Les sables sont sans coherence ou agglutine*s. Dans le premier cas, ile sont blancs ou jaunes , parfois gris , melds de plus ou moins d'argile aux points de contacts. Dans le second cas, ils produisent des rognons ou boules de gres , ou meme des blocs considerables , sans ciment calcaire. Les blocs contiennent seuls des fossiles (ve'ge'taux monocotytedones et di- coyledones) : ce sont alors d'excellents gres a paver, connus sous le nom de gres de Bergerac. Les argiles , colordes souvent par les oxides de fer, sont blanches, gri- ses , verdatres , ou plus fre"quemment encore panachdes de blancs bleua- tre, rouge, jaune et violet; ce sont alors les argiles macuUes de M. Dufrenoy. Tout ce terrain est d'eau douce. Ses substances accidentelles sont : 1° les minerais de fer du Perigord. 2° Du silex en blocs ou fragments non routes , fossiliferes marius , qui proviennent de la destruction d'une couche de craie dissoute, dont ils sont les seuls temoins. Leur classement et leurs relations exigent une descrip- tion et une discussion spdciales. M. de Collegno et moi les assimilons a la craie dite de Maastricht (la plus super ieu re de toutes les craies connues). La molasse , ainsi sommairement caracte'rise'e , forme un immense man- teau sur l'ossature crayeuse du sud - ouest. En Perigord , elle repose im- mddiatement sur la craie et y remplace le calcaire grossier eocene de Paris. Dans la Gironde , ou ce calcaire grossier existe , elle lui est superposed et passe sous un autre dtage de calcaire grossier ddsigne- par M. de Colle- gno sous le nom de calcaire a asUries , calcaire qui, selon presquetous les gdologues, doit faire partie aussi de Mage Eocene, mais que d'autres series d'observations tendent peut-etre a faire remonter dans l'etage miocene. En Perigord , la molasse, souvent a nu, est souvent aussi recouverte par Je diluvium. Lavde et emporte"e, dans les vallons, par les courants dilu- viens, on ne la retrouve guere que sur les hauteurs, ou dans les vallees tres-larges. Dans le nord du Bordelais, elle se montre sur une etendue considerable, sous forme de landes sablonneuses portees sur un fonds d'argiles macu- Ues, jusqu'a ce que la craie la remplace deTmitivement vers Barbezieux. J'ignore si les substances accidentelles, signalers plus haut, s'y retrouvent. Lorsqu'en venant de Bordeaux a Tours, on a depasse" la protuberance jurassique du Poitou et la craie de Chatellerault qui lui sucede, il me semble que la molasse se ddcele par quelques coupures dans des argiles colorees : j'ai cru du moins y retrouver la physionomie de cette formation QUINZ1EME SESSION. 251 qui m'est si familiere en Pengord. Enfin, en approchant de Tours, vers Montbazon, ilm'a paru que le diluvium, caractSrise' par les cailloux quar- tzeux routes , vient reprendre la place qui lui est ordinaire sur les pla- teaux, c'est-a-dire qu'il s'y montre a la surface du sol. Au reste, a partir de l'Angoumois, les observations que je soumets au Congres sont des remarques de voyage et non le re'sultat d'une elude. M. Blondeau de Carolles dit qu'il existe des relations evidentes entre la nature des etres. qui vivent a la surface des terrains et ces terrains eux-memes : il cite le departe- ment de l'Aveyron, qui peut etre divise en deux regions bien distinctes , non-seulement en raison de la nature des roches qui le composent , mais encore d'apres les especes de plantes qui vivent a la surface de ces roches : les ani- maux qui se nourrissent de ces plantes trouvent en elles une nourriture plus ou moins abondante, prennent un de- veloppement qui est en rapport avec la qualite des aliments, et par suite avec la nature des sols sur lesquels ces aliments se sont formes. Aussi distingue-t-on dans le langage du pays le terrain de causse (1), qui est calcaire et sur lequel le froment vient en abondance, du terrain de segala, ou ne croit que le seigle et qui est forme de detritus des roches schisteuses : sur le terrain de causse les hommes et les ani- maux sont mieux constitues et d'une plus grande taille que ceux qui vivent surle terrain de segala. M. Blondeau pense qu'une pareille influence du sol sur les etres animes qui vivent a sa surface peut etre attribute a la nature des eaux, qui en parcourant ces terrains se chargent des principes solubles qu'ils contienncnt, et ces p^rincipes ingeres dans les plantes produisent en eux des effets utiles ou nuisibles : ainsi les eaux qui ont traverse les terrains calcaires sont pures et limpides, elles ne contien- nent qu'une petite quantite de carbonate de chaux ; tandis que les eaux des terrains schisteux sont chargees de sulfates, de chlorures qui proviennent de la decomposition de ces (1) Dans la Dordogne, uu terrain absolument analogue, reposant immediatement sur la craie ct dont le sol, compose uniquement d'argile et de detritus calcaires , est propre a la culture du froment, porte le nom de camsonal. L'origine commune de ces deux noms seroble evidente, calx (la chaux). 252 CONGRES SCIENTIFIQJJE DE FRANCE. roches , et qui communiquent a ccs eaux un mauvais gout et des qualites nuisibles. M. Blondcau conclut de ces obser- vations qu'il sera rationel, lorsquc Ton voudra etudier les terrains sous le rapport agronomique et bygienique, de commencer par se livrer a rexamcn chimique des eaux qui circulent dans l'interieur de ees terrains. M. de Caumont se joint a M. Blondeau pour recommander fortement aux geologues l'etude des qualites des eaux dans les terrains qu'ils explorent. M. de Sourdeval developpe de nouvelles considerations sur l'influence des eaux dont s'abreuve le betail dans diffe- rentes contrees, et particulierement dans la Bretagneet les cotes duNord , ou les terrains sont granitiques etschisteux; il termine par quelques observations sur les terrains relati- vement a la production des cereales. La discussion etantclosse, M. Brame a la parole pour lire, un meraoire fort interessantsurlesphcnomenes catalytiques. Cette lecture donne lieu, entre l'auteur et M. Blondeau de Carolles, a une discussion tres-savante qui est ecoutee avec rattcntion la plus vive et la plus soutenue. Seance du 4 geptemfare. Presidence de M. le comte de Tristan. M. le docteur Giraudet, secretaire. La seance est ouverte a sept heures. Le proces-verbal de la seance precedente est hi et adopte. M. le president donne lecture des deuxieme et troisieme questions du programme des sciences naturelles ainsi concues : 2e Question. « Le paralle'lisme des souUvements d'ane me'mc « epoque, d'aprcs la the'orie de M. Elie de Beaumont, est-il ** an fait suflisamment dc'montre? » 3n Question. « Est-il Men e'tabli qiCil nail pas exist e de « mammiferes avant Vepoque jurassiquc? » Personne nc demandant la parole, un membre fait obser- quinzieme session. 253 ver queces deux questions n'ont ete inserces parM. Giraudet au programme que dans le but de solliciter, do la part des geologues , la recherche de faits nouveaux qui viendraient appuyer ou contredire les explications admises jusqu'a ce jour, explications qui, malgre la justesse des idees emises parM. de Beaumont, nelaissent pas que d'etre un embarras pour un grand nombre de savants. Quant a la 3equestion, le doute est toujours le meme. Nous ignorons encore s'il y a eu des mammiieres avant l'epoqueju- rassique, quoique d'apres l'analogie avec le regne vegetal, on soit porteacroire que les creations animalessesont rempla- cees peu a peu comme celle des plantes. Nous manquons tout a a fait des donnees que nous avons pour les vegetaux, pour pou- voir dire si tous les grands types actuels des organisations ani- mates ont ete produits en meme temps ou successivement. La discussion s'ouvre sur la quatriemc question. « Ren- « contre-t-on en Touraine des traces Men marquees du diluvium i de Buckland et Cuvier? » La parole est a M. l'abbe Chevalier : Messieurs, Avant d'aborder un si vaste probleme, il est essentiel de bien dt'finir les termes du de'bat, et d'expliquer clairement ce que Ton entend par diluvium en geologic Sans cette distinction preliminaire , il serait impossible d'e'lucider la question , parce que ce mot a e'te' employe' par plusieurs gdologues pour designer des formations bien distinctes. Le diluvium , tel que l'ont decrit Buckland et Cuvier, n'est autre chose que ce terrain de transport forme" (3308 avant J.-C.) par les eaux du deluge universel, dont Mo'ise , dans son livre inspire^ , nous a laisse la venaique histoire. Ce de"p6t a encore 6t6 de'signe' par d'autres auteurs sous les noms de terrain diluvien , terrain clysmien , terrain de transport. Examinons done d'abord les caracteres de ces sediments , tels qu'ils ont itt donnes par les deux grands observateurs que je viens de nommer, et nous etudierons ensuite la Touraine , pour demander a ses roches le secret du plus grand cataclysme des temps historiques. Suivant les observations de Buckland et de Cuvier, le diluvium, dans toutes les contrees de la terre, se pr&senle a l'examen altentif du g^ologue 254 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. avec trois caracteres gendralement bien tranches , qui en font un terrain a part dans la se>ie des couches qui composent la pellicule de notre globe. Ces caracteres, que tout le raonde connait, sont le mode deformation violente particulier a ce d^pdt, Tuniversalite" de ses sediments, et la presence des blocs erratiques. C'est a ce triple point de vue que nous avons e'tudie' le diluvium en Touraine , et que nous publions cet essai sur une formation si intCressante. Nous ne parlons point ici des caracteres paloeontologiques : jusqu'a ce jour, on n'a decouvert dans le de"partement d'Indre-et- Loire aucun debris organique propre au sediment diluvien, et capable d'en accuser clairement la presence (1). Le plus important des caracteres que je viens de mentionner, le plus constant et le plus facile a observer, se trouve dans le genre m6me de la structure des sediments diluviens. Ce n'est point, en effet, commeun agent d'agregation ou d'assimilation , mais plnt6t comme une puissance de des- truction et de dispersion que Ton doit considdrer le dernier cataclysme qui a desole" la surface de la terre , et laisse" partout des traces nombreuses et incontestables de son passage. AusM le terrain clysmien ne se compose pas de materiaux propres et caracteristiques : il a tout emprunte aux formations sous-jacentes qu'il delayait et charriait, ou aux montagnes voisines dont il arrachait les blocs : il pre'sente done souvent des roches et des fossiles de plusieurs e'poques geologiques tres-e'loigne'es ; il offre , en un mot , tous les signes d'une formation plagiaire , s'il m'est permis d'user de cette expression. Le second caractere ge*n6ral du diluvium consiste dans Tuniversalite de ses sediments sur les hauteurs les plus inaccessibles aussi bien que dans les plus profondes valines; et ce caractere se joint a celui de la structure ponr demontrer que si Taction diluvienne a e'te' peu prolonged, au moins elle a 6te violente et universale. Un troisieme caractere vient souvent s'ajouter a ces deux premiers pour en corroborer les consequences par une preuve plus forte encore. II repose dans la presence de ces blocs dnormes qu'on nomme blocs erratiques , et qui accusent l'^nergie et la violence du plus grand cataclysme de P^poque g^ologique moderne. II repose encore dans la presence de ces beaux phe"- nomenes d'Crosion et de denudation qui manifestent Taction de courants impetueux , dans des directions determiners. (1) Dans les travaux du chemin de fer a Langeais, ou a trouve recemment une magnifique noix de cocotier, enfouie dans les terrains meubles superficiels. Ce fossile ne peut£tre altribuf'; au diluvium mosaKque, car les palmiers et les arbres intertropicaux ont cesse de vegeter en France, apres le soulevemcnt des Alpcs principales, bien anterieur au deluge historique. QU1NZIEME SESSION. 255 Tels sont les caracteres distinctifs attribu^s au diluvium mosaique par Buckland et Cuvier, et c'est sur ces donnees que nous avons 6tudi6 en Tou- raine les d^pdts meubles superficiels. Mais avant d'entreprendre cette etude , nous nous sommes demande* si le diluvium mosaique existe bien re'ellement, c'est-a-dire s'il existe comme dep6t general sur la surface des deux hemispheres, et surtout comme depot bien caracterise\ Nous avons de fortes raisons d'en douter; et quoiqu'il nous soit fort agrdable de rencontrer ecrite dans la nature en caracteres ineffacables l'histoire du deluge de Moise et la ve'racite' de nos livres saints , nous n'he'sitons pas a trancher la question dans un sens ne"- gatif : la ve'rite' n'a rien a gagner a des preuves hasarde'es : elle est assez forte par eile-meme pour se passer d'un pareil secours. Si nous envisageons d'abord la question d'une maniere generate , nous verrons qu'il est assez difficile de concevoir comment le deluge de Moise a pu former sur tout le globe un depdt de quelque importance. Selon l'his- torien sacre , toutes les sources du grand abime des eaux furent rompues , les cataractes du ciel furent ouvertes, et la pluie tomba sur la terre pendant quarante jours et quarante nuits. Les eaux du deluge inonderent tout le globe , et s'Cleverent , pendant cent cinquante jours seulement , jusqu'a quinze coudees au-dessus des plus hautes montagnes. II est pro- bable que dans cet etat il existait peu de courants sous-marins, puisqu'on a constate* qu'en mer les eaux sont parfaitement calmes , a une tres-petite profondeur, meme au milieu des plus violentes temp&tes. Quoi qu'il en soit , au bout de cent cinquante jours , les eaux commencerent a diminuer par un mouvement alternatif de retraite et d'invasion, euntes et re- deuntes, et au bout d'une annde a peine, la terre avait repris son premier etat. Tel est, en peu de roots, l'historique de ce grand phenomene. Le peu de durde du cataclysme diluvien, quelque violence qu 'on lui suppose, ne donne guere le droit de supposer l'existence d'un depdt general assez considerable pour etre clairement deiimite. Si toutefois ce depdt general ftciste, je demanderai en quel lieu les eaux diluviennes en ont pris les elements meubles , forme's de limons et de sables. Ce n'est pas sur les flancs compactes de nos montagnes , puisqu'elles etaient presque toutes soulevees avant l'epoque tertiaire, qui seule a pu fournir ces elements et ces ddbris. Ce n'est pas sur les plateaux ni sur les plaines elevens, parce qu'alors ces locality elles-memes seraient simplement denudees, au lieu d'etre recouvertes d'un nouveau sediment. Ce nouveau sediment ne peut done guere exister d'une mani6re universale au-dessus des formations 256 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE, anterieures, parce qu'il impliquerait , comme consequence n^cessaire, ou la crdalion de nouveaux matdriaux , ou la denudation d'une grande partie du globe. Toutefois nous sommes loin de pretendre que le diluvium n'existe pas dans certaines localitcs, avec des caracteres tranche's, et une epaisseur souvent considerable. Dans les valines, par exemple, vers lesqneiles se dirigent toutes les pentes generates d'un bassin, il a du. souvent s'accu- muler en masses dnormes. Mais aujourd'hui, apres cinquante siecles, comment serait-il facile de le reconnaitre au milieu de ces alluvions , de cos sables , de ces Unions, de ces cailloux routes, de ces deltas et de ces attcrissements qui se forment chaque jour ? Ces d£p6ts n'ont-ils pas du souvent rccouvrir le diluvium d'un epais manteau, et m6me se confondre avec lui par l'aualogie des elements et des caracteres ? Cette observation ne doit jamais eire negligee , surtout en Tonraine , ou les eaux couvrent plus de la cinquante-cinquieme partie de la surface totale, et ou par consequent les vallees occupent une large part. Le Diluvium a du encore se deposer en masses considerables au pied des montagnes, par raccumulation des debris de toute sorte arraches aux plateaux snperieurs. Mais la encore il est extremement difficile de le re- connaitre, parce que Taction seculaire et sans cesse prolonged du temps, de la pesanteur et des eaux pluviales, y entraine chaque jour de nouveaux debris parfaitement identiques. On a fait grand bruit, pendant quelques anises, de l'universalite du ter- rain diluvien, et de sa presence constante sur les plus hautes montagnes. Nous ne voulons point ici contester la possibility de ce fait, mais nous croyons que ce sediment diluvien, s'il existe, doit £tre sur les montagnes d'une tres-faible epaisseur, et qu'il a du etre desagrdgd et entraine depuis longtemps par tous les ageuls atmospheriques. Les eboulis qui se forment depuis cette epoque n'appartiennent-ils pas, en effet, aux roches meubles et superficielles, et par consequent aux roches diluviennes? Mais sur les plateaux le phenomene de desagregation n'a pas pu se pro- duire avec autant d'intensite. C'est la qse le Diluvium doit exister plus reconnaissable, et c'est la spdcialement que nous I'avons etudte en Tou- raine. Nous rappellerons toutefois que ce terrain a emprunte" son origine a des materiaux anterieurs, et que par consequent il n'a ope>e qu'uu sim- ple transport de roches, sans augmenter notablement l'dpaisseur de la croute tolide. Mais quand bien meme on admettrait l'existence d'une couche assez pnissantc de Diluvium sur toule la surface des deux hemispheres, nous QUINZ1EME SESSION. 257 preteudons qu'il serait encore bien difficile de le distinguer, en Europe du raoins, d'un veritable Diluvium anterieur, fruit d*un terrible cataclysme opere par le soulevement des Alpes principales. A cette epoque geologique, il existait plusieurs lacs d'eau douce, disposes au pied des montagnes, comrae le sont les lacs actuels de la Suisse et de la Lombardie. Un lac de cette espeee couvrait la plaine de la Bresse depuis Tullins ct Voiron jus- qu'a Dijon, et la partie N.-O. du departement de l'lsere; un autre occu- pait la portion du departement des Basses-Alpes, comprise entre Digne, Manosque et Barjols ; d'autres etaient situes dans les plaines de l'Alsace, et dans les contre"es basses qui avoisineut le lac de Constance, et la mer des Falunieres existait encore au centre de la France. Le redressement de la cbalne principale des Alpes , et le deversement des eaux de ces lacs, opere en meme temps, peut-etre, que la fusion des neiges et des glaciers des Alpes occidentales, ont du produire d'immenses inondations sur les terres decouvertes, et transporter au loin une grande quanlite de fragments de roches, de sables et de Vase. C'est probablement de cette catastrophe que datent les grandes alluvions de certaines vallees, l'existence et la configuration derniere de nos vallees actuelles, les denudations, les dislocations que nous voyons en tant de lieux diff^rents, et qui peuvent etre anteneures au cataclysme diluvien. Telle est, du moins, l'opinion de presque tous les geologues. S'il en est ainsi, comme tous les faits semblent 1'insinuer, comment dislinguera-t-on le Diluvium de la Bible de cet autre terrain de transport qui a ete produit par le soulevement des Alpes ? Nous signalerons encore ici une derniere consideration qui n'est pas in- diffe>ente. Puisque le Diluvium mosaique a emprunte" ses materiaux aux formations ante>ie«ires, puisque les roches transporters et les roches sous- jacentes sont identiques dans la plupart des localiies, comment osera-t-on tracer entre elles une ligne de demarcation? comment separera-t-on en deux epoques une formation qui semble porter tous les caractercs de l'u- nite ? C'est cette incertitude de caracteres et de limiles qui a si souvent fait confondre le Diluvium avec les formations tertiaires on quaternaires, ou meme avec des alluvions plus recentes. Presque partout, les terrains meu- bles super ficiels ont etd studies avec trop de ldgerete, et on les a classds tous indistinctement dans le Diluvium de Buckland et de Cuvier. C'est avec cet ensemble d'idees, ces principes d'hesifation, et cette de- fiance de nous-meme que nous avons abordd en Touraiue l'etude du Dilu- vium. Nous soumettons avec coniiance le resultat de nos reeherches aux hommes eclaires, 258 CONGRES SCIENTlPlQUE DE FRANCE. Le Diluvium, avons-nous dit, est une formation purement plagiaire. 11 nous importe done beaucoup de connaitre quel 6tait en ge'ne'ral Mat geologique de la Touraine, trente-trois siecles avant Jdsus-Christ. Apres avoir jete" un coup d'oeil rapide sur les di verses formations de notre depar- tment, nous examinerons, d'apres nos devanciers, les caracteres du Di' luvium en Touraine. Nous emploierons avec eux, mais provisoirement, les mots impropres de Diluvium, terrain de transport, etc., etc., pour designer les de"p6ts meubles superficiels, et nous nous haterons, apres cet expose, de classer ces divers dep6ts, attribuls au deluge, dans des forma- tions bien caracte'rise'es. A l'e'poque recuse qui nous occupe, la surface de notre belle contree presentait, dans la partie S.-O, un assez vaste de"p6t dependant des for- mations secondaires, oolithiques et crayeuses, qui se prolongent au sud jusqu'au bassin tertiaire de la Garonne, et qui se rattachent aux sediments crayeux du N.-E. de la France. Cette partie elait restee constamment Cmer- gCe depuis le soulevement des Pyr£n6es, et apparteuait a ce vaste conti- nent qui avait entoure' la mer Parisieune dans laquelle se formaient les depdts ge"ne"ralement beaucoup plus fertiles des terrains tertiaires. Tout le reste de la superficie de notre province £tait recouvert d'un vaste de*p6t de sediments tertiaires, argileux et calcaires. Les argiles, qui for- ment plus de la moitie" de la superficie totale, sont melangees de gres et de poudingues, dCpourvues de fossiles propres, et n'offrent, en debris orga- niques, que des zoophytes venant de la craie et change's en silex. Les cal- caires, de formation lacustre, sont excessivement compactes, et devaient alors offrir des diflicultes insurmontables a l'agriculture. On voit d'apres cela qu'avec des elements si peu varies, le Diluvium ou terrain de transport doit offrir une physionomie presque uniforme, une structure fort peu complique'e. 11 se compose done principalement de li- mons, d'argiles, de sables, de graviers, de lagers blocs de calcaire roules, de debris de poudingues, et de cailloux siliceux, dont les angles ont 6t6 a peine CmoussCs par le frottement. On y observe cependant quelques nuan- ces, qui sont toujours en correlation avec la nature des terrains inf£- rieurs. Ainsi les formations secondaires du S.-O. sont recouvertes d'un Dilu- vium maigre, sablonneux, peu profond, et trop facilement permeable a l'humidite\ Au-dessus des quelques lambeaux de calcaire jurassique qu apparaissent ga et la, le sol est rougeatre ; mais au-dessus de la craie mi- cacee qui constitue presque entierement le sol au sud de la Yienne, entre cette riviere et les points oil se montie le calcaire jurassique, le terrain QUINZ1EME SESSION. 259 de transport «st gris-blanchatre, m^diocrement fertile, et plus convenable pour les vins blancs et pour les arbres fruitiers a noyau, comme les pru- niers, que pour la culture des ce're'ales. Sur les argiles tertiaires,le terrain de transport se reMuit a un demi me- tre a peine de puissance, tandis qu'U offre une e'paisseur de deux metres au moins sur les calcaires d'eau douce. Cette difference, partout tres-sen- sible, provient sans aucun doute de ce que le diluvium s'est alte're' et me- lange avec les argiles delayers, tandis qu'il a du se d^poser dans toute son integrity sur les calcaires lacustres, insolubles et compactes. Le Diluvium n'offre done guere de traces bien marquees de son exis tence sur les argiles et les poudingues, e'est-a-dire sur la moitie' au moins de la superficie totale de notre de*partement. II pr^sente, dans ces circon- stances, une si faible e'paisseur, que les travaux des hommes en ont efface" depuis longtemps les derniers vestiges sur un grand nombre de points. Du reste, il est fort probable que le grand cataclysme diluvien a bornd son action a un remaniement de ces terres peu coherentes, ou a une vaste de- nudation sur certains plateaux dont il entrainait les debris au loin. Dans certaines locality, le Diluvium a l'aspect d'un limon argileux rougeatre, et il est mete en tres-grande abondance de cailloux siliceux, aux couleurs diverses, et aux formes bizarres et contournees. Ces cailloux se trouvent dans les argiles tertiaires, et ils proviennent, soit des poudingues d^sagre^- g&, soit des zoophytes fossiles de la craie, alters par leur transformation en silex. lis forment presque en totality le terrain diluvien dans ces circonstan- ces, et ils offrent a l'agriculture des difficult^s s&rieuses, en genant le la- bour profond, en nuisant a l'accroissement des plantes, et en favorisant le prompt e^coulement des eaux plnviales comme a travers un crible. Aussi, ce sol est-il maigre et trop souvent infertile. II forme la moitie au moins de la superficie totale de la Touraine; et comme la population est toujours en raison directe des ressources du sol nourricier, la population corres- pondante est moitie moindre que sur le terrain plus fertile d'eau douce, et que sur les grasses alluvions des vallCes. C'est cette difference de valeur territoriale qui a fait ingenieusement comparer la Touraine, ce jardin de la France, a un habit de drap grossier, brode" d'or sur les coutures. C'est egalement ce qui nous explique comment, sur 611,679 hectares de super- ficie totale, il y en a 10,359 de forets, 79,641 de bois, 62,979 de landes, patis et bruyeres, e'est-a-dire , un peu plus du quart. Les bois prosperent assez bien sur ce terrain, parce que leurs fortes racines peuvent facilement yaincre les difficult^ du sol et peneHrer dans les couches inferieures pour 260 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. y puiser leur nourriture. Mais il y a des localites tellement peu favori- sdes, meme sous ce rapport, que de vastes terrains y restent occupes par des landes stenles, comme, par exemple, dans Ies cantons de Montre'sor, de Chateaurenault, de Chateau-la- Valliere , au nord de Lan- geais et de Bourgueil, et dans les landes du Ruchard, au rnidi de la foret de Chinon, etc. Le Diluvium le plus fertile repose toujours sur les calcaires d'eau douce, insolubles et compactes. C'est surtout dans ces circonstances qu'il est le plus facile de l'Ctudier, parce qu'il offre une puissance d'au moins deux metres. Comme alors il ne renferme qu'un nombre tres-restreint de cailloux, et qu'il se compose presque entierement de limons argileux et de sables siliceux et calcaires, il se presente dans des circonstances favorables pour l'agriculture. C'est ce terrain qui constitue le riche plateau situe" entre le Cher et l'lndre, depuis le Liege jusqu'a Cormery et Athee, et les plaines fertiles des cantons de Cormery, de Tours-nord, de Neuillc- Pout-Pierre et de Neuvy-Roy, etc. II occupe environ la ciuquieme partie de la surface du departement d'lndre-et-Loire, et la population correspon- dante fait plus du tiers de la population totale. Tels sont, sur les plateaux, les caracteres du terrain de transport parti- culiers a la Touraine, et aux provinces voisines qui offrent le meme aspect gdologique. Il nous reste a ,1'Ctudier dans les plaines basses et dans les valines. La Touraine n'est point un de ces pays de montagnes oil les grands acci- dents de terrain puissent mettre dans tout son jour la vente de cette pa- role dc l'historien des faits premiers : Aqum prcevaluerunt nimis super terram, opertique sunt omnes monies excelsi sub universo coclo. (Genes., vn, 19.) Elle n'offre gucres du N.-N.-O. au S.-S.-E., depuis les Pins jusqu'a Saint-Pierre-de-Tournon , sur une longueur de 113 kilometres, qu'une plaine monotone, a peine inter- rompue par les valines de la Loire et de l'lndre. Mais dans un autre sens , c'cst-a-dire de l'Est a l'Ouest, sa surface est sensiblement inclinec vers Candes. On concoit d'apres cela qu'il n'a pu s'e'tablir que des courants locaux de peu d'importance, et qu'on ne doit pas s'attendre a trouver en Touraine ces rochers polis , strids , sillonne's , ces collines contournees , ces vallees seches, et tous ces grands phCnomenes d'drosion que peuvent nous montrer des pays plus accidente's ; on n'y trouve meme pas de blocs erra- tiques, ni ces vastes sillons que Saussurc appelait si e'le'gamment les or- nieres die char diluv'ten , et que l'oii regarde aujourd'hui avee raison comme produits par h marche lentc des glaciers. QU1NZIEMG SESSION. '» 201 Neannioins^ les peutes qui existent vers les grands cours d'eau ont du ameuer dans les vallees des debris diluviens de toute sorte , et dont l'im- portance doit etre bien sup^rieure aux sediments des plateaux. Malheu- reusement , il est tres-difficile , pour ne pas dire impossible , de se rendre eompte aujourd'hui de ces depots clysmiens, parce qu'ils ont ete alters ou reconverts depuis par de nouvelles alluvions et de nouveaux atterrisse- ments. C'est ainsi que la Loire cbarrie, depuis des siecles recules , d'enor- mes masses de sables rougeatres qu'elle arracbe aux granits dcsagreges de la Haute-Loire , et qui permeltent encore de reconnaitre facilement les grains de quartz, les lamelles de feldspath, et les paillettes de mica, pre- cipes constitutifs de cette rocbe d'agrdgation. On trouve parfois au fond de son lit , comme te*moins de la puissance qu'elle deploya en plusieurs circonstances , des blocs de granit assez volu- mineux. Des inondations assez d&astreuses ont souvent transports' ces sables granitiques dans les fertiles varennes de la Touraine , et cache, sous une couche de plusieurs metres d'e"paisseur, le sol fertile de la valine. Ainsi, dans le siecle dernier, en 1707 , une crue extraordinaire rompit les digues et deversa sur la commune de la Yille-aux-Dames , pres de Tours , plusieurs millions de metres cubes de sables. De meme, vous avez tons pu voir comment la vaste et ricbe plaine situ^e entre Ambroise et Vou- vray a 616 ensevelie sous un linceul sterile par l'inondation du mois d'oc- tobre 1846. La Vienne et la Creuse pr£sentent des phenomenes analogues. La vallCe de la "Vienne est surtout remarquable par l'enorme quantity de sables qu'elle renferme , sur pres.de 4 kilometres de largeur, avec une puissance de 10 ou 12 metres , et par les Iits tres-re'guliers de galets et de cailloux routes qui se rencontrent a une assez grande profondeur. Les petits depots de tourbe qu'on remarque a Parcay-sur- Vienne , surtout pres du chateau de la Breehe, doivent probablemcnt etre rapportCs a ces allu- vions post-diluviennes. II est done impossible de reconnaitre le diluvium dans presque toutes nos valines , a cause du melange ou de la superpo- sition des formations plus recentes. La vallee seule de l'lndre parait faire exception a cette loi, et les depots argilo-Iimoneux qui la constituent sur une epaisseur tres - considerable pourraient etre rapportds , en partie du moins , au grand phenomene diluvien. Tel est le resume" des recherches et des travaux fails jusqu'a ce jour sur le terrain diluvien en Touraine. Nous avons d£ja fait connaitre nos idees a cet e'gard. Le diluvium est encore tres-problematique ; nous ne voulons point en contester la presence dans nos vallees ; mais nous hesitons a le 17 262 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. reconnaitre comme depot general surnos plateaux. Nos raisons sont loutes puise'es dans les faits. Sur les sediments secondaires , oolithiques ou crayeux , le pretendu diluvium, qui forme le sol meuble superficiel , est maigre , sablonneux , peu profond, gris blanchatre ou rougeatre. Si c'est la un veritable terrain de transport , pourquoi offre-t-il une connexion si etroite avec la coucbe sous-jacente? Pourquoi une dependance si constamment invariable? Pourquoi est-il compose' uniquement de sables calcaires , et jamais d'ar- giles tertiaires ? Ne serait - il pas plus simple d'attribuer ce sol sablonneux a la desagregation lente du sol inferieur, d^sagregation ope>£e par les agents atmospheriques , par les eaux pluviales , les courants d'eau , la cul- ture , les travaux des hommes ? Nous croyons que cette hypothese , par- faitement legitime , rendrait suffisamment compte des faits observes. Au-dessus des argiles tertiaires, on n'observe pas de couche meuble bien distincte, et il faut avoir une singuliere bonne volonte pour y d£- couvrir le diluvium. La legere difference que Ton pourrait apercevoir entre la couche inferieure et la couche supe>ieure de ces argiles provient, sans aucun doute, de Taction des agents atmospheriques , des travaux agricoles, des detritus veg&aux. L'absence de ce diluvium pourrait, du reste , parfaitement s'expliquer par son melange avec les argiles; et la std- rilite" de certains plateaux trouve probablement son origine dans la mul- tiplicity des cailloux siliceux dont ils sont composes. A la partle superieure des calcaires lacustres et des faluns, on observe des sediments que plusieurs auteurs ont rapportes au terrain diluvien. Les caiacteres qu'ils offrent ne sont guere tranches. On peut egalement bien les rattacher, soit aux depdts de molasse, car ils pr£sentent souvent, comme ces sediments, des blocs siliceux, compactes ou poudingiformes, meies de zoophytes marins; soit aux dep6ts sub-apennius , soit a ce ter- rain de transport que produisit la catastrophe des Alpes principales. II est done facile de r^sumer ce m^moire en deux roots : on n'a point trouv^ jusqu'a present en Touraine des traces bien marquees du diluvium de Butkland et de Cuvier, et ce sujet demande encore des etudes speciales. Des observateurs , plus savants et plus habiles que moi , trouveront peut- etre un jour le noeud de ces difficultes. Mais si le deluge n'a point laisse un sediment caracterise , comme un monument de son passage en Touraine , il a laisse peut-etre des traces evidentes de sa violence dans plusieurs beaux phenomenes d'erosion et de denudation que je vais essayer de vous decrire. Je serais cependant plus tcnte de rattacher ces phenomenes a la catastrophe des Alpes principales. QU1NZ1EME SESSION. 265 Les rives de l'lndre, a Counjay, sont borders de coteaux tres-elev^s, formds d'un calcaire lacustre extremement compacte. En remontant la vallee, sur la rive droite , depuis le bourg de Courcay, sur une longueur de plus de 2 kilometres , on observe avec e'tonnement les anfractuosites de ces rochers nus , eleven souvent de pres de 40 metres , d'une maniere abrupte et presque perpendiculaire. Mais ce qui attire le plus Tattention, ce sont les e"boulements multiplies de plusieurs milliers de blocs de ce cal- caire, arrache's en masses e'normes a la partie superieure du coteau, et epars dans la plaine, sur un sol calcareo-sableux, dans des directions bien determiners. Tout porte ici les traces les plus manifestesde la violence; tout accuse une action d'une puissance excessive, qui s'est exerce'e dans un sens visible , mais qui n'a plus mis la main a son oeuvre depuis quinze siecles au moins. En effet, les traces d'un aqueduc romain, aujourd'bui encore assez bien conserve*, lequel r£gnait a mi-cdte sur toute cette Vendue, prouvent jus- qu'a Tdvidence que le ph£nomene a 6te* produit ante^rieurement a la cons- truction de cet aqueduc , et que l'etat des lieux n'a pas change* depuis l'ere romaine. Nous n'attribuerons done point ces e^boulements a Taction len- tement destructive du temps et des agents atmospheriques, car cette ac- tion aurait du se continuer jusqu'a nos jours avec une egale intensity. Du reste , ces coteaux devaient presenter primitivement , comme tous ceux avec lesquelles ils se relient ou correspondent, des contours arrondis, des croupes dont on apercoit encore la base. 11 ne serait pas moins difficile de voir ici la main des hommes, car on n'y reconnait aucun but plausible, aucun plan arrets, et surtout aucune trace d'iustrument. En effet, ce cal- caire est tout a fait impropre aux constructions, et son excessive durete* le rend rebelle au ciseau. Onne voit dans le coteau aucune trace d'exploi- tation , et jamais on n'a cherche* a d^biter ces blocs enormes. Apres avoir elimine* ces deux premieres hypotheses, si Ton considere que le lieu de cette vaste denudation est place* vis-a-vis du cours supe*- rieur de l'lndre, dans le prolongement direct du thalweg, on sera natu- rellement amene a attribuer le ph&iomene au choc violent des eaux , qui auraient entraiue des blocs et des fragments de rochers, ou en auraient determine* la chute post6rieure, en minant la base de ces falaises. Cette supposition devient de plus en plus plausible, si Ton remarque que les eaux , en prenant une nouvelle direction ge*ome*trique , e'est-a-dire en fai- sant un angle de reflexion e*gal a Tangle d'incidence, ont do aller denu- der et creuser la base du coteau oppose*, pour revenir ensuite plus bas , sur la rive droite , exercer la meme action Erosive , mais avec une 264 CONGRfiS SCIENTIrTQUE DE FRANCE, moindre intensity : Mat des lieux est parfaitement conforme a cette theorie. Du reste , l'erosion a laisse des traces £videntes de son action dans le sable calcaire qui recouvre la plaine , melange aux alluvions. Le sol , extremement ardent , nourrit plusieurs plantes meridionales qui y croissent et s'y multiplient spontanement. Si "maintenant on se demande quelles sont ces eaux dont le choc impelueux a denude les coteaux de Courcay jusqu'a 40 metres au -dessus de la valine, on sera force d'imaginer un courant d'eau beaucoup plus puissant que ceux de l'epoque ge"ologique actuelle, et mu par des forces dont la nature a perdu le terrible secret : en un mot, on sera force" de recourir au cata- clysme diluvien , ou au cataclysme des Alpes principals. C'est du moios l'explication qui nous semble la plus simple et la plus claire; mais nous preTeYons la second e (1). II existe en deux autres lieux de la Touraine , a Thilouze et a Cinais , des amas immenses de blocs dont la denudation ne peut etre attribute qu'a la meme cause. Ces blocs sont formes de silex compacte ou de poudin- gues assez facilement des3gregeablesencaiiloux siljceux, par la dissolution du ciment argilo-siliceux qui les unit. Ces blocs ont leurs analogues en Touraine, dans les argiles tertiaires ou meme dans la craie. On peut voir un amas eiiorme de ces silex , pr&sentant une puissance de plus de 120 me- tres cubes , enfoui dans la craie tuffau , a Sache\ Les blocs de Thilouze s'etendent sur une longueur de plus d'un kilo- metre, au nombre d'au moins sept ou huit milliers, sur le soramet d'un coteau et sur la pente d'une petite vallce seche qui correspond a ce cote du plateau. Nous ne comptons pas la multitude des plus petits blocs qui se trouvent epars dans le vallon, a moitie enfouis dans le sol, et qui se pro- longed pres de deux kilometres au-dela des plus volumineux. Nous avons mesure plusieurs de ces masses qui ont plus de douze a quinze metres cubes de puissance. Elles sontjet^es sur le sommet du plateau ou sur le penchant du vallon, dans les plus bizarres positions d'^quilibre, parfois entassees les lines sur les autres a trois et quatre Stages , et ne se touchaut que par quelques points. Celles qui se trouvent sur le sommet du plateau (1) Mon savani et honorable ami, M. C. Des Moulins, president de la societe linneenne de Bordeaux, alien voulu me transmettre une note au sujet de ces blocs dont, ainsi que moi, il re- garde la chute comme le dernier reste d'action d'un grand cataclysme antediluvien; je me plais a lui en temoigner ici toute ma reconnaissance. Son approbation m'est trop flatteuse et trop chere pour que je puisse la passer sous silence. Ce savant considere les blocs eboulescomme les resles des surplombs des berges, minees en dessous par Taction erosive do courants iropetueux. Ces falaises abruptes avec eboulements se trouvent partout identiques, dans lescftteaux de cal- caire d'eau douce. M. Des Moulins les a observees, avec les memcs caracteres, dans le Perigord, la Saintonge, le Toitou et I'Agenais, QUINZ1EME SESSION. 265 offrent une Ovation de plus de deux metres. La direction ge'ne'rale de ces blocs est de E.-N.-E. a O.-S.-O., c'est-a-dire dans le sens du soulevement de la chalne principale des Alpes , et ne se rapproche guere , par consl- quent , de la direction constante des blocs erratlques. Les petits fragments sont dissimines en plus grand nombre a l'O.-S.-O. , et il ne s'en trouve pas un seul sur le versant nord du vallon. Tout le sol circonvoisin se fait re- marquer par une aridity une sterilite extremes. L'accumulation de ces blocs empficherait auresle d'y rien cultiver. Le terrain sous-jacenl appar- tient aux argiles tertiaires, et le plateau de Thilouze est un des plus ele- ven de ce departement. En presence d'un monument si strange et si grandiose , on se demande avec etonnement quelle peut etre la cause d'une accumulation si gigan- tesque. II est impossible d'y reconnaitre un alignement de menbirs druidi- ques, car ces blocs siliceux n'offrent aucun caractere de ces sortes de monuments. On ne les voit point disposes par bandes paralleles, ni par rangers circulaires, comme des kromlecbs ; rien ne peut accuser un plan arr£t<$, une idde pr^concue. Le seul caractere de ces masses, c'est un ali- gnement irrCgulier dans la direction de l'E.-N.-E. a l'O.-S.-O. II faut done reconnaitre ici, soit un transport violent de blocs erraliques , ce qui est peu admissible dans Mat actuel de la science, soit uue vaste. denudation attribuable au deluge des Alpes ou au deluge historique des livres saints. Pour trancher la question , il faudrait avoir fait une etude compete de la direction des blocs dans tous les sens, et de leurs relations avec le sol in- ferieur, et le temps ne nous a pas permis de l'entreprendre. Toutefois , nous sommes persuade* que le phenomene depend d'une vaste denudation. Mais le fait le plus remarquable de ce genre est sans contredit celui de Cinais, a quelque distance de Chinon. Tous les blocs , analogues a ceux de Thilouze, sont epars sur un vaste plateau , large de 1,200 a 1,300 metres , et long d'au moins trois kilometres, dans la m6me direction de E.-N.-E., a O.-S.-O. Les plus volumineux de ces blocs, hautsde deux ou trois me- tres , sont aussi jetes irrdgulierement ca et la , sans aucun plan determine* , et quelquefois entass£s les uns sur les autres , dans les positions les plus capricieuses de I'^quilibre. lis sont au moins au nombre de sept a huit milliers. Les plus petits fragments ont ete e^videmment changes de place, el aligues en plusieurs bandes paralleles , entourees de fosses encore visibles, de maniere a figurer les divers quartiers d'un camp romain. Telle est, du moins, l'id£e qui nous a frappd an premier abord : c'est aussi celle de plu- sieurs savants archeologues. Les medailles romaines qu'on y a trouve>s 200 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. sont venues confirmer cette opinion. II est done a peu pres certain que les legions romaines ont occupy cette magnifique position d'ou Ton domine les valines de la Loire et de la Vienne, etles premieres plainesdu Poitou; mais il n'est pas moins certain que les blocs qui servaient de eireonvalla- tion n'y ont pas 616 apport^s de main d'homme. La grosseur de plusieurs silex , leur nombre presque infini , l'inutilite' d'un pareil transport sur l'extr^mile' d'un plateau fort eleve' , extr6mement abrupte , et d£ja rendu presque inexpugnable par l'escarpement des coteaux , tout semble prouver que les legions romaines n'ont point entrepris ici un travail immense , et tout a fait en dehors de leurs habitudes militaires et de leurs principes de castramefation. Elles ont simplement profitC de la position du terrain, en dej)lacant les plus petits blocs ; mais elles n'ont meme pas essaye" de tirer parti des plus volumineux. D'un autre cdte^, le camp de Cinais n'offre au- cun des caracteres qui pourraient rappeler les monuments druidiques : le nombre des blocs qui sont enfouis presque entiers dans le sol s'oppose encore a cette explication , et fait pr£sumer que ces masses euormes n'ont jamais ete' arrachees de leur gisement primitif. L'id^ed'un cataclysme violent peut seule naitre dans l'esprit, en exami- nant le theatre de ce prodigieux ph&iomene. Le plateau de Cinais est in- dubitablement un des plus £lev£s du d^partement d'Indre-et-Loire, puisque du haut de cet observatoire admirable l'ceil peut apercevoir, sans le se- cours d'aucun instrument, dix-sept ou dix-huit clochers jet^s ca et la sur tous les points de l'horizon , dans un des plus fertiles pays de la France. D'un c6t€ Poeil erre avec ravissement sur la fertile vallee de la Loire , depuis Saint-Patrice jusqu'a Candes, et plonge jusqu'au-dela de Bour- gueil, a travers la riche plaine du Veron. On entrevoit a l'horizon, der- riere la foret de Chinon , l'^glise d'Huismes , pres du confluent de l'lndre et de la Loire. De l'autre cote- , la valine de la Vienne se d^roule aux re- gards depuis Chinon jusqu'au-dela de l'lle-Bouchard , et a droite , on dis- tingue Faye-la-Vineuse , un peu plus loin que Richelieu , et les tours de Loudun , qui se montrent au-dessus de collines etagees. Des chateaux his- toriques , d'elegantes villas , des moulins a vent sur les hauteurs , vien- nent encore animer cette riante contree , donner a la position de Cinais un dernier trait pittoresque et seMuisant , et en faire l'observatoire d'un admirable panorama. Mais ce qui contribue a donner a cette scene le cachet d'une originality toute particuliere , e'est le contraste frappant qui saisit rimagination : autour de vous , le paysage le plus riant et le plus gracieux , des coteaux charges de riches vignobles , de grasses prairies , le cours sinueux de deux QUUfZlEHE SESSION. 267 belles rivieres , l'horizon le plus etendu ; puis a vos pieds, l'image de la tristesse et de la desolation, un plateau sauvage et desert , un sol ingrat et rebelle, a peine couvert d'une vegetation maigre et souffreteuse, comme d'un linceul funebre , des ruines gigantesques, des blocs enormes Spus a perte de vue sur une elendue immense, enfin je ne sais quelle teinte de necro- pole ; tout se rdunit pour rappeler a votre imagination epouvant^e le spec- tacle d'une inondation universelle dont les monuments vous pressent de toutes parts. A cette idee le cceur se resserre : sur ce haut plateau , d'oii Ton domine plus de mille kilometres carrel de pays , on sent avec terreur qu'il n'y a point de lieu inaccessible aux fleaux du Tout-Puissant. La position du Cinais , mieux encore que celle de Thilouze, de- montre done clairement une violente action des eaux cataclytmiennes , qui seules ont pu parvenir a de telles bauteurs. Ici encore se presente une double hypothese : les torrents dont il s'agit appartiennent-ils au dCluge bistorique de la Bible, ou a la catastFopbe ge'ne'rale occasionue'e par le sou- levement de la cbainc principale des Alpes, dans le sens de laquelle les blocs sont aligned? Les torrents, quels qu'ils soient, ont-ils simplement denude" ce vaste plateau, brise- les rocbes, et dechausse" les blocs siliceux a une profondeur de deux ou trois metres? Ces blocs, aussi bien que ceux de Thilouze, n'ont-ils pas une analogie frappante avec ceux que Ton a tout recemment signaled dans la molasse, particulierement dans le bassin de la Gironde? Ou bien les courants ont-ils transports ces blocs, originaires de regions plus eloigners, sur le theatre meme ou ils reposent aujourd'hui, comme des tdmoins muets, mais pe'remptoires et irre'cusables, de la plus effrayante des catastrophes ? Invoquerons-nous ici les theories des cou- rants, des glacons, des moraines et des glaciers? Nous hesitons a trancher cette question delicate. Sans vouloir rien pr£juger, nous d^clarons toute- fois que la premiere hypothese nous semble bien preferable. Nous laisse- rons done a des observateurs plus babiles le soin de jeter une plus vive lumiere sur ces beaux ph^nomenes. Nous voulions simplement donner une esquisse rapide du Diluvium en Touraine, et attirer l'attention des gdolo- gues sur des ph^nomenes intdressants, et jusqu'a ce jour inexplores dans cette province. Si nous avons r^ussi, notre ambition sera satisfaite, et nous croirons avoir rendu quelque service a la science dont vous 6tes les dignes repr^sentants. Apres cette improvisation, M. de Caumont, qui ne pos- sede pas des connaissances moins approfondies ni moins etendues en geologie qu'en archeologie, eta qui, pour mieux 268 CONGRES SCIENTfFlQITE I>E FRANCE. dire, rien de ce qui est du domaine dc la science nesaurait echapper, applaudit aux idees neuves qui viennent d'etre emises, encourage les travaux de l'auteur, et l'invite a redi- ger a ce sujet un travail plus etendu, pour le deposer dans les archives du Congres. Sur la proposition de cet honorable membre, la section vote a l'unanimite l'impression de ce memoire dans le compte-rendu des travaux du Congres. M. le president : « L'ordre du jour est la discussion de la cinquieme question du programme : < A quelle causse doit-on attribuer la formation des depdts t appele's faluns , et la presence dans ces depots de debris orga- i niques de diverses esjieces? » La parole est a M. Porcher : Messieurs s Les faluns de la Touraine ont souleve bien des discussions qui ne sont pas encore terminees. M. Chevalier n'a pas la pretention de substituer aux idees generalement adoptees des idees, des theories hasardees. Ilveutvous presenter une simple note sur la position des faluns, sur leur horizon geo- logiquc. Et d'abord il pretend que MM. Beudant et Giraudet onl commis une crrcur partagee par bien d'autres geologues, lorsqu'ils ontavance que les faluns appartienncnt aux sables coquillicrs qui forment avec le calcairc grossicr le premier terrain marin du bassin de Paris; formation qui dans 1*4- chellc geologiquc est immediatement placee au-dessus de Vargile plastique et du lignite , appartenant au calcaire a lymnecs. Scion M. l'abbe Chevalier le depot des faluns repose sur un calcairc lacustre superieur dont l'ctage inferieur est formee parunevastc nappe d'argile tcrtiairc. II a trouve sur plusicurs points occupes par ces depots marinsdes frag- ments de roche d'eau douce perfores par des pholadcs. 11 conclut des observations qu'il a faites plus particulie- rement a Savigne,aLouhans, aTezay pres Pont-le-Voy, que QUINZIEME SESSION. 269 dcsormais le depot connu sous le nom de falun de la Tou- raine ne doit pas etre range sans la periode eocenique de Lyell, mais bien dans la periode pliocenique ancienne. M. Giraudet repond qu'il est pret a rectifier son opinion sur la nature du calcaire qu'il a indique corame etant celui sur lcquel reposaient les depots marins appeles falunieres , ct qu'il signalait il y a quelques annecs corame analogues aux depots marins du midi de la France et d'une partie de l'ltalie. Cette rectification lui sera d'autant plus agreable qu'il ne doute pas un instant de l'exactitude des recherches de M. Chevalier, et que, d'apres l'echantillon d'un calcaire qui vient de lui etre soumis , il s'empresse de reconnaitre que si le falun repose en Touraine sur cette roche, elle appar- tient bien evidemment a une formation lacustre. C'est un calcaire siliceux perce de nombreuses pholades. Du reste la question a laquelle M. Chevalier vient defaire faire un grand pas en se trouva.nt d'accord avee des obser- leurs qui ont publie a ce sujet des travaux recents, sera tres-probablement decidee dans les excursions geologiques que la section doit faire incessamment. La lecture du memoire de cet honorable membre souleve plusieurs discussions. On demande quelle est la position geographique et hypsometrique des falunieres. M. Chevalier expose que ces depots marins se trouvent a Manthelan , a cent metres au-dessus du niveau de la Loire , pris a l'etiage du pont de Tours; a Ferriere-Lareon , a la meme hauteur; enfin a Semblancay et a Savigne, a soixante-dix metres au- dessus de la Loire. On les retrouve encore au nord de Blois ct a Pont-le-Voy. II est fort probable que ces depots appar- liennent a la meme epoque geologique, car les debris pa- lo^entologiques offrent de grandes analogies. La difference de niveau est due a un soulevement posterieur du sol, peut- etre au soulevement des Alpes principales, dirige du N.-E. au S.-O., et dont les ondulations souterraines du gres vert en Touraine semblent etre la consequence. Du reste, il n'y a pas d'aulre trace d'unc action volcanique. 270 congres scientifique de France. Contrairement a ces idees , M. Porcher avait dit que les depots de faluns appartiennent a des bassins separes : il ajoute, en preuve, qu'a Louhans les coquilles sont brisees , tandis qu'a Mantlielan elles sont tres-bien conservees. A cela , M. Chevalier repond que, sur les cotes de l'ocean des faluns, les coquilles ont bien pu etre brisees par le choc des vagues sur les rochers , tandis qu'a une certaine distance des cotes elles ont du parfaitement se conserver. Quant a la position relative des faluns, une discussion s'engage entre M. Chevalier et M. Giraudet. M. Giraudet a ecrit dans son cours de geologie que ces sables coquilliers appartiennent au premier terrain marin du bassin de Paris, et sont superieurs seulement a l'argile plastique du premier terrain lacustre. M. Chevalier pretend que les faluns sont au moins superieurs au deuxieme terrain lacustre, et il apporte a son appui des preuves irrecusables. Partout, dit M. Du- jardin, les faluns sont superieurs au calcaire lacustre : on y trouve des fragments de ce calcaire roules ou cribles de pholades. L'opinion de M. Dujardin est appuyee par d'autres faits. M. le comte de Tristan, president, declare avoir vu des frag- ments de ce calcaire lacustre remplis de pholades et offrant des debris de paludines et de planorbes. M. Porcher dit aussi avoir toujours observe, que les faluns sont superieurs a ce calcaire. Enfin, M. Chevalier, qui a visite recemment les faluns , a vu de ses propres yeux le calcaire lacustre recouvrir le fond des falunieres comme un veritable pavage, et il rappelle qu'a Pont-le-Voy on observe une des falaises de l'ocean des falunieres percee de coquilles lithophages. En raeme temps , il fait circuler entre les mains de l'audi- toire un fragment de calcaire pris au fond des falunieres de Louhans et rempli de pholades. Ce calcaire est reconnu par tous les membres de la section comme un calcaire si- liceux. Or ce calcaire siliceux appartient au deuxieme ter- rain d'eau douce : telle est l'opinion des plus habiles geo- logues , et de M. Giraudet lui-meme. Les faluns sont done postericurs au moins au deuxieme terrain lacustre, car d'autres considerations developpees par M. Chevalier dans QUINZ1EME SESSION. 27 1 un memoire particulier tendent a demontrer que ces cal- caires siliceux appartiennent au troisieme etage lacustre. A la fin de la seance, M. Blondeau et M. l'abbe Chevalier sont nommes, a l'unanimite, secretaires-adjoints de la section des^ sciences naturelles. Seance dtt G geptembre. Presidence de M. le comte de Tristan. MM. Blondeau et Brame, secretaires. La seance est ouverte a neuf heures. M. le secretaire Petelard donne lecture du proces-verbal de la seance precedente. Cette lecture donne lieu a quelqucs observations de la part de M. Porcher, qui vient ajouter de nouveaux faits a l'appui de Topinion qu'il a emise sur les faluns de la Touraine. M. le president donne la parole a M. l'abbe Chevalier, qui se propose de traiter la septieme question du pro- gramme, ainsi concue : « A quel etage des terrains tertiaires « faut-il ranger les calcaires d'eau douce qui se montrent sur « plusieurs points d'Indre-et- Loire. » M. Fabbe Chevalier s'exprimc ainsi : Messieurs, Les terrains d'eau douce, assez developpe's en Touraine, ne sont qu'une extre"mit6 de ceux qui couvrent presque entierement, avec une e'paisseur bieu plus grande, la Beauce et l'Orleanais. Leur ^paisseur varie de i?2 metre a 15 met-'es au moins; ils s'e- tendent sur les plateaux, les plus ele- vds, et descendent presque au niveau des rivieres dans quelques points, comme a Cormery, a Chatillon-sur-Indre. Leur superposition sur la for- mation d'argiles et de Poudingues se laisse voir dans toutes les tranchees des coteaux, ou elle est e'vidente. Les terrains lacustres occupent en Touraine environ la cinqnieme partie 272 C0NG1H3S SCIENTIFIQUE DE FRANCE. dii department. Us se montrent surtout entre le Cher et I'Indre, depuis le Liege jusqu'a Esvres et Villandry; ilscouvrent les fertiles cantons tie Cor- raery, de Tours-nord, de Neuilie-pont-Pierre et de Neuvy-le-Roi, etc., et ils sont principalement exploites a la Membrolle, a Villandry et a Cinq- Mars-la-Pile comme silex meulieres. Ces meules jouissent d'une reputa- tion meritee, et s'exportent au loin. Le calcaire d'eau douce compacte forme aupres d'Athee un banc consi- derable, d'oii Ton a tire" toute la pierre employee a construire le beau pout de Tours, de 1765 a 1777, et une partie des rez-de-chausse'es de la rue Royale, en 1777. Ce terrain repose constamment en Touraine sur les argiles tertiaires, de"- pourvues de fossiles propres, et caracte>isees seulement par la presence des zoophytes Tenant de la craie et change's en silex. II est impossible, dans l'etat actnel de la science, de determiner a quel etage tertiaire appartien- nent ces argiles. On ne sait m&me pas si elles sont de formation marine on de formation lacustre. Elles ne pr&entent point de lignites, comme les argiles plastiques du premier terrain d'eau douce de Paris; mais, comme ces argiles, elles servenl a la fabrication de la faience, des carreaux blancs et des pipes, et les gres qu'elles contiennent sont exploits comme moel- lons et comme paves. Ces m^mes argiles n'ont aucun rapport avec le pre- mier terrain marin {calcaire grossier et sables coquilliers marins), ni avec le second terrain lacustre (calcaire siliceux, gypse a ossements et marnes d'eau douce), qui constituent le second et le troisieme etage du bassin tertiaire de Paris, et il est tout a fait impossible de les rapporter a ces formations Eoceniques. Mais elles ont des points frappants de simili- tude avec les gres et les sables marins de Fontainebleau, qui constituent le quatrieme etage des terrains de sediment superieurs ; de m^me que ces premieres couches de la periode miocene de Lyell , elles presentent des minerals de fer abondants, employes dans les hauts fourneaux de Chateau- la- Valliere, de Poce, de Preuilly et de Luce, et les gres sont identiques dans les deux formations. Ces argiles peuvent done, jusqu'a plus ample informe, etre rapportees aux argiles plastiques du premier terrain lacustre, ou aux gres marins de Fontainebleau. On voit des lors qu'il est assez difficile de determiner rigoureusement a quel etage tertiaire il faut attribuer nos calcaires lacustres. Jusqu'a pre- sent, la question n'a point ete tranchee par les geologues, et e'est pour tacher de l'eclaircir un peu, que nous publions ces observations. Dans ce but, nous allons examiner les divers caracteres geologiques de ces terrains, et nous demanderons des lumieres nouvel'.es a I'ingenieuse thoorie des soulevements. Les caracteres mineralogiques, etudies avec soin, ne nous apporteront aucune lumiere. En effet, dans certaines localites, comme a Lonhans, les QUINZIEME SESSION. 275 calcaircs lacustres sout tellement impregn^s de silicc, qu'ils ressemblent a de vtSritables gres. L'^cbantillon que nous avons eu I'honneur de faire pas- ser sous vos yeux, il y a quelques jours, en est une preuve convaincante, et ne peut laisser aucun doute a cet 6gard. Or, ces calcaires siliceux sont rapportes par tous les g^ologues au deuxieme e"tage lacustre du bassin de Paris. D'un autre c6te", ces memes calcaires se montrent, comme ceux du troisieme etage lacustre, compactes ou caverneux, et recouverts de silex et de meulieres poreuses, privees de coquilles. On a done autantde motifs pour les rapporter a l'etage superieur qu'a l'e'tage moyen. Les caractercs paloeontologiques ne nous jetteront pas dans une moindre perplexite". Eneffet, outre les Cyclostomes, les Paludines (2 especes), les Pupa, les Helix, et les graines de Chara (Gijrogonites medicaginulo) , qui ne sont point caracteristiques, ces calcaires offrent le Planorbis lens, la Lymncea longiscata, et la Lymncea ovum, que M. Brongniart avait assignees comme caracteristiques du terrain lacustre moyen. Malheureu- sement, dans toutes les locality ou gisent ces fossiles propres au deuxieme terrain d'eau douce, se trouve melange le Planorbis cornu, que M. Bron- gniart avait e"galement assigne", comme fossile exclusif, au troisieme Ctage lacustre. Ces fossiles ne peuvent done donner aucune indication precise sur l'age de nos calcaires lacustres en Touraine, et ils semblent prouver qu'il ne faut pas attacher une trop grande valeur a leurs indications, puis- que des mollusques, regarded jusqu'ici comme caracterisques de deux for- mations bien diffe>entes, se retrouvent dans la meme localiti, et dans la meme formation. D'ailleurs, il est impossible de reconnaitre ici deux sta- ges distincts, et quoique les silex et les meulieres se trouvent ge'nCralement sur les plateaux, tandis que le calcaire descend jusqu'au niveau des ri- vieres, ces deux roches se tiennent d'une maniere trop intime pour qu'on puisse leur attribuer an age different, et les sdparer arbitrairement en deux formations distinctes. Les caracteres stratographiques ont pu seuls jeter quelque jour sur une question si obscure, maisils n'ont point leve" toutes les difficultds. M. Des- noyers, qui a suivi les calcaires lacustres superieurs, en allant de Paris vers le bassin de la Loire (Annales des sciences naturclles, fdvrier 1828), regardait les terrains de Touraine comme une extension de ces calcaires , mais il ne considCrait pas ce fait comme absolument demontre". En 1822 , M. Brongniart emettait une opinion contraire dans sa Descrip- tion gMogique des environs de Paris, p. 283. « 11 serait possible, di- « sait-il , que dans cette direction le terrain sableux interme'diaire de Fon- « tainebleau eiit disparu , et que les deux terrains d'eau douce se fussent « deposes 1'un sur l'antre sans couche marine intermediaire. » Mais cette supposition ne suffirait pas encore, il faudrait admeltre en meme temps que nos argiles tertiaires correspondent aux argiles a lignite du bassin de Paris ; ce qui est loin d'etre demontre. II faudrait admeltre 274 CONGRES SC1ENT1FIQUE DE FRANCE. qu'aprcs ce d^pdt un soulevement porta la Touraine au-dessus des eaux , et l'empecha de recevoir les sediments marins du calcaire grossier. Or, aucune trace de ce soulevement pr^tendu, etdu reste, absolument neces- saire dans l'hypothese de M. Brongniart , n'est restee sur la surface du globe; aucun redressement de couches n'est signale" a cette e'poque. Cette theorie, inadmissible a tantde titres, est en opposition avec les observations stratographiques de M. Desnoyers, desquellesil semblere'- sulter que les calcaires de Touraine sont la continuation de l'etage supe- rieur du bassin de Paris. Appuy6 sur toutes ces observations, nous oserons proposer une autre hypothese. Nous croyons done que le soulevement des Pyrenees, qui eut lieu apres le depot de ia craie supe>ieure , porta toute la Touraine au-dessus des eaux, et que notre province resta ainsi emerged jusqu'apres la formation du deuxieme terrain d'eau douce. Alors s'ope>a dans la Corse et dans la Sar- daigne un soulevement , dirige* du nord au sud , lequel replongea dans rOce"an , pendant la pe>iode miocene et la pe>iode pliocene , une grande partie de la Touraine pour recevoir d'abord une nappe d'argile et de pou- dingues, analogue aux gres marins de Fontainebleau. M. Elie de Beaumont regarde en effet ces deux ddpdts comme analogues et paralleles. Au-dessus de ces argiles se seraient successivement de"pos6s les calcaires lacustres supe*rieurs , et les faluns qui appartiennent a la molasse. Nous croyons que cette theorie sera accueillie avec quelque bienveillance par le monde savant. Elle n'est point en contradiction avec les faits, puis- que , d'apres nos observations, les calcaires locustres de Touraine peuvent egalement etre rapportes a l'etage moyen et a l'etage supe>ieur. Au con- traire, elle s'appuie sur l'unite" bien constante du ddpot , sur la presence bien caractenstique des meulieres poreuses sans coquilles, sur le melange des fossiles de deux epoques , et surtout sur les observations stratogra- phiques de M. Desnoyers. Tandis que l'hypothese de M. Brongniart con- tredit les faits, et n^cessite Taction de soulevements qui n'existent pas, la notre se plie aux lois de soulevements bien constates , et n'exige point l'intervention de forces chimdriques i nous la croyons done plus simple et plus vraie. 11 est possible que nous nous triompions , mais nous soumettons avec confiance cette theorie nouvelle au jugement d'une assembled si sage et si savante. HU1TIME QUESTION, < Le lit des fleuves et des rivieres ne s'exhausse-t-il pas dans « la proportion de la masse de sables e\ de galets qui est charriee i imr lews eaux ? QU1NZIEME SESSION. 275 La parole est a M. de Sourdeval qui presente sur cette question un memoire dont la lecture a ete reportee a la seance generale de ce jour (Voir ci-dessus, seance generale du 8 septembre). Un memoire de M. Hauy est ensuite presente, il est concu en ces termes : 1° Effets ge'neraux produits , a la surface du sol , par les mux en mouvement. Messieurs , Quelle que soit la nature des eaux en mouvement , elles ne sauraient jamais produire que deux effets sur le sol qu'elles suivent , savoir ; Yaf- fouillementet Yensablement ou atterrissement ; mais, quelles que soieut aussi les circonstances dans lesquelles ces eaux se meuvent , elles produi- sent toujours l'un de ces deux effets qui succede constamment a l'autre , suivant des periodes plus ou moins longues, de'pendantes de causes plus ou moins nombreuses. Et si, dans bien des cas, on rencontre des berges ou des fonds de rivieres ou de fleuves , des cdtes ou des plages au bord de la mer, etc., qui semblent n'e'prouver aucune action sensible de la part de l'eau plus ou moins mobile qui les baigne, c'est que les lieux observes se trouvent dans un etat de transition , dans un passage plus ou moins lent de l'affouilletnent a l'atterrissement . ou du second effet au premier : et cet Ctat intermediate parait d'autant plus stable que la pe"riode dans laquelle s'est passe* le premier phenomene a 6t6 plus longue. II en est d'ailleurs exactement de meme pour toutes les fonctions qui croissent lentement pour dScroltre ensuite ; en les repr&entant par des courbes , on voit bientdt qu'aux maxima ou minima ces courbes se con- fondent encore sensiblement avec leurs tangentes, pour des differences considerables entre leurs absices. Ainsi , en suivant les rivieres, les fleuves et les cdtes , on ne voit a chaque pas que deblais et remblais opCre^s par les eaux : au milieu des plaines les pluies produisent les memes effets, de sorte que les sommets des plus baules montagnes sont sujets aux affouil- lements, aux desagregations me*caniques, tout commeles points les plus profonds des oceans sont ceux vers lesquels tendent en definitive les atter- rissements les plus dloign^s. Mais dans ce trajet, qui presente une sorte de repos au changement de loi pres des plages maritimes , ou finissent les affouillements , et ou com- mencent les atterrissements ? Plustard nous verrons qu'on psut arriver 276 CONGRES SCIENTIFIQUE BE FRANCE. d'unc maniere satisfaisante a la connaissance de celtc limile, qui pour- taut, ainsi que je l'ai ddja dit, n'est pas invariable. 2° Des conditions dans lesquelles il faut puiser Us observations les plus concluantes. Si Ton prenait au hasard un point quelconque d'observation , soil sur une riv'6re ou un fleuve , on n'obtiendrait dvidemment qu'un resultat par- tiel, et local depourvu de toute ge'ne'ralite' , attendu que les causes pcrlur- batriccs des affouillements ou ensableraents sont extremement nombreuses. Dans un fleuve , par exemple, tous les affluents qui s'y jettent amenent a cbacune de leurs crues de grands cbangements dans le regime des eaux fluviales, et par suite dans le mouvement des terres qu'elles portent ou deposent. Cette influence est reciproque, et cbaque crue du fleuve produil, plus ou moins loin dans la riviere, un remou qui enmodifie a son tour le regime normal. II est vrai qu'apres le confluent du dernier cours d'eau qui s'epancbe dans un fleuve , les cboses se passent avec moins d'irre'gularite' ; mais cependant, si le fleuve debouche dans une mer soumise au flux et reflux , alors un autre ordre de complication se prdsente, et la encore il est presque impossible de ddpouiller le pbe'nomene a e"tudier de toutes les causes etrangeres au fond de la question : on voit toujours, dans ce cas, que sur une longueur plus ou moins grande le courant du fleuve est tantot dans un sens et tantot dans l'autre, suivant que la mareo monte ou des- cend , etc. D'apres tout ce que je viens de dire, il est facile de voir que pour bien eludier la question des atterrissements du lit des fleuves , on doit choisir de preference la partie comprise entre le dernier affluent et 1'embouchure, et surtout ne prendre pour exemple que des cas oil cette embouchure s'epancbe dans une mer sans maree : e'est le seul moyen d'eliminer un 3° Observations generates sur les atterrissements au fond des fleuves. Quand les eaux pluviales tombent sur la surface de la terre, une partie s'infiltre sous le sol , pour former les sources de toute nature : une autre, qui ruisselle a l'exterieur, donne naissance aux torrents. Enfin , la plus petite portion est r&luite en vapeur, car l'evaporation ne se passe sur une dcbelle assez vaste pour former les nuages qu'autant que la surface de l'eau reste en contact avec I'air, ainsi que cela peut avoir lieu dans les ri- vieres , les lacs et la mer. Mais , a la chute de la pluie , la repartition des eaux totales en eaux de filtration et en eaux ruisselantes est variCe dans des proportions infinies. En effet , supposons un sol parfaitement impermeable , comme serait, par exemple, une masse compacte de rocher, il est evident alors que toute l'eau QUINZIEME SESSION. 277 pluviale resiera au dehors , la plus tegere infiltration etant absolument impossible. D'un autre cote, admettons , comme limite extreme, une per- meabilite' parfaite du sol , ainsi que ce serait a pen pres le cas avec des sables siliceux a l'&at de purete" :1a, le contraire aura lieu ; c'est-a-dire que l'eau pluviale s'infiltrera en totality , sans qu'il en ruisselle la moindre partie a Texterieur. Dans ces deux circonstances , opposees l'une a l'autre, nous n'aurons aucune trace de debris mCcaniques du sol transported a la surface par les eaux de pluie : d'une part, en ce que ce sol est trop compacle, et de l'autre, parce qu'il est trop permeable. II doit done exister, et il existe en effet un certain degre" de perme'abilite des terres soumises a Taction erosive des pluies , qui procure , pour une certaine surface donnCe, un maximum de volume de matiere enlevee au sol : il y a meme plus , e'est que Tangle sous lequel le sol se trouve dis- pose" joue encore un role fort important dans le phenomene g£n£ral d'e>o- sion. Avec un peu d'attention il est facile de se rendre compte de ce qui se passe quand , pour une perm^abilite" connue , on fait varier Tangle que forme la surface du sol avec Thorizon. On voit bientdt que pour procurer le maximum de matieres enlevees a un sol de perme^abilite' donne'e , il faut que la surface de ce sol fasse un angle d'autant moindre avec Thorizon que cette permeability est elle-m6me plus faible. Les terres ainsi enlevees au sol par les eaux pluvialessont versees dans les torrents , les rivieres et les fleuves, pour etre porters ensuite, en tout oil en partie , a la mer, qui a son tour s'en empare pour employer dans son sein les nombreux matenaux qui lui arrivent des plaines et des mon- tagnes. Par ces transports continuels , nous voyons les plateaux et les flancs des montagnes s'abaisser, et avec eux la partie supe>ieure des lits des rivieres et des fleuves, ainsi que les sources; car dans ces lieux eleves les cours d'eau prdsentent toujours assez de rapidity pour que les enablements ne soient que passagers. Et si nous supposons le regime d'un ileuve suffisam- ment regie" , nous verrons encore les terres transporters jusqu'a la mer, former a chaque crue des depots plus ou moins considerables en dehors, mais pres de son embouchure. Mais comme les vagues ramenent incessam- ment ces depots pour les etendre le long de la plage, il s'ensuit que le fleuve s'alonge a son embouchure, tandis que d'un autre cote" sa partie supe"rieure s'abaisse ; double cause qui tend constamment a reduire la pente du fond. Et cette reduction est d'autant plus sensible qu'on s'ap- proche davantage de Tembouchure. II ne faut pas perdre de vue a ce sujet que la coupe verticale d'un cours d'eau naturel donne une courbe dont la convexite est toume"e vers le has , et assez semblable a un arc de para- bole. L'action dc la mer, combinee a cellc des affouillements superieuts , ten- 48 278 CONGRES SCIENT1FIQUE DE FRANCE. dent done toutes deux a require les pentes et a determiner des ensablements dans le fleuve m6rae et vers sa parlie inferieure ; de la le soulevement du fond et les inondations dans les parties voisines de l'embouchure , ordinai- rement plates et ouvertes. 4° — De rombroniet du Don. Formation des marais infe'rieurs, ou au niveau de la mer. La nature des dep6ts qu'un fleuve transporte est aussi varie'e que son volume. Et sous ce double point de vue , je ne connais par d'exemples plus remarquables que ceux que pr&entent YOmbroni ct le Don. Le premier de ces fleuves transporte par an environ six millions de metres cubes de depdts , tres-habilement employe's par les ingenieurs du gouvernement Toscan a relever le fond des marais de Castiglione . Ces depots sont tenus en suspension dans les eaux du fleuve, et, reduits a Mat de siccite, ils ont pr^sente dans de grandes ernes extraordinaires jusqu'a 0,115 du poids total de l'eau ; le minimum est a peu pres 0,003, et la moyenne de 7 a 8 centiemes. L'Ombroni est maintenant deverse tout entier dans les marais , au moyen de deux canaux de derivation , epauies chacun a leur prise par un barrage dans le fleuve; l'un de ces canaux au-dessus de Grasseto , et' l'autre au-dessous. On fait, ainsi continuer au fleuve ce qu'il avait com- mence' , et la ca«se du mal est maintenant devenue le remede ; car il n'y a pas le moindredoute que les marais de Castiglione ne sont que des atterris- sements imparfaits , provenant des depdts du fleuve , Pousse's vers la cote par les vents remnants, qui sont du S.-O. au N.-E. Du reste, le lit de TOmbroni , completement abandonne' par ses eaux a partir du second bar- rage , n'est pas tres-sensiblement releve ; et cela se concoit , puisque l'etat de suspension dans lequel se trouvent les .depots ne leur permet de se pr^cipiter qu'a la faveur d'un decroissement tres-conside'rable de Vitesse, qui, dans aucun cas, ne saurait exister dans l'inte'rieur n»6rne du lit du fleuve. De semblables marais, forme's par les atterrissements des grands cours d'eau , se pre'sentent toujours comme consequence imme"diate des affouillements dans la partie superieure. Le Don ofire un caractere tout different de TOmbroni : ses eaux sont rarement troubles , et cependant les dep6ts marchent d'une maniere ef- fravaute. C'est son fond tout entier qui, litte'ralement, coule avee ses eaux, et cela mthne dans l'etat normal : ce fond , compose de sables , avance ainsi vers la mer d'Azoff ; la les vagues etendent les alluvions sur les cotes, en les poussant plus particulierement vers le nord, attendu que les vents remnants sont du sud. Pierre le Grand a fait construire plusieurs bricks de guerre a Voronidgc : ces navires descendaient le Don , a la verite sans mats et sans charge , et de plus ils etaient legerement souleves par des alleges placees de droite et QUINZ1EME SESSION. 279 de gauche. Mais cela permet toujours de supposer, sans exag^ration, qu'a cette dpoque il y avait une hauteur de deux metres et demi au moins dans tout le cours du fleuve. Un peu plus d'un siecle s'est passe" , et le Don n'offre plus inaintenant que la profondeur normale qui convient a peine a des barques qui tirent moyennement de 35 a 40 centimetres d'eau , etc. Tout prouve que depuis un siecle le fond du Don a considdrablement renionte sur une tres-grande portion de son cours , et a partir de son em- bouchure , qui depuis longtemps a laisse Azof/ derriere elle , Azoff qui e"tait un port de mer. Mais d'un autre cote aussi tout demontre que la masse d'eau qui passe a Mat normal a diminuC , tandis que les inonda- tions ont augrnente en intensity. Ces variations sont justement attributes aux dCfrichements et a la destruction des forests. Le delta du Don , qui s'avance a grands pas vers Taganrog, achevera de rejeter completement ce malheureux port en dehors de toute navigation : d£ja depuis longtemps le bassin de Pierre le Grand, ou une fregate armde pourrait encore se tenir a flot , est envelbppd de sables de facon a permet- tre de faire le tour de ses mdles a pieds sees; e'est exactement la r£p6ti- tion de l'antique port de Rome, que les atterrissements du Tibre ont con- verti en un petit lac. Le Don, poussant toujours ses sables en avant, parviendra jusqu'au Bosphore cimmcrien qui lui servira d'embouchure ; maisalorsle port de Kertsche sera comble et toute la mer d 'Azoff convertie en un enorme ma rais, dont le Palus pulridus (la mer pour rie des Russes) donne depuis les temps antiques un bien triste exemple. Les sables du Kouban, ne trou- vant plus la place ou les vents remnants les poussent maintenant (ils en- trent dans la mer d' Azoff en longeant la cote de Phanagarie et Tamau), s'accumuleront avec ceux du Don, pour former de nouveaux atterrissements qui se trouveront refoules alors vers Theodosie, etc., etc. C'est a peu pres ainsi , quoique sur une dchelle moins vaste , que se forment tous les marais infe>ieurs. 5° De I'endiguement desjleuves vers leurs embouchures. A mesure que le fond d'un fleuve se releve dans le voisinage de son embouchure , les ddbordements deviennent plus frequents. Mais aussi , ces eaux , toujours plus ou moins vaseuses , versus sur un terrain ordi- nairement vaste et plat , s'etendent lentement et avec une perte de vitesse considerable ; d'oii il resulte qu'a la limite de l'inondation moyenne , l'eau arrive parfaitement limpide ; e'est-a-dire que tout le limon qu'elle con- tenait s'est depose" sur le sol, entre le bord du fleuve et cette me'me limite. Et comme d'un autre c6te la quantite" relative de ddpot est en raison de l'epaisseur d'eau repandue sur le sol , et du temps employe dans le par- cours , il s'ensuit linalement que l'epaisseur tolale du sediment , si faible CONGRES SC1ENTIFIQUE DE FRANCE. qu'elle soit d'ailleurs, va en d&roissant depuis le bord du fleuve jusqn'a la limite de l'inondation. Enfin, si Ton admet que le m6me phdnomene de de'bordement se repete un grand nombre de fois, on verra line veritable lev fa de depots border le lleuve, et cette levde aura une pente vers les terres : cette sorte de digue naturelle sera bientot capable de s'opposer aux inondations de faibles hau- teurs, tandis que les grandes crues parviendront seules a la franchir en formant des breches plus ou moins larges accompagne'es d'affouillements plus ou moins profonds. Cependant, tout etant rentre* dans un £tat normal, la main de l'homme se sera appliqude a combler ces breches afin de retablir la digue ainsi qu'elle etait avant l'inondation : et un semblable travail aura e'te' un ve'ri- table triomphe pour l'homme, a une epoque surtout ou l'art Ctait encore dans l'enfance. Tel est tres-probablement l'origine de l'endiguement arti- iiciel des fleuves, qui se bornait d'abord a une simple reparation des digues naturelles. De la a un relevement general et convenable de toute la digue il n'y avait qu'uu pas ; mais l'idee premiere 6tait fournie par la nature elle- meme. 11 resterait a savoir maintenant jusqu'a quel point, c'est veritablement l'liomme qui triomphe de la nature, dans l'endiguement des grands fleuves. Cette question nous conduirait en dehors du sujet propose ; mais il est plus que probable qu'en l'examinant en ddtails, nous trouverions que l'endi- guement, ainsi qu'dn le pratique vulgairement, ne fait qu'eluder, sans faire disparaitre, des calamites partielles et passageres ; qu'il les accumule sourdement pour en former, plus tard, un de'sastre general, dans l'accom- plissement duquel la nature, loin de perdre le moindre de ses droits, dc- vient au contraire, cbaque annde, de plus en plus forte. Qu'on me passe la comparaisou; cela est exactement comme un compte qu'il faut finir par payer, mais en totalite et avec tous les intdrets accumule's. Au reste cette facon de voir est, a peu pres, celle de M. de Gasparin, et si ce savant celebre avait tout aussi bien dcrit sur l'endiguement du P6 que sur celui du Rhone, il n'y a pas le moindre doute qu'il ne se fut pro- nonce d'une maniere encore plus absolue contre un systeme qui me'rite toute l'attention possible. Le Po, qui, jecrois, est le fleuve le plus anciennement endigue, presenfe aussi le type le plus effrayant quant a la hauteur de son lit au-dessus des plaines qu'il traverse : chaque crue jette les habitants des contre'es infe"- ricures dans la plus grande consternation ; le mal semble empircr pour ainsi dire de jour en jour, et il inquiete d'autant plus, qu'il parait impossible d'en attaquer la cause qui est le de"boisement des parties supCrieures. Voici cependant, en peu de mots, ce qui me semble praticable, dans ce cas desespere, comme dans tous les analogues qui pourraient se presen- ter. Ce serait d'ope'rer un dragage du fond du lit, combine' avec des irri- QUINZIEME SESSION. 281 gations s^dimenteuses conduites avec toute l'intelligence possible, dans les plaines infeneures : par la, d'abord, le fond du fleuve serait abaisse, et en- suite les plaines environnantes se trouveraient releve'es. Ce serait un tra- vail long, mais qui cependant donnerait promptementd'heureux re'sultats. Le dragage ne devrait pas etre conduit a la maniere ordinaire ; il fau- drait bien se garder d'elever les terres extraites du fond, pour les trans- porter ensuite au loin ainsi que cela se pratique dans tous les travaux de ce genre. On se bornerait a substituer a toutes les hottes des deux chape- lets de chaque machine a draguer, les grapins qu'on emploie ordinaire- ment, en nombre plus ou moins grand, pour preparer et remuer le fond que les hottes doivent enlever, quand il est trop consistant. Par ce moyen, le travail me'canique employe a faire l'ouvrage n'est pas un vingtieme de celui qu'il faudrait d'apres la methode ordinaire, et cependant le but est parfaitement rempli : les grapins remuent les sables, les soulevent, et le courantqui les a apportes, les remporte de nouveau ; ils sont ainsi pouss^s jusqu'a l'embouchure du fleuve, et la, la mer s'en charge comme de tout ce qui lui parvient. On comprend que les machines a draguer doivent etre moins puissantes que de coutume, et qu'on doit les faire tourner beaucoup plus vite, en ayant soin, toutefois, de ne pas trop enfoncer les grapins dans le sol ; en definitive il faut avoir eu soin d'e'tablir au fond du fleuve un courrant d'alluvions aussi confirm que possible, ce qui n'a lieu qu'en lui donnant une faible epaisseur. Peut-etre, et cela semble tres-proba- ble, que le courant du fleuve pourrait s'employer comme force matrice des dragues. Si je propose ce moyen avec tant de coniiance, c'est que je l'ai utilise* moi- m6me avec beaucoup de succes, il y a environ 25 ans et dans des circons- tances beaucoup plus difficiles que celles-ci, puisqu'il e^lait question d'un dragage a la mer : la r6ussite la plus complete est venue couronner un essai, qui, depuis, a £te definitivement adopts comme mdthode normale. Mes tentatives a ce sujet ont eu lieu sur la barre de sable soumarine qui, formant le prolongement de la langue de Kimbourne, arrive au pied H'OlschaJioff. Dans l'espace de moins de trois semaines, le travail d'une machine a draguer de la force de 10 chevaux , toute garnie de grapins, est parvenu a couper cette barre pour la premiere fois ; le tirant d'eau de 4 a 5 metres a 6t6 porte* jusqu'a pres de 8, et un vaisseau de ligne, construit dans les chantiers de Nikolaoff, a pu partir du Dniepre sans le recours des chameaux : c'etait la la grande question qu'il fallait r&oudre. Depuis cette e^poque ces monstrueuses machines ont ete d^molies et complete- ment abandonne'es dans les chantiers de YIngoule. 6° Coupe en travers de deux cours d'eau voisins, qui dtbouchent dans une m&me valUe. J'ai parle, au commencement de cette note, de la limite entre les affouil- 282 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. lements et les atterrissements, sur le m6me fleuve r d'apres tout ce que nous avons vu pr£c£demment, la counaissance de cette limite, qui pr£- sente plus d'un genre d'inte>et, se determine avec la plus grande facility, et une suffisante exactitude, suivant cette condition toutefois, que le fleuve nesoit pas endigue\ Admettons un cours d'eau naturel, descendant dans tine vallee ouverte, pour aller se jeter a la mer ; ainsi que nous l'avons vu plus haut, les bords de ce fleuve seront releve"s vers son embouchure , c'est-a-dire dans toute la partie soumise aux inondations, et h partir de ces bords, le terrain ira en s'abaissant de droite et de gauche, Si nous supposons maintenant un second fleuve, debouchant dans la meme valine, nous aurons encore pres de ses bords des pentes semblables aux premieres et provenant egalement des d6"p6ts forme's par les inondations : de sorte qu'entre les deux cours d'eau le sol pr^sentera toujours une depression ou une baisse, qui, rigou- reusement parlant, devra donner naissance a une sorte de thalveg, se re- levant pres de la mer, ou, dans ces sortes de terrains , une ligne de dune occupe toujours le bord de la plage. D'un autre c6te , on voit qu'en general , entre deux cours d'eau voi- sins, il existe toujours une crete; et en effet, si nous remontons entre les deux fleuves en question , nous trouverons bient6t une crete , mais alors, nous serons en dehors du champ des atterrissements. On pent done dire qu'entre deux cours d'eau naturels il existe une crSte , partout oil le sol est qffouille; et qu'au contraire e'est une baisse qu'on trouve entre les deux fleuves, la oil il existe des atterrissements ; et ceci, re- marquons-le bien en passant , est un des caracteres distinctifs des marais infeneurs. Le point cherche, ou la limite des deblais et des remblais , serait done, entre deux fleuves, celui oil la crete se confond avec le thalveg secondaire, ou intermediaire ; et pour chacun des cours d'eau en particulier , le lieu oil l'inondation commence a s'^pancher en descendant dans la plaine; puisque e'est la en meme temps que, pendant la crue, une diminution dans la Vi- tesse de l'eau determine la chute des sediments transported par le fleuve, et par suite le relevement de son fond. Des etudes tres-etendues sur diff£rents marais, entre autres ceux de Pes- tum , de Fondi, les marais Pontins, ceux d'Astia, de Castiglione , etc. , et l'lle de Camargue justifient pleinement cette maniere de voir. Le cadre de cette note , et le peu de temps dont le congres peut dispo- ser, ne me permettent pas de m'etendre plus en detail sur cette matiere. CONCLUSIONS. On peut done admettre, en general, que le lit des fleuves et des rivieres s'exhausse en rapport des masses de sediments charrUes par lews QMNZIEME SESSION. 285 eaux; mate aussi il faut ajouter que ces masses de sediments s'accrois- sent par le de'laissement des parties supCrieures des pays qui versent lews eaux dans les rivieres ou les Jleuves ; et qu'enfin Vendiguement des parties inferieures des Jleuves , en s'opposant a la libre marche des sediments vers V embouchure, determine dans le litmeme,une plus grande masse de depots que si les digues n'existaient pas , ve qui , en definitive , accroit encore le relevement dufond. HAUY, lng&nieur civil, inspecteur divisionnaire en Russie. (Extrait d'un travail inedit sur le dcssechement et l'assai- nissement des marais). Aix, aotit 1847. Apres la lecture de cet interessant memoire, la seance est levee. Seance iln 9 Septembre. Presidence de M. le comte de Tristan. M. Vabbe Chevalier, Secretaire. A neuf heures la seance est ouverte par la lecture du proces-verbal de la seance precedente de la premiere sec- tion , la lecture de ce rapport ne donnant lieu a aucune ob« servation , le docteur Brame a la parole pour lire le proces- verbal de la seance precedente de la sixieme section. Ala suite de cette lecture M. le president donne la parole au docteur Giraudet qui s'est fait inscrire pour le develop- pement de la premiere question du programme de la section des sciences naturelles ainsi concue : « Trailer du progres , de Vetat actuel et de Vavenir de la geologic » Pour pouvoir embrasser tout son sujet, l'auteur de ce memoire distingue plusieurs periodes dans l'etude de la geologie : la premiere periodecst celle des hypotheses, la seconde celledel'obscr- vation, enfin la troisieme periode , qui n'est a proprement 284 CONGRES SCIENT1FIQUE DE FRANCE. parlcr que la continuation de la premiere, est ce que l'au- teur nomme periode d'etude. Nous ne suivrons pas M. Gi- raudet dans le developpement des faits et dans Fexposition des diverses doctrines qui ont successivement regne dans la science, nous ne pourrions qu'affaiblir l'impression qu'a produite sur les membres de la section la lecture de cet in- teressant travail dans lequel la profondcur des recherches, la finesse des apercus se trouvent rehausses par 1'eclat du style. D'ailleurs la section ayant manifesto a l'auteur le desir d'entendre une seconde lecture de ce memoire en seance publique, je me trouve par la meme dispense d'une tache dont il m'auraitete difficile dem'acquitter, meme en suivant de fort loin le savant autcur du travail dont il est question. Ala suite du rapport de M. le docteur Giraudet, M. Wasse de Saint-Ouen, prend la parole sur la premiere question du programme des sciences physique et mathematique, et qui avait ete ajournee; cette question est ainsi concue : 4° Du sy steme de propulsion sur les chemins de fer par le moyen de la pression atmosphe'rique. Discuter les avantages et les inconve'nients des differ ents systemes essayes ou publies en les comparant au sy steme de propulsion par les locomotives. Apres un examen fort circonstancie des avantages et des inconvenients que presentent differents moyens de loco- motives employes de nos jours, M. Wasse conclut en ces tcrmes : « La s^curttc du voyageur serait une cause de preference, pour l'emploi « de la pression atmosphe'rique ; raais la defense au moins double em- « pfichera toujours les actionnaires d'ex^cuter des entreprises deja fort dis- « pendieuses par elles-memes et qui le deviennent encore plus par la sur- « vcillance tres-active qu'elle exige pour empecher l'air de rentrer dans le « cylindre conducteur. Au premier coup d'ceil, on pourrait croire qu'il (i existe un grand avantage a employer les deux systemes dans lesquels les « forces motrices ne sont pas en partie employees a trainer les locomo- « tives, mais quand on tient compte des forces perdues dansle systeme « des machines fixes et des machines atmosphenques , on en revient a « l'emploi des locomotives, qui surtout peuvent 6tre avantageusement em- « ployees sur de longues lignes de chemin de fer, dont la multiplication QUINZIEME SESSION. 28fi « sur un meme train peuvent faire franchir des pentes de plusieurs A la suite de ce memoire une conversation s'engage sur les avantages et les inconvenients que presentent quelques systemes de propulsion qui n'ont pas ete examines par l'au* tcur du precedent memoire, tels, en particulicr, que le sys- teme a aircompiime de M. Andraud, etlemode adopte par 1c marquis de Jouffray, et que Ton peut nommer systeme a .engrenage, qui consiste en une longue bande en fonte et placce sur le milieu de la voie, et dans laquelle vient en- grener une roue uentee adaptee a la locomotive, Ce systeme presente l'avantage de pouvoir monter des pentes tres-ra- pides, mais il offre le grave inconvenient de communiquer des secousses a la locomotive, lorsque les roues n'engrenent pas exactement dans la bande de tole, et les dents de cette dcrniere se trouvent bientot usees, ce qui augmente consi- derablement les frais d'installation des chemins de fer. M. de Lussay, qui se trouve assister accidentellement a la discussion, annonceala section qu'un ingenieur anglais du plus grand merite qui a dirige successivement la construc- tion d'un grand nombre de chemins de fer, et qui est main- tenant employe au dessechement de la mer de Harlem , se trouve actuellement a Tours, et qu'il se fera un plaisir de communiquer a la section les faits que lui a appris sa lon- gue pratique et les reflexions qu'il a ete a meme de faire sur un sujet qui fixe d'une maniere toute speciale Tattention des membres dela sixieme section. M. de Lussay est prie de faire savoir a l'ingenieur anglais que tous les membres de la section des sciences mathematiques et physiques seront heurcux d'entendre les developpements que cet habile pra- ticien voudra bien leur communiquer surun sujet qui inte- resse si vivement Tavenir des chemins de fer, qui n'ont pas encore atteint tout le degre de perfection auquel ils doivent tendre, afin d'assurer la securite des voyageurs qui exige encore des garanties negligees dans un grand nombre de cas. M. Vabbc Laval prend la parole sur le meme sujet, et pro- 286 C0NGRES SC1ENTIFIQUE DE FRANCE. pose de remplacer l'emploi de la vapeur dans les machines par Taction du vide, ce qui aurait pour resultat de trans- former les machines a vapeur en machines atmospheriques. M. 1'abbe Laval est dirige surtout, dans sa proposition, par le desir de contribuer a diminuer les chances d'accident que peuvent faire courir aux voyageurs ces enormes fournaises qui les precedent et souvent les suivent de maniere a les placer en quelque sorte entre deux feux. Si la disposition du mecanisme propose par M. 1'abbe Laval etait aussi pra- tique que ses intentions sont genereuses , nul doute que son systeme ne fut adopte a l'instant par les ingenieurs; mais il est a craindre qu'il se soit abuse sur le merite d'une inven- tion qui ne parait pas avoir ete suflisamment etudiee par son auteur. A la suite de cette discussion , M. le president donne lec- ture des n03 9 et dO du programme des sciences naturelles. M. Tassin prend la parole sur le 9e paragraphe , ainsi concu : c Est-il avantageux pour I 'etude de la botanique d' adop- ter le nouveau systeme de classification propose par M. Bron- gniart? » M. Tassin pense que ce systeme est preferable a celui de MM. de Jussieu et Candolle , surtout lorsqu'on l'envisage sous le rapport de Tenseignement pratique. II conduit plus facilement , dit-il , a la connaissance des plantes ; et c'est surtout ce qu'on doit rechercher lorsqu'on commence l'e- tude des vegetaux. Apres quelques mots echanges entre M. le comte de Tristan et M. Tassin, on passe a la question lle du programme, ainsi concue : « La connaissace des deux forces vegetates nom- « me'es par M. Dutrochet endosmose et exosmose est-elle suscep- « tible de recevoir des applications dans Vart horticole? »> M. Brame , se fondant sur des experiences deM. Boucheri, qui est parvenu a impregner les bois de matieres capables de les colorer, et sur des recherches re'centes de M. Decaisne relatives a la grcffe des herbes , pense qu'il ne serait point impossible, au moyen de dissolutions d'une nature parti- culiere, de communiquer d'une maniere permanente aux fleurs des vegetaux des couleurs autres que celles qu'elles possedent naturellcment. II s'appuie sur ce fait, constate QMNZIEME SESSION. 287 par de rccents voyages, que les Chijiois en mangeant cer- taines substances parviennent a communiquer a leurs che- veux une teinte noire permanente , ce qui est une grande beaute dans ce pays , et ce qui serait dans le notre une connaissance fort precieuse pour ceux qui cherchent a faire disparaitre les ravages du temps. M. le president donne lecture du 12e paragraplie, ainsi concu : « Dresser pour le departement ftlndre-et'Loireuncata- « logue raisonne des plantes dont les especes ou les genres lui « appartiennent eocclusivement. » La seance est levee. Seance du 8 Septembre* Presidence de M. le comte de Tristan. M . Blondeau de Carolles , secretaire. La seance est ouverte a 8 heures du matin. La lecture du proccs-vcrbal de la precedente seance ne donnant lieu a aucune observation, M. le president donne la parole a M. Blondeau de Carolles, pour la lecture d un memoire sur les fermentations. DES FERMENTATIONS. On dit qu'une matiere orgauique est en fermentation lorsque, abandonee a elle-meme,elle subit spontanementun changement dans sa nature, et que, par suite de cette modification, ses e"le"ments s'unissent entre eux de ma- niere a donner naissance a des produits nouveaux. Le corps qui prend naissance dans l'acte de la fermentation , le re'sidu en quelque sorte de cette operation possede presque toujours des proprie'- tes differentes de celles de la substance qui lui ont donne" naissance; et il peut en general etre repr^sente dans sa constitution par les e^ments de la 288 congres scientifique de France. mature fermentescible dont quelques-uns des principes se sont dddoublds et transformed en matiere pfus simple. Une substance organique ne peut pas ge'ne'ralement se modifier d'elle- meme, sans la presence d'un corps auquel on donne le nom de Ferment. Ainsi, du sucre peut se conserver indeTmiment sans changer de nature alors meme qu'il a e"te mis en dissolution dans l'eau, si on ne \ient a ajou- ter une matiere organique capable de determiner la fermentation. Quel est le role que joue le ferment dans cette operation , en vertu de quelle force de'termine-t-il le mouvement des molecules de la matiere fermentescible? Fournit-il quelques-uns de ses elements a cette substance , ou bien est-il simplemeut spectateur des ph^nomenes qu'il determine par une action de presence ? Voila des questions qui sont enveloppees d'un voile bien dpais, que nous chercherons a soulever en employant simultandment les mCtho- des qui ont dte mises sdpare'ment en pratique par les diffdrents observa- teurs, c'est-a-dire que nous ferons a la fois usage du microscope et de l'analyse, et nous suivrons ainsi pas a pas les modifications qui s'accom- plissent au sein des liquides soumis aux experiences. L'homme a su de tout temps determiner la fermentation des substances organiques, car l'usage des liqueurs ferment^es remonte a peu pres a l'o- rigine du genre humain, mais ce n'est que depuis fort peu de temps qu'il s'est occupy de rechercher ce qui se passe dans un ph^nomene qui joue un si grand role dans les modifications auxquelles la matiere peut se preter et dont l'industrie a su tirer un si heureux parti. Leuwenhoek est le premier qui ait fait usage du microscope dans l'^tude des fermentations : ce futen 1680 que ce savant put, a l'aide de cet in- strument , constater que la levure de bierre Ctait composee de globules dont il attiibuait l'origine a ceux de la farine employee dans la confection du mout de bierre. Plus tard, M. Cagnard - Latour , etudia, a l'aide du meme instrument, la fermentation alcoolique et fit cette remarque impor- tante que les globules du ferment possedent la propri^te' de germer et de multiplier pendant la fermentation. Ces resultats furent confirmed par les travaux que M. Turpin entreprit sur le meme sujet; mais aucun de ces chimistes n'a dtendu ses recherches jusqu'aux autres genres de fermenta- tions, et personne n'a suivi, le microscope a la main, ce qui s'accomplit au sein d'un liquide dans lequel se produit la fermentation visqueuse , ou bien encore les fermentations butyrique , lactique , ace"tique , urinaire, C'est cette lacune que nous allons chercher a combler, et ce me"moire est destine" a faire connaitre les re"sultats dont nous sommes redevables au puissant instrument qui permet a l'homme d'aller e"tudier l'organisation a l'instant meme oil elle apparait sous les formes les plus simples. Quelle est la cause qui determine une matiere organique a fermenter? Telle est la question qui a longtemps pre'occupe' et qui preoccupe encore les chimistes. On connait parfaitement les conditions necessaires a la fer- QTJINZIEME SESSION. 289 m entation ; on sait qu'a une temperature assez elevee et a un degre d'hu- midite' convenable il faut joindre Taction d'un ferment , substance sur la nature et le mode d'action duquel on est loin d'etre d'accord. Suivant les uns, le ferment est d'origine animale , il se compose d'une quantity in- nombrable de petits animalcules qui , dans l'acte de leu r respiration, emet- tent des torrents d'acide carbonique. Suivant d'autres, les globules du ferment auraient une origine purement vdgetale , et cette derniere opinion , basdesur des faits bien observes, nous parait etre la veritable ; mais elle ne suffit pas pour rendre comptedes modifications que le ferment fait eprou- ver au sucre, car elle ne nous dit pas comment il se fait qu'un ve'ge'tal pos- sede la propria de transformer cette substance en alcool et acide carbo- nique. Dans ces derniers temps M. Mislcherlich", sans se prononcer sur la na- ture des globules du ferment, a e'mis l'opinion que ces globules transfor- ment le sucre en alcool et acide carbonique par une action catalytiquc. Nous aurons a examiner dans la suite de ce memoire si 1'opinion du cd- lebre cbimiste Allemand doit etre admise, et s'il est ndcessaire de recourir a une force exceptionnelle pour expliquer des faits qui ont leur explication toute naturelle dans les forces qui president au ddveloppement des etres organises. 11 arrive souvent que dans des conditions en apparence identiques a celles qui d&erminent la fermentation alcoolique, cette fermentation n'a plus lieu et est remplace'e par une modification d'une autre nature a la suite de laquelle on observe que le sucre s'est e'ebange' en acide lactique, cc qui a fait qu'on a donne" a ce mode de changement le nom de Fermen- tation lactique. Cette fermentation se produit souvent dans les fabriques ou Ton traite le jus de betteraves par la levure de bierre, dans le but de transformer le sucre que contierit le jus de cette plante en alcool. On pcut encore faire nattre artificiellement ce mode de fermentation a l'aide de procCdCs nombreux qui ont etd indiques par MM. Boutron et Fremy dans l'interessaut memoire qu'ils ont publie" sur ce sujet. Lorsque la fermentation alcoolique se determine dans un jus sucre", on observe que ce jus a toujours une reaction acide. Si on vient a neutraliser l'acide que le liqnide contient, la fermentation change de nature et au lieu d'alcool ou d'acide lactique, on obtient de l'acide butyrique. Ainsi M. Pe- Iouze en ajoutant a de l'eau sucrde, du caseum et du carbonate de chaux a obtenu comme rdsultat de la fermentation de l'acide butyrique combine" a la chaux. Le savant auteur de eette ddcouverte a donnd a ce mode de transformation de la matiere organique le nom de Fermentation buty- rique. 11 y a quelques annees j'eus 1'occasion d'observer que sous rintluence du caseum, et de certaines circonstances particulieres le sucre se trans- 200 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. forme immMiatement en acide ace'tique, et j'ai donne" a cette fermentation le nom de Fermentation ace'tique. J'ai vu tout r6"cemment non plus le sucre, mais le case"um , matiere organique neutre et azotee setransformer sous certaines influences en un corps gras. Ce fait tout nouveau dans la science nous a porte a donner un nom nouveau a une modification qui n'avait pas encore Cte entrevue. Nous avons appele" ce changeraent pour des matieres neutres azote'es , Fermen- tation adipeuse. L'urine abandonnee a elle-meme ne tarde pas a e'prouver une modifica tion : a la place de l'uree que Fanalyse y decouvre a l'instant de son emis- sion, on y trouve, apres quelque temps de repos, du carbonate d' ammo nia- que qui s'est forme- sous l'iufluence des causes semblables a celles qui modifient les matieres sucrCes : on a donne- le nom de Fermentation uri- naire au changement qu'eprouve dans ce cas la matiere neutre azotee, que Ton designe sous le nom de l'ure'e. Nous nous proposons d'examiner les differentes especes de fermenta- tations, que nous venons de mentionner ; et, en Ctudiant ainsi successive- ment les modifications imprimees aux matieres organiques neutres, nous pourrons nous convaincre qu'elles sont toutes dues a une seule et meme cause, au developpement d'un vegetal mycodermique qui a besoin pour croitre d'une partie des elements de la matiere organique, et qui, apres s'etre empare' de ces elements , laisse ceux qu'il n'a pu s'assimiler, soit parcequ'ils sont reunis dans une forme trop stable pour que l'acte de la vegetation fut capable de les desunir, soit que ces produits ne fussent pas assimilables. Dans cette maniere de voir, la fermentation n'est plus un fait isole, s'appliquant seulement a la decomposition que le sucre dprouve lorsqu'on le met en presence de la levure de biere, c'est une reaction qui devient g^n^rale et dont la vegetation est la cause. Ce dCveloppement de germes veg^taux latents, que nous avons pusuivre dans toutes les matieres en fermentation, s'observe dans un grand nombre de matieres organiques en dissolution ; c'est ainsi que nous i'avons vu se produire sur l'acide gallique, le tannin, le sulfo-cyanure de potassium, le benzoate, le succinate d'ammoniaque, les tartrates, oxalates, citrates de potasse et d'ammoniaque, et une foule d'autres substances organiques. L'Ctude des cryptogames qui se de"veloppent dans ces diverses circon- stances, l'examen des modifications qu'ilsfont e'prouver aux substances sur lesquelles ils se forment, nous occupent depuis longtemps : un jour nous ferons connaitre les effets si remarquables de ces vegetations qui viennent cbanger les rapports existant entre les molecules ; mais pour le moment, nous nous bornerons a signaler ce qui arrive dans le cas des fermentations ordinaires, et des a present nous sommes en mesure de formuler une loi geueiale relative aux causes qui determiucnt les fermentations. QUINZ1EME SESSION. 291 Nous disons qu'une substance est ferment escible toutes les fois que par sa nature elle est propre a favoriser le developpement du germe d'un ve- getal mycodermique , qui l'accompagne toujours, et qui a besoin pour croitre d'acide carbonique et d'ammoniaque et quelquefois de corps gras. Les veg^taux posse'dent la falculte" de former ces corps necessaires a leur existence aux depens des elements des substances fermentescibles. Par suite de cette vegetation les substances neutres azotees et non azo- tees, telles que le sucre, la caserne, eprouvent un mouvement dans leurs molecules qui les determine a se reunir alors sous une forme utile au dc- veloppement du vegetal, et ce mouvement se transmettant aux autres subs- tances reagissantes produiten elles des changements isomeriques. Nous pourrions des a present, en faisant l'etude des diverses fermenta- tions que nous avons signages, reconnaitre que notre formule s'applique a tous les cas ; mais avant d'examiner chacune des fermentations en parti- culier, nous allons enoncer quelques principes que nous avons constates par experience et qui nous.ont servi de guide dans l'interpre'tation des pheno- raenes. 1° Toute fermentation est precddee du developpement desgermes vegd- taux au sein meme du liquide tenant en dissolution des matieres succep- tibles de fermenter. Ces v6"getaux sont quelquefois en si grand nombre qu'ils rendent le liquide visqueux et produisent ce qu'on est convenu de nom- mer la fermentation .visqueuse. Le resultat de cette vegetation est en general la formation d'un acide qui augmente en quantity au fur et a me- sure du developpement du vegetal mycodermique. 2° Les germes vegetaux qui se trouvent unis a la maliere organique et font fonction de ferments sont d'especes tres-variees, et ils se developpent ou restent inactifs suivant que le milieu dans lequel ils se trouvent plonges est contraire ou favorable a leur developpement. Chacun de ces vegetaux est capable de determiner une fermentation particuliere. 3° Encore, bien que les vegetaux qui se developpent dans les difterentes fermentations soient de nature diverse, leur composition est presque tou- jours la meme : ce sont des vegetaux azotes et les elements qui les consti- tuent sont le carbone, l'oxigene, l'hydrogene, l'azote, unis a peu pres dans les memes rapports que ceux qui constituent les matieres azotees neutres, telles que l'albumiue. Le carbonne introduit dans le vegetal est le resultat de la decomposition de l'acide carbonique, l'hydrogene et l'oxigene pro- viennentde l'eau, l'azote est le resultat de la decomposition de l'ammo- niaque. Ces principes sont fournis aft vegetal, les uns aux depens des ma- tieres sucrees, les autres aux depens de la matiere azotee neutre et par suite l'une et l'autre de ces substances eprouve un changement dans leur nature. Les principes que nous venous d'enoncer ne sont que l'expression des faits que nous avons eu l'occasion d'observer. CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. 1° Toute fermentation est pre'ce'de'e et accompagnee du developpemcnt d'une quantite" innombrable de germes vegetaux qui d'abord apparaissent sous forme de globules, lesquels se de'veloppent et s'allongent pour donner naissance k des tiges et d'autres fois se reuuissent sous forme globulaire pour former de fausses membranes qui ne sont que la reunion d'une quantite presque infinie de ce3 germes. Si Ton met en presence, de maniere a ce qu'ils puissent r^agir l'un sur l'autre, du petit lait et du sucre, et qu'on examine le liquide au bout de quelques jours, on voit qu'il est devenu tellement visqueux qu'on peut re- tourner le vase sans re"pandre son contenu. En examinant au microscope une goutte de ce liquide on de"couvre qu'elle renferme un nombre conside- rable de globules isole's et de tiges tres-de"veloppees qui s'enchevetrent les unes dans lcs autres et communiquent au liquide celte viscosity qui accom- pagne presque toujours un commencement de fermentation. Lorsque le mycoderme qui se forme dans l'inteneur du liquide est parvenu a son en- tier de'veloppement , alors il se porte vers la surface pour y consommer le dernier acte de son existence vegetative, et enlrer en pleine fructification ; alors on le voit se recouvrir d'une poussiere tantot blanche , tantdt colo- red qui est forme'e par l'accumulation des sporules du cryptogame. Le liquide reprend sa limpidite" et en le soumettant h l'aualyse cbimique on reconnait qu'il possede une reaction acide due , soit a de l'acide acetique , soit a de l'acide lactique ou butyrique, suivant l'espece du vegetal qui s'est developp6 dans son interieur. Dans quelques cas l'acide est rem- place par une matiere neutre , la mamiite, dont la composition ne differe de celle des acides que nous venons de nommer qu'en ce qu'elle contient plus d'hydrogene. La production dun acide est le rdsultat de la vegetation d'un mycoderme, mais en gene'ral une reaction acide est une condition essentielle au prompt developpement de ce vegetal. Ainsi, nous avons eu l'occasion d'observer que lorsqu'on fait re"agir le sucre et le petit lait il s'etablit aussitdt au sein de ce liquide une vegetation puissante et au bout de quelques jours, le peuicillium glaucum a parcouru toutes les phases de son existence en mo- difiant profondement les substances qui ont concouru a son de'veloppement; tandis que si on rend le petit lait alcalin en y dissolvant du carbonate d'am- moniaque, la fermentation ne peut plus s'y £tablir, et ce n'est qu'apres un laps de temps assez long qu'on voit se d^velopper quelques-uns des germes qui, sans cette circonstance, auraient bient6t envahi le liquide. Un fait qui se raltache a la fermentation visqueuse , est la modification qu'eprouvent quelquefois les vins et a la suite de laquelle il perdent leur limpidity et deviennent filants. Cette maladie des vins est due au ddvelop- pement dans leur int^rieur du peiiicillium-glaucum dont la vegetation est activee par la presence de l'albumine vegetale qui se trouve en exces au milieu d'un liquide peu riche en alcool. QUINZlEME SESSION. 293 L'acide resultant des diverses fermentations n'est quelquefois que le pro- duitd'un simple changement isome"riqne dans la substance fermentescible ; d'autres fois il r£sulte de l'addition d'une certaine quantite d'oxigene a Tune des substances rdagissantes. En effet, la vegetation d'un mycoderme a toujours lieu aux depens de l'acide carbonique et de Pammoniaque qui se ddcomposent dans l'interieur m6me du vegetal, lequel s'empare du car- bone et de I'azote, et rejette l'oxigene qui se porte alors , soit sur l'hydro- gene de l'ammoniaque, soit sur l'une des substances re'agissantes, et la transforme de corps neutre qu'elle etait en un acide. Le degagement du gaz provenant de la vegetation du mycoderme se constate facilement lorsque la liqueur eprouve la fermentation visqueuse ; car, lorsqu'on vient a plonger dans le liqnide en fermentation une baguette en verre, une partie de la substance s'y attache entrainant avec elle une grande quantite- de petites bulles de gaz, qui sont fixdes aux tigelles du vegetal repandu dans l'interieur du liquide et que Ton recommit facile- ment pour de l'oxigene (1). Quant a l'hydrogene qui provient de la decom- position de l'ammoniaque et de la fixation de I'azote dans le cryptogame, tantot il combine l'oxigene ou bien se degage, tantot il se fixe sur l'une des substances re'agissantes, ce qui a lieu dans certaines fermentations dans lesquelles on recueillela rnannite en grande abondance, ou enfin il se de- gage ainsi que cela a lieu dans la fermentation butyrique. 2° Le nombre des germes mycodermiques qui accompaguent une sub- stance neutre azotee est toujours fort grand, et, en outre, ces germes sont de differentes especes. Ainsi, dans la Ievure de biere on peut, a l'aide du microscope, reconnaitre deux sortes de germes bien distincts : le Tor- vula Cervisiee et le Penicillium glaucum. Les germes du Torvula se mul- tiplient avec une grande rapidile, mais ils ne poussent point de tiges, ils ne se developpent pas sous forme de rameaux. Le Penicillium glaucum, au contraire, se multiple d'abord sous forme de globules; mais bientdfc ces globules s'allongent, se reunissent et forment des arborescences. On peut constater de plusieurs manieres la difference du mode de developpe- ment de ces deux especes de germes. Nous avons place sur une lame de verre une goutte d'eau sucre^e, a laquelle on avait ajoutd un peu delevurc de biere, et nous avons mis celte lame dans un lieu obscur et bumide. Au bout de peu de jours les germes du Penicillium s'e'taient developpdes sous forme de rameaux et avaient recouvert la lame de verre d'une vegetation blanche et floconueuse ; quant aux germes du Torvula ils s'e- taient multiplies, mais ils n'avaient point donnc naissance a des rameaux. On pent separer ces deux especes de germes par le lavage et la filtration de la Ievure. Les globules du Penicillium etant beaucoup plus petits que (l) Le degagement du gaz oxigene dans l'acte de la vegetation a deja etc constate par les experiences de MM. Ch. ct A. Morren (Memoircs de l'Academic de Bruxellcs , 18/|1), ct par M. Liebig. 19 294 CONGRES SC1ENTIF1QUE DE FRANCE. ceux du Torvula passent au travers du filtre, tandis que ces derniers res- tent sur le liltre. Si on prend le liquide qui a passe a la filtration et qu'ou le mette en rapport avec de l'eau sucree, on voit se developper dans ce liquide les rameaux du Penicillium et la fermentation lactique remplace la fermentation alcoolique. Quant aux globules qui sont Teste's sur le iiltre, lorsqu'on les met en presence de l'eau sucrde, ils determinent a l'instant meme la fermentation alcoolique. Si Ton prend du caseum et qu'apres l'avoir intimement melange a tie l'eau sucree on abandonne ce melange a lui-meme , on observe au bout de peu de temps a sa surface un grand nombre de veg&aux mycodermiques d'es- peces differentes. Au nombre de ces vegetaux se trouve en premiere ligne le Penicillium, puis, apres, un mycoderme blanc forme par la reunion d'une masse de globules qui se groupent sur de petites tiges, enfiu un myco- derme qui se recouvre de petits spirules verts. Ce dernier mycoderme est souvent accompagne d'un cryptogame de couleur rouge-orange' qui nou&a presente les caracteres de I'Oidium Aurantiacum. On peut, en changeant la nature de la reaction du liquide au sein duquel s'opere la fermentation , modifier completement les produits qui tendent a se former en favorisant ou retardant le de'veloppement de tel ou tel myco- derme. Ainsi,sous certaines conditions, l'eau sucree en presence du caseum devient bientot acide par suite du developpernent du Penicillium glaucum qui se de\reloppe dans son interieur et change le sucre en acide lactique. Dans d'autres cas, c'est le Mycoderma vini qui prend naissance, et alors le sucre se change en acide acelique. 3° Nos observations out port6 principalement sur quatre vegeHaux mycodermiques, le Torvula Cervisiae , le Penicillium glaucum, le Peat- cillum globulosum et le Mycoderma vini. Encore, bieu que nous nous soyons trouve dans l'impossibilite de faire une analyse complete de cha- cun de ces vegeMaux , nous avons pu constaler, par un procede tres-sim- ple, qu'ils ctaient tous azotes; il nous a suffi , apres les avoir desseches, de les calciuer dans un creuset d'atgent, apres y avoir ajoute un peu de potasse pour senlir une odeur ammouiacale fortement piononcee; et d'ailleurs la presence de l'ammoniaque elait rendue sensible a i'aitle du papier de Curcuma. En faisant intervenir les reactions chimiques sous le microscope, c'est-a-dire en desagregeant les filets rameux du Peni- cillium a 1'aide de l'acide sulfurique, on trouve que les articles qui com- posent ces filets sont formes d'une double enveloppe dont la partie supe- rieure otTre les propri&es de la cellulose , tandis que la cavite tabulaire presente les caracteres des substances azotces. La plupart de ces mycoder- mes sont difficilement attaques par les icactifs et sous ce rapport Us ressemblent a la cellulose. Ainsi, l'acide azotique les colore en jaune sans les desagreger, la potasse meme bouillantene les dissout pas d'une maniere sensible, et l'alcool parait sans action sur quelques-uns, tandis qu'il fait coa- QUWZIEME SESSION. 295 guler certaius autres et leur communique une apparence glutineuse et les rend elastiques a tel point qu'on peut les direr en ills. Les Elements de ces divers vegelaux ont dii etre empr miles aux matieres en fermentation, car ces vegCtaux se forment alors meme qu'on soustrait les liquides a l'influence de l'air, et Ton ne doit pas s'etouuer des modifications que subissent les substances rdagissantes. La vegdtation des cryptogames mycodermiques se de'veloppe sous les memes influences que celle des ulves, des conferves , en un mot des vege- laux inferieurs qui prennent naissance au milieu de l'eau : or, en etudiant la nature des gaz que degagent ces v^gCiaux, on y trouve de l'oxigene ct de l'liydrogene (aiusi que Ton constate MM. Morre et Liebig) ; le premier de ces gaz provenant sans aucun doute de l'acide carbonique dont le carbone a etc fixe-, le second, de 1'ammoniaque dont l'azote s'est combine aux ele- ments de la plante. Ces gaz se trouvanta l'Ctat naissant sont dans les con- ditions les plus favorables pour entrer en combinaison , aussi l'oxigene doit-il tendre a acidilier les corps neutres avec lesquels il est en rapport ou bien a se combiner a l'liydrogene pour douner naissance a de l'eau : dans le cas oil cette derniere combinaison n'a pas lieu, l'liydrogene peut se por- ter sur un autre corps et donner naissance a une substance bydroge'ne'e ou bien rester a l'Ctat de liberie. Cn peut resumer en un tableau les differenles reactions qui s'accornplis- seut au sein des liquides en fermentation. Fermentation alcoollque. Acide carbonique, aux depends du sucre. Ammoniaque, idem de 1'albumiue. Oxigene et hydrogene se combinent et torment de l'eau. Alcool, aux depends du sucre. Degagement d'acide carbonique. Fermentation lactique. Acide carbonique, aux depends de la matiere neutrc azolee. Ammoniaque, idem. Hydrogene et oxigene se combinent. L'acide lactique provient du sucre. Dans quelques cas la reaction change de nature. L'liydrogene se porte sur le sucre et le transforme en maunite. L'oxigene se porte sur la substance neutre et l'acidihe. Point de degagement de gaz. 296 CONGRES SClENTIFiQUE DE FRANCE. Fermentation acelique. Cette fermentation est semblable a la prdcddente, settlement le ehange- ment isomdrique du sncre a lieu sons une autre forme. Point de ddgagement de gaz. Fermentation butyrique. Acide carbonique, aux depends du caseum. Ammoniaque, idem. Acide butyrique provient du caseum oxide. Ddgagement d'acide carbonique provenant du carbonate de chaux. Le sucre se transforme en acide lactique et acdtique. Quelquefois l'hydrogene s'y combine et le change en mannite. Ddgagement d'hydrogene provenant de 1'amraoniaque. Fermentation adipeuse. Acide carbonique fonrni par la matierc azotee neutre (caseum). Ammoniaqne idem. Oxigene et hydrogene se combinent pour former de l'eau qui s'attache aux tiges du cryptogame. Point de ddgagement de gaz. Fermentation urinairc. Acide carbonique fourni par l'urde. Ammoniaque idem. Le sucre se change en acide lactique. L'oxigene et l'hydrogene se combinent. Point de ddgagement de gaz. Actuellement que nous connaissons sous quelles conditions les fermen- tations se dcterminent et quels sont les produits qui prennent naissance, nous allons passer en revue les differentes especes de fermentations el nous verrons se confirmer les resultats que nous avons annoncds. FERMENTATION ALCOOLIQUE. La fermentation alcoolique se ddtermine en general en faisant reagir sur de l'eau sucrce de la levure de biere : c'est cette derniere substance que You considdre comme la cause determinante de la transformation du sucre quwzieme session. 297 en alcool et acide carbonique. Elle meritait par consequent de fixer en premier lieu notre attention. L'examen microscopique et chimique de la levure de biere nous a appris que cette substance doit e-tre considered comme une matiere orgar.ique neutre et azote'e ayaut la plus grande analogie avec I'albumiue et la caserne, et contenant les germes de deux especes de mycodermes, dont l'un se trouve en nombre immense sous forme de globules spberiques et diaphanes et qui se multiplient avec line grande rapidity , mais qui demeu- rent tonjours a l'etat d'isolement et ne forment point, en s'unissant de tiges, ou de rameaux. Le diametre de ces globules est 1/1 00e de millimetre. La fermentation alcoolique est le resultat de la multiplication de ces globules, qui forment autar.t de pelits vege'taux auxquels on a donne le nom de Torvula Cervisice. I^autres globules que Ton rencontre au milieu de ceux du torvula sont beaucoup plus petits ; ils atteignent au plus 1/400* de millimetre. Ce sont les germes du Penicillium glaucum, dont le de'veloppement suit celni du Torvula Cervisise, et qui petit transformer en acidelaclique le sucre qui n'apase'te' detruit par la premiere fermentation. Nous avons pu faire succe'der a la fermentation alcoolique la fermenta- tion lactique en faisaut reagir 30 gr. sucre, 10 gr. ferment , 200 c. d'eau , la temperature du milieu ambiant dtant de 25°. La fermentation alcoolique s'est aussitot determined dans la masse, et au bout de deux jours, aiors que nous n'avons plus apercu aucun d£gagement de gaz , nous avons examiue le liquide, dont la reaction £lait tres-faiblement acide, et qui contenait encore du sucre et une certaine quantite d'alcool , ainsi qu'il nous a (He facile de nous en assurer en absorbant l'eau par du carbonate de potasse et communiquant 1'inflainmation au liquide suruageant le carbonate. Une fois ce resultat obtenu nous avons laisse le liquide abandonne a lui-meme, et nous n'avons pas tarde a voir se d^velopper dans son interieur les tiges nombieuses du penicillium en meme temps qu'il prenait une reaction et une saveur de plus en plus acide. En meme temps le sucre disparaissait ; et enftn, apres quinze jours d'expe'rience, le liquide fillre ne contenait plus de traces de sucre , ce dernier etait complement transforme en acide lactique. Nous avons deja eu l'occasion de dire comment on peut separer les deux germes qui se trouvent dans la levure de biere , et determiner dans une liqueur sucrde avec l'un d'eux la fermentation alcoolique et avec l'autre la fermentation lactique. M. Turpin, ayant en occasion d'observer le de'veloppement du penicil- lium dans un liquide qui avait subi la fermentation alcoolique, crut que les globules du ferment pouvaient se transformer en ceux du penicillium : e'est une erreur du meme ordre que celle qui avait fait croire a ce micro- graphe que les globules du lait se transformaient en globules du Penicil- lium. 298 CONGRES SC1ENTIFIQUE DE FRANCE. Pour en revenir aux globules du Torvula cervisife, nous dirons que nous avons suivi avec soin la serie de leurs transformations. Nous avons re- marque" en premier lieu que lorsque le ferment est en train de se regene>er, les globules paraissent s'agiter dans tous les sens ; ils deviennent de plus en plus volumineux , et produisent de petits appendices qui demeurent pendant quelque temps attaches k 1'utricule mere ; ils y prennent un cer- tain accroissement , puis s'en detachent pour vivre isoiement et donner bien(6t eux-m6mes naissance a de nouveaux globules. Les globules du fer- ment se multiplient ainsi a tel point que le brasseur retire souvent du cuvier dans lequel il fait fermenter le sucre provenant de l'orge germe sept a huit fois plus de levure qu'il n'en a introduit. La levure de biere u'est pas la seule substance qui puisse determiner la fermentation alcoolique : il existe plusieurs matieres albuminoides qui jouissent de cette propriete et que Ton retrouve en particulier dans le jus du raisin. Si on examine ce jus, on trouve qu'il renferme une grande quan- tity d'albumine veg^tale au milieu de laquelle se trouvent des globules de meme forme et de meme espece que ceux de la levure de biere , qui tant qu'ils se trouvent renferm&s dans le grain de raisin et mis a l'abri du con- tact de I'air ne sauraient se developper et par suite determiner la fermen- tation. Le blanc d'oeuf, l'albumine c^r^brale contieniient encore les globules du Torvula; mais, lorsqu'ils se trouvent ainsi placed en rapport avec une ma- tiere animale, leur action est moins energique et a besoin, pour s'exercer, d'une temperature plus elevee. II est quelques substances qui arretent la fermentation alcoolique, il en est, au contraire, d'autres qui l'activent. Parmi les premieres on doit citer la cre'osate, les essences, le nitrate d'argent, le bi-chlorure de mercure. Tous ces corps ne possedent la propriety de preserver de la decomposi- tion les matieres organiques que parce qu'ils s'opposent au developpement des germes mycodermiques qui se trouvent dans le ferment. Parmi les substances qui activentla fermentation alcoolique se trouvent presque tous les acides organiques qui peuvent facilement fournir par leur decomposi- tion de l'acide carbonique; tel est, en particulier, l'acide tartrique et les composds qu'il forme en s'unissant aux bases. Le ferment qui a servi a determiner la fermentation alcoolique dans une liqueur sucree devient de moins en moins proprea produire cette fermen- tation dans d'autres liquides. C'est une suite des reactions qui s'accom- plissent pendant les fermentations et qui ont pour effet de cbauger la na- ture de l'albumine qui accompagne toujours le ferment et qui doit fournir l'ammoniaque necessaire au developpement du torvula. M. Thenard avait deja constate : 1° que la levure en agissant sur le Sucre perd de son azote; 2° que dans 1'int^rieur de tout liquide fermenle se trouvait toujours con- tenu un peu de lactate d'ammoniaque. Lorsqu'on fait fermenter du moot OUINZIEME SESSION. . 299 de biere dans la fabrication de ce liquide, le meme effet ne s'ohserve plus, parce que l'albumine vegetale fournie par l'orge germe" se trouve toujours en quantite suffisante pour servir au developpement des globules du fer- ment; etpour restituer au ferment inactif toute son eiiergie suffit-il d'y ajouter une certaine quantite" d'albumine v£g6tale. FERMENTATION LACTIQUE. Le caractere de la fermentation lactique, c'est d'etre toujours pHeftfcl de la fermentation visqueuse. Toutes les fois que nous avons vu une ma- tiere sucree se transformer en acide lactique, nous avons toujour* observe" que cette mstiere devenait le si^ge du developpement du p&iicillium glaucura, dont les tiges et les rameaux rendent le liquide si epais qu'on eprouve beaucoup de peine a le faire dcouler bors du vase qui le contient. Quelques cltirnistes avaient emis l'opinion que le sucre ne se transforme en acide lactique que sous l'influence d'une rdaction neutre ou alcaline aiddc par la presence de corps gras. II nous a 616 facile de constater que ces conditions n'etaient pas necessaires, et que la seule cbose indispensable dtaitde placer la matiere sucrde dans des conditions tclles que le p&iicil- linra glaucum put se developper avec facility. Voici dans quelles circonstances nous sommes parvenu a transformer Je sucre en acide lactique : 1B Nous avons pris 300 cc. de petit lait provenant de la coagulation d'un litre environ de lait pur. Apres avoir sdpare" le coagulum, le liquide lim- pide resultant de la filtration a 616 place dans une longue eprouvette et abandonne" a lui-meme a une temperature qui a vane" entre 22° et 25°. Nous avons suivi de jour en jour, et pendant un mois, la marcbe des mo- difications qui se sont ope"r6"es au sein de ce liquide. Au bout de quelques beures le liquide s'est trouble", et il est devenu opalin, et une goutte sou- mise a l'examen microscopique alaisse" voir un grand nombre de globules. Apres 12 heures, de repos la surface du liquide pre"sentait quelques plaques formers par l'agglomeration de ces globules. Apres 24 beures, il s'&ait pro- duit une pdlicule qui recouvrait entierement la surface du liquide dans l'inte"rieur duquel nageaient les tiges du penicillium glaucum qui donne- rent bienfcM naissance par leur reunion a un ve"ge"tal, d'une forme regu- liere, constitue" par des tiges qui partent d'un centre et rayonnent autour de ce point. Alors le liquide commence a prendre une consistance siru- peuse : lorsqu'on plonge une tige de verre, dans son inte"rieur, le liquide s'y attache et y adhere fortement. Bient6t le mycoderme se porte a la sur- face du liquide et Ton voit augmenter l'e"paisscur de la pellicule blancMtre qui recouvre le liquide, et de cette pellicule ne tarde pas a apparaitre cette ve"g6tation floconneuse et aerienne que produit le pejiicillium, alors qu'il est en pleine fructification. En ajoutant de l'alcool au liquide, les glo- 300 .CONGR&S SCIENTlFIQtfE Df FRANCE. hides qui nageaient dans son interieur se coagulent et donnent naissance a une masse glutineuse que Ton peut dtirer en fils ; cette masse, blanche a l'origine, devient jaunatre par suite de son exposition a l'air et ressemble tout a fait a de la gomme. Nous avons constate" l'existcnce de cette \6g6- tation dans toutes les fermentations lactiques que nous avons produites par les divers process qn'il nous reste a ddcrire. Apres un mois d'observation, nous avons enleve" la fausse membrane qui recouvrait le liquide et nous avons soumis ce dernier an traitement sui- vant : Apres l'avoir traite par l'alcool, nous avons sature le liquide par de la chaux? puis filtrd et concentre jusqu'a consistence sirupeuse; nous avons repris ce rdsidu par l'alcool bouillant, au sein duquel nous avons vu se prodnire par le refroidissement des cristaux de lactate de chaux. La quan- tity d'acide lactique obtenu dans cette circonstance n'a pas 616 tr&s consi- derable, car cet acide ne provenait que de la transformation du sucre con- tenu dans le petit lait, maisil nous a 6t6 facile d'augmenter la production de cet acide en modifiant legeremeut les conditions de l'expe'rience. 2° Nous avons pris 300 cc. de petit lait auquel nous avons ajoute" 40 gr. de sucre dissous dans 100 cc. d'eau, et nous avons introduit le tout dans une eprouvette que nous avons abandonnee corame prdcddemment h elle- m6me, sous l'influence d'une temperature de 22° a 25°. Les conditions dtaient les memes que dans le cas precedent, il n'y avait de difference que dans la quantity de sucre de cannes surajoutc. L'addition de cette sub- stance n'a point modifie" la nature de la fermentation, elle n'a fait que la rend re plus active; aussi le penicillium s'est-il developpC avec plus de rapidite" et d'abondance, et au bout de 24 b. le liquide etait comme coa- guld, tant la vdgdtation du pdnicillium avait 616 puissante. Une pellicule epaisse s'etait formde a la surface du liquide, et c'est dans le re'seau inex- tricable du tissu forme" par l'entrecroisement des tiges du mycoderme que se sont dlancdcs les tiges adriennes destinees a porter les germes reproduc- teurs. Le liquide examine" de jour en jour prdsente une reaction de plus en plus acide, et enfin apres un mois d'observations on l'a soumis au traite- ment prdcddemment indiqud, et nous en avons ainsi extrait 25 gr. de lac- tate de chaux. D'apres cette experience, il parait bien demontree que c'est le sucre qui donne naissance a l'acide lactique. Mais comment le penicillium a-t-il pu se ddvelopper en aussi grande abondance ? C'est sans doute a la reaction acide que cet effet est du, ainsi qu'a l'albumine qui se trouve contenue en dissolution dans le petit lait. Le sucre dprouve une transformation isome'- rique et se change en acide lactique : l'albumine cede au crjptogame Fan> moniaque et l'acide carbonique qu'elle contient, et sa composition se rap- proche alors de celle des corps gras, Ces substances son-t elles-memes ab- sorbers dans l'interieur du mycoderme, ainsi qn'on peul s'en assurer en desarliculant, a l'aidede l'acide sulmrique, ses tiges qui laissent voir alors quinzieme session. 301 dans leur interieur quelques gouttelettes de corps gras. line autre portion de ces corps se trouve oxidee par Toxigene provenant de la decomposition del'acide carbonique et sont transformed en acide butyrique, en meme temps qu'une partie du sucre se trouve change' par l'addition de l'hydro- g£ne de 1'ammoniaque en mannite. , . En examinant avec soin Ies produits de la fermentation lactique, on trouve qu'ils renferment presque toujours les substances que nous venous de mentionner, c'est-a-dire, outre l'acide lactique, de la mannite et de Ta- cide butyrique. 3° Nous avons pris un morceau de membrane seche (c'etait un fragment de la vessied'un cochon), et apres l'avoir bien lavee nous l'avons intro- duce dans un vase renfermant 30 gr. de sucre dissous dans 300 cc. d'eau. Au bout de 24 heures le liquide etait devenu visqueux, il avait pris un aspect opalin eten Texaminant au microscope nous avons reconnu, comme dans le cas precedent, que cet effet etait du a la presence des tiges du penicillinm qui commencaient meme a s'accumuler a la surface du liquide pour y former une fausse membrane de la nature de celles que nous avons deja mentionnees. Au bout d'un mois le sucre etait entierement transforme en acide lactique et la membrane avait eprouve une alteration profonde. tile avait cede une partie de son tissu dont les elements avaient servi au developpement du penicillium, et a la suite de cette modification elle avait pris un aspect rougeatre et etait devenue excessivement coriace. 4° Non-seulement le sucre est susceptible d'eprouver la fermentation lactique dans les conditions que nous venons d'enoncer, mais encore l'a- midon peut eprouver cette metamorphose. Si Ton prend,aiusi que l'a fait M. Freney, de l'orge germe, et qu'on le broie dans un mortier, et qu'apres l'avoir laisse expose pendant quelques temps a Taction de l'air, on le mette en rapport avec de l'eau, ce liquide ne tardera pas a devenir visqueux, a se recouvrir d'une pellicule formee par les tiges du penicillium, a prendre une reaction acide, en un mot k offrir les memes phenomenes que ceux que nous venons de decrire. Dans ce cas, sous 1'influence de la diastase, l'ami- don s'est transforme en sucre de raisin, et ce dernier, par Taction de Talbu- mine vegetale , s'est change en acide lactique, car c'est cet acide que Ton retrouve en abondance dans le sein du liquide, et cet acide s'est forme sous les m^mes influences que celles que nous avons precedemment enoncees. ;>" Lorsqu'on abandonne a lui-meme le jus sucre de la betterave, on voit souvent se prodoire la fermentation lactique. Cet effet est du a ce que le sue possede une rdaction acide. On peut retarder le developpement de la fermentation lactique en communiquant au liquide une reaction alcaline, et c'est le but de Toperation que Ton pratique dans les fabriques de sucre et que Ton nomme la defecation. L'acide lactique prend souvent naissance dans Teconomie animale, on le trouve en effet parmi les produits de la digestion : il se forme sans doute 502 CONGRES SCIENTIFIQTJE DE FRANCE. par suite de Taction qu'exercent les membranes animates sur les sub- stances sucre'es introduites dans l'estomac. FERMENTATION ACETIQUE. De meme que nous avons souvent vu s'e"tablir dans un liquide la fer- mentation alors qu'on s'attendait a y voir se developper la fermentation alcoolique, de meme nous avons vu la fermentation acelique remplacer la fermentation lactique alors que les circonstances exteVieures n'avaient pas 616 modifiers. C'est ainsi que nous avons vu le sucre mis en presence du casdum se transformer en acide acetique dans les conditions suivantes : on a pris un flacon dans lequel on a introduit 500 gr. de sucre en dissolu- tion dans un litre d'eau , et, aprtis avoir ajoute" 200 gr. de casdum, on a atlapte" au flacon un tube recourbe propre a recueillir les gaz , et on fit rendre l'extremitd de ce tube sous une cloche plongeant dans le mercure. L'appareil fut abandonne' a lui-m6me pendant un mois a une temperature moyenne de 20°. II ne se degagea de 1'interieur du flacon aucun gaz ; il s'etait forme" a la surface du liquide d'epaisses moisissures. Apres avoir filtre" le liquide , on retira par la distillitation une grande quantity d'acide acetique. 11 resta pour residu dans la cornue un peu de sucre incristalli- sable qui n'avait pas eprouve' de transformation en acide acetique. La fermentation acetique se ddveloppe sous l'influence d'un mycoderme d'une espece particuliere et auquel nous donnons le nom de Torvula aceti. Ce mycoderme est forme de globules ovoides qui se rapprochent l'un de l'autre, se soudent, et finissent, en serdunissant, par former une mem- brane tres-volumineuse. Les globules de cette membrane ont beaucoup d'analogie par leur forme avec ceux du torvula cervisise , mais ils en dif- ferent ence que ces derniers ne se rdunissent jamais sous forme de mem- brane. Leur mode d'action est le meme que celui du penicillium glau- cum , c'est-a-dire qu'ils ddcomposent I'albumine avec laquelle ils se trou- vent en rapport , et impriment au sucre une modification isomerique , c'est-a-dire le changent en acide acdtique. Les vins que Ton abandonea enx-memes en les laissant exposes au con- tact de l'air sont susceptibles d'eprouver deux sortes de fermentations : la fermentation visqueuse, qui conduit a la fermentation lactique, laquelle est le rdsultat du developpement du penicillium glaucum dans l'intdrieur du liquide , ou bien la fermentation acetique, qui est produite par la vege- tation du torvula aceti ; Pune et l'autre de ces fermentations n'ont lieu que lorsque le liquide contient une quantity suffisante d'albumine'vegetale, et elles ne se produisent pas toutes les fois que la liqueur renferme une grande quantity d'alcool. La fermentation acetique se dereloppe encore lorsque les amidoniers font fermenter dans Vint^rieur de cuves la farine des cerdales afin de dlcom- quinzieme session. 303 poser le gluten qu'elle renferme. lis obtiennant comme resultat de cette operation un liquide renfermant unegrande quantity d'acide antique. FERMENTATION ADIPEUSE. II est une question qui a beaucoup occupe les chimistres et les physio- logistes. II s'agissait de savoir si les matieres neutres azote'es telles que la fibrine, I'albumine, le caseum etaient susceptibles de se transformer en matieres grasses. Les opinions ont et6 fort partagees a ce sujet. Lesanciens cbimistes croyaient que le cadavre d'un animal enfoui dans un lieu hu- mide se transformait en une matiere grasse a laquelle ils donnerent le ncm degras de cadavre. Cette opinion fut adoptee parM. Berzeliusqui l'etayait d'une experience : ay ant soumis de la fibrine a Taction de 1'acide nitrique, il-crut reconnaitre que la fibrine se dissolvait en perdant de l'azote et dd- veloppant de la matiere grasse. M. Chevreul pense au contraire que le gras de cadavre provient de la graisse humaine dont il ne differe qu'en ce que dans le gras, cette graisse a etc saponifiee par l'ammoniaque. M. Gay-Lussac ayantfait une experience directe sur la fibrine vit que cette substance, soumise a la decomposition putride, laisse pour rdsidu une quantite de graisse qui n'est pas sensible- ment superieure a celle que les dissolvans peuvent en extraire a l'etat na- turel. II en resulterait que la putrefaction n'aurait pour effet que de de- truire la fibre musculaire et de mettre la graisse a nu. La queslioii de la transformation des matieres neutres azotees en corps gras etait done bien loin d'etre rdsolue, lorsque j'eus occasion d'observer une circonstance dans laquelle cette transformation a lieu d'une maniere evidente et cela dans un laps de temps peu considerable. C'est le caseum qui subit cette transformation lorsqu'on le soumet aux manipulations ne- cessaires pourle changer en fromage de Roquefort; changement qui a par- liculierement lieu pendant le sejour de ce caseum dans l'interieur de caves tres-froides, tres-humides et privees compietement de lumiere. Le caseum qui forme !a pate du fromage de Roquefort est extrait du lait de brebis dont on determine la coagulation a l'aide de la membrane rau- queuse de l'estomac des jeunes agneaux. Ce caseum est petri et depouilie du petit lait qu'il renferme. 11 ne contient pas sensiblement de matiere grasse ainsi que nous nous en sommes assure en prenant un fragment de ce fromage avant son sejour dans les caves , le faisant bouillir dans un me- lange d'alcool et d'ether, puisfiltrant le liquide, nous avons obtenu comme residu de l'evaporation de ce liquide une quantite de corps gras formant tout au plus l?200de la substance sur laquelle nous avions opere. Si au con- traire on prend un formage de Roquefort qui a sejourne seulement pen- dant 15 jours dans l'interieur des caves, en le soumettant au traitement precedent, ontrouve qu'il abandonee une quantite considerable d'un corps 304 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. gras melange a du cs£um qui n'a pas encore eprouve' d'alte'ration ; et si on n'examine le fromage qu'apres deux mois de se'jour dans l'interieurdes caves, on trouve qu'il est a peu pres complement transforme en une matiere grasse ayant beaucoup d'analogie avec le beurre, mais diffe>ant ce- pendant sous plusieurs rapports de cette derniere substance. Cette transformation d'une matiere azotee en un corps gras est encore le resultat d'une vegetation mycodermique qui se ddveloppe avec une grande e"nergie a la surface du case'um. La transformation du caseum a lieu de la circonference vers le centre et elle atteindrait difficilement ce point si on n'avait le soin de semer des germes dans 1'intCrieur du fromage en y introdnisant du pain moisi lequel est recouvert de vdgCtaux analogues a ceux qui prennent naissanee a la surface du fromage. Cette transformation d'un corps azote" neutre en un corps gras me paratt etre un fait de la plus haute importance. It est possible que cette trans- formation ait lien dans l'estomac des animaux sous l'influence d'une tem- perature elevee et de circonstances qui nous echappent encore. Peut-6tre la matiere azotee neutre ne perd-t-elle, pour se transformer en corps gras, que de l'ammoniaque qu'elle reprend ensuite au sang pour se reconstituer a l'ctat de fibrine ou d'albumine et pouvoir etre assimilee sous cette nou- velle forme. Ce qu'il y a de certain, e'est qu'un jeuue mammifere puise dans le lait de sa mere iotgs les Elements necessaires a son dereloppement et certes le lait ne contient pas de fibrine toute faite, il faut done que cette substance se forme aux depens des elements du lait. Quoi qu'il en soit, il est un fait irrecusable, e'est que le caseum, sous riufluence d'une force vi- tale, se change en \m corps gras dont nous aurons a e^tudier la nature. La fibrine se transforme egalement en corps gras sous les memes in- fluences que celles que nous venous de mentionner, mais la nature des v6- g6taux qui se de\reloppent a la surface de ce corps neutre est diffe>ente de celle que Ton rencontre sur le case'um. Au lieu du penicilliuin glaucumon voit croitre un mycoderme vert auquel nous avons donne" lenom de torvu- la viridis et qui paratt etre celui qui possede au plus haut degr£ la faculty d'operer la transformation des corps azote's neutres en corps gras. FERMENTATION RUTYRIQUE, MM. Pelouze et GeMis qui les premiers ont observe une fermentation dans laquelle il seformeun acide qui, parsa composition, se rapprochedes corps gras, operent ainsi qu'il suit pour donner naissanee a cette fermentation : ils introduisent dans un flacon qui peut rester ouvert ou ferme' un bou- ction sui-monte" d'un tube propre a recneillir les gaz : 1° Une solution de Sucre marquant 8° ou 10° au pese-sirop de Braum6, 2° Une quantity de craie egale a la moitid du sucre employe ; 3° Une quantity de case'um re- pre'sentant a l'etat sec 8 a 10 > du poids du sucre contenu dans la disso- QUINZ1EME SESSION. 305 Jution. Le sucre eprouveune premiere transformation en maliere visqueuse; a celle-ci succede la fermentation lactique et ce n'est qu'en dernier lieu que se produit l'acide butyrique. La transformation complete du sucre exige de six semaines a trois mois ; elle s'accompagne d'un degagement de gaz carbonique et d'hydrogene. A l'origine , c'est l'acide carbonique qui se de- gage; plustard, c'est l'hydrogene. Quant aux produits fixes, ils consistent en butyrate, lactate et acetate de chaux. On y trouve aussi un peu d'al- cool et une tres-petite quantity d'une matiere colorante. En ne tenant pas compte de ces deux dernieres substances qui doivent etre considered comme accessoires, MM, Pelouze et Gelis represented la se'rie des reactions qui dounent naissance a l'acide butyrique de la maniere suivante : C.2H.20i2 _ 2C«H,;0G=C8H"03,HO+4C02-!- 4 H. Sucre = Ac. lactiq. = Ac. butyriq. +■ Eau + Ac. carb. + Hyd. D'apres cette maniere d'interpreter les phenomenes, il en re'sulte que c'est le sucre qui se transforme en acide butyrique, apres toutefois etre passe par l'etat d'acide lactique, et le caseum n'intervient nullement dans cette reaction, si ce n'est comme ferment. Pour ^oir si les faits correspondent a cette explication, nous avons du suivre la marche de la fermentation. Pour cela, nous avons pris trois (la- cons d'egale capacity et dans chacun desquels nous avons introduit 40 gr. sucre, 20 gr. craie, 20 gr. caseum et 200 gr. d'eau. L'un de ces flacons a eie mnni d'un tube qui se rendait sous des eprouvettes pleiues de mercure, et etait destine* a faire connaitre la nature des gaz qui se d^gagent de l'ap- pareil aux diverses epoques de la fermentation. Le second et le troisieme furent places dans les memes conditions que le premier, seulement ils de- meurerent exposes au contact de I'air. L!un de ces flacons etait destine* a faire connaitre la serie des modifications eprouvees dans la nature du li- quide, le troisieme enfin devait faire voir qu'elle <§(ait l'espece de myco- derme qui donnait naissance a la fermentation et quelles e*taient les diffe- rentes phases de son de*veloppement. Ces trois flacons furent abaudonnes a eux-memes dans un appartement dont la temperature a\ait varie entre 20° et 25° ; ils furent examines regnlierement toutes les 24 heures. Apres 24 heures de mise en experience, on observa qu'il s'dtait degagc du tlacon bouche 40. cc. de gaz qui elait a peu pres entierement forme d'acide carbonique. Ce degagement fut assez r^gulier pendant les Spremiers jours d'observation, le volume etait sensiblement le meme tous les jours ct riiydrogene ne se trouvait mele a l'acide carbonique qu'en fort petite quantite. Pendant ce laps de temps, on remarque que le liquide contenu dans les ilacons ouverts s'eiait recouvert d'une pellicule qui d'abord ne formait que de petites lies isolees, constituees par des amas de globules qui bientot se reunirent autour d'un point central et fhiirent par former une pellicule dans laquelle se rencontraient un grand nombre de tiges du penicillium glaucura et du pcnicillium globulosum, D'ailleurs le liquide 306 CONGUES SCIENT1FIQUE DE PRANCE. etait devenu filant et visqueux et sa reaction etait fortement acide. Pen- dant que ces phenomenes s'accomplissaient, on put observer quele caseum se combinait a la chaux, car il se formait au fond du vase dans lequel la reaction avait lieu une masse homogene et l'acide carbonique paraissait provenir de la decomposition du carbonate de chaux , car c'etait de la partie infe>ieure du vase que partaient les bulles de gaz. Nous nous assurames que le caseum ctait re'ellement combine* a la chaux, car ayant pris le de'pdt forme* au fond du vase et ayant verse* dessus de l'acide chlorydrique nous avons pu dissoudre la chaux et mettre le caseum en liberie*. Le case*um avait e*prouve* une modification par suite de laquelle une partie de ce corps avait ete change en corps gras, car lorsque nous l'a- vons comprime eutre des feuilles de papier Joseph, il les a tache*es a la ma- niere des corps gras. Apres un mois d'observation nous ne trouvames plus de caseum combine* a la chaux, mais bien de l'acide butyrique qui se de*ga- gea en partie lorsqu'onvinta verserdans le liquide de l'acide chlorydrique. Pour se modifier ainsi, le caseum a du ce*der une partie de ses Elements, l'ammoniaque, aux mycodermes qui se de*veloppent en si grande abon- dance dans cette fermentation, et le corps gras resultant de cette soustrac- tion d'ammoniaque a ete brule* par l'oxigene provenaut de la decomposi- tion de l'acide carbonique; c'est la ce qui adonne* naissance a l'acide buty- rique. Quant aux acideslacliqueet acetique, ilsprovehaiente*videmmentdu Sucre qui, dans ce cas, a subi les deux sortes de changements isomeriques. Dans la seconde quinzaine de 1'expeVience, le degagement de gaz se ra- lentit, l'hydrogene a la ve*rite augmentait, mais la production de l'acide carbonique e*tait beaucoup moins considerable. Cependant les quantites d'acide en dissolution dans les liquides allerent toujours en augmentant jusqu'a ce qu'enfin le case*um eut presque entierement disparu et se fut change* en acide butyrique. Puisque la vegetation des cryptogames necessite l'absorption de I'azote provenant de la decomposition de l'ammoniaque, il en resulte qu'il doit y avoir degagement d'hydrogene lorsque ce gaz ne trouve pas a se fixer sur quelques-uns des principes reagissants. Dans quelques cas, la fermentation butyrique se produit sous une autre forme que celle que nous venons d'enoncer, et au lieu de recueillir de l'acide lactique ou de l'acide acetique , nous avons vu le sucre se trans- former en mannite , et alors la quantite d'hydrogene qui s'est degagee a ete trouvee a peu pres nulle. Ce gaz s'est porte sur le sucre et l'a transforme en mannite. M. Ch. Des Moulins \ient coniirmer les opinions emises par M. Blondeau au sujet de cette transformation des ma- tieres azotees neutres en corps gras en citantun fait qui est a sa connaissance, On a decouvert sur les bords de la Gironde, QU1NZ1EME SESSION. . 307 ct a quelques pieds au-dessous du sol, 1c cadavre d'un cliien entierement transforme en gras , a tel point qu'un des quar- liers de cet animal qui avait etc enleve ci mis sous verre ressemblait a un de ces modeles en cire que Ton expose dans les cabinets d'anatomie. M. le docteur Brame prend la parole pour exposer quel- ques idees anterieurement emises sur les fermentations, et qui consistent a regardcr les etres qui se developpent dans les liquides fermentescibles comme etant des animalcules. La 6e section , trouvant que les faits enonces par M. Blon- deau dans son memoire presentent de l'interet sous le rap- port physiologique et chimique, decide que ce memoire sera public integralement dans le compte- rendu de la xve session du Congres scientifique de France. M. Tassin a la parole pour traiter la 14e question du pro- gramme des sciences naturelles, ainsi concue : « Est-il possi- t hie (Texpliquer la structure du fruit des grenadiers ? » Le fruit du grenadier est en apparence url des plus irre- guliers que Ton connaisse et bien des tentatives ont etc failes pour le faire rentrer dans les categories sous les- quelles les botanistes ont cliercbe a classer les fruits; mais jusqu'ici ces tentatives ont ete steriles. Cette disposition elagee des grains qui occupent trois loges a la partie supe- rieure et cinq a sept loges a la partie inferieure, separees par des cloisons membraneuses, ne rencontrait point d'ana- logues ^t formait en quelque sorte une classc a part. M. Tassin a cherche a expliquer cette anoinalie apparente et a la faire rentrer danSla categorie des fruits dontla structure est reguliere et que Ton est facilement parvenu a classer. Suivant M. Tassin, Tovaire serait forme par l'union de trois carpclles et par un verticclle de cinq a sept feuilles carpol- laires tapissant la paroi interieure de l'ovaire a trois loges. Ce serait , suivant le savant auteur du memoire que nous analysons, les etamines qui , en se soudant contre les parois exterieures de rovaire, formeraient les carpelles dans les- quelles viennent se developper les ovales qui composent les grains de la grenade. Cet cxemple ne serait pas unique, car on observe un fait analogue dans la bruyere a qualre faces, 308 CONGRES SCIENT1FIQUE DE PRANCE. dans lesquelles on voit ses huit etamines se souder avec la paroi extericure de l'ovaire et devenir de veritables carpelles aussi completes que les autres. M. Tassin explique aussi d'une maniere ingenieuse la disposition anomale des graines et se resume de la maniere suivante : « L'etage superieur du fruit du genre punica me semble « etre l'ovaire regulier de ce fruit. Les loges de l'etage in- « ferieur doivent lcur origine au verticille le plus interieur « de l'androcee qui s'est transformed en feuilles carpillaires « corame les huit etamines de la bruyere a quatre faces. La « position anormale des loges , des placentaires de l'etage « superieur est due au soulevement et au mouvement de « bascule que les feuilles carpillaires ont subi par le pro- « longement du disque sur la paroi du tube calicinal. » Ce memoire a etc ecoute par la section avec beaucoup d'interet, et M. le comte de Tristan , apres avoir rappele en quelques mots le grand nombre de travaux entrepris par les botanistes, et en particulier par Gartner, pour expliquer les anomalies que presente le fruit du grenadier, exprime a M. Tassin la satisfaction qu'il eprouve a voir ce sujet diffi- cile aussi bien traite par un membre du Congres. Dans la seance precedentc, M. le chevalier Wasse de St- Ouen, en appelant Tattention des membres de la 6e section sur les dangers de deraillement auxqucls etaienl exposes les wagons qui circulent sur les chemins de fer existant actuel- lement et en formant des vceux pour la decouverte de per- fectionnements capables d'assurer la surete des noinbreux voyageurs qui font usage de ces admirables voies de com- munication , appelait naturellement a la tribune un ingc- nieur verse dans la connaissance de ces matieres et qui, ayant dirige pendant longtempsla construction des chemins de fer, etait en mesure de faire connaitre tous les perfec- tionnements qui avaient ete proposes pour atteindre le but si vivement desire. M. Dudot , ingenieur civil , a presente le modele en bois d'un appareil remplissant en partie les conditions desirees ; il consiste simplement dans la modification de la barre qui QUINZlfiME SESSION. 309 rctient unisl'un a l'autre les differents wagons qui composent un convoi. Le deraillement arrive en general par culbute ou par deviation horizontale : dans Tun et l'autre cas la piece qui unit les wagons se defait d'elle-meme et le convoi n'est plus oblige de suivre la locomotive. II y a a craindrc que dans ce cas la Vitesse acquise par les wagons ne leur fit poursui- vre leur route, ce qui pourrait avoir pour effet dc leur faire rencontrer la locomotive arretee dans sa marche, et alors il ne serait pas impossible de voir se renouveller l'accident du 8 mai. D'apres cela , la disposition proposee par M. Vallod pourrait bien diminuer dans quelques circonstances les chances de deraillement, mais on ne saurait la regarder comme un preservatif certain contre les accidents. Aussi M. Dudot a-t-il parle de nouvelles methodes de construction de chemins de fer proposees dans le but d'eviler le deraille- ment, et il a expose en parti culier le systeme Kollmann, qui consiste a adapter aux wagons deux galets qui s'appuie- raient sur des longrincs en bois servant a supporter les rails du chemin de fer. Ce systeme est l'objet de la critique assez fondee de quel- ques membres de la section qui ne voient dans ce systeme que la reproduction du mode propose en France par M. Se- guier, et qui augmenterait de beaucoup les frais d'installa- tion des chemins de fer sans assurer completement la secu- rite des individus. II estun systemejqui a, pendant quelques temps, ete pre- conise sous le rapport de la securite qu'il offrait aux voya- geurs , et qui cependant a ete abandonne en Angleterre a cause des difficultes pratiques qu'on n'est pas parvenu a vaincre : nous voulons parler des chemins de fer atmosphe- riques. II en existe de plusieurs systemes : en Angleterre ce sont MM. Cleggs et Samuda , en France c'est M. Hallette, habile constructeur d'Arras, qui se sont propose de vaincre les difficultes. En France l'experience n'est pas encore com- plete, en Angleterre elle parait l'etre, puisqu'on renonce a ce mode de propulsion. M. Dudot entretientencestermesla section d'un nouveau chemin dc fer atmospherique propose par M. Vallod. 20 310 CONGRES SCIENTIF1QUE DE FRANCE. Messieurs , Ce mode consiste en un tube artere libre en t61e galvanised , complete- ment enterrd sous terre et place au milieu de la voie ferree dans tout Ie parcours dc la ligne. Le vide y est effectue au moyen de machines sta- tionnaires placets a de plus grandes distances que celles employees dans le systeme actuel ; au-dessus du tube artere est un guide en fonte conte- nant de dix metres en dix metres deux soupapes sphenques, dont les bases des boites sont boulonnees au tube artere avec lequel il existe communica- tion lorsque les soupapes s'elevent. A l'cmplacement meme de cbaque boite a soupapes, existe un piston circulaire fixe et fondu d'un meme morceau avec le guide et les boites a soupapes, pour faire agir un cylindre propulseur dont le diametre interne est egal a celui des pistons fixes. — Le cylindre propulseur contient en son milieu une soupape a ailettes contre laquelle s'exerce la pression atmo- spherique d'un cOte, tandis que le vide agit de l'autre. Ces ailettes servent aussi a changer la direction du mouvement d'avant en celui d'arriere, ou a arreter sans frein et presque [subitement la marche du propulseur et par la suite celle du convoi, en exposant ses deux sur- faces dgales d'avant et d'arriere a des pressions atmospheriques dgales. A 1'interieur du cylindre propulseur est un levier qui ne souleve a la fois qu'une soupape, de sorte que le cote* du propulseur compris entre le con- tact d'un piston fixe et la surface de l'ailette, est expose" au vide, tandis que l'autre subit la pression atmospherique, ce qui produit le mouvement. Pour produire le mouvement d'arriere, le conducteur touchc un levier agissant sur une plaque tres-etroite qui se meut et se releve dans une rai- nure pratiquee dans la paroi superieure du cylindre propulseur. Il resulte de la, que par une action complete et subite le levier des soupapes en avant de l'ailette se desengage, tandis que celui en arriere de l'ailette est mis en action, et consequemment produit le mouvement de l'arriere, puis- que la pression atmospherique et lc vide sont reciproquement deplaces. Crcf, ce systeme consiste en un tube artere libre possedant deux sou- papes sphthiques de dix metres en dix metres, qui, fermant hermetique- inent, marche a 1'avant et l'arriere avec croisement d'une ligne a une au- tre, et sans possibilite de fui'e d'air. Un chemin de fer modcle, d'apres ce nouveau systeme, est dt\ja etabli pies de Paris, dans un jardin ou Ton se propose de faire fonctionner l'ap- parcil avant un mois d'ici. W. Vallod (rue Eleue, n. 3a, Paris) iient a la disposition des personnes de science, tous les modeies, les plans et les explications qui s'y rappor- teut. QUINZ1EME SESSION. 314 Le systeme atmosphirique, qui a prdsente quelques imperfections, d'an- ciens raodes de construction, potirra, avec le systeme propose par M. Val- lod, devenir un moyen de propulsion qui prCsentera tous les avantages des voies ferries ordinaires sans faire courir aux voyageurs les memes chances d'accidents. A la suite de ces interessantes communications, M. Dudot fait connaitre la construction des machines a vapeur em- ployees au dessechement du lac de Harlem : ces machines, de la construction de MM. Joseph Gibhs et Dean, sont au nombre de trois, de la force chacune de 12,000 chevaux ; cllcs sont a haute pression (cinq atmospheres) et mettent en mouvement quarante pompes qui, a chaquecoup de piston, peuvent pomper 170,000 litres d'cau. Ces machines ont etc installces avec beaucoup d'economie et cllcs n'emploicnt que les deux tiers du combustible necessaire dans les autrcs machines pour produire le memo fait utile. La section exprime, par l'intermediaire de son president, la satisfaction qu'elle a eprouve a entendre developper des questions qui se rattachent aux industries les plus importan- tcs de l'epoque par un homme que ses connaissances spccia- les bien connues met a mcrae, plus que qui que cc soit, d'ap- precier la valeur des differents systemcs qui sont proposes tous les jours, soit dans un but desecurite general, soit dans un interet d'economie particulier. M. Bannister, de Blois, dit que Denis Papin que Ton regarde en France comme rinventcur des machines a vapeur, avait propose l'emploi de l'air comprime pour remplaccr la va- peur, mais ses essais, dans cc sens, n'avaient pas etc hcu- reux, ct qu'il avait ete oblige d'y renoncer. Unc conversation s'engage entre les divers mcmbres au sujct des perfectionnements qu'a recus , dans ces derniers temps, la machine a vapeur, et on signale comme une grande amelioration la disposition horizontale des cylindrcs des machines et remploi de la detente de la vapeur portcc plus loin qu'on de Tavait fait jusqu'a ce jour. ta seance est levee a onze heures. 312 CONGRES SC1ENTIFIQUE DE FRANCE. Seance clei 9 sepiesaiS*£se. Presidence de M. le comte de Tristan. M. l'abbe Chevalier, Secretaire. La seance est ouvertc a 8 heures. Le proces-verbal de la veille est lu et adople sans recla- mation. Au commencement de la seance , une rectification est in- troduce au proces-verbal de lundi dernier, onj'on a omis d'indiqucr la nomination de deux secretaires -adjoints, M. Blondeau de Caroles, professeur de physique au college de llhodez, et M. l'abbe Chevalier, sous-directeur du pen- sionnat de Saint-Louis-de-Gonzague. Cette omission est rc- paree au proces-verbal dc ce jour. M. l'abbe Aubcr a la parole pour une communication qui a quelquc rapport avec les nos 17 et 18 du Programme des sciences naturelles, ainsi concus : i 47. Les insectes qui attaquent ceriaines parties des vegc- « taux sont-Us le produit constant d'une ou de plusieurs mala- t dies de la plante, ou peuvent-ils etre regarde's> dans certains « cas, comme la cause re'elle de ces maladies. » 18. t Faire connaitre les ordres et les families des insectes « nuisibles a I agriculture, et decrire lours moeurs et leurs habi- ts tudes. i M. 1'abbe Auber se plaint d'abord que les animalcules in- fusoires n'aient eu jusqu'a present que des observateurs peuzcles, ou des peintres peu fideles. II entreprend dc nous donner l'histoire de quelqucs animalcules qu'il a eu l'occasion d'observer, mais il proteste qu'il les a examines avec un scrupule vraiment scientifique. Ces petits animaux, observes au microscope , paraisscnt ayoir un corps diaphane QUINZIEME SESSION. 513 et presque plane ,-leur tete est ornee d'antennes, de deux yeux noirs, et meme de cils. Cette tete ressemble assez a un casque du xive siecle, et c'est ce qui donne lieu a M. l'abbe Auber, toujours arcbeologue, raerae lorsqu'il fait de l'hisloire naturclle , de les appeler Chevalier. Leurs quatre pattes sont formees de trois articulations mobiles; lour abdomen est protege par deux dards; leur corps est recon- vert d'une carapace en forme de carene. A travers cette ca- rapace transiudde, M. Aubert croit avoir apercu quelques signes demouvements qu'il attribue auxbronclies ou organes de la respiration, quoiqu'il n'ait pu decouvrir le coeur, et c'est dans ce dernier cas surtout qu'il leur recommit une ress°mblance frappante avec un grand nombre d'individus dc i'espece humaine. M. Auber, dans un style plein d'ima- gination, nous a decrit les m'ceurs de ces animalcules, leurs instincts, leurs combats, leurs conseils, voire meme leurs luttes electorates. Car il parait, d'apres les observations tres-precises de M. Auber, que la Revolution franchise a deja fait le tour du monde, et qu'elle a implante nos institutions politiques chez ces peuplades pcu civilisees. M. DesMoulins pencbe a croire que ces animalcules sont des monoclus apus d'une tres-petite espece. II indiquc en meme temps le moyen de conserver longtemps la transpa- rence et la purete des eaux, afm de pousser aux dernieres limites quelques observations. Ce moyen consiste a jeter dans l'eau quelques brins d'herbe. M. Blondeau pense que le petit animal decrit par M. Au- ber est un crustace, et il. engage cet observateur a etudier plus scrupulcusemeut le Gbevalier, afin de pouvoir en assi- gner les veritables caracteres. M. l'abbe Cbevalier pense que cet animalcule n'est pas un monocle, puisque M. Aubert lui a vu deux beaux yeux noirs, garnis de eils. La discussion est close. M. Brame a la parole surle n° 13 des sciences pbysiques, ainsi concu :• « Comparer la forme protoge'nique apparente « dans les trois regnes, ainsi que le premier developpemenl de « la matiere organisee, avec celui de la matiere organique et i de la matiere mine'rale. — Ne pourrait-on pas ainsi arriver 314 C0NGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. « a demontrer Tunite dans les lineaments visiblcs de la ma- t'tiere? » M.'Brame declare qu'il ouvre aujourd'hui son portcfeuille pour en laisser echapper une theorie dont il s'occupe depuis 1858, et dont le moindre principe n'a jamais transpire. Jus- qu'a present il a hesite a dire toute sa pensee, quelles que fussent les autorites scienlifiques dont ils'appuyat, mais il ouvre enfin la bouclie pour reveler ce mystere. Ce que les savants ont jusqu'a present appele capillarite, force hygroscopique , force catalytique, succion, attraction moleculaire, cohesion, mouillure, endosmose et exosmose," dilatation, elasticite , etc, M. Brame les appelle d'un nom nouveau, d'un nom unique, spongioliel Tous les mysleres de la physique et de la chimie , tous les secrets de la mine- ralogie, de la geologie, et de la meteorologie, tous les problemes de la physiologic et de la botanique, jusqu'a pre- sent inexpliquees , vont entrer desormais dans une formule scientifique dont la spongiolie sera le premier mot. La spon- giolie'cxpliquera tout: depuis la masse de platine jusqu'a Tepongc, depuis l'eponge jusqu'aux spongioles des radi- cules, depuis ccs spongioles jusqu'a l'endosmose, depuis l'endosmose jusqu'a la vie , tout viendra s'encadrer dans ce motmagiques]jon^o^, etharmonieux, spongiolie. La spon- giolie est la grande force de la nature , le grand moteur de l'univers; vous trouverez la spongiolie dans 1'atome , vous la trouverez dans le plus recule des soleils. La spongiolie est la panacee qui doit gucrir la science de toutes lesblessu- rcs que lui ont faites les mauvaiscs theories. Mais qu'est-ce done, me direz-vous , que la spongiolie, ectte force nouvelle qui doit tout eclaircir, tout debrouiller, tout expliquer, tout simplifier? La spongiolie, e'est une modification de la force moleculaire. La force moleculaire est la force generale de l'univers; son action particuliere se nomme spongiolie, et s'exercc en effet , dans un tissu spongieux. Suivant M. Brame, ces spongioles existent dans les animaux , dans les plantes et raemc dans les mineraux, et e'est a leur action que sont dus tous les phenomenes des trois regies, sans en excepter un seul. En un mot, la spongiolie est cctte force dc succion QUINZIEME SESSION. 515 qui s'exerce au moyen de spongioles, et qui amenc les corps a se condenser et a se combiner. Apres cet expose de la tlieorie dcs spongioles et de l'uni- versalite du principc spongiolique, M. Blondeau prend la parole. II se garde bien de critiquer cc nouveau systeme, qu'il ne connait pas enA)re assez; mais conime il a rejete une force particulierc pour expliquer certains pbenomenes, il persiste dans ses reserves, et ne veut point rompre une lance sur les spongioles du docteur Brame. Plusieurs membres expriraent le voeu que ce memoire sur la doctrine spongiolique, que M. Brame produit au jour pour la premiere fois , soit inscre dans le compte-rendu des travaux du Congres. Cette motion est adoptee. La discussion s'ouvre sur les nos 49 et 20 , relatifs a la planete Leverrier. M. Vasse de St-Oucn dit que trois astro- nomes ont donne les elements de la courbc parcourue par la planete Neptune ou Leverrier, mais ils sont encore loin d'etre d'accord; ilne s'en faut que de596 millions de licucs, ni plus ni moins, sur l'observation du diametre, ct de 52 ans sur la duree de la revolution. M. Valz est cclui des trois astronomes qui a donne les elements les plus exacts sur cette courbe, car ils sont bases sur les faits, mais la portion de courbe observee est trop petite , pour que ccs calculs soient defmitifs. Les inegalites de la course de Nep- tune ont ete attributes par plusieurs astronomes a d'aulres planetes, mais ce sujet exigc d'immenses recherches. Pour les poursuivre avec fruit, il ne suffit pas d'avoir a Marseille un des astronomes les plus distingues de France, il faudrait encore qu'il eut une bonne lunette d'observatoire , et e'est ce qu'il reclame en vain depuis six ans. M. Vasse et M. Roux, delegues de l'Academic dc Marseille, protestent corttre l'ou- bli dans lequcl on delaissc l'observatoire de Marseille , Fun des mieux situes dc la France. La section entiere appuie les reclamations de ces deux bonorables membres , et decide que la seance generale sera saisie d'un vobu a exprimer a ce sujet. La redaction de cette piece est deposee sur le bureau de M. le president. '^ 316 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. le comte de Tristan previent les membres de la section que MM. les administrateurs du chemin de fer les invitent a venir visiter la gare de l'etablissement, dem&in vendredi, a onze heures 1/2 precises. Lecture est donnee d'une lettre de M. Froger, instituteur communal a Manthclan, par laqucllc MM. les geologues du Congres sont invites a venir visiter les belles falunieres decette localite.Par consequent, MM. les membres qui de- sirent prendre part a cette excursion scientifique , sont invites a se faire inscrire au secretariat general. La parole est a M. Borgnet, sur les questions mathema- tiques. ESSAI DE GEOMETRXE AKTALYTIQUE DE LA SPHERE. § I". PREUMINAIRES. 1. Determiner un point sur la surface de la sphere. Imaginons, sur la surface de la sphere, deux grands cercles rectangu- laires, l'equateur et le premier meridien, se coupant en O et en 0\ Si, par un point determine M de la surface spherique , on mene un grand cercle qui passe par les p6Ies P et P' de l'equateur, et, par le meme point , un autre grand cercle qui passe par les poles Q et Q' du premier me>idien , les angles \ et yi que ces deux grands cercles feront respectivement avec le premier mdridien et avec l'equateur seront parfaitement de'termine's. Nous dCsignerons les quantitCs \ et r\ sous la denomination de coordonnees sphe'riques ; l'une des coordonne'es, ^, sera l'abscisse ; l'autre, r\f sera l'or- donne'e du poiut M. L'abscisse \ est l'arc de l'equateur intercepte* entre 1'origineO et le grand cercle PMP'; l'ordonne'e yi est Tare du premier me- ridien compris entre la meme origine O et le grand cercle QMQ'. Pour cette raison , l'equateur pourra s'appeler l'axe des abscisses , ou mOme plus simplement l'axe de % ; et le premier me>idien pourra s'appeler l'axe des ordonn£es , ou l'axe des r,. QUINZIEME SESSION. 517 Lorsque Ton donne les coordonnges sphenques yj et \ d'un point M , ces donnees ne determined pas plutot le point M que le point diametra- lement oppose M' de la surface sph^rique. En tout cas , pour trouver les points M et M', au moyen de valeurs determiners de ij et de ?, on prendra sur l'equateur, a partir du point O, et d'un c6te convenable de ce point; un arc marque" par la valeur de \ , et Ton fera passer un grand cercle par l'extremite" de cet arc et par les pdles de l'equateur. On operera de la m£me maniere sur le premier meridien , pour la valeur de yj. Les points M et M' seront les points d'intersection des deux grands cercles qu'on aura ainsi traces. II requite de la qu'une Equation telle que f(%t )« o repr&ente simul- tanement deux lignes sphenques symetriques L et L', lesquelles sont le r&ultat de 1'intersection de la surface sphenque par les deux nappes d'un meme cone dont le sommet est au centre de la sphere. II r&ulte aussi de la que quand deux lignes sphenques exprimdes par des equations en yj et en \ viennent a se couper, leurs points d'intersection sont toujours doubles, et diam&ralement opposed deux a deux. On pourrait supposer que l'axe des t) , OP, entralnant avec lui le pdle P s'incline d'un angle 0 sur l'axe des £; et il deviendrait egalement possible de rapporter la position des points de la sphere aux deux axes obliques qui en r^sulteraient. 2. Classification des lignes sphdriques. Une ligne quelconque L extant traced sur la surface de la sphere , et representee par une equation en i\ et en \ , sera dite algebrique quand cette equation ne renfermera que les tangentes trigonemetriques des coordon- n£es, sans que le degre de liquation puisse etre infini. Dans tout autre cas , la ligne sera dite transcendante. Ces denominations sont analogues a celles qu'emploie Euler dans la classification des courbes planes. Une ligne algebrique sera dite de l'ordre n quand son equation en tang yj et en tang £ sera du degre n. 3. Toate ligne algebrique de l'ordre n resulte de V inter section de la sphere avec un cone dont le sommet est au centre de cette sphere, et dont I' equation en coordonndes rectiligues, est du degre n, Soit / (tang yi, tang \) =o (a) 1'equation de la ligne consider. Soient aussi x, y, z les coordonn&s rec- tilignes et rectangulaires d'un cdne ayant son sommet au centre de la sphere. Comme 1'equation d'un tel cdne est de la forme ¥ (■«• " ) = o , la question est reduite a faire voir que tous les points de ligne sphenque se tronvent sur le c6ne de 1'equation /(-;:-)=« $ 318 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Or cela est dvident. Car, pour un point quelconque M de la ligne (a) , on a, en comptanl les y sur 1'axe PP' de TCquateur, les x sur l'axe QQ' dn premier meridien , et les z sur la ligne 00' d'intersection des plans de l'e'quateur et du premier meridien t V oc tai)gr, = — , tang£ = — , z z et, en exprimant que ces valeurs satisfont a l'equation de la ligne (#), il vient/ (^ -) s? Qt relation qui montre que le point M se trouve en effet sur le cdne de l'equation (b). La r^ciproque est tfgalement vraie , c'est-a-dire que tout point de la surface sphe>ique qui se trouve sur le cone de l'equation (b) se trouve pa- reillement sur la ligne sphe'rique de l'dquation (a). Une consequence importante se deduit de la. C'est que liquation d'un grand cercle est du premier degre' en tang q et en tang \ ; que l'equation d'une conique sphe'rique est du deuxieme degre' , etc. Et reciproquement, toute Equation du premier degre" en tang r, en tang \ represente un grand cercle , toute equation du deuxieme degre reprdsente une conique sphe'- rique, etc. 4. Une ligne algdbrique de Vordre de n est rencontre'e par une cir- confdrence de grand cercle, au plus en n points (points doubles n« i). Cela requite (n° 3) de ce que les equations de ces deux lignes sont, Tune du premier degre', et l'autre du degre' n en tang yj et en tang \. 5. Une ligne spherique etant exprime'e en coordonne'es rectilignes et rectangulaires , Vexprimer en coordonnees sphdriques, et re'ciproque- ment. Toute ligne sphe'rique est representee , en cordonne'es rectilignes et rec- tangulaires, par deux equations telles que f(x%y,z)z=o (c) x> + y2 + z*=:t (d) Or, a cause des relations (n° 3) V % tang y] s — , tang \ m — , Z Z et de liquation (d) qui se rapporte a la surface de la sphere , il en re\sulte : t__ __ tang yi 7 ~ \/ tang2 7j .i- tang2 \ + \ iV ~~ \/ tang2 \ + tang2 \ % 1 x — \/ tang2 * * tang2 \ % 1 Si done on introduit ces valeurs dans l'equation (c) , on aura , en coor- donne'es spheriques, liquation dela ligne consideree. Pour le probleme inverse , il faudra , dans liquation de la ligne sphe"- QUINZJEME SESSION. 319 rique , remplacer r, et % par leurs valeurs tirdes des relations tang % == \ , tang \ -r r, et I'equation qui en rdsultera, considdrde simultandment avec l'dqualion (d), donnera la ligne spherique en coordonndes rectilignes. Ce double problcme peut encore etre traitd plus simplement. Faites 5 = 1 dans I'equation (c) , vous aurez une Equation qui reprdsentera la perspec- tive conique de la ligne sphdrique , sur un plan tangent en 0 a la sphere ; le point de vue dtant place au centre. II vous suffira alors de remplacer, dans cette Equation, x par tang % , y par tang yj , pour avoir I'equation de la ligne sphe'rique. Lorsque, rdciproquement, vous aurez liquation de la ligne en tang r, et en tang % , il suffira d'y remplacer tang r\ par y, et tang \ par x, pour avoir I'equation de la perspective sur le plan tangent. En gdneVal, lorsque vous aurez , sur le plan de projection perspective, une relation telle que F ( a ■ , b , c... ) = 0, entre des longueurs rectilignes determinees a, b, c..., prises a partir de l'origine O, dans des directions quelconques , vous en conclurez immddiatement , entre les arcs de grands cercles A , B , C,... dont ces longueurs sont les projections perspectives , la relation F (tang A,, tang B, tang C,...) == o. 6. Une Ugne' spherique dtant rapportde a deux axes rectangnlaires, trouver son Equation, lorsqu'on vient a /aire tourner le ler me'ridien autour desp6les de I'dqmteur, de maniere a luifaire faire Vangle a avec sa position primitive. Soient r,, £Ies coordonndes primitives d'un point M, et r'} % ses coor- donndes nouvelles. On a d'abord dvidemment : ij* r\ '« (o En outre, comme, dans le passage de l'un a I'autre systeme la latitude du point M ne varie pas, que la latitude y d'un point en fonction des coor- donndes sphdriques de ce point, est exprimds par la relation tang y= cos£ tang r„ il en rdsultera : cos \ tang y == cos X tang r,' (g) Des deux Equations (Q et (g), on tire aisement ; sin a 4- cos a tang £' tang % — . r t cos ft — sin gc tang {•' tang rf tang yj = cos a — sin a tang f. Si la ligne considdrde est algdbrique, son dquation, par rapport an pre~ mier systeme d'axes, sera de la forme / (tang r„ tang 9 = 6 et, par consequent, pour la rapporter au nouveau systeme, il faudra y rem- placer tang i] et tang \ par les valeurs qui viennent d'etre calculdes, 520 CONGRES SCIENT1FIQUE DE FRANCE. 7. Passer cVun systeme de coordonne'es sphe'riques a un autre sys- tdme, sans deptacer rorigine. /(tang?), tang |) =s o est l'equation d'une ligne algebriqne rapportee a des axes dont Tangle est 6; l'equation de sa projection conique sur le plan tangent a la sphere en O, sera (N° 5) f(y, x) = o, cette projection 6tant rapposlee a des axes rectilignes obliques faisant entr'eux le meme angle que les axes spheriques dont ils sont la projection. Or, pour changer d'axes dans le plan, il faut remplacer x et y par les valeurs xy sin (6-w) 4- ?/'sin (0-w') x' sin w 4- if sin w' X = ■ , , y = . , sm 0 sin 0 w et w' etant les angles formes par les nouveaux axes avec I'ancien axe des x; done (N° 5) pour changer d'axes sur la sphere, il faudra, dans l'e- quation de la ligne spherique, poser : tang I' sin (6-10) + tang yj' sin .(6-o>') tang \ ■= i , sin 0 tang £' sin w 4. tang V sin w' tang yj =3 sin 0 Dans le cas oil le systeme primitif est rectangulaire, ces formnles de- yiennent simplement tang I — tang % cos w + tang r\ cos w' tang v] = tang (■' sin w + tang r,' sin w' Et lorsque le nouveau systeme est lui-meme rectangulaire, tang \ = tang f cos os — tang yj' sin w, tang 7)= tang £' sin w 4- tang »j' cos w. 8. L'ordre d'une ligne alge'brique reste toujour s le mime , en quel- que point de la sphere qu'on transporte rorigine, et quelle que soil la direction qu' on donneaux axes coordonne'es. Soit/ (tang rj tang % ) = 0 l'equation d'une ligne de l'ordre n, rappor- tee a des axes quelconques. Veut-on transporter l'origine de O en 0' ? On commencera par changer la direction des axes, de maniere a les rendre rectangulaires , et a faire passer en O' le nouvel axe des L L'emploi des formules du no 7, qui sont line"aires par rapport a tangv)' et a tang £', con- duira a une premiere transformed de liquation proposee, sans augmenter son degre. Ensuite, par l'emploi des formules du no 6, dont le de"nomina- teur commun et dont les nume>ateurs psrticuliers sont pareillement li- ndanes , on pourra transporter l'origine en O', sans augmenter davantage le degre de liquation. Eufin, si Ton fait de nouveau usage des formules du no 7, on pourra, en conservant tonjours le degre* de liquation, prendre un systeme quelconque d'axes passant en 0'. 9. Determiner la distance p de deux points W et M" ', au moyen de leurs coordonne'es (r,T) et fa'T). QUINZIEME SESSION. 521 Si les deux points etaient d£termin£s par leur6 longitudes x\ x", et par leurs latitudes if, y", on au rait e'vidernment cos p = sin if sin y" + cos if cos if cos (#"— x*). Or, on a les relations : x* = £', x" = f% tang if = cos V tang •/)', tang y" = cos I" tang ijfl , done on aura, par une simple substitution, pour la distance cherchee : tang rj' tang y]" + tang £' tang" 4- 1 cos p = , r~ - ===== , K tang2 V 4- tang2 £' +. 1 V tang2 »j" + tang2 S" 4- 1 g 11. DES L1GNES ALGEBRIQUES DU ler ORDRE. 10. Equation d'un grand cercle, au mogen de ses coordonnees a Vo- rig'me. a et b e'tant l'abscisse et l'ordonnee a l'origine d'une ligne droite tracee dans lo plan tangent en O, son equation est y x - + - ■= 1 ; b a done (no a) on aura Pequation tang yi tang % tang B tang A pour representer le grand cercle qui aurait cette ligue droite pour per- spective conique. Desormais, nous rempjacerons les grandes lettres par des petiles , et nous desiguerons la tangente d'un arc par la lctlre t, li- quation pre'eedente devient alors tri H __ Xb ia 11. Equation d'un grand cercle, au moyen des coordonne'es de son pole M (*],.(!,). Lorsqu'un point A, place sur l'^quateur, est eloigne de 90o d'un point M de ia sphere ; comme le point A est cgalement dloignc de 90<> du pole P de l'dquateur, il en resulte que le point A est le pole de l'arc P M, et que, par consequent, il est aussi eloigne de 90o du point oil Tare M P coupe l'equateur. 11 resulte de la que les qnantites a et b de l'equation du cercle (no 10) out, avec les coordonnees n, et '%, du pole M, les relations sui- vantes : tytlt&==— 1, Ui ta=— 1 et ces relations permettent de mettre liquation du cercle (no 10) sous la forme tru t*H-Uj U-M = 0 322 CONGRES SCIENT1FIQUE DE FRANCE. 12. Equation d'un grand cercle qui passe par deux points donncs W V) et fo" n y" et x\ y" et x" etant les coordonnees rectilignes des points qui servent de perspective conique aux points (rj' £') et (rj" 5"), on aurait pour Equa- tion de la ligue droite, perspective du cercle, #' — a;" done Tequation du grand cercle sera (no 5) t VI* — t *)" tv,-tv)' = (ti-tr). t v - 1 r L'ordonnee y. a l'origine est donnee par la relation trtyf-tyi'tr 17-tr et l'abscisse X a l'origine, par la suivante tS'trj" — tr/tr t r»' — t yj" Ces valeurs font voir que l'equation du cercle en question peut s'Ecrirc tyj-tvf = -- (U~U') , tx Quant a l'inclinaison o> du grand cercle sur l'equateur, on a evidem- ment par la consideration du triangle forme par l'origine et par les inter- sections du grand cercle considCre- avec les deux axes. t[X tw=- — - — . sinX Si Tun des points par lesquels doit passer le grand cercle etait place* a 90° de l'origine, et a la distance y de l'equateur, on aurait evidemment. t y — cos ), i w , Et par suite, Tequation du grand cercle pourrait s'ecrire .6 Si le point (yj" V ) Etait place a l'origine, on aurait simplemeiit : t i t yj r=z t t , tv 13. Equation d'un grand cercle passant par tin point donne (rj' £'; perpendiculairemcnt a un grand cercle dont le pole ( yj, S, ) est connu. Le cercle- dont on demande l'Cquation, pour etre perpend iculaire au cercle (r„ !-,), doit passer par le pole de cciui-ci; done on aura pour son equation (n° 12) tV-tr„ QUINZIEME SESSION. 523 14. Determiner Vangle de deux grand cercles dont les poles ( r,, £,) (iri2 l2) sont connus. L'angle sous lequel se coupent deux grands cercles est mesure' par la distance p de leurs pdles. On aura done (n° 9) t Vll t Y]2 4- t £, t %2 + * cos p =» , x , /=— . \/V n, 4-t2 *, + i l^t2 r12 + 12 £2 + 1 II suit de Ik que la condition de perpendicularity de deux grands cercles de poles (tj, I,) (r,2 X* ), est la suivante : t 7], t 7)2 + 1%, t%2 + * — ©• Lorsque l'un des cercles consideres se confond avec l'dqwateur, on a t vi, COS p =3 — : I^t2 rti J t2 1, 4- 1 e'est le cosinus de Tangle que le cercle (rj, £,) fait avec l'axe des \. On aurait de meme U, COS p =s ■ . ■ i l/V 7), 4- t2 |, 4- 1 pour le cosinus de Tangle que le cercle (r„ I,) fait avec Taxe des tj. 15. Trouver V Equation d'wi grand cercle qui passe par un point donne ( V f ) et qui coupe Vaxe des % sous un angle donne m. Liquation cherchde sera ( n° 12 ) de la forme ' t-n — tt{=*m(t\—tX) (k) lepole du cercle de cette Equation aura pour coordonnCes (u° 11), les quantitCs rit et g, donne'es par les relations — 1 m t V), ea , titta — . t if — m t V t yj' — m t % done (n° 14) Tangle que ce cercle fera avec Taxe des \ sera doune' par la relation - 1 COS W sss -"r^- ===== K(tn'-mtr)24-m24- 1 de laquelle on tirerait, pour m, deux valeurs qui, par leur substitution dans liquation (k), resoudraient la question. Dans le cas ou le point donne" serait snr Taxe des r„ a la distance [i de Toi igine, on aurait £jft f , V m o , mat [/ 12 w - 12 I , et Tequation demandee serait t 71 - t ? = t 5 |/V <0 - t» ? . Dans le cas oil le point donne* serait sur Taxe des % a la distance a de Torigine, il viendrait t w 7,' m o > 5' ss a , m ==? 4- , j » + 1 w cos a , ,** l^t2 a 4- 1 524 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. et par suite t (0 1/ t2 a 4- 1 ou bien encore t r, = t w ( Cos a £ £ — sin a ), 16. De" terminer la distance p dw pow£ (if %) aun grand cercle dont lepdle (r„ I, ) est connu. La distance du point fa' £') au grand cercle fa, ?,) est le complement de la distance du meme point au p61e de ce cercle ; done (no 9) on aura pour la distance p tvi'y]t+ t?'t5,+ 1 sin p = ==—,■ . 1/ 12 V + t2 r 4- 1 l^t2 ru 4-t2 5, 4- 1 11 y a deux valeurs de sin p, egales entre elles, aux signes pres ; dies correspondent aux deux distances qu'on parcourt, en venant du point fa' !f) a un meme point du cercle fa, Q, suivant qu'on se dirige de Tun ou de l'autre cdte" du point fa' £'), sur la perpendiculaire menee de fa' g') a Tare fa, I,)-, ou, en d'autres termes, suivant qu'on arrive au pied de la perpen- diculaire, au-dessusou au-dessous de l'arc fai £,). 17. Deux grands cercles ttant donnes par leurs poles fa, ?,), fa2 C3), trouver Vequation du grand cercle qui partage lew angle en deux parties dgales. Designons pas rh % les coordonne'es d'un point qnelconque du cercle bis- secteur et par p la distance de ce point au cercle fa, (;,), distance e'gale a celle qui se"pare le meme point, du cercle fa2 £2) ; nous aurons (no 16) tY) tij, 4- 1 1 1 g, + 1 sin p = : =—' , l/t2rrf tH+l K^Yj. + t2?,-*-! $ g, + 1 1 1 s¥i sin p = l/t2r( + UJ^i l/t2n,+-t2 5,4-1 par l'elimination de p, qui particularise le point consid&e* de la bissectrice, il viendra t-ft**********! trifih + Ut^ + l v/t2Yi!4-t25,4-i vt*nr+t* 5*4-1 equation qui s'applique a un point quelconque de la bissectrice, et qui, par consequent, repr&ente la bissectrice elle-meme. Deux cercles, en se coupant, forment deux angles supplements 1'un de l'autre. Si Ton considerait le second angle que dCterminent les deux cercles proposes, il faudrait, dans les deux premieres Equations, prendre sin p avec des signes differents (no 16); et Ton aurait, pour repre'senter la bissectrice de ce seconde angle, nt-iS/.li-Mfc SESSION* 52J* tvjtvj, 4-tSt5i4-l t vi t r,2 + 1 U %2 + i s/tn-ru+Vii+T ' ^t2*J2+t252 + i Ces deux cercles bissecteurs sont perpendiculaires entre eux. Oil verilie aisement que les coordonnees de leurs poles satisfont en effot a la condi- tion de perpendicularite' du no 14. 18. Trouver liquation du grand cercle, lieu des points egalement e'loignes de deux points fixes (yj' £') (yi" £'')• Le grand cercle en question n'est rien autre chose que le cercle bissec- teur de Tangle des deux grands cercks qui auraient pour poles les deux points fixes. Done (no 17) on aura, pour Pequation cherche"e, t y, W + t \ t r * 1 t Y] t r," 4. t g i |" 4- 1 v/t2vi' + t2r + i \/t2yi"4 t2r+i Si les deux fractions e*taient prises en signes contraires, leur egalite exprimerait le lieu des points dgalement eloignes du point (V £') et du point (yj" +■ 180o, {? +j 180°) diametralement oppose au point fa" S?). Ce second lieu serait perpendiculaire au premier. 19. Deux points (yj' £'), (yj" (■") /t2 v i-t2 r^i Les coordonne'es du point milieu de Tare qui unit le point (y," <•") au point fa' + 180o, ^ 4. 180) oppose au point (yj' 5'), differeraient des prece- dentes par le signe de y^y/i-t2 £' -M 21 536 CONGRES SCJEM1FIQUE DE FRANCE. DES LIGNES ALGEBRIQUES DU 2« ORDRE, gill. OU PETIT CERCLE. 20. Equation du petit cercle. Nous avons vu (no 14) qu'en designant par p la distance de deux points (yj ?), (rj, £,), Ic cosinus de cette distance est donne par la formule t V) t YJt 4-t \i ?, 4-1 COS p ess = = • v/t2Y)+t2l- + l v/t2^i+t2^4-l Si maintenant nous supposons que le point (y^ £,) reste fixe, ainsique la distance p, mais que le point (tj Sj) occupe, sur la surface de la sphere, toutes les positions compatibles avec cette double supposition, il est clair que le lieu des points (y) \) sera une circonference de cercle dont le per comme comme pre^de" du double signe. Les deux signes correspondent aux deux cercles diamCtralement opposes. Enfin, si Ton a p = 90°, liquation du cercle se rtfduit a frj *rj,-HS *&, +1 =o c'est Tequation du grand cercle obtenue au no 11 ; elle est du 1" degre", comme cela devait 6tre. v 21. Determiner V angle sous lequel se coupent deux petit s cercles. Soient (v 5,), (?h Sa) ,es P°les de deux petits cercles, p, et p2 leurs rayons polaires, V Tangle sous lequel ils se coupent. L'angle V est Cgal a Tangle forme" par les deux rayons polaires qui aboutissenta Tun des points d'intersection des deux petits cercles. Appelant done p la distance de leurs poles, cette distance et les deux rayons en question formeront un triangle qui pr&entera la relation suivante : f cos p m cos p, cos p2 -j- sin p, sin p2 cos V. D'ail leurs on a (n0 14) tirhtYh + lM^ + l cos p = =■ \/t2-/), + t% 4-1 V^T)2+t»f2+t De la liquation t7iitvj2 + t5i t^a+ 1 cos p, cos p2+ sin p, sin p2 cos V Vt'vi,4-ts5, + l V^a + t^+l qui ddterminera Tangle V. Dans le cas de deux grands cercles, on obtient Texpression deja calcutee auno 14. 22. Conditions pour que liquation gtntrale du second degre" en tang yj et en tang $ represents un petit cercle. On a pour Te'quation ge'ndrale du 2' degre en t yj et en t\ On a aussi, pour liquation ge'nCrale du cercle (no 20) -repre"sentant, pour abrCger, le produit (t2 yj, 4- t2 \ , + 1) cos2 p. Multi- plions la 2e Equation par Tinde^termine'e s, et identitions avec la premiere, nous aurons : F=? s(l-h), E z=— 2s h t^,T>=s — ishtru, C^sii-ht2^), B= tk.fi &$ift n„A = .s(l — ht2^). De ces relations on tire B B E D valeurs qui d^terminent d'abord le pdle du cercle. On a ensuite aisement 1 DE-2BF h~~ DE 328 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE, et par suite, pour le rayon polaire p DE (DE — 2BF) COS 2p =3 — . D2 E2 +- B2 E2 + B2 D2 Viennent enfin deux Equations de condition, qui sont : DE — 2BF BD-2AE BE — 2 CD B E D et qu'on obtient en tirant des relations preceMentes A— s B C— s B F— s DE D 2E E 2D B 2 B2 et en egalant entr'elles les valeurs de — 2 s qu'elles donnent. 23. Le lieu des sommets des triangles spMriques equivalents, et de mime base 2 X, est une circonfe'rence de petit cercle. Cette circon/erence passe par les points diame'tralement opposes aux extvemiUs de la base. La lre partie de cette proposition est le fameux tb^oreme de Lexell, et la 2e est due a M. Steiner. Les nouvelles annates de math^matiques (1845) reproduisent, de Tune et de l'autre, une demonstration fort Elegante de M. Steiner. Notre mlthode analytique s'applique ains^ment a la meme question. Nous avons, en pliant Porigine au milieu de la base, prenant celte base pour ^quateur, d^signant par yj et \ les coordonnees du sommet d'un des triangles, par w et w' les angles a la base, pour les Equations (no 15) des rote's adjacents : ty\ = tu> (sinX — cosXtfij). 2 t y] = t ' (sin X +- cos X 1 |). si nous designons par w" le 3e angle du triangle, et par e l'exces spheVique, nous aurons cd" 4- m'4-J- to — 180°= e; Et comme le triangle donne, par la formule connue de Viete , cos to" ~ — cos to cos w' -h sin w sin w' cos 2X, I'^limination de a>" entre ces deux relations donnera a son tour (cos 2 X — cos e) t w t w' •;- sin e {t w -f- 1 w') = i — cos e. Enfin, dans cette derniere Equation, il n'y aura plus qu'a faire enfrtfr Ira valeurs de t u> et t to' tournies par les deux premieres Equations, pour avoir liquation du lieu. On trouve ainsi ; (cos 2 X — cos e) t 2 y) + cos 2 X (1 — cog e) t 2 % + 2 sin e sin X t % -— (I — cos e) sin 2 X = o. On reconnait d'abord que le lieu est un cercle, car les coefficients de liquation qu'on vient d'obtenir satisfont aux conditions du no 22. En outre, ce cercle passe par les points diame'tralement opposes aux extr£mite\s de la base; car son Equation est satisfaite pour yj =o, et \ = ±(180 ~:-X). QU1NZIEME SESSION, 529 Son pole et son rayon polairesont faciles a determiner; D'abord les coor- donnees du pdle sont donnees par les relations B t£,e=o, ty], = — = — cotang |£ sinX. E Par consequent, si, apres avoir mene" un arc perpendiculaire sur le mi- lieu de la base du triangle, on prend, au-dela du p61e P, une partie P K telle, que Ton ait cotang PK = tang (—■/),) = cotang ~ e sin X ; l'extremite de cette partie sera le p61e de notre cercle. Pour avoir son rayon, il faudra se servir de la formule du no 22, qui peut s'e'crire, a cause de B =? o, et E = o, D~"2FI cos2X cos2x COS2 p =1 = =5 = cos2 X COS2 Yl, D ( 1 + E\ 1+ sin2 X coti e 1 t tanS2 *!» d'oii cos p tea cos X cos v), Bien que reproduit par Legendre, dans les nombreuses editions de sa geomdtrie, dit M. Chasles, l'eiegant thCoreme de Lexell n'avait point fait soupconner l'existence du theoreme analogue, et non moins curieux que donne la theorie des figures supplemental res. Ce n'est que dans ces der- niers temps que M. Sorlin y est parvenu directement dans un mdmoire sur la trigonometric spherique ; en voici Tenoned : Bans tout triangle spdrique, qui a un angle constant, Venveloppe du cdte" oppose" a Vangle constant est un petit cercle de la sphere, si le pe'rimetre du triangle variable est lui-meme constant. Pour donner a la proposition de M. Sor- lin un complement analogue a celui que M. Steiner a donne a la proposi- tion de Lexell, nous ajouterons que le cercle enveloppe est tangent auoo cotds de Vangle constant. 24. Be Vaxe radical de deux petits cerclesf et de leur centre de similitude. Lorsqu'on cherclie le lieu des points, d'ou Ton peut mener a deux petits cercles deux tangentes dgales, on trouve un arc de grand cercle perpen- diculaire a la distance polaire des deux petits cercles, et partageant cette distance en deux segments dont les cosinus sont proportionnels aux co- sinus des rayons polaires, Par analogie avec une denomination employee dans la geometrie plan«, nous designerons le lieu en question sous le nom d'axe radical des deux petits cercles. En ddsignant par p, et p 2 les rayons polaires de deux petits cercles, par (y), §,) et (y]2 Sa) les coordonnees de leurs poles, on a pour leurs equations cos p, = = = v/t2Ti+t25 + l ^t+t^-M, tntn2+ tttt» + l cosp,= — \'i\ -M.2S 4- 2 v/t2^ + 12?2 -f- 1 550 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. et pour celle de leur axe radical tyj tm + t$ f$, 4- 1 tr\ ty]2 -f-U t$2 + 1 COS pt v/t'ifli + t2£, +• t COS p2 \/t27]2 4- t2Y]2 -f- ou bien, pour abreger N, N2 Rt cos p, R2 cos p2 La theorie des figures supplemental res donnera le th^oreme suivant, corame consequence de celui qui precede : Tare de grand cercle qui coupe deux petits cercles sous des angles egaux, passe toujours par un meuie point, quelle que soit sa direction. Ce point, que nous appellerons centre de similitude des deux petits cercles proposes, est place" sur leur distance polaire, et partage cette distance en deux segments dont les sinus sont pro- portionnels aux sinus des rayons polaires. Deux cercles £tant places d'une maniere quelconque par rapport aux axes coordonnes, il est ais£ d'avoir les coordonndes de leur centre de similitude. Les equations de ces deux cercles extant, d'apres la notation pr^eddente N» N2 cosp, m •, COSp> 9 , RR, RR2 celles de leurs polaires seront (fc N2 sin pt = *, sm p2 rs . RRt RR2 L'axe radical de ces deux derniers sera Ni N2 Ri sin pt R2 sin p2 et son pole sera le centre de similitude des deux cercles proposes. On trouve (no 11) pour les coordonnes de ce pdle (y), |). R, sinp, t y]2— R2 sin p2tv), Rt sin p, \%2— R2sin p2t£, tv)= 1 , u* ; : • Rt sin p, — R2 sin p2 Ri sin pj — R2 sin p2 N, N2 Liquation = de^signe aussi bien l'axe radical des deux Ri cos p( R2 cos p2 cercles p, et p2 que celui des deux cercles sym&riques qui leur sont dia- meHralement opposes. Si Ton conside'rait le cercle p, et Toppose" du cercle p2, ou vice versa, on aurait, pour Equation de leur axe radical N, N2 Rt cos pi R2 cos p2 quoique ce second axe n'appartienne pas, a porprement parler, aux deux cercles p, et p2, nous ne l'appellerons pas moins axe radical de ces deux cercles; mais nous lui donnerons la denomination particuliere de second axe radical, on axe radical de V espece. On reconnalt imme'diatement que QUIN21&ME SESSION. 354 le second -axe radical de deux cercles est le lieu des points d'ou Ton pent mener a ces deux cercles des tangentes supple'mentaires. Au second axe radical, correspond ra, dans la figure polaire, un second centre de similitude : c'est le point par lequel passe tout arc de grand cercle qui coupe deux cercles donnes sous deux angles supple'mentaires. (L'angle sous lequel se coupent deux cercles est Tangle eompris sous les deux rayons polaires qui aboutissent a Tun des points d'intersectiou des cercles). Nous designerons le ler centre de similitude considered, sous le nom de centre de similitude directe , et le second sous celui de centre de similitude inverse. Nous avons, plus haut, donn£ les coordonn^es du centre de simi- litude directe de deux cercles p, et p2 ; il faudrait, pour avoir celles du centre de similitude inverse, changer le signe de sin p2 dans les expressions que nous avons trou vees pour les coordonne'es du premier centre de simi- litude. 25. Du centre radical des trots cercles. Conside"rons trois cercles, de poles (y), £,)> (v)2 S2), (>l3 W et de rayons polaires p,, p2, p3 ; nous aurons (n0 24) pour les Equations des axes radi- caux de ces cercles considered deux a deux N, N2 N2 N3 N3 N, R, cos p, R2 cos p2 R2 cos p2 R3 cos p3 R3 cos p3 Rj cos pt Comme Tune de ces trois Equations est consequence des deux autres, il s'ensuit que les trois axes radicaux qu'elles represented se coupent au meme point. Ce point peut etre designe sous le nom de centre radical des trois cercles proposes. La propria du centre radical sert a construire l'axe radical de deux cercles qui ne se rencontrent pas. Les equations des trois axes radicaux de 2" espece sont N, N2 ' N2 N3 N3 N, R4 cos p4 R2 cos p2 R2 cos p2 R3 cos p3 R3 cos p3 Rt cos pt La consideration de ces Equations fait voir que les axes radicaux de 2* es- pece ne se rencontrent pas au meme point, comme ceux de lere espece; mais leur comparison avec les Equations des axes radicaux de l're espece fait reconnattre que non-seulemeut les trois axes de leve espece concourent, maisqu'ily a pareillement concours entre le i" axe radical de chaque couple de deux cercles et les axes radicaux de 2e espece de chacun d'eux, compart successivement avec le 3° cercle. De la double proprietC qui precede, le principe de dualite permet de de- duire les deux suivantes: Ctant donnes trois cercles; lo Les trois centres de similitude directe de ces cercles, pris deux a deux, sont places sur une meme circonference de grand cercle ; 2o le centre de similitude directe de deiw de ces cercles est place sur la meme circonference de grand cercle 352 CONGAS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. avec les deux centres de similitude inverse de chacun d'eux compare* sue- cessivement avec le troisieme. 26. lo Si d'un point, prix sur la surface d'une sphere, on mene un arc de grand cercle qui coupe un petit cercle de cette sphere, il en re- sulte, apartir du point considere, deux segments sur Varc transversal : le produit des tangentes trigonometriques des moities de ces deux seg- ments est constant, quelle que soit la direction de la transversale. 2° Si d'un point, pris sur la circonference d'un grand cercle, on mene deux tangentes a un petit cercle, ces deux arcs font avec le grand, deux angles qui varient suivant la variation du point considere; mais les tangentes trigonometriques des moities de ces angles for ment un produit constant, quelle soit la position du point. La 2" partie de cette proposition est la consequence polaire dela premiere. Pour demontrer la ire partie, nous ferons d'abord observer que si, par deux points fixes A et B, pris sur la circonference d'un grand cercle, on fait passer un petit cercle quelconque R. Si par deux autres points fixes C et D, places sur la meme circonference, on fait passer un autre petit cercle S, les axes ra- dicaux des cou pies de cercles R et S coupent tous la circonfe'rence de grand cercle au meme point P. Les deux points C et D pourraient se confondre en un seul : alors les cercles S seraient tangeursau grand cercle au meme point, et la proprieHe du point P aurait encore lieu. Celapose, soit P le poiut donn£, R le cercle donne, P B A une secante quelconque coupant le cercle R en B et en A. Je dis qu'on aura : tang - PA , tang | PB ■=* const. En effet, pro- longeons la secante d'une quantity P K egale a la tangente P H menee du point P au cercle R ; le point P sera l'intersection de Tare transversal par l'axe radical detout cercle passant en B et en A, et de tout cercle qui tou- cherait la transversale en K; e'est par consequent le point de rencontre de cette transversale et de l'axe radical de deux cercles dont l'un aurait pour diametre A B, et dont l'autre se reduirait au point K, Done (no 24) D etant le milieu de A B, on a la relation cos DB 1 cos UP ~^cosKP_ Or, KP = HP , DP ~ { (pa -\- PB) , DB = \ BA = J ("PA — PB); done cos i (PA 4- PB) i — tang J PA, tang \ PB cos PH = = — = cos { ( P A — PB) 1 4- tang f P A , tang { PB d'oii 1— cosPH _ tang { PA. tang \ PB =, - tang2 j PH = const. 1 + cos PH C'est ce qu'il fallait demontrer. Cette demonstration suppose que le point par lequel on mene la secante est exterieur au petit cercle ; mais il est facile de s'assurer que la propri&e convient au cas du point interieur. Soient C le cercle donne , P un point iuterieur u ce cercle, APB une secante mene'e par le point P et coupant QUlNZlEME SESSION. 533 le cercle C aux points A et B ; soit P' le symetrique de P, he point P' etant extOieur au cercle C, on auja la relation tang - Fa. tang \ ¥B — const. Or, FA*z= 180° 4- PA, PT3 = 180° — PB~; done, par la substitution, il vient , en renversant , tang { PA. tang { PB — const. c. q. s. d. On reconnait immCdiatement que, dans ce dernier cas, le produit con- stant a pour valeur le carre" de la tangente trigonometrique de la demi- corde mene'e par le point P, perpendiculaireraent a Tare qui joint le point P au p61e du cercle C. DES CONIQUES SPHERIQUES. 27. L'ellipse, I'hyperbole, laparabole spherique sont trois lignes dc meme espece. L'equation de l'ellipse plane est a2y2^-b2 x2 ~a2b2 , done (no 5) l'equation de l'ellipse sphenque , e'est-a-dire de la ligne sphe- rique dont l'ellipse plane est la projection conique , sera t2at2Y]+t2&t2£=*t2a t2b. Pareillement , pour repre'senter I'hyperbole spherique dont l'axe trans- verse est dirige" suivant l'axe des I , on aura l'equation t2 a t2 yi + — t2 b t2 \ ■= — t2 a t2 b. Or, si nous portons l'origine sur l'axe des % , a 90o de sa position actuelle, il faudra, dans les formules du no 6 , poser a =• 90o ; d'oii — l in' t r t p valeurs qu'il faudra substituer dans liquation de I'hyperbole spherique, laquelle deviendra t2at2V4-t2at2M2r = t2&j et, sous cette forme, elle repr6sentera une ellipse sphenque dont les demi- axes A et B auront pour valeurs 1 tb tA= — , tB= — . ta ta Si l'axe transverse de I'hyperbole spherique 6"tait dirige suivant l'axe des y] , elle aurait pour equation Va t2 ^ — t2 b t2 Z, c=t2at26. Alois on transporterait l'origine sur l'axe des t] , a 90o de sa position ac- tuelle, et l'equation se presenterait encore sous la forme t2At2ri+i2Bt2^VAt2B. 21* 554 CONGR& SCJENTIFIQUE DE FRANCE. 11 ne nous reste plus a cousiddrer que la paraboie spherique a) ant pour equation lei , nous transporters l'origine sur l'axe des % , a 45° de sa position pre- miere ; tes formules de transformation (n0 6) deviendront i+U* ,_ tv i-W 1-tn' et la nouvelle Equation de la paraboie sera t2Y)*pt2£ =p. C'est liquation d'une ellipse sphdrique dont les demi-axes A et B sout donnes par les relations tA = t,tB ~sJT- II requite de cette discussion que les coniques sphdriques, e'est-a-dire les lignes qui outpour projections eoniques une ellipse, une hyperbole et une paraboie planes, se rdduisent a des ellipses sphdriques. Les deux bran- ches de l'hyperbole spherique ne sont rien autre chose que les moities des deux courbes symdtriques diametralement opposees que reprdsente simul- tandment l'equation de l'ellipse spherique. Quant a la paraboie sphdrfque , elle offre cela de particulier que c'est une ellipse sphdrique dont l'un des axes est de 90o. Nous verrons plus loia qu'il n'y a pas d'autre courbe que l'ellipse sphe- rique, renferraee dans 1'dquation gene rale du deuxieme degrd kt2A-hKttstt±Gt2 | + D*yi^EU^F o, a nrains que le premier membre ne soit reductible a un produit de deux facteurs, auquel cas l'equation reprdsente tin grand cercle ou l'eusemblede deux grands cercles , suivant que les deux facteurs sont dgaux ou inegaux. 28. De la tangente tt de In normale a I 'ellipse spherique. Soit directement , soit par le principe du no 5 , on trouverait aisement que la tangente a l'ellipse de l'equation t2«t2 vH2&t2£' = l2at2&, a ellc-mdme pour equation t^fajbj'-fi-M IH'zsflfi aVb vj' et £' etant les coordonndes du point de tangen-ce. Quand a l'eqon de la normale au meme point (V £') , elle est de la forme (n° 13) t V — t Yi, tvi_tV= (U-tr) (rj, 5i) dtant les coordonnees du p61e de la tangente. Or, a l'inspection de liquation de cette tangente, on reconnait (n° 11) que son pdle est deter- mine par les valeurs t if t f t*|, sa , Ui a ; U2 t2« quinzieme session. 355 done on a pour equation de la normale t2 a (1 +t2 6) t tf t ri-t if m (t H-t O , t2 6 (i 4- 12 o) tr ou bien encore sin2 a t ?]' tri-ir;= (U-tr). siu2 b t 5' Quand la conique spherique devient une parabole spherique, ou trouve aise'ment cette propriete : la longitude du na;ud d'une tangente est toujours tfgale, au siqne pres, a celle du point de tangence, en supposant que le premier meridien passe par le somrnet de la parabole. Quand la conique se reduit a un petit cercle, on reconnait immeMiate- raent que toutes les normales passent par le pdle de ce cercle. 29. La polaire d'une ellipse sphe'rique est unc scconde ellipse sphe- rique. Nous nommons polaire d'une ligne spherique le lieu des extremity des des arcs de 90° , normaux en chacun des points de cette ligne. Nous avons trouve (n° 28) pour Equation de la tangente au point (V, V) V- a trj tvi' + l» &t$t/;' ~t2at2£. Les coordonne>s du pole de cette tangente sont tjf . _ tr Vb Va luminous f\ et g' entre ces deux relations et l'equation t2a t2r/ t Vb ^, = t2a t2 b. nous aurons liquation t2 a V b V a t2 b qui representee le lieu des pdles des cercles tangents en tous les points de l'ellipse spbdrique , e'est-a-dire la polaire de cette ellipse. On reconnait done , a la forme de l'equation trouvee , que la polaire d'une ellipse spherique est pareillement une seconde ellipse spherique, concentrique avee la premiere , et ayant ses axes supple'meutaires de ceux de la premiere. La polaire d'une parabole sphe'rique est elle-meme une parabole sphe'- rique. La propriCtd que possede une ellipse sphe'rique d'avoir pour polaire une autre ellipse sphe'rique, pcrmet de conclure d'un thdoreme relatif a une conique sphe'rique, un second theorcme relatif a la conique polaire, et constitue ainsi un principe de duality particnlier a ces sortes de liques sphe'riques. 30. Quelques vdrites deduites de Vintuition, ou du principe du n° I , et du principe de dualitd. A. 1° Toute sCcante qui, passant par le centre d'une ellipse sphe'rique, est 536 CONGRES SCIENTJFIQUE DE FRANCE. mscrite a la courbe, se trouve partage'e au centre en deux parties dgales. 2° Si d'un point quelconque du grand cercle qui a ponr p61e le centre chine ellipse sphe'rique, on mene deux tangentes a la courbe, ces deux tangentes font des angles egaux avec Tare qui joint le centre au point donne\ Dc plus, Tare de contact est un diametre de l'ellipse. (Le diametre de contact et le diametre qui passe pas 1'intersection des deux tragentes sont dits conjuguds Pun par rapport a l'autre. Une corde est dite conjugue'e d'un diametre , lorsque sa direction coupe le con- jugue" de ce diametre , a 90. du centre.) B. 1° y et f extant les inclinaisons de deux demi-diametres conjugue'es a' et V sur le grand axe de l'ellipse, on a les relations : t2 b tang y tang T' = — t2af t2&=t2ft'fW t a t b sat t a' t b' sin (y' — y ) 2° Si , sur la circonfer ence de grand cercle qui a pour pOle le centre d'une ellipse sphe'rique, on prend deux points dont les deux distances Yi et y1, . t2b au p61e du grand axe soient lides par la relation t yi t^\— , les t2a angles a\ et b\ que font les diametres passant en ces points, prdsentent les relations suivantes ; i,2 <**, + t#i ea COnst. t a\ t b\ sin (y' — y) =* const. C. 1° 3 et 8' dtant les arcs du grand cercle conduit par les poles des axes, intercepted entre le grand axe et deux cordCs supplementaires quelcon- t2b ques, on aura toujours la relation 1 8 1 8' = . t2a 2° Dans un triangle circonscrit a l'ellipse, et forme" par deux tangentes aux extremals d'un meme diametre, et par un 3e cote quelconque, si Ton joint les extrc'mitds de ce 3e Ci » 6 au centre de l'ellipse, les lignes ainsi oh- tenues offriront dans leurs incl i naisons sur l'axe, la meme relation qu'of- frent deux cordes suppldmenti ires. D. io La somme des carrds des valeurs inverses des tangentes ou des sinus de deux rayons rectangulaires est constante ; 2o La somme des carrel des valeurs inverses des tangentes ou des sinus des angles forme's par deux touchantes, avec l'arc de grand cercle qui a pour pOle le centre de l'ellipse, est pareillement constante, si les deux tou- chantes coupent le grand cercle en denx points distanls entr'eux de 90. E. to Si une conique sphe'rique est traversed par un triangle spheriquo, on olriient, en menant, sur la surface de la sphere, les cordes des arcs in- tercepted entre les cotes, un second triangle spherique dont les coles et les sommets correspondent aux cote's et aiu sommets du premier; il arrive QUJNZIEME SESSION. 337 toujours que les intersections des cdt£s correspondants sont placets sur une m6me circonference de grand cercle, et que les arcs qui unissent les sommets correspondants concourent au mftme point. 2o Si une conique spherique est traverser par un triangle spherique, on obtient, en menant une tangente a la conique par les deux extre'mite's de cliaque cotd, un second triangle dont les sommets, interseclions de ces tangeutes, correspondent aux sommets du ler triangle, et dont les cote's ont aussi leurs correspondants dans ceux du premier: il arrive toujours que les arcs de grands cercles qui unissent les sommets correspondants concourent au meme point, et que les intersections des cote's correspond dants sont placees sur une meme circonfe'rence de grand cercle. (Ces deux propositions generates, qui renferment comme cas parlicu- liers, le theoreme de l'hexagramme de Pascal et le theoreme de Brianchon, dtendus a la ge'ome'trie spherique, donnent lieu a un grand nombre de propositions plus restreintes , lorsque l'on considere successivemenj, les pentagones, quadrilateres, triangles inscrits et circonscrits, lesquels peu- vent etre regarded comme des modifications de l'hexagone). F. lo Si de chaeun des points d'un grand cercle, on mene deux tangentes, 1'ellipse spherique et Tare de contact, tous les arcs ainsi obtenus passe- ront par un meme point; 2o Si par un point quelconque de la surface de la sphere on mene des secantes a 1'ellipse, et des tangentes par les points d'intersection de ces se'eantes avec la courbe; toutes les tangentes ainsi obtenues se couperont deux a deux en des points qui seront situe's sur une circonfe'rence de grand cercle. (Les deux propositions analogues de la ge'ome'trie plane sont dues a De la Hire.) G. lo Si par un point fixe, pris sur la surface d'une sphere, on mene deux transversales variables qui rencontrent une conique spherique, les arcs qui joindront deux a deux les quatre points de rencontre, se couperont sur la polaire relative du point fixe ; 2o Si de deux points variables d'un grand cercle , on mene deux couples de tangentes a une conique spherique, et qu'on joigne deux a deux les quatre points d'intersection des tangentes , les arcs de jonction passeront tous par le pole du grand cercle consider^. (Nous appclons pole relatif d'un cercle par rapport a une conique le point analogue a celui que M. Servois appelle ainsi dans les propositions deDe la Hire). II. lo Un angle spbe'rique elant donne, si par un point fixe on mene deux transversales variables qui rencontrent les deux cote's de Tangle, et si l'on joint deux a deux les quatre points de rencontre, les arcs de jonction se couperont sur une circonfcrcnce de grand cercle qui passera par le som- met de Tangle; 558 CONGIIES SC1ENTIFIQUE DE FRANCE. 2o Si de deux points variables d'un grand cercle on mene deux couples d'arcs assujettis a passer par deux centres fixes, il en re'sultera un quadri- latere variable dont deux sommets seront les deux points fixes : la diago- nale variable de ce quadrilatere traversera toujours la diagonale fixe au mfime point. I. 1° Quand un quadrilatere est inscrit dans une conique spberique, si Ton vient a mener une transversale quelconque, cette transversale coupe la courbe en deux points A et 15, et les c6tcs du quadrilatere en quatre points M, N, P, Q. Les divers segments ainsi de'termine's sur la transversale sont lie's par la relation sin AM. sin AQ _ sin BM. sin BQ sin AN. sin AP ~~ sin BN. sin BP 2o Etant donnes un quadrilatere A { A2 A3 A, circonscrit a une conique spbe>ique, et un point 0 quelconque ; si par le point 0 on mene deux tan- gentes O M et 0 N a la conique, et qu'on joignele meme point anx quatre sommets du quadrilatere, on aura la relation sin MOA,. sin MOAv sin NOAt. sin NO A 3 sin MOAo. sin MOA,, r" sin NOA2. sin NOA3 (Cette proprietd est une extension a la ge'ome'trie de la sphere du th£o- reme de Desargues sur l'involution de six points ; on en deduit comme cas particulier la suivante, qui est l'analogue de la proposition ix du IVe livre d'Apollonius :) J. to Si par le point de concours de deux tangentes a la conique sp^rique on tire une transversale qui rencontre la courbe en deux points, et la corde de contact en un 3C point ; ce 3e point et le point de concours des deux tangentes seront conjuguds barmoniques par rapport aux deux premiers. 2o Si, sur le prolongement d'une corde, on prend un point quelconque, et que par ce point on mene deux tangentes a la conique ; ces deux tan- gentes d'une part, la corde d'autre part, avec Tare qui joiudra le point donne- a 1'intersection des deux tangentes menees par les exlr&nites de la corde, formeront un faisceau harmonique. K. lo Quand lestrois c6tes d'un triangle A B M, de forme variable, tour- nent autour de trois points fixes, et quand deux sommets du triangle par- courent deux grands cercles fixes, le 3e sommet engendre une conique spbeVique, qui passe par les deux points autour desquels tournent les deux cote's adjacents a ce sommet. 2o Quand les trois ctitCs d'un triangle de forme variable glissent le long de trois arcs fixes, et que deux cote's passent par deux points fixes, le 3e c6t£ a pour enveloppe une conique spdrique. (On reconnait, dans ce th<$or&me, l'analogue d'un thdoreme du a Ma- claurin et a Braikeniitlge. II donne, comme cas particulier, cet autre tbeoreme, qui, borne a la ge'ome'trie plane, a fait partie des Porismes d'Euclide : ) QUINZ1EME SESSION. 559 L. lorQuand les trois c6t6s d'un triangle de forme variable tournent au- tour de irois poles fixes, situes sur une circonf&ence de grand cercle, >et que deux sommets du triangle parcourent deux arcs fixes, le 3* sommet engeudre une 3e circonfe>ence qui passe par le point de concours des deux premieres. 2o Quand les trois arcs concourent au meme point, et que deux c6tes du triangle passent respectivement par deux centres fixes, le 3e c6te" passe lui-meme par un 3e centre fixe, lequel est place" sur la circonfdrence de grand cercle qui unit les deux premiers. 31. Etant donnte I Equation g6n6rale de la conique sphdrique, on propose de determiner le centre de cette courbe. Sort Pequation generate d'une conique spherique At2r\-hB t-n t^-hOP Zl-Dtri *hE t^VY—o. Si nous ddsignons par q" et t" les coordonn^es d'un point, nous trouverons ais6"ment (n° 5) que la polaire relative de ce point a pour Equation (2 A *n"4-B t g"4-D) t-n-h (B ttf-fr 2 C *?'*•£) t% + D t tf'-i-E tl">h 2F=o. Le pdle absolu du cercle de cette Equation est determine" (no 11) par les relations 2At*i"+Bt$w+D Bty]" + 2 Ctr + E . DtYi"4-Ete"4-2F Dtvi"4-Etr4-2F Mais si le pole du cercle relativement a la conique est place au centre meme de cette courbe, le pole absolu se confoud avec le pole relatif. Done le centre de la coniqne est determine" par les Equations 2Atrj + Bt54-D BtY]4-2CU + E tv, . , t? = D tyi+Et ?4-2F ' Dtr]+EU + 2F Ces Equations se retrouvent dans la recherche des plans diam^traux prin- cipaux des surfaces du second ordre. Si nous les traitons comme on le fait dans cette recherche, nous aurons, en posant s sD*y) •{-£*£*- 2F (2A — $)*y)4-B££+.D=:o, (2 C — s) *$*f-B*y) + E*=o, (2F — s) .+ D tfri-f-E t%= o. Des deux premieres, on tire [(2A~5)(2C~s)-B2]i-/i-I-(2C-s)D-BE=o, [(2 A— s) (2 C — s) — B2]^+ (2 A — s)E — B D«o et les valeurs de t r\ et de t\ qu'elles donnent, etant substitutes dans la troisieme, conduisent a liquation connue du 3e degre" (* - 2 A) (s-2 C) («-2F) -(.? - 2 A) E2- (s -2 C)D2 -(s-2F)B2 -2BDE =o, laquelle a ses trois racines reelles, comme l'a demontre" M. Cauchy. Ainsi done, la determination du centre d'une conique donned par liquation ge- nerate du X degre" entre t vi et £$, depend de la resolution d'une Equation 340 CONG11E3 SClENTIFlQUE DE FRANCE. du 3e degre dont les trois ratines sont replies. A chaque racine, corres- pond un systeme de valeurs replies pour t r, et t \. II y aurait done trois centres dans une conique spberique. Et en effet, outre le centre ordinaire de l'ellipse, lequel est inte'rieur a la courbe, il y a le centre de ehacune des deux formes hyperboliques sous lesquelles on peut envisager l'ellipse. Ces trois centres occupentles sommets d'un trian- gle spbenque trirectangle. Les formules pre'ee'dentes permettent de reconnaitre que la condition nccessaire et sufiisante pour qu'une conique sphe'rique soit rapportee a son centre, e'est que Ton ait D = o, E =• o. Lors done que, par un moyen quelconque, on sera parvenu a connaitre une solution de l'equation pre- cedente du 3e degre", on aura la position d'un centre, et, en y transportant l'origine, l'equation prendra la forme A t2 rj -h B t-ri t g+. C P 1-hV — o. Ensuite, on fera une transformation des axes coordonnes au moyen des formules du no 7, et si l'axe des abscisses, dans le nouveau systeme, fait avec l'axe des abscisses dans l'ancien, un angle w tel qu'on ait la relation B tang 2w = A-C l'equation de la conique prendra la forme (n° 27) A*2r,4-CU2 +F=o. 32. Des foyers et des ares cy cliques. Si nous chercbions le lieu des pointes (r, £) dont la somme 2 a des dis- tances p, et p2 a deux points fixes ( yi, £i ) (rj2 ?2 ) est coustante, nous au- rioiis a &iminer p, et p2 entre les Equations. 'N, N2 p, + p, =2#, COS pi=, , cos p2 = , RR, RR2 dans lesquelles nous avons employe' la notation du no 24. Rien n'empeche d'ecrire les deux dernieres Equations sous la forme N, cos pi cos p 4- sin p, sin p = , RR, N2 cos p2 cos p — sin p2 sin p = , RR2 en regardant p comme une quantity nulle. Eliminous d'abord et successi- vcment sin p et cos p de ces deux equations , et nous aurons N, sin p2 N2 sin p, cosp sin (p, 4- p2):= •?■ , RR,, RR2 N, cos p2 N2 cos p, sin p sin ( p, 4- p2 ) = ; RR, RR2 quarrant et ajoulant , il vient QUINZ1EME SESSION. 341 N,2 N22 N, N2 sin2 (p, + dj) «s 4 2 cos ( pj + p2 ). Wt R2H22 R2R,R2 C'est 1'equation du lieu : elle est du deuxieme degr£ ; done le lieu est une conique sphgrique. On peut mettre liquation sous une forme plus simple , en prenant pour axe desij le grand cercle qui passe par les deux points fixes , et en meltant I'otigiue au milieu de la distance de ces deux points. Si nous designons par 2 c cette distance, .I'equation deviendra 2 (l-+*2c) ( £2 y] -f- *2 5 + 1) sin2 a cos2 a + cos2 a l2c V-\. Enfin , si nous introduisons dans l'e'quation une quantite b plus petite que a, li£e a c et a a par la relation cos a cos2 b - cos2 a cos c so , d'ou tang2 c ~ cos b cos2 a il viendra , toutes reductions faites , t2al2ri-rPbtn z=t*aPb. C'est liquation connue de I'ellipse sphe>ique , rapportde a ses axes et a son centre. Ainsi done, il y a sur le grand axe de Pellipse spherique, de part et cos a d'autre du centre, a une distance c, marquee par cos c = , deux cos b points tels que la somme de leurs distances a un point quelconque de la courbe est constante et Cgale au grand axe. Ces deux points peuvent s'ap- peler foyers. En partant des trois equations N, N2 Pi — P2 — 2 a , cos p , = , cos p 2 — > RR2 RR2 une analyse semblable a la prdcCdente conduirait pareillement a conclure que dans l'hyperbole sphe'rique il y a un ou deux systemes de foyers, et que les deux foyers de chaque systeme jouissent de cette propriete : que la difference de leurs distances a un point quelconque de la courbe est constante. Au reste, le calcul est inutile pour conduire a cette propriete. Car considerons les deux foyers F et G d'une ellipse , et , dans I'ellipse sy- metrique qui lui est opposed , les deux points correspondents F' et G'. Si Ton fait passer un grant! cercle. parle foyer G et par un point quelconque M de I'ellipse, ce cercle ira passer par le point G', et Ton aura G' M + M G as 180o. Mais 1'on a MGf M F =2a, done G'M — MF *= 2 (90 — a) » const. Cette belle propriety , qui permet de decrire I'ellipse sphe'rique , comme I'ellipse plane , par un mouvement continu , au moyen d'un fil , est due a Fuss , compatriote de Lexell. Fuss, cherchant le lieu des points de la sphere dont la somme des distances a deux centres fixes est constante , avait trouve" que ce lieu est l'intersection de la sphere par un cone du second degre\ Les formules analytiques dont Fuss fait usage, dit M. Chasles 342 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. dans son histoire de la geom&rie, le conduisent a ce r^sultat remarquable : savoir, que si la longueur du fil est egale a la demi-circonference de la sphere, la courbe decrite est toujours un grand cercle, quelle que soit la distance des deux foyers. Ce fait ressort de notre equation gdn&ale, qui, N, N2 dans lc cas particulier en question, devenant b — = o , se r£duit a une Rt R2 equation du premier degre. II est d'ailleurs evident en soi. Car sur un diametre d'un grand cercle, conside'rons deux points quelconques F etG, place's a egale distance du p61e j je dis que M etant un point quelconque de la circonference du grand cercle, on a F M + M G = 180°. En effet, soit F' le point de la sphere , diam&ralement oppose a F. On a £videmment F M + M F' s= 180°' Or <*videmment aussi MF'=MG; done F M-+ M G = 180o. Concevons une ellipse sphenque E, ses deux foyer3 F et G, et deux arcs vecteurs p, et p2 men&des foyers a un point quelconque de la courbe. Si nous construisons la polaire d'une telle figure, les foyers F et G serout remplace's par deux circonferences de grand rercle F' et G' perpendicu- laires au grand arc 2 a de l'ellipse ; l'ellipse E par sa polaire E' ( no 29 ) ; le point M par Tare de grand cercle M', tangent a l'ellipse E\ Les trois arcs de grands cercles M' , G', F' formeront , en se coupant , le triangle polaire du triangle F M G. Mais, dans le triangle FMG , le perimetre est constant , quelle que soit la position du point M j done , dans le triangle polaire, la sorame des angles, et, par consequent, la surface est elle-meme constaute, quelle que soit la position de la tangente a l'ellipse E\ M. Chasles , dans son memoire sur les proprietes generates des coniques spheriques ( 1831 ), appelle arcs cycliques de l'ellipse E', les deux arcs F' et G'. On voit par ce qui precede que les arcs cycliques de l'ellipse E' sontper- pendiculaires a sou petit axe 2 a\ qu'ils coupent cet axe , de part et d'au- sin a' tre du centre , a une distance d' de ce centre marquee par sin d' =■ — sin b' En effet, la distance d du centre de l'ellipse E a son foyer F est marquee cos a par cos d == . Or (no 29) on a, a = 90 -b- a\ b = 90 +- b\ d =. cos b sin a' 90 4- d'i done sind' = . sin b' Dans le cas du cercle, on a, sin d'= 1, et les arcs cycliques se confondent en une seule circonference de grand cercle , ayant merne pole que le cercle conside>e\ La propria des arcs cycliques , conside>de dans un ordre inverse peut s'e"noncer ainsi : L'enveloppe des bases des triangles qui ont meme sur- face et un angle commun est une ellipse sphenque. Le theoreme a etc QU1NZIEME SESSION. 543 donn£, sous cette forme, par M. Steiner, dans un mdmoire iusere au Jour- nal de Crelle, torn, n, et intitule* : Transformation et division dcs ligures sphdriques , au moyen de constructions graphiques. 33. 1" Dans V ellipse spherique, les arcs vecteurs menes des foyers a un point quelconque de la courbe,font des angles egaux avec la tan- gente en ce point. 2o La portion de tangente a V ellipse spherique , in- tercepts enlre les deux arcs cycliques , est partagee , par le point de langence , en deux parties eg ales. La premiere partie de ce the'oreme est due a M. Magnus de Berlin. M. Magnus avait repris l'etude des proprie'te's de Pellipse spherique de Fuss, et avait demontre" dans le cone la propriety correspondante a celle queFuss avait trouvde dans l'ellipse, savoir que la somme des arcs vecteurs mends des foyers a un point quelconque de la conrbe est constante. La deuxieme partie du the'oreme , qui est une consequence de la pre- miere, a cause du principe de duality, a dtd remarquee par M. Chasles, dans le mdmoire ddja citd sur les proprie'te's des coniques spheriques. Pour ddmontrer la premiere partie , considdrons le point (rj' if) de l'el- lipse sphdrique. Le p61e (rM £1) de la tangente en ce point est determine (no 29) par les valeurs. t$ tv Vb ! ' t*a On trouve aussi , pour le p61e (r,2 l2) de Tare vecteur mene du foyer positif au point fa' ¥)» ty-tc —1 tr\2 = , e%2 m — , t C t rj ' t C c etant la demi-distance focale , designee (no 32) par cos a t2 a-P b cos c = ; d'oii t c =■ cos b 1 4- P b On a d'ailleurs la condition P a P *j' -i- P b P V = P a P b . Si nous ddsignons par p Tangle de Tare vecteur avec la tangente, nous au- rons (no 14) tyii l%Hh Mrtf*> 1 COS p = ; . V/t'ri.-M^ + l v/t22 + l2^2+l Introduisant dans cette expression les valeurs precedentes de lrn} #",, t r12, t £2» nous obtiendrons t a t c t y]' cosp= ■ sin b V V a— V cP? Si Ton repdtait le meme calcul pour l'autre foyer, on trouverait la meme valeur , au sigue pies , pour le cosinus de Tangle que fait avec la meme portion de tangente , l'arc vecteur mene du second foyer au point de tan- 544 congr£s scjentifique de France. geuce. Car le nouveau calcul nediffereraitdu precedent que par le signe de c. II requite de ce qui vient d'etre ddmontre que les deux arcs vecteurs font des angles dgaux avec la tangente, de part et d'autre du point de tangeiice. 34. lo Les sinus des distances des deux foyers de V ellipse a la tan- gente forment tin produit constant, quelle que soil la position d.e cette tangente. 2° Le produit des sinus des distances d'un point quelconque de Vellipse a ses deux arcs cycliques est constant. Nous avons toujours pour les coordonnees du p61e de la tangente au point (V ?') t V jur t2 b t2 a D'ailleurs les coordonnees des foyers F et G sont donnees par t n2 = o , Ui *m ± KJ: t26 1 -h t2 b Si done on emploie la formule du no 16 , et si I'ou a egard a la condition ts a t2 f +- t2 b I2 £' = t2 a t2 b , On trouvera pour Je produit des sinus des distances p, et p2 des foyers F et G a la tangente (rj, $,) t2 b sin p, sin p2 = m t2 b cos2 a , H- t2a produit independant des coordonnees propres au point de langence. La premiere partie de la proposition est done d^montree; quant a la deuxieme, elle sededuitde la premiere, au moyen du principe de dua)ite\ Cette double propriety fait partie de celies que donne M. Chasles dans son me'moire sur les coniques spheriques. Notre analyse s'applique egale- ment Men a la demonstration de toutes ces autres proprietds. Comme notre intention n'est pas de faire un traite des coniques spheriques , nous n'en dirons pas davantage sur ce chapilre. gv. DES LIGNES SPHERIQUES EN GENERAL. 35. De la tangente en un point determine" (r, I) d'une ligne sphc- rique quelconque. Si la ligne est alg^brique, son equation sera de la forme f(*n, t\)-o et par consequent liquation de sa tangente au point (r, 5) sera de la forme dtyj tv-tvi= (tr-to , QUINZIEME SESSION. 345 v)' et V etant les coordonnees courantes. Car liquation de sa projection conique serait (no 5) f(y,#)=o, et celle de la tangente de cette projection dy f — y= (a? — x) . d x Dans le cas oil la ligne sphe'rique ne serait pas alge'brique, liquation de la tangente serait i 4- t2 vj d y) tn'-tYi== . (tr-ti). l+.t2e d$ dv] Dans ce dernier cas, le rapport — se tirerait de liquation de la courbe d$ diffe'rentiee relativement a r, et a S, tandis que, dans le premier cas, il suf- firait de diffe"rentier relativement a £ v) et a t%. 36. Etant donnte une ligne sphe'rique quelconque, on propose de trouver liquation de sapolaire. Soit d'abord l'equation d'une ligne alge'brique, f(*n,*$)^o. Nous avons vu (no 35) que sa tangente au point (?) d) a pour equation d t y] tv~tn=: (tr-U)5 dU par consequent (no il) le pdle de cette tangente pr&ente enlre ses coor- donnees t\x ij, les relations suivantes : d U — dtn t vj, = , t \x = . t Sdtvi— t v] d U t^dtvi — tvjdtl La question est ramene'e a 1'eiimination de vj et de $ entre ces deux re- lations et liquation de la courbe. Or cette elimination pent se fdire en conservant a liquation de la courbe toute sa generalite. A cet effet, nous remarquerons que deux points corres- pondants (vj %) et (t\x %x) dans la courbe et dans sa polaire, sont lie's par la relation symetrique tr\ iufiitit + i =.0, et que, par consequent, toute relation entre ces quatre quantites entratne, entre les memos quantites, une seconde relation qu'ou obtient de la pre* miere, par le changement reciproque de vj en yj, et de \ en £, done on a dt*, -dtvu t vj * , t \ m . t \x d t vu — t vj, d t \x t \x d 1 1), — t vj d 1 5» Par consequent la courbe de liquation donnee aura pour polaire dU, — dtvi, f / \ m o \ t^dtvi, — tvj,dt?, U, dtvi, — tvj, dt$, ) Si la courbe n'etait pas algebrique, et que son equation fut de la forme

l)-(p+q) frj n + (I +* 2 yi) o. 38. iVa»* donnee liquation d'une courbe sphirique, trouver Ve1- quation de sa normale au point (r, £). Liquation du grand cercle tangent au point (yj lj), est (no 35) *Y)'-tn=p(*r-^), QUINZ1EME SESSION, 547 cog- ? dyi p representant le rapport — — • — qu'on obtient par la differentiation de liquation de la courbe/ (rj, I) = o. Liquation de la normale au meme point ( yj , 5 ) est de la forme q etant une fonctiou de t\ et de \ qu'il s'agit de determiner. Or p et q sont (no 37) lies par la relation pq(ift*t)-(p+q)tr[tZ + ([+PTi)~0, de laqnelle on tire _ 1 -M2r|— ptYi tg 9,T tYjt ?— i>(l 4-t2^) L'dquation de la normale se trouve par la completement de'termine'e. 39. Trouver le lieu du sommet d'un angle quelconque p circonscrit a l' ellipse spherique. Le probleme analogue de la gdom&rie plane a e'te' propose* et resolu par de la Hire. Nous avons pour equation de l'ellipse spherique PaP-n + PbPZ^PaPb; pour celle d'un grand cercle pour la condition de contact entre le cercle et l'ellipse k2**PyPafPb; pour liquation d'un double cercle tangent a l'ellipse tr)=:tYt?+ y/t'y^a+t2 b ou bien encore (P* — Pa) Py—2tr\tlty + Pri — Pb^o. On tire de la, en d&ignant par p et q les deux valeurs de tang y que don- nerait cette Equation. tvi t? t2 Y)-t2 b t2 \ — t2 a Si nous introduisons ces quantitcs dans la valour de tang p que donne le no 37, nous aurons une relation entre les coordonndes d'un point com- mon a notre double cercle tangent, et comme nous aurons exprime* la condition pour que ces deux cercles se coupent sous Tangle p, cette rela- tion sera l'equation du sommet de Tangle p circonscrit a l'ellipse. On trouve ainsi - t p~ \/t2at2ri + t2bt*1; — t2at2~b y/t2v) + t2g-H (l-t2a)t2n+(t-t2&)tH-t2a — t26 c'est liquation d'une ligne de 4e ordre. Si Tangle p 6tait droit , on aurait simplement ( 1 — P a ) P-<\ * ( 1 — *2b ) P % m P a + i2 b. C'est l'equation d'une ellipse spherique, quand Pa Pb sont simuKan£. 548 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ment iuterieurs a Tunite, c'est-a-dire quand les axes de Tellipse proposee sont -<90<>. C'est encore une ellipse, mais une ellipse imaginaire, si ces deux axes sont a la fois > 90<>. Enfin c'est une hyperbole spherique si l'un est inferieur et l'autre superieur 90o. Lorsque le grand axe de Tellipse donnde est de 90o , liquation pre'ce'- dente represente deux me'ridiens egalement eloignes du premier meYidien , et dont les distances a ce premier meridien sont compldnientaires des dis- tances me'ridiennes des deux foyers. La theorie des figures polaires donnera les thdoremes suivants , comme consequences de ce qui precede : lo l'enveloppe des cordes de 90o inscrites a Tellipse sphe'rique est une ellipse ou une hyperbole sphe'rique, suivant que les deux axes de Tellipse proposed sont a la fois plus grands que 90o, ou que Tun est plus grand et Tautre plus petit que 90o. 2° Toutes les cordes de 90o, inscrites a la parabole spherique, passent par un meme point, situe sur le second axe de la parabole. ( II est bien entendu que ce second axe est supposC plus grand que le premier, lequel est de 90o, no 27.) 40. De la conchoide sphe'rique. Soit un point fixe F, et un grand cercle fixe OQ. Par F, menons des transversales a chaque point L du cercle fixe, et a partir de Intersection L, prenons sur la transversale un arc constant LM=y. II s'agit de trouver le lieu des points M. Prenons QO pour axe des $, et Tare qui passe en F, perpendiculaire- ment a O Q , pour axe des n; X et \x etant les coordonnees a Torigine du cercle LM, on a pour son equation (no 10) . - +. - = t tp tx On a d'ailleurs (no 9) (t+t»x)Pu + (u-tx)» t» Y = (t 5U+l)8 L 'Elimination detl entre ces deux equations conduira a Tequation du lieu cherche, laquelle est C'est Tdquation d'une ligne de quatrieme ordre. Dans le cas particulier dey=r 90o, liquation se rdduita t^tH — t-n + t\L- 0, et elle represente une conique spherique. 11 resulte de cette generation de la conique spherique, une autre generation, au moyen de la figure pol aire : si le sommet d'un angle droit glisse le long d'un arc de gran;] cercle, tandis que Tun de ses cotes ne cesse pas de passer par on point fixe, l'enveloppe du deuxieme edie de Tangle droit sera une conique spherique. 41. Des coordonnees ge'ographiques. Une ligne spherique psut-etre ex primee par une equation entre la longi- tude et la latitude de chacun de ses points. Les nouvelles coordonnees ont quelques avantages sur les coordonnees spheriques , comme de representer QUINZIEME SESSION. 549 d'uDemaniere plus simple certaines lignes dont l'usage est le plus frequent, le cercle, par exemple, et de donner des formules aussi plus simples pour la quadrature et la rectification. Mais, en un point essentiel, le nouveau systeme le cede a l'autre, c'est qu'il n'offre pas de caractere pour la classi- fication des courbes, de sorte qu'une raeme ligne n'est plus reconnaissable a son equation, lorsqu'elle pre'sente des differences de position par rapport aux axes. Chaque Equation demaude une etude a part, et sa composition cesse de montrer spontan^ment quelques-unes des proprieles generates du lieu qu'elle renferme. Malgre" tout, le nouveau systeme doit etre employe concurremment avec le premier, et, suivant le cas, l'un doit etre prefer a l'autre. 11 sera d'ail- leurs toujours facile de passer du premier au second et rdciproquement. Car x etant la longitude et y la latitude d'un point (yj, $), on a £ = #, cos x tang r\ = tang y. Pour distinguer, par un nom different, les nouvelles coordonnees d'avec les anciennes, on peut Jes appeler coordonnCes geographiques. Ces coordonnees geographiques s'appliquent avec unegrande facility aux problemes de la Spirale de Pappus, des Cities de Guido Grandi, de la Loxodromie sphenque, des fenetres de Viviani, de la ligne des heures <*gales d'Aboul-Hhassan-Ali, etc... Afin de ne pas donner trop d'etendue a notre travail, nous nous bome- rons a ces seules indications, et nous donnerons, en terminant les formules suivantes tang ?c: cos y--y; d\J= siny dx; ds* = dy2 f cos2 y dx\ La premiere fait connaltre Tangle

ique/ (x, y) = o coupe ses meridiens; la 1" donne la surface sphe'rique U comprise entre la courbe/ (x, y) = o, I'^qiateur, et les deux meridiens determines par les limites de l'int^gratiou ; la 3e enfin sert a rectifier un arcs de courbe sphe'rique. Se&nce flu lO septembre* Presidence de M. le comte de Tristan. M. Blondeau de Carolles , secretaire. La seance est ouverte a huit heures par la lecture du proces-verbal de la seance precedente. La parole est ensuite 350 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. donne'e a M. Borgnet pour la continuation de la lecture de son memoire sur la question 17. « Rechercher une me'thode « qui puisse etre employee dans toutes les questions de geometric « sphe'rique. > Apres l'audition de ce memoire, la section exprime'le de- sir qu'il trouve sa place danslecompte-rendu de la 45e ses- sion du Congres scientifique de France. M. Des Moulins communique quelques observations ver- bales relatives al'influence du sol sur la nature des vegetaux qui croissent a sa surface. Cet honorable membre desire que la section se joignealui pour demander aux naturalistes des catalogues locaux des plantes (phanerogamus et cryptogamus) qui affectent exclusivement ou d'une maniere particulierc certaines stations mineralogiques, afin qu'on puisse un jour , en joignant ces donnees a celles que fournit leur sta- tion hypsometrique, completer la Flore de France, sous les divers rapports afferents a la distribution des vegetaux. La parole est a M. Petelard, medecin veterinaire et se- cretaire de la section , qui lit un memoire sur la 27e question du programme, ainsi concue : « Quelle est la cause de la ru~ « mination chez les herbivores polygastriques ? » Cettc question est traitee verbalement par M. Petelard, medecin-veterinaire, et secretaire de la section. Avant de faire connaitre son opinion sur les causes de la rumination, l'orateur entre dans quelques details necessaires sur Tappareil digestif des ruminants ; il en fait connaitre la situation et la structure anatomique, ensuite il indique la maniere dont s'opere la digestion dans ces animaux, et le mecanisme de la rumination. « La rumination, dit-il, nedoit pas etreregardee comme « une action purement mecanique, contre nature, comme « l'ont avance plusieurs auteurs; mais bien comme une « action toute vitale placee sous l'influence immediate du « systeme nerveux ; action a laquelle vient s'ajouter la con- « traction des parois, du rumen absolument necessairepour < que ce singulier phenomene se produise, et aussi la res- « piration et Taction des muscles abdominaux qui l'aident « puissamment. » quinzieme session. 251 Mais cette action vitale est-elle purement animale ou bien est-elle placee sous l'empire de la volonte? L'herbivore polygastrique rumine-t-il sans le vouloir? M. Petelard, qui s'est livre a de norabreuses recherches a ce sujet, pense que, bien que la rumination soit un acte d'absolue necessite pour que la digestion des aliments puisse s'operer dans les bisulces, cephenomene n'en est pas moins place sous l'em- pire de 1'animal. A l'appui de son opinion il cite les con- ditions necessaires pour que la rumination ait lieu, celles qui peuvent Finterrompre momentanement dans l'etat de sante. II rappelle surtout que le rumen, qui joue le role principal dans cet acte, recoit les nerfs qui s'y rencontrent dircctement du cerveau, nerfs qui sont en general des nerfs du mouvement volontaire. M. Feuillet prend la parole pour combattre l'opinion precedente; il croit que la rumination s'opere indepen- damment de la volonte de 1'animal; que tous les.actes vo- lontaires sont le resultat d'une sensation , et que dans la ru- mination il n'y a point sensation : par consequent, il ne doit pas y avoir la acte volontaire. A la suite de cette discussion, M. l'abbe Blaive parle sur les maladies occasionnees par les insectes. L'honorable membre soutient que les insectes sont constamment la cause des maladies des vegetaux et cite un grand nombre de faits a l'appui de son opinion. Ce sont surtout les larves des xylopbages et des longicornes qui sont redoutables pour les vegetaux. MM. Des Moulins, Wasse de Saint-Ouen et Feuil- let appuient cette opinion de plusieurs faits. La question 18 du programme est ainsi concue : « Faire « connaitre les ordres et les families d'insectes nuisibles a Vagri- t culture, decrireleurs mceurs et leurs habitudes. » M. Fabbe Blaive a la parole pour traiter cette question. II appelle l'at- tention desnaturalistessur la pyrale du raisin (qu'il nefaut pas confondre avec la pyrale de la vigne), qu'il a etudiee en Touraine, a laquelle il attribue un effet nuisible et qui a beaucoup de rapport avec la coulure. M. Brame a la parole sur le paragraphe 15 du pro- gramme des sciences physiques. Notre savant confrere 352 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. cherche a etablir que Forigine d'un grand nombre de mineraux est une utricule corame celle des vegetaux et des animaux. I/honorable membre fait passer sous les ycux de la section des figures de ces utricules et soutient que tout ce qui a ete dit par- les botanistes sur les utricules vegetales peut etre egalcment applique aux utricules minerales. Sui- vant M. Brame, l'element du mineral n'est done point un crista], mais bien une utricule. 11 est done impossible de dis- tinguer,sous le rapport de leur forme protogenique, les sub- stances organisees des substances inorganiques, puisqu'elles sont formees du meme element utriculaire. La section remercie M. Brame de cette interessante communication. Les idees qu'elle renferme lui paraissent neuves et de nature a exercer une grande influence sur la mineralogie et la cristallograpbie. M. Brame ajoute quelques mots pour caracteriser l'ar- senic dans les empoisonnements. II fait connaitre divers procedes qu'il a imagines pour reconnaitre ce corps et le distinguer surcment des autres substances qui s'en rappro- cbent, telles que l'antimoine. M. l'abbe Chevalier depose entre les mains de M. le secretaire deux memoires qu'il a lus dans les seances prece- dentes, l'un sur le Diluvium, l'autre sur le calcaire lacustre de la Touraine. M. Des Moulins fait remarquer que Ton a oublie dans le proces-verbal de lundi d'indiqucr que le memoire de M. Chevalier sur le Diluvinm a ete, sur la pro- position de M. dc Caumont, adoptc pour l'impression dans le eompte-rendu des travaux du Congres. Cette omission est reparee au proces-verbal du jour et l'impression de ce me- moire a ete de nouveau adoptee a l'unanimite. La seance est levee a onze heures. Seance tlu 1 1 sejitembre. Presidence de M. le comte de Tristan. M. Vabbe Chevalier, secretaire. La seance est ouverte a huit heures par la lecture du proces-verbal de la seance precedente qui donne sujet a QUINZIEME SESSION. 555 quelques observations de la part de M. Feuillet ainsi que de celle de MM. Blavier et Brame. Ce dernier mentionnc l'oubli bien involontaire de la section a l'egard de M. Mar- gueron, savant direcleur du jardin de botanique. Les mem- bres de la section qui ont eu le plaisir de visiter ce bel etablissement, cju en partie au zele et aux sacrifices de M. Margucron , se plaisent a reconnaitre qu'il est peu d'eta- blissemenls de province capables de rivaliser avec le jardin \ de botanique de Tours, soil sous le rapport de son heurcusc situation , soit sous le rapport du grand nombre de planles qu'il contient. Pour faire en peu de mols l'elogc de M. Margueron , nous nous bornerpns a dire qu'il est par- venu a reuniren peu d'annees 9,220 plantes, tant exoliques qu'indigenes, et que lesserres contiennentplus de 1,800 es- peces de plantes parmi lesquelles on en compte de fort rares. Citer de parcils resultats, e'est dire combienila fallu de zele et de devouement a celui qui a reuni toutcs ces ri- cbesses et nous les a fait examiner avec tant de bienveillance. M. le president lit le 21e paragrapbe du programme des sciences pbysiques et matbeinatiques ainsi concu : « 21. < Les mouvements de rotation et de translation de la terre « combine's sont-ils, comme Va experimente M. Nor let (de « Tours), la cause veritable de la deviation des corps dans « leur chute? Ce fait admis, devient-il facile de deter miner « d'avance au moyen d'une table , le jour et Vheure etant « donne's , de quel cote doit avoir lieu la deviation d'un corps « dans sa chute. » Messieurs , vous savez que la rotation de la terre influe sur la chute des corps et que cette influence a 6t6 v6riuee avec d'autant plus de facilite que le puits vertical a plus de profondeur. Mais, Messieurs, la question 21 e va plus loin et veut tenir compte de 1'influence de la translation. Je vous ferai rem3rquer, Messieurs, que les puits les plus profonds sont parcourus par uu corps livre a Taction de la pesanteur dans dix secondes environ et que pendant ce temps les deux tangentes a I'eliipse de translation u'ont pas sensiblement change de direction; et par consequent le point de chute re'el d'un corps s'ecartera tres-peu du point auquel il ftit tombe' par la seule action de la pesanteur. On peut dire a priori, que l'immense ellipse parcourue par la terre dans son mouvement annuel donnerait lieu a quatre tres-petites courbes sym^triques autour du point de chute d(Hermine/e par la rotation de la terre sur son axe. 354- CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Mais pour saisir ces petites courbes par l'expe>ience, plusieurs difiicultes se presentent : avoir un puits tres-profond uniquement a*sa disposition; en bien boucher les ouvertures afin qu'il n'y ait pas de courants d'air; chaque jour faire tomber une fleche a pointe fine ; la Sparer chaque jour, ahu de conserver Tidentite" dn mobile; avoir la plus grande attention en d&achaut le mobile, et entin le faire arriver sur une surface plane et polie sur la- quelle I'extre^mitd de la fleche ne laisse sa trace que par un point. L'expe"rience exige tant de conditions qu'elle sera longtemps, je pense, sans execution. M. Le chevalier Vasse de Saint -Ouen presente aussi quelques observations sur le merae sujet. En reponse a la 13e question relative a la determination des lenticelles, M. l'abbe Blaive dit que ce sont des excrois- sances produites sur les feuilles de quelques arbres et en particulier du saule par le depot ou ceufs d'un hymenop- tere qui, trouvant dans cette lenticelle des principes nutri- tifs y accomplit les differentes phases de son developpement. M. Charles Des Moulins dit a ce sujet que ce phenomene des lenticelles se produit sur une grande echelle dans cer- tains departements de France et qu'il y aurait interet a savoir si l'industrie ne saurait pas tirer parti de ces excrois- sances qui, sous le nom de noix de galles, sontsouvent re- pandues en si grande abondance a la surface des feuilles dc chene. M. le president donne lecture des paragraphes 18, 19 , 20, 21 et 22, sur lesquels personne ne prend la parole. Relativement a la question 22, ainsi coneue : *L'espece est- i die immuable en zoologie, on Men a-t-elle sabi des modifica- « tions coinciclant avec les circonstances climatologiques de la « surface du globe? » M. Des Moulins fait observer qu'on au- rait dii bien definir ce que Ton cntend par cspece. Doit-on admettre avec M. Flourcns que l'espece est la continuation de l'individu, par le moyen de generations successives, et le genre, la collection des especespouvant donner naissance a des individus qui ne sauraient se reproduire entre eux? Tant qu'on n'aura pas donne une bonne definition de l'es- pece, M. Des Moulins pense qu'on ne pourra s'occuper uti- lement a traitor la 22e question du programme. La parole est a M. Blondeau de Carolle pour le develop- QU1NZIEME SESSION. 555 ])cment du 23e paragraphe, ainsi concu : « Connait-on quel- « ques faits susceptibles d'e'tablir que certains animaux infer ieurs « qui se developpe?it sur les matieres animates ou vegetates en « decomposition ne proviennent pas d'oeufs ou germes deposes « par des individus semblables. » Messieurs , Plusieurs systemes ont 616 proposes dans le but d'expliquer Porigine des etres que Ton rencontre a la surface du globe : suivaut les uns, tous au- raient 6t6 cr66s a l'epoque oil la terre fut placee dans les conditions ne- cessaires au maintieu de leur existence, et ces conditions s'dtant perpe'lue'es jusqu'a notre dpoque, la force active de la nature se bornerait a propager les especes qui recurent a l'origine des choses l'existence avec la faculte de la transmettre. Suivant d'autres auteurs, les creations seraient successives, et la puis- sance creatrice de la nature, se perpe'tuant a travers les siecles, nous ren- drait a chaque instant temoins de la formation de nouveaux organismes prenaut naissance sous l'influence de cette force cre'atrice toujours agis- sante et sans cesse modified par les agents exteneurs. Ce qu'il y a d'essentiel dans cette derniere maniere de voir, c'est qu'elle porte a admettre que les e'le'ments organiques doivent se disposer d'une certaine maniere et 6tre soumis a certaines influences pour s'organiser et prendre vie. Cette disposition s'opere au sein d'organismes pre*existants et donne lieu a une formation premiere qui, tant qu'elle n'existe qu'a l'e'tat d'e'bauche, est soumise a Taction des agents exte"rieuis qui ont la plus grande influence sur la forme definitive de 1'etre cre'e', et par suite sur la place qu'il doit occuper dans l'echelle des organisations. Cet e'tat d'incertitude dans lequel se trouve place'e la matiere en travail d'or- ganisation ne cesse que lorsqu'une cause assez puissante vient imprimer a I'ebauche un caractere de fixite tel quelle ne saurait de* vier de la direction qui lui a 6te" imprime'e par cette cause raodifiante. Corame les agfnts exte"-rieurs capables de modifier les premiers rudiments de l'org.inisme sont nombreux, il resulte de cette theorie : 1° Que les etres produits par l'influence des agents exte'rieurs doivent etre aussi vane's qu'il y a de causes modifiantes diff^rentes ; 2° Que lorsqu'une matiere organique s'est constituee a l'etat d'e^bauche au sein d'une substance organique preexistante, si les conditions extd- rieures viennent a changer, les etres qui prennent alors naissance doivent differer dans leur nature et dans leur forme de ceux qui se seraient formes dans le cas ou l'agent excitateur n'aurait par varie\ et cette influence est supposee assez efficace pour que, dans certaines circonstances donn&s, l'c- 356 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. bauche qui devait produire un animal engendre un etre organise ves- tal. Pour etre en droit d'adopter une opinion entre deux syslemes defendus par des hommes du plus grand talent, il e'tait n^cessaire de re- courir a Texperience, et beureusement, dansle cas aetuel, des experiences peuventetrefaites de manure a ne laisser aucune incertitude dans I'esprit. Les agents qui influent le plus directement sur la formation des orga- nismes inferieurs que Ton voit se develbpper la ou rien n'annoncait que la vie dut se manifester, sont la clialeur et la lumiere. Or, ou peut sou- mettre a Taction de ces agents et les faire agir directemeut, ou bum apres les avoir modifies, sur les substances dans lesquelles la vie se manife^e, afui de voir si a cliaque condition dil'ferente surgissent des existences nouvelles. Ces experiences out ete faites avec beaucoup de soiu : on a expose" a Taction d'une temperature et d'une intensity lumiueuse que Ton a fait va- rier dans des limites tres-etendues des vases renfermant de Teau de puits dans laquelle se developpent avec facilite les organismes inferieurs, et en fait de plantes on a toujours trouve" les memes especes, c'est-a-dire des globulines, des naviculs, des ostillatoires, des cystodielles. Quant aux animaux qui avaient pris naissance dans ces memes milieux, c'eUaient des monades {Monas termo, Monas lens, Monas enchylo'ides ) ; des kolpodes (Kolpoda cosmopolite, Kolpoda solea); des paramoecies, le Cyclidium mutabile, le Trinella hydrogeniphilia. Les conditions de cbaleur et de lumiere , auxquelles a ete" soumis le milieu dans lequel se formaient ces organismes vegelaux et animaux, ont ete modifiers de diffe>entes manieres. Ainsi on a successivement place" les liqnides servant aux experiences dans Tobscurite" la plus complete, puis on les a exposes a la lumiere la plus vive, et cela a diffOentes epoques de i'anne"e, et Ton n'a remarque" aucun changement dans la nature des etres qui se sont de"veloppes. La seule difference que Ton ait observed, c'est que la vie se manifeste avec beaucoup plus d'ejiergie sous Thifluence de la clia- leur et de la lumiere que lorsqu'elle se trouve soustraite a Tinfluence de ces agents ; mais, quant aux formes sous lesquelles elle se produit, ce sont tou- jours les memes. C'est en vain qu'on a decompose la lumiere et que Ton a soumis a son action ces liquides si fe"conds en germes, en les placant dans des vases diversement colored qui ne laissent passer que' certains rayons; toujours les resultats ont etc" les memes , et les especes n'ont pas varie". En presence de tels faits, n'est-on pas force d'admeltre que si Ton voit des etres se de"velopper dans un milieu, c'est que deja ce milieu contient les germes qui n'attendent que des circonstances favorables pour donner naissance a des etres semblables a ceux qui les ont procrdes. Les experien- ces d'Ebrenberg ne rendent-elles pas snffisamment compte de la presence de cette multitude de germes qui se trouvent dans les liquides, puisque ce savant a pu constater que d'un seul miuso'ue (Hydatina senta) pouvaitpro- venir au bout de onze jours quatre millions d'iudividus ; et est-il neces- QU1NZIEME SESSION. 557 saire, d'apres cela, d'avoir recours a une force crdatrice agissant constam- ment, lorsque la nature a dou6 ces pelits etres d'une puissance de repro- duction si dnergiquc. « Mais si les agents exteYieurs ne sont pas susceptibles de cider a chaque instant de nouveaux orgauismes, ne sont-ils pas capables de ddtourner les germes de leur destination et de faire que la matiere organised, destindeau ddveloppement d'un animal, devienne l'origine d'un vdgdtal ? Quelques sa- vants ont, en effet, pensd que cette deviation pouvait avoir lieu, et voici les faits sur lesquels s'appuie un savant micographe pour faire triompher cette opinion. M. Turpin, ayant soumis du lait a l'examen microscopique, vit qu'il dtait forme" de globules nageant au milieu d'un liquide , et il fut conduit , par suite de ses etudes, a penser que chacun de ces globules possddait une vie propre en vertu de laquelle il absorbait une partie des fluides au milieu desquels il dtait plongd et qu'il iinissait par se developper sous forme de vdgdtal. En examinant pendant longtemps les globules du lait, M. Turpin crut, en effet, remarquer que lorsque ces globules ont quittd le milieu animal dans lequel ils ont pris naissance, lorsqu'ils se trouvent livrds a eux-memes et places dans des circonstances favorables a la continuite de leur existance, ils ne tardent pas a se gonfler et a germer par plusieurs cotes a la fois, de la meme maniere que germent les sdminales vesiculeuses des conferoes, des mousses et des champignons. D'autrefois le globule vcsiculeux du lait se rompt sur un ou deux points pour laisser sortir des bourgeons qui, peu a peu , s'allongent et deviennent de petites tiges incolores et diaphanes, arti- culdes, rameuses, tubuleuses et dans l'intdrieur desquelles on apercoit des globules et une fine granulation composee de globulins tres tenus. Le long de ces tigelles, ordinairement couchdes et enchevetrees les unes dans les autres, on voit s'elever de distance en distance d'autres tigellules tres- courtes qui se terminent par un nombre variable de petits rameaux alter- nes, trcs-rapprochds et disposes en pinceau ouvert ou en une sorte de petite ombelle. Ces rameaux terminaux sont formds d'articles et de nidri- thales globuleux, ce qui les rend comme moniliformes ou en chapelets. Ces articles, colored en vert glauque, qui ne sont que ceux de la tige devenus plus courts, se ddsarticulent facilement, et en cet dtat d'isolement germent et reproduisent 1'espece par un moyen secondaire. Apres cette description, qui ne laisse aucun doute sur la formation dans le lait du Penicillium glancum, vestal qui se produit si rapidement et si gdneralement a la surface de toutes les matieres organises suffisamment humides, M. Turpin continue : « Des globules organises, formds sous Pinfluence de forces animaleset k dans le laboratoire vivant de certains tissus de mammiferes, des glo- « bules destines a s'etendre, a germer ct a se transformer en de veritables 23 558 CONGRES SC1ENTIFIQUE DE FRANCE. -« vegelaux des qu'ils changent de milieu, m'ont etonne et m'out semble « une des choses les plus curieuses de l'organisation. La se trouve une « sorte de chainon qui lie les deux grands embranchements du regne or- « ganique, comme deja ce regne s'enchainait a l'inorganique par la forma- « tion de uombreux cristaux de toute espece que Ton observe dans le « creux et dans les interstices des organes eiementaires des tissus vegetaux « et animaux. » Cette transformation de la matiere organique animale en matiere orga- nisee ve'getale devait a juste titre (Stunner l'habile observateur qui avait ete le premier temoin d'une pareille metamorphose: et si, d'un c6te, elle lui pcrmettait de rendre compte du developpement du Penicillium glaucum partout oil se rencontrent les globufes de la matiere organique, d'un autre cdte, elle offrait une singuliere derogation aux lois ordinaires de la nature qui n'est pas accoutum£e a faire devier de leur direction primitive les germes qu'elle a destines a la production des matieres organisees animales ou vegetal es. L'observation d'un fait que M. Turpin etait loin de regarder comme une anomalie l'avait conduit a penser que le vegetal parasite (Botrytisbassiana) qui s'introduit dans le corps du ver a soie, resultait du developpement des globules du tissu iuterieur des chenilles, et la carie desbles (Uredo caries), le resultat de la transformation d'un grain de globuline ou de fecule sous {'influence de certaines circonstances atmospheriques. II altribuait encore a cette vegetation des globules du lait, la maladie que l'on designe sous le nom de Poll, et qui, suivant lui, proviendrait uniquement du developpe- ment du Penicillium glaucum dans Finterieur des mamelles des mammi- feres. Certes, des consequences aussi importantes meritaien-t d'etre confirmees et c'est la ce qui nous a determine a reprendre les experiences de M. Tur- pin, afin de rechercher si reellement la matiere organisee etait susceptible de subir des modifications aussi proibndes que celles qui etaient annoncees par le savant micrographe. En premier lieu nous avons cherche a coustater si le developpement du Penicillium glaucum n'aurait pas lieu independamment des globules du lait. Pour cela nous avons pris du lait au sortir du pis de la vache, et apres l'avoir porie a une temperature voisine de son point d'ebullition, nous 1'avons fait coaguler en y versant une leg^re quantity d'eau aciduiee par de l'acide sulfurique. Le coagulum qui s'est forme dans cette circonstance a ete jete sur un filtre au travers duquel est passe le petit lait, tandis que le caseum est reste sur le liltre. Le caseum renXexmait tous les globules du lait quise coagulent en se combinant a l'acide ajoute. Le petit lait, que nous avons soumis a l'examen microscopique, ne renfermait pas un seul de ces globules , tandis qu'il nous a ete facile de les retrouver tous dans le coagulum en soumcttant ce dernier a Faction d'une lessive de carbonate de QUINZ1EME SESSION. 559 soude qui a dissous le caseura et nous a permis de voir les globules nageant au milieu de la liqueur alcaline et dans le meme etat ou ils se trouvaient dans le serum du lait. Le petit lait que nous avions separe' du case'um , et qui , ainsi que nous l'avons constats a diverses reprises, n'offrait a l'observation aucun globule, a ete abandonne a lui-merne a une temperature qui a varie entre 18 et 22% et nous avons suivi de jour en jour les transformations qui s'ope"raient dans 1'interieur de sa masse. Au bout de peu de temps, ce petit lait, qui immediatement apres la fil- tration etait clair et transparent comme de l'eau de roche, s'est trouble" et et a laisse deposer au fond du vase une matiere blanche ; et une fois ce dep6t effectud, la liqueur est redevenue limpide comme prece'demment. A la fin du second jour ce liquide a e'te" examine* au microscope et on a commence" a y decouvrir des globules qui offraient dans leur centre de petits points brillants, tandis que les globules du lait ne pr&sentent pas cette particularity. Ces globules ne tardent pas a augmenter de volume , souvent ils conservent la forme spherique , d'autres fois ils s'allongent et deviennent elliptiques , plusieurs paraissent vides, d'autres laissent voir au travers de leurs membranes transparentes une masse de petits globulins qui se trouvent irr^gulierement distribues dans leur interieur. En poursuivant de jour en jour l'examen de cesnouveaux globules, on ne tarde pas a apercevoir a leur surface de petits renflements : ce sont au- tant de points par lesquels le globule tend a s'allonger et a pousser des bourgeons ; bientfit a la forme rgguliere et spherique qu'il possedait suc- cedent les formes les plus variees. Des diffCreuts points du.globule partent des ramifications , des especes de tiges tou jours closes a leurs extremity , et qui les unes sont vides , les autres remplies de ces globulins dont nous avons deja eu l'occasion de signaler la presence dans la vesicule mere. Ce mode de developpement des globules n'est pas le seul : on apercoit encore les v&icules s'allonger sans emettre de bourgeons; puis, parvenus a un certain degrd de vegetation , elles se rapprochent les unes des autres , se soudent, et forment ainsi par leur union des tiges moniliformes. Quoique r^unies, les differentes parties de ces tiges eprouvent un developpement individuel , et la tige entiere prend un accroissement en longueur, tout en conservant les diaphragmes qui la divisent en un grand nombre de seg- ments. Apres un temps plus ou moins long, et qui depend de la temperature a laquelle s'est trouve expose* le petit lait , on voit se developper dans 1'in- terieur meme du liquide de petits vegetaux , qui, examines au microscope, se presentent comme un assemblage des tiges que nous venons de decrire , et dont l'ensemble forme de petites arborisations : on dirait des touffes d'herbes nageant au milieu des eaux. Le developpement de ces vegetaux ne reste pas slaliounaire, el Ton s'en 560 CONGRES SCIENT1F1QUE DE FRANCE. apercoit facilement, car peu a peu ils prennent de I'extension , au point de recouvrir la surface entiere du liquide d'une veritable pellicule. En exami- nant cette pellicule , on la trouve formee par des utrircles qui ne tardent pas a se gonfler aux extrdmitds d'un meme diametre, et ces renflements servent de points d'attache a une seVie de globules et de tiges qui donnent a l'ensemble cette apparence dendro'ide que nous avons deja signaled. Ces nouveaux individus prdsentent un assemblage de globules, de tiges noueuses et quelquefois cyliudriques formant un tout tres-hetcrogene , dont les di- verses parties paraissent se ddvelopper inde'pendamment de l'ensemble. En somme, les moissisures qui recouvrent la surface du petit lait sont de deuxsortes, lesunes constitutes par des globules isoles, les autres for- mers par la reunion de ces globules sous forme de tiges. A la longue, une partie du vegetal pousse ses tiges en dehors du liquide, et e'est alors qu'il est en pleine fructification; car on constate que les extrd- mitCs de ces petites tiges sont recouvertes d'une poussiere fauve formed par l'accumulation de petits globules qui, sans aucun doute, constituent les germes reproducteurs du mycodermc, et qui, en raison deleur excessive Idgerete' et de leur nombre immense, doivent pouvoir serepandre dans tous les liquides (1). D'apres le detail des faits que nous avons observed, on ne petit rdvoquer en doute le developpement du Penicillium glaucum au sein du petit lait, et la presence de ce mycoderme ne saurait etre attribute a la vdgdtation des globules du lait , puisque tous ces globules sont entrainds par la coagula- tion et se'pare's par le filtre , ainsi qu'il est facile de le constater. Nous nous croyons done en droit de dire que M. Turpin a Cte" iuduit en erreur par l'observation d'un vegetal mycodermique au sein d'un liquide contenant des globules, et qu'il a attribue" a une transformation de matiere organique ce qui, dans la rdalitd, n'est que le developpement naturel d'un germe repandu en abondance autour de toutes les matieres organisers, et qui ne commence a vdgdter dans le lait que Iorsque ce dernier est soustrait a l'iufluence de la vie et qu'il a pris une reaction acide. D'apres nous, le developpement de tout vegCtal mycodermique a la sur- (1) La fructification du Penicillium glaucum ne paralt pas avoir et<5 apcrcue par auclln des savants qui ont etudie le developpement de ce mycoderme, et ccla tient sans doute a ce que les observateurs ont examine les divcrses phases du developpement de ce vegeral en 1c maintenant enlre des lames deverre tandis que sa fructificatiorfnepeut s'opercr qua lair libre. Pour obser- ver cette derniere periode de la vegetation du Cryptogame qui nous occupe ; il faut le laisser se developper dans un verre dans lequel on a place du petit lait. Au bout de huit ou dix jours on apercoit a la surface du liquide une bourre soyeuse formee par les tiges aeriennes du Penicil- lium sur la surface desquelles on observe de petits globules grisatres qui se sont formes par la reunion d'une immense quantite de sporules reproducteurs de ce Cryptogame. Chacun de ces globules gris&tres qui a tout au plus J/|<>0 ^e millimetre de diametre , coutient des milliers de ces sporules, > QTJINZIEME SESSION. 56 1 face des corps organises ne peut avoir lieu que lorsque ces derniers sont soustraits a l'influence de la vie, ou lorsque ces corps se trouvent dans nn &at morbide et bieu voisin de celui dans lequel toute force vitale est e'teinte , et par la meme incapable de lutter avec avantage contre la force de d6veloppement des germes veg&aux , qui parait d'autant plus active que la reaction du liquide au sein duquel e'lle s'exerce est plus acide. De tous les faits exposes dans ce mCmoire , il nous parait rebutter que tout 6tre orgauise provient d'uu germe qui, pour se de* velopper, n'a besoin que de circonstances favorables , et que ce germe ne peut de" vier de la mission qui lui est assignee, laquelle est de reproduire un etre semblable a celui qui l'a forme". Ainsi , d'apres nous , il peut y avoir unite' dans la nature des substances qui concourent a former les germes , mais en cbacun d'eux reside une force variable avec leur nature et qui ne peut s'exercer que dans la direction qui lui a ete assignee par le Cr£ateur de tous les etres. La section, qui a ecoute la lecture de ce memoire avec beaucoup d'interet , en approuve les conclusions et vote a l'unanimite 1 insertion de ce memoire dans les compte-rcn- dus de la 15e section du Congres. M. le docteur Brame croit devoir faire quelques obser- vations au sujet des faits annonces par l'auteur du prece- dent memoire , et il s'etablit entre eux une discussion a cc sujet. A la suite de cette lecture, M. Chevalier prend la parole pour lire un travail tres-interessant sur la distribution geo- logique des eaux de la Touraine. Messieurs } H est dans le monde peu de contr&s qui aient 616 aussi favoris^es que la Touraine sous le rapport de la distribution des eaux. Un rapide coup d'oeil, jete" sur la carte de notre departement, suffirait pour convaincre de cette verity, d'une maniere g£ndrale ; mais il ne donnerait qu'une idee in- complete de l'^conomie hydraulique de notre province, et ne revelerait rien de cette multitude de petits ruisseaux qui portent j usque dans les gorges les plus profondes et les plus recuses, la sante, l'aisance et la fer- tility. 11 n'est pas un seul departement en France qui puisse se vanter de posseder autant de belles et grandes rivieres, les rivieres, ces grands mo- teurs de l'ancienne industrie, ces voies faciles ouvertes au commerce, ces chemins qui convent, comme disait ingl-Meusement Pascal, ct qui s'effa- 562 CONGR^S SCIENTIFIQUE DE PRANCE. cent aujourd'hui devant ces nouveaux chemins qui volent comme la tempete. II m'a done semble' inte'ressant d'e'tudier, dans une province si heureusement dotee par la Providence, la direction, la force et l'inclinai- son de nos grands cours d'eau, les pentes des plateaux, les coupures du sol, l'origine de nos valines, le plissement souterrain des grandes masses rocheuses, la multitude presque fabuleuse de nos sources, et surtout ces grands courants art&iens qui sillonnent le sein de nos roches a des pro- fondeurs variables. Tel est le programme des quelques recherches que je pr^sente aujourd'hui a votre bienveillance. Parmi nos cours d'eau, la Loire tient sans contredit le premier rang, par l'importance de sa position commerciale, l'abondance de ses eaux, la lar- geur de sa valle'e et la beautd de ses coteaux. Elle coule du N.-E. au S.-O. sur une longueur de 89 kilometres, avec une pente d'environ 30 m. et une Vitesse proportionnelle a cette pente. Toutefois , cette inclinaison diminue graduellement en allant vers la mer et apres avoir ete' en Touraine de 33 cent-milliemes par metre, ou de 65 centimetres pour 1,950 m., suivant les calculs des inge'nieurs, elle n'est plus que de 20 cent-milliemes au Pont-de- Ce\ Ainsi, Miage de la Loire au pont de Tours est Cleve" de 17 metres au- dessus du niveau de la meme riviere, a Candes et a Montsoreau, mais il n'est e'leve' que de 53 m. au-dessus du niveau de la mer. Tel est du moins le r^sultat d'une suite d'observations barome'triques, comparers a celles de l'observatoire de Paris et qui s'accordent avec les donnees des nivellements partiels faits sur le cours de la Loire par les inge'nieurs des ponts-et- chauss^es. La profondeur de ses eaux varie de 50 centimetres a 1 metre dans les basses eaux et le fleuve n'offre qu'une largeur moyenne de 300 a 400 m., quoique la valle'e occupe un espace de 4 a 6 kilometres. Son lit s'encombre jouruellement de sables rougeatres, provenant des granits ddsagrdge's de la Haute-Loire , qui permettent de reconnaitre encore fa- cilement les grains de quartz, les lamelles de feldspath et les paillettes de mica, principes constitutifs de cette roche. On y trouve aussi des frag- ments de laves qui proviennent probablement de 1'Allier. Ces sables mo- biles apportent des variations continuelles dans le lit et le thalweg de la Loire, et forment des depdts et des atterissements qui prennent assez de consistance pour se convertir en Hots. lis renferment souvent, ainsi que ceux de la Vienne et de la Creuse, des blocs de granit et d'amphibolite routes depuis les montagnes du massif cristallis6 de la France centrale oil ces eaux prennent leur source et dont ils accusent la puissance a certajnes e'poques (1). (I) Dans la majeure partie de son cours, la Loire se trouve contenue par des levies qui for- ment un encaissement de 68 V metres 31 centimetres de largeur moyenne. Ces digues furent commencees en 819 , sous Louis le Debonnaire ; elargies vers 1160, par Henri II , roi d'An- glcterre, comte d'Anjou et de Touraine ; et enfin perfecliounees dans leur etat actuel pendant le regne de Louis XIV, QUINZIEME SESSION, 363 Le Cher qui , comme presque toutes les autres rivieres de ce ddparte- ment, a creuse' son lit dont la craie tuffau, coule parallelement a la Loire, dans la meme valine, sur une longueur d'a peu pres 30 kilometres. Sa pente est un peu moins considerable, surtout vers la fin de son cours, car elle n'est que de 41 centimetres pour 1950 m., ce qui donne 10 m. 50 cent, d'inclinaison pour 49,700 metres du cours total. Son lit se trouve , a l'embouchure du canal de jonction , vis-a-vis de Saint-Avertin, 61 centimetres plus bas que celui de la Loire, au pont sur la leve'e me>idionale d'Amboise, et de 63 centimetres au pont de Gram- mont, suivant les travaux des ingenieurs, en juin 1847. Le Cher n'a point, comme la Loire, l'avantage d'etre emprisonne sur les deux rives de son cours total, par ces magnifiques digues qui font l'admiraiion des strangers. Ne'anmoins il est contenu, le long de sa rive septentrionale, depuis la pointe de Roche-Pinard jusqu'a son embouchure, par une leve'e longue de 27180 metres que Ton doit aux soins pr^voyants de madame de Ver- mandois, abbesse de Beaumont-les-Tours, en 1770, leve'e qui sert a garan- tir des de'bordements de cette riviere une partie des plus prdcieuses pro- prie'tes rurales de ce departement. La Vienne, qui est la troisieme de nos rivieres navigables, est le cours d'eau le plus important apres la Loire , et pre'sente de grands rapports avec ce fleuve, par le transport des sables granitiques, les variations de son thalweg, et la mobilite de ses greves. Elle coule du sud au nord, depuis le Limousin jusqu'a Ports-de-Piles, oil elle recoit la Creuse et change brus- quement de direction, pre'cise'ment a l'endroit ou dut 6tre le rivage de l'Ocean qui deposa les Faluns. Elle traverse notre dCpartement, de Ports a Candes, sur une longueur de 48710 metres avec une pente de 64 centi- metres pour 1950 metres, ce qui lui donne 16 meires d'inclinaison totale. Ainsi la Vienne a Ports est a peu pres au rn6me niveau que la Loire a Tours. La valine de la Vienne est surtout remarquable par les immenses depots de sables qu'elle renferme, surtout a Parcay, sur une largeur de 4 kilometres, et sur une profondeur de 10 a 12 metres. Au milieu de ces de'pdts de transport, on trouve des lits tres-reguliers de galets et de cail- lonx routes qui indiquent les differentes phases de cette formation. Quel- ques petits d£pdts de tourbe, situe's pres du chateau de la Breche a Par- cay, doivent aussi 6tre rapporte's a la m6me e'poque geologique. Nous sommes heureux de signaler ici l'existence de ces petites tourbieres, car jusqu'a present on en ignorait la presence en Touraine (1). (1) La Vienne nous presente un ph6nomene remarquable et assez rare : elle perd une partie de ses eaux a Aixe , un peu au-dessus de Limoges , ou elles entrent dans ua gouffre qui est au milieu de son lit, comme celles du Rhin au-dessus de Bingen , comme celles de la Loire a quelques kilometres en amont d'Orleans , comme celles du Loiret dans les deli- cieux jardins du chAteau de la Source , a Olivet. Ne serait-ce pas la Torigine du grand couran{ souterrain de nos puits art6siens ? 5G4 CONGRES SC1ENTIFIQUE DE FRANCE. L'Indre est la seule de nos rivieres qui arrose les trois arrondissements : elle les parcourt sur une largeur de 88 kilometres avec une inclinaison totale de 58 metres 50 centimetres. Cette pente si considerable lui permet de faire mouvoir plus d'usines que les autres rivieres : on en compte jus- qu'a 52 dans retendue de son cours; aussi l'lndre est-elle toujours a plein canal par le seul effet des retenues des moulins : cette Girconstance fait qu'elle se deborde a la moindre crue et qu'elle couvre subitement l'eten- due du vallon dans lequel elle serpente, en deposant sur ses riches prai- ries un limon fertilisant. La Creuse , ainsi nomme'e a cause de la hauteur et de l'escarpement de ses rives, borne la Touraine au sud, depnis Saint-Martin-de-Tournon, oil elle coule sur les gres verts, jusqu'a Ports, oil elle se jette dans la Vienne, apres un parcours de plus de 58 kilometres. Sa pente totale au-dessus de son embouchure dans la Vienne a Ports, et par consequent au-dessus du niveau de la Loire a Tours, est, d'apres un nivellement fait et verifie re- cemment, de 37 metres 64 centimetres. La Claise, affluent de la Creuse, est la plus faible des six principales ri- vieres de la Touraine. Toutefois sa pente est si considerable, qu'elle lui permet, sur une fort petite etendue, d'imprimer le mouvement a 17usines, et de rouler dans ses eaux de tres-gros blocs de pierres. En effet, sur un parcours de 33 kilometres, Pinclinaison totale de cette riviere torrentielle est de 31 metres 50 centimetres ; c'est la plus forte pente que nous puis* sions signaler en Touraine. Outre ces six cours d'eau vraiment importants, il existe encore dans ce dCpartement 25 petites rivieres, dont la Choisille, qui se jette dans la Loire au Pont-de-la-Motte , peut donner une idee. Nous n'essaierons meme pas de compter les milliers de ruisseaux qui debouchent de toutes parts, par les vallees transversales, sur ces diffe>ents cours d'eau. Cette e^ude pr^senterait trop peu d'inteVet ; qu'il nous suffise de dire que d'apres les operations cadastrales, sur 611,079 hectares de superficie totale, la Touraine pr^sente 11031 hectares occupes par les eaux dans leur £tat normal, c'est-a-dire environ la cinquante-cinqnieme par tie. Nous avions done bien raison de dire qu'il est peu de pays ou les cours iVeau soient aussi multiplies (1). (I) Pour eclaircir corapletement ce sujet , il importe de savoir quel est , en metres cubes , le volume des eaux charriees par nos grandes rivieres. Quelques chiffres, empruntes aux inge- uieurs des ponts-et-cbaussees , quelques calculs, severement bases sur la longueur absolue de nos cours d'eau , sur leur largeur moyenne , et sur la profondeur de leurs plus basses eaux , nous ameneront facilement a ce resultat. C'est ainsi que nous avons trouve que la Loire roulo en Touraine , au niveau de son etiage , en ne lui supposant p3s p!us de SO centimetres de profondeur, plus del" millions de metres cubes d'eau, et plus de 230 millions dans ses crues moyennes et ordinaires. Dans la grande crue de 1789 , qui s'eleva a 6'", 98 . le volume des eaux alteignit au moins le chiffre effrayant de 390 millions de metres cubes , c'est-a-dire 23 fois plus que pendant lea secheresses de l'ete , et cette crue cependant m fut pas si consi- qujnzieme session. 565 11 peut etre assez curieux de rechercher ici quelle force repr&entent tous ces courants, appliques a l'industrje des usines. II existe en Touraine, sur nos 6 grands cours d'eau, 87 usines , dont chacune possede au moins deux roues , ce qui porte les roues a un minimum de 174. Sur les 25 ri- vieres inferieures il existe certainement au moins 100 usines , egalement a deux roues, ce qui porte le nombre des roues et des courants hydrodyna- miques a 374. Remarquez que nous negligeons ici une foule de petits ruis- seaux qui souvent font mouvoir des usines a une et a deux roues, meme sur le simple parcours de 40 metres. Nous en avons observe' en tres-grand nombre de ce genre. En supposant maintenant que chaque courant hydro- dynamique repr£sente 5 chevaux , et que la force du cheval est e\miva- lente a celle de 6 hommes , nous trouverons que nos courants actuels represented le travail de plus de 11,000 hommes, et encore nous serons de beaucoup au-dessous de la r£alite\ Les unite's de pente que nous avons indique'es , pour chacune de nos rivieres , sont tres-propres a donner une vue d'ensemble sur l'inclinaison gdnerale de la Touraine. Un examen attentif de ces chiffres et de la carte nous revelera deux systemes g^neraux de pentes , savoir : une pente du N.-E. au S.-O. figured par le cours de la Loire et par celui du Loir, qui lui est parallele. Entre ces deux rivieres s'etend un plateau d'une largeur moyenne de quarante kilometres, moins e1ev£ que la partie mendionale de la Touraine. La ligne de falte de ce plateau, qui determine le point de partage des eaux entre la Loire et le Loir, s'etend du N.-E. au S.-O. depuis Monthodon jusqu'a Savign^, et n'a que soixante-douze metres d'elevation au-dessus de l'dtiage de Tours. A partir de cette crete, les eaux tributaires de la Loire coulent du N.-O. au S.-E., tandis que les eaux tributaires du Loir, aussi bien que les cours d'eau de la Touraine mdridionale , descen- ded du S.-E. au N.-O. La seconde pente, dirige'e du S. au N., est peu sensible dans notre d^partement , mais on peut surtout l'^tudier dans le cours 8upe>ieur de la Loire, de l'Allier, du Cher, de la Yienne et du Clain, etc. (1); derable que celle du moig d'octobre 1848. Le Cher, dans ses basses eaux , ne roule pas plus de 3 millions de metres cubes; la Vienne, environ 3,700,000 ; l'lndre, 3,400,000; la Creuse, 2,000,000; et enfin la Claise environ 300,000. De tous ces calculs , il resulte que nos cinq grandes rivieres roulent, en Touraine, dans les plus basses eaux, plus de 30 millions de metres cubes d'eau ; et encore nous ne comptons pas ici les milliers de petites rivieres et de ruisseaux qui sillonnent notre departement , parce que nous n^'avons pas de chiffres pour les apprecier. (1) Mais, outre ces deux systemes generaux de pentes, dont l'un s'etend du N.-E. au S.-O., depuis Orleans jusqu'a Nantes , et dont 1' autre , originaire du Limousin et de l'Ardeche , se dirige du S. au N. vers le thalweg du premier , il en existe un troisieme , intermediate , suivi par tous les cours d'eau de la Touraine meridionale , dans le sens du S.-E. au N.-O. Ce sys- teme , qui au premier coup-d'oeil semble le principal et le-plus important , n'est cependant qu'accessoire, car il ne depend d'aueun soulevement particulier ; il n'est que l'effet de la combinaison des deux autres , ou , pour parler avec une precision mathematique, la r&ultante des deux premiers. 366 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. On me demandera maintenant quelle pent etre l'origine de nos valle'es. Tous les caracteres qu'elles pre'sentent me portent a les attribuer a des dislocations du sol , produites par les soulevements. II serait en effet diffi- cile d'attribuer a la simple erosion des eaux le creusement de valle'es qui , souvent, sur une largeur de quatre a six kilometres , n'ont pas moins de vingt-cinq a cinquante metres de profondeur, en n^gligeant meme l'epais- seur des depots d'alluvion. L'action incessante et beaucoup plus vio- lente de la mer sur les falaises crayeuses de nos cdtes ne nous donne guere l'ide'e de pareilles Erosions (1). , Nous avions d'abord pens3 a attribuer ces pentes et ces dislocations au vaste soulevement des Pyrenees qui eut lieu apr&s le d6p6t de la craie, et qui lui est sensiblement parallele. Mais des etudes ult£rieures nous ont convaincu qu'a une dpoque geologique beaucoup plus r^cente, c'est-a-dire a l'epoque de la mer tertiaire des falunieres, la pente du sol devait etre di- rigde dans un autre sens, probablement de l'ouest a Test, et du sud au nord. En effet, cette mer, qui s'etendait au loin dans le Blaisois et dans l'Or- le'anais, et qui y d^posait les sables si abondants de la Sologne, devait a peu pres se terminer en Touraine , car on en trouve fort peu de traces dans le bassin infeneur de la Loire. Tout, au contraire , demontre qu'en Touraine les sediments marins dont nous parlons se sont deposed sur un rivage ou sur une greve. Dans toutes les locality oil ils paraissent, comme a Louans, a Semblancay, a Manthelan, a Savigne, on trouve des coquilles brisees et us^es par le frottement , des fragments de calcaire lacustre roul^s , ou percds de Pnolades lithophages, dont le test y subsiste encore , une vase marine bleuatre, encore remplie de petricoles en place ; des ossements de mammiferes, et ce qui est concluant, des coquilles terrestres et fluvialiles , comme des Helices, des Planorbes, melees a desespeces littorales. 11 est done Evident que dans plusieurs points le falun a 6t6 lav6 par des affluents d'eau douce : c'&aient , sans aucun doute, ces rivieres, comme la Vienne, la Creuse, le Cher, et la Loire en Sologne, dont le cours supe>ieur se dirige du S. au N., et dont les valle'es furent probablement produites par le sou- levement parallele de la Corse et de la Sardaigne, apres les ddpdts de la p^riode tioeene,. Nous avons deja fait remarquer que la Vienne, apres avoir recu le tribut de la Creuse, se detourne brusquement vers l'ouest, prdcise- ment a l'endroit ou devait se trouver la mer des faluns. Les etangs du (ij Ea dehors meme de cette preuve negative , qui n'a peut-etre pas une tres-grande valeur geologique en presence de certaines erosions , comme celles , par exemple , dont la plaine de la Crau, pres d' Aries , est l'irrecusable produit , nous appuyons notre opinion sur l'aspect declure de nos vallees, sur la similitude qu'elles oflrent toutes avec des fentes et des crevasses, sur les escarpementa rapides qui les bordent, sur la correepondance desangles saillants et des angles rentrants , sur la difference frequente de niveau dans l'altitude des deux cotes , en un mot, sur tous les caracteres qui distinguent les vallees de decuiremeat des vallees d'erosion ou de denudation, Mais quelle est la cause de ce dechirement? quinzieme session. 567 Louipoux, d'Hommes et de Rilte, qui sont situds pr£cis6ment dans le voi- sinage des faluns de Manthelan et de Savigne' , les £tangs si nombreux qui couvrent la Sologne, ne pourraient-ils pas etre regards corame des restes de ce vaste bassin ? Quoi qu'il en soit, nous trouvons une derniere preuve pe"remptoire que la Touraine forraait la liraite ouest de cette mer dans un fait fort curieux : on a signale a Thenay, pres de Pont-Levoy, un coteau de calcaire lacustre crible" de trous de Pholades a la surface ; c'e'tait £vi- demment une des falaises qui formaient le rivage. Nous somraes done en droit de conclure qu'a cette e'poque nos cours d'eau ne posse'daient pas leur direction actuelle. S'il en est ainsi, nous ne pouvons attribuer la formation de nos grandes vallees et la dislocation des de*p6ts de faluns qu'au soulevement parallele des Alpes principales ( du Valais et du Saint- Gothard jusqu'en Autriche), lequel est dirig6 , suivant M. Elie de Beaumont, de O., 16o S., a E., 16o N. Ce mouvement, en don- nant une situation hypsome'trique diffe"rente aux de"p6ts de faluns, a du ne'eessairement produire dans les couches interieures du sol des plisse- ments correspondants aux ondulations de la surface, et dont l'axe est dirige' dans un sens transversal au soulevement, e'est-a-dire de S.,16oE.a N.,l6o O. C'est en effet ce qui a eu lieu, ainsi que Ton peut s'en convaincre, a In- spection de la coupe que nous joignons a cet essai. Le gres vert, apres s'etre montre" a Saint-Pierre-de-Tournon, sur les rives de la Creuse a 37 metres 64 centimetres au-dessus de la Loire , s'enfonce sous la craie pour reparaitre a Cyran, pres de Ligueil a 65 metres d'e'le'vation. La, il disparait encore, et on ne le trouve plus a Tours qu'ar 125 metres au-des- sous du niveau de la Loire. De la il remonte souterrainement jusqu'a Son- zay, oil il parait a 45 metres d'e'le'vation , pour s'enfoncer une troisieme fois sous )a craie, par dessous le Loir et ne reparaitre que dans le Maine. Cette inclinaison ge'ne'rale de la Touraine du S.-E. vers le N.-O., doit nous faire supposer que les sources sont extremement abondantes, meme sur les hauteurs, et qu'elles proviennent, sans aucun doute, des montagnes ou nos rivieres prennent leur origine. Ainsi vous apprendrez sans e'tonne- ment qu'a Louans, a Manthelan, en un mot sur tout ce plateau qui est e'leve' de 100 metres au-dessus de la Loire, l'eau des puits n'est qu'a 4 ou 5 metres de profondeur en dte, et qu'en hiver elle affleure presque le sol. II est meme impossible de proce'der a l'extraction du falun sans etre bient6t arr^te' par l'envahissement de l'eau. Ce que j'avance est si vrai, que dans ce pays e'leve' et complement prive de ruisseaux, il est extremement fa- cile de creer des prairies artificielles de graminees, en baissant le sol de deux ou trois metres au plus, et en donnant une legere pente au terrain. C'est ainsi qu'a Louans, toutes les prairies sont situe'es dans les anciens bassins de falun. Ces courauts d'eau 6i abondants qui circulent sur les plus hauts plateaux de notre departement, viennent ensuite de toutes parts s'epancher en ruis- 368 CONGAS SCIEN.TIFIQUE DE FRANCE. seaux fe'conds sur lcs flancs de nos coteaux, et verser la fertility dans la plaine. Les faits de ce genre sont innombrables en Touraine, mais l'exemple le plus remarquable que nous en commissions peut etre observe" sur la rive droite de 1'indre, depuis Reignac jusqu'a Veign6\ Dans cette Vendue de 17 kilometres, il serait facile de compter au moins quatre cents ou cinq cents sources, dont plusieurs sont tres-abondantes, et font immediatement marcher plusieurs usines. II serait plus exact de dire que la cote suinte a chaque pas. Cette inultiplicite de sources donne lieu de presumer l'exis- tence d'un vaste courant qui r^gnerait a mi-cdte, a 10 ou 15 metres au- dessus de l'lndre, et qui se terminerait h Veigne\ Parmi les plus belles aourccs, nous signalerons celles de la Thibaudiere, de la Cave-Salmon, de Vaugrignon, de Fontiville (Fontium villa), et de Couzieres. Mais la plus remarquable est sans contredit celle de la Dou£ a Courcay, laquelle fait mouvoir une usine importante, a sa sortie d'une grotte naturelle, creu- s<$e dans le calcaire nymphden. Les eaux de cette fontaine, d'une limpiditd extraordinaire, ne deposent qu'une tres-legere couclie de carbonate de chaux dans le bassin qui les renferme, mais sur les roues qui les divisent et les re'duisent, pour ainsi dire, en une poussiere aqueuse, elles revetent dcs mousses d'incrustalions fort dedicates et fort curieuses (l). (1) Celte belle fontaine n'est pas la seule qui nous offre des phenomeues de ce genre. Presque toutes nos sources tiennent en dissolution du carbonate dechaux , en propoition assez considerable , et beaucoup d'entre elles le laissent deposer dans leurs bassins, sous forme d'incrustations remarquables. Nous citerons particulierement les fontaines de la Doue , a Cour- pay, de la Rabiere, a Joue, de Reignac, dans la vallee de l'lndre, et les sources qui se trou- vent dans les immenses carrieres de la delicieuse villa de Beauregard , sur la route de Tours a Bochecorbon. Nous n'oublierons point les fameuses caves- gouttiires de Savonnieres et celles do Chinon , qui offrent a l'admiration du vovageur des milliers de stalactites fistuleuses , des sta- lagmites mamelonnees , des colonnes et des bassins du plus bel alMtre ; le petit etang de Genault, a Relz, aux environs de Ligueil , dont les eaux ont la propriety de petriner le bois et de le teindre de diverses couleurs ; enfin les Fontaines-Rouges d'Esves-le-Moutier, qui, quoique d'une limpidite parfaite, rougissent les pierres blanches, apres on mois de sejour. Le temps ne nous a pas permis de faire une analyse chimique qui put nous indiquer la cause de cos deux derniers phenomenes. Dans l'eglise meme de Rigny-sur-Indre existe une fontaine a laquelle , nous ne savons pourquoi , Ton a fait la reputation d'etre intermittente toute l'annee ■ selon certains auleurs , cette source tarit et reparalt plusieurs fois chaque jour. Mais les etudes que nous avons faites nous-meme sur les lieux , et les renseignements que nous avons pris aupres de M. l'abbe Billard , cure de Itigny-Usse , observateur plein de sagacite , ne justifient point cette belle reputation. La commune de Saint-Benolt, eufouie au milieu de la forct de Chinon , nous offre un autre phenomene dont l'existence est mieux prouvee, et dont nous avons pu nous cou- vaiocre par nos propres yeux. Les eaux du petit ruisseau qui arrose cette oasis s'infiltrent com- pletcment dans les sables , et la partie inferieure de leur lit reste a sec pendant plusieurs mois de l'annee : cette circonslance fit donner anciennement a la commune le nom de Saint-Benoit- de-Lac-Mort. Mais a quelques kilometres de la , a Huismes, dans la partie la plus declive de ce vaste plateau , on voit sourdre une immense quantite de magnifiques fontaines, qui ont pro- bablement quelque connexion avec la disparition des eaux du Lac-Mort. La Touraine n'offre point de sources thermales & l'etude du geologue et du medecin. Lt QUINZIF.ME SESSION. 369 De tous ces courants secondares qui s'inhltrent en partie a travers les roches poreuses de la craie, il doit resulter, a des profondeurs variables, mais determiners par la nature raineralogique des roches, de grands cou- rants art&iens, susceptibles de jaillir a la surface de notre sol. Les puits de ce genre, fore's a Tours eta Chinon, ont prouve" que ces courants circulent entre les couches du gres vert. Celte donne'e impor- tante pourrait etre utilisee d'une maniere pr^cieuse, puisque nous connais- sons quelies sont, en Touraine, les ondulations de ce terrain. D'apres les indications gCologiques de la coupe que nous joignons a ce memoire, il serait facile d'obtenir des fontaines jaillissantes a une tres-petite profon- deur, vers les points oil le gres vert se releve et se rapproche de la surface. A Tours, la profondeur de nos 9 ou 10 puits varie de 112 a 140 metres , nature de son sol, uniquement compose de strate9 sedimentaires d'une grande puissance et completement depourvu de roches plutoniques, devait nous le faire supposer. Quand aux sources mindrales froides , notre province ne possede guere que des caux ferrugineuses. Nous citerons surtout celles de Seniblancay, de Yallercs , de Chateau-la -Yalliere , de Veigne" , de la Roche-Posaj. Nous avons decouvert recemment une nouvelle source ferrugineuse dans une grotte naturelle de la vallee du Croulay, pres de Panzoult. Ces eaux n'ont aucune reputa- tion , et cet oubli nous semble injuste a 1'egard de celles de Semblancay, dont l'analogie avcc les eaux de Forges (Seiue-Infericure) a ete reconnue par la Facult6 de Medecine de Paris. Maiscc qui rehausse encore le prix de la multitude de nos sources, en dehors meme de tout interet medical, agricole et commercial, c'est l'abondancc.la limpidile et la qualite de leurs pro- duits. Aussi les Remains , qui professaient un superbe dedain pour les eaux de riviere , entre- prirent-ils des travaux considerables pour amener des caux plus salubres a leurs mamio , k leurs bains et a leurs villa. Ce gout si respectable pour l'eau claire donna naissance aux aquc- ducs de Luynes, de Contre, de Courcay et d'Ath6e. Ce dernier alimentait probablement les ihermes et les fontaines publiques de Cwsarodunum , au moyen des sources du ruisseau de Fontenay, situe entre Athee et Blere. On en reconnalt encore des traces bien evidentes dans les pilicrs brises d'un ponl-aqueduc et dans un canal voute creuse dans le coteau meridional du Cher. Le niveau de ce conduit s'abaisse progressiyement vers Tours, car les Romains , igno- rant celte grande loi de l'hydrostatique en vertu de Iaquellc les liquides tendent sans cesse a reprendrc leur niveau, menageaient la pente des aqueducs avec un soin scrupulenx. Ce canal fut sans doute brise et interrompu pendant les ravages des Barbares : toujours est-il qu'au commencement du XVI" siecle, sous Louis XII, l'administration municipale sentit le besoin de doter la ville de Tours, devenue riche etpopuleuse, de fontaines pures et salubres, et confia l'execution de ce projet a Pierre Valence , habile fontainier de Rouen , qui s'etait fait une repu- tation dans les travaux hydrauliques. On amena done de Saint-Avertin a Tours les eaux du Limancon, par des canaux d'une lieuc de longueur, qu'on fit passer sous le Cher, et en 1312 noire ville jouissait de six belles fon- taines , qui existent encore , et pour l'etablisicment desquelles on depensa une somme de 17,230 livres, 6quivalente aujourd'hui i 78,300 francs. Au mois d'aout 1576 elles servirent a, donner, sur le carroir de Beaune, le spectacle d'une naumachie , lorsq*e Franjois, due d'Alen- con , frere de Henri III. prit possession, en grande pompe, de son apanage de Touraine. Vers la meme epoque on conduisit a Sain-t-Francois , au Plessis-les-Tours , a l'abbaye de Beaumont et a l'hopital general , au moyen de canaux pratiques sous le Cher, les eaux de la fonlaine de la Carre , situee sur le coteau de Joue , etconstruite ou restauree par les soins de Charles VII. Nous n'entrerons pas dans de plus longs details a ce sujet : la multiplicity de nos sources nous entrainerait beaucoup trop loin , et nous ne voulons point entreprendre un travail aride et fastidieux, N 570 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. et conime le jet peut s'eiever a une hauteur assez considerable, on a ete amene a penser que ces sources proviennent d'un courant souterrain, alimente par l'infiltration des eaux de la Creuse dans le gres vert a Saint- Pierre-de-Tournon, 38 metres au-dessus du niveau de la Loire a Tours. L'eau du puits du quartier de Cavalerie, soumise a une analyse tres-deii- cate par M. Dujardin, a donne* une certaine quantity d'arragonite, et comme la France n'offre cette substance qu'en Auvergne, ce savant en a conclu que le courant provient des montagnes de la France centrale. Ne pourrait-on pas aussi en trouver l'origine dans ce gouffre de la Yienne dont nous avons parie ? Le produit de la nappe liquide est extremement abondant, et peut menae mettre en mouvement tous les metiers d'une vaste manufacture, comme chez M. N. Champoiseau , a Tours, et chez M. Lecomte-Petit , a la Vilie- aux-Dames. Dans un puits fore" par M. Degousde, aux environs de Tours, on obtint a 112 metres une source jaillissante qui donnait 100 litres d'eau par mi- nute ; a 1 1 5 metres, une seconde nappe fournit un jet qui s'eieva de 8 metres 75 centimetres au-dessus du sol, en donuant 300 litres par minute. Le puits du quartier de cavalerie a donne", pendant les premieres ann£es, jus- qu'a 1,110 litres; le puits de Cange, a Saint-Avertin, 1,200 litres; le puits de la ville-aux-Dames 2,025 litres dans le m£me espace de temps. La temperature de ces eaux est une preuve frappante de la chaleur centrale du globe, et varie avec la profondeur; ainsi a Tours, dont la temperature moyennneest de Ho, 5, l'eau artesienne de M. Champoiseau, Iaquelle jail- lit de 140 metres de profondeur, a une temperature de 17o,5. Malheureu- sement aujourd'hui presque tous nos puits sont obstru^s, et ne donnent plus qu'un produit insignifiant. On aurait pu facilement eviter ce malheur au moyen d'un tubage bien execute". Tous ces faits s'accordent fort bien avec les idees que nous avons emises precedemment, mais « voici, dit M. Arago (1), une preuve demonstrative * de l'existence d'une riviere souterraine sous la ville de Tours : le 30 jan- « vier 1831, le tuyau vertical de la fontaine jaillissante de la place de la « Cathedrale ayant ete raccourci d'environ 4 metres, le produit en liquide, « comme de raison, devint aussitdt plus grand. L'augmentation fut d'en- « vironun tiers; mais l'eau, auparavant tres-liuipide, ayant re<;u un ac- « croissement subit de vitesse, pendant plusieurs heures elle amena, de « la profondeur de 109 metres, des debris de vegetaux parmi lesquels « M. Dujardin reconnut des rameaux d'epines, longs de quelques centi- « metres, noircis par leur sejour dans l'eau ; des tiges et des racines, encore « blanches, de plantes marecageuses ; plusieurs especes de graines, dont (i) Annuaire du bureau dei lot)gitud«s pour 1'auueo 1«3j» QUINZIEME SESSION. 571 « l'etat de conservation ne permettait pas de supposer qu'elles eussent s6- « journe" plus de trois ou quatre mois dans l'eau. Parmi ces graines, on re- « marquait surtout celles d'un caille-lait qui croit dans les marais; on y « trouvait enfin des coquilles lacustres etterrestres. Tous ces debris etaient « serablables a ceux que les petites rivieres et les ruisseaux laissent sur « leurs rives apres un de'bordement. Ces faits ne peuvent s'expliquer qu'en « admettant que les eaux se meuvent librement dans de ve>itables ca- rt naux. » Nous avions done bien raison de dire en commencant que la Touraine est la province de France qui pre'sente le plus d'inte'ret sous le rapport de la distribution des eaux ; malheureusement il nous a ete' impossible d'e'tu- dier ce sujet d'une maniere plus approfondie, mais quelque incoraplet que soit cet essai, nous osons espe'rer qu'il recevra de votre bienveillance un accueil flatteur. M. Porcher lit quelques observations fort interessantes sur l'instinct des insectes. M. Blavier fait observer que la plupart de ces faits sont connus , mais Tauteur en les grou- pant a presente un ensemble d'observations bien faites et qui excitent toujours l'interet et la curiosite des natura- listcs. On depose sur le bureau un memoire de M. L. Banet, rclatif a la 20e question du programme, ainsi concue : Comparer Veffet exerce\ dans les hypotheses de M. Valz, par taction de V ether sur la Comete d'Encke, a Veffet qui doit re- suiter des'' suppositions qu'admet I'observatoire de Berlin. Messieurs , Lorsqu'en s'occupant du calcul des perturbations de la Comete de 3 ans Vioj M. Encke s'apercut que re"tude des passages antirieurs a 1805 de"couvrait certaines anomalies qu'il ne lui semblait guere possible d'at- tribuer ^ I'inexactitude des observations, si imparfaites qu'elles pussent etre (t), le directeur de I'observatoire de Berlin se de"cida d'imputer ces anomanies a la resistance de l'Ether, et, apres quelques essais, il adopta cette idee de Newton que le fluide Cthe're' , dissdmine' dans l'espace et en (i) Correspoudaucc astroaomiqtte, p4r d# 2»ch , torn, IX, n" 2, 572 congr£s scientifique de France. ' coherence avec le Soleil , varie en densite" suivant la raison inverse du quarre de la distance. En 1824 , M. Fabrizio Mossotti fit remarquer (1) , et non pas sans fonde- ment, que la figure et le volume des Cometes changent d'une maniere notable a mesure que ces Astres se rapprochent du Soleil, et il proposa de tenir compte de la variation du volume. Pr^occupe* seulement de Tac- tion calorifique exercee par le grand corps 'autour duquel pivote notre monde, le savant Italien s'imaginait que le volume des Cometes croit outre mesure dans le voisinage du Soleil, et diminue rapidement ensuite , tandis que la distance augmente , en convergeant toujours vers une limite determinee et dependante a la fois de la nature des matieres qui forment l'Astre errant, de la temperature propre de l'Espace : alors, se fondant sur des inductions tres-vagues, il decida de donner pour multiplicateur a la fonction qui, d'apres les vues de M. Encke, reprdsente la densitd variable de l'Ether, un trinome dont les deux derniers termes contiennent la se- conde et la quatrieme puissance negative du rayon vecteur de la Comete , c'est-a-dire de sa distance au Soleil. Je ne discuterai pas les consequences diverses qu'a lirees M. Mossotti d'hypotheses un peu hasardees, comme on voit; j'ajouteraisimplement que, pour calculer ses formules, dont celles de M. Encke deviennent un cas particulier, il suffirait d'employer les tables des fonctions elliptiques que Legendre avait deja publics dans ses Exercices de calcul integral. Peu de temps apres la publication du Memoire de M. Mossotti, dans un travail que j'ai pu lire enfinil y a quelques mois, M. Plana, directeur de l'observatoire de Turin, se proposa de trouver des expressions analytiques qui permissent de calculer aisement les perturbations de la Comete , dues a la resistance de l'Ether , lors meme que la loi qui regie le density de ce fluide serait representee par une suite de termes composes de deux fac- teurs, un coefficient constant et une puissance negative du rayon en vec- teur. Generalisant les observations des deux Geometres qui l'avaient pre- cede , de M. Encke et de M. Mossotti , et s'appuyant sur une formule connue (2) d'Algebre, M. Plana ramene'les recherches des variations ?ecu- laires du grand axe et de l'excentricite de l'orbite de la Comete a Tintegra- tion et la quantite dont le numerateur est la differentielle de Tangle appele anomalie excenlrique , et dont le denominates est une puissance impaire du radical si connu des personnes qui ont etudie la theorie des transcen- dances elliptiques. Les formules de reduction de M. Plana se trouvent compliquees d'imaginaire qui disparaissent lorsqu'on developpelescalculs: elles sont done d'un usage moins commode que les formules que j'ai don- nees en 1835 dans ma these d'Astronomie, avant d'avoir entendu parler (1) Memoirs of the astronomical society of London, torn. II, part. I, (2) Lacroix, Traite du cajkul differentiel et integral i torn. I, p. 270, j QUINZI^ME SESSION. 375 du travail de M. Plana. De plus, M. Plana s'est contents de faire voir com- ment on pourrait ramener au calcul des f onctions elliptique de premiere et de seconde espece la determination nu'mOique des integrates dont il a 6t6 question, et ce point de'thlorie e"taitconnu depuislongtemps; il adonne, il est vrai, en fonction des quantity F, E , de l'exceutricite et du cosinus de l'anomalie excehtrique, les expressions de plusieurs de ces integrates, de celles qui deviennent n^cessaires lorsqu'on s'&eve jusqu'a la septieme ou jusqu'a la huitieme puissance du rayon vecteur ; mais cet habile Geo- metre, et c'e'taitla le point capital, n'apas indiquC de me'thode ge'ne'rale pour opener facilement cette reduction importante. M. Valz , dans son observatoire de Nimes, suivit avec une scrupuleuse attention les diverses phases de de'veloppement que pre*sentait la ne'bulosite de la Comete d'Enkle , et cet habile observateur reconnut , contrairement aux suppositions gratuites de M. Mossotti, que cette n£bulosit£ se con- tractait d'une maniere prodigieuse dans le voisinage du Soleil. L'inge'- nieux Astronome concut bientdt l'ide'e d'une theorie spdcieuse qui, en les rattachant a l'existence de l'Ether, expliquait avec beaucoup de bon- heur ces phenomenes singuliers de condensation , et fournissait encore une formule assez remarquable qui repre"sente fort exactement des observations difficiles d'ailleurs. Quelques experiences tres-pre'cises et de*ja anciennes de M. Arago ont fait conclure que la vitesse relative d'un rayon lumineux homogene est con- stamment la mfime : suivant le ce'Iebre auteur de la me'canique cdeste, si Ton fait consister la lumiere daus les vibrations d'un fluide eiastique, cette uniformity de vitesse des rayons lumineux exige que la density du fluide soit proportionnelle a son ressort. M. Valz prend pour point de depart la remarque de L aplace , et, s'appuyant sur quelques suppositions admissi- bles, de>oule une suite de consequences fort bien liees entre elles : on trou- vera dans le premier volume du compte-rendu de la quatorzieme session quelques extraits d'un travail communique' au Congres, et qui fait suffisam- ment connaltre la theorie imagined, comme je viens de le dire, en 1829. Lorsqu'on suit les idees de M. Valz, on s'apercoit que la densite du fluide ethere est exprimee par une exponentielle dont le Logarithme varie en raison inverse de la distance au Soleil : on est ainsi entrain^ bien loin des formes analytiques admises a priori$av MM. Encke et Massoti. Malgre" l'exactitude singuliere avec laquelle les formules contenues dans la Bibliotheque universelle de Geneve (]uin 1830), represented les va- riations observers de la ne'bulosite' , exactitude qui donne a l'hypothese de M. Valz plus de probalite qu'aux hypotheses de ses devanciers, personne n'avait encore calcule les perturbations qui doivent re'sulter de l'introduc- tion de I'exponentielle dont nous avons parle dans les formules connues (t) (1) Mecauique analytique T. II, p, 106, 107, 108, et section VI, paragraphe 3. 24 374 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. qui fournissent les variations dues a Taction du iluide £the'rd, des con- stantes arbitrages que renfcrment les integrates du mouvement de la Co- mete. Cette question curieuse ayant 6t6 porte'e au programme de la pre'sente session du Congres scientifique de France , afin d'y repondre, j'ai entrepris le travail dont je m'en vais reudre compte a la section. Au premier abord il semble qu'il convienne de developper en seiie, avec l'aide du theoreme de Maclaurin, l'exponenlielle qui reprdsentej la density de I'Ether: la recherche des perturbations dependrait ainsi,pour chaquc retour, du calcul des deux fonctions elliptiques. Mais on s'apercoit promptement que, lorsqu'il s'agit de la Comete d'Encke, les premiers termes de la suite croissent avec rapidite. La fameuse formule de Stirling, au moyen de laquelle on obtient commodement le logarithrae du produit ou de la factorielle 1 . 2. 3... n des que n est un tres-grand nombre , per- met de reconnaitre que pour obtenir un terme iufe'rieur au premier il faut s'avancer jusque vers la quarantieme puissance negative du rayon vecteur. Ce n'est pas tout: les series qui donneraient ensuite les quantity auxi- liaires que j'ai nominees A, B , et dont M. Plana avait d£ja fait usage, r£- sultent d'une integration et se trouvent moins convergentes encore que la s^rie primitive. Un second calcul approximatif montre que Ton est obligd de pousser jusqu'au soixantieme terme si Ton veut tenir compte du pre- mier. Rigoureusement , il serait possible de lever la difficultC en cherchant quel est le terme qui a la plus grande valeur numerique, et en groupant autour de lui ceu\ qui le procedent et ceux qui le suivent de pres; on n6- gligerait les termes qui ne peuvent influer sur le dernier des chiffres aux- quels on doit se bonier dans le calcul des perturbations. Je dois dire pourquoi je n'ai point suivi cette marche. L'an dernier j'avais commence- , dans le courantdu mois de Mai, un me"moire (1) oil j'effectuais le calcul des coefiicients nume'riques pour les cinquante premiers termes des series qui expriment les variations sdculaires du grand axe et de l'exentricite' ; mais bientot mes yeux se sont voile's de rechef, et la souffrance m'a force d'interrompre ce travail fatigant, de rester oisif durant plus de six mois. Je ne pouvais employer avec surete les termes calculus au milieu de circonstances pareilles sans une revision prealable qui eut ete susceptible de m'entrainer fort loin. J'ai done prefer^ avoir recours a la methode plus laborieuse des quadratures. Les deuxformules ge>£rales pour les quadratures que Ton trouvedans le Traite des fonctions elliptiques (2), sont cellesdontje fais usage pour calculer mes deux integrales A , B. Elles supposent que la fonction place"e (1) Sur I'usage de la the'orie des perturbations pour determiner la lot que suit la densild de I'Ehter dans les espaces plandtaires. (2) T, II. Appendicc: V section, paragraph© i. QUINZIEME SESSION. 575 sous le signe d'integration definie deraeure [constamment positive et finie depuis la limite inferieure z£ro jusqu'k la liraite superieure, qui est ici la demi-circonfe>ence , tandis qu'entre les memes limites les derives de divers ordres ne deviennent pas infinies ; le premier terme de chacune de ces formules exprime la somrae d'une suite de trapezes dont un des cote's non paralleles est la ligne, qu'on obtient apres avoir divis£ en n parties egales la base de la portion de courbe qu'il s'agit de quarrer, et on voit ordinairement avec facility quelle doit etre a peu pres la valeur de n qu'il faut adopter pour que le second ou le troisieme terme appartienne a l'ordre d'unite" qu'on veut negliger. Mais, pour les fonctions que j'avais besoin de consid&er, toutes les de>iv£es d'ordre impair s'e>anouissent aux limites de Tintegration ; de chaque formule , il ne reste que le premier terme et Ton se trouve dans un cas d'exception qu'a soigneusement examine' Legen- dre (1), il est impossible de calculer a priori le nombre entiej: n : afin de connaitre le degre* d'approximation que donnera chaque hypothese sur la valeur de n, je me suis vu oblige de calculer 1'une et l'autre des quantity nommdes M et N par l'illustre Gdometre. J'ai commence" a m'occuper de la revolution de la Cometed'Encke qui embrasse l'intervalle de temps compris de 1829 a 1832. En appelant y la fonction variable dont depend Tintegrale A, z, celle qui se rapporte a Tintegrale B , je trouve que lorsque l'anomalie excentrique u est nulle,les logarithmes de y et z sont respectivement 11,1276808 et 10,3167975 ; lorsque Tangle u a 90 degres, les m6mes logarithmes sont tous deux egaux a 1,636739 ; enfin si Tangle u devient de 180 degrees, ces deux logarithmes ont pour valeurs respectives 0,3484225 et 0,6145207. Occupons-nous uniquement de Tintegrale A ; il sera facile d'appliquer a Tintegrale B les observations que je vais exposer. En examinant les valeurs de Tordonn£eyrapporteesci-dessus,onrecon- nait sans peine que Taire de la courbe a quarrer contiendra onze chiffres avant la virgule d^cimale • or, comme les calculs astronomiques les plus precis se font ordinairement avec des tables a sept ddcimales, on ne peut, en toute rigueur, obtenir que six ou sept chiffres; d'un autre c6te , quand u est de 90 degrees, la valeur de y a deux cbiffres seulement a la partie en- liere. Done la somme des trapezes qui commencent lorsque u vaut 90 degree, etse terminent a la deuxieme extremity de la base, lorsque u atteint 180 degrees, doit etre n^gligtSe, et les calculs se trouvent alors beaucoup plus simples. Au reste je ddmontre par Tanalyse que Tintegrale dont y est la fonction sous le signe de sommation, et qui a pour limite ze>o et la demi circonference , est £gale a la somme de deux autres , qui ont pour limites communes z6ro et le quart de circonference; que de plus la (1) Appendice dfyi cit3, meme eeclion, paragraphe 576 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. seconde de ces integrates etant moindre que le nombre 28, ne saurait influer sur les resultats d'un calcul pour lequel on se sert des tables de Callet. La caracteristique pour l'ordonnee a l'origine est 1 1 , et cette ca- ractdrisque si e'leve'e a ete obtenue par le defacement de la virgule deci- mate; comme apres quelques combinaisons numeriques on ne peut compter sur 1'exactitude du septieme chiffre d'un logarithme , comme d'ailleurs la constante que renferme l'expression de la densite de l'^ther depend du calcul d 'observations assez delicates , il rCsulte que le nombre 11,1276808 pourrait etre reduit a quatre figures : ainsi definitivement ne posse'dant pas de tables a dix decimates ou je pusse cbercher les valeurs un peu con- siderables de 1'exponentielle qui repre"sente la densite de l'tither, je ne suis en etat de repondre que de quatre chiffres significatifs, ce qui du reste est bien suffisant. La demiere remarque se trouve d'ailleurs confirmee par la suite des calculs. Les quantite's M, N rdpondent respectivement a deux sommes de trapezes dont la premiere est plus grande, dont la seconde est moindre que l'aire de la portion de courbe. Or, quand on fait le nombre n egal a 20, on obtient pour integrate A une valeur de N superieure a celle de M ; la meme chose a lieu pour l'intlgrale B des que le nombre n est 40 ( nous procedons par bissections afin de simplifier en ne calculant que la premiere des quantite's M ainsi que l'a explique Legendre dans l'ouvrage et au lieu citis) :de cette facon le calculateur est averti qu'il est tout a fait inutile de pousser plus loin ses recherches. J'ai constate que ('integrate A etait le quotient du nombre 6860000 par la demi circonference dont le rayon est l'unitd, et que B etait le quotient du nombre 1084900 par le memo rapport de la circonference au diametre. L'expression monome de la force mecanique provenant de la resistance contient trois facteurs: la densiie du fluide, le quarre de la Vitesse du mobile , et un coefficient constant K qui depend de la masse et de la densitc de la Comete. Le coefficient K ne peut, dans l'etat artuel de la Science, se determiner a priori; on deduit sa valeur par la comparaison du calcul et des observations : cette constante depend done de l'hypothese qu'on a adoptee , et change de valeur des qu'on modifie l'expression analytique de la densite du milieu rare. Si, comme je l'ai fait, on prend pour unite de force l'attraclion qu'exerce le Soleil sur laTerre a l'unite de distance, les comparaisons dues a M. Enlke donnent 3,5213586 (1) pour le loga- rithme de la tres-petite fraction K. Afin de reconnaitre quelle valeur du coefficient de la resistance je dois employer dans mes calculs definitifs , je suppose que la variation du moyen mouvement, celle qui est la plus (1) Apres aroir trouve le nombre qui respond a ce logarithme, il faudra diviser par la di- zieme puissance de 10. QUINZIEME SESSION. 577 sensible, quoique encore assez incertaine, soit lameme en 1832 dans les deux hypotheses; et de cette raaniere j'obtiens pour ma constante une valeur 137,720 fois moindre que celle dont j'ai rapporte* plus haut le logarithme. Ensuite je cherche, a l'aide du nombre ainsi de'termine', quelle est la variation de l'excentricite* lorsque la density de l'Ether est representee par rexponentielle,etil vient un nombre qui est plus que le double de celui qui repond a l'hypothese de M. Encke ; par Tangle (1) de cette excentricite* la difference entre les deux rdsultats monte a 4 secondes et demie; malheureusement la ne'bulosite' de la Comete d'Enclke est trop peu etendue ettrop peu tranche^, les proce'de's d'observations ne sont pas assez precis, les approximations du calcul des perturbations dues aux Planetes n'offrent pas assez d'exactitude pour qu'on puisse esperer de net- tement appr^cier une pareille quantity. J'en snis reste- a ce point d'une etude que j'aurais voulu rendre plus com- plete, mais le temps a manque* : les programmes sont encore arrives vers la fin de Mai , et c'est trop tard. Bien que durant les dernieres semaines j'aie d^Iaissd mes autres travaux, le present expose* ne parviendra a la section que peu de jours avant la cloture de ses discussions. Pour parler seulement des calculs numeriques, il fautsonger que j'ai employe* plus de deux mille logarithmes, soit en essais infructueux, soit afm deparvenir aux conclusions indique*es, et Ton sait d'ailleurs quelles hesitations vous accompagnent a l'entre*e d'une route entierement inexplore'e. Les membres de la lre et 6e section reunies expriment aux membres du bureau et en particulier a leur president, M. le comte de Tristan , leur reconnaissance pour le zele avec lequel ils se sont acquitte de leurs fonctions, pour 1'impartialite avec laquelle ils ont dirige et resume les de- bats et pour les lumieres qu'ils ont apportees dans toutes les discussions. La seance est levee a onze heures. (1) L'excentricite d'une Ellipse est toujours une quantity plus petite que l'unit6 ; on ima- gine quesa valeur exprime le cosinus d'un certain angle qu'on somme dots angle de l'«xcen~ tridU. 378 CONGRES SCIENTIFIQUE DB FRANCE. AGRICULTURE, INDUSTRIE ET COMMERCE. Seance dn « sentemlire. Cejourd'hui jeudi , 2 septembre 1847, a neuf heures du du matin. La section presidee par M. de Sourdeval , Tun de MM. les secretaires generaux , a procede a la formation de son bu- reau particulier, conformement au reglement , avee l'assis- tance de MM. Bonnebatdt et Breton , secretaires. Verification faite du nombre des membres inscrits dans la section , il s'est trouve de cinqua*ite-six membres. Le scrutin ayant ete ouvert, trente-quatre membres in- scrits ont pris part au vote; la majorite relative est de dix- huit voix. Le depouillcment du scrutin a ete fait par M. le president provisoire. M. de Buzonnieres a obtenu 27 voix pour la presidence. M. le C,e Odart en a reuni 30; M. le Cte d'Outremont, 29; M. Julien, de Paris, 23; M. de Saint -Marceau, 16, pour la vice-p residence. En consequence M. de Buzonniere a ete proclame presi- dent de la section, et MM. le Cte Odard, le Cte d'Outremont, Julien (de Paris) et de Saint -Marceau ont ete proclames vice-presidents. Les deux secretaires presents appartenant a Tagriculture speciale (enl'absence des secretaires nommes), il a ete juge convenable de nommer un troisieme secretaire pour la qujnzi£me session. 579 partie speciale : commerce ct Industrie. M, Chaleil, ayant ete invite a remplir cette fonction , a declare l'accepter. M. le president a ensuite donne lecture des questions portees au programme, en invitant les membres du Congres presents a se faire inscrire pour prendre la parole stir les sujets indiques. Ont ete inscrits sur les questions suivantes : . 4r% M. de Caumont ; 2% MM. de Caumont, de Buzonnieres, Breton; 5°, M. de Caumont ; 5e, M. de Buzonnieres; 7% M. Chariot; 9% M. leCteOdard; 41% M. Chariot; 12% M. Champoiseau ; 15% M. de Saint-Marsault ; 16% M. de Caumont: 21% MM. Breton, Dufaur de Montfort; 22% M. Chariot ; 24% MM. Delaunay, de Pantoza , Breton ; 25% M. de Sourdeval; 26% M. de Saint-Marsault, Dufaur de Monfort, Breton; 27% M. de Sourdeval; 29% MM. de Buzonnieres , Chaleil, Breton. M. de Sourdeval a donne lecture des questions adressees par la Societe d'horticulture d'Orleans , qui serontsoumises a la deliberation de la section avant d'etre portees au bureau central du Congres. M. le president a rappele que les questions devant etre traitees dans l'ordre d'inscription du programme, il se pourrait qu'il parut convenable de donner la priorite a quelques-unes d'entre elles , a raison de la plus grande importance qu'elles pourraient avoir aux yeux des membres. de la section , pour qu'elles puissent etre discutees les pre- mieres en seance generale. M. Breton a demande la priorite pour la 21e question, du credit agricole , corame etant plus generale et d'une plus 580 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. haute importance pour l'avenir et Amelioration de notre agriculture. L'assemblee ayant ete consultee, il a ete decide, a la majorite, que la 21e question, du credit agricole, aurait la priorite et serait appelee la premiere pour etre discutee. M. le president a ensuite invite MM. les membres de la section d'Agriculture a se rcndre exactement a l'heure in- diquee pour ses travaux particuliers, afin que cette partie importante du Congres soit traite avec tous les developpe- ments qu'elle comporte et puissc vcnir utilement a l'ordre du jour des seances generates. La seance a ete levee a onze heures, et renvoyee a demain vendredi, neuf heures precises. Fait au palais de justice, salle d'audience de la justice de paix , lesdits jour, mois et an , M. Breton remplissant les fonctions de secretaire. $&mee du 3 gegitembre* Presidence de M. de Buzonnieres. M* Breton, secretaire. Le vendredi 5 septembre 1847, a neuf heures du matin, la deuxieme section a ouvert sa seances , presents : MM. De Buzonnieres, president; Julien , de Paris, de Saint-Marsault, vice-presidents. La parole est a M. Breton , pour la lecture d'un memoire sur la 21e question : sur le credit agricole, a laquelle la priorite a ete accordee sur les autres , corarac presentant un intcret plus grand. M. Breton pense que la rarete de Fargent est generale dans les campagnes et que rimpossibilite de s'en procurer, meme a un taux eleye, forme un obstacle insurmontable a QUINZIEME SESSION. 581 toute amelioration et arrete toute espece de progres ; il cite Topinion suivante de M. Royer, inspecteur general de l'a- griculture ; la moitie de la France agricole , dans le centre, 1'ouest et le midi, privee de capitaux et d'instruction suffi- sante , presente le plus desolant tableau de la misere ; le metayer ne travaille qu'autant qu'il y est force pour ne pas mourir de faim, tandis que le proprietaire, souvent dans la gene, manque du capital indispensable pour les ameliora- tions; d'immenscs etendues ne fournissent qu'a grande peine la miserable nourriture des exploitants ; des proprietes ex- cellentes ou moyennes donnent pour tout revenu un pro- duit brut de 3 a 4 fr. par quintal metrique de foin naturel que la Providence y a place ; avec des capitaux bien em- ployes, nul doute que le produit agricole de ces pays ne puisse etre facilement quintuple. — Ainsi, ce n'est pas l'in- suffisance des benefices agricoles qui empeche ou arrete les plus importantes ameliorations de l'agriculture et la main- tient dans une inferiorite relative tres-facheuse , mais bien l'absence de capitaux circulants et rimpossibilite de s'en procurer. M. Breton demande la creation d'etablissements de cre- dit pour venir en aide a la partie de la population rurale qui souffrele plus du manque d'argent, et qui, tranquille et sobre, arrose la terre de ses sueurs, vegete, souffre et meurt sans se plaindre ; a laquelle personne ne songe et pour la- quelle on n'a rien fait encore , quoique la subsistance du pays depende d'elle seule. II dit que Ton se plaint de la voir emigrer vers les filles, en desertant les champs qui l'ontvunaitre; mais ne devrait- on pas, au contraire, s'etonner de voir encore quelques ha- bitants des champs, lorsqueles ouvriers desvilles oceupent exclusivement la sollicitude des philanthropes et des econo- mistes ? Touvrier ne trouve-t-il pas a la ville tous les eta- blissements destines a tous ses besoins ? lorsqu'il est indis- pose, il a des medecins stipendies qui lui donnent des con- sultations gratuites. S'il est malade gravement , il a des hopitaux pour le recevoir : s'il a besoin d'etre aide dans sa convalescence , ou pour clever sa famille , des bureaux de 582 C0NGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. bienfaisance sont fondes dans ce but ; s'il lui faut line avance pour faire face a ses besoins , ou pour faire une orgie le dimanche et merae le lundi, il a les Monts-de-Piete; s'il a des enfants en bas-age , il a les salles d'asile et les creches pour les garder. S'il desire s'instruire, il a des ccolcs d'a- dultes a sa disposition; en liiver il a des chauffoirs et des distributions de bois et merae de pain , de linge et d'habil- lements. S'il a des affaires contentieuses, il a des consulta- tions gratuites des meilleurs avocats. S'il a des difficultes avec ses maitres , il a des juges parmi ses egaux, les prud'- hommes , pour eviter les lenteurs et les frais eleves de la justice civile. S'il veut rctourner au village , il obtient un passeport gratuit et une indemnite de route : dans des* si- tuations pareilles, l'ouvrier des champs n'a que des souf- frances et des privations en perspective ! Mais n'oublions pas, dit M. Breton, que malgre toutes ces admirables insti- tutions fondees par la plus ardente charite , les ouvriers urbains subissent la peine de leur desertion de nos eam- pagnes, de l'ingrat abandon de l'air vif et pur qu'ils y res- piraient, car ils regrettent sans cesse la joie et la sante' qui entourerent leur jeune age. Mais, dit M. Breton, n'y aurait-il done aucun moyen de soulager les infortunes de nos homines des champs, ni au- cune possibilite de les aider un peu? Nous ne demandons eependant pas actuellement des hopitaux, des salles d'asile, des prud'hommes , quoique nous voudrions voir toutes nos bourgades dotees de ces institutions, nous savons que tout ne peut etre fait a la fois. Nous ne demandons ni aumones, ni taxe des pauvres , e'est une banque de pret dont nous demandons la creation pour prevenir la necessite de recou- rir a tous les nombreux etablissements de charite. Nos demandes seront-elles satisfaites quoiqu'il ne s'agisse que des ouvriers agricoles ! Nous devons l'esperer , parce qu'en France on n'a jamais fait un appcl a la bienfaisance sans obtenir satisfaction, toutes les idees grandes et gene- reuses excitent la sympathie, nous avons souscrit pour les malheureux Grecs, pour les refugies ctrangers, pour les in- cendies, les inondes ctrangers? cobniaux et nationaux. Tous ouinzieme session. 585 les ans la bienfaisance, sous les traits de nos dames du pre- mier rang , recoit des sommes considerables en dons, pour soulager l'infortune dans nos villes ; n'en peut-il done etre de meme pour l'industrie agricole, non pas a titre de dons, mais seulement a titre de prets ? Enfin, dit M. Breton, on a trouve dans la creation des Caisses d'epargnes le moyen de diriger vers l'economie et Tordre une partie de la population des villes qui etait en- trainee a depenser mal a propos le fruit de son travail; nous pensons que ce n'est la que la moitie du but a attein- dre; son complement necessaire consiste a utiliser ces fonds, a les rendre fructueux, a les employer a la creation du tra- vail pour la partie de la population qui en a besoin , aim d'assurer la subsistance de tous : moyen plus facile , plus sur et infmiment moins couteux que tous les remedes pro- poses ou employes pour faire face a la disette, et loin de chercher a entraver par une loi l'extension de ces place- ments dans les caisses d'eparges, nous aurions voulu la voir provoquer par tous les moyens a la disposition du Gouver- nement, pour leur donner Temploi que nous indiquons. Le credit applique a Fagriculture doit etre classe sous deux grandes divisions : Tune, le credit foncier garanti par un gage immobilier avec systeme hypothecate, comme nous le possedons en France , ou bien forme par une grande association de proprietaires mettant leurs immeubles en commun pour garantie des prets a leur faire, remboursables par annuites, pour amortir le capital en plus ou moins de temps, comme les banques territoriales de l'Allemagne. L' autre, le credit agricole reposant sur un gage mobilier ou sur la solvability de l'emprunteur. Ce dernier credit est le plus pressant a etablir puisqu'il n'existe pas , comme le credit foncier qui procure des capitaux , si ce n'est a bon marclie et qu'il ne s'agit que d'ameliorer. M. Breton demande l'etablissement de banques agricoles avec intervention de l'Etat et Tintermediaire des caisses d'epargnes : l'Etat pour garantir les versements des pre- teurs , les caisses d'epargnes pour recevoir et payer les fonds speciaux destines aux banques agricoles etablies par 384 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. departement et arrondissement avec un taux d'interet paye a trois et demi pour cent aux preteurs et recu des emprun- teurs a quatre et demi pour cent. Les prets destines a la classe des cultivateurs peu a l'aise seraient limites a un maximum de 500 fr. et destines uni- quement a une amelioration agricole quelconque. Ces etablissements n'entraineraient aucun frais, puisqu'ils seraient soldes au moyen de la difference d'interet recu et paye; le mouvement des fonds se ferait par les caisses d'e- pargnes; toutes les ecritures par les banques (i). Appele par son tour de parole, M. Dufaur de Montfort, absent, est supplee dans la lecture de son memoire sur le credit agricole, par M. Roux. Messieurs , Celle question , utilement posee dans le Congrfcs scieniifique , re'vele un des vices les plus d^sastreux de notre epoque, rinfenorite" permanente de l'industrie rurale en France. Des adrainistrateurs instruits, d'habiles agronomes, des savants de toutes les classes , ont consaere" a ce sujet de se'rieuses etudes, et tous sont d'ac- cord sur les causes d'un mal passe" a l'e^tat chronique j tous en accusent le manque de capitaux. A quoi faut-il attribuer ces prodiges de Tagriculture d'outre-mer dont le peuple anglais s'enorgueillit a si juste titre ? Serait-ce a Pexcellence du sol? Non, sans doute, mais seulement a la richesse des fermiers (2). Chez nous, les conditions sont bien differentes. La plupart de nos culti- vateurs ne possedent que la terre qui les nourrit ; c'est Ik toute leur indus- trie, leur seule ressource. lis n'ont pas d'autres moyens de vivre, et si la voie ruineuse des emprunts devient pour eux un imp^rieux besoin , l'hen- tage paternel ne suffira pas a lagarantie du pret. Vainement les machines aratoires se perfectionnent ; vainement elles promettent d'^conomiser les bras , de faire avec les menues hommes une masse plus considerable de travail. L' usage en est interdit dans nos fermes, (1) Voir i la page 88 le memoire de M. Breton sur le Cridit agricole. (2) Je viena de passer en revue toutes les provinces de France, et j'observerai en general que )e croia ce royaume superieur k celui d'Anglelerre en fait de sol. (Arthur Young , voyaga en France, lome II, page 182, QUINZIEME SESSION. 585 car le haut prix auquel elles se livrent n'est pas a la portee de toutes les bourses. En vain, on essaiera, en repandant les bonnes doctrines, de suppleer par la capacity a l'absence de numeraire ; ce sont la d'ingdnieuses theories dont le prestige troropeur ne saurait nous sdduire, car si la science agri- cole s'appuie sur des faits generaux, elle a 6t6, jusqu'a ce jour, impuissante a etablir des principes specialement applicables aux locality. L'agricul- ture, c'est aussi un champ de bataille oil la patiente habilete" de l'homme lutte contre des obstacles de tout genre , oil les combats sont opiniatres et parfois sans profit , oil de courageux ouvriers 6puisent * sinon leur sang , du moins leurs sueurs , les sueurs du peuple Et la , de meme que pour faire la guerre, il faut les trois choses dont parlait Trivulce , de l'argent , de l'argent, encore de l'argent. On a bien dit qu'une bonne agriculture se fonde sur ces trois elements distincts : la propriety, le capital et le travail ; mais, a mon avis , la chose de Trivulce resume tout. Le credit , en organisant le travail , d^veloppe la moralite publique~et imprime aux esprits une direction nouvelle. Serait-il done si difficile d'at- tirer les capitaux vers les exploitations rurales ? Ne voyez-vous pasle riche industriel lui-meme , effraye" du peril sans cesse renaissant de ses entre- treprises hasardeuses , expose" a des pertes quotidiennes et imprdvues , aller demander a la \ie des champs le repos , le calme, la quietude que lui refuse le tourbiilon des villes ? Cet heureux spdculateur a qui la fortune a souri n'aimerait-il pasmieux asseoir ses creances sur l'immobile base du sol que de les confier au teger souffle des transactions commerciales ? Que faut-il ? de larges reformes dans nos lois , telles que la propriety oberde puisse all^ger le poids qui l'ecrase , en empruntant pour se de^grever. II y a urgence a provoquer les capitaux du dehors a se joindre a ceux des cam- pagnes; on peut signaler ce besoin comme quelque chose de reellement vital. Les agriculteurs forment deux classes bien distinctes , les grands et les petits proprietaires : ceux -la ont de vastes terres , ceux-ci ne possedent qu'un mince heritage , et , dans l'6tat normal des choses , a moins de res- sources etrangeres, les premiers se subdivisent encore en deux parties, dont la plus nombreuse embrassece qu'on appelle vulgairement les riches malaise's. Tout est relatif ; le modeste cultivateur travaille avec peu : encore lui faut-il le strict n^cessaire. Le fort tenancier, avec des revenus plus consi- derables, voit ses besoins s'agraudir ; mais en cas d'orage, de grele, d'acci- dent met^orologique quelconque > sur ce sol d^vaste , vous ne trouverez plus que des hommes abattus , dont un commun malheur a nivele les positions. Heureux commerce! il specule sur tout ce qu'il a plu a la Providence 586 congres scientifique de France. divine de rdpandre ici-bas. Pour lui les coffres forts puvrent leur boucbe be'ante et le taux de l'argent n'aura jamais rien d'exage>e\ Son credit est etabli , et viennent les heures de panique , il y aura cbez ce favori de la fortune une pluie d'or exprime'e trop souvent du pain du peuple. Revenons a nos moutons. Le proprie'taire, le fermier, le cultivateur, qui ne peuvent obtenir qu'un prix modique de leurs denies, se trouvent r^duits a la triste alternative de suspendre les travaux en se croisant les bras , ou de ruiner leur aisance par des emprunts dispendieux. Se croiser les bras, ai-je dit, vivre de peu, c'est bien ; mais n*y a-t-il pas a acquitter l'imp6t, et le collecteur attendra- t-il, lui , qu'une hausse possible alourdisse l'escarcelle du contribuable? Disons-le , sans un fonds de roulement a des conditions faciles , l'agricul- teur sera aux abois , et la terre meme , cette nourrice des hommes , ne recevra pas toujours la semence qui doit germer dans son sein... a moins qu'aux mauvais jours , aux jours de de'tresse , et ils sont nombreux , le malheureux ne cede a la voix de Pusure. Si, sous ce pretexte banal que l'argent est une marchandise, nous de- vions admettre avec Bentham que la repression de l'usure n'est plus dans nos mceurs, il faudrait desesp^rer de cette liberte, desirable dans ses justes limites, aveugle parfois dans son application. Quoi! c'est pare e que le siecle marche vers le progres qu'on pourrait voir l'usnre trdner effronte'- ment au milieu de nos institutions populaires ! oh ! non ; cette lepre hi- deuse, industrie parasite qui s'engraisse des sueurs du peuple, ne sera jamais qu'un fait anormal, une immorality, un scandale, et si la loi est impuissante a l'extirper a sa racine, cherchons au moins a ravir a son con- tact impur la partie la plus intCressante de nos classes laborieuses, celle des campagnes. L'agriculture emprunte, et emprunter, pour elle, c'est courir a sa ruioe. DCjk les sommes dues sur hypotheque par les cultivateurs s'e'levent au chiffre £norme de onze milliards et l'inte'ret a 700 millions. II est vrai que tout y est compris, creances privileges, hypotheques l^gales, reprises quelconques, de la femme, de la mere, des pupilles ; mais il n'y a pas moins la quelque chose de colossal, d'effrayant : comment la propriete fonciere supporterait-elle cette cause progressive de gene et de de'tresse ? Toutefois, il faut bien le reconnaitre, les emprunts sont trop souvent indispensables, ne serait-ce que pour supplier aux besoins imprevus, a l'iusuffisance accidentelle des recoltes,a tant de n^cessit&s qui entravent, paralysent latache laborieuse de 1'homme des cbamps. La France n'a pas de bon systeme de credit agricole ; il lui en faut un , v6rite' devenue populaire et que constatent, chaque jour, ou les savants Merits, ou les eioquentes paroles de nos publicistes a la tete desquels se place M. Wolowski. Cette idee est depuis longtemps a Te^tat de the^orie ; il lui reste encore a se fe'eonder dans le domaine de la pratique, et c'est pour QUINZIEME SESSION. 587 obtenir ce grand r£sultat {me le programme du 15e Congres scientifique de France adresse a ses adherents un appel qui sera entendu de beau- coup d'entre eux. Qui doit crCer le credit agricole, cette grande ccuvre liee comme bien d'autres a la question sociale? sera-ce le gouvernement ? sera-ce l'associa- tion ? pourquoi pas toutes deux ensemble ? J'aime assez les vastes entre- prises oil le peuple et l'etat s'appuient l'un sur 1'autre, confondent leurs intdrets et se pretent une mutuelle influence. II y a dans cette communaute" de rapports des gages d'ordre, de securite qu'exclut le mode d'isolement : si l'Anglelerre est vivace en de"pit de son e"crasante dette, e'est que la na- tion s'identifie avec son gouvernement et que le de"biteur ne saurait p£rir sans entrainer le chancier dans sa chute. On sait que rimpossibilite" d'emprunter ailleurs que chez les Juifs a trente ou quarante pour cent fit Ctablir le premier Mont-de-Pi^tC a P£- rouse, en Italie, au xve siecle. Des Ctablissements de l'espece furent crCds en France, et, beaucoup plus tard, le 6f6"vrier 1804, une loi porta qu'au- cune maison de pret sur nantissement ne pourrait etre fondee qu'au profit des pauvres et avec l'autorisation administrative. A la fin de 1798, dit Fa- vard, le gouvernement proposa au corps legislatif un projet de caisse de pret public dans chaque de"partement ; ce projet ne recut pas d'execution. Dans les villes, les caisses d'epargnes assurent aux ouvriers un place- ment , sinon tres-lucratif , au moins solide, de leurs faibles Economies, mais la classe agricole a eu, jusqu'a ce jour, peu de part a ces sympathi- ques efforts de bien-etre. Quelques Ccrivains ont parlC de prets hypothe- cates, de banques de famille, et tout a Cte" dit, comme si les bonnes in- spirations devaient s'eteindre sous le souffle de 1'impossibilite'. Le grand proprietaire n'est ve>itablement dans l'aisance qu'autant qu'il lui est possible de compter sur les int&ets annuels d'un capital ; le petit fermier, s'il ne peut aspirer au rneme avantage, serait heureux encore de trouver, dans les temps de crise, des emprunts a courte dcheance et peu onereux : e'est-a-dire que les uns et les autres ont un £gal inte'ret a la crea- tion de ce credit agricole apres lequel courent nos economistes sans jamais pouvoir l'atteindre. Eh bien ! la sociCte qui souffre dans son isolement n'a qu'a s'associer. ProtCgee par le gouvernement, l'association est le nerf de toute entre- prise utile, et quels ne doivent pas etre ses succes alors que ceux qui la composent, unis deja par des rapports de voisinage, peuvent apprecier mu- tuellement leurs iromeubles et reconnaitre ainsi la solvability du de"biteur ! Supposons une compagnie de pret qui re*unisse 200,000 francs en ac- tions de 500 francs a 5 p. o?o d'int^rets, quinze jours apres le depot, pour les besoins d'un arrondissement; que les capitalistes soient choisis de pre- ference parmi les propri&aires du pays. Certes, a ces conditions, les fonds 588 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ne manqueront pas et les emprunteurs non plus, si les formalites du pr^t ne sont ni compliqu^es, ni longues, ni dispendieuses. On voit deja que l'existence du credit agricole ne peut r^sulter que d'une modification reconnue indispensable dans notre regime hypothecate. Sans doute je touclie ici une corde sensible et qui doit naturellement exercer une haute iufluence sur la fortune publique, car l'hypotheque assure la propriety, et la ou sont les garanties, les capitaux affluent et le pays fait monnaie de lui-meme ; mais les impeneux besoins de l'agriculture demandent des facility qui n'existent point encore, et, bieii qu'il ne soit jamais sans inconvenient d'attaquer la lettre du code, chacun a compris que l'heure est venue de donner satisfaction aux interests ruraux. La part du gouvernement dans l'association doit etre digne de lui ; elle consistera dans le sacrifice de quelques droits. Le gouvernement ne peut-il done pas venir en aide aux embarras de ragriculture comme il le fait avec une paternelle sollicitude pour ceux de la vie urbaine? l'&griculture, si active, si laborieuse, ne recevra-fc-elle pas un rayon de la haute faveur qui entoure, comme une aureole de gloire, de progres, et le commerce et Pindustrie? L'essentiel, e'est que les capitaux affluent aussi au secours de la pro- priety fonciere, et ils n'y viendront qu'a la condition formelle : 1° Que letaux de 1'intOet soit tel que l'une des parties y trouve son be- nefice sans trop de dommage pour l'autre ; 2o Que le placement soit solide; 3o Que la creance soit sous la garantie de la publicity; 4° Que les formality soient simples et peu dispendieuses j 5° Que les recouvrements s'operent avec promptitude et facility aux epoques o"£chiance. Ces diverses clauses me semblent et ne'eessaires et exdcutables ; voici done ce que je propose : Article 1. Une compagnie de pret sous le titre de Caisse agricole sera autorisee dans chaque chef-lieu d'arrondissement ; elle fournira un cau~ tionnement en garantie de sa gestion et fera choix d'un notaire charge de passer ses actes. Art. 2. Un papier special sera cre'e', portant au timbre ces mots: credit agricole j au prix de 10 centimes a un franc, selon l'importance des sommes pretees. Art. 3. Les droits du notaire seront debattus une fois pour toutes et regies avec e'eonomie; il ne pourra etre rien exige au-dessus du tarif. Art. 4. L'acte mentionnera formellement la destination agricole du pret. Art. 5. 11 sera stipule" dans l'acte que l'emprunteur en cas de non paie- ment a l'e'che'ance , se d&siste de ses privileges, sur l'immeuble affecte a la garantie de la creance, et les transmet a la caisse agricole avec pouvoir QUINZ1EME SESSION. 589 d'en disposer purement et simplement sans intervention des voies judi- ciaires. Art. 6. Toute enhance de l'espece sera bypothequ^e sur des immeubles ruraux, et ne sera passible que de l'honoraire du conservateur. Art. 7. Elle ne sera soumise a l'instar des prets du commerce, qu'au droit fixe de 2 francs, quelle que soit l'importance de la somme. Art. 8. Le conservateur indiquera, a titre de garantie, dans l'inscrip* tion, comme le notaire dans son acte, que le pret estexclusivement affecte aux besoins de Pagriculture. Ici une explication devient utile ; elle justifiera les articles 6 et 7. On tieut en de"pot une terre, un immeuble quelconque, tout aussi bien qu'un meuble, un effet, une action. Pourquoi ne pas considerer la pro- pria fonciere comme mobilisable, si je puis m'exprimer ainsi, et assi- miler les prets hypothdqu6"s sur elle aux emprunts contracts entre com- mercants sur de"pot soit de marchandises, soit d'actions? Les conditions me semblent de tous points e'gales, et s'il est vrai que les rentes sur l'lttat ne sont soumises a aucun droit, comment l'agriculture ne jouirait-elle pas, a son tour, d'.un privilege accorde aux capitalistes? Art. 9. Dans le cas oil il resulterait, soit d'un proces, soit de preuves authentiqueB, que les fonds ont recu une destination autre que celle decla- red, l'acteileviendra passible du double droit d'enregistrement ordinaire. Art. 10. Les vices de forme prerus par Particle 717 du code de procedure civile n'entraineront pour les creances de l'espece aucune nullite. Art. 11. Les immeubles ruraux sur lesquels reposera l'hypotheque se- ront appre"cies et agrees par la caisse ou ses agents.; l'acte notarie" mention- nera leur description. Art. 12. On ne pourra exiger que la valeur de ces immeubles excede notoirement le double de la somme pr6t£e. Art. 13. Nul ne sera admis a mettre en depdt ses immeubles s'il u'a qualite a cet egard, s'il n'est connu et domicilii ou assiste d'un re'pondant connu. Art. 14. La dure"e du pret sera fixee a l'amiable. Art. 15. L'interet sera et ne pourra 6tre que l'interet legal : 5 pour 0/0. Le proprietaire paye aujourd'hui 7, 8, quelquefois 10, jusqu'a 12 meme aux exigences de l'usure ; il y aura done pour lui diminution sensible dans la somme de ses sacrilices. Art. 16. Les immeubles non degages a re"clieance serout vendus publi- quement sur les lieux memes et a l'enchere jusqu'a concurrence de la somme due, sans autres formes que celles en usage pour la vente des gages en depot dans les Monts-de-Piete", sauf, en cas d'exce'dant, a en faire etat a l'emprunteur sur la representation de l'acte notarie" : apres le delai de deux amines de la date de la vente, l'exc^dant sera verse" au tre'sor public. Art. 17. N^anmoins la caisse agricole se reserve le droit de proroger les 25 390 CONGRES SCIENT1FIQUE DE FRANCE. encheres, en cas de 11011 paierasnt a 1'lcheance, comme aussi de renouveter l'engagement soit sur les mtynes imraeubles, soit sur autres hypotheques. Toute la question repose, comme on le voit, sur deux points essentiels : le caractere du pret et la facilite du remboursement. Si une caisse agricole, que les cultivateurs pourraient a juste titre ap- peler societe" de bienfaisance , est £tablie ; si les emprunts faits par l'agri- culture sont assimile's a ceux du commerce et de l'industrie; si, pour les ventes, en cas de non paiement, le regime simple, facile, rapide, des Monts- de-Piete est substitue aux interminables et dispendieuses entraves de l'ex- propriation , il n'y a plus de motifs pour que les capitaux n'abondent. Le triste spectacle des saisies ne viendra plus effrayer et le delnteur et le capitalistelui-meme; les ventes seront pe.u nombreuses, d'ailleurs, car la nature du contrat excluant toute intervention judiciaire , on empruntera de bonne foi, sans arriere-pensee, sans espbir qu'une indigne ruse, un sub- terfuge honteux puisse aboutir au succes, comme nous ne le voyons que trop sous le regime actuel. Le mode que je propose est-il realisable? Je le crois. Doit-il soulever des objections ? Oui , sans doute. Toutefois , elles ne sauraient venir du Gouvernement; les doleances de 1'agriculture sur ce point sont justes; elle ne demande qu'a 6tre trait^e a l'egal du commerce. Les objections viendront d'une autre part ; elles auront anssi un but plus personnel. Je comprends que l'inte>6t de la procedure, qui est toujours en raison inverse de celui de l'exproprie, doive perdre qnelque chose, beau- coup, si Ton veut, a la suppression des entraves judiciaires; mais un sem- blable motif n'est rien devant la haute morality de l'oeuvre sociale. Souve- nons-nous qu'en 1820, dans un chef-lieu de justice de paix des Bouches- du-Rhone que je ne nommerai pas, un pret de 10,000 francs, hypothe'que' sur un immeuble d'une valeur de 140,000 francs , de>ora le capital sans qu'il restat de quoi solder le cre'ancier!... Sans doute les hommes qui e'iaient ou auteurs ou complices de cette spoliation juridiqoe, les huissiers, les avoue's , le tribunal lui-m&me ressentirent les effets vengeurs d'une eclatante et providentielle colere ; mais que servit au de"biteur ruine cette triste reparation ? Un fait aussi grave est un terrible enseignement , et je ne doute pas que les nobles instincts du barreau francais n'applaudissent a une re'forme qui aurait pour re'sultat d'en rendre le retour impossible. Voila ce qui rend les emprunts difiiciles et onereux; que le recouvre- ment des cre'ances soit de'gage' des risques , des deMais qui le compliquent d'une maniere de'courageante , et Ton verra les associations de capitalistes ou les riches eux-m6mes confier a l'agriculture leurs fonds disponibles. L'initiative dc ces importantes mesures rentre dans la competence, dans les devoirs mir le « peu de terre qu'il a, et ne la travaille qu'a demi, de peur que, si elle « rendait ce qu'elle pourrait rendre, etant bien fumee et cultiv^e, onn'eu « prit occasion de l'imposer doublement. « Tant que la leve"e des revenus s'exigera par des moyens arbitrages, il « est impossible que les peuples ne soient pas exposes a un pillage uni- « versel. « Et cependant le Souverain doit protection £gale a tous ses sujets. « Le travail est le principe de toute richesse et l'agriculture le travail « par excellence. « L'irapdt doit frapper avec une egalite proportionnelle les revenus de « toute nature qui existent dans l'6tat. « Le meme peuple qu'on m^prise et qu'on accable, est le veritable sou- « tien du pays. » C'est l'illustre marechal de Vauban qui s'exprimait ainsi ,ne dedaignant pas d'occuper ses loisirs a rechercher les causes de la raisere du peuple, et surtout les moyens d'y mettre un terme. Or, ce que disait, il y a plus de 130 ans, le marechal que nous venous de citer, nous pouvons, sans aucun doute, l'appliquer a l'dpoque actuelle et reconnaitre que le credit agricole offre une question qui n'est point encore resolue, quoiqu'il soit trTs-urgent de la resoudre. Elle est vaste, elle est complique'e ; on ne saurait done la traiter seulement d'une maniere techni- que comme une de ces questions isoldes qui n'ont point un rapport imme- diat avec I'etat general des choses. Sans doute, il est bon, il est m6me quelquefois utile d'etudier tous les faits d'une situation, au point de vue technique, mais d6s qu'il est evident qu'on doit les envisager d'une maniere g^neVale, si on veut les laire con- naitre tout entiers, il faut se hater d'indiquer tout ce que Ton voit dans une question et ne pas laisser supposer qu'elle est particuliere, lorsqu1elle est essentiellement generate. Que veut-on dire en effet par ces mots : credit agricole? on veut dire qu'en France la terre a besoin d'argent, qu'une partie considerable de la QUINZIEME SESSION. 393 propria fonciere est tres-pauvre et que les bestiaux manquent au me"- tayer pour fertiliser une terre dprouvde l'annde derniere par tant et de si cruels de'sastres. Or, il faudrait, dit-on, un bon systeme de credit agricole, pour donner au sol les engrais qui lui sont ndcessaires. Eh! bien, nous, Messieurs, nous commencerons par declarer franche- raent que la question du credit agricole est avant tout une question d'eco- nomie politique que nous n'avons pas mission de trancher ici, mais que nous devons au moins signaler. Sans doute, il faut de l'argent a l'agriculture ; elle en a un besoin ur- gent : son e"tat present le rdclame. Mais d'oii vient son 6" tat present? Cette question n'est pas difficile a rdsoudre. Nous savons tous ce qu'on lui prend annuellement de numeraire, pour assurer sa prospente\ L'agri- culture invoque un bon systeme de crddit, c'est-a-dire elle demande de l'argent; mais ce qu'il lui faudrait avant tout, c'est qu'on ne lui prit pas a peu pres tout celui qu'elle possede, celui pre'cise'ment qu'elle pourrait ap- pliquer avec fruit a la culture du sol et aux ameliorations qu'il reclame depuis si longtemps. Toutefois, Messieurs, je suis loin de considCrer comme inutile la partie purement technique de la question qui nous occupe: je vais done essayer de la traiter en peu de mots : Le credit agricole ne doit pas etre confondu avec le credit foncier : celui- ci repose sur un gage immobilier, tandis que celui-la doit, suivani nous, 6tre garanti par un gage purement mobilier. Parmi les moyens de fonder ce crCdit dout la ndcessite" est aujourd'hui de'montre'e, les banques agricoles se pre'sentent en premiere ligne. Exami- nons done avec soin ce qui pourrait favoriser leur e'tablissement. Un capital de 2,000,000 par de*partement est indispensable pour faire face a toutes les e'ventualite's. Comment ce capital sera-t-il r£alis£? quels seront les avantages ties bailleurs de fonds? Quelles seront les obligations et les garanties des emprunteurs ? Comment les banques ddpartementales seront-elles administre'es ? Telles sont, Messieurs, les questions auxquelles je me hate de rdpondre. Premierement. Le capital pourrait etre realise" au moyen de 20,000 souscriptions de 100 francs, versus entre les mains du trdsorier gal par les principaux proprielaires ou fermiers du departement. Deuxidmement. Chaque souscripteur aurait droit a un intdret annuel de de 3 pour 100 sur le montant de ses souscriptions. II pourrait en outre jouir de l'avantage d'avoir a la banque un credit ou- vert a son profit et sans inte>et, jusqu'a concurrence des sommes par lui versdes. Le credit une fois dpuise, il est bien entendu qu'il ne serait plus regards comme souscripteur, a moins qu'il ne versat dans la buitaine le montant 594 CONGRES SCIENTIFIQUF DE FRANCE. de sa premiere souscription ; dans le cas contraire , il ne pourrait plus jouir des avantages de la banque que comme emprunteur. Les droits des souscripteurs seraient personnels et ne passeraient point a leurs he>itiers ou repr&entants qui n'auraient droit qu'au montant des sommes restant dues par la banque , mais en principal seulement, lequel remboursement n'aurait lieu que 6 mois apres le de'ces des souscripteurs, et sans intent. Troisibmement. Tout proprie'taire ou fermier du de'partement dont la probity et la solvability seraient connues de l'administration, pourrait era- prunter a la banque jusqu'a concurrence de 5,000 francs; toute autre per- sonne ne pourrait avoir de credit que jusqu'a 500 francs. Tout emprunt contiendrait declaration par l'emprunteur de l'objet pour lequel il serait fait, et obligation par lui de r&tlrer cette declaration par- tout ou besoin serait, pour assurer a la banque son privilege, et d'en jus- tifier l^galement dans la quinzaine, a peine d'etre contraint imme'diatement au remboursement, et prive" pour jamais des avantages du credit. Quatri&mement. L'administration des banques de"partementales serait essentiellement gratuite ; sans cette condition point de succes possible. II y aurait dans le chef-lieu un conseil general, compose' de 20 membres choisis parmi les principaux souscripteurs. Le conseil nommerait le tr£sorier g£n£ral et le banquier de l'oeuvre. Un conseil particulier serait etabli dans chaque sous-prefecture. Enfin il y aurait un conseil dit cantonal dans tous les chefs lieux de canton. Tous les fonds seraient adress^s directement au trdsorier general qui les verserait imme'diatement chez le banquier de l'administration. Celui-ci tiendrait compte d'un intent de 4 pour 100 sur toutes les sommes versus entre ses mains, et s'engagerait a mettre constamment, a la disposition du tr^sorier general, les fonds dont il aurait besoin; il serait tenu compte au banquier d'un interet de 4 1?2 pour 100 sur les avances qu'il pourrait faire a retablissement. Je crois, Messieurs, avoir suffisamment indiqug les principaux moyens de rendre a l'agriculture sa preeminence sur toutes les professions indus- trielles. Puissent ces quelques id£es, stimulant le zele des hommes &p6- ciaux qui m'entendent , les porter a travailler sans relache a la solution de l'importante question qui nous occupe en ce moment ! M. Augustin ayant demande la parole, compare la situa- tion cle l'exploitant avec celle de 1'industriel et dit que ce- lui-ci trouve toujours le capitaliste dispose a faire des avari- ces, tandis que le cultivateur n'eprouve que des refus, II demande unc institution de credit fondee sur la double ga- QU1NZIEME SESSION. 595 rantie du proprietaire et du fermier, qui ouvrirait a cliacun un credit limite, pour lequel des obligations seraient creees et remises a l'emprunteur ,porlant interet a 4 0[0 ; ces titres seraient negocies chez le capitaliste ou le banquier, corame effet de commerce a un an d'echeance. C'est ainsi que le proprietaire , ouvrant les sources du credit a son fermier, en qui il aurait confiance, pourrait voir sa terre, mieux cultivee, augmenter de valeur ; sa propre ga- rantie donnee aux fermiers actifs et intelligents augmente- rait le nombre de ces derniers. — Quant au preleur, con- naissant Taccord du proprietaire et du fermier et la valeur des recoltes, du materiel et du betail du fermier, il recher- cberait les bons emis par la caisse du credit agricole. M. de Montfort soutient que toute la difficulte git dans le moyen de trouver des capitaux. M. Breton repond que le gouvernement peut seul inspi- rer la confiance aux capitalistes ; que la securite des place- ments fera toujours trouver les capitaux avec surabondance a un taux tres-modere ; le taux du commerce est de 6 0[0 avec commission, celui des bonsdutresorn'est que de deux a deux et demi, et celuf des caisses d'epargnes de i 0[0; a ce taux , des centaines de millions sont venues encombrer la caisse des depots et consignations, et une loi nouvellea re- duit les depots facultatifs de 5,000 fr. a 1,500 fr. Les etablissements speciaux de credit existants n'ont pu presenter des garanties suffisantes aux capitalistes, ni offrir des facilites reelles aux proprietaires, memeavecle secours du gage foncier. La Caisse hypothecate a ses actions cotees avec une forte perte. La garantie du GouverneMfent est la seule possible et la seule suffisante pour donner la confiance. M. Petel demande et obtientla parole sur cette question. Messieurs , La n£cessit6 de faire progresser notre agriculture , e'est-a-dire d'amd- liorer le sol de la France de maniere a augmenter de beaucoup sa produc- 596 congres scientifique de France. tion , est aujourd'hui g£ne>a1ement reconnue , et c'est faire preuve de patriotisme que de travailler au succes de cette urgente entreprise. Pa/mi les nombreux moyens proposes pour atteindre ce but est Porga- nisation du credit et des banques agricoles. On fonde sur ces institutions des espe>ances magnifiques. 11 y a deja longtemps que nos conseils gene"- raux et nos Socie'te's d'agriculture sont en travail , mais je crains bien que leur accouchement ne ressemble a celui de la montagne... Je ne me rends pas bien compte de ce qu'on entend par banque et crCdit agricoles , et crois que ceux dont le cerveau se fatigue a en organiser les statuts perdent leur temps et poursuivent une chimere. Reconnaissons d'abord que si, dans beaucoupde contrdes, le cultivateur est de'pourvu d'intelligence , il y a chez lui assez de bon sens pour lui faire refuser le rdle de dupe que Pon voudrait s'efforcer de lui faire jouer, et que ce bon sens et le soin de ses intCrets lui ddfendront toujours de faire des sacrifices et d'exposer des capitaux pour les voir courir la chance de passer entre les mains de son proprieMaire ou de tout autre , sans en obtenir le remboursement pre'alable. II ne devra done faire et ne fera, demeurez-en convaincus, que les sacri- fices dans lesquels il sera certain de rentrer et dont il pourra espeYer re- cueillir le fruit. Cette conduite peut , dans certains cas , etre contraire a ses intdrets ; mais il ne saurait prudemment en suivre une autre. Le capital , place* judicieusement en ameliorations par le cultivateur- fermier, lui donnerait, il estvrai, presque toujours, un inte>6t satisfaisant; mais dans la plupart des cas, ce capital demeurerait attache* au sol, et lui ^chapperait en meme temps que ce sol ; ou bien , quaud renouvelant un bail, une augmentation trop lourde , motived sur les consequences de ses sacrifices, viendrait diminuer ses benefices, et rendre impossible Pamor- tissement de ce capital devenu insaisissable. On doit deplorer amerement cette fatale condition, repoussant tout progres; mais quand le cultivateur sera rentre* dans le droit commun; quand celui au profit duquel les ameliorations doivent se faire aura bien compris que pour en recueillir les^antages, il ne peut espdrer les voir ope*rer par d'autres seuls et a leurs frais, qu'en participant aux sacrifices dans une proportion raisonnable, il ne fera que satisfaire aux exigences et de la justice et de ses propres intdrets; alors, c'est mon espoir, nous ver- rons le progres (aire des miracles , et ce jour-la le proprietaire sera le ban- quier et le bailleur de fonds de son fermier. Recherchons les circonstances dans lesquelles le cultivateur peut avoir besoin du credit. Il traite d'une exploitation d'une valeur quelconque; s'il n'a pas le capital ne*cessaire, il Pemprunte, et comme il aura besoin d'un long deMai pour se libe*rer, il emploiera pour se le procurer les moyens ordinaires. QUINZIEME SESSION. 597 Muni de ce capital qui lui donne les bestiaux , le matenel et les r^coltes a faire, il devra continuer l'oeuvre de son pr£d£cesseur sans avoir besoin de recourir a la banque. S'il a le d£sir d'ope>er, corame son inte>et devra l'y porter, des ameliorations, comme il ne saurait seul en faire les frais , le propri^taire devra faire l'avance du capital, s'il veut voir ameliorer sa pro- prie'te' et augmenter son revenu , et la part pour laquelle son fermier devra contribuer lui sera rembours^e par une augmentation de fermage , ou de toute autre maniere entendue. Si, avant d'avoir realise des benefices, il essuie des pertes de bestiaux ou des manques de r^coltes, son proprie'taire, reculant l'Cche'ance de tout ou partie de ses fermages, deviendra son bailleur defonds, avec garantie pri- vilegide, puisque toutes les valeurs garnissant la ferme et les terres qui en dependent sont le gage du pavement de la redevance et de l'ex^cution des clauses du bail. Le jour done oil le proprie'taire aura compris que le succes de son fer- mier favorise ses propres inte>ets, le credit agricole se trouvera naturelle- ment fonde', et cbercher a l'organiser d'une autre maniere, e'est poursuivre ces feux-follets qui vous e'enapperont toujours. Je suis loin de nier les avantages que pourrait retirer l'agriculture d'un systeme de banque, organise" pour ses besoins; mais comme, pour les sa- tisfaire, il faudrait le plus souvent se contenter de la garantie morale, et d'un faible profit, il est fort douteux que les capitaux employes a cet usage, trouvant dans Pindustrie et le commerce un placement avantageux, dix a quinze pour cent , cherchent de longtemps h sortir de cette voie, pour en prendre une ipoins lucrative... Et puis, la banque ne donne son argent que contre des valeurs a coiirte <5cheance, et revetues de plusieurs signatures qui entre ses mains redevien- nent de l'argent, et l'agriculture, qui n'a et n'aura jamais de portefeuille, ne puisera pas a cette source. D'ailleurs le banquier veut, en pretant son argent, un gros b^neTice et des garanties, le cultivateur ne saurait le satis- faire, et, je le r^pete, le proprie'taire, pouvant, dans la plupart des cas, trouver, pour le remboursement du capital avance", les garanties desirables, doit, dans son propre interet, et peut seul etre le banquier et le bailleur de fonds de son fermier. M. 'Chariot prend la parole pour restreindre la question dans des limites moins etendues, afin de presenter au Con- gresune opinion succincte sur la question du credit agricole. M. Julien de Paris, vice-president, dit que le Congres n'est pas appele a formuler des articles de loi, qu'en conse- quence il propose de se borner a emettre le voeu suivanl : 398 CONGR^S SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Le Congres ; Considerant que 1'agriculture, en France, est generale- ment privec des capitaux qui lui seraient neccssaires pour ameliorer ses procedes et obtenir de la terre des produiis plus abondants ; qu'ellc est livree par ce deplorable denue- ment aux exigences ruineuses de l'usure; Considerant que Tinferiorite permanente de notre indus- trie rurale est un veritable malheur public auquel il est urgent d'apporter un remede efficace et puissant , et qu'il appartient au gouvernement de satisfaire sous ce rapport aux justes doleances de notre population agricole; Emet le vceu que M. le ministre de Fagriculture et du commerce s'occupe , dans le plus court delai , de presenter aux chambres legislatives un projet de loi pour l'etablisse- ment de banques agricoles et locales dont le besoin se fait generalement sentir. La section consultee decide' que le vceu exprime sera ainsi presente au Congres. M. le president donne lecture de Tart. 4er ainsi concu : Si Von s'occupe de dresser la carte agronomique du de'parte- ment d'Indre-et- Loire , d'aprte les bases indiquees pre'ee'dem- ment au Congres par M. de Caumont , en combien de regions agricoles ce departement dewa-t-il etre divise? M. de Fleury indique la confection d'une carte dressee par M. Gayard , ancien geometre en chef du cadastre , comprenant la totalite du departement sur une seule feuille et une echelle plus petite que celle employee pour les cartes cantonales dressees precedemment par ses soins; cette nouvclle carte pourrait faciliter retablissement des cartes agronomiques , puisqu'elle contient exactement l'indication de tousles cours d'eau et les configurations du terrain, comme celle dressee par les ingenieurs geographes du depot de la guerre. La discussion des art. ler, 2 et 3 est remise a demain samedi , en Tabsence des membres inscrits pour prendre la parole. L'art. 4 est mis en deliberation. QUINZIEME SESSION. 399 Quels sont les travauoc publics leplus immediatement utiles a entreprendre pour V agriculture sur les rives de la Loire ? M. Chariot prend la parole et dit que 1'exhaussement des digues et surtout des banquettes est une necessite reconnue pour preserver les deux rives de Tirruption des eaux dans les grandes crues ; le deblaiement du lit naturel de ce fou- gucux cours d'eau est encore une chose fort utile. Les plantations faites dans les iles de la Loire opposent un obstacle a Fecoulement de l'eau dans les grandes crues ; il serait necessaire de les supprimer ou de fixer la distance des arbres. La digue emportee par la force du courant dans le debordement du 22 octobre 4846, pres d'Amboise , a pour voisinage une ile plantee de peupliers, qui ayant oppose une grande resistance au torrent. Fa force de se diriger sur le point le plus rapproche , ou il s'est fait jour et a cause les desastres que nous avons vus. Les plantations faites au contraire sur Fexterieur des digues auraient pour effet de consolider ces levees , de re- tenir les terres par les racines des arbres et d'empecher les affouillements des eaux ; les branchages scrviraient en- core a amortir Fimpetuosite des eaux dans les debordements en cas de rupture des levees. Une zone de defense de cent metres, ainsi plantee, produirait un grand avantage. II serait necessaire que cette mesure fut prise par Fautorite. M. de Fleury indique les deux systemes soutenus par les homines de Fart pour remedier aux maux causes par les inondations de la Loire. L'un est la construction des digues submersibles ; l'autre des digues discontinues et placees sur les points seulement ou le courant est le plus impe- tueux; celles-ci ont la forme d'un T et sont destinees a oppo- ser une resistance au courant, a retenir les sables entraines par une crue jusqu'a ce qu'ils soient reportes ailleurs par une autre crue. M. de Fleury indique les plantations pour arreter et di- riger les eaux dans les lieux ou elles pourraient produire un effet utile , lorsque la largeur du lit du fleuve presente un assez vaste espace pour ne pas operer ainsi un retrecis- sement. 400 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. Julien demande la nomination d'une commission char- gee de presenter des vues sur les moyens de combattre les dangers eprouves lors des debordements de la Loire; M. de Fleury observe que le gouvernement a envoye un ingenieur en chef M. pour etudier cette ques- tion et presenter un travail au ministre competent; line partie des etudes etantfaites, un rapport a dejaetepresente, les etudes continuent. L'assemblee decide que la commission n'en est pas moins utile, qu'elle peut s'adjoindre Tun de MM. les ingenieurs charge specialement de cette partie pour en faire un rap- port commun, seul moyen d'eclairer la question et d'arriver a une solution. Cette commission sera composee de M. de Buzonnieres, Julien, Chariot, de Fleury et Dudot. La seance est levee a onze heures. Seaiiee du 1 sefitemtore. Presidence de M. de Buzonnieres. M. Breton, secretaire. Le samedi 4 septembre 1847, a neuf heures du matin, M. le president a ouvert la seance , presents : MM. Julien (de Paris), de Saint -Marsault, Cte Odard, vice-presidents ; Bonuebault et Chaleil, secretaires. Le proces-verbal de la derniere seance est lu par le secre- taire et adopte. M. de Buzonnieres dit que le vceu exprime par la section quinzieme session. 401 relativement au credit agricole , en reponse a la 21e ques- tion , doit etre mis en deliberation dcvant le Congres en assemblee generale, et que les considerations qui Font pro- voque, dont M. Breton a donne lecture a la commission, doivent etre portees a la connaissance du Congres. M. de Caumont demande que le memoire de M. Breton sur le credit agricole, et le voeu qui en a ete la suite, soient lus en assemblee generale, a la seance du jour. Cette motion etant mise aux voix aux termes du regleme- ment, elle a ete adoptee a la majorite. L'art. ler est mis en deliberation. II est ainsi concu : Si Von s'occupe de dresser la carte agronomique du de'parte- ment d' Indre-et- Loire , dapresles bases indique'es pre'cedemment au Congres par M. de Caumont, encombien de regions agricoles ce departement dewa-t-il etre divise? M. Chariot prend la parole et indique une division par zone culturale , les vallees , les coteaux et les plateaux , comprenant l'etude du sol superieur, de la couche arable et des productions vegetales. 31. de Caumont dit qu'etant etranger au pays, il ne peut resoudre la question, et s'etonne de ne voir aucun agricul- teur livre'a cette etude; que neanmoins il va chercher a indiquer certains faits relatifs a la distribution geograpbiquc des terrains geologiques qui pourront servir de point de depart pour tracer plus tard la veritable circonscription des regions agricoles. 1° La craie blanche, formant la base des plaincs du de- partement, doit, danstoutel'etendue qu'elleoccupe, former une region agricole , qui pourra etre subdivisee en sous- regions , suivant que les depots argileux plus ou moins meles de silex qui la recouvrent offriront a Tagriculture des conditions plus ou moins variees. Si , ce que j'ignore, mais que je suppose , ces depots four- nissent des terres bien compactes resultant de la presence de l'argile plastique qui parfois surmonte la craie; si, sur d'autres points, le terrain meuble est leger et tres-per- meable a l'eau, il en resultera, on le comprend, de grandes 402 CONGRES SC1ENTIFIQUE DE FRANCE. differences dans la qualite productive du sol : c'est aux agriculteurs a etudier ces faits, que je ne fais qu'indiquer dans une esquisse si incomplete et tracee a si grands traits. 2° La craie verte existe dans un tres-grand nombre de vallees par suite de l'enlevement de la craie blanche ; les vallees sont d'ailleurs , independamment de ce fait , plus particulierement consacrees aux prairies naturelles; elles formeront done une region distincte de la precedente. 5° La craie verte domine encore dans la partie sud-ouest du departement (environs dc Richelieu, He - Bouchard , Chinon, Loudun, Mirebeau). La elle occupe les plateaux, et il y aura lieu d' examiner si cette region granifere de la craie verte ne doit pas, comme je le suppose, former une region agronomique particuliere. 4° Enfin , l'espace assez considerable occupe par les cou- ches oolitiques appartenant a l'etage moyen de cette forma- tion entre Richelieu et Loudun , entre Montcontour et Mire- beau, est tres-certainement recouvert d'un terrain meuble different de ceux que nous venons de citer et doit former une quatrieme region , peut>etre meme deux regions agri- coles. Je ne parle pas des depots tertiaires qui sont venus se superposer a la craie et qui sans doute modifient, partout ou ils existent , les conditions de Pagriculture ; ils devront par consequent etre soigneusement delimites sur la carte agronomique du departement. Voila done , a priori , quatre a cinq regions agricoles a reconnaitre, a etudier, a delimiter pour la confection dela carte agronomique. Nul doute que les subdivisions ne soient assez nombreuses dans cette classification prealable du terrain, et, comme je l'ai ditdeja, e'est aux homines du sol a etudier ce sol , ce n'est point a nous , etranger; nous pou- vons seulement , nous qui avons avant tout prononce le mot cartes agronomiques, indiquer comment on peut d'abord proceder. Je terminerai done en repetant ce que j'ai dit deja dans plusieurs circonstances : Une carte agronomique de chacun des departements, ne peut etre d'abord que tres- generale ; elle ne pourra pas sans doute tenir comptc des QUINZ1EME SESSION. 405 varietes sans nombre qu'offrent, a depetites distances, des terrains d'une meine region ; elle ne pourra indiquer l'epais- seur du terrain raeuble, ni sa qualite productive absolue , et cependant la geographic agricole de la France esquissee a grands traits d'apres les bases que j'ai precedemment indi- quees au congres (session de 1842, a Strasbourg), serait, jc crois, d'un haut interet pour l'agriculture. J'espere que, tot ou tard, le departement d'lndre-et- Loire aura sa carte agronomique; je fais aujourd'hui, dans ce but, un appel aux agriculteurs et aux geologues - agro- nomes du pays; deja cinq departements possedent des cartes agronomiques : le Calvados, Finistere , Marne , Orne, Bas- Rhin. Cet exemple doit etre suivi. M. Chariot dit que la carte geologique de M. Dujardin ai- dera a la confection de la carte agronomique de la Touraine, mais qu'il faut s'attacher principalement a la surface du sol, a la couche arable , mais non a l'interieur, qui n'a que de plus faibles influences sur la vegetation. M. le comte Odart prend la parole et dit qu'il faut voir principalement la surface meuble la terre chaude et la terre froide, ainsi vulgairement appelees, sont voisinesfort souvent, et peu d'influences du sol interieur apparaissent. M. le comte de Tristan dit que les sables de la Sologne different essentiellement des sables de la Touraine, avec lesquels on les confond quelquefois ; ceux de Sologne sont roules et ne laissent apercevoir que peu d'agregations argi- leuses , tandis que les sables de la Touraine sont generale- ment craycux et argileux; les productions vegetales different egalement : les memes plantes qui croissent naturellement ne se rencontrent pas frequemment dans les sols de diffe- rente composition. M. Chariot dit que les cartes agronomiques doivent com- prendre l'etude de la vegetation aussi bien que celle du sol. M. de Buzonnieres, president, rappelle que la discussion doit tendre a fixer les regions agricoles du departement. MM. do Caumontet Chariot rappellent success! yement les 4 M. Chariot dit qu'il faut visiter les fermes sur le terrain, pour donner des encouragements et des recompenses a ceux qui les meritent ; que e'est a l'encouragement a aller trou- ver le cultivateur intelligent et capable, et non a celui-ci a venir le solliciter. 410 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. de Buzonnieres cite cct usage pratique dans l'arron- dissement de Romorantin organise en cornices cantonaux, ayant une action libre et independante ct se rattachant a l'arrondissement pour en recevoir l'impulsion. M. de Fleury dit que cette organisation des cornices est provoquee par M. le prefet du departernent; que les recom- penses doivent etre divisees et reparties dans les localites pour operer sur toutela surface du pays des avantages plus grands; il dit qu'a 1'exemple de la Dordogne, des fetes lo- cales doivent etre annuellement organisees , pour appeler l'attention des habitants , et stimuler l'emulation par des solennites agronomiques. M. Breton rappelle qu'une circulaire ministerielle a ete adressee a tous les prefets, il y a deux ans au moins , pour provoquer l'etablissement des cornices sur un plan plus uni- forme; que l'organisation cantonale en est la base avec re- lations au chef-lieu d'arrondissement, se rattachant aux so- cietes centrales du departernent ; que les fonds d'encoura- gement doivent se diviser par cantons, pour etre distribues chaque annee dans une commune differente de chaque can- ton, avec fete solennelle, concours, exposition. M. de Caumont insiste pour que les visites de fermes soient expressement entreprises dans les localites et cite 1'exemple donne par l'association normande, qui en a obtenu d'excel- lents resultats, et qui ont paru tellement decisifs que des fonds speciaux ont ete alloues pour couvrir les frais de tournee, afin d'etre moins limites dans les choix des com- missaires qui tous ne pourraient entreprendre ces petits voyages a leurs frais; ces fonds sont consideres comme un argent tres-bien employe. M. de Caumont ajoute qu'il est convenable que la distri- bution des fonds d'encouragement soient entierement libre ou renfermee dans de larges limites ; les allocations fixees sans connaissance des localites, des usages, des cultures, ne peuvent produire que de mauvais resultats entierement op- poses a ce but. M. le comte Doutremont dit qu'une indication trop spe- ciale emance des bureaux ministcriels nuit a Taction locale: QUINZIEME SESSION. 414 qu'il ne faut pas dinger les agriculteurs d'une maniere trop directe ; que d'aillcurs on connait mieux sur les lieux les besoins du pays. M. de Caumont dit que les allocations obtenues dans la Normandie et la Bretagne, sur les fonds d'encouragemcnt ministeriels, ont produit des effets tres-remarquables. M. Breton s'etonne d'entendre parler d'allocations sur les fonds d'encouragemcnt pour l'agriculture , dans les depar- ternents indiques, parce que le departement d'lndre-et- Loire n'obtient pas la faveur d'en recevoir la moindre par- celle, malgre tous les besoins qu'il en a, ettoutlebien qu'il scrait possible d'en obtenir; les associations locales, avce les meilleures intentions, le plus grand zele, tout le devoue- ment possible , ne peuvent rien faire avec leurs ressourccs particulieres, trop faibles pour produire des resultats utiles; il forme des voeux pour qu'un oubli aussi injuste que nui- sible soit repare , et il aime a esperer qu'avec l'appui du premier magistrat du departement, dont les vues bienveil- lantes pour l'agriculture ont ete signalees, il sera possible d'operer en Touraine le meme bien qu'on s'efforce d'obtenir partout a l'aide des associations speciales. M. de Buzonnieres signale les inconvenients attaches a une determination speciale de l'emploi des fonds d'encou- ragement qui ne laisse pas une liberte d'action aux de- partements; qu'il en resulte, par exemple, l'affectation de primes pour des animaux eleves a grands frais par des pro- prietaires qui recoivent des encouragements, tandis que les veritables ameliorations restent inconnues et que des pro- duitsnuisibles aux vrais interets des localites sont encou- rages; quece mode d'action entraine des abus. M. de Saint-Maursault cite les emplois des fonds d'encou- ragemcnt permis pour l'achat des animaux vcndus par les agens du gouvernement; les Durham, par exemple, qui pro- duisent des suifs pour les chandclles et de la viande pour le peuple, dont les proportions monstrueuses a la vue sont detestables pour le gout et peu estimes en Angleterre meme, ou s'achetent des animaux defectueux a bas prix pour etre revendus chers en France, et produire le plus mauyais effet 412 CONGRES SCIENT1FIQUE DE FRANCE. par l'impulsion donnee aux eleveurs dans un sens oppose aux vrais interets du pays qui posscde des animaux accli- mates, habitues au sol et a la nourriture qu'il produit et susceptible, par un bon traitement qu'il faudrait encourager, de donner les meilleurs resultats. M. de Fleury dit qu'il s'agit de faire de bonnes reparti- tions des allocations ministerielles; que les visites de fermes sont difficiles a faire, et a bien faire. M. de Caumont dit que ces visites n'ont jamais offert la moindre difficulte partout ou elles se pratiquent et qu'elles produisent les meilleurs effets. M. le comte Doutremont propose le vceu suivant : Le Congres emet le voeu que gouvernement encourage, par les moyens pecuniaires asa disposition, la creation des cornices agricoles et autres associations, laissant a ces co- rnices une entiere liberte d'action et la faculte de disposer des allocations accordees, selon qulls le jugeront conve- nable aux interets de leur localite. Les inspections faites par des membres des cornices et associations s'assureront chaque annee des resultats obtenus au moyen des encoura* gements donnes parle gouvernement. Cette proposition mise aux voix est adoptee. M. le comte Odart, president, lit une proposition nou- velle renvoyee par le bureau central, surla composition des papiers d'impression et les moyens d'assurer leur conser- vation ; cette proposition prendra rang apres cellcs a l'ordre dujour. M. le docteur Herpin donne lecture de son rapport sur Texperience faite, en presence d'une commission, parM. de Beauvoys, sur les ruches a miel, par lui perfectionnees d'a- pres la construction a petits compartiments ou en feuillets preconisees par Huber, Messieurs, L'^tude des abeilles est intdressante, non-seulement pour l'observateur curieux de contempler les merveilleux travaux de ce laborieux insecte , QUINZIEME SESSION. 413 mais encore pour le cultivateur et l'homme des champs auxquels il fournit des produits utiles et assure des benefices importants. Les abeilles,a dit Reaumur, sont une branche de Nconomie rurale d'au- tant plus precieuse qu'elle est a la ported des pauvres habitants des cam* pagnes; car ellene demande ni engrais , ni labours, ni semence. L'abeille peut vivre et prosperer plus ou moins, quelle que soit la forme et la nature de son habitation. Mais lorsqu'elle est a Mat de domesticite , l'homme .la soumet a un travail force; il l'oblige a recommencer ses excursions, enlui enlevant le provisions qu'elle avait amasse'es, le miel et la cire qui assuraientsa sub- sistance et sa retraite pendant la saison rigoureuse de l'hiver; il veut augmenter les populations de ses ruches; il veut les multiplier pour ac- crottre ses profits ; enfin il veut les voir, les observer, les surveiller et pra- tiquer avec se'curite' et commodity, tant sur elles que sur leurs produits, les changements et les operations qu'il juge n6cessaires pour en obtenir des re'coltes plus abondantes ou plus avantageuses. Pour atteindre ces re'sultats, il faut placer ces insectes dans des circon- stances favorables ou ils puissent trouver une nourriture abondante , et disposer leurs habitations de la maniere la plus commode pour eux et en meme temps la plus convenable pour l'educatenr. Les ruches employees jusqu'a cejour peuvent se require a trois classes : 1° La ruche ordinaire on en cloche ; 2° La ruche a hausses horizontales superposes ; 3° La ruche a compartiments laUraux. Avec la ruche antique, ordinaire, il faut ou etoufter les abeilles, ou les chasser de leur domicile et les transvaser dans une nouvelle ruche , ou enfin couper au hassard et tailler les rayons, en arracher plusieurs portions qui sont plus ou moins garnies de couvain et de pollen; il faut souvent detruire un grand nombre d'abeiiles et quelquefois meme la reine- mere qui s'obstinait a defendre courageusement leur progeniture et leurs provisions. 2° Les ruches a hausses horizontales , ou a grands compartiments latd- raux , prdsentent la plus grande partie des inconvenients que nous venons de signaler, quoique cependant a un moindre degre" que les premieres: Mais elles out de plus Pinconvenient que souvent les abeilles ne veulent plus remplacer les provisions qu'on leur a enlev^es dans les hausses supe- rieures ou latdrales. C'est un mdcompte s^rieux et un de"sappointement pour le cultivateur. 3° Les ruches a petits compartiments lat^raux ou enfeuillets onte'te' pre"- conisees a juste titre par Huber, cet observateur si consciencieux et si in- telligent; c'est assurement le mode de construction le plus rationncl et celui qui prdsente le plus d'avantages. A l'aide de cette disposition , Ton peut : 414 CONGRES SCIENTIFIQCE DE FRANCE. 1°\ Visiter chacun des rayons les uns apres les autres et ind^pendamment ies uns des autres ; 2° Enlever a volonte' et dans la saison la plus convenable la surabon- dance du miel et de la cire de la plus belle qualite" et cela sans crainte de detruire le couvain, ni de blesser la reine ou les ouvrieres, tout en lais- sant le pollen etles autres provisions nScessaires a la nourriture des jeuncs vers, et que Ton est oblige de de'truire en tout ou en partie lorsque Ton fait usage des autres. ruches ; 3° Faire a volont6 en temps et saisons convenables les essaims artificiels ; augmenter ou diminuer la population des ruches en ajoulant ou en enle- vant un certain nombre de cadres charges du couvain pret a eclore , ou meme d'abeilles adultes ; 4° Renouveler, changer ou reraplacer la reine lorsque cela est ne'cessaire ; 59 De'truire avec la plus grande facilite les fausses teigoes et les autres insectes ennemis des abeiHes , lesquels font perir un tres-grand nombre des ruches ordinaires; 6e Faciliter enfin a I'observateur curieux les moyens de voir et d'^tuclier, sans le moindre danger, les travaux si remarquables et si interessants de ces prdcieux insectes. C'est la ruche de Huber que M. de Beauvoys, en homme judicieux et experiments, adopte exclusivement et qu'il pr^conise de tons ses moyens. 11 y a apportS d'heureuses modifications en diminuant l'dpaisseur des cadres et laissant entre eux un intervalle d'un centimetre, ce qui facilite le travail de l'operateur tout en prevenant la destruction d'un certain nombre d'a- beilles qui se trouvent comprimees entre les chassis de Huber ; enfin en mettant cette ruche, par la simplicity de sa construction et la modicite de son prix (4 a 5 francs) , a la ported des cultivateurs les moins aises. La ne se borne pas la tache que s'est imposed M. le docteur de Beauvoys; il emploie ses loisirs au perfectionnement et a la propagation des bonnes me^hodes d'apiculture; il instruit les habitants des campagnes en leur dSmontrant par lui-meme la maniere d'en faire d'heureuses applications. M. de Beauvoys a publie un manuel (1) dans lequel sont exposes avec beaucoup de melhode et de clarti les meilleurs prSceptes sur l'art d'elever et de soigner lesabeilles. L'importanceet l'utilite' decet ouvrage ont ete si bien appr^ciees dans le pays qu'habite M. de Beauvoys, que le conseil general du d^parteraent de Maine-et-Loire , sur la proposition de la Socieie Industrielle d'Angers, et de celle de M&lecine de la m6me ville, a vote" une allocation spdciale pour faire rSpandreetdistribuer un grand nombre d'exemplaires de ce livre dans les divers cantons du ddpartement. * M. de Beauvoys a egalement modified d'une maniere heureuse le v6te- (i) Guide de I'Aptculteur; in-12 , 2e edition ; Angers , 1847 ; ehez Bamse frfcres, QU1NZ1EME SESSION. 415 ment si iftconstant, si chaud et si groteste de l'apiculteur et y a substitue un camail leger, elegant et qui garantit tres-bien l'operateur contre les piqures des abeilles. Enfin M de Beauvoys a voulu rendre temoins la section d'Agriculture du Congres et les nombreux amateurs que ses demonstrations avaient appeies au jardin botanique de Tours, de la facility avec laquelle il pra- tique ses diverses operations et aussi de l'emploi de l'ether comme moyen d'assoupir les abeilles dans le but d'ope>er avec plus de facility dans l'in- terieur de la rucbe. Cet essai n'a pas produit les re^sultats que Ton avait annonce" (1) , mais alors meme que ce moyen reussirait parfaitement , il est douteux qu'il puisse devenir a la ported du commun des educateurs. Pour nous re"sumer, Messieurs , nous avons l'honneur de proposer a la section d'Apiculture , d'exprimer ses felicitations et ses remerciments a de Beauvoys, de 1'engager a poursuivre ses utiles travaux et a propager une methode d'apiculture et une forme de construction de ruches que nous n'hesitons pas a proclamer, avec Huber, comme la plus rationnelle et en meme temps la plus avantageuse , la plus commode que nous connais- sions jusqu'a ce jour. M. le docteur de Beauvoys rend compte d'une etherisa- tion d'abeilles effectuee par ses soins pour operer avec plus de facilite rcnlevement du miel et les autres operations , dont le resultat a ete negatif , mais ne peut rien conclure comme experience isolee ; cet honorable membre rend ega- lement compte de sa decouverte de la maniere dont les abeilles recoltent et transportent la propolis qui leur est utile pour leur habitation. Messieurs , Le 8 septembre, sur les 9 beures du matin, par un assez beau temps, en presence de la section d'Agriculture du Congres de Tours , apres avoir hermetiquement ferme une rucbe d'une capacity de 43 centimetres garnie d'abeilles et de g&teaux , j'ai tenu sous le tablier prdsentant une ouverture fermee par une toile metallique, une capsule contenant 30 grammes dither sulfuriqne; ma main se ref roidissait , mais l'evaporation se faisait lente- ment; I'oreille appuyee a la ruche entendait un bruissefnent des plus pro- nonce's. J'ajoutai 36 autres grammes, et posai la capsule sur des cendres chaudes. Apres 7 minutes d'attente^ le bruissement continuait tou- jours; l'ether etant presque entierement evapore, j'ai retire* la capsule dont les bords avaient constamrnent ete appliques a la toile metallique. La (I) Voir a la suite do ce rapport la note de M. de Beauyoys. 416 C0NGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ruche ouverte, quelques centaines d'abeilles seulement gisaient sur le tablier, d'autres restaient attachees aux gateaux, raais le plus grand nombre e'taitdansun dtattelqu'il eiltel6 imprudent deles aborder sansaffublement. Ce r^sultat negatif, qui n'est pas sans pre* cedent, du moins pour Fespece humaine, devra mettie en garde sur l'emploi d'une substance dont Taction d'ailleurs pourrait bien etre pernicieuse aux abeilles, et toujours d'une certaine ddpeuse. A la suite de cette interessante communication , M. de Bcauvoys fait part a l'assemblee de ses recherches sur l'ori- gine de la propolis. Messieurs , Pendant la campagne que je lis en 184G, je fus tres-surpris de voir les abeilles ne point recolter ou du moins recolter fort peu de propolis, pen- dant que les saules, les peupliers, les maronniers d'Inde et les pissenlits e"taient soit en bourgeons, soit en fleurs ; aussi, en attendant que je pusse dCcouvrir ou les abeilles prenaient cette matiere, j'ai du mettre dans l'edi- tion que je viens de publier : « La propolis ne serait done pas n^cessaire- k ment produite par les bourgeons des plantes. » Cependant e'est l'opinion gene'ralement adrnise et repetCe dans tous les livresqui traitent des abeilles, car on n'a puadmettre les opinions e'mises par di verses auteurs qui comme : Pluche pensait que cette matiere est un compose" de sues amers de cer- taines plantes que les abeilles amasseraient sur la paille, le bois pourri , sur les liqueurs altere"es ou aigries ; Ou de Riems qni disait qu'elle £tait r^colt^e sur les arbres verts , qui cependant sont loin d'exister partout oil il y a des ruches ; Ou bien de Rosiers qui dit qu'il serait probable que la propolis put etre formde par les abeilles des diffdrentes gommes, surtout de celle des pruniers, amandiers , cerisiers , pechers ; Et l'opinion de Morenny de Loches, qui a cru decouvrir que le pissenlit et les chicoracees en fournissaient , a cl6 savamment r^fut^e dans ces deta- iners temps par M. de Frariere, dont l'ouvrage est fort remarquable. Quoi qu'il en soit de loutes ces opinions affirmees plus ou moins positi- vement par leurs auteurs, personnne que je sache, disait en 1828 M. R£- darcs, dont le livre est si prdcieux, n'a pu surprendre les abeilles a la r6- colte du propolis ; et aucun des livres parus depuis cette £poque, et qui sont tombed entre mes mains , n'a dit autrement sur cette matiere que ce qui a 6t6 ge'neralement admis par nos devanciers. Ce n'est point, Messieurs, une opinion dubitative que je viens e'mettre pres de vous. C'est un fait tres-positif que vous pourrez verifier en rentrant QtflNZlEME SESSION* 417 chez vous , et tout comme moi vous verrez enfin sur quelle partie des plantes les abeilles prennent la propolis. Vers la mi-aout dcrniere j'e'tais occupe a regarder une de mes ruches assez mal close pour laisser passer les abeilles entre la planche formant une des portes et celle qui fait la paroi posterienre. Les abeilles y Ctaient atta- ches et y arrivaient en grand nombre. Parmi ces dernieres , beaucoup dtaient chargers de pelotes rouges que je prenais pour du pollen de re- seda, n'ayant pas rernarque' de suite que mes ouvrieres s'occupaient a pro- poliser cette ouverture. Cependant j'apercus une ciriere occupee a arra- cher avec ses dents une des pelotes dout une nourricierc cftait charged, elle la machait, l'inlroduisait dans sa bouche avec peine et semblait cher- cher a en loger le plus possible ; des filaments flexibles et gluants s'eten- daient de la partie de la pelote dechire'e a la bouche de la travailleuse Voila de la propolis, me dis-je; et j'e'tais heureux, car je n'avais jamais vu cette operation. Instruit, par la r^cente lecture del'excellentlivre de M. de Frariere, quele pollen du reseda est rouge, je me transportai sur mon semis de cette plante, et j'y vis une grande quanfite d'abeilles se charger|de pollen, et certains pieds en dtaient presque completement ddgarnis. Mors je dus me dire : *« Le pollen de certaines plantes est done propre a '< faire de la propolis. » Puis, poussant plus loin mes reflexions, je vins a me dire que : « le pollen des plantes, avant qxCil solt a Vital ponssie- «' reux donne la propolis ; » je dis des plantes, car il n'y a pas du reseda partout, la propolis est nuancee d'ailleurs de diverses couleurs, et je voyais arriver a ma ruche des abeilles chargdes de pelotes jaunes ou pales. On sait effeclivement que les corpuscules du pollen mis sur l'eau , s'en- llent , se dilatent et cr&vent en laissant sortir un jet de matiere. Je pense que cette matiere , qui reste a la surface de l'eau , pent fort bien ctre con- side>ee comme une huile essentielle , et que, se combinant avec le paren- chyme des corpuscules, se transforme, sous la dent des abeilles, en matiere gluante, aromatique, a laquelle on donne le nom de propolis. Retourne" pres de ma ruche, l'opinion que je venais de me faire se grava de plus en plus dans ma pensde, en voyant les abeilles revenir charge'es de fortes pelotes, n'avoir aucune poussiere sur leur corps , comme lorsqu'elles vont au pollen proprement dit. Ces pelotes eHaient aussi toutes differentes : elles e^taient parfaitement polies, luisantes, fort rondes; tandis que celles de pollen sont plus ou moins indgales, toujours poussiercuses. Les abeilles qui apportent de la propolis ont le corps tres-propre, et celles qui appor- tent du pollen, l'ont ordinairement charge' plus ou moins de poussiere pro- venant des anth6res sur lesquelles elles ont fait leurs provisions. Yous savez tous, Messieurs, que les abeilles, pour se charger de pollen, dechirent la pellicule qui le recouvre ou se roulent dans la fleur pour cou- vrir leurs poils de cette poussiere, qu'ensuite avec les brosses dont est gar- nic la partie interne de leurs pattes, elles forment les pelotes dans la cor- 418 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE, beille qui est a la partie externe... Comment expliquer la maniere dont elles feraient leurs pelotes en prenant la matiere qui enduit les bourgeons de certains arbres ? Est-ce que, si elles se servaient de leurs brosses, les poils de celles-ci n'en seraient pas de suite tout englutine's? Prenant avec les mandibules cette matiere si poisseuse , pour la transporter de patte en patte jusqu'a la derniere, elle ne resterait pas adh^rente aux premieres, et surtout a celles du milieu qui ont deja des brosses assez prononce'es? Plus on y re'fle'chit et plus les doutes doivent s'agrandir sur la source si ge'ne'ralement admise de la propolis. Enfin, il est constant que les abeilles re"coltent de cette matiere tout le printemps, Me* et surtout a la fin de l'e'te' et en automne ; cela devait 6tre surtout dans cette derniere saison, puisque l'hiver approchant il faut se mettre a l'abri de ses rigueurs. C'est aussi la saison ou elles ont le plus le temps de le faire, car la ponte a sin- gulierement diminuC, et, par consequent, il faut beaucoup moins de pollen. Toutes ces raisons seraient par elles-mSmes du plus grand poids pour le- gitimer l'opinion que j'avance, si ce n'Ctait qu'une opinion. Les auteurs indiquent les deux manieres dont les abeilles s'y prennent pour se procurer le pollen. Eh bien ! je suis fort port£ a croire que lors- qu'elles dechirent la capsule des antheres, c'est pour se procurer du pollen propre a 6tre converti en propolis. Maintenant personne ne sera surpris de voir les abeilles se repandre en grand nombre sur les peupliers, les saules, les maronniers, car ces arbres portent des etamines en tr&s-grand nombre, et s'ils n'e'taient pas aussi Ale- ve's on ve'rifierait le fait que j'avance, et qui doit, Messieurs, prendre pres de vous d'autant plus de consistance que les bourgeons cessent bientot d'etre recouverts de viscositCs et que les abeilles font de la propolis dans tout autre temps, la meme ou ces arbres sont rares ou nuls, M. le comte de Carbonnieres communique a l'assemblcc les resultats qu'il a obtenus dans la culture d'un ble de mai , qui , seme le 50 avril et meme le 19 mai, a donne de tres-bonsproduits depuis cinq annees; ce ble, dontun ecban- tillon est depose sur le bureau, en grains et en epis, a pese 78 kilog. l'hectolitre cette annee et jusqu'a 81 kilog. pre- cedemment; on peut apprecier tous les avantages de cette culture pour remplacer des bles d'automne en diverses cir- constances et meme des avoines'et des orges. L'art. 7 est mis en deliberation. M. Chariot lit un memoire sur la question chevaline. QUINZIEME SESSION. 419 Messieurs, Nous n'aborderons cette question qu'en ce qui concerne la Touraine et que sous le rapport agricole; nous n^gligerons a dessein l'etude desche- vaux de luxe , attendu qu'ils sont fort rares dans nos campagnes. La question chevalioe est d'une extreme urgence , elle se montre presque partout corame en Touraine en presence d'un deficit dans la production ; aussi devrait-on dtudier les moyens de le combler ; il est vrai qu'il n'est pas d'animal domes tique qui coute a l'eleveur plus cher et dont le prix soit si peu proportionne" aux defenses qu'il occasionne ; cette verite" me'riterait d'etre prise en consideration par notre gouvernement. Notre pays s'approvisionne de chevaux pour son agriculture et son rou- lage, en grande partie dans le Poitou , la Bretagne, le Perche, le Maine, et avec le peu d'&eves qui se fait dans nos campagnes ; chez nous , le cheval n'est pas un objet de fantaisie et de speculation hasardeuse, son prix est toujours modeiC dansle commerce par la rCserve du consommateur; et cette reserve force l'eleveur a produire a bon marchC pour vendre de meme. Ne trouvantpas assez d'encouragement dans le commerce, l'eleveur Economise jusque sur la nourriture et les soins qu'il donne a ces chevaux. On peut diviser notre agriculture en grande, moyenne et petite culture; chacune , suivant ses moyens , peut bien contribuer a l'entretien des che- vaux ; quant a la propagation et a I'amelioration de la race, il n'y a guere que la grande culture qui soit appele"e a y contribuer d'uue maniere con- stante et durable; mais les grandes cultures en Touraine vont toujours en diminuant par suite de la division du sol qui augmente chaque annee. Autrefois que les landes couvraient chez nous de grandes etendues de terrain, que les biens communaux etaient plus considerables, que nos bois exploited pour le chauffage ou le charbon etaient retires a somme de nos forets, par dcs bandes de chevaux, qu'on nommait hurlots, a demi sau- vages, vivant toutel'annee daus les forels, la Touraine alors avail une race de petits chevaux chelifs mais robustes, et dont beaucoup de sujets dtaient propres a la cavalerie 16gere (1); depuis la revolution toutes ces choses se sont considCrablement modifiers, les grands domaines ont beaucoup dimi- nue, une partie de nos patis communaux et de nos landes sont heureuse- ment livre"s a la culture; nos forets domaniales et particulieres sont mieux (1) Huzard pere, instruction sur les haras frangais. 420 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE, amenag&s, on les a rendues plus praticables; aussi tous ces changements en ont amene de tres-grauds dans notre race chevaline. Le cheval tourangeau dtait connu par sa petite faille, sa tete presque carree, son ceil vif, sa resistance a la fatigue, sa sobriete" ; tout en lui £tait nerf dans un corps chdtif. En 1808, on comptait dans Indre-et- Loire vingt- quatre mille cbevaux ou juments (1), je ne pensepas que ce nombre ait augmente" en proportion de la population. Mais d'oii nous venait cet excellent petit cheval a constitution robuste dont nous venons de tracer brievement les caracteres. Des faits historiques nous permettraient d'en faire remonter 1'origine assez baut. Gregoire de Tours nous apprend que vers le milieu du vie siecle , Charibert s'empara des biens que l'abbaye de Saint-Martin avait sur les bords de la Cisse a Nazelles, et y dtablit ses haras oil les chevaux vivaient en liberte. Deux autres faits : L'invasion des Maures au vin* siecle, et plus tard quand nos croise's revinrent de l'Orient, nous porteraient a croire que son origine etait de sang oriental ; probablement que c'est a ce type qu'elle devait sa repu- tation; cette anciennet^ avait profondement fixe- les ddfauts et les quality de cette race qui se reproduisait par les etalons indigenes et ne s'amelio- rait pas. On retrouve encore en Touraine quelques individus de cette race , degCne're's a tel point , que les imperfections l'ont rendue me'connaissable ; sa taille varie de 1 metre 20 centimetres a 1 metre 40 centimetres, poilrail etroit , obliquite de la croupe , jarrets crochus mais solides , ventre ovale, tete presque carree, en ont fait un cheval peu gracieux , mais vigoureux et qui rend d'excellents services ; le peu qui nous reste doit se diviser en deux varietCs suivant les locality , l'une qui se repro- diiirait dans nos varennes et qu'on nomme pour cela varanniers; l'autre appetee Buissonniers se trouve au nord-ouest de la Loire. Les va- ranniers sont en g£ne>al de plus forte stature, les membres et le fanon sont charge's de crins ; les pieds un peu dvasds , a cornes solides , leur permettent de marcher sur le sol sablonneux sans etre fends ; cette mau- vaise mdthode leur retire de la grace et de la soliditd; mieux soignes et bien croises , ils feraient d'assez bons chevaux de trait. Les Buissionniers, comme leur nom l'indique, vivent une partie de l'annde dans les bois et bruyeres ; ils sont plus lagers, propres a la selle et a la somme ; en augmen- tant leur taille par une bonne nourriture , on pourrait en faire des cbevaux de cavalerie legere ; cette derniere vari&e" a beaucoup d'analogie et de ressemblance avcc une petite race de chevaux que le commerce nous amene (l) Slatistique du dipartement d'Indre-et-Loirc, par Morcau, QUINZIEME SESSION. 421 de Bretagne, et qui est fort recherche^ par les vignerons, les jardiniers, en general par la petite culture. Le reste de notre population chevaline no dans ce pays, se compose en ge'ne'ral d'animaux de divers croisements. Au nord et a Test de la Loire, on remarque particulierement des cruise's bre- tons et percherons. Au sud et a l'ouest des bretons et des poitevins. Le sur- plus, de quelques chevaux de luxe , et enfin les importations forment la majority de nos chevaux agricoles; aussi notre race proprement dite , con- sidered sousle rapport commercial, est-elle de fort peu d'importance ; leur petit nombre et le manque de quality principals empechent les exporta- tion, et necessitent pour notre agriculture des importations qui augmen- ted chaque anne"e; il serait temps defaire cesser cet etat de choses. Passant au fond de la question en ce qui concerne notre pays, nous nous sommes demande" si les caracteres gen^raux de notre cheval actuel , vien- nent de l'influence des paturages ; la r^ponse affirmative me parait fort douteuse. On aurait pu eludier cette influence des paturages, avant la re"- volution , sur la vieille race tourangelle ; maintenant il me parait presque impossible de le faire avec fruit ; vu le petit nombre de chevaux qu'on eleve maintenant dans cette province et qui le sont en majority a l'ecurie et fort peu dans les paturages, nous n'avons guere de chevaux vivant toute Fannie a l'e'tat libre, les nombreux croisements qui out eu lieu depuis un demi siecle les ont abatardis ; cependant deux caracteres sont en partie Tes- te's; le peu degrosseur et lapetite taille s'y retrouvent moinsprononc^s, il est vrai, que dans la vieille race, mais ces deux formes se rencontrent aussi surd'autres races de chevaux, eUevds sur des terrains et dans des con- trees tout a fait opposes aux notres ; il y a done eWidemment une autre cause, une autre influence que celle des paturages. L'origine en est la cause primitive, mais le vice d'alimentation est, selon nous, le point capital de sa degeneration et de sa petite stature ; ce vice ne produit pas moins de facheux effets que ceux de Paccouplement mal dirige* sur le perfectionne- ment de la race chevaline. Tous nos chevaux actuels different un peu de caracteres comme de valeur, suivant les modes de cultures des diffC- rents points du departement ou ils sont eiev£s. En comparant les che- vaux de nos vignobles avec ceux de nos pays a grain , ceux de nos valines avec ceux des plateaux, on voit que le manque de taille et l'exiguite des formes reconnaissent pour cause le vice d'alimentation mal proportionn£ aux travaux. Examinant les chevaux d'une meme contree provenant du meme etalcn, on reconnait ceux qui ont ete bien nourris dans leur jeunesse d'avec ceux qui Tout et6 mal. Partout nous voyons nos cultivateurs atten- tifs a choisir des chevaux de taille et de formes selon leurs minces res- 27 422 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. sources en nourriture, plutotque de chercher a augmenter leurs fourrages etleurs paturages; cependant ils devraient savoir que si les chevayx de petite tailleconsommentmoins demurrages, ils sontaussi de mauvais la- bourers et peu convenables pour le roulage. Aussi ne voit-on dans nos campagnes de chevaux passables que chezles meuniers, les blatiers, et chez quelques particuliers des bourgs, en uu mot chez tousceux qui nourrissent et soignent bien leurs chevaux. Je de"sirerais voir les cultivateurs du nord et de Test de notre departement selivrera l'educationdu cheval percheron, cettecontree se rapprochant par la nature de son territoire et de ses cul- tures de celle du Perche ; on pourrait fort bien imiter samdthode pour y e'lever le cheval de labour et de roulage par excellence, qui donne toujours des benefices assures par la facility de sa vente et par les travaux des meres et des poulains. La melhode de nourrir et Clever les poulains en Touraine est en gene- ral fort defectueuse et peu exemplaire ; rarement les £leveurs donnent un supplement de nourriture durant la lactation. Des que les poulains com- mencent a manger, ces petits animaux partagent la nourriture grossiere qu'on donne a leurs meres, soit a l'ecurie, soil sur les communaux ou ils vont disputer aux vaches l'berbe trop rare de ces chetifs paturages, heu- reux quand leurs jeunes membres n'y sont pas tortures par de lourdes en- traves. L'hiver arrive, ils n'ont pas un an et pourtant on les voit reunir tons reurs efforts pour broyer un foiu grossier et une paille dure, on croit beaucoup les favoriser quand on leur donne le goussier. Cette pature presque ligneuse, peu nutritive, leur fait grossir les machoires a ce point d'accroitre d'une maniere dCsagreable le volume de la tete ct dCveloppe le ventre, ce qui donne a leurs cotes une direction disgracieuse. Ce mau- vais regime se fait encore plus sentir sur les poulains provenant de croi- sements mal entendus ; on a cru que des etalons de race perfectionnee, de haute taille, de sang et de forme opposes a notre race brute, donneraient des produits en raison des qualit^s du pere, avec nos petites jnments chetives et mal nourries ; ce n'est pas avoir compris la marche de la nature que d'en agir ainsi, ce systeme n'a pu re"ussir ; on n'a eu que des deceptions. Les produits de ces croisements sont generalement peu estime"s a cause de leurs formes decousues, de leurs lougues jambes, de leurs fetes chargces ; ce ne sont que des produits incomplets. L'appauviissement devient quehiuefois si grand sur ces produits defectueux, par le defaut de regime et de soin, qu'ou reconnait a peine sur eux quelques caracteres du pere. Au con- traire quand il arrive que nos poulains, naturellement sobres, passeut vers 1 'age de 2 a 3 aus dans une ecurie ou ils sont mieux nourris, mieux soi- QUINZIEME SESSION. 425 gn^s, ils acquierent plus de taille et des formes plus agr^ables, et font un tres-bon service. Tous ces faits prouvent £videmment l'influence d'une riche alimentation et qffe le bon regime l'emporte sur le croisement. On doit comprendre que, tant qu'en Touraine les chevaux seront Aleve's par des fermiers ou des proprielaires peu aisds, qui ne pourront faire les sacrifices n^cessaires pour augmenter leurs fourrages et avoir de bons p&turages, afin de mieux nourrir et mieux soigner leurs jeunes chevaux, cette contree n'aura pas de plus beaux resultats, et les croisements ne feront jamais rien avec de mauvais et pauvres chevaux. Nous venons d'indiquer d'une maniere ge'ne'rale les modifications qu'il serait utile d'apporter pour rCge'ne'rer et ame'liorer notre race chevaline, dont la difficult^ nous parait etre dans l'am&ioration du regime, et de l'agriculture, qui, il faut le dire, est un peu en retard dans cette province, et non dans la nature des paturages. II serait bon de se livrer a de nouvelles observations, le but a obtenir serait d'augmenter la taille et la force musculaire, sans diminuer la vi- gueur, de notre petite race. Pour parvenir a ces resultats, le croisement ne doit arriver qu'en se- conde ligne; il faut commencer par bien nourrir nos juments et leurs pro- duits, continuer longtemps, puis le croisement avec des e'talons en rapport avec le sang et la taille des juments; ce moyen developpera plus prompte- ment et plus surement les modifications qu'on ddsire obtenir, que par le croisement seul. Pour marquer les progres il serait a desirer que l'adminis- tration fit faire un recensement general de la population chevaline, avec un tableau indicatif de la nature et de la qualite des ^talons, des juments et de leurs produits. Notre province, si bien partag^e en belles values que fertilisent d'im- portants cours d'eau, offre beaucoup de ressources pour la nourriture et l'dleve des chevaux ; l'art a beaucoup a faire pour y vaincre la routine aveugle, nous savons qu'il y a dans ce pays quelques propriCtaires qui e"levent de bons chevaux; il faut espCrer qu'ils serviront d'exemple et que le nombre augmentera en raison des perfectionnements agricoles, aux- quels est attache", en Touraine, le perfectionnement de la race chevaline. Un membre dit que les paturages du pays ne produisent pas d'effets tres-sensibles et remarquables, que d'ailleurs il y a fort peu de chevaux eleves eri liberie. M. le general d'Outremont donnc des details sur le meme sujet. La seance est levee. 424 CONGR^S SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Seance du 7 septeiiili/re. Presidence de M. Jullien (de Paris), vice-president. M. Alban ChaleiL secretaire. Aujourd'hui, 7 septembre 1847, la seance est ouverte, a neuf heures du matin, sous la presidence de M. Jullien, de Paris, assistede M. de Saint-Marsault, vice-president, et de MM. Breton et Bonnebault, secretaires. Le proces-verbal de la derniere seance est adopte apres une rectification reclamee par M. de Saint-Marsault, qui, tout en reconnaissant que la race bovine de Durham pre- sejitedes avantages dans quelqucslocalites, nevoudrait pas que le gouvernement qui la vend, l'imposat rigoureusement a toutes les societesqui desirentameliorerles betes a comes de leur localite, en ne leur permettant pas de consacrer a Tacquisition d'autres types, souvent plus convenables, une partiedes allocations pecuniaires qui leur sontaccordees. La parole est accordee aM. Chalcil, surla 29e question du programme ainsi concue : « Le moyen de tirer parti des landes et bruyeres , dans c tonte la France, serait-il d'y cultiver le pin maritime, et t d'y etablir des gemmeries comme dans le de'partement des < Landes, » Messieurs , Avant d'entrer dans le developpement de quelques ide"es que je viens vous soumeltre sur ce sujet, je dois declarer qu'en re'pondant par l'affirma- QUINZIEME SESSION. 425 tive, k la question pos^e, je suis loin d'accepter les termes a la fois trop gen ou e"videmment le sol se refuserait a l'&ablissement de prairies; la od il est ddmontre* que la culture des ce'reales ne pourrait donner que de maigres et insignifiants produits, la creation des forets de pin utilise- rait de la maniere la plus avantageuse ces terrains que leur pauvrete' fait abandonner, et qui semblent condamne's a demeurer a jamais incultes et steriles ! II sera done bien entendu que, tout. en plaidant en faveur de la culture des bois , il n'entre pas dans ma pense'e d'attaquer la culture des champs : car il tombe sous le sens, que pour l'exploitation des forets, il faut des bras , et qu'aux bras ', il faut du pain ! J'exposerai d'abord les avantages que pr&entent les forets en general: je- de'velopperai ensuite les avantages attache's a la culture des forets du pin, en particulier, et vous conclurez, j'espere.avecmoi, que cette culture ne saurait alement suivis pour tirer parti de la resine qu'ils renferment, ter- mine l'article relatif au pin maritine par les reflexions suivantes . 428 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. « Si j'ai copid ces details sur le produit des pins, qui tiennent plus aux arts qu'a l'agriculture proprement dite , c'est afin de rassembler dans un meme corps d'ouvrage tous les objets d'utilitd champetre; afin que, si la lecture de cet article inspire a quelques seigneurs bienfaisants, a quel- ques bons cure's, ou a quelques ze'le's patriotcs, le desir d'enrichir de pins les pays pauvres et a landes, ils sachent meltre a profit les productions de ces arbres, et par la couvrir utilement un sol auparavant inutile a l'a- griculture, et augmenter le bien-Ure des raalheureux habitants de ces cantons. » Dans un dcrit intitule" ; les landes en 1826, par M. Billaudel, ingemeur en chef des ponts et chauss&s, et membre de la chambre des deputes, on trouve ce passage : « La valeur du pin maritime varie selon les locality : cependant , et d'apres des calculs qui n'ont rien d'hypothetiquc , il n'est , m6me dans l'&at actuel des choses, aucune speculation en agriculture, plus profitable et plus sHre que celle-la! » Dans son Tableau pittoresque et agricole des landes d'Arcachon, le comte de Bonneval conclut en proclament que le pin maritime est le meil- leur et le plus productif de tous les arbres. Un homme aussi savant qu'exp^rimente en agriculture, M. Allegre, sou- tenait hautement, devant l'assemblee du cornice agricole des Landes, dont il pr&idait la fete , en 1842, que, « partout, en semant avec discernement, on peut,dans l'espace de vingt-cinq a trente ans, obtenir une foret de pins maritimes, dont le produit, en matieres re"sineuses, sera Jiorsde toute proportion avec la valeur du terrain, et des intdrets accumuUs ! » Interrogez les habitants de ces vastes contr^es qui s'elendent sur les bords de rocgan, depuis Bordeaux jusqu'aBayonne; propri^taires, fermiers et fabricants, tous attesteront que le pin est la fortune des pays oil Ton sait en tirer parti ; que cet arbre est celui qui offre au proprielaire les plus riches revenus, et a l'ouvrier les moyens les plus sdrs d'exis- tence ! De philanthropiques theories, d'une application plus ou moins impos- sible , ont pour but de relever la condition des travailleurs , en substi- tuant V association, qui honore, au salaire, qui humilie... Quelle industrie, mieux que Tindustrie r^siniere, semble devoir se prefer a la solution de ce difficile et int&essant probleme? Dans les contr&s oil le gemmage est pratique" depuis longtemps avec le plus de succes, les conditions les plus ordinaires de l'exploitation sont telles qu'il suit : quinzieme session. 429 Un propri&aire livre a des ouvriers connus sous le nom de r&iniers un nombre determine" de pins a exploiter; ces ouvriers exdcutent, a leurs frais, toutes les operations du gemmage, et lorsque la campagne ou recolte est terminee, le proprie'taire et les r&iniers, partagent entre eux, dans des proportions convenues, la totality des produits obtenus; Mais, a-t-on dit, l'extraction de la resine, en epuisant les arbres^oumis a cette espere d'exsudation forced , n'alterera-t-elle pas la constitution de ces arbres, et n'occasionnera-t-elle pas , n£cessairemeni , la destruction plus ou moins prompte de la foret imprudemment livre"e au gemmage? La longue existence de ces pins sdculaires que leurs possesseurs mon- trent avec orgueil,dans les forets du Marausain, dont les hautes tiges por- tent autour d'elles les innombrables traces des incisions qu'elles ont subies, l'existence, disons-nous, de ces pins, qui ont re'siste' pendant un siecle aux operations du gemmage, r6pond victorieusement a cette objection. Loin de nuire aux arbres, l'extraction de la resine les place au contraire dans les conditions les plus favorables a leur de'veloppement et a leur durde. Pour obtenir d'un pin, un e'coulement abondant de sue r&ineux, il faut I'isoler et le rendre accessible, de toutes parts, a Taction de Tair et du soleil ; pour que la resine soit pure et belle, il faut ^carter, avec le plus grand soin, de la bolte qui lui sert de recipient, toutes les broussailles et toutes les feuilles qui pourraient la salir. Il r&ulte e>idemment de ces soins indispensables, que Pair et la lumiere penetrant plus librement autour des arbres, les alternations d'humidite" et de chaleur s'exercant plus rCgulierement sur le sol, leurs racines se de>e- loppent et s'enfoncent avec plus de vigueur dans les entrailles de la terre, tandis que leurs tiges s'Clevent, et balancent leurs raraeaux avec plus de liberty dans les airs ! L'on objecte encore, non sans quelque apparence de raison, que, si la culture du pin maritime, pour l'extraction de la resine, offrait partout des avantages aussi grands et aussi surs que ceux que nous signalons, cette In- dustrie, d'une organisation si peu couteuse, ne fut pas restde, jusqu'a ce jour, releguee a l'extrlmite* d'une seule de nos provinces, tandis que, sur plusieurs autres points de la France, il existe depuis longtemps d'impor- tantes forSts de pins; et l'on conclut, de cet 6tat de choses, que le succes du gemmage doit tenir a des circonstances particulieres au sol et au climat de la Gascogne. Nous devons avouer que cette objection nous a longtemps et vivement pr^occupe", avant qu'aucun essai d&isif eut Cte" tente" ; mais, aujourd'hui, 430 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE, les beureux r^sultats obtains en Touraine, dans la foret de la Motte , le succes des experiences faites dans le d^partemcnt de la Sarthe, celles qni avaient eu lieu anterieurement dans la foret de Fontainebleau, ont demon- tre qu'au centre, a l'ouest et au nord, comme au midi de la France, le gejn- mage des pins est une operation aussi sure que profitable. L'ac^ueil flatteur que la Societe" d'Agriculture du d^partement dlndre- et-Loire a bien voulu faire a un me'moire que je lui ai pre'sente' derniere- ment sur ce sujet, rn'a enhardi a appeler l'attention du Congres sur une question qui me semble du plus baut intaet pour la France. Dans le travail auquel je me suis livrC, apres avoir dexrit et compare" les differends systemes suivis pour les semis, j'ai £te amene a conclure que Ton ne peut tracer a cet egard de regie precise, et que les indications donnees par l'etat et la nature du sol etaient le seul guide a consulter et a suivre. Pour la creation d'une foret spdcialement destined a l'exploitation des produits rCsineux, j'ai dit que les plus grands soins devaient etre apport^s pour donner aux arbres la constitution, si je puis m'exprimer ainsi, la plus vigoureuse, et j'ai indiqud Yespacement gradtiel comme le moyen le plus sur d'arriver a ce r&ultat. Pour repondre aux objections soulevees contre l'exiguite du produit que chaque pin peut donner, et par consequent contre l'insignifiance d'une operation fondle sur laseule r^colte de ces produits, j'ai e^tabli, par des calculs bas^s sur sept amines d'exp^rience, que la somme de ces produits depassera de plus de moiti£, dans le laps de vingt-cinq ans, la valeur des arbres eux-memes. J'ai ajoute que, d'apres des renseignements positifs, le gemmage donne au bois de pin une qualite superieure, et que dans les pays ou s'exerce le plus activement ce genre d'industrie, le pin gemme* se vend le double de celui qui n'a pas 6t6 soumis a cette operation. Enfin, pour faciliter, des aujourd'hui, a tous ceux qui possedent des fo- rests de pin de quelque importance le moyen de les consacrer avec succes a ce genre d'exploitation, je me suis applique" a d^crireeta dessiner, avec l'exactitude la plus minutieuse, le genre, la forme, les dimensions, et l'usage de tous les outils etustensiles employes pour la recolte de la refine; j'ai ddcrit avec le meme soin les process g£ne>alement suivis pour la fa- brication de la the>£bentine, de l'essence, du bray, de la r&ine et du goudron. Je serais trop recompense" , des recherches peu attrayantes que j'ai du faire, des explorations lointaines que j'ai du cntreprendre , pour reunir les QUINZIEME SESSION. 431 elements du travail dont j'ai l'honneur de vous entretenir, si, recevant de l'imposante solennite" qui nous r£unit quelque autorite' ft quelque reten- tissement, mes paroles pouvaient provoquer le developpement d'une In- dustrie qui viendrait ajouter des produits nouveaux et des richesses nouvelles , aux richesses et aux produits de notre territoire ! Puissions-nous, Messieurs, voir bientot quelques-uns de nos grands possesseurs de terres, ou d; 'argent , ce^lant a une heureuse inspiration, ddrober aux combinaisons seduisantes mais trop sou vent fatales de l'a- giotage , une partie de leurs capitaux , pour les employer a combler, par de nombreux semis , les vides d^sastreux que la destruction de la plupart de nos antiques forets a laisses sur la surface de la France ! Dans ce de'partement , un homme d'e*nergie et de bonne volonte*, le comte Charles de Beaumont , entreprit, il y a environ trente ans, le reboi- sement de l'ancienne foret de La Motte dont il ne restait d'autres traces qu'une vaste Vendue de landes incultes et de bruyeres arides; un beau rdsultat couronna cette grande entreprise. Et c'est avec le plus heureux succes que Tun de ses tils vient delivrer, le premier, au gemmage une partie de cette belle foret, que son pere avait fait renaitre! Puisse cet utile ex emple trouver des imitateurs! Sur nos montagnes, comme dans nos valines , des millions d'hectares de terrains incultes ne demandent qu'a produire ! A l'oeuvre done proprie'taires et capitalistes ! que toutes ces terres im- productives soient , par vos soins, defriche'es et seme'es, etqu'elles cessent enfin de de*shonorer, par leur aride nudite" , le sol de notre belle France !!! Le memoire de M, Chaleil offre un interet d'actualite , au moment ou Ton pense enfin serieusement au reboiseraent des parties montagneuses dela France. II est bon de signaler, avec Tauteur, que le pin maritime , par la facilite avec laquelle il croit dans les terrains les plus pauvres , offre un puissant auxiliaire aux agriculteurs decides a entrer dans une voie aussi fructueuse pour le pays ; etque cet arbre semble meriter la preference sur les autres especes par les produits qu'on peut retirer de l'exploitation des matieres resineuses qu'il contient et de la valeur du bois lui-meme. Independamment du celebre redacteur du Dictionnaire universel tV Agriculture , MM. de Billaudel, comte de Bon- neval, Allegre, l'auteur aurait pu citer un grand nombre 432 C0NGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. d'hommcs pratiques et de savants distingues qui ont fait des interets agricoles le sujet de leurs constantes etudes ; il aurait pu s'appuycr encore sur l'opinion unanime de la presse periodiquc qui ne cesse d'appeler l'attention du gou- vernement sur cctte importante question et de reclamer qu'on dote richement le budget de Fagriculture, pour offrir des encouragemcnts'au reboisement de la France. Constatons ici, avec M. Chaleil, que Tun des grands pro- prietaircs du departement d'Indre-et-Loire, le comte Charles de Beaumont , a entrepris avec succes le reboisement de Tancienne foret de La Motte; et que, grace aux perseve- rants efforts de Tun de ses fils, cette belle foret a prjs la place delandes incultes. M. le docteur Roux, de Marseille , signale quelques erreurs de statistiquc commises par M. Chaleil ; celui-ci re- connait qu'ayant puise ses renseignements dans un docu- ment qui n'est point officiel, il nepeut en garantir l'exacti- tude, et ne demande pas raieux que d'acceptcr les chiffres de M. Roux, qui ne ehangentrien a la question. La discussion est close par un vceu ainsi formule : La section d'agriculture considerant qu'il existe, en France , une grande etendue de terrains que leur infertilite rend impropres a la culture des cereales ou des graminees ; qu'il est deplorable de voir tant de terres abandonnees par Tincurie desproprietaires, qui reculent, en general, devant des sacrifices dont ils ne devront recueillir le fruit que dans un avenir lointain, emet le vceu: que le gouvernement prenne les mesures qui seront jugees les plus propres a encourager la culture du pin maritime et Fexploitation des produits resineux. La discussion s'ouvre sur la 26e question ainsi concue : i Quels seraient les moyens de fixer sur le sol , avec le gout de «. V agriculture, les classes riches, trop pre'occupe'esdela recher- u chedes emplois publics, et les classes pauvres qui de'ser tent les «. champs, pour solliciter dans les villeslesalaire de I'industrie. > M. Breton lit un memoire dans lequcl il etablit que le peu d'attraits qu'offre aux riches proprietaires un sejour permanent au milieu de leurs proprietes rurales doit etre QUINZIEME SESSION. 435 attribue a une'#education uniquement consacree a inspirer le gout des sciences, des lettrcs et des beaux-arts; gout qui ne peut trouver de satisfaction que dans les grands centres de population , au milieu de Tenceinte des cites!.. Un plus grand soin apporte au developpement de la science de Tagriculture peut seul changer cet etat de choses, en creant pour les riches proprietaires desjouissances quileur sont inconnues. Plus instruits dans Tart agricole , ils se plairaient a en faire l'application et a voir la terre repondre par de plus riches et plus abondants produits a leurs in- telligent travaux... Leurs conseils et surtout leur exemple exciteraient l'emulation , et tout en fecondant leurs propres domaines, ils verraient, avec un sentiment de bonheur et de noble fierte , la prosperite et l'aisance croitre et se propager autour d'eux. Selon l'orateur, la plus grande cause du decouragement et du peu d'empressement des petits proprietaires , en fait d'entreprises agricoles , vient surtout de ce que , faute ^in- struction ou de connaissances en agriculture , ils operent mal , et que les pertes repondent plus souvent que les be- nefices a leurs sacrifices et a leurs efforts. M. Breton conclut en disant que le developpement et la propagation de l'instruction agricole, pourront seuls chan- ger ce deplorable etat de choses. M. de Saint-Marsault a la parole sur la racme question. Messieurs, S'il est un fait bien reconnu aujourd'hui, e'est que celui-la pert! qui ne gagne pas. Dans une epoque de progres tout doit marcher; malheur a ce- Jui qui s'arrMe ! nul ne s'inquiete de le laisser en arriere.ll n'est pas neces- saire de courir comme le font quelques-uns, qui tombent pour la plupart, tandis que le petit nombre, parmi eux, parvient, pour exciter Penvie et troubler la raison des peuples ; mais il faut se tenir a son rang et s'avau- cer en m6me temps que la masse. Cette verite' est coustante : aussi voyons-nous aujourd'hui l'agriculture, qui est reste"e stationnaire, ou du moins a marche" trop lentement, se trou- 434 CONGRES SC1ENT1FIQUE DE FRANCE, ver en arriere de toutes nos institutions. EUe n'a pas eu la force de suivre l'impulsion g^n^rale, elle seule n'£tai£ pas prepared a cet immense mou- vement qui agitenotre siecle; au contraire elle etait affaiblie par les char- ges, qui de tout temps lui ont 6t6 imposes, et dont la pesanteur s'est d'autant plus fait sentir dans ces derniers temps qu'on a vu les autres corps sociaux s'alleger davantage a son detriment pour courir plus rapidement dans leurs voies. Quand on a vu l'agriculture en arriere, quand elle-meme a reconnu qu'elle etait distanced, on s'est persuade que son concours n'e- tait pas indispensable a la socie'tC; elle a cru elle-meme qu'elle n'avait rien a faire dans le tourbillon qui se pr^cipitait en avant d'elle. On ne s'est plus occupe" de l'agriculture, elle a perdu confiance dans sa propre force. Au lieu de la pousser, on a continue' a la charger ; de son cdtC elle s'est endor- mie et n'a plus su rdclamer sa position et ses droits. Mais bientdt il a fallu reconnaitre que la place de l'agriculture etait inoccup^e et que cette source de la richesse nationale etait trop indispen- sable pour qu'on put la negliger, trop importante pour que d'autres pus- sent la rem placer. On n'a cependant cherche qu'a diminuer le vide par di- vers expedients. Plutdt que de lui rendre justice, on a prefer se tromper soi-meme, et l'pn s'est contents d'accorder a l'agriculture de belles pa- roles et quelques minces secours p^cuniaires. Cetait un cordial puissant qu'il lui fallait, ce sont quelques coups de fouet qu'on lui a administr^s ; puis on lui a fait sentir qu'elle entravait la marche des affaires, et qu'elle etait trop embourbee pour qu'on eut le temps de s'occuper a la tirer d'em- barras. On s'est cru quitte envers elle en lui jetant tous les ans one toute petite portion du budget pour 1'empecher de mourir de misere et d'ina- nition. Dans cette triste situation, ses enfants eux-memes l'ont abandonee, ils sont alies grossir la foule des commercants et des industriels, ils se sont confondus dans le troupeau des ambitieux et des intrigants qui veu- lent toujours etre tout et partout. Cependant on s'apercoit plus que jamais que le malaise ne cesse pas ; au contraire, il augmente : le commerce languit, faute de transactions; In- dustrie dep^rit, faute de matieres premieres. En vain a-t-on etabli des droits de douane differ eiitiels pour l'importation et l'exportation; en vain y a-t-il des primes de protection, des drawbacs et tout le cortege des institutions destinies a remplacer Taction fondamentale de l'agriculture; sa place reste toujours vide et toutes les affaires souffrent de cet dtat de choses. Le mal s'aggrave de plus en plus, les remedes qu'on essaie ne sont que de faibles palliatifs dont on recommit bient6t l'impuissance. QUINZIEME SESSION. 435 Les classes riches, ne voyaht que pcrte au lieu degain dans l'agriculture, abandonnent leurs champs oil elles ne trouvent plus une position conve- nable, pourrechercher les emplois publics re'tribue's, afiu de pouvoir vivre avec leurs appointements et economiser leurs revenus qui sont places en rentes non soumises a l'impdt, dans l'inlention de laisser a partager entre leurs enfants, une masse de fortune dont chaque portion ne soit pas trop infeneure a ce que les parents ont re?u de leurs aieux. Les classes pauvres de"sertent les champs, oil elles ne trouvent que de rudes labeurs, des charges enormes et nulle indemnity pour tant de pei- nes, au bout desquelles vient toujours se placer la misere; tandis que le travail moins penible de l'industrie leur donne droit aux secours de tous genres cre'e's pour les citadins, leur laisse encore quelque loisir, leur permet de s'&ourdir et de donner quelque satisfaction a leurs appe"tits qui devien- nent de jour en jour plus grossiers. N Le culte des inte>ets mat^riels a fait trop de progres parmi nous, il a 6te systematiquement e"tendu , il appelle les citoyens dans les villes, et des qu'ils y sont entasse's ils travaillent a qui mieux mieux h augmentef Y6- nergie du mal, a multiplier les causes de ruine pour la socie"te. Voudrait- on done de nos jours que les agriculteurs fussent incorrompus et incor- ruptibles quand la corruption les exploite, les nargue et se montre a leurs yeux sous toutes ses faces ? Eh ! mon Dieu ! ils ont fait comme le chien de la fable, ils ont partage' le diner qu'ils ne pouvaient plus dlfendre, la nour- riture du pacifique travailleur a 6t6 consommee ; il ne lui reste plus qu'a mourir de faim si on ne veut pas prendre le moyen de lui crder des sub- sistences. Et ce moyen est-il done a trouver ? est-il difficile a mettre a execution ? non, certainement , il est tout connu, il est tout simple. Prot£ger l'agri- culture lui rendre la place qu'elle n'aurait pas du perdre. Prote"ger l'agriculture, ce n'est pas luiaccorder de belles paroles dans les acadCmieset dans les discours officiels.Ce n'est pas davantage lui jeter plus ou moins parcimonieusement quelques aumones qui sont saisies au pas- sage , par les plus forts , et dont la masse n'entend parler que par une amere decision. Non, la protection que reclame l'agriculture, e'est une organisation forte et complete, une organisation qui la replace a son rang dans l'Etat, qui la mette en position, non de l'emporter sur les autres corps constitues, mais qui lui fournisse la possibility de marcher leur egale. Ce n'est pas ici de la politique, e'est de l'economie sociale. L'agriculture souf- fiaut, rien ne peut la remplacer, tout souffre avec elle; l'agriculture llorissant, tout partage son heureuse position, tout en profile. II ne peut 456 CONGRES SC1ENTIFIQUE DE FRANCE, y avoir d'egoisme dans l'agriculture; ce qu'elle produit, il faut que d'au- tres le consomment, le transforment pour le lui rendre en argent ou en produits fabrique's, afin qu'elle puisse recommencer a produire pour en' tretenir le mouvement general d'dchange. Pour que l'agriculture fleurisse il ne faut pas que l'intrigue et l'ambition puissent usurper ses droits; il faut qu'elle ait la force de les faire valoir, de les deTendre. II faut mettre l'agriculture en mesure de prendre pied dans les chambres legislatives, comme le commerce, comme l'industrie, ses frere et soeur, ou mieux en- core ses eufants. II faut donner a l'agriculture de l'instruction, pour qu'elle se maintienne dans sa position; il faut, en un mot, qu'un agriculteur con- naisse ses droits et ses devoirs pour remplir les uns et faire respecter les autres. Un tre"pied ne peut se soutenir sur deux supports : l'Etat a un e"gal be- soin de l'agriculture , du commerce et de l'industrie. Tous les trois sont inseparables. Le commerce et l'industrie sont unis, sont organises; l'agri- culture doit l'etre. Mais tandis qu'il existe des codes , des tribunaux, des cbambres de commerce , l'agriculture n'a rien d'analogue. Nous savons bien que des institutions fictives ont 6te" crepes a diverses reprises, qu'au moyen de titres agricoles attribuds a certaines fonctions on a une reponse toute prete pour ceux qui rdclament en faveur de l'agriculture; mais le re"- sultat n'est-il pas la ? ne prouve-t-il pas que tout cet dchaufaudage n'est qu'illusoire ? c'est de la rCalitC qu'il faut a l'agriculture , c'est une forte organisation legale, c'est une instruction solide et complete. Qu'on ne se figure pas que nous venons accuser ici aucun des gouver- nements qui se sont succe'de' en France de nos jours ? cela est loin de notre pense"e, nous dirons meme que plusieurs fois et surtout depuis quel- ques anndes on a eu Pintention de favoriser un peu l'agriculture. On lui a meme fait beaucoup d'aumones. Mais qu'importent des sacrifices plus ou moins grands, des avantages plus ou moins apparents, si tout est entrave", si le re"sultat est empechC par un vice primitif ? et voila ce qui nous arrive. Donnez des millions a l'agriculture, crdez des instituts royaux, un superbe e"tat-major pour ddvorer ces millions et vous n'aurez rien fait. Mais sans tant de fracas, organisez l'agriculture, repandez l'instruclion agricole dans toutes les classes, alors vous retirerez un benefice immense de vos moin- dres sacrifices, alors vous trouverez, ou mettrez en lumiere, les hommes capables qui n'attendent que cette regeneration agricole pour montrer ce qu'ils valent. Noye"s aujourd'hui parmi les intrigants, £touff£s par le dd- faut d 'institutions vraies, ils ne peuvent que gCmir et attendre; quelques- uns sont place's , d'autres demandent des emplois, mais tous comprennent QUWZlfiME SESSION. 457 l'inutilite des efforts qu'ils feraient actuellement et esperent un meilleur avenir. Vous voulez que les classes riches se fixent dans les campagnes ; don- nez-leur les raoyens d'y vivre avec avantage et agremenl? am&iorez les voies de communication ; cre'ez une police rurale , e'tablissez rinfluence du savoir sur l'iguorance qui s'empare de tous les moyens d'action, plus ou moins legaux, pour faire pr^valoir lesinte'rets particuliers sur les int6- rets gdneraux? Organisez et instruisez. Vous voulez que les travailleurs ne de"sertent pas les champs ; dimintiez les charges qui les oppriment; donnez-leur des compensations pour leur faire porter patiemment le poids du jour et de la chaleur. Faites pe'ne'trer la consolation et une certaine espe'rance la ou a regne' si longtemps la re- signation et oil Ton ne trouve maintenant que la douleur et la miscre ? Organisez et instruisez. , Les citadins, les employe's publics, font les lois et en profitent. Tous veulent etre citadins, employe's publics, car la fiction devient ainsi le par- tage des pauvres campagnards, la r^alite' appartient aux citadins et aux capitalistes. Donnez a tous les mGmes avantages, tout rentrera dans l'ordre. Au lieu de paroles et de mesures plus brillantes que solides, e'tablissez une bonne organisation de l'agriculture. Au lieu d'une instruction incomplete et par suite demoralisante, appre- nez a la jeunesse avivre sur le sol et par le sol. Au lieu de montrer a nos jeunes hommes le mirage trop flatteur des em- plois publics, instruisez la jeunesse pour qu'elle voie dans l'agriculture une position aussi solide qu'honorable. Alors, en sortant du college, les propridlaires retourneront aux champs qui les ont vu naitre. lis rechercheront moins les carrieres liberates. Nous ne verrons plus taut de m^decins sans malades, tant d'avocats sans causes, tant d'ecrivains, tant d'aspirants surnume'raires, hommes qui, ne pouvant vivre et se caser dans notre sociele" , cherchent a la modifier pour s'y faire une place. Alors, en quittant les bancs de l'e'cole primaire, on ne fuira plus la chau- miere paternelle pour aller a la ville mourir de faim avec le titre de commis, pour aller perdre ses principes et sa sante' dans les fabriques. Chaque en- fant de la campagne trouvera sa place au soleil. Les champs reprendrontleursattraitsd^squ'on aura apprisa lesappre"- cier, le capital viendra de lui-meme y chercher rintelligence, et le travail lesfe'condera tous les deux. Nos chemins, les plus de'serts aujourd'hui, se- 28 458 CONGRES SCfENTIFIQUE DE FRANCE. ront sillonnes par le*char do Iaboureur transportant les luxuriantes recol- tes, par les voitures du commerce et de l'industrie venant chercher les ma- tieres premieres et rapportant leurs produits fabriquds. L'aisance et la joie reparaitront dans les campagnes , il ne faudra plus les abandonner pour aller chercher ailleurs le plaisir et la richesse. Pour fixer sur le sol les riches et les pauvres, pour les empecher d'emi- grer de la campagne vers la ville, il faut replacer ragriculture dans un rang honorable par une bonne organisation legale; il faut apprendre l'agriculture a tous pour en faire une carriere attachante et lucrative. En vain cherche- rait-on ailleurs la cause de cette emigration dont on ?e plaint, elle n'existe que dans le d£faut d'organlsation et d'instruction agricole. Tous les autres moyens que Ton tenterait pour gudrir ce mal seraient illusoires, comme l'experience ne l'a que trop prouvd : ceux-la seuls sont les veritables. Comment 1'homme riche pourtait-il aller se confiner dans le fond d'une campagne inabordable pendant une grande partie de l'anne'e, oil il sera expose* sans protection aux rapines des malfaiteurs et a la malveillance de l'ignorante administration qui a la pretention de dinger les affaires de la commune ? Comment s'isolerait-il des plaisirs auxquels il est accoutumd, des relations qui font son existence, tant qu'il n'aura pour compensation que des craintes malheureusement trop fondles pour ses biens,que des d£- sagremenfs dans tous ses projets ? Comment Vhorame pauvre qui voit sa famille dans la misere, sans espoir desecourset d'am6lioration dans son sort, pourrait-il ne pas aller deman- der aux villes un travail moius penible, mieux retribue, et qui lui laissera en outre quelques instants pour se livrer a ce qu'il considere comme du plaisir. II est encore une autre cause qui eloigne de la vie rurale. Les jeunes gens instruits, arrives a l'age de s'etablir, ne trouvent aucune femme qui puisse ou veuille dpouser un agriculteur. Aucune jeune personne n'a dte elevee dans cette provision; et tandis que 1'homme riche quivoudrait se faire agri- culteur ne rencontre pas de compagne partageant ses gouts et capable de s'associer a ses projets, le Iaboureur instruit et intelligent ne peut epouser qu'une jeune fille n'ayant aucune idde des obligations qu'elle devra rem- plir. Les riches, en se mariant, doivent done rcnoncer a l'agriculture, les cultivateurs ne peuvent espdrer que leur femme les secondera eonvenable- ment. II faudrait que l'agriculture devlnt une profession reconnue pour les^ riches comme pour les pauvres, et qu'on sut la faire apprdcier par les femmes de toutes les conditions. Pour obtenir ce rdsultat il serait a desirer que dans les couvents et les pensionnats on apprit autre chose que la mu- QUINZIEME SESSION. 459 sique, la litterature etle travail des mains. II faudraifc etablir dans les villages des e'coles convenables pour les jeunes filles, afin de les mettre toutes a meme de comprendre et de s'associer aux projets de leurs maris, dans le cas ou elles choisiraient un agriculteur. L'instruction d'ailleurs de'- veloppe chez lesfemmes, comme chez leshommes, les aptitudes et les spe- ciality. En apprenant ce que c'est que l'agriculture, chacun connaitra sa vocation et pourra embrasser ou repudier avec connaissance de cause la nouvelle carriere qui lui sera ouverte. On ne verra plus alors ceux qui sont incapables de tout autre emploi elre les seuls a se jeter dans l'agricul- ture, la plus grande, la plus belle des sciences, dit-on, et a Iaquelle ce- pendant ne se sont, pour ainsi dire, consacr^s jusqu'ici que les sujets re- pousse's de toute autre partie par leur propre incapacil^ , ou les vieillards qui, apres avoir passe' leur vie dans les affaires, se retirent a la campagne quand ils ont obtenu leur retraite afin de faire valoir leurs domaines comme s'ils avaient la force et les connaissances ne'cessaires pour re'ussir en agri- culture. C'est la certainement une des principals causes des insucces et de la dtffaveur de l'agriculture faite par des hommes qui n'ont pas tenu la charrue pendant toute leur vie. Nous le re'pe'tons done en terminant: les populations quittent les campa- gnes pour les villes, encombrent toutes les carrieres et deviennent a charge a lasoci£t£, parce que l'agriculture a perdu la place qui lui est due dans notre e'tat social. Cette place il faut la lui rendre, et Ton n'y parviendra que par une bonne organisation hi^rarchique et legale de l'agriculture , avec une bonne instruction agricole e^tablie a differents degree, suivaut les besoins de toutes les classes. Alors la population pourra augmenter sans danger, car l'agriculture est un cadre immense qui offre une place lucrative et honorable a tous ceux qui voudront la r^clamer. M. le Docteur Roux de Marseille dit que , bien que n'e- tant pas prepare pour resoudre la question en discussion , puisqu'elle ne devait etre traitee que plus tard, il n'he- site pas a l'aborder, parce qu'elle lui parait d'un assez haut interet pour fixer Tattention de l'economiste, du staticien , et tous les amis de l'ordre. M. Roux adopte tout ce qui a ete propose par ceux qui ont pris la parole avant lui , pour arriver a ramelioration du sort des agriculteurs ; mais la question etant complexe, et concernant egalement le riche et le pauvre, elle ne peut, selon l'orateur, etre conYenable- 440 CONGRis SC1ENTIFIQUE DE FRANCE. ment resolue que par la proposition des moyens qui puissent s'appliquer a la fois et aux uns et aux aulres. Avec le secours de la morale evangelique , le probleme serait tres-facile a resoudre, car il portcrait le riehe a lendre une main con- stamment secourable a l'infortune! Les 4 ou 5 millions d'hectares de terrains incultes, sur les 52,000,000 d'hectares environ de la surface territoriale de la France, seraient donnes aux pauvres agriculteurs, a condition qu'une partie des produits qu'ils retireraient de leurs labours serait versee dans une caisse speciale desti- nee a secourir ragriculture en cas de calamites. Des difficultes se rencontreraient sans doute, pour cette concession genereuse; cependant les riches, fussent-ils plus egoistes encore, devraient comprendre, qu'ils y trouveraient leur propre interet, en fixant au sol des homines utiles et memes necessaires a leurs propres speculations. Dans le delta du Rhone, des terrains qui ne v'alaient pas naguere 50 francs l'hectare, se sont eleves au prix de 3,000 francs ct vont tous les jours en augmentant , sur une surface de plus de 40,000 hectares, depuis l'etablissement desrizieres dans ces terres jadis abandonnees. Tel serait le moyen propose parM. Roux, pour fixer les pauvres au sol del'agri- culture... Quant aux riches , ce n'est point par un moyen materiel qu'on obtiendrait le meme resultat , mais par des emplois publics et des digniles capables de flatter leur ambition, en meme temps que leur amour-propre. Que le gouvernement, dit M. Roux, cree, a Tinstar de ce qui vient d'etre fait en Prusse, une distinction pour honorcr le riche et le pauvre qui auraient contribue au progres de l'agriculture ! Cette distinction consisterait en une medaille sur laquelle seraient representes deux epis de ble entoures d'une couronne de laurier. Pour que cette medaille fut plus recherchee, il voudrait qu'il y fut joint pour le riche la prerogative de quelque cmploi public; pour le pauvre l'exemption de quelque charge, comme cclle d'affranchir scs fils du service mili- taire... QUINZIEME SESSION. 441 La question du programme, dit en terminant l'orateur, se trouverait ainsi resolue: \cpauvre ne desertcrait plus le sol rural et le riche dirigerait ses vues du cote de l'agriculture, qui lui fournirait le moyen d'obtenir plus facilement ce qu'il ambitionne le plus. .. Plusieurs membres prennent successivemcnt la parole , pour blamer, les uns, l'etablisscment d'une decoration spe- cialeet civile, les autres, l'exemption du service militaire... M. Boulard indique, comme le moyen le plus propre a fixer les populations dans les campagnes, la fondation d'un credit qui leur procure a bon marcheles capitaux nccessaires pour cultiver leurs terres avec avantage et profit. M. le president fait observer a l'orateur que cette conside- ration rentre dans la question du credit agricole qui a ete resolue et dont il n'y a plus a s'occuper. M. Boulard propose en outre l'etablissement d'une maison commune, dans laquelle on trouverait (dans chaque com- mune) l'instruction qu'on recoit dans les ecoles, les lecons de morale et de vertu que Ton puisait dans les abbayes, et les spins que Ton trouve dans les hopitaux. Ces etablisse- ments seraient destines a venir au secours des cultivateurs malheureux; les riches recevraient des distinctions honori- fiques , c'est-a-dire auraient droit, par privilege, a certains emplois publics. Apresla cloture de la discussion, la section a eted'avisde proposer au Congres d'erncttre le voeu suivant : i° Que le gouvernement soit prie de prendre des mesures promptes et efficaces, pour que l'instruction agricole se re- pande, de plus en plus, parmi la jeunesse des deux sexes qui frequenteles ecoles primaires et superieures, enetablissant des cours speciaux d'agriculture ; 2° Que l'organisation generale de l'agriculture ait lieu d'apres les bases de celles du commerce, et vienne donner a cette grande et vitale industrie 1'impulsion qui lui est necessaire. 3° Que des distinctions honorifiques soient accordees aux agriculteurs praticiens qui auront rendu les plus grands 442 CONGRES SOIENTIFIQUE BE FRANCE. services a l'agriculture dn favorisant son developpement et ses progres. L'ordre du jour etant epuise, la seance est levee a onze heures du. matin. Seance du £ septembre. Presidence de M. de Bczonnieres. M. Allan Chaleil, secretaire. Le seance est ouverte a neuf heures du matin. Le proces- verbal de la derniere seance est lu et adopte. La discussion s'ouvre sur la huitieme question du programme ainsi po- see : « Quelle influence la nature du sol exerce-t-elle , en Tou- i raine et en Anjou , sur la qualite des vins ? Quelle est la t composition des terrains qui produisent les vins les plus « charges d'alcool ? La presence des silex dans certaines terres « plante'es en vigne est-elle la cause des qualites qu'offrent cer- « tains crus ? » M. le comte Odart lit, sur cette question, nn passage d'un de ses ouvrages , duquel il resulte que , d'apres ses nombreuses experiences , la presence des silex exercerait une influence favorable a la qualite des vins. M. Chariot ajoute que ce ne sont pas seulement les silex qui sont favorables a la vigne , mais toute espece de cail- loux ; il cite meme un example ou le machefer a produit un trcs-bon resultat; mais il ne pense pas que la presence du silex puisse donner au vin aucun gout particulier , et c'est a tort qu'on dit de certains vins qu'ils ont un gout de pierre a fusil. QU1NZIEHE SESSION. 445 M. Boulard ne pense pas que la qualite du vin d£pende beaucoup de la presence ou de Tabsence des cailloux ; et cite plusieurs crus qui produisent de tres-bon vin, et sup lesquels il n'existe pas de silex. Les terrains sablonneux ou argileux sont , selon lui , tres-favorables a la culture de la vigne. M. Huneau reconnait Futilite* de la presence des cail- loux , mais il est d'avis que le sous-sol n'est pas non plus sans influence, et cite le calcaire et le sclristo-argileux comrae les plus convenables. II ajoute du reste que les terrains les plus sees sont ceux sur lesquels on peut esperer obtenir les plus heureux resultats; il cite la cendre de cbaux melee a quelque terreau comrae un excellent moyen d'ameliorer le sol de la vigne. c Sur la neuvieme question du programme ainsi concue: « Peut - on retrouver le cspage que le senateur de Bologne , i Petrus de Crescentiis , avteur de Vouvrage agronomique le « plus estime de son temps (xme sidcle), a designe sous le « nom de sclavo, et qu'il met en premiere lignepour la qualite" i du vin ? y> M. le comte Odart a la parole. Messieurs , Je crois a propos de rappeler 1'article relatif an Sclavo, place" a la page 355 de YAmpelographie- Dans le court chapitre consacre" a la vigne de l'ouvrage fort estime" dans son temps et qui a pour litre : Opus rura- Hum commodorum, l'auteur, Petrus de Crescentiis, sdnateur de Bologne, place au premier rang des cdpages, cultives dans la contree de l'ltalie qu'il habitait, le Sclavo, et actuellement, selon ce qui a e"te dcrit de Rome, TJva schiawa (raisin esclave), nom dont la signification primitive a ete" fort alte> de la vigue qui va toujour s en augmentant, est-elle favorable » a la prospe'rite gene'rale du pays , et surtout a son agricul- » ture ? » M. Chariot a la parole pour lire le memoire suivant. Messieurs , La vigne a 6t6 tour a tour un objet de faveur et de dedain, honored et proscrite, elle n'en doit pas moins 6tre considered comm'e l'une des cul- tures les plus utiles pour la France ; malgrd l'incerlitude de ses produits , le rapport moyen de la vigne est superieur a celui des cultures en cdreales, pour celui qui la faconne hii-meme. QUINZIEME SESSION. 445 Pres de quarante mille hectares sont consacre's a la culture de la vigne en Touraine, c'est-a-dire environ un seizieme de la superficie du de'partement ; elle procure du travail a plus du quart de la population, ellerapporte pour le raoins autant au tre'sor que les terres labourables qui sont huit fois plus considerables. La valeur du sol occupC par la vigne est plus grande qu'elle ne pourrait l'etre si on en faisait un tout autre usage ; combien de terrains inaccessibles a la charrue, de coteaux rocailleux, qui n'admettraient pas d'autre cul- ture et qui sont par elle Aleve's au plus haut degrC de valeur. L'art du vi- gneron procure un supplement e"nergique de subsistance a la portion labo- rieuse de la nation dans ses penibles travaux. D'apres tous ces faits, je ne puis admettre que la culture de la vigne nuit a la prosperity generate du pays et a son agriculture. Cette culture ne serait-elle considered que comme nne occupation na- tionale, qu'elle aurait encore des droits d'etre respected et d'avoir la protec- tion qu'on accorde a toutes les proprietes. Cinq arpents de vignes suffiseut pour faire vivre une famille , tandis qu'il faut cent arpents de terre pour donner le meme resultat. Les bras du vigneron ne viennent-ils pas en aide Au cultivateur dans ses plus pressants besoins, aux moments des r£- coltes, des semailles, du battage, des grains? Cette culture a cela encore de particulier et d'inte'ressant, qu'elle offre dans ses details des occupations proportionndes a la force des deux sexes, et a celle de tous les ages. C'est par la division du travail et celle de territoire qu'a ete produit le brillant phinomene agricole que nous observons aux portes de nos villes. L'amour ardent que 1'homme des vignobles a pour son clocher est un fait bien connu • et une passion encore plus impe'riesue, celle de possider, ne fftt-ce que quelques pieds Carre's {possdder dans son pays est son uni- que, sa seule ambition, il ne la satisfait jamais pleinement par le dlsir qu'il a de toujours s'arrondir), lui fait couler ses jours paisiblement. Cependant quelques esprits inquiets voudraient qp'on limit&t la culture de la vigne aux terrains des coteaux, pour que les cer^ales et plantes four- rageres occupasseut seules les plaines. 11 me semble que c'est une proposition liberticide : l'agriculture n'a-t-elle pas d'autres conquetes a faire sur nos bruyeres et nos'marais, que de blesser son emule et sa compagne, en trou- blant cette laborieuse et tranquille population vigneronne dans ce qu'elle de plus cher? Les inconvements qu'on a signals ne me paraissent pas plus justifier Eradication de certaines vignes pour les remplacer par les cereales, qu'il ne me paraitrait juste et possible d'interdire l'usage du vin, ainsi qu'on le fit a Rome, parce que les hommes dissolus en abusent. Nous pouvons nous en rapporter a la sagacity des vignerons et a l'in- te*r6t particulier; deja les proprietaires non vignerons ne plantentplus que 1 es terrains impropres a toute autre culture. Nous savons que les plantations 4|6 CONGRES ^ipNTIFIQUE DE FRANCE. des petits prop»i£taires sont quelquefojs abusive.6; mais elles sont peu con- siderables, et leur ardeur s'est beaucoup raleuti en presence de la cherte des cereales et de l'avilissement du prix des vins. Si cette culture s'accroit'majgre' les rigueurs du pouvoir et des impots de toutes sortes qui pesent sur la vigne et sur ses produits, c'est I'effet ine- vitable de raccroissement de la population en France et a l'elranger, etde ce que l'usage du vin entre de plus en plus dans les habitudes de tout le monde. Sans doute il y a des abus, de quoi rhomme n'abuse-t-il pas? Nous de- manderons : recommencera-t-on les impolitiques proscriptions de l'empe- reur Domitien, de Charles IX et celles de Louis XV? Songez qu'elles sont des taches inde'le'biles de leur regne, et n'ont pu register a ce principe de liberty sociale, que chacun a le droit de tirer le meilleur parti possible de sonchainp. Rappelons plutot les, sages lois des Probus, des Charlemagne, des Da- gobert, des Henri III et celles de la constituante. Le cClebre Chaptal pensait que c'etait un blaspheme politique de dire que la culture de ja vigne est nuisible a la prosperite rurale de la France et qu'i) faut en restreindre la culture. Non, Messieurs, il £aut combatre les abus par la raison et les bons exemples, et non par les privileges, qui ne font que des \ngrats et des me1 contents. Encouragements zXliberte', tels sont les ve"ritables principes de toutes ameliorations agricoles. MM. Boulard, Huneau, Saint-Martin, appuient ces con- clusions. M. de Saint-Marsault expose que si Ton demande si la culture de la vigne est favorable a la prosperite generale du pays , raffirmation n'est pas douteuse. Dans les pays de vignobles, la population est nombreuse;les habitations, les hameaux et les villes se touchent ; et lorsque la popula- tion surabonde, J# trop plein se jette dans les regions in- cultes et dans les marais, pour les defricher et les utiliser. Mais si l'augmentation de la culture de la vigne est fa- vorable a la prosperite generale du pays , elle est, dans un sens inverse, fatale a 1' agriculture locale. Elle occasionne la division et le morcellement des pro- prietes, absorbe les engrais, fait rencherir les fumiers, occasionne quelquefois, corame il arrive dans la Gironde, par le manque de prairies et la rarete del'avoine, un tres- grand prejudice a l'agriculture. M. de Saint-Marsault se resume en disant que la grande extension de la culture de la vigne est favorable a la pro- QUINZl£»JE SESSION. 447 sperite generate , mais contraire aux interets de ^agricul- ture locale. Le resume de la discussion sur la onzieme question du programme donne le refultat suivant : La culture de la vigne est favorable a la prosperite gene- rale du pays. La seance est levee a onze heures du matin. • Seance du 9 septembre. Presidence de M. de Buzonm£res. M. Chaleil, secretaire. La seance est ouverte a neuf heures du matin ; le bureau est occupe par M. de Buzonnieres president, M. de Saint- Marsault vice-presidsnt, et M. Chaleil, secretaire. L'ordre du jour est la discussion de la 15e question du programme ainsi posee : « Quelle est I'influence des baux a « long terme et de la grande culture, sur la population, sur Vin- « dustrie agricole, et sur V emigration de Vindustrie manufac- t turiere, dans les campagnts. > M. de Saint-Marsault lit sur cette question, d'un si grand intcrct et d'une si haute importance sociale, le memoire suivant : Messieurs , Sous la denomination de baux a long terme, on ne peutcomprendre les baux emphyth^otiques , conce'dant par le fait la toute propri^te' des fonds , non pour toujours , mais pour un laps de temps determine' ndcessairement fort long, et moyennant telles ou telles charges speciales. On ne peut dgalement entendre, par cette expression, les conventions, la plupart dn temps verbales ou bashes sur la reconduction, qui exisent dans certains pays arrier^s entre des propntetaires campagnards et Ieurs metayers, a partage de fruits. 448 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Les domaines congdables ne peuvent pas davantage entrer dans la cat£- gorie des baux a long terme, puisqu'ils forment une spdcialite dans les divers modes de disposer de la terre et quele possesseur desfonds renonce en quelque sorte a la superficie. Les baux a long terme proprement dits , sont done des conventions parti- culieres faites entre l'liomme qui possede le sol et celui qui a par devers lui connaissances et capilaux pour lui faire produire ce qu'on peut en retirer. C'est une veritable association du capital avec le travail et l'intelligence. Les baux a long terme ne sont possibles que pour ks grandes proprid- tds, ce qui dit en meme temps pour les grandes fortunes, lis sont insepa- rables de la grande et tout au plus de la moyenne culture. Leur influence sur la population s'exerce moralement et materiellemeut; leur action est forte etpuissante sur l'industrie agricole; leur effet sur Immigration de Tindustrie manufacturiere dans les campagnes , toute reelle qu'elle doive certainement devenir par la suite, ne peut 6tre aujourd'liui qu'imparfaite- ment pr^vue et determined. Influence sur la population. — EUe ne s'elendra que lentement, graduelle- meut etde proche en proche , puisque les longs baux elablis dans les pays de grande culture n'y trouveront, dans le principe, qn'une population rare et clair-seme'e. lis conduiront, il est vrai, a mieux cultiver ; mais comme il faut ne'eessairement tous les jours de plus en plus produire a moindres frais,*ils forceront, pour economiser les bras, a employer pour tous les tra- vaux une grande varie'te de machines et instruments e'eonomiques et per- fectionne's. Cependant la grande culture actuelle est tres-simple et trop peu soigne'e , elle n'exige la presence des travailleurs que trois fois par an , a l'automne pour semer, au priutemps pour les semailles de mars et a la fin de Yet6 pour les rdcoltes. Aussi beaucoup de fermiers ont l'habitude de parcourir les grandes routes avec leurs altelages pour gagner quelque argent en fai- sant le roulage pour le commerce et l'industrie ; cette ressource diminuera de jour en jour, les chemins de fer et les bateaux a vapeur seront pre'fe're's au roulage. Les cultivateurs devront done rester chez eux ; la grande cul- ture s'ameMiorera, les longs baux se multiplieront; et comme 1'emploi des bonsinstruments,ense propageant, amenera ne'eessairement l'extension des cultures perfectionnees , il s'ensuivra qu'il faudra augmenter les bras pour dinger ces instruments et pour exdeuter ces cultures, afin de produire davantageet a meilleurmarche\ On voit done qu'il yaura augmentation pro- gressive dela population, lente il est vrai, mais reelle cependant, et dont la proportion pourrait se calcnler en ayant pour donn^e premiere la nature et la quantite des cultures nouvelles entreprises dans cbaque exploitation. Mais, outre l'angmentation dela population libre ainsi obtenue par lefait des longs baux accordes a la grande culture , on doit encore espCrer qu'il sera possible par le meme moyen d'atteindre un autre r&ultat. Avec de QUINZliME SESSION. 449 long baux il sera facile de creer des colonies d'orphelins , d'enfants trouve's oucondamnes, de pauvres et surtout de vagabonds et de mendianls qui aujourd'hui infestent les campagnes non moins que les villes. Les longs baux donneront done la facilitC de combler une lacune que Ton remarque dans notre etat social. Eu effet, la society donne l'existence a des etres aux- quels ellene fournit pas les raoyens de la conserver, lesmoyens de serendre utiles a leur pays, qu'ils chargent, au contraire, par leur oisivete" etpar suite par leurs vices plus ou moins dangereux pour les individus comme pour les institutions. Les longs baux commencent a se re'pandre ; raais il ne faut pas se' faire illusion au point de croire qu'ils seront promptement adoptes par la gen6- ralite des grands cultivateurs et des riches proprietaires. 11 faudra d'ail- leurs encore bien des anndes pour que la certitude d'un long bail determine les hommes capables a choisir l'agriculture pour leur carriere. 11 n'existe aujourd'hui que des chefs d'exploitation, et les subalternes prefereront sans doute longtemps encore leur demi-oisivete souvent vicieuse a un travail suivi et par consequent moralisant. Mais des agriculteurs instruits se forment tous les jours, des hommes de merite se decideront sans doute bieiitot a entrer dans l'agriculture, ils y apporteront le pen de capitaux dont iis disposent , ils y attireront par la confiance qu'on pourra mettreen eax, Targent des capitalistes. Alors seule- ment le credit agricole sera fonde et mieux assurement que par toutes les iustitutions que pourraient creer le gouveruement ou les associations. Quand un certain nombre d'hommes instruits sera fixe" dans les campa- gnes , ils voudront s'entourer de l'aisance du bon agriculteur, ils feront ameiiorer les voies de communication, ils insinueront quelques-unes de leurs connaissances a leurs voisins et a leurs ouvriers, ils prendront eiiGn de l'influence sur leur entourage. Alors ils seront admis dans les munieipa- lites rurales, qui nesont pas aujourd'hui, dans bien desendroits, composees comme elles devraient l'ctre. Un perfectionuement en amenera un autre, lequel reagissant a son tour en produira d'autres encore , en sorte que les longs baux peuvent etre consideres comme le premier anneau d'une chaine non interrompue d'ameliorations se reproduisant et s'augmentant necessai- rement les unes par les autres. Leur influence sur la population sera done a la fois morale et materielle, individuelle et sociale. Influence sur l'industrie agricole.— Elle peut s'etablir avec une certaine rapidite relative , e'est-a-dire en considerant qu'il faut cinquante ans en general pour qu'une nouvelle meHhode de culture ou l'emploi d'un nouvel instrument soient passes en usage general dans une contree. 11 est certain qu'avecun bail deneuf ans, tels que sont les plus ordinaires aujour- d'hui, nul ne voudra faire, pour ameiiorer, des depenses dans lesquelles il n'aurait pas le temps de rentrer. Kul homme qui comprendra sa valeur n'ira pour si peu de temps se consacrer a l'agriculture , eutreprendre des 450 CONGRES SCIENTIFiQUE DE PRANCE. travaux importants, cteplacer ses capitaux et sa personne; car il n'y a aucun betieTice suffisant a esp^rer de la culture du sol dans un temps si court, etcelui qui risqueraitune telle entreprise pourrait encore quelquefois se trouver a la merci d'un proprie'taire aussi cupide qu'ignorant. Le commerce et l'industrie manufacturiere re'petent frdquemment leurs operations, ils les multiplient tous les jours, leurs calculs ordinaires ne s'6"tendent que jusqu'a trois mois, les plus importantes affaires s'achevent dans une campagne avant la fin d'une anne*e. Au contraire, les plus courtes operations agricoles ne peiivent etre terminCes qu'au bout d'un an au moins, laplupart embrassentlacourte rotation de trois ans; et, pour peu que Ton veuille sortir de l'orniere , il faut cinq ou six anne"es avant de connaitre le rdsultat d'une entreprise qui souvent coute autant de peine pour la con- ception que de sacrifices pour l'execution, etqui a contre ellenon-seulement les chances humaines, comme dans le commerce et l'industrie, mais encore les chances des saisons, que nul ne peut pre>oir, que rien ne peut maitriser. Mais tout change avec un long bail. Le fermier adopte sa ferme pour patrie; il a des enfants et 11 les deve dans l'id^e de lui succe'der un jour. Son habitation , ses terres , il les considere done comme sa propriele' he>£- ditaire parce que les clauses de son bail lui garantissent la se'curitC et, pour ainsi dire, la perpetuity de sa jouissance. II ameliore parce qu'il a le temps de retirer le capital avec l'intCrfit de ses avances , parce que s'il augmente la valeur du fonds, cette plus-value sera constateepar de bons inventaires et qu'il en partagera le be'ne'fice avec le proprie'taire, parce qu'en outre ses enfants ont l'espoir de pouvoir en profiter apres lui. Alors rien ne lui coute; ses interns sont a couvert. II fait des prairies, eleve du be'tail, fume les terres, purge le sol des pierres qui l'encombrent , des plantes parasites qui l'epuisent; il assainit le sous-sol pour assurer ses re^coltes , il irrigue les pr£s, il de7riche les terrains vagues. Enfiu, pendant que le gou- vernement et les associations profitent des longs baux pour fonder des in- stitnts , des fermes-e^coles ou des colonies agricoles de toutes sortes , le fermier se sert des avantages que lui pr&sente la longueur de son bail pour faire de son exploitation une veritable ferme-modele , et tout a fait modele, e'est-a-dire que ses voisins pourront imiter, car il emploiera des moyens a leur ported ; il leur montrera la ra^thode de produire plus et a meilleur marche , il excitera la concurrence sans la redouter. Et tandis que les lar- miers fourniront ainsi de l'ouvrage et du pain a un personnel de plus en plus nombreux, ils conduiront en meme temps sur le marchd une plus grande masse de denrees a des prix qui iront tous les jours en diminuant jusqu'a la derniere limite du possible. De la rdsultera l'ameiioration de la nourriture des classes pauvres des villes ou des contre'es voisines, lesquelles produisent de leur cOte* des objets differents qui seront ainsi ^change's pour le plus grand avantage de tous. Les enfants du fermier, heureux dessucces de leur pere, s'attacheront a QUlNZlfcME SESSION. 4§4 l'agriculture,ne penseront pas a l'abandonner pour suivre d'autres carrieres, et viendront a leur tour suivre les ameliorations commencees et les aug- menter encore. La richesse g£n£rale en profitera pendant que les revenus des proprietaires prendront de l'accroissement et que la fortune privee du fermier se fondera sur des bases solides. Les succes Oidents, obtenus avec e*conomie par un bomme vraiment agriculteur, fixeront l'attention des petits cultivateurs Toisins; ils le comprendront, i!s l'imiteront. Ainsi l'agrieul- ture, raisonnge chez le grand fermier assure" d'une longue jouissance, fera pen&rer peu a peu chez le petit cultivateur l'agriculture raisonnable et par suite profitable. La sScurite" de la jouissance prolonged du sol entrainera doncasa suite, comme consequence n^cessaire, I'am&ioration de l'industrie agricole. Influence sur Immigration de l'industrie manufacturiere dans les cam- pagnes. — Apres un certain temps, les fermiers a longs baux auront aug- ments et generalise" ^instruction et l'aisance , leurs terres se seront consi- de>ablement bonifiees. Parties dela culture pastorale peut-etre elles auront traverse" la pe>iode c6"re"ale et fourragere, et pourront entin entrer dans la penode commerciale. Leurs minces produits ne pouvaient d'abord etre profitables qu'au betail en pature; mais ce be"tail a produit du fumier et du travail qui bien employes ont procure" d'abondants et riches fourrages, des grains qui ont donne" de l'argent sans e"puiser la fe"condite" du sol. L'ame"- lioration a constamment marche" dans une proportion croissante; elle est enfin arrived au point oil Ton peut confier a la terre des re"coltes Spui- santes,mais tres-avantageuses, qui ne rapportent, il est vrai, que des e"cus au fermier, sans rendre au sol sous forme de mate"riaux a engrais ce qu'elles lui ont enleve" pour leur nourriture. Mais le fermier a raisonne" sa culture, il connait Penorme fecoudite aecumulee dans le sol depuis plu- sieurs ann^es; c'etait un capital eudormi, il va maintenaut lui faire pro- duire de gros interets. Cependant il ne l'e"puisera pas, il l'entretiendra au contraire en travaillant, dans les amines suivantes, a Sparer les breches que ses rSeoltes epuisantes auront faites a ce capital en terre, en sorte que le capital lui-meme se retrouvera toujours complet et immobilise" dans le sol produisant des revenus a tres-forts inte>ets, jusqu'a ce qu'enfin le fermier regie avec le proprielaire, pour etre a sa sortie convenablement indemnise" de ses premiers sacrifices. Cette indemnity est bien le"gtimement due, car si un champ rapporte deux hectolitres de fromenl au lieu d'un, cela est grandement preTe>able a deux champs produisant chacun un hectolitre et exigeant par suite le double de depenses pour donner le m&me produit brut. L'amelioration de sa terre doit done etre prefere" par le proprietaire a l'acquisition d'une nouvelle ferme. D'aftleurs la population, toujours croissante, de la France, oblige a deiricher to us les jours de nouveiles terres parmi celles qui peuvent produire, bientot toutes seront soumises a une cultuie quelconque : de la resultera nScessaivement une grande augmen- 452 CONGAS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. tation du prix des terres arables, ainsi que cela a lieu dans les Villes po- puleuses, pour la valeur des terrains a batir. Enfin il faudra arriver, par l'amelioration du sol, a produire, pour l'alimentation des populations, le raerae effet qui existe pour les logements dans les villes. Quand on ne pourra plus trouver de nouveaux terrains a defricher, il faudra faire pro- duire davantage a la terre cultive'e. L'architecte, pour placer plus d'hommes dans un espace de terrain donne, entasse les stages les uns sur les autres. Ainsi l'agriculteur pour npurrir plus de monde sera force de faire multi- plier sa semence tous les jours de plus en plus dans le sol qu'il cultive. Le proprie'taire et le fermier trouvent done tous les deux leur avantage dans l'amelioration du sol. Mais cette amelioration, arrivee a un certain point, comme nous l'avons indique ci-dessus, va changer la me'thode de culture. La surface destined aux plantes alimentaires peut etre restreinte sans diminuer la quantite de nourriture produite; le sol libre pourra done 6tre consacre" a d'autres cultures. Car le prix des subsistances devant aller toujours en progression d^croissante, tandis que le prix d'achat des ter- rains et leur fermage suivront au contraire la progression croissante, il en resultera que les cereales cesseront d'offrir un prix de vente suffisamment remune>ateur, et qu'on ne pourra faire de benefice dans la culture que sur les re'coltes commerciales ,que la terre ame'lioree est enfin propre a pro- duire avec avantages. Le lin, le chanvre, le colza et mille autres plantes seront cultives dans ce but et satisferont enfin aux besoins toujours crois- sants de l'iiid G st rie. Mais l'industrie elle-meme, qui cherche a diminuer toujours les prix de revient, trouvera alors plus d'economie a travailler dans les campagnes sur le lieu memo de la production. EUe viendra s'y placer naturellement pour cviter les frais de transport des matieres premieres. La, eile trouvera en outre la main d'eeuvre a plus bas prix que dans les villes, car la nourriture et les logements y seront toujours a meilleur marches Cet effet se produira necessairement des que les campagnes seront pr£- parees pour offrir aux industriels profit et agr^ment, et eux-memes, en s'y transportant, viendront encore augmenter les avantages que presente le se- jour des champs- Le revenu et la valeur fonciere des biens ruraux en rece- . vront un nouvel accroissement. Signalons encore que la morality des ou- vriers s'en ressentira aussi favorablement que leur sante, car leurs vices diminueront en m6me temps qu'ils jouiront d'un air plus pur et pourront prendre des habitudes moins sedeutaires. lis ne seront plus alors un sujet de trouble et de crainte pour la society, ils fourniront au contraire a l'Etat une nouvelle p^piniere de vigoureux deTenseurs. Cependant toutes les industries de luxe resteront dans les villes, seule place qui leur convienne, mais les industries plus communes et plus neces- saires serout toutes etablies a la campagne. La seulement, pourront ex ister les filatures de soie, de lin, de chanvre, de laine, de coton, les fabriques QU1NZIEME SESSION. 455 de vin, d'eau-de-vie, de sucre, les huileries, les feculeries et tant d'autres. Cependant , que les villes ne redoutent pas cette desertion apparente. Elles n'y perdront rien, car cette nouvelle et nombreuse population rurale, voyant grandir ses ressources et son aisance, augmentera ses jouissances et se portera en foule vers la ville pour s'y procurer des objets qui ne sont quu'tiles ou agrCableset dont par consequent on se prive aujourd'hui. Les marchands verront augmenter leurs pratiques, le commerce multipliera tous les jours les transactions, les voyages seront plus frequents parce qu'ils deviendront plus faciles et plus n^cessaires. Mais arrfitons-nous; car on pourrait nous accuser bientot depeindre un monde imaginaire , un Eldorado impossible sur.notre terre de travail et de souff ranee. Et cependant nous nous sommes laisse" conduire par notre sujet, nous n'avons suivi aucun systeme, nous avons 6te entraine" de con- sequence en consequence. Nous allons done nous resumer. L'agriculture seule est la base des society, le commerce et l'industrie n'en sont que les consequences n^cessaires , indispensables. Mais l'exces du commerce et de l'industrie entraine les socie'tes vers leur ruine, en les poussant dans une voie fausse et dangereuse dont l'Angleterre nous olfre aujourd'hui le malheureux exemple. Tout ce qui ameliore l'agriculture influe puissamment sur le booheur des citoyens , sur la prosperity des l^tats , active l'industrie , augmente le commerce. Les baux a long terme sont un des principaux Clements de succes de l'agriculture. Ilsne sont possibles que dans la grande culture; ettandis que le sol morcele' suffit a peine, comme le prouve l'expe'rience , a nourrir, lo- ger et vetir ses nombreux mais pauvres habitants , nous avons vu que la grande culture developpCe par les longs baux produit beaucoup et a bon marche, de maniere a attirer enfin vers elle et en elle les industries qui s'exercent sur les objets les plus necessaires a la vie. Tout pays doit done etre divise en deux parts, suivant ses institutions sociales et sa composition geologique : cantons morceies , pauvres quoique populeux; cantons de grande culture, riches et manufacturiers. Heureuse la nation dont la portion du sol propre a la grande culture pre*sente une surface plus considerable que celle qui doit etre r&erv£e a la petite cul- ture ! Telle est la position de la France. La petite culture sur son sol morcelC augmente indeTmiment la popula- tion , elle ne fournit que le nexessaire et aux hommes seuls qui la pra- tiquent; elle est jalouse de son coin de terre, incapable de comprendre etde pratiquer les ameliorations. Par son ignorance, elle fausse et entrave dans les campagnes la marche des institutions gouvernementales et admi- nistratives ; elle ferait expirer dans l'inaction le commerce et l'industrie ; elle Evince les riches proprietaires , effraye les capitalistes et tue le credit 29 454 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. fonder et agricole; elle lance vers les villes le surcroit de sa population ignorante, affam£e, toujours dangereuse, souvent coupable. La grande culture favorisC'e par les longs haux augmente peu a pen la population agricole dans une proportion sagernent graduee ; elle 1'instruit et l'enriihit, raais elle centuple et ameliore la population industrielle qu'elle pent nourrir et que par consequent elle iinira par attirer et s'incorpo- rer en quelque sorte. Elle donne de l'emploi a tous les prol^taires de tout age, de toute condition, en permettautl'^tablissementdes diffeVentes insti- tutions agricoles pnbliques on particulieres. Elle enrichit le sol en y attirant I'instruction et les capitaux. Elle augmente les forces du com- merce et de I'inrlustrie en leur fournissant les matieres premieres et consommant leurs produits. Elle vient en aide a l'administralion gouverne- mentale, pousse a 1'amelioration de l'etat moral et male>iel du pays, cv6q forcement le credit agricole et peut entin purger la society de ses membres gangrenes. , Tout cela est-cela veVitd ? nous le croyons fermement. Nous conclurous done en disant que le morcellement desterres, avec la petite culture ignorant e, pauvre et jalouse, f st nuisible a la soci^te quand il prend trop d'extension; tandis que la grande culture, developpee par de longs baux, nous procure I'instruction , l'aisance et des institutions grandes et liberales. Elle doit etre encouraged puissamment partout oil il est possible de 1'eMablir. Mais nous n'oublierons pas que rien n'est absolu, qu'en agriculture principalement tout doit etre raisonne" et applique selon les lieux et les hommes. Comprenons bien que, malgre ses inconvenient*, la petite culture doit conserver une place, elle est la soeur de la grande, et du jour oil chacune aura recu la part qui lui revient, du jour oil chacune sera can- tonnee la oil elle doit etre,du jour enfiu oil cessera leur autagonisme , elles profiteront toutes les deux d'un accord qui augmentera la force et la richesse de notre belle patrie. Le memoire de M. de Saint-Marsault, applaudipar l'una- nimite de l'assemblee, quant a la maniere lucide et approfon- diedont la question du programme y est trailee et resolue, donne lieu, quant aux deductions detaillees, aux observa- tions suivantes : M. Huneau demande sur quelles bases, avec quelles con- ditions, et dans quelles proportions le partage des benefices de 1'amelioration et l'indemnite du fcrmier seront etablis? II conteste que l'augmcntation de la population soit en raison de l'augmentation de la production. M. Huneau conteste aussi le chiffre moyen de la produc- QU1NZ1EME SESSION. 458 tion actuelle, fixe par M. de Saint-Marsault, pour la France a dix ou douze hectolitres par hectare. M.Boulardadopte les conclusions deM. de Saint-Marsault, mais il differe d'opinion avec lui, en ce qu'il pense que Ton trouvera toujours des fermiers qui demanderont des baux a long tenne, et ce n'est pas eux par consequent qn'il faut en- courager par des indemnites ou autres avantages , mais les proprietaires qui consentent difficileraenta donner de longs baux. II pense que la petite culture ne doit pas inspirer moins d'interet que la grande; car la premiere, par ses constants efforts, a deja pris les devants, tandis que la grande culture est restee en arriere. M. de Saint-Marsault refute victorieusenient les objections qui lui sont presentees. M. Auguslin developpe des considerations conformes a celles de M.de Saint-Marsault , et arrive aux memes conclu- sions. A la suite de cette discussion le voeu suivant est emis : Le Congres penetre de l'importance des baux a long terme el de leur influence favorable surla population, sur l'indus- trie agricole et sur Immigration necessaire de certaines in- dustries dans les villes , est d'avis que le Congres emette le voeu : que le gouvernement encourage la population et les fermiers a passer des baux a long terme par tous les moyens en sonpouvoir, notamment: l°En diminuant sensiblement les droits d'enregistrement sur les baux a ferme et les determinant dans une proportion discroissante en raison de la longueur des baux jusqu'a 20 ans , terme auquel et au-dela duquel un droit fixe ad valorem serait percu; 2° En enjoignant aux administrateurs des proprietes ru- rales de la couronne, de l'Etat et des etablissements publics de prendre toutes les mesures necessaires pour parvenir a louer ces proprietes a termes aussi longs que possible, en prenant toutcfois vingt annees comme la limite la plus con- venablc, dans les circonstances admises. 456 C0NGRJSS SCIENTIFIQUE DE PRANCE. Sur la dix-huitieme question du programme : « La hi sur « I'Echenillage, telle qu'elle existe actuellement, est-elle en har- « monie avec les besoins tie V Agriculture ? > un membre a la parole et lit le discours suivant : Messieurs , Tous les hommes qui ont rMdchi sur le vaste ensemble de la nature reconnaissent que rien n'est inutile et que par cela meme qu'un etre existe, c'est par une lin n^cessairement adapted aux grandes lois d'equilibre qui regissent l'admirable systeme de notre monde. On a reconnu, en partan- de cette grande ve'rite', que plus un etre, animal ou vegetal, tend a se mul- tiplier, plus d'autres etres, destines a contre-balancer l'accroissement du premier, se multiplient ; et c'est encore en partant de ce principe que j'ex- plique les ravages causes par les insectes dans les grandes cultures; parce que, dans ces circonstances, l'homme cherche a rompre ce sage equilibre, il veut dluder les lois de la nature afin de multiplier certaines races qui lui sont utiles (cCreales, vignes, oliviers, colza, etc.), et celle-ci tend con- tinuellement a reprendre ses droits au moyen de ses agents moditicateurs. Toutes les fois que des observations ont 616 bien faites , elles sont ve- nues confirmer ces principes gene>aux ; on a toujours reconnu que, dans tous les lieux oil l'homme accumulait certaines cultures , de nombreux ennemis se montraient bientot, et que leur quantite augmentait en propor- tion directe de l'accroissement de ces cultures. Ainsi Ton sait que les ce're'ales sont attaque'es par le plus grand nombre d'ennemis, et il est facile de reconnaitre que cela est du a l'antiquite" de cette culture, dont le produit a e'te, depuis longtemps, la base de la nour- riture de l'homme civilise\ D'autres veg^taux, non moius utiles et presque aussi anciens dans nos champs, sont aussi sujets a des ravages analogues; mais les faits qui vien- nent le mieux de'montrer la justesse de ces vues, sont les maladies qui attaquent depuis peu, deux cultures rdcemment faites en grand chez nous, je veux parler des pommes de terre et des betteraves. En effet, ces deux especes, tant qu'elles n'ont 6t6 planters sur notre sol qu'en proportions minimes, sont demeurees intactes, et donnaient des produits assures ; mais des que l'homme s'est vu oblige^ d'en accumuler de grandes masses dans certaines localit^s, la nature a repris ses droits ; des ennemis jusque alors inconnus se sont montres, se sont promptement mul- tipliers, et ces'deux cultures, jusqu'a present si regnlierement fructueuses, sont actuellement aussi sujettes a manquer ou du moins a etre compro- mises, que celles des vegetaux plus anciennement iutroduits chez nous. * QUINZIEME SESSION. 457 Mais en m6me temps que ces causes de destruction se manifestent, les memes lois qui les ont produites, viennent les contre-balancer. Ainsi, dans les lieux ou il y a une grande quantite d'insectes, on voit leurs ennemis se multiplier en proportion directe. II semble que la nature craigne de voir le modeVateur de la multiplication des vegdtaux depasser le but qui lui est assignC ; elle ne veut pas qu'il detruise, elle veut avant tout conserver. Aussi voit-on, quand on etudie un insecte nuisible , par exemple , qu'il est lui-meme maintenu dans de justes limites, au point de vue general de la nature, par des ennemis qui deviennent d'autant plus nombreux que la race du premier tend a s'accroitre outre mesure, et qui, alors, ne tardent pas eux-memes a etre attaque.s par d'autres ennemis destines a etre les moderateurs de leurs ravages, afin que toutes choses restent dans de justes limites. Ces observations s'appliquent aux autres aniraaux , aux mammiferes, oiseaux, reptiles, etc; car ils ont Cte cre'es dans les memes vues d'harmo- nie. Ainsi les mammiferes herbivores auraient bientdt depouilie la terre de ses veg^taux et seraient par consequent morts de faim, si d'autres ra- ces, les carnassiers, n'etaient pas la pour dCtruire beaucoup d'individus des premiers, et empeeher ainsi leur trop grande multiplication. Les oiseaux insectivores et granivores seraient trop nombreux s'ils n'etaient pas en partie detruits par les oiseaux rapaces et par d'autres ennemis. Si les oiseaux nocturnes ne se nourrissaient pas de crapauds, grenouilles, etc. qui dCvorent un grand nombre d'insectes pendant la nuit, ces reptiles se multipliant trop po urraient detruire des races entieres d'insectes et seraient detruits eux-meme par le manque de nourriture. Dans les grandes reunions d'hommes, ces lois naturelles sont continuel- lement viole's. Nous devons lutter contre les tendances qui veulent etablir une juste repartition des etres, car nous avons besoin d'en multiplier quel- ques-uns outre mesure afin de nous nourrir, de nous vetir, de conslruire nos habitations, etc. ; .nous devons done, pour soutenir cette lutte si ine*- gale, commencer par connaltre tous les details de ee vaste ensemble de rouages cache's et mysterieux, dont les effets sont si uniformes, et qui arrivent a un si grand et si miraculeux resultat, la conservation des es- peces par la destruction des individus. L'histoire naturelle, cette science si vaste, si mal appreViee par quel- ques hommes futiles qui placent fort au-dessus d'elle ces jeux de l'esprit, ces ingenieux mensonges, si el£gamment Merits, et ces arrangements de mots et de pens£es admirables, mais inutiles, qui font le sujet de la litt<$- rature et de la po£sie, l'histoire naturelle telle que nous la comprenons, cette science si utile, qui a deja tant donne al'homme et lui promet en- core plus, comme on peut le voir pat les breves considerations qui prece- dent, doit 6tre etudiee, surtout dans ses vues d'utilite generale. Toutes ses branches sont liees entre elles et dependent les unes des autres ; mais leur 438 congres scientifique de France. ensemble est si vaste qu'il est impossible a un seul homme d'en embrasser et d'en connaitre les details. D'un autre cdte, il est bien reconnu aujour- d'hui que les plus utiles applications de cette science ne peuvent Stre trou- vees qu'a la suite d'Ctudes tres-detailiees de ses diverses branches, et surtout de la connaissance approfondie des etres vegetaux et animaux, connaissances qui ne peuvent s'acque'rir que par des observations niinu- tieuses, longues et difficiles. Aussi les hommes animCs du desir de parve- nir a cette connaissance, se sont-ils trouves dans la ne"cessite de borner leurs recherches, afin d'avoir le temps de les pousser assez avaut pour qu'elles prennent un veritable caractere d'utilite, pour qu'elle ne reste pas a l'e'tat de ge'neralite's, toujours fort utiles aux vues d'ensemble, toujours si curieuses, mais encore infecondes sous le point de vue pratique. Lazoologie, ou l'histoire naturelle des animaux, me'rite toute l'atten- tion des agriculteurs, car elle est appele'e a leur rendre de grands services, en leur apprenant a connaitre l'organisation et les moeurs des animaux , ainsi que le rdle qu'ils jouent dans la nature. Ces connaissances; quand elles n'auraient pour but que d'expliquer les causes des phinomenes dont nous sommes journellement temoins , seraient deja dignes de notre atten- tion, en donnant a l'agriculture un caractere positif et scientifique, en la debarrassant des liens des pre'jug^s et de la routine, et par consequent en lui ouvrant une large voie de progres. Mais les considerations qui prece- dent montrent que l'homme des champs peut retirer des avantages plus r^els et plus immediats de l'histoire naturelle des animaux. En effet, la connaissance des details de l'organisation et des moeurs de ceux qui lui sont utiles luiapprendra a les placer dans les meilleures conditions pour leur multiplication, le perfrctionnement de leurs races et du produit qu'elles doi vent lui donner Celle des especes nnisibles le mettra a m6me de chercher de bonnes pratiques pour s'en debarrasser, ce qu'il ne par- viendra a faire avec quelques chances de s-ucces , qu'en leur opposant leurs ennemis naturels, quand il sera parvenu a les connaitre, ou en cherchant dans retude de leurs moeurs quelle est l'epoque de leur vie oil ils sont le plus accessibles a ces attaques. Si-ces verites avaient ete connues k l'epoque ou les legislateurs ont ela- bore la loi sur l'echenillage, si ces hommes, d'ailleurs bien intentionnes, avaient connu les plus simples elements de la zoologie , s'ils avaient seu- leraent consulte le plus mince amateur d'insectes, ils n'auraient pas fait une loi imparfaite comme Test celle qui nous regit encore ; ils auraient su qu'une telle mesure legislative devait s'appuyer sur des bases scientifiques; ils auraient appris que la chenille du Bombyx chrysorrhcea , en vue de laquelle toute la loi a ete faite, n'est pasJa seule qui nuise aux vegetaux cultives ; qu'a d'autres epoques, des especes non moins nuisibles se develop- pent et ne sont point atteintes par la loi, parce qu'elles font leurs ravages apres le 15 mars , epoque ou elle n'a plus d'action. lis auraient su encore QUINHEMfi SESSION. 4S9 que les papillons ou lepidopteres ne sont pas les seuls insectes qui, sous leur premier etat, celui de larves, vers ou chenilles, sont nuisibles a l'agri- culture, et qu'une foule d'autres larves ou vers, conslituant le premier etat d'insectes de divers ordres ne causent pas des domraages moins conside- rables aux arbres fruitriers et forestiers, aux reeoltes de ce>dales, de colza, de betteraves, de tabac, d'oliviers , ainsi qu'a rios vignes, a nos jardins po- tagers, etc. Aujourd'hui que l'ou commence a mieux connaitre les insectes, cet agent si puissant de la nature, on sait qu'ils nous portent bien plus de prejudice que les plus grands animaux. Les dommages qu'ils causent, a dit M. Goureau , sont annuels et a peu pres constants , ils sont comme un impot regulier preieve sur nos richesses agricoles et industrielles , dont nous nous apercevons a peine, tant nous sommes habitues a le payer. Ce n'est que de temps a autre qu'une espece pernicieuse se multiplie outre mesnre et se fait remarquer par des degats extraordinaires. Alors l'atteution est e'veille'e, la clameur publique avertit l'autorite locale et le gouvernement ; mais cet avertissement arrive trop tard, le mal est fait. Comme nous l'avons dit, les legislateurs, quand ils ont fait la loi sur l'e"chei tillage, ne regardaient comme nuisible que cette espece de Bombyx chrysorrhcea, dont les chenilles sont re'uniee en famille, sous unetente ou dans une bourse de soie qui renferme toute une ponte, et passent ainsi l'hiver sur les branches des arbres et des bnissons. Comme ces chenilles ne quittent cet abri que vers la fin de mars pour se repandre sur les rameaux qui commencent a ponsser, et pour devorer leurs jeunes fenilles, on comprend I'imporfance qu'il y a de les attaquer avant cette e'poque, quand elles sont encore dans leurs tentes ou bourses soyeuses , et lorsque les arbres ou bnissons qui les portent n'ont pas encore commence' a venter. Si I'agriculture n'etait compromise que par cette espece, il n'y a pas de doute que la loi n'eut suffi ; mais il n'en est pas ainsi ; et Ton a vu plus haut qu'une foule de chenilles, d'autres larves d'insectes causent des dommages considerables a toutes les epoqnes de l'annee, suivant les con- trees et la temperature. Cependant, ces larves bien plus devastatrices que les chenilles du Bombyx chrysorrhtm, eale , applicable a tous les insectes et non pas seulemeut a la chenille d'un seul papillon, applicable aussi sous tous les climats de notre pays et qui ne devra plus porter ce nom restreint de loi sur I'eche- nillage a moins qu'on ne consente a considerer comme echenillage toutes les operations qui ont pour objet la destruction des insectes nuisibles, qu'ils soient a l'e'tat de larves (vulgairement vers, chenilles, etc.), de nym- phes ou d'insectes parfaits. Tous lesorateurss'accordentadire que laloisurrechenil- lage est defectueuse, en ce que fixant une seule epoque pour l'echenillage elle n'atteint qu'une espece de chenilles et encore n'est-ce pas la plus nuisible : a la suite d'une courte discussion , la section est d'avis que le Congres emette ce voeu : 4° Que la loi sur l'echenillage ne fixe aucune epoque pour la destruction des chenilles, qui doivent etre attaquees sui- vant leurs moeurs aux diverses epoques de l'annee ; 2° Que les communes aient a faire executer Pechenillage par des hommes payes, et travaillant d'apres les principes emis par M. Chasseriau de Rochefort, dont les travail x se- raient publies a cet effet aux frais du gouvernement. La sdance est levee a onze heures et demie du matin. Stance du lO se}>teml>re< Presidence de M. de Buzonnieres, M. Chaleil, secretaire. La seance est ouverte a neuf heures du matin. Le bureau est occupe par M. de Buzonnieres, president, QUINZIEME SESSION. 46 1 MM. Jullien, de Paris, Angelier, Saint-Marsault, vice-presi- dents, et M. Chaleil, secretaire dela section. Avant l'appel de la question a l'ordre du jour, et apres la lecture du proces-verbal de la derniere seance qui est adopte, M. de Buzonnieres propose d'emettre le voeu qu'a l'avenir, les proces-verbaux des seances soient liis et arretes dans chaque section, avant d'etre lus en seance generale, pour laquelle il serait fait de ces proces-verbaux une analyse aussi succincte que possible. La proposition de M.de Buzonnieres est accepteea Tuna- nimite. Modification au r eg lenient du Congres. La section d'Agriculture considerant : 4° Que l'usage, actuellement existant , de lire en seance generale les proces-verbaux avant qu'ils aient ete adoptes par les sections, a le grave inconvenient de pouvoir donner une grande publicite a des erreurs qui ne seront rectifiees qu'a buit-clos; 2° Que, si d'un cote, la lecture des proces-verbaux rediges avec Fextension qu'on leur a donnee jusqu'a present, a le grave inconvenient de prendre une partie considerable des seances publiques, d'un autre cote il est a desirer, dans 1'interet du compte-rendu irnprime des travaux du Congres, que ces memes proces-verbaux reproduisent tous les actes du Congres, Est d'avis : De ne donner aucune publicite aux operations des sec- tions avant que celles-ci aient adopte les proces-verbaux qui les relatent et de ne lire en seance publique qu'un resume des proces-verbaux. L'ordre du jour appelle la discussion sur la 49e question du programme ainsi posee: < Quel role joue le se/(chlorure « de sodium) ajoutea laration dans ledeveloppemcnt du betaill » M. Augustin lit sur cette question le memoire suivant : Messieurs , La seule impression produite par le sel sur la langue suffit pour avertir 1(3 cultivateur de Taction que cette substance doit exerccr sur les organes 462 CONGRES fiCflSNTIFJQtJE ©E FRANCE. internes de ses bestiaux. Ces organes, comme ceux de Thomme, sont composes de tissus ; essayons de nous rendre compte de Taction du set sur ces tissus. Le chlore et le sodium, elements constitutifs du sel, tendent sans cesse a se combiner avec les tissus vivants, des qu'ils sont mis en contact avec eux ; les tissus se refusent a cette tendance ; ils provoquent chez les or- ganes une resistance manifested par des efforts pour se soustraire a cette combinaison : ces efforts, ce sont les effets physiologiques sollicite's dans les organes par les elements chimiques du sel. L'action du sel sur les organes des animaux est d'abord locale, puis elle se propage par coutiguite de tissus, de proche en proche, et s'6tend a la masse du sang en provoquant des sympathies. Le sel est e'minernment soluble; cette propriety etend Taction du sel par contiguite'd'organes ; elle lui permet de passer sans obstacle dans le torrent de la circulation. Les molecules du sel portdes par voie d'absorption dans la masse du sang, penetrent avec lui dans toutes les parties du corps, et vont impressionner ainsi directement tous les organes , en y determinant une se'rie de phe"nomeues dont il importe d'examiner les plus frappants. Le premier de ces phe'nomenes, c'est comme on vient de le voir, la rubCfaction de la membrane muqueuse de la liouche, et la provocation de la se'cre'tion salivaire. L'action du sel est exactement la m6me sur la membrane muqueuse qui tapisse Testomac ; elle y determine une legere congestion sanguine qui reveille Tactivite' de Tappareil digestif, et accelere la conversion des aliments en chyme. C'est ainsi que le sel rend la diges- tion plus prompte, et le retour de la faim plus rapproche\ Un proverbe populaire dit avec beaucoup de bon sens : On ne vit pas de ce qu'on mange, mais de ce qu'on dig&re. II me semble tellement necessaire de meltre les cultivateurs a, meme de bien appre"cier les services que pent rendre a Tagriculture le sel associe' aux aliments des animaux herbivores, que je vais tocher de completer les notions pre'cCdentes par un apercu des nombreuses et importantes relations de Tappareil digestif. Le canal digestif, premier sie'ge de toute elaborafion nntrifive. conslitue le centre de Teconomie animale ; ses legions derangent toutes les fonctions; ses douleurs retentissent dans tout Torganisme ; par lui, les sens sont ac- tifs, le cerveau est tenu eveille, les muscles sont mis en jeu, les membres agissent. - L'estomac et Tintestin grele sont les parties du canal digestif dont I'in- fluence est la plus puissante sur les autres organes ; au-dessus de Testomac et au-dessous de la valve, le tube alimentaire rentre pour ainsi dire sous la loi commune, et ne pr^sente aucun caractere tres-saillant, relativement aux sympathies dont il est la source. Ces rapides considerations physiolo- quinzieme session. giques nous semblent d^montrer suffisamment la necessity de conserver dans son etat normal l'appareil digestif des animaux. De Taveu unanime des hommes corape'tents, tout animal herbivore qui report une ration de sel conforme a sa nature et a sa constitution, s'appro- prie, dans un temps donne', une plus forte somme de substance assimi- lable que celui qui ne recoit point de sel ; par Taction du sel, une moindre proportion des principes utiles des aliments echappe a Taction des organes digestifs, et se perd dans les dejections. L'action du sel n'est point limited a Testomac, suivons-la dans le duo- denum qui participe a la stimulation de cet organe. L'excitation de la sur- face interne du duodenum se communique rapidement au foie et au pan- cteas dont Taction se'cre'toire ne tarde point a etre augmented. Alors, la bile, unie au liquide pancre'atique, est versde dans Tintestin et les mole- cules du sel sont absorbers en meme temps que le chyle , ce liquide d'ap- parence laiteuse, qui renferme les elements de la nutrition. - L*accroissement de richesse du liquide vivifiant resultant de Tinfluence du sel sur la rapidite" de la digestion, ne tarde point a reagir sur les con- tractions du C03ur. La frequence et Tetevation du poulssuivent ce surcrolt d'activile" des mouvements du cceur; la respiration s'accelere; la chaleur animale , consequence de The*matose , est sensiblement augmente'e ; les vaisseaux capillaires se gorgent d'une plus grande quantite de fluide san- guin ; ce fluide circule avec un redoublement de vitesse : enfin la nutrition, ce re\sum6 des fonctions de la vie animale, se fait mieux et plus vite : tous cela rdsulfe de Temploi du sel dans Talimentation. Ce n'est pas tout ; la force muscnlaire s'accroiti l'oeil devient plus brillant, plus anim£; Tani- malest plusgai, son bien-6tre s'annonce par des mouvements plus prompts et plus faciles; toutes les secretions sont plus abondantes, tontes les fonc- tions, y compris celles de l'appareil genital, en eprouvent un redoublement d'activite ; tels sont les phenomenes les plus saillants que provoque chez les animaux le sel administr£ avec m&hode et intelligence. Les causes les plus frequentes et les plus graves chez les animaux sont des affections du tube digestif ayant pour cause, soit le defaut de nourriture suffisaute, soit la trop grande uniformity d'alimentation. Chez Thomme, Tusage exclusif et prolong^ des memes aliments entralue le ddgout et la maladie; il en est de meme chez les herbivores dans l'etat de domesticity. Quand on donne habitnellement du sel au b&ail, soit tous les jours, soit pe>iodiquement a des e^poques r^gulieres, il vaut mieux le meler aux ali- ments crus, fermentds ou cuits, que de le lui presenter a part. II y a aussi profit pour la ferme : le bewail ne laisse rien perd re des aliments qu'on lui pre\sente sale's, tandis qu'on saita quelles pertes on est exposed par le gas- pillage des fourrages que les animaux dispersent des qn'ils ne sont plus de leurgout, ou qu'ils se trouvent rassasife. Ce gaspillage n'a jamais lieu 464 congres scientifique de France. pour les fourrages melds de sel, et offerts au b&ail en quantity propor- tionnee a ses besoins. Si, apres avoir ddmontrd les avantages du sel, je n'arrivais qu'a des ge- nerality qui vous laisseraient a re'soudre, sans base fixe, les difficulty de detail, mon but serait manque". Les cultivateurs qui se livrent a l'engraissement des veaux pour l'appro- visionnement des villes, dans les pays oil, comme en Angleterre, en Alle- magne et dans le pays de Bade, le sel est a peu pres libre d'impot, font en quelque sorte un secret de leur methode ; chacun modifie la sienne selon ses ressources ou les rtfsultats de ses propres observations, et les faits con- signed a cet dgard dans les livres jettent peu de lumiere sur la question. En France, l'impdt du sel a 6t6 jusqu'a present tellement ondreux, que les auteurs les plus accredited osaient a peine en recommander l'emploi, M. Boussinganlt, dans son Economie rurale, ne mentionne pas le sel dans la ration des animanx domestiques, sacliant trop que cette substance e^tait, lorsqu'il emvait son excellent livre sur l'dconomie rurale, placed bors de la ported des eleveurs et engraisseurs de bewail. Deux moyens g^ndraux devaluation s'offrent tout d'abord ; ils ont pour base le rapport du poids du sel au poids de 1'animal , et le rapport du meme poids a celui de sa ration. Ces bases ont en elles-memes toute l'Clas- ticite" desirable, puisqifelles varient selon l'Age et les conditions dcono- miques de chaque race. II ne reste done qu'a adopter un point de depart. II m'a semblg qu'il pouvait etre pris dans la pratique habituelle des e"le- veurs du Palatinat, pays ou le sel ne revient au cultivateur qu'au prix mi- nime de 8 centimes G/10 le kilogramme. L'elat avance" de l'agriculture alle- mande, l'instruction gendralement repandue parmi les cultivateurs de cette partie de l'Allemagne, et leurs succes constants dans l'eleve du bewail, donnent un grand poids a leurs exemples. II me suffira de faire observer que Meveur du Palatinat, payant le loyer des terres aussi cher qu'en France, trouve cependant encore du profit a y venir vendre son bewail, malgr£ un droit de douanes de 35 francs par tete : on peut done le regar- der comme sachant tres-bien son metier, et il y a peu de danger de spa- rer en marchant sur ses traces , et pour mon compte je m'en suis toujours tres-bien trouve". Les Eleveurs du Palatinat donnent a leurs bceufs 150 grammes de sel par jour dans la ration d'entretien , et 300 grammes pour la ration d'en- graissement. En adrnettant 300 kilogrammes pour le poids moyen des bfiRufs en bon dtat, avant qu'ils soient mis a la ration d'engraissement, on voit que la proportion est d'un demi-gramme par kilogramme dans le pre- mier cas, et d'un gramme dans le second. Cette donnSe tres-simple, et d'une application tres-facile, indique, pour un veau d'eMeve pesant 30 kilos, 15 grammes de sel comme ration jourualiere, et pour un veau a l'engrais, du meme poids, 30 grammes. La ration de sel pour ces derniers doit aug- QUINZ1EME SESSION. 465 menter comme lenr poids , de semaine en semaine. Cet accroissement est d'autant plus rationnel que, plus l'animal devient gros, plus son appeMit s'e'raousse, plus il est ne"cessaire d'exciter par l'emploi du sel sa faira et l'activite de ses organes digestifs. En Suisse, bien que le sel coute vingt-deux centimes le kilo, les dleveurs aisds ontadopte" lameme ration de sel que dans le Palatinat, oil il ne coute que huit centimes 6/10. En Angleterre, dans les exploitations agricoles les mieux dingoes, les ra- tions de sel pour l'espece bovine sont re'gle'es comme il suit : Veau de six mois, 28 grammes. * Eleved'un an fbceuf ou genisse), 85 Boeuf a l'engrais, 170 Vachealait, 114 Ges chrffres sont seulement des moyennes, Etablies par la commission des membres de la chambre des deputes, qui fut charge'e de traiter la question du de'greveraent du sel pour l'agriculture ; on voit qu'ils s'eloignent peu du rapport de la dose du sel avec le poids des animaux, rappoit qui nous semble la base d'apprdciation la plus simple et la plus rationnelle. Si Ton prend pour base le rapport de la dose du sel au poids total de la ration journaliere, on trouve des r&ultats peu diffeVents. La ration" d'un bojuf a Pengrais, nourri d'aliments cuits, est dans le Palatinat de vingt kilos environ, comprenant : Pommes de terre cuites, 10 kilos. Keguin hachC, , 6 Fariues de teves, 1 Son, 1 Tourteaux de colza, 2 20 kilos. Tous les aliments cuits et melanges , forment une patde qu'on arrose d'une eau sale"e avec 300 grammes de sel. La proportion est, en poids, de 15 grammes de sel par kilos de nourriture. Le poids total de la ration ali- mentaire , evalue en son equivalent de foin sec, varie dans des proportions constantes avec le poids variable de l'animal, selon son degre de croissance et d'engraissement. Le dosage du sel peut done etre etabli sur cette base sans grande difficulty si Ton veut recourir aux excellentes tables des Equi- valents nutritifs des fourrages dressees par Boussingault (Economic rurale, tome ii, page 438 et suivantes). Aiusi dans ma conviction, fondCe sur la pratique des eleveurs qui fabri- quent la meilleure viande avec Je plus d'economie, il faut pour les veaux d'e"Ieve, les jeunes boeufs, les boeufs de travail et les vaches laitieres, un demi gramme de sel par kilos de leur poids pour ration journaliere d'eutretien et le double pour les animaux a l'engrais. .466 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. D'apres cette base, un fermier qui engraisserait tous les ans 20 boeufs et autant de veaux, et qui entretiendrait 30 vaches laitieres, emploierait : Pour les boeufs en six mois 600 kilog. Pour les boeufs en six semaines d'engraissement 24 Pour les vaches laitieres toute l'annde 1 ,640 Total 2,264 kilog. au prix actuel c'est une defense facile a calculer. Cette defense serait tres-productive, puisqu'il est vrai, comme on le dit vulgairement en Allemagne, que 10 kilog. de sel font 100 kilog. de viande et de graisse, la ration d'aliments restant la meme, fait fondC sur l'observation , exempt d'exagdration , deTaut qui n'est pas , comme on sait, celui du caractere germauique. Ce produit ne fut-il que de la moitie", un kilog. de sel ne dut-il donner que 5 kilog. de viande en graisse de surplus a C'galite' de consommation , le fermier, dans l'exemple alldgue' ci-dessns, produirait encore par le sel 11,320 kilog. de viande de plus avec la m6me quantity de fourrage, et cette quantity de viande qu'il peut vendre en moyenne cette anne'e 1 fr. le kilog' ne lui couterait que le prix du sel ; c'est I'argument le plus puissant en faveur de 1'emploi du sel pour l'alimentation du beHail. La dose du sel peut et doit varier selon les temps et les lieux ; on peut Paugmenter sans danger dans les anne"es humides* au grand avantage du b&ail. Les boeufs de travail, dont la fatigue et l'exercice tiennent naturelle- ment l'appgtit eveille' , ont besoin d'une moindre ration de sel que les boeufs d'eleves et les boeufs a l'engrais qui restent en repos. Les vaches laitieres ont besoin d'un peu plus de sel quand elles nourrissent ; une partie du sel passe dans le lait, et protite au jeune veau pendant l'allaitement. Le be'tail maigre qui tete moins recevra moins de sel ; la maigreur sup- pose le plus sonvent un £tat dispose a l'inflamation. Le be'tail gras ou sur le chemin de l'ob^site' suppose le besoin d'excitants et une moindre dispo- sition aux affections inflammatoires. Enfin des fourrages x rentes dans un e'tat imparfait de siccite , sont con- serve's en les saupoudrant de sel, coucbe par couche, a mesure que Ton en construit les tas dans les granges ou les meules en plein air. Le sel Mte l'engraissement , convient a tous les animaux , ct les preserve de bien des maladies , fait b^neTicier de 1'interSt de l'argent et profiter de l'e'conomie de nourriture, en abregeant le temps de l'elevage : et pour tout cultiva- tes, !e temps c'est de l'argent. M. Chariot etablit que des le xvie siecle le sel etait employe dans lalimentation des animaux, et qu'on en faisait meme une condition dans les baux a ferine. On est loin d'etre d'accord sur les effets produits par le QUINZIEME SESSION. 467 sel , quant aux differcnts phenomenes de la nutrition ; mais il est un point sur lequel tout le monde est d'accord: c'est la salutaire influence du sel sur la sante des animaux, pour lesquels on en fait usage. L'aspersion d'eau impregnee de sel, sur les fourrages, surtout sur ceux qui sont avaries, produit un trcs-bon effet. Plusieurs membres prennent part a la discussion; il y a difference d'avis sur quelqucs details; mais pour le fait prin- cipal, c'est-a-dire l'avantage de l'emploi du sel dans de sages proportions , les opinions sont unanimes. Par suite de cette discussion, la section demande que le Congres, considerant quele sel, ajoute a la ration des bes- tiaux, agit a la fois sur les aliments, pour en ameliorer la quantite, et sur les organes des animaux, pour augmen- ter leur puissance d'assimilation; les proprieteshygieniques du sel etant egalement reconnues, emettelevceu: que la loi presentee aux chambres, pour le degrevement del'impot du sel soit adoptee et publiee le plus tot possible. Sur la 15e question du programme: « Quels sont les moyens i de combattre les ravages de la cuscute sur les prairies artifi- « cielles? » M, Bussienne assure que, d'apres les nombreuses experiences qu'il en a faites lui-meme, l'arrosement avec de l'eau dans laquelle on fait dissoudre line petite quantite de sel remplit parfaitement ce but. M. le president remer- cieM. Bussienne de cette utile communication. Sur la 22e question du programme ainsi concue : « Indi- « querune substance a"unprix peueleve, quipuisse remplacer, < dans V operation du tannage des cuirs, Vecorcedeche'ne qui,dans « Ve'tat Gctuel des choses , menace de devenir insufjUsante pour la « fabrication , M. Chariot lit le memoire suivant : Messieurs, Le tannage est une operation par laquelle on combine le tannin a la gelatine de la peau pour rendre celle-ci insoluble et inalterable. L'e"corce du chene particulierement eontient le tannin en assez grande abon- 468 CONGRES SCIENTIFIQtfE DE FRANCE. dance (1). Nous nous sommes demands : A-t-on cherche a user de toutes les ressources que nous offre le ch6ne, et n'y a-t-il pas d'autres veg^taux dont on pourrait substituer I'ecorce a celle de cet arbre ? Nous rappellerons que l'analyse chimique a prouve que plus I'ecorce de chene est vieille et plus elle contient de tannin; cependant Pusage a pr^valu pour n'employer que les e"corces des taillis de vingt a vingt-cinq ans. Ilnoussemble que c'est une faute , une erreur, de ne pas utiliser les forces de nos vieuxchenes, en les ecorcant sur pied a Pantonine une annee avant de les abattre , ainsi que l'a propose" Buff on. De cette ma- niere, on transformerait l'aubieren bois parfait, et Ton aurait pour la tanne- rie un produit fort riche qui est perdu , et un bois de meilleur quality , puisque le chene, par l'excortication sur pied, devient beaucoup plus dur. Je ne crois pas non plus qu'on ait fait des experiences sur la quantity de tannin que donne I'ecorce du m6me arbre , enlevee a diffe>entes epo- ques de l'annee. On n'a pas observe" en France quelle est l'espece de chene qui est la plus avantageuse sous le rapport de la quality du tan , on ne connait encore que le- chene tauzin qui ait quelque supe>iorit6 sur les autres. Les Americains savent fort bien choisir les meilleures especes. Nous pensons que les chenes qui sont venus dans des terrains sees et arides donnent une bien meilleure ecorce pour le tannage que ceux des terrains marecageux. 11 y a environ cent ans que l'abbd Joubert conseilla aux botanistes de rechercher d'autres plantes convenables a remplacer I'ecorce du chSne dont la rarete" et le haut prix effrayait d£ja cet ami des arts. Son constil est rest6 dans l'oubli; je ne sache pas que les botanistes y aient r^pondu. Sans avoir cette pretention , nous signalerons quelques plantes dont l'u- sage pourrait etre adopts pour le tannage. C'est particulierement parmi les families des rosacdes et des amentace'es, comme £tant les plus riches en tannin dans toutes leurs parties , que nous conseillons aux tanneurs de s'adresser. Cependant on peut signaler, hors ces deux families, la Ustorte et le sumac des corroyeurs ; mais elles ne sont pas assez repandues en France pour esp^rer de longtemps etre em- ployees fructueusement. Parmi les rosac^es , nousciterons l'espece de prunier tyineux , dont I'ecorce est propre au tannage, dans le genre spirea, la filipendule et Yulmaire sont riches en tannin ; dans le genre potentille , il y a la tor- mcntille, dont les Lapons font usage sous le double rapport de teindre et tanner leurs peaux. Dans les amentacees , nous remarquons I'ecorce du bouleau , que les (i) J'ai neglige & dessein le regne mineral, qui n'a encore (ItonSaueun agent certain etecono- mique au tanneur pour remplacer I'ecorce du ch6ne, voulant conserver a l'agriculture un pro- duit fort util« aux deux industries. QUINZIEME SESSION. 469 Lapons employent avec le sel marin pour tanner les peaux du rene. Enfin l'dcorce d'aune qui contient une assez grande quantity de tannin et qui a 6t6 deja essayed pour tanner et teindre les peaux en rouge. Toutes les plantes que nous venous de citer croissent et prosperent dans toute la France et dans une grande partie de l'Europej elles m£- ritent d'etre experimenters et sont susceptibles d'etre cultive'es en grand , surtout les deux dernieres qui ve^getent vigoureusement, demaniere qu'au bout de sept a huit ans on pout avoir de fort belles ecorces. En terminant , nous rappellerons que toutes les parties du chene con- tiennent du tannin et qu'elles peuvent etre employees. Ainsi nous ne dou- tons pas que les feuilles du chene re'colte'es en aout , seche'es et requites en poudre, ne forment un tres-bon tan fort e"conomique. Nous pensons qu'il serait convenable de faire tous les divers essais, et experiences que nous venOns de signaler, pour pouvoir suppleer a l'dcorce du chene en attendant que la science trouve un agent ou un moyen plus economique et plus exp^ditif que l'ancienne mCthode. La rarete des ecorces de chene se faisait deja sentir, il y a cent ans , et l'abbe Joubert conseilla a cette epoque aux botanistes de recherclier d'autres plantes convenables pour la remplacer; mais les botanistes ne suivirent paslesconseils de l'abbe Joubert , et Ton s'en tint aux ecorces de chene. M. Chariot indiquc quelques espeees de la faraille des rosacees et des amantacees comme pouvant fournir du tan- nin, mais ces espeees ne sont pascultivees en France, en assez grande quantile, pour qu'on puisse en tirer un parti considerable en ce moment, mais il serait facile de les multiplier... M. Porcher discute et combat quelques-unes des assertions de M. Chariot; il pense qu'on pourrait ecorcer utilement, debout et un an d'avancc, les chenes qu'on veut abattre; mais il soutient que l'ecorce des vieux chenes est inerte , et ne contient pas de tannin, et que les feuilles n'en contien- nent que tres-peu. M. Herpin estime que °/io des chenes abattus ne sont point ecorces faute de procedes connus pour operer l'excor- tication a une autre epoque qu'a celle ou Ton excortise ordinairement. M. Huneau de la Pelterie dit que le marc de cafe con- tient du tannin , et vu la prodigieuse consonimation qui a 30 470 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. lieu, on pourrait, selon lui, tirer un grand secours de ccttc matiere pour le tannage des cuirs ! M. de Beaumont propose qu'il soit fait des experiences sur le pin maritime: les arbres re'sineux etant soumis, en Suisse, a Fexeortication pour en retirer du tannin. La discussion etant epuisee , M. le president propose de la rcsumer dans les termes suivants : La section pensant que la quantite de clienes annuelle- ment cxploites devrait etre suffisante au tannage des cuirs , mais que Ton ne retire pas de ces chenes toute la quantite de tannin qu'ils pourraient donner, par les obstacles ct les dif- ficultes que presente dans l'etat actuel des choses l'excorti- cation, est d'avis que le Congres emette le vceu : que des experiences soient provoquees , tant pour deeouvrir un pro- cede plus applicable, en differentes saisons, sans porter prejudice aux forets, que pour reconnaitre si d'autres arbres que le cliene ne contiennent pas du tannin. La seance se tcrmine par la lecture d'un memoire de MM. Guerin Menneville et Eugene Robert, intitule : Recher- ches sur la Muscardine, faites a la magnanerie de Sainte- Lulle (i). Messieurs, Los grands avantages de I'industrie de la soie pour la France sont gene- ralement reconnus. Quelle large place ne doit point occuper, en effet, dans un pays comme le node, une Industrie qui donne chaque annee en- viron cent einquante millions aux producteurs de la maiiere premiere et ime somme presqr.e double a I'intlustrie proprement dite, par les ouvrai- sons successives qu'elle necessite avaut d'etre convertie en ces tissus prc- cietLx qui tiennent le premier rang sur les principaux marches du monde. IS'est-cc pas en grande partie a l'iudustrie sdricicole que lescontrees ou elle s'exeree en grand doivent, pendant la ddsastreuse annee qui vientdes'ecou- ler, de n'avoir pas vu les emeutes et les troubles qui out afflige' et qui ont memo ensanglante tant de lecaiitcs de l'interieur du royaume? C'est done (1) M. Guerin-Meaneville tsl l'aulgur de riiUerteSaai memoire' Bur l'eclienillage , lu dans la seance du 9 seplembrc* QU1NZIEME SESSION. 471 avec raison qu'on peut considerer cette industrie comme une des meilleures garanties du bien-6tre , et , par consequent de la tranquillity publique dans les contrees oil elle peut prosperer. Les progres de l'industrie se'ricicole , pendant les quinze dernieres an- nees qui viennent de s'ecouler , et son introduction dans un grand nom- bre de departements du centre et m£me du nord de la France , sont done un fait d'une haute porlCe Cconomique. Le gouvernement a ete naturelle- ment un des premiers a le comprendre; il a accorde sa protection eclairee a ce mouvement agricole et industriel tout a la fois, par la creation de l'institut modele des bergeries , et par le grand nombre de recherches et de missions scientifiques qu'il a ordonne'es. Beaucoup d'hommes distin- gues dont le nom est connu de tous les se'riciculteurs instruits, se sont associe's a cette ceuvre de bien public , les tins en errant la societe seri- cicole de France, oil viennent s'exposer les theories et se centraliser les observations de tous les praliciens, les autres en les discutant dans la preuve , d'autres enfin en surveillant les applications pratiques sur tou3 les points de notre territoire ou elles out ete jugees possibles et oil les progres de cette belle industrie, de"jk si avantageux, sont encore si riches d'avenir. Cependant a cdte de cette esperance si legitime de voir bientot la soie obtenir le veritable privilege d'etre tout a la fois destinee aux usages du luxe et aux usages populaires,et de voir la France devenir, par sa position, qu'aucune autre contre*e du globe ne saurait lui contester, son principal pays de production et de fabrication , se prCsente un obstacle seneux que les plus habiles n'ont pu jusqu'ici considerer sans effroi. Un fieau redou- table , une maladie contagieuse qui tend a s'introduire dans toutes les educations de vers a soie dans les pays oil cet utile insecte commence a etre cultive" en grand , qui suit pas a pas les developpements de cette cul- ture et qui fmit par y acquerir une terrible intensity , a mesure que les educations deviennent populaires , semble vouloir devenir la demonstra- tion la plus evidente de cette grande loi de la nature qui veut : que lors- qu'un 6tre vegetal ou animal est protege dans sa multiplication par l'agriculture et acquiert ainsi un developpement anormal, d'autres etres destines a limiter cet accroissement numerique ne tardent pas a l'attaquer, afin qu'il ne pui3se jamais dominer et rompre le juste equilibre quigaran- tit l'existence perpetuelle de toutes les especes. On comprend assez que nous voulons parler de la muscardine, de cette affreuse maladie qui menace incessamment les progres de l'industrie seri- cicole, et qui, dans les conditions meme les plus favorables, comme l'a dit l'un de nous* est toujours une sorte d'ep^e de Pamocle3 suspendue 472 CONGRES SCIENTIFIQUE BE FRANCE. sur la tete des magnaniers. La muscardine se presente tantot de la ma- nure la plus insidieuse dans les educations de vers a soie, tantdt de la ma- niere la plus rapide et la plus violente. Quelquefois Education est ddcimde seulcment, souvent elle est completement aneantie au moment oil la mon- tce du ver va rdcompenser les soins et la laborieuse vigilance de l'^duca- tcur. Dans certains cas, le ver a soie monte a la bruyere, acbeve son ceu- vre, mais le fleau l'alteint immediatement, il pent rapidement et se des- scche dans sa coque de telle maniere que l'educateur est prive de la raoitie du prodnit qu'il aurait du attendre du poids du ver en sante, d'autres fois le ver, etc'est le cas le plus faebeux encore, ne termine pas son travail, il pcrit a l'ocuvre, et soncadavre, encore humide, s'atlache a la coque que la vegetation muscardinique envahit bientot, en d&ruisant ou en alterant d'une maniere terrible son tissu. Quelle est done la nature de cetle strange maladie, dont on ne reconnait pour ainsi dire l'existence dans l'atelier que par les coups qu'elle vient de frapper? Quelles sont les causes occasionnelles de ce fl£au veritable qui, jusqu'a ce jour, a fait le desespoir des magnaniers les plus babiles qui out eu a lutter s^rieusement conlre lui ? Tel est le probleme difficile a re"soudre, tel est le sujet sur lequel la hcute sollicitude de M. le ministre de l'Agriculture, et la bienveillante pro- tection des hommes eclaires et pleins de zele qui lc secondent si bien dans toutes les ccuvres de bien public, ont appele" nos recberches toutes sp£- ciales, afin de jeter, s'ilest possible, quelque lumi&re sur une question en- core si obscure. Pleins de reconnaissance pour cette marque de confiance qui nous tio- nore, nous avons entrepris l'ceuvre avec courage, sans nous dissimuler un seul instant son immense difficulte. La magnanerie de sainte Lulle, placCe au centre de la riche vallee de la Durance, qui a etc" jusqu'ici Fun des points du Midi de la France les plus maltraites par le fleau, devait natu- rellement devenir le centre de nos operations et le laboratoire de nos tra- vaux. Cette funeste maladie dont la nature a ete a peu pros demontree par les belles de'eouvertes du docteur Boni de Lodi et de Victor Audoin, se rat- tacbe a toutes les questions de maladies epidemiques et contagieuses, si fre'qiientes dans le regne animal, et meme cbez l'bomme, et tout a la fois a celles que pr&entent les maladies qui se rencontrent dans le regne vege- tal. Les experiences les plus variees et les plus dedicates sont necessaires pour arriver a une connaissauce sufiisante des causes principales qui l'oc- casionnent. Des expenences, faites d'abord dans le silence du laboratoire, QU1NZ1EME SESSION. 475 peuvent mettre sur la \oie, mais elles doivent etre ^videmment rdpet&s sur une 6chelle suffisante pour obtenir la confiance des praticiens. Elles doivent devenir pour ainsi dire publiques, et etre faites sous les yeux de ces populations sericicoles qui tirent leur principale ressource de cette brillante industrie, et dont le fleau corapromel chaque anne'e les nioyens d'existence. Nous nous somraes livrds pendant les trois mois qui viennent de s'dcou- ler aux recherches les plus laborieuses, en nous aidant de tous les travaux de nos pre'de'cesseur^, ainsi que du puissant microscope mis liberalemeut a notre disposition par M. le ministre de l'agriculture et du commerce. Nous nous sommes livre's a une veritable enquete en mettant a contribu- tion les indications et les observations des praticiens les plus experimented dont nous ne saurions trop reconnaitre ici le zele et la bienveillance. Les renseignements que nous avons recueillis autour de nous de la part de ceux qui venaient assister journellement a nos experiences, nous ont e"te de la plus grande utilitd. Enfin l'oeuvre est commenced; un premier rapport, qui sera incessamment adresse par nous a M. le ministre de 1' Agriculture, fera connaltre les de- tails des travaux qui ont 6te faits dans cette premiere campagne. Pour de'fe'rer aux de'sirs qui nous sont exprime's journellement par un grandnombre d'amateurs de vers a soie; pour r£pondre d'unemaniere plus prompte aux lettres qui nous ont etc" adresse'es, nous avons pensd qu'il serai t convenable de donner quelque publicity au re'sume' des principaux resultats qui nous paraissent indique's par nos premiers travaux. Ces re'sultats, comme on le pense bien, ne peuvent pas encore avoir le degrd de certitude que nous espe"rons pouvoir leur faire acquerir par la suite; aussi ne les presentons-nous que sous une forme dubitative, et comme de simples probabilites. Nous nous estimerons heureux s'ils peu- vent engager encore un plus grand nombre de praticiens, a la connaissance desquels ils seront ported, a nous faire part de leurs observations prop res a faciliter grandement ces recherches faites dans un but d'utilite' commune. L'oeuvre est assez difficile pour que le concours de tous les intdresses soit pour ainsi dire indispensable. C'est avec bonheur que nous contribuerons de tous nos efforts a faire connaitre au public des observations, et sou vent des travaux tres-impor- tants, malheureusement trop ignores. Voici done le resume" aussi succinct que possible des conclusions aux- quelles nos travaux sur la muscardine semblent nous avoir cenduils d&ns cette premiere campagne : 474 CONGRES SC1ENTIFIQUE DE FRANCE. lo La muscardine est une maladie contagieuse produite chez le ver a soie et chez d'autres insectes par la vegetation d'un cryptogame du groupe des moisissures, d^couvert par Boni, et nomme' Botrytis Boniana ; 2o Cette plante ne peut se de'velopper que dans le corps des vers ou des insectes vivants tres-sains jet tres-vigoureux. Elle se pro-page par ses graines ou sporules, qui sont depose'es sur d'autres vers qu d'autres in^ sectes par le contact imraediat ou par l'air; 3o Quand ces graines tombent sur un ver a soie , elles sont probable- ment absorbees par les pores de sa peau, ou par les organes de la respira- tion et penetrant ainsi dans son corps. La germination ou incubation de ces graines est d'autant plus rapide que les vers a soie sont dans un age plus avance. Ainsi par exemple, six a huit jours ont suffi dans le cin- quierae age pour amener la mort des vers infectCs artificiellement ; 40 Dans les cas les plus ordinaires, vingt a vingt-quatre heures apres sa mort, le ver preud une teinte rose'e plus ou moins intense et devient de plus en plus dur. Ce n'est que vingt a vingt-quatre heure3 plus tard encore, suivant la temperature, qu'il commence a blanchir legerement par la sortie des premiers rameaux du cryptogame; 5o A partir de cette epoque, les rameaux du cryptogame croissent rapi- dement et rendent le ver de plils en plus blanc. La plante fleurit si Ton peut s'exprimer ainsi, et vers la centieme heure elle est en pleine fructifi- cation. Les graines se de'tachent au moindre toucher, au moindre souffle. Alors seulement le ver blanchit les doigts comme le ferait de la craie; 60 Ces graines ou sporules sont d'une telle petitesse, qu'il faut le diame- tre de cinq d'entr'elles pour occuper un centieme de millimetre ; elles sont sphe'riques et d'un blanc de neige, et s'enlevent dans l'air comme une poussiere impalpable ou mieux comme une fumde legere a peine visible. 7o Les vers sur lesquels on a souffle la semence muscardinique ne pr£- sentent aucun signe de la maladie ; ils mangent avec la meme avidite, et meurent subitement sans s'etre amaigris ni decolores ; il en est de meme quand on les inocule avec cette semence; 80 Si on inocule a un ver du quatrieme ou du cinquieme age un peu de graine d'un ver mort rauscardinC, mais qui ne pr6"sente encore au dehors aucune vege'tation blanche, le ver meurt beaucoup plus rapidement (dans 1'une de nos experiences la mort a eu lieu au bout de cleux jours) ; il y a en effet dans ce cas une veritable plantation de bouture ; 90 Des vers atteints d'autres maladies (arpions, flots, luzettes, jaunes ou gras) ne meurent pas muscardins quand on a projetd sur eux la se- mence muscardinique. lis semblent impropres a la v^g^tation et quand ils QUINZJ&ME SESSION, 475 succombent a lew maladie, i!s restent mouset tombent bientot en putre^ faction; 10o II semble resulter de Fobservation precedente que la muscardine, comme on l'a cru jusqu'ici, n'est pas due a la mauvaise tenue des ateliers, on a une trop grande accumulation de Ters. Cette maladie n'a par conse- quent aucune analogie avec les typbus et les autres maladies contagieuses ou epidemiques dont la cause est si peu connue jusqu'a ce jour, a moins toutefois que cette cause ne soit aussi dans la presence d'etres parasites , comme l'a soupconne' il y a deja longtemps 1'immortel Linne"; 11° Quant aux circonstances epidemiques auxquelles on rattacbe si complaisammeiit toutes les epidemies quelconques, elles ne jouent pas d'autre rdle dans la production de la muscardine que celui qu'elles rem- plissent ordinairement dans les maladies analogues. On ne saurait done les donner serieusement comme une explication speciale ; 12o Des vers morts de la muscardine ne communiquent pas la maladie a d'autres vers, quand le vegetal qui les couvre et qui les a r?ndus euliere- ment blancs n'est encore qu'en berbe (50 a 55 beures apres la mort du ver); quand ce vegetal commence a porter des graines mures (70 a 140 beures apres la mort), il communique la maladie avec une tres-grande Anergic ; 13o II arrive souvent que des vers morts de la muscardine et converts d'un vegetal encore en herbe sont desseches brusquement. Alors le botn tis ne peut murir et aonner la graine, le ver reste sec, dur et blanc, mais il ne blancbit pas les doigts; il ne peut communiquer la maladie ; 14o II est tres-probable que la graine de la muscardine est surtout con- servee dans les ateliers infectes , meme dans ceux qui sont le mieux te- nus, par les vers qui meurent apres la montee sur les bruyeres. Au deco- connage quand on enleve les cocons, les individus qui ont blanchi, dont la graine a eu le temps d'ar river a maturite et qui etaient restes accrocbes sur les bruyeres repandent des nuages de poussiere ou sporules qui conser- vent le principe du mal pour les annees suivantes ; 15o On peut attribuer a une cause analogue 1'infection de villages , de contrees entieres. Comme chacun jette ses bruyeres par la fenetre de l'ate. lier, balaye la cbambre infectee de muscardine et en fait sortir la poussiere, il est certain que les nombreuses graines du cryptogame sont emportdes par les vents, et transmettent la maladie a degrandes distances; 16o L'humidite dans les magnancries augmente les cbances d'infection, en favorisant la floraison, et surtout la fructification des botrytis ; 17o Quand on porte des vers eieves dans un lieu sain jusqu'a leur ci'n* 476 CONGRES SCIENT1FIQUE DE FRANCE, quieme age au milieu d'une magnanerie infecle>, ces vers commencent a presenter des cas de muscardine au boutde sept a huit jours; 18« Si Ton extrait des vers d'une magnanerie infecie'e pour les trans- porter dans une magnanerie qui n'a jamais eu de muscardine, cette maladie ne s'arrete pas, mais la mortality continue sans toutefois augmenter. Nous nous arretons la, quoique nous eussions une foule d'autres obser- vations a consigner, qui rendraient cette note trop longue. Nous termine- rons en disant qu'il requite de ces premiers travaux des faits qui ten- draient a dEranger quelques idees recues jusqu'ici sur la muscardine. Ainsi Ton croyait que les vers maladifs, mat venus, rabougris et qui avaient souffert d"un manque de soin quelconque Etaient ceux que la muscardine atteignait dans les Educations. On pensait que leurs bumeurs alte>£es dans leur composition cbimique donnaient lieu a la creation spontanea du cryptogame, ou meme d'une substance calcaire qui n'Etaient ainsi que con- sEcutifs a une maladie antErieure. Nos observations, au contraire, nous por- tent a croire que le cryptogame est la cause premiere de la mort des vers. ■ Nous pensons que la muscardine pourrait bien ne pas etre spontanea, qu'elle n'est pas produite seulement par le deTaut de soins dans les Edu- cations; qu'elle n'est pas donnee aux vers par les moisissures des litieres, par l'accumulation des vers, par le manque d'air dans les magnaneries, etc. Elle est au contraire semee sur les vers a soie dans les pays ou la culture de cet insecte est pratiquEe en grand, comme d'autres maladies qui se montrent dans des contrEes ou elles n'Etaient pas connues, lorsque certains vEgetaux y sont cultivEs dans des proportions contraires au voeu de la na- ture primitive. Nous ne prEtendons pourtant pas dire que le de7aut de soins hygieniques, de propretE et d'aeration dans les magnaneries soient des choses indiffErentes, mais nous pensons que ces mauvaises pratiques, tout en donnant aux vers a soie plusieurs autres maladies tres-desastreu- ses, n'ont aucune influence sur l'invasion de la muscardine, ou que si elles en ont une quelconque , c'est tout simplement d'augmenter les ravages en conseryant dans l'atelier des individus morts qui ne tardent pas a donner des semences nouvelles susceptiblesd'infecter des vers qui avaient EchappE jusqu'a ce moment aux atteintes de l'epidemie. II reste sans doute beau- coup a faire pour arriver au but auquel nous tendons, celui de trouver le moyen de preserver nos ateliers de ce fleau ; nous n'esperons guere pou- voir y arriver qu'apres une foule d'autres recberches, non mo ins peuibles que les premieres. Cette annEe a deja EtE feconde en r&ultats prdpara- toires. Les journaux et les notes que nous avons tenus cbacun de notre cOtE, des observations scientifiques et industrielles faites pendant trois QUINZIEME SESSION, 477 mois, accompagn&s d'un grand nombre de dessins et dont nousavonsextrait le present resume, sont le r^sultat des minutieuses et longues eludes fai- tes pour la plupart a l'aide du microscope. Nous avons prepare" pour l'ave- nir un grand nombre d'expe>iences indispensables, et tendant a nous faire trouver les moyens pr&ervatifs d'une application possible, ou a faire appr^cier exactement la valeur de ceux qui ont e^te" proposes; car il serait illusoire de chercher des moyens curatifs pour des animaux si petits, chez lesquels la maladie est incurable du moment que sa presence peut etre re- connue. Piusieurs experiences dans le laboratoire semblent nous avoir mis sur la voie de certaines substances qui pourront produire l'effet desire", mais nos essais ont 6t6 faits, comme on le concoit bien, jusqu'ici sur una echelle trop restreinte pour qu'il soit conyenable de les signaler actuelle- ment. La seance est levee a onze heures du matin. Seance du 1 1 septembre. Presidencc de M, de Buzonnieres, M. Chaleil, secretaire. La seance est ouverte a neuf heures du matin; le bureau est compose de M. de Buzonnieres president , MM. de St- Marsault, baron Angellier, et Jullien de Paris, vice-presi- dents; M. Chaleil , secretaire. Le proces-verbal de la derniere seance est lu et adopte. Sur la *25me question du programme : Comparer les progrts de Vindustrie de la chaux , dans le departement d'lndre-et- Loire et les departements voisins; traiter des moyens les plus economises de production, M. Rolland lit, au nom de son frere, ingenicur civil, le memoire suivant : 478 CONGRgS SCIENTIF1QUE DE FRANCE. Messieurs, Ma residence, depuis dix anne"es, au centre du departement de Maine-el- Loire, comme directeur de l'un des principaux Ctablissements houillcrs du bassin de l'ouest de la France, m'ayant mis en relation de tous les instants avec les nombreux et importants 6tablissements de chaufournerie que cette contre'e renferme ; m'ayant mis a meme, encore, de me rendre compte des bienfaits apporte's a l'agricuiture par 1'emploi de la chaux comme amendement des terres ; Je crois pouvoir rendre quelques services a notre belle Touraine, a mon pays natal, en donnant ici une description abrCge'e de l'industrie houillere et de l'industrie de la chaux dans le departement de Maine-et-Loire, et en accompagnant le travail d'une analyse des effets principaux produits par l'emploi de la chaux en agriculture dans ce riche departement. Mon travail sera done divise" en trois parlies : La premiere partie, contenant une description abre'ge'e du terrain anthra- cifere de l'ouest de la France, parlera des principals exploitations qu'il renferme, de l'importance et de la quality des produits que ces exploita- tions livrent a l'industrie. La deuxieme partie, contenant une description du terrain calcaire qui alimente les fours a chaux du departement de Maine-et-Loire, Ctablira une comparaison entre la fabrication de la chaux dans ce departement et celui d'Indre-et-Loire. La troisieme partie, abordant la question d'agriculture, parlera de l'a- mendement des terres par la chaux et des differents effets produits par cet amep-dement. PREMIERE PARTIE. Description abre'ge'e du terrain anthracifere de Vouest de la France; Le terrain anthracifere de la France forme une z6ne reposant a strati- fication concordante sur le terrain silurien, et reconnue sur une longueur de plus de 170 kilometres, s'Ctendant du sud-est au nord-ouest, depuis DouC, dans le departement de Maine-et-Loire, jusqu'a Nort, dans le de"- partement de la Loire-InfeJieure. L'inclinaison gdndrale de ce terrain est du nord au sud ; Tangle le plus -ordinaire, forme* avec l'horizontale, est de 45 a 50°; quelquefois les cou- ches affectent une position verticale, d'autres fois elles affectent une posi- tion horizontale et portent le nom de plateuses. QUINZIEME SESSION. 479 Ce terrain dprouve dans toute sa longueur de nombreuses variations de puissance. Quelquefois re'duit a une centaine'de metres de largeur, il s'ou- vre et donne lieu a un ddveloppement de plus de 3000 metres. C'est sur la concession de Layon-et-Loire que le plus grand de'veloppement a 6t6 con- state; car a la Haie-Longue la largeur maximum de la zone atteint 3700 metres. Consider dans son ensemble, ce terraiu se compose de poudingues, d'une grande varied de gres, de schistes, de rognons de fer carbonate" des houilleres et de couches de combustible. Une roche tres-remarquable dont plusieurs bancs se rencontrent dans la zdne anthracifere et dont l'un atteint une puissance de plus de 70 metres, est un gres feldspathique, connu sous le nom de pierre carree, a cause de la propriety qu'elle possede de se casser en fragments rhomboidaux. Cette roche particuliere qui, ellc-meme, a forme des poudingues auxquels j'ai donne" le nom de poudingues a ciment de pierre carree, a excite vive» ment i'attention des ge"ologues. Les uns la regardaient comme une roche eruptive, les autres comme une roche de sediment. Ces derniers e"taient dans le vrai, car sa stratification est concordante avec les autres roches du terrain, elle recouvre et contient dans son inteneur des couches de combustible, et renferrae de nombreu- ses empreintes de troncs de palmiers (1). Analyse faite par M. Declerclc, inge'nieur des mines, sunme'chantiHon de pierre carre'e de la mine de Laijon-et- Loire. Silice. 0,776 Alumine colorize par de 1'oxide de fer. 0,175 Chaux. 0,002 Eau. 0,008 Potasse. 0,019 En re'sume, ce terrain, par sa composition, a la plus grande analogie avec un terrain houiller, mais il en differepar son Age et sa position. En effet, le de"p6t d'abord fait horizontalement a 616 releve", et plisse\ de meme que le terrain silurien, par les roches Iruptives de la Vendue, et par les porphyres qui, en certains points, ont traverse" le terrain silurien, sur le- quel repose le terrain anthracifere, tandis que le terrain houiller n'a jamais 616 releve" ainsi. 11 existe, en outre, quelques differences entre les fossiles du groupe anthracifere et ceux du terrain houiller. (1) Od peut voir au Musee de Tours un fragment de tronc de palmier dans la piorre carree. Letronede palmier accompagne une collection geologique du terrain authracifere de la con- cession de Layon-et-Loirc. Cette collection, que j'ai adressee il y a plusieurs annee3 au Musee de Tours, donne une idee du terrain aulhracifere de l'ouest de la France. Pour donner plus do notions sur la pierre carree, je denne ci-dessus une analyse de cette roche, 480 congres scientifique de France. Au sud, Ie terrain anthracifere est accompagne', dans presque toute sa longueur, par un banc calcaire dont il est sdpard par des grauwakes schisteuses. Au nord, sur une grande longueur, des amandes de calcaire sont inter- caldes entre l'amphibolithe et le terrain anthracifere. Ce sont les roches calcaires qui, comme nous le verrons plus loin, out donne naissance aux nombreux fours a chaux qui bordent au nord et au sud la zone anthra- cifere. Apres avoir ainsi donne une idde ge'nerale de ce terrain, il me reste a parler en peu de mots de l'importance des couches de combustible. Apres des e'tudes geologiques, plusieurs fois re'pete'es sur la concession de Layon-et-Loire, je suis arrivd a diviser le terrain anthracifere en huit systSmes separes les uns des autres, par des gres grossiers ou poudingues, qui accusent bien huit grandes dpoques distinctes du d£p6t. MM. Dufrenoy et £lie de Baumont, dans leur important ouvrage sur la geologie de la France, m'ayant fait l'honneur d'inscrire en son entier une note qu'ils m'avaient demanded sur la constitution du terrain anthracifere, des envi- rons de la Haye-Longue, je crois faire plaisir a mes concitoyens, en joi- gnant a ce travail une copie de la carte geologique envoyee dans le temps a ces messieurs. Cette carte peut mettre a ni6me de connaitre le terrain carbonifere le plus rapproche' de Tours : celui qu'on peut visiter aujourd'hui en faisant un voyage de deux jours seulement ; celui qu'on pourra visiter en un jour, quand le chemin de fer nous permettra de parcourir dans l'espace de trois heures la distance qui separe Angers de Tours. Je crois en outre pouvoir rendre un service important a l'industrie de mon pays, en joignant ici des tableaux d'analyses des houilles des diverses mines du de'partement. Ces tableaux ont e'te' dresse's par les soins de M. Cacarrie", inge'nieur des mines du de'partement de Maine-et-Loire. lis sont extraits de la descrip- tion geologique de ce de'partement, publiee par cet inge'nieur en 1845. QUINZIEME SESSION. 481 E XT R AIT de la description geologique du de'partement de Maine-et- Loire, publiee par M. Cacarrie, inge'nieur des Mines, en 1845. Analyses des houillcs des diverse* mines du department de Maine-et-Loire. Concession de Lay on-et- Loire. 1. 2. 3. 4. 5. 7. 8. Ccndres Charbon. . . Matieres volatiles. . Coke Plond ibndu. . . .. Calories (1). . . . 0,095 0,755 0,150 1,000 0,117 0,703 0,180 1,000 0,097 0,783 0,120 1,000 0,092 0,778 0,130 1,000 0,101 0,739 0-,160 0,092 0,758 0,150 0,103 0,747 0,150 0,114 0,746 0,140 1,000 1,000 0,850 30,10 6923 1,000 0,850 29,40 6762 1,000 0,860 28,50 6555 0,850 29»90 6877 0,820 28*90 6647 0,880 29,30 6739 0,870 29,80 6854 0,840 29,60 6808 N° 1. Petite veine, Goismard, au Puits Sainte-Barbe. 2. Grande veine Goismard , au meme puits. 3 . Veine des Bourgognes nord , aux Puits du Bocage et de la Coulee. 4. Veine des Bourgognes sud , aux memes puits. 5. Veine des Bourgognes nord, galerie du Grand-Godinet. 6. Veines du Puits-du-Chene, filon nord , au Puits Saint- Marc. 8. Veine des Koulis, au Puits des Barres. Concessions de St-Georges-Chatelaison, Montjean et Done. l. 3. 4. 5. Cendres. . . . Charbon. . . . Matieres volatiles. Coke. . . Plomb fondu. Calories (1). 0,117 0,711 0,172 ,000 0,828 28y70 6601 0,114 0,732 0,154 1,000 0,846 28,50 6555 0,148 0,766 0,086 1,000 0,914 25,30 5819 0,170 0,119 0,725 0,721 0,105 0,160 1,000 1,000 0,895 0,840 24,65 28,90 6350 6647 0,080 0,535 0,385 ,000 0,615 28.60 6578 Concession de St-G corges-Cbatelaison. Concession de Montjean. Concession de Doue. N° 1. Puits du Pave. 2. Puits de la Conception. 3. Puits Adele. 4. Anthracite de Saint- Lambert. 5. Veine du Vallon. 6. Puits de Minieres. (1) On appelle' calorie l'unite calorifique determince par rechauflement de 1° d'un poids d'eau egal a celui du combustible brule ; la houille qui contient 6877 calories pourrait clever del degre 6877 fois son poids d'eau. La quantite de plomb reduit par un poids donne de combustible sert a determiner le nombre de calories de ce combustible. 482 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. II rdsulte de ces tableaux que les charbons conteuant le plus de carboue sont ceuxdes veines des Bourgognes nord et sud provenant des puits du Bocage et de la Coulee qui eontiennent 778 et 783 de carbone sur 1,000.' Les huit systemes anthraxiferes ne sont pas tous £galement riches en charbon. Les deux systemes no 1 et no 2 du nord , ou systemes des Essards et du Paty, n'ont jamais donne" lieu a des exploitations importantes. Les deux systemes no 3 et no 4, ou systemes des Noulis et de Belair, pre- sentent plus de richesse. Les systemes no 5 et no 6 , ou systemes de la Barre et Goismard , sont riches. Le systeme n° 7, ou systemes des Bourgognes, est le plus riche de tous. C'est lui qui donne lieu aux exploitations les plus importantes de la con- cession de Layon-et-Loire. C'est ce systeme, comme I'indiquent les ta- bleaux d'analyses, qui contient les meilleurs charbons du pays ; ceux qui pre"sentent toujours le plus d'homogen&te" dans leur ensemble. Le systeme n° 8 a 6t6 peu exploite. Les couches de houille dans ces difterents systemes pre'sentent des va- riations sans nombre. Tantot les couches se montrent avec une grande regularity, tantot elles presentent des renflements considerables auxquels succedent des parties studies qui se prolongent sur une assez grande lon- gueur. Souvent aussi une meme couche pre\sente une varied tres-grande dans la nature de ses charbons. La, c'est de l'anthracite veritable ; plus loin, c'est un combustible entie- rement analognea la houille. Plus loin encore, c'est une houille seche fai- sant le passage entre la houille grasse et l'aulhracite. Cette variete" dans une meme couche indique le rapprochement plus ou moins grand des roches e>uptivcs qui ont redresse' le terrain. Des exploitations que la zone anthracifere contient; de V importance et de la qualite des produits que ces exploitations livrent a I 'Indus- trie. La zone anthracifere que je viens de d^crire a permis de cre*er plus de dix concessions de mines, parmi lesquelles cinq seulement sont en pleine ex- ploitation dans ce moment. Ce sont les concessions de St-Georges-Chatelaison et Beaulieu, de Layon- et-Loire, de Desert, de Montrelais, de Nort ou Languin. La production totale de ces cinq concessions en 1846, a ete" d 'environ 600,000 hect. Et sur ce nombre, la concession de Layon-et-Loire , figure a elle seule pour un chiftre de 300,000 QUINZ1EME SESSION. 485 La concession de Layon-et-Loire est done la plus importanle. Vient en- suite la concession de Desert, qui, tres-voisine de la premiere, contient des produits d'une quality a peu de chose pres semblable, car ils proviennent du prolongement des memes couches. Les charbons de la concession de Layon-et-Loire jouissent surtout d'une grande reputation pour la cuisson de la pierre calcaire. La grande propor- tion de carbone qu'ils contiennent, leur propria de ne pas etre collants, les rend tout a fait speaaux a ce genre d'industrie. Ces charbons conviennent en outre au chauffage des machines a vapeur. Enfin, leur propriete de bruler sans produire pour ainsi dire de fume'e- les rend pr^cieux pour le chauffage domestique. Toutes les industries peuvent done trouver a quelques kilometres au dessous d'Angers, les differents produits dont elles peuvent avoir besoin. Pour terminer cet article relatif a la qualite des charbons du bassin de la basse-Loire je crois devoir donner ici le r^sultat d'une analyse quantita- tive de la houille de Layon-et-Loire, faite par JVI. Wolski , ingenieur civil attache" a l'ad ministration royale des mines : Carbone, 89. 28 Oxigene, 2. 88 Hydrogene, 4. 15 Cendres, 3. 69 100. 00 II ne sera peut-etre pas sans inteVet, maintenant, de de'erire ici d'une maniere sommaire le mode Sexploitation suivi dans les couches de la zone qui vient d'etre decrite. Lorsque les couches presentent une inclinaison reguliere de 45 a 50o, et qu'un puits vertical place" sur l'aval pendage de ses couches, les a ren- eontreies auneprofondeur de 150 a 200 metres on etablita cetteprofondeur, suivant la direction des couches, une voie principale de roulage, qu'on pousse a droite et a gauche du puits, sur une longueur de 2 a 300 metres. Cette voie principale, munie d'un chemin de fer, recoit tous les charbons des stages supe>ieurs. Pour etablir ces stages superieurs, on pratique dans l'intdrieurde la couche, des galeries montantes, suivant l'inclinaison. Ces .gales ies qu'on designe sous le nom de chemindes, £ont ordinairemeut di- visdes en deux compartiments, l'un muni d'echelles pour le passage des ouvriers, l'autre planchele" pour le passage des charbons. Dans ces chemi- nees, et a des niveaux de 20 metres en 20 metres, suivant l'inclinaison des couches, on pratique des galeries intermediaires, egalement garnies deche-, mins de fer. Lorsque 1'exploitation a ete ainsi preparee, on se livre a 1'abattage des charbons compris entre les galeries dont je viens de parler, et les charbons 484 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. trouvent leur dcoulement facile au moyen des chemindes et des chemins dc fer, qui les conduisent directement au puits. Quand les couches, au lieu de presenter une inclinaison re'guliere, devien- nent pour ainsi dire horizontales, comme cela arrive souvent dans les prin- cipales exploitations de Layon-et-Loire, connues sous le nom de puits du Bocage et de la Coule'e , on s'applique alors a contourner les massifs par des galeries autant de niveau que possible et dans lesquelles on place des chemins de fer. Lorsque les massifs ont 6"te" ainsi contourn&s, on lesdCcoupe par piliers et galeries, en ayant soin de remblayer autant que possible les vides ; quand les galeries sont remblaye'es on enleve les piliers. Tels sont les principaux modes d'exploitation suivis dans les mines de l'ouest de la France. Je n'entrerai pas dans de plus grands details, je vou- lais seulement donner une idee generate de l'exploitation. DEUXIEME PARTIE. Description des terrains calcaires qui alimentent les fours a chaux du departement de Maine-et-Loire. Les fours a chaux du departement de Maine-et-Loire, qui s'elevent au nombre d'environ 80, sont alimented par des roches de differentes natures. Tous les fours a chaux, qui longent la zone anthracifere, sont alimente's par le calcaire silurien ou calcaire de transition. Les fours a chaux de Doue et de Brossay, au sud de Saumur, sont ali- mente's par un calcaire hydraulique provenant du terrain jurassique. Les fours a chaux qui se trouvent sur les confins du departement de Maine-et-Loire, au sud, sont alimented par les mollasses coquilliere, con- nues dans ces contre'es sous le nom de Luet. Le plus remarquable de tous ces terrains calcaires, est celui de transi- tion qui alimente a lui seul plus de 50 fours a chaux ; c'est celui qui doit fixer notre attention. On a constate quatre bandes de calcaire longeant le terrain anthracifere dans toute son Vendue ; la plus importante de toutes est celle du sud, qu'on peut suivre sans interruption sensible, sur une longueur de plus de 30 kilometres. En certains points, cette bande pr^sente des renflemenfs considerables; ce calcaire est un veritable marbre d'une tres-grande purete et donnantde ia chaux grasse d'une blancheur (Sclatante. Toute la chaux produite par les 50 fours qui longent cette bande cal- caire est a quelques exceptions pres employee a 1'amendement des terres argileuses, situ^es au sud et au norddela Loire. Un fait tres-remarquable, c'est que les renflements les plus considdra- QUINZIEME SESSION. 485 bles de cette roche calcaire correspondent aux points oil la z6ne anthra- cifere afteiut sa plus grande largeur. 11 semblerait que la nature pre"- voyanlea place" le carbonate de chaux la oil le combustible se trouve en proportions suffisautes pour le transformer en oxide de calcium, et la oil des terres sehisteuses et argileuses reclament surtout l'emploi de la chaux comme un pre'cieux amendement. Comparaison enire les roches calcaires de VAnjou et celles de la Tourainc. Si Ton compare les principaux gisements calcaires de l'Anjou a ceux de la Touraine, on reconnait qu'il y a fort peu d'analogie, car le terrain secondaire u'existe point en Touraine, et il ne commence a paraltre qu'aux environs de Done- et de Brossay, en Maine-et-Loire. Mais si Ton jette un coup d'oeil rapide sur le Me'moire gtologique sur la Touraine, public" en 1836, par le savant professeur M. Felix Dujardin, on voit que la Touraine est plus riche que l'Anjou en roches calcaires pro- pres a la fabrication de la chaux. Eu effet, le terrain jurassique, qui se rencontre en beaucoup de points dans le departement d'Indre-et-Loire , contient de nombreuses roches propres a la fabrication de la chaux. Les terrains crayeux contiennent eux-memes beaucoup d'assises qui conviennent a la fabrication de la chaux. Ainsi, un banc d'une grande im- portance appartenant a la craie siliceuse de la formation ge"ologique des gres verts, et qui existe aux environs de l'lle-Bouchard, pr^sente plusieurs assises dont certaiues conviennent parfaitement a la fabrication de la chaux hydraulique. Les assises supe>ieures donnent de la chaux plus grasse et qui convien- drait tres-bipn a 1'amendement des terres. Ce banc calcaire a donne" lieu a un eMablissement fort important et par- faitement administre. Les propridtaires doivent faire tous leurs efforts pour que l'usage de la chaux se repande dans lepays pour 1'amendement des terres, et ils trouveront la un debouche qui augmentera de beaucoup les chances de prosperity de leur e"tablissement. Enfin, la formation lacustre, qui renferme les terrains d'eau douce assez de"vetoppe"s en Touraine, contient de nombreux bancs de calcaire compacle comme a Notre-Dame-d'Oe" , a Sorigny, a Cormery, a Athene , a Cour- cay, etc., et qui donnent de fort belle chaux grasse, dont l'emploi serait tres-bon pour 1'amendement des terres. Si maintenant on jette un coup d'ceil sur la carte geologique, jointe au memoire de M. Dujardin, on reconnait qu'une grande partie du departe- ment, comprise dans les formations tertiaires, contient des argiles et pou- dingues formant a la surface un ensemble de terrains assez ge"ne"ralement 31 486 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. argileux, auxquels l'emploi de la chaux coiiYiendrait parfaitemeut comme araendement. Fabrication de la chaux en Maine-et-Loire. — Comparaison des fours a chaux dans le departement de Maine-et-Loire avec ceux du de- partement d'Indre-et-Loire. La fabrication de la chaux dans le departement de Maine-et-Loire, de meme que dans les debasements de la Sarthe et de la Mayenne a atteint un grand degre" de perfection. II y a dans le departement de Maine-et-Loire deux categories bien tran- chees de fours a chaux , savoir : les fours a chaux par eau, e'est-a-dire ceux qui livrent leurs produits a des bateaux qui les transported au loin, soit pour constructions, soit pour l'amendement des terres, et les fours a chaux par terre qui livrent leurs produits aux charrettes qui les trans- portent dans l'interieur des terres presque exclusivement pour l'amen- dement. Les fours a chaux de 1'une et l'autre categorie, ceux qui sont destines a cuire les calcaires compactes, ont de tres-grandes dimensions, et e'est m6me a ces dimensions qu'on attribue les benefices, considerables que font les chaufourniers du departement de Maine-et-Loire. Car il est bien constate' que, pour trouver un avantage reel dans la fabrication de la chaux, il faut agir dans de grands fourneaux. Les dimensions interieures le plus generalement admises sont celles-ci : Diametre a la partie superieure, Diametre a la panse, Diametre a la base, Hauteur de la panse au-dessus du sol, Hauteur totale non compris le cendrier, Hauteur du cendrier, 1 50 Ainsi, la hauteur moyenne d'un four a chaux en Anjou est de I3,u 60. Les fours a chaux ordinaires du departement d'Indre-et-Loire ont une hauteur de 5 a 6 metres environ. Cette difference enorme dans les propor- tions doit necessairement avoir une influence considerable sur le rende- ment d'un hectolitre de charbon en hectolitres de chaux. Ln hectolitre de charbon des mines de Layon et Loire produit en gene- ral de 4 a 4 1/2 et meme 6 hectolitres de chaux, et cela avec les calcaires les plus difficiles a cuire. Des charbons de Decise et Bllauzy , essayes dans les memes fours, pro- duisent seulement de 2*/2 a 3 hectolitres de chaux par hectolitre de charbon. Des charbons de Commentry, essayes dans les memes fours a chaux, n'ont jamais pu atteindre le meme rendement que les charbons de Layon et Loire. 2 05 4 50 3 ■ » 8 » n M quinzieme session. 487 La construction d'un four a chaux dans le d^partement de Maine-et- Loire coute de 8 a 10,000 fr., suivant l'lloignement plus ou raoins grand des matenaux. Les .robes se construisent le plus g^neralement en tuffeau; il faut alors les renouveler chaque ann^e, ce qui exige une depense moyenne de 1,000 fr. par fourneau. Les chaufourniers les plus intelligents commehcent a remplacer les robes en tuffeau par des robes en briques re7ractaires. Les fours a chaux du d^partement de Maine-et- Loire sont en feu, en moyenne pendant six mois de l'ann^e. Les 50 fours a chaux alimented par les roches ealcaires du terrain de transition, fabriquent a eux seuls dans une campagne plus d'un million cinq cent mille hectolitres de chaux, et cette quantite* est presque exclusi- vement employee a l'amendement des terres. Les chaufourniers de Maine-et-Loire, au moyen des fours a chaux de grande dimension, et au moyen du charbon provenant de la zone ddcrite plus haut, sont parvenus a fabriquer la chaux a un prix de revient assez bas pour pouvoir la livrer a 1'agriculture au prix de 1 fr. 10 c. l'hectolitre, et malgre" ce prix de vente rdduit, un fourneau compris dans la categorie des fours a eau rapporte a son propridtaire , annde moyenne, de 8 a 10,000 francs, et un fourneau par terre rapporte de 4 a 5,000 fr. Le de"partement d'Indre-et-Loire, d'apres une statistiqueextraite d'un etat des matrices de patentes du 20 mars 1847, contient trente Ctablissements de chaufourniers dont sept a huit seulement consomment de la houille. Parmi ces derniers, le plus important sans contredit est celui de Paviers, pres l'lle-Bouchard, qui a lui seul contient quinze petits fours fabriquant de la chaux hydraulique d'excellente qualite. Viennent ensuite les fours a chaux de Portillon. Quant aux fours a chaux de Notre-Dame-d'Oe", de Sorigny, qui chauffent aussi a la houille, leurs petites dimensions ne leur permettent pas une grande production. Presque tous les fours a chaux dans le ddpartement d'Indre-et-Loire sont alimented au bois, leurs produits serventa la consommation locale pour les constructions. Mais jamais un hectolitre de chaux n'a 6t6 rdpandu dans les terres a titre d'amendement. Jamais encore aucun essai n'a etc fait a cet £gard, quoique cependant dans bien des localites Ton reconnaisse la nCcessitC d'amender les terres, soit avec des marnes, soit avec des debris de roches ayant pour but de rendre plus meubles les terres compactes. La chaux, mieux que tout autre amendement, pouvant atteindre com- pletement le but, je m'estimerai heureux, si, par les details qui vont etre l'objet de la troisieme partie de cette notice, je puis faire comprendre que des essais de ce genre doivent etre tentes sans retard dans le departe- ment d'Indre-et-Loire. 4S8 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. TROISIEME PARTIE. De Vemploi de la chaux en agriculture. — Des differents ef/ets pro- duits par cet amendement. L'emploi de la chaux en agriculture se repand de plus en plus dans les de>artements de Maine-et-Loire, de la Sarthe et de la Mayeune. C'est qu'a vrai dire cet amendemeut, qui ne saurait etre falsifie", produit des effets tellement remarquables, qu'aucun autre ne saurait lui etre substitue\ Ayant cherche' a me rendre compte des effets produits par la chaux employee comme amendement des terres, j'ai reconnu qu'elle produit quatre effets bien distincts, et que tout autre amendement ne saurait atteindre. 1° L'oxide de calcium, en passant a Petal d'hydrate par son melange avec les terres humides, produit dans cette action cliimique un degage- meut de chaleur qui communique aux terres un certain degre" de tempera- ture favorable a la germination. Cette action chimique se produit fort longtemps, car Taction de l'humiditl sur l'oxide de calcium est longue et a lieu dans les parties memes les plus t&iues. 2° En passant a l'6tat d'hydrate, les parcelles d'oxide de calcium augmentent sensihlement de volume , cette action mdcanique agissant sur les terres argileuses et compactes , rCduit ces terres en parcelles tenues plus propres a la germination et a la nutrition des veg^taux. 3° Les cendres des plantes different dan3 leur analyse, suivant la nature du terrain qui a nourri la plante. Ainsi, telle plante croitra mieux sur un terrain calcaire que sur un terrain argileux. Les sentences du froment contiennent du phosphate potasse de chaux dans la proportion de 38 p. %. Les tiges du froment contiennent le meme sel dans la proportion de 11, 75 p. %. La proportion de 38 p. % dans les semences nous dCmontre qu'en favo- risaut par un melange d'oxide de calcium et d'un peu de terreau la for- mation de ce sel de chaux dans la semence, on favorise sa croissance. La chaux de ce c6te produit done un effet tres-important. Les tiges et les feuilles de la famille des cruciferes qui comprennent le genre brassica, tels que le brassica viridis, brassica oleracea, brassica gongliodcs, qui sont employe's dans la Vendue d'une maniere ti es-avanta- geuse comme palure d'hiver pour les bestiaux , contiennent du carbonate et du phosphate de chaux. L'amendement des terres par la chaux me"lan- gee a une faible quantity de fumier produit les rCsultats les plus marqu&j sur les vegetaux qui acquierent, par l'emploi de cet amendement, des pro- portions gigantesques. Aussi, est-ce surtout pour la culture de ces cruci- feres que la chaux est employee de preference. 4° Enlin, par sa saveur alcaline et par son action veneneuse, la chaux quinzieme session, 489 delimit les insectes qui, a l'instant de la germination, et sin tout pendant les temps pluvienx., detriment les plantes naissantes. De plus, la chaux a la propriete de detruire des plantes qui s'opposent sou vent a la croissance du froment. Voila done quatre proprietes bien tranches de la chaux qu'aucun autre amendement n'est destine- a remplacer. On pourrait maintenant se demander si telles terres dans lesquelles on a employe" la chaux comme amendement en rdclameut chaque anne^e des quanlites egales. Jusqu'a present, on s'est peu apercu qu'il y ait eu saturation de chaux, dans les terres oil cet amendement est employe". Les terres exigent tou- jours de la chaux et les cultivateurs de la Vendue ont au contraire ten- dance vers une augmentation. En effet, une partie de la chaux entrant dans la constitution des veg6- taux , et l'autre partie se trouvant entraiole par les pluies a la fin de chaque annexe les terres se trouvent ramenees a peu pres a leur etat nor- mal et de nouvelle chaux est nexessaire pour les remettre en etat de produire. L'usage de la chaux peut done etre assimiie a celui du fumier, qui doit etre renouveie chaque anne"e (1). En outre de ces considerations, il en est une bien importante encore , la chaux est un amendement qui ne saurait etre falsified Chaque agriculteur pent se convaincre lui-meme de sa pnrete et de son degre de cuisson. Cet amendement, sous ce rapport, est de beauconp preferable au noir animal, dont la falsification est si frequente et si nuisible au progres de l'agri- culture. La surveillance que 1'ad ministration exerce sur le noir animal au moyen d'analyses et d'essais faits avec soin, ne saurait s'opposer encore a la de- plorable falsification de cet eugrais. Aussi existe-t-il plusieurs qualit&s de noirs : la lre qualite qui se vend dans l'Anjou 18 fr. l'hectolitre; la 2e qua- lite" qui se vend dans le m6me endroit 12 fr. II n'y a, au contraire, qu'une seule qualite de chaux, et l'agriculteur sait toujours ce qu'il fait lorsqn'il met cet amendement dans ses terres. Avec le noir animal il ne sait jam lis exactement comment il opere. La chaux est done destiiie"e a regner comme souveraine parmi tous les amendements qu'on peut employer. Aussi l'usage en devient-il de plus en plus frequent, et tend a se propager tons les jours dans des contrees ou cet amendement etait compietement inconnu. Pour resumer enfin les effets produits par la chaux dans les terres, il suffit de relater ici un passage de l'iiigluieur de l'arrondissement minera- logique d'Angers sur la geologie de l'Anjou. (1) On doit faire quelques exceptions pour les terres legeres, comme nous 1« vsrrons plus loin, 490 congres scientifique de France. « Depuis l'introcluction du chaulage , les terres schisteuses ont consi- st derablement augments de valeur ; dans l'arrondissement de Beau- » preau, oil les terres dtaient laisse'es sans culture pendant sept a huit « ans, elles ne produisaient de recoltes que deux ou trois ans sur neuf « ou dix ; maintenant lorsque la terre amendde par la chaux a fourni oger a ce principe de notre religion, c'est-a-dire, qu'il n'y a qu'un seul Dieu et que sa residence est dans le ciel , alors, ces nouveaux neophytes secrurentautorises a exercer, du moinsmentalement, le saMisme et conse'quemment le fetichisme celeste. Ce fetichisme , pour lequel les Gaulois avaient deja assez de propension , s'est ainsi etabli , propage par tradition. £tendu et conserve tacitement a travers les generations , jusqu'a cette autre epoque ou cette he>6tique legende fit place a Vastrologle, ce nouvel egarement de la raison auquel elle donna naissance. Et e'est enfin, Messieurs, sans aucundoute, k cenouveau fruit de l'ignorance que nous devons, en dernier lieu, tout ce ridicule cortege de fables et d'erreurs auquel il redonna un nouvel essort , et les- quelles se sont implicitement transmises egalement par l'habitude jusqu'a nos jours. C'est done 6 videmment , comme vous le voyez , a l'astrologie qui , dans le commencement, etait en si grande faveur, ace dernier fetichisme que nous devons cette masse d'erreurs, source des prejuges et base fonda- mentale des plus absurdes croyances , d'ou derivent toutes ces extrava- gantes superstitions de sortileges , de magus, de remnants , de Male- fices , etc , etc , d'ou derivent enfin la baguette divinatoire et cette foule de fausses maximes qui inondent encore aujourd'hui nos campagnes. C'est de l'astrologie , cette science occulte que nos peres professaient au moyen-age, qu'ils faisaient dependre tous les travaux agricoles et toutes les decisions judiciaires; c'est de cette science chimerique, uniquement QUINZIEME SESSION. 495 fondle sur l'influence qu'ils attribuaient sur toutes choses aux astres , sui- vant leur presence et l'dtage qu'ils occupaient dans l'une ou l'autre des douze maisons cdlestes , d'ou ils tiraient Vhoroscope , c'est-a-dire d'ou ils faisaient dependre la destined des hommes et le sort de tous les etres. Ainsi done 1'ignorance a engendr£ cette foule d'erreurs , de fables, de maximes, de prejugds, de superstitions que nous ont leguds nos peres, et qui en depit du bon sens , persistent encore avec opiniatrete" dans l'esprit des gens de la campagne , et meme il faut le dire , dans celui de beaucoup de gens du monde. II suit de la qu'an lieu d'imiter le petit nombre de ceux qui ont abandonne' les anciennes routines pour entrer dans la voie indique'e par la science et justified par les succes obtenus ; presque tous les agri- culteurs ne consultent que leur ahnanach, n'ont foi qu'aux prophecies de Nostradamus, aux predictions de Mathieu-Laensberg et tendent par leur inconcevable entetement a faire de 1'agriculture une e'toile fixe. Les habitants de la campagne ne croient- ils pas encore que le soleil et la lune pompent lefumier; que, pour produire, la terre a besoin dese repo- ser; enfin qu'on doit attendre le retour de la fete de quelques saints privi- leges, consulter la couleur de la lune et mesurer a chaque instant la lon- gueur des cornes du croissant, pour tailler, planter, semer ou recueillir; bien plus, ils vous affirment m6me que le vin actuellement dans nos caves acquiert plus de qualite pendant le temps que la vigne est en fleur, ainsi qu'une foule d'autres superstitions semblables. Pour qu'on ne me soupconne pas d'etre le seul qui les de'sapprouve ; afin de vous donner une nouvelle preuve de leur inconsequence et d'affir- mer en meme temps mes assertions au sujet de toutes ces superstitions , et en general, de tous les prejug^s qui exercent tant d'empire sur l'esprit de tous ces agriculteurs et sur celui de beaucoup d'autres hommes, per- mettez-moi, Messieurs, de vous citer un passage du memorable ouvrage de M. de Humboldt dont les opinions sont pour moi une grande autoritd. Cet illustre savant dit dans son Cosmos (page 18). « Des observations peu exactes et incompletes ont conduit par de « fausses inductions a ce grand nombre d'apercus physiques, qui se sont « perpetuus parmi les pr6jug£s populaires de toutes les classes de la a socield. C'est ainsi qu'a c6te d'une connaissance solide et scientifique « des phenomenes , il s'est conserve' un systeme de pr&endus rdsultats « d 'observations d'autant plus difficile a e^branler qu'il ne tient compte « d'aucun des faits qui le renversent. Cet empirisme , triste heritage du « siecle anterieur, maintient invariablement ses axiomes; il est arrogant « comme tout ce qui est born£ , tandis que la physique, fondde sur la « science , doute parce qu'elle cherche a approfondir, se^pare ce qui est « certain de ce qui est simplement probable, et perfectionne sans cesseles « theories en e^tendant le cercle des observations. 496 CONGRES SCIENTIFIQUE DE PRANCE. « Cet assemblage de dograes incomplets qu'un si^cle legue a l'autre , « cette physique qui se compose de prejnge's populaires , n'est pas seule- « ment nuisible parce qu'elle perpetue l'erreur avec l'obstination qu'en- « traiue toujours le tdmoignage de faits mal observes; elle empeche aussi « l'esprit de s'elever aux grandes vues de la nature , au lieu de chercher « l'etat moyen autour duquel oscillent, dans l'apparenfe independance « des forces, tous les phe'nomenes du monde exterieur; elle se plait a « multiplier les exceptions de la loi; elle cherche dans les phenomenes et « dans ies formes organiques d'autres merveilles que celfe d'une succes- « sion reguliere , d'un de'veloppement interne et progressif. Sans cesse elle « incline a croire interrompu l'ordre de la nature, a meconnaitre dans « le present Tanalogie avec le passe", a poursaivre au hasard de ses reveries, « la cause de pretendues perturbations, tantdt dans I'interieur de notre « globe , tantdt dans les espaces celestes. » Jugez, d'apres ce que vient de dire M. de Humboldt, comment cette mythyque physique arrete et empeche les idees de s'etendre et combien elle tend a retrecir le cercle de nos connaissances. Mais ce qu'il y a, a cet e'gard , de plus deplorable et sans contredit de plus prfyudiciable pour l'avancement de 1'agriculture, c'est qu'au lieu de se servir de leur position sociale pour instruire et eclairer leurs fermiers* au lieu de chercher a combattre tous ces prejug^s si opposes aux interets de l'art,.beaucoup de proprietaires partagent eux-memes toutes ces folles croyances; loin de les desabuser, loin de les ramener dans la voie des progres, ils encouragent au contraire leurs fermiers a ne suivre que la routine de leur ancienne pratique, sans tenir compte ni des faits acquis par la science ni des lois de la nature , ne tenant pas plus aux uns qu'aux antres; ces apologistes du faux et de l'absurde vous opposent le grand sa- voir de leurs paysans comme le plus sur guide a suivre, vous les pr^sen^ tent comme autant d'oracles dent ils suivent avengiement les avis et apres lesquels il semble qu'il n'y a plus rien a dire ni a faire. Aussi, resistent-ils comme leurs patrons a toute espece de perfectionnement avec la mfime opiniatrete. Ajoutez, Messieurs, a toutes ces inepties , celle de douter, de ne tenir aucun compte des efforts et des travaux des hommes les plus distingues appelds par leur mOite a dinger les fermes moiHes ; celle de mepriser leurs conseil& et de nier iucoii^iderement les faits et les inductions, qui sout autant de prineipes qui s'y professeut, et qui doivent uecessairemeut sorlir de ces dcoles; proprietaire enfin, dont 1'aveuglement est pous>e jus- qu'a se moquer des avis des savants; dont la seeptique prevention contre les nouveaux procedcs va jusqu'a les deprecier, sans songer que ces pro- cedes qui ressortent de ces laboratoires agricoles ne sont que les r^sultats d'essais recueillis et discutes, de deductions dietees enfin par l'etude ap- profondie des lois de la nature. QU1NZIEME SESSION. 497 Dieudital'homme apres Tavoir cr&; alde~toi,je falderal, c'est-a-dire, apprends a connaitre et a suivre mes \o\s,je t'en ai donne le pouvoir, et tu seras bdni. Ne voyons-nous pas aujourd'hui, plus que jamais, s'accom- plir ces paroles divines ? N'est-ce pas depuis que nous cultivons les sciences, ces interpretes de la divinite, que nous savons mieux en saisir le sens et mieux lirer avautage de ces m6mes paroles? Effectivement, Messieurs, plus on e'tudie, plus on approfondit les sciences exacles, plus elles nous montrent la grandeur des desseins, la simplicity des moyenset la toute puissance decelni qui les a prononce>s ! Plus, aussi, elles nous font decou- vrir de faits et de lois qui, par kur application a notre Industrie, viennent contribuer et ajouter sans cesse a notre bien-etre, a notre bonheur et qui sont, enfin, pour nou^, autant de benedictions. Ist-ce, par excmple, dans ces mylbes, dans ces prejuges populaires tousenfauts du merveilleux et de l'iguorance; dans ces doctrines surannees si peu d'accord avec la raison et si contraires a toute esp6ce de progres, que nous avons puisel jusqu'ici tous ceux qui illustrent notre epoque ? N'est- ce pas plutdt a l'etude des sciences, corarne elles nous en donnent des preuves tous les jours, que nous devons cette foule de faits, de lois natu- relles et de principes, dont les applications a tout ce que nous pouvons entreprendre nous inspirent et nous en garantissent toujours le plein succes ? Comment se fait-il que voyant a chaque instant de pareils exemples, malgre' ce temoignage des sens, il y ait encore des hommes assez obstine*s pour nier ces avantages et ne pas reconnaitre tous les bienfaits de la science? des bommes qui, sous le rapport agronomique, par ce que le basard favorise quelquefois leurs entreprises routinieres, sans toutefois pou- voir apres s'en rendre comple, viennent fierement vous dire qu1 'Experience passe science, parce qn'ils ne savent pas discerner les tbeories qui depen- dent de l'un et de l'autre d'avec les systemes qui ne sont fonde's que sur de simples probability? des bommes assez ennemis de tout perfectionue- ment, qui vous disent encore que depuis que la cbimie a fait tant de pro- gres, nous n'obtenons phis rien de bon en agriculture : voila pourtant oil nous en sommes encore dans ce siecle de lumieres. Heureusement, les bommes que signale encore M. de Humboldt « qui « refusent leur confiance a la science, si sterile a leurs yeux, pour l'acorder « aux pbases de la lone et a certains jours note's dans le calendrier par d'an- « ciennes traditions ; » heureusement, dis-je, que le nombre de ces bommes diminue tous les jours. JNTe pouvant pas resister a l'e'vidence des immenses progres qu'ont faits sous tous les rapports tous les arts; convaincus que tons ces progres ne viennent et ne sont que le r&sultat des applications des priucipes deduits de la science; ecoutant les conseils et reconnaissant enfin, pas des experiences tente'es avec fruit et faites avec discernement l'efficacite des nouveaux proce'de's, beaucoup d'agriculteurs ont secoud le joug et fait justice de tous ces vils prejugds et de ces ridicules sentences 498 congres scientifique de France. qui les arretaient dans leur mouvement progressif. Beaucoup de cultiva- teurs, soit par imitation, soit parce que cette voie leur paraitplus sure et plus rationnelle, suivent egalement cet exemple. Si j'ai ose" entreprendre de resoudre la question qui nous occupe ; si- gnaler les homraes qui, pleins de prevention, ne prennent pour guide que leurs captieux prdceptes ; attaquer ces docteurs campagnards, dont l'en- tetement a suivre a la lettre leurs triviales maximes imprime sur leur front le cachet de l'ignorance ; si j'ai ose- combattre toutes ces superstitions, la houte de l'esprit humain, que reprouvent anjourd'hui notre siecle et nos moeurs, et qui sont la source de tant d'abus, d'erreurs, et de mecomptes, superstitions, enfin, qui d'age en age se sont transmises sans ne'cessile et perpetuus sans aucuneraison plausible, quoique leur origine soit fabuleuse; si je l'ai fait, Mesieurs, ce n'est que par interet pour mon pays et pour la prosperity de son agriculture, c'est pour livrer a l'arme redoutable du ri- dicule tous les pr£jug£s qui mettent encore tant d'entraves aux progres de toute espece d'industrie, conime le moyen le plus efficace d'en detruire les funestes consequences. Aussi, pour arriver a ce but, celui d'^clairer tous ces horames fare's, permettez-moi, Messieurs, d'invoquer ici votre concours ainsi que celui de tous les savants, pour m'aider de vos lumieres et de votre influence, afin d'instruire et de convaincre, s'il se peut, par la persuation, ces agriculteurs arrie'res qui pensent que tout ce qui vient de la science n'est que des theories hazardees plus nuisibles qu'utiles a I 'agriculture, sans songer que c'est pre'cisement a leur deTaut de confiance aux principes deduits d'une saine physique et a leur honteux asservissement a tous les pre"juges, que Ton doit tous les obstacles a l'avancement de cet art si utile. Mais un temps viendra, Messieurs, jel'espere, oil tous les bommes enfin, finiront par s'e'clairer. En consdquence, l'art agromonique debarrasse de toute entrave marchera de pair avec les autres arts et comme eux dou- blera ses produits ; cet art sublime, cette corne d'abondance, source pre- miere de toutes subsistances, profitera au moins alors sans obstacles de toutes les nouvelles connaissances, lesquelles, je le presume, nous debar- rasseront bienlot de tous ces cloaques aussi infccles qu'insalubres dites fosse a fumier, oil se consomme en pure perte la majeure partie des engrais, sous le vain pre'texte de les laisser pourrir avant de les employer, comme si la decomposition naturelle etincessantequ'ilse'prouveraientdans la terre ne favoriserait pas mieux la nourriture des plantes vivantes qui s'assimileraient alors la totality des Clements qui constituent ces engrais t puis on se plaint de n'en pas avoir une assez grande quantity. Enfin, s'il reste parfois encore quelques esclaves des pre'juge's, on en- verra les uns sonner les cloches pendant Vorage et les autres, comme les oiseaux de nuit, fuiront devant la \ive clarete du flambeau de la science, quinzieme session. 499 de sorte que l'agriculture triomphera enfin du genie malfaisant de tous ces Mathieu-Lansberg. Sur la 2&me question du programme : Le voisinage de la mer a-t-il une influence appreciable sur la nature et la qua- lite des pdturages de la cote ? M. Chariot se prcnonce pour l'affirmative; M. de St- Marsault pense que cette influence n'est pas tres-appre- ciable, mais il dit que ces paturages, qui conviennent par- faitement a certains animaux, comme aux moutonsflamands, par exemple , sont completement funestes a d'autres , comme aux merinos. Cette influence se fait aussi sentir, en corri- geant dans certains cas et en augmentant dans certains autres les defectuosites de forme des animaux qu'on y fait paitre. M. de Sourdeval prend ensuite la parole: Messieurs , L'e"tude de cette question offre , en quelque sorte, une consultation , donne"e par la nature dans la these, aujourd'hui pendante, de l'emploi du sel a l'agriculture. Le b&ail si charnu du canton de Fribourg, en Suisse , est forme" a force de sel melange" a sa nourriture dans un pays oil les salines sont abondantes et oil le commerce de cette derate est libre. On connalt la saveur des moutous de pr6-sale\ L'Angleterre , l'E- cosse , qui produisent de si beau et si bon bewail , forment une ile que l'Octfan atteint, sur tous les points, de son souffle salin. Le cheYal arabe se forme d'une cheHive nourriture produite par des sables imprdgn^s de sel ; l'air brulant et tonique qu'il respire semble etre le principal secret de sa merveilleuse puissance dans un corps si modique. Le Danemark , la Hollande , la Flandre , et en France , l'Artois , la Picardie , la Norman- die , la Bretagne , le Poitou , la Saintonge produisent des chevaux on du betail qui se recommandent , ici par l'ampleur de leurs formes, la, par la solidite de leurs qualite's. La Peninsule armorique , notamment , forme sur son littoral du nord des chevaux d'une e"tofte ample et robuste ; ses bruyeres de l'interieur et du sud nourrissent au contraire ou des petits chevaux infatigables ou des vaches au lait pat fume" , au beurre aroma- tique , ou enfin de tres-petits moutons dont la chair est d'une extreme delicatesse. Mais c'est particuliereraent sur le littoral de la Vendue que j'ai eu 1'occasion d'observer des faits plus caracteris^s. La, plus un pre" est exposed a l'action du Tent de mer et aux effluves de l'eau salee, plus 500 CONGRES SCIENTIFIQUE DE PRANCE. ce pr£ est apte a developper et engraisser le b&ail , et cependant ce pre* ne donne qu'une herbe courte et m^diocrement abondaute. L'ile de Noirmou- tier, particulierement, qui est toute sillonnee de marais salants et de ca- naux d'eau marine, offre un spectacle vraiment curieux an mois d'aout, alor* que toute verdure a disparu sous Taction brulante du soleit et de Pair salin : le bewail y estre'duit, pour ainsi dire, a lecher les racines d'une herbe rase'e jusqu'au collet, et pourtant il se maintient encore en bon 6tat ; les vaches y donnent un lait excellent; les chevaux, sans autre nourriture, con- tinuent de fournir un bon travail. L'ancienne race des petits chevaux si renommes de cette lie a disparu depuis le siecle dernier, mais telle est l'aptitudedu sol a produireune espece analogue, que si un cheval ieures de 4?5 et 5?6 cocons, tres-propres a faire des trames et des organsins pour toute fabrication. En 1821, sous le ministere de M. Decazes , on sentit la n^cessite d'encourager de nouveau la plantation des muriers. La Sod6t6 d'Agriculture voulut etablir des pe- pinieres de muriers dans divers terrains appartenant a l'Hospice general de Tours; ces terrains etaient peu favorables a ce genre de plantation; la grele d'un autre cot6 vint les ravager et les r&ultats furent a peu pres nuls. En 1831, un bon plan d'organisation de pe"piniere d^partementale fut adopte par la Society d'Agriculture, et realist par le sieur Ham pere, au moyen d'une allocation de deux mille francs, mise a la disposition de la 504r CONGRES scientifique DE FRANCE. Soctete, par Ie Conseil general. Cette p^piniere 6tait dans la meilleure voie ; la Soci£te\ prfite a distribuer des sujets magnifiques , avait annonce au Conseil geiieVal qu'il pouvait require son allocation a mille francs seu- lement , par suite des benefices qu'allait produire la distribution , lorsque tout a coup le Conseil supprima entierement et sans aucun motif son allo- cation. La Socidte" possCdait dans ses pepinieres une immense quantite d'arbres ; elle se trouva dans 1'obligation de les abandonner aux proprie- taires des terrains affermes pour leur culture, afm de les indemniser de leurs loyers. Le Conseil general voulut ensuite former une dcole d'expe- rimentation et de culture compared du murier a la Colon ie de Mettray ; elle y fut etablie sous la direction de M. de Chavannes de la Giraudiere auquel une allocation de douze cents francs fut accorded : cette creation n'a pas eu de resultat et a et£ supprime'e apres une existence de quelques annees. M. Costa, Piemontais, organisa en meme temps a ses risques et penis une pepiniere au bas des remparts de Tours. Cette pepiuiere eut du succes et prdsenta de beaux et bons arbres; elle fut posse'dee ensuite par M. Sprd- cber, du departement du Gard, qui l'ameliora encore ; elle est maintenant dirigde par M. Bonnebault, et en mesure de foumir a nos agriculteurs des sujets excellents sous tous les rapports et de la plus belle venue. Deux filatures a la vapeur ont £t£ Ctablies l'une a Sainte-Radegonde , a deux kilometres de Tours , par M. Louis Boutard ; l'autre a Tours meme, par M. Noel Champoiseau. Leurs soies rivalisent avec les plus belles de nos departements du Midi. Le departement d'Indre-et-Loire a produit en moyenne, depuis 1800, environ douze mille kilogrammes de soie par annde. Le plus haut prix de cette matiere a 6t6 de 80 fr. le kil. en 1817 et en 1818 ; le plus bas, de 40 francs, pendant les ann&s 1811, 1812, 1813 del'Empire, et 1830, 1831, 1832. Les re*coltes les plus abondantes ont eu lieu en 1840, 1837, 1807 et 1802. L'annde 1817 a pre'sente' la plus faible production, Le prix moyen pour les 48 annexes, depuis 1800, a 6te de 50 francs 32 c. lc kilogramme. Louis XI, en arrivant a Tours le 30 septembre 1469, avait annonce l'intention d'y etablir sa residence et avait promis sa protection a la ville; 1'annde suivante, il voulut lui en donner une preuve, en y introdui- sant une prCcieuse branche d'industrie , la fabrication des dtoffes de soie. Le sieur Mace Picot, trdsorier de la ville de Nismes, recut une commis- sion du roi a l'effet d'amener a Tours, de divers pays et notamment de l'ltalie et du Languedoc, des ouvriers habiles, pour y enseigner leur pro- fession. QUINZIEME SESSION. 505 Ces ouvriers arriverent dans les premiers jours de juin 1470 : les habi- tants refuserent tout d'abord de leur fournir le logis et les ustensiles ne- cessaires pour leur travail; le 6 du m6rne mois de juin, le roi envoya ses lettres patentes, « ordonnant la levee sur la ville, de douze cents escus « (l'e'eu valait 30 sous 3 den. tournois) pour fournir au logis et listen- « sites qu'il veult que on bailie aux ouvriers des draps de soije, qu'il « afaictvenir en ceste ville, pour y ouvrer de leur mestier et aprandre « Vart aux habitans. » Par suite de ces lettres, le corps-de-ville prit une deliberation par laquelle il admit la taille proposed, en faisant assiette sur les paroisses. Mais il paralt que les habitants se refuserent au paiement de ces 1,200 ecus, car nous trouvons dans les registres du corps municipal la delibe- ration suivante: « Le I2me jourde juin de l'an 1470, en l'ostel de la ville, « en la presence du maire, furent assembles mailre Jehan d'Argouges et « plus de soixante autres, pour delibe>er sur ce que le maire a diet que « maltre Pierre d'Oriole estait venu par devers eulx, pour leur dire au- « cunes choses de par le roi et a ceste cause les avoit fait assembler, par « lequel general (des finances) fust diet aux assistans que le roi avoit et « a son affection de augmenter la ville, et a ceste cause s'estoit tenu et se « tient residemment depuis son couronnement en ceste ville. Aussi qu'il a « excepts ladite ville des tailles ; et qu'il veult encore plus faire et a ceste « cause qu'il a faict venir gens et ouvriers de draps de soye, pour de- « mourer en ladicte ville et aprandre l'art dudict mestier et que pour « mestre sus ledict mestier, il veult que les gens de ladicte ville facent « entre eulx une association de la somme de six mille e'eus, pour mettre « en soyes et les faire ouvrer: et que le profit qui en sortira leur redondera « et si il y a perte, le roi la veult porter jusqu'a trois ans, et a ceste fin le roi « mande par ses lettres-patentes mestre sus ladicte association de ladicte « somme de six mille escus, lesquelles lettres ont este lues dans ladicte as- « sembiee apres la lecture de^quelles ledict d'Oriolle a diet aux diets assis- « tans qu'ils esleussent aulcuns d'entre eulx pour adviser et nommer ceulx « qui seroient de la dicte association et bailleroient la dicte somme pour '( fournir et mestre sus ledict mestier, car le roi veult qu'ainsi se face.» Le corps-de-ville designa stance tenante ceux de ses membres qui se- raient charge's d'etablir le role des associes force's; mais prealablement l'assembiee arrfita qu'une deputation serait envoy Se au roi pour savoir s'il avail bien reellement dit et ordonn£ tout ce qu'on venait de lui rapporter de sa part et le supplier en cas d'affirmative, de reduire a quatre mille ecus la somme demandee. Le roi fut inflexible a cet egard et maintint les six mille ecus. g|Le maire mit a la disposition du sieur Picot une somme de douze cents livres pour faire vivre les seize ouvriers et le teinturier amenes par lui : voici les noms de ces ouvriers et la note des sommes qu'ils recurent les 506 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. 14 et 28 juin 1470, en vertus de mandats sigue's Briconnet, maire, de Montbazon, et Picot : Marco de Mecote , 30 liv. Baptiste de Terri, 30 liv. Raphael de Pareto , 30 MaJeteste de Antonio , 30 fitienne Lanagi , 30 Guillaume de Bourgogne, 30 Andre* Stella , 30 Nicolas Risse' , 30 Guerri Baldi, 30 Maitre Hilario de Fassio, 40 Balthasar de Soulart , 30 Antoine de Borello , 20 Guillaume Duchatel, 30 Maitre Antoine de la Mante: , 50 Perrin Veillon, 30 Maufrin , 20 Maitre Guichard de Bonjean, teinturier en soie, 50 liv. Toutefois 1'affaire n'allait pas assez vite au gre* de Louis XI, qui ecrivit bientdt apres deux nouvelles lettres au corps-de-ville pour faire hater le logement des ouvriers en soie et du teinturier, et trouver sans retard la somme de mille 6cus pour mettre ces ouvriers en besogne; les intentions du roi furent expliqu&s a l'assemblge par le sieur Picot lui-meme qui an- nonca que Jean de Beaune £tait pret a fournir pour mille 6cus de soie; il demanda ces mille £cus sans retard et en outre deux mille autres que le roi remboursera. Picot se plaignit vivement des habitants de Tours qui injuriaient les nouveaux venus et qui meme les maltraitaient; il annonca que le roi avait charge" le prevdt des mar^chaux de leur choisir a son gre* des habitations, et de punir severement les insultes qu'on se permettrait a leur egard. On assure que par suite de ces dispositions, les ouvriers furent dtablis avec leurs moulins, metiers et ateliers de teinture dans l'hdtel des religieux de la Clart£-Dieu, maison de la rue de Mont funnier, actuellement de Constantine, qui porte le n° 19. Cette maison serait ainsi le berceau de notre fabrique d'&offes de soie. Apres avoir entendu Picot, le corps-de-ville deuda qu'il enverrait une nonvelle deputation vers le roi, qui 6tait alors au Pont-de-Ce avec sa cour, aiin d'y terminer les difficult qui s'&aient eMevdes entre le due de Bre- tagne et lui. Les de^pute's furent charges d'exposer a Louis XI l'embarras ou la ville se trouvait, et de le prier de faire connaltre decidement sa volonte sur les moyens a prendre pour le satisfaire et garantir l'association; l'as- semblee ordonna en m&ine temps qu'en attendant le retour de ses d^putds, le tre'sorier Mace* Picot serait nourri aux frais de la ville. Les d£put£s, de retour du Pont-de-C6, d^clarerent que le roi n'avait voulu consentir a aucune diminution et qu'il fallait trouver a l'instant mille 6cus sur les six mille pre*ce*demment ordonn^s pour le travail de la soie, sans prejudice des deux mille 6cus de'ja prate's au roi, pret dont plu- sieurs habitants avaient refuse* de payer leur quote-part, mais que le rece- vsur avait exige* en belles especes d'or. Cependant on resolut de marcher avec prudence et au lieu des mille ecus demanded par Picot, pour la soie, qui devait 6tre fournie par Jean de Beaune, et qu'il £tait pret a livrer, on QUINZIEME SESSION. 507 detida qu'on n'en acheteraitque pour trois cents ecus. On designa trois commissaires pour prendre livraison des soies et dinger Passociation ; des cedules furent remises aux pr&teurs au nom et sur les deniers de la ville; un arrete ordonua que tous ceux qui n'avaient rien fourni dans le pr6t des deux mille ecus deja avanpes au roi, contribueraient a l'emprunt de mille ecus pour lequel ils furent taxes arbitrairement. Une nouvelle difficult^ se pre'senta; les monnayeurs et serviteurs de l'e'glise de Saint-Martin de Tours, se pre'tendirent exemptes de contribuer a la taxe des douze cents ecus percus pour le logement et les ustensiles qui devaient etre fournis aux ouvriers en soie ; un sonneur de l'eglise eieva la m&me pretention. Le chapitre de Saint-Martin obtint des lettres du roi pour exempter de l'emprunt des mille e'cus , ses batonniers et ses autres officiers, auxquels il fallut restituer leurs gages saisis. On convint alors qu'on consulterait a Toura , pour savoir si Ton pour- suivrait sdrieusement les gens d'eglise qui refusaieut les taxes et de four- nir leur part de l'emprunt ; et que les conseillers feraient des memoires a ce sujet pour les envoyer a Paris. L'homme de loi consults a Tours fut d'avis qu'on poursuivit contre les exemptions des octrois, de l'emprunt et contre la restitution des gages saisis sur les gens d'eglise, les batonniers et les officiers laics de Saint-Martin. On detida alors que le maire et Pierre Chambellan iraient demander au roi des lettres de declaration sur tous ces objets. Cependant Pinfluence" du chapitre faisait craindre la perte du pro- ces, qui prenait une mauvaise tournure pour la commune : Pierre Varon- neau fut charge d'aller plaider la cause de cette derniere au Grand-Con- seil. Les gens d'eglise firent alors des reflexions sdrieuses, avant de s'en- gager plus loin dans cette affaire et voyant que le corps-de-ville 6tait de- cide a la pousser jusqu'au bout, ils firent signifier au charge des pouvoirs de la commune qu'ils voulaient bien se desister du proces, chacun payant ses frais, ce qui fut accepte. Enfin le 7 aout 1470, Jean de Beaune livra cent livres de soie pour le compte de la ville, a raison de 4 livres 7 sols 6 deniers la livre ; on s'oc- cupa des differents travaux de la fabrication; mais il parait qu'ils mar- cherent bien lentement, car ce ne fut que le 21 decembre 1472, que les commissaires offrirent de rendre leurs comptes , et demanderent que les draps de soie fabriques fussent vendus , parce qu'un plus long retard les exposerait a se deteriorer. II fut arr6te que ces etoffes seraient vendues au profit de la ville, par Jean Briconnet, Jean Fumee et le maire. Enfin le 21 septembre 1473, le compte des commissaires ayant ete ap- pure, il fut reconou que des cent livres de soie achetees de Jean de Beaune, et d'autres soies egalement achetees par eux, il etait provenu treize pieces de draps de soie et que ces pieces se gateraient davantage si on ne les vendait sans retard. Les commissaires demanderent en outre a etre rem- bourses d'environ 700 livres tournois, qu'ils avaient avances de leur de- 508 congr£s scientifique de France. niers pour la confection des dites treize pieces de draps de soie, dont la vente fut ordonnee et confine aux bo"hs soins du maire et de gens experts et connaisseurs dans la partie. De ce point de depart, la fabrication des e'toffes de soie continua a prendre du de\eloppament : on y joignit celle des draps d'or et d'argent : de 1500 a 1540 on compta, dit-on, a Tours, environ huit cents maitres- ouvriers, et environ quatre mille compagnons tisseurs. Francois I*r or- donna par ses lettres-patentes du 11 octobre 1540, que la marque des draps d'or, d'argent et de soie qui se fabriquaient a Tours , se ferait sans salaire, par un des jur&s, en presence de deux notables bourgeois a ce de- putes par le corps de ville. En 1544, la fabrique languit par suite des malheurs de l'epoque. Le corps de ville se preoccupa vivement de ses souffrances et fit aupres du gouvernement les demarches neeessaires pour la soutenir. Pour re'pondre aux V03ux exprime's a cet £gard, le roi donna ses lettres-patentes en 1515 pour l'&ablissement a Tours de deux foires franches par an, de quinze jours ouyrables chacune, l'une le 8 mars et l'autrele 15 septembre. En 1576, les fabricants de Tours pr&enterent leurs doteances aux Etats ge"neraux de Blois contre la concurrence que leur faisaientlesLyonnais : ces doteances qui prouvent que la fabrique n'e'tait pas en voie de prospente, furent renouvele'es en 1588. Dix ans apres, en 1598, la position etait devenue plus mauvaise encore : le maire de Tours adressait au roi Henri IV en ces termes des observations relatives a la misere des habitants de Tours. « La pauvrete est causae par le deTaut et entretenement des ouvraiges « et manufactures de soye, eslant ledit estat et art tellement demoure' « anCanty , que du grand nombre de maistres-ouvriers qui y estaient au- » paravant les troubles, de huit cents et de plus de quatre a cinq mille « mestiers et de trois a quatre mille compaignons, avec inlini nombre '« de personnes de tous ages, et jusqu'aux petits enfants de quatre ou cinq « ans et aultres invalides ne pouvant en autres vacations gagner leur vie, « tous lesquels n^autmoins trouvoient secours sulfisant dudit art pour leur « nourriture ; maintenant que fort peu de maistrcs et de compaignons sont « de reste, ay ant Cte" contraincts de quitter la ville, et en oultre de man- «< dier leur vie ; n'estant possible de remettre et restablir ledict estat en « sasplendeur; etque par la memequeladicte ville ne sepeut remettre et « restablir en l'estat qu'elle esloit, sinon que ladicte manufacture de draps '< et passements et autres ouvraiges d'or, d'argent et de soye estrangers, « fut de"fendu en ce royaume, sous le bon plaisir dc sa majeste, vous auroit « sa dicte majeste* ordonne et conimande, comnie encore depuis, passant « par cette ville, apres s'etre inform^ du faict cy-dessus, de depute^r vers « elle personnaiges capables, en sa ville de Paris, lorsqu'elle y serait arri- «< ve^e aliu d'etre pourveu par elle-meme en consequence. » QUINZH&ME SESSION. 509 Les deputes a Paris, obtinrent un edit du mois de Janvier 1595, par le- quel Henri IV promet et garantit aux fabricants de Tours la stability de leurs manufactures de draps de soie qui devront etre faits par imitation de ceux des villes etrangeres ou cette fabrication avait lieu. Sur de nouvelles reclamations, le 23 juillet 1604, le lieutenant du gou- verneur fit assembler le corps-de-ville et les maitres ouvriers en soie pour convenir du nouvel etablissement que sa majeste veut et entend avoir lieu dans sa bonne ville de Tours ; les fabricants et le corps-de-ville se mirent d'accord et le reglement fut adopte, malgre* l'avis contraire et la vive oppo- sition des marchands debutants d'e'toffes de soie e'trangeres en la ville de Tours. Voici la deliberation prise- a cet effet ; elle fait connailre la position et les procede's de la fabrique de soierie a cette epoque, ainsi que les me- sures prises par le roi pour fournir du travail aux pauvres habitants de Tours et donner une nouvelle activity au commerce de cette ville. « Aujourd'hui, 23 juillet 1604, a este par nous, maire, rapporte a la com- paignie pour ce assembled, que nagueres il auroit este mis en nos mains de l'ordonnance de M. le lieutenant-general, du vingt-huitieme jour de juing dernier, certaines lettres-patentes du roy en forme de declaration, du dixieme jour dudit mois de juing, signers par le roi en son conseil, et scel- Ide du grand sceau avecque le proces-verbal par lui faict sur la presenta- tion et execution desdites lettres par lesquelles sa majeste de Padvis de son conseil, diet, declare, veut, ordonne et lui plait suivant son edict du mois de Janvier 1599, verifie en sa cour du parlement : « Que les maitres ouvriers en draps d'or, d'argent et de soye de ceste ville de Tours qui voudront faire les draps de soye des f aeons de Milan, Lucques , Florence, Venise, Naples, Boulogne, Rege (Reggio), Modene, Genes, Genesve, Chambery, Avignon, Espagoe et toutes autres villes et provinces estrangeres font, et leur permet de faire la fabrication telle et semblable, et de la mesme nature, qualite et estoffes qu'elle se faict es lieux et villes ci-dessus declare, sans innover, alterer ne changer, ny que iceulx ouvriers puissent 6tre empeches en la manufacture par les jures et autres personnes que ce soict, pour par nous en estre faict rapport en l'assembiee de ladite ville , et sur ce donner advis , pour icelluy veu par ledit sieur lieutenant-general et rapport estre ordonne ce qu'il appartiendroit par raison. Et apprfcs avoir faict faire lecture desdictes lettres de declarations ensemble dudit proces-verbal faict par ledict sieur lieutenant-general con- tenant les divers advis donnes tant par les maitres jures dudict estat que grand nombre de maistres particuliers en icellui, sur la commodite ou in- commodite de I'establissement et introduction en ceste ville et faulxbourgs ensemble par les marchands bourgeois pour ce premier officier par ledict sieur lieutenant-general. « Et sur le tout ayant ete par nous communique et confer tant avecq lesdits maitres jures que maitres particuliers requerant l'exlcution des- 510 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. dictes lettres, pour ce mander sur la commodity et incommodite qu'ap- porteroit en ceste ville ladite nouvelle fabrication. Tous lesquels auroient respectiveraent persists chacnn en leur advis porte par Ie proces-verbal et soustenu par lesdits maitres particuliers icelle fabrication estre bonne, loyalle et raarchande , voire m6me de plus beau et meilleur usaige que celle qui se ferait de soye cuite et non crue, pour les raisons porte'es sur leurs advis et que par la conference mesme des ouvrages des uugs aux aultres, que nous avons a cette fin fait faire sur plusieurs pieces repre- sentees en ladite assemble, les unes fabriqu£es en ceste ville, de soie cuite, tant en la trame quant en la chaisne, et d'autres pieces faconnees a Milan et austres villes estrangeres, oil il y a de la soie crue par le moyen de laquelle ils nous ont fait voir que le poil en est plus plein ou serre que celui desdites pieces de soye cuite , qui f aict que lesdictes pieces estran- geres se trouvent plus belles et plus fermes que les autres, es quelles il convient par ne'cessite' mettre de l'eau gomme'e qui apporteroit plus de diminution de bonte aux manufactures que ne peut faire ladicte soye ecrue, qui s'y doibt mettre pour etre venale. «Ce qu'ayanteteconsidere et que le seul et unique moyen pour retenir Tor et l'argent qui se transportent hors du royaulme et mesme de cette ville pour l'achapt des dictes marchandises estrangeres , est d'en intro- duce et admettre la manufacture et fabriquation en cette ville ; par le moyen de laquelle grand nombre d'ouvriers n'ayant les moyens de faire de grauds draps, travailleront incessamment et retiendront a eux le grand profit que soullet faire l'estranger et en outre y employeront grand nom- bre de pauvres enfants mandiants pour tirer aulx metiers les estoffes. « Sommes d'advis (c'est-a-dire le corps de ville) pour le bien public et augmentation dudit art de la soye que fintroduction et establissement des manufactures doit estre fait en cette ville et faulbourgs de la fabrique es facon estrangere suivant et conformement a l'entretien de sa majeste portee par ces lettres patentes sans s'arrester n'y avoir esgard aux advis contraires d'aucun ouvrier et marchand qui font et debitent plus de taffetas que d'au- tres ouvrages, et qui seuls font les achats des marchandises estrangeres et distributions d'icelles ou ils font un grand profit, ce que ne peuvent faire les memes marchands et artisans qui par le moyen desdits etablissements pourroient en fabriquer de la meme estoffe et qualite que lesdictes etran- «Lesquelles estoffes et ouvrages sont subjets a visitation par les maitres jures pour juger et congnoistre s'ils sont de la qualite requise, telle et semblable que lesdites facons et marchandises estrangeres. « Et seront tenus en outre les ouvriers de mettre des marques aux pieces de leur fabrication pour respondre de la bonte d'icelles, a la charge toute- tois que lesdits ouvriers ne pourront mettre desdites soies crues aux bons velours doubles a poils et dung tant noire que de couleur, satins, damas, QUINZIEME SESSION. 814 mfaus ouvrages et tous bons taffetas tous lesquels soient faits et faconn& selon et en suivant les statuts dudit estat, sur peine de confiscation de pug- nition corporelle, qui sera en ce faisant apporter grand utility et commodity aux subjects de sa majesty tant de ceste ville que des austres de son royaulme. » Par suite de ces sages reglements, la prospe'rite' de la fabrique de Tours s'Cleva au plus haut degr6 : la France autrefois tributaire de Mranger put lui fournir des e"toffes de soie, ainsi qu'on le voit par ce passage du testament politique de Richelieu, par Henri Duchatelet, chapitre 9, section 6 : « On fait a Tours. des pannes si belles, qu'on les envoie en Espagne, en « Italie et autres pays Grangers. Les taffetas unis (Gros de Tours), qu'on « y fait aussi, ont un si grand de'bit par toute la France qu'il n'est pas be- « soin d'en cbercher ailleurs. Les velours rouges, violets et tanne"s s'y font « maintenant plus beaux qu'a Genes. C'est aussi le seul endroit oil il se « fait des serges de soie. La moire s'y fait aussi belle qu'en Angleterre ; les « meilleures toiles d'or s'y font plus belles et a meilleur marcbe' qu'en « Italie. » On comptait a Tours, a cette epoque, de 1636 a 1685, huit mille metiers de tissage, sept cents moulins a ouvrer la soie et environ quarante mille individus , de tout age et de" tout sexe uniquement employe's a divider, appreter et fabriquer la soie, ind^pendamment de plus de 3,000 metiers de rubannerie et passementerie, tant a Tours que dans les environs. La popu- lation de la ville s'&evait alors a 80,000 habitants. La consommation 6tait de 90 bceufs par semaine. C'est l'lpoque de la plus haute prosp6rit6 de la fabrique d'&offes de soie de la ville de Tours. La relocation de l'&lit de Nantes en 1685, forca plus de trois mille fa- milies protestantes de quitter Tours et porta un coup funeste a cette Yille. Le denombrement de sa population fait quinze ans apres, en 1698, de'mon- tra qu'elle se trouvait rdduite a trente trois mille habitants et la consom- mation a vingt-six boeufs par semaine. En 1747, M. Fagon, intendant du commerce, representa au roi qu'il se faisait en France une consommation considerable de damas de Genes et qu'en introduisant en France la fabrication de ces e^offes, on eviterait la sortie d'une grande quantity de capitaux ; il fut arrets qu'on £tablirait a Tours une manufacture royale de damas, facon de Genes, composed de 24 metiers mis en activity par des ouvriers qu'on ferait venir de cette ville. Cet 6"tablissement d'abord dirige" par M. Hardion, puis ensuite par Mes- sieurs Soulas, freres, fut config en 1756 aux soins de M. Papion qui porta le nombre des metiers a'cent-quarante; les ^venements de 1790 mirent fin a son existence ; mais les ouvriers formerent le noyau de notre fabrique d'&offes de soie pour meubles, la seule qui subsiste encore aujourd'hui, et dont les succes a toutes nos expositions nationales ont de'montre' la supe- riority sur toutes ses rivales. 512 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. En 1767, on comptait a Tours 1,700 metiers et 27,000 habitants, four- nissant environ pourtrois millonsd'etoffes. — En 1787, 900 metiers, 19,660 habitants. — En 1807, 211 metiers, diriges par neuf maisons, fournissant pour environ huit cent mille francs de produits, 19,000 habitants. —En 1814, 175 metiers, neuf maisons, 20,000 habitants. —En 1827, 106 metiers, quatre maisons, 24,630 habitants. —En 1837, 150 metiers, trois maisons, 26,669 habitants. —En 1847, on compte environ 200 metiers, trois mai- sons, 28,694 habitants. M. de Sourdeval a la parole sur la 27e question ainsi concue : Le de'veloppement tres-remarquable que prennent les magno- lias et les camellias cultive's a Nantes et a Angers, doit-il tire altribue a la nature schisteuse du solplutot qu'au voisinage de la mcr ou a toute autre cause ? Messieurs, Nous espdrions que cette question serait traitee par M. Andre" Leroy, le cdlebre horticulteur d'Angers, qui commit les effets de tant de terrains di- vers a 1'egard des deux charmants arbustes dont il s'agit. En son absence, nous allons tacher d'y supplier par de simples observations. En gdndral , le magnolia vegete sur le terrain crayeux de la Touraine et sur la bande ammoneenne qui nous separe de l'Anjou ; on trouve quelques exceptions a cette regie, lorsque l'arbre est parfaitement isol6 des matieres calcaires, et plante" au milieu d'une argile substantielle. Mais encore cet arbre n'atteint-il jamais, ni les dimensions ni Paspect virescent et feuille" qui le fait remarquer aussitot qu'on met le pied sur le sol ardoise de l'Anjou. 11 y a comme une revolution des qu'on franchit la limite des deux zones gdologiques. En deck, le magnolia pr&sente, sur des rameaux maigres et dcsse'chds, des feuilles rares et pales ; les fleurs, quand il en donne, sont mal nourries, mal accompagndes ; an ddla, lememe arbre projette une dlegante tige accompagnee de branches qui se groupent de maniere a lui donner sou- vent la forme d'une pomme de pin, ses rameaux sont couverts de feuilles d'un vert plus fonce", satindes en dessous d'un duvet brun, etbeaucoup plus nombreuses que sur les magnolias de Touraine : les fleurs sont mieux sou- tenucs, mieux accompagnCes, et jettent plus d'eclat. Le magnolia atteint enfin, sur ce terrain, de quinze a dix-huit metres de haut, tandis que sur notre sol calcaire, il ne ddpasse guere sept metres. Le voisinage de la mer n'est vraisemblablement pour rien dans cette difference de croissance. Car les magnolias sont tout aussi beaux a Angers QUINZIEME SESSION. 515 qu'a Nantes et a Paimbceuf. La temperature tiede des rivages peut, en quelques hivers tres-rigoureux, leur servir de garantie contre la gel£e ; mais Taction violente du vent de mer est plutdt de nature a de*primer leur cime qu'a favoriser son de'veloppement. J'ai ete" a raeme d'observer quel- ques faits qui prou vent jusqu'a l'evidence la supe'riorite' du terrain schisteux pour la croissance du magnolia. Je possede a Saint-Gervais (Vendue), une proprie"t6 qui est sur terrain schisteux, tandis qu'a un kilometre de la, commence une zone de calcaire jurassique, sablonneuse a la surface. Les chenes, les frenes, les ormes, les tilleuls, les peupliers, les saules, viennent admirablement sur ce dernier terrain qui d'ailleurs se trouve, ici, bas et frais; mon chiste, au contraire, releve" en colline, produit tres-imparfaite- ment tons ces arbres. En 1837, un de mes voisins, du terrain calcaire, arrachait deux magnolias qui le genaient pour un projet de construction ; et comme je lui t^moignais mon regret du sacrifice qu'il en faisait, il me les offrit. Ces magnolias qui n'avaient pas deux metres de haut avaient veg&e" jusque la ; ils n'avaient presque pas de feuilles ; fun d'eux , ayant gele quelques anne*es auparavant, avait 616 recepe' par le pied ; enfin ils 6taient arraches depuis huit jours et jete"s la racine au soleil lorsqu'ils me furent donnes. Je les plantai dans ma terre de schistes sans aucune adjonc- tion de terrain ni de terre de bruyeres. Celui qui avait ete rece'pe', et qui alors avait quatre tiges partant du collet, poussa vigoureusement des la premiere anne'e; l'autre continua d'abord de languir et de presenter de maigres rameaux mal garnis de feuilles. Ennuye" de le posseMer en telle condition, je lui rabattis , au bout de deux ans, toutes ses branches, presque ras le tronc, et je recouvris les plaies avec de la cire a cachetcr, l'arbre repartit au printemps suivant (1839) ; et depuis lors, il n'a cesse de pousser avec la plus grande vigueur, donnant a ses branches la forme la plus gracieuse, a ses feuilles les teintes les plus vives, a ses fleurs toute la seve et tout l'eclat desirables; l'autre pied a cru dans la m&me propor- tion, et s'est egalement dessind en ovale gracieux. Or, pendant que ces deux magnolias reussissent si bien, mes voisins du sol jurassique, qui de- meurent a quelques kilometres de chez moi, qui sont comme moi a moins d'un myriametre de la mer , ne peu vent avoir sur leur sable calcaire ce meme arbre qu'a 1'dtat chCtif, maigre de bois, de feuilles et de fleurs, au milieu de leurs superbes arbres forestiers; et cette difference ne se fait pas sentir seulement sur les Magnolias, elle existe encore pour les Camellias, que le schiste fait pousser avec une se>e luxuriante, qu'il couvre de branches, de feuilles et de fleurs innombrables; ces deux sols influent, en outre, de la m6me facon sur les Crathegos, les Azar^ros, qui atteignent sur le schiste jusqu'a douze et quinze metres, tandis qu'ils restent nains sur le calcaire. Epfin le laurier-tin trouve sur les schistes et les granits une vita- tite" et des dimensions qui ne lui sont pas ordinaires en tout autre terrain. Les chenes verts y poussent a merveille aussi. On doit conclurc de la que 514 CONGRES SCIENTIFIQCE DE FRANCE. les terres de schiste et de granit so«nt particulierement favorables aux arbres a feuilles persistantes, et particulierement a eeux qui appartiennent a la famille des lauriers ou qui s'en rapprochent par leur feuillage. La seance est levee all heures et demie du matin. L'auteur de YAmpelographie n'a pu lire quelques observa- vations qui tendent a prouver que dans l'edition dont il s'occupe, beaucoup d'erreurs seront corrigees et beaucoup d'articles ajoutes; en sorte que cette edition sera la mesure de toutes nos connaissances actuelles pour cette matiere. QU1NZIEME SESSION. 515 TABLE DU PREMIER VOLUME. Arrets pris a Marseille, pour la tenue a Tours de la 15* session du Congres scientifique de France i Circulaire des secretaires ge'ne'raux 8 Programme arrete* par la commission generate provisoire d'orga- nisation de la 15e session 12 Administration et organisation. — Tableau des fonctionnaires effectifs du bureau central et des bureaux des sections ... 15 Details relatifs aux fetes 20 Questions proposers pour chacune des sections ...... 21 Seance d'ouverture de la 15e session du Congres scientifique de France. — Discours de M. Champoiseau , president. — Dis- cours de M. de Sourdeval sur V Etude en Province. — M. de Caumont rend compte des operations de la commission centrale de la 14e session en ce qui concerne l'organisation du Congres de 1848. — Lecture des dispositions rCglementaires des seances du Congres. — M. l'abbe" Auber lit une piece de vers composed pour l'ouverture du Congres. — Election du president et des vice-pre'sidents-ge'ne'raux. — Organisation definitive du bu- reau central et des bureaux des sections. ....... 38 Seance g^nerale du 2 septemrre. — Adhesion au Congres de di- verses socie^s savantes franchises et etrangeres 69 Seance g^nerale du 3 septemrre. — M. E. Cartier fils, lit un m£- moire sur la lre question de la 4e section : « Quelles sont les « causes, les de'veloppements successifs et les lots du syrnbo- lisme dans Vart Chretien ? » — - M. l'abbe Crosnier et M. de Lasicotiere sont entendus sur le meme su jet. ...... 71 516 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Pages. Seance generale du 4 septembbe. — M. Breton lit un memoire sur la 2le question de la 2* section : « Du credit agricole; ne"- « cessite de dinger les capitaux vers V agriculture pour en « obtenir des ameliorations ; voies et moyens oV execution. » — M. rabbi Corblet donne lecture d'un mlmoire sur YArt chrdtien au moyen dge. — M. l'abbd Auber traite la question du symbolisme ; reponse de M. de Lasicotiere 84 Seance generale du 6 septembre.— Relation par M. Paul Huot de la Messe Pontificate cCle'bre'e le 5 dans l'6glise cathCdrale de Tours. — M. de Sourdeval lit un memoire sur la 8e questiou de la deuxieme section : « Le lit desjleuves et des rivieres ne « s'exhausse-t-ilpas dans la proportion de la masse de sable « et de galets qui est charrUe par leurs eaux ? » — M. Lam- bron de Lignim traite, dans un memoire, la 10e question de la cinquieme section ainsi concue : « Quelle influence le sejour « de la cour en Touraine a-t-il exerce1 sur le langage et le « developpement de Vart tMatral dans cette partie de la « France? » 110 Seance generale du 7 septembre. — Rapport de M. Paul Huot sur le Pe"nitencier de Tours. — Memoire de M. Pernot sur la 20e question de la quatrieme section : » Le caractere poli- te tique de Louis XI a-t-il etc" jusqu'a ce jour justement « appricie" par les historiens? » MM. Todiere, Champoiseau, Ernoult parlent sur le meme sujet. — Hommage a M. de Cau- mont, d'un dalhia nouveau, par M. Porcher, horticultcur. 145 Seance generale du 8 septembre. — Rapport sur la colonie de Mettray, par M. Paul Huot. — Voeux emis par la section d'Agri- culture 165 Seance generale du 9 septembre.— Memoire de M. de Trobriand sur les prisons cellulaires. — Improvisation de M". le comte de Falloux sur la 29° question de la quafrieme section : « Quels « ont etc" les points de ressemblance et les points d'oppo- « sition les plus remarquables dans le de'veloppement des « institutions de la France et de VAngleterre depuis le xi* « siecle ? » — Reprise de la question sur le symbolisme , par MM. de Lasicotiere et Ernoult • . 171 Stance "generale du 10 septembre. — Rapport de M. Charles Ernoult sur la visite faite k la gare du chemin de fer. — Md- inoire deM. le docteur Giraudet , sur les progres, l'tftat actuel et l'avenir de la Glologie 191 Seance generale du 11 septembre. — Arrets pris par la commis- sion generate pour latenue de la 17* session du Congres scienti- QUINZIEME session. 517 PROCES - VERBAUX DES SECTIONS. PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS REUNIES. Sciences naturelles, physiques et mathematiques. fique de France. — Rapport par M. le docteur Roux sur le budjet de la 14e session. — Compte-rendu par M. Laurent sur 1'exposition de tableaux et d'objets d'arts anciens tenue dans la ville de Tours a l'occasion du Congres scientitique, — ■ Discours de remerclment et d'adieu , par M. Lambron de Lignim. — M. Paul Huot, Adieux au Congres , (poesie) 202 Seance g£neralk dbs Soci£tes Academiques du departement dTisdre-et-Loire. — Discours deM. de Sourdeval, secretaire general de la soci^te" d' Agriculture, Sciences, Arts et Belles- lettres.— - Discours de M. Ladeveze, secre'taire general de la 80C1616 Arch^ologique deTouraine.— Discours de M. le docteur Anglada, secre'taire general de la societe Me"dicale du departe- ment d'ludre-et-Loire. ......»,...., 222 Seance du 2 septembre. — Election du president et des vice-pre- sidents. — Lecture des questions du programme 245 Seance du 3 septembre. — M^moire de M. de Caumont sur la lre question : « Tr alter des pr ogres, de Ve'tat actuelet de Va> « venir de la giologie. » — MM. Des Moulins, Blondeau de Carolles et de Sourdeval sur le meme sujet. — M. Brame sur les phinomenes catalytiques. . 247 Seance du 4 septembre. — Memoire de M. I'abb6 Chevalier sur la 4« question du programme : « Rencontre-t-on en Touraine des traces bien margufy* du diluvium de Buckland et Cu- 55 518 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Pages. « vier? » —Discussion de la 5° question a la/juelle prennent part MM. Porcher, Giraudet, Chevalier et M. le comte de Tristan ; . 252 Stance du 6 septembre. — M^moire de M. I'abb6 Chevalier sur la 7« question : « A quel 6tage des terrains tertiaires faut-il « ranger les calcaires oVeau douce qui se montrent surplu- « sieurs points du de'partement d'Indre-et- Loire ? » — 8e question : « Za lit desfleuves et des rivibres ne s'exhausse-t~ « il pas dans la proportion de la masse de sables et de ga- « lets qui est charriee par leurs eaux ? » — Me*moires de MM. de Sourdeval (voy. stance generate du 6 septembre, page H4)etHauy 271 Seance du 7 septembre. — M. le docteur Giraudet lit un me'moire sur la 1" question : « Trailer desprogres, de Vital actuel et « de Vavenir de la geologic » (Voy. stance generate du 10 septembre, p. 195). — M. le chevalier Wasse de Saint-Oueu traite la t" question du programme des sciences physiques et mathe'matiques, du systeme de propulsion sur les chemins de fer, etc. M. de Lussay et M. l'abbd Laval sur le meme sujet. — M. Tassin sur la 9e question : « Est-il avantageux pour « Vetude de la botanique d 'adopter le nouveau systeme de « classification propose1 par M. Brogniart ? » — M. Brame traite la 11" question de la 1" section : •< La connaissance des « deux forces vige" tales nomme'espar du Trochet, endosmose et exosmose, est-elle susceptible de recevoir une application dans la pratique de Vart horlicole. » 283 Stance du 8 septembre. Memoire de M. Blondeau de Carolles sur les fermentations de diverses especes (9* question de la 4« sec- tion); M. des Moulins et M. le docteur Brame sur le raeme su- jet.—M. Tassin traite la 14e question de la section des sciences naturelles : « Est-il possible d'expliquer la structure du «fruit des grenadiers. » M. Dudot entretient la section d'un nouveau chemin de fer atmospherique, par M. Vallod . . . 287 S£aisce du9 septembre. — M. l'abbe" Auber traite les 17e et 18" questions des sciences naturelles. — M. Brame sur !a 13* ques- tion des sciences physiques. — M. Wasse de Saint-Ouen sur les questions 19 et 20 de la meme section relatives a la Pla- nUe Leverrier. — Me'moire de M. Borgnet, intitule : Essai de gfomctrie analytique de la sphere qui se rattache a la 17* question des sciences mathe'matiques 312 Seance du 10 septembre. — M. Pe'telard est entendu sur la 27* question de la 1" section : « Quelle est la cause de la rumi- QU1NZ1EME SESSION. 519 DEUXIEME SECTION. Agriculture , Industrie et Commerce* « nation chez les herbivores polygastriques ? » — M. Feuil- let sur le meme sujet. — M. l'abbd Blaive traite la 18e ques- tion de la 1" section, et M. Brame la 13e des sciences physiques. 349 Stance du 11 septembre. — M. Noriet sur la 21" question de la 6' section. — MCmoire de M. L'abbe Chevalier sur la distri- bution geologique des eaux de la Touraine. — Me'moire de M. L. Banet sur la 20* question de la section des sciences phy- siques et mathematiques. Cloture des travaux de la 1" et 6' sections reunies. 352 Seance du 2 septembre. - Election du president et des vice- presidents. — Lecture des questions du programme. . . . 378 Stance du 3 septembre. — Discussion de la 2lc question, sur le Cre'dit Agricole ; me'moire de M. Breton (Voy. stance gene- rale du 4 septembre, p. 85) et ceux de MM. Dufaur de Monfort, Lecamus et Petel sur le meme sujet — Vceux £mis par la sec- tion d'agriculture relativement a cette question. — Discussion de la 1" question ; MM. de Fleury et Chariot. — Discussion de la 4e : « Quels sont les travaux les plus imme'diatement uti- « les a entreprendre pour Vagriculture sur les rives de la « Loire ? » 380 Seance du 4 septembre. — Suite de la discussion de la 1" ques- tion : MM. Charlol, de Caumont, le comte Odart, le comte de Tristan, de Buzonnieres, de Saint-Marsault, Breton et Augus- tin sont entendus sur ce sujet. — La 3° question est mise en dis- cussion; vceu emis par la section, au sujet des associations agricoles 400 Seance du 6 septembre. — Discussion sur la 5e question : Effets du marnage, etc. — Discussion de la 6e : Encouragements 520 congres scientifique de France. Pages. dome's a V agriculture, etc., MM. Chariot, de Buzonnieres, de Fleury, Breton, de Caumont, le comte Doutremont et de Saint- Marsault parlent sur ce sujet. — Rapport de M. le docteur Herpin sur les ruches a miel de M. le docteur de Beauvoys. — ■ Etherisation d'abeilles par le mSme, et ses recherches sur l'ori- gine de la Propolis. — Communication faite par M. le comte de Carbonnieres sur la culture d'un ble" de mai et ses produits re- marquables. — Mlmoire de M. Chariot sur la 7e question. . 407 Seance du 7 septembre. — Memoire de M. Alban Chaleil sur la 29e question, du rnoyen de tirer parti des landes et bruyd- rest etc. — Memoire de M. de Saint-Marsault sur la 26e ques- tion; MM. Roux et Boulard sur cette meme question; vceux e'mis a ce sujet 424 SrfAKCB du 8 septembre. — Discussion sur la 8- question relative a V influence que la nature du sol exerce en Touraine et en Anjou sur la qualiie des vins, etc. M. le comte Odart, MM. Chariot, Boulard et Huneau sur cette question. — Me*moire de M. le comte Odard sur la 9e question. — Memoire de M. Char- lot sur la lle 442 Seance du 9 septembre. — Memoire sur la 13e question : Quelle est Vinfluence des baux along terme, etc., par M. de Saint- Marsault. — Discussion de cette question ; MM. Huneau, Au- gustin et Boulard y prennent part : un voeu est e'mis a ce sujet par la section. — MCmoire par M. Guerin-Mennevilte sur la 18e question, relative a Vechenillage. — Voeu e'mis par la section. 447 Seance du 10 septembre. — Demande d'une modification au re- glement du Congres. — Memoire de M. Augustin sur la 19e question ; « Quel rolejoue le sel (Chlorure de Sodium) ajoutd « a la ration dans le developpement du be1 tail ? » — M. Bus- sienne parle sur la 15e question. — Memoire de M. Chariot sur la 22e question, relative au tannage des cuirs. MM. Porcher, Herpin, Hunault de la Pelterie et de Beaumont prennent part a la discussion de cette question. — Lecture d'un memoire inti- tule : Recherches sur la Muscardine par MM. Guerin-Menne- ville et Eugene .Robert 460 Stance Dull septembre. — Memoire de M. Rolland sur la 23© question : « Comparer les progres de I'industrie de la (» chaux, dans le ddpartement d'lndre-et- Loire et les depar- ts tements voisins. » — Memoire par M. Delaunay sur la 24° question : Des prdjugds qui nuisent au developpement de Va- griculture. — Memoire sur la 25* question, par M. de Sourde- val : « Le voisinage de la mer a-t-il une influence apprecia- QUINZIEME SESSION. « ble sur la nature et la qualiU des paturages de la cdte ? » M^moires de M. Champoiseau sur les 12° et 20« questions, re- latives a Vindustrie sMcicole en Touraine, et a la culture du mitrier. — M&noire de M. de Sourdeval sur la 27* question : <( Le de'veloppement tres-remarquable que prennent les ma- « gnolias et les camellias cultive's a Nantes et a Angers, «< doit-il 6tre attribue'a la nature schisteuse dusolplutot « qu'au voisinage de la mer ou a toute autre cause ? ». . . Table du premier volume . . . . • 821 Pages. 477 515 FIN DE LA TABLE DU PREMIER VOLUME. ifl ERRATA DU PREMIER VOLUME. Page 41, ligne 2, au lieu depar, lisez pour la redaction. 96, ligne 40, au lieu de vasseaux, lisez vassaux. 141, ajoutez apr&s la ligne 30 : 1507. Afin de rendre plus complete la liste chronologique des imstferes que nous avons indique's dans Tarticle relatif a Vinjluence que le sdjour de la cour en Touraine a puy exercer sur le de'veloppement de Vart the'dlral et pour obvier a la perte d'une indication d^ja donn^e, nous devons citer le mystere de la Passion Notre-Seigneur, dont la repre- sentation eut lieu dans la ville d'Amboise, au mois de mars de Panned 1507. On trouve des details . fort intCressants sur cette pieuse trag&lie dans l'ouvrage deja cite* de M. Cartier ; Essais hisloriques sur la ville d'Amboise, page 53 et suivantes. Page 160, ligne 32, au lieu de Charlres, lisez Charles. 178, ligne 25, id. Vauteur, id. Vorateur. 200, ligne 31, lisez ; dont la science est redevable a l'ecole mo- derne. 225, ligne 12, lisez : sur la formation de la socidle. 240, ligne 1 5, au lieu de servir, lisez se"vir, 249, ligne 20, au lieu de la gMogie, lisez le geologue. 252, ligne 3, au lieu de rationel, lisez rationnel. Id. ligne 16, au lieu de closse, lisez close. 268, ligne 11, au lieu de causse, lisez cause. 269, ligne 2, au lieu de sans, lisez sous. 293, ligne 35, au lieu de de'veloppe'es, lisez de'veloppe's. 361, ligne 18, au lieu de dans les comptesrendus , lisez dans le compte-rendu. 368, ligne 11, au lien de aources, lisez sources. 373, ligne 35, au lieu de Massoti, lisez Mossotli. 374, ligne 23, au lieu de ceux qui le procedent, lisez ceux qui le precedent. Tour* , Imp. Lcccsne el Alf, Laur«nt. dwptoJ COIVGMES SCIENTIF1QUE OE FRANCE. CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. QUINZIEME SESSION, TENUE A TOURS, EN SEPTEMBRE 1847. TOHE SECOND. t AU SECR£TARIAT-G£N£RAL PARIS, CHEZ DERACHE, L1BRAIRE, RUE I)U BOULOY, 7. AOUT 1848. r :•"' I DE FRANCE. utnzteme <-7e/dt(m. y PROCES-VERBAUX 1MES SECTIONS. TROISIEME SECTION. SCIENCES MiDICALES. Seance du £ Sepfembre 18 IS. La seance est ouverte, sous la presidence provisoire de M. Champoiseau, par le scrutin pour la nomination des pre- sidents et vice-presidents. D'apres le depouillement du scrutin, M. le docteur Ber- tini, de Turin, a cte proclame president; MM. les docteurs Mamc et Mirault, d' Angers, Haime et Thomas, de Tours, vice-presidents de la 5° section. 1 6 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Le bureau etant constituc, M. le president remercie 1' As- sembled de l'honneur qu'elle vient de lui conferer. II dit qu'il regard e cette distinction surtout comme un effet de la courtoisie naturelle des habitants du beau pays de France enversles etrangers. M. le docteur Mame, d'Angers, Tun des vice-presidents, lit successiveraent les questions consignees au programme, pour la troisieme section. M. le docteur Giraudet se propose de traiter la lre question. M. Cbampoiseau parlera sur la 3e. M. le docteur Brame, sur les 4e et 5e. Plusieurs membres annoncent qu'ils sont prets a traiter la 8e question. M. le docteur Bureaud-Rioffrey, de Paris, parlera sur la 10e. M. le docteur Herpin pere, sur la 12e. M. le docteur Thomas, sur la 13e. M. Petelard, sur la 14e. M. le docteur Haimc, sur la 46e. MM. les docteurs Lesauvage, de Caen, Bureaud-Rioffrey et Tanchou, de Paris, sur la 17e. MM. les docteurs Roux, de Marseille, et Mame sur la 18e. M. le docteur Bertini, sur la 19e. Un memoire de M. le docteur Archambault-Reverdy, sur la 20e question, sera lu par M. Anglada. M. de Caumont lit une note qui appelle l'attention de la section sur la lre question, ainsi concue : La nature geolcgique du sol eocerce-t-elle une influence appre- ciable sur le de'veloppement et la propagation plus ou moins rapide des maladies epide'miques ? en d'autres termes, la geogra- phic des roches cst-elle une chose a consider er dans V etude des maladies humaines et de leur de'veloppement ? En demandant que cette question fut posee au pro- gramme, a dit M. de Caumont, j'ai voulu attirer sur ellc Tattention des medecins , [bicn plutot que la discuter. Je suis trop etranger aux sciences medicalcs , pour oser abor- der une question si delicate et si complcxe y mais en ma QUINZ1EME SESSION. 7 qualite de geologue , j'avais le droit de la recommander a mes collegues de la section de medecine, et j'en ai use avec l'agrement de la commission d'organisation du Congres, A l'occasion de cette premiere question, M. le docteur Bally parle de la choladre'e lymphatique , nom qu'il a donne au cholera epidemique, sur lequel il a deja publie quelques fascicules, et dont il poursuit l'etude. A ce sujet, M. Bally dit que le cholera, parti de Paris, glissa sur le sol granitique de Lyon, pour arriver a Aries, sol eminemment calcaire, ou il sevit de la maniere la plus intense. Cependant des sols essentiellernent granitiques, tels que celui de l'Auvergne , ont eu des epidemies choleriques redoutables et meurtrieres. M. le docteur Bureaud-Rioffrey parle sur cette question , et dit que , sans rien prejuger sur les causes , le cholera a suivi le cours des fleuves ; suivant lui, il reste a rechercher si la nature des roches a eu une influence directe sur la pro- duction de cette maladie. Peut-etre, ajoute-t-il, les habita- tions creusees dans le roc, qui se remarquent aux environs de Tours, pourront-elles nous fournir quelques lumieres a cet egard. Notre honorable collegue s'en refere, sur ce point, a F experience des medecins du pays. M. Bally dit, quant au cholera, que cette affection a regne partout et dans toutes les localites , independamment des conditions de salubrite. M. Bureaud-Rioffrey renouvelle sa question touchantl'in- fluence des habitations creusees dans le roc , sur la sante des habitants, et la part que cette disposition peut avoir sur la production des maladies epidemiques. II resulte du developpement que M. Bureaud-Rioffrey donne a ses idees, que les marais sont des foyers de fluides morbifiques , et que les maladies epidemiques (telles que le cholera) suivent en general la direction des grands bassins, et si , selon lui , la question eut ete posee dans ce sens , on fut arrive a un resultat plus certain. M. le docteur Morand pose la question suivante, a ajouter a celles comprises au programme. Qwlte est fa came de mort la plus fre'quente chez les enfants 8 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. qui presenient en naissant la position des pieds ? Quelle est le meilleur moyen de prevenir cet accident. Aux termes du reglement, le bureau decide que cette question sera renvoyee a MM. les secretaires-generaux du Congres, pour avoir leur assentiment sur le point de savoir si elle doit etre traitee devant la section. M. Bureaud-Rioffrey depose sur le bureau un memoire manuscrit, intitule : Nouvelles considerations physiologiqnes sur la curabiliie de la phthisic. M. le doctcur Bally deraande s'il n'y a pas lieu d'accorder unc recompense a l'inventeur de la methode de l'inhala- tion de Tether ? La discussion de cette question est renvoyee a la seance d'aprcs-demain. Seance close a une heure. L^ordre du jour de demain sera la discussion sur la pre- miere question. M. Haime a rempli les fonctions de secretaire. Stance du 3 sefrtemlire* Presidence de M. Bertini. M . Auguste Millet , secretaire. M. Bertini, president de la section des sciences medi- cales, fait hommage a la xve session du Congres scientifique de France de plusieurs de ses ouvrages imprimes en Italien, et dont voici les titres < 1° De la Statistique medicale en Italic. 2° De Tldrologie minerale des etats sardes. 3° De l'Action medicamentcuse des eaux minerales. 4° Relation du xivc Congres scientifique de France tcnu a Marseille. QU1NZH&ME SESSION, 9 5° Relation du Congres scientifique de Strasbourg. 6° Cas singulicr d'aphonie complete pendant le cours d'une fievre typhoide. 7° Effets nuisibles de la decoction de feuilles de tabac employee en lavement comme anthelmintique. 8° Observations pratiques sur l'utilite de l'acetate de morphine. . 9° Observations pratiques sur l'utilite du tannin dans le cas de diarrhee. M. Haime fait hommage au Congres d'une brochure inti- tulee : Considerations sur la Meclecine morale, A l'occasion de la 1™ question posce dans la section des sciences medicales , M. Bureaud-Rioffrey demande aux me- decins de Tours quelques explications sur l'etat sanilaire des personnes qui occupent dcs habitations creusees dans le roc. M. Chenouard, de Vouvray, repond que depuis dix ans qu'il exerce dans une localite ou il y a une grande quantite d'habitations creusees dans le roc, les habitants ne sont pas plus exposes que ceux qui occupent d'autres maisons aux maladies epidemiques. La seule chose a noler, c'est que ces habitations etant humides en hiver, parce qu'il n'y a point assez d'ouvertures , les habitants sont assez generalement exposes a contracter des pleuresies, des rhumatismes , des pneumonies, des sciatiques, etc. M. Bureaud-Rioffrey remercie M. Chenouard de ses expli- cations et revient a l'idee qu'il a emise hier, que ce ne sont pas les roches qui sont causes de maladies endemiques ou epidemiques, mais bien les grands bassins : les terrains d'al- luvion presentent les m6mes conditions. M. Haime partage la maniere de voir de M. Bureaud- Rioffrey, et croit qu'il ne peut "s'echapper des roches dcs miasmes capables d'engendrer des maladies sporadiqucs, endemiques ou epidemiques. Quant a ce qui est dcs babita- lions creusees dans le tuf , M. Haime regarde ces demeures comme excessivement salubres. M. Lesauvage pense que les causes de maladies epide- miques doivent etre reduites a deux elements: 1° l'humi- 10 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. dite qui produit la decomposition des matieres vegetales et animales; 2° les emanations qui s'en echappent. M. Lesau- vage fait observer qu'il faut de plus pour contracter ces maladies epidemiques une disposition individuelle et ame- nee par ces causes. M. Duclos pense que M. Bureaud-Rioffrey exagere l'in- fluence des conditions hygieniques daps la production des maladies epidemiques. M. de Pantoja cite des faits a l'appui de l'opinion de M. Duclos. M. Haime et la plupart des medecins presents a la seance sont d'avis que, dans l'etat actuel de la science, il est im- possible de resoudre la question posee par M. de Caumont, mais que, par l'interet immense qu'elle presente , le corps medical d'Indre-et-Loire s'occupera activement de contri- buer a sa solution. Le nombre des secretaires-adjoints etant insuffisant, MM. les docteurs Pommier et de Lonjon sont pries de vou- loir bien accepter ces fonctions. M. Roux, de Marseille, entretient l'assemblee des bien- faits de TAssociation Medicale. Ce genre d'institution est etabli dans le but de venir en aide aux confreres malheu- reux , et de sevir contre les personnes qui exercent illega- lcment la medecine ou la pharmacie. II y a cinq ans seule- ment que cette association a pris naissance et deja elle compte un grand nombre d'adherents. M. Roux exprime le desir que la section medicale du Congres de Tours fasse ce qu'ont deja fait les sections medicales des Congres prece- dents, c'est-a-dire qu'elle nomme une commission perma- nente composee de sept membres , dont six medecins et un pharmacien. M. le president Bertini prend note de la communication de M. Roux et remet a demain le vote pour la composition de cette commission permanente. Rien n'etant plus a l'ordre du jour, la seance est levee a une heure. QUINZIEME SESSION. 41 Seance du 4 septembre. Presidence de M. Bertini. M. de LonJQn , secretaire. M. le docteur Ancelon fait hommage a la section medi- cate du Congres scientifique d'un memoire sur les fievrcs typho'ides periodiquement developpees par les emanations de l'etang de l'lndre-Basse. II est donne lecture d'une lettre de M. Pernot, par la- quelle M. le directeur de la Colonie de Mettray invite la sec- tion de medecine a se joindre aux membres du Congres qui doivent visiter demain cet etablissement. M. le docteur Laroche, president de la societe medicate d'Angers , fait hommage a la section de medecine du Con- gres de cinquante exemplaires de l'analyse chimique des eaux minerales de Martigne-Briant (Maine-et-Loire). M. le docteur Bally appelle la discussion sur la 4e ques- tion du programme ainsi concue : Pre'ciser, d'apres V experience , les avantages et les inconve- nients des operations chirurgicales , pratiquees sur un malade re'duit a Vinsensibilite par I'opium, le magne'tisme ou la vapeur de V ether. Etablir d'apres les faits, s'il est utile, d'unemaniere absolue ou relative, d1 adopter cette methode ; et, dans ce cas, indiquer, d'apres V observation clinique, lequel des trois procedes est generalement preferable, II rappelle aux membres presents de la section que le Congres a adopte la proposition faite dans la 44e Session d'accorder des recompenses aux belles decouvertes comme aux actions genereuses et vertueuses. M. Bally trouvait glo- rieux pour l'art medical d'honorer l'inventeur de l'etherisa- tion par inhalation, en lui accordant le prix decerne pour la premiere fois par le Congres. Mais comme les fonds avaient ete absorbes par les depenses, M. Bally offrait i,000 francs 12 C0NGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. si le prix etait accorde -par la xve session a l'inventeur du procede. M. Bureaud-Rioffrey expose que les premiers essais de l'inhalation de Tether tentes a Thopital de Tours n'ont pas ete heureux a l'inventeur. II attribue cet insucces a la composition vicieuse de Tap- pareil employe. M. Haime fait observer que, sans avoir eu occasion de pratiquer lui-meme Tetherisation, il peut neanmoins rendre compte du resultat des operations pratiquees a Thopital sous l'influence de Taction de Tether. II reconnait avcc peine que les insucces ont ete nombreux : sur 15 operes, 12 ont succombe ; mais il attribue cette mortalite a certaines con- ditions d'insalubrite inherentes a Tetablissement. M. Ancelon rapporte un cas d'amputation du sein, prati- quee sur un sujet plonge par l'inhalation dans une insensi- bilite complete. La cicatrisation etait operee le dix-huitieme jour et la guerison etait parfaite. Une secondc femme atteinte de la meme maladie a ete egalement soumise a Taction de la vapeur d'ether. Elle ne s'est pas rappele ce qui s'etait passe pendant Toperation, bien qu'il lui eut echappe quelques plaintes au moment de Tincision de la peau. Le quatrieme jour encore, Taction de Tether sur Torganisme se manifestait par un delire gai, quoique cette ferarae fut habituelleraent d'un caracterc serieux. II cite une troisieme observation relative a une jeune fille tourmentee d'une odontalgic On la soumit inutilement pendant vingt-cinq minutes a la respiration de vapeur d'e- ther, Torganisme se montra completement refractaire a Taction de cct agent. M. Ancelon dit avoir vu pratiquer plusieurs amputations avec succes a Thopital de Strasbourg sur des malades soumis prealablement a l'inhalation d'ether. M. Mirault, d' Angers, apporte aussi son contingent pour la solution de la question de l'inhalation de Tether, en commu- niquant a la section le resultat de ses observations particulie- res. II a applique douze fois Tether, tant a THotel-Dieu d'An- gers que dans la pratique civile, pour Tablation de tumeurs quinzieme session. 13 de diverses natures, les amputations, etc. II examine suc- cessivement les effets primitifs et consecutifs soumis par lui. 4° Effets primitifs : II les envisage pendant et apres Tope- ration. Pendant Toperation , ils se sont montres bien differents , suivant les sujets, sans qu'on puisse attribuer ces differences, soit a Fetat de perfection ou d'imperfection des appareils, soit au degre de rectification de Tether employe. En effet, chez les uns, Tetherisation a ete completement nulle, quoi- qu'elle ait ete prolongee au-dela d'une demi-heure; chez d'autres, il y a eu seulement diminution plus ou moins grande de la sensibilite, tandis que chez la plupart il y a eu abolition complete et plus ou moins prolongee du senti- ment. M. Mirault pense que ces varietes , dans Taction de Tether, doivent etre rapportees a la difference des constitu- tions individuellcs, qui, comme onle sait, ont une influence si grande et generalement admise sur la marche des mala- dies et les effets des medicaments. A ces effets primitifs de Tether, M. Mirault rattache la duree tres-variable de son action suivant les individus : sur plusieurs, elle a etetres- courtc et a cesse* avant la fin de Toperation, et consequem- mcnt, les operes ont souffert pendant une partie plus ou moins grande de sa duree. Chez d'autres, Tinsensibilite a per- siste jusqu'a la fin de Toperation. Toutefois , cette derniere categoric de malades a ete la moins nom^reuse, de sorte que la plupart n'ont retire qu'en partie le benefice de la nouvelle mcthode. Cette derniere consideration, dit M. Mirault, qui n'a point frappe suffisamment Tattention des auteurs qui ont ecrit sur Tetherisation, lui semble d'une grande impor- tance rclativement aux operations de longue duree. En effet, lorsque les operes cessent d'eprouver Taction de Tether avant la fin de Toperation, ils demeurent souvent longtemps dans un etat d'angoisses tellement penible qu'elle les rend incapables de se preter aux manoeuvres des chirurgiens. De la, dans certains cas^ des difficultes plus ou moins grandes ou meme un obstacle insurmontable a Tachevement de To- peration. M. Mirault cite en exemple les cancers du sein qui sont compliques de Tengorgement des glandes de Tais- 14 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. selle. L'importance et le nombre des vaisseaux de cette re- gion exigent que le patient vienne en aide au chirurgien par ses attitudes, sans lesquelles Toperation serait environ- nee des plus grands perils. Cette circonstance de Tetherisa- tion parait a M. Mirault tellement decisive, qu'il n'a point cru devoir dans certaines operations longues et difficul- tueuses soumettre ses malades aux vapeurs d'ether. 2° Effets conse'cutifs : Relativement aux efforts consecutifs de l'etherisation, M. Mirault reconnait qu'ils sont difficiles a apprecier; que les faits, sur Interpretation desquels on est d'ailleurs peu d'aceord, ne sont point assez nombreux pour qu'on puisse en tirer des conclusions rigoureuses. Cepen- dant il lui parait vraisemblable que l'etherisation n'est point absolument innocente par elle-meme. II cite a cette occa- sion des observations qui ont ete communiquees a TAca- demie royale de Medecine par M. Jobert et d'autres opera- teurs, observations dans lesquelles on voit que des operes ont succombe a l'inflammation des organes de la respiration et de la circulation , sans qu'on ait pu cependant attribuer direetement ces effets a l'etherisation. M. Mirault rapporte aussi un fait d'amputation du petit doigt,*qui a ete suivi d'une pericardite mortelle. II se demande s'il a existe chez son malade un rapport de causalite entre l'etherisation et Tissue qui s'en est suivie, et laisse la question indecise. II termine sa tres-interessante improvisation par les conclu- sions suivantes : La question de Tether n'est point jusqu'ici suffisamment eclairee. Comme toute decouverte capable de preoccuper vivement Tesprit public , elle a d'abord ete accueillie avec enthousiasme et comme un des plus grands bienfaits de la medecine moderne. Mais a mesure que les experiences se sont multipliees, on a pu voir que la methode nouvelle etait loin de repondre a tout ce qu'on en avait attendu ; qu'elle s'est montree souvent infidele ou incomplete dans les resultats et que de nouvelles observations sont neces- saires pour pouvoir en determiner la valeur. M. Bertini dit avoir assiste a plusicurs operations faites par M. Pertusio, dans les hopitaux de Saint-Maurice et de Saint- QUINZIEME SESSION. 15 Lazare, de Turin, en se servant de Tether, et avoir toujours observe les memes phenomenes cites par M. Mirault. II ad- here pleinement a ses conclusions relatives aTetherisation. MM. Bally, president de la section demedecine, d'Espau- lart et Gendron, de Chateaurenault, temoignent a diverses reprises leurs regrets dene pas voir presents ceux de MM. les medecins de Tours dont l'experience aurait pu jeter quel- ques lumieres dans la discussion de ce sujet. . La section consultee renvoie a la xvie session du Congres scientifique de France cette question d'une grand e impor- tance et encore trop peu eclairee. M. Archambault, de Paris, fait presenter par M. le doc- teur Anglada un memoire sur les revaccinations. Cette no-- tice est renvoyee au bureau central du Congres. Le scrutin, ouvert au commencement de la seance pour la nomination des membres de la commission permanente, est ferme. Le depouillement des votes donne pour resultat l'election de MM. Thomas, Charcellay, Anglada, Millet, Haime, Pillet et Tassin. La prochaine seance de reunion des membres de la sec- tion medicale aura lieu demain de 8 a 10 heures du matin, dans la salle du tribunal civil. Seanee du 5 geptembre* Presidence de M. Bertini. M. Auguste Millet , secretaire. La seance est ouverte a huit heures; M. Bertini donne lecture d'un travail interessant en reponse a la 49e question ainsi posee : ' Qu'est-ce que la miliaire? Cette affection eruptive est-elle symp- tomatique ou idiopathique ? Si elle est symptomatique, torn les organes peuvent-ils lui donner lieu, ou quels sont ceux qui la produisent? La miliaire n'aurait-elle pas pour cause une alte- d6 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ration des liquides ? Quel est son traitement; est-il toujours le meme ? D'ou vient que la miliaire est presque toujours mortelle, quand elle se developpe dans les affections rhumatismales ? Messieurs , J'ai l'honneur d'exposer aux illuslres membres de cetle reunion scien- tifique quelques id^es sur la miliaire, sur son essence, ses linjites, son mode de propagation et son traitement, fruit d'une pratique non interrompue pendant l'espace de huit lustres. Messieurs, je n'ai pas la pretention de jeter une plus grande lumiere sur un point de pathologie si difficile et si obscur de sa nature ; mais ayant exercC, et exercant la m6"dccine dans un pays ou la miliaire fait souvent des ravages, je me permettrai de vous soumettre quelques donnees sur une question aussi grave en laissant a votre jugement de les apprttr a leur juste valeur. Je reclame d'abord votre indulgence a regard du style de mon mdmoire, et de certains mots mis en usage par les mCdecins ltaliens , que j'aurais 6t6 tres-embarasse de rendre exactement en francais. Premiere question. Je commencerai done, quant a la premiere question : Qu'est-ce que la miliaire? a observer que les diffe>entes opinions Cmises par les auteurs sur son essence et son mode de propagation ne permettent pas de r£- pondre d'une maniere nette et precise ; car ceux qui soutiennent que la miliaire est une maladie essentielle et contagieuse , refusent le nom de miliaire a certaines eruptions cutane'es qui ont e*te confondues avec la ve- ritable miliaire par les praticiens, qui croient la maladie en question tou- jours secondaire ou symptomatique. Ainsi, pour eviter tout embarras, je dirai que sous le nom de miliaire on doit entendre une Eruption cutanee, accompagne'e de fievre, envisaged par quelques emvains comme toujours essentielle ou primitive, par d'autres au contraire comme toujours secondaire ou symptomatique, par d'autres enfin tantot primitive , tantdt secondaire , qui ne se manifeste pas a des jours- fixes et determines depuis l'invasion de la fievre, mais au quatrieme ou au cinquierae jour quand elle est plus maligne, au septieme , au dixieme, au quatorzieme et m6me au vingt-unieme quand elle est moins dangereuse. L'Cruption miliaire est toujours pre'edde'e d'une fievre violente qui prend diff^rentes formes, leplus souvent rheumatique ou arthritique; QUINZIEME SESSION. 17 de troubles dans le systeme nerveux sensitif et moteur, de sueurs abon- dantes, exbalant line odeur acide, qu'il est impossible de specifier avec des mots d'une maniere exacte, mais bien facilement reconnaissable par Ies praticiens babitues a traiter cette maladie. La miliaire consiste dans l'e'ruption de petites vdsicules, de la gros- seur et de la forme d'un grain de millet, d'ou elle a tire- le nom de mi- liaire, qui paraissent d'abord autour du cou, et sur la region sternale su- perieurc, successivement a la face interne des bras, sur le ventre et sur toute la surface du corps, a l'exception de la face. Les petites ve'sicules sont tantdt rouges, tantot blancbes ou crystallines , et renferment le plus souvent un liquide transparent, qui devient successivement opaque : quel- quefois ies vesicules paraissent raides , et disparaissent sans que la des- quamation s'observe pour faire place a une nouvelle Eruption. De la meme maniere que cet exantbeme ne parait pas constamment a un jour d&ermin6 depuis I'invasion de la fievre, il ne parcourt non plus une pdriode de^ermine'e et fixe ; les premieres vdsicules qui se manifestent sont peu nombreuses , sont placees h une grande distance les unes des autres : elles disparaissent bien souvent par desquamation en'peu de jours, quelquefois dans quelques heures ; et pendant ce temps il en parait d'au- tres, plus confluentes et plus grosses. Cette alternative de vesicules, qui se desquament en m&ne temps qu'il en parait des nouvelles, se prolonge pendant plusieurs jours, sans maintenir poortant une regie constante et un temps determine; dtant prouvC par des faits constatCs par bien des prati- ciens consciejicieux que l'eruption miliaire s'est maintenue pendant des mois, tandis que souvent elle accomplit son cours dans douze, quinze ou vingt jours. Cette description ne permet pas de confondre aucune eruption cutanee non accompagn^e de fievre avec la vraie miliaire. La maladie qui nous occupe offre tant d'anomalies dans son cours, qu'il est tres- difficile d'en donner une description qui s'approche de la v^ritd : elle est sujette chez divers individus, a des modifications particulieres selon Ies differentes circonstances de temperament, d'age, de sexe, de causes, de maladies concomitantes : si on excepte la gravity, le danger et 1'identite de reruption cutanea , il serait tres-difficile de reconnaitre que c'est la meme maladie, tenement son cours est proteiforme et bizarre. La nature de ce travail, le peu de temps accorde" aux lectures ne me per- mettent point d'entrer dans des details minutieux sur la symptomatologie capricieuse de cette maladie; details qui d'ailleurs seraieut inutiles Ctant 48 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. parfaitement connus de tous les membres de cette assemblee, qui m'hono- rent de leur attention. J'aborde en consequence sans autre pr£ambule la seconde question : la miliaire est-elle symptomatique ou idiopathique ? Cette question en embrasse de n^cessite" une seconde, savoir : si cette Eruption cutanea est idiopathique , est-elle determined par quelque prin- cipe contagieux special ? Avant d'entrer en discussion, je declare a cette illustre assemble que je ne crois pas la miliaire ni contagieuse, ni idiopathique, mais constamment secondaire de certaines conditions pathologiques qui ont de l'affinite entre- elles , mais qui varient quant a la forme et au siege ; affection secondaire qui a son apparition est ndcessairement accompagnee d'epiphenomcnes propres a elle. Pour que Ton puisse appeler contagieuse une maladie quelconque , il faut qu'elle tire son origine d'un principe contagieux special : que ce prin- cipe une fois introduit par une voie quelconque dans le corps s'y eiabore de telle maniere a produire nouvelle matiere contagieuse capable de re- produire les memes effets dans un autre individu. De ce fait il s'ensuit n£- cessairement qu'une maladie contagieuse doit etre toujours identique ; parcourir certaines periodes deterrainees de delitescence , d'e>uption , de terminaison ; etre accompagnee de certains phe"nomenes constants et de- termines , enfin, selon la maniere de dire italienue, une maladie a pdriode nfoessaire. Sans le concours de ces conditions, il est impossible d'admettre qu'une maladie soit contagieuse, excepte qu'on veuille faire de la chicane ; qu'on veuille appliquer les idees preconcues aux faits, au lieu de faire servir les faits a la theorie. Je crois inutile de faire observer qu'il s'agit ici d'exanthemes contagieux accompagnes de fievre, et non d'impetiges contagieuses avec apyrexie, par exemple la syphilis ou la gale. Les conditions que je viens d'indiquer, et qui constituent la maladie contagieuse febrile, s'observent constamment dans toutes les eruptions, sur la contagiosite desquels on n'a jamais eieve des doutes, comme la petite verole. En effet, cette affection doit son existence a une matiere sui ge- neris qui se reproduit abondamment dans le corps du malade et a la pro- priete d'etre transmise a un autre individu en y engendrant constamment les memes phenomenes ; qui parcourt une periode fixe et determinee de delitescence, de maturation et de terminaison ; qui s'associe constamment avec des symptomes gastriques ; qui regue souveut epidemiquement sans QUINZIEME SESSION. 19 que des circonstances atmospheriques speciales exercent la moindre in- fluence sur son developpement ; dont enfin aucun remede n'est capable d'acceierer le cours ou de le faire cesser. II en est de meme de la rougeole, de la scarlatine,etc. Examinons a present si la miliaire r6"unit les conditions enonc^es. Sans nous arreter aux experiences d'inoculation avecle pus des petites vesicules miliaires (dont on ne doit faire aucun cas , attendu que, tenant compte des autorites, le nombre de ceux qui pretendent avoir rCussi a determiner par ce moyen Irruption miliaire est egal a celui des praticiens qui n'ont rien obtenu), nous observerons que la nature variable et proteiforme des pustules miliaires s'oppose a l'opinon favorable a la contagion. En effet les ve"sicules miliaires tautdt sont rouges , et conservent cette couleur pendant tout le cours de la maladie, tantdt sont blanches, tantdt crystal- lines depuis leur apparition jusqu'a la fin. N'a-t-on jamais observe" que les pustules de la petite v^role, ou les phlyctenes de la rougeole varient dans leur forme? Paraissent-elles tantdt au quatrierae jour depuis 1'inva- sion de la fievre, tantdt retardeut-elles jusqu'au vingtieme et au-dela ? Les a-t-on vu tantdt disparaitre totalement pour reparaitre de nouveau, tan- tdt se desquamer, ou finir sans aucune trace apparente de terminaison ? Tantdt durer quelques heures seulement, quelques jours, d'autres fois se prolonger pendant des mois, comme on a observe" de la miliaire ? assur£- ment, personne ne peut le dire. A-t-on jamais vu la petite verole etre pr^ce"de"e ou accompagnde tantdt d'une pneumonite, tantdt d'une arthritis, d'une fievre rheumatique, puer- pe"rale, typhoide, d'une' jntermittente, et dans ce dernier cas guerir la fievre et en meme temps Irruption cutanea avec les preparations de quin- quina , comme il est arrive , et qu'on observe assez souvent dans la mi- liaire ? Quelle valeur peut avoir le fait, tant vante par les auteurs qui soutien- nent la contagiosity , de fievres miliaires epidemiques observers en meme temps parmi les membres d'une meme famille, parmi les habitants du meme village ? Ce fait ne peut d'aucune maniere venir a l'appui de la con- tagiosite de la miliaire. Personne n'ignore que sous l'influence de certaines causes generates d'insalubrite (constitutions morbides d'apres le langage medical) , plusieurs individus sont en m&me temps attaques de maladies qui, dans leur cours, presentent plusieurs phenomenes ressemblants. Mais appellera-t-on par cette raison contagieux les pneumonies epidemiques, les fievres inter mittentes, les hemeralopies, et autres semblables.3 Non, assure"ment. 11 est encore plus etrange qu'on ait cite comme preuve de la 20 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. contagiosity de la miliaire, l'observation faite dans certains hopitaux, des- tines aux femmes en coucbe, d'e'pide'mie miliaire r^gnante parmi les nou- velles accouchCes. Comment accuser de contagiosity uri phe"nomene qui survient a une fievre accidentelle comme la fievre puerpe>ale? Toutes ces epidemies de miliaire reconnaissent une cause ge'ne'rale et jamais une sp&ifique. En effet, elles sont assez fre'quentes chez nous dans les provinces de Novare et de Yerceil oil , par suite de„la culture du riz , domine constamment la constitution miasmatique qui produit les fievres intermittentes. La, oil ces conditions generates n'existent pas, jamais on n'observe la miliaire e'pide'mique ; elle y est toujours sporadique. Cullen, qui a fait ses observations en £cosse , region bien diffe'rente par sa constitution des sus- dits pays , nie la miliaire e'pide'mique. Pour ne point abuser de votre indulgence je me limite a ces arguments principaux qui , a mon avis , paraissent suffisants a demontrer la non contagiosity de la miliaire, si Ton ne veut pas se perdre en jeux de mots, et attribuer a cette seule maladie des caracteres qui n'appartiennent aucu- nement aux autres veritables maladies contagieuses. Par ce que je viens d'exposer, un des principaux arguments favorables a l'opinion que la miliaire soit primitive, ou idiopathique, devient de nulle valeur. On appelle du reste maladie primitive celle qui est produite par des causes propres a elle , qui a ses sympt6mes particuliers , et ne parait ja- mais a la suite d'autres maladies ; qui a toujours le meme siege , la meme nature, et qu'on traite avecles m6mes moyens the'rapeutiques et hygie'- niques. Or , la varied des phe'nomenes qui pre'ce'dent , accoropagnent et viennent a la suite de Irruption miliaire, son mode pioteKforme de'mon- trent suffisamment qu'elle n'est pas primaire , mais l'expression de cer- taines conditions organiques morbides, produites par quelques maladies, quand elles ont acquis un tel degr6 d'intensite' capable d'alte>er la qualite' des humeurs destinies a vivifier et a renouveler les solides. Je dis que ces maladies doivent etre parvenues a cette intensity pour que l'e'ruption mi- liaire se fasse. En effet on ne l'observe pas dans toutes les affections rheu- matiques, dans toutes les fievres puerpe'rales , mais seulement dans quel- ques-unes plus graves, par suite de circonstances particulieres exteneures et inte'rieures. Quant a la troisieme question sur le siege de la miliaire , et sur les maladies qui peuvent I'engendrer, mon experience et l'autorite" de plu- sieurs obserYateurs me portent a croire que la miliaire ne parait pas seu- QUINZlEME SESSION. " 21 lement a la surface du corps , mais aussi sur Ies muqueuses internes , quoique sous une autre forme ; aphtes ou pustules , comme il est demontre par les autopsies des sujets morts a la suite de la miliaire pre'ce'de'e de fie- vres de diffe"rente nature. Presque toutes les maladies fe'briles donnent lieu a la miliaire ; mais celles qui lui donnent origine de preference sont ceiles qui proviennent de causes rheumatiques , de derangement de la transpiration cutanea et qui eclatent violemment ; les maladies de l'appareil sereux en general , comme l'arthritis , la pleur&ie , la peritonite ; les affections du systeme vasculaire sanguin , l'angioite specialement ; enfin les maladies qu'on ap- pelle adynamiques , qui ont leur siege dans les centres nerveux ganglion- naires , et leur essence dans une alteration des humeurs essenlielles a la Tie, specialement du sang, comme les fievres typho'ides , les intermit- tentes et les remittentes pernicieuses. Je me rappelle d'un seul cas , dans ma longue pratique , d'eruption mi- liaire sans qu'elle fftt precedee par une des affections que je viens de mentionner. II s'agit d'une demoiselle agee de 13 ans qui ay ant voulu , au mois de juillet , entrer par curiosite dans une glaciere pendant qu'elle etait en pleine transpiration , fut attaquee d'une iievre violente , suivie au bout de vingt heures d'une eruption miliaire generale : au quatorzieme jour la fievre disparut et la desquamation s'opera sur toute la surface de la peau. Pour repondre a la quatrieme question : la miliaire jCaurait^lle pas pour catise une alteration des liquides? Je dirai que, quoique jusqu'a ce jour nous ne possedions pas des travaux chimiques pour l'admettre materiellement , a mon avis, les arguments pour le demontrer, sinon phy- siquement, au moins rationnellement , sont assez nombreux. En verite, ce qui me laisse croire que Irruption miliaire depend d'une alteration dans les humeurs sont les circonstances etiologiques qui lui donnent lieu , les phenomenes qui la precedent et l'accompagnent. Dans les regions oil la miliaire est le plus frequente , ou elle parait d'une certaine maniere epidemique , les fievres periodiques y regnent aussi habituellement , causees par [les exhalaisons miasmatiques des eaux sta- gnates. Cette circenstance , a laquelle il ne parait pas qu'on ait fait beaucoup d'attention jusqu'a ce jour, peut bien , a mon avis , exercer une influence sur la production de la miliaire. Chez noUs, effectivement, la plaine du No- varais , presque toute cultivee en riz et tres-renommee pour les fievres intermittentes qui y regnent coustamment, la miliaire y est tres-frequente. 22 CONGRES SCIENTIFIQUE DE PRANCE. On peut en dire autant des provinces de Verceil , de Pavie et de Mantoue. Au contraire dans le Pi£mont proprement dit , ou ces conditions n'exis- tent pas,, la maladie miliaire ne s'observe jamais que sous la forme spora- dique. II serait superflu de dire quelle estjla maniere d'agir des miasmes dans Te'conomie animate d'apres les derniers travaux de la chimie organique sur le sang. 11 est sur que la cause principale de leurs effets nuisibles de- pend de l'alteration qu'ils font subir aux humeurs. D'ailleurs les maladies qui, dans leurs cours, offrent plus souvent la com- plication avec la miliaire , sont precisement celles qni sont plus capables d'alterer les principes qui composent le sang. Dans les fievres de nature rheumatique , dans l'arthritis , dans les pneumonies , les pleurisies, cette alteration est assez connue. La complication du reste de la miliaire dans les phtebites uterines , dans les fievres typho'ides et p^techiales (dont la gravity depend sp6"cialement d'une grande alteration de la masse du sang) sont autant d'arguments en faveur de l'opinion que la miliaire doit son apparition a la mauvaise qualitC des humeurs. Examinons a present ce qui precede une Eruption miliaire. Apres qu'une violente fievre a dur6 plusieurs jours , il se manifesto une sueur abondante , profuse , d'une odeur acide sui generis , qui ne doit pas etre confondue avec les sueurs critiques d'autres maladies, ni avec celle d'un homme sain. Sans que precede cette sueur, qu'indique une alteration dans le sang , Irruption miliaire ne peut absolument se faire. Cette odeur particuliere de l'humeur qui s'exhale par la peau est commune a d'autres maladies dont le germe est Cminemment humoral. Vous tous connaissez, Messieurs, l'odeur de souris qui exhale des malades atteints de fievre typho'ide. Les troubles nerveux , le delire, les tremblements , les soubresauts, les carpologies qui accompagnent Irruption ne nous rappellent-ils pas les de"sordres , les troubles nerveux qu'on observe communemsnt dar.s les cas de phtebites suppureos , ou des fievres causCes par de vastes abces, quand la matiere purulente est absorbee et portee dans le torrent de la circulation. Je ne m'arreterai pas , pour confirmer la cause probable^de l'apparition de la miliaire, a la qualite du sang tire" avant l'eruption ou pendant qu'elle dure , parce qu'avant Irruption tantdt il se pr&ente tres-plastique , tan- tdt liquide et dissous , et pendant son cours , de quelle nature soit le sang, on pour rait supposer qu'elle soit plutnteffet que cause dela mi- liaire. Dans tous les cas les caracteres du sang qui n'est plus vivant parce QUINZIEME SESSION. 23 qu'il est hors du corps , et sous la puissance des agents chimiqnes , ne pourraient pas , a raon avis, fournir assez d'jndices pour qu'on put tirer des conjectures infaillibles. J'ose esperer que les reflexions que je viens de faire suffiront a cette illustre assemblee , pour conclure avec quelque probability que l'ernption miliaire est due a une alteration des humeurs dont la nature est jusqu'a present inconnue, raais qui est produite par diffe'rentes maladies qui agis- sent sur le corps d'une maniere analogue. Ce que je viens d'exposer ameue naturellement la reponse a la derniere question avant d'aborder la cinquieme. D'oit vient que la miliaire est presque toujoars mortelle quand elle se developpe dans les affections rhumatismales ? Si la miliaire depend probablement d'une alteration dans les humeurs , et si cette alteration ressemble a celle qu'on observe dans le cas d'ab- sorption de pus , ou de quelque principe hCtCrogene dans le sang , il ne parait pas difficile de se rendre raison pourquoi elle est plus mortelle , non seulement dans les affections rhumatismales, comme il est dit dans la question , mais aussi dans toutes les maladies auxquelles elle s'associe. Si la miliaire parait plus dangereuse dans les fievres de nature reu- matique , elle ne Test pas en effet. Je crois que ce faux calcul est une simple faute de statistique. Effectivement comme la miliaire est bien plus souvent secondaire d'une affection rhumatismale que de toute autre , on l'a crue plus mortelle dans ladite affection que dans les autres , parce que le nonabre des.victimes est plus grand dans le premier cas. Du reste la vraie miliaire est toujourstres-dangereuse dans quelque maladie que cesoit, parce qu'elle suppose un tel etatdes humeurs a les rendre incapables d'ex- citer la vie dans les solides , de les renouvelef , leur donner de la vigueur, en un mot incapables de remplir leur but physiologique. Il me reste a dire quelqus mots sur la question la plus de"courageante, sur la question du traitement de la miliaire. J'ai dit plus haut que toute eruption miliaire Ctait secondaire d'une maladie febrile tres-grave ; il ne faut pas pourtant croire qu'elle doive 6tre traitee comme un simple symptdme de cette maladie ; parce qu'etant secondaire , il ne s'ensuit pas qu'elle soit simplement symptomatique. Un symptdme nait et disparait avec l'apparition et la disparition de la ma- ladie, mais l'affection secondaire est seulement determine'e par la maladie primitive : aussitot qu'elle a eu lieu , elle presente ses symptdmes propres et se maintient, on dirait, dans une independance absolue de la maladie qui l'a produite, Une consequence de cette assertion est que le traitement 24 CONGRES SC1ENTIFIQUE DE FRANCE, pour combattre la maladie primitive est suffisant a traiter un de ses sympt6raes, mais il ne suffit pas pour combattre les affections secon- dares qu'elle a produites. Quant a la question si le traitement doit varier dans les diffCrentes affections miliaires ; s'il s'agit de le modifier eu egard au degre* d'intensite', nous sommes pour l'affirmative , mais e"tant question de quality, il parait qu'il doit etre toujours le meme ; car la miliaire , quoique secondaire, est toujours de la meme nature. Le traitement de la miliaire prCsente diffcrentes indications selon l'epoque du mal et sa marche; c'est-a-dire qu'il doit etre moditiC lorsqu'elle parait, qnand elle fait son cours , et dans le cas oil elle rentre et doune lieu a des phenomeues particuliers. Je n'exposerai pas ici ce qui a e"te conseille' dans les ecoles, et par les auteurs qui ont traits de la maladie; je me borne au re'sullat de ma pratique. Tour faciliter son eruption , si la sueur qui la precede n'est pas ge'ne'- rale , ni continue, je mets en usage avec succes les diaphore'tiques simples (tisane de fleur de tilleul, de pavot rouge, etc.), les bains gene'raux tiedes , les fomentations humides aux extr6mite"s inferieures. A l'apparition de la miliaire, pour calmer les troubles qui l'accom- pagnent, je me sers toujours avec succes des opiaces en donnant la preference a l'acetate de morpbine , que je suspends de suite , si l'd- ruplion se fait avec difficulty , ou si elle menace de rentrer. J'employe tr6s-rarement la saignCe, attendu la grande faiblesse dans laquelle tombe le malade a la suite de cette operation. Je me borne a l'application de sangsues le long des jugulaires, dans le cas oil une congestion passive du cerveau est manifeste. Du reste , pour corriger l'allcration des humeurs , selon l'epoque de l'e- ruption, les forces du malade, l'intensite des symptomes, la durde de la maladie , j'employe a l'interieur l'acetate d'ammoniaque , la decoction de tamarins, les boissons glacees; dans quelques cas une decoction aqueuse de quinquina, l'infusion de polygala, etc. Lorsque survient la rentre'e de l'e'ruption , les meilleurs moyens pour la rappeler promptement a la peau sont les fomentations tiedes sur les parties oil elle parait plus communement ; et si elles ne suffisent pas , je fais appliquer un large ve'sicatoire sur la region sternale. Voila en peu de mots, illustres confreres, les moyens avec lesquels j'ai rcussi a guerir quelques cas graves de miliaire. Je suis bien loin pourtant do vouloir faire dCpendre des remMes tous les bons effets obtenus ( car QUINZIEME SESSION. 25 la mortality causae par cette maladie est trop considerable pour pouvoir s'en flatter) ; le peu de rdsultats heureux doivent etre attribue's en ma- jeure partie a des circonslances particulieres aux individus malades : chose singuliere pourtant , ces circonstances ne sont pas , comme on pour- rait le supposer, la bonne constitution de l'individu , sa force , sa vivacite" , mais au contraire les temperaments faibles, les femmes qui ont des couches a un age avance , etc. Au bout de mon me'moire, je crois que la note bibliographique suivante, concernant les auteurs italiensqui, la pluspart sujets Sardes, se sont occupe"s a e'tudier la miliaire, depuis le xve siecle, ne manquera peul-etre pas d'un certain intent pour vous. Par le nombre de ces e*crivains vous pouvez Yoir quelle doit etrc la fre- quence chez nous de cette terrible maladie ; vous y verrez en meme temps quelles sont les opinions sur son mode de propagation , ayant eu soin de designer avecles lettres A, C, et S O, chacun des auteurs, suivant qu'il est anticontagioniste, contagioniste , ou sans opinion determinee. Bertolotti Philippi Maria , Dissertat. medic, ad cooptationem in ampl. marr. coll. Tanrin. Taurini, 1744. S. O. Guidetti Thomas, Dissertat. physiol. et medic. Aug. Taurinorum, 1747. S. 0. Da Castro Math. Petri , De febre maligna puncticulari. Verona , 1750. S. O. Dallabona , De febre miliari. Verona, 1751. S. O. Calvo Ignatii , Dissert, medic, ad cooptat. in ampl. medic, contag. Taurin. Taurini , 1754. S. 0. De Agostinis Antonio , Osservazioni medico -pratiche Intorno alle febbri miliari. Novara , 1755. C. Allioni Caroli , Tractal. de miliarium origine , natura , progressu et curatione. Taurini , 1758. Une seconde edition parut en 1792. C. ( C'est la meilleure monographie sur la miliaire publi^e dans le dernier siecle. Tous les m£decins ont puise dans cet ouvrage plein d'erudition. ) . Fantoni Johannis , Specimen observat. de acutis febribus mtliaribus. Taurini et Nicea, 1762. Damilano, Nuovo trattato pratico suite migliare. Mondovi, 1774. S, 0, Lanteri Petri, Febris epidem. historic. Nicea, 1770. S. O. Beretta Francisci , De miliaris nature , differ, et curatione. Medio- lani, 1778. C. Baraldiy Storic d'una costituzione endemio - epidemica di febbri miliari. Modene , 1781. C. 26 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Asti Felice, Terzo anno medico Mantovano. 1781. S. O. Targioni, Storic delle malattie dominanti in Mantoua nel 1783. S. O. Basori Gioanni , Suli epidemia di Genova. Milano, 18t)£. S. O. Vasari F. , Storic singolare d'una Febbre miliare , con alcune con- sider. Venezia, 1815. C. Mariania J. B. , Lirea identitatem contagii petechialis , scarlatini et milianis. Alexandria , 1816. C. Omodei Annibale, Annali universali di medicine dal 1814 et 1839. S. O. Bodei A. , Suli influenza contagioso epidemia. Milano, 1818. C. Tommasini Giacomo , Deli injlamm. e dela febbre continua. Pisa , 1820. S. O. Podrecca G. Leonid a, Traduz. delle trattato delle demetosi d'Ali- bert. Milano , 1820. C. Thiene Doraenico, Storic da malt venerei. Vicenza , 1824. S. 0. Dalmazzone Alfonso , Migliare epidem. osservata negli anni 1821 - 22 - 23. Repert. medico-chirurg. di Torino , V. 1 v. 1824. S. O. Fanzega Francisci Aloysii, Institut. pathologica. Pataria, 1825. C. S. B. Sul metodo di cura delle febbre miliare. Novare, 1827. C. Fodire" Francois E. , Recherches et observations critiques sur V Erup- tion de lafievre connue sous le nom de miliaire. Paris et Strasbourg , 1828. A. Galli A. , Storic razioneta di miliare. Repert. medico chirurg. de Torno, 1828. S. 0. Zecchinelli G. Maria , Belie tume padovane. Padova , 1831. C. Polcini Crio, Sul morbe migliere. 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Gazzette medico di Mileno , 1842. A. Fantonetti G. B. , Giornale del' J. B. Institute Lombardo. A. Strambio G., Sulla migliari. Gazzetta medica diMilano, 1842 e43. C: Casorati Francesco , Migliari epidemiche nella citti e provincia di Pavie Lomelesne, Oltrepo\ Gazz. med. di Milano , vol. I e II. C. Capo Bianco R a ffaello , Elenxentidi medicine pm^ce. Napoli, 1442. A. Venolazzi Ignazio, Del morbo migliare. Padova, 1843. C. Cet auteur , qui a rddige- une excellente monographie de la miliaire , cite les praticiens qui n'ont pas public de memoires speciaux , mais qui pourtant lui ont found par correspondance des materiaux iue'dits sur la miliaire , et principalement sur son mode de propagation. Les void : Burzio Gius. , di Minerba nel Veronese. A.' Carli Luigi , di Segnago , Vicenze. C. Colcini Angelo , di Mantoua. C. Donati Carlo , di Vicenze. C. Finato Antonio , di Vicenze . C. Fofnasini Luigi , di Bressica. C. Massoni Angelo , di Torino. A. Matteis Pietro , di Treviso. C. Mugne Gio B. , di Padova. C. Orlando Gaetano , di Montaguena. S. 0. Ramati Giuseppe , di Novara. C. Sandri Antonio , di Vicenze. C. Sommoriva Franc. , d'Este. S. 0. Tortime Pietro , di Vicenze. C. Vanzetti Serefino , di Vicenze. C. Zerlotto Luigi , di Verona. C. Secondi Giuseppe, Condizione patologica , ed indole contagiose della migliare. Verona, 1843. C. Liberali Sebastiano, Delia migliare. Treviso, 1840. Ferrati Mauro, Tntorno le miliere. Gazz. med. di Milano , 1844. S. 0. Penolezzi Ignazio, Della migliare perniciose. Venezie, 1845. C. Papis G.tSulV innesto della miliare. Gazz. med. diMilano. 1846. A, 28 congres scientifique de France. Pignana Antonio. Degli ammelati con miliare e febbre intermit- tente curati in Pavie net 1836. V. Gazetta med di Milano. Vol. V. A. Fessler Saverio , Suite miliare epidemica di Padova e suo territorio etc. Padova, 1847. S. 0. Parmeggiani Giuseppe , Storia di alcuni casi di migliare e conside- razioni intorno alia medecina. Bologna, 1847. V. Bulleti, delle scienza mediche di Bologna , V. XI. L'ordre du jour appelle la discussion sur la 8e question. M. Roux, de Marseille, a la parole, et dit qu'il n'existe point de description du croup dans les ouvrages des auteurs an- ciens qui l'ont confondu avec d'autres maladies. La deno- mination de croup est selon lui tres-vicieuse , elle est d'o- rigine ecossaise, mais ce n'est point a dire pour cela que les Anglais Faient specialement ctudiee mieux que nous. Le mot diphterie donne a cette affection par M. Bretonneau lui parait beaucoup plus convenable. L'orateur ne croit point devoir s'arreter a l'etude des causes et de la nature du croup , ces points de l'histoire de la maladie etant parfaitement connus et etudies ; cependant il insiste sur la nature et nous dit que l'ecole physiologique, a regarde le croup corame une affection inflammatoire, dont le siege n'etait pas parfaitement determine. M. Bretonneau, dont lenom fait toujours autorite, a insiste sur la nature de la diphterie, qui selon lui est une inflammation specifique, avec production de fausses membranes. Pour M. Roux enfin, c'est une inflammation speciale, specifique avec spasme des muscles du larynx. Abordant la question du traitement, M. Roux s'est atta- che a demontrer seulement qu'un traitement derivatif tres- energique et convenablement dirige , peut , au debut, enrayer la maladie et raerae la faire avorter. A l'appui de cette opinion, M. Roux a cite a Tassemblee un fait qu'il regarde comme peremptoire , et dont voici l'analyse : Un enfant de quatre ans est pris des symptomes du croup; la mort est imminente; |M. Roux fait appliquer au cou un collier de vingt sangsues , etplonge le petit malade dans un bain chaud et l'y laisse jusqu'a ce qu'il tombe en syncope. L'enfant est alors retire de l'eau et place dans un lit tres- QUINZIEME SESSION. 29 chaud; un traitement convenable est continue et trois jours apres il jouait avec les enfants de son age. Un an s'etait a peine ecoule que l'enfant fut pris des memes symptomes; M. Roux n'etant pas chez lui , les parents se rappelerent les moyens employes par ce praticien, mais ils jugerent con- venable de les modifier et au lieu de vingt sangsues ils n'en mirent que six; au lieu d'unbain prolonge, l'enfant y resta seulement quelques minutes. Le mal fit alors quelques pro- gres, et quatre heures apres l'invasion de la maladic, lorsque M. Roux accourait pres de son malade , il ne trouvait plus qu'un cadavre. La mere de cet enfant etait depuis dix ans sujette periodiquement a des affections du larynx. M. Mirault d' Angers, remplaceM. Roux a la tribune. Ce praticien regarde les causes du croup comrae environnees d'un mystere que les recbercbes les plus minutieuses, les investigations les plus precises n'ont encore pu penetrer , et selon lui il n'est pas plus possible de determiner sous quelle modification nait le crOup, que sous quelle influence se developpe le cbolera ou la dothienenterie. Quant a la nature de cette redoutable affection; pour beaucoup de medecins c'est une inflammation simple , mais cette opinion ne peut etre soutenue serieusement; il y a quelque cbose de plus, c'est une inflammation speciale avec production d'une matiere particuliere qui lui imprime un cacbet particulier, c'est une affection morbide sui generis dont M. Bretonneau a trace l'histoire avec une superiorite incontestable. M. Mirault, d'Angers, poursuivant le cours de sa brillante improvisation, arrive a la question du traitement; il dis- cute tour a tour avec une grande nettete l'efficacite des moyens generaux et des moyens locaux dans le cours de la diptbterie. Les moyens generaux sont les emissions sanguines, les purgatifs, les vomitifs et les mercuriaux. Chacune de ces methodes employee seule ou de concert avec d'autrcs moyens a ete preconisee, ou a ete decriee: les uns ont regarde les saignees comme indispensables; ceux-ci ont voulu tirer beaucoup de sang; ceux-la ont recoramande d'etre circon- 30 CONGAS SC1ENTIFIQUE DE FRANCE*. spects et de ne point trop affaiblir le sujet. Duges a vante les purgatifs corarae occasionnant une revulsion sur le tube intestinal. Guersant, Marotte, Delarroque ont preeonise les vomitifs; mais ici encore il y a dissidcnce. Emploiera-t-on lesvomitifs avant les emissions sanguines, ou les emissions sanguines avant les vomitifs, ou bien enfin les vomitifs seleument. M. Mirault d'Angers regarde l'emetique corarae un agent tres-precieux dans le traitement de la dipbterie; en cffet ce medicament agit en s'opposant a la formation de la fausse membrane, si elle n'est point encore produite ou bien il facilite son expulsion. Si elle est deja formee, les auteurs du compendium ont pretendu que l'emetique ne pouvait etre donne dans les cas de congestion cerebrale , d'irritation gastrique, et les mercuriaux employes sous toutes les formes n'ont point semble meriter au praticien d'Angers la faveur dont ils ont joui. Parrai les moyens locaux qui ont quelque prise sur la dipbterie, M. Mirault cite les sinapismes et surtout les vesi- catoires; mais pour agir convenablement, les vesicatoires ne doivent pas etre appliques au debut de l'affection, c'est au contraire a la 3e periode , alors que tout espoir semble eteint, qu'un vesicatoire applique sur toute le partie an- terieure de la poitrine produit quelquefois de merveilleux effets et rappelle a la vie de malheureux enfants que Ton etait en droit de regarder commevoues a une mort certaine. L'orateur passe cnsuite en revue les divers agens avec lesquels la cauterisation a ete pratiquee , puis il arrive a l'operation de la tracbeotomie. Ce moycn, dit cet babile praticien, ne compte pas encore un grand nombre de parti- sans, malgre les efforts de M. le professeur Trousseau , qui affirme que la tracheotomie pratiquee des le debut de l'af- fection produit neuf guerisons sur dix malades, tandis que si au contraire on attend a la fin de la 2e ou au commence- ment de la 5° periode , on n'a plus qu'une guerison sur dix malades. II ne faut pas croire qu'une fois l'operation pratiquee , le malade est sauve : malbeureusement il reste encore beau- coup afaire pour le pauvre opere, et de la bonne direction QUINZ1EME SESSION. 31 des soins a donner depend le succes de la tracheotomie. II y a, dit M. Mirault, de quoi etre effraye,en pensant a la har- diesse qu'il fallut pour porter la cauterisation sur la mu- queuse laryngo-tracheale.Honneur done al'illustrepraticien de Tours, qui a consacre son savoir et ses veilles a l'etude d'une maladie si meurtriere, et qui par son sang-froid est parvenu a arracher des etreintes de la mort des victimes qu'elle regardait deja comrae sa proie ! M. Haime dit qu'il avait l'intention de prendre la parole sur la question du croup , mais qu'en consideration de rim- patience que doivent eprouver les membres de la section d'entendre M. Bretonneau , il renonce a la parole pour la lui ceder. M. le docteur Morand fait hommage aU Congres scienti- fique de France 4° : D'un volume intitule: Memoir es et ob- servations cliniques sur l'ophtalmie scrofuleuse , le croup , la tracheotomie et sur divers autres points de medecine et de chirurgie ; 2° D'une lettre a M. le docteur Gendron , de Chateau-du- Loir. M. le docteur Bureau d-Rioffrey depose sur le bureau du Congres un volume intilule : On Growth or health and disea- ses of youth. M. Bretonneau prend ensuite la parole et donne a l'as- semblee des details remplis du plus grand interet sur la nature et surle mode de contagion de la diphterie; il ter- mine en demandant que la discussion soit remise a demain. La seance est levee a dix heures et demie. Seance tlu G septembre. Presidence de M. Bertini. M. Auguste Millet, secretaire. M. Brame demande la parole, pour la rectification de la partic du proces-verbal de la seance de samedi, qui concerne les etherisations effectuces a Tours, 52 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Selon M. Bramc, l'appareil qu'il a employe pendant plu- sieurs raois est simple et commode, et donne les mcilleurs resultats. La dose d'ether moyenne (17 cas) 45 grammes. Temps moyen (17 cas) 5 minutes. En principc il ne differc pas des appareils le plus en usage; en fait il presentc une modification tres-utile et meme quelquefois indispensable dans les hopitaux; c'est une vessie qui termine le tube inspirateur et ne permet pas au sujet d'echapper a l'inspiration. Bien entendu que la vessie peut etre remplacee par toute autre substance s'oppo- sant au passage des gaz. L'appareil justifie, voyons la verite sur les accidents attri- bues a 1 ether. Voici la note envoyee par M. Herpin ills , chirurgien en chef de l'hopital. Releve statistique des operations faites a l'hopital avec etheri- sation pre'alable, du lev Janvier au 51 aoitt 1847. Operations de toutes sortes 51 Morts 40 Gueris 21 Moyenne des deces, un peu moins d'un sur trois. Parmi les dix operes morts figurent six malades, amputes de jambe ou de cuisse a la suite d'ecrasements, produits soit par des roues de wagon ou de locomotive, soit par des eboulements de pierre ou de terre, et dans ce cas la mort fut evidemment le resultat non de l'operation , mais de la gravite des blessures et de Tebranlement general. Dans les autres cas, l'autopsie cadaverique a permis de constater que la mort avait ete amenee par les suites d'erisypeles graves, de phlebite et de resorption purulente, et qu'ellc ne pouvait raisonnablement etre attribuee a Tether. M. Bramc ajoute qu'independamment des observations re- cueillics a la clinique de chirurgie de l'hopital, soit par lui- meme, soit par MM. Tonnelle, Herpin, il y en a plusieurs qui Font ete dans la clientele des medecins de Tours. Que de plus un certain nombre d' observations se rapporte QUINZIEME SESSION. 55 a des malades atteints de fievre intermittente (service de M. Charcellay) a des alienes (service de M. Alain Duprc), et que, dans ces derniers cas, il n'y a eu aucune alteration nouvelle dans la santedes sujets, qui tout au contraires'est retablie ou du moins amelioree, bien qu'on leur ait admi- nistre jusqu'a cent grammes d'ether en une seule fois M. Brame appelle ensuite Tattention de la section sur l'observation importante qu'il a faite des les premieres ex- periences, a savoir que la plupart des personnes ctherisees ne presentent aucune odeur etheree, lorsque la dose neces- saire pour determiner l'insensibilite n'a pas ete depassee; ce qu'il explique par la transformation complete en acide carbonique ct eau de Tether introduit dans Teconomic ani- mate par inhalation. Cette conclusion, resultant de Texperience, a ete corro- boree de la maniere la plus nette par les recherches de MM. Ville et Blandin, qui ont demontre que dans les gaz ex- pires par les sujets etherises, Tacide carbonique etait en quantite plus considerable que dans Fair de 1'expiration des sujets a Tetat normal. « L'etherisation est done une asphyxie, dit M. Brame; mais cette asphyxie ne nous a pas arretes, car elle est tou- jours fugitive. > M. Brame conseille aux chirurgiens d'agiter avec de Tcau saturee d'ether Tether qu'ils emploient. Celui du com- merce renferme assez souvent des matieres ctrangeres ir- ritantes, dont Teau etheree le debarrasse. Celle-ci peut rester dans Tappareil avec un tube plongeur; la vaporisation n'en est que favorisee. Enfin, il fait observer au chirurgien distingue d 'Angers, present a la seance et qui a pris la parole sur la question de Tether, que les angoisses qu'eprouvent quelques operes, lorsque Telherisation n'est pas complete, disparaissent faci- lement dans l'insensibilite qu'on peut reproduire par quel- ques nouvelles inspirations. 11 cite un fait remarquable qui lui est commun avec M. Morand. Un sujet a pu de cette maniere etre maintenu 54 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. dans l'insensibilite pendant pres d'une heure sans incon- venient. M. le docteur Bretonneau monte a la tribune et dans une improvisation brillante qui n'a pas dure moins de trois heures, l'illustre praticien de Tours a de nouveau passe en revue 1'origine, la nature, le siege, la contagion, la sympto- mologie et la therapeutique de la diphterie. L'asserablee tout entiere qui ce jour la etait des plus nombreuses, a ecoute avec un interet immense les idees neuves et origi- ginales que ce medecin distingue a emises sur une maladie a Fetude de laquelle il a voue sa longue carriere medicale, et de laquelle il a publie, des 1827, une excellentc monogra- phic II nous serait impossible de relracer_dans un proces-verbal les idees eminemment abstraites du docteur Bretonneau; qu'il nous suffise de mentionner ici que son succes a ete immense et que la journee du 6 septembre sera un de ses plus beaux jours de triomphe dans le monde medical. M. le docteur de Roux, de Marseille, fait hommage a la section des sciences medicales des ouvrages suivants : 1° Comite medical des B ouches • du-Rhdne , rapport sur les travaux pendant 1'annee 4843-1844; 2° De la Statistique appliquee a l'etude deFbygiene pu- blique en general, et de Fhygiene des Marseillais en parti- culier ; 3° Eloge historique de Francois-Emmanuel Fodere; 4° Eloge historique de Polydore Roux ; 5° Discours de Reception, prononce a Facademie royale des sciences de Marseille, dans la seance publique du 23 juin 4844. La seance a ete levee a trois heures, la question est remise a demain. QUINZIEME SESSION. 35 Seance tin 7 septembre* Presidence de M. Bertini. M. Auguste Millet, secretaire. M. le docteur Haime presente quelques explications au sujet de la reclamation d'un de nos collegucs, sur un pas- sage du proces-verbal de la seance du 5 de ce mois, relatif a l'emploi des etherisations k l'hopital de Tours. M. Haime avait dit que, en l'absence regrettable de nos habiles con- freres, les chefs du service chirurgical de cet hopital, et, en quelque sorte , mis en demeure de dire quelques mots sur ce sujet , il croyait devoir fake connaitre a la section que les premiers essais d'etherisation a l'hopital n'avaient pas paru encourageants, et avaient eu des resultats si peu heu- reux que, sur quinze operes de toute sorte, on avait compte dix insucces, et non pas douze comme on le lui a fait dire par erreur. Or, il resulterait d'une note ou d'un releve statistique des operations faites a l'hopital, apres etherisation prealable, du ler Janvier au 31 aout 4847 (huit mois), que sur trente-une operations de toutes sortes, il y a eu seulement dix morts et vingt-un gueris, c'est-a-dire, en moyenne, un peu moins d'un surtrois. En protestant avec force contre toute interpretation, non pas seulement hostile , mais meme desobligeante qui pour- rait avoir ete donnee a ses paroles, M. Haime, en presence de la statistique produite, est heureux d'apprendre aujour- d'hui qu'il a pu etre mal seryi par ses souvenirs, souvenirs d'ailleurs conformes a ceux de plusieurs de ses collegues. II dit que les insucces observes, l'ont ete surtoutsur les sujets 56 C0NGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. qui se trouvaient dans les conditions les plus defavorables au moment de l'operation, et cela independamment de toute influence de Tether, avec lequel on a presque toujours ob- tenu le resultat qu'on se propose, c'est-a-dire, l'extinction de la sensibilite pendant l'operation. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur la 8e question, relative au croup. M. Thomas etablit que Francois Home est le premier qui ait donne du croup une bonne description et qui ait eu de cette maladie une idee exacte. En 1765, Home ecrivait : « Le croup est une affection du larynx, qui consiste dans la for- mation, a la surface externe de cet organe et de la trachee, d'une fausse membrane blanche, coriace. Lorsque cette fausse membrane est corapletement formee et qu'elle a ac- quis un certain degre de consistance, il parait impossible qu'aucun medicament , tant interne qu'externe , puisse la resoudre ou l'expulser des voies aeriennes. Le seul moyen que nous ayons de sauvcr la vie au malade est de tenter l'extraction de cette membrane en faisant une incision a la traehee, etc. » Plusieurs auteurs ont bien decrit des epide- mics de croup avant Home, mais aucun n'avait donne de cette maladie une idee aussi precise au point d'eveiller l'at- tention des medecins. Apres la description de Home, au contraire, il a ete publie de nombreux travaux , de nom- breuses recherches sur le croup. M. Thomas dit qu'il faut distinguer avec soin le croup sporadique du croup epidemique. Home a decrit le croup sporadique ; c'est pour cela qu'il n'a pas trouve ces fausses membranes dans la gorge. Le croup sporadique , en effet , consiste souvent dans le developpemcnt de fausses membranes dans le larynx sans qu'il s'en produise dans d'autres parties. Dans le croup epi- demique, au contraire, la formation de fausses membranes dans le larynx est precedee de la meme affection dans la gorge. M. Thomas soutient que les phenomenes qu'on observe au moment de la mort dependent de l'asphyxic et non d'un virus introduit dans les organes. quinzi£me session. 57 M. Thomas fait observer que chez les sujets convalescents dc cette redoutable affection traites par les cauterisations avec le nitrate d'argent, on a remarque des accidents dignes de fixer l'attention des praticiens. Ainsi, pendant un temps quelquefois tres-long , on a vu une alteration du sens de la vue, une alteration non moins remarquable du sens du tou- cher ; lorsque les malades veulent saisir un corps peu volu- mineux, une plume par exemple, il leur parait que ce corps a des dimensions considerables. Les malades deviennent pales, se decolorent et la contractilite musculaire est alterec au point qu'ils ressentent des tremblements continuels ac- compagnes de faiblesse ; la station est difficile et les meil- leurs moyens de combattre ces accidents, sont les toniques, le quinquina, les preparations ferrugineuses , les bains de mer, etc, M. le docteur Haime partage une partie des idees qui viennent d'etre emises par M. Thomas, mais il ne peut ad- mettre que ce soit Francois Home qui ait le premier decou- vert et decrit le croup : il pretend que c'est Aretee, et plus tard Fltalien Gizzi, auxquels on doit rapporterl'honneur de cette belle decouverte. M. Thomas persiste dans son opinion et fait remarquer que Francois Home a insiste d'une maniere toute particu- liere sur la tracheotomie, que c'est Caron qui l'a faite le pre- mier pour le croup et que six fois ses efforts ont ete vains ; les rumeurs, les critiques qui s'eleverent alors, firent renon- cer le praticien d'Edimbourg a cette methode, que M. Bre- tonneau , quinze ans plus tard , devait lui aussi essayer six fois avec insucces avant qu'une complete reussite vint en- courager ses perseverantes tentatives. M. Tonnelle regrette de n'avoir pas encore pu assistcr aux seances du Congrfcs , mais il fait esperer a Tassemblee qu'il pourra maintenant prendre part a ses travaux. M. Tonnelle regarde comme extremement douteuse Texis*- tence de la contagion de fo diphterie : il appuie sa maniere de voir par la narration d'un fait tres-remarquable. Un en- fant, atteint dc laryngite pseudo-membraneuse, futtracheo- tomise en presence de M. le docteur Bretonneau; les fausses 3 38 C0NGRES SC1ENT1F1QUE DE PRANCE. membranes tapissant la trachee ne pouvant etrc retirees, M. Tonnelle prit une sonde qu'il introduisit dans le lube aerien; puis, au moyen de fortes aspirations, il cbercha a desobstruer la trachee : la fausse membrane se detacha de la trachee du malade et alia se loger dans rarriere-bouchc du chirurgien, qui eut alors beaucoup de peine a s'en de- barrasser. Les personnes presentes temoignerent a M. Ton- nelle toute leur sollicitude, mais dit notre honorable con- frere, j'etais parfaitement rassure et le resultat que j'avais prevu ne vint point tromper mon attente : je ne contractai point le croup. A l'exemple des honorables preopinants, M. le docteur Cbarcellay regarde comme secondaires la premiere partiede la huitieme question, la nature et les causes du croup, et d'apres ce qui a ete dit a ce sujet, il croit devoir passer immediatement a l'examen des moyens therapeutiques em- ployes contre cette grave maladte. D'apres M. le docteur Cbarcellay, la valeur de toutes les metbodes curatives ne peut etre convenablement et surement discutee qu'avec des faits nombreux et autbentiqucs. Or, la cauterisation etant exclusivement employee en Touraine, l'orateur pense que pour conserver en quelle sorte une couleur locale auCongres scientifique, ce qui lui parait tres-important, surtout dans cerlaines questions comme celle du croup, il serait superflu dcfairel'histoire de la melbode des vomitifs, des emissions sanguines, des purgatifs, des sudorifiques, desmcrcuriaux, des vesicatoires, des affusions froides, des antispasmo- diques, etc. En consequence, M. Cbarcellay aborde la seconde partie dela buitieme question endonnant l'analyse de vingt-deux observations d'angines pelliculaipes, dont trois cas de diph- Iberite pbaryngo-nasale, gueris par la cauterisation. Treize aulres malades atteints du croup, (dipbtberite laryngee), ont etc aussi traites par le meme moyen; neuf ont gueri. La maladie avait cede depuis plusieurs jours cbez le dixieme, lorsque survinrent des accidents nerveux qui ont cause la mort. QUINZIEME SESSION. 39 Les trois derniers ont succombe malgre de nombreuses cauterisations. L'operation etait contre-indiquee par dc graves complications; la pneumonie et l'extension des fausses membranes dans les brooches. Enfin la cauterisation ayant etc insuffisante, la tracheo- toinie a etc pratiquee dans six cas de croup arrive a la pe- riode extreme. Des six malades tracheotomises, deux ont succombe, quatre ont etc arraches a une mort imminenle ct certaine. Pour les deux enfants decedes, la mort ctait inevitable, puisque les fausses membranes avaient envahi toute la muqueuse bronchique, et chez Tun d'eux la mala- die avait marche de bas en baut. En resume, M. le docteur Charcellay pense que la caute- risation est une excellente methode curative a employer contre le croup, et qu'en cas d'insuffisance de ce moyen, il faut avoir recours a la tracheotomie. A ce sujet, il est d'avis que l'operation ne doit pas etre pratiquee irop tard , puisqu'on s'expose a de graves com- plications qui compromettent le succes de l'operation. N'en cst-il pas de raeme pour la hernie etranglee, et pour quel- ques autres affections ? L'ouverture de la tracbee etant jugee necessaire, on doit doncy avoir recours le plus tot possible, ainsi que lc con- seille M. Trousseau, et e'est de la sorte que les guerisons sont nombreuses, tandis qu'autrementles malades ont a luUer contre les plus defavorables conditions, etsontvoues a une mort presque certaine. Quant aux instruments employes pour maintenir libre le passage de l'air, M. Charcellay croit que les canules plcincs sont des instruments tres-imparfaits, quidoivent etre aban- donnes aujourd'hui. - II n'en est pas de meme de la canule de M. Gendron. Toutefois cet instrument peut encore s'engouer, les muco- sites et les fausses membranes peuvent s'attacher aux valves, obstruer completement l'ouverture tracheale au point M. Thomas ne comprend pas que, depuis qu'on s'occupe de Fetude de l'anotomie descriptive de I'homme, on n'ait point encore essaye de comparer ses organes avec ceux de quelques animaux tres-rapproches de lui , par exemple, 42 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. un carnassicr etun ruminant. Cent ete faciliter l'etude de Fanatomie liumaine ct rendre cette etude attrayante, de seche et aride qu'elle a toujours ete. Cette etude compara- tive a, en -outre, l'avantage de fixer Fesprit sur certains points de nos organes peu developpes , mais tres-impor- tants. Occupons-nous seulement d'osteologie, aditle professeur d'anatomie; prcnons la colonne vertebrale. Apres avoir bien reconnu que chaque vertebre est composee d'un corps et d'un arc , si nous arrivons a la tete, et si nous prenons Foccipi- tal, il nous sera difficile de faire comprendre aux eleves que cet os est une veritable vertebre; mais si nous com- parons Foccipital de Fliomme avec le meme os chcz le chien , la difficule disparait , et Fanatomiste , retrouvant la tous les caracteres de la vertebre et la plus grande analo- gic avec Fos de Fhomme , peut aisement faire concevoir a son auditoire que Foccipital est une veritable vertebre composee d'un corps et d'un arc. Si nous nous livrons actuellement a l'etude du sphe- noide , cet os qu'on a compare pour la forme , nous ne Sa- vons trop pourquoi, a une cbauve-souris dont les ailcs seraient etendues, nous trouvons que chez Fhomme cet os est unique, tandis que chez les animaux il se divise en sphenoide anterieur et en sphenoide posterieur; et cepen- dant les medecins vctcrinaires, quidevraientjeter quelques lumicres sur l'etude de Fanatomie comparee, copicnt les descriptions d'anatomie liumaine, et les reproduisent dans leurs ouvrages, ou ils donnent chez les animaux la descrip- tion d'un sphenoide unique. * Si nous articulons le sphenoide posterieur d'un mouton avec les parietaux, nous trouvons la encore une veritable vertebre, tandis que le sphenoide de Fhomme articule avec les parietaux n'offrc rien de semblable, parce que les parie- taux ont acquis un developpement enormc, une ampleur considerable , pour contenir la masse cerebrale qui a un volume immense , eu egard a ccllcs de ces animaux ; mais surtout parce que les parietaux nc s'articulent que par un angle tres-etroit , une pointe, avec les sphenoides. Mais, QU1NZIEME SESSION, 45 comme il y a analogie parfaitc entre les spheqcudes du moulon et les sphenoides do l'homme, entre les parietaux du moulon et les parietaux de l'homme, et que, ehez le moulon , la reunion de ees os forme une veritable veriebre, la consequence est done forcee ehez l'hommc , et l'eleve pourra se convaincrc que la reunion du spbenoide et des parietaux represente une verte^re. M. Thomas passe ensuite a j'examen des os de la face. 11 prend un maxtllaire superieur, et demontre eombieo il y a d'analogie entre cet os otcejui d un moulon. Seulrmont, ehez les animaux , cet os es^ divise en deux portions dis- tinctes, la portion incisive et la portion maxillaire propre^ ment dite, tandis que, ehez Thomme, les deux portions sont reunies et ne form en t qu'un seul os. Une troisieme portion se voit ehez l'homme, elle fait partie de la base de Torbite ; elle est limitee par une fente qui suit le canal sous-orbi- taire. Cette portion n/existe pas dans 1'qs maxillaire du moulon, mais tient a l'os lacrymal de cet animal et a la forme d'un capuchon. Pource qui est du tronc, notre honorable confrere prend un sternum, cet os que Ton dit habituellement compose de trois pieces ehez l'hpmme. Au premier abord , il semblerait qu'il dut y avoir la plus grande difference entre un sternum humain et un sternum de cbien , car ehez les animaux il y a autant des pieces a cet os qu'il y a d'espaces intercostaux. Eh bien ! ehez l'homme de cinq a quinze ans, il y a egale- ment autant de pieces au sternum qu'il y a d'espaces in- tercostaux. Done, analogie frappante entre l'etude de cet os ehez l'homme et ehez les animaux. M. Thomas appelle periode homotdale, Tespace de temps pendant lequel l'organisation physique de l'homme res- semble a celle des autres animaux. Cette periode varie en longueur suivant l'organe que Ton etudie comparative- ment. M. Thomas finit sa belle exposition en disant que l'ana- tomie descriptive de l'homme lui semble devoir etre etu- diee comparativement avec l'anatomie des animaux qui pifrent le plus d'analogie avec son organisation ? le cbien 44- CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. et le mouton, par exemple, ces deux animaux representant les deux formes les plus tranchees des mammiferes : les carnassiers et les ruminants. 1VL Belhomme ne partage pas l'opinion de M. Thomas , relativement a l'utilite qu'il y a pour les eleves d'etudier des leur premiere annee l'anatomie comparee : il craint que cette maniere d'enseigner ne surcharge la memoire des etudiants et ne leur soit plus nuisible qu'utile. M. Thomas se defend d'avoir voulu faire de l'anatomie comparee commeCuvier, Geoffroy Saint-Hilaire , Serres, etc. Or , il etudie seulement l'homme dans tous ses details , puis il prend un organe et Texamine ensuite chez un chien, chez un mouton. C'est un moyen de faciliter a l'eleve l'e- tude de Tanatomie , de la lui rendre agreable, de varier ses connaissances , et de le forcer a retenir ce que , sans cela, il oubliera en quelques jours. M. Tanchou ne saurait trop s'associer aux idees de M. Thomas ; il croit, avec ce professeur, que l'homme est etu- die trop isolement et qu'on ne saurait trop donner aux Aleves des connaissances variees. Pour son compte, il desi- rerait que 1'on instituat des chaires d'anatomie et de physio- logic, de pathologie, d'hygiene et de therapeutique com- parees. La stance est levee a une heure. Stance extraordinaire dn 9 septemltre* Presidence de M. Mame, vice-president, M. Auguste Millet, secretaire. La seance est ouverte a sept heures du soir. La parole est a M. Belhomme pour la lecture d'un tin- QUINZ1EME SESSION. -45 vail manuscrit relatif a la 15e question : Quels sont les rap- ports entre le fluide nerveux et le fluide electrique ? Y a-t-U identite entre les deux agents ? I/assemblee a entendu avec un vif interet Texposition de cememoire, que nous reproduisons dans son entier. I/auteur s'exprime ainsi : Tout le monde sait que le fluide electrique re'pandu dans tous les corps de la nature agit sur eux comme moyen impulsif de certains mouveraents qui sont signaled par nos investigations. II y a en effet dans les corps solides des modifications qui ont lieu dans les molecules et Ton ne peut douter que Mectricite* ne joue un r61e plus ou moins sensible dans les phenomenes de cohesion, d'attraction et d'af- finitC chimique. Dans les tissus anime's , il y a une action electrique incontestable ; la contraction des tissus, qui suppose une grande elasticity, n'aurait pas lieu sans un agent irapond e'rable qui circule dans les nerfs et se repand dans les fibres contrac tiles. Y a-t-il identite entre le fluide electrique et le fluide nerveux ? Nous allons examiner cette question, que nous ferons suivre de quelques con- siderations , sur le fluide nerveux et sur son origine dans les corps aw> maux. Depuis que les belles expediences de Franklin ont fixe* l'attention des savants sur les phe'nomenes de l'electricite* , on a pu supposer que les corps vivants ont la faculte* de produire des condensations de fluide elec- trique ; les animaux a fourrures epaisses, tels que les chats, sont fort elec- triques, les hommes meme dont le corps est couvert de poils, ont en gene- ral une grande energie vitale. II parait certain que les organes nerveux sont des especes de condensateurs, ou plutot de v&'itables reservoirs d'3- lectricite\ Le systeme nerveux n'est peut etre bon conducteur de relectricite* que par ses enveloppes celluleuses externes, et non pas par sa pulpe, a la- quelle seule sont attaches les facultes qui le caracte>isent. En 1769, Galvani faisait des recherches sur l'irritabilite* nerveuse ; il vit un jour qu'une grenouille suspendue par la moelle epiniere a un crochet de cuivre eprouva des convulsions quand les muscles toucherent un autre melai pose* sur le cuivre ; Galvani multiplia ses experiences et il crut re- 46 CONGRES SCIENTIFIQUE DE PRANCE. connaitre la preuve d'une electricity animate. D'apres lui, le muscle est le siege de deux electricites, la surface externe se trouvait a 1 etat negatif, tandis que l'interue etait a l'etat positif, les nerfs faisaient 1'office de con- ductors. Volta a eherche" a ddmontrer que PdlectrielW etait produite par le con- tact de deux metaux, mais dans ces derulers temps, Vacca Belliuuhieri a repute l'experience sans riuterme'diaire des metaux, et par rapplication immediate des nerfs dCuude's sur les fibres musculaires, il a determine la contraction. M. de Humboldt, Bunzten, Prdvost et Dumas, MatteuccietLonget ontde- puis fixe" les savants sur ces effets e'lectriques. II serait trop long de vous exposer les nombreux faits qui les confirment (1). Que se passe-t-il dans ces ph^nomenes ? Volta, Mariani, Nobili out re- comm que lorsqu'une portion de grenouillc a cesse de se contracter sous l'influence d'un courant galvanique, elle peut executer encore des mouve- ments tr&s-vifs si Ton vient, en changeapt les deux pdles, a etablir un cou- rant en sens inverse. Si le galvanisme etait la vraie cause des contractions, un pareil phe'no- mene devrait-il avoir lieu ? 11 y a eu changement de direction de l'excitant et sans cette influence nouvelle, la force nerveuse dpuisCe en apparence s'est manifested de nou- veau. Le galvanisme n'est done qu'un simple excitateur de la force nerveuse persistante. Quant aux experiences de William Philips re'pe'te'es par M. Breschet, qui consistent k obtenir la chimification par la simple irritation me'eanique des bouts infe'rieurs de la paire vague , au lieu du galvanisme , elles sont concordantes avec celles de M. Longet, sur le meme sujet. M. Becquerel (2) a re'pe'te' les experiences de M. Dutrochet qui croit k nne simple coagulation des globules composant les tissus. Voila comment s'exprime M. Becquerel : des observations multipliers m'ont appris que les muscles, les nerfs et en general les tissus orgam'ques sont formes de glo- bules , dont les dimensions sont les memes pour chaque organe ; or, si nons conside>ons ces globules comme les particules orgfjniques eidmen- taires, nous devons les assimiler aux particules des corps organiques et leur supposer, par consequent, des propriety electriques analogues; des- lors il est probable qu'il existe des globules jouissantde la faculty quand ils sont separ^s d'une combinaison par faction de la pile, de se transpor- ter les uus au p61e positif et les autres au pole negatif. La coagulation doit (\) yoir le Manuel de Physiologic, de Muller, page 87. (8) Traits de l'electricite et du magn&isme, page ?,97, tome rv, QUINZIEME SESSION. 47 done avoir lieu lorsqne deux globules possedant des eiettricites contraires se rencontrent au milieu de leur course entre les deux pdles. M. Donne* (1) s'est attache a decouvrir queiqnes-unes des conditions n6- cessaires pour la manifestation des courants eiectriques , dans l'interieur du corps de I'homme et des animaux ; en consequence, il a cberche a de- couvrir les parties qui secretent des acides et les alcalis, parce que la reac- tion de ces deux sortes de corps , par l'intermediaire des organes on des tissus, peut donner naissance a des courants. Le corps humain est renferme entre deux membranes, la peau qui est acide et la peau inte>ieure , la muqueuse, qui est alcaline dans toute son etendue, hormis quelques points limites. Pour prouver cette disposition, M. Donne* place une lame de platine en communication avec une des ex- tremity du fil d'un multiplicateur dans la bouche qui est alcaline, et une autre lame , communiquant avec 1'autre extremite du multiplicateur sur la peau qui jouit de 1'acidite. L'aiguille aimantee est device suivant la sensibility de l'appareil de 15, 20 et quelquefois 30 degrds. La muqueuse produit un courant d'eiectricite negative, etla peau, 1'eiec- tricite positive, comme cela doit e\tre avec l'acide et l'alcali. M. Donnd a obtenu les memes rdsultats en s'adressant aux organes in- te>ieurs; par exemple, la muqueuse de l'estomac «t la vdsicule biliaire. Ces experiences demontrent que Ton determine des reactions eiectro- chimiques, mais ne prouvent pas l'identite des fluides nerveux et eiectri- ques, puisque ce n'est pas par les communications nerveusesque les effete ont lieu. M. Matteucci a fait usage de l'appareil extra-courant de Faraday, il a obtenu une etincelle dans la decharge de la torpille. On a encore obtenu par cette elect ricite animale la deviation de l'aiguille aimantee dans le galvanometre, une alteration de temperature dans les Ills conjonctifs, et enlin des decompositions chimiques. Mais peut-on attribuer, avec des mo- difications de quantite , aux autres animaux le fluide reconnu dans ces poissons eiectriques, puisqu'ils n'ont pas ses organes ou appareils spe- ciaux ? Ces appareils deja etudies par Rodi, Lorenzini, Galvani, Hunter, ont ete bien decrits par MM. Geoffroy Saint-Hilaire et Breschet ; ils representent une espece de pile, constituee par des espaces membraneux, tubes, pris- mes ou cellules remplies d'une matiere gelatino-albumineuse etdans les- quels aboutissent un grand nombre de vaisseaux arteriels et des rameaux nerveux provenant de la cinquieme et surtout de la huitieme paire. Les experiences de MM. Becquerel et Breschet, qui furent faites a Ve- (1) Annales de chimie et de physique (1834)» 48 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. nise, en 1835, prouvent que la partie supe'rieure de l'organe e'lectrique fournit a la decharge de l'&ectricite positive et a la partie inferieure de I'llectricite negative. M. Matteucci croit que la de'charge e'lectrique a lieu sans la volenti de l'animal, ce qui est en contradiction avec ce qu'avancent d'autres auteurs; quoi qu'il en soit, la de'charge est en rapport d'intensite' avec Mendue de Tappareil e'lectrique. Si Ton coupe les nerfs de Tun des organes, car ils sont doubles, les de- charges cessent d'un cdte'; M. Matteucci dit qu'il suffit de leslier. Voici maintenant les experiences de ce dernier auteur (1) sur I'ence"- phale des torpilles : si Ton coupe ou irrite les lobes cer£braux ant^rieurs . la de'charge continue ; les lobes moyens etant irrit^s, il y a de fortes con- tractions musculaires; il en est de m6me des lobes posteneurs, si Taction irritante se porte sur le lobe le plus rapproche' de la moelle , la de'charge e'lectrique est tres-forte , mais elle cesse si on detruit cette portion me% dullaire. II r&ulte de ce qui vient d'etre dit que certains poissons sont dou^s d'un pouvoir e'lectrique special, qui depend d'un organe, ou d'un appareil qui leur est propre. Certains auteurs ont avance" que des aiguilles deviennent magne'tiques apres leur implantation dans les nerfs ; ils ont reconnu que de ldgers fils e'taient attire's par les organes nerveux volumineux. Si une aiguille, dit M. Prdvost, de Geneve, est mise en contact avec de la limaille de fer tres-divisde, quelque peu airaantee qu'elle soit, on s'en apercoit par la disposition que prenuent les particules de fer a sa surface. Elles s'implan- tent en petites aiguilles qu'on distingue a la coupe. M. Longet (2) a enfonce" dans la cuisse d'une grenouille une aiguille ties-fine et point aimant£e ; la pointe debordait et trempait dans de la li- maille de fer : au moment oil il a excite' [une violente contraction en bles- sant la moelle epiniere , M. Longet a vu les petites particules de fer se planter a la pointe de l'aiguille comme elles le font lorsqu'elle est aiman- t6e ; les particules de fer cessent de se maintenir a l'aiguille avec la cessa- tion de la contraction musculaire. M. Beraudi a fait des experiences qui sont anterieures a celles de M, Pre- vost, il s'exprime ainsi : J'implantai trois aiguilles dans le nerf crural d'un lapin , et apres les avoir retirees, au bout d'un quart-d'heure, je ne vis pas sans une grande surprise que chacune d'elles attirait ldgerement des parcelles de limaille de fer. Sa conclusion est celle-ci : l'electricite' se developpe dans le sys- teme nerveux. (Bibliotheque universelle de Geneve, novembre 1837), (t) Traite duphenomene elettro-physiologique des animaux, I844i (2) Anatomic ct physiologie da syslcme nerveux, page 140. quinzieme session. 49 •M. Jobert, (Etudes sur le systeme nerveux, 1838), a fait beaucoup d'ex- periences pour prouver nne disposition electrique des nerfs et des centres nerveux , void ce qu'il a vu : si Ton prdsente un fil a la masse cdrdbrale mise a nu, il est attire" par la substance nerveuse. II en est de meme pour la moelle dpiniere aux diverses regions cervicales , dorsales et Iorabaires. J'ai vu, ajoute M. Jobert, cette attraction opdrde par le nerf sciatique mis a ddcouvert ou par l'extrdmitd de ce nerf coupe" en travers. II est evident que ce phdnomene est de la nature de ceux qu'on nomme dlectriques; on peut comparer cette action a celle qui a lieu entre un verre frotte et un fil place* a une certaine distance. Voila maintenant les experiences faites avec le galvanometre, pour de- terminer les courants dlectriques. MM. Prevost et Dumas (1) experimen- tant seulement sur un nerf, n'ont jamais observe" d'oscillation dans l'ai- guille. M. Longet n'a rien observe* non plus en mettant le galvanometre en- tre la moelle dpiniere et les muscles en action. M. David , en 1830 , a avoud qu'en expdrimentant sur des lapins, il est parvenu a l'aide du galvanometre de Schweiger , a declarer la presence naturelle de l'e"lectricite" dans le systeme nerveux. M. David a isole" le nerf sciatique avec une lame de verre , il a ensuite implantd plusieurs aiguilles, en dvitant qu'elles puissent se toucher, il les met en communication avec le galvanometre , l'animai se livre bient6t a des efforts vigoureux et rentes, alors 1'aiguille du galvanometre de"crit un axe de cercle de plus de deux lignes, les oscillations cessent avec le mou- vement de l'animai pour reparaitre aussit6t qu'il agit. M. Person (2) deux mois apres la publication du travail de M. David , fit connaitre les rdsultats multiplied qu'il avait entrepris dans le but de decouvrir les courants dlectriques dans le systeme nerveux. J'ai mis, dit- il, en communication les poles du galvanometre avec les parties antd- rieures et postdrieures de la moelle, sur de jeunes chats ou des lapins; j'ai fait pdndtrer les fils de 1'instrument dans differents points de Fepaisseur de plusieurs nerfs volumineux, esperant les mettre ainsi en rapport avec des courants dirigds en sens inverse ; j'ai rdpdtd ces experiences apres avoir injecte" dans l'abdomen de la teinture de noix vomique, afin de pouvoir exciter a volonte" la contraction musculaire. Des essais analogues ont dtd faits sur des anguilles et des grenouilles qui vivent longtemps sous Pin* fluence de la strychnine, jamais je n'ai apercu, dit l'auteur, un indice cer- tain d'dlectricitd. M. Person faitjudicieusement observer que les contractions musculaires sont des alternatives de resserrement et d'expansion , et qu'on ne peut (l) Journal deRysiotogie eiperimentale, page 328, totte III, 1823. (1) Journal de Physiologie, 1830. 50 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. supposer que les courants qui la produisent sont discontinus, et n'offrent pas assez de dur6e pour etre sensibles au galvanometre. U conclut des faits qui precedent : 1° Que les nerfs sont moins bons conducteurs de l'electricite" que les metaux ; 2° Qu'ils ne la conduisent pas mieux que les muscles et les autres par- ties humides ; 3° Que le nevrileme est tellementbon conducteur, qu'un couranttres- faible, engage" dans un nerf, peut passer dans les muscles, des que ceux-ci lui offrent un chemin plus court. On voit qu'il n'est pas prouve" que les courants electriques passent dans les nerfs eux-memes , pas plus qu'on ne peut afhrmer qu'il y ait identite entre le fluide eiectrique et le fluide nerveux. Le nevrileme serait done, d'apresM. Person, un excellent conducteur de relectricite"; l'est-il egalement des principes nerveux ? Si l'identitd entre ces deux agents etait reelle , il devrait en etre ainsi. Si Ton irrite mecani- quemeut le bout libre d'un nerf et que Ton excite des contractions ; si Ton vient , en m^nageant la continuity du ue\rileme , a d^sorganiser la pulpe, les contractions cessent , le nevrileme est done bon conducteur de l'eiectricite , et la preuve e'est qu'il ne peut isoler les plus faibles courants electriques , et que la transmission des effets galvaniques se fait directe- ment aux muscles. lime parait, en definitive , demonlre par tout ce qui precede, qu'il n'existe pas, jusqu'a present, une preuve directe et certaine en faveur de riiypothese des courants electriques dans les nerfs ; l'eiectricite propre- prement dite et le fluide nerveux ne sont pas identiques. On ne peut, dans l'etat actuel de la science, affirmer que ces deux agents soient totalement diffOents ; ils ont de l'analogie, mais ils ne sont pas identiques. Le nevri- leme transmet les courants electriques, mais non pas le principe ntrveux reserve aux nerfs. Nous reviendrons plus tard sur les explications de ces differences et snr leur necessity. Livrons-nous actuellement a quelques considerations sur la texture des organes nerveux et sur la formation et la circulation du fluide nerveux dans les nerfs. Yoici ce que j'expose tous les ans a mon cours a l'Athenee royal sur le systeme nerveux et les maladies mentales : Dans les corps animaux qui se decomposent , il se fait une combustion lente du phosphore sans produire de flamme veritable , incapable de faire entrer en ignition les corps combustibles qui les avoisinent. Ces corps deviennent lumineux et repandent dans les tdnebres une vive clarte. On sait qu'il s'echappe des cimetieres des feux que Ton nomme follets. . QUINZIEME SESSION. 51 Les parties qui semblent etre le reservoir special du phosphore sont le cerveau et ses appendices , ou plutot le systeme nerveux tout entier, car c'est k la decomposition commencante de la pulpe cerebrate et nerveuse que sont dues ces lueurs phosphoriques. On a observe' que c'est principalement autour des cerveaux mis a nu , ou de leurs debris epars sur les tables de dissection qu'elles se font remar- quer; or, il est vraisemblable de penser que la quantite de phosphore qui se de\eloppe apres la mort est proportionnelle a 1'activit^ du systeme ner- veux pendant la vie. Cabanis a avance que les cerveaux des personnes mortes de maladies caracte'rise'es par l'exces de cette activity repandaient une lumiere plus vive et plus eclatante , que les cerveaux des maniaques sont tres-lumineux ; que ceux des hydropiques, aucontraire, le sont beaucoup moins. De toutes ces observations surgit cette id£e , que la combustion lente du phosphore ou sa presence seulement peut etre une des causes du char- gement du fluide electriquc animal qui circule dans les nerfs. . Cuvier pensait que le fluide nerveux est se'pare' du sang ; ce qu'il y a de certain ,' c'est que l'abord du sang arte>iel dans les grands animaux est nexessaire a l'exercice des fonctions nerveuses , que le sang arteriel vivihe les organes nerveux , et par consequent sert d'aliment au fluide nerveux. Mais est-ce en fournissant les materiauxf[en nature ? ou pltitdt n'est - ce pas en remettant les organes dans les conditions favorables , comme le fait le renouvellement de l'eau acidulee d'une pile galvanique? L'agent vital n'est-il pas produit par des contacts h&drogenes soit entre tous les organes ( Rochaska ) , soit entre les diverses substances dont se composent les organes nerveux ( Reil , Rolando ) , soit entre les nerfs et les autres parties du corps ? Cette opinion est peut • etre la plus rationnelle. Ce qui est positif, c'est que l'agent nerveux s'e'puise par l'exercice , d'ou requite l'iusensibiliie, la fatigue; qu'il se renouvelle par le repos , et donne d'autant plus de reaction que la sedation ant£c£dente a 6t6 plus profonde. Examiuons actuellement la texture du systeme nerveux. 11 se pre'sente sous des formes differentes : ce sont des masses plus ou moins epaisse s , des cordons plus ou moins volumineux et plus ou moins longs , ou bien des membranes , des epanouissements , tels que la ratine. Rolando, dans son.livre intitule: Inductions physiologiques et pathologiqffls , ad met que le cervelet et ses feuillets torment une veri- table pile galvanique; il s'exprime ainsi : si un appareil compose de di- verses substances non metalliques , telles que le schiste , le charbon, la chair musculaire , la substance cdrebrale ; si l'organe electrique de la tor- pille et de l'anguille tremblante, compost d'une substance albuminoge- latinoso-cartilagiueuse , et d'autres semblables , sont propres a preparer et a developper une tres-grande quantity de fluide Electrique capable de 52 CONGR^S SCIENTIFIQUE DE FRANCE. donner de violentes secousses , pourquoi un principe semblable ne serait- il pas formC par des feuillets nombreux de la substance jaune et cendree du cervelet ? Que pourra-t-on trouver de plus evident pour &ablir que le cervelet est un organe dont la structure est entierement semblable a l'appareil de Volta ? Quelle autre preuve pourrait-on dCsirer pour d^montrer que ce viscere prepare un fluide analogue a celui que d^veloppe l'instrument en question ? Rolando s'est done appuye" pour son affirmative sur la puissance de cou- ches superposes a la surface du cervelet. Voyons maintenant ce qui existe dans le cerveau : sa surface est recou- verte par six couches distinctes qui out 6t£ constatCes par les recher- ches recent es (1840) de M. Baillarger , sur la structure de la couche cor- ticale des circonvolutions du cerveau. Ce travail a e"tC communique' a l'acad^mie de medecine , et le rapport a Cte" insCre- dans le m^moire de cette society savante. M. Baillarger a demontre' et d^crit six couches distinctes , la premiere en allant de dedans en dehors est grise , la seconde blanche , la troisieme grise , la quatrieme blanche , la cinquieme grise et la sixi6me blanche. M. Baillarger ajoute , page 11 de son memoire : ces six couches rappellent la disposition d'une pile galvanique , et a la page 41 , l'analogie entre la structure de la surface cerCbrale et la disposition des appareils galvani- ques peut etre invoqu^e comme un argument de plus en faveur de ces deux propositions. L'action nerveuse , comme Taction dectrique , est en raison non des masses mais des surfaces. L'influence nerveuse comme Mectricitd se transmet par des surfaces. Nous reviendrons sur ces deux propositions. Poursuivant actuellement l'dtude du cerveau, a la planche 13 de Vicq d'Azir , on voit que les corps strips sont forme's de trois plans alternative- ment gris et blancs. Rolando avait soupconne' que c'Ctait dans cette par- tie que se formait un fluide analogue au fluide galvanique. Les tubercules quadri-jumeaux sont forme's de quatre plans alternative- ment gris ou blancs , la protuberance annulaire elle-meme offre des cloi- sons Iransversales blanches se'pare'es par la substance grise ; ainsi la dispo- sition stratiforme des surfaces se retrouve dans plusieurs parties cCr^brales. Si maintenant on se rappelle ce que dit M. Foville de la structure du cerveau , on voit que les p^doncules cer^braux se trouvent comme en- chassCs dans des anneaux forme's par la couche optique , le corps strie' ej la bandelette demi-circulaire , pour alter se terminer au quadrilatere per- ford qui est forme par de la substance grise , quel role jouent toutes ces parties stratifies ? sont-elles destinies a l'&aboration du fluide nerveux ? Broussais , dans les derniers temps de sa vie, a expliqu6 devant la socie'te' phr^nologique , les courants nerveux par la direction des Tibres rentrantes QU1NZIEME SESSION. 55 ct sortantes du cerveau , afin d'expliquer l'arriv&i du fluide nerveux de perception et ceux qui produisent les volitions. Ces explications sont-elles depourvues de sens ? 11 me reste a faire devaut vous une application d'un principe de physi- que : de meme que l'intensite' des j>h6nomenes electriques est en raisou, nondes masses, mais des surfaces , l'intensite' des ph6uomenes nerveux estaussi en raison , non des masses, mais des surfaces. M. le professeur Cruveilhier a dit a l'appui de cette opinion r on sait que les plis de la re'tine doublent et triplent les plis de la vision ( Desmoulins les a vus disparaitre chez les oiseaux plong^s dans l'obscurite) ; de meme on voit s'atrophier les circonvolutions cer^brales , soit en l'absence de toute excitation cerebrate, soit par toute autre cause d'affaiblissement intellectuel. On voit toute l'importance d'une pareille explication , les circonvolutions comme les plis de la re'tine , n'ont e>idemment pour but que de multi- plier l'^tendue de la surface ; la diminution d'etendue des surfaces diminue aussi l'activite' des fonctions de relation. II est probable que la moelle Cpiniere qui est un foyer puissant dener- vation a une disposition egalement stratiforme , ce qui doit completer l'appareil electrique de rhomme et des animaux mammiferes. Je m'arrete ici, car je crois avoir prouve qu'il y a un appareil complet pour la formation de l'&eetricite' animale , et si je me suis autant etendu sur la structure des organes , c'est pour appuyer cette opinion que le fluide nerveux est propre aux animaux , qu'il est le fait de l'organisme, et que l'&ectricite' ambiante , quoique d'une nature analogue au fluide nerveux , en differe essentiellement quant a son action sur nos mouve- #mentsvitaux et volontaires. II est de la haute pre>oyance du cre'ateur que nos fonctions nerveuses soient subordonne'es a nous-memes , et que la volonte' soit 'la regulatrice de nos mouvements , car s'il en Itait autrement il n'y aurait pas de coor- dination dans nos operations de contractility. Je conclus en disant : il y a analogie entre le fluide nerveux et le fluide e'lectrique; il n'y a pas identity. II peut se faire des courants electriques dans les corps animaux , mais ils n'impriment pas nos mouvements de regularity. Les mouvements coordonnes et volontaires dependent du fluide nerveux, de meme que la volonte' regie nos actions. La seance est leYee a neuf heures. 54 CONGRES SCIENTIFJQUE DE FRANCE. Seance clu 9 septembre* Presidence de M. le docteur Mame, vice-president. M* Auguste Millet, secretaire. La seance est ouverte a onze heures. L'ordre du jour appelle la discussion sur la 20e ques- tion. Pourquoi la vaccine tombe-t-elle en discredit dans la societet — Quelles sont les causes de cette defaveur? — Ces causes trouvees, si la vaccine est un veritable pre'servatif de la variole, indiquer les moyens de les combattre, M. le docteur Millet donne lecture d'un long travail manuscrit, de M. le docteur Arehambault-Reverdy. L'au- teur s'eleve avec force contre les revaccinations, et pretend que le virus vaccin n'a point perdu de son energie et de sa force primitive, II etablit que si la vaccine est tombee de nos jours dans le discredit, il faut l'attribuer aux efforts des revaccinateurs qui sont venus proner un vaccin naturel, et effrayerles populations en repandant des bruits menson- gers sur les effets peu certains du vaccin ancien. M. Ar- cbambault termine en faisant un appel aux luraieres des hiembres du Congres et en les priant de donner a cette ques- tion une solution, et mettrc fin a des debats inquietants pour la science et affligeante pour la societe toule entiere. M. Ancelon prend part a la discussion qui s'eleve sur ce sujet : il pretend que le virus vaccin ne preserve pas, parce qu'on en prend trop surle merac enfant; ainsi, a son avis, sur vingt enfants vaccines a la merae source, cinq ou six seulement auront des traces de bonae vaccine, tandis que QUINZIEME SESSION. 55 les quatorze ou quinze autres auront des vaccinelles ou des vaccinoides; les cinq ou six premiers seront preserves de la variole. Les quatorze ou quinze autres y seront exposes aussi bien que s'il n'avaient pas ete inocules. C'est la, dit ce praticien, ce qui explique pourquoi des villages cntiers, que Ton regardait, par les etats statistiques des vaccinateurs, comme devant etre a l'abri de la variole, ont ete deciines par ce fleau. Pour se guider dans la voie a suivre, il faut examiner les traces que laisse la vaccine. S'il y a des plaques gaufrees d'une coloration plus foncee que la coloration ordinaire de la peau , on peut etre rassure et affirme que le vaccin etait de bonne nature ; si au contraire, il y a des points blancs sans aspect gaufre, la vaccination a ete mauvaise et le sujet ne saurait etre a l'abri de la variole. M. James est partisan de la regeneration du vaccin a l'aide du vaccin naturel; il appuie son oppinion surde nom- breux faits qui lui ont demontre qu'apres la transmission quarantieme de l'espece bovine a l'espece humaine,le Cowpox nepreservaitpluscompletement. Mais comme le Cowpox pris sur une genisse cause, chez les individus qui ont ete soumis a cette inoculation, des accidents loeaux assez considerables, M. James conseille que de la quatorzieme a la vingtieme transmission, si on veut conserver au vaccin une grande energie, on le transporte alternativement de l'enfant a la genisse et de la genisse a l'enfant, car si on l'inoculait de genisse a genisse, on lui rendrait sa force naturelle. M. James dit que les causes du discredit de la vaccine viennent de deux sources : la premiere, c'est que la vaccine pratiquee a l'aide du virus vaccin ancien , ne preserve plus constamme-nt de la variole; la seconde, c'est qu,e le vaccin, sortant souvent de sources impures, peut etre dangereux et transmeltre des maladies telles que la sypliilis, les scrofules, les dartres, etc. De la , l'urgence de repandre la vaccination naturelle, qui met a l'abri de tous ces inconvenients. M. Ancelon croit, comme M. James, qu'a l'aide du vac- cin on peut inoculer quelques maladies, la croute de lait par exemple. II recoraraande egalement d'examiner les ge- 56 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. nisses sup lesquelles on doit prendre le cowpox, car elles sont tres-frequemment atteintes de dartres. M. Belhomme ne pense pas que le vaccin degenere et que sa vertu preservatrice s'epuise au bout d'un certain temps ; il croit meme que les sujets robustes qui ont ete inocules ont la propriete de regenerer le vaccin; chez eux la pustule vaccinate acquiertplus de developpement. Quant aux revaccinations, dit cet honorable confrere, on nc risque rien de s'y livrer. La discussion etant close sur cette question, M. le presi- dent nomine une commission, composee de MM. les doc- teurs Hunault, Haime, Charcellay, qui devra se reunir a Tissue de la seance et formuler une solution qui sera pre- sentee a l'assemblee. Voici quel est le travail de cette commission : 1° Pourquoi la vaccine tombe-t-elle en discredit dans la societe? 2° Quclles sont les causes de cette defaveur? II y a deux raisons principales : 1° Le defaut de constatation reguliere et certaine d'une bonne et parfaite vaccination, defaut de constatation pro- venant de Tincurie des populations ; 2° L'opinion plus ou moins fondee de rafi'aiblissemcnt successif du virus vaccin naturel par suite de ses transmis- sions successives; 3° Les causes trouvees, si la vaccine estun preservatif de la variole, indiquer les moyens de les combattre. Ces moyens consistent , 1° A astreindre, autant que possible, les parents a repre- senterleurs enfantsaux vaccinateurs,huit jours apres Tope- ration; 2° A reprendre le virus vaccin naturel (cowpox), a la source primitive, originelle; 5° A tenter les revaccinations dans toutes les circon- stances ou la science et Tart le jugcront utile ou neces- saire. L'assemblee adopte ces conclusions. M. le docteur Belhomme fait hommage au Congies : QUINZIEME SESSION. J>7 1° D'un memoire sur la localisation des fonctions cere- brales et de la folie; 2° D'une observation d'ectrogenie assymetrique. M. lc docteur Charcellay : 4° D'un memoire sur la fievre typhoi'de chez les enfants nouveau-nes; 2° D'un memoire sur la nephrite albumineuse chez les enfants nouveau-nes ; 3° De la relation d'un cas de croup suivie de quelques considerations sur cette maladie ; 4* D'un discours prononce a la societe medicale. M le docteur Millet : 4° D'un memoire surle traitement del'alienation mentale ; 2° D'un coup d'oeil historique et medical sur Bicetre (mai- son d'alienes). La seance est levee. Seance du f O septembre* Presidence de MM. Mame et Haime, vice-presidents. M. Auguste Millet, secretaire. La seance est ouverte a onze heures. Le proces-verbal est lu et adopte. M. le docteur Charcellay demande qu'a propos de la va- riole il soit fait mention qu'il a propose au Congres comme moyen d'une grande efficacite , la methode ectrotique par l'emplatre de Vigo cum mercurio. (Adopte.) M. le docteur Tanchou a la parole sur la dix-septieme question : Du traitement medical du cancer. 58 commas scientifique de France. Messieurs , Auteur d'un ouvrage sur ce sujet, ouvrage que j'ai adresse* l'ann^e der- niere o la soci^te" mMicale de Tours et que je depose aujourd'hui sur votre bureau , je crois devoir dire quelques mots dans cette enceinte pour r£- pondre a quelques objections qui m'ont e'te' faites depuis sa publication et accr£diter, s'il se peut, une opinion que je crois fondee en raison, encou- rageante pour les medecins et consolante pour les malades. Je remercie la commission generate du Congres davoir mis cette question a l'ordre du jour, d'avoir sounds aux lumieres d'une reunion d'hommes de me'rite, dans une ville de France qui possede le plus de medecins recommandables par leur experience et leur savoir, un sujet qui interesse aussi vivement 1'humanite et la science. Nier la possibility d'un traitement medical dans le cancer, c'est nier Taction des agents hygieniques et therapeutiques sur l'e'conomie, c'est nier la vie, c'est de'cliner sa competence et sa bonne volonte" pour apprexier ce qui la touche et agit sur elle ; c'est refuser de rechercber les moyens de la gue'rir ou de soulager les malades qui en sont affectes. Or, cette ide"e n'est ni logique ni medicale ; elle est contraire m6me au devoir et a la dignite" du ra^decin. Toutcfois, disons-le tout de suite, nous ne savons presque rien sur le cancer. Ni le scalpel de ranatomo-pathologiste, ni l'eprouvette du chi- miste, ni les micographes recents, ne nous ont rien appris sur ce point , si ce n'est que l'esprit humain s'attache parfois a des subtilites qui le fa- tiguent et qu'il est des epoques dans la science oil Ton s'e'puise dans de vaines analyses : ces dpoques sont contraires a l'art. Le peu que nous savons sur le cancer nous a ete appris par l'empirisme et Tobservation : suivons encore cette voie, comme a Torigine de la me'de- cine, comme toutes les fois qu'une maladie est inconnue ou nouvelle, toutes les fois que sa marcbe, sa dur^e et sa nature e*cbappent a la raison. Ainsi, il faut essay er de tout, dans le cancer, cbercber partout avant de l'attaquer a main armee, surtout quand l'expe'rience nous a deja de"mon- tre* que l'ope'ration ne le guerit pas ; au contraire qu'elle l'irrite et semble acce'le'rer sa marche et sa malignity. Ces recbercbes doivent etre faites parmi les agents qui agissent sur nous suivant leurs qualitos et la maniere d'6tre de chaque malade. Le traite- ment doit etre commeuce', s'il se peut, des les premiers sympt6mes du mal, modifie suivant ses pbases et continue" jusqn'a ce que les ressources de l'artsoient entierement epuise'es, ou les jours des malades procbainement menace's. quinzi£me session. 59 C'est ainsi, Messieurs, que se fait la bonne medecine, et que celle-ci s'est eievee au rang des sciences logiques et que Ton decouvrira quelques re- medes Contre le cancer. Car, Messieurs, couper la partie qui en est affec- ted, n'est pas la gudrir. On oublie trop souvent que la chirurgie> dans ce cas surtout, est la derniere raison de l'art; qu'une operation quel- conque atteste son impuissance et que le merite de couper est le dernier h envier quand on est me'decin. On sait que le cancer est interne ou externe, c'est-a-dire qu'il procede de la maniere d'etre de toute reconomie, ou bien que sa cause se borne a la partie qu'il affecte. Le cancer des mamelles me semble resulter de la perturbation du sys- teme nerveux de la vie organique; ou du moins c'est presque toujours ce dernier qui prend l'initiative. Voila pourquoi on pent quelquefois le rendre stationnaire. Celui de l'utdrus reside dans le systeme vasculaire blanc surtout; c'est pour ce motif qu'il est plus grave parce que le saug distribue le mal avec la vie. Mais aussi on peut souvent le prdvenir en detournant de bonne heure les congestions sanguines si freqnentes sur cet organe, parlicuiiere- ment a la me'nopose. Ceux de la face ou de la peau me semblent resulter de l'alteration de la sensibilite animale. lis se manifestent souvent a la suite de Taction pro- longed du soleil ou de titrations repetdes. Aussi sont-ils moins dangereux et ge'ne'ralement faciles a gue'rir. Dans le cancer interne ou devenu interne, j'ai indique dans l'ouvrage que j'ai 1'honneur de vous presenter une foule de moyens qui ont ete em- ployes avec assez de succes, pour qu'on puisse les essayer de nouveau, entre autres l'iodure de potassium. Dans le cancer local , il suf lit quelquefois d'agir a la surface malade. J'ai ete etonne souvent de l'efiicacite des preparations d'iode , de 1'opium en bouillie, des preparations arsenicales, de l'alun, de tannin, de diverses cau- terisations, du fer rouge surtout; de telle sorte que je crois que les can- cers superficiels ne doivent pas toujours in quieter serieusement le me- decin. On comprend que dans le cancer de cause interne, ou quand reconomie est deja infectee, l'oplration est toujours inutile. Ceppndant si on la faisait preceder et surtout suivre d'un traitement medical, ptut-6tre obtiendrait- on quelques succes. Dans le cancer que Ton croit externe, cette precaution ne doit pas etre negligee, car on ne sait jamais quand le mal est circon- scrit, mais ce traitement ne doit pas se borner aux medicaments internes ni externes : il faut changer la position des malades; il faut imprinter a reconomie une direction nouvelle et inverse en changeant les habitudes, la nourriture, les manieres d'etre, les occupations, le genre de vie des ma- lades. Je ne saurais trop recommander aussi les pratiques hydrothera- 60 CONGRES SCIENT1FIQUE DE FRANCE. piques, le massage, les voyages, les occupations agricoles ou horticoles, les habitations champetres. C'est ici surjout qu'il faut bien se pen&rer que la medecine est une science preventive avant d'etre curative. Dans le cancer comraenQant, dans des tumeurs ou des engorgements de nature douteuse, je ne puis trop vous signaler le mauvais effet des pupa- tions mercurielles, a moins de cause speciale, et surtout des emollients, dont on abuse si souvent. lis sont presque consfamment nuisibles; its hatent la decomposition, ils portent a la transformation cance"reuse; et celle-ci l'annonce par des douleurs qui n'existaient pas auparavant, et gene- ralement l'aggravation des autres symptdmes. Je ne terminerai pas sans vous faire remarquer, Messieurs, le bien- etre qu'Cprouvent presque tousles malades de ces diverses categories, quand ils viennent de loin vous consulter, tant qu'ils reslent aupres de vous, quand il s'appliquent a suivre vos conseils et a les comprendre ; quand ils s'aperc.oivent que vous leur portez de l'inte'ret et qu'ils fixent votre attention, quand ils quittent momentanement leurs occupations, quand ils changent leur alimentation et leurs habitudes. Mais retourne's chez eux , place's dans les memes circonstances oil la maladie s'est deve- loppee, celle-ci s'aggrave, les symptomes se reveillent, marchent, sou- vent meme avec plus d'activite qu'auparavant. Alors on accuse la medecine, le medecin; celui-ci lui-meme s'en prend souvent a son art, sans s'apercevoir, les uns, qu'ils n'ont pas suivi exactement les conseils que vous leur avez donnds ; qu'ils se sont replace dans les conditions ou le mal avait commence' ; les autres qu'ils ont manque parfois de perspicacite oil de perseverance. En definitive, Messieurs, le traitement medical du cancer est une chose rationnelle, dans les attributions du medecin, mais encore dans ses devoirs d'humanite, d'homme de science et de progres. M. le doctcur Millet est heureux de s'associer a la maniere devoir de M. Tanchou. II croit que les operations prati- quees journellement par les chirurgiens pour 1' ablation des cancers, jouent un role important dans le developpement rapide de ces accidents nouveaux (repullulalion), qui ne peuvent etre que promptement mortels : car il faut bien re- connaitre que quclqucs semaines, quclques mois ct bien rarement quclques annees apres 1'opcration , la paladie reparait avec des caractercs d'une gravite desesperante. En quelques jours, le cancer fait d'affreux progres, toute la cicatrice est envahie, des myriades de tumeurs surgissent de tous cotes. La maladie est devenue inoperable et le cbi- QUINZIEME SESSION. 6i rurgien est alors oblige de recourir a ces palliatifs que na- guere il rejetait, parce qu'il se figurait que le fer devait tout guerir. Que de femmes, dit M. Millet, n'avons-nous pas vues ve- nir ainsi a la consultation des chirurgiens des divers hopi- laux de Paris, reclamer de nouveau l'operation ou des remedes calmants ! Quelques frictions avec la pommade d'iodure de plomb , quelques centigrammes d'opium , voila ce qu'on leur offrait pour apaiser leurs terribles souffrances. A quoi bon alors venir attaquer les auteurs qui rejettent l'operation et qui se contentent d'opposer a cette redou- table affection des moyens quelquefois insuffisants, il est vrai, mais qui en realite valent bien ceux des chirurgiens, puisque une fois l'operation pratiquee, et pratiquee sans bon resultat, ils sont obliges eux-memes de revenir k ces pre- parations medicales qu'ils decriaient il n'y a qu'un instant. M. le docteur Millet termine en faisant observer que dans les cas de reussite de l'operation, il arrive souvent que le cliirurgicn a enleve pour un cancer une tumeur qui aurait infailliblement gueri a l'aide de quelques applications to- piques et d'un traitement general sagement combine. M. le docteur Belhomme voit dans le cancer une preuve de la transmission fatale des maladies hereditaires : il faut done, avant de s'arreter au traitement, s'enquerir s'il n'y a rien dans la famille qui predispose a cette redoutable affection. M. Tanchou repond que n'ayant pas voulu presenter au Congres un traite dogmatique du cancer, mais bien quel- ques reflexions sur le traitement medical de cette maladie , il n'a pu parler de Fheredite. M. Charcellay insiste sur l'efficacite du traitement medi- cal du cancer dans un grand nombre de cas. Ainsi les pre- parations d'iode, les ferrugineux, le quinquina, la cigue rendent tous les jours de grands services dans la therapeu- tique de cette affection. Selon M. Charcellay, les operations pratiquees pour les cancers du sein , amenent souvent des accidents mortels, tels que les erisypeles, les pleuresies, les pericardites, etc. ; si ces accidents ne se manifestent pas , 62 C0NGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. tot ou tard la maladie reparait plus intense que jamais. M. Tanchou a done eu raison de perseverer dans la preco- nisation du traitement medical du cancer. La discussion sur la dix-septieme question etant close, M. le president met aux voix les conclusions du travail de M. Tanchou, relativement a la solution de la question n° 47. (Adopte.) Quant a l'insertion du travail de notre honorable confrere dans le compte rendu des seances du Congres, elle est votee par acclamation. M. le docteur Herpin pere donne lecture d'un travail sur la 42e question : Des fievres intermittentes pemicieuses. Indi- qucr leur analogie avec le typhus du Nord, la fievre jaune du Midi et la peste a" Orient. Messieurs , Si Ton observe les fievres intermittentes pemicieuses sous le rapport de leur e'tiologie, de leurs sympttimes et de leur traitement therapeutique , on leur trouve une grande analogie avec le typhus, la fievre jaune et la peste. En effet , ces quatre maladies ont une meme origine , savoir : l'infection des humeurs, ou l'absorption d'un principe deleHere. Elles ont toutes pour priucipaux symptdmes le trouble du systeme ner- veux , la stupeur, la prostration generate. Dans toutes il y a tendance a l'ex pulsion du principe morbide. Tendance qui se manifeste : Dans les fievres intermittentes , par les sueurs; dans le typhus, par )es evacuations alvines; dans la fievre jaune, par les vomissements , et dans la peste par la formation des bubons. Apres la mort , il y a toujours prompte decomposition des corps des personnes qui out soiecombe a ces fl^aux destructeurs. Dans le traitement therapeutique , les meilleurs remedes a leur opposer, sont les antiseptiques et le quinquina. Pour pre'venir, pour detruire d'aussi grands maux , M. Herpin propose : D'exposer aux gouvernements la necessity d'exiger d'abord en Afrique, en Orient, qu'on y enterre profond^ment les cadavres des animaux; qu'ony e'loigne des villes, des habitations, les matieres animales et ve- g^tales en decomposition , qni y sont les vrais foyers de l'infection et 1'6- vidente origine de la peste. QUINZIEME SESSION. 63 II repr&ente qu'en Occident, nous devons d^montrer le besoiu, l'urgence de dess£cher les marais, d'^tablir sur les eaux stagnantes des courants d'air qui emportent les miasmes, d'y diriger des cours d'eaux vives qui changent, qui renouvellent ces eaux croupies et iofectes. Que dans le Midi et sous la zone torride , nous devons conseiller de for- mer de vastes abris ou, l'e'te', Ton viendrait respirer un air frais et pur, oil le raalheureux ouvrier pourrait se reposer et s'y derober aux ardents rayons du soleil. Au Nord, ildesirerait qu'il y eut egalement de grands etablissements publics ou, l'hiver, par le froid humid e , le malheureux puisse se chauffer, se sCcher, et ainsi se soustraire a l'impression , si facheuse pour lui , du froid et de l'humilite\ En Europe et dans les principales villes oil les lois de l'hygiene et de la salubrite" publique sont en vigueur, nous avons la consolation de voir ces fldaux , sinon s'annihiler, au moins s'e'loigner et devenir bien plus rarement meurtriers. Nous devons done esperer que les peuples, mieux e'claire's sur les moyens sauitaires ; que les gouvernements , encore mieux renseign&s a cet egard , deviendront de plus en plus attentifs au bien-6tre et a la conser- vation des populations. Nous avons done tout lieu de croire que ces gouvernements , instruits et bienveillants , maintiendront avec severity l'execution des lois de l'hy- giene et de la salubrite publique , et que , par ce moyen puissant, ils par- viendront a effacer du globe ces maux qui, trop souvent et trop long- temps, ont repandu sur l'espece humaine le malheur et la consternation. Selon M. Herpin, ces quatre affections ont une memo ori- gine, une meme symptomatologie, une raeme tendance a 1'cxpulsion du principe morbide, une meme therapeutique. Ces idees n'amenant aucune discussion, on passe a Tordre du jour. M. le docteur Morand a la parole pour traiter la question suivante annexee au programme -.Quelle est la cause de mort la plus frequente chez les enfants qui naissent en pre'sentant la position des pieds ? Quel est le meilleur moyen de pre'venir ces accidents ? La grande mortalite observee chez les enfants qui naissent en presentant la position des pieds est due le plus souvent a la compresssion du cordon ombilical. Ce cordon, se trou- vant place entre les parois dubassin etla tete du foetus, est assez comprime pour que la circulation placentaire soit in- 64 congres scientifique de France. terceptee et qu'une asphyxie mortelle en soit le rcsultat lorsque le travail de 1'enfantement se prolonge. Pour prevenir ce funeste accident, il faut sc hater de ter- miner l'accouchement au moyen du forceps : mais comme les grandes dimensions de cet instrument rendent en cette circonstance son application difficile, M. le docleur Morand a fait confeclionncr un petit forceps auquel il a donne le nom de pince obstetricale ou de main artificielle, et duquel il a retire jusqu'ici d'excellents resultats en presence de plusieurs de ses confreres, et notamment en presence de MM. les docteurs Charcellay et Beauge. Cet instrument pent encore etre applique dans les pre- sentations du sommet, alors que la tete de l'enfant com- mence a s'engager sous l'arcade pubienne. M. Morand croit done avoir remedie a un etat de choses deplorable dans l'art obstetrical, et il affirme qu'avec l'in- strument qu'il a imagine, on pourra abreger les souffrances de la mere et souvent soustraire l'enfant a la mort. Cette communication est ecoutee avee un vif interet. M. le doctcur Thomas met sous les yeux de TAssemblee un travail tres-remarquable d'anatomie comparee du au scalpel intelligent et heureux de M. Gripouilleau, ancien eleve de l'hospicc de Tours, medecin a Monllouis. (Eloges et encouragements a ce jeune confrere.) La seance est levee a un heure. Seance du 1 1 septemftre. Presidence de M. Mame, vice-president. M. Angus le Millet, secretaire. M. le docteur Morand demande a dire quclques mots sur la neuviemc question, ayant pour litre: Des causes de la na- ture et du traiternent du te'tanos. QJJINZIEME SESSION. 65 "Sans vouloir traiter entierement cette question, il fait re- marquer que le tetanos idiopathique est plus commun en France, chez les enfants nouveau-nes, qu'on ne l'a pense jusqu'ici. Depuis deux ans, M. Morand a rencontre plusieurs ibis cette affection chez des nouveau-nes; il croit devoir signaler ce fait afin qu'a defaut de traitement curatif certain, on eut au moins recours a des moyens prophilactiques qui auraient pour avantage de prevenir le mal. Ces moyens sont d'eviter d'exposer les enfants au froid, dans les premiers temps de leur naissance. II ajoute qu'on pourrait invitcr MM. les ecclesiastiques , qui s'empressent toujours de s'asso- cier a ce qu'il y a de bien et de philantropique, a user pour le bapteme , d'eau chaude au lieu d'eau froide. — II est du reste constant que cette mesure est deja employee par plu- sieurs d'entre eux. Cette communication donne lieu a une discussion a la- quelle prennent part plusieurs membres de l'Assemblee. M. Charcellay croit que cette affection, appelee tetanos par M. Morand, a ete observee depuis longtemps, et regar- dee, a juste raison, paries auteurs comme une meningite aigiie. M. Millet pense que M. Morand a eu affaire a l'eclainpsic des enfants nouveaux-nes, maiadie qui sc traduit par une face bleuatre, un refroidissement general, des dejections alvines nombreuses, etc. M. Ilaime partagelamaniere devoir de M. Millet, et coin- pare cette affection a la periode algide du cbolcra. M. Morand persiste dans son opinion premiere. La discussion etant close, la section de medecine pense que dans l'etat actuel de la science, elle ne petit donner de solution a cette question. M. Champoiseau a la parole sur la 5e question du pro- gramme. A quelks causes peut-on attribuer Vamelioration si notable que Von remarque dans Vital sanitaire de la mile de Tours, qui, pendant le cours des xvc et xvie siecles et jusqu'au commence- ment du xviie , fut decime'e par des qndemies presque conti- nuelles. 66 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Avant de resoudre la question, M. Champoiseau nous fait connaitreles diverses epoquesqui ontete signalees par l'ap- parition de la peste en Touraine. Ainsi la premiere invasion de ee fleau a eu lieu en 589, et a ete rapportee par Gregoire de Tours. En 1471, la peste fit a Tours une nouvelle irrup- tion, et fit d'horribles ravages. Louis XI laissa marcher le fleau, puis, lorsqu'il eut disparu, il s'occupa d'assainir la ville, de faire des plantations d'arbres, de veillera ce que les rues fussent pavees. Louis XI succomba, et le vieil instinct de malproprete prit le dessus, les rues s'encombrerent de nouveau d'immondices, et lorsque Louis XII arriva a Tours, on eut toutes les peines du monde a rendre propre la place de Beaune qui etait un veritable cloaque. En 1517, 1519, 1530, 1547, 1564, 1581 et 4583, des epi- demics tres-meurtriercs decimerent encore la population Tourangelle. Lors de l'invasion de ce fleau redoutable en 1583, on fit approprier les rues des villes, et on alluma de grands feux dans les rues pour purifier fair ; mais malgre ces precautions, cette epidemic envahit les campagnes, et de concert avec la famine, occasionna des desastres difficiles a decrire. La derniere apparition de ees epidcmies eut lieu en 1607. Depuis cette epoque, la ville de Tours a joui d'une salubrite parfaite qu'il faut rapporter, selon M. Champoiseau, a l'as- sainissement de la cite, a l'elargisscment dc ses rues, aux fontaines dont l'eau coule a flots dans les ruisseaux, aux plantations d'arbres qui entourent son enceinte, au decrois- sement enorme de la population, a l'etat de bien-etre dans lequel se trouve la classe ouvriere, eu egard, a ce qui avait lieu aux XVe, XVIeetXVIIe siecles. L'assemblee vote par acclamation des remerciements i\ M. Champoiseau, pour son interessante communication. M. le docteur Maine (d'Angers), dans une allocution vive- ment senlie, remercie MM. les membres de la section des sciences medicalcs, de l'honneur qu'ils ont bien voulu con- ferer k M. le president Bertini ct a MM. les vice-presidents au nombre desquels il etait fier de sieger, et de l'empres- sement qu'ils ont mis a assister aux seances dela section. II QUINZIEME SESSION. 67 est lieureux de temoigner sa gratitude aux habitants de Tours pour la cordiale et brillante reception que les etran- gers ont recu dans leurs murs. M. Mame termine en expri- mantle voeu que les plus vives felicitations soient adressees a MM. les secretaires generaux, pour le devouementet l'ha- bilete dont ils ont fait preuve pendant toute la duree de la quinzieme session (Adopte. Vifs applaudissements). La seance est levee a une heure. 68 CONGRES SCIENTIFIQUE DE PRANCE. QUATR1EHE SECTION, ARCHEOLOGIE ET HISTOIRE. Seance du fc fteptembre 1949. Aujourd'hui jeudi, 2 septembre, a sept heures du matin, MM, les membres de la section d'histoire et d'archeologie, se sont reunis dans la salle des assises, sous la presidence provisoire de M. Lambron de Lignim, Tun des secretaires generaux de la presente session. Etaient presents au bureau, M. le president, M. Richelet, vice-president general du Congres, MM. Andre Salmon, Gus- tave Guerin, MM. les abbes Bourasse et Manceau, secretaires de la quatrieme section du Congres. Apres l'inscription faite de tous les membres qui doivent composer la section d'histoire et d'archeologie, on procede a l'election du president et des quatre vice-presidents qui devront, avec les secretaires dejanommes, former le bureau definitif. Quarante-neuf bulletins sont deposes dans Turne. M. le president procede au depouillement du scrutin dont voici le resultat. Pour la presidence : MM. Cartier d'Amboise, 13 voix. L'abbe Bourasse, 13 De Petigny, 12 Tailliar, 8 Vicomte de Cussy, 3 QUINZ1EME SESSION. 69 En consequence, M. Cartier ct M. Fabbe Bourasse ayant obtenu le plus grand nombre de voix et nombre egal, M. le president veut ouvrir un nouveau scrutin, mais d'apres les observations et instances de M. Cartier, le bureau, avec Fu- nanime assentiment de Fassemblee a proclame president M. Fabbe Bourrasse. JLes voix pour les quatre vice-presidences se sont parta- gees entre MM. Crosnier, chanoine de Nevers, Lacurie, cha- noime de la Rochelle, Tailliar, vicomte de Beaumont-Vassy, les abbes Bandeville, cbanoine de Reims, Manceau, Mauduit, MM. Aubineau, Todiere, Lallier et plusieurs autres. MM. Crosnier, Lacurie, Tailliar, vicomte de Beaumont- Vassy, ayant obtenu la majorite, sont proclames vice-presi- dents. Le nouveau bureau est installe. M. Fabbe Bourasse, pre- sident, en son nom et au nom de MM: les vice-presidents, remercie Fassemblee de Fhonorable distiction qu'elle vient de leur accorder en les designant pour presider ses utiles travaux. 11 sent tout le prix de cette faveur et s'efforcera de s'en rendre digne par son zele dans la direction qui lui est confiee. II demande que M. Cartier soit nomme premier vice-pre- sident, et que le nombre des vice-presidents soit eleve a cinq; cette proposition est unanimement approuvee. Le bureau designe ensuite comme secretaires-adjoints, M. Fabbe Bandeville et M. Cartier fils. Et pour secretaire des excursions, M. Paul Huot, de Ver- sailles, delegue de la Societe des Sciences morales de Seine- et-Oise. On procede a la lecture des 29e questions qui doivent etre traitees dans la section. Pendant cette lecture, faite par M. le president, les secre- taires inscrivent les noms de ceux de MM. les membres qui desirent trailer les differentes questions, soit par des me- moires, soit verbalement. MM. Todiere, Charles Dufour, de Buzonnieres presentent plusieurs questions pour etre ajoutees au programme, Selon 5 70 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. le reglement, elles seront d'abord deposees au bureau cen- tral, avant d'etre discutees. Plusieurs membres desirent que differents dessins deja connus, soient exposes dans la salle. Des mesures seront prises pour satisfaire leur de"sir. M. le president lit le programme des excursions scientific ques qui seront faites, de onze heures a une heure, pendant la tenue du Congres. Jeudi 2 septembre, visite de l'antique enceinte de Tours, de l'eglise de Saint-Pierre-des-Corps, des chapelles de Saint- Jean-des -Coups, des Carmelites et du petit seminaire. Vendredi 3, visite de la cathedrale. Samedi 4, visite des eglises de Saint-Julien , Saint-Fran- cois-de-Paule et de Saint-Saturnin. Lundi 6, restes de la basilique de Saint-Martin, eglise de Saint-Clement et cclle de Notre-Dame-la-Riche. Mardi 7, maisons antiques de la \ille. Mercredi 8, bibliotheque. Jeudi 9, eglise de Saint-Symphorien, restes de Marmou- tier. Vendredi 10, ruines du Plessis. Avant de lever la seance, M. le president indique le parvis de la cathedrale commc lieu de reunion pour la premiere excursion archeologique. La seance est levee a neuf heures du matin. M. l'abbe Manceau, a rempli les fonctions dc secretaire. Seance du 3 se|item1>re* Presidence de M. l'abbe Bourasse. M. Vabbe Bandevilk, secretaire. La quatrieme section a ouvert sa seance a sept heures, sous la presidence de M. Tabbe Bourasse. quinzieme session. 71 M. Bandeville demande que la lecture des proces-verbaux ne soit faite en seance generale qu'apres avoir subi des mo- difications ou rectifications, dans les seances particulates; apres quelques observations presentees successivement pour ou contre la proposition par MM. Bourasse, Larabron dc Lignim, Richelet, Huot, de Mellet, on passe a l'ordre du jour. Un des secretaires fait connaitre les divers ouvragcs of- ferts a la section par plusieurs membres. M. Paul Huot obtient la parole pour lire son rapport sur la promenade archeologique d'hier. Messieurs , Jeudi matin, a onze heures, la plus grande partie des membres de la quatrieme section entraient, sous la conduite de M. l'abbe' Bourass^, dans la cour de l'archev6che\ Pendant qu'un de nos collegues allait demander a Monseigneur le m£tropolitain de Tours la permission d'exj.lorer les ri- chesses archdologiques contenues dans les caves de sonhdtel, notre savant guide nous faisait remarquer, a notre droite, une tour recr^pie et defigu- r£e, mais qui doit etre formed de dc'bris romains. Bientot, notre C'missaire reviut nous dire que, non-seulement Monseigneur autorisaij notre visite, mais qu'il Ctait heureux de pouvoir eire utile et agreable aux membres du congres. Sous les heureux auspices dc cette gracieuse r^ponse , nous peneHrons dans la premiere partie des caves oil Fobscurite nous empeche d'abord de rien distinguer. Bient6t , a la lueur de torches de cire , nous decouvrons de massifs blocs de pierre superposes les uns aux autres sans ciment qui les relie ; l'un d'eux pre'sente , a sa face ante'rieure , un Caisson surraonte' de cor- dons qui semblent le suspend re. Cet e"cusson remonte au xive sfecle au plus, c'est un omement place1, par une main relativement moderne, sur ces debris incontestablement antiques ; en effet , un pen plus loin , nous rencontrons , sur d'autres pierres de m6me forme et de meme dimension a peu pres , des restes d'inscription qui ne laissent aucun doute a cet egard par leur disposision et par la forme des lettres qui est celle des belles majuscules romaines. Sur un premier bloc nous lisons : CIVITAS T,.. (probablementTuronum ). LIBERA. 72 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Sur un autre : .... SI (peut-etre Drusi, precede- de JSeroni) NEPOTI. CIVITAS TV. RONOR. LIB. ( A Neron , petit fi!s de Drursus , la cite* libre des Turons. ) Ce mot : Turonor ( abreviation de Tnronorum ) me>ite quelque atten- tion ; tous les auteurs ont appele" le pouple dont nous explorons aujour- d'hui la capitale , et cette capitale elle-me me : Turones , au ge"nitif Turo- num. Pourquoi done ici Turonorum ? — Peut-etre est-ce tout simple- ment une be'vue du sculpteur. Sur la meme piece , a gauche , nous remarquons la fin de quatre lignes : A. NI. VI. RA. Ici , toute interpretation est possible ; e'est dire assez que toute inter- pretation serait dangereuse. Donnez a vingt personnes quelques lettres seulement, avec liberty d'en faire des mots ayant un sens, vous aurez vingt traductions toutes differentes entre elles , toutes admissibles , et dont pas une ue sera vraie. C'est ainsi que j'ai entendu un explicateur intr^pide donner la traduction d'une prCtendue inscription monogrammatique en trouvant un mot pour chaque lettre , lorsque ces lettres rdunies formaient tout simplemeht ces mots : Ave Maria ; prenons done garde , en nous lancant trop avant dans la route penlleuse des interpretations , de trouver a notre tour quelque Ave Maria sur une tombe du temps d'Adrien; car ces blocs sont du temps d'Adrien. Une inscription complete , malheureu- sement perdue avec le fragment qui la portait , mais qui a &£ gravee , prCsente le nom de cet empereur au milieu d'une phrase complete ; ce qui ne vent pas dire , remarquez-le , que ces fortifications lui soient contem- poraines , mais au contraire que poste>ieurement a son regne elles ont 6t6 baties avec des monuments construits de son temps et probablement en ruines au moment ou on les employait ainsi. En effet , dans les premiers siecles du christianisme, les Gallo-Romains effraye"s des invasions terribles des barbares , se construisirent a la hate des enceintes plus restreintes souvent que les-limites de leurs villes en temps de paix. Le savant et modeste M. Lallier, de Sens , vous dira que dans les murailles de cette ville, on a remarque" des fragments de con- structions dont le reste a Cte" retrouvC dans des fouilles , a la veritable place du monument , bien au-dela de l'enceinte. QU1NZ1EME SESSION. 75 Sortis de rarcheveche" , nous retrouvons le mur rpmain courant de Test a l'ouest dans un jardin de maraicher; la partie infe>ieure est tou- jours formee de ces blocs sans ciment : nous remarquons sur l'un d'eux les restes d'un chapiteau ; sur un autre , une figure fruste de Diane chasse- resse reconnaissable , cependant , a son arc et a son carquois , dont l'ex- fremite" se dessine au-dessus de son e*paule droite. Devant elle , une fi- gure plus fruste encore dont on ne distingue que le bras et que personne n'a eu l'audace d'expliquer. La partie sup^rieure offre les caracteres de la construction romaine dite de petit appareil , pr^sentant un carre" dans sa face extCrieure et se prolongeant en forme de coin au milieu de cet in- destructible ciment romain qu'on a voulu vainement imiter de nos jours; cette muraille est divisde dans sa hauteur en six bandes a peu pres egales , par cinq cordons de briques plates , autre caractere des constructions dues a nos premiers maitres. En suivant cette muraille , nous arrivons a une tour d'angle dite du Petit-Cupidon , parce que dans les fouilles qui y furent faites au siecle dernier , on trouva une statue de ce Dieu qui pa- rait avoir exercC une grande influence sur les affaires des Gallo-Romains comme sur celles de leurs peres, comme sur celles de leurs petits-fils, tous de'ge'ne're's qu'ils soient. A commencer de cette tour, la muraille se dirigeait vers le nord perpendiculairement a la Loire en traversant la rue Saint- Pierre-des-fcorps actuelle , oil elle cesse d'etre visible a ciel ouvert , et oil sa coupure prdsente 4 m. 80 c. d'Cpaisseur ; elle revenait sur elle- meme , le long du fleuve qui en baignait les pieds , parallelement a la por- tion que nous venons de d^crire. Dans celle-ci , notons encore , avant de la quitter, des places de construction toute differente et beaucoup plus moderne ; ce sont d'anciennes breches bouchees dans des temps plus tranquilles. A Tune d'elles se rattache une tradition que nous devons vous rappeler, parce qu'en matiere d'histoire , comme en matiere de religion , la tradition est , le plus souvent , l'expression de la ve>ite\ Au ix* siecle , lors de l'invasion des Normands, la ville de Tours dtaitau abois, l'ennemi eHait sur le point de faire irruption dans ses murs au moyen de ces nom- breuses breches qui en sillonnaient l'enceinte, lorsque la foi ne nos peres eut recours a un dernier et supreme moyen de salut : ils porterent a la breche principale la chasse de leur patron , le bienheureux saint Martin , et soit que la presence des reliques ve'ne're'es redoublat le courage des as- siCge"s , soit que l'intercession du saint ait obtenu du ciel un miracle en leur faveur, l'ennemi commenca a plier et ne tarda pas a prendre la fuite jusqu'a l'endroit ou s'e^leva , plus tard , l'dglise appelee en latin Sancti .Martini belli, litteralement : Saint Martin de la guerre, at Saint- Martin- 74 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. le-Beau dans la naive traduction du moyen-age. Une autre chapelle , au- jourd'hui chapelle de la Bazoche , s'eleva a l'endroit meme ou avait 6t6 place- le saint Palladium de la cite" Gallo-Romaine. A une £poque poste- rieure, les barbares furent encore une fois attaque"s par les habitants de Tours, dans une sortie oil Ton se porta de part et d'autre de si rudes coups, que le nom est reste a la chapelle voisine appelee encore aujourd'hui Saint Jean-des-Coups , et dans le latin des Chartes, Sancti Joannis de ictibus; c'est du moins l'Ctymologie que quelques savants archeologues de ce pays lui attribuent. Cette chapelle, situee au milieu d'un cimetiere , n'a rien de remarquable a 1'extOieur, mais l'inte>ieur est du plus haut interet; l'abside pre"sente cinq arcs en plein-ceintre roman , retombant sur de. petites colonnes a chapifeaux de feuilles plates, reposant elles-memes sur des consoles for- mers de tetes humaines a coiffures varices. Tout autour du batiment regne un cordon de figures bizarres, placees par deux , i'une vis-a-vis de l'au- tre ; plusieurs d'entre elles out une tete de femme, un corps de poisson et des ailes d'oiseaux ; d'autres pr^sentent des details diffCrents et trop varies pour en faire ici une description complete. Au-dessus de ce cordon, dans la partie la plus rapprochee de la porte, se dessinent les ogives a nervures construites posterieurement sur le mur roman. Au-dessus de l'autel et au-dessus de la porte, deux fenetres du style flamboyant ; en un mot Tab- side est du XIIe siecle, la partie infe"rieure de la nef est du XVC. Aprt^s ces monuments, la section en a visite" d'autres qui offrent un genre d'intdret different : Saint Pierre-des-Corps, ainsi nommCe parce qu'elle est construite sur remplacement d'un cimetiere Gallo-Homain, est une e"glise du XV siecle, ainsi que l'indique l'£cu d'Helie de Bourdeilles, archeveque de Tours sons Louis XI; e"cu plusieurs fois re"pe"le a l'une des fenetres. Ellfl n'offre rien d'interessant, si ce n'est l'iutelligente reparation dont elle a ete l'objet de la part deson digne pasteur : c'est sur ses dessins qu'a ete" refaite la facade, et a 1'interieur, dans une chapelle a droite, nous avons admire" une verriere moderne qui est la reproduction d'une de celles de la cathe'drale. Les cartons, la peinture, la cuisson meme de ce vitrail, tout a 6te fait par M. le cure* lui-meme. Rendous hommage, Messieurs, aux ecciesiabtiques ^claires qui , demandant aux arts de nobles delasse- ments, savent, jusque dans leurs loisirs, rattacher l'art aux saintesfonc- tions de leur ministere. La construction de la chapelle du petit sCminaire, qui n'est pas terminer, se poursuit activement sous la direction de MM. Gue'riu freres, archi- tectes, dont l'un est charge' de la conservation de la belle cathedrale dont QUINZIEME SESSION. 78 cette ville est justement ficre. lis out jusqu'a present reproduit le style du xiiic siecle, meme dans les difficulty que leur habilete" a su vaincre en construisant, sur les donne'es des architectes du moyen age , de gracieuses et solides voutes en pierre. lis se proposent, et nous ne saurions trop les y encourager, de se conformer pour l'ornementation , non-seulement aux traditions ge'ne'rales du xme siecle , mais encore au style special a la Tou- raine , si riche en monuments de cette epoque. Le couvent des Carmelites possede aussi une chapelle moderne, dans le style du xme siecle et en voie de construction; toutefois, soit faute de hardiesse, soit plutdt faute des fonds ne'cessaires, on s'est contents ici de voutes de briques recouvertes en platre. Les restes Gallo-Romains dont nous venons de vous tracer plus haut une esquisse telle quelle , Messieurs , ne sont pas les seuls que nous ren- contrerons dans cette vaste etmagnifique cite", si importante de\ja au temps de l'invasion romaine; nous marchons ici sur un sol essentiellement ro- main qui recele sans doute bien des richesses dans la profondeur de ses entrailles. Chaque fois que les besoins de notre temps nCcessitent des fouilles a une certaine profondeur, cttaque coup de pioche , pour ainsi dire, fait jaillir du sol quelques vestiges disparus du vieux peuple romain , male's a ceux des Gaulois. Ici c'est un chemin de fer qui traverse un cimetiere romain et nous de*couvre des vases fune'raires, encore rem- plis des ossements calcines ramasse's sur le bucher, encore munis du couvercle en forme de patere , qui servait a les arroser de parfums ; des haches, des poignards, des bracelets, des fragments d'armures; plus loin, ici, sous nos pieds, en construisant ce palais, c'est une bourgade extra-muros qui nous livre des instruments de musique, des vases, des bijoux, des miroirs et une fresque parfaitement conserved, repre'sentant des cygnes, des feuillages, des arabesques du meilleur gout, se dessinant en blanc sur un fond bleu qui a conserve' tout l'^clat de sa couleur primitive. Tous ces objets sont rCunis au mus^e r^cemment cr^e dans cette ville et qui l'enrichira chaque jour. La forme et les details des objets retrouves dans les fondations de cet Edifice; ces petits vases en verre canned, ces agraffes, ces £pingles que vous trouvez pele-mele avec des vases de terre grossiers, et non loin de la fresque dontje viens de parler, tout nous revele qu'a l'endroit oil nous tenons nos stances, s'elevait un pagus habits par des paysans et au milieu duquel s'&evait sans doute quelque maison de plaisance d'un riche Gallo-Romain ; la villa et les chaumieres qui l'envi- ronnent furent detruites pendant l'invasion des barbares qui, arrets par les murailles et par le courage de nos peres , assouvirent du moins Jeur 76 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE, fureur sur les bourgades qui avoisinaient la ville. Un glaive en fer, et d'une fabrication d'une 6p oque differmle de celle des fragments d'armures men- tionne's plus haut,un glaive des envahisscurs trouve" au milieu de ces debris romains, servirait' a fixer la date de la destruction dont il s'agit. L'honorable M. Champoiseau , se reserve sans doute le plaisir de nous la faire connaltre, lorsqu'il nous parlerades murs d^crits plus haut. M. l'abbe Rabion fait observer que l'eglise qui rappelle la defaite des Normands est une chapelle dite des orphelines et batie par l'archeveque Ursmarus , au lieu ou fut apportee la chasse de Saint-Martin, tandis que l'eglise de Saint-Jean- des-Coups n'a etc fondee que cinquante ans apres pour rap- peler une seconde invasion de barbares. M. Lambron de Lignim signale dans l'eglise de Saint- Pierre-des-Corps un vitrail aux armes d'Helie de Bourdeilles, archeveque de Tours , et qui par consequent date de la fin du xve siecle. Plusieurs questions renvoy^es a la commission perma- nente sont annexees au programme; ce sont : 4° Quel est le caractere et quelle fut la destination d'un grand nombre de constructions souterraines chronologiquement circonscrites dans Vespace de temps compris entre le xe et xve siecle? 2° Une de M. Charles Dufour : Quelles sont les principals decouvertes d'antiquites romaines faites a Tours ou dans les environs? question, qui sera rattachee a la 24e. 5° Parmi plusieurs propostions de M. Todiere, la com- mission a admis celle-ci : Histoire des evenements et des mceurs du xne siecle , d' apres les lettres de S. Bernard. Ces questions prendront place a la suite des autres. D'autres questions sont renvoyees a l'examen de la commission , ce sont : 1° Une de M. Onesime Leroy : Ce qua fait Saint Martin pour la civilisation et ce qu'a fait la civilisation pour Saint Martin. 2° Une de M. Martinet : Origine des Gaxdois et des Francais. L'ordre du jour appelle l'examen de la lw question du programme ainsi concue : Quelles sont les causes, les de've- loppements successifs et les lois du symbolisme dans Vart chrd~ tien ? M. l'abbe Corblet lit sur cette question un memoire plu- QUINZIEME SESSION. 77 sieurs fois intejrompu par de vifs et unanimes applaudisse- ments (1). L'orateur signale le neant ou du moins la pau- vrete du symbolisme chez les Grecs et les Romains, qui n'adoraient que la matiere ; il ne le cherche que chez les chretiens qui adorent Dieu en esprit et en verite ; chez les premiers tout etait sacrifie a la forme, chez les seconds la forme est sacrifice a la pensee. II nous fait voir ensuite les belles cathedrales du moyen-age s'elevant aux frais du prince et des seigneurs et par les bras du peuple comrae pour expri- mer la foi des uns et des autres ; il apercoit des nuances de detail entreles egllses de province a province, de royaume a royaume, mais dans toutes se retrouveun meme type, une meme pensee, la foi. Apres avoir signale les causes de la rarete des monuments gothiques en Italie, et fletri a juste titre la pensee toute payenne qui a produit les boudoirs pa- risiens qu'on voudrait appeler eglises , l'orateur termine en fclicitant notre epoque d'avoir laisse les formes payennes pour revenir a limitation du moyen-age. A propos d'une citation de M, Corblet, que la litteraturc est Texpressipn d'un siecle, M. de Pantoja rappelle que la litteraturc et les beaux-arts se tiennent par la main, ou plutot que les beaux-arts sont une sorte de litteraturc qui grandit ou s'abaisse selon qu'elle est inspireepar la foi, ou qu'clle est privee de cette inspiration. Sans la foi, dit-il, la litteraturc ne produit qu'un vain assemblage de mots, et les arts que des monuments sans expression et sans vie. M. l'abbe Masson lit le memoire suivant sur ia meme question : Messieurs , Le symbolisme est une loi de la nature; sans lui il serait impossible d'oxprimer les plus grandes et les plus nobles conceptions de l'esprit. L'u- nivers Iui-meme est la symbolique manifestation de Dieu et de ses pensees e"ternelles. Selon la theologie si pbilosophique et si chretienne de saint Paul, (l) Ce memoire a M iraprime dans le compte-rendu des stances gen^rales, I" to). , page 95, 78 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. il est impossible a Intelligence humaine de concevoir Dieu, en cette vie, autrement qu'en e'nigme et comme dans le miroir du symbolisme. Primitivement , a la formation du langage, les signes euphoniques etaieut le symbole des choses meme corporelles. Tous les animaux sui- vant la Genese, sont amends devant Adam, qui leur donne un nora exprimant leur nature. Toutes les langues n'ont pas encore perdu jusqu'au dernier vestige de cette origine, et malgre' le developpement philosophique de nos Editions modernes , les choses spirituelles revetent necessairement le manteau des idCes et des objets sensibles. Si nous entrons dans le domaine des arts, nous trouverons le symbo- lisme non-seulement favorable , mais indispensable a l'esthe'tique ; aussi tous les peoples y eurent-ils recours. C'est, si Ton veut, une langue poetique, comme le chant et la musique; l'un et l'autre n'en sont pas moins naturels. Le sensualisme pa'ien y substitua I'allegorie ; quelques- uns diront peut-etre : heureusement pour la litte'rature et l'art, nous disons, nous, mal heureusement, i'allegorie est froide et puerile comme les antitheses et les jeux de mots ; le symbolisme est une sorte de poesie naturelle. 11 y a cette difference essentielle entre le symbolisme et I'allegorie que premier spiritualise la matiere, afin de parler plus intelligiblement a l'&me et a l'intelligence , et que l'autre materialise, rabaisse l'esprit et Dieu lui- meme au prosa'isme materiel, au profit des juissances et des affections sensuelles. Si le symbolisme est favorable a la poe'sie et aux arts , il est essentiel et inherent a la religion. L'idolatrie elle-meme y eut recours. L'orientation des temples, pour ne citer que cet exemple, e"tait pratique^ comme sym- bole par les cultes anciens, bien avant que Vitruve n'en fit une regie dans ses ouvrages sur l'architecture- Dans le Mosa'isme, tout est figure et symbole : l'archc sainte , les v6te- ments du Grand-Pretre, la forme du tabernacle et des ustensiles du culte ; le peuple tout entier avec son histoire, les prophetes avec leurs prophelies, etc. Saint Paul , tous les ecrivains eccle'siastiques l'ont remarque* et enseigne" : Omnia infiguris contingebant Mis. La liturgie catholique consiste tout entiere dans le symbolisme. Ce qu'elle a de plus sacre" et de plus v£ndrable , de plus saint et de plus vivi- fiants, les sacrements enfin , ont revetus le symbole de la main divine du Christ lui-meme; chaque office, chaque acte, chaque vetement liturgique est un symbole. D'oii lui vient ce symbolisme? Cela importe sans doute peu a la question prdsente, danslaquelle il s'agit de constater l'emploi du symbolisme dans T^glise chre'tienne et ses arts. N6"anmoins, n'oublions pas qne nous devons en rechercher aussi Torigine. On a voulu faire remonter le symbolisme Chretien au culte des idoles , auquel il l'aurait empruute. Si on se fut borne1 a constater dans le chris- QUINZ1EME SESSION. 79 tianisme une foule d'usages symboliques communs au paganisme, sans derivation immediate, telle que l'orientation des eglises, prescrite par les constitutions apostoliques, toujours v^nerables par leur antiquite" bien qu'apocryphe, 1'usage de Peau lustrale etc, nous n'aurions rien a dire. Deux fleuves issus d'une m6me source peuvent rouler des eaux bien diffe'- rentes, limpides ici , la souillees des immondices de la terre. C'est ce qui est arrive au paganisme et au christianisme. La direction heureusement imprime'e, au xixe siecle, aux etudes philosopbiques et archeologiques a demontre" que tous les peoples ont puise" primitivement a la source com- mune des traditions humaines et que la plupart des allegories et des mythes idolatriques ne sont que des travestissements grossiers des Cv^ne- ments et des croyances contenus au Pentateuque. Rechercher l'origine de notre symbolisme dans le cours du paganisme, ce serait tout bonnement descendre le cours du fleuve qui a traverse" les e^gouts de la cite" pour trouver la source d'un ruisseau qui coule a cdte" limpide et bienfaisant. Cependant on a donne" de cette imitation une raison qui pourrait etre bonne, et qui justifie la ressemblance entre des religions contradictoires : le desir d'attirer plus facilement au christianisme les idolatres attaches a la pompe des ceremonies. Certes l'Eglise eut pu tres-tegitimement, comme autrefois la synagogue au sortir de la servitude d'Egypte, s'emparer des vases pre"cieux de ses tyrans ; mais il y a longtemps que Tertullius, dans son livre des Prescription?, repondait a l'hdrdsie : « Je suis le premier en possession, de quel droit viens-tu me troubler dans mon fond ? » L'Eglise est 1'heritiere legitime et naturelle de la synagogue : c'est a cette source, jadis pure, qu'elle a puise" son symbolisme. En indiquant son ori- gine, nous disons les sources memes oil il a puise" ses symboles : nous en verrons tout a l'heure le caractere et la nature. Mais le symbolisme liturgique, le mysticisme, caractere inconteste" au christianisme, a-t-il passe" dans les arts et en particulier dans l'architecture chre"tienne ? En retrouve-t-on des traces incontestables dans les monu- ments que l'Eglise nous a le"gue"s ? Le style , a dit Buffon , c'est l'homme ; c'est-a-dire son genie , son caractere. Entre les mains de qui etaient les arts , au moyen-age ? De l'E- glise, incontestablement. Et son caractere symbolique , son cachet, son type, 1'cssence de la liturgie, elle ne l'aurait pas imprime" partoutetsur tous les monuments ? Impossible ! on le sent bien. Quand nous ne pourrions citer aucun texte des anciens parlant du sym- bolisme , aucun exemple inconteste" dans nos eglises , il ne nous serait pas encore permis d'en douter. Nous avons rappele" ailleurs les vers d'un poete africain qui expliquent pourquoi les chreliens, a l'exemple des payens, oriental nt leurs temples. Nous faisons remonter au Mosa'isme le symbolisme chr&ien dans ses temples. 11 est facile d'en donner la preuve. 80 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Le symbolisme remonte aux premiers temps de l'Eglise, non-seulement applique a la litorgie, mais aux beaux arts religieux. Le symbolisme ira avec le temps, se ddveloppant et se rendant de plus en plus sensible, comme dans la nature on voit une plante en germe attendre du temps la faculty de produire des fleurs et des fruits. Pourquoi l'Eglise victorieuse du paganisme, installe-t-elle son culte dans les basiliques romaines, oil le preteur rendait la justice, au lieu de s'empa- rer des edifices consacrds au culte des idoles? Est-ce par horreur d'une de- meure et d'un autel profanes par la superstition ? Non ; car elle s'approprie sans scrupule toutes les richesses artistiques qui ont servi au culte des idoles, tre"pieds, autels, tombeaux, vases, etc., et c'est a cette precieusc liberte de discipline prechee par saint Paul que nous sommes redevables de la conservation d'un bon nombre. Pourquoi done cette preference accor- dee au pretoire? pour deux raisons decisives : parce que les dimensions et la forme se pretent parfaitement aux exigences liturgiques et rappellent le temple de Salomon. C'est ce temple que les architectes Chretiens copierent presque unique- ment, en Orient comme en Occident. Leur plan, viennent la science et les siecles, s'aggrandira, se developpera ; il ne cbangera point ; il ne se modi- fiera meme que sous les influences du symbolisme. On sait que, selon Joseph, l'historien des juifs, le plan du temple de Je- rusalem etait symbolique et figurait le ciel, la terre et la mer. L'Eglise chretienne a la meme signification , et comme lui elle est divisee en trois parties fondamentales, le sanctuaire, carre parfait image du ciel, la nef, carre long imparfait, image de la creation, et les vestibules. Le carre est la forme fondamentale, primitive du sanctuaire; avec le temps, il se transformer et se terminera en demi-cercle voute en calotte he mispherique pour mieux signifier le ciel, puis en polygone d'un nombre de cote's determine et toujours inscrits dans le cercle. Le plan general lui- m6me prendra la forme de la croix du Sauveur, puis l'axe de l'abside de- viera sur celle de la nef et rappellera cette parole evangeiique : Jesus, in- clinato caplte, emisit spiritum. Vous u'attendez point, Messieurs, queje suive le developpement gra- due du symbolisme chretien ; le xvne et le xvme siecles en avaient perdu le sens quand le paganisme eut souffle sur le flambeau du Christ. II faudra bien des jours d'etude encore au xix° siecle , pour retrouver I'alpha be symbolique du moyen-uge et en restaurer le systeme complet. Mais au moins dois-je essayer d'en esquisser devant vous le caractere et d'en indiquer les sources. Est-il possible qu'ily ait au systeme unique et uniforme de symbolisme chretien? Ou bien, le symbolisme etait-il absolument livre au caprice de 1'imaginalion et aux libres inspirations de l'artiste ? Ni I'un ni l'autre n'est probablement la verite. QUINZIEME SESSION. 81 De\ja nous avons remarque que l'unite du plan fut un principe d'unite dans le symbolisme. En outre, la liturgie catholique, source et cause pre- miere du symbolisme , est soumise a un principe d'unite , malgre la va- ried que 1'antiquite" elle-meme nous a transmise. Le liturgiste, qu'il fut un ap6tre . saint Ambroise ou saint Gre'goire, est oblige au respect des symboles sacre's institue's par Jesus-Christ, aux images et aux dogmes consacre's par les livres saints et la tradition. 11 n'est done pas absolument libre de se livrer a ses fantaisies. II est tenu de retracer la vie du Sauveur et de rappeler ses enseignements. Telles sont les conditions imposees a l'artiste chrelien. Qu'on ne croie pas cependant que nous prelendions definir rigoureusement et tracer le cercle dans lequel les exigences religieuses circonscrivent l'artiste: nous voulons montrer l'obligation de la regie et non.son Ctendue. D'un autre c6t6, cet artiste est libre de parler la langue de son pays et de son siecle. La science et les institutions catholiques le demontrent par analogic L'enseignement de Je'sus-Christ a passe" par bien des bouches et par bien des formes depuis dix-huit cents ans sans varier jamais , malgre" la difference de methode d'exposition entre les saints peres , les th£ologiens scolastiques et les orateurs academiques du grand siecle. La morale et la perfection chr^tienne ont des principes inflexibles ; cepend an quelle varied de discipline , de liturgie , d'ordres et d'institutions rao- nastiques et religieuses! II en est de meme entre Sainte-Sophie, Saint-Pierre de Rome et Notre- Dame de Paris. II est permis de douter de la possibility d'assigner au symbolisme Chre- tien d'autres source et d'autre lois. On pourrait m6me contester, a priori , tout sysleme qui voudrait astreindre a une seule et meme signification tous les signes symboliques dans les differents temps , et contenir ou as- treindre a une m6me representation toutes les id«5es que Tart a habilldes de cette forme. Le gCnie de l'Orient n'est pas celui de l'Occident ; le caractere de l'epo- que roraane differe en beaucoup de points de celui de la periode ogivale ; et au point de vue du symbolisme, le xiue siecle est bien loin du xve. Et meme, bien avaut la renaissance du paganisme, on en presageait l'aurore; l'art chretien s'essayait, dans quelques contrees dumoins, aux touchantes et nobles traditions de l'allegorie ! Ici, l'art heraldique donnait la main par ses devises et embl^mes au gout renouvele" des Grecs et des Remains. Chaque contre^e et chaque siecle arch^ologique a done son sysleme de symbolisme particulier : e'est son ididme. Nous n'esperons jamais apprendre que la forme des nimbes , la nuditd de telle ou telle partie du corps en statuaire ou en peinture , la couleur de telle chevelure ou vetement, etc., eussent constamment ete attribute au meme ordre de personnages ou d'idees. 82 CONGRES SC1ENTIFIQUE DE FRANCE. Neanmoins les systemes symboliques les plus differents ont puise a une source d'inspirations commune : la Bible et en particulier 1' Apocalypse et les Prophetes. Les symboles catholiques , si on pent leur donner ce nom , ceux qui sont universels , sont empruntes aux images et aux ana- logies bibliques. Quand aux autres symboles , une etude minutieuse et intelligente des restes de l'art Chretien est un preiiminaire indispensable a leur determi- nation. Des ce moment, il est une decouverte importante, due je crois a M. Di- dron, qui me semble acquise a la science archeologique : le systeme de'coratif de la moindre chapelle de campagne , vraiment Chretien ne ou anterieure auxvne siecle, exprime une idee religieuse et morale qui est ordinairement la regeneration de l'homme par Jesus-Christ, et un ordre scientifique indiquant par quels travaux s'opere cette regeneration dans l'humanite. Nous l'avons constate , pour notre compte , sur un certain nombre d'eglises d'ordres differents, la cathedrale de Strasbourg, la Madeleine de Dieuze (Meurthe) , Saint-Germaiu-l'Auxerrois, Saint-Mery, Saint-Nicolas , Notre-Dame de Paris , etc. Nous le soupconnons de Saint- Gatien de Tours , malgre ses mutilations , et sur un simple coup-d'ceil sur ses vitraux en mosaique et son ornementation interieure. Cette verite morale dont nous parlions est la clef du systeme decoratif : c'est elle qu'il est indispensable de rechercher et de saisir avant de rien comprendre a cette espece de chaos compose, autour et a 1'interieur de nos eglises , de cristaux et de plantes , d'animaux et d'hommes formant des scenes tres-variees et tres-animees, comme une sorte de danse maca- bre oil se melent le sermon , la complainte ou la pastorale , la satyre et le pamphlet. Pour nous resumer : Lesymbolisme Chretien a ete incontestablement la langue de la liturgie el des arts , des la naissance du christianisme au xvne siecle. Ce symbolisme est tout-a-fait distinct de l'aliegorie froide et puerile du paganisme. C'est du Mosaisme , dont l'Eglise a herite , qu'il decoule. Le dogme catholique est toujours le sujet du poeme symbolique. L'Ecriture est la source oil ont ete puises les symboles universels. La liberte laissee par l'Eglise aux artistes , a permis a chaque siecle , a chaque contree archeologique , de se former un idiome propre. Pour comprendre la langue du symbolisme et en determiner I'alphabet particulier, il est necessaire de saisir l'idee morale qui a preside a la construction de l'edifice et par laquelle le maitre de I'ceuvre rattachait a sa pensee les libres inspirations et les caprices des nombreux ouvriers et des artistes qu'il s'associait , ou que le temps lui amenait. C'est a ce point de vue qu'il nous semble necessaire de lerepiacer, pour QUWZIEME SESSION. 85 appr^cier sainement le symbolisme Chretien , et nous croyons devoir ob- server aux partisans du symbolisme, quand m&ne, dans les e"glises, que cette langue, comme toute autre, s'est de'veloppe'e successivement, a parle divers idiomes; qu'il ne fautpas confondre le symbolisme pre'concu par l'ar- tiste, avec les interpre" tations poste>ieures des commentateurs du moyen-age. On sait la violence que plus d'un d'entre eux a fait a l'tcriture sainte elle meme, pour lui faire dire mille choses dont la foi et la science ne peuvent se porter garants, et dont elles ne doivent pas etre responsables. Nous rappel- lerons encore qu'il y a une difference essentielle, selon nous, entrele symbo- lisme et l'alle'gorie ; l'une ne peut etre responsable des mCfaits de l'autre. La maniere dont , au moyen-age , furent entrepris et edifies nos grands monuments ; la part faite n^cessairement par le maitre de l'oeuvre aux libres compagnons associes a sa fortune ; les caprices et les intentions des particulieas qui e'difiereut a leurs frais, qui une chapelle , qui un pilier, etc. , et bien d'autres raisons , meritent d'etre pris en consideration , et de n'etre point oubli^s a notre age de centralisation et de despotisme ad- ministratis en fait meme de constructions religieuses , dans la recherche du symbolisme chr^tien. M. l'abbe Crosnier prend ensuite la parole sur le meme sujet. II pense que, pour repondre a ces questions , il faut exposer 1'histoire du symbolisme et 1'envisager d'abord d'une maniere g£ne>ale, avant de le considCrer sous l'influence f^conde du christianisme. Apres nous avoir demontre' que la cause premiere du symbolisme se trouvait dans la nature de Dieu et dans la nature de l'homme ; dans les rapports qui devaient s'&ablir entre le Cre"ateur et sa creature intelligente, en nous faisant remarquer que Dieu ne pouvait dormer a l'homme une id£e de ses incommunicables perfections, que par le monde sensible, que par les objets qui , en frappant ses sens, r^flechissaient dans son ame un rayon de sa grandeur , et que l'homme impuissant a rendre ce qui se passait en lui etait oblige" d'appeler a son secours les autres creatures , et de les offrir a Dieu comme autant de symboles de ses sentiments di- vers; l'oratenr parcourt rapidement les siecles qui ont pr^de la nais- sance de J^sus-Christ, faisant voir qu'a mesure que l'homme eprouvait de nouveaux besoins, qu'il avait de nouvelles pensees a manifester, il avait recours a de nouveaux symboles. Adam dans le paradis terrestre n'avait a offrir a Dieu que l'expression deson admiration, de son amour, de son denouement et de sa recon- naissance , et il pouvait se contenter de convoquer les creatures pour s'u- uir a lui dans un cantique de louanges ; mais apres son p£ch6 , l'humi- 84 CONGRES SCIENTIEIQUE DE FRANCE. liation, le repentir, la crainte , le forcerent a recourir a de nouveaux symboles. Les sacrifices, avec les details multiplies des ceremonies qui les compo- serent , ne furent que le developpement du symbolisme ; et le paganisme avec ses erreurs et ses idoles monstrueuses naquit du symbolisme que 1'ignorance avait deTigure' ; I'homme avait fini par confondre le Createur avec son imparfaite image. jesus-Christ ne vint point sur la terre pour detruire mais pour edifier ; le symbolisme dont I'homme aveugie par 1'ignorance et les passions avait fait un si indigne usage ne cessa pas pour cela d'exister, car tant que I'homme sera sur la terre il aura besoin des objets exterieurs pour s'Clever jusqu'k Dieu ; jesus-Christ done, au lieu de lui enlever ce puissant secours, vou- lut le confirmer et le sanctionner de son autorite divine. Apres avoir epure la langue du symbole , il communiqua a I'homme la lumiere et la grace qui lui etaient ndcessaires pour en decouvrir le veri- table sens ; il employa souvent dans ses paraboles ce langage mysterieux et lui donna une sorte de consecration. Les ap6tres et les premers predicateurs de l'evangile employerent aussi les figures et les symboles et les artistes Chretiens les reproduisirent sur les vases sacres , sur les parois des catacombes et sur les tombeaux de leurs freies. La religion se crea des lors un cercle d'images en s'inspirant dans les livres de l'ancien et du nouveau testament; elle alia plus loin, elle admit certains types du paganisme qu'elle s'appropria , elle en fit des allegories chretiennes apres les avoir purifies de toute idee profane. L'orateur, considerant ensuite le symbolisme pendant les siecles qui sui- virent les persecutions , cite different s passages des Peres de 1'Eglise , qui ont fait la gloire de cette epoque, et qui perpetuerent les traditions sur le symbolisme. Tertulien, saint Basile, saint Ambroise, saint Augustin , saint Gregoire , etc. , par leur explication sur le symbolisme, tracerent un plan que les artistes du moyen-age mirent a execution. L'heresie des iconoclastes vint arreter la marche du symbolisme, mais ne put venir a bout de le detruire ; on en retrouve des traces bien pre- cieuses aux viif, ixe et xe siecles. Le xie siecle fut plus caracteristlque , mais au xue le symbolisme parut dans toute sa splendeur; les formes, les dispositions principales des figlises, les details d'ornementation , etc. , offrent tout ce que le symbo- lisme a de plus attrayant. On comprend qu'il est impossible dans un re- sume d'entrer dans les explicattons que l'orateur a presentees a l'appui de ses assertions. quinzieme session. 85 Passant a la periode ogivale , il fait voir que les derails symboliques d£veloppe> daus l'architecture monacale des xi« et xne siecles se con- servent avec quelques modifications pendant le xme siecle, puis il ajoute : « l'influence sacerdotale de cette epoque disparaltra a son tour « pour faire place a l'influence la'ique. Ce fut a la fin du mii' siecle que « se consomma cette revolution. 11 dtait facile de la prevoir;les types « variaient, les principes 6"taient toujours les memes, mais les formes « hieratiques s'effa^aient insen-iblement ; les attributs des verlus person- « nifi&s reposaient surl'lcu de lachevalerie , comme on le remarque a « Chartres , a Amiens et ailleurs; les fables, les fabliaux et souvent d'a- « meres satyres servaient d'ornements aux m^daillons des portails. Au « xiv* siecle et surtout au xv', le symbolisme declinait avec l'architecture. » En parlant des figurines grotesques et des monstres qu'on rencontre aux diffe>entes epoques , l'auteur s'est bkn garde" de les admettre indistincte- ment comme renfermant tous un sens cache" : « Nous ne devons pas, « a-t-il dit , porter trop loin notre attrait pour les symboles et les figures « alle"goriques ; quelquefois l'artiste a pu ne suivre qu'un simple caprice ; « mais nous devons reconnaitre un sens cache toutes les fois que les « memes figures se rencontrent dans differentes contrees. » Eufin abordaut le dernier point de la question , il a fait voir « que la « langue des symboles pouvait bieu s'enriclur de nouvelles expressions, « mais qu'il n'etait pas libre a chacun d'en inventer a songre, qu'il y « avait dts lois a suivre. Nous pouvons former des composes comme fai- « saient nos artistes du moyen-age , mais nous ne saurions cr^er. La na- « ture a donne" naissance aux lois du symbolisme , l'Ecriture Sainte les a « consacrees , les Peres les ont de>eloppees. La nature , les livres saints, « la tradition, tel est le code qui renferme les lois du symbolisme chr6- « lien ; que l'artiste qui compose , que celui qui est charge de surveiller le « travail , que l'iconographe qui s'occupe a dlchiffrer les phrases myste- « rieuses gravees sur la pierre , n'oublient jamais la parole de saint liasile * « Novi leges allegoriarum , et si non a me mventas* ab aliis tamen « elaboratas teneo. » M. l'abbe Auber, nous faisant parcourir l'eglise de Saint- Pierre de Poitiers, nous montre dans les differents modil- lons qui la decorent autant de figures symboliques cmprun- tees a l'Ecriturc, aux SS. Peres, ou aux legendes. Un person- nage couronne et jouant de la cithare, c'est le verset Te decet hymnus, Deus in Sion, ou bien Confiteantur tibi, Domine, 86 C0NGRES SCIENT1FIQUE DE FRANCE. omnes reges terrce. Un homme completement nu, c'est Tame tiede ainsi qualifiee dans l'apocalypse , Bids quia dives sum etjocupletatus , et nescis quid miser es et ccecus et nudus. Ce vieillard barbu et aveugle lui rappelle l'aveugle de l'Evan- gile qui s'ecrie : Jesti, fili David, miserere met , ou plutot la nature humaine, aveuglee par le peche, et qui implore la lumiere d'en haut. Un masque diabolique qui tire la langue, c'est le peeheur qui blaspheme sous les coups de Dieu, blas- phemaverunt Deum cadi. Apres plusieurs autres exemples de cc genre, M. Auber deduit les consequences de son examen, etdit que dans les eglises du moyen-age, tout, jusqnaux fi- gures obscenes, jusqu'aux visages grimacants qui font peur, tout est symbolique. Ces vegetaux aux mille formes capri- cieuses,*ces animaux de toute espece, ces bommes de figures si varices, ces anges de tout ordre, ces demons meme dc sinistre et horrible aspect, c'est la nature, c'est la creation toute entiere reunie autour du Seigneur; c'est le monde physique, moral, intellectuel, qui proclarae la supreme au- torite de Dieu. M. le comte de Mellet, tout en admettant une partie des idees de M. Auber, s'eleve contre l'extension de ce systeme, et dit qu'il est unc foule de figures qui n'offrent aueun sym- bole; il veut bien adrnettre une pensee symbolique dans le plan des grandes basiliques, des eglises abbatiales, ou les evequcs, les abbes , les religieux ont preside de plus pres a la construction ; mais dans les eglises secondares, dans les paroisses rurales , plus abandonnees a la fantaisie des artistes , il croit qu'il est bien des figures grotesques qui ne soi\t susceptibles d'aucune explication symbolique, par exemple un homme a cheval sur une oie. M. Auber replique en disant que s'il est des figures dont le symbolisme ne s'expliqr.e pas, c'est seulement parce qu'il nous est inconnu, il espere qu'un jourviendra ou Ton aura la cle de toutes ces enigmes. N'a-t-on pas enfin expliquele symboje du renard qui preche les poules? II fait observer aussi que pour bien juger de ces figures et du sens qu'elles doivent avoir, il faudrait les voir, les exa- miner de pres et trouver des personnes compctentes dont QUINZIEME SESSION. 87 l'avis confirmat l'opinion de l'orateur. Rien n'est plus facile que de sc Iromper en cela, et M. Auber pourrait citer plu- sicurs arcbeologues fort instruits a qui cette crrcur est ecliappee de la meilleurc foi du monde. M. de Petigny pense qu'au temps ou la construction des edifices fut entre les mains des religieux, il n'y eut point de place pour les caprices de l'imagination, mais que la re- connaissance introduisit les portraits ou les blasons des bienfaiteurs de l'eglise, ornements fort peu symboliques. Apres une courte repliquedeM. Auber, M. de Lasicotiere vient combattre le symbolisme absolu, il fait voir, a cote de la pensee religieuse , la pensee toute humaine prenant une place, modeste d'abord, et plus tard immoderee, dans le blason du grand seigneur qui vient etaler son orgueil, dans l'instrument de l'ouvrier qui signe en quelque sorte son ueuvre, dans les caricatures qu'inspire une idee de ven- geance, de lutte, etc. Selon lui , la sculpture est la presse du temps, ct ce que l'ecrivain dirait aujourd'hui dans le journal ou dans un livre, le sculpteur le disait sur tin cbapiteau. L'heure avancee ne permettant pas la prolongation de la discussion, 1'assemblee decide qu'elle sera renvoyee a la seance generalc. Seance elu 1 8e|iteutl9i*e. Presidencc de M. l'abbe Boukasse. M . Salmon , secretaire. La seance est ouverte a seplheures, sous la presidence de M. l'abbe Bourasse. Le proces-vcrbal de la dernierc seance est lu et adople 88 CONGRES SCIENTIFIQUE DE PRANCE. apres quelques rectifications proposees par MM. de Cussy et et Cartier Ills, M. de Cussy demande que le compte- rendu des excur- sions soit lu en seance generale ; cette proposition est mise aux voix et adoptee. M. Paul Huot lit un memoire sur l'cxeursion faite a la ca- thedrale de Tours, sous la direction de M. l'abbe Manceau. Messieurs , La cathe^drale que nous avons visitee hier, sous la conduite de If. l'abb£ Manceau, s'eleve sur une partie de cette mnraille romaine, dont nous avons deja parle, et qui sertde londation au portail. Cette 6glise est, sinon par sa dimension, au moins par sa forme et par ses details surtout, digue de Jlgurer au milieu des splendides basiliques de Reims, d' Amiens, de Char- tres et de Saint-Ouen de Rouen, dont sa nef nous a rappel6 la bardiesse. A l'exterieur, les tours et le portail, si babilement repass par M. Guerin, offrent un des types les plus imposants par leur masse, les plus gracieux par leurs details, et il est b'ien entendu que je parle des tours et de leur dCveloppement, et de leur effet architectural, je supprimc par la pense'e ces clochetons du XIIe siecle a calottes en ecailles de poisson, qui les de*- parent et qu'il faudrait, cependant, se garder de detruire, aujourd'hui que trois siecles leur ont donne" leur consecration. Dans l'examen de cet Edi- fice je serai sobre de details ; ceux que je pourrais vous donner sont re- trace's plus completement et plus babilement que je ne pourrais le faire, dans la brochure que M. l'abbd Manceau leur a consacree et que vous avez, pour la plupart, entre les mains ; je me bornerai a vous en rappeler quelques-uns, notamment le tympan, les arcades et la rose du portail malheureusement gate par les verres de fabrique modcrne, dont on a rem- pli ses dedicates nervures, oiilemauvais goftt du dessiu le dispute aux tons dclatants et criards de la couleur. Avouons-le sans detour, ces vitraux et qnelques autres, modernes aussi, font, au milieu de ceux du moyen -age, dont de si beaux types subsistent encore dans celte catbddrale, comuie uue note fausse au milieu d'un morceau d'harmonie ; il faut, a une eglise commeSaint-Gatien, des verrieres des meilleurs maitres, digues non pas de lutler, mais au moins de iigurer avec celles dont nous allows parler, et ce ne serait pas encore assez ; ces vitraux fussent-ils par leur perfection, a la hauteur de ceux des anciens verriers, il leur faudrait encore cette teinte mystique et harmonieuse que le temps seul et la longue action de Pair et de la lumiere ont pu donner a ceux-ci, ct qu'ils ne poss^daieut certaiue- ment pas en sortant de I'atelier. QUINZ1EME SESSION. 89 Vous redirai-je, messieurs, les merveilleuses ldgendes si merveillensc- ment reproduites dans cette partie, la plus fragile, mais aussi la plus riclie, la plus brillante, de nos vieilles cathedrales? Un volume y suffirait a peine et nous les avons vus trop rapidement pour que cette analyse retrouve dans vos esprits des souvenirs fideles. Je me contenterai done de vous rappeler les sujets qui nous ont le plus frapp^s. Dans le chceur, nous avons vu la ver- riere donne'e par Geoffroy, eveque du Mans, qui gouverna cette eglise de 1260 a 1274, et ou le donateur est figure" pr^sentant lui-meme son offran- de parce qu'il la donnait senl, detail qui ne se retrouve pas lorsque le don est collectif, comme par exemple dans celle ou Ton voit les armoiries de France et de Castille qui rappellent le secours d'argent fourni par le roi pour l'etablissement de cette fen6tre. Dans le vitrail de Saint-Jacques, M. l'abbe" Manceau a appeld votre attention sur Tun des medaillons oil trois personues sont couche^es dans le m&me lit ; ce sont les pterins de Saint- Jacques, et il vous a signal^ la grossiere et menteuse tradition qui veut y voir Robert d'Arbrissel e^prouvant entre deux courtisanes sa propre force d'ame en se soumettant a une impure et dangereuse epreuve. Notre savant guide nous a signal^ aussi la verriere donnde par Jacques, e>eque de Nantes.de 1260 a 1270et ou sont representees Saint-Pierre, Saint-Paul, pa- trons de son eglise. Dans les chapelles absidales, la vie tout entiere de Saint-Martin, Veocorcisme ou le naif pinceau de l'artiste a reprdsente" le demon, rejoignant, par le cheinin le plus court, l'enfer d'oii il etait venu, la scene si connue et toujours si touchante du manteau parlage" avecun pauvre, l'entrevue du saint avec l'empereur Valentinien, qui refuse d'hu- milier son orgueil devant la sainfete" de l'^lu, et les flammes ddvorant le tr6ne de l'empereur ; la verriere de la Vierge avec le symbole si ancien du pelican, pour figurer le Christ offrant a ses enfants le sang precieux qui s'echappe en flots de pourpre de ses divines blessures, embleme de la cha- rity selon les uns, de la redemption selon d'antres ; et celle donn^e par Vincent Pirmil, en 1257, et d'autres que vous vous rappelez, et d'autres que j'oublie, et les roses du transsept et les grisailles du Triforium, innom- brables et admirables merveilles dont le tableau se retracera plus d'une fois h nos yeux, lorsque chacun, revenu an foyer domestique, eVoquera, dans sesloisirs, les fertiles souvenirs de ce pe^lerinage scientifique. Pour moi, je n'oublierai jamais, messieurs, vous n'oublierez pas non plus, le majestueux spectacle de cette nef que Ton embrasse d'un coup d'oeil en entrant par la porte principale, que Ton franchit d'un pas lent en remontant les different s ages de 1'art ogival, depuis le poriail qui est du XVe siecle, jusqu'a l'abside qui est du XIUe, pour s'arreter enfin, e'mer- veille, devant les splendides vitraux des chapelles qui forment une lumi- neuse couronne autour du choeur figurant, par sa deviation, la !6te du Christ, inclined sur la croix, symbole si souvent re{>roduit dans la dispo- sition architect urale de nos vieilles badliques. 90 CONGRfiS SCIENT1FIQUE DE FRANCE. Vous vous rappellerez surtout cette admirable et mystique disposition de la voute dont la cle" setrouve placee, commea Reims, pr^cisement au- dessus de l'autel; de telle sorte que le prMre officiant, lorsqu'il s'incline vers le miroir d'or de la patene, plonge son regard au fond d'un gouffre de Iumiere ou resplendit coinme un lit de pierres pre'cieuses ce merveilleux e"crin dont nos vieux peintres enchassaient les joyaux dans leurs splen- dides verrieres. Parmi les innombrables details de nos eglises gothiques, il n'en est pas de plus beureux, il n'en est pas 4e plus propre a ravir momentanement k la terre I'Ame du ministre sacre, qui voit ainsi de ses propres yeux, traduite en poetiques couleurs, toute l'immensite" de sa mission , toute la profon- deur du mystere qui s'accomplit par ses mains. Les membres de la section d'arcbeologie out poursuivi leur exploration par une courageuse ascention dans les tours de la catbedrale, oil je lvai pu les accompagner. II parait qu'ils out admire" dans celle du nord, l'es- calier appele" escalier de France,, gracieux Episode a jour, dont le pied s'eppuie avec une incroyable hardiesse sur la cle" des arcs d'une voute e"ga- lement a jour. lis ont visile" avec non moins d'inte"r6t, le cloitre, pre'au du XVIc siecle, remarqnable par ses voutes et son escalier en vis , et se sont ajourn^s au lendemain pour visiter Saint-Julien. A propos de cc rapport, M. l'abbe Crosnier dit que l'in- clinaison de Taxe de la nef an chevet de l'eglise, est parti- culiere au xme siecle. Si on la remarque dans des eglises dont le style annonce le xive, e'est que les fondations ont ete faites au siecle precedent, et en suivant les usages syra- boliques. Au contraire, les eglises du xme siecle quLn'ont point cette inclinaison, ont eu leurs fondations faites au xne siecle. M. de Buzonniercs signale cependant une exception ; e'est l'eglise de Saintc-Croix d'Orleans , dont les chapelles absi- dales, qui datent de la premiere construction de l'eglise au Sill? siecle, ne presentent aucunc deviation dans l'axe de la catbedrale actuelle. M. de Mellct observe que le pelican, dont on retrouve la representation dans bcaucoup de vitraux, donne son sang a ses enfants, non pour les nourrir, mais pour les faire re- vivre : il trouve dans ce sujetun enibleme de la resurrection ct non un symbole d'amour paternel. M. le president donne lecture d'une lettre de M. Pernot, quinzieme session. 91 qui, au nom du directcur de la colonie de Mettray, invite tous les membres de la section d'archeologie, a visiter eel etablissement, demain dimanche apres la grand'messe. En consequence, M. le president engage ceux de MM. les mem- bres de la section qui desireraicnt prendre part a cette ex- cursion , a se faire inscrire au secretariat central du Con- gres. M. le president fait connaitre aux membres de la section la decision du conseil permanent au sujet de diverses ques- tions a ajouter au programme : i'influence de saint Martin sur la civilisation , question proposee par M. Onesyme Le- roy, sera annexee au programme. On reunit a la 24e question le memoire sur la voie ro- maine du Mans a Tours, par M. l'abbe Voisin. Le memoire de M. Martinet, sur l'origine des Gaulois et des Francs, ne pcut etre admis faute de temps pour discuter cette importante question. La discussion de Ja 20e question, sur-le caractere politi- que de Louis XI, est fixee a mardi procbain. On depose sur le bureau les fac-similes des inscriptions romaines du palais de l'archeveche. M Cbampoiseau propose,, vu le depart prochain de M. Lal- lier, la discussion immediate de la 17e question : A quelle e'poque faut-il faire remonter la construction de Venceinte anti- que des miles Gallo-Romaines telles que Bordeaux, Angers, Sens, le Mans, Tours, etc. dont les fondements sont composes de de- bris de monuments ? Quelle a e'te la cause de l 'enfouissement de ces debris et de la destruction des edifices auxquels Us apparie- naient ? Cette proposition est mise aux voix et adoptee. En consequence, M. Cbampoiseau a la parole sur cette question. La base des murs dont nous nous occupons , dit-il, est formed par de gros blocs, parmi lesquels on rencontre des fragments de colonnes canne- le"es, des chapiteaux, le pretendu tombeau de Turnus qui n'est, en re'alite', que la frise d'un grand Edifice, une Diane chasseresse jet autres ornements. Ces murailles ont environ dix pieds d'e'paisseur, le revetemeut est com- pose de petites pierres carrees a l'exterieur, et se terminant en coin a Tin- 92 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE, tdrieur : ces pierres sont d'^gale dimension et forment des zones partag^es a intervalles £gaux par des rangees de briques. Void l'enceinte telle qu'on la voit encore aujourd'hui presque en entier. En partaut de la grosse tour de l'archevechd, le mur se dirigeait en droite ligne sur la tourde Cupidon, de la il tournait presque a angle droit et allait gagner la tour feu Hugon, silue'e sur la Loire et de"truite au siecle dernier : puis la rnuraille longeait la Loire jusqu'a environ cent pas de la tour de Guise, pour regagner en- suite la tour de l'archeveche' en passant sous le grand portail de la cathe- drale. La villedont nous avons reconnu ici l'enceinte n'est point le Caesarodu- num des Romains qui n'^tait point fortified, mais bien la cite' Gallo-Ro- maine, urbs turonica dont parle Gregoire de Tours. Dufour et Chalmel pensent que les d6bris sculpted dont nous avons parle proviennent du pa- lais d'un empereur ; Maan parle egalement d'un palais de Yalenlinien II, qui aurait exists a Tours pres la tour feu Hugon ; raais ce palais fut la r£- ndence des comtes de Touraine et des gouverneurs de Tours, et ne fut d^truit que bien posterienrement. Ces debris nous semblent done apparte- nir plut6t a un temple, dont la destruction ne serait guere posterieure a Valentinien dont on retrouva des nuMailles dans les substructions : ce se- rait done du temps de saint Martin, probablement vers l'annee 389, e'poque a laquelle il d&ruisit un grand nombre de temples du paganisme. En comparant ces murailles avec celles de Sens, de Bordeaux, d'Angers, du Mans, si on trouve absolument le m6me systeme de construction, e'est qu'ils ont tous 6t6 construits pour la m6me cause. Les Gaulois avaient et6 vaincus, mais ils supportaient difficilement le joug et se soulevaient sou- vent. Des ordres partirent de Rome, et partout, avec cette unite' de volontd qui caracte>ise le peuple roi, des forteresses furent elevees, des murailles protegerent les villes. A Pappui de cette cause, l'orateur cite la rebellion de l'an 41 1 ; ce fut probablement a cette occasion que Tours fut fortifie\ 11 !'&• taitdumoins en 428, car en cette annee la ville, assise par les Visigoths, fut vigoureusement defendue par les habitants, et ne put etre prise. M. Lallier prend la parole apres M. Champoiseau. II dit qu'il a etudie surtout les murailles de Sens, et qn'il discutera seu- lement I'efoqueoii furent construites les murailles dont les foiidernents sont composes de debris de monuments. II fournira, a l'appui de ces dates, des preuves parliculieres, et enoncera Egalement les causes geneVales. Les mo- numents dont les debris forment les fondations des murs dont nous nous occupons, appartiennentparleur style etles inscriptions qu'on y trouve, au premier et au second siecles : les murailles sont done posterienres au se- cond siecle. Pour la ville de Sens, nous avons la preuve positive qn'elle flait fortifie'e QUINZJEME SESSION. 95 en 365 ; en cette annexe meme, selon Aramien Marcellin, une invasion des terribles hommes du nord force Juiien l'apostat a s'enfermer dans la ville, et il y soutient un sie'ge pendant trente jours. Tachons de pre'ciser les dates. Depuis l'an 30 apres Jdsus- Christ , il n'y eut plus de soulevement dans les Gaules, la paix y regne pendant trois si&cles, sauf la rerolte des Bagaudes a la fin du in* siecle : les Bagaudes, paysans et vagabonds qui ne voulaient que le pillage. Pendant cette longue paix, les Gaulois prirentles moeurs des Romains, acquirent le titre de citoyens romains, prirent des patrons dans I'aristocratie romaine, enfin firiirent par entrer dans l'admi- nistratiou : des inscriptions romainestrouv£es a Sens appuyent cette asser- tion. Les murailles furent done construites non point pour contenir les Gau- lois revolted, mais pour resister aux invasions des barbares. En effet, elles se succedent rapidement dans la seconde moitie" du me siecle. Vers 260 a 270, quantity de villes furent d&ruites dans les Gaules et l'empereur Pro- bus en rebatit soixante. Eumene, pane'gyriste de Constance Chlore, dit que ce prince repoussa les barbares, rebatit et repeupla diverses villes de la Gaule, parmi lesquelles Langres, Troyes, Amiens et Beauvais. Or, cesquatre villes offrentle m6me systeme de fortification que celle de Tours ; les murs de Tours remontent done a la meme epoque. Nous trouvons encore dans le panegyrique de Constance Chlore que ce prince presse" par une arme'e de barbares, se refugia dans la ville de Langres ou les portes e'tant ferme"es on fut oblige" de le monter par dessus les mu- railles. D'apres M. Lallier, la construction des murs de Sens serait comprise en- tre 275 et 325 ; et les murailles semblables auraient la meme date. M. Lallier annonce qu'il a trouve" dans une lettre in^dite de l'abbe" Le- boeuf une opinion qui m^rite examen. D'apres ce savant abbe, « Les chr£- « liens eurent dans les temps anciens un quartier particulier, comme les « juifs au moyen-age : et ce serait le quartier des Chretiens qui aurait 6t6 « enceint de murailles. » A l'appui de cette opinion, M. Lallier remarque que parmi les debris romains, on n'entrouve aucun du christianisme, et beaucoup au contraire du paganisine, et entre autres choses des tombeaux, que des payens eussent cerlainement respects ; en outre qu'a Sens et dans d'autres villes> la ville romaine e'tait beaucoup plus grande que la cite" Gallo-Romaioe. M. Cliampoiseau replique a M. Lallier. 11 dit que les causes qui ont fait fortifier Sens peuvent n'etre pas les meUnes que celles qui ont influence" les habitants de Tours , et que cette ville etait moins exposee que Sens aux attaqnes du dehors. Les Gaulois furent vaincus mais non soumis, dit I'orateur, et ils ne ne"gligerent aucnne occasion de se soulever contre les Romains. 94 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Ainsi, il y eut un soulevement en l'an 21, sous Tibere. En 385, les Ba- gaudes, vieux reste de la nation Gauloise, reTugids au fond de l'Armorique, secouent le jong des Romains, envahissent la Touraine et vont assizer Amboise : les historiens ne parlent point de Tours , c'est que cette ville, non fortifiee, ne pouvait les arreter. En 411, les Turons se revoltent, la paix leur estofferte parHonorius, mais ils ia refuserent d'abord et ne l'accepterent que plus tard. En 428, Tours fortine" resistait aux Visigoths. La construction des mu- railies remonterait done a cette e'poque, e'est-a-dire de 411 a 428. Une discussion s'engage ensuite entre MM. Cartier et Champoiseau sur un passage de la chronique d'Amboise, qui dit que les pierres du chateau d'Amboise, dctruit par les Bagaudes, furent transporters a Tours et servircnt a re- construire les murs de cette ville. M. Lallier fait reraarquer que la syllabe SI qui termine une ligne d'inscription placee dans les murs gallo-romains de l'archeveclie pourrait donner l'indication du nom d'un empereur. M. Paul Huot fait observer qu'un membre a propose Drusus. (Neroni Dru SI NEPOTI). M. Lallier dit qu'a Sens, une inscription dont le carac- terc paleograpliique est le meme que celles de Tours, est du regne de Tibere. La seance est levee a neuf heures. Seanee du 6 seiitemlire. Presidence de M. l'abbe Bourasse. M. l'abbe Bandeville, secretaire. La 4° section se reunit a l'heure accoutumee sous la pre- sidence de M. l'abbe Bourasse; le proces- verbal de la der- niere seance est lu et adopte. — M. Bandevillc se plaint de la partialite de certains proces-verbaux et de la prolixite de plusieurs autres qui sont lus en seance generale. — M. quinzieme session. 95 Paul Huot rend compte de la visite faite samedi a Saint- Julien et a Saint-Saturnin. Messieurs , Non loin des bords de la Loire , a l'endroit mfime oil , selon la tradition, Clovis , vainqueur des Visigoths a Vouille , ou plus exactement a You- lou , passa ses troupes en revue et consacra , en 50g , une chapelle a la Vierge , s'dleve la massive et iniposante tour de Saint-Julien ; elle est carre'e et soutenue par d'epais contreforts , par^e de fenfitres en plein cintre accompagnees de colonnettes qui soutiennent les moulures de l'ar- chivolte retombantsur des chapiteaux defeuiilage faiblement decoupes et mollement dessinds. L'ornementation se compose de tores rompus , de dessins en eehiquier, de feuilles en losanges. A la suife de cette tour, la base des murailles en moyen appareil se rallie tant bien que de mal a des parties plus re"centes qui forment la cldture exterieure de l'edifice, au- quel venaient s'appuycr les batiments conventuels , dont quelques parties anciennes subsistent encore. Dans une muraille, du cote du couchant, nous distinguons deux arcs plein ciutre presentant les caracteres bien pro- nonce's du style roman; cesont des lobes enchained, formant une guir- lande continue, des enroulements faiblement dessines, mais d'une heureuse conception. Ces details rapproch^s de la disposition int(;rieure de la salle oil nous allons entrer, ne nous permettent pas d'hesiter a attri- buer, avec M. I'abb6 Bourasse", cette construction a Tarchitecture romano- bysantine tertiaire qui florissait au xu siecle. Cette salle , ancien reTectoire , selon les uns, salle du chapitre, selon d'autres , n'est plus, he"las ! qu'une magnifique ecurie. Elle presente trois nefs Cgales divisdes par de nombreuses travees dont les voutes borders de tores unis retombent sur les cliapiteaux, sans sculptures, de colonues mo- no-cyliudriques (nous parlons ici des colonnes isolees qui s'elevent dans le milieu de la salle); celles qui sont plus rapproche'es du mur out des clfapiteaux originairement detores de feuilles grasses et qui ont 6(d mutiles de peur que leurs reliefs ne genassent les mouvements des che- vaux qui allaient habiter cette salle d'oii les religieux dtaient a jamais bannis. Ainsi, ce n'est pas assez pour l'liomme d'avoir saccage", profane", tant de pr Revenons a l'examen de l'exterieur de l'eglise. La partie supe"rieure pre- seute dans son pourtour une suite de fenfires ogivales , dont nous 6tu- dierons les details dans l'interieur ; et au chevet , une immense fenetre dans le meme style. ' / Voila, Messieurs, tout ce que naguere encore, il dfait permis de voir de l'ancien monastere de Saint-Julien , vendu nationalement a la revo- lution et consacre depuis a une entreprise de messageries. Les richesses architectures de lYglise, obstrue>s , defigur£es, 6'bre'chees par l'usage auquel elles avaient 6t6 prostitutes , n'offraient a l'artiste et a 1'historien qu'iin incomplet objet d'etudes conslamment inierrompu par la disposi- tion des lieux, lorsqu'en 1843, Monseigneur Morlot , en venant de s'as- seoir sur le siege metropolitan de Tours , laissa entrevoir aux amis de la religion et des arts une heureuse perspective, noblement exprim^e par ces paroles que le pasteur adressait a la nouvelle famille dont il devenait le pere : « Si nous en croyons, disait-il , un pressentiment intime et cher, « un jour, bient6t peut-6tre, la religion n'aura plus a pleurer sur des de^ (« combres ; nous rassemblerons les pierres disperses du sanctuaire ; il « ne sera pas dit que nous avons tout laissd pdrir, jusqu'aux ruines » Et ces bonnes paroles n'etaient pas un faux espoir , et bientdt une souscription , en tete de laquelle le venerable prelat s'inscrivait pour une somme de six mille francs, se couvrait de signatures et ne tardait pas h s'elever jusqu'a son ante mille. La villc de Tours , elle-m^me , dont plus d'une cite1 que nous connaissons devrait suivre l'exemple, votait une allo- cation de trente mille francs; l'Etat, c'est-a-dire la France s'associant a cette ceuvre de renovation pour iai donner un caractere complet et na- tional , accordait une subvention de cent mille francs; et bientdt la vieille basilique , comme autrefois nos peres , captifs en Palestine , voyait s'a- vancer vers elle les maudataires d'une sainte association charge's de ra« cheter leur vieille mere des mains de l'infidele. Graces vous soient rendues , vous tous qui avez concouru a cette bonne renvre , car c'est a vous que nous devons d'avoir pu faire complete et fructueptc l'etude dont je viens vous retracer l'esquisse. En entrant par la tour, dont les portes ont disparu pour faire place a une immense et grotesque ogive re^cemment percee dans le mur roman , afin de laisser passage aux massives diligences dont l'architecle n'avait pu pr£- voir la venue en pareil lieu , on rencontre a droite et a gauche des arcades QUINZ1EME SESSION « 97 qui offrent la meme ornementation que les fenetres de l'exteneur ; c'est tout ce qui reste de l'eglise de Saint-Gerbert , construite au xi" siecle. L'eusemble de l'ldifice oil nous eutrons appartient au xme, quoique nous pensions avec une partie de nos collegues quec plusieurs parties ne re- montent pas au-dela du xiv\ L'eusemble de la nef , des transsepts et du choeur offre une ravissanle perspective due a l'heureuse proportion des parties, et a la disposition ori- ginate du plan qui presente la croix latine figuree par l'intereection de la ncf majeure et du transsept, accompagnee de deux nets laterales ; mais a partir du transsept jusqu'au chevet , le prolongement de la nef majeure est Manque* de quatre collateraux , ce qui forme cinq nefs ; celle du mi- lieu s'arnHe au mur ; les autres aboutissent, de chaque cote", a deux cha- pclles du* xv ic siecle, sans tourner autour du sanctuaire pour former une abside comme dans la plupart des eglises du xnie. Le chevet , la oil Ton trouve ordinairement l'abside , a-t-il toujours existc? ou bien a-t-il rem- place" une abside anterieure ou bien encore l'abside projelee dans le plan primitif , commeneee peut-etre dans la partie inferieure , dont quelques- uns de nos collegues croieut retrouver des traces dans les soubassemenls des deux chapelles ajoutees, telles sont les questions qui out etc* soule- vees sur les lieux memes, et out, momentan^ment, divise la section d'Archeologie en partisans de V abside et partisans du chevet. Adhuc sub judice lis est. Mais tout en gardaut , ici , la neutralite que m'impose mon incompe- tence , j'appellerai votre attention , Messieurs , sur une opinion cmise par quelques acheologues quant au chevet de Saint-Julien , et air la conse- quence qu'ils en tirent. • lnterpr^tant a leur maniere un passage du savant M. Didron , passage completement etranger au monument qui nous occupc, quelques per- sonnes ont cru voir, dans la disposition du chevet, commune, en France, dans les eglises de second oidre, mais plus rare dans celles d'une certaiue importance , quelques personnes ont cru voir la un cachet anglais. De ce que la plupart des eglises gothiques de l'Angleterre n'out pas d'abside, de ce que Saint-Julien n'en a pas non plus , de ce que celte contree que nous titudions aujourd'hui fut longtemps le patrimoine des Plantagenets , on a voulu conclure que Saint-Julien avaif Ct£ construit par un archi- tecte anglais. C'est la une opinion coutre laquelle nous protestons de toutes nos forces ; d'abord la date de l'eglise la repousse. L'eglise de Ger- bert fut detruite par un orage le jour de saint Mathias 1224; en admettant 98 CONGRES SC1ENTIFIQUE DE PRANCE, que les travaux de reconstruction aient commence' immediatement, la Touraine ayant 6t6 confisqude par Philippe-Auguste sur Jean-Sans-Terre en i 204 , il serait au moins fort singulier que les abbds fran^ais du mo- naster de Saint-Julien eussenl confid la construction de leur £glise a tin architecte anglais ; d'ailleurs, ici, l'ensemble et les details presentent tous les caracteres que nous retrouvons dans les cathedrales les plus pures , les plus incontestablement fran^aises du xm* siecle. Qu'importe que la Touraine et l'Anjou aient 616 plus ou moins long- temps le patrimoine de tels ou tels, remarquez-le, ce ne sont pas les rois d'Angleterre qui out conquis l'Anjou, pas plus que la Normandie; ce sont les comtes d'Anjou , qui ont 616 appetes au tr6ne d'Angleterre par droit de succession , comme Guillaume y etait arrive' par droit de con- qu6te ; or, ni les uns ni les autres, en allant ceindre une couronne e'tran- gere, n'ont emporte' avec eux le gdnie original de leur patrie ; il n'e"tait pas au pouvoir du Plantagenet de d^naturer le caractere de cette race essentiellement antochlbone, dont le pays est reste' le jardin de la France, dont la langue a conserve' le type du langage fraucais dans toute sa purete" ; il aurait fallu autre chose qu'un changement de dynastie pour denationa- liser la Touraine; il taut autre chose qu'une ogive, une abside ou uu chceur, pour de'nationaliser la basilique dont nous admirons les restes. Mon Dieu ! nos voisins d'outre-Manche ont assez de richesscs artisti- ques dont ils sont justement fiers , sans qu'on vienne revendiquer pour eux celles qui nous apparliennent. A eux Westminster, Canterbury, Sa- lisbury, Lincoln ; a nous les cathedrales de Rouen , de Reims , d'Amiens, de Laon, a nous Notre-Dame de Paris et Saint-Julien de Tours ! Ce que nous remarquons , tout d'abord, dans la disposition gene'rale de rCdifice apres avoir constat l'absence de l'abside, c'est l'absence de cha- pclles laterales, caractere que Ton retrouve dans presque toutes les e'glises du xme siecle ; c'est encore le iriforium plein et non a jour comme a Saint-Gatien, ou il forme une gracteuse exception; c'est enfin, la suite d'arcadcs trilobdes qui garnit la partie inferieure du traussept et que nous avons dcja constate a Saint-Remi de Reims. Quant a rornemenfalion , notons rapidement, pour ne pas tomber dans des details qui appartiennent a la notice, et qui seraient de'place's dans un rapport d'ensemble, notons l'heureuse conception, la riche distribution des colonnettes, engagees dans les piliers d'angle de l'intertranssept, avec leurs chapiteaux de feuillage ornds de vegetations largement epanonies ; la disposition de la rose formed de meneaux qui se relient a un centre circulaire et se rattachent les uns aux autres par de demi-circonferences tracers simplement a rond de com- quinzieme SESSION. 99 pas; les fenelres laterales dont la baie est divisde en plnsieurs compart- ments par un ou plusieurs meneaux et l'amortissement rempli de figures detrefles, de quatre-feuilles et de rosaces. Notons surtout l'immense fcn6tre qui occupe la largeur du mur oriental oil la hardiesse, la le'gerete', . la souplesse et l'dlegance se trouvent re'unies avec un rare degre" de per- fection. Les deux absidiales ajout^es aux collateraux , et que nous avons dejain- diquees comme appartenant a une £poque beaucoup plus r^cente , sont couvertes de voutes traversers des nervures nombreuses dans le style de la Renaissance ; a celle de saint Benoit, les nceux de l'entrecroisement sont ornes de roues dore'es qui figuraient dans le blason de 1'abbe" Jean Ro- bert; dans la cbapelle de Saint-Maur, figurent, a la place correspondaute , des armoiries qui nous ont fait regrelter l'absence de M. Lambron, ce mo- derne roi d'armes de la Touraine, mais que l'excellente notice de MM. les abb£s Bourasse" et Manceau nous indique comme appartenant an moine Se"- bastien Testu, qui fit batir cette cbapelle a ses frais, comme le prouve rinscription qui se lit a la voute : Impensis fratris Sebastiani Testu. Tel est, Messieurs, l'aspect actuel de la magnifique eglise de Saint-Ju- lien ; la voila enfiu de"barrasse"e des ignobles entraves dont le vandalisme et la speculation l'avaient deshonoree. Mais elle n'est pas sortie de cette lougue et penible e"preuve sans quelques blessures. Que de pieuses mains complement l'ceuvre commenced en versant le baume sur ces plaies encore ouvertes; qu'une intelligente et complete reparation vienne rendre au culte le sanctuaire troD longtemps profane"; que sous revocation de Saint-Ju- lien et de Saint-Martin, elle voie quelque jour se deployer sous sa voute spleudide toutes les pompes de la liturgie dont nous avons, bier, admire" la majestueuse originality ; que le venerable prelat qui en avait si heureu- sement propbetise la delivrance, puisse, un jour, y cCl^brer une solennelle messe d'inauguration, et plus d'un parmi nous, j'en suis stir, viendra joindre ses prieres aux siennes pour la prosperity du temple rajeuni. En sorlant de Saint-Julien nous avons visile" Peglise de Saint-Saturnin, autrefois eglise des Carmes, dont le collateral de droite fut, dit-on, bati par Louis XI qui avait une devotion partieulikre pour la vierge des Carmes de sa bonne ville de Tours; nous y avons trouve" quelques stalles du xvie siecle bien conserves, nous y avons admire" l'autel si heureusemenf, si ri- cbement re"tabli dans le style fleuri de cette m£me e"poque, par les soins 6claire"s de M. Guerin, qui a suivi les traditions de nos peres jusques dans les proce"des d'exe"cution , en fixant, a la cire, les dorures et lescouleurs eclatantes dont il est orne. Ilclas ! pourquoi faut-il qu'au dessus de cet 100 CONGRES SCIENTIFIQUE DE PRANCE, autel nous trouvions encore ces vitraux de fabrique raoderne , aux tons criards, aux couleurs heurtees qui aveuglent par leur eclat , sans eblouir par leur perfection. Enfin, sous la conduite de M . 1'abbe" Manceau, je suis alle" jeter uu coup d'ceil sur l'eglise de Saint-Francois-de-Paule. Quand je vous aurai dit qu'elle est construite dans ce style de mauvais gout introduit par les jesuites qui lui out laisse" leur nom, vous n'aurez qu'a vous f^liciter de ne pas nous y avoir accompagnes. — Uue seule cbose offre quelque inter£t, c'est un tableau representant le dauphin (depuis Charles VIII), recevant a Amboise le saint appele* par Louis XI au Plessis-lez-Tours ; or, la relegue" dans un coin obscur de l'e'glise , on l'a de'pouille' de son cadre et Ton a mis a sa place un tableau moderne qui repre'sente saint Francois-de-Paule confes- sant Louis XI, et qui est du au pinceau de M. Wachsmuth, directeur ac- tuel de l'gcole-de peinture de Versailles. La societe des antiquaires de l'Ouest propose a la section d'archeologie d'emettre le vceu que les statues tumulaircs des Plantagenets , enlevees de Fontevrault au raois de Jan- vier 1846, soient replacees, soit a Fontevrault, si on peul leur donner une place decente dans une eglise de ccttc localite , soit dans un monument religieux de FAnjou , de la Touraine, ou du Poitou, fonde par Henri II, Eleonorc d'Aquitaine, ou Ricliard-Cceur-de-Lion. Elle propose sur- tout de protester contre la pensee qu'auraient MM. les di- recteurs des musees royaux de deposer ces royales statues, comme des objels de curiosite, dans un musee appartenant a la liste civile, et dans une ville a laquelle ils ne se rat- tachent par aucun souvenir. Un membre demande qu'un vecu semblable soit emis pour la conservation des monu- ments dans les localites auxquelles ils apparliennent. Cettc double proposition est adoptee a l'unaniinite. M. le lieutenant-colonel Jaquemin a la parole pour la lec- ture d'un memoire sur cette question : Pre'ciser, d'apres le$ monuments historiques, la numismatique et la glyptique, Vo~ rigine de la sclle , des e'triers , de la bride, du mors et des renes, en meltanl en lumiere et en discutant toutes les opinions con- tradictoires des arche'ologues . QU1NZ1EME SESSION. 101 L'orateur prouve , d'apres les monuments peints ou sculptds, que la selle fut inconnue aux anciens. Les Romains jetaient sur leurs chevaux une sorte de couverture qu'ils nommaient ephippium; les Parthes les cou- vraient eutierement d'une sorte d'armure defensive ou cataphracte ; si Ton trouve quelquefois le mot sella employe dans ce qui coucerne Thar- nachemeut des chevaux , il n'a d'autre signification que celle de siege , comme en beaucoup d'autres circonstances. L'origine de la selle remonte a l'invasion des barbares, elle se propagea en Europe avec assez de rapi- ditd ; I'lrlande seule se montra fort arrierce , car il fa.Hu t un ordre d'Henri VII, pour en iutroduire l'usage dans cepays. M. Jaquemin nous rappelle une peine du moyen age , qui consistait a faire porter au coupable une selle dievaliere sur les dpaules , i!s nous parle d'un eveque d'Auxerre, qui eut a subir la meme peine , puis d'une certaine personne qui de nos jours eut a payer ainsi une visite trop prolonged a I'^curie. II nous fait voir ensuite les diverses modifications de cette partie de l'lquipement ; les selles du moyen-age qui couvraient tout le cheval comme d'un habit complet de fer ou de cuir bouilli , les caparacons qui donnerent naissance a ces majestueuses robes a queue si gracieusement trainees par les dames dans les salons et les palais; nous voyons successivement les selles a piqud, les selles a demi piqud , dites aussi a ia royale parce qu'elles furent in- ventus a propos d'une certaine infirmity de Louis XIV ; les selles a la demie royale , les selles rases , les selles anglaises , les selles hongroises, jusqu'a ce que nous arrivions a la selle de 1840, que l'orateur qualifie de detestable, de batarde. A propos de selles anglaises , le savant officier fait un inte'ressant rap- prochement entre la ge"nCreuse hospitalite de Louis XIV applanissant le sol , e"claircissant le fourre' de ses forets pour menager a Jacques II, et a ses compagnons d'exil, leplaisir de la chasse sur leurs selles accoulu- me"es , et la froide rigueur de l'Angleterre qui n'eut a oflrir a Napoleon malheureux, qu'un rocher desert. Arrive* aux selles civiles, on nous montre celles des dames d'abord semblables a celles des horames , par- ce qu'elles montaient de la meme maniere ; Anne de Luxembourg invente la selle de cote* ; Catherine de Mddicis cre"e la selle a deux cornes dans rinte"ret de sa belle taille et de sa belle jambe. Je voudrais pourvoir vous de"crire la selle a tout vent, et surtout dans un autre genre la selle ombrifere de M. Genes, destine a servir a la fois de selle , de chapeau , de parasol et de parapluie , selle qui mfritait bien le brevet d'invention accorde" a 1'auteur en 1820. De la selle nous passons a l'ttrier, clout l'origine est fort contested. 7 102 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. Jacquemin pense que l'etrier etait inconnu au temps oil Ton se servait 1'ephippium ; oh n'en voit aucun vestige dans les monuments, il n'y a pas memede mot latin qui l'exprime. Si Menage croit avoir lu dans une lettre de saint Je>6me , que ce saint avait le pied a Velrier, stapes ! pour faire un voyage , Montfaucon le refute en niant le texte. On nous rappelle les moyens dont se servaient les anciens pour monter a cheval ; c'elait cbez les Grecs un avagoXeu? , qui prenait le cavalier pour le placer sur sa monture , ou une pique sur laquelle les soldats s'appuyaient pour s'elancer sur leur coursier, oil des pierres planters de distance en distance sur le bord du chemin. A propos de pierres semblables renouvele'es des Grecs cbez les Romains , et qui valurent a Tiberius Gracchus les honneurs du tribunal, M. le lieutenant-colonel fait observer que riufiuence electorate , qu'on croirait particuliere a notre e"poque , est beaucoup plus ancienne que retrier. Ailleurs c'e'tait des esclaves qui pretaient leur dos courbe' pour servir d'6triers a leurs maitres ; et Ton vit des rois vaincus , des em- pereurs memes, humiltes jusqu'a ce point de degradation. Nous voyons ensnite les phases de re" trier : c'est d'abord une courroie simple , qui bientdt devient double , on y ajoute un support en bois qui ne tarde pas a faire place au veritable eerier en fer. Je ne parle pas des etriers orien- taux , qui servent aussi d'eperons , ni des e'triers des dames doubles d'a- bord , simples plus tard et accompagn^s d'une planchette tantot de bois , tantot d'argent ou meme d'or, ni encore des e'triers servant a la fois de cbaufferettes et de lanternes ; ne faut-il pas que je vous parle de la bride et des r6nes ? La bride, selon Virgile, remonte aux Lapithes , ou en voit des traces dans Xenophon , et jusque sur les bas-reliefs de Ninive ; on ne voit point de renes aux chevaux de la colonne Trajane , ni sur les frises du Parthenon, mais elles sont cite'es par X&iophon , on les voit sur les vases elrusques, et l'absence de renes sur les monuments prdcites, s'expli- que par I'emploi de substances elrangeres al^r^es par le temps , ou de mCtaux pr^cieux enlev^s par la cupidity. Relativcment a l'opinion de M. le colonel Jacquemin, par rapport a l'epoque fort rapprochce de nous, selon lui, a la- quelle les fcrames ont cesse de clievaucher jambe de ci, jambe de la, M. de Cussy dit que des monuments incontcs- tables etablisscnt le contraire. Non-seulcment tous les ma- nuscrits des xe, xie et xne siecles, entre autres l'Encyclopedie de Herad de Landsberg, ce mcrveilleux recueil et les autres manuscrits des siecles suivants , reprcsantant la fuite en QU1NZIEME SESSION. 105 Egypte , nous offrent la Viergc assise de cote ; mais ce fait est encore prouve, entre autres, par.un ivoiredu vie sieclc, cite par Miinter, dans sa Symbolique, ivoire qui etait un des orneraents du celebre siege episcopal de l'eglise de Ra- venne. Une discussion s'ouvre ensuite sur les traces de brides et de mors en metal, que Stuart, entre autres, a cru voir sur les marbres du Parthenon , representant les Panathenees; MM. Didron et de Cussy prennent une part active pour ou contre celte assertion. La seance est levee a neuf heures un quart. Seance du 7 septeiubre. Presidence de M. l'abbe Bourasse. M. Andre Salmon, secretaire. M. Bandeville lit le proces-verbal de la derniere seance; il est mis aux voix et adopte. Une discussion s'engage entre plusieurs membres de la section, sur lalegalite de Facte du gouvernement qui a fait enlever a Fontevrault divcrses statues interessantes au double point de vue de l'art et de l'histoire ; tous les mem- bres insistent de nouveau sur la reclamation de ces pre- cieux monuments deja formulee dans la seance precedente. M. Paul Huot donne lecture du rapport de l'excursion faite la veille aux eglises de Saint-Martin , de Saint-Clement et de Notre-Dame-la-Riche. (i) M. l'abbe Auber lit une note de M. Onesime Leroy , sur deux manuscrits de Dom Martenne, conserves a la biblio- (i J Co rapport u'a point etc ttmd a la commiesios de publication des actts da Cong; is. 104 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. theque publiquc de Tours , et qui , encore inedits , tien- nent presque secrets des details fort circonstancies et peu connus sur la vie du grand saint Martin, fondateur dc la vie cenobitique dans les Gaules. Messieurs, Membre d'une de ces society d&interess&s, qui font la guerre a leurs de"pens, et qui la font, ainsi que vous, Messieurs, non-seulement a l'igno- rance, mais encore a cette indifference trop commune pour les choses qui nous honorent le plus , me sera-t-il permis de porter votre attention e'clai- r66che* de Tours , saint Martin va jeter sur un de ces bords de la Loire , si sauvages alors, aujourd'hui si riants , il va , dis-je, jeter a une Iieue de Tours , non loin des champs oil s'eleve a present, la colonie pieuse et agricole de Mettray, les fondements de Marmoutier, majoris monasterii, qui. apres avoir 6t6 l'admiration des siecles , le foyer de tant de luraiere et d'une immense eharite' , l'arche sainte oil , dans le ddbordement des barbares , se reTugiaient tant de hautes intelligences et tous les triors de l'antiquite' , n'offre plus aujourd'hui, a nos yeux attristes , que des ruines, Mais de ces ruines, comme de celles de l'abbaye intra-muros , dont nous voyons encore ici des debris imposants, de ces ruines, dis-je, sont sortis pour les esprits studieux ou graves, d'impe'rissables souvenirs , et d'inappre'ciables manuscrits , recueillis dans nos bibliotheques. Celle de Tours en possede deux qui, dans nos peregrinations, m'ont (He" signals, il y a trois ans , par M. Tabbe* Bodin , curd de Saint-Symphorien, disciple de notre illustre orientaliste , feu Sylvestre de Sacy, a qui le savant pasteur a dddie sa traduction d'Jsaie. Ces deux manuscrits sont l'histoire m6me , Tune en francais , de Mar- moutier, par le be'ne'dictin Martenne, l'autre en latin, de l'abbaye de Saint- Martin de Tours, par Raoul Mousnier. On y voit comment la foi , le zele et {'abnegation d'un pauvre pretre et de quelques disciples qui abandon- naient tout pour le suivre, ont pu opCrer tant de miracles; coloniser, mo- raliser et metamorphoser presque tout un grand peuple, moins cultive* peut-etre que ne le sont aujourd'hui nos Bedouins. Rien de plus inte'ressant surtout que 1'empressement des populations a venir se precipiter sous le joug Chretien , dont la douceur gagnait ceux que la force avait soumis. Voltaire aurait vu la et dans les cartulaires des deux abbayes, que les vingt mille esclaves qu'il reproche a l'illustre Alcuin, abbe de Saint-Martin de Tours, d'avoir possede's, etaient vingt mille serfs, tous plus que volon- taires, et que les candidats a l'honneur de servir Saint-Martin s'&aient si fort multiplies qu'on etait oblige* d'en refuser beaucoup. Dans l'avant-derniere vacance de la Bibliotheque de Tours, grace a l'o- bligence de son honorable conservateur, j'ai lu presque en entier ces deux manuscrits, d'ou j'ai tir<$ des faits, qu'on ne trouve que la. Si je me con- tente de les signaler a votre zele £clair£, Messieurs , a votre amour desin- te"resse de la science, c'est que ma sante ne me permet plus d'en eutre- prendre la publication. J'en dis autant du grand drame en vers de Saint-Martin, oil sont repro- duitstous les principaux actes de sa vie, a la fois courageuse et charitable, drame immense, dont les representations solennelles Ctaient a la fois si po- JOG CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. pulaires et si religieuses, qu'un pr£dicatenr du xvie sifecle en faisait en chaire, dans la cathedrale de Tours, une citation, que j'ai longueraent rappele'e dans mes essais sur notre vieux theatre, d'apres l'exemplaire de ce sermont que possede la Bibliotheque royale. Outre les parties intdressantes de ce drame que nous avons publides dans nos Etudes sur les Mysteres, nous avons reproduit, grace a l'obli- geanc.e de M. le doyen de Saint-Brice de Tournay, le superbe portrait du soldat-eveque de Tours, de'couvert, comme vous le savez, Messieurs, dans le tombeau du pere de Clovis, et dont I'liistorique se trouve a la fin du volume que j'ai eu l'honneur de vous offrir. Si Saint-Martin est neglige de nos jours, ce ne sont done pas les monu- ments qui manquent. A deTaut de Phistoire e'tendue que vont lui consacrer nos savants voisins de la Belgique, dans le vaste Recueil des Bollandistes, qu'envain Napoleon voulut faire achever, unmodeste enfant de la Touraine, M. Cartier, le fils de notre savant numismate, a fait imprimer, il y a deux ans, une vie de saint Martin qui serait populaire , si la popularity s'atta- chait aujourd'hui aux Ccrits les meilleurs. Nous sommes loin du siecle oil quelques pages de notre Gregoire de Tours sur saint Martin, retentissaient dans la chretiente' ; bien plus loin en- core des temps ou la trop courte apologie de notre Saint par Sulpice Se- vere, obtenait dans les trois parties du monde e'claire', e'est-a-dire dans la Latiniie toutentiere, un succes inoui, qui faisait ecrire de Rome, a l'au- teur par un de ses amis : « J'ai vu triompher tous les debitants de votre li- vre, exultantes librarios vidi ! » Parlez-nous gaulois ou latin, pourvu que vous parliez Martin, » Modo Martinum loquaris, » disait-on k un prCdicateur, jadis.... Ne medisons pas trop pourtant de notre siecle. Si les bienfaiteurs de l'hu- manite" dont notre patrie peut etre fiere ont ete\ dans des jours d'orage, renverse's de leurs piedestaux , ou stupidement mutilds dans nos cathe"- drales, leur souvenir du moins, le sentiment du beau, du bon, n'est pas d&ruit partout. Pour ne parler que de celui dont nous nous ocenpons, que delieux en France, en Belgique, et partout, sont rested sous revocation de saint Martin ! Depuis la porte de Paris qui a garde' son nom, jusqu'au fond de la Picardie, combien d'hdtelleries ont la pretention toucbante (qu'indique leur enseigne) de l'avoir h£berg£ , la nuit du jour oil Jdsus- Christ lui apparut sous les traits de son pauvre, engonrdi par le froid ! Bnfin, lafaveur attachee a ce grand nom, qui rnieux que moi, Messieurs, doit la reconnaiire? Est-ce a ma voix profane autant qu'obscure, m'dtais-je dit, qu'il appartient de s'elever ici a de parcils sujets? — « Out, m'a r6- pondu je ne sais quelle voix amie; pourvu que tu paries Martin, modo Martinum loquaris; malgrd ton long discours et ses incoherences, tu se- ras entendu avec bonte\ » Merci, grand saint Martin, merci ! QUINZIEME SESSION. 107 L'ordre du jour appelle la continuation de la discussion sur la 17e questfon. M. Lambron de Lignim. passe en revue la plupart des monuments gallo-romains qui ont exists a Tours , et dont l'histoire locale a conserve" le souvenir. II cite Jean Maan , auteur d'une histoire de l'eglise de Tours, dans laquelle cet analiste constate l'existence dans cette ville du palais de l'empereur Valere et celle de deux temples, consacr^s l'un a Mercury et l'autre a Venus. (1) L'honorable membre prdsente ensuite a la section la copie d'une charte souscrite en l'annde 927, par Robert Ier, archeveque de Tours. Elle offre une indication fort curieuse juxta arcus antiquos , et cette circonstance nous engage a la reproduire dans ce compte-rendu : (2) In nomine domini Jesu Christi , Rotbertus, sanctce Turonicoz Sedis archiepiscopus , notum volumus quoniam deprecatus estnos, quidain gregis incliti confessoris Christi beati Martini venerabilis canonicus ac decanus nomine Teotolo , ut aliquid ex potestate nostra videlicet ex presbiterio cellulce sancti Vincentii quce sita est in su- burbio Turonicce urbis Cuidam prefati gregis diacono nomine Arduino , sub inslitutione census annuatim reddendum , per hanc nostroz autoritatis firmitatem concederemus. Cujus deprecationem , ut par erat , benigno recipientes animo, concessimus prcelibato Ar- duino ex potestate sancti Vicentii, de terra arabili aripennos duo § sitos in suburbio Turonicce urbis , juxta arcus antiqlos; non longe a cornumonasterii sancti Martini terminantur.Et ut liaic manufirmacer- tior habeatur manu propria earn subscripsimus et ad canonicos nostrce matris ecclesice firmari fecimus. Data mense aprilis anno quarto regnante Rodulpho rege. Rotbertus. 0ew6wXw. Poursuivant son inte>essante communication , M. Lambron nous ap- prend, qu'en 1364, les &us de la ville firent abattre le pinacle et les murs d'un temple, dont la demolition ne donna pas moins de trois milliers de pierres detaille; elles furent employees aux fortifications de la ville et a la construction des murs du cloitre ; mais le manuscrit au- quel sont empruntes ces faits n'indique pas si c'&ait le cloitre de Saint- Gatien , ou celui de Saint-Martin ; toutefois , en rapprochant cette indi- cation de celle qui continue le paiement d'une somme de quatante francs d'or, fait en la meme annee, a Tabbe" de Saint-Julien , pour lods et (1) Sancta et metropolitana ecelesia Twonemis, etc., in-fol., 1667. Voyez Prcefatio, art. XI, Florius Florentinus ad Jaccbum Tarlatum, 1. Cette letlre se trouve dans les pieces 4 l'appui de YHistoire de Martr,outier, par dom Martenne, manuscrils de la Bibliotheque royale. (2) Premier carton, n° 150, documents de YHistoire de Touraine, recueillis par dom Hous* seau, titresde l'abbaye de Saint-Julien de Tours, manuscrils de la Bibliotheque royale, 108 CONGRES SCIENT1FIQUE DE FRANCE. ventes d'une maison achet^e par la viile pres Saiut-Saornin (St-Saiuruin) pour en avoir les matdriaux ndcessaires aux travaux de l'enceiute de la ville, l'orateur prdsume que cet Edifice, appeld Labandonnibre (l), devait etre situe* a une distance peu eloigned de la maison de M. Rouille"-Courbe(2). II appuie son opinion sur ce fait, que dernierement, a l'epoque ou furent creusds en ce lieu les fondements de quelques nouvelles construc- tions, ce travail mit au jour des substructions tres-considerables qui pa- rurtnt aux archeologues appele's a les visiter, d'une origine gallo-romaine incontestable. II est done presumable que les mate>iaux en question furent principalement employe's a la construction des murs du cloitre de l'abbaye de Saint-Martin (3). M. de Lasicotiere fait part de quelques observations de M. de Petigny, sur l'epoque et la cause des constructions de murs Gallo-Roraains, dont nous nous occupons. II l'attri- bue Tinvasion des Bagaudes , qui etait la guerre des paysans contre les habitants des villes : il prie de M. Champoiseau d'indiquer a quelle source il a puise ses renseignements sur la revolte, en 411, des Gaulois contre lesRomains. En- fin, il proteste completement contre la conjecture de l'abbe Leboeuf sur les constructions gallo-romaines. M. Champoiseau dit qu'il n'a puise l'indication de la re- volte de 411, que dans Thistoire de Touraine , par Chal- mel. M. Bizeul dit que Chalmel a pris ce document dans This- torien Zozime. M. Duchallais dit que lc passage de l'historien Zozime , etait connu de M. de Petigny, qui Ta discute a fond et n'y a vu que la separation des provinces Armoriques avec lc reste de la Gaule. Tout ce pays etait si completement Romain, que le barbare et payen Clovis assicgea yaine- ment pendant dix ans Paris, et qu'un an apres qu'il eut abjure la religion des barbares pour embrasser celles des Romains , il rcgnait pacifiquement sur les trois-quarts de la Gaule. (1) Sans doute du mot abandon, lieu aliandonne. (2) Rue du Commerce. (3j Voir a cesujetlei registresde compiesdes denieri communs, 1565-1364, manuicritsdet •fchires de l'H6t«l-de-Ville de Tours, quinzieme session. 109 M . le conseiller Tailliar attribue la construction de nos murs aux invasions barbares du ve siecle. M. Lecointe-Dupont prend la parole sur le meme sujet. 11 pense, comme M. Lallier, que la construction des enceintes antiques des villes gallo-romaines, telles que Bordeaux, Angers, Sens, Tours, etc. fut le r&ultat de la frayeur qu'inspiraient les invasions des barbares. A Poitiers, 1'enceinte, quoique beaucoup moins Ctendue que la ville romaine, e*tait bien plus vaste que le Castrum de Tours. Elle £tait fermde par une muraille tres-Cpaisse, casematee dans sa base, et garnie de tours de dis- tance en distance. Comme a Sens, comme a Tours etc., la base de la mu- raille consiste en enormes blocs superposes sans ciment, parmi lesquels on remarque des debris de tombeaux, des fragments de corniches, de frises et de colonnes, etc. Les casemates comprises entre deux rangs de ces blocs formaient ainsi, dans l'interieur de la muraille, un chemin de ronde, haut de deux metres et plus, maintenant transform^ en caves et en celliers a l'usage des propri&aires dont les habitations recouvrent l'ancienne en- ceinte. Ce chemin de ronde Ctait recouvert par une voute plate formed de gros blocs noye's dans un beton tres-solide. Au-dessus des casemates la muraille est parementee en pierres de petit appareil, avec cordons en briques de distance en distance (1). Une pareille construction n'a pu etre faite preapitamment. Elle deman- dait des travaux longs et difiiciles, elle annonce un plan de defense sage- ment me'dite', et execute' a loisir. Ce n'est done point, comme l'ont cru quelques antiqnaires, au moment ou les barbares pr^ce'de's par le bruit des mines qu'ils faisaient sur leur passage, se pr^cipiterent sur nos pro- vinces de l'ouest, que les monuments ont CtC dCtruits et brisks, puis amon- celes a la hate devant la ville pour improviser un rempart contre ces ter- ribles ennemis. Ce n'est done pas la ne'eessite' de se jeter sur les premiers mate>iaux qui leur tombaient sous la main qui a force" les habitants a ren- verser les Edifices auxquels appartenaient ces- debris pour elever des forti- fications. Ces edifices avaient done 616 d6truits antOieurement au moment ou la muraille a 616 commenced; les tombeaux avaient done e'te" deja brisks; et en effet on ne les rencontre jamais entiers, quoique leur masse dut etre moindre que celle de beaucoup des blocs qui entrent dans la con- struction de la base du mur d'enceinte. La rdvolte et les exces des Ba- gaudes, et surtout les ravages des premieres nue"es de barbares qui s'abat- tirent sur l'Aquitaine, expliquent cette destruction. La peur trop bien fondle de voir se renouveler de pareils desastres justifie assez les soins que (ij Voyei Mcmoires de la Society des Antiquaires iode pendant laquelle ces enceintes fu- rent construites. A Poitiers, non plus qu'a Sens et a Tours, on n'a trouve" aucun symbole cbr&icn sur les debris des monuments employds dans les murs d'enceinte. M. Lecointre-Dupont explique cette particularity par la coutume qu'avaient les chre'tiens des premiers siecles de re"unir, autanl que possible, leurs morts dans un cimetiere commun. Le christianisme e'tant devenu la re- ligion dominante, lors de la construction des enceintes gallo-romaines, les edifices et les cimetieres Chretiens n'ont pas £te" exploits comme les monuments et les lieux de sepulture des payens. M. de Cauraont appelle Fattention des archeologues sur les inscriptions qui sont encastrees dans ces murailles et dont quelques-unes sont datees. Ainsi, a Bayeux, on a trouve un assez grand nombre de bornes milliaires , dont les moins anciennes pourront guider pour determiner les diverses dates de ces murs ; ces inscriptions, etudiees en concurrence avec les historiens , devront permettre de pre- ciser Fepoque de leur construction. M. Martinet conclut, d'apres une loi de Fempereur Valen- tinien de Fan 447, qui defend sous les peines les plus se- veres la destruction et la violation des tombeaux , que ce crime etait frequent alors ; ct qu'on doit rattacher a cette QUINZIEME SESSION. Ill epoque la date de la construction des murs gallo-romains, ou Ton trouve tant de fragments de pierres tumulaires. M.Boilleau, qui avait prepare un raemoire surcette ques- tion, croit que les Gaulois detruisirent d'abord les mu- railles romaines existant primitivement , abattirent leurs monuments; que, devenus libres, ils releverent les fortifica- tions, de 411 a 428, et se rendirent enfin aux Romains , pour echapper a la domination des Visigots. M. Champoiseau resume ainsi la question : Les uns veulent que les murailles gallo-romaines aient ete construites vers Tan 351 , et l'insurrcction des Bagaudes en scrait la cause; les autres en reculent l'epoque au ve siecle, vers 411, epoque d'une revolte dans les Gaules et d'une invasion des barbares. M. de Caumont conclut que la question n'est point encore assez completement etudiee, ct il appelle surtout l'etude des antiquaires sur les inscrip- tions des murailles comme un des elements les plus essen- tiels pour decider cette question. La discussion est close sur cette question. L'ordre du jour appelle la discussion sur la 20e question du programme ainsi concue : Le caractere politique de Louis XI a-il ete jusqu'a ce jour justement appre'cie par les histo- riens ? M. Le Camus presente sur cette question le memoire sui- vant. Messieurs , Louis Xf, comme roi, parait avoir e^e" juge* avec beaucoup trop de sd- \6iU6 par les uns, et beaucoup trop de flatterie par les autres; en sorte qu'au milieu de cette diversity d'opinions, il est tres-difficile, pour ne pas dire impossible , de prononcerun jugement sans appel, sur le caractere politique de ce prince. II faut done , en pareil cas', se bonier a recueillir, avec impartiality les principaux traits qui peuvent le repre"senter, non tel quo la haine aveugle ou la basse adulation l'ont depeint, mais tel qu'il fut en re'alite' : nous exposerons ensnite, sans passions, ce qu'il fit pour la gloire et le bonheur de son peuple , laissant a chacun le soin d'assigner a cet 112 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. homme extraordinaire la place qu'il doit occuper dans les fastes de notre monarchic Le prince dont nous entreprenons d'esquisser le portrait politique, ap- partient , en quelque sorte , a notre belle province , puisque c'est dans sa retraite du Plessis-lez-Tours , qu'il me'dita ce vaste projet dont le succfcs netendait a rien moins qu'a fonder un nouvel ordre de monarchic sur les debris de la fe'odalite'. Nous avons done, comme enfants de l'antique Touraine, un intent par- ticulier a bien appre'eier les consequences politiques d'un regne assez mal juge. Louis XI etait age" de trento-huit ans lorsqu'il monta sur le trone. 11 avait done I'expe'rience et la maturity n^cessaires pour bien gouverner. Au dedans , le royaume etait florissant et tranquille ; au dehors, aucnn ennemi redoutable ne l'attaquait : l'autorite supreme etait plus puissante et plus respecte'e qu'elle ne l'avait encore ete sous aucun prince de la troisieme race. Jamais Roi ne parut avoir pris les renes de l'Etat avec des avantages aussi considerables et dans des cii Constances aussi heureuses. D'ou vient done qu'il rencontra , des son debut, tant d'obstacles a l'accomplissement de ses vastes projets ? En voici quelques motifs dont personne ne contestera l'exactitude. D'abord, ses idees politiques beaucoup plus avanc&s que celles de ses contemporains, le placerent dans une situation fort difficile. Les rapports qu'il eut avec les princes voisins ne tarderent pas a en souffrir : on l'accusa bientdt de mdfiance et de fourberie : une haine implacable s'eieva entre lui et les serviteurs de son pere : le brave Dunois et le vieux due de Bourgo- gne l'abandonnerent pour fomenter la ligue du bien public , parce que Louis XI ne voulut pas comprendre leurs caracteres tiers et guerriers. En second lieu, Charles VII, apres avoir reconquis la .France, laissait a son successeur une armee nombreuse et des trCsors immenses. Louis XI epuisa rapidement toutes ces ressources, pour gagner les ministres d'An- gleterre, de Bourgogne et d'Aragon, pour s'attachcr les princes d'ltalie, pour acheter l'alliance de la confederation Suisse et pour grouper autour de sa personne des hommes affides qu'il combla de largesses excessives , dans l'espoir de les rendre plus dociles instruments de ses volontCs. Des charges dnormes, des impOts accablants furent la consequence de ces idees gouvemementales. On conctit que de semblables circonstances etaient peu propres a le faire aimer de ses sujets. Cependant les guerres ciciles ayant cessC de d&oler la France, le sol , QU1NZIEME SESSION. 143 trop longtemps inculte , reprit sa valeur ; les troupes et Ies fonctionnaires furent regulierement pay^s ; des industries de tout genre s'eleverent peu a peu ; des privileges furent accordes aux communes , et l'exemple d'une sage e*conomie , donne* par la cour elle-meme , produisit les resultats les plus heureux : enfin, vingt-deux anue'es de paix, qui ne furent troublees que par l'incursion de Charles-le-Te'me'raire en Italie/et par la trop f uneste guerre du bien public, ouvrirent a la nation francaise une ere de prosp^rite" donton avait eu peu d'exemples depuis Charlemagne. Pendant cette halte d'un peuple toujours brulant d'ardeur et de'vore' d'ac- tivite', 1'industrie se re>eilla ; l'agriculture reprit son essor et demanda au sol des richesses que la meTiance avait trop longtemps retenues cachles; les relations sociales se renouerent ; le commerce iote'rieur se rctablit, et Louis , beaucoup plus populaire que ne l'ont montre" la plupart des histo- ries , rendit une foule d'ordonnances presque toutes favorables a ses su- jets. Ce fut lui qui , le premier, donna l'exemple de 1'affrauchissement des serfs dans ses domaines ; il de"truisit le droit de guet et de garde dans les chateaux ; abolit des droits feodaux injustement percus; fitpendre sans pi- tie" des Bohemiens et des Juifs vagabonds qui infestaient les routes et rui- naient le commerce ; institua l'inamovibilite' des juges; fit coniinuer la redaction des coutumes qui devaient leur servir de regie ; diminua les droits de peage sur lesproduits de l'iudustrie nationale ; abolit la confiscation en matiere civile; regla la hierarchie de la justice et rctablit la subordination des troupes qui devinrent bientdt les agents indispensables de i'autorite. Voila ce que le regne d'un pri ice constamment en guerre avcc les aris- tocraties de son temps , produisit de reformes utiles et d'ameliorations in- dispensables au bonheur d'un peuple dont on l'accusa d'avoir ete* le tyran : il laissa en mourant une arme"e de soixante mille hommes bien paye"s et bien entretennus, 5,000,000 de revenus le"galement etablis. La Cerdagne, le Roussillon, la Provence, l'Anjou et le Maine furent ajoute"s aux possessions de la France, ainsi qu'une partie de la Picardie, du duche et du comte de Bourgogne, et l'Artois lui e*chut comme dot de Marguerite de Flandre. Concluons de ces faits, analyses le plus brievement possible, qu'au mi- lieu des circonstances difficiles oil Louis XI se trouva place", nul prince, mieux que lui, n'aurait agrandi la France et consolide" le pouvoir royal, en faisant germer plus d'idecs utiles et de rdformes necessaires. Les relations r&ablies avec l'ltalie, les communications entre provinces devenuesplus facilesau moyen de la creation des postes, pre^parercnt le ddveloppement du genie national et concoururent a hater l'epoque de la Renaissance, dont la France profita plus qu'aucun autre pays. 114 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Le regne de Louis XI fut done une lutte continuelle que ce prince eut a soutenir; en sorte que, sans la force et 1'inflexihilite de son caractere , ja- mais il n'eut pu surmonter tant de difficulty. II est constant que son cou- rage dans les perils, sa presence d'esprit, sa prodigieuse activity et surtout son extreme severity ont sou vent assure" le succes de ses entreprises. Cette extreme s6ve>ite* a et6 le prdtexte d'infames accusations dirigees contre sa mdmoire : de siecle en siecle, elles ont 6i6 r6p6Ues par des ecrivains a la solde de la feodalitf, mais le temps a fait justice de ces exagerations. Tout le monde connalt anjourd'bui la barbarie de cette epoque ; on sait que les plus grands desordres re'guaient parmi les princes et les seigneurs ; que la perfidie etla trahison £taient en honneur et que le crime coutait peu pour arriver au but. Or, sous tous ces rapports, il est bien certain que Louis XI n'a pas surpass^, qu'il n'a pas meme (Sgale" un assez grand nombre de ses contemporains. Sans doute , cet bomme extraordinaire s'avanca constamraent vers son but, en faisant plier a l'accomplissement de ses desseins , les tenements et les volontes. Sans doute, il lui fallut deployer un grand pouvoir, exercer une veritable dictature, pour register anx entreprises de la puissance Uo- dale, et require a l'obeissance les nobles et le peuple. Une main vigoureuse dut tenir les renes de l'lttat pour s'opposer au dCmembrement de la France, que tant de princes avaient re'solu ; mais le succes justifia cette dnergie perse>Crante ; la Providence couronna ses efforts ; les ennemis de la patric furent vaincus, et Louis eut la gloire d'avoir recute les limites de la France avant de comparaitre devant Celui qui peut seul juger, avec une aulorite' souveraine, et les peuples et les rois. Sur la meme question du programme, M, Cliampoiseau s'exprime ainsi : Messieurs La question relative a la juste appreciation du caractere politique de Louis XI a Ctc" trait^e jusqu'ici d'une maniere generate : je viens vous pre- senter une serie de fails relatifs aux rapports quiontexisteentre la com- mune de Tours et ce prince. Ces faits me parai'ssent de nature a jetcr quelque lumiere sur le caractere politique de Louis, et contribueront peut-etre a la solution de la question, en le placant dans son veritable jour. Kous y retrouverons tou jours le grand administrateur et, il taut lc dire, le QUINZIEME SESSION. 115 protecteur du peuple et de rindustrie, en meme temps que l'homme d'£tat. Louis XI, parvenu autrdnele 22 juillet 1461, donna des l'anne'e suivante une prenve de sagacite et de son amour du progres. L'imprimerie avait 6tt decouverte vers 1440 et n'avait pas encore, dit-on, eie introduite en France. Comprenant toute 1'importance de cet art, en devinant pour ainsi dire les prodigieux resultals , et voulant l'introduire immediatement dans son royaume, il envoya a Mayence Nicolas Jenson, habile monelaire de Tours, pour qu'il en rapporlat les principes en France. Toutefois Jenson ne re- vint pas a Tours, oil l'imprimerie ne fut introduite que tres-tard, vers 1496, et alia s'dtablir a Venise. Lors de I'ave'nement de Louis au trdne, nos liberies municipales etaient grandes; les habitants nommaient cux-memes leurs eius, qui regissaient les affaires de la commune dans une complete independance de la cou- ronne. Louis voulut organiser ces administrations, qui marchaient isoie- ment , agissant dans 1'intCret des localite's, de maniere a leur donner une bonne direction et a les faire concourir au bien gen6ral de l'Etat. Par suite des longues guerres du regne precedent, le trdsor royal etait vide, la no- blesse avait die* de'cime'e en payant largement de son sang l'ex pulsion de- finitive des Anglais; des grands seigneurs turbulents s'opposaient souvent au libre exercice de l'autorite royale. II fallait, pour maintenir ces derniers et meme pour les renverser a l'occasion, un point d'appui solidement etabli qu'il trouvait dans les communes j il fallait rempllr le tresor; il fallait enfin augmenter en nombre, pour les besoins de l'avenir, la petite noblesse, veri- table soutien du trone. Louis voulut se servir pour arriver a ce triple but, de l'organisation mu- nicipale, tout en excitant puissamment chacun a l'exercice des vertus pu- bliques et privies ndcessaires pour meriter et oblenir les suffrages de ses concitoyens. Quel moyen pouvait-il employer en effetpour recruter lanou- velle noblesse, qui devait etreentouree des sa naissance d'une consideration merite'e ? En qui aura-t-il confiance pour la designation des nouveaux nobles dont-il sait que la monarchic a besoin ? Usera-t-il du bon plaisir? mais il ne peut pas conuaitre les hommes de son royaume qui sont digues de cet honneur. S'en rapportera-t-il a Fiufluence, au choix capricieux ou interesse d'un ministre ou de ses agents dans les provinces? Non, Messieurs ; il s'adressera pour la designation des nouveaux nobles a la voix dupevple, au moyen le plus liberal, a Election. 11 exigera finances des communes pour l'octroi des lettres patentes d'etablissement; il rdclamera ensuite a tout instant et en toute occasion, leur concours et leur argent pour les n^cessites de l'Etat, comme pour ses plaisirs, diiigdes qu'elles seront par des hommes devours. Iltrouvera par consequent dans ces memes communes un puissant appui contre ses grands vassaux, contre les hauts et puissants seigneurs, et toutes les ressources pecuniaires dont il a besoiu. — Aussi allons-nous voir que s'il s'occupe d'augmeater leurs ressources, de contribuer h leur pros- 116 CONGW&S SCIENTIFIQUE DE FRANCE. petite, il ne leur epargne pas les demandes d'argent et les requisitions de tout genre! Ce fut ainsi qu'au grand regret des habitants, et, il faut le dire, au grand profit de l'l'tat, la commune de Tours et les autres grandes communes du royaume durent payer pour conserver le droit d'eiire les membres do leur corps municipal auxquels fut conceded la noblesse. La charte de fondation de la nouvelle commune de Tours est datee de Saint-Jean-d'Ange'ly, du mois de fevrier 1462, nouveau style. La commune dut payer cinq cents ecus d'or pour avoir le droit d'eiire vingt-quatre e'ehevins et un maire, aux- quels cette Election donnait la noblesse ; « Car, pour accroistre l'honneur « desdits niaire et eschevins et de leur posterity, et leur donner courage de « valoir et de mieux servir a la chose publique, afin que ce soit exemple a « tous, et que chacun mette peine en soy de valoir pour fparvenir a 1'estat « de maire ou eschevin, iceux maire et eschevins ainsi eleuz, combien « qu'ils ne soient nez ne extraicts de noble ligne'e, avons anoblis et anoblis- « sons par ces presentes, et du privilege de noblesse eux et leur liguee et « postCrite" ne'e et a naistre en loyal mariage, avons decorez et decorons, « voulons et concedons qu'au temps advenir eux et chacun d'eux avec «< toute leur lignee et posterite ne'e et a naistre en loyal mariage, soient re- « putez, tenus, et eux pour nobles, et pour tels de tous en tous actes etfaits « receus, et que des privileges, franchises et libertez que usent les autres « nobles de nostre royaume, ils jouyssent et usent et puissent venir et par- « venir en 1'estat de chevalier en temps et en lieu et acque>ir en nostre « royaume, fiefs, jurisdictions et seigneuries nobles et noblement tenus, « sans pour ce ne autrement payer a nous ou a nos successeurs aucune fi- « nance, laquelle en tant que besoin est pour nous et nosdits successeurs, « leur avons donnee quitted et remise, donnons, quittons et remettons par « cesdites presentes, pourveu que les successions se diviseront entre eux « comme successeurs coustumiers selon la coustume du pays ou elles « seront » Le premier maire de Tours fut Jehan Briconnet Fame, eiu en 1462 et continue en 1463; aussit6t apres son entree en fonctions, le corps-de-ville voulut donner un nouveau developpement a la fabrication des etoffes de laine introduite a Tours en 1460. On offrit a Gervais Pineau, d'Angers, de lui avancer cent ecus d'or, a condition qu'il viendrait s'etablir a Tours, avec sa femme, tout son manage et ses ustensiles, pour y travailler avec gens de son metier, savoir : trois femmes pour trier la laine, quatre pei~ gneux, deux ou trois escardeurs, et qu'il ferait venir quatre foulons, quatre laineux (tisseurs en laine) et autres ouvriers. On lui dit que s'il voulait prendre l'engagement de rester dix ans dans la ville, il n'aurait rien a rendre sur les avances qui lui seraient faites; ce qui fut accepts et exe"cute. L'ann^e suivante, 1463, la commune, pour aider Pineau dans ses travaux et le favoriser encore, acheta une cuve et des chaudieres pour la QUINZl&ME SESSION. 117 teinture de ses laines. II s'etait etabli dans la rue qui depuis ce temps prit le nora de Pineau et qui porte maintenant celui de l'Hospitalit^. Disons ici en passant qu'en cette annee 1463, le prix de l'arbalete fut gague par les arbaietriers de Tours, a la Chapelle-Blauche, sur les arbaietriers de Sau- mur qui les avaient defies. Ce fut aussi en 1463 que Louis acheta de Har- douin de Mailie, son chambellan, le fief des Montils, oil il fit batir le chateau du Plessis-du-Parc-lez-Toori, qn'il vint habiter plus tard. En 14G5, les revenus de la ville etaient iusuffisants pour solder assez de troupes pour la garder convenablement ; le roi s'empressa d'y faire venir un corps qui put assurer sa defense. De l'anne"e 1466 date 1'iotroduction, a Tours, de la fabrication dela boil- neterie ; on accorda divers encouragements , franchises et privileges a un bonnelier Ctranger pour qu'il vint s'etablir en cette ville et y montrer sou metier. En 1466, denouveaux succes vinrent glorifier la compagnie d'arbale"- triers de Tours, qui remporta le prix a Saumur sur ceux d'Angers, et sur ceux de Blois a Amboise. Le 6 mars 1467, on proceda a l'eiection des deputes aux Etais-Generatix dont louverture eut lieu a Tours dans la graude salle de Tarcheveche ; la meme annee, une bulle du pape iustitua archeveque de Tours Helie de Bourdeilles, cordelier. Nous voyons dans les registres des deliberations du corps de ville pour cette annee, le roi demander pour la premiere fois, a la commune, un pr£t de mille ecus, et ce ne sera pas la derniere ! En 1*69, Louis XI ayant fait annoncer officiellement son arrivee a Tours, on deeida, par deliberation du 29 septembre, qu'on irait au nombre de six ou huit, des plus qualifies de la ville, au-devant de lui, le lendemain, jus- qu'a Sainte-Catherine. Le corps de ville ne fut admis aupres de lui , au Plessis, que le 4 octobre; il lui declara qu'il etait dans l'intention d'^tablir ddsormais sa residence a Tours, oil il veut, ainsi qu'il le notilia au maire et aux dchevins, qu'on maintienne une police severe, taut a regard des ofiiciers de sa maison que des strangers que le sejour de la cour attirerait ndcessairemeut en cette ville; en ce qui concerne les habitants, il veut et entend quHls se gardent eux-mem.es, et que chacun d'eux fasse le ser- vice arme" et e'quipd sulvant ses moyens, sous peine d'etre imposes a la taille dont la charte communale qu'il leur avait accordee les exemptait. C'est done a Louis qu'on doit la premiere idee de la garde communale qui devait plus tard, sous le nom de garde nationale, devenir le plus ferme appui des liberies publiques et de nos institutions sociales. On trouve clans la Chronique scandaleuse la description d'une montre, ou revue, des ha- bitants de Paris, qui donne un apercu de l'etat de l'institution a cette epo- que, et qu'on lit avec un vif intent. L'arrivee de la cour en Touraine ne pouvait raanquer de produire un certain effet dans une ville ou la population jouissait de grandes franchises, 8 118 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. oil le clergd de Saint-Martin et de Saiut-Gatien et ses officiers avaient beaucoup d'influence. Un chapelain de ce dernier chapitre ayant ete frapp£ par un genlilhomme, celui-ci tut saisi et conduit en prison apres avoir 6i6 battu a son tour. Le roi, desireux de se concilier les bonnes graces des ha- bitants, approuva fort le zele qu'ils avaient montre pour se porter un mu- tuel secours et les autorisa a en agir ainsi dans tous les cas semblables. On voit par la que cet axiome si sage de notre droit actuel , qu'il ri'est pas permis de se rendre justice a soi-meme t w' ^tait pas encore en vigueur a cette epoque. Le 19 novembre de la meme annde, dans une audience oil le roi recut le maire et les dchevins, il declara qu'il tiendrait la main a ce que les eche- vins fussent nommes de deux ans en deux ans, et qu'ils fussentpris dans toutes les classes de la bourgeoisie. En 1470, un notable de Tours, clerc de Paris, proposa le projet qui n'eut pas de suite, d'une seule dcole publique ou college dans la ville. En cette m&me annde, on orfevre de Tours ayant dtd assassind, le roi fit pour- suivre avec un grand zele la punition du raeurtrier et de ses complices. Le 13 mars 1470, le roi pensant d'abord a la suretd publique , donna les ordres ndcessaires pour qu'on fortifiat la ville et qu'on creusat les fosse's , avant, dit-il, de construire des boulevards et des promenades. Un corps d'etat fort utile manquaii a Tours ; e'etaient les poeliers, qu'on lit venir deDinant au pays de Lidge et auxquels on accorda divers privi- leges par deliberation du 6 avril. Louis, voyant que le bois etait rare et cher a Tours, malgre le voisi- nage de grandes forets, parce que les chemins dtaient pour la plupart impra- ticables, engagea le maire a faire sonder la Brenne afm de chercher a la rendre navigable pour se procurer, a bon marchd et en abondance, les coupes de la foret de Chateau renaud. Le l"'mai, voulant contribuer aux plaisirs des habitants de Tours, il or- donua de preparer des lices dans le grand marchd pour les joiltes qu'il vou- lait y donner ; puis il appsla, a Tours, des ouvriers en soie, d'ltalie, alin de fournir un aliment au commerce et au luxe. Ce fut aussi cette meme annee qu'on acheta des ribeaudequins pour la defense de la ville ; c'dtaient de grands arcs de quinze pieds de long qu'on appuyait contre les remparts et aveclesquelson lancait sur les assidgeants des dardsde cinq pieds de long. Louis en demanda une dizaine a la ville de Tours pour le comte de Warwick. Le 9 octobre eut lieu I'assemblee gdndrale pour 1'election du maire; ce fut Jean de Beaune qui fut nomme : le roi y avail fait declarer que desor- mais cette election serait soumise a son approbation. Le lendemain, il posa les premieres bases de Vuniforme des Iroupes, en ordonnant que ddsormais le maire aurait l'inspection sur tous les harnais de guerre fa- briquds dans la ville j qu'ils seront tous marquds aux armes de cette der- mere et qu'il en sera te»uun registre j il fut ensuite ddfendu aux armuriers QUINZIEME SESSION. 119 et brigandinkrs du roi, de confectionner des arraes ou des habillements de guerre differents du patron qui avait et6 d&igne* au maire. Les treize armuriers qui existaient a Tours, furcnl reunis pour entendre la lecture du reglement e'tabli a cet effet. - . Le 22 octobre, afin d'attacber plus d'importanceaux fonctions du maire, Louis vonlut lui confier la police de la ville en re'unissant la charge de la prd- vote" au mairat, sauf a indemniser le prdvot sur les fonds communaux; mais le corps municipal refusa parce qu'il n'avait pas les moyens d'acbeter la cbarge Le meme jour 22 octobre, s'ouvrit a Tours l'assemblee des deputes du commerce de toutes les bonnes villes du royaume, afin d'y convenir du lieu le plus avantageux pour la tenue des foires qui remplaceraient celles de Flandres, interdites par le roi, en haine du due de Bourgogne, qui e"tait en m6me temps comte de ce pays. Jean de Beaune fut nomme^d£pute" de Tours pour assister a cette assemblee. Le 18 Janvier 1471, le roi ordonna qu'on d&ivrat un harnais de guerre au sieur de Valery, au compte de la ville, qui paiera l'armurier Jean Bonarme. Mais si Louis XI veillait si bien aux inte>ets de sa bonne ville de Tours, il savaitaussi en tirer parti ; le 27 Janvier, il lui demanda dix chevaux pour faire conduire son pare d'artillerie d'OrlCans a Compifcgne. Le 11 f^vrier, il demande l'octroi a son profit de 40 sous par mind de sel existant au grenier de la ville et sur celui qui y sera depose" jusqu'au dernier jour de l'annee.. Le 17 fdvrier, il exige un pret de 3,000 e"cus ; le tout pour soutenir la guerre contre le due de Bourgogne ; il est vrai qu'a l'appui de cette derniere de- mande , le roi fit lire la declaration de son conseil , qui l'avait engage" a ne point teuir les articles du traite" de Pe>onne. Le pr6t fut consenti bon gre' mal gre; mais, le 3 mars, le maire proposa qu'a l'exemple d'Orldans, et d'au- tres villes qui avaient fait porter au roi le montant de leur emprunt et dont les deputes avaient 616 gracieusement recus par le roi , on envoyat lui offrir 2,000 e"cuset le prier de s'en contenter, attendu les charges que la ville avait du supporter pi£eedemment. II fut arrete que le maire avecplusieurs autres membres iraient vers le roi et lui pre'senteraient un memoire au nom de la ville. Cette deputation alia jusqu'a Ham; elle ne put rien obtenir du roi; mais, en donnant30 exusaun gentilhomme de la cour, nomme" Pierre d'O- riolle, il se fit fort d'exempter la ville du paiement des 1,000 6cus restants et r&issit; d'Oriolle fut dexapite a Tours, en 1480, pour menaces contre le roi. Le 29 juin, il fut decide qu'on examinerait de nouveau la Brenne afin de la rendre navigable : ce soin fut confie" a une commission prdsidee par le maire qui dut s'adjoindre plusieurs proprietaires riverains et notamment le prevot de Vernou. C'est que le roi revenaita Tours, oiiil arriva le 3 juillet, et qu'on voulait paraltre n'avoir pas neglige cette affaire. 120 CONCR2S SC1ENTIFIQUE DE FRANCE. Ce prince savait tirer parti de tout, meme dans Ies plus petits details ; il faisait entretenir sa faucounerie par les bouchers de Tours, qui demande- rent a la villc, le 23 juillet, qu'on leur en tint compte et qu'on leur fit re- mise, en compensation, de l'imposition de lenr corporation, qui s'elevait a 300 livres : on les engagea a presenter une requete au roi, avec offre de continuer, a cette condition, de nourrir ses oiseaux de proie. Le 7 aout, Francisque de la Chevalerie, Napolitain, ouvrier en pavilions et tentes de gijerre, demanda a etablir son metier dans un logement que la ville lui donnerait. Pour satisfaire aux intentions du roi, le maire fit choix d'un logement pour Francisque avec le moins de defenses possibles. II pa- raitrait que ce dernier n'en flit pas tres-satisfait, car plus tard il vint se plaindre au corps de ville de n'etre pas convenablement etabli. La peste avait sevi avec une grande violence a Tours, pendant une partie de l'annee 1471 : au milieu de la terreur generate, on fit fabriquer, selon l'usage ancien trois gros cierges en cire, qui brulaient nnit et jour devant le saint Sacrement et s'Clevaient au milieu d'uue representation, aussi en cire, de l'enceinte de la ville, divise'e en trois parties, pour ligurer en meme temps dans chacune d'elles, aux eglises de St-Gatien, de St-Martin, et de Notre-Dame-la-Riche; mais lorsque le danger fut passe, le roi, devancant les ddcouvertes modernes de la chimie sur Taction que les ve'ge'taux exercent sur l'air, ordonna d'assainir les environs de la ville par de belles plantations d'arbres. G'est I'Cpoque de celle du boulevard de St-Etienne, a l'endroit ou se trouve maintenant la place de l'Arebev6ch£; ellefutdd- cidee par deliberation du 18 octobre. Le roi s'e'tant plaint plus tard du mauvais etat des chemins voisins de la ville et de la malproprete habituelle des rues, principales causes des Cpide'mies, on proposa, pour remedier a cet inconvenient, d'acbeter des terrains hors des portes de la ville pour y dCposer les fumiers et les immondices, et de niveler les rues depuis la Loire jusqu'aux egouts de St-Cle'ment, de maniere a donner aux eaux pluviales et menageres un e"coulement facile vers le fleuve, et aussi de faire paver les rues. PrCce'demment a cette deliberation, le 19 octobre, Louis XI avait cm necessaire de faire preter aux habitants un nouveau serment de lui rester bons et loyaux sujets et de le servir envers et contre tous. Ce serment fut pr^te" par le maire entre les mains du juge, par celui-ci entre les mains du maire, par six cent vingt-trois habitants notables, par cent conseillers d'^glise et par pres de deux cents membres du clerge* tant seculiers que r^guliers; ces derniers le pr6terent ayant la main gauche p!ace*e sur la poitrine, le texte du proces-verbal dit sur le pis (pectus), et la droite placed sur FEvangile, suivant l'usage. En cette anne"e 1471, Louis essaya de porter atteinte aux privileges de la ville, en convoquant tous nobles et gens tenant noblement a Tours, et leur donnant ordre de se tenir prets et equip^s pour la montre, ou revue quinzieme session. 421 du lundi apres l'Annonciation ; on d£cida d'enw>yer une deputation au roi pour r£clamer coutre cet empi£tement; il fut fait droit a la requete. La ville de Tours continua a etre accabl^e de requisitions de tout genre pendant l'ann6 1472. Des le 12 f^vrier, il maudait aux gens des aides en cette ville, de faire fournir par elle cent chevaux de trait au maitre de son artillerie etsix cents autres chevaux par Election, le tout avec des char- rettes, pour conduire ses pieces a Chatellerault, le 15 du meme mois; le roi disait qn'il paierait le tout dans un autre temps, et il fallut bien que la ville se chargeat des frais de cette requisition, sauf a s'en faire rembourser plustard. Le 3 mars, le roi se plaint au maire de Tours de la cherte* des vivres, de ce que lepain est irop petit et de la mauvaise police qui regne en cette roatiere. II ordouna une visite des greniers et par suite il r^duisit le prix du froment a 30 sous le septier et celui de l'avoine a 10 sous. Le corps-de- ville nomma en outre, d'apres ses ordres, une commission charg^e de faire l'essai d'un septier de ble sur cinq et de le faire panneter par un boulan- ger Granger. Le 26 juin, ce n'^tait plus de la ville dont il fallait s'occuper. 11 ordonna aux maire et e"chevins d'envoyer en toute diligence des marchands et des vivres pour ses camps et arm^e en Bretagne ; on se h&ta de dearer a cet ordre. Les religieux de Marmoutier refuserent de vendre six cents sep- tiers de h\6, si la ville ne leur en re"pondait pas ; ils traiterent avec deux fournisseurs a condition que les eMus repondissent de tout en leurs noms privet et payassent avec les deniers communs qu'on leur abandonna a cet effet. Le 31 aotit, nouvelle requisition d'envoyer cinquante-cinq lards, mille livres de iil pour arbaletes, un millier de traits ferret et quatre guinda* pour avitailler Ancenis que le roi venait de prendre sur le due de Breta- gne, qui se vantait de s'en emparer de nouveau. Quatre personnes furent designees pour accompagner les sergents du roi et les clercs de ville charge's de faire au domicile des habitants la recher- che des objets demanded ; ces personnes annoncerent bientCt au corps-de- ville que les commissaires envoy^s par le roi pr£tendaient ne pas payer les lards, lefild'Anvers, les traits et les guindas ; il fut alors decide que la ville en repondrait de ses deniers communs, jusqu'a la concurrence de cenl livres, en vers les marchands. En 1472, les gages du procureur de la ville etaieut de cent sols. La commune eut un grand proces a soutenir contre les moines de Saint- Julien, qui pr&endaient bailler le terrain de la Foire-le-Roi a e'difier. En 1473, sous le mairat de Jehan Saintier, Louis XI annonca de nouveau que son iutention etait de faire sa residence au chateau du Ple.ssis-du- Parc-le/.-Tours. A cette nouvelle le corps-de-ville d^cida que douze muids d'avoine seraient donned en present aux fourriers du roi afin qu'ils fus- 4 £2 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. sent plus gracieux enve*rs les habitants pour faire les logements de ses gens. Le 10 fe>rier,le roi arrivaa Tours; il dit au maire qu'il voulait qu'on re^parat et qu'on fortifiat la ville on il de\sirait fixer sa residence, comme ancien citoyen de Tours, suivant ce qu'il avait ddja promis. II ajouta qu'il elait plus urgent de faire creuser et elargir les fosse's que de eontinuer a batir des tours et des boulevards. Ces preuves d'interet furent tres-promte- ment suivies d'une demande qu'il fit a la ville le 24 fdvrier, de vingt chevaux et quatre charettes pour conduire des poudres au siege de Lectoure, contre le comte d'Armagnac. Puis , le 28 mars, a l'occasion de la guerre contre le due de Bourgogne, il imposa une taille de quatre mille e'eus sur sa bonne ville de Tours ; cette taille fut rdduite a trois mille e'eus par les soins du maire qui reeut de grands remerciements pour ce service signale. Ces 3,000 e'eus servirent a reparer les places de guerre de la Picardie. Le roi se plaignit, le 22 juilfet, de l'ensablement du canal ou Patau de Sainte-Anne, qui nuisait a la navigation et a la salubrity publique : il fut re"solu qu'on le ferait de'blayer. Dans la meme stance, on de'eida que la moraliU de Sainte-Barbe, que plusieurs habitants s'ob^tiuaient a vouloir faire reprdsenter le dimanche 25 juillet, ne serait joude que dans un mois, parce que la peste re'gnait dans la ville et aux environs; que Messire Fran- cois Bernard, lieutenant-general, venait d'aller de vie a trdpas , au grand d^plaisir du roi, et que ce prince d'ailleurs avait certains me'eontente- ments de plusieurs bourgeois qui avaient tenu des propos indiscrets. Le 26 novembre, il fut donne' au corps municipal la lecture de lettres patentes du roi, datdes de Mons-en-PuclIe, du 23 novembre, apport^es par Pierre de Luce', valet de cbambre de ce monarque; dans ces lettres, il se plaignait qu'on fit enlever les bids pour les pays occupe's par ses ennemis et deTendait toute exportation sans un conge' de sa part, a dater de ce jour. Le 16 de'eembre 1473, on vit arriver a Tours un protonotaire du pape; il demanda et entendit publier certaines lettres de Pvome, pour le bien et la paix du royaume, et en donna lecture au peuple assemble1 a cet effet, a la suite d'une procession publfque. Le lieutenant du bailli de Touraine fit appeler le maire et confera avec lui sur cet objet : Illui apprit que dans une reunion qui avait eu lieu la veille , quelques personnes avaient pense qu'on devait s'opposer aux pretentions du repre'sentant de Rome jusqu'a ce qu'on sut la volonte' du roi , et qu'il fallait que le maire allat consulfer ce dernier. Le maire r^pondit qu'il n'en ferait rien de son chef, mais qu'il voulait bien convoquer le cohseil de la ville pour avoir son avis. Le conseil d6cida que le cas etait seulement de la competence de l'archev6que; que le roi n'ayant point notifid ses intentions a ce snjet, on ne devait point s'im- miscer dans cette affaire. Cependant quelqu'un ayant fait remarquer que les gens d'dglise ddsiraient connaitre l'opinion de l'assemblee, on fut g£- nCralement d'avis qu'ils auraient tort d'ordonner des processions et de per- QUINZIEME SESSION. _ 125 mettre au protonotaire apostolique de prficher, sermonner ni publier au- cunes lettres , sentences ou fulminations du saint-sie'ge , sans l'agre'ment du roi auquel l'archevfeque en devait dcrire. En 1474, sous le mairat de Jehan Gaudin, le corps-de-ville s'adressa au roi pour le prier d'obtenir du pape que le grand pardon de Rome (le ju- bile") eutlieua Tours. On trouve dans les eomptes de cette anne'e , diverses defenses relatives aux ouvriers en draps de soie que le roi avait fait venir a Tours en 1470. L'annde 1475, Jehan Lopin 6"tant maire de Tours , le vicomte d'Auray , e'chappe' de la prison ou il e'tait retenu , se re- fugia dans l'eglise des Cannes^ contre le gr6 des habitants qui firent le guet autour de l'eglise , afin qu'il 6t ils offrent pour 1'eHude du caractere de Louis. On voit ici ce prince , au milieu des grandes preoccupations qui sembleraient devoir absorber eutierement ses idees, entrer dans les plus petits details, comme c'est le propre du gCnie. Partout on trouve en lui le maire re"el de Tours, ne ndgligeant aucun des objets d'utilil6 publique et s'occupant meme des plaisirs des habitants. Partout aussi se manifesto le veritable administrateur, c'est-a-dire celui qui crde, organise, surveille , entretient, celui enfin qui sait semer pour recueillir. MM. Ernoult et Tailliar, enoncent en quelques mots la maniere dont ils traiteront cette interessante question, dont la discussion est remise a la seance generale. La seance est levee a neuf heures. |£6 CONGAS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Seance flu 8 geptembre* Presidence dc M. l'abbe Bourasse, M. Vabbe Bandeville, secretaire* La seance est ouverte a sept heures , sous la presidence de M. l'abbe Bourasse. I/absence de M. le secretaire fait ajourner la lecture du proces-verbal et passer immediatcment a la discussion de de la 2e question , ainsi eflncue : Quelles ont ete Vorigine , la nature et la dure'e de nos monnaies provinciates ? M. Lecointre-Dupont prend la parole en ces termes : Messieurs , * Pour re'soudre compl&ement la seconde question de notre programme, il faudrait avoir etudie" successivement , dans ses plus minutieux ddtails , J'histoire de chacune de nos monnaies provinciales. C'est une tache qui surpasse nos forces, et vousne pouvez attendre de moi, humble pion- nier de la Numismatiqne , que j'essaie d'embrasser tout entiere la ques- tion proposed. Je ne repeterai point ici les details que j'ai consignees dans mon JEssai sur les monnaies du Poitou, et dans mes Lettres sur Vhistoire mone'- taire de la Normandie, touchant l'origine, la nature et la dure'e des monnaies particulieres a ces deux provinces. Je me bornerai a dire que les monnaies du Poitou , frapp^es d'abord pour les comtes , avec le nom royal de Charles, par suite d'usurpation des droits rdgaliens, puis aban- donees, des 1019, par Gui!laume-le~Grand , aPordre de Cluny, revenues plus tar d en la possession des comtes sous les derniers Guillaumc, ou mieux peut-etre sous les Plantagenets , finirent a-1'avenement au tr6ne du comte Philippe-le-Long, apres des interruptions pendant les reunions du comte a la couronne, de 1204 ant, apres l'e'tablissement de l'imp6t nommdle fouage , et furent remplace'es dans la circulation par les monnaies du Mans et de Tours , et en dernier lieu d'Angers, jusqu'au moment ou la conquSte de Philippe-Auguste ne Jaissa a la Normandie que les monnaies tournois, frappees au nom royal. Je prie la section d'agr^er l'hommage d'un exemplaire de l'ouvrage oil j'ai consigne mes recherches sur l'histoire mon&aire de la Normandie , et j'appellerai seulement son attention sur un point relatif a l'origine d'un grand nombre de nos monnaies provinciales. C'estun fait incontestable que la plupart des ateliers monetaires des pr£- lats et barons remplacerent des ateliers carlovingiens qui avaient fonctionne" aux memes lieux. Pour beaucoup de ces ateliers, il n'y eut point succes- sion immediate , souvent meme plus d'un siecle s'Ccoula entre la fabrica- tion des dernieres monnaies carlovingiennes et celle des premiers deniers eccle"siastiques ou seigneuriaux , en sorte que Ton peut se demander si les prelatset barons, aux x% \\i et meme xue siecles, ne se crurentpas autori- se*s par le fait seul qu'un ancien roi avait fait frapper monnaie, dans un lieu de leurs domaines , a s'attribuer le droit de monnoyage , encore que leurs pre'de'eesseurs ne l'eussent pas exerce'. La response affirmative a cette question ne peut , je crois , 6tre contre- dite. Cependant, la resurrection de ces anciens ateliers monetaires me semble difficile a expliquer par le seul de'sir des grands vassaux a s'empa- rer du droit de monnoyage , quand on voit avec quelle facility beaucoup d'entre eux s'en de"pouillaient en faveur des eglises et des monasteres, ou s'abstenaient meme de l'exercer. La Bretagne nous offre un curieux exem- ple de ce dernier fait; les monnaies des dues de cette province, frappCes au xne siecle, sont rares; les especes qui avaient alors un cours presque exclusif en Bretagne e'taient les monnaies des comtes de Guingamp. D'autres families que les families princieres eurent inte'ret a faire re- vivre les anciens ateliers monetaires; ce furent les families des mon- noyeurs auxquels des privileges assez dtendus avaient 6t6 concedes par les rois carlovingiens. A cette cpoque ou riieredite devenait la base de l'ordre public et tendait a remplacer l'amovibilite dans toutes les fonctions publiques, ces families, pour la plupart attacbe'es au sol par le lien feodal (Mss.de Fonteneau , t. xix, p. 105), invoquerent aupr6s de leurs nouveaux seigneurs les privileges accordes par les rois a leurs auteurs ; et, en les invoquant, elles rappelerent le souvenir des anciens ateliers monetaires. D^positaires, parberitage, des anciens poincons des monnaies carlovingiennes , elles furent pretes a utiliser ces poincons pour leurs sei- gneurs au moment ou ceux-ci voulurent exercer a lenr profit le droit de t%8 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. monnoyage, etlenr intervention, en servant a expliquer la resurrection, sous le regime feodal, de la plupart des anciens ateliers carlovingiens, explique encore mieux la persistance et surtout la renovation des types et des tegendes des raoiiuaies de la 2° race sur les monnaies des prelats et barons. J'ai cru devoir vous presenter ces considerations parce que je neles ai vues encore nulle part rapportees. Je terraine en vous proposant , pour reponse a la question du programme , la redaction suivante : Origine. — La pi opart des ateliers monetaires des prelats et barons, anterieurs au xme siecle, succederent a des ateliers carlovingiens; le droit de monnoyage , ou fut usurpe" par les seigneurs eccle'siastiques ou laiques, ou leur fut concede" par le roi de France , dans les terres qui re- levaient de lui, et surtout par Pempereur dans les pays qui etaient cerise's relever de l'empire. Les rois d'Angleterre , dues d'Aquitaine , firent aussi quelques concessions de droits monetaires dans le Berri , l'Auvergne et l'Aquitaine. Nature. — Les monnaies des prelats et barons , comme les monnaies royales de la 3e race , furent d'abord d'argent , puis de billon. Quant les rois de France recoramencerent au xme siecle a frapper des monnaies d'or et d'argent , ils n'autoriserent pas les seigneurs a suivre leur exem- ple et ils les restreignirent aux simples monnaies de billon, deniers et oboles. Toutefois dans les terres qui relevaient de 1' Empire, en Provence, a Orange, a Saint-Paul-Trois-Chateaux , a Cambrai, etc. , les princes et les eveques s'arrogerent le droit de frapper monnaie d'or et d'argent. Ce mSme droit fut usurpe par le due d'Aquitaine , £douard III, roi d'Angle- terre, qui prenait le titre de roi de France; les dues de Bourgogne et de Bretagne , les comtes de Flandre, etc. , jouirent du meme droit qui leur fut reconnu par le roi. Duree. — La reunion a la couronne des seigneuries qui jouissaient du droit de monnoyage mit lin a ce droit qui, le plus souvent, ne fut pas atta- che a ces terres lorsque le roi les infeoda de nouveau. L'ordonnance de 1315, en reglant la loi , le poids et le type des monnaies priocipales, et en les soumettant a un controle severe de I'autorite" royale, forcaun grand nombre de prelats et barons arenoncera l'exercice de leur droit monetaire ; plusieurs le vendirent au roit. Ce droit ne se conserva qu'entre les mains des grands feudataires, des prelats et barons qui relevaient de l'Empire et a certains seigneurs des frontieres d'Espagne, et qui reconnaissaient pour suzerain , selon leur inte>et , tant6t le roi de France , tantdt le roi d'Ar- ragon, tant6t le roi d'Angleterre , due d'Aquitaine. La suppression des autres monnaies seigneuriales permit m6me a quelques princes relevant de l'Empire et a certains seigneurs des frontieres de l'Espagne, d'obtenir ou de s'attribuer, aux xve et \\i' shkles, le droit de battre monnaie. QUINZIEME SESSION. 429 L'exercice de ce droit se continua, pour plusieurs d'entre eux, jusqu'a la seconde moitie" du xvn° siecle. M. Lecointre - Dupont fait hommage de ses Lettres sur Vhistoire mone'taire de la Normandie et du Perche , et d'une Notice sur deux deniers de Savary de Mauleon , et sur V 'atelier mone'taire de Niort aux xie et xne siecles. Le proces-verbal de la derniere seance est lu et adopte. M. Cartier pere prend la parole sur la 5e question du programme : Tracer Vhistoire de la rivalite qui a existe dans le cours des xie et xne siecles entre les comtes de Tours et de Blois, descendants de Thibaut le Tricheur, et les comtes d'An- jou issus de Tertullc. La famiile de Tertulle , qui n'interesse d'abord que la Touraine , devient bientot une puissance qui domine sur la Normandie , le Poitou et la Guyenne , et parvient a s'asseoir d'un cote sur le trone d'Angleterre , de l'autre sur celui de Jerusalem. Les descendants de Thibaut le Tricheur, plus puissants d'abord, sont moins heureux dans la suite; s'ils possedent la Champagne, ils perdent la Touraine, et voient echapper leur esperance par suite du mariage d'Eleonore d'Aquitaine, dontil avaient convoke la main , et qui s'allie au chef des Plantagenets. Cependant ils acquicrcnt la Navarre , royaume que leur heritiere apporle a la couronne de France avec la Champagne ; et cette riva- lite de famiile , qui avait pris naissance dans la Touraine et l'Anjou , devient la source de cette rivalite nationale qui existe entre la France et TAngleterre. M. Dupre , bibliothecaire de la ville de Blois , presente , sur la raerae question , le Memoire suivant : Messieurs Au moyen-age, les forces militaires e'taient divise'es entre autant de Sei- gneurs que le territoire; chacun d'eux avait une arrae'e, instrument passif de ses intents et de ses passions : la defense ou l'agrandissement de chaque domaine fe'odal ctait une cause permanente d'hosiilites et de 130 CONGRES SCIENTIF1QUE DE FRANCE. guerre; en urfmot, comme ledit fort bien l'abb6 Fleury (i). « Les Sei- « gneurs se consideraient tous comme des souverains dont les querelles « ne pouvaient finir que par une victoire ou par un traits de paix. » Entre les principaux feudataires qui s'agitaient dans ce pele-mele de la feoda- lite guerroyante, on distingue le comte d'Anjou et le comte de Blois. La lutte de ces deux infatigables batailleurs ne fut pas seulement le resultat des circonstances generates , du ddsordre universel de l'epoque , elle se rattache en outre (et c'est le point de vue qui nous interesse le plus ici), a f ertaines causes particulieres et locales. La plus energique de ces causes fut sans contredit l'engrenage des domaines possdde's par deux voisins ega- lement jaloux, egalement opiniatres, et tout aussi peu endurants Fun que l'autre. Voyons d'abord quelle etait leur position fe'odale, au moment ou la guerre eclata entre eux, c'est-a-dire vers la fin du x* siecle. Le comte de Blois etait en meme temps comte de Tours ; mais ce second litre ne lui donnait pas la possession integrate de la Touraine : le comte d'Anjou posse\lait au contraire une partie de cette province, notamment les villes et seigneuries d'Amboise et de Loches. Le comte de Blois etait maitre de Tours, de Saumur, de Moutricbard, de Cbaumont etc. L'encbe- vetrement des domaines de l'un et de l'autre existait surtout du c6t£ de la Loire, et pr&entait sur ce point les plus graves inconvements ; ainsi la ville d'Amboise, situ6e entre Tours et Cbaumont, devait etre, comme elle le fut en effet, un terrain essentiellement litigieux , un tbeatre de lultes frdquentes : la rencontre des deux rivaux dans ce lieu de passage ne pou- vait gueres s'ope'rer sans cboc ni collisions. Cette distribution fe'odale du sol, resultat bizarre d'envabissements suc- cessifs, n'offrait encore aucun ensemble raisonnable. Cbaque Seigneur avait compost son domaine de lambeaux soustraits a l'autorite royale : le ba- sard et la force pr^siderent seuls a ce pat tage irregulier, qui renfermait eu soi le germe de violentes contestations. Les guerres feodales, consequences inevitables d'un pareil etat de cboses, en devinrent le reraede; car nous verrons qu'elles modifierent heureusement les delimitations primitives, et, repartirent le territoire de la Touraine et de l'Anjou d'une maniere a la fois plus reguliere et plus conforme aux interests de cbaque Seigneur; ce fut leur seul bon resultat. Avant de retracer les divers evenements militaires des fe'odalites Angc- vine et Btesoise, nous indiquerons en peu de mots les principals sources de nos rechercbes historiques. ft) Histoid 4« Droit Francis, en Ute 4« C«U« d'Argou, t, t, p, 50, QUINZIEME SESSION. 131 Les plus anciens ouvrages que nous ayons pu consulter, sont deux chro- niques, du xue siecle, inse're'es dans le spicilege ded'Achery, (Tome 3, de rddition in-folio) ; l'une d'elles est intitule : Degestis consulum Ande- gavensium ; l'autre, JDe compositione castri Ambastce et ejus dominis. Les moines de Marmoutier, auxquels on attribue ces Merits, les de*dierent a Henri II, Plantagenet, alors%omte de Touraine et roi d'Angleterre. Ces auteurs, plus courtisans que ve'ridiques, montrent une extr6me partiality pour les comtes d'Anjou, a'ieux du roi Henri, leur Seigneur et maitre ; dans le re"cit des guerres dont nous allons parler, ils mettent ordinairement le bou droit du cote" des Angevins, en accusant les Btesois d'injustice et de perfidie. lis melent d'ailleurs aux faits historiques une masse d'invraisem- blances et meme d'absurdite"s. Tel est le jugement severe qu'en portent les savants compilateurs de la grande collection des historiens de France (1) : « Celui qui a ecrit ces chroniques, disent les Ben^dictins, trop passionne" « pou. les comtes d'Anjou, meut continuellement, et ne rapporte que des « fables romanesques. » Cette observation dCmontre le peu de confiance que meritent les longs remits des moines de Marmoutier. On peut en dire autant des chroniques francaises .de l'Anjou, composes dans le meme esprit au xvie siecle par 1' Angevin Bourdigne", ecrivain diffus, qui se borne souvent a traduire la latinite emphatique de ses devanciers. La pbrase'ologie classique domine dans ces ouvrages , plus brillants qu'exacts. Nourris de la lecture des historiens de l'antiquite\ les auteurs veulent raconter a la maniere deTite-Live etde Thucydide. Les beaux dis- cours, et surtout les harangues militaires, qu'ils pretent a leurs person- nages, sont evidemment emprunte's a la rhelorique des e*crivains de la Grece et de Rome. La vdrite" a tout a craindre du faux dclat de.ces artifices littCraires. En general, lorsqu'il s'agit de guerres et de combats, on doit se de*fier beaucoup des historiens, et plus encore des chroniqueurs. Le fait princi- pal et le r&ultat sont presque les seuls points bien constates : le reste n'est ordinairement qu'une amplification plus ou moins libre. Les re'eits mili- taires, comme les tableaux de batailles, se ressemblent tous entre eux, quand ils ne se copieut pas. Nous ferons done en sorte, dans le cours de cette dissertation, d'eviter les details incertains qui allongent inutilement les chroniques ci-dessus mentioun&s : la fragility de nos bases nous im- pose a cet Cgard une grande reserve. Les acteurs principaux de la premjere guerre related dans les chroni- (1) Preface da t, X, 55, p, 152 CONGRfiS SCIENTIFIQUE DE FRANCE, ques latines furent. Foulques Nerra, comte d'Anjou, Eudes 1", comte de Blois et de Tours, Gelduin, seigneur de Saumur et de Pontlevoy, fiefs re- levant du comte" de Blois, Landry, seigneur de Chateaudun, vassal du m6me comte". Ces personnages ont 6te diversement jug£s par les auteurs des chroniques : l'esprit de parti, comme nous l'avons deja fait observer, a dicte* leurs diatribes contre les Ble\sois et les eMoges ridicules adress^s a la famille d'Anjou ; par exemple, est-ce s^rieusement que la chronique d'Amboise &ige Foulques Nerra en un second Ce"sar : oute fut complete dans le camp ble*sois. La cavalerie Angevine, Lysois en tele , se mit a la poursuite des fuyards , dont les chevaux ne pouvciient plus courir a travers les buissons et les Opines du bois de Braye situe", dit Bourdfgng, pres de la Salle Hastuyn (l) : cette circon- stance facilita la prise d'un assez grand nombre de fuyards. Le comte Thibault, lui-m£me, tomba au pouvoir de son vainqueur, qui !e fit enfer- mer d'abord a Loches, puis dans une des tours du chateau d'Angers. Thibault n'obtint sa liberie' qu'a de tres-dures conditions. II fnt oblige" decider a son vainqueur les villes de Tours, Chinon et Laugeais, avec tout le comte" de Touraine : un article du traits portait expressement, que le comte de Blois « ne bastiroit ou ne feroit bastir ou fermer chasteau ne « forteresse, a sept lieues pres des places et forteresses du comte d'An- « jou (2). » Ce traits, fort d&avantageux au comte de Blois, agrandit les £tats de son rival, et fut un point d'arret dans la lutte des deux seigneurs. Le comte d'Anjou, se trouvant avoir gagn£ a peu pres tout ce qu'il d^sirait, ne songea pas pour le moment a pousser plus loin ses conquetes. Le B13- sois, dpuise1 par une longue guerre, ne demandait lui aussi qu'a vivre en paix ; d'ailleurs la perte de la Touraine avait tellement diminue sa puis- sance, qu'il n'dtait plus de force a se mesurer contre son voisinj aussi d'en- nemi deviut-il alli£, afin de pouvoir conserver le reste de ses possessions. Bient6t les croisades donnerent une nouvelle direction a I'esprit belli- queux des seigneurs, et par suite amortireut le feu des guerres feodales. Les divisions de la famille d'Anjou furent aussi une des causes de la treve qui eut lieu dans le mSme temps entre cette maison et celle de Blois. Dans une de ces guerres de frere a fi ere, si communes parmi les Plauta- genet, Thibault IV de Blois figura comme auxiliaire du comte d'Anjou, et fut grievement bless£ d'une fleche qu'il recut au trout, en l'anuge 1118, sous les murs d'Alencon (3). Un fait inattendu raviva momentan^ment la querelle des deux voisins. Thibault V de Blois s'etait rendu mattre du chateau de Ghaumont, par suite de la f&onie de son vassal Sulpice, possesseur de cette terre. Le comte d'Anjou vit avec inquietude cette occupation favorable aux entreprises (1) Ces nomide lieu existent-ils encore dans le pays?,.. (%) Bourdgne.chap. S3. (5) Bourd gae, chap. A3 et 44. 458 CONGRES SCIENT1FIQUE DE FRANCE. du Bl&ois sur la Touraine, et d^clara la guerre a Thibault. Ses fils Henri, due de Normandie, et Geoffroy, vinrent assizer la petite ville de Fr^teval en Dunois; mais ils furent completement battus. Geoffroy lui-meme fut fait prisonnier avec un grand nombre de soldats (1). Quelques anndes apres, le jeune due de Normandie, devenu comte de Touraine, et roi d'Angleterre sous le nom fameux d'Henri II Planta- genet, vengea cet e"chec, en s'emparant par surprise du chateau de Chau- mont. La chronique qui rapporte ce fait d'arme, cite comme un exploit remarquable la prise de cinquante soldats du comte de Blois, posted dans une tour (2). Telle Ctait alors la faible importance des batailles et des sieges : a cette dpoque de fractionnement, les guerres, morcele'es comme le territoire, n'offrent qu'une suite d'escarmouches locales, de surprises par- tielles, sans cesse renouveldes et jamais d^cisives. Henri II ne garda pas longtemps Chaumont; il crut devoir, par interet, le restituer a la famille d'Amboise, que le comte de Blois avait dCposse'de'e ; c'&ait un moyen d'attirer cette famille dans le parti de l'Angleterre ; en effet elle servit pendant quelque temps la cause de l'etranger. L'illustre maison d'Amboise se trouva melde forcdment aux guerres dont nous venous de parcourir la desolante sCrie. Vassale a la fois du comte de Blois pour la terre de Chaumont, du comte d'Anjou pour celle d'Amboise, elle marchait entre deux dangers; car elle ne pouvait servir un de ces maitres, sans offenser l'autre ; les exigences du systeme feodal et la situation limitrophe de ses domaines lui avaient fait cette position dif- ficile, dont elle ne sut pas toujours 6 viter les Ccueils. L'ave'nement des Plantagenet au tr6ne d'Angleterre mit une trop grande distance entre les comtes de Blois et ceux de Touraine, pour que leurs an- ciens combats de fief a fief pussent se renouveler. D'ailleurs les Plantage- net eurent a se dCfendre contre un ennemi plus redoutable, contre le roi de France. Le re'sultat final de cette derniere guerre, si dCsastreuse pour la Touraine et pour l'Anjou, fut, comme on sait, la reunion de ces deux pro- vinces a la couronne de France. Les Bldsois ne paraissent avoir jouC au- cun r61e remarquable dans cette longue lutte soutenue si pres de leurs do- maines. Tandis que la France et l'Angleterre Ctaient aux prises entre Blois et Tours, entre la Loire et le Cher, les pieux comtes de Blois se signa- laient en Palestine sous l'etendard de la croix (3) : cet eloigncment ex- (1) Liber de Castro Ambasice, cap. 6, n" II. (2) Dom Bouquet, t. XIII, p. 186. (3) Bernier, Histoire de Blois, p. 303 et suiv. quinzieme session. 139 plique leur non participation a une guerre qui devait cependant les inte*- resser, ne fut-ce qu'a cause de la proximite des territoires. L'appauvrissement des seigneurs et le de*clin de leur puissance furent en partie le re"sultat des croisades; les comtes de Blois, qui avaient montre" tant d'ardeur pour ces expeditions ruineuses, en subirent n£ces- sairement les consequences. Ces feudataires, obliges de vendre une por- tion de leurs domaines afin de pouvoir payer leurs dettes de croisades, n'eurent plus les m6mes occasions de guerroyer contre leurs voisins, ni les monies moyens de soutenir et de prolonger d'injustes querelles. Enfin, l'autorite royale faisait chaque jour de nouveaux progres, et parvint sue- cessivement a empecher les guerres prive'es dans toute retendue de la France. La cessation de ces luttes acharnles doit 6tre considered comma un des grands bienfaits du pouvoir habile, dontla pens^e constante, depuis Hugues Capet jusqu'a Louis XIV, fut d'&ablir l'ordre et l'uuite* nationale sur les ruines de la fe'odalite'. M. Bernier appelle Tattention de Tassemblee sur la mai- son dite desTonncaux, a Saint-Cyr, et qui dependait du Plessis-les-Tours ; il pense que Louis xi , qui manquait de caves au Plessis , en fit construire en ee lieu , ou Ton voit encore trois barriques destinees a contenir du vin. Selon l'auteur, cette cave etait fermee par des portes do fer, dont on voit encore les gonds , et on y arrivait par un tunnel qui passait sous la Loire , et dont il a vu lui - merae des vestiges ; il signale egalement un autre passage du memc genre sous la Vienne, a Chinon. Si cette decouvcrte etait constatee , il suivrait que les tunnels de notre epoque ne scraient qu'une reminiscence du xve siecle. Sur la 4e question : Quelle influence Foulques Nerra, comte d'Anjou , grand constructeur de chateaux, a-t-il exercee sur le de'veloppement et les progres de I' architecture militaire du moyen-agel M. de Caumont prend la parole et s'exprime ainsi : Messieurs , Voila une question bien choisie , car elle ne peut se r&oudre qu'en Touraine3 si elle obtient quelque part une solution; et nous esp^rons 440 CONGAS SCIENTIF1QUE DE FRANCE. quelle anra provoqu£, de la part des savants de Tours et d'Angers ( sans exclure du concours les antiquaires des autres pays), des recberches ap- profondies sur Page des Edifices qui doivent servir de point de depart dans la'discussion , puisqu'ils sont en quelque sorte les seuls te'moins a invoquer dans le de'bat. Les dates bien eHudides , la question n'en sera pas moins tres-difficile encore, puisqu'il s'agira de determiner si les monuments militaires de Foulques avaient, a l'e'poque cii ils furent Aleve's, plus d'imporfance que les autres, s'ils accusaient des progres, des innovations dans le sys- teme de defense ; or, la comparison demande de longues observations, en supposant que les e'le'ments ne manquent pas. Sans doute il est assez naturel de peuser que Fonlques-Nerra retira quel- que fruit de ses voyages au point de vue du perfectionnemijnt des arts ; et l'examen de certains donjons attribue's a ce prince, sembla annoncer dans ses architectes une certaitie habiletc; mais en supposant que ces donjons soient plus remarquables que d'autres que Ton pourrait citer du mfme temps , on pent d'abord faire celte question : Est-il certain que les donjons romans attribue's a ce comte d'Anjou rtaient pas ete recon- struitspar ses successeurs ? Voila ce qui , dans tout examen de ce genre, arrfite l'observateur, car les faits qui peuvent autoriser a admettre une reconstruction, ne se dCcouvrent souvent qu'apres de patientes recher- cbes, auxquelles les studieux antiquaires du pays ont seuls, le pins souvent , la possibilite de se livrer. C'est done avant tout aux savants de la region monumentale oil se tieut le Congres, a apporter, dans la discus- sion, les elements , les documents hi&toriques qui devront lui servir de base. Le Congres pesera 1'opiuion des monumentalistes, puis il ju- gera. C'est ainsi que tout proces arcbeologique doit etre conduit, instruit et termine, quaiid un jugemeut peut etre rendu, ce qui n'est pas tou- jours possible. Pour moi qui n'al fait que passer rapidement en Tonraine, la question est ardue et d'une solution difficile ; en effet, si tous les donjons n'ont pas e'te' construits en meme temps , si les uns remontent au commence- ment , les autres a la fin du regne de Foulques, ils peuvent offrir des differences quis'expliqueront dedeux manieres : selon les uns, ces dissem- Wances attesteront des progres operes sous le regne de Foulques ; mais pour d'autres, la conclusion a tirer sera que les uns sont de son epoque , les autres d'une dpoque posldrieure. Dans 1'absence de documents in- contestables , cette derniere conclusion serait m£me fort raisonnable. Un fait qui m'a frappd il y a longtemps, quand j'ai parcouru, le crayon a la main , les rives de la Loire , e'est que les mines , assez considerables encore, du donjon de Langeais, que Ton rapporte k I'a'n 999, ont encore des fen&lres dont les claveaux sont forme's alternativement de pierres cun&formes et de briques , systeme g6ne>alement usitd chez les Romaiusj QUINZIEME SESSION. 141 ainsi, ce systfcme et l'emploi de la brique dans les claveaux avait persiste jusqu'a la fin du x" siecle : je ne le retrouve ni dans le donjon de Mont- bazon , ni dans celui de Loches , ni dans quelques antres attribu^s a ce comte, et qui tous , sous ce rapport, annonceraient une date poste'rieure, une dcole d'architecture un peu diffe>ente. La, pre'cise'ment nait la difficult^ dont je parlais tout a 1'heure : faut-it attribuer cette dissemblance an progres op6r6" par Foulques , a l'e'poque ou ils furent construits, ou bien faut-il en conelure qu'ils appartenaient a des temps poste'rieurs a Foulques ? Le Congres examinera dans sa sagesse , apres avoir entendu les conclu- sions qui seront prCsente'es , les faits historiques qui seront produits , comme pieces da proce3. L'on cite parmi les donjons attribute a Foulques - Nerra , celui de Loches , un des plus remarquables tides plus importants, et que j'ai dessine* , public et de*crit dans le 5e volume de mon Cours d'antiquite's. Ce donjon s'^leve encore a plus de cent pieds au-dessus du sol; il se com- pose de deux parties , savoir : une tour principale , carre"e-longue , ayant environ 76 pieds de Test a I'ouest , et 42 pieds du nord au sud ; seconde- ment , d'une tour e*galement carre'e-longue , mais beaucoup plus petite , qui s'applique contre la premiere en formant du cdte- du sud une espece de corps avance\ Cette addition au corps principal du donjon avait primitivement la m6me hauteur que lui ; elle est a present un peu moins Cleve'e, ses dimen- sions respondent a la moitie" de la tour principale , car elle a liors ceuvre 38 pieds sur 21. On peut.la considerer comme le vestibule du donjou (1). Le donjon de Loches est si bien e'tabli, si e'le'gant dans son genre, avec ses contreforts ornea de demi-colonnes cylindriques , que je doutais , en l'examinant, qu'il aoparttnt au xi6 siecle; je supposai qu'il pouvait avoir ete" construct au xu9 siecle. Je pense que les membres de la Socie'te' Ar- chdologique de Touraine auront eclairci, par leurs recherches , un doute que j'exnrimais dans mon Cours il y a quinze ans , et qu'ils nous donne- rout des renseignements a ce sujet. Si ce chateau est du temps de Foul- ques, c'est un bel exemple des constructions militaires de l'e'poque; non-seulement , il est remarquablement bien construit , mais encore il est d'une conservation parfaite. Le donjon de Montbazon, qu'on attribue aussi a Foulques-Nerra, est moins bien conserve1 ; diverses portions out 6t£ refaites, et pourtant il offre aussi beaucoup d'inte>et. Je demanderai encore aux antiquaires de Tou- raine s'ils ont fait des recherches sur la date de ce chateau qui offre, (1J Voir, pouc la description detailfe'e du chateau de Loches, le tome V, p. 168 et suivante* J* mon Cours d'Antiquitdt, 142 CONGR^S SGIENTIFIQUE DE FRANCE. comme celui de Loches, des contreforts cylindriques , et qui paralt a peu pres du m6me temps dans ses parties les plus anciennes. Mais pour revenir a la question formulec dans le programme , peut-on voir, dans les constructions attributes a Foulques-Nerra , quelque chose de particulier, un systeme different de celui qui dtait suivi ailleurs au xi« siecle ? j'en doute : les donjons de Nogent-le-Rotrou , de Beaugency et quelques autres ddcrits dans mon Cours, sont construits d'apres les memes principes , et il serait difficile de prouver que les chateaux de Foulques aient servi de modele aux grands donjons qui s'e'leverent plus tard : disons seulement que ceux qu'on lui attribue , s'ils sont re'ellement son oeuvre, et je voudrais sur ce point de nouvelles recherches, attestent un progres marque" dans 1'architecture militaire et des constructeurs ha- biles. Mais ce progres devait s'operer en meme temps dans d'autres contrees; et la ngcessite" ou se trouverent les barons au xie siecle, et des la fin du x*, d'elever des forteresses pour conserver levr puissance et lenr s^curite , fut , sans doute , la cause principale du progres de l'archi- tecture militaire dans toutes les parties de la France. II est pourtant un point de vue a considerer, c'est que dans la France occidentale et cenlrale , les donjons romans offrent un type particulier. Ce sont, comme nous l'avons dit ailleurs, de robustes tours carrees, parfois tres-spacieuses et pouvant elles-memes soutenir un siege. Ainsi la Saintonge (tours de Pont , de Broue, de Lislot, etc. ) , la Tou- raine et quelques provinces du centre (donjons deLoches, Montbazon, Semblancay , Beaugency); la Maine ( Beaumont-le-Vicomte ) ; la Nor- mandie (donjons de Falaise , Caen, Chamboy, Arques, Brionne, etc.), avaient au xie et xne siecles des donjons Carre's plus ou moins spacieux, mais re"pondant au type du chateau de Loches, sauf les details de distri- bution : c'etait la reproduction plus on moins fidele du pr^toire des chateaux gallo-romains , dont le castellum de Jublainsnous offre des ddbris si remarqnables et si precieux. En Angleterre meme systeme , meme forme pour ces donjons des xie et xiie siecles. J'ai , il y a plus de quinze ans , compare, dans mon Cours d'antiquites , le donjon de Loches a celui de Rochester ( p. 214 et suivan- tes, t. 5e), et montre qu'ils provenaient l'un et l'autre d'un m6me systeme : toutefois , il faut le dire, celui de Rochester, qui ne date que de la deuxieme moitiC du xie siecle, annonce une fyoque plus avanc6e , plus perfectionnfo. Effectivement, j'ai demontre' que Guillaume-le-Conque>ant et ses suc- cesseurs encourageaient de tout leur pouvoir , en Angleterre, la construc- tion des chateaux forts , ce qui contribua puissamment au perfection- nement de 1'architecture militaire au xie siecle. Guillaume fut merveil- leusement seconds dans ses vues par Gundulph qui , de moine de l'abbaye du Bee , devint e>eque de Rochester. II est reconnu que cet architecte, QUINZIEME SESSION. 143 habile ing&iieur , introduisit diverges ameliorations tendant a augmenter la force , la commodity et la beaute" des chateaux. C'est a lui qu'on attri- bue les perfectionnements que montrent plusieurs donjons anglais de la fin du xie siecle , soit dans la distribution des appartements , soit dans la conduite des escaliers , soit dans les portes d'entre"e. On croit aussi qu'a- vant lui la herse n'Stait point en usage eu Angleterre. Gundulph mourut en 1095 ; les donjons de Rochester , de Canterbury et quelques autres lui sont attribuCs. ( Voy. mon Cours d'antiquitds , t. 5.) • Si le type des donjons Carre's est plus special a la France occidentale qu'a aucune autre partie du royaume , et qu'on puisse en faire remonter le typejusqu'aux chateaux gallo-romains, les perfectionnements introduits au xic siecle soit par Foulques-Nerra , soit par d'autres, consisterent dans la grandeur des Edifices et le cnoix des matiriaux plutdt que dans le plan, le patron des chateaux. Maintenant que j'ai termine sur la question formulae au programme , j'en pr&enterai iucidemment une autre qui me parait pour le moins aussi importante pour l'histoire mililaire en France et que je formulerai ainsi i Doit-on admettre que les donjons cijlindriques aient dtd adoptds sous le regne de Philippe- Auguste , de prdfdrence au donjon carrd , par- tout oil V architect ure ogivale dtait elle-meme prdfdrde a V architecture romane, mais que la forme carrde ait continue' d'etre employe' e pour la tour du donjon, dans les contrdes oil le style ogivalne s'acclimatait qu'avec peine comme dans le midi , de sorte que deux systemes au- raient dtd en vigueur durant le xmc siecle, Vun d'apres lequel le donjon carrd e'tait toujour s prdfdrd, et V autre d'apres lequel le donjon cylin- drique dtait substitud au donjon carrd. Cette question demande des Sclaircissements , je vais lesdonner : J'ai demontre' dans mon Cours d'Antiquitds ( tome 5*) , que l'emploi de la forme cylindrique , pour la tour du donjon, coincidje avec l'intro- duction du style ogival. J'ai prouvS, par des faits, que durant l'^poque de transition on avait adopte frdqueroment pour le donjon la forme cylindri- que ou polygonale (tour des Montils , de Chateaurenault, de Gisors , de Conches, etc. , etc.) , et qu'au xuie siecle les tours cylindriques tres-e*le- vdes , et dont le magnifiquc donjon de Coucy nous off re un si beau type , avaient d&idement prevalu. Mais, depuis, j'ai recueillides faits nonveaux qui me portent a croire que ces tours cylindriques n'ont £t6 aussi belles, et aussi importantes, que la ou l'architecture ogivale elle - m6me e'tait en prospe>ite. C'est principalement dans l'lle-de-France , en Champagne et dans certains debasements , oil il existe de beaux edifices religieux dans le style ogival, que je trouve les beaux donjons cylindriques : les rois de France, depuis Philippe- Auguste, par aissent avoir\affectionnd ce type; la belle tour de Villeneuve-le-Roi nous en offre la preuve. Un peu moins grande que celle de Coucy, et d'ailleurs privet de deux Stages , elle est 144 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. aussi bien construite que cel!e-ci , et pr&ente a l'int&ieur a peu pres la m6me distribution. Je trouve d'un autre c6t6 des donjons Carre's, du xrue siecle et du xive, dans d'autres pays oil le type roman et le style ogival de transition se sont conserves longtemps , de sorte que je repondrais affirmativement a la question que j'ai pose>. Ainsi se mauifesteraient, dans I'architecture militaire, des faits de syn- cbronisme analogues a ceux que nous offre I'architecture religieuse ; on aurait eu.suivant fes contr^es, deux sortes de donjons; les uns, conformes a ceux qui avaient existe anciennement , les autres , rlsultat des innova- vations introduites par les ar^hitectes qui avaient cre'e' ^architecture ogi- vale , desormais preferee dans les regions du nord et du centre (I). M. Duchallais cite un texte de la Chronique d'Anjou qui prouve que la tour de Langeais a ete construite par le pere de Foulques Nerra ; il cite deux faits contraires aux remar- ques'de-M. de Gaumont, la tour cylindrique des Montils au xie siecle, et le donjon carre de Lavardin au xrve. M. Verdier cite dans le meme sens le chateau de Charny du xme siecle, avec donjon carre, et celui de Pierrefonds construit en 1390, par le due d'Orleans, et compose de deux donjons carres accoles Tun a l'autre. Les donjons de la Tourainc ne lui semblent pas appartcnir a l'epoque de Foulques Nerra ; ceux de Loches et de Semblancay , dont il donne la description , lui paraissent etre du commence- ment du xue siecle. Ceux de Loches et de Montbazon sont quadrangulaires et flanques de contreforts cylindriques fort elegants ; l'escalier est place dans une construction laterale qui s'eieve a la meme hauteur que le donjon principal. Les autres, comme ceux du Grand- Pressigny, de Montrichard ct de Semblancay, sont de petite dimension, carres et flan- ques sur chacune de leurs faces de trois contreforts larges et peu saillants ; l'escalier en helice est place dans un des angles. (1) On dira peut-6tre quela belle lour cylindrique d'Aigues-Mortes , dite Tour de Constance, centred! t mon opinion , en ce qu'elle offre dans le midi de la France, oil I'architecture ogivale •'est tres-difficilement acclima'.ee , ua donjon comparable a celui de Coucj . puisqu'ellea 90 pieds de hauteur et 60 pieds de diametre ; e'est au contraire une prcuve a l'appui de mon systeme , car cette belle tour a ete construite par saint Louis qui s'embarquait a Aigues- Mortes pour la Terre-Sainte : e'est done 1'ceuTre d'architectes Strangers au midi el qui suiraient le type adopte par les Hois de France. QUWZIEME SESSION. 145 M. Tabbe Poquet a vu des tours cylindriqucs , des tours earrees ct des tours de forme mixte ; il cite des exeraples de. donjons carres a forme ogivale. Sur la 5e question : Quels sont les caracteres qui dijfe'ren- cient, au xne siecle, V architecture religieuse de la Tour aim et de I'Anjou de celle du Poitou ? Quelles limit es geographiques doit-on reconnaiire entre les deux regions monumentales que nousvenons d'indiquer?M. de Caumont s'exprime ainsi : Messieurs , Cette question est la plus interessante du programme au point de vue de la Geographie monumentale. J'avais etabli, il y deja longtemps, daus un apercu qui a eie" lu au Congres du Mans '(1), que l'architeiture ro- mane de la Touraiue se distinguait de celle du Poitou, de l'Angoumois et de la Saintonge. Les caracteres tires de l'ornementation la rattachent plu- tot a l'arcliitecture du Maine, de TAnjou et de la rive droite do la Loire. 11 est vrai de dire, pourtant, que les voutes en conpoles, dont la Touraiue pr&eiite deux exemples a Fontevrault et a Loches, ne se rencontrent ja- mais au nord de la Loire, et que, sous ce rapport, le fleuve semblerait former une limite entre les ecoles architectoniques; mais pour les ant res caracteres, il n'en est point ainsi, et d'ailleurs les coupoles sont exotiques en France ; elles sont a Fontevrault et a Loches une exception. J'aurais beaucoup d'exemples a ciler de moulures absolument iden- tiques et travaillees de meme dans le Maine et la Touraine (le Maus et Tours), et sur les deux rives de la Loire; ainsi les ourlets, ou bandelettes, conduits en zig-zag sur les archivoltes des arcades, des portes ou des fe- n&tres, se trouveut a chaque pas en Touraine : on les voit dans les restes de l'abbaye de Saint-Martin de Tours, comme ils existent a la cathedrale du Mans et dans d'autres e"glises du Maine et de I'Anjou, qui n'offrent que tres-rarement les tores conduits en zig-zag, si communs en Normandie, et qu'il faut bien se garder de confondre avec l'ornement dont je parle en ce moment. Evidemment, l'arcliitecture des monuments romans les plus orne's de la Touraine sont fort simples, compares a ceux du Poitou et de la Saintonge. Je ne crois pas que I'Anjou ni la Touraine aient une seule dglise a bro- il) Essai sur le syncKronisme de Tarchitecture : tome 1" p. 388 du cowpte-rendu de Ji •ession du Congres scieutifique de France , tenu au Maos en 1839. 146 CONGRES SCIENT1FIQUE DE FRANCE. deries compliqu&s a riches galons, corame Notre-Dame de Poitiers, Notre-Dame de-Saintes, comme les eglises de Civray, d'Angouleme, ni comme les deux brillantes eglises de carapagne (Retaux, Rioux), que nous roontra, en 1844, M. Lacurie. Le roman de la Touraine, du Maine et de l'Anjou, tres-diffe'rent du ro- man Norraand, se distingue done aussi par des caracteres assez tranche's du roman Poitevin. On y trouve des tores et peu d'historiation, sauf les arcades du clottre Saint-Aubin, qui sont, en quelque sorte, une exception, un bijou incruste" au milieu d'un cercle d'^glises assez simple d'orne- mentation. C'est aux hommes livr^s, en Touraine, a l'etude des monuments, a ceux qui ont arrose de leurs siteurs cette partie de la France, a determi- ner rigoureusement les limites qui peuvent etre tracers entre la region monumentale du Poitou et celle de l'Aujou et de la Touraine; la Vienne pourrait, sur quelques points, limiter les deux regions; la ligne de separation pourrait peut-etre ensuite Ure conduite au nord de Thouars, departement des Deux-Sevres. Une chose inte>essanle a indiquer, et que j'ai annonce"e pre^eddemment, c'est que le roman breton est, en quelque sorte, un embranchement du roman de la Touraine, du Maine et de l'Anjou ; j'ai regard^ la Bretagne comme formant avec les trois provinces pr^cedentes une m6me region monumentale aux xic et xne siecle, ou, si Ton vent, une sous-region. On voit que le style roman de la Touraine et de l'Anjou s'etendait assez loin vers l'ouest ; il nous serait difficile d'indiquer les limites en avancant vers Test, mais la question, telle qu'elle est formulee, demande spdciale- ment une delimitation entre Ve"cole architectonique de la Touraine et de l'Anjou, et celle du Poitou au xne siecle : or, nous venons de l'indi- quer d'une maniere gdndrale , il est vrai, mais pourtant suffisamment exacte, si Ton considere qu'en geographic monumentale il n'est pas aise de circonscrire absolument les regions, et qu'ii faut plut6t les indiquer que les tracer rigoureusement. M. l'abbe Crosnier constate l'existence de deux ecolcs ar- chitecturales au xie et au xne siecle , celle de Cluny et celle de Citeaux; l'architecture de Cluny est plus riclie, celle de Citeaux plus severe , severite qu'il faut attribuer a saint Bernard , dont on connait l'eloignement pour le luxe des eglises conventuellcs. MM. Auber et Lecointre appuicnt les observations de M. Crosnier; le dernier, surtout, en rappelant que le type general des eglises d'Angletenc est plus swre qu'en quinzieme session. 147 France , et que les eglises cisterciennes y sont aussi plus nomb reuses. M. l'abbe Poquet oppose a M. Crosnier les eglises cister- ciennes de Longpont, de Foigny et de Vauxclair, fondees au temps de saint Bernard meme , et decodes avec magni- ficence. M. Crosnier admet quelques exceptions a la regie qu'il a indiquee. M. Bandeville pense qu'il faut distinguer les epoques de la fondation des eglises : celles qui ont etc baties avant la fameuse apologie de saint Bernard, ont pu etre construi- tes avec tout le luxe d'ornementation que le Saint n'avait pas encore si ouvertement reprouve , tandis que le contraire peut se remarquer dans celles qui sont posterieures. M. le president appelle la discussion sur la 7e question : Tracer Vhistoire de V organisation des classes infe'rieures de la societd sous les Romains et pendant le moyen-dge. M. Roustain , inscrit le premier pour traiter cette ques- tion , en fait preceder 1'exposition par un coup-d'oeil sur la condition de la terre et de ses detenteurs , soit chez les Romains , soit dans la France du moyen-age , avant l'eta- blissement de la feodalite. Messieurs , Lorsqu'une nation se forme par voie de d&loublement , comme la Grece moderne et la Belgique, les propriety resteut, en general, ce qu'elles eHaient avant la separation , et comme 1'affranchissement du sol par ses ddtenteurs n'est pas une conquete, le simple deplacement de la souverainete" ne suffit pas pour amener une repartition nouvelle du territoire. II en est autre- meut lorsqu'une nation s'etablit par droit d'occupation ou par voie de conquete, lorsqu'elle prend possession d'un terrain libre ou qu'elle chasse devant elle les precedents possesseurs du terrain qu'elle envahit. Dans ces deux dernierscas, la prise de possession , soit inoffensive, soit militaire, ayant lieu au nom de la nation , il en resulte une propriety collective, qui se transforms tot ou tard en propriety iudividuelle. C'est ainsi que les Romains se sont etablis en Italie et ailleurs , et c'est ainsi encore que les barbares se sont &ablis dans la Gaule. i48 CONGRES SCIENTIF1QUE DE FRANCE. Des J'origine de Rome , on trouve le territoire romain ( ager romanus ) divise en trois parties. Une premiere partie elait affect ee aux besoins du culte ; une seconde avail ete distribute eiitre les citoyeus : c'est Vager privatus. Une troisieme , retenue par l'Etat , correspond a ce qu'ou ap- pelle en droit francais domaine national (1). Elle se composait de deux elements : elle comprenait les biens alfoctes a une destination publique (res publicce), dont l'usage eHail commun a tous (2), et des bien qui con- stituaient pour 1'lttat une source de revenus, mais quietaient exploits en son nom comme s'ils eussent appartenu a des particuliers. Ces biens, dont l'ensemble e"iait compris sous la denomination d'ager publicus, ne pou- vaient etre alines qu'en vertu d'une disposition legislative. Les portions non alienees etaieut abandonnees a des citoyensqui devaient payer a l'Etat une redevance. Ces portions , appetees possessiones , etaient le plus sou- vent envahies par les patriciens et les chevaliers. Comme les concession- aires ne pouvaient ou ne voulaient pas cultiver par eux-memes, ils con- c^daient a leur tour les jiossessiones a leurs clients , mais a titre pr^caire , c'est-a-dire a la charge de les rendre a leur premiere requisi- tion. (3) Vager publicus s'augmentait par les conquetes de Rome, mais en meme temps il £tait diminu6 par suite des lois agraires, qui avaient pour but d'en faire de nouvelles repartitions entre les ciloyens pauvres , et de substituer a une possession precaire une propriete permanente , ou du moins un bail soumis a des conditions fixes de durde. (4) Le m6me systeme tftait suivi pour la fondation des colonies civiles ou militaires, soitdansle Latium (5), soit dans les autres parties de l'ltalie, soil dans les provinces (6), et pour l'abandon des funds provinciaux a de simples particuliers (7). Ces concessions, etant irrevocables , differaieut completement des simples pennis de culture que delivraient lea patriciens a leurs clients ; aussi la possession des fonds stipendiaires ou tributaires a-t-elle ele convertie sous Justinieii en un droit de propriety. (8) Si des Romains nous passons aux barbares , nous voyons des faits sem- blables se produire et des institutions analogues se developper. Lorsque les bandes guerrieres de la Germanie envahirent la Gaule , une sorte d'ins- (1) Denys d'halic. , antiquites romaines , lir. II , § 7 ; Cicer. , de Republ. , lib. II , § 14« (2) Justin, . J., de rer. divie. , § 2. , (3) V. Niebuhr, histoire romaine , trad, par M. de Golbery , torn. HI, pag. 191 et suir. (4) V. M. Charles Giraud, Recherches sur le droit de propriete chez les Romains, lir. tl, cbap, 1". (s) Gaiua, J. , coram. I, g 131 ; coram. Ill , § 86. (6)Y. M. Charles Giraud , Histoire du droit Romain , 1" periode , sect. lr,( chap. 3, § i,! et 3. (1) Gaiua , J. , comm. II , § 7. (8) Juatin, , J. ,dc rer, iivis, , § 40. QUINZIEME SESSION. 149 tinct les poussait a abdiquer leur existence aventureuse et a se fixer en- fin sur Ie sol d'une patrie adoptive. La propri^te immobilize etait devcnue pour eux un besoin qu'il fallait satisfaire a tout prix. 11 y eut done, dans la Gaule conquise par les barbares, comme dans le territoire de l'ancicnne Rome,un partagedes terres. Ce partage, du reste, ne fut point ope"r6 partout de la meme maniere. II importe de distinguer , a cet egard , le systeme des Francs de celui des Bourgnignons et des Visigoths. L'un des re"sultats de la grande invasion qui signale la premiere moitie du cinquieme siecle, est l'etablissement des Bourgnignons au centre de la Gaule et des Visigoths au midi. Pendant que les Vandales, les Alains et les Sueves, apres avoir traverse la Gaule comme un torrent devastateur, se ruaient sur l'Espagne, les Bourguignons, d'abord entrained a leur. suite, s'arretaient a moitie" chemin , et s'estimant heureux de conquerir la partie centrale de la Gaule, ils finirent par fixer a Lyon le siege de leur empire. A la mfime £poque , les Visigoths , vainqueurs de Rome, charge's des ddpouilles de l'ltalie, cherchaient encore de nouvelles conquetes : ils occuperent la region mendjonale de la Gaule et y fonderent un royaume dont Toulouse devint la capitale (1). Ce double etabiissement ne pouvait etre constitue" sans une assignation de terres , et les lois des Bourguignons et des Visi- goths nous montrent comment il a Cte procCde a cette assignation. Aux termes de ces lois, les vainqueurs s'approprierent les deux tiers des terres, et les domaines ainsi attribue"s aux barbares furent appeles sortes (2) Du reste, comme le fait observer M. Guizot (3), « il est absurde de sup- « poser que les conquerants procederent a cet egard , dans leurs relations « avec les anciens habitants du pays , par une sorte de loi agraire uni- « versellement et systCmatiquement applique^. Chaque guerrier, assez « important pour se faire ou pour qu?on lui fit une part, prit ou recut « les deux tiers des propri£t£s dans le territoire qui lui fut assign^. » Pendant l'invasion des Bourguignons et des Visigoths , la position des Francs n'avait pas change^, du moins d'une maniere sensible. Etablis de- puis longtemps , les uns sur les rives du Rhin , les autres dans le nord de la Gaule , tantdt ils entreprenaient des expeditions contre les Romains, tantdt ils servaient de boulevard a l'Empire , qu'ils protegeaient contre les incursions des autres barbares. Les succes des Bourguignons et des Visi- goths stimulerent leur instinct guerrier, qui se de"veloppa avec plus d'£- nergie encore sous le regne de Clovis , apres la chute de l'empire d'Occi- dent. Conduits par Clovis, les Francs ftendirent au loin leurs conquetes (i) V. M. Lafefriere , Histoire du droit civil de Rome et du droit francos, lir. Ill chap. 4, § 2, (2) Lex Burgundionum , tit» 1 , § 1 ; tit. 84 § 1 ; tit. 84 , § 1 ; Lex Wmgatlwrum , lib. X tit. 1 § 8. ($) Essais sur l'Hiitoire da France, 4* ertai, cliap. i« § 1". 10 150 CONGRES SCIENT1FIQUE DE FRANCE. et agrandireut considerablement leur territoire. Rien n'indique, cepeii- dant , que, meme dans les pays oil iis s'^tablirent d'une maniere definitive, ils aiei.t procede a des assignations de terres sur les m6mes bases que les Bourguignons et les Visigoths. Le silence de la loi salique et de la loi ripuaire, confirme" par celui des historiens, est, a cet egard, un fait assez significatif. « 11 est plus vraissemblable, dit M. Pardessus (1), que « les vaiqueurs, non sans doute par esprit de justice , mais parce qu'Us « n'avaient pas un inteVet plus grand, se contenterent de confisquer les « benefices des magistrats, des chefs, des soldats romains, les biens des « families detruites par le fait de la guerre ou qui s'etaient expatriees, « tout ce qui composait le domaine imperial , peut-etre m6me uue partie « des biens des cites. » Ce qui donne a cette conjecture un grand degre de vraisemblance , e'est qu'il y avait dans le nord de la Gaule beaucoup de terres appartenant a l'Etat, a des colonies militaires ou a des cite"s. lilvidemmeut il y avait la de quoi satisfaire ce besoin de poss^der qui ca- racterisait alors toutes les peuplades barbares, d'autant mieux que les Francs avaient, comrae les anciens Germains , une sorte d'aversiou pour l'agriculture. D'ailleursles Francs, qui, loin de placer les Gallo-Romains sur le pied dTegalit£, comme le faisaient les Bourguignons (2) et les Visi- goths (3), professaient pour eux un profond mepris, qu'atteste sulfisam- ment le systenie de composiiion suivi par la loi salique (4) et la loi ripuaire (5) , leur inspiraient assez de terreur pour que beaucoup dussent fuir a leur approche et laisser un certain norabre de biens vacants. Toutes ces considerations prouvent de plus en plus que les Francs n'avaient point, pour depouiller des terres qu'ils poss^daient les habitants des provinces couquises , les mernes motifs que les Bourguignons et les Visigoths. En un mot, les Francs se distribuerent une portion des terres conquises, comme les autres barbares ; mais, pour proedder a cette distribution , iis n'eurent pas besoin de depouiller les possesseurs. Quelque mode qu'aient suivi les barbares pour s'approprier une partie du sol de la Gaule , il importe de savoir comment le partage a ete" effectue. La repartition des terres a-t-elle ete" faite par portions viriles ou par masses? Telle est la question a examiuer. 11 nous parait difficile de sup- poser que le partage ait et6 soumis a la regie d'une egalite absoluc. Les rapports de subordination et de hierarchie qui existaient cutre le chef de bande et ses compagnons , ne permettaient en aucune maniere un tel re"- sultat. Si, comme nous l'avons remarque d'apres M. Guizot, les Bour- (1) Loi salique, disseitation 8". (2) Lex Burgundionum , tit. 10 , § 1, (3) Lex Wisigothorum , lib. II, tit. 1, § 9. (4) Lex aalica emendata, tit. 18 , § § 2 et 3 ; lit. 34 , § § 3 et 4; tit, 44 , § 4, (5J Ltx ftipwriorum, tit 36 , § § 1 et 4 ; tit. 61 § 3, QVINZ1EME SESSION. J5| guignoBS et les Visigoths eux-memes , en s'appropriant les deux tiers du territoire conquis, n'ont pas du suivre partout un systeme invariable , ils n'ont pas du non plus proce"der d'une maniere syst^matique dans la r6- partition qu'ils ont faite entre eux des terres dont ils s'etaieut attribue' la propriety en quality de vainqueurs , et cette derniere observation s'ap- plique a plus forte raison aux Francs, chez qui les assignations territoriales ne paraissent pas avoir une base fixe. II y a tout lieu de croire que dans ces partages, I'importance des chefs a jou£ un plus grand role que le noinbre des parties prenantes, et que , dans les diverses regions du territoire con- quis, les ditterents chefs ont recu, chacun pour lui et les siens, des assi- gnations de terres proportionne'es a leur importance respective. C'est ce que parait supposer M. Guizot dans le passage prec^demment cite". S'il en est ainsi, chaque chef de bande s'est reserve" le meilleur lot, et ses com- paguons n'ont eu le plus souvent que ce qu'il a juge* a propos de leur attribuer. Mais, pr6cise"ment parce que les chefs avaient conserve' par devers eux la portion la plus notable des territoires attribues aux vain- queurs, ils avaient, longntemps encore apres cette premiere repartition, les moyens d'en faire de nouvelles , de meme que la republique romaiue , apres avoir assigne a des citoyens pauvres, des terres de Vager publicus , etait encore en raesure de proceder a des assignations ulterieures. Ainsi, apres l'iuvasion , les guerriers germains suivaient , a regard de leurs com- pagnons , a peu pres le meme systeme qu'auparavant. Dans les forels de la Germanie, ils s'attachaieut leurs compagnons par des duns mobi- liers (1); une fois fix£s sur le sol , c'^tait le plus souvent par des con- cessions immobilieres qu'ils associaient a leur fortune leurs leudes. Telle est l'origiue des b&i&ices. Le caractere des bdneTices a varie suivant les temps et les circonstances. C'etaient tantot des concessions a titre prtfcaire , qui rappelaient jusqu'a un certaiu point le precarium des Romains , tautdt des concessions re- vocables seulement sous certaines conditions , par exemple , pour vio- lation de l'engagement contracts envers lechef (2). Ces concessions, d'a- bord personnelles , finirent par devenir hereditaires , et c'est alors que la feodalite" fut fondle. C'est ainsi que depuis l'origiue de Rome jusqu'a 1'etablissement du regime feodal , la propriety territoriale se pr&ente tantdt comme collec- tive, tantot comme individuelle, et que la propria individuelle elle- m£me tantdt semble se confondre avec une possession precaire , tant6t re^unit toutes les conditions de la stabilite. L'orateur termiue son interessante communication par (\) facittu, Germanta, cap. 14. (») V, M. Pardwiw, Ui saline f difseiUtioa 6% i52 CONGRES SCIENTIFIQUE DE PRANCE. un savant apercu sur Forganisation politique et sociale des Re-mains, comparee a celle de la France moderne. L'un des problemes les plus interessants de notre epoque est celui de rorganisation des classes inferieures de la society. Deja bien des solutions ont ete proposes, les unes te'me'raires , les autres insuffisantes ; bien d'autres seront proposers encore, et sans doute il est reserve' au temps, notre grand maitre a tous, de faire pr^valoir la meilleure. Mais il ne convient pas a tout le monde d'attendre avec une patience exemplaire les effets salutaires que doit produire a la longue le jeu re"gulier des institutions representatives, et dans Fanxiete qu'amene a sa suite la lenteur du travail des siecles, les douleurs populaires se font jour de temps a autre, en exhalant le cri du desespoir. II serait dangereux de comprimer ces plaintes , mais il ne le serait pas moins de leur donner une satisfaction premalure'e. Dans cette epoque de transition qui est la ndtre, le rdle du publiciste est de faciliter l'ceuvre du temps en indiquant toutes les amelio- rations progressives qui sont compatibles avec les exigences de l'ordre public , et celui de l'historien est de rendre plus supportables des miseres transitoires, en mettant en regard, par forme de repoussoir le tableau de'solant qn'offre Fhumanite presque entiere dans les siecles qui ont pre- cede le ndtre. Cette sorte de consolation, l'histoire du peuple roi l'offreplus qu'au- cune autre peut-etre , et I'etude de la constitution romaine , compare'e a celle qui nous regit, est un des meilleurs palliatifs qu'on puisse appli- quer, apres avoir epuise tous les remedes , aux miseres des populations souffrantes. La raison en est simple: le premier element de la prosperite d'une nation et des membres qui la composent, c'est l'homoge'ne'ite' , c'est Fidentite de condition de toutes les parties du territoire et de tous les individus qui y sont Axe's a perpetuelle demeure; or, on peut dire sans temerity , d'une part, que la France est de toutes les nations la plus homo- gene; d'autre part, que, parmi les peuples de Fantiquite, le peuple romain est un de ceux oil se dessine avec le plus de vigueur un caractere hierar- chique, applique au sol comme aux habitants. C'est a marquer cette profonde dissemblance dans l'organisation politique et sociale des deux peuples que nous allons nous attacher. La revolution de 1789 a niveie le sol de la France en brisant le faiseeau des provinces , et la condition du territoire y est partout la meme , sauf l'exception, temporaire sans doute, admise pour les colonies. Chez les Romains, au contraire, on trouve les dissemblances les plus marquees entre Rome, Fltalie et les provinces. Sans doute le sol provincial, dont le domaine £tait repute appartenir au peuple romain ou a Fempereur, etait concede a des particuliers; mais, en compensation de la redevance qu'ils versaient, sous la denomination de stipendium ou tributum, dans la QUINZIfiME SESSION. 153 caisse du trdsor public (cerarium) ou dans celle du tr&or du prince {fiscus) , les concessionnaires n'avaient qu'un simple droit de jouissance , qualify seulement usufruit ou possession (I). Si de la condition du sol nous passons a celle des habitants , nous retrou- verons encore dans chacun des deux pays le meme caractere. Chez nous, la liberty n'est pas seulement le droit commun: c'est la condition nCcessaire de l'existence sociale. Le principe fondamental subit encore une alteration dans nos colonies; mais une pareille atteinte aux droits imprescriptibles de rhumanitC ne peut durer longtemps encore , et il n'est* pas te^mCraire de penser que notre siecle aura la gloire d'avoir fait disparaltre les derniers vestiges de l'esclavage, cette odieuse exploitation de l'homme par l'homme. Chez les Romains, au contraire, la distinction de l'homme libre et de Phomrae esclave n'est plus un simple accident , c'est une des bases fondamentales de la society. Meme alors que le chris- tianisme est assis sur le trone , cette distinction constitue la division prin- cipale des personnes. Summa divisio de jure personarum , dit Justinien , dans ses Institutes (2) , here est, quod omnes homines aut liberi sunt, aut servi. On s'est demands comment l'esclave , qui est une chose , peut etre en meme temps une personne. La solution de cette question contierit la thdorie complete de l'esclavage romain. II faut remarquer, a cet £gard , que si l'esclavage est une chose sous un point de vue, il est une personne sous uu autre. C'est une chose dans ses rapports avec son mattre, car son maltre a sur lui un droit de proprie'te'; mais c'est une personne dans ses rapports avec les tiers , car il a recu, dans 1'intCret de son maltre, l'aptitude a acque*- rir les memes droits que les personnes libres, en sorte qu'il est pour son maltre un instrument approprie" a l'acquisition de toute espece de droits. Du reste, la condition legale des esclaves romains 6tait pour tous la meme. Leur condition de fait, seule, £tait diffe>ente, inde"pendamment meme de la rigueur ou de l'humanite' de leurs maltres; et c'est ainsi que les uns exerc,aient des professions liberales; que les autres remplissaient des fonctions analogues a celles de re"gisseurs de propriety rurales , et que d'autres, enfin, n'^tant a peu pres bons a rien, restaienta la porte, dans une espece de loge, pour veiller a la surete* de la maison. Meme deduction faite des esclaves, la condition des personnes dans le monde romain offre encore de nombreuses varietCs , qui ne se rencontrent pas chez nous. En France, Tunite* nationale est un fait consomme" dans l'ordre politique (1) Gaim, J. , eomm. II § 7. (2) D« jur. person. , pr. 454 congr£s Scientifique de prance. depuis t789,etdans l'ordre civil depuis 1804. En consequence , tous les Francais jouissent du bieufait de 1'egalite civile (1). De meme, dans l'ordre politique, ce n'est ni le lieu de la naissance ni Torigine qui determine les droits. La quality de citoyen appartient a tous ceux qui , par leur sexe et leur age, paraissent offrir a la societe des garanties suffisantes, a moins que les accidents de leur position sociale ne soient venus alterer leur inde"- pendance, ou que leur incapacity ne rCsulte de l'inertie de leurs facultCs intellectuelles , ou que leur indignity ne soit constatCe par une sentence criminelle (l). Chez les Romains, au contraire, l'£tat Ctait un compose' de nationality diverses , et cette diversity d'origine agissait non-seulement sur la condition politique, mais meme sur la condition sociale deses membres. Ainsi, soit dans l'ordre politique, soit dans l'ordre civil, ce n'etait pas seulement par le sexe, par l'age , par la position acquise dans la society, e'etait aussi et surtout par le hasard de la naissance que se mesuraient les droits. Tandis qu'en general les elements constitutifs d'une nation tendent a se rapprocher pour se confondre, a Rome, l'orgueil de la conquete etait un obstacle a cette fusion, et si les anciens Romains consentaient a incor- porer dans leurs rangs les snjets des nations conquises , ils ne les admet- taient pas Cgalement au partage du droit de cite , de ce droit que les rois eux-memes enviaient. La nation romaine se composait done de deux ele- ments principaux : elle comprenait, d'une part, les citoyens romains, et de l'autre, les peregrini, denomination qui semblait une protestation per- manente contre l'assimilation des vaincus aux vainqueurs. Dans l'origine, tous les peregrini etaient sur la meme ligne : pour tous la condition poli- tique et sociale etait la meme, et se resumait dans la negation du droit de cite" romaine, Plus tard il fallut bien se departir de cette regie absolue, et il se forma diverses classes de peregrini, ayant chacune des droits differents. C'est ainsi que des conditions plus favorables furent accordCes aux Ro- mains qui s'expatriaient pour former des colonies latines (3) ; que d'autres concessions furent faites aux cites italiques, surtout a l'epoque de la guerre sociale (4) , et que la loi Junia Norbana placa dans une position intermediaire entre les citoyens romains et les peregrini proprement dits, les esclaves affranchis par un maitre qui n'avait pas le domaine quiritaire , ou dans des formes que ne reconnaissait pas le droit civil (5). C'est ainsi , en sens inverse, qu'on traita avec rigueur, en les reieguant au dernier rang dans rechelle des peregrini , ceux qui , apres avoir pris les armes contre Rome, s'etaient rendus a discretion , et ceux qui , ayant encouru une note (1) Cod. civ. , art, 8 ; Chart, const, , art. l'r. (2) Const, du 22 frimaire an VIII , art. 2 , 4 , et B. (3) Gains, J. , comm. I, § 131 ; comm. II, § 56. (4) V. M. Charles Giraud , Recherches sur le droit de propriete cher les Romains, liv. II, chap. 3 , § 5 , n* 3 (5) Gaim , J. , comm, I , § 22 ; comm. Ill, § SO ; Ulp. , fr. , tit. 1 § § 1Q et 16. QUINZIEME SESSION. 155 d'infamie dans I'&at d'esclavage , avaient ensuite 616 affranchis(l). De la de nombreuses varies , que la constitution de Caracalla ne fit point dispa- raltre complement , qnelque g6ne>aux que soient les termes de cette constitution, suivant Ulpien (2). Sous Justinien, Tunite" nationale existe enfin dans le monde romain, mais c'est que la nation romaine a cesse" d'exister. On peut dire alors , en parodiant le vers de Corneille : Rome n'est plus dans Rome i elle est a Comtantinople, Revenons aux Romains, et faisant de'sormais abstraction des peregrini, concentrons notre attention sur les citoyens dans lesquels se resume la puissance romaine. Nous les trouvons divise's en patriciens et pleMiens, en patrons et clients. La lutte du patriciat et de la plebe est pendant plusieurs siecles tout le fond de l'histoire romaine ; elle est alimented par les contestations aox- quelles donnent lieu la possession de Vager publicus , et la condition miserable des next et des addicti (3). Mais il est dans la destinee des aris- tocraties de de'pe'rir, de se consumer lentement jusqn'a leur extinction to- tale. Les institutions de Servius Tullius, le tribunat pl^beKen, le premier dCcemvirat, la transaction constitutionnelle ope're'e entre les deux ordres sous le nom de loi des Douze Tables, la communication du connubium aux ple'beiens par la loi Canuleia, la substitution temporaire du tribunat militaire an consulat, et la promotion des ple'beiens aux premieres dignitfo de la re>iblique , depuis la qoesture jusqu'au grand pontificat, furent au- tant d'atteintes porters successivement a l'aristocratie patricienne. Vers la fin de la r^publique, les anciennes gentes £taient dteintes pour la plupart, et les curies n'avaient plus guere qu'une existence nominale. Quant a l'an- cienne clientele, elle n'avait pu register a rinfluence des lois agraires, qui, en assorant 1'independance des ptebeKens appelds au partage de Vager publicus, relSchait le lien par lequel ils Ctaient attache's aux patriciens. La France aussi a eu son patriciat dans l'aristocratie du moyen-Sge, et scs clients dans les vassaux de la feodalite' ; mais aujourd'hui elle n'a plus de plebeiens, et parmi les diverses fractions dont sa population se com- pose, il n'en est aucune qui puisse pre'tendre a exercer un droit de patro- nage sur les autres. En un mot, les Frangais sont e'gaux devant la lot, quels que soient d'ailleurs leurs titres et leurs rangs (4). Nous avons successivement conside>6 : 1° tous les sujets romains sous le. point de vue de la liberty qui appartenait aux uns et Ctait refusee aux \ (1) Gaiut, J. , coram. I , §§ 13 — 15 et 23 - S7 ; Ulp. , fr. , tit. I, § 11. (2) B.,de ttat. Horn. , fr. 17. (8) V. M. Charles Giraud , des Next ou de la condition des debiteurs che* les Romains, (4) Chart, const, , art 1". 156 CONGRES SCIENT1FIQUE DE FRANCE. autres ; 2° les sujets romains libres sous le point de vue de la nationality ; 3° les citoyens romains sous un autre point de vue, celui de l'organisation de la famille. Chez nous, le lien de famille se relache, la puissance paternelle s'affaisse, la puissance maritale decline. Chez les Romains, la famille etait organised d'une maniere bien plus puissantc, bien plus dnergique. Le pere de famille e*tait un chef qui exercait en quelque sorte la toute-puissance sociale sur tous les membres de lafamille.il avait, sauf quelques modifications, le droit de vie et de mort sur tous ses sujets. Ce n'est pas a dire, cependant, que son autorite' s'exercat sur tous de la meme maniere. Si les uns e"taient esclaves , les autres c'taient libres. Ces derniers, appele's sp^cialement liberi, par opposition aux premiers, n'Ctaient autres que les descen- dants du pere de famille, et Ton concoit que la nature du lien qui les rat- tachait a lui dut apporter quelque temperament a la rigueur de son autorite'. 11 ne faut pas croire, toutefois, que la portion libre de la famille romaine se recrutat absolument comme se recrute la famille moderne. Ce n'&ait pas, comme aujourd'hui, le seul lien du sang qui assignait a chacun sa place dans une famille : c'^tait la descendance masculine , en sorte que deux personnes n'appartenaient a une meme famille qu'autant qu'elles descendaient d'un auteur commun par les males. Deux freres germains ou consanguins 6taient de la meme famille, mais deux freres ute>ins se ratta- chaient a deux families diffdrentes. Les enfants appartenaient a la famille de leur pere ou deleur ascendant paternel, et nona cellede leur ayeulmaternel ou de leur mere : aussi a-t-on dit avec beaucoup de raison qu'une femme, a Rome, n'avaitque des enfants naturels. Meme a I'dgard de leur pere ou de leur ayeul paternel, les enfants c'taient strangers, c'est-a-dire exclus de la famille, s'ils n'e'taient pas issus des justes noces ; mais, dans le cas contraire, ils c'taient membres de la famille, et place's sous la puissance de leur au- teur commun (l). Les Romains s'enorgueillissaient de celte puissance, qui n'existait nulle part ailleurs. Nulli alii suht homines, dit Ga'ius (2), qui talem in filios suos habeant potestatem, qualem nos habemus. Chez nous, la femme n'entre pas dans la famille du mari , mais elle ne conserve pas sa condition legale ant6rieure, qui se trouve modified par l'exercice de l'antorite' maritale. Chez les Romains, la femme n'apparte- nait pas a la famille du mari par le fait seul du mariage, mais elle pouvait y entrer en passant in manum mariti , soit par une cer^monie religieuse qu'on appelait confarreatio, soit par un achat solennel qui portait le nom de coemptio, soit par la possession annale que la loi des Douze Tables exigeait, a deTaut d'aliCnation volontaire, pour l'acquisition des choses (\) Justin. , J. , de patr. potest. , § 3 ; de legit, ad Jnat Mil. , § 1. (2) J. , comm. I , § «t», V, Justin., J. , de patr. pottst, , § 8. quinzieme session. 457 mobilises. Alors elle appartenait tellement a la famille de son mari qu'elle 6tait conside>6e comme fille de celui-ci et comrae soeur de ses enfants (1). Du reste, si elle ne passait point in manum mariti, elle consemit entie- rement, nonobstant le mariage, sa condition legale antdrieure. Enfin, dans notre droit, la femme majeure, non marine, jouit d'une com- plete inde'pendance ; dans le droit romain, au contraire, la femme sui juris, c'est-a-dire celle qui avait ou plutot qui e*tait cens£e avoir une condition legale iudCpendante, n'en 6tait pas moins soumise a une tutelle perpe'tuelle, non a titre de protection, mais a titre de garantie contre des alienations ou des engagements qui auraient pu frustrer ses he'ritiers pr&omptifs (2). La seance est levee a neuf heures et demie. Seance du 9 geptembre* Presidence de M. Tabbc Bourasse\ M. Vabbe Manceau secretaire. Presents au bureau : MM. Cartier, Tailliar, les abbes La- curie et Crosnier, vice-presidents. M. Salmon, les abbes Bandeville et Manceau, secretaires. La seance est ouverte a sept heures. M. l'abbe Bandeville a la parole pour lire le proces-verbai de la seance precedente; il est adopte. L'ordre du jour appelle la discussion de la 7° question du programme, ouverte dans la seance d'hier : Tracer Vhis- toire de I 'organisation des classes inferieures de la societe' sout les Romains et pendant le moyen-dge. (1) Gaiut, J. , comm. I, §§ 110 - 113 ; UIp, fr. , tit. ». (2) Gaiut, J. , comm, I, §§ 144, 19<>, 192 «t f9$; UIp-, ft. , tit. 11 , gfit . 18 — 5* et 27. 158 CONGRES SCIENTIFIQUE DE PRANCE. M. le marquis d'Argenson obtient la parole et s'exprime ainsi : Messieurs , La question pos£e par le programme est tellement vaste, qu'elle n'a pu etre aborde'e que tres-incompletement , m6me dans le savant discours que vous avez entendu. II vousae'te' parte de la condition despers<>nnes sui- vant le droit romain. Restait a traiter le droit de propriety chez les Romains , la condition des personnes et des proprie'te's au moyen-age et dans l'histoire moderne. Je ne puis avoir la pretention de ddvelopper cet immense sujet , et me bornerai a quelques mots jete's a la hate , sur ce qui compose, selon moi , le deuxieme terme de la question , le droit de propriety. La proprtett, la jouissance exclusive d'une portion de la terre par cha- cun des membres de l'association , est une ide*e qui nous semble bien simple , et en realite* rien n'a 6t6 plus lent a s'etablir. Des nations en- tires ne 1'ont point comprise et ne la concoivent ra&me pas de nos jours. Ainsi, chez les peuples sauvages, la proprie'te' personnelle consiste a peine dans celle de la femme , des enfants , de quelques instruments de chasse et de guerre. Chez les peuples pasteurs, il existe de'ja une proprie'te du sol ; mais elle est collective. Elle appartient a l'ensemble de la tribu, a la peuplade entiere, et ne se subdivise point entre ses membres. Une cer- taine Vendue de territoire sert de paturage a toute la tribu, et l'individu ne possede en propre que sa tente , ses troupeaux , son mobilier pastoral. Tel est l'ordre de choses qui regne encore chez les Tartares, et chez les Arabes de l'Algerie. La proprie'te' du sol fait un pas de plus avec l'introduction de l'agricul- ture. Elle ne cesse pas a proprement parler d'etre collective entre les membres d'une meme peuplade. Seulement chacun a droit a la re'colte du b\6 qu'il a lui-m6me seme\ au produit de son travail annuel. La terre n'a pas cesse" d'etre commune ; les fruits de la terre sont seuls partagds en pro- portion du travail de chacun. Encore chacun n'a-t-il droit qu'a la re'colte a laquelle il a concouru, et non a celle que produira le mfime champ dans le cours de 1'annde suivante. La proprie'te' attribute a des communaute's d'habitants , et la simple repartition du produit annuel snivant le travail de chaque membre , a e'te" le mode usit^ chez les Germains , selon Tacite. Il a probablement exists dans 1'ancienne Gaule. Ce mode existe encore dans une majeure partie de l'Kurope; en France meme, on en retrouve des traces nombreuses, malgre' les efforts de la legislation qui a tonjours eu pour but de favoriser le partage individuel. Ainsi dans les Pyrenees , les Alpes , dans les Vosges , le Jura , les Ce*- QUINZIEME SESSION. 4 89 vennes, contrees oil tes moeurs pastorales ne se sont point effaces , le pays tout entier appartient a la commune. C'est a la fois la montagne et la val- ine , le paturage communal , la for6t communale , les marais , les etangs de la communaute. II n'y a guere de possede isole'ment que les maisons , et tout au plus a 1'entour un petit enclos , un jardin. Tout ce qui est en dehors appartient a la commune , c'est-a-dire a l'ensemble des families qui composent leur population. Les strangers qui ne font point partie de la communaute , les simples manans ou passagers , sont soigneusement exclus de ce droit d'usage. Ce mode de posseder , dont les traces sont en- core reconnaissables , m6me dans les pays ou la culture est le plus avan- cee, sousle nom de parcours, glanage, vainepature, buchetage, etc., a du moins , a travers ses inconve'nients, ce pr^cieux avantage qu'avec lui, la misere extreme est inconnue. Le froid, la plus grande souffrance du peu- ple dans les climats du nord, ne saurait l'atteindre, ayant sa provision de chauffage assure'e. La propriete individuelle , celle qui attribue une part spe'ciale a chaque membre de 1'association , naquit chez les peuples les plus avances en civi- lisation. Elle a exists chez les peuples de l'antiquite, et particulierement chez l»>s Romains, dont les usages out eu une si grande influence sur nos lois. Chacun eut son lot, sa part tres-inegale sans doute de la terre et de ses produits ; ou plutdt la terre fut rdpartie entre les hommes libres. Mais ces hommes libres n'etaient eux-mGrnes qu'une faible partie de la popu- lation. L'immense majorite etait esclave, et comme on vous l'a dit, Fesclave n'est pas un homme, il est une chose. 11 fait une partie essen- tielie de cette proprie'te' qu'il fe'conde de son travail , et comme tel il appartient au maitre de la terre. Voila l'e'tat de la legislation sous les Ro- mains, et jusqu'au temps du Bas-Empire. Arrive 1'invasion des peuples barbares. Ceux-ci ne s'entendaient guere en agriculture. lis 1'avaient mfime en souverain mepris. Us etaieut a l'e'tat de nations guerrieres et nomades. En certains pays ils devasterent tout, massacrerent jusqu'au dernier individn de la population sedentaire, et convertirent les champs cultives en vastesp&turages. H&tons-nous de dire que pareille desolation n'eut pas lieu parmi nous. C'eut ete d'ailleurs un tres-mauvais calcul. Soit grace, soit moderation, soit impuissance des vainqueurs, les vaincus furent en general epargnes. Le Romain libre et le Gaulois esclave conserverent m6me a peu de chose pr&s leur condition anterieure, seulement ils devinrent les tributaires, les sujetsdu Franc do- minateur. Mais les Francs a leur tour procederent au partage de la conqnSte sui- vant les principes d'une hierarchie savante et bizarre , que Ton appelle le regime feodal. Le chef de la nation infeode la terre conquise a ses fideles , ceux-ci a leurscompagnons, et ainsi de suite ; en sorte qu'a partir du der- nier rang jusqu'a la sommite de la nation, s'etablit une suite d'echelons , 160 CONGR& SCIENTIFIQUE DE FRANCE. sur laquelle vient se distribuer la population victorieuse. Tel fut ce vaste rdseau feodal , aux mailles tellement enchevetr^es que Montesquieu lui- meme , en son Esprit des Lois, renonce a en derouler les anneaux , trou- rant ce travail trop minulieux et trop complique\ Beaucoup ont entrepris d'y supplier, mais de maniere a donner raison a la modestie du grand e'en vain. A proprement parler, tout fief releve d'un fief sup^rieur ou dominant , celui-ci d'un autre, puis d'un troisieme , jusqu'a ce qu'enfin Ton arrive a cette fameuse tour du Louvre , qui recele en ses caveaux la cl6 de toutes les forteresses fe"odales. De ce mode de relief, natt l'hommage feudal, qui implique des devoirs et obligations, militaires pour la plupart, dont le mauquement entralne la perte du fief, de meme que le suzerain encourt dechCance suivant le jugement de ses pairs, s'il neglige ses engagements envers son vassal. Car il est reconnu que, dans le regime teodal, il existe, sinon parity, du moins reciprocity parfaite entre le vassal et le suzerain. Est-ce la cette propria complete et absolue, telle que nous la conce- vons a present ? Pourtant Tuniversalite' du systeme feodal 6tait si grande, que Ton pouvait dire : nulle terre sans seigneur, et consgquemment nul seigneur sans seigneur, de degr6 en degre jusqu'au roi de France, qui gtait le seigneur supreme, le grand mode'rateur et le souverain justicier. Nulle propria exempte du lien feodal, sauf quelques terres du midi qui se disaient de franc alien, ce que les Parlements, grands d^fenseurs de l'autorit(5 royale, parce qu'ils en &aient les ex&uteurs et les gardiens, ne cesserent pas de contester. Nous n'aborderons pas l'espece de confusion qui dut s'&ablir avec le temps, entre le Romain reste libre et le noble de race Germaine. Cette con- fusion d'ailleurs fut peu sensible, puisque gCneralement la population ro- maine s'e'tait retirde dans les villes ou, sous la protection de ses murailles, elle se conslitua suivant un mode d'existence analogue a celui des cites de l'Empire roraain , regie par un s&iat et des consuls annuels, distribute en corps de metiers ou tribus, et portant inscrits sur l'£tendart de la moindre bourgade, ces mots fastueux, senatus popvlusque, etc. Attachons-nous a ce qui dut se passer tout a fait en bas de l'^chelle, e'est-a-dire parmi la population des campagnes; e'est la que vit ou plut6t vegete le Gaulois qui continue de flconder la terre au profit de tant de maltres qui s'en partagent ou s'en disputeut les produits. Pourtant ce paysan n'est deja plus l'esclave de la pe'riode romaine. II est devenu servi- teur, il est serf. II n'est plus meuble, et transportable d'un lieu a un autre. 11 est devenu immeuble, et fixe' a la glebe. Ce lien a la glebe, cette main morte , e'est deja un immense allegement a son sort. II ne peut plus, comme l'esclave des colonies, etre isotemeut vendu selon le besoin ou le caprice du maitre. II ne peut 6tre troqu6 ou ali&id qu'avec sa terre, sa ca- bane, sa famille. Quelque dur que puisse 6tre son sort, il le partagera avec QUINZIEME SESSION. 461 ses parents, ses Voisins, ses amis. II n'a ni droits civils, ni liberty ; mais il a deja une patrie. Maintenant en continuant ce tableau, nous trouverons qu'avec le temps son sort tendra de nouveau a s'ameliorer. Gr&ce a l'influence bienfaisante du christianisme, a l'adoucissement graduel des moeurs, surtout grace a ^intervention puissante des rois et de leurs parlements qui minent sans cesse la feodalite au profit d'une autorite centrale, la condition du cultiva- teur passe insensiblement de Ft'tat de main-mortable a celui de censitaire, Ses obligations, longtemps arbitraires au gre" du seigneur, deviennent sta- bles, re"gnlieres, in variables. Ce ne sont plus des exactions ; ce sont des de- voirs modeled sur ceux imposes au feudataire lui-raeme. Ce sont des cens, des prestations, des redevances. Elles peuvent etre modifiers en sa faveur ; j amais a l'avenir elles ne pourront etre aggrave'es. Ajoutons que ces redevances, fixes desormais, deviendront de jour en jour plus ICgeres, proportionnellement a la valeur du sol cultive" qui s'ac- croitra de jour en jour. Cette possession de la terre, a la charge de rede- vances fixes, voila le dernier terme de la proprie'te' en France, jusqu'a Y6- poque oil la revolution de 1789 abolit instantane'ment toutes ces rentes, sans indemnity pour ceux auxquels elles profitaient; renversant d'un trait de plume ce vaste Cdifice feodal qui avait subsiste durant des siecles , mais dont les bases dtaient de"ja tellement mine'es, qu'il s'ecrouiait piece a piece, etrecevait chaquejour quelque atteinte par la de"sue"tude, l'oubli, ou par les traits du ridicule. Voila done la proprie'le' du sol reconstitute a Tinstar de 1'ancienneRome, a l'esclavage pres, e'est-a-dire pleine et incommutable telle que nous la connaissons aujourd'hui. Elle implique le droit absolu d'user et d'abuser de la chose sans avoir a rendre compte a qui que ce soit de cet usage , pas meme a sa poste'rite', comme cela avait lieu tant que les substitutions ne furent pas supprimdes. Ce regime ne date que de la Revolution franchise. Hors de France dominent presque partout encore les maximes de lafe"oda- lite", en Allemagne, en Angleterre, dans la Russie, l'Autriche, etc. On a dit que la Revolution franchise feraitle tour du monde. En effct, partout les maximes de notre droit francais semblent gagner du terrain. Heureuscment ces progres , pour n'etre pas marque's par des exces et du sang , n'en sont pas moins rebels. Voici ce qui se passe dans l'Allemagne du nord, oil les paysans dtaient, il y a peu de temps encore, dans un Etat voisin du servage. lis possddaient comme chez nous; mais leurs terrcs etaient grevdes de redevances de toutes sortes envers les seigneurs; qu'a-t-on imagine pour les en afifranchir ? De meme que nos rois forcaient les communes urbaines a acbeter de certains privileges, on les a force's de racheter I'^galitt? de droits et la liberte de leurs heritages. Des banques locales se sont organises pour leur preter l'argent n&essaire, et en cela elles ne couraient aucun risque, 462 C0NGRES SUENTJFIQUE DE FRANCE. la commune , comme nous l'avonsdit, etant possessionne'e , et pouvant fournir hypotheque sur ses biens communaux. En general les paysans se sont promptement acquittes , grace a 1'ameiioration des cultures. Le sei- gneur a ete charme* de recevoir, au lieu de corve'es mal exe'cute'es , au lieu du revenu douteux des censives , un capital qu'il s'est hate" de placer en jouissances de luxe ou en speculations iiidustrielles. Le paysan prussien est aujourd'hui , comme le ndtre , possesseur libre du sol : II y a plus ; c'est qu'en ces lieux jadis si fortement impregu^s de feodalite" , Ton ne trouve plus ni chateaux, ni chatelains. La revolution est plus complete qu'en France, oil le moindre gentillatre, dans sa paroisse, se donne encore les airs de suzerain du moyen-age. Pourtant il taut ajouter quelque chose qui caracterise profonde'ment le genie de ces populations. Le paysan allemand possede la terre ; elle est bien a lui. Chacun a sa ferme {hof) et une assez grande Vendue de champs qui en dependent. Mais ne croyez pas qu'a sa mort, ce bien sera partage par egalite' entre les membres de sa famille. Le hof restera a l'aine" ; il est indivisible, comme l'etait l'ancien fief. Le cadet se pourvoit comme il peut, entre dans les metiers , ou emigre pour l'Amerique. En effet, le partage des biens dans les families est encore soumis a ces variations infiuies du regime de la propriete, dont il seraittrop long.de vous entretenir. Nous avons adopts la divi.-ion Cgale a l'imitation du droit romain. La preference de l'aine, du male, la loi salique enun mot, est le droit germauique. Voila, messieurs, ce que j'avais a dire , et ma conclusion est celle que j'ai deja indiquee. Le droit de propriete, si simple et naturel qu'il nous paraisse, est de creation toute recente. II date de 1789, et ce fut le code civil qui acheva de le mettre en vigueur. Anterieurement on a passe par l'esclavage, la main-morte , la glebe, la propriete communale et collective , le regime censistaire et feudal. Ce sont Ik des modes divers de legislation ou plutot de jouissances d'utilisation et d'exploitation de la terre. Les institutions ont varie suivant les moeurs, les besoins, les lumieres, le progres des arts et de l'industrie agricole. Enten- dez-vous parler des droits sacres, inviolables, absolus, eternels, de la propriete, rappelez-vous que ces droits sont nes d'hier. Plusieurs d'entre nous ont pu les entendre proclamer pour la premiere fois. La Revolution que Ton accuse de les avoir meconnus, c'est elle au contraire qui les a sanctionnes ; non-seulement nos a'ieux , mais m6me nos peres , ne posse- daient rien en propre. lis furent serfs, censitaires, vassaux , colons, usu- fruitiers. Nous seuls sommes reellement proprietaires. M. lc conseiller Tailliar aborde la merae question et re- trace verbalement le sort des classes inferieures dans les cites episcopales, dans les \illcs abbutiales, les communes et QMNZ1EME SESSION. 165 les chateaux feodaux ; il fait voir, dans ces differentes trans- formations de la societe, les corporations de metiers organi- ses, les vassaux de l'abbaye, les censitaires, les industriels, les commercants, les hommes liges, les serfs, et dans ces diverses phases, les classe moyennes s'ameliorant de plus en plus j.usqu'a fournir, dans les doyens des metiers, des hommes politiques capables de balancer la puissance des princes. M. Crosnier, a l'appui de ce qui a ete dit par M. Tailliar, sur l'origine d'un grand nombre de communes qui a ete celle des abbayes et des monasteres, rappelle que lors de la fon- dation de la Charite-sur-Loire, le premier prieur etablit en regie que les moines paieraient aux pauvres la dime de tout ce qui sc consommerait dans la maison, corarae e'etait la coutume dans les maisons de leur ordre, en sorte que tous les jours on voyait un grand nombre de pauvres accourir au nouveau monastere pour recevoir leur nourriture quoti- dienne, et quand on leur demandait ou ils se rendaient avec tant d'empresseme&t, ils repondaient: Nous allons a la Cha- rite des bons peres, nous allons a la Charite, nom qui est reste a la ville qui s'etablit autour du monastere. L'eglise etait dediee a la Vierge, et toutes ses fetes s'y celebraient avec tant de pompe, que les eveques d'Auxcrre et de Nevers, l'archeveque de Bourges es les seigneurs s'em- pressaient de s'y rendre pour y passer ces fetes : les popu- tions voisines profiterent de cette circonstance pour l'ecou- lement de leurs denrees, car la consommation devenait plus grande ; telle fut l'origine des foires de la Charite qui ont lieu la veille de toutes les fetes de la sainte Vierge. M. Bizeul indiquc l'existence de paroisses rurales dans la Bretagne et demande quelle etait leur organisation? M. Tailliar fait observer qu'un grand nombre de com- munes rurales etaient regies par des echevins seigneuriaux revocables a volonte. M. Salmon signale les prolegomenes du polyplique d'lrmi- non, par M. Guerard, comme offrant des renseignements remarquables sur la position sociale inferieure en France, au ixe siecle. L'ordre du jour appelle la discussion de la 2° question du 164 congres scientifique de France. programme : Quelles ont e'te I'origine, la nature et la duree de nos diverses monnaies provinciales ? MM. Carrier etDuchallais, dans deux memoires, repondent a cette question. M. Duchallais essaye une classification nouvelle que com- bat M. Cartier. M. Cartier demande que toutes les questions numisma- tiques du programme soient traitees successivement. La sec- tion adoptant, M. Cartier lit un travail sur la derniere partic de la 10e question ainsi concue : Quelle part les rots de France et d'Angleterre, de 1151 a 1203, eurent-ils dans la fabrication de la monnaie de Veglise de St-Martin, et comment cette monnaie tournois devint-elle la base du systeme monetaire de France ? Malgre les observations de M. Lecointre, qui parle de l'in- fluence du comte d'Anjou sur le cbapitre de Saint-Martin, il persiste a dire que la monnaie de Tours fut tout-a-fait in- dependante a cette epoque. M. Lambron rappelle que saint Louis, dans sa munificence toute royale, abandonna tous ses droits sur le chapitre de Saint-Martin, qu'il tenait de la confiscation des comte de Tours et d'Anjou sur Jean-sans-Terre, 1204. Une messe so- lennelle fut ibndee dans Teglise Saint-Martin en memoire de cet evenement et fut celebree jusqu'en 1790. Quant a la 16e question : Faire Vhistoire du camp d'Am- boise et des monuments numismatiques qu'on y trouve journelle-' ment. M. Cartier repond qu'il a traite cette question dans un ouvrage deja publie ; que les Romains sont restes peu de temps a Amboise, que leur monnaie s'y retro uve rarement; que le plus grand nombre des monnaies appartient aux dif- ferents peuples Gaulois, surtout aux Carnutes et aux Turons, qui s'etaient ligues pour chasser les Romains. La 23e question demande Vhistoire de Vhotel des Monnaies dc Tours, M. Cartier apprend que l'hotel des monnaies de Tours, l'atelier monetaire royal, a pris naissance sous Pbi- lippc-Auguste. Avant cette epoque, le chapitre de Saint-Mar- tin fabriquait pour son compte. Depuis, la monnaie se fabri- qua au nom du roi jusqu'en 1772, epoque a laqulle l'hdtel des Monnaies fut supprimi. QU1NZIEME SESSION. 165 M. de Cussy invite l'assemblee a se rendre demain, a onze heures, a la gare du chemin de fer, pour examiner de nou- velles machines a vapeur dignes de son attention. M. le president previent que la course archeologique aura lieu de 11 heures a une heure, et quelle aura pour objet la visite de l'eglise de Saint-Symphorien et des restes de l'ab- baye de Marmoutier. Une souscription est ouverte au bureau pour la publica- tion des verrieres du chceur de la cathedrale de Tours et celles de la chapelle de Champigny. M. le president annonce une seance extraordinaire de la section, dans la salle du tribunal civil, de une heure a trois, et met aux voix la proposition de traiter en seance gene- rale la 29e question du programme. Adopte. La seance est levee a neuf heures et demic. Seance giipplementaire du 9 septemlire. Presidence de M. l'abbe Bourasse\ M. Cartier fils, secretaire. La seance est ouverte a une heure sous la presidence de M. l'abbe Bourasse. L'ordre dujour appelle la discussion sur la 24e question. M. l'abbe Lacurie obtient la parole pour lire son memoire sur la geographie generale des Gaules : Messieurs , La geographie est la soeur et l'dmule de Phistoire. Si l'une regne sur tous les siecles, si elle ressuscite les generations pass^es, l'autre embrasse tous 11 166 " congres scientifique de France. les lieux, et fixe, dans une image immobile, les tableaux mouvanf sde l'his- toil e, en retracant a la pensee cette vaste scene jouchee des debris de tant d'empires. Ceci pose* — et ce serait vons faire injure que d'insister sur des preuves — ceci pose1, je couclurai tout d'abord que 1'eHude de la geographic est du plus haut interet pour I'antiquaire ; et, appliquant ce principe a la ge'ogra- phie de la Gaule, j'ajouterai que, pour nous, il n'y a plus seulenient conve- nance, mais n£cessit£ d'£tudier en sps moindres details les riches contr^es que nous habitons, ce pays des Gaules si eelebre par sa situation heureuse, par sa fertility, par le courage et le genie de ses habitants, cette terre clas- sique du beau et du grand, comme de toute institution genereuse. Nos connaissances geographiqnes de la Gaule ne remontent pas a deux mille ans; C6sar est le premier auteur qui en ait parle avec quelques.de'- tails, et il ne nous en a donug que de faihles notions. Que de revolutions physiques et morales sont arrivecs depuis cette epoque ! Si C£sar nous eut donne de la Gaule une carte g^ographique exacte, nous aurions peine a nous y reconnaitre. De nouvelles villes baties, et d'anciennes detruites; des bourgades agrandies, d'autres reduites h rien ; des villes placees autre- fois sur la cime ou le penchant des monlagnes, situees aujourd'hui dans la plaine ; le cours de plusieurs rivieres detourne ; des terres cultive'es la ou il y avait des forfits, de hautes futaies dans des lieux oil Ton moisson- nait autrefois ; des marais dess6eh£s devenus fertiles, des lacs forme's par l'^boulemetit des terres ; voila, Messieurs, qnelques-unes des metamor- phoses operees dans le pays que nous habitons. Aussi les savants eprou- veut-ils une difficulte extreme a concilier ce que Cesar et les historiens posterieurs en ont ecrit. A cette premiere cause d'erreur, cause due a l'instabilitC des choses d'ici bas, viennent se joindre, d'unepart, le peu d'&endue qu'avaient les con- naissances geographiques au commencement de 1'ere vul^aire, et de 1'au- tre, l'esprit de systeme contre lequel ne sont pas toujonrs en garde les emvaius meme les plus recommandables. C&sar n'est point exact dans ce qu'il nous dit des Gaules ; Strabou nenous en donne qu'une description vague; Diodore de Sicile, se laissant souvent tromper par les norns latins, ima- gine quelquefois deux peuples Ik ou il n'y en a qu'un ; Pompouius Mela, en ce qui touche la Gaule, manque absolument de cri- tique. 11 copie sans choix, il extrait d'une maniere inexacte, et remiissant des lambeaux sans forme, il remplit son r^cit de details imaginaires; Pliue, cet ^legaut et e>udit compilaleur, nous fait mieux connaitre la geographie des Romains au premier siecle ; mais a sou m£rite incontes- table, Pline joint le defaut ordinaire de ces esprits ardents qui veulent embrasser l'universalil^ des connaissances humainesj il copie souvent au QUINZIEME SESSION. 167 lieu d'analyser, et il n'entend pas toujours ce qu'il copie ; il jette beaucoup de confusion dans revaluation des distances parce qu'il n'appre'cie pas tou- jours la nature des differ ents stades; ses descriptions offrent sou vent un melange incoherent de faits apparteuant a des siecles differeuts, parce qu'il n'a pas toujours distingue avec assez de soiu les temoignages des auteurs grecs anciens, d'avec ce que lui apprenaient les relations de ses contempo- rains ; il n'a point de principes fixes sur 1'etendue et la configuration des pays qu'il decrit; De nombreux itine'raires, et des journaux de navigateurs fournirent a Ptoiemee des documents precieux. Sa geographic repose sur des bases scientifiques ; c'est uu tableau e'ie'mcntaire, mathe'matique , oil la figure et la grandeur de la terre, et la position des lieux sont determines. Malgre" des erreurs fondamentales, Ptoiemee a fait faire un pas immense a la g6"o- grapbie ; les cdtes occidentales de la Gaule pr^sentent un accroissement de connaissances de details etonnant pour le temps ecoule1 depuis Strabon, qui avait a peine des notions sur la configuration de ces contr^es; toutefois, la division des pays n'est qu'indique'e, et l'auteur ajonte rarement une note historique; d'un autre c6te le texte de Ptoiemee a eprouve tant de change- ments par la negligence des editeurs, qu'on ne saurait user de trop de reserve quand on le consulte, parce qu'on s'expose a enregistrer des er- rors trop fidelement repetees ou augmentees de nouvelles fautes, meme dans les plus pompeuses editions; Les Itine'raires n'offrent aucune trace de geographie mathe'matique ; ils ne contiennent que les noms des lieux et des stations avec la* distance de Tune a 1'autre, sans entrer en d'autres details ; I'imperitie des copistes en a tellement defigure le texte qu'il est souvent tres-difhcile d'y reconnaltre les locality ; La table de Peutinger range arbitrairement les diverses contrdes a la suite les unes des autres, de l'ouest a Test, sans avoir egard a leur figure, a leur position geographique, ni a leurs limites respectives ; Le Notitia utraque imperil ne nous apprend rien de l'organisation inte- rieure des cites, ni de l'agencement des tribus diverses qui les composaient; nous y puisons des details precieux pour la delimitation des provinces, mais rien qui puisse diriger dans l'etude de chaque province en parti- culier. Les geographes du moyen age n'offrent pas de renseignements plus pre- cis ; ils copient plus ou moins servilement leurs devanciers. Les cartes qu'ils nous ont laissees joignent aux defauts qui resultent du manque de connaissances, ceux qui proviennent d'un arrangement systematique d'a- pres des hypotheses imaginaires. D'Auville, au xvme siecle, remplaca les faux sysfemes par des notions plus sures, etresserra la geographie ancieime dans des bornes plus etroiles. 168 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. II approche infiniment plus du vrai qu'aucun de ses devanciers ; mais on d&irerait dans le Ptol£m£e moderne plus de defiance de lui-m6me, plus de maturite dans ses decisions quand il prononce sur quelques points contro- versy. Depuis d'Anville, la ge'ograpbie a marchd a pas deg^ant; et, disons-le avec orgueil, Messieurs, dans ce nouvel essor, la France n'a rien a envier aux autres peuples. Les g£ographes francais laissent peu d'espoir a ceux qui voudront tenter de les surpasser.Toutefois, la ge'ograpbie ancienne de la Gaule, dtrangere a ce mouvement general, est demeur^e stationnaire. A part les grandes divisions du pays, et le nom des peuples qui l'habitaient ; a part quelques faits consigned dans les historiens des premiers siecles, que savons-nous de la Gaule? Connaissons-nous les limites respectives des dif- fe'rentes cit^s? Avons-nous recounu la position geographique des tribus di- verses qui forraaient la cite ? Avons-nous interroge les ruines imposantes qui joncbent le sol foute par les Gallo-Roraaius ? Le r^seau des voies ro- maines a-t-il 6t6 reconnu partout ? Avons-nous, en un mot, quelque chose de fixe, d'arret£ sur la gdographie historique du sol que nous foulons ? H6- las , Messieurs, laissez-moi vous le dire, rien de fixe, rien d'arrete, incer- titude d&olante sur des questions capitales. Cette incertitude r&ulte de la divergence que Ton remarque dans les opinions d'hommes vraiment instructs, d'esprits profonds, de ces hommes dans lesquels nous voyons avec bonheur nos peres et nos maitres. Et que n'aurais-je pas a vous dire, Messieurs, des singulieres preoccupa- tions d'ecrivains, d'ailleurs tres-recommandables, mais qu'une manie de systemes fixe irre>ocablement a une idaires; celui-la suppose a chaque instant des erreurs de copistes,- et rectifie les textes pour les plier a l'id6e qu'il poursuit; un troisieme lva- lue les distances tant6t en milles romains, tantot en lieues gauloises, et cela dans le meme itinOaire, suivant qu'il en a besoin pour fixer un point controversy ; tel autre, n^gligeant les textes les plus precis, cr£e des pro- vinces dont il fixe les points principaux, sans fondcment aucun, sans preuves meme plausibles, uniquement parce que cela lui semble devoir etre ainsi. Permettez-moi, Messieurs, d'entrer en quelques details, et de justifier des assertions qui doivent vous sembler au moins fort singulieres. Je prendrai raes preuves dans la province qui m'a vu naitre, province que j'ai presque toujours habitue, et que j'ai parcourue en tous les sens. A I'epoque de la domination romaine, le pays des Santones s'e'tendait dn QU1NZIEME SESSION. sinus aquitanicus aux Lemovices et aux Petrocorii (1), des Pictones aux Bituriges Vibisci (2). Les gdographes anciens citent dans cette contr^e l'ile d'Antros, le portus et le promontorium Santonum ; les itine'raires de'signent entre autres les mansions Novioregum et Tamnum, sur la voie de Medio- lanum a Burdigala. Or, Messieurs, la position g^ographique de ces points est depuis long- temps vivement controversy . Malgre les indications formelles de Pompo- nius Mela, de Ptole^me'e et de Marcien d'He'racle'e, les antiquaires different d'opinions, chacun etayant la sienne de raisons plus ou moins spe'cieuses. Les travaux de d'Anville, de Vallois et autres n'ont produit que trouble et confusion dans une questions toute simple. De"crivant les contours de l'embouchure de la Garonne, Pomponius Mela re'vele l'existence d'une ile appetee Antros « in eo est insula, Antros no- mine. » D'Anville, Maichain, le P. Arcere, M. Massion et quelques autres, suivant l'indication de Mela, reconnaissent cette ile d' Antros dans les para- ges de Cordouan, a l'embouchure m6me de la Gironde ; de Vallois confond Tile d'Antros avec l'ile d'Aindre, situde a l'embouchure de la Loire ; M. Lesson incline pour l'ile d'Arvert sur la Seudre, trois opinions contradic- tors en presence d'un texte qui nomme expresseinent l'embouchure de la Gironde comme gisement de l'ile d'Antros. Ptoleme'e, d^crivant la cdte du Sinus Aquitanicus, du sud au nord, place le port et le promontoire des Santones sur le littoral de l'Ocdan , entre l'embouchure de la Gironde et celle de la Charente, le port sous le 46° 45', le promontoire sous 47° 1 5' de latitude nord. D'apres le ge*ographe an- cien, en remontant la rivage, du sud au nord , depuis l'embouchure de la Gironde, on rencontre d'abord le port, puis le promontoire, el enfin l'em- bouchure de la Charente. Le texte est clair, precis, et, bien qu'il y ait er- reur dans la latitude assignee, erreur qui prend sa cause dans le systeme devaluation adopte par Ptoleme'e, l'ordre dans lequel se suiveut les points de'signes par le ge"ographe est clairement marque1 : l'embouchure de la Gi- ronde, le port, le promontoire, l'embouchure de la Charente. Cet ordre, au reste se trouve confirme" par Marcien d'He'racle'e, qui place le promon- toire entre la Garonne et la Charente, qu'il precede imme'diatement. Malgr^ cet accord des geographes anciens, Ortellius, Samson, D. Bou- quet, Maltebrun placent le Portus Sautonum a la Rochelle, au nord de la Charente ; de Vallois et Bourignon le mettent a Brouage; le P. Arcere le cherche a Pile d'Arvert ; d'Anville le trouve a l'embouchure de la Seudre; La Sauvagere le met a La Tremblade; M. Massion d&igne le village de Toulon, au pied de la butte appetee le Camp-Romaiu. (1) L'Ocean, le Limousin, le Perigord. (2) Le Poitou, le Bordelai?, 470 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. La position g^ographique du promontoire des Santones n'est pas rooms controversy, malgre les indications formelles des g^ographes anciens. Les uns le placent a Blaye, au sud de Pembouchure de la Gironde ; c'est le sen- timent d'Ortelius, d'Olivarius, de I'abbe' d'Expilly; d'autres, avec Mai- chain, le mettent a* la Rochelle, au nord, et au dela de la Charente ; le P. Arcere varie entre la pointe de Chef de Baye, la pointe de Coureille et le rocher des Baleines, a l'Ile-de-R£; d'Anville n'ose Se prononcer ; D. Bou- quet et Tabbe* Leboeuf le chercbent dans l'lle-d'Arvert, avant le port; La Sauvagere et M. Massion croient reconnaitre ce promontoire dans le Cap de Chassiron, a la pointe nord-ouest de l'lle d'Oleron, bien au dela de la Charente. Et cependant, il est bien d^montre" par la seule lecture des textes de Ptol6m£e et de Marcien d'Heracl£e, que ce promontoire doit se trouver entre l'embouchure de la Gironde et celle de la Charente. Venons aux mansions Novioregum et Tamnum. L'itineraire d'Antonin place Novioregum entre Tamnum et Mediolanum Santonum ; la distance de Mediolanum a Novioregum est de quinze lieues gauloises ; celle de Novioregum a Tamnum, de douze lieues ; entin, il mar- que seize lieues de Tamnum a Blavia. II semble, Messieurs, que des locality e'chelonne'es a des distances cor- respondantes aux lieues gauloises marquees dans l'itineraire, devaient fixer l'attention d'anliquaires et de g^ographes voyageant a la recherche de sta- tions romaines, surtout, si ceslocalites offraient des traces non Equivoques du passage du peuple-roi. Dans la recherche des mansions indiqn£es, il cut 6te* rationnel de prendre pour point de depart Mediolanum ou Blavia; et, sans se laisser arnHer par des resemblances de nom souvent difficiles a jus- tifier, il fallait tenir compte des mines plus ou moins imposantes rencon- tres sur le parcours d'une voie antique, et noter les distances : c'eut 6i6 la marche la plus simple comme la plus sure. Nos geographos n'ont pasagi ainsi. lis ont fixe' d'avance le gisement de la station, et ils sont partis de ce point pour determiner les distances ; et comme ces distances ne s'accor- daient pas avec les indications de l'itineraire, il a fallu supposer des erreurs de copistes, corriger les iline'raires. Ainsi, d'Anville a vu Novioregum dansRoyan, « parce que d'abord,dit- '< il, le nom de Royan pent deliver de la demiere parfie du mot Noviore- « gum, d'autant que l'effet ordinaire de l'alte>ation des noms anciens a Ete « tie les tronquer d'une maniere ou d'autre. » Et comme. le celebre g^ogra- phe place Tamnum au port de Talmont, Tallemundus au moyen age, a douze kilometres seulement de Royan; il ne trouveplus entre ces deux sta- tions la distance de douze lieues gauloises, un pen plus de vingt-six kilome- tres, marquees dans l'itineraire. II corrige done l'itineraire en snbstiluant VII a XII, rectification qu'il pretend juslifier en disant que « le locus « veut, en plus d'une rencontre, qu'il se fasse ainsi une permutation de ces « chiffres roraains pour corriger une meprise de la part des copistes. » quinzieme session. 471 De Vallois , d'Expilly , D. Bouquet, l'abbe" Leboeufont suivi les erre- ments de d'Anville. La Sauvagere combat 1'opinion de d'Anville relativement a 1'assiette de Novioregum, et il place cette station au lieu occupg anjourd'hui par le village de Toulon, aux deux tiers a peu pres de la distance de Saintes a Royan. Apres avoir ainsi fixe" la position de la 'station, il cherche a la conciliei avec les mesures auciennes. Pour cela il compte alternativement par milles romains, et par lieues gauloises dans le parcours d'une m&me voie. Comme d'Anville il voit dans Talmont le Tamnum de 1'itineVaire, rejetaut sur le copiste la difference qui se trouve entre les distances, « car, « on sait, dit-il, que par la faute des copistes il se trouve des erreurs « entre les noms de I'ilioeraire... On sait aussi que les routes les mieux « alignCes ont des sinuosite's, ft par consequent sont plus longues que les « distances prises avec le compas sur la carte, d'un point a un autre. » Ces quelques exemples suffiront pour justifier nos assertions. Laissez- moi done vous le dire, Messieurs, si les autres provinces de l'ancienne Gaule n'ont pas ete etudie'es avec plus d'intelligence , plus de soin que ne l'a 616 le pays des Santones, nous n'avons pas les premiers elements d'une carte de la Gaule ; e'est un travail a faire. Et n'allez pas croire, Messieurs, que je veuille vous engager dans une route ne>iss6ede difficulty. Ces difficultes sont plus spedeusesque replies. Le travail que j'appelle de tous mes vceux sera facile s'il est entrepris par quelques-uns de ces hommes devours a la science, chez qui font regie le de'sinte'ressement personnel et l'abne&atiou de leurs propres idees. Ces hommes ne sont pas introuvables, le nombre en est grand encore au noble pays de Fiance. Cette premiere condition remplie, il en est une autre essentielle, si Ton ne veut pas manquer le but en se jetant dans le trop va4e champ des conjectures : le travail doit etre fait par des hommes du pays. Et la raison, messieurs, e'est qu'il y a dans chaque contr^e une foule de traditions , une quantity d'indications pr£cieuses qui ne peuvent etre remarqu^es que par lesenfants du sol ; un stranger ne les sonpeonnera pas, il n'en verra pas l'enchalnement , n'en pourra tirer aucun parti. J'ajouterai une troisieme condition, not) moins essentielle, plus essen- tielle peut-fitre que les deux autres: le travail doit-etre fait sur le terrain , et non dans le cabinet. Quel que soit le mCrite des e"crivains doiit on vou- dra TCtayer, on manquera n£cessairement'le but si Ton rnarche sur leurs traces, parce que tous ont sacrifie phis on moins a l'esprit de systeme, ennemi-ne" de toute science archMogiqiie. S'ils avaient vu les lieux qu'ils demvent, ils ne seraient pas tombed dans des erreurs d'autant plus graves qir'elles jettent dans l'^tude de la g^ographie arn ienne une confusion et un embarras extreme. 11 faut voir par soi-meme, interroger le terrain, etudier les indications fournies par le colon, gardien religieux des traditions 172 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. locales, mine ine'puisable de documents pre'cieux. Que de decouvertes archeologiques sont dues a de simples causeries avec le colon appuye* sur sa beche, et ne soupcjonnant pas la porte'e de ses revelations ! Quant a la maniere de proce"der pour dresser la carte d'une cite gallo- romaine , il semble convenable de rechercher tout d'abord les bornes de la cite. C'est ordinairement un fleuve, de vastes forets, une chatne de montagne, et, a defaut de ces barrieres naturelles , une ceinture de points fortifies et qui se commandent. Ainsi, trouve-t-on entre les Pictones et les Santones une ligne de demarcation s'etendant, en deca d'Aunedonna~ cum (1), depuis Muro jusqu'au Canentelus, un peu au-dessous de Ser- monicomagus (2). Cette ligne est marquee par des ruines imposantes accu- sant des etablissements considerables. Ces limites ne doivent pas 6tre cher- chCes en dehors des bornes des anciens e'veche's , attendu que le ressort episcopal, fut, dans le priucipe, le meme que le ressort du departement particulier de chaque cite*. On s'ecarta peu de cette regie dans l'etablisse- ment des evfiches. Les limites de la cite reconnues et tracees en rouge sur une carte bien faite, les departements rdunis, d'apres Cassini et le d^pdt de la guerre, par exemple, il faut s'attacher a reconnaltre le reseau des voies romaines. C'est en suivant les traces de ces routes imperissables qu'on arrive surement aux etablissements gallo-romains de quelque importance, et cela, sans medire des copistes, sans les calomiiier. On comprend que ces voies n'ont pas ete tracees a grands frais pour d'insignifiantes localitds. La nature des ruines que Ton rencontrera sur ces routes, la distance a par- conrir d'un point a un autre, indiqueront suflisamment, en l'absence de documents precis, le degr£ d'hiterSt qu'il faudra attacher a la fabrique reconnue. Chacun sait que sur les voies principals on etablissait des relais de poste , mutationes , et des stations, mansiones , lieu de halte oil Ton pouvait sejourner pour se deiasser des fatigues d'une longue route. Les mines que Ton remarque sur les voies Fecondaires rev^lent ordinaire- ment des villes plus on moins considerables ; j'en dis autant des ruines ^parses de droite et de gauche aux environs des routes. 11 sera bon de se tenir en garde contre deux assertions qui pourraient jeter en quelque embarras. On a dit que les voies romaines etaient toujours tracees en ligne directe; ceci est trop general. Les voies consulages, des- tinees a la marche des troupes, etaient faites avec plus de soins, plus de precautions que les autres routes; elle se prolongeaient, autant que pos- sible , sur les plateaux , et leur direction etait assez generalement en ligne droite ; pour l'assiette des routes moins importantes, les ingenieurs romains savaieut se pli?r aux exigences des terrains. Je n'ai rien remarque de (1) Aulnay. (2) Muron, la Chajrente, Mamie. QUINZIEME SESSION. 173 bien saillant, en Saintonge, du moins, qui ne se pratique de nos jours par nos inge'nieurs. Peut-etre faudrait-il ici etablir une distinction entre les routes gauloises en- tretenues par les romains, et les voies edifices par les romains eux-memes. L'autre observation a trait au mode de confection de ces routes. 11 ne faudrait pas s'attendre a trouver toujours bien marquees les diverses couches indique'es par Vitruve. La perfection des routes Ctait en rapport avec l'importauce des communications qu'elles e'tablissaient , et l'ordre enseigne' par Vitruve n'a guere e'te' sui?i que dans la confection des voies les plus belles et les plus solides a raison de leur importance majeure. Mille indices concourent a faire reconnaitre une voie antique. Si elle est encore en usage, et il en est beaucoup en ce cas, les caracteres parti- culiers de soliditd qu'elle offre en ses moindres parties suffisent pour fixer l'attention, et determiner un examen. C'est une surface formee de gravier broyC, et de chaux excessivement compacte; un compose" de cailloux, ou de pierres taille>s en polygones irr^guliers, quelquefois £quarris a angles droits; un massif de terre cuite; une chauss^e plus e'leve'e que les terres environnantes, un peu bombe'e, avec des trottoirs formes de cailloux con- cassis et de terre battue ensemble, etc. A cela vient se joindre la tradition populaire qui attache toujours une id£e extraordinaire a ces routes : c'est le chemin du Roi, de Roland, de la Princesse, des F£es et autres denomi- nations analogues. II est rare qu'une voie antique soit entierement recouverte ; elle est vi- sible en quclque points de son parcours ; mais fat-elle entierement enfouie sous les terres cnltivees , les cer^ales qui croissent dessus en r^velent assez ordinairement la presence ; l'herbe est moins fournie, moins venante, le colon n'h&ite pas a prononcer qu'il y a sous le sol quelque vieille con- struction. Des mines ^parses dans la campagne supposent un embranche- ment d£bouchant dans une voie principale, et bien qu'il ne soit pas possible de retrouver aujoud'hui les chemins particuliers, diverticula, ni de les snivre jusqu'a leur point de jonction, cette indication devra engager a eHudier les terrains environnants. J'en dis autaut des Dolmens, Tombelles et autres monuments analogues qui, assez ge"neralement, sont dans le voi- sinage d'une voie. ... Ce second pas fait, les routes 6tant reconnues et tracers sur la carte, il sera bon, pour proce\ier avec ordre, de marquer par un signe convention- nel toutes les localit^s ou Ton aura remarqu^ des debris romains, ou quel- que monument celtique, ayant soin de determiner leur position gCogra- phique et leur orientation. Et si, a l'aide des itine>aires anciens, des pouil- Us latins, ou autres documents authentiques, il est possible de restituer a la locality son nom primitif , c'est sous ce nom qu'il la faudra designer; mais que l'on se tienne en garde contre la manie de latiniser les noms dont l'origine romaine ne serait pas clairement accusee. 474 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Reste une troisieme etude qui sera le complement du travail. Je veux parler de la recherche des divp.rses tribus qui formaient la cite*, et leur delimitation; etude facile pour qui veut observer. Je sais qu'il n'est plus possible ge'ne'ralement de retrouver aujounl'hui les noms ni la position g^ographique de toutes ces peuplades di verses, les documents positifs manquent ; mais on peut en reconnattre quelques-unes dont les noms ont traverse* les siecles; on peut, da moins, en constater le nombre. Ces peuplades d'origine et d'interets communs, agglomereessous un nom ge'ne'rique, etaient de moeurs et d'habitudes differentes. On comprend que dans ces temps recurs les relations sociales etaient peu suivies ; il y avait moius de fusion dans les id^es, partant, plus ^'individuality. Or , Mes- sieurs, ces differences n'ont pas disparu entierement, elles existent encore en partie, et sont tres-saisissables malgre les progres de la civilisation. On remarque de nos jours des nuances bien tranehees dans le langage, les v£tements, les habitudes, les allures des habitants de diverses parties d'un m&me departement; chaque contre'e a sa physionomie speciale et tres- marque'e. C'est la, Messieurs, n'en doutous pas, le cachet indeiebile des races. L'antiquaire ne manquera pas d'indiquer sur sa carte ces nuances si caracteVistiques. Les plus anciennes divisions de nos dioceses en Archi- diacones ou en Doyennes, lui viendront en aide pour contrdler ses pre- mieres observations , et lui reveleront souvent les limites des territoires occupe's autrefois par les peuplades diverses , l'eteudue de la juridiction civile ayant servi de base a l'etendue de la juridiction ecciesiastique. Tel est, Messieurs, le travail que j'appelle de tous mes voenx, et auquel je voudrais voir se livrer les hommes qui, comme vous, savent apprecier les Etudes qui ouvrent une si belle carriere a l'erudition et a la pensee. Que vous en semble? aurai-je trop presume* de votre devoueraent au pays en venant vous proposer une noble tache a remplir ? non ; vous vous asso- cierez a ma pensee, et vous appuierez de vos suffrages la motion que je formule en ces termes : « Le Congres reconnait la necessity de dresser, en chaque province, la « carte detainee de la citegallo-romaine, pour, a 1'aide de ces cartes par- « culieres, dresser, plus tard, une carte generale de la Gaule. « Le travail si utile de M. l'abbe Lacurie sera publie dans le compte-rendu du Congres selon le dcsir de la section. M. De Matty de La tour lit un memoire remarquable sur le veritable emplacement de Conbaristim et de Sipia, me- moire qui reunit toutes les conditions que desire M. l'abbe Lacurie pour rectifier la carte de la Gaule (1). (i) Ge memoire a ete retiri par son auteur qui d4;ire le pnblier tree plus de d6rcloppem«nt. QUINZIEME SESSION. 178 L'ordre du jour appelle la lecture du memoire de M. Pabbe Voisin, sur une voie antique du Mans a Tours. Messieurs , En voyant les Romains travailler sans relache, pendant sept siecles, a la conquete du monde entier ; organiser cette' conquete par un merveilleux systeme d'administration et ne se reposer qu'apres avoir acheve' leur cenvre, Ton ne peut se d^fendre d'une vive, d'une juste admiration ; mais parrai les grandes institutions du Peuple-roi, noiis devons placer surtout leur systerae de viability. Donner a l'uuivers pour centre le forum romain; rattacher a la ville Iteruelle toutes les provinces ; unir les cite*s avec leurs metropoles, et les cites entre elles, puis chaqne c\t6 avec ses conditas ou cantons; tracer d'immenses lignes pour aboutir aux ports les plus fre'quen- tds, ce fut une entreprise aussi habilement concue qu'heureusement ex6- cutde. Pour atteindre ce but, on sait que les soldats et les simples citoyens, les magistrats et les empereurs meme n'Cpargnerent aucune peine, et que pour subvenir aux frais , sou vent le tr£sor public fut £puise\ Quant a la Gaule transalpine, il paralt qu'avant la conquete les nom- breuses cite"s communiquaient des lors entre elles par des voies faciles ; car on voit les legions de Ce'sar parcourir rapidement les provinces, et ce fier vainqueur parle de rimmense produit des phages, consacre' aux repa- rations des pouts et chausse'es. Personne n'ignore que sous l'administra- tion d'Agrippa, Lyon fut choisie pour centre de quatre branches princi- pales ; les restes de celle qui gagnait Boulogne sur mer pre'sentent encore, pres de Meaux , une largeur d'environ 6 metres , et un encaissement en blocage de pierres du pays. C'est en pierres non taillCes que consistent le blocage d'une voie d'Autun. signalee par M. de Caumont, et celui de la « via sacra >» pres du Uapitole ; toutes les voies antiques, connues jus- qu'a ce jour dans le Maine et les contrees voisines, n'ont point un autre caractere ; la largeur de l'encaissement est dgalement d'environ six metres ; mais les pierres juxta-posdes sont sur un lit plus ou moins 6pais d'antiques scories de fer. Ce qui annonce 1'importance d'une ville , c'est ordinairement la faci- lity des communications avec les cites d'alentour; aussi les anciens ge"ographes ont eu soin de remarquer que le Mans devait son impor- tance a sa position sur des lignes tres-fre'queute'es. D'Anville a compte" plus de vingt voies qui rayounaieut aux portes de Rome; autour du Mans nous avons pu jusqu'a ce jour en compter une dixaine, et parroi 176 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE, les branches les plus reraarquables , nous placons les trois qui figurent sur les tables de Th^odose : l'une gagne Jublains, Vieux, Bayeux, Va- lognes et la mer, une autre Chartres ; la troisieme, qui semble 6tre le prolengement de la premiere, conduit a Tours ; c'est de celle-ci que nous voulons vous entretenir. Avant la conquete des Romains, Tours portait le nom de « Turonos » comme plusieurs monnaies celtiques serablent l'attester, et cette ville fut, sans doute, une des soixante-quatre cue's de la Gaule qui, au rap- port de Strabon, prirent a l'envi Tun des surnoms d'Auguste. Angers s'appela « Julioraagus, » Tours « Caesarodunum, » mais nous ignorons si ce fut en Fhonneur du c&ebre Vindex que le Mans « Cenomanos >» recut pendant quelque temps le nom de « Yiudinum. » Puisque 1'on voit les Cenomans, presses deja par une excessive population , envoyer en Italie de nombreuses colonies, sept siecles avant notre ere, il est permis de croire a la haute antiquite de la principale voie qui unissait leur cite' a celle des Turones , et lorsque Caesarodunum devint metro- pole de l'Armorique, l'importance de cette voie dut s'agrandir beaucoup encore. 11 n'est done pas elonnant qu'elle figure comme route mUitaire sur la table The'odosienne, et qu'elle reste assez connue pour 6tre signa- ge comme « voie romaine » sur les cartes des officiers du corps royal d'e'tat-major, et sur un poteau pres de Chateau-la-Valliere. La carte de Peutinger indique une distance de seize lieues gauloises entre le Mans et les « fines » ou confins des Andagavi et des Cenomani, et Ton compte effectivement environ quarante kilometres du Mans aux Halles de Vaas, limites anciennes entre les deux provinces. D'ailleurs, les ruines de Tancien « Vadatium , » chef-lieu de la « Condita Vedacensis, » faciles a reconnaitre en ce lieu, justifient assez le point d'arret sur la table dont nous parlous. Nous dirons ce qui se pr&eute de remarquable sur chacune de ces seize lieues. I. La premiere lieue de la voie de Tours s'&endait de la citadelle jusqn'au pont sur l'Huisne, nomme' jusqu'a- ce jour le Pont-de-la-Lieue , Pons- Leugce. Elle longeait les arfcnes ou amphitheatres, comme saint Bertran l'atteste dans son testament, Tan 615 : Juxta arenas, strada quod vadit ad Pontileuga, et passait pres de l'ancien hospitium, fond6 par le mSme 6veque a Sainte-Croix. Saint Bertran nous apprend qu'il en Stablit un autre a Saiut-Martin, pres du Pont m£me de la lieue. A peu de dis- tance de cette 6glise, une urne fun&aire en marbre a £te" trouv^e dans un QUINZIEME SESSION. 177 champ ; Ton sait que les tombeaux £taient ordinairement places sur le bord des voies. Celle dontil est question ne paratt pas laisser maintenant de vesti- ges sur le sol ; si Ton en croit la tradition, elle s'e'cartait a 1'ouest de la route actuelle, au-dela de Coeffort. Cette maison succe"da pour ainsi dire aux bospices de Pontlieue et de Sainte-Croix , devenus paroisses ; Henri II d'Angleterre y fit construire un vaste Edifice que Ton a transform^ en caserne. L'hospice de Coeffort pouvait facilement recevoir non-seulement les voyageurs qui avaient suivi la voie de Tours, mais egalement ceux qui venaient de Poitiers ; car la voie de Limonum se separait de celle de Tours pour aller passer l'Huisne au gue" de Pr6"au. Par une ordonnance du 4 mars 1764, les sieurs de Valogny et de Fondville, du Mans, furent deTi- nitivement autorise's a s'emparer de l'ancien cbemin de Pontlieue; celui qui existe aujourd'bui venait d'&tre fait a leurs d^pens. Au mois de de- cembre 1793, ayant appris que l'arme'e Vende'enne se dirigeait vers le Mans, deux arches du pont de Pontlieue furent coupees; elles n'ont jamais e'te' rdtablies depuis cette e*poque. Un autre pont fut construit a quelque distance ; au reste, l'ancien ne parait pas remouter a une haute date. II. La seconde lieue de la voie de Tours comprenait l'espace qui se trouvait entre Pontlieue et la croix de Vergalant , limite de la banlieue du Mans. Le proces-verbal d'arpentage de l'an 1632 contientce qui suit: « La huic- tiesme borne a tirer de la Vieille porte au bourg de Pontlieue et dudit Pont- lieue sur le grand chemin de ceste ville en la ville de Tours a este* plan- ted dans ledit grand chemin de ceste ville a Tours, au droict d'un champ appete Belessort... et du coste" senextre, vis-a-vis d'un champ appele" Ver- galant.... le tout es landes de Pontlieue. » Ainsi la voie de Tours, apres avoir passe* l'Huisne, gravissait par une pente facile le c6teau qui domine cette riviere et sur lequel se dressaient les fourches patibulaires. Elle tra- versait les landes sablonneuses de Pontlieue, ou la culture fait disparaltre ses derniers vestiges de jour en jour. Mais ce qui ne s'efface point, c'est l'antique usage de la promenade du Mans a Bel-Essort le jour du mardi gras. Jadis les m^gissiers et les tanneurs e^taient assujelis comme vassaux a se renvoyer une balle avec des batons, en continuant leur jeu de l'eglise de la Couture au bourg de Pontlieue, ce qui altirait en cet endroit un grand nombre de gens masques et de curieux. Aujourd'hni c'est une espece de Longchamps , oil Ton se plait a staler le luxe des voitures et des chevaux. 478 CONGR^S SCIBNTIFIQUE DE FRANCE. III. La troisieme lieue de la voie de Tours allait de la Banlieue au ruisseau de Belle-Eve. Pies eque de Tours, precha le christianisme sur les bords de la Loire, vers le milieu du in' siecle, suivant un passage de saint Gregoire qui a vivement exerce la critique et qui Pexercera, sans doute, fortement encore. 11 creusa de ses propres mains dans les rocbers qui bor- dent la Loire, au nord, une crypte qui subsiste encore, qu'il dedia lui- meme a la sainte Vierge et que nous ve'ne'rons comme le berceau de notre illustre Eglise Metropolitaine ; saint Martin l'agrandit , y erigea un autel dont on voit les derniers debris et etablit a cdte les cellules qui donnerent naissance a la celebre abbaye de Marmoutier. Saint Gatien consacra une autre crypte oil se reunirent les Chretiens persecutes : elle existe aussi der- riere l'eglise de Sainte-Radegonde, et Ton voit toujours le passage secret, obslrue par des arbustes et des broussailles, qui conduisait a cette caverne. Le meme eveque, suivant une tradition, aurait fonde buit eglises parois- siales, dont Sepmes serait la sepMme et Huismes, la huitieme. Saint Lidoire, 341-387, consacra la premiere eglise dans l'interieur de la cite et batit la premiere basilique (1). II eut pour successeur saint Martin qui fonda des eglises a Langeais, a Sonne, a Amboise, a Chisseaux, a Tournon et a Cande (2). (1) Hie sedificavit ecclesiam^primam intra Urbem Turonicam, cum jam multi essent christian!*, primaque ab eo ex domo cujusdam scnatoris, basilica facta est, Greg, Tar, Hist. Franc. Lib, X, cap. 31. (I) Inficis quoque, id est, Alingariensi, Solonacensi, Ambacicnsi, Cisomagensi, Tornoma- gensi, Condatensi, destructif delubri* baptiwtiique gentibus, ccckoiaswdiiicaTit, Greg. Tur« QUINZIEME SESSION. 188 Saint Brice, troisieme e>eque, 397-444, fit construiro une petite basili- que sur le tombeau de saint Martin, son maitre et son pre'de'cesseur; it elablit des (Sglises a Cravant, a Bray ou Reignac, a Pont-de-Rouen, a Bri- zay et a Chinon (1). II batit aussi a Tours la seconde eglise, sous le titre de saint Pierre et de saint Paul, la premiere 6tant insuffisante : elle fut connue plus tard sousle nomde Saint -Pierre-du-Boile (Sanctus Petrus de Ballo seu Vallo). Saint Eustoche, 444-461, construisit a Tours Te'glise des saints Gervais et Protais, qui disparut en 1658, au moment oil Ton agrandit le palais ar- cbiepiscopal; peut-etre en trouverait-on les restes dans les mur'ailles inf&- rieures de la chapelle de l'archevechd. II avait fonde" des e*glises parois- siales a Breches, Yzeures, Loches et Dolus (2). Saint Perpet ou Perpe'tue, 464-494, rebatit a grands frais et sur un'plan plus vaste la basilique e'leve'e par saint Brice sur le tombeau de saint Martin. Saint Gregoire nous en a donne* une description fort curieuse quoique as- sez obscure : « Voyant, dit-il, les miracles qui s'ope'raient continuellement au tombeau de saint Martin, Perpetuus jugea que la petite cbapelle ou celle e'leve'e sur les restes de ce grand saint u'dtait pas digue de tels prodi- ges. II la fit disparaitre et batit a la place une grande basilique qui subsists encore aujourdhui, a cinq cent cinquante pas de la ville. ■ « Elle a cent soixante pieds de long, sur soixante de large ; jusqu'au plafond elle a quarante-cinq pieds de haut. 11 y a trente-deux fenetres dans le cho3ur et vingt dans la nef, et quarante-buit colounes. Dans tout l'edi- fice on compte cinquante-deux fenetres, cent vingt colonnes et buit partes, dont trois dans le choeur et cinq dans la nef (3). » Lorsque cette basilique d'un travail admirable (4) fut acheve'e, on en fit (\) llunc ferunt insiituisse ecclesiag per vices, id ett, Calatonnum, Briccain, Rotomagum, Briotreidem, Cainonem. Ibid. (2) llunc ferunt instituisse ecclesias per vices Brixeis, Iciodorum. Luccas, Polos. Ibid, JEdi- ficavit etiam ecclesiam intra muros civitatis, in qua reliquias SS, Gervasii et Protasii condidit, qua; a S. Martino de Italia1 sunt delatse. Ibid. (S) Qui com virtutes assiduas ad sepulcrum ejus fieri cernerct, cellulam quee super eum fa- Lricata fuerat vjdonsparvulam, indignam talibus miraculis judicavit. Qua submold magnam ibi basilicam quee usque hodie permanet fabrieavit s quae babetur a civitale passus quingentos quin- quaginta. Habet in longum pedes centum sexaginta, in latum sexaginta. Habet in altum usque ad came- ram pedes quadraginta quinque, fenestras in altario triginta duas, in capso viginti ; columnas quadraginta unam. In toto eedificio fenestras quadraginta duas, columnas centum et viginti ; os- tia octo, tria in altario, quinque in capso. Hist. Lib, II, cap, 14. (4) Miro opere. Lib, X, cap, 91, 186 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. la dddicace en 492 et on transporta dans l'abside (1) le corps du saint e>6que. Des debris de la basilique construite primitivement par saint Brice, saint Perpet eleva une £glise sous le vocable de saint Pierre , connue jusqu'a present sons le nom de Saint-Pierre-le-Puellier. II fonda en outre des eglises a Montlouis, a Esves ou Saint-Mars, a Monnaie, a Barrou, a Bal- lan et a Vernou (2). Pendant la courte dure'e de son e'piscopat, saint Volusien fonda l'eglise de Manthelan. L'e'veque Injuriosus batit celles de Saint-Germain, de Neuille et de Luzille" ; et saint Baud, celles de Verneuil et de Neuille-le-Lierre (3). Enfin, saint Euphrone, morten 573, auquel succeda notre saint Gregoire, consacra l'e'glise de Sainte-Maure et fonda celles de Saint-Vincent a Tours, de Ce're', d'Orbigny et de Sorigny. II n'dtait pas encore e'veque lorsqu'il fit construire une e'glise dans le faubourg de Saint-Symphorien, qui n'avait qu'une petite chapelle batie par saint Perpet (4). Saint Grdgoire se complalt dans 1'enume'ration des oeuvres de ses prdde- cesseurs; il consigne avec attention dans son histoire tous les faits que lui a appris la tradition ou qu'il a trouves mentionnes dans les archives de son e'glise. Voila done au moins quarante Eglises du diocese de Tours dont nous connaissons positivement l'origine, baties en moins de deux siecles, , depuis le milieu du ive siecle jusqu'a la fin du vic, temps auquel notre his- torien ecrivait et siegeait sur le trdne Episcopal de Tours. Pouvons-nous espe>er d'y retrouver quelques fragments de la construc- tion primitive? Avant de r^pondre a cette question et d'examiner ces eglises sous le point de vue arch^ologique, nous devons etudier certains passages des Merits de saint Gregoire relatifs au mode de batir usit6 de son temps. Au tCmoignage de Sulpice Severe, de saint Fortunat de Poitiers, de saint Gregoire de Tours et de quelques autres, il parait que la plupart des Eglises, comme les autres Edifices, eHaient construites en bois. Ainsi, seule- ment s'expliquent les remits des historiens qui racontent qu'une e'glise ou une ville entifcre etait devor^e entierement par les flammes en quelques (1) In cujus apsida beatum corpus ipsius venerabilis sancti Iranstulit. Ibid. (2) Basilicam quoque S. Laurentii monte Laudiaco ipse conslruxit : hujus tempore aedificataj sunt ecclesias in vicis, id est, Evena, Mediconno, Barrao, Baletudine et Vernado. Ibid, lib, X, cap. 31. ^ Lib. X, cap. 31. (i) Hujus tempore basilica S, Vincentii adificata est. Tauriaco, Cerate et Orbiniaco yiciseccle- siee adificat-x sunt, Ibid, QUINZIEME SESSION. 187 heures. « Vous avez relev6, (lit saint Fortunat dans son style po&ique, en s'adressant aux e>eques, vous avez releve" les temples de Dieu ruin&s par l'incendie : vous en avez balaye" les cendresle'geres, ponr en r&ablir le faite dans sa gloire primitive : ainsi le ph^nix devenu vieux trouve la vie dans la mortet s'&ance plein de jeunesse des cendres de son bucher (1). » Ce systeme de construction en bois est ce que l'auteur de la vie de saint Didier, e"veque de Cahors en 630, appelle la coutume gauloise, notre coutume gauloise (2), par opposition a la m&hode romaine, suivant laquelle les vieilles murailles de fortification avaient 6t6 b&ties, et qui semblait revivre au temps oil le meme exrivain l'appelait nouvelle maniere de bdtir, no- vum cedificandi genus. A peu pres dans le meme temps, au rapport du venerable Bede, Benoit Biscop tra versa l'Oc£an et alia dans les Gaules cher- cher des macons pour bdtir une e'glise en pierre, selon la coutume ro- maine, qu'il aimait toujours (3). Voila done les deux proce'de's usite"s commune'ment dans notre pays depuis Constantin jusqu'a Charlemagne. Le plus grand nombre des e"glises paroissiales et des basiliques qui s'e'le- vaient corame par enchantement avec une incroyable rapidite", re*par^es et reconstruites a la hate et comme en courant, e"taient evidemment baties en bois, et quelques monuments religieux plus importants, fondds a grands frais, comme les e"glises Episcopates et les basiliques dont il est dit qu'elles furent construites avec un travail admirable, miro opere, telle que la basilique de saint Martin, Etaient baties en pierre. Dans les campagnes, oil les ouvriers sont moins habiles, oil les nouveaux proce'de's p£n&trent diffi- cilement et a la longue, on conservait la coutume gauloise ; dans les villes, ou les traditions des premiers conque'rants s'e'taient plus fidelement gar- dens, on suivait la coutume romaine. Soit insuffisance des ressources, soit timidite' de l'art, soit plut6t secret instinct qui attache les hommes aux coutumes de la patrie, les traditions gauloises, affaiblies par le temps, etaient encore en vigueur dans la Gaule celtique au commencement du xie siecle. « Chez nous, dit Wandelinus, dans son Glossaire salique, jusqu'a l'an 1000, presque tousles monasteres et les basiliques Etaient en bois (4). » (1) Fortunat. ap. D. Bouquet, torn. II, passim. (2) Non quidem nostro gallicano more, sed sicut antiquorum murorum ambitus magnisque , quadrisque saxis extrui solet. (3) Caementarios, qui lapideam sibi ecclesiam, juxta Romanorum, quern semper amabat, mo- rem facerent. Ven. Bada, lib. I, num. S. (4) Lignea siquidem, ad annum Christi millesimum, apud nos omnia prope monastcria et ba- silicas extitisse, tradit Wandelinus in Glossario salico, verbo basilica. Ap. Marlot. Metrop. Eccl, Rem. Hist. torn. I, pag, 470, * 188 congres scientifique de France. Les constructions mentionnees par saint Gre'goire de Tours, et dont nous avons fait Enumeration, dtaient-elles bMies a la maniere gauloise o'u a la maniere romaine P On a prdtendu que pour l'intelligence du texte de no- tre historien, il fallait entendre le mot fabricare par bdlir en bois et le mot cedificare par bdtir en pierre. C'est ainsi qu'il est dit de saint Eustoche : « Magnara ibi basilicam, quae et usque hodie permanet, fabricavit. » Et ail- leurs : « Multas et alias basilicas sedificavit quae usque hodie in Christi no- mine constant (l). » Mais nous n'admettons point ce mode d'interprCtation ; il ne nous parait pas suftisamment fonde". II nous suffit de savoir que les Edifices de ces ages recules £taient plus souvent en bois qu'en pierre : ce qui nous explique ampleraent pourquoi la plupart ont entierement disparu sans meme laisser de ruines. Quelle Ctait alors la forme des eglises ? Le plan en Ctait varied ; mais il e"tait ordinairement en croix, avecune nef allongde , et une abside sCmi- circulaire au clievet; quelques eglises furent entierement rondes, d'autres carries. Les unes e^aient surmontCes de plafonds et les autres de voutes ; toutes 6taient tournCes vers l'Orient. On ne saurait prendre une idee plus exacte des principals dispositions d'une grande basilique des Gaules qu'en lisant la description de l'eglisebatie a Clermont par l'dveque saint Namatius. « Celui-ci fit construire sous sa direction l'eglise qui existe actuelle- ment et qui passe pour la plus ancienne dans les murs de la cite" ; elle a en longueur cent cinquante pieds, en largeur soixante pieds, en hauteur, de- puis le pave" jusqu'au plafond, cinquante pieds ; elle prgsente en avant une abside ronde, et de chaque cdte- des ailes construites avec un travail ele- gant; tout Edifice s'Ctend en forme de croix. On y voit quarante-deux fe- nitres, soixante-dix colonnes, huit portes. La crainte de Dieu y regne, et une grande clarte" brille dans toute l'enceinte. Les murs du sanctuaire sont orne"3 en mosaique d'une grande quantity de marbre diffe* rents (2). » Cette iSglise devait assurement etre fort belle ; celle de Saint-Martin de (1) Greg. Tur. hist. lib. II, cap. 14. ($) Hie ecclesiam qua; nunc constat, et veterrima intra muros civitatis habelur, suo sluJio fabricavit, habentem in longum pedes centum quinquaginta, in latum pedes sexaginla, in altum infra captsum usque cameram pedes quinquaginta : ante absidem rotundam habens, ab ulro- que latere cellas eleganti constructas opere , totumque aedificium inmodumcrucisbabelurexpo- situm. Habet fenestras XLII, columnas LXX, ostia octo. Terror namque ibidem Dei et claritas magna conspicitur parietes ad altarium opere sarsurig ex multo marmorum genere exorna- tos habet. Greg, Tur. )ir. II, cap. 10, QUINZI&IE SESSION. 489 Tours dtait encore plus splendide, puisqu'on y comptait cinquante colonnes et dix fenetres de plus qu'a Clermont ; mais c'e'taient, sans nul doute, les chefs-d'oeuvre du temps, et Ton se tromperait £trangement si Ton pre'ten- dait retrouver cette pompeuse decoration dans les modestes basiliques de nos campagnes, dans ces Edifices que saint Gr^goire a^eWeplebanas ec- clesias, e^lises du peuple, Nos plus anciennes eglises ont 6t6 baties sur le plan simple de la basili- que primitive : on le retrouve parfaitement conserve* a Saint- Michel -sur- Loire. L'^difice consiste en une seule nef, terminer a l'Orient par une ab- side en h^micycle. Quoique cette e^glise offre les caracteres de la plus haute antiquity et que la muraille du nord soit en petit appareil, nous n'osons pas cependant la faire remonter a une epoque ant^rieure au xi* siecle, parce que les documents historiques nous manquent pour appuyer solide- ment notre opinion. 11 n'en est pas de raeme pour Saint- Mars-la-Pile; la partie supe'rieure de l'eglise est de la fin du xi* siecle ; nous en connaissons la date positive (1). Cette portion du monument est construite en pierres de moyen et de grand appareil et differe essentiellement de la nef batie en pierres de petit appareil, quadris lapidibus : il y a e^videmment ici deux process differents, et puisque la region absidale et le clocher appartien- nent authentiquement au xr siecle, on ne saurait nier que la nef soit du style romauo-byzantin primordial. Une fois ce point admis, et nous la croyons incontestable, y a-t-il une si grande difficulty a adraettre que cette antique basilique remonte au temps de saint Gr^goire ? Peut-etre ces belles murailles, d'une solidity a l'epreuve du temps, d'une conservation parfaite a c6t£ des murs du xi" siecle, tezard^s et ecrase^s par le poids des voutes, sont-elles de la basilique ti'Evena, nom primitif de Saint-Mars, d'apres M. Chalmel (2) ? Un monument dont la ve'tusle' est plus frappante encore est celui dont on voit les de'bris dans le bourg de Vernou. Un grand pan de muraille, perce1 de fenetres en plein-cintre, se dresse au milieu des constructions, defiant les injures des saisons, bravant les efforts des hommes. Les instru- ments les mieux trempe's s'e'moussent sans pouvoir l'endommager. Les pierres rdgulieres de petit appareil sont unies par un ciment e^pais, plus dur que les pierres elles-m6mes. Les cintres sont formes de briques acco- l£es, Edparees par des claveaux de distance en distance. On connait cette (1) L'eglise de Saint- Mars-la-Pile fut consacree le VII des ides de decembre M. XCI. (1091). — Extrait du Martyrologe de saint Julien de Tours, (2) Histoire de Touraine, Chalmel, torn, III. 190 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ruine sous le nom de Palais de P4pin-le-Bref ; peut-6tre faudrait-il y voir les restes de la basilique de Vernadum, fondee par saint Perpet ? Quelles que soient d'ailleurs les conjectures hasardees sur ce curieux de- bris, il n'eu demeure pas moins certain pour les antiquaires Cclairds qu'il remonte a une dpoque difficile a determiner, sans le secours de l'histoire, et qui ne saurait etre posteiieure au x* siecle. Des restes non moins authentiques que ceux de Vernou subsistent en- core a Chisseaux , a Sonnay, a Saint- Germain-sur-Vienne et a Pont-de- Rouen ; et il ne faudrait pas grand effort pour en reconnaitre au moins des vestiges a Sorigny, a Reignac et a Manthelan. A Cravant, nous voyons une muraille entiere qui remonte aussi a cetle epoque recule'e. Cette longue enumeration d'edifices, ou pour parler plus exactement, de fragments d'edifices contemporains de saint Gregoire de Tours, excitera 1'etonnement, un sentiment dincredulite, peut-etre, chez plusieurs archdo- logues. Nous ne nous sommes pas dissimule" la difficult^ de njtre these. Mais nous avons acquis une conviction profonde que nous possesions rdel- lement d'assez nombreux debris des constructions religieuses les plus an- ciennes des Gaules. Voici quelques-uns des arguments sur lesquels elle s'appuie. Quiconque a tant soit peu etudie la science archeologique, sait quelle importance nous attachons a l'analogie. Lorsque nous rencontrons un Edi- fice dont les formes architecturales sont fortement caracte'rise'es, mais dont la date est inconnue, en le comparant a un monument analogue, nous en determinons l'age aisement et surement. Contester ce principe, serait ebranler la science jusque dans sa base. L'eglise de Cravant prdsente dans son etatactuel des signes architectoni- ques p'ropres a guider l'antiquaire de maniere que l'erreur soit presque impossible. L'abside porte tous les caracteres du style romano-byzantin secondaire et ils y sont tres-nettement accuses. L'oeil peut done facilement comparer la partie primitive avec la partie poster ieurement ajoulee ; deux styles sont la en presence; toute confusion disparait. Or, entre la nef et l'abside de la basilique de Cravant il y a une distance infinie. II faudrait faire violence aux principes les mieux arreted de la critique des monu- ments pour les attribuer a une seule et meme epoque artistique. Pour l'archeologue attentif , il y a certainement une difference aussi prononce'e entre les deux parties, qu'entre les constructions ogi vales du xiue siecle, graves et se"veres, et celles du xvie siecle, surcharges de lignes et d'orne- ments. La partie antique de l'eglise de Cravant est batie en pierres tres-bien ap- quinzieme SESSION. 491 pareilldes. Le petit appareil domine dans l'^difice et se fait remarquer par une sym&rie sp£ciale et par une liaison de ciment fort e'paisse et fort so- lide. C'est une imitation, ou au moins un souvenir des murs gallo-romains de Tours. Les fenetres a l'exte'rieur sont accompagne'es d'une archivolte tres-simple, appuyee sur de petits modillons, r-egulierement espace's, taille"s en quart de rond. Entre chaque fenetre la grosse moulure qui sert d'archi- volte, se releve de maniere a figurer une espece de fronton triangulaire : les lignes en sont soutenues sur les m&mes modillons, Cette decoration, par sa re'gularite' syme'trique produit un effet agrdable. On voit une disposition semblable a l'eglise de Saint-Ge'ne'roux, au diocese de Poitiers, qui a 6t6 depuis longtemps signage par M. Me'rime'e, M. de Caumont et d'autres an- tiquaires. L'eglise de Pont-de-Rouen (Rotomagus) est moins belle que celle de Cravant, mais comme cette derniere elle offre de curieux vestiges de deux styles d'arcbitecture : on dirait vraiment que cette opposition de caracteres architectoniques s'y trouve a soubait pour la facilite" de la demonstration. La partie romane primitive est batie en petit appareil irregulier et avec une certaine barbaric Les fenetres sont petites, etroites, en forme de meur- 4rieres, fermdes en haut par une espece de linteau. Toute cette construc- tion monlre Taspect de la ve'tuste', a cdte* du portail qui date du xie siecle. A quelle epoque peut-on rapporter un batiment qui est evidemment bien plus vieux que le xi* siecle ? Des antiquaires pr^venus he'siteraient a r£pon- dre. Pour nous, nous pensons rester dans les limites les plus etroites de 1'analogie et de l'induction en atfribuant a saint Brice d'antiques murailles incontestablement antCrieures au x° siecle, baties suivant un systeme con- forme aux proce'de's des siecles les plus eloigned. Quant a l'dglise paroissiale de Sonnay, fondle par saint Martin, mention- ne'e par saint Gregoire et par l'historien de la translation du corps de saint Ldger, dveque d'Autun, il serait assurement difficile de prouver que le moindre fragment remonte au v* siecle, malgre' l'apparence de la plus haute antiquite". Nous n'essayerons pas de le faire, nous contentant ici de publier une tres-curieuse inscription rdcemment ddcouverte par M. l'abbe' Fleurat, curd de Sonnay. Apres l'avoir lue les antiquaires les plus seVeres seront force's de reconnaitre dans le vieil Edifice des restes de l'architecture du rxe siecle. A ce sujet, notre raisonnement est toujours le meme : l'archeo- logie nous montre une construction qui precede le style usite' au xi° siecle ; pourquoi ne pas s'en rapporter a des documents historiques parfaitement authentiques qui ne sont pas en contradiction avec les principes de la science ? 492 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Voici cette inscription : Hie requiescit Alderamnus • Saccrdos, Tir vera; vitee Amalor, fide plenus et caritatis Amore, prodigus erga pauper es Largitor, hanc quoque quam cernia £dem ipse fundavit ab imo. Obiit in pace VHP cal. maii anno Dni D CCC LXXIV. (874) Plusieurs autres dglises, dont nous avons d£ja cite* les noms, portent en- core quelque empreinte des arts Chretiens primitifs dans nos contr&s. A Chisseaux, M. de Caumont, signalait des restes de construction a petit ap- pareil, dont l'e'tat ne de'mentirait pas l'origine; a Saint-Germain-sur- Vienne , on apercoit a la base de la tour et dans le mur septentrional de la nef des debris antiques, analogues a ceux de Cravant , avec quelques dessins grossierement sculpted, dans le genre de ceux qui ont 6t6 public's par le savant M. de Caumont dans la premiere partie de son Cours d'An- tiquitCs nationales. II en est de meme a Sorigny, a Manthelan et a Reignac. Nous n'avons fait qu'effleurer une des plus graves questions de l'archdo- logie. Nous en aVons dit assez pour appeler l'attention des antiquaires sur nos venCrables basiliques plebeiennes, comrae les appelle saint Gregoire de Tours. Nous avons la ferme conviction que malgre' les ravages des siecles et les efforts des hommes qui font plus de ruines que le temps, la Touraine possede encore de prCcieux debris de ses monuments Chretiens primitifs. On peut nier nos preuves, contester nos raisounements, mais nous pensons qu'on ne le peut pas faire sans se jeter dans d'inextricables difficulty. N'a- vons-nous pas en notre faveur les principes les mieux alfermis de la science des antiquites religieuses? Comment soutenir que des Edifices Clove's suivant des systemes opposes, dont les caracteres sont ^ssentiellement diff events, appartiennent nCanmoins a une meme Cpoque et a un meme style architec- tonique ? Puissions-nous voir nos iddes a ce sujet partagCes par les archCologues distingue's qui assistent an Congres, et obtenir la sanction de leur approba» tion, la seule que nous ayons a rechercher et a dCsirer I La seance est levee a trois heures et demie. QWNZIEME SESSION. 193 Seance du lO geptem1>re« Presidence de M. l'abbe Bourasse. M. Andre Salmon, secretaire. La seance est ouverte a sept heures sous la presidence de M. 1'abbe Bourasse. M. Tabbe Manccau donne lecture du proces-verbal de la seance d'bier ; il est adopte. M. l'abbe Bandeville lit ensuite un rapport de la visile arcbeologiquc faite aux eglises de Saint-Sympliorien, de Saintc-Radegonde et aux ruines de Marmoutier. Messieurs , A quelques pas de Saint-Gatien , il est une raaison de cheHive apparence , maison qui n'a rien d'arcbiologique, comme ceile que nous faisait visiter, il y a trois jours , M. l'abbe" Manceau ; et pourtant cette maison mente toute l'attention , tout l'intdret des amis de l'art , non pour elle-meme , mais pour celui qui l'habite : cette maison , c'est celle de M. Avisseau, cet artiste laborieux et perse* vdrant, qui, sans autre secours que son pro- pre g^nie, a trouvele secret, depuis longtemps perdu, de reproduire les belles poteries dmailldes de Bernard Palissy. Qu*il nous permette de lui t&moigner ici toute l'admiration que nous voulious lui exprimer chez lui. On ne peut passer devant le chateau de Tours sans lui rendre une visite. Tout le monde admire ces belles casernes de cavalerie dont la ville peut etre ficre , ces immenses ^curies que bien des hommes envieraient pour habitation ; l'arch^ologue passe en aveugle devant ces grandes choses : ce qu'il cherche , c'est du vieux ; ce qu'il admire c'est cette tour romane 494 congres scientifique de france. qu'on dit construite par Henri II , roi d'Angleterre , c'est cette tour a ma- chicoulis, batie au xv" siecle , cribtee de boulets et de mitraille, tour qui porte le nom de Guise , parce que , dit l'histoire , le fils du Balafre" s'e'chappa de la en 1591 , en se jetant a la Loire, quibaignait alorsle piedde la tour. On mura depuis la fenetre par laquelle il s'evada : il etait bien temps ! Nous traversons le fleuve sur ce pont suspendu dont la legerete^n'est qu'a demi rassurante, et dont les balancements font eprouver au coeur je ne sais quelle emotion involontaire. Devant nous une fleche a la forme gracieusement elance^e nous annonce l'e'glise de Saint-Symphorien , c'est celle que nous allons visiter. Nous trouvons , pour nous faire les honneurs de son 6glise, M. le cure" de la paroisse, qui nous accueille dans le pres- bytere tout neuf que lui a valu l'iaondation derniere. Strange destinee des presbyteres de Saint-Symphorien ! l'ancien p^rit par le feu, dans les guer- res de la ligue ; celui qui vint ensuite pent dans l'eau l'hiver passe" ; esp£- rons un sort meilleur pour celui qui s'Cleve aujourd'hui sous la direction de M. Gu^rin. Au portail de 1'eglise, construit en 1567, et sur lequel se dessinent d'6- tegants arabesques, nouslisons ce verset du psalmiste : In domum Bo- mini Icetantes ibimus. Notre guide nous donne l'origine et la traduction de ce texte , en nous apprenant que Paul Denis , capitaine des gardes d'Henri III, aux frais duquel s'elevait ce portail, devait bientot conduire a l'autel sa jeune fiancee; il tra^ait ainsi sur la pierre l'expression de sa joie et Pesp^rance du bonheur que Dieu sans doute ne lui a pas refuse". Quatre vers latins : Regi sidereo jubilemus corde benigno Qui superis sanctum sociavit Symplioriaouin Angelicis turmis sociatus Symphorianus Oret pro nobis pietatem cunctapotentis. expriment cette pens£e : Rendons graces de bon cceur au Roi des Cieux qui a place" saint Symphorien dans la Soci&e" des bienheureux. Saint Syni- phorien, qui vivez au milieu des chceurs ange^liques, implorez pour nous la bonte du Tout-Puissant. Au pied d'une statue de Marie , placed au milieu du portail comrae pour rappeler que c'est par Marie qu'on va plus surement a Dieu , nous lisons : Salve , certa salus mundi , sanctissima Virgo ; SaJut , Yierge sainte, le refuge assure" du monde. Pourquoi done ce portail offre-t-il les traces de nombreuses cicatrices? pourquoi les gracieux ornements qui le de"corent sont-ils presque tous mutile"s? Est-ce que l'impiete" ou l'he"re"sie ont leve" le bras pour le de"truire ? Non : c'est au * nom de la religion, et de la religion catholique, que ces Measures ont etc QUINZIEME SESSION. 195 faites. C'etait le 8 mai 1589 ; Henri III, revenant de Marmoutier, apprend de Jarsey, qui le tient d'un meunier, que Mayenne arrive de Saint-Bar- th&emy avec des forces sup^rieures, et va le surprendre. Le roi se reTugie en toute hate dans les murs de Tours. L'ennemi arrive; Jarsey, qui a ferine" les portes, perit en combattant ; les habitants du faubourg, refugie's dans l'eglise, y soutiennent un siege qui arr6te les ligueurs ; mais enfin V6- glise est force'e, envahie, piltee comme une place prise d'assaut. Toutefois des vases sacrds sont respected, ils sont detain ; d'autres, qui sont d'or, sont d^clards he>6tiques, et comme tels confisque's au profit des vain- queurs. Mais entrons dans l'eglise. L'abside carre'e, du xne siecle, a 6t6 decoree a la Louis XV, c'est-a-dire deshonor^e par de fades ornemenls et par la substitution d'un autel de mauvais gout au vieil autel gothique si bien en rapport avec le reste de 1'^difice. Les nefs et letranssept appartien- neut au xvie siecle, et offrant une singuliere disposition; c'est que les deux bras de la croisee ont pre'cise'ment la m6me longueur que la nef. Y aurait- il ici quelque pens^e symbolique ? Une autre disposition non moins remar- quable, c'est que la nef septentrionale va se r£tr£cissant depuis le transsept jusqu'au portail, r&r^cissement qui s'explique, non par des symboles, mais par l'exigence de l'ancienne voie romaine de Paris a Bordeaux. Dans une des travels de la nef mendionale , on remarque a la voute des bran- dons et des coquilles, et plus bas un caiman, quelques-uns pensent que la e^tait une chapelle seigneuriale, fondle par une famille qui remontait aux croisades; mais ces ornements, qui se voient toujours sur le costume donne* a saint Jacques, font penser plus naturellement que la chapelle £tait de'die'e a ce saint. Au dehors nous allons chercher les restes de la vieille eglise romane; nous voyons les fondations, l'abside, aux ornements en zigzag, le clocher aux quatre baies en plein cintre, les modillons, dans lesquels avec un peu de bonne volonte' on trouve l'embleme des sept peches capitaux. Ne quit- tons pas l'eglise sans avoir donne une pense'e aux morts qu'elle renferme : c'est madame de Menou , d^cdd^e en 1770 ; c'est madame la duchesse de Rochechouart , inhumed en 1752 , et devant la maison de laquelle nous allons bient6t passer. Pieux Invites, qui allez chaque semaine vous delasser de vos travaux dans la maison qu'habitait jadis une princesse, vous n'ou- bliez pas, j'en suis sur , de recommander a Dieu celle qui e'leva la douce retraite dont vous jouissezaujourd'hui (1). Le chemin par lequel nous conduit M. le cure de Saint-Symphorien (i) Cette maisoa apparent aujourd'hui au Grand S&nmaire de tern, 496 CONGRES SCIENTJFIQUE DE FRANCE, est une terre sainte , c'est le chemin de Marmoutier , celui que suivit si souvent saint Martin. Sur notre route se trouve une eglise a moitie" taillee dans le roc et adosse'e a la montagne, Eglise qui prdsente tous les carac- teres du xe siecle ; clocher carre- avec fenetre entre deux contreforts ; ab- side en quart de cercle, avec ornements en damier : c'est l'eglise de Sainte- Radegonde. La se trouve une grotte que M. de PCtigny croit druidique, et que la tradition assure avoir 6t6 sanctified par les prieres de saint Martin, puis de sainte Radegonde. Le benitier, qui porte la date de 1522, est en marbre blanc, orne* de figures qui s'dtonnent de n'etre pas sur un monu- ment profane. Aupres de la porte d'entrCe nous avons remarque un tableau sur lequel j'appellerai l'attention des amis du symbolisme ; pour moi , j'a- voue que ma penetration ne va pas jusque la ; et pourtant c'est un sujet connu, une scene tir£e d'un livre que nous avons touslu, ce sont les Noces de Gamaches ! que font-elles dans un tel lieu ? Si vous le savez , je vous prie de me le dire. Allons plus loin. Par une porte de construction mo- derne nous entrons au lieu oil fut Marmoutier. Les tresors d'erudition qui y furent enfante's par tant de savants be'ne'dictins, le parfum de piete* qu'y rdpandirent tant de vertueux cenobites, le nom, le souvenir de saint 'Ld- ger, de saint Martin, de saint Gatien , tout criait grace pour Marmoutier, et Marmoutier n'est plus ! La oil s'&evait l'antique, la grande, la riche abbatiale, l'ceil attriste' ne voit plus que des ruines ! Ces dCbris d'escalier que vous apercevez dans le flanc de la montagne, non loin de la porte d'en- trde , ce sont les degre's qui conduisaient a la grotte de Saint-Leger ; c'est la qu'il vdcut, la qu'il recut la communion derniere des mains de saint Grdgoire de Tours, la enfin qu'il rendit a Dieu son ame sainte. Ces ouvei- vertures beantes qui paraissent faire du roc un vaste crible, et qu'uu eboulement a mises a nu, ce sont les grottes oil d'austeres anachoretes allaient se livrer aux rigueurs de la penitence et aux charmes de la con- templation; au milieu d'une profonde obscuritd, leur ame, Cclaireepar la priere, voyait, pour ainsi dire, sans voile Mernelle splendeur de Dieu : cet dnorme fragment de roc, que vous trouvez sur votre chemin , et qui fut enclave" dans l'eglise, s'etait jadis de'tachd de la montagne; saint Martin s'y etait construit une cellule ; plus tard saint Brice , qui n'avait pas tou- jours e"t^ un saint , s'y etait creuse un asile au-dessous , pour y pleurer les torts qu'il avait eus envers son venerable pr£d£cesseur. Ces deux cellules, pre'eieux sanctuaires, vdnerds de tous, avaient surve*cu a la destruction de l'abbaye ; la piele" les r^clamait ; un respectable pretre demandait a en faire 1'acqnisition ; mais l'homme qui les possedait, pour se de'barrasser a la fois et de ces importunes instances et de ces restes imitiles, les fit de- QUINZIEME SESSION. 197 molir, il y a, dit-on, vingt-cinq ans. Appellerai-je votre indignation sur un telacte? Messieurs, une bouche destined a bdrirnesauraitprofe>erde ma- lediction; contentons-nous de dire en soupirant : Seigneur, ayez pitie* de lui. Cette vaste tour, qui s'eleve jusqu'au soramet de la montagne, dtait le clocher, non de l'eglise , mais de l'abbaye : la rdsonna longtemps une belle et grave sonnerie qui charma si souvent les oreilles de vos peres. Une chapelle construite au haut de cette tour rappelie le nom de saint Martin. Du haut de la plate-forme, le texte de Sulpice-Se'vere a la main , nous reconstruisons par la pensde l'ancienne abbaye. Nous suivons de l'ceil les restes du vieux mur d'enceinte , flanque* de tou- relles, immense carre dont un des cdte's s'e'tendait de la Loire jusqu'au- dessus du chateau de Rougemont. A nos pieds se voit encore un debris de la porte ogivale du cloitre; au milieu des vignes actuelles on voyait, il y a trente ans, le reTectoire encore entier ; pres de ces murs creneles et mu- nis de tourelles, etait la grange abbatiale; a cote* du cloitre s'elevait l'e- glise, de'die'e en 1096 par le pape Urbain II; Urbain II, qui avait se'journe a Mar'moutier, mangeant a la table des religieux, prenant leur defense contre la tyrannie des exigeants chanoines de Saint-Maurice , et prechant la croisade aux barons et au peuple accourus en foule sur les rives de la Loire. Ce portail, qui subsiste encore , est du a Hugues de Rochecorbon , eveque de Charlres; il offre la forme d'une mitre : plus pres, dans l'en- ceinte du monastere, £tait un autre portail a forme de crosse, pour rappe- ler que l'abbe* etait mitre et crosse*. Ces deux tourelles rapproch^es, qui relient la muraille d'enceinte, ont ete* baties par Simon Lemaire, pour intercepter le chemin aux passants. Cet abbe, fatigue* du passage continuel des habitants , avait obtenu du roi la suppression de cette servitude ge- nante ; le peuple, trouble* dans ses habitudes, fit une sorte d'e*meute ; mais une potence, dresse*e par ordre de l'abbe, apprit aux mutins qu'il e*tait prudent de se taire et de passer par un autre chemin. Nous descendons quelques marches a la suite de notre guide, et nous sommes dans la pre- miere cathddrale de Tours. Ce n'est point cette eglise aux voutes hardies, aux verrieres de rubis et d'e*meraudes, aux colonnes sveltes et gracieuses ; c'est une grotte obscure, taille*e en forme de croix, dont une parlia fut creuse*e par saint Gatien , qui s'y reTugia pour c£l£brer les saints mysteres et offrir ses vceux pour le salut des Turons ; l'autre le fut par saint Mar- tin, qui aimait a retremper sa piele* aux lieux sanctifies par son predeces- seur. Pres de Ik nous voyons la chapelle des sept dormants. C'&aient, dit la tegende, autant de freres, parents de saint Martin, qui, partant pour la Terre-Sainte, etaient venus le visiter a Tonrs ; le saint les avait conduits *3 198 congres scientifique de France. a Marraoutier , et les avait benis a leur depart. Revenus a Tours , ils avaient regu les saints ordres, puis ils dtaient venus a Marmoutier vivre de la vie des anachoretes. Une nuit, saint Martin, qui venait de mourir, leur apparut, et leur annonca que bientot ils le rejoindraient. Bientdt en effet, au milieu des matines, tous ensemble ils s'endorment pour ne s'e'veil- ler qu'au Ciel. Leurs corps furent d£pos£s pres de l'autel que s'eHait fait saint Martin : de la le nom des sept dormants donne- a cette partie de la crypte. Non loin de la se trouve la fontaine creuse"e par le saint £v£que, et dont l'eau sert aujourd'hui a faire l'excellente bierre de M. Lucas. Puis viennent les caves, ou plutdt les vastes, les immenses carrieres d'oii fu- rent tire's les materiaux qui servirent a coustruire l'abbaye ; carrieres qui offrirent aux religieux une retraite assured lors de l'invasion normande. Pendant cette invasion, dit la tradition, la chasse de saint Martin fut trans- ported a Auxerre; et comme, a son retour , elle operait de nombreuses guerisons, deux mendiantsiufirmes s'enfuirent bienloinde Tours, de peur d'etre gue>is malgr£ eux, et de perdre, avec leur mal, les fruits qu'ils en retiraient.— Voila tout ce qui reste du plus grand monastkre : Majus mo- nasterium ; des rochers , des souvenirs ! — Les dames du Sacr^-Coeur viennent d'acquerir une partie de ces ruines : bientdt, nous Tespdroiis, il nous sera donn6 de voir la devastation faire place a de paisibles, a de saintes demeures ; bientdt le desert retentira encore, comme autrefois, des accents de la louange et de la priere; bientdt, dans un nouveau Marmou- tier, des essaims de jeunes personnes, tout en puisant les principes de la vertu daus les conseils, les exemples de sages directrices, pourront respirer le parfum de la science aux lieux ou dcrivait D. Martene , et celui de la ptete" dans l'oratoire oil priait saint Martin. M. le president donne lecture de deux lettres de M. Per- not; la premiere par laquelle il offre pour les archives du Congres, de la part de MM. Engelmann et Graff, le fac-simile d'un livre d'heures ; la seconde, pour demander qu'un rap- port soifc fait sur les dessins exposes dans la salle du Con- gress. M. le president nomme pour faire ce compte-rendu une commission composee de MM. Cartier fils, Bandeville, Manceau, Aubineau et Jacquemin fils, M. 1'abbe Auber demande : 1° que les proces-verbaux ne contiennent qu'un simple expose des fails ; 2° que Ton n'ad- mette aucune question en dehors de cellcs du programme. QUINZ1EME SESSION. 199 Ces propositions sont renvoyees a la commission centrale qui les examinera. La parole est a M. le baron de Mathan sur la 8e question : Rechercher comment , pourquoi, ou et a quelle epoque ont ete fioce'es les regies de la science he'raldique ? L'honorable membre cite en ces termes les auteurs qui ont ecrit sur cette science si utile pour guider les investigations de l'histoire. Messieurs , M. Henri- Martin fait commencer la fe\)dalitda Charles-le-Chauve, ix« siecle , Epoque de la concession des benefices en heritages. M. de Sisraondi pretend que le partage rapidedes anciens patrimoines, des le xie siecle , forcait le gentilhomme a se cootenter d'une portion de terre plus petite qu'autrefois , et les bourgeois , qui s'enrichissaient par le commerce et l'indusfrie, se trouvaient plus rapproche*s d'eux ; les nobles voulurent alors se separer d'eux par quelque chose qui leur fut particu- lier ; une attention scrupuleuse commenga a s'attacher aux genealogies et a la purete* du sang; et des le milieu du xie siecle, la naissance consti- tua seule la noblesse a l'exclusion de la richesse et du pouvoir. Les emblemes, dont on avait use- arbitrairement jusqu'a cette Epoque, commencerent a devenir une marque de distinction, et a se perpe"tuer dans les families. Les croisades vinrentensuite et on comprend facilement qu'une si graude quantite de chevaliers, partant pour une expedition lointaine, sentirent le besoin de se reconnaitre entre eux par des signes particuliers, qu'ils firent peindre sur leurs bannieres et ensuite sur leurs armures. Pro- bablement , ceux qui n'en avaient pas adopte" en prirent a cette epoque , et le besoin de ne pas etre confondus les uns avec les autres a du faire naitre la premiere r^gularisation des armoiries. Au retour des croisades, les chevaliers conserverent leurs armoiries comme souvenir honorable de la part qu'ils y avaient prise , ils les trans- mirent a leurs descendants qui les conserverent comme une preuve de leur naissance illustre et comme un de leurs plus preweux titres de no- blesse. Beaucoup d'anciens auteurs sur l'art he>ardique ont voulu faire re- monter l'usage des armoiries jusqu'a Nemrod, Hercule, Cesar et Jesus- Christ lui-meme. Le pere Menestrier a r<*fut6 d'une maniere tres-victo- rieuse toutes ces opinions ; il place le commencement de l'art he'raldique en France au regne de Louis-le-Jeune (xne siecle ), qui le premier r<*gla les fonctions des heraults d'armes pour le sacre de Philippe-Auguste, son 200 CONGRES SCIENTIFIQTJE DE FRANCE. fils , et fit server de fleurs de lis tous les ornements dont on se servit a cette ceremonie. On trouve , dans les temps ante'rieurs , des fleurs de lis sur les sceptres et sur d'autres insignes de la royaute , mais on n'en voit aucun sur les e'cussons; Louis-le-Jeune est le premier roi de France qui en ait fait un contre-scel. M. de Courcelles, a l'appui de l'existence des armoiries avant les croisades , cite plusieurs sceaux qui se sont conserve's jusqu'a nos jours. On a le contrat de mariage de Sanche, infant de Castillo , avec Guille- minc, fille de Gaston II, vicomte deBearn, de Tan 1000 avant J&us- Christ , au bas duquel il y avait sept sceaux apposes, dont deux se sont conserves entiers. Le 1" represente un ecu sur lequel on voit un ie- vrier ; le 2e est un ecu divise par des barres transversales ; celui-ci, comme vous le voyez, contient des figures employees dans le blason moderne; quant au 1", il ajoute qu'il pouvait bien etrele sceau de Garcie-Arnaud, comte d'Auve, qui vivait dans le meme temps, et dont les descendants ont toujours porte un levrier dans leurs armes. II existe deux sceaux d'Adalbert, due et marquis de Lorraine, apposes a deux chartes de 1030 et 1037, qui represented un ecu charge d'une aigle au vol abaisse. Un diplome de Raymond de Saint-Gilles, de l'an 1088, est scelie d'une croix videe et pommetee, telle que I'ont toujours ported depuis Iescomtes de Toulouse. Enfin, le sceau de Tbierri IT, comte de Bar-le-Duc, de Montbelliard , de Ferrette, mis au bas d'un acte de 1093, represente deux bars adosses. Le moine de Marmoutier, qui a ecrit l'histoire de Geoffroy, comte d'Anjou, en 1100, parle du blason comme d'un usage etabli depuis long- temps dans les families illustres. On peut conclure de tout cela, dit M. de Courcelles, quel'origine des armoiries remonte incontestablement a la iin du x" siede ; qu'on les voit en usage dans plusieurs grandes maisons longtemps avant les tournois ; que les bannieres et les ecus armories formaient pour ainsi dire les bases de la jurisprudence de ces exercices militaires ; enfin que les croisades, en 1096, paraissent avoir rendu les armoiries propres a tous les chevaliers qui s'embarquerent pour ces expeditions , et que e'est depuis cette dpoque qu'elles sont devenues hereditaires dans prcsque toutes les families d'ori- gine chevaleresque. Tant qu'a expliquer Vorigine du mot blason, M. Borel d'Hauterive dit que les premieres notions du blason nous viennent d'Allemagne ou les jou- tes et tournois commencerent a etre en usage au milieu du x° siede, des le regne de Henri l'Oiseleur. M. Lambron de Lignim remplace M. le commandant de Matlian a la tribune, et prend la parole en ces termes : quinzieme session. « 201 Malgrd le nombre imposant d'auteurs qui ont ecrit sur l'origiue et la science des armoiries, on est force- de convenir quejusqu'a ce jour, la ques- tion qui nous est proposed n'a point encore recu une solution satisfaisante. La signification qu'ils donnent a ces emblemes nous paratt, presque tou- jours, interpr&ee sans critique, d'une maniere peu conformeaux exigences de la ve'rite', et le symbolisme dont on voudrait les embellir n'affiche a, nos yeux que la pretention dCraisonnable de chercher dans des signes , adopted le plus souvent par l'effet d'un caprice inexplicable, les premices d'une langue mystCrieuse dont le sens dnigmatique rendrait l'Ctude et l'expli- cation de ces raonumeuts du moyen-age plus difficile que cclle des hiero- gly plies de l'antique £gypte. II nous est impossible d'adopter l'opinion de Favin qui ne craint pas de faire remonter l'origine des armoiries aux enfants du premier homme ; Segoing , un peu plus modeste , se contente d'en attribuer l'invention aux fils de Noe\ C'est sans doute d'apres le sentiment de cet auteur, qu'une famille avait fait peindre une representation du deluge; Ton y voyait un serf de cette maison, soutenant au-dessus des eaux un ecu blasonnC aux armes de ses maitres , il s'ecriait an moment de disparaitre pour toujours dans les flots : « Grand Dieu , sauvez du moins les armes de cette illustre « maison. » Les Rabbins modernes pretendent que les armoiriesbnt pris naissance chez les Juifs; ils indiquent celles qui distinguaient les douze tribus des enfants d'Israel. Petra-Sancta et plusieurs autres en font remonter l'dpoque aux temps lidr-oiques ; Bara indique et blasonne les armoiries des heros qui firent la conquete de la Toison d'Or sous la conduite de Jason. Sicile pretend que c'est Alexandre qui, le premier, rdgla l'usage des armoiries. Le P. Monet, savant fort distingue" , et de nos Jours , M. Granier de Cassagnac soutien- nent que, des le siecle d'Auguste, les armoiries existaient avec les sym- boles et les signes employes au moyen-age. Enfin, le Feron a donne et figure", sans toutefois en indiquer la source, les armoiries des rois des deux premieres races , ainsi que celles des princes et grands dignitaires de ces epoques recuses. Le Pere MCndtrier, dans son ouvrage intitule" de Vorigine des armoi* Ties et du Mason , nous semble avoir une opinion mieux fondle sur ce sujet. Nous pensons avec lui que l'origine des armoiries ne date que de l'epoque des Tournofs. Les croisades auront contribue a etablir un ordre plus parfait dans l'ordonnance et l'agencement de ces signes, qui, adopters primitivement par les chevaliers pour fce faire reconnaitre dans la lice, furent conserves, par la suite, comme un temoignage glorieux des hauts faits de leurs ancfetres. L'Cpoque a laquelle ont 6t6 fixe"es les regies de la science heraldique ne parait pas remonter au-dela du xive siecle. Quelques auteurs, dont les plus anciens appartiennent au regne de Philippe- Auguste (1180, 1223) 202 *~congres scientifiqce de France. ont laisse des manuscrits dans lesquels ils indiquent les armoiries des sei- gneurs de leur temps, mais sans offrir aucun renseignement sur Te'tat meme de la science hCraldique. L'un d'eux, Jacques Bretex, e'crivait en 1285 et blasonne les armoiries des chevaliers qui prirent part aux joutes de Chauveney en cette meme anne'e. Guillaume Guyart , he'raut d'Orle'ans, parle des armoiries, en 1306, dans le roman des Roy aux Lignages. Bartole de Sasso Ferrato a laisse" un petit traite" latin sous le titre : Be insignis et armis de l'anne'e 1350. Guillaume-le-Neve , roi d'armes d'An- gleterre , a donne" un livre plus complet dans lequel il indique la maniere d'employer les couleurs et les animaux en armoiries et celle de les placer sur les drapeaux, les e'charpes, les housses des chevaux, les boucliers , les habits, etc. Un manuscrit trouve a la prise de Calais, en 1346 , et dont il existe une copie de l'anne'e 1>380 , renferme des documents (orts inte>es- sants sous ce titre : Ordonnances appartenans a Voffice d'armes et les couleurs appartenans aux Masons et la maniere de lafondation des ordonnances des Mrauts. Le roman si connu du Petit Jehan de Saintre', 6crit au xi\* siecle , contient les armoiries des principales families du royaume. C'est seulement sous le regne de Louis XI que Ton trouve les regies du blason formulees d'une maniere claire et scientifique. Les ecrits du fameux Sicile, he'raut d'armes d'Alphonse d'Aragon, et de Rixner, he'raut de Baviere, rdpandent une lumiere toute nouvelle sur cette science fort obscure avaot qu'ils ne l'eussent enseign^e. II ne serait pas moins difficile de fixer l'e'poque a laquelle les armes devinrent heVeditaires dans les families. Le sujet qui nous occupe offre trop de facility a la controverse , par son obscuritd , pour que nous ne nous eropressions pas de 1'abandonner, apres avoir indique', cependant, les auteurs dont les Merits peuvent le mieux e'lucider cette question. M. Tailliar obtient la parole sur la meme question : II repre'sente successivement : Les enseignes militaires des legions romaines se perpe'tuant pendant le moyen age ; Les seigneurs chefs militaires adoptant aussi des enseignes pour que leurs hommes pussent les reconnaitre dans les expeditions et les combats. Cette ne'eessite' rendue plus saillante a l'epoque des croisades. Au milieu de ces multitudes de bandes armees qui accoururent de tous les points de l'Europe, il devint indispensable que chaque chef militaire eut son signe distinctif. Ce signe une fois adopte* fut sans doute conserve' par les grands seigneurs et porte par eux toutes les fois qu'il s'agissait de combattre, notamment dans les tournois. QUINZ1EME SESSION. 203 La multiplication a l'infini des fiefs et arrieres fiefs rendit fort commun l'usage des armoiries. [•"-:. Alors naquit la'science heraldique devenue ne"cessaire pour distinguer cette quantite" de families fe'odales. Plusieurs causes concour urent au developpement de cette science ; ce furent : 1° La reunion sur une mSme tete de plusieurs fiefs et la combinaison de plusieurs armoiries regimes en une seule j 2° Les alliances entre les families nobles, ce qui produisit les e'cartelle- ments dans les blasons ; 3° L'extinction des anciennes families remplace'es par des families nou- velles ; 4° Les anoblissements sans nombre qui re'sulterent des fonctions judi- ciaires et e'chevinales. La science he>aldique est devenue par suite tres-cpmplique'e. Elle exigea des connaissances spe'ciales tres-etendues. On en fit mgme une pro- fession a part. Ici comme dans les autres sciences les regies, incertaines d'abord, se fixe- rent, se coordonnerent et finirent par former un systeme. La discussion s'engage ensuite sur Tepqque a laquellc commence la science du blason. M. Georges de Soultray partage l'opinion de M. Lambron et ne reconnait pas d'armoiries regulieres avant le xiue siecle ; auparavant, dit-il , les monuments prouvent que les regies des couleurs et des metaux etaient inobservees. MM. Bourasse et de Cussy veulent au contraire que cette science ait eu ses lois bien avant, se fondant sur les sceaux des xie et xne siecle et sur quelques concessions d'armoiries faites paries rois qui regnaient a cette epoque. M. Albert Cohen a laisse un memoire sur les cris d'armes et devises, dont il donne l'analyse suivante : Messieurs , II est digne de remarque que parmi tant d'ecrivains qui, depuis quelque temps, se sont occupe's de la science du blason, aucun n'ait encore songe" a faire des cris d'armes et devises le but d'une e'tude approfondie ; car les devises des families nobles font partie de 1'histoire gCne^rale du pays, C'est 204 CONGRfiS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. cette lacune que s'est effort de combler l'auteur de ce mdmoire qui n'est d'ailleurs qu'une sorte d'introduction d'un ouvrage beaucoup plus etendu. Les opinions les plus contradictors ont ett publics sur l'originc des armoiries, des cris d'armes et des devises. Plus d'un hcraut d'armes a pre"- tendu que les armoiries sont aussi anciennes que le monde; que Noe, Mo'ise, Ende en avaient, qu'ils avaient recues de leurs peres et qu'ils trans- mirent a leurs descendants. II ne faut pas du reste exagCrer le ridicule de cette opinion. Elle est ne'e de la confusion que ces auteurs ont faite entre les armoiries proprement dites et les emblemes que se choisissaient de toute antiquity les pays, les villes et les grands personnages. Tels dtaient l'aigle romain, le hibou atbdnien, et les devises de Cyrus et d'autres rois de Perse que Xdnophon nous a conservees. Quant aux armoiries nobles telles qu'elles subsistent encore aujourd'hui, on ne peut pas les faire re- monter au dela des premieres croisades. Cette observation s'applique egalement au cri d'armes, bellicus clamor ou signum militare. 11 date du premier combat que les hommes se livre- rent ; car ce cri n'dtait autre chose que la clameur poussde par les guerriers au moment d'entamer Taction. Mais dans le sens oil cemot est pris de nos jours, il est un monument de la fdodalitC et se rattache intimement a res- titution primitive de la noblesse. En effet, les feudataires etant contraints de suivre le roi et de lui fournir un certain nombre d'hommes qu'ils comman- daient, chaque seigneur sentit la ne'cessitd d'avoir un cri d'armes personnel et inddpendant de celui du commandant en chef. Aussi l'usage de crier s'Cteignit-il lorsque Charles VII dtablit les compagnies d'ordonnance et dispensa la noblesse de l'obligation de se rendre en personne a l'armde. On remarquera en outre que les chatelains et les bannerets avaient seuls le droit d'adopter un cri d'armes, d'ou vient que dans le moyen age on avait souvent coutume de dire crier banniere. Les cris servaient en diverses circoustances ; tantot pour rallier autour de leur chef les soldats qui fuyaient, tant6t pour venir au secours de ce chef en danger. Dans le combat de Pont-a-Commiers , livre' en 1382, le marshal de Sancerre, s'adressant a la troupe qu'il commandailr, lui dit : « Tenons-nous ici tous ensemble et attendons tant qu'il soit jour et que « nous voyions devant nous les Flamands, et quand ils viendront nous u crierons nos cris tout d'une voix , chacun son cri ou le cri de son sei- « gneur h qui il est, jacoit que tous les seigneurs ne soient pas ici. Par « cette voix et ces cris nous les dbahirons, et puis frapperons en eux de « grande volonte\ » Voyons maintenant par quels motifs certains seigneurs adopterent de preTOence un cri plutot qu'un autre. Le plus souvent les seigneurs crierent tout simplement leur nom : les Mailly, Mailly ! les Damas, Damas ! parce qu'il faut, disaient-ils, qu'au seul bruit de leur nom, les ennemis s'enfuient saisis de terreur. Les princes .1 QUINZ1EME SESSION. 205 souverains criaient en general le nom de leur fief le plus important. Le cri de certaines families faisait allusion soit a leurs armes, soit a Tune des pieces qui les meublaient. Les comtes de Flandres criaient : Flandres au Lion! » On connait le cri : « A la rescousse Montoison! » par lequel la fa- mille de Clermont Montoison voulut conserver le souvenir d'une action d'e"clat d'un de ses membres. Quant aux monarques, ils adopterent en ge- neral, soit le nom du patron de leurs FJats, soitcelui de leur capitale. Les rois des Francais criaient : « Monjoye Saint-Denis ! » et les rois de Boheme : « Prague ! » Voila pour ce qui regarde les cris d'armes; passons maintenant aux devises. Anciennement on confondait souvent la devise et l'e'cu, mais, dans le sens qui nous occupe ici, la devise qui trouve son Ctymologie dans l'italien diviso, est une courte pense"e exprimant soit une vertu, soit un haut fait d'armes, ou bien une maxime tire"e de l'dcriture. Tantdt les seigneurs choisissaient eux-memes leur devise, tantdt ils la recevaient du prince en recompense d'une fide'lite' 6'prouve'e ou d'une action d'eclat. La famille d'A- dhCmar de Monteil avait pour devise : « Plus d'honneur que d'honneurs. » Au cimier de son e"cu on voyait une lance entoure'e d'une banderolle avec ces mots : Lancea sacra, faisant allusion a une pieuse ruse d'un Adh^mar, par laquelle il sauva la ville d'Antioche, assise par les Sarrasins. Une devise dCcele en quelque sorte l'ame de celui qui l'a choisie. L'un y marque sa pi&e" en rendant gloire a Dieu ; l'autre son amour pour son ro* ; un troisieme, dans une sentence amoureuse, exalte les attraits de sa -lie. 11 en est d'autres qui ne furent mus par aucun de ces sentiments dans le cboix qu'ils firent de leur devise. Une consonnance agrdable ou curieuse suffit souvent pour la leur faire adopter. Quelques-uns trouverent moyen d'introduire leur nom dans la composition d'une sentence ou d'une maxime. Les devises qui se rapportaient a TCcu qu'elles accompagnaient elaient les plus ing^nieuses et les plus regulieres. Nous disons plus rCgulieres, car, pour etre complete, une devise doit se composer de deux choses, le corps et l'ame. Le corps est l'objet qui forme le rapport, Tame est le mot ou la sentence qui 1'explique. Pour qu'une comparaison soit juste, il faut que le point de comparaison soit plus grand que l'objet compare. Par la meme raison, dans une devise, le corps doit etre un objet plus noble et plus grand que l'bomme qui l'adopte,.ou bien les passions ou les vertus qui animent cet etre doivent se montrer ctaez lui plus nettement prononcCes que cbez 1'homme. & La regie veut encore que.l'arae de la devise forme avec son corps un sens complet et ressortant tellemeut de lui qu'on ne puisse Ten separer sans la rendre inintelligible. En ge'ne'ral les families ou les particuliers qui ont ajoute' des sentences a 206 congres scientifique de France. leurs armes, lea ont tirdes du latin, par divers motifs, d'abord a cause de la concision de cette langue, puis de son universality ; enfin, parce que l'Fxriture-Sainte, dont la traduction latine dtait alors dans les mains de tout le monde, ainsi que les auteurs de l'antiquite* fournissaient un vaste choix de maximes approprides a toutes les situations. Quelques-unes des plus illustres maisons de France portaient des devises italiennes, qu'elles prirent lors des guerres d'ltalie, sous Charles VIII et Francois Ier. La plupart des grandes families d'Angleterre ont adopte" la langue francaise, pour marquer leur origine normande ou pour y faire croire. Outre ces devises, il y en avait d'autres que Ton adoptait pour une cir- constance quelconqne, telle qu'un tournoi, une fete, des funerailles de sou- verains ou de personnages illustres. En Angleterre, il est encore d'usage de nos jours, lorsqu'un chef de fa- mille meurt, d'exposer pendant toute l'annde du deuil, au-dessus de la porte de sa maison, l'dcusson de ses armes et de susbtituer a sa devise or- dinaire, une devise de circonstance, exprimant une pensde religieuse, telle que « Resurgam ! » Nous re'marquerons ici, en passant, que les families anglaises portent presque toutes des devises qui font en quelque sorte partie de leurs armoi- ries, tandis que cet usage est beaucoup moins general en France. Apres qu'au moyen &ge les devises devinrent he're'ditaires, l'usage s'en rdpandit a \"*\ poiut que Ton vit chaque province, chaque ville, chaque corporation eh adopter une, et cet exemple fut suivi par les corps savants, les cours de justice, les corps militaires, les ordres religieux, les chapitres nobles. Enfin, les libraires et les imprimeurs des xV etxvi6 siecles estampillerent les ouvrages sortis de leurs presses de certaines marques auxquelles ils joignaient une devise quelconque. L'auteur de ce mdmoire compte publier sous peu un recueil aussi com- plet que possible des cris d'armes et des devises des pays, provinces, villes et corporations de l'Europe ainsi que des families nobles de France, d'An- gleterre et des Pays-Bas, avec leur origine ou les faits historiques qui s'y rapportent, toutes les fois qu'il aura pu les de'couvrir. M. Cartier fils donne lecture du proces-verbal de la seance supplementaire d'hier. La discussion est ouverte sur la 9e question. Les armes reconnues legalement aux families de bourgeoisie constituent-elles une sorte de noblesse personnelle ou here'ditaire? Les signes he'raldiques dont sont timbres les ecus prouvent-ils toujours la possession du titre nobiliaire quHls annoncent ? En- QUINZIEME SESSION. 207 fin, les signes Mraldiques qui meublent les ecus des families no- bles peuvent-ils faire reconnaitre, d'une manUre certaine, les causes de leur anoblissemcntf M. Lambron dc Lignim lit sur cette question lc memoire suivant : II y a bien Iongtemps que la bourgeoisie, adoptaut l'exemple que lui of- frait la noblesse, a choisi des signes de fantaisie, qu'onappelleraitimpro- prement armoiries, puisque cette marque de distinction, surtout a l'epoque de la feodalite, n'appartenait qu'a la caste nobiliaire. Nous citerons a ce sujet quelques vers d'un auteur tourangeau, de Francois Beroald de Ver- ville, chanoine de I'e'glise m^tropolitaine de Tours: L'harmoirie au premier aage, Si prucieuso on tenoit Que nul n'en avait l'usage N'estant noble de lignage, Si du prince ne l'avoit. Car le prince, ou capitaine, Tant seulement l'ordonnoit Pour une marque certaine A celuj qui avec peine • Plus vaillament combattoit. Les vers qui font suite a ceux-ci nous apprennent combien d'abus et d'usurpations nobiliaires et hdraldiques existaient ddja a cette £poque (1581). Les abus dont il se plaignait ont-ils diminue' jusqu'a ce jour? Le temps qui la fin ameine A tout ce qui au monde est . A fait que l'ordre notable Qu'en armoirie on tenoit Ait eu sa fin miserable Par la faute inexcusable Be ceux, a qui plus toucboit Si que la marque de guerre Est comme venue a rien, Chascun la voulant acquerre Sans loiug, ou pres de sa terre, Se monstrcr homme de bien. 208 CONGRES SCIENTiFlQUE DE FRANCE. Ces derniers vers font sans doute allusion a la facility que Ton avait alors d'acqudrir la noblesse he're'ditaire et tous ses privileges, en habitant ses terres, ce que Ton appelait vivre noblement ; la possession d'un fief et un certain nombre d'aveux de cefief etant suffisants pour constater la noblesse personnelle du seigneur. Le mot armoirie vient du mot armes, parce qu'on en de'corait les armes des chevaliers et que c'etait par les armes qu'on obtenait le droit de choisir et de porter ces insignes glorieux.Un gout general pour les armoiries a pris naissance depuis longtemps dans notre pays, mais l'epoque oil ce gout s'est change* en une espece de fureur date de la fin du xive siecle. En 1371 , Charles V accorda la noblesse a tous les bourgeois de la ville de Paris, avec le droit de prendre des armoiries et de les timbrer de casques, aussi bien que les membres de la noblesse heredita'ire. Cet anoblissement, en masse, ne devait pas etre confirm^ par tous les autres monarques, ses successeurs, qui presque toujours ne se sont jamais montre plus magnifiques dans leurs concessions en vers leurs sujets qu'aux epoques les plus desastreuses de notre histoire (l). La province, toujours prete a suivreservilementrexemplede la capitale, et peut-Stre un peu jalouse des privileges qui lui avaient ete accor- ded, ne resta point en arriere dans cette circonstance. Les habitants desprin- cipales villes de la France adopterent des armoiries que leurs descendants ont conservees, quelquefois meme en parvenant a la noblesse a la faveur des charges anoblissantes. On ne peut se dissimuler qu'il etatt beaucoup plus facile alors, pour un riche bourgeois, d'acqudi ir la noblesse person- nelle et heViditaire, qu'il ne Test maintenant a un citoyen qui parvient a remplir les plus hautes charges d'un gouvernement conslitutionnel, les revelations quelque peu indiscretes de la presse obligeant la plus grande partie des anoblis a laisser sommeiller leur noblesse et a cacher dans leur secretaire les litres, plus ou moins bien merites, de leur nouvelle grandeur. A cette epoque tout emprunfait les formes et le langage hdraldiques. Nous avons rapporte du dernier Congres Archeologique de France tenu a Sens, au mois de juin dernier, une piece inedite assez curieuse; e'est le blason de la Vierge. II est grave sur une pierre qui appartenait sans doute a la decoration d'une chapelle fondee, en 1366, en l'honneur de la Vierge. Les caracteres de rinscription sont evidemment du xive siecle. Ce monu- ment fait partie des richesses archeologiques conservees dans le musee de la ville de Sens. (\) Cca privileges furent confirmed avec quelques restrictions par Charles VI, Louis XT, Fran- foia I" et Henri III. QUINZIEME SESSION. 209 Tellcs armes porte Marie en dignito Qui est la mere et porte de grace et pieti En champ d'azur monstant couleur celestial A nng Ijs moult plaisant de blancbeur virginal Dont la tige de soy par sa viridite Etfoueilles (eveille) notre foy naissant d'humilite Sur lequel lys se tient sans soilleure ne mal Ung coulomb flambloiant d'amour tout divinal Lequel porte en escript par grande charite Le nom de Jhu Crist un dieu en trinity Dessus par Gabriel de grace especial Est l'escu couronnS de couronne royal. Ces vers nou9 semblent indiquer le blason suivant : d'azur, au lys d'argent, tige, feuille" de sinople surmonte" d'un Saint-Esprit rayonnant d'or charge" du chiffre de Notre-Seigneur J£sus-Christ. L'ecu supportc" par un ange et timbre" d'une couronne royale. Nous ne croyons pas que Ton connaisse un seul exemple d'armoiries concedes anciennement par nos rois a des particuliers. II en est autrement pour les corporations ou confrenes; celle des penitents bleus de la ville de Montpellier faisait remonter au roi saint Louis la concession des armoiries de leur association. C'est ainsi qu'on ne peut indiquer aucun exemple d'anoblissement ac- corde" a la bourgeoisie avant le regne de Philippe-le-Hardi, fils de saint Louis, qui monta sur le trdne de France en 1270. Les premieres lettres de noblesse connues sont celles qu'il accorda a Raoul l'Orphevre. Les succes- seurs de ce prince se montrerent tres-mode>£s dans la concession de sem- blables faveurs. A cette dpoque les lettres patentes ne faisaient pas mention des armoiries des nouveaux anoblis. Ce n'est qu'en 1600, que la chambre des comptes les obligea de fburnir une peau de parchemin sur laquelle Ctaient representees leurs armoiries. Il est done assez presumable que jus- qu'au regne de Louis XIV, il n'y eut aucune concession d'armoiries faite ct des bourgeois, a moins que par la meme occasion, ils ne fussent Aleve's et re?us dans l'ordre de la noblesse. L'e"dit rendu par ce prince, en 1696, qui permetlait a tous les bourgeois de prendre et de faire enregistrer leurs armoiries par le president juge d'armes de France, mit un terme au ddsordre qui regnait dans cette partie. Les registres consacreS a l'insertion des blasons de la noblesse, et de la bourgeoisie, ne nous offreut aucune difference de rang dans l'ordre adopts pour cet enregistrement. Toutefois, il est important de faire remarquer, 210 CONGRES SCIENTIF1QUE DE FRANCE, que lestermes memesde cette concession n'indiquent nullemenf, de la part du monarque, l'intention d'accorder un anoblissement quelconque : elle ne ppuvait venir a la pens^e de celui qui, en 1666, avait enleve', contre tout principe de justice, la noblesse personnelle et hereditaire a la plupart des officiers municipaux de ses ctats. C'e'tait tout simplement un imp6t ayant la vanite" pour base, sous ce rapport beaucoup plus adroitement assis qu'un autre, et dont les resultats Ctaient faciles a pre'voir. En effet, peu de bour- geois refuserent de singer la noblesse pour un prix aussi modeVe, mais nous devons avouer que quelques-uns furent force's, par voie judiciaire, d'accepter des armoiries bon gre* malgrg, ou plutdt de s'acquitter envers le fisc de la somme de 20 livres, prix auquel avait etc" cotCe cette inquali- fiable faveur. Les registres dans lesquels se trouve la s^rie de ces concessions he>al- diques n'en sont pas moins pr^cienx au point de vue de l'histoire. lis le sont egalement par le temps qui s'est e"coule depuis cette 6poque, par les changements survenus dans retat des families qui s'y firent inscrire et par les £v6nements politiques qui ont detruit presque entierement les preten- tions de cette fiere noblesse francaise dont la grandeur et les faits glorieux sont mal'gre" tout inscrits d'une maniere ineffacable dans les fastes de notre histoire. La collection complete de ces blasons, recueillis par d'Hozier, fut offerte par lui a Louis XV, elle a echapp£ aux d^crets r^volutionnaires qui menacaient son existence et se trouve maintenant a la bibliotheque royale, momentane^ment a l'abri de semblables dangers. Nous ajouterons qu'elle nous a e'te" infiniment utile pour composer Tarmorial des maires de la ville de Tours et de plusieurs autres villes de France. Nous pensons fermement qu'il y a possession resile d'armoiries pour un grand nombre de families de bourgeoisie, car elles ont acquis a prix d'ar- gent cette faveur du prince, Mais qu'a cette concession on veuille attribuer le moindre privilege anoblissant, c'est une opinion qui nous parait tout a fait en dehors du vrai, et que dCtruit le texte meme des lettres patentes de Louis XIV; nous croyons done pouvoir repondre au premier paragrapbe de la 9" question : Les armes reconnues legalement aux families de bourgeoisie ne leur donnent en aucune maniere un droit quelconque aux privileges de la no- blesse, soit personnelle soit hercditaire. 2° Les signes Mraldiques dont sont timbres les 6cus prouvent-ils tou* jours la possession du titre nobiliaire qu'ils annoncent? Sur les sceaux que nous trouvons appendus aux chartes les plus an- ciennes, Ton voit d'abord la representation du seigneur, arme" de toutes QUINZIEMB SESSION. 211 pieces, monte sur son cheval de bataille dont quelquefois le caparacon ainsi que le bouclier dont il est arme" sont au blason de ses armes. Plus * tard, l'^cu est sans aucun ornement, entoure" du nom et pr£nom du cheva- lier. Aux xive et xve siecles, les casques surmontCs d'un cimier, ayant sup- ports ou tenants, nous offrent un type pre'cieux qui nous rappelle la noble fraternity qui reguait alors entre tous les chevaliers. Ce n'est qu'a une epoque plus rapproche"e de nos jours , lorsque la fe'odalite' eut perdu sa fiere inddpeudance, au milieu des plaisirs d'une cour corrompue, que l'orne- mentation des sceaux et des cachets vint re^Ier toutes les pretentions d'une aristocratie plus orgueilleuse qu'anim^e d'une noble fierte\ C'est alors qu'apparaissent les couronnes et les supports les plus ambitieux; que chaque noble s'erapare d'une couronne sup6rieure.au rang qu'il occupe dans sa caste. Ces usurpations ont 6te" si bien legitimes par 1'effet du temps, que les g6n£alogistes, en donnaut les armoiries des families non ti- tles, ne manquent jamais de faire connaitre les couronnes dont sont tim- brdes les e*cus de ces maisons. Nous avons vu quelquefois des bourgeois, a peine entr^s dans l'ordre de la' noblesse par une charge de maire, prendre de prime-abord une couronne de comte sur I'^cu de leurs armes. Les collections de jetons de maire de plu- sieurs villes du royaume nous en offrent de nombreux exemples. A ce sujet nous ferons remarquer que les premiers monuments de cette espece frap- pe"s a Tours pour conserver le souvenir de ces magistrats, eHaient bien eloigned d'afficher de semblables pretentions; a la fin du xvi' siecle, la me- daille de Jean du Faultrey n'a aucun ornement en dehors de son e*cu. Julien Chalopin entoure ses armes d'une couronne de laurier; Pierre Coheu a des rinceaux ; enfin, Francois Maille, le premier, en 1592, adopte le casque avec ses lambrequins, et son exemple est suivi par tous ses suc- cesseurs lorsqu'ils font frapper de semblables monuments. Entre la possession de la couronne sur l'^cu et celle du titre il y avait si peu de distance que beaucoup de personnes n'ont pas su register au dCsir de sortir de cette position exceptionnelle : un premier abus a £te" suivi d'un second : les peres avaient usurpe" la couronne dont les his se sont ac- corde le titre. Les signes h<5raldiques dont sont timbre's les 6cus ne prouvent done pas toujours la possession du titre nobiliaire qu'ils annoncent; nous redirons avec le bon Lafontaine : Le monde est plein de gens q"ale, les signes he>aldiques qui meublent les e'cus des families nobles, ne peuveut, en aucune fac,on, indiquer les causes de leur anoblissement. M. de Cussy reconnait la frequence des usurpations de noblesse ; aussi des commissaires, nommes par le roi pour sauvegarder les droits du fisc, entre autres, etaient de loin en loin envoyes dans les provinces pour examiner les titrcs nobiliaires et separer l'ivraie du bon grain. C'cst ainsi que pour la Normandie, par exemple, nous trouvonsla revue de Montfauld a la fin du xve siecle ; celle de Roissy au xvie; eelle de Chamillard au xvne, et nous voyons dans le resullat de leurs investigations combien les usurpatcurs etaient nom- brcux. MM. de Cussy, Lambron et de Soul tray font part de qucl- ques observations de detail. M. de Matban fait rcmarquer que, sous l'Empire, les ar- moiries furent reglees suivant un systeme general : ainsi , cbaque ville de la memc classe cut un cbef scmblablc ; il en fut de raemc pour cbaque degre de noblesse. M. Lambron ajoute que ces armoiries etaient souvent tres compliquees, ou ecartelecs, pour faire croire a une origine plus ancienne; que de plus on commit quelquefois la faute grossiere de mettre coulcur sur couleur. M. Loriquct exprimc le vceu que les amies de la ville, re- presentees sur le fronton de l'Hotel-de-Ville de Tours, soient epurees de tout ce qu'on y a ajoute dans ces derniers temps. M. le president propose aux menibrcs de la section la souscription aux vitraux de la catbedrale de Tours, par M. Marchand, et a ceux de la Sainte-Cbapelle de Champi- gny, par MM. Engelmann et Graff. Sur la 22e question, relative a l'Histoire du Parlement dc Paris, pendant son sejour a Tour5 (4589-1594), M. Dupre a prcscnte le memoirc suivant. 14 214 congres scientifique de france. Messieurs , La mort des Guises, assassins au chateau dc Blois par ordre d'Henri III, fut le signal de la r^volte d'un grand nombre de vijles d£vou£es au parti de la ligue. Bientot le roi lui-meme ne se trouva plus en surety dans Blois, malgrd le calme apparent de cette cite' , et il songea a eHablir ailleurs le si^ge de son gouvernement nomade ; car le bruit courut que le due de Mayenne voulait tenter un coup de main sur Blois. Apres avoir brusque^ la cloture des Etats generaux , Henri 111 soumit done a son conseil le choix du lieu oil seraient transfers les grands corps de l'Etat , notamment la chambre des comptes et le parlement. Les avis furent divisds : quelques membres opinereut pour Bourges ou Moulins , a cause de la position cen- trale de ces villes ; mais la majority dC"montra que ce serait un acte d'im- prudence de s'eloiguer de la Loire; qu'en abandonuant cette barriere natu- relle , on livrei ait aux ennemis tout le pays situe" en deca et au dela du lleuve, que d'ailleurs une retraite serait regarded comtne une fuite en pareil moment. Loin de faiblir et de reculer devant le p6ril , ou devait au contraire payer d'audace. Orleans e"tant alors au pouvoir de la ligue, il n'en fut point question. Tours, demeure fidele au roi , parut etre, dans les circonstances , la collocation la plus convenable : cette residence pre'sen- tait, entre autres avantages, celui de rapprocher Henri HI du roi de Na- varre, dont l'alliance, trop longtemps diffe>6e, pouvait seule mettre un terme aux malheurs de la guerre civile (1). Etienne Pasquier, avocat du roi a la chambre des comptes , parlant au nom de sa compagnie, lit valoir en faveur de Tours le motif, tout a fait secondaire : a qu'ii ne fallait che- « vaux ni charroispour nous y porter aiiis basteauxa pen de frais (2). » Ge mode de transport e'tait en effet le plus commode et le moins dispen- dieux , a une 6poque oil le mauvais etat des routes et l'imperfection des voitures rendaient les voyages par terre si longs et si penibles. Henri III adopta l'opinion de la majority du conseil , et informa les Tourangeaux de cette resolution, avec promesse, dit Pasquier, que, s'ils lui ouvraient les portes de leur ville, «. il les embrasseroit tous d'une « mfeme bienveillance, et qu'il pardonneroit a ceux qui 'pendant I'assem- « blee des estats avoient porte' le parti contraire. (3). L'e^dit de translation du parlement de Paris a Tours, est date' de Blois, du mois de fe>rier 1589 (4) j on y remarque, entre autres motifs, les gra- cieusete's suivantes : (1) De Thou., Histoid, t. X, p. 579 et ss. (2) Lettre XI du livre 13. (3)Lettre XIII du litre 13. (4) M«iaoircs de la Ligue, t. Ill, p< 224. QUINZIEME SESSION. 215 « Ne pourant faire meilleure Election que de notre ville de Tours, tant « parce qu'elle est fort commode etpropre pour cet effect, que pour la « fidelite et affection que les habitants d'icelle ont toujours montrtSe avoir « au bien de nos affaires et service ; et comme notre ville de Tours, par sa « tres-grande fidelity, s'est reudue digne de nos bonnes graces, et de « telle recommandation a la posterity, qu'elle a justement me'rite' d'etre « d£cor£e des principales marques d'honneur, etc. » Cet ddit ne recut pas une entiere execution, ta Ligue, maitresse de Paris, ope"ra une scission dans le personnel de la cour souveraine. Une partie seulement obe'it aux ordres du monarque , et se rendit a Tours : l'autre portion, bravant son autoritd, demeura daus la capitale, et continua d'y administrer la justice , non plus au nom du roi, mais au nom du due de Mayenne , chef de la ligue , declare" par cette faction lieutenant general du royaume. La composition du parlement de Tours souffrit quelques difficult^ : on avait bien un nombre suffisant de conseillers et de maitres de requites , avecun avocat g£ne>al(Jacques Faye-d'Espesses) ; mais on manquait de presidents ; les uns elaient demeures a Paris ; d'autres avaient 6t6 mis en prison; quelques-uns, pour plus de surety , s'dtaient retires dans les cha- teaux de leurs amis , en attendant que des circonstances moins critiques leur permissent de reparaitre (1). L'avocat general Faye d'Espesses fut nomme" president, et remplac^ au ministere public par Servin. Entre les avocats du bureau de Paris qui suivirent le parlement royaliste a Tours , on remarquait Theodore Pasquier, fils aine" du savant lUienne Pasquier, et le docte jurisconsulte Mornac. Henri III , apres avoir quitte" Blois , vint en personne ouvrir le parle- ment de Tours le 22 mars 1 589 (2) On avait dispose" expres l'abbaye de Saint-Julien, oil cette cour continua de tenir ses stances. Les deux parlements de Paris et de Tours se divisereut sur les ques-' tions politiques a l'ordre du jour, et rendirent des arrets contradictoires qui respirent une animosite r^ciproque. Cette lutte judiciaire entre deux corps ennemis l'un de l'autre offre quelque intent : mais la privation de documents spexiaux et de pieces originales nous empechera de suivre les diverses phases de leur antagonisme: r^duits aux ressources (tres-borne'es daus l'espece) des livres usuels, nousne pourrons qu'esquisser.tres-impar- faitement 1'historique de la jui kiiclion temporaire qui fait le sujet de cette courte notice (3). (1) Vie du president de Thou, liyre 4. (2) Chalmel (t. II, p. 402 de l'Histoire de TouraineJ d6crit le ceremonial de cette seance d'ouverture. (1) Pour repondre complelement a la question posde par le Congres, il eat fallu consulter les registres du Parlement de Tours : nous ignorons si ces registres existent aux archives de 1* Tille, ou dans quelque autre depot de Paris, 216 CONGRES SC1ENTIFIQUE DE FRANCE. Le parlement de Tours se montra z6\6 de7enseur de la cause royaliste. C'est ainsi que des le 15 juillet 1589, il enjoignit « a tous les gentils- « hommes de se rendre aupres du roi , sous peine d'etre de"chus de leurs « privileges de noblesse. » L'anne'e suivante,il condamna le prieur des Jacobins de Toufs, Edmond Bourgouin, predicateur furibond, qui faisait publiquement l'apologie du regicide, a etre tire" a quatre chevaux : cet arret fut execute sur la place du Grand Marchc, le 23*fevrier 1590. Les ligueurs accusaient Messieurs de Tours de persecutor la religion calholique et de combattre la sainte union , parce que cette sage compa- gnie refusait de s'associer aux fureurs du parti dominant. Le parle- ment de Paris accueiliit ces injustes ;dCnonciations , et lan^a contre les Tourangeaux , comme il les appelait dedaigneusement, une interdiction formclle. Le parlement de Tours repondit a cette agression par un autre arret, rendu sur le requisitoiie du'procureur general La Guesle, qui defen- dait egalement aux magistrats parisiens de prendre le titre de parlement , et aux justiciables de leur obeir, declarant en outre ces magistrats criminels de leze-majeste" (1). Apres la mort du vieux cardinal de Bourbon , une fraction des ligueurs, qui s'appela le tiers-parti, reconnut pour roi un de ses neveux , revetu de la meme dignite" eccle'siastique. Un e^crit imprimd a Angers , parut' en faveur de ce prCtendant; mais le parlement de Tours le supprima aussit6t, et defendit a tous imprimeurs, sous peine de mort, d'en vendre ou d'en imprimer de nouveaux exemplaires. L'ex^cution de cet arret e'touffa dans sou berceau un parti naissant. Le roi Henri IV avait toujours declare' son intention de conserver la religion calholique et de maintenir les libertes de 1'^glise gallicane. Cette promesse, generalement accepted deconfiance, avait attire" dans son parti beaucoup d'Oeques , de gens d'eglise, et surtout de gentilshommes. Le due de Mayenne , pour entraver cet elan national , et pour impressionner les consciences timorees, obtint du pape GregoireXIV une bulle et deux monitoires favorables aux interests de la ligue. Le premier monitoire, adresse" aux ecctesiastiques , leur enjoignait, sans peine d'excommunica- tion, d'abandonner un roi herelique: le second, adresse" aux princes, aux gentilshommes et aux habitants des villes, les exhortait a le quitter aussi, avec menace d'employer contre eux des moyens plus violents , s'ils persis- taient a le suivre. Ces actes, apportds en France par le legat Landriano, furent lus et enregistrds au parlement de Paris. Le parlement de Tours, indigne de cette audacieuse manifestation , d^clara , par arret du 5 aont 1591, le pape « ennemi de la paixde l'Eglise etjauteur des rebelles, (1) l)c Tbou, liv. 91, QUINZIEME SESSION. 217 « adherent a la conjuration a'Espagne, et coupable du tres-cruel, tres« « inhumain et tres-d^testable parricide proditoireraent commis en la per- il sonne d'Henrilll, roi de tres-heureuse m^moire , tr&s-chr&ien ettr6a- « calholique (1). » En meme temps il de'clarait la bulle et les monitoires scandaleux, pleins d'imposture, tendant a exciter le peuple a la revolte, et il les condamnait comme tels a etre, ainsi que l'arret d'enregistrement des Parisiens, brulds par la main du bourreau. II d£creta aussi le nonce d'ajournement person- nel et de prise de corps, promettant une recompense au premier qui le li- vrerait, et defendant a qui que ce fut de le recevoir et de lui donner l'hos» pitalite*. Lorsqu'au mois de novembre 1591, Henri IV, qui venait d'assieger ct de prendre la ville de Vendome, passa par Tours , le parlement se pre"- senta devant lui en corps, et le harangua par la boucbe de son premier president, auquel, dit le Journal de Henri IV (2), «il r^ussit eten l'elo- « quence et en la substance, au grand contentement de sa Majeste\ » La portion du parlement reste'e a Paris n'dtait pas toute composed de serviteurs aveugles de la Ligue. Plusieurs avaient ouvert les yeux sor l'er- reur de ce parti ; quelques-uns , apres avoir cCde d'abord a la crainte ou a la ne'cessite', rougissaient en secret de leur faiblesse : il y en eut meme qui se montrerent toujours ze'le's de'fenseurs du roi. L'influence de ces derniers ameliora peu a peu l'esprit de la compagnic : aussi le parlement de Paris, revenu de ses premiers dgarements , rendit-il, le 28 juin 1593, un arret memorable , pour l'observation de la loi salique , et pour l'annulation de tous traite"s et actes tendant a faire passer la couronne sur une tGte etran- gere : c'Ctait condamner implicitement le parti espagnol. A mesure que le parlement de Paris se rapprocbait ainsi de la cause nationale, l'importance politique de celui de Tours s'amoindrissait de plus en plus, et perdait chaque jour cette couleur d'opposition royaliste qui lui avait donne au dCbut un certain 6clat. D'ailleurs nous doutons que les arrets exercassent alors une influence rdelle sur la marcbe des dv&ie- ments : a cette e*poque de guerre civile, la force d£cidait de tout ; la vail- lante Cpe'e du Bdarnais en faisait plus assure'ment que les phrases des gens de robe; comme le dit tres-judicieusement Voltaire: «il fallait que la « victoire prononcat sur ces disputes de plume (3). » Les actes judiciaires avaient m6me peu de retentissement : leur publicity dtait trop restreinte pour produire beaucoup d'effet , et l'opinion devait peu s'en dmouvoir. Ces manifestos de la magistrature paraissaient bien sees et bien froids, a c6\6 des virulentes tirades de la satyre Menipp^e s ce pamphlet , compose a la (1) Journal d'Henri IV (edition Lenglet Dufresnoy), t. I, p. 1S4. (1) T. IV, 463. (I) Hisloire du Parlement; edition Kehl, t. 26, p. 158. 218 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Traie mesure de l'esprit francais, dut obtenir une preTe>ence marquee sur tous les protocoles judiciaires. Les publications se>ieuses passaient ina- percues, tandis que les libelles etaieut lus et relus avec une avide curio- site'. Le triomphe de l'arm^e royale et l'entr^e d'Henri IV a Paris mirent fin a la mission du parlement de Tours. Celui de Paris ne fut point casse" , comme plusieurs royalistes exaltes conseillaient de le faire. La pens^e plus conciliante du gouvernement ^tait de reunir les deux compagnies : « je « veux, disait a ce sujet Henri IV, terminer la division des Parisiens et <« des Tourangeaux , et qu'ils s'en voisent quitte a quitte et bons amis (1). Les avis furent partagds sur la manure de proceder a cette fusion. Beau- coup de personnes pensaient qu'avant de r&nstaller le parlement de Paris, on devait attendre le retour des officiers Tourangeaux ; que cet honneur etait du a leur fidelity et a la Constance avec laquelle, au p^ril de leurs biens et meme de leurs vies , ils soutinrent les intents de la royautd ; mais les courtisans, et surtout Francois d'O, repr^sentereut an roi que ce retard dimiuuerait le prix de son bienfait, rendrait le pardon incomplet, et ferait douter de la since>ite de ses promesses d'oubli du passed Ces der- niers motifs prOalurent, et le parlement de Paris fut r£tab!i avant l'ar- rive'e des magistrats de Tours. Lors de cette ce>£monie, on raya des regis- trestous les actes s^ditieux inspires par les passions de la Ligue. Les Tourangeaux ne tarderent pas a revenir. Le roi envoya a leur ren- contre jusqu'a Etampes le conseiller Pierre d'Amours, avec ordre de ha- ranguer seulement Achilles de Harlay , premier president. Le Journal d'Henri IV de"crit aiusi l'entrCe a Par is de Messieurs de Tours, (le 14 avril 1594). « Ils eloient environ deux cents de troupe, et entrerent confusement « en assez mauvais Equipage : on les disoit si charges d'^cus qu'ils n'en « pouvoient plus; mais les pauvres montures qu'ils avoient , eloient assez « emp6ch£es a les porter, sans porter encore leurs e'cus. Le peuple £toit « epandu par les rues, comme si c'eut 616 une entree de roy; les dames et « damoiselles aux fen6tres , les fen^tres tapiss^es , les bancs et ouvroirs « pleins de tables; tout le peuple les saluoit , et avec rejouissance prioit « Dieu qu'ils n'en pussent jamais sortir et qu'ils fissent bonne justice des c ligueurs. » Ce ton d'ironie et de persifflage donnerait a penser que le parlement de Tours ne jouissait pas d'une haute estime dans le monde officiel dont le journal d'Henri IV £tait l'organe habituel. Nous savons d'ailleurs par un mot du roi qu'il faisait peu de cas des services de la compagnie : « Ceux « de Tours, disait-il, ont fait leurs affaires, et ceux de Paris ont fait les « miennes (1). » (1) Journal d Henri IV, t. II, p. 49. (1) Journal, t. IJ, p. 19, QUINZlEME 6ESSI0N. „ 219 Lorsque ceux de Tours se presentment a l'audience royale, Henri IV ne leur fit pas ce mauvais compliment, il se contenta de les exhorter a vivre en bonne intelligence avec leurs confreres, les ex-ligueurs. 11 parait que ce conseiliut suivi, car, depuis le re'tablissement dont nous venons de par- ler, on ne trouve plus aucune trace de division : le souvenir meme de la translation se serait compietetnent efface" , si Ton n'eut continue de chdmer la Saint-Gatien , patron de Tours, (usage maintenu au sein de la cour jus- qu'a la Revolution de 89.) Le parlemeut de Paris profita aussitot de la pa- cification generate du royaume, pour reprendre cette homogeneity d 'orga- nisation et cette unite" de vues, qui devaient longtemps encore soutenir son influence politique. M. le secretaire fait part a la section (Tune lettre de M. Godard-Fautrier, inspecteur des monuments de Maine- et-Loire, correspondant du ministere de l'instruction publi- que pour les travaux liisloriques , au sujet d'une sepulture de Fepoque Merovingienne decouverte en Anjou. Messieurs, Dans l'impossibilite ou je suis, bien contre mon gre, dene pouvoir vraisemblablement pas assister en personne a votre reunion, je m'empresse du moins, de m'associer a vos travaux , en vous envoyant la notice sui- vante relative a une sepulture que je crois etre merovingienne. Elle a etd decouverte recemment pres d'un bourg de Maine-et-Loire, nomme Morannes , a une profondeur de soixante centimetres, en un lieu d'ou Ton extrait des graviers , appeie Figne-Roches et situe" a plus de onze cents metres de l'^glise, c'est-a-dire en un endroit qui, de mdmoire d'homme, n'a jamais servi de cimetiere Chretien. Ce tombeau, en forme d'auge , de la classe de ceux appeies non appa- rents, se composait de pierres assez semblables au gres pour la couleur et la durete; ces pierres n'etaient pas raaconnees- Le c6te de la tete regar- dait le nord et celui des pieds le midi , position qu'il ne faut point perdre de vue, afin, dans la courte dissertation qui va suivre, de pouvoir 1'opposer a Forientation des sepultures chretiennes placets dans le plan du levant au couchant , la tete a l'ouest regardant l'orient. Notre sepulture de Morannes renfermait les objets ci-apres qui ont ete donnes au musee des antiquites d' Angers , par M. Bellanger fils, avocat ; 1° Un fragment de fibule en bronze ; 220 congr£s scientifique de France. 2o Une aiguillette du meme meHal longue d'environ quatorze centi- metres ; 3° Une perle de collier en verre noir ; 4° Une autre perle de collier en faeon d'anneau , orne'e d'un email jaune et blanc ondd ; 6° Les fragments d'une tres-mince plaque circulaire d'environ trois centimetres de diametre en cuivre ouvre" fa$on de rinceaux ; 6° Un reste d'agrafe en argent avec dessins e"galement en forme de rin- ceaux ; En outre divers objets d'argent ne* 7, 8. 9, et 10 du dessin ci-contre de M. Dainville, objets dont je me rends difficilement compte; 11° Une rae'daille romaine fruste de Diocletien, moyen bronze, sur la- quelle on lit au droit : imp. diocletianvs p f. ayg, tete a droite laure'e , re* vers illisible; i 2° Une boucle de ceinturon en fer autrefois damasquini ; 13° Deux especes depentures aussi damasquine'es provenant d'une ar- mure ; on remarque encore sous la rouille de petits filets d'argent dor6 incrustis dans le fer. Ce tombeau a e'te trou\6 le seul de son espece en pierres de gres , par- mi d'antres sepultures d'ailleurs semblablement orientees, du nord au midi et apparteuant aussi a la classe des tombeaux non apparents. Les sepultures voisines dtaient les unes formers de quatre ardoises f les autres de tufs recouverts d' ardoises ; plusieurs de ces tombes semblaient avoir e'te* destinies a recevoir trois cadavres ; ajoutons que les sepultures en tufs se trouvaient scelle'es avec une sorte de ciment d'une assez grande durete\ Mais je reviens au tombeau principal a l'occasion duquel je do!s maintenant vous presenter les motifs qui me !e font ranger parmi les mo- numents me'rovingiens. 11 va sans dire , tout d'abord , que la me'daille de Diocletien engagea nalurellement quclques erudits a voir dans cette sepulture un tombeau gallo-romain. Pour moi, avant de me prononcer, je crus prudent de recourir a un examen plus severe etfaita la loupe; bien m'en prit, car je remarquai parfaitement sous la rouille des traces certaines de damasqiiinure. Cela e'tant, j'ouvris done mes auteurs qui tous meconfirmereut dans mon opi- nion que ce monument devait appartenir a l'ere me'rovingienne ; en effef, M. de Saulcy de Metz s'exprime aiusi : (1) « Beaucoup de tombeaux dd- f 1) Dam Camnont, CouM d'Antiquitia, 6« pirtie, p. S7fi, QUINZIEME SESSION. 221 « couverts aux environs de Meiz et regardes comme gallo-romains, sont « des tombeaux Francs ou M&ovingiens Les ceintu- « rons , les poign^es d'lpees , les agrafes etaient damasquinees avec soin « et l'existence a Treves d'un atelier de fabrication d'armes franques « damasquinees fait pre'sumer que toutes e'manaient de la meme « source. » Des grains de collier en verre et en terre cuite erne's d'emaux ont 6t6 rencontre's dans des sepultures merovingiennes du cimetiere de Conlye (Sarthe) ; or, notre tombeau de Morannes nous a presents de pareils grains de collier ; analogie encore entre line boucle de ceinturon pro- venant de Conlye et le fragment de boucle trou\6 dans la sepulture de Morannes ; de m&me des fibules entre elles. La medaille seule de Diocle'tien embarrasserait, s'iln'e'tait pas acquis a la science « que c'est de la monnoie roraaine, de Tor romain, que Clovis « aurait distribuc a Tours quand il y fit son entree sous la pourpre consu- « laire (1). « Le tombeau de Childeric, dit en outre M. Robert (2), ne ren- « fermait que des monnaies romaines, et il ajoute : « On doit meme croire, « si Ton s'en rapporte a Procope, que les Francs n'ont eu un coin mon£- « taire qu'apresl'an 536, c'est-a-dire lorsque la concession leur en eut 616 « faite par l'empereur Justinien. * De plus on a decouvert des tombeaux Francs , qui contenaient des monnaies de Constantin , de Gratien , etc. , etc. (3). M. de Caumont de son cdte 6cx\t quelque part (4) : « Nous savons « qu'on a reuferme* dans des sepultures merovingiennes authentiques dea k mddailles romaines. » Aiiisi done de ce que la sepulture de Morannes poss^dait un Dioctetien ; il n'en faut pas conclure qu'elle est gallo-romaine , lors au contraire que d'autres caracteres, les dessins damasquine's , par exemple, prouvent qu'elle, est post&'ieure a cette epoque. Ce tombeau evidemment fut celu* d'un chef militaire , sans doute de race franque et non c hr^tien , comme parait l'indiquer l'orientation du corps dans leplan du nord au sud, tan* dis que les sepultures cbretiennes sont g£ne>alement placets de Test a l'ouest, les pieds au levant et la tete au couchant. Serait-ce trop s'avan- cer, je ne le crois pas, que d'assigner le milieu du v* siecle au tombeau de Moraanes , e'est-a-dire ce laps de temps entre la Un du iv#, qui clot l'era (1) Congres ArcK de France, XIH» session, p, 80S. (2) Ibidem. (3) Cours de M. de Caumont, 6« partie , p. 272-277. (k) Id., p. 278. 222 C0NGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. gallo-romaine et la conversion de Clovis , qui ouvre en quelque sorle le sixieme siecle ? La seance est levee a neuf heures et demie. Seance dull septembre. Presidence de M. l'abbe BourassiL M . VabbcManceau, secretaire. Presents au bureau : MM. de Caumont; Lambron, secre- taire-general; Cartier, Tailliar, et M. Tabbe Lacurie, vice- presidents; Salmon, et M. l'abbc Bandeville, secretaires. La seance est ouvertc a sept heures du matin ; M. Sal- mon donne lecture du proces-verbal de la seance prece- dente, il est adopte. NL'assemblee emet le vceu qu'une grille soit placee sur le parvis de la eathedrale, pour mettre a l'abri d'accidents fa- cheux les sculptures si delicates du portail. L'ordre du jour ouvre la discussion sur la lle question : A quelle epoque remonte Vintronisation religieusc et feodale des c'vdques'! Existe-t-il, soit en France, soit a I'etranger, des do' cuments relatifs a cette ceremonie ? M. Lambron de Lignim lit le memoire suivant : Messieurs , Parmi les ce're'monies religieuses dont les annalistes du moyen-age nous ont conserve' le souvenir , il en e9t peu qui paraissent avoir impressionne' plus vivement nos aieux que celles connues sous le nom de 'prise de pos- quinzieme session. 223 session, ou dHntronisation des £veques (1). En eflfet, la magnificence extraordinaire x\ue de'ployait en ce jour solennel un fastueux clerge\ le rdleimposant rempli, dans cette unique circonstance, par les plus puissants barons de la province, tout contribuait a rehausser l'e'clat de cette ce're'mo- nie religieuse et fe'odale. Nous avons cherche vainement, jusqu'i ce jour, des titres s^rieux qui nous missent a m6me d'assigner une date certaine a l'institution de ces f^tes pompeuses. La plupart de nos dioceses ge"missent aujourd'hui sur la perte de leurs riches archives et, sans le secours de ces pre'cieux depdts, il nous parait impossible de presenter, sur ce sujet , autre chose que des conjectures ou des apercus insuffisants. Quelques auteurs attribuent au pape ^tienne II (752) 1'origine de cettt cete'monie (2) : les cheques auraient adopte", assez gene>alement , l'exemple donne" par ce pontife;, qui se fit porter sur les e'paules du peuple jusqu'au temple de Constantin. D'autres , au contraire, pre'tendent que ce n'est qu'a l'epoque oil Calixte II fut choisi pour sieger sur le tr6ne de Saint-Pierre (1120) , qu'i! faut assigner la date de la creation du Possesso , cCrdmonie tout a la fois religieuse et civile qui cl6t les divers actes d'instal- lation des pontifes nouvellement dius. L'on sait que depuis cette dpoque les souverains pontifes ont toujours rempli les formalite's du Possesso, chaque fois que les circonstances l'ont permis. C'est une manifestation solennelle de leur double puissance. Elle consiste dans la prise de possession par le pape en personne, comme dveque et prince de Rome , de la basilique de Saint-Jean-de-Latran , eglise episcopate ou cathedrale de la ville et du monde catholique. Autrefois, Sa Saiutete" , au sortir de son palais , montait dans une litiere dexouverte , ou sur une haquenee blanche , conduite a la main par le secateur de Rome et s'acheminait vers Latran pre'ce'de' des cardinaux , entoure's de leur cour personnelle, des bauts-barons de l'^tat, des tenanciers de la sainte figlise, des prelats attache's aux differentes curies , des magistrats de la cite' et autres dignitaires ayant droit de presence a cette solennite. Ces seigneur* e'taient tous months sur de magnifiques chevaux richement recouverts de velours, de soie, d'or, de pierreries prdcieuses et de panaches; enfin, les rues traversers par le cortege e'taient decodes avec la plus grande magni- ficence. On se rendait d'abord au capitole ; la, le pape recevait la soumission des treize chefs de quartiers ; accordait , ou confirmait, les privileges de la cite; ordonnait la de'livrance des prisonniers de'tenus dans les prisons voi- (1) Nous n'avons pas traits la premiere partie de la question, posee dans le programme, c»n- raincu que I'intronwation religieuse de$ liquet exist© dans l'eglise dspuis l'ipoque ou la reli- gion chretienne a pu s'exercer librement. (2jBerly : Hist, des comtcs du Poitou, p. 62, in-fol. 224 congr£s scientifique de France. sines, puis descendait vers le Forum Romanum. En avant de l'arc de Titus , la communaute" des Juifs prdsentait a son nouveau souyerain un exeraplaire de la loi. Puis le cortege s'avancait, sans aucun autre episode, jusqu'au portique de la basilique. Sous ce portique s'accomplissaient diverges ceremonies significatives de la puissance pontificale et , apres leur entiere execution , le pontife entrait dans I'eglise d'oii , apr6s les prieres du rituel accomplies, il se rendait dans le palais voisin pour recevoir les hommages des vassaux du patrimoine , audience qui finissait par un banquet dans le triclinium de L^on III (1). II existe une analogie frappante dans l'ensemble et les details de la prise de possession des souverains pontifes et l'ordre adopte pour la marche du cortege des eveques le jour de leur entree solennelle. On nous permettra de traiter ce stijet d'une maniere plus approfondie , de signaler parmi les usages adoptes dans plusieurs dioceses les differences et les points les plus sensibles de rapprochement dans l'execution des actes de ces brillantes solennites. Nous chercherons a reraonter aux sources les plus lointaines, et nous indiquerons les titres les plus anciens qui ttfmoignent de l'existence de ces droits rdciproques des Eveques et des barons. Kufln , a l'aide de ces documents , il nous sera possible de fixer approximaiivement l'epoque de cette institution feodale. Les plus anciens documents parvenus jusqu'a nous semblent appuyer ropinion qui donne pour origine a l'entree solennelle des eveques 1'intt o- nisalion du pape fitienne II. C'est au savant auteur de l'bistoire d'Auxerre , e'est a Tabbe- Lebeuf, que nous sommes redevables de ces precieux ren- seignements (2). En parlant du sacre de Saint-Geran, indique" a la date du dimanche 14 fevrier 910: * C'est la premiere occasion, dit-il, ou j'aie trou- « vC un dveque d'Auxerre porte" sur les epaules. II n'estpas dit que ce fut « sur celles des barons, ni que le comte ou vicomte d'Auxerre fut de ce « nombre , mais senlement que ce furent des personnes pieuses qui s'em- « presserent d'avoir cet bonneur et qui le porterent ainsi au milieu des « chants des psalmistes jusqu'a I'eglise de Saint-Etienne. » Hugues de Noyers, £lu Cveque de la meme ville, le dimanche 13 mars 1183, fit son entree solennelle quelques jours apr&s , dit le meme auteur, avec les formalins ordinaires de la part des quatre barons , du nombre desquels fut Herve* de Douzy (3) . Depuis cette Cpoque, les entries solennelles ont toujours e^e* subor- donne'es au bon plaisir des cheques d'Auxerre. L'£veque de Poitiers jouissait Cgalement du droit de se faire porter par les quatre barons du Poitou infeoJes a cet hommage. Chacun avait sa (1) Possess! dei Pap! par Gancellieri. Roscoe et Audio, prise de possession de T.«'on X. (2) Hist. d'Auxerre, 2" vol., p. 203, etc. (X) Ibidem, p. 315. QUINZIEME SESSION. 22S place designee a l'avance, et sous aucun pretexte il ne pouvait en choisir une autre. Les sires de Lezignen et de Parthenay portaient la chaise par le devaut etles sires de Chasteleraud et du Fief-L'eveque la soulenaient du c6l6 oppose' (1). La prise de possession du siege Episcopal d'Orieans, par les preiats de ce diocese , offrait jadis quelques usages particuliors a leur eglise. L'eveque Clait porte en premier lieu par les quatre premieres dignitds j dits Prevdts del'e'glise Saint-Agnan , avant de l'etre par les quatre barons. 11 jouissait en outre d'un droit de grace en faveur des criminels dont l'origine se per- dait dans la nuit des temps (2). Le diocese de Nevers possedait aussi plusieurs fiefs , dont les plusimpor- tants , Druy, Poiseux , Cours-les-Barres et Givry, avaient le titre de ba- ronnies de l'£veche\ Les possesseurs de ces seigneurics etaient tenus de porter l'eveque le jour de son entree solennelle dans la ville de Nevers (3). L'archeveque de Bourges avait dgalement le privilege de se faire porter non par quatre , mais par huit barons de son diocese. Obliges a ce devoir, par la nature de leurs fiefs , ils le remplissaient sans recevoir aucune autre indemnite que celle d'etre deTrayds de leur depense de boucbe , pendant le jour de la ceremonie seulemcnt. Toutefois, le seigneur de Mehun-sur- Yevre , s'il assistail en personne a cette solennite , obtenait en present l'anueau de l'archeveque. La chaise, dont on se servait pour le service feodal impost aux barom le jour du joyeux avenement de l'archeveque, avait recu le surnom de Pa- triarchate. L'on pretend que cette denomination lui etait venue de ce qu'elle offrait la representation des anciens patriarches d'Alexandrie, d'An- tioche, de Constantinople et de Jerusalem. Mais, nous devons signaler ici un usage singulier dont le diocese de Bourges nous fournit seul un exem- ple. Au moment oil le prelat, porte par les barons, parvenait a la porte dite des Patriarches, ou la porte dorde, lieu oil ces seigneurs le deposaient, en presence du chapitre venu en corps pour le recevoir; lorsqu'il avait prete" le sentient en tel cas requis, il quittait la chape blanche dont il etait revetu et l'abatidonnait a la discretion du peuple. On se la disputait de telle sorte que dans un instant il ne restait pas un morceau de ce vetement que les hdeles consideraient comme une relique. De la, dit-on, est venu le proverbe se debattre de la chape a Vevbque, qui tend a exprimer cette pensee que bien souvent on se plait a contester pour la possession d'une chose dont le gain meme n'offre aucun avantage. (1) Histoire des cotntes de Poitou, etc., par Jean Besly, p. 6$, I" in-fol. 164?. (2) Histoire de l'illustre et celebre entree de Mgr L. G Fleuriau d'Armenouville, ereque d'Orieans. 1707, brochure in-4". (3) Memoires pour servir A l'Histoire du Niyernois, par M. Nee, de la Rochelle, on v. ia-12, p. 10. 226 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. L'ereque d' Amiens posse'dait aussi le privilege de faire sa premiere en- tree dans cette ville, monte- sur une haquene'e que le seigneur de Rivery devait conduire par la bride. En faveur de ce service feodal, ce gentil- homme avait le droit de revendiquer la monture du pr&at, et m6me la vaisselle servie aux festins de ce jour solennel (1). L'eveque de Cahors, le jour de son entrde solennelle, dtait attendu a une certaine distance de cette ville par le baron de Cessac A l'arriv£e du pr£lat il nlettait pied a terre et apres l'avoir salue- , nue-tete et sans manteau , il prenait la mule de l'eveque par la bride , le conduisait a Feglise cathe"drale, et de la au palais Episcopal. Ce gentilhomme le.servait aussi a table, durant son diner, apres lequel il se retirait avec la mule et le buffet qui lui e'taient acquis comme recompense de ce devoir feodal (2). L'abbe" de Saint-Florent de Montglonne avait dans son patrimoine, neuf paroisses du pays des Mauges qui n'appartenaient a aucun diocese ; son abbaye ne relevait d'aucune juridiction episcopate et ne reconnaissait que rautorite" du souverain pontife ; aussi, jouissait-il, seul en France, du droit de se faire porter, le jour de son intronisation, par les quatre premiers ba- rons du pays (3). II serait surabondant de presenter ici un plus grand nombre de preuves contjrmatives sur ce sujet : nous ajouterons que les princes les plus puis- sants, les souveraius eux-memes n'etaient pas exemptes, par leur haut rang, d-'acquitter en personne ce devoir feodal. Jean IV, comte de Monfort et due de Bretagne, fut oblige', en sa quality de seigneur de la baronnie de Rais, de porter Simon de Langres, £v6que de Nantes, le jour de son joyeux av£- nement. Cette ceremonie eut lieu le mardi de la semaine Sainte, le 4e jour d'avril 1384 (4). Le due de Bretagne porta le prelat conjointement avec les barons de Ponch&teau, d'Ancenis et de Chateaubrient (5). Les privileges conce"d6s aux arclievfiques de Tours n'etaient ni moins nombreux, ni moins e^tendus. La nomination au siege archiCpiscopal de cette ville confe"rait, au prelat qui en £tait pourvu, des droits de joyeux avenement, et tous les cure's du diocese devaient contribuer* chacun pour une somme reglee a l'avance, aux frais de l'entre'e solennelle du nou- veau pasteur. Cependant, e'est en vain que nous avons cherche' a soulever le voile qui nous cache l'gpoque precise a laquelle prirent naissance, dans ootre eglise m^tropolitaine, ces receptions solennel les. Le suaire de l'oubli (1) Mercure de France, juillet 1733, p. 1615. — Les antiquity de la ville d'Amieni, par A, de la Morliere, in-fol., 164^, art. illustres maisons de Picardie", art, Rivery, p. 94, (2) Mercure de France, juillet 1733, p. 1615. (3) Congres scientifique d' Angers, I" vol., p. 368. (4) L'annee commencait alors le jour de Paquef. (5; Histc-fre dc Bretague, par dom Morica, Ior volt , p, 387, n vol, in-fol., 17&0, QUINZIEME SESSION. 227 enveloppe entierement ces temps de religieuse ferveur, et, malgre" nos stu- dieuses investigations, ne laisse parvenir jusqu'a nous aucune trace de l'o- rigine de ces pompeuses ceremonies. Les auteurs qui ont £crit sur ce sujet devaient s'egarer aise'meni dans un aussi vaste champ abandoune' aux conjectures, alors que taut d'obscurite' rCgnait sur cette question. Les documents qu'ils ont livre's a notre appre- ciation ne peuvent etre que fort incertains, Jean Maan, dans son Histoire de l'Eglise de Tours, indique, d'apres un renseiguement donne" par le Livre Blanc, Simon de Renoul comme le premier archeveque de cette ville qui ait use- du privilege de se faire porter par les barons (1). II est a regretter que ce laborieux annaliste donne si peu de de\eloppement a son re'cit lors- quil traite du ceremonial observe", en l'annee 1364, lors de Tentre'e solen- nelle de cepr&at. M. Delahaye, dans son ouvrage intitule : Du R&ablissement des Eglises en France, s'exprime ainsi : « Philippes Blanche, archeveque de Tours de « 1357 a 1363, n£ en cette ville. de parents sans fortune, docteur en droit, « chanoine et official de Saint-Gatien, occupe le siege en 1357 ; sa charity « pour les pauvres dtait sans bornes. Se trouvant a Avignon, il ne put, vu « les grandes aum6nes qu'il avait faites, payer la depense de ses bulles, et « se vit dans la necessity, pour les obtenir, de mettre en gage sa mitre et « sa crosse, qui ne furent retire'es par son successeur qu'en 1374. On a « pens£ qu'usant du droit de faire une entree solennelle, il fut le premier « archeveque de Tours porte par les barons de la province. En supposant « que sa modestie n'eut pu dchapper a un tel honneur, nous demandons « comment ce trop charitable pr£lat eut pu faire les frais considerables « d'une telle cOemonie (2) ? » Partageant l'opinion eraise par M. Delahaye, et la formulant d'une ma- niere plus precise encore, Chalmel nous dit : « Philippe Blanche, de 1357 « a 1363. Ce fut le premier qui se fit porter par les barons le jour de son « entree. II &ait si liberal envers les pauvres, qu'il ne laissa pas de quoi « se faire enterrer (3). » Voici une e^poque bien pr£cis£e par ces auteurs qui fixe l'origine de cette ceremonie a l'annee 1357, mais un cartulaire manuscrit de l'archev6che de Tours ne nous permet pas de partager le sentiment de ces historiens et nous rejette, sur ce sujet, dans la plus complete incertitude (4). En effet, nous (1) Saeraet Metropolitans ecclesia Turonensis, etc., M. Joannis Maan, 1667, in-fol., p. 150. (2) Retablissement des eglises de France, in-4°, p« 68. (3J Histoire de Touraine, 3e vol. p, 458. (4) Nous lisons, a ce sujet, dans les Tablettes Chronologiques de Chalmel (annee 1072) it Apreslamort de l'archeveque Barthelemy, le siege de Tours reste vacant pendant quatre. « ans. Rodolphe ou Raoul Ior, de Langeais lui succcede. Un accident qui eut lieu a la ceremonie « de sa reception, fat d'w maurais augure poujc son epiacopat, qui fut en effet trfcs-wageui. 228 CONGRES SC1ENTIF1QUE DE FRANCE. trouvons dans une transaction passee entre Pierre Fretot, promn au si£ge archiepiscopal de Tours, le 12 aout 1335, et Hugues d'Amboise, chevalier, 6eigneurdu Chaumout, lapieuve irrecusable queceprelat avaitjoui lui- meme des honneurs de Pentr^e solennelle. La traduction de cet acte pourra peut-etre Clucider cette question. « L'andu seigneur 1335, le mardi avant la saint Barthelemy (24 aoul), * noble homrae Hugues d'Amboise, chevalier, seigneur du Chaumont, se « rendant a Vernou aupres de nous, Pierre, par la permission divine, ar- « cheveque de Tours, sur la signification que nous lui avions faite d'ailleurs « de venir ici a notre maison de Larcay, la veille de la Nativite de la bien- « heureuse vierge Marie, nous rendie la foi et hommage lige qu'il nous « doit, sans quoi nous userions de notre droit contre lui, nous a requis avec « instance de diffCrer jusqu'au lendemain de notre reception la demande « et acceptation dudit hommage ce que nous lui avons accorde" pour cause : « et lors ledit chevalier a confesse" qu'a raison du fief qu'il iieni de nous, il " est oblige" le jour de notre reception, ainsi que nos autre a ras&aux, de « nous porter en lamaniere accoutumde, degarder notre palais pendant « le dine", et de servir les mets sur la table : et comme il disait que toute « la vaisselle dans laquelle les mets nous sont servis a dine" le jour de notre « reception devait lui appartenir apres la leve>, de chaque plat, tandis que, « selon nous, il ne devait l'avoir qu'apres que tous les mets du dine" au- « raient 616 servis et leve"s de dessus notre table, il a ete" convenu et ac- « corde" entre nous, sans prejudice a nos droits respectifs, qu'au jour de « notre dite reception, lorsqu'il sera temps de poser le second service, il «< recevra la vaisselle du premier et la remettra a ceux qui sont charge's « d'apporter les vivres a table en leur disant : Allez chercher; et il en « usera de meme en levant chacun des services qu'il aura poses devant « nous a ce dine", et en 6tant le dernier il pourra s'approprier la vaisselle « du premier et non les autres. ttaient presents a ceci M. Andre de Conne, « bailli de Blois, maltre Jean de Luc et Jean Corpsdasne. » Les termes si precis de cet acte ne permettent pas de douter que les droits des archeveques ne fussent de"ja regies a cette epoque. L'expression employee par Pierre Fretot de nous porter en la maniere accoutume'e constate la possession d'un privilege ante"rieurement reconnu; le service i L'archidiacre lui demandant, selon la coutame, a la porte de la cathedrals, si son entree « 6tait pacifique, comme il r^pondait : Pacifique, il tomba du clocher une pierre qui tua Tun de « ses officiers. II raourut exile de son diocese apres l'avoir gouverne vingt-un ans et dix mois. » Page 88. edit, in-12, 1818. On trouve egalement dans le mfime ouvrage : a En cette annee (856) Herard, archevfique de « Tours, continue les privileges de Teglise de Saint-Martin, qui l'exemptent des coureurs, des « droits de gite, de past, dejoyeux avinement, etc., que les abWs et les moines devaienl aux archev6ques et archidiacres. » ibidem, p. 50. QUINZIEME SESSION. 229 feodal, exig£ par le prelat des barons de la Touraine, dtait done consacre" par l'usage, selon toute apparence, longtemps avant la date de cette tran- saction. Le cartulaire de l'archevech£ contient peii de titres remontant a une date plus eloigned que cette composition ; nous citerons cependant les plus curieux, ayant un rapport imm^diat a la cere"monie dont nous nous oc- pons. Par acte du vendredi devant Noel, 1'an de grace 1335, Pierre de Vernou rend it un aveu au meme archeveque, en raison de .son herberge- ment et de la pre'vdte' dudit lieu de Vernou , dans lequel il s'exprime ainsi : « et de toutes les chouses dites, monseigneur, je suy votre home lige, vous « en doy garder la porte du bout de Leschal de votre herbergement de « Tours damont le jour de votre recepte et pour cestes chouses dessus « dites je vous doy trois mangiers en l'an en vostre hostel de Vernou, et a « votre semonce, deus mes de char et un autre mes, etc (i).» Une famille illustre, dont un membre devait, pres de qnatre siecles plus tard, attaquer et detruire les privileges nombreux et importants de la puis- sante abbaye de Saint-Martin de Tours, nous apparait dans ce manuscrit pour la premiere fois. Philippe Ysore\ chevalier, avoue tenir a foy et hom- mage du meme Pierre Fretot son herbergement de Noeray et en cette qua- lite" reconnalt que lui ou Pierre de Vernou doiveut remplir les fonctions d'^cuyer tranchant, au repas donn6 le jour de la reception dudit arche- veque, et pour leur recompense ils ontles couteaux dont les convives se sont servis au festin et un mets offert par ledit archeveque. Acte du jeudi apres les cendres l'an de grace 1335 (2). Pierre de Larcay, e^cuyer, pour son herbergement et la pr£vdte dudit Larcay fait aussi son aveu a l'archevSque le 25 aout 1358 : il se reconnait son homme lige et avoue qu'il doit garder et faire garder Tentrde de la premiere porte de son h6tel de Tours, le jour de sa reception en cette ville (3). Le sire de Pile-Bouchard, homme lige de l'archeveque de Tours, en raison de son fi6 de Cocces, en la paroisse de Vernou, confesse qu'a ce titre il doit le servir et lui donner a laver le jour de sa reception et recevoir, en recompense de ce service, l'anneau du preMat (4). (Sans date). Dans une declaration du J 9 juin 1370, rendue par Marie de Mailie, dame de la Croix-de-Biere, terre qu'elle avait recue en partage de son frere, elle avoue representer Mgr. Geoffroy, jadis seigneur de la Haye, qui, avec les terres de Mos6 et Nuilie pre* la Haye, devait pour cet hommage assister (1) Cart, de l'archev., vol. in-4°, p. 33$, Archives de la prefecture d'Indre-et-Loire. (2) Cartulaire ibidem, p. 327-330, (3J Ibid. 272. (4) Ibid. 297, 15 250 congres scientifique de prance. la consecration de l'archeveque et porter ledit seigneur avec les autres ba- rons (1). Monseigneur Eschivart, seigneur de Preuilly, homme lige de l'archeve- que apres le roi, a reconnu tenir de lui la Guerche avec toute la chatellenie et ses appartenances, et a la Haie une rue qui a nom de Praille et ce qui est sur ycelle rue : il a reconnu egalement qu'il doit se trouver a la consecra- tion dudit archeveque et le porter avec les autres barons , et servir le pain en ce jour, dont le demeurant de ce qu'il en est apporte en salle, ainsi que les toiles, doivent lui appartenir en vertu de ce devoir (2). (Sans date). Mgr. Godemar de Lineres, hoir de Mgr. Renaut de Pr^cigne", a cause du fief de Range, situe aux paroisses de Saiut-Martin-de-Sarcay, de laChapelle- Saiut-Ypolite, paie 50 s. d'aide a muance d'archevGque et doit servir eau en salle. Et pour raison des choses que Jean Poilevesin tient dudit sei- gneur a Eceuille\ il doit remplir les fonctions d'huissier le jour de sa recep- tion, ou consecration, ainsi que l'atenu a foy et hommage feu monseigneur Robert de Brenne (3). (Sans date). Le sire de Sainte-Maure, homme lige de l'archeveque de Tours, pour sa segrairie (foret) de Teilloy ou Teillay, entre Sainte-Maure et Crisse, doit porter ledit seigneur le jour de son sacre et dit qu'il doit avoir le palefroi s"« 'quel il entre a Tours (4). Un aveu rendu le 28 octobre 130)7, par Hue d'Amboise, chevalier Sgr. de la Maisonfort, a l'archeveque de Tours, nous apprend que le principal fief, inf^ode a la ceremonie de Pentre'e solennelle dudit seigneur, etait assis sur l'herbergement appeie la Papelardiere, en la paroisse de Saint-Denis, pres d'Amboise (5). Le comte de Sancerre, acausedesa femme,dame de Marmande, de la Haie etde Saint-Michel- sur-Loire, reprCsentant la personue de feu Mgr. Simon de Saint-Michel, etait aussi homme lige de l'archeveqne ; il devait le porter et garder la cuisine le jour de son sacre : ce devoir etait infeode sur la terre de NuillC, pres la Haye (6). (Sans date). Enfin, la subvention due par les cures du diocese de Tours, pour parti- ciper aux frais du joyeux avenement de l'archeveque, s'elevait a la somme de 683 liv. 8 s. Nous ne possCdons aucua titre qui constate d'une maniere precise la dale de la premiere installation de nos preiats. Nous allons indiquer sommai- rement les details du ceremonial usite dans cette solennelle circonstance. (l)Ibid. 263. (2) Ibid. 295. (3J Ibid. 293. (4J Ibid. 297. (5) Ibid. 258. (6) Ibid. 296. QUINZlAsfB SESSION. 231 L'archeveque ayant determine' Ie jour de son installation en donnait con- naissance au chapitre de son eglise, a l'abbe' de Saint-Julien et aux ba- rons de Touraine par des de'pute's specialement charge's de ce message Le Livre Blanc, que nous avons deja cite", contenait la formule des lettres qu'il devait dcrire dans cette circonstance. Celle qu'il envoyait a son cha- pitre devait etre ferme'e et scellde de son sceau, mais celles qu'il faisait par- venir a Tabbe' de Saint-Julien et aux barons 6taient ouvertes en forme de mandement. Par la premiere il donnait l'ordre a cet abbd de preparer toutes les choses n^cessaires a sa reception tant pour lui que pour les per- sonnes de sa suite ; dans celles qu'il ^crivait aux barons, il leur mandait de se trouver a Tours pour lui rendre le devoir fdodal dont ils avaient cou- tume de s'acquitter pres des archeveques dans de semblables occasions. L'archeveque de Tours faisait sa premiere entree dans cette ville la veille de son sacre, ou de son installation, monU sur un palefroi que le baron de Sainte-Maure conduisait a la main. Le lieu ou ce seigneur devait attendre le preMat n'est pas d&igne' d'une maniere positive, mais nous avons quel- ques raisons de croire que c'etait a l'abbaye royale de Marmoutier. II se rendait ainsi a l'abbaye de Saint-Julien ou il Ctait recu a la porte de l'Cgiise par l'abbd et tous les religieux en chapes. L'abb£ lui prdsentait la croix a baiser, 1'eau b£nite, et le conduisait ensuite, en passant par le milieu du chceur, au*grand autel, oil il se mettait a genoux pour faire sa priere, pen- dant que le chceur chantait le repons Juliane et autres, accompagne par les orgues. Les prieres terminees, 1'archevSque se rendait au logis abbatial ac- compagnd par l'abbe' qui le traitait, ainsi que toute sa suite, jusqu'au mo- ment de la principale cerdmonie. Les dignitaires, les chanoines et les autres membres de Nglise cathldrale venaient le lendemain avec la croix et l'eau benite, sans chanter, dans l'e*- glise de Saint-Julien. Si l'archeveque n'dtait point encore sacre-, il devait l'etre dans cette e'glise. Alors, revetu de ses habits pontificaux, c'est-a-dire de sa tunique, de sa dalmatique et de son rochet, ayant sa mitre sur sa tete et sa crosse en main, il se rendait processionnellement a Saint-Martin, suivi des 6veques suffragants et des abbe's de la province, des chapitres de Chinon et de Candes, qu'il avail convoques, ainsi que des seigneurs qu devaient le porter, des cure's de son diocese et de tous les fonctionnaire.. de la ville. II e'tait recu a la porte de la petite place par tout le chapitre de Saint- Martin, qui venait au devant de lui processionnellement, en chapes, la croix leve'e, au son des orgues et de toutes les cloches. A son entre'e dans l'eglise, le grand chantre entonnait le verset Sancte Martine, le doyen et le tre'so- rier conduisaient le prelat d'abord au tombeau de saint Martin oil il faisait ses prieres devant la cMsse de ce grand thaumaturge, puis au chceur oil vis-a-vis Vautel de saint Pierre, il donnait sa premiere benediction au peuple. 232 CONGRES SCIENTIFIQUE DE PRANCE. Ensuite, accompagne par les memes dignitaires jusqu'a la chaire prepare par les soins de ses ofiiciers, et sur laquelle on croit qn'il etait d'usage de peindre les armoiries des vassaux qui devaient le porter, il prenait place sur ce siege et, an meme instant, le grand chantre entonnait le Te Deum Laudamus : lorsqu'il etait fini, on appelait les barons qui devaient le pon- tife assis sur son siege et le portaient sur leurs epaules en passant par la rue de la Scellerie jusqu'a la porte de l'eglise cathldrale (1), les processions pr^cddant le pr<§Iat ainsi que les Cheques invites a son installation ; roais le chapitre de Saint-Martin jouissait du privilege de ne point sortir des limites du cloitre et reconduisait le preiat seulement jusqu'a la porte de cette en- ceinte. A son arrived a la porte de l'eglise cathddrale, le grand archidiacre, en lui prdsentant le livre des ^vangiles, lui demandait : Monseigneur, votre entree est-elle pacifique? L'archevSque repondait : Pacifique. L'archidiacre reprenait : Voulez-vous maintenir les droits et les privileges de cette sainte eglise, suivant les traites conclus avec Juhel et Jean, vos predecesseurs, tou- chant le doyenne, la pr6vdte et la dignity de celldrier ? II repondait : Je le veux, et je jure, sur les saints Evangiles, que je les maintiendrai. Apres avoir rempli les formalites de ce serment, le preiat entrait dans l'eglise en se dirigeant vers le grand autel suivi du doyen et du trdsorier ; il se rendait ensuite a son sie'ge pontifical, aux acclamations du peuple au- quel il donnait de nouveau sa benediction. Cette brillante ceremonie se terminait par un somptueux banquet, servi au palais archiepiscopal, ou les principaux seigneurs de la province rem- plissaient les diverses fonctions que nous avons indiqu^es. Les chanoines de Saint Gatien etaient places a la droite du preiat et les chanoines de Saint- Martin a sa gauche. Quelquespersonnes sesont vivement preoccupies des causes qui ontinter- rompu, vers le milieu du xvie siecle, Texhibition de ces pompeuses solen- nites dans la plupart des dioceses. Apres avoir etudie longtemps cette ques- tion, qui nous paraissait d'abord insoluble, nous croyons avoir decouvert la principale raison, et peut-etre la seule assez puissante, pour en abolir l'usage dans le diocese de Tours, et presumablement dans beaucoup d'au- tres. A cette epoque, un demi-siecle s'etait a peine ecouie depuis la decou- vertc du nouveau monde, et deja les matieres d'or et d'argent qui en pro- venaient si abondammeut avaient opere en Europe une diminution notable sur la valeur representative des monnaies. Les subventions dues par les vassaux de l'archevGque pour son joyeux avenement et celle des cures du (ij QuelquesperSonnesontcru que les afchev&juesde Tours etaient portds par cinq barons; une histoire manuscrite de l'abbaye de Saint-Julien de Tours , deposce a la blbliotheque de cette yille , rectifie cette erreur en disant que Gerard de Crussol apres s'6tre assis dans sa chaire, crossd et mitre, fut porte par les quatre barons de Touraine, p, %QC\, pet. yoI. in-fol. QUINZ1EME SESSION. 235 diocese, en particulier, montant a une somme de 683 liv. 8 s., invariable par sa nature comme toute autre redevance fe'odale, n'etant plus en rap- port avec les frais considerables qu'entrainait la celebration de cette fas- tueuse ceremonie, les archeveques de Tours durent neeessairement s'abste- nir, sinon de droit, du moins de fait, de l'exercice d'un privilege devenu aussi onereux. Pour terminer cememoire et formuler une rdponse a la question que nous venons de traiter, nous ajouterons que les obligations feodales imposees aux archeveques, cheques, abbe's et autres digoitaires du clerge, en raison du temporel de leurs fiefs, etaient tellement imperieuses qu'ils furent sou- vent forces, malgre le caractere sacre de leur miuistere, de conduire eux- memes leurs vassaux a la guerre et d'y prendre une part active. L'organi- sation fe'odale n'offrait alors, il est vrai, que le desolant spectacle de l'anarchie organisee par le despotisme ; les g£ne>eux efforts du tiers-etat, pour detruire ce monstrueux gouvernement, firent disparaitre inseusible- ment la plus grande partie des abus qu'il avait enfantes ; cependant, beau- coup de privileges qui ne tendaient qu'a rehausserl'eclat des ceremonies du culte, honorer la religion, et consolider la puissance du clerge furent con- serves, et tous les documents que nous avons mis sous les yeux de l'assem- biee se reunissent pour repondre a la question du programme que l'epoque de ces premieres intronisations doit remonter, selon toute apparence, h Y6- tablissement du systeme feodal en France. M. d'Espaulart prend la parole en ces termes sur l'introni- sation des evGques du Mans. L'intronisation etait, dans les premiers siecles de l'Eglise, 1'acte par le- quel un eveque, un archeveque, un abbe ou tout autre beneficier a charge d'ames, se trouvait en realite et definitivement mis en possession de sa pre- lature.Le premier concile general de Nicee, tenu en 325, explique et fbr- mule l'iutronisation dans les termes suivants, a son 71° canon. Apres la consecration de 1'evGque par l'archeveque, celui-ci doit envoyer a reveche, avec la personne eiue, un de ses suffragants qui Pintroduit dans la ville et l'Eglise. Ce suffragant fait asseoir le premier jour le nouvel eveque sur son trdne, puis apres trois mois de residence, l'archeveque, lors de sa visite, le remet entre les mains de l'arehipretre et de l'archi- diacre, pour examiner ses connaissances a l'endroit de la discipline et des usages de son eveche ; s'il est jnge parfaitement instruit, l'archeveque vi- 254 CONGRES SCIENT1FIQUE DE FRANCE. siteur Ie confirme dans son Episcopal. Les patriarches sont obliges d'agir de meme a 1'egard de leurs archev6ques. Celui qui contreviendrait a ces dispositions est excommunie par le Synode. Le titre de ce statut est : De la maniere dont on installe sur son siege un archeveque ou un evSque , apres son ordination , cere'monie qu'on nomme intronisation. Tel est le document le plus ancien qui m'ait offert quelques renseigne- ments sur les intronisations. Depuis lors les materiaux deviennent d'une rarete" extreme, pour ne pas dire impossibles a rencontrer. Les livres cano- niques ne presentent meme presque jamais le nom d'intronisation , et ce n'est qu'a l'aide de la correlation de cette ceremonie avec d'autres faits mieux connus, qu'il est possible d'appre'cier les varietes de l'esprit dans lequel elle eut lieu successivement. Pour en comprendre clairement le veritable sens, au sein de realise pri- mitive, il est bon de rappeler par quels pouvoirs les e"veques arrivaient a l'episcopat. X'e'lection etait le principe de leurs nominations, mais quant a la forme sous laquelle ce principe se produisait, variable, irreguliere, sujette a mille accidents, nulles regies fixes, generates et permanentes ne la re^gis- saient. Ndanmoins trois corps y coucouraient le plus babituellement : Ie peuple de la ville, residence de TCveque, le bas clerge de cette meme cite", et parfois des campagnes , puis enfin les 6v6ques de la province. Une fois choisi, le prelat recevait l'ordination de trois de ses collegues, et la con- firmation accordee par le metropolitan), c'est-a-dire le premier e'veque de la province, venait clore, avant la mise en possession, la serie'des e'preuves qu'il avait a subir. Telle tut la coutume qui, sauf de nombreuses devia- tions, resultant alternativement du plus de pouvoir pris, selon les circons- tances et les lieux, par les pretres, le peuple ou les e\eques, telle, dis-je, fut la coutume qui, jusqu'a l'invasion des Francs, pr^sida aux elections epi- scopales dans les Gaules. L'intronisation, dernier degrd a franchir pour jouir d&jormais de la puissance et des droits de preiat, n'offrait par consequent alors que des ca- racteres uniquement eccle'siastiques. C'Ctait la mise en possession de tous les pouvoirs religieux attache's a la position d'eveque, de ses charges et de ses benefices. Avec la conquete, l'etat social fut complement bouleversd; les per- sonnes et les proprietes, la societe religieuse et la societe civile, le gou- vernement de Y&i&t et le gouvernement de l'Eglise, en ce qui leur etait pro- pre, comme en ce qui concernait leurs rapports mutuels , eprouverent, les uns absolument, les autres a des degree moindres, des changements a peu pres radicaux. Du ve au x* siecle, le regime social connu sous le nom de feodalite, tendit a s'organiser d'une facon rdguliere et definitive. Je suis oblige de jeter un regard sur ce travail, pour arriver aconstater les modifications apportees dans la valeur des ceremonies de l'intronisation. QUINZIEME SESSION. 235 Quand les barbares eurent occupe le sol entier de la France, quand les\ envahissements gdneraux et partiels furent entierement accomplis, quand l'dtablissement definitif des Germains eut transform^ pour eux la terre naguere hostile en un territoire ami, un fait, d'ou plus tard devait naitre le systeme feudal , se produisit. Au lieu des armes, des chevaux, du butin mobilier, que les chefs francs donnaient a leurs compagnons apres la vic- toire, ce furent des terres, des propridtes foncieres qui des lors servirent de presents. Les possessions territoriales , dans le principe, sous le nom d'alieux, libres et independantes de charges ou redevances, subirent peu a peu certaines modifications, en ce qui concerne cette condition. Lorsque sur un territoire d'une grande Vendue une population rare disperse ses individus de loin en loin, pour fuir cet isolement antipathique a 1'homme, il est necessaire que chacun tende a se rapprocher, que mutuellement on se cherche, mu par le besoin de la reunion. Cependant une fois rejoints, pour perpe^tuer les chances d'agglomeYation , des liens, des engagements rCciproques sont d'une absolue ne'cessitC. Rien , en dehors de ces rapports personnels, n'existe dans une socie'te' naissante et barbare. Cet 6tre abs- trait qu'on nomme patrie , les idees gene>alement admises par tous les membres d'une communaute, les institutions fortes et accepters sans exception, des interets communSj des lois identiques, toutes ces choses qui attachent les hommes les uns aux autres, comme le ciment incorpore les pierres, appartiennent a une civilisation avancee. Mais au point de de- part, les liens individuellement contraries sont, je le rdpete, la seule con- nexite' de quelque valeur. Les Francs eurent instinclivement ces ide*es que chacun de nous d£duit aujourd'hui. Le plus puissant proprietaire, le chef, voulut s'attacher des compagnons, et pour se rendre mate'riellement plus puissant, et pour Cviter les ennuis de la solitude ; celui dont la terre avait moins d'dtendue trouva, en s'unissant a un supdrieur, l'avantage d'une pro- tection qu'il dtait impuissant a se donner a lui-m6me, et aussi le plaisir de ces reunions, de ces festins, de ces jeux, si chers aux hommes primitifs. Le premier entre tous les chefs 6tait le roi, aussi fut-il celui dont les domaines embrasserent la plus large Ctendue, et qui compta le plus grand nombre de compagnons. Ces hommes dependant du roi, tenant de lui des terres moyennant certaines redevances, lui ayant prete' serment do fide"- lite\ se nommerent Leudes (1). Or, presque aussitdt la eonqu6te acheve'e , les dvSques, les abbe's, tous les grands dignitaires eccldsiastiques vou- lurent etre compters parmi les leudes du roi, D'apr^s ce nouveau fait, cette position diffe>ente des dveques , les intronisations devinrent une ce- rdmonie, qui, sans changer de nom , fut en meme temps la manifestation (l) Je n'ai pas eu la pretention, on le comprcndra, j'espere, d'exposer ici les elements cons- titutifs du systeme Fcodal. J'ai du seulemenl me bornor a rappeler quelques donnees dont la connaissance >n'a. semble necessaire a l'cnchalneraent de ce travail. 256 congres scientifique de France. de deux principes divers; celui qui consacrait le dignitaire religieux, l'autre par lequel le m6me homme, au moyen du meme acte, e*tait ratta- che' a l'autoritd civile et engageait ses propres tenancters , dont il n'e'tait seigneur qu'en raison de la concession royale. C'est done la, dans les be"- ne'fices accordes par les rois barbares aux pre'lats , dans la position de leude brigue'e par ces derniers a l'e'gard des chefs conquerants, que se trouve l'origine du c6td f6odal des intronisations. Dans ceci , toutefois, rien de tres-caracterise' , ni d'etabli d-'une fa^on normale. L'elat de la so- cie'te' au moment ou je parle, ne pr&entait rien de regulierement formule\ Sans doute les relations e^ablies entre les chefs et leurs antrustions, entre le roi et ses leudes, relations ayant potir base la proprie'te' conceded, la terre donnee a litre de benefice, contenaient les germes du systeme feu- dal ; mais cet e"tat n'e'tait pas la f^odalite. De meme les e>6ques en se fai- sant leudes des rois, n'en devenaient pas pr^cisdment par cela meme les vassaux, dans le sens complet attache' plus tard a ce mot, et leur introni- sation ne pre\sentait pas non plus le caraetere rigoureusement feudal qu'elle rev6tit a un moment ou la soci&e' fut entierement coordonn^e, de- puis les premiers rangs jusqu'aux derniers, selon les de>eloppements des relations de suzerain a vassal. Je le re'pete, c'^taient des germes destines a e"clore dans l'avenir. La marche vers cet avenir se ddveloppa lentement, mais d'une facon continue. Je vais essayer de la constater et de la faire apercevoir. Jusqu'a present la nomination des e\equ$s r^sultait des suffrages, in£- galement puissants, mais, a de rares exceptions pres, ngcessaires dans leur ensemble, des 6veques, du clerge- inferieur, et du peuple. Un nouveau pouvoir, destine' h absorber les autres, va concourir a ces elections : c'est celui du chef de la nation , du roi. Selon l'habitude, cette autorite' ne se manifesta pas de prime abord dans toute sa force et d'une maniere legale ; son intervention fut graduelle, et le fait previa le droit, 1'application la la loi. Souvent meme la theorie defendait ce que la pratique mettait en action , et tandis que la main du prince e^crivait les ordonnances de main- tenir l'election comme unique principe duquel les cheques du?sent tenir leur dignity, sa volonte" etait le seul rdgulateur qui les portait a la t6te des provinces. Les premieres fois ou le roi apparatt dans la nomination d'£- veques ce n'est qu'indirectement ; on lui demande permission de proc^der a l'election, de laqnelle du reste il ne se mele plus. Mais pen a peu son influence devint plus directe et plus forte, puisque deux conciles , le troi- stemeet lecinquieme de Paris, crurent devoir declarer nulles les Elections accomplies par la seule volonte' du prince. Eu 615, Clotaire II approuve ce d^cret du cinquieme concile de Paris, mais en meme temps il reserve au roi le pouvoir de conlirmer celui que les 6v6ques, le clerge' et le peuple auront elu, et de nommer ou d'envoyer de son palaisun prelat aux eglises vacantes, laissant aux evGques et au QUINZlEME SESSION. 237 m^tropolitain l'autorite de l'examiner et de ne l'ordonner qu'apres avoir reconnu son mente. La position, on le voit, est d£ja bien changeo ; tout a l'heure il n'etait question du chef de la nation que pour obtenir la permis- sion de proceder a une election dont les eveques, le peuple, etc., avaient et l'initiative et Taction, tandis que par le dCcret cite*, la derniere et su- preme sanction de Y6\u est de'volue au roi, en meme temps que le droit de designer d'abord le sujet qui iui convient, lui revient dgalement au gr£ de son bon plaisir. Le defacement des pouvoirs est grand ; les premiers sont presque devenus les derniers, et r^ciproquement. En vain les Cheques, par l'organe des conciles, pre'tendirent-ils faire abroger ces principes. Les princes tinrent bon , c^dant quelquefois , mais revenant toujours a poser leur volonte* au-dessus des autres. Ces changements des le vne siecle, furent meme formulas par des textes, et Marculfe a conserve la formule du brevet de' nomination des deques par les rois. Je la cite, ses termes d^montrant de la maniere la plus p&emptoire de quelle puissance ces derniers elaient investis : « Ayant appris que tel pr&at est mort, apres nous etre occupe' avec le « soin et la sollicitude convenables , en commun avec les pontifes et les « grands de notre royaume, de lui chercher un successeur, nous avons « r&olu de confier a un tel, hommeillustre, la dignity pontificale dans « telle ville. » Avec les anndes, les pr&ats se soumirent, et il devint de droit comme d'usage, que le roi nommfit aux £v6ch£s, de sa seule volont£, ne laissant debout du systeme des elections pures que Pexamen , qui devait etre fait par les Oeques et le clerge*, de celui dCsigne* par lui. Tel s'offrait l'gtat des choses lorsque commence le regne de Charlema- gne. On sait avec quel soin cet empereur et son pere Pepin me*nagerent le clerge. Aussi, en paroles du moins, le droit des elections fut-il plus solen- nellement reconnu que jamais. Un article des capitulaires le proclama de la facon la plus absolue. Cependant la pratique contraire prevalut fre"quem- ment, et les chroniques de ce temps montrent e'videmment que le grand empereur regardait les e'vechCs comme des benefices dont il pouvait dispo- ser a son gre\ Au meme regne il faut reporter l'origine des serments de fi- delity prete^s aux rois par les e>6ques. Appelds aux affaires de l'£tat, et comme indiviJus, et comme corps, dans les reunions des ^tats-Gene'raux; ddtenteurs de benefices attache's a leurs £piscopats, qui les obligeaient jus- qu'a fournir des troupes aux armees du prince ; maitres , a leur titre d'e*- veque, des plus grands fiefs de 1'empire, il est bien certain que la ceremo- nie qui les introduisait dans leur siege, participait autant du c6te temporel que du signe spirituel: Louis-le-Debonnaire consacra cette vassalite temporelle, en remettant 238 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. lui-meme le baton pastoral entre les mains des cheques au moment de leur institution , acte ordinairement accompli par le me'tropolitain. C'est l'aurore de l'investiture, manifestation uniquement fdodale. Sous les derniers souverains delaseconde race et les premiers de la troi- sieme , peu de changements marque's eurent lieu dans la nomination des cheques. Le pouvoir des rois y progressa , s'y impatronisa d'une maniere plus large et plus ferme, mais sans que les formes exterieures subissent de modifications. II arriva, souvent, par exemple, qu'au milieu des troubles qui rendaient difficile le fonctionnement rdgulier d'un ensemble de pou- voirs, le roi ou lepape nommaient directement et seuls des ereques, et que ces nominations dtaient ndanmoins admises comme canoniques. Au xne siecle les investitures prennent legalement place en France. Les pouvoirs eccle\siastiques les reconnaissent et acceptent. Ainsi que je le disais il y a un moment, leur accomplissement avait lieu par la remise du baton pastoral et l'dnonce d'une certaine formule. C'e"tait la mise en possession resile des fonds que l'ev^que tenait a benefice de la libe>alite du roi. La feodalite se montrait alors complement organised ; la hidrarchie des pouvoirs, l'enchainement des membres de la socidte' rdgie par ce systeme, leurs mutuelles relations, les devoirs des petits envers les grands, des grands envers les petits, l'assiette de la propria, ses benefices et ses charges, dtaient regulierement constituds. L'investiture des biens temporels accorded a l'Eglise, entre les mains de ses dignitaires, par le roi, leur donateur, devenait done une cerdmonie in- dispensable de la mise en possession de la dignite qui les leur valait. Au xme siecle un changement radical s'opera dans le mode d'dlection des dveques. Le peuple et les prdlats de la province furent exclus de ces nominations, dont les chapitres des cathddrales demeurerent seuls maitres. Innocent III et Grdgoire IX rendirent plusieurs statuts dans ce sens. Au moment de remplir un sidge vacant, un scrutin dtait ouvert au sein des chapitres, apres toutefois que le roi en avait donnd la permission ; lorsque les votes avaient prononcd, le nouvel dlu, confirm^ par le me'tropolitain, venait demander au prince main levde du temporel de son itglise, en lui pretant le serment ordinaire , et rendant hommage. Voici la formule de cet hommage. Tel I'accomplit Louis de Poitiers, £veque et comte de Valence, en 1456 : « 11 a, dit l'acte qui le relate, il a « de nouveau pret& Phommage lige et jurd le serment de fidelity audit « seigneur souverain et temporel, la tete ddcouverte, les mains jointes, « posees entre les mains dudit seigneur, avec le baiser en signe de perpd- « tuelle et inviolable fidelite" et amour, et a reconnu soi et les siens etre « vassaux liges et fideles, etc., pour et contre tous les autres seigneurs, « dames et personnes du monde, excepts contre notre saint pere le « pape, etc. » Un autre serment, antdrieur a celui-ci, fut pretd, en 1291, par Guillaume QUINZIEME SESSION, 259 le Maire, e\6que d'Angers. Quoiqu'il differe peu de celui de l'^veque de Poitiers, je le citerai comme preuve irrecusable du lien feudal qui, au xm« siecle, attachait les prelats au roi. « Nous avons prete" serment de fid&ite" au roi Philippe, ainsi qu'il suit : « Ayant passe" notre etole a notre cou et l'ayant croisee sur notre poi- « trine, la main sur le coeur et le livre des Evangiles place" devant nous, le « seigneur chevalier de Chamberri nous dit au nom du roi : Vous jurez au « seigneur roi foi et fidelity, ainsi qu'a son lils, roi des Francs apres lui, et « que vous deTendrez leurs corps, leurs membres, leur vie, leurs droits et « leur honneur terrestre. Que s'il vous demande conseil vous le lui donne- a rez bon et fidele. Vous le jurez ainsi. Et nous avons repondu : — Je le « jure: * Le mode d'election par les chapitres, avec 1'autorisation du roi dura jusqu'a 1438 environ, oil les exactions de la cour de Rome , la reserve qu'elle fesait d'une e^norme quantity de b£neTices de diverse nature en France, son immixtion constamment usurpatrice et attentatoire aux liber- ty de r^glise de France, son autorite sans cesse e^Ieve'e contre la puissance royale, amenerent le reglement connu sous le nom de Pragmatique Sanc- tion , dresse" a Bourges , par les ordres du roi Charles VII, et sanction^ par le concile de Bale. La Pragmatique 6tait aux papes presque touslespouvoirs qu'ils s'e^taient arroges, de conferer les prematures et autres benefices, et de juger les causes ecclesiastiques du royaume. L'autorite' du roi s'augmentait de tout ce qu'on enlevait a eelle des papes. II est facile de le comprendre, la cour de Rome ne vit pas sans amer- tume retirer de ses mains une puissance, source d'ailleurs d'abondants re- venus. Aussi, depuis Eugene IV jusqu'a L£onX, tous ses chefs chercherent- ils a (aire rapporter la Pragmatique. lis n'y renssirent pas, et, pendant pres de cent ans, les nominations des Cheques se firent avec un certain d&ordre, rt&ultat de la disposition oil se trouvaient les esprits, les tins acceptant les lois promnlguees a Bourges, les autres au contraire voulant agir en parti- sans des papes. Enfin, en 1516, Francois Icr et Ldon X passerent un con- cordat, portaut Fabrogation de la Pragmatique Sanction; que dorenavant la nomination des e>eques appartiendrait au roi; que le pape serait oblige" de pourvoir la personne choisie par le premier ; et enfin , plusieurs autres dispositions relatives au partage que se fesaieut, et le chef de la nation et celui de la chr&ientd, de la collation des benefices. Je m'arrdterai ici. II me semble avoir repondu a la premiere partie de la question, et jete" quelque lumiere sur les origines de l'intronisatiou reli- gieuse et feodale des eveques. Dans le principe, formule purement reli- gieuse, elle ne fut que la mise en possession du pouvoir spirituel devolu an pasteur. Plus tard et graduellement, l'^tat social eHant change", Faction 240 CONGRES SCIENTIFIQUE DE PRANCE. gouvernementale s'organisant, la propriete" ayant 6U assise sur certaines bases, qui, au titre feligieux porte" par les cheques, joignaient une posses- sion civile et temporelle, la meme certmionie recnt une nouvelle significa- tion, et sans rien retrancher de son caractere eccle'siastique, proclama en meme temps le c6te" temporel de la dignite" d'eveque. II me reste a exposer ce que je sais sur les documents relatifs au meme objet, existant soit en France, soit a l'etranger. Les pages qui suivent ne s'appliquent qu'a la France , qu'a une seule province de France meme, le Maine. Le plus ancien renseignement que je sache, dans notre pays , contenir quelques details a ce sujet, est une convention intervenue en 1324 entre Pierre de Longueil, eveque du Mans, et le baron de Sille. Je copie cette charte, inte'ressante en ce qu'elle constate des ce moment, une partie des ceremonies fdodales de l'intronisation. Certaines lacunes, d'ailleurs indiffe'- rentes au sens, s'y font remarquer; elles proviennet de dCchirures dans le parchemin. « A touz ceux qui ces pr&entes lettres verront et orront; nous, Pierres, « par la divine permission, 6vesque du Mans, salut en nostre seignour : sa- « chent : que come nous et aucuns de nos predeces- « sours deissens et proposissons contre le seignour de Moufaucon, que il « estoit tenu a tourner a nostre homaige de la chastelerie et de la tere de « Monfaucon et ses appartenances, pour ce que un seignour de Sillie1 l'avait « toute donnee a un de ses puisnez, frere et predecessour de la dame de rier 1506, le rCve'rendissime M. Philippe de Luxembourg, eveque du Mans et cardinal du titre de St.-Pierre et St.-Marcellin, se pre"- senta au chapitre de St.-Julien , cathe'drale du Mans , et y de'clara que le pape avait approuve" la resignation qu'il pretendait faire de son e'veche' h son neveu Francois de Luxembourg , chanoine et archidiacre de Laval. Le 26 fe>rier suivant, reverend pere, M. Guy, abbe- deBeaulieu, au Maine, vint egalement en chapitre, et devant plusieurs personnes notables exposa : qu'ilaplu au pape Jules second et moderne de pourvoir M. Francois de Luxembourg de V6vech6du Mans, laquelle provision et bulks , comme procureur de mondit sieur Francois, il exhiba en requtrant de lerecevoir, de Vadmettre dans V e'veche" du Mans, et de Venvoyer en possession dudit dvScM. II demanda en outre que la juri- diction spirituelle, tenue et exercie par le chapitre, le siige Episcopal vacant^ fUt restitute audit pourvu. Le chapitre, apres en avoir ddli- b£r£, ordonna que : le rdvdrend pere, M. Vabbd de Beaulieu, en sa quality de procureur, serait recu et instalU 6v$que du Mans, ayant auparavant preU le serment au nom de son constituant, de garder les droits, les UberUs et les constitutions du chapitre, malgrd les termes insure" s dans les provisions, qu'il doitMre recu comme pasteur des ames de MM. les chanoines, et que ceux-ci sont tenus de souscrire a ses avis salutaires. M. le doyen ayant personnellement rapports que le pourvu etait pret a faire sa renonciation et a donner son ecrit, par lequel il affirmait qu'il n'entendait pas se servir de ladite bulle pour reclamer quelque droit, le chapitre restitua la juridiction spirituelle, que, disait-il, il tenait de droit en ses mains. Le serment et la renonciation faits, ledit procureur audit nom, fut recu tive'que du Mans, et envoyd en possession par le doyen, le chantre, le grand archidiacre, et V archidiacre de SabU, ensemble avec le secre- taire, par Ventrie de la chaire episcopate, par la tradition des clefs du manoir Episcopal, par Ventrie de Vauditoire de V6v&cM, etc. Voici une veritable intronisation dans le sens rigoureux et absolu du mot. Kile se renouvelait, accompagnee d'autres ceremonies , lors de la premiere entree del'eveque dans sa cathedrale; tout a l'heure j'en donnerai le detail. 16 246 CONGRES SC1ENTIFIQUE DE FRANCE. J'aurai aussi occasion de parler de nouveau des formes observers pour la raise en possession , et les relaterai d'une facon plus complete. Je reviens aux antecedents de l'arrivee de Francois de Luxembourg. Le 12 mars, toujours de Tan 1506, le chapitre de'cida de faire present a son ev&qne de deux bassins de vermeil pesant vingt marcs. Enfin, le 18 avril, M. de Luxembourg fut sacre* dans I'eglise des Cordeliers du Mans, par son oncle le cardinal, accompagne de Pe>eque de Chalons et d'un au- tre. Le 26, 1'official de M. l'e>6que se prdsenta au chapitre, et l'avertit que ledit Oeque ferait son entre'e solennelle le dimanche suivant. II pria qu'on prepar&t toutes choses a cet effet, et kivita tous messieurs d'assister au diner solennel que son maltre devait donner ensuite. Tout etant ainsi convenu, M. Francois de Luxembourg, le dimanche 2 mai, proc^da a son intronisa- tion. Plutdt que d'en faire le r^cit moi-meme, je donnerai le proces-verbal de tout ce qui s'y passa, copie" textuellement d'apres un extrait des amendes et remembrances des assises de la baronnie de Touvoie. Je commence : « Extrais d'un gros livre de grand papier £crit a la main, couvert de cuir « tanne', relie" en aix de papier colle% commencant au premier feuillet e'crit, « par ces mots : Amendes et remembrances des assises de la baronnye « de Thouvoye, appartenant a pere en Dieu et sieur Monsieur Francois de « Luxembourg, par permission divine eveque du Mans, commencees a lenir « le dix-neuvieme jour d'avril apres Paques, l'an mil cinq cents et ?ept, « par nous Jean Salles, licentid (sic) es loix, baitly; par les d'Argentre « et du Bourgueuf, sergent d'Argentre; Louis Rossignol, receveur; Robin « Bourgereau et Martin Bereuger, sergents du Bourgneuf; Maturin Gri- ft guard; records, Jean Gueretin et Jean Mortier. Out tenu les dites assises « en l'auditoire du Doyenne' du Mans. « Et aux 23% 24% 25% 26% 27% 28% jusqu'au 39c feuillet dudit livre est « ecrit ce qui suit : « La nouvelle entree et reception, de reverend pere en Dieu, Monsieur « Francois de Luxembourg, e'veque du Mans et baron de Thouvoye, en la « ville et eglise du Mans, a ete faite comme il suit : « Le sanoedy, premier jour de mai, de l'an mil cinq cents sept, mon dit « sieur partit du chateau de Thouvoye, environ une heure apres midi, iter a la noise et debat de la foule du peuple, qui la « faisoient grande oppression, et en e'toient les rues si pleines, que Ton ne « s'y pouvoit tourner, les dits religieux de Saint-Vincent, sen retournerent « en leur ditte abbaye, du dit lieu de Saint-Ouen, sans tirer outre, par le « conseil et raison de mon dit sieur, pour e'viter a l'inconve'nient; o protes- « tations qu'il ne pre'judicieroit a leur droit. Et demeurerent aupres de « mon dit sieur, ceux de Saint-Pierre. Et ce fait, eux et les autres, par « ordre, comme dit est, procederent par devant les Cordeliers et Jacobins, « pour aller en la ditte dglise de Saint-Pierre, jusques en la qtielle alia mon « dit sieur, aiusy les pieds nuds, comme il 6toit parti de la ditte e'glise de u Saint-Vincent. Est entre' mon dit sieur au clioeur de la ditte Cglise de quinzieme session. 251 « Saint-Pierre, s'est assis en la chaire haute du doyen d'icelle dglise ; il a « 6t6 chante* un choeur en re'ponds, avec 1'oraison ; laquelle finie, mon dit « sieur a donnC la benediction ; et icelle faite, est entrS dans une petite « chapelle au cdte" dextre du choeur, ou ont e'te" lave"s ses pieds, dans un « bassin ; a e'te chauss£, a pris ses sandalles, une chappe de broderie, belle « et riche, et mitre perles, garnie de pierrerie , et fort riche, avec autres « choses n^cessaires, et cbappes pour les chapelains, que le dit secrettain « de Saint-Jullian avait icelles apportdes. Est sorti devant le grand autel, « ou illec , mon dit sieur, et les dits de Saint-Pierre , ont protests que ce « que fait avoit 6t6 en la ditte eglise , tant d'y aller processionnellement a que faire les dits exploits et entree, no prejudicieroit a l'avenir aux una « ne aux autres, a eux ne a leurs surcesseurs, et illec devant, ont et6 ap- « pel£s (par Guesnat Allain, sergent de Thouvoye au baillage de Goulaine, « en l'absence de Jean Emeraut, sergent Bennyer de Touvoye, qui dit avoir « droit de le faire), les huit barons ct sieur s qui sont tenus porter mon dit « sieur en chaire, en teglise de M. Saint-Jullian du Mans. Et s'estant com- « parug, c'est a scavoir > le sieur de Pirrail, nommd messire Louis de « Labregement, sa title mineure d'ans, dame de Pirmil ; Jean d'Averton, « dcuyer, sieur de Belin ; Urbain de Frezier, Denver, sieur de Yaux ; Jean « Tierreio, sieur de Neufville sur Sarthe ; Maurille Dubois, dcuyer, capi- « taine de SillC , qui a e'te' recu de grace pour le baron de Sille et sieur de « Montjean ; Jean de Vaulager, sieur de Champagne, qui a 6t& recu de grace « pour le sieur ou damoiselle de Montfort; et le dit Me Jean Dugu6 pour « sa mere, neveu du dit deffunt Me Adam Dngue* ; et au regard du sieur de « Mondoubleau, il s'est deTailli, et en son absence a 6i6 commis par mon « dit sieur, noble homme Jean de la Vandelle, sieur du dit lieu de la Van- « delle. Auxquels barons et sieurs dessus dits, prfisente's que dessus, mon « dit sieur a requis, que pour cette fois seulement, sans qu'il portat pre'ju- « dice a luy ne a eux, et pour 6viter a 1'incoiivenient de la foulle du peuple a qui (ttoit assemble, ils le portassent comme de la ditte e'glise de Saint- o Ouen, en l'eglise du Mans; dont ils en ont 6t6 contens, moyennant qu'il « ne seroit tird a consequence. Ce fait, sont venus devant la porte de la « ditte e'glise de Saint-Pierre, ou Itoit la chaire, paree d'un Damas pers, et « se sont mis en ordre comme en suit : c'est a scavoir, le dit sieur de Pir- « mil , au baton dextre, devant icelle chaire, au plus pres de mon dit « sieur ; et au bout du dit baton devant luy, le sieur de Belin ; au derriere « du dit cdte' de la ditte chaire, le dit sieur de Vaux, au plus pres de mon « dit sieur; et derriere luy au bout, le dit Maurille Dubois, pour le dit « sieur de Sille'; de l'autre coste de la ditte chaire, au bastou de devant, « au plus pres de mon dit sieur, le dit sieur de la Vandelle, pour le dit « sieur de Mondoubleau ; devant luy a icelluy baston, le sieur de Neuf- « ville; au derriere d'icelluy cote le dit sieur de Champagne pour le dit * sieur de Montfort; et derriere luy, le dit sieur du Breuil, S'est assi* mon 252 congres scientifique de France. « dit sieur, es dits habits de chappe et mitre de dessus dits, sa ditte crosse « devant luy, tenant en sa main, sur les genoux, levangille de leglise de « Monsieur Saint-Jullian, couvert d'or et de pierres bien riches. A Ct£ la « ditte chaire, ported par les dits sieurs comparans comme dessus. Ont « proce'de' les dits colleges processionnellement, en l'ordre que dessus, par «( la grande rue de la cite- du Mans, jusques a la grande portede l'Cglise « Monsieur Saint-Jullian; la quelle porte luy a e'te" tenue fermee, jusqu'a « ce que ait fait le serment, qu'ont dit Messieurs du chapitre avoir accou- « turnC d'exiger a la nouvelle reception de chacun Cveque, et tenir la ditte « porte fermCe jusqu'a ce qu'il soit fait. Au devant de la quelle eglise a « Cte" fait faire le serment accoutumC, par Mc Allain de Trahin, archidia- « ere de la ditte eglise ; lequel faif, ont Cte* ouvertes les dittes portes de « l'eglise. Ce fait, mon dit sieur avec les barons qui le portoient, est entrd « en la ditte eglise, oil Ctoit attendu par les chanoines de la ditte e'glise et « d' Angers, tous en chappes belles et riches. Et ont mes dits sieurs de l'£- « glise, commence' a chanter Te Deum laudamus en orgues. Et ces choses « faittes, mon dit sieur tut porte" par les dessus dits sieurs, par la porte du « chceur, le long d'icelluy chceur. Et en passant luy a et6 faite la bCnCdic- « tion par mon dit sieur Philippe de Luxembourg, cardinal, son oncle, qui « luy avoit rCsigne l'CvCchC. A CtC porte' autour de l'autel de saint Gervais, « entrant par le c6t£ senextre de l'autel de Monsieur saint Jullian, retour- « nant a sa chaire episcopalle, oil il a e'te' mis et introduit. Ce fait, le pa- ct rement de la ditte chaire, a Cte' pris par le dit sieur de Belin, comme a « luy appartenant. Et fait entendre, qu'a 1'arrivCe de la ditte e'glise de '(■ Monsieur Saint-Jullian, et durant le Te Deum laudamus, sonnoient « toutes les grosses cloches et petites. Et le dit Te Deum fini, mon dit cc sieur a dit la ditte oraison, en la ditte chaire e'piscopalle. Et icelle finie, «, fit la be'ne' diction. Et apres icelle est descendu de la ditte chaire, et est a allC au revestiaire de la ditte e'glise ; au quel revestiaire luy a e'te donnC « a laver d'eau et vinaigre, par le dit archidiacre de Sable', a ce tenu, « comme il a confessed Et au dit revestiaire a Cte revetn et ornC d'habits « pontificaux beaux et riches a merveilles. Est alle au grand autel, et il a « cClCbrC la messe moult solennellement, in pontificalibus, a l'autel Mes- « sieurs Saint-Gervais et Prottais, dont Yintroite Ctoit... autem, etc. Du- re rant la quelle messe, avant l'Cpistolle, a CtC chantC par trois chanoines, « au c6t6 du dit autel, une litanie de louanges et vertus que doit avoir « un Cv^que ; oil il a CtC rCpondu en chceur par les vicaires et autres, « ainsi qu'il est contenu es livres d'icelle Cglise. Et semblablement apres v. l'oraison de la post communion, et d'avant Iternissa est, a etc chante h une autre litauie par trois chanoines, entre l'autel et le chceur, et rC- « pondu comme d'avant. Et a la ditte messe ont servi de diacre le dit de « Trahin, archidiacre du Mans ; et de sous diacre, le dit Me Anthoine de « Saiut-Maurice, archidiacre de SablC. Et y ont assists a la ditte messe. QUINZIEME SESSION. 253 « au choeur de la ditte dglise, es hautes chaires, les personnages qui s'en- « suivent : c'est a scavoir, du c6te" de la ditte cbaire Episcopalle, mon dit « sieur, le cardinal de Luxembourg, en son habit de cardinal,; aupres de « luy, le dit sieur de Ghistelle ; apres, l'abbe" de Saint-Calais, en chappe, « la crosse devant luy ; l'abbe" du Gue" de Launai, avec la crosse devant; « apres, l'abbe" de Beaulieu, avec chappe et crosse ; l'abbe" de Saint-Georges «t du Bois, Etant en chappe et mitre blanche, la crosse devant luy ; joignant « luy, 1'abbE de Fontaine Daniel, ayant chappe et crosse; et aupres de luy « 1'abbE de 1'Epau, ayant pareillement chappe et crosse. De 1'autre cdte" du « dit choeur, en la chaire du dit grand archidiacre, dtoit mon dit sieur Y6- « veque de Chalons, pair de France, mitrE de mitre perles belle et riche, « la crosse devant luy; aupres de luy, M. de Brion; apres, l'abbe" de la « Couture, en chappe et mitre blanche, la crosse devant luy ; accompagne" « de cinq autres; de 1'abbE de Persaigne, en chappe et crosse devant luy; et « apres, l'abbe" de Champagne, en chappe et crosse; et de l'abbe" de Thyron- « neau, en chappe et crosse; et aupres de luy, l'abbe" de Vaas, avec chappe « et crosse ; et es chaires du choeur ou pulpitre, a l'entour de l'autel et « ailleurs, y avoil grande quantity de gentilshommes, dames et damoi- « selles, dont ne seait le nombre. La ditte messe finie, mon dit sieur, ac- « compagne" de mon dit sieur de Chalons, et des abbEs dessus dits, est « retourne" au revestiaire, pour laisser ses dits habits pontificaux. Et pen- ce dant qu'il se devestoit, mon dit sieur le cardinal s'en alia en la maison « episcopalle, accompagne" de tous les nobles et gentilshommes. Icelluy « mon dit sieur, s'en est alio" a la maison Episcopalle, accompagne" de mon « dit sieur de Chalons, et de tous les abbEs sus dits. En la quelle il a fait « le diner et felage, grand et solemnel, en la grande salle qui dtoit tendue « de tapisseries belles et riches. A Et6 donne" au commencement du diner « a laver a mon dit sieur, par le dit sieur de Champagne, commis comme « dessus, pour l'absence de mon dit sieur de Montfort. Apres que mon dit « sieur le cardinal a eu lave", aw quel Monsieur, a e"te" presente une serviette o pour soy essuyer, par mon dit sieur de Pirmil. Et a eu le*dit sieur de « Champagne, au nom que dessus, les bassines, qui e"toient d'argent dor£, « valant deux cents Ecus ou environ, apres qu'il eut donne" au dit sieur a « laver, a la fin du diner. Les quels bassins ont Ete" rendus a mon dit sieur, «. du consentement de Guyon Patoyau, bailly de Monfort, et de Jean Prod- « homme, receveur, parceque autrement mon dit sieur n'eut recu le dit de « Champagne, a servir pour le dit sieur de Monfort, qui Etoit absent, s'il « ne luy eut plu. A e"te" durantle dit diner servi de pannetier, par le dit « sieur de Pirmil ; a fait serrer le linge qui luy appartenoit comme il disoit; « lequel depuis il a donne" et remis a mon dit sieur. Le dit sieur de Vaux a « servi d'ecuyer tranchant, et a eu la gaine et couteaux dont il a servi. Le « dit Maurille Dubois a servi d'6"chanson, pour le dit sieur de Sille" ; et a eu « la coupe d'argent dorE j la quelle depuis il a rendue a mon dit sieur, £54 CONGRES SCIENTIF1QUE DE FRANCE. « parceque mon dit sieur le cardinal luy a donne" et quitte" les ventes que « mon dit sieur de Sille luy devoit, au moyen de son ensaisinement de la « ditte barpnnye de Sille", de ce qu'il tient de la baronnye de Thouvoye, « qui est Thommage de Montfaucon. Et le dit Dugud, pour la ditte dame « du Breuil sa mere, a pareillement donne" et rendu la ditte mulle. Et au « dit diner ont 6te" en ordre les personnes qui en suivent : « Scavoirest, au pignon vers realise, y avoit trois tables; l'une, au « milieu , ou dtoit assis mondit sieur le cardinal , sous l'episcopalle dit « Tartelet, lequel etoit tres-riche, et a sa main droite 6toit mondit sieur « de Chalons, et a la gauche mondit sieur, et a la dextre de mon dit « sieur, etait le sieur de Ghistelle, et a la gauche du dit sieur de Chalons, « Ctoit le dit sieur de Brion. Et une autre table a la dextre d'icelle, distant « de deux pieds ou environ ; y etoient les quatre abb^s qui s'ensuivent : « et premier, l'abbe" de Persaigne, l'abbe" de Champagne, l'abbe" de Fon- n taine-Daniel, l'abbe" de l'Epau ; et devant la ditte table six autres, l'abbe" « deJa Couture, l'abbe" du Gue" de Launai, l'abbe" de Vaas, l'abbe" de « Tyronneau, l'abbe" de Saint-Georges du Bois. Et a l'autre table, a gauche, « contre le dit pignon, etant tin bout pres le bout de l'autre, etoient le « sieur de Luce", le sieur de Malicorne, le sieur de Belin, le sieur de la « Bazogfr.-e, le sieur Duplessis Buret, le sieur Duplessis Fourmentiere, le « sieur de Lenchenail , le sieur de Courtilloles, messire Hardouin de « Champagne, le sieur de la Courbe, le sieur de la Chapelle Rainchouin , « le sieur de Melige, le sieur de la Vandelle. En la seconde table, qui e"toit « entre la table des dessus dits, et la cheminde, etoient les sieurs qui s'en- « suivent r et premier, le sieur de St-Georges, le sieur de Vasse", le sieur « de Lore", le sieur de Bazogere, le sieur de Se"peaux, le sieur de Villiers, « le sieur de Fontenailles, le sieur de Souday, le sieur de Congnee, le sieur « de Coulaine, nomme" le Clerc, le sieur de la Freslonniere, le sieur de « Loresse, le sieur d'Evron, le sieur de Brulon, le sieur de Bavigne". A la « tierce table du dit c6te, e"toient i le sieur 8e Sauveraine, le sieur de Saint- « Aubin, le'sieur de la Chouasniere, le sieur de la Groye, le sieur de Lou- « don, le sieur de' Montfaucon, le sieur de Thorigne", le sieur de Peschere", « le maltre d'h6tel de Torcy, le sieur de Fanies, le sieur de la BOaudiere, « le sieur de Luce", le sieur de la Motte, le sieur d'Antely, le sieur de a Charnye, nomme" Villeblanche, le sieur de Travalle, le sieur de Boisnay, « le sieur Duverger, le sieur de la Fuye, le sieur de Montagu, le sieur « d'Orthon, le sieur de la Taille, le sieur de la Boussonniere , le sieur de « la Cherbonniere, le fils de Possay, le sieur de la Chapelle-Saint-Fray, r le sieur de Saint-Germain, le sieur des Cartes, le sieur de la Courbe fils « de la Furille"e, le sieur de Villetremaison, le sieur Duplessis, le sieur de « Vauloger, le sieur de Fontenailles, le sieur de Sourches, de Parmeau, le « sieur de Dune, le sieur de Vaux. A la table basse d'icelluy c6te" encore a vingt-cinq gentilshommes : le sieur de la Ferriere, le sieur de Baillou, QUJNZIEME SESSION* 255 « le sieur de la Haye, le sieur de l'&ang, le sieur Deshayes, le sieur de « Neufmanoir, le sieur de Fougere, le sieur de Radray, le sieur de Neufvy. « le sieur de Beaumont, le sieur d'Anvers, le sieur Dubois- Be^enger de « Vennevelle. le sieur de Sarce\ le sieur de Roissaire, le vicomte de Bre- tt theau, le sieur de Villiers, le prieur de Grammont, le sieur de Souvere", « le sieur de Courtalvert, le sieur de Corbon, le sieur de la Ronce et de « Gelay, le sieur des Ifs, le sieur de la Pellissonniere et autres gens a « icelle table; tous les dits sieurs habillds en robe et pourpoints de velours « noir, cramoisi, camelot, damas et satin. En l'autre table du bout d'abas « etoient les chappelains et clercsL de M. Saint-Jullian du Mans, jusques « au nombre de vingt-cinq , et trois autres nobles avec eux , et le grand «• prieur de Se"ez et autres gens du dit lieu. Et a l'autre table, du cdte- de « devers les jardins, et au haut de la ditte salle, etoient ve'ne'rables et dis- « crets maitres Lezin Cbeminard , licentie' en droit, promoteur du saint « siege apostolique, doyen ; Francois, docteur es droits, chantre ; Allain, « de Trans, licentie' es droits, archidiacre du Mans ; Anthoine de Saint- « Maurice, licentie' es droits, archidiacre de Sable'; Guillaume de Cohardi, « licentie es droits, conseiller du roy notre sire en la cour de parleraent, « archidiacre de Chateau-du-Loir ; Jean de Maignen , docteur en th^olo- « gie, archidiacre de Passays; Rene de la Vairie, archidiacre de Mont- « fort ; Jean Gaucher, sous- chantre; Pierre Chenier, licentie' en dCcrets; o Jacques Brehin; Alexandre de Cherres; Jullian de Baif, licentie es droit; « Pierre Bellair ; Martin Guerrande, licentie es droits ; Floridas Favix ; « Balde de Crepy ; Michel Due, docteur en theologie ; Jean de Cohardi ; o Pierre Richer; Guillaume Barreau, licentie' en decrets; Gervais Bro- « cellier; Hillaire Boullard ; Michel le Gras; Guillaume Veron; Jacques « Cartier, liecntie' es droits; Martin Gesbert; Jean Alay, docte'ur en me'- « decine; Jean Sansom; Guillaume Pelisson; Jean Picaut; Etienne Piau; « Mathurin Suavis ; Andr£ Michot et Pierre Billard, pretres, tous cha- « noines de la ditte Cglise du Mans. En l'autre salle, qui eloit pareillement « tendue de tapisseries, y etoient graud nombre tant de gentilshommes que ** de'glise, praticiens, bourgeois, que autres gens, a l'eslimation de cin- « quante-cinq ou environ. En la petite salle ou dine ordinairement mon v dit sieur e'toient . l'avocat et enqueteur du Roy, Me Nicolle le Camus ; « les officiers de Nogent le Rotrou et autres sieurs de la pratique se'eu- « Here, jusques au nombre de douze. A l'autre table d'icelle salle e'toient r « Charles de Bouille, le petit protonotaire de M. le cardinal, le sieur des « Bordeaux, et autres nobles, jusques au nombre de dix. A l'autre table « d'icelle salette etoient : le bailty de Montfort, le sieur DumCnil, le sieur « de Nuille', le procureur de l'lipau, Louis le Boucher, procureur de « Tuce' et autres jusques au nombre de treize , non compris les dessus « dits. Quelle salletle (Hoit par semblable tendue de tapisseries. En la « chambre du maitre d'hotel etoient neuf, e'est a scavoir : le dit juge de 256 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Mayenne ; Louis Tiercelin, lieutenant du se'ne'chal ; Me Guillaume Guy- mont, bailly de la prevott?.; Me Jean Pitard, procureur du Roy; le commis du receveur des Tailles, nomine" Berthelot ; Pierre Bouju, sieur de Verdigul, procureur des elus; Me Francois Menand et Guillaume Ande et le fils Peloux, sieur de Rouillon. Durant lequel diner, qui a e'te' grand, solennel et bien servi, ont e'te pr^sentes plusieurs entremets; et a Tissue et leve" doquel diner et premiere assiette, a 6t6 joue une farce moralisee de pastoureaux. Et a la seconde assiette, apres le dit diner, ont &6 bien deux cents personnes ou environ. Et a la tierce assiette bien cinquante ou environ. Et est a entendre qu'a I'entr^e dessus dit y avoit si grand nombre de peuple, tant es rues, es £gli.«es, sur les mu- railles, et es maisons, que hors la ville, qu'il ^toit impossible d'en fafre nombre certain. Et est estime' que jamais homme vivant ne voit en la ville et faubourgs du Mans, a une fois, si grande assemble, ou aucuns inconve"nients ne se sont trouvds graces a Dieu, pour autant que les sieurs de la justice et de la ville y ont mis bonne garde, tant en la ville que aux portes de icelle , et meme aux carrefours, et aussi en realise pendant la messe ^piscopalle. Et la nuit d'entre le samedy et le di- mancbe, que le pardon g&idral &oit ouvert, et le dimanche que fut faitte la ditte reception , furent les portes de la ville et eglise ouvertes pour emp6cher le peuple qui y arrivoit. Quelles portes, avec les carre- fours de la ville, furent toute la nuit gardens par gens arrnds et emba- tonnds, par ordonnance des gens du Roy et de la justice .s^culiere, qui avoit a ce pourvu, par son conseil. Et durant le diner et tout le jour dessus dit, eHoit la fontaine de vin blanc et clairet , courant par un lion rouge, en la cour de l'official, qui prendre en pourroit et en voulloit. En la quel cour , au peuple et monde illec dtant, fut jette" et d^parti pain et viande, a qui prendre en pouvoit semblablement. Et a l'heure de vfipres, sont venus en la maison episcopalle, deux enfants de chceur, revfitus in albis, avec les deux beaux chandeliers de l'dglise et les cierges allumds, et grande quantity de chanoines en surplis et aumusses , pour conduire mon dit sieur a v6pres. Et les dittes vfepres dittes, s'en est mon dit sieur retourne" en la maison episcopalle avec sa compagnie. La aussi y a cu souper solennel, et quatre grandes tables pleines de gen- tilshommes qui furent merveilleusement bien festoy^s. Et le lendemain fut c6\6br6 le service par mon dit sieur, et eut a son diner, tant abbds, gentilshommes, que de l'eglise du Mans, tres grand nombre de gens. Et pareillement iceluy jour, a souper, grand nombres de particuliers , dames et damoiselles. Et est a entendre qu'en la ditte grande salle y avoit, au bout de devers l'eglise, un plancher sur carreau, a trois marches du large de la ditte salle, de trente pieds et un ou environ. Et au milieu d'icelle salle eHoit un dressouer, fait a pampes, merveil- leusement bien garni de vaisselle d'argent dor6 et autres ckoses QU1NZIEME SESSION. 257 « singulieres , outre ce qui etoit es autres sallcs et chambres dessus « dittes : « Fait par nous, Jean Salles, licentie* es loix, Bailly de Thouvoye, es « presence du dit procureur et greffier, les jours et an que dessus. « Signe" : J. Dollery. t Collation a 6t6 faite de la presente copie sur le livre dessus men- « iionne* et d^clarons valoir comme a ce quoi la ditte collation a 616 faite, « quel livre a e'te* presente* par Me Jean de la Chastre , secretaire de rdvd- « rent Claude , par permission divine , £veque du Mans , ob^yssant au « commandement qui luy en a 616 fait par la partye du dit seigneur revd- « rend demandeur comparant par veritable Me Thomas Gendrot, pretre, « chanoine du Mans, son procureur et receveur contre les religieux, abb6 « et couvent de Saint-Vincent, ordre de Saint- Benoit, faubourg de cette » ville deTaillants de ce voir faire inthimes, attendus et audience's par « nous Anselme Taron, pretre, licentie es droits, official du Mans, en pr£- « sence de Jullian de la Croix, notre greffier, le vingt et quatrieme no- « vembre, Tan mil cinq cent quatre-vingt-dix-sept. « Signe* : Taron et De la Croix (1). 11 a 616 question dans la piece que je viens de citer, du serment exige* par les chanoines de l^glise de Saint-Julien avant d'en ouvrir les portes a Y6- veque. Voici le ce>£monial et la formule de cet engagement, je les prends dans le recit authentique de l'entr£e de l'^veque Rene* du Bellai, en 1536. « Etant arrive*, porte* par les barons, devant les portes de la cathedrale, « qu'il trouve ferme*es, l'e*veque dit a haute voix : « Attolliteportas, principes, vestras; et elevamini, portce ceternales: « et introibit Rex glorice. « Ce verset fini, venerable homme, Maitre Guillaume Yeron, archidiacre « du Chateau-du-Loir et chanoine pr^bende* de la meme e*glise, revetu « d'une belle chappe, se tenant hors de l'dglise, proche de la ditte porte, « au nom du college de la dite eglise du Mans, college qui etoit dans V6- « glise revetu de chappes tres riches avec quelques chanoines d'Angers, te- «■ nant la ditte porte ferme*e, dit au reverend e*veque du Mans, qui « etoit dans la ditte chaire de bois porte*e par les susdits nobles, les « paroles suivantes : «< Estne ingressus tuus pacificus ? « L'e*veque re*pond : Pacificus. « L'archidiacre : Vis tu servarejura ct consuetudines Cenomanensis «■ Ecclesice scriptas et non scriptas approbatas. « L'e*veque : Volo. flj Collection de M. Laudel. 258 congr£s scientifique de prance. « L'archidiacre : Jura . « L'eveque : Sic me Deus adjuvet et hcec sacra verba, statuta vera « approbo et observabo et pro viribus augebo. « Ces paroles prononcees, les portes s'ouvroient et le restede lace'rdmo- « nie s'accomplissoit comme il a ete" dit ci dessus. » II y a un instant, en parlant de la prise de possession de l'e'veclie' par l'abbe de Beaulieu, procureur de M. Francois de Luxembonrg, j'ai annonce" de plus amples details sur cette partie des actes dont etait marquee l'eie- vation d'un e'v^qne au siege du Mans. Je les donne et puise mes renseigne- ments a un Extrait du Registre des Collations, Presentations des cha- pelles et canonicals dans VEglise du Mans, manuscrit de la main de M. l'abbe Belin (l), appartenant aujourd'hui a M. Landel. Je copie presque textuellement. « Le7 octobre 1535, noble et de grande consideration maitre Louis Du « Bellay, licentie en droit, chanoine et grand archidiacre de l'eglise de « Paris et conseiller du roi au parlement de la m^me ville, se presenta a « Messieurs de Saint-Julien , capitulairement assembles, et leur exposa « qu'il etait porteur de bulles du saint pere le pape Paul III, de l'episcopat « du Mans en faveur de M. Rene* du Bellay ; moyennant la resignation et « la cession qu'en a faite M. Louis de Bourbon, cardinal de Sainte-Sabine , « dernier evfeque du Mans ; et en consequence il requit et dernanda , au « nom de procureur du dit reverend Rene du Bellay, son frere, a etre recu « et adrais en qualite de pasteur et eveque du Mans, suivant la coutume. « MM. du chapitre renvoyerent l'examen des bulles qui leur etaient pre- « sentees, a une commission choisie parmi eux. « Le lendemain le rapport de la commission fut communique, et le cha- « pitre, apres en avoir deiibere, decida qu'il recevrait par procureur « M. Rene du Bellay en qualite d'evfique, sauf tous leurs droits, privileges, « exemptions, etc., et pourvu que prealablement le procureur fit le serment « de conserver purs et intacts tous ces droits, privileges, etc. Apres quoi « trois de MM. les chanoines furent nommes pour mettre en posses- « sion le dit procureur en observant toutes les solennites requises en pa- « reilcas. « M. Louis du Bellay fut alors introduit dans le sein du chapitre ; le pre- « sident lui donna lecture des conclusions ci-dessus enoncees, et lui enu- « mera les droits, liberies, privileges et exemptions de l'eglise; il prfita en « qualite de procureur, les serments accoutumes sur l'ame de reverend en (JJM. l'abbe Belin etait, avant la revolution, chanoine de Saint-Pierre du Mans et Tun des homines les plus instruits dans YHisloire du Maine. II avait reuni, au milieu de plusieurs autres collections, une immense quantity de pieces manuscrites, aujourd'hui pteseque « en aucuns particuliers affaires important pour notre service, et en cer- « tains lieux et endroits esquels la rasure de sa ditte barbe luy pour- « roit apporter quelque difformite', et par consequent prejudice a nos dites « affaires; « A e'est cause, nous vous prions et neantmoins mandons que, pour ce « regard, vous n'ayez a luy faire aucune difficult^ ou empechement, ne « mettre sa dite entree en longueur, ne a le recevoir a ycelle faire, sans le '< requerir ne admonester de faire raser sa dite barbe, comme etant choze « qui ne ce peut ne doit empescher ou retarder, le laissant faire ce qui dd- « pend de sa dignite et charge, sans vous arrester aus dits pretendus sta- te tuts, e*tant bien asseures que, en toutes choses, ii se scaura tres bien « acquiter et faire tous offices appartenant a ung bon e>Gque et pasteur ; et « Ik ou aucuns de votre compagnie y vouldroient contrarier, nous voulons « et vous mandons que vous leur enjognids venir incontinent par devers » nous, pour nous faire entendre les causes de leur difficult^ ou reffus, « mais que ce soit en telle diligence que, six jours apres la presentation de « la dite prdsente, nous en seions satisfaits et puissions par euls estre ad- « vertis des causes et motifs de leur dit delay ou reffus; si gardes d'y faire « faulte ; car tel est notre plaisir. Donne a Saint-Germain-en-Laye, le 29e « jour de juillet 1559. Signe Frangoys, et plus bas Bourdin. Et au dos est ecrit : « A nos chers et bien ames les doyen, chanoines et chapitre de l'eglise « de Saint-Julien du Mans. » Les chanoines repondirent, non pas par un refus categorique, mais en se renfermant toujours dans l'esperance que rien ne serait enfreint des an- ciens statuts de l'eglise. Alors nouvelle lettre du roy, qui ne prie plus, mais commande. « De par le roy, f. Chers et bien ames, nous vous avons cy devant escrit que vous eus- « sies a recevoir et admettre notre amy et foal conseiller et ausmosnier QUINZIEME SESSION. 261 « ordinaire, sans le requ^rir ne admonester de faire raser sa barbe, et com- et bien que nous xstimions tant de vous que, pour les causes et conside'- « rations contenues en nos dites lettres, qui sont plus que raisonnables et « qui importent a notre service, vous ne vouldriez faillir de nous satisfaire « en cela, ce neantmoins doutant que aucuns de vous s'y vonllissie's rendre « plus difficiles que les autres, nous avons bien vouleu vous en faire en* « core ce mot de recharge, vous priant de rechef que vous aye's k souffrir « et permettre au dit e'vesque qu'il face sa dite entree en votre e"glise au « temps qu'il a d£libe>6, avec sa barbe, sans le requerir de la raser, et pour « ne remettre sa dite entree en longueur qui pourroit apporter prejudice k « nos dits services ; par quoy, vous ny feres faulte, car tel est notre plai- « sir. Donne" a Saint-Germain-en-Laye , le 17* jour d'aoust 1559. Sigue" « Francoys, et plus bas Bourdin. » Et au dos est emt : « A nos chers et bien am£s les doyen, chanoincs et chapitre de l'dglise « cathedralle Saint-Jullien du Mans (1). » Les chanoines c^derent surement, car depuis cette lettre, il n'est plut trace d'opposition, et M. d'Angennes entra solennellement dans son eglise, quoiquc non rase. Apres Charles d'Angennes, l'^veque dont le r£monies n'ont varid en rien, et la connaissance de ce qui s'est pass6 pour M. de Luxem- bourg, dit le ceremonial observe envers scs successeurs. Ici je terminerai. A partir du xvn* siecle les id^es et les lois subissent de telles modifications, que les ceremonies, objet de cette dtude, ne sauraienj plus guere 6tre envisages' au point de vue indiqu6 par la question pos^e au programme du Congres. Cette question, je n'ose me flatter de 1'avoir dclaircie autant que je le de"sirais ; cependant le travail auquel elle a donne* Heu n'est peut-etre pas absolument inutile, et, a deTaut de meilleur resultat, il presentera du moins celui d'avoir pour la premiere fois signal^ au public, en ce qui con- cerne le Maine, des ceremonies dont les rexits originaux dtaient a peu pres absolument ignores jusqu'a ce jour. (1) Collection de M. Landel. — Ces documents portent 1* note suirante : Les piece* cj des- sus sont fidelement etexactement prises sur les originaux qui sont au thrSsor de Saint-Julien, dans la boite oil sont 1«» titres qui regardent les privileges de l'eglise du Mans. Ce 25 ao4t 17*0. — Belin. 17 262 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. Tailliar presente son opinion en ccs termes : II pense qu'il faut distinguer l'intronisation religieuse de l'intronisation fdodale et recherche successivement l'origine de l'une et de l'autre. Quant a l'intronisation religieuse , elle remonte au rve siecle. Lorsque le clerge" et les fideles reunis sans obstacle dans l'eglise purent librement Clire les 6"v6ques sous les premiers empereurs chrCtiens; le preMat spontanC- raent choisi dut etre install^ avec pompe en presence de ses ouailles avides de contempler sur le siege Episcopal leur nouveau pasteur. Outre qu'elle eHait prescrite par les actes des conciles , cette solennite" re'sultait de la nature meme des choses. Aussi se perpe'tua-t-elle d'age en age; les chroniques et les cartulaires en offrent beaucoup d'exemples. Ainsi , au »• siecle lorsque l'eglise d'Arras, veuve de son pasteur depuis plus de cinq siecles par suite de l'invasion des barbares , obtint du pape Urbain II en 1093 le r&ablissement de son Cveche, Lambert de Guines, chantre de la collegiale de Saint-Pierre de Lille, Clu Cveque dans la cathidrale d' Arras , par le clerg^ et le peuple rCunis, fut d'abord, au moment meme de son election, une premiere fois intronise' sur le siCge Episcopal, puisque lorsque les difficult^ suscitCes par les reclamations de FEglise de Cambrai furent levies , Lambert a son retour de Rome , fut solennellement installed dans ses fonctions au milieu d'une brillante cCre'mouie et d'un grand concours de fideles (1). Quant a l'intronisation fCodale , elle tenait a un autre ordre d'idCes. On sait qu'au moyen age beaucoup d'Cveques , chefs ecclesiastiques de leurs dioceses, devinrent en meme temps des seigneurs dans la hierarchie feodale; ainsi l'archeveqne due de Reims, les Cveques dues deLaon et de Langres, les comtes Cveques de Soissons, de Beauvais, de Noyon , Ctaient de plus pairs de France et grands vassaux de la couronne. Us r&missaient le double caractere de seigneurs et de prelats et se rattachaient a la royautC par un double lien. Le serment prete par 1'evCque de Laon Hincmar au roi Charles-le-Chauve en est la preuve « Moi Hincmar, eveque de l'eglise de Laon, je serai selon mon ministere des a prdsent comme pour l'avenir, fidele et obCissant a mon seigneur le roi Charles, comme un vassal doit 1'etre a son seigneur et un Cveque a son roi (2). En qualite de seigneurs, (l)Y. dans Baluze Miscellanea, torn. V, p. 237 et suiv. une relation portantpour litre : Inci- piunt gesta quibus Atrebatensium civitas, sub Urbano, romance et aposiolicce sedis episcopo, excusso Cameracensium subjectionis jugo , in antiquam reformatur dignitatem. (1) Ego Hincmarm Ecclesics Laudunensis eptscopus , amodo et deinceps domino seniori meo Ca- rolo regi sic fidelis et obediens secundum meum mimisterium ero, sicut homo suo seniori et ems- copiw per directum suo regi em debet. (V, Bmsel, de I'Usage des fiefs, 1. 1, p. 21.) QUINZIEME 6ESSI0N. 265 les eveques, avec des hommes d'armes sous leurs ordres, se rattachaient au regime militaire qui caracterisait la fe\>dalit6, sorte de federation guer- riere entre un chef et ses vassaux. On sait que chez les anciens germains le nouveau chef de guerre etait proclame' par ses leudes et porte par eux sur un bouclier. Au moyen-age , une ceremonie qui rappelait cet usage gnerrier vint, pour quelques eveques se joindre a leur intronisation reli- gieuse. De la dans plusieurs dioceses une coutume assez singuliere ; le prClat au moment de son installation etait solennellement porte a 1'eglise par les barons, ses vassaux. A Tours nn document authentique du xiv9 siecle constate cette ancienne coutume. C'est une sorte de proces-verbal tenu, en 1364, de Installation de Simon Renulfe, archeY&que de Tours (1). On voit dans cette cere'monie le pr&at porte" dans les rues de la ville jusqu'a l'entre^e de la metropole par ses huit barons , les seigneurs d'Am- boise, de Marmande , de LaHaye, de Preuilly, de Sainte-Maure, de l'lle-Bouchard , de Breuil-Dore et de Noeray. Le seigneur d'Amboise est tenu en outre de porter les plats sur la table devant l'archeveque et de garder le palais (aulam). II reclame en recompense les plats d'argent qui ont contenu les mets servis au prelat. Le seigneur de Marmande garde la cuisine ou l'office (coquinam) et reclame les vases de l'office avec ce qui s'y r attache. Le seigneur de La Haye porte la coupe et prdsente a boire a l'archeveque. La coupe doit lui appartenir avec ce qui reste de vin dans le palais et les mets qu'on retire de la table. Le seigneur de Sainte-Maure a droit au cheval sur lequel l'archeveque fait son eiitrde dans la ville de Tours. Le seigneur de l'lle-Bouchard presente au prelat de l'eau pour l'oblation et reclame sou anneau. Le seigneur de Brueil-Dore est portier ou gardien du palais; il doit fournir l'eau et a, pour sa peine, I'aiguiere d'argent. Le seigneur de Noeray decoupe les mets devant Je prelat et a pour lui les couteaux. Le prevot de Lar^ay doit garder la porte exteneure de l'Aicheveche. Des ceremonies de ce genre etaient ruineuses pour l'archeveque. L'entree solennelle de Christophe de Brillac en 1514 est la derniere oil le prelat ait ete porte par les barons. Sur la meme question, M. de Caumont s'exprirae ainsi : (l) V. Cartulairedel'arcneyeche de Tours, copie sur l'autographe ettraduit en Fran?ais, par Dom de BetancQurt, religieux de 1'abbaye de Saiat-SiWia d'Aucby, en Artois(1783j, P. 13 et suit. 264 CONGRiS SCIENTIFIQCE DE FRANCE, Messieurs, II faudrait quelques recherches que nous n'avons pas eu l'occasion de faire pour fixer absolument l'^poque de rintronisalion feodale des deques; rintronisation religieuse remonte aux premiers siecles. Quant a la seconde partie de la question , nous pouvons affirmer qu'il existe une foule de documents relatifs a cette cer^monie dans les diffe>ents dioceses de France, et tout ce qui se rattache a ces anciens usages est fort curieux : a Bayeux , par exemple , la prise de possession du nouvel Cveque se faisait de la maniere suivante : Le nouvel eveque venait coucher la veille au prieure* de Saint- Vigor, a un quart de lieue de Bayeux, qui, suivant la tradition, aurait occupe* l'emplacement d'un ancien temple d'idoles. Le lendemain, lesreligieuxetleclerge" le conduisaient processionnellement a l'eglise du lieu etle faisaient asseoir dans une chairedemarbre, cathedra, d'une forme tres-ancienne , appelee dans un ancien car tulai re cathedra lupidea sancti Vigoris, et qui existe encore dans la sacristie de l'eglise (1). De la, le pr&at donnait sa premiere benediction au peuple, revetu de ses habits pontificaux, puis il s'acheminait vers la ville, a cheval et pro- cessionnellement. Deux barons devaient I'accompagner : le baron de Beaumont-le-Richard tenaitle c6te droit: c'^tait une servitude de son fief de Beaumont, qui dependait de r^veche" , ainsi que l'indique le passage suivant , de l'aveu des fiefs et arrieres-fiefs de l,e>eche' de Bayeux : Et icelle seigneurie (Beaumont-le-Richard) et les fiefs et arrieres-fiefs qui en dependent et sont tenus , sont a nous subgietz a cause de nostre dicte temporalite en ung espervier de rente chacun an entre la saint Jehan [et la saint Pierre d'aoust, ou vingt sous a la saint Michiel avecques quatres livres tournois derente. Et avecques ce est subgiet ledict seigneur de Beaumont, de convoier et mener l'£vesque d'iceluy Bayeux pour la premiere foys qu'il vient prendre la possession d'iceluy Eveschie" , depuis le prieure" du diet lieu de Saint-Vigor jusques a la mere eglise du diet lieu de Bayeux. Et pour ce doibt avoir,le cheval sur quoy icelui lilvesque vient et descend au lieu de Saint- Vigor pour icelle premiere foys. Item est ledict seigneur de (l) Celte chaire episcopate est Uillec dans un bloc de marbrc rougeitre analogue a eclui de View, pres Caen. quinzieme session; 265 Beaumont a raison dHcelle seigneurie subgiet envers nous a cause de nostre temporalis , en reliefs, xme* aides coutumieres quant lit chaient , avecques les droitures et hommaiges appartenant , et /aire service de deux chevaliers chacun par quarante jours au duchie" de Normandie au mandement du Roy et ung chevalier hors de la duchii comme les autres de la duchie" sont subgietz. Le seigneur des fiefs de Saint-Vast et d'Onde-Fontaiue tenait la gauche du previa t, et devait, comme le pre'ce'dent, conduire l'ereque depuis 1'figlise de Saint- Vigor jusqu'a la catheMrale: il avait en recompense la premiere coupe , hanap ou autre vessel en quoy boit ledit dv&que la premiere fois quHl dine en son rnanoir ou hdtel Episcopal , audit lieu de Bayeux. A Coutances , les choses se passaient a peu pres comme a Bayeux , 1'e"- veque descendait de veille a 1'Hdtel-Dieu , d'ou il se rendaita la cathe'drale. Le seigneur de Gonneville tenait l'etrier de Nveque lorsqu'il descendait de cheval, et le servait a table le jour de la prise de possession; c'eHait une fonction attached a son fief. La haquende de I'eveque et la coupe d'or de laquelle il s'etait send a table lui etaient dues pour le service. Nous voyons dans YHistoire des dvSques de Coutances , qu' en 1647, le sire de Gonneville recut ces deux choses qui lui etaient dues, mais qu'il les rendit aussitdt avec la plus grande courtoisie (1). Une discussion s'engage entrcMM. de Caumont, d'Argen- sonjTailliar, Lambron,les abbes Bandeville,Manceau etCros- nier, et il en resulte que la premiere installation des eve- ques rernonte a Felection primitive des eveques par les fi- deles, et la seconde, investiture feodale, remonte aux temps ou l'erection des fiefs en fit une obligation legale. Les barons ne remplissaient leurs fonctions a Installation formelle des eveques, qu'en vertu de leurs fiefs, qui depen- daient des eveques-seigneurs. L'ordre du jour appelle la reprise de la discussion des questions numismatiques portees au programme. La premiere de ces questions (2e du programme) etail celle-ci : Quelles ont e'te I'origine, la nature et la dure'e de noi diverses monnaies provinciates ? (1) Hittoire des Mques de CoiUanees, par M. le Canu, Coulance* 1 83T. 206 CONGRES SCIENT1F1QUE DE PRANCE. M. Cartier pere a repondu en ces termes : w Messieurs , Je me bornerai a un petit nombre de considerations sur le monnayage des prelats et barons: les rois merovingiens avaient autorise" plusieurs monnaies episcopates ou abbatiales, elles se multiplierent vers la fin de la 2* race ; ces privileges mone'taires avaient Cte conce'de's , soit par pidte" ou par bienveillance, soit par intent, pour s'attacher des prelats dont l'in- fluence e"tait pr^cieuse dans les luttes qui e"branlerent et finireut par ren- verser letr6ne des fils de Charlemagne. A l'avenement de Hugues-Capet , ceux qui l'avaient fait roi se rdserverent le droit de frapper monnaie ; ce fut, pour laplupart, en continuant les types, et jusqu'aux noms des der- niers rois; non par respect , puisqu'ils venaient de cre'er une nouvelle race royale, mais afin de donner un cours plus assure" a leurs monnaies, les peuples e"taient accoutume's a ces types , et trop ignorants pour se rendre compte d'un cbangement dans les especes usuelles. Le monnayage baronal proprement dit dut prendre naissance ou une grande extention , a peu pres comme les armoiries , vers le commencement des croisades. Pour fournir aux frais de ces expeditions lointaines, tous les m&aux pre"cieux , les vases , les bijoux , furent fondus et changes en mon- naies , anonymes d'abord , mais a des types distincts et sp£ciaux a chaque locality , sauf des alliances particulieres ou le respect pour le centre de- mission de certaines monnaies, comme il arriva a celles de saint Martin. Plus tard, a l'exemple des fils des rois de France, dans leurs apanages , qui mirent leurs noms sur leurs deniers , les autres monnaies baronales furent signers. Lorsque saint Louis eut emis ses belles pieces du franc d'or, de Paignel etdu grostournois, les barons du second ordre ne frapperent que des de- niers et des oboles, d'abord a assez bon titre, mais bient6t de billon plus ou moios bas. L'altdration successive des monnaies , a la fin xiii0 siecle , amena de si graves inconve'nients, que pour y remddier, Louis X fit sa ce^lebre ordonnance de 1315, imposant a chaque baron, jouissant du droit mondtaire, un titre, un poids et un type dont il ne dut pas s'&oigner. Cette prescription 6tait genante , mais en outre les monnaies des barons avaient un desavantage notable a c6te" des monnaies royales; celles-ci avaient un cours force dans tout le royaume , les autres seulement sur le QUINZ1EME SESSION. 267 territoire du seigneur qui les frappait. Cependant les successors de saint Louis n'imiterent pas sa loyaute; l'atfaiblisseraent continuel des monnaies royales forca les barons d'abandonner leurs privileges mone'taires, car sur les bases prescrites par l'ordonnance de 1315 , dont nous venons de parler, ils ne pouvaient produire que des pieces qui eussent Cte" a l'instant , avec grand profit , refondues aux ateliers mone'taires du roi. C'est a cette Cpoque qu'il faut placer la fin de beaucoup de monnaies baronales ; quelques seigneurs privilegies, allies a la famille royale, furent assez heureux pour vendre un droit dont ils ne pouvaient plus user; leg autres durent le perdre de guerre lasse. Les monnaies de quelques grands vassaux, comme les dues de Bourgogne et de Bretagne,les comtes de Flandre et de Provence , purent se continuer ; elles n'avaient pas 6t6 com- prises dans l'ordonnance de Louis X. Ce grand monnayage et quelques autres des pays d'abord soumis a la souverainet6 imp^riale , et r^unis tardivement a la couronne , durerent jusqu'au xV et xvi* siecles, et meme jusqu'au xvii% comme les monnaies des princes de Dombes , mais la masse des baronales avaient pris fin, vers 1350. Si , apres ces consideration generates on voulait entrer dans des details particuliers a chaque monnayage baronal, il faudrait faire un ouvrage considerable , une seconde Edition du traite de Duby. Bornous-nous done a d^sirer que, dans nos diverses provinces, ceux qui ont etudie leurs monnaies locales recueillent avec soin les documents inedits relatifs a ces monnaies , et qu'ils les publient soit dans les sessions du Congres scienti- fique ou dans des recueils arch£ologiques et numismatiques , soit dans des ouvragesspeciaux(l). Les membres de la section, presents a la seance, n'eurent a elever aucune objection contre ces conclusions; mais M. Duchalais , envisageant la question d'une toute autre manierc, developpa son systeme en ces termes : Messieurs , Le Blanc est le premier numismatiste qui ait songe" a diviser en deux classes les monnaies frappees en France. Ces deux classes, il les distingua (l) M. Lecointrc-Dupont avail parle a peu pres dans le m6me sens sur cette question, dans la seance du 8 septenibre fVoyez ci-dessus, pag. 12 6. ) 268 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Tune de 1'autre par les noms de monnaies royales et de monnaies baro- nates. Quoique ces noms soient caracteristiques, il est ndcessaire pourtant de dire ce que ce savant entendait r&llement par la. Les monnaies royales comprenaieut , selon lui, les triens m&ovingiens , les deniers de la seconde race et toutes les pieces frappees sous la troisieme avec des noms royaux. Les monnaies baronales , au contraire , etaient celles sur les- quelles on lit les noms des barons et des pre'lats. Le Blanc e"lait-il l'inven- teur de ces designations ? Non assure'ment, c'est au moyen age lui-meme qu'il les avait emprunte'es. En effet, dans les ordonnances qui ont trait au fait des monnaies, il est parte souvent des monnaies des pre'lats et barons, t^moin 1'ordonnance de Laguy (1315) si importante pour notre histoire monelaire. L'oeuvre entre- pris par Le Blanc n'a malheureusement pu 6tre achev6; la premiere partie seule a paru , et cette lacune regrettable n'a pas 616 combine par les pa- tientes recherches de Duby. Mais la classification proposed par le veritable pere de notre numismatique nationale a 6t6 religieusement conserve^ jus- qu'ici. Est-ce a tort, est-ce a raison? c'est ce que nous nous proposons d'examiner. C'est ce dont on semble avoir doute" puisque le Congre's a propose' pour la 2e question de determiner ce qu'il fallait entendre par monnaies baronales , a quelle epoque ces monnaies ont commence' et quand el les ont fini. Nous le dirons sans crainte , parce que cela esl chez nous l'expression d'une conviction sincere , ilfaut entierement rejeter cette classification ; tout s'accorde pour le d^montrer. Les triens me'rovingiens sont-ils pure- ment royaux? Non assur6ment, puisque sur quelques-uns nous lisons : ratio ftsci , ratio basilici, ratio domini, ratio ecclesice, ratio monas- terii...; puisque nous y voyons le nom d'un maire du palais , Ebroino , accolC aun nomde monCtaire. Tousceux qui portent, a cette gpoque,'nn nom du roi, emanent-ils purement et simplement de 1'autoritC royale? Non , encore , rdpondrons-nous , puisqu'au nom de Dagobert se trouve accolC celui de Gemellos Mar (Gemellos Marsasios) ancienne denomi- nation de Rebais , monastere fondS par Dagobert lui-meme et par Saint- Ouen. Sous la seconde race le meme phdnomene se pre^ente encore. A cdte* du monogramme de Charlemagne et de Charles-le-Chauve se pre^sentent les noms de la catbCdrale d' Amiens , Sci Firmini , de l'abbaye de Chelles , Cala monasterinmt de Saint-Medard et de Saint-Se^bastien de Soissons , de Saint-Pierre , de Saint-Etieinie , de Notre-Dame , Sea Mar, de Khe- tades, Rotunda cella; que sous Charlemagne lui-meme un certain Milon QUINZIEME SESSION. 269 place son nom sur les deniers de Narbonne, qu'un Gaddo agit de meme sur les pieces od se trouve celui de son pere Pepin. Le nom royal inscrit sur les deniers contemporains des Capetiens est-il une preuve encore de l'origine royale de ces deniers ? Non encore ! puisque Robert , Henri et Philippe Ier ne possedaient rien a Chalons-sur-Sadne et a Macon, et que Ik nous lisons Robertus rex, Henricus rex, Philippus rex, tandis que, faisant allusion a un miracle opere" par saint Euverte, les monnoyeurs de l'atelier d'Orle'ans, qui appartenait au roi de France, en sa qualite" de comte de la ville, inscrivaient sur les especes qu'ils fabri- quaient : Aurelianis civitas Dei dextra benedicta- Le nom royal inscrit sur une monnaie ne prouve done pas n^cessairement qu'elle soit royale. A partir de la seconde moitie" du regne de Philippe- Auguste, un fait fort singulier se pr^sente. Le type local disparait, le nom de lieu seul est con- serve' ; a Tours, a Rennes, on frappe des deniers au chatel tournois ; a Paris, a Saint-Omer, a Peronne, a Arras, a Montreuil, des deniers au type parisis ; puis la monnaie parisis domine dans le nord et la monnaie tour- nois dans le centre et dans l'ouest. Les barons imitent les deniers royaux, et le faux monnoyage est organise" sur une grande echelle, jusqu'au mo- ment ou le faux monnayeur Philippe-le-Bel legue a son fils le soin de faire cesser cette plaie sociale. Nous ne continuerons pas davantage cette demonstration ; ce que nous venons de dire suffira, sans doute, pour demontrer le vice de la classifi- cation proposed par Le Blanc. Si done cette classification est fautive, il faut lui en substituer une autre, et nous proposerons de diviser l'histoire des monnaies francaises en deux pdriodes : la premiere s'&endra depuis l'ori- gine du monnayage, e'est-a-dire depuis Tan 580 environ jusqu'en 1204 ou 1220, jusqu'au regne de Philippe-Auguste ; la seconde depuis cette epoque jusqu'en 1793. Pour nous, il y aura en France deux especes des monnaies, des monnaies locales et des monnaies royales. Pendant la premiere 6poque les monnaies seront g^neralement locales et exceptionnellement royales ; pendant la seconde elles seront royales et locales jusqu'a 1'epoque ou la puissance du souverain parvint a tout englober, ou Funite" gouver- nementale pre\3omina sur la feodalite\ « Quelques developpements sont n&essaires pour prouver notre these qui, du reste, est entierement appuy^e par les fails historiques. Dubos et, apres lui, M. de P&igny ont surabondamment prouv6 que les barbares n'ont predomine" dans les Gaules qu'en se faisant catho- liques, e'est-a-dire en se faisant Gaulois, ou, pour mieux dire, Romains, car la Gaule etait toute romaine. Les rois des Bourguignons s'enorgueil- 270 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE, lissaient d'etre maitrea de la milice ; les Huns servirent Aetius avant d'en- vahir l'empire, et Clovis recut ici, a Tours, la pourpre des patrlces. Lors- que l'empire d'Occident tomba et que le prestige de celui de l'Orient fut efface", les rois barbares se substituerent au lieu et place des maltres de l'ancien monde. Auguste avait accapare" toute la puissance, et cette puis- sance il la transmit a ses successeurs ;les rois barbares en htiritferent cha- cun dans la province qu'ils avaient conquise. Parmi les droits qulils pos- s&laient se trouvait le droit de monnayage. Auguste et ses successeurs l'avaient cdde" en partie, soit au senat, soit a certaines c\t6sf et a certaines colonies, mais toujours en serdservant le droit de rdvoquer cette conces- sion selon leur bon plaisir. O'est pour cela qu'en Espagne, en Lusitanie, a Emerita, par exemple, nous lisons sur les grands et les moyens bronzes : Augusti vel Cesaris permissione ; que les colonies orientates frap- perent monnaie jusqu'au temps de Diocl^tien ; qn'en Gaule et en Espagne la politique ombrageuse de Tibere et de ses premiers successeurs suppri- ma ce droit moneHaire. Sous la premiere race de nos rois, soit par suite de concessions arrach&g aux derniers empereurs, soit pour une autre cause, le nom de lieu reparut sur les triens. La piete" ou la crainte de l'enfer engagea les fils de Clovis a ce^der le droit de monnayage aux £glises ; la politique leur fit faire les memes concessions aux leudes les plus puissants, mais ils conserverent toujours par devers eux la faculty de supprimer cette faveur quand bon leur semblerait. Ainsi s'explique tout naturellement les monnaies palatines de Clovis II, de Charlemagne et de Louis-le-D^bonnaire. Le souverain supprimait momentanement les privileges accorded, soit par lui, soit par ses pre^tecesseurs, sauf a les renouveler le lendemain de l'ordonnance ren- due. De la les nombreuses monnaies qui, sous la seconde race, semblent coritredireles capitulaires. Les rois d'alors agissaient absolument de la meme maniere que Louis XIV ou Louis XV, suspendant momentanement les titres de noblesse et permettant, moyennant finance, a tous ceux qui en avaient le droit, de faire enregistrer leurs armes et leurs titres. Les comtes des villes sous les premiers Carlovingiens etaient de v£ri- tables presets cumulant en outre les charges militaires et judiciaires. Le domaine utile devait etre une sorte de ferme qu'ils exploitaient moyen- nant une redevance fixe ; cela dura jusqu'au temps de Charles-le-Chauve ; le malheur des temps forca ce prince de rendre les beiieTices he>6ditaires, de crder les fiefs. Le droit de monnayage Ctait ne'cessairement une partie du domaine utile, et par consequent devint leur chose propre, toutefois lorsqu'une concession royale n'avait pas attribu^ ce droit a une abbaye ou QUINZ1EME SESSION. 271 a un 6v6ch6. Le roi conserva, en droit, toutes ses prerogatives ; il pou- vait donner toujours, mais non retirer ce qu'il avait donne', a moins que son vassal, pour nous servir d'une expression un peu plus modeme, n'eut forfaitases devoirs. Ces donations memes durent etre fort rares, puis- qu'en donnant il nuisait au droit d'autrui. Ainsi naquit, a la fin du ixc siecle, la monnaie locale permanente. La difference des races et des cou- tumes apporta la difference des raonnaies, quand au poids et au type. Quelques comtes ou pre'lats, comme a Angouleme, en Poitou, a Li- moges, a Tours, a Nevers, a Langres, reproduisirent les empreintes an- ciennes ; d'autres, comme a Chalon et a Macon, continuerent a placer sur es especes le nom du roi regnant. D'autres, enfin, adopterent des signes particnliers comme a Angers et au Mans. A l'ave'nement de Hugues-Capet, le roi e'tait ve'ritablement le souverain de la France, en droit mais non en fait ; a son titre de roi il r£unissait lea litres deduc, decomte, de seigneur .des villes qu'il poss&laiten propre; et la, quand il battait monnaie, e'dtait comme due, corate ou seigneur. Ainsi, jusqu'au regne de Philippe-Auguste les especes au nom royal sor- ties des ateliers mondtaires de Paris, d'Orle'ans, d'Etampes, de Sens, de Pontoise, de Mantes, de Chateaulandon, ne sont que des monnaies lo- cales comme celles de Bordeaux, de Cahors ou de Lyon. La Gaule e'tait divis^e en quatre royaumes principaux : ceux de France proprement dit.e, d'Acquitaine , de Lorraine et de Bourgogne. Aussi les grands feudataires relevaient-ils de quatre rois nominaux : ceux de France, d'Aquitaine, de Lorraine, ou de Bourgogne. Comme nous l'avons dit, le droit de monnayage suivit en tout et pour tout la loi feodale. Telle est 1'origine des Servients de France, de Toulouse, de Brabant et de V Em- pire. Lorsque, vainqueur de Jean-sans-Terre , Philippe-Auguste se sentit ve'ritablement roi, et qu'au droit il eut re'uni la force, il songea a en user, les monnaies et les acles de son regne en font foi. En 1199, maitre de Chateauroux, Philippe se contenta de calquer les pieces de Deols ; vers le meme temps il demandait a l'abb6 de Corbie la permission de faire circuler ses monnaies sur les terres de l'abbaye en proposant la recipro- city. En 1214, au contraire, comme Mainbour de la jeune duchesse de Bretagne, il frappait a Rennes des petits tournois ; a Saint-Omer et Arras, des parisis comme tuteur de son fils Louis, qui fut plus tard Louis VIII. Sou grand-pere Louis VI, au contraire, ne pouvait, sans le consentement des bourgeois de Compiegne, toucher a la monnaie qui circulait chez eux. 272 CONGRES SCIENTIFIOtfE DE PRANCE. Louis IX tint bien un autre langage, il ordonna que la monnaiede preMats et barons fut concentred dans la province ou elle avait e'te' frapp^e, que nul n'osat la porter autre part, tandis que la sienne devait circuler partout. Bien plus, pour crime de rebellion, ou pour toute autre cause, il avait confisque les seigneuries de Sauve et d'Anduze , oil une famille noble, les Bermond, posse'dait le droit de battre monnaie; il s'avisa d'uti- liser cet ancien atelier et d'y forger des petits tournois. Alors un certain seigneur de Crousse, qui, du temps des anciens possesseurs, avait le droit de percevoir certaines redevances sur les deniers fabriqu^s a Sauve, vint re'clamer son du. Le roi lui fit repondre par ses baillis et ses se'ne'chaux que certainement ses titres 6"taient fort en regie, et que lorsqu'un sire d'Anduze ou de Sauve frapperait monnaie dans une de ces deux villes, il serait fonde' a les soramer de le payer, mais que, quaut a lui, il ne lui de- vait rien, car ce n'^tait pas comme seigneur du lieu qu'il utilisait l'atelier, mais bien comme roi, et qu'en cette qualitC il pouvait frapper des petits tournois dans tout son royaume et partout ou bon lui semblait. Attaque's dans leur droit de monnayage, comme dans tous les autres, les barons murmurerent ; les chansons de l'e'poque en font foi ; mais le roi ne s'en inquie"ta guere et continua sa politique. Alors les barons se firent faux-monnayeurs, abus que le sage prince sut encore rdprimer. L'ordonnance de 1315, en les forcant d'adopter un type et un titre pres- ents par un re-glement ge'ne'ral, obligea les barons sur lesquels le roi crut pouvoir prendre un droit reel, e'est-a-dire sur les barons du Serment de France et de Toulouse, de fermer presque tous leurs ateliers devenus improductifs puisque la fabrique de fausse monnaie leur devenait plus difficile. Aussi voyons-nous la plupart de ces seigneurs vendre leur droit au roi qnand il consentait a le racheter. Philippe V avait reve un seul poids et une seule mesure pour son royaume, mais la mort 1'empecha de realiser cette bonne intention ; si ses successeurs ne furent pas "plus heureux, ils eurent du moins le bon esprit de restreindre aufant que possible les droits des cadets en leurs accor- dant des apanages. Ainsi les dues d'OrlCans n'obtinrent jamais le droit de battre monnaie dans leur duchd, etles dues de Bourgogne ne frapperent des especes qu'a Auxonne et sur leurs autres terres d'Empire. Les grands feudataires, a parlir du regue de Philippe Yl, furent done les seuls, a peu pres, que l'ordonnance de Lagny ne put atteindre j les acquisitions suc- cessives de la couronne en vinrent enfin a bout, et le niveau re'volution- naire effaca les dernieres traces d'un droit si one'reux au peuple et si nuisible au commerce. QUINZIEME SESSION. 273 Si toutes les considerations que nous venons de presenter sont exactes, elles suffisent, nous le croyons du moins, pour justifier la nouvelle classi- fication que nous venons de proposer; pour prouver que depuis la pre- miere race de nos rois jusqu'en 1310 la monnaie fut presque toujours locale et exceptionnellement royale ; que depuis la fin du regne de Charles- le-Chauve, jusqu'en 1210, aucune difference ne distingue les uns des autres les deniersanoms de rois ou de barons et que la veritable monnaie royale de France commence a Philippe-Auguste. Le peu de temps accordc a la numismatique n'ayant pas permis a M. Carder d'entrer dans la discussion d'un sysleme aussi eloigne de toutes les idees recues jusqu'a ce jour, il s'est contente de protester contre eette nouvelle classification des monnaies frappees sur le sol francais, et il a donne ren- dezvous a M. Duchalais dans la Revue Numismatique. La seconde question quiinteressela numismatique (10e du programme) est ainsi concue : Rechercher les elements de I'histoire civile et administrative de la ville de Tours et du bourg de Suint- Martin ^ 1151 a 4203; quels droits y exer Ce- rent simultanement les rois de France et les rois d'Angleterre ; notamment quelle part ces princes purent avoir dans la fabri- cation de la monnaie de Veglise de Saint-Martin, et comment cette monnaie tournois devint la base du systeme mone'taire de la France entiere. On voit que cette question pourrait en former quatre. Les deux premieres , sur I'histoire et Tadministration de la cite de Tours et de la ville de Saint-Martin, et sur les droits qu'y exereerent les rois de France et d'Anglcterre pendant la periode donnee n'ont pas ete traitees au Congres; les deux autres, sur Taction de ces deux puissances sur la mon- naie de Saint-Martin, et comment elle devint la monnaie de la Franee, ont ete traitees par MM. Cartier et Lecointre- Dupont. Depuis le moment, dit M. Cartier, oil les comtes d'Anjou, qui etaient par le fait comtes de Tours, devinrent rois d'Angleterre , jusqu'a celui ou Philippe-Auguste , par la confiscation des provinces anglo-francaises sur Jean-Sans-Terre , fut maitre de la Touraine , il n'y avait eu qu'ime mon- naie a Tours, celle de Saint-Martin, II serait difficile de determiner dans 274 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. quelle proportion le roi anglais et l'gglise de Saint-Martin partageaient le benefice du monnayag"e, mais cela n'est pas dans la question . De 1151 a 1203, les rois de France n'eurent aucun droit sur cette raonnaie ; les rois d'Angleterre 6taient souverains a Tours, quoique vassaux des rois de France, et je ne pense pas que ceux-ci aient plus monnaye" dans cette ville pendant cette penode qu'ils ne le faisaient dans les autres grands fiefs non encore re'unisa la couronne. Toutefois, Philippe-Auguste put se servir de 1'atelier mon^taire de Saint-Martin , lorsque , pendant ses guerres avec Henri II, Richard et Jean , il s'est trouve" maitre de Tours, ou seulement de Chateau-Neuf , la ville de Saint-Martin. A Te'poque de la confiscation , la monnaie royale de France n'e'tait reelle- ment que la monnaie parisis , dont la circulation £tait re'duite au petit nombre de provinces du domaine particulier des rois, comme le comtC de Paris, le duche" de France , non occupe's par les rois [Plantagenets, et a quelques acquisitions r^centes , comme l'Artois, Montreuil, Peronne, etc. La monnaie de Saint-Martin, au contraire, avait un cour immense dans toutes les provinces du centre , de l'ouest ou du midi. La devotion uni- verselle pour le tombeau de Saint-Martin , les p&erinages continuels dont il e"tait l'objet, le r61e qu'avait joue" dans les premieres croisades cette monnaie, appetee depuis longtemps les tournois, tout concourait a lui donner une grande importance; il fut done tres-politique , et pour ainsi dire indispensable a Philippe-Auguste et a ses premiers successeurs, de conti- nuer dans les provinces reunies , et bient6t dans la France entiere , cette monnaie de Tours , devenue royale par le seul changement de Scs Marti- nus en PhUippus ou Ludovicus rex. Cependant, la monnaie parisis continua; elle fut meme frappe'e dans les ateliers mone'taires Ctablis dans la zdne de la circulation des tournois , comme ces tournois le furent par tout le royaume. II y avait dans cette sorte de concurrence entre les deux systemes mone'taires une raison fiscale. La monnaie parisis dtait d'un quart plus forte que la monnaie tournois ; le sou parisis vallait quinze deniers tournois j certaines ventes, amendes, redevances payables au fisc ou au domaine royal continuerent a etre payCes en parisis , tandis que les nouvelles dettes de l'Etat , les gages et traite- ments Ctaient pays en tournois. II fallut done Cmettre simultanement de ces deux monnaies , les tournois en bien plus grande quantity que les pa- risis , qui finirent par etre supprime's , mais en conservant la denomi- nation de parisis pour ex primer un quart en sus de la £omme stipule. On payait avec certains droits tant pour le parisis,;. c'&ait la suite d'une veritable speculation de l'omnipotence royale. QUINZIEME SESSION. 275 La monnaie de Saint-Martin ou de Tours dite tournois, turonensis , devint done la veritable monnaie franchise. Bient6t saint Louis, par la creation du gros tournois , sol de douze deniers ou petits tournois , aeheva de rendre dominant le systeme mon&aire qui avait pris naissance a Saint-Martin , avec les mots Turones , Turonis , Turonus civitas , puis civi , et enfin civis. Ce systeme se r^pandit au loin , on vit bientdt des Turonus civis frappe"s dans beaucoup de villes etrangeres a la France; Turonus ne fut plus que le nom de la monnaie; on vit turonus de Monte sur un gros de la ville de Mons; turonus simplex, turonus Francice, grossus turonus sur nos monnaies francaises. M. Lecointre-Dupont s'exprirae ainsi sur la meme question : Messieurs , Je penseque les'comtes d'Anjou, devenus mattres de la Touraine , usur- perent ou obtinreot , a la faveur de leur titre d'avou6 a l'abbaye de Saint- Martin , quelques droits sur la monnaie de cette abbaye, et qu'ils durent en partager les be'ne'fices avec les chanoines. En l'absence de documents histo- riques qui e^ablissent positivement ce fait, je m'appuierai sur l'existence d'oboles angevines au type du portail tournois (Duby, pi. lxii, n° 37) et d'oboles de Tours pr^sentant , comme appendice a la croix , l'alpha et i'om£ga des deniers d'Anjou (Duby, pi. xvi,n°6); cessymbolesm'eparaissent attester une association mon&aire. La monnaie tournois 6tait reconnue, vers 1158, comme monnaie legale enNormandie , province qui appartenait alors a Henri II, roi d'Angleterre , comte hdrCditaire d'Anjou. Ce prince prenait un monnayeur de Tours , Philippe Aymar, pour lui confier le soin de reformer les monnaies d'Angleterre. Le roi de France avait le titre d'abbe" de Saint-Martin ; mais depuis l'origine du droit feodal, ce titre, devenu purement honorifique, ne lui donnait aucune autorite\ La rCvolte des fils de Henri II et leur alliance avec Louis VII changerent cet Ctatde choses; les chanoines mCcontents du roi d'Angleterre, prirent parti pour ses fils; le bourg'Saint-Martin fut livre' au roi de France, qui en augmenta les fortifications et y fit construire une citadelle. Pris plusieurs fois par le roi d'Angleterre , et a chaque fois reconquis presque aussitdt par le roi de France, objet de luttes acharn&s qui, d'apres 276 CONGRES SCIENTIF1QUE DE FRANCE. le Chronicon Turonense (Bistoriens de France; t. xvm, p. 395), avaient, en 1202, fait de Tours presque un desert, le bourg de Saint-Martin, au- trement dit le Chateau-Neuf, fut presque constamment, a partir de 1172, dans les mains du roi de France. 11 ne n^gligea pas, sans doute, de s'altri- buer la part que son rival avait pr£c£demment dans la propriete" de la monnaie de Saint-Martin. Thevet dit meme que les chauoines vendirent a Louis VII leur droit de monnayage; mais l'autorite' de Thevet serait de bien faible poids , si un te'moignage contemporain ne venait pas le corro- borer, en montrant qu'a la fin du xne siecle la monnaie tournois apparte - nait (en partie du moins) au roi de France. Ce te'moignage, c'est Bertrand de Born qui le fournit. Toujours pret a semer la discorde , il provoque aux combats Richard et Philippe et il s'e^crie dans un sirvente : J'aime a voir la guerre acliamee, J'aime a roir la treve brisee Des esterlins et des tournois. Puis il ajoute : Dans un an et moins, des deux rois, Nous vetrons esterlins, tournois Changes, pilles, mis et donnes (1). On ne peut mdconnaitre l'intention qu'a eu le poete de mettre ici en opposition les monnaies des deux rois , et s'il a nomme' les tournois plntot que les parisis, qui devaient etre alors la principale monnaie du roi de France, c'est qu'ils e'taient moins connus au midi de la Loire que les tour- nois , et qu'aussi , peut-etre , leur nom ne pouvait donner la rime que cherchait Bertrand de Born. Une fois echappee a la puissance du roi d'Angleterre, la monnaie de l'abbaye de Saint-Martin de Tours parait avoir cesse- d'etre tres-repandue dans les provinces qui appartenaient a ce prince. Les chartes du dernier quart du xu« si6cle, dans la Normandie, le Perche,Ie Maire, etc., en (l) Perque m plai guerra ben facha E m plai quan la traga es fracha Dels esterlins e dels tomes Esterlins e tomes camjan Tollen e meten e donan Veirem de ill dui reis, ans d'un an Lo meuz croi, segon mon sembliD. (llaynouard. Choix de poesies des Troubadours, t. IV, p. 264. Sirventes divenea) QUINZ1EME SESSION. 277 font foi. C'est a peine si on y trouve une stipulation en monnaie tournois contre cent en monnaie angevine, monnaie qui fut alors d'un usage presque exclusif dans les possessions du roi d'Angleterre situe'es au-dela de la Loire , jusqu'a l'e'poque de la conquete de ces provinces par Philippe- Auguste. Ce prince adopta alors la monnaie tournois pour etre la monnaie legale des pays qu'il venait de soumettre. II l'adopla , non qu'elle fut plus repandue que toute autre dans ces provinces , mais parce qu'elle avait 6t6 pour la Normandie, ainsi que je l'ai dit ailleurs, la monnaie normale, parce qu'elle inspirait une confiance que les alterations de la monnaie angevine avaient fait perdre a cette derniere, et surtout, parce que dcja elle appartenait, en partie du moins, au roi de France. Pcrsonne nc reclamant la parole apres ces deux communi- cations, la section approuve les conclusions qu'ellespresen- tent, c'cst-a-dire que les rois d'Angleterre de la famille des Plantagenets, comme comtes d'Anjou et de Touraine, ct corame avoues de l'eglise de Saint-Martin , ont du prendre une part quelconque dans le monnayage de cette celebre eglise, qui depuis longtemps jouissait du privilege de fabri- quer la monnaie de Tours ou deniers tournois ; que les rois de France n'eurent aucune autorite sur la monnaie de Saint- Martin pendant la possession de la Touraine par les comtes d'Anjou, mais qu'ayant ete maitres de Tours, ou de la ville de Saint-Martin, plusieurs fois pendant les dernieres luttcs entre les deux couronnes, ils durent sc servir momentane- ment de cet atelier monetaire ; qu'apres la reunion ils adopterent cette monnaie tournois, non-seulemcnt dans les provinces anglo-francaises confisquees, mais encore dans tout le royaume, et qu'ainsi de cette monnaie sortit reellement le systeme monetaire des tournois, acheve par la creation du gros de saint Louis. La troisieme question, qui avait quelque rapport avec la numismatique (16e du programme) , etait celle-ci : Faire I'histoire du camp d'Amboise et des monuments numismatiques qu'on y trouve journellement. Personne ne s'etait fait inscrire sur cette question; M. Cartier s'est borne a dire que les elements de I'histoire du camp d'Amboise ne pouvaient se trouver que dans la 18 278 CONGRES SCIENTIHQUE DE FRANCE. chroniquc amboisienne inseree dans le Spicilege deD. d'A- chery, mais qui n'offrait rien de bien precis ; que les rae- dailles qui s'y rencontraient faisaient presumer que le camp avait ete occupe par les populations de la Gaule centrale, lors d'une de leurs norabreuses revoltes contre la domina- tion romaine, et, probablement, dans celle qui eut lieu sous Tibere (an 21 de Fere chretienne) ; qu'au surplus il avait traite cette question dans la Bevue Numismatiqiie (1842). M. Cartier a offert aux membres presents que cela pouvait interesser quelques exemplaires de sa dissertation sur ce sujet, accompagnee d'une planche.ou se trouvent gravees les principales medailles gauloises trouvees depuis plus de quinze ans sur le plateau eleve au-dessus du chateau d'Am- boise , ou Ton remarque les vestiges d'un camp gallo- romain. Enfin, la 23e question du programme in dique VHistoire de V hotel des monnaics de Tours. M. Cartier a seulement presente les observations sui- vantes : Messieurs, II serait tr&s-diffici lede faire l'histoire de l'hdtel des monnaies de Tours, e'est-a-dire de reunir des mate"riaux suffisants pour 6crire sur ce sujet quel- que chose d'inte'ressant. Si par Photel des monnaies de Tours on eutend l'atelier monCtaire royal, on peut dire qu'il a pris naissance sons Philippe- Auguste , qui a frappe" en son nom des deniers toumois succedant a ceux de Saint-Martin. Si on remonte jnsqu'a l'origine des monnaies frappees dans cette Cglise de Saint-Martin, il faut embrasser tous les temps de la monarchic , puisqu'on trouve une suite non interrompue de ces monnaies depuis nos premiers triens mCrovingiens jusqu'a la fin du xtie siecle. Nousavons vu que Thevet, dans sa Cosmographie universelle, disait que Louis VII avait achetC la monnaie de Saint-Martin ; outre le peu de vraisemblance historique de cette assertion , un fait materiel semble le contredire : nous avons des deniers au nom de Philippe-Auguste ayant au revere l'antique legende de la monnaie de cette eglise: hies Martinus, QUINZIEMJS SESSION. 279 puis d'autres avec Turonus civis ; mais aucun de ces deniers ne porte Scs Martinus avec Ludovicus rex : Louis VIII a continue" les tournois ordi- nairesavec sonnom. On pourrait trouver, dans le recueil des ordonnances royales et dans les archives de la commission des monnaies de France, quelques prescriptions de fabrication adresse'es aux maitres de la monnaie de Tours, des nomi- nations de fonctionnaires de cet hotel ; on pourrait noter Vindication du point secret propre a en faire reconnaitre les produits (sous la sixieme lettre de chaque legende) ; plus tard celle de la lettre E, qui lui etait affectde, et enfin sa supppession en 1772. Tout cela est connu ou peu important. Ce qu'il y a de certain , c'est que notre atelier monetaire fut un des plus anciens et des plus consid Arables ; plusieurs de ses fonctionnaires furent appetes pour organiser d'autres ateliers nouvellement e'tablis ; nous en avons vu uncharge* de perfectionner les monnaies anglaises;un autre, N. Jenson , fut choisi par Louis XI pour aller apprendre l'art de l'impri- merie , qui venait d'etre decouvert; mais il faudrait de longues et p^nibles recherches , sans utility r£elle , pour donner de l'interet a l'histoire de l'hdtel des monnaies de Tours. M. Martinet Iraite la i!2e question du programme : Quels sont Vorigine, la destination primitive et les divers usages, aux differents siecles du moyen age , des parvis menage's devant la porte principale des eglises ? M. Etienne Cartier fils lit son rapport sur les dessins ex- poses dans la salle du Congres : Messieurs, La iv° section a pris tardivement une tres-louable decision ; elle a voulu qu'une commission examinat les dessins dont quelques artistes distingue^ avaient orne" les murs severes de cctte enceinte et elle a de- maude qu'un rapport de'taille* fut pour nous un souvenir de cette exposi- tion bienveillante et improvised. Je regrette plus que lout autre qu'on ait alteudu les dernieres heures du congres pour commencer un travail si juste et si profitable. Nous avons encore tant a e'eouter et tant a nous pro- mettre de nous revoir ! Voici ce qui est arrive. La commission s'est reu- 280 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE, nie et a purement et siraplement decide" que je ferais un rapport ; je pourrais done dire , la commission, e'est moi. Cette formule a la Louis XIV me convient fort peu et n'est d'ailleurs aucunement en harmonie avec notre transformation sociale, il y a bien la unite", mais non pas solidariie conyne le reclame le progres. Puisque mon rapport n'est pas le r^sultat d'un examen collectif, n'at- tendez pas de moi une appreciation savante des dessins que vous avez tous admires, et permettez-moi d'etre seulement votre organe en adressant a leurs auteurs de publics et de sinceres remerciments. Que M. Pernot les recoive le premier. M. Pernot dessiue comme il ^crit, e'est le pittoresque de l'histoire qui enseigne et qui charme en meme temps. Aux belles vues du vieux Paris que nous connaissons tous, il a joint un troisteme tableau qui les complete en nous montrant une nuit de la vieille cite", bien avant l'invention des trottoirs et des bees de gaz mu- nicipaux.-— Nous avons admire" la vue si remarquable de la cath^drale du Puy-en-Velay, le menhir des bords de la Marne ou les Romains ont e^crit leur victoire; la cathe^drale d'Autun, Sant-Jacques de Dieppe etles restes de ce malheureux hotel de la Tremouille, que M. le comte de Montalem- bert a si bien venge" dans son celebre discours du 26 juillet dernier.— Mais ce qui nous a le plus interessg, ce sont les caiques et dessins si pre"cieux du tr&or de la cathedrale de Sens. Comment n'etre pas dmu en voyaut la mitre de Saint-Thomas de Cantorbery, et les ornements pontificaux de ce martyr de Pinde'pendance sacerdotale; — Quant aux dessins des en- seignes, bannieres et drapeaux de la monarchic franchise , e'est vraiment la un travail de ben6dictin. — Ce recueil comprend mille quatre cent dessins et vous en connaissez la perfection. Le congres scientifique avait deja donne" a cette collection les 61oges qu'elle me"rite et avait formule" le voeu de voir le gouvernement en faire l'acquisition. Ce voeu a ete" realise" par M. le ministre de la guerre. Esperons que les nombreux voeux de la xve section auront le mfeme succes. M. Verdier joint au crayon spirituel de l'artiste la precision mathema- tique de l'architecte. Nous I'avons entendu parler tres-savamment des donjons du moyen age, et nous annoncer qu'il etudiait particulierement l'architecture militaire, encore si peu connue. Nou3 doutons cependant que ce soit accidentellement qu'il ait fait cinq magnifiques 6tudes d'archi- tecture civile et religieuse. Ses travaux sur Saint-Leu d'Esserent e"taient un des principaux ornements de la grande exposition du Louvre. Rien n'est mieux trace" que le plan et les coupes de la ce"lebre abbatiale, les chapi- teaux, les bases des colonnes et la restauration de la porte principale sont QUINZIEME SESSION. 281 du plus haut inte76t. Son travail sur Pierrefonds, sur les curieuses con- itructions chiles, duxirouxme siecle, de Meslay et de Cluny doitetre aussi remarqu^; maisj'appellerai surtout votre attention sur les dessins de la cbarmante petite chapelle circulaire du Liget, dans la for6t de Loches La publicity de ce monument est un evenement en arche'ologie ; rien de semblable n'existe en France, les peintures qui s'y trouvent sont tres- pr^cieuses pour l'histoire de notre art national ; elles peuvent servir a prouver, ce que je soupconne depuis longtemps, qu'au moyen age nous avons 6t6 au rnoins les egaux des Italiens dans cette branche de Tart. La destruction menace les peintures, et Ie congres pourrait e'mettre un vceu de plus a cet e"gard; mais je pense qu'il est plus simple et plus utile d'exprimer a^ M. Verdier ]ui~raerae le d&ir d'avoir des dessins colore et plus grands. Iff; Launay, de Vendome, nous a communique aussi de pre'cieux dessins. Ses etudes sur les boiseries, les sculptures et les mistiricordes de la Tri- nite de Venddme, sont d'une finesse et d'un rendu rerrarquable ; mals le plus beau joyau de son tre*scr est sans contredit les plans et les fresques de la commanderie d'Artins, dans le departement de Loir-et- Cher. Cette commanderie, qui de3 templiers passa aux chevaliers da Malte, possede des peintures aussi curieuses que celles du Liget. Le sys- teme de decoration y est encore complet, malgre les degradations que les voutes ont souflfert. Le fermier qui possede cette chapelle s'interesse plus au foin qu'a la science et remmagasinement de ses denies nuit beaucoup aux peintures des murailles. M. Launay a done bien merite* du Congres en coloriant avec tant d'iutelligence ces pages importanteg du xne siecle. II y aurait, Messieurs, encore un vceu a e'mettre, mais je 1$ renvoie a la societe pour la conservation des monuments. Que dirai-je des vttraux daguerreotype's de M. Marchand. Ici, Messieurs, j'ai quelques raisons pour parler comme une commission toute entiere. J'ai etudie particulierement les publications de ce genre, je connais les diftl- cultds de rendre naivement et scrupuleusement les figures de nos verrieres ; je sais combien reclame de soins l'impression sur plusieurs pierres et je declare en toute connaissance de cause que je n'ai rien vu jusqu'a present d'aussi parfait. J'ajouterai que toute la collection coutera 60 francs. Ceci est un grand eioge. Au prix que coutent les publications de ce genre, ces con- ditions sont inexplicables pour moi. II se publie a Paris, quoique beau- coup de personnes l'ignorent, un ouvrage dont chaque livraison est de 600 ou 800 francs ; e'est un recueil qui ne depassera pas peut-etre 40 ou 50 mille francs. Je ne sais pas le chiffre exact, car j'avoue que je ne suis 232 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. pas encore souscripteur. Je doute que cet ouvrage devienne jamais popu- late. 60 francs est un prix plus raisonnable , et je crois qu'on pourra difficilement register a se donner les Verrieres du chceur de Vtglisem6tro- polilaine de Tours, d'autant plus que le texte de MM. Bourasse et Man- ceau n'en diminuera certainement pas la valeur. Quand on aura cet ouvrage, on fera tres-bien de le completer avec les verrieres de Champigny et de Brou , dont l'ex£cution ne laisse rien a de'sirer. Les etudes de M. Baillif sur Saint-Julien de Tours ont avantageusement illustre' nos discussions sur ce beau monument. Le projet de restauration me parait fincment execute. Si M. Daly eut fait partie de la commission, pent-etre eut-il trouve" que le cone, forme gdndratrice de Vart, n'est pas assez accentue' au sommet de la tour. Pour moi, il me semble que 1'eWice est bien conapris dans son aspect et sa gendralite\ Nous avons tous remarque deux dessins signes du nom de W. Bromett, arche'ologue distingue de l'Angleterre, et nous avons vivement regrette' de n'en avoir pas l'explication. Le plan du chateau de Queenboro surtout pa- rait tres-interessant. Nous remercions l'auteur de ces deux dessins, qu'il a distraits un instant de son album de voyage, comme une preuve de l'en- tente cordiale qui regne toujours dans nos Congres. Je vous demande pardon, Messieurs, de cette esquisse incomplete, et j'invoque le b&ilfice des circonstances atte"nuantes, si j'ai commis quelque oubli ou quelque erreur. En nous faisant des adieux qui ne sont pas sans esperance, prions MM. les artistes des Congres futurs de vouloir bien nous (aire jouir ainsi des richesses de leur portefeuille, et souvenons-nous de nommer, des le premier jour, une commission et un rapporteur plus capable que moi d'en appre'cier le merite. La parole est a M. Boulard pour la lecture de son travail sur la 19e question : Determiner le lieu ou Charles Martel remporta sur les Arabes, en 752, la celebre victoire appelee Bataille de Tours par la plapart des ecrivains. Messieurs, Les savantes dissertations de M. le general de Marcognet et de M. Chal- mel, de Tours, celles de M. de Saint-Hippolyte et de MM. les antiquaires quinzieme session. 285 de Poitiers, sur les lieux ou Charles-Ma rtel arreta l'invasion des Sarrazins, en 732 , ne paraissent pas avoir complement satisfait les esprits et fixe* deTmitivement les convictions. Nous sommes heureux de ce que cette question, mise a l'ordre du jour par le Congres, nous permette d'exposer, avec l'hesitation d'un homme completement ignore" , les raisons qui nous font croire a l'exactitude des traditions qui placent le lieu de cette bataille entre Tours et Poitiers , a peu pres a e^gale distance de ces deux villes. Les anciens historiens racontent sans indication precise que cette ba- taille fut livr^e apud Pictavum, non longe Pictavis, ad Pictavos. Ces mots, suivant nous , ne veulent pas dire que cette bataille eut lieu pres Poitiers ou sous les murs de Poitiers, mais seulement dans le Poitou, dans on pres le pays des Poitevins. Cependant MM. Chalmel et Binet de Marcognet, enfants delaTouraine, ont revendique" pour le territoire de Tours l'honneur d'avoir servi de thea- tre a ce grand fait historique. Tous deux n^anmoins ne s'accordent pas sur le point capital, le lieu meme qui vit tomber Abderhaman. M. Chalmel decide que la bataille a 6i6 livre'e dans les landes dites de Charlemagne, commuue de Mird, au lieu appete le Champ-des-Coups , tandis que par une multitude de raisons strategiques, M. le general de Marcognet assure que ce fut dans les plaines de Sublaines et d'Athe'e, entre le Cher et la Loire, a la position triangulaire d'Amboise, Montlouis et Montrichard, position que les gens du pays designent sous le nom de Saint-Martin-le- Beau, d'un village pres lequel les Normands furent aussi deTaits cent six ans plus tard, sous Louis-le-De"bonnaire. M. Andre, membre de la socie^tC des antiquaires de l'ouest, et M. de Saint-Hippolyte, officier supe'rieur d'e'tat-major, soutiennent au contraire que ce fut sous les murs du vieux Poitiers , a deux lieues au-dessus de Chatellerault , que Charles-Martel vainquit Abderhaman. A Pappui de cette opinion, jjs disent que le vieux monument romain connu sous le nom de vieux Poitiers annonce qu'il y eut en cet endroit une ville forte dont Youlut s'emparer Abderhaman. La disposition des lieux leur semble favorable au de'veloppemeut d'une arm£e nombreuse ; quelques noms atta- che's a certaines fermes de la locality leur paraissent mettre le comble a residence, et ils concluent qu'on ne peut conserver de doutes, surtout si Ton fait attention que, d'apres les Merits de Cid-Osmin, qui fut acteur dans cette bataille, l'avant-garde des Arabes s^tait avanc^e deja jusqu'a Cenon, village qui, en effet, est situg presque au confluent du Clain et de la Vienne. i y Si ces raisons de deader ne nous paraisseut pas d&erminantes en fa- 284 CONGRES SCIENTIFJQUE DE FRANCE. veur des locality indiqu^es par MM. les antiquaires de Tours et de Poi- tiers, nous croyons pouvoir dire qu'en les appliquant aux lieux dont nous allons parler, elles deviennent des preuves sans re"plique. Tous ceux qui ont £crit sur ce sujet ont admis, comme non susceptible de discussion, qu'Abderhaman quitta Poitiers pour se porter sur Tours, et dut suivre une voie romaiue qui se trouvait a peu pres sur la ligne de la route actuelle, par Chatellerault et Sainte-Maure. Suivant nous, tout concourt au contraire, pour faire croire qu'Abderhaman n'eut jamais l'in- tention de marcher immediatement sur Tours. C'est ce que nous allons essayer de demontrer. Abderhaman e*tait suivi, dit-on, d'une arme'e innombrable, que les histo- riens portent a plus de quatre cents mille hommes. Charles-Martel aurait deHruit celte arme'e avec un corps de trente mille hommes r&mis a la hate et mal discipline's. Sans vouloir diminuer la gloire du heros francais, nous ne croyons point a une lutte si disproportionntSe ; la victoire ne dut etre dis- puted qu'entre 1'eMite des conquer ants et les troupes de Charles-Martel. Mais il est incontestable que ces legions actives et formidables d'Arabes habitue's a vaincre e"taient suivies par une foule d'individus de tout age, de tout sexe, venus pour s'e'tablir en France et l'occuper comme ils avaient fait en Espagnc. Pour assurer des subsistances a celte innombrable multitude, il fallait etre maitre de la mer et du littoral ; pour ne pas s'exposer a succomber dans une si vaste entreprise, il ne fallait pas s'e'tendre indeTiniment sur le territoire et affaiblir ses forces en les divisant sur tous les points. Ayant done de songer a marcher sur Tours, Abderhaman dut vouloir s'emparer de toutes les positions importantes et fortifiees qui pouvaient lui faire obstacle et surtout s'abstenir de franchir la Vienne qui lui so* vait de barriere naturelle contre l'ennemi; il dut au contraire en faire la limile provisoire de sa conquMe en occupant pre'alablement les pays limits par la Vienne jusqu'a la Loire et par la Loire jusqu'a la mer. C'est-a-dire de- puis Chatellerault et Ueux sup^rieurs jusqu'a Candes , et depuis Candes jusqu'a Nantes. M. le ge'ne'ral de Marcognet fait engager Abderhaman, avec ses hordes indisciplindes, dans un pays coups' par cinq rivieres, et lui fait rapidement passer sans combat, sans resistance, la Vienne, la Creuse, 1'Indre et le Cher pour I'amener jusqu'a Amboise, au dela de Tours, se faire exraser par Charles Martel, dans la plaine deSaint-Martin-le-Beau. Je ne suis pas homme de guerre, mais quelque te'me'raire que soit mon qujnzieme session. 285 imagination, je ne puis eroire qu'Abderaman suivit cette route p^rilleuse et pleine d'obstacles. La prudence d'un chef habile, sur qui pesait une si grande responsabilite' que de ses dispositions dependait le salut de son arm£e et le sort de son entreprise, l'expe>ience acquise dans les combats soutenus depuis les Pyrenees jusqu'a la Vienne , la presence d'Eudes due d'Acquitaine, qui jetait Talarme dans toute la France, appelant les Chretiens a defendre une cause tout a la fois nationale et religieuse ; enfin , la saison deja avancde, puisqu'on Ctait alors, dit-on, au raois d'octobre, tout lui faisait une neces- sity de faire halte et de ne tenter de nouvelles conquetes qu'apres avoir completeraent occupe" les pays de"ja subjugue's. Abdheraman 6tait suivi de hordes innombrables, mais il ne faut pas eroire que les masses nomades qui trainaient avec elles tout ce qui etait nCcessaire a des etablissements improvises, fussent venues sans motifs et sans l'assentiment du chef, comme des pillards a la suite d'une armee. Ces essaims de Maures marchaient a la conquete, comme un gdant a mille bras, pour s'emparer litte'ralement du sol et s'y asseoir apres le passage de Tarme'e, dont elle assurait la retraite. C'Ctait la le mode de conquete adopts par les Maures, pour eux il s'agissait de substituer une population nouvelle et musulmane aux peuples Chretiens qu'ils venaient asservir et depouiller. Leur marche dans le pays n'e'tait pas marquCe par la devasta- tion qui exclue toute id^e d'^tablissement, ils s'avancaient au contraire comme un fleuve fecondant, prenant possession des terres pour les cultiver et les habiter. L'envahissement des Maures en France n'a pas eu pour but le pillage, comme semblent le eroire les savants que j'ai de> rite's ; aux yeux de ces peuples fanatiques, ce n'e'tait pas assez de l'Asie et de l'Afrique pour le regtie du prophete, il fallait le monde entier, et e'est dans le but d'&ablir partout l'empire du croissant que les Arabes, apres avoir subjugu^ l'Es- pagne, ^taient venus jusqu'au co3ur de I'Europe , reclame* la France au nom de Mahomet. C'etait done un etablissement permanent qu'Us venaient fonder au mi- lieu de nous, c'etait de nouvelles moeurs, de nouvelles croyances qu'ils nous apportaient ; ils disaient : Crois ou meurs, et il suffisait de eroire pour n'etre pas depouille , pour n'elre pas asservi. Ce n'etait pas une pense^e de pillage qui pouvait attirer Abderhaman vers la ville de Tours; il n'e'tait pas venu a Poitiers dans le but de piller la riche abbaye de Saint-Hy- laire et n'aspirait pas a s'emparer de Tours pour piller l'abbaye de Saint- Martin. Ce serait peindre Abderhaman sous les traits d'un chef de bri- 286 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. gands ou d'un voleur de grands chemins. Sans doute les triors des villes et des abbayes durent devenir la proie du vainqueur, sans doute encore les e'tablissements religieux durent specialement avoir a souffrir d'un peuple conqudrant et propagandiste qui faisait la guerre aux croyances , mais ces spoliations et ces violences dtaient la consequence ne'cessaire de l'expddition d'Abderhaman, c'Ctait le but, c'dtaient les moyens de succes ; il ne fallait pas fitre Arabe ou Maure pour cela, les protestants ont exacte- ment fait la meme chose depuis, les chreliens avaient fait subir le meme traitement aux temples payens et les catholiques eux-memes ne se sont pas montre's plus humains au temps des croisades. S'il est de'montre' qu'Abderhaman ne dut songer qu'aux moyens d'assu- rer la conquete de l'Aquitaine et du Poitou , il ne s'agit plus de nous occuper de la marche desSarrazins vers la ville de Tours, mais de recher- clier par quels moyens il voulut s'elablir sur les rives de la Yienne et dans quel lieu Cherles-Martel le contraignit de combattre. Deja les rives dela Vienne etaient deTendues par plnsieurs villes ou places fortes; Chatellerault (l),-Nouatre (2), I'lle-Bouchard, Chinon, Candes, Monsoreau en gardaient les passages; avant d'y arriver, il fallait require Mirebeau, Loudun, Moncontour et beaucoup d'autres lieux qu'Abderha- man ne pouvait negliger; ce fut a reduire toutes ces places qu'il dut ap- pliquer ses efforts avant de songer a s'emparer de Tours. Candes, oil Saint-Martin Ctait mort, avait acquis une haute reputation de saintete, on y entretenait en son honneur un autel votif et une cha- pelle ardente... Aux yeux d'Abderhaman et de son armde, il devait etre me'ritoire de de'truire un lieu d'idolatrie qui, peut-etre aussi, renfermait un tre"sor; d'ailleurs, pour sa suretC, il Ctait ne'cessaire de s'emparer de Candes qui etait le point de jonction de la Vienne avec la Loire. Arretons-nous ici pour consulter un t6moin oculaire de la memorable journee qui nous occupe. Cid-Osmin, dont nous avons parle^ deja, qui com- battait dans l'armde d'Abderhaman, s'exprime en ces termes : « Deja, dit-il, notre avant-garde £tait a Chinon, lorsque nous apprimes que Charles, due des Francs de l'Austrasie, rassemblait de grandes forces et se portait en Touraine pour nous prendre par derriere et nous couper la retraite. » Dans l'histoire arabe, le mot Chinon est £crit Sinones, mais M. de Saint- Hippolyte fait observer, en faisant la meme citation, que le mot Senones (l) Caitrum Heraldi (i) Novum Otrum, quinzieme session. 287 ne pourrait etre ^crit en arabe , puisque cette langue n'a pas l'equivalent de notre C. Aussi les auteurs qui ont £crit sur ce sujet, ne pouvant trouver l'expli- cation du r^cit de Cid-Osmiu , ont imagine qu'il s'agissait ici de Sens en Bourgogne, ou Abderhaman avait envoye* un corps d'arme'e qui devait le rejoindre a Tours. II faut convenir que c'est alier bien loin chercher une explication que Ton trouve sur les lieux memes si Ton veut he donner la peine de les dtudier. ^ MM. Andre" et de Saint-Hippolyte ont mieux fait, ils ont , comme nous l'avons dit, place" le lieu de la bataille entre le Cher et la Vienne, sur une langue de terre ou Ton voit encore les restes d'edifices romains , connus dans le pays sous le nom de vieux Poitiers , ils relevent ces vieilles mu- railles pour en faire une ville populeuse et fortifide dont Abderhaman voulut s'emparer ; placed sur la voie romaine qui conduisait de Poitiers a Tours, elle s'elevait la comme un obstacle qu'il fallait vaincre n^cessaire- ment. M. de Saint-Hyppolite dispose les bataillons des Arabes et de Charles Martel, la place qu'ils occupaient, et au milieu d'une nomencla- ture ou nous trouvons la ferme de Moussaye-Ia-Bataille, emprunte" sans doute a un chaf arabe appele" Moussa , il nous conduit, avec l'avant-garde d'Abderhaman, jusqu'au petit village de Cenon, a l'embouchure du Clain, dans la Vienne. C'est devant ce petit village sans defense naturelle, sans remparts clevis par la main des hommes, que s'arr^te l'armde victorieuse des Sarrazins. Les quelques paysans de Cenon, devenus tout a coup des hdros invincibles, sortent de leiirs chaumieres et se posent devaut Ab- derhaman comme un rempait inexpugnable. Cette resistance est cou- ronnde de succes, cette armde de Maures qui avait soumis toutes les grandes villes depuis les Pyr£n6es jusqu'a Poitiers est miraculeusement paralysee par la presence des paysans de Cenon, et pendant qu'elle hdsite, Charles-Martel arrive, profite de son dtcnnement ou de sa terreur inexpli- cable pour attaquer et vaincre Abderhaman avec la valeur d'un heros et d'un chrdtien. Nous ne disons pas qu'aucune lutte, aucun engagement n'a eu lieu dans cet endroit, cette lutte dut s'etendre sur toutes les rives de la Vienne; mais nous venons soutenir que ce n'est pas le village de Cenon qui arreta l'avant-garde d'Abderhaman. Dans notre pensde, Cid-Osmin a voulu parler et a reellement parte de la ville de Chinon,.. Chinon etait ddja une forteresse importante au m« siecle; la ville, batie entre la Vienne et le formidable coteau, avait du prendre de l'extension depuis cinq cents ans, elle Itait digne d'attirer l'attention d'un 288 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. conqueVant, et ses courageux habitants, d£ja nombreux et bien prote'ge's, purent raisonnablement concevoir la pens£e d'attaquer une avant-garde. C'est la, suivant nous, c'est a Chinon que vint se briser le glaive d'Abderhaman. Les Sarrazins, dans leur marche vers Candes, etaient arrived a Cinais lorsqu'ils furent attaqu^s par les habitants de Chinon dans une sortie vi- goureuse; ils se retrancherent dans un camp dont on voit encore les traces dans la commune de Cinais, a une lieue au-dessous de Chinon;... c'est la qu'ils apprirent que Charles Martel avait r6uni son armee en Touraine et se disposait a les prendre par derriere. L'arrivee prochaine de ce guerrier, qui avait ranime' tous les courages, explique comment la garnison de cette ville s'e'tait de'termin^e a faire une sortie pour arreter la marche d'Ab- derhaman. C'est ici le lieu d'examiner si Charles-Martel passa la Vienne a Chinon et vient lui-meme continuer l'ceuvre commencee par cette ville hiroique. II semble en effet que les destinies de cette citadelle aient ele* dans tous les temps de servir d'acropolis a la Trance, et pourtant aujoura'hui ce n'est plus qu'un monceau de ruines, chaque pierre qui se delache du som- met ou du flanc de ses tours suspendues menace le toit ou la vie des habitants de Chinon comme pour les punir d'avoir laisse tomber un monu- ment si respectable par tant de souvenirs... Et lorsque 1'eHranger avide de visiter les lieux cel£br£s par l'histoire , voit ces ruines sous lesquelles repose tant de gloire ., il se demande si la France est bien a la teto des peuples civilised. Je pourrais moi aussi decrire l'ordre dans lequel Charles Martel s'a- vanca contre Abderhaman , et cela me serait d'autant plus facile que la description faite par M. le general de Marcognet s'applique parfaitement aux lieux ofije transporte le grand e>£nement qui nous occupe. Je dirais : Charles Martel prend position au-dessus de Chinon en ayant de la foret, il appuiesa droite a la Vienne et a la Loire et couronne les hauteurs du vieux chateau qui lui sert comme d'une barriere inexpugnable, puis il extend sur les plateaux et les rives de la Vienne jusqu'a l'He-Bouchard , menacant,en suivant cette riviere , d'aller prendre par derriere jusqu'a Ch&tellerault les hordes qui suivent l'armee d'Abderhaman ; derriere lui Charles a la France enti&re et d'abord la ville de Tours dont il a ordonnd de n'ouvrir les portes qu'au vainqueur. A sa gauche le due d'Aquitaine, Eudes, tient lacampagne de Sainte-Maure, Manthelan, Nouatre, et s'appuye sur la forteresse de Loches. Le coeur plein de vengeance, ayant a recouyrir QUINZIEME SESSION. 289 ses etats envahis par trahison , il suit avec anxtete les mouvements du Tainqueur et se tient prSt a passer la Vienne et a profiter des fautes de l'ennemi. Abderhamati, instruit par ses espions des dispositions de Charles-Martel et du due d'Aquitaine, comprend de suite le danger qui le menace , il aban- donne le projet de s'emparer de Candes et d'aller jusqu'a la Loire; il com- mence sa retraite pour choisir une position ou il puisse attendre et vaincre ses ennemis. II execute lentement sa retraite , ce n'est que pied a pied qu'il abandonne le terrain , il repasse la Vede , la Mable, affluents de la Vienne qui, dans ces temps recule*s, devaient etre aussi considerables que nos rivieres actuelles. La Vede, par ses sinuosite's, lui offre m6me plusieurs fois le moyen de retarder la marche de l'ennemi... Enfin il arrive a six lieues au-dessous de Chinon, dans la commune de Razines, sur le plateau dcSaint-Gilles-des- Coups, cet immense plateau de plusieurs lieues, qui , des coteaux escar- ped dela vallee de la Veuve et de Marigny s'Ctendjusqu'aux rives de la Vienne a Marsilly et Nouatre. Maitre de toutes les hauteurs, en possession de tout le pays vers le midi ; a l'ouest , ddfendu par les marais qui s'eten- daient depuis Jaulnay jusqu'a Razines et tournaient autour du plateau par la vallee des Prenus; au nord, par la Vienne dont il occupait la rive gauche jusqu'au-dessus de Chatellerault , Abderhaman attendit de pied ferme ses ennemis dans la petite ville de Saint-Gilles, aujourd'hui ddtruite, maisdont les debris rdpandus sur le sol attestent hautement l'existence. Les tentes de l'arme'e s'dleverent de toutes parts sur ce vaste coteau ; des fosse's de circonvallation que le temps n'a point encore effaeds furent cause's pour protdger le camp vers le nord. Les hommes destines a la colonisation, les ferames , les bagages furent place's en arriere vers le sud-est, attendant avec s^curiti Tissue dela bataille, accoutumds qu'ils dtaient a marcher de victoire en victoire. Mais leurs chants d'allegresse devaient bientdt finir; ils avaient place leurs tentes sur le lieu que Dieu lui-m6me avait destind au triomphe de la croix, etles vieux clones des forests environnantes devaient voir fuir en ddsordre les restes de cette armee de Sarrazins privde de son chef et presque andantie sous les coups de Charles Martel. En effet, Charles Martel, malgre' les efforts d'Abderhaman, franchit le marais ou fut batie depuis la ville de Richelieu (1), et parvint a monter a (l) Qu'on me permette de rappeler, en paisint, que sur ce Coin de terre plein d'illiislMtion, et dans un perimelre de quatre lieues enyiron, 1« monarchic a ete sauvce deux fois; la premiere 290 congres scientifique de prance. l'assaut du plateau de Saint-Gilles, par le Chignolet , Chantejeau et le Lude. Pendant ce temps-la, le due d'Aquitaine avait passe* la Vienne a Nouatre et Marsilly et s'avancait pour rejoindre Charles-Martel et prendre l'arm^e des Sarrazins sur les flancs. Abderhaman e"tait partout , animant par son sang-froid et son courage ceux qu'il avait si souvent conduits a la victoire. Deja les troupes de France , fatigues par la lutte acharnde qu'elles avaient soutenues pour escalader le plateau, allaient faiblir, e'en e^tait fait peut-etre de la monarchic francaise...., mais Charles Martel combattait precede" du signe du salut et de la civilisation , le croissant ne pouvait pas etre victo- rieux;... un tumulte inexplicable et inattendu vint tout a coup porter le trouble jusqu'aux rangs ou combattait le he> os sarrazin , les chefs hdsitent comme les soldats, l'inquietude s'empare des esprits... Charles Martel profite de ce moment favorable , il ranime les siens, de la voix, du geste, et se ruant sur ces odieux strangers qui lui disputaient la victoire, sa masse d'armes a la main, il fait de ses ennemis une e^pouvantable boucherie. Dans ce moment, le due d'Aquitaine, apres avoir battu l'aile droite de l'arm^e d'Abderhamen , s'avancait avec ses Gascons et portait le desordre et la mort dans les rangs des Sarrazins. Abderhaman , voyant pour la premiere fois la victoire lui dchapper, fit des prodiges de valeur, mais atteint par un coup mortel, il tomba dans la mel6e. On le reconnut parmi les morts moins a ses insignes qu'au nombre de victimes qu'il avait immolees autour de lui. Lorsque la victoire se decida pour Charles Martel, la journCe e^tait deja tres-avancCe, et quoiqu'il fut encore possible de poursuivrel'ennemi rentr6 dans son camp, Charles pre7e>a donner du repos a son arm£e bien infe- rieure en nombre a celle des Sarrazins, croyant avoir a soutenir encore des luttes acharne"es. Le lendemain, il vitles tentesdes Sarrazins encore debout etqui semblaient le d&ier pour une nouvelle bataille, il s'approche de leur camp avec precaution, croyant y trouver l'ennemi qui l'attendait , mais celui-ci n'avait laiss6 debout ses tentes que par un stralageme de guerre et pour pouvoir mettre dans sa fuite plus d'espace entre son arriere-garde et Farmed chrCtienne. par Charles Martel, en 732 ; la deuxieme par Agnes Sorel et Jeanne d'Arc, en 1429 ; que Rabelais le courageux publiciste, le spirituel frondeur des abus de son temps et de tous les temps, y naquit en 1483 ; que le plus grand ministre, l'homme le plus national des temps mo- dernes, le fondateur de l'Academie francaise et de laBibliotheque royale, y naquit en 1584 ; et qu'eufin Renaudot, le fondateur de la pressc periodique , en 1631, naquit a Loudun, pendant le cours du XYlV siecle. QUINZIEME SESSION. 291 Le lieu ou les Sarrazins abandonnerent leurs tentes pour faciliter leur fuite fut appete et porte encore le nom de la Couarde. On dit que le due d'Aquitaine reconnaissant, parmi les morts, le corps inanime" d'Abderhaman, insulta lachement aux restes d'un ennerni qui ne pouvait plus se deTendre et le fit attacher a un gibet sur le lieu meme ou il avait succombe'. Ce lieu s'appelle encore le Carre/our de la Potence. Beaucoup de Sarrazins blessds, d'autres faits prisonniers obtinrent la vie sauve avec la permission de r&ider sur le territoire ou leur chef avait 6t6 vaincu ; de la cette paroisse fut appelCe la Paroisse Sarrazine, au jourd'hui Razines. On rencontre encore dans la locality plusieurs individus du nom de Sarrazin, de Babin, d'Hacuet, d'autres du nom de Mousse", il y a m£me une ferme appetee la Mousseliere, un village appele" la Babiniere, im autre appele" la Sarrazinerie, et la riviere qui coule dans cette commune reyoit le nom de Oued ou Vedde, denomination toute arabe et que les habitants de toute la contr^e donnent comme un nom gen£rique a tous les ruisseaux qui Farrosent. La ville de Saint-Gilles fut d^truite de fond en comble, l'eglise seule fut reconstruite et recut du peuple le nom de Saint-Gilles-des-Coups. Lors de la revolution ce n'etait plus qu'un prieure" dependant des moines de Tyrou d'Angers ; ce prieure", dont on voit encore les ruines, fut vendu et d&ruit et les materiaux out 6t6 employes pour construire une ferme appebie la Couarde, sur le lieu meme ou les Sarrazins avaient pris la fuite. Le champ de bataille est reste" inculte jusqu'a nos jours, et ce n'est que depuis une vingtaine d'ann&s que divers propridtaires y ont sem£ des pins maritimes. Mais en commemoration d'un si grand ^venement, les autorite^s de Y6- poque ou peut-etre les populations spontanement instituerent des assem- blies a Nouatre et a Saint-Gilles-des-Coups, le lundi d'apres la Sainte- Croix, comme pour c6\6brev le triomphe de la Croix sur le Croissant. Cette assemble fut nomme^e la Foire des Sarrazins, et par corruption, On 1 'appelle aujourd'hui la Foire des Rouzeons. Cette foire, qui se tient au milieu d'une vaste etendue de bruyeres, dans un champ eioigne de pres d'un kilometre de la maison la plus rapprochee, prdsente l'aspect le plus pittoresque. C'est la meilleure foire du pays, pour les moutons et les gros bestiaux, elle attire de nombreux marchands des departements limitrophes et meme de Paris. Les cabaretiers, les cafetiers et les bateleurs ambulants y viennent poser leurs tentes a la place oil Abderhaman avait pose" les siennes ; les jeunes paysannes des environs y viennent former des danses dans leurs plus beaux atours, mais Charles Martel a 6X6 oublie, personne 292 CONGUES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ne se doute que le sol qui sert de theatre aux speculations et aux plaisirs de la foule, fut autrefois arrose* du sang des Sarrazins Seulement lors- que la pluie vient troubler la fete, ceux qui re"flechissent en fuyant, se de- mandent pourquoi cette foire a e"te e*tablie sur une lande d&erte. Du reste toutes les localite's que nous venons de parcourir attestent au loin que des masses de guerriers y trouverent leur tombeau. Dans la com- mune de Braye les rues du village sont pavers de tombes en pierre poste- rieures au vi* siecle, auxquelles on ne peut donner une autre origine ; dans la commune de Saint-Christophe (Vienne), on voit un champ appele" le Champ-des-Morts; dans celle de Derce, meme d^partement, il y a e*gale- ment un grand nombre de sarcophages en pierre. Nous-meme nous avons trouvd, sans y faire de fouilles, un tibia hu- main parfaitement conserve- , sur le plateau de Saint-Gilles, et quatre tu- mulus place's en face l'un de 1'autre dans une disposition quadrangulaire, au milieu d'un bois situ£ dans la commune de Marigny, pres de l'abbaye de Boisaubry. Je ne doute pas qu'en faisant des fouilles on ne trouvat des preuves eclatantes qui justifieraient l'opinion que nous venons de deve- lopper. L'opinion de M. Boulard est vivement combattue par M. Champoiseau qui reclame en faveur de Mire, situe entrc L'Indre et le Cher, emplacement qui convient mieux au re- cit de Sidonin, auteur cite par M. Boullardlui-meme et dont cependant la valeur ne parait pas importante a M. A. Sal- mon. M. le marquis d'Argenson fait remarquer que la tradition qui fait venir la Pucelle d'Orleans a Sainte-Catherine, saisir, pour chasser les Anglais, Tepee de Charles Martel qui fou- droya les Maures, doit puissamment aider dans cette inte- ressante question. M. le docteur Bromett , de Londres, fait connaitre a la section plusieurs manuscrits interessants pour l'Histoire de Touraine, qui font partie aujourd'hui de Ja collection Har- leienne du MuseeBritannique, a Londres. M. le president remercie M. le docteur Bromett, au nom de rassemblee, pour cette interessante communication. M. Aubineau remet sur le bureau differentes pieces qui ont trait a la destruction de l'eglise de Saint-Martin. La seance, commencee a sept heures, n'est pas encore ter- QU1NZIEME SESSION. 295 rainee a dix heures et demie. Voici sa cloture, voici les der- nieres paroles de M. le president aux membres de la qua- trieme section. Messieurs , Le temps nous force, bien a regret , de clore ici nos tra- vaux. Nous pouvons dire avec quelque complaisance et moi je le dois proclamer, nos seances ont ete constamment inte- ressantes et animees : la science s'y est montree paree des charmes de cette grace et de cette urbanite francaises dont nos grands ecrivains ont su l'orner et dont les traditions sont toujours "vivantes parmi nous. Nous avons entendu de belles paroles exprimant de nobles idees : nous n'en perdrons ja- mais le souvenir. Sur une vieillc tombe je lisais il y a peu de temps ces trois mots : Aujourd'hui, demain, toujour s. C'etait l'expres- sion d'une affection qu'un homme croyait immortelle, ear 1'homme est toujours avide d'immortalite. J'emprunte cette parole aux monuments dont vous con- naissez si bien le langage. Nous sommes tous unis par les memes sympathies ; tous nous cultivons avec amour l'his- toire et l'arclieologie. Que notre union se resserre encore; qu'elle prenne une date nouvelle a Tours, et que de cette union fraternelle nous disions sans cesse : Aujourd'hui, de* main, toujours. 19 294 congr£s scientifique de prance. CINQUIEME SECTION, PH1L0S0PHIE, LITTERATURE ET BEAUX-ARTS, Seance du jeudi 9 Septembre 184?. La seance est ouverte a une heure et demie. M. de Sourdeval, l'un des secretaires-generaux , remplit les foncti ons de president et fait l'appel nominal des membres inscrits; ils sontauuombre decinquante. M. Champoiseau les invite a voter sur la composition definitive du bureau. Le depouillement du scrutin donne le resultat suivant : M. le vicomte de Cussy, president. MM. Archambaut, Auber, d'Espaulard, Bandeville, vice- presidents. Le bureau s'adjoint pour secretaires MM. Diard, Ernoult et Paul Huot. M. le president donne ensuite lecture des differentes questions portees au programme et invite MM. les secre- taires a tenir note des personnes qui desirent prendre la parole, sur cliacune d'elles, pour des communications, soit ecritcs, soit orales. MM. Feuillct, Lecamus , de Bois-le-Comtc , Lecointre-Du- pont, Sourdeval , Paul Huot, Dufaur de Monfqrt , Lambron de Lignim , Luzarche , Bodin de Saint-Paterne , Bourassc , de Caumont, Jacquemin fils, Guerin, Pernot, Manceau, Cartier fils et Viel prendront successivement la parole sur chacune ouplusieurs de ces questions. QUJNZIEME SESSION. 295 M. de Caumont propose d'aj outer au programme la ques- tion suivante : Quelle a e'te, de nos jours, la marche de Vart modcrne (ar- chitecture et scupllurej, et quelles sont aujourd'hui ses ten- dances ? M. de Sourdeval; au nom de M. Bodin, de Saint-Paterae, propose celles-ci : 4° Quelle part la Touraine a-t-elle prise dans le mouvement litteraire de la France au xvie siecle, depuis Francois Jer jus- qu'd Louis XIV, et quelles sont les causes principals qui ont influe sur la Rendissance ? 2° Coup d' ceil litteraire sur les ouvr ages dupoete Racan et sur le genre de poe'sie qui a developpe son talent ? M. le comte de Mellet propose de rechercher les origines du chant gregorien, s'il est une emanation des ancicnnes melodies grecques, et quelles traces on en retrouve dans le plain-chant du xixe siecle. Ces differentes questions seront soumises a la commission permanente, et ajoutees, s'il y a lieu, au programme primi- tif, pour etre traitees dans leur ordre. La parole est a M. de Bois-lc-Comte. pour un meinoire sur la premiere question : Est-il vrai que le doute soil au fond de tons les systemes de philosophic ? L'orateur s'exprime en ces termes : Messieurs , La raaniere dont cette question a ete posee me semble indiquer dans ceux qui l'ont re'dige'e plutot une preoccupation morale qu'une preoccupa- tion philosophique, et je m'empresse de rendre a cette disposition de leur esprit l'hommage qu'eile merite. C'est aussi du point de vue moral que j'ai envisage la question et que je la traiterai. Le doute n'est qu'un dtat transitoire de l'ame, et toute philosophie qui ne repose que sur le doute u'a qu'une ported ephimere, incomplete, et par cela meme, elle est dangereuse, ear elle laisse en suspens une faculty 296 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. humaine qui a besoin de guide, et c'est la plus imporfante de toutes, la faculty d'action ; en la laissant sans direction, elle l'expose a 1'erreur d'une maniere plus facheuse qu'une philosophic dont la conclusion morale serait directement mauvaise, mais aussi logique, c'est-a-dire deduite des principes m6mes de cette philosophie.Cette assertion peut avoir a vos yeux l'apparence d'un sophisme; elle est cependaut facile a demoutrer : un systeme quel- conque n'a de valeur qu'a la condition d'etre acceptd ; un systeme dCguise', inconsequent ou incomplet peut induire en erreur sur ses consequences, en faussant le jngement de ceux qui sont appeies a le juger ; tout systeme logique, au contraire, est juge d'apres son principe et ses consequences, il est accepte ou ni*S d'apres ce qu'il vaut. Mais il y a plus, il faut qu'un systeme conclue a des actes, et par consequent qu'il porte en lui-meme son enseignement, et c'est en vertu de cet enseignement m£me qu'il doit 6tre jug^. Tout acte humain, en effet, Cmane d'une affirmation, il suppose un but, un moyen et un de"sif ; prenez l'acte le plus indifferent en lui-meme de l'individu , celui de satisfaire un besoin, disons plus, un caprice, et un acte le plus eieve de la vie d'un peuple , vous y verrez une affirmation claire, nette , positive , l'expression thCorique et pratique de cette asser- tion. Appelerai-je une affirmation un systeme de philosophic? Non cedes; ce serait faire trop grande la part des philosophes , quoiqu'on ne puisse nier celle qu'ils y prennent. Les peuples ne se determinent pas par de pures considerations rationnelles , ils obeissent a une determination d'un ordre plus eieve, et la pensee commune qui les fait agir comprend a la fois non-seulement les sentiments et les pensees qui les animent dans un moment donne, mais le developpement de toutes les pensees , de tous les actes, de tous les sentiments qui ont preside a la formation de leur exis- tence collective et nationale. A la verite, il existe de grands et superbes esprits qui nient que les sentiments collectifs d'un peuple aient cette va- leur, et qui ne voient dans les evenements humains que le fruit d'un tra- vail intellectuel et politique dirige par les philosophes et les hommes d'etat ; d'autres hommes, au contraire, refusent toute efficacite au travail philosophique ; la philosophic n'a merite ni cet exces d'honneur ni cette indignite ; elle a sa part dans les choses de ce monde, mais elle n'en est point la cause efficiente ; la Revolution franchise en est une preuve ; on voit clairement la presence de la philosophie dans les theories, mais on y voit non moins clairemeut la part des traditions et des sentiments popu- lates daus les faits et dans les resultats ; la part de chaque influence a ete faite par le temps; les theories se sont plus ou moins effacees, mais les faits se sont formuies en termes ineffacables dans la legislation, daus les institutions, dans les mceurs. Aussi les systemes philosophiques passent, les peuples restent, et quand les peuples passent a leur tour, leur histoire sert de lecon aux peuples nouveaux ; mais l'humanite, Messieurs, survit aux philosophes et aux peuples; elle forme un grand corps qui agit sans cesse quinzieme session. 297 et dont les actes sont le fruit d'une affirmation constante sans laquelle elle n'existerait pas. Mais s'il est vrai que l'humanite agit incessamment et n'agit qu'en vertu d'une affirmation, il n'est pas moins vrai aussi que le doute est une dis- position de l'esprlt , et une disposition non moins positive que celle de croire; cela ne change rien a ce que je viens de dire, car le resultat est le meme, c'est toujours une affirmation ; car toute critique ne peut avoir pour but qu'une affirmation nouvelle ou contraire a celle qu'elle attaque ; une negation absolue et sans contre-pense"e serait sans valeur ; ce serait l'oeuvre d'un enfant on d'un fou , nous ne nous arrfiterons pas a la consi- dered Mais le doute qui nie une verity pour lui en substituer une diffe'- rente ou contraire, a une valeur que nous sommes loin de repousser ; c'est l'expression d'une faculte" humaine, de la faculte de raisonnement ; disons plus, c'est un besoin. Ce besoin peut n'etre qu'un effet de l'orgueil qui se re>olte contre ce qui n'dmane pas de lui, ou lui est impose' par un autre, du vice qui cherche a secouer un joug qui lui pese ; mais aussi ce besoin peut 6tre le resultat d'un amour ardent de l'humanite qui met un esprit g<$neYeux sur la voie de ce qui lui est utile, d'une soif d'investigation qui prouve une intelligence a creuser profonderaent les ve>it£s offertes a son etude. La n'est pas la question. L'ame est dou^e d'activitS, et le raisonne- ment est un des elements de cette activity ; toute la question est done dans l'usage que l'homme fait de cette faculty d'investigation; il y a peut-etre pour lui autant de danger a ne pas s'en servir qu'a l'appliquer a tout ; il en est du scepticisme absolu comme du despotisme ; ils nient et annulent la raison humaine au lieu d'etre le pr&ervatif de 1'erreur ; la pretention de tout expliquer est le principe d'un ^garement d'un autre genre, elle donne a la raison une valeur qu'elle n'a pas en la rendant toute-puissante. La raison de l'homme flotte entre ces deux £cueils; mais parce qu'ils prdsentent des dangers , faut-il an^antir le plus admirable instrument dont Dieu ait dot£ l'homme , cette intelligence sublime qui le separe de tout le reste de la creation ? Ceia n'a jamais 616 possible meme dans le temps ou le despotisme le plus absolu en apparenee semblait im- poser le joug le plus dur a la raison humaine; cela est moins possible que jamais, actuellement que la raison humaine s'est e'mancipde et qu'elle jouit d'une liberty illimitee, aujourd'hui qu'elle s'est proclaimed souve- raine. R^gler l'usage de cette raison, n'est pas plus possible a une £poque oil l'anarchie des esprits est si grande ; tout ce qu'on peut faire, c'est de presenter a l'acceptation de la raison humaine, revoltee par les absurdites dont l'accablent ceux qui ont la pretention d'en 6tre les representants, un asile ou elle puisse trouver la paix et la satisfaction qui lui manquent. Aujourd'hui , vouloir imposer a la raison humaine un joug qu'elle n'ac- cepterait pas , est une pretention aussi absurde que celle d'off'rir a son orgueil, sous pretexte de liberty une solution qui ne la satisferait pas. 298 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Ce qu'il fant k la raison humaine, c'est une solution qui ait une valeur pratique qui conclue directement au soulagement des souffrances qu'elle eprouve, qui contienne virtuellement une re'ponse aux questions mena- cantes qui l'agitent et qui , 6"galement e^oignee des souvenirs dangerenx du passe et du vague de l'avenir, lui donne au moins un esprit de satisfac- tion dans le present. N'endoutons point, Messieurs, la est le veritable desideratum de la socie'te', la est la veritable question philosophique que doit examiner sinon rdsoudre un Congres d'hommes re'unis par le d£sir de rendre la science utile a leurs semblables et non par le besoin futile de se rassembler et de faire briller des amours-propres stCriles. Un Congres n'est ni une academie , ni une e*cole , c'est une reunion d'hommes animds par l'amour de la ve>ite et de l'utilite" qui cherchent a faire jaillir la lumiere du contact des opinions sympathiques. Une pareille reunion, degag^e de tons les precedents qui enchainent les institutions per- manentes, doit etre a l'abri de toute espece de coterie et ne doit encourager que ce qui repond a un besoin social. Ce besoin est universellement senti, mais disons-le hardiment, si les opinions ne lui donnent pas la satisfaction qui lui manque , c'est que par- quets dans l'enceinte que l'orgueil on l'interet leur ont traced , elles sont trop engages pour reculer et pour se mettre d'accord en cherchant en commun le bien public. SCpares , par l'humilite" de notre position dans la science et dans la soci^te" , de tout engagement de ce genre , nous poserons hardiment la question devant vous et nous en chercherons la solution en dehors de tout interet individuel. Le doote qui agite la socie^fe' est la cause de la crise terrible a laquelle nous assistons : la sociCto est declined par un mal intestin qui se fait jour a travers les splendeurs et les magnificences qui decorent sa surface. Partout regne une. inquietude vague, un malaise secret ; la securite" n'existe nulle part , parce que nous ne sommes pas plus satisfaits de nous-memes que des autres. D'ou vient cette etrange situation ? du disaccord entre nos actes et nos croyances, du defaut d'affirmation sociale. Pendant dix-huit siecles, la civilisation moderne a affirme" le grand fait dont elle a CtC le produit , le christianisme : la France en a ete* la plus sublime expression ; sentiments , esprit , faits accomplis tout chez elle a 616 le re"sultat de cette affirmation; les hommes commes les choses en ont Ctd les splendides manifestations. C'est par la, disons-le sans vanite comme sans fausse modestie , c'est par la que la France amarche a la tete de 1'hu- manitd etlui a frayd la voie dans le chemin de la civilisation et du progres. Le cours de ce fleu've magnifique s'est avance longtemps, non sansorages, mais avec le calme majostueux qui resulte d'une puissance irresistible , a travers le sol fe'conde' par ses.eaux bienfaisantes. Tous les efforts concou- QUINZIEME SESSION. 299 rurent a lui ouvrir un large passage ; mais bientot le sol s'est retre'ci devant ce fleuve immense, les memes bras qui le dirigeaient vers* son but l'ont de'voye' , la vallee s'est fermee ; et grossissant par l'impulsion de ses flofs qu'irritaient les obstacles, il les a rompus tous et s'est precipite en cata- ractes terribles emportant tout ce qui s'opposait a ce nouveau cours qu'ii s'etait trace" lui-meme. Vous avez reconnu , dans cette figure, la France ancienne et la France moderne, ne vous effrayez pas de ce tableau ; mon intention n'est pas de traiter une question politique. Je ne m'dcarterai point de la question phi- losophique et sociale qui m'est traced par voire programme. Le malentendu introduit par la revolution entre le principe qui a servi de base a l'etablissement francais et celui sur lequel il est appeie a se deve- lopper depuis cet evenement est la cause du malaise que nous avons signals. La civilisation moderne est le produit du christianisme , l'etablissement francais en a ete le premier et le plus beau corollaire; c'est elle qui en a poursuivi et accompli les consequences dans la voie scientifique et poli- tique, separer ces consequences de leur principe c'est vouloir separer la cause de l'effet; tel est le principe de l'anarchie et de la contradiction qui regnent dans les esprits.La veritequi est une a produit par le fraction nement violent qu'elle a subi deux partis opposes; et les opinions qui les dlvisent se sont successivement etablies dans les institutions, dans Peducation, dans les families. Un desordre menacant s'est introduit dans la society par suite de ce fractionnement coutraire a l'essence meme de la verity qui est une, et qui ne peut exister et prodnire la connaissance chez l'horame qu'a la condition de cette unite". D'un c6te, les libres penseurs, se proclamant les repr£sentants de la ci- vilisation moderne, reprochent au catholicisme son despotisme sur la raison humaine , les moyens de rigueur qu'il a employes, les institutions du moyen age, l'inquisition, les couvents. De l'autre, les repr&sentants du sentiment religieux reprochent au rationnalisme les proscriptions de la revolution, les echafauds et la terreur, et reclament a leur tour la li- berie corame moyen, tandis que leurs adversaires Pinvoquent comme principe. La vente" n'est ni dans un camp ni dans l'autre; les moyens par les- quels la religion a combatlu la civilisation ancienne et a etabli la civilisa- tion moderne ne tiennent pas plus a son essence et a son principe, qui est celui de la charite, que les massacres et le sang verse" ne sont les conse- quences necessaires de la revolution, dont le principe est la liberte et la tolerance. Les uns et les autres nient cette assertion pour eux , et ils out raison ; mais ils Paftirment pour les autres, et ilsont tort. Mais l'anarchie est plus apparente que r^elle; elle existe surtout dans les esprits et dans les doctrines, et c'est Ja qu'il faut Petudjer, 500 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. 11 ne faut pas croire que les questions philosophiques n'aient eie1 exa- minees serieusement qu'a l'epoque qu'on ddcore du nom de renaissance des arts ou de renovation des sciences. Elles ont ete agitees au debut du christianisme et pendant le moyen age, mais elles prirent alors la forme religieuse et se resumerent en heresies et en decisions orthodoxes; les questions des attributs divins et des facultes de l'homme ont e'te" longue- ment debattues dans les Conciles, et les solutions qui furent donn^es a ces grandes questions sont encore celles qui sont admises par tous les systemes de philosophic qui repoussent le panth&sme et le matCrialisme ; c'est la raisonde la paix intellect uelle et morale dontle mondea joui pendant quinze cents ans. La scholastique du moyen age , au lieu de poursuivre le d£- veloppementde la philosophic chretienne, telle que l'avaient pose"e les Peres et les Conciles, consomma un temps pre'cieux a des discussions oiseuses et inutiles sur des questions vieillies et se replongea dans les reveries si long- temps debattues dans les ecoles payennes et surtout dans les Merits d'Aris- tote. Ce fut, sans doute, cet oubli des vrais principes du christianisme qui rendit nCcessaire un appe! a la raison humaine, et qui, en lui ouvrant une si large carriere, produisit le mouvement unanime qui eut lieu alors dans les sciences, dans les arts, dans la politique. Descartes fut le premier qui donna cet elan dans la direction philosophique; repoussant avec energie les prejuges qui lui semblaient s'opposer au progres des connaissances, il chercha a ouvrir une nouvelle voie a l'esprit humain; son instrument futle doute, et il s'en tit une arme pour arriver a une demonstration plus cer- taine de la verite\ Une foule d'esprits hard is s'eianc^rent sur ses pas et trouverent a sa suite ce rayon lumineux qui nous eclaire encore. Mais si le gCnie de Descartes a su mauier cette arme terrible sans danger pour lui- meme, il n'en a pas ete de meme pour ceux qui s'en sont servis apres lui j ils ont tout detruit, lui a tout fecondC. Un court examen du travail par lequel notre illustre compatriote est arrive' a ce resultat sera le meilleur moyen de prouver a quel point on a abuse de son nom et de son systeme pour justifier des pretentions erronees. De courtes citations feront plus a cet egard que de longues disser- tations • « Le doute est une imperfection ; connaitre ayec certitude est plus par- « fait (iue douter. Plus parfait ! d'oii vient que je pense a une chose plus « parfaite que je ne le suis moi-m£me et a la plus parfaite possible. Cette '< idee que j'ai du plus parfait , je ne saurais la tenir du neant ; je ne saurais « nou plus la tenir de moi , car il repugne autant que le plus parfait soit une « suite et une dependance du moins parfait qu'il repugne que de rien pro- •< cede quelque chose. Reste alors qu'elle me vienne d'une nature supe- K rieure a la mienne et qui ait en soi toutes les perfections dont je puis « avoir quelque idee. Cette nature souverainement parfaite c'est Dieu. « De moi done, c'est-a-diie de la consideration de ma pensee, des idees QUINZIEME SESSION. 301 « qu'elle renferme,je m'eleve a lui. L'id^e de Dieu est inseparable de « l'idde de moi ; je ne puis avoir l'idde de moi , qui suis une chose pen- « sante, a laquelleil manque plus ou moins, sans avoir l'idde d'une chose « pensante qui possede cedontje suis privd, ou a laquelle ne manque « rien. Comme elle ne peut pas ne pas etre ce qu'elle est et ne pas faire c e « qu'elle fait, avec sa ve'rite' essentielle, moi qui ne puis pas ne pas etre « son ouvrage , je ne puis pas non plus ne pas etre ce que je vois que je « suis , avec la meme lumiere et la meme Evidence que je vois ce qu'elle « est. La certitude de l'existence de Dieu s'unit done , pour le coufirmer, a « la certitude de ma propre existence. « Qu'est-ce qui m'assure que dans ces deux proposition : Je pense , done « je suis ; Dieu est parfait , done il existe, je dis la ve'rite* ? rien , sinon que « je vois clairement et distinctement dans le fond de ma pensde que pour « penser, il faut etre et que ridde de la perfection supreme n'est possible « que parce que l'etre parfait, qui est l'unique fondement de cette idde, « existe. Ainsi le moyende distinguer la ve'rite del'erreur, e'est la percep- « tion claire et distincte , e'est-a-dire l'dvidence. » Ailleurs la meme pensee est reproduite en termes diffdrents : « L'idde d'un etre souverainement parfait ou de perfection infinie est « nde et produite avec moi des lors que j'ai £td cree\ ainsi que Test l'idee « de moi-meme; et de vrai , on ne doit pas trouver strange que Dieu , en « me errant, ait mis en moi cette idde pour etre comme la marque de « Touvrier empreinte sur son ouvrage , et il n'est pas aussi ndcessaire que « cette marque soit quelque chose de different de cet ouvrage meme; mais « de cela seul que Dieu m'a cr66 , il est fort croyable qu'il m'a en quelque « sorte produit a son image et semblance , et que je concois cette ressem- « blance dans laquelle l'idde de Dieu se trouve contenue , par la meme « facultd par laquelle je me concois moi-meme; e'est-a- dire que lorsque « je fais reflexion sur moi , non-seulement je connais que je suis une chose « imparfaite , incomplete et dependant d'autrui , qui tend et qui aspire « sans cesse a quelque chose de meilleur que je ne suis, mais je connais « aussi en meme temps que celui duqnel je depends possede en soi toutes « ces grandes choses auxquelles j'aspire et dont je trouve en moi les « ide"es , non pas indeTiniment et seulement en puissance , mais qu'il en « jouit en effet naturellement et inurnment et ainsi qu'il est en Dieu. » Et plus loin : « J'apporle toutes les raisons desquelles on peut conclure l'existence « des choses materielles ; non que je les trouve fort utiles pour prouver « ce qu'elles prouvent, a savoir, qu'il y a un monde, que les hommes <( ont des corps et autres choses semblahles qui n'ont jamais 6t6 mises en « doute par aucun homme de bon sens, mais parce qu'en les considerant « de pres Ton vient a connaitre qu'elles ne sont pas si fermes ni si e>i- 502 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. « dentes que celles qui nous conduisent a la connaissance de Dieu et de « notre ame, en sorte que celles-ci sont les plus certaines et les plus (( e'videntes qui puissent toraber en la connaissance de l'esprit humain. » •Voila done, Messieurs, le re'sultat de ce fameux doute m£thodique qui, selon les exagerations de la philosophic de Descartes, doit demontrer toute chose et ouvrir la voie a une certitude nouvelle ; ce re'sultat se borne a declarer que la pens^e de l'homme lui demontre son imperfec- tion et la perfection d'un etre supeneur , que cette demonstration n'est fondle que sur residence et que cependant cetle connaissance est plus certaine pour nous que celle de l'existence des corps. N'est-il pas remar- quable que ce r^sultat soit exactement le meme que celui de l'enseigne- ment que le catechisme doune aux petits enfants : la perfection d'un Dieu createur et l'imperfection de l'liomme, suite du peche' originel. Voila done Descartes et l'humanite' a sa suite tout aussi avaneds par le rdsultat du doute phiiosophique que par celui de l'affirmation religieuse; faut-il done dire avec M. de la Romiguiere : « Aurons-nous done toujours des Evidences « qui renverront des evidences ? des v£rit& et des erreurs qui demain « seront des erreurs et des ventds * ? (Lecons de phitosophie, 2" partie, 2e lecon ) Mais du temps meme de Descartes, quelques esprits puissants ne se sa- tisfaisaient pas a si bon marchd, et lui demandaieut de demontrer l'exis- tence et la pense'e ; il r^pondait : « C'est une chose tres assuree que personne ne peut 6tre certain s'il « pense et s'il existe , si preincrement il ne sait ce que c'est que la pen- « see et que l'existence, non que pour cela il soit besoin d'une science « r£fl£chie ou acquise par une demonstration il suffit qu'on sache « cela par cette sorte de connaissance interieure qui precede toujonrs « l'acquise. » Nous examinerons plus tard s'il est vrai que la connaissance interieure precede toujours l'acquise ; voyons done d'abord quelle est la conclusion morale de ce systeme : « Notre volonte ne se portant a suivre ou a faire autre chose que selon « que uotre entendement la lui represente bonne ou mauvaise, il suffit « de bien juger pour bien faire et de juger le mieux qu'on puisse pour « faire tout de son mieux, e'est-a-dire pour acqugrir toutes les vertus et « ensemble tous les biens que Ton puisse acquerir. » (MeHhode.) Hatons-nous de dire que Descartes s'est bien gard6 de formuler une morale sur un pareil dogme , il reconnaissait la loi morale traditionnelle, il en elait un severe et rigide observateur. Descartes elait un philosophe inconsequent, mais il l'^tait dans le bon sens du mot. Voici comment s'exprime a ce sujet son Eminent commentateur, M, Bordas de Moulins, dans l'ouvrage qui a remport^ le prix de l'Academie : « Descartes £tait parti de soi pour rendre raison des choses j il n'avait quinzieme session. 503 « trouve' le fondement de la .certitude que dans la vue ou perception im- « mediate de l'existence des iddes qui forment le fond dela pense'e; ainsi « il voyait dans sa pense'e l'id^e de l'6tre parfait, raais il £tait fort loin « de voir ce qu'il est, ses attributs. Nous ne devons point trouver « strange, dit-il , qu'il y ait en sa nature qui est immense et en ce « qu'il fait beaucoup de choses qui surpassent la eapaciU de notre « esprit. » (Le cart^sianisme.) Aujourd'Liui on est plus logique et plus hardi , on met dans le mot le principe de la certitude, on y trouve l'idtte de Dieu, et par l'id^e de Dieu et de perfection on s'elcve a celle du vrai, du juste et du beau, c'est- a-dire qu'on trouve en soi la formule de la science, de la morale et du gout. Mais est-il possible de faire ainsi table rase dans l'esprit humain et n'y reste-t-il pas deux choses que le travail de toutes les philosophies pos- sibles n'en peuvent enlever : le langage et la tradition. Et que repondre a cette objection ; vous vous rendez compte de l'existence par la pense'e, mais avec quoi vous rendez-vous compte de la pense'e, avec quoi pensez- vous, si ce n'est avec le langage, c'est-a-dire avec l'instrument du travail intellectuel de 1'homme et avec toute la somme de ce travail accumule' par I'humanitd, a 1'aide de cet instrument, avant que vous ne fussiez nd, et qui vous a 6t6 communique' au moyen de ce m6me instrument par l'e'ducation. N'est-ce pas la preuve la plus e'vidente que la connaissance acquise precede 1'intdrieure, an rebours de l'assertion pre'ce'dente sur la- quelle Descartes a bati tout son systeme. Cette ve'rite' n'avait pas e'chappe' a M. Maine de Biran qui , en termes philosophiques, reprochait a Descartes d'avoir confondu la substance avec l'attribut dans son fameux adage : je pense, done je suis. Mais nous ne voulons pas sortir du langage moral et nous dirons : Nous avons essayd de prouver que le doute arrive aux m6mes conclusions que l'affirmation traditionnelle, c'est-a-dire que le doute a le meme re'sultat intellectuel que l'e'ducation. Mais l'education a d'autres re'sultats moraux, elle recon- nalt la perfection divine et l'iinperfection humaine , mais elle admet une loi morale en vertu de laquelle la premiere impose a la seconde des regies par laquelle celle-ci se rapproche incessamment de l'autre. L'e'ducation, en un mot, pose une loi du bien et du mal, qui lie 1'homme a Dieu, qui lie 1'homme a ses semblables, qui lie la tradition au progres, qui donne une direction a l'activite humaine en lui montrant le bon , mais qui laisse une entiere latitude a sa liberty en la laissant choisir. N'est-ce pas la la plus admirable solution de la terrible question des attributs de Dieu et des attributs de 1'homme? Nous n'examinerons pas cette importante question; nous regardons comme un deplorable spectacle I'embarras de grands et sublimes esprits qui se sont perdu s a la recherche de ces solutions impossibles; nous n'exa* 504 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. minerons pas h leur suite, si Dieu ayant pu dans sa toute-puissance crder un monde meilleur, ayant du danssa supreme bontd et sa supreme justice choisir le plus parfait, il faut conclure et a 1'injustice parce qu'il est im- parfait, et a l'absurde parce qu'il est parfait, oil enfin avec Leibnitz a l'bar- raonie pre'etablie et toujours triompbante , avec Spinosa a l'identite de l'homme et de la nature avec Dieu, avec Mallebrancbe a l'absorption de l'homme en Dieu, etc., etc. Plaignons ces efforts impuissants de l'huma- nite" et disons avec le philosopbe que nous avons de*ja cite : « A la vue des efforts impuissants du genie, on comprend que le mys- « tere se place dans la science bumaine, et que ce n'est pas un des moin- « dres progres de la pbilosopbie , de marquer en cbaque sujet les proble- « mes inaccessibles et pour ainsi dire reserve's. 11 appartient a la raison de « se poser des bornes a elle-meme, sans soustraire aucune question a 1'exa- « men, ame de la pbilosopbie. » Mais s'il est des pbilosophes qui veulent tout expliquer, il en est d'aulres qui veulent ne rien expliquer et qui, re- poussant l'admission des causes finales, ne veulent admettre que les de- monstrations mathdmaliques en bornant la connaissance a ce qui se rap- porte aux corps. Descartes, en re'servant les causes finales et en reconnaissant une intel- ligence superieure comme auteur et regulateur du monde, avait indiquel cette voiej comme rdserv^e exclusivement a la science. « J'avoue, dit-il, que je ne connais point d'autre matiere des cboses » corporelles que celle qui peut etre divisee, figurde et mue en toutes « sortes de facons, c'est-a-dire celle que les geometres nomment la quan- « tite et qu'ils prennent pour objet de leurs demonstrations, et que je ne « considere en cette matiere que ses divisions, ses figures et ses mouve- « ments; enfin, que touchaut cela, je ne veux rien recevoir pour vrai, si- ft non ce qui en sera deduit avec tant d'evidence qu'il pourra tenir lieu « d'une demonstration math&natique, d'autant que par ce moyen on peut « rendre raison de tous les pbenomenes de la nature." (Princlpes de la philosophic.) Cette pensee se resume ailleurs, en ces termes : « Qu'on me « donne de 1'etendue et du mouvement, et je ferai le monde pbysique. » Aujourd'bui , cette assertion que Descartes r£servait aux seuls pbeno- menes de l'ordre brut est devenue l'unique profession de foi de beaucoup de personnes, meme dans, l'ordre moral ; il y aurait beaucoup a dire ce- pendant sur cette assertion, qu'il n'y a de prouvees que les verites matbd- matiqnes. Sur quoi se fonde, en effet, cette exposition que nous avons tous apprise a notre debut dans 1'etude de ces sciences ? La geometrie a pour objet la mesure de 1'etendue, 1'etendue se mesure par les trois dimensions, longueur, largeur et profondeur. Le point qui n'a longueur, ni largeur, ni epaisseur engendre la ligne , qui a longueur seulement; li ligne engendre la surface, qui n'a que longueur et largeur; QUINZIEME SESSION. 305 la surface engendre le solide ou corps, qui a longueur, largeur et epais- seur ; c'est le corps ou solide. La surface se mesure par les lignes, le corps par des surfaces et des lignes.. * Quoi? vous attribuez trois conditions d'existence a Mendue, et voila que vous cr£ez, par I'esprit, trois existences qui manquent, 1'une de ces trois conditions, l'autre de deux, l'autre d'une seule. Ce quin'en a aucune, c'est-a-dire ce qui n'est rien, engendre ce qui en a une, ce qui en a une en- gendre ce qui en a deux, ce qui en a deux engendre ce qui en a trois ; en- fin ce qui a les trois dimensions, l'dtendue ne peut se mesurer, car c'est l'infini. Mais cela est absurde ! Non , ce sont desaxiomes; nous ne pou- Yons les prouver, mais nous vous assurons qu'ils sont vrais; croyez-y et nous vous garantissons qu'apres les avoir accepted sur parole, vous arrive- rez aux r&sultats certains que nous vous avons annonces. Nous y avons tous cru, Messieurs , et c'est ainsi que nous sommes ai rive's a la connais- sance mathimatique. Disons plus, c'est ainsi que Descartes lui-meme est arrive a la determination des coordonne^es, c'est-a-dire a la determination des rapports des lignes entre elles considerees dans l'infini, ce qui est la plus belle ddcouverte mathdmatique des temps modernes. Ainsi done, dans l'ordre physique, comme dans l'ordre moral le seul moyen d'arriver a la connaissance de la verity, c'est l'affirmation verifiee par les resultals, ce que Descartes appelait residence. Nous vous I'avons prouve dans l'ordre physique, nous nous bornerons a l'enoncer dans l'or- dre moral. Une loi morale, fondle sur des existences qu'on ne peut ni ve- rifier ni demontrer, regie nos relations, et les re'sultats moraux , accom- plis par cette loi, prouvent seuls que ses principes etaient vrais. C'est la l'histoire de rhumanite\ Toute connaissance provient done, d'une affirmation prealable ou d'une acceptation qui la confirme. Mais cette affirmation ne peut etre separde du langage qui en est l'instrument necessairc et de la tradition qui en est l'ex patience. L'homme, en effet, s'il veut faire rdellement table rase, ne peut etre sur que d'une seule chose, de son existence et de celle de l'univers, c'est la seule chose qu'on peut trouver en soi, et sur ce point les animaux sont au niveau de l'homme; mais ce qui distingue l'homme des animaux, c'est le langage, au moyen duquel il peut saisir les rapports entre les existen- ces, s'en rendre compte et en rendre compte a ses semblables. Le langage ne peut done etre separC de la peiisle, aucune abstraction n'est possible a son dgard. Quelles que soient les opinions sur la nature et l'origine de cet instrument, il est certain qu'il constitue la condition meme de la pens£e, qu'il est le theme sur lequel est construit l'lchafau- dage de toutes nos connaissances. Ce n'est done pas la pensCe en elle- meme qu'il faut considCrer, mais ce qui a ete mis en elle par le langage, les lois auxquelles il est sourais, et par consequent les lois ausquelles obeit 306 CONGRES SCIENTIF1QUE DE FRANCE. la pensee. C'est ainsi que dans l'univers, il ne trace pas settlement les phe"- nomenes qu'il faut observer, mais les lois de coordination qui dominent et d&erminent leur existence. Or, dans le langage, comme dans l'univers, il existe une meme loi de coordination qui domine et determine tout l'en- semble, cette loi est la relation de cause a effet, d'apres laquelle sont regie's tous les rapports. Que Ton cherche, si Ton veut, a changer les lois du lan- gage, a le rendre panth&ste ou mat^rialiste , a la bonne heure, nous ver- rons comment l'humanite recevra cette logique nouvelle; mais jusqu'a ce que ce changement ait eu lieu, il faut bien se r&oudre a penser et a parler avec l'instrument donn6 a l'humanite et accepts par elle depuis qu'elle existe, et qui a fait toujours et fera encore la loi de ses relations. Mais au lieu de nier cette regie, ne serait-il pas plus utile d'&udier le merveilleux accord de ces deux lois correlatives qui dominent le monde physique et le monde moral ? n'est-ce pas la une nouvelle preuve que l'homme est un petit monde , un microcosme, comme disait Platon ? Dans le monde physique, la loi de generation des ph£nomenes est une loi de l'or- dre fatal; l'homme en est dependant comme ph^nomene, et c'est la la loi de son existence physique , la limite mate>ielle imposed a sa liberte. Dans le monde moral, la loi est de l'ordre moral, l'homme est libre d'en recher- cher incessamment les Clements dans sa pensee, d'en adopter de nou- veaux, c'est-a-dire de modifier les rapports, mais il ne le peut qu'avec les elements memes de cette pensee, avec l'instrument qui en regie l'exercice; c'est deja une premiere limite mise a sa liberty ; une seconde limite existe par la necessity de faire accepter par ses semblables le r&nltat de sa pen- see, et c'est la une condition que semblent avoir perdu de vue tous les philosophes : c'est que l'homme ne peut saisir que des rapports, que ces rapports sont doming par une loi anterieure a lui, qu'il ne les connatt que par cette loi qui est commune a tous les hommes, et que de meme que, par le langage , il a £t£ mis en possession de Ja somme de tous les rapports connus avant lui, il faut ne'cessairement, pour en introduire de nouveaux, qu'il nie tous les rapports accepts par l'humanite avant lui, si ceux qu'il propose y sont contraires, ou qu'il affirme ces rapports preexistants, si ces rapports nouveaux doivent s'accorder avec eux, ou en Gtre la conse- quence. Telle est la loi du progres, et elle est d'accord aussi avec la loi du progres dans l'ordre physique. Descartes, en effet, en etablissant qu'il n'y avait que du mouvement et de la matiere dans le monde, raisonnait d'a- pres les connaissances de son temps ou Ton ignorait les sciences saddles . qui prouvent une intervention de l'ordre moral dans les phenomeues phy- siques : la geologie, l'anatomie compared, l'embryog^nie ont aujourd'hui prouv£ cette intervention d'une maniere positive , et fait voir clairement que la loi du progres regne dans l'ordre physique, comme dans l'ordre moral. Ce n'est done plus en partant du moi actual qu'on peut expliquer l'ordre actuel, s'il est permis de s'exprimer ainsi; il faut rechercher les faits mo- QUINZIEME SESSION. 507 raux accomplis par l'humanite tout entiere et exposer leur loi de gene"ra- tion, pour rendre compte des faits actuels, reproduire les faits nouveaux. C'est ainsi que le philosophe pourra (litre utile a l'humauite', en lui don- nant une affirmation qui puisse servir de regie a son activity ou bieu la plonger dans un vague qui serait pour elle un signal de mort. La question n'est done pas de savoir ce que c'est que de croire, mais de savoir ce qu'il faut croire. On peut croire a l'erreur comme a la ve'ritd ; on peut avoir certitude de l'erreur aussi bien que de la vCrite' , les exemples de ces eHats de I'esprit ne manquent pas. Un criterium de la certitude est done n^cessaire, et comme nous puisons nos erreurs et nos verity dans nos relations, il s'en suit que ce crite'rium doit 6tre plac6 dans nos relations ; or, la morale est la seule formule qui s'applique a ces relations, elle en est la loi, elle doit done en etre le criterium. N'est-ce pas, en effet, par les relations que 1'homme, la society l'espece subsistent. Si la loi suivie par eux, dans leurs relations £tait fausse, ni les uns, ni les autres n'existeraient au- jourd'hui. C'est, selon nous, une preuve immense que tout systeme philosophique doit avant tout rendre compte de l'dtat moral de 1'homme et conclure par un d^veloppement ou un changement de cet 6tat moral j qu'il doit, en un mot, chercher le principe de la certitude dans la loi morale, Le doute absolu n'est qu'une negation, et toute negation qui ne conduit pas a une affirmation est sterile. C'est une erreur enorme que de croire que le libre examen soit une doctrine; c'est un moy en individuel qui jamais n'a 6t6 interdit a 1'homme, moins que jamais aujourd'hui il peut lui 6tre interdit ; mais a cote de ce moyen a toujours exists aussi un moyen par lequel l'humanit6 a agi, c'est l'acceptation, e'est-a-dire la croyance com- mune ; et cette communaute n'existe qu'a la condition d'une satisfaction des sentiments, des connaissances et des besoins de Phumanite. Nous nous garderons de penetrer dans la solution de ce probleme, nous dirons seulement qu'a e6t6 de cet arret fatal : Deus tradidit mundum disputationibus eorum, Dieu a mis cette consolante pens^e : Paix sur la terre aux hommes de bonne volonU. Or, la paix n'existe qu'a la condition d'une croyance commune, et cette croyance n'existe qu'a la con- dition de satisfaire riiumanite\ Elle ne peut pas plus etre satisfaite par le doute que par le despotisme, elle ne peut l'6tre que iorsque les connais- sances soumises a son acceptation sont en harmonie avec la loi de son existence morale. Cette loi telle qu'elle a 6te pos£e au delwt de T&ablis- sement social dans lequel nous- vivons est la loi de charity et de frater- nity universelles. Avant clone de chercher, dans son orgueil, la solution dw probleme, que le philosophe, le savant, 1'homme d'Etat se demande, quand leur esprit leur «ffre une d^couverte, si elle est conforme a cette loi qui Vunit a ses semblables. Sur ce terrain, tous les hommes de bonne 508 CONGRES SC1ENTIFIQUE DE PRANCE. foi peuvent se rencontrer, car Dieu a donne" a l'homme la pens^e et la loi morale, c'est-a-dire le theme et l'instrument ; l'accord doit done se trouver dans l'application. Pour nous cette application n'est pas do.uteuse, elle consiste dans 1'union de la tradition au progres par Intelligence de la loi morale. L'etude des faits moraux accomplis par l'humanite' peut seule conduire a la connaissance de son avenir et par consequent a la pro- vision de ce qui lui est utile et necessaire. C'est une loi de progres, mais en m6me temps une loi d'ordre et le criterium de sa certitude est dans l'accord de la tradition et du progres ; tout ce qui a pour but de faire r&rograder l'humanite' en deca d'un progres accompli est une erreur, comrae tout ce qui a pour but de lui faire abandonner les principes d'ordre qui forment la base de l'ordre moral. Cet accord est facile, I'orgueil humain seul s'y oppose et la philosophic, quand elle voudra abdiquer la voie oil il l'entraine, pourra se montrer libre et ferme sans conclure a l'erreur. M. Paul Huot remplissait les fontions de secretaire. La seance est levee a neuf heures et demie. Seance tlit 3 septemlire* Presidence de M. le vicorate de Cussy. M. Paul Huot, secretaire. La seance est ouverte a une heure et quart. Le proces-verbal de la seance precedente est lu et adopte. M. le vicomte de Cussy, president, fait connaitre a l'as- semblee que des trois questions supplementaires proposees a la seance preeedente , deux seulement , la premiere et la seconde ont ete adoptees par la commission permanente. M. Paul Huot , secretaire, propose a la section d'aller vi- siter la prison cellulaire de Tours ; cctte visite pourrait etre l'objet d'un rapport ou M. Huot presenterait quelques QUINZlEME SESSION. 509 points de comparaison cntrc cet etablisscmcnt ct la maison de justice de Versailles, et des faits propres a jeter quel que lumiere sur la question du regime cellulaire. Ge rapport pourrait etre 1'objet d'une communication en seance generate , de nature a interesser le Congres. La pro- position de M. Huot, en ce qui concernc lc rapport, est ren- voyee a la commission permanente; toutefois, la section s'a- journe au lendemain neuf heures du matin, pour aller visiter la maison cellulaire. L'ordre du jour appelle la continuation de la premiere question ainsi concue : Est-il vrai que le doute soifau fond de tousles systemes phi- losophiques ? La parole est a M. Feuillet; il passe rapidement en revue les systemes philosopliiques qui se sont produits sur la tcrrc depuis Zoroastre jusqu'a nos jours; examinant ensuite les differents systemes du pantheisme, du rationalisme et du dogmatisme, M. Feuillet conclut que les divers systemes offrent entre eux des contradictions, mais qu'ils ont tous en eux quelque chose de vrai. M. le docteur Lecamus s'exprime ainsi sur la meme ques- tion : Messieurs Est-il vrai que la philosophie, dont l'unique objet est la recherche de la ve'rite', ne puisse enfanter que le doute ? Admise d'une maniere absolue, cette doctrine serait de'sespdrante. En efiet, Thomme est ne" pour la ve^rite". Sans elle, il flotte incessamment dans une affreuse incertitude sur ce qu'il lui importe le plus de connaitre. II ne sait ce qu'il est, d'ou il vient, oil il va. Ignorant egaleraent et le createur et les creatures, il traine une vie insupportable a lui-m^me et aux autres hommes, puisqu'il ne connait point les rapports d'harmonie qui doivent unir tous les etres; et son 6tat sera d'autant plus affreux que, dans 1'hypothese, il ne pourra jamais, mal- gr^ tous ses efforts, parvenir a la connaissance de la vdritd. Sans doute, si tous les systemes philosophiques etaient exclusivement 20 510 CONGRES SC1ENTIF1QUE DE FRANCE. renferme^s dans cet assemblage d'iddes plus ou moins vagues , plus ou moins abstraites, que la plupart des philosophes et surtout des philosophes modernes, out emises sur Dieu et ses attributs, sur Tame et ses facultes, enfin, sur le fondement de la certitude qu'ils ont eu soin de laisser plus ou moins incertain', il y aurait, il faut l'avouer, fortpeu d'espoir d'arriver a la ve>it6 par des voies aussi d£tourn£es. Mais, grace au ciel, la philosophic des panthe'istes, des dCistes , des eclectiques , des spiritualistes ou des materialistes, n'est pas la seule dont l'homme puisse faire un legitime usage. Les coryphees de ces differentes ecoles semblent meme parfois nous y convier, quand ils s'ecrient avec une naivet6 bien signilicative : « La ve>ite n'est pas encore trouv^e, nous l'a- « vouons!...; mais enfin, c'est un grand pas vers la verite" que d'avoir « ejauise' beaucoup d'erreurs. Jusqu'ici, disent-ils, la philosophic a pose" « les plus graves questions sur l'origine des 6tres, sur la cause premiere, «. sur la nature de l'ame ; mais elle n'a pu en r^soudre aucune. Cela est « douloureux, sans doute, et cepeudant il ne faut pas trop s'en affliger, « puisqu'il n'est pas constant que ces questions doivent rester pour jamais « sans r^ponse. Ce qui est constant, ajoutent ces m6mes philosophes, c'est « que les routes suivies jusqu'a ce jour sont sans issue, et qu'il est temps it6 , hors de l'atteinte des passions et des falsifications « humaines. » Tel est, Messieurs, le langage que tient avec raison la philosophic mo- derne : il prouve £videmment I'impuissance dans laquelle elle se trouve d'arriver a la connaissance de la vCrite", si elle ne s'appuie sur une base so- lide, in^branlable. En cela, nous sommes parfaitement d'accord avec elle ; seulement, nos philosophes les plus renomm£s cherehent encore cette base solide, tandis que nous, pauvres profanes, nous osons affirmer l'avoir trou- vee depuis longtemps. Ce criterium de la v6rit6, ce fondement solide hors de l'atteinte des passions et des falsifications hurnaines, c'est la raison universelle des choses ou rinfaillibili!e de la sagesse eternelle. Appoyds sur cette base, comme sur mi roc inebranlable, nous parcourrons d'un pas ferme et sur les sentiers les plus obscurs de la philosophic, et nous nous ri- rons des mille et miile fluctuations de l'esprit d'erreuret de doute. Est-il possib'c cm efiet d'accorder un exaraen serieux a des systemes philosophi- ques qui ne parteut pas de Dieu et qui ne ramcuent pas lout a lui? Si la science n'est pas chrcUienne, que peut-clle etre ? C'est-a-dire si elle n'a pas Dieu pour regie et pour fondement, quelle sera la fin probable de ses doutes et l'eclaircissement possible de ses mysteres? Or, ce qui.s'applique a la science en general, s'applique emuicmment a la philosophie dont l'elude QUINZ1EME SESSION. 511 principale porte sur les trois objets suivants, savoir : Dieu, I'Homme, I'U- Ifiivers. Et comment l'homme pourra-t-il s'elever a la connaissance de son crda- teur, s'il neglige a cet egard les lecons de la sagesse e"ternelle ? Comment l'homme se connaitra-t-il lui-meme, sans consulter la raison infinie de celui qui l'a forme1 ? Comment l'homme comprendra-t-il l'harmonie de l'u- nivers, s'il refuse d'etudier le veritable traits d'histoire naturelle, e'crit par le legislateur des He'breux, sous la dictee de l'esprit d'intelligence. Mais j 'en tends ici la plupart des philosophes s'ecrier : « Votre systeme « philosophique tend a degrader la raison humaine, en la resserrant dans « des limites trop e"troites. » Quoi ! la raison humaine est degraded par son union intime a la raison divine ! Quoi ! la raison humaine est resserree dans des limites trop e'troi- tes, quand, e'claire'e et soutenue par la sagesse e"ternelle, elle retrouve son energie primitive et s'e'lance avec confiance jusque dans le sein de l'infini, tandis qu'abandonne'e a ses propres forces, elle serait incapable de re'soudre la plus simple question! Concluons, Messieurs, que la philosophic ne satisfera jamais complete- meut l'esprit et le coeur de l'homme, ne" pour la verity, si elle n'est fondee sur l'alliance ndcessaire de la raison divine et de la raison humaine, puis- que la premiere peut seule offrir au philosophe la connaissance certaine des ve'rite's qu'il recherche, et que la seconde peut seule lui fournir des motifs assez puissants pour determiner sa conviction. Du reste, Messieurs, hatons-nous de le reconnaltre : un retour heureux semble vouloir s'opCrer sous nos yeux : il tend a ramener enfin toutes les sciences a leur veritable source. II y a quelques anne'es, l'homme a senti autour de lui un vide immense, lorsque apres avoir scrute" peniblement tous les secrets de la terre et des cieux, il s'est apercu qu'il n'avait encore rien fait, et que les mysteres de la nature e*taient toujours impe'ne'trables a ses yeux. Alors il s'est sonvenu de Dieu comme unique solution des difficulte's sans nombre qui accablent l'intelligence humaine. Le matdrialisme de la science a paru s'effi ayer de lui-meme ; uu spiritualisme uouveau a perce" les nuages de l'aucien scepticismej spiritualisme bien vague sans doute, mais enfin suffisant pour dCmontrer le besoin que l'homme £prouve d'une lu- miere moins douteuse que celle de ses propres de'eouvertes. 11 faudrait.Stre aveugle pour ne pas apercevoir aujourd'hui cette modification de la science. Sans doute, ce n'est point encore une transformation complete ; ce n'est point une acceptation pleine et entiere de la pense'e chretienue ; mais e'est assur^ment une disposition des plus heureuses a dtudier sans defiance la part du christianisme dans le de"veloppement des sciences humaiues; et sous ce rapport purement philosophique, e'est une admirable preparation a reconnaltre, enfin, la loi supreme qui pose Dieu en tete de toutes les 512 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. connaissances possibles, et fait de la reflation des verity eHernelles la condition fondamentale du vrai systeme de l'humanitl. M. l'abbe Auber ajoute quelques mots qui competent les rapports de ces Messieurs. M. Lallier, dans une brillante improvisation, etablit que tout systeme pliilosophique conduit au doute lorsqu'on lui demande la certitude absolue. L'homme n'a d'autre certitude absolue que celle de son existence. La philosophic ne peut lui prouvcr ni 1'existencedeDieu, ni l'immortalite de Tame, et pourtant le sage croit que Dieu existe et que Fame est im- mortelle; mais ce sont la des certitudes qui nous viennent de plus haut. M. Des Moulins lit un discours dans le sens de Tanirma- tive (1). La seance est levee a trois heures. Seance du 4 sentembre. Presidencc de M. le vicomte de Cussy M. Paul Huot, secretaire. Le proces-verbal de la seance precedente est lu et adopte, M. Lecointre-Dupont fait hommagc a la section d'un rapport public par lui sur Notre-Damc-de-Poitiers, ainsi que d'une notice sur un manuscrit relatif a la peinture sur verre possede par M. Bigue; (i) Les sccrctaireg-generau* yegretteflt mfiaimeet que ce toemoire nc leur ait pas et^ remis par J'auteur. QUINZIEME SESSION. 315 M. E. Cartier fils, une brochure intitulee le Jugement de Paris au xive siecle. M. le chevalier de Parany, un memoire tendant a prouver que TAraerique a ete decouverte mille ans avant Colomb. M. de Bois-le-Comte a la parole surla seconde question : « La methode inductive de'erite dans le Novum Organum de Bacon suffit-elle pour assurer leprogres des sciences naturellest » II fait remarquer que ce n'est pas seulement dans le Novum Organum que Bacon a propose sa methode inductive, differente de celle des anciens en ce que ceux-ci procedaient sans etudier suflisamment les faits particuliers ; Bacon a voulu etablir l'experience sur des rejections et des admissions logiques; mais il faut convenir que cette formule elle-mcme est un peu vague; e'est un defaut que Ton rencontre sou- vent chez les philosophes qui supposent trop facilement chez ceux auxquels ils s'adressent la meme puissance de comprehension qu'ils sentent en eux-memes. M. de Bois-le-Comte cite les trois principales propositions de Bacon, et s'etend specialement sur la derniere dans laquelle il declare que l'homme s'est fait le roi de la nature par la connaissance des faits. C'est la gloire de Bacon d'a- voir place au-dessus des deux systemes contraires , l'hypo- these et Fanalyse, la loi de generation des phenomenes. Toute science pratique se resume par ces mots : trouver, connaitre et appliquer ; pour arriver a ce triple but la seule methode de Bacon ne suffirait peut-etre pas, de meme que sans elle on a pu trouver , connaitre et appliquer d'excel- lentes choses; mais ce qui est incontestable c'est que sa methode est un excellent auxiliaire. En resume , il existe un terrain pour les hypotheses im- muables, un autre pour les hypotheses qui peuvent chan- ger ; Tun est le terrain de la religion , l'autre celui de la science: quand les limites entre ces deux terrains seront posees , il n'y aura plus de discussions sur les systemes phi- losophiques. Les orateurs inscrits sur la 3e question n'etant pas prets a prendre la parole , cette question est ajournee. L'ordre du jour appelle la 4e question ainsi concuc : 514 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. i Etablir nettement des distinctions entre IHnstinct , le sen- timent et Vintelligence che% les animaux. » M. Feuillet a la parole sur cette question. L'orateur dit qu'il croit devoir s'occuper d'abord du sentiment, attendu que selon lui l'instinct 6tant une suite, une ddpendance du sentiment, il lui semblait plus rationuel de commencer par le principe avant d'en venir aux consequences. Abordant la question en ce qui conceme le sentiment, il dit que le sen- timent est le re'sultat de la vie, car on a dit avec raison, sentir c'est vivre, et vivre c'est sentir. Tout est 'amine* dans la nature, tout vit, tout est sen- sible, tout se forme en detail au moyen de la sensibility les choses les plus dures, les plus insensibles, telles que les pierres, les melaux, ont d'abord £td molles et sensibles lors de leur formation ; si quand ils sont arrives a leur perfection , ils ne le sont plus, c'est que le principe de vie qui les avait formes n'existe plus en eux. Ainsi, il lui semble qu'avant le sentiment on aurait du placer la sensibi- lite, la mobilite des molecules qui doivent former les productions qui sont sur la terre. Le sentiment est , suivant lui , une sensibility qui se maintient et se fixe dans la production qui se fait , tant que la vie s'y maintient elle- merne. Dans les v£g£taux , la graine , le noyau , le pepin sont insensibles, bien qu'ils aient en eux le principe vital ; mais ce principe est dans un etat de somnolence, il ne se reveille que lorsqu'il est atteint par d'autres prin- cipes vitaux qu'amenent a lui les elements qui p&ietrent ces produc- tions. II en est de m6me pour les oeufs des animaux qui paraissent insensibles tant que le principe vital qui est en eux n'est pas mis en action par la force externe des principes vitaux qui sont dans la nature. Le sentiment, dans les 6tres, est gradue* selon la force de leur constitu- tion primitive, et la nature des substances qui les composent. Le principe inconnu qu'on appelle principe vital se divise a l'itifmi, se melange, s'unit de diverses manieres avec les subtances qui entreat dans la composition des 6tres, et ces etres ont plus ou moins de sentiment selon que ce principe est plus ou moins fort ou plus ou moins faible en eux. Ainsi , dans les mollusques , dans les insectes , le sentiment est moins fort que dans les animaux supeVieurs, parce que ceux-ci ont en eux des principes de vie plus abondants, ce qui se manifeste, dit M . Feuillet, par la couleur du sang qui dans les mollusques et les insectes est blanc,et qui dans les poissons et les quadrupedes est rouge, les poissons ayant moins de QUINZIEME SESSION. 315 sentiment que les quadru pedes, parce que leur sang, quoique rouge, n'est pas cependant chaud comme Test celui de ces derniers. S'occupant ensuite de l'instinct, M. Fcuillet dit que l'instinct n'est pas le sentiment, qu'il n'en est qu'un resultat, c'est un mouvement du principe vital qui powsse l'etre, malgre lui, a agir de telle ou telle facon selon la na- ture dn melange des substances qui le composent. L'instinct nalt des besoins et des sensations qu'eprouve l'etre, et comme il est I'apanage du sentiment qui est dans l'etre , il est proportionne comme lui a la force vitale qui est dans cet 6tre. L'instinct se trouve dans tout ce qui sent. Les naturalises n'ont-ils pas cru meme decouvrir une espece d'instinct dans les plantes? quelques-unes, telles que le tournesol, ne se toument-elles pas du cote" des rayons du soleii ? Mais M. Feuillet n'appelle pas ce mouvement instinct, mais seulement force impulsive du principe vital qui est dans cette plants. L'instinct n'a cependant pas d'autre origine, d'apres lui, que cette pre- miere impulsion du principe vital ; si cet instinct a un caractere plus pro- nonce' dans les animaux supe>ieurs, s'il se manifeste mieux en eux que dans les plantes et dans les insectes, c'est qu'il y a dans les animaux supe'- rieurs plus de principes vitaux, plus de centre ou ce principe reside, se combine et agit. Abordant ensuite l'intelligence qn'on attribue aux animaux, M. Feuillet soutient que les animaux, m6me les plus parfaits, n'ont pas ce qu'il appelle, lui, l'intelligence. L'intelligence , selon lui , n'est que le partage de l'espece humaine, elle constitue ce que Ton peut appeler Fame de 1'homme, son esprit, sa con- science, son moi ; l'intelligence est toute spirituelle, l'instinct est tout ma- teriel, l'instinct et le sentiment tiennent a la matiere. Les animaux n'ont done que l'instinct et non point l'intelligence, surtout si on l'entend comme il l'explique. II est vrai , dit-il , que les animaux commettent des actions qui fe- raient croire qu'ils ont cette espece d'intelligence ; mais si on y fait bien attention, on reconnaitra que la cause de ces actions n'est qu'un instinct perfectionne. M. le comte de Mellet soutient la these contraire et eta- blit par des faits que les animaux, a mesurc qu'ils se rap- prochent de Phomme, donnent despreuves incontestables d'intelligence ; M. Paul Huot fait observer que la question n'est pas de savoir si les animaux ont ou n'ont pas de l'intelligence, mais, etant pose qu'ils ont a la fois Tinstincf , le senliment, Tin- 316 CONGEES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. tclligence, de classer leurs actes dans chacune de ces manieres d'etre. M. de Bois-le-Comte etablit que l'homme a riutelligence sans instinct, tandis que l'animal a Finstinct et l'intelli- gence, ce qui, au premier abord, semblerait lui donner la preeminence sur l'homme; mais ce qui les distingue , e'est que l'intelligence de Tanimal ne percoit , ne retient que des images , tandis que l'homme ayant la perception des idees, ayant le langage sans lequel il n'y a pas de raison- nement complet, il y a pour lui un monde moral et un monde physique, tandis que pour les animaux il n'y a que le monde physique, le monde des sensations et des images. Apres de savants developpements et des exemples pris dans la nature , il conclut que chez les animaux domestiques l'intelligence n'est que le reflet de la volonte , de l'intelli- gence humaine; chez les animaux libres, e'est une modifi- cation de l'instinct. M. Lecointre-Dupont developpe la 5e question : « Recher- cher quelles modifications les croyances de f eerie ont recues du contact des idees religieuses et chevaleresques du moyen cige et du melange des traditions de V Orient. » II annonce au Con- gres qu'il s'occupe d'un travail ecrit sur cette question , et qu'aussitot qu'il sera termine, il se fera un devoir d'en adresser un exemplaire au Congres. Personne ne demandant la parole pour traiter les 6e et 7q questions, la seance est levee a trois heures. Seance du «$ sep temlire, Prcsidence de M. le vicomtc de Cussy. M. Charles Ernoult, secretaire. M. le secretaire donnc lecture du proces-vcrbal de la precedente seance. quinzieme session. 317 M. Des Moulins se plaint de rinterruption qui a ete apportee dans la discussion relative a la lre question, et demande qu'elle soit reprise en seance generale. M. Feuillet exprime le desir devoir donner plus de deve- loppement a la part qu'il a prise dans la discussion de la 4e question , sa pensee ne lui paraissant pas suffisamment bien indiquee. M. le secretaire temoigne de son bon vouloir pour tran- scrire les parties saillantes du discours, mais il demande alors que les orateurs veutllent bien lui en donner une ana- lyse , la rapidite de la discussion ne lui permcttant pas d'en saisir fidelement tous les details ; Le proces-verbal est adopte ; M. de Sourdeval prendla parole sur la 6e question : Quelle influence a eue V 'invasion des peuples du Nord sur la transformation de la langue latine en Jtalie, en Espagne, et particulibrement en France ? L'orateur s'exprime ainsi : Messieurs, La domination romaine, qui dura six siecles en Espagne et cinq en Gaule, introduisit dans ces deux pays un usage telleraent ge'ne'ral et tene- ment populaire de la langue latine, que les mots de cette langue ont sur- vdcu a toutes les revolutions, a toutes les invasions de peuples dont ces deux contrles ont e'te' le theatre. Un seul point de la Gaule, l'Armorique, avait conserve* la langue celtique; une region pyr^ndenne conserva la langue appelee aujourd'hui Basque ou Escuara, que Ton croit etre l'ancien idiome iberique, et que quelques savants rattachent aux langues du nord de l'At'rique. On voit, dis-je, par les debris actuels, que presque tous les mots usites en Gaule et en Espagne, dans les cinq premiers siecles, devaient etre latins, La langue se parlait-elle purement en ces localites ? Cela pouvait etre au- tour des villes ou se trouvaient des ^coles; mais il est vraisemblable que divers patois, ou plutOt diverses mauvaises manieres de parler, s'e^taient repandues dans ces contr&s e'loigne'es. Quel a 616 l'effet de l'invasion du nord sur ces contrees? Elle a renverse' l*autoriW romaine, mais elle n'a pas apporte" une grande proportion 518 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. d'hommes nouveaux; on en peut voir la preuve dans la persistance da langage latin devant lequel la langne des vainqueurs s'est dissipee, non sans avoir toutefois laisse des traces de son passage. Ces traces sont de deux sortes; un certain nombre de mots gothiques est reste sur les terres envahies : un sur dix tout an plus; mais la plus forte empreinte de cette perturbation a e"te la demolition de la grammaire latine. Cette grammaire etait savamment edifiee, puisque tous les mots qui se decliuaient, tous les verbes qui se conjnguaicnt exprimaient leurs di- verges positions par le seul effet de la desinence et sans aucune adjonction d'article ni d'auxiliaire. Cette forme savante fut detruite par l'arrivee des barbares, les mots resterent ge'ne'ralement, ils furent plus ou moins deTi- gurds dans leur essence, mais surtout ils perdirent leurs desinences mo- biles pour en prendre de fixes comme en Espagne et en Italie, ou pour n'en pas prendre du tout comme en France, ou truncus, portus , pons, pontis sont devenus tronc, port,pont. Ces elements, privet de leurs liai- sons intrinseques, ont du en trouver a l'exterieur, afin de pouvoir se ci- menter les uns avec les autrcs; c'est pre'cise'ment ce ciment que l'invasion gotbique a apporte avec elle. Ce ciment c'est l'article pour les noms, les pronoms,les adjectifs, c'est l'usage du pronom et du verbe auxiliaire pour les verbes. L'article, le pronom et le verbe auxiliaire, offrent une ma- niere artificielle ou supplemental de conduire les declinaisons et les con- jugaisons, quand la langue n'est pas en mesure de le faire par les desi- nences qui paraissent 6tre la forme naturelle bien que la plus complique'e. L'article et les de'siuences existent, du reste, simultane'ment en beancoup de langue du premier ordre, comme le Sanscrit et le grec; ils existaient de m6me dans les anciennes langues gothiques et ils ont continue" d'exis- ter en la plupart de ces langues. Cependant le caractere general de la revolution philologique arrivee en Europe, au moyan age, a etc" la reduc- tion des desinences; l'emploi de l'article s'est aussi simplifie ; le verbe auxiliaire est reste aussi entier que dans les langues gothiques; et il a ete employe dans les langues derivees du latin absolument de la meme ma- niere que dans les langues germaniques; mais cet instrument, tout germa- nique a notre^gard, a ete forme en France, en Espagne et en Italie avec des elements latins, ce sont les verbes etre et avoir , que nous avons tires de la langue latine et que nous avons fait fonctionner suivant les lois de la grammaire gothique. C'est avec eux que nous avons conjugue le passif de nos verbes, et plusieurs temps actifs. En resume, l'effet de l'invasion gothique en Espagne, en Italie et en France, a ete de laisser subsister presque tous les mots latins, mais de de- truire la grammaire naturelle de cette langue pour y snbstituer la syntaxe du Nord. Enfin la langue gothique, comme la langue latine, a ete infiniment plus defiguree, plus broyee dans la prononcialion des Francais que dans celle des Espagnols et des Italiens. QUINZ1EME SESSION. 319 M. Tailliar demande la parole. Pour apprecier, dit-il, les revolutions qui s'operent dans la langue d'un pays, il fautsuivre les transformations que subissent les populations qui l'ha- bitent. Si en se bornant au territoire de la France, on veut avoir une notion des vicissitudes qu'ont Cprouve'es les principaux idioraes qui ont 6t6 successivement paries , il est indispensable de rechercher quels sont les peuples qui l'ont tour a tour envahi. Or, on sait que le centre et le nord de la France ont 616 occupe"s a de longs intervalles par les Celtes , les Ro- mains et les Franks. C'est de leur fusion que s'est forme' le peuple fran- cais , comme c'est de leur triple idiome melange et recompose que s'est produite la langue francaise. Ici M. Tailliar examine comment et dans quelle propor- tion les trois elements Celtique, Romain et Frank ont con- couru a la formation de notre langue. Et d'abord, quant au celtique, parte au centre et au nord par les Galls et les Beiges et divise' en deux principaux dialectes, il a sans doute depuis longtemps disparu et tient peu de place dans notre vocabulaire. Toutefois, uncertain nombre d'expressions, en fournit encore des traces, surtout dans les campagnes, pour designer des animaux ou des objets d'une sage quoti- dien. M. Tailliar cite a ce sujet quelques exemples ; ce serait, selon lui, un travail curieux que celui qui aurait pour but de rechercher dans- notre langue actuelle les mots derives du langage primitif de nos peres. En ce qui concerne le latin, il est reconnu que la tres-grande partie de notre idiome, les neuf dixiemes peut-etre, en sont provenus. Apresla conquele, il devint la langue oflicielle et se propagea dans les cue's dn midi de la Gaule avec une merveilleuse rapidity. Ii en fut autrement dans les contre^es du centre et du nord. La, les etablissements romains furent beau- coup moins nombreux etmoins importants. Le peuple en general conserva son vieil idiome, ou, s'il parla le latin, on comprend combien il dut s'alte>er dans sa bouche et quelles atteintes la syntaxe dut recevoir. Lorsque la domination romaine s'ecroula au v* siecle, le latin officiel et encore assez pur, la langue romaine rustique et le vieil idiome celtique etaient done les trois langues en usage dans le centre et dans le nord de la Gaule. A cette epoque, un nouvel element s'introduisit dans la Gaule et y joua un r61e immense, ce fut l'element germauique. Les Franks, en s'y elablis- sant, y apporterent avec eux leur idiome tndesque, qui s'acclimata princi- palement dans les chateaux forts autour desquels se grouperent des villages. Toutefois la langue des conquerants ne tarda pas a tomber en desuetude. Ce serait une etude interessante d'examiner quelle a 616 l'influence des 320 congres scientifique de prance. femmes sur la transformation des langues. Les Franks-Saliens avaient amene" peu de femmes de la Germanic La plupart d'entre eux £pouserent des Wallonnes ou Gaulbises. Celle-ci apprirent le wallon a leurs enfants , et apres quelques generations le tudesque e"tait presque entierement hors d'u^age dans les families gallo-franques. C'est a peine si quelques expressions survecurent dans les proTinces voisines de l'Austrasie et de la Flandre. Mais le tudesque eut une existence beaucoup pluslongue dans les insti- tutions militaires et civiles. La fe'odalite', la chevalerie lui emprunterent la plupart de leurs denominations. Si Ton e"tudie le regime feodal , son organisation guerriere, les obligations de vasselage qu'il imposait, on est frappe" du grand nombre de mots que lui fournit la langue germanique. Les institutions civiles, la bourgeoisie, la gbilde, la banse de commerce lui emprunterent aussi un certain nombre d'expressions. M. l'abbe Bandcville dit qu'il ne pense pas que l'element germanique ait eu si peu de duree dans le nord dela France, puisqu'il est vrai que le concile de Verdun, au vin^ siecle, ordonna aux eveques de faire precber et de prier en langage theolesque pour l'intelligence du peuple. M. Tailliar repond a cela qu'il faut tenir compte des populations en contact: dans le nord il y avait l'element flamand et l'element tudesque, le langage qui se parlait alors etait celui du peuple predominant; c'est ce qui avait lieu dans le cas particulicr signale parM. l'abbe Bandeville, M. de Sourdeval obtient la parole sur la 7e question : Les mots gothiques substitues aux mots latins ne sont-ils pas a peu pres les memes dans les trots contre'es (de France , Espa- gne et Italic)? L'orateur s'exprime en ces termes. Messieurs , L'elude que nous avons faite des anciennes langues gotbiques, de leurs rapports entre elles et des traces qu'elles ont laissCes parmi les idiomes d'origine latine du midi de 1'Europe, nous ont ameue' a reconnaitre pour re'snltat que la quesiton dont il s'agit doit etre .re'solue atfirmativement. Nous ne chercberons pas a expliquer ce pbenomene, nous nous bornerons a le constater. QUINZIEME SESSION. 321 On appelle langues gothiques les idiomes qui se parlaient jadis et qui se parlent encore sur le territoire germanique et dans la presqu'ile scandi- nave ; elles se sont etendues dans la Grande-Bretagne par l'invasion des Saxons, des Angles et des Jutes, au vie siecle. On divise ces langues en goiho-germaniques et gotho-scandinavcs. Les premieres dtaient divisdes en six dialectes : 1° Le moeso-golbique, que parlaient les Goths defaits par l'empereur Valens, que paraissent anssi avoir parle" les Visigoths et les Ostrogoths ; 2° L'ancien haut-allemand, qui se parlait dans le bassin du Danube ; 3° L'ancien bas-allemand qui occupait les bassins de l'Oder, de l'Elbe et du Rhin ; 4° Le francique, parle" au nord de la Loire par les Francs me>ovingiens ; 6' Le frisique, chez les nations bataves, est devenu le Hollandais ; 6* Enfin, l'anglo-saxon, en Anglelerre; il durajusqu'k l'arriv^e des Normand?, en 1066. Ces six idiomes sont au- jourd'hui remplaces par trois langues seulement qui en sont de'riveet, I'Al- lemand, le Hollandais, l'Anglais. Au nord de la Baltique une seule langue se faisait entendre depuis 1c fleuve Eider, qui se'pare le Holstein du Slesvik, jusqu'aux confins de la La- ponie. Elle s'Ctendaif en Islande, oil elle s'est conservee pure jusqu'a nos jours , au Groenland et au Canada, oil les Scandinaves formerent des Cta- blissements dans le xi* siecle, enfin, a la Dwina, la riviere glac^e d'Archangel, a l'embouchure de laquelle le c&ebre Rurik, sorli de la Suede, fonda l'em- pire des Waregues, avec la ville de Holmegard, aujourd'hui Cholmogori. Cette langue se nommait la langue du Nord, norrcena tunga; nous la nommons aujourd'hui Yislandais, parce qu'elle est identique avec le dia- lecte conserve- dans cette fie. Le norrcena tunga a suivi une deslinCe op- posed aux langues germaniques : celles-ci, primitivement au nombre de six, se sont condensers en trois idiomes. La langue unique du Nord, au con- traire, s'est divisee en trois dialectes modernes : l'islandais, qui est le plus pur relativement a l'origine; le suedois, tres-pres e"galement de son modele; puis le danois, qui a simplify sa syntaxe a peu pres comme la langue an- glaise. Les langues gothiques sont totalement diffdrentes des langues slaves et des langues celtiques. Ces dernieres n'ont laissd presque aucunc trace dans le francais, quoiqu'on en ait dit. Elles ne nous ont le"gu6 d'authentique que des noms de riviere, de ville, des noms de lieu en general ; et ces mots ont e'te' tellement deTigure's sous la plume des Romains, comme sous celle des Francais des diverses epoques, qu'il est impossible de reconnaitre leur forme primitive. Si Ton ddpouille la langue francaise de ce quelle contient en elements latins, gothiques, arabes, on trouvera qu'il ne reste a peu pros rien pour le celtique. Mais arrivons a donner quelques specimens des mots gothiques restes dans les trois langues francaise, espagnole, italienne. >22 CONGREIS SCIENTlFiQUB DB FRANCE. Alene, du gothique AL, aiguille; espagnol : Alesna; italien : Lesina. Ambassadeur, du gothique Ambaht, homme d'affaires, intendant; esp.: Am- baxador; it.: Ambasciatore. Barque. En goth. : Bark signifie a la fois e'corce et bateau, parce que les premieres pirogues furent faites, dans le nord comme en Am^rique, avec des e"corces d'arbres ; en esp. et ital. : Barca. Bedeau. Goth. : Buttel, messager, de biddan , ordonner ; it. : Bidello : esp. : Bedel. Biere (boisson). Goth.: Bier, soit du mot her, qui signifie une baie, un fruit, soit de l'anglo-saxon Bere, qui signifie orge. Ital. : Birra. Bord. Goth. Bord; esp. et it. : Bordo, Borde. Boulevard. Goth..1 Bol-wbrk, ouvrage en pieuoc; ital.: Baluardo; esp.: Baluarte, Bouquetin, en ancien francais Bouccestain, evidemment forme*, par trans- position, de l'allemand Stein-Bock , litte>alement Bouc des pierres, parce que cet animal habite les rochers ; ital.: Stambecco. Dard. Goth. Dor, Darrad, Lance-, esp.: Dardo. •Epervier Espervier. Les langues du nord composaient ce mot de deux raanieres. Les unes, comme l'anglo-saxon, disaient Sper-Hafoc, en an- glais, Spar-Hawk, moineau-faucon; les autres, comme l'allemand, Sper- Ber ou Sper-Wer , moineau homme, moineau guerrier. C'est cette derniere forme qui a prdvalu dans les langues neo-latines, et qui a fait, en francais Espervier, en ital. Sparvier, en Esp. Esperavan. Estramacon ; S. M. Dans Gregoire de Tours , Scrama-Sax; du gothique Schram-Sachs, dp£e tranchante^ ou epde oblique, sabre ; en espag.: Es- cramo. Etendart (Estaudard). Goth. Standart; it. : Standardo; esp. :Estandarte. Gonfanon. Goth. Gund-Fana, fanon ou drapeau de guerre ; ital. : Gon- falone. Grimace. Goth. Grima, masque; grimace est une alteration du visage comme un masque; de la le verbe francais se grimer, se conlrefaire le visage. En it.: Grimo, Ride" ; en esp.: Grima, horreur, effroi, figure repous- sante. Guide, Glider, du Goth. Veisa, conduire , indiquer ; it. : Guida, Guidare; esp.: Guia, Guiar. Guise. Gothique, Veise, mode, maniere; ital. et esp.: Gui.sa. Jayelot. En anglo-saxon, Gafeloc, dont la racine est Gafel, Gabel, Four- che ; oetait un dard en fourche , mais vraisemblablement en fourche rentrCe, comme les aretes d'une fleche ; la meme racine a produit le mot Gaffe, perche dont se servent les mariniers, et le mot Gibet, fourches patibulaires; esp.: Garrocha, Javelina; ital.: Giavelotto. Jardin. En all. Garten, du goth. Gard, qui signifie Enceinte, Enclos; it.: Giardiuoj esp.: Jardin. QUINZIEME SESSION. 523 Lamproie. Goth. Lampreda; ital.\ Lampreda; esp.: Lamprea. Luth, en allemand, Laute ; du gothique, Laut, son de voix, clartfr, ital.: Liuto, Leuto'; esp.: Laud. Marechal. Goth., Mar-scale, serviteur attache" au cheval; ital.: Mares- ciallo; esp.-. Mariscal. Marsouin, en anglo-saxon, Meer-swin, jwrc de mer; esp.\ Marsopa, Ca- chalot ; l'italien a traduit la meme id£e par Porco marino. Moutarde. Goth. Mustard; ital. etportug.: Mostarda; esp.: Mostoza. Parg. Goth, Parroc, Purc, lieu clos, enceinte; ital.: Parco; esp.: Parque. Perle. Goth, Perla; ital. et esp.: Perla. Rime. Goth. Rim, nombre, mesure; ital. et esp.: Rimo. Senechal. Goth, Sines-sgalc, serviteur attache* aw tre' sorbitol. : Siniscal- co ; esp. : Senescal. Les noms des points cardinaux Nord, Sud, Est, Ouest, sont les noms des quatre nains qui, dans la mythologie gothique, soutiennent les quatre coins du monde. 11 y a quelques mots hybrides, c'est-a-dire moitie latins, moitie* golhi- ques, tel est le mot royaume, qui se disait en anglo-saxon King-helm, casque ou couronne de roi ; nous avons traduit en francais le premier des deux elements qui composent le mot, et conserve* la desinence, si bien que nous avons eu Roy~aulme. Souhaiter est egalement compose* de la prepo- sition latine Sub et du mot gothique Hoetan, appeler. Forfait, Forfaire, est compose de la preTixe gothique For, qui exprime la deterioration, Tin- justice; et du latin, Factum, Facere. Installer se forme du latin In, et du gothique Stol , Chaise. La plupart de ces mots existent dans les trois langues. M. Tailliar pense qu'ici encore l'appreciation des faits historiques peut conduire a la solution de la question pro- posed. On sait qu'au ve siecle, l'ltalie fut envahie par les Ostrogoths et les Lombards, l'Espagne par les Visigoths, la Gaule par les Franks. Tous ces peuples etaient de race gcrmanique et parlaient l'idiome tudesque; il n'est pas sur- prenant des lors qu'un certain nombre d'expressions appar- tenant a cet idiome se soient introduites dans les langues des populations vaincues. II en dut etre ainsi surtout des mots qui se rattachaient aux institutions militaires organi- ses par les conquerants. Mais les populations subjuguees n'accepterent qu'avee repugnanee l'idiome des etrangers. Quelques expressions ne furent meme employees par elles 524 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. que dans un sens ironique, tels sunt les mots &erose, botiquin , brandevin , blase , etc. M„ de Lasicotiere appuie cette derniere remarque de quelques mots evidemment appliques dans un sens outra- gant : Arabe, par exemple, se dit d'un homme dur, impi- toyable en affaires ; Ostrogoth , Vandale , qui sont tombes dans le langage du peuple sans qu'on puisse determiner a quelle epoque; Lombard encore, qui est le synonyme de Juif dans la mauvaise acception du mot, sont autant d'epi- tlietes inspirees par le mepris. M. Richelet dit qu'on s'est borne a etudier les etymologies qui avaient preside a la formation des mots; qu'on aurait du rechercher plutot sur quelle langue la notre s'etait formee. Je crois, dit-il , que le grec doit y avoir une grande part. La phrase latine ne domine pas aujourd'hui, il faudrait voir si la construction grecque ne se retrouve pas, au con- traire, fort souvent. M. de Bois-le-Comte repond que la langue a ete formee en grande partie de la langue latine , et il fait remarquer que la construction de la langue latine a ete changee , et qu'on trouve dans la traduction de la Bible par saint Jerome la construction francaise. Ne serait-ce pas la , dit-il, qu'il faudrait aller ehercher le point de depart. La racine des mots existait encore auve siecle, dit M. Tail- liar, maisla syntaxe avait entierementdisparu. Les peuples qui envahissaient denaturaient la langue en voulant la par- ler et lui imprimaient un autre caractere. Le grec avait en- tierement disparu. Cc n'est qu'a la fin du xvie siecle qu'on a recommence a l'employer. Je ne pense pas, dit M. de Bois-le-Comte, qu'on puisse expliquer par une action toute populaire une chose aussi importante que la construction. J'admets que les envahis- seurs corrompent le langage, mais cela n'a qu'un effet limite qui n'atteint pas radicalement le fond des choses. M. Archambault fait remarquer qu'il existe un document precieux pour constater l'expansion de la langue grecque en Gaule : Cesar dit positivement , dans ses commentaires, que QUINZIEME SESSION. 525 les Druides savaient la langue grecque et l'enscignaient dans leurs ecoles. M. de Lasicotiere demande que la 40e question : Quelle influence le sejour de la cour en louraine a-t-il exerce sur le langage et sur le de'veloppement de Vart thedtral dans cette partie de la France ? soit portee a la seance generale. M. le president consulte l'assemblee sur cette proposition, qui est adoptee. M. Lambron de Lignim lit alors sur cette question un meraoire qui renferme de precieux documents sur la nais- nance et le developpement de Tart theatral en Touraine (i). La seance est levee a trois heures. Seance tlu V geptembre* Presidencc de M. le vicomte de Cussy. M. Charles Ernoult , secretaire* M. le secretaire donne lecture du proces-vcrbal de la derniere seance; il est adople. La discussion est ouverte sur la 8e question, ainsi concue : Quelle est Vorigine des noms de famille en France et quels ont ete leurs divers modes de formation ? M. de Sourdeval prend la parole sur cette question, et s'exprime en ces termes : Messieurs Les noms de famille, inconnus de la socie'te' grecque, et vraisemblable- ment de la plupart des autres peuples de rantiquite", avaient, au contraire, (1) Voir le I" volume, page 119, Seanco generale du 6 septembre. 21 326 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. une constitution tres-forte chez les Romains. Tout le monde connatt ces ceUebres families Cornelia, Calpurnia, Terentia, Tiberia, Valeria, qui formaient comme des tribus dans la puissante cite' deRome. Pour distin- guer l'individu dans la famille, on se servait, comme chez nous, d'un prd- nom, Primus, Secundus, Quintus, Sextus, Septimus, Decimus, ou bien, Pu- blius, Lucius, Cneus, etc. Pour indiquer une branche de la famille d'avec une autre, on employait ge'neralement un surnom, et Ce surnom devenait lui-meme quelquefois her&litaire, comme Pison, Varron, Scipion, Cice"ron, CCsar. Cette constitution si remarquable de la famille fut vraisemblablement alte^e par le despotisme du regime imperial et par l'affranchissement illi- mite des esclaves qui prodiguait les titres de la famille du bienfaiteur a des individus trop nombreux et venus de trop loin pour ne pas les lace>er et les effacer a la longue. Aussi le nom de famille disparut-il avec 1'empire romain. A dater de cette Cpoque, chaque individu n'eut plus qu'un nom, et ce nom lui fut personnel, viager; il ne le transmit pas aux enfants. II est remarquable que les esclaves, rassemble's a Rome de tous les points du monde connu, avaient perdu leurs noms primitifs pour prendre un nom ro- main, ou tout au moins un nom grec Leur fut-il donne par les vainqueurs qui ne voulurent pas s'astreindre a prononcer un nom barbare, ou bien le prirent-ils spontanCment pour se fondre plus promptement dans la nation qui les opprimait , mais a laquelle tous aspiraient de s'assimiler par l'af- tranchissement ? L'empereur Jules-Maximin , si connu par sa taille colos- sale, par sa force et sa cruaute, Ctait ne en Thrace, d'un Goth nomme Micca. Enrdld dans les armees romaines et voulant faire son chemin, il prit les deux noms romains sous lesquels il est connu. Au temps de la puissance de Rome, tous les Barbares eurent l'ambition de porter des noms emprun- tds au peuple-roi. II parait que cette mode passa du camp des vaincus dans celui des vainqueurs, lorsque 1'empire romain eut succombe" dans sa lutte contre les peuples gothiques. En effet, dans nos premiers historiens, nous voyons les noms latins dis- paraltre peu a peu pour faire place aux noms du Nord. Ceux-ci, apportes par les conque'rants qui resterent en petit nombre, comparativement aux peuples soumis, s'e'tendirent progressivement a tous ; les esclaves et les serfs mfime finireut par les porter exclusivement. Or, il est remarquable que ces m6mes noms se trouverent communs a toutes les nations germaui- ques et scandinaves qui se partagerent les ddpouilles de 1'empire. Ainsi on les trouve chez les Goths que Jornandes nous fait connaitre, au nord du Pont-Kuxi;) ; chez les Anglo-Saxons, qui conquirent la Grande-Bretagne ; chez les Visigoths, les Sueves, les Vandales, qui s'emparerent de l'Espagne et du nord de l'Alrique; chez les He'rules, les Lombards et les Normands ; partout on reconnait les memes Clements qui composent les noms de Theo- doric, Athalaric, Roderic, Radulf, Sigismund, Richer, etc. QUINZIEME SESSION. 527 Or, ces noms, que le savant M. Augustin Thierry a si biea reconnus et analyses le premier, n'impliquaient pas cependant, comme le croit ce judi- cieux auteur, un sens de'termine', applicable personnellement a l'individu qui les portait au temps de l'invasion. Ainsi le nom de Clovis ou Hlod-wig que M. Thierry traduit, ainsi qu'Hermold-Nigel, par illustre guerrier, ne fut pas cre'e' pour le conque"rant des Gaules, ni a lui attribue en raison de ses exploits. Ce nom nous parait beaucoup plus ancien ; il se trouve dans l'Edda, oil HLon-vE, figure comme Tun des surnoms d'Odin ; et cette meme Edda, ainsi que divers poemes scandinaves et anglo-saxons de la plus haute antiquite, contiennent la plupart des noms du premier 3ge de notre His- toire de France, tels que Brynhild, Hialp-Rek, Hild-Gun, Harold, Har- vard, Hrodgar, Hrced-Ric, Regin-Wald, Sig-Mund, Thiod-Reck, etc., dont nous avons fait Brune'haud, Chilperic, Hildegonde, Charibert ou Herbert, Roger, Roderic, Reginald, Sigismond, The'odoric. Ces noms etaient done tres-anciens, et ils cachaient deja leur origine dans la nuit des temps et dans les traditions mythiques de ces peuples. Ce n'Ctaient pas seulement des mots qualificatifs, e'e'taient des formes consacre'es. On en acquerra la preuve si Ton compare la forme et la composition du nom go- thique avec la forme et la composition du nom grec, et Ton sera e'tonne' du parallel isme parfait, ou plutot de ridentite" de la forme. De l'un et l'autre cote le nom monosyllabique est tres-rare, et le nom de plus de deux Ele- ments est inconnu, toutroulesur l'agencement d'e'le'ments qui se combi- nent deux a deux de maniere a donner des formes tres- varices. Voici une combinaison grecque : Cleo-bule, Thrasy-bule, Aristo-bule ; ClEo-crite, TheVcrite, Demo-crite ; ClCo-damas, Poly-damas, Eury-damas; Cleo-deme, Me'ne'-deme, Crito-deme ; ClCo-gene, Proto-gene, Diogene; Cle"o-laiis, Ag^si-laus, Philo-laiis. Voici maintenantune combinaison gothique : Wald-her (Walther, Gauthier) Berth-her (Berthier) Rik-her (Richer) j Wald-berth (Waldebert, Gaubert), Dag-berth, Hild-berth ; Wald-hram (Valeran), Berth-hramn, Gund-hramn : Wald-mar (Galmier, Jomard), Leod-mar, Eng-mar; Wald-rick (Valery, Gaury), Fried-rick, Reed-Rick; Wald-win (Gauvin), Ed-win, Berth-win. L'analogie est poussee si loin qu'on trouve des combinaisons gothiques et des combinaisons grecques qui offrent la meme ide*e et semblent une tra- duction l'une de l'autre, ainsi Folk-wald, devenu, en Francais moderne, Foucaud, signifiait primitivement commandant aux peuples; or, ce nom reprdsente parfaitement les noms grecs Menedeme et Zaomddon qui ont le meme sens. De meme Ful-t>erih, FUi-berth (qu'on a grand tort d'd- 528 congres scientifique de France. crire en forme grecque Philibert), signifie Multa gloria, et represente Poly-clete. Rad-ulf doit se traduire comme Lyco-mede par Consilium lupi. Or, ce vaste systeme de nom qui s'e'tendait de l'Islande a la Sicile , et de la Dvvina ou Rurik l'avait porte- jusqu'aux colonnes d'Hercule, oil Roderick (homonyme de Rurik), perdit la bataille de Xdres, se partagea en dialectes tres-divers, selon le langage adopts par les peuples qui fonderent les mo- dernes royaumes de l'Europe. Les formes primitives, un peu simplifies, garderent tout leur cachet chez les peuples qui continuerent de parler les langues gothiques, comme les Scandinaves, les Allemands, les Anglais, mais elles subirent des transformations e'tonnantes chez les peuples qui prirent la langue latine pour base de leur idiome national, comme les Ita- liens, les Espagnols, les Francais. Ainsi, ce qui e'tait Baldwin, Reginald, Wallher, Werner, Waldemar, chez les peuples de la langue germani- que, devenait chez les Francais Baudouin, Re'gnaud, Gauthier, Gamier, Gaumier, et recevait dans les deux peninsules mendionales d'autres me- tamorphoses presqu'aussi Ctranges. On en e'tait la lorsque le xie siecle vint apporter de grandes modifications dans l'organisation sociale de l'Europe. On avait attendu, avec terreur, la fin du monde pour le premier Janvier de 1'an 1000 ; quand on vit qu'elle n'avait pas lieu , que les ph&iomenes de la nature continuaient leurs cours comme par le passe", on reprit courage et l'esprit humain recut une assez notable impulsion de progres en Europe. Cetle impulsion se manifeste a nos yeux par la naissance de l'architecture religieuse dite romane ou bizantine, par 1'etablissement ou la constitution de la chevalerie , en fin, par la creation du nom de famille qui se rattache a l'origine de la chevalerie et de la feodalite\ En effet, avant le xi" siecle, le nom de chaque homme 6tait, comme nous l'avons dit, purementindividuel, viager, non transmissible ni extensible a la famille; ce nom 6tait presque invariablement d'origiue gothique, c'est-a-dire germanique ou scandinave. La constitution feodale donna le nom du fief au seigneur qui le poss^dait. Ainsi , des seigneurs qui se nommaient individuellement Bouchard, Roger, Amaury, devinrent Bouchard de Montmorency, Roger de Beaumont , Amaury de Montfort. A leur d£ces, le nom individuel disparut, fit place a un autre; le nom du fief, au contraire, fut transmis a l'heritier et devint permanent. A Bouchard de Montmorency succ^derent nerve", Louis, Ro- land, Mathieu de Montmorency, a Roger de Beaumont succ^derent Atbe"- ric, Gdoffroi, Richard de Beaumont ; Amaury de Monfort fut remplace par Guillaume, Simon, Guy de Montfort. La famille ainsi groupde autour du fief, se trouva constitute par ce fait meme ; elle prit des lors un tout autre caractere de durde et de puissance qu'elle n'avait eu au temps oil tous ses membres ne portaient que des noms isolds, destines a s'&eindre avec eux. Toute la noblesse prit ainsi des noms de fiefs; les families se QUINZIEME SESSION. 529 subdiviserent ensuite en attribuant un nom de fief a chacune de leurs branches. L'avantage que tira la uoblesse de cette Edification de la famille fut bien- t6t appre'cie' par les classes infe>ieures, qui, soit par calcul, soit par esprit d'imitation, s'attribuerent graduellement un nom gene>ique et transmissi- ble. EUes commencerent, sans doute, par prendre certains noms qui rappe- laient vaguement le nom de lieu pris par la noblesse, comme Dumont, Duval, Dubois, Delalaude, Delelang. Puis des noms de me'tier se trausmi- rent, comme Lefevre, Lemasson, Couturier, Chapuis, Marshal. Quelques sobriquets s'y ajouterent, comme Leblanc, Lenoir, Lelong, Petit, Legros. L'ancien nom gothique, autrefois viager, devint herdditaire dans beaucoup de families, tels que Richard, Bernard, Bertrand, Guillaume, Roland, Gau- thier, Garnier, Regnault, Guichard. Enfm les noms des saints les plus po- pulates vinrent former les titres de beaucoup de families, sous des formes quelquefois tres-multiplie'es et tres-de'figure'es. Les noms des douze apotres furent frequemment emprunte's. II en a €t€ de meme d'autres noms de saints tres-celebres, comme J&tienne, Antoine, Nicolas, Martin, Me'deric ou Merry, M£dard ou Mars, Denys. Chacun de ces noms populaires a subi les plus estranges variantes. Ainsi le nom germanique Walther, a d'abord 6i& traduit dans le latin du moyen age, par Waltharius, Gualcherius, puis par Gauthier, Gaucher, Vaucher, Vauthier, Gauteron, Gauteret, Gau- tereau, etc. Wilhelm a forme" non seulement Guillaume, mais Guillon, Guillet, Guillot Guillard, puis Guillaumin, Guillemin, Vilemain, Guil- leminot. Harold est devenu Arraud et par diminutif Arrouet. Les deri- ves de Pierre, de Paul, de Jean, de Jacques, d'Etienne sont innombrables. Les radicaux tirds de tous ces noms, soit contractus, soit allonge's, out recu une foule de desinences telles que les suivantes ; ainsi pour le nom de Pierre : Perrin, Perron. Perret, Perrot ou Perraud, Pdrard, Perrou. Puis : Perrinet, Perronneau, Perrotin, Perraudeau, Perronet. Le nom de famille ayant commence" par le nom de fief au xje siecle, ce ne fut guere que trois siecles plus tard que ce nom se fut £tendu, par l'u- sage, a toutes les families du peuple ; il s'y propagea peu a peu sans aucune loi, sans reglement. II se fit par une sorte de spontaneity d'entrainement populaire, par esprit d'imitation, d'assimilation envers les puissances gou- vernantes, comme jadis avait eu lieu l'adoption des noms romains dans la Gaule et dans les autres regions soumises h la puissance de Rome ; comme s'elait eHabli, au vn* siecle, l'usage des noms barbares imports par les na- tions conque>antes. Le Livre desTailles de Paris, dresse" en l'an 1313, nous montre le nom de famille encore a Mat de formation etmeme encore incertain sur plusieurs ndividus. II semble, dans cette nomenclature des bourgeois de Paris, que 350 CONGRES SCIENTIFIQUE DB FRANCE. le nom principal est encore l'ancien nom viager, eelui qu'aujourd'hui nous appellerions prenom ou nom de bapteme. En effet, tel fut le r61e que vint jouer l'ancien nom individuel dans cette nouvelle constitution onomatolo- gique de la famille. Le nom, dit de famille, devint le nom fondamental, central; c'est autour de lui que se grouperent les autres comme de simples appendices individuels. Le nom de bapteme ou prenom, est la continuation de l'ancien nom per- sonnel et viager ; il est, a cet e"gard, d'une institution beaucoup plus ancienne que le nom de famille, car elle remonte a l'origine de l'histoire de l'homme ; mais ce nom semble, au contraire, comme tres-moderne dans le sens d'une consecration et d'un patronage a l'egard de l'un des saints de la legende. II parait meme que l'usage, en ce sens, en aurait e'te', a peine, general en France sous Louis XIV ; comme nous le voyons par une note de l'abbe" de Marolles a propos du bapteme d'Ingomer, fils de Clovis : « En ce temps-la, dit le traducteur de Gregoire de Tours, les catholiques n'affectaient pas, comme on fait a present, en quelques dioceses de ce royaume, de donner des noms de saints du Nouveau -Testament ; ils se contentaient de donner des noms de leur langue, de leur pays ou de leur famille, parce qu'il n'y a point de sanetification de nom qui intervienne dans le bapteme que celui de JCsus-Christ et de Chretien. » Les registres de l'elat civil qui contiennent la veritable charte de nos fa- milies, sont de formation bien recente ; un synode prescrivit, en 1406, aux cure's, la tenue des registres de bapteme, et plus tard, vers l'an 1464, on leur enjoignit de constater les manages et les dexes. M. J. Azais a traite la m&ne question et repond k M. de Sourdeval par le memoire suivant : Les noms de famille sont les noms qui distinguent les in- dividus appartenant a une famille, des individus apparte- nant a d autres families. En d'autres termes, les noms de famille sont ce qu'on appelle vulgairement les noms propres. Pour expliquer Torigine des noms propres ou de famille en France, il faut : 1° etablir une theorie; 2° invoquer des faits a l'appui ; 3° tirer les consequences qui resultent de la theorie appliquee aux faits. I. Theorie. Tous les noms propres ont ete originairement significatifs , Ewtbe Salverte. Les noms propres sont aussi anciens que le monde. Des qu'il y a eu sur laterre plusieurs individus, chacun a n^cessairement recu une denoini- QUINZIEME SESSION. 551 nation qui le djstinguat des autre?. Ces denominations ont vraisemblable- ment 6t6 prises d'abord des qualite's pbysiques ou morales de l'individu ; l'un a ete" appele Leblanc , l'autre Lenoir, celui-ci Lebon , celui-la Lesage. Ces demonstrations devenant insuffisantes , on a du recourir au nom des animaux avec lesquels les moeurs ou le caractere de l'individu lui donnaieut quelque ressemblance. L'homme ruse" a 6t6 appele* Renard , l'homme vorace Lonp , l'homme courageux Lion. Ces denominations devenant insuflisantes encore, on a mis & contribu- tion, pour designer tels et tels individus, les arbres , les plantes, les fleurs et les autres productions de la terre qui paraissent avoir avec eux quelque analogic L'homme robuste a ete* appele* Duchine , l'homme dur Dunoyer , l'homme aux joues colordes Rosier , l'homme sans energie Roseau. On a enfin ddsignd les individus ou par leur metier, ou par leurs actions d'e^lat , ou par leurs gouts, ou par la nature de leurs proprietds , ou par leurs fonctions publiques , ou par le lieu de leur naissance , ou par les pays oil ils avaient voyage* , ou par toute autre circonstance qui peut faire distinguer unindividu d'un autre individu. De la les noms propres Letour- neur , Levaillant , Friand , Dupre1 , Lemaire , Clermont , lrlandais. II suit de la que , dans l'origine , tous les noms propres ont ete* signifi- catifs; et j'ajoute in6me qu'il n'a pu en etre autrement. Le nom propre fut invente* pour tenir lieu de la peripbrase a laquelle il fallait bien avoir recours pour designer chaque individu ; le nom propre dut done 6tre approprie* , comme la periphrase , a la personne qu'il s'agissait de desi- gner. Faisons attention d'ailleurs qu'il serait contre toute raison que les hommes, qui avaient a leur disposition une foule de mots, tous faits, prdsentant un sens analogue aux individus qu'ils voulaient designer, enssent pris la peine de creer arbitrairement des mots qui n'auraient prdsente aucun sens et que personne n'aurait compris. « Qu'on ne dise « point , dit Eusebe Salverte , que rien n'empeche le caprice de creer des « noms insignifians : l'invenlion sans motifs et sans principe, est aussi « difficile pour ce sujet que pour tout autre. » II est probable que , dans les temps primitifs , les noms propres ne furent pas invariablement transmis des peres aux enfants. Le Ills dut sou- vent etre nomine* autrement que son pere , lorsqu'il eut des deTauts ou desqualites contraires, lorsque son pere , ayant embrasse* une certain profession , il embrassa une profession diuVr< \\\>> , lursqu'en un mot les 532 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. circonstances qui avaient determine" la denomination donnle a son pere , n'existaient pas pour lui. A mesure que la civilisation fit des progres , les noms propres acquirent plus de fixite\ La transmission des successions , des successions collate- rals surtout , fit sentir aux membres de chaque famille la n^cessite de conserver, pour se reconnaltre au besoin , le nom propre qui leur etait commun ; mais les noms propres ne furent invariablement transmis en France, des peres aux enfants, et ne devinrent definitivement noms de famille, qu'a dater du mois d'aout 1539, epoque a laquelle la tenue des registres de 1'^tat civil fut prescrite par l'ordonnance de Villiers- Cottrets. Alors , mais alors seulement , les naissances , les mariages , les d&es , devant 6tre enregistr£s, chacun en naissant recjut le nom de son pere , se maria sous le nom qu'il avait recu en naissant , et emporta ce nom dans la tombe. Vous remarquerez que , pour empecher toute varia- tion dans les noms propres , l'ordonnance d'Amboise du 26 mars 1555 deTendit de changer de nom sans la permission du prince. Je n'ai pas besoin de faire observer que les noms propres resterent significatifs comme ils l'avaient e'te' originairement; mais ce qu'il est essentiel de noter, c'est que chaque nom retint la signification qu'il avait dans la langiie a laquelle il avait primilivement appartenu. II suit de la qu'il y a beaucoup de noms propres dont on ne peut trouver la significa- tion sans faire des recherches dans les langues anciennes et modernes. Mais on concoit de reste que les langues qui ont e'te parlies dans un pays sont celles qui y fournissent la signification du plus grand nombre de noms propres. If. Faits. Rechercher la signification de tous les noms propres , serait une entre- prise au-dessus des forces humaines ; mais j'ai pensl qu'il y avait moyen de faire cette recherche sur un certain nombre de noms connus en France: et c'est la tftche que je me suis iraposde. J'avertis que je mettrai de cotd tous les noms propres qui pre\sentent par eux-memes un sens en francais , car il serait ridicule que j'eusse l'air d'apprendre a mes lecteurs ce que signifient les noms propres Bcrger, Labrosse , Lacave , Soulier, Sellier, Leroux, Leblond, etc., etc. Mon travail sera d'autant plus pr^cieux, qu'il n'aura pour objet que des noms propres auxquels le vulgaire n'at- tache aucun sens. Suit une longue nomenclature etymologique dont le con- seil de redaction n'a pas adopte Timpression. QUINZIEME SESSION.' ' 333 III. Consequences. Le tableau que je viens d'esqnisser, et qui ne se compose , comme je 1'ai de*jk dit , que de mots qui n'ont aucun sens en francais , prouve par des faits ce que j'avais de'ja essaye' de prouver par des raisonnements , c'est-a-dire que les noms propres ou de famille sont significatifs. La demon- stration aurait 6t6 complete si j'avais fait sur tous les noms l'epreuve que je n'ai faite que sur un certain nombre ; mais les recherches auxquelles je me suis livre" m'autorisent a affirmer que le re'sultat aurait Cte" le meme. II est bien quelques noms propres dont il est impossible de connaitre la signification , et ce sont principalement ceux qui se sont forme's dans la langue que parlaient les habitants primitifs de nos contrees. Cette langue qui a 6t6 successivement alt&£e et denatured par le melange de je ne sais combien d'autres langues , et qu'aucun document historique ne nous a conserved , ayant cesse' d'exister, il n'est pas merveilleux que les noms propres qui lui ont appartenu , restent sans signification. Faisons attention d'ailleurs que , si nous connaissons les langues offi- cielles , si je puis m'exprimer ainsi , que Ton parle en Italie , en Espagne, en Angleterre , en Russie , en Allemagne , dans la Suede ; dans le Dane- marck, dans la Hollande, nous ne connaissons nullement les dialectes ou patois qui forment le langage particulier de toutes les locality dont se composent ces di verses contrees. Or, le moyen de connaitre la significa- tion d'un nom propre qui aura e'te' cre'e' a l'aide de Tun de ces dialectes ou patois! Et tous les dialectes ou patois de France les connaissons-nous ? Et pou- vons-nous donner la significetion des noms propres qui ont pris naissance dans ceux de ces dialectes ou patois qui nous sont inconnus? II y a done quelques noms propres dont il est impossible de donner la signification ; mais ces quelques noms propres ayant dtC cr^es, comme tons les autres, pour distinguer les individus , ce n'est pas la signification .qui leur manque , e'est la connaissance du langage, dans lequel lis ont e'te crdos , qui nous manque a nous-m6mes. II suit de tout ce dessus que le besoin de distinguer les individus a 6tt, en France comme ailleurs, l'origine des noms propres , devenus plus tard noms de famille, et que les modes de formation de ces noms propres ou de famille ont Cte" aussi nombreux que les moyens que peut fournir une langue de distinguer, par la parole, un individu d'un autre indlvidu. 334 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Remarquons, en passant, que le tableau que j'ai (100116 de la significa- tion d'un certain nombre de noms connus, vient a l'appui de quelques faits que nous enseigne l'histoire. L'apparition en France, et sur tout dans les provinces meridionales, des Grecs et des Arabes, est constats par un bon nombre de mots d'origine grecque ou arabe. Les Romains ont domine" en France ; de leur langue s'est formed la basse-latinite et la langne romane ou des troubadours qui a 6tt longtemps la langue du midi : de la une foule de noms propres qui de>ivent de la langue latine, de la langue romane et de la basse-latinite. Les Celtes ont envahi la France et s'y sont elablis; de la une infi- nite' de noms qui derivent des langues celtiques. Les Ligures, les lberes, les Goths, les Teutons y sont passds, et ont laissC, dans quelques noms propres, les traces de leur passage. Quant a la langue he^braique qui a laiss£ des vestiges dans toutes les langues, trente-six noms propres qui en derivent , attestent qu'elle en a laisse"dans la n6tre. Restent quelques noms d'origine italienne, catalane, espagnole, basque, anglaise, allemande, etc., dont l'introduction dans nos contrdes s'explique facilement par les voyages et les emigrations. Les voyages et les Emigra- tions expliquent aussi les noms de ville, bourg ou village que portent beaucoup d'individus. J'ajoute, en finissant, que j'aurais pu donner la signification de beau- coup d'autres noms propres, tels par exemple, que : Cambacerds, Cam (courbe'), Bacerus (desse'che') basse-latinite. Robespierre, Rob (proie, butin), Esper (espe>ance) celtique. Cadoudal, Cad (combat, choc, conflit), Oud (contre), Al (personnage ElevE) celtique. Je me suis abstenu de donner ces significations comme prGtant trop a l'arbitraire , et j'ai de plus £lagu6 la signification du nom Cadoudal, comme attribuant une inspiration prophitique a ceux qui efferent ce nom. Observations sur les deux memoirses ci-dessus. En lisant ces deux m^moires, le lecteur a sous lesyeux l'expression de deux Ecoles bien opposes, M. Azais marche sur les traces de Court de Ge'belin et de feu Eusebe Salverte, M. de Sourdeval suit la voie indiqu^e par M. Augustin Thierry. QUINZ1EME SESSION, - 555 La m&hodede Gobelin, de Salverteet de M. Azais, choisissant son terrain dans la philologie generate , consiste surtout a prendre un nom dans son £tat actuel et a le rapprocher, sans interme'diaire historique, d'un mot appartenant a une langue Strangere , et de conclure de la a une parents , a une similitude; ainsi selon cette e'cole : Arrouet, vient du grec arrod, je brule , Auger, de 1'allemand Auge, oeil , Augereau , de la basse latinite : AugereaesLUy Augier de Augia, paturage, Auguis, de Augui, rouir. L'Scole d'Augustin Thierry traduit ces m6mes mots tout autrement. Elle cherche les metamorphoses successives qu'un nom a subies dans le moyen age , aux di verses epoques de notre langue. Pour elle, harald est devenu haraud, Mraut , arrau , arroux, et , par l'effet d'une terminai- son diminutive, Arrouet. Auger, (Augier, qui est la meme chose), et Augereau, qui en est le diminutif, apparaissent dans les chroniques du moyen age sous la forme d'Adalger : de meme que Allard, est Adalhart, etAugis, Adalguis ou Adalgis; ces dernieres formes sont dvidemment gothiques, Adal-ger, Adal-hart, Adal-gisle. Arnaud Jui parait venir d1 'Arnold (Eren-otd) ; Didier lui semble le gen^rateur de Diderot, Dide- ron, Didot, etc.; Guizot, Guizard, Guizol, de m6me que Guiton , Guitaut, etc, sont pour elle des drive's de Guy, qui s'Scrivait souvent Guls , vieux noms francais qui vient , soit du martyr sicilien Vitus , honore" sous le nom de saint Guy, soil du nom gothique Weit ou Weis , soit de Ghisle , £14ment qui figure dans beaucoup de noms , comme dans Ghislebert, devenu Gilbert et Guibert, ou dans Ghisle-mar, devenu Guimard. Remarquons que la deviation depuis le point du depart jusqu'au point d'arrivde a du 6tre bien grande dans un ordre de noms qui a continue" d'etre en usage chez une nation qui avait rejet6 la langue dont ces noms eiaient formes ; nous en voyons de singuliers exemples dans le nom Waldemar , qui, transports en Russie, par les Waregues, y est devenu Wladimir, et qui a e'te' impatronise' en France par un ^saint qu'on appelle et latin sanctus Waldemarus , mais que Ton traduit en francais par saint Gal- mier, Gaumier , ou Jaumier. Adel-mar, est devenu AdMmar, Aze'mar, Aymar et enfin saint Omer, (Audomerus. Aldemarus); Austroge'silus s'est change* en saint Outrille ; Audoenus, (de Aid-win) , a forme* saint Ouen (1). (1) Voyez, dans le Vocabulaire hagiologique de Chatelain, imprint en t6te du Bictionnairo etymologique de Mdnage, les etranges derivations des noms de saints, c'est la trans formation meme du nom gothique au nom moderne. 336 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Enfin le nom meme de Gaucher qui parait avoir une signification si e>idente , est un veritable nom d'origine gothique ; voyez plut6t les chro- niques qui ont parte du c&ebre Gaucher de Chatillon ; elles le norament Gaucherus, Gualcherius , Walcherius, Walterius ', c'est done le nom Wahl-her qui s'est metamorphose' en gaudier, en suivant une route aussi detournee que dies se changeant en jour. Done les noms d'aujour- d'hui sont bien defigure's, et il est imprudent de les confronter immedia- tement avec un mot venu du roman, du grec ou du lapon. La seule maniere d'arriver surement a leur source c'est de les suivre pied a pied a travers toutes leurs deviations pendant le moyen age. Ainsi Louis vient de Ludovicus , qui vient de Chlodoveus (dans Gregoire de Tours) qui est Oidemment identique avec Hlod-ve, surnom d'Odin , tandis qu'on nous etablirait vainement , par le proce^de" de Court de Gebelin ou d'Eusebe Salverte, que Louis se trouve avoir une homonvmie parfaite en Siamois ou en Tartare-Mantchou. Ces observations posdes , nous nous empressons de rendre pleine justice a la science etendue de Court de Gobelin , comme a celle de MM. Eusebe Salverte et Azais. M. Tailliar s'attache particulierement a retracer l'origine des noms de famille des roturiers. Deux causes, dit-il, ont plus specialement concouru a leur faire attribuer des noms propres qui permissent de les rcconnaitre exactement: 4° La plupart etaient hommes liges, tenanciers ou censi- taires soit des seigneurs , soit des abbayes. Pour exiger d'eux les services ou les redevances auxquels ils etaient tenus, il fallait bien les connaitre et les distinguer avec certitude. De la , les precautions prises soit dans les anciens roles feodaux, soit dans les cartulaires religieux, de consta- ter soigneusement les noms, les surnoms et autres indica- tions propres a empecherles ambiguitesou les subterfuges. 2° L'affranchissement des serfs contribua de meme a rendre les noms propres nccessaires. Dans le droit romain, l'esclavc n'avait point d'existencc civile; ce n'etait point une personne mais une chose, non persona sed res. La con- version de 1'esclavage en servage amcliora par degres la condition de ceux qui ne jouissaient pas des droits civils. Enfin les habitants des villes et des campagnes devinrent QU1NZIEME SESSION. 537 libres. lis eurent alors une personnalite legale, une capacite civile. lis purent contracter, acquerir, plaider en justice; de la pour eux la necessite d'avoir un nom qui les distinguat et servit a constater leur identite. Ces noms bourgeois ou roturiers ont des origincs diffc- rcntes ; ils sont diversemcnt tires : 1° De la profession qu'on exerce: tels sont charpentier, boulanger, boucher, le febwe, le serrurier, etc; 2° Du lieu d'origine ou d'habitation, Lorrain, Flamand, Picard, etc; 5° De certaines charges ou dignites, I'e'veque , doyen, le prtire, le majeur, I'e'chevin ; 4° De distinctions obtenues dans des j eux publics, leroi, le prince ; 5° Du rang occupe dans la famille, Vaine, lejeune, le jumeau ; 6° De la conformation , de la taille , de la couleur des cheveux ou d'autres signes distinctifs comrae le grand, le gros, petit, le brun, le noir, le roux, roussel, etc; 7° De certaines habitudes ou manieres d'etre ; quelques- uns de ces noms sont bizarres; tels sont mal nourri, mai- grelot , blanche mine , etc ; 8° De diverses parties ou denominations soit,dansla superficie du sol, soit des maisons ou des domaines ruraux comme de la rue, de la porte, du toit, du jar din , de la hage, des pre's, des champs; 9° Des noms de bapteme convertis en noms de famille , Guerard , Girard, Gamier, Firmin , Robert, etc; •10. Des noms d'animaux , le cog, cheval, baudet, etc. ; Enfin &'une multitude d'autres circonstances. M. de Bois-le-Comte ajoute que la constitution de la fa- mille appartient au cbristianisme; Le bapteme est une consecration qui rend la vie du fils independante de celle du pere. On doit done faire remonter au christianisme Forigine des noms, que l'etat civil a plus lard regularise. Dans le pays basque , dit-il , il n'y a pas cu de monde i'eodal et cependant on trouve un grand nombrc de noms 338 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. de manoir. Dans la Biscaye , encore aujourd'hui , le pere a le droit de donner son manoir a qui il veut, le possesseur alors prend le nom de l'habitation. M. Lambron cite un manuscrit de 1379, ou Ton trouve une grande quantite de noms , et il fait remarquer que tous les noms de femmes sont le feminin des noms d'hommes ; ainsi Chartier, Chartiere, Robin, Robine, Briconnet , Bricon- nette], etc. II ajoute qu'il y eut un moment ou Ton avait une telle propension a s'attribuerdes noms de terre, quele roi Henri II fut oblige de rendre une ordonnance, en 1555, pour arreter cette tendance. M. de Cussy dit qu'on prenait ainsi des noms nobiliaires dans le but de s'exempter des redevances , mais que cet abus fut reprime. M. Dufaur de Montfort a fait remettre, par M. le docteur Roux, de Marseille, un memoire sur la 9e question: Quelle est la limite qui se'pare la langue d'Oil de la langue d'Oc? Messieurs , « Quand le Nord, s'epuisant de barbares cssaims, « Vint par une conquete en malheurs plus feconde, « Venger sur les Romains l'esclavage du monde, « De leurs»affreux accents la farouche Aprete « Du latin, en tous lieux, souilla la purete. « On vit de ce melange etranger et sauvage « Naitre des langues soeurs , que le temps et l'usage, « Par des sentiers divers guidant diversement, « D'une lime insensible ont poli lentement « Sansponroir en entier, malgre tous leursprodiges, « De la rouillebarbareeffacer les vestiges, » (Andre Chenilb.) Comme il arrive que, dans les vieilles families, les rapports de parente, d'abord intimes , s'isolent, divergent et finissent par disparaltre dans To- cdan du monde, de meme aussi les langues qui toujours affectent une tendance a varier, s'e"loignent graduellement, de siecle en siecle, les unes des autres, et, par contre, se rapprochent de plus en plus quand on re- monte avec elles les premiers ages oil se produit leur source, C'est ce QUINZIEME SESSION. 539 qu'ou observe particulierement pour la langue franchise dont les diverses transformations, depuis Montaigne et Rabelais, ont ete" prodigieuses; et que sera-ce done si Ton veut rechercher jusqu'a son origine ? Lorsque Rome eut mis fin a la conqufite des Gaules, ellc comprit en habile politique qu'elle e"tait, que la voie la plus sure pour dominer les peuples sou mis a ses armes, c'etail d'aneantir la langue autocthone, car la langue sauve la nationality et la nationality est le dernier espoir qui reste aux vaincus. A l'arrive'e des Romains, trois langues distinetes 6taient en usage chez les Gaulois : au nord, la langue beige, composition de celtique et de ger- main ; au centre, le celtique pur ; au midi la langue des Aquitains, origi- nate d'Espagne ou Iberie. Voila tout ce que rapportent, a ce sujet, les commentaires de Ce'sar ; mais, il faut bien en convenir, la Gaule ne nous est connue que par ce qu'ont daigne" nous en dire ses tiers vainqueurs, et peut-6tre serait-elle passe'e inapenjue sans le courage he'roique de quelques uns de ses enfants, de Vercinge'torix, entre autres, qu'on a pu surnommer le dernier des Gaulois. On de'signe le celtique comme base du langage ; qu'dtait-ce done que ce celtique dont les caracteres ne sont pas venus jusqu'a nous? Les Druides, seuls e'claire's, n'avaient point d'alphabet, et la langue devait se transmettre par tradition. Pourquoi, comment ? on l'ignore. Un savant modeste, guer- rier plus illustre encore, le premier grenadier de France, le valeureux Latour-d'Auvergne, a voulu exhumer l'idiome primitif de nos peres, et tout ce qu'il a recueilli de ses laborieuses recherches se resume en quel- ques vestiges qui meme tombent, plus ou moins exacts, plus ou moins tronque's, dans le domaine obscur de l'archeologie. Ce'sar assure, et d'anciennes m^dailles l'attestent aussi, que les Gaulois se servaient de mots grecs ; les avaient-ils recus de la colonie phoce'enue de Marseille ? ce serait peu vraisemblable, car les marchands strangers qui aborderent la partie meridionale de la Gaule ne s'&ablirent que sur les c6fcs et rien n'indique que leurs relations, de long-temps au moins , se fussent etendues vers l'interieur des terres. Toutesles langues, d'ailleurs, pr^sentent des ph^nomenes semblables ; elles out des affinites quelconques avec le grec, avec l'h6breu meme, sans qu'on ait pu s'expliquer d'une mauiere satisfaisante l'origine de ces singuliers rapprochements : e'est la un des fails historiqnes dont le mys- tere n'est point encore sort! du creuset de la science. 340 CONGRES SCIENTIP1QUE DE FRANCE. Quoiqn'il en soit, le latin fut impose a la Gaule, et de son melange avec les dialectes priraitifs r^sulta ce qu'on nomme la langue romane. Mais , remarquons-le, ce latin ne se parlait pas comme a la tribune du forum. L'arm^e conquerante avait son langage particulier, le langage vulgaire, et ce fut celui-ci qui se rdpandit dans les provinces conquises. Le bas latin que la victoire venait d'introduire trouva partout appui et encouragement; il devint meme, plus tard, obligatoire pour la redaction des actes publics. Quelque corrompue qu'elle fut, la langue deVirgilefleurit dans le midide la Gaule, a Bordeaux, a Toulouse, a Nimes ; mais ses progres furent moins sensibles au fur et a mesure qu'elle se dirigeait vers le nord, de sorte qu'elle Ctait a peine implanted aux bords du Rhin que deja, par une marche en sens inverse, les peuples barbares de la Germanie se precipi- tant dans la Ganle, semerent sur leur passage des idiomes inconnus. Les Francs s'Ctablirent au nord, les Visigoths au midi, et alors se renouvela un melange facile et prompt chez les peuples qui n'avaient pas eu le temps d'abjurer les formes tudesques, peu dissemblables, d'ailleurs, de la langue des nouveaux conquerants, lent et incomplet la ou le latin conservait de profondes racines. - La langue du midi etait, on peut le dire, plus nationale; malheureuse- ment des chances funestes vinrent toujours entraver son essor. A quoi tiennent les destinies du monde ? Si Alaric II eut triomphe" a Vougle", peut etre Toulouse serait aujourd'hui la capitale de la France, et la dy- nastie Carlovingicnhe ne nous eut point inflige* son dur jargon. II y eut long-temps encore, apres la conquete des Gaules par les Ro- mains, vers le vue siecle, une langue commune qui n'avait plusrien de cel- tique, et qui cependaut n'etait pas latine non plus ; tous les auteurs citent comme le monument le plus ancien de ce dialecte vulgaire le serment de Louis-le-Germanique, prononcC en 842 a Strasbourg; il est e"crit dans la forme provinciale, mais on ne peut se dissimuler que ce ne soit tout simplemeut un latin corrompu. La fusion des idiomes, au nord comme au midi de la France, ne s'ela- blit d'une maniere complete que vers le xme siecle, et alors se rCvelerent dans le royaume deux langues bien difterentes entre elles, la langue d'Oil, d'un cote", la langue d'Oc de l'autre. Toutefois, cette dissemblance n'etait pas encore , au commencement des croisades , aussi marquCe qu'elle le devint par la suite ; quelques philologues vont meme jusqu'a pretendre qu'a cette epoque la France entiere parlait le meme langage. 11 est diflicile de determiner l'elymologie du mot langue d'Oc. Nicot le QUINZ1EME SESSION. 341 fait driver de langue de Goth, comrae qui dirait langue gothique, langue de Goth; raais c'est la une explication peu satisfaisante ; on ne voit pas trop le rapport qui peut exister entre Oc et Goth. D'autres remarquent qu'au moyen age le royaume de France se divi- sait en deux parties appeiees langues , Tune la langue d'Oil , l'autre la langue d'Oc, et la preuve, ajoutent-ils, c'est que les Gascons, et surtout les Goths , prononcaient Oc pour dire Oui , tandis que dans tout le reste du territoire ce Oui se traduisait par Oil. Cette explication n'a rien de bien se'rieux ; il est douleux que les Gas- cons prononcassent Oc, car ils disent aujourd'hui Ho, Hobe, et d'ailleurs je me prends parfois a me demander si le partage philologique de la France a pu tenir a Oui plut6t qu'a Non. Ce qui semble moins contestable, c'est qu'on a fait de langue d'Oc le nom de Languedoc que porte la province et aussi celui d'Occitanie qu'on lui donne quelquefois ; ces denominations ne sont done pas fort anciennes. An surplus, la langue d'Oc, loin de s'appliquer d'une maniere exclusive au pays qu'elle a gratifie de son nom, etait commune a tous les Flats de Raymond IV, de Saint-Gilles, comte de Provence, souverain d'une partie de la.Gothie et de l'Aquitaine. Aind nos historiens, en parlant des poetes provenc,aux, n'entendent pas seulement, comme on le ferait aujourd'hui, les poetes de la partie du royaume comprise entre le Rhdne et le Var, mais encore ceux qui, sous d'autres climats , ont versilie en langue ro- mane provencale, et dans ce norubre on compte des Catalans, des Ara- gonais, des Italiens. Des que la langue romane eut commence' a se rdpandre, les divers dia- lectes se formerent en se modifiant avec l'idiome du pays. En 1080, la langue d'Oc naquit de la decomposition du latin. La po&ie provencale brillait dCja vers la fin du xi" siecle, et dans le xne, elle parut dans tout son eclat. Peu apres, au xni" siecle, le Dante, frappe de la richesse de la langue romane provencale, mais comprenant aussi ses deTauts, au lieu de s'astreindre h l'ecrire comme on le faisait avant lui, comme il en avait en la premiere idee, sut n'en prendre, en quelque sorte, que la fleur, et devint , sans aucun doute, le createur de cette douce langue italienne dont la divine comedie est la premiere, la plus noble expression. La langue d'Oil est ce qu'on appelait d'abord le roman wallon , en usage dans les provinces du Nord de la France, oil le latin, parie plus tard que dans le inidi , s'etait maintenu beaucoup moins longtemps. Ce dia- 22 542 CONGRES SCIENTJFIQUE DE FRANCE. lecte devait se ressentir de la brutale occupation des peuples septen- trionaux ; il dtait dur, apre, tel qu'il le fallait aux gens de guerre. La langue d'Oil dont le patois picard est une varidt<5, peut-etrc meme une reproduction presque originale, naquit au xe siecle, lors de l'invasion des Normands, et elle s'est soutenue toujours dans les circonstances les plus favorables. L'Universite de Paris la prit sous son patronage et les rois de France, et la cour, et le peuple, n'en voulurent point d'autre. Saint Bernard en rdpaudit 1'usage en pr^chant la croisade, et depuis elle ne fit que progresser entre les mains des Yillehardouin, des Joinville, des Malherbe, des Froissart, des Rabelais, des Montaigne, jusqu'au grand regne de Louis XIV ou elle arriva a son apogde de gloire et de perfection. On a dit que les langues d'Oil et d'Oc s'elaient partage' le nord et le midi de la France. Chacune des deux eut ses poetes: les trouveres, d'un cote; tie l'autre, les troubadours. Ces noms de troubadours et de trouveres n'en constituent, a proprement parler, qu'un seul ; ils ont du moins la meme origine et signitient trouveurs ou possedaut le don de l'invention et du genie, epitbete taut soit pcu fastueuse, mais permise aux poetes, dont la modestie n'a jamais 616 le defaut capital. L'acception de trouveurs ou trouveres, apres avoir 6t6 quelque temps en usage dans la boucbe des mene'triers et des auteurs contemporains, s'aneantit bientdt parce qu'il n'e'tait point ndcessaire qu'elle passat dans la langue ; mais comme il n'y avait pour designer les poetes de la France me>idionale que le terme de Provencaux, qui indique egalement les habi- tants de la Provence, on s'accorda, afin d'dviter toute amphibologie, a ne plus les appeler que troubadours. C'est sous ce nom qu'ils s'illus- trerent en Italie, et il ne fut plus question que d'eux dans notre litteratnre moderne. De la est re"sult6 une crreur ; beaucoup de fails personnels aux poetes du nord, qu'on avait deja cesse de nommer trouveres , furent ill— distinctivement* applique's aux troubadours; les troubadours etaierit par- tout, on ne vit plus que des troubadours. Un chanteur, un mene'trier quel- conque apparaissait-il a la cour d'nn prince, au seuil d'un cbateau, e'etait a coup sur un troubadour rccifant des poesies prevencalcs, et on oubliait que ces cbansons , ecriles en une langue propre a eertaines provinces, ne pouvaient etre entendues dans les autres, moins encore a l'elrangcr. Ainsi, par exemple, l'bistoire cite la romance de Ricbard Cccur-de-lion comme apparlenant a la langue d'Oc. Gela est vrai, mais cctte piece existe aussi en francais de l'epoque, comme le prouve la collection des cbanson- niers anterieurs au xv° siccle, de M. do Sainte-Palaye. Le roi d'Angleterre ne connaissait pas lc provencai et il devait e(rc I'amilier avec la langue Franchise qui elait cello de ses ancetres au temps de la conquele des Nor- mands ; il est done probable que ce qu'on nous doiiiie pour 1'original de la romance ne Cut qti'une traduction a 1'dsage de la Guiemie, dont Richard elait suzerain. Blondel e"tait un poete Francais, et e'est en laiigue d'Oil qu'il chauta au pied dfe la tour, ce qui n'empeche pas les historians de mettre au nombre des troubadours ce fidele serviteur; il serait facile de multiplier les ex em pie's a cet dgard. Nous croyons utile, pour etablir la difference des deux langues S03urs, de placer ici des couplets qui s'appliquent a chacunc d'elle. Voici de la rornane proveii(;ale; il ne faut poiut oublier que sa pronon- ciation ajoutait a la difficulte de l'entendre : a Al chans d'ausels comenza ma chauso, « Cant aug chantar lagluaula et aiglos, « E p'els cortils yey verdeyar lo luis . « La ilava flors qe par entr'els Loissos, » E'l riu clar corren sobr'cls sablos, « La a s'espand la blanca flor del lis (I)..... » Le couplet qui suit est en romane-francaise : « Prenes-y garde ; > S'on me regarde , « Dites-le moi. « Trop sui gaillarde, « Bicu l'aperchoi : « Ne puis laissier que mon regard s'esparde, « Car tel m'esgardc « Dont mout me tarde « Qu'il m'ait o soi (tji » (I) Traduction : « Aux chants des oiseaux je commence ma chanson « Quand j'entends chanter * « Que dans les vergers je tois reverdir la terre, « Que la fleur bleue parait entre les buissons, * Et que les ruisseaux clairs coulent sur le sable, « La ou s'epanouit la blanche fleur du lis..:., » <2)Traduction : « Prenea-y garde ; « Si Ton me regarde, « Dites-le-moi. 344 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. La langue d'Oil £tait noblement protegee par les comtes de Flandres et de Champagne, celle d'Oc par les comtes de Toulouse et de Trovence ; mais, comme dans le combat d'Alaric et de Clovis, le droit du plus fort pre'valut. Pendant que la domination des rois francais envahissait le terri- toire de l'ancienne Gaule, les derniers protecteurs de la nationalite meri- dionale de la France succomberent avec les comtes de Toulouse, et la langue d'Cc s'e"teignit pour toujours dans le sang des Albigeois, ou du moins elle sevit re'duite a I'e'tat de patois qui se perpelue encore parmi les classes populaires. Tous ceux qui ont parcouru les frais vallons des Pyrenees se souvien- nent avec bonheur des chansons de Despourrins, pleins d'images cham- petres, d'ide'es naives et gracieuses. Je ne puis resister au ddsir de placer ici un de ces chants des montagnes; ce sera un humble hommage a ce qui reste de la langue des troubadours, comme on honore parfois la noble in- digence d'une grandeur d£chue : « La haul sus las montagnes, ft pastou malhurous, « Segut aft pe d'ii hau, negat de pious, « Sounjabe au cambiament de sas amous. « C6 leiiye, c6 boulatye, dise 1'infourtunat, « La tendresse et l'amou qui t'ey pourtat « Soun aco lous rebuts qu'ey mdritat ? « Despuch que tu frequentes la yen de counditiou, « Qu'as pres ft ta haiit L6I, que ma maysou « N'ey prou haiite enta tu d'u cabirou. « Tas oiiilles d'ab las mies, nous degnen plus mescla ; « Tous superbes moutous, despuch en ca, « Nou s'approchen deiis mes qu'entaiis tuma. De richesse me passi, d'aunous, de qualitat ; « You nou soy qu'ft pastou ; mis noun n'y a nad « Que noiis surpassi touts, enamistat. « Encouere que s'y praiibe, dens moun petit estat, « Qu'aimi mey moun berret tout espelat « Que nou pas lou plus bet chapeii bourdat. « Je suis Irop gaillarde, « Je m'en apercois bien. * Je ne puis m'empecher de promener ca et la mes yeux : « Car tel me lorgne « Qui me donne grande enyic « D'fitreavec lui. » QUINZIEME SESSION. 345 « Las richesses deii mounde nou hen que da tourmen ; k Et lou plus bet seignou, dab soun aryen, « Nou baii pas lou pastou qui bitt counten. « Adiii, c6 de tigresse, pastoure cbens amou, « Gambia, be pots cambia de serbidou : « Yamey n'oun trouberas u tatt coum you ( 1). » Ce n'est pas que la langue franca ise n'ait eu de serieux obstacles a vaincre pour s'introduire dans le midi du royaume; jusqu'au xvc siecle, elle y fiit absolument e*trangere, et y e'tait entendue de tres-peu de per- sonnes, me*me parmi celles du premier rang : ce sont les propres termes de Dora Vaissette, histoire du Languedoc, tome iv, p. 502. Aujourd'hui cette grande guestion est juge"e; les derniers vestiges du moyen &ge ont disparu, et partout domine l'unite' du langage comme celle du patriotisme. II s'agit maintenant de faire connaitre les limites des deux langues. (1) Traduction La haut, sur la montagne, un berger malheureux, Assis au pied d'un chene, baigne de larmes, Songeait au changement de ses amours. Coeur leger, coeur volage, disait l'infortune, Pour prix de la tendresse et de l'amour que je t'ai v»u6s Voila done les dedains que j'ai mentis ? Depuis que tu fr^quentes les gens de condition, Tu as pris un vol si haut, que ma maison Est pour toi trop basse- d'un chevron. Tes brebis ne daignent plus se meler avec les mieuns* ; Depuis lors tes moutons orgueilleux Ne s'approchent que pour lutter. Je ne veux ni richesses, ni honneurs, ni digniu's ; Je ne suis qu'un simple berger ; mais il n'y en a aucun Que je ne surpasse en amitie. Encore que je sois pauvre, dans mon modeste etat, Je prefere mon berret tout pel6 Au plus beau chapeau borde. Les richesses dumonde ne donnent que des soucis, Et le plus grand seigneur avec son argent Ne vaut pas le berger qui vit content. Adieu, coeur de tigresse, bergere sans amour ; Change de serviteur, tu peux en changer : Jamais tu n'en trouveras un comme moi, 3(0 CONGRES SCIENflFJQUE pjs FRANCE. Quelques dcrivains la fixent au cours de la Loire, mais c'est la une erreur : la langue d'Oc n'a pu s'^tendre aussi loin. Toutefois le point de separation n'est pas facile a determiner ; d'abord, parce que les contrees centrales de la France qui parlaient plus sp^ciale- ment le celtique adopterent, les unes la langue d'Oil, les autres la langue d'Oc, et aussi par ce motif que des idiomes particuliers e'tablirent des dif- ferences, plus ou moins sensibles, entre les deux principaux dialectes ; de telle sorte qu'il vaut mieux s'en tenir a cette grande division, sans se preoccuper, comme le fait M. Fallot, du patois normand, picard et bour- guignon, comme on pourrait le faire dans le midi en distinguant le bCar- nais, le languedocien, le provencal. En definitive, j'estime qu'on peut indiquer approximativement la li- roite des langues d'Oil et d'Oc, par une ligne qui, de Lyon, aboutira a la Rochelle, en traversant divers points des dCpartements du Rl)6ne, de la Loire, de 1'Allier, de l'lndre, de la Yienne^ des Deux-Sevres et de la Cha- rente Inferieure, sans s'arreier aux rives de la Loire dont le cours divise la France en deux parties presque egales dans une longueur de six cents quatre-vingt kilometres, sauf a excepter de ce partage, au nord la Basse- Bretagne, au midi le Pays-Basque, qui paraissent avoir eu de tout temps un dialecte particulier. En effet le bas-breton differe essentiellement de tous les idiomes con- nus, et semble reproduire le celtique dans sa purete" primitive. Le basque ou escuara, c'est le nom que lui donnent les indigenes, est peut-etre un r'este de 1'ancienne langue iberjenne : on lui attribue cette origine, mais nous ajouterons qu'aucun monument ne le demontre d'une maniere ab- solue : il faut,' a cet e*gard, s'en tenir aux conjectures. Au reste, le premier de ces idiomes ne se parle que dans un rayon peu ctendu, et quant au territoire oil 1'escuara est en bonneur, il ne depasse pas les deux cinquiemes du ddparteinent des Basses-Pyre'ne'es : dans la masse des provinces francaises d'aussi faibles diffe'rences doivent etre comptdes pour rien. Sur la memc question, M. de Sourdcval s?cxprime ainsi : Messieurs , M. Tailliar nous a rappele* bier un fait qui est d'une baute portde, non pas pour nous expliquer lesjinaites de la langue d'Oil et de la langue d'Oc QU1NZIEME SESSION. 547 mais pour nous reveler la cause primitive de la divergence de ces deux langues. Les Gaulois parlaient, dit-il, deux idiomes. Les Beiges et les Celtes parlaient le celtique; les Aquitains se servaient d'un autre langage dont sans doute les debris se sont reTugies chez les Basques d'aujourd'hui. Apres la domination romaine qui dura cinq siecles , l'nne et l'autre langue fut egalement effaced. Cependant elles survCcurent parleurs nuances, comme ces peintures qu'un badigeon recouvre , mais dont il ne peut egaliser les teintes. En effet, le pays des Aquitains et celui des Celtes ont M6 recou- verts d'une meme couche de langue latine , et plus tard a cette couche en a 6"te superposed une autre de dialectes germaniques. Nous n'admettrons point avec le savant et judicieux auteur des Lettres sur VHistoire de France, que l'invasion germanique, plus intense au nord de la Loire qu'au midi de ce fleuve, ait occasionn6 la distinction des deux langues. Cette invasion [nous parait avoir dte e'gale non-seulement au nord et au sud de la Loire, mais au-dela des Pyrenees et des Alpes: l'occident entier fut envahi par les peuplades gothiques ; on voit partout des traces e"gales de leurs passage. Si le nord de la Gaule fut particulierement le theatre du royaume des Francs et de celui des Bourguignons,le midi avait 616 occupe" anterieu- rement deja par les "Visigoths revenant d'ltalie , ils y avaienf fonde un royaume qui dura pres d'un siecle : l'Aquitaine fut done au pouvoir des Germains meme avant la rive septentrionale de la Loire; elle a un droit d'alnesse incontestable dans la revolution gothique. Mais arrivons maintenant a chercher la limite de la langue d'Oil et de la langue d'Oc, question d'autant plus importanle que, selon toute aj.pa- rence, elle est identique avec celle de l'ancienne separation de la langue aquitanique et de l'idiome celtique. Cette question aurait pu etre trait^e avec superiorite par un raembre du Congres , dont nous regrettons vive- ment l'absence. M. le marquis de la Ferte* S&iectere, dont les connais- sances sont si varices et si fermes tout a la fois , est retenu chez lui par une grave indisposition. C'est surtout al'aide de la conversation quej'ai eue avec lui que je vais essayer de re'soudre la question. M. de la Ferte' a rassemble" dans sa riche bibliotheque au chateau de Beugny, une collection a peu pres complete des ouvrages ect its sur les divers patois de la France ; il a dresse un catalogue de ces divers ouvrages, et il les a classes par groupes de langage. II resulte des etudes qu'il a faites a cet egard que les limites des deux dialectes suivent a peu piesune ligne qui partirait de la Gironde, pres Blaye et aboutirail au lac Ldman , en traversant l'Angoumois etla Marche, en suivant la lisiere de I'Auvergne et du Bourbonnais, en coupant le 348 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Lyonnais et]en remontant au nord de la Bresse qui se trouve ainsi comprise dans les dialectes m^ridionaux. II est remarquable qu'on trouve une oasis de patois saintongeois (de langue d'Oil) dans les arrondissements de Libourne , La Reole et Mar- mande. Cette enclave , connue sous le nom de Gavacherie , est habite'e par des colons qui, au xve et au xvi" siecle, y vinrent de Saintonge. Ce fait est un temoignage remarquable de la persistance des langues. Des oasis de ce genre se font remarquer a l'orient de 1'AlIemagne , ou les pays germaniques sont occupy souvent par des groupes slaves, Jettons ; oh des pays celtiques ou slaves contiennent des colonies germaniques. Ainsi la Transylvanie est peuptee d'Allemands dont on ignore l'e'poque de migration. Les memes lois de mClange et de division ont preside" a la separation de nos deux dialectes de la langue d'Oc et de la langue d'Oil. M. d'Argcnson prend cnsuite la parole pour traiter la meme question ; il s'exprime en ces termes : Messieurs, II serait a de"sirer que la question pose"e devant le Congres eut cette uti- lity, pour l'avenir, de faire renoncer a cette locution usite*e par nos histo- riens, suivant laquelle le cours de la Loire sert de limite aux deux parties de la France, separe la France du midi de celle du nord, et les deux langues primordiales et meres de nos dialectes, la langue d'Oc de la langue d'Oil. Or, il n'est jusqu'a ce jour presque aucun livre de quel- que autorite, aucun ouvrage e'le'mentaire mis entre les mains de la jeu- nesse, qui ne tombe plus ou moins dans cette erreur. Sans vouloir, ce qui serait trop long , rappeler les passages auxquels je fais allusion dans les livres deMM. Augustin Thierry, Michelet, etc., permettez-moi de vous citer plus au long un auteur etranger, il est vrai, mais ge'ne'ralement repute pour la fide'lite' de sa couleur locale, non moins que pour son g6"nie po£- tique (lequel du moins est au-dessus de toute atteinte). Je veux parler du poete allemand Schiller, et d'un de ses meilleurs drames, celui de Jeanne d'Arc. En relisant la tragedie de Schiller, j'y trouve le lieu de la scene ainsi pose. L'action s'ouvre naturellement a Chinon , ie"si(lence de Charles VII, avant l'arrive'e de la Pucelle. Chinon, dans la pense"e du poete, est place" sur l'une des rives de la Loire, et, qui plus est, sur la rive septentrionale du fleuve. Yivement presse" par l'armite d'etre signage. Un des caracteres les plus sensibles de cette separation des deux langues, a €U le Droit. Le Droit romain, comme vous le savez, a de tout temps constitue" la legisla- tion du midi, tandis que la coutume, verbale et traditionnelle d'abord , puis recueillie et redig^e par les soins de nos rois, a et£ la legislation du nord de la France. Ouvrez nos anciens le^gistes, et vous y trouverez que les provinces iVOui, sans aucune exception, avaient des coutumes spdciales, diversiliees a certains e^gards comme leurs idiomes, mais s'accordant sur des principes gerieraux, en contradiction avec la loi romaine. Les provinces d'Oc suivaient le Droit £crit, le Droit romain, ce qui s'explique naturellement par une immixtion plus complete avec la civi- lisation latine, tandis que dans le nord, lament gaulois cessa moins de pre^dominer. II fut un temps, etce temps s'est prolong^ durantdescentaines d'annees, ou nos rois tenaient a la fois deux assises, deux parlements, et consultaient deux sortes d'elats gen^raux, les etats de la langue d'Oc et les etats de la langue d'OiZ, ceux-ci se tenant a Paris, et les premiers a Toulouse. Le roi Jean, dans ses adversity, s'adresse simultan^ment a ces deux corps d'etats; mais il n'a garde de les confondre. Outre que e'eut ete blesser leurs privileges, leurs orateurs ne se seraient certainement pas compris. On sait que les etats de la langue d'Oc se perpetuerent jusqu'a la revolu- tion, avec des attributions restreintes, et confines dans la province qui a garde leur nom. Mais le parlement de Toulouse, se disant le vrai parlement de la langue d'Oc, pretendait a ce titre marcher de pair avec celui de Paris. Le parle- ment de Paris otait le parlement coutumier par excellence, et les limites de son ressort, qui comprenaient le Berry, le Poitou, l'Angoumois, l'Aunis, etc., atteignaient pr£cisement cette limite que nous cherchons, au-dela QUINZIEME SESSION. 355 de laquelle commencaient, avec la langue d'Oc, les ressorts des deux parle- ments principaux du midi, ceux de Toulouse et de Guienne. Ainsi les lois, les moeurs, les institutions, le langage, tout se lie de la maniere la plus intime dans notre histoire. Je ne m'e'tendrai pas sur ce parallele, qui conduirait bien loin, si, reprenant une des questions pre"ce- demment aborde'es, Ton recherchait dans l'e" tymologie des noms propres, ce monument le plus ancien des families, et presque contemporain de leur origine, les preuves de leur descendance celtique, romaine, germanique ; consideration que je ne crois pas a beauconp pres epuisee. Seulement quelques mots encore. L'Alsace, francaise depuis deux cents ans, parle l'allemand, et l'allemand souabe, comme au temps de la conquGte ; et dut- elle l'oublier,qu'assur£ment l'accent tudesque y garderait triomphalement la robuste empreinte d'une filiation germanique. Partout, en Alsace la distinction des deux langues suit uuc ligne non interrompue et forme quelque chose de tranche' et d'absolu. Partout on dit : Ici, le village alle- mand ; la, le village ou le quartier francais. 11 n'y a point d'intermediaires, point de ces Millets, ainsi que M. Michelet nomme plus malignement qu'avec ve'rite les Poitevins. Generalement la ligne de separation suit les cr&tes des coteaux, et con- tourne les valines , a peu d'exceptions pres. L'Alsace elle-meme est une des moitie's de ce bassin du Rhin , qui des deux c6tes , est entitlement germanique; preuve nouvelle qu'end^pit des pre'juge's vulgaires, les rivieres n'ont jamais 6t6 la limite naturelle des nations. Ainsi pour juger les resul- tats des e'tablisements et des migrations des peuples , ce n'est pas assez de lire leurs annales. 11 taut consulter la geographic physique des contrees qu'ils habitent. Mais il est quelque chose de plus sur que les cartes dc geographie ; c'est ce qui s'apprcnd de la bouche meme des hommes. Vou- lez-vous savoir leur naissance et leur extraction, il n'est pas besoin de consulter leur ge'ne'alogie. II ne faut pas niSme les voir, il suffit de les en- tendre parler. Ainsi pour revenir a l'objet qui nous occupe, ce langage fortement cadence' des hommes du midi nous fait penser aux langues de Tantiquite, oil chaque syllabe avait unevaleur, oil chaque mot devait etrc scandd. Le francais du nord et du milieu, aux intonations de valeur egale, et aux desinences muettes, trahit probableraent une source aboi i- gene. Probablement aussi Ton doit rattacher la cause de ces idiomes a la division que Ce^ar etablit de\ja entre les trois dialectes celtiques, le beige, qui correspond aujourd'hui au welche ou vvallon ; le celtique propre , qui se rapporte a la langue d'Oil, et I'aquitain, a celle du midi. Quoiqu'il en soit de ces hypotheses, on ne saurait trop recommander aux philologues l'^tude si int^ressante, et pourtant si negligee, de ce qui sub- siste de nos dialectes provinciaux. Plus tard, on se repentira de cet abandon, lorsqueles jalons quise retrouvent encore auront entitlement disparu. 11 ne faut pas se le dissimuler ; quelleque soit la pertistauce des natioiialites, 3S4 CONGRES SCtfeNfiFlQtJfe fife FRANCE. il est pour elles des causes de dissolution qui deviennent de jour en jour plus efficaces. Les peuples liistoriques out brille par des quality, des vertus, des aptitudes varices, a travers leiirs de'fauts, leurs erreurs et leurs ridicules ; ridicules entre lesquels les locutions natives, les idiotismes, out constamment joue le premier rdle. Que devons-nous augurer de ce rassem- blerrient confus , de cet amalgame sans nom, qui doit naltre de l'avenir , de cette nouvelle confusion des langues qui se prepare ; chaos ou la tran- smission des vertus paternelles est bien problematique, ou la contagion des vices n'est que trop certaihe ? On demande, etla section adopte la proposition de lire en seance generate lememoire de M. d'Argenson. M. de Bois-le-Comte confirme par de curieuses observa- tions les remarques de M. d'Argenson. II entre dans l'exa- men des deux langues dans la forme comme au fond, ct dans ses rapports avec la construction francaise. M. de Bois-le-Comte prend ensuite la parole sur la 10e question. II etablit que les mysteres, tels qu'ils ont etejoues au moyen age , se sont fidelement cojiserves dans le pays basque. II s'etonne que ce fait n'ait pas encore ete signale. On joue encore aujourd'hui dans cepays des pastorales, qui ont la facture, la mise en scene des anciens mysteres. M. le president annonce a l'assemblee que, suivant l'ordrc du jour, la discussion continuera demain sur les 10e et lle questions. La seance est levee a trois heures. Seaiiee du S septeitilire. Presidcncc de M. le vicomte de Cussy. M. Charles Ernoult, secretaire. Lc proces^verbal dc la preccdente seance est lu et adopte. QUINZIEME SESSION. 555 M. lc president donne lecture d'une lettrc de M. Pernot, qui propose de lire en seance gcneralc quelques fragments d'un poeme dc M. Bignan, intitule : Les ruincs de la France. 11 donne lecture de ccs fragments, qui sont eeoutes avec in- teret; mais la proposition, mise aux voix, n'est pas adoptee. M. Bodin lit un memoire sur les 4ie et 42e questions : Quels services Rabelais a-t-il rendus a la langae francaise, et quelle influence a-t-il exercee sur les ecrivains qui soni venus upres lui ? Examiner et juger les ceuvres d' Andre Duchesne, etablir s'il me'rite le titre de pere dc Vhistoire de France. M. Bodin 6tend cet examen litteraire a toutes les cele- brites de la Toaraine et notarament a Descartes. L'etenduc de ce memoire ne nous permettant pas de l'insercr en en- tier, nous en extrayonslapartic la plus saillante, concernant le philosophe francais. Messieurs, Nous arrivons a I'immortel Descartes, ce grand nom qui domine si glorieusement tous les autres. En effct, nommcr Descartes ; e'est nommer la philosophic meme, e'est nom-, mcr aussi le progres, personniiies egalement dans un seul hornme. C'est nommcr lc xvic siecle lout entier, dont il re- sume la pensee au plus haut degre, si Foil convient que les premieres annees du xvne siecle ne furent que le prolongc- ment et l'echo du precedent, car l'esprit d'un siecle ne meurt pas a jour fixe. C'est ainsi que Fenvisageait le ce- lebre Cousin, lorsqu'il disait a ses auditeurs en 1828 : « Lc xvr° siecle avec ses tendances les plus intimes, inconnues a lui-meme, agrandies et idealisees, developpees jusqu'a leur derniere consequence, s'est fait homme dans la personne de celui qui vint dire : « Je ne suis pour moi-meme que « parce que je pense. » Descartes! le plus grand philosophe de l'Europe, dit encore un critique moderne, puisqu'elle lui est redevable dc la racthode merae avee Iaquelle on a com- 356 C0NGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. battu ses propres erreurs; Descartes, dont le genie, osant s'affranchir de tous les prejuges de l'Ecole, auxquels on donnait encore le nom de philosophic, delivra la raison humaine du chaos scholastique, ou elle demeurait ensevelie sous l'empire seculaire des faux sectateurs d'Aristote, tra- vesti par l'ignorance du Moyen-Age; Descartes enfin, ce nouveau Platon , recu en triomphe a la cour des rois , mais qui, plus heureux que le chef de l'Academie, y trouva la philosophic sur le trone! c'est cet astre lumineux que la Touraine est glorieuse d'avoir vu naitre sous son ciel, et qui, portant le flambeau du genie dans Fabime de la science, en a eclaire toutes les mysterieuses profondeurs. Si aujourd'hui, Messieurs, au xixe siecle, au milieu de toutes les connaissances acquises, au sein de la paix uni- vcrselle , sous la protection de la liberte de la pensee la plus etendue qui ait jamais existe, a une epoque ou il n'y a plus de barrieres entre les nations, ou la facilite des com- munications fait franchir aux idees les distances avec une rapidite telle, que le citoyen d'un pays devient le citoyen du monde; si a cette epoque merveilleuse pour lc progres de l'esprit humain, on venait vous dire : II se montre dans une certaine region un homme a la fois metaphysicien , geometrc, physicien, moraliste, astronomc, anatomiste, capable de reconnaitre toutes les erreurs qui peuvent regir encore le monde physique et le monde moral ; un philo- sophy qui, ne s'en rapportant qu'a ses seulcs perceptions, laisse de cote toutes les opinions des autres pour s'en creer de nouvelles qui lui soient propres, et qui , sur la foi de son unique esperience, s'envole dans la haute region des idees pour interroger la nature et batir un monde au-dessus de la sphere connue. Observateur infatigable, il ose baser sur un doute univcrsel le fondement des plus grandes certitudes. Bien plus, portant sa vue sur l'univers intelligible, il se flatte d'en licr les differentes parties par un tout harmoni- quc, et bientot, lance tout entier dans des routes incon- nues a travers l'cspace, il cherche a deviner lc plan merac du supreme architectc. Entrcprise a la fois temeraire et ge- nereuse , temeraire par son immensite, gencreuse par Tes- QUINZIEME SESSION. 357 poir de rencontrer l'enchainement dcs plus sublimes vcrites ! Si Ton vous annoncait la venue d'un tel homme, Messieurs, vous auriez peine a croire, j'en suis certain, a la realite dc l'existence d'un aussi vaste genie. Cependant, reportez- vous deux siecles en arriere, et vous le trouverez dansl'im- niortel Descartes, dont vous avez vous-memes, deja reconnu le portrait fidele. Mais Descartes a plus fait encore : en effet, ce n'est pas au sein de la paix, mais au milieu du tumulte des camps, qu'il aDercoit son genie et qu'il commence ses profondes meditations. Ce n'est pas sous l'egide de la liberte qu'il ose annoncer des verites nouvelles, mais sous 1'autorite d'un pouvoir ombrageux, qui condamnait la raison au silence. Ce n'est pas dans un siecle eclaire, ou les lumieres pou- vaient Taider et le soutenir, mais sous 1'empire le plus absolu des prejuges de l'erreur , cent fois plus difficiles a dissiper que les tenebres de l'ignorance. Si ses systemes in- genieux et hardis , en renversant le symbole de 1'autorite peripateticienne, purent faire craindre une consequence sceptique, ils n'en furent pas moins un monument sublime du genie, puisque, en degageant l'esprit humain des liens qui l'attachaient a 1'autorite dogmatique de l'Ecole, le phi- losophe le replaca sous une autre autorite, mais sous 1'au- torite la plus noble, la plus legitime, la plus libre de la creation, sous 1'autorite unique de la pensee. On peut dire meme sans hesiter, que ses systemes ont ete la base de la saine philosophic, si, comme on l'a cru, les vieilles erreurs ne pouvaient ceder la place a la verite qu'avec un melange d'erreurs nouvelles, et qu'il fallut en quelque sorte pre- parer les yeux a pouvoir supporter la lumiere. D'ailleurs la gloire principale de Descartes n'est pas veritablement d'avoir invente tel ou tel systeme, mais elle est surtout d'avoir mis l'element philosophique dans le monde mo- derne, sur les traces de la civilisation qui le developpe sans cesse. La route de toutes les sciences tracee aux homines par le guide sur de la methode intellectuelle, les fondements de l'art du raisonnement jetes pour la premiere fois sur des 23 558 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. bases solides, lc positivisme dc la nature remplacant 1c vague de l'imagination, l'examen consciencieux des faits a la place des systemes obscurs des anciens, un doute salu- taire, une marche reflechie, une enquete continuelle, au lieu d'une dialectique absurde et tranchante, pleine dc mots et vide d'idees, et pour fruit de cette methode, la ve- ritable connaissance de Fhomme! entendez-vous, Mes- sieurs? e'est-a-dire la connaissance de Fhumanite tout en- tiere, de sa nature, de sa fin, et de ses hautes perspec- tives : tel est le plus grand fait de la revolution" subite operee, j'osedire, par le genie d'unseulhomme.C'estlatoute la philosopbie des modernes, lancee si hardiment par Des- cartes dans le monde moral, etaussi, ilfaut le reconnaitre, admirablcment posee dans l'ordre physique par Newton. Ces deux illustres rivaux nous apparaissent du haut de leur genie , comrae deux geants , dont la force egalise les moyens, et qui ne peuvent pas se renverser. lis peuvent se mesurerde touteleur grandeur sans s'effacer, et leurs noms associes n'en recoivent que plus d'eclat. Si le genie de Tun plus eleve batit en bauteur, celui de 1' autre plus reflechi batit en profondeur, a peu pres selon lc caractere distinct des deux nations. L'un ardent, impetueux, pousse par la force de son imagination, ose tout se promettre, et ne tente ricn moins que de surprendre tous les secrets dc la nature et d'expliquer la formation des mondes ; il a la bar- diesse et les ecarts de rinvention. I/autre, prudent obser- vateur, decompose l'univers tel qu'il est , etudie ses ressorts, et combine leurs jeux mutucls, d'apres lesquels tout semble se plier aux lois indiquees dans ses bardis calculs. Si le systeme du second detruit celui du premier, a l'endroit du mondc exterieur, il a du moins a jamais confirme l'art sublime, trouve par lepbilosopbe francais, d'appliquer Fai- gebre a la geometric ct la geometric a la pbysiquc. Par cette admirable decouvertc, la science n'eutplus dc secrets; on tint la cbaine de ces connaissances sublimes a l'aide desquelles la marche de l'univers devait ctrc rcglec, ct Tcsprit de l'liomme flit agrandi. Descartes avait trouve lc fil conducteur pour decouvrir les obscurs detours dulabyrintbc QEINZIEME SESSION. 559 philosophique, lorsque Newton nous donna ties ailes pour en sortir. II fautdonc reconnaitre que si Newton sut parcourir plus surementet remplirplus heureusementla carrierede la phi- losophic cxperimentale , Descartes aura toujours le merite incontestable de l'avoir ouverte. II a meme l'avantage d'en avoir clargi lcs voies par le complement de la science psy- chologiquc, si capable d'illuminerle sanctuaire dela nature. A l'excmple de Galilee, Newton neglige'a la philosophic rationncllc, pour les sublimes calculs d'une f6conde experi- mentation. Ceci explique pourquoi il n'a donne son nom a aucuric des grandes ecolcs qui partagent l'histoire de le philosophic. Descartes au contraire, n'a pas craint d'abor- dcr dans leur ensemble les questions metaphysiques les plus vastes et les plus ardues, si mal comprises avant lui, et il les a toutes passees en revue, avec foi en sa methode, devant le temoignage de sa conscience. On voit que si l'un a decouvert plus de verites physiques, 1'autre a ouvert le chemin de toutes les verites morales; ce qui a fait dire avec raison du premier, qu'il avait mieux connu les cieux, et du second, qu'il a etc plus utile au genre humain. Hcureux le philosophc irancais , s'il ne sc fut pas egare , en recherchant les elements primitifs du monde, qu'il ne lui etait pas donne de connaitre, et s'il cut entendu , comme le sage Newton , ccttc voix d'en haut a qui veut penetrcr l'infini : « Tu n'iras pas plus loin! » Toutefois, grand dans ses errcurs memes, il imprimc encore de la majestc a ses ecarts sublimes. J'ose avancer meme pour l'absoudre , que ces ecarts ne pouvaient pas ne pas etre danslacirconstancedonnec, ctque s'ils n'eussent pas eu lieu, Descartes n'aurait pas rempli sa mission. II cut cesse d'etre ce qu'il devait etre , un novatcur absolu , le reformateur hardi de l'csprit humain, obscurci par d'epaisses tenebpes, qu'il etait impossible de soulever sans jeter avant tout uu grand eclat, quel qu'il fut. Pour renvcrser l'idole aristote- lique, qui regnait religieusement dans la science, ce n'etait pasasscz d'une nouveaute d'opinion, il fallaitun culte nou- vcau, qui remuatles espHts en lcsetonnant par le prestige 560 CONGRis SCIENTIFIQUE DE FRANCE. (Tune energie creatrice. En un mot, pour enter une nou- velle doctrine sur la vieille souche de la philosophic arabe et theologienne, il fallait couper l'arbre par sa racine , et pour faire monter le present d'un jour sur un passe de dix siecles , il ne fallait rien moins que creer un monde, dut-on s'egarer, et Descartes le crea! Qu'ilme soit permis, Messieurs, d'appuyer Cette assertion, qui vousparaitrapeut-etreparadoxale, par un grand exemplc pris dans l'histoire de la philosophic de cette epoque. Je vais accuser un nom, qui a grandi dans le siecle dernier de toute la hauteur que peut atteindre la gloire scientifique, dont l'auteur couvre encore l'Europe du bruit de sa juste renommee dans toutes les ecoles ; et cependant il a moins fait que Descartes, par celasurtout qu'ila ete plus reserve ; cc nom, c'est celui de l'illustre Bacon, qui partage avec le philosophe francais l'honneur d'avoir decouvertla veritable methodc philosophique, quoique par des voies differentes. Neanmoins il ne fut au xvie siecle que le precurseur, plutot que le legislateur de la nouvelle philosophic Pourquoi ccla? c'est qu'il eut le genie sage de la reforme, sans avoir lc genie hardi du reformateur. Par son etonnante penetra- tion, il devina la science, mais il ne sut pas l'etablir. II fut lc premier qui leva l'etendard dc la revolte contre le for- malisme scholastiquc, mais ce fut Descartes qui propagea celte heureuse insurrection de l'esprit nouveau, par une application pratique, et par Tardeur feconde duproselytismc. Or la gloire d'une decouverte appartient moins a celui qui apercoit une veritc nouvelle , qu'a celui qui la prouve et la fait reconnaitre. Si le nom de Bacon est inscrit aujourd'hui au frontispicc de l'editice historique de la philosophic moderne , a cote de celui de Descartes, il le doit surtout a l'invenlion de la methode philosophique, qui leur fut commune, ainsi qu'a ses theories admirables de grandeur et de concision, miscs en lumiere un siecle apres par la nombreuse ecole sensua- liste , dont sa doctrine est devenuc le principal fondement. Mais de son temps Bacon n'installa aucun systeme positif ; il ne fit que prophetiser les verites nouvelles , et determi- QUINZIEME SESSION. 361 ner, pour ainsi dire, les frontieres des diverses connais- sances, qu'il embrassait d'un coup d'oeil. Descartes eut sur lui l'avantage immense de mettre en partique lui-meme ses propres regies, pour prouver sa methode, en l'appuyant sur des resultats certains , obtenus par l'applieation mathe- matique, qui n'etait pas au serviee de son rival. Par la il demeura le veritable beros philosopbique de Tepoque, bien plus capable que tout autre de marcher k la conquete de la verite, en face du despotisme de l'erreur. Si d'autres avant lui avaient deja reveille, en Feclairant, l'etude dela nature engourdie dans le sommeil de la pensee, lui seul put re- volutionner avec eclat Tesprit humain, par son energique perseverance, par la grandeur et la hardiesse de ses vues, ct plus encore peut-etre parses ecarts audacieux, qui entrai- nerent les esprits en les seduisant. Lorsque dans l'ordre moral , Descartes porte ses regards jusqu'au trone de Dieu , il trouve sa pensee engloutie dans l'inimensite de FEtre-Supreme , et il puise dans eettc con- templation le sentiment profond de la Divinite, qui ne l'a- bandonna jamais. Ces verites eternelles , contre lesquelles tant d'autres ont echoue , parce qu'ils neles cherchaientpas a la seule source ou clles peuvent etre, furcnt toujours regardees par Descartes corame l'arche sainte, a laquelle la main de Fhomme ne doit pas toucher. Pleinde respect pour ces verites sacrees , auxquelles il etait soumis , il commenca par les mettre en dehors de tous les systemes , pour ne point les profaner par la controverse humaine , a laquelle elles n'appartiennent pas. Eh bien ! le croirait-on, celui dont le systeme de Fidealisme n'a pas d'autre base que rimmaterialite deTame, celui qui donna de la puissance divine les demonstrations les plus claires et les plus fortes qui eussent encore paru , eut la douleur au milieu des per- secutions dont il fut l'objet, de se voir accuse d'atheisme par l'infame Voetius , dont il ne dependit pas qu'il ne subit le meme sort que l'infortune Galilee. Et comment le philosophe pourrait-il etre athee , je le demande, lorsque la philosophic elle-meme n'est assise que sur la necessite de l'existenee d^un premier Etre , principe 362 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. et motcur de l'univcrs, fondement des verites physiques et conscqucmment des verites morales? sans cette base indis- pensable, jc dis qu'il n'est pas de philosophic possible; et e'est la son plus beau litre , car e'est ainsi qu'elle nous apprend quele liberte vient dc Dicu, et que Tautorite vient des homines. Cette science, disons-le, a pour origine la vanite de l'homme qui, en cherchant a tout savoir, a cru se rapprocher dc celui qui a tout fait ; mais il n'est parvenu qu'a decouvrir l'immense cloignement qui Ten separe. Encore faut-il etre done d'une raison superieure, pour par- courir avecsucces cette carriere bornee, ouvertea la curio- site humaine. Malgre l'ctcndue dc ses vues, la philosophic dans sa haute acception, est done une science tres-impar- faite, ct qui nc peut jamais se completer; car il n'est donne qu'a Dieu scul de rendre raison de tous ses ouvrages . Verite solcnnellc, qui justifie toutes les erreurs qui ont rcgi le monde intellectuel, depuis trois mille ans que les sages de la terre oqt commence a tracer le chemin dc la science, sans pouvoir le fixer encore! verite accablantc, qui serait bien capable de nous decourager, si elle ne nous don- nait du moins d'utilesenseignen^cnts pour eviterles ecueuils dans cette penible et sublime entreprise , on nous entrainc lapensee, qui ne peut jamais se lasser ! Tandis quecclle-ci cherche avee avidite des plages inconnues, elle approche bientot duterme qui lui est present, et elle s'indigne alors de la barriere. Telle est en effet la condition del'hommc, qu'il ne peut trouver la connaissance de sa force qu'au milieu des preuves multipliees de sa faiblesse. Contraste ine- vitable, rapprochement eternel, que la Providence oppose a l'orgueil humain , pour montrer l'homme a l'homme , ct deconcerter son audace. Cependant la science n'en est pas moins le plus bel attri- but de 1'espece humaine ; elle est necessaire a sa dignite , comme'a son bonheur, parce qu'elle est la sante de Vdme, selon la belle expression antique , e'est-a-dire le principe dc la sagesse. Or, puisque l'homme ne peut l'acquerir sans l'in- strument de la raison , il est logique qu'il cherche a perfec- tionner cet instrument , et e'est la philosophic qui lui en quinzieme session. 363 offrelc moyen, parce que la philosophie, apres tout, n'est pas le produit d'une vaine reverie, une tradition sterile de chimeres metaphysiques, mais elle est le plus sincere devc- loppement de la nature humaine , ie pivot necessaire de la pensee par la reflexion , le point culminant de la manifesta- tion humanitaire. Quel tableau , Messieurs , que celui de l'homme conduit au travers des siecles, par le besoin de poursuivre la verite! a peine l'apercoit-il que plein d'enthousiasme, il tente de s'clanccr du rivage , mais le souvenir de ses naufrages le rcticnt au bord, et le force d'etudier la route. Alors, frappe a la fois de sa grandeur et de son neant, il n'en persevere pas moins dans sa noble tache, malgre les difficultes du trajet dans l'immcnsite, qui s'ouvre a ses regards. Si son orgueil est comprime, son courage s'eleve, si son esprit est humilie, son arne s'agrandit, et il va remplir sa destination! Grace a ses gencreux elforls, l'experience, le temps , et la reflexion ajoutent sans cesse quelque verite nouvelle aux verites deja connues, et depuis surtout que dans la recher- cbe de cette lumiere eternelle, on a admis le raisonnnement mathematique, on a le droit d'attendre qu'une plus grande masse de connaissances se reunira, et concourra au pcrfec- tionncment de l'esprit bumain. Etude naturelle de l'homme , comme le plus haut terme auquel son intelligence puisse parvenir, la pbilosophie nc peut pas s'arreter sans laisser l'espece bumaine station- naire, puisqu'ellc porte en elle tous les germes civilisateurs. Si notrc faiblesse nous condamne a ne pouvoir jamais avoir son dernier mot, qu'elle ne connait pas elle-meme, a moins qu'elle n'aille le cbercber dans le ciel, il n'en est pas moins vrai que son role s'est agrandi constamment depuis sa nais- sance en Orient, jusqu'a son developpement successif en Occident, et qu'il doit s'agrandir encore, en passant des temps symboliques du Moyen -Age a une civilisation plus large et plus sympatbiquc. Sous l'empire de nos idees pro- gressives, elle ne peut pas rcster vacillante dans le cbemin glissant ou Fa conduite le siecle negatif qui vient de s'e- couler. On peut done prophet iser ayee un noble espoir? 364 CONGRES SC1ENTIFIQUE DE FRANCE. qu'avec l'esprit de justice et de liberte, qui caracterise notre epoque, elle se levera triomphante des obstacles par la sagesse de ses voies, en sortant de la sphere etroite des partis, pour les dominer tous de toute la hauteur de la raison. Alors le siecle actuel aura pour mission de la legitimer, et de voir enfin cette ebauche sublime s'asseoir au rang su- preme, qui lui est destine entre toutes les sciences, dont elle feconde l'immense domaine. Aujourd'hiii que tous les systemes, apres s'etre juxta- poses sous les divers symboles de 1'activite philosophique, ont epuise toutes les luttes des doctrines opposees entre elles, ils ont fait leur temps. Mais ils ont laisse des verites a recueillira cote de l'erreur, qui n'aurait pas pu passer sans elles; car l'esprit humain n'est pas plus fait pour le men- songe que pour ledoute. Les dogmatismes absolus, qui aneantissent la liberte de la pensee, ne sont plus possibles devant Tevidence des lumieres et l'independance de l'esprit nouveau, mais ils ont jete dans les intelligences des bases solides pour edifier. Le scepticisme mouvant, qui balit sur des ruines, et nerecueillequele desespoir dans le naufrage de toutes les croyances, s'est englouti lui-meme dans son propre abime, mais il a fait aussi sa tache, en appelant le genie de la critique sur les systematisations. Eclaires par cette experience des revolutions philosophiques , les nou- veaux travailleurs de la civilisation apportent au secours des idees d'analyse trop exclusives des derniers temps, un esprit de synthese progressif et mesure qui, en completant la methode, tend davantage a Tunite. II n'est plus a craindre alors que l'esprit speculatif nous entraine a cette pente dan- gercusc, qui precipita tant de profonds genies vers ce con- cept vide de grand tout, neant divinise, ou vient s'absorbcr toute existence individuelle. Apres ces delires de la pensee, il est beau de voir la phi- losophic de nos jours, mieux inspiree, armee de la foi logi- que, appuyee sur le plus grand fait de rhumanite, qui lui prete la fixite de sa base, fournir a la raison humaine de l'epoque un de ses plus beaux titres de gloire, en ne se lais- sant plus egarer par de semblables aberrations . C'est qu'elle ne QUINZ1EME SESSION. 565 cherche point a penetrer a toute force dans Tessence absolue des choses , ct qu'elle confesse qu'il est des mysteres de la creation , qui echappent aux calculs temeraires de l'homme. Au lieu de se confondre a lutter sans fruit contre les diffi- cultes insurmontables, elle s'elance par dessus les obstacles pour aller au dela, d'une main sure, s'armer du flambeau celeste , avee lequel elle revient eclairer le passage obscur qu'elle n'a pu reconnaitre. Et l'independance de la raison, que la philosopbie ne peut pas abdiquer, sans meconnaitre sa propre essence, donne une grande portee a cette soumis- sion de l'esprit, qui est elle-meme un acte de raison. Dans cette heureuse transaction du present avec le passe, il est facile de se convaincre que les theories nouvelles, plus consolantes que celles du siecle dernier par la tendance nia- nifeste des esprits vers un spiritualisme eclaire, ne sont autre chose que le resultat d'un Cartesianisme perfectionne et non exclusif. C'est l'effet d'un retour spontane dans les idees, dont on ne s'est pas rendu compte, selon la destinee ordinaire de toutes les grandes choses qui ont attire l'at- tenlion des hommes d'une maniere eclatante. Apres avoir ete tour a tour l'objet d'une application demesuree par une vogue excessive, et d'une exclusion absolue par une passion contraire, elles parviennent enfin , par l'effet du temps et par le simple choix d'une comparaison reflechie, a une der- niere periode de juste et sage reintegration. Ce qui opere ce discernement, c'est le coup-d'oeil de la raison, qui est a la philosophic ce que le gout naturel est aux beaux arts. La doctrine actuelle, en mettant egalement au service de la science les phenomenes opposes de la conscience, doit ou- vrir cette periode harmonique, que nous attendons du siecle , dans les rapports legitimes de l'abstrait et du con- crct, e'est-a-dire du monde interieur et du monde exterieur. Si ce Cartesianisme nouveau, qui porte l'empreinte de la difference de la societe contemporaine avec celle ou il prit naissance, accepte tous les elements de la verite, recueillie parlout ou se rencontre son unite, sur la double voie de la reflexion ct de l'observation, c'est qu'il a perdu l'ambition d'un principe unique, mais il a garde toute sa force reelle 360 congres scientifique de France. par Impropriation de la methode, ce levier intellectuel , qpi multiplie la puissance de l'esprit, et lui ouvre une route assuree dans le domaine de Funivers. II est done juste d'en reporter la plus grande part de gloire a notre heros , dont l'etoilerayonnante eclaire encore, apres deux siecles, la route de ceux qui ouvrent la marche dans la carriere pbiloso- phique. D'ailleurs, Fhumanite n'est perfectible qu'a la con- dition de se continuer elle-meme. Descartes, quoiquc a un long intervalle, avait continue Platon, comrae Leibnitz, genie non moins universel, a continue Descartes lui-meme, tout en combattant la partie hypotbetique de sa doctrine, ou plutot parce qu'il l'a reformee. Et cela surtout, en fixant les deux poles de la sience bumaine, le moi psycbologique, d'oii tout doit partir, et le symbole Bleu ou tout aboutit; poles constans, que l'esprit de riiomme ne peut perdre de vue, sans s'egarer, sans s'aneantir lui-meme. Mais dans le developpement de rentendementbumain, le dernier venu a toujours sur le premier tout Favantage que lui procure la superiorite d'une ciyilisation plus avancee. Quoiqu'il en soit, Messieurs, de l'opinion que Ton se forme des systemes de Descartes, saluons en lui le pere de la pbilosopbie moderne, qui nous rendit sensible la bcaute de la verite par l'ordre, rencbainement et la correspon- dance de ses idees. Saluons le penseur bardi qui , par l'art de lier les operations inteilectuelles, a fait toucber a l'liomme la profpndeur de Fesprit bumain. Admirons le premier geometre incontestablement de son siecle, et le plus etonnant qui eut encore paru, puisqu'il enfanta Newton, et qu'a Fage ou d'autres commencent a peine a sentir leur genie, il avait deja resolu les problemes matbematiques les plus difficilcs et reputes insolubles jusqu'a lui. Reconnais- sons encore le grand pbysicien, meme devant Galilee, a qui il aurait dispute le veritable systeme du monde, dont il avait compose la demonstration, si la nouvelle de la con- damnation de ce pbilosopbe ne lui eut fait supprimer son ouvrage, pour ne pas soulever des scrupules puissants. II le sacrifia par prudence au salut de sa metbode, pour laquelle il avait un proselytisme de predilection, qu'il ne voulut pas OJUJNJHg&IE SESSION. 367 compromcttrc. Rendons hommage enfin k l'architecte ha- bile, qui a pose la premiere pierre de l'edifiee immense que la perfectibilite humaine consolidera de plus en plus. Quelle que soil la part que Ton attribue au Cartesianisme dans la philosophic du xixe siecle, il n'en est pas moins certain que cesysteme, qui a embrasse l'Europe entiere, rappelle la plus grande epoque de l'histoire de la phi- losophic, et qu'il a eu une influence immense sur les destinees progressives de cette science. 11 demeure constant que le Biscours sur la methode , par exemple , sera toujours, dans ses premieres parties, une excellente introduction a cette etude; que les autres ouvragesde mclaphysique et de morale de Descartes, tels que les Meditations, le premier livre des Principes, le Traite des Passions , « renferment une foule de verites precieuses, de pensces nobles et grandes , de reflexions fines et justes , qui de ses ecrits ont passe dans des ouvragesplus modernes, mais qui conservent dans les siens l'empreinte originale que cet esprit independant et profondement meditatif donnait a toutesses conceptions.)) Sous le rapport litteraire, que Ton nc distingue pas assez ordinairement, le style de ses ouvrages n'est pas moins remarquable que le fonds des idees. Et si Ton tient compte de l'epoque on ils furent ecrits , on reconnaitra que Des- cartes joint encore a ses autres titres celui d'avoir ete un des createurs de notre langue ; qu'il lui a donne plus d' exac- titude et de clarte, plus de concision et de fermete. Tant est grande Finfluence de l'art de penser sur l'art d'ecrire! Quant a sa doctrine, on peut avancer avec verite qu'un systeme rationnel , qui a traverse un siecle de lumieres , comme celui de Louis XIV, et qui a eu des sectateurs tels que les Bossuet, les Pascal, les Mallebranche , les Arnaud, et tant d'autres non moins celebres, ne sera jamais mis par les hommes senses au rang des reveries de Fesprit humain , comme les detracteurs de ce grand homme ont voulu le pretendre. La posterite n'oubliera jamais que c'est a Des- cartes que nous devons raffranchissement du joug de l'au- torite en maliere d'intclligence , lo sentiment de notre force et de notre dignite , par cette precieuse liberte de 368 congres scientifique de France. penser, dont ses ouvrages nous ont donne l'exemple , et qui a corrige tant d'erreurs , redresse tant d'abus et deracine tant de prejuges ennemis des lumieres. Je n'airicn dit, Messieurs, de la vie privee de Descartes, qui n'offre rien de particulier au pays qui l'a vu naitre; la vie d'un grand homme appartient au monde entier. Je dirai seulement que la philosophic de Descartes n'etak pas que dans ses ecrits, mais qu'on la retrouve surtout dans les principes de morale qui furent toujours la regie de sa conduite personnelle , au point qu'il serait difficile de dire s'il fut plus recommandable par ses talents que par ses vertus. On sait qu'apres avoir passe les premieres annees de sa jeunesse dans les camps, ou l'avait jete sa naissance, il avait etabli en Hollande le siege de la revolution philoso- phique qui dominait TEurope; et que de la meme, il fut oblige de fuir dans la suite , persecute par Tenvie. Meconnn par le plus grand nombre en France, ou Richelieu voulait cependant l'attirer ; retire enfin aupres d'une reine etran- gere digne d'un tel maitre, il y mourut sous un climat loin- tain , en adrcssant a son ame ces belles paroles : « II y a longtemps que tu es retenue captive; voici l'heure de sortir de ta prison, tu dois le faire avec joie et courage. » Dans cette religieuse pensee ; ne reconnaissez-vous pas Texpression sublime du sentiment profond de l'immortalite qui, comme une ligne de feu, s'eleve pure de la terre, pour se perdre dans les avenues duciel?Ne voyez-vous pas le genie du grand homme planer au milieu du vide immense deTeternite, n'envisageant le siecle qui s'ecoule que comme une ombre lcgere, et n'arretant ses regards que sur ccux qui vont le suivre? N'est-ce pas pour y jouir de la re- compense de ses nobles travaux, dans la reconnaissance des hommes et dans la contemplation de sa gloire , apres avoir jete dans le lointain des ages la renommee de ses oeuvres ? Amis des sciences et des arts , gravez alors sur l'airain le nom de l'homme illustre qui honora sa patrie, Elevez a sa memoire des monuments a l'abri des ravages du temps. Qu'apres une periodc a la fois brillante etperilleuse pendant quinzieme session. 369 sa vie, il trouve dans l'elan de vos coeurs unc celebrite plus juste encore apres sa mort ! Qu'il recoive de ^inva- riable equite d'une posterite eclairee les honneurs post- humes qui doivent rcjouir son ombre, et que du silence de la tombe il entende la voix du monde qu'il eclaira pro- noncer sur son immortelle dcstinee ! Cependant, Messieurs, si eelui qui s'est occupe toute sa vie de recherehes utiles a ses semblables a droit aux hom- mages de tous les temps et de tous les pays , combien le devoir de la reconnaissance n'est-il pas plus imperieux pour ceux surtout dont il a ete le concitoyen, dont il a habite le meme sol, respire le meme air, et auxquels il a legue la gloire de son nom? C'est pour acquitter cette dette sacree du pays que la Societe Archeologique de Tourainea entrepris l'honorable tache de provoquer Terection d'un monument a la memoire de Descartes, et Texecution ne tardera pas a couronner ses genereux efforts, grace au zele empresse avec lequel toutes les autorites eclairees de la province et tous les amis de la science ont repondu a ce noble appel, qui sera entendu de la France entiere. La seance est levee a trois heures. Seance tlu O sentembre. Presidence de M. le vicomte de Cussy. M> Charles Ernoult, secretaire. Le proces verbal de la precedente seance est lu ctadopte. M. le president annonce que la discussion est reprise sur la lle question: Quels services Rabelais a-t-il rendus a la langue franpaise, el quelle influence a-t-il exercee sur les ecri- vains qui sont venus apres lui? 3lT0 CONGR^ SClENTlFIQUE DE FRANCE. M. Lecomte donne lecture de son memoire sur cettc question (1). II fait ressortir avec bonheur l'esprit du style de Rabelais, et s'attache a detruire Fopinion que Labruyere a emise sur ce critique. L'impulsiort que Rabelais a donnce a la languea ete prodigieuse,dit-il; Ronsard et tant d'autres en ont profite et ce n'est pas la le moindre raerite du cachet de ses ceuvres. M. Bodin ne pense pas que Rabelais puisse etre mis en parallele avec Ronsard. La difference qui distingue ces deux ecrivains c'est que Ronsard prenait ses mots dans la langue Grccque , tandis que Rabelais les cherchait dans les diffe- rents patois. Une discussion s'engage sur l'epoque precise ou les ceuvres de Ronsard ont ete publiees. M. Rousseau apprecie fort judicieusement le role que Ra- belais a joue comme critique et le progres qu'il a fait faire a la langue. Rabelais etceux qui ontle plus de rapport avec lui, dit M. Rousseau, ont ete enfantes par le genie de la France. L'orateur fait voir 1'analogie frappante qui existe entre l'esprit du style de Rabelais et celui de Molierc, Vol- taire et Beranger, qui selon lui ont continue, a diffcrentcs epoques, l'ceuvre de reforme sociale qu'avait commence Ra- belais. Ce memoire ecoute avec le plus vif interet est, sur le vceu de Tassemblcc, designe pour etre lu en seance ge- nerate (2). Sur la 12e question, M. de Bois-le-comte, tout en s'associant aux eloges qui ont ete donnes a Andre Ducliene, dit qu'il faut laisser la part a Richelieu, son patron, qui Ta puissam- ment soutenu , et sur les ordres duquel il a cntrepris ses etudes historiques. Malheureusement, dit M. Archambault, Andre Ducliene n'est pas bien connu et l'indifferencc regrettable qui s'at^ tache a son nom dans son pays mcme en est une preuvc. (1) Le memoire de M. Lecomte n'a point et<5 remis au comit6 de publication du compte-rendu du Congres. (2) Le Comite de publication n'ayant pas recu cet interessant memoire, dprouvc un vif regret de ne pouToir le reproduire dans le compte-rendu da Congres. QUINZIEME SESSION. 571 Ccpcndant ce fut un grand ecrivain , dignc d'illustrer a ja- mais la ville qui lui a donne naissance. II a ecrit sur l'his- toirc plus de 50 volumes, dans lesquels il a imprime a l'etude de l'histoirc son veritable cachet. Aussi est-il permis de s'etonner qu'on n'ait pas encore songe a rendre a cet il- lustre ecrivain l'hommage qu'il merite a tous egards, cnlui ele- vant un monument sur une des places publiques de la ville. M. Cartier fils lit un memoire sur la 25e question ainsi concue : Rechercher les procedes propres a Vemploi de la cire en pein- iure decorative , en exceptant sa dissolution par l}emploi des sels, huiles ou huiles essentielles. Messieurs , II y a maintenant trois ans passes que je tombai dans une etrange illusion ; je m'imaginai que j'allais devenir un grand horame, et en vous confessant cette faute de ma jeunesse, je 16013016 sur le champ le benefice des circonstances attenuantes. Ce que toutes les academies de l'Europe avaieut inutilement cherche pendant deux cents ans, je l'avais devouvert et je me pre'sentais, mon secret dans la main, aux portes de l'instilut. Je venais expliquer par des faits et par des textes la peinture encaustique des anciens. Je croyais faire quelque chose de plus utile que d'indiquer la place d'une planete invisible et je m'attendais a quelques grandes re- compenses nationales; je n'eus pas meme lacroix. Que peut dire, pensa-t-on, un inconnue qui de"bute et qui se permet d'ailleurs de contredire d'illustres contemporains. Aussi personne ne m'introduisit, et apres avoir fait antichambre pendant plus d'un mois, j'allai porter mon memoire a une revue tres-savante et par consequent tres-peu lue. Ma thdorie fut acceptee, mais elle n'eut que l'honneur d'une approbation sileneieuse. La cClebrite" manquee, je conservai du moins l'espdrance d'etre utile. Ce que j'avais dit, je l'avais pratique"; le temps me manquait pour completer mes experiences et je pensais que le hasard livrerait mon memoire a la curiosite d'un Mecene opulent, ou a la speculation active du commerce , et qu'il en resulterait bientot, dans la pratique de Tart, une revolution qu'on 572 CONGRES SCIENTIF1QUE DE FRANCE. desire depuis longtemps et qui jamais ne fut si necessaire. *En France, rien de semblable n'est arrive; a l'etranger, on s'est occupe" de mon travail, on a adopte mes conclusions. J'ignore si Ton en a recherche les ap- cations artistiques. La question proposed au Congres ramene devant vous, le probleme de l'encaustique des anciens. Parmi les process propres a l'emploi de la cire dans la peinture decorative, nul, je peuse, ne peut offrir, comme celui que j'ai retrouve, des e'chantillons ayant dix-huit siecles d'exislence. Je vais done, apres avoir autrefois explique' scientifiquement l'encaustique des anciens, essayer de vous en prouver aujourd'hui l'utilite presente et les theories pratiques. Pourquoi cette question de la peinture encaustique des anciens renait-elle avec tant de perseverance? pourquoi, depuis le xvic siecle, les savants s'en sont-ils tant occup^s ? pourquoi les disputes de MM. de Caylus et Bache- lier ? pourquoi plus de trois cents volumes sur ce sujet, en Italie, en France, en Angleterre et en Allemagne ? pourquoi ce probleme nous est- il encore propose ? C'est qu'il y a la un besoin qui subsistera toujours, tant que la peinture a Phuile sera reine et maitresse parmi nous. Si jamais je fais un pamphlet, ce sera contre la peinture a l'huile. L'em- ploi de l'huile, dont on attribue faussement l'invention a Jean de Bruges, est un veritable poison pour les chefs de l'art et surtout pour la grande peinture decorative, qui devrait seuleorner nos monuments, aulieude ces toiles plus ou moins obscures qu'on y emmagasine, et qui rompent avec leurs cadres et leurs saillies toutes les lignes de l'architecture. Si vousVoulez voir ce que fait la peinture a l'huile , allez dans ces galeries oil se sont donne rendez-vous les grands maitres de tous les temps et de tous les pays. Vous etes au milieu des Leonard de Vinci, des Raphael, de Rem- brandt , des Poussin ; mais les voyez-vous, tels qu'ils sortaient vivants, et glorieux de leurs ateliers. Vous n'avez plus que leur momie ; l'huile les a empoisonnes, decolors. 11 ne reste d'eux que le dessin, que la forme. Si quelques uns , comme le Titien, Paul Veronese, Rubens et Vandick out ete plus heureux et ont conserve la vigueur d'une luxuriante carnation, c'est a la promptitude a l'habilete de leur execution qu'ils le doivent, et surtout aux recettes particulieres dont ils avaient les secrets. Autrefois un artiste cherchait la perfection de ses materiaux comme l'alchimiste revait la pierre philosphale ; il avait aussi ses veilles et ses fourneaux; mais maintenant I'industrie est une chose si commode, les marchands nous vendent des couleurs a si bon compte, qu'il est impossible de ne pas suivre comme les autres le chemiu de la routine. Demandez pourlant a QOtNZIEME SESSION. 575 la science ce qu'il en advient. Consulted par exemple, l'excellent ouvrage de M. Paillot de Montabert, sur la peinture, et vous verrez que l'oxigene de Fair occasionne une veritable combustion de l'huile et que dans cette combustion toutes vos riches couleurs changent de ton, de valeur, et produisent bientdt un pele-mele, une discordance dpouvantable. La cou- leur est la musique de la peinture et l'huile finit toujours par en d&ruire la mesure et 1'harmonie. Voyez les tableaux de Girodet, le peinlre moderne qui s'est le plus preoccupe" de la couleur et qui avait toujours autour de lui trois ou quatre palettes chargers de teintes habilement gradue'es et combi- nees. Qu'est ce que l'huile en a fait ? Un charivari de"sagre"able oil le noir domine. Un tableau est une lleur qui se fane le lendemain. Le premier jour d'une exposition est toujours le meilleur, et les artistes qui en attendent la la veille pour terminer leurs ouvrages agissent avec prudence. Dans la peinture decorative, l'huile est plus nuisible encore. La pierrc et l'huile sont deux ennemis irreconciliables, et au moyen de son humidite la pierre linit toujours par etre victorieuse. 11 faut que la peinture a l'huile s'en aille. Uiie simple peinture a la detrempe est beaucoup plus tenace , l'humidite y passe ety repasse saus la detruire. Pendant que nos tableaux d'hier s'ecail- lent, on voit encore sur les murs de Notre-Dame de Paris des figures peintes a la detrempe qui, depuis quatre cents ans, y bravent la pluie et le soleil. II Ctait done bien naturel de chercher un moyen nouveau pour assurer aux chefs-d'03uvre que nous pouvons faire une existence plus heureuse et surtout moins ephemere. La cire a revendiquc la preference. Elle avait de vieux litres a faire valoir. Ses services datent d'Athenes et de Rome , et Pline l'ancieu lui a donne- pour nous d'excellentes recommandations. La decouverte de Poropei etd'Herculanum fournit d'ailleurs desgaranties de ses bonnes qua- lity et de son extreme solidite". En effet, la cire est amie de la couleur, elle la prend dans des proportions tres-varie"es , elle lui donne de la trans- parence quand il le faut, ou se prete a Topacite" quand on le desire. L'eau, l'humidite, le froid ne peuvent rien contre elle, la chaleur ne lui nuit pas non plus ; le soleil l'amollit sans la se'eher ; e'est un roseau qui plie sans se rompre. La peinture doit done chercher tous les moyens de s'enservir, et voila bien longtemps qu'elle y travaille. L'historique des procCdes qu'on a successivement proposes serait tres-re'jouissant a vous raconter ; mais il n'est pas noble d'attaquer des ennemis qui sont par terre, et je vous dirai seulement que tous ces process out etc remplacCs par cette peinture a la cire qu'on emploie maintenant dans nos Edifices et qui offre certaiucmeut de verltables avantages. Vous en entretenir ici, serai 574 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. sortir de la question du programme ; puisque les huiles essentielles y joueat un r61e principal et que certaines couleurs en recoivent par con- sequent une facheuse influence. En dehors des sels et des huiles, il existe des substances naturelles qui rendent la cire soluble et facile a employer en peinture. Si je ne donne qu'une solution a la question proposed, c'est qu'une bonne reponse dis- pense des autres et que vous accorderez sans doute la pre7e>ence aux process qu'employait Apelles, et dont vous voyez les bons r^sultats daus ses peintures si fralches , malgre les cendres chaudes du Ve'suve et malgre' leurs dix-huit cents ans d'existence. J'ai done explique', dans un memoire impriml en 1845 seulement, l'en- caustique des anciens, et malgre' tous mes belliqueux desirs, ces explica- tions n'ont pas encore dte" contredites. J'ai deTmi avec Pline, la peinture encaustique, une peinture ou Ton peignait avec des cires colore^es qu'on fixait ensuite avec le feu. J'ai clairement differentia les trois genres d'encaustique que Ton con- fondait toujours, 1'eucaustique des peintres, l'encaustique des vaisseaux et l'encaustique sur ivoire. J'ai montre que l'encaustique des vaisseaux diffeiait des deux autres en ce qu'on y employait des cires chaudes et que l'encaustique sur ivoire etait le travail qui avait precede" nos nielles et nos gravures. J'ai prouv£ enfin que l'oeuf etait le dissolvant de la cire chez les an- ciens ; que les cires colorees s'appliquaient avec un pinceau et non pas avec un fer rouge, comme on s'obstinait toujours a le dire, et que le feu servait a terminer cette peinture qui devenait par son moyen inaccessible a toutes les injures du temps; et cela je l'ai d^montrd historiquernent , j'ai dessiinS et grav£ des tableaux de Pompei et des miniatures grecques du v« siecle, oil les peintres sont represented travaillant de la meme ma- niere. J'ai cite les analyses (aites par les savants sur les figures des mo- mies d'Egypte et sur les tableaux du moyen-age et qui prouvent qu'a des distauces si eloigners, la cire et l'oeuf etaient la base de ces peintures. Ce que j'ai dit, j'ai le droit de le croire incontestable jusqu'a prcuve contraire. Maintenant laissons de cote" la question arclnSologique et , sans nous occuper des artisles anciens, offtons aux arlistes modernes une theorie pratique pour peindre a la cire. Des materiaux ne sont rien quand on ignore les moyens de s'en servir. Je vais done vous dire avec d&sintd- ressement et sincerity ce que ra'a fait connaitre l'experience ; mes recettes sont autant de brevets d'iuvention que je vous abandonne. QUINZi&IE SESSION. 575 L'oeuf rend done la cire soluble : la cire est un corps gras qui re'siste a l'eau et l'oeuf est un meMiateur entre l'eau et la cire, qui les unit et les m&e ensemble. Cette propriete* de l'oeuf est facile a constater. Melangez de l'huile, de l'eau et du jaune d'eeuf, et abandonnez ce melange a Im- mense. Vous le verrez se s^parer en trois parties distinctes. A la surface l'huile surnagera avec quelque chose de l'oeuf; au centre, l'eau sera blan- chie de son cote ; au fond il y aura un dep6t semblable a du laitage tourne\ Prenez un peu de couleur a l'huile telle que le commerce en pre- pare, melez-y du jaune d'eeuf, et l'eau qui avait horreur de votre couleur s'y confondra sans resistance. Nous retrouvons quelquefois a l'atre du foyer domestique des usages de l'antiquite' la plus recuse : nos bons an- cetres, qui ne jouissaient pas de toutes les spe'cialite's de l'industrie mo- derne, detachaient eux-memes leurs habits en otant avec du jaune d'eeuf les saletCs que les corps gras y avaient laisse". Ceux enfin qui mettaient nagueresde l'oeuf dans leur cirage etaient, sans s'en douter, les derniers descendants des peiutres encausticiens de Bizance et d'ltalie. Non-seulement Pocuf rend la cire soluble dans l'eau , mais il lui apporte encore la propriete d'adherer facilement et parfaitement aux corps. L'oeuf est un gluten excellent pour peindre , et lorsque , selon les calculs du chimiste Bianchi, la cire ne fut plus employee dans les tableaux, vers l'an 1360, les peintres conserverent sou dissolvant. La peinture a l'oeuf est d'une soli- dite" remarquable. Les tableaux a l'oeuf que nous voyons au muse'e du Louvre et au musee de Cluny sont d'une surprenante fraicheur. M. de Caylus dans un tres-curieux memoire sur les procedes pour peindre le marbre, presente l'oeuf comme le moyen le plus energique d'incorporer les couleurs a la pierre. Maintenant , comment melange-t-on l'oeuf et la cire : prenez de la cire Vierge que vous raclez en pellicules legeres, du jaune d'eeuf, une surface polie, un broyon etde la patience, vous arriverez certainement a preparer votre cire de maniere a l'etendre ensuite autant que vous le voudrez dans l'eau. J'ai indiq-se dans mon memoire le moyen de faciliter cet operation en chauffant un peu la pierre qui sert a broyer. L'industrie four- nirait bien vite des petites machines plus expe*ditives et plus commodes, oil une chaleur douce et reguliere amollirait la cire sans changer les qua- lites de l'oeuf. Quand doit-on colorer les cires ? On peut le faire avant, pendant ou apres le melange de l'oeuf, mais je pense qu'il vaut mieux terminer par la; Les couleurs serout plus pures et plus facilement proportionne'esj chaque couleur demande des doses differentes de cire, mais les experiences de 376 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. deCayluspeuvent nous epargnerbien des tatonnements: elles uedoivent pas etre pourtant deslors vigoureuses, on peut varier les proportions qu'il indique, selon 1'opacite ou la transparence qu'on desire. II existe aussi des moyens de donner a notre peinture des qualites parti- culieresj on peut, par exemple, lui procurer plus de lustre, ou bien l'empecher de secher en y ajoutant quelques corps. Les resines et le bitume, que l'ceuf dissout egalement dans I'eau;, rendront la peinture plus solide et plus brillante. Une faible partie d'huile d'olive permettra de continuer et de reprendre le travail aussi longtemps qu'on le voudra. J'indiquerai bientot le moyen de secher au contraire les couleurs promp- tement et parfaitement. La peinture a la cire eta l'oeuf peut s'appliquer sur toute espece de fonds et de preparation : sur le bois , sur la toile , sur le parchemin et sur la pierre. Eticije rappellerai, dans l'inter^t de la peinture decorative, les soins miuutieux que lesanciens prenaient pour preparer leurs fonds et leurs enduits. Une peinture peut avoir toutes les qualites qui lui assurent la so- lidity et la duree ; si ce qui la porte ne rdsiste pas au temps , elle perdra necessairement rimmortalite que son proce'de lui promettrait. Vitruve et Pline nous ont parfaitement detaille" les recettes des anciens pour preparer leurs enduits. Leurs textes ont ete- expliques, commente's par un auteur du siecle dernier, M. de la Faye , mais la routine s'est bouche les oreilles et on s'est contente d'inventer toutes nos chaux hydroliques, tous nos ciments plus ou moins romains. Les enduits sur lesquels les anciens peignaient etaient si durs qu'on pouvait en scier la superficie et en faire avec des fragments polis et tailles, des dessus de table magnihques. La peinture terminer , on la fixe au moyen de la chaleur. On retire a la cire la propriete" qu'elle avait de pouvoir s'effacer, Sponger, et on lui rend la resistance a l'humidite en se"cbant par le feu toutes les molecules qui avaieut modifie sa nature. Cette operation s'accomplit en promenant sur sa surface une chaleur moderee ; le lanterion des anciens avait un tres-grand rapport avec les rechauds dont nos peintres se servent pour secher les murs; mais il ne faut pas croire que cette operation soit violente : elle unit seuleraent la peinture" et la fait adherer plus fortemcnt. Pour Eloigner davantage les causes qui peuvent lui nuire de l'exterieur, on revetait la peinture d'une ou plusieurs couches le"geres de cire vierge ; c'etait un vernis transparent qui augmentait sa solidite. Ce vernis, d'apres le temoignage de Vitruve et de Pline, peut s'appliquer a toute espece de peinture et de surfaces ; c'est un demi-encaustique qui rend inalterable la quinzi£me session. 377 couleur a la d&rempe et qui preserve comptetement les monuments et les statues de cette ve"g£tation parasite qui s'y attache comme une lepre sous notre del humide. Je vous prie de remarquer cette application im- portante de la peinture a la cire , elle peut 6tre l'objet d'un utile et lucra- tif brevet d'invention. Apres avoir expose les recettes de Tencaustique, je vais vous en detail- ler brievement les avantages. Je ne re'pe'terai pas les inconvements de la peinture a l'huile que j'ai dfya signals ; je ne rappellerai pas non plus aux personnes qui aiment la proprete" les taches continuelles qu'elle occasionne, et aux temperaments nerveux les disagreements de sa terrible odeur. Je ne veux plus lui opposer que les perfections de sa rivale. En peignant a la cire, vous pouvez changer et corriger sans cesse; vous pouvez tout enlever , si vous le de'sirez : et il y a la un avantage preeieux pour les commercants qui , par une economie bien entendue , surcharged une seule toile d'une fonle de figures. Le samedi, l'etude de la semaine pourrait disparattre et la raerae toile, apres plusieurs anndes de service, redeviendrait aussi blanche que le jour de l'achat. De combien de mau- vais tableaux nous serions de'livre's , si nous pouvions en utiliser ainsi les toiles ! Grace a la cire, vous voyez sur-le-champ le ton que vous employez, il ne palit pas comme dans la de"trempe , il ne s'obscurcit pas comme avec l'huile. La cire ne lui donnera que de la richesse en vieillissant. Yous n'aurez plus ces embuts qui font si justement le dCsespoir des artistes, vous aurez au contraire une superficie douce a l'ceil et favorable a l'e'clat de la lumiere. Si vous voulez donner de l'intensite\ de la transpa- rence a vos ombres, vous r^ussirez par un leger frottement. Non-seulement vos mate>iaux couteront moins, mais encore vous serez certains de leur bonne quality. Ceci, dans le siecle oil nous sorames, est un mCrite immense ! He'las ! l'interfit n'exerce-t-il pas ses corruptions dans toutes les classes de notre socie'te'. Vous en avez une bien triste preuve dans les huiles qui sont d&estables. Si vous vous plaignez du mal, on nie sur-le-champ; si vous le prouvez, on s'excuse sur les ne'cessite's de la concurrence ; vous ne pourrez jamais repondre de tous les marchands de couleurs, pas phis qu'ils ne peuvent eux-me'mes repondre de leurs four- nisseurs. Eh bien ! vous pouvez en toute assurance vous tier a la morality des poules et des abeilles. En recevant directement les produits de leur Industrie, nous sommes certains que ces honn6tes .creatures nous donne- ront des reufs naturels et de la cire sans melange. Et ces matieres pre- mieres etant bonnes, vous pourrez vous servir des brillautes couleurs 578 congres scientifique de france. que les progres de la chimie procure et que l'huile de'te'riore si prompte- ment. Enfin et pour conclure , selon l'usage , la peinture a la cire sera une ga- rantie de votre immortalite- : on veut se survivre , c'est le faible de beau- coup et quaud on fait un oeuvre d'art, c'est ordinairement pour dire comme Ovide, Non omnis rnoriar , je ne mourrai pas tout entier. Heureusement pour les siecles a venir, bien peu r^ussissent. Car, si on embaumait tout le monde, les morts finiraient par gener les vivants. Mais cette ambition est permise, et surtout quand une oeuvre d'art est bonne, religieuse, par exem- ple, on peut de'sirer qu'elle yive avec notre nom, apres que les vents aurontbalaye notre poussiere. Si nous sommes absents, nos enfants du moins pourront en profiter. Eh bien! peignez a l'encaustique. Non-seule- inent, par ce moyen, votre ouvrage peut vivre des siecles, mais la pense'e que vous avez voulu rendre et communiquer y sera toujours jeuneet vous n'aurez pas a craindre pour elleles outrages et les fl6trissures du temps. Voici, Messieurs, un prospectus aussi s^duisant qu'il est desint£resse\ Sera-t-il capable de decider les artistes et verrons-nous enfin pratiquer un proceed qui remplace avantageusement tous les autres. II semble qu'il n'y a pas d'objections possibles. Je vous l'avoue cependant, j'ai peu d'espe'- rance. J'ai vu de si pres les moutons de Panurge dans le chemin de la routine ! Permettez-moi, Messieurs, de compter sur vous, pour faire revi- vre l'encaustique des anciens. Je vous ai confix mes secrets, ayez la bont£ de les dire a tout le monde. Les applaudisseracnts qui suivcnt cette lecture indiquent a l'orateur combien l'assemblee est reconnaissante du ge- nereux abandon qu'il fait de sa decouverte dont il pourrait tirer un grand profit. La seance est levee a trois heures. QUJNZIEME SESSION. T79 Seance du lO ge|»tem?>i*e. Prc'sidencc dc M . le vicomte de Cussy. M. Paul Huot , secretaire. . En l'absence de MM. les secretaires, la lecture du proces- verbal de la seance precedente est remise a la fin de la seance. M. le president donne lecture d'une lettre adressee par plusieurs artistes, fondateurs d'une fraternelle association ayant pour but de venir en aide aux artistes malhcureux, a leurs veuves ou a leurs enfants. M. Paul Huot donne lecture d'une piece de vers intitulee Adieux au Congres. La section consultee emet le vceu que ces vers soient lus a la seance generale de cloture. M. de Lasicotiere prend la parole sur la question relative a Rabelais. L'orateur ayant mis en doute le mot attribue a Rabelais a ses derniers moments : Je vais vers un grand peut-elre, M. Lecomte, qui avait emis cette opinion, replique qu'il l'a trouvec dans deux biographies de Rabelais, precedant deux excellentes editions publiees a Geneve. M. de Cussy fait observer que le lieu ou fut publiee l'edi- tion explique peut-etre ce mot attribue au cure deMeudon. M. l'abbe Auber ajoute qu'il faut n'accepter qu'avec de- fiance les editions de Geneve sur ce qui regarde la biogra- pbie de Rabelais; que, d'ailleurs, son fameux peut-etre n'eut pas ete moins contraire aux doctrines de Calvin et de Luther qu'a l'orthodoxie catholique , puisque ces deux re- formateurs n'admettaient pas moins que nous l'avenir eternel. 580 CONGR&S SCIENTIF1QUE DE FRANCE. L'ordre du jour appelle la 25e question : De Importance de la galvanoplastie dans les arts et de quelques moyens propres a en faciliter Vapplication et les de'veloppements. M. Viel lit un memoire sur cette question et fait passer sous les yeux des auditeurs le produit de ses experiences , qui excitent au plus haut point l'interet de rassemblee. Messieurs, Parmi les nombreuses et utiles decouvertes , dont a juste titre, notre sieele peut s'enorgueillir, il en estune qui, bien que feconde en r^sultats pour l'avenir, et des plus faciles & experimenter , semble neanmoins con- damnde a demeurer dans l'oubli et ne meriter l'attention que d'un petit nombre i je veux parler de la galvanoplastie, cette science, la gloire des Speucer et Jacobi, qui moins beureuse que la photographie, sa sceur, n'a pas , comme cette derniere , excite* regulation des masses et fait l'admi- ration du monde entier, quoique cependant elle nous soit plus utile a tous egards. En effet, Messieurs, sans vouloir en rien affaiblir le mdrite de la ddcouverte daguerrienne, qu'il me soit permis de dire qu'elle n'a pas d'autre but que de charmer nos yeux par la perfection et la promptitude presque magique avec lesquels elle nous donne l'image des objets sou mis a son influence. La se borne, a mon avis, le meYite de la photographie. La galvanoplastie au contraire, cette science qui semble en quelque sorte avoir realise* le r£ve des alchimistes et des hermeHiques dans leurs recher- ches de la pierre philosophale, n'est-elle pas, grace a la simplicity de ses process, appelee a reproduire presque iudeTmiment les chefs-d'oeuvre de la sculpture, de la gravure, de la ciselure, etc. ; et sous ce rapport ne peut-on pas dire d'elle qu'elle est aux arts ce que rimprimerie est a la pensee. N'est-ce pas par elle qu'une foule d'objets et d'ustensiles com- poses de metaux comrauns si alterables par Taction brumeuse de notre atmosphere, pourront etre rendus inoxidables en les revetant d'une couche plus on moins epaisse d'un metal precieux ? sa decouverte ne permettra- t-elle pas aux corps les plus fragiles de braver desormais les atteintes du temps ? La photographie, dont je vous parlais tout a 1'heuro, ne Ini doit- elle pas d'etre reproduite presque a l'infini, et de plus n'a-t-elle pas l'avan- tage de rendre aux objets daguerreotype's leur position natnrelle? Je m'arrete, Messieurs, car aussi bien que moi vous connai«sez toutes les mer- veille8 que peut enfanter cette precieuse decouverte. QUINZ1EME SESSION. 381 J'eusse ete desireux de pouvoir vous faire la description de diverses experiences auxquelles je me suis livre sur cette matiere, vous indiquer les proce'de's que j'ai employe's comparativement h ceux demerits par leurs auteurs , et vous presenter tous les avantages qu'y trouveront les arts et Industrie ; mais les nombreux travaux auxquels je me suis livre depuis quelque temps , joints a une sante debile, m'empechent d'y pouvoir sa- tisfaire; je suis force de m'en tenir aux faits qui, je crois, me sont propres et que voici : 1° La reproduction des corps non conducteurs par un agent toiijours sur et d'un emploi facile ; 2° La reproduction des objets due a la galvanoplastie ; 3° Et enfin la reproduction des images daguerriennes et le moyen d'en- lever les taches qui se forment a la suite d'un plus ou raoins grand nom- bre d'epreuves obtenues. Voulant, Messieurs, prouver jusqu'a l'evidence que les moyens que je viens d'£nume>er sont bons, je me suis muni d'Cchantillons qui peuvent justifier l'exactitude des faits que j'avance. Reproduction des corps non conducteurs par un agent toujours sur et d'un emploi facile. Le bois, la pierre, la cire , le soufre , la stearine, le suif, etc. , n'etant pas conducteurs , ne peuvent par consequent donner naissance au depot electro-metallurgique; divers moyens ont ete proposes a cet effet et no- tamment la plombagine ou carbure de fer. Je vous avoue, Messieurs, que l'emploi de ce dernier produit, qui nous est donne comme le meilleur, ne m'a jamais rdussi. Cependant plusieurs auteurs et notamment Lerebours- Seme, de Valicourt, etc., l'indiquent. J'aime a croire que ces messieurs 1'ont experiments , et je ne dois sans doute m'en prendre qu'a ma raala- dresse ou aux mauvais produits qui m'auront ete adresses si je n'ai pas en le meme bonbeur qu'eux. Toutefois, fatigue den'avoir que des deceptions par l'emploi de cet agent, j'ai voulu entrouverun sur lequel je pusse toujours compter, et de tous ceux que j'ai mis en usage nul ne m'a donne de resul- tats comme ce qn'on appelle le bronze des lithograpbes , substance qui n'est autre que du cuivre reduit en poudre impalpable. Sa propriety con- ductrice etant certaine je ne saurais trop le conseiller. D'ailleurs il n'exige poini, comme la plombagine, un frottement prolonge et de plus il ne peut jamais etre falsifie. Reproduction des objets dus a la Galvanoplastie. La tendance qu'ont les objets obtenus a l'aide de l'eiectro-metallurgie 382 CONGR^S SC1ENTJFIQUE DE FRANCE, a se charger d'un nouveau d^pot et la force de cohesion qui les unit Tun a l'autre sont tels qu'il devient impossible de separer la copie de l'o- rigiual. Deux moyens, qui , a mon avis , sont aussi defectueux 1'un que l'autre, out 6t6 proposes pour obvier a cet inconvenient. Le premier consiste dans l'oxidation du metal et le second dans l'onction avec un corps gras sur lequel on applique le corps conducteur. Dans le premier cas , il fout que l'oxidation ne soit ni trt>p ni trop peu , sans quoi Ton aura pas de re'sultat, les oxides n'e"tant pas conducteurs ; oil bien le d^pdt adbirera, l'oxidation confine autour n'Ctant jamais re'guliere. Dans le second cas , celui de l'emploi d'un corps gras, il est impossible que les creux et les reliefs soient egalement recouverts, de telle sorte que les angles s'arrondissent , les creux s'emplissent par l'application de la matiere conductrice et la reproduction est imparfaite. Le moyen qui m'a le mieux rCussi consiste a presenter l'objet a la flamme d'une lampe contenant de l'alcool additionne" d'un trentieme d'essence de te're'benthine. Par ce moyen il s'oxide rdgulie- reraent, se couvre d'une le'gere couche grasse produite par la combustion de l'alcool ci-dessus, qui permet l'application solide du bronze des litho- graphes ; aussi le dep6t est-il instantane sans pour cela adherer a l'original. Reproduction des images daguerriennes et moyen prompt et facile d'enlever les laches qui seforment presque toujours apres en avoir retire" unplus ozi moins grand nombre d'fyreuves. L'ide'e de reprodnire les epreuves photographiques a du venir a qui- conque s'est occupe- de galvanoplastie. Cependant, la priority de cette de"- couverte a e'te le motif de contestations entre plusieurs personnes. M. de Valicourt, dans son Manuel de Galvanoplastie, de 1843, dit n'avoir obtenu que de mauvais r^sultats; M. Charles Chevalier, Popticien, dans ses Melanges photographiques, edition de 1844, dit que c'est lui qui le premier a eu l'heureuse id£e (c'est lui qui parle) de cette innovation , et il ajoute plus loin qu'il n'est pas assez riche en pareille matiere pour se laisser dd- pouiller sans rfolamer justice au tribunal de la publicity , sans vouloir soulever aucune discussion. A cet egard , que M. Charles Chevalier sache cependant qu'au commencement de 1843 , j'envoyais au savant docteur M. Bretonneau, la copie de son portrait dont j'avais tire" douze exemplaires ; et, s'il veut m'en croire , qu'il n'abuse point de l'autorit6 de son nom pour revendiquer la priority d'une d&ouverte dout ni lui ni moi probablement ne sorames les auteurs. Avant de vous faire connaitre les process que j'emploie pour enlever les taches des Epreuves daguerriennes soumises a Taction galvanique, per- QUINZIEME SESSION. 383 mettez-moi, Messieurs, de soulever une question qui deja a ete bien de- battue et qui cependant semble fort facile a re'soudre ; je veux parler des deux opinions qui se sont formers au sujet de la photographie : Tune veut que ce ne soit qu'une image et l'autre pretend que c'est une gravure sur metal dont l'artiste est la lumiere. II y a erreur dans Tun et l'autre cas : dans le premier , il me suffit de demander comment il pourrait se faire qu'on put produire dix, quinze et vingt fois un portrait ou un paysage daguerreotype's sans l'alte'rer en rien, si, comme on le dit, ce n'etait qu'une image! L'ouvrier lithographe obtiendrait-il des epreuves si prdala- blement il n'etendait une couche d'encre sur sa pierre ? et ne devrait-il pas en etre de meme pour les epreuves photographiques ? Quant a ceux qui pretendent que la lumiere joue le role de graveur, je leur dirai qu'ils se trompent par la raison que si Ton voulait reproduire par la pile un objet daguerreotype au sortir de la chambre a Mercure , ou bien encore apres le lavage par la solution d'hyposulfite de soude, on efface- rait l'original sans avoir de copie, ou plutdt elle serait si peu visible qu'il faudrait l'oeil exerce' de l'observateur consomme' pour y d^couvrir quelque chose ; aussi , selon moi , la lumiere ne fait que tracer l'epreuve, tandis que c'est le cblorure d'or qui la grave et agit a la maniere de I'eau forte dans la gravure par cet agent. J'en reviens maintenant, Messieurs, au procede que j'ai indique' rela- tivement aux taches qui se manifcstent si fr^quemment dans la reproduc- tion des £preuves daguerriennes, et qui me paraissent provenir de la for- mation d'un oxide noir du sans doute a Taction de l'acide du sulfate sur Pargent. Ce procede fort simple consiste a prendre une solution de cyanure de potassium au 25ra, a verser de cette solution sur la plaque de maniere a la couvrir, a chauffer legerement, jusqu'a cg qu'il se forme des bulles, jeter cette solution , laver a grande eau et dessecher a la maniere ordi- naire pour que l'image reprenne toute sa nettete et son eclat. Puissent, Messieurs, les quelques experiences que je viens d'avoir l'hon- neur de vous soumettre, engager ceux qui ont des loisirs a les consacrer a l'etude d'une science qui me semble a tant de titres meriter l'attention des savants et appeiee a rendre de si importants services a la plastique en general. L'ordre du jour appelle la question supplemental : De I'e'tat et des tendances de Vartmodeme* Elle est renvoyee a la seance ge'nerale. 584 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. lc comte de Mellet a la parole sur la 45* question : Des origines du chant gre'gorien. Messieurs , Le souverain pontife saint Grdgoire-le-Grand, en prenant au commen- cement du w siecle les rSnes de Ptiglise , s'occupa de la revision des formules de prieres liturgiques; le bre'viaire et le missel romains sont en- core de nos jours la reproduction presque litte'rale de Fceuvre de ce grand pape; non content de reviser les formules de la priere, il porta aussi sa solliciludesur la musique sacre'e; et Ton a toujours donnC depuis le nom de chant gre'gorien aux chants qu'on lui attribue. L'opinion generate est que le pape puisa les inspirations de ses compositions musicales religieuses dans les reminiscences des anciennes melodies grecques, si simples, a la fois, si nobles et si solennelles. Saint Grdgoire-le-Grand ne dddaigna point d'instruire lui-meme les clercs de sa ville de Rome dans la pratique du nouveau chant, et Ton a longtemps conserve^ dans Rome le petit lit sur lequel il se reposait, a cause de ses infirmites, pendant qu'il donnait ses instructions, et le fouet dont il se servait a Poccasion pour morigener les Aleves indociles ou pa- resseux . Plus tard les souverains pontifes ayant manifesto l'intention de substi- tuer en France lalilurgie romaine a la liturgie gallicane qui nous avait £te transmise de l'Asiepar les successeurs des ap6tres, le roi Pepin- le-Bref et Pempereur Charlemagne, son fils, seconderent cette transformation de tout leur pouvoir. Le dernier pria m£me un des papes alors rdgnant de lui en- voyer des chantres italien^ qui pussent faconner les chantres francais aux modulations plus donees des premiers. Sa demande lui fut accorded. Bien des siecles se sont dcoules depuis, pendant lesquels le chant grd- gorien subit plus d'une alteration non-seulement en France, mais meme en Italic Mais ce ful surtout au xvm siecle, que les traces de ce beau chant disparurent presque completement en France. I/abbe* Leboouf , homme savaut du reste, voulant probablement mettre le plain-chant an- cien en harmonie avec les nouveaux brdviaires introdnits dans la liturgie francaise, lui fit subir de telles modifications et mutilations qu'il est a peu pres impossible d'y retrouver aucune trace de l'antique et magnifique mo- dulation grdgorienne. Aujourd'hui que de graves et sdrieuses etudes se QUINZIEME SESSION. 585 font de toutes parts sur l'art Chretien, et que Ton songe particulierement, en bannissant de nos eglises les accents profanes, a ramener le plain-chant a sa purete originelle, nous croyons pouvoir proposer aux homines d'art et de gout la solution des trois questions suivantes. Quelles sont les origines du chant gregorien? doit-ou en rechercher la source dans les auciennes melodies grecques? Quelles modifications priacipales le chant gregorien a-t-il subics dans la succession des siecles depuis l'ceuvre du pape saint Gregoire-le-Grand? Enfin, quelles sont les lieux, les depots, les liturgies dans lesquels on pourrait esperer de trouver les traditions les plus pures du chant grd- gorien ? MM. les abbes Auber et Bandcville prenncnt part a la discussion. M. de Bois-le-Comte examine , au point de vue artistiquc surtout, la question considered par ces Messieurs surtout au point de vue historique. M. l'abbe Auber developpc l'opinion et formulc le vocu que le temps n'est pas cloigne pcut-etre oil les graves pa- roles des cbants religieux serpnt accompagnees d'uric mu- siquc conforme a leur sens. ^ M. Ernoult pensc que l'art arcbitectonique, comme l'art musical, n'aura son vrai caractere que lorsque la voix vivi- liantc de nos peres relleurira dans l'Eglise et dans lemonde. Apres de brillantcs repliques de MM. de Bois-le-Comlc, Ernoult, et Auber, la seance est levee a trois beures. 586 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Seance tin 1 1 ge n t em lire* Presidcnce de M. le vicomte de Cussy. M. Charles Ernoult , secretaire. La parole est a M. Bodin pour lire un memoire sur la question suivante, proposee par lui-meme : Quelles sont les causes principals qui out le plus influe sur la Renaissance des Lettres en Europe , et particulierement en France? Messieurs , Avant d'examiner les causes principals qui ont le plus influx sur la Re- naissance en general, qu'il me soit permis de jeter un coup d'oeil rapide sur la veritable Cpoque de la restauration des Lettres en France, sur r,e xvi" siecle, qui a feconde tous les autres par les riches tresors de l'antiquite qu'il nous a ouverts, et par les premiers mouvements de la peusee, qu'il a fait e"chapper des *!iitraves oil la retenaient captive les prejuges de I'igno- rauce et les susceptibilites du regime feodal. Je veux venger ce siecle, que j'appelle la premiere epoque du progres, des superbes detains dont il a die l'objet de la part du siecle dernier, quine l'a pas apprecie-, parce que celui- ci s'est trop habitue peut-dtre, par une ide"e prdsomptueuse de ses propres oeuvres, a rdpudier tout ce qui l'a precede", et a ne reconnaitre d'autre au- toritC que la sienne. L'erreur est d'autant plus injuste, que ces deux siecles offrent des traits frappants de ressemblance , qui ne peuvent Cchapper au penseur dclaire\ lis prdsentent l'un et l'autre une dgale fermentation dans les esprits, un meme ddsir d'innover, qui passe des peuples aux princes, une meme impatience du joug, qui entraiue souvent aux plus desastieux re'sultats. QUINZliME SESSION. 587 Mais le xvie siecle eut presque tout a faire, tandis que les succes, soit en bien, soit en mal, du xvme £taient prdpards depuis longtemps. Quant aux moeurs, il est un point sur lequel ils different essentiellement l'nn de l'au- tre. Dans le premier, dit un dcrivain moderne, l'enthousiasme religieux fut le mobile et l'auxiliaire des plus grandes cboses;ceux qui cherchaient alors a changer la face de la terre, avaient leurs regards fixes vers le ciel. Ce caractere particulier, malgre les erreurs funestes qu'il entraina, prete au xvie siecle une majeste" imposante qui frappe et attendrit. Cet esprit religieux ne s'imprime a aucun des mouvements du xvm% et malheureuse- ment une influence toute contraire a sou vent prdvalu. A part cela, le pre- mier a beaucoup plus de rapport avec le second qu'avec le grand siecle in- terme"diaire de Louis XIV, avec lequel il pre'sente en effet des traits tout diffCrents. J'avoue, Messieurs, que le brillant dclat du xvne siecle a du nCcessaire- ment nuire a l'age qui l'a pr£cdde\ Les lettres franchises, a cette epoque, prennent le cachet du bon gout et de la perfection du style, sous la plume ^loquente des plus beaux ge'nies. Mais elles ont un caractere moins vivace que dans le siecle dont je parle; elles sont portees, pour ainsi dire, en triomphe sur les ailes de la victoire, a la suite du grand roi, dont elles de- viennent l'ouvrage, et qui faisait des beaux arts les instruments du culte qu'il commandait. Corneille offre seul quelques restes de cet esprit d'inde"- pendance, que nous trouvons dans le siecle precedent, et qui expirait avec la guerre de la Fronde. Le severe DesprCaux, comme le tendre Racine, l'impe'tueux Bossuet, comme le gracieux Quinault, faisaient fumer un con- Jinuel encens sur l'autel du dieu. L'astre ne supportait point de images, et les rayons de sa gloire rejaillissaient sur les beaux genies, dont il refle'chis- sait les lumieres. II est bien certain que dans cette mutuality de gloires re- ciproques, vivifies par l'exclusive majeste" du prince, il ne pouvait y avoir de liberte entiere dans la pensde, et c'est sous ce dernier rapport que le xvic siecle, par les efforts qu'il fit pour se degager de ses langes, doit avoir surtout nos sympathies. Dans ce siecle en effet, la litte'rature prdsente un caractere veritablemeut plus male, plus independant, plus eminemment philosophique. Si les ecrivains de cette epoque sont peu populaires par les formes et par le langage, non encore poli par le gout, cela ne doit pas nous empecher d'etre justes envers eux, ni d'appr^cier les services qu'ils nous ont rend us. Grace a leurs doctes travaux, les tremors scientifiques oublie^s ou md- connus, furent ouverts de nouveau a la curiosity des hommes, et le passe" s'unit au present. Tous les siecles littdraires sortirent du tombeau et re- parurent avec gloire. Ce fut une seconde creation morale. Alors s'elance- j eut de leurs vieux monuments les ombres des e"crivains illustres, qui se ranimerent en meme temps que leurs chefs-d'oeuvre, et dont les noms im- mortels retentissent encore dans nos imaginations, comme tes sons eDchan- 588 CONGRES SCIENT1FIQUE DE FRANCE. teurs d'une lyre harmonieuse. Alors revecurent pour nous Conner d'admi- ration, 1'ancien des poetes, ce divin Homere, dont la grande figure apparait derriere les civilisations, comme un flambeau lumineux pour eclairer les ages; ce Demosthenes , le plus entrainant des orateurs par les sublimes elans de son enthousiasme patriotique, et tous les grands hommes, poetes et philosophes, associes a leur gloire, sous le beau ciel de la Grece. Alors reparurent, pour nous charmer par leur style, et le gracieux Virgile, et l'ing^nieux Horace, et l'eioquent Ciceron , sauveur de sa patrie. A la lec- ture de ces chefs d'oeuvre, enfante's au foyer de la liberty, la pensCe fut agitee en tout sens, et cette secousse generale aunonca le reveil del'esprit humain, et l'age de la Renaissance. Apres les epoques brillantes auxquelles Pericles et Auguste imprimcrent leurs noms , les peuples furent replongds dans un longsommeil. Mais apres le xvie siecle, il n'y eut plus de lacune, plus de marche retrograde dans les Lettrcs , qui ne firent que se modifier, suivant le genie des nations. La gloire en est surtout a la decouverte heureuse de cet art par excellence, qui, propageaut leslumieres avec une prodigieuse facilite, peut seul d'age en age transmettre tous les autres arts a la posterite la plus reculee. Cet art , depositaire fidele des opinions et des sentiments divers des hommes et des temps , capable par la meme de fixer invariablement l'esprit de tous les siecles, ranima l'amourdes sciences, qui ne devait plus s'eteindre, en r^pandant par loute l'Eupope les richesses litteraires de Fantiquite. L'etude de ces restes pre"cieux fit sortir de la plus honteuse lethargie dix siecles d'ignorance , endormis dans le tombeau de l'empire Romain, depuis que le genie de l'homme avait fait entendre son dernier mot par la bouche eloquente des Jdrome, des Ambroise, des Chrysostome et des Augustin. On vit sortir de la poussiere des cloitres ces pages admirables , inspirees par une religion divine aux Peres de l'liglise naissante. On admira le saint enthousiasme de ces hommes investis d'une mission sublime, qui, sembla- bles aux fleuves dont l'antiquite deifiait les urnes fecondes, faisaient couler dans les cosurs les flots de la science celeste, pour consoler l'humanite dans ces temps predestines de la metamorphose romaine. Siplusieurs sie- cles de mort succederenl a cette ere de gloire pour l'eioquence et les arts, e'est que l'ame des descendants des grauds hommes avait ete lietrie par la servitude. Ce ne fut que Iorsque le torrent des barbares eut passe, qu'on apercut de loin les ruines de ces trophees antiques, et que leurs vieux lau- riers reverdirent aux rayons d'une civilisation nouvelle, Cependant les Grecs echappes de Constantinople emportent avec eux le feu sacre , qu'ils avaient en partie conserve a travers les vicissitudes dn moyen age , et viennent rallumer le flambeau du genie moderne par une puissante emulation. Ces illustres fugitifs , abandonuant le sol antique oil l'esprit humain avait laisse d'ineffacables empreintes , oit les sciences et les arts eurentleur berceau pres de I'aurore , apportaient avec respect ce pre- QUINZ1EI1E SESSION. 589 cieux heritage , recueilli sur les rives du Bosphorc, aux rivages hospitallers qui devaient les recevoir. Ainsi, Rome victorieuseavait du jadis a la Grece subjugue"e ses lois , son industrie et ses sciences ; ainsi ce fut a la Grece encore, que l'Europe si longtemps barbare dut son erudition , sa litterature et ses arts. A cette epoque, une inquietude de"vorante faisait fermenter les esprits; Apres avoir traverse des terres arides, on se precipitait altere destruction aux sources des connaissances. Ceux qui ouvraient ces sources a la foule empressee parurent les bienfaiteurs de l'humanite, des etres suplrieurs, capables d'eclairer la marche de l'homme, et digues des louanges dont ils etaient l'objet. Quelle reconnaissance en effet ne devons-nous pas a ces la- borieux savants du xvi* siecle , qui , en nous rcndant les oracles de la science , ont fait revivre pour nous cette belle littCralure antique, qui de- vait etre la source de toutes les autres, et que Ton peut appeler l'age (''or de I'esprit humain ; cet age, oil les grandes actions e"veillaient les grands talents, etoii les grands talents suscitaient de sublimes vertus. Grace a ces beaux modeles, les litteratures modernes, soutenues par un tonds aussi riche, ont pu parvenir plus loin encore dans la voie de la perfection, ap- propriCe a la forme des temps nonveaux. Car l'anliquite n'a pas pu explo- rer tous les detours du cceur humain. A mesure que la civilisation avance, que les ev&nements se ddroulent, chaque jour amene de nouvelles combi- naisons de passions et de caracteres. A mesure que l'homme est mieux connu de l'homme, que ie commerce deploie de nouvelles richesses, que les guerres lointaines melangent les races, l'activite humaine de'veloppe d'autres moeurs, d'autres besoins, et partant, de nouvelles idees. Telle dtait a peu pres la situation en general pour les peuples de l'Europe, lors de la Renaissance des Lettres et des Arts. Aussi, Messieurs, la science n'a pas tout 1'honneur de cette grande et importante resurrection. C'est le cours des e'venements , qui donne une certaine pente aux actions et aux pensees de l'homme, lesquelles reagis- sent ensuite sur les productions du genie. Une complication de causes phy- siques ou morales, un enchainement des progres de la politique avec les progres des etudes, un melange de circonstances impossibles a hater, comme a prevoir, concoururent alors comme toujours, a la revolution qui s'opera dans les esprits. Lorsque des agitations violentes et soutenues, lorsque la succession rapide de grands e'venements, lorsque l'enthousiasme des partis ont excite une vive fermentation dans les coeurs, on ne peut se dissimuler que Tame ne soit exaltCe par ces grands tumultes, et l'imagina- tion disposee a cr^er les inspirations du genie. Or, quelle dpoque, je le de- mande, fut, plus que la Renaissance, fdconde en grands tenements, en entreprises hardies, en decouvertes merveilleuses, en mouvements politi- ques et religieux, capables de donner a I'esprit humain un essor extraor- dinaire ? Les Beaux Arts exiles de l'Orient avec la chute de l'Empire, et 25 590 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. refoules vers l'ltalie, leur antique patrie, par la stupide barbarie des Otto- mans, I'e'lan donne" paries Medicis, protecteurs e'claire's des sciences; d'un cote", les dissensions intestines, de l'autre, la magnificence de Rome enri- chie par les pontifes, qui faisaient des arts les auxiliaires de leur grandeur; enfin, les trop fameux de'bats sur cette lerre classique de l'ambition, eutre les deux plus puissants rivaux de l'Europe : que de motifs nouveaux d'e- mulation pour l'e'crivain, que de sources intarissables d'influence sur le ge'nie de l'liomme, que Ton ne saurait meconnaitre ! L'ltalie, qui avait devance" dans l'apparition des lumieres la rdvolution de Constantinople, n'est pas la seule, a cette dpoque, qui offre de grands spectacles a l'observateur philosophe. Ces mouvements si rapides, qui e'tonnent 1'iraagination des esprits mdditatifs, se rdpondent, pour ainsi dire, d'un bout de l'Europe a l'autre. Une espece de fievre morale embrase toutes les populations du midi au nord. C'etait le genie de la Liberty se- couant ses cbaines sdculaires, et apparaissant aux peuples comme une puissance tutelaire et energique, contre l'oppression de l'ignorance fanati- que, comme il avait paru jadis, sous la banniere de la Croix, contre le despotisme de la tyrannic Genie puissant de la Liberte ! Mole des ames fortes, qui les rend audacieuses et tdmeVaires dans l'ardeur de la lutte, quand elle les souleve pour revendiquer ses droits, mais nobles et gene- reuses dans l'dtat normal de la society, quand elle les eclaire pour rappe- ler l'homme a sa grandeur ! La fermentation se communique partout, depuis l'orgueilleuse Espagne, justement here de s'etre affrancbie du joug de ses anciens conquerants, qui voit en son pouvoir un nouvel.univers offrir a rimagination de ses poetes une grandeur gigantesque, jusqu'au severe Batave, dont les mira- cles de l'industrie et du courage conquerent 1'inddpendance sur l'ambition etrangere. Tandis que le genie de Colomb fait sortir des ondes un monde nouveau, a son exemple, de hardis navigateurs osent tenter vers les plus riches controls de l'ancien, a travers des mers lointaines, un passage ignord, capable de donner d'immenses rdsultats. Le Portugal a bientot son Apollonius, qui entonne la trompette be'roique, pour chanter ces nouveaux Argonautes. Entreprise bien digne d'une aussiglorieuse expedition, qui de- vait porter dans les destiudes commerciales de l'Europe la plus importante des revolutions! En Alieinagne, la ferveur religieuse, exaitdc par Emancipation de la pensde, agite les peuples ct les princes, et conduit a I'emancipafion politi- que. Si le mouvement do la Rcforme fut trop scrieux pour produire dans ce pays les arts brillants de rimagination, il eut du moins un empire mar- que" sur le talent des etudes ausleres, qu'il y ddveloppa singulierement. 11 poussa egalement le froid Allemand au gout des arts utiles, que fortifia dans les villes litres cette fameuse ligue Anseatique, qui, des rives de l'Es- cault a celles de la mer Baltique, prdscnta les miracles de la plus active QUINZIEME SESSION. 391 iudustrie. — En Angleterre, a travers les (roubles civils et religieux, uu despote capricieux se fait legislateur et pontife ; l'audace de ses innovations encourage les novateurs. S'il ose changer le culte, Bacon change la philo- sophic, et marque le passage de l'Cpoque ou Ton etudiait sans examen, a celle ou Ton fut plus fier de crder ses connaissances que de les recevoir tout acquises. Sous l'influence de ces impressions terribles, la muse ener- gique du plus etonnant des poetes tragiques ose s'inspirer, pour tracer en face d'une reine ombrageuse le tableau effrayant de la tyrannic Si 1'anti- quite" voile a Shakespeare ses tresors, la nature et l'observation lui re'velent le veritable caractere des passions humaines, si fortement de>elopp£es par la tourmente des evenements contemporains. La France enfin, la derniere entree en lice dans la carriere des Lettres, auxquelles les guerres d'ltalie avaient fait franchir les Alpes, participe aux mouvements du reste de l'if urope, moins par $a gloire que par ses ddsastres. Neanmoins, malgre* les malheurs de son regne, Francois I,r, qui avait le gout du grand, le sentiment du beau, donne aux arts et aux sciences un elan digne de son caractere, et mente le titre glorieux de Restaurateur des Lettres, par les e"tablissements utiles qu'il fonde en leur faveur. Mais ces germes de culture et de lumieres eussent die" noyCs dans les fatales guerres de religion qui suivirent, si on ne les eut pas recueillis, pour ainsi dire, dans le sang et le carnage, parce que le temps e*tait venu ou ils devaient eclore et fructifier. Ce fut alors que Ton vit un prince sanguiuaire tirer l'arquebuse parricide sur ses propres sujets, an nom d'une religion de paix et d'humanite", et le lendemain de cet horrible massacre, sacrifier tranquil- lenient aux muses, qu'il honorait d'un culte incomprehensible. Tel, dans les temps ddsastreux de la degradation romaine, un sauvage tyran chantait des vers sur sa lyre, a la lueur de l'incendie de Rome, qu'il avait allumd pour satisfaire des joies formidables. Cette bizarrerie monstrueuse dans le caractere de Charles IX s'explique pourtant : c'est que le gout de la science etait devenu l'esprit dominant du siecle, qui subjuguait tout, les rois comme les citoyens. C'est pour cela qu'a cette epoque, les plus grands talents s'elevent en France, du sein des plus terribles tempetes. La raison bardie du pacifique Montaigne brille au milieu des guerres civiles et reli- gieuses, et ponsse m6me la liberty de penser jusqu'a 1'impudent scepti- cisme. Michel de l'Hospital, dont la vertu, par un contraste consolant, rayonne sur le tableau funebre de sa patrie, doit aux malheurs de son temps, et son stoique courage, et ses nobles travaux, et son impCrissable gloire. Labeotie fait entendre les premiers cris de liberty individuelle qu'on eut encore ose" proffer, et venge la dignite" humaine de ses oppres- seurs. On voit que la Renaissance secoua en tout sens la vieille Europe, tour- mentee a la fois et de ses croyances anciennes, dans lesquelles la torche du fanatisme avait port6 le feu, et de ses doutes nouveaux et teraeraires, que 592 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. soulevait la politique de funestes rivalitds ; cette Europe briilante, qui s'agi- *ait e*galement de toutes parts, par la fatigue de ses institutions fdodales, sans pouvoir encore menter de nouvelles liberies, qu'elle osait conce- Yoir deja, mais que le temps seul pouvait amener dans le perfectionnement social. Cependant, Messieurs, si d'apres ces exemples e*clatants, il est demontre' que les temps les plus favorables a 1'elan de la pensde et a l'impulsion donnee aux sciences et aux arts sont les grandes convulsions politiques, il if est pas douteux, enmeme temps, que les circonstances les plus propres a rendre ces crises utiles aux progres et a l'^clat des lumieres ne soient, on l'apparilion d'un grand homme puissant et £clair6, qui s'empare du mouvement national pour le dinger vers un objet commun, ou l'e'tablisse- ment d'un grand principe conservateur, dans lequel toutes ces agitations viennent se resumer, et;qui puisse donner aux muses le calme dont elles ont besoin pour se recueillir, et pour repandre librement leurs fecondes inspirations. Si les arts sont nes des besoins memcs de la socie'te', les Let- tres en sont les ileurs. Filles de l'imagination, qui aime la parure, elles embellissent tout ce qn'elles touchent, et torment, par leur liaison inlime avec les arls, ce que Ton appelle le gout, qui ne peut se perfectionner qu'a l'aide d'une elude profonde, assured par la protection du pouvoir, ou a l'abri d'une idee ge'ne'rale et dominante, qui rallie tous les esprits sous une meme banniere. Portons nos regards sur ces quatre grands siecles, si con- nus dans l'histoire de 1'esprit lmmain, sous les noms de Pericles, d'Au- guste, de Leon X et de Louis XIV, et dont ces grands hommes ont dte l'expression ; nous y verrons que ces e"poques, si justement cdldbres, por- tent toutes e'galement l'empreinte du grand principe dont j'ai parte, a la suite de ces tempetes publiques, qui Cmeuvent les nations. Dans la premiere de ces pe>iodes, si le temps de la faveur dc Pericles tut celui oil le peuple et l'areopage se livrerent les plus rudes combats, per- sonne n'ignore que par la force de son g^nie, ce grand bomme, quoique force quelquefois de ceder a l'orage, dirigea seul, pendant pres de qua- rante ans, 1'esprit public, qui s'appelait alors 1' Amour de la Palrie. Ce sentiment, si fe'cond en grandes choses, devait fournira cct illustre citoyen de puissanls moyens pour proteger les Beaux Arts, qui elevaient la gloire d'Alhenes si fort au-dessus de celle de tous les sfutres peuples, et qui par leur eclat faisaient absoudre Pe'ricles lui-meme des maux que son ambition causait a son pays. C'est ainsi que Ton vit sur ce theatre brillant du mou- vement et de la vie, fixes par le gdnie du h£ros politique, les productions de l'imagination se developper si prodigieusement, autant par la se^curitc que par Man donn£ a regulation patriotique de la Grece. La pensCe generate qui domine les esprits a l'epoque Piomaine, sous Auguste, est la Pensee de la Paix, a l'ombre de laquelle les Lettres la- tines, qui avaient surgidu sein des troubles civils, purentse perfectionner QU1NZIEME SESSION . 393 entre les mains des plus beaux genies, quoique chaudes encore du feu des revolutions rapides qui les avaient amene'es avec elles. Le vainqueur d'Ac- tium sentit que les esprits, fatigue's de tant d'agitations, ne pouvaient ce- pendant se condamner a une inaction entiere, et qu'il fallait leur montrer a la fois le mouvement et le repos, en les occupant par la culture des sciences et par les prodiges des arts. Ceux-ci vinrent ainsi merveilleuse- ment a son secours, pour rallier tous les citoyens par le gout de la magni- ficence nationale et de Illustration litteraire. Les muses interposerent une aureole de gloire devant la couronne des Cesars, teinte du sang des nations ; elles deroberent aux regards ces depouilles opimes, entassdes dans le Ca- pitole, vaste tombeau de la liberty des peuples. Au siecle de Leon X, c'est le Principe religieux qui , apres les lon- gues et cruelles dissensions des Guelfes et des Gibelins, enfante les mira- cles de la resurrection du genie, comme il avait enfante", quinze siecles au- paravant, Emancipation du genre bumain. Tandis qu'un grand horume occupait la cbaire de saint Pierre, si tous les savants de l'Europe et de l'Asie se rassemblaient autour de cet illustre protecteur ; si tous les arts, emules de la Grece par des voies nouvelles, semblaient s'etre donne le mot pour jeter un si vif eclat sur la capitale du monde cbretien; si, dansle meme siecle, un grand poete faisait retentir sur nos coeurs, dans ses vers barmonieux, cette conjuration religieuse de l'Europe contre l'Asie, cette lutte glorieuse de l'enthousiasme ebranlant l'univers pour conserver on conquenr le tombeau du plus auguste des legislateurs, c'est que la Reli- gion, cette poesie du ciel, descendue d'en haut pour agrandir 1'ame, etait venue animer de son souffle inspirateur le genie de l'homme. A la derniere enfin de ces grandes epoques litteraires, qui devait repro- duce les merveilles de toutes les autres, les factions sanglautes, qui depuis quatre regnes successifs agitaieht la France, avaient a peine cesse, lorsque Louis XIV les condamna par son energie a 1'impuissance. Mais il lui fallait, comme Auguste, faire servir a la gloire desa Patrie cette exaltation qui l'avait si longtemps desolee, en ramenant les esprits a un but commun, glorieux et utile. Ce fut YHonneur National qui devint le puissant mo- bile de cette epoque ; l'bonneur, cette passion dominante du Peuple Fran- cais, qui l'eievait alors a ses propres yeux, tandis qu'elle le caracterisait aux yeux de l'Europe ; l'honneur qui, sous l'impulsion du grand Roi, devenant 1'ame, l'instinct de la nation, fut a la fois le point de ralliement general pour la gloire militaire, et Paliment n^cessaire de la.litterature et des arts par une louable emulation. Tel fut le principe glorieux qui, a cette grande epoque, eut pour tache de soutenir les efforts du genie dans tous les genres. Aujourd'hui meme encore, Messieurs, apres les terribles revolutions de la politique, apres rebranlement general des society, apres le bouleverse- ment des anciennes institutions, et la creation des institutions nouvelles, 394 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. apres le spectacle de l'Europe entiere, sillonne'e par la foudre des com- bats, enfin, apres un demi-siecle de catastrophes et d'enthousiasmes, de terreur et d'adrairation, de desolation et d'espe'rances, si nous voyons, a defaut de grandes conceptions litteraires, le genie de I'homme porter toute 1'immensite de son activite sur les sciences industrielles, et enfanter, par leur sublime application aux arts utiles, ces prodigieuses de'couvertes qui etonnent merae leurs auteurs, si nous pouvons admirer ces miracles de 1'invention humaine, qui suppriment les distances, et ne feront bientdt plus qu'un chemin d'un bout du monde a l'autre, c'est encore grace a un grand principe, qui maintenant domine tous les esprits, le besoin du progr&s. Et dans un autre ordre de choses, si le xix* siecle se montre a nos regards avec tous les attributs de la virilite, foulant aux pieds toutes les tyrannies et toutes le3 impiete's, tous les pre'juge's et tous les fana- tismes, offrant en face des generations passees, 1'homme plus grand et plus moral, c'est le fruit du progres social, lequel comprend tous les pro- gres indispen sables au bonheur de l'espece humaine. Ce progres-la, Messieurs, c'est le progres de la paix, non d'une paix inerte et sterile, mais d'une paix noble et glorieuse, qui emploie toute la puissance de ses ressources et de ses lumieres a eiever avec energie le genre humain jusqu'a la hauteur oil sa nature lui permet d'atteindre; c'est le progres des idees morales et politiques, ddsormais heureusement bashes I 'une sur l'autre, et se perfectionnant ensemble ; c'est le progres surtout de l'heureuse alliance entre la science humaine et la science religieuse, qui, ne se heurtant plus en ennemies, parce qu'elles se comprennent mutuellement, concourront de concert a la connaissance de la verite\ Lumiere, quand elle se m£le aux facultCs iniellectuelles, sentiment, quand elle s'associe aux mouvements de l'ame, la Religion croit avec la civilisation et marche avec le»temps. En effet, un des caracteres de la per- petuity qui lui est promise, c'est d'etre toujours du siecle qu'elle voit passer, sans passer elle-meme, et d'appuyer la raison humaine dans ses progres, jusqu'a ce qu'elle devienne le perfectionnement m6me de la so- ciete, en rapprochant le ciel de la terre. Si nous eprouvons tous le senti- ment de la plus noble jouissance par rapport a tout ce qui nous fait progresser, c'est la religion qui nous donne, a notre insu, l'instinct du besoin de reculer nos limites, dans l'immensite ouverte a notre destinee, en etablissant une relation intime entre nous et l'Eternite. C'est elle qui, par des esperances sublimes, nous pousse sans cesse au-dela du present, en pla^ant notre ame sur les frontieres de la terre, en regard d'un plus beau sejour, jusqu'oii elle puisse s'eiever pour y chercher le complement de noire existence. Si Ton pouvait douter de cette verite, le grand exemple donne par le prince illustre qui occupe aujourd'hui le trdne pontifical, en enseignant une voie large et civilisatrice aux rois et aux legislateurs, prouverait suffisamment que l'auguste symbole de l'egalite et de la fra- QUINZ1EME SESSION. 395 ternite" universale contient tous les progres, peut-etre meme la solution de bien des problemes sociaux, qui travaillent les esprits, et que la phi- losophic seule pourra en faire sortir un jour. La perfectibility est le but Evident de la creation ; tous nos sentiments, toutes nos actions, tous nos efforts tendent continuellement vers cette noble fin. La destiaation de l'hornme sur cette terre n'est pas le bonheur, c'est le perfectionnement, a dit la cClebre Mme de Stael. En effet, les mo- numents de la gloire nous montrent de toutes parts l'esprit humain s'elan- cant vers le sommet de la perfectibility qui est l'immortel reflet du gCnie. Ouvrez les annales des peuples, suivez avec attention les civilisations, qui s'avancent a travers les siecles, parcourez cet immense domaine de Tintelligence, toujours cullive" avec une si noble ardeur, jetez un coup d'oeil sur le spectacle que les arts pr&entent depuis leur origine, partout vous verrez Phomme cbercher des ailes, comme D^dale, pour s'elever au-dessus de la sphere commune. Ce fut le gCnie du progres qui conduisit le higislateur d'Athenes sur les pyramides de Memphis, a qui il alia de- mander les lois qui y etaient gravees, pour reformer les codes de la Grece. Ce fut encore ce meme genie qui &laira Galilee, le jour oil, ddmontrant par de hardis calculs ce que d'autres n'avaient qu'indique, il suspendit la marche du soleil, pour le placer au centre du monde, et imprimer un double mouvement a la terre. Et combien d'autres exemples non moins eclatants , dans les arts comme dans les sciences, pourrait-on citer en- core, pour arriver jusqu'a l'incessante activite" qui pousse la ge'ne'ration actuelle. Aujourd'hui, c'est le progres social surtout qui est la vocation du siecle, le besoin de l'epoques, vers lequel gravitent plus ou moins toutes les popu- lations civilisCes. C'est ainsi que le temps oil nous vivons est un grand temps, qui a fait de grandes choses, et qui doit en faire de plus grandes encore, parce que c'est le temps de l'iutedigenee et de la justice. C'est par ce progres dans les hautes sciences de la morale, de la politique et de l'industrie humaine, applique"es au bonheur de l'homme, que la France pourra s'appeler encore, comme en ses beaux jours , la Grande Nation. Qu'elle releve son front humilie, qu'elle ouvre la marche hardiment, et elle justifiera ce titre glorieux par l'application bien entendue de ces hautes ve>it6s, que tout le continent est convenu d'appeler les ideeb franchises. O France, mot magique de propagande ! tu fus toujours le synonyme de la domination du genie, comme tu l'as e'te' longtemps de la domination du glaive, personnifi^ dans lege'ant des temps modernes, devantqui laterre s'est tue. Si l'Europe entiere s'cst levee comme un senl homme, conjure'e contre toi, c'est que ton action fut trop violente, et qu'elle pressait l'Eu- rope ; mais tu as conserve- la sympathie des peuples, qui font condamnde a la sagesse. Eclaire'e aujourd'hui par l'experience des revolutions, tu dois 596 CONGRES SCIENT1F1QUE DE FRANCE. inoculer pacifiqueraent la regeneration sociale, en fdcondant par le pro- gres le sol dans lequel marche l'humanite. Si quelques lauriers ont ete" detaches de ta couronne par tes desastres, tu n'as rien perdu de ta puis- sance, puisque tu as sauve" du naufrage tes idees et ta liberty qui peu souffrir encore, raais qui ne peut plus pe>ir. Ton nom ne sera plus seule ment le resume" d'une grande gloire, mais il sera encore et surtoutle sym- bole d'un grand et heureux avenir pour le monde. M. l'abbe Bandeville s'eleve coritre la pensee qui s'atla- cberait a refuser aux siecles anterieurs toute initiative , et cite a l'appui quelques exemples. M. Lecomte dit que la prise de Constantinople a puissam- ment agi sur le progres des sciences et des lettres. M. Ernoult, en appuyant cette opinion, dit que l'impri- merie surtout a facilite cette immense renovation. M. Olivier, donne des explications sur un nouvel instru- ment invente par M. Catel, qu'il nomme roline et qui parait destine a remplir une lacune dans la serie des instruments a cordes. M. Olivier joignant la pratique a l'explication , donne une heureuse idee de l'instrument en jouant un charmant morceau. M. d'Espaulard pense que cet instrument manque un peu de sonorite et que peut-etre on pourrait lui en donner en bombant le dessous deTinstrument, comme cela a lieu pour le luth. M. Hunault reclame contrel'opinion emisc parM. Olivier sur les limites locales du sentiment musical. M. d'Espaulard dit que le climat doit exerccr une grande influence sur les ressources musicales. M. le president adresse a l'assemblee des rernerciments , dans un discours vivement applaudi et ainsi concu : Messieurs , Nous avons atteint les limites imposees a nos travaux et la lice ouverte aux nobles tournois de rintelligence va etre close. QUINZIEME SESSION. 397 Avant de prononcer l'arret fatal , permettez-moi de dire a mes collegues du bureau, a vous tous, Messieurs, que je ne saurais trop fairel'eloge du zele ct de la science dont vous avez fait preuve dans cette enceinte ; je n'eprouve pas moins le besoin de vous exprimer, du fond de moncoeur, mavive gratitude pour l'appui que vous n'avez cesse de preter au pouvoir reglementaire cree parvos suffrages. Puissent , Messieurs , les germes de douce fraternite qui viennent d'eclore entre tant de genereux rivaux, croitre et 'se developper sans cesse; puissent tous les membres de celte famille improvisee se retrouver bientot pour reunir de nouveau le resultat de leurs etudes conciencieuses, et travailler en commun au succes de la bonne cause, celle des lettres et des sciences. Messieurs, encore une fois, merci? et au revoir! -^QSQ9%^_ 398 CONGRES SCIENT1FIQUE DE FRANCE, SUPPLEMENT GOMPTE-RENDU DE LA XV0 SESSION DU CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE Les evenements politiques du mois de feVrier dernier, en apportant un retard imprevu a la publication du compte- rendu du Congres scientifique de Tours , et a la remise des memoires qui devaient y figurer, ont mis les secretaires generaux dans 1'obligation de publier un supplement, afin de ne pas priver Messieurs les membres du Congres de documents dignes a tous egards de trouver une place dans ce recueil scientifique. quinzibme session. 399 SUPPLEMENT AUX STANCES GfiN^RALES DU CONGRfiS. Seanee du 11 eeptembre 184* (1). Discours de cldture de la XVe session du Congres scientifiqne de France , prononce par M. le docteur Bally , president- general. Messieurs , Hier nous etions dans la joie: demain nous serons plonges dans la tristesse, il faut nous separer. Toutefois de tou- chants souvenirs nous accompagneront et nous irons racon- ter dans nos foyers domestiques et dans nos cites combien nous eprouvions d'attrait dans nos heureuses reunions, et tout le charme que nous avons goute dans ces savantes dis- cussions que la politesse la plus exquise rendait encore plus aimables. Nous dirons que la \ille de Tours, si connue par l'amenite de ses habitants ; si celebre par les grands homines qu'elle a produits et par les souvenirs de notre histoire, a noblement repondu aux esperances du Congres. De pieux exemples d'une harmonie parfaite et d'une hono- (1) Voir le I" Tol. du Congres, paga SJO. 400 . CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. rable sympathie nous ont etc donnes par rillustre prelat que lc peuple cherit et venere ; sous son egide, et a sa voix, de nombreux ecclesiastiques sont venus se grouper parmi nous. lis ont edifie les seances par leur assiduite et fait jaillir la lumiere par leur eminent savoir. Leur concours loyal a montre que les homines de bien n'ont pas de classes distinctes : et que le divin maitre veut que tous soient ad- mis au meme banquet. Nous serions ingrats si nous ne temoignions pas notre gratitude a M. le prefet Romieu, connu par des travaux scientifiques. II a siege parmi nous avec un zele et une Constance dont nous avons ete flattes, et nous ne separe- rons point de ce tribut de reconnaissance M. le maire Lu- zarche, qui nous a dignement secondes, ainsi queM. Carre, president du tribunal, qui a mis a notre disposition ce pa- lais de justice, edifice monumental, recemment eleve, que ne desavouerait pas rarchitccture la plus severe et la plus elegante. Enfin nous avons applaudi a l'assiduite de plu- sieurs officiers superieurs et aux lumieres que Tun d'entre eux, M. le colonel Maxime Jacquemin, a deployccs dans un memoire special. Premier organe de FAssemblee , l'equite m'ordonne de voter des remerciments a MM. les secretaires-generaux qui ont preside a Torganisation de la xve session. II serait dif- ficile d'apprecier tout ce qu'il leur a fallu de devouement pour en assurer le succes. Leur zele ne s'est point borne au sacrifice de leur temps. Elle vous est encore presente cettc fete pompeuse, due au genereux devouement de notre col- logue M. Lambron, dans son chateau, delicieux belvedere, qui faisait en meme temps participer la ville a une illumi- nation feerique et a un brillant feu d'artifice. Laisserions- nous dans foubli, sans injustice, la soiree donnee parM. le secretaire-general Champoiseau , soiree ou nous avons cru voir toutes les deesses de l'Olympe accourues pour saluer le Congres ! Parmi les jouissances profondement senties et si digncs QUINZ1EME SESSION. 401 d'un Congres scientifique dont le sentiment patriolique s'a- dresse a tout ce'qui est bien, ce qui est grand , ce qui est genereux, nos coeurs palpitent encore au souvenir de notre visite a la Colonie agricole de Mettray. La pliilanthropie dont nous sorames les fervents disciples , a public des theories admirables sur la charite et la bienfaisance. Mais ses apotres MM. Demetz et de Courteilles ont fait mieux, ils ont soumis les theories a la pratique. Le succes a passe Tesperance. Quatre cent soixante-quinze enfants , jadis livres au denu- ment, au vagabondage, aux pernieieux exemples, a la honte des condamnations, recoivent, dans ce sanctuaire de la jus- tice et de la piete, une education si parfaitement dirigee, qu'a la fin de leurs epreuves, ils peuvent etre rendus a la societe sans danger ; rendus impunement, car ils se sont cnrichis d'un etat ou d'un talent qui les met en mesure de pourvoir a leur bien-etre sans avoir recours a ces moyens illicites que la loi rcprouve et punit. Eh? quel nc fut pas notre attendrissement lorsque l'interessante Colonic, ras- scmblee dans une vastc salle, nous fit entendre avec un ensemble parfait les chants suaves cmpruntes a l'Orpheon de notre ami Wilhem ? Lui aussi aimait les enfants ! Mais pourquoi ai-je la temerite de vous entretenir des prodigcs operes par les deux bienfaiteurs de l'humanite , lorsque le spiritual rapport de M. lluot, brillant des charmes d'un style toutpoetique. resonne et vibre encore dans vos coeurs. Ici, Messieurs, mon devoir et l'equite exigeraient que tous les noms qui ont illustre la quinzieme session fussent si- gnales a la reconnaissance publique. Mais j'aurais line trop longue, trop dillicilc tache a rcmplir, et d'aillcurs le re- cucil annuel de vos travaux ne laissera rien a dcsirer a cet egard. H^Ml : Toutefois, ma faible voix ne peut se refuser a rendre un tribut d'hommages et de benedictions a ce grand citoyen qui resume en sa personne tous les congres dont il a dote la France. Quel hommc que celui qui , a sa voix , exhume dc la poussiere les monuments religieux qui allaient dispa- 402 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. raitre ! Que celui dont la noble intelligence evoque les glo- rieux souvenirs de notre hisloire , ensevelis dans la nuit des temps ou au milieu des devastations ! Tel est le carac- tere des grandes ames ! Etrangeres k leurs interets prives , elles ne savent obeir qu'a l'aiguillon de l'interet general. La section d'arrheologie qu'il a su si bien inspirer, porte, partout ou se reunissent les Congres , la lumiere. MM. les archeologues s'attachent specialement aux savantes crea- tions de l'architecture du moyen age et a en debrouiller le chaos. lis savent que conserver c'est produire. Une pensee genereuse avait surgi dans la 14e session. Cette pensee semblait ctre le complement de notre insti- tution qu'elle agrandissait , quelle etablissait sur des bases profondes. II s'agissait d'accorder des recompenses aux au- teurs des grandes decouvertes ou a ces actes de devoue- ment qui honorent l'humanite. Recompenses d'autant plus flatteuses , qu'elles auraient pour temoin l'clite du monde savant. Un fait de la plus haute importance et qui interesse l'hu- manite a un supreme degre, avait preoccupe la section des sciences medicales , Tinhalation des gaz pour endormir la sensibilite. II s'agissait de savoir si cette extinction mo- mentanee de Taction nerveuse , tout en emoussant la dou- leur sous la main de l'habile operateur , ne pouvait provo- quer des accidents consecutifs, et merae Textinction de la vie. La section a pense qu'il ne fallait pas se hater de de- vancer l'experience, et la proposition est ajournee. Nous re- grettons d'autant plus cette decision, qu'un des membres du Congres ajoutait mille francs aux fonds disponibles, et qu'il eut ete glorieux pour la reunion siegeant a Tours de prendre l'initiative sur une decouverte qui honore le plus la science de Thomme. Quel prodigieux progres, Messieurs, que celui ou le savant peut dire : sensibilite, efface-toil motilite, ar- rete-toilj'ai besoin de ton repos. QUlNZIfiME SESSION. 405 La science ct l'amelioration du sortdes societes rapproche si bien les peuplcs que nous avons vu accourir de diverses eontrees etrangeres de nombreux savants pour prendre part a nos travaux. Le temps des rivalites nationales est passe ; celui des sympathies est venu. Honneurdonc a ces delegues que les compagnies savantes de l'Angleterre et de l'ltalie nous ont envoyes pour prendre part a nos travaux et coo- perer par cette alliance, la seule vraiment sainte, a l'eman- cipation de l'espece humaine. C'est ici qu'a juste titre nous pouvons nous eerier : Non , il n'est plus ni Alpes ni detroit ! Salut, trois fois salut, a cette belle Italie chcz qui l'amour d'une juste independance fermente comrae ses volcans! Nos vteux s'elevent aux cieux pour seconder son avenir. Voyez- la elever ses regards vers ce souverain pontife que la provi- dence dans son amour vient de lui envoyer pour secher ses pleurs. Embrasez vos ames d'un saint amour pour elle et, croyez-le bien, vos voeux ne seront pas steriles. A tout ce que j'ai eu l'honneur de dire, Messieurs, pour demontrer que les Congres sont desormais dans les moeurs de la France ; qu'ils sont indispensables pour disseminer les sciences, les arts et en inspirer le gout dans toutes nos cites, ajoutez rempressement que les personnes eclairees de Tours ont montre pour assister a vos seances : et si quel- qu'un pouvait encore douter de l'attrait attache a vos reunions, jetez avec moi un regard de reconnaissance et d'admiration sur ces jolies guirlandes de lleurs qui chaque jour sont venues avec un zele si louable embellir cette en- ceinte. Qu'elles recoivent done rhommage de notre grati- tude et de nos respectueux eloges, les dames qui ont si eonstamment tempere le serieux et la secheresse de nos dis- cussions par le charme de leur presence. Nous terminons, Messieurs, nos travaux et la xve session est close. Un patriotique devouement ; l'amour et le culte des arts et des sciences; l'espoir de les honorer, de les en- 404 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. courager vous appclleront bientot a de nouvelles luttcs. Missionnaires du raouvemcnt intellectuel , apotres de la morale et de la civilisation, reveillez lc zele des hommes de bien ; conduisez-les dans ces champs de bataille ou la re- noramee s'acquiert sans couter une larme ; prouvez que lc Congres est un , et que cette unite , fortifiee par les liens de l'estime et de l'amitie, n'est pas un vain nom. On est tou- jours favorablement accueilli lorsqu'on s'adresse aux senti- ments genereux de la grande famille franchise. Messieurs, la gloire de presider le Congres scientifique de France, cette assemblee d'elite, etait reservee a mes vieux jours. Apres lui avoir de nouveau temoigne ma pro- fonde gratitude pour ses bontes et pour Findulgence dont il a couvert ma faiblesse ; apres avoir salue cet immense avenir qui se devoile dans ses efforts ponr inspirer le gout de tout ce qui est bien , de ce qui est vertueux , de ce qui est utile, il ne me rcste plus qu'a dire avec le sage : Rappe- lez-moi, Seigneur, puisque j'ai goute les grandes joies de la terre. j^SiMS^r^^y^^L^^ QUINZ1EME SESSION. 405 SUPPLEMENT AUX SEANCES DES PREMIERE ET SIXllME SECTIONS REUIES Sciences physiques et mathe'matiques. Seaitee tin jeudi ii Septeiiiln'e I«4*< Presidence de M. le comte de Tristan. MM* Jacquemin pere et Brame, secretaires. M. le president donne lecture de la 3e question ainsi concue : Quelle est Vorigine de Velectricite'iproduite par la pile de Volta P Le contact a-t-il une influence sur la nature et la quantite desjluides qui se portent aux poles ? M. Blondeau de Carolles croit que l'electricite peut se produire au con- tact, sans action chimique ; il cile surtout a l'appui de son opinion le fait suivant : En mettant en contact des feuilles d'etain et du peroxide de man- ganese , le fiuide Clectrique manifeste sa presence ; et cependant, dit M. Blondeau, il n'y a pas la d'action chimique. neuviAme question (1), Lesphinomenes, dits calalytiques ou de contact, doivent-ils itre rap- {l) Uapport lu fcn shrxtt putliqii^ 26 406 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. portts a V action d'une force particuliere ? Bolt-on les partager en plusieurs ordres ? Premier ordre. — Action de la mousse de platine, du charbon, des corps poreux en general sur les corabinaisons gazeuses. Second ordre. — Action de l'acide sulfurique sur l'alcool, dans la pro- duction de lather, de divers corps sur l'eau oxyge'ne'e. Troisieme ordre. — Action de divers ferments dans les fermentations saceharine, alcoolique, visqueuse, etc. Quatrieme ordre. Actions physiologiques : separation de Puree du sang, par le rein, etc. Voila une question, qui parait essentiellement physico-chimique, pure- ment scientifique, et digne tout au plus d'exciter Pargumentation entre gens du metier. La force catalytique ? Les phenomenes dits catalytiques ? Qn'est-ce, je vous prie ? Que signi- fient ces mots ? De quelles idees, de quels faits sont-ils la representation ? Kaxa avec, ou daus, ou a cause de; Xuto, je delie, ou bien xocraXucnt;, dis- solution. Voila I'etymologie de ce mot. On le traduit d'habitude par force catalytique ; et, si Ton veut simple- ment expr imer la similitude des faits divers, par les mots : catalyse ou ac- tion de presence. Pour me faire mieux comprendre, je dirai que ces mots out une grande analogie avec ceux-ci : Analyse, aualytique, dont la racine signifie : je deiie parmi ; je sdpare Mais dams Paralyse ehimique,la separation a lieu, sans influence notable de la part du contenaut. Ce sout les conteuus qui agissent les uns sur les autres. Dans la catalyse, Piufluenc^ du contenaut est immediate, necessaire; de la le mot qui expiime une action : catalyse. Or, y a-t-il la une force nouvelle mise en jeu j y a-t-il une force cataly- tique ? Telle est la question, que M. Blondeau de Carolles s'est posee, avant de se mettre en mesure de resoudre les autres questions du programme. Eh bien! voila qui est entrer hardiment au ceeur d'une question, qui ne sau rait manquer d'attirer Pattention d'une assemble edairee. Y a-t-il, oui ou non, une force nouvelle, inconnue dans son essence, mais manifeste par ses resultats, qui agit, toutes les fois que certains corps sont mis en contact, a froid ou a chaud ? Et si cette force existe, ne serait-elle pas tout ou partie Pensemble de forces iuconnues, mysterieuses, et seculairement probiematiques que nous appelons la force vitale ? Et si cette force existe, est-elle tout ou partie de ces forces variees et inconnues dans leur essence appeiees : cohesion, affinite, etc. Ou bien en- QU1NZIEME SESSION. 407 core ces manifestations diverses que nous appelons : calorique, Jumiere, fluide eiectrique, fiuide magnetique, attribues a uue m£me force, compren- nent-elles les pbeuomenes catalytiques ? \oilk des questions qui n'occupent plus seulement Ics boinmes de cabi- net ou de laboratoire ; mais qui interessent tout le monde; car cbacun a iute'ret a elucider ces questions, pour sa conservation individuelle, conimc pour tout ce qui coneerne l'agriculture ou l'industrie. Or, le physicien de Rhodez, qu'a appele* parmi nous le desir d'iustruire et de s'instruire lui-meme, M. Blondeau de Carolles, non-seulement n'a pas craiut de les aborder de face, mais encore il a fait sur ce sujet defeat et difficile, un travail etendu, en suivant 1'ordre indique' au programme. Voici les considerations preliminaires : « Depuis quelques aunees, une force nouvelle tend a s'introduire dans le domaine de la clumie. Tous les faits, encore mal studies, que Ton voit se produire, en presence de corps, qui ne paraissent etre que des spectateurs inactils de reactions qui s'accomplissent autour d'eux, sont supposes leur donner naissance par le fait meme de leur presence. C'est a la force qui produirait cette action si mysUrieuse, si mal difmic que Ton donne le nom de force catalytique, et pour bien faire comprendre le sens qu'on est convenu d'attacber k ces mots, nous allons faire connaitre, en suivant 1'ordre chronologique des faits, les pbdnomenes qui ont conduit insensiblement k l'admission de cette nouvelle force. Nous examinerons ensuite si tous ces faits ne viennent pas naturellement se ranger sous les lois de Ya/finite chimique, modifies par les mouve- ments des fluides imponderables, ou bien encore s'ils ne sont pas la conse- quence de Involution des matieres orgauiques sous l'influence des forces vitales. » Suit I'bistorique : En 1817, Humpbry Davy decouvrit la propriete" dn fil de platine de Tes- ter incandescent dans certains melanges gazeux ; ce don4, il a fait une si utile application a la lampe des mineurs, que lui-meme a inventee, et qui journellement protege de nombreux ouvriers contre le fleau redoutable qu'on appelle/ew grisou (1). Quelques annees plus tard, Dobereinermontralatrauformation de l'alcool en acide ac&ique sous l'influence de la mousse de platine. II montra qu'un melange detonant s'enflamme en presence de cette meme mousse de platine. . . Entre les belles recherches de ces deux pbysiciens viennent celles de M. Thenard sur l'eau oxygenee; influence de divers corps pulvenilents, etc. (1) Le feu grisou requite de l'inflammation du melange de 1'air atmospherique avetl'hjdro- gene carbone (condense dans la houille, et |*pare par les trataw de h mine.) 408 CONGReS SCIENTIF1QUE DE PRANCE. Puis celles de MM. Thenard et Duloiig, qui montrerent, que relativement aux melanges d'oxygene et d'hydrogene, divers corps jouissaient de la meme propria que le platiue : palladium, iridium, rhodium, or, argent, charbon, pierre-ponce, porcelaine, verre, cristal de roche, etc. Ces subs- tances agissent a des temperatures diverses suivant leur nature. MM. Thenard et Dulong admirent : ou bien que les pbdnomenes dont il s'agit avaient une origine purement eiectrique, ou bien qu'ils derivaient d'une faible conductibilite du platine par lachaleur, ou bien qu'ils ne diffC- raient pas essentiellement des phenomenes purement chimiques. En 1831, M. Berzelius admit une force catalytique qui r^girait ces phe- nomenes. En 1838, M. Kulhmann, ceiebre manufacturier et chimiste de Lille, ob- tint directement de l'acide sulfurique , ce corps, dont la consommation indique la civilisation d'un pays, en mettant en contact, sous l'influence du platine divise", l'acide sulfureux et l'oxygene humide. En 1841 et 1843, M. Mitscherlich fait une nouvelle etude de ces pheno- menes. 11 deraontre la decomposition du chlorate de potasse par l'oxyde de man- ganese et l'oxyde de cuivre. , II en conclut la condensation des gaz et l'existence de la force cataly- tique. L'etheriflcation , Les fermentations , Ne l'arretent pas ; il voit la, comme dans les cas precedents, un deplace- ment &atomes, une manifestation de la meme force s'effectuant : Dans le premier cas, sous l'influence de l'acide sulfurique; Dans le deuxieme. sous rinfluence des globules du ferment. Or, a partir de celte epoque, le nom, si cher aux sciences physiques, de M. Mitscherlich a fait prdvaloir les idees relatives a l'existence d'une nou- velle force, et la force catalytique, ayant pris droit de cite, dans la science, fut annonc6e aux eludiants comme une force reelle, et que Ton admettait sans contest. En 1843, un beau travail de MM. Millon et Reiset fortifia encore l'opi- nion des adherents de M. Mitscherlich, ou plutdt de M. Berzelius, car il est juste de recounaitre que le savant suedois est le parrain de la force ca- talytique; c'est Berzelius qui a imagine le mot. MM. Millon et Reiset ont etendu nos connaissances relatives a Taction de divers corps poreux, sur beaucoup de substances inorganiques ou organi- ques, exposees en meme temps a un courant d'air ou d'oxygene. — Ces chimistes nous ont appris a obtenir sans difficult^ des produits qu'on ne se procurait auparavant qu'avec beaucoup de peine. M. Blondeau rapproche des faits precedents, ceux que prdsentent les tig- 8us impregneg de corps gras, qui parfois s'enflaoiment spontauement* et QUINZIEME SESSION. 409 ceux que presente le foin, lui-meme, qui s'enflamme quelquefois, dit-on, par suite de quelques corps gras qu'il renferme. Enfm, M. Blondeau termiue en rangeant les faits qu'il fait connaitre dang trois classes, qui sont pre'cise'ment les trois premieres, indiquees au pro- gramme (l). M. Blondeau ne se propose pas de traiter des actions physiologiques qui peuvent se rapporter a la force de contact dans l'esprit des auteurs. Abordant ensuite l'etude des phenomenes du premier ordre, M. Blon- deau rejette l'opinion de M. Mitscherlich, relative a la condensation des gaz par le noir ou la mousse de platine, surtout parce que le fil de platine d&ermine la combinaison du gaz oxygene et hydrogene (2). M. Blondeau est porte a croire avec Dobereiner que le contact du platine avec les gaz, produisant constamment un courant electrique, c'est l'e'lec- tricite qui rend compte des phenomenes que presente le platine, en contact avec des melanges gazeux. Suivant M. Blondeau, c'est a la conductibilite des oxydes de cuivre et de manganese, eta la repartition plus exacte de la chaleur dans la masse, qu'on doit attribuer la dCcom position plus facile du chlorate de potasse par la cha- leur, lorsque ce sel a ete prealablement melange de Tun des oxydes pre'eite's. A 1'appui de cette derniere opinion, M. Blondeau cite des experiences qui lui sont propres : une spirale de platine, de fer ou de cuivre active tel- lement la decomposition du chlorate, qu'il peut y avoir explosion. — Au contraire le sable, la brique piiee, etc., n'augmenteut pas sensiblement l'e- nergie de la decomposition de ce sel, par la chaleur; suivant M. Blondeau, c'est parce que ces corps sont mauvais conducteurs de la chaleur. C'est a une influence de meme nature, qu'il faudrait, suivant M. Blon- deau, rapporter la decomposition des substances organiques, a de basses temperatures dans les experiences de MM Millon et Reiset. Enfin la decomposition de l'eau oxygenee par divers corps devrait etre attribuee a Taction des corps pulverulents et rugueux, sur les dissolutions de gaz j M. Blondeau doutant d'ailleurs que l'eau oxygenee soit un com- pose bien defini, et etant porte a croire que c'est plutdt une solution d 'oxygene dans l'eau. En resume, M. Blondeau, pour expliquer les faits precedents : r Bejette la force catalytique ; 2° II a recours, dans un cas, a reiectricite dont le developpement est manifeste ; 3° II admet dans les autres, que la chaleur se propage plus facilement, (1) Seulement Taction de direr* corps sur l'eau oxygenee est placed toute entiere dans le premier ordre. — On doit les diriser. (2) Comme M. Brarae l'a etabli dans sa these, cette objection, est peu fondle, les gas se com deosent a la surface dtt fil de platine. 410 CONGRES SC1ENTIFIQUE DE FRANCE. dans un milieu peu conducteur du calorique, par Introduction de subs- tances conductrices comme les oxydes des metaux. M. Blondeau etant arrive a ce point de sou exposition, une conversation s'engage entre lui et M. Brame. M. Brarae etablit que des 1838, dans sa these inaugurate (1), soutenue a la faculte de medecine de Paris, ii a deja recherche* la valeur de l'hy- pothese de MM. Berzeiius et Mitscherlich, et qu'il a distrait nettement du domaine attribue a la pretendue force catalytique les phenomenes pre- sents par le platine, sous toutes les formes (noir, mousse, limaille, fil, la- mes), an contact des combinaisons gazeuses;M. Brame attribue ces phe- nomenes a l'adhesion et a la condensation , d'oii derivent la chaleur et l'electricite, qui se manifestent en m£me temps. M. Brame a rapproche de ces phenomenes ceux que pr6sente le fer re- duit par l'hydrogene , incandescent au contact de l'air, et qui , selon M. Brame, renferme de l'hydrogene condense*. II en a rapproche ceux que presente la decomposition de l'ammoniaque par le fer, le cuivre. Enfin, il a fait ses reserves sur tous les autres phdnomenes, surtout ceux qui concernent la chimie organique : « La nouvelle doctrine seduit l'ima- gination, dit-il, mais c'est ici le lieu d'avoir recours au doute (2). » - Cependant, relativement a Taction des ferments, il cite (3) l'opinion de M. Brogniart, qui croit avoir prouve par ses recherches que ce sont des animalcules qui determinent les fermentations sucrde, acide, visqueuse. Les animalcules agiraient comme la mousse de platine (Dumas) (4). Enfin, depuis lors, M. Brame, dans ses recherches sur la forme et l'etat utriculaire, a ete amene* a recounaitre que l'adhesion et la condensation jouaient un rdle beaueoup plus grand qu'on ne le croit ge^neralement dans les phenomenes chimiques, et que l'opinion de Laplace, qui attribue a l'ad- hesion « ia cohesion et generalement les affinit^s chimiques » est forte- ment appuyee parses nouvelles experiences. De la la conviction de M. Brame, que presque tous, si ce n'est tous les phenomenes, dits catalytiques, sont des phenomenes d'adhesion et de con- densation. — Et les faits, preterites par M. Blondeau, a Tappui de ses vues sur les phenomenes, viennent confirmer M. Brame dans son opinion. (1) Le travail de MM. Millon et Reiset, cite plus haut, a eu pour point de depart la these de M. Brame. (2) These ci tee, page 18. (3) These citee, page 11. (4) Depuis, M. Brame a vu se developper, pendant Ia fermentation, une veritable conserve. >— La nature de l'etre organise importe peu pourvu qu'il soit vivant. — Le pinicillum glaucum Outout autre etre vegetal ou animal appar'ai.'sant en meme temps que les globules du ferment, agiront, s'ils agissent, comme ces derniers, par adhesion el condensation simultanees. mais *ous l'infhience dirigeante de la vie. QUINZIEME SESSION. 4elopperont sa M. Brame attend egalement ces lectures, pour de" velopper la sienne. Sea nee tlu 9 seutembre. Presidence de M. le comte de Tristan. MM. Blondeau et Brame , secretaires (1). M. de Tristan donne la parole a M. Blondeau pour la communication de la deuxieme partie de ses recherches relatives aux phenomenes, dits cata- lytiques ou de contact. M. Blondeau expose verbalement les principaux rdsultats auxquels il a U6 conduit par l'etude approfondie de l'ethe>ification. Deja, dit-il, j'ai essaye de d£montrer I'inutilite' de l'admission d'une force nouvelle pour expliquer des phenomenes qui peuvent s'interpreter plus facilement, en s'appuyant sur les lois ordinaires de la physique et de la chimie. Aujourd'hui je veux aller plus loin et d^montrer le danger de l'admis- sion de la pre'tendue force catalytique pour les progres ulterieurs de la chimie. Apresce preambule, M. Blondeau aborde l'histoire de l'e'therification. Quoi de plus interessant, dit M. Blondeau, que l'histoire de cette sub- stance, si remarquable a tons 6gards, qui est devenue rdcemment l'agent tout puissant de l'insensibilite'. Or, la theorie de la production de ce corps et de ses congeneres n'est pas encore e'tablie sur des bases indbranlables. M. Blondeau s'occupe ensuite de l'e'ther ordinaire ou hydrique, appele abusivement ether sulfurique. Fourcroy et Vauquelin croyaient qu'il derivait directement de 1'alcool (1) Suite. Voyezpage 271, T. I". QUINZIEME SESSION, 413 par la soustraction de la moitte de l'eau combin^e, qu'enlevait, suivant eux, l'acide sulfurique. Plus tard on a vu qu'il se formait de veritables combinaisons d'alcool et d'acide sulfurique decomposables a la temperature de 140° (1). A cette temperature rather se degage ; l'eau excedante, qui, avec ce dernier constituait l'alcool, reste avec l'acide sulfurique. C'est surtout a Hennel qu'on doit l'etablissement de cette theorie, qui, soutenue par lui avec talent, a fait avancer les idees sur cette question difficile. Cependant, Mitscherlich ayant demontre* que l'acide sulfurique addi- tionned'eau, produisait de l'Cther a 140°, temperature a laquelle, suivant lui, le sulfovinate ne pouvait exister, il en conclut que l'etherification etait une manifestation de la force catalytique. Mais M. Blondeau s'est assure par des experiences, qui lui sont propres*, que divers corps, notamment le caibonate cuivrique se produit h la tem- perature d'ebullition qui le decompose. H croit etre a m6me de demontrer qu'il en est ainsi dans l'etherification. Pour cela il ajoute du sulfovinate au melange de Mitscherlich, et la de- composition a lieu a la maniere ordinaire (2). Quant au sulfate neutre de bi-carbure, qui se produit, suivant M. Blon- deau, a 160°. — Ce serait un sulfate neutre d'ether, resultant d'un peu d'acide sulfurique entraine a cette temperature dans le recipient. A 250° il se produit de l'acide formique et une substance noiratre, etudiee par M. Marchand, et sur laquelles M. Blondeau fera des recherches. En resume, pour expliquer 1'etherification et les phenomenes qui l'ac- compagnent ou la suivent. — M. Blondeau admet r 1° Que les sulfovinates se forment a la temperature m6me ou leur de- composition a lien ; 2° Que l'huile douce de vin est un produit de la decomposition d'un sulfate neutre d'ether, Apres cette lecture, une conversation s'engage entre M. Blondeau et M. Brame. M. Brame qui, des 1838, a commence le feu contre la pretendue force catalytique, reconnaissant du secours intelligent et si puissant qu'il ren- contre dans le grand travail de M. Blondeau, repousse de nouveau avec lui (1) On a vu ensuite que la combinaison qui s'effectue a 80*, donne de Tether a 120*. (2) N'est-il pas permis de supposer qu'en faisant toraber peu a peu de l'alcool froid dans l'acide sulfurique convenablement hydrate, et dont la temperature est de 140, il se fera de l'acide sulforvinique, la ou l'alcool sera en contact avec la liqueur acide parce qu'elle se refroidira ; mais que bientot l'acide sulfo-vinique forme venant a s'echauffer, se decomposera et se trans- l'orraera en acide sulfurique qui restera dans la cornue et ether et eau qui se degageront. (An- nales de Chimie et de Physique, liv. IV, p. 433.) 414 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. les mots : force catalytique, qui impliquent l'idde d'une puissance nouvelle, mais il raaintient le mot catalyse, qui permet de ranger sous le m6me titre des pbe'nomenes qui out une physionomie commune. Du reste, il d^velop- pera prochainement sa pense'e a cet egard. A propos de l'emploi de l'Cther, pour determiner l'insensibilite', il ap- prend a la section qu'il s'est glisse dans le proces-verbal de la section de m&leciiie une erreur materielle, relativement aux inhalations d'elher, e\6- cutees a Tours. — A Tours comme partout ailleurs, lather a et6 bienfai- sant ; a Tours, comme partout ailleurs, il a garanti dela douleur, maisnon pas de la mort. M. Brame dit ensuite que si Fourcroy et Vauquelin n'ont pas surpris les ph^nomenes transitoiresde l'ethe>ification, ilsout reconnu les ph^nomenes terminaux, done honneur leur revient. M. Mitscberlich a singulierement simplifie" la question ; done il faut lui reconnaitre, ici comme partout ailleurs, la perspicacite" qu'on aime a louer dans le grand chimiste allemand. Quant aux combinaisous fugitives, des experiences de M. Brame, de bien plus nombreuses de M. Millon, que ce chimiste appelle des petites quart- tites, appuient 1'opinion de M. Bloudeau. Mais I'auteur de la note des an- nates cities, 1'appuie mieux encore pour l'etherification. Relativemeut a une opinion de Maquer , que M. Blondeau attaque dans son historique , et qui admet que lather rCsulte d'une pblogistication de l'alcool, qui se rapproche des hniles en se transformaut en £ther. M. Brame excuse le chimiste phlogisticien et demande mfime s'il n'y aurait pas quelque analogie entre retherification et la production des substances hydrog&ides dans les ve'ge'tatx, an point de vue de M. Dumas. Des deux c6t£s il y a reduction ; des deux c6tCs production de sub- stances, dans lesquelles il n'y a que de Phydrogene et du carbone, ou bien encore exces d'hydrogene et de carbone. Done Maquer n'avait pas tout a fait tort (1). La catalyse n'a pas tort davantage ; il y a ici encore adhesion et conden- sation fugitives, e'est a dire delruites par la chaleur, et analogie assez pro- chaine avec la conversion d'amidon en sucre par 1'acide sulfurique, et meme avec Taction de quelques corps sur l'eau oxyge'ne'e. (1) M. Liebig, qui regarde Tether hydrique comme un oxyde fC* H3 0) d'un radical non isole (O W) qu'il appelle . Ethyle, croit que l'acidc sulfovinique se forme el se maintient jusqu'a ] 27°, et qu'a partir de ce point jusqu'a 140°, il se decompose en acide sulfurique, eau et ether. QUINZIEME SESSION. -415 Seance da O aewtemnre, Presidence de M. le comte de Tristan. MM* Blondeau et Brame, secretaires (i). LES PHENOMENES CATALYTIQUES (2). Par C. Brame. Lorsqu'on examine avec attention un certain nombre de phe'nomenes de la ge"ologie, de la mine>alogie, de la chimie, de la physique et meme de la physiologie, on leur trouve une certaine physionomie commune, tandis qu'ils paraissaient fort disparates au premier abord. Je veux parler des phenomenes qui sont plus ou moins soumis aux influences immediates de l'adhesion et de la capillarity, d'oii re'sultent a la fois la condensation et le mouvement. Or, les phe'nomenes soumis a ces influences sont d'autant plus marque's, que les corps, au sein desqnels ils s'accomplissent, ont une porosite plus grande, des espaces capillaires plus etroits, par consequent des surfaces plus nombreuses, et par consequent aussi qu'ils sont plus spongieux. Mais ind^pendamment de la multiplicity il faut aussi consider l'etat physique des surfaces, et cela qu'il s'agisse de min^raux ou de corps orga- nises. (l) Voyez tome I", page 313. (i) Analyse d'un memoire qui se rapporte a la question 9 du programme et non a la question 13,comme on l'a dit par megarde, tome I", page 313. (Voyez d'ailleurs lei rapports de M. Brame qui precedent et l'etude de la question 18, qui suit). 416 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Ajoutons que Tadhesion, qui determine la condensation, agit dans le meme sens qu'une forte pression. Ajoutons encore que les corps, divise's par condensation, prennent sou- Tent la forme globulaire, et que la forme globulaire est essentiellement fa- vorable a Taction chimique. En rdsume", on peut admettre une action commune, resultant des influences pre'cddentes sur les phe'nomenes (1) que nous avons en vue. La chaleur, la lomiere, Telectriejte sensibles ou insensibles peuvent sans doute modifier les rdsultats, mais elles ne sauraient etre des moditicateurs essentiels de Taction ; ce sont des agents secondaires, soit qu'ils y concou- rent librement, soit qu'ils resultent de Tactiou elle-meme. Ici M, Brame s'appuie sur diverses autorites et sur ses propres expe- riences, pour justitier sa maniere de voir. C'est a Tadhe>ence et a la capillarity que Laplace attribue la cohesion et les affinity chimiques. M. Dumas explique les phe'nomenes que pr^sente Teponge de platine, au contact des melanges gazeux, et plusieurs de ceux qu'on produit avec Teau oxyg£n£e, par la condensation des gaz et la chaleur qui en requite; d'un autre c6te\ il est porte" a croire que Taffmite est la merae force que la cohesion ; mais avec des modifications. Les pores d'un pouce cube de < harbon offrent, dans les cas le moins fa- vorables, une surface de cent pieds carrCs.... Le noir de platine absorbe en oxygene plus de huit cents fois le volume de ses pores... (Liebig.) On en conclut que les gaz, condenses dans le c harbon ou le noir de platine, par Teffet de Vadherence, doivent etre amends a Te'tat liquide et meme so- lide !... La repulsion est detruite, Taction chimique est bien plus active, etc. Toutes les matieres poreuses agissent d'une maniere analogue ; ce sont de ve>itables aspirateurs (roches, pierres perme^ables, terre des champs, tissus organises, etc.) ; chacune de leurs particules peut s'entourer d'une verita- ble atmosphere d'oxygene condense. Voila ce que pense M. Liebig et ce qu'on admet aujourd'hui assez generalement. Mais pour etre dans le vrai, il ne faut pas s'arreter a Tadh6rence , a la condensation et h la repulsion detruite, il faut encore tenir compte de la forme globulaire que prennent les gaz condenses. (Voir plus loin) . 11 faut aussi 6tablir nettement le role de la pression sur la condensation, et ses re^sultats. M. Fournet Ta bien e"tabli dans les formations ge^ologi- ques et dans la production de nombre de mineraux ; il a fait voir que son influence mlconnue pouvait se faire sentir dans les reactions de nos labo- (1) En presentant son travail, M. Brame a 6numere un assez grand nombre de ces phenome- nes ; mais il croit devoir s'en abstenir dans cette analyse, qui n'a pour but que d<3 r^tablir ses idees veritables sur les phen'omenes catalytiques, (V, T, I. page 314.) QUINZ1EME session. 417 ratoires; du reste, des 1828, M. Dumas reconnait toute l'importance de T^tude de cette inflence sur les ph^nomenes chimiques. Parmi les causes varices qui modifient T£tat des surfaces, M. Brame si- gnale Tinfluence du froid, e'tudie' par MM, Schroetter et Mareska : a 90-100° au dessous de 0, T^ponge de platine n'a plus d'action sur un melange d'oxygene et d'hydrogene ; le fer pyrophorique (reduit par Thydrogene), ne se combine plus avec Toxygene; le potassium, l'antimoine, sont inalterables dans le chlore, etc. Ensuite M. Brame cite les experiences de M. Kulhmann et celles de MM. Millon et Reiset, oil la chaleur favorise au contraire Taction des corps poreux. Quant aux phinonienes de l'endosmose, qui ne sont pas d'accord avec ceux de la capillarity, M. Brame attribue egalement a l'6tat des surfaces, la divergence apparente des resultats compare's, obtenus par Dutrochet. D'ail- leurs les matieres mineVales, qui sont le plus favorables a l'endosmose, sont, suivant Dutrochet, les matieres alumineuses ; mais si une lame mince d'argile cuite est aussi apte a produire l'endosmose que les matieres orga- niques, c'est que dans les deux cas, la quantity des pores invisibles est in- nombrable. Quel est done celui des fines membranes qui recouvrent ou tapissent les utricules et les cellules des plantes et des animaux ; et celui du t^gnment des utricules min^rales ? Relativement a l'&at des surfaces, M. Brame a montr^ nombre de rdsul- tats d'dpigenie ou psendomorphose (l), qu'il a obtenus en prenant des corps, sous diverses formes, ou bien en changeant directement et prlala- blement l'etat physique de leurs surfaces. — On peut trouver ainsi des r^actifs de la forme cristalline, de la forme vitreuse, etc. (Ex. soufre, acide ars&iieux, etc.) Relativement a la forme sphe>ique ou gtobulaire (spheroidie), que pren- nent les gaz et les vapeurs condensers, M. Brame montre de nombreux r6~ sultats obtenus avec les v^sicules ou les utricules de soufre, etc. ; et Tac- tion du mercure, de i'iode et d'autres reactifs sur les me'mes , comme exemple de 1'influence de la forme globulaire sur Taction chimique. II montre encore des experiences sur la spheroidie mobile (6tat sphe- roidal de Boutigny), qu'il rattache aux fails precedents. Et quant a Telectricite, a la chaleur, a la lumiere, il s'est bornd a dmet- tre quelques reflexions sur leurs analogies, sur Tinflueuce exageree qu'on leur attribue, et sur Tulilite" reelle de leur intervention (2). Maiotenant, dit M. Brame, il me semble que Ton comprend comment fl) Automorpliisme, C. B. ( 2) Voyez du reste le memoir© de Gifove, sur U correlation des force* physiques, public en 1848. (Revue Scientiiiqie). 418 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. j'ai 6t6 amene" a rechercher si Ton pouvait relier ensemble par la simulta- neite : la capillarity Tadh&ion, la pression, la condensation, la globulisa- tion qui se manifestent au sein des corps poreux, spongieux, etc. Eh bien, ensuite d'un tres-grand nombre d'expenences, cette simultaneite' d'action, ou, pour mieux dire, cette action multiple simultanee, m'a paru si fre"- quente, que j'ai cru devoir la designer par le mot : spongiolie. Or, la spongiolie pourra varier d'intensite' suivant chacune des circon- stances indiquees; mais elle n'en sera pas moiiis constarament l'effet special d'une force unique, laquelle me parait n'etre autre que la force moleculaire proprement dire ou la gravitation elle-meme. « Tout ob&t aux lois de Newton, dit Laplace, tout en derive aussi n£- cessairement que le retour des saisons, et la courbe demte par 1'atdme le'ger que les vents semblent emporter au hasard, est re'gle'e d'une maniere aussi certaine que les orbes plane'taires. » (Mecanique celeste) (l). Nous admettons done : Une force moleculaire ge"ne"rale; Une action spe^ciale, mais tres-r^pandue de cette force, la spongiolie. La spongiolie produit : Des phe"nomenes physiques ; Des ph^nomenes chimiques ; Des phe"nomeoes physiologiques. Un mot seulement sur les ph^nomenes chimiques ; dans cette analyse je ne parlerai pas des autres. Lorsqu'une combinaison ou une decomposition chimique peut 6tre attri- bute a la spongiolie, telle que nous l'avons definie, Taction peut s'e'tablir en dedans des particules par penetration directe, ou bien en dehors dans les interstices qu'elles laissent entre elles, ou bien dans les espaces vides, qu'on appelle pores, beaucoup plus etendus que les m£ats interstitiels ; cette demiere variety est Taction de contact, proprement dite. (I) Mes recherches sur l'etat et la forme utriculaires, continuees avec assiduite depuis plus de troisans, m'ont amene a reconnaitre qu'il y a ordinairement une relation simple (et constante dans les memes circonstances) entre l'axe principal (A) d'un octoedre rhomboidal de soufre et lc diametre (D) de l'espace vide , forme par les vesicules persistantes. D'ou la force centrale M detraction, etant comme F: R., elle sera egalement comme F : — ( M designant le solide ou R2 cristal, el R le rayon de l'espace videj. Done, la force centrale moleculaire est ici, comme la gravitation, en raison directe de la masse et inverse du carre des distances. Ici Taction de la force centrale est tres-bornee, a cause de 1'adhesion ; mais elle s'etend par l'agregation. On aobtenu un resultat pareil avecle soufre, sous d'autres formes, et avec d'autres corps. QUINZIEME SESSION. . 419 De Ik trois cas : 1° Penetration intra-particulaire , Spongiolie endolytique ou Endo- rse ; 2° Penetration extra-particulaire ou interstitielle, Spongiolie exolytique ou Exolyse ; 3° penetration poreuse ou capillaire, Spongiolie catalytique ou Cata- lyse. Dans les trois cas, Taction peut etre passagere, continue ou definitive, suivant les circonstances ; mais c'est surtoutdans les deux premiers qu'elle ressemble a Taction chimique et m^me se confond parfois avec elle. Dans le troisieme cas, Taction n'est plus manifestement chimique, elle est plut6t physico-chimiqne, c'est Taction de contact proprement dite. Phe'nomenes dits Catalytiques. - Cela etabli, je vais essayer d'indiquer pourquoi j'ai pose la question du programme et comment j'entends la resoudre. Je Tai posee dans Tespoir d'attirer Tattention de quelqnes physiciens et chimistes, et d'amener une nouvelle discussion sur la pretendue force catalytique"; je ne saurais trop remercier M. Blondeau d'avoir repondu a mon appel, et surtout de m'avoir ete utile par ses longues et belles recherches ; mais j'entends la resoudre provisoirement par le peu de mots qui vout suivre. Au lieu de la force catalytique, la force generale moieculaire et Taction speciale de cette force, que j'appelle : Spongiolie. Rdativement aux phenomenes chimiques, trois varietes de la spon- giolie : Endolyse ; Exolyse; Catalyse. Des corps imprimant ces varietes a Taction : Endolytes ; Exoljtes; Catalyles. Enfin, des phenomenes correspondants : Endolytiques; Exolytiques; Catalytiques ; qu'on peut grouper eux-m§mes dans chaque serie, suivant les particula- tes qui se presentent, en suivant Tinfluence des modificateurs ou agents se- condares : mouvement, chaleur, lumiere, eiectricite, etc. 420 CONGRES SC1ENTIFIQUE DE FRANCE. Les phknomenes , dits catalytiques , devront Ure repartis dans ces troit series (I). Seance tin 10 seutembre* Presidence de M. le comte de Tristan. MM* Blondeau et Br am, secretaires (2). M. Brame a la parole sur le n° 13 des sciences physiques. Comparer la forme protogenique apparente dans les trots regnes, ainsi que le premier developpement de la matiere organise' e, avee celui de la matiere organique et de la matiere minirale. (1) M. Brame n'insistera pas davantage ; l'experience, la reflexion et le temps etabliront la valeur de sa classification et son utilite pour grouper les faits ; mais parmi ces fails, il en est qu'il demande la permission d'interpreter immediatement a son point de vue, ce sont ceux que presentent les ferments. « L'action des ferments, dit M. Brame, est une endolyse, par consequent les ferments sont des endolytes. Or, est-il vrai qne la nature de l'endolyte influe necessairement sur la fermen- tation, cela ne parait pas prouve. Qu'il se developpe des mycodermes. qui regentent les fer- mentations comme le veulent Gagnard-Latour, Desmazieres. Quevenne, Turpin etM. Blondeau, dans son travail (Voir t. I,r, p. 87.) ou bien que les agents des fermentations divcrses soient des animalcules, comme persistent a le vouloir quelques auteurs, cela ne parait pas etre le ftit dominant. En effet, j'ai montre le developpement complet et luxuriant d'une conserve, oc- casionne par la fermentation alcoolique. » D'ailleurs, voici ce que dit M. Dumas : « Faut-il considerer, comme appartenant a la vie du ferment, ces vegetations qui apparais- sent, lorsque la levure est exposee a Taction dc Fair, sous l'lnfluence d'une solution sucree ? Elle donne naistance alors a un veritable vegetal, le penicillium glaucum; mais toutporle a croire que celui-ci se forme la, comme sur toute autre matiere azotee, et sans liaison avec la vie et le developpement du ferment prerrrement dit. » (Chimie appliquee aux arts, t. IV, p. 32SJ. Pour moi, njoute M. Brame, je crois que la nature de l'etre organise importe peu; quelque soit celui qui naisse ou se developpe pendant la fermentation alcoolique parexemple, il provo- quera ou continuera cette fermentation, si le Sucre peut 6tre spongiolise" par les globules de cet etre, s'il peut etre endolyse successivement, de maniere a se transformer completement en al- cool et acide carbonique. (i)Voirlc tome I4r, page S«l, QUINZ1EME SESSION. 421 Ne pourrait-on pas ainsi arriver a demontrer /'unite dans les linea- ments visibles de la matiere ? On sait que la forme protogenique apparente dans les vegetaux est celle d'une utricule ; l'utricule est l'organe fondamental des plautes. Les utri- cules, en se soudant, forment le tissu cellulaire et finalement les vaisseaux et les fibres des vegetaux, les vaisseaux et les fibres n'e'tant que des modi- fications de l'utricule elle-meme. En ce qui concerne les animaux, les recherches modernes ont montre que, du moins dans le germe, leur trame e"tait principalement composed de cellules ; le savant M. Coste a dCvoile" le ntecanisme de la formation des cellules dans certains cas ; M. Coste a reconnu que des masses limitees de matiere animale peuvent se recouvrir d'une enveloppe et devenir ainsi le contenu de la poche, qui se produit a leur peripheric (utricules du frai de greuouilles, etc.) De mou c6te\ j'ai demontre' l'existence des utricules mi- grates : plusieurs corps simples et composes prennent la forme utriculaire, dans des circoustances donnees; par exemple, en condensant leurs vapeurs ; — Toutefois il faut restreindre l'ide'e que Ton peut se faire de l'utricule mine'rale. L'utricule mine'rale, dont il va etre parte, possede les principaux carac- teres assigned, soit aux utricules des plantes, soit meme aux utricules ani- mates ; ainsi, l'enveloppe ou tegument des utricules miiterales se forme a la peripheric d'une masse limitee de matiere, comme dans celles de M. Coste. Cela pose\ demandons-uous ce qu'on entend dans l'£tat actuel de ia science par un etre organist ? ou ce qui reviendra au m6me, par la parti- cule primordiale (visible) d'un corps organise" ? La description, la caracteristique generate qui convient aux etresentiere- ment deWeloppes, doit en effet compr endre egalement la simple particule (vesicule, utricule, cellule), qui est leur origine (1). N. Hollard, £leve de M. de Blainville, dans ses elements de zoologie, s'exprime ainsi : (Introduction, page X). « Diffe>ents par leur destination, subordonn^s l'un a l'autre, autant que la passivity est subordonitee a 1'activite, les deux grands empires de la creation vont nous offrir itecessairement dans tous les caracteres des etres, (1) Un vegetal n'est an fond qu'un Stre collectif, compose d'un assemblage de vesicules, d'u- tricules ou de cellules, qui sont autant d'individus vivants, originairement identiques, jouissant de la faculte de croltre, de se multiplier et au besoin de reproduire la plaute dont ils sont les raateriaux constituants. Ce fait bien et.ibli pour l'organisation des vegetaux, les physiologistes furent conduits par l'analogie a le rechercher dans l'organisation animale, et en etudiant en effet les tissus, au sein meme du germe, et au moment de leur origine premiere, on peut clairement reoonnaltre que leur trame est en tres-grande par tie composee de cellules. T. ROUSSE'L. 27 422 CONGAS SCIENT1F1QUE DE FRANCE. qui les composent, des differences capitales. — Ces differences porteront : lo sur leurs formes; 2° &ur leur structure; 3o sur leur composition mole"' culaire ou chimiqne ; 4° enfin, sur leurs conditions d'apparition, de con- servation et de disparition. » Eh bien, mes recherches sur la forme et l'etat utriculaires m'ont amene" a conclure qu'il n'est presque aucun des caracteres de ces quatre classes qui ne convienne aussi bien aux utricules miuerales, qu'aux corps wants eux-memes. Formes. Kilmeyer a cru caracteriser la difference entre les minCraux et les 6tres organises, en disaiit que les mineraux represented en quelque sorte les combinaisons d'une g^ometrie eiementaire, et les corps organises, celles d'une haute geometric — « Ces formes arrondies, dit M. Hollard, propres a l'organisation, se retrouvent non-seulement quand on prend 1'6- tre dans sa totalite*, mais quand on etudie ses organes , et quand on des- cend jusqu'a ce qu'on pent appeler ses molecules eUmentaires. Elles caractCrisent les globules du sang, et ceux qui forment les tissus embryon- naires, et en general le tissu organique, a son premier age de developpe- mftnt. — En outre, la forme arrondie est d'autant plus prononce'e, qu'on etudie l'organisme a une epoque plus voisine de la naissance, ce qui est precise" ment l'oppose de ce que nous voyons dans le mineral. » Pour etablir notre comparaison, prenons, comme type, l'utricule de soufre. Les bulles de la vapeur de soufre engendrent d'abord des vesicules, celles-ci des utricules et les utricules, en se soudant, forment le soufre mou ; void done la haute geometrie de Kilmeyer dans le r£gne mineral. Le soufre mou, les utricules elles-memes, convenablement soumises a Pinfluence d'agents mecaniques, physiques ou chimiques, se montrent composes de globules vesiculates. La vesicule, qui subit la metamorphose cristalline presque liquide dans son premier age, se change par la suite en cristal solide ; mais la plupart des vesicules se transforment en vapeur, ab- sorbable par celles qui persistent. L'utricule, revetue a l'exterieur d'nn tegument membraniforme incolore, est plus ou moins fluide a l'interieur et toujours lixe. Tres-niolle a sa naissance, elle se solidifiepeu a peu en pre- sentant des metamorphoses variees qu'il n'est pas opportun d'indiquer ici (I) ; mais elle se solidifie toujours, bien qu'elle puisse rester molle cinq mois et plus. — Enfin, par juxta-position ou autrement l'utricule peut se changer en cellule hexagonale, etc. Composition anatomique. « Quelque simple que vons choisissiez un organisme, vous y reconnaltrez toujours au moins deux elements physi- (1) Voycz ctat utciculaire dans lea mineraux. Coniptes^rendus de 1'Aca.demie des science*, tome XXI, p. 861. (Stance du 27 octobre 1845.) QUINZ1EME SESSION. 425 ques : des solides et des fluides, des parties contenantes limitatrices, rela- tivement fixes et des parties contenues mobiles... La ne'cessite' de l'hete- roge'ne'ite des elements physiques du corps vivant, qui implique celle de la composition moleculaire et que revele a lui seul le mot d'organisation, cette ne'cessite" etablit une veritable solidarity entre les diverses parties de l'organisme, fait de ces parties un veritable tout, une unite", une individua- lity caractere qui n'appartient pas au mineral, corps homogene, qui se laisse diviser sans que l'absence d'une parlie interesse jamais l'existence des autres. Cette difference est fondamentale. » Parties contenantes, limitatrices, relativement fixes et parties contenues mobiles; Hdterog6n&td par consequent de ces memes parties ; Enfin, individuality determinee de l'utricule minerale, qui ne pent per- sister a cet etat, que si elle est parfaitement intacte, si bien que la destruc- tion du tegument determine n^essairement la metamorphose cristalline de la matiere interne ; Par consequent ici, comme pour les formes, aucune difference fonda- mentale. La dissection des utricules des trois regnes les rnontre organisers de la meme maniere ; leurs metamorphoses ne les caracterisent meme pas tou- jours ; les utricules min^rales peuvent produire au lieu de cristaux des processus organoides, etc. 2. « Toute disposition tramulaire manque necessairement dans le mine''- ral, puisqu'il n'y a en lui, ni heterogeneite d'eiements physiques ni mouve- ment. Les molecules du mineral sont simplement superposees et forment des sirates, sans lacunes intermediaires, ni texture veritable. » « On concoit que le mineral soit limite par des lignes droites, comme simple resultat d'une juxta-position de molecules, qui se disposent par couches et qui sont au repos. » Les dendrites utriculo-cristallines constituent une sorte de tramej ces dendrites se forment par un inouvement d'expansion tel, que le cristal en- gendre par le developpemeut d'une utricule va joindre une utricule voi- sine, etc. C'est ici un veritable developpement inter-utriculaire, laissant des lacunes, etc., — et sans strates. Les utricules de soufre, deposees sur l'eau, se groupent de telle facon, qu'elles imitent une sorte de tissu cellulaire avec lacunes, etc. — Le soufre mou trempe a une texture utriculaire, etc. Enfin, le cristal cy&togene (ne utricule) est limite par des lignes droites, precisement parce que les utricules sont isoiees, et que le mouvement de- termine leurs metamorphoses (intra-utriculaire, extra-utriculaire, inter- utriculaire.) Done ici les analogies sont bien marquees, ct ies differences, etablies it 424 CONGRES SC1ENTIFIQUE DE FRANCE. priori par les naturalistes, n'ont pas la valeur qu'on leur attribue genfra- Jement. Composition chimique. — Inutile d'en parler longuement, puisque les matieres organiques (camphre, etc.) Torment des utricules cristallogeniques et que par consequent il peut y avoir identite de composition entre les utricules des 6tre vivants et celles des etres depourvus de vie (1). 11 est vrai que le plus souvent les matieres organiqnes sont retirees ou de>ivent de matieres organisers ; mais il n'y pas de difference chimique absolue entre celles de ces matieres qui cristallisent et les matieres min^rales pro- prement dites. D'ailleurs, d'une part on est parvenu a reproduire artificiellement un certain nombre de ces matieres ; et d'autre part le soufre, le phosphore, le fer paraissent pouvoir se combiner organiquement. Naissance, Ddveloppement , Persistance. Naissance. — « Les individuality des etres organises ont une nais- sance, c'est-a-dire, emanent d'individualit^s semblables a elles, dont elles perp£tuent l'espece, et celie-ci ne persiste qu'en vertu de cette gene" ration directe (1). » Mais rigoureusement, la naissance peut etre definie : le commencement d'une individuality separee ou d'individualit^s agrees. D'ailleurs l'indi- vidualite miuOaleest une utricule ou un cristal. Or, l'utricule minerale peut produire un seul cristal ou des cristaux en nombre variable. Dans tous les cas, il y a naissance evidente (Ortus), no- nobstant la metamorphose. De plus, le crislal a son tour peut reproduire une utricule. Enfin, le cristal peut etre engendre par l'utricule, en vertu d'une sorte de generation. (Voyez dCveloppement, persistance). Mveloppement. — Les utricules minerales peuvent s'allonger, s'Cten- dre, se modifier, en vertu de la force interne qn'elles possedent jusqu'a ce qu'elles soient transformers en cristaux reproduisant fidelement I'image de celui dont elles Cmanent. Persistance. — Pour se d^velopper, elles pourront entretenir, avec des utricules voisines, ou avec d'autres corps (monde exteneur), un echange de materiaux qui p&ietrent en elles par l'absorption, et qui en sortent par (1) Baftbn admettait une matiere organique absolument et primordialemeat differente de la mature des corps, appeles inertes. Denos jours Tiedemann et Treviranus ont soutenu la roeme idee. (2) A une certaine epoqoe le corps organise s'est separe d'un autre etre semblable a lui, sous la forme de germe, d'oeuf ou de graine, et recoit, par suite d'une fonction qu'on appelle gMra- tion, le principe de la vie et du mouvement sans lesquels il ne peutse developper. A. RICHARD. QUINZIEME SESSION. 4-25 exhalation. — Ainsi, Putricule de soufre absorbera de la vapeur de soufre (generation?) ou de I'iode, ou d'antres corps ; — et il en r&ultera un mou- vement de composition et de decomposition ou d'apport et de perte, jus- qu'a la metamorphose complete de l'utricule en un cristal unique, ou en cristaux plus ou moins nombreux. D'ailleurs, une utricule pourra se main- tenir fort longtemps, comme on 1'a dit. 11 y a done persistance desutricules minCrales avecou tans intussusception de molecules homogenes ou te- terogenes. Mort, — « L'etre organise" ne peut s'isoler sans penr, maia perit n^ces- sairement apres un temps plus ou moins long. — La mort pour lui est na- turelle ; elle est la consequence du mouvement nutritif, qui a servi d'abord au developpement, et plus tard a l'entretien de 1'organisme, et qui, ayant pour resultat la solidification toujours croissante de toutes les parties, se ralentit et fmil par s'eteindre par l'effet m6me de la solidification, » L'utricule min^rale perit egalement apres un temps plus on moins long, si elle est isoiee ; dans ce cas elle perit, si Ton peut se servir de cette expression, par cristallisation souvent interne ou endogenee. La mortde l'utricule, developpee par absorption, arrive par la solidifi- cation generate, et la cristallisation externe ou exogenee, qui sont les con- sequences forcees de cette absorption. Ici done encore il y a de grandes analogies si ce n'est parite com- plete, En presence des reflexions precedentes, que devient la caracteristique de l'etre organise ou la definition ainsi concue ; « Un corps d'une forme et d'une grandeur determinees pour chaque es- pece, et limite plus ou moins completement dans son ensemble et dans ses details par des lignes courbes ; Physiquement compose de parties heterogenes, et toujours au moins de solides et de fluides ; constitue essentiellement par des combinaisons ter- naires, quaternaires, etc., d'eiements choisis, presque tous, parmi les plus expansibles de ceux que fournit la nature generate ; Corps complexe , toujours individualise, bien qu'a des degres tres-dif- ferents, qui provient toujours par generation directe (1), d'individus de son espece, qui se developpe et se conserve, en agissant eontinuellement sur le monde exterieur, au moins par une double action d'absorption et d'exhala- tion, et qui finit par raourir et rendre ses elements a leurs affinites natu- relles, apres avoir parcouru, dans un temps plus ou moins long, une car- riere de developpement, de maturite et de declin, marquee physiquement par le progres de la solidification; physiologiquement par un ralentissement proportionnel du mouvement nutritif. » HOLLARD. ft) La gyration directe n'est pas une condition essentielle, au moins pour lea Tegetaux. 426 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Encore une fois que reste-t-il de cette caracte>istique ? II me semble que c'est bien pen de chose. Et qu'on ne s'y trompe pas; quelle que soit l'habitude de l'anatomiste, du physiologiste, il est des utricules min&ales qui, dans leurs metamor- phoses, out tellement l'aspect de matieres organisers, que le microscope peut induire en erreur l'ofeil de Pobservateur le plus expe>imente. Done : la caracte'ristique, ci-dessus cit^e, peut convenir lorsqu'il s'agit d'etres bien deTinis et de>elopp£s ; il est clair qu'elle convient au chene comme au lichen, a Thomme comme a l'eponge. Mais voici une ve'sicule, une utiicule, une cellule, un globule de fer- ment, une spore de cryptogame. Qu'est-ce, je vous prie ? Le de>eloppement, les mutations, les metamorphoses vous l'apprendront peut-etre par la suite, mais a coup stir vous pouvez, surtout dans l'origine, confondre le mineral et l'6tre organist, la mort et la vie. Et si Ton prend garde a ce fait presque gdneral que la vie commence presque toujours, si ce n'est tonjours en presence du soufre ou du phos- phore, et sou vent en presence du phosphore et du soufre, comprenant dans quel but a 616 pos^e la 12e question du programme : itudier Vaciton des sels mine'raux et des mineraux en ge'nSral sur la production et le developpement des cellules vige" tales et des divers tissus animaux. On ne fca peut-etre pas trop de difficulte pour admettre que les diffe- rences qui portent sur les formes, la structure, la composition chimique, les conditions d'apparition, de conservation et de disparition, ne sont pas n^cessairement des differences capitales entre les deux grands empires de creation. Au contraire, il y a peut-etre des analogies telles, entre les trois series ou regnes, que lorsqu'on se borne a comparer la forme protogenique et a rapprocher le premier developpement de la matiere organisee de celui de la matiere min^rale ou organique, on est presque port£ a croire que \uniU sera reconnue un jour dans les premiers lineaments visibles de la matiere (I). (\) II est clair qu'il ne s'agit pas ici de la vie elle-m^me. Qui peut repondre a cette question Qu'cst-cc que la vie? A moins qu'on ne dise avec Montaigne : Que- sais-je ? QUINZ1KME SESSION, 427 SUPPLEMENT AUX SEANCES DE LA QUATRIEME SECTION, Histoire et Archeologie. ■ I,, ."jis^-f,^ EXCURSION ARCHEOLOGIQUE FAITE A LANGEAIS, SAINT-MARS-LA-PILE ET LUYNES, (12 septerabre 1847.) Des membres nombreux de la section d'histoire et d'archeologie du Congres, sons la prdsidence de M. l'abbe" Bourasse\ prenaient part a cette excursion qui proraettait a tous et de curieuses observations archeologi- ques, et les agrements d'une de'licieuse promenade dans une des partie les plus agre'ables de notre Jardin de la France. En allant a Langeais terme de notre course, nous admirions en passant ces paysages pittores- ques des bords de la Loire , qui le cedent peut-etre a ceux du Rhin en grandeur et en 6 tendue, niais qui ne le cedent a Hen au monde en fral- cheur, en Elegance , en richesse , en varied. En snivant les rives de la Loire, tandis que 1'oeil s'amuse a parcourir ces belles plaiues, ou s'e'tale une ve'ge'iation vigSureuse , I'imaginatiou cr£e mille tableaux fantastiqurs oil s'agitent les drames qui jadis se sont pa&ses sur ces rivages. C'est que 428 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. les coteaux de la Loire laissent voir, de distance en distance, une foule de mines de vieux chateaux, d'e'tablissements religieux, auxquelles la md- moire peut rapporter la plupart des laits historiques qui se sont accom- plis en Touraine. Jamais les membres du Congres, r^unis dans cette charmante excursion, n'oublieront les douces impressions qui s'e'veillaient dans leur esprit en entendant les mille anecdotes inte>essantes, gaies, tristes, toujours pi- quantes, changeantes comme les couleurs du prisme, a mesure que nous e'tions entrained vers le but de notre course, qui 6taient racontees par les uns et les autres, avec cette ouverture d'esprit, cette expansion facile, cette communication tranche qui formaient le caractere de notre voyage. Nous avions au milieu de nous d'ing^nieux conteurs, de ces hommes qui gardent les dernieres traditions de la bonne conversation franchise d'au- trefois, qui lancaient, au milieu des remits de batailles, de ces saillies spi- rituelles qui de>idaient tous les fronts, 6panouissaient toutes les levres. C'est au milieu de ces joyeux propros que nous arrivames a Langeais. L'eglise de Langeais, dans ses parties les mieux caracteris^es , n'est pas d'une e"poque ante>ieure au xn' siecle. C'est surtout a PexteVieur du rond- point de l'abside que Ton distingue les formes et les ornements distinctifs de la pe*riode architecturale qui pre'ce'da immSdiatement le regne de l'o- give. Au midi, on voit encore quelques restes d'une espece de galerie du m6me temps. Malgre" son £tat de mutilation, cette construction est fort curieuse. Le clocher, avec sa fleche aigue en pierre, est un des plus beaux et des mieux batis que Ton observe sur les bords de la Loire, depuis Or- leans jusqu'a Nantes. Quand on descend le fleuve sur les bateaux a vapeur, on regarde avec plaisir cette fleche 616gante qui s'&ance au-dessus des fleches de verdure que mille peupliers forment dans un terrain sablonneux et humide. Le clocher porte egalement les caracteres du style de transi- tion au xn* siecle. Quant a l'interieur de l'e'glise, nous dirons seulement qu'il a 6t6 d&honore par des replatrages insignifiants. Le chateau de Langeais dresse toujours fierement ses hautes tours f&>- dales. 11 y a de"ja longtemps que la feodalite" n'existe plus que dans les souvenirs de l'histoire, et les miirailles orgueilleuses du chateau de Lan- geais dtalent toujours leur cr^neaux, leurs machicoulis, leurs meurtrieres et tout leur'vieil appareil militaire et seigneurial.Noussommes assurCment loin de nous en plaindre. Les monumeuts ont une signification historique qui les doit aujourd'hui faire respecter. Ce serait un crime, sans doute, de ressusciter les pretentions feodales des vieux ages, Ne serait-ce pas Egalement un crime de faire disparaitre du sol les temoins de notre his- QUINZIEME SESSION. 429 toire nationale? Nos souvenirs, comme nation, ne datent pas d'hier : Pourquoi n'en retrouverions-nous pas les glorieux vestiges dans nos vieux monuments ? C'est a Pierre de la Brosse, favori de Philippe-le-Hardi, que Ton attri- bue commune'ment la construction du chateau actuel de Langeais, vers 1260. II est inutile de faire remarquer que la masse seule du chateau re- monte au xme siecle. Des additions ont etc" faites et en plusieurs endroits des reprises sont evidentes. Les Anglais se rendirent maitres du chateau de Langeais sous le roi Jean et le restituerent en 1360 ; ils s'en emparerent de nouveau en 1428. Les habitants de Tours, fatigue's de leurs incursions, obtinrent qu'ils evacueraient cette place moyennant la somme de 2,500 gcus d'or qu'ils leur compterent. Sous Charles VII, en 1460, on y r^digea pour la premiere fois par ecrit la coutume de Touraine. Enfin, le 16 d6- cembre 1491, le mariage de Charles VIII avec Anne de Bretagne y fut so- lennellement cel£bre\ Cet 6venement eut des consequences importantes; c'est de ce mariage que date la reunion de la Bretagne a. la couronne de France. Entreprendre la description exacte de ce chateau serait un travail fasti- dieux et inutile : nous ne saurions repr^senter, aux yeux de ceux qui ne l'ont point vu, l'effet original de ces belles murailles sur lesquelles le temps a Iaiss6 son empreinte en les peignant de couleurs sombres; les dis- positions des salles immenses, etc., etc. Ceux qui ont visite le chateau de Langeais avec nous suppleeront aise^ment a notre silence : leur memoire leur rappellera les impressions et les observations qu'ils lui ont confine. Qnant a ceux qui ne l'ont point encore visits, nous ne pouvons que les en- gager a le faire au plus t6t. lis u'auront certes pas a nous reprocherde les avoir tromp^s. A c6te" du chateau actuel se trouvent de vieux debris des constructions de Foulques-Ne>a. On ne saurait guere les rapporter a une autre gpoque qu'aux commencements du xie siecle, si on les compare aux restes des an- tiques constructions militaires de Montbazon, de Montrichard et de Mon- tre^or. A quelque distance de ces mines du moyen age, on en trouve de plus anciennes encore. Les murailles sont en pierre de petit appareil et les cin- tres sont forme's de briques accdlees, et de claveaux en pierre. C'est incon- testablement une construction de Pepoque romano-byzantine primordiale, Ces pr&ieux restes meriteraient d'etre dessin^s avec soin et decrits minu- tieusement. , Nous etions tous occup^s a nos observations, quand on donna le signal 450 CONGRES SC1ENTIFIQUE DE FRANCE, du depart pour Saint-Mars. Nous jetames a la hate un dernier regard sur le magnitique panorama qui se de'roulait a notre Yue ; nous donnames un dernier adieu aux monuments de Langeais et nous gagnames joyeusement nos veliicules. Bient6tnous courions versle chateau de Saint-Mars, auquel se rattachent des souvenirs de plus d'un genre. Nous ne voulons pas nous occuper de romans ; ceux qui sont le plus historiques, le sont ge'ne'rale- ment fort peu. Les deux tourelles qui restent encore de l'ancien chateau de Saint- Mars dominent le coteau. C'Ctait autrefois une baronnie; posse'de'e succes- sivement par plusieurs families distingue'es, elle passa enfin entre les mains de Henri Ruze\ grand dcuyer, fils du marechal d'Effiat, en faveur duquel elle fut erigee en marquisai, en 1630. Au nombre des seigneurs de Saint- Mars, on compte Louis de la Tre'mouille, surnomme* le Chevalier-san&~ Reproche, qui fut tue* a la ddsastreuse bataille de Pavie, en 1525. L'dglise de Saint-Mars fut consacre"e le vii des ides de ddcembre 1091, au tCmoignage du martyrologe de Saint-Julien de Tours. Cette date ne peut convenir qu'a la region absidale de realise, laquelle, en effet, porte evidemment les caracteres du style romano-byzantin secondaire. La pyra- mide qui surmonte le transsept est batie hardiment ; mais son poids dcrase les murailles destindes a la soutenir, et aujourd'hui le clocher et les murs du transsept rdclament imperieusement des reparations importantes. Les murailles de la nef, formers de pierres regulieres de petit appareil, lides par un ciment fort epais, paraissent anterieures a la construction du xr siecle. Faut-il y voir un reste de la vieille basilique romane primor- dial ? Nous inclinons fortement a le croire. Du reste, cette eglise est fort curieuse pour l'arch6ologue. Le style architectonique en est nettement ac- cuse- et c'est sur des monuments de ce genre que la science peut appuyer ses observations. Le monument par excellence de Saint-Mars, c'est la Pile. Ce monument, si souvent visite, se dresse la comme une Cnigme jetee a la sagacitC des voyageurs. Malheureusement OEdipe n'est pas venu dans nos controls, et le sphinx garde encore son secret. Ce serait peine perdue que d'analyser, meme sommairement, tontes les opinions qui ont Cte' dmises au sujet de l'origine et de la destination de la pile de Saint-Mars. L'orthographe que nous adoptons pour dcrire le nom de Saint-Mars est deja une concession faite a une certaine opinion qui nousparait fondle. Nous ne l'imposous a personne, mais nous ne pouvions Ccrire une ligne sans prendre un parti et nous aimons mieux Saint-Mars que Cinq-Mars. Arrives au pied du gigantesque monument, nous le mesurions de 1'ocil QUINZIEME SESSION. 451 avec surprise et en en conteraplant chacune des faces ; chacun se deman- dait quel en Uait done Vusage 1 question sans rdponse. A force d'enten- dre la meme question, on se hasardait a reproduire, qui le sentiment de la Sauvagere, qui le sentiment de Chalmel. Mon r61e de narrateur fidele m'impose le devoir de constater qu'on n'oublia ni l'opinion de M. de Saus- saye, ni celle de notre savant collegue, M. Champoiseau. Les uns applau- dissaient, les autres contestaient. Pour etre vendique jusqu'au bout, je dois avouer que ces discussions, au pied de notre tour mysteneuse, rappe- laient quelque peu les conversations de Babel qui, pour etre en diverses langues, n'en e^taient pas plus claires. M. de Matty de Latour, un des membres les plus ze'le's de la section d'archeologie du Congres, emit, au sujet de la Pile de Saint-Mars, une opinion nouvelle que je ne discuterai pas ; sa lettre a MM. les secre'taires- ge"ne"raux, que je transcris ici, en donnera connaissance. Messieurs Le 12 septembre, le Congres a 6t6 visiter la Pile de Cinq-Mars, dont la destination a e"t6 considered jusqu'a ce jour comme inconnue, malgre* les recherches de plusieurs arch^ologues fort distingues. En presence de ce monument, qui m'a paru etre d'origine romaine, une nouvelle explication s'est pre"sente"e a mon esprit. J'en ai fait part sur les lieux a plusieurs membres du Congres, et le soir meme h Tours, a M. le president de la section d'arche'ologie ainsi qu'k l'un d'entre vous , Mes- sieurs. Je viens aujourd'hui vous Texposer par dcrit, pour que, dans le compte-rendu de 1'excursion du Congres au chateau de Langeais et a la Pile de Cinq-Mars, il puisse en etre fait mention. La Pile de Cinq-Mars, qui n'offre aucun vide inte>ieur, aucun moyen exterieur qui facilite l'acces de sa partie sup^rieure, n'a pu etre qu'une borne terminale. Cette opinion a sans doute 6t6 emise, mais prive'e des circonstances particulieres qui lui donnent un caractere frappant de ve>ite, et qui constituent la solution que j'anuonce. Je dois rappeler d'abord que cette Pile, a dix-huit kilometres de Tours, est sur la voie romaine de Lugdunum (Lyon), capitale de laLyonnaise, a Gcsocribate (Brest), au fond de l'Armorique, passant par Ccesarodunum (Tours); et comme le mot marche signifie frontibre, borne, j'ai et6 con- duit a voir dans le mot de Cinq-Mars cette signification, 5e frontiere, ou 5° borne-frontie're, Des ce moment, il m'a #C facile de sayoir ce que e'e"- 432 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE, tait que la Pile de Cinq-Mars ; c'e'tait la 5e des bornes-frontieres des pro- vinces h partir de Lyon, dont on a pn faire un veritable monument par plusieurs raisons, qu'il peut 6tre inte>essant de rechercher, et notamment parce qu'elle se trouvait au centre d'une station romaine. Qu'on compte les provinces et Ton en trouvera effectivement cinq , la Pile se trouvant ( Voir la carte de la Gaule, par d'Anville.) a I'extremite" de la cinquieme, laquelle forme la limite des Turones et des Andes. Cinq-mars ayant la signification que je viens d'indiquer doit etre consi- der comme la traduction de 1'expression Ad quintam mdrcam (le mot de marca, dans la basse latinite", rCpondant a celui de marche), laquelle expression a pu succe'der a celle des Romains, ad quintum finem ou quin- titm fines (frontiere pour la 5e fois). Ainsi, lebourg antique, dont on a trouve des vestiges, qui correspond a Ciwq-Mars, aurait pris le nom de la 5* borne-frontiere. Et ceci ne paraltra que tres-naturel a tous ceux qui sa- vent que sur les voies romaines, de simples bornes militaires ont donn6 leurs noms a des bourgs antiques, dont elles marquaient le lieu, et souvent aux bourgs modernes qui les ont remplace's. Je juge inutile pour le mo- ment de faire aucune citation a ce sujet. I/explication que je donne me parait simple et concluante. On y feraune objection en disant, avec la Sauvagere, qu'une charte du xme siecle de"si- gne Cinq-Mars sous le nom de Sanctus- Medardus, Saint-M&lard, d'ou par corruption serait venu le nom de Saint-Mars et non Cinq-Mars, comme je l'ai admis. Oh non ! ce n'est pas le mot de saint (Sanctus) qui peut etre ici le veritable, lorsqu'il est en presence du mot cinq (quinque), puisquHl rCa pu faire oublier celui-ci. S'il n'eut pas e"te primitivement le veritable, il n'eut jamais 6t6 invents, tandis qu'au contraire Ton concoit que inivi- tablement, il a du 6tre remplace- par le premier (sanctus, saint). En effet, sur mille personnes qui entendraient parler pour la premiere fois du village en question, pas une n'e'crirait le mot cinq (quinque), mais toutes met- traient saint (sanctus). Plusieurs de ces noms sont forme's du mot saint ajout6 & celui de Mars. Ici le mot saint, conside>e comme le veritable, s'explique tres-naturellement par le sentiment religieux qui s'attache aux bornes-limites qui doivent etre respectees de tous. II s'accorde aussi avec l'ide'e du dieu Mark, protecteur des bornes, qui correspondait chez les Gaulois au Terme des Latins, a l'Hermes des Grecs et au Thot des £gyp- tiens (1). Chez ces peuples, en effet, les bornes 6taient consacrees a ces (l) flvilaure et Batmiwr. QUINZIEME SESSION. 435 dieux, et consistaient quelquefois en des statues plus ou moins grossieres qui les repr&entaient. Mais le mot cinq qui, pour le cas actuel, a ele" adopte" dans les meilleurs ouvrages de ge'ographie, est une particularity bien exceptionnelle, et qui confirrae d'une maniere tres-e'vidente le sens que je donne au mot Mars. Non, Cinq-Mars ne saurait 6tre la corruption de Saint- M6dard, c'est plutot ce dernier (s'il n'est point le re'sultat d'une erreur), qui de>iverait par corruption du nom de Cinq-Mars, qui n'aurait fait que reprendre sa place en faisant oublier celui de Saint-M6dard. Qu'il me suffise, pour le moment, d'ajouter que je m'efforcerai, des qu'il m'aura e'te' donne" de prendre connaissance des opinions contraires a la mienne , et e^mises jusqu'a ce jour , de la faire pr^valoir dans un memoire ou je donnerai tous les developpements que comporte la question. II me reste a dire u» mot des signes caracteristiques de la Pile et qui doivent avoir un rapport imm^diat avec sa destination, car ils ne parais- sent pas avoir et£ mis dans un but d'ornementation. Je veux d'abord parler des cinq pilastres, dont quatre existent encore a la partie supeneure, aux quatre angles, et dont le cinquieme existait, suivant la tradition, au centre m6me de la Pile, et qu'un ouragan a renverse" en 1751. Ces cinq pilastres sont ici pour moi des chiffres qui marquent le numero d'ordre de la borne. Sur des milliaires, des chiffres ordinaires suffisaient pour le voyageur qui passait tout a cdte" ; mais pour une borne-frontiere de province, placee n^cessairement souvent a une assez grande distance de la route, soit pour etre assise sur un emplacement favorable, soit pour etre vue de tres-loin, des pilastres formaient des unites. Les chiffres e'taient ainsi Merits avec des assises de briques, et il est facile de concevoir l'application d'un systeme de ce genre jusqu'au nombre peu eleve" auquel on pouvait arriver pour l'etendue de la Gaule. Quant aux onze mosaiques qu'on remarque sur la facade Sud et placets de maniere que Ton en trouve d'abord six, deux a deux sur trois rangs, laseptieme au milieu, et les quatre autres ensuite, deux a deux sur deux rangs, dans mon systeme seul, il est assez facile d'en trouver l'explication au moins dans 1'ensemble, sinon dans les details. L'idee qu'elles indiquent des provinces ou des cites, de part et d'autre de la frontiere, s'est pr^sen- tte d'abord a mon esprit ; et ici on peut envisager les mosaiques de deux manieres, ou comme superieures et infe^rieures a celle du milieu, ou comme se trouvant a sa droite et a sa gauche. Dans le premier cas, celle- ci en a six avant et quatre apres elle ; ces mosaiques seraient alors pour moi des 454 CONGKES SCIENTIP1QUE bE FRANCE, cites ; et dans le deuxieme, elle en a cinq avant et cinq apres elle, et alors serajt au centre de dix provinces qui pourraient etre representees par dix cites. II y a effectivement cinq provinces, avant elle- et cinq apres ; cette particularity s'ii y avait lieu de s'y arreter, servirait a motiver l'impor- tance donne"e a la Pile ou borne frontiere, placed sur le point central de la grande route de la capitale des Gaules a l'extr^mite* nord-ouest de l'Armo- rique. En poursuivant les idees que je ne fais qu'indiquer ici, a deTaut de la ve>ite* si difficile a trouver dans sou entiei , peut-etre trouverai-je un sys- teme qui offrira quelque probability ; j'en ai concu l'espoir. » A Luynes, quelques-una de nos compagnons de voyage nous quitterent pour se rendre a Tours. lis se contenterent de l'aspect lointain du chateau pittoresque qui domine entieremerit la petite ville de Luynes. Nous autres explorateurs infatigables, nous continuaraes notre excursion partout ou il y avait quelque ruine a voir, quelque d£bri8 a rejnuer, quelque pierre a interroger. L'e'glise paroissiale n'a rien de remarquable ; portail du xi" sie- cle d'un mauvais style, applique* a une pauvre construction de la tin du xvc siecle ou du commencement du xvie. La chapelle des chanoinesses montre un charmant portail dans ce style delicat qui preceda imm^diatement la Renaissance. Le chateau est situe dans une position magnifique. Nous nous promenames sur les murailles d£mantel6es. Les tours en sont groupees de maniere a produire un effet charmant. Pomquoi un castel, qui pourrait devenir un des monuments les plus curieux de Touraine, est-il complete- ment abandonnd par M. le due de Luynes ? C'est une demande que chacun s'adressait, mais a laquelle personne ne pouvait donner de reponse. On ne comprend pas, en effet, que le riche protecteur des arts, si renommC par son amour pour les sciences, les arts et la littOature, delaisse dans un pa- reil abandon, le cMteau auquel est attache* son titre et son nom et dont il pourrait faire une merveille, tant la nature a favorise ce site ravissant ! L'aqueduc de Luynes a ddroule sous nos yeux ses piliers nombreux et ses arches encore bien conserves. Nous y avons reconnu l'oeuvre de ce peuple qui a marque* partout son passage par des travaux imperissables. Les restes des Arenes (c'est ainsi qu'on ddsigne ces restes dans le pays) sont imposants et digues d'etre ranges a cote* de ce qne la France possede de i>lus interessant en ce genre. La citerne a laquelle Taqueduc apportait le tribut des eaux du Strain existe encore, au moins comme disposition primitive. On la voit a cote de vieux murs de construction romaine dans les jardins de l'ancien prieure de Saint- Venant. C'est de cet endroit que l'on jouitdu coup-d'wil le plus euchauteur. La. LoilC 10U!Uit a nospieds QUlNZlte SESSION. 455 ses eaux blanches sur un sable lege'rement dore\ dans on lit sinueux qui se perd an milieu des pen pliers, des noyers et d'arbres de toute espere. Dans le lointain nous appercevions les deux tours jumelles de la calh^drale q< i animent si bien le paysage. La vue se perdait sur les cdteaux du Cher et de l'lndre, et distinguait , a travers les touffes des arbres, des villages et des maisons de plaisance, disse'mine's de c6te" et d'autre, comme pour le plaisir du regard. Nous e*tions ravis d'enthousiasme ! Comment y register quand on aime la nature et quand on se trouve en presence d'une telle nature ! Toufa disaient et re'petaient : Voila la Touraine ! voila la Touraine! On repe'tait a 1'envi les vers si connus du Tasse sur la Touraine : « La terra molle, liela e dilettosa « Simili a se gli abitator produce. » 456 CONGRES SC1ENTIFIQUE DE FRANCE. NOTICE HISTORIQUE SUR LES ORGUES EXISTANT DANS LES EGLISES DE TOURS AVANT 1789 (1), ET SUR LES ORGANISTES QUI LES DESSERVAIENT , Par M. BOYER. Laudate Dominum in irmpano et choro ; Laudato eum in chordis et organo. Ps. CL. Quand, arrive a tin age avance\ on a le bonheur, apres de longs travaux, de gouter les douceurs du repos, en conservant Tusage de ses facultes mo- rales, la m^moire du cosur est la plus douce des jouissances. On se com- plait dans le souvenir de ses jeunes ans, et des doux lieux qui nous out vu naitre. On repasse avec delices toute l'histoire de ses premiers jours. Les riants tableaux des champs que nous aimions tant a parcourir, les vivantes images des amis de notre jeune age, de cesrivaux qui nous e^taient si chers, des luttes si anim^es de nos premiers essais dans la noble carriere des let- tres et des arts, re" veillent et charment nos sens. En 1778, je commencais mes etudes an college de Tours, tenu alors par des professeurs eccl&iastiques et laiques, qui avaient succexle' aux je'suites, et qui, I'ann^e suivante, furent remplac^s par les oratoriens. J'apprenais en m6me temps la musique, sous la conduite de mon excellent frere, organiste (1) La notice hislorique qua j'ai faitc sur les anciennes orgues du Mans, oil j'ai snccessive- ment occupe cellos de la collegiate et de la cathedrale, ajant ete favorablement accueillie de la Societe des Arts de cette ville, ainsique de la Societe Francaise pour la conservation des mo- numents, j'ai eu U pc usee d'en -Uire one sur let orgues de ma yillc natal© de lours. QU1NZ1EME SESSION. 457 de la c&ebre abbaye de Marmoutier ; mais il habitait Tours, et ro'ayant commence la musique a l'age de sept ans , il m'avait mis en £tat , a neuf ans, d'aller m'essayer sur son grand et bel orgue, et, quelquefois raeme, de le remplacer aux fetes de troisieme ordre, de sorte que l'orgue de Saint- Saturnin, premiere paroisse de Tours, elant venu a vaquer, je pus assez facilement, habitue" que j'^tais deja a toucher un orgue a quatre claviers, toucher l'orgue de Saint-Satumin qui n'en avait que trois. L'ayant occupe pendant pres de six anne>s, et fr^quentant sou vent les autres orgues, pour m'instruire en entendant les artistes habiles qui les occupaient, je puis donner une fidele description de ces beaux instruments, sur lesquels je me regardais comme tres-honore" d'etre admisa mettrela main, par l'effet de la bienveillance encourageante de mes vieux confreres, vieux par rapport a l'age de dix ans que j'avais alors. La ville de Tours poss^dait, avant 1789, onze orgues, en y comprenant celles des abbayes de Beaumont et de Marmoutier, qui n'&aient qu'a une faible distance de la ville, ou Ton comptait une quarantaine d'eglises, dont dix a onze paroissiales , sur lesquelles deux seulement avaient des or- gues. Cette grande difference, qui existait partout, provenait, a mon avis, de ce que l'office qui n'avait lieu, dans les paroisses, que les jours de fetes et de dimanches, dtait chante" par le choeur soutenu des voix de tous les fideles qui voulaient s'y adjoindre, tandis que dans les eglises des chapi- tres et communaut&s, les offices qui avaient lieu plusieurs foischaque jour n'dtant chanters que par le choeur, il elait utile qu'il ftit aide* et soutenu par un orgue,- quand on pouvait s'en procurer. La belle harmonie de cet ins- trument se marie, d'ailleurs, admirablement avec les accents plus graves, plus tendres des chceurs des communautds ; et ^ceux des chapitres ordinai- rement embellis par la musique, avaient besoin d'etre varies et reposes par l'orgue qui alterne avec les voix, et remplit souvent de longs inter- valles dans les pompes des grandes solennitds. Je parlerai d'abord de l'orgue de Saint-Gatien, non qu'il fut le meilleur de la ville, mais parce qu'il convient de commencer par l'orgue de la ca- th^drale. II dut sa conservation, comme tous les orgues des cath^drales de France, a l'usage qu'on en faisait, pendant la revolution, pour la musique des decades. Aiusi, il est encore a peu pres aujourd'hui ce qu'il fut autre- fois ; c'est un beau buffet dans le style du xvie siecle, compose1 d'un po- sitif et d'un grand orgue surmonte de jolies tourelles tres-bien sculpt^es ; il est situe" dans la partie du transsept qui est du cote" du sud, de sorte que ses sons n'arrivent point directement au choeur. II eut 6U bien plus avan- tageusement place" au bas de la nef. L'obscurite que ses deux beaux clochers produisent dans cette partie de l'eglise, a peut-etre ddcide" sa position au- dessous de la rose du transsept par laquelle il est bien e'claire'. C'est un grand seize pieds avec bombarde au pied et a la main , ayant qua- 28 438 congres scientifique de prance. tre claviers qui, je crois, montaient seulemcnt au r6 et descendaient a Xut. 11 se composait au moins de trente jeux bien assortis. Les sons en 61316111 harmonieux et veloutes. L'harmonie des jeux d'anches n'etait pas aussi belle; il 6tait d'ailleurs en assez mauvais 6tat; mais ses soufflets, avanta- gcusement place's au-dessous du buffet, devaient naturellemeut lancer le vent avec force, et empecher l'orgue d'allerer, e'est-a-dire d'etre lent a parler, defaut autrefois tres-commun dans ces instruments. 11 y fut ajoute\ de mon temps, un joli hautbois, qui elait alors un jcu rare dans les orgues, et consolait l'oreille des sons chevrotants et nasil- lards de la voix liumaine et du cromorne. Ce jeu de hautbois fut elabli par le pere Colardeau, minime, qui s'occupait avec succes de la facture d'orgues. Ce rcligieux, aussi obligeant qu'babile, c^ait la ressource des or- ganistes qui dtaient seuls charges de l'entretien de leurs instruments. Dans les cas embarrassants, j'ai vu le pere Colardeau venir a leur secours, sur- tout a Saint-Gatien, dont 1'organiste, qui avait apport6 de Paris unbeau talent, n'avait jamais eu besoin, dans une ville oil de bons facteurs ne mau- quaient pas, d'acquerir la connaissance d'un instrument si complique, el qui exige, pour l'accord ct les pelites reparations si fre'quentes et si dcli- cates, autant d'expdrience que d'adresse ct surtout de patience. Je dis que cet organiste de Saint-Gatien avait un talent tres-remarqua- ble. Nourri a la savante 6cole des Couperin, des Charpentier, il y joignait les charmes plus modernes d'une melodie dldgante, gracieuse, qui me ra- vissait. Les vepres de ma paroisse finissant a l'heure oil commencaient celles de la cathddrale, j'y courais, empress^ de recueillir les motifs que l'habile artiste traitait avec un art admirable; je suivais avec devices l'en- chainement des modulations, l'abondancc intarissable des periodes harmo- nicuses qui ramenaient le theme principal, rcproduit avec un nouvel dclat ct offrant tonjours ceite belle wut6 que Ton se plait a retrouver dans tontes les compositions des arts. C'est en ecoulant, avec une attention avide, ces modeles d'improvisalion que je me formais a l'etude de ce bel art, favorisd que j'6tais d'ailleurs par les eludes classiques du college ; car tons les germes d'instruction se prGtent un mulucl secours, et l'dtude des leltres en est la source premiere. Je ne puis quitter l'orgue de Saint-Gatien sans retracer ici un des plus agreables souvenirs de ma jcuuesse. Le culte dtant retabli, aprcs la revo- lution, mon frerc, qui avait perdu son bel orgue de l'abbaye de Marmouticr, avait succtfde a 1'organiste de la cathedrale que la mort avait enleve\ L'a- mour de l'orgue qui le possedait au plus liaut degre, lui inspira de meler lessons de sa basse, dont il jouait fort bien, a cenx de l'orgue. II se placa done dans In plus haute tcurelle, pendant on des saluts de la Fete-Dieu qui avaient lieu, au jour tombant, et la, sans 6tre vu, il exdeuta un andante expressivo de sa composition, que je lui accompagnai sur l'orgue avec le jeu de llute. Ce morceau fit un tel plaisir que Ton crut d'abord qu'un nou- quinzieme session. 439 veau jeu avait dt^ dtabli dans l'orgue. J'ai entendu quelquefois des essais semblables : quand l'exdcution en est soignee, l'effet en est toujours rendu fort agrdable par l'heureux mdlange de ces deux instruments. L'antique dglise de Saint-Martin, collegiale de Tours, possddait un des plus excellents orgues de France (1). C'dtait un grand trente-deux pieds a cinq claviers, ayant une soixantaine de jeux. Le style du buffet dtait de la fin de Louis XIV, et d'une majestueuse simplicity. II fut rdpard, quelques annees avant la revolution, par le celebre facteur Cbiquot, auteur du su- perbe orgue de Saint-Sulpice de Paris, qui 1'cnrichit d'un basson et d'un hautbois ddlicieux. Cette reparation couta 20,000 francs, et sa reception fut un dvenement qui remplit la vaste nef d'auditeurs ravis des effets admi- rablement varids de ce magnifique instrument. Duprd, qui le touchait, dtait alors dans la maturity de son talent, qui riva- lisait avec celui des premiers organistes de la capitale. II n'avait pas les formes elegantes et la brillante execution de Guichard, organiste de la ca- thddrale, mais il posse'dait une science profonde de l'harmonie. Quand il voulait etre chantant, ses iddes dtaient parfois communes, mais il les ren- dait en grand maitre. Son jeu toujours net, dgal, d'un a-plomb, d'une me- sure invariables, dtait le plus beau modele que Ton put se proposer d'i- miler. Aussi les vdprcs de cette e'glise se disant a quatre heures, apres celles de la catbddrale, j'avais le temps d'y courir encore, pour y recueillir de nouveaux motifs d'un style different, qui fournissaient a mes etudes de la semaine de la matiere pour tous les morceaux que j'avais a jouer le di- manche apres les avoir dents et travaillds sous la direction de mon bon frere (dleve de Duprd) qui corrigeaitles uns et me faisait reserver les au- tres pour m'exercer a l'improvisation, dont l'babitude s'acquiert, ainsi, dans le jeune age, en s'appropriant les iddes des meilleurs maitres, aux- quelles on ose meler les siennes pour en prendre la couleur et tacher d'en produire de nouvelles, car la nature est indpuisable dans ses enfante- ments intellectuels, comme dans ses generations inddiinies de tous les 6tres. Le chapitre de Saint-Martin possddait des revenus considdrables, et fe- sait un digne emploi de ses ricbesses en attacbant a son dglise des sujets distinguds pour composer une excellente musique. Le cdlebre Lesueur, qui n'avait guere que vingt ans, y fut appeld pour la diriger en qualitd de maitre de chapelle. Le severe Duprd rendit a ce jeune compositeur la jus- tice qu'il mdritait, et lui fesait l'bonneur de reprendre quelquefois le sujet de ses fugues qu'il traitait de telle maniere, que j'ai entendu Lesueur dire bien Iongtemps apres, lorsqu'il dirigeait le Conservatoire de Paris, que ses (l) Je ne puisrne decider a dire une des plus exccllentcs orgues. Je n'ai jamais entendu les anciens organistes faire, en parlant, ce solecisme, dont 1' usage est resu aujowd'hui. 440 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. fugues remanides par Dupre lui fesaient venir la chair de poule. J'entends encore ces deux grands maltres, lors du Regina solennel que Lesueur fit exexuter, une veille de Paques, clans le jube de l'antique basilique qui ve- nait d'etre remise a neuf, en rehaussant le sol devenu de beaucoup plus bas que les rues adjacentes, en rdduisant le diametre des lourds piliers, et surtout par un regrattage gene'ral des voutes et des raurs qui fesait ressor- tir la beaute de cet orgue immense dont la boiserie de chene vemi et les enormes tuyaux brillai'ent de l'e'clat le plus pur. Le chceur, clos de murs epais, repandait a I'entour une ombre mysterieuse, et les chants qui en sortaient plus harmonieux , semblaient descendre du ciel, avec les impo- sants concerts de l'orgue aux voix varices de tant d'instruments, que l'artiste, aux oreilles dedicates, avait soin d'entretenir dans l'accord le plus parfait. II ne reste plus de celte eglise, si vaste et jadis en si grande veneration, que la tour de Charlemague et le clocher de l'horloge, de ces cinq clo- chers dont deux etaient sans cloches, ce qui fesait dire que Saint- Martin avait cinq clochers et deux cents cloches. Toutefois, le nombre en etait considerable. Les deux plus bruyantes que Ton appelait les deux Brail- lards, setrouvaieut dans le clocher situe" au midi, du c6te du cloitre. Le clocher voisin de l'orgue, en dtait heureusement depourvu, et n'en rece- vait point ces nuisibles oscillations qu'lprouvent les orgues adossees aux pieds des clochers. Peut-etre ce motif a-t-il contribue* a placer l'orgue de la cathedrale dans la partie latCrale loin du bruit et du fr&nissement de la sonnerie. Apres l'orgue de Saint-Martin doit venir celui de la paroisse de Saint- Saturnin, dont la belle eglise etait situee dans la Grande-Rue, un peu plus bas et du meme cdt£ que le carroir de Beaune. Cet orgue etait place au bas de la nef , en face du chceur, et a quelque distance du haut clocher qui etait a sa droite et dont Tescalier lui etait commun. Une porte de cet es- calier s'ouvrait a l'extremite de la tribune qui, s'eiargissant au milieu, a cote de la tour, offrait un commode emplacement pour l'orgue et sa souf- flerie. Cette tribune antique, qui couronnait un banc-d'ccuvre vaste et elegamment construit, offrait, a hauteur d'appui, un entourage forme d'un grillage en roseaux, dont les mailles avaient deux pouces carres, et qui s'ouvrait, de chaque c6te du positif, par deux petites fenetres de deux pieds carres. Ce vieil orgue, a deux buffets, pouvait dater du commence- ment du xvie siecle. 11 avait ete construit avec beaucoup de soin, et se fesait remarquer par deux beaux contrevents qui prenaient bien la forme des trois tourelles du grand orgue, et presentment, etant ouverts, une sainte Cecile k droite, assise a son clavier, et a gauche, David couronne d'un diademe et jouant dela harpe. Ces deux tableaux, dont les couleurs etaient vives et bien conservees, me charmaient, m'inspiraient ; et aux deux orgues que j'ai fait etablir etant, professeur au college du Mans, Tun QUINZIEME SESSION. 441 dans la chapelle de ce college et l'autre ensuite dans l'dglise de ma pa- roisse de Saint-Benoit, j'ai eu grand plaisir a placer aux deux c6tds du clavier, un David et une sainte Cdcile, tant les doux souvenirs de la jeu- nesse embellissent les differents ages de la vie ! Le positif de mon orgue de Saint-Saturnin dtait dgalement garanti de la poussiere par deux contrevents sans figures. Le souffleur avait soin de les ouvrir et de les fermer chaque fois que Ton touchait l'orgue. La poussiere est, dans toutes les dglises, le fldau des orgues, et nulle part on ne veut sacrifier a leur si prdcieuse con- servation, rembellissement que la vue de ce magnifique instrument ajoute a l'ddifice. L'orgue de Saint-Saturnin avait trois claviers. Les deux premiers pour le grand orgue et le positif parlaient ensemble ou separement; le troisieme avait une trompette et mi cornet de rdcit. Les autres avaient trompette, clairon cromorne, voix humaine b61ante, nazard , tierce, doublette Lari- got, flute, plein jeu, avec bourdon de huit pieds, le tout en assez mauvais etat. II ne faut pas oublier un tremblant fort que mon vieux prdddcesseur Gautier, tirait aussitdt apres VOremus de l'Offertoire, pour annoncer par ce bruit de mouMn, son grand-jeu qu'il trainait cahotant jusqu'a ce qu'en- fin la sonnette vtnt de'livrer les oreilles tourmentdes des fideles, distraits de la priere par ce vacarme importun. J'avais dix ans lorsque je succddai, en 1779, au venerable vieillard dd- funt. J'dtais connu du bon cure" David, a l'dcole duquel j'avais appris a lire dans mes premieres amides ; et pour ma reception, il eut soin de me faire essayer l'orgue sans etre apercu de mes juges les marguilliers, a qui ma jeunesse aurait pu inspirer une prevention ddfavorable. Apres les premieres epreuves, on s'assembla dans la sacristie, et cliacun demandant ou Ctait l'organiste, le bon cure" ouvre le pli de son ample soutane qui me cachait, me montre, en riant, a l'assemblee. Mon frere, qui etait present, tremblait que Ton hCsitat a recevoir un si jeune enfant pour exercer une fonction se- rieuse et essentielle au culte ; mais ayant dit que, depuis un an, je tou- cbais souvent le grand orgue de Marmoutier, on me recut avec une pater- nelle bienveillance, et je fis mon entree le jour de la Fete-Dieu, et j'eus a ddbuter par la prose Lauda Sion, qui est la plus belle et la plus difficile de toutes les proses. Heureusement, j'avais pour souffleur un vieux soldat milicien, brave bomme, devot, et connaissant parfaitement la rubrique de tous les offices qu'il savait par cceur, et cbantait en soufflant, de sorte qu'il me guidait et m'avertissait avec precision de mon tour pour toucher, en me disant : « Partez. » Aussi je le respectais, et il siegait sur un tres-antique fauteuil de bois qu'occupait mon venerable prdddcesseur. Je fus assez heureux pour obtenir un honorable tdmoignage de confiance, lorsqu'en 1784, l'orgue de St.-Pierre, sainte Chapelle et collegiale du Mans, devint vacant. Dupre" , qui avait etc organiste de cette dglise, ayant 616 prid 442 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE, par les cbanoines de leur procurer un organiste, me fit subir un se'rieux examen sur son orgue magnifique qui m'eut intimide' si mon frere, qui remplacait quelquefois son maitre, ne me l'eut deja fait connaitre. J'ai prd- sent encore a la mCmoire le sujet de fugue que me donna a traiter sur-le- champ ce maitre au regard imposant, le grand chceur et autres morceaux qu'il me demanda. Je n'eus qu'a me louer de la lettre avantageuse qu'il me donna a presenter au chapitre du Mans, qui me fit subir une contre- £preuve en presence de Marc, maitre de chapelle de la cathe'drale, ami de Lesueur et de Telite des musiciens. Le bel orgue m'inspira et je fus en meme temps recu organiste et dcolier de rbe'torique au college de i'Ora- toire, sous un excellent professeur, grand amateur de musique, qui me fe- sait lui apprendre les motets que Marc lui composait pour chanter aux so- lennitds de la cathedrale, oil il aimait a developper sa superbe voix de basse-taille, anime'e par un orchestre nombreux. 0 doux souvenirs!... Mais revenons a nos orgues de Tours. Saint-Julien, abbaye de B6"nedictins, dont la belle Cglise a 6t6 si heureu- sement conserved, posse'dait un joli orgue a deux claviers, mais n'ayant qu'un seul buffet, place" au bas de la nef. C'etait un huit pieds ordinaire, contenant une vingtaine de jeux. Notre demeure extant tres-voisine de l'd- glise , je l'entendais habituellement , et j'ai le souvenir present de son agr6"able harmonie. L'organiste qui le toucbait etait un trop singulier per- sonnage pour que je ne me le rappelle pas aussi bien que l'orgue ; il se nom- mait Joubert, dont la famille dtait tres-estimee a Tours , par ses babiles musiciens. Joubert raine" etait, de mon temps, premier violon, executant avec autant de perfection que de gout la nouvelle musique d'Haydn, Pleyel, Boccherini et autres excellents compositeurs qui firent a cette dpo- que une si grande re'volulion dans la musique instrumental. Le frere de Joubert dtait un organiste fort distingue que je me souviens d'avoir en- tendu, avec plaisir, sur le bel argue de Saint-Pierre de Nantes. Le plus jeune des trois freres desservait cet orgue de Saint-Julien de Tours dont je parle. II se croyait pape, et on lui en donnait le surnom. Son talent ne se ressentait point de cette aberration d'esprit; son jeu sur l'orgue e"tait net, Cgal sans etre brillant ; ses improvisations etaient communes, mais bien suivies. Il fesait tres-proprement un second violon, une partie d'alto, accordait fort bien les pianos, saisissant avec une rare precision les nuan- ces des quintes temperas dans sa partition. C'Ctait l'esprit qui l'inspirait, disait-il, avec son air toujours grave. Ce regard fixe, preoccupe, ce calme constant, qui contrastait avec la vivacity naturelle aux musiciens, ont fixe* cette figure dans ma memoire. L'orgue des Augustins etait tenu par ce meme Joubert. Ce \ieil orgue a deux claviers me plaisait. Quand il m'invitait de le remplacer le jour de la fete du patron qui le retenait a son orgue de Saint-Julien, c'e'tait une bonne fortune pour un 6"colier que la double invitation de toucher un instrument quinzieme session. 443 toujours bien accordd pour la f6"te, et de diner avec les bons peres, parmi lesquels se trouvait un vieux raissionnaire qui avait, pendant longues an- nexes, dvangelfsd dans l'lnde et qui me fesait les remits les plus interessants de ces pays dont j'avais appris les noms, des couturaes bizarres des peu- ples qui les habitent et des pdnibles travaux du ministere qu'il avait exerc6 au milieu d'eux. La digestion du bon diner se fesait ainsi tres-agrdable- ment dans les allees du jardin du couvent en m'entretenant avec cet aima- ble vieillard, qni aimait l'orgue, et dont le souvenir a dft se presenter a mon esprit a l'occasion de la fete ou j'ai plusieurs fois 6"te invite" a toucher celni de son couvent. Je ne dois pas le quitter sans dire qu'il etait placd au bas de la nef, dans une tribune antique et peu eclairee. J'ai dit que la famille des Joubert etait toute musicienne. I!s avaient une sceur nommee Mme Pie'ye', qui touchait l'orgue de la paroisse de La Riche, placd sur le milieu, du cAtd gauche de la nef, et qui dtait peu con- siderable. Le principal talent decette artiste remarquable se fesait admirer sur le violon. Je l'ai entendue conduire tres-bien un joli concert diabli chez elie, et qu'animait son coup d'archet et 1'expression de son execution brillante. La communautd des religieuses de l'Union Chietienne avait dans sa chapelle un charmant orgue a deux claviers que touchait une tres-ancienne religieuse nomme'e Odi, a qui mon frere, qui enseignait dans cette maison, donnait encore des lecons. Le jour de leur sacre, ces bonnes dames m'in- vitaient a toucher leur office, et me recompensaient fort a mon gout, par des bonbons, dont le souvenir m'est doux encore ; ces invitations honora- blcs dtaient un grand sujet d'encouragement pour un talent naissant et U- mide qui avait grand besoin de cette aimable bienveillance. La noble abbaye de Beaumont avait aussi un tres-joli orgue que touchait souvent rnon frere, qui enseignait dans cette maison , mais je me rap- pelle lui en avoir entendu parler si souvent que je croirais presque l'a- voir vu autrement que de l'eglise, mais'je n'oserais l'affirmer, car il dtait difficile d'avoir acces dans cette maison de bdnexlictines a qui Ton con- fiait l'dducalion de jeunes princesses. - . Les Cordeliers avaient dans le jube qui separait, dans leur grande eglise, la net d'avec le choeur, un orgue a un clavier, en mauvais dtat, oil lo tremblant-fort jouait le r61e principal comme dans l'orgue de Saint-Satur- nin; aussi etait-il occupe par mon vendrable preddcesseur. La jolie dglise du college, qui reveille dans mon ame les plus vifs souve- nirs de mon heureuse jeunesse, l'ayant frequentde depuis ma sixieme jns- qn'a ma rhetorique, avait aussi un orgue, mais qui demeurait muet depuis les jesuites. Un pfcrc de 1'Oratoire qui aimait la musique, voulut, un jour, lui rendre la voix, et s'imagina qu'un pauvre petit dcolier de sixieme pouvait faire ce miracle, par la seule raison que j'dtais organiste de ma paroisse, II me conduit done dans la tribune, me fait asseoir au clavier, Ijrf 444 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. les jeux et se met a souffler ; mais quelqnes notes seulement parlaient encore, et l'ouverture du buffet nous l'ayant montrd ddpeupld d'une partie de ses tuyaux, il fallut bien abandonner la partie, a noire grand regret; car j'aurais tenu a grand honneur d'etre en meme temps organiste et eco- lier de raon college, comme j'ai eu le bonheur d'etre organiste du college du Mans, en meme temps que j'y professais la rhdtorique. Je ne puis passer sous silence le tres-joli orgue a deux claviers que j'ai vu dtablir dans une salle du couvent cles Minimes par le pere Colardeau, et sur lequel il m'dtait fort agrdable de venir m'exercer. Ayant quittd Tours a cette dpoque, je ne sais pas si cet instrument fut posd dans l'eglise de ce couvent comme le projetait son auteur, qui dtait meme en dtat de le jouer passablement. C'est un des plus agrdables souvenirs de ma jeunesse que mes visites a ce savant industrieux, qui avait monte un cabinet de physi- que, oil figurait un harmonica a verres convex es, fixes sur un axe de fer horizontal, tournant comme une meule de remouleur, d'apres le modele iu- ventd par Francklin, avec lequel il dtait lid. II avait appris a mon frere a s'en servir, et c'dtait le plus grand des plaisirs pour moi, autant qu'une grande complaisance de cet aimable religieux, qu'il me fut permis de met- tre la main sur un instrument aussi fragile, mais si delicieux; car il n'est rien de comparable aux sons de cet harmonica. Notre charmant harmo- nium, cette heureuse invention de notre dpoque, est loin d'en avoir le charme, pour la douceur, la celeste puretd des sons, les nuances 'de l'ex- pression sous des doits ddlicats, organes d'un cceur sensible qui manifeste ses sentiments par des melodies enchanteresses. Le pere Colardeau qui ne fesait que d'harmonieux accords avec quelques chants d'inspiration, dprou- vait des exlases semblables a celle de Pygmalion devant sa statue. Je ne puis m'empecher de m'arreter, en passant, sur des souvenirs si pleins de charmes. J'ai rdservd pour le dernier, le bel orgue de Marmoulier, car quoique ce cdlebre monastere ne fut pas dans la ville meme, mais a I'extrdmitd du faubourg de Sainte-Raddgonde, qui fait suite a celui de SaintrSymphorien, il en dtait cependant considdrd comme un des plus beaux ornements. Situde sur la rive droilc de la Loire, cette magnifique maison, nouvellement edi- fice, et qui avait autant de croisdes qu'il y a de jours dans l'an, derricre laquelle s'elevait sa grande dglise a trois nefs, dominde par la tour qui, assise surle flanc du rocher, s'd'ancait majestueusement a une hauteur con- siddrable, tout ce vaste ensemble prdsentait le coup d'oeil le plusimposant. L'orgue de cette belle dglise diait placd au bas de la ncf sur une tribune dldgante dont le plafond , en plein cintre s'dcroula lorsqu'il venait d'etre achevd, pendant l'office de la nuit. Reconstruite plus solidement, et dans la meme forme, elle dtait couronnde d'un balcon en fer d'un richc dessin. Elle offrait un bel emplacement oil Ton pouvait circuler a l'aise, avantage rare dans les tribunes ou les passages sont trop resserrds, et les communi- QUINZIEME SESSION, 445 cations incommodes, lorsqu'il serait si facile de les elargir aux depens de quelques pieds de saillie de plus. Cet orgue se composait de deux buffets, dont la boiserie en beau bois de chene, Ctait orne'e de figures d'anges jouant de divers instruments et de scuptures en palmes, tres-bien exe'cute'es, et qui avaient e'te' recouvertes seulement d'un brillant vernis. Le grand orgu§ offrait trois grandes tou- relles de cinq tuyaux chacune, se'pare'es par deux plates-faces. Quand, assis au clavier, j'elevais verscette montre respendissante des regards d'ad- miration, quelle vive ardeur s'emparait de moi pour tacher de rendre mon jeu le moins indigne possible de tant de beaute*s ! Le positif, propor- tion^ au grand orgue, en offrait la meme forme. Ce seize-pieds avait quatre claviers d'ut en re ; les deux infe'rieurs par- laient ensemble a volonte', en tirant ou poussantle clavier du grand orgue ; le troisieme e"tait un clavier de re'-ut, et le quatrieme un cornet d'e'cho. Plus de quarante jeux, dont deux bombardes pour le grand orgue et la pe'- dale, donnaient a l'organiste la faculty de melanges tres- varied. Mon frere, amoureux de ce bel instrument, l'entretenait dans le meilleur dtat, appe- lant a son aide quelquefois son maitre Dupre', qui entendait tres-bien la facture, ou le pere Colardeau. Je me rappelle avoir passe* de longues heures h. tenir la note pour l'accord, c'eHait l'apprentissage d'une grande et p&iible patience, mais une pre^cieuse elude de l'apprdciation des sons pour la purete*, la rondeur, l'egalite', la justesse de ce parfait unisson qui, de plusieurs tuyaux, ne fait qu'une seule voix. Quand cette longue et fatigante operation d'un bon accord dtait enfin terminer, quelle jouissance eprouvait mon frere a essayer tous lesjeux! que ses improvisations e^taient heureuses, quoiqu'il les interromptt encore pour corriger telle note qui blessait son oreille difficile ! 11 6tait alors d'une galtd qui me fesait oublier mes ennuis, et que je partageais bien vivement. Dans un de ces moments d'exaltation, il lui vint a l'esprit, pour renforcer le tonnerre que les bons peres lui demandaient avec importunity, d'y ajou- ter, au Gloria Patri du Magnificat, un petard qu'il attacha au balcon, et auquel je mis le feu, en saisissant le moment le plus chaleureux de son Crescendo. Le coup fut si violent, et le retentissement si epouvantable dans cette vaste enceinte, que les vieillards tomberent a demi morts sur leurs stalles, et que les plus jeunes s'enfuirent, croyant que la tribune s'dcrou- lait une seconde fois. Mon frere eUait enchante" d'avoir si bien imitd le tonnerre, et les bons peres, revenus de leur frayeur, en rirent avec nous, mais ne renouvellerent plus leurs instances. Je vois encore dans cette tri- bune les gros livres de plain-chant que j'avais peine a soulever pour les placer sur le pupitre. Ces livres eHaient pareils a ceux du chceur. Nous n'avions point, comme dans presque toutes les autres e'glises, un livre d'orgue ecrit a la main ou se trouve seulement ce que doit toucher l'orga- nisle, et dans le ton usite\ C'est assur^ment un avantage que de trouver 446 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ainsi son office tout prepare" ; mais il en rdsulte aussi le grand inconvenient d'accoutumer l'organiste a se passer de la transposition, dont il est si pre", cieux et si facile pour lui d'acquerir l'habitude, afm d'etre toujours pret a prendre le ton du choeur qui peut varier selon la diversite des voix qui le composent. J'ai toujours preferd, pour cette raison, l'usage du manuel im- primd. Les livres d'orgue Perils, ou les offices sont transpose's dans le ton convenable, exigent de la science, et une grande exactitude, Presque tous ceux que j'ai vusoffrent des omissions, des fautes graves qui troublent le chant. C'est done une defense non-seulement inutile mais nuisible. L'em- barras de chercher 1'office dans les gros livres de l'orgue de Marmoutier dtaitdonc preferable, et les changements qui peuvent survenir soit dans la rubrique, soit dansl'ordre etle choix du plain-chant, n'offrent ainsi aucune difficulld. On montait a cet orgue par deux larges escaliers ; Ji'un avait son ouver- ture dans l'eglise, a gauche en entrant, il servait aux ouvriers pour les re- parations de l'ddifice ; l'autre, plus beau, avait son entree a droite, mais par rinterieur du couvent. On traversait, pour y arriver, une jolie cour or- nde de fleurs, et tapissde de jasmins et de grenadiers ; le Suisse y avait une agreable demeure. En montant l'escalier, on trouvait au premier Vapparte- ment du pere Celdrier, qui, occupd des affaires de la maison , en etait isold pour recevoir tous les gens du dehors, sans causer aucun trouble. Un de mes beaux souvenirs est d'avoir souvent visits, la, le celebredom Che- vreuse, qui est devenu gdneral de l'ordre, et dont la fin a dtd si deplorable aux jours affreux de septembre. Cet homme, aussi distingue" par sa science que par ses vertus, aimait la musique, et jou&it tres-agrdablement de la fh\te. Quand il nous entendait descendre de l'orgue, il ouvrait la porte de son bureau, et proposait a mon frcre de faire un duode flute, que je me plaisais a dconter, tout en parcourant sa belle bibliotheque; et quand j'al- lais seul remplacer mon frere, il me recevait avec une bontd qui est rested dans mon co3ur. Que j'ai passe de douces heures dans ce magnifique sdjour de Marmou- tier ! Quel bonheur c'dtait pour moi d'aller y toucher l'orgue aux fetes qui se trouvaient pendant la semaine, d'y porter mon devoir de classe, de parcourir les beaux jardins, d'y visiter ceux que cultivaient quelques ai- mables religieux que mon jeune age intdressait, puis d'aller m'asseoir a c6td d'eux dans ce vaste refectoire ornd d'immenses tableaux dont les sujets me sont encore presents a la mdmoire ; puis, apres le diner, d'aller, en atten- dant les vdpres , visiter la riche bibliotheque , oil le complaisant biblio- thdeaire se plaisait a me montrer des livres ornds d'instructives gravures et des manuscrits en rouleaux de la plus haute antiquite, qu'il m'apprenait a ddchiffrer ! La sacristie s'ouvrait-elle, j'y trouvais le pere Andre", qui en dtait le sacristain, et qui dtalait a mes yeux les magnifiques ornements et le trdsor qui contenait une si grande quantity de choses prdeieuses, une QUINZIEME SESSION. 447 sainte ampoule dont on s'dtait servi pour le sacre d'Henri IV. Ce bon frere Andr£, qui m'expliquait toutes ces choses, tftait tres-habile oculiste. On venait a lui de tous les environs et de lieux fort eloigners, et il avait la re- putation d'operer de nombreuses gudrisons ; j'admirais encore le double escalier qui conduisait a la grotte de saint Martin que Ton voyait a la gau- che du choeur. Apres vepres, nous visitions souvent, dans la belle saison, d'aimables families qui habitaient alors de jolies demeures creuse'es dans les rochers du coteau voisin ; nous y faisions quelquefois de charmante musique ; et quand, vers le soir, nous regagnions, par la levde qui borde la Loire, notrc ville de Tours, nous croyions, mon bon frere et moi, que de semblables et siheureuses journees composeraient toute notre vie. He'las! ces illusions d'un tranquille bonheur ont e'te' bientdt dissipdes, le bel orgue a disparu; il ne reste pas pierre sur pierre, ni de l'e'glise, ni de ce vaste monastere. Je n'ai retrouvd, quand je suis revenu visiter ces lieux qui m'&aient si chers, que le vieux be'deau que j'avais connu dans mon enfance, et qui m'appa- raissait comme un spectre, au milieu de ces tristes ruines, dont il me fit l'histoire, aiusi que de la dispersion de tant de gens qui habitaient ce beau sejour. *$>iodiquement developpees. Nancy, Grimblot, 1847, 73 pages in-8\ Anonyme. Les Psaumes mis en quatrains par un ancien magistral. Petit volume in-32, Tours, Aigre; 1844. Auber (l'abb6). Table generate des matieres contenues dans les dix vo- lumes formant Ja lre partie du bulletin monumental, public par la Socie'te' francaise pour la conservation des monuments. Paris, De- rache, 1846. Bannister (Saxe). Tbe classical sources of the history of the British Isles, in the original languages, with translations, notes and ancient maps. London, 1846, in-8°. — Denys Papin. Notice sur sa vie et ses Merits. Blois, Jahyer, 1847, 30 pages in-8°. — Batiliat. ^ QUINZ1EME SESSION. 457 Beaulieu. 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Boyer. L'6ducation, poeme en 12 chants. Paris, Hachette, 1838. — De Hiarmonium, son histoireet ses progres. leMans, 1846. Bureau-Rioffray (M. le docteur). On growth or health and diseases of youth. Paris 1845, Baillere. — Curability de la phtisie et des scrofules, approuv^e sur des pieces au- thentiques. Paris, Germer-Baillere, 1347. Buzonniere (de). Histoire architecturale de la ville d'Orteans, l,e et 2* livraisons. Orleans, Jacob, 1847. Cartier (£tienne) pere. Observations sur des monnaies du xie siecle, trou- ve'es en 1843, pres de Rome. Blois, Dezairs, 1848, 23 pages in- 8°. — Monnaies gauloises trouve'es dans le camp d'Amboise. Blois, Dezairs, 16 pages in-8°. — Monnaies de Ddciane. /&., 17 pages in-8°. — Monnaies historiques russes, lb., 10 pages in-8°. — Monnaies frapp£es en Corse par ThCodore et Paoli. /&., 20 pages. — Reglement fait en 1354 par les ouvriers et monnoyers des monnaies royales de France. Ib.f 26 pages. — Essais historiques sur la ville d'Amboise ct son chateau. Poitiers, Saurin, 83 pages, 1842. Cartier (Etienne) fils. Du symbolisme dans l'art Chretien. Tours, Lecesne, 1847, 40 pages in-8°. Caumont (\. de). Annuaire de l'association normande pour 1847. Caen, Delos. — Compte-rendu du Congr^s scientifiquc de France, vn* session, le Mans. Paris, in-8°. — -— xn° session. Nimes, in-8°. — — xiv* session. Marseille, 2 vol. in-8°. — Annuaire de l'lnstitut des provinces et des Congres scientifiques , Paris, Derache, 1846, in-12. — Definition eiementaire de quelques termes d'architecture. Paris, De- rache, 1846. — Statistique routiere de Caen a Rouen. Caen, Hardel, 1843. quinzieme session, 459 — Promenades archeologiques dans les communes du littoral de l'ar- rondissement de Caen. — Coup d'oeil sur le Congres archeologique tenu a Metz et a Treves en 1846. Caen, Hardel, 40 pages in- 8°. — Bulletin monumental, 13e vol., n° 7. Paris, Derache, 1847. — Proces-verbal des stances de Tlnstitut des provinces, tenues a Caen en octobre 1846. Caen, Hardel, 26 pages. — Des cartes geographiques departementales. In-4°. Cellier-Dufayel. Dela puissance des romans. Paris, Trisse, 1845. CharcellAy (M. le docteur). Discours prononce" a la Societe medicale de Tours, par M. le docteur Charcellay. Tours, 1845, Pornin. — De la nCphrite albumineuse chez les enfants nouveau-ne's. Tours, Mame, 1841. — Relation d'un cas de croup. Tours, Mame, 1838 — Rapport statislique sur les alienes et les enfants- trouves de l'hospice general de Tours. Cohen (Jean). Reflexions historiqueset philosophiques sur les revolutions, Paris, imprimerie de Crapelet, 1846, un vol. in- 8°. Corblet (I'abbe). Description des dglises de Roye. Amiens, Duval, 1844, 14 pages in-8°. — Parallele des traditions mythologiques avec les remits mosaiques. Pa- ris. Sagnier, 1846, 52 pages in-4°. —- Notice sur le prelendu temple de Saint- Georges-les-Roye. Amiens, Duval, 1842. Cordier. Quelques fleurettes des champs, poesies d'Alphonse Cordier, de Tours. Sion, Ganioz 1847. Courteilles (le vicomte Bretigneres de). Les condamnes et les prisons , ou reforme morale, criminelle et penitentiaire. Paris, Perrotin, 1838, un vol. in-88. Delacnay. De l'influence que l'etude des sciences exerce sur le mate>ia«< lisme. Tours,, Mame, 1843, 11 pages. — Conjectures sur la cause des variations barometriques. Tours, Mame^ 1842* 11 pages, 460 CONGRES SC1ENTIFIQUE DE FRANCE. — Conjectures sur les causes de la vapeuret desnuages. 1844,20 pages. — Conjectures sur les causes de l'orage et de la pluie. 1845, 32 pages. Des Moulins (Charles). Etudes sur les Echinjdes. Bordeaux, Lafargue, 1835, 1837. Deux exemplaires in-8°. — Rapport sur le premier volume de la statistique monumentale du Calvados, de M. de Caumont. Bordeaux, Faye, 1847, 10 pages. — - Note sur le sisymbrium bursifolium de Lapeyrouse. Bordeaux, 1845, 24 pages. — Documents relatifs a la facul'e germinative conserved a quelques graines antiques. Bordeaux, 1846, 81 pages. — Reunion de quelques especes de pleurotdmes. 1842, 72 pages. — Supplement au catalogue raisonne* des plantes phanerogames du d£- partement de la Dordogne, 1846, 69 pages. — Examen des causes qui paraissent influer particulierement sur la croissance de certaines vegetations. Caen, Hardel, i847, 16 pages. — Notice sur quelques monuments de Bigorre. Caen, 1844, 79 pages. — Considerations sur la flore murale, et particulierement sur les veg£- taux sculptCs. Caen, Hardel, 1845, 23 pages. — Rapport sur le Congres tenu par l'lnstitut des provinces a Orleans. ■ Bordeaux, Faye, 1846, 26 pages. Desvatjx-Lousieb. De l'avenir du cheval de trait, par un cultivateur du Perche. Montdoubleau, 1847, 31 pages. Doublet de Boisthibault. Notice sur Herisson. Paris, Didot freres, 12 pages. — ■ Du regime cellulaire. Chartres, Gamier, 1842, 16 pages. — De l'etat de la presse en France. Blois, Jahyer, 1837, 8 pages. — Chauveau-Lagabde, par Doublet de Boisthibault. Chartres, Gamier, 1841, 8 pages. Dufour. Notice sur un cachet d'oculiste romain. Amiens, Duval, 1847, 27 pages. — Musde d'antiquitds d' Amiens, rapport sur son accroissement de 1840 a 1842. Amiens, 21 pages. Dupbe. Essais sur la seigneurie , le monastere et l'£cole de Pontlevoy. Blois, D&airs, 1841, 110 pages in-12. Dorand. Des vaches a lait et des vaches a 1'engrais, considCrees au point de Tue de l'&onomie politique. Caen, Poisson, 1847, 24 pages. quinzieme session. 461 Ernoult (Charles). Causes d'accidents sur les chemins de fer. Angers , Cosnier 1846. * Felice (de). Emancipation immediate et complete des esclaves. Paris, Delay, 1846, unvol. in-8°. Garnier. Rapport sur les travaux de la Socie'te' des Antiquaires de Picar- die, de 1842 a 1843. Amiens, Duval, 40 pages- — Catalogue des manuscrits de la bibliotheque d'Amiens. 1843. Gaoltier de Rumilly. Rapport sur la protection du travail national et les principes du libre e'change. Amiens, Caron, 16 pages. Gaudeau. L'action de la vapeur pour les moyens de transport, petit poeme. Blois, Groubenthal, 1846, 8 pages. Gendron (M. le docteur). Sur les retrdcissements de l'oesophage et leur traitement, par le docteur Gendron. Paris, Fain. Godard-Factrier. Discours d'ouverture • prononce' devant la commis- sion arche'ologique d' Angers. Cosnier, 1846, 12 pages. — Peintures murales du xue siecle a la Haie des Bonshommes. 1846 39 pages. — Nouvelles arche'ologiques de la Socie'te' royale d'agriculture, Sciences et Arts d'Angers, 1847, 4 brochures in-8°. — Notes sur le manuscrit de Lehoreau. — Notice sur Guillaume Legangneur. Godefroy. Analyse chimique des eaux de Martigne-Briand. 1847, 22 pages. Guett&e. Histoire de l'^glise de France, par l'abbe Guette'e, 2 vol. in-8°. Paris, Masson, 1847. Guillory atnc. Rapport sur le Congres des vignerons, et sur les Congres scientifiques re'unis a Lyon et a Marseille, en 1846. Angers, Cosnier, 1847, 52 pages. — Rapport sur le Congres de Genes. Angers, 1847, 20 pages. Glimard. Notice sur Guy-Edcr, baron de Fontenelles, ligueur breton. Poi- tiers, Dupre*, 12 pages. Haime (M. le docteur). Considerations sur le me'decine morale. Tours, Mame 1840. 462 CONGRftS SCIENT1PIQUE DE FRANCE. Haiitome , proviseur du college royal de Tours. OEdipe-Roi , tragedie de Sophocle, traduite en vers francais. Paris, Hachette, 1845, un vol. in-12. Hedde. Catalogue des produits de l'lnde et de la Chine rapports par M. Hedde. Lyon, Barret, 1847. Hebpin (de Metz). Des chemins de fer de Paris a Lyon, Bordeaux et Tou- louse. 10 pages. — Sur les canaux et les chemins de fer. Paris, Se'dillot, 1830. — Consideration sur l'importation des bestiaux Grangers en France. Bouchard-Huzard, 20 pages. — Sur l'enseignement mutuel et les e'coles primaires des campagnes. Paris, Colas, 1835, 12 pages. — « Inatruction a l'usage des propridtaires de vignes , sur la maniere de fabriquer les vins mousseux, (aeon de Champagne. Pans, 1836, 12 pages- — Instruction sur les moyens d'e'tablir facileraent et a peu de frais des e'coles primaires dans les campagnes. Paris, Colas, 1834, 24 pages. — • Recherches dconomiques sur le son ou l'dcorce de froment. 1833, 36 pages. ~- Recherches sur la destruction de l'Alucite ou teigne des grains. Paris, Huzard, 1838, 30 pages. Hunault de la Pelterie (M. le docteur). Discours sur Tinauguration de la galerie de David au musdum d'Angers. Derache, 1840, 20 pages. — Discours en vers sur l'in3uguration de la statue de Jeanne de Laval. Angers, Pavie, 1843, 20 pages. — Choldra-morbus epiddmique. Angers, 1834, 16 pages. — Sur l'appreciation de la lithotritie. Angers, 30 pages. — Recherches comparatives sur la lithotomie. Paris, Didot jeune, 1824, (these). Brochure de 46 pages. Huot (Paul). Des circonstances atteiiuantes en matiere capitale. Reims, Regnier, 1847, 31 pages. Institut des provinces de France, tome lc*, contenant la g£ographie ancienne du Mans, par M. Cauvin, et un essai sur les monnaies du Maine, par E. Hucher. Paris, Derache, 1845, ouvrage offert par M. de Caumont. Jeuffrain (Andre). Essai d'interpr&ation des types de quelques m&Jailles muettcs, e^mises par les celtes gaulois. Tours, Mame, 1846, 36 pages. QTJINZIEME SESSION. 463 Jullien (de Paris). Essai general d'education. Paris, Dondey, 1836, un vol. in- 8°. — Agenda g&lral, livret pratique pour Pemploi du temps. — Notice sur l'institution des creches. Paris, 1837. — Discours d'adieu adressc" aux magistrats et aux habitants de la ville de Genes, au nora des membres non italiens du vme Congres scien- tifique tenu dans cette ville. 3 pages. Laine\ Six lactams en un volume. 1° Sucre de betteraves; 2* petition aux chambres ; 3° libre ^change ; 4° decadence du commerce des vins; 5° maladie des pommes de terre; 6* encore cette maladie. Paris, A. Ledoux, 1847. Lambron de Lignim (Henry). Apercu historique sur le droit municipal en Touraine depuis les Gaulois jusqu'au regne de Hugues Capet (987) in-8°. Angers, 1843. Extrait du Congres scienlifique d'Angers. — Armorial des maires de la ville de Tours (exemplaire unique ornd de toutes les armoiries peintes a l'aquarelle), tird a 36 exemplaires. Tours, imprimerie de Lecesne, 1847, un vol. in-4\ — ■ Armorial des Maires de la ville d'Angers, public* par la Socie'te d'agri- culture, sciences et arts de cette ville. Angers, imprimerie de Cosnier et Lacheze, 1845, un toI. in-4° avec blasons colorie's. Lasicotjere (L. de). Notice sur la cath^drale de Seez. Alencon, Bon- net, 1844. — Notice sur Piet, architecte et dominicain. Caen, Hardel, 1844. — Julien Riqueur, poete francais du xvie siecle. Caen, Pagny, 44 pages. — La cour de la reine de Navarre a Alencon. Caen, Hardel, 35 pages. Lecointre-Dupont. Notice sur deux deniers de Savary de Mauldon et sur l'atelier mone'taire de Niort, aux xie et xm« siecles. Poitiers, impri- rie de Dupr£, 11 pages. ■— Lettres sur l'histoire mone'taire de la Normandie et du Perche. Du- moulin, 1846. Llflaguais (A.). Aux antiquaires apres le manifeste de l'Academie des beaux-arts au sujet du style ogival. Opuscule en vers. Caen, Hardel, 1846, 11 pages. Leceay. Esquisses historiques deshommes d'dtat du temps de Georges III, tracees par lord Brougham, traduites de l'anglais par Urbain Legeay (de Tours). Lyon, Pelisse, 1847, un vol. in-8°, 464 CONGRES SC1ENTIFIQUB DE FRANCE. Leroy de Betiiune. Petition aux deux chambres (question des Hits et des fers). Douai, 1847, 8 pages. Leroyer de Chantepie (Mademoiselle). Ce"cile, histoire contemporaine, et nouvelles diverses. Paris, Maison, 1840, un vol. in-8\ — Les Duranti. Paris, Hipp. Souverain, 1844, 2 vol. in-8°. Maliierbe (A.) Faune ornithologique de la Sicile. Metz, Lamort, 1843. — Catalogue raisonne" d'oiseaux de l'Algdrie. Paris, Venonnais, 1846, in-12. * Margueron. Rapport sur le jardin botanique de la ville de Tours. — Troisieme rapport sur le Polygonum tinctorium, sio-lane des Chi- nois. Tours, Marae, 1841, in-8\ Martinet. Le quarfier des Romains chezles Turons. Tours, Mame, 184G. Masson (l'abbd). Compte- rendu de l'etat et des travaux de la Socie'te' scien- tiflque et litteraire de Dieuze (manuscrit). — Etudes arche'ologiques sur l'origine et le caractere de Parcbitecture cbretienne au raoyen-age. Extrait des archives de la Soci£t6 scienti- fique et litteraire de Dieuze (manuscrit). Minier. Les lois sur les chemins communaus. Cbinon, imprimerie de Cballuau, 1847. ~ Les lois sur la police, la vente et le pillage des denies. Paris, Delhomme, 1847. Millet (M. le docteur). Coup d'oeil bistorique et medical sur Bicetre, Paris, 1847. — Du traitement de l'alienation mentale. Morand (M. le docteur). Mdmoires et observations cliniqucs de me"de- cine et de cbirurgie. Tours, 1844. — Lettre au docteur Gendron. Paravey. L'Ame'rique sous le nom de Fou-Sang a-t-elle dtc connue en Asie des le Ye siecle de notre 6re. Paris, Treuttel et Wurtz, 1844, 28 pages. — Deux opuscules : 1° sur les paratonnerres et Teffet de Tiode sur les Goitres, connus des ancicns; 2' note relative au ver Schanier. QUINZ1EME SESSION. 465 — Nouvelles preuves que le pays de Fou-Sang, menlionne' dans les livres chinois, est l'Amenque. 12 pages. Peak et Charlot. Excursions arche'ologiques sur les bords du Cher. Blois, Prevost, 1845, lre livraison, in-8°, 32 pages, PRfiNOT. Notice sur les enseignes, bannieres, etc., de la monarchic fran- chise depuis Clovis jusqu'en 1830. Brochure de 4 pages. — Extrait des rapports de M. A. Lenoir et Miel, sur deux vues du vieux Paris. Paris, Didot, 1847, 6 pages. * Renault. Tours delivre", poeme. Tours, Lecesne, 16 pages. Richelet (Charles). Le cantique des cantiques attribue" a Salomon, traduit de l'h^breu. Paris, Techener, 1843. Rousset. ThCatre politique, contenant : 1° La mort de Mirabeau ; 29 la mort de Danfcn ; 3° un the* chez Barras ; 4° la bataille electorate. Lyon, 1845, un vol. in-8\ Romieu (M.) PrCfet d'Indre-et-Loire. Proces-verbal des deliberations du Conseil gCuCral d'Indre-et-Loire en 1847. Tours, Lecesne, 1847. Roustain. Commentaire th^orique et pratique du Code civil, par M. Du- caurroy, avec la collaboration de MM. Bonnier et Roustain. Paris, Joubert, 1848* Roux (M. le docteur). De la statistique appliquCe a l'hygiene publique en general et de l'hygiene des Marseillais en particulier, par le docteur Roux. Marseille, Achard, 1843, 18 pages. — tloge historique de Polydore Roux, par P. M. Roux. 1835. — Discours de reception a l'academie royale de Marseille. — tiloge de Fode"re, 1843. — Rapport sur les travaux du comite* medical des Bouches-du-Rh6ne. 1845. Salnt-Marsault (le comte Edmond de). M^moire sur instruction agri- cole. 1845. — Traite" pratique des baux a terme. Paris, Dusacq, 1847, in-18. Salmon (A.) ancien eleve de l'^cole des Chartes. Recherchei sur les chro- niques de Touraine. 1847, 16 pages. 466 CONGRfiS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. — Chronique du siege d'Orlfons et de l'etablissement de la tete du 8 mai 1429. Paris, Didot, 12 pages. Sourdeval (Ch. de). Etudes gothiques ou recherches sur les origines go- thiques de la langue franchise , ouvrage mentioned honorablement par l'lnstitut, au concours du prix Volney, en 1839. Tours, Maine, 1839, in-8'. — Notice sur la vie et les ouvrages de M. Villoteau, membre de la com- mission des sciences et arts de l'expe'dition d'figypte. Tours, Mame, i839. • — Dialogue entre Saturne et Salomon, traduit de l'anglo-saxon. — - La fille du roi Waldemar et le fils du roi Alkor , poeme traduit du danois. Bordeaux, 1842. — Le voyage d'Ulysse en Germanic Tours, Mame, 1843. — Les sires de Retz. Tours, Mame, 1844. — Histoire de la race chevaline dans la Vendue. Paris, Guiraudet et Jouaust, 1847. Tailliar. Notice de manuscrits concernant la legislation du moyen-age. Douai, Adam d'Aubers, 1845. Tanchou (M. le docteur). Discussion sur les tumeurs du sein. Paris, Ger- mer-Baillere, 1844, Teste-d'Ouet. Le chien qui hurle. Paris, 1847. Touchard-Lafosse. Histoire de Blois et de son territoire. Blois, Jabyer, in-8°. "Ouvrage offert par M. Jabyer, Cditeur. Tournel. Description du musee de Narbonne. 1847. Vasse de Saint-Ouen. Th^oremes de ge'ome'trie. Paris, Hachette 1846, 2 feuillets in-folio. — Melhode pour Mude de la langue latine. — Tableau a l'usage des eleves. — Systeme d'abre>iation dans I'enseignement de la langue latine. Paris, Hachette, 1846. Voisin (A.). Vie de saint Julien. Le Mans, 1844: QUINZIEME SESSION. 467 LISTE CES SOCIETES SAVANTES, LITTERAIRES ET ARTISTIQUES Qui ont adhere ou ont e'te representees a la XVe session du Congres scientifique de France , suivant Vordre alphabetique des miles ou elles resident* Abbeville (Somme). Societe royale cumulation d' Abbeville. Amiens (Somme). Societe des Antiquaires de Picardie, represented par M. J. Gamier, secretaire perpetuel. Angers (Maine-et-Loire). Socie'te- royale d'Agricullure, Sciences, Arts et Belles-Lettrcs d'Angers, representee par M. de Beauregard, son president. Societe Industrielle d'Angers et du departement de Maine-et- Loire, representee par M. Rousseau. Societe de Medecine d'Angers, representee par MM. Mame et Mirault, docteurs en medecine. Autun (Saone-et-Loire). Societe liduenne d'Autun, representee par M. de Fontenay, son president. Ba*eux (Calvados). Societe academique de Bayeux, representee par M. Al- fred Castel, son secretaire-general. Beauvais (Oise). Societe des Sciences et Arts du departement de l'Oise, re- presentee par M. l'abbe Milliere. » 468 congres scientifique de France. Beziers (Herault). Societe Archeologique de Beziers , representee par M. Azais, son president. Blois (Loir-et-Cher). 8001616 d' Agriculture de Blois, representee par M. Jean Salvat, son president. Societe Litteraire de Blois, representee par M. Alexandre Du- pre, bibliothecaire-ad joint. Societe des Sciences et Lettres de Blois, representee par M. Duplessis, son president. . Societe Medicale de Blois, representee par M. Desfrais, son president. Bordeaux (Gironde). Societe Lineenne de Bordeaux, representee par M. Charles Des Moulins, son president. Societe Philomatique de Bordeaux. Bourg (Am). Societe d' Agriculture de l'Ain, representee par M. Chevrier, son deiegue. Caen (Calvados). Societe franchise pour la conservation des monuments, representee par M. de Caumont. Societe royale d'Agriculture et de Commerce, representee par MM. P. A. Lair et G. Mancel. Societe Lineenne de Normandie, representee par M. Le Sau- vage. Societe des Antiquaires de Normandie, representee par M. le vicomte Edouard de Bauville. Academie royale des Sciences, Arts et Belles -Lettres et Asso- ciation normande, representee par M. de Caumont. Carcassonne (Aude), Societe des Arts et des Sciences de Carcassonne, re- presentee par M. Magrevieille, son secretaire. Chambery (Savoie). Societe d'Histoire naturelle de Savoie, representee par M. Sevez. Societe royale academique de Savoie, representee par M. le docteur Bernardin Bertini. Colmar (Haut-Rhin). Societe Litteraire de Colmar. Dieuze (Meurthe). Societe Scientifique et Litteraire, representee par M. l'abbe Joseph Masson, son secretaire. Spinal (Voges). Societe d'Emulation du departement des Vosges. Falaise (Calvados). Societe academique deFalaise, representee par M. le baron de la Frenaye, son president. QWNfcl&ttE SESSION. 460 GfiNfcvfi (Suisse). Societe medicate du canton de Geneve, representee par M. le docteur Bernardin Bertini. Lisieux (Calvados). Societe d'l^mulation de Lisieux, representee par M. Campion, son secretaire. LoNDnES-(Angleterre). Socie'te" des Antiquaires de Londres, representee par M. William Bromett. Lyon (Rhone). Socie'te lintfenne de Lyon, representee par M. Madenis. Macon (Saone-et-Loire). Societe d'Agricnlture, Sciences et Belles-Lettrcs de Macon. Mans (le) (Sarthe). Societe d'Agriculture de la Sarthe, representee par M. Riohelet. Societe des Pharmaciens, representee par M. Pouplise, son president. Marseille (Bouches-du-Rhone). Academie de Marseille, representee par M. Vasse de Saint-Ouen. Societe statistique de Marseille, representee par M. le docteur Roux, son secretaire perpetuel et M. Casimir Bousquet, ar- mateur. Academie royale des Sciences, Lettres et Arts de Marseille, representee par M. le docteur Roux, son deiegue. Societe academique de Marseille, representee par M. le doc- teur Roux. Societe cuviericnne, representee par M. Guerin Meneville. Milan (Lombardie). Academie de Medecine et de Statistique de Milan, re- presentee par MM. Cesar Cantu et Bernardin Bertini. Nantes (Seine-Inferieure). Societe archeologique de Nantes, representee par M. Bizeul. Societe royale academique de la Loire-Interieure, representee par MM. Philippe Beaulieu et Bizeul. Orleans (Loiret). Societe des Sciences, Belles-Lettres et Arts d'Orleans, representee par M. de Laage de Meux. Societe d'Horticulture d'Orieans, representee par M. le comte de Tristan. Paris (Seine). Societe des gens de lettres de Paris, representee par M. Sta- nislas Bellanger, son deiegue. Societe libre des Beaux-Arts, representee par M. Pernot. 30 470 CONGRES SCIENT1FIQUE DE FRANCE. Societe royale des Antiquaires de France, representee par M. E. Cartier. Society medicale d'Emulation de Paris. Societe de Medecine de Paris. Poitiers (Yienne). Societe des Antiquaires de POuest, representee par M. l'abbe Auber. Ply (le) (Haute-Loire). Societe academique d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du Puy. Rambouillet (Seine-et-Oise). Societe archeologique de Rambouillet, repre- sente par M. Heude l'Epine. Reims (Marne). Academie de Reims, representee par MM. l'abbe Bandeville etC.Ernoult. Rhodez (Aveyron). Societe des Sciences et des Lettres de l'Aveyron, repre- sentee par M. Blondeau. Rouen (Seiue-Interieure). Societe centrale d'Agriculture, representee par Saintes (Charente-Inferieure). Societe archeologique de Saintes, represen- tee par M. l'abbe Lacurie, son secretaire. Saint-Quentin (Aisne). Societe royale academique de Saint- Quentin/re- • presentee par M. Petel Chartier, son detegue. . Sens (Yonne). Societe archeologique de Sens, representee par M. F.Lallier. Soissons (Aisne). Societe historique et archeologique de Soissons, repre- sentee par M. Lecierq de la Prairie. Tours (Indre-et-Loire). Societe d'Agriculture, Sciences et Arts de Tours. Societe archeologique de Touraine. Societe de Medecine de Tours. Societe philharmonique de Tours. Troyes (Aube). Societe d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du departement de l'Aube. Turin (Piemont). Academie royale de Medecine ot de Chirurgie de Turin, representee par M. le docteur Bernardin Bertini. QUINZIEME SESSION. 471 Association agricole des fitats sardes , representee par M. le docteur Bernardin Bertini. . Versailles (Seine-et-Oise) . Soci&e" des Sciences morales, des Lettres et des Arts de Versailles, representee par M. Paul Huot, avocat. igueux, Paris. BASS ERE AU, membre du conseil d'arrondissement, Tours. BAUDEMOULIN, $}, ing^nieur en chef des ponts-et-chausse'es, Tours. BAUGti, negotiant, Tours. BAUVILLE (le vicomte £douard de), &, ancien capitaine de cavalerie, membre de la Socie'te' des Antiquaires de Normandie, Caen. BEAUFORT DE CLERIC (Mme), Tours. BEAUFORT (de), controleur des contributions directes, Tours. BEAUGfi (Gatien), docteur en m£decine, Tours. BEAUGE, notaire honoraire, Tours. BEAULIEU (Philippe), avocat, membre de la Socie'te' academique de Nantes. BEAUMONT (le comte Alfred de), ^, conseiller de prefecture, Tours. BEAUMONT (le comte Leonde), propri£taire. BEAUMONT VASSY (le comte de), ^£, Joue\ BEAUMONT YILLEMANZY (le comte de), *fc, propritfaire. BEAUNE (Archambault de), membre du conseil d'arrondissement, Larcay. BEAUREGARD (le chevalier de), ^president de chambre a la cour royale d'Angers et president de la Soci^te d' Agriculture. BEAUREPAIRE (le comte de), membre de la Society franchise, Falaise. BEAUSSIER, juge au tribunal de premiere instance, Tours. BEAUVOYS, me'decin, Seiches. BEDOUET, #, directeur des postes, Tours. BELHOMME, docteur en mCdecine, Paris. BELLANGER (Stanislas), d&egue' par le Comite' des gens de lettres, Paris. BELLING (Gaspard-Marie), avocat, juge suppliant au tribunal de Lyon. BELLISLE (F.-A,), propriCtaire, Tours. BENAT, avocat, administrateur du chemin de fer de Bordeaux, Paris. BERARD (ain£), propri^taire, Tours. B&RAUDIERE (le vicomte de la), membre de la Soci&e' d' Agriculture, Tours. BERGOT (Marie), eleve de l'£cole de medecine, Tours. BERNARDEAU (E.), docteur en mCdecine, Tours. BERNIER, propriCtaire, Loches. BERNIER, receveur de l'enregistrement et des domaines, Tours. BERNIER TORTERUE, notaire honoraire, Tours. BERRIAT DE SAlNT-PRIX, avocat du roi, Paris. BERTINI (Bernardin), #, conseiller de la Faculty de MeMecine, president de la troisieme section du Congres scientifique de Tours, membre fondateur de TAcad^mie royale de M6decine de Turin. BERTINI (Philippe), inspecteur des domaines, Turin: BERTHELOT, chirurgien major du 3" de ligne, Tours. quinzieme session. 475 BERTHOLD (A.), professeur de m&lecine, membre de la Socidte des Scien- ces, Gottingue. BESNARD, negotiant, Tours. BESNARD (Balthazar), proprietaire, Tours. BESNARD, ancien directeur des domaines, Tours. BESNART (l'abb6), vicaire general, Tours. BESSE (Auguste), professeur au college royal militaire de la Fleche. BIDAULT, proprietaire, Tours. BIDOU, ancien architecte, Tours. BILLEY (Edouard). ministrede l'Eglise anglicane, Tours. BIRONNEAU, artiste, Tours. BISIAUX, 0. »gj, colonel de gendarmerie, Tours. BIZEUL, membre de plusieurs societe's savantes, Nantes. BLAIVE (I'abW), Tours. BLANCHARD (Victor), banquier, Tours. BLANCHET, mldecin, Tours. BLANCHET, proprie'taire, Tours. BLATAIRON, professeur a la Faculty de Thttologi*, Bordeaux. BLERE, avocat, Tours. BLONDEAU de Carolles, professeur de physique au college royal de Rhodez. v BLOQUEL, directeur des contributions indirectes, Tours. BLOT (F.-J.), proprie'taire, Tours. BLOT-LUZY, proprietaire, Tours. BODIN (I'abbe Hippolyte), cure de Saint-Symphorien, membre de la So- ciety Asiatique, Tours. BODIN, m^decin, Saint-Cyr. BODIN (Aim6), membre du conseil d'arrondissement, Neuvy-Roy. BOILEAU de Castelnau, &, me'decin principal de la maison de detention , Nlmes. BOILLEAU (Louis), conservateur du cabinet archeologique, Tours. BOILLEAU (fits), Tours. BOISSEAU DE BEAULIEU, proprie'taire, Saint-Cyr. BOIS-LE-COMTE (Ernest de), $<, officier supeneur en retraite, Paris. BOIS-LE-COMTE (A.-S. de), membre de laSoci&e* d'Agriculture, Tours. BOISLEVE-DESROYERS (C), &, membre du conseil general, Langeais. BONAMY, directeur des contributions directes, Tours. BONAFOUS (le chevalier Mathieu de), ^, docteur en m^dcine, Turin. BONNEBAULT, proprietaire, membre de la Socie'te' d'Agriculture, Tours. BONNET, docteur en medecine, professeur d'agriculture, Bezancon. BONNEVILLE, notaire honoraire, Tours. BONTE, libraire, Tours. BORDEAUX (Raymond), membre de la Soci^te franchise, Evrenx. 476 GONGREg SCIENTIFIQUE DE FRANGE. BORDES (Frdd^ric), ancien ofticier, Youvray. BORD1ER, propridtaire, Paris. BORGNET (A.), proviseur du college royal, Tours. BOUCHET DESVAUX, proprietaire, Tours. BOUILLET (J.-B.), J§£, membre de plusieurs academies, Clermont-Fer- rand. BOURASSE (I'abbd J.-J.), chanoitie de l'Eglise de Tours, president de la 48 section du Congres scientifique de Tours. BOULANGER, negotiant, Tours. BOULARD (Louis), juge de paix, Richelieu. BOURDILLON (Victor), professeur de rh&orique au college de Privas. BOURDON, C. -^f, ancien intendant railitaire, Tours. BOURDON, pharmacien, Tours. BOURGUET, membre de la Soci^te" d'Agriculture, Tours. BOUBGEOIS, avoud, Tours. BOURMONT (le comte de), proprietaire, Caen. BOUSCAREN, Paris. BOUSEREZ, libraire, Tours. BOUTARD (aind), filateur, Tours. BOUTARD (Charles). BOUTARD (Charles tils), negotiant, Tours, BOUTARD (C), negotiant, Tours. BOUTARD (J.), ne'gociant, Tours. BOUTARD (Theodore), manufacturier, Tarrare. BOYER, professeur emerite, au Mans. BOYER, professeur de rhdtorique, membre de plusieurs socidles savantes, au Man9. BRAME, docteur en mddecine, professeur de chimie, Tours. BREMONT (Joseph-Laurent), econome du college royal, Tours. BRETIGNERES DE COURTEILLES (le vicomte de), ££, directeur dela colonie de Mettray, membre du conseil general, Mettray. BRETON, membre de la Societe d'Agriculture, Tours. BRETON DUBREUIL, membre du conseil general, Loches. BRETONNEAU, $<, docteur en medecine, Tours BRETTE (l'abb£), curede Luynes. BRIAND, lilateur de soie grege, Tours. BRIAU BODIN, geometre de premiere classe du cadastre, Saint-Martin-le- Beau. BRIDIEU (le vicomte de), proprietaire, Esvres. BRIGODE (le comte de), proprietaire, chateau de Menars. BR1ZARD (Ren6-Adolphe), avocat, Tours. BROMETT (William), docteur en mddecine, membre de la Society des An- tiquaires de Londres. QUWZIEME SESSION. 477 BROSSARD, notaire, Fondettes. BRU, proprietaire, Tours. BRUCHET (l'abb6), vicaire-gen£ral, Tours. BRULEY, &, ancien preset, Tours. BRULEY (Georges), Tours. BUCHERON, proprietaire, Tours. BUDAN (Victor), proprietaire, Tours, BUDAN, proprietaire, Amboise. BUDAN (fils), Tours. BURE, proprie'taire, Tours. BUREAUD-RIOFRAY, docteur en medecine, Paris. BUSSIENNE, jardinier en chef du jardin botanique, Tours. BUZONNIERE (de) , correspondant du Comite historique , membre de plusieurs socie^s savantes, president de la 2e section du Congres scientifique de Tours. CAILLAUT, medecin, Tours. CAILLE (I'abbe), cur£dela Trinity, Venddme. CAMPION (A.), secretaire de la Societd d'fimulation, Lisieux. CAMUS (Alphonse), greftier en chef du tribunal civil, Tours. CAMUS, proprie'taire, Tours. CANAUX, proprie'taire, Tours. CANE, proprie'taire, Tours. CARBONNIERES (le baron de), proprie'taire, Sainte-Maure. CARPENTIER, proprie'taire, Paris. CARRE, ^, president du Tribunal, Tours. CARRE, pharmacien, Tours. CARTIER (E.), directeurde laReyue numismatique, Amboise. CART1ER (Etienne) fils, Paris. CASSIN (le baron Alphonse), ancien officier supdrieur, Tours. CASTEL (Alfred), secretaire-general de la Societe academique, Bayeux. CASTILLO (Fernando del), proprietaire, Saint- Symphorien. CATIIELINEAU, artiste peintre, Tours. CATINEAU (Henri), capitaine d'artillerie, au Ripault. CATTOIS, docteur en medecine, Paris. CAULAINCOURT (le comte Anatole de), Lille. CAUMONT (A. de), ^, tlirecteur de 1' Association normande, membre correspondant de l'lnstitut, vice-president-general de la 15* ses- sion du Congres scientifique de France, etc., Caen. CAUV1N (Mme veuve), au Mans. 478 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. CAYX (de), membre du conseil de la Soctetd franchise, Caen. CAZEAUX (L£on), chirurgien-dentiste, Tours. CER£ (le marquis de), $, ancien officier supe'rieur, Tours. CHABREFY (le baron de), proprietaire, Vernou. CHALE1L, proprie'taire, Sonzay. CHAMBERT (Emmanuel), &, notaire, Tours. CHAMBERT (Jules), e'tudiant, Tours. CHAMBERT PEAN, negotiant, Blois. CHAMISSO (le vicomte de), chef de service au chemin de fer, Tours. CHAMPCHEVRIER (le baron de), proprie'taire, Tours. CHAMPCHEVRIER (le baron Ren<* de), Clere\ CHAMPCHEVRIER (le baron Erasme de) . CHAMPOISEAU (Noel), ^, president de la SocielC archeologique, secre"- taire-gendral du Congres, Tours. CHAMPOISEAU (fils), bachelier es-lettre&, Tours. CHANDlilRIS (ain6), ancien avoue\ Tours. CHAPU1S, docteur en m^decine , Sar.mur. CHARCELLAY LAPLACE, docteur en mddecine, professeur de clinique interne a 1'Ecole de M£decine, etc., Tours. CHARLOT (Gr^goire-Alexandre), membre de plusieurs socie^s savantes, Tours. CHARPENTIER, avou£, Tours. CHARPENTIER (J.), negotiant, Tours. CHARPILLET (Charles- Victor), avocat, Tours. CHASTEIGNER (le comte Alexis de), officier des Haras royaux, Bor- deaux. CHATAIGNIER, architecte, membre de la Socidte' archeologique , Am- boise. CHATEAUMORAND (le marquis de), proprie'taire, Tours. CHATEAU-THIERRY (Auguste de), proprie'taire, Tours. CHAUTARD, juge supple'ant au tribunal civil de Vendome. CHAUVEAU (AmCde'e), secretaire de la mairie, Tours. CHAUVEAU (Etienne), vicaire-ge'ne'ral de Sens. CHAUVEAU (Octave), architecte voyer, Tours. CHAUVIN, proprie'taire, Tours. CHAUVINIERE (ie chevalier de la), •££, ancien colonel d'e'tat major, mem- bre du Congres central d'Agriculture, Paris. CHAVANNES DE LA GIRAUDIERE (H.), homme de lettres, Tours. CHAVARTA (I'abbe'), cure' de Cerelles. CHEMALLE, entrepreneur, Tours. CHENEAU DIOT, filateur, La Chartre. CHENOUARD, docteur en medecine, Vouvray. CHESNEAU, membre du conseil gCne'ral, Azay-de-Rideau. QUINZIEME SESSION. 479 CHEVALIER (l'abb£), professeur au petit s^minaire, Tours. CHEVALIER (Casimir), sous-diacre, Tours. CHEVALIER, 6tudiant, Orleans. CHEVRIER, proprielaire, Bourg. CHOISNARD, professeur de math^matiques, Tours. CHRISTIN (Mme la baronue), Tours. CLAREY-MART1NEAU, imprimeur, Tours. CLOUET, Paris. COCHARD COUESEAU, banquier, Blere\ COFFY, professeur d'dconomie commerciale, Paris. COGNARD (Paul), negotiant, Tours. COHEN, bibliothecaire de Sainte-Genevieve, Paris. COHEN (tils), Paris. COIQUAUD fT.), architecte, Tours. COLAS DE LA NOUE (Louis), proprietaire, Joue\ COLOMBIERS (des), president de la Socie'te' d'Agriculture de Bourbon l'Archambault. COMBE (de la), 0. #, ancien colonel d'artillerie, Tours. COMBES (Mme), maitressede pension, Tours. CONTEREAU, negociant, Tours. CONTREMINE, architecte, Tours. COOLS (le baron de), deldgue' de la Martinique, Villedomer. COQUERAY (l'abbe"), professeur au petit seminaire, Tours. CORBLET (l'abbe'), de l'Institut historique, Paris. CORMIER (H.), >&, ingdnieur des ponts-et-chausse'es, Tours. CORMIER (Marie), receveur particulier, Loches. CORMIER, notaire, Rochecorbon. COUESEAU, maire de Blere. COULON, propri&aire/Montlouis. COURCELLES (le marquis Auguste de), Lille. CREMIERE JEUFFRAIN, proprietaire. Tours. CREMIERE (Paul), manufacturier, Tours. CREMIERE, me'decin, Tours. CREMIERE (Louis), negociant, Rochecorbon. CREMIERS (de), proprie'taire, Tours. CROI (le comte de), membre du conseil-g£ne> al, Tours. CROSNIER (l'abbe' Auguste- Joseph), inspecteur des monuments, cure' de Donzy. CROUE (N.), Tours. CROUE (tidouard), Tours. CROUE (Auguste), banquier, Tours. CROZAT, docteur en mMecine, Tours. 480 CONGRgS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. CUSSY (le vicomte de), O. $fc, ancien officier supe>ieur, membre de plu- sieurs society savantes, Saint-Mande\ 19. DAGUIN, professeur de physique au college royal, Tours. DALY (Cesar), directeur de la Revue gene'rale de 1' Architecture et des Travaux publics, Paris. DANNER, chef de division a la prefecture, Tours. DARDENNE, pharmacien, Tours. DASTOUIN, &, inspectenr du chemin de fer de Bordeaux, Tours. DASTRE-MAURAT, negotiant, Tours. DEGHELDRE, Tours. DELACQU1S, homme de lettres, Tours. DELAFONT, professeur a l'Ccole d'Alfort. DELAGRANGE, fabricant, Tours. DELAHAYE, membre du conseil-ge'ne'ral, Montre'sor. DELAIR (Mme), Tours. DELALANDE, professeur d'histoire naturelle au petit seminaire, Tours. DELAROCHE PELISSIER, fabricaut, maire de Meslay. DELAUNAY (pere), conservateur du Musee d'JIistoire naturelle, Tours. DELAUNAY (fils), manufacturer, Tours. DELAVAL (I'abbe"), vicaire de Saint-Saturnin, Tours. DELAVEAU (Eugene), professeur de mathe'matiques, Niort. DELECOURT, proprietaire, Paris. DEL1BESSART, proprietaire, Tours. DELIGNY, architecte de la ville de Chinon. DEMETZ, #, directeur de la colonie de Mettray. DEMEZIL (Ernest), avouC, Tours. DENIS, &, membre de plusieurs societes savantes, Commercy. DEROUET, 0. #, chef de bataillon du genie, membre de la SociCtC d'A- griculture, Tours. DEROUET (J.), substitut du procureur du roi, Tours. DEROUET PICAULT, #, membre honoraire de la Societe" d'Agriculture, Tours. DER0U1NEAU ,peintre, Angers. DESBORDEAUX, membre de la SociCte dAgriculture de Caen/ DESBREUX (Mme), proprietaire, Tours. DESCHAMPS, negotiant, Paris. DESCOTTES, ingenieur des mines, Tours. DESFRANCS, vice-president du tribunal, Tours. DESMARS, proprietaire, Rochecorbon. quinziAmb session. 48t DESMARAIS(F.), negotiant de Rio-Janeiro, Paris. DESMIRAILS, ^, ancien procureur-g6n£ral , directeur de l'assurance la Ligerienne. DESMOULINS (Louis), officier de sante", Tours. DESTABENRATtLO. &, chef d'escadron d'&at-major, Tours. DESTRICHE (Ailolphe), receveur des domaines, au Lude. DEVOUCOUX (l'abb6), chanoine de la cathedrale d'Autun. DEZ1LLEAUX (Jacques), greffier de la justice de paix, Tours. DIARD, #, avocat-gene>al, membre du conseil -general, Orleans. D1DRON, •&, secretaire du Comite" historique des Arts et Monuments, Paris. DONNAY, receveur des domaines, "Villiers-Saint-Georges. DONNEY, entreposeur destabacs, Tours. DONON, ^, capitaine-commandant le de'pot de recrutement, Tour?. DORION (i'abb£), cure de Rivareunes. DOUBLET DE BOISTHIBAULT, batonnier de l'ordre des avocats, Chartres. DOURZE, architects, Vendome. DREUX, notaire honoraiie, Tours. DREUX, premier clerc d'avoue-, Tours. DROUET (Charles), membre du conseil-general, au Mans. DUBOIS, »&, sous-intendant militaire, Tours. DUBOIS, libraire, Tours. DUBOY, notaire, Saint-Avertin. DUBOY, chef de bureau a la mairie, Tours. DUBREUIL, secretaire correspondant de la Societe centrale d'Agriculture, Rouen. DUCAS (Charles), membre de plusieurs socie'te's savantes, Paris. DUCHALLAIS, attache- a la Bibliotheque royale, medailles et antiquites, Paris. DUCHEMIN, propri&aire, Tours. DUCHEM1N, proprie"taire, Tours. DUCLOS, docteur en me"decine, Tours. DUCOMET, proprie'taire, Tours. DUCOUDRAY, proprietaire, Tours. DUDOT (J. -IN.), ingenieur civil, Londres. DUFAUR DE MONFORT, >&, directeur des contrib. indirectes, Marseille. DUFETRE (monseigneur Dominique- Augustin), #, eveque de Nevers. DUFEUX (Constant), architecte du Gouvernement, Paris; DUFFOUR, inspecteur des e"coles, Tours. DUFOUR, avoue", administrateur du Musee, Amiens. DUMAS (Emilien), membre de plusieurs societes savantes, Sommiere. DUPIN (Gustave), procureur du roi, Chinon. DUPLESSIS (G.), president de la Socie'te' des Sciences et Lettres de Blois. 482 CONGRES SCIENT1FIQUE DE FRANCE. DUPORTAL (Victor), ^, chef d'escadron d'etat major; Tours. DUPRI2 (Alexandre), bibliothicaire- adjoint, dengue" de la Socie'te litte'raire de Blois. DUPUY DE PARNAY, proprie'taire, Tours. DUPUY, proprie'taire, Sepmes. DURAND DEGUELLE, fabricant, Tours. DURAND (Leon), negotiant, Tours. DUVAL (N.), agent de change, Tours. DUVIGNEAUX, notaire, Tours. 12. £GRET , docteur en me^decine, Blois. ERNOTJLT (Charles), repr&entant de l'Academie de Reims, Angers. ESPAULART (Adolphe d'), proprie'taire au Mans. F. FALLOUX (le vicomte de), depute de Maine-et-Loire, de^gud de la So- cie'te' d' Agriculture, Sciences et Arts d' Angers, Segre\ FALLOUX (le baron de), $J, Langeais. FEBVOTTE, O. #, ancienmaire, Tours. FELLOWES, proprie'taire, Tours. FERRAND, artiste, Tours. FERTE-SENECTERE (le marquis de la), Tours. FEUILLET (Joseph), juge de paix, Lyon. FEY (Eugene), fabricant, Toursr. FLANDRIN, $, commandant en retraite, Paris. FLAVIGNY (le vicomte de), O. #, pair de France, Tours. # FILLION, negotiant, Tours. FLEURY (LE CARON DE), conseillerde prefecture, Tours. FONTAINE (de la) pere, Azay-sur-Cher. FONTAINE (de la) fils, Azay-sur-Cher. FONTAINE LESOURD, ne'gociant, Tours. FONTAINE (Fre'de'ric), ne'gociant, Tours. FONTENAILLES (le chevalier de), %£, maire de Louestaut. FONTENELLE fils, ne'gociant, Tours. FORCEVILLE,jchefdumouvement general de l'embarcadere, Tours. FOREST, ancien notaire, Tours. FOREST (Jules), president de la Society Philarmonique, Tours. FORESTA (J. de), docteur en m^decine, Nice maritime. quinzieme session. 483 FORETDE BONSENS, proprielaire, Tours. FOSSIER (Henri), Tours. FOUCAULT (le vicomte de), C; #, colonel retraite", Sainte-Maure. FOUCAULT (le vicomte de), capitaine d'etat major, Tours. FOUCHER, receveur principal des contributions indirectes, Tours. FOURNIGAULT (I'abbe), cure" de Chambray. FOURRIER, #, ingenieur en chef des ponts-et-ehaussees, Angers. FRANVILLE (Robert), correspondant des comitCs historiques, maire de Monfort 1'Amaury. FRENAYE (le baron de la), president de la Soctete" academique, Falaise. FREY, negotiant, Tours FRIES, Paris et Joue". FROGER MTREAU, banquier, Tours. FROMENTIN, Tours. U. GAIGNARD, proprietaire, Tours. GALAIS (C), dessinateur, membre de la SociCte archeologique, Tours. GALITZIN (le prince), Chenonceaux. GALPIN THIOU, proprietaire, Tours. GARDIN, pharmacien, Tours. GARNIER (A.), banquier, Tours. GARN1ER, officier, Tours. GARNIER, conservateur de la Bibliotheque, secretaire perp&uel de la So- ciety des Antiquaires de Picardie, Amiens. GATIAN de Cle"rambault, juge au tribunal civil, Tours. GATIAN de Cle>ambault, proprietaire, Pernay. GATIAN dd Clerambault, eleve de l'Ecole militaire de la Fleche, Pernay. GAULIER, C. >jfc, colonel d'etat major, Tonrs. GAYARD, g^ometre en chef du cadastre, Tours. GENDRON, docteur en medecine, menbre de l'Academie royale de Me"de- cine, CMteaurenault. GENDRON, medecin, Chateau-du-Loir. GENEST (C), professeur au petit seminaire, Tours. GENTY, vicaire-gCne'ral, Tours. GENTY, proprietaire, Tours. GERY, &, procureur du roi, Tours. GILLET (Jean- Jacques) alne", Tours. GILLET (Charles), >&, chef d'escadron de gendarmerie, Tours. GILLIER, negociant, Tours. GIRARD (Eugene), avoue, Tours. 484 coNonis scientifiqum be France* GIRAUDEAll (titienne), ancien maire, Tours. GIRAUDET, docteur en medecine, Tours. GIVELET (Charles), proprietaire, Rheims. GLASSIER (\T.), juge au tribunal de commerce, Tours. GLASSIER (Charles), eleve de rhetorique au college royal, Tours. GODARD, Tours. GODARD, clerc de notaire, Tours. GODARD-FAULTRIER, directeur du Musee d'antiquite's, Angers. GODEFROY (Gustave), proprietaire, Tours. GOMIiI, #, ancien officier superieur, Tours. GONTIER Saint-Martin (de), inspecteur dn chemin de fer, Tours. GOSMER, inspecteur des enfants trouves a l'hospice, Tours. GOSSELIN ARCHAMBAULT, Tours. GOUIN (Alexandre), #, depute- d'Indre-et-Loire, Tours. GOUIN (Henri), president houoraire de la Socie'tC archeologique, Tours. GOUIN (C). Tours. GOUIN (Henri-Ch.), membre de la Soeiete archeologique, Tours. GOUIN (Frederic), substitut du procureur du roi pres le tribunal de pre- miere instance de la Seine, Paris. GOUIN (Albert), juge au tribunal civil, Tours. GOUIN (Eugene), banquier, Tours. GOURJAULT (de), proprietaire, Saint-Ouen. GOURGUE (le vicomte Alexis de), proprietaire, Lalinde. GOURNERIE (de la), homme de lettres, Nantes. GOUSSE, membre du conseil general, Neuvy-roy. GOUTINE (Mme la), proprietaire, Savonnieres. GRASLIN (Adolphe de), Chateau-du-Loir. GRASSE (le comte de), Beauvais. GRIGNON, proprietaire, Angers. GRILLE T, payeur, Tours. GROISIL (H.), pharmacien, Tours. GROUSSIN (L.), docteur en medecine, Neuilie-Pont-Pierre. GUDIN (le comte), O. #, marechal de camp, commendant le|departemenl, Tours. GUERIN D'OGONNIERE, proprietaire, Blois. GUERIN (Gustave), architecte, Tours. GUERIN (E.), agree, Tours. GUERINET (I'abbe), aumonier du college royal, Tours. GUERRY, ^, membre correspondant de lTnstitut, et de la Soeiete de mathematiques de Londres, Tours. GUIERCHE, proprietaire, Tours. GUIONNIERE, avocat, adjoint au maire de Tours. GUIZOL (Leon), etudiant en droit, Tours. QDJMZlta SESSION. 483 GUYOT, >Jfc, ancien capitaine au corps royal d'aiUlleric, Tours. If, HACHET, huissier, Tours. HAIME (Auguste), docteur en medecine, professeura l'&ole de medecine et medecin des prisons, Tours. HAINGUERLOT, membre du conseil general, Villandry. HAMEL (le comte Henri du), proprietaire, Noizay. HARDY, president du conseil des prud'hommes. Tours. HARTMANN, docteur en m&lecine, Tours. IIAUJBOIS, juge de paix, Tours. HAUTEVILLE (le marquis d'), propridtaiu, Tours. HAUTEVILLE (le comte Albert d1), Tours. HAUTOME, proviseur du college royal, Tours. HAUVEL, percepteur, Semblancay. IIAUY, ^, ex-inspecteur du corps royal des ponts-et-chaussdes de Russie, membre correspondant de l'Academie des Sciences de Saint-Pc- tersbourg, Aix. 1IEDDE (Isidore), $£, dClegue pour I'industrie des soies et soiries dans la mission en Chine, Paris. HEDDE (Antoine), proprietaire, Paris. HEDLEY pere, Saint-Cyr. HEDLEY (VI me), Saint-Cyr. HEDLEY fits, Saint-Cyr. HEINE, ingenieur du chemin de fer, Tours. HERITIER (1'), architecte, Poitiers. HERPIN (D.), membre de plusieurs societe's savantes, Vatan. HERPIN (Felix) pere, docteur en medecine, Tours. HERPFN fils, docteur en medecine, Tours. HERP1N, receveur de l'hospice gendral, Tours. HERPIN (Auguste), docteur en medecine, Veretz. HEUDE L'fiPINE, membre de plusieurs socieles savantes, Montfort. HIRVOIX (Alphonse), fermicr de l'octroi, Tours. H1RVOIX (Louis), proprietaire, Tours. HODNET (Mme veuve), Saint-Averliu. HOFRATH-BERTHOLD, professeur a I'Universite de Goettingue. HOLLIS, capitaine anglais, Saint-Cyr. HOMO, proprietaire, Tours. HOTESSIER (Ph.-Saint-Cyr) , membre de la Sociele* archeologique de Marie-Galante, Saint-Antoine. HOUDIA D'HOME, negotiant, Tours. 51 486 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. HOUSSARD pere, membre de la Societe d'Agriculture, Tours. HOUSSARD fils, proprietaire, Tours. HUBERT, docteur en raedecine, Tours. HUE BILLARD, proprietaire, Tours. HUGUENET (Isidore), ingenieur civil, Paris. HULIN PELGE, proprietaire, Tours. HUL1N ORIGET, docteur en medecine, Tours. HUNAULT de la Pelleterie, docteur en medecine, Angers. HUOT (Paul), avocat, membre de plusieurs societes savantes, Versailles. HURE (I'abbe), Tours. I. IZARN (Armand d'), avocat, membre dela Societe franchise, Nantes. •I. JACQUEMIN (Maxime), $<, lieutenant colonel a l'ecole de Saumur. JACQUEMIN BELLISLE, #, proprietaire, Tours. JACQUEMIN (Charles), architecte, Tours. JAGU, ex-pharmacien, Tours. JAHAN de Lestang, proprietaire, Orbigny. JAHAN (Charles), proprietaire, Tours. JAMES, docteur, directeur de la Societe nationale de Vaccine, Paris. JANIN (F.), C. #, marechal de camp, membre de plusieurs societes sa- vantes, Tours. JANVIER (I'abbe), professeur au petit seminaire, Tours. JAUZAND (Mnie), Tours. JAUTRON (Henri), proprietaire, Tours. JEGOU (Edouard), controleur des contributions directes, Tours. JEUFFRAIN (Alexis), maire de Saint-Cyr. JEUFFRAIN (Alexis) his, Tours. JEUFFRAIN DELAVAULT, membre de la Societe archeologique, Tours. JOLY-LETERME, architecte, membre de plusieurs societes savantes, Saumur. JOUYE (Auguste), agent- voyer, attache au service des plans de Paris. JUGE-BOUTTIER, proprietaire, Tours. JULLIEN de Paris (Antoine), »&, ancien intendant militaire, membre de plusieurs societes savantes, Paris. K. KLEITZ, #, ingemeur des pouts-et-chaussees, Tours. QUINZIEME SESSION. 487 I*. LAAGE de Meux (de) membre de la Societe royale des Sciences Arts et Belles-Lettres d'Orieans. LAAGE (Alfred de), Orleans. LABROSSE, architecte, Tours. LACUR1E (I'abbe), chanoine, membre de la Societe franchise, secretaire de la Societe' archeologique de Saintes. LADEVEZE, journaliste, secretaire de la Society archeologique, Tours. LAFONT (Mile), Saumur. LAGRANGE (J. de), maire de Joue\ LAGRANGE (le comte de), attache a l'ambassade de Londres. LAIR (P.-A.), secretaire de la Societe d'Agriculture de Caen. LALANDE (A.), C. #, marechal de camp, Tours. LALLEMAND d'Aiguillou, proprietaire, Tours. LALLIER, vice-president de la Societe archeologique de Sens. LAMBRON de Lignim (Henri), capitaine de cavalerie, secretaire-general du Congres. LANGE-CROUE, colonel de la garde nationale, Tours. LANGE-BLOT, proprietaire, Tours. LANGE, bijoutier, Saumur. LANGE JOUBERT, proprietaire, Tours. LANGLAIS, pharmacien, Tours. LAPERSONNE, caissier du payeur, Tours. LAPORTE (le marquis de), membre de plusieurs societes savantes, Veu- dome. LAPPARENT (le comte de), O. &, ancien prefet, Tours. LARTHE, professeur au college royal, Tours. LASICOTIERE (L. de), avocat, ancien directeur de la Societe des Anti- quaires de Normandie, Alencon. LATOUR (de), membre du conseil general, Couesmes. LAULY, -§£, notaire, Tours. LAUNAY (Gervais), correspondant du ministere de Instruction publique pour les travaux historiques. Vendome. LAURENCE, membre du conseil general, Richelieu. LAURENT (Alfred), proprietaire, Tours. LAURENT aine, proprietaire, Tours. LAUVERJAT (de), proprietaire, Tours. LAV ALETTE (de), membre du conseil d'arrondissement, maire de Neuilie- Pont-Pierre. LAVILLE LE ROUX (Laurent de), $S, proprietaire, Veigne. 488 CONGAS SCIENTIEIQtJE DE FRANCE. LAVOLLtiE (Mile), Tours. LEBEAU, marin, Finistere, LEBLOIX, avocat, Poitiers. LEBRETON DE VONNE, membre de la Societe d'Agricullure, Tours. LEBRETON DE VONNE (Hippolyte) fils, proprietaire, Tours. LECESNE pere, proprietaire, Ch&teaudun. LECESNE, imprimeur, Tours. LECHERBONNJER, avocat, Tours. LECLERC (Frederic), docteur, medecin en chef de l'hdpital general, pro- fesseur a l'dcole de medecine, Tours. LECLERQ DE LA PRAIRIE, pr6sident.de la SociCte" historique et archeo- logique de Soissons. LECOINTRE-DUPONT, proprietaire, Poitiers. LECOINTRE (Eugene), secretaire de la Societe desAntiquairesdel'Ouest, Poitiers. LECOINTRE, etudiant en droit, Poitiers. LECOINTRE (Mme), Poitiers, LECOINTRE, Poitiers. LECOMTE (Eugene), licencie en droit, employe a la prefecture, Tours. LECOUTEUX (Edouard), directeur de la colonie de Mettray. LEDUC (Jacques), docteur en theologie, professeur d'ecritnre saiute au grand seminaire, Tours. LEHNERTS (I'abbe), principal du college de Charleville. LEHOUX (Leon), negociant, Tours. LEHOUX aine, negociant, Tours. LEMARIF,, etudiant en medecine, Tours. LEMOINE, pharmacien, Tours. LEONARD RIOTTOT, negociant, Tours. LEPETIT, professeur suppieant a la faculte de droit de Poitiers. LEROUX DE LINCY, pensionnaire de l'Ecole cles Chartcs, Pari*. LEROY (Onesine), homme de lettres, Valenciennes. LESCUYER, chirurgieu, Tours. LESPINAY (le baron de), C. ^", marechal de camp en retraile , Rouge- mont. LESOUFFLEUR DE GAUDRU (F.), #, aucien officier de cavalerie, Ciere. LESOURD-LETURGEON, negociant, Tours. LESSON, membre de l'institut de la marine, Rochefort. LESU1RE, negociant, Tours. LETURGEON fils, negociant, Tours. LEURET (P.), ^fc, medecin en chef de l'hopital de Bicetre, Paris. LIEBERT (le baron), maire d'Azay-sur-Cher. LINOIS (de), 0. >ftj, lieutenant-colonel en retraite, Tours. LOBIN, peintre d'histoire, Tours. quinzieme session. 489 LOCHET (l'abbe' J.-L.-A.), membre de la Sotitete' des Sciences et Arts de la Sarthe, aii Mans. LONJON (de), docteur en medecine, Tours. LONJON (Albert de), secretaire particulier du preset, Tours. LORIN DE LA CROIX, Tours. LORIQUET (Charles), chef ^institution, Reims. LOURDONEIX, proprietaire, Paris. LOYAU-CANNTJT, propri&aire, Tours. LOYAUTE, rentier, Tours. LU€AS fils, proprietaire, Tours. LUCE DE TRliMON, proprie'taire, Tours. LUTTEICHAU, Saxe. LUZARCHE-PLANCHET, proprie'taire, Tours. LUZARCHE (Victor), maire de la ville dc Tours, 3?I. MABILLE-DUCHENE, proprie'taire, Bauge\ MADENIS, membre de la Soci£t6 Lineenne de Lyon. MAGAUD-VIOT, n£gociant, Tours. M AGISTER, professeur d'histoire au college de Troyes. MAHIET COUESEAU (Mme), B16re\ MAHOUDEAU, notaire, Tours. MAISONNEUVE (de), proprie'taire, Tours. MALHERBE, proprie'taire, Metz. MALMOUCHE (Louis-Thomas), vicaire-ge^ral, supe>ieur du grand sdmi- naire, Tours. MAME (Jules-Auguste), docteur en medecine, ddlegue' de la Socidte' me'di- cale de Maine-et-Loire, Savonnieres. MAME (Ernest), president de la chambre de commerce, Tours. MANCEAU (l'abbe'), chanoine, inspecteur des monuments historiquea Tours. MANCEL (G.), vice-secre'taire de la Socie'te' d'Agriculture, Caen. MANEVIL, directeur de I'enregistrement, Tours. MANOTHA (Philippe), professeur de math^matiques au college dePrivas, MARCHAND, ing&iieur des ponts-et-chaussees, Tours. MARCIIAND BAIGNOUX (Mme), Tours. MARCHAND (Jean), secretaire-adjoint de la Socie'te' d'Agriculture, Tours MARCHEGAY, archiviste du departement de Maine-et-Loire, Angers. MARESCHAL, officier de l'Universite, Vend6me. MARGUERON, directeur et fondateur du jardin botauique, Tours. MARIAU (Martin), architects, Tours. 490 CONGRES SCIENTIF1QUE DE FRANCE. MAROLLES (!e comte de), proprietaire, Tours. MARSCHALL (Thomas William), Tours. MARSEUL(le comte de), &, membre de la Societe d'Agriculture de Tours, Genilie. MARTIN, fabricant d'etoffes de soie, Tours. MARTINET, officier en retraite, Tours. MARY-DHOMti, negotiant, Tours. MASSON, notaire, Tours. MASSON, juge de paix, Tours. MASSON (Joseph), vicaire, secretaire de la Societe des Sciences et Lettres de Dieuze. MASSON (t'abbe), Dieuze. MATHAN (le baron de), capitaine au i«» lanciers, Tours. MATTY DE LATOUR (de), ingdnieur en chef de la Loire, Angers. MAUDUIT (Charles), supeneur du petit seminaire, Tours. MAURAT-PITAY, negotiant, Tours. MAURICE DUPLESSIS, proprietaire, Tours. MAURICE, ^, ingenieur en chef des ponts-et-chaussees, Tours. MEAUZti (tidouard), fabricant, Tours. MEFFRE, $t, architecte, Tours; MEIGNAN, proprietaire, Vernou. MELLET (le comte de), membre de l'Academie de la religion catholique de Rome et de plusieurs societes savantes, Mont-Mort. MENARD (Hippolyte), professeur au petit seminaire, Tours. MENJOT (de), membre du conseil d'arrondissement, maire de Cangey. MENOU (le marquis de), proprietaire, Preuilly. MtfRODE (le comte Feiix de), *)£, membre de la Societe Francaise pour la conservation das monuments, Treton. MERRUAU (Mme), proprietaire, Tours. MICHAUD, J§£, sous-intendant militaire, Tours. MICHEL VALINE (Louis), architecte, Tours. MILLET (Angnste), docteur en medecine, Tours. MILLIERE (I'abbe), deiegue par la Societe des Sciences et Arts du depar- tement de 1'Oise, Beauvais. MIRAULT, docteur en medecine, deiegue par la Societe medicale de Maine-et- Loire, Angers. MITON, bibliotecaire de la ville de Tours. MOINE, proprietaire, Menars. MOISANT (Charles), proprietaire, Tours. MOISANT (Pedre), Tours. MOISANT (Louis), Tours. MONIN, docteur en medecine, naturaliste, Blois. MORAND (Louis), docteur, medecin de la eolonie de Mettray. quwzieme session. 491 MORANDIERE, ^£, ing&rieur des ponts et chausse^s, Tours. MOREAU, negociant, Tours. MOREAU, capitaine au ler landers, Tours. MORET, maltre de pension, sous-inspecteur des £coles, Tours. MORIERE, professeur au college royal de Caen. MORIN. membre du conseil d'arrondissement, Villedomer. MORIN, proprietaire, Saumur. MORLOT (Mgr. Nicolas-Francois), <%, archeveque de Tours. MORTERON (Mme), proprietaire, Paris. MORY (le comte de), proprietaire, Tours. MOULINS (Charles des), president de la Society Lineenne de Bordeaux. MOULNIER, juge Tours. IV. NANCY (A.), architecte, Tours. NAU DE NOIZAY fils, proprietaire, Tours. NAU, proprie'taire, Neuille. NAVARRE, banquier, Tours. NERBONNEAU, ^, docteur en m^deeme, Tours. NEWKERQUE (le comte de), membre de plusieurs society savantes. NICOLLE, proprie'taire, Tours. NIVET SAINT-MARTIN, Tours. NOBILLEAU, proprietaire, adjoint au maire de Tours. NONANT (le comte de), proprie'taire, Sarthe. NONNEVILLE (levicomte de), membre de la Socie'te' d'Agriculture, Tours. NOIRCOURT (de), proprie'taire, Tours. NORIET, proprie'taire, membre de la Society des Arts, Tours. NORMAND, avouC, Tours. NOYELLE (de), ^, lieutenant-colonel en retraite, Tours. O. OBRY aine*, la Rochette (Savoie). ODART (le comte), membre de plusieurs socie'te's d'agriculture, Esvres. OLIVIER, Tours. OPPERMANN, capitaine au ler landers, Tours. ORNANO (le comte d'), G. O. ^, lieutenant e'ral, Tours. ORNANO (le comte Rodolphe d'), membre de plusieurs socie'te's savantes, Tours. OR YE (£douard), avocat, Bourgueil. 492 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. OTT, architecte, Tours. OUTREMONT (le comte d'), C. ^f, marshal de camp, vice-president de la Socie'te d'Agriculture, Tours. OVERMAN, Tours. P. PAMBOUR (le comte G. de), *, Luynes. PANETOJA (de), magistrat et jurisconsulte espagnol, Paris. PAPION DU CHATEAU (Louis), proprietaire, Pintray. PARIS (Auguste), proprie'taire, Tours. PARTOUNEAUX (le comte de), C. $£, colonel au ler regiment de landers, Tours. PARTOUNEAUX (de), Tours. PASQUIER, proprietaire, Tours. PASQUIER, sdminariste, Tours. PATAULT, entrepreneur, Tours. PAULMIER, directeur des contributions directes en retraite, Tours. PAULET DU ROZIER (Jules), membre de plusieurs academies, bibliotd- caire de la ville de Beaune. PAVY (Emile), proprietaire, Tours. PAYSANT, proprie'taire, Tours. Pl^AN (Alonzo), homme de lettres, membre de plusieurs socidtds savanfes, Saint-Agnan. PEAN (Jules), negotiant, Tours. P^CARD (Adolphe), proprie'taire, Tours. PECARD (Eugene), proprietaire, Tours. PEUOUL, conservateur des hypotheques, Tours. PELISSOT-CROUE, banquier, Tours. PELTEREAU (Placide), ^", ancien membre du conseil gendral , Chateau- renaud. PELTEREAU (Auguste), negotiant, Chateaurenaud. PERCEVAL (de), C. $fc, ancien depute, Amboise. PERDEREAU BOURNIER, leinturier, Tours. PER1ER, doclcur en mCdecine, membre de la Socidte Lineenne de Nor- mardie. PERNOT (Francois), *fet artiste peintre, membre de plusieurs sooidtds sa- vantcs, Paris. PERSON (de), propridtaire, Amboise. PERTHUIS (de), Tours. PESSON (Alpbonse), ^£, membre du conseil general, maire de Chateau- renaud. quinzieme session. 493 PETEL CHARTIER , membre de la SociCte* royale de Saint-Quentin, Newl^-Saint-Front. P&TELARD, medecin-v&ennaire, Tours. PETIT-LETURGEON, proprietaire, Tours. PETIT LAFITTE (Auguste), professeur a la chaire d'agriculure de Bor- deaux. PETIT, officier au ler landers, Tours. PETIT DE VAUZELLES (Mme), proprietaire, Tours. PETIT-MERCIEUL (Mme), Tours. PETIT, Chanceaux. PETIGNY (de), membre correspondant de l'lnstitut, Blois. PHELLION aine, membre du tribunal de commerce, Tours. PHILIPPE, me'decin principal de l'arm£e d'Afrique, Tours. PICARD, avouC, Venddme. PIGEON LE CLERC, negotiant, Tours. PILLET, negotiant, Tours. PILLET (Ed.), pharmacien, Tours. PILLET MEAUZE, negotiant, Tours. PILLET, cbef de division a la prefecture, Tours. PILLET (Fre'de'ric) ills, negotiant, Tours. PILOU, proprietaire, Tours. PIMBERT, buissier, Tours. PINAULT, architecte honoraire, membre de la Socie'te' des Architected , Blois. PITAY, proprietaire, Tours. PIZID-PETIT, conducteur des ponts-et-cbausse'es, Tours. PLAILLY (rabbe"), cure", Tours. PLESS1X, avocat, agr£e\ Tours. PLESSIX pere, proprietaire, Tours. PLESSIX his, buissier, Tours. POITEYIN ROZE, negotiant, Tours. POLINIERE (de) officier au ler lanciers, Tours. POLTY, negotiant, Tours. POMBIRAY, proprie'taire a la Guadeloupe, Tours. POMMIER, Jgs, ancien chirurgien major des armies, Tours. PONCEAU (Th.), docteur en me'decine, Angers. POQUET (I'abbe), membre de la Socie'te Francaise, directeur de l'instilu- tion des sourds-muets, Saint-Mddard pres Soissons. PORCHER, ^, proprietaire, officier retraitd, Saint-Cyr. PORCHER (L.) aine, horticulteur, entomologiste, Tours. POTENTI (Joseph), docteur 6s sciences physiques et mathe'matiques , Pis- toja (Toscane). POTET (L.-A.), directeur du Penitencier, Tours. 494 CONGAES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. POULLE (l'ablxS J.), professeur au petit seminaire, Tours. POUPLISE, president de la Soci&e' des Pharmaciens, au Mans. PRAILLES (Chabert de), %£, maire de Nou&tre. PROVOST, directeur des messageries generates, Tours. PRIESTLEY, repetiteur de me'canique a 1'deole centrale de Paris. PRIEUR (Auguste), negotiant, Tours. PROFF fils, artiste, Tours. PROUX, propridtaire, directeur de la caserne de passage, Tours. PRUDHOMME, proprie'taire, Tours. PUYS&GUR (Mmela comtesse de), proprie'taire, Tours. QUESNOT (Hugues) fils, proprie'taire, Tours. QUINEMONT (le marquis de), &, membre du conseil general, Tours IB. RABION (l'abbe), cure' d'Amboise. RAMBAUD, lieutenant au ler landers, Tours. RAVEREAU, ancien chef constitution, professeur, Tours. RAVEROT, conservateur du musee, Tours. RAVOT, secretaire en chef des contributions directes, Paris. RAY (B.-D.), chef de bureau, Tours. RAY-BOUTARD, propridtaire, Tours. RAY-BOUT ARD fils, Tours. RAYMOND, chef de bureau, Tours. R£MY, artiste, Tours. RENAUD CHenri), chanoine honoraire , directeur du grand se'minaire, Tours. RENAULT, me'decin, maire de Montbazon. RENAULT, membre de la Soci&e" Normande , inspecteur divisionnaire , Coutances. RESSY (de) proprietaire, Tours. REVEL, professeur de mathe'matiques au petit se'minaire de Bergerac. RIBELLERIE (de la), bachelier es-lettres, eludiant en droit, Tours. RIBELLERIE (de la), Cleve de l'Ecole poly technique, Tours. RICHARD, docteur en droit, avoud, Tours. RICHARD (l'abb£), Tours. RICHELET, membre de plusieurs socie'te's savantes, vice-pre'sident-ge'ne'ral du Congres de Tours, au Mans, quinziAme session. 495 RICHEMONT (le baron Paul de), directeur du chemin de fer, Tours. RICHEMONT (Mme le comtesse de), Cange\ RIDEAU, seminariste, Savonnieres. RIQUIER (Alde'e), propri&aire, Saint-Cyr, ROBIN, notaire, Tours. ROBIN, avocat, Tours. ROBIN (l'abbd), cure" de Rochecorbou. ROCHE- AYMON (le comte de la), C . , raembre du conseil general, Tours. ROCHE-BOUSSEAU (le comte de la). ROCHEMORE (le comte de), &, membre du conseil d'arrondissement , maire de Marcilly-sur-Maulne. ROLLAND (Lowis), inge"nieur civil, directeur des mines de Layon-et-Loire, Chalonnes-sur-Loire. ROLLAND (tileuthere), banquier, Tours. ROLLAND (TruSophile), banquier, Tours. ROLLAND, maltre de poste, Montbazon. ROMAND (de), #, ancien payeur, Tours. ROMIEU (Francois- Auguste), O. $, preTet d'Indre-et-Loire, Tours. ROMIEU fils, bachelier es-lettres, Tours. RONCIERELE NOURY (le baron de la), lieutenant de vaisseau, Azay-sur- Cher. ROQUEFEIHL (le comte de), #, chef d'escadron en retraite, Tours. ROSEMBERG, artiste, Tours. ROSSET, negotiant, Paris. ROUILLE-COURBE, negotiant, Tours. ROULLEAU, agent de change, Tours, ROUSTAIN, professeur a la Faculty de Droit, Paris. ROUSSEAU, membre de la Soci&e" industrielle d' Angers, les Roziers. ROUSSET, employe" a la prefecture, Tours. ROUX (Pierre-Martin), docteur m&lecin, membre de la Socie'te' de M£de- cine, de la Societe" de Statistique de Marseille, et de plusieurs socieH^s savantes , vice-pr£sident-g6ndral du Congres de Tours, Marseille. ROUX (le), membre du conseil d'arrondissement, maire de Noizay. ROUX, propri&aire, Tours. ROUX GODEFROI (le), propri&aire, Chateau-la-Valliere. ROUXEL, O. &, ancien officier en retraite, Paris. ROZE LE ROUX, propri&aire, Tours. ROZE (Raymond), *£, negotiant, Tours. ROZE (Raymond) fils, negotiant, Tours. ROZE (Paul), negociant, Tours. RUET (Edmond), propri&aire, Ballan. RUFFIN, iospecteur des domaines, Tours. 496 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. RUMBOLDT (Mile Harriet), Saint-Cyr. RUMBOLDT (Mile Elisabeth), Saint-Cyr. 8, SAGEY, ingenieur des mines, Tours. SAIN (Charles de), conseiller de prefecture. SAINT-AGNAN BOUCHE, architecte, Paris. SAINT-DENIS (le marquis de), $, ancien chef de bataillon, Tours. SAINT-HERANT (Jules), avoue", Tours. SAINT-MARSAULT (le comte Edmond de), proprietaire, La Rochelle. SAINT-MARTIN (de), proprietaire, Tours. SALMON ills, membre de plusieurs societe's savantes, Tours. SALLEN (B. de), membre de la Societe Francaise, Pierrepont. SALUSSE, pharmacien laureat, Chambe'ry. SAMUELSON, mecanicien anglais, Tours. SARCE (de), proprietaire, Tours. SARGET (le baron), propritaire, Bordeaux. SASSENAY (le comte de), inspecteur du chemin de fer, Tours. SAUSSAYE (J.-F. de la), &, membre de ITnstitut de France et du conseil general de Loir-et-Cher, Paris. SAUTEREAU, maire de Chaives. SAUVAGE (le), docteur en mCdecine, membre de la Socie'te Lindenne de Normandie, Caen. SAUVALLE, Notaire, Tours. SCHILLINGS (Albert), chef du mouvement general du chemin de fer de Bordeaux, Tours. SCHNELER (le chevalier Gustave), professeur de mineralogie a l'Univer- 6116", conseiller des mines, directeur du mus^e archdologique, Yena. SEBLE (le),# , proprietaire, Ballan. SEILLER (Charles), avocat, Tours. SENSIER. notaire, Tours. SEVEZ, membre dela Socie'te d'Histoire Naturelle de Savoie, Chambe'ry. SIRODOT, architecte, Paris. SLADE (de), proprietaire, Saint-Antoine-du-Rocher. SOLOMAN, docteur de droit, avouC, Tours. SONNET- QUANTIN, negotiant, Tours. SOR1N, professeur au petit sdmitiaire, Tours. SOULTRAIT (George de), correspondant du comite" des arts et monuments, inspecteur de la Societe Francaise pour l'AUier, Paris. SOURD DELISLE (le), membre de la Socie'te' lndustrielle, Angers. QUINZI&ME SESSION* 497 SOURDEVAL (Charles de), membre de plusieurs socieUs savantes, secre- taire-general du Congres, Tours. SOUTIF, membre du conseil gdneral, Bourgueil. STENGEL, »#, chef de bataillon en retraite, Paris. SUTIL, juge destruction, Tours. SZYMANOWSKY, ex-lieutenant, Tours. ». TAILLANDIER. proprietaire, Tours. TAILLIAR (Eugene), &, conseiller Ma cour royale, Douai. TAILLE (Frederic de la) proprietaire, Tours. TALIBON (Louis), proprietaire, Loches. TAMPE, proprietaire, Beaumont. TANCHOU, &, docteur en medecine, Paris. TASSIN, pharmacien en chef de l'hospice general, Tours. TERRAY (le comte de), Paris. TERTECKI (Iguace de), membre de plusieurs societCs savantes. TESTE D'OUET, membre du comitC historique de l'Academie dcs Scien- ces, Paris. THIERRY (AmCdee), 0. #, membre de l'lnstitut , maitrc des rcquetesau conseil d'Etat, Paris. THIOU, pharmacien, Paris. THIOUFEY, nCgociant Tours. THIRAT DE SAINT- AGNAN (le baron), C. »£, intendantmilitaire, Tours. THOMAS, docteur en medecine, Tours. T1ETARD, eleve de l'ecole forestiere, Tours. TIETARD, architecte, Tours. TIFFENEAU, avoue, Chinon. T0D1ERE, professeur d'histoire au college royal, Tours. TONNELLE, $, docteur en me'dccine, directeur de l'ecole de medecine, Tours. TORTERUE, juge au tribunal de premiere instance, Tours. TOUCHARD, membre de plusieurs societeslitte'raireset medicates, Mont- louis. TOUCHE, chef de bureau aux hypotheques, Tours. TOURNYER, membre du conseil general, Chinon. TOULGOET (de), proprietaire, Tours. TRELOT (Fournier de), O. #, chef d'escadrou d'etat-majcr; Tours. TREMBLAYE (de la), docteur en me'dccine, Tours. TR1QUET (Auguste), greflier du tribunal de commerce. Tours. 498 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. TRISTAN (le comte de), #, membre de plusieurs society savantes , presi- dent des premiere et sixieme sections reunies du Congres scien- tifique de Tours, Orleans. TROBRIAND (le comte de), propri&aire, Tours. TWENT DE ROSEMBERT, Tours- URSON, proprielairc, maire de Luynes. V. VACHER (Jules), membre de la Soctete' d' Agriculture, maire d'Epeigue"- sur-Demes. VALLEE, 0. >&, chet de bataillon du genie en retraite, Tours. VALLEE-REY, percepteur, Tours. VAN-GELDER, artiste, Tours. VANDIOT LATOUR, proprtetaire, Tours. VAPEREAU (G), professeur agrege" de philosophic, Tours. VARIGAULT, ancien avoud, proprtetaire, Tours. VARIN (Charles), &, chef d'escadron d'artillerie, Paris. VASSE DE SAINT-OUEN, #, d&eguS de l'Academie de Marseille. VASSEUR (le), sous-chef du mouvement general de l'embarcadere, Tours. VASSEUR (le baron le), #, officier d'artilleriej Paris. VAUVILLIERS, C. #, colonel du geme en retraite. VAUZELLES (Jean-Baptiste de), &, conseiller a la cour royale d'Orleans. VAYSSE, dentiste, Tours. VEDIS-MATHAGON, negotiant, Tours. VENEAU, proprietaire, Tours. YERDIER, directeur de l'assurance mutuelle, Tours. VERDIER (Aymard), architecte, Paris. VERMERSCH, ^, capitaine en retraite, Tours. VERNA, employe" a la mairie, Tours. VERRIER (le), 0. ^, membre de Hnstitut, Paris. VERRIER, O. ->&, colonel en retraite, Tours. VESTIER, architecte, Paris. VIEL (Jules), pharmacien, Tours. VIGNON, ingemeur civil, Tours. YILDE (de), maire de Saint-Symphorien. YILLARMOIS (le comte de la), %$, membre de plusieurs soci6t& savan- tes, Saint-Epain. QUINZIEME SESSION. 499 VILLENEUVE (le comte RenC de), #, propri&aire du chateau de Che- nonceaux. VILLENEUVE (le comte Septime de), proprie'taire, Tours. VILLIERS (le vicomte Feraand de), directeur adjoint de la colonie de Met- tray. VINCENT (I'abbe-), chanoine, Tours. VINCENT (F.), avocat. VIOLLET, pharmacien, Tours. VIOLLET (Fulgence), proprie'taire, Tours. VIOLLET (l'abbe), professeur au petit s£miuaire, Tours. VIOT PRUDHOMME, membre du conseil d'arrondissement, de la Society d' Agriculture, de la Societe' Arch^ologique, tre'sorier du Congres, Tours. VIOT (Edmond), membre de la Soci&e' d' Agriculture, Tours. VIOT (Edouard), Tours. VIOT (Raymond), proprie'taire, Tours. VIOT GAULTIER (Paul), proprie'taire, Tours. VIOT (l'abbe' Eugene), chef du pensionnat de Saint-Louis-de-Gonzague, Tours. VIOT (LCon), proprie'taire, Joue\ VIOT (Charles), proprie'taire, Tours. VISDELOU (Gaston de), inspecteur des postes, Tours. VOISIN (l'abbe'), vicaire au Mans. VOIS1NE (l'abbe), eure\ de Saint-Saturnin, Tours. VOISINE, proprie'taire, l'lsle-Bouchard. VOSGIEN (Mile), institutrice, Tours. VOYER (Alfred-Alix), proprie'taire, Loches. VRIGNONNEAU, docteur en m<*decine, Luynes. W* WAGUER, proptietaire, Peris. WHATELY, proprie'taire, Tours. WHITELEYS (George), docteur en me'decine de l'Universite d'Edimbourg, Tours. WIBSTER (John), docteur en me'decine, membre du college royal de me'- decine de Londres. WINT (Paulde), litterateur, Paris. WOETS, membre de la Socie'tC des enfauts d'Apollon, etc., Tours. 500 CON6R&5 SC1ENTIF1QUE Dfi FRANCE. WON CHARMOIS, negotiant, Tours. M un des maires de Paris. quinzieme session. 501 TABLE DU DEUXlEME VOLUME. TROISIEME SECTION. Sciences Me'dicales* Seance du 2 septembre 1847. — Election du president et des vice-presidents. — M. de Caumont lit une note sur la lre ques- tion, que MM. Bally et Bureau-Rioffray traitent successive- ment. Cette question est ainsi concue : « La nature geologique dusol exerce-t-elle une influence appreciable sur lede'velop- pement et la propagation plus ou moins rapide des ma- ladies dpide'miques ; en d'autres termes , la geographic des roches est-elle une chose a conside'rer dans I'dtude des ma- ladies humaines et de leur ddveloppemcnt ? » — M. Morand presente la question suivante a ajouter a celles comprises dans le programme : « Quelle est la cause de mort laplusfre'quente chez les en/ants qui prdsentent en naissant la position des pieds? Quel estle meilleur moyen deprevenir cet accident? » . Seance du 3 septembre. — M. le docteur Bertini, president, fait hommage au Congres de plusieurs de ses ouvrages. — Reprise de la discussion sur la lre question: MM. Bureau-Rioffray, Che- nouard, Haime, Lesauvage , Duclos et de Pentoja sont enten- dus sur ce sujet. — MM. Pommier et de Lonjon sont nomm^s secretaires-adjoints de la 3* section. — - M. Roux entretient Passembtee des bjenfaits de l'Association medicate de Marseille. Seance du 4 septembre. — Hommage au Congres de divers ou- vrages par MM. Ancelon et Laroche.— Discussion de la 4° ques- 32 Pages. 502 CONGRES SCIENTTF1QUE DE PRANCE, Pages. tion relative aux operations chirurgicales pralique'es avec le concours de rdthfrisation. » MM. Bally, Bureau-Riof- fray, Ancelon, Mirault et Bertini sont entendus sur cette question a Seance du 5 septembre. — Memoire de M. le docteur Bertini sur la 19e question : « Qu'est-ce que la miliaire? etc. » — Dis- cussion de la 8e question : « Rechercher Us causes et la nature de la laryngitexpseudomembraneuse, vulgairement appeUc croup, et determiner la valear des differents moyens de trai- tement auxquels on a recours dans cette maladie. » MM. Roux , Mirault sur cette question. — M. Bretonneau sur la nature et le mode de contagion de la diphterie. ... 15 Seance du G septembre.— M. Brame sur V etherisation. — M. le docteur Bretonneau continue son interessante communication sur la nature etle mode de contagion de la diphUrie. — • Horamage a la section de plusieurs ouvrages par M. le docteur Roux, de Marseille • 31 Seance du 7 septembre. — Suite de la discussion de la 8* ques- tion relative au croup. MM. Thomas, Haime, Tonnell^Char- cellay prennent part a cette discussion. ....'... Seance du 8 septembre. — Hommage au Congres de deux ou- vrages, par M. Tanchou. — M. Thomas traite la 13e question : « Des avantages de V anatomic comparee applique'e in, Va- natomie descriptive de Vhomme. » MM. Belhomme et Tan- chou sur la meme question 35 Seance extraordinaire du meme jour, 8 septembre. — Memoire de M. le docteur Belhomme sur la 15c question : « Quels sont Us rapports entre lejluide nerveux et le Jluide electrique? Y a-t-il xdentite" entre les deux agents ? » ....;. 44 Seance du 9 septembre. — Discussion de la 20" question rela- tive a la vaccine. Memoire de M. Archambault-Reverdy ; MM. Ancelon, James, Belhomme sur cette question. —Hom- mage a la section de plusieurs ouvrages, par MM. Belhomme, Charcellay et Millet 54 Seance du 10 septembre. — Memoire de M. Tanchou sur la 17c question : « Du traitement medical du cancer. » MM. Mil- let, Belhomme , Charcellay sont entendus sur cette question. — M. Herpin pere donne lecture d'un travail sur la I2e ques- tion : « Des fwvres intermittentes pernicieuses. Indiquer leur analogic avec le typhus du nord, la fidvre jaune du Midi et la pesle oV Orient. — M. Morand traite la question suivante annexee au programme ; « Quelle est la cause de QUINZJEME SESSION, SOS Pages. mort la plus irequente chez les enfants qui nahsent en pre'sentant la position des pieds? Quel est le meilleur moyen de prevenir cet accident? »....-... 57 Seance du 1 1 septembre. — Discussion de la 9e question : « Des causes , de la nature et du traitement du Utanos. » MM, Morand, Cbarcellay, Millet et Hairae sur cette question. — M. Champoiseau a la parole sur la 3e question : « A quelles causes peut-on attribuer Vame'lioration si notable que Von remarque dans Vetat sanitaire de la ville de Tours ? etc. — Allocution de M. le docteur Mame, l'un des vice-presi- dents, en prononcant la cloture des travaux de la 3e section. 64 QUATR1EME SECTION, Archeologie 4t Histoire, Seance du 2 septembre. — Election du president , des vice-pre- sidents, des secre'taires-adjoints et du secretaire des excur- sions. — Ordre des travaux et des excursions archeologiques. 68 Seance du 3 septembre. — Rapport de 31. Paul Huot sur l'ex- cursion faite aux ruines des monuments gallo-romains. — Nouvelles questions proposees a la section. — M^moire sur le symbolisme dans Vart Chretien , par M. l'abbe Corblet. — M^moire de M. l'abbe- Masson sur la meme question (ire du programme). MM. Crosnier, Auber, comte de Mellet, de Petigny et de Lasicotiere sont entendus sur le meme sujet. • 70 Stance du 4 septembre. — Rapport par M. Paul Huot sur l'ex- cursion faite a la cathedrale de Tours. — Discussion de la 17e question : « A quelle epoque faut-il /aire remonter la construction de V enceinte antique des villes gallo-ro- maines, telles que Bordeaux, Angers, Sens, le Mans, Tours, etc. MM. Champoiseau et Lallier sur cette question. 87 Seance du 5 septembre. — M. Paul Huot rend compte de la vi- site faite aux eglises de Saint-Julim et de Saint-Saturnin.— 504 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Pages. Voeu 6mi& au sujet des statues tumulaires des Plantagenets en- levees de Fontevrault. — M. le lieutenant-colonel Jacquemin traite cette question : « Prdciser d'apres les monuments his- toriques, la numismatique et la glyptique , Vorigine de la selle , des etriers , etc. — Discussion sur ce sujet, a laquelle prennent par MM. de Cussy et Didron 94 Stance du 7 septembre.— Nouvelle reclamation au sujet des sta- tues de Fontevrault.— M. l'abbe Auber lit une note de M. One- sime Leroy sur deux manusciits de Dom Martenne, conserves a la bibliotheque de la ville de Tours.— Continuation de la dis- cussion de la 17e question : a ce sujet, quelques titres relatifs aux monuments antiques de la ville de Tours sont communique's par M. Lambron de Lignim. MM. de Lasicotiere, Champoiseau, Ducballais, Tailliar, Lecointre-Dupont, de Caumont, Martinet et Boilleau traitent aussi cette question dont la discussion est close. — M^moires de MM. Lecamus et Champoiseau sur la 20e question : « Le caractere politique de Louis XI a-t-il ete'jusqiCa ce jour jus tement apprecie" par les historiens? » 103 Stance du 8 sEptembre. — M. Lecointre-Dupont traite la 2e ques- tion : « Quelles ont Ui Vorigine, la nature et la dure 'e de nos diver ses monnaies provinciates? » — M. Cartier pere prend la parole sur la 3e question du programme : « Tracer Vhistoire de la rivalite qui a existe dans le cours des xie et xu6 siecles en- tre lescomtes de Tours etde Blois, descendants de Thibault- le-Tricheur , et les comtes d'Anjou issus de Ter tulle. » M6- moire de M. Dupr£ sur cette question. — Response deM.de Caumont a la 4e question : « Quelle influence Foulques Nerra, comte d'Anjou , grand conslructeur de chateaux , a-t-il exerce'e sur le developpement et les progres de V architec- ture militaire du moyen-dge? » MM. Duchallais, Verdier, et l'abbe Poquet sur le meme sujet. — R^ponse par M. de Caumont a la 5e question : « Quels sont les caractdres qui diffe'rencient, auxw Steele , V architecture religieuse de la Touraine et de VAnjou de celle du Poitou ? Quelles limites ge'ographiques doit-on reconnoitre entre les deux regions monumentales que nous venons d'indiquer? MM. Cros- nier, Auber, Lecointre, Poquet et Bandeville sur la meme ques- tion.— M. Roustain aborde la 7e question : « Tracer Vhistoire de Vorganisalion des classes infdrieures de la socUte sous les Romains et pendant le moyen-dge. » 120 Seance du 9 septembre. — Suite de la discussion de la 7° ques- tion : m^moire de M. le marquis d'Argenson. MM. Tailliar, QUINZlfrtfE SESSION. Crosnier, Bizeul, Salmon sur ce sujet. — Questions numisma- tiques sommairement indiqudes et trait&s plus amplement a la page 265 et suivantes de ce volume ; . . Seance supplementaire du 9 septembre. — Discussion de la 24* question r De la ne'cessite de dresser une carte gtndrale de la Gaule. Me moires de M. Tabbe" Lacurye, deM.de Matty de la Tour. M. I'abb6 Voisin, sur une vote antique du Mans a Tours. — M. l'abbe Bourasse" pre'sente un mdmoire relatif a la 14e question, sur leseglises de Touraine mentionne'es par saint Gregoire de Tours. Stance du 10 septembre. — Rapport par M. Tabbe" Bandeville sur la visite faite aux dglises de Saint-Symphorien, de Sainte- liaddgonde et aux mines de Marmoutier. — Commission norn- me'e pour faire un compte-rendu sur les dessins exposes dans la salle des stances ge'ne'rales du Congres. — Discussion de la 8P question : « Rechercher comment, pourquoi, oil et a quelle vpoque ont etc fixees les regies de la science hdraldique ? » M. le baron de Mathan prend la parole sur cette question ; opinion de M. Lambron de Lignim et discussion a laquelle prennent part Mar. Tailliar, de Soultray, Bourasse' et de Cussy. — Analise d'un memoire par M. Albert Cohen sur les cris d'armes et devises. — Discussion de la 98 question : « Les amies reconnues Idgalement aux families de bourgeoisie constituent-elles une sorte de noblesse personnelle ou hdre- ditaire? Les signes heraldiques dont sont timbre's les dcus prouvent-ils toujoiirs la possession du titre nobiliaire qWils annoncent? Enfin, les signes heraldiques qui meublent les dcus des families nobles peuvent-ils faire reconnaitre, d'une manidre certaine, les causes de leur anoblissement ? « Me- moire de M. Lambron de Lignim sur cette question. •— Md- moire de M. Duprd sur la 22e question relative a Vhistoire du parlement de Paris pendant son sejour a Tours. — Lettre de M. Godard-Faultrier au sujet d'une sepulture de l'epoque mdrovingienne decouverte en Anjou. ......... Seance du 1 1 septembre. — Me'moire de M. Lambron de Lignim sur la lle question : « A quelle dpoque remonle Vintronisa- tion religieuse et feodale des dveques ? Existe-t-il, soit en France, soit a Vdtranger, des documents relatif s a cette cd- rdmonie ? » Communication de M. d'Espaulart sur l'intro- nisation des e>6ques du Mans. MM. Tailliar, de Caumout prd- sentcnt leur opinion sur ce sujet. — Discussion de la 2e ques- tion ; « Quelles ont die Vorigine, la nature et la durde de Pages. oOG CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. C1NQUIEME SECTION. Philosophic, Literature et Beaux- Arts. Stance nu 2 septembue 1847. — Election du president, des vice- presidents et des secrttaires-adjoints, — Nouvelles questions Pages. nos diverses monnaies provinciates? » Re"ponse de MM. Car- tier pere et Duchallais. — MM. Cartier et Lecointre-Dupont sont entendus sur la 10* question : « llechercher les Elements de Vhistoire civile et administrative de la ville de Tours et du bourg de Saint-Martin de 1151 a 1203; quels droits y exercerent simultanement les rois de France et les rois d'Angleterre, notamment quelle part ces princes parent avoir dans la fabrication de la monnaie de Vdglise de Saint- Martin, et comment cette monnaie tournois devint la base du sy steme monttaire de la France entiere. >> — M. Cartier pere traite sommairement les 10e et 23e questions du pro- gramme : « Faire Vhistoire du camp d'Amboise et des monuments numismatiques qiCon y trouve journelle- ment , et Vhistoire de Vhotel des monnaies de Tours. » — M. Martinet traite la 12e question : « Quels sont Vorigine, la destination primitive et les divers usages, aux diffdrents siecles du moyen-dge, des parvis m6nagds devant la porte principale des eglises? « — Rapport de M. Cartier fils sur les dessins exposes dans la salle du Congres. — Memoire de M. Boulard sur la 19e question : « Determiner le lieu ok Charles- Mar tel remporta sur les Arabes, en 732, la ceiebre victoire appelee bataille de Tours par la plupart des histo- riens. » Discussion sur ce sujet a laquelle prennent part MM. Champoiseau, Salmon et d'Argenson. — Interessante communication faite par 31. le docteur Bromett, de Londres. — Allocution de M. l'abbe" Bourass6 , president, en pronon- cant la cloture des travaux de la 4e section 222 QUINZIEME SESSION. 507 Pages, propos&s a la section.-— Me'moire de M. de Bois-le-Comte sur la premiere question : « Est-il vrai que le doute soit an fond de tous les systemes de philosophie ? » , . . , 294 Stance du 3 septembre. — Continuation de la discussion sur la lre question : mdmoire de M. Lecamus ; M. l'abbC Auber et MM. Lallier et Des Moulins sur cetle question. 308 Seance du 4 septembre. — Hommage de divers ouvrages, par MM. Lecointre-Dupont , Cartier pere et M. le chevalier de Paravey. — M. de Bois-le-Comte prend la parole sur la 2e question : « La melhode inductive decrite dans le Novum organum de Bacon suffit-elle pour assurer le progres des sciences naturelles ? » — La discussion s'etablit sur la 4* question ainsi concue : « Etablir nettement des distinctions entre Vinstinct, le sentiment et Vintelligence chez les ani- maux. MM. Feuillet, de Mellet, Paul Huot et de Bois-le-Comte sont entendus sur ce sojet. — M. Lecointre-Dupont traite som- mairement la 5e question : « Rechercher quelles modifica- tions les croyances de fe'erie out recues du contact des iddes religieuses et chevaleresques du moyen-dge et du melange des traditions de V Orient. » 3(2 Seance du 6 septembre. — M. de Sourdeval prend la parole sur la 6e question : « Quelle influence a eue V invasion des peu- ples du nord sur la transformation de la langue\latine en Italiet en Espagne, et particulierement en France? » M. Tailliar et l'abbo Bandeville sur le meme sujet. — M. de Sourdeval traite la 7* question : « Les mots gotkiques subs- tittle's aux mots latins ne sont-ils pas a peu pres les memes dans ces trois contr^es (de France, Espagne et Italie) ? » Discussion a laquelle prennent part MM. Tailliar, de Lasico tiere, Richelet, de Bois-le-Comte, Arcbambault.— M. Lambron de Lignim lit un memoire sur la 10e question : « Quelle in- fluence le sejour de la cour en Tour aim a-t-il exerce sur le langage et le dtveloppement de Vart thedlral dans cette partie dela France. » (Voir le ier vol., page 119.). . . . 316 Seance du 7 septembre. — Me'moire de M. de Sourdeval sur la 8" question : « Quelle est Vorigine des noms de famille en France et quels ont 4t6 leurs divers modes deformation ? » Memoire de M. Azais sur ce sujet. Opinion de MM. Tailliar, Lambron et de Cussy. — Me'moire de M. Dufaur de Montfort sur la 9C question : « Quelle est la limite qui separe la laingue d'Oil de la langiie $0c,» MM. de Sourdeval et d'Argen- 508 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Pages, son traitent le meme sujet. — M. de Bois-le-Comte engage de nouveau la discussion sur la 10* question 325 Seance du 8 septembre. — Memoire de M. Bodin sur le philoso- phe Descartes ;•..,._.. 354 Seance du 9 septembre.— Discussion de la lie question : «. Quels services Rabelais a-t-il rendus a la langue francaise, et quelle influence a-t-il exercte sur les e'crivains qui sont ve- nus apres lui ? » MM. Lecomte, Bodin et Rousseau sont enten- dus sur cette question.— MM. de Bois-le-Comte et Archambault traitent sommaireraent la 12" question ainsi concue: « Exa- miner et juger les ceuvres d' Andre" Duchesne ; ttablir s'il me'rite le litre de pere de Vhistoire de France ? » — M6- raoire de M. Cartier fils sur la 23" question : « Rechercher les proce'dds propres a I'emploi de la cire en peinture decora- tive, en exceptant sa dissolution par I'emploi des sets, huiles ou huiles essenlielles 369 Seance dc 10 septembre- — M. Paul Huot lit nne piece de vers intituled Adieux au Congres (voir 1" vol., page 216). M. de Lasicotiere prend la parole sur la question relative a Rabelais, ainsi que MM. de Cussy et Auber. — M. Viel lit un memoire sur la 25e quesiion : « Be Vimportance de la galvanoplastie dans les arts et de quelques moyens propres a en facili- ter V application et les de'veloppements. — La discussion de la question supplemental, de VUat et des tendances de Vart moderne, est renvoy^e a la stance generate. — M. Ie comte de Mellet abordela 13* question, des origines die chant grtgo- rien. MM. Auber , Bandeville , de Bois-le-Comte et Ernoult prennent part a la discussion, 379 Seance du 11 septembre. — M. Bodin lit un memoire sur cette question ; « Quelle s soni les causes principals qui ont le plus influ6 sur la renaissance des lettres en Europe , et particulierement en France? » Sur ce sujet sont enten- dus MM. Bandeville, Lecomte et Ernoult. — Nouvel in- strument, invents et nomine" roline par M. Catel : M. Olivier en fait connaifre tout a la fois et les principes et l'exe'cution. — En prononcant la cl6ture des travaux de la 5e section, M. le vicomte de Cussy , son president, adresse a l'assemblee une cbaleureuse et fraternelle allocution • . • 38C Supplement au compte-rendu de la xve session du Congres scien- tifique de France 398 Discours de cl6ture, prononce" par M. le docteur Bally , presi- dent general du Congres 39S QUINZIEME SESSION. T>09 SUPPLEMENT AUX SEANCES DES PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS REUNIES. Sciences Physiques et Mathematiques. Pages. Stance du 3 septembre 1847. — Discussion des 3' et 9" questions. MM. Brame et Blondeau de Carolles 405 Seance du 7 septembre. — Suite dn la discussion de la 9' ques- tion. MM. Blondeau de Carolles et Brame 412 Les phenomenes catalytiques. — Me*moire par M. Brame. . . 416 Seance ihj 10 septembre. — M. Brame est entendu sur la 13e question des sciences physiques .......... 420 SUPPLEMENT ACX SEANCES DE LA QUATRIEME SECTION. Histoire et Archeologie. Excursion arciieologique faite a Langeais, Saint-Mars-la-Pile et Luynes le 12 septembre 1847. — Opinion e'mise par M. de Matty de Latour sur la Pile de Cinq Mars, ou Saint-Mars. . 427 Notice Historiqle sur les orgues existant dans les e"glises de Tours avant 1789, et sur les organistes qui les desservaient, par M. Boyer 436 YoEux emis au sein des sections du xve Congres scientifique de France et adopted en stances gerierales 448 Budjet de la xive session tenue a Marseille en 1846 453 Compte des recettes et des depenses de la xv" session, pre'sente' M, Viot Prudhomme, tre"sorier . . . . , 455 510 CONGRES SCIENTIFIQUE DB FRANCE. Pages* Catalogue des outrages offerts a la xv° session du Congres scientifique de France. 456 Lists des socieHds savantes, litteraires et artistiques qui ont ad- here' on ont 6t6 representees a la xvc session du Congres scien- tifique de France, suivant l'ordre alphabetique des villes oil elles resident \ 467 Liste alpiiauetique des persounes qui ont adhere* a la xv" session du Congres scientifique de France. 472 Table du second yolume 50 1 FJN DE LA TARLE DU SECOND VOLUME, QU1NZ1EME SESSION. ol i ERRATA omis dans le premier volume. Page 44, ligne 18, au lieu de : Agissons chacun soit par nos actions a leur faire connattre, etc.; Usez : Agissons chacun soit par nos actions, et a leur faire connaitre, etc. Page 165, ligne 21, Usez : Parmi les ecrivains, dit'M. Todiere, qui nous ont laissC le rCcit des er^nements du regne de Louis XI, etc. Page 308, ligne 5, au lieu de : Anomale, Usez : Anormale. 371, 10, Blavier, Blaive. 470, 21, Sainte-Lulle, Sainte-TuIIe. Page 604, ligne 25, au lieu de ; Environ douze mille kilogrammes de soie, Usez : deux mille kilogrammes. ERRATA DU . SECOND VOLUiME. Page 20, ligne 6, au lieu de spe'cfique, lisez spdeifiquc. 54, 20, au lieu de affligeanie, lisez affligeants. 69, 30, au lieu des 29e questions, lisez des 29 questions. 78, 19, lisez que le premier spiritualise^ etc. 78, 22, au lieu des jtiissances, lisez desjouissances. 80, 36, au lieu de V alpha &c, lisez Valphabet. 81, 20, au lieu de cepend an, lisez cependant. 110, 4 et 13, entre guillcmels, « ». , . 115, , au lieu de les prodigieux resultats, lisez ses prodi- gieux, etc. 122, 7, an lieu de tres-promtement, lisez tres-promplemcnt. 163, 23, au lieu de es les seigneurs, lisez et les seigneurs. 164, 37, au lieu de a laqulle, lisez a laquelle. 167, , 41, au lieu d'Auville, lisez ftinville. 215, 16, aulieude maitres de requeles, lisez maitrcs des re- quStes, 542 congres scientifique de France. Page 226, 5* note, au lieu de par dom Morica, lisez par dom Mori'ce. 266, 29, au lieu de a la fin xin' siecle, lisez a la fin du xmc siecle. 298, 23, au lieu de separts, lisez separd. 299, 25, au lieu de prodhuire, lisez produire. 306, 37, au lieu de serielles, lisez seriales. 317, 10, au lieu de veutllent, lisez vewitatf. 319, 19, au lieu d'wne sage, lisez d'trn wsa^e. 320, 3, au lieu de celle-ci, lisez celles-ci. 345, 12, au lieu de guestion, lisez question. 351, 39, au lieu de acent, lisez accent. 366, 13, au lieu de sierace, lisez science. 372, 3, au lieu de apcations, lisez applications. 406, 8, au lieu de saccharine, lisez saccharine. 410, 6 des notes, au lieu de Pinicillum, lisez Penicillium. 423, 15, au lieu de ne'cssairement, lisez ne'cessairement. 431 , 5, au lieu de M. de Saussaye, lisez ilf. de Xa Saussaye. 432, 15, au lieu de Pomes militaires, lisez jBornes milliaires. 440, 43, au lieu de que fat fait etablir e'tant, lisez que j'ai fait titablir, e'tant, etc. 454, 19, au lieu de en recettes, lisez en recette. 455, au total des defenses, au lieu de 11,300 fr., lisez 11,310 fr. ADDITION. Au compte-rendu des recettes et des defenses, presente* par M. le tre- sorier de la xi\" session du Congres scientifique de France, tenu a Mar- seille en 1846, approuve" par M. le secretaire-general de ladite session, Ajoutez : Vu et approuve par nous president de la xiv" session du Congres, A. de CAUMONT, Directeur de Vlnstitut des Provinces. Tows , imp. Lecesne et Alf. Laurent,