SELS Sen VER Fire “is [ER HEBDEPET OUEN ANSE EEE PLÈTE COCHE FLE 3:52 37 SRRHATENTE CONTE TEEN HET DETE RENE letsteiels LE sisi PERTE EN ETC PTE 2e!2 POPLPTEPEEETS 4 [en stiaiste rte sisi DEN itissaiate nl CONGRÈS | SCIENTIFIQUE DE FRANCE. XXII: SESSION. * 8 * à x8 À po à 2 SRE TA CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. _—. XXIII: SESSION TENUE A LA ROCHELLE, EN SEPTEMBRE 1856. A St-JEAN-D'ANGÉLY, CHEZ DurAND-LAGURIE, IMP.-LiB., RUE DE L'HORLOGE, 11—6. A SAINTES, CHEZ R. SCHEFFLER , LIBRAIRE , RUE ESCHASSÉRIAUX. CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. XXINI° SESSION. Ces lettres et paquets affranchis seront seuls reeus.) Saintes, 30 anvter 1856. RLISUTUIRIE [DIE GONVOGATION, Monsieur, La ville de La Rochelle a été désignée pour la tenue de la XXIIT° Session du Congrès Scientifique de France. Le département de la Charente-Inférieure se recom- mandait à plus d’un titre. La cité des Santones et ses in- nombrables fabriques gallo-romaines; les voies qui la sillonnent en tous les sens, et la ralliaient aux Nannetes, aux Pictones, aux Lemovices, aux Petrocorii, aux Bitu- riges-Vivisci; l'antique Mediolanum et ses ruines impo- santes offrent à l’Antiquaire une mine des plus riches à exploiter. l Les guerres dont la Province a été le théâtre, et les grands événements qui y ont été accomplis sont, pour l'historien, des jalons précieux semés sur sa route. Le Naturaliste, le Géologue y trouvent une moisson ample et facile. Les Belles-Lettres et les Arts y sont cultivés avec suc- cès ; et les études sérieuses comptent à l’école de Roche- fort et à l'arsenal maritime des hommes aussi modestes que profondément instruits. L'agriculture, le commerce et l’industrie sont en voie de prospérité toujours croissante. If Tout nous fait donc espérer, Monsieur, que la XXII‘ Session du Congrès Scientifique de France ne le cédera pas en intérêt aux Sessions précédentes. Nous sommes d'autant plus fondés à bien augurer de cette Session que l'autorité municipale n'a rien négligé pour la rendre solennelle. Tout a été prévu pour rendre le séjour de La Rochelle agréable et facile aux savants qui voudront bien nous honorer de leur concours. (1) La ville de Rochefort a obtenu que le Congrès tint deux séances dans ses murs. Celte mesure était com- mandée par le désir de voir s'associer aux travaux du Congrès Messieurs les employés supérieurs de l'arsenal de la marine, et les professeurs de l'école, ces Messieurs ne pouvant quitter leur poste sans un congé officiel. Mes- sieurs les membres étrangers seront heureux de visiter, dans tous ses détails, l’arsenal ainsi que le superbe hôpi- tal de la marine, l'amphithéâtre de l’école de médecine, et les nombreuses collections que renferme le cabinet d'histoire naturelle. Peut-être serez-vous étonné de ne point voir au Pro- gramme de la IV° section des questions qui se présen- taient d’elles-mèmes, alors qu’il s'agissait d’un Congrès séant à La Rochelle, Un Congrès étant une fête, une réu- nion dont la concorde doit faire tout le charme, nous avons dü nous im poser la règle de nous abstenir de toute question, même purement historique, dont la dis- cussion pourrait éveiller des échos dans les sentiments, ou les croyances; nous avons donc pensé qu'il fallait laisser intactes ces questions, qui pourraient être traitées d’une façon plus utile et plus désintéressée dans toute autre des provinces environnantes. Nous osons espérer, Monsieur, que pour cette solen- nité scientifique vous voudrez bien nous prèter le con- cours de vos lumières et de votre expérience; de notre côté nous ne négligerons rien pour que vous remportiez (1) Des mesures sont prises pour assurer à Messieurs les membres étrangers des logements convenables , et à des prix modérés , et des tables d'hôte qui fur seront spécialement destinées (7 à 8 fr., logement compris.) 1 Il dans vos foyers l’un de ces souvenirs précieux que l’on aime à caresser. Veuillez, Monsieur, recevoir l'assurance de notre par- faite considération. Les Secrétaires-Généraux de la XXIIE session du Congrès Scientifique de France. LACURIE , »E VERDON, PERSON, CHOLET ;, MENEAU. EXTRAIT De l’arrété pris, sur le rapport de M. de CAUMONT, Directeur de l’Institut des Provinces, par le Congrès Scientifique de France réuni à Dijon, en août 1854, concernant la tenue de la XXIIIC Session. « Conformément à la demande exprimée par M. le Maire de La Rochelle, et par M. l’abbé LacuriE, membre de l’Institut des Provinces, la XXIIL° Session du Congrès Scientifique de France s'ouvrira à La Rochelle, en sep- tembre 1856. » M. l'abbé Lacurie est nommé Secrétaire-Général de cette réunion, et chargé de prendre toutes les mesures nécessaires pour qu'elle produise les résultats qu’on doit en attendre. » M. le Secrétaire-Général devra se conformer aux arrêtés pris par le Congrès dans ses différentes sessions, et au Réglement approuvé en 1837, par le Ministre de l'intérieur, et imprimé -dans les mémoires de l’Institut des Provinces et des Congrès. » Voté en séance générale le 13 août 185%. «Le Rapporteur, premier vice-President-Général du Congrès ( XXI° Session.) « DE CAUMONT, & Directeur de l'Bnstitut des Arovinces. « BAUDOT, « Secrétaire-Genéral, » CONGRÉS SCIENTIFIQUE DE FRANCE (XXII SESSION.) ADMINISTRATION & ORGANISATION. Secrélaire-Général du Congrès : M. l’abbé LACURIE, Chan.-hon. de La Rochelle, mem- bre de l'Institut des Provinces de France, de l'Institut Archéologique d'Angleterre et d'Irlande, Inspecteur- divisionnaire des monuments historiques pour la So- ciété Française, membre agrégé de la section des Scien- ces naturelles (Académie de La Rochelle), correspon- dant de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts de Rochefort, Secrétaire de la Société d'Archéologie de Saintes, Président des Assises Scientiques de la Sain- tonge, elc., etc. Secrétaires-Genérauxr-adjoints : M. pe VERDON, Inspecteur des lignes télégraphiques, ancien élève de l'Ecole Polytechnique, Archiviste de la Société d'Agriculture de La Rochelle, de l'Académie de La Rochelle (section des sciences naturelles, ) ete, etc. M. l'abbé PERSON, du Conseil-Général de la Société Française pour la conservation et la description des monuments historiques, Correspondant de la Société d'Archéologie de Saintes, membre agrégé de la section des Sciences naturelles (Académie de La Rochelle,) Secrétaire des Assises Scientifiques de la Saintonge, etc., etc. M. l’abbé CHOLET, curé-doyen, d'Aigrefeuille. Trésorier-Général du Congres : M. T. MENEAU, membre du Conseil municipal de La Rochelle. Commissaire-Genéral de l'Exposition : M. T. MENEAU, membre du Conseil municipal de La Rochelle, Président de la Chambre de commerce, vice-Président de la Société des Amis des Arts de La Rochelle, SECTIONS. — BUREAUX PROVISOIRES. Îre. SECTION.—SCIENCES NATURELLES. Président, M. BLUTEL , ancien Directeur des Douanes. Secrétaires , MM. BELTRÉMIEUX et SAUVÉ. 2e. SECTION.—AGRIGULTURE, COMMERCE» INDUSTRIE. Président, M. ÉMERY, Officier d'artillerie en retraite. Secrétaires, MM. le comte de St-MARSAULT et BOUTARD. 3e. SECTION.—SCIENCES MÉDICALES. Président, M. VIVIELLE. Secrétaires , MM. SAUVÉ et DROUINEAU. ke. SECTION.—HISTOIRE ET ARCHÉOLOGIE. Président, M. CALLOT, Conseiller de Préfecture. Secrétaires , MM. JOURDAN et MENUT. ëe. SECTION.—PHILOSOPHIE, LITTÉRATURE ET BEAUX-ARTS. Président, M. LABRETONNIÈRE, vice - Président de la Société-Littéraire de La Rochelle. Secrétaires, MM. SAVARY et ROMIEUX. 6e, SECTION.—SCIENCES PHYSIQUES ET MATHÉMATIQUES. Président, M. VIVIER, Officier supérieur d'artillerie. Secrétaires, MM. PAUMIER , Ingénieur du service hydraul. ARNOUX, Professeur de mathé. du Lycée. ARRÈPE Relatif à l'ouverture de la XXIIE Session du Congrès l Scientifique de France. La Commission d'organisation ; Vu l'art. 1* de l’Arrèté pris par le Congrès Scientifique de France, réuni à Dijon, en août 1854, ainsi concu : _. « Conformément à la demande exprimée par M. le » Maire de La Rochelle, et par M. l’abbé Lacurie, mem- … » bre de l’Institut des Provinces, la XXII: Session du » Congrès Scientifique de France s'ouvrira à La Rochelle, » en septembre 1856... » VI Vu le paragraphe EV de la lettre de M. le Directeur de l'Institut des Provinces, en date du 30 décembre 1855, ainsi Conçu : « Vous n’oublierez pas, dans votre convocation, d’an- » noncer que, ainsi que cela a été demandé, le Congrès » tiendra deux séances à Rochefort, pour faciliter à Mes- » sieurs les employés supérieurs de la marine, les moyens » de prendre part aux travaux dufCongrès, ces Messieurs » ne pouvant quitter leur poste sans congé officiel... » ARRÊTE : Art. 1*—La XXIII° Session du Congrès Scientifique de France s'ouvrira à La;Rochelle, le lundi, 1° septem- bre, à une heure après midi, dans la grande salle de la Bourse. Ant. 2.—Le Congrès tiendra deux séances à Rochefort. A DASROSARAONS RAGABRANLAIRS. Arr. 1%— La XXIII: Session du Congrès Scientifique de France s'ouvrira à La Rochelle, le 1° septembre, à une heure après midi, dans la grande salle de la Bourse. Art. 2.—Toutes lés personnes qui s'intéressent aux pro- grès des sciences, des lettres et des.arts sont invitées à s'associer aux travaux de la XXHII° Session. ART. 3.—Les Académies et les Sociétés savantes de France sont priées de communiquer au Congrès la statistique de leurs travaux, et de s'y faire représenter par un ou plusieurs de leurs membres. ART. #.—La durée de la Session sera de dix jours. Arr. 5.—Les travaux du Congrès sont répartis en six sections : 1°—Sciences naturelles. 2°—Agriculture, Commerce et Industrie. 3°—Sciences médicales. 4°—-Histoire et Archéologie. 5°—Philosophie, Littérature et Beaux-Arts, 6°—Sciences Physiques et Mathématiques. : Cette dernière pourra être réunie à la première, selon l'usage. VII Arr. 6.—A l'ouverture de la 1"° séance on nommera le :Président-Général et les quatre vice-Présidents du Congrès qui, avec les Secrétaires-Généraux et le Tré- sorier, formeront le bureau central. Chaque Secrétaire inscrira dans sa section tous ceux qui désireront en faire partie. On pourra se faire ins- erire dans plusieurs sections à la fois. Arr. 7.—Chaque section, le lendemain de l'ouverture du Congrès, nommera son Président, deux ou trois vice-Présidents, et, au besoin, un ou deux Secrétaires. ART. 8.—Les sections s’assembleront chaque jour. Elles pourront, dans l'intérêt de leurs travaux, se distri- buer en sous-sections. L’ordre d'ouverture des séan- ces des sections sera indiqué sur une carte particulière _ qui sera remise à chaque membre du Congrès. Ant. 9.—Chaque jour, à trois heures après midi, il y aura assemblée générale de toutes les sections. L’un des Secrétaires-Généraux lira le procès-verbal de la séance de la veille; les Secrétaires des sections don- neront le résumé des procès-verbaux des séances par- ticulières tenues dans la matinée, le procès-verbal in exlenso ne devant être lu que dans la section par- ticulière. La lecture des procès-verbaux des sous- sections aura lieu dans les sections dont elles dépen- dent. La séance de l’assemblée générale sera ensuite consacrée à des lectures de mémoires, et à des com- munications verbales. ART. 10.— Nul ne pourra prendre la parole à une séance sans l’autorisation du Président. Arr. 11.— Aucune délibération ne sera prise, soit dans les sections, soit dans la séance générale, si le quart des membres inscrits n’est pas présent. ART. 12.— Toute discussion sur la Religion et la politique est formellement interdite. Fe. 13.— Aucun travail ne sera lu en séance générale qu'après avoir été approuvé par la section à laquelle 1l appartiendra. VIII Arr. 14.—Outre le droit de communiquer des travaux, les membres du Congrès pourront présenter des ques- tions autres que celles du Programme; mais ces ques- tions devront être préalablement déposées sur le bu- reau, en séance générale. Elles seront examinées le soir même par la Commission permanente qui jugera si elles peuvent être admises. Le résultat de la déli- bération devra être communiqué dans la soirée aux sections compétentes. ART. 15.—La Commission permanente-est composée des membres du bureau central, et des Présidents de cha- que section. Arr. 16.—Les Secrétaires- Généraux prennent place, dans toutes les sections, à la droite du Président. Ils remettent à chaque section les mémoires et documents qui les concernent. La parole leur est donnée toutes les fois qu'ils la réclament. ART. 17.—Seront membres du Congrès les personnes qui, ayant accepté l'invitation qui leur a été faite, auront versé entre les mains du Trésorier la somme de dix francs, pour servir à acquitter les frais de la tenue du Congrès, et à l'impression du Compte-Rendu des travaux de la Session. ART. 18.—Chaque membre du Congrès a droit à un exemplaire du Compte-Rendu qui sera publié par les soins du Secrétaire-Général. ART. 19.— Avant de se séparer, le Congrès fixera la date et le lieu de la XXIV: Session. | ART. 20.—Toute difficulté non prévue par les présentes dispositions sera soumise à la Commission perma- pente. Les Secrétaires-Généraux de la X XIII Session. LACURIE , nE VERDON,, PERSON, CHOLET, MENEAU. + PROGRAMME DES QUESTIONS PROPOSÉES POUR CHACUNE DES SECTIONS. | 1e & 6° SECTION réunies. S L°T — scrences NATURELLES. 4.—Étude géologique du département de la Charente-Infé- rieure; quelles sont ses richesses minérales? En donner la sta- tistique. 9 — Rechercher les causes qui ont pu produire les buttes coquillières de St-Michel-en-l'Herm. 3.—Donner la statistique et le gisement des marnes que ren- ferme le département; en faire l'analyse, et en induire la richesse comme amendement des terres. k.—Quelles sont les causes et les lois des attérissements et des envahissements opérés sur nos côtes? Quelles modifications apportent-ils au port de La Rochelle? 5.—La destruction des Thalassiophytes est-elle nuisible à la reproduction du poisson ? 6.—Étude des engrais fournis par les fucus et autres plantes maritimes. Quelle est leur richesse en azote? Rechercher les causes du goût prononcé qu'ils communiquent à l'alcool. 7.—Ne pourrait-on pas, au lieu de se servir de ces fucus comme engrais, en tirer un meilleur parti dans la Charente- Inférieure, en extraire, par exemple, la soude et l'iode, comme on le fait dans d’autres départements? Indiquer les procédés d'extraction les plus simples et les moins coûteux. 8.—Rechercher l'usage le plus avantageux qu’on pourrait faire des eaux-mères des marais salants. Déterminer quelles sont les causes de la coloration en rouge de ces mêmes eaux. 9.—Est-il démontré, comme on le prétend, que dans les XVI° XVIL et XVIII siècles les hivers fussent plus froids et moins longs, les étés plus chauds et plus prolongés que dans le XIX°, et que dans ce dernier les vendanges soient généralement retar- dées de quinze jours à un mois ? 10.—Examiner et discuter les procédés de l'élève et de la reproduction naturelle et artificielle des poissons, des sangsues, des huitres et des crevettes. 41.—Faire l’histoire naturelle des Termites ; indiquer, s’ilest possible, les moyens de les détruire. 2 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. 12.—Présenter le recensement des productions zoologiques naturelles du département de la Charente-Inférieure, en se bor- nant, si on ne peut faire mieux, à une classe, à un ordre, et, même, à une famille. 13.—La carte géologique de la Charente-Inférieure est-elle suflisante pour que l’on puisse, à priori, indiquer les espèces de terrains sur lesquels il serait utile de pratiquer le drainage ? Dans le doute, quels moyens le Gouvernement aurait-il de pré- parer cette amélioration, et d’y disposer les propriétaires ? 14.—La carte agronomique de la Charente-Inférieure est- elle en voie d'exécution? Quel résultat a produit le prix proposé par M. de Caumont pour la confection de ces cartes, et annoncé depuis plusieurs années par l’association-agricole de l'Ouest? 15.—L'Aunis et la Saintonge ont-elles en entomologie quel- ques espèces rares, soit sur les bords de la mer ou des rivieres, soit au loin dans les terres ? 16.—Quels sont les insectes qui attaquent les bois de cons- truction, et particulièrement le chêne, soit aux charpentes des maisons, soit dans le port militaire ? Quels efforts a-t-on faits pour s’en garantir? Quels sont les principaux insectes nuisibles à l’agriculture, à l’arboriculture ? 17.—Que peut-on citer de remarquable au jardin botanique de la marine? Quelle a été l'influence ou l'utilité de cette créa- tion? Quelles sont les plantes qui pourraient distinguer le dé- partement de la Charente-Inférieure de ceux qui l’avoisinent ? 18.—L'expérience ayant démontré que les pouzzolannes arti- ficielles ne conservent pas longtemps leur cohésion et leur du- reté dans les constructions sous-marines, a-t-on fait quelques essais pour fabriquer, avec des matières communes, des bétons capables de résister à l’action de la mer, soit à l'état de repos, soit à l’état de grande agitation ? 19.—On a remarqué que le régime des eaux de la Charente n’a point varié depuis la création du port de Rochefort; le lit du fleuve ne s’est point éleve depuis 200 ans, et le tirant ‘d’eau est le même sur tout son cours qu'au temps de Louis XIV ; ; pense- t-on que si l'on faisait disparaître les hauts-fonds ou barres qui gênent la navigation des vaisseaux complètement chargés, le régime des eaux de la Charente ne serait pas changé ? 20. —Quelle a été l'influence du desséchement des marais Sur l'assainissement de la contrée, et sur l'augmentation des ri- chesses depuis 30 ans? Notions sur le syndicat qui régit les marais de St-Agnant, de Marennes et de Brouage. 21 —Comparaison entre les divers modes de conservation des approvisionnements en bois de la marine : piles couvertes, han- gars, fosses d'immersion, envasements. Notions sur les fosses VINGT-TROISIÈME SESSION. 3 aux mâts, et sur les fosses aux bois de construction du port de Rochefort. S IL.— SCIENCES PHYSIQUES & MATHÉMATIQUES. 22.—Du développement des études géométriques, et de leur influence sur les habitudes de l'esprit. 23.—Donner un nivellement général du département de la Charente-Inférieure, et faire la description de ses collines. 9%.—A-t-on fait des observations suivies de météorologie dans les principales villes du département de la Charente-Inférieure ? Dans le cas de l'affirmation, qu’ont-elles indiqué ? 25.—Quels progrès l'architecture navale’a-t-elle réalisés de- puis 20 ans, soit pour les bâtiments à voiles, soit pour les na- vires à vapeur ? 96.—Quels sont les avantages respectifs des grands bâtiments à vapeur munis de très puissantes machines, et des bâtiments- mixtes pouvant se servir à volonté de voiles et de vapeur? 97.—Quelle économie en combustible pourrait-on raisonna- blement espérer en substituant l’air chaud à la vapeur comme moteur? Difficulté de faire une bonne machine à air chaud; avantages de la machine à vapeur. 28.—Indiquer les progrès et inventions qui ont été remarqués depuis 20 ans dans la fabrication et dans l'emploi des machines de toutes appropriations, et dans les diverses installations mé- caniques des villes et centres d'industrie de la Charente-Infé- rieure, et particulièrement des ateliers de l’arsenal maritime de Rochefort. 29.—La création des écoles spéciales : école Polytechnique, école Militaire, école Navale, école Forestière a-t-elle produit une modification considérable dans le mode d'éducation et l’ins- truction des jeunes gens qui se destinent aux services publics ? Le casernement, la tenue militaire, le réglement et le travail en commun ont remplacé la liberté d'action; l'esprit de calcul, sous l'influence de professeurs fort habiles, mais sans spécialité di- recte pour les objets qu’ils enseignent a remplacé l'esprit d'ob- servation et d’expérimentation. Indiquer quéls sont les résultats, dans la conception et dans la pratique des travaux, du nouveau mode d'instruction comparativement à l’ancien. 30.—Les moyens d'instruction s'étant multipliés, il est de- venu possible d'acquérir les connaissances nécessaires pour les services publics, sans passer par les écoles spéciales de l'Etat. Indiquer les motifs qu’il peut y avoir de maintenir le privilège qui existe en faveur des élèves de ces écoles, ou d'admettre dans une certaine proportion des jeunes gens pris en dehors, et dont la capacité serait d’ailleurs reconnue par l'examen. k CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. 2° SECTION. AGRICULTURE , COMMERCE , INDUSTRIE. 1.—Des motifs qui s'opposent en France aux progrès de l’a- griculture, et qui occasionnent trop souvent la ruine des pro- priétaires qui entreprennent de faire valoir leurs terres. 2.—Des avantages du crédit foncier en général, et des incon- vénients qu'il peut présenter dans l’état actuel de la législation générale et de la législation spéciale. 3.—Du drainage et de l'irrigation principalement dans les marais desséchés. 4.—Passage des assolements libres et irréguliers usités ac- tuellement dans les environs de La Rochelle, et basé sur l’asso- lement triennal, à des assolements plus ou moins libres, mais réguliers et raisonnés, basés sur l’alternat des récoltes. 5.—De l'introduction et de la fabrication des nouveaux ins- trauments d'agriculture ; avantages ou inconvénients de leur emploi. ‘ 6.—Fabrication, emploi, commerce et législation des engrais dits artificiels, tels que les divers tourteaux, poudrettes, guano, etc. 1.—Insectes, plantes parasites et maladies nuisibles aux vé- gétaux ; moyens de les combattre, de les détruire ou de les guérir. 8.—Quels seraient les moyens les plus convenables pour par- venir à donner aux propriétaires et aux cultivateurs l'instruction agricole, et des notions suffisantes pour les porter à allier la théorie à. la pratique ? . 9.—Cartes agronomiques et géologiques; statistique agricole ; faire connaître les travaux publiés jusqu’à ce jour. 10.—Quel est le bétail qui paie le mieux les aliments qu’il consomme, ou, autrement, quel est le bétail qui, avec un mode de nourriture à indiquer donnera le plus de profit ? 11.—Des fumiers de ferme. Moyens d'en augmenter la qua- lité et la quantité ; moyens d'apprécier leur richesse et les qua- lités nécessaires dans les divers assolements qu’on peut adopter. 12.—Architecture rurale. Des meilleures dispositions à adopter pour loger les cultivateurs, les bestiaux et les récoltes, et favoriser les divers services d’une exploitation tant pour la nourriture des bestiaux, que pour la culture des terres et la préparation des récoltes pour la vente. 13.—Viticulture. Traitement des vins ; distillation des eaux- de-vie. 1%.—De la comptabilité agricole; sa nécessité indispensable; VINGT-TROISIÈME SESSION. 5 comptabilité en partie double pour les grandes exploitations ; comptabilité en partie simple, claire et facile pour les petits fermiers. 15.—Des divers moyens pour endormir les abeilles afin de travailler dans les ruches sans danger. Apiculture en général. Expériences diverses sur des ruches garnies d’abeilles et de gä- teaux de cire et de miel. © A46.—Industrie-linière. Culture, rouissage, broyage, fila- ture, tissage. 17.—Des fabriques de conserve de sardines à l'huile ; moyens de tirer parti des résidus pour fumer les terres. 18.—Du commerce des grains ; de la fixation des mercuriales. 19.—La supériorité de quelques-autres nations de l’Europe, comparativement à la France, en agriculture, tient-elle à une éducation première, ou à l'établissement de banques agricoles, ou à des inspections bien dirigées? Quelle éducation? Quel sys- tème de banque? Quel mode d'inspection ? 20.—Avantage des baux à longue échéance; des assolements alternés. 21.—Rechercher pourquoi les hommes de la campagne pré- fèrent les travaux de l’arsenal maritime à ceux de l’agriculture. Cette préférence ne viendrait elle pas de l'élévation du salaire ? Quels seraient les moyens de les retenir, pour la plus grande partie, à la culture des champs ? 99.— Quels efforts a-t-on faits pour l'amélioration de la race bovine, soit au point de vue du travail, soit au point de vue de l'engraissement pour la boucherie ? 93.— Quels résultats a-t-on obtenus dans l'élève du cheval? Dressage; courses. 24.—Indiquer la cause du dépérissement graduel de l’indus- trie des marais-salants dans l'Ouest. Quels seraient les moyens d'y remédier ? 95.—Quels avantages présentent le pin et l’acacia que l’on cultive dans les landes et les bruyères? 26.-Quelle a été l'importance de la maladie de la vigne dans la Charente-Inférieure ? Qu’a-t-on fait pour s'opposer à ses envahis- sements, ou pour y remédier? Quels résultats a-t-on obtenus ? 27.—Mèême question pour la maladie de la pomme de terre. 28.—Notions sur la fabrication des biscuits de mer, et sur la conservation des viandes à embarquer. 3° SECTION. SCIENCES MÉDICALES. 4 .—Quels rapports et quelle différence y a-t-il entre la fièvre typhoïde et le typhus ? , 6 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. 2,—Quelle influence peut avoir l'usage abusif du tabac, sur- tout chez les enfants? 3.—De la mort apparente des nouveaux-nés; ses causes; et des moyens de la combattre. k.—L'asphyxie peut-elle être produite par la régurgitation des liquides contenus dans l'estomac? Cet événement peut-il se produire surtout chez les enfants au berceau ? 5.—La trachéotomie est-elle aujourd’hui tellement reconnue utile dans la période extrême du croup, que le médecin ne puisse se dispenser consciencieusement de la conseiller com- me dernier moyen ? 6.—Faire l’histoire de l’occlusion du col utérin au moment de L accouchement. 7.—Quelles sont les causes prochaines ou éloignées de l’é- clampsie des femmes en couches ? Quels soins réclament-elles de la part de l’accoucheur ? 8.—Faire l'histoire des tentatives que l’art a faites pour éviter le décroisement des branches du forceps ; indiquer un nouveau mode d’articulation plus facile. 9.—Dans les présentations du bras, lorsque les eaux se sont écoulées depuis longtemps, et que la matrice est violemment contractée, quelles sont, parmi les ressources qu'offre l'art obs- tétrical, celles qui doivent être employées? 10.—Les maladies utérines sont-elles plus fréquentes aujour- d'hui qu'autrefois? En cas d’aflirmative, en rechercher les causes. 11.—Quelles sont les causes qui produisent les fièvres inter- mittentes si fréquentes dans les terrains d’alluvion à l’embou- chure des fleuves ? 12.—Dans les rétentions d'urine, si les obstacles au cathété- risme ordinaire sont insurmontables, doit-on préférer la ponc- tion de la vessie au cathétérisme forcé? 13.—Quelles sont les substances indigènes ou exotiques, abs- traction faite des préparations arsenicales, qu'on peut emploÿer comme succédanées du quinquina, dans le traitement des fièvres intermittentes ? 414.—Qu'apprend l’expérience médicale, dans le département de la Charente-Inférieure, relativement à l’antagonisme des fièvres intermittentes, et des fièvres typhoïdes—et de la phthisie pulmonaire ? 15.—La constitution médicale de Rochefort et des arrondis- sements voisins s’est-elle modifiée depuis 25 ans, et sous l’in- fluence de quelles mesures hygiéniques est survenu ce chan- gement ? 16.—Les affections scrophuleuses sont-elles communes dans le département de la Charente-Inférieure ? 17.—A quelles causes peut-on rapporter la fréquence des VINGT-TROISIÈME SESSION. 7 claudications et des déviations de la colonne vertébrale qu’on observe dans le département? 4° SECTION. HISTOIRE & ARCHÉOLOGIE. SI— Point de vue religieux. 4.—Rechercher la date de l'introduction du Christianisme en Saintonge; quels en ont été les premiers Apôtres ; les premiers établissements ; dans quel lieu le paganisme y a-t-il trouvé son dernier refuge ? : 9,—Quels sont les ordres monastiques qui ont fondé des éta- blissements dans l’ancien évèché de Saintes, et dans les parties de cet évèché qui appartiennent aujourd’hui à l’Angoumois, à la Vendée ou au Poitou ? 3.—Quelle a été la part de chacun d’eux dans le développe- ment de la civilisation ? k.—Quels ont été les diocèses dans lesquels les abbayes si- tuées en Saintonge ont eu des prieurés ou autres dépendances ; quelles sont les abbayes situées en dehors de la Saintonge qui ont possédé des maisons!en cette province ? 5.—Quelle a été la conduite du clergé envers les serfs de dif- férentes conditions ? 6.—Quelle est l’origine de l'influence du clergé sous nos rois des deux premières races ? $ II.— Point de vue militaire. 7.—A quelle époque la Saintonge a-t-elle été soumise à la domination des Francs ? 8.—Quelle a été sa part dans la résistance qui a été opposée aux Normands, et dans les calamités qui ont été la conséquence de leur invasion ? 9.—Quels sont les principaux donjons en Saintonge? 10.—Quel a été pour l’art militaire, et au point de vue de l'humanité, le résultat de l'emploi des armes à feu ? 11.—Quel a été le caractère et le résultat, pour la Saintonge, des guerres de Charles-Martel et de Pépin contre les ducs sou- verains de l’Aquitaine ? 12.—Quel a été le caractère et le résultat, pour la Saintonge, des guerres entre la maison d’Anjou et les comtes de Poitiers? 13.—Quelle a été la tige des sires de Pons, et à quelle époque ont-ils eu à Pons une souveraineté réelle ? | 14.—Quelle a été la part de la Saintonge dans nos longs dé- mêlés avec l'Angleterre ? 15.—En 1062, le vicomte d'Aulnay et ses gens suivent Guy 8 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Geoffroy, due d'Aquitaine, dans une expédition contre les Sar- razins d'Espagne; est-il probable que son fils Cadelon ou Ca- bulo, s’y soit fixé, et qu’il ait régné sur la contrée qui, depuis, aurait été appelée Catalogne ? 16.—Quels furent, pour la Saintonge, les résultats des ba- tailles de Taillebourg et de Saintes ? $ III.— Point de vue eivil. 17.—Connaît-on des documents certains relatifs aux migra- tions des peuples anciens sur les côtes de l’Armorique? 18.—Quels ont été les résultats politiques de la domination romaine en Saintonge ? 19.—La féodalité s’est-elle développée en Saintonge d'après les mêmes causes, dans les mêmes circonstances que dans le reste de la France ? ° 20.—Quelles ont été les conséquences de l’adjonction de la Saintonge au royaume d'Aquitaine, fondé par Louis-le-Débon- naire, et détruit par Charles-le-Chauve ? 21.—Quels ont été, sous Foulque Néra et Geoffroy-Martel les relations de la Saintonge avec les provinces limitrophes ? 22.— Quels furent les premiers réglements maritimes en Saintonge ? 93.—On assigne généralement l’année 14199 pour date de la charte de la commune de La Rochelle; ne peut-on pas démon- trer que la commune est antérieure à cette date? 24.—Peut-on déterminer quelle était, dès le principe, la com- position du corps municipal, et la fonction de chacun de ses membres ? 25.—Quelles sont les chartes de communes pour lesquelles on a des renseignements analogues les plus précis? 26.—Quels ont été les effets des privilèges de certains ports de commerce et de leur suppression ? 97.—Quelles furent les limites du ressort des principales ju- ridictions de la Saintonge, particulièrement dans les derniers siècles et à l’époque qui a précédé la réorganisation des tribu- naux ? 28.—Pourquoi le droit écrit en Saintonge, lorsque les pro- vinces environnantes étaient sous l'empire de leurs coutumes? 29.—A quelle époque a-t-on commencé à se servir en Sain- tonge de la langue vulgaire pour les actes publics ? 30.—Quels sont les caractères particuliers du dialecte de cette province ? 31.—Que peut-on inférer des différences si tranchées que l'on remarque dans les usages, les costumes et le langage des diverses contrées du département de Ia Charente-Inférieure? Ne doit-on pas y voir le cachet indélébile des races diverses qui formaient l’ancienne cité ? VINGT-TROISIÈME SESSION. 9 $ IV.— Archéologie proprement dite, 32.—Déterminer, suivant les données fournies par Ausone lui-même, le site du Pagus noverus ? 33.—Déterminer d'une manière précise les caractères et les limites du style Roman Poitevin. 34.—Le style Roman Saintongeais affecte-t-il des caractères qui puissent le distinguer du style Poitevin, Bordelais, etc. ? - * 85.—Quels sont les caractères d’ornementation directement empruntés à l’art romain par la Saintonge ? 36.—Chercher la raison des différences de choix qui existent entre les emprunts faits à l’art romain par l’école saintongeaise, et ceux qui lui ont été faits de préférence en Bourgogne et dans le Midi de la France. 37.—Les figures si éminemment barbares de la façade de Sainte-Marie des Dames, à Saintes, avec leurs yeux de face sur des visages de profil, comme à St-Benoît-sur-Loire, ne con- firme-t-elle pas la date de 1047 qu'on assigne généralement à cette antique abbatiale ? 38.—Quels sont les monuments les plus remarquables d’ar- chitecture civile remontant au XIIe, XIII et XIV° siècles qui existent en Saintonge et dans les provinces voisines ? 5° SECTION. PHILOSOPHIE , LITTÉRATURE & BEAUX-ARTS. À .—Jeter un coup d'œil rapide sur l’état actuel de la littéra- ture; en déduire les effets salutaires ou nuisibles qu’elle a pro- duits sur l’enseignement de la jeunesse. 2,—Comparer l'éducation des anciens et des modernes; re- chercher la cause de cette opposition de principes que l’on re- marque entre les anciens et les modernes en matière d'éducation. 3.—La langue française s'étendant de plus en plus par suite des relations commerciales et politiques, quels seraient les moyens de prévenir les dangers résultant du mélange de mots étrangers et de locutions étrangères ? &.—Qu'a-1-on fait dans le département de la Charente-Infé- rieure pour l'éducation etla moralisation des enfants du peuple, depuis leur naissance jusqu'à l’âge adulte ? 5.—Convient-il, dans l’état actuel de la société, de pousser les enfants des classes inférieures vers l'étude des lettres et des sciences? En cas d’affirmative, dans quelle limite devrait-on généralement se renfermer dans l'intérêt bien entendu des en- fants eux-mêmes et dans l’intérèt de la société ? 6.—Indiquer les moyens de populariser, à peu de frais, le gout et la pratique du dessin, de la peinture, de la sculpture, de l'architecture, de la musique vocale ou instrumentale. 9 = 10 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. 1.—Quelle est l'influence du bon marché dans les Lettres et dans les Beaux-Arts ? 8.—Que faut-il penser des romans et des pièces de théâtre de notre époque, et de nos brochures, comparés à la littérature des deux derniers siècles ? 9.—Que penser de la lithographie, galvanoplastie, daguer- réolypie, des ornementations de carton, cuir repoussé, “etc. ; comparés à la gravure, à la dorure, l'argenture par la chaleur, à la sculpture, à la peinture, etc. ? 10.—La décentralisation des belles-lettres et des beaux-arts est-elle réellement possible? Dans quelle mesure, et par quels moyens ? 11.—Indiquer les progrès qui ont été faits dans la reliure, la typographie, la librairie de la Charente-Inférieure. Limites en- tre lesquelles la presse quotidienne peut faire beaucoup de bien, 12.—La presse départementale a-t-elle complètement rempli sa mission ? 43. —Quels avantages, au point de vue moral et littéraire, pee présenter les cabinets de lecture ? 14.—Quels sont les moyens usuels et pratiques de rendre plus utiles qu'ils ne le sont aujourd’hui les musées, les biblio- thèques publiques, les collections d'histoire naturelle, etc.? Caen, 30 décembre 1855, Le présent Programme a été soumis à l’Institut des Provinces et approuvé. Le Directeur de l'Institut des Provinces : À. DE CAUMONT. "02% 2&—— Aperçu des fêtes qui auront lieu durant la tenue de la XXIIE Session du Congrès Scientifique. Exposition des produits de l’agriculture et de l'mdustrie.— Expositions Artistiques.—Ouver ture des Archives , Bibliothè- ques , Musées et de plusieurs Collections privées. —Entrée dans tous les Monuments publics.—Soirées Musicales.—Visites aux Monuments remarquables de la ville et de la banlieue.—Ex- cursions Scientifiques , Agricoles, etc.—Soirées dans les salons de l'Hôtel-de-Ville. —Admission dans les salons de l’établisse- ment des Bains.—Voyage à Rochefort. —Visite de Arsenal et de l'Hôpital de la marine, etc. NOTA .—Le Congrès Musical qui devait avoir lieu à La Ro- chelle au mois de Juillet prochain, est remis au mois de Septem- bre : il coincidera avec le Congrès Scientifique. PROCÈS - VERBAUX. SÉANCE D'OUVERTURE Tenue le premier Septembre. La séance est ouverte à 4 heure après-midi, dans la grande salle de l'hôtel de la bourse, en présence d'un grand nombre de membres du Congrès, et des principaux habitants de la ville et de la banlieue. On remarque parmi les étrangers M. le com- mandeur Bertini, député au Parlement Sarde; M. l'abbé Baruffi, professeur de physique à l'Université de Turin; M. Karl-Van- Der-Esch, officier d'état-major de sa majesté le Roi de Prusse; Charles Desmoulins ; comte de Kercado; De Caumont; l’abbé Pardiac: Paquerée de Castillon; Tiollet, archiviste du comité central d'artillerie de Paris ; le docteur Ancelon; le docteur Paillou; l'abbé Florimond, directeur de la Ferme-Ecole de Montmorillon, etc., etc. Mx l'Évèque de La Rochelle, MM. deCaumont et Desmoulins, MM. les secrétaires-généraux siègent au bureau. M. l'abbé Lacurie, secrétaire-général préside provisoirement la séance, et déclare ouverte la XXIIT° session du Congrès Scien- tifique de France. Dans une courte allocution l'orateur fait connaître la marche qu'il a suivie pour arriver à organiser la session; il se plaît à proclamer qu’il a trouvé dans le premier magistrat du dépar- tement, dans le premier pasteur du diocèse, dans l’administra- tion municipale sympathie franche et cordiale; il rend hommage au zèle qu’ont déployé les diverses sociétés savantes (lu Dépar- tement pour le choix des questions qui vont être l’objet des tra- vaux du Congrès; il donne un aperçu rapide de l’histoire de La Rochelle et des éléments de succès qu’elle offre aux savants qui viennent partager de nobles travaux, et il invite l'assemblée à procéder à l'élection d'un Président-général et de quatre vice- Présidents du Congrès. é Dans un premier tour de scrutin, M£° Landriot, Évèque de La Rochelle, réunit la majeure partie des voix. En conséquence, M. le secrétaire-général proclame M# Landriot Président du Congrès, et invite Sa Grandeur à occuper le fauteuil. Un second scrutin est ouvert immédiatement pour l'élection des quatre vice-Présidents-généraux. Les voix sont partagées entre MM. de Caumont, Desmoulins, Bertini et Emery, et ces Messieurs prennent place auprès de M. le Président. 12 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Le Bureau se trouve constitué ainsi qu'il suit : Président-Général, M£# LANDRIOT, évêque de La Rochelle. Vice-Présidents-Généraux, MM. pE CAUMONT, DESMOULINS, BERTINI, -ÉMERY. ME Landriot, en quelques paroles vivement senties remercie les membres du Congrès et les assure de son entier dévoûment, comptant d'ailleurs sur le zèle de ses collègues. M. le commandeur Bertini reconnaît n'avoir d'autres droits à l'honneur qui lui est fait que l’exquise civilité des Français à l'endroit des étrangers ; il en conservera un doux souvenir. M. le Secrétaire-Général fait connaitre les délégations sui- vantes : L'Académie Royale de Médecine de Turin se fait représenter par le commandeur Bertini. La Société Francaise d'Archéologie, par MM. Gaugain, Renault et Simon. La Société Normande, par MM. Morière, Bordeaux et V. Quesnoy. La Société Linnéenne, de Caen, par MM. Deslongchamps et de la Chouquais. La Société Linnéenne de Bordeaux, par MM. Desmoulins et le comte de Kereado. La Société d'Horticulture de la même ville, par les mêmes. La Société d'Agriculture, Sciences et Arts de Rochefort, par MM. Guérin et Dubois. La Société d'Archéologie de Saintes, par M. l'abbé Lacurie. L'École de Médecine de Rochefort, par MM. Maher et Roux. La Société des Antiquaires de l'Ouest, par M. de la Mes- nardière. La Société des Antiquaires de la Touraine, par M. Boileau. La Société de Statistique des Deux-Sèvres, par M. Aril de La Vergnée. L'Académie impériale de la Rochelle, par MM. Labretonnière, Blutel et de Saint-Marceau. La ville de Rochefort, par trente notables. MM. Charles de la Terrade, de Bordeaux ; l'abbé Cirot-de-La- Ville, professeur à la Faculté de Théologie de Bordeaux; Au- œuste Petit-Laflite, professeur d'Agriculture de la Gironde ; Albert de Boys, secrétaire-général de la XXIV® session du Con- grès scientifique de France; le Docteur Roux, de Marseille ; Mme ve Philippe Lemestre ; Albert de Brivemembre, du conseil sénéral de l’agriculture ; ï. Cousin, de Dunkerque; Dubois, ancien recteur: l'abbé Rainguet, de Montlieu ; l’abbé Pasquier, VINGT-TROISIÈME SESSION. 13 de Saintes; Rainguet de St-Fort-sur-Gironde; l’abbé Le Petit; de Longchamp; de Moncelle; Charles Domar'; Parker, d'Oxfort, s’excusent de ne pouvoir prendre part aux travaux du Congrès. M. le Président dépose sur le bureau les envois suivants : . Essai d’une division de la France en régions naturelles et bo- tamiques, par M. Victor Raulin. Sur le champ d'études d’une société d'histoire naturelle séant à Bordeaux, par le même. Projet de classification minéralogique, par le même. Le Christ souffrant, par M. Cirot-de-La-Ville. Dixième résumé des observations météréologico -agricoles faites en 1854-1855 dans le département de la Gironde, par M. Aug. Le Petit-Laffite. - Insectes et mollusques ennnemis de la vigne dans le départe- ment de la Gironde, par le même. Instruction sommaire pour la culture du tabac dans le dépar- tement de la Gironde, par le même. Description physique, géologique et minéralurgique de la Charente-Inférieure, par M. Manès, ingénieur des mines. Notice sur le pays des Santones à l'époque de la domination romaine, par M. l'abbé Lacurie. Dissertation sur l’entrevue de Philippe-le-Bel et de Bertrand de Got, par le même. Histoire de l'abbaye de Maillezais, par le même. Études et Réveries, par M. Paul d’Albigny. Rapport sur des fouilles faites à Wissant, par M. L. Cousin, de Dunkerque. Études sur les échnides, par M. Charles Desmoulins. Réflexions sur la vie et le caractère de Montaigne, par M. le vicomte Alexis de Gourgues. Compte-rendu sur la maladie de la vigne, par M. Th. Cui- gneau, docteur-médecin. Considérations sur le développement et l'utilité des Crypto- grammes parasites, par le même. Note sur Pirobolus Crystallinus, par le même. Rr Documents pour servir à l’histoire de la maladie de la vigne, par le même. | Études organiques sur les Cuscutes, par M. Ch. Desmoulins. Documents relatifs à la naturalisation du panicum digitaria, par le même. Sur les feuilles du scirpus lacustrés, par le même. Trois mémoires sur les causes de la croissance des végétaux dans des conditions déterminées, par le même. : Discours sur l’évolution des forces vitales, par le même. Lettre à M. le Docteur Montagne sur la maladie de la vigne, par le même. 1% CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Dissertation sur deux rocs branlants du Nontronais, par le même. Discours d'ouverture de séance de la Société Linnéenne de Bordeaux, (maladie de la vigne), par le même. État de la végétation sur le Pic du Midi de Bigorre, au #7 oc- tobre 1840, par le même. Sur le Sisymbricum bursifolium de Lapeyrouze, par le même. Documents sur la germination de quelques graines antiques, par le même. De la propriété littéraire en matière de nomenclature scienti- fique, par le même. Rapport sur les églises St-Eutrope et St-Junien, par le même. Rapport sur quelques monuments de Toulouse, par le même. Quelques faits à ajouter à la description monumentale de Ba- zas, texte par le même, dessins par M. Léo Drouyn. Une visite au berger des Eaux-Bonnes, par le même. Rapport sur la statistique monumentale du Calvados, de M. de Caumont, par le même. Lettre à M. de Caumont sur la Flore murale, par le même. Éry thræa et Cyclamen de la Gironde, par le même. Sur une varièté de Silex du midi du Périgord, par le même, Rapport sur le Congrès de l’Institut des Province à Orléans, par le même. ; Révision de quelques espèces de Pleurotomes, par le même. Notice sur quelques monuments du Bigorre, par le même. Deuxième supplément au catalogue des Phanérogrames de la Dordogne, par le même. Annales de la Société d'Agriculture de La Rochelle, années 1841 à 1856, seize cahiers brochés. Origine de Thélice, par M. Chopin Dallery. Opinion de M. de Caumont sur plusieurs questions à proposer au Congrès des délégués. Essai sur l'esprit de l’art architectonique, par M. Aug. du Peyrat. Annuaire de l’Institut des Provinces et des Congrès Scienti- fiques pour l’année 1854. Le même, pour l’année 1855. Exposition régionale de Bourges, en 1849. Rapport sur F exposition d'instruments aratoires de Caen, en 1855, par M. Moriere. Discours de clôture, de M. le comte de Montalembert pour le congrès archéologique, en 1853. Bulletin bibliographique. des sociétés savantes des dépar- tements, 1851. Topographie tellurique et carte agronomique d'une terre de 42 hectares, par M. de Caumont. VINGT-TROISIÈME SESSION. 15 Aux antiquaires, après le manifeste de l’Académie des Beaux- Arts au sujet du style ogival, par M. A. de Flaguais. … Procès-verbal des séances de l’Institut des Provinces à Caen, en 1846. - Raisonnons un peu, s’il vous plaît, par M. Ch. Desmoulins. Du passé et de l'avenir de la Société d’émulation de Liège, par M. d’Otreppe de Bouvette. Principes d'archéologie pratique, par M. Raymond Bordeaux. Notice biographique sur M. de Caumont, par M. Perraud, de Thoury. Les chants du soir, par M. Chéri Pauffin. De l’émigration des cultivateurs, par M. Charles Laterrade. Cœur et patrie, par M®° Fanny Dévoix des Vergnes. Annuaire de l’Institut des Provinces, pour 1853. Deuxième mémoire de M. de Caumont sur la géologie de l'arrondissement de Bayeux. Le Castellum gallo-romain de Larc de Caumont. ; Notice sur le tombeau de Saint-Loyer, évèque de Séez; par M. de Glanville. à Sources et monuments du droit français, par M. L. I. Koœ- nigswarter. De la régénération des sociétés savantes, par M. le docteur Roux. Rapport sur quelques excur$ions en France, en Hollande et en Allemagne, par M. de Caumont. M. Charles Dallery reconnu inventeur de l’hélice immergée. Définition élémentaire de quelques termes d'architecture, par M. de Caumont. Iconographie chrétienne, par M. l'abbé Crosnier. Rapport sur plusieurs excursions archéologiques, par M. de Caumont. : Annuaire de la Normandie pour 1856. Le Crédo agricole, par M. Amédée Bertin. Manuel dogmatique et religieux pour le jubilé de l’an de grâce 4854, par M. l'abbé Pardiac. Saint-Mommolin, patron des Bordelais, par le même. Antiennes à la Vierge, par le même. Le curé de campagne, par le même. Saint-Pierre, martyr, par le même. ‘ Histoire d’un enfant de six ans, par le même. Statistique du parlement Sarde pour les quatre premières législatures, et pour la première session de la cinquième, close Je 29 mai 4855, par le docteur Bertini, député audit parlement. Rapport sur le Congrès international de statistique tenu à Paris, en septembre 4855, par le même. c Second rapport sur ledit Congrès, par le même. ay, près de Tours, par M. 16 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Aperçu des travaux du Congrès international de statistique tenu à Bruxelles, en septembre 4853, par le même, Apercu statistique des travaux d'hygiène et de police de fa ville de Turin, exécutés par le bureau d'hygiène de ladite ville, sous la direction et l’administration du docteur Bertini, pendant le 4° trimestre de 4855, par le même. - Même apercu pour le 4° trimestre de 1856, par le même. Compte-rendu du Congrès Scientifique, tenu à Arras, par le même. Pierre ou les Nouvelles Ligugéennes, roman en vers de Véron. Notice biographique sur l'amiral John Franklin, par M. de La Roquette. M. de Caumont rend compte de la mission dont il avait été chargé pour l’organisation de la XXIV* session du Congrès, à Grenoble. Après le refus de M. Lorit, et d’autres tentatives in- fructueuses, il a pu enfin arriver à une constitution définitive. - M: de Caumont explique aussi au Congrès le retard qui a été apporté à la publication des travaux de la dernière session tenue au Puy; il exprime le vif regret qu’il en éprouve, et il espère bien que semblable retard ne se renouvellera plus. M. le Président invite MM. les membres du Congrès à se faire inscrire chacun dans les sections spéciales qu'ils auront choisies; il rappelle qu'aux termes des articles 7 et 8 du réglement, cha- . que section doit, le lendemain de l'ouverture du Congrès, cons- tituer son bureau et commencer’ées travaux. MM. les Secrétaires-Généraux annoncent que des tableaux indiquant le nom de la section et l'heure des réunions seront affichés à la porte du local affecté à chacune d'elles. La séance est levée à trois heures et demie. L'un de Secrétaires-Généraux , PERSON. Le Secretaire-Genéral , LACURIE. SÉANCES DES SECTIONS. . lee & 6° Sections réunies : SCIENCES NATURELLES 3 PHYSIQUES & MATHÉMATIQUES. Séance du 2 Septembre. La séance est ouverte à 7 heures du matin sous la présidence provisoire de M. Charles Desmoulins, chargé d'organiser les deux sections. È Dans l'intérêt de leurs travaux, et profitant de la latitude VINGT-TROISIÈME SESSION. 17 donnée par l’article 8 du réglement, MM. les membres présents conviennent qu'ils se diviseront en deux sous-sections : sciences vaturelles, sciences physiques et mathématiques; et ils pro- cèdent à la formation d’un double Bureau. M. Blutel ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages est élu Président de la section des sciences naturelles ; MM. Paqurée et Jouvin réu- nissent les suffrages pour la vice-Présidence. Pour la sous- section des sciences physiques et mathématiques, M. l’abbé Baruffi, et MM. Vivier et Geoffre sont élus Président et vice- Président. Le Bureau se trouvant ainsi constitué, M. Blutel donne la parole à M. Desmoulins pour la lecture d’une lettre de M. Manès, qui témoigne ses regrets de ne pouvoir suivre les travaux du Congrès. La section en est d’autant plus peinée que M. Manès a fait une étude spéciale de la géologie et dela minéralogie du département. Obligé de se rendre dans le Périgord pour y étu- dier un terrain houillier, le savant ingénieur veut cependant apporter son contingent au Congrès, et il charge M. Desmou- lins de deux mémoires qui répondent aux 1° et 13° questions du programme de la section. , La 1" question est celle-ci: « Étude géologique du dépar- » tement de la Charente-Inférieure; quelles sont ses richesses » minérales? En donner la statistique. » M. Manès établit en principe que le département de la Charente-Inférieure, composé de roches jurassiques crétacées et tertiaires, est très peu riche en substances minérales utiles. Puis il donne l’énumération de celles qu’on en retire, c’est: La chaux carbonatée, à l’état lamellaire compacte ou oolitique, fournissant des pierres de construction et des pierres à chaux—la chaux sulfatée, lamel- laire et saccaroïde, exploitée pour plâtre—le quartz calcédoine dont on tire parti pour la bijouterie—des sables pour moulages, mortiers et crépissages—les argiles, pour terres à batir, tuile- ries, poterie et faïencerie, verrerie—les marnes—le minerai de fer à l'état d’oxide hydraté ou engrains isolés—la tourbe—le sel. Il résulte des observations du savantingénieur, que les trois plus importantes industries minérales du département de la Charente-Inférieure, sont celles du sel marin, des carrières, des poteries, occupant en somme 8,600 ouvriers, et produisant une valeur de 4,500,000 fr. A la 13° question ainsi formulée : « La carte géologique de la » Charente-Inférieure est-elle suflisante pour que l’on puisse, » à priori, indiquer les espèces de terrains sur lesquels il serait » utile de pratiquer le drainage? » M. Manès répond négative- ment. En effet, si la carte géologique indique par différentes teintes les diverses formations géologiques qui constituent le sous-sol, ces formations étant composées de différentes roches perméables ou imperméables, leur position, par rapport au sol, 18 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ariable d'un point à un autre, n'est point indiqué par la carte; et c’est justement cette connaissance qu’il importerait d’avoir pour pouvoir indiquer, à priori, les terrains auxquels con- viendrait le drainage. Une bonne carte agronomique peut seule donner les indications demandées. Une carte agronomique a pour objet de faire connaître les relations existantes entre le sous-sol, la terre végétale et les diverses cultures; le sous-sol y est considéré d’après ses propriétés physiques, et ses carac- tères minéralogiques, connaissances indispensables pour pra- tiquer utilement le drainage. 4 La section écoute avec un intérêt marqué la lecture de ces deux mémoires eten vote l'impression. L'absence de M. Mayrand qui s'était inscrit sur la 2° question amène la discussion de la 3° question ainsi conçue : « Donner » la statistique et le gisement des marnes que renferme le dé- » partement ; en faire l’analyse et en induire la richesse comme » amendement des terres. » M. Vivier constate par la pratique des agronomes les plus recommandables, l’incontestable avantage de l'emploi de la marne, comme engrais, si elle est mélangée en proportions convenables, et il sait gré au Congrès d’avoir mis cette question à l'étude. | Prenant pour guide l'excellent ouvrage, publié en 1853, par M. Manèés, ingénieur en chef des mines, l’orateur arrive à cette conclusion qu’il y a dans les attérissements argileux de nos côtes, comme en diverses autres parties du département et no- tamment dans les arrondissements de Jonzac, de Saintes et de St-Jean-d'Angély, une riche mine à exploiter et dont l’industrie agricole peut obtenir d'immenses avantages. Abordant la 2° partie de la question, M. Vivier donne l’ana- lyse des marnes du département. Il demeure démontré que ces marnes contiennent l'élément calcaire en proportion suffisante pour pouvoir être employées comme un utile amendement dans les terrains qui n’en sont pas assez pourvus. M. de Caumont demande l'impression de ce mémoire remar- quable par sa clarté et sa précision. Il s’informe si la chaux est employée dans l'amendement des terres. M. Emery répond que son usage est inusité. M. de Cau- mont le regrette d'autant plus que la chaux a une puissance d'action bien supérieure à la marne pour l'amélioration des terres. Sur la 4° question : « Quelles sont les causes et les lois des » atlérissements et des envahissements opérés sur nos côtes ? » Quelles modifications apportent-ils au port de La Rochelle? » M. l'abbé Barufli dit que M. Paléocappa vient de publier un ou- vrage très remarquable sur les attérissements de l’Adriatique. L'ouvrage a été publié à Turin; M. Barufli sera heureux sitôt VINGT-TROISIÈME SESSION. 19 sonarrivée à Turin d’en adresser un exemplaire à la bibliothèque de la ville. M. le Président remercie M. Baruffi de son offre gé- néreuse. La 5° question : « La destruction des Thalassiophytes est-elle » nuisible à la reproduction du poisson? » est mise en discus- sion. M. Chevalier pense que cette question est si importante et si difficile à résoudre qu’il serait nécessaire de la remettre à un aütre congrés. M. Sauvé dit, que dans son opinion, la destruction des Thalas- siophytes est fort nuisible à la reproduction du poisson. Ces plantes marines servent, sinon de nourriture aux poissons, du moins elles leur offrent un abri protecteur contre les mille dan- gers qui les menacent. Elles sont en outre très propres à rece- voir les œufs qu’elles protègent contre les mouvements du flux et du reflux, et contre les ardeurs du soleil lorsque la mer dé- couvre. M. Desmoulins partage complètement l’avis du préopinant. M. Bonniot signale un fait que plusieurs personnes ont pu constater avec lui, c'est qu’à une certaine profondeur il n’appa- rait plus de végétation. M. Chevalier pense aussi que les plantes marines sont utiles et même nécessaires à la multiplication des poissons. Il affirme avoir trouvé très souvent des œufs de seiche attachés à la racine des fucus. : M. Desmoulins.fait hommage à la section de trois mémoires sur l’examen des causes qui paraissent influer sur la croissance de certains végétaux ; ces mémoires pouvant se rattacher indi- rectement à la solution de la 5° question. ; La séance est levée à neuf heures. L'un des secrétaires, SAUVE. Séance du 3 Septembre. Présidence de M. BLurTEL. La séance est ouverte à 7 heures. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. M. le Président propose à l'assemblée d’adjoindre à M. Sauvé, comme secrétaire, M. Chevalier. Cette proposition est admise à l'unanimité. M. l’abbé Baruffi adresse des remerciements à la section des sciences physiques et mathématiques pour l'honneur qu’elle lui a fait en l'appelant à la présidence. 20 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. L'ordre du jour appelle M. l'abbé Barufli à la tribune pour la lecture d'un mémoire sur le percement de l'isthme de Suez. Cette lecture pleine d'intérêt captive l'assemblée, M. Desmou- lins propose que ce remarquable travail soit inséré in extenso dans le compte-rendu du Congrès. Cette proposition étant ad- mise, et le mémoire devant être lu en séance-publique, je n'es- saierai pas d’en donner une pâle analyse; je signalerai seulement le vœu que M. l'abbé Barufli propose de faire émettre par le Congrès pour hâter la réalisation de ce travail vraiment colossal. M. de Caumont est d'avis que le vœu adopté par la section soit exprimé par le Congrès dans sa séance publique de ce jour. Adopté. M. Mairand à la parole sur la 2° question : « Rechercher les » causes qui‘ont pu produire les buttes coquillières de Saint- » Michel-en-l’'Herm. » L'auteur décrit le gisement, la forme et la constitution de ces buttes qui ont déjà attiré l'attention d’un grand nombre de sa- vants, sans qu’on soit encore bien fixé sur les causes qui les ont produites. Pour M. Mairand le phénomène s'explique par un charriage résultant d’une oscillation fortuite du sol, El combat l'hypothèse de M. Rivière qui admet la formation des buttes à l’époque où se produisait celle des parties inférieures du marais méridional de la Vendée, et l'élévation de 12 mètres au-dessus du sol au milieu des eaux. L'auteur cherche à prouver que le système de ce géologue n’est point concluant, du moins pour ce qui regarde le surhaussement dont nous venons de parler. Il donne ensuite une idée de lattérissement du golfe de Lucon, et conclut que ce n’est pas à la suite d’un soulèvement causé par une perturbation que des bancs d’huitres de la côte du bas Poitou auraient été élevés pour former des buttes bien plus hautes que le sol voisin et que le lit ancien et le lit nouveau de la mer dans ces parages. L'hypothèse d'un soulèvement n’est pas soutenable lorsque l’eau trouve toutes les couches de terrain horizontales et régulières . M. Desmoulins appuie l'opinion du charriage parce qu’il a observé lui-même sur la rive gauche de la Gironde, dans des terrains unis et marécageux appelés les mottes. Là les courants ont déposé des amas de coquilles qui s'élèvent au-dessus du sol circonvoisin. M. le Président fait remarquer que plusieurs dessins sont Joints au mémoire de M. Mairand, et il propose d'en voter l’im- pression. Adopté. M. Sauvé demande que deux mémoires de M. Paquerée, inti- tulés : le premier, des accidents des chemins de fer et des moyens de les prévenir; le deuxième, des accidents occasionnés par l’ap- plication de quelques procédés industriels, et des moyens de les prévenir, soient remis à l’un des membres de la section pour en VINGT- TROISIÈME SESSION. 21 faire un rapport s’il y a lieu. Le même remet un travail de M. Jonain, de Bordeaux contenant l'exposé d’une nouvelle méthode de classification botanique. La séance est levée à neuf heures. L'un des secrétaires , SAUVE. Séance de 4 Septembre. Présidence de M. BLureL. La séance est ouverte à 44 heures. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. L'ordre du jour amène la discussion de la 4 question du programme ainsi conçue : « Quelles sont les causes et les lois » des attérissements et des envahissements opérés sur nos côtes ? » Quelles modifications apportent-ils au port de La Rochelle? » Deux mémoires ont été présentés, l’un de M. Léon Bonniot, l'autre de M. Burgaud. Ces deux ouvrages fruit d’études cons- ciencieuses, et résultat d'observations faites à des distances éloi- gnées, ont présenté dans leur ensemble quelques différences au point de vue des causes qui ont amené des attérissements. D'après M. Bonniot les alluvions proviennent de grands cou- rants littoraux, dans leur cours de l est à l’ouest; du phénomène des marées qui délaient et tiennent en suspension les corps les plus légers qu'elles viennent déposer sur le sol et en former l'accroissement en hauteur et en étendue. Il trouve les lois des attérissements dans les produits, par dé- cantation, des eaux en repos; ils ne peuvent se former que dans les points abrités, les ports, les petites baies ou anses, les bas- sins, les excavations. On n’en ‘voit jamais sous les arches des ponts, les coursiers des écluses; tandis que c’est ordinairement derrière les culées, les piles, les avant-becs que les traces en apparaissent. S'ils se forment aux extrémités des pointes avancées, ce n’est que par l'effet de contre-courants qui se détruisent simultanément et forment un centre de repos. De ces considérations générales M. Bonniot descend aux par- ticulières; il entre dans un détail concis sur la nature des lais de mer, passe à leur formation, divise les transports formant les alluvions en deux espèces ; ceux qui sont opérés par la violence des-courants marins, des rivières, etc.; ceux qui, par une mar- che plus lente, plus régulière, plus graduelle et plus constante, ont pour base, les dépôts successifs que l’eau tient en dissolution €eten suspens. Relativement aux observations déduites, d’après 46 années 22 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. de comparaison entre les communes de Charron et d'Esnandes, les lais de mer ont gagné 225 mètres en largeur, ce qui donne à peu près 5 mètres par année. De là l'auteur passe au progrès de la végétation qui, sur ce terrain neuf, se développe avec une grande énergie et une inces- sante activité. Il présente des moyens d'endiguement; il indique les pré- cautions qu'il est nécessaire de prendre pour vaincre les diffi- cultés et rendre l'opération facile et surtout au point de vue de la plus stricte économie. Quant aux modifications que les alluvions apportent au port de La Rochelle, les dépôts, de même nature que ceux de nos côtes, suivent le même régime d’accroissement. Si le chenal de navigation est plus profond, il en recoit une plus grande couche; mais les chasses opérées Lg les diverses écluses les ont bientôt repor tés au loin. L'orateur considère encore ces dépôts relativement aux autres parties des abords du port, comme très favorables à l’échouage _ navires qui s'y maintiennent sans crainte d’avaries. D'après M. Burgaud, le séjour de la mer, dans le bassin de la Sèvre, avant le dessée hement, est incontestable. Des preuves nombreuses sont fournies à le appui de ce fait. Le desséchement des marais vient de ce que pendant le long séjour que la mer a fait dans cette contrée elle y à déposé une quantité considérable de vases mêlées au limon entraîné par les eaux des rivières et des ruisseaux qu’elle recevait. Le terrain en fut exhaussé insensiblement, et il se couvrit d'un grand nombre de plantes aquatiques. | Lorsque le sol eut atteint une certaine élévation, la mer ne le submergeant plus que rarement, il dut rester stationnaire. Dans cet état, recevant les eaux douces des terres hautes, les marais qui bordent la partie inférieure de la Sèvre se couvrirent de jones, de roseaux, et d’autres plantes croissant avec rapidité. Ces terrains, tour à tour desséchés et inondés devinrent un foyer d'émanations pestilentielles. Ce qui explique pourquoi Hum- phroy de Bradley, de Berg-op-Zoom, en 4599, mandé par Henri IV, toujours préoccupé du bonheur du peuple, opéra le dessé- chement des terres marécageuses du Poitou, de l’Aunis et de la Saintonge. M. Burgaud entre i ici dans la description des digues qui furent alors élevées ; il montre comment, à leur suite, les attérisse- ments se continuant toujours, d’après les mêmes causes, les accroissements devinrent si considérables que dans la seule commune de Charron, en 1760, en vertu d’une concession faite par le gouvernement, on en dessécha 2,000 journaux. Son opinion sur la cause la plus probable des attérissements, estque la mer apporte sans cesse dans le golfe de l’Aiguillon, une VINGT-TROISIEME SESSION. 23 quantité immense de vase qui en élève de plus en plus le fond ; que cette vase provient des terres charriées par les ruisseaux et les rivières, et, aussi des argiles interposées entre les bancs de roches de nos falaises, la mer les déposant ensuite dans les bas- fonds; peu à peu le terrain s’exhausse et la végétation s’en empare. Il résulte de nombreuses opérations du calcul des superficies faites par M. Burgaud que, quant à la moyenne, les terrains se sont àccrus en largeur en une superficie de 5 m. 035 mil. par année. Suivent ces calculs, comme preuve de ce qui a été avancé dans le rapport. La section se partage. Les apercus de MM. Bonniot et Burgaud présentent dans leur ensemble des différences notables dans l'appréciation des causes qui ont amené les attérissements. Les différentes plantes qui viennent annuellement choisir, comme lieu de station ces terrains d’alluvion, ne paraissent pas avoir été convenablement spécifiées et localisées. M. Marchegay demande la parole et démontre que, dans leur rapport, les auteurs ne sont point entrés dans le fond de la ques- tion; il prie le bureau de renvoyer la discusssion à une autre séance. La séance est levée à midi. L'un des secrétaires , CHEVALIER. Séance du 5 Septembre tenue à Rochejort-sur-Mer, au Salon. Pour simplifier les travaux, vu le peu de temps que le Congrès doit donner à Rochefort, on a jugé à propos de réunir aux Sciences naturelles et physiques la section d'Agriculture; on à également réuni la 4° et la 5e section ; la section de Médecine ne s’est réunie à aucune autre. Présidence de M. l'abbé BARUFFI. La séance est ouverte à midi. Après lecture donnée des questions soumises à l'étude des membres des sections réunies, M. Desmoulins annonce qu’en réponse à la 23° question M. Rollin a publié depuis trois ans en- viron un nivellement barométrique de la province d'Aquitaine, s'étendant depuis la Loire jusqu'aux Pyrénées. M. Auriol, sous-directeur des constructions navales au port de Rochefort, lit un mémoire contenant la solution des questions désignées sous les N.°5 19, 21 et 28. Le régime des eaux de la Charente, dit M. Auriol, est invariable depuis l’époque des 24 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. premières observations, lesquelles remontent à 470 ans environ; l'encaissement des rives est tel que la vitesse de la Charente est supérieure à celle de toutes les autres rivières de France, et cette heureuse circonstance s'oppose à l’envasement de son lit; la- bondance de la vase des rives est si grande que les lancements et les autres opérations nautiques n’offrent jamais aucun danger. Après avoir décrit la rade de l’Ile-d’Aix, son étendue, sa pro- fondeur et les fortifications qui la protègent, M. Auriol entre dans des détails étendus sur l'établissement du port des diverses . localités qui avoisinent Rochefort, et il constate encore que de- puis Colbert la profondeur de l’eau dans les passages difficiles de la Charente n’a pas éprouvé de changements notables : on conclut des observations maréométriques combinées avec les données des cartes hydrographiques de M. Beautemps-Beaupré que le port de Rochefort est accessible aux plus grands vaisseaux, grace à l'enlèvement d'une partie peu importante de l’arme- ment. Le nouveau bassin actuellement en cours d'exécution dans l'intérieur de l'arsenal est l’objet d’une étude spéciale et com- plète. On y examine non seulement la disposition très ingé- nieuse du système de construction adopté, mais encore on'a groupé des renseignements nombreux sur la nature et le prix de revient des matériaux employés. Le mémoire résume enfin les données techniques relatives aux trois autres bassins de caré- nage que contient l'arsenal, et il signale l'heureuse disposition du moulin dragueur de M. Hubert destiné à débarrasser l’entrée du bassin des vases qui s’y accumulent. La question 21 est résolue par une description des fosses d’im- mersion de l'arsenal de Rochefort consacrées à la conservation des bois de construction : celles qui ont été réservées au bois de chène peuvent contenir les matériaux nécessaires à la cons- truction de douze vaisseaux; celles des bois de mâture con- tiennent 2,300 mats et 2,000 espars. Après avoir mentionné l'établissement des cales de construc- tion de l’arsenal, l’auteur décrit les principaux ateliers et débute par la corderie : il passe en revue les diverses phases parcourues par la fabrication des cordages, et il expose sommairement les derniers perfectionnements dont l'importance a été mise à pro- fit par tous les autres établissements de France et d'Angleterre; les ateliers de l’ajustage, de la fonderie, des forges et de la tole- rie sont successivement passés en revue, et pour chacun d'eux la dépense est mise en regard du rendement annuel. M. Auriol quitte les établissements militaires pour jeter un coup-d’œil d'ensemble sur les améliorations dont Rochefort a joui depuis ces dernières années et sur celles qui doivent lui ve- nir en partage dans un avenir prochain. Parmi ces dernières il met en relief la nécessité d’adjoindre au port de commerce VINGT-TROISIEME SESSION. 25 actuel deux bassins à flot qui, placés dans le voisinage de la gare du chemin de fer, donneraient de telles facilités au trans- bordement des marchandises, que Rochefort pourrait concevoir l'espoir légitime de rivaliser bientôt avec les grands ports de l'Ouest, Nantes et Bordeaux. Le mémoire se termine par un examen des intérêts commerciaux assis sur la Charente, et il a pour conclusion la réflexion suivante : les fonctionnaires des divers corps de la marine militaire ont été à peu près tous jus- qu’à ce jour à Rochefort; mais nos populations, lorsqu'elles se- ront guidées et éclairées par de véritables négociants et non par des commissionnaires, par des agronomes distingués, nos po- pulations ne porteront pas toutes leurs vues et leurs efforts eXx- clusivement vers l'arsenal maritime. Quand on saura qu’il y à ici et aux environs des terres excellentes et une agriculture négligée; quand il y aura de nombreux débouchés par terre et par mer, des moyens faciles de gagner sa vie et même de s’en- richir, on s’y rendra des contrées éloignées, et le port militaire non seulement ne sera pas un obstacle au développement des productions naturelles, mais il y trouvera encore une augmen- {ation d'importance. Une discussion s'ouvre sur le mémoire de M. Auriol. M. Jou- vin demande quelques explications sur l'absence de barre à l'entrée de la Charente. M. Auriol répond qu'une barre existe au point désigné par les pilotes sous le nom de la Moucrière, mais que cette barre n’est point dangereuse. A la question suivante: le procédé de M. Boucherie a-t-1l été mis à profit par la marine Française ? M, Auriol répond que les arsenaux, malgré des expériences très nombreuses exé- cutées au port de Toulon, n'ont trouvé aucune application du procédé. M. Roche ajoute que des planchettes injectées de sulfate de fer n’ont point été attaquées par les termites tandis que d’au- tres planchettes dans les mêmes circonstances avaient été entiè- rement détruites, bien qu’elles eussent été préliminairement lavées avec une dissolution de biclorure de mercure, ou en- duites de coaltar. M. le comte de Kercado fait connaitre qu’il s'occupe de la découverte de M. Boucherie, et qu’il la met en pratique dans ses exploitations agricoles : des échalas injectés et placés dans un sol humide sont restés intactset sains après un espace de quatre ans. M. de Kercado ajoute que le propriétaire actuel du brevet, M. Le- . quay, ex-inspecteur des Eaux-et-Forêts, a établi près de Bor- deaux des chantiers spéciaux pour cette nouvelle mdustrie qui, maleré les difficultés dont elle a été entourée à son début, pro- eresse sensiblement aujourd’hui; aux expositions de la Société 26 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. d'Horticulture de Bordeaux, des produits de M. Lequay ont été examinés et n’ont soulevé aucun reproche. Divers faits sont encore allégués pour établir les avantages que l'industrie est appelée à retirer de l'emploi des procédés de M. Boucherie. La discussion relative au mémoire de M. Auriol étant close, les sections décident à l'unanimité que le mémoire sera im- primé. M. Auriol donne communication d’un fragment de lettre de M. Vicat, relatif aux questions 8 et 18 du programme. M. Vicat émet l'avis que le parti le plus avantageux à tirer des eaux-mères des marais salants serait d’en extraire la ma- gnésie afin de la substituer à la chaux dans la fabrication des pouzzolanes artificielles. En réponse à la question 18 M. Vicat renvoie pour plus amples renseignements au mémoire qu’il a présenté à la Société d'Encouragement. Son avis résumé estque: en prenant des précautions suflisantes, on arrive à fabriquer des pouzzolanes artificielles inaltérables et indestructibles à l’eau de la mer. M. Jouvin ne pense pas qu’il soit possible d'isoler la magné- sie des eaux-mères des marais salants à l’aide de procédés éco- nomiques, l'opération devant toujours se ramener en dernière analyse à la décomposition d’un sulfate ou d’un chlorure, et l'on sait que ces sels sont généralement d’une grande fixité. Après quelques éclaircissements fournis par les membres des sections sur l'emploi et la composition des diverses pouzzolanes, après l'avis émis par M. Jouvin, que la pouzzolane à base de chaux est nécessairement attaquable par l’eau de la mer, avis motivé sur de nombreuses analyses des blocs immergés pour la construction de la digue de Cherbourg; les sections émettent le regret que M. Vicat n'ait pas communiqué son mémoire au Congrès. M. Desmoulins rend compte de ses travaux sur le catalogue des plantes du département de la Charente-Inférieure. Il signale deux plantes omises dans le catalogue, et qu’il a découvertes dans les environs de Saintes; l’une est une mousse AADRCEE strigosum, l'autre appartient à la famille des cistinées helian- themum fumans. Ce catalogue sera remis par lui l'année pro- chaine, avec les anotations qu'il aura pu y ajouter, à la section d'histoire naturelle de l'académie de La Rochelle. M. Desmoulins appelle l'attention des botanistes sur un mé- moire suédois traduit en français par M. le docteur Nylander, et publié par les soins de la Société Linnéenne de Bordeaux. Ce mémoire annonce la découverte de quelques espèces nouvelles de Chara vivant dans les eaux de la Baltique. Jusqu'à présent on ne connaissait que des Charagnes d'eaux douces, et il serait d'un grand intérêt de se livrer sur nos côtes à des recherches VINGT-TROISIÈME SESSION. 27 . analogues afin de s'assurer s’il ne serait pas possible d'y trouver de semblables espèces marines du genre Chara. >. Quelques membres de la section mettent en doute la décou- - were; ils considèrent que les eaux de la mer Baltique sont si - péu chargées de matières salines qu’il est probable, à priori, que les espèces nouvelles de Chara ne doivent pas être classées parmi les plantes marines, mais parmi celles qui habitent les eaux saumaätres. M. de Caumont annonce que les coupes géologiques des ter- rains traversés par le chemin de fer de Niort à Rochefort, ont été relevées par les soins de M. Beaugier : ces coupes dont M. de Caumont a constaté lui-même la belle exécution et le grand intérêt seront publiées l’année prochaine par l’intermédiaire de la Société de Statistique des Deux-Sèvres. M. le président annonce que les sections se réuniront demain dans la matinée, la séance générale devant s'ouvrir à midi. La séance est levée à deux heures. L'un des secrétaires , LEBELIN, sous-Ingénieur de la Marine. Séance du 6 Septembre tenue à Rochefort-sur-Mer. Présidence de M. l’abbé BARUFFI La séance est ouverte à huit heures. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. Une invention mécanique de M. Arnut a été communiquée au - Congrès. On décide que l'invention sera renvoyée à l'examen de la section pendant la session de La Rochelle. M. Le Gall prend la parole pour traiter verbalement la ques- tion n° 9 du programme et il la résout aflirmativement. Cette : question est ainsi conçue : « Est-il démontré, comme on le pré- >» tend, que dans les XVI, XVII et XVIII siècles les hivers =» fussent plus froids et moins longs, les étés plus chauds et plus » prolongés que dans le XIX°, et que dans ce dernier les ven- » danges soient généralement retardées de quinze jours à un -» mois ? » La modification du climat en France, dit M. Le Gall, remonte jusqu’au XIII siècle; c'est à partir de cette époque que la vigne disparaît de la Picardie, de la Normandie et de la Bre- tagne; le climat séquanais ne suffisait plus à la maturité du raisin dès le XVIe siècle, et la vigne était partout remplacée par le pommier, tandis que les vins d'Argenteuil, de Meudon, de Montmartre étaient encore très-réputés. Aujourd’hui la limite ide la vigne va de plus en plus en se rapprochant de la Méditer- -ranée; il faut s'attendre à la voir disparaître dans un avenir plus , 28 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ou moins éloigné du climat Girondin, et sa disparition débutera nécessairement par le de tement de la Charente-[nférieure. Les récoltes sont-elles retardées généralement de quinze jours à un mois? M. Le Gall regarde le fait comme incontestable, et cite à l'appui de son opinion l’époque de la vendange et de Ja moisson pendant ces dernières années comparativement avec Le qui était habituelle au commencement du siècle. . de Caumont établit que le pommier, a été introduit en Las vers le commencement du XIII siècle ; sa culture dénote moins peut-être la disparition de la vigne que la préfé- rence donnée à un arbre dont la production est plus certaine et plus abondante que celle du raisin. M. de Caumont partage l'opinion de M. Le Gall sur le retard actuel -des récoltes, et il rappelle que les anciens zodiaques qu'il à étudiés marquent généralement la moisson en juillet, le battage en août et la ven- dange en septembre. Or, ilest notoire que dans les temps pré- sens toutes ces opérations se font ordinairement un mois plus tard. M. Jouvin suggère l'idée que le retard mentionné plus haut doit peut-être être attribué à la nécessité nouvellement reconnue de faire séjourner les fruits sur la plante jusqu'à leur parfaite maturité. Suivant M. Desmoulins les climats ne subissent pas de chan- gements permanents ; la température annuelle oscille entre des limites dont la moyenne prise sur un grand nombre d'années reste invariable ; aux périodes d'années froides et tardives suc- cèdent des périodes d'années chaudes, et, même de nos jours, on peut signaler des années pendant lesquelles les récoltes ont repris les dates assignées par les anciens zodiaques. M. Le Gall a étayé son opinion de celle que M. Arago a souvent émise au sujet de l’invariabilité de la température des conti- nents; mais M. Barufli lui objecte que les astronomes en éta- blissant invariabilité de la température moyenne du globe n’ont pas entendu ‘nier les variations partielles dont on connaît au- Jjourd'hui desexemples nombreux et bien constatés. Les phéno- mènes météorologiques varient avec les conditions accidentelles Qu sol : ainsi, en Egypte, la moyenne de la pluie a été en aug- mentant depuis que Méhémet-Ali a fait planter à l'embouchure du Nil, une quantité très-considérable d'arbres, vingt-cinq mil- lions environ. A Liverpool, la pluie a sensiblement augmenté depuis l'établissement d'un grand nombre de machines à vapeur, et l'on a observé que le lundi était, de tous les jours de la se- naine, le moins pluvieux. Enfin, à Turin, les orages accom- pagnés de tonnerre sont beaucoup plus fréquents depuis le dé- boisement des terrains environnants. A l'appui des faits précédents, M# Landriot rapporte que RRaturth dont les ruines annoncent une cité jadis très-florissante, VINGT-TROISIEME SESSION. 29 est situé sur un sol complètement inhabitable aujourd'hui, et dont le séjour est absolument impossible. M. Duchatellier prend la parole pour établir que les consé- quences des reboisements sur les cours d’eau, semblent souvent contradictoires selon la manière dont on les envisage; tantôt, en effet, le reboisement assèche une contrée, et tantôt il Y détermine des sources d’eau nouvelles. M.-Roche résout cette difficulté en développant sa théorie, la plus généralement adoptée, de la répartition des eaux dans le cas d’un sol boisé, ou d’un sol dénué de végétation, et il dé- montre que les inondations subites ne sont point à redouter dans les premiers cas. M. Roche attribue le phénomène météorolo- gique observé en Egypte, et rapporté par M. Barufli, à la grande quantité de vapeur d’eau que la végétation répand ‘continuelle- ment dans l'atmosphère. M. le commandeur Bertini pense que les pluies et les orages sont fortement influencés par le déboisement. Cette influence s'est fait sentir en Italie, dans tout le Piémont, et même en Ligurie le printemps n’est plus qu'une continuation de l'hiver, et la vendange qui commencait jadis le 25 septembre dans les provinces de Saluces et de Pignerolle, ne devance jamais main- tenant le 5 octobre. M. Jouvin attribue ces modifications, lesquelles sont perma- nentes, à des travaux exécutés à la surface du sol sans discer- nement et sans prévision de l'avenir; toutefois, dit-il, le froid dont nous nous plaignons n’est pas comparable à celui qui sévissait chaque hiver, au temps de César, sur la Gaule et sur la Germanie. M. Ardouin, médecin-vétérinaire, lit un mémoire sur la 20° question du programme, ainsi formulée : « Quelle a été l’in- » fluence du desséchement des marais sur l'assainissement de la » contrée, et sur l'augmentation des richesses depuis trente » ans? » Après avoir fait brièvement, mais avec une très-grande clarté, l'exposé historique du desséchement des marais de St-Agnant, de Marennes et de Brouage, M. Ardouin trouve l’occasion de payer un juste tribut de reconnaissance à lamémoire de M. Le- terme, ancien sous-préfet de Marennes, sous l’administr ation duquel les grands travaux d’assainissements ont été commencés et conduits avec autant d'énergie que d’abnégation. Abordant le tableau de l’état sanitaire de la contrée avant l'exécution des canaux de desséchement, l’auteur montre les populations d'alors, décimées, chaque-année, par les fièvres, et réduites à un état de marasme qui, les rendant à peu près im- propres au travail, les maintenait constamment dans la misère etle vagabondage. Alors, le seul produit du sol était l'élève du 30 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. bétail, et encore ce bétail était-il lui-même frappé et dépeuplé tous les ans par les affections charbonneuses. Comparant cet ancien état de choses à l’état de choses actuel, M. Ardouin fait entendre une éclatante vérité en montrant læ situation prospère de cette contrée. Chaque jour, en effet, ces pays, jadis si désolés voient augmenter leur population ; chaque jour de nouveaux bras se livrent avec ardeur et succès aux tra- vaux de l’agriculture. Grâce à cela, 54,000 hectares de marais infects, pestilentiels, ne produisant jadis que des ronces et dé- versant sur toute la contrée des miasmes mortels, ont été trans- formés en prairies excellentes, qui fournissent du foin à un actif commerce qui lui fait remonter le fleuve pour approvisionner le département de la Charente. A mesure que la mortalité a diminué parmi les hommes pour arriver à l’état présent qui peut soutenir la comparaison avec tout le littoral, les bestiaux n’ont plus été atteints par des mala- dies qui ne provenaient que d’un véritable empoisonnement miasmatique. M. Ardouin saisit cette occasion pour établir, dans une exposition aussi riche de style que de faits, combien il existe de rapport entre les causes qui produisent les mala- dies chez les hommes et chez les grands mammifères; chaque jour cette vérité appuyée par les grands travaux &’anatomie comparée, se confirme tellement, que l’on devrait tout essayer pour soustraire les animaux aux influences morbides qui at- teignent les populations. M. Roy-Bry fait observer que M. Ardouin n’a entendu parler que du marais-gât de Brouage, et que la superficie des terrains desséchés aux environs de Rochefort, comprend environ 150 mille hectares. La section vote à l’unanimité l'impression du mémoire de M. Ardouin. M. Roche, en quelques pages dictées par une expérience et un esprit de sagesse bien entendus, fait ressortir toute l'impor- tance de la 11° question ainsi conçue : « Des fumiers de ferme ; » moyen d'en augmenter la qualité et la quantité ; moyen d’en » apprécier la richesse et les qualités nécessaires dans les divers » assolements qu’on peut adopter. » M. Roche pense que les Sociétés d'Agriculture, les Comices, doivent mettre tout en œuvre pour rechercher, récompenser largement les rares agriculteurs qui savent soigner leurs fumiers. Joignant à la valeur de sa parole, l'autorité des chiffres, l’auteur : démontre que dans les mêmes terres où le fumier mal soigné, mal préparé et réduit parconséquent à l’état de masse impuis- sante dépourvue des sels solubles et volatils, seuls agents de la fécondité, ne fait produire que six à huit, et rarement douze hec- tolitres de froment par hectare; un fumier bien soigné, dans lequel on a su conserver les sels ammoniacaux et les phosphates, VINGT-TROISIÈME SESSION. 31 ferait rapporter quinze à trente hectolitres par hectare selon la qualité des terres. L'agriculture de certains départements du nord de la France, celle de la Belgique et de l'Angleterre ga- rantissent un semblable rendemeñt; mais il n’est pas besoin d’aller si loin, on sait qu'un certain nombre d'agriculteurs ha- biles de la contrée ont pu doubler leurs récoltes de froment depuis qu'ils font soigner leurs fumiers de ferme. En terminant, M. Roche sollicite le Congrès d'appuyer près du Gouvernement la proposition qu'ilémet, de répandre dans toutes les communes de France les bonnes méthodes pour l’a- mélioration des engrais, par un cours pratique fait par les instituteurs sous la surveillance de leurs inspecteurs, et de dis- tribuer, chaque année, pendant dix ans, trois primes de cent francs, par canton, à ceux des cultivateurs qui seraient reconnus comme suivant avec plus d'intelligence les enseignements qui leur seraient donnés. Ces simples moyens, portant la lumiere partout, accroitraient bientôt et doubleraient assurément la pro- duction du froment en France; par suite, au lieu d’en aller cher- cher à l'étranger, nous en exporterions sur tous les grands marchés d’approvisionnement, et on aurait fait un pas immense vers la solution de ce grand problème tant de fois proposé, la oie à bon marché. La section vote l'impression du mémoire de M. Roche. La séance est levée à dix heures. L'un des secrétaires, LEBELIN , sous-Ingénieur de la Marine. Séance de 8 Septembre. Présidence de M. BLurTEz. La séance s'ouvre à sept heures. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. La section d'Agriculture réunie, à Rochefort, aux 1" et 6e, travaille séparément comme avant la session de Rochefort. M. Le Gall a la parole sur la 6° question du programme ainsi conçue : « Etude des engrais fournis par les fucus et autres » plantes maritimes, quelle est leur richesse en azote? Recher- » cher les causes du goût prononcé qu’elles communiquent à » l'alcool. » M. Le Gall donne quelques détails sur la consti- tution chimique du fucus. Il cite le beau fucus connu sous le nom de fucus saccharinus qui se couvre de substance blanche que l’on à cru être du sel et qui n’est autre chose que du sucre. Comme engrais le fucus est utile surtout dans les terrains sa- blonneux. On s’en sert comme moyen de chauffage sur les bords du golfe de Gascogne. En Bretagne on a essayé d’en extraire 32 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. une sorte de gelée, ce qui n’a pas réussi par le mauvais vouloir des cultivateurs qui préfèrent l’employer comme engrais. . On pourrait, comme dans la Normandie, en extraire, dans notre département, l'iode ainsi que le font observer MM. Auriol et Blaitairou. . M. Le Gall pense que ce fucus ne peut donner un mauvais goût à l'alcool. On se sert en Bretagne du fucus polymorphus pour faire une espèce de crémé très-recherché. Quant à la question d'économie comme engrais, M. Le Gall penche pour son emploi; il cite les prix de revient du blé dans le Morbihan et aux environs de Rennes, prix qui sont à l’avan- tage du Morbihan. Ai M. Blutel, appelé ailleurs, cède le fauteuil à M. Pacquerée. La discussion s'ouvre sur la 8° question : « Rechercher l’u- » sage le plus avantageux qu'on pourrait faire des eaux-mères » des marais salants, Déterminer quelles sont les causes de la » coloration en rouge de ces mêmes eaux. » - MM. Le Gall et Lory attribuent la coloration de ces eaux à la présence d'animalcules. M. Le Gall ajoute que l'emploi de la chaux et du guano valent mieux en agriculture que le sel extrait des eaux-mères. Une discussion s'engage sur la 18° question relative aux pouzzolanes artificielles, question traitée déjà à Rochefort. Elle est amenée par une lettre de M. Vicat, que la section écarte parce qu'elle n’est pas accompagnée d’un mémoire justificatif. Il est d’ailleurs à peu près reconnu aujourd’hui que les pouzzolanes artificielles ne conservent pas longtemps leur cohésion et leur dureté dans les constructions sous-marines, quoiqu’elles soient excellentes pour l’eau douce. M. Vicat prétend qu'il faut enlever la magnésie des eaux- mères. M. Montagne fait observer avec M. Auriol, que l’Institut est _Saisi dans ce moment de la question, d’après l'initiative de M. Vaillant, et il prie le comité de renvoyer la discussion à une autre séance, attendu l’absence de M. Marchegay qui a préparé un travail sur cette matière. M. Auriol revient sur la 44€ question relative aux termites. II a remarqué que les termites n’attaquent pas les accords des na- vires en construction lorsque les pieds de ces bois sont enduits de colta; ils ont rongé les cales qui, : désormais sont faites en: maçonnerie; on s’est vu dans-la nécessité de creuser de nou- velles fosses aux mâts, les termites ayant promptement attaqué les bois déposés dans les anciennes. Le procédé de conservation imaginé par M. Boucherie, dontse sert l'administration des lignes télégraphiques pour ses poteaux, ne peut s'appliquer aux bois de la marine à cause de leur volume. La section aborde la 42€ question ainsi concue : « Présenter VINGT-TROISIÈME SESSION. 33 - ».le recensement des productions zoologiques naturelles du dé- » partement de la Charente-Inférieure. » M. de Caumont fait observer que la meilleure réponse à cette question est l’existence, à La Rochelle, de deux musées d’his- toire naturelle, l’un général, l’autre consacré aux provenances du département. M. de Caumont applaudit vivement à la création * de ce dernier dû à l'initiative de l’illustre collègue dont la science et notre cité pleurent encore la perte. Sur la 44° question : « La carte agronomique de la Charente- » Inférieureest-elle en voie d'exécution? » La section est d'avis que le Congrès émette le vœu que l’on popularise les cartes agronomiques qui peuvent être d’un si grand secours à notre agriculture. Sur la 16° question : « Quels sont les insectes qui attaquent » les bois de construction? » M. de Caumont fait observer que la dernière partie de cette question a été traitée avec beaucoup de développements au Con- grès d'Arras, en 1854. M. Auriol fait part des procédés employés dans la marine pour la conservation des bois de construction que l’on tient envasés dans un mélange d’eau de mer et d’eau douce, comme à Brest, à Cherbourg et Lorient. D'après lui, ces bois immergés depuis langtemps ne sont pas propres aux œuvres mortes, ils sont hygrométriques. La section passe sous-silence les questions du paragraphe sciences physiques et mathématiques, attendu qu’elles ont été traitées à Rochefort. Cependant une discussion s'engage sur la dernière question entre MM. Auriol, Pacquerée, Lory, Blatairou, de Caumont et Montagne. M. Auriol pense qu'il est convenable de confier les travaux des . chemins de fer aux élèves de l'École Polytechnique à cause de l'unité de vues provenant de la même origine. Il ne conteste pas le mérite de certains ingénieurs civils, il en sait de très recom- mandables. M. Pacquerée répond que cette unité de vues pour l’écartement . uniforme des rails pourrait-être facilement obtenue par les in- .génieurs civils, si les compagnies intéressées à fusionner leur en faisaient une condition du cahier des charges. MM Auriol et Blatairou, s'appuyant sur l'opinion deM.Arago, combattent le mode de casernement de l’École Polytechnique. -... M. de Caumont se plaint du mauvais gout qui préside, sous - le rapport de l’art, aux travaux exécutés par MM. les ingénieurs de l’État; le dessin estnégligé pour le calcul; il voudrait que le Congrès émit le vœu que l’enseignement de l'École Polytech- 34 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. nique fût complété par des études plus fortes et plus sérieuses pour les travaux d'art. La séance est levée à neuf heures. L'un des secrétaires, MONTAGNE. Séance du 9 Septembre. Présidence de M. l'abbé Banurrr. La séance est ouverte à sept heures. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté après quelques légères modi- fications provoquées par M. Vivier. L'honorable membre fait remarquer qu il y aurait une sorte d'ingratitude à ne parler qu'accidentellement de M. Fleuriau- de-Bellevue dans un Congre "ès Scientifique séant à La Rochelle. M. Fleuriau-de-Bellevue n’a pas rendu moins de services aux sciences pendant sa longue et honorable carrière, qu ‘il n'a ré- pandu de bienfaits parmi ses compatriotes. Si ce n’est pas ici le lieu de rappeler tous les actes généreux qui lui ont mérité la profonde et impérissable reconnaissance de ses concitoyens, il semble du moins à propos de relater sommairement les titres scientifiques qui lui valurent, dès 1816, l'honneur d'être nommé correspondant de l’Institut (Académie des sciences, section de minéralogie). Après avoir fructueusement voyagé en Italie, en Suisse, en Allemagne, en Angleterre, M. Fleuriau a successive- ment publié : mémoire sur de nouvelles pierres flexibles et élas- tiques et sur la manière de donner de la flexibilité à divers mi- néraux (1792).—Notice sur la pierre de Vulpino dans le Berga- masque, et une notice sur la hauteur du baromètre au-dessus du niveau de la mer (1798).—Mémoire sur un carbure terreux cristallisé (1799).—Mémoire sur les cristaux mycroscopiques (1801).—Mémoire sur quelques nouveaux genres de mollusques et de vers lithophages, et un mémoire sur la fabrication du charbon dans la forêt de Benon (1802).—Mémoire sur l'action du feu dans les volcans, un autre sur les effets géologiques du tremblement de terre de la Calabre en 1783 (1805).—Notice sur les monuments antiques de l’ancien pays d'Aunis (1812).—Ob- servations géologiques sur les côtes de la Charente-Inférieure, et sur les buttes de Saint-Michel-en-l'Herm (1813).—Mémoire sur les pierres météoriques, et notamment sur-celles trouvées près de Jonzac en 1819 (1820).—Description de la forêt sous- marine de l'île d'Aix (1823).—Notice sur la température d’un puits artésien entrepris à La Rochelle (1830).—Notice sur la diminution des sources dans l’ancien Poitou et dans la Charente- Inférieure (1835).—Notice météorologique pour la Charente- A] VINGT-TROISIEME SESSION. 35 Inférieure (1837).—Mémoire sur l’état physique du territoire de la Charente-Inférieure (1838).—Mémoire sur la décomposition des murs et des rochers à diverses hauteurs au-dessus du sol (1842).—Rapport sur l'emploide la marne, comme amendement, dans le département de la Charente-Inférieure (1846).—Mé- moire sur l'assainissement des terres basses, et contre l'usage de brüler les fumiers dans quelques marais du littoral (1847). La section remercie M. Vivier du juste tribut qu’il a rendu à la mémoire d’un homme recommandable à tant de titres, et elle est heureuse de s’associer à la reconnaissance des Rochelais. M. l'abbé Baruffi soumet à la section deux mémoires qui lui ont été adressés de Rochefort. L'un a trait à une pompe destinée par son inventeur, M. Arnut, à produire un effet plus écono- mique et plus considérable que les pompes ordinaires. Ce mé- moire n’étant accompagné d'aucun dessin, d'aucun document propre à fixer l'opinion des membres du comité, la section re- grette vivement de ne pouvoir se prononcer. L'autre mémoire est de M. Tremblay, ancien officier de vais- seau et aujourd'hui capitaine d'artillerie de marine. L'auteur, dans ce rapport remarquable à beaucoup de titres, parle des ex- périences nombreuses auxquelles a été soumis son appareil, et des nombreux encouragements qu’il a recus, soit d'augustes personnages, soit de sociétés scientifiques. = En présence des nombreux moyens de sauvetage proposés au- jourd’hui et soumis à l’expérience, la section ne croit pas pou- voir formuler une opinion sur un procédé dont l’expérience seule, par des essais multipliés, peut démontrer l'efficacité. Elle s’as- socie pleinement aux vues larges et généreuses exposées par M. Tremblay, et désire avec lui voir adopter à bord de tous les navires des instruments aussi précieux pour la conservation de: la vie des marins. _ La parole est donnée à M. Marchegeay, pour lire une notice sur les mortiers capables de résister à l’action de l’eau de la mer. L'auteur constate que dans les vingt dernières années, il a été exécuté dans un grand nombre de ports français des travaux con- sidérables qui, par suite de l'emploi de pouzzolane artificielle sont arrivés, après peu d'années, à un tel état de dégradation, : notamment à La Rochelle et à Saint-Malo, qu'il a fallu les dé- molir malgré tous les soins apportés à leur confection. M. Marchegay nous donne la composition de la pouzzolane : : artificielle employée par l'ingénieur chargé des travaux du nou- : veau bassin de La Rochelle. Elle avait été adoptée après des ex- 1: périences que l’événement prouva n’avoir pas été assez décisives, ‘1: de sorte que lorsque M. Marchegay prit, en 1848, le scrvice du port de La Rochelle, ileut bientôt à enregistrer dans les macon- neries des désordres graves, qu'après un examen attentif il at- tribua à l’action de l’eau de mer sur les mortiers. 36 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Le mortier à base de pouzzolane, après avoir acquis une bonné consistance, s'exfoliait à la surface et était devenu mou commé au jour de sa fabrication. En outre, les pierres detaille, en plu- sieurs points, étaient sorties de leur position de manière à former saillie sur le parement du mur, comme si elles avaient été chas- sées par l'expansion du mortier. Les mortiers ramollis ne se rencontraient que dans les parties habituellement immergées, tandis qu'ils étaient encore excellents dans les parties que l’éau de mer ne pouvait atteindre. M. Marchegay entre dans le détail des expériences qui ont été faites pendant près de quatre ans sur des mortiers capables de résister à l’action décomposante de l’eau de mer. Malheureuse- ment de toutes ces tentatives au nombre de trente-six, il n'y en a que trois qui soient tout-à-fait satisfaisantes. Les mortiers con- tenant de la chaux hydraulique, de la chaux ordinaire et du sable se sont décomposés comme ceux qui contenaient de la pouzzolane artificielle; ilen est de même de celui qui est com- posé avec de la pouzzolane noire de Naples, qu'’ilne faut pas con- fondre avec la pouzzolane naturelle de Rome, couleur lie de vin, dont le bon emploi à la mer était connu des romains. Le mortier composé de ciment de Preuilly et de sable est dans un état parfait de conservation ; il en est de même des mortiers de ciment du Grignon (île de Ré); et probablement que le mortier formé de deux volumes de trast d’Andernach, et d’un volume de chaux” hydraulique en poudre de Richebonne, qui date seulement de {rois ans, persistera dans l’état satisfaisant où il se trouve ac- tuellement. M. Marchegay se livre à une dissertation savante pour expli- quer l’amolissement des mortiers par l’eau de la mer, et pour prouver que les mortiers employés précédemment, même ceux fabriqués avec le ciment de tuileaux ne valent pas mieux que les nôtres. Après avoir donné l'analyse d’un certain nombre de ciments connus, l’auteur termine par une conclusion fort inté- ressante pour le pays : c'est que le ciment de l’île de Ré pré- sente les qualités des meilleurs ciments, et qu’il a de plus sur eux l'avantage de l’économie. Ce mémoire a paru à la séction présenter tant d'intérêt et tant d'importance sous le rapport de la localité, qu'elle en a voté l'impression. M. Pacquerée a traité la question de savoir si la combustion de la houille augmente la quantité d’acide carbonique contenu dans l'air. L'auteur se livre à différents calculs pour établir que la proportion d'acide carbonique augmente chaque jour d’une manière notable dans l'atmosphère. Il se demande avec effroi si cette quantité de gaz impropre à la respiration n’influera pas d'une manière sensible sur l'hygiène publique, et n’amènera pas là dégénérescence de l'espèce humaine. Quoi que le péril pa- _ taie do: + | VINGT-TROISIÈME SESSION. 37 raisse éloigné, la section a cru devoir s'associer aux vœux for- mulés dans le mémoire de M. Pacquerée pour contrebalancer enipartie l’action de l'acide carbonique. Elle adopte pleinement, comme moyen d'arriver à un heureux résultat, le reboisement des montagnes. C’est aussi le vœu de tous les esprits éclairés dans notre belle France, comme un préservatif contre ces ter- ribles inondations qui ont affligé des contrées entières. Le mémoire de M. Pacquerée sera imprimé. La séance est levée à neuf heures. L'un des secrétaires, . MONTAGNE. Séance du 10 Septembre. Présidence de M. BLUTEL. L La séance est ouverte à sept heures. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. M. Desmoulins a la parole sur un opuscule de M. Jonain, rela- tif à une nouvelle méthode de classification botanique intitulée : la Botanique pour tous. Ce travail, dit M. Desmoulins, n’est pas très-clair de style. La nomenclature qui y est proposée ne semble pas facile à saisir. L'auteur crée des mots difliciles à retenir, langage hybride gréco- latin. Ce travail ne peut pas faire progresser la science, ni rem- placer les méthodes botaniques admises aujourd’hui dans les écoles. M. Desmoulins lit ensuite une lettre de M. Chevalier, curé de Lussant, près d'Amboise, qui a trouvé dans sa commune des noix de cocotiér fossiles, à cinquante mètres au-dessus du ni- veau des eaux de la Loire. Ces noix sont contemporaines du dé- luge mosaique. L'amende est intacie ; elle contient une pulpe épaissie, blanche, tendre, savoureuse, huileuse, légèrement rance. L'auteur de la lettre demande si ce fruit n’a pas été si- gnalé déjà par quelque géologue. ; . D'après M. Desmoulins, ce fruit ne peut pas étre un Coco, car il ne serait pas à trois loges. M. Le Gall dit qu'il ne serait pas étonnant que l'on trouvat en. France des fruits de cocotier puisque nous avons eu Chez nous l'arbre qui les produit. Il y a plusieurs espèces de cocotiers, et ilne serait pas invraisemblable qu'une de ces espèces eût eu un fruit à trois loges. Quant à la pulpe conservée, M. Le Gall ne s'explique pas comment cela a pu se faire l'enveloppe étant de- venue fossile. . M. Sauvé pense qu’on pourrait expliquer le fait de la conser- vation de la pulpe par une incrustation calcaire, ou autre, ‘qui 38 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. aurait subitement, ou en très-peu de temps, enveloppé la noix et l'aurait mise à l'abri du contact de l'air et des agents de décom- position. Selon M. Pacquerée, l'air traversant l’enduit calcaire devait faire corrompre l’amande. M. Desmoulins combat l'opinion de M. Pacquerée en citant des grains de blé qui ont germé, bien qu'ils eussent plusieurs mille ans de date pendant lesquels ils ont été soustraits à l’action de l'air par un enduit calcaire. M. Le Gall demande la parole sur la dernière partie de la 47€ question : « Quelles sont les plantes qui pourraient distinguer » le département de la Charente-Inférieure de ceux qui l'en- » tourent? » Le département de la Charente-Inférieure, dit M. Le Gall, appartient au climat nord-ouest de la France, dit climat Giron- din; le sol est généralement plat, calcaire, le littoral est fort étendu. Il posséde ainsi des plantes méridionales, calcicales et maritimes qui, réunies aux plantes triviales, c'est-à-dire qui croissent dans toute la France, peuvent s 'élever à 4300 et quel- ques espèces vasculaires. Cette flore du département offre une centaine de plantes quine se trouvent pas dans le département de la Vendée, situé plus au nord; mais ce dernier possède aussi une centaine d’espèces étrangères à la Charente-[nférieure : ainsi compensation quant au nombre des espèces. Le département des Deux-Sèvres n'ayant pas de littoral n’a pas une végétation aussi riche que celle de la Charente-Infé- rieure. La végétation du département de la Charente, qui n'offre au- cune plante maritime, se trouve, comme les Deux-Sèvres, moins riche en espèce que le département de la Charente-Inférieure. Le département de la Gironde, à raison desa latitude, l'emporte de beaucoup sur les départements qui le touchent au nord. M. Desmoulins dit que toute flore départementale porte seize espèces de chara; nous en avons huit de connues dans notre département; il faut donc chercher les huit autres qui sy trou- vent probablement. Sur la 45° question : « L'Aunis et la Saintonge ont-elles en » antomologie quelques espèces rares, soit sur les bords de la » mer ou des rivières, soit au loin dans les terres? » M. Blutel dit que l’état de nos recherches encore incomplètes ne permet pas de formuler rien de précis. M. Sauvé traite la 40€ question : « Examiner et discuter les » procédés de l’élève et de la reproduction naturelle et artificielle » des poissons, des sangsues, des huitres et des crevettes. » Il dit que l'élève des sangsues tend à se multiplier de plus en plus en France ; que la science, fondée sur l'observation, ne sau- VINGT-QUATRIÈME SESSION. 39 rait trop recommander un système complet d'éducation qui fa- vorise la multiplication et le rapide accroissement de ces anne- liches ; nous cesserons bientôt d’être sous ce rapport tributaires de l'étranger qui nous fournissait plusieurs millions de ce pré- cieux agent thérapeutique. Quant aux crevettes, . M. Sauvé établit qu’elles peuvent vivre captives pendant plusieurs années dans des bassins creusés au bord de la mer, qu'elles peuvent y passer plusieurs hivers, qu’elles s’y reproduisent et s’y accroissent. Relativement aux huitres, il croit pouvoir tirer des expé- rientes faites avec le concours de la société des sciences natu- relles les conclusions suivantes : que des parcs à huitres peu- vent être très-avantageusement établis sur les terrains ar- gileux de notre littoral en observant certaines conditions telles, --par exemple, de creuser les bassins de manière à pouvoir les assécher à volonté afin de pouvoir les débarrasser au besoin de la vase que chaque marée y peut apporter; que les eaux douces s'y puissent mêler aux eaux salées; qu’enfin les soins les plus - minutieux de propreté et de surveillance leur soient donnés. Ces conditions indispensables étant remplies, on obtient des huitres parfaitement vertes, et l’on peut recueillir le frai sur des pierres, des pieux ou des fascines, où il.se développe parfaitement si on le tient à l'abri de la vase. M. Desmoulins signale la saveur exquise des huitres du bas- sin d'Arcachon. Elles vivent sur le sable et se trouvent dans de l'eau salée mélangée à celle qu’apporte une petite rivière. M. Burgaud, qui a traité dans une précédente séance la 4° question, insiste de nouveau sur le rôle que jouent les plantes dans les attérissements. Elles fixent les vases, solidifient le ter- rain, et peu à peu en exhaussent la surface. Il craint que son mémoire et celui de M. Bonniot, avec lequel il croit être parfai- tement d'accord, n’ait pas été bien compris. M. Marchegay, ainsi que plusieurs membres, reconnaissent que la manière dont se font les attérissements a été parfaitement traitée par MM. Burgaud et Bonniot; que les faits qu'ils ont observés ont été analysés avec soin; que les conséquences ont été rigoureusement déduites, et que les lois qui y président ont été fort bien formulées. Mais ils pensent que la question relative à l'origine d’où pro- viennent ces vastes dépôts n’a pas été résolue, et ils demandent que le Congrès place au nombre des questions qu’il aura à trai- ter au Congrès prochain la question formulée ainsi qu’il suit par M. Marchegay : « Quelle est l’origine des vases qui, à une époque reculée, ont » comblé les grandes échancrures, ou grands golfes des côtes »“comprises entre la Loire et la Gironde? Quelle est l’origine 40 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. » des sables siliceux qui se trouvent en immense quantité entre » Nantes et Bayonne? » Adopté. La discussion continue sur l’origine des attérissements. M. Pacquerée pense que cette origine doit-être multiple. M. Sauvé partage l'opinion du préopinant. Il pense que les dépôts apportés par les fleuves, et que les envahissements de la mer sur les falaises apportent certainement leur contingent, mais ce contingent serait insuffisant pour produire cette vaste étendue d'attérissements qui occupe plus de 40 lieues carrées dans les trois départements de la Charente-Inférieure, des Deux-Sèvres et de la Vendée. Il croit que les lames de fond en détruisant les roches profondes et les couches argileuses qui les unissent four- nissent la plus grande part aux attérissements. M. Marchegay parle de la destruction de la pointe de Chatel- laillon, et pense que les détritus ont dû être portés au sud par le courant qui vient du nord-ouest. Il signale un point voisin où la côte présente le grand danger d’être coupée par l'action in- cessante de la mer, ce qui compromettrait de vastes marais qui s'étendent jusqu’à Rochefort. La séance est levée à neuf heures et demie. L'un des secrétaires, SAUVÉ. Le Secrétaire-Général , JL. LAGURIE,: 2° SECTION. AGRICULTURE , COMMERCE & INDUSTRIE. Séance du 2 Septembre. Présidence de M. le comte Edmond de St-MARSAULT. La séance est ouverte à neuf heures. On procède à la nomi- nation d’un Président, de quatre vice-Présidents et d'un Se- crétaire. M. le comte Edmond de Saint-Marsault est porté à la prési- dence et occupe le fauteuil. MM. de Kercado, de Lustrac, Florimond et Legentil sont élus vice-Présidents et prennent place au bureau à côté de M. de Saint-Marsault. M. Ruck, inspecteur des études, réunit les voix pour les fonc- tions de secrétaire. Le Bureau se trouve définitivement constitué de la sorte : Dr : VINGT-TROISIÈME SESSION. "41 Président, M. le comte Edmond de St-MARSAULT. Vice-Présidents, MM. de KERCADO. De LUSTRAC. FLORIMOND. LEGENTIL. Secrétaire, M. RUCK. M. de Caumont dépose sur le bureau les envois suivants : Mémoire sur lecrédit foncier, par M. Dupeyrat. Mémoire sur la statistique agricole, par le même. Rapport sur les inondations, par M. de Brèves. Ces trois mémoires feront l’objet d’un rapport à la section. Sur l'invitation de M. le président, MM. les membres se font inscrire en indiquant les questions du programme qu'ils se pro- posent de traiter. La parole est accordée à M. Garnier-Savatier, qui développe son opinion sur l'usage que l’on peut faire, comme engrais, des résidus produits par la fabrication des conserves de sardines, objet de la 47° question du programme ainsi conçue : « Des fa- » briques de conserve de sardines à l'huile; moyens de tirer » parti des résidus pour fumer les terres. » M. Garnier-Savatier pense que ces résidus, après avoir subi diverses préparations, peuvent être employés très-utilement comme engrais ; il indique le moyen de les réduire en poudre après dissécation. Un membre expose que certaines terres des environs de La Rochelle, sur lesquelles on a répandu, pendant assez longtemps, des quantités assez considérables de détritus de poissons, ont perdu beaucoup de leur fécondité, et par cela même de leur valeur. IL est répondu qu’en effet les engrais extraits des poissons ne sont efficaces que dans des terres compactes, grasses; mais qu'ils produiraient quelque bien sur des terrains légers ou sa- bloneux. 6 M. le président, posant les vrais principes de la science agri- cole, fait remarquer qu’on doit avant tout étudier la nature du terrain sur lequel on opère afin de bien distinguer les amende- ments et les engrais dont on peut faire avantageusement l'emploi. Ainsi, la chaux est un excitant qui provoque les efforts de l’é- lément productif que renferme déjà la terre; mais si ce dernier nexistait pas, ou s’il était en quantité insuffisante, cet excès de chaulage achèverait de la rendre stérile. L'amendement c’est l'éperon qui provoque les efforts du cheval, mais sans avoine, 4. 42° CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. sans une nourriture suffisante, les forces du cheval finiraient par s'épuiser, et les stimulants les plus énergiques ne sauraient les faire revivre. | La discussion étant close sur cette question, la parole est don- née à M. l'abbé Fraigneau, pour la lecture d’un mémoire sur la 21° question ainsi formulée : « Rechercher pourquoi les hom- » mes de la campagne préfèrent les travaux de l'arsenal mari- » time à ceux de l'agriculture. Cette préférence ne viendrait-elle » pas de l'élévation du salaire? Quels seraient les moyens de les » retenir, pour la plus grande partie, à la culture des champs? » La section, considérant l'importance de cette question, et la manière remarquable dont elle a été traitée par M. Fraigneau, décide que le mémoire sera renvoyé au bureau central pour être lu en séance générale de ce jour. Aux moyens indiqués par le préopinant pour attacher les ha- bitants de la campagne aux champs de leurs pères, un membre propose d'ajouter une pension de retraite en faveur des culti- vateurs qui, après d’utiles et pénibles travaux, après une vie de privations et de labeurs se voient, dans leur vicillesse, exposés à de nouvelles et bien plus pénibles privations. La séance est levée à onze heures. Le secrétaire, RUCK. Séance du 3 Septembre. Présidence de M. le comte Edmond de St-Marsaurr. La séance est ouverte à huit heures et demie. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. Sur la proposition de M. de Caumont, M. Duchatellier, de Quimper, est nommé vice-Président en remplacement de M. de Lustrac, qui s'est excusé de ne pouvoir pas prendre part aux tra- vaux du Congrès. M. de Kercado lit un mémoire sur la 4° question du pro- gramme : « Des motifs qui s'opposent en France aux progrès de » l’agriculture, et qui occasionnent trop souvent la ruine des » propriétaires qui entreprennent de faire valoir leurs terres. » L'orateur pense que la cause principale du mal doit-être cher- chée dans le manque de bras qui tend tous les jours à se faire sentirde plus en plus, d’où résulte l'élévation toujours croissante des prix des journées et des salaires, et dans l'ignorance ou plu- tôt les préventions qui rendent impossible l'emploi des méthodes et des instruments perfectionnés. Quant au remède, M. de Kercado déclare n’en connaître aucun. M. l'abbé Fraigneau donne lecture de quelques notes sur la VINGT-TROISIÈME SESSION. 43 mème question. Il signale comme cause principale du peu de progrès que fait. l'agriculture, la force d'inertie opposée par la plupart des cultivateurs à tout ce qui sort de la routine tradi- tionnelle qu'ils tiennent de leurs pères. Ils reconnaissent, avec -vous, le plein succès de telle pratique nouvelle; mais, ce n’est pas la coutume, disent-ils, on se moquerait de nous; et ils sui- vent leurs errements anciens. I fait ressortir les avantages que l'on trouverait à mettre entre les mains des enfants, de bons trai- tés élémentaires d'agriculture théorique et pratique. Plusieurs membres prennent part à la discussion, et tous re- connaissent la nécessité de donner dans les écoles un bon ensei- gnement sur les éléments de la science agricole. Il est fourni des renseignements détaillés et précis sur les mesures qu'a déjà prises le Gouvernement pour donner des no- tions d'agriculture aux élèves des écoles normales appelés à remplir les fonctions d’instituteurs primaires dans les communes rurales. Surla proposition de M. le président, la section émet le vœu que l'instruction agricole soit généralement répandue. Les ter- mes de ce vœu seront formulés ultérieurement. M. de Caumont traite la 9° question du programme : « Cartes » agronomiques et géologiques ; statistique rie faire con- » naître les travaux publiés jusqu’à ce jour. L'honorable directeur des Congrès fait due les avantages qu'offrirait la confection de bonnes cartes agronomiques. Mais, reconnaissant les difficultés nombreuses que rencontre un tra- vail complet de cette nature, il indique la marche qui a été suivie, et les résultats obtenus dans le département du Cal- vados. Il conclut en disant que sil’on ne peut pas espérer d’avoir bientôt une bonne carte agronomique de la France, il serait avan- tageux et facile à chaque propriétaire d'exécuter celle des terres qui lui appartiennent. M. de Kercado donne lecture d’un mémoire sur la 25° ques- tion : « Quels avantages présentent le pin et l’acacia que l’on » cultive dans les landes et les bruyères ? » L'orateur démontre par les résultats obtenus, l'immense avan- tage que produirait cette culture qui mettrait en rapport des centaines de mille hectares de terres réputées stériles. Plusieurs membres reconnaissent avec l'honorable préopinant que le pin et l’acacia sont aujourd’hui recherchés pour la char- penterie et la menuiserie. Un mémoire de M. Desmoulins, sur la croissance des végétaux, estremis par M. le président à M. Duchatellier, avec prière d'en faire l’objet d’un rapport. M. Emerv est chargé d'examiner un mémoire de M. Dupeyrat, sur la statistique agricole. 44 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. Paumier veut bien se charger de présenter un rapport sur un mémoire de M. de Brives, relatif aux inondations. La séance est levée à dix heures. Le secrétaire, RUCK. Séance du 4 Septembre. Présidence de M. le comte Edmond de St-Marsaurr. La séance s'ouvre à onze heures. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. M. de Caumont dépose sur le bureau le programme des ques- tions à traiter dans les assemblées agricoles. II informe la sec- tion que M. Bertin, ancien administrateur, a adressé au Congrès ses diverses publications pour la diffusion des bonnes notions agricoles dans les campagnes, et qu'il a en outre disposé ses instructions aux populations rurales sous forme de placards qui ont produit le meilleur effet. M. de Caumont ajoute que dans plusieurs réunions de Congrès on a émis le vœu que l'instruction agricole fut répandue successivement dans chacun des cantons de chaque département par un professeur subventionné ainsi que cela existe déjà dans neuf départements de la France. La section décide que ce vœu sera soumis à l'approbation du Congrès lors de la présentation du rapport sur l'instruction agri- cole. M. Chambeyrou entre dans quelques explications sur un nou- veau procédé de distillation à basse température et dans le vide. La section entend ces détails avec intérêt et invite M. Chambey- rou à vouloir bien les compléter, et à les livrer aux expériences qui permettraient à son procédé d'entrer dans la pratique. M. l'abbé Barufli est invité à prendre la parole sur la 7° ques- tion du programme : « Insectes, plantes parasites et maladies » nuisibles aux végétaux; moyens de les combattre, de les dé- » truire ou de les guérir. » Le savant professeur entre en quelques détails sur les dégâts occacionnés par les hannetons vulgaires, et sur les moyens les plus pratiques pour arriver à la destruction, ou, au moins, à la diminution de ces coléoptères. En Piémont, dans plusieurs fermes, on a pris le parti, en pro- fitant de l'habitude de l'insecte de rester sur les arbres pendant la première moitié du jour, de les faire ramasser par des-femmes ou des enfants qui ont pu en recueillir ainsi des quantités consi- dérables ; ces insectes ainsi ramassés ont été portés dans les fa- briques d'huile au prix de 40 à 50 centimes les 40 kilos. Cette quantité immédiatement soumise à la pression a rendu 4/0 de son poids d'une huile de couleur verdàtre et très-bonne pour l’é- VINGT-TROISIÈME SESSION. 45 clairage; lachimie pourra sans doute plus tard rendre cette huile applicable à d’autres usages; les tourteaux provenant de cette fabrication forment un engrais d’une grande puissance. M. Barufli ajoute que des mesures administratives pourraient sûrement conduire à diminuer considérablement les fâcheuses conséquences de la présence de cet insecte en en prescrivant le ramassage moyennant des primes de peu d'importance. M. Barufli a vu quelque chose d’analogue dans l'ile de Chypre, dont les habitants avaient cruellement souffert de la présence de sauterelles, de teHe sorte que le Pacha, gouverneur, pour ne pas laisser tomber en désuétude l'habitude de payer l'impôt, exigea des habitants qu’ils s’acquittassent envers le trésor en apportant au collecteur un poids déterminé de sauterelles. M. de Saint-Marsault signale que quelques années après 1830, le préfet du département de la Sarthe prit des mesures pour la destruction des hannetons qui consistaient dans la répartition de primes proportionnelles à la quantité de hannetons détruits, et malgré les spirituelles plaisanteries que lui valut cette guerre acharnée contre les hannetons, il n’en rendit pas moins un ser- vice signalé au département qu’il administrait. M. de Kercado demande s’il existe un moyen efficace de des- truction de la coursillière. On ne peut répondre que par quel- ques détails sur les procédés connus etemployés en horticulture contre ce fléau, procédés qui ne peuvent être considérés que comme palliatifs. M. Baruffi fait observer qu’en Allemagne il a toujours trouvé dans chaque village un ou plusieurs hommes ayant collectionné tous les objets d'histoire naturelle, insectes, plantes, minéraux, et pouvant donner des détails sur les moyens mis en pratique dans la localité pour combattre les dégâts des insectes nuisibles. De toutes ces observations il peut ressortir des enseignements bien précieux pour la science, et il serait fort à désirer que les Congrès pussent contribuer à amener des résultats semblables. M. Bouscasse donne quelques explications sur les procédés pour détruire l’altise si cruel ennemi des cruciféres ; il signale la double semaille en lignes alternatives faites à quelques jours de distance qui divisent tellement le mal que l’on peut ainsi sauver une quantité de plantes suffisante pour garnir convenablement le terrain. M. Paumier a la parole pour faire connaitre l'analyse des deux mémoires qui lui avaient été remis à la dernière séance. Le premier, adressé au Congrès par M. de Brives, membre du conseil d'agriculture, traite des inondations. L'auteur, aprèsavoir expliqué à quelle occasion il a été chargé de faire ce rapport, commence par poser cette question: Les inondations sont-elles un fait nouveau? Sont-elles plus 46 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. fréquentes et plus désastreuses qu'autrefois? Faut-il ad- mettre de graves modifications dans notre climat? Par des exemples nombreux M. de Brives répond'à ces ques- tiôns d’une manière négative. Quelles sontdoncles causes desinondations? La pluie abondante tombant en quantité considérable à la fois, voilà la cause pre- mière, et comme cause secondaire, tout aussi importante, l'ab- sence d'obstacles pour retenir les eaux et les empêcher d'arriver trop vite dans les Thalwegs. L'auteur cherche ensuite les remèdes et les moyens d'éviter les inondations. Ces moyens sont, selon lui, le reboisement, le drainage, le barrage des cours d’eau, les rigoles horizontales tracées à flanc de coteau. Il examine successivement ces divers moyens, puis il s'élève en terminant contre le système des endiguements et contre les empiétements des riverains sur les ruisseaux non navigables nt flottables. Comme conclusion, il demande 4° que l'administration des Eaux-et-Forêts rentre dans le ministère de, l’agriculture et des travaux publics; 2° qu'il soit dressé par l’État des cartes géo- désiques de tous les cours d’eau, et, qu'après les enquêtes préa- lables, la largeur de ces cours d’eau soit déterminée, et que tous les obstacles inutiles disparaissent. Le second mémoire a pour objet le crédit foncier, et a été adressé au Congrès par M. Dupeyrat, directeur de la Ferme- École du département des Landes. La question du crédit foncier doit-être, selon M. Dupeyrat, divisée en deux parties distinctes : l'extinction de la dette hypo- thécaire, et le crédit qu’on devrait appeler agraire dont les pro- priétaires voudraient faire usage pour l'amélioration de leurs terres. Ilyabien une troisième espèce de crédit, c’est celui des cul- tivateurs. Ce crédit, uniquement agricole, n'offre que des garan- ties morales; il ne peut être organisé d'une manière générale, aussi l’auteur ne s'occupe-t-il que des deux premières parties. Le crédit foncier s'applique done, d'une part, aux propriétés grévées d’hypothèques pour remplacer un prêt à lourd mtérêt par une annuité plus douce, et qui ne les expose pas à la saisie et à l’expropriation, et, d'autre part, aux propriétés non grévées d'hypothèques, pour aider ceux qui les possèdent à les améliorer en leur prêtant de l'argent à un taux très-modéré. Après avoir ainsi divisé la question, et abandonné les pro- priétés grévées d’hypothèques pour plus de la moitié de leur valeur, après avoir fait ressortir les avantages du crédit agricole pour l'amélioration du sol, l’auteur propose de donner au crédit foncier les bases suivantes: « L'administration ouvrirait deux » livres, l'un pour les demandes de prêts, l’autre pour les de- VINGT-TROISIÈME SESSION. 47 » mandes d'emprunts, les unes et les autres aux conditions ci- » après : les emprunts ne seraient remplis qu’au fur et à mesure » des prêts qui seraient offerts par les capitalistes. L'adminis- » tration commencerait alors d'ouvrir le grand livre de la dette » hypothécaire inscrite, et continuerait de le remplir à mesure » des demandes de prêts et d'emprunts, de manière à ce que les » fonds ne restassent jamais dans les caisses publiques. Toute » son action devrait se borner en paiement d'intérêts qu'elle » ferait fonctionner pour amortirle capital, dans un temps donné, » au moyen du remboursement au pair, avec quelques primes » au besoin, et par un tirage au sort des inscriptions qui auraient » lieu tous.les six mois, le 22 janvier et le 22 juillet. C’est ainsi » que se remplirait peu à peu le grand livre de la dette hypothé- » caire territoriale sans risques pour personne, et au grand avan- » tage de tous, même de l’État, qui, au fait, n'aurait d’autres » chances à courir que de faire quelques bénéfices dans l’a- » venir... » Viennent ensuite les conditions de l'emprunt: 1° Propriétés grévées d’hypothèques. Présentation de l’état des inscriptions; purge d’hypothèques légales; maintien du code civil, des droits des femmes et des mineurs. Demande d'emprunt au directeur du grand livre de la dette hypothécaire de la circonscription. Expertise de la propriété par l'estimation du revenu moyen. Les propriétaires auraient à payer #4 0/0 d'intérêt, 4 1/2 pour l'amortissement, soit 5 4/2 par an pendant trente-quatre ans pour être complètement libérés. Ils paieraient aussi en outre, mais la première année seulement, 4 pour cent. Le percepteur serait chargé de l’annuité. Quant aux prêts faits à la caisse hypothécaire, ils se compo- seraient d'inscriptions nominatives au porteur par coupures de 100, 200, 500 et 1,000 francs, portant intérêt à { centime par jour, plus le décime. Ces inscriptions seront, pense l’auteur, plus recherchées que les rentes 5 0/0, puisqu'elles présenteront, comme garantie, un gage matériel considérable. Le crédit de l’État ne pourrait-il pas être affecté par cette con- currence des fonds hypothécaires avec les fonds publics ? L'au- teur répond négativement, et développe cette opinion dans une note où il propose la concession de la rente et l'amortissement de la dette publique par une annuité ajoutée à l'intérêt. En terminant, l’auteur arrive aux propriétés libres d'hypo- thèques. 20 Les conditions de l'emprunt pour celles-ci seraient : L'emploi exclusif de la moitié ou des 3/4 de la somme em- pruntée à l’amélioration de la culture et du sol. 48 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Le propriétaire indiquerait à l'avance ce qu'il veut faire, et lPadministration surveillerait , contrôlerait et encouragerait même par des primes formant récompenses nationales. Ce con- trôle serait fait par un seul inspecteur spécial pour plusieurs départements. Tel est le résumé du mémoire de M. Dupeyrat. Ce mémoire est complété par des notes. Dans la première il donne deux ta- bleaux de l'amortissement de 400 francs; le premier, à raison de 4 fr. par an, plus, # 0/0 des sommesamorties. Deces tableaux il résulte que l'État, au bout de trente-quatre ans, bénéficirait d'une somme de 45 millions 4/2 par milliard, ce qui suflirait pour les frais d'administration. Les autres notes ne sont que le complément explicatif de quelques phrases du mémoire. La séance est levée à une heure. Le secrétaire , RUCK. ——— Séance des à et 6 Septembre, à Rochefort-sur-Mer. Voir les séances des 5 et 6 Septembre , section des sciences à laquelle l'Agriculture a éte réunie, durant la session de Rochefort. Séance du 8 Septembre. Présidence de M. le comte Ed mondidefSt-MaRsAULT. La séance s'ouvre à huit heures et demie. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. M. le président distribue aux membres de la section une lettre imprimée que M. Descombes a adressée à M. Delavergne sur les avantages qui résulteraient de lacréation de nombreuses fermes- écoles. M. Pacquerée lit un mémoire dans lequel, après avoir fait ressortir les conséquences heureuses que doit avoir la pratique du drainage pour augmenter les produits et, par conséquent, la value des terres; il expose les diflicultés que rencontrera dans la pratique l’exécution de la loi d’après laquelle cent millions de francs peuvent être prêtés par l'État aux personnes qui feront drainer leurs propriétés dans certaines conditions déterminées. Il craint surtout que les sommes ainsi empruntées ne soient détournées pour subvenir à d’autres besoins plus pressants, pour soulager des charges sous lesquelles les propriétaires sont affaissés. D'où il conclut que l’État devrait prêter, non pas de l'argent, mais du travail. Par conséquent il demande que le Ca grès exprime le vœu de voir se créer une compagnie générale au. «arainace. DL OT VINGT-TROISIÈME SESSION. 49 La discussion s'ouvre sur le mémoire dont la lecture a été écoutée avec un vif intérêt. Plusieurs membres prennent suc- cessivement la parole. On fait remarquer que la compagnie du drainage aurait peu de chances de succès, parce qu’elle serait obligée d'imposer à ses débiteurs des conditions plus dures en- core que celles qu’exige le crédit foncier, et qui sont telles cepen- dant que très-peu de personnes consentent à les accepter. * On répond que la compagnie du drainage employant des in- génieurs et des ouvriers habiles ainsi que des machines perfec- tionnées, pourrait faire exécuter les travaux à des prix très- réduits, et que chacun y trouverait, comme elle, un avantage réel. Du reste pour profiter des ressources créées par la légis- lation nouvelle, la compagnie pourrait servir d’intermédiaire entre l’État qui fournirait les fonds et les propriétaires pour qui elle exécuterait les travaux. Enfin, il existe en plusieurs départements des sociétés qui en- treprennent de drainer les terres à des prix fixes ou propor- tionnels. Une compagnie générale ne ferait pas autre chose ; mais elle offrirait plus de garanties pour la bonne exécution des travaux, et elle donnerait des facilités pour le paiement des frais en n’exigeant que des annuités. Que si la compagnie du crédit foncier voyait d'un mauvais œil l’organisation d’une compagnie de drainage, elle en con- clurait, sans doute, qu’elle doit modifier ses statuts, afin d’attirer des clients qui, jusqu’à ce jour, lui ont fait défaut, et l'intérêt général comme celui des particuliers ne pourrait qu'y gagner. La discussion étant close, la section décide qu’il sera proposé au Congrès d'exprimer le vœu qu’il soit créé une compagnie, par actions, avec un capital élevé, pouvant emprunter au gouvernement, se chargeant des travaux de drainage, et réglant le remboursement des dépenses par annuités. Dans l'expression de ce vœu le Congrès n’entendrait porter aucune atteinte aux lois sur le drainage et le crédit foncier. M. le comte de Saint-Marsault désire faire hommage au Con- grès de plusieurs opuscules qu’il a publiés sur la viticulture ; mais la section pense que ces ouvrages doivent être remis à M. le secrétaire-général du Congrès. M. Garnier-Savatiér donne quelques détails et lit des extraits d’un rapport sur un système particulier de drainage et d'arrosage qu’il a fait exécuter. M. Chambeyrou donne lecture d’un mémoire sur la distillation opérée dans le vide, afin d'éviter les inconvénients et les dépenses d’une température élevée. En expliquant le principe d’après lequel l’eau bout à 30-de- grés dans le vide, on distille le vin de manière à conserver au résidu les principales propriétés diverses, qui permettent d'en faire, avec une addition peu considérable de sucre, une boisson 50 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. agréable et nutritive; on conserve d’ailleurs à l’eau-de-vie l’a- rome du vin qui l'a produite, et l'on prévient les goûts de brûlé ou de bronze, surtout quand on fait usage de tubes en fer émail- lé, ou bien en verre ou en porcelaine. Diverses observations sont faites par plusieurs membres sur ce mémoire qui a paru plein d'intérêt, et la section décide qu'il sera envoyé au Congrès pour être imprimé, s’il y a lieu, et elle prie en outre M. Chambeyrou de faire de nouvelles expériences afin de donner une solution définitive aux questions qui peuvent être soulevées à ce sujet. L'auteur annonce qu’il va faire établir un appareil, et que dans un mois il sera à même d’expérimenter sur une assez grande échelle. M. le président dépose sur le bureau, avec les tableaux qui y sont joints, un mémoire sur la comptabilité agricole en prenant pour modèle celle qui a été établie, avec beaucoup d'art, à la ferme-école de Puilboreau. La section pénétrée de toute l'im- portance de cette question, sur la solution pratique de laquelle repose, en grande partie, le progrès de l’agriculture, renvoie ce mémoire au Congrès avec une vive recommandation, afin que, s’il y a lieu, il soit imprimé dans ses actes. La séance est levée à dix heures et demie. Le secrétaire, RUCK. Séance du 9 Septembre. Présidence de M. le comte Edmond de St-MARSAULT. La séance est ouverte à huit heures et demie. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. M. Pacquerée lit un mémoire adressé au Congrès par M. de La Pelleterie, d'Angers, qui expose les recherches auxquelles il s’est livré sur la maladie de la vigne. L'auteur indique un grand nombre de causes qui prédisposent la vigne à subir les mauvaises influences auxquelles elle est exposée, et qui, en définitive, la soumettent aux ravages de l'oidium; les vices de plantation, de culture, de taille surtout avec le secteur, les intempéries pendant la floraison, la multi- plication des insectes. Dans la pensée de M. de La Pelleterie, la prédisposition la plus immédiate et la plus funeste est produite par la corruption du Pollen qui, se répandant sur le fruit à l’état de germe, l'empêche de se former, et fournit un aliment à l'oïdium qui s’y développe avec une déplorable rapidité. L'auteur indique, comme remède, l'emploi du souffre sous forme d'arrosage par le procédé fourni par M. Thirault, phar- macien à St-Etienne, et connu sous le nom de laut sulfureux. Après avoir fait ressortir l'importance des recherches que con- s VINGT-TROISIÈME SESSION. 51 tient ce mémoire, M. le président propose de le déposer aux archives du Congrès. Adopté. M. Desmoulins fait un rapport oral sur un mémoire imprimé envoyé par M. Thirault, de Saint-Étienne, sur le traitement de la maladie de la vigne. M. le rapporteur donne d'abord quelques détails pleins d’in- térêt sur les études et les discussions auxquelles se sont livrés les savants viticulteurs de Bordeaux, sur les théories qu'ils ont émises et les résultats qu'ont produit les divers moyens proposés comme curatifs plus ou moins spécifiques. Les Intérioristes soutiennent que l'oïdium n’a d’action que sur la vigne qui est déjà disposée, par sa mauvaise constitution physique, à en subir les influences. : Les Extérioristes, au contraire, pensent que le terrible cryp- togame s'attache partout, même aux ceps les plus vigoureux. Rappelant les savants travaux de M. Rulade, de l'Institut, sur . les Érésyphés, il énumère les différentes formes sous lesquelles se présentent et se développent sur les différentes plantes, cette redoutable famille de parasites. Il fait connaître ensuite la composition du lait sulfureux, inventé par M. Thirault, qui en attribue l'efficacité à la présence de l'hydrogène sulfuré. Il ajoute que le docte Cuigneau, de Bordeaux, après avoir résumé, analysé, discuté tous les travaux qui ont été faits dans cette ville et ailleurs, sur cette question, à conclu dans un mémoire présenté à la Société Linnéenne de cette ville, en 4854, qu'il n'existe pas de remède dont l'efficacité ne puisse être contestée, en s'appuyant sur des faits bien cons- tatés. M. Desmoulins conclut en disant qu'il vaut peut-être autant ne rien faire, que la providence nous a envoyé ce fléau, et qu’elle saura bien le détourner lorsque le moment sera venu. Mais, qu’en attendant, on aurait grand tort d’arracher les vignes, parce qu’il n’est pas douteux que la maladie qui a des alter- nances, qui a déjà disparu de quelques contrées, ne cesse au bout d’un certain temps complètement d'exister. Après ce rapport que l'on a écouté avec le plus vif intérêt, plu- sieurs membres prennent successivement la parole. M. Pac- querée fait connaître que, cette année même, une vigne qui avait été gravement atteinte, s’est guérie d'elle-même, sans aucune espèce de remède. M. Bouscasse pense que le soufre exerce une action plutôt physique que chimique, comme une poussière quelconque qui s'attache au raisin et le préserve des atteintes de l’oïdium. Aussi les vignes situées dans les terrains sablonneux ou argileux ont- elles beaucoup à souffrir, tandis que celles qui sont plantées dans des terres calcaires où se produit toujours beaucoup de poussière, sont généralement préservées. 52 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. On répond que les vignes et les treilles placées sur le bord des chemins, et toutes blanchies de poussiere, ont cependant tous les caractères de la maladie. Quelques cepages ont résisté plus longtemps que les autres; mais il n’en est point qui n'ait fini par succomber. M. le président résumant la discussion, s'exprime ainsi : «Ce » que nous savons le mieux sur cette maladie, c’est que nous ne » Savons rien. » La séance est levée à dix heures et demie. Le secrétaire, RUCK. Séance du 10 Septembre. Présidence de M. le comte Edmond de St-MaRsAuLr. La séance est ouverte à huit heures et demie. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. M. le président donne lecture d’une lettre de M. le comte Alexandre de Saint-Marsault, qui fait hommage au Congrès de deux brochures publiées en 1844, sur les moyens de faire pros- pérer la culture de la vigne, particulièrement en abaissant les droits auxquels le vin est soumis. La section adresse des remerciments à M. le comte Alexandre de Saint-Marsault, et décide que ses œuvres seront déposées dans les archives du Congrès. M. Bouscasse lit un rapport qu'il avait été chargé de faire sur un mémoire de M. Dupeyrat, relatif à la statistique agricole. Dans la pensée de l’auteur, la richesse naturelle d’une contrée s'obtiendrait en multipliant le chiffre de la population par celui de l'étendue territoriale. M. le rapporteur fait remarquer que cette base ne donnerait pas toujours des résultats exacts, à cause des modifications pro- duites par les grands centres de population et le mouvement commercial. Adoptant le principe du mémoire, il estime qu’on pourrait diviser le territoire de la France en dix régions, dont six maritimes, deux centrales ét deux frontières. Le point de départ fourni par M. Dupeyrat, pour connaître la production d’une commune, d’un canton, et de toute la France, est bien choisi, sans doute, pour la connaissance du produit donné par quelques hectares de terre; mais il sera toujours très-diflicile de savoir quelle est la quantité de terrain enblavé. D’après M. Dupeyrat, le nombre des journées de travail que la population de la France peut donner, par hectare, s’élèverait à soixante-dix, ce qui parait un peu exagéré. À La section décide que le mémoire sera envoyé au Congrès avec le rapport. VINGT-TROISIÈME SESSION. 53 M. Ruck lit un mémoire sur l'instruction agricole répondant aux questions 1, 8, 14, 19et21. Plusieurs membres prennent successivement la parole sur les questions discutées dans ce mémoire. M. de Caumont entre dans des détails sur l'instruction agri- cole donnée dans les écoles normales primaires, et fait ressortir les avantages que produirait la généralisation de cet ensei- gnement. M. Le Gall fait connaître les bons résultats que l’on a obtenus en enseignant l’agriculture dans plusieurs écoles normales, et particulièrement à celle de Rennes. Il signale aussi les bons fruits des conférences du dimanche, et pense qu'il ne serait pas difficile d’en établir dans un grand nombre de communes. Les conclusions du mémoire sont successivement mises aux voix et adoptées. La section décide en outre qu'elles seront présentées au Con- grès pour qu'il en fasse l’objet d’un vœu. Enfin elle renvoie le mémoire au Congrès pour qu'il soit lu en séance générale. Sur la proposition de M. de Caumont, la section décide que le Congrès sera prié d'émettre un vœu en ces termes : Le Congrès a vu avec une grande satisfaction la sollicitude de M. le Mi- nistre pour l'introduction de l’enseignement agricole dans les écoles normales primaires, et émet le vœu que cet enser- gnement soit organisé dans toutes les écoles normales où iln'existe pas encore. La séance est levée à dix heures et demie. L'un des secrétaires , RUCK. Le Secrétaire-Genéral , J. L. LACURIE. 3° SECTION. SCIENCES MÉDICALES. Séance du 2 Septembre. La séance s'ouvre à deux heures moins un quart, sous la présidence provisoire de M. le docteur ViIvIELLE. Les membres inscrits sont au nombre de quatorze. M. le pré- sident ouvre un scrutin pour la constitution définitive du bureau. A un premier tour de scrutin M. le docteur Bertini, de Turin, réunit les suffrages et est appelé au fauteuil. Vainement M. Ber- tini objecte qu’il est déjà vice-Président général du Congrès, la section maintient son vote. 54 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Au second tour de scrutin MM. Ancelon et Garreau sont élus Secrétaires. M. Bertini, cédant au vœu de la section, donne lecture des questions portées au programme. M. le docteur Garreau, médecin-principal de l’armée d'Orient, inscrit pour la 4'e question : « Quels rapports y a-t-il entre la » fièvre typhoïde et letyphus? » est appelé à la tribune. II ex- pose d’abord dans quelles circonstances et dans quel but son travail a été fait. Chargé à Constantinople d’un service médical important et considérable, dans lequel affluait fin très-grand nombre de malades atteints d’affections typhoïdes de diverses espèces, et de typhus proprement dit, il a pu s'appliquer à l'étude du diagnostic différentiel de ces deux affections. Suivant l’auteur ce travail, d’après sa forme, peut paraître long, mais son importance ne lui a pas permis de le restreindre. Entrant dans son objet, M. le docteur Garreau ne peut lire que la première partie de son travail qui contient la définition précise de ces deux affections tout-à-fait distinctes, leurs causes et la symptomatologie, Cette première partie, écoutée avec une attention soutenue, a soulevé une discussion et quelques objec- tions sérieuses. L'heure avancée force M. le président de prier l’orateur de remettre à la séance suivante la lecture de la deuxième partie de son travail, La séance est levée à trois heures. L'un des secrétaires, GARREAU. Séance du 3 Septembre. Présidence de M. BERTINI. La séance s'ouvre à une heure. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. M. Garreau présente à la section un obturateur de la voûte palatine, inventé par M. Fanty-Lescure, dentiste à La Rochelle. Après avoir signalé les inconvénients nombreux que présente l'emploi des différents obturateurs connus jusqu'à ce jour, M. Garreau déclare, qu'à son avis, l'instrument de M. Fanty- Lescure, soumis à l'examen de la section, est un progrès réel, et qu'il peut remplir le triple usage 4° D'oblitérer sans inconvénients une solution de continuité au palais de la bouche ; 20 De retenir avec facilité les pansements nécessaires dans ce Cas ; 3° De pouvoir peut-être servir à couronner de succès la plu- part des opérations de staphyloraphie. VINGT-TROISIÈME SESSION. 59 La section adopte en principe ces conclusions, et charge M. Garreau de faire un rapport sur cet instrument pour la pro- chaine séance. M. Barbin, pharmacien à Marans, présente un nouveau mé- dicament, le phosphate de chaux qu ‘il a pu obtenir par des pro- ‘cédés qui lui sont propres, et dont il a fait des pastilles et un sirop. Il appelle l'attention de la section sur ces divers produits en sollicitant son approbation. Diverses objections sont faites à M. Barbin sur la nature de son nouveau médicament dont on n’a fait aucune expérimen- tation, et sur lequel il est impossible d'asseoir un jugement. M. Barbin répond qu'il ne prétend pas avoir trouvé un nou- veau sel; que le phosphate de chaux était depuis longtemps en usage contre les affections des os, et employé sous la forme pul- vérulente même des os; et qu'il n’a eu d'autre but que d'obtenir du phosphate de chaux à l'état de pureté, et meilleur par con- séquent ; que c’est plus une modification qu’une invention; et qu'il croit avoir rendu un service à la médecine en le présentant sous la forme de pastille et incorporé dans du sirop à des doses bien-déterminées. La section, prenant en considération que le même mémoire a été adressé à l'Académie de Médecine par M. Barbin, la question est pendante devant cette Académie, déclare n'avoir pas le droit de s’en préoccuper, et passe à l’ordre du jour. La parole est à M. Garreau pour continuer la lecture de son important travail sur la non identité du typhus et de la fièvre typhoiïde. Dans le chapitre consacré largement à l’anatomie patholo- gique, l’auteur passe en revue les douze chefs de conclusions qui établissent les caractères différentiels de ces deux espèces d'af- fections : 4° Celles de la fièvre typhoïde d'Orient ; 2° Celles du typhus d'Orient, proprement dit, qu'il Compare avec les altérations ordinaires des typhoïdes de France: lésions certaines des plaques de Peyer, d’un côté, c’est-à-dire dans celles- ci; absence de cette lésion dans le typhus. Il expose avec beaucoup de détails les diverses alternations pathologiques qu’il a été à même d'observer avec soin. La section adresse à M. Garreau des félicitations sur cet im- portant mémoire dont il vote l’ impression. M. le docteur Sauvé traite de vive voix la 3° question du pro- gramme ainsi posée : « De la mort apparente de nouveaux- “nés; » ses causes, et des moyens de les combattre. » D'après ses observations, M. Sauvé pense ie la mort appa- rente des nouveaux-nés, que tous les auteurs rapportent à un état apoplectique, pour lequel ils conseillent et prescrivent la section rapide du cordon et la saignée qui en résulte, n’est due A 56 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. qu'à une asphyxie pulmonaire qui empêche l'acte de la respi- ration de s’accomplir. M. Sauvé fait cesser cet état plus rapidement en plongeant im- médiatement l'enfant dans un bain chaud, sans couper le cor- don, dont les battements faibles et lents prennent plus de déve- loppements, et amènent à l'enfant un sang assez oxigéné, pro- venant de la circulation placentaire, pour faciliter l'acte respi- . ratoire, faire cesser l’asphyxie et rappeler la circulation et la vie. Quelques observations sont faites à M. Sauvé par M. Pros, d'abord, qui regrette que M. Sauvé ait traité de vive voix une question siimportante et qui est en opposition avec la plupart des auteurs les plus recommandables qui font autorité dans la science. Presque tous considèrent la mort apparente des nou- veaux-nés comme due plus fréquemment à un état congestion- naire du cerveau, qu'à un état asphyxique des organes respira- toires dont ils déterminent le diagnostique différentiel. M. Ancelon pense également que la pratique ne permet pas de s’en tenir à la seule asphyxie, comme forme de mort appa- rente des nouveaux-nés; mais que l’apoplexie (congestion) est une forme plus fréquente. M. Vivielle assure que le moyen conseillé par M. Sauvé, dans cecas, n’est pas nouveau, puisque M. A. Dubois, son professeur, conseillait de ne pas se presser de couper le cordon lorsque la respiration n’était pas naturellement rétablie après la sortie de l'enfant. L'heure avancée ne permet pas la continuation de la discus- sion qui est renvoyée à la prochaine séance. La séance est levée à trois heures. L'un des secrétaires, GARREAU. Séance du 4 Septembre. Présidence de M. BERTINI. La séance s’ouvre à une heure. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. M. Garreau à la parole pour lire le rapport qu'il a été chargé de faire sur l’obturateur de la voûte palatine de M. Fanty-Les- cure. É Le rapporteur fait connaître cet obturateur dans tous ses détails et termine par les conclusions suivantes : 4° L'obturateur de M. Fanty-Lescure est un instrument nou- veau dans la science ; 29 Il paraît-être un progrès en ce qu’il semble devoir éviter VINGT-TROISIÈME SESSION. 57 au patient qui le maniera facilement lui-même les compressions douloureuses et les accumulations de matières infectes ; 3° Il semble aussi pouvoir se prèter mieux que tout autre ins- trument connu (par suite de l’élasticité de la plaque obturatrice) à l'application de pansement et de médicaments sur la solution de continuité de la voûte palatine; ds 4° Enfin, s’il reçoit les perfectionnements que M. Fanty- Lescure fait espérer, il pourra peut-être coopérer avantageu- sement au succès de la staphyloraphie, en présentant un moyen doux, lent, maniable de rapprochement des parties, moyen in- connu jusqu'à ce moment. La section félicite M. Fanty-Lescure, et l’engage à persévérer dans ses recherches ingénieuses. . Laparole est donnée à M. Sauvé pour répondre aux diverses objections que l’on a faites à ses opinions sur la mort apparente des nouveaux nés, ses causes et les moyens d'y remédier. Une discussion longue et animée s’élève à ce sujet, et presque tous les membres de la section y prennent part, les uns tenant pour l’apoplexie (congestion) sentiment soutenu généralement par les praticiens les plus recommandables, les autres n’y voyant qu'un état d'asphyxie des organes respiratoires. M. Sauvé persiste dans ses conclusions s’étayant de sa pra- tique de chaque jour. La section vote l'impression du mémoire. On passe à l'examen de la 5° question du programme : « La » trachéotomie est-elle aujourd'hui tellement reconnue utile » dans Ja période extrême du croup, que le médecin ne puisse se > dispenser consciencieusement de la conseiller comme dernier » Moyen ? » Après des observations développées par MM. Vivielle, Ancelon, Pros, Meyer, Gauvin, Lafont, Drouineau et Brauvon, la majorité appuie d’un vote affirmatif la solution de cette question. La séance est levée à trois heures. L'un des secrétaires , DROUINEAU. Séance du 5 Septembre à Rochefort-sur-Mer. Présidence de M. BERTINI. Les membres de la section médicale du Congrès Scientifique de France se sont réunis aujourd'hui, 5 septembre, à deux heures et demie de l'après-midi, à Rochefort-sur-Mer, sous la présidence de M. le docteur Bertini, de Turin, pour en tendre la lecture de plusieurs mémoires sur les questions médicales posées par la commission du Congrès. se , M. Maher, directeur du service de santé de la marine, vice- 5 « 58 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. président de la section médicale, traite la 45° question ainsi formulée : « La constitution médicale de Rochefort et des arron- » dissements voisins s’est-elle modifiée depuis 25 ans, et sous » l'influence de quelles mesures hygiéniques est survenu ce » changement? » M. Maher démontre par des chiffres 4° que la population de Rochefort s’est régulièrement accrue depuis 25 ans ; 2° que la vie moyenne à atteint le niveau commun 36—7 ans indiqué par l'annuaire du bureau des longitudes pour la durée moyenne de la vie en France ; 3° qu’en tenant compte du chiffre de la popu- lation flottante, non productive, les naissances excédent les décès; 4° que le rapport des décès à la population est aujour- d'hui de 4 à 36,08. Il constate ainsi la réalité de l'assainissement de Rochefort, - qui rentre dès à présent dans les conditions ordinaires de salu- brité. Dans la'2° partie de son travail, M. Maher expose les moyens mis en usage pour l'assainissement des marais, les projets de Dulaurens, de Reverseaux, de Cochon-Duvivier exécutés par M. Mosqueley, ingénieur en chef des ponts-et-chausséés, et dont l'arrondissement garde le plus honorable souvenir. L'auteur termine en jetant un coup-d’œil sur la prophilanie et le traitement des fièvres intermittentes, la découverte de la quinine par Pelletier et Caventon, bienfaiteurs de l'humanité, à qui, dit-il, on aurait dû depuis longtemps élever des statues. M. le président, après avoir rendu un éclatant hommage au mémoire de M. Maher, mémoire qui ne peut manquer d’avoir un grand retentissement dans les contrées désolées par les mias- mes palusteux, propose son insertion dans les actes du Congrès. Adopté à l'unanimité. Dans un travail plein de détails scientifiques d’une haute portée, M. Arlaud, 2° chirurgien en chef de la marine, traite la 46° question du programme: « Les affections scrofuleuses » sont-elles communes dans le département de la Charente- » Inférieure? » Malgré l'absence de documents précis puisés à toutes les sources, et que la position de notre collègue ne lui a pas permis de recueillir, la question a été traitée à un point de vue aussi in- téressant qu'instructif. L'auteur l’a condensée dans les six chefs suivants : - 4° Qu’entend-on par affection scrofuleuse? 90 La tuberculisation et les affections scrofuleuses doivent- elles être différenciées ? 3° Etude des manifestations localisées des affections scrofu- leuses. 4° Enumération des causes principales : climat, hérédité. VINGT-TROISIÈME SESSION. 59 5° Circonstances climatériques propres au département de la Charente-Inférieure, et à la ville de Rochefort en particulier. 6° A quelles heureuses influenees est due l'amélioration in- contestable que l’on a constatée depuis un demi-siècle ? L'impression de ce mémoire a été proposée par M. le prési- dent, et votée à l'unanimité. M. Roux, 1° pharmacien en chef de la marine, fait part à la section des expériences intéressantes qu'il a faites sur la culture du pavot, sur l'extraction de l’opium indigène et des sels qu’il contient. Sept variétés de pavot ont été cultivées sous sa direction au jardin de l'hôpital maritime; elles lui ont fourni de l’opium dont la richesse en morphine, mélangée de narcotine varie de 8,33 0/0 à 21,66. Les conclusions de M. Roux sont les suivantes : 1° Les pavots-œæillettes, œillette aveugle et rouge fournissent le meilleur opium. 2° Le suc provenant de ces pavots offre une richesse en mor- phine supérieure à celle des opiums de commerce. 3° Cestrois variétés de pavot pourraient être cultivées avec avantage dans la plupart de nos départements. 4° La médecine n'aurait qu'à gagner à l'emploi de l’opium indigène ; ce médicament riche en morphine deviendraët la base de préparations sûres et actives dont les effets n'offriraient jamais cette instabilité que l’on remarque dans les médicaments obtenus avec les divers opiums du commerce. Ÿ Le mémoire de M. Roux a produit sur la section une impres- sion profonde en lui faisant concevoir l'espérance de voir un jour la France affranchie sous ce nouveau rapport du tribut qu’elle paie à l'étranger. L’impression a été votée à l'unanimité. La séance est levée à quatre heures. L'un des secrétaires, JOSSIE, 2e. Médecin en chef de la Marine. Séance du 6 Septembre, à Rochefort-sur-Mer. Présidence de M. BERTINI. La séance est ouverte à onze heures un quart. Le procès- verbal de la séance précédente est lu et adopté. M. Viaud, membre présent, est désigné pour remplir les fonctions de secrétaire en remplacement de M. Jossie, quia 6c- cupé la veille. M. Jossie, 2° médecin en chef de la marine, lit un mémoire sur la 47° question du programme : « A quelles causes peut-on 60 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. » rapporter la fréquence des claudications et des déviations de » la colonne vertébrale qu'on observe dans le département? » L'auteur prouve par des faits incontestables que les princi- pales causes des affections des os sont les miasmes palustres qui débilitent l'économie et favorisent la scrofule secondaire. La section décide à l'unanimité que ce travail, d’un haut in- térêt, sera imprimé dans le recueil des actes du Congrès. A l'occasion de ce que dit M. Jossie dans ce mémoire, sur la qualité des eaux à Rochefort, M. Maher, directeur du service de santé de la marine, fait une observation. M. Jossie a dit que la rareté des eaux propres à l'alimentation est fort regrettable. Cependant il existe sur plusieurs points des fontaines d’eau po- table assez abondamment approvisionnées pour suflire à tous les besoins domestiques. Ilest bien vrai que dans la partie eætra- muros, les eaux potables manquent, et que les habitants de cette section de la commune, pour s'épargner la peine d'aller aux réservoirs publics de la ville, font usage des eaux abondantes de leurs puits, eaux qui manquent des qualités essentielles à une bonne alimentation. M. Dutouquet, docteur-médecin, faitremarquer, en réponse à l'observation de M. Maher, qu’à une certaine époque de l’année, en août et septembre particulièrement, les eaux de sources ame- nées à Rochefort diminuent dans une proportion notable, et que l'on est forcé, pour fournir à la consommation un contingent nécessaire, de faire un emprunt aux eaux du fleuve, prises à un moment donné de la marée. Cette nécessité est, selon lui, fort regrettable, l'analyse n'ayant pas encore démontré que les eaux de la Charente pussent, sans inconvénient, entrer dans l’alimen- tation. M. Dutouquet indique comme pouvant donner aux sources déjà ouvertes un appoint suffisant une source, dite source Gaillard, qui avoisine les premières. M. Jossie fait remarquer qu'il n’y à pas avantage à prendre les eaux de cette dernière source. Dans son opinion, les eaux de la rivière sont plus pures, et sont potables quand elles sont prises à mer basse, et quand on leur a donné le temps de se dépouiller de l'argile qu’elles tiennent en suspension. La fontaine Gaillard, dont parle M. Dutouquet, ne donnerait, suivant les infor mations prises, qu'un supplément quotidien de 18,000 litres au plus, quantité ajoutée encore inférieure aux besoins. M. Jossie donne la préférence aux eaux de la rivière. M. Maher pensecomme M. Jossie, que ces dernières eaux peuvent entrer avec avantage dans la consommation. On a tort, dit-il, de dédaigner cette ressource. Et, pour appuyer son opi- nion favorable, il cite un grand nombre de faits : des navires de l'État, au moment de leur départ pour des voyages lointains, se sont approvisionnés d’eau dans le fleuve, à deux tiers de Jusant, et tous ont rendu le meilleur témoignage des qualités de ces w . [ ÿ . k est É VINGT-TROISIÈME SESSION. 61 eaux. Il est d'avis, néanmoins, qu'avant d'emprunter à la rivière le volume d’eau que les sources ne peuvent fournir, on soumette les eaux de la rivière, prises à différentes heures de la marée, à des analyses suivies. 7 ajoute que dans sa conviction profonde les eaux de la rivière peuvent satisfaire à tous les besoins do- mestiques. Ces eaux ne sont mauvaises que lorsqu'on les puise dans de mauvaises conditions. Toutefois, dit en terminant M. Maher, mieux vaudrait trouver dans les sources tout ce que peut demander la consommation des habitants. M. Arlaud, 2° chirurgien en chef de la marine, est peu favo- rable à lusage des eaux de la Charente. Il a observé que ces eaux apportent dans la préparation des boissons données à l’hô- pital, une saveur désagréableaux malades. M. Dutouquet rappelle ce qui a été tenté, il ya quelques années, pour amener les eaux de la source Gaillard, qu’il a déjà citée, et ilémet le vœu que l'autorité locale persiste dans les études qui se font pour que les eaux de cette source soient réu- nies à celles des autres sources qui alimentent Rochefort depuis un siècle, d’une manière suffisante d’abord, quand la population n'était que de 12 à 15,000 ames, insuffisante aujourd'hui que cette population a presque doublé. M. Roux, pharmacien en chef de la marine, est d'avis que les eaux du fleuve, quelles que soient les conditions de marée dans lesquelles on les prenne, sont inférieures de beaucoup en qualité à celles des sources. Tout en disant qu'on ne doit paserenoncer à faire usage des eaux de la Charente, M. Maher reconnait la supériorité des eaux de source, il est d'avis que l'administration municipale soit ins- tamment priée de poursuivre, avec toute la sollicitude qu’elle met dans ses nombreux actes, le projet d’adduction de nouvelles eaux potables à celles qui existent. M. le président résume la discussion. La section, vivement préoccupée de la question soulevée à l'occasion du mémoire de M. Jossie, invite M. Dutouquet à for- muler le vœu qu ’il sera proposé au Congrès d'émettre sur un objet qui touche de si près à la santé des habitants. La section approuve une rédaction soumise par M. Dutouquet. Le président fait immédiatement parvenir au président du Con- … orès, qui est en cemoment en séance, le vœu formulé. M. Garnault, docteur-médecin à Pons, lit un mémoire sur un cas de pneumatopéritoniale qu'il a observé sur un jeune homme M atteint de fracture, compliquée de gangrène. Le malade est mort RE noniexie par pression sur les poumons, sur les grands tor- ments circulatoires. M. Garnault, en proposant une ponction évacuatoire, avait touché au but, et si son opinion avait été adop- tée, les chances de guérison étaient considérables. A ce point 62 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. de vue, l'observation de M. Garnault à un intérêt capital : il serait à désirer qu’elle fût l'objet d'une grande publicité. La section est d’avis à l'unanimité que par les soins du Con- grès ce mémoire soit publié dans les journaux de médecine. M. Viaud, receveur municipal, lit une note très-substantielle sur l'état sanitaire de Rochefort, et prouve par la statistique, que les conditions climatériques sont aujourd'hui très-satisfaisantes en cette ville. , La section en vote à l'unanimité Fimpression dans les actes du Congrès. M. Dutouquet, dans un travail consciencieux et appuyé sur des observations assez nombreuses, et dont quatre des plus inté- ressantes sont relatées en entier, a parfaitement étudié et dé- montré les causes prochaines ou éloignées de l'éclampsie, ques- tion 7° du programme ainsi formulée : « Quelles sont les causes » prochaines ou éloignées de l’éclampsie des femmes en cou- » ches? Quels soins réclament-elles de la part de l’accoucheur ? » Comme méthode de traitement, M. le docteur Dutouquet a précisé le moment de la version, de l’application des forceps, et enfin de l'utilité incontestable des évacuations sanguines, dans ces cas graves, où la vie est si sérieusement menacée. Cetravail, plein de vues pratiques et écrit avec clarté et élé- gance de style, a valu à son auteur les remerciments de l’as- semblée ; l'impression en a été votée à l’unanimité. M. Quesnel, 4°" médecin en chef de la marine, Hit une note sur les succédanés du quinquina, 13° question du programme : « Quelles sont les substancéS indigènes ou exotiques, abstraction » faite des préparations arsenicales qu’on peut employer comme » succédanées du quinquina, dans le traitement des fièvres in- » termittentes? » Nul pays, dit M. Quesnel, n’est plus propice que Rochefort « pour étudier les succédanés du quinquina et apprécier leur valeur. Bien que considérablement diminuées, à Rochefort, sous le double rapport de la fréquence et de la gravité, les fièvres palu- déennes y sont encore assez communes; et c’est dans l’hôpital de la marine qu’ont été soumis à l'expérience clinique une foule de substances préconisées comme succédanées du quinquina, comme valant autant et mieux que lui. Tous les officiers de santé en chef de la marine qui ont exercé depuis 60 ans, à Rochefort, se sont accordés à en regarder l’em- ploi comme stérile dans les cas simples, comme dangereux dans les cas graves. Deux années de service comme 4% médecin à Rochefort, ont donné à M. Quesnel la même opinion sur l’inanité des recher- ches faites dans le but de trouver un succédané à l’écorce péru- vienne. C’est donc d’un accord unanime que les médecins habi- VINGT-TROISIÈME SESSION. 63 tant Rochefort, s’en tiennent au quinquina seul dans les fièvres paludéennes. La théorie, d'accord avec la pratique, condamne au surplus d'avance les recherches de ce genre. En principe, ajoute M. Quesnel, il n’existe pas de succédanés absolus, c'est-à-dire de médicaments susceptibles de se suppléer dans la plénitude de leurs effets. En faitil en existe quelques- uns, mais relatifs en ce sens que l’on rencontre des médicaments susceptibles de se suppléer pour un certain nombre d'indications thérapeutiques et non pas pour toutes. à ‘Ces succédanés relatifs appartiennent tous à des médications vulgaires, ou à des médications locales, et ne sont succédanés les uns aux autres qu'à la condition d'une identité de compo- sition chimique; ex.: émollients-astringents-caustiques. A mesure que les médications augmentent d'intensité les effets des médicaments sont plus définis ; ils se spécialisent davantage: leur identité de composition chimique disparaît, et, avec elle l'identité d'action ainsi que la faculté de se suppléer, c’est-à-dire, d’être succédanés les uns des autres. Ex. : opium, strychnine, fer, etc., etc. Cette faculté de se suppléer ne s’est jamais surtout rencontrée dans les spécifiques : soufre, mercure et or, la quinine est un spécifique, et, en conséquence on n’a pas trouvé, on ne trouvera jamais un autre végétal susceptible de le remplacer, à moins qu'il ne contienne, comme principe actif, de la quinine. On fait fausse route, dit ensuite M. Quesnel, en cherchant des succédanés du quinquina pour prévenir la rareté de cette précieuse écorce livrée à une exploitation inintelligente, barbare même, et pour diminuer sa cherté. Toutes les tentatives faites jusqu'ici ontéchoué; l'épreuve chimique et la théorie indiquent qu'il en sera toujours de même. C’est dans la propagation et l’acclimatation des cinchonas que se trouve la solution du problème. Elles ne semblent pas impossibles : les cinchonas sont des arbres vigoureux, rustiques, susceptibles en apparence de moins décroître sur les hauteurs des Antilles, mais surtout à l’île de la Réunion. Des essais ont déjà été faits, mais ils semblent ne l'avoir pas été avec persévérance et dans de bonnes conditions. M. Quesnel exprime le désir, et la section s'associe à cette “pensée, que le Congrès émette le vœu que des essais nouveaux soient tentés dans différents pays et dans des conditions satisfaisantes. C'est la seule manière de prévenir aujourd’hui la disparition des quinquinas, ce qui serait un malheur pour l'humanité entière, et aussi de rendre son prix accessible à la classe pauvre. C’est elle qui en éprouve le plus grand besoin, 64 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. car c'est elle qui paie aux fièvres le plus large tribut, et la qui- nine coûte trop cher pour qu’elle puisse s'en procurer. La section se sépare, appelée à la séance générale, sans en- tendre M. Fleury, médecin, qui a présenté un mémoire sur la situation des marais environnants. La séance est levée à deux heures. L'un des secrétaires , T. VIAUD. Séance du 8 Septembre. Présidence de M. BerrINL. La séance s'ouvre à onze heures un quart. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. L'ordre du jour ramène la discussion sur les doctrines de M. Sauvé touchant les causes de la mort apparente des nou- veaux-nés. M. Sauvé soutient que l’asphyxie est la règle, et que l’apo- plexie est l’exception comme cause déterminante de la mort ap- parente des nouveaux-nés; que le cerveau a peu d'influence sur la vie de nutrition du fœtus tant que celui-ci reste dans le sein de sa mère, et que s’il y succombe pendant la durée du travail, c’est bien plutôt par toutes les causes si nombreuses qui peuvent arrêter la circulation, et, par suite, le renouvellement de l’oxy- génation de son sang. Les anencéphales et les acéphales et la perte que l’on a fait quelques fois éprouver au cerveau dans les cas où le céphalotribe est nécessaire, sans provoquer la mort du fœtus, prouvent qu'une congestion cérébrale intrà-utérine doit avoir peu d’action pour provoquer la mort apparente. M. Ancelon répliquant à M. Sauvé, développe l’idée suivante : la forme de la mort apparente des nouveaux-nés loin d’être unique, est multiple. Pour justifier cette proposition, M. le docteur Ancelon décrit rapidement 1° l'asphyxie différente, par ses signes, chez l'enfant dont on oublie trop le mode de circulation, de l’asphyxie des adultes ; 2° la congestion cérébrale donnée, souvent par erreur pour l'asphyxie, malgré les battements du cordon toujours per- ceptibles dans la première et exceptionnellement sensibles dans l'asphyxie; enfin 3° la mort apparente syncopale dans laquelle le foie, par un mécanisme expliqué par l’auteur, se trouve con- tusionné. Après avoir conclu à la multiplicité des formes de la mort ap- parente des nouveaux-nés, M. Ancelon passe aux moyens d'y remédier. | VINGT-TROISIÈME SESSION. 65 Il démontre par l'état dans lequel peut se trouver le placenta, décollé en partie ou en totalité ou alteré par la longueur du tra- vail obstétrical, combien est vaine, sinon intempestive la recom- mandation de conserver le cordon dans son intégrité dans l’as- phyxie des nouveaux-nés; il objecte que si les pulsations de- vaient reparaître après la sortie du fœtus du sein de la mère, elles ne pourraient, contrairement à ce que l’on a dit, être sen- sibles dans le cordon, les lois d’hydrostatique s’y opposant. Pour lui, la section immédiate du cordon est toujours d’une nécessité absolue dans l’apoplexie. Enfin, dans la mort apparente synco- pale il ne voit aucune indication pour conserver indéfiniment les attaches qui unissent l’enfant à sa mère. M. Sauvé répond qu’il ne nie pas que les causes de mort puissent être multiples, mais il dit que dans tous les cas l’indi- cation est de laisser le cordon intact parceque 1° dans l’asphyxie dont il a expliqué le mécanisme, le sang de l'enfant a cessé pendant le travail d’être oxygéné par celui de la mère, et que le meilleur moyen de lui rendre cet oxygène c’est de laisser con- tinuer la circulation de la mère à l'enfant ; que les lois d'hydros- tatique sont ici modifiées par les forces vitales; 2° que dans l’a- poplexie, cause de mort excessivement rare pour produire la mort ntrà-utérine de l'enfant, il est bon de ne pas se priver de l'utile ressource de la circulation de la mère à l’enfant ; et qu’en- fin, 3° dans la syncope, le meilleur moyen de ranimer l’action du cœur de l’enfant, c’est de lui laisser un excitantnaturel qui est le sang que la circulation non éteinte dans le placenta peut lui apporter. Dans une note écrite et que nous transcrivons textuellement, M. le docteur Pros s’exprime ainsi : « M. le docteur Sauvé, ayant posé en principe que dans l’état » apparent des nouveaux-nés, sous quelque aspect qu’il se pré- » sente à la suite de l'accouchement, il ne fallait jamais couper » le cordon ombilical, dans le but de rappeler enfant à la vie, » j'ai cru devoir m’élever contre l’absolutisme de ce principe, » lequel nie formellement l’état apoplectique chez le fœtus ou » chez l'enfant nouveau-né. Pour M. Sauvé, la seule cause de » mort apparente, dans la circonstance qui nous occupe, se ré- » sume dans l’asphyxie. Les auteurs que j’ai consultés en assez » grand nombre, puisque je puis citer Bruhier, Beaudelocque, » Mazurier, Mme Boivin, Moreau, Velpeau, Cheilly, Cazeaux, » Jacquemier, établissent l'apoplexie ou état apoplectique comme » devant être une cause bien déterminée de la mort apparente du » fœtus et de l'enfant nouveau-né. » Pour conjurer la mort réelle ils sont unanimes à reconnaître » l'opportunité de la section prompte du cordon. Ils veulent, de » plus, qu’on favorise par les moyens d'usage l'émission sanguine » du cordon divisé; si ces moyens ne suffisent pas, ou sont res- 66 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. » tés nuls, ils conseillent de recourir avant tout autre traitement » à un genre différent d'émission sanguine. » Si je pouvais dans ce simple exposé entrer dans quelques » détails, je citerais le résultat des autopsies cadavériques faites » et décrites par M. Cazeaux; elles établiraient formellement » que les congestions sanguines du cerveau, les épanchements » de même nature dans sa propre substance et à la surface de » ses membres donnent ainsi raison à la thèse que je défends, » à moins que l’on ne doute de la bonne foi et de l'intelligence » du professeur Cazeaux etd’autres praticiens bons observateurs, » on ne peut s'arrêter à des théories qui, malgré ce qu’elles ont » de séduisant, tombent toujours devant des faits que l'anatomie » pathologique relève toujours avec éclat. » Je termine en faisant observer qu'après avoir donné des > preuves plus pratiques que théoriques dans ce mémoire au- » quel j'avais très-peu de temps à consacrer, je n’ai pas oublié » d'extraire de Jacquemier quelques points théoriques sur le .» principe que j'ai débattu. » M. Sauvé répond que le préopinant lui semble être auprès de la question ; qu'il ne s’agit pas de savoir, ce qu'il n’a jamais con- testé, s’il existe ou non un état apoplectique, mais bien de savoir si, lors même que le cas se présente, il ne convient pas mieux de conserver intact le cordon, afin de laisser continuer aussi longtemps que possible la vie 2ntrà-utérine. Pour lui, la lésion cérébrale ne produit la mort que parce que l’inflax nerveux ne peut plus être transmis aux grands appareils organiques, et plus particulièrement à ceux du thorax ; les muscles inspirateurs, les poumons ne peuvent entrer en fonction : laissez done continuer la respiration fœtale, et dégagez le cerveau par des sangsues, par des ventouses aux tempes, aux apophyses mastoides, recourez à tous les dérivatifs, aux révulsifs; mais conservez aussi long- temps que possible ce qui reste encore de respiration fœtale jus- qu'à ce que vos.efforis aient réussi à ramener la respiration pulmonaire et le retour à la vie. M. Vivielle est d'avis qu'il faut ici recourir à l’éclectisme, et qu'il est des cas nombreux où il faut attendre pour couper le cor- don, et d’autres où il faut se hâter d’en faire la section. M. Garreau pose la question sur son véritable terrain : existe- t-il une respiration pulmonaire? et continue-t-elle quelques temps après la sortie de l'enfant? M. Sauvé rappelle les conclusions de son mémoire qui répond affirmativement à ces deux questions. La discussion est close après quelques observations de M. Gaudin. L'ordre du jour amène l'examen de la 5° question du pro- gramme : « La trachéotomie est-elle aujourd’hui tellement re- » connue utile dans la période extrême du croup, que le médecin ÿ ; He VINGT-TROISIÈME SESSION. 67 » ne puisse consciencieusement se dispenser de la conseiller . » comme dernier moyen? » M. Sauvé demande la parole et propose qu’une solution aflir- mative soit donnée à la question. M. Ancelon croit que l'opération est le plus souvent inutile. II dit que le croup a une marche de haut en bas; que les fausses membranes gagnent ainsi les bronches et leurs divisions les plus tenues, et qu'à cette période, qu'il considère comme la période extrême du croup, l'opération doit toujours être inefficace ; que c’est faire souffrir inutilement les petits malades. Il pense que l'opération proposée par Marchal-Lall, qui consiste à ponc- tionner la trachée après l'avoir bien assujettie, devrait dans tous les cas être préférée à l'opération telle qu’elle se pratique au- jourd’hui. M. Pros paraît partager l'opinion que l'opération est favorable et doit-être tentée, puisqu'il cite l'observation d'un malade chez lequel il était disposé à la pratiquer, ce qu'il fut empêché de faire par l'avis opposé d’un médecin-consultant quine trouva pas que l’asphyxie füt assez imminente pour opérer. M. Sauvé appuie la proposition qu’il a faite. Il expose qu'il vaut mieux tenter un moyen douteux que ne pas l’employer. Il pense du reste que rien n’est plus difficile que de déterminer, d'une manière certaine, que les fausses membranes attaquent jusqu'aux dernières divisions des bronches, et qu enfi in l’expé- rience vient prouver très-souvent que, quelqu’ avancée que soit l’asphyxie, les petits malades opérés revenaient souvent à la vie. M. Vivielle considère cette opération comme inutile. Il pense que les malades qui réchappent au croup par la trachéotomie auraient élé guéris sans ce moyen extrême. M. Meyer combat cette opinion. M. Lafond pose la question de manière à bien distinguer la période extrême du croup qui consiste, non pas dans l’ extension en profondeur des membranes qui peuvent causer l’asphyxie la plus complète, bien qu’elles ne s'étendent qu’au larynx. M. Gaudin développe ses idées sur la maladie et l'opération, et il est d'avis -qu’elle soit pratiquée. M. Drouineau dit qu'il a opéré avec l’aide de plusieurs con- frères un enfant qui était presque inanimé, et que le retour à la vie s’est fait aussitôt l'opération pratiquée. M. Braudon pense que l'opération peut être utile, et que dans tous les cas elle ne peut jamais rien compromettre, proposée et exécutée dans les termes mêmes de la question. M. le président met aux voix la réponse affirmative à la ques- tion. La section la résout affirmativement. La séance est levée à trois heures. L'un des secrétaires , SAUVE. 68 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Séance du 9 Septembre. Présidence de M. GARREAU. La séance est ouverte à une heure. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté après une modification de- mandée par M. Pros. M. le président ouvre la discussion sur la 6° question du pro- gramme : « Faire l’histoire de l’occlusion du col utérin au mo- » ment de l'accouchement. » M. Sauvé traite la question. Le cas, dit-il est très-rare. Les auteurs anciens l'ont signalé. Lavergat a pratiqué l'opération césarienne vaginale dans un cas où ilne put trouver l'ouverture du col. Les modernes ont recueilli plusieurs observations très- authentiques de cette affection. L'’orateur a eu une fois à observer l'ocelusion complète du col; ce ne fut qu'après les plus minu- tieuses recherches et un examen plusieurs fois répété, qu'il ren- contra avec le doigt une légère dépression au fond de laquelle il sentit la résistance d'une membrane. L'accouchement fut des plus longs; le travail commençait, cessait et recommencait de nouveau; enfin, la nature paraissant impuissante, il fallut lui venir en aide, et une incision cruciale fut pratiquée sur le col et livra bientôt passage à un enfant mort. Une autre fois l’auteur fut appelé par une sage-femme pour l'assister dans un cas qui lui paraissait d'autant plus étonnant qu'elle ne pouvait atteindre ni trouver le col, bien que la malade ressentit des douleurs d'accouchement, et que la matrice s’a- baissät sous forme d’un globe arrondi dans le petit bassin à cha- que contraction des muscles abdominaux. Il toucha la malade, sentit à travers les parois distendues et amincies de la matrice la position transversale du fœtus dont les côtes et l’appendice ty- phoïde étaient très-faciles à distinguer. Le col était introuvable. Cependant, au milieu de la tumeur, on trouvait en palpant avec beaucoup de soin un petit point qui donnait la sensation d’une légère excavation qu'il crut devoir attribuer à un coup d’ongle. Le lendemain il fut curieux de visiter la malade au speculwm. Cet instrument lui permit alors de voir un petit point noir pareil à un grain de plomb logé dans le tissu de la matrice, et, pressant sur ce point avec une sonde de femme il parvint à. forcer une petite résistance, et à pénétrer dans la matrice dont les parois étaient on ne peut plus amincies. L'accouchement, malgré des douleurs à peu près constantes ne se fit que cinq jours après : l'enfant était mort et malaxé dans tous les sens. Dans ce dernier fait l’occlusion n'était pas complète; mais le col s'était complè- tement aminci, au point de ne présenter qu’un feuillet membra- neux, et ne présentait qu’une ouverture presque imperceptible. M. Braudon dit avoir vu la femme dont vient de parler VINGT-TROISIÈME SESSION. 69 M. Sauvé; il a constaté par le toucher l’état qui vient d’être si bien décrit par l’honorable praticien. M. Drouineau a vu la femme la veille au soir de l’accouche- ment, c’est-à-dire après dix jours de travail, et le col ne laissait pénétrer encore que l'extrémité de l’index. M. Pros pense que beaucoup de cas d’anteversion ou de retra- version peuvent en imposer et faire croire à l’imperforation du col qui aurait pu avoir une insection anormale. M. Braudon cite à l'appui de cette opinion le cas d’une femme chez qui on croyait à une grossesse extra-utérine, et sur laquelle les chirurgiens de l hôpital Beaujon étaient prêts à faire l’opé- ration césarienne lorsqu'elle accoucha naturellement. M. Sauvé répond que dans les deux observations qu’il a citées il s’est assuré que cette erreur de dianostic ne pouvait être commise. Aucun membre ne demandant plus la Harpe, la discussion est close. M. le président invite M. Drouineau à lire un mémoire sur la question de savoir quelle influence peut avoir l'usage abusif du tabac, surtout chez les enfants, objet de la 2e question du pro- gramme. L'auteur fait d’abord l’histoire du tabac; ilparle de son ori- gine; de son importation; de ses manipulations; de ses divers usages ; de son action sur l'estomac, le système nerveux et la santé en général. Rentrant plus explicitement dans la question, ilexamine l’ac- tion funeste du tabac chez l'enfant qui, en se livrant à la fâcheuse habitude de fumer s’échauffe à dessin la bouche au point d’avoir besoin de boire souvent; de là il contracte des habitudes de café el perd ainsi un temps précieux et sa santé par l'abus des liqueurs fortes. IL fait un tableau frappant des faces de l'enfant fumeur : teint pâle, joues creuses, regard éteint. Il conclut en disant que l'habitude de fumer développe chez les enfants une surexcitation qui les prédispose à à l’irascibilité et au vice. La section décide que ce mémoire sera lu en séance publique, et imprimé dans le compte-rendu du Congrès. M. Meyer, croit comme l’auteur, quel usage du tabac à fumer est nuisible chez les enfants; que c’est une habitude qu’il vau- drait mieux ne pas avoir, mais qui n’est pas cependant aussi dangereuse que l’on vient de dire. 11 cite l'exemple des mousses qui paraissent assez bien se porter maloré l’usage qu'ils font de la pipe, et rappelle le résultat des enquêtes faites en France et en Italie sur les effets du tabac, enquêtes qui ont démontré qu’on ‘ avait beaucoup exagéré cette influence toxique. M. Pros croit que le tabac est utile pour les armées de terre et de mer, et, peut- -être pour le médecin qui peut ainsi prévenir la mauvaise influence des miasmes auxquels il est exposé. 70 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. La lecture du mémoire de M. Drouineau, en séance publique, est demandée par M. Braudon et adoptée par la section. La séance est levée à trois heures. L'un des secrétaires, SAUVÉ. Le Secrétaire-Géncéral , JE TACURIE: 4 SECTION. ARCHÉOLOGIE & HISTOIRE. Séance du 2 Septembre. Les membres du Congrès Scientifique inscrits dans la section d'archéologie et d' histoire, réunis sous Ja présidence provisoire de M. de “Caumont, procèdent tout d’abord à la formation de leur Bureau. A un premier tour de scrutin M. Callot, ancien maire de La Rochelle, réunit les suffrages pour la Présidence et il occupe le fauteuil. Un second scrutin appelle à la vice-Présidence MM. Thiollet, Fillon, Derceville et Ruck, qui prennent place à côté de M. Callot. Un troisième scrutin désigne pour Secrétaires MM. Jourdan, Menut et Pardiac. Le Bureau se trouve ainsi définitivement constitué : President, M. CALLOT. Vive-Présidents, MM. TIOLLET. FILLON. DERCEVILLE. RUCK. Secrétaires, MM. JOURDAN. MENUT. PARDIAC. M. Callot adresse quelques paroles de remerciments à l’as- semblée et il donne lecture des questions soumises à l'examen de la section, en invitant les membres à se faire inscrire pour la lecture des rapports ou mémoires qu'ils auraient à présenter sur - chacune d'elles. A cette occasion M. le président exprime le regret de n’avoir pas vu figurer au programme arrêté, certaines ‘questions relatives à l'histoire de La Rochelle et qui avaient été désignées par la Société Littéraire qu'il dirige. VINGT-TROISIÈME SESSION. 1 On passe ensuite à l’examen de la 4"° question ainsi conçue : « Rechercher la date de l'introduction du christianisme en Sain- » tonge; quels en ontété les premiers apôtres; les premiers » établissements ; dans quel lieu le paganisme y a-t-il trouvé son » dernier refuge? » M. Rain œuet, membre de la Société des Antiquaires de l'Ouest, a envoyé sur cette question un mémoire dont il est donné lecture. L'auteur pense que l'introduction du christianisme en Saintonge remonte au milieu du [er siècle. Selon lui, son premier apôtre fut Saint-Martial envoyé à Limoges par Saint-Pierre, lui-même, etqui-mourut en l'an 72 ou 74 de notre ère; sa mission aurait été continuée par Saint-Eutrope, révéré à Saintes comme évêque et martyr; enfin, il termine en désignant |’ antique Mediolanum comme le dernier foyer du paganisme en Saintonge. La discussion sur ce rapport est remise à la prochaine séance, la section se rendant à l'invitation adressée par M. le maire de La Rochelle aux membres du Congrès d'assister à l'ouverture des expositions des produits de l'Industrie et des Beaux-Arts. La séance est levée à midi. L'un des secrétaires, MENUT. Séance du 3 Septembre. Présidence de M. FiLLoN. La séance est ouverte à onze heures. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. M. Fillon donne lecture d’une lettre de M. Callot, président titulaire qui, retenu chez lui par une indisposition, s'excuse de ne pouvoir assisler à la réunion. L'ordre du jour appelle la discussion sur la première question. M. Brillouin, s'appuyant de la tradition du VI siècle, rap- portée par Saint-Grégoire, de Tours, et d’un grand nombre d’autres autorités, fixe, d’après les actes dressés par Saint-Denis, à l’an 96, sous le pontificat de Saint-Clément, l’arrivée de Saint- Eutrope en Saintonge, contrairement à l'opinion des Bollan- distes et de plusieurs autres contradicteurs qui reculent au IT siècle la mission du saint évêque dans les Gaules. Il combat l’assertion émise par M. Rainguet, que Saint-Martial serait venu en Saintonge avant Saint- -Eutrope qui y exerca vingt-sept ans le ministère apostolique, et fut martyrisé l’an 123. Selon lui, ces deux apôtres furent envoyés dans les Gaules par le même pontife et à la même époque. Enfin en présence du silence des chro- niques et des chartes, M. Brillouin pense que rien ne pro uve, ainsi que l'avance M. Rainguet, que la ville de Saintes ait été 72 . CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. le dernier refuge du paganisme. Réduit aux conjectures sur ce point, il incline à penser que c'est dans les lieux solitaires pri- mitivement couverts de forêts, comme l’île d'Oleron, qu'il con- vient de placer le dernier boulevard du polythéisme. La parole est ensuite donnée sur le même sujet à M. l'abbé Lacurie. Il établit que l'introduction, du christianisme en Saintonge remonte au berceau même de l’Église; que Saint- -Eutrope, envoyé par Saint-Clément, au I°' siècle, en fut le premier apôtre, et que la nouvelle Église eut son premier établissement à Saintes. De nombreux restes d'anciennes croyances se retrouvant encore, surtout dans l'esprit des populations les plus reculées du département, il croit apercevoir dans ce fait une preuve de la résistance opposée jadis, dans ces contrées, à l'établissement du christianisme. L'impression de ces deux mémoires est demandée. On passe ensuite à l’examen de la 2° question : « Quels sont » les ordres monastiques qui ont fondé des établissements dans » l’ancien évêché de Saintes, et dans les par ties de cet évéché qui » appartiennent aujourd’ hui à Angoumois, à la Vendée ou au » Poitou? » Des renseignements recueillis par MM. Lacurie et Brillouin, il résulte que les ordres monastiques qui ont fondé des établis- sements dans l’ancien évêché de Saintes, sont les diverses fa- milles de l’ordre de Saint-Benoît, et les chanoines réguliers de Saint-Augustin, dits de Chancelade. 132 églises étaient possé- dées, dans le diocèse de Saintes, par les prieurs relevant des mo- nastères situés dans ce diocèse ; d'autre part, 296 bénéfices simples ou à charge d’âmes appartenaient à ces monastères : c’est donc 448 éolises ou chapelles qui relevaient d'eux. La3° question : « Quelle a été la part de chacun des ordres mo- » nastiques dans le développement de la civilisation? » a fait l'objet d’un mémoire lu par M. Brillouin. Il établit, en principe, que les sociétés du moyen- âge ont été sauvées de la barbarie par les moines surtout qui conservèrent : le dépôt de la civilisation chrétienne au milieu des États en dis- solution. Manquant de documents locaux pour assigner à chaque ordre la part qu'il a pu prendre au développement de la civilisation dans les provinces qui formaient jadis l'évêché de Saintes, M. Brillouin se borne à jeter un coup-d’æil sur l’ordre de Saint- Benoît qui avait formé, dans la Saintonge, l'Aunis, l’Angoumois et le Poitou, les établissements les plus anciens.et les plus consi- dérables. Ilenvisage d’abord la question au point de vue du progrès matériel, et montre les moines de Saint-Benoît réalisant le premier exemple donné au monde ancien du travail accompli 4 VINGT-TROISIÈME SESSION. 73 par des mains libres, et servant aux premiers colons de maîtres en agriculture. Il constate que c’est à ces religieux que la ville de Saint-Jean-d'Angély doit son existence, son premier pont, ses anciennes voies de communication, et la culture de la vigne, qui était sirare au XII° siècle qu’elle ne prospérait qu’autour des couvents. C'est au principe d'association qu'il attribue la principale force des communautés religieuses dans le moyen-âge; c’est par elle qu'il explique les défrichements, les desséchements et tous les grands travaux d'utilité publique entrepris par les moines, alors que la société civile marchait à la barbarie la plus complète. Après avoir parlé de l'influence des associations religieuses au point de vue de la prospérité matérielle, il examine la part qui leur revient dans la sphère intellectuelle, et nous les montre, dans les temps de confusion, ouvrant des écoles pour tous, rédi- geant des annales sur l’histoire générale, conservant les livres et les langues de l'antiquité, sans lesquels la chaîne qui unit le passé au présent serait brisée. | La section demande l'impression de ce mémoire dans les actes du Congrès. Dépôt est fait sur le bureau d'un memorandum historique pour servir à l'explication d’un tableau généalogique de la maison d'Aquitaine, dont l’auteur, M. Ponts-Asnières, marquis de La Chastaigneraye fait hommage au Congrès. La séance est levée à une heure. L'un des secrétaires, MENUT. Séance du 4 Septembre. Présidence de M. CALLor. La séance s'ouvre à onze heures. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. L'ordre du jour amène la discussion de la 4° question du pro- gramme : « Quels ont été les diocèses dans lesquels les abbayes » situées en Saintonge ont eu des prieurés ou autres dépen- » dances? Quelles sont les abbayes situées en dehors de la Sain- » tonge qui ont possédé des maisons en cette province ? » M. Marchegay, d'Aix en Savoie, avait envoyé sur cette ques- tion un mémoire que M. Vivier a bien voulu lire dans l'absence de l’auteur. Par cette lecture pleine de laborieuses et savantes recherches, nous apprenons que le chartier de Saint-Florent, près Saumur, contient plusieurs chartes inédites, relatives à Pons, Tes£on et Usseau. Celui de Fontevrault nous éclaire sur les monastères de La Rochelle et de l'ile d'Oleron et Saint-Bien d'Argenson fondés dans le XTT° siècle. Les preuves sont empruntées à plu- 74 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. sieurs chartes latines ou en langue vulgaire que l'analyse ne peut rapporter, mais qui méritent une place dans l'histoire reli- gieuse de l Aunis et de la Saintonge. Trois dessins accompagnent le mémoire de M. Marchegay. Ce mémoire, universellement applaudi, a fourni à MM. Ducha- tellier, Cholet, Simon et Jourdan l’occasion de faire de savantes et judicieuses observations. La parole a été accordée ensuite à M. Jourdan, qui s'était charge de répondre à ces deux questions du programme : « On » assigne généralement l’année 1199 pour date de la charte de » commune de La Rochelle; ne peut-on pas démontrer que la » commune est antérieure à cette date? — Peut-on déterminer » quelle était, dès le principe, la composition du corps municipal, » et les fonctions de chacun de ses membres ? » L'heure et l'importance du travail de M. Jourdan ne lui ont permis d’en lire que la première partie. Selon l'honorable auteur, La Rochelle n’est pas le Portus Santonum de Ptolémée. C’est une ville d’origine féodale, men- tionnée, pour la première fois, en 961. Elle a dû plus tard son agrandissement et sa prospérité aux avantages de son port et à la destruction de Chatelaillon. Elle conquitle droit de commune soit par l'insurrection, soit, selon d’autres, à prix d'argent, soit plutôt par sa résistance aux pillages des Normands. Au moyen- âge, elle était devenue le type-modèle des communes les plus importantes. Elle jouissait de tous les avantages d’une commune affranchie, d’où vient que les vieux auteurs la classent parmi les républiques. Après ces détails, l’auteur, répondant directement à la ques- tion, n'attribue pas l établissement de la commune de La Rochelle à Éléonore d'Aquitaine, comme le font la plupart des auteurs, ni à son fils, Jean-sans-Terre; il la fait remonter jus- qu'à Guillaume Le dernier duc d’ Aquitaine, père d'Éléonore. Il le prouve par la citation de plusieurs chartes antérieures à ces deux personnages. L'auteur a renvoyé à un autre jour la suite de la lecture de son travail qui sera lu en séance publique. M. Duchatellier explique les mots trop souvent confondus de coutumes, droits, privilèges. M. Jourdan, insistant sur les termes des chartes, établit que La Rochelle jouissait d’une liberté complète dans tous les sens. Sur la proposition de M. Fillon, appuyée par M. de Caumont, il a été décidé que la section ferait une visite aux monuments de la ville, en particulier au tableau de Lesueur, une des richesses del hôpital civil; la journée de dimanche a été choisie pour cette excursion. La séance est levée à trois heures. L'un des secrétaires, PARDIAC. 4 VINGT-TROISIÈME SESSION. 75 Séance du 5 Septembre, à Rochefort-sur-Mer. Présidence de M. l’abbé Lacurie. La section d'archéologie et d’ histoire, et la section de philo- sophie, littérature et beaux- arts réunies, ont tenu leur séance à Rochefort-sur-Mer, le 5 septembre, à deux heures de l’après- midi, dans l’une des salles du Salon. La séance a été ouverte par la lecture d’un mémoire de M. l'abbé Lacurie sur la 48° question du programme : « Quels » ont été les résultats politiques de la dominätion romaine en » Saintonge ? » Bien que sous la domination romaine, la cité des Santones, c’est-à-dire la circonscription du terrain borné au nord par les Pictones, à l’est par les Lemovices et les Petrocorii, au midi par les Bituriges-Vivisci et à l’ouest par le Sinus Aquitanicus, avait conservé le droit de se gouverner par ses lois; la forme de son gouvernement, calqué sur celui de Rome, élevait Mediolanum à la dignité de Municipe possédant une sorte de corps municipal, Curiæ formé par le conseil des Décurions, dont les fonctions étaient les mêmes que celles du Sénat. Les chefs de ce conseil, Duumwirt, avaient les attributions des Consuls; le soin de dé- fendre et de protéger les citoyens contre les exactions du pou- voir était dévolu à un officier spécial appelé Defensor. C'était une administration toute romaine appliquée aux provinces conquises. Cette forme gouvernementale subsista longtemps; sous Julien et Honorius aucune modification n’y fut apportée; les Francs eux-mêmes n'y changèrent rien. Ce ne fut que vers %e X° siècle, lorsque les grands se partagèrent en quelque sorte le royaume, en donnant ainsi naissance à la féodalité, que cette adminis- tration fut menacée. Dans ces temps de nobles périls les chefs des cités combattaient la lance au poing pour conserver leur indépendance, origine des associations démocratiques du moyen- âge. La royauté légitima cette résistance des communes contre les barons, puis elle fitsuccomber la commune sous la pression du pouvoir royal en lui enlevant peu à peu toute sa vie politique, résultat déplorable, ajoute en terminant, M. l'abbé Lacurie, car c’est ainsi que la royauté a tué le patriotisme. M. l'abbé Lacurie lit ensuite un second mémoire sur la 24° question du programme : « Peut-on déterminer quelle était, dès » le principe, la composition du corps municipal et les fonctions » de chacun de ses membres? » Dans cette question, liée intimement à la précédente, l'auteur nous représente le corps municipal, en Décurions exerçant dans les municipes les mêmes fonctions que le Sénat à Rome. Il ex- pose la parfaite concordance des attributions, des titres avec ceux des magistrats romains. 76 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Aux Décurions incombait la gestion des biens de la cité, sous leur responsabilité personnelle, de même que les sénateurs à Rome s’appelaient Pères de la Patrie, de même dans le muni- cipe, les Décurions s’appelaient Pères de la Cité. La charge était héréditaire. Au-dessus des Décurions étaient deux ofliciers pris dans leur sein, appelés Duumvirs, avec les attributions des consuls. M. Lacurie nous montre dans le moyen-âge la transformation de ce corps municipal s’opérant dans les dénominations seules, sans aucun changement dans les attributions jusqu’à ce que le pouvoir royal, après avoir abattu le baronage par la commune, étouffa la commune en concentrant tout le pouvoir dans les mains de ses agents. M. Duchatellier, confirme par quelques exemples tirés de l'histoire, la persistance de l'autorité royale à combattre l’auto- rité des seigneurs etensuite des communes. Le plus ancien docu- ment qu'il connaisse constatant cette lutte des rois contre la noblesse, remonte à 4492, et est relatif à l'évêque.de Quimper. M. Lacurie fait observer que le premier fait constatant la lutte du pouvoir royal contre la commune, relatif à la ville de Saintes, s’est passé en 1570. Tous les membres présents demandent la lecture en séance générale des mémoires de M. l'abbé Lacurie, et l'insertion ex- presse de ce désir unanime au procès-verbal. Passant à la question d'archéologie, M. Duchatellier présente à la section les plans de plusieurs dolmens qu'il a pu étudier en Bretagne, sortant des usages connus ; et il exprime l'opinion que tous ces monuments druidiques ne sont autre chose que des tombeaux, car dans les fouilles qu’il a lui-même dirigées, il a trouvé dans la cavité de ces pierres et au-dessous d'elles uné quantité assez considérable de cendres. Ces monuments se composent presque tous de deux ou trois dolmens et de quelques chambres, dont quelques-unes seule- ment sont fermées. M. Thiollet émet à ce sujet l'avis que ces chambres étaient probablement destinées chacune à la sépulture d’une famille, et qu'elles étaient fermées ou murées quand tous les membres de la famille y étaient déposés. M. l'abbé Lacurie donne aux monuments dits Celtiques une origine bien plus ancienne. Selon lui, les peuples descendus du haut Orient apportèrent dans les nouvelles contrées qu’ils habi- tèrent, leurs coutumes, leurs mœurs, leurs traditions, au lieu de s’en créer de nouvelles sur un sol nouveau. Aussi M. l'abbé voit Lt la Bible, non-seulement des monuments identiques, leur explication et leur usage. Les demi-dolmens étaient des rampes pour arriver à l'autel; es dolmens, des sortes de sacellum sem- blables à celui que Jacob se construisit dans les plaines de la VINGT-TROISIÈME SESSION. 71 Mésopotamie, et dont il oignit d'huile la pierre du couronnement: les menhirs ne sont autre chose que des limites de territoire. M. Duchatellier présente les plans de deux menhirs de sept mètres d'élévation au-dessus du sol et d’une grande largeur. M. le président prie M. Duchatellier de vouloir bien joindre à ses planches une note sur les observations qu’il a pu faire dans l'étude des monuments dont il a entretenu la section. M. l’abhé Lacurie lit un mémoire sur la 4'° question de litté- rature : « Jeter un coup-d’œil rapide sur l'état actuel de la litté- » rature; en déduire les effets salutaires ou nuisibles qu'elle à » produits sur l’enseignement de la jeunesse. » Après avoir fortement blâmé cette littérature échevelée et sans règle comme sans principes, M. l'abbé Lacurie, pénétrant plus avant dans la question, croit reconnaître, comme l’une des causes de la décadence actuelle des lettres, l'influence exercée en France, par les auteurs romantiques de l'Allemagne et du Nord, et notamment par le livre de Me de Stael sur l'Allemagne. Selon M. l'abbé Lacurie, c’est la plume de Me de Stael qui a donné le signal de cetriste mouvement. L'imagination d’abord séduite et entraînée, n'a voulu bientôt souffrir aucune entrave, et s’est abandonnée librement à tous ses écarts. Aussi, .dit M. l'abbé Lacurie, ne doit-on pas s'étonner de voir le sens moral s’effacer rapidement des œuvres littéraires pour faire place à une sorte de sensualisme. La satisfaction des désirs, la jouissance des biens matériels ; telles sont les idoles que l’on encense au- jourd'hui, et, au milieu de ce grand bruit des passions hu- maines, on n’écoute plus la voix de la religion qui, seule, peut nous conduire au vrai et au bien. Les études métaphysiques et les travaux des sciences, ont, dans un autre sens, exercé leur influence sur la littérature en y apportant cet esprit d'analyse et d'examen raisonné qui n’accepte qu’aprèsavoir vu. Les sentiments sont disséqués, décrits comme les corps de la nature, et l'imagination qui, tout à l’heure, s’égarait dans son vol, est maintenant caplive et enchaînée à la terre. Pour corriger les déplorables effets d’une littérature aussi désordonnée, il faut revenir à l'étude sérieuse des classiques et apprendre d'eux à penser, à sentir et à exprimer. Après la lecture du mémoire de M. l'abbé Lacurie, M# Landriot a présenté quelques observations au sujet des idées émises par le préopinant. Sans adopter exclusivement toutes les idées de Mme de Stael, surtout en Ce qui concerne le catholicisme, a dit M£° Landriot, je pense que son livre a eu du moins pour résultat de faire con- naître la grande littérature allemande: si, plus tard, le genre romantique a causé dans ses excès une funeste influence, les grands monuments littéraires de notre époque n’en contiennent 78 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. pas moins de véritables beautés, et leur étude est nécessaire en ce qu'on y trouve cette verve et cette spontanéité d'expression qui manque peut-être aux classiques. Au style sévère et pur de Boileau, ajouter un peu de cette chaleur colorée de Lamartine, serait arriver bien près de la perfection, sinon l’atteindre. La religion est pour l’homme, il est vrai, la source éternelle de toute lumière et de toute vérité; mais la métaphysique n'est pas toujours conjecturale en dehors de la religion. Elle aussi a des principes qui conduisent sûrement au bien etau vrai. La philosophie d’Aristote, dont s’est pénétré Saint-Thomas, en est, du reste, une preuve; et, si la métaphysique, comme toutes les sciences positives, ne s’avance que pas à pas, prudemment éclairée par la raison seule, cet esprit d'analyse et de froid examen n’est pas non plus incompatible avec l'élan poétique. Avant de se séparer, les membres de la section de littérature - ont demandé à l’unanimité l'insertion au procès-verbal d’un blâme spécialement donné à cette littérature frivole et sans portée qui, tous les jours, prend, chez nous, plus de dévelop- pement. Le mémoire de M. l'abbé Lacurie sera imprimé dans les actes du Congrès. L'un des secrétaires , PARDIAC. Séance du 7 Septembre. Présidence de M. CarLor. La séance s'ouvre à midi. Le procès-verbal de la séance pré- cédente est lu et adopté. M. de Caumont fait un appel aux archéologues de notre région et les engage à s'appliquer spécialement à recueillir tous les renseignements relatifs à l’agriculture et au commerce de l’Aunis et de la Saintonge au moyen-âge. Par ce moyen on arri- vera à connaître la forme et l’usage des instruments aratoires anciens, le prix du revenu brut et du revenu net de la terre, la valeur des produits et des salaires, et à rassembler une foule de matériaux précieux pour l’histoire générale de l’agriculture. C'est ainsi que par les zodiaques du XIII: siècle on acquiert l'assurance que les vendanges se faisaient alors dans le mois de septembre, tandis qu'aujourd'hui elles ont généralement lieu en octobre, et que la tourbe était employée pour l'amendement des terres dès le XIT° siècle. Plusieurs membres prennent la parole sur ce sujet. M. Du- chatellier fait connaître qu'il a trouvé le dessin de tous les ins- truments aratoires usités en Bourgogne au X VIT siècle, et dans des dispensaires d’abhayes tous les comptes relatifs au revenu des terres. à »| VINGT-TROISIÈME SESSION. 79 M: Jourdan pense qu’il n’existe que des données bien vagues sur cette question dans les manuscrits de la bibliothèque de La Rochelle. M. Callot rappelle qu'il a indiqué dans son ouvrage sur le maire Guiton quelques chartes-parties et autres documents com- merciaux de l’époque; et il signale les minutes des anciens notaires comme pouvant offrir sur ce point des renseignements fort intéressants. M. le président propose d'aller visiter les monuments les plus anciens de la ville. Cette proposition étant généralement ap- puyée, - la séance est levée, et les membres du Congrès partent sous la conduite de M. Callot pour faire cette promenade. L'un des secrétaires, MENUT. Séance du 8 Septembre. Présidence de M. CaLLor. La séance est ouverte à onze heures. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. M. Fillon a la parole. Il présente quelques obsekyations sur des dalles provenant de tombeaux du XV° siècle, trouvées dans l’ancien cimetière de l’église Saint-Barthélemy, et qu'il a vues dans les jardins du séminaire diocésain. Il exprime le vœu de voir recueillir dans un lieu couvert quelques-unes de ces pierres qui lui ont paru assez remarquables. La même proposition est faite par M. Brillouin, relativement à des pierres sépulcrales garnies d'inscriptions qui existent sous les cloïtres du couvent des Dames de Chavagnes et qui pro- viennent des Augustins. L'assemblée s'associe unanimement à ces différents vœux. M. Fillon propose de créer à la bibliothèque publique une collection de monnaies et de médailles sorties de l'atelier de La Rochelle ou ayant trait à son histoire. Indépendamment des nombreuses monnaies Anglo-Françaises, cette collection s’enri- chirait de toutes les monnaies royales Françaises portant la marque monétaire de l’officine rochelaise, y Compris celles de Charles d'Aquitaine, frère de Louis XI. Quant aux médailles, elles sont asseznombreuses, et les jetons le sont encore davantage. En y ajoutant les méreaux protestants, on aurait ainsi un mé- dailler local d’un intérêt historique et artistique véritable. Ce dernier genre de monument numismatique étant peu connu, M. Fillon croit devoir rappeler que dans les églises protestantes il était de discipline jusqu’à la révolution et même postérieu- rement, ne chaque personne, se présentant à la communion, fût 80 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. munie d’une pièce en plomb, un peu moins large qu'une pièce d’un franc, nommée méreau, mérel ou marreau. Le Congrès ne doute pas que les amateurs de numismatique ne s’'empressent de concourir à la réalisation de cette pensée patriotique. L'ordre du jour appelle la lecture d'un mémoire de M. l'abbé Lacurie sur la 28° question du programme : « Déterminer, sui- » vant les données fournies par Ausone lui-même, le site du » Pagus-Noverus.» Après avoir passé en revue les nombreuses hypothèses qui ont été émises sur la position géographique du Pagus-Noverus, par ses devanciers, l’auteur, dans un travail fort intéressant et dont la lecture publique a été décidée, établit qu’il ne faut pas chercher ailleurs que très-près de Saintes et sous ses murs mêmes, la délicieuse villa de ce charmant poète du IVe siècle. La parole est ensuite donnée à M. Dugast-Matifeux qui lit une note d’un grand intérêt sur deux variétés d’un denier de Valérien trouvé dernièrement dans un dépôt de monnaies ro- maines du moyen-empire, découvert dans la Vendée. Cette petite médaille, bien que déjà connue, a permis à Fau- teur de vider un débat agité depuis bien longtemps entre les archéologues Elle porte au revers l'image de Vulcain dans un petit temple, et l'inscription BDEOG VOLKANO;: or, c'est précisément le personnage mentionné dans la fameuse inscription du Dieu soi-disant VOLIEANVS, DEO VOLIANO trouvée à Nantes vers la fin du XVI siècle, et rapportée par Gruter. Comme on n'avait jamais entendu parler d’une divinité de ce nom, de nombreuses conjectures s’élevèrent à cesujet. M. Dugast- Matifeux prouve aujourd'hui que l'inscription dont il s’agit était consacrée à Vulcain, et que la lettre, objet de ce long débat, qui a été prise pour un E autrefois, est un IK, dont les deux petits jambages, quoique moins accusés que le grand, sont tout aussi réels. C’est ce que démontrent pleinement les deux variétés de cette petite médaille que l’auteur possède, et dont la communi- cation a été donnée à l'assemblée. L'impression de cette notice qui éclaircit d’une manière aussi heureuse un point controversé depuis si longtemps, est votée à l'unanimité. L'assemblée décide que la 2€ partie du travail de M. Jourdan sera lue en séance publique, et elle se sépare à une heure. L'un des secrétaires, MENUT. Séance du 9 Septembre. Présidence de M. CaALLor. La séance s'ouvre à onze heures et demie. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. VINGT-TROISIEME SESSION. 81 M.Tabbé Cholet déclare que s’il est donné suite à la propo- sition faite par M. Fillon, à la séance dernière, de former à la bibliothèque ou dans tout autre établissement de la ville une collection des monnaies, médailles, jetons et méreaux frappés à La Rochelle ou se rapportant al histoire locale, il est disposé à faire don des pièces nombreuses trouvées dans les fouilles faites pour l'achèvement de la cathédrale de cette ville, sur le terrain autrefois occupé par l’église de St-Barthélemy dont la fondation remonte à la première moitié du XII: siècle. M. le président remercie vivement M. l'abbé Cholet, au nom de l'assemblée et de la ville, de cette offre généreuse et exprime l’espoir que cet exemple trouvera des imitateurs. M. Boileau lit une note sur une excursion archéologique qu’il vient de faire à l’île d'Oleron, et dans laquelle il signale à l’as- semblée la découverte récemment faite à Mâtha, près de Dolus, dans une propriété de M. Boulineau, de divers objets d’antiquité romaine, tels que diverses tuiles à rebords, une meule de moulin en lave d'Auvergne, des urnes funéraires, des débris de poterie rouge, une pierre plate ornée de dessins sculptés au ciseau, trois auges de terre cuite, en forme de bénitiers anciens, superposées les unes sur les autres, et enchàssées dans une sorte de béton, enfin, quelques pièces de bronze à l'effigie de Vespasien, signes évidents de la domination romaine dans ces contrées. Plusieurs enduits donnent à penser que des fouilles faites dans les terrains voisins amèneraient la découverte d’autres objets. M. Boileau a beaucoup engagé le propriétaire à continuer ses recherches, en l'invitant à faire don au musée commencé à La Rochelle, de ce qui a été déjà trouvé et de ce qui pourra l être encore. M. Bou- lineau a promis d'accéder à ce vœu. Après cette lecture, M. le président a adressé à M. Boileau des remerciments pour sa bonne pensée et son heureuse ini- tiative. M. Richemone fils lit ensuite une note dont l'assemblée re- grette la brièveté, sur le village de Marsilly, près de La Rochelle, qui offre à l'archéologue des sujets d'étude intéressante. Outre quelques vestiges d’une église gothique on y remarque de nom- breuses inscriptions qui paraissent remonter au XVI siècle. A l'entrée du village on trouve, encadrée dans des constructions modernes, une porte d’une architecture élégante portant la date de 1566, et sur laquelle on lit trois inscriptions. La première, au fronton, ‘SoliDeo; la seconde, au-dessous, est un quatrain moral, - etla troisième se compose de dix vers francais dont le sens fait penser à M. l'abbé Lacurie que ce devrait- être l'ouverture d’une sépulture de famille, comme on en rencontre sur beaucoup d’autres édifices de la même époque. M. Richemone met en même temps sous les yeux de l'assemblée un joli dessin de cette porte. 82 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE M. l'abbé Cholet pense que les membres de la “ide pour- raient trouver de l'intérêt dans la lecture d’un mémoire que vient de publier M. Léopold Delisle, de la bibliothèque impériale, sur une lettre inédite et extrêmement curieuse, écrite à la reine Blanche par un habitant de La Rochelle, et conservée à la bi- bliothèque impériale. A la demande générale la parole est donnée à M. Cholet pour cette communication. Le savant auteur du mémoire pense que cette lettre, qui est écrite en latin etquine porte ni date ni signa- ture, doit- être, par les faits qu’elle relate, de l’année 1242, époque à laquelle la Reine-Mère, bien que son fils eut déjà atteint sa majorité, avait encore une grande part aux affaires. Cette lettre est évidemment d'un homme non moins intelligent qu “instruit,ggt qui avait avec la Cour d'habituelles relations. Dans l'intérêt du trône et aussi de la ville de La Rochelle qu'il croit menacée de grands malheurs, il dénonce à la mère du saint roi les intrigues et la conspiration ourdies par l’ancienne reine d'Angleterre, la comtesse de La Marche, avec un grand nombre de seigneurs poitevins mécontents de voir le frère du roi nommé comte de Poitou. Il signale particulièrement un projet de descente sur les côtes de l'Aunis d’une petite flotte Bayonnaise, pour brûler tous les approvisionnements et denrées. Le comte de La Marche, qui n’était que le faible instrument du caractère altier et remuant de sa femme devait, en mêmetemps, arrêter et accaparer tous les blés qui seraient dirigés sur La Rochelle qui n’en produisait alors qu'une petite quantité. Il en- gage en conséquence la reine à écrire aux magistrats de La Rochelle pour qu'ils ne daissent entrer dans la “ville que des personnes connues afin que des incendiaires salariés ne s’y puissent introduire; et à donner des ordres au gouverneur du château pour qu’il fasse bonne garde et veille avec plus de soin à la discipline fort relächée de la garnison. Cette lecture a vivement intéressé l'assemblée qui a engagé M. Cholet à faire de cette lettre une traduction qui pourrait être lue à l’une des assemblées générales. | M. Burgault donne communication de divers procès-verbaux de l'administration des Ponts-et-Chaussées constatant la décou- verte faite en 1824 1° à Terre-Nouvelle, près de Dompierre, d’une assez grande quantité de monnaies françaises et étran- gères trouvées dans les travaux de terrassements du canal de La Rochelle ? à Niort, et dont la plus ancienne ne remonte pas plus haut que 1560 ; 2 à l'ancienne abbaye de Saint-Léonard, d’une pièce d'argent de Constantin ; 3° au petit Saint-Éloi, faubourg de La Rochelle, de tuyaux en terre cuite qui avaient évidemment servi anciennement à conduire les eaux de Périgny à. la fontaine pu ersis à l’ancienne porte de Maubecq, près du pont de la Tuilerie. VINGT-TROISIÈME SESSION. 83 M. Cholet fait connaître à cette occasion que M. le curé de Périgny possède plusieurs fragments de conduits de même na- ture qui doivent avoir la même origine. M. Burgault ajoute que dans l’excavation où étaient placés ces tuyaux, on trouva enfouies diverses graines qui, bien qu’elles y fussent depuis plusieurs siècles, avaient parfaitement germé quand on leseut mises en terre. M. le président annonce qu'il croit devoir lever la séance pour aller, avant l'heure de la séance générale, visiter avec la section le curieux cabinet de M. Guillemot. M. de La Ménardière exprime le regret de voir approcher la clôture du Congrès sans que plusieurs questions in téressantes du programme aient été discutées. Il est décidé qu'il sera fait choix pour la séance du lendemain de celles qui paraîtraient offrir le plus d'intérêt. La section s’est transportée chez M. Guillemot qui a mis une complaisance empressée à étaler en présence de ses collègues les nombreuses richesses de sa belle collection de médailles. On a admiré surtout la remarquable conservation et la netteté des empreintes de la série presque complète des pièces d'or du Haut- Empire, en exprimant toutefois le regret de ne pas voir au moins un carton d'un si riche médaillier consacré aux monnaies et médailles locales. La section s’est séparée à deux heures. L'un des secrétaires , JOURDAN. Séance du 10 Septembre: Présidence de M. CALLOT. La séance s’est ouverte à onze heures. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. Conformément à ce qui avait été décidé la veille, M. le pré- sident passe en revue les questions du programme de la 4° sec- tion en invitant ceux des membres qui auraient des mémoires à lire, ou des obsérvations verbales à faire sur quelques-unes d'elles, à en faire part à l’assemblée. Des réflexions sont échangées entre plusieurs membres à ce sujet. M. le président fait observer que le P. Arcère, dans son his- toire de La Rochelle, tome Lt", page 83, a déjà répondu à la 22 question : « Quels furent les premiers réglements maritimes en » Saintonge ? » M. de La Ménardière dit que depuis que l'historien Rochelais écrivait, les opinions se sont modifiées, et que relativement aux rôles d'Oleron particulièrement, M. Pardessus lui semble avoir 84 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. démontré clairement qu'ils ne devaient pas être attribués à Aliénor d'Aquitaine comme on l’a cru longtemps. La 28° question : « Pourquoi le droit écrit en Saintonge, lors- » que les provinces environnantes étaient sous l'empire de leurs » coutumes? » donne lieu à une discussion entre MM. Lacurie, Brillouin, Cholet, de La Ménardière et Jourdan. M. l'abbé Lacurie en voit la raison dans la forme gouvernementale donnée par les Romains à la cité des Santones élevée à la dignité de municipe. La lecture de la 29° question : « À quelle époque a-t-on com- » mencé à se servir en Saintonge de la langue vulgaire pour les » actes publics? » fournit à M. Cholet l’occasion de signaler les pièces provenant de l’ancien hôpital fondé à La Rochelle par Aufrédy (pièces qu’il a trouvées dans les greniers de l’hospice Saint-Louis, et qui remontent au commencement du XIIT° siècle) comme les plus anciens actes qu'il ait rencontrés écrits en langue vulgaire. M. l'abbé Lacurie dit n’en avoir pas rencontré d'une date plus ancienne que 4261. C’est une donation d'Étienne et d'Hylairée, sa femme, en faveur de Maillezais. Relativement à la 31° question : « Que peut-on inférer des » différences si tranchées que l’on remarque dans les usages, » les costumes et le langage des diverses contrées du département » de la Charente-Inférieure? Ne doit-on pas y voir le cachet in- » délébile des races diverses qui formaient l’ancienne cité? » M. l'abbé Lacurie regrette de n'avoir pu achever le travail très- long qu'il a entrepris pour répondre à à cette question si impor- tante au point de vue historique. Il n’hésite pas à se prononcer dès ce moment pour l’affirmative. Il ditavoir fait habiller avec une scrupuleuse exactitude un certain nombre de poupées dans le costume ancien, et par des ouvrières de chaque contrée du département, costumes dont la tradition disparaît chaque jour sous le niveau des modes nouvelles. Déjà il a réuni vingt-sept types de coiffures de femmes, et il a remarqué que chacune de ces variétés correspondait à une diversité de circonscription ecclésiastique ancienne, à une différence de langage, de mœurs et de coutumes. L'assemblée invite instammentM. l'abbé Lacurie à persévérer dans ses curieuses recherches, et regrette qu ‘il n’ait pu présenter à l'assemblée générale ces curieux spécimens des diverses popu- lations qui nous entourent et qui eussent été pour les dames surtout, qui ont suivi ces réunions avec tant d’assiduité, une agréable diversion aux lectures et aux discussions qu ’elles ont dû, plus d’une fois, trouver sinon arides, tout au moins bien sérieuses. Diverses observations sont faites par MM. Lacurie, Thiollet, Cholet et Magnan sur les 33 et 35° questions relatives aux ca- ractères de l'architecture de Saintonge et de l'Aunis. M. l'abhé VINGT-TROISIÈME SESSION. 85 Lacurie dit que la contrée se trouve à l'extrémité de la zône des coupoles, et que l'architecture emprunte à l’école Périgourdine ce qui constitue son caractère particulier, la Saintonge formant l'un des bouts du fuseau qui figure la région des coupoles; que la Flore du pays à fourni la plus grande partie des détails d'orne- mentation;. que du reste, les artistes se sont inspirés des idées romaines qu’ils ont trouvées largement écrites sur le Capitele de Saintes détruit seulement au XIV- siècle par Charles d’Alencon. M. Cholet signale à l'assemblée le pilier de forme prismatique, placé au pied du clocher de la cathédrale et qu’il regarde comme le dernier vestige de l’ancienne église de Saint-Barthélemy com- mencée vers la fin de la première moitié du XII° siècle, et dé- truite dans les troubles religieux de 1567—68. L'assemblée décide qu’elle ira visiter, après la séance, ces restes du vieil édifice construit par le moine P. de Mouyon. M. le président exprime le regret partagé par tous les membres que MM. Desmoulins et de Caumont, qui devaient traiter les questions 34 et 36 ne soient pas présents à la séance. Sur la 37e question : « Les figures si éminemment barbares » de la façade de Sainte-Marie-des-Dames, à Saintes, avec leurs » yeux de face sur des visages de profil, comme à Saint- » Benoît-sur-Loire, ne confirment-elles pas la date de 1047 » qu'on assigne généralement à cette antique abbatiale? » M. l'ab- bé Lacurie n'hésite pas à se prononcer pour l’affirmative, car c’est en remontant dans le moyen-àâge, et non en descendant qu'on retrouve ce même stigmate de barbarie dans l’art. Du reste l’âge de cette antique abbatiale repose sur des titres au- thentiques, ou à la date précise de sa fondation, et celle de sa consécration par Archambeau, évèque de Bordeaux. A la 38° question : « Quels sont les monuments les plus re-, » marquables d'architecture civile remontant an XII, XII et » XIVe siècles qui existent en Saintonge et dans les provinces » voisines? » M. l'abbé Lacurie a répondu en citant les donjons de Pons et de l'Isleau. MM. Cholet et Jourdan signalent, à La Rochelle, la porte Malvaut et la tour de Moreilles, à la destruction desquelles les dessins très-exacts de M. Masse pourraient suppléer, et pour ceux qui existent encore, les restes de la commanderie du Temple, la Grosse-Horloge, ancienne porte de la ville, dont la partie supérieure a été complètement transformée, les tours de Saint-Nicolas et de la Chaine. La parole est ensuite donnée à M. Cassagneau qui lit une note sur les trois tombeaux trouvés en 1855 dans les dépendances de l'ancienne commanderie du Temple et dont deux ont été dé- posés à la bibliothèque de la ville. La dalle qui recouvrait l’un de ces sarcophages formée du calcaire à la machelle que l'on trouve dans la commune d’Ars (île de Ré), dénuée ainsi que 86 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. l’autre, de toute inscription, présente, sculpté en relief dans toute sa longueur, un arbre que M. Cassagneau croit être un palmier, figure “symbolique facile à expliquer, soit que cette tombe ait renfermé un Templier, soit qu'elle ait recouvert un des cheva- liers hospitaliers de Jérusalem qui avaient hérité des dépouilles sanglantes des Templiers. Dans le même terrain on trouve aussi une bulle ou sceau de plomb portant le nom € Étéorvert, l’un des maîtres de l'ordre des hospitaliers, et qui fait aujourd’ hui partie du cabinet de M. Brisson. L'examen de ce sceau et l'explication qui en est donnée par M. Cassagneau ont paru intéresser beaucoup l'assemblée. [* heure étant trop avancée, M. Brillouin se borne à déposer sur le bureau la réponse qu'il a faite à la 27€ question du pro- gramme : « Quelles furent les limites du ressort des principales » juridictions de Saintonge, particulièrement dans les derniers » temps et à l’époque qui a précédé l’organisation des tri- » bunaux ? » La séance est levée à une heure pour aller visiter le clocher de Saint-Barthélemy et les restes de l’ancienne église signalée par M. l’abbé Cholet. M. Thiollet ne paraît pas convaincu de l'ancienneté de la date attribuée au pilier prismatique placé à l’angle nord-est du clo- cher, et il ne serait pas éloigné de le faire contempor ain de ceux de forme différente placés” au nord dont les chapiteaux et les colonnettes révèlent évidemment l'époque de la renaissance. En entrant dans l’intérieur du clocher, on est frappé de la hardiesse et de l’élévation de la voûte sur laquelle repose la plus grande partie de l'édifice. Après avoir admiré le magnifique panorama qui se déroule sous les yeux du sommet de la tour, M. Cholet a appelé l’atten- tion sur les statues, malheureusement mutilées par le temps ou par les hommes, et qui décorent trois des côtés de l'édifice. Il croit qu’à la face ouest se trouvent représentés Charles VIT et sa femme sous le règne duquel la tour fut construite et qui, prenant sous leur protection toute spéciale l'église St-Barthélemy, s'en déclarérent les fondateurs. La couronne fleurdelisée, placée aux pieds de l’une des statues lui paraît venir encore-à l'appui . de cette opinion. Les deux statues nues qui sont dans la niche pratiquée au côté sud, et dont l'une n'offre plus qu'une jambe, lui semblent être Adam et Eve; celle qui est placée au-dessus, serait le maire dont on distingue encore les armoiries, ou peut- être le premier échevin. Enfin, dans celles qui occupent la ‘fa- cade est, M. Cholet voit des Évêques ou des gens d'église. En sorte qu'on aurait représenté sur ces trois faces de la tour la royauté qui comprendrait la noblesse, la bourgeoisie et le clergé ayant une même origine en Adam et Eve. VINGT-TROISIÈME SESSION. 87 Tout en rendant hommage à ce qu'aurait d'ingénieux cette interprétation, quelques membres ont paru conserver quelques doutes sur son infaillibilité. L'un des secretaires , JOURDAN. Le Secretaire-Général, J. L. LACURIE. 5° SECTION. * PHILOSOPHIE, LITTÉRATURE & BEAUX-ARTS. Séance du 2 Septembre. La séance qui devait s’ouvrir à une heure n’est ouverte qu’à deux heures et demie par suite de la visite que le Congrès a faite aux expositions de l’industrie, de l’horticulture et des arts. Peu de membres sont présents. On procède à la nomination d’un président et d’un vice- président. M. Labretonnière est nommé Président à l'unanimité des voix. M. Simon, proviseur du lycée de La Rochelle est nommé vice-président. On réserve pour la séance du 3 la nomination de trois autres vice-présidents. M. Gaston Romieux, l’un des secrétaires désignés au pro- gramme fait connaître que M. Savary n’a pas accepté les foné- tions de secrétaire, et que la Société Littéraire de La Rochelle a proposé M. Paul Garreau, médecin-principal de l’armée d’O- rient, en remplacement de M. Savary. MM. Garreau et Romieux sont nommés secrétaires. L'heure avancée n'ayant pas permis à la section de se livrer à aucun travail, M. Blondel, professeur de dessin à Nantes, donne quelques courtes explications sur un système propre à faciliter l'étude du dessin. La séance est levée à trois heures. L'un des secrétaires, ROMIEUX. Séance du 3 Septembre. Présidence de M. LABRETONNIÈRE. La séance est ouverte à une heure et demie. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. 88 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Ainsi qu'il en a été convenu le 2, on procède à la nomination de trois vice-Présidents. Les voix se concentrent sur, MM. AvRIL- DE-LA-VERGNÉE, DELAYANT, MARIONEAU. qui prennent place au Bureau ainsi définitivement constitué. M. le président donne lecture : 40 D'une lettre de M. Dubois, ancien recteur de l’Université à La Rochelle, qui s'excuse, pour raison de mauvaise santé, de ne pouvoir prendre part aux travaux du Congrès, et fait con- naître qu'il avait préparé un travail sur l’état moral de la ville de La Rochelle; qu'il avait de plus traité quatre des questions portées au programme de la 5° section. Il est arrêté qu'on priera M. Dubois d'adresser au bureau central le résultat de son travail. 2° D'unelettre de M. Jonin, de Gemozac (Charente-[nférieure), et professeur à Bordeaux, qui prie M. Labretonnière de faire agréer à la section, pour être examinés, trois mémoires, le premier sur la linguistique; le deuxième sur la botanique; le troisième sur la musique. Ce triple travail de M. Jonin, auquel il donne le nom de Trois Idées, a pour base commune un nouveau mode de signes au moyen desquels il pense simplifier l'étude et généraliser le langage de ces sciences. Le mémoire sur la linguistique est remis à M. Simon, qui veut bien se charger d’en faire l'examen. Le mémoire sur la botanique est renvoyé à la 4" section, sciences naturelles. Le mémoiresur lamusique reste aux mains de M. Labretonnière. On passe à l’appel des questions du programme de la section; il en résulte que: Des mémoires sont déposés sur les 2° et 6° questions. Plusieurs membres traiteront les 3°, 4° et 9. M. Duchatellier parlera sur les 3° et 44°. M. de Caumont traitera les 7€, 8, 40€, 44 et 42€. Une discussion s'ouvre sur la 1° question : « Jeter un coup- » d'œil rapide sur l'état actuel de la littérature; en déduire les » effets salutaires ou nuisibles qu'elle a produits sur l’ensei- » gnement de la Jeunesse. » M. Duchatellier prend le premier la parole. Il établit d’abord qu'il faut entendre ces mots: enseignement de la jeunese, dans le sens plus large d'éducation de la jeunesse. X1 blâme la litté- rature des romans-feuilletons, et signale le danger des journaux indroduisant journellement cette littérature de contrebande jus- qu'au sein de la famille. Il déplore cette influence parisienne qui s'étend à toutes choses. Il cherche les moyens de la combattre. IL oppose l'éducation publique à l'éducation privée. Il croit cette dernière plus en mesure de parer aux dangers signalés. 4 # VINGT-TROISIÈME SESSION. 89 Il prend occasion du débat pour établir que — l'éducation des établissements publics, en général, est propre à former de jeunes hommes toujours disposés à l'esprit de révolte contre toute autorité. —Il se rappelle le temps de sa jeunesse, où, sur les bancs du collége, lui et ses condisciples ne rêvaient que révolte et insubordination. On demande à M. Duchatellier de préciser cette époque. Il répond que c'était sous le premier Empire. Ilattaque le peu-de prévoyance de quelques-uns des ministres de l'instruction pu- blique.— Il est, dit-il, à sa Connaissance que des livres dange- reux sont, parfois, arrivés de ce ministère dans le dépôt des établissements publics. —Il regrette le bon temps où les familles parlementaires, les familles privilégiées avaient, à peu près seules, dans des bibliothèques choisies, le dépôt des bonnes tra- ditions. Aujourd'hui ces bibliothèques n'existent plus, ou sont devenues trop rares. On achète peu de livres classiques... M. Foulon, censeur des études au Lycée de La Rochelle réfute cette assertion que l'éducation publique tend à faire germer des idées de révolte dans les jeunes esprits. Depuis bien des années qu'il à l'honneur d’appartenir aux établissements qui relèvent de l’Université, il n’a vu autour de lui rien de pareil. Il craint plutôt que le trop de faiblesse de l'esprit de famille ne nuise souvent à la bonne direction à donner à l'éducation dela jeunesse. Il croit qu'il y a plus de danger dans l'éducation privée de voir tomber des livres dangereux aux mains des enfants. M. Delayant, bibliothécaire de La Rochelle et professeur, établit qu’un des côtés fâcheux de toute discussion improvisée est, de la part des orateurs, de s'appuyer, pour le bien de leur cause, sur des faits qui ne sont pas assez prouvés. Il pense, contrairement à l'opinion de M. Duchatellier, que jamais la vente des livres classiques n’a été plus considérable qu'aujourd'hui. Il ose dire qu’il parle en toute connaissance de cause, étant ap- pelé en sa qualité de bibliothécaire et par goût, à suivre le mou- vement extrême du commerce de la librairie. Le nombre toujours croissant de livres classiques réédités est prodigieux. Il ne croit donc pas queles bibliothèques privées tendent à s’amoindrir au sem des familles. Tous les membres présents s'accordent à penser que le roman- feuilleton est chose dangereuse et déplorable, qu’il est également hors de doute que trop de livres nuisibles et pour l'esprit et pour le cœur entrent dans la circulation; mais qu’il est également vrai que jamais la consommation des livres, bons ou mauvais, n’a été aussi considérable. M. le président dépose sur le bureau une brochure intitulée : Des causes qui engendrent le mouvement des populations agricoles vers les villes, et des moyens d'y remédier, ques- 90 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. tion déjà traitée par M. l'abbé Fraigneau dans la séance publique du2. Le travail de M. Labretonniere lui a déjà mérité une dis- tinction honorable de la part de la Société Académique de Nantes. La séance est levée à trois heures. L'un des secrétaires , ROMIEUX. Séances des 5 et Ô Septembre. Voir les procès-verbaux de la 4° section, archéologie et his- toire, à laquelle s’est réunie la 5° section, durant la session de Rochefort. Séance du 8 Septembre, à Rochefort-sur-Mer. Présidence de M. LABRETONNIÈRE. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. II est une heure et demie. L'ordre du jour appelle la lecture d’un travail de M. Foulon, censeur des études au Lycée impérial de La Rochelle sur cette question : « Comparer l'éducation des anciens et des modernes ; » rechercher la cause de cette opposition de principes que l’on » remarque entre les anciens et les modernes en matière d’édu- » cation. » Dans une première partie, l'auteur passe en revue l'organi- sation des écoles chez les Grecs, les Romains, et particuliè- rement en France au moyen-àge, et dans les temps modernes. Il tend dans cette première partie à démontrer que chez ces trois peuples que la civilisation place à bon droit au premier rang, l'État a voulu garder la direction de l’enseignement, et a toujours exercé sur lui une étroite surveillance. C’est après cette étude rapide que l’auteur a posé sa thèse: de nos jours l'éducation publique est la seule possible ; et l'Etat a plus que jamais le devoir d’en prendre en main la direction. La seule possible, car les occupations domestiques ne peuvent laisser qu'à un bien petit nombre de pères de famille les loisirs nécessaires à l’accomplissement de cette grande tâche. La seule utile, car dans nos sociétés où l’individualisme a pris une si grande place, la vie commune des jeunes gens est un de ces rares moyens qui restent encore de faire faire à la jeunesse un apprentissage de la vie publique en la plaçant sous l'empire d'un même esprit et d’un même enseignement. Et quant aux droits de l'État, ils résultent nécessairement de ses devoirs de surveillance sur la moralité des maitres et la di- rection de leur enseignement. Aussi la conclusion est-elle que les différences qui séparent l'éducation des anciens et celle que nous pratiquons sont moins grandes qu'on ne le croit généralement. Ces différences ne peuvent exister dans la direction morale de l'enseignement, car PR VINGT-TROISIÈME SESSION. 91 le cœur des pères et des enfants n’ont pas changé. La liberté des pères de famille qui puise son droit dans la conscience est certainement sauvegardée. La grande supériorité de l'éducation moderne prend son point de départ dans l'esprit chrétien qui a élevé la société et qui la domine tout entière. Ces conclusions diverses, écrites avec art et une grande élé- gance ont été généralement acceptées. La lecture publique du mémoire a été demandée par tous les membres de la section. Après cette lecture, une discussion s’est engagée entre MM. Simon, - proviseur du Lycée, de Caumont, Foulon, et M. l’abbé Blatairou, doyen de la Faculté de Théologie de Bordeaux, sur la 5° question du programme : « Convient-il, dans l’état actuel » de la société, de pousser les enfants des classes inférieures » vers l'étude des lettres et des sciences? En cas d’affirmative, » dans quelles limites devrait-on généralement se renfermer » dans l'intérêt bien entendu des enfants eux-mêmes et dans » l'intérêt de la société ? » Ilest résulté de cette discussion que certaines intelligences d'élite se rencontrent dans les classes populaires et méritent d’être conduites aux plus hautes études des lettres et des sciences. Mais que le choix de ces rares esprits doit être fait avec le discer- nement et surtout le cœur des hommes de bien. En dehors de ces esprits exceptionnels l'impulsion qui pous- - serait les classes inférieures vers l'étude élevée des lettres et des sciences ne serait souvent qu'une source d'embarras pour la société, et surtout l’occasion de mécomptes et de malheurs pour les jeunes gens eux-mêmes. L'instruction primaire doit-être aussi favorisée que possible ; mais ce n’est qu’exceptionnellement et que pour un petit nombre de jeunes gens que l’on doit pousser à l'étude élevée des lettres et des sciences. La séance est levée à trois heures. L'un des secrétaires, ARNAULT-MÉNARDIÈRE. Séance du 9 Septembre. Présidence de M. LABRETONNIÈRE. La séance est ouverte à une heure et demie. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. M. le président fait hommage au Congrès de deux ouvrages dont il est auteur, l’un ayant pour titre: C2nq époques ow chroniques Rochelaises; l'autre intitulé : le père Mathurin. Ce dernier ouvrage a été couronné par la Société d’Instruction Elémentaire. Un mémoire sur le dialecte Romano-Saintongeais, envoyé par M.l'abbéRainguet, est lu par M. Foulon. Cemémoire, qui répond 92 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. à la 30° question de la section d'archéologie a élé renvoyé à la section de littérature, comme rentrant mieux, sans doute, dans le programme de cette section. L'auteur établit d'abord que nos vieilles provinces vont per- dant, chaque jour, leur physionomie propre; que le vieux lan- gage cependant résiste, principalement en Saintonge, aux exi- gences de la mode qui tend à tout niveler. C'est sur le vif qu'il faut étudier le vieux langage saintongeais, car les livres manquent. Cette province n’a pas eu sa littérature proprement dite. Deux ouvrages existent sur le dialecte sain- tongeais, l’un de M. Guillonnet-Merville, l’autre de M. Jonain; mais ils sont l’un et l’autre très-incomplets. L'auteur a donc cru devoir consacrer quelques loisirs à un glossaire Romano- Saintongeais. Il avertit préalablement son lecteur que son travail porte principalement sur le patois de l’arrondissement de Jonzac, qui lui semble d’ailleurs ‘avoir une grande ressemblance avec celui des autres arrondissements du département. M. l'abbé Rainguet donne au patois du pays le nom.de Romano- Saintongeais, parce que la base en est, selon lui, le roman des XIIe et XII siècles. Le fond de ce dialecte est donc francais. Les quatre conjugaisons sont les mêmes avec quelques variétés de formes. Il proteste, en passant, contre l'erreur si répandue qui assigne la Loire pour limite à la langue d’Oil; il serait plus juste de dire la Gironde, et peut-être la Dordogne. Les noms des paysans et ceux de leurs hameaux appartiennent - presque tous à la langue romane. Cependant, quelle quesoit l’origine du patois saintongeais, on y retrouve une foule d'expressions qui ont leurs analogues dans le basque, et même dans le sanskrit. L'auteur en cite plusieurs exemples. | Le grec a fourni peu de mots. Comment ces mots sont-ils arrivés à notre Saintonge? probablement avec les autres vocables de la langue romane. Quant aux mots d'origine latine, cette provenance y est quelques fois plus sensible que dans le langage moderne. Toutes les assertions de l’auteur sont suivies d'exemples. Le caractère de cet idiome est d’une rustique énergie telle qu’elle doit-être dans une langue qui n’est en usage que parmi le peuple. Mais je m'aperçois que je m'écarte des limites que doit com- porter un simple procès-verbal; je ne pousserai donc pas plus loin l'examen de ce mémoire qui a paru à tous très-intéressant, mais qu'on aurait voulu voir plus complet encore. Avant de finir cependant je ne saurais passer sous silence un passage qui dénote chez l’auteur une grande finesse d'observation. « Le » caractère moral du dialecte saïintongeais est, dit-il, tel qu’on » peut l’attendre du rude paysan .qui aimerait mieux, comme le PDT CR dd, 4 br is ren de ts dar. dé mere dé 2. 278 de ge Éd DRE dns at ET. ” VINGT-TROISIÈME SESSION. 53 » dit la chanson, voir mourir sa femme que ses bœufs... » Le Romano-Saintongeais n'a souvent que des mots àpres et gros- siers pour désigner les objets que les langues polies expriment par les mots les plus gracieux. Ainsi nos paysans saintongeais appellent leur femme ène fumelle, la belle-mère ne mératre, le beau-père le pérâtre. Ils diront c’{e fumelle portait in mouchenez sus son jhabot… Toutefois le langage semble s’adoucir pour désigner les ani- maux domestiques, source de l’aisance du villageois et, par cela même, objets de ses soins les plus tendres : ine tore, in bedet, ine ignelle, àn canet, in piron. Tous ces mots ne manquent pas de grâce. L’âne lui-même, en faveur de son utilité, change son nom malheureux en celui de voituron, auquel on ajoute même l'épithète de petit, le petit voituron, qui marque la compassion. Enfin le paysan saintongeais, par les noms qu’il donne à certains oiseaux, prouve qu'il n’a pas vu d’un œil indifférent la grâce de ces êtres miraculeux. Le mot échardrit est plus bril- lant que chardonneret; verdous, plus élégant que verdier; bisse peint mieux les vives allures du rouge-gorge. Voici assurément de fines observations. Il nous reste à savoir pourquoi le langage saintongeais est resté si âpre, si grossier quand il avait à exprimer l’idée la plus parfaite de la création, la femme avec l'excellence de ses formes et de ses qualités morales. Après la lecture du mémoire de M. l’abbé Raiïinguet, une dis- cussion orale s'ouvre sur les 7°, 9e, 40°, 44°, 42°, 13° et 14° questions du programme. Le peu de temps qui reste à donner à cet examen le rend très-rapide. Sur la 7° question : « Quelleest l'influence du bon marché » dans les lettres et dans les beaux-arts? » M. Marionneau, qui porte un culte fervent et éclairé aux beaux-arts, exprime le regret de voir trop souvent dans les édifices religieux des objets d’art d'un goût douteux. Il signale particulièrement les enluminures qui, sous le nom de chemin de croix, tapissent peu convena- blement, au point de vue religieux, comme au point de vue de l’art, nos églises modernes. Il voudrait n’y voir figurer que des objets propres à élever l’âme vers Dieu. On répond qu'il faut bien tenir compte des faibles ressources des églises, et particulièrement des églises rurales. La question du bon marché, relativement aux livres, semble donner des résultats plus satisfaisants. On apprend avec plaisir que d'excellents livres classiques peuvent s'établir à des prix très-réduits. Toutefois cette possibilité du bon marché, dû au perfectionnement des machines, a bien aussi son danger, puis- qu’elle tend à jeter dans la circulation un grand nombre de livres nuisibles. Mais qu'y faire? c'est une conséquence de toute li- 94 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. berté, le bon à côté du mauvais. C'est aux hommes de bonne volonté à favoriser tout ce qui est bon, à combattre ce qui est mauvais. Mais, encore, y aurait-il à s'entendre sur le sens re- latif de ces deux termes. Sur la 9° question : « Que penser de la lithographie, galva- » noplastie, daguerréotypie, les ornementations de carton, cuir » repoussé, etc., comparés à la gravure, à la dorure, l'argenture » par la chaleur, à la sculpture, à la peinture, ete.? » Un membre prend la parole pour exprimer le regret que l’'au- teur de cette question ne l'ait pas traitée officiellement. 1 pense, pour sa part, que toutes ces découvertes modernes, excellentes en elles-memes, tendent cependant à amoindrir l étude des arts sérieux. On conclut qu'il faut voir, entre ces diverses branches opposées de l’art ancien et de la science moderne, toute la diffé- rence qui existe entre l’art, proprement dit, et l’industrie. Sur la 40° question : « La décentralisation des belles-lettres » et des beaux-arts est-elle réellement possible? Dans quelle » mesure et par quels moyens? » M. de Caumont croit que les villes de province ne font pas assez pour acquérir, au point de vue des lettres et des arts, une vie qui leur soit propre. M. Foulon dit que la ville de La Rochelle semble vouloir en- trer dans cette voie; que des cours publics de chimie, de logique et de morale ont eu lieu l'hiver dernier dans cette ville, et que ces cours ont été suivis par un publie nombreux. M. Marionneau cite, pour exemple, les provinces d outre- Rhin. Des centres d'écoles se sont établis sur divers points, et c'est ainsi qu’on peut arriver à la décentralisation des belles- lettres et des arts. M. de Verdon croit que le caractère francais n’a point assez de fixité pour persévérer dans la voie indiquée par M. Foulon. Il ne croit pas que les cours publics aient une longue vogue à La Rochelle. Il a vu dans plusieurs villes de province des cours de même nature promptement abandonnés du public qui, dans les premiers temps n'obéit qu'à un entrain de simple curiosité bientôt satisfaite pour faire place à un nouveau désir. M. Labretonnière est peu partisan, en général, de la décen- tralisation. Il croit que ce grand foyer de lumière qui rayonne de Paris sur les provinces est plutôt utile que nuisible à l'intérêt national. La décentralisation pourrait entraîner des conséquences fâcheuses pour cette puissante unité nationale qui élève la France si haut dans l'esprit des peuples. On conclut que la décentralisation est chose difficile dans l'état actuel de nos mœurs francaises, et n’est d’ailleurs dési- rable que dans des limites restreintes. La discussion de la 44° question est ajournée. Sur la 42° question : « La presse départementale a-t-elle com- » plètement rempli sa mission ? » M. de Caumont établit que la VINGT-TROISIÈME SESSION. 95 presse de province n’a pas généralement assez d'influence, et particulièrement dans les villes de deuxième et troisième ordre. Il croit en trouver la cause 4° dans le trop grand nombre de journaux qui se créent dans les villes de 20 à 25 mille âmes. Il cite la ville de Caen qui a quatre journaux. Il vaudrait beau- coup mieux, dans les villes secondaires, n’avoir qu’un seul journal. La presse de province y trouverait plus de véritable influence et de dignité. 20 Dans l'habitude prise par les imprimeurs propriétaires de journaux d’avoir une rédaction payée, tandis qu'il serait bien mieux- dans l'intérêt de tous de voir les imprimeurs faire appel à l'intelligence et à la bonne volonté des hommes d’études, des hommes lettrés de leur localité pour en obtenir une rédaction toute volontaire, et qui, sous l'inspiration d’esprits élevés en acquérerait plus de solide et utile influence. M. G. Romieux ne croit pas à la possibilité de n'avoir qu'un seul journal dans les villes où il y a plusieurs imprimeurs. En général, les journaux des villes secondaires sont créés par les imprimeurs eux-mêmes quien deviennent ainsi les propriétaires. Le produit de ces journaux entre pour une grande part dans les bénéfices de l’imprimeur. Au point de vue de la dignité des journaux, il y a bien là, en effet, un inconvénient à signaler ; mais comment y remédier ? Il est très-vrai que les propriétaires- imprimeurs de journaux ne sont pas toujours dans les meil- leures conditions d'instruction et de haute indépendance néces- saires à la bonne rédaction d’un journal. Le côté industriel, la partie productive du journal marchent avant tout, et on ne peut pas en faire un reproche aux. imprimeurs qui sont d’abord des industriels et ont de grandes charges à supporter. D'autre part, le brevet d’imprimeur étant toujours sous le coup de la volonté gouvernementale qui peut à son gré suspendre ou retirer ce brevet, l’imprimeur trouve dans la juste conservation de ses intérêts un grand nombre de difficultés. M. Romieux émettrait donc le vœu que, dans un avenir plus ou moins pro- chain, l’imprimeur fût affranchi de toute responsabilité maté- rielle, en un mot, que la presse ne fût considérée que comme un instrument, et les auteurs seuls responsables de leurs écrits. On conclut que la presse départementale est placée dans des conditions défavorables pour remplir convenablement sa mission. Sur la 13° question: « Quels avantages, au point de vue moral » et Littéraire, peuvent présenter les cabinets de ‘lecture? » On répond généralement : aucun. Sur la 44° question : « Quels sont les moyens pratiques et » usuels de rendre plus utiles qu'ils ne le sont aujourd’hui les » musées, les bibliothèques publiques, les collections d'histoire » naturelle, etc.? » 96 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. de Caumont exprime le désir qu'en général les musées, les bibliothèques soient plus libéralement ouverts au public. Il croit que les heures d'entrée sont trop restreintes. Pour ce qui est des musées d'objets d'art en particulier, il voudrait que la conservation en fût confiée à des amateurs instruits et éclairés de préférence à des artistes proprement dits qui apportent dans la direction de ces sortes d'établissements tous leurs préjugés d’école ou de coterie. M. de Caumont a vu plusieurs fois avec regret des objets d'art anciens d’une valeur réelle, relégués dans les coins les plus obscurs d’un musée pour obéir aux exigences de vanités modernes. M. Avril-de-la-Vergnée partage en tout point l'opinion ex- primée par M. de Caumont. Il croit que, relativement aux objets d'art anciens, les amateurs sont véritablement meilleurs juges, et surtout juges plus impartiaux que les artistes. Avant de clore la séance, M. Labretonnière dépose sur le bureau une notice de M. Aug. Duprat, sous ce titre : « Considé- » rations générales sur l'harmonie, les proportions, le goût et le » beau idéal. » Il accorde la parole à M. P. Garreau qui demande de lire, dans la séance du 10, une introduction à un ouvrage intitulé : « Prin- » cipes de Société. » M. Garreau affirme que les tendances de cet ouvrage, qui est déjà connu de la Société littéraire de La Rochelle, n'ont rien qui soit hostile à l'esprit religieux et conservateur dominant du Congrès. La demande de M. P. Garreau est prise en considération. La séance est levée à trois heures. L'un des secrétaires , G. ROMIEUX. Séance, du 10 Septembre. Présidence de M. LABRETONNIÈRE. La séance s'ouvre à une heure et demie. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. M. P. Garreau donne lecture de l'introduction d’un ouvrage encore inédit, intitulé : Essai sur les premiers principes des Sociétés. Le point de départ de ce livre, éminemment spiritualiste, est que la crainte, ou tout principe autre que l'amour du bien, ne peut servir de fondement durable aux sociétés humaines. Celui qui a bravé le remords aura bientôt bravé le supplice, et, comme le dit Platon: « Le meilleur moyen de gouverner les hommes, » c’est de les faire participer à l’idée du bien. » Mais, cette idée du bien, où se trouve-t-elle? Les religions qui s'appuient sur un principe de révélation nous l’indiquent avec une bienfaisante autorité; mais elles ne s'adressent qu'à ceux VINGT-TROISIÈME SESSION. 97 qui sont déjà animés de leur esprit. Il faut s'adresser à tous, et montrer que l’idée du bien est écrite au cœur même de l'homme. Tel est le but de l’auteur qui, pour l’établir, mêle aux plus justes et aux plus énergiques pensées les citations de Saint- Thomas, le grand docteur catholique, et de Domat, le commen- tateur religieux et chrétien de ces lois civiles, dont les juris- consultes aiment à élever l'étude, en les faisant découler de la source de toute vérité, en même temps que les règles de la cons-. . Cience humaine. Après cette lecture M. Simon rend compte d’un ingénieux travail -de M. Jonain, professeur à Bordeaux, sur la grammaire. Ce travail d’un grammairien habile est riche en apercus sub- tils et nouveaux; sauf sur un point d'analyse logique, toutes les doctrines en sont exactes et méditées. Mais le système de nou- velle grammaire générale que présente M. Jonain, est trop compliqué, surtout en ce qui concerne les verbes, pour être le point de départ d’une réforme aussi difficile. Avant de se séparer, sur la proposition de M. Simon, et’ comme une grande ressource contre les dangers de lectures fri- voles, la section de littérature manifeste le désir de voir la jeu- nesse s'attacher à l'étude des langues anciennes, et, particulie- rement, à celle de la littérature grecque dont il nous reste, dans les auteurs de l'antiquité et dans les Pères de l'Eglise, tant et de si admirables monuments. La séance est levée à trois héures. L'un des secrétaires , ARNAULT-MÉNARDIÈRE. Le Secrétaire-Géneral , J. L. LACURIE. SÉANCES GÉNÉRALES. Séance du 2 Septembre. Présidence de Mgr Lanprior, évêque de La Rochelle. La séance est ouverte à trois heures. M. l'abbé Person, secrétaire-général-adjoint, donne lecture du procès-verbal de la séance d'ouverture. Ce procès-verbal est adopté. M. le Maire de La Rochelle et M. Le Gall, secrétaire-général de la session de Rennes, prennent place au Bureau. Le Congrès voit avec une vive gratitude qu'une réunion nom- - breuse et choisie de dames occupe les gradins de la tribune qui leur avait été préparée en face du Bureau. MM. les secrétaires des sections donnent successivement lec- ture des procès-verbaux des séances tenues dans la matinée. 98 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. L'ordre du jour appelle à la tribune M. l'abbé Fraigneau pour lire un mémoire sur la 24° question du programme de la section d'agriculture, commerce et industrie. Cette question est ainsi conçue : « Rechercher pourquoi les hommes de la campagne » préfèrent les travaux de l'arsenal maritime à ceux de l’agricul- » ture. Cette préférence ne viendrait-elle pas de l'élévation du » salaire? Quels seraient les moyens de les retenir, pour la plus » grande partie à la culture des champs? » L'orateur déplore cette émigration éminemment préjudiciable à l’agriculture qui manque de bras. Il en cherche les causes dans le dégoût d’une profession trop peu honorée de nos jours, bien qu’elle soit infiniment respectable, et le désir trop peu ré- fléchi de s'assurer aisance et repos au temps de la vieillesse. Les mêmes causes amènent à la ville les jeunes filles qui, mariées plus tard à des agriculteurs, se plient difficilement aux exigences de leur état,.ayant perdu à la ville l'aptitude pour le travail et l’heureuse simplicité des champs. M. l'abbé Fraigneau propose, comme moyen de fixer la jeu- nesse à la culture des champs : l'exemption du service militaire pour un certain nombre d'enfants d'agriculteurs en chaque com- mune, après examen sérieux de leur aptitude à une culture bien entendue, et l'engagement de continuer leur profession pendant dix ans, au moins. Pour les filles : entrée gratuite dans les écoles rurales pendant quelques mois seulement par année; récom- penses honorifiques, mobilières ét pécuniaires décernées publi- quement par l'autorité à toutes celles qui se seraient fait re- marquer par leur moralité et leur attachement aux travaux champêtres. Ce mémoire, écouté avec intérêt, est vivement applaudi. M. Garnier-Savatier s'associe à l’idée de l'honorable préopi- nant; il s'étonne de ce que les communes n’établissent pas une maison de retraite en faveur des agriculteurs invalides et bien famés ; il voudrait que l’on fit aux agriculteurs les plus recom- mandables par leur aptitude et leur conduite réglée, une part plus grande d'estime traduite par leur admission dans le conseil municipal dont ils seraient membres honoraires. Cette distinc- tion reléverait aux yeux de leurs concitoyens l’état si honorable qu’ils professent. . M. de Caumont, prenant part à la discussion, croit qu'il n’y a pas d’encouragements suffisants pour arrêter un mal qu’il dé- plore; qu’il faut attendre du temps et de la force des choses une amélioration qu’il appelle de tous ses vœux; déjà il a cru remar- quer en certaines provinces moins d’empressement à déserter la campagne pour la ville. ME Landriot trouve la cause du mal dans le désir de s'élever par -une certaine aisance ; le remède serait dans l'amour d’une heureuse médiocrité, aurea mediocritas, comme dit le poète. PL 'E it mme na) -+4é, ERA VINGT-TROISIÈME SESSION. 99 M. le docteur Braudon fait remarquer que dans les villes la charité est organisée sur de larges proportions, et qu’elle vient en aide à toutes les infortunes; les mêmes moyens produiraient les mêmes effets à la campagne, si on établissait une circons- cription communale qui les ferait participer aux institutions de charité des grands centres de population. M. l'abbé Fleurimon cherche la cause du mal que l’on déplore dans l'exemple des propriétaires qui ne paraissent dans leurs terres que pour en enlever les produits qu’ils consomment à la ville. Si le propriétaire prolongeait son séjour aux champs, l'exemple serait d’un merveilleux effet. On s’apitoie sur le sort de la campagne ; mais la campagne n’a pas besoin de la ville à laquelle elle fournit tout ce qui lui est nécessaire; ses produits suffisent aux goûts simples du cultivateur, elle ne demande que des encouragements. Il n’est pas un propriétaire de la ville un peu aisé qui n’enlève à la campagne un ou deux sujets, un valet et une bonne; on les garde quelques années, et sous prétexte de propreté on leur fait prendre des habitudes de luxe; puis ils nous reviennent à la campagne complètement dépaysés et nul- lement disposés à reprendre la bèche et le fuseau, heureux si on ne nous les rend pas entièrement gâtés. Le mal vient donc de la ville. C’est sur les enfants surtout que l'honorable orateur appelle l'attention. El faut les ramener aux champs qu'ont déserté leurs pères. Vifs applaudissements. M. Pacquerée dépose sur le bureau deux mémoires, l'un traitaut des accidents sur les chemins de fer, et des moyens de les prévenir; l’autre ayant pour objet les accidents occasionnés par l'application de quelques procédés industriels, et les moyens de les prévenir. : Ces deux mémoires seront envoyés à la {re section pour être analysés. M. de Caumont rappelle à l'assemblée que M#r l'évêque de La Rochelle dira, jeudi, à huitheures, la messe pour les membres du Congrès; et que Sa Grandeur daignera leur adresser quelques paroles de circonstance. Il ajoute qu’il y aura, ce soir, à sept heures, une réunion de la Société Française d'Archéologie pour la description et la conser- vation des monuments historiques ; et que la séance générale du 3 sera remise au soir, à cause du concert de association musicale de l'Ouest qui doit avoir lieu à une heure. MM. Blondel père etfils, de Nantes, entretiennent l'assemblée d'une méthode facile pour arriver en peu de temps à la correction du dessin. En établissant le carré comme base de tout leur sys- tème, MM. Blondel n’ont point l'intention de condamner Pélève à une servilité continuelle : le carré devient pour lui une simple mesure, une échelle de proportion qui lui facilite les moyens 100 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. d'envisager un dessin et la nature sous leur véritable point de vue. Les lignes perpendiculaires et horizontales qui divisent le carré, ne sont que les moyens ordinaires employés par les ar- tistes pour arriver à la ressemblance, lignes que dans sa théorie et sa pratique il trace dans son imagination, sans les reporter sur le papier. MM. Blondel ne veulent pas emprisonner l'élan de l'imagination et du sentiment; ils font comme le musicien qui ne se livre à l'inspiration qu'après d’arides études. Dans leur pensée, traduite par leur méthode ingénieuse, le dessi- nateur doit étudier le mécanisme avant de vouloir donner son cachet à l'objet qu'il traite. Quant aux diverses nuances que ces messieurs emploient, elles ont pour but d'apprendre à l'élève le modelé et le clair obscur. Un certain nombre de dames se pressent autour de l'inventeur pour entendre lexplication de sa méthode. La séance est levée à cinq heures. L'un des secrétaires-généraux. L'abbé PERSON. Séance du 3 Septembre. Présidence de Mgr Lanprior , évêque de La Rochelle. La séance s'ouvre à sept heures du soir, ainsi qu’il en avait été convenu pour faciliter aux amateurs de bonne musique l'assistance au concert qui a eu lieu d’une heure à quatre. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté, MM. les secrétaires des sections sont successivement appelés à latribune pour lire les procès-verbaux des travaux de leurs sections respectives. La 5° section, Philosophie, Littérature et Beaux-Arts ne s’est pas réunie, l'heure de ses séances concourant avec celle du concert. M. de Caumont donne lecture de la correspondance : M. Félix de Mérode exprime ses regrets de ne pouvoir suivre les travaux du Congrès de La Rochelle; il a été obligé de faire un voyage en Belgique pour la santé de sa fille. M. le vicomte de Cussy qui avait cru trouver du soulagement aux eaux d’Aix, se voit dans la nécessité de rentrer au plus tôt chez lui, l’état de sa santé s'étant beaucoup aggravé. M. Albert de Brive, secrétaire-général de la XXII° session du Congrès Scientifique, annonce que l'impression du premier volume du compte-rendu, renfermant tous les procès-verbaux est terminée, et qu'il en adressera trois exemplaires lundi; que le conseil-général a voté des fonds pour l'impression du second volume qui va se poursuivre activement. M. le président dépose sur le bureau les envois suivants : Sr Un DT OT air LS 11 à VINGT-TROISIÈME SESSION. 104 Note sur l'augmentation de l'acide carbonique dans l'air, par M. Pacquerée ; Memorandum historique, par M. Ponts-d’Asnières, marquis de La Chastaigneraye. La parole est à M. l'abbé Baruffi pour un mémoire sur le per- cement de l’isthme de Suez. Le savant professeur annonce qu'il entretiendra quelques ins- tants le Congrès sur l'urgence de commencer le percement direct de l’isthme de Suez, car six cents millions d’âmes, c’est-à-dire la moitié du genrehumain nous tendent les bras au-delà de l’isthme. Il dit que bien que cette question ne soit pas à l’ordre du jour dans le programme du Congrès, elle est à l’ordre du jour dans le monde entier, depuis qu’un illustre enfant de la France, M. de Lesseps, s’en ést fait le promoteur. Il ne doute pas que l'appui moral du Congrès Scientifique qui forme une fraction si respectable de la France intelligente, sera d’une grande valeur pour accélérer l’accomplissement de cette œuvre colossale. Que, dans tous les cas, il sera heureux d’avoir pu profiter d’une cir- constance si solennelle pour payer sa faible part de reconnais- sance à cette noble nation Française qui, comme l’a dit avec toute vérité le savant président du Congrès, marche toujours à la tête des idées généreuses, des glorieux projets, et d’une civilisation fondée sur la vertu. L'honorable M. Barufli lit son mémoire au milieu d’un pro- fond silence. Il propose au Congrès d'émettre un vœu qui pourra prendre rang parmi les plus importants et les plus nobles qu’ex- primera la savante réunion. Il recommande en peu de mots l'importance du percement de l'isthme, et établit que l’idée d’un bosphore artificiel reliant les deux mers, est une idée de notre temps: les anciens n’ont jamais exécuté qu'un canal de petite navigation reliant le Nil au golfe Arabique, et, par les longs détours du Nil, reliant indirec- tement les deux mers, où le commerce était alors bien peu de chose. L’orateur donne les détails les plus précis sur l’état actuel de la question, considérée au simple point de vue technique, finan- cier et politique. El annonce qüe les deux dernières explorations ont résolu complètement le problème considéré sous le rapport scientifique, et que le capital, s’élevant à deux cents millions de francs, est dès à présent assuré, que la seule politique en- trave l'achèvement d'une entreprise désirée par le monde entier. Il donne des détails précis sur les dimensions du canal, les jetées, les ports, les vents régnant dans la contrée, la navigation de la mer rouge qui n’a rien de redoutable quoi qu’on en ait pu dire systématiquement, le temps demandé par la science pour achever le percement désiré, et enfin, sur le canal intérieur d’eau 102. CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. douce qui sera dérivé du Nil, et auquel on travaille déjà par orde du vice-roi d'Egypte. Pour hâter autant qu'il dépend du Congrès le moment heureux de voir réaliser cette entreprise colossale par ses conséquences, mais facile en elle-même, M. Barufli formule le vœu suivant : Le Congrès Scientifique de France, séant à La Rochelle, considérant que le percement de l’isthme de Suez, projeté par M. de Lesseps, sous lès auspices de Son Altesse le vice-roi d'Egypte, ne peut-être qu'immensément utile à tous les peuples, sans nuire à aucun ; considérant que cette entre- prise est un des moyens les plus puissants de civilisation que la Providence puisse mettre aux mains des hommes, émet levœu que l’isthme de Suez soit prochainement ouvert à la hbre navigation de tous les peuples. Les applaudissements de l'assemblée toute entière témoignent de la sympathie de tous pour l'honorable professeur. M. le président met aux voix le vœu exprimé par M. l'abbé Baruffi; l'assemblée l’adopte à l'unanimité. M. Charles Desmoulins lit un mémoire sur la propriété litté- raire en matière de nomenclature scientifique. Cette lecture in- téresse vivement l’assemblée. M. le président annonce que M. le Ministre de la Marine a mis à la disposition du Congrès un bateau à vapeur de l’État pour conduire à Rochefort et ramener à La Rochelle les membres qui voudraient faire ce voyage et suivre la session de Rochefort. Il engage à s'inscrire à la fin de la séance, la commission qui doit recevoir le Congrès au débarquement ayant besoin d’être fixée sur le nombre des voyageurs pour s'assurer des logements convenables. La séance est levée à neuf heures. L'un des secrétaires-généraux-adjoints , L'abbé PERSON. Séance du 4 Septembre. L Présidence de Mgr Lanprior, évêque de La Rochelle, M. le Préfet du département et M. l'abbé Gaboreau, vicaire- général du diocèse, prennent place au Bureau. La séance s'ouvre à trois heures. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. M. le président communique à l'assemblée une lettre de M. le président de la Société d'Agriculture qui invite MM. les membres du Congrès à assister au concours des charrues qui aura lieu dimanche, à huit heures, à la ferme-modèle de Puilboreau, et au concours des vaches laitières et des taureaux qui aura lieu le même jour, à une heure après-midi, dans la cour des Cordeliers, à La Rochelle. À VINGT-TROISIÈME SESSION. 103 Il fait connaître une dépêche de M. le Préfet maritime portant que le bateau à vapeur mis à la disposition du Congrès arrivera jeudi en rade, qu’il passera la nuit dans le hâvre de La Rochelle, et que le commandant à ordre de se mettre en mer à six heures très-précises le vendredi, quelque restreint que soit le nombre de messieurs du Congrès qui seront à bord. En conséquence M. le président invite ceux qui veulent être du voyage à ne pas trop marchander avec leur oreiller. M. de Caumont dépose sur le bureau pour être offerts au Con- grès les ouvrages suivants : Flore du Morbihan, par M. Le Gall. Deux exemplaires du compte-rendu du Congrès de Rennes, par le même. | La Tour d'Auvergne, statue et correspondance, par M. Ducha- tellier. MM. les secrétaires des sections sont successivement appelés à la tribune pour lire les procès-verbaux des séances tenues dans la matinée. M. Fillon dépose sur le bureau, pour être examinée par le Congrès, une statuette d'ivoire, représentant la Vierge-mère, ouvrage du XIIe siècle ou du commencement du XIII, pro- venant de l’abbaye d'Ourscamp ; elle lui a été cédée par celui qui l'avait achetée du dernier moine de cette abbaye, mort en 1834. M. le président appelle à la tribune M. Jourdan, pour la lecture d’un mémoire sur la 23° question du programme de la 4e section ainsi conçue : « On assigne généralement l’année 1199 pour date de la » charte de la commune de La Rochelle; ne peut-on pas dé- » montrer que la commune est antérieure à cette date? » Après avoir dit que La Rochelle était une ville d’origine féodale, confondue à tort avec le Portus Santonum de Pto- lémée, M. Jourdan signale comme une des principales causes de l’agrandissement de La Rochelle et de sa prospérité ainsi que du rôle important qu’elle a joué dans l’histoire, d’abord l'établissement de sa commune, et ensuite l’organisation aussi sage qu'intelligente que ses habitants avaient su lui donner, et qui était devenue au moyen-âge le type de la liberté municipale. Il soutient que c’est à tort que l’on attribue généralement à Aliénor l'institution de la commune rochelaise en 4199; qu’une charte de Henri II d'Angleterre, dont il a fixé approximati- vement la date vers 1174, prouve évidemment que dès cette époque tout au moins les Rochelais jouissaient du privilège de commune; que les motifs donnés par les historiens pour enlever toute valeur à cette charte ne sont pas plus fondés en droit qu’en raison. Il invoque à l'appui de son opinion un ticre pré- cieux qu'il a récemment trouvé dans les archives de la ville de Bayonne et qui constituerait, selon lui, le statut municipal 104 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. rochelais annexé, sans doute, à la charte d'Henri IT, et que celle-ci n'aurait fait que sanctionner. Il signale cette particu- larité remarquable que ce statut ne serait autre que celui devenu célèbre sous le nom de Charte Normande, avec celte différence toutefois, que la dernière s'arrête au 28° article, tandis que le statut n’en compte pas moins de 54. Ilexpose ensuite les raisons qui lui font penser que les véritables auteurs de ce statut sont, non pas les Rouennais, comme on le croit généralement, mais bien les bourgeois de La Rochelle. Enfin, allant plus loin, il estime que cette charte d'Henri IL n'est elle-même que la confir- mation d’une charte antérieure de Guillaume X, et que ce dernier duc d'Aquitaine doit-être regardé comme le premier fondateur de la commune rochelaise, dont il reporte l'établissement vers 1130. M. Duchatellier précise ce que l’on doit entendre par libres coutumes, octroti de libertés, faisant toutes réserves jusqu'à la prochaine lecture de la deuxième partie du mémoire de l'honorable préopinant. M. de Labretonnière lit une pièce de vers sur les Pigeons et . les Télégraphes. La fable est terminée par un envoi à Mon- | seigneur, inspiration née dans la matinée, et résumant la pensée du discours du matin. Le dernier vers qui exprime l’accord de la raison et de la foi est chaleureusement applaudi. Le président du Congrès tend la main au poète, et ce symbole d'alliance excite dans la salle de vifs applaudissements. ‘ , | La séance est levée à cinq heures et demie. ; Le Secrétaire-Général, | J. L. LACURIE. | LVE RPAL GE (ON RE (T EINE S] RÉAAGRAPHAS. | FABLE. Pulvis et umbra sumus. Avez-vous vu parfois, d'une rive inconnue Des pigeons délivrés s’élancer vers la nue? Ils planent un instant, inquiets, incertains; E Puis, soudain emportés par une aile rapide, Ils suivent par les cieux cet invisible guide Qui les rend à leurs nids lointains. De cet instinct de la nature L'esprit ingénieux se fit un instrument; L'amour souvent, dit-on, sans chevaux ni voiture Pour correspondre promptement, Sous l’aile d’un ramier cachant sa signature, Chargea de doux billets ce messager charmant. Ds fui VINGT-TROISIEME SESSION. 10 Un de ces envoyés fidèles, Porteur d’un important secret, Un jour, tout épuisé, sentil fléchir ses ailes, Et fut forcé de faire un temps d’arrêt. Il s’abattit sur un vieux télégraphe Qui là, les bras croisés, déchu de sa grandeur, Désormais inutile acteur, Semblait attendre une épitaphe. À trente pas de là, serpentaient au vallon Ces fils qu'un art savant dota de la parole Et qui, plus prompts que l’aquilon, Défieraient jusqu’au temps, d’un pôle à l’autre pôle, De la suivre, quand elle vole Sur son électrique sillon. Sais-tu bien que là haut tu nous fais fière mine, Mon illustre et défunt rival! Disait avec dédain l’électrique machine Au pauvre aérien admis à l'hôpital. Convenez que c’est grand dommage De réformer un personnage Dont les grands bras, en s’agitant pour nous, Si promptement transmettaient un message, Que mainte tortue en voyage En ressentit, dit-on, plus d’un accès jaloux. Mais si l'ingrat pouvoir lui coupe la parole, Du moins à notre cher voisin Reste un espoir qui le console. On en pourra faire un moulin. Pauvre avorton, répond l'enfant de Chappe, Je puis d’un mot confondre ton orgueil; Cette électricité dont le secret t’'échappe N'est pour toi qu'un mortel écueil. Quand à travers les cieux je transmets la pensée, Elle brave, en son vol, l’atteinte des méchants, Tandis que confondue avec l’épi des champs, Sur tes fils elle est menacée Par le premier manant qui, d’un pied clandestin, Des nuits attendant le mystere, Pour t’écraser, toi qui rampant sur terre, Es pourtant si gonflé de superbe dédain. Notre pigeon écoutait sans mot dire Discourir les deux orateurs. Chacun de vous, Messieurs, excelle en la satyre; Mais permettez : ces éloges flatteurs Que vous faites de vos mérites, C’est moi qui puis, malgré tout ce que vous en dites, 106 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. : Plus justement m'en faire les honneurs. Car enfin, qu'êtes-vous? une inerte matière Que meuvent d’aveugles ressorts ; Sans l'âme vous avez le corps, Quand moi, j'ai l'âme tout entière. Seul, intelligent messager, Je puis offrir à l’homme un fidèle interprète ; Je puis seul, dans la nue, à l'abri du danger, Porter, cachés sous mon aile discrète, Les mystères du cœur, qu'une main inquiète Atteint d’un doigt furtif au rivage étranger. A la terre attachés par votre ministère, Vous oubliez, Messieurs, dans votre vanité, Que tout ce qui touche la terre Y tient de sa fragilité. Pauvre pigeon, il l’oubliait lui-même ! A pas de loup un perfide chasseur D'un buisson gagnant l'épaisseur S'apprète à lui donner une leçon suprème; Il ajuste le beau diseur, Le coup part, la foudre est lancée, Et le plomb meurtrier A brisé d’un seul coup l'aile de la pensée, Hélas! et celles du ramier. Dieu le voulut ainsi. La pensée impalpable Ne peut, de l’homme à l’homme, étendre au loin son vol, Sans craindre de heurter quelque obstacle, capable De ja faire matière en la rendant au sol. Ce Dieu, qui nous condamne à bâtir sur le sable, Pour mieux nous rappeler notre néant profond, Que vous soyez homme ou pigeon, Mit dans toute œuvre humaine un germe périssable. —— #5 0 e—— A M5 BANDERIDE Président du Congrès. (4) A vous, noble orateur, dont ce matin encore, L'harmonieuse et douce voix, (1) Mgr Landriot , récemment arrivé à La Rochelle , avait été élu prési- dent du bureau général du Cougrès Scientifique.--Dans la matinée du 4, il avait, en cette qualité, devant le Congrès réuni à l’église cathédrale , fait entendre un sermon aussi remarquable par ses formes éiégantes que par la profonde érudition qui en faisait la base.--Dans cet éloquent discours , le nouvel évêque de La Rochelle avait pris pour thèse cette pensée : que Ja VINGT-TROISIÈME SESSION. 107 Du haut de la chaire sonore Faisant vibrer tous les cœurs à la fois, Du Deus lateat nous enseignait les lois : Oui, tout nait au flambeau de la riche nature ; Belles-lettres, beaux-arts, science, agriculture, Vous avez eu des fleurs pour orner chaque front. Permettez donc que l’humble poésie À la gerbe, par vous, si brillamment choisie, Emprunte, pour le vôtre, un fraternel fleuron. Oui, nous cherchons des yeux tout flambeau quirayonne, : Nous qui d’égal amour aimons la liberté : Mais ces rayons soudains, fils de la nouveauté, C’est, vous nous l'avez dit, Dieu seul qui les lui donne, Il n’est point de progrès hors de la vérité. Chaque pas, disiez-vous, nous conduisant vers elle, Est un rayon du Ciel qui, guide toujours sûr, Descend de la voüte éternelle Et va du doigt divin qui pour nous se décèle . Marquer l'omne verum, quocumque dicatur. Et votre tolérance, ici de tous bénie, Allait chercher ce vrai jusqu’au cœur de Platon, Païen par son berceau, chrétien par le génie ; Platon qui de la foi déjà cherchait le don, Aux yeux de l’avenir semble avec harmonie Faire, dans sa gloire infinie, Apparaïitre le Christ sous les traits de Phédon ! Ici, nous disiez-vous, égalité complète, Nous sommes tous soldats sous le même drapeau. Puis le pasteur déposait la houlette. Ah ! gardez la toujours ! vous n’avez qu'un troupeau. La Rochelle a deux bergeries : Mais de la tolérance y goûtant les douceurs, En se mêlant dans nos calmes prairies, Les bergers sont amis, et les brebis sont sœurs. Dirigez-nous, pasteur, comme homme de science ; Tout temple est pour nous un saint lieu religion et la science sont deux sœurs inséparables. Comme évêque et comme ami des sciences et des arts, il applaudit donc, du fond du cœur , à chaque surprise née du progrès iutellectuel , parce que les efforts de tout chercheur doivent nécessairement, s’il est sur la route de la vérité, aboutir à signaler la main de Dieu, cachée au fond de toute déconverte humaine (est ce que Vorateur avait développé dans une argumentation pleine d’idées libérales et de généreuse tolérance, où le flambeau de la foi s’alliait sans peine à celui du progrès.--L’auteur de cette fable s’est empressé de profiter du tour de lecture qui lui était accordé en séance publique pour se rendre interprète du Congrès et adresser en son nom l'hommage dû, à tant de titres, aux magnifiques paroles qu’il venait d’entendre. (Note de l'auteur.) 108 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Où nous suivrons, remplis de confiance, La main qui pour surprendre un peu de sa puissance, Au fond de cent secrets ne cherche qu'un seul Dieu. Vous donc qui, ce matin, nous faisiez, de la terre, Comme aux sources de tout mystère, Sur l’aile du progrès remonter jusqu'aux cieux, De degrés en degrés il nous est glorieux De gravir avec vous cette échelle céleste ; Comme l’ange à Jacob, vous nous tendez la main; Pour la science ou l’art point de chute funeste Quand c’est la foi qui montre le chemin. E. LABRETONNIÈRE. Séance du 5 Septembre, à Rochefort-sur-Mer. Présidence de Mgr Laxprior, évêque de La Rochelle. La Séance est ouverte à sept heures et demie du soir. Le procès- verbal de la séance précédente est lu et adopté. M. le vice-amiral, Préfet maritime, et M. le Maire de la ville de Rochefort prennent place au bureau. M. le docteur Dubois tient la plume. La salle est pleine. On remarque dans l'assemblée MM. les membres du clergé des paroisses de la ville; les aumôniers de la marine; les employés supérieurs de l’arsenal maritime; les chefs et professeurs de l’école de médecine; les officiers de l'administration de la marine et des troupes de terre et de mer; les membres du tribunal civil, et bon nombre de notables habi- tants de la ville. Le voyage de La Rochelle à Rochefort ayant exigé plus de temps qu'on ne pensait, il a été nécessaire, pour faciliter les travaux des sections, de réunir la section d'agriculture, industrie et commerce, aux sections des sciences naturelles, physiques et mathématiques; et la section de philosophie, littérature et beaux- arts, à la section d'archéologie et d'histoire. Les sections sont immédiatement entrées en fonctions. A l'ouverture de la séance générale MM. les secrétaires des sections n'étant pas en mesure de faire la lecture de leurs procès- verbaux respectifs, M. le président donne la parole à M. l'abbé Lacurie sur la 2° question du programme de la 5° section ainsi conçue : « Comparer l'éducation des anciens et des modernes ; » rechercher la cause de cette opposition de principes que l'on » remarque entre les anciens et les modernes en matière d’é- » ducation. » L'orateur fait remarquer qu'une bonne éducation est la plus solide base des empires, dont tout l'avenir repose sur lesenfants. . VINGT-TROISIÈME SESSION. . 109 Il rappelle à ce sujet les doctrines de Platon et de Montesquieu ; il déplore avec les anciens la faiblesse des mères, comme le plus grand obstacle à l'éducation physique des enfants. Les enfants, selon Lycurgue, appartiennent à l'État, et doivent être élevés par État. Entrant dans la question, M. l'abbé Lacurie suit l'éducation chez les anciens. Tous s’attachaient à fortifier le corps par une vie dure et toujours occupée. Au sortir de l'enfance, le jeune homme n’était pas, comme de nos jours, libre d’entraves : une éducation plus forte, une vie plus dure le sauvegardait contre l'attrait du plaisir. C est à cette éducation mâle que les anciens devaient l'aptitude à affronter les rigueurs des saisons et des climats. Comparant, sous ce rapport, nos héroïques soldats à ceux de l'antiquité, l’orateur fait remarquer que le Français, invincible devant l'ennemi et se jouant des périls de la guerre, n’a pas toujours triomphé de la dureté des climats ou de RU AENE des saisons. Venant aux modernes, M. l'abbé Lacurie fait remarquer qu’en adoucissant les mœurs, le christianisme a singulièrement influé sur l'éducation publique. Entre les mains du “clergé l'éducation dut prendre nécessairement le caractère de la religion dont les prêtres sont les ministres. Lesexercices du corps furent négligés, on nes’occupa qu'asormer le cœur et l'esprit de la jeunesse; et à cultiver dans l’homme ce que sa nature à de plus noble-et de plus élevé. Plus tard l'étude des lettres et des sciences humaines prévalut sur les études morales. Telle parait être à M. l'abbé Lacurie la véritable cause de celte opposition de principes que l’on remarque entre les anciens etles modernes en matière d'éducation. Il ne serait peut-être pas im- possible de trouver un juste tempérament, une heureuse modi- fication. pour approprier la doctrine des anciens à l’état actuel de nos mœurs et les concilier avec les préceptes de l’ Éy angile; ; ME Landriot, touten admettant la justesse des idéesexprimées par l honorable préopinant, trouve que l'orateur a fait un trop grand éloge de l'éducation chez les anciens. Nous n'avons rien à leur envier : par l'élément moral, le christianisme a faitpour le corps tout ce qu'il était possible de faire sans nuire à l'âme. Sur la 10° question du programme de la section des sciences naturelles : « Examiner et discuter les procédés de. l'élève et » de la reproduction naturelle et artificielle des poissons, des » sangsues, des huitres et des crevettes, » M. Garnier-Savatier se livre à de longues considérations tendant à prouver qu'il n'y à rien de plus facite que de favoriser la reproduction du-poisson, des moules, des huitres et des crevettes sur les côtes de la Charente- Inférieure. IL demande que le Congrès émette le vœu qu'un éta- blissement de pisciculture. soit formé dans le département. 110 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. Roche fait remarquer que les essais tentés à La Rochelle ont été contrariés par les vases; que le canal de la Bridoire, dont les eaux ne sont pas chargées de parties délétères conviennent parfaitement à l’éclosion du frai. M, Garnier réplique pour dire que l’insuccès de La Rochelle vient du défaut de la méthode employée. Par le procédé dont il est inventeur, il peut, à volonté, donner sans étude comme sans peine, à toute heure du jour ou de la nuit, du poisson d’eau douce ou d’eau salée. Vifs applaudissements. M. le président met aux voix l'adoption du vœu exprimé par messieurs Garnier et Roche; l'assemblée adopte à l'unanimité. M. Jossie, secrétaire de la 3° section, et M. Montau, secrétaire des 4° et 5° sections lisent les procès-verbaux des travaux de leurs sections respectives. M. le président fait part à l'assemblée d’une lettre par laquelle M. Tremblay, capitaine d'artillerie, demande, quoi qu’absent, à faire partie du Congrès. Il lit également une lettre de M. Arnut qui prie le Congrès d'étudier son système sur les corps de pompe. La parole est ensuite donnée à M. l'abbé Cholet, l’un des secrélaires-généraux pour entretenir l’assemblée du voyage du Congrès, de La Rochelle à Rochefort, sur le bateau de l'Etat Le Boyard. —— 2m} 55 ES e—— VOYAGE DU CONGRÈS SCIENTIFIQUE De La Rochelle à Rochefort , à bord du Boyard, Le 5 Septembre 1856. MESSIEURS, Il me faut obéir aux désirs doublement sacrés de notre pré- sident, et raconter notre voyage, le déposer peut-être aux archives du Congrès, de peur que le souvenir de cette charmante pro- menade nautique et scientifique ne s’efface aussi vite que le sil- lage du navire qui nous atransportés. Raconter notre voyage | Mais comment faire le récit de cette Odyssée sans brillants épisodes? nous n'avons ni la baguette de Circé ni l’antre de Polyphème. Faut-il remonter aux âges bibliques, suivre, avec Moïse, les voyages du peuple hébreux de la terre de Pharaons au Sinaï, du Sinai aux rives du Jourdain? Faut-il emprunter aux âges hé- roïques les merveilleuses entreprises du voyage des Argonautes? Faut-il vous comparer aux sages de la Grèce visitant les écoles célèbres du monde et demandant la science aux sancluaires de Fa VINGT-TROISIÈME SESSION. Am Memphis, aux sages de la Phénicie, aux mages de l'Orient, aux prêtres de la Chaldée ? Il y a eu déjà tant de récits de voyages depuis les premières migrations des peuples à partir du pied de la tour dé Babel jusques et y compris le voyage autour de ma chambre du comte de Maistre, que nous trouverions d'excellents modèles dans tous les genres, depuis le style homérique de l'Odyssée, jusqu’au style héroïcomique de Chapelle et Bachaumont. Le récit simple, prosaique et véridique de notre promenade maritime me paraît être votre désir. Aussi, au lieu d’invoquer les muses de Sicile pour élever notre vol, nous ne demanderons qu'à nous abaisser au ton d’un simple procès-verbal. Six heures sonnent à la vieille tour de la Grosse-Horloge ! j'en demande pardon à l’Académie et aux puristes du Congrès; mais pour parler rochelais, je devrais dire à la tour du Gros- Horloge ; les chartesémème disaient le Gros-Reloge. Cette tour, donnant accès, jadis, par un pont tournant, sur le faubourg des chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, rappelait assez exactement le Temple-Bar de la Cité, à Londres, avant qu'un hardi travail exécuté en 1672 n'eut réuni en une seule et large arcade, les deux portes étroites dont l’une servait aux voitures, l’autre aux piétons. Là se voyait « en 1478, dit une » chronique rochelaise, une chapuce ou lanterne qui était une » des plus artificielles pointes qui se püt:voir couverte de plomb » et bien enrichie. » En 1746 on abattit ce vieil ouvrage du XVe siècle, pour placer, sur un massif du XIII, une sorte de pendule de cheminée, sur un modèle Louis XV, ayant pour globes ou candélabres des attributs géographiques. Tous les membres du Congrès attendaient avec impatience, les yeux fixés sur les aiguilles du cadran de cette horloge, le moment fixé au patron par sa consigne. L'heure sonne; ne disons pas en style classique, on lève l’ancre, on déploie la voile au souffle du zéphir, carbasa ventis; la vapeur a tué cette poésie séculaire. Un flot de fumée épaisse et noiratre s’échappe des entrailles du navire, il agite sans mugissements les roues cachées à ses flancs, et nous glissons sur les flots presque sans bruit et sans efforts. Nous voilà entre les deux tours qui ferment gracieusement l'entrée du port de La Rochelle. La chaîne de fer qui se tend d’une tour à l’autre, repose au fond de l’eau sur le lit même de la mer. Dans les grands jours de ses luttes politiques, La Rochelle était fière de ses deux tours, et la chanson populaire défie encore à leur sujet les flottes de l'étranger. Les membres du Congrès remarquent en passant, à droite, la vieille tour de la Chaine, a gauche, celle de Saint-Nicolas. Les bases de ces deux tours furent assises pendant la minorité d'Henri IIT d'Angleterre, lorsque le vieux port situé au pied du château de Vauclair, bâti 112 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. par Guillaume X d'Aquitaine, fut remplacé par le port actuel d'après les ordres émanés du roi d'Angleterre qui possédait alors La Rochelle comme le plus beau fleuron de sa couronne, au dire ? de Mathieu Paris. (4) Au XV° siècle, la tour de la Chaîne tom- bant de vétusté, fut refaite presqu'entièrement. Aujourd'hui il n’en reste plus qu’un tronçon qui ne donne pas même l'idée de sa hardiesse primitive; elle est rasée de plus des deux tiers; l'incendie et le feu du ciel ont été plus vite que les ravages du temps. Cette tour avait un capitaine particulier qui portait le titre de désarmeur des nefs. Tous les vaisseaux qui entraient au port de La Rochelle devaient déposer leurs armes, les harnais de leurs hommes d'armes, plus tard, leur artillerie, de peur de quelque surprise ou mauvais dessein sur la ville ou sur le port qui étaient comme une des clés de la France du côté de l'Océan. La tour de Saint-Nicolas a mieux conservé sa physionomie du moyen-àge. Bâlie, ou plutôt, relevée @n 1382, c’est-à-dire l’année de la bataille de Rosebecq, elle nous donne un spécimen de l'architecture militaire des commencements du regne de Charles VI. L'ouvrage était terminé en 4390, c'est-à-dire trois ans avant la démence du roi, vingt-cinq ans avant les malheurs et les sanglantes défaites d’Azincourt. Visitée par Louis XI, elle ne manquera pas, sans aucun doute, d'être visitée, dans la journée de dimanche, par les membres du Congrès. J’appelle leur attention sur le charmant autel gothique, malheureusement un peu mutilé, qui est en retrait, à un des flancs de la grande salle des hommes d'armes. Une troisième tour orne le front de La Rochelle du côté de la mer, c’est la tour de la Lanterne, commencée en 4465, achevée en 1468 sous la mairie de Jehan Mérichon, conseiller intime de Louis XI et mentionnée par Rabelais. Bientôt notre navire est sorti du chenal; il navigue entre les deux pointes qui forment la baie au fond de laquelle La Rochelle est assise aujourd’hui paisible, mais toujours fière de sa grandeur passée. Assez riche pour avoir une flotte de vingt-deux grands navires disputant la victoire aux forces maritimes de la France entière, elle ne voit aujourd’hui passer entre ses tours que les bricks du commerce ou les barques de ses pêcheurs. Î Aumoment où Le Boyard sortait du port, ilcôtoyait /’0’brien, très-beau trois-mâts, sorti quelques minutes avant lui, et partant pour l'Amérique chargé d’esprits, disons de spiritueux afin d'é- viter un jeu de mots; en fait d'esprit Le Boyard n'était certai- nement pas moins bien lesté; mais cet esprit là échappe au con- trôle de la douane. Vous me pardonnerez, Messieurs, mais, dans la société que réunit Le Boyard, les traits d'esprit volent à droite et à gauche. Mon voisin me demande quelle est la jauge du char- {1}, Voir la charte d'Henri IT dans le recueil des leuxres-patentes dé D. Hardi VINGT-TROISIÈME SESSION. 113 gement de notre navire en fait d’esprits. Sondez, lui dis-je, leurs profonds et savants écrits, comptez, pesez, additionnez, et vous aurez une riche et brillante cargaison. Le Boyard s’avance entre les deux pointes. A droite, au bord de la mer, se mirent dans les flots, les modernes et élégants établis- sements ebains, avecleurstentes, leurs kiosques, leurs bosquets, leurs colonnades, leurs salons. Mais le savant n'aime à vivre dans ces réalités contemporaines qu'aux moments où il se prête aux bienséances et aux amusements du monde. Livré à sa nature, il évoque, il recherche, il interroge les souvenirs du passé. Ainsi, ce qui attire l'attention du Congrès c’est le fort Louis, couron- nant de ses deux ou trois villas, la butte autrefois dédiée à l’ar- change Saint-Michel, et d’où le canon commenca à tonner dès 1621 Sur la ville en insurrection contre l'autorité royale; ce sont les forts détachés, les tranchées, les ouvrages militaires, et sur- tout, la fameuse digue du cardinal qui préparèrent la chute de l'orgueilleuse Sébastopol du XVI siècle. Malheureusement Ja digue est couverte par la marée, et nous passons sans obstacles au-dessus de cette barrière aujourd’hui nivelée et renversée par la mer. A l’époque du siège elle s'élevait d’un mètre au-dessus des plus hautes marées, et présentait son front hérissé de canons à la flotte de l'Angleterre. Après un siège de treize mois ‘et #0 millions de dépense, elle vit tomber la résistance presque désespérée des Rochelais, réduits par la famine dans l'espace des trois derniers mois, à la moitié de leur nombre. Un peu plus haut que ladigue est l’anse de Port-Neuf, Portus Novus, où le seigneur de Laleu, Renaud de Pressieny, héritier, par sa femme, de Guillaume de Mauzé, avait des droits sur les navires et sur la pêche où il prétendait le onzième poisson sur tous ceux qui étaient pris dans ces parages. Le seigneur du grand fief d’Aunis, qui n’était autre qu'Alphonse de Poitiers, frère de Saint-Louis, substitué par conquête, aux droits du comte de La Marche et d'Isabelle d'Angoulême, lui contestait ce droit seigneurial; l’enquête datée de 1245 existe aux archives im périales. À partir de là, sur la côte dont la falaise s'élève jusque près de Laleu, existait, au XIIe siècle un bois épais qui couvrait le promontoire. Les chartes l’appellent nemus floriacense, bos- cum floridum. Isambert de Chatelaillon, en 4067, donnait à Saint-Hugues, abbé de Cluny, en même temps que la possession pleine et entière de l’île d'Aix, deux écluses et deux moulins ên nemore floriacensi que feceram in loco qui dicitur concha putrida tali pacto ut tres pauperes indè pascerertur et essent vestiti; au lieu qui est appelé la mare purrie à con- dition que trois pauvres seront nourris et vêtus aux frais du mo- nastère. Il leur donnait également la dîme des vignes existantes + 114 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. et à créer, vinearum quæ presentes et futuræ erant in ne- more fluriacensi et in cireum adjacenti patrià. Une chapelle dédiée à Saint-Jacques signala ce promontoire à la dévotion des marins, et surtout à celle des pelerins qui se rendaient par mer à Saint-Jacques en Galice; ce pèlerinage fut très en vogue à La Rochelle dans les XIV® et XV* siècles, ainsi qu'en font foi les chartes récemment découvertes de l'hôpital d'Aufrédi. La chapelle de Saint-James du Bois-Fleuri a disparu dans les guerres du XVI: siècle; une tombe récemment décou- verte a signalé le lieu où était cette chapelle; le bois qui couvrait le promontoire a été essarté et remplacé par un immense vi- gnoble. Mais il existe une preuve non équivoque et irrécusable que toute cette partie du littoral, où l’on ne trouverait pas au- Jourd'hui un arbre pour s’abriter contre le soleil, était autrefois très boisée, c’est la charte de banlieue donnée par Charles VIE en 1372. Elle appelle ce promontoire Caput de Bosco, chef de bois; le langage populaire, égaré par un rapprochement trom- peur, a défiguré ce vieux nom, et aujourd’hui nous disons Chef- de-Baie, pour désigner la pointe nord de la baie de La Rochelle. De l’autre côté s'étend la pointe des Minimes, ainsi nommée d'un couvent de religieux minimes qui avaient servi l’armée royale pendant le siège, et que Louis XIII y établit à perpétuité, en dédiant leur église, après le siège, à N. D. de la Victoire. Avant cette époque, cette pointe s'appelait la pointe de Cou- reilles, dérivant son nom d'une maison seigneuriale à qui elle appartenait. Vincent Nicolas, sieur de Coureilles fit, sous le règne de Louis XII, un voyage pieux et scientifique à Jérusalem, avec d’autres Rochelais. ; Nous avons promptement doublé cette pointe, et nous voilà en pleine mer. Les tours de La Rochelle s’abaissent et s’effacent à l'horizon; la mer s’agile un peu, et, à défaut d'événements dramatiques, on peut se promettre ici quelques épisodes plus ou moins comiques de voyage sur mer qui feront diversion aux souvenirs historiques. Bonbons de Malte, pastilles, jus piquant du citron ne serez vous pas nécessaires à quelque passager ? car la science n’a jamais été un préservatif contre le mal de mer. Mais les plus timides se rassurent ; à peme une légère paleur a-t-elle trahi leurs appréhensions : il va être reconnu et certifié que le Congrès entier a le pied marin. RE Nous sommes à petite portée du Jupiter. Cette masse ou cité flottante se dessine de très près aux yeux du Congrès; immobile, comme un rocher ou comme un géant au milieu des flots, il est ‘grand dans son immobilité même. Mais huit heures sonnent; dans ses huniers s’agite une fourmilière, et en un clin d'œil ses voiles et celles de deux corvettes qui sont en rade se déploient aux premiers rayons du soleil. Les foudres du Jupiter qui ont tonné depuis bientôt un siècle, et qui récemment tonnait en Lucien mt 5 à Éd Sd SE tés nt ns 10 VINGT-TROISIÈME SESSION. a15 Crimée, se réduisent à un coup de sifflet, à un air de clairon, signal de manœuvre; le Jupiter, au lieu de nous envoyer ses foudres et ses éclairs, ne nous envoie que quatre marins à des- timation de l'hôpital maritime. Mais rassurez-vous, Messieurs, à ce nom de malades : ils ont la mine joyeuse et le teint frais, une petite blessure au pied guérira mieux à terre; l'air salé et l'isolement, à ce qu'il parait, sont de mauvais remèdes; un billet d'hôpital devient presque une faveur. Quelques minutes après cette halte, le fort Boyard regarde avec étonnement, à travers ses rouges sabords, passer son homonyme et les savants qui l'étudient et le contemplent à leur tour. Nous voici, non seulement en rade, mais tout près de l’île d'Aix. En 41122, Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, visitait les frères de son ordre établis depuis 55 ans dans cette île donnée à son prédécesseur, Saint-Hugues de Cluny, par la piété d'Isambert de Chatelaillon, alors maître de tout l’Aunis. Pierre de Poitiers, alors simple moine de Cluny, depuis chancelier de l'Université de Paris, adressait ses distiques au vénérable abbé venu du fond de la Bourgogne. Il lui rapportait la gloire d’avoir obtenu pour le passage un ciel serein, le calme de la mer, le silence des flots : « Obsequium præstant ipsa elementa tibi. Ge... +. . territus imber abit. @. ... .... ventus et ora fugit. Pierre de Poitiers, Messieurs, n’aurait-il pas été mieux inspiré, s’il avait vu passer près de ce même rivage, à 734 ans de distance, ce Congrès formant un cortège de l'élite de la science, à un prélat déjà vénérable et vénéré malgré sa jeunesse, venu du fond de la Bourgogne pour nous révéler à tous sa science, son amé- nité, son activité féconde, sa parole pleine d'autorité et de charme dans la chaire évangélique, son caractère conciliant et d’une suavité angélique dans les relations de la science et de la vie sociale. L'église de l’île d'Aix était dédiée à Saint-Martin l’apôtre et le thaumaturge des gaules; au vestibule de cette église avaient leur sépulture les seigneurs de Chatelaillon dont la tige mysté- rieuse cache sa tête dans les ténèbres du IX° siècle, et dont le dernier Isambert, que les chartes ont surnommé le Pacifique, mort en 4139, survécut de deux ans au dernier duc d'Aquitaine qui l'avait dépouillé. Chose digne de remarque; le prieur de l’île d'Aix était sei- oneur spirituel de La Rochelle, sous l'autorité des évêques de Saintes; c'était lui qui nommait aux cures principales de La Rochelle; l’évêque de Saintes n’avait que le droit d'institution canonique sur les sujets que le choix du prieur lui avait pré- senté. Cet état de choses subsista jusqu’à la grande révolution : - 116 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE, les oratoriens de La Rochelle qui succédèrent aux prieurs.de l’île d'Aix, en 461%, héritérent de ce droit de nomination. L'ombre du grand homme de nos temps modernes plane encore sur l’île d'Aix, et on nous signale la maison où il a habité à l'époque de ses derniers revers. Plusieurs membres, notamment notre révéré président auraient désiré examiner la forêt sous-marine de Pile d'Aix, mais même avec les yeux de Jynx on n’y aurait rien pu découvrir; l'imagination aidée dès la veille par le savant et ingénieux travail de M. Bonniot, permettait d'y suppléer. Notre entrée en rivière se fit d’une manière imperceptible. Laissons les souvenirs anciens du rivage, le Castrum Alonis et son promontoire emporté par les vagues qui le rongent chaque jour comme sa dynastie et ses maîtres successifs les Mauléon, les Parthenay emportés par le temps. Laissons Fouras et son vieux Castrum bâti avant 4080 par un seigneur d’une branche cadette de l'illustre maison de Rochefort. Laissons ses fortifications en forme de lune; on ne doit pas tout montrer en ce lieu, pour ne pas exciter le rire malin et peut- être incivil. Chose singulière, dès le XI° siècle, un dicton grossier circulait dans le langage vulgaire sur ce nom malignement dé- figuré Folloraso, quod, turpi nomine vocant culraso. La ma- rine nous fait admirer ses établissements modernes, le fort d'Enet, l’île Madame, le fort Lupin, le fort du Vergeroux. Voici l’avant-garde. du port militaire; quelques minutes encore et notre navire a accosté la cale. Par une attention déli- cate qui s'adresse à la fois à l’évêque et au président du Congrès, M. l'amiral, Préfet maritime, est venu à sa rencontre avec les au- torités de la ville et du clergé. Actions de grâces et remerciments bien sentis pour la cour- toisie qui nous a procuré cette délicieuse et charmante prome- nade. J’allais oublier, Messieurs, l'agrément principal du voyage qui était le charme des doux entretiens de la science, les doux épanchements de l'amitié, ce qu'Horace appelle duleibus et al- loquis. Le retour promet de nouvelles jouissances. Mais per- mettez-moi, Messieurs, attendu que je ne suis doué ni d’une vue rétrospective, ni d’une vue prophétique, de renvoyer la suite au prochain numéro. rt Cette charmante et spirituelle relation est écoutée avec intérêt: La séance est levée à neuf heures et demie. Le secrétaire, DUBOIS. Séance du 6 Septembre, à Rochefort-sur-Mer. Présidence de Mgr Lanprior , évêque de La Rochelle. La séance est ouverte à midi. M. le curé de Saint-Louis et VINGT-TROISIÈME SESSION. 117 M. l'abbé Blatairou, doyen de la Faculté de Théologie, membre résidant de l’Académie des sciences et belles-lettres de Bordeaux prennent place entre les membres ordinaires du bureau. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. MM. les secrétaires des sections lisent successivement Îles procès-verbaux des séances tenues dans la matinée. La section des sciences médicales dépose sur le bureau une demande à M. le président-général, tendant à proposer au Con- grès d'émettre le vœu que la ville de Rochefort, dont les appro- visionnements en eaux potables sont au-dessous des besoins, se mette en mesure de faire arriver en ses murs, d’abord, les eaux de source, et, ensuite, puisque celles-ci sont insuflisantes, des eaux prises dans la Charente, en amont de la ville. M. le Maire fait observer que le réservoir de la Charente paraît être le seul qui puisse répondre aux besoins de la population et de l’industrie; que cette question, d’une importance majeure, est à l'étude. M. l'abbé Baruffi s'étonne qu'on ne fasse pas appel à l'asso- ciation qui a déjà créé de grandes choses, afin de pourvoir Rochefort d’un volume d’eau suffisant. Il cite plusieurs villes, et en particulier celle de Rome où, après les travaux des Césars et des papes, on a obtenu les meilleurs résultats. Ii s'exprime avec une parfaite courtoisie sur la liberté qu’il a prise d’inter- venir dans une question qui offre, dit-il, un intérêt de premier ordre pour la ville de Rochefort, en faveur de laquelle il montre de vives sympathies. | Cette preuve de bons rapports internationaux excite les ap- plaudissements de l’assemblée. M. le docteur Bertini fait observer que le Congrès doit faire grand cas du vœu exprimé par le corps sanitaire de Rochefort, qui est à même plus que qui que ce soit de juger de la nécessité etde l'utilité de fournir aux habitants de l’eau potable en grande quantité et de bonne qualité. M. Desmoulins demande que l’on s'en rapporte à la sagesse du conseil municipal qui doit attacher un intérêt vital à cette grande question. M. le président propose d'émettre le vœu de voir le Gouver- nement prendre à cœur d'empêcher l'entière destruction des monuments romains de la ville de Saintes, et en particulier des Arènes. Ce serait presqu’une barbarie, dit-il, de les laisser dans l'état déplorable où ils sont actuellement, et il est infiniment regrettable que le peu qui reste de ces antiques monuments qu'il a visités il y a peu de jours, ne soit pas mieux conservé; dans vingt ans, ajoute-t-il , vous n’en trouverez plus de vestiges , ou vous n'aurez plus que des ruines informes. | Ce vœu est accepté. M. le président formule un second vœu au sujet de l'abbaye 118 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. des Dames, de Saintes, l’une des plusbel les églises romanes de la contrée , servant aujourd'hui d’écurie à l'administration de la guerre. Ce vœu serait que l’antique abbatiale du XI siècle fût restaurée et rendue au culte ; faisant observer que, abstraction faite de la question religieuse, son vœu resterait le même à cause de la question d'art. M. l'abbé Lacurie dit que sous le ministère Dufaure une somme de 390,000 francs fut accordée pour la restauralion de cet édifice ; qu'un procès-verbal de commodo et incommodo a été fait, et que la fabrique de St-Palais a signé son désiste- ment de l’église paroissiale actuelle en échange de l'antique abbatiale , seule condition alors exigée par le ministère ; qu'il doit exister dans les cartons du bureau de la guerre un plan des lieux d'après lequel toute cette partie de la caserne qui en- toure l'édifice serait détruite et reconstruite à quelques cents mètres plus loin, afin d'isoler convenablement la nouvelle église paroissiale en projet. L'allocation, comme bien d’autres , a été détournée en 1848. M. le président pense que si M. le Ministre savait l’état actuel de cette page magnifique d'architecture romane, il retirerait les chevaux de ce local. M. de Caumont dit que le vœu proposé pourra hàter l’exé- cution de la mesure. M. Desmoulins demande que M. le président fasse parvenir ce vœu sous son double titre d'év êque et de président du Con- grès, afin d'arriver plus sûrement et plus promptement au résultat désiré. ; M. de Caumont se voit forcé d’avouer que l’état des arènes de Saintes dénote une grande négligence de la part de l'autorité municipale. M. Puaud demande la parole et propose la restauration d’un autre monument, celle de la réputation de Rochefort. Roche- fort, dit-il, a une mauvaise réputation sous le rapport du climat. On a beau dire et faire, il est convenu qu'à Rochefort tout le monde doit trembler la fièvre; que la santé la plus florissante ne peut résister aux influences morbides du pays. Vainement M. Puaud a conjuré ses amis de jeter un coup d'œil moins prévenu sur sa propre personne où la santé brille avec éclat ; il n’a pu vaincre les préventions .qui se sont accrues sur- tout quand il a voulu lever son établissement d'instruction. Il résulte des recherches que M. Puaud a dù faire sur l’état sa- nitaire de Rochefort, qu’autrefois on y constatait un décès sur seize individus ; aujourd hui, ce n’est plus qu'un sur trente- six. La statistique funéraire de La Rochelle , comparée à celle de Rochefort, le convainquit qu’à La Rochelle il mourait un individu sur trente et un et un quart. La réputation est un mo- nument, dit M. Puaud en terminant ; Rochefort est une des VINGT-TROISIÈME SESSION. 119 jolies villes de France , à laquelle est réservé un bel avenir; il conclurait donc à ce que l’on rendit un témoignage public à l'état sanitaire de Rochefort , témoignage qui ne doit pas se borner au compte-rendu que publiera le Congrès , et que très- peu de personnes pourront lire, mais qui doit retentir dans tous les Journaux. M. le président fait observer à l’auteur de la réclame, qu'il est de ces choses qu’il faut laisser tomber d’elles-mêmes , selon cette parole de St-Francois de Sales : « Il faut bien faire , et laisser dire. » Qu’ainsi, à Rochefort , il faut se bien porter et laisser dire. Toutefois, ainsi que l’insinue M. de Caumont, rien n'empêche que l’on ne fournisse aux journaux de Paris un petit article sur l'amélioration sensible de l’état sanitaire de Rochefort. La séance est levée à deux heures et demie. L'un des secrétaires-généraux-adjoints , L'abbé CHOLET. Séance du 8 Septembre. Présidence de Mgr LanprioT , évêque de La Rochelle. La séance est ouverte à trois heures. L’estrade reservée aux dames ne peut contenir la foule qui se presse. Sur l'invitation de M. le président , beaucoup prennent place dans la salle où MM. les membres du Congrès s’empressent de leur offrir des sièges. MM. les secrétaires-généraux distribuent dans la salle le discours prononcé à la cathédrale, le jeudi 4 septembre, après la messe demandée par MM. les membres du Congrès Scientifique de France, par Mgr Landriot, président du Congrès. Le procès-verbal de la séance du 6 et lu et adopté après une légère modification demandée par M. le président. M. le Maire de La Rochelle ‘prend place au bureau et fait ses réserves sur l’assertion de M. Puaud touchant la statisti- que funéraire de La Rochelle, comparée à celle de Rochefort. Si, d'après les derniers recensements, la mortalité est d’un sur trente-six à Rochefort, elle n’est que d’un sur quarante- deux. Soulever de pareilles questions , dit l'honorable magis- trat, est chose rarement utile et presque toujours dangereuse. M. l'abbé Rainguet envoie un mémoire sur la 30° question du programme d'archéologie et d'histoire. Ce travail est ren- voyé à M. le président de la 4° section. M. de Caumont dépose sur le bureau les envois suivants : Congrès du Puy, XXII session , I volume. Appareil de sauvetage , par M. Tremblay. 120 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Note sur une question d'agriculture, par M. le comte Edmond de St-Marsault. Credo agricole ; Erreurs et Vérité en agriculture; Engrais du ciel; la Vie à bon marché; Statistique des comices agri- coles ; Statistique des subsistances ; Tableau statistique de l'arrondissement de Fougères, par M4 Rapport sur les travaux de la Société Linéenne du Calvados, depuis l'origine jusqu'en 1824, par M. de Caumont. Statistique routière de la Basse-Normandie , par le méme. Apercu géologique et minéralogique du département de la Haute-Vienne, par M. Alluaud. Addition à la vie et aux œuvres de Nicolas Vauquelin, des Yveteaux , par Julien Travers. Quelques N° de la Science pour tous, par le directeur du journal qui offre d'ouvrir ses colonnes aux comptes - rendus des séances. M. Duchatellier demande que dans les procès-verbaux des séances de la 2° section on fasse une plus large part aux détails. MM. les secrétaires des sections donnent lecture des procès- verbaux des séances tenues dans la matinée. Là parole est à M. le rapporteur de la 4° section pour rendre compte de la visite faite aux monuments de la ville par la section d'archéologie et d'histoire. RAPPORT DE M. MENUT, Sur la visite faite aux monuments de la ville de La Rochelle. MESSIEURS , La section conduite par M. Callot, son président , a d'abord examiné en passant les ruines de la chapelle de l’ancienne commanderie du Temple; puis une tour fort élevée, faisant partie d'une maison de la rue du Temple, laquelle, sion en croit la tradition, servait autrefois d’observatoire aux gouver- neurs anglais de La Rochelle, et le clocher de l’église St- Sauveur qui ressemble, sous beaucoup de rapports, à celui de St-Barthelemy, dont il sera parlé tout à l'heure. On se rend ensuite à l'Hôtel- de-Ville, qui est examiné dans tous ses détails avec intérêt. Le mur d'enceinte, commencé en 1486 et terminé en 1498, offre tous les caractères du style sothique fleuri. Le bâtiment intérieur est de la renaissance : le petit pavillon de gauche a été bati sous Henri IT ; la grande galerie en 1606, sous Henri IV, ainsi que le constatent les cartouches du porche où l’on voit enlacées les lettres A. ME., initiales de Henri et de Marie de Médicis, sa femme. D'autres VINGT-TROISIÈME SESSION. 121 cartouches sont remplis de nombreuses initiales enlacées dont la signification échappe, et qui pourraient peut- -être se rapporter aux noms des maires et échevins, et à ceux des architectes et des sculpteurs qui élevèrent cet édifice. Les membres du Congrès voient avec peine la physionomie de ce monument remarquable altérée par un escalier d’un style sans élégance, et ils expriment le vœu de voir rétablir un jour celui qui existait autrefois et dont le plan a été conservé 4 La maison dite de Francois Ie", située rue des Augustins, n° 9, est visitée avec la plus vive satisfaction par les “membres du Congrès qui n'hésitent pas à la proclamer l’un des plus char- mants spécimens de l’art de la renaissance appliqué aux édifices civils. Il n’est pas inférieur comme sculpture à ce qu'ils con- paissent de plus parfait dans les monuments élevés sous le règne d'Henri IL. L'époque de sa construction qui doit remonter vers 1550, se trouve indiquée par la lettre BK couronnée, et par trois croissants enlacés rappelant Diane de Poitiers, emblème qui se trouve exactement reproduit sur les jetons du temps. Élevée sous le règne d'Henri IT, fils de François I‘, cette maison n’a donc pas pu, comme le pensent quelques personnes, servir de _ séjour à ce dernier roi lors de son passage à La Rochelle. Aucun titre n’existant sur son origine, il serait fort important de Ke chercher dans les minutes des notaires, le marché passé avec les ouvriers qui l’ont bâtie, et qui s’y trouve peut-être. On pour- rait apprendre ainsi si ces ouvriers étaient rochelais, rensei- gnement fort important au point de vue de l'histoire de l'art à La Rochelle. Les mêmes observations s'appliquent à la maison commune. L'assemblée émet le vœu de voir * Ja ville de La Rochelle ac- quérir la maison dite de Francois Ie pour y placer tous les souvenirs archéologiques de l’ancienne province. On s'arrête un instant à examiner le clocher quadrangulaire de l’église Saint- Barthélemy, couronné d'une plate-forme et d’une balustrade à nervures prismatiques encadrant des quatre feuilles, et on arrive bientôt dans la rue du Minage, devant une maison bourgeoise du XVI° siècle dont le porche est décoré de cartouches contenant des devises écrites en fr ançais, et fort diffi- ciles à déchiffrer par suite de la couche de badigeon qui les re- couvre. Trois ont pu cependant être lues, les voici : VAINCRE LE MAL EN BIENFAISANT EST A NOTRE DIEU FORT PLAISANT. A PARLER TARDIF, A OUIR HATIF: VAUT MIEUX SAGESSE QUE POSSÉDER RICHESSE. La Société littéraire de La Rochelle est engagée à relever les 122 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. autres inscriptions. Si elles sont en français comme celles que l'on a déchiffrées, c'est un signe certain que cette maison a été bâtie par un calviniste. Le Poitou, selon M. Fillon, en fournit plusieurs exemples. Souvent ces légendes sont de simples maximes; mais souvent aussi elles sont des passages tirés des psaumes, traduits par Marot, ou des quatrains de M. de Pibrac. On trouve des inscriptions de ce genre sur des édifices antérieurs même à 4560. Il serait à désirer que l'on prit surtout garde à ces dernières, car elles sont des manifestations publiques d'un culte quin'était encore qu’à l'état latent, quoique embrassé par des milliers d'individus. De l’ancienne porte de Cougnes, si célèbre dans les annales de La Rochelle, il ne reste plus qu'un montant et quelques ves- tiges de sculpture. La célébration des vêpres, dans la chapelle de l'hôpital Saint- Louis ne permet pas de voir le tableau d'Eustache Le Sueur, représentant la Nativité de J.-C., œuvre authentique, et qui est restée ignorée des biographes de ce peintre. La plupart des membres du Congrès l'ont visité depuis, et dans l'intérêt de la conservation de cette magnifique toile, qui malheureusement a été maladroitement retouchée dans la partie de la robe de la Vierge, ils croient qu'il est indispensable de l’élever jusqu'à la hauteur de la corniche, d’après des mesures qui seront données par M. Thiollet, et de garnir de verres dépolis la fenêtre qui se trouve vis-à-vis, afin d'empêcher les rayons du soleil de l’at- teindre. Les membres du Congrès terminent leur promenade par une ascension à la tour Saint-Nicolas, située à l'entrée du port, dont la construction a été terminée en 1384. L'intérieur se compose de deux étages, divisés en plusieurs corridors et compartiments irréguliers, voûtés en ogive. Dans la salle du second étage on remarque quelques sculptures qui, par leur grossière exécution semblent rappeler une époque antérieure. L'examen de cette vieille tour paraît vivement intéresser les membres du Congrès qui se séparent très-satisfaits de leur promenade. Monsieur le Maire remercie le Congrès de l'intérêt qu'il paraît porter à l'Hôtel-de-Ville défiguré par un disgracieux appendice ; il fait connaître que le conseil municipal s'occupe de cette ques- tion difficile au double point de vue matériel et financier, espérant qu’en des jours meilleurs, la caisse municipale pourra venir en aide. M. de Caumont fait observer qu'il ne faut point tant s'occuper de la dépense que de la réserve dans ces sortes de travaux; faire peu en ce genre, est le meilleur; mieux vaut rester en decà pour ne pas s’exposer à dépasser la pensée primitive. M. le Maire assure que, le cas échéant, aucun travail ne sera fait sans prendre conseil de qui de droit. VINGT-TROISIÈME SESSION. 123 M. de Caumont insiste sur le vœu formulé par la section d'archéologie touchant quelques pierres tumulaires provenant de l’église Saint-Barthélemy, et actuellement déposées dans le jardin du séminaire diocésain. Il voudrait qu'on les transportât dans un local qui püt servir de musée. Il recommande surtout un tombeau qui trouverait parfaitement sa place dans l’un des musées de Paris; c’est celui que l’on remarque au rez-de- chaussée de la bibliothèque. M. Duchatellier demande que le procès-verbal de la 5° section soit rectifié en ce qui le concerne. Il se plaint qu’on se soit mé- pris sur les quelques paroles qu’il a prononcées à l’occasion de l’enseignement des établissements publics. Il persiste à penser que tout ce qui se fait n’est pas exempt de reproches; mais, s’il a dit que l’enseignement des colléges, et le pensionnat surtout, disposaient peu les élèves à cet esprit de subordination et à cette calme résolution de l’obéissance, c’est qu'il craint que dans ce sens l'éducation des jeunes gens de la classe moyenne qui prennent leur instruction dans les établissements de l'Université, ne soit pas assez fortement empreinte de ces salutaires impres- sions de l’obéissance éclairée qui assure presque toujours l'a- venir des existances même les plus élevées et les plus distinguées dans l’ordre social. : Il voudrait enfin que M. le rapporteur ne présentät pas sa jeunesse sous des couleurs aussi peu flatteuses; il n’était pas un modèle, sans doute, mais il n’était pas non plus un mauvais sujet. M. le secrétaire de la 5° section pense avoir parfaitement saisi les paroles du préopinant, et avoir été historien fidèle. Cependant il adoucira les couleurs sous lesquelles, dans son improvisation, M. Duchatellier a peint les écoliers de son temps. L'ordre du jour appelle à la tribune M. Jourdan, pour la lec- ture de la deuxième partie de son travail sur la commune de La Rochelle. L'honorable membre fait observer que cette deuxième partie est fort longue, et qu’en considération de l'heure avancée, il conviendrait peut-être de donner la priorité à un mémoire plus court, et il cède la parole à M. Foulon, sur la 2° question du programme de la 5° section ainsi conçue : « Com- » parer l'éducation des anciens et des modernes; rechercher. la » cause de cette opposition de principes que l’on remarque entre » les anciens et les modernes en matière d'éducation. » Dansun travail consciencieux et écrit avec une grande élégance Forateur compare l’organisation des écoles chez les Grecs, les Romains et chez les modernes. Il démontre que chez tous, l'État a gardé la direction de l’enseignement; que l'éducation publique est la seule possible, la seule utile; que l'éducation moderne; appuyée sur l'élément chrétien a une immense supériorité sur l'éducation des anciens. 124 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Ce mémoire écouté avec une attention soutenue a été vivement applaudi. M. Duchatellier demande la parole. Il reconpaît dans le travail de M. Foulon une œuvre pleine d'intérêt, les vues les plus éle- vées comme les plus sages. Il risquera cependant quelques ob- servations qui lui semblent légitimées par les doctrines émises par l’orateur. Ainsi, M. Duchatellier aurait voulu que M. Foulon qui con- naît si bien les anciens fût entré plus au vif de la question en faisant connaître ce qui se passait dans les écoles d'Athènes, par exemple, pour la parfaite éducation des jeunes gens en même temps que pour leur instruction, au point de vue de l’art, comme de l'élévation du caractère civique des citoyens. Compris autre- ment qu'aujourd'hui, cet enseignement, au point de vue des mœurs et de la législation, se proposait à la fois de préparer pour la guerre et les comices ces hommes forts et puissants dont le corps et la pensée se mettaienten harmonie parfaite avec le sen- timent national et ses plus rigoureux besoins. Il regrette de ne pas trouver toujours ces sages précautions dans l’état actuel de notre enseignement. Il craint que l’on ac- corde trop peut-être à l'instruction, et pas assez à l'éducation, et sans que cela dépende des hommes habiles et dévoués qui dirigent l'instruction publique, mais par cela seul que nos en- fants sont trop rudement astreints aux labeurs des classes et de l’enseignement, au lieu d’être laissés un peu plus au libre mou- vement de leur cœur, aux douces aspirations de leur âge, qui demandent un peu plus de ces plaisirs et de ces aimables dissi- pations qui reposent l'esprit en même temps qu’elles l'ouvrent à une foule de bons et de généreux sentiments pleins de cette sève qui fait la force et la valeur des hommes qui sont appelés à servir la société dans ce qu’elle a de plus grand et de plus noble. C’est à ce titre et dans l'esprit de ces observations qu'il se plaint que la vie des colléges soit souvent triste, trop lourde et trop dure pour le jeune enfant qui se sépare de ses parents, d'où il résulte qu’il sort trop souvent des colléges peu disposé à aimer et à bien connaître l'autorité et les traditions qui devront protéger son existence dans le monde. M. Duchatellier ajoute qu'il aurait voulu voir l’auteur du savant mémoire qui à été soumis à l'assemblée, laisser aux com- munes et aux confrairies qui se formèrent pour constituer dans le moyen-àge la classe nombreuse de la bourgeoisie, une part plus large et plus réelle dans les grandes institutions à l’aide desquelles s’élevèrent si haut les Universités de Paris, d'Orléans et de quelques autres lieux. M. Romieux repose l'assemblée par la lecture d’une jolie fable dédiée à M. Brisson, antiquaire, son ami. Né _,, ral ace à A SR À TR US Ce a Sd VINGT-TROISIÈME SESSION. 125 M. Labretonnière lit deux pièces de vers palpitantes d'actualité. La séance est levée à six heures. L'un des secrétaires-généraux-adjoints , L'abbé PERSON. Séance du 9 Septembre. Présidence de Mgr Lanprior , évêque de La Rochelle. La séance est ouverte à trois heures. M. l’abbé Person donne lecture du procès-verbal de la séance précédente. Une discussion s'engage au sujet de ce procès - verbal. MM. Foulon et Romieux ne reconnaissent pas dans la rédaction l'exposé de la doctrine de M. Duchatellier touchant les établis- sements d'instruction publique, ni les paroles prononcées par l'honorable contradicteur. M. le secrétaire fait observer qu'il a lu une note à lui laissée par M. Duchatellier, et que cette note est transcrite mot pour mot au procès-verbal. M. le président fait remarquer que, dans la chaleur de l’im- provisation, il peut arriver qu’on exprime une pensée qu’une rédaction à tête reposée vient modifier. Il reste convenu que le procès-verbal mentionnera l'incident. MM. les secrétaires des sections sont appelés à la tribune pour la lecture de leurs procès-verbaux respectifs. L'absence de M. le secrétaire de la 2° section est expliquée et motivée. M. le secrétaire de la 5° section demande la permission de renvoyer la lecture de son procès-verbal à la séance de demain. MM. les présidents et secrétaires des sections sont invités à se réunir au bureau central, après la séance, pour fixer le lieu de la tenue du Congrès pour 1858. La parole est à M. Bayle, professeur de paléontologie à l’école des mines. Le savant professeur annonce qu'il veut entretenir l'assemblée sur la paléontologie de la Charente-Inférieure. Après avoir défini cette science, il en trace l’histoire à grands traits, dans la province. Bernard Palissy, en exploitant l'argile, y découvre des coquilles ; il avait établi son œuvre au loin de la mer, à la Chapelle-des-Pots, près de Saintes; il suppose donc que la mer avait déposé ces coquilles sur le terrain qu’il exploitait. Sur un autre point, Léonard de Vinci remarquant sur les crètes de l’Appenin, des plantes et des coquilles marines, était amené à formuler cette phrase étonnante pour l’époque que l’Appenin avait surgi du fond des eaux. En 1805, un pêcheur moscovite croit remarquer comme le corps d’un animal, à travers la trans- parence de la glace; cette découverte le frappe, mais il ne s’en occupe plus. Plus heureux, Pallas poursuit l'examen du phéno- 126 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. mène, et reconnait un éléphant couché sur les bords de la mer glaciale ; cet éléphant a une crinière, circonstance qui en fait un animal distinct des autres. . En 1806, Cuvier lit le premier travail où la science paléonto- logique était créée ; il démontre que l'éléphant découvert appar- tenait à une race per due. L'orateur continue à tracer à grands traits l’histoire de la paléontologie, et arrive à ce qui touche le département de la Charente-Inférieure. En 1834, on découvrit dans une fissure du terrain crétacé à soute, près de Pons, un amas d’ossements fos- siles. M. de Blainville est venu exprès à Pons pour les examiner. Je les ai vus moi-même sur les lieux, dit M. Bayle, et il résulte d’un examen attentif, que ces ossements ont appartenu aux espèces éléphant, rhinocéros, loup, tigre, cheval, bœuf, cerf, et autres fragments appartenant à des rongeurs. Quant à l’ élé- phant, il importait de savoir à quelle espèce ‘fossile il appartenait. Ïl est facile d’y reconnaître l'éléphant fossile observé par Pallas —Elephas primigenius de Cuvier—le loup est différent du loup moderne; le rhinocéros diffère du rhinocéros actuel, et c'est le rhinocéros de Sibérie, animal à forme très lourde et sem- blable aux grosses espèces du midi de l'Afrique. Quelle est la catastrophe qui a fait disparaître les animaux ? Ils ont vécu paisiblement durant une longue série de siècles ; ils ont été détruits par le dernier cataclysme qui a précédé la création de l’homme et des animaux qui peuplent la surface du globe. Ces cataclysmes sont la conséquence nécessaire du refroidis- sement lent et graduel de la surface du globe qui à eu, à une époque reculée, une température plus élevée que celle qu'il a aujourd'hui. On ne peut plus nier aujourd'hui l'existence de ce grand fait, à savoir que la terre a été plusieurs fois peuplée par des animaux, et a nourri des végétaux qui ont été détruits et remplacés par de nouvelles espèces d'animaux et de plantes, jusqu'à ce qu'enfin est arrivé l'instant marqué dans les secrets de Dieu, où l'homme a été créé avec tous les êtres que nous admirons aujourd'hui, destinés à cohabiter sur la pellicule très mince d’un globe déjà déchiré par de si nombreuses révolutions, et dont la catastrophe qui à détruit, à l'époque de Noé, la plus grande partie du genre humain démontre assez à l’homme que les fondements n’en sont pas inébranlables. M. Brillouin, auteur de la découverte des ossements de Pons, demande à M. Bayle s’il a vu la défense de l'éléphant de Pons; il dit que la défense de l éléphant de Sibérie, figurée par Cuvier, était recourbée, et que celle de l'éléphant de Pons, observée par Jui, n'avait pas les mêmes rapports de grandeur, et qu’alors il ne lui paraît pas démontré qu'il y ait identité entre espèce de Sibérie et celle de Pons. : nl ee - ne à cn, à LAS + ci c'ets | à | w 10 1 % » È A ri " a e 7 be. VINGT-TROISIÈME SESSION. 127 M. Bayle réplique que les caractères sur lesquels sont fondées les espèces d'éléphants sont indépendantes de la forme et de la courbure des défenses, et que les dents molaires observées par lui à Pons ne peuvent laisser aucun doute sur cette idéalité. M. l'abbé Barufli demande à M. Bayle pourquoi dans la théorie qu'il a opposée pour expliquer les cataclysmes dont la surface du globe a été lethéatre, sur l'existence desquels les géologues sont d'accord aujourd'hui, il n’a pas tenu compte d’une théorie fondée sur les phénomènes astronomiques ? M. Bayle répond que dans la science il ne faut pas confondre deux choses essentiellement distinctes : les faits résultant de l'observation et qui restent, et les théories qu'aux différentes époques le génie humain propose pour les expliquer. Ingénieur des mines, M. Bayle se fait gloire de professer la doctrine de dislocation de l'écorce terrestre que son illustre collègue, M. Élie de Beaumont, a proposée à la science. Mer l’ Évêque de La Rochelle fait remarquer qu'on trouve dans Albert-le-Grand et d'autres auteurs antérieurs à Bernard Palissy, des passages qui prouvent que ces hommesillustres ont constaté l'existence d'animaux fossiles. M. Bayle n’ignorait pas ces faits; en citant Bernard Palissy, il n’a eu en vue que de faire connaître le premier habitant du pays dont le génie a deviné ces faits. M. le président remercie M. Bayle de son intéressante com- munication, et l'assemblée entière témoigne sa sympathie pour le savant professeur. L'ordre du jour appelle la lecture d'un mémoire de M. Droui- neau sur la 2° question du programme de la 3° section ainsi conçue : « Quelle influence peut avoir l’usage abusif du tabac, » surtout chez les enfants ? » Après avoir fait l’histoire du tabac et indiqué son action sur l'économie générale, l’auteur fait toucher au doigt l’action fu- neste de cette plante sur l'enfant qu’il échauffe el surexcite, le prédisposant ainsi, en quelque sorte malgré lui, à l'irascibilité etaux désordres intellectuels et moraux. Ce mémoire, plein de vues morales, est écouté avec intérêt. Plusieurs membres de l’assemblée semblent cependant vouloir prendre la défense d’un usage passé en coutume. On fait re- marquer que la propreté et le savoir-vivre doivent concourir à faire proscrire un usage qui peut être abandonné comme dis- traction nécessaire aux troupes de terre et de mer. On demande gràce pour la cigarette; mais on fait remarquer très-judicieusement, qu ‘indépendamment de l'effet funeste. du tabac, la cigarette offre un autre danger, celui qui naït du papier lui-même provenant de chiffons plus ou moins dangereux pour les sels qu'ils peuvent renfermer. M. Desmoulins à la parole pour rendre compte de la mission 128 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. dont l'a chargé la section des sciences naturelles, et s'exprime en ces termes : MESSIEURS, Une commission composée de M. le conseiller Le Gall, de Rennes; de M. le comte de Kercado, de Bordeaux, et du rap- porteur soussigné, bordelais aussi, à été chargée de visiter la riche collection de coléoptères à la formation de laquelle notre respectable collègue, M. Blutel, président de la Société des sciences naturelles de la Charente-Inférieure, a consacré plus de cinquante années de soins et de recherches. La commission commence par déclarer qu'à ses yeux, les résultats obtenus par cette infatigable persévérance sont vrai- ment magnifiques. Une circonstance par ticulière ajoute gran- dement au mérite du collecteur. Soumis, au commencement de sa carrière administrative, à de fréquents déplacements, à des tournées plus fréquentes encore, M. Blutel a su tout faire tourner au profit de l'accroissement de ses richesses entomolo- giques. Sans négliger aucunement les devoirs de sa place, il a su faire comme une longue excursion, comme une grande et unique chasse aux insectes, de toute sa jeunesse et de la pre- mière partie de son âge mür. Plus tard, en 4837, devenu chef local d’une importante administration, les travaux de cabinet l'ont enchaîné davantage, sans lui donner, tant s’en faut, plus de temps pour l’arr angement d’une collection si péniblement r'as- semblée. Ce n’est que récemment, lorsque la retraite à laquelle lui ‘donnaient droit ses longs services, lui a permis des loisirs entiè- rement disponibles, ce n’est qu'alors, dis-je, que M. Blutel a attaqué l’effrayante besogne de la classification des trésors qu'il avait recueillis lui-même en entomologie européenne, et de ceux qui avaient afflué dans ses cartons en entomologi ie exotique. Ils ont également aux yeux de la science, un prix très- -considérable, non seulement à cause du nombre immense d'espèces que notre collègue a réuni, mais encore à cause du nombre, de la beauté et de la parfaite conservation des individus, et surtout à cause de l’excessive rareté d’un bon nombre des espèces qu’il possède. Nommer quelques-unes de ces espèces, c’est prouver ce que la commission avance dans le présent rapport. Je citerai donc : Mantichora hispida. Mormolyce phyllodes Carabus chilensis, Reichei et cœlestis. Baripus specriosus. Catadromus Lacordarrei. Quelques magnifiques Cybister. | et LA ‘De VINGT-TROISIÈME SESSION. 129 Une nouvelle espèce d'Euchroma , remarquable en ce qu’elle provient du Gabon. Catoxantha bicolor, opulenta, purpurea et une 4° espèce, voisine de la première. Agelia Buquetii. Polybothris sumptuosa. Caledoma kirbyr. Amaurodes Passerinii, mâle et femelle. Enfin, une multitude d’autres espèces mal représentées dans les collections de Paris, ou même qui n'y existent pas, etqu'il est, par conséquent très rare de rencontrer chez des entomolo- gistes de province. F Ce n’est que depuis peu d'années, je l’ai dit, que M. Blutel a abordé le grand travail de la classification et du placement défi- nitif de ses coléoptères. Pour cette rude entreprise, il a retrouvé, avec le zèle qui ne l'avait jamais abandonné, l’activité et l’ardeur de ses premières années. Mais le zèle, l’activité, l'ardeur, l'amour du travail, la pérsévérance ne peuvent arriver à leurs fins qu’à l’aide du temps, et notre collègue avait tant à faire, que la classification et la parure de sa collection ne sont encore ter- minées qu’en ce qui concerne les Cicindelètes, les Carabiques, les Hydrocanthares et les Buprestides, qui représentent en- semble une masse de près de 4,000 espèces. Nous faisons des vœux bien sincères pour qu'il parvienne à mettre en ordre les autres familles de l’ordre des Coléopières dont 10,000 espèces au moins et60,000 individus environ, sont en sa possession. Lorsque nous foulons aux pieds quelques-uns de ces insectes dont les ailes délicates sont protégées par des élytres solides et qui leur ont fait donner le nom de Coléoptères (ailes à étuis), nous ne les considérons en général que comme les représentants de quelques rares et humbles tribus dont nous connaissons ce- pendant à peine une portion fort minime. Ce ne sont guère, aux yeux de l’homme du monde, que des individus isolés, rampant obscurément sur le feuillage des plantes ou parmi les dédales du gazon. En général, on ne voit point au-delà, parce qu’on n'a point appris à voir. Mais quela science, tout-à-coup, soulève devant nous un coin du voile qui nous cache les merveilles de la pature— qu’une collection savamment disposée nous soit ouverte—alors ce sont des peuplades sans nombre, des millions de familles, des mYy- riades d'espèces et d'individus qui apparaissent à la fois à nos yeux dessillés, et la variété de formes et de couleurs qu’ils nous présentent semblerait devoir épuiser toutes les formes et toutes les couleurs que l’infinie fécondité de la puissance du Créateur a semées à profusion sur le globe. Nulle part peut-être cette fécondité ne se montre avec plus de 130 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. charmes et @'éclat: nous découvrons un nouvel univers tout peuplé d'êtres nouveaux pour nous. Telle est, Messieurs, l'impression que votre commission à ressentie à l'aspect de la collection de M. Blutel, sorte de rendez- vous où, des points les plus opposés de notre planète, se sont rencontrés des insectes qui avaient quelques milliards de chances, contre une, de ne; jamais être embrassés d’un seul regard, Et ce n’est ici qu’ une seule des faces, non seulement de l'his- toire naturelle, mais de l'histoire des animaux, mais de la seule histoire des insectes ! Rendons grâces aux investigateurs laborieux qui explorent patiemment, pour nous, l'immense domaine des sciences hu- maines, et qui nous appellent à contempler, réunis, préparés, classés, parés enfin de tout leur éclat, les résultats de leurs longues études. Rendons grâces, en particulier, à notre savant collègue M. Blutel, qui a si bien mérité de la science par la collection qu'il à formée, et de la ville qu'il habite par l'impulsion nou- velle qu'il a donnée à l'étude de l' histoire naturelle. M. Méneau fils, rend compte de l’exposition de peinture de la Société des Amis des Arts de La Rochelle, et du Festival de l'as- sociation musicale de l'Ouest à La Rochelle, et s'exprime ainsi: MESSIEURS, L'art se popularise d’une manière si générale qu'il entre cer- tainement dans l'éducation de la famille au XIX® siècle d'être un peu musicien ou un peu dessinateur, quelquefois l'un et l'autre. Le foyer aujourd'hui fermé à ces belles et nobles jouis- sances intellectuelles est une exception. Ce fait établi explique le succès de l’e te de peinture et des deux grandes journées musicales que La Rochelle a fait concorder avec le Congrès Scientifique tenu cette année dans ses murs. Nous parlerons musique et peinture, parce que la pensée qui à créé ces deux œuvres à La Rochelle est précieuse au même titre pour nos po- pulations éloignées du grand centre lumineux, nous voulons dire Paris. En effet, en France nous avons en Paris, au détriment des provinces, tout le bénéfice de la centralisation, c'est-à-dire le fini dans ce qu'il a de plus humainement parfait. L'Allemagne, au contraire, a le bénéfice inverse, celui de la décentralisation, con- dition forcée de son système politique et de ses délimitations territoriales ; moins de fini, mais des œuvres plus généralisées. Ainsi, à Vienne, à Berlin, à Munich, à Dresde, à Cologne, un peu partout enfin on trouve des maitres en musique et en pein- ture, et c'est d'une grande valeur pour les populations qui peuvent étudier chez elles. En France, où les musées et les SEE Lt : VINGT-TROISIÈME SESSION. 131 “études philharmoniques de province sont rares et d'une grande médiocrité, bien qu'il y ait progrès, les efforts de ce genre doivent être encouragés. Le XX° festival de l’association musicale de l'Ouest avait réuni à La Rochelle ce que les villes associées possèdent de musiciens distingués. Un immenseaudiloire avait répondu à cette invitation. Au point de vue purement artistique, ce festival a offert un in- térêt puissant par l'exécution (la première qui ait été entendue en France) de l’oratorio de Mendelsson intitulé « Élias. » Son étendue n’a permis de donner que la première partie. Nous avons eu le bonheur de voir cette œuvre d’une si grande portée musi- cale comprise par la foule, de même que la symphonie en la de Beethoven, la septième qui fut jouée le second jour. Avoir osé aborder ces deux œuvres magistrales et les avoir réussies comme exécution et comme audition est un heureux progrès. Ainsi donc l'éducation des masses se fait; nous le répétons, l'art se popularise puisque les grands noms des maitres n'ef- fraient plus le vulgaire, puisque leur pensée, même abstraite, vient jusqu’à lui de façon à en être applaudie. La VIe exposition de peinture de la Société des Amis des Arts, tout aussi bien que le XX: festival musical de l'Ouest, nous en a donné une nouvelle preuve. A côté des œuvres de T. Gudin, W. Wyld, Morel Fatio, Louis Garneray, Hippolyte Garneray, Lapito, Paris, Justin Ouvrié, Philippe Rousseau, Chaplin, Plassan se sroupait une charmante réunion de jolis tableaux, dessins et sculptures d'auteurs de Paris, Bordeaux, Nantes, Poitiers, Rochefort, Saintes et La Rochelle, disposés dans les salles à la suite du musée de la ville. La foule qui n’a pas un jour cessé d’encombrer le local de l’ex- position pendant tout le mois de sa durée, prouve combien elle a été suivie avec intérêt ; et nous aimons à constater que les plus humbles conditions, que les classes les plus éloignées de l’in- telligence artistique se sont montrées les plus empressées à vi- siter nos salons de peinture. La campagne n’a point fait défaut, tout au contraire, entrant avant l'heure d'ouverture, et ne se laissant pousser dehors qu'à regret lors de la fermeture, les hommes des champs mettaient une remarquable persistance à envahir les trois salles. On voulait voir; et on voulait aussi renouvellement des surfaces. » Le peu de précaution du cultivateur le ruine et menace sa santé. Dans la saison chaude, au mois d'août surtout, la fer- Y ÿ VV Y Y Fe YO Y Y Y 2 Y YY ds Y YO Y A » Y VINGT-TROISIÈEME SESSION. 219 » mentation, Mal conduite dans des masses d'engrais, dégage » des vapeurs très malfaisantes, qui produisent souvent des fie- » vres intermiltentes et attirent des myriades d'insectes qui tour- » mentent les hommes et les animaux. » Pour faire cesser un pareil état de choses, il faudra bien du » temps sans doute, mais il n’en faut pas moins tout mettre en » œuvre pour détruire les habitudes vicieuses. Dieu, dans son » inépuisable bonté, a mis sous Ja main de l'homme tout ce qui » est nécessaire à son existence ; saèhons donc nous en servir. » Que coûterait-il pour garantir les fumiers du soleil? De » planter quelques arbres ; des müriers dans le Midi, des ormes » ou des peupliers dans les autres contrées. Quand on ne pourra » mieux faire, il faudra placer les fumiers au nord de quelque » bâtiment, où ils seront préservés du soleil pendant les heures » les plus chaudes de la journée. » Le terrain sur lequel on dépose les fumiers doit être imper- » méable, pavé ou glaisé, pour éviter toute filtration. Le plan » pourra en être légèrement incliné, afin de diriger le purin ou » Sur Vers un trou pratiqué exprès pour le recevoir. » Quand il sera impossible de paver ou glaiser le terrain sur » lequel on voudra déposer le fumier, il faudra y transporter des » terres, qui s'imprégneront des liquides et augmenteront Ja » masse des engrais. »Si l’on objectait qu'il est dispendieux de transporter ainsi des » terres, celte raison aurait peu d'importance, car la terre dont » la valeur première serait de 40 à 50 centimes le mètre cube, » vaudra #rois francs au moins lorsqu'elle sortira de dessous » le fumier. » Quoi que l'on fasse, il faut détourner les eaux pluviales qui » seraient dirigées vers les fumiers. Pour eela, on les entoure » d’une saillie en terre glaise, d’un petit mur ou de terre bien » tassée. » Les liquides de la fosse ou purin servent à arroser le fu- » mier lorsque la surface sèche pendant les chaleurs. Quand on » n'a pu faire de fosse, il n’en faut pas moins arroser le fumier » lorsque le besoin s’en fait sentir, pour éviter une trop grande » sécheresse et une fermentation trop chaude et trop active. » Un fumier bien fait doit être assez foulé pour qu'une char- » relte chargée puisse passer dessus, » La hauteur des fumiers peut varier entre un et deux mètres, » ni plus ni moins. On ne doit pas garnir tout l’espace à Ja fois, » mais le diviser en plusieurs parties. Ces divisions seront char- » gées alternativement pour pouvoir être enlevées séparément » et aussi alternativement. » Plusieurs substances ont été conseillées comme donnant plus » de valeur au fumier, en fixant ses éléments volatils. Le plâtre, 220 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. » le sulfate de fer, l'acide sulfurique, étendu de cent fois son » poids d'eau, ont été préconisés. Je conseillerai surtout l'emploi > du plâtre. Ceux qui en emploient s’en trouvent si bien, qu'ils » conseillent de les imiter. » Une plus longue citation serait inutile, Messieurs ; je ne vous dirais que ce que vous savez aussi bien et mieux que moi; je l'ai faite pour obéir à la rigueur du programme et pour démontrer que dans cette question des fumiers de ferme, en apparence si triviale, on trouve la solution d'un des plus grands problèmes qui puissent se résoudre aujourd'hui : la vie à bon marché par la prospérité de l’agriculture. Il est une vérité que nous ne pouvons malheureusement nier ; c’est que l’agriculture n’est pas dans un état normal en France. Chaque année le Gouvernement sacrifie des sommes considé- rables pour favoriser le progrès agricole ; des encouragements sont distribués par toutes les Sociétés, par tous les Comices ; tout est mis en œuvre pour augmenter les produits du sol, et cepen- dant, malgré tous ces louables efforts, nous voyons les céréales atteindre fréquemment des prix aussi désastreux pour la prospé- rité nationale qu'inquiétants pour la tranquillité publique. Il faut bien conclure de là que l'harmonie n'existe plus entre la consommation et la production. Chercher à établir cet équilibre et même donner à la production la supériorité qu'elle doit avoir, voilà toute la question. Beaucoup de moyens ont été proposés pour atteindre ce but : mais on à négligé le plus important, le seul qui soit capable d'augmenter le rendement des terres : l’amélioration des fu- miers de ferme. Permettez-moi de faire passer quelques chiffres sous vos yeux ; ils vous démontreront ce que l’on pourrait obte- nir en excitant l'émulation chez les cultivateurs par quelques primes convenablement distribuées, et par un enseignement pra- tique que le Gouvernement peut répandre dans toutes les com- munes de France. Prenons pour exemple le département de la Charente-Infé- rieure, dans lequel cent mille hectares de terre sont annuelle- ment ensemencés en froment. Dans les années ordinaires, la moyenne du rendement n'y dé- passe pas huit hectolitres cinquante par hectare. Les arrondisse- ments de Marennes, Saintes et Rochefort donnent davantage ; ceux de La Rochelle, Jonzac et Saint-Jean-d’Angély produisent même moins. En prélevant les deux hectolitres de semence par hectare, il reste six hectolitres cinquante de produit net. Si nous adoptons ce rendement comme moyenne de toute la France, et nous pouvons le faire, puisque notre département tient le milieu entre les plus et les moins fertiles, nous aurons, pour les dix millions d'hectares qui sont annuellement ensemencés en froment, un total de soixante-cinq millions d'hectolitres, ou en- RÉ S VINGT-TROISIEME SESSION. 221 viron sept millions d'hectolitres de moins que la consommation, qui est de soixante-douze millions d’hectolitres. Ce déficit, qui ne serait rien si nous avions un approvisionne- ment normal, jette une grande perturbation dans le commerce des grains chaque fois qu'il se présente, par la raison toute sim- ple, que l'approvisionnement est souvent fictif chez nous. Aussi avons-nous souvent recours à des blés étrangers, ce qui amène une élévation d'autant plus rapide des prix, que la loi sous la- quelle nous vivons semble avoir été faite uniquement pour les propriétaires. On se demande à l'étranger, eten Angleterre surtout, comment il se fait qu’un pays ayant quarante-six millions d'hectares de terres labourables, pour trente-six millions d'habitants, en soit réduit à aller chercher du froment à l'extérieur et à voir les cé- réales doubler de prix dès que les récoltes deviennent médiocres. Pour répondre à cette question, il suffit de visiter nos campa- gnes et de voir ce que devient le fumier de ferme entre les mains des cultivateurs. Admettons, en restant au-dessous de toutes les expériences faites par les ‘culivateurs eux-mêmes, qu'avec un fumier bien fait on obtienne, dans les années les plus médiocres, un rende- ment de douze hectolitres par hectare, en prélevant les deux hec- tolitres de semence, nous arrivons à cent dix millions d’hectoli- tres pour toute la France, avec dix à onze millions d'hectares ensemencés, et c’est le moins qui puisse en être fait. Nous pour- rions donc, dans les plus pauvres années, exporter des céréales au lieu d’en acheter de mauvaise qualité en Espagne, en Russie et aux Etats-Unis. Deux exemples, pris sur deux sols différents, vous mettront à même, Messieurs, de juger de la valeur de mon raisonnement, et, en agriculture, il faut toujours appuyer la théorie par des faits pratiques : Dans la commune de Lussant, sur un sol calcaire peu profond, mais assez bon, deux cultivateurs voisins ont obtenu : l'un sept hectolitres et demi par hectare, et l’autre douze, même sol, même culture ; mais chez l'un le fumier est placé, par hasard, au nord d’une maison, où il est abrité du soleil; ce fumier est ga- ranti, par sa position, des eaux pluviales courantes : il ne recoit que l’eau du ciel.—Chez l’autre, le fumier est placé au milieu de la cour ; toute l’eau qui provient, pendant les pluies, des vastes bâtiments d'exploitation qui l'entourent, le traversent continuel- lement pour se rendre au ruisseau; aussi la terre fumée avec ce dernier n’a-t-elle donné que sept hecto. , Cinq par hectare, quatre hecto. et demi de moins que la terre engraissée avec le premier. Dans la commune de Saint-Savinien, sur un sol argilo- -Sili- cieux de médiocre qualité, du fumier bien préparé m'a donné, cette année, treize hectolitres de froment par hectare. 222 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Vous le voyez, Messieurs, la base de l'agriculture, c'est l'en- grais, — et de tous les engrais, le fumier de ferme est celui qui convient le mieux à tous les sols, à à toutes les cultures. Pour donner plus de poids à cette affirmation, permettez-moi, en terminant, de vous citer l'exemple d'ün riche propriétaire de l'arrondissement de Rochefort qui, par des soins intelligents donnés à ses fumiers et par un bon assolement, est arrivé à faire produire, depuis quelques années, de 24 à 30 hectolitres de froment par hectare à ses terres qui, quand elles étaient affer- mées, n'en donnaient que trois et quatre, cinq dans les années d'abondance. Voilà, Messieurs, un résultat qui ne permet pas de discussion. On en trouve de semblables dans chaque canton, ef pourtant les fumiers sont toujours traités comme si on avait l'intention de leur enlever tout ce qui constitue leur puissance fertilisante, et les Sociétés d'agricullure, les Comices, dans nos contrées du moins, n'ont pas encore voulu rechercher , pour les récompenser chaque année, les rares cultivateurs qui donnent de pareils exemples. Aussi, c'est au nom des classes qui ont dû s'imposer tant de privations depuis deux ans, par suite de l’exagération du prix des céréales, que je sollicite le Congrès d'appuyer les moyens que je propose pour familiariser les cullivateurs avec les bonnes méthodes mises en pratique pour la bonification des fumiers de ferme. Lorsqu'ils seront préparés en France avec autant de per- fection qu’ils le sont en Belgique et en Angleterre, nous ne serons plus les tributaires de l'étranger, et nos blés pourront soutenir la concurrence sur tous les grands marchés d’approvisionne- ment. Pour suppléer aux connaissances théoriques qui manquent à nos Cultivateurs et développer chez eux une certaine émulation capable de combattre leur indifférence naturelle, le Gouverne- ment pourrait charger tout instituteur communal de faire chez lai, chaque premier dimanche du mois, un exposé des règles qui doivent servir de guide pour la bonne confection des fumiers de ferme, et dans tous les cantons il serait distribué, annuelle- ment, pendant dix ans, trois primes de cent francs à ceux des cultivateurs qui sauraient le mieux mettre à profit les enseigne- ments qui leur seraient donnés. Cette petite question des fumiers de ferme, si elle était bien résolue, trancherait la grave question des céréales qui, presque périodiquement, domine et trouble le grand problème de la cir- culation et du crédit. Des faits récents prouvent mieux que ne Pont fait les théoriciens comment toutes les questions de l’écono- mie sociale se lient entre elles; nous venons de voir que la crainte de Ja disetie ayant amené la suspension provisoire des tarifs douaniers sur les céréales et les bestiaux ; le capital monétaire à éprouvé une diminution si sensible, que HR Banque de France VINGT-TROISIEME SESSION. 293 s’est vuc forcée de prendre des mesures restrictives qui ont sin- sulièrement compromis le petit commerce. C’est donc un devoir pour tous, même en retombant dans des redites et des lieux communs, que de traiter encore des ques- tions tant de fois plus habilement étudiées, et de rappeler bien haut les améliorations qui, à elles seules, peuvent augmenter la production des céréales dans le pays ; c’est ce devoir que je suis venu remplir aujourd'hui, Messieurs, avec l'espérance que mes propositions, appuyées par le haut patronage du Congrès, feront faire un pas à un problème qu'il faut regarder comme le plus grave de l’actualité. Quels rapports et quelle différence y a-t-il entre la fièvre typhoïide et le typhus ? par M. Paul GARREAU, médecin principal des hôpitaux militaires. Telle est la question que je.rencontre en tête du programme de la section de médecine du Congrès Scientifique de France, pour l’année 4856 ; j'essaierai d’en donner la solution. — Cette question, toute contemporaine (elle date de vingt ans), est loin de présenter les difficultés dont elle était entourée au moment où elle parut pour la première fois devant l’Académie de méde- cine. Outre que, depuis cette époque, l'esprit de la science a fait un pas et qu’on est enfin sorti de l'organisme excessif qui, en- tre autres mobiles, poussait l’Académie à couronner le mémoire de M. Gaulthier de Claubry, concluant à l'identité de la fièvre typhoïde et du typhus ; outre, dis-je, ce progrès doctrinal, favo- rable à une solution impartiale du problème, il y a le progrès positif dû à l'observation clinique, à l’autopsie, aux recherches d'étiologie, d’un mot, à l'analyse. — Cellé-ci était en train d’ac- complir lentement son œuvre, malgré la pénurie des matériaux, isolement des observateurs, et de donner ainsi de mieux en mieux raison à Montault encouragé, contre Gaulthier de Clau- bry couronné, lorsqu'un vaste champ d'exploration s’ouvrit de- vant elle. Ce n'était plus d’un typhus carcérère, d’une maladie acciden- telle, circonscrite, de bagne ou de ponton qu'il s'agissait, c’élait de la peste de querre de Hildenbrand, du typhus des grandes armées qu'on n’étouffe pas, en quelques jours, sous un effort de l'hygiène, comme celui d’une prison. — L'extension, la du- rée, l'intensité, la tenacité de la fièvre typhique de notre armée d'Orient, sa diversité même sur un théatre fort étendu, sous des climats différents, devaient fournir, non plus à des observateurs surpris et épars, mais à tout un corps médical préparé et savam- ment contrôlé, des éléments nombreux et concluants. —Que ces dernières considérations me justifient du titre particulier sous LA A 224 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. lequel j'entreprends d’improviser plutôt que de traiter, pour le Congrès, une question générale ; ce n’est point un titre de con- venance personnelle, mais bien d'utilité réelle, j'oserai même dire, d'heureuse opportunité. J'ai eu, en effet, le triste privilège de lutter, médicalement parlant, à plusieurs reprises, contre le typhus, pendant l’espace de deux années. Médecin chef d’un établissement de 4,400 lits, à Ramitchiflick, en 1855, j'y ai vu commencer, grandir et dé- croître cette redoutable fièvre, qui nous arrivait de Crimée, ac- compagnée du scorbut de terre : elle ne faisait pourtant encore que s’essayer. Je l'ai suivie à l'hôpital de l'Ecole militaire, aux ambulances de Maslak; et enfin, chargé de la direction du grand hôpital de Daoud-Pacha (1856), je m'y suis trouvé de re- chef en présence du fléau ; mais, cette fois, il avait acquis toute sa fatale énergie.—Je sais, par informations très précises et mul- tipliées, comment le typhus est né dans les ambulances et dans les camps ; sous l'influence de quelles causes, éloignées ou pro- chaines, il s’est formé et a pris vigueur ; comment il s’est com- porté de tout point et multiplié ; devant quels moyens il a reculé, peu à peu, non sans quelques retours offensifs. C’est là l’histoire que je me propose de raconter, en y rattachant la question du Congrès. On demande: Quels sont les rapports et les différences de la fièvre typhoïde et du typhus? Certes, à l'é- gard des rapports, ma tache n’est pas difficile, car ce sont préci- sément eux, nombreux, frappants, saisissants, très connus, sou- vent décrits, qui établissent la difficulté de distinguer. Le vrai desideratum git dans les différences. Mais d’abord, y en a-t-il ? et, dans le cas de l’affirmative, sont-elles seulement générales, parfaites pour la science, imparfaites pour l’art? ou bien existe-t- il de ces traits pathognomoniques qui satisfont à la fois la science et la pratique? voilà ce que je vais demander à l'observation. Pour que celle-ci soitcomplète, il m'importe d'étudier, en Orient, et de comparer entre elles les trois catégories suivantes : 4.0 Jes lièvres typhoïdes proprement dites; 2.0 les typhus ; 3.° les états typhoïdes ou typhiques. Ce sont là précisément les objets que je réunis sous le titre de maladies thyphoïdes de l'armée d'Orient. Éelaircissement d'une difficulté qui se présente fréquemment dans les sciences naturelles s & en médecine plus que partout ailleurs. Je remarque qu'il en est des espèces médicales comme des au- tres espèces naturelles ; certaines, bien que distinctes par l’es- sence, n'en ont pas moins entre elles des rapports extérieurs as- sez nombreux pour qu’on puisse les confondre. Siun observateur systématique ou mal avisé néglige d'étudier très attentivement leurs différences, il court le risque de tomber dans de fâcheuses confusions. — T1 y a plus, ces analogues ont leurs variétés, leurs VINGT-TROISIÈME SESSION. 225 nuances ; or, ils se rapprochent tellement par elles de plus en plus d'un point commun, que l’on pourrait croire, en vérité, que les espèces passent les ‘unes aux autres par gradation. Celui qui, par un motif quelconque, attache trop d'attention à ce groupe de ressemblances insidieuses, prend souvent pour réelle une transition imaginaire et nie la ‘dualité. — Mais à côté des maladies dont je parle, qu'il faut comparer et classer, il y a l'or- dre des maladies mixtes, manifestation de plusieurs éléments morbides mêlés ou mieux entrelacés sur le même être, sur le même tronc, et qu'il s'agit de débrouiller. N’apercevez-vous pas là, outre la difficulté clinique, un écueil si redoutable pour la clas- sification, que la méthode la plus sévère peut seule nous le faire éviter? — Ajoutons à ces motifs de confusion les exceptions, les anomalies que l’on rencontre en médecine plus que partout ail- leurs, et nous comprendrons comment on arrive à aflirmer une identité qui n'existe pas. Qu’'ordonne la méthode? de se placer, pour ainsi dire, en pleine espèce, en plein type (qu'on me passe l'expression), lors- que l’on veut former des distinctions générales, scientifiques ; de considérer chaque chose spécifique dans son ‘ensemble, Sans négliger les traits pathognomoniques, s’il en est, et enfin, d'exer- cer ra comparaison de ce-point de vue. Sans cela, il n’y a plus de classification; le scepticisme ou l’esprit de système, à l’aide des faits ambious, des formes indécises, des exceptions, des appa- rences de tr ansition, vous prouveront de la même manière l’iden- tité du chienret du loup, de la fièvre typhoïde et du typhus. — M. Gaulthier de Claubry n'eut point d'autre procédé. Des causes du typhus de l’armée d'Orient. Nous avons subi, pendant nos deux années de guerre, deux grandes épidémies de typhus ; celle de 4855, qui commence vers le milieu de février et finit avec le mois de juillet : celle de 1856, qui débute avec le mois de février, atteint son maximum en mars et avril, décroît en mai, et ne finit qu'avec la campagne. Mais, en vérité, ces deux épidémies sont liées l’une à l’autre; la pre- mière prépare la seconde, lui fait, pour ainsi dire, son lit, se rat- tache à elle par des cas épars, légers ou graves, n'ayant qu’une puissance modérée de propagation. En sorte qu’on a pu consi- dérer l’état sanitaire de l’armée comme convenable, pendant l es- pace de temps qui s’est écoulé depuis le 4% juillet 1855 jusqu’au 31 janvier 14856. Quoi qu'il en soit, au commencement de la campagne l'armée était composée de régiments d'Afrique et d'un grand nombre de jeunes soldats venus des dépôts de France. Les uns avaient payé leur tribut aux maladies des camps, mais non sans rapporter de l'Algérie diverses prédispositions morbides, surtout une tendance prononcée aux fièvres de marais ; les autres, eXercés à la hâte, 226 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. entraient en guerre, à huit cents lieues de leur pays, dans les mauvaises conditions physiques et morales de jeunes gens qui sortent de leur village, et cela dans une contrée traditionnelle- ment redoutable aux armées de l'Occident. — A peine les cam- pements furent-ils établis à Gallipoli, à Varna, que le choléra y lit explosion et sévit sur les alliés avec une intensité crue Ile; Ja diarrhée, la dyssenterie, les fièvres graves vinrent en aide au fléau. Nos vi ieilles troupes elles- mêmes furent décimées ; les cons- crits tombèrent en très grand nombre ; ceux qui eurent le bon- heur de résister, vétérants ou jeunes soldats, n’emportèrent pas moins de Gallipoli, de Varna, de la Dobrutja, des germes de ma- ladie et de mort. Les affections or ganiques, les cachexies, paten- tes ou secrètes marquaient d'avance, dans nos rangs, des vides certains lorsque commença la grande épopée de Sébastopol. Mais bientot les lenteurs et les fatigues d’un siège immense, le froid humide et persévérant d'un rude hiver, sous la tente ou dans la tranchée, la boue ou la neige jusqu'à mi-jambe pendant de longues nuits : les grandes gardes, les alertes continuelles, la privation de sommeil, le trop-plein des tentes, puis des ambu- lances, la paresse du soldat relativement aux soins de sa per- sonne, à l'hygiène de sa demeure ou des alentours ; l'infection inévitable d’un camp permanent, les émotions tristes, la vue de la mort, le désir du pays, la nourriture insuflisante, sèche, salée, tout ce qui, à la longue, affecte profondément la crâse du sang et la nutrition, porte atteinte aux sources mêmes de la vie; tou- tes ces causes, dis-je, et d’autres dont je ne donnerais qu'une idée incomplète, menacèrent bientôt d'encombrement nos établis- sements hospitaliers. — Les gens du monde ne soupconnent pas les vrais dangers de la guerre; on les rencontre moins dans le choc des armées, toujours passager, que dans le combat conti- nuel qu “elles livrent aux éléments, aux fatigues, aux privations. Aussi, le général habile et avisé est-il celui qui atteint prompte- ment son but, même au prix d'une moisson sanglante. C'est done en février 1855 que le typhus se déclara, sous l’in- fluence complexe de ces causes. Les évacuations de la Crimée nous arrivaient Coup Sur coup dans les hôpitaux de Constantino- ple ; le chiffre des entrées dépassait toutes les prévisions. Aussi, pour nous donner de l’espace, nous espérions nous-même des évacuations incessantes de malades sur les hôpitaux de seconde ligne et sur la France. Chaque fournée ‘qu’on me pardonne l’ex- pression) laissait dans nos établissements son tribut d'infection et son résidu d'incurables. Les diarrhées, les congélations, les scorbuts, les dyssenteries adynamiques, les fièvres d'accès, des fièvres rémittentes, souvenirs d'Afrique et de Varna, quelques choléra, des typhoïdes, des formes ou états typhoïdes et typhi- ques, des maladies complexes, des mirtes de la pire espèce, an- noncaient le typhus dès les premiers jours de février et faisaient be. VINGT-TROISIEME SESSION. 227 déjà les frais de ce fonds d'hôpital que Cabanis appelle, à bon droit, le désespoir de l’homme sensible et du médecin. Le typhus parut, timide et méconnu dans le principe. Où est- il né? en Crimée où à Constantinople ? Partout en même temps, je ne saurais en douter. Les mêmes causes produisent les mê- mes effets : la misère et l'encombrement agissaient en Crimée ; l'encombrement et l'infection, en dépit des efforts de tous, agis- saient à Constantinople ; le tvphus nous arrivait donc des camps et se formait aussi spontanément dans nos services comme la pourriture d'hôpital, ce typhus des plaies, selon la juste et heu- reuse expression de M.Baudans.—Les hommes n'y éfaient-ils pas d'autant plus prédisposés qu'ils avaient vécu plus longtemps à l'air libre? On n’a pas assez temarqué le danger qu'il y à de pas- ser subitement de la vie active et libre, de la vie en plein air, au repos de l'hôpital, dans un air confiné et souvent méphitique.— Je ne suivrai point ici notre typhus nosocomial dans ses progrès et son déclin, n'ayant à m'occuper, pour le moment, que de la question des causes. Je remarque seulement que pendant cette première épidémie la propagation, par voie de contagion immé- diate ou médiate, s'est montrée peu active : mais il faut traiter à part de ce point d’étiologie. La seconde épreuve, celle de 1856, fut bien plus cruelle ; l’hi- ver encore la prépara. L'armée était victorieuse sans doute et li- bre du travail des tranchées, des combats incessants, mais elle atteignait le chiffre énorme de cent quarante mille hommes ; mais elle était fatiguée ou jeune, scorbutique, plus ou moins, ou non acclimalée, accumulée sur un plateau étroit, relativement, et très froid, avec un quart de son effectif devant l'ennemi, dans la plaine marécageuse de la Tchernaïa ; mais là, comme du côté de Baïdar, elle recevait difficilémeént l'alimentation, la nourriture fraiche, et manquait enfin d'abris suffisants, d'ambulances spa- cieuses. — C’est ainsi que, sur une terre qui n'avait recouvert que trop de cadavres, nos soldats attendirent avec une résignation admirable le retour du printemps, au milieu de ces immondices d’armées campées qui donnaient tant de soucis à César, dans sa guerre des Gaules.—Aussi le scorbut s'accrut-il singulièrement ; le typhus le suivit de près. Presque tous les grands typhus ont été précédés du scorbut; la fièvre de réaction de cette cachexie, la lièvre scorbutique, ne serait-elle point une des causes génératri- ces de la fièvre typhique? Quelques auteurs l’ont insinué ; je me contente de poser la question. Ajoutez à ces circonstances une fatalité, la perte désastreuse d’une portion considérable de nos grands troupeaux, frappés par le typhus épidémique, et vous comprendrez les souffrances, les pertes inévitables de l’armée d'Orient pendant l'hiver de 1856. Ni les sacrifices vraiment maternels de la patrie, ni l'œil et le cœur du chef de PEtat, ni l'activité éclairée de l'administration 228 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. . A 0 . 14 . ne pouvaient arreter les effets de pareils éléments de destruction. — On se demande pourquoi l’armée anglaise, décimée par l'épi- démie en 4855, à à peine connu le typhus en 4856 ; et pourquoi l'armée sarde en a si peu souffert? Il n’y aurait rien de bien sur- prenant, d'abord, à ce qu'on ne pût pas traiter cent quarante mille hommes comme on traite vingt-cinq mille ou dix mille sol- dats. J'abandonne cependant cette considération; il en est une d'un caractère beaucoup plus décisif; elle est fort peu connue ; je vais l’invoquer : — Les Anglais (hiver de 4856) n’ont pas cessé d'occuper Balaklava et les plateaux situés au bout de leurs che- mins de fer; là, leur petite armée, parfaitement abritée par des baraques spacieuses et bien chauffées, servie, du reste, par une armée de domestiques (sie), n'a manqué ni de repos, ni de calo- rique, ni de conserves, ni de viande, ni de légumes frais ; le tout recu de tous les points, à tous les prix possibles : or, il n'y à pas de trésor public au monde qui puisse entretenir une grande armée sur un pareil pied. — Les Sardes occupaient des pentes sèches, excellentes, en seconde ligne aussi.— Pendant ce temps, loin des points d'approvisionnements, je le répète, quarante mille Français campaient sur des vallées mouillées, faisant face à l’en- nemi, les pieds dans la boue ou la neige, n'ayant d'autre toit que la tente, et fournissant, chaque nuit, de grandes gardes, par bataillons, pour éviter une surprise pareille à celle d'Inkermann. Comment donc s'étonner des différences que l’on remarque en- tre l'état sanitaire des alliés, durant les six derniers mois de leur séjour en Crimée ? Lorsqu'une grande épidémie se développe dans de pareilles conditions, l'encombrement des ambulances et des hôpitaux en est inévitablement la suite, sur quelque pied qu’on les organise. Mais si le typhus produit l'accumulation, celle-ci engendre le typhus, cercle fatal qu'il est bien difficile de rompre. Les incon- vénients du premier hiver se retrouvent donc en 1856, mais con- sidérablement accrus. Aussi la propagation par voie de conta- gion, dont je vais à l'instant m'occuper, devint-elle active, cruelle. Et cependant nous nous rendions maîtres de la situation dès les premiers jours du mois de mai; des camps entiers, formés de baraques, furent transformés en hôpitaux autour de Constanti- nople ; on nous donna de l’espace, de l'air, de la lumière, des vins toniques et excitants, des oranges à profusion, des légumes frais : c'était nous assurer la victoire sur notre invisible ennemi. — Que ces faits me servent à établir mes premiers motifs de dis- tinction entre la fièvre typhoïde et le typhus. La fièvre typhoïde naît spontanément sans eause connue ; il n’en est pas de même du typhus. N'est-il pas certain, écrivais-je il y a quelques mois, sur la . Gazette médicale de Paris, que dans les meilleures conditions VINGT-TROISIEME SESSION. 229 possibles de l'hygiène, au milieu des bénéfices de la meilleure santé, des ressources de la meilleure existence, on voit la fièvre typhoïde comme la variole, la rougeole, la scarlatine, naître, se développer, suivre ses périodes avec une bénignité ou une mali- gnité qui ne s'expliquent pas? — La pratique de chaque jour se joint aux nombreuses observations des auteurs pour constater cette vérité. J'ajoute qu'on remarque aussi bien le fait dans l’or- dre sporadique que dans l'ordre épidémique. Les partisans les plus déclarés de la propagation de la fièvre typhoïde par voie de contagion. immédiate ou médiate, admettent, tel que je viens de le définir, le développement spontané de cette maladie. Cette donnée m'a conduit, depuis quinze ans que je m’attache à l'étude des fièvres, à réunir, tant à l’aide des recueils d'observation que d'une clinique attentive, les cas nombreux qui m'ont paru res- sortir évidemment de l’étiologie en question (éclosion sponta- née). Or, je ne crains pas d'affirmer qu'ils portent presque ex- clusivement le cachet du type pur ts typhoïide, par opposi- tion au type fièvre typhique (typhus), beaucoup moins formé, moins #n, moins semblable à lui-même que le premier, comme nous le verrons. Quiconque voudra refaire ce travail avec pa- tience confirmera le résultat que j'ai obtenu. Il n’est pas très dif- ficile, soit dans les livres, soit au lit du malade, de noter les cas dans lesquels l'encombrement, l'infection, la misère, le contage n'interviennent pas, ne peuvent pas intervenir. D'un autre côté, point capital, le typhus ne naît jamais sans l'intervention de plusieurs ou d’une au moins de ces conditions. Un dépouillement rigoureux des observations de la science m'a garanti pleinement cette vérité. Mais, comme les éléments qui donnent lieu d'ordinaire à l’éclosion du typhus favorisent singu- lièrement, à titre de cause occasionnelle, l’éclosion des fièvres typhoïdes, la séparation des deux espèces dans cet ordre de cho- ses, peut faire difficulté. C’est sur ce terrain neutre, semé de for- mes confuses, mixtes, hybrides que les défenseurs de l'identité embrouillent la question. Je n’en maintiens que plus fortement, au nom de faits considérables, dépouillés avec soin, le principe qui fait le titre de ce paragraphe, savoir : que tandis que la cause de la fièvre typhoïde bien souvent n’est pas assignable, celle du typhus l’est essentiellement, l’est toujours. La fièvre typhoïde peut éclore € se propager par voie de contagion immédiate ou médiate, mais exceptionnellement © dans de certaines eir- constances déterminées; le typhus au contraire est contagieux de sa nature, plus ou moins. Le premier point, relatif à la contagion des typhoïdes, a été di- versement résolu par les auteurs; or, ces opinions contraires, émanées d’autorités également compétentes, m'ont poussé à un 230 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. examen minulieux de la question. Irésulte clairement pour moi de l'analyse des livres, des journaux, des discussions académi- ques et de mes autres cliniques, que tout ie monde a raison, que la fièvre typhoïde n'est pas contagieuse et qu'elle l'est; qu'elle ne l’est pas en général, qu'elle peut le devenir dans de certaines circonstances, ef que ces circonstances sont précisément celles qui donnent lieu quelquefois à la formation du vrai typhus ; que si les fièvres typhoïdes non contagieuses naissent générale- ment ou de préférence dans des conditions hygiéniques, bonnes ou passables, el sont particulièrement aptes à spécifier leur es- pè ce, à en fournir le type abstrait; les fièvres typhoïdes conta- gieuses, au contraire, se forment dans de mauvaises conditions d'hygiène, el s'éloignent plus ou moins du type pur de la fièvre typhoïde. — J'insiste et je dis : que soit dans les villes, soit dans les campagnes, soit dans les hôpitaux, partout où règne la fièvre typhoïde de nature contagieuse, l'encombrement où la misère ont déjà régné. J'ajoute que les fièvres de cette sorte, en s'éloi- onant de l exemplaire typique de leur espèce, affectent plus où moins les allures du typhus. Sans doute, une fois le principe du contage engendré, it peut se répandre, même au milieu des con- ditions d'une hygiène convenable, mais il ne se forme point, en- core un Coup, sans misères, sans privations, sans causes assi- gnables analogues à celles du typhus. Est-il donc surprenant qu'entre les deux espèces il y ait, de la sorte, des formes indéci- ses, des apparences de transition? Est-ce faire preuve de clair- voyance et d'esprit pratique que de se placer sur ce terrain pour défendre la cause de l'identité? je ne le suppose pas. Ouvrez maintenant l'histoire des typhus et vous constaterez que le point d'étiologie est nvariablement celui de notre typhus d'Orient. D'où cette conclusion : de même que le typhus à né- cessairement pour principe l'encombrement et la misère, de même il a essentiellement la misère, l'encombrement, plus le contage, pour moyen de propagation. Sans doute il y a du plus ou du moins dans la puissance de dre du mai; les pré- cautions de l'hygiène lui font obstacle et, peu à peu, la détrui- sent; mais ce bénéfice de nature ne contredit point le principe de contagion essentielle du tyYphus, que j'oppose à la contagion accidentelle de la fièvre typhoiïde. Je complète ma thèse en remarquant que plus le typhus est contagieux, plus il est apte à spécifier son espèce, à en repré- senter le type pur. Ce ne sont pas là des rapprochements théori- ques ; j'ose dire que mes remarques découlent des faits mêmes, particulièrement des faits que l'épidémie de 1855 permet de comparer à ceux de 1856. Ces raisons combattent directement l'hypothèse d'un miasme unique, produisant, selon les circons- tances, tantôt la fièvre typhoïde, tantôt le typhus. Vainement prétendrait-on que nul n’a le droit d'affirmer l'absence, la non- DE RE MP UT AUS wi. VINGT-TROISIEME SESSION. 231 intervention de ce miasme spécifique, même lorsque la fièvre typhoïde se présente dans les conditions d’une hygiène parfaite. Je réplique que rien n'autorise à l'admetire, dans de pareilles conditions, et que l’analogie conseille de le supposer absent. Mais si l'existence des types purs de fièvre typhoide, existence relative ordinairement à certaines causes indéterminces ; mais si, au contraire, l’existence des types purs de typhus, relative ordinairement à certaines causes parfaitement déterminées ; mais si enfin l’organisation du contage, relative elle-même à des circonstances connues, fixées par la science, se réunissent pour former argument, — il est clair que c'en est fait de la doc- trine de l'identité des espèces fièvre typhoïde et typhus. De la contagion da typiaus. Il m'importe de donner quelques éclaircissements sur la con- lagion du typhus, niée, comme toute contagion des fièvres, même par de bons esprits ; niée, dis-je, ou dénommée autrement qu'il ne convient. J’ose croire qu'à cet égard l'expérience des méde- cins de l’armée d'Orient ne laisse guère à désirer. Qu’entend-on généralement par contagion ?—Dupuytren avait * dit devant l’Académie des Sciences : « Les émanalions dont l'air est chargé agissent sur l’homme à la manière des gaz délétères.» Cela est juste et personne ne le niera. Mais l’illustre médecin ajoute : « Ce n'est pas ainsi que les choses se passent dans la contagion. Iei, la maladie, une fois produite, n’a pas besoin, pour se propager, de l'intervention des causes qui lui ont donné naissance ; elle se reproduit, en quelque sorte, par elle- même, et indépendamment {du moins jusqu’à un certain point) des conditions atmosphériques. Il se développe, au dedans de chaque malade, une espèce de germe, de vrus, ou bien il se forme autour de lui une atmosphère chargée du principe de la maladie, et, par l'intermédiaire de ce germe, de ce principe, de ce virus, le mal peut se transmettre à d’autres individus. » (Communicat. à l’'Acad. des Scien.) — I ne manque à la définition de Dupuytren, souvent attaquée, que la considération si vraie, si philosophique, si médicale, de la prédisposition morbide, qui rend compte des immunités.— Quoi qu'il en soit, cette définition excellente est fondée en analogie comme en fait : je le prouve: 4.0—Elle est fondée en analogie.—Un atome de virus vario- lique, introduit sous l’épiderme, peut produire, produit souvent une petite vérole.Ce qui signifie que, commeun ferment, il parait envahir le corps tout entier, de proche en proche, qu’il l'envahit réellement d'une facon quelconque, et donne lieu à une maladie générale, à ce qu'on nomme une fièvre. Le virus n’agit-il pas ainsi sur un certain nombre des individus soumis à l’inoculation ? Ne refuse-t-il pas, au contraire, d'agir ainsi sur d’autres, sur les 232 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. vaccinés en général? D'où il résulte que la communicabilité du virus peut n'être plus communicable, et qu'il est de néces- sité de compléter la définition de Dupuytren par la considéra- tion de la prédisposition. — Or, si un atome tangible, visible, perçu, émané d’un corps vivant, peut produire de pareils phéno- mènes, lorsqu'on l'introduit sous l’épiderme, pourquoi d’autres atomes invisibles, plus subtils, émanés, eux aussi, des corps vivants attachés à leur surface ou formant atmosphère autour d'eux; pourquoi des miasmes, des virus volatilisés, pour ainsi dire, ne s’introduiraient-ils pas par différentes voies, par l'or- gane respiratoire surtout, par toutes les surfaces absorbantes dans les corps sains, et ne produiraient-ils pas des phénomènes d'une nature analogue à celle qui résulte de l'inoculation du vi- rus variolique? — Pourquoi, même à très petite dose, n’engen- dreraient-ils pas, eux aussi, selon leur spécificité, une fièvre, une maladie générale, la rougeole ou le typhus? — Quoi de plus naturel que de le supposer, que de le croire jusqu'à preuve -du contraire, même avant le contrôle des faits, sur le témoignage si saisissant de l’analogie ? — Et de même que le vacciné, en général, perd son aptitude à contracter la variole ; pourquoi un ou plusieurs individus, en vertu de quelque circonstance con- nue ou inconnue, analogue à celle du vaccin, ne perdraient-ils pas leur aptitude à contracter le typhus ou toute autre affection de cette sorte? L'homme qui l’a subi est-il aussi apte à le con- tracter que celui qui ne l’a jamais eu ? non : donc les mots de prédispositions, d'immunités répondent à des faits réels que fournit l'expérience. 2.0 — Elle est fondée en fait. — La comparaison des {yphus de 1855 et de 4856 est de nature à répandre beaucoup de jour sur le problème de la contagion. Les premiers cas de typhus que j'observai, en 1855, à Ramitchiflick, frappèrent des hommes ve- nus de Crimée, et cela précisément dans l’une de nos meilleures salles. La maladie fit des progrès dans l'hôpital ; mais (tant il est vrai que le typhus dépend de causes complexes et que l’en- combrement n’a qu'une part à prendre dans sa production) celui de Ramitchiflick, en 4855, malgré l'encombrement considérable que les grands travaux du siège produisirent à Constantinople, fut, relativement, fort modéré. Les convalescents de maladies diverses, les infirmiers, les sœurs de charité, les médecins ne souffrirent que médiocrement de la présence du typhus dans nos salles. — Pourquoi ce typhus timide? Pourquoi semblait-il, en quelque sorte s’essayer? Pourquoi, en 1856, dans des conditions identiques en apparence, avec les mêmes misères, les mêmes privalions, les mêmes transports de mer, les mêmes accumula- tions prendra-t-il une allure tout autrement redoutable? Je ne veux rien préjuger d'une manière absolue, mais je constate que ce qui ne change pas ici, que ce qui n’a pas varié, c'est l'état VINGT-TROISIEME SESSION. 233 des mauvaises conditions; que ce qui change, que ce qui à changé très probablement, c’est la qualité, c’est la propriété du miasme, c'est son'activité, sa malignité. — Déjà, en 1855, nous avions constaté : 4.° que l'introduction d'un ou deux typhi- ques dans une salle était suivie du développement d’un certain nombre de cas de typhus sur les malades ou les infirmiers ; 2.0 que les nouveaux cas se manifestaient de préférence dans les lits contigus à ceux des typhiques, ou sur les infirmiers chargés de leur donner des soins; mais l’expérience, suflisante pour la plupart d’entre nous, avait besoin d'etre confirmée : ee ne le fut que trop en 1856. Dès que le typhus apparaît, à cette époque, l’état sanitaire de la ville de Constantinople, restant du reste excellent, il envahit à Ja fois tous les hôpitaux. — A Daoud-Pacha, les premiers cas nous trouvérent très libres de nos mouvements et dans d'assez bonnes conditions hygiéniques. Mais ces cas avaient une telle puissance de nuire que, dans les corridors-salles, spacieux, aérés, où ils furent d’abord placés, la multiplication de l'espèce devint très rapide et n’épargna ni les malades, ni les infirmiers, ni les sœurs, ni les médecins. Bientôt un encombrement inévi- table accrut le mal dans de funestes proportions ; le typhus avait, par sa multiplication sur place, amené l'encombrement; l’en- combrement, à son tour, favorisait la propagation : cercle fatal ! Mais cette fois les exemples très nombreux d’explosions par sé- ries de lits, de propagation très rapide, dans une salle nouvelle où la nécessité nous forcait d'introduire un typhique, ne pou- vaient nous laisser le moindre doute sur les différents modes de multiplication du mal, savoir : 4.2 par influence générale, pour ainsi dire, du milieu contaminé ; 2.° par influence spéciale ou contagion proprement dite.— S'il est vrai, {or ce fait est Cons- taté par les observateurs les plus sérieux des armées alliées |, s’il est vrai, dis-je, que le danger de respirer dans une salle de typhiques étant reconnu, celui de découvrir un typhique, de res- pirer près de lui, de le manier, de le palper, de le panser, de le changer de linge l’est encore plus, et que c’est ainsi, par le voi- sinage des lits, par l'approche, que se contracte surtout la ma- ladie, nous avons le droit de prononcer le mot de contagion. S'il n'y a qu'épidémicité ou infection générale, comment le mal at- teint-il plus sûrement, (presque inévitablement), ceux qui voient les malades de plus près que les autres; le voisind’abord, l'infir- mier, la sœur, le médecin? Comment épargne-t-il beaucoup plus, dans la même salle, l’homme couché à vingt mètres du petit foyer formé par un cas de typhus que l’on vient d'introduire, que l'homme couché à un ou deux mètres de ce même foyer? Je le demande et j'en appelle aux comptes rendus de la Société de Médecine de Constantinople. Il m'est facile de concéder que la contagion, surtout que la 16 234 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. contagion médiate ou volatile des Allemands, a le même mé- canisme que l’énfection, mais elle en diffère en nature.— Pour- quoi l'infection proprement dite ne serait-elle pas, selon les au- teurs, non le résultat d'une élaboration pathologique effectuée par un corps vivant, mais celui d’une fermentation toute chimi- que à laquelle la vie est étrangère, et dont l’action, en général, ne s'étendant pas au-delà de son foyer, n’est soutenue, alimen- tée que par lui? — Est-ce qu’un gaz d’égout introduit dans une salle donne lieu à la multiplication du miasme et aux dangers de l'approche que je viens de signaler? Non, très ordinairement. Peut-être, avec le temps et avec le concours de certaines circons- tances, la maladie qu'il engendre pourra-t-elle, par suite de l'é- laboration de nouveaux principes dans les corps vivants affectés, devenir contagieuse ; or, ainsi l’ênfection se transformera en contagion ; mais, malgré cette transformation, comme malgré la difficulté de tracer entre les deux objets, infection, contagion, une ligne de démarcation précise, surtout au point de vue prati- que, pourquoi ne pas admettre la distinction scientifique de Du- puytren ? — Ne répond-elle pas, si on la complète, comme ci- dessus, à tout un ordre particulier de faits? Ne fait-elle pas du jour dans la science ? Mais enfin, répliquera-t-on, voilà un argument fatal à la contagion et qui favorise, au contraire, l’idée d’épidémacité. Comment se fait-il que la dissémination des typhiques, qui de- vrait répandre le mal, le détruise ? — Je répondrai que ce n’est que peu à peu, {nous l’avons vu par la Comparaison des deux épi- démies), que la cause essentielle du typhus, que le produit de l'encombrement et de la misère, que le miasme humain, en un mot, acquiert son activité dévorante ; et que ce n’est encore que peu à peu, lorsqu'on le place dans des conditions opposées à celles de son développement, qu'il se dépouille de son activité, de sa malignité. Les villages de France qui ont revu leurs en- fants, en 1814, savent à quoi s’en tenir à cetégard. Nous-même, à mesure que nos salles se vidaient, vers le printemps, nous avons vu, dans de vastes locaux, malgré l'abondance de Pair, les moyens de l'hygiène et le petit nombre des typhiques, des infir- miers arrivant de France, des sœurs, des médecins, payer en- core leur tribut. Mais la persistance de l'hygiène a rendu ces cas de plus en plus rares. — Pourquoi? — Parce que cette per- sistance modifie progressivement, selon toute apparence, le miasme engendré. Qui done a jamais prétendu que le contage pût, absolument parlant, vivre par ses propres forces, se multi- plier incessamment, sans le concours de certaines causes adja- centes ? De même qu'un vèrus, en vieillissant, et par des dilu- tions successives, perd de ses qualités, de même, avec le temps, beaucoup d'air, beaucoup de précautions, une nourriture de bon aloi, la propreté, des rapports prudents, {chose essentielle), le VINGT-TROISIEME SESSION. 235 miasme du typhus perdra des siennes et Ja maladie s'éteindra. Quoi de plus naturel, et comment quelques retours offensifs de la fièvre typhique, sur les plus prédisposés sans doute, pour- raient-ils changer la signification générale des faits ? Proportions & divisions générales des maladies typhoïdes de l’armée d'Orient. Les maladies typhoïdes de nos hôpitaux d'Orient se compo- sent, à mon sens, ainsi que je l’ai déjà indiqué, de fièvres ty- phoïdes proprement dites, de typhus et d'états typhiques.Au commencement de la première épidémie, on a généralement exa- géré le nombre des fièvres typhoïdes. Quelques-uns ont appelé fièvres typhoïdes presque toutes les maladies typhoïdes ; d’au- tres, j'ai été de ce nombre, {et je m’accuse de cette erreur), ont surtout vu d’abord des états typhoïdes ou typhiques, tandis que plusieurs ne reconnaissaient guère que des typhus.— Il ré- sulte de mes recherches sur la première épidémie qu'il y a eu, en moyenne, pendant le premier trimestre de 1855, deux fièvres typhoïdes vraies sur dix cas de maladie typhoïde, et le même nombre de typhus constaté sur dix cas, encore, savoir : SU) PERRIER AR 100 , Fièvres typhoïdes..... 209 AT TITLE MARINE NES 20: 100 Etats typhiques...... 60 On n'a contesté ce résultat, à diflérents points de vue, tandis que plusieurs ont compté comme moi. On comprend facilement ces discords ; le groupe des maladies mixtes est évidemment le plus nombreux dans nos hôpitaux ; or, par la nature même de ses unités composantes, il tend à se soustraire à la classification ou à la tromper. Outre que le problème des mixtes ne m'a ja- mais paru plus compliqué, plus redoutable à la classification et à l’art que dans les circonstances où nous avons observé, l'allure particulière, encore mal déterminée, qu'affecte la fièvre typhoïde dans les pays chauds, a été certainement une source de confu- sion. Je choisis à dessein la fièvre typhoïde des pays chauds, pour la Comparer au typhus; elle s’en rapproche plus que toute autre ; mais si je parviens à les différencier, la séparation des espèces fièvre typhoïde et typhus sera constatée à fortiori, d’une manière générale et catégorique. Quoi qu’il en soit, l'épidémie de 4856 me procure des propor- tions relatives bien différentes. Le typhus l'emporte et absorbe tout. Sur quinze cents maladies typhoïdes traitées à Daoud-Pa- cha dans le cours du premier semestre 1856, je trouve: SUR: 4-2 100 Fièvres typhoides.... 1 59 Typhus aurtsubr 70 : 100 Etats typhiques...... 150 236 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Il me paraît utile d'indiquer ce que j'entends par états typhoi- des où typhiques, selon le règne épidémique du moment. — J'appelle de ce nom des maladies dans lesquelles l'élément ty- phoïde ou typhique n’est qu'un épiphénomène, un accident. Supposez la présence de fièvres de marais de différents types, parmi lesquels le type rémittent, et supposez aussi qu'elles vien- nent à être placées dans un milieu où les conditions du typhus commencent à exister; qu'arrivera-t-il? que la maladie princi- pale, que la fièvre à quinquina subira l'influence et portera le cachet de l'élément typhoïde ou typhique. — C'est ainsi qu'en temps de choléra on voit un grand nombre de maladies intercur- rentes revêtir la forme cholérique. — Je dis que la maladie prin- cipale portera ce cachet, plus ou moins, et pourra même être modifiée de telle sorte, qu'uné rémittente, qu’il eût été facile de guérir en temps ordinaire, se manifestera avec des caractères de perniciosité insolite, de perniciosité d'emprunt, dépendante d'un accident. L'accident, en effet, c'est-à-dire le résultat des causes débilitantes qui peuvent donner lieu au typhus, n’a-t-il pas le pouvoir de faire qu’une dose de toxique de marais capable de produire ordinairement cinq, en fait de phénomènes morbides, produise vingt? Dans ce cas, des fièvres qui n'auraient été que de simples intermittentes deviennent, accidentellement, des ré- mittentes, puis des pernicieuses à caractère grave. — Mais il v a des états typhoïdes ou typhiques de plusieurs espèces, comme il y en a de tous les degrés de gravité ; cela dépend du fond auquel se surajoute l’'épiphénomène. Il n’est pas faciie de les distinguer souvent des vrais typhus, particulièrement des typhus légers, au lit du malade ; nous n’en sommes pas là. Mais si, d'une manière analogue à celle de la formation des véritables états typhiques, une fièvre typhoïde véritable est née au milieu des typhus, n’en prendra-t-elle pas quelques caractè- res? ne pourra-t-elle pas devenir ainsi, en quelque sorte, une fièvre typhoïde-typhique (qu’on me pardonne l'expression) ? oui, les espèces ainsi ne se confondent pas, mais un élément s’ajoute à une espèce. Le scorbut peut, par exemple, témoigner de sa présence dans une fièvre typhoïde ou dans un typhus. La classi- fication se défend, comme je l'ai montré, en se formant en plein type, en pleine espèce; mais il faut qu'elle permette à une idée large, compréhensible, l'idée des éléments morbides, de tem- pérer sa rigueur. Cette idée, qui fit doctrine, est éclectique par excellence ; elle est le grand moyen de conciliation de la science et de l’art. En 4855, je n'ai cru devoir former que deux catégories de fiè- vres typhoïdes proprement dites; cas graves et cas moyens. Sur l'ensemble des maladies typhoïdes, les fièvres de ce nom, représentant un chiffre de 20 pour 100, me donnaient le résul- tat suivant : » VINGT-TROISIEME SESSION. ns ot SL UT EN ES LENUR 20 1.°—Cas moyens.... 12 si 9 o LIN IAE 20 2.9—Cas graves... .. 8 Mais, en 1856, le chiffre des typhoïdes, reconnues telles, s'abais- se à 15 pour 100, et tous les cas sont graves, à peu de chose près. Quant aux typhus, lorsque je les divisais, en 4855, eu égard à leur gravité, j'établissais les proportions suivantes, la donnée de 20 pour 100, sur l’ensemble des maladies typhoïdes, étant Ja mesure alors du {yphus comme de la typhoïde : SERRE NE Pa < 20 Typhus sidérants... 92 HO AVES EEE LE 4 20 a ALOYERS AUS Cr LEE TNT AE 9 Tel est le résultat du dépouillement de mes cahiers de visite à l'hôpital de Ramitchiflick et à celui de l’École militaire. L'ob- servation porte sur ce qu’on à le droit d'appeler un grand nombre. Les proportions changent singulièrement en 1836, à Daoud- Pacha ; je compte alors, étant donnés, 70 typhus pour 100 ma- ladies typhoïdes : Sur (typhus).... 20 . Typhus sidérants.... 3 CAVE SE EE 107 29 0 PUMIONENS Ar 71 4 (EU) LÉO 3 L'observation porte sur 1,500 cas de maladies typhoïdes, dont *70 pour 100, je le répète, comptent à la catégorie des typhus ; 15 pour 100 à celle des fièvres typhoïdes, et 15 pour cent enfin à celle des états typhiques. — Je n'ai pas formé de catégorie par- ticulière d'états mixtes, parce qu’elle aurait tout déclassé. Comparaison de la fièvre typhoïde & du typhus à un point de vue général. Je ferai marcher de front l'étude de ces deux maladies, que je compare du reste l’une à l’autre, sur le terrain où il est le plus difficile de les distinguer ; savoir : dans les pays chauds et dans les hôpitaux encombrés. Je ferai marcher de front, dis-je, cette double analyse, soit qu'il s'agisse de points généraux à comparer ou de descriptions particulières à mettre en regard. — Ce n'est pas sans doute le procédé le plus facile, mais c’est le plus clair, le plus avantageux pour le lecteur. — Je suis forcé de traiter des élats typhoïdes ou typhiques à part. — Commencons, conformé- ment au titre de ce chapitre, par ce qui a trait à l'ensemble des deux affections. De la diversité des typhus et de l'unité de la typhoïde. — Hildenbrand a écrit quelque part que le nombre des typhus vr- 238 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. réguliers l'emportait de beaucoup sur celui des typhus ré- quliers. Je me fais un texte et un argument de celte remarque importante. Aussi bien puis-je écrire, par opposition, que le nombre des fièvres typhoïdes réqulières l'emporte de beau- coup sur celui des fièvres typhoïides irrégulières. Plus on éloignera avec les circonstances de misère, d'encombrement, d'infection, la chance de voir se reproduire des formes mixtes, plus on sera convaincu de l'exactitude du principe que je viens d'énoncer. Il est donc vrai de dire, d’une manière très générale, que tandis que le typhus tend par sa nature à la diversité, la fiè- vre typhoide tend à l'unité. C’est ce que j'ai aperçu clairement sur mes notes, en rapprochant une épidémie de fièvres typhoï- des, observée à Perpignan, des deux épidémies de typhus de l’ar- mée d'Orient. Il y a sans doute un type du typhus, mais le ty- phus, en général, est peu semblable à lui-même, ce qui rend son type abstrait diflicile à former, à saisir. Le typhus varie telle- ment, en effet, avec les lieux, les temps, les personnes, et sans qu'on sache pourquoi, que cette variété va au-delà de ce qu'on est convenu d'appeler les formes d'une espèce, et a pu faire douter de l'existence d'une espèce typhus. — Il n’en est point ainsi de la typhoïde : qu’on prenne, autant que possible, cette maladie où on doit la prendre, c’est-à-dire en dehors des mau- vaises conditions qui font les cas hybrides, et l'on se convancra que ses formes sont assez peu variées, assez peu éloignées du type dont toutes portent au moins quelques traits essentiels. Donc il y a une symptômatologie suffisamment une, et liée dans ses parties, de la fièvre typhoïde, comme il y a une anatomie pa- thologique de cette affection; tandis que la symptômatologie du typhus est incohérente de sa nature, et qu'il n’y à point une ana- tonie pathologique de cette fièvre. — Dans les formes de la ty- phoïde, les éléments intercurrents, tels que l’inflammation, le bilieux, le muqueux, le nerveux, ne dérangent sensiblement ni la durée, ni les éruptions, ni le mode d’entrée en convalescence, ni l'expression anatomo-pathologique de l'espèce ; dans lesty- phus, au contraire, outre les formes, constituées par l'accession d'éléments ou d'épiphénomènes, on trouve des originalités nom- breuses, qui semblent former autant d'individualités morbides presque en dehors du type. C’est ainsi que l’on voit des typhus légers d'une très minime durée, sans exanthème ; des variétés nerveuses insolites, des typhus larvés, en quelque sorte, aux- quels on ne donne leur vrai nom que parce qu'ils apparaissent au milieu d'une épidémie. — IL est bon de confirmer ces vérités par quelques détails y relatifs. 1.0— Sur l’incubation en général. — Des faits récents fort bien observés, tant en Orient qu’en France, des faits nombreux et contrôlés, prouvent d'une manière irréfragable que l'incuba- tion du typhus peut durer un mois, deux mois et plus. (Voy. le VINGT-TROISIEME SESSION. 239 mémoire de M. le professeur Godélier, communique à l’Aca- démie de Médecine, juillet 1856). Sur ce même point, je suis en mesure d’aflirmer, de visu avec Hildenbrand : que pendant un temps fort long rien n'annonce l’empoisonnement mias- matique (Hildenbrand). Ce temps fort long vient d'être déter- miné. J’ai aussi observé l'explosion du typhus après un temps fort court. Je ne crois pas qu’on ait attribué d’abord de ces incu- bations à longues périodes aux typhoïdes, et je ne sais pas en- suite si l’incubation de leur germe spécifique est susceptible d'une évolution très prompte. Il m'a semblé, toute comparaison faite, sur les auteurs, que l’incubation relative aux typhoïdes af- fectait, en général, une durée moyenne qui se place entre les extrêmes qu'on remarque dans celle du typhus. Ce qu'il y a de certain, c’est que l’incubation du germe typhique parait pouvoir être beaucoup plus lente que celle du germe de L'autre espèce : c’est là le point important. 2.0— Sur les prodrômes en général. — Dans mon compte- rendu de l'épidémie de typhus de 1855, j'écrivais : pure de pro- drômes, ou à peine indiqués (Gazette médicale). L'observa- tion du typhus de 1856 m'apporte une conviction bien différente. Hildenbrand avait écrit : « L'état prodrômal entre l’incubation et l'invasion n’est jamais plus court que trois jours et ne va pas au- delà de sept. » (Hildenbrand.) Or, contre moi-même et contre lui, m’appuyant sur des faits très nombreux recueillis en 1856, j'admets : 1.0 l’absence possible des prodrômes ; 2.° leur durée très courte ou moyenne; 3.° leur extension même au-delà du vingt-cinquième jour. Je doute qu’on puisse parler de l’état pro- drômal de la fièvre typhoïde en ces termes. Plus je relis les ob- servations des auteurs, plus je suis assuré de la présence presque constante de prodrômes d’une certaine durée dans cette fièvre, et de la très grande rareté de la durée desdits prodrômes jusqu’au delà du quinzième jour. La différence est manifeste. 3.0— Sur les symptômes en général. — Evidemment il va être encore ici question de la durée et de la marche qui s’y rap- porte. La durée est un des éléments les plus considérables d’une maladie, comme d’un être ; elle porte sur l’ensemble; c’est, par conséquent, un signe supérieur. La durée de la typhoïde n’est pas la même sous tous les climats. J'ai publié sur ce point quel- ques recherches. Depuis 1840, écrivais-je (Gazette médicale), j'ai recueilli avec le plus grand soin cent soixante-sept observa- tions de fièvre typhoïde, tant à Perpignan qu’en Algérie, desquel- les il résulte clairement que la durée de la fièvre typhoïde di- minue à mesure qu'on s'approche du Midi. M. le professeur Cazalas, mon collègue et ami, est arrivé au même résultat. L’oh- servation de la fièvre typhoïde en Orient, avant l'invasion du {y- phus, confirme cette donnée, qu'il est bon de préciser. En prenant, pour le commencement de la maladie, l'alitement 240 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. avec débilité musculaire et stupeur commencante ; pour le début de la convalescence, le ralentissement du pouls et le retour du visage à celte expression de vie, dont l'œil plus brillant et la pa- role plus facile sont les premiers témoins ; je forme une durée moyenne de dix-sept jours à Perpignan, de quinze en Algérie. Quarante-quatre cas de Constantinople me fournissent une moyenne de seize jours. Ces renseignements ont été pris dans différentes saisons. J'insiste sur ma manière d'assigner {avec beaucoup d'autres), le commencement et la fin de la maladie. Évidemment, ceux qui comptent dans leur moyenne une partie des prodrômes et de la convalescence, atteignent un résultat fort différent.—On sait que les moyennes de M. Louis sont d’après le procédé dont je me sers : cas graves, trente-deux jours; cas moyens et légers, vingt-huit (Paris). M. Korget présente dix-sept jours pour les cas légers, vingt-deux pour les moyens, trente et un pour les graves (Stras- bourg). Je n'ai pas formé ces catégories, attendu qu’en mettant à part les individus chez lesquels la maladie se prolonge indéfi- niment, par suite de quelque organopathie secondaire, on ne re- marque pas dans le Midi, eu égard surtout à ce qui se passe sous nos climats tempérés, que la gravité modifie notablement la du- rée moyenne. La nécessité d'établir des distinctions, plus ou moins arbitraires, de cas légers, moyens et graves, s’y fait donc moins sentir. Quant au typhus (je parle de celui d'Orient), il flotte, en géné- al, entre la moitié du premier et la fin du second septénaire. Je trouve, en opérant mes réductions, une moyenne de douze jours pour les typhus grave et moyen, et de onze jours pour l’ensem- ble des typhus. On sait qu'il existe un grand nombre de cas lé- gers d’une très courte durée : j'en ai présenté le total relatif. Toujours est-il que ce résultat a quelque autorité et quelque ca- ractère distinctif, car j'opère sur de gros chiffres, et l'identité des conditions de l'observation n'empêche pas la différence de durée de se manifester entre la fièvre typhoïde et le typhus. Cette diffé- rence est tout autrement signilicative quand je compare le typhus d'Orient à nos typhoïdes de Paris. — Jenner, à qui je laisse sa manière de comprendre le début et la fin d'une maladie, s’ex- prime ainsi dans son Traité de la non identité : « Trente-six typhus, pour cent seulement, succombèrent après le quinzième jour, et pas un seul après le vingtième. Ge résultat est tout l'opposé de ce que nous avons vu pour la fièvre typhoïde, où l'on a trouvé que quatre-vingt-dix pour cent succombèrent après le quinzième jour, dont presque la moitié après le vingtième.» (De la non identité, p. 21.) Jenner écrit en Angleterre. Or, ses opinions ont pour moi une valeur considérable, depuis que M. Godélier a prouvé dans son mémoire si substantiel et marqué au coin de la plus remarquable sagacité médicale, Fidentité du VINGT-TROISIÈME SESSION. 241 typhus Fever et du typhus de Hildenbrand, l'identité de ce der- nier et du typhus observé au Val-de-Grace sur des soldats venus de l’armée d'Orient (Mémoire lu à l’Acad. de médec., juil- let 4856). Magnus Huss, dans sa Statistique et traitement du typhus et de la flèvre typhoïde, écrit à Stockholm, en 1855, conclut comme suit : « Le séjour à l'hôpital des cas de décès d'hommes et de femmes, calculés ensemble, a duré, terme moyen, 42-2 jours.» (P. 70). Tout porte à croire, lorsqu’on com- pare ce chiffre à celui des statistiques de Paris, qu'il statue sur des éyphus, bien que Magnus Huss admette l'identité de nature de son typhus abdominalis (fièvre typhoïde) et de son typhus pétéchialis (vrai typhus), ce qui ne me paraît pas digne de lui. 4.9 — Sur la marche des symptômes. — La marche consi- dérée en général porte, elle aussi, sur l’ensemble. Quoique celle des typhoïdes soit plus rapide dans le Midi que dans le Nord, j'ai cependant noté des différences entre leur marche et celle du ty- phus de Constantinople. — La rapidité d'évolution de la typhoïde, écrivais-je, m'a paru porter, toute comparaison faite, sur le com- mencement de la maladie. Sans parler de Ja période de début, je dirai que nous avons vu très souvent, dans nos services, les événe- ments des deux premiers septenaires des typhoïdes classiques'se concentrer dans un seul. C’est la troisième période qui élève la moyenne. Or, il en est généralement ainsi, quelle que soit la forme qu'affecte la maladie. — J’ajoutais, pour ce qui concerne le typhus : sa marche obéit à la loi de sa durée; tout compte fait, la marche des typhus a été plus rapide que celle des typhoï- des; mais, outre cet énoncé général, il y a quelques différences particulières à signaler. D'abord le typhus, par la brusquerie de ses phénomènes d’in- vasion, prend une avance immédiate ; ensuite, à part certains cas - compliqués qui traînent, et quelques cas d’ictérodes dontla mar- che est assez lente, le typhus ordinairement tourne court, soit vers la vie, soit vers la mort. Or, je viens de l'écrire à l'instant : c'est la troisième période des typhoïdes, qui élève leur moyenne de durée. Cette diflérence entre la marche des deux affections est sensible; elle me rappelle que M. Forget, lui aussi, a insisté sur la rapidité relative de disparition des symptômes graves du typhus, et que Montault s’en fait un argument contre l'identité. Quant à Jenner, il s'exprime ainsi : « Si le typhus est destiné à se terminer par la guérison, l'amélioration qui survient dans l’état du malade a lieu souvent d’une manière subite; il tombe dans un sommeil profond et tranquille, et, au bout de douze, de vingt-quatre heures et plus, il s’éveille, se sentant mieux sous tous les rapports ; le teint de la face est plus clair, le délire a cessé, la fréquence du pouls a diminué, les conjonc- tions ne sont plus injectées, la langue est devenue humide, il y a peut-être de l'appétit. » (De la non ‘identité, p. 31). Avant de 242 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. connaître Jenner, qui n'était pas traduit, j'avais indiqué les mé- mes signes en Orient; je retrouverai ma description en temps utile. Cene sont pas là, quoi qu'il en soit, les allures de la termi- naison des fièvres typhoïdes. 5.9 — Sur la mortalité. — En fait d'objet éminemment gé- néral ou portant sur la masse, je trouve encore la mortalité, La mortalité de nos typhus a été moins considérable, relativement, que ne l’est ordinairement celle des typhoïdes. Il y a, sur ce, des distinctions à faire. La fièvre typhoïde, je l'ai déjà dit, a tou- jours offert, pour l'ensemble, une moyenne de gravité redou- table; or, il n'en a pas été de même du typhus, puisqu'à côté des cas sidérants, nous en avons noté de légers fort nombreux. Ne faisant donc qu'une catégorie de typhoiïdes, traitées dans les mêmes conditions que le typhus, je trouve, pour la mortalité, quarante-cinq pour cent, un peu moins de moitié. Quant au ty- phus, j'arrive aux résultats suivants : pour les sidérants, dix morts sur dix ; pour les graves, deux sur trois ; pour les moyens, un sur six; pour les légers, un sur dix-huit (Epidémie de 1855). En 1856, sur mille cinq cents cas, répartis à peu près dans le même ordre, je trouve, en bloc, un mort sur sept et demi envi- ron. — L'ensemble me fournit donc une moyenne meilleure que celle des typhoïdes. Comparaison de la fièvre typhoïde & du typhus, relativement à quelques-uns de leurs prinei= pPaux symptômes. 1.°— Déterminations morbides qui ont lieu à la surface de la peau dans la fièvre typhoïde et le typhus. — Donnons- nous d'abord la notion classique des taches rosées lenticulaires de la fièvre typhoïde en général. D’après le Compendium de médecine, ce sont des élevures du derme qui constituent de véri- tables papules, petites, d'une couleur rose pâle ow foncée, fai- sant une très légère saillie, disparaissant sous le doigt pour re- paraître promptement, de forme arrondie, ovalaireou irrégulière, et dont le diamètre ne dépasse guère trois ou quatre millimètres. — Tel est, dit M. Monneret, l'aspect ordinaire de la papule typhoïde ; cependant on en aurait une idée incomplète si nous n'ajoutions pas qu'elle se rencontre aussi sous la forme d’une ta- che rouge, large comme une lentille, faisant une saillie sensi- ble à l'œil et au toucher, ne s’effacant pas à la pression et imi- tant l’éruption papuleuse que l’on observe au début de la variole. Cette éruption peut être assez confluente pour ressembler à une variole discrète commencante. Les papules larges, saillantes, persistent plus longtemps que le pointillé rose, et colorent la peau, après leur disparition, pendant un temps plus long. — La résolution de la papule s'opère sans desquamation ; nous ayons à VINGT-TROISIEME SESSION. 243 mème constaté une sorte de petite ecchyncose dans des cas où les papules étaient rouges et élevées (Voy. le compendium, “art. f. typhoide). — Il est bon d'avoir ce tableau sous les yeux et de le rapprocher de ce que nous avons observé. En traitant des fièvres typhoïdes de nos hôpitaux d'Orient, re- connues telles sur le cadavre, je disais : nous avons remarqué aux approches du printemps la confluence assez fréquente des taches rosées lenticulaires ; dans nombre de cas, je ne sais pas comment on aurait pu les distinguer de l'exanthème rouge typhi- que. Mais j'ajoutais : est-il extraordinaire de rencontrer une éruption de nature mixte dans des lieux où le typhus existe ? — Donc il y avait, parmi nos fièvres typhoïdes, des cas marqués par les taches rosées ordinaires (voir le parag. ci-dessus) ; d'au- tres, assez nombreux, par des taches déviées de leur norme, sous l'influence d'éléments étrangers, le typhus, le scorbut.—N'est-il pas à croire que le second ordre de taches dont parle le compen- dium a été observé, lui aussi, par les auteurs, dans des conditions hospitalières de mauvais aloi? En tout cas, jusqu'ici je me trouve à peu près d'accord avec l’auteur de l’article fièvre typhoïde. Comme lui je signale des papules rouges, larges, saillantes, sui- vies d'une macule adynamique persistante. Seulement j'ai tou- jours noté l'apparition de l’éruption du quatrième au huitième jour, ce qui est en rapport avec la marche rapide de nos fièvres typhoïdes. Passons aux typhus. Hildenbrand signale trois éruptions typhiques, les papules, les pétéchies, les sudamina. La première est appelée par lui exanthème rouge tacheté ; c'est, dit-il, la plus caractéristique du typhus. Frank, qui indique les papules rouges, partage cette opinion.Cependant les descriptions de ces auteurs, lues avec soin, “me laissent dans l'embarras. Pouvaient-elles être plus décisives “et nous procurer un:bon signe différentiel ? Si je m'en fie à mes propres observations, cela me paraît admissible. — L'exanthème “yphique rouge tacheté, disais-je, s'est montré sur un très grand “nombre d'individus atteints de typhus; je l’ai observé sur des “typhoïides, mais bien moins fréquemment. — La fréquence re- lative, dans les deux espèces, est comme 4 est à 4.— L'’exan- Donc typhus paraît du deuxième au sixième jour, et non du quatrième au huitième; il est plus confluent, en général, que “celui des typhoïdes, et plus prompt à se transformer en macules “adynamiques, en taches véritablement pétéchiales qui durent “autant que la maladie, ce qui ne s’observe que très rarement ail- leurs. — Enfin, l'éruption typhique consiste en taches rouges élevées au-dessus du niveau de la peau, formant une saillie no- table, lesquelles taches s'abaissent, deviennent maculeuses et “sont suivies de desquamation, circonstance qui ne s’observe pas dans celles des typhoïdes, moins proéminentes, du reste, en général. En résumé, la transformation en taches maculeuses, 244 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. pétéchiales, et la desquamation me paraissent être les traits les plus caractéristiques de l’éruption typhique. Un auteur contemporain, Jenner, dont j'ai déjà parlé, a fait des recherches pleines d'intérêt et plus précises que les nôtres, recherches confirmées par M. Godélier et fort heureusement ap- pliquées par lui au diagnostic différentiel des maladies typhoides (Mémoire cité). I me semble cependant que les conséquences pratiques que Jenner a tirées des faits sont un peu forcées. Vers le cinquième ou le sixième jour, dit cet écrivain, il se fait une éruption à la surface de la peau. Cette éruption consiste d'abord en taches nombreuses, arrondies, légèrement élevées au-dessus du niveau de la peau environnante, d’une couleur rose foncé, s’effacant sous la pression, mais reprenant leur couleur primitive aussitôt que le doigt est ôté. Le deuxième ou le troi- sième jour après leur apparition, ces taches ne s’effacent plus par la pression, mais pâlissent seulement. (Voy. trad. de Verhaeghe, p.25). —Je ne vois pas que cette description diffère essentielle- ment de celle du compendium, extraite ci-dessus, relative à cer- taines taches typhoïdes. Mais voyons la suite.—En même temps que ces taches, poursuit Jenner, on remarque une autre éruption, beaucoup plus pale, et que l'on semble voir à travers l’épiderme, comme si les taches qui la composent n'étaient pas bien sorties, pour me servir d’une expression vulgaire. Ceci est l’éruption que J'appellerai sous-cuticulaire; les deux ensemble, c’est-à-dire les taches distinctes et celles-ci, forment ce que j'appellerai l’érup- tion muri-colore. (Ouvrage cité, p. 25). — Ici Jenner reprend avec beaucoup de détails l'étude de ces deux éruptions. Ce qu’il «it des taches distinctes ne me parait rien contenir de remarqua- ble comme sémériatique, sinon leur passage à une couleur rouge- brun, sinon leur transformation en pétéchies. J'avais admis, en Orient, les mêmes faits, dans ma description de l’éruption typhique. Ils sont sans doute différentiels, mais seulement d'une manière abstraite; car, dans notre grande épidémie de typhus, outre qu'on observait quelquefois le typhus sans exanthème, on remarquait aussi, chez les scorbutiques, lorsqu'ils étaient atteints de fièvre typhoïde, des transformations de papules en pétéchies, : qu'il eût été bien difficile, sinon impossible, au point de vue pra- tique, de distinguer de celles du typhus. Le mélange des élé- ments produisait alors, en fait d'éruption, des mixtes de toutes les nuances. Donc, tout en accordant une valeur abstraite consi- dérable au signe en question, je ne puis m'empêcher de déclarer qu'il ne me paraît pas pathognomonique au lit du malade. Jenner décrit en ces termes l’évolution de la seconde éruption, dite sous-cuticulaire : lorsqu'elle est très abondante, elle offre l'apparence de nombreuses taches pâles, mal dessinées et qui se confondent. On ne les voit qu'indistinctement, comme si elles étaient situées sous l'épiderme; elles donnent souvent à la peau VINGT-TROISIEME SESSION. 245 un‘aspect tigre, el c'est sur celte surface maculée que sont si- tuées les taches distinctes, plus foncées (p.27. L'auteur anglais indique un grand nombre de modifications touchant à l’abon- dance, à l'intensité relative des taches ct de l’éruption ; celle-ci même (l'éruption sous-cuticulaire) peut manquer lout à fait, …. tandis que les taches sont en grand nombre. — Sans décrire maintenant l’éruption sous-cuticulaire, avec ses taches plus dis- tinctes, je lai indiquée comme appartenant plus particulièrement au typhus, sous le nom de marbrures typhiques, d'éruption rubeéoliforme; mais je reprends, à ce propos, toutes mes réser- ves du paragraphe précédent, relatives à la différence qu'il faut faire entre la valeur générale ou abstraite d'un signe et sa valeur pratique. Du reste, je m'exprimais ainsi : les taches petéchiales, adynamiques dont la forme la plus fréquente, dans les fièvres typhoïdes, a été la marbrure du scorbut, se sont présentées, . dans le typhus, sous un aspect autre et plus varié. Ces taches non proéminentes, livides, violacées où purpurines, se sont montrées, dis-je, chez les typhiques, à l'état de taches rondes, irrégulières, de petites marbrures, etc... Ces épiphénomènes, qui expriment l’altération du sang, me paraissent beaucoup moins fréquents dans les typhoïdes que dans les typhus; si nos typhoïdes les ont offerts sous forme de marbrures, c’est que nos typhoïdes étaient généralement plus ou moins {yphiques (états mixtes). — J'ajoutais : Je crois cependant que les taches rondes, purpurines, 1rréqulières du typhus ont quelque chose de spécifique et de vital (Gazette medicale). — Je le crois encore; Je crois en outre que Ja description de Jenner, consciencieuse et vraie, a exprimé une réalité abstraite, a fourni un motif général de distinction des plus satisfaisants au point devue scientifique ; mais il ne me paraît pas que notre auteur aible droit d'écrire : « Il suffit de comparer la description de l’é- « ruption typhique avec celle qui sera donnée des taches typhoï- - «les, pour saisir la différence immense qui existe entre ces deux éruptions. » (P. 27). La différence n’est immense, en effet, que relativement à la description des taches typhoïdes, telle que la —… fait l’auteur anglais, description incomplète, ne {enant nulle- - ment compte des variétés d'éruption que présentent les typhoï- des, d’après nos meilleurs écrits contemporains {voir l’art. du Compendium), et encore moins des états mixtes, sinombreux dans les hôpitaux, surtout en temps d'épidémie. — Donc, tout en souscrivant à ses conclusions, je les déclare trop tranchées ; encore un coup, le signe en question est pour moi d’une valeur scientifique considérable, mais il peut laisser, mais il laisse beau- coup d'incertitude au clinicien. Sudamina. — J'ai souvent, écrivais-je en m'’occupant des fièvres typhoïdes d'Orient, observé les sudamina ; mais, en gé- néral, leur nombre n'était pas très grand. Serait-ce que la rapi- 246 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. dité de la marche de nos typhoïdes des pays chauds est défavora- ble à cette éruption ? — Toujours est-il que les sudamina ne se sont montrés que très exceptionnellement dans le typhus; le fait est positif et digne d'attention ; s’il n'offre pas un caractère diffé- rentiel décisif, il établit du moins une raison de distinguer, qui mérite d'être signalée. Engorgements parotidiens. — Une conclusion analogue , mais inverse, découle de l'observation des engorgements paroti- diens. — Si je m'en rapporte aux auteurs, ce phénomène n'est pas fréquent dans les fièvres typhoïdes ; les nôtres ne le présen- tent guere qu'une fois sur dix. Je constate, au contraire, dans le typhus (juin et juillet 1855), des engorgements parotidiens aussi nombreux que graves. Ils se présentent dans le cours du 4° sep- tenaire, vers sa fin, doubles souvent, et alors dangeréux pour l'acte respiratoire. Nous avions pris le parti, dans ce cas, de don- ner très vite une issue au pus en voie de formation, en attaquant les tissus, couche par couche, dès que l’état de la tumeur per- mettait l'opération. Cet accident grave, loin d’être critique, m'a toujours paru faire partie intégrante des phénomènes adynami- ques. Je le note une fois sur trois, à l'hôpital de l'Ecole mili- taire. : 2.0 — Symptômes abdominaux (Météorisme).— J'ai cons- taté que le météorisme que l’on observe en France dans plus des cinq sixièmes des cas (Chomel), n’a guère porté en Orient que sur la moitié des fièvres typhoïdes. D'autre part, le dépouil- lement de mes notes ne me le donne qu'une seule fois sur huit cas de typhus, encore n’y est-il que peu développé, excepté dans quelques formes abdominales rares. En général, l'abdomen se présente indolent ou presque indolent, légèrement tendu, em- pâté ou déprimé, sauf complication. Point de gargouillements, point de borborygmes ordinairement. Bien que ces phénomènes soient des annexes ordinaires du météorisme, les formes abdo- minales elles-mêmes ne les ont pas présentés selon un rapport d'intensité proportionnel au météorisme existant. Diarrhée.— La diarrhée de début, disais-je à propos des ty- phoïdes, n’y a presque jamais manqué. Au contraire, elle a pres- que constamment fait défaut dans le typhus, sauf complication ou diarrhée préexistente. La forme abdominale du typhus ne la présente que vers la seconde période de la maladie ou vers sa fin. Enfin, dans le typhus, au lieu d'être essentielle à la mala- die et tenace, comme chez les typhoïdes, la diarrhée me paraît superficielle et indépendante en quelque sorte du génie de l'af- fection. Il faut mettre à part les selles involontaires, qui ne sont que des accidents, des suites de spasme ou de faiblesse. — Quant à la diarrhée des convalescents, elle a été rare et plus rarement critique. Je ne l’ai guère notée critique que dans quelques cas de typhus ictérodes, une fois sur dix peut-être. VINGT-TROISIEME SESSION . 247 Foie et rate. — Ce n’est qu’accidentellement, disent nos au- teurs, que se présentent l’ictère, la sensibilité du foie et les chan- gements de volume qui dépendent de sa congestion. Je suis de cet avis pour ce qui regarde nos fièvres typhoïdes; je n’en suis pas tout à fait pour ce qui concerne les typhus. La forme tcte- rode, en effet, a l’ictère pour essence, et l’ictère a même menacé de sa présence nombre d’autres typhus. Mais, dans Ja forme ic- térode elle-même, le foie est resté, très généralement, dans ses limites et n’a presque jamais montré de sensibilité. Dans le {y- phus ictérode, l'ictère me paraît dépendre tout à fait de l'élément fonctionnel. Dans presque tous les cas, nous dit M. Chomel, en traitant des fièvres typhoïdes la rate offre un volume plus consi- dérable que dans l’état normal. Moi-même j'ai remarqué sur ces mêmes affections que l'hypertrophie et la sensibilité spléniques élaient fréquentes, surtout lorsqu'il ÿ avait un ou deux redouble- ments fébriles dans les vingt-quatre heures (formes mixtes). La percussion et la palpation me donnaient alors une hypertro- phie assez prononcée. L'examen de la rate des typhiques ne pro- cure pas en Orient les mêmes résultats. D'abord, dans nos for- mes sidérantes, je n’ai point observé l'hypertrophie, et je n’ai remarqué qu’une ou deux fois la sensibilité sur un ictérode. Dans les typhus grave et moyen on constate une fois sur trois environ un peu de gonflement avec sensibilité obscure, surtout si la ma- ladie se prolonge. La forme abdominale paraît obéir à la même loi. L’ictérode, grave et moyen, refuse de la reconnaitre; il pré- sente une rate presque toujours intacte. Je note non pas l’hyper- trophie, mais la sensibilité splénique dans quelques typhus légers. En général, l'absence du météorisme a favorisé l’explo- ration. 3.0 — Râles typhoïides. — La considération des râles mérite quelque attention. Dans les fièvres typhoïdes d'Orient, les râles sonores, c’est-à-dire les râles secs, sibilants et ronflants ont vé- néralement fait défaut. Je l’attribue à une cause double, à l’état du sang, à l’état des tissus. Ne devait-il pas résulter de la ca- chexie scorbutique, ou tout au moins de l'affaiblissement nota- ble de la plupart de nos malades, toutes choses dues à des causes qui avaient agi longuement sur la constitution et sur le système nerveux : 4.° que la congestion bronchique, toute passive et con- sidérable, s'étendrait des bronches au tissu pulmonaire ; 2.° que la fibre bronchique serait elle-même moins disposée à vibrer, pour donner le ràle sonore, que dans l’état ordinaire? — La preuve qu'il en à été ainsi se tire de la présence très fréquente d’un râle muqueux fin, puis d’un râle sous-crépitant, occupant des points nombreux. J'ai observé ces râles vers la fin du 4e sep- tenaire, c'est-à-dire vers le moment reconnu de l'apparition des râles secs. Du reste, cette sous-crépitation n’a que {trop souvent précédé un souffle bronchique obscur, éloigné de l'oreille, fort 248 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. distinct, à ce titre, de celui de la pneumonie et témoignant suffi- samment de la nature hypostatique de la congestion. Aussi la mort par une asphyxie prompte a-t-elle été trés remarquée. — Une toux continue lle et fatigante, même de début, a bien sou- vent indiqué l'état du tissu pulmonaire; peu après l'invasion, et la promptitude avec laquelle la respiration devenait fréquente, confirmait presque toujours la signification de cette toux. Demi-matité, en général, à la percussion, et cela assez promp- tement, en raison de la marche rapide des maladies des pays chauds et de l'état anémique de presque tous les sujets. Dans un typhus, surtout grave el moyen, les choses se sont passées à peu près de la même façon; seulement je prie qu'on force un peu le trait, pour ce qui concerne surtout la matité et la promptitude de la congestion passive. — Voyons cependant les exceptions. — La plus remarquable concerne les typhus ictéro- des. D'abord l'ictérode sidérant ne présente point de signes de congestions pulmonaires. La lenteur de la respiration, remarquée dans cette forme, est un phénomène essentiellement nerveux ; la dificulté qu'il y a de saisir le murmure, le cas échéant, tient à des causes du même ordre. Entre l'ictérode sidér ant et l’ictérode grave et moyen, il n’y à, SOUS Ce rapport, qu'une différence du plus au moins. Mais j'ai observé, dans des cas moyens, le rale muqueux et retrouvé le râle sonore de la typhoïde d'Occident. Serait-ce que l’ictérode porte, relativement, sur des sujets moins ane nRqnEse (Voy. ci-dessus l'explication ‘de l'absence du rale sonore.) — Le typhus sidérant asphyxique débute par l'état ner- VEUX ; aussi y a-t-il, dès ce début, tendance au soufile tubaire, mais sans Matilé. Peu à peu la scène change, l'état dynamique négatif amène une congestion passive considérable, qui porte sur l'ensemble du tissu pulmonaire. L'asphyxie à done une cause double. — Quant à la forme pectorale du typhus grave, elle dif- fère de l'asphyxique par l'absence de cet élément nerveux qui joue dans le dernier un si grand rôle. En général, la forme pecto- rale rentre dans le tableau des symptômes pec oraux des typhoï- des, (voir e€i- dessus) ; seulement elle en rembrunit le trait, qui devient ainsi ce qu'il ÿ a de plus saillant dans cette forme. L'é- piphénomène y semblerait être le point pr incipal. 4.0— Pouls et chaleur fébrile. — Je n'ai rencontré que peu fréquemment, chez nos typhiques, le pouls plein, fort ou inême résistant du début; tandis que je l'ai noté résèstant au début d'un assez grand nombre de fièvres typhoïdes. Je lis partout sur mes notes cette évaluation du pouls typhique, au plein de la ma- ladie (cas graves et moyens) : fréquent, faible, facile à dépri- mer, Ou bien ondulant, irrégulier, dépressible; les mêmes annotations se rapportent aux typhoïdes, mais bien plus rare- ment. Je constate aussi assez souvent, dans le typhus, un pouls prompt à s’abaisser, même de 420 à 80 en quelques heures; je ds ht Lai de e té VINGT-TROISIEME SESSION. 249 ne compte pas de descente de nature morbide de cette rapidité dans les typhoïdes. Enfin, le retour du pouls à son état normal, lors du debut de la convalescence, s’est toujours fait beaucoup plus promptement chez les typhiques que chez les typhoïdes. Quant à la chaleur fébrile, elle m'a presque constamment paru plus élevée dans les typhoïdes, et, comme le pouls, elle n’y fai- blit pas, en général, d’une manière aussi prompte et aussi consi- dérable que dans le typhus. En un mot, la cause du typhus, si on s’en rapporte à ces indications, serait d'une nature plus septi- que que celle des typhoïdes. Si la mortalité relative paraît en dé- cider autrement, c’est que, d'une part, une cause plus septique qu'une autre peut bien avoir puissance d'action moins longue, moins soutenue que cette dernière, et que, d'autre part, nous comptons un grand nombre de typhus légers, tandis que les typhoïdes se maintiennent dans une moyenne de gravité assez redoutable. s Je ne laisserai pas cette question du pouls sans dire un mot de la rémittence assez fréquente que j'ai remarquée, surtout sur des typhus moyens. {Il est bon de mettre à part la rémittence des cas légers comme celle des états typhiques.) Cette rémission des symptômes est loin dêtre celle que l’on peut considérer comme une détente heureuse. Outre qu'elle n’a rien de régulier dans la succession de ses apparitions, il a suffi de la rapprocher de la succession des autres phénomènes pour être convaincu qu’elle exprime surtout un défaut de résistance vitale. Cependant dans les typhus ictérodes, faciles à confondre quelquefois avec les fièvres rémittentes ictérodes à forme typhique (fièvres à quinquina), elle a appelé de temps en temps, par sa manière de se présenter, Je sulfate de quinine. Mais alors le précieux médicament n’éclair- cissait pas la situation, sauf d’une facon négative. Il ne m'a rendu ce service que dans les formes mixtes, où l'élément maré- métique intervient à divers degrés. Je pourrais déjà établir, sur ces seules données, le dignostic différentiel de la fièvre typhoïde et du typhus dans la sphère de la symptomatologie comme de l'étiologie, et résoudre ainsi la question du Congrès ; mais, outre que mes conclusions seraient incomplètes, elles paraïtraient, à plusieurs titres, faiblement motivées; je passe donc de ces points importants et spéciaux à la description formelle des espèces et de leurs variétés, étudiées dans les hôpitaux de l’armée d'Orient. J'appelle l'attention sur les nou- veaux détails dans lesquels je vais entrer; ils n’intéressent pas moins, je crois, l’art que la science, ainsi que nous le verrons, si je trouve le temps et l’espace de dire un mot, en terminant, sur le traitement des typhus. Description des typhus de l’armée d'Orient. SYMPTOMATOLOGIE DES TYPHUS.— Je reprea nds mes divisions déjà produites. 17 290 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. A. Premier tyre. (Typhus sidérant). —Je donne ce nom au typhus qui tue inévitablement dans un espace de deux ou trois jours au plus; si la maladie atteint le quatrième, ce n’est plus, selon moi, de la forme sidérante qu'il s’agit. Il y a, je l'ai dit, trois formes principales du typhus sidérant; elles peuvent se combiner. 4.9 — Typhus sidérant céphalique. — C'est le plus fréquent ; ilme semble devoir prendre ce nom de céphalique, plutôt en vertu de raisons négatives que positives. En effet, dans tous les typhus, la cause morbifique agit sur l’éméphale ; mais, dans cer- tains, elle y agit d’une manière toute particulière à l’exclusion, sinon absolue du moins digne d’être notée, de symptômes sé- rieux, prédominants, du côté de la poitrine et de l'abdomen. Description.— Point de prodrômes ou à peine indiqués dans cette forme du typhus; brusque début, céphalalgie intense (l'état prodrômal à forme lente n’appartient pas aux typhus sidé- rants); vertiges, tintements d'oreilles, abattement profond, ma- laise inexprimable. Commencement de la stupeur et de l’insen- sibilité, dans un très bref délai. Vomissements d'aliments, d'eau ou de bile assez rares. Anxiété épigastrique. Légère teinte ictéri- que des ailes du nez, de la face, quelquefois du corps. Facies rouges parfois, pâles le plus ordinairement, avec tendance à la lividité. Pouls petit et irrégulier, au-dessus de 400 et même de 120; ou ondulant et irrégulier, au-dessous de 100 et même de 80 ; ou fréquent et dur au début, mais prompt à faiblir, à perdre son norme. Respiration difficile, courte souvent, quelquefois rare. Point de râles secs, ventre généralement indolent, sauf ex- ception, complication ou diarrhée préexistente. Epistaxis une fois sur trois à peu près, répélées, alarmantes parfois, surtout chez les scorbutiques. Dans l’espace d'un ou deux jours, ces phénomènes s’aggravent considérablement, surtout ceux de l’améphale, à tel point que le malade peut être sidéré en dix ou douze heures. Dans ce cas, la série que je vais décrire, et qui s'applique généralement au se- cond et troisième jour, s’accumule dans le premier. L'œil s'enfonce, devient vitreux, la conjonctive s’injecte; on la dirait ramollie, macérée ; les traits se décomposent, une rê- vasserie monotone accompagne la stupeur ou un délire assez bruyant l’entrecoupe ; mais la stupeur domine bientôt et l’em- porte. L'insensibilité croissante et le decubitus attestent la gra- vité de la situation. Les paupières s'abaissent comme d’elles- mêmes et restent immobiles, à demi-fermées. On sent le pouls faiblir de plus en plus et la respiration manquer. Si le sujet ré- siste au-delà du second jour, les fuliginosités se montrent, la bouche reste béante, la langue se recouvre d’une couche épaisse et fendillée, les lèvres, les gencives, les dents d’un enduit noir. Ces derniers phénomènes peuvent manquer. La température du VINGT-TROISIEME SESSION. 251 corps s'abaisse en général, au-dessous du type normal, dès le se- cond jour, ce que j'ai constaté au thermomètre. Émission fré- quente non consentie d’une urine foncée ou presque naturelle. Selles involontaires de début ou d’agonie, qu’il ne faut pas con- fondre avec la diarrhée. Le troisième jour est ordinairement ce-- lui de la mort; la teinte violette des ailes du nez, des paupières, le souffle tubaire, le hoquet, l'odeur cadavereuse, l’haleine froide et fétide, le froid avec sueur visqueuse, annoncent une prochaine fin, La sueur. visqueuse se montre aussi pendant le cours de la maladie, dans certains cas. — Lor sque le typhus sidérant cépha- lique peut atteindre le troisième jour, on apercoit quelquefois sur l'abdomen, le tronc ou les membres, des marbrures ou ta- ches pâles mal dessinées, sous- épidermiques, qui annoncent une tentative d'éruption ou en quelque sorte un exanthème impuis- sant. Mais, dans cette forme du typhus, l’exanthème fait défaut le plus ordinairement. 2.9 — Typhus sidérant asphyxique. — I a surtout frappé les scorbutiques, les anémiques, les hommes faibles, fatigués, usés, très jeunes ou déjà d’un certain âge; cela se concoit. _— Comme j’ j'écris pour des hommes spéciaux et qu’il m impor te d’a- bréger autant que possible ce mémoire de circonstance, je renfer- merai ma description dans quelques lignes. —_ Ajoutez à la par- tie adynamique des phénomènes ci- dessus décrits, la teinte bleue prononcée de la peau, dès avant le second jour, une diffi- culté énorme de respirer, une anxiété profonde, avec trouble considérable de la respiration; peu d'heures après le début, une demi-matité de la surface du thorax, particulièrement vers les parties déclives; un souffle tubaire prompt à se montrer et bien- {6t suivi du râle de l asphyxie ; et vous aurez une idée assez com- plète de cette forme redoutable du typhus sidérant. — Les selles involontaires de début et d’agonie, les sueurs froides, visqueu- ses, les urines rares, les marbrures sous-épidermiques du troi- sième jour, les gangrènes partielles, très promptes à se manifes- ter, l’adæme de la glotte quelquefois, me paraissent appartenir pluspar ticulièrement, dans l’ordre des sidérants, à l'asphixique qu'à tout autre. 3.°— Typhus sidérant ictérode.— Je ne puis mieux faire, pour esquisser les traits de notre typhus sidérant ictérode, que d’en résumer une observation assez complète. M..., soldat, âgé de vingt-trois ans, assez bien constitué, con- valescent d'une bronchite, accuse à ma visite du matin la dou- leur frontale d'usage, quelques frissons profonds et les vertiges ordinaires du début. Je reconnais un commencement d'hébétude et de surdité. Les réponses sont lentes, l'œil morne; il ÿ a fièvre, mais le pouls est mal réglé, ondulant, la température ne dé- passe pas de beaucoup celle de l’état normal; langue jaune, épaisse, constipation depuis plusieurs jours; ventre indolent, 252 CONGRES SC LENTIRIQUE DE FRANCE. très légèrement tendu, commencement d'ictère ; le foie et la rate se maintiennent dans leurs limites. Respiration très lente, ha- leine fétide. (D. e. gom. comp. s. le front, pot. vomit.) A quatre heures du soir, lièvre intense, pouls à 118, assez dur, mieux rhythmé, température élevée, vomissements de bile verdâtre abondants, continuels et tr ès douloureux : vive douleur épigastrique, mal de tête insupportable, teinte ictérique générale très prononcée. Point de sensibilité du foie, aucune augmenta- tion de l'organe. (Calomel 4,5; vésic. régi. biliaire.) Le lendemain, les symptômes sont “bien plus menacants, la température du corps s’est abaissée tout à coup ; le pouls a singulièrement faibli, il se saisit avec difliculté. La figure est très altérée, l'œil est cave, jaune, vitreux; la respiration d'une lenteur redoutable. Le corps entier prend une teinte jaune d’ocre très prononcée. Délire vague, insensibilité. (Calom. 4,5; sinap., larges vésic.) À huit heures du soir, traits totalement décomposés, respira- tion à peine sensible, son peu clair de la surface pectorale, maïs point de matité réelle ; murmure respiratoire très diflicile à per- cevoir ; enfin, sueurs froides et visqueuses, selles involontaires, hoquet, mort calme à quatre heures du matin. La rate et le foie sont dans leurs limites. Il y a des variétés de cette forme; je l'ai observée avec délire très vif, furieux même, mais non très persistant, avec agonie pé- nible, bien que courte, avec diarrhée, mais rarement. Je n'ai noté qu'une fois sur six la sensibilité du foie avec augmentation de son volume, et qu'une fois le météorisme. Le type général æst bien celui que je viens de présenter. S'il s'était développé dans mes salles au moment où régnaient les rémittentes bilieuses de marais à forme typhoïde (que je classe parmi les états typhiques), je l'aurais probablement traité par le sulfate de quinine à haute dose, et peut- -être avec succès. Dans ce cas, j'aurais eu affaire à une maladie complexe, à une perni- cieuse d’un caractère grave, guérissable cependant. Il n'en allait point ainsi ; l'habitude des formes régnantes, non moins que le criterium déjà plusieurs fois i invoqué du spécifique, m’avaient averti suffisamment. Donc il s'agissait bien d'une fièvre à {ype continu, de nature typhoïde. Telles sont les trois formes principales du typhus sidérant, au- tour desquelles se groupent les variétés, et enfin les formes irré- culières. Elles sont moins nombreuses dans l'ordre des sidérants que partout ailleurs. Mais le moment d'en parler n’est pas venu ; je traiterai de tous les irréguliers sous un même titre; n'ai-je pas averti que le fait seul de l'irrégularité, relatif à toute une catégorie, constituait un signe abstra ait, général, appartenant en propre à l'espèce typhus ? | B. DEuxiÈME TYPE. (Typhus grave.) — Ce sont nos typhus VINGT-TROISIEME SESSION. 253 grave et moyen qui présentent surtout les exemplaires patogno- moniques de l'espèce; ils sont complets, ils réunissent tous les traits du typhus, ce qu’on ne peut aflirmer ni des sidérants ni des légers. Le premier ressemble particulièrement au typhus de Hildenbrand, le second à celui de Jenner ({yphus fever). Di- minuez le tableau si net, si approfondi de Hildenbrand, faites ranger ses traits septénaires dans un et demi, deux ou un peu plus, et vous aurez notre type grave, sauf quelques différences que j'aurai soin d'indiquer ; usez du même procédé avec la des- cription de Jenner, et vous aurez notre typhus moyen: — Il faut diviser l’un et l’autre en : céphalique, pectoral, ictérode, ab- dominal. Cette dernière forme est rare, surtout parmi les typhus de moyenne gravité. Quant à l'ictérode, rare à son tour dans l’ordre des sidérants, il suit ici de près, sous le rapport de la fréquence, les iyphus céphalique et pectoral, et il a de plus ce titre qui appelle notre attemion, d'être, sous les traits où nous l'avons connu, une forme orientale. Sans doute on observe ail- leurs, mais seulement analogue à la nôtre. En tous cas, c’est en Orient qu'elle habite de préférence et se maintient à côté (chose importante à noter), de la rémittente ictérode à forme typhi- que, fièvre à quinquina assez souvent pernicieuse, que l’on pour- rait prendre parfois, lorsque la rémission est peu indiquée, pour une fièvre a type continu, pour un typhus ictérode. Comme les états céphalique, pectoral et abdominal n'expriment dans leur . diversité que la prédominence d’un phénomène, je me dispense- rai de les décrire à part; l’ictérode seul demande une descrip- tion, car l’ictère est un véritable élément qui porte sur l’ensem-: ble et influe sur la série morbide. Typhus grave de la forme la plus générale. — Prodrômes. — Je m'occuperai, du même coup, des prodrômes et du début, entre lesquels, on le sait, il est difficile de tracer une ligne de démarcation. J'ai indiqué déjà, d’une manière générale, la diffé- rence qui existe entre les prodrômes de la fièvre typhoïde et ceux du typhus, sous le rapport de la marche et de la durée. I s'agit maintenant de déterminer, de fixer l'aspect prodrômal des deux espèces, et de les comparer à ce point de vue. L'état prodrômal, dans le typhus grave, est ordinairement nul ou très court ; c’est dans le typhus moyen, comme nous allons voir, qu’on remarque ces prodrômes à évolution très lente, qui méritent d'être décrits. Pour ce qui concerne le typhus grave, nous avons vu, dans nos services d'Orient, un grand nombre d'hom- mes aux trois-quarts de portion, c'est-à-dire en pleine convales- cence, pris subitement de vertiges après le repas du soir, de fiè- vre, puis de stupeur prononcée quelques heures après. Ici, l'état prodrômal fait entièrement défaut. Si M. Gaultier de Clau- bry cite des épidémies de fièvre typhoïde dans lesquelles ce mode négalif d'état prodrômal a pu être indiqué, c’est qu’il choisit ses 254 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. épidémies précisément dans les conditions qui favorisent le mieux le développement du typhus; en sorte qu'il parle ou de formes mixtes où de typhus véritables. Selon moi, les auteurs ne comptent pas assez avec l'influence du milieu dans lequel ils observent; toute fièvre typhoïde recueillie dans un hôpital en- combré m'est suspecte. Or, on n'en peut dire autant du typhus. Pourquoi? parce que l'encombrement est le terrain même de son éclosion ; tandis que la fièvre typhoïde peut naître dans les meilleures conditions de ] ‘hygiène. — Quoi qu'il en soit, Hilden- brand décrit la période prodrômale du typhus dans les termes suivants : pesanteur de tête, courbature, hébétude des sens, tris- tesse, insomnie, sommeil non réparateur, tremblement des mains, fétidité de l’haleine, douleurs lombaires, gêne épigastri- que. — J'accepte cette for mule ; mais si un pareil début, essen- tiellement marqué par des troubles nerveux, est commun (ce que j'avoue) au typhus et à la typhoïde, il faut cependant con- venir qu'il est bien plus fréquent dans le typhus. De même, s’il est juste de placer en premiére ligne, pour les deux espèces, lors- qu'il s’agit d’un début lent, la débilité musculaire, la lenteur, la faiblesse, la cessation des travaux, il faut convenir qu'ils n’y ont ni la même fréquence ni la même tenue : c’est au typhus particu- lièrement que ces phénomènes appartiennent, — La diarrhée prodrômale, d’autre part, est bien plus rare dans le typhus que dans la typhoïde; il y a même, j'ose le prétendre, des diarrhées préservatrices de l'invasion du typhus en temps d’épidémie. — Le début inflammatoire du typhus, avec fièvre intense et rou- ‘geur vive, m'a paru rare; nos sujets, il est vrai, étaient pour la plupart scorbutiques. Chacun sait que ce genre de début est assez fréquent dans les typhoïdes. — D'un autre côté, le début avec signes d’altération du sang, épistaxis répétées, hémorrha- oies, pétéchies larges, nombreuses, ecchymoses, attribué aux typhoïdes, me paraît être essentiellement typhique. On l’observe seulement dans les lieux encombrés où malsains, ou sur des vic- times du scorbut ; il signale toujours, à défaut du typhus lui- même, une {yphoide- typhique ou quelque mixte de mauvaise nature. Que nos pathologistes veuillent donc enfin tenir compte de l'influence des intoxications ou des états cachectiques sur leurs prétendues unités de même nature. Symptômes (deux septénaires). —Invasion prompte, augment rapide, analogue à celui des sidérants. — Nous allons voir qu'il n’en va point ainsi, généralement, dans les cas moyens, que l'augment y hésite, qu’il y est assez fréquemment insidieux, et qu'il y peut conduire jusqu'à la gravité sans qu'on s’en doute. — Le frisson avec horripilation, la céphalalgie profonde, la pesan- teur de tête, l'angoisse et le vertige prononcé, réitéré, marquent les premières heures de l'invasion. Cette période de nos typhus, plus remplie que celle de Hildenbrand, serait mal nommée, += VINGT-TROISIÈME SESSION. 255 comme chez lui, période inflammatoire ; l'adynamre, en effet, a presque toujours été le fond de notre épidémie. L’accablement considérable et le vertige sont nos symptômes les plus constants; le vomissement nerveux en fut souvent la suite. — L'épistaxis se montre vers le deuxième, et non vers le quatrième jour, dans le tiers des cas, ce qui dépasse les proportions de Hildenbrand. Le visage est bien plus souvent livide et terreux que rouge et animé, comme dans l'épidémie qu’il décrit. — Langue blanche, plate, tremblottante ou recouverte d’une couche jaune très épaisse, qui ne tardera pas à passer au brun, puis au noir; ou bien langue presque naturelle, mais tremblottante ; le malade la montre avec peine, la sort en hésitant, souvent ne la rentre pas. Tels sont les effets très prompts de l'atteinte portée au système nerveux dans les cas graves. — Je ne suis pas tout à fait d'accord avec Hildenbrand sur les qualités du pouls; je le trouve plus sou- vent fréquent, faible et dépressible, ondulant et irrégulier que dur et tendu; je le note aussi-petit et faible, tandis qu'il le nie à cet état dans le plein de la maladie. — Sa fréquence varie de 80 à 425, sans que cela puisse affecter sensiblement le pronostic. — Le délire est tantôt aigu, tantôt monotone; dans cette der- nière forme, il porte fréquemment sur un point fixe et produit ce qu’on nomme la éyphomanie. Il présente souvent un peu de ré- mission, le matin, comme le fait la fièvre typhique elle-même. Le délire aigu alterne parfois avec le délire monotone; ce dernier, dans ce cas, devient aigu la nuit. Les troubles de l'intelligence, dans les états de moyenne gravité, ont quelques caractères tout à fait particuliers que j'indiquerai tout à l'heure en traitant du typhus moyen. C’est ordinairement pendant la nuit du premier au second jour que le délire survient; les vomissements de début ont déjà cessé, mais les troubles des sens se sont accrus, surtout la stupeur et le vertige. Si la céphalalgie prend, avec le délire, une nouvelle intensité, il y a menace d’hypérémie active de la . substance du cerveau et de coma prompt, profond, mortel. Nous sommes à la fin du second jour, les phénomènes morbi- des ont atteint leur entier développement; c'est alors, c'est vers le matin du troisième jour que l’exanthème typhique se montre ; il est souvent le signal d’épistaxis nouvelles, répétées, et d’une relàche de l’état d’acuité. Je me suis expliqué sur la valeur ca- ractéristique de l’exanthème.— Le moment est arrivé où le sang paraît acquérir une grande fluidité, où les organes se conges- tionnent d'une manière passive, où la respiration devient souvent bronchique, où l’état casanhal de toutes les muqueuses com- mence à faire place à l'engouement passif des parenchymes, où la période d'état s'organise : nous atteignons ainsi le quatrième et le cinquième jour. Dans le cours de cette première phase du typhus grave, loin de rencontrer des selles fréquentes (Hilden- brand), j'ai rarement observé la diarrhée, et l'abdomen ne m'a 256 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. paru que très exceplionnellement exprimer sa participation à l’état morbide par la sensibilité, la tension, le gonflement. Je n'y ai presque jamais observé de craquements humides, à la pres- sion, dans la fosse iliaque droite, phénomène à peu près constant dans les fièvres typhoïdes. — Urines foncées en couleur ou or- dinaires, et d'une densité moyenne. Notre deuxième période (atono-adynamique) commence vers la fin du cinquième jour et se termine vers la fin du neuvième on du dixième. L'exanthème s’atténue, les pétéchies proprement dites se forment et persistent, Ja peau se présente sèche, ridée, les narines sèches, pulvérulentes, fuligineuses; la langue, racor- nie, se recouvre, ainsi que lés gencives, d'une couche noirâtre et épaisse, où bien elle reste rouge-viande, pointue, visqueuse. Déglutition pénible, selles involontaires très fétides, cris la nuit, récrudescence du délire aigu ou de la typhomanie déréglée ; ataxie, pouls fréquent, irrégulier, dureté de l’ouïe, faiblesse de la vue, de l’odorat, du goût, du tact. — J'ai constaté des exacer- bations, mais nullement critiques ; elles n'ont pas éu d'époque de prédilection. Les parotides, plus hâtives, plus dangereuses que chez Hildenbrand, se sont montrées entre le cinquième et le dixième jour. Quand la maladie doit se terminer d'une manière funeste, je dirai avec Hildenbrand : que la stupeur et l'insensibilité ou tom- bent les malades deviennent extrêmes ; qu’on croirait à une abo- lition du sensorium commune ; que le patient devient en quelque sorte une masse inerte privée de sentiment et de mouvement, ou qu’il est agité par des mouvements convulsifs, des tremblements, des soubresauts de tendons. Mais au lieu d'écrire : que tous ces phénomènes adynamiques augmentent vers la fin du sixième Jour et que la chaleur fébrile s'accroît, je dirai : vers Le surième jour, Sans augmentation de l'état fébrile. — C'est vers le neuvième jour, à peu près, que la série adynamique en- traîne assez promptement la mort, ou que la rémission de tous les symptômes se fait sentir. Des épanchements cérébraux, soit sanguins dans la substance, soit séreux dans les ventricules ou sous les méninges, terminent la scène. L’asphyxie, dans les for- mes pectorales, est aussi une de ses fréquentes terminaisons. Les vastes gangrènes sont, pendant ces derniers intants, très promp- tes à se montrer, et la sueur visqueuse finale répand alors une odeur sui generis insapportable. Comme Hildenbrand l’a fort justement remarqué : il ÿ a amaigrissement, pâleur livide, yeux excavés, éteints, à demi-fermés ; dents supérieures à découvert, relâchement de tous les sphincters, froid des extrémités, cyano- ses partielles, pouls en queue de rat, dembitus dorsal, quelque- lois tremblement continu, saccadé, de tout le corps. Hémorrha- gies passives, ecchymoses, vibrices; affaissement excessif des parois de l'abdomen souvent, météorisme avec tension rarement. 4 5 À VINGT-TROISIÈEME SESSION. 257 —= La fin de l’état grave, le moment du retour, se passent à peu près comme chez Hildenbrand ; mais, soit pour la vie, soit pour la mort, notre typhus tourne beaucoup plus court que le sien. Ce n’est pas en un septénaire, mais en deux ou trois jours, que la stupeur et l’adynamie se dissipent, que la mémoire revient, que les troubles des sens disparaissent, que les forces commencent a se refaire, que le sommeil prend de la durée, que la langue se nettoie, que la soif s'en va, que l'appétit renait, que la peau re- trouve sa souplesse, sa moiteur naturelles, que le pouls perd de sa fréquence, que les évacuations alvines se régularisent. À quel- que moment, du reste, que notre convalescence se prononce, elle a cela de particulier, en général, qu’elle n'hésite point, comme dans les typhoïdes. Le malade sort de l’état le plus menaçant comme d’un lourd sommeil, comme s’il n'avait pas de graves dé- sordres économiques à réparer. Dans le cas de vie, tout marche promptement et bien, la maladie, je le répète, tourne court, et ce qu'il y a de plus remarquable, c’est que l'appétit prononcé n’est ni factice ni dangereux. Le convalescent mange le quart, puis la demi-portion des hôpitaux impunément et très promptement, ce que je n’ai jamais vu dans les typhoïdes. Ce spectacle m'a frappé; une immunilé de cette sorte nous a paru à tous quelque chose de très distinctif, on peut la considérer comme un des faits les plus saillants de notre typhus oriental. — Nous sommes à la fin du deuxième septénaire, à peu près ; mais comme la division des typhus en septénaires m’a paru fictive, je n’en ai tenu aucun compte dans cette description. ©. TROISIÈME TYPE. — Typhus moyen. — Cette forme, je le répète, ressemble autant au {yphus fever des Anglais, si exac- tement décrit par Jenner, que le typhus grave à celui de Hilden- brand. Le typhus moyen mérite, lui aussi, d’être décrit avec beaucoup de soin. Prodrômes. — C'est surtout au {yphus moyen que s’appli- quent les remarques que j'ai produites sur les prodromes en gé- néral, sur la distinction qu'ils me paraissent fonder, et sur l’état prodrômal à longue période. C'est là, disais-je, qu’on le rencon- tre surtout, d’une durée de dix à quinze jours à peu près, une fois sur trois, d’une durée de quinze à vingt jours et plus, une fois sur huit. Il est utile de faire connaitre les traits de cet état particulier. — Courbature légère, tristesse, manque de sommeil, quelques petits frissons le soir; manque d’appétit, langue natu- relle ou blanchâtre, œil cave plus ou moins, inquiet, abattu ; fai- blesse, paresse physique et morale, facies plus pale que d’habi- tude ou légèrement ictérique au pourtour des yeux ou vers les ailes du nez; pouls petit et fréquent, le soir, mais sans chaleur fébrile les cinq ou six premiers jours ; il survient ensuite fré- quemment, le soir, un léger mouvement de fièvre non persistant ; le malade refuse de s'arrêter, résiste; celte situation se pro- 258 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. longe, s'étend quelquefois jusqu'au quinzième, jusqu'au vingt- quatrième jour, enfin jusqu’à la période d’invasion ou d’aug- ment. — Observe-t-on jamais ce tableau, je le demande, dans les fièvres typhoïdés? — Quant aux prodrômes ordinaires des cas moyens, ils rentrent dans mes descriptions de l'état prodrô- mal et donnent lieu, eux aussi, aux remarques d'ensemble que j'ai faites sur les rapports et les différences de ces phénomènes dans les fièvres typhoiïdes et le typhus. Symptômes. — Même invasion que dans le type qui précède, mais avec des phénomènes bien plus lents, bien moins aigus, bien moins menaçants ; pendant deux et même trois jours, le malade et les personnes inexpérimentées qui l'entourent peuvent croire à la présence d’un simple embarras gastrique, dont on se délivrera promptement. Cependant la céphalalgie persistante, les frissons répétés, la tristesse et l'abattement du malade, ses craintes, la lenteur de son intelligence, c'est-à-dire le commen- cement de la stupeur,-la disposition à se trouver mal à l'aise dans toutes les situations, dans tous les milieux, à redouter le froid et le chaud ; tous ces signes, qui ont leur cachet, leur caractère collectif, pour un œil exercé, déterminent le diagnostic. — Ce commencement a quelque chose de louche, d’insidieux ; il est en quelque sorte plus que prodrômal, car le malade s’alite, mais il n'est pas en rapport avec la gravité du fond.— Point de diarrhée, généralement, ventre indolent, selles naturelles ou constipation, point de craquements humides à la pression, dans la fosse ilia- que droite ; parfois le ventre est empâté. — La langue, plate et blanchâtre, commence à devenir tremblottante vers le troisième jour ; déjà la stupeur a singulièrement progressé; les vertiges du début augmentent souvent avec elle et produisent le vomisse- ment sympathique. L'augment devient alors rapide ; l'état ca- tarrhal de toutes les muqueuses apparaît ; la conjonctive com- mence à prendre cet aspect d’une substance macérée, ramollie, que j'ai indiqué précédemment ; l'œil devient vitreux peu à peu. — Respiration haute assez souvent, râle muqueux; peu de ré- sonnance de la poitrine. — Les troubles des sens se développent très vivement ; rêves étrañges, réveil en sursaut, le malade ne se rend nullement compte du temps écoulé; délire monotone, le jour, mais entrecoupé de moments lucides; révasseries déliran- tes la nuit, rémission le matin. — Pouls petit et fréquent, ondu- lant ou irrégulier, entre 80 et 425 et au-dessus; chaleur fébrile variable, modérée généralement. I y a, dans cet ensemble, avec des traits analogues, une tendance à l'adynamie plus prononcée que dans le typhus de Jenner ({yphus fever). — On rencontre, je le note en passant, quelques hallucinations fort curieuses; je signalerai la suivante : le malade croit être double, être deux, avoir à ses côtés un personnage qui est lui, et qui, cependant, n'est pas lui. A cet égard, j'ai encore dans la mémoire les paro- É VINGT-TROISIEME SESSION. 259 les d’un de mes bons collaborateurs de Daoud-Pacha, de M. le docteur Bertrand, que j'ai traité et guéri du typhus, en mars 1856. « Je sens avec moi, nous disait-il, un autre Bertrand, cet autre Bertrand est bien moi-même, mais il me paraît n ‘être pas moi... je n’y concois rien. » Plusieurs médecins des hôpitaux de l’armée ont indiqué ce singulier désordre de la conscience ; il s’est présenté assez fréquemment pour prendre rang dans la symptomatologie du typhus. — Maïs déjà les mouvements sont tremblants, incertains, le malade ne peut rien faire sans être aidé ; l'urine est rare, foncée en couleur ou de couleur et de den- sité naturelles. — Quant à l'éruption typhique, elle se fait vers le quatrième jour ; je l’ai décrite. Il y a alors relâche de l’aug- ment, récidive de l’épitaxis, sueurs nocturnes non critiques. Le sang commence à devenir diffluent ; quelques douleurs sourdes de l'abdomen peuvent apparaître à ce moment, mais sans gar- gouillements typhoïdes, sauf exception ; on remarque aussi par- fois un peu de tension, mais rarement le météorisme. Emission assez facile des urines, généralement. Vers les cinquième ou sixième jour commence la période ady- namique : c’est celle du typhus grave, à peu de chose près. Le délire devient permanent, quelquefois aigu, jusqu’à ce que le malade tombe dans le coma. L’ éruption prend de plus en plus le caractère pétéchial, les vibrices s'organisent, de redoutables épiphénomènes peuvent surgir. L'adæme de la glotte, entre au- tres, qui ne pardonne pas et coupe court; les congestions passi- - ves sur de grands organes; l’hypérémie cérébrale, l'épanchement séreux sous-méningien ou ventriculaire, l’ épanchement pleuréti- que ou péricardique, l'engouement général du tissu pulmonaire, avec souffle tubaire prononcé et demi-matité du thorax. La fré- quence du pouls augmente, il est petit ordinairement et d’un rhythme mal réglé ; il se relève et retombe alternativement. La face devient pale, terreuse, livide ou d’un rouge de mauvais as- pect, avec quelques stries bleuâtres et quelques teintes jaunes vers les aïles du nez. J'ai très rarement observé, comme Jenner, la contraction des pupilles ; leur dilatation, au contraire, plus ou moins prononcée, à été la règle ; mais il faut remarquer que n0- tre typhus a été précédé du scorbut, pour la plupart des sujets ; or, la dilatation des pupilles fut un des traits du scorbut de terre en Orient. — Nous n'avons que très rarement eu recours à la sonde pour vider la vessie. — Les selles involontaires ne se mon- trent ici qu'à la fin, contrairement à ce qui se passe dans le 1y- phus grave. — Nous sommes au neuvième ou au dixième jour ; si la maladie doit avoir une issue funeste, la respiratioa devient de plus en plus fréquente, le pouls de plus en plus rapide et dé- réglé. Respiration bronchique, demi-matité; œil terne, narines pulvérulentes ; langue et gencives fuligineuses ; marmottement continu ; urines involontaires, copieuses, claires ; coma vigil, 260 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. sueurs visqueuses ; Cessation progressive des mouvements respi- ratoires et mort. Cette scène peut se prolonger ; la maladie ne tourne pas court, généralement, pour la mort, comme dans les formes graves ; mais si tout se passe bien, l'amélioration se dessine d’une ma- nière subite et affecte la marche caractéristique que j'ai décrite il n'y à qu'un instant. C’est du douzième au quatorzième jour que ce moment du retour arrive; c'est du douzième au dix-huitiéme que la période adynamique entraîne la mort, qui n’a guère lieu plus tôt que par suite de quelque accident, d'épiphénomènes. FORME ICTÉRODE DES TYPHUS GRAVE ET MOYEN. — On rencon- tre, selon moi, dans les pays chauds, deux sortes de fièvres ré- mittentes bilieuses : 4.° la rémittente bilieuse marémétique, fie- vre à quinquina, décrite par nombre d'auteurs, et qui n’est autre chose que la rémittente ordinaire, plus, l'élément bilieux; 2.° la fièvre rémittente bilieuse non marémétique, indiquée plutôt que décrite par Lind, méconnue par M. Litiré (Dict., en 30), fièvre rebelle à l’action du quinquina, et qui même s'exaspère sous l'influence du sulfate de quinine. Cette maladie peu connue, que trop d'auteurs confondent avec la rémittente bilieuse de marais, n'en à, à mon sens, que la forme. — Quoi qu'il en soit, supposez une fièvre de cette sorte, plus, le typhus exprimé par l'exanthème et par une stupeur non équivoque, et vous aurez la forme ictérode de notre typhus d'Orient. Et maintenant, rendez moins vif, surtout moins prompt, le tableau que j'ai présenté du typhus sidérant ictérode; ajoutez-y l’exanthème complet, la rémission du matin, pendant les cinq ou six premiers jours, à dater de l’invasion, et votre notion de la forme ictérode du ty- phus grave et moyen d'Orient sera à peu près complète. Vous arriverez alors aux termes suivants : mêmes modes d'état pro- drômal que dans les typhus grave et moyen ; même ordre de dé- veloppement des symptômes ; même durée ; une respiration plus lente; peut-être un peu moins de tendance à l’adynamie.—Point ou peu de congestions hépathiques du commencement ; pot ou peu de congestions spléniques ; moins de congestions pulmo- naires ; si Ces phénomènes interviennent, ce n’est guère qu'à ti- tre d'accidents. L'irritation de l'organe biliaire dans cette forme est purement sécrétoire, l’hypersécrétion ne paraît pas disposer le foie aux congestions, aux inflammations. Si l'exanthème ca- ractéristique prouve qu’il ne s’agit ni d’une simple fièvre bilieuse grave de Lind ou de Aneslay, ni d'une rémittente marémétique des pays chauds, il n'exclut cependant pas la complication maré- métique ; mais ceci n’est qu'une question de médecine pratique ; la doctrine ample des éléments morbides pourrait seule en faire un point doctrinal. — Il est une fièvre que l’on peut confondre aisé- ment avec le vrai fyphus ictérode, c'est la rémittente bilieuse de marais à forme typhique, que je compte décrire. Mais, dans ‘VINGT-TROISIEME SESSION. 261 cette maladie, l'élément typhique ne fait point le fond, il fait l’ac- cident ; il ne produit pas l’exanthème et disparaît sans difficulté, si le fond de la maladie est convenablement attaqué. — J'en ai dit assez pour que le typhus grave et moyen à forme ictérode soit séparé : 4.° de la fièvre rémittente bilieuse franche des marais : 2.0 de la rémittente bilieuse non marémétique de Lind (qui at- tend une bonne description) ; 3.° de la rémittente bilieuse des marais à forme typhique, maladie mixte observée en Orient, que j'ai classée parmi les états typhiques (Gazette médicale), ct dont je dois dire un mot, sous ce même titre, en terminant mes descriptions. D. QUATRIÈME TYPE. — Typhus légers et irréguliers. — C'est plutôt d’un.groupe que d’un type qu'il s’agit; si J'emploie ce dernier terme, c'est que le manque de gravité, c’est que sur- tout l'arrégularité sont les caractères généraux du groupe et deviennent typiques à ce point de vue. L'irrégularité, dans un groupe, est typique, relativement à ce qui se passe dans d’au- tres groupes, dans les fièvre$typhoïdes, par exemple, -où l’irré- gularité est presque une exception. Si je ne sépare pas les {yphus légers des irréguliers, c’est qu'ils sont incomplets, et que l'in- complet, en définitive, est l’irrégularité même. Si l'on avait à se justifier de la dénomination de typhus légers, on pourrait faire appel à ces paroles de Pringle décrivant le typhus de l’armée an- glaise des Flandres : « Dans quelques cas, où la maladie existait à un faible degré, et qui passaient inapercus dans les hôpitaux encombrés, les seuls signes diagnostics étaient la blancheur de la langue, le manque d’appétit, la grande faiblesse. » (Maladies des armées.) — Nous avons des signes plus précis. Typlrus léger (°° forme). — Point de prodrômes, légers ver- tiges, un peu de céphalalgie, rougeur des pommettes ou pâleur, parole vive, loquacité, tendance au délire, langue sèche, unie, comme vernie, quelque peu tremblante, pouls fréquent, peu ré- sistant, quelquelois peu régulier, chaleur fébrile moyenne, res- piration presque normale, ventre indolent, point de diarrhée, agitation loquace la nuit. Le lendemain un peu de détente, mais non franche, peu ou point de sueurs; seulement le pouls est bien moins fréquent et - plus faible ; intelligence nette, parole ordinaire, langue moins sèche ou humide. Le soir, reprise des phénomènes morbides, et quelquefois commencement de stupeur. Le troisième jour, amélioration décidée ; assez souvent elle se maintient ; mais ordinairement la fièvre monte un peu, vers le soir, la langue a de nouveau une tendance à se sécher. C'est vers ce moment que des urines copieuses paraissent fréquemment ; elles sont critiques. Taches assez larges, peu nombreuses et d’un rose très foncé, sur l'abdomen; elles pâlissent assez prompte- ment, mais laissent derrière elles leur macule adynamique, qui 262 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. s’efface lentement. Cet exanthème se présente une fois sur trois environ. Du quatrième au septième jour, la langue s'humecte, la con- valescence se dessine, la maladie tourne court, tout marche vite et bien. — Cette forme abandonnée à elle-même prend assez sou- vent de la gravité; elle se complique ordinairement d'un léger catarrhe bronchique. Typhus léger ictérode (2% forme). — Ajoutez à la forme qui précède l'ictère quelques vomissements erratiques de début, la même rémission fausse du matin, mais plus prononcée, la cons- tipation antécédente fréquemment, l'absence du catarrhe bron- chique très souvent, et vous aurez la forme légère actérode. Rien au foie, l’ictère est purement sécrétoire ; rien vers la rate. Cette forme marche plus lentement que la précédente : elle atteint un, deux et quelquefois trois septénaires. —L ’absence de prodrômes, la brusquerie de l'invasion, l'aspect de la rémission, l’état de la rale, l'efficacité du sulfate ‘de quinine, l'exanthème, lorsqu'il se laisse entrevoir, défendent de confondre cette fièvre avec la ré- mittente ictérode de marais à forme typhique. Typhus léger (3m° forme). — Je l’appellerais volontiers hési- tante. Voici ce que j'en écrivais dans un rapport officiel, daté de Ramitchiflick, au mois de mars 4855 : « Puisque j'en suis au cas légers, je note,en passant, que certains offrent, après deux ou trois jours, une décroissance considérable des phénomènes morbides, puis le mouvement ascensionnel reprend, pour disparaître en- core, et ainsi de suite, jusqu'à deux, trois et même quatre fois, et jusqu’à guérison ou complication suivie de mort. » Cette forme hésitante, rebelle au sulfate de quinine, ne peut, à aucun litre, être confondue avec une fièvre d' accès ; d'autant qu’une fois sur trois des taches rose foncé et quelques macules adynamiques sous-épidermiques la rattachent à l'épidémie régnante. J'y ai re- marqué la diarrhée et l’ictère critique de terminaison. Ce sont bien là des typhus, des typhus légers, mais en même temps des typhus irréguliers ; l'irrégularité se manifeste aussi dans les formes graves ; dans l'ensemble des typhus, l'irrégula- rité absorbe soixante pour cent de l'épidémie, et donne entière- ment raison à cette remarque de Hildenbrand déjà citée, savoir : que le nombre des typhus irréguliers l'emporte de’ beaucoup sur celui des typhus ré guliers. — Je décris, d’après Hilden- brand, l'érréqularité au point de vue le plus général. Tantôt, nous dit-il, c’est un symptôme qui prédomine (frisson, ataxie, adynamie dès le début) ; tantôt un accident insolite ou une com- plication ; telles sont la dyssenteri ie, la pléthore, les phlegmasies, l'embarras gastrique, l’état bilieux, les parotides, les furoncles, la gangrène; dans quelques cas, c’est un symptôme essentiel qui fait défaut, l'exanthème, les pétéchies : dans d’autres, la stu- peur, le coma ne donnent pas le temps aux autres symptômes de se développer. Exemples : VINGT-TROISIÈME SESSION. 263 Typhus irrégulier fAtaxie primitive, mort rapide.) — Un convalescent de bronchite légère présentait, depuis quelques jours, les symptômes suivants : tristesse, abattement, œil cave cerné de jaune, manque d’appétit, un peu de céphalalgie, re- cherche de la solitude. On remarque un soir, pendant la prome- nade du malade, quelque incohérence dans la marche comme dans les réponses aux questions ; tout à coup il se dirige vers un escalier de pierres, se met à deux genoux et se frappe, à | plusieurs reprises, le front sur l'angle des marches. On le porte sur son lit, atteint de blessures profondes. — Délire sur-aigu, suivi de coma persistant. Au quatrième jour, on apercoit l’ éruption SOUS- cuticulaireé, quelques taches rouge-brun, quelques pétéchies. Les phénomènes atoxo-adynamiques se dév eloppent, le malade meurt par le cerveau vers le huitième jour. — J'ai noté plusieurs faits de cet ordre, entre autres l'observation d’un soldat qui, après des prodrômes légers de moyenne duréé, fut pris subitement, la nuit, d’un délire furieux et se précipita par la fenêtre. C’est au fort de l'épidémie, au moment où le miasme avait le plus de malignité, que ces résultats non équivoques de l’intoxication typhique fu- rent constatés. Il n’y avait, à cette époque, ni pernicieuses, ni rémittentes, ni même intermittentes marémétiques dans nos établissements hospitaliers. Typhus à irrégulier. (Typhus nerveux sans stupeur, avec inté- grité des facultés intellectuelles.) — La sœur Adelaïde fut prise, à Daoud- Pacha, en mars 1856, après quinze jours de malaise, de prodrômes lents, d’un typhus de moyenne gravité, pendant le- quel le symptôme dominant fut une: céphalalgie des plus cruel- les, mais sans délire, sans coma, sans ataxie. La marche de la maladie, sa durée, furent celles des typhus moyens; l'état du pouls, l'éruption rouge foncé, les macules pétéchiales ne pouvaient laisser de doute sur la nature de l’ affection, con- tractée du reste dans des salles où la contagion spécifique n'avait que trop de vigueur. — L'entrée en convalescence fut, comme d'ordinaire, prompte, décidée; des symptômes cérébraux qui, par leur gravité apparente, avaient longtemps fait redouter une phlegmasie de l’éméphale, s'amendèrent notablement dans l'es- pace d’une nuit, se dissipèrent dans l’espace de deux jours. Il en fut de même d'une tension nerveuse générale énorme, avec sensi- bilité poussée à l’ extrème de tous les organes des sens, et un as- pect grippé de la face qui n'avait rien de rassurant. L’appétit se refit, devint très vif, très avantageux, le rétablissement fut prompt et parfait. Je pourrais multiplier les exemples, mais il faut s'arrêter ; nous sommes ici au milieu des nuances, nous côtoyons les états typhiques et toute cetle série dangereuse de mirtes, qui fait échee a la classification. 264 CONGRÈS SCIENTIF IQUE DE FRANCE. États typhiques. J'ai indiqué avec détails ce que j'entendais par état typhoïde, par opposition à la fièvre typhoïde proprement dite; par état typhique, par opposition au typhus: je n'y reviendrai plus; mais “il faut pre ssenter quelques faits. Première forme. (Rémittente de marais à forme typhique.)— Je la distingue immédiatement du typhus par certains Rite, Dans celte fièv re, il y a des prodrômes de moyenne durée, une invasion Moins brusque, un état de gonflement assez marqué de la rate, une rémission moins fausse, point d'éruption très géné- ralement, une durée variable, illégale pour ainsi dire, des réci- dives; un pouls plus ferme, plus haut, plus régulier, plus déve- loppé que dans le typhus, de la diarrhée où de la constipation, indifféremment, une mortalité de un sur dix seulement. Ce ne sont pas là des typhus, ce ne sont pas non plus, comme on va le voir, des fièvres intermittentes ordinaires : je décris. Deux, trois ou quatre jours de lassitude, d'inappétence, de lour- deur de tête, de sommeil agité, avec embarras gastrique plus ou moins ; puis un léger frisson survient et la fièvre se déclare. Si ce frisson est accompagné ou précédé de quelques vertiges ou de vomissements nerveux, la fièvre se développe assez vivement, moins cependant que dans une rémittente marémétique ordi- naire ; la langue se sèche, il y a peu de délire la nuit. Le ventre reste indolent ; cependant il n’est pas très rare d'observer, tout d'abord, un peu de sensibilité splénique à la pression; la ‘diar- rhée, si elle se montre, n’est qu'accidentelle. Urines rouges et épaisses généralement. Après six, sept où huit heures, la fièvre diminue, : après vingt-quatre, le matin presque toujours, on re- marque une détente incomplète, mais bien mieux dessinée cepen- dant que celle du typhus à rémission. C'est ainsi, par exemple, que de très sèche, que de rapeuse, quelquefois, la langue devient humide, que le pouls offre une détente réglée, réculière, au lieu et place de la détente irrégulière, fausse, louche, des typhus: que la sueur est plus heureuse, plus critique ; qu'enfin l'urine de- vient, dans certains cas, assez abondante pour marquer la ten- dance à une crise. Cette scène se répète, un, deux, trois, quatre, cinq jours et plus; puis, si le traitement est bien dirigé, elle cesse très rapidement, et la convalescence est prompte; mais les réci- dives sont à redouter. Si le traitement a été timide, ou enfin si, malgré sa vigueur, il est resté impuissant, si le cachet typhique se prononce, “dominé, c’ést qu’on a affaire à une forme mixte dont Le typhus est le vrai nom. Il y a là un écueil redoutable pour le diagnostic et la classification. — Mais, dès son début, la maladie que je viens de décrire revêt quelquefois des caractères de perni- ciosité, surtout de perniciosité céphalique. On n’en saurait dou- ter, puisque le sulfate de quinine à haute dose a fait, dans de VINGT-TROISIEME SESSION. 26: pareilles circonstances, cesser les états les plus graves ; puisque, sans cet agent, la rémission prompte et très marquée des symp- tomes redoutables d'une fièvre céphalique dénonce la nature marémétique du fond. J'ai remarqué dans la fièvre rémittente à forme typhique, toute espèce de complication : il serait peu opportun de m'y arrêter. Mais ce qui n’est point complication, ce qui fait partie de la ma- ladie elle-même, c'est la tuméfaction de la rate. La percussion, appliquée à d'assez grand nombre {mars 1853), m'a donné, en moyenne, une augmentation d’un quart du volume de la rate observée peu après le début. Aussi lorsque la maladie tournait mal, passait à d'état de fièvre continue, ai-je trouvé à l'autopsie la rate des typhoïdes, ce qui ne m'arrivait que rarement dans les typhus. L'exanthème fait défaut; on observe quelquefois des su- damina dans les cas qui se prolongent. Deuxième forme. (Fièvre rémittente ictérode à forme typhi- que.) — Voilà Ja vraie forme orientale, signalée par M. Fauvel dans sa notice sur les maladies de l’armée de Roumélie, forme que l’on confond plus facilement que la précédente avec le ty- . phus. Elle ressemble à celle que je viens de décrire; mais ajou- tez-y l'ictère, une rémission moins marquée et la présence, dans certains cas, de quelques taches rosées, rose pâle, irrégulières. On dirait que l'élément tvphique dispute iei à l'élément maré- métique le droit de classer l'affection. Cependant les prodrômes, l’eflicacité du spécifique, la guérison brusque, le peu de morta- lité, ne peuvent laisser subsister aucun doute, Les accidents per- nicieux, £ependant, sont redoutables et fréquents dans l'espèce ; ils se manifestent, eux aussi, sous la forme céphalique. La rate, comme ci-dessus, s’est toujours montrée volumineuse, le foie in- tact, malgré l’ictère. Les formes légères sont assez fréquentes. Etats typhiques variés.— Presque toutes nos maladies ont subi, pendant un temps plus ou moins long, l'épiphénomène en question. C’est ainsi que nous avons observé l’anémie à forme typhique, entre autres états remarquables. — Un homme ané- mique, boufli, infiltré, à peau d’un blanc de cire, à lèvres blêmes, sans diarrhée, je le suppose, commencant même à reprendre ses forces quelque peu, est atteint de vertiges légers, d'un peu de mal de tête, d’inappétence, d’un peu de fièvre avec chaleur mé- diocre ; pouls très fréquent, mal réglé, sécheresse de la langue, exacerbation du tout, le soir, et fausse rémission le matin.—C'est uheanémie sur laquelle l'élément typhique vient agir. En effet, après deux, trois, quatre jours, les phénomènes semblent disposés a disparaitre, la maladie revient presque son état primitif et reste ainsi stationnaire deux et trois jours ; mais le caractère de mau- vais aloi n’est qu’assoupi; il fait une apparition nouvelle, sans at- teindre à une haute gravité, puis il recule de nouveau devant le traitement, se représente encore, jusqu'à .ce que des épanche- 18 \ \ 266 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ments séreux, soit sous les membranes du cerveau, soit dans les mailles du tissu pulmonaire, soit dans les grandes cavités, ter- minent la scène. Quelquefois elle finit brusquement avec des symptômes de compression cérébrale : c'est une apoplexie sé- reuse. Mais, le plus ordinairement, le malade traine ; on espère deux, trois, quatre fois ; le traitement tonique et excitant par le vin, le quina, le café, le fer, retarde la mort, mais la diarrhée survient trop souvent et tranche la question. — Ce n'est pas de typhus qu'il s'agit probablement, car chaque reprise est en quel- que sorte une récidive, c'est d’une forme typhique. Cependant, entre les typhus légers et les états typhiques, la distinction me paraît si diflicile à établir, que je ne me prononce ici qu’en hési- tant. L'embarras gastrique primitif, le catarrhe bronchique, le scor- but, l'hypostase scorbutique du poumon, la dyssenterie simple ou scorbutique, et autres maladies, ont subi l'influence du redou- table élément dont je viens de m'occuper. Je ne puis que m’abs- tenir à cet égard d’une étude de détail. L'impression qui m'ést restée de l’ensemble, c’est que, sur des faits pareils, sur des mix- tes de cette espèce, un observateur d'élite, rassemblant un cer- tain nombre d'individualités morbides bien analysées, pourrait faire, au point de vue de l’humorisme sage, la contre-partie des phlegmasies chroniques. Sur ce résultat important, il ne bâti- rait point de toute pièce une théorie, mais il donnerait force et vigueur, et beaucoup de jour, à l'étude des éléments morbides, à leur idée large, compréhensive, je le répète, qui appartient plus encore à l’avenir qu'au passé. — Quoi qu'ilen soit, si d'une manière analogue à la formation des mixtes dont je viens de par- ler, une fièvre typhoïde née au milieu des typhus subit l'in- fluence de la spécificité typhique, que sera-t-elle? elle sera, qu'on me passe l'expression, une fièvre typhoide typhique. Oui, les espèces ainsi ne se confondent pas, mais un élément s'a- joute à une espèce. Le scorbut peut lui-même témoigner de sa présence dans une fièvre typhique déjà modifiée par l'élément typhique. Que deviendra le diagnostic? Que deviendront les ca- ractères spécifiques, les signes pathognomoniques absolus, s’il en est? C’est là que les défenseurs de l'identité embrouillent la question. Je tenais à ramener le lecteur vers ce terrain des mix- tes, pour le lui faire mieux connaître et pour me justifier pleine- ment des quelques préceptes de méthode que j'ai indiqués au commencement de ce travail. Cette étude achevée, il faut conclure : ne devient-il pas de plus en plus clair que l'histoire d'une épidémie de fèvres typhiques, vue de haut, par opposition à l’histoire d’une épidémie de fièvres typhoïides, considérée, elle aussi, dans son ensemble, présente, comme caractère général, la variété, l’irréqularité, lesquels éléments ont une très grande importance abstraite? N’est-il pas VINGT-TROISIEME SESSION. 267 clair que ce caractère comptera, scientifiquement, parmi les meilleurs motifs de distinction de la fièvre typhoïde et du typhus ? Je redirai donc, mais cette fois de visu, en rapprochant mes ob- servations des meilleures lecons de la science contemporaine sur la typhoïde : que tandis que celle-ci paraît tendre à l'unité, le typhus tend à la diversité; que la fièvre typhoïde est une espèce plus espèce, s’il m'est permis de parler ainsi, que le typhus; et qu'enfin ce dernier, s’il ne se reproduisait par le contage, sem- blerait être plutôt, au sens de M. Trousseau, une maladie spe- ciale que spécifique. D'autant qu’il se manifeste, ou mieux qu'il peut se manifester plusieurs fois chéz le même individu. J'ai ré- voqué ce fait en doute, après l'épidémie de 1855 ; mais celle de 4856 a tranché la question pour nous tous d'une manière caté- gorique. Les récidives de typhus sont sans doute des exceptions, mais des exceptions peu rares. J'en ai par devers moi plus de . quinze observations ; entre autres celle d’un de nos jeunes collè- gues, M. Jacob, sous-aide major, guéri du typhus, à Daoud-Pa- cha, repris par la même maladie un mois après, et mort, dans mon service, de cette seconde atteinte. — Néanmoins, l'idée de spécialité ne résulte que de l'allure des typhus et de quelques circonstances ; l'étude attentive du fond donne entièrement rai- son à l’idée de spécificite. Je me résume enfin sur les différences étiologiques et symptô- mathologiques que j'ai constatées entre la fièvre typhoïde et le typhus d'Orient. — On remarque dans le typhus : 4.°— Une étiologie définie ; le typhus naît toujours, en effet, par opposition, de causes connues. 2.0 Un état prodrômal variable dans ses formes et sa durée, dont les extrêmes en tout genre sont plus distants du moyen terme que ceux de la typhoïde. 3.9 — Une symptomatologie très différente d'elle-même et beaucoup plus diflicile à rapprocher d’un type. &.°— Une invasion généralement plus brusque que celle de la typhoïde, par la céphalalgie, le vertige et autres phénomènes nerveux, plus insolites, plus variés. 5.9 — Une durée moyenne moindre que celle des typhoïdes, même des pays chauds; une marche plus rapide, surtout du commencement et de la fin. 6.°— Un pouls plus faible, plus dépressible, plus ondulant, plus généralement irrégulier et prompt à retomber d’un rhythme élevé à un rhythme bas. 7.0 — De même pour la chaleur fébrile. 8.°— Un météorisme rare, peu important; l’indolence ordi- paire de l'abdomen, l'absence de la diarrhée tenace et des gar- gouillements iliaques de la typhoïde; l'absence d'indication de vider la vessie avec la sonde. 9.0 — L'absence des symptômes spléniques prononcés des {y- phoïdes, excepté dans certains cas mixtes. 268 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. 10.°— Un exanthème spécifique ; l'absence ordinaire des sudamina. 14.9— La desquammation et les taches maculeuses faisant suite à l'exanthème. 12.9— L'engouement parotidien plus dangereux, nullement critique. 13.9— Une entrée en convalescence prompte, franche, avec appétit vif et de bon aloi : caractère essentiel. 14.9 — Une tendance aux récidives plus prononcée que dans l'espèce typhoïde. 15.9 — Une faculté tout autrement puissante de se transmettre par voie de contagion. 46.9 — Une moyenne de mortalité moins considérable. Telles sont les conclusions de cette première partie; j'en for- mulerai de nouvelles, après m'être occupé des points principaux de l’anatomie pathologique des fièvres typhoïdes et des typhus de nos hôpitaux d'Orient. Anatomie pathologique de Ia fièvre typhoîïde <& du typhus d'Orient. Fièvres typhoïides. — J'ai indiqué ailleurs (Gazette médi- cale) cette loi anatomo-pathologique : qu'à mesure que l’on s'approche des régions chaudes la lésion anatomique de- vient moins considérable. — C'est à Perpignan, pendant le cours d’une épidémie de fièvres typhoïdes, que j'ai commencé à apercevoir le fait sur un très grand nombre d’autopsies ; l’anato- ie pathologique des fièvres typhoïdes de l'Algérie lui a donné, à mes yeux, le caractère d’une loi. La règle générale me paraît être : que dans les pays chauds la lésion des plaques ne va guère, pour le plus grand nombre des cas, au-delà de l'ordre réticulé. — Cela s'est passé ainsi en 1843, à Perpignan, six fois sur dix ; huit fois sur dix en Alvérie, de 1847 à 1850 ; enfin à peu près huit fois sur dix, à Constantinople, pendant le premier semestre de 4855. Ces chiffres portent sur ce qu’on a le droit d'appeler des grands nombres. La règle générale est done : qu'il n’y a point, dans ces contrées, entre la maladie et la lésion, ce rapport de gravité qui a induit en erreur trop de pathologistes sur la question doctrinale de cause et d'effet. J'aime à croire que les dénominations d'entérite folliculeuse, de dothinentérie, seraient abolies sans retour, si ces mêmes pathologistes passaient quelques années dans les pays chauds. L'exception, c'est-à-dire la plaque gaufrée, molle, ulcérée, qui se mêle à la règle {notre série symptomatique restant la même), l'exception, dis-je, loin de laisser le doute sur la nature #ne et même de la maladie, sert à la constater. Mais ce point mérite d'être précisé. M. le professeur Forget divisa les lésions de la typhoïde en r'u- dimentaires eten profondes. Les premières, savoir : la psoren- : | : . ds Mrs. és rie HO) Éd dé, LÉ NT u VINGT-TROISIEME SESSION. 269 terie, les plaques pointillées et réticulées, se ressemblent dans une foule d’affections diverses dénuées de gravité ; les secondes, savoir : les plaques gaufrées, molles, fongueuses, 2 gangréneuses, peuvent se rencontrer, comme accident, dans d'autres maladies que la fièvre typhoïde, telles que la scar latine, le choléra, le ty- phus ; mais sans ces lésions, suivant le savant professeur àl n'y a pas de fièvres typhoïdes vraies (sic). —Si l’assertion de M. Forget était exacte, il y aurait, je le proclame, peu de typhoï- des dignes de ce nom dans les pays chauds. J’y ai observé, quant à moi, des cas nombreux, portant d'une manière manifeste tous les attributs symptômatiques de la typhoïde, dont les lésions n’allaient pas, en général, au-delà du premier ordre de lésion de M. Forget, de te qu'on peut appeler l'ordre réticulé. — Ce se- rait faire par trop bon marché de l'autorité d’une série de symp- tômes, que de nier la maladie qu’elle indique, sur la foi d’un signe posthume qu'on trouve insuflisant. Cette manière de philo- sopher me paraît dangereuse, en médecine, et contraire aux faits dans l'espèce. — Quant à à la psorentérie dont parle M. Forget, sa signification est encore généralement mal connue. Il résulte des longues et consciencieuses recherches de mon honorable ami, M. le professeur Cazalas, que cette lésion anatomique ex- prime le passage de l'infection cholérique chez le sujet, de l'in- fection cholérique, dis-je, sinon du choléra lui-même. On la ren- contre, en effet, selon M. Cazalas, dans les lieux où le choléra a régné, chez presque tous les individus, quelle que soit la cause de en mort. — Je reprends. L'altération des follicules agminés étant la lésion fondamen- tale de la typhoïde, arrètons-nous sur cette lésion. Je partirai, pour être clair, de la division du Compendium de médecine, qui me paraît excellente. — Dans les cinq dixièmes des cas, nous n’avons rencontré que deux sortes d’altérations : 4.0 l’hypertro- phie de la tunique muqueuse des plaques de Peyer ; 2° l’hyper- trophie de la plaque avec piqueté noir de barbe fraiche. Or, on sait que ces deux altérations ne sont pas spéciales à la fièvre ty- phoïde, qu’on les rencontre dans la variole, la scarlatine, le cho- léra, la phthisie pulmonaire, l’érysipèle. Je maintiens cependant qu’on ne les y rencontre pas sur une échelle aussi large que dans nos typhoïdes des pays chauds ; et cela seul établit une dis- tinction, abstraction faite de la présence de l’altération des gan- glions du mésentère chez les typhoïdés seulement. Mais à ce point de vue purement anatomique, je ne crois pas qu'il soit fa- cile de distinguer nos typhoïdes d'Orient de certains typhus. C'est là un de ces points de contact qui ont fait identifier mal à propos les deux natures morbides. — Le Compendium avoue que dans des cas bien avérés et très graves de fièvre typhoïde, où la mort avait été rapide, on n’a pas trouvé d'autre altération que l'hyper- trophie à forme aréolaire. Force est, dans le Midi, surtout en 270 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Orient, d'étendre la portée de cet aveu et de constater, sur l'en- semble des cas légers, moyens ou graves, que dans les cinq dixié- mes desdits cas environ, comme je viens de le dire, la lésion ne va pas au-delà de ces deux formes de l'hypertrophie. Je pense que cela prouve suflisamment, contre les organiciens, l'impor- tance secondaire de la lésion intestinale dans l’histoire de l'éclo- sion et du développement de la fièvre typhoïde. J'ai done statué déjà pour les einq dixièmes des cas de nos typhoïdes d'Orient. Dans trois autres dixièmes, on rencontre l'hypertrophie de «quelques plaques, et l’hypertrophie avec commencement de ra- mollissement d’un plus grand nombre. C’est le début du ramol- lissement rouge de la muqueuse des plaques, le début de la pla- que à surface “réticulée de M. Chomel. — Dans la plupart des cas, la consistance de la muqueuse fut seulement diminuée, rare- ment le ramollissement devint extrême, et j’ai vu plus rarement encore, avec cet ordre de lésions, le tissu cellulaire sous-jacent participer à la congestion, à l’hypertrophie et au ramollissement du tissu muqueux. — Il me reste les deux derniers dixièmes, à peu près, dans lesquels on observe des désordres graves, les seuls désordres qui, d’après M. Forget, soient véritablement pa- thognomoniques, savoir : la plaque gaufrée, Pulcération, les surfaces fongueuses, la gangrène. — Je me dispenserai de plus de détails sur ce point. On rapporte à la typhoïde l'altération des follicules isolés, qu’ilne faut pas confondre avec les follicules de Brunner du duo- denum. Et le fait est qu'on rencontre cette altération (qui n’est pas autre chose, à son premier desré, que là psorentérie), sur les cadavres des typhoïdés. Mais ils ’agit encore ici de savoir si la psorentérie n’exprime pas toute autre essence morbide que l'essence typhoïde? si elle n’est point, au sens de M. Cazalas, le signe particulier du passage de l'infection cholérique, signe qui accompagnerait, le Cas échéant, aussi bien la lésion tYphoïde que celle de toute autre maladie? Vainement M. Louis prétend-it que dans la psorentérie liée au choléra asiatique, les follicules sont excessivement nonibreux, se touchent presque, tandis qu ‘ils ne sont jamais aussi confluents dans la dothinentérie. Ce n’est pas là, tant s’en faut, un résultat constant. J'ai, pour ma part, à l'hôpital spécial des cholériques de Constantinople, rencontré assez souvent, sur des typhoïdés, une psorentérie eonfluente, et, par opposition très significative, une psorentérie discrète sur beaucoup de cholériques : est-ce clair ? Ce quine l’est pas moins, c'est que, lorsque le choléra a régné, on rencontre la psorentérie même sur des cadavres d'hommes morts accidentellement. L'altération des ganglions mésentériques m'a paru, en tout état, suivre la loi de l’ altération des plaques : je n’insiste pas.— Je n'ai rien de particulier à noter, quant à ce qui concerne les autres lésions. Parlons maintenant des lésions du typhus. VINGT-TROISIÈME SESSION. 271 Typhus. —J'attaque directement, comme ci-dessus, le point capital de l'anatomie pathologique du typhus, afin de saisir im- médiatement le caractère différentiel, s’il existe. Qu'on me permette de rappeler que parmi les signes distinc- tifs du typhus j'ai noté l’absence très ordinaire de la diarrhée. Ce fait que certains, peut-être, me contesteront, 4.° parce qu’il est facile de confondre des fièvres typhoïdes et surtout des états mixtes avec le typhus ; 2.° parce qu'on appelle souvent diarrhée de simples accidents, des selles involontaires; ce fait, dis-je, trouve-t-il son explication dans les résultats de l'anatomie pa- thologique? On en jugera. Je me contente de le constater, de même que j'ai noté, sans explication, comme un des caractères différentiels du typhus d'Orient, la non nécessité, dans la plu- part des cas, de vider la vessie avec la sonde. En tout état, le dissentiment qui peut exister entre d’autres observateurs et moi- même sur la question de la diarrhée et sur d’autres questions, fait comprendre combien il importe que le diagnostic d’une es- pèce soit porté avec précaution, avant que l’on ne complète son histoire par l'ouverture du cadavre. — C'est, en conséquence, sur vingt autopsies que j’établirai ici mes quelques points diffé- rentiels d'anatomie pathologique, m'étant fait une loi d’éloi- gner les cas mixtes et douteux. Pour déblayer le terrain, je reviens une dernière fois sur la psorentérie, d'autant que quelques médecins, en Orient, ont paru disposés à la considérer comme une lésion plus particulière au typhus qu’à toute autre affection. Qu'elle se présente en plaques ou en semis, en petits mamelons isolés, piqués ou non, d'un point noir au centre, je maintiens qu’elle n’a aucune signification pathognomonique, qu’elle ne caractérise pas plus le typhus que la typhoïde, qu’on la rencontre presque partout, que nous en avons reconnu les traces sur des hommes morts d'accidents, que si elle caractérise quelque chose, c'est, au sens de M. Cazalas, le passage de l'infection cholérique.—J’ajoute maintenant, pour préciser, que sur vingt cadavres d'hommes morts du typhus, j'ai vu dix fois la psorentérie en plaques très peu marquées, d’un dessin imparfait, sans altération visible de la muqueuse ou du corps des grains ; trois fois l'absence de la psorentérie ; trois fois cette lésion en plaques mêlées de semis, avec piqueté noir et commencement discernable du ramollissement de la muqueuse circonvoisine, et quatre fois la même manifestation morbide, avec ramollissement plus prononcé, poussé, dans deux circons- tances, jusqu'à l’ulcération centrale du petit mamelon. Mais cette dernière lésion tenait, j'ai hâte de le dire, à un fait très gé- néral dont je vais m'occuper. Ce fait très général, l’un des plus remarquables, anatomique- ment, de notre typhus d'Orient, c’est le ramollissement uni- forme, soit fortement marqué, soit à peine indiqué, de portions 272 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. considérables, et même assez souvent de presque toute la mu- queuse de l'intestin, surtout de celle de l’iléon. Ce ramollisse- ment, j'en conviens, affecte plus particulièrement le bord libre ; il a, certes, sur ce bord, son expression la plus grave, mais il n°y paraît pas se lier, se rattacher directement à la lésion des pla- ques. Il est assez uniforme, par régions d'intestin, selon une certaine échelle de gravité, qui a, je le répète, son marimum sur l’iléon. C’est lui qui, certainement, observé dans ses formes graves, à donné lieu aux termes de plaques livides, brunâtres, violettes, noirâtres, gangréneusés, ulcéreuses, dont se servent les auteurs du commencement de ce siècle. La lésion avancée des plaques (plaques molles) est assez frappante pour ne pas être désignée aussi souvent, sous des noms aussi vagues, par d'excellents observateurs. Quant à moi, j'ai parfaite ment Cons- taté l'ulcération gangréneuse de la muqueuse intestinale, portant aussi bien sur les parties voisines des plaques que sur les pla- ques elles-mêmes, ne s’asservissant nullement, en un mot, à leur dessin. Je me suis rendu compte alors des expressions de nos auteurs et de l'erreur de M. Gaultier de Claubry, lorsqu'il aflirme qu’ils ont désigné constamment ainsi d’une manière va- gue les désordres de la typhoïde, mieux décrits depuis par nos contemporains. — Il est de fait qu ‘ils ont mal connu ces désor- dres ; nrais il est de fait aussi qu'ils ont souvent voulu désigner autre chose, savoir : la lésion typhique dont je viens de parler. J'ai dit que cette lésion souvent est à peine indiquée. Souvent, en effet, la muqueuse intestinale, à première vue, paraît être dans son état normal ; mais si vous l’attaquez, en y regardant de près, avec la pince et le scalpel, vous reconnaissez immédiate- ment un défaut de cohésion, de consistance, et une adhérence moins forte que de coutume aux tissus sous-jacents. D'autres fois, l'aspect seul de la muqueuse invite à croire au ramollisse- ment, que l’on trouve, en effet, plus avancé que dans le cas qui précède, surtout sur certaines portions de l'intestin, mais sans ulcération. Et enfin, dans un petit nombre de cas graves, on apercoit, sur divers points de l'intestin, des parties ulcéreuses, gangréneuses, des granulations à sommet ulcéré, des plaques ulcérées, mais au même titre que toute autre partie; le tout ne faisant que renchérir, qu’on me passe le terme, sur un ramollis- sement plus ou moins général, plus ou moins profond de la mu- queuse. Ii est à croire que l'état scorbutique d'un très grand nombre de sujets les prédisposait particulièrement à ces sortes de lésions.—Parlons à part des plaques éliptiques, des follicules de Brunner et des ganglions du mésentère. Sur vingt cas, j'ai constaté trois fous l absence complète de lä lésion des “plaques : dix fois le commencement à peine indiqué de leur RIpereSRRle trois fois l'hypertrophie un peu plus avancée, avec piqueté noir psorentérique; quatre fois Fhyper- VINGT-TROISIEME SESSION. 273 trophie avec ramollissement rouge. Mais il faut mettre à part deux de ces derniers cas qui, sur plusieurs points de la mu- queuse, présentaient des désordres plus profonds que le ramol- lissement rouge, des ulcérations gangréneuses affectant les plaques comme leurs alentours et le somrnet de plusieurs granu- lations. La muqueuse de l'estomac, cette fois, n’était point in- tacte ; j'y ai constaté le ramollissement au second degré, vers le grand cul-de-sac. Dans cette seule circonstance, j'ai observé un gonflement peu considérable des ganglions mésentériques. Je n’ai noté qu’une fois un commencement d'altération des follicu- les du duodenum, dits de Brunner. Quant à la lésion des folli- cules isolés, c’est purement et simplement la psorentérie, soit spécifique, soit accidentelle. Je l'appelle accidentelle lors- qu’ellé ne présente que des grains rares, dont le développement se rattache plutôt à l’action d'une cause locale et accidentelle qu’à celle d'une cause générale et spécifique. Quoi qu'il en soit, ce qui paraissait être la règle pour la fièvre typhoïde, savoir : l’ordre réticulé, en tant que lésion, devient ici l'exception, et ce qui. paraissait être l'exception, pour la fièvre typhoïde, savoir : la plaque molle, devient ici l'absence, à peu près. Je dis l'absence, car même dans mes deux cas graves, ce n'était certes pas de la véritable plaque molle qu’il s'agissait, de cette plaque typhoïde classique avec sa saillie, ses bords et le dé- terminé de son dessin. Je n'ai trouvé que deux fois, sur les vingt cas dont il s’agit, la rate hypertrophiée d’un quart et ramollie. Deux fois aussi, j'ai vu le foie excéder ses limites ; il était tou- Jours le séjour d’une stase sanguine, mais sans altération appa- rente de tissu : la maladie marche sans doute trop vile. Le sang s’est toujours présenté très diffluent, comme dissous; je n’y ai jamais remarqué de caillots fibrineux ; je les ai, au con- traire, assez souvent notés dans les typhoïdes. Je m'arrête à ces résultats, qui remplissent mon but de recher- ches différentielles. Quand on les compare a ceux de l'anatomie pathologique des fièvres typhoïdes, on apercoit de nouveau cette loi, indiquée déjà à propos des symptômes, savoir : que tandis que les typhoïdes tendent à l'unité, les typhus tendent à la diversité. Il n’y a pas, à proprement parler, une anatomie patho- logique du typhus ; on y trouve de tout et l’on n’y trouve rien ; la conclusion est négative ; mais une conclusion négative, dans l’es- pèce, a une signification considérable, quand on sait combien la lésion de la typhoïde est constante, pathognomonique, en dépit de quelques exceptions. Cette situation me fait une dispense d'entrer dans des détails longs, fastidieux, inutiles, particulière- ment d'attaquer l'examen des lésions des grands centres nerveux ou des poumons, dont le ramollissement, par noyaux multiples, 274 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. est cependant digne de quelque attention; une conclusion néga- tive se signale ebne se poursuit pas à travers de longs détours. FProplhylaxie du dyplaus. Mon intention était d'abord de compléter cet opuscule par la prophylaxie et le traitement du {yphus nosocomial; mais, en altaquant la question thérapeutique, je me suis aperçu qu'elle exigeait des développements considérables et nullement en rap- port avec l’espace qui peut m'être accordé sur le recueil des tra- vaux du Congrès Scientifique de France. Je me réserve donc de publier à part mes recherches relatives au traitement des ma- ladies typhoïdes, du typhus en particulier, de ses formes diver- ses, simples où compliquées, de ses épiphénomènes, de ses ac- cidents, etc. Il y a là matière à un second mémoire, qui fera le pe ondant de celui-ci. — Quelques apercus de prophylaxie me paraissent, en attendant, indispensables. Si concis qu'ils doivent être » peut- être auront-ils plus d’i importance, au point de vue de l'utilité pratique, que tout ce que je pourrai inclure, dans un vo- lume ad hoc d'indications, de formules, de préceptes, de moyens comparés, de guérison. Prévenir le typhus, lorsqu'on craint son apparition, l'arrêter dans sa marche et sa propagation, lorsqu'il existe, sont choses d’un usage tout autrement direct, général, portant fruit, que la thérapeutique proprement dite. D'autant que des recommandations de la nature de celles qui suivent s’adres- sent à tous, aux administrateurs comme aux médecins, et qu’el- les peuvent être concentrées dans quelques pages. La prophylaxie du typhus découle évidemment de la notion qu'on à de ses causes ; or, originairement, celle-ci sont presque toujours complexes. Ce sont, d’une part, toutes les privations, toutes les misères, l'encombrement surtout, le méphitisme ani- mal et, d'autre part, le contage. Le premier ordre de causes en- gendre le typhus, le contage lé répand : il naît donc, s’entretient, grandit sur cette double racine. Les causes originelles ne sont réellement puissantes, pour la production de cette spécificité, que par leur action combinée. Je n’ose pas dire, d’une manière absolue, que la misère seule, que l'encombrement seul, ne peu- vent pas engendrer le typhus ; je dis seulement que, très ordi- nairement, il n’en va point ainsi. Cela résulte, pour moi, d'une étude attentive de la formation des épidémies. La prophylaæie doit donc, au moins, chercher à rompre la solidarité des causes originelles, lorsque les circonstances lui défendent de prétendre les détruire toutes séparément. Attaquer une des branches du faisceau est, à coup sûr, faire plus qu'on ne le pense en faveur de la conservation de la santé d'une armée. Cette assertion re- pose sur des faits. Nourrissez convenablement une garnison en- combrée, et vous éviterez longtemps, sinon absolument, l’explo- sion du typhus. Aérez suffisamment, maintenez parfaitement tn it ut) date on 2e LT VINGT-TROISIEME SESSION. 275 propres des hommes mal nourris, et vous réSisterez, plus ou moins, à l'invasion de la fièvre typhique, comme cela s’est vu à bord des vaisseaux et pendant certains sièges. D'après Magnus-Huss : «le point de départ du typhus, en tant du moins qu’il est accessible à notre compréhension, semble résider dans une altération du sang d’une espèce particu- lière. Les caractères chimiques de cette altération sont : diminu- tion de la quantité de fibrine, augmentation de la quantité des divers sels organiques, surtout du carbonate de soude. Cette al- tération du sang vient comme conséquence de ce que l’organisme a recueilli un élément étranger. » (Statist. du typhus, p. 113.) — Les caractères chimiques expérimentaux ne sont donc ici que des effets d’une altération essentielle, primordiale, spécifique, déterminée, avec le concours indispensable de certaines condi- tions, par l’action de la vie, puis donnant lieu, ultérieurement, aux phénomènes du contage. En effet, les altérations chimiques de Magnus-Huss se retrouvent dans toutes les fièvres graves de nature septique ; celles-ci différent cependant les unes des autres d'une manière radicale : donc il faut chercher ailleurs que dans lesdites altérations la cause efficiente de la spécificité. Dans l'impossibilité où nous sommes d’attaquer directement une cause productrice spécifique de nature inconnue, nous de- vons demander à la prophylaxie de combattre de tout son pouvoir deux espèces d’agents ; de combattre : 4.° la série des causes ori- ginelles ; 2.° le contage. — Mais, puisque je me suis trouvé en présente d'une armée en.campagne, de ses camps, de ses ambu- lances, de ses hôpitaux, c’est à cette armée dans toutes les situa- tions que j'emprunterai les éléments de mes courtes considéra- tions sur la prophylaxie du typhus. Je remarque d’abord que les auteurs se sont, en général, exa- géré l'influence malfaisante des intempéries de l'air, des phéno- mènes météorologiques proprement dits. Le froid, le chaud, le vent, la pluie, les diverses tensions électriques, les changements brusques que nous éprouvons, sont sans doute des modificateurs puissants, mais ils n'arrivent qu’en seconde ligne pour la produc- tion des maladies, particulièrement des maladies de mauvais Ca- ractère. — Au début d'une campagne, et aussi longtemps que les privations, les fatigues, les émanations méphitiques particu- lièrement, n’ont pas altéré la crase du sang et, par suite, les for- cés de l'organisme, les soldats résistent admirablement aux sai- sons. Mais plustard, mais après de longs séjours dans les camps, dans les villes assiégées, on voit les moindres variations de l’at- mosphère donner lieu à des maladies variées, nombreuses. Ce ne sont plus'alors des phlegmasies franches et peu meurtrières, ce sont des typhoïdes, des typhus, des dyssenteries, des diarrhées de mauvais aloi, des cachexies, avec leurs complications et leurs conséquences. La cause climatérique n’a, dans,ces cas, qu'une 276 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE, importance de sëcond ordre; c'est à titre de cause occasionnelle qu'elle agit, tandis que la cause prochaine gît dans une dévia- tion quelconque du sang, altéré soit lentement dans sa consti- tution, par un travail spécial de la vie, soit directement, par un miasme spécifique venu de l'extérieur. Le typhus est, moins que toute autre affection, le produit di- rect, immédiat d'éléments climatériques. Il y a plus, les agents divers de nature septique, autres que le miasme particulier éla- boré par un corps vivant, ne paraissent pas produire directement le typhus ; ils placent seulement l’organisme humain dans des conditions très favorables à l'élaboration de l'agent spécifique, dont la présence donne lieu à la fièvre pétéchiale. La preuve qu'il en est ainsi, c'est que les agents septiques ordinaires exi- gent un certain temps, un temps assez long, dans des conditions connues et complexes, pour donner lieu occasionnellement , c'est-à-dire par l'intermédiaire d'un travail de chimie vivante, à l'éclosion de la spécificité. Ce n’est pas qu'ils ne puissent rendre l'homme malade, par action directe ; mais la maladie, de mau- vais caractère ou peu grave, qu'ils produisent, de cette facon, n'est pas notre spécificité. — Circonstance fort heureuse et qui nous laisse du moins le temps de nous prémunir contre le typhus nosocomial et autres maladies de nature infectieuse et conta- gieuse. Si les agents d'infection qui entourent une armée cam- pée portaient directement avec eux les maladies typhoïdes con- tagieuses, je ne sais pas comment il serait possible d'éviter l'épidémie en permanence. Donc le miasme spécifique, produit de l'élaboration vivante ou émané de l'homme malade, engendre seul la maladie relative à son espèce. Mais, parmi les choses qui mettent le corps vivant dans une situation favorable à la génération du miasme typhique, les unes ont une puissance très médiocre, les autres une puissance con- sidérable. Il importe à la prophylaxie de les classer selon leur degré de malignité. — D'abord, leur action combinée et soute- nue est ce qu'il y a de plus puissant; c’est ainsi que des hommes mal nourris, fatigués, ayant froid, encombrés dans des locaux insuflisants, soumis à l'influence du méphitisme des camps, de la nostalgie, sont destinés inévitablement à former un foyer de maladies typhoïdes contagieuses. — Ce faisceau de causes étant rompu, l’élèment le plus promptement dangereux, parmi tous ceux que je viens de signaler, c’est le miasme des hommes en- combrés. Voilà l’analogue par excellence, l'agent qui devient le plus aisément, avec l’aide de l'élaboration des corps malades, le miasme typhique même. Et cependant, à ce succédané patholo- gique il faut encore l’appoint de certaines conditions pour qu'il se spécialise. — Les miasmes issus des matières animales, des matières mortes en putréfaction, viennent ensuite ; ces miasmes, avec le concours des conditions adjuvantes dont je viens de hs online à ttes tn dimihimlit she. de dsét, eS s VINGT-TROISIÈME SESSION. 271 parler, ne laissent pas que d’être fort septiques et aples à pro- duire médiatement le typhus : c'est que, sans doute, il n°y à pas une très grande distance, s’il m'est permis de parler ainsi, entre leur constitution intime et celle des émanations délétères des corps vivants encombrés. — Les miasmes végétaux, par la pro- duction des fièvres à quinquina, puis de leurs cachexies COnséCu- _tives, favorisent l’éclosion du typhus, mais d’une facon moins directe et moins prompte. Enfin, les influences saisonnières pro- prement dites, froid, chaud, sécher resse, humidité, électricité, transitions, paraissent être les moindres d'entre les causes ocCa- sionnelles ; à moins qu’elles ne soient soutenues, multipliées par la misère et les fatigues. — Je mets à part le scorbut, résultat d’une alimentation insuflisante, de la mauvaise eau, de la nour- riture médiocre, sèche, salée, de l'humidité froide, constante, de tout ce qui porte directement alteinte à la er ase du Sang : le scorbut semble véritablement ouvrir la porte au typhus. Je l'ai déjà fait remarquer, presque toutes les grandes épidémies de typhus des armées ont été précédées du scorbut, et, pour ma part, j'ai vu la fièvre de réaction de cette cachexie, la fièvre scor- butique, se transformer, en très peu de temps, en fièvre pété- chiale dans nos services. Quel est, au juste, le rapport qui unit ces deux fièvres ? Je l’ignore. Mais ilm ‘importe de signaler cette visée d’étiologie. Les indications prophylactiques qui découlent des renseigne- ments qu'on vient de lire sont claires d'elles-mêmes; rompre le faisceau des causes occasionnelles; combattre, autant que possi- ble, directement les plus puissantes : lorsqu'on est vaincu sur un point, par la nécessité, se fortifier sur un autre ; ne pas donner le temps à la vie d'élaborer le miasme {y phique, à l'aide des circonstances fort connues dont elle a besoin ; telles sont les ressources du médecin, lorsqu'il lui est interdit , en guerre ou ailleurs, d'exiger, d appliquer toute les précautions de l'hygiène. —Si l'encombrement est inévitable, du moins qu'il soit passager, et que l'homme se fortifie par l'alimentation, le vin généreux, le café; si la nourriture est de mauvaise qualité ou peu abondante, faites que l'air à respirer soit pur, donnez de l'activité aux fonctions éliminatrices de la peau, au moyen d’une propreté obligatoire et de frictions ; enfin, brisez la solidarité des conditions complexes sans lesquelles la spécificité dont je m'oc- cupe ne parait guère disposée à à se manifester. Il résulte de ce qu’on vient de lire que l'encombrement des baraques, des tentes, des hôpitaux, est une des plus mauvaises conditions d’une armée en campagne. C’est qu'une armée en campagne donne, très généralement, à l’action du miasme de l'encombrement, tous les secours que celui-ci demande pour s'exercer avec vivacité; c'est-à-dire qu’elle lui apporte le con- cours, l’appoint des différents adjuvants morbides dont je viens 278 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. de m'occuper. — Ce n’est donc pas assez de prescrire l'aération des tentes, pendant le jour, en faisant relever le tablier, ouvrir les portes, sortir les fournitures; il fautencore ordonner rigoureu- sement que les tentes n’abriteront qu'un nombre d'hommes relatif à leur capacité. En effet, la nuit, la tente se ferme hermétique- ment, pour peu qu'il fasse froid ; elle reste close pendant les mau- vais jours, le soldat ne soupconnant guère ce que l’intoxication peut produire de ravages, et se défendant d’abord des atteintes de l'ennemi qui blesse immédiatement son épiderme, du froid, -de la pluie, de l'humidité. Au reste, la tente ne laisse point passer l'air au travers de sa toile autant qu'on pourrait le croire. Qui, parmi les ofliciers de santé d’une armée, n’a pas été surpris, en pénétrant la nuit dans une tente de soldat, de la chaleur qu’on y ressent et de la fétidité de l'air qu’on y respire? Cette partie de l'hygiène d'une armée est des plus importantes. La tente trop remplie n’est admissible que pour une expédition active, rapide, et dans laquelle les campements sont souvent levés; dans les longues expéditions, au contraire, el toutes les fois que les cam- pements deviennent permanents; en hiver surtout, la tente trop pleine est une source de maladies graves, même de typhus, si les soldats sont mal nourris et fatigués. Cela ne peut étre douteux, pour qui prend le’‘soin de compulser avec attention les écrits des médecins et des auteurs militaires. S'il est très diflicile, en état de campement permanent, d’éloi- gner les nombreuses causes de second ordre qui favorisent l’éclo- sion du typhus, du moins faut-il, autant que possible, combattre la condition sans laquelle leur activité ne peut se déployer avec énergie, la condition qui leur donne prise, l'encombrement. Mais ces causes de second ordre et seulement prédisposantes, relativement au typhus, ne peuvent-elles pas être elles-mêmes en partie détruites? — Entrons dans un camp et voyons ce qui s’y trouve. Je ne parle ni de la nourriture, ni des eaux, cela se rattache à trop d'éventualités ; ni de l'assiette des camps, c’est chose que l'on ne choisit pas toujours à son aise, en conciliant les règles fort connues de l'hygiène avec celles de l'art militaire ; je parle de ces détails intérieurs des campements, dont on dispose plus ou moins, et qui jouent un rôle si important dans l'his- toire de la santé d’une armée. — 1.0 Les latrines, situées à peu de distance des abris et dont Podeur est souvent insupporta- ble, dans l’état actuel de leur installation, pourraient souvent (surtout dans les camps permanents), être rendues mobiles, comme on l'a fait à Constantinople pour nos hôpitaux-bara- ques. Cela permettrait de les vider à distance, chaque jour, et d'éviter ainsi le méphitisme, qui ne résiste que trop aux moyens désinfectants usités. 2.9 Des detritus de toute sorte, produit des besoins de la vie, s'accumulent çà et là autour des lieux ha- VINGT-TROISIEME SESSION. 279 bités par une troupe nombreuse ; le soldat, malgré les ordres généraux qui l’obligent à se retirer dans des lieux désignés, y ajoute ses déjections. C’est que, pour ce qui regarde l'hygiène, ses petits détails surtout, bien peu de chefs de corps tiennent ri- goureusement la main à l'exécution de leurs ordres. Lorsqu'une direction habile et sévère oblige le soldat, sans relâche, à reléguer toute immondice dans des lieux choisis el convenablement traités, des chances considérables de maladie et de mort sont conjurées. 3.0 Sous sa tente même, l'homme de guerre néglige de prendre les précautions les plus indispensables ; aussi le sol sur lequel il dort est-il promptement et profondément imprégné d'éléments malsains, dangereux, que la chaleur humide met en fermenta- tion. Cette police intérieure de la tente est ordinairement mal faite. 4.° La propreté personnelle de l'homme fait généralement défaut, pour peu qu’une campagne se prolonge; on voit, dans ce cas, la peau se recouvrir d'une couche épaisse, noiratre, per- dre sa vitalité, devenir le siége de mauvaises éruptions, cesser ses fonctions éliminatrices au détriment du fluide sanguin et des organes, des muqueuses en particulier. En même temps, la barbe et les cheveux se remplissent de saletés et de vermine. Nos souvenirs nous mettent ce triste tableau sous les yeux, et nous savons la différence qui existe entre tel corps et tel autre corps de troupe, relativement au chiffre des malades et de la morta- lité, différence qui se rattache, pour une très bonne part, d'après nos données, au plus ou moins de propreté des hommes-et des choses que le chef de corps sait obtenir. Les objets de laine con- taminés sont les plus dangereux de tous ; les vêtements, les cou- vertures, établissent autour de chaque individu une atmosphère d'infection dontil subit l'influence fatale, qu’il porte partout, et au moyen de laquelle il empoisonne ses semblables. — En résumé, un camp voisin des grandes actions de guerre, par l'effet des cau- ses que je viens de signaler et par suite aussi de la présence de cadavres nombreux d'hommes et d'animaux mal enfouis, ne tarde pas à devenir un foyer d’épidémie, puis de contage. Aussi l'indication hygiénique par excellence est celle de changer sou- vent l'assiette des camps, quand on le peut. Tout le monde y ré- pugne, l'officier lui-même, qui tient à son installation plus que le soldat; mais le commode et l’agréable ne sont pas toujours l'utile et le sain. C'est surtout à propos du changement de l’as- siette des camps qu'il faudrait penser à mettre cette vérité en pratique, en dépit des réclamants. | Je ne dirai qu’un mot de la prophylaxie du typhus dans les hôpitaux temporaires et permanents d'une armée en campagne. — L'hygiène d'un hôpital où l’on craint le typhus, celle d’un hô- pital où il a été introduit, reposent sur les mêmes principes : il n'y a que des différences de degrés entre les précautions à pren- dre dans ces deux situations. — C’est, chose bien vulgaire à dire: 280 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. donner de l'air, beaucoup d'air à respirer aux malades, leur don- ner de l'air sec et pur, à une température convenable, est l'indi- cation première, indispensable. À défaut d'air sec, pur, conve- nablement chaulfé, Pair froid où humide de l'extérieur vaut encore mieux que l'air confiné, infecté. I me paraît impossible de traiter des typhiques avec quelque chance de succès et sur- tout avec quelque espoir fondé de voir cesser l'épidémie, si l'on n'accorde à chaque malade deux lits et quarante mètres eubes d'air environ, L'air renouvelé m'a toujours paru être la meilleure des fumigations : c'est peut-être la seule utile. — La tenue des salles, la propreté parfaite des lits, la libéralité du linge, son blanchissage irréprochable, la bonne installation des feux, des bains ordinaires, des bains-étuves (bains turcs) pour les conva- lescents de maladies diverses, exercent certainement une in- fluence tout autrement eflicace, en moyenne, que la médication proprement dite, sur les prédisposés, les malades et les conva- lescents. C'est là qu'est, en réalité, le salut du grand nombre et la véritable attaque dir ecte à l’ épidémie. Il ne fautjamais oublier que sans l'hygiène la plus attentive, la plus soutenue, la médi- cation est impuissante, sinon à guérir quelques malades, du moins à tarir la source du mal. — Il est trop clair que l alimen- tation, la qualité des vins, l'introduction dans le service des vins toniques, des oranges, des sucs de citron, des fruits murs, con- eourent de la manière laplus ellicace à l'extinction de l épidémie. — Les vieux hôpitaux dont les bois vermoulus s'imprégnent fa- cilement de miasmes, doivent être condamnés. — Le meilleur local, pour des hôpitaux temporaires, est a petite baraque en planches, d’une contenance de huit à dix lits, séparée convena- blement des autres baraques, bien exposée, bien ventilée, facile à nettoyer, © qu ’on peut laisser au repos de temps en temps. — L’ hôpital sous la tente peut rendre de grands services, en temps d'épidémie, lorsqu'il faut à tout prix éviter l'encombrement, abandonner les lieux infectés, rechercher les hauteurs, le grand air; mais ce genre d'hôpital est, en soi, fort médiocre. On y grille en été, on y gèle en hiver il n’est réellement habitable qu'au printemps et à l'automne, sous des climats tempérés ; en- core a-t-il tous les inconvénients énumérés ci-dessus des campe- ments ordinaires. La médecine s’y exerce avec difficulté, le mé- decin y manque d'espace et n’y déploie qu'à demi ses moyens d'investigation. Les pansements, les soins de propreté y rencon- trent de nombreux obstacles ; les distributions d'aliments, de médicaments, vu la multiplicité des locaux, y sont longues, pé- nibles, défectueuses, surtout par les mauvais jours. Il faut, dans ces établissements, un personnel considérable de médecins, d'of- ficiers d'administration, d'infirmiers ; sans cela le régime hos- pitalier tout entier serait en souffrance. — Donc l'hôpital sous la iente ne peut être qu'un expédient; expédientdes plus utiles pour » 4 ET IS ENS EU LE T9 + VINGT-TROISIEME SESSION. 281 une armée, lorsque le choléra, la dyssenterie épidémique, les lièvres graves de marais, les typhoïdes, le typhus, le scorbut, en- combrent en peu de temps les ambulances, les hôpitaux de pre- mière et de seconde ligne, et en font en peu de temps autant de foyers d'infection. On peut quelquefois, à l’aide des tentes, éviter l'explosion du typhus, entraver, arrêter sa Propagation, quand il existe; mais il serait dangereux de s'autoriser de cette utilité de circonstance pour faire de l'hôpital sous toile le régime ordinaire des soldats campés, sous ce prétexte que les tentes sont plus mo- biles et moins dispendieuses que les baraques. On arriverait ainsi à dé cruels mécomptes, autant sous le rapport de l’écono- mie que sous celui de l'humanité. La prophylaxie ne peut done recommander ce régime qu’en insistant sur les restrictions qu'elle ÿ apporte, non moins que sur les précautions dont elle l'entoure. — Telle est, aussi brièvement que possible, la pro- philaxie des maladies épidémiques et contagieuses, du typhus en particulier, dans les camps et les hôpitaux des armées. La constitution médicale de Rochefort s’est-elle modifiée depuis 25 ans ? et. sous l'influence de quelles mesures hygiéniques est survenu ce changement ? par M. MAHER, directeur du service de santé à Rochefort. C’est à la statistique qu’il faut s'adresser pour trouver Ja ré- ponse à la première partie de cette question : les nombres-seuls peuvent préciser le degré de salubrité ou d’insalubrité d'un pays, et il semble, au premier abord, que rien ne soit plus facile que d'arriver à un résultat positif, en alignant, pendant une longue période, les chiffres de la population, des naissances et des décès. Soit, par exemple, une ville renfermant 15,000 habitants, . qui, fidèles à leur patrie, ne quittent jamais le sol qui les à vus naître, et, jaloux de leurs droits, n’admettent point d'étrangers parmi eux ; vous aurez là des éléments rigoureux, et l'état civil vous fournira sans peine des notes qui mettront en lumière, au bout d'un certain nombre d'années, les modifications survenues dans la population ; il s'agira uniquement de peser les naissan- ces et les décès ; l'équilibre des plateaux de la balance ou le de- gré d’inclinaison de l’un d'eux vous donnera, d'un seul cou p, là solution du problème cherché. Mais cette fixité des populations ne se réalise jamais. L'homme est essentiellement mobile, parce qu’il obéit sans cesse à l'attrait du plaisir, au besoin de locomotion inné en lui, ou aux prescrip- tions du devoir ; de là surgit la nécessité de partager toute popu- lation en deux catégories, l’une dite municipale, qui est fixe ou à peu près; l’autre flottante, essentiellement variable. On con- coit, des lors, combien d’irrégularités doivent se glisser dans les ; 19 282 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. essais de statistique tentés jusqu'ici. Les décé es portent sur tous ; les naissances n’appartiennent guère qu'à la fraction sédentaire des habitants, et par conséquent, à mesure que la population flot- taute s'accroît, les chances d'erreur, pour les calculs, se trouvent multipliées. Les différentes villes, sous ce rapport, sont séparées les unes des autres par des nuances d'autant plus prononcées que le chiffre de la population fixe est lui-même moins élevé; ch bien, sous ce rapport, Rochefort est dans les conditions les plus défa- vorables ; le recensement qui vient de finir donne : Population fixe......... 21,372 habitants. Population flottante. .... 7,626 .Je ne mets pas en doute la vérité du premier chiffre; mais le second nest singulièrement suspect. Je suis loin d’accuser de négligence ceux qui en ont fourni ou recueilli les éléments, je constate, au contraire, leur impuissance absolue à mieux faire, et voici pourquoi : la population flottante est composée à Roche- fort des troupes de la marine et de la garnison, des marins et des ouvriers de levée ; les chefs de ces divers corps donnent à la mairie l'indication de leur effectif pour le jour même où il leur est demandé ; mais ce chiffre est passible d'oscillations fort éten- dues ; il ne répond pas exactement aux mutations du passé et ne peut prévoir celles de l'avenir ; cela est si vrai que, puisant aux mêmes sources que la municipalité, je suis arrivé, en tenant compte de tous les mouvements d'une année, à des résultats bien différents. Ainsi, en 4854, la population flottante s’est élevée à 41,071 ; en 4855, à 42,147; elle est ainsi décomposée : 1854. 41855. Gendarmerie......:.... 19 Lier 43 Ouvriers de l'arsenal. 08e 5,614 Équipages dedigne:. ::.4 69 are 3,865 Infanterie de marine.... 1,486 ..... 2,164 Artillerie de marine. .... 18Graitese: 407 Ouvriers d'artillerie. .... 12054046 123 Troupes de terre........ AGIT Een: 231 AAAO A EEE 12,147 Parmi les ouvriers de l'arsenal, il en est peut-être un tiers qui ont vraiment leur domicile à Rochefort et qu'il faudrait ainsi re- porter à la classe de la population fixe; mais cette soustraction sera facilement comblée par les équipages des navires de guerre et du commerce qui, armés dans les autres ports, viennent faire à Rochefort un séjour plus ou moins prolongé. Cet exposé nous fait entrevoir des conséquences de nature à exercer une influence sérieuse sur la question que nous étudions. VINGT-TROISIÈME SESSION. 283 Dans le cas, par exemple, où les décès l'emporteraient à Ro- chefort sur les naissances, ne faut-il pas tenir compte : 1.°—Des décès qui mcombent à la population flottante et qui constituent, presque exclusivement, le nécrologe de l'hôpital de la marine. É À 2.°—Des décès des marins qui succombent à Ja mer et qui figu- rent, cependant, au dossier de l'état-civil. É 3.—Des décès des divers employés de l'État Qui, ayant con- tracté dans les colonies une affection dangereuse, viennent re- demander à la métropole une guérison impossible, et grossissent | ainsi la liste fatale ? Ces réflexions préliminaires posées, nous avons hâte d'entrer dans le vif de la question. Les tableaux suivants sont empruntés aux travaux patients et consciencieux de M. Piaud, secrétaire de la mairie, et de M. Lefèvre, aujourd'hui directeur du service de santé à Brest, aux recherches desquels je me plais à rendre ici un public et éclatant | hommage. | D’après les recensements officiels, la popylation fixe de Ro- | chefort s’est élevée : Dans l'äant8 ul à 45,000 Hi SOUL EL à 44,615 (51 QU F4 EP RERR ENS DAUTS à 12,389 È An AS22. MEN aoart à 13,379 | En AIS AGE PEU) D à 42,909 | | DA SR. LEP HET ES à 44,040 ER MS36 ERA CIE 2 à 14,516 | ERA SA END ANNE à 45,955 à ERA SAGE 00) 0) à 47,745 Ê BOMBE A MON CAN, à 48,634 Elle s'élève, en 1856............ à 21,372 Il semble que la commission du Congrès Scientifique chargée de la rédaction du programme ait eu connaissance des fluctua- lions de population que révèlent les nombres précédents, quand elle a posé la question portée en tête de cette note. Voyez, en ef- let, le chiffre s’abaisser de l'an 8 à 1820, tenter de se relever en 1822 pour tomber encore en 1826; à partir de 1834, au con- traire, suivre, jusqu'à cette année, un mouvement de progression constante. Quelle que soit la cause de cette augmentation dans les dernières vingt-cinq années, elle constitue nn fait, d'autant plus important à noter qu’il s'accorde avec l'opinion générale que, durant cette même période, l'assainissement de Rochefort a fait de continuels progrès. Une preuve nouvelle et irrécusable de cette amélioration est fournie par le chiffre de la vie moyenne à Rochefort, calculée de- puis 1790, par périodes de dix années ; ainsi la longévité moyenne CRUE à din. ds » | a lé : 284 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Hn1799.1 eux de 19 ans, — 10 mois, — 6 jours. on 1809127 de 26 — 8 — 19 En 1819..... de 25 — 5 — 10 En 1829. ... le 28 — 6 — 27 En 18397120 de 32 — — 18 En 1849...:. de 32 —. 10 — 18 C'est là, sans contredit, le témoignage le plus authentique en faveur de la salubrité croissante du pays. On ne manquera pas d'objecter cependant que la vie moyenne en France était de 31,8 ans vers 1817; de 34, 17 ans plus tard, et qu’elle est main- tenant de 36,7 ans ; qu'ainsi Rochefort reste toujours au-dessous du niveau commun, et que par conséquent sa constitution médi- cale laisse énormément à désirer. Ce reproche n’est que spécieux ; en effet, théoriquement parlant, dans une population considérée comme à peu près stationnaire, la population est égale aux nais- sances annuelles, multipliées par la durée de la vie moyenne (4). Appliquons cette règle à Rochefort, pour 1851; elle a compté 633 naissances; la vie moyenne a été de 32 ans 10 mois 18 Jours; donc la population aurait dû être de 20,814; or, si on tient compte seulenfént de la population fixe, elle ne s'élève qu'à 18,634; si on y ajoute la population flottante, estimée par la mairie 5,696, on arrive à 24,330; dans l’un et l’autre cas, le calcul, posé comme principe par le bureau des longitudes, se trouve faux; ce n’est pas lui qui peut avoir tort; il faut donc chercher ailleurs la cause d erreur. Rien n’est plus facile. Dans la même année 4851, que j'ai prise pour type, le nombre des dé- cès, en ville, a été de 564; admettons, pour un instant, que l'existence moyenne de ces 564 décédés ait été de 36,7 ans, à quel chiffre de population totale arriverions-nous? à 23,231, différant fort peu, comme on le voit, de l'appréciation munici- pale. Mais à ce total des décès signalés, il faut en ajouter 4115, fournis par l'hôpital et portant exclusivement sur des employés de la marine, compris dans la population flottante et d’un âge ‘is varie génél ralement entre 20 et 30 ans, soit 25 en moyenne (2. Eh bien, si vous faites figurer à côté de vos 564 décès à 36,7 ans, ces 113 décès à 25 ans, vous faites forcément descendre le chiffre de la vie moyenne a 03e 2 ans, c’est-à-dire à une minimum dis- tance de ce qu’il paraît être en 1849. Si maintenant, d'un autre côté, vous vous rappelez que la population flottante est de beau- coup supérieure à l'estimation dite officielle, qu'elle n’est pas productive pour les naissances, tandis qu'elle contribue à la somme des décès, vous vous expliquer rez. pourquoi l'équilibre semble rompu à Rochefort, et vous pourrez dire hardiment que la mortalité ici est à peine aujourd'hui ce qu’elle est partout ailleurs. ) Annuaire du bureau des longitudes pour 1855, page 198. ( Sur 8% décès survenus à l'hôpital, du 1er janvier au 1er septembre 1830, DT portentsur des | jeunes 2ens de 19 à à 25 ans. VERT PER EE, HT VINGT-TROISIEME SESSION. 285 Les éléments d’ appréciation qu'on demanderait aux naissan-# ces sont bien loin d’avoir la même valeur; le nombre de celles-ci peut, en effet, présenter des variétés infinies, sans que ces écarts doivent être attribués à l'influence sanitaire du pays. Le nombre des mariages contractés annuellement à Rochefort doit, par exem- ple, être pris en sérieuse considération, quand on veut faire une statistique exacte des naissances. Nous voyons que le rapport des naissances et des mariages à la population à été toujours par période décennale. Naissances. : Mariages. En 41799: %20 4 : 19, Gel 4 à 55,1 1809:.... | Mc: IP ROME ARS 1 à 83,4 1819..... 1829..... (RE CURE SE | à 94 1839..... HS 39: PEN EN 1 à 400 1849..... Quelque incomplet que soit ce résumé, il porte avec lui un enseignement précieux. Nous voyons les mariages, à mesure que nous approchons de l’époque actuelle, devenir de plus en plus rares, et, comme conséquence forcée, les naissances subir une réduction proportionnelle. Est-ce aux conditions climatiques qu'il faut s’en prendre? en aucune façon ; c’est à la dépréciation de l’argent. Le prix des choses de première nécessité, aussi bien que des objets de luxe, a tellement haussé ; les besoins factices, introduits par une prétendue civilisation, se sont multipliés à ce point que l'institution sainte du mariage est devenue générale- ment une spéculation, et qu’on entame cette affaire dans le cas seulement où elle promet de notables bénéfices matériels; par crainte de la pauvreté, on se marie peu, et si l’on se marie, on a peu d'enfants. Cette conclusion triste, mais rigoureuse, ne s’ap- plique nulle part mieux qu’à Rochefort, pays de fonctionnaires sans autre fortune que leurs s modiques appointements, et qui sont obligés de calculer au plus juste pour mettre en harmonie les dépenses et les recettes d’un budget extrèmement réduit. Si maintenant nous voulons connaître — point le plus essen- tiei peut-être — le rapport des décès à la population, voici ce que nous apprend M. Piaud : En 1799... 4 à 16,44 — en 1794... 1 à 12 En 1809... 1 à 19, 30 : En 1819... + à 26, 61 — en 1804. 4 à 42,10 En 1829... 1 à 26,36 En 1839... 1 à 30,15 En 1849... 1 à 34,83 En 1854... 1 à 36, 08 Est-il possible de cet sous le rapport de l’assainisse- ment, une amélioration plus marquée et plus soutenue? Et il 286 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. faut se rappeler encore que les calculs de M. Piaud ont toujours pris pour base-un chiffre de population flottante inférieur à la réalité, de telle sorte que la proportion de la mortalité doit des- cendre à 21/2 p. 0/0 tout au plus, au lieu d'approcher de 3 p. 0/0 pour l’année 1854. Jugez enfin, par exemple, des non valeurs qu'il faut déduire de ‘votre somme ftotale des décès, si vous voulez l'interpréter avec conscience. En 1854, que je prends pour terme de comparaison, il y à eu 644 naissances et 814 décès ; mais 625 seulement de ceux-ci appartiennent à la population, tandis que 189 portent sur des Français étrangers à la ville. C'était, en outre, une année fertile en épidémie; le choléra a fait 133 victimes, la variole 25, et enfin le nombre des morts accidentelles a été de 12. Ainsi, pour condenser les données précédentes en quelques résultats généraux, nous pourrons dire : 1.° de 1820 à 1856, la population fixe de Rochefort s'est élevée de 12,389 à 21,372. 2.9—La vie moyenne, qui était, en 1819, de 25 ans, 5 mois et 10 jours, était, en apparence, en 1849, de 32 ans 10 mois et 18 jours ; elle est, en réalité, aujourd'hui, de 36,7 ans, comme pour le reste de la France. 3.9—E£En 1819, il mourait 1 sur 26,61 ; en 1854, 1 sur 36,8, dit la mairie; pour nous, { sur 40. On est done en droit de proclamer que la salubrité de Roche- fort s’est heureusement et progressivement modifiée depuis le commencement de ce siècle, et que les vingt- cinq dernières an- nées surtout ont réalisé un incontestable progrès. Mais les ter- mes généraux de cette conclusion ne nous suflisent pas; il est essentiel d’invoquer de nouveaux arguments pour l’établir sur un terrain plus solide encore, et dans ce but je vais aborder les détails de la constitution médicale. C’est surtout à la statistique pathologique de l'hôpital de la marine que je pourrai emprunter ce nouveau genre de preuves, parce que le travail, pour la com- mune entière, est resté jusqu’ à ce jour incomplet. Que le choléra sévisse ici comme ailleurs , que les affections de poitrine : pleurésie, pneumonie, pthisie pulmonaire, Croup, angine couenneuse ; que les maladies des centres nerveux fassent de nombreuses victimes, ainsi qu'on le constate partout, per- sonne n’a le droit de s’en émouvoir et d’en faire la base d’un grief contre notre pays, sous peine d’envelopper dans le même ana- tlième toute la France; que dis-je? le monde entier. Précisons donc bien le côté de l attaque ; indiquons, sans détour, le pré- tendu défaut de la cuirasse ; quand on parle de l'insalubrité de Rochefort, ce reproche, vague en apparence, s'adresse exclusive- ment aux fièvres intermittentes endémiques qui, pendant les mois d'août, septembre et octobre, c'est- à-dire pendant la saison caniculaire, revêtent la forme épidémique. Eh bien, il faut l'avouer, ce reproche a été mérité dans un VINGT-TROISIEME SESSION. 287 temps; mais le formuler aujourd'hui, dans les mêmes termes, c'est évidemment faire de l’anachronisme. Certes, en 4793, quand la ville comptait 4,254 décès et l’hôpi- tal 4,875; quand, en 4805, le nombre total des morts s'élevait à 4,955, les accusations d’insalubrité n'étaient que trop légiti- mes ; mais, qu'on y fasse bien attention, l'élévation extrème de ces chiffres déplorables met entre nos mains des armes puissan- tes pour repousser des agressions qui, fondées jadis, n'ont plus mäintenant leur raison d’être. Remarquez, en effet, la moyenne de la mortalité à l'hôpital, par période décennale. En 1799...... 708 décès. En 1809...... 609 En 1819...... 315 En 1829...... 314 Enrt839% ur: 194 En 1849 ..... 199 De 185018554200 195 Les décès se trouvent donc réduits, en 1855, de près des 5/6, par rapport à l’année 1799, et des 3/5, par rapport à 1829. C’est pourtant depuis cette dernière époque que le choléra est venu ajouter son fatal appoint à la table nécrologique, et ce fait ne donne que plus de force à notre argumentation. Les miasmes paludéens, tel est notre ennemi réel, tel est aussi le fantôme qu’on évoque sans cesse devant nous. Cherchons la vérité en la dégageant de toutes les exagéralions qui la voilent. Il y a trente-cinq ou quarante ans, les émanations palustres exerçaient encore à Rochefort, sur la santé publique, une in- fluence désastreuse; non seulement les fièvres intermittentes étaient nombreuses et tenaces, mais elles se compliquaient sou- vent d'accès pernicieux, qui mettaient la vie en péril, ou elles conduisaient les malades, à la suite de fréquentes récidives, à un état de chloro-anémie qui se traduisait par des engorgements viscéraux et des hydropisies générales, principe d’un nouveau danger; à cette époque, la nouvelle génération portait, sur l’en- semble de sa constitution, l'empreinte de cette cachexie, de débi- lité profonde, que lui léguait une funeste hérédité; à cette époque, malgré le chiffre restreint de la population maritime, l'hôpital regorgeait de malades, et l'hôpital de Saintes était un diverticulum obligé. Certes, il est inutile d’invoquer le secours des chiffres pour démontrer l’heureux changement qui s’est opéré depuis lors. Dans les mois les plus néfastes des plus mau- vaises années, le nombre des malades admis à l'hôpita: n'excède pas 500, malgré l'accroissement de la population maritime ; l'hôpital de Saintes reste fermé depuis 1836 ; les fièvres perni- cieuses deviennent de plus en plus rares; lintoxication palu- 288 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. déenne chronique à perdu sa puissance ; les 2ros ventres et le teint couleur jaune-paille sont passés à l’état de mythe, et nos Jeunes enfants font notre orgucil par leur robuste embonpoint et la fraicheur de leur carnation. Peut-être cependant ces afür- mations ne séduiront pas tout le monde; on est sceptique, à bon droit, dans le siècle où nous sommes, et la confiance ne va guère qu'à celui qui, preuves en main, s’en montre digñe. Prouvons donc. Interrogeons d'abord un tableau dû à M. Lefèvre et dressé dans un but autre que celui que je poursuis. Dans son mémoire intitulé : de l'influence des lieux marécageux sur le dévelop- pement de la phtisie et de la fièvre typhoïde, je trouve, page 15: « Voulant connaître dans quel rapport les affections de poi- » trine se développent avec les autres maladies, et surtout avec » les fièvres endémo-épidémiques, nous avons constaté que, du » {1° mai 1840 au 31 décembre 1844, sur 6,698 malades admis » dans le service du premier médecin en chef, 473 avaient suc- » combé, et que les maladies traitées ou qu sont derenues cause » de mort, étaient ainsi distribuées : Fièevres intermitfentes....... 3,612,ayantfourni 3 décès. Fièvres pernicieuses........ 1 DAERE SE 10 Fièvres typhoïdes.......... DU ET HAINE 11 Maladies de poitrine... ..... ADR ST PR TA 93 Maladies des organes digestifs. 369........... 18 Maladies des autres appareils. 1,380........... 38 6,698 173 Or, le service du premier médecin en chef ne comprend pas tout à fait le quart du total des fiévreux de l'hôpital ; cé relevé de sa clinique, pour une période de près de cinq ans, représente donc à peu près l'équivalent de toutes les maladies traitées pen- dant une année, dans l'hôpital entier. Il en résulte que l'on peut compter, comme moyenne annuelle, de 1840 à 1844, 3,652 cas de fièvres intermittentes. Nous voyons, dans des statistiques postérieures, ce chiffre baisser singulièrement; mais déjà une re- marque fondamentale se présente à notre esprit; c’est que, sur un total de 173 décès, les fièvres intermittentes ne figurent que pour 43 ; soit, moins de 1/13. Dans la statistique médicale de Rochefort, pour 1849.et 1850, notre savant compatriote indique bien, à la page 48, les causes de la mortalité de toute la commune dans le tableau suivant : Causes de la mortalité. 1845—1846— 47— 48— 49— 50 Maladies de poitrine... 312— 253—381—294—270—218 Fievres diverses..._.. 95—: 89— 66— 89—106— 56 Maladies de l'abdomen. 719— 160— 49— 46— 40— 59 LP COS pre YINGT-TROISIÈME SESSION. 289 Maladies de la peau... 43— 29— 45— 26— 37— 14 Maladies des centres . Nnerveux........ LE 91— S8—108—-105—100—102 Maladies de l'appareil cuculatoire. . 008 12— 5— 13— 12— 36— 33 Maladies diverses..... 72— 102—115—119—133— 79 Choléra asiatique. .... D— D— »— »—5hl— > Morts accidentelles.... 33— 95— 38— 33— 33— 22 Mais le titre général de fièvres diverses et de maladies diverses laisse trop de vague à l'interprétation, pour que nous puissions nous croire en droit d'en tirer parti. Heureusement, à la page 9 de la même publication, nous trou- vons le résumé fort instructif des observations faites sur unë po- pulation spéciale qui, soumise à une surveillance attentive, ne laisse aucune prise à l'erreur. En dehors de la mortalité choléri- que, le bagne de Rochefort, en 4850, sur un effectif de 1,000 for- cats, en a perdu 47; les causes de cette mortalité ont été : Pleurésies et pneumonies. 48. Affections cancéreuses. #4. Phtisies pulmonaires. .... 8. Apoplexies cérébrales... 2. Fièvres typhoïdes........ S:Hydropisies res 2. Fièvres pernicieuses. ..... &. Affections diverses.... 6. ° Toraz.... 47 * Les décès par fièvres intermittentes ne représentent donc, en 1850, que un peu moins de 4/11, résultat moins avantageux en apparence que celui signalé précédemment, mais plus favora- ble, si l’on réfléchit qu’il se rapporte aux forcats; dans les ba- gnes, en effet, comme dans les maisons de détention, le chiffre des décès est toujours plus élevé, comparativement, que celui des classes libres ; les documents fournis par M. Chassinat mettent ce fait hors de doute pour Nismes, Riom, Limoges, Clairvaux, etc. Pour jeter un nouveau jour sur cette face de la question que j'étudie, je tiens à présenter un résumé médical des faits recueil- lis à l'hôpital de la marine, dans l’année 1855; ce sera, je l'es- père, un dernier et solide argument en faveur de l'opinion que je soutiens avec une conviction profonde. J'ai dit, en commencant, que la population flottante, pour 1855, était de 12,147 ; en y ajoutant 818 agents divers soumis au Con- trôle du bureau des revues, il en résulte que l’effectif du person- nel ayant droit à l'admission à l'hôpital a atteint le chiffre de 12,965 individus. : Le nombre de malades admis dans cettte période annuelle à été de 7,060. Le chiffre des décès a été de 169. Le nombre des journées de malades a été de 128,536. Ce qui donne, pour chaque homme, une moyenne de 18,2. Cent hommes ont donné environ 56 malades, sur lesquels : 290 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. 7 blessés. 38 fiévreux. 8 vénériens. 2 galeux. 1 maladie de peau... 1,3 mort. Les déces ont été de 2,4 sur 100 malades. : Les équipages de ligne ont fourni... 1,007 fiévreux... 26 0/0 Les troupes de marine.......... RUE LB à | 63,9 Les ouvriers du port............ PEL PART ARRET? 23,9 Les troupes de la guerre. ........ 149. CG 64,5 Ces proportions démontrent déjà que les troupes d'infanterie de marine et de la guerre sont plus fréquemment atteintes que les marins parles maladies internes, en tete desquelles il faut pla- cer les fièvres intermittentes. Cela tient à ce que, dans l’armée, les régiments de terre et de mer ont recu de nombreuses recrues qui ont subi l'influence d’un nouveau climat et d’un changement brusque d'habitudes, tandis que les marins, familiarisés, par état, avec toutes les vicissitudes atmosphériques, rompus à tous les genres de vie, résistent avec plus de succès. Une autre con- séquence à déduire de cette immunité relative des équipages de ligne, est la réalité de l'assainissement progressif de Rochefort. Autrefois, en effet, la caserne des marins, située au sud de k ville, près de la porte de Martrou, recevant, de premier jet et sans abri, les émanations palustres transportées par les vents du Midi, les plus insalubres de tous, était un foyer permanent de fièvres intermittentes ; la population de ce même établissement se trouve aujourd'hui préservée à un degré notable; tandis que les caser- nes de l’infanterie de marine et de la guérre, qui occupent le Nord de la ville, c'est-à-dire le quartier le plus sain, ont été at- teintes dans une proportion infiniment supérieure. Donc, les conditions climatériques se sont avantageusement modifiées; donc les prédispositions individuelles jouent un très grand rôle dans le développement d’une affection épidémique dont le germe, s’il existe encore, ce que je suis loin de contester, a perdu la plus grande partie de son activité. | Sur les 169 décès signalés comme formant le contingent de 1855, douze appartiennent au service des blessés, un est dû au suicide, un autre est un cas de mort subite, sans lésions cadavé- riques. La part qui revient aux fiévreux se trouve ainsi réduite à 155. Une revue très rapide des principales maladies traitées dans l'année, donne une nouvelle sanction aux conclusions formulées jusqu'ici. Les cas de fièvres intermittentes vont à 1,606, c'est-à-dire qu'ils font, à eux seuls, presque le quart des maladies. Mais, heureuse compensation, pas un décès n’a été enregistré, et il est | | | VINGT-TROISIÈME SESSION. 291 bon de noter en passant qu’en raison des récidives qui caractéri- sent ce genre d'affection, on peut réduire de beaucoup ce nombre de 1,606, qui ne s'applique peut-être qu’à 41 ou 4200 individus. 28 Cach exres paludéennes, dont un tiers au moins a été con- tracté à Cayenne ; un seul décès. S'il vous souvient, Messieurs, de ce que nous avons établi plus haut, le progrès sanitaire ne vous échappera point. De 1840 à 1844 les fièvres intermittentes ont donné 1/13 des décès. DNA RC NON SDL TA SUR IS MEN ALES 1711 ÆEt-voici qu'en 1855 nous ne trouvons que........... 1155 Permettez moi d'ajouter que 1854 n’a donné que..... 1/194 1,445 Affections de poitrine. En additionnant les pneumonies, pleurésies, phtisies pulmonaires et laryngées, bronchites aiguës, chroniques et capillaires, angines laryngées, nous arrivons au chiffre de 1,445 affections des voies respiratoires, c'est-à-dire un nombre qui se rapproche de celui des fièvres intermittentes. L'analogie, malheureusement, ne peut être continuée plus loin, sous le rapport du pronostic particulièrement : 85 décès, en effet, incombent à cette catégorie de maladies, et si nous voulons spé- cifier davantage, nous trouverons que la mortalité a été : Pour la pneumonie, de... 46 0/0 \ MEME Ne Pere Ze jet Phtisie pulmonaire....... 59 Angine laryngée......... 16 Bronchite capillaire. ..... 57 Fièvre intermittente!! de.. 4, non point sur 400, mais sur 4,634 (1). Les 69 décès restants sont dus : 7 A la fièvre typhoïde. 27 Aux fièvres éruplives, rougeole, scarlatine et variole. 1 A la dyssenterie. 5 A la péritonite. 8 Au choléra. 12 Aux méningites cérébro-spinales. 5 AFP apoplexie. 3 A lanéphrite albumineuse. 1 A une affection organique du cœur. Permettez-moi, Messieurs, de donner un dernier coup de crayon au tableau que j'ai tenté d’esquisser. Dans le courant de l’année 1855, le Conseil de santé de la marine, que j'ai l'honneur de présider, a délivré 294 congés de (x ) En admettant - ce qui est lom d’être probable - que quelques hommes en congé de convalescence ou de réforme aient succombé, loin de Rochefort, aux suites d’une cachexie paludéenne, il n’en restera pas moins démontré l’in- nocuité relative, presque absolue, des fièvres intermittentes. = 292 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE, convalescence, et reconnu 140 marins absolument impropres à tout service; les fièvres intermittentes figurent pour 74 dans la première catégorie, pour 2 seulement dans Ja seconde. Je m'arrête ici, et sans revenir sur mes pas, Je me crois auto- risé à conclure et à affirmer bien haut que la constitution médi- cale de Rochefort qui, déjà, en 1830, s'était heureusement mo- difiée, s'est considérablement améliorée encore depuis 25 ans. Avons-nous réalisé tous les progrès possibles ? non certes ; il reste encore beaucoup à faire, et c'est ce que va nous démontrer l'étude de la seconde partie de la question : « Sous l'influence de quelles mesures hygiéniques est survenu le changement cons- taté? » Les marais sont le foyer des miasmes qui engendrent les en- démies les plus meurtrières ; le desséchement est donc le remède indiqué en pareil cas, et c'est vers ce but qu'ont dû tendre les efforts des hommes qui ont pris en main les intérêts et la pros- périté du pays. Les travaux de desséchement ne furent sérieusement entrepris que sous l'administration de M. l'intendant Reverseaux,vers1783. C'est alors que fut commencé le canal de Brouage, artère cen- trale de déviation, sur la rive gauche de la Charente. On cons- truisit aussi quelques essais de digues, pour arrêter les déborde- ments de cette rivière. Sur la rive droite, on creusa, en partie, le canal de Charras, pour déblayer le terrain compris entre l'embouchure de la Cha- rente et les marais de Saint-Louis, dits la Petite-Flandre. L’orage de la révolution qui devait éclater en 89 grondait déjà dans le lointain ; un malaise général se faisait sentir à l'avance; l'argent devint rare dans le trésor public comme dans les tran- sactions privées ; alors l’activité qui avait été d'abord imprimée aux travaux se ralentit peu à peu; bientot ils cessèrent com- plètement, et les ouvrages abandonnés tombèrent en ruines. Plus tard, quand le génie dugrand homme eut rendu à la France le calme et la confiance, au commencement de ce siècle, un citoyen dont Rochefort conservera à jamais le souvenir, un premier médecin de la marine, à qui je suis heureux de payer ici un tribut de reconnaissance et de vénération, Cochon-Duvi- - vier, qui venait d'être appelé au Corps Législatif, sentant que le moment était favorable pour reprendre et compléter l'œuvre pro- jetée, sollicita et obtint du Premier Consul une allocation d'un million. Ce fut vers cette époque {août 1805) que M. Masqueley, jeune ingénieur des ponts-et-chaussées, fut envoyé à Rochefort avec la mission importante de réaliser la pensée de Dulaurens, de Reverseaux et de Cochon-Duvivier ; il était impossible de choisir un homme qui comprit mieux les besoins du pays, qui s’identi- fiàt davantage à ses intérêts, qui consacràt à cette œuvre im- PONT Se nu aéait -tfe Dt 4 « LÉ LS dde VINGT-TROISIEME SESSION. 293 mense plus de zèle, de désintéressement et de science. Pendant quarante ans, M. Masqueley a élé constamment sur les brèches, disputant à l'eau le terrain qu'elle envahissait, creusant des ca- naux, élevant des digues, fertilisant le sol inculle, substituant aux émanations marécageuses un air salubre, rendu plus vivi- fiant encore par de nombreuses plantations ; et dans cette longue lutte, jamais son courage n’a faibli, jamais ne s’est ralentie cette ardeur de conquêtes pacifiques qui tournaient toutes au profil de l'humanité. Messieurs, celui qui se sent la force de mener à bonne fin une si noble entreprise n'en demande le prix qu'à sa conscience; mais les marques de gratitude des populations, sauvées par lui des étreintes de l’ épidémie, ne sauraient trouver son Cœur insen- sible ; M. Masqueley a eu deux fois dans sa vie cette douce ré- compense, cet insigne honneur. Le conseil municipal de Pont- l'Abbé lui a voté une glorieuse adresse; celui de Rochefort, au nom de tous ses concitoyens, lui a décerné une épée enrichie de diamants. Je sais que ma voix, fidèle écho du passé, ne saurait rien ajou- ter à ces précieuses distinctions, et je me bornerai à citer, le plus rapide ment possible, les travaux dirigés par cet habile i ingénieur ; ce sera encore faire son éloge et répondre en même temps à la question du programme. Voici à peu près, dans l'ordre où ils furent exécutés, les tra- vaux d'assainissement dus à M. Masqueley : Diques de la Charente. Sur la rive droite, les digues partant du fort de la Pointe vinrent aboutir au port militaire, en contour- nant les deux côtés du canal de Charras. Sur la rive gauche, elles s’étendirent de la fontaine de Lupin à La Bridoire. Plus lard, une digue beaucoup plus forte fut construite entre Fouras et le fort de la Pointe, et enleva ainsi à la mer une vaste étendue de ter- rain dont l'agriculture profita. Cet ouvrage fut complété par un large fossé, intérieur aux digues, destiné à recevoir les eaux des marais et, par des chenaux avec pontceaux à vanne, déversant dans la Charente. Canal et hävre de Brouage. Le canal de Brouage propre- ment dit est compris entre les deux écluses de la Bridoire et de Brouage ; sa longueur est de 13,300 mètres, sur une largeur moyenne de 17" el une profondeur de 2" 50. Le hävre qui va de l’écluse de Brouage à la mer a une longeur de 5,500" environ, avec une largeur etune profondeur variables. L’écluse de La Bri- doire est précédée d’un chenal de 500" se jetant dans la Charente. Le canal de Brouage établit.don'c une continuation entre la Cha- rente et la mer; il recoit dans son parcours les eaux du canal de Pont-l’Abbé, celles d’une partie des marais de Brouage, et celles d'une partie du marais de Beaugeay. La navigation y est possible dans toutes les saisons. # 294 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Il existait, à l’est de ce canal, un marais qui remontait vers Pisany, dans une étendue de plus de 20 kilomètres. L'ancien ca- nal de Pont-l'Abbé, presque comblé et devenu inutile, si ce n’est dangereux, fut recreusé entièrement, et le marais compris entre Pont-l'Abbé et Soulignac fut transformé en prairies de première qualité, en jardins délicieux, en magnifiques planta- tions. Le canal de Broue, creusé sous M. de Reverseaux, et qui re- coit, à droite el à gauche, les eaux du marais, fut rétabli par les soins des Sociétés-Syndicales, auxquelles M. Leterme, sous- préfet de Marennes, imprimait, de son côté, une vigoureuse im- pulsion. Outre ces travaux gigantesques, dont le but est particulière- ment le desséchement et l'irrigation des marais de la rive gau- che de la Charente, un travail projeté et commencé par M. Mas- queley est aujourd'hui en cours d'exécution; c'est le canal dit de Marennes, destiné à établir une voie de communication entre le chenal du Lindron et le canal de Brouage, et par suite entre la Tremblade, Marennes et Rochefort. | Desséchement des marais de la rive droite. Commencé dès l'origine du 17° siècle, il fut poursuivi, puis abandonné par M. de, Reverseaux. En 1808, M. Masqueley refit le nivellement général et le projet; en 41810, le travail fut entrepris; il était terminé en 4812. Le canal s'étendant du gué de Charou à Charras, long de 19,420", sur une largeur de 8 à 14, avait une profondeur de 2 à 3 mètres. Ces dimensions devaient le rendre navigable ; mais le projet fut modifié, et il devint simplement un canal de dessé- chement. Pendant que ces notables améliorations s’accomplissaient au dehors, la ville de Rochefort réalisait aussi, dans l'enceinte de ses murs, d'heureuses modifications. Les rues furent mieux pavées et plantées d'arbres, les ruisseaux mieux disposés, la pompe à feu et le Château-d'Eau permirent l'établissement d’une irriga- tion abondante, qui s'opère aujourd'hui, sur cinquante-deux points différents, à l’aide de tuyaux de conduite, dont la longueur totale est de 4,324 mètres. Tel est, Messieurs, en peu de mots, résumant les faits les plus saillants, le secret de l'assainissement de Rochefort, considéré à un point de vue général. Sans aucun doute, l'hygiène privée a le droit de revendiquer sa part dans ce changement favorable ; les logements sont plus aérés, plus sains qu'autrefois, et, pour le dire en passant, la construction de ces petites maisons de la ban- lieue, consacrées à la population ouvrière et dont M. Félix Leps s'esten quelque sorte réservé le monopole, exerce sur. la santé publique une salutaire influence. Mais ce ne sont là que des dé- tails secondaires près de ce grand fait qui domine et absorbe fout : le desséchement des marais. L nn nd. 2" VINGT-TROISIEME SESSION. 295 A côté de lui, cependant, se montre l’action médicale, et quel- ques lignes sufliront à mettre en évidence son rôle essentiel. A mon début dans la carrière, la médecine était imbue des doctrines humorales, et je me rappelle fort bien comment, à l’hô- pital de la marine, était institué le traitement des fièvres inter- mittentes ; le jour d'entrée, on prescrivait aux malades un vomi- tif, le lendemain un purgatif; puis on attendait deux ou trois accès pour bien juger le type de la pyrexie, et ce n’était généra- lement qu'après cinq ou six jours d'expectation qu'on adminis- trait les préparations de quinquina. Il en résultait ce grave in- convénient, qu’on laissait à la fièvre le temps de jeter de profondes racines dans l’organisme, et qu’elle opposait plus de résistance à l'action spécifique de l’écorce du Pérou. D'un autre côté, les do- ses énormes du fébrifuge exotique, pris en nature, fatiguaient l'estomac, altéraient ses fonctions et ajoutaient une complication fâcheuse au mal existant déja. Plus tard prévalut la méthode physiologique de Broussais; aussi funeste au moins que la pré- cédente, parce qu’elle enchaîne le principe de réaction dont l’é- conomie à besoin pour se débarrasser des miasmes paludéens ; mais le règne de ce système fut de courte durée à Rochefort, où il ne pouvait tenir contre le résultat de l'expérience. Puis vint enfin la découverte des alcaloïdes du quinquina, qui révolutionna la thérapeutique des fièvres de marais; depuis cette époque, grâce à la quinine, leur traitement repose sur une base fixe et invariable ; le sel du quinquina est donné dès la première apy- rexie, sans préparation aucune, et la guérison, qui ne se fait plus attendre comme autrefois, est bien plus rarement suivie de re- chute. L'emploi de la quinine a contribué presque autant que le desséchement des marais à l'assainissement du pays; l'hygiène est la fille de la médecine. Rochefort, en témoignage de sa recon- naissance, devrait élever un monument à la mémoire de Pelletier et de Caventou, bienfaiteurs de l'humanité. J'arrive à la fin de ma tâche, et j'ai l'espérance, Messieurs, que ma conviction, basée sur des chiffres officiels et sur des faits authentiques, aura passé dans votre esprit. Ne croyez pas, ce- pendant, que j'exagère la portée de mon appréciation en faveur de Rochefort ; l’ère des améliorations n’est pas fermée; il reste bien des progrès à poursuivre ; il faudrait opérer encore le dessé- chement des vastes marais traversés par la Boutonne, tout en maintenant dans cette rivière un niveau d’eau compatible avec la navigation ; il faudrait combler, pour les rendre à l’agricul- ture, les marais salants de Brouage et de Marennes; tt ou tard, les propriétaires déposeront d'eux-mêmes le lourd fardeau de la concurrence que leur font les mines de sel gemme; il faudrait arrêter les déboisements et multiplier les plantations ; il faudrait fournir à Rochefort une plus grande quantité d’eau pour les ar- rosages ef pour la consommation particulière; il faudrait géné- 296 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. raliser les trottoirs et les caniveaux, cet excellent système de dal- lage des ruisseaux. Mais tous ces besoins n'ont pas le degré d'urgence qui s'atta- chait aux grandes améliorations dont, depuis plusieurs années déjà, nous recueillons les bénéfices. Le temps comblera ces lacu- nes, et notre situation sanitaire actuelle est, en attendant, très satisfaisante; si, à Rochefort, on est plus souvent malade, on meurt moins que dans la grande majorité des villes de France. Les affections scrofuleuses sont-elles fréquentes dans le département de la Charente-Inférieure ? fer M. ARTAUD, 2 chirurgien en chef de la marine à Rochefort. Des documents indispensables que je n’ai eu ni la possibilité, ni le temps de recueillir, me manquent pour répondre en entier à la question que j'ai eu le courage d'accepter. Pour pouvoir dire avec autorité si les affections scrofuleuses sont fréquentes dans le département de la Charente-Inférieure, sielles s’y rencontrent plus où moins communément que dans d’autres circonscriptions territoriales, il m'aurait fallu des ren- seignements puisés dans les hôpitaux civils et militaires des principales villes, dans les hospices et les maisons de refuge des bourgs et des campagnes ; il aurait fallu que je pusse me mettre en rapport, d'une manière où d'une autre, avec tous les prati- ciens du département. A côté de telle difficulté que ma qualité de médecin de la ma- rine rendait insurmontable, en surgit une autre que rencontrera nécessairement tout investigateur qui puisera ses éléments de conviction dans les opinions toujours fort contradictoires de ses confrères, en ce qui concerne la nature de la maladie dont il est question. Mais, en l'absence de ces documents, la position que j'occupe, comme chargé du service des hospices civils de la ville de Ro- chefort, me permettant d'observer des malades de provenance très variée, de toute condition, de tout sexe et de tout âge, je puis répondre à la question avec justesse et vérité, en ce qui concerne Rochefort et ses environs. La question principale, la fréquence des affections scrofuleu- ses, pourrait se réduire à une aflirmation, à un oui bien formulé. Cette affirmation veut des preuves, nécessite quelques dévelop- pements que je vais fournir, et qui me conduisent aux six divi- sions suivantes : 1.9—Délimiter les termes de la question, c’est-à-dire savoir ce qu'on doit entendre par les dénominations d'affections scrofu- leuses ; 9 ,0__Tesaffections scrofuleuses etles tuberculesdoivent-ils être à é cire min site. RÉ di ES un nf tite ni «fe ont FA ÉCRS. ie | SL + VINGT-TROISIEME SESSION. . 297 considérés comme maladies identiques ou comme maladies dif- férentes ? 3.0—Tableau des manifestations symptômatologiques de ces affections. &.°—Énumération des causes préparatoires et eflicientes ad- mises, reconnues et incontestées de la maladie. 5.0__Rechercher si la ville de Rochefort et ses environs se présentent avec une réunion de circonstances hygiéniques, cli- matériques, susceptibles de conduire à la production fréquente des affections scrofuleuses ; si, sous ce rapport, le mal fait des progrès ou s’il rétrograde. 6.°—Enfin, à quelle heureuse influence est due, malgré la fréquence encore très grande des affections scrofuleuses dans le département et en particulier à Rochefort, l'amélioration très notable que l’on a constatée depuis un demi-siècle. Si nos arguments n’entrainent pas la conviction dans tous les esprits, nous nous en consolerons en nous rappelant que la ques- tion qui nous incombe a été débattue par des hommes éminents qui se sont heurtés et trouvés dissidents sur lé même terrain. J'observe donc, suivant l’ordre que j'ai cru devoir établir, les six'divisions que je viens d’énoncer. 4.9—Qu'entend-on par affections scrofuleuses ? Cette première question nécessite l'exposé de quelques aper- eus historiques indispensables, non que nous voulions étaler une érudition utile en présence d'un auditoire d’élile, mais parce qu'il nous servira à étayer notre sentiment sur l'identité ou la non identité des affections scrofuleuses et tuberculeuses, qui sont encore aujourd’hui l’objet de vives controverses. Les médecins de l'antiquité n'avaient vu dans les scrofules qu'une maladie locale, pouvant affecter un ou plusieurs points de l'économie. Ils eurent surtout en vue, dans leur description, l'engorgement glandulaire cervical, et l’appelèrent koïrados, de koiros porc; non pas, Comme le disent quelques étymologis- tes, parce que les glandes engorgées des scrofuleux ressemblent à celles du cochon, mais parce que le cou gros et court de ce pa- chyderme a de l analogie avec le cou déformé des individus at- teints de scrofule. Le mot stroma, dont nous avons tiré notre dé- nomination de strume, signifie rassembler, édifier, et vient de struere. I fut appliqué à la maladie par Celse, médecin et chi- rurgien brillant, qui avait de bonne heure reconnu la tendance de cette maladie à la généralisation. En traduisant le mot koïrados par son analogue dans le lan- gaoe latin scrofa truie, A. Lusitanus nous a donné le mot scro- fule, qui nous est resté et qui est toujours fondé sur les défor- mations du cou dont nous venons de parler. Nos vieux auteurs francais, adoptant les idées des anciens sur la maladie, en tant qu’aftection locale, et n'ayant en vue que l’adénite cervicale, lui 20 298 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. donnèrent le nom d’écrouelles, qui est resté chez le vulgaire. Ce mot est tellement caractéristique des engorgements cervicaux scrofuleux et des traces que les vieux ulcères de la même nature y laissent, que le plus faible stigmate aux régions sous-manillaire et cervicale éveille l'attention. Les expressions d’humeurs froides, de nouures, ouvrent un champ plus vaste, en indiquant que les humeurs envahissaient d'autres parties de l’organisme, et particulièrement les extrémi- tés et les surfaces articulaires des os. e Enfin, vers le milieu du 47° siècle, le mal:fit, comme on sait, des progrès effrayants. Ses manifestations devinrent plus nom- breuses, plus variées dans la forme, quoique identiques au fond ; ce ne sont plus seulement des glandes cervicales ou des ganglions lymphatiques qui se tuméfient, suppurent ou présentent dans leur intérieur une matière hétérogène ; ce sont des altérations de l'enveloppe cutanée extérieure, des muqueuses, des sens spé- ciaux, des viscères, des os qui, sur des individus présentant une constitution analogue et soumis aux influences des mêmes cau- ses, se manifestent avec une physionomie identique. On n'ose plus, on ne peut plus localiser le mal. C’est à dater de cette épo- que que les dénominations d’affections scrofuleuses, strumeuses, sont prononcées et adoptées définitivement. De nos jours, sans pousser plus loin ces vues sur les phases de la question des scro- fules, la précision du langage médical commanderait de ne pas confondre les mots scrofule, écrouelles, strume, goufrmes, avec les dénominations affections scrofuleuses. La commission char- gée de la rédaction du programme n’a pas commis la faute de poser la question autrement. Affection scrofuleuse, voilà la maladie ; écrouelles, strume, ulcère scrofuleux, humeur froide, rachilisme, tumeur blanche, ostro-malaxie, etc. voilà les mani- festations de la maladie. Pour savoir donc si ces affections sont ou ne sont pas fré- quentes dans le département, il ne faut pas avoir en vue seu- lement les adénites scrofuleuses cervicale, axillaire, inguinale même ; il faut envisager la question sous son point de vue vérita- blement scientifique, ‘ächer de la pousser jusqu'aux dernières li- mites de ses manifestations pathologiques dans les divers syste- mes organiques, dans les divers tissus. Cette manière d’envisa- ger la question nous conduit naturellement à rechercher si la tuberculisation doit rentrer dans le cadre de nos considérations, si les auteurs qui ont voulu en faire une maladie bien distincte, ainsi que du rachitisme, de l'ostro-malaxie, ont eu tort ou ont eu AAA .°—Les tuberculisations et les affections scrofuleuses sont elles des maladies identiques ? Nous répondons par la négative, et nous commencons par fournir des armes contre notre assertion, en exposant les bases de la théorie contraire, qui a pour défenseurs fort respectables R | +" Do Lei VINGT-TROISIÈME SESSION. 299 MM. Guersent, Hebert, Monneret et Fleury. Ces auteurs pren- nent pour point de départ l'élément anatomique, et séparent des affections scrofuleuses toutes les lésions dans lesquelles se re- trouve le éubercule, qui aurait, selon eux, des caractères mi- croscopiques sans analogues. Citons les propres paroles de M. Hebert, pour que chacun y puise ses éléments de conviction, pour que chacun s’arme du mi- croscope et tache de retrouver les éléments protéiformes suivants: « Il y a dans les tubercules trois éléments : deux n’ont rien de spécifique ; ce sont des granules moléculaires, une substance inter-globulaire ; le troisième est le globule propre du tuber- cule. » Les granules moléculaires ont de 4/400° à 1/800°de millime- tre de diamètre. Les granules sont en si grand nombre dans toute la masse tuberculeuse, qu'ils paraissent quelquefois la composer en majeure partie. » La substance inter-globulaire est demi-transparente, d’un jaune grisätre; elle unit entre eux les globules et leur sert de ci- ment ! elle est assez solide, ce dont on peut se convaincre en dis- séquant des tubercules sous le microscope. » Je suis en admiration devant cette description et devant cette dissection qui a pour but de séparer des granules de 4/400° à 1/800° de millimètre. — M. Hebert observe que la cohésion par cimentation est une des raisons pour lesquelles le tubercule n’est pas vasculaire, vu qu’il oppose une certaine résistance à la pené- tration des vaissaux ! — Je me permets de remarquer qu’il fau- drait que M. Hebert eût prouvé que les vaissaux sanguins s’é- tendent aux éléments histologiques nouveaux, par pénétration. Le micrographe trouverait dans les travaux de Henle, de Kuscke, de Mandi, de Valentin, de Schwann, bien des faits très contra- dictoires. Corpuscules propres du tubercule.— «Ils se distinguent de tout autre élément primitif, normal ou pathologique. Ils sont rarement ronds ou ovalaires ; cependant, tout en étant irrégu- liers, ils se rapprochent plus ou moins de l’une de ces formes : leurs contours sont anguleux habituellement, à angles arrondis quand on les regarde de côté, plutôt polyédriques quand on les fait flotter ou nager, ce qui est nécessaire pour se bien rendre compte de leur surface. Leur volume varie entre 4/140° et 1/120° de millimètre. Le contenu de ces globules est une substance transparente mélée de granules moléculaires. La substance inté- rieure est quelquefois comme granuleuse ; d'autrefois on y voit une espèce de lacune plus claire que le reste. » » On trouve enfin, comme éléments non constants : A, les élé- ments microscopiques de la graisse ; B. de la mélanose ; €. des fibres très rarement (cependant Gerbert aurait trouvé assez sou- vent des fibres, pour admettre un tubercule fibreux et un tuber- 300 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. cule non fibreux) ; BB. des cristaux prismatiques; Æ, du pus!!!» Je termine cette curieuse description par plusieurs points d’ad- miration. Que les médecins qui, après ces détails étonnants, reconnai- tront un élément saisissable, reconnaissable, susceptible d’être toujours différencié, nous permettent de leur avouer que nous sommes moins crédules, que nos recherches ne nous ont rien démontré de pareil. —Sous ce rapport, nous sommes d'accord avec beaucoup d'auteurs non moins remarquables, non moins habiles micrographes que M. Hebert. Ainsi, Vogel écrit : « Entre la matière contenue dans les glandes scrofuleuses d’une part, celle du tubercule et de la surface des glandes de payer dans la fièvre typhoïde, il n’y a pas de distinction possible. » Il est vrai que, pour M. Hebert, tout scrofuleux qui présente dans ses glan--. des cervicales ou autres, cette matière jaune que nous. nom- mons tuberculeuse, à cause de son apparence à l'œil nu, et qui, pour nous, n’est qu'un plus haut degré de manifestation serofu- leuse, tout individu, disons-nous, qui présente cette matière, n’est plus un scrofuleux, mais un tuberculeux. Nous nous placons dans un camp tout opposé, dans le camp de MM. Lugol et Cruveilhier. Voici nos raisons : la description de M. Hebert ne nous satisfait nullement ; nos observations per- sonnelles ne nous ont rien montré de semblable à ce qu'il an- nonce ; M. Mandl n’admet pas le corpuscule spécial du tuber- cule ; Vogel le nie; M. Cruveilhier appuie son opinion sur l'iden- tité parfaite de la matière dite tuberculeuse des poumons de phtysique et de celle des tumeurs scrofuleuses; mvoquant enfin l'influence des causes qui produisent les deux alternatives ou les deux éléments dont on veut faire deux maladies distinctes, M. Cruveilhier trouve que ces causes sont les mêmes. Sous les mêmes influences apparaissent ou la phtysie ou les scrofules ; M. Jolly voit dans les deux manifestations aflinité, liens de pa- renté, mais non identité; cet aveu est timide; en effet, qu'est-ce que l'afinité, sinon la tendance à la fusion au mélange intime ? Qu'est-ce que la parenté, sinon l'origine d'uñe souche commune ? Serions-nous ébranlés par cette observation que des individus sans adénite cervicale ont succombé à la phtisie pulnronaire? cela signifie simplement que sous l'influence de l'hérédité, des causes "d'appauy rissement du sang, l'affection scrofuleuse s'est adressée aux poumons, au lieu d'envahir les glandes, la peau, les os ou leurs articulations; à ces raisons j'ajoute : Naturam morborum curationes ostendunt. Les maladies qui reconnais- sent les mêmes causes guérissent par les mêmes médications et sont identiques. Les partisans de la non identité n’ont pas com- pris que les affections scrofuleuses, en tant que cachexie où ma- ladie générale, sont soumises à la plus variable modalité d'ex- pression symptomatique. VINGT-TROISIÈME SESSION. 301 Je passe à l’énumération des manifestations de l'affection serofuleuse. 3..—TABLEAU Des principales manifestations localisees des affections no 7 scrofuleuses. Adénites cervicales. d Système ganglionnaire, Eñternes£ + 74." inguïnalés. … symphatique.—Engorgements. Ta, axillaires , etc. Tubes mesenterica ou carreau. Internes pelviennes. Adinites scrofuleuses. lombaires. ». Système cellulaire.—Abcès scrofuleux. Abcès et tubercules sous-culanés serofuleux. Ulcères et fistules. DeSystème cutané externe.{ Ezemas. . . . . .- { scroful. Meienes etait Estiomène ou lupus. Ophtalnie serofuleuse. Ctorrhée. | Coryzas. D Système muqueux....{ Angines. Bronchorrhées. Leucorrhées et catarrhes utérius. Phtysie pulmonaire. Carie et nécrose; Rachitisme et astéo-malaxie. Dans la continuité. Tuberculisation vertébraie où mal de Pott. ° Système OSSEUX.. . .... | Ostéo-medullite ou spina ventosa. Arthropathies et tumeurs blanches. Dans la contignite. Ÿ ï Luxations spontanées. Système séreux. ...... ER ANEE BA DAIeUÉE Miningite tuberculeuse. L Tuberculisation des glandes sous-manillaire , M Système glandulaire. . ARTE à hépatique , etc. # AL Viscères.—Tubercules du cerveau. 302 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. L'énumération que je viens de faire est, d'après l'ordre de fré- quence, généralement observé à Rochefort, cet ordre doit être un peu modifié; en effet, le système osseux, qui ne vient qu'en cinquième ligne dans cette énumération, doit être placé avant les systèmes cutanés et même lymphatique. Les nombreux cas de rachitisme, d’ostro-medullite, de carie, de claudication, de déviation de toute espèce, suite d’arthropatie scrofuleuse, en fournissent la preuve. Le système muqueux tient aussi un rang malheureusement fort élevé, comme le prouvent les nombreux exemples d’ophtalmies scrofuleuses, de fleurs blanches, de phty- sie pulmonaire qu'on rencontre tant à Rochefort que dans les villes et les villages du département de la Charente-Inférieure. 4.9—ÆEtiologie. Les liens entre les causes et le résultat matériel des affections scrofuleuses sont si distincts, que la connaissance de ces causes conduit aux notions les plus positives sur la nature de la cachexie scrofuleuse et sur sa véritable thérapeutique. Toutes ces causes tendent à modifier le sang, la nutrition et la structure des tissus; toutes se font remarquer par une action lente et prolongée. Leur énumération et leur étude complète se- raient très intéressantes, mais nous n'apprendrions rien de nou- veau. Pour m'éloigner le moins possible de [a question de savoir si les affections scrofuleuses sont ou ne sont pas fréquentes dans le département de la Charente-Inférieure, je ne m'occuperai que des suivantes : maladies préparatoires, climat, alimentation, hé- rédité, ; Les maladies préparatoires sont toutes celles qui appauvris- sent le sang. Je n’ai pas besoin de dire que si, sous tous les rap- ports, le département de la Charente-Inférieure vaut autant et mieux que beaucoup d’autres, il est encore aujourd'hui soumis aux influences des miasmes paludéens. Si ces miasmes, grâce aux efforts du gouvernement, au noble dévouement et à l'intelligence d'hommes dont le pays se glorifie, ont perdu de leur léthalité, il reste encore l'influence de l’humi- dité et de l’hérédité. Or, l'hérédité pèsera encore longtemps sur les descendants de ceux qui ont respiré l'air de Rochefort et celui d'une foule de points du département, à une époque où les fiè- vres paludéennes moissonnaient les populations. Cette hérédité ne conduit heureusement point fatalement à une diathèse incu- rable. Le croisement des races et des tempéraments amène une amélioration non contestée. Si le croisement peut beaucoup, il est une autre vérité aussi incontestable : c'est qu’un enfant confié à une nourrice saine et robuste, entouré des soins hygiéniques qui conviennent au premier âge, échappera à la maladie à la- quelle son origine et sa constitution native paraissaient l'avoir voué. L'hérédité a eu et aura encore longtemps une fâcheuse in- PCR PP ON TS A VINGT-TROISIEME SESSION. 303 fluence, mais nous voyons l’hygiène lui disputer tous les jours quelques-unes de ses victimes. L'air vicié, les habitations basses, humides, mal aérées, pri- vées de lumière solaire; la misère, la mauvaise alimentation, l'emploi d'eaux de mauvaise qualité, voilà surtout les causes des affections scrofuleuses. Sous l'influence de ces causes, il y a al- tération du sang et des liquides qui l’alimentent. Ces altérations sont aujourd'hui parfaitement connues et identiques, qu’on étu- die le sang des scrofuleux ou celui des tuberculeux. Diminution du chiffre des globules, appauvrissement du serum, qui devient de plus en plus aqueux ; la fibrine peut diminuer de moitié; les globules qui restent dans le caillot, comme ceux qui sont encore dans le plusma sanguin, sont altérés dans leur forme, c’est-à- dire petits, irréguliers. Le chyle ne contient presque plus de corpuscules adipeux.—(Andral et Gavarret, Béquerel et Rodier, Nicholson, Clarcke, etc.) Je ne veux pas aborder les deux dernières questions sans reve- nir sur la fâcheuse influence des eaux sélinteuses qui abondent dans les puits dont la majeure partie des habitants de la ville et tous ceux du faubourg usent presque exclusivement. L'influence de ces eaux est aussi fâcheuse que celle des miasmes palustres. Un exemple fameux vient confirmer notre assertion. En 1806, la ville de Reims fut désolée par les scrofules.—Desgenettes, exa- minant les registres des hôpitaux, reconnut que ces affections avaient augmenté depuis que les eaux de sources n'arrivaient plus à la ville et depuis que les habitants étaient réduits à boire l'eau stagnante des puits. Il obtint le rétablissement des tuyaux conducteurs; et la maladie ne tarda pas à diminuer d'intensité. 5.0 Et 6.°—Abordons maintenant la cinquième question. La ville de Rochefort et-le département de la Charente-Inférieure présentent-ils une réunion de circonstances climatériques, hygié- niques, susceptibles de conduire à la production de la maladie ? et, pour abréger ce travail, fondons dans cette question la sixième et dernière, à quelle heureuse influence est due, malgré la fré- .quence encore très grande des scrofules dans nos contrées, l’a- mélioration qui s’est manifestée depuis un demi-siècle ? Rochefort, comme beaucoup d’autres centres de population de la Charente-Inférieure, est sur le bord d’une rivière soumise au flux et reflux de la mer; cette rivière traverse un pays bas, plat, marécageux, humide.—L’élé y est court; le printemps, l’au- tomne se fondent avec un hiver qui dure ainsi près de sept ou huit mois de l’année. Dans beaucoup d’endroits, les eaux plu- viales se mêlent à l’eau salée. Beaucoup d'habitations sont en- core basses, privées d'air et de lumière, constituées par un rez- de-chaussée qui a pour plancher le sol, la terre plus ou moins battus. Ce qui existe aujourd’hui n’est rien en comparaison de ce qui existait il y a vingt ou trente ans à peine. L'eau des puits est 304 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. toujours fade, crue, sélinieuse et très fréquemment employée. L'agriculture, si en progrès de nos jours, a été longtemps né- gligée et dans l'enfance ; la richesse des campagnes ne date pas de bien loin. Que de causes d’altération du sang et des solides! La génération qui nous a précédés a été décimée par les fièvres intermittentes, par les affections scrofuleuses et par leurs plus déplorables manifestations ; les ophtalmies, les adénites suppu- rées scrofuleuses, les ulcères incurables, la phtisie, les caries, les tubercules osseux, l’état chondrineux des os ou ostéo-malaxie, ont laissé des traces et des racines profondes. L'hérédité à im- primé son cachet à bon nombre d'enfants que les améliorations de tout genre, introduites dans l'hygiène en général, n'ont pu toujours sauver des ravages et des stigmales du mal. Mais, disons-le à la louange du gouvernement et de l’adminis- tration municipale, des hommes de bien et de dévouement, qui emploient leur temps et leurs veilles à l'assainissement, au bien- être du pays, l’agriculture, sous leur impulsion puissante, a at- teint des limites voisines de la perfection ; le drainage assèche et rend fertiles des terres qui, au lieu de produire, n’exhalaient que des miasmes mortels. Les habitations basses, sombres, sont peu à peu remplacées par des maisons confortables, plus élevées, nieux emménagées. L'influence de ces changements a été immédiat et incontesta- ble.—Je citerai l’hospice Saint-Charles, où les tristes cahutes . Qui encombraient les abords et l’intérieur même de petites cours constamment remplies d’eau, ont été remplacées par des salles vastes, commodes, et par une cour unique très spacieuse, où la lumière et l'air pénètrent librement. Ces transformations, qui ne datent pas de loin, ont déjà porté leur fruit. Les enfants orphelins des deux sexes, dont l’origine est souvent entachée des fautes des parents, dont l'alimentation première a laissé à désirer, et qui étaient la proie des scrofules, sont presque tous forts et vi- goureux. On ne trouve plus que de rares exceptions parmi eux et des traces de la maladie scrofuleuse, que j'appelle rassurantes, car ces traces sont les cicatrices de manifestations qu’on consi- dère comme fort graves, et qui pourtant ont fini par guérir. Que l’eau de puits soit donc remplacée partout par de l’eau de source d'abord, par des eaux filtrées de la rivière, si les eaux de source ne suflisent pas; un Comité veille à tout ce qui se ratta- che à la propreté des rues, à la bonne qualité du pain, de la viande, des eaux, au lavage et au rafraïchissement des rues pen- dant l'été, à l'alimentation et aux vêtements des pauvres ; les vi- sites à domicile, les secours de toute nature arrivent aux néces- siteux; l’aisance, le bien-être jadis rare, partage de quelques- uns, deviennent de plus en plus répandus. Nous pouvons done dire avec satisfaction que les affections scrofuleuses diminuent dans le département de la Charente-In- | VINGT-TROISIEME SESSION. 305 férieure, et que cette diminution s'explique par les progrès que nous avons signalés. Une exception fâcheuse laisse de la tristesse dans notre esprit, et cette exception a trait à une des manifestations les plus fà- cheuses de la maladie à la phtisie pulmonaire ! Cette exception a sa raison d’être et s'explique par l’influence qu “exercent sur l’or- ganisme entier les impulsions des organes chargés de la propa- gation de l’espèce. Les éléments qui, à cette époque, sont sépa- rés du sang, par une sécrétion remarquable entre toutes les autres, contiennent ce qu'il y a dans l'organisme de plus vivant et de plus animé, les rudiments des êtres futurs, des générations nouvelles. L'excrétion physiologique, naturelle de ces produits génériques, quand elle a lieu dans de justes mesures, peut n’a- voir ét n’a le plus souvent aucune influence fâcheuse; mais, mal- heureusement, certains tempéraments, certaines organisations dépravées demandent aux organes qui en sont chargés des sen- sations incessantes et forcées. Ceux-là sont voués à une dégra- dation physique et morale, à une mort certaine ; les manifesta- tions les plus terribles des affections scrofuleuses les menacent, savoir : la phtisie pulmonaire, la paralysie lombo-abdominale ou phtisie dorsale, le rachitisme et l’ostéo-malaria. De la mort apparente des nouveaux -nés, et des moyens de la combattre, par M. le docteur SAUVE. Mort apparente des nouvenaux-més. Nous désignons sous ce nom, à l’exemple de MM. Nœgele, P. Dubois et autres accoucheurs modernes, les différents états morbides qui simulent la mort chez les nouveaux-nés. Cette mort apparente est beaucoup plus fréquente qu’on ne le pense généralement ; beaucoup d'enfants restent dans cet état et arrivent à la mort réelle, parce qu'ils ne sont pas secourus comme ils devraient l'être. Il est peu d'accoucheurs qui n'aient souvent, dans leur pratique, rappelé à la vie des enfants qui paraissaient morts, et le nombre de ceux sur lesquels on n’a fait aucune tenta- tive, ou seulementdes tentatives peu persévérantes, est encore bien plus & grand! Je ne puis m ‘empêcher de citer ici notre célèbre Bau- delocque, qui s'exprime ainsi: « Des enfants à qui on avait admi- » nistré de ces soins avec trop d'économie, ou peut- -être qui n’en » avaient élé privés que parce qu’on les croyait morts, ont été » retirés vivants, plusieurs heures après, de dessous les linges » où ils étaient en quelque sorte ensevelis : ce qui fait qu’on » aurait pu en sauver un grand nombre d’autres, en s’occupant » plus sérieusement de leur conservation.» (Baudelocque, art. des accouchements, t. 4, p. 337.) Ce que pensait Baudelocque, Me Lachapelle et beaucoup d autres l'ont réalisé. Cette célèbre accoucheuse est parvenue à 7 - 306 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. rappeler à la vie un très grand nombre d'enfants qui, sans les soins prodigués par elle, n'eussent jamais vécu. M. le docteur Depaul, dans un mémoire très intéressant que nous aurons souvent occasion de citer dans ce travail, a publié plusieurs de ces cas qui lui sont propres et qui sont des plus con- cluants. Je pourrais, au besoin, en citer beaucoup d’analogues, tirés de ma pratique. La proportion des enfants qui naissent morts est considérable. En effet, si on consulte les diverses statistiques des établisse- ments de maternité, nous trouvons (1) : 4.0. Maternité dé Paris Accouchem. Enf. morts. Rapport. (Mme Lachapelle) . 37,895 — 2,291 14 sur 16,54 2.0— Maison d'accouche- ment de Dublin.. 106,766 — 9,497 — 11,24 3.9— Nœgele...:....... 415 — 31 — 13,38 4.0— Plusieurs autres ac- : coucheurs. ..... 6,555 — 463 — 1415 ia 151,631 — 12,282 1 sur 12,36 M. Riecke (Beitræge et ar- chives, t. 20, p. 76), a relevé lenombre des accouchements dans le Wurtemberg, du 1° juillet 4821 au {juillet 1825. Il est arrivé au résultat sui- VAN FTP EN PETeP ES TT RENE 219,353 — 10,630 1 sur 20,63 En additionnant on trouve 370,984 = 22,912 1 sur 46,19 On voit par ces relevés combien est grand le nombre des en- fants qui naissent morts. Chez la plupart, la vie ne s'éteint que pendant le travail ; en surveillant leur vie dans ce moment criti- que par l'auscultation, il n’est pas douteux qu’on diminuerait considérablement le nombre des morts ; il n'est pas douteux non plus qu'on ne puisse en rappeler un grand nombre à la vie en employant des moyens plus appropriés que ceux dont on se sert aujourd'hui, et en connaissant mieux les causes qui les font succomber. Notre but est d'arriver à ce résultat. Heureux si nos faibles efforts peuvent rendre à la vie quelques-uns de ceux qui la per- dent au moment d’en jouir ! La question qui nous occupe aujourd’hui n’est pas une ques- tion nouvelle, elle est aussi ancienne que l’art des accouchements; tous ceux qui ont écrit sur cet art l'ont agitée ; les uns en parta- seant les idées de leurs devanciers, les autres en émettant des idées qui leur sont propres. Cette question pourtant, malgré tant f y" FT. . - (1) Velpeau, Traité des accouchements. Introduction, p. 112 et suiv. Lot ile 1," Li 2... à ttes ss VINGT-TROISIEME SESSION. 307 de travaux, n'est pas résolue; aussi chaque auteur et même chaque praticien a-t-il sa théorie sur les différentes causes qui peuvent produire la mort apparente et sur les moyens propres à la combattre. Les uns, et c’est Le plus grand nombre, attribuent la mort ap- parente à deux états morbides, qu'ils désignent sous les noms d’apoplexie et d'asphyxie ; d’aütres admettent le premier état, mais le second n'est, selon eux, que la syncope; pour d’autres, ce n’est que l anémie, etc. Lès causes qui produisent cés lésions sont différemment expli- quées; pour les uns, c’est le refoulement du sang dans le fœtus par des contractions énergiques et soutenues de la matrice, par la longueur du travail, etc. De là des congestions sur les organes principaux, l’encé hale, le poumon ; de à la coloration bleuâtre de la peau, la bouffissure de la face; voilà pour l’apoplexie. D’au- tres, pour expliquer les mêmes phénomènes, admettent la com- pression partielle ou totale du cordon ; pour celui-ci la veine om- bilicale se trouve seule comprimée ; pour celui-là ee sont les artères ombilicales seules qui supportent cette pression et dans lesquelles le cours du sang est interrompu. La diversité des opinions n’est pas moins grande, s ‘ils ’agit du traitement. Coupera-t-on ou ne coupera-t-on pas Je cordon om- bilical? Les uns sont pour, les autres contre; d’autres distin- guent et veulent qu’on le coupe dans les cas dits apoplectiques, et qu'on ne le coupe pas dans les cas dits d'asphyxie. Pour l’insufllation pulmonaire, même incertitude, même em- barras. Préconisée dans un ouvrage, elle est rejetée dans un au- tre. L’aspiration doit-elle être préférée à à l'insufflation ? Les deux doivent-elles être combinées ? La méthode par les excitan{s exlé- rieurs est-elle la seule à laquelle on doive recourir ? et dans cette méthode combien est grande encore la divergence d'opinions sur les moyens qu’on y emploie! Il n’est pas jusqu'aux termes sur lesquels on ne soit pas d'accord; ce que l'un appelle apoplexie, l’autre l'appelle asphyxie; syncope, anémie, faiblesse congéniale, sont souvent synonymes d’asphyxie. Asphyxie, après les auteurs. Le mot asphyxie, employé par un très grand nombre d'auteurs, a ceci de vicieux, qu’il est employé par eux pour désigner des lé- sions tout autres que celles auxquelles s’attache habituellement cette dénomination.—Asphyxie, en effet, en langage ordinaire (détourné, il est vrai, de sa première signification, qui est ab- sence de pouls), veut dire cessation de respiration. Or, une fonction qui n’a pas encore existé ne peut pas cesser. Dans cet état, les enfants ont le corps et la face complétement décolorés ; les membres sont flasques, sans fermeté des chairs, 308 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. sans mouvements ; le cordon ne fait sentir aucune pulsation; la respiration et la circulation ne sont pas appréciables. Des auteurs, Gardien entre autres, ne voyant pas ici l’asphyxie, ont proposé d'appeler cet état syncope; d’autres ont proposé le mot anémie; mais celle-ci n’est le plus souvent qu'apparente. Les autopsies le prouvent et le retour de la coloration de la peau aussitôt que l'enfant respire prouve qu’elle n’existait pas. Une seule cause peut la produire rapidement : c’est la rupture des vaisseaux ombilicaux; mais cette rupture est très rare. Nous verrons plus loin ce qu'il faut penser de la coloration de la peau ; l'enfant peut être asphyxié, dans le sens que nous don- nons à ce mot, sans que pour cela sa peau soit colorée en bleu : ce Cas cependant est le plus rare. : Apeplexie, d’après les auteurs. Cet état est l'opposé du précédent, sous plusieurs rapports. La peau est d’un rouge bleuâtre plus ou moins foncé, surtout à la face, qui est tuméfiée ; les lèvres épaisses, renversées, sont d’un bleu foncé; les yeux sont saillants ; la langue est collée au palais ; tous les organes paraissent être le siège d’une congestion géné- rale ; les membres sont immobiles et souples, ils présentent une certaine fermeté. Cet état s’observe, dit M. P. Dubois (Dict. de méd. 30° vol., t. 21, p. 149), « dans les cas où le travail de l'accouchement s’est » beaucoup prolongé; lorsque la tête a été fortement et long- » temps comprimée dans la cavité du bassin ; dans les cas d’en- » tortillement serré du cordon autour du cou; dans.les accouche- » ments par la face qui marchent lentement; lorsque le cordon » ombilical se trouve comprimé au moment du travail, comme » cela arrive dans les cas de prolapsus de ce cordon, et dans les » accouchements spontanés ou artificiels de l'extrémité pel- » vienne; dans les cas où les contractions utérines sont très for- » tes, spasmodiques et séparées par des intervalles très courts et » presque nuls; dans certains cas d'implantation du placenta » sur le col de la matrice; enfin lorsque la respiration est em- » pêéchée par l'accumulation de mucus dans la bouche, le » nez et les voies aériennes.» Cette dernière phrase n’indique-t-elle pas clairement que cet élat dit apoplectique n’est autre que l’asphyxie propre- ment dite. Si une cause mécanique, qui agit au moment de la naissance, sous les yeux de l’accoucheur, peut, en empêchant la respiration, produire tous les phénomènes morbides attribués à l'apoplexie, n’y a-t-il pas de fortes présomptions pour penser que ces mêmes phénomènes sont dus, dans les autres circonstances énumérées plus haut, à un arrêt plus ou moins complet de la respiration intra-utérine ou placentaire ? ; L'apoplexie est beaucoup plus rare chez les nouveaux-nés A, LS D 2, à bn it sie en ons ES VINGT-TROISIÈME SESSION. 309 qu’on ne le suppose aujourd’hui. En effet, pour que cette lésion se produise, il faut que la tête soit le siège d'une violente conges- tion sanguine; or, dans l'accouchement par le sommet, le plus fréquent de tous, la tête est comprimée par les parois du bassin, de manière à rendre l'accumulation du sang dans les vaisseaux : très difficile ; l'effet contraire doit même se produire ; le sang af- flue difficilement par les artères et celui des veines est refoulé dans les gros troncs ; la substance cérébrale est donc plutôt pri- vée.que surchargée de sang. Les signes auxquels on a cru reconnaître l’apoplexie sont trom- peurs ; ils signalent bien plutôt l’asphyxie : la couleur bleuâtre de la peau, la turgescence des lèvres, des yeux et de la face, les congestions veineuses des organes, {ous ces symptômes sont ceux de l’asphyxie : si l’apoplexie les produit, ce n’est qu’en pro- voquant elle-même l’asphyxie. On sait que dans le fœtus l’action du cerveau est nulle ou fort bornée sur la circulation ou sur la respiration placentaire : les fœtus anencæphales ou acéphales arrivent aux termes de la gros- sesse comme les autres. Les lésions cérébrales intra-utérines ne font pas succomber l'enfant, même lorsqu'elles sont des plus graves. Je pourrais en citer plusieurs exemples : en fouillant les observations de Mauriceau, de Peu, de La Motte, etc., elc., on lit avec horreur, dans tous ces auteurs, qu’ils ont tiré du sein de la mère des enfants encore pleins de vie, bien que leur tête fut mutilée ; mais je me borne au fait suivant : le docteur Laborie {Annales de chirurgie, t. 42, p. 86) rapporte un cas de céphalo- tripsie où un enfant qu'on avait cru mort et dont on avait broyé et vidé par des injections la moitié au moins’ de la substance cé- rébrale, vint cependant au monde avec tous les signes de vie. Les lésions du cerveau ne sauraient donc produire des phéno- mènes d’asphyxie. Ajouterai-je que, chez l'adulte même, on voit subsister les mouvements du cœur et du poumon, quoique des attaques apoplectiques soient assez fortes pour porter une at- teinte profonde au sentiment et au mouvement volontaires ; di- rai-je que, dans des circonstances qui éloignent toute idée d’hé- morragie cérébrale, les enfants n’ont pas moins été trouvés en état dit apoplectique dans le sein de la mère. Le docteur Ville- neuve, professeur d'accouchement à Marseille (Annales d'olesté- trique, année 1842, t. 2, p. 37) en cite un cas remarquable que je rapporte succinctement : en pratiquant l'opération césarienne sur une femme morte trois heures après son entrée à la Maternité, à la suite d’une hémorragie causée par l'implantation anormale du placenta sur le col, il trouva les vaisseaux de la mére exsan- vues, tandis que ceux du fœtus étaient gorgés de sang, et que ce- lui-ci était dans l’état apoplectique. M. E. Kennedy, accoucheur anglais, rapporte, de son côté, qu'ayant saigné une femme en- ceinte, atteinte de pleurésie, cette femme éprouva les phénomènes 310 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. les plus fâächeux de cette saignée. Son pouls devint petit et très dépressible ; quelques. heures après elle accoucha d'un enfant mort, offrant une coloration livide de la peau, semblable à celle qu'on observe sur un individu noyé ou mort par strangulation. Méry n'a-t-il pas cité un fait qui prouve que les choses se passent ainsi chez les animaux? Une chienne fut saignée à blanc : et les petits qu’elle portait furent trouvés dans un état apoplec- tique, dans tous ces cas il ne pouvait évidemment y avoir apo- plexie; je prouverai plus tard qu'il y avait asphyxie. Les enfants qui naissent avec tous les symptômes de cet état prétendu apoplectique sont quelquefois promptement rappelés à la vie et aussitôt que la circulation et la respiration sont établis, tous les symptômes attribués à l'hémorragie ou à la congestion cérébrale cèdent et disparaissent comme par enchantement : s'ils persistent dans quelques cas c’est que le cerveau à subi une compression exercée, soit par les parois du bassin, soit par les instruments, et qui a été portée au point de déterminer des so- lutions de continuité dans sa substance, Lorsque cette circons- tance arrive, la congestion cérébrale n’est que secondaire à la sortie de la tête et l’asphyxie qu’elle peut produire par défaut d’excitation nerveuse sur les muscles et organes respirateurs n’est que postérieure à la sortie de l'enfant. Alors elle s'opère pour ainsi dire sous les yeux de l’accoucheur et elle est bien différente de celle qui a lieu dans le sein de sa mère; dans le premier cas la eyanose arrive de plus en plus forte, dans l'autre l'enfant est tout eyanosé en venant au monde, son asphyxie a eu lieu dans le placenta; il nous paraît donc important de diviser l'asphyxie en intra-utérine et en extra-utérine, Asphyxie intra-utérine. Nous donnons le nom d'asphyxie intra-utérine à la lésion qu'éprouve le fœtus par suite de la non révivification de son sang au contact immédiat de celui de la mère. Cette manière d'envisager l'asphyxie fœtale exige que nous entrions dans quelques développements sur les circulations ma- ternelle et fœtale et que nous prouvions surtout qu’elles n'ont pas entree Îles des rapports directs et immédiats, en un mot, que le sang des vaisseaux maternels ou utéro-placentaires ne passe pas directement et en nature dans les ramuscules de la veine ombilicale ;—nous traiterons ensuite de la respiration fœtale, $ 1.—INDÉPENDANCE DE LA CIRCULATION MATERNELLE ET DE LA CIRCULATION FOETALE. L'anatomie, tout d'abord, prouve qu'il y a indépendance com- plète; on ne parvient jamais avec les injections les plus fines, les plus ténues et faites avec le plus grand soin à faire passer les liquides injectés.des vaisseaux de la mère à ceux de l'enfant. VINGT-TROISIEME SESSION. 311 Horner, professeur d'anatomie en Pensylvanie, a injecté par les vaisseaux de la mère une solution saturée de prussiate de po- tasse, et peu à près une autre solution saturée de sulfate de fer. L'utérus examiné peu de minutes après, les artères utérines étaient parfaitement injectées, mais l'examen le plus attentif et les réactifs chimiques prouvèrent que l'injection n'avait pas pénétré dans les vaisseaux ombilicaux. Ceux-ci à leur tour furent injectés d’abord avec une solution de bichromate de potasse, puis avec une autre solution d’acétate neutre de plomb. Dans tous les points où pénétra l'injection il se forma un précipité jaune de bichromate de plomb. L'utérus et le placenta ainsi injectés furent laissés quinze jours sans être examinés ; alors on ne trouva pas la moindre trace d'injection bleue dans les vais- seaux ombilicaux, pas plus que la moindre trace d'injection jaune dans les vaisseaux utérins. M. Magendie a souvent injecté par le cordon dans le placenta des poisons très subtils sans que la mère eût à en souffrir. Les travaux et les belles expériences de MM. Jacquemier et Bonnami établissent suffisamment ce point anatomo-physiologique qu'il n'y à pas de communication directe des vaisseaux de la mère à ceux du fœtus. Sion voulait d'autres preuves, elles abondent: le sang de la mère diffère de celui du fœtus par ses qualités physiques et chi- miques. MM. Prévost et Dumas prétendent avoir trouvé les glo- bules du sang de la mère doubles en volume de ceux du fœtus. Autenrieth, Velpeau, Tiedman disent que le sang du fœtus est d’abord rosé, qu'il devient ensuite plus rouge, plus nofrâtre, qu'il est plus séreux, moins coagulable, etc.,—bien plus l'em- bryon est pourvu d’un appareil circulatoire avant même qu'il existe un placenta. L'observation directe pendant la vie intra-utérine prouve, au moyen de l’auscultation, que les battements du cœur du fœtus ne sont jamais isochromes à ceux de la mère; que la circulation de la mère peut être activée, précipitée par la colère, la peur, ou l’exercice, sans que celle du fœtus subisse cette accélération ; que pendant la syncope ou la mort réelle de la femme, la circu- lation fœtale se fait encore entendre pendant quelques temps. La pratique des accouchements vient aussi nous apporter ses preuves : lorsqu’au moment de la naissance on coupe le cordon, le bout placentaire ne laisse pas écouler de sang, du moins autre que celui -qui remplit les vaisseaux ombilicaux, bien que les rapports de l’utérus avec le placenta n’aient pas été détruits. Enfin, un phénomène qui se passe complètement sous nos yeux, est plus probant encore. Quand un œuf est expulsé en entier, la circulation placento-fœtale continue quelque temps sans hémorragie placentaire. Je ne puis m'empêcher de citer ici 312 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. le cas rapporté par le D' Marson : {journal des Connaissances Médico-Chirurgicales, t. A, p. 24.) un fœtus au huitième mois fut expulsé sous ses yeux avec le placenta et les membranes qui lenveloppaient; il flottait dans l'amnios. Lorsque les membranes furentrompues, l'enfant respira mal, la circulation était très ac- tive dans le cordon ; pendant trois quarts d'heure l'enfant ne dilata pas sa poitrine plus d'une fois par cinq minutes ; la respiration devint meilleure et convenablement établie au bout d’une heure. Il divisa le cordon où le sang circulait librement, aucune hémor- ragie ne se montra du côté du placenta qui avait adhéré à l'utérus Passons à la respiration fœtale. $ 2.—RESPIRATION FOETALE. On sait que la nécessité la plus impérieuse oblige l’homme à respirer l'air atmosphérique, que les poumons chez lui sont chargés de celte importante et indispensable fonction. Le fœtus, pas plus que l’homme, ne peut être soustrait à cette obligation ; mais Comme il n'a AUCUN rapport avec l'atmosphère, la nature l’a pourvu d’un agent respiratoire supplémentaire qui est le placenta. Cet organe qui sert de moyen d'union entre lui et la mère est composé d'une multitude de vaisseaux qui proviennent du fœtus et de celle qui le porte dans son sein. Ces vaisseaux ne commu- niquent pas directement et immédiatement ensemble, nous ve- nons de le prouver, mais leurs parois sont si minces que le sang du fœtus peut s'approprier le principe vivifiant que lui fournit celui de la mère; en d’autres termes le sang maternel contient une certaine quantité d’oxigène libre ou combiné, que des afli- nités chimiques appellent à travers les minces parois des vais- seaux du fœtus. Il se passe ici ce qui se passe dans les vaisseaux pulmonaires de l'adulte : le sang qui les parcourt se vivifie au contact de l'air atmosphérique qui remplit les cellules pulmo- naires; daps le placenta ce sont les sinus utérins qui font fonc* tion de cellules pulmonaires. Les expériences de Davy et surtout celles de Magnus ont prouvé que du gaz oxigène, à l’état de liberté, se trouve contenu dans le sang, et qu’il peut être dégagé par la machine pneuma- D? tique. Ee sang artériel d’après lui renferme deux fois plus d'oxi- gène que le sang veineux. D’un autre’ côté il est aujourd'hui démontré que les parties animales humides spécialement les membranes, sont perméables aux gaz. Une vessie mouillée pleine d’un gaz autre que l’air atmosphérique, contient au bout d'un certain temps non plus ce gaz mais bien l’airatmosphérique. Toutes les circonstances favorables à l’oxigénation du sang fœtal existent donc ici. Le placenta peut donc être considéré comme un organe dans lequel le fœtus va puiser sa nutrition et où s’opérent aussi les phénomènes initials si remarquables de la respiration. Étayons | VINGT-TROISIÈME SESSION. 313 cette opinion de quelques preuves. Tous les œufs ont besoin de respiration pour se développer; des œufs plongés dans des gaz non respirables ou nuisibles à la respiration ne se développent pas; il en est de même si par une couche imperméable à l'air dont on les enduit on les empêche de s'approprier l’oxigène. Pourquoi l'œuf humain et celui des mammifères feraient-ils exception? D'après Martin St-Ange, les phénomènes de la res- piration de l’œuf sont identiques avec ceux de la respiration de l'adulte. L'intérruption de la circulation dans les vaisseaux ombilicaux ou dans les vaisseaux maternels entraînent des conséquences promptement mortelles pour le fœtus; en effet une compression forte ne peut s'exercer longtemps sur le cordon sans qu’il en résulte la mort pour l'enfant. Évidemment si le placenta n’était pas un organe de respiration la mort ne serait pas aussi prom pte, l'absence des sucs nutritifs ne saurait produire la mort qu'après un temps bien plus prolongé. La nature à multiplié autant que possible les surfaces par les- quelles les vaisseaux ombilicaux sont mis en contact avec le sang maternel. « D’après les observations de Weber, les nom- » breuses villosités du placenta humain, sur lesquelles les der- » nières ramifications des artères ombilicales se continuent avec » les premières branches des veinesdumêmenom, sont plongées, » comme des franges, dans les sinus veineux utérins à parois » très minces qui serpentent entre les lobules du placenta. » (Muller. Manuél de Physiologie, t. 1, p. 236.) Ces dispositions anatomiques évidemment faites en. vue de multiplier la surface des vaisseaux qui ne communiquent pas directement entre eux ne retrouvent d’analogues que dans la composition du poumon. Cette analogie de structure ne donne- t-elle pas déjà l’idée d'une grande analogie de fonction? Les mêmes dispositions se retrouvent.dans tous les organes où il s’agit de favoriser des échanges entre des liquides différents. Elles sont analogues à celles que présentent les appareils bran- chiaux les mieux développés et les plus complets; car une bran- chie est toujours composée de lames ou de franges dans les- quelles le sang pénètre et où il n’est plus séparé de l’eau aérée que par une membrane, souvent pas plus épaisse que ne le sont les parois réunies des vaisseaux de la mère et*du fœtus. D’apres les recherches de MM. Coste, Robin et autres, les vaisseaux du fœtus plongeraient dans un bain de sang. Mais à ces preuves on peut en joindre d’autres encore. Nous avons déjà dit précédemment que lorsque la circulation mater- nelle s’arrêtait, l’asphyxie survenait chez l'enfant. Les faits cités par Méry, les docteurs Villeneuve et Kennedy, dans lesquels les embryons et les enfants ont été trouvés asphyxiés lorsque la - mère avait éprouvé une grande perte de sang, prouvent que la 21 314 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. vitalité n’a pu être entretenue dans le sang du fœtus par le défaut de l’agent qu'aurait dù lui fournir le sang de la mere. Le docteur Depaul (Traité d'Auscultation obstétricale , p. 269) cite l'observation d’une femme qui avorte dans trois grossesses successives à la suite de syncopes provoquées par des saignées. Le docteur Jacquemier, voulant aussi apprécier l'in- fluence de la respiration de la mère sur la vie du fœtus, a re- marqué que lorsqu'il comprimait la trachée artère des femelles pleines, ou lorsqu'il engageait les fémmes enceintes à suspendre leur respiration, les fœtus ne tardaient pas à se mouvoir et à s’agiter comme s'ils éprouvaient eux-mêmes une très grande gène. Lors de la naissance, si le placenta n'est pas décollé et si les vaisseaux utéro-placentaires ne sont pas rompus, on peut faire alterner pendant assez longtemps la respiration pulmonaire et la respiration placentaire. Citons encore ici à l'appui de notre opinion celle de M. Serres, qui, dans la séance du 17 juin 1839, a lu à l’Académie des sciences, un mémoire où il établit que l'embryon humain respire par un appareil branchial pendant les trois premiers mois de son déve- loppement. Les villosités du chorion, qu'il appelle branchiales, plongent dans la cavité laissée entre les deux feuillets de la cadu- que; à mesure que l'embryon s’accroit, une partie des villosités se transforme en placenta ; alors commence, dans cet organe, la deuxième phase de la respiration fœtale, et l'appareil branchial disparaît. Ces considérations, auxquelles sans doute on pourrait en ajou- ter encore quelques autres, établissent suflisamment que le sang fœtal est modifié par celui de la mère et que cette modification est de la même nature que celle que subit le sang de l'adulte dans le poumon après son contact avec l’air atmosphérique. Ceci posé, on se rendra facilement compte de l’asphyxie intra-utérine ; elle se produira toutes les fois que l’une des deux circulations maternelle ou fœtale cessera, ou que, chacune d’elles continuant, leurs rapports médiats seront détruits. L'asphyxie pourra alors être lente ou presque instantanée, selon que ces circulations se- ront plus ou moins vites, plus ou moins complétement interrom- pues; les résultats seront la mort réelle ou apparente du fœtus ; l’état de coloration de sa peau sera différent, selon la promptitude avec laquelle il aura été asphyxié, ou il sera d’une couleur rouge- bleuâtre cyanosé, ou il sera pâle et blème. Entrons dans quel- ques détails à ce sujet. 5 Le fœtus viendra au monde cyanosé, si sa circulation propre a continué, celle de la mère ayant cessé complètement ou incom- plètement; si des contractions utérines fortes et prolongées, peu espacées entre elles, ont gêné la circulation placentaire; si une | VINGT-TROISIEME SESSION. LR de étendue assez considérable du placenta a été décollée ; si le cor- don comprimé incomplètement ou contourné autour de quelques parties du fœtus, à rendu la circulation fœtale difficile. La cou- leur rouge- -bleuâtre sera d'autant plus prononcée, que l’asphyxie aura été plus lente à se produire, comme cela arrive chez les noyés et chez tous les autres asphyxiés. Ce genre d’asphyxie est le plus commun ; c’est celui où le sang impropre à la vie circule dans tout l'arbre veineux et artériel, c "est l asphyxie proprement dite; cet état répond pour nous à l état apoplectique des auteurs. IL est bien vrai que dans cet état le cerveau est gorgé de sang ; mais il l’est comme le sont le foie, la rate, les lèvres, les yeux, la face et toute la peau. Cette congestion, cette stase du sang dans les vaisseaux et le système capillaire surtout, tient à ce que la circulation s'est peu à peu ralentie, à ce que le cœur a perdu successivement de sa force d'impulsion, phénomène qu’on peut parfaitement suivre avec le stétoscope lorsqu'on assiste, avec l’o- reille armée de cet instrument, aux derniers moments du fœtus. Mais il y a bien loin de cet état de congestion à un épanchement apoplectique ; rétablissez, en effet, la respiration, et la circulation reprenant son cours, le cerveau, comme tous les autres organes, ne tardera pas à être dégagé, et l'enfant reviendra à la vie, sans qu'aucun symptôme ne puisse donner des preuves d’une affec- tion cérébrale. D’autres fois, avons-nous dit, l'enfant peut naître avec une coloration blaffarde de la peau. Dans cette occurrence, l'enfant pourra cependant encore être asphyxié ; mais l’asphyxie aura été rapide. La circulation étant subitement interrompue dans le cor- don et dans le cœur, le fœtus mourra asphyxié comme le fait l'adulte qui, plongé au fond de l’eau, ne revient pas à la surface, ou qui, enseveli sous des décombres, a la poitrine comprimée de toutes parts, etc.—Cet état se ‘rapproche beaucoup de la syncope ou de celui que produit un arrêt brusque de la circulation, comme cela arrive lors de la rupture du cœur. La pâleur du fœtus tient alors à à ce que la circulation chez lui n’a pas été gênée de manière à engorger successivement les vaisseaux capillaires de la peau ; sa brusque inter ruption a causé une mort trop prompte pour que les phénomènes extérieurs de l'asphyxie puissent se remarquer. L'enfant peut aussi naître décoloré et non asphyxié : c’est lors- qu’une hémorragie se produit par les vaisseaux ombilicaux dé- chirés ou qu’une anémie ou une faiblesse originelles le rendent incapable de soutenir la longueur du travail. Notreintention n’est pas d'examiner tous les genres de mort du fœtus, mais bien celui que produit l asphyxie. Nous venons d'exa- iiner longuement celle qui se produit dans le sein de la mère; recherchons maintenant les causes et la nature de celle qui se produit au dehors. Nous arrivons ainsi à nous occuper de l’as- phyxie extra-utérine, qui a lieu au moment de la naissance. 316 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Asphyxie extra-utérine. Sous cette dénomination, nous entendons parler de la difficulté qu'à la naissance la respiration pulmonaire rencontre à s'établir, difficulté qui peut être portée assez loin pour produire la mort d'un enfant qui pourrait vivre, si la cause qui la détermine dis- paraissait. L'enfant, à peine sorti du sein de sa mère, ne tient plus à elle que par le cordon ombilical, qui bientôt ne va plus avoir de rap- port avec l'utérus. La respiration fœtale va cesser, si elle ne l’a déjà fait; la respiration pulmonaire doit la remplacer immédiate- ment; mais pour que celle-ci ait lieu, il faut que l'air ait accès dans le poumon ; tous lescorps étrangers qui s'opposent à cet accès seront autant de causes de mort: les glaires, les mucosités épaisses de la bouche et des fosses nasales, des fragments de membranes qui obstruent la bouche et le nez, la position de la face du fœtus sont, à n’en pas douter, quelquefois cause que la respiration ne S "établit pas. Mais une cause plus fréquente et peut-etre moins connue est la présence du fluidè amniotique dans les voies aé- riennes. Wilson, en 1787, publia une thèse où il enseignait que les voies aériennes étaient remplies, pendant la vie intra-utérine, par le liquide amniotique, et que ce liquide fournissait aufœtus les éléments de sa respiration. De son côté, Héroldt, de Copen- hague, en 1798, s’assura sur des animaux que le liquide amnio- tique pénétrait avant la naissance dans les voies aériennes ; que pendant l'accouchement la pression que subissait la poitrine du fœtus le lui faisait évacuer, et que si cette sortie n’avait pas lieu l’asphyxie pouvait s’en suivre; de là -le conseil qu’il donna de mettre les enfants naissants dans une position telle que cette évacuation fût rendue facile. Ce chirurgien annonCa avoir ainsi sauvé douze enfants sur treize à qui il avait donné des soins. Schéele partagea complètement l'opinion d'Héroldt, et rap- porta, dans une dissertation, de nouvelles observations à l'appui des idées émises ci-dessus. Abilgaard, Viborg, Schmitt, Rœderer, Golfier, Béclard sont aussi de cet avis; ils ont appuyé leur opinion sur des observations et des expériences qui, selon eux, ne lais- sent aucun doute sur la pénétration des eaux de l’amnios dans les voies aériennes. On trouve dans le grand Dictionnaire des Sciences médicales (t. 2, p. 369) un fait consigné déjà dans les Annales des Sciences et des Arts pour 1808, qui “vient confirmer pleinement l'opinion d'Héroldt : « Un enfant était né dans un état d’ asphyxie, d'une mère phlegmatique, après un travail long et très douloureux. L’accoucheur avait employé sans succès, pendant vingt minutes, tous les moyens d'usage pour rappeler l'enfant à la vie, lorsque Golfier arriva. Celui-ci soupconna qu’une abondance de mucosités nié à Lust dés dore. dE, Lt RE VINGT-TROISIÈME SESSION. 317 était la cause de l’asphyxie ; à l’aide de son doigt et des barbes d'une plume, il retira beaucoup de glaires de la bouche, de la gorge et des narrines de l'enfant; il souffla de l’air dans ses pou- mons, mit en usage les frictions, les succions, les irritants, la compression alternative du ventre et de la poitrine, le tout inuti- lement. Alors M. Golfier, pensant que la liqueur de l'amnios dans la trachée artère et les bronches pouvait augmenter l'obstacle que les mucosités opposaient à la respiration, coucha l'enfant sur le côté et vit alors s’écouler une grande quantité d'hu- meur; il revint à l’insufflation, aux irritants; enfin le thorax exécuta quelques mouvements, les battements du cœur se firent sentir, et l’enfant revint à la vie. » Le fluide amniotique introduit dans les voies aériennes peut-il être cause de la non respiration de l'enfant nouveau-né ? Peut-il, en un mot, déterminer l’asphyxie extra-utérine ? On peut, certes, s’adresser aujourd’hui cette question, dont on trouverait difficilement la solution dans les ouvrages modernes publiés surles accouchements ; la plupart d’entre eux, négligeant les recherches et l'opinion des auteurs que nous venons de nom- mer précédemment, ne disent mot de cette cause d’asphysie et de l’aspiration qui peut si utilement la combattre; s’il en est quelques-uns qui en parlent, c'est à peine pour les indiquer; parmi eux, je prendrai pour exemple le professeur Velpeau (Traité des -accouchements, t. 2, p. 582) qui dit: « Il serait peut-être utile d'en (fluide amniotique) débarrasser la trachée par aspira- tion ou autrement, avant d'essayer l’insufflation ; mais il existe encore trop d'incertitude sur ce point pour qu'il puisse servir de base à n'importe quel plan de pratique. » Des ouvrages plus récents ne parlent pas de l'aspiration appli- quée à combattre l’asphyxie des nouveaux-nés ; nous pensons donc qu’il est d’un vif intérêt d'appeler l'attention des praticiens sur Ce point, qui demande de nouvelles recherches. È Disons toutefois, à propos de l'aspiration, qu’en 1833 le doc- teur Albert de Wiesentheid fit imprimer, dans les archives de Heuke, un mémoire contenant ses recherches sur l'insufflation chez les asphyxiés. Peu satisfait de l’insufflation, il recourut de préférence à l’aspiration; il prétendit qu’elle produisait de très bons résultats, et comme exemple à l’appui de cette assertion, il dit avoir rappelé, par ce moyen, quarante et un animaux as- phyxiés sur quarante-sept qu’il avait soumis à ses expériences. Le docteur Marc s’est livré, de son côté, à de nombreuses re- cherches sur les avantages de l'aspiration chez les asphyxiés, et il dit qu’elle s’est montrée utile dans plusieurs cas et qu’elle est incontestablement indiquée pour débarrasser l’arrière-bouche, la trachée et les bronches, de l’eau ou des mucosités qui peuvent les engouer. Bien que ces deux praticiens aient eu en vue les se- 318 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. cours à donner aux adultes, aux asphyxiés proprement dits, il n'en est pas moins vrai que leurs expériences prouvent que l’as- piration, si utile en cas d’asphyxie par submersion par exem- ple, ne le serait pas moins dans l’asphyxie des nouveaux-nés qui serait causée par le fluide amniotique. Desexpérimentateurs ontaussi remarqué que, lorsqu'on noyait deux animaux de force égale, deux chiens par exemple, et qu'on attendait pour les retirer de l’eau qu’ils fussent dans un état aussi avancé de mort apparente, celui qu’on retirait par les pat- tes de derrière, la tête en bas, revenait le plus souvent à la vie; tandis que celui qu’on retirait de l’eau la tête maintenue en haut, succombait presque certainement. À quoi attribuer la différence de résultat, si ce n’est à la sortie du liquide des voies aériennes dans le premier cas, et à sa permanence, au contraire, dans le deuxième. Nous avons répété cette expérience sur des moutons, et nous avons acquis la certitude qu'une grande quantité d’eau entre dans les voies aériennes. II est donc indispensable, dans les cas d’asphyxie par submersion, de donner au cadavre, pen- dant quelque temps, une situation propre à favoriser l’'écoule- ment du liquide inspiré ou introduit par la pression dans l’organe pulmonaire. Dans l'accouchement en présentation pelvienne, on voit très souvent les enfants succomber. Je sais que plusieurs causes de mort peuvent alors produire cette funeste terminaison : telles sont les lésions de la moëlle épinière, la compression du cordon ; mais je pense qu’on y doit ajouter, à l'exemple d'Héroldt, la pré- sence du fluide de l’amnios dans la trachée. Ce liquide, dans cette présentation, est bien plus difficilement évacué que dans l'accouchement par la tête. Dans celui-ci, en effet, la poitrine, en traversant le bassin, est fortement comprimée, tous les liqui- des qu’elle renferme tendent à s'en échapper : les lois seules de la pesanteur les obligeraient à sortir. Il est, au reste, quelque chose de plus décisif : c’est de répé- ter les expériences des auteurs que nous venons de citer, c’est d'examiner soi-même, dans les cas de mort apparente des nou- veaux-nés, s’il n'existe pas de liquide dans les voies aériennes ; c'est de pratiquer dans ces cas quelques aspirations, et le plus souvent on retirera quelques mucosités mêlées à du liquide, sou- vent même de l’écume, bronchique, si l'enfant a fait quelques inspirations ou si l’on a déjà fait quelques insufflations. Un jour je fus appelé à donner des soins à un enfant mort-né, il s'était présenté par le pelvis, et il ne donnait aucun signe de vie. J'introduisis le tube laryngien de chaussier dans la glotte, j'aspirai à plusieurs reprises et je retirai à peu près une cuil- lérée de liquide et de mucosités. Je fis des insufflations que je continuaï pendant une demi-heure, voyant mes efforts infruc- tueux j'allais abandonner l'enfant quand l’idée me vint de lui nt LE nt tie um mie mit mice dat one VINGT-TROISIÈME SESSION. 319 comprimer la poitrine en lui tenant la tête un peu basse. A l'instant la bouche et les fosses nasales se remplirent d'écume bronchique et toute semblable à celle que rend un noyé. Je recommencai l’insufflation, la circulation commenca à se mani- fester ; je continuai, quelques inspirations naturelles eurent lieu, mais les dernières ramicules bronchiques étaient probablement engouées par cette écume, il me fut impossible de rappeler com- plètement cet enfant à la vie. Un fait à peu près analogue, arrivé en 4775, est consigné dans les Essais sur les accouchements de Suë (t. 1, p. 636). Un chi- rurgien, M. Tessel, donnait des soins à un enfant présentant depuis une demi-heure tous les symptômes de mort; les moyens mis en usage restaient sans résultat, sans même ‘en excepter l'insufflation ; mais ayant fait rejeter à l'enfant une grande quan- tité d’eau écumeuse, il réussit enfin à le rappeler à la vie. J'ai très souvent extrait de l’arrière-bouche et des narrines des mucosités épaisses et même du méconium. Les auteurs qui ont contesté que le fluide amniotique entre pendant la vie du fœtus dans les voies aériennes, se sont fondés sur ce que son introduction était empêchée par l’occlusion de la glotte, qu’ils ont admise sans la prouver. Sans discuter avec eux, nous admettrons, si l’on veut, cette occlusion qui emporte avec elle l’idée de vie ; car elle ne peut être ainsi close que par les muscles constricteurs dont l’action cesse à la mort réelle ou ap- parente. Ainsi donc, lorsque la vie a cessé ou est suspendue, rien ne s'oppose à ce que le liquide de l’amnios pénètre dans les voies aériennes, ceci est incontestable ; mais bien plus, l’enfant prêt à voir la vie lui échapper, sentant sa respiration fœtale lui faire défaut, cherche instinctivement à faire des mouvements d'inspiration. Qu'on observe un œuf humain à terme, séparé de l'utérus, ou, mieux encore, les fœtus dans l’utérus chez les animaux : chez le premier, la vie persiste quelques instants, mais la mort ne tarde pas à arriver ; on voit le fœtus s’efforcer d'ouvrir la bouche et de respirer; il en est de même des seconds ; si on comprime leur cordon ombilical, on voit apparaître chez eux les mêmes efforts d'inspiration ; il n’est pas douteux qu’alors le fluide amniotique ne s’introduise dans le vide de la bouche, des yeux et de la trachée. Nous ne pensons pas devoir insister davantage pour prouver la possibilité de l'asphyxie extra-utérine par l'accumulation du fluide amniotique dans les voies aériennes. Asphyxie extra-utérine causée par l’apoplexie. L'apoplexie ou la congestion cérébrale peuvent aussi être 320 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. cause d'asphyxie extra-utérine. En combattant l'opinion des au- teurs sur l’apoplexie qu'ils ont, dans certains cas assez nom- breux, confondu avec l’asphyxie intra-utérine, nous n'avons pas prétendu dire que le cerveau chez le nouveau-né ne fût ja- mais lésé; la pratique journalière des accouchements nous eût donné de suite de nombreux démentis. Mais commentune lésion cérébrale peut-elle déterminer la mort par asphyxie? Évidem- ment ce n’est qu’en détruisant l'influx nerveux, qu’en paralysant les muscles inspirateurs, qu’en laissant les poumons affaisés et comprimés par les parois thoraciques restés immobiles. Cette cause de mort n’agit donc qu’au moment où les agents mécani- ques de la respiration doivent entrer en fonction, c'est-à-dire postérieurement à la naissance; elle empêche la respiration de s'établir, elle est cause que la vie ne continue plus, mais elle ne l’a pas détruite pendant que le fœtus était en rapport avec la mère; c'est donc avec raison qu’on peut dire que l’asphyxie qu’elle produit est très distincte de celle qui arrive dans le sein maternel, et qu’elle doit être appelée extra-utérine, par opposi- tion à celle que nous avons appelée intra-utérine. Le cerveau a si peu d'influence sur la vie fœtale qu’on peut, à la naissance, continuer au moyen de l’insufflation la circula- tion et développer la respiration factice sans la participation du cerveau détruit mécaniquement par les instruments ou anéanti par l’apoplexie. Ces deux fonctions continuent, mais elles ces- sent aussitôt qu’on cesse les moyens factices qui les entretenaient. Si la congestion cérébrale peut déterminer l’asphyxie extra- utérine, à son tour celle-ci peut produire un état de congestion et de stase qui peut être porté au point de déterminer des lésions graves, mais qui le plus souvent, disparaïîtront aussitôt que l'air, pénétrant naturellement ou artificiellement dans la poitrine, per- mettra aux poumons de recevoir le sang qui congestionne les autres organes. L’affection principale est alors l’asphyxie; mais les rapports entre les trois grandes fonctions : innervation, cir- culation et respiration sont si intimes, qu'il est rare que l’une ait à souffrir sans que les deux autres ne s’en ressentent : rien n'est donc plus commun que de rencontrer combinées ou con- committantes des lésions qui se produisent les unes les autres. Nous tiendrons compte de cette connexion lors du traitement au- quel nous passons dans ce moment. TRAITEMENT. Tout enfant qui nait dans un état de mort réelle ou apparente doit recevoir les mêmes soins tant qu’on n’aura pas constaté, par des signes certains, que la mort existe bien réellement. Nous diviserons ces soins en trois catégories : B … - Léénlé tés mn fie né fes dd | Sen en VINGT-TROISIÈME SESSION. 321 $ 1.—SoINS RELATIFS AU CORDON OMBILICAL ET AU PLACENTA (RESPIRATION FOETALE). $ 2.—SoINS RELATIFS AU POUMON (RESPIRATION PULMONAIRE). $ 3.—EXCITANTS GÉNÉRAUX AGISSANT SUR L'INNERVATION. Les auteurs étant très partagés d'opinion en ce qui regarde les deux premiers ordres de ces moyens, c'est sur Ceux-ci qu'ont porté spécialement nos recherches ; c’est sur eux que nous in- sisterons davantage ; c’est aussi la partie de notre travail sur la- quelle nous attirerons le plus l’attention de nos lecteurs. $ 1.—SoINS RELATIFS AU CORDON OMBILICAL ET AU PLACENTA (ENTRETENIR LA RESPIRATION FOETALE). Nous posons pour première règle de ne jamais couper le cor- don ombilical, que les battements y soient distincts ou non, que l'enfant soit apoplectique ou asphyxié, pour nous servir du lan- gage admis aujourd'hui ; une exception ne serait convenable qu'autant qu’une perte abondante menacerait les jours de la mère et exigerait qu'on la délivrat rapidement. Dans ce cas même on pourrait opérer la délivrance sans couper le cordon et se conduire comme nous le dirons bientôt. Le précepte si absolu que nous donnons ici trouvera, nous le savons, de nombreux contradicteurs ; il est en opposition avec l'opinion de la plus grande partie des accoucheurs, qui conseil- lent, dans les cas dits apoplectiques, de couper le cordon et de le laisser saigner pour combattre la congestion cérébrale. MM. Breschet et Larrey, nommés commissaires par l’ Académie des Sciences pour faire un rapport sur un mémoire de M. Bau- delocque-Neveu, relatif à cette question, établissent dans ce rap- port (séance du 13 décembre 1841) que l'indication, quant à l’in- _tégrité du cordon ombilical, n’est pas la même lorsque la mort apparente des nouveaux-nés est due à la congestion cérébrale ou apoplexie sanguine, que lorsqu'elle est due à l'état anémique ; - ils admettent cette distinction faite, disent-ils, par tous les ac- coucheurs. Cependant tous n’ont pas été de cet avis. Smellie, Levret, A. Petit, Fréteau, Chaussier, plus récemment et plus particuliè rement M. Baudelocque-Neveu, ont conseillé de laisser le cordon intact. Cette divergence d opinion sur une pratique aussi essen- tielle exige que je m’arrête un peu longuement sur les raisons qui font que je me range du côté de la minorité. L'état apoplectique caractérisé par la cyanose, la bouffissure de la face, est, nous croyons l'avoir démontré, une véritable as- phyxie in{ra-utérine produite par défaut de respiration placen- taire. Si cette circonstance eût été connue des auteurs que nous venons de nommer et qui ont donné le conseil de ne pas couper le cordon, même dans les cas où ils croyaient à l’apoplexie, ils 322 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. auraient encore bien plus insisté sur cetle pratique, et leur avis eût été partagé par un bien plus grand nombre de chirurgiens. Presque tous les praticiens sont d'accord pour recommander de ne pas couper le cordon dans les cas où l'enfant, né avec les symptômes de mort apparente, ne présente pas l’état apoplecti- que; mais ils conseillent le contraire si ce dérnier état existe. C'est ici, comme nous venons de le dire, que nous différons d’o- pinion. Nous disons d’abord que pour les enfants nés en état de mort apparente, que l’on range dans la catégorie des apoplectiques, le plus grand nombre, pour ne pas dire tous, sont des asphyxiés proprement dits. L'apoplexie ne saurait produire la cyanose qu'autant que, la circulation continuant, la respiration pulmo- naire serait arrêtée ou empêchée. L'état apoplectique proprement dit est rare. S’il existe chez l'enfant qui, en naissant, est d'une couleur rouge-bleuâtre, c’est qu’il est concomitant d’une asphyxie : cette lésion est la lésion principale. L'apoplexie n’est ici, en quelque sorte, que secon- daire ; aussi tous les efforts doivent-ils tendre à favoriser la res- piration pulmonaire, tout en conservant aussi longtemps que possible la respiration placentaire. Il y a mieux, si on parvient quelquefois à combattre efficace- ment l’asphyxie, la circulation, se rétablissant, pourra produire l’apoplexie. Cela peut arriver quand le cerveau a éprouvé des lé- sions pendant l'accouchement, qui ont rendu sa substance plus facile à déchirer. J'ai été à même d'observer un phénomène à peu près analogue dans l’asphyxie par submersion : un vieillard tombé dans un canal où l’eau coulait avec rapidité, fut entraîné au milieu d'une écluse de chasse où sa tête recut de fortes com- motions. Il avait parcouru un espace d’environ une centaine de mètres avant d'arriver à l’écluse. 1l est donc rationnel de penser qu'il était déjà asphyxié quand il la traversa, et que l’ébranle- ment cérébral fut postérieur à l'asphyxie. Je lui donnai des soins aussitôt qu’il fut retiré de l’eau. Le cœur donnait encore quelques signes de vie ; je fus assez heureux pour voir disparaître succes- sivement les symptômes d'asphyxie, et déjà je croyais mon noyé tout à fait rappelé à la vie. Il me parla, s’assit sur son séant.…. Je crus nécessaire d'envoyer chercher une voiture pour le con- duire à son domicile; mais au moment où j'étais le plus rassuré sur son comple, sa face s’injecta, ses yeux devinrent hagards, il cria, il s’exaspéra, puis tomba tout à coup à la renverse etexpira. Je ne mis pas en doute l'existence d’un épanchement au cerveau qui s’était produit par le retour de la circulation dans cet organe, qui avait recu des contusions violentes. Ce qui s’est passé chez cenoyé peut aussi se passer chez l'enfant au moment du travail. Nous n’éloignerons donc pas toujours toute idée de lésions cérébrales ; bien loin de là, nous nous tiendrons le plus souvent PE di L'on ds Lit tnt don me: VINGT-TROISIEME SESSION. 323 en garde contre elles, en tenant compte des circonstances de l’ac- couchement, de la compression qui a pu être exercée sur la tête, du séjour plus ou moins long qu’elle a fait hors de la vulve, de la compression que le col de la matrice ou le cordon ont pu exercer sur le cou de l'enfant, du reflux et de la stase sanguine que tout genre d’asphyxie détermine sur le cerveau, et pour peu que nous ayons lieu de craindre quelque chose de fâcheux du coté de l’encéphale, nous ferons appliquer des sangsues aux tempes, aux apophyses mastoïdes, des ventouses à la nuque, etc. En agissant ainsi, nous opérerons d’une manière bien plus certaine, sous le rapport de la déplétion sanguine, qu’en coupant le cordon et en le laissant saigner; en effet, la section du cordon, faite dans le but de provoquer une évacuation sanguine, est le plus souvent illusoire. Si la circulation est assez active dans le cordon pour qu’il puisse saigner, le cas d’asphyxie est simple et l'enfant respirera bientôt, que l’on coupe ou que l’on ne coupe pas le cordon ; si le cas est plus grave, la circulation plus lente, le cordon ne fournira pas de sang, et vous vous serez privé en pure perte de la ressource que vous offrait son intégrité. Les plus fortes objections que l’on fasse contre l'opinion que nous cherchons à défendre sont que la circulation utéro-placen- taire est promptement interrompue dans le cordon, parce que la : matrice, par les violentes contractions auxquelles elle s’est li- vrée, à détruit les vaisseaux qui l’attachent au placenta, ou parce que son retour sur elle-même change et détruit la disposition de ces vaisseaux. Sans doute ces causes produisent le ralentisse- ment, puis plus tard la cessation de la circulation placentaire; mais ceci demande un temps plus ou moins long qu’il n’est pas toujours facile d'apprécier ; car la circulation existe sans que les battements du cordon soient sensibles au toucher; les artères ombilicales ne donnent plus de battements sensibles, que la veine du même nom n’en continue pas moins à charier du sang. Or, en maintenant le cordon et le fœtus dans un bain, à une température à peu près égale à celle où ils se trouvaient, à 30° par exemple, on mettra à profit les ressources, mêmes cachées, de la circulation insensible. En outre, il ne faut pas croire que les rapports utéro-placentaires soient si rapidement détruits. La matrice, fatiguée du travail auquel elle vient de se livrer, ne revient pas subitement sur elle-même : on sait que la délivrance abandonnée à la nature’est quelquefois plusieurs heures sans se faire et qu’on peut conserver pendant longtemps des animaux naissants en les recevant dans un liquide chaud. Ils vivent alors pendant des heures entières de la vie intra-utérine, bien qu’ils aient abandonné l’utérus. f Une autre preuve que la circulation utéro-fœtale ne s’inter- rompt pas si vite, c'est que les battements du cordon, à peine sensibles maintenant, se raniment quelquefois sous l'empire des 324 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. frictions, d'un bain chaud, de la respiration simulée ou provo- quée; le cœur de l'enfant se réveille en quelque sorte, et avec lui tout l'appareil circulatoire. Citons un fait, pris entre beaucoup d’autres, à l'appui de cette assertion : à la suite d’un accouchement qui avait exigé des dou- leurs longues et soutenues, je recus un enfant dans l’état dit apoplectique; la mort n’était qu’apparente. Je le plongeai dans un bain à 30°, et avec lui le cordon ombilical que je laissai intact. Les battements y furent peu sensibles d'abord, mais bientôt ils acquirent de la force et continuèrent à être très appréciables pendant plus de quinze minutes. Pendant ce temps, l'enfant fut soumis à quelques soins qui aidèrent à le rappeler à la vie. Il commenca à crier, la circulation s'arrêta dès lors dans le cor- don que je m'empressai de couper. Jusqu'à présent nous avons admis, pour conserver l'intégrité du cordon, que les rapports du placenta et de l'utérus n'avaient pas cessé; mais nous allons plus loin, et nous disons que lors même que le placenta serait décollé, iln’en faudrait pas moins ne pas couper le cordon. Nous n’imitons pas complètement l'exemple de ceux qui jadis ont conseillé, dans ce cas, d'appliquer le pla- - centa sur l’ombilic de l'enfant (conseil qui prouve que depuis longtemps on comptait sur un reste de circulation fœto-placen- taire}, mais nous disons de plonger l'enfant et l’arrière-faix dans un bain préparé à l'avance, et dans lequel nous lui administrons d’autres soins. L'exemple de la continuation de la vie, pendant quelque temps, dans l’œuf à terme expulsé du placenta, prouve que notre pratique à quelque chose de rationnel. Nous avons encore le témoignage et l'appui d'auteurs célèbres : Chaussier prétend qu’en entretenant ou en ranimant la circula- tion dans le placenta, on peut la rétablir dans le fœtus. Osiander a constalé que le placenta, après son expulsion, lorsqu'il com- muniquait encore avec le fœtus, présentait souvent des mouve- ments alternatifs de dilatation et de contraction des vaisseaux qui le composent. Antoine Petit, Levret, Dorthal mettaient dans ces cas le placenta dans un liquide chaud et stimulant et arri- vaient souvent à se louer de cette pratique. Si nous considérons que la circulation du fœtus est distincte de celle de la mère, que la masse du sang fœtal est une et tou- jours la même, soit avant, soit après l’asphyxie, et qu’elle se re- partit entre le fœtus’et le placenta, nous devons admettre qu’à la suite d’un accouchement long, les contractions utérines fortes et soutenues ont dû refouler le sang dans le fœtus et diminuer d'autant celui du placenta; mais que ces contractions venant à cesser, le reflux de l'enfant au placenta s'opère de manière à ce que l'équilibre se rétablisse; ce reflux peut avoir lieu à la fois par la veine et les artères ombilicales ou par ces dernières seu- lement. ÉD. à * VINGT-TROISIÈEME SESSION. 325 Nous persistons donc dans le conseil de ne pas couper le cor- don, quelque soit l’état de l'enfant, qu'il soit asphyxié ou même apoplectique : 4° parce que sa section n’a aucune utilité, pas même celle d'un dégorgement sanguin, qu'on peut produire au- trement et plus sûrement par des sangsues, des ventouses ; 2° parce que ce dégorgement, seule objection valable qu'on puisse faire en faveur de la section du cordon, se fait plus difficilement par le cordon coupé ou déchiré que par le cordon intact ; les ar- tères divisées se rétractant perdent de leur calibre; le placenta pouvant servir de diverticulum, on pourra même favoriser ce dé- gorgement en refoulant avec les doigts le sang du cordon dans le placenta; 3° parce que son intégrité réserve des chances favo- rables de plus pour l'enfant qui n'a pas épuisé toutes les parties vitales ou vivifiantes du sang maternel contenu dans le placenta. Reste une dernière objection : en ne coupant pas le cordon, il faut administrer les soins à l’enfant pendant @u'il est entre les cuisses de la mère ; celle-ci n’en sera-t-elle pas vivement impres- sionnée et même for tement effrayée ? La crainte de cette frayeur est une objection futile; la nouvelle accouchée n’est pas moins effrayée des soins que l'accoucheur donne loin d'elle à son en- fant. En s’éloignant on perdrait, du reste, l'avantage de surveil- ler les accidents dont la mère est atteinte et dont elle pourrait même être victime à l'insu de l’accoucheur. Nous pensons que les raisons que nous venons de donner ont une grande valeur au point de vue théorique. S'il nous était per- mis de citer notre pratique comme une preuve à l'appui, nous dirions que les résultats que nous obtenons chaque jour en ne coupant pas le cordon jusqu’à ce que l'enfant ait respiré, sont des plus satisfaisants et nous confirment de plus en plus dans notre opinion. $ 2.—SoIxs RELATIFS AU POUMON (PROVOQUER LA RESPIRATION PULMONAIRE). Après avoir pris les précautions que nous venons d'indiquer relativement à la respiration fœtale, il faut chercher à provoquer la respiration pulmonaire et cela avec le plus de rapidité pos- sible. Les voies aériennes seront débarrassées de tous les corps étran- gers qui peuvent les obstruer; le doigt, et mieux encore les barbes d’une plume, seront employés à cet usage. On ne crain- dra pas de titiller l'entrée de la glotte. Le liquide amniotique obstruant, dans certains cas, les voies aériennes, il sera toujours très prudent de chercher à l’évacuer en donnant momentané- ment à l'enfant une position telle que la tête soit plus basse que la poitrine. Celle-ci pourra alors être légèrement comprimée, et quelques mouvements expulseurs pourront être faits avec la main sur la trachée de l'enfant. Tout ceci doit s’exécuter rapide- 326 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ment. L'enfant est aussitôt placé dans un bain chauffé à 30° et que l’on place entre les cuisses de la mère, le plus près possible de la vulve, afin que le cordon ombilical puisse baigner aussi complètement que faire se pourra, puis on saisit l'enfant en ap- pliquant les deux mains au-dessous de ses aisselles, les deux pouces sur le sternum; on cherche à imiter, par des pressions alternatives, les mouvements des côtes dans l’expiration et l’ins- piration. Si, après quelques minutes, aucun signe de vie n’appa- raît, on confie l'enfant à un aide, qui le saisit de la même ma- nière qu'on le tenait soi-même, et on s’empresse de pratiquer : 4° l'aspiration ; 2° l’insufflation, après avoir employé toutefois des affusions froides sur la tête et l'excitation des muqueuses na- sales et olfactives avec l’ammoniaque, l'éther, etc. Be l'aspiration. Nous entendoff$ par aspiration l'extraction, au moyen d’une pompe, soit des gaz, soit des corps liquides qui peuvent se trou- ver dans les voies aériennes. Cette extraction, dans le cas qui nous occupe, ne peut s'opérer d'abord que sur des liquides et, plus tard, sur l’air inspiré ou insufflé. Ce que nous avons dit plus haut à l’article asphyxie extra- utérine nous dispense de faire ressortir l'utilité de l'aspiration. Nous sommes entrés à ce sujet dans des détails qui, nous l’espé- rons, attireront l'attention des praticiens, et nous ne doutons pas que des faits nombreux ne viennent attester l'avantage de ce moyen. Quant à la manière de la pratiquer, nous réservons ce que nous avons à en dire pour le moment où nous traiterons de l'emploi de l’insufilation ; nous éviterons par là des répétitions. Be l’inmeufflation prlsnomaire. L'insufflation pulmonaire a été très diversement appréciée par les auteurs. Les uns l'ont adoptée avec enthousiasme, d’autres l'ont rejetée comme inutile, d’autres comme dangereuse; si bien qu'aujourd'hui encore il est bien peu de praticiens, surtout en province, qui aient recours à ce moyen. S'ils le font, ce n’est qu’en désespoir de cause, ce n’est qu'après avoir épuisé tous les autres moyens, c'est-à-dire dans les circonstances les plus défa- vorables, et le plus souventencore la méthode d’insufflation mise en usage est-elle vicieuse et ne conduit-elle pas au but qu’on veut atteindre, celui de porter l'air dans les ramuscules bron- chiques. Parmi les auteurs qui, dans ces derniers temps, ont jeté le plus de défaveur sur l’insufflation, il faut citer M. Leroy d'Etiol- les qui, dans un mémoire adressé à l’Académie des Sciences, di- sait que d’après de nombreuses expériences, il avait acquis la conviction que l’insufflation exposait, pour peu qu'elle füt forte, à la rupture des vésicules pulmonaires. Mais MM. Duméril et ae É ET ee VINGT-TROISIEME SESSION. 327 Magendie démontrèrent que l'opinion de M. Leroy d'Étiolles était exagérée en ce qui concerne les poumons des enfants, que ces or- ganes pouvaient supporter une forte insufflation sans se rompre. M. le professeur Piorry a appuyé de son autorité et de ses ex- périences l’opinion favorable à l’insufflation, et plus récemment, M. Depaul a prouvé, par un grand nombre de faits, les avantages de ce moyen. MM. Desormeaux et P. Dubois ont eu peu à s’en louer, mais Chaussier, Me Lachapelle, Drugès... etc., l'ont vantée au contraire comme un moyen précieux. L'insufflation pulmonaire est, selon nous, appelée à rendre d’incontestables services dans le traitement des morts apparentes chez les nouveaux-nés. Mais comme on peut et comme on doit l'appliquer dans d’autres genres d’asphyxie, chez les noyés par exemple, nous ne croyons pas qu'il soit hors de notre sujet d'examiner la question sous ses différents rapports. s L'insufflation directe se pratiquait, dans le principe, de bouche à bouche; bientôt on s’apercut que par cette méthode peu ou pas d'air pénétrait dans le poumon; on insuffla alors au moyen d’un chalumeau. Pia inventa une canulle spéciale; Fine, de Genève, se servit d’une longue canulle en gomme élastique qu'il introduisit par les narrines jusque dans le larynx; enfin Chaussier inventa un tube garni d'une petite éponge ; c’est celui dont on se sert au- jourd’hui, avec la modification légère qu’on lui a fait subir et qui consiste à rendre terminale l'ouverture qui était latérale. _L'insufflation d'un individu à un autre parut présenter à cer- tains praticiens des inconvénients assez graves. Ils pensèrent que l'air qui avait déjà servi à la respiration était beaucoup moins propre à être insufflé, et ils inventèrent les uns des soufilets plus ou moins modifiés, tels sont : Paracelse, Panarole, Hunter, Pia, Garcy; les autres des pompes à air, Goodwyn, Noot, Van-Marun, Rithen, Me Rondet, Kopp, Meunier de Strasbourg, Dacheux, M. Marc. Tous ces hommes et d’autres dont nous omettons les noms ont inventé des appareils plus ou moins compliqués, pour atteindre le but d'insufiler aisément de l'air dans la poitrine. Sans faire la description de ces divers instruments, nous dirons qu'aucun d'eux ne remplit complètement les conditions néces- saires pour que l'aspiration et l’insufflation puissent se faire ai- sément, sûrement, alternativement, sans déplacement des pièces de l'appareil et sans que les poumons soient, pendant une partie de l'opération, soustraits à l’action de l’air atmosphérique. Les instruments que nous avons inventés et dont nous allons donner la description, satisfont à toutes les conditions exigées : c’est, du moins, ce que nous pensons et ce dont chacun pourra s'assurer. Tube laryngien. Pour que l'insufflation ou l'aspiration ait lieu, il est une première condition à remplir : c’est que la glotte 328 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. et le larynx soient hermétiquement remplis par le tube. Or, jus- qu'à présent, que je sache, on n'a pas eu l’idée d'employer un tube qui püt, une fois placé, se renfler à volonté dans sa partie laryngienne. Le nôtre satisfait pleinement à cette condition. On pourra en juger par la description suivante : Ce tube (v. pl.1, fig. 4) est long de 25 centimètres. Son extré- mité 4, la plus mince, est de forme olivaire, déprimée dans le le sens latéral, plus mince antérieurement que postérieurement. Ces dispositions ont pour but de rendre l'introduction de cette extrémité plus facile dans la glotte qui, comme on le sait, est beaucoup plus rétrécie en devant qu'en arrière, de manière à for- mer une espèce de W. A un centimètre de cette exlrémité A est fixée une baudruche ou une poche en caout-chouc qui tient au tube par deux ligatu- res B,B’, distantes l’une de l’autre de 7 à 8 centimètres, de manière à ce que la baudruche soit close de toutes parts et forme autour de lui un véritable sac allongé. L'intérieur de ce sac peut se vider et se remplir d'air à volonté par le canal B € & qui règne dans les parois du tube laryngien et qui est indiqué par la ligne ponctuée qui est figurée sur la longueur du tube; de sorte qu'après avoir introduit celui-ci dans le larynx, il suffit de souf- fler par l'ouverture B du canal pour remplir la baudruche. La clef E du robinet fixé sur la face, correspondant à la con- vexité du tube, ferme hermétiquement le canal B € @& et empé- che la baudruche Hi de s’affaisser. La fig. 2, pl. 3, repré- sente la baudruche affaissée ; la fig. 4, pl. 2, représente par la ligne ponctuée I HP la même baudruche dilatée par l’insuffla- tion faite par le canal B € @&. | Tous les vides que le tube pouvait laisser entre lui et les parois du larynx étant done complètement remplis par la baudruche dilatée, l'air qu'on insufflera par le tube A E devra descendre forcément dans les bronches et les poumons et ne refluera plus dans les fosses nasales ou dans l’æsophage, inconvénient majeur auquel ne pouvaient remédier le pincement des narrines et la précaution de repousser le larynx sur la colonne vertébrale. Si on veut faire l'aspiration des gaz ou des liquides, on ne pourra y arriver efficacement qu'avec notre tube. En effet, si pour la pratiquer on se sert du tube laryngien qui est dans toutes les boites de secours pour les noyés, on n'y parviendra jamais, parce que la pompe aspire l'air qui s’introduit entre les parois du larynx et le tube, tandis que les liquides restent dans les bronches. Mais les choses changent complètement si l'air exté- rieur ne peut plus s’introduire ; l'aspiration porte alors vraiment et efficacement sur ce que contiennent les voies aériennes, qui peuvent être alors facilement débarrassées. La difficulté, et je dirai même l'impossibilité de bien pratiquer l'aspiration et l'insufflation avec les instruments connus jusqu'à } VINGT-TROISIEME SESSION. 329 ce jour sont, je n’en doute pas, une des causes les plus fortes qui aient empêché de recourir généralement à ces moyens si eflicaces dans tant d'occasions. Notre tube, nous l’espérons, aura obvié à ces diflicultés. Nous l'avons fait garnir de deux anneaux F, KF°, afin de mieux le diriger et de savoir toujours de quel côté est sa concavité. Elle correspond à la saillie & que fait le tube intérieur B © & qui sert à insuffler la baudruche. Son extrémité externé Æ est assez grosse ‘pour qu'on puisse souffler facilement dedans, ou pour qu’il puisse recevoir une pièce à double frottement, sur laquelle on peut fixer d’autres pièces d'appareil dont nous allons mainte- nant faire la description. | La figure 2 de la planche 2 représente la pièce à double frotte- ment qui sert à lier facilement le tube soit au robinet de la pompe, soit à un tuyau élastique. WW. pl. 3. : Pompe à robinet à triple effet. La pompe 54, fig. 4, pl. 3 et fig. #, pl. 4, a 22 centimètres de circonférence sur 15 centimè- tres de longueur. Nous avons augmenté le diamètre afin d'aug- menter sa contenance, tandis que la longueur a été calculée de manière à ce que le pouce et les deux premiers doigts de la main droite pussent faire jouer le piston dans toute son étendue. En effet, en introduisant le pouce dans l’anneau E et l'index et le medius dans les anneaux FE FA’ on peul faire jouer le piston et avoir la main gauche disponible pour la manœuvre de la clef du robinet, Ce robinet, que nous appellerons à triple effet, est construit sur le modèle de celui des seringues que M. Charrière met dans ses boîtes à secours pour les noyés; mais il en diffère très nota- blement par la maniere dont la clef est forée dans toute sa hau- teur pour établir une communication avec l’air extérieur et le tube qui sert à l’insufflation ou à l'aspiration. Pour bien saisir les avantages d’une pareille disposition, il est important de bien connaitre la description dès parties qui le composent. Le robinet fig. ®, pl. 1, est percé par trois canaux qui exis- tent dans chacune des trois branches qui le composent et qui viennent aboutir à un centre commun @ qui reçoit la clef (fig. &, pl. 1). De ces canaux représentés dans la fig. 2, pl. 4, par des lignes ponctuées, le premier @ N se rend de la pompe au cen- tre du robinet; le second & BP va de ce centre au pas de vis & . sur lequel on peut visser soit le robinet de la vessie contenant de loxigène dont nous parlerons plus bas, soit tout autre appareil, celui à fumigations par exemple, le troisième @ @ part égale- ment du centre pour se rendre au pas de vis $ sur lequel vien- … nent s'adapter les différents tubes ou canules dont on désirera se servir soit pour les insufflations, soit pour les injections. La clef (fig. &, pl. 1) présente sur sa partie cylindrique une profonde échancrure & qui peut être mise en rapportalternati- 29 330 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. vement, tantôt avec les ouvertures des canaux GO N, 6 P, tantôt avec les ouvertures des canaux ® NX, 6 @. Il résulte de cette dis- position que dans le premier cas l’action de la pompe s'opère par le tube BP tandis que dans le deuxième c’est par le tube @. [l suffit donc de faire exécuter à la clef un quart de rotation pour que ce changement d'action se produise; en d’autres termes, si on aspire de l'air par le tube @ l'axe de la tête de la clef W w” étant parallèle à celui de la pompe, on pourra ensuite, en rendant cet axe transversal à l’autre, expulser l'air par le tube BP et vice versé. à On comprend tout l’avantage d’un pareil système qui rend si faciles l'aspiration et l’insufflation ; ajoutez qu’on peut faire alter- ner ces deux opérations ou continuer l’une et cesser l’autre. Mais à ces avantages, qui sont empruntés aux robinets déjà con- nus, j'en ai joint un autre qui me semble capital quand il s'agira de secourir un asphyxié : c’est célui de pouvoir mettre ses pou- mons en rapport avec l'air atmosphérique pendant le temps qu’on remplit la pompe dans l’insufflation ou qu’on la vide dans l'aspiration. De tous les instruments connus jusqu’à ce jour, il n’y en à aucun qui remplisse cette indication importante ; tous interceptent complètement la respiration pendant des temps plus ou moins longs exigés pour remplir et pour vider la pompe; le canal B T que nous avons fait creuser dans l'axe de la clef et qui se dévie latéralement pour aller correspondre à l'ouverture du tube B @ rend l'accès de l’air extérieur dans les poumons très facile pendant qu’on vide ou remplit la pompe par le tube B P. On comprend aisément tout le parti qu’on peut tirer de ce ro- binet à triple effet : 4.°—Le tube laryngien étant introduit, comme nous le dirons plus bas, et adapté à la pompe, médiatement ou immédiatement, on peut commencer l'aspiration et la rejeter une, deux on trois fois, sans que les poumons aient le contact de l'air, si on main- tient en place le bouton X (fig. #, pl. 1), qui couronne la clef, ou si on le remplace par le pouce. Si, au contraire, on veut qu'après chaque aspiration le poumon reçoive l’air extérieur, il suffira de laisser le canal BB libre pour que l’air puisse le par- courir aussitôt qu'on aura tourné la clef pour vider la pompe par le tube @ P. 2.0—S'agit-il d’insuffler de l'air? Mêmes avantages. Le robi- net alimentera d'air les poumons toutes les fois que vous serez obligés de recharger votre pompe, et pendant le temps aussi long que vous voudrez mettre à le faire.” 3.9—L'issue libre et facile qu'il établit entre l'organe respira- toire et l'atmosphère enlève tous les dangers de l'insufflation. En effet, après chaque coup de piston, si la poitrine est trop pleine, si l'air y est comprimé, celui-ci s'échappe librement; il y entre, au contraire, si par l'aspiration on a diminué la pression interne. dust cmt atom. net de + à ti tes tion dut bébé nés dut LA. Ds tél sd 1 “ VINGT-TROISIEME SESSION. 331 4.0—L'enfant, l’asphyxié donnent-ils le moindre signe qui annonce la respiration naturelle, on peut suspendre l'aspiration ou l’insufflation ; la respiration naturelle peut s’opérer alors par la clef du robinet, sans déranger l'appareil. 5.°—Si on préfère insuffler avec la bouche en donnant la pré- férence à l'air déjà respiré, rien de plus aisé : on cesse de mou- voir le piston et on souffle tout simplement par le canal B # de la clef. Remarquons qu’une fois mis en place, notre appareil fonc- tionnè avec la plus grande facilité; qu'aucune pièce n’a besoin d'être dérangée; que tout changement consiste dans un quart de rotation de la clef; que le jeu de la pompe peut être suspendu et repris à volonté; qu'il peut alterner avec l’insufflation natu- relle, c’est-à-dire faite avec la bouche; que l'aspiration peut rem- placer l'injection de l'air ef vice versä ; qu'on peut doser facile- ment les insufflalions, c’est-à-dire calculer mathématiquement le nombre de centimètres cubes d'air insufflé; qu’on peut gra- duer la force de cette insufflation; qu’on la poussera aussi loin qu'on le voudra: il suffit pour cela de fermer le canal B "Æ de la clef; que le tube laryngien peut s’obstruer de mucosités sans qu'il soit nécessaire de l'enlever et de le replacer, opération tou- jours un peu difficile et qui irrite les organes si délicats du larynx ; il suffit de faire dans ce cas une aspiration ; qu’enfin on peut in- suffler tel gaz ou telle vapeur qu’on voudra en adaptant sur le pas de vis 8 l'appareil suivant : E Vessie à gaz munie d'un robinet à triple effet. Cette vessie (&, fig. 8, pl. 2, et fig. 4, pl. 3), que l’on peut prendre aussi ample qu’on le désirera, est préparée de manière à ce qu’elle soit souple et non cassante. Elle est munie d'un robinet construit à peu près sur le modèle de celui de la seringue. Ce robinet s’in- troduit par une de ses extrémités dans l'ouverture de la vessie par l’autre il se visse sur le pas de vis ÆB du robinet de la serin- gue ; au milieu de sa circonférence et latéralement existe une ou- verture circulaire # dans laquelle on peut visser un petit tube métallique par lequel on introduit les gaz dans la vessie ; ce tube se place ou se déplace à volonté. La clef est percée de trois trous espacés de manière à ce qu’ils correspondent aux trois ouvertures du robinet. La partie de la clef qui correspond à la partie pleine du robinet est également pleine ; il résulte de cette disposition que l'on peut, avec cette partie pleine, fermer l’une des trois ouvertures du robinet et mettre en rapport avec la pompe tantôt l'air extérieur, tantôt l'air de la vessie, puis faire communiquer l’air extérieur avec la vessie, disposition importante pour l'introduction des gaz dans: cette vessie, de l’oxigène, par exemple; enfin on peut graduer les proportions dans lesquelles on aspire simultanément Vair atmosphérique et le gaz contenu dans la vessie. 332 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Tous ces résultats sont obtenus en tournant plus ou moins la clef. Une étoile gravée à l'extrémité d'une des branches indique de quel côté la clef n’est pas trouée ; en dirigeant cette étoile dans le sens d’une des trois ouvertures du robinet, on intercepte l'une des trois communications. La vessie, avec son robinet, est complètement indépendante de la pompe, mais elle peut faire corps avec elle, si on veut par exemple mélanger quelques parties de gaz oxigène à l’air atmos- phérique qu’on insuffle, ou si l’on veut faire des expériences sur la respiration de certains gaz par les animaux, etc Il suffit pour cela de monter la vessie, garnie de son robinet et préalablement remplie, sur le pas de vis & du robinet de la seringue. Tuyau élastique d'allongement. Bien que notre pompe puisse s'adapter directement sur le tube laryngien, nous avons cru plus commode, pour faciliter tous les mouvements et empêcher le dérangement de ce tube, de joindre ces deux instruments au moyen d’un tuyau flexible 8 ww WW représenté dans la pl. 3; nous avons beaucoup à nous louer de cette pièce accessoire qui aide singulièrement aux manœuvres. * Tuyau-syphon. Nous donnons ce nom à un tuyau élastique que l’on peut visser à l'extrémité Æ de la clé du robinet de ma- nière a ce qu'il contienne le canal B "E', fig. &, pl. 4. Avec lui on peut recueillir les gaz expirés en les conduisant dans une cuve à mercure. Il servirait au besoin de syphon dans le cas où on emploierait la pompe pour faire des injections dans des cavités closes : la vessie ou l'estomac, par exemple. La planche & représente tout l'appareil prêt à fonctionner. Manière d'exécuter l'aspiration ou l’insufflation. L'opérateur se place en face ou à la droite de l'enfant dont la poitrine est légèrement relevée ; le cou est rendu un peu saillant par le renversement de la tête ; il introduit le doigt indicateur de la main gauche dans la bouche, arrive avec lui jusqu’à la base de la langue qu’il déprime et qu'il attire en avant, c’est-à-dire qu'il exerce une compression de haut en bas et d'arrièreen avant. Par cette manœuvre l’épiglotle, qui est très petite chez les en- fants, se trouve relevée; la main droite saisit le tube laryngien comme une plume à écrire, le porte directement dans le pharynx jusqu'à la paroi postérieure de cet organe, puis alors relevant un peu la main, il porte le bec de l'instrument sur la ligne mé- diane d’arrière en avant et il est à peu près sûr de pénétrer ainsi dans l'ouverture de la glotte. Si une première tentative est infructueuse, il suffit à l’opéra- teur de faire quelques tâtonnements, en se maintenant toujours dans le‘voisinage de la lisné médiane. Il s'aperçoit qu’il est dans la glotte à la difficulté d'imprimér au bec de la sonde des mou- vements latéraux, à la longueur de la partie du tube qui a péné- PP RE I PI PP D D PPART AR LE à és ne re ét Le a tp VINGT-TROISIÈME SESSION. 333 . tré dans les voies aériennes, aux mouvements d’oscillation qu’on peut imprimer au larynx. En le saisissant ainsi que la trachée de la main gauche et en imprimant desmouvements de latéralité avec le tube qu’il tient de la main droite, il lui est très facile de juger qu'il a pénétré dans le larynx. Cette opération est moins diflicile que ne l'ont pensé plusieurs chirurgiens d'un mérite in- contesté. Il est vrai de dire cependant qu'elle exige un peu d’ha- bitude et qu’il serait nécessaire qu'on $’y exerçät quelquefois sur le cadavre. Le tube étant introduit, on insuffle de l'air par le petit canal B € & de manière à distendre la haudruche. Le tuyau élasti- que, monté à l’avance sur le corps de pompe, est ensuite articulé à simple frottement avec le tube laryngien. L'appareil peut alors fonctionner. On commence par faire deux ou trois aspirations, afin de bien vider l'arbre bronchique des liquides qu'il peut contenir, puis on enlève le bouton %, fig. 8, pl. 1, afin que les poumons soient en rapport avec l’air extérieur, ce qui arrivera toutes les fois qu’on tournera la clef dans le sens favorable à son introduction, c'est-à-dire lorsque l'axe de la pompe coupera à anglo droit celui du pavillon de la clef. L'entrée naturelle de l'air dans les poumons qu’on vient de débarrasser des liquides qui les obstruaient, suflit quelquefois pour provoquer à elle seule la respiration. Si cette fonction ne s'opère pas, il faut en exciter les divers phénomènes en faisant pénétrer de l’air artificiellement dans la poitrine. Deux moyens sont à la disposition de l'opérateur : il peut insuffler, au moyen de la pompe, ou bien le faire directement avec la bouche. Ces insufflations doivent être de 15 à 20 par minutes. L’expiration sera favorisée par une main appliquée sur les parois antérieures et latérales de la poitrine, qui y exercera une légère pression. L'air que l’on force à s'échapper ainsi fait entendre un bruit qui indique à l'opérateur que son tube n’est pas dérangé et qu'il l’a bien placé dans la trachée. Si on insuffle avec la bouche, le tube ne tarde pas à se remplir de mucosités qui font entendre un râle; il faut alors faire une aspiration pour le désobstruer, puis recom- mencer les insufflations. : Si on s’apercoit que l'enfant est prêt à faire une inspiration, on suspend l'insufflation, que l’on recommence et que l’on con- tinue entre chacune des inspirations ; elles sont, dans le prin- cipe, assez éloignées les unes des autres, mais elles finissent par se rapprocher de plus en plus quand l'enfant revient à la vie. IL ne faut pas se lasser de répéter l'insufflation : il nous est arrivé de la continuer plus de deux heures sans que l'enfant püt faire sa première inspiration et voir, après ce laps de temps, la circulation devenir assez apparente pour que les doigts qui élaient sur les parties latérales du larynx sentissent le batte- ‘ 334 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ment des carotides. Nous signalons en passant ce moyen très facile de suivre les progrès de la circulation, la main étant placée sur le larynx pour ÿ maintenir le tube sert aussi à juger de l’état de la circulation. Les instruments que nous venons de décrire rendront, nous n’en doutons pas, la pratique de l'aspiration et de l’insufflation beaucoup plus facile, beaucoup plus sûre et par conséquent beau- coup plus eflicace. Que les accoucheurs s’habituent au cathétérisme du larynx chez l'enfant nouveau-né, et certes, avec nos instruments, ils arriveront souvent à opérer de véritables résurrections ! Qu'ils mettent de la persevérance dans les soins qu’ils administreront, ils seront parfois tout étonnés du résultat heureux et inespéré qu'ils obtiendront. Nous n'avons eu dans ce mémoire qu'à nous occuper seule- ment des soins à donner aux asphyxiés nouveaux-nés. Est-il utile de dire que nos instruments rendront les mêmes services dans tous les genres d’asphyxie; que celle par submersion spéciale- ment doit être souvent efficacement combattue avec eux; que dans celles produites par des gaz délétères il sera facile d’aspirer celui que contiendra encore les poumons et de le remplacer par un air éminemment vital. Dans l’asphyxie par l’éther ou le chlo- roforme, ne pourront-ils pas être très utiles? Enfin, si on veut faire des expériences sur la respiration, nous ne pensons pas qu'aucun appareil plus simple que le nôtre puisse être employé. L'animal soumis à l'expérience ne respirerait que l'air dont on connaitrait la qualité et le volume (celui de. la vessie Z) il expi- rerait par le tube et l'on pourrait recueillir et analyser le gaz. IL est encore uné foule de circonstances où on pourrait faire usage de la pompe à robinet à triple effet; telles sont les injec- tions continues dans les cavités closes, les empoisonnements, etc. Mais ce serait sortir de notre sujet; l'intelligence de nos lecteurs suppléera parfaitement à ce que nous ne devons pas dire ici. $ 3.—EXCITANTS GÉNÉRAUX AGISSANT SUR L'INNERVATION. Dans cetie classe se rangent une foule de moyens qui tous ont été préconisés et dont les avantages n’ont été contestés par per- sonne. Il n'entre pas dans notre but de traiter longuement de cha- cun d'eux. Pour nous ces moyens sont des adjuvants très utiles dontnous faisons cas; mais ils nous paraissent moins importants que ceux dont nous nous sommes occupés plus haut. Aussi nous bornerons-nous ici à faire une simple énumération des excitants sur lesquels nous waurons rien à dire qui ne soit déjà parfaite- ment connu de tous les praticiens. 1.9—Les bains d'eau simple à 30° ou rendus plus excitants par l'addition de vinaigre, de vin et même d'alcool. L'immersion al- ternative dans un bain chaud et dans un bain froid doit produire ne VINGT-TROISIÈME SESSION. 335 sur l’innervation des impressions subites et fortes qui sont utile- ment employées; l’action de ces températures différentes doit aussi déterminer sur la circulation des phénomènes qui peuvent être favorables au rappel de la vie. 2.0—On peut exciter la peau par une foule de moyens; on en- veloppera l'enfant dans des linges très chauds qu’on renouvellera de temps à autre ; on le frictionnera avec des flanelles sèches for- tement chauffées. La main, une brosse, un strigille pourront rendre le même service; on lui chatouillera la plante des pieds, on luï cinglera les fesses, on sucera le mamelon, etc. 3.0—L'excitation pourra être portée de la peau sur les muqueu- ses; celles de la bouche, du nez, des yeux, de l’anus, des parties génitales seront successivement excitées, là avec les barbes de plume sèche ou trempée dans des substances stimulantes ; ici avec des instillations d’éther, d’ammoniaque, d’eau de Cologne; ailleurs avec des injections ou des fumigations. &:°—Le galvanisme, l’électro-puncture, pratiqués d’après les indications de M. Leroy d’Étiolles, pourront être employés lors- que tous les autres moyens auront été infructueux. Ce sera un moyen de s'assurer si la vie est véritablement et à jamais éteinte. CONCLUSIONS. 4.0—La mort apparente des nouveaux-nés est plus fréquente qu’on ne le pense généralement; beaucoup d'enfants restent ina- pimés parce qu’on ne leur prodigue pas les soins nécessaires. Ces soins doivent être donnés à tous les enfants morts-nés, à moins qu'il n'existe des signes de mort incontestables, comme serait la putréfaction, par exemple. _ 2.0 La distinction faite par les auteurs sous les noms d’as- phyxie et d’apoplexie des nouveaux-nés, est vicieuse. Ces déno- minations fausses, eu égard aux causes, au siège et à la nature qu'ils attribuent à ces lésions, ont entrainé jusqu’à ce jour un traitement peu rationnel. 3.0—On ne doit plus entendre avec les auteurs, par le mot as- phyxie, la mort par syncope, par anémie, par faiblesse, congé- niale, mais bien la mort par défaut d'oxigénation du sang fœtal, ou par obstacle à son libre cours : en un mot, l’asphyxie se pro- duit chez le fœtus par absence de respiration fœtale, comme la même affection se produit chez l'adulte par défaut de respiration pulmonaire. = 4.°—Les preuves de l'existence de la respiration fœtale ou, pour mieux dire, de l’oxigénation du sang du fœtus par celui de la mère dans le placenta, sont les suivantes : A. Tous les œufs ont besoin de respiration, c’est-à-dire du contact de l'air pour se développer; pourquoi l'œuf humain fe- rait-il exception ? 336 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. | B. Nous avons donné les preuves qui établissent l’indépen- dance de la circulation maternelle et de la circulation fœtale ; ces deux circulations n’ont que des rapports de contact et non de communication directe. Il est évident que la nature a eu ici un autre but que de faire circuler le sang de la mère à l'enfant. €. La disposition anatomique des vaisseaux placentaires, la multiplication prodigieuse des surfaces et des ramifications, rap- pelle des dispositions analogues qui se retrouvent dans le tissu pulmonaire. | D. La présence de l’oxigène libre dans le sang artériel de la mère, Où il se trouve en plus grande quantité que dans le sang veineux, est un fait positif; il est également démontré que les membranes humides et ténues qui forment les parois des vais- seaux se laissent facilement traverser par les gaz; rien ne s’op- pose donc à ce que le gaz oxigène qui circule dans les vaisseaux placentaires de la mère soit absorbé facilement par le sang qui circule dans les vaisseaux placentaires du fœtus. C’est une en- dosmose analogue à celle de la respiration bronchiale. E. L'interruption de la circulation dans les vaisseaux ombi- licaux cause une mort rapide. Dans ce cas ce n’est pas la nutri- tion du fœtus qui est suspendue, mais une fonction plus impor- tante : la respiratien. Æ. Si la circulation maternelle s'arrête par syncope ou par asphyxie, ou par vacuité des vaisseaux à la suite d’hémorragie, le fœtusne tarde pas à succomber, non pas par défaut ou manque de sang, mais par défaut d’oxigène. C’est par asphyxie qu’il suc- combe et non par anémie. Ses vaisseaux restent gorgés de sang et la couleur de sa peau est quelquefois bleuâtre. @&. On peut faire alterner à la naissance, si le placenta n’est pas décollé, la respiration fœtale et la respiration placentaire. Toutes ces considérations nous semblent déterminantes pour admettre l’oxigénation du sang fœtal par son contact médiat avec celui de la mère. 5.°—L'asphyxie du nouveau-né est donc en tout analogue à l'asphyxie de l'adulte; elle peut être lente ou rapide, produire ou non Ja cyanose de la peau, selon que l'interruption de la res- piration aura été longue ou brève, partielle ou totale. 6.°—On doit distinguer deux espèces d’asphyxie chez le nou- veau-né : la première, 2nfra-utérine, est causée par la non oxigénation du sang fœtal dans le placenta ; la deuxième, extra- utérine, est causée parce que, les rapports du fœtus avec sa mère étant détruits, les poumons de l'enfant ne peuvent fonc- tionner, empêchés qu'ils sont de le faire, soit : 4.0 par l’apo- plexie qui paralyse l’influx nerveux sur les organes respiratoi- res, soit : 2,° par une cause mécanique quelconque qui empèche l'air de parvenir au poumon. 7.°— Cette cause mécanique peut "être des membranes, des VINGT-TROISIEME SESSION. 331 mucosilés, la position vicieuse du foetus, mais le plus souvent c'est le fluide amniotique qui à pénétré dans les voies aériennes. 8.°—L'état dit apoplectique par les auteurs n’est le plus sou- vent, pour ne pas dire toujours, que l asphyxie proprement dite. 9.0—La congestion et l'hémorragie cérébrale, et même les lésions traumatiques du cerveau ne peuvent produire l'asphyxie qu'en empêchant la respiration pulmonaire de s'établir après la naissance ; elles ne causent donc qu'une asphyxie extra-utérine ; de sorte que l'enfant qui a succombé dans le sein de sa mere et qui est expulsé hors de l'utérus avec les signes de la mort appa- rente et de l’état dit apoplectique, est un véritable asphyxié. 10.°—Dès lors on doit, contrairement à l'opinion et aux con- seils du plus grand nombre des accoucheurs, laisser le cordon ombilical intact sans le couper, afin de prolonger par sa per- sistance la respiration fœtale, jusqu'à ce qu’on ait pu provoquer la respiration pulmonaire. 11.°—Ce précepte est absolu, il ne souffre pas d'exception, quelque soit le genre de mort apparente de l'enfant; je dirai _plus, quelque soit l'état des vaisseaux utéro- -placentaires, car après le décollement du placenta la circulation de l'enfant lui étant propre, il peut recevoir du sang de ses vaisseaux placentai- res, s’il lui en manque, ou se débarrasser dans cet organe de celui qu'il aurait en trop et qui congestionnerait ses organes ; le pla- centa peut lui servir alors de diverticulum. 19.9—T] ne suffit pas de laisser le cordon intact, il faut que la température de ce cordon et celle de l'enfant soient conservées au moyen d’un bain à 30 ou 32 degrés. 13.°—I1 faut se hâter de provoquer la respiration pulmonaire en rendant l'accès de l’air libre dans les voies aériennes ; il faut les débarrasser des mucosités et des fluides qu’elles peuv ent con- tenir. Si la position déclive de la tête, par rapport à la poitrine; si les pressions sur cette cavité "imitant les mouvements respiratoi- res sont insuffisantes, il faut recourir à l’aspiration et à F'insuf- flation. 1%.°—Pour pratiquer l’une et l’autre de ces opérations d’une manière sûre et efficace, il faut qu’un tube soit placé dans la glotte et la trachée, que l’air ne puisse circuler entre la face ex- terne du tube et la face interne du larynx. Tout instrument qui ne remplit pas cette condition est incomplet, insuflisant ; le tube de notre invention, est le seul, que nous sachions, qui puisse obs- truer ainsi le larynx. 45.°—Au tube laryngien doit s'adapter un corps de pompe munie d’un robinet à triple effet que nous avons inventé et com- biné dans le but de faire, d’une manière continue ou interrom- pue et de sorte qu’elles se succèdent les unes aux autres, soit Vaspiration des liquides et des gaz, soit linsufflation avec la. pompe ou avec la bouche de l'air atmosphérique, pur ou mélangé 338 CONGRES SC LENTIFIQUE DE FRANCE. d'oxigène, dans des proportions que l’on varie à volonté, soit enfin de laisser libre l'entrée de Pair dans la poitrine après l’as- piration ou sà sortie après l’insufflation. Cette pompe, dont les effets variés peuvent être produits avec le mécanisme le plus simple, (puisqu'il ne s’agit que de faire opérer à la clef du robinet un quart de rotation), peut être em- ployée à des usages multipliés en chirurgie et en physique. 16.*—Laspiration et l’insufflation sont deux moyens excessi- vement utiles. La première doit toujours précéder la seconde ; on doit l'employer toutes les fois que le tube laryngien parait s’obstruer par les mucosités; elle l'en débarrasse certainement sans qu'il soit nécessaire d'enlever le tube du larynx et de ly replacer, opération toujours un peu, difficile et qui expose les par- ties à des frottements qui peuvent être nuisibles. L’insufflation faite méthodiquement n’expose pas à la déchi- rure des vésicules pulmonaires. Les craintes à cet égard sont chi- mériques, surtout si on se sert de notre instrument, qui permet à l'air de s'échapper de la poitrine après chaque coup de piston, et avec lequel on peut graduer et mesurer les insufflations. Nous ne terminerons pas ce travail sans dire que nos instru- ments inventés en vue de combattre Pasphyxie des nouveaux- nés seront tout aussi utiles lorsqu'il s’agira de combattre les autres genres d'asphyxie. En effet, quelque soit le mode d’as- phyxie qu’il faille combattre, le plus souvent l'aspiration ou Pin- sufflation, et quelquefois toutes les deux, seront nécessaires. Si, jusqu’à ce jour, ces moyens ont été si peu répandus, cela tient à plusieurs causes : 1.9—A l'imperfection des instruments qui, il fauten convenir, ne remplissaient pas les conditions exigées tant sous le rapport de la facilité de l'opération que sous celui de son innocuité. 2.9—A la difficulté, pour Le plus grand nombre des praticiens, d'introduire le tube laryngien et de faire arriver ensuite l'air jusqu'aux radicules bronchiques en l'empêchant de s'échapper par la glotte. 3.0 Aux craintes exagérées des dangers de l’insufflation : l'emphysème pulmonaire était un épouvantail, nous venons de dire qu'il était impossible avec nos instruments. Puisse notre travail faire disparaître toutes ces raisons ! Que les praticiens veuillent bien expérimenter avec nos instruments sur les cadavres, sur les animaux, et bientôt familiers avec la manière de s’en servir, ils pourront utilement les employer dans une foule de circonstances où ils auront, comme nous Pavons déjà éprouvé, la douce jouissance de rappeler à la vie des enfants en état de mort apparente, des noyés et des asphyxiés par le charbon, etc., etc. Nous avons le projet de traiter dans d’autres mémoires des différents autres genres d’asphyxie. — 5 —— — em] — Lit. par J Muller: IT re DIANCHE 1 PLAI GE lé, soit 'es l'as- ils avec le faire re em- le. XCESSi- Lithede J.Muller à LaRochelle. | Li par Malle , , Gr er 1 can snondiqRe't Te aJPUOUPT ? MU ( D UT 2NDOUET 8 MIN ep quid in ©. LEHUNV 1d VINGT-TROISIÈME SESSION. 339 Observations sur l’opium indigène, par M. ROUX, phar- macien en chef de la marine à Rochefort. Guidés par l'intérêt qui se rattache aux questions tendant à improviser sur le sol de notre pays des produits que le commerce apporte, à grands frais, de l'Etranger, des agronomes et des chi- mistes se sont occupés, depuis plusieurs années, de la produc- tion de l’opium indigène. Des hommes éminents, des observateurs habiles ont tour à tour traité cette importante question soulevée par Belon et plus tard par Rosier. Les recherches de M. Aubergier ont permis d'espérer qu’un jour plusieurs départements du Midi pourraient affranchir la France de l’onéreux tribut qu’elle paie au Levant. Désireux de connaître l'influence du climat et du sol sur les produits du pavot, heureux de pouvoir proposer, dans une de nos provinces, la culture d’une plante qui s'opère sur une vaste échelle en Allemagne, en Belgique, en Flandre, en Picardie, elc., j'ai cultivé, au jardin de l'hôpital maritime de Rochefort, sept variétés ou espèces de pavot, savoir : À .° Le pavot blanc médicinal à capsules indéhiscentes; 2.°l’œil- lette; 3.0 l’œillette aveugle (capsule indéhiscente) ; 4.° le pavot lilas foncé avec tache brune à la base du pétale ; 5.° le pavot vio- let ; 6.° le pavot à pétale rouge avec tache brune à la base ; 7.° le pavot à bractées. : Toutes ces variétés, à part le pavot à bractées qui est vivace, ont été semées le 44 mars 4856, dans un terrain argilo-calcaire médiocrement amendé et préalablement ameublé par un simple béchage pratiqué le 4 mars. Les graines ont levé du 22 au 24 mars; les plantes, après avoir recu deux binages le 5 et le 15 mai, ont fleuri du 20 au 30 juin. J'ai incisé les capsules du pavot à bractées dans les derniers jours du mois de juin ; ces fruits m'ont fourni un suc laiteux qui s’est promptement coloré à l'air et s’est transformé en un pro- duit brunâtre offrant l'odeur et la saveur caractéristiques de l'o- pium. Les réactifs m'ont permis de reconnaître dans ce produit, qui n'a encore été soumis à aucune analyse, l'acide méconique, la morphine et la narcotine. : Chaque tête de pavot à bractées m’a donné, en moyenne, trois centigrammes d’opium. Cette plante qui est vivace et dont cha- que pied porte de 410 à 15 capsules, pourrait servir avan{ageusc- 340 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ment à l'extraction de l'opium, si son suc était plus richeen mor- phine. Analysé par le procédé de M. Guillermond légèrement modifié, l'opium du pavot à bractées a fourni 1,66 p. 0/0 de mor- phine brute. Cetle faible proportion de principe actif (si elle n’est pas due à l’époque avancée à laquelle les incisions ont été faites), n’assi- gne qu'un rang secondaire au suc du pavot à bractées. L’arsenal thérapeutique n'aura donc rien à demander à cette plante. L'in- dustrie ne me paraît pas devoir lui accorder une importance plus considérable, car la petite quantité de graines fournie par ses capsules s’opposera à toute exploitation qui aurait pour but d'en extraire le principe huileux. Les variétés de pavot dont nous avons étudié les aptitudes aux points de vue de la production des graines et de l’opium, étaient disposées dans des carrés ou planches de quinze mètres de lon- gueur sur un mètre de largeur. Les carrés étaient séparés les uns des autres par des sentiers de vingt-cinq centimètres de lar- geur. Cette distribution, favorable au binage, a permis d’attein- dre facilement les capsules destinées à la récolte de l'opium. Au lieu de recueillir le latex immédiatement après son émis- sion des capsules, procédé avantageux dans les pays où l’état du ciel présente des modifications dans la même journée, nous avons préféré, au milieu d’une contrée où de brusques perturba- tions ne sont pas à craindre, opérer la récolte de l’opium trois ou quatre heures après l’incision des fruits. Le latex s’épanche ainsi lentement et librement des vaisseaux traversés par le scarifica- teur ; il s’épaissit à l’air et peut être recueilli sans perte sur les parois des Capsules, à l’aide d'un grattoir ou d’un couteau. Une seconde récolte est faite le lendemain sur les mêmes fruits ; les produits de ces opérations sont mêlés avec soin et placés à l’é- tuve durant deux jours. Le scarificateur que j'ai employé et dont l’exécution a été con- fiée, sur mes dessins, à MM. Roissard, de Brest, et Babouard, de Rochefort, est formé de quatre lames dépassant de deux mil- limètres à deux millimètres et demi les bords de l'instrument. Cette disposition empêche l'incision de pénétrer dans l'intérieur de la capsule. La manœuvre de l'appareil est facile, rapide et peut être confiée aux mains les plus maladroites. Nous avons pu, à l’aide de ce scarificateur et contrairement aux assertions de M. Aubergier, procéder-à l'extraction du latex des œillettes sans intéresser l’endocape et nuire à la maturité des graines. L'extraction de l’opium a eu lieu du 8 au 12 juillet. La durée du travail a été de sept heures et demie pour chaque variété. Le + TERRAIN ESPÈCES DE PAVOTS. employé en opium pour présentant une densité en morphine mélangée en , qui à 20 p. 0/0 iquelle nous < [a jusqu’ a] r avancee morphine. narcotine, graines. r ariété. Ce fait prouve une fois rtant de l'opium, celui auquel de plus que l’alcaloïde le plus impor la culture. s d'opium, de morphine, de 1,29. de narcotine. ns | encens | een | commence | CR EOREEREEEEES SESSION. . tableau suivant indique les proportion époque ñ 4 Pavot blanc médicinal à cap- sules indehiscentes. . . . .[3 planches de/6o gramm. 15 m. delong. sur 1 de larg. Pavot-cillette.. , . . . . . Id. Pavot-œillette aveugle. . |. Id. Pavot lilas foncé avec tache brune à la base des pétales. Pavot violet, Pavotrouge avec Lache brune à la base des pétales. phine fournie par l’œillette 9 P: 070. 6,34 p, oo |2,66 p. oo! 1,464gr. \ VINGT-TROISIEM nies par les pavots que nous avons es comme donnant attribuée à l’ 55gramm.| 12,53 p.oyo.| 11,55 p.o/0.| 1p. oo. | 5,325gr. 5agramm.| 21,66 p.o/o.| 21p.070. |0,66 p. oo) 3,096 gr. 9,87 p- 0/0./2,20 p. o/o| 1,044 er. 5o gramm.| 12,07 p. 0/0. 7,33 P-0/0.| 1p,0/o. 3,100 gr. b7gramm.| 8,33 p.0/o A ar les chimist de morphine, doit etre 5ogramm.| 12,33 p. oyo.| 11,67 p. 0y0.|0,66 p. oJo| 2,400 gr. La faible proportion de mor érée p avons incisé les capsules de cette v de narcotine et de graines four est consid étudiés. 342 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. le suc du pavot doit ses principales propriétés hypnotiques, dis- parait peu à peu sous l'influence des progrès de la maturation. L’opium que nous avons obtenu présente une couleur brune, hépatique, une odeur faiblement vireuse, une saveur franche- ment amère el une cassure compacte et uniforme. Sa densité at- teint 4,29. I brûle avec une flamme blanche à la base, jaune au sommet, fuligineuse, exhalant, à un faible dégré, le parfum de l'opium de Smyrne. L'opium de Rochefort transformé en extrait, d’après les indi- cations du Codex, fournit la moitié de son poids d’un produit brun rougeâtre, moins coloré que l’extrait des officines, peu odorant, très amer, attirant légèrement l'humidité de l'air. L'acide méconique peut être facilement reconnu dans cet opium ainsi que dans son extrait; en triturant de faibles quan- tités de ces corps avec un peu d’eau et ajoutant au mélange quel- ques gouttes de sulfate ferrique, une coloration rouge, due à la formation du-méconate de fer, ne tarde pas à se manifester. Désirant voir apprécier, dans l’opium indigène, les propriétés médicales que MM. Rayer et Grisolle ont constatées sur celui fourni par M. Aubergier et dont la récolte avait été probable- ment opérée dans la Limagne d'Auvergne, j'ai mis à la dispo- sition de M. Duval, premier chirurgien en chef de la marine, une certaine quantité d'extrait d'opium et de sulfate de morphine | provenant du latex recueilli au jardin de Brest. Ce praticien dis- tingué, dont la bienveillance affectueuse et l’obligeance sont jus- tement appréciées dans notre corps, a donné ces préparations à plusieurs malades, et a reconnu qu'elles jouissaient de propriétés hypnotiques et calmantes égales à celles que l'expérience a con- sacrées dans les produits de l'opium exotique. La médecine n’aurait qu'à gagner à l'emploi de l'opium indi- gène. Ce médicament, riche en morphine, deviendrait la base de préparations sûres et actives, dont les effets n'offriraient jamais cette instabilité que l’on remarque dans les médicaments des pharmacies approvisionnées par les divers produits du commerce. Les résultats que j'ai obtenus me permettent de présenter les conclusions suivantes : 4.°—Les pavots-œillette, œillette aveugle et rouge sont les espèces qui fournissent le meilleur opium. 2.0—_Le suc provenant de ces pavots offre une richesse en morphine supérieure à celle des opiums du commerce. 3.9—Ces trois variétés de pavot pourraient être cultivées avec avantage dans la plupart de nos départements. &.°—Un ouvrier peut récolter en 45 heures cent grammes d’opium au moins. En employant à ce travail des femmes ou des enfants dont les bras sont souvent inoccupés dans les campagnes ou dans quelques établissements de nos villes, on pourrait livrer VINGT-TROISIEME SESSION. 343 au commerce l'opium nécessaire aux officines, et affranchir la France du tribut onéreux qu'elle paie au Levant. 5.0—La récolte de l'opium me paraît promettre des bénéfices notables au cultivateur qui la tenterait avec un peu d'intelligence. Vingt femmes ou enfants travaillant dix heures par jour, peuvent récolter en 49 jours, vingt-cinq kilogrammes d’opium, ayantune valeur de 1425 (à 45 fr. le kilog. chiffre inscrit dans le marché de la marine de 1856). En retranchant de cette somme, les frais de journée s’élevant à 4 franc pour chaque femme ou enfant, nous voyons le gain d’une pareille exploitation atteindre 745 fr., produit exonéré de toute retenue, puisque d’après MM. Girardin et Dubreuil, la culture d’un hectare de pavots donne un bénéfice pet de 168 fr. 91 c. provenant du placement des graines et des tiges de la plante. En augmentant du double le salaire des ou- vriers il reste encore des avantages considérables (un bénéfice de 365 francs) en faveur de l'extraction de l’opium dans nos dé- partements. Si l’on se rappelle que la France retire annuellement des pavots qu'elle cultive, une quantité d'huile dont la valeur atteint 25 à 30 millions de francs, on verra qu'il serait facile d'ajouter comme annexe à cette importante production, l’intéressante in- dustrie de l’opium indigène. L'avenir nous dira si après avoir approvisionné nos officines, l'excédant de celle production ne pourrait pas être livré aux orientaux. En observant que la valeur de l’opium introduit en Chine, dans l’année 1838, s’est élevée à 67 millions, on com- prendra de quel intérêt il serait pour notre commerce d'échanger l’opium indigène contre les thés et autres substances que nous tirons à grands frais de l'Orient. : Des causes des claudications et des déviations de l’épine dorsale dans le département de la Charente-Inférieure , par M. JOSSIC. MESSIEURS, Les claudications, les déviations de l’épine dorsale sont telle- ment nombreuses dans le département de la Charente- Inférieure, qu'elles frappent d’étonnement la plupart des étrangers qui le visitent et sont un sujet d’études sérieuses pour les médecins hygiénistes. Il est, en eflet, très intéressant de rechercher les causes pre- mières de ces difformités, et c’est avec plaisir que nous avons vu le Congrès Scientifique en faire l’une des questions les plus im- portantes de son programme. En cherchant à la résoudre, nous n'avons pas la prétention d’avoir dit sur elle le dernier mot ; nous 344 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. espérons seulement poser des jalons qui pourront servir plus tard à ceux qui auront plus de loisir, plus de science et plus d'expérience que nous n’en possédons. Les claudications, les déviations de l'épine sont dues, pour la plupart, à diverses affections du système osseux connues dans la science sous les noms de carie, de nécrose, de tubercules, de rachitisme, d'ostéomalacie. Ces diverses altérations ont toutes pour point de départ l’inflammation du tissu osseux aidée d’un vice général de la constitution. L'ostéite niée par un grand nombre de pathologistes, mise hors de doute par les travaux de Gerdy, n’est pas, en effet, une maladie rare ; si elle est obscure, en raison du peu de vitalité du tissu, elle n’en existe pas moins, et ceux qui, comme nous, pra- tiquent dans les grands hôpitaux, sont de bonne heure familia- risés avec elle et la reconnaissent facilement. Chez un individu sain, si elle est de médiocre intensité, elle se termine rapidement par résolution, l’os perd sa vascularité exagérée, les canalicules dilatés reprennent leurs dimensions normales, le tissu osseux secreté de nouveau remplit les vides et tout rentre dans l’ordre. [l n’en est pas de même si le sujet est entaché d’un vice général, et la terminaison par la carie ou la nécrose sont alors excessivement fréquentes. Alors aussi, après un temps plus ou moins long, se mantrent les signes de dégé- nérescences plus graves : le tubercule, le rachitisme, l'ostéoma- lacie. ILest curieux de connaître les modifications apportées dans la constitution des os par ces divers états pathologiques, et nous ne pouvons mieux faire que de rappeler ici quelques-unes des ana- lyses que possède la science. Mais avant il est nécessaire d'étudier l'os dans son état nor- mal. Tout os est composé de deux parties bien distinctes : une substance molle (tissu médullajre) formée presque entièrement de graisse.et de vaisseaux sanguins ; une trame osseuse, dure, compacte (tissu osseux proprement dit) formée, d'après les analyses de Berzelius, Thompson, Valentin, Von- Bibia, ete., de phosphate de chaux. 54,07 de magnésie.... 4,20 Carbonate de chaux... 7,40 Soude et sels de soude... 0,93 GÉATSSE SET EEE 1,35 Carthapes AK 4 ARE UT. 35,05 L'analyse de la portion cartilagineuse ou organique donne, d’après Davy : Albutine ent Ra re 004 HQU--mu eue AE 710,65 Phosphate calcaire. ee rt 10 304 VINGT-TROISIÈME SESSION. 345 Ramenée à la proportion précédente, c'est à dire pour 400, nous avons : Albumine. . . .:..: 1... 15,42 Eau... 6e Sroctinis 9,28 Phosphate calcaire... .". . 0,35 L'eau joue donc un rôle important dans la composition des os, puisqu'elle y entre pour près d’un cinquième ; elle y est fixée par la substance du système osseux, et on pourrait dire qu’elle y est à l’état solide bien différent de l’état liquide qu’elle présente dans le sang, la bile, l’urine et les autres liquides de l'économie et de l'état intermédiaire qu’elle offre dans les muscles, le foie, les poumons, etc. Sa quantité absolue et relative a une grande influence sur les "propriétés vitales, l’élasticité, la force de résistance du tissu os- seux qui, dans certaines conditions, fixera plus d’eau qu’il n’en contient à l’état normal, dans d'autres, au contraire, en fixera moins. Pour être complets ajoutons que le tissu osseux affecte deux formes principales admises par tous les anatomistes : le tissu compacte, le tissu spongieux, qui offrent de grandes différences dans l’arrangement de la trame osseuse, mais qui au fond sont identiques ; le tissu spongieux, en raison du grand nombre de vaisseaux qu'il contient, est plus susceptible d’inflammation que le tissu compacte. Sous l'influence de la carie, on constate l'augmentation de la vascularité, la raréfaction, le ramollissement, la suppuration du tissu osseux indiquant une altération profonde de la trame orga- nique, une augmentation souvent très considérable de la graisse, une diminution notable des sels. Citons à l'appui de cette assertion quelques analyses impor- : tantes de Valentin et de Von Bibra. . ; Analyses de Valentin. Phosphate de chaux.... 34,383 33,914 39,393 Carbonate de chaux.... 6,636 7,602 4,620 Phosphate de magnésie.. 41,182 0,389 0,520 SRI UE SOU... 22. - 1,919 3,274 1,071 Matières organiques.... 55,880 54,830 54,396 Tibia. Vertèbre. Fémur. Amalyses de Von Bibra. Phosphate de chaux.... 49,77 49,36 54,53) 44,05 Carbonate de chaux.... 7,24 4,07 5,44 3,45 Phosphate de magnésie.. 4,41 0,83 3,43 1,02 Sels de sonde......... 0,30 0,30 0,91 4,70 PArHIages. . :.......... 31,91 59,36 35,69 41,49 MS... 3,64 4,08 3,00 8,36 Métacarpien. Phalanges. Fémur. Vertèbre, 23 346 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Dans la nécrose il y a diminution des cartilages, augmentation des sels calcaires, la graisse restant à l'état normal. Analyses d’os nécrosés, Matières organiques... 37,87 31,58 Matières inorganiques.. 60,77 67,33 GTAIS SE RAM Er ne 1,36 1,09 Dans la phtisie des os, l’os présente les mêmes altérations de tissu que celles que l’on rencontre dans la carie: c’est-à-dire destruction partielle de la trame organique, augmentation de la graisse, diminution des sels. Nous n'avons point à donner ici l'analyse de la matière tuber- culeuse, disons seulement en passant que la phtisie des os est une maladie bien moins fréquente que ne le pense M. Nélaton, dont les idées et les opinions à ce sujet avaient été acceptées avec une sorte d'enthousiasme ; très souvent, en effet, comme le prouvent les expériences d’un de nos micrographes les plus distingués M. Lebert, le pus concret mêlé d’une certaine quan- tité de graisse a pu faire croire à la granulation grise demi-trans- parente et admettre ainsi une complication qui n'existait pas. Dans le rachitisme, Pelouze et Frémy ont souvent trouvé une diminution des sels calcaires plus grande que chez des sujets at- teints d'ostéomalaxie. Voici quelques-unes de leurs analyses : Epine dorsale. Côtes. Crâne. Radins. Fémur. Cartilages . « « . + . . . 79,75... 74,64... 40,77... 65,85... 63,42... 69,77 Phosphate calcaire. . . . 13,60... 13,25... 33.60... 26,92... 28,11... 23,60 Phosphate de magnésie.. 0,82... » ».. » ».…. 0,98... 1,07... 0,97 Carbonate calcaire. . . . 1,13... 5,95... 4,60... 6,40... 6,35... 5,07 Sulf. de ch. et de soude . 4,60... 3,90... 0,40... » »…. » ».. » » Matière grasse. , . « . . D De ND 26..1 29079 HELLO MDI Soude, fer, mang. + » . » D. », D... »-5..…. 0,85... 1,0b.... 0,69 Les analyses de Marchand, de Lehmann, de Ragzki donnent les mêmes résultats qui se résument ainsi : Diminution du phosphate de chaux. Augmentation des cartilages. Augmentation de la graisse. L'eau de la portion organique est augmentée d'une manière absolue et relative. Dans l’ostéomalaxie les analyses de Recs, de Rostock, de Prasch, de Barruel fils, de Buisson, de Boguer, de Ragsky, etc., donnent des résultats identiques à ceux trouvés dans les os ra- chitiques, c’est-à-dire une diminution considérable du phosphate calcaire, une augmentation proportionnelle des cartilages, une augmentation souvent considérable de la graisse. L'eau est aussi augmentée d’une manière notable. En présence de semblables résultats analytiques, on comprend qu’un grand nombre de pathologistes célébres, Boyer, Hunter RES e— D LE 5 VINGT-TROISIEME SESSION. 347 entre autres, aient considéré le rachitisme et l'ostéomalaxie comine une seule et même maladie, opinion soutenable que nous n'avons pas, du reste, à discuter ici. De toutes ces affections susceptibles d'amener les difformités qui nous occupent, quelles sont les plus communes ? Quelles sont celles qu’on rencontre le plus souvent dans le département de la-Charente-Inférieure ? Quelle est la partie du département où elles sont le plus fré- quentes ? Nous possédons 57 Cas de claudications et 41 cas de dévia- tions de l’épine que nous avons eu occasion d'étudier ou dont les observations nous ont été transmises par nos collègues. Sur les 57 cas de clauditions, 13 appartiennent au rachitisme, 44 à la carie. Sur les 11 cas de déviations de l’épine dorsale, 2 sont dus à l’ostéomalaxie, 3 aux tubercules, 6 au rachitisme. Nous pouvons, d'après ces résultats, établir un tableau com- paratif de la fréquence des maladies des os. Carie. . . . . 44 sur 68, un peu moins des 2/3. Rachitisme. . 149 do un peu plus du quart. Tubercules. . 3 d° c’est-à-dire 1/23 à peu près. Ostéomalaxie. 2 d° c’est-à-dire 1/34. Ainsi donc la carie et le rachitisme sont les affections du tissu osseux qu’on rencontre le plus fréquemment dans le département de la Charente-Inférieure. Quelle est la partie du département où elles sont le plus com- munes ? Nous ne pouvons pas ici nous baser sur des chiffres exacts; malgré toutes les démarches que nous avons pu faire, démarches entreprises depuis longtemps et renouvelées fréquem- ment, nous ne sommes arrivés qu’à des approximations, d'où il résulte cependant quelques données intéressantes que je crois devoir faire connaître ici. En acceptant la division proposée par M. Fleuriau de Bellevue du sol de la Charente-Inférieure en quatre zones principales de roches, nous pouvons affirmer que les affections des os sont rares dans les terrains de calcaire jurassique et de craie, ce- lui-là dominant dans les territoires de l’île de Ré, de La Ro- chelle, de Surgères, de Saint-Jean-d’Angély, de Mâtha; celui-ci commençant au bourg d’Ives, au nord de Rochefort et se prolon- geant par Saint-Savinien, Brisambourg, Burie, Mirambeau, Montguyon, jusqu’à la Gironde; qu’elles sont plus communes dans le terrain tertiaire formé de marnes argileuses, de sables et de grès mêlés de lignite qu’on rencontre au pied des coteaux de Mirambeau, de Montendre, de Montlieu, de Montguyon, et qu’en- fin elles sont très fréquentes dans les terrains recouverts d'argile marine et fleuviale, terrains d’alluvions formant les deux ving- tièmes du département à peu près. Dans le haut pays, c’est dans les villes qu'on rencontre en pe- 348 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. tit nombre les boiteux et les bossus; dans le bas pays, au con- traire, c’est dans les campagnes et en grandnombre, c’est-à-dire au milieu des marais où toutes les causes d’insalubrité et d’ap- pauvrissement de la constitution se trouvent réunies. Cherchons maintenant la cause générale des affections du tissu osseux, et reprenons à cet effet nos 68 observations. Sur les 57 cas de claudications nous en trouvons 5 apparte- nant à des malades issus de parents scrofuleux, 52 offrent les caractères de la scrofule ou du tempérament scrofuleux, issus de parents sains à cet égard, mais présentant les caractères de Ja chloro-anémie paludéenne. Sur les 41 cas de déviations de l’épine, neuf malades pré- sentent les caractères de la scrofule {sont nés de parents scrofu- leux), deux n’en offrent aucune trace. En résumant sur les 68 malades, 66 sont scrofuleux : 44 issus de parents scrofuleux et 52 de parents anémiques, offrant tous les signes de la cachexie paludéenne. | En présence de pareils faits, il est impossible de ne pas ad- mettre le rôle excessivement important que joue la cachexie pa- ludéenne dans la génération de la scrofule, et pour nous la cause la plus fréquente dés maladies du tissu osseux dans notre dépar- tement; c'est le miasme palustre dont l'influence est si rapide dans nos marais où les eaux de la mer. se mélangent si fréquem- ment aux eaux douces. » Du réste, pour corroborer cette opinion, jetons un coup d'œil sur les populations malheureuses qui habitent les pays maréca- geux. En France, dans la partie de la Vendée qu'on appelle le Marais, les hoiteux sont en grand nombre ; dans la Sologne, dans la Camargue, dans le Delta du Rhône, ils sont aussi nombreux ; en Italie, vous ne les rencontrez pour ainsi dire que dans les maremmes de la Toscane, dans les marais pontins qui avoisi- nent Rome; dans la haute Italie, sur les flancs des Appenins, je ne me rappelle pas en avoir vu, et ils y sont peu nombreux as- surément; en Grèce, dans les marais du Pirée, au pied d’Athè- nes, la cachexie paludéenne est très fréquente, et les affections des os le sont également; dans le Della du Nil, à Damiette, à Alexandrie, soumisesaux influences du lac Mariout et du canal de Ramanych, vous avez également un très grand nombre de boi- teux ; en un mot, dans tous les pays marécageux que j'ai visités, j'ai toujours remarqué la prédominence de la scrofule et des af- feclions du système osseux. La cale des navires déjà vieux, soumis à de longues naviga- tions ou chargés de matières organiques susceptibles de se dé- composer, devient un véritable marais dont l'influence ne tarde pas à se faire sentir sur les hommes de l'équipage ; si le séjour à bord est très prolongé, vous ne tardez pas à voir l’anémie se montrer et avec elle la scrofule glandulaire, qui conduit rapide- VINGT-TROISIÈME SESSION. 349 ment à la maladie des os. On connaît la triste histoire de ces malheureux enfants que l'Angleterre envoya en Australie et qui, forcés de séjourner plus de deux abs à bord, succombèrent pres- que tous au rachitisme. De l’aveu même des médecins anglais, le séjour prolongé des pontons avait la même influence sur les prisonniers, qui y Contractaient rapidement des fièvres intermit- tentes rebelles et succombaient à Ja phtysie scrofuleuse et aux affections sanieuses des os. Les mêmes faits ont été observés sur les bagnes flottants de Toulon lors de leur création. Dans les grandes villes, une partie de la population pauvre vit dans des caves boueuses, véritables marais dont l'air est infecté de miasmes organiques; elle y contracte des fièvres rebelles, tombe dans l’anémie et ses fâcheuses conséquences. Le rachi- tisme, si fréquent chez les enfants pauvres, ne reconnait souvent pas d autres causes. Ajoutons à ces considérations les analyses des os et du sang que possède la science chez les individus suc- combant à la chloro-anémie paludéenne. Après les premiers accès de fièvre intermittente, d’ après les expériences d’Andral et Gavarret, de MM. Léonard et Foley, en Algérie, il y a déjà appauvrissement du sang : 1.°—La fibrine oscille entre le maxima et le minima de ses proportions physiologiques, mais a cependant une tendance marquée à diminuer. 2.0—Le chiffre des globules reste stationnaire ou diminue. 3.°—Les matériaux organiques et inorganiques du sérum ten- dent à diminuer de quantité; il en est de même de l’albumine du sérum. &.°—L'eau du sang tend en général à augmenter. Dans la cachexie paludéenne, le chiffre des globules, celui de l'albumine, s’abaisse de la manière la plus notable : il en est de même de la densité. Comparons, en effet, le sang physiologique au sang influencé par les miasmes palustres. Analyses de 1.000 gram.de sang phrsiolosique. Densité du sang. . 245221 -5:1. ,,4060,00 BA OU NO Le Na a tnt el eSl ED Globutesr. 30.8. ANSNAP rs EEE 133,00 Albumine::.: ;; 22.198268 rétrotatte 0, O0 Hibpines 224.17 js 2,55 Matières grasses et extractives. set 40:00 Phosphates: 25: finohokrestin DEL Fées L 0,5 Analyses de 1,000 sram. ‘de sprita Densité du sérum. . .4:40.2412 4.4 24 ,1098,00 Bai ON «fé nv rer hat 908,00 Albumine. .. . . RE ee ALL Matières grasses, extractives et sels libres. 12,00 350 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Analyses de 1,000 gram. de sang cachectique, Densité. . . 1035,40...1040,00...1034,06...1033,85...1040,51 HAL... Là 869,34... 853,75... 869,71... 875,67... 846,34 Globules.….. ::67,10.., 104,87... 67,28... 196,22... 87,29 Albumine.. 61,10... 41,84... 59,88... 63,83... 62,32 Fibrine. .. 2,30..6 LD 0R : 11, 2e ER LAS Analyses de 1,000 gramm. de Sérum. Densité. . . 1020,37...1016,40...1021,61...1024,15...1023,56 Eau... 936,20... 953:29:,: 930,08... 996,75..192998 Albumine... :55,68... 937,26,.. 50,20... 60,20: 63,25 Mat. ext. et sels. 1,92: AD, 19,12... Va,0h4 Ta LL Le NT de cette corparaison vient, Comme vous ré voyez, corroborer ce que nous avions avancé, c’est-à-dire Ja diminution de la densité du sang et celle du chiffre des globules et de l’albu- mine. L'analyse des os n'est pas moins intére ssante ; elle établit un rapprochement bien remarquable entre les os des cachecti- ques paludéens et ceux des individus atteints de carie, de rachi- tisme, d’ostéomalacie. Comme dans ces maladies il y a diminu- tion de sels calcaires , augmentation des cartilages et de la graisse. Citons à l'appui de cette opinion les analyses de Von Bibra ; elles ont été faites chez des cachectiques ayant succombé dans les marais de la Hollande. Phoshate de chaux. .-. 44,07. . . 39,04. . . 43,95 — de magnésie. 1,20. . . 0,97. , : 4,37 Carbonate. de ChAUX: 13148... AA NUS Soude et sels de soude. 0,80. . . 0,87. . . 0,80 CHMSS ES UE D LT HO +: SM ERA CARIAGPS LE EURE 43,30::. 1: 40,89.7.1:49918 Analyses des eartilages. AlbuMmINeREMALENL". ve: 0,34 ANS TUOR QUE BRAANE S: 0,66 Phosphate calcaire. . . . . 0,00 Le chiffre de l’eau est ici considérable; cela ne doit pas éton- ner si on se rappelle la constitution du sang et la tendance des cachectiques à l’hydroémie. En présence de pareils résultats, il est difficile de nier la ten- dance qu'ont les os chez les cachectiques à présenter l’une des affections que nous avons signalées , et si quelque chose doit nous étonner, c’est que cela n'arrive pas plus souvent. Il suffit souvent de la cause la plus légère pour faire éclater la scrofule chez les sujets issus de: parents cachectiques et offrant eux-mêmes les principaux caractères de la constitution palustre. VINGT-TROISIÈME SESSION. 391 Combien de fois avons-nous vu, en effet, chez de jeunes en- fants offrant des conditions défavorables, une chute légère sur un genou amener une tumeur blanche de nature évidemment scrofuleuse entraînant l’amputation et souvent la mort du sujet ? Ajoutons que de nombreuses causes viennent en aide à l’in- fluence des miasmes palustres, et nous ne Croyons pas nous écarter de notre sujet en attirant sur elles votre attention. Nous les diviserons en externes et en internes : les externes sont la température, l'attitude, les vents, l'instant de la journée, les vêtements, l'habitation. Les internes sont l’âge, le sexe, la constitution, le tempéra- ment, les maladies antérieures, la nourriture, les habitudes, les fatigues physiques et morales. Un mot sur chacune de ces causes. Température.—1 .° Température du jour.—Les effluves maré- cageux agissent surtout avec énergie depuis le coucher du soleil jusqu'à son lever, c'est-à-dire à l'instant où la température est la moins élevée. Cela tient à ce que le soir, la nuit et le matin, quand le refroidissement de l’atmosphère laisse précipiter des brouillards ou que la rosée se produit, l'homme recoit avec une. très grande facilité l'influence des eflluves marécageux, car ils ont été précipités avec cette rosée et sont'en dissolution dans l’eau qui la constituent. Dans le milieu du jour quand par suite de la chaleur l'air est complètement sec et a dissous totalement les vapeurs, les efflu- ves marecageux exercent, au contraire, leur minimum d'action. 2.°—Température de la saison.—Plus la saison est chaude, plus la décomposition végétale est au maximum et par consé- quent plus l’action des effluves est énergique. C’est toutefois en automne que cette action est la plus forte; en effet, la chaleur règne depuis longtemps, les marais contiennent moins d’eau, le limon est plus à découvert et le dégagement des effluves plus fa- cile. Si on joint à cela la plus grande quantité de matières végé- tales décomposées, la mort d’un certain nombre de plantes aqua- tiques annuelles arrivées au terme de leur existence, on aura l'explication de la grande fréquence des fièvres intermittentes automnales. 3.°— Température de la localité.—Les chaleurs que nous éprouvons à Rochefort ne sont certes pas aussi prolongées que celles des pays inter-tropicaux; mais elles sont souvent aussi élevées, et notre flore de plantes aquatiques est nombreuse et variée. k Par la chaleur ardente que nous éprouvons en juillet eten août, non-seulement les marais se dessèchent rapidement, mais encore les plantes, imprégnées d'humidité, se décomposent avec une très grande facilité. 352 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Une autre influence à considérer pour se rendre compte de l'action des marais, c’est l'attitude des lieux par rapport au ma- rais lui-même; il est en effet d'observation que les miasmes ne s'élèvent qu’à une certaine hauteur dans l’atmosphère. Nous pourrions citer des collines qui avoisinent les plus vastes marais des environs de Rochefort et sur lesquelles la fièvre paludéenne est à peu près inconnue. &,9—Les courants d'air, les vents du large exercent une grande influence sur la production des accidents dus aux marécages en transportant les effluves à des distances plus ou moins considé- . rables. C’est ainsi que la fièvre intermittente se montre dans bien des localités distantes de Rochefort, mais soumises à l’action des vents qui balayent les marais qui entourent cette ville. 5.°—£Le mélange des eaux de mer et des eaux douces, à l'état d'eaux stagnantes et marécageuses détermine dans nos marais un développement considérable d’effluves. Malgré les travaux entrepris et par les soins de l’État et par ceux des muni- : cipalités, ce fâcheux mélange a souvent lieu dans les grandes marées, et nous ne tardons | pas à en ressentir les fächeux effets. 6.°—L'influence des vêt tements est aussi fort remarquable ; les vêtements de laine mettent à l'abri du refroidissement, main- tiennent une chaleur modérée, égale, et s'opposent à l'absorption des miasmes par la peau. Pourquoi le plus grand nombre de nos cultivateurs et de nos ouvriers ne portent-ils que de la toile? 7.°—Enfin l’habitation est d'aussi d'une très grande impor- tance. Elle doit être placée sur une hauteur, aussi loin que pos- sible des marais, ou défendue contre eux par des rideaux de ver- dure; la maison doit être sèche, bien éclairée, d’une extrême propreté. Combien peu de maisons réunissent ces conditions dans la Charente-Inférieure! On ne craint pas de bâtir en plein marais, sans souci des accidents qui peuvent en advenir. Causes internes.—Age.—Plus un individu est jeune, plus tou- tes circonstances égales d’ailleurs, il subit facilement l'influence des effluves marécageux. Que d'enfants succombent à Rochefort aux convulsions, qui ne sont, le plus souvent, qu une fièvre per- nicieuse Conv ulsive, et non la véritable éclampsie qu’on observe dans d’antres localités. Sexe.—Les femmes, contrairement à l'opinion professée, con- tractent plus facilement la fièvre que les hommes ; elles sont, en général, d'une constitution plus délicate, d’un tempérament plus faible et ont moins de force de réaction. Causes de débilitation. — Les excès de tout genre, les fatigues morales et physiques, les mauvaises habitudes, les maladies an- técédentes prédisposent à la fièvre intermittente et rendent plus facile l’action des miasmes palustres. Nourriture.—L’influence de la nourriture est considérable ; VINGT-TROISIÈME SESSION. 353 l'alimentation succulente composée de viandes et de vins géné- reux suffit souvent à maintenir le sang à son état normal, même au sein des marais ei à s'opposer à l’action de leurs effluves. Malheureusement la cherté des vivres depuis quelques années est telle, que les classes laborieuses ne peuvent se procurer une nourriture assez abondante et de bonne qualité, de sorte qu'elles sont souvent frappées de la maiadie qu'elles éviteraient si elles étaient dans de meilleures conditions. Pour les femmes qui nourrissent, une bonne alimentation est toujours nécessaire, mais dans notre pays elle est indispensable, car le lait subit bientôt l'influence de la débilité, de la constitution détériorée par l'infection paludéenne, il perd de sa densité, le chiffre des parties solides (beurre caseum) s’abaisse, celui de Peau au contraire, augmente d'une manière considérable, le phosphate calcaire diminue sensiblement. Une bonne nourriture suffit pour tout ramener dans l’état normal. Que dirons-nous de l'influence de l’eau potable qui est si rare à Rochefort? Elle est indispensable à une bonne alimentation et l’usage d’eaux séléniteuses comme celle de nos puits, a tou- jours de fâcheuses conséquences. Les miasmes palustres, aidés dans leur action par les circons- tances défavorables que nous venons d'indiquer, telles sont, sui- vant moi, Messieurs, les causes déterminantes et prédisposantes des difformités du système osseux qu'on observe si fréquemment dans la Charente-[nférieure ; nous étendre davantage sur ce su- jet serait abuser de votre obligeante attention. Pour compléter la question il serait peut-être bon de mettre le remède à côté du mal et de nous étendre : 4.° sur les moyens de prophylaxie et de traitement des fièvres intermittentes, des cachexies paludéennes, des conséquences qui en résultent ; 2.° sur les moyens d’assai- nissement, le desséchement, le boisement et la culture des ma- rais ; mais ce sont des sujets fort longs, qui ne nous sont pas de- mandés et qui du reste seront traités par nos collègues. De la constituton médicale de Rochefort, par M. VIAUD, receveur municipal à Rochefort. Bien que sous le rapport sanitaire le séjour de Rochefort n'ait aujourd’hui rien à envier aux contrées réputées, à juste droit, comme étant dans de bonnes conditions climatériques, Roche- fort n’est pas encore complètement réhabilité au loin. Ce qui était vrai de Rochefort, il y a près d’un sièele, avant le desséchement des marais très étendus qui ceignent cette com- mune, au sud et à l’ouest, ne l’est plus depuis longtemps, n'a plus sujet de l’être maintenant. Mais quand des touristes comme M. de Jouy ont dit qu'ils ne 0 354 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. découvraient pas Rochefort au milieu de ses brumes paludéen- nes ; quand certains arrangeurs de dictionnaires et d’itinéraires géographiques qui, se copiant les uns les autres, ont ajouté au mot Rochefort le qualificatif malsain, on ne peut pas être étonné de voir que cette ville soit encore l'objet de préventions fâcheu- ses; on s'explique pourquoi quelques-uns des agents de l'État appelés ici par le service, y viennent avec répugnance, avec crainte. Nous ne sommes pas bien loin du temps où les étrangers qui avaient à traverser Rochefort se chargeaient de sels et d’eau de senteur, pour combattre l’action délétère des effluves de notre sol qui, leur avait-on dit, est formé d’un limon fangeux. Ces petites faiblesses faisaient peu d'impression sur nous, parce que nous étions sûrs que bientot elles feraient place à la confiance. Ce qui était sérieux, c’est que pendant longtemps dans le lan- gage officiel l'autorité militaire considérait le séjour de Roche- fort comme dangereux, à l’égal au moins de celui de quelques- unes de nos possessions d'outre-mer. f Qui n’a entendu parler ici de cet agent supérieur du service administratif de la guerre qui, partant d’un lieu voisin pour aller au-delà de Rochefort, se faisait descendre de voiture avant d’ar- river sous nos murs, et ne reprenait son véhicule qu'après avoir par des sentiers éloignés, franchi les limites de la commune. Ceci n’eût été que burlesque, si le même esprit qui faisait agir le personnage, ne se fût traduit par des actes malveillants, contre lesquels nous n'avons pas toujours victorieusement lutté, tant il est difficile de détruire un mal produit. Combien de fois nous a-t-il fallu démontrer par des faits bien appréciables, par des chiffres incontestables, que les attaques dirigées contre nous ne reposaient que sur des arguments sans fondements sérieux, que sur des calculs tourmentés et faux dans leurs bases. 4 La statistique publiée en 1838 par le ministère de l’intérieur a été l’une des sources à laquelle les détracteurs intéressés de Rochefort ont puisé à pleines mains pour nous frapper. La ma- tière était abondante, mais était-elle pure? J'ai eu l’occasion de prouver, à l'apparition de ce document très volumineux, que les notes dont il se compose, fournies par les communes presqu'ex- clusivement, ont été pour la plupart dressées sans intelligence et ont été reproduites de même. Je ne citerai que deux exemples à l'appui de ce que je dis au sujet de la statistique officielle. 4.° La population de Rochefort, comme celles de tous les ports de guerre se compose de deux éléments bien distincts, la popu- lation fixe et la population flottante. Eh bien, le ministère de l'intérieur n’a admis pour le calcul des lois de mortalité à Ro- chefort que le chiffre du premier élément. 2.° Lenombre annuel des décès indiqués pour Rochefort dans la statistique officielle, - de ; mn , . 4 VINGT-TROISIEME SESSION. 3955 comprend sans distinction le chiffre des décès fournis par la population fixe et celui du contingent apporté à la tombe par la population flottante. En suivant ce système il y avait une bonne mine à exploiter contre nous. Aussi dès 1840, un M. Godelier, originaire d’un pays voisin, alors chirurgien militaire en garnison à Rochefort, s’est mis à faire un rapport, fort savant du reste, dans lequel il témoigne que cette garnison n’a pas ses sympathies, et dans le- quel il se venge du séjour forcé qu’il y fait, en appuyant de son autorité comme médecin les accusations d’insalubriié si libéra- lement prodiguées dans ce temps encore contre nous. Le travail de M. Godelier a trouvé une place dans le 50 tome des mémoires de médecine militaire : il est ainsi parvenu sur beaucoup de points et a élé accepté comme vérité, partout où les réfutations n’ont pu le suivre à la trace. Deux ans auparavant un homme d’une autre consistance, un homme dont la mémoire est bien justement vénérée dans le dé- partement et particulièrement à La Rochelle, dont il a été l’une des gloires, avait fait imprimer un mémoire sur l’état physique du territoire de la Charente-Inférieure; mémoire dans lequel l’auteur fait entendre, encore apparemment d’après la statistique du ministère de l'intérieur, que la dépopulation de Rochefort serait assez rapide si les habitants ne se renouvyelaient par le passage constant d'agents de l État : car annuellement le nombre des décès dépassait celui des naissances dans une certaine pro- portion que l’auteur prit le soin d’indiquer.— Les faits dans leur vérité ont heureusement mis la prophétie en défaut. La position ainsi arrangée était grave contre Rochefort, si grave enfin qu’en haut lieu on mit un “momenten question l’exis- tence du port militaire. J'ai vu dans le temps la statisque officielle du ministère de l'intérieur. Il m'a été facile de juger que ce travail était fait avec peu de soins; j'ai dit tout à l'heure avec peu d'intelligence; je maintiens le mot. On s’ y était borné à grouper des chiffres don- nés par les localités, sans demander à ces chiffres leur valeur et leur signification. Le plan d’une rectification, quant à Rochefort, fut bientôt conçu par moi. Après avoir, pendant plus d'un an, travaillé au dépouillement des registres de l’état-civil, j'ai publié, en 1841, une note dans laquelle j'ai signalé les erreurs nombreuses du recueil officiel et indiqué les causes de ces erreurs. Dans la même note, j'ai prouvé à M. Fleuriau de Bellevue l'inexactitude des sources Où il avait puisé, lorsqu'il a dit d’abord qu’ à Rochefort le rapport des décès à la population était, en 1838, de 4 à 27 ha- bitants, et ensuite que cette ville se dépeuplerait si elle n'avait un secours étranger. Mais ce que je pus faire n’était qu’une des faces de la réponse 356 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. à donner à chacun. II fallait que sous le rapport médical les trois auteurs dont j'avais rectifié les assertions fussent également ra- menés à la vérité. Notre honorable concitoyen, M. le docteur Lefèvre, aujourd’hui directeur du service de santé au port de Brest, a publié, le 30 octobre 1844, un mémoire important qui parut sous le titre modeste : Note sur la salubrité des places de querre et en particulier de celle de Rochefort. W est dé- montré dans cette note que l’échaffaudage dressé contre nous reposait sur des bases fondées par des gens inhabiles à faire usage des documents à consulter, ou peu portés pour une ville qui avait le tort de grandir au-delà de certaines prévisions, et surtout d'arriver au premier rang comme centre populeux et in- dustriel du département. Aucune contestation des faits et des documents cités par M. le docteur Lefèvre n’était possible. Il n’y avait pas d’objection à. faire non plus aux résultats constatés par moi d’après les regis- tres de l’état-civil. Les personnes auxquelles nous avions répondu gardèrent le silence. Elles avaient produit un effet : il leur suflit que nous fussions hors d'état de le détruire immédiatement, par l'impossibilité où l’on est toujours de faire parvenir une réfuta- tion partout où une attaque a trouvé place. Il y avait pour nous à faire quelque chose de plus que ce qui a été fait à l'apparition des trois publications lancées en même temps, comme si elles avaient été concertées contre nous. C'était certainement de faire connaitre, d'année en année, le mouve- ment de la population de la commune ; parce que là est une pro- testation inattaquable, constante, contre les érreurs qui nous ont blessé et qui ont pu nous faire croire à de la malveillance à notre sujet. J'avais pris un rôle dans la lutte engagée : je ne pouvais donc reculer devant la tâche de continuer annuellement l'œuvre de défense commencée. J'ai marché jusqu’en 1854, et il m’a été aisé de prouver, chaque année de plus en plus, que sous le rapport sanitaire Rochefort a pris rang parmi les villes les mieux favo- risées. C'est de 1855 que je veux entretenir aujourd'hui les personnes qui m'ont suivi avec quelque intérêt. Mais avant d'entrer dans cette année, il ne sera pas hors de propos que je donne un résumé des notes précédemment four- nies par moi, c'est-à-dire par les registres de l’état-civil. J'ai dit, prenant Rochefort à une époque où le desséchement des marais qui environnent cette ville au sud et à l’ouest, n’était qu’en projet, 1.°—Que le terme moyen annuel des décès était : de 190 2 MAT00 PE. FE. M, LUS 934 de 1800 à 4809 de......,...... 833 de 4810 à 14849 de. ..:.:...... 633 VINGT-TROISIÈME SESSION. 35 EU de 1820 à 1829 de............. 512 de 18304, 1839 des nna ns 530 de 1840 à 1849 de............. 526 de 185042 41852 der aan (te 530 2.0— Que le rapport des décès à la population a été, dans les mêmes périodes, de 1790 à 4799 de........ .À à 16,44 de 1800 à 1809 de........ 1 à 19,30 de 1810 à 1819 de........ 1 à 26,61 de 4820 à 1829 de........ 4 à 26,36 de 1830 à 1839 de........ 4 à 30,15 de 1840 à 1849 de........ 1 à 34,83 de 4850 à 1854 de........ 1 à 36,08 3.0— Que la durée moyenne de la vie à Rochefort à été, de 4790 à 1799 de 19 ans 40 mois 6 jours. de 1800 à 1809 de 26 « 8 « 19 de 1810 à 1819 de 25 « 5 °« 10 de 1820 à 1829 de 28 « CR et, de 1830 à 1839 de 32 « 5 « 10 de 1840 à 1849 de 32 « 10 « 18 de 4850 à 1854 de 31 « 3 « 6 On voit d’après ces tableaux que si, il y a près d’un siècle, le séjour de Rochefort avait des dangers réels, c’est incontestable, pour ceux qui n'étaient pas nés dans le pays, il est aujourd’hui dans des conditions les plus satisfaisantes. Du reste nous avons la preuve qu’on se rassure pour nous, malgré ce qui a été dit qui devait faire revivre les craintes et éloi- gner de nous. Si pendant une certaine période la population est demeurée presque stationnaire, quoique par sa position topogra- phique au milieu de productions importantes, dont elle est le débouché naturel, cette ville düt attirer bon nombre d'individus, les choses ont changé depuis quelques années : la population s’accroit annuellement dans une proportion notable, comme on va le voir. Nous ne prendrons les chiffres que depuis 1836, année de la conception de la statistique oflicielle du ministère de l’in- térieur. La population fixe, c'est-à-dire non compris les troupes de terre et de mer, etc., était de : Recensement de 14836.... 1,4516 de.1841.... 1,5945 de 1846.... 1,7715 de 1851... 1,8634 . Le dénombrement fait en 1856 est encore plus concluant. Il témoigne que dans la dernière période quinquennale, la popula- tion fixe s’est, tant par l’excédant des naissances sur les décès que par l'immigration, accrue de 2,732 personnes. La ville compte 358 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. aujourd'hui 21,372 habitants rangés ainsi dans les six catégories d'état civil. Garçons.........., 5,160 Hommes mariés... 4,714 MéUÉS RDA EAU 387 © Billes LEE 8,092) 211572 Femmes mariées.... 4,821 NÉAVESMOUL GUESS 2 1,198 On a dit quelquefois qu’à Rochefort le nombre des vieillards est peu considérable. Je vais, en passant, répondre à cette allé- gation. Le dénombrement qui vient de s'opérer constate qu'il existe : Vieillards de 70 à ‘75 ans.... 289 de ‘75 à 80 ans... 125 de:80 à 85 ans... 82 de 85 à 90 ans.... 23 de 90 à 95 ans.... 6 de 95 a 100 ans... 9 ENSEMBLE. Da Les personnes qui m’écoutent ont bien certainement compris, ce que n’a pas fait, en 1836, le rédacteur de la statistique offi- cielle, que la population totale de Rochefort se forme de deux éléments. Section fixe que j'appelle productive. Section flottante que je nomme improductive. Quelles sont les causes prochaines ou éloignées de l’éclamp- sie des femmes en couche ? Quels soins réclament-elles de la part de l’accoucheur? par M. le docteur DUTOUQUET , de Rochefort. Quoique la question posée en ces termes soit limitée à l’étiolo- gie et à la thérapeutique de l’éclampsie au moment même de la parturition, nous avons cru devoir l’aborder dans son ensemble et étudier l’éclampsie puerpérale proprement dite, c’est-à-dire avant, pendant et après l’enfantement. D'abord, qu'est-ce que l'éclampsie? —Eclampsie de exlampo, je brille, est une mauvaise déno- mination ; l’étymologie donne à peine à l'esprit l’idée d’un des moindres phénomènes de la maladie. L'éclampsie puerpérale est une névrose que je classe parmi les convulsions externes cloniques sans lésion primitive de l'organe encœphalique, mais sympathiques de troubles fonctionnels de l'utérus. , L'éclampsie puerpérale se manifeste par d'horribles crises VINGT-TROISIEME SESSION. 359 convulsives dont je vous demande la permission d'emprunter la description à Dugès.—Voici comment s'exprime le savant pro- fesseur de Montpellier : « Une augmentation de la céphalalgie et des étourdissements, un état de malaise extraordinaire et la perte de l'intelligence pré- cèdent habituellement l'accès ; la pupille se dilate, la conjonctive s'injecte, la face rougit, les yeux sont fortement ouverts, dirigés vers un même point et secoués par de petits mouvements con- vulsifs très brusques ; les membres s'étendent et se roidissent par degrés. | « Bientôt la face est agitée de contractions vivement répétées : elle prend l'aspect épileptique et devient violette, ainsi qu’une grande partie du corps; la langue sort de la bouche et se trouve serrée par le rapprochement violent des arcades dentaires; la bouche est souvent tordue d’un côté, mais ce côté varie d’ordi- naire dans les accès qui se succèdent, les membres sont secoués par des mouvements brusques de demi-flexion et d'extension ; celle-ci prédomine, en général, et lient la malade en supination ; la sensibilité, l'intelligence, la mémoire, sont totalement abolies. » La respiration, d'abord irrégulière et exécutée par secousses, est enfin totalement suspendue; les matières fécales, les urines sont involontairement expulsées; le pouls est fort, fréquent, plein et dur ; le sang sort d’une veine ouverte par secousses iso- chrones à celles des muscles, et il n’a rien perdu de sa liquidité. » Après quelque durée, les contractions cessent; la maladereste plongée dans un coma profond; la bouche est remplie d’une écume sanguinolente ou d’une bave visqueuse; la respiration commence à se rétablir par quelques sanglots irréguliers, suivis d’un stertor violent dû en partie à ces mucosités écumeuses ; peu à peu elle devient régulière et plus facile. Enfin les facultés in- tellectuelles se rétablissent quelquefois par degrés; mais la ma- lade n’a aucun souvenir de ce qui s’est passé dans l’accès ou dans le coma qui l’a suivi, au point que d’ordinaire elle s'étonne de n'être plus enceinte, si elle est accouchée pendant la durée de cet état. » Ces accès durent depuis une jusqu’à cinq minutes, et ils se ré- pètent quelquefois coup sur coup; d’autres fois, ils n’ont lieu qu’à de grands intervalles, leur nombre varie depuis un seule- ment jusqu'à trente ou quarante. Leur intensité est ordinairement plus grande et leur durée plus longue, ainsi que leur rapproche- ment plus considérable vers la fin qu'au commencement, si la maladie est grave ; c’est le contraire, si elle est légère. En considérant l’éclampsie comme une névrose, je ne prétends pas en faire une affection simple, car elle est tout au contraire pour moi complexe de sa nature, mais je pense avec M. Paul Dubois que le trouble cérébral qui l'accompagne presque néces- sairement, et c’est ordinairement un état apoplectique du cer- 360 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. veau, est un phénomène secondaire. Cette opinion n’est pas par- tagée par tous les pathotogistes, car le professeur Moreau, entre autres, nie le point de départ dans l’apoplexie cérébrale; du reste la thérapeutique de ces deux maitres n’est pas absolue comme leur conviction doctrinale,. A envisager philosophiquement la science, on n’admettra ja- mais qu'une saine pratique s’appuie sur des théories que l’expé- rience n’a pas sanctionnées; autrement les théories si communes, hélas ! sont tout au plus de folles rêveries dont la séduction en- trainera les hommes romanesques ou superficiels, mais elles n’en demeureront pas moins sans base et sans portée pour des esprits sérieux et refléchis. Aussi je m’abstiens de toute discussion oiseuse à priori, ne voulant pas me jeter à plaisir dans ces luttes sans fin et sans profit que Rabelais, malgré le cynisme de son langage, mais avec son sel gaulois, plein de verve, a si profondé- ment et si finement raillées dans Pantagruel. Les nécropsies expliquent assez rarement la terminaison fa- tale de l'éclampsie. Quelques traces d'arachnoïdite, des épanche- ments séreux ou sanguins, une injection légère de la substance cérébrale, ne paraissent pas toujours assez graves pour justifier la mort. Ces phénomènes pathologiques sont néanmoins patents et ils ont amené des médecins, Dugès, MM. Rilliet et Barthez à croire que l’apoplexie cérébrale est dans l’éclampsie tantôt cause, tan- tôt effet. Si nous pouvons nous permettre d’avoir une opinion après eux, nous dirons que l’éclampsie puerpérale à son point de départ fixe et invariable dans l'utérus, sans nier toutefois sa très grande influence de certaines dispositions idiosyncrasiques. Malgré cela, nous reconnaissons comme manifeste la forme dou- ble de l’éclampsie qui tient à la fois et de la névrose et de l’apo- plexie. Il peut naître, pour le diagnostic de l’éclampsie du jeune âge, des difficultés qui n’existent pas pour celui de l’éclampsie puer- pérale.—Cette dernière ne saurait être confondue qu'avec l’hys- térie et l'épilepste. Dans l’hystérie, il n’y a pas abolition de l'intelligence ; la ma- - lade implore elle-même des secours; ses mouvements sont violents et désordonnés.. Dans l’éclampsie, au contraire, l’in- telligence est nulle, la sensibilité perdue et les mouvements con- vulsifs s’exécutent en quelque sorte sur place. Les différences sont moins marquées entre l’éclampsie et l'épi- lepsie.—Suivant M. Ozanam, l’éclampsie est caractérisée par des convulsions cloniques auxquelles succède une contracture légère vers la fin de l'accès, et la crise épileptique débute par la contrac- ture et se termine par la convulsion. — Cette observation de M. Ozanam peut avoir de l’importance pour le diagnostic et la thérapeutique.—Toutefois ces caractères ne sont pas suflisants VINGT-TROISIÈME SESSION. 361 pour asseoir un jugement définitif, et j'en dirai autant des signes pathognomoniques de l'épilepsie observés par M. Brachet : comme : le pouce porté en dedans de la main et l’écume à la bouche ; il faut encore quelques autres circonstances ; AUSSI di- rai-je avec Baumes, MM. Rilliet et Barthez, qu’il n’y a de diffé- rence essentielle entre l’éclampsie et l’épilepsie que dans la mar- che, et le temps seul donne la solution du problème. L’éclampsie puerpérale, ordinairement continue, est intermit.- tente par exception. Le contraire arrive pour l’éclam psie du jeune âge. Je vous demande de m’autoriser à faire ici à ce propos une courte digression. Les convulsions des enfants, surtout dans no- tre pays, voué encore aux fièvres endémiques, sorte de souvenir d’un temps funeste dont nous nous éloignons chaque jour à grands pas, ces convulsions, disons-nous, ont une forme très nette d'intermittence. L'observation est de tous les instants. Un enfant est saisi brusquement, du moins on le dit, de convulsions ; il a eu la veille ou l’avant-veille un accès de fièvre accompagné de mouvements nerveux qui ont échappé, par leur innocuité ap- parente au malade et à son entourage. Il y aurait alors danger à hésiter ; on recourt aux antipériodiques sans négliger toutefois les antispasmodiques qui agiront comme sédatifs, mais demeu- reraient impuissants à conjurer le retour du mal. Chomel, dans son traité des fièvres, en signalant ce fait, semble l'appliquer seulement aux fièvres intermittentes nerveuses ou pernicieuses, et en considérer comme indemnes les fièvres intermittentes sim ples à type quotidien, tierce ou quarte. Mais nous, nous voyons journellement les fièvres intermittentes les moins graves par leurs symptômes, les moins insidieuses se com pliquer de con- vulsions inquiétantes, et puis lout cesse comme par enchante- ment, et le retour de la fièvre et celui de la convulsion, par l’ad- ministration de 70 centigrammes à 4 gramme de sulfate de qui- nine. Revenons à l'éclampsie puerpérale; je répète qu’elle est es- sentiellement continue. — Elle se compose, suivant M. Duclos, d’une série d'accès subintrants sans cessation complète. Une seule fois, j'ai rencontré un semblant de périodicité, mais l'affection se compliquait d'hémiplégie, de plegmatia albadolens, d'épilepsie (le temps a malheureusement trop confirmé l’exis- tence de cette dernière maladie), et l’épilepsie seule présente as- sez souvent la forme intermittente pour qu’on ne doive pas l'at- tribuer dans ce cas à l’éclampsie. Malgré tout, cette division de l’éclampsie en intermittente et continue n’est pas aussi insigni- fiante que l’ont avancé des pathologistes. Certes, pour en tirer parti, il faudra attendre la fin d’une crise peut-être mortelle ou le retour d’une deuxième; mais il sera toujours utile, après la cessation du premier accès, de remonter dans le passé, de re- “ chercher avec soin s’il n’y a pas eu antérieurement des phéno- : 2, 362 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. mènés pyrectiques accompagnés de convulsions sourdes, et leur existence constatée aura de la por tée sur le traitement. Rien dans les causes éloignées ou prochaines de l’éclampsie puerpérale n’a cette précision rigoureuse dont toute science est avide. C'est là le faible de l étiologie en général. Les causes trau- matiques sont manifestes, spécifiques, indiscutables : mais celles des affections internes résultant d’altération de solides où dé li- quides, ou d'un défaut d’ équilibre, se confondent souvent et se réduisent à un petit nombre de groupes. Je vais rendre cette idée sensible par quelques exemples pris au hasard. Une sup- pression brusque de transpiration engendre aussi bien une péri- tonite, une endocardite, une pleurésie, c'est-à-dire des $ phéno- mènes inflammatoires suivis d’une supersécrétion de séreuses, que des névroses d'ordre variable, c'est-à-dire une douleur fa- ciale, des coliques ou une fièvre inter mittente, si nous rangeons, comme M. Rayer, les fièvres intermittentes parmi les névroses. —Continuons néanmoins, sans prétendre assigner à l’éclampsie des causes absolues.—Les causes éloignées sont nombreuses et de peu de valeur, si nous exceptons pourtant les tempéraments. Quoique les organisations sanguines et nerveuses prédisposent à l'éclampsie puerpérale, combien ne voyons-nous pas de consti- ‘tutions molles, lymphatiques, dépourvues en quelque sorte de vitalité, en devenir victimes ? La cause déterminante, spécifique de l’éclampsie puerpérale, c'est. la grossesse! J’ hésite en prononcant ce mot, tant il me semble répéter après Sganarelle et avec là même force de logi- que, que l’opium fait dormir parce qu'il a une vertu dormitive !.… et cependant, sans la grossesse et les troubles concomitants fonctionnels des organes maternels, l’éclampsie n’est plus puer- pérale. Certes, les convulsions de l'enfance seront une prédisposition pour l'avenir, et il y a lieu de croire que dans les mêmes circons- tances, s’il est possible de faire ici des équations, elles produi- ront chez le sujet un effet contingent plus actif... mais que de mères aussi qui, après avoir franchi les premières. années de la vie sans ressentir la moindre attaque nerveuse, deviennent ino- pinément éclamptiques ? L’éclampsie puerpérale se manifeste principalement à l'époque de la parturition ; en second lieu et moins communément, pen- dant la gestation, vers le 8° ou le 9° mois, rarement avant le sixième et encore à ce moment, elle coïncide constamment avec une blessure ; et enfin presque jamais après la délivrance. De cet ordre de fréquence, on déduit plus rationellement l’étio- logie. Une piqüre insignifiante par sa profondeur ou par son élen- due, lèse ou comprime un filet nerveux ; il survient un étrangle- ment, l'organisme tout entier est ébranlé, et le tétanos se pro- VINGT-TROISIEME SESSION. 363 duit faute d'un débridement pratiqué en temps opportun.—Quoi- que dans l'espèce il ne soit nullement question de traumatisme, ne peut-on pas, jusqu'à un certain point, trouver une sorte d’analogie dans les effets occasionnés par le développement de l'utérus arrivé à son sommum, à savoir : la compression qu'il exerce sur des trajets nerveux, sur les vaisseaux iliaques et sur la veine cave inférieure ?—_Les crampes des femmes enceintes ne reconnaissent pas d’autres causes. La grande fréquence relative de l’éclampsie puerpérale au moment de la parturition nous au- torise légitimement à considérer l’état de l'utérus et ses nouveaux rapports avec les parties avoisinantes, comme la cause véritable de l’éclampsie. La sensibilité de l'utérus, a dit Cabanis, portée au dernier terme d’excitation, réagit avec une force proportionnelle sur tout le système et notamment sur le cerveau. Si nous faisons encore la part à l’ébranlement imprimé à toute la machine par les contractions utérines ou par la per- turbation générale qui les précède, nous aurons à peu près la raison de Téclampsie ; j je dis avec intention à peu près, me gardant d'être absolu ie mon assertion, car ce serait donner le droit d'induire que l’éclampsie est un état normal, physiologi- que, déterminé infailliblement par la grossesse à ses diverses périodes. Loin de moi une telle hérésie ; cela dit, réservons l’ap- préciation des idiosyncrasies, et sur ce terrain, les choses ces- seront d’avoir la même évidence. Pendant la grossesse, ou mieux, du 6° au 9° mois, époques de la gestation reconnues, les seules avant la parturition pendant lesquelles se montre l’ éclampsie, un phénomène nouveau va con- firmer notre opinion. Il s'opère des changements de jour en jour plus sensibles dans les relations des organes viscéraux et de l’u- térus.—On trouve déjà l'aurore d’une névrose dès le commence- ment de la gestation, alors que le premier flux menstruel a man- qué et que la jeune mère éprouve des nausées, de l'inappétence, des vomissements! N'est-ce pas là véritablement le premier germe de l’éclampsie, de cette névrose possible, et ne se rend-on pas compte de sa production lorsqu'on songe qu’ à cette manifes- tation, due aux fonctions nouvelles et au trouble physiologique de l'utérus, vont se joindre bientôt de la distension fibrillaire, de la compression ? elc. L'éclampsie postérieure à l’accouchement est très rare. Elle apparaît dans les six ou huit jours qui le suivent. Nous ne lui reconnaissons pas les mêmes causes qu'à l'éclampsie des autres époques ; elle ne se relie plus autant à l’état de l'utérus, quoique cet organe soit encore le siège de phénomènes pathologiques dont le retentissement sur le système nerveux est loin d’être nul, mais bien à certaines névroses antérieures non éteintes, ou à des dispositions cérébrales particulières. L'éclampsie est ordinaire- 364 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ment, dans ce cas, épileptiforme. Les pléthores sanguine cet sur- tout séreuse, dont l'effet est puissant sur la production de l'é- clampsie, peuvent alors la déterminer en dehors du rôle actif et direct de l'utérus à ce moment. Je résume les causes eflicientes de l’éclampsie puerpérale, eu égard à sa fréquence, dont précédemment j'ai fixé l’ordre. D'abord le travail de la parturition ; puis lés modifications de relations de l’utérus avec les organes abdominaux, modifications d'autant plus grandes que la grossesse est plus avancée, d’où l'explication des convulsions éclamptiques après le sixième mois de la gestation; puis encore la presque impossibilité de l’é- clampsie après les couches, à moins que ce ne soit dans les six ou huit jours suivants, c'est-à-dire à cette époque où l'utérus congesté joue son rôle d'élimination, et encore dans ce cas les causes sont des pertubations dues à une vive émotion, à une né- vrose ancienne, à une lésion de l’encéphale ou de ses enveloppes, etenfin plus communément à une épilepsie confirmée. Quoique j'aie pu faire, je ne crois pas avoir trouvé la suprème raison de l’éclampsie, car plus j'avance dans l’étude de la ques- tion, et moins je m'étonne de la divergence d'opinion des plus ha- biles tocologistes. Puis les causes? — N'est-ce pas la science toute entière! Comme le poète, j'estimerais heureux celui qui peut les connai- tre, quoiqu’en aient dit d’une part St-Augustin: Melius scitur Deus nescrendo ; et Platon : Qu'il y a quelque vue d'impiété à trop curieusement s'enquérir et de Dieu et du mode des causes premières des choses. Il est vrai que St-Augustin et Platon ne raisonnaient pas tout à fait dans le même ordre d'i- dées que nous !—On reste surpris de rencontrer tant d’analogie sur ce sujet dans les convictions d’un chrétien et d’un païen ; mais Platon était païen avec l'intuition d’un monde moral qui poindra tôt ou tard à l'horizon; païen avec la prescience de l’ave- nir, paien, mais avec ces éclairs du génie qui percent le brouil- lard des siècles et font présager l’ère rénovatrice comme une certitude, comme un fait nécessaire !—Les causes?...— Mais c'est la nature, c’est la pénétration intime de l’homme, et rien west simple dans son être! Sans prétendre sonder les mystè- res de la connexion de sa dualité, de sa double essence physique et psychologique, que de phénomènes impénétrables !.. Non, non, ce n’est pas une impiété de s’enquérir des causes, quelles qu'elles soient, et de les rechercher : C’est la science; et comme la science rapproche Phomme de Dieu, n’y aurait-il pas plutôt de l’impiété à lui poser des bornes imprescriptibles?—Le savant n’est pas impie; je ne parle pas ici des demi-savants que Mon- taigne compare en ces termes à des épis de blé : « Il est advenu aux gens véritablement scauants ce qui advient aux espies de bled; ils vont s'eslevant et se haussant la teste droite et VINGT-TROISIÈME SESSION. 365 lièvre tant qu'ils sont vides; mais quand ils sont pleins et grossis de grain en leur maturité, ils commencent à s'humi- lier et baisser Les cornes. » Je laisse de côté les demi-savants de Montaigne et j'aflirme que le savant véritablement digne de ce nom, qui passe ses veilles à surprendre les arcanes de la création, s’imprégne de plus en plus de lidée de Dieu, de Dieu lui-même, terrasse le matérialisme et ne peut être ni athée ni impie ! La thérapeutique est toute tracée par la discussion précédente. Il faut promptement mettre un terme à la cause première de l’é- clampsie. Si c’est au moment même de la parturition, on doit la hâter par toutes les ressources de l’art. Si le travail est commencé, on rompt les membranes et lon extrait le produit. S'il n’y a pas de dilatation du col, on la prépare par les bains ou les demi-bains tièdes, s'ils sont possibles, par des frictions prolongées avec la pommade belladonée; si la position fœtale n’est pas normale, on fait la version, et si elle n’est pas praticable ou si les diamètres du bassin ne sont pas’ en rapport avec ceux de la tête de l'enfant, ou enfin s’il existe des obstacles susceptibles d’entraver la mar- che du travail, on s’aide du forceps.—Quand les crises conti- nuent ou se renouvellent après l’accouchement et que le pla- centa est retenu, on délivre artificiellement. Tels sont les préceptes généraux; mais que d'indications di- verses et nouvelles pour lesquelles on ne saurait à l'avance fixer de règles précises ! . Le spasme, la congestion cérébrale méritent encore toute la sollicitudé du praticien. La saignée générale dans l’éclampsie est l’ancre du salut.—I1 n’y a pas de considération qui tienne de- vant cet agent thérapeutique qu’en d’autres circonstances, sur- tout dans nos contrées, il faut employer très sobrement sous peine d’imprudence et d’insuccès. L'anasarque, la petitesse du pouls, la débilité du sujet sont rarement des contre-indications formelles ; il faut donc saigner en dépit du mot spirituel et railleur de Lordat, le savant commentateur deBarthez : la saignée est le loup de la thérapeutique. Avec les saignées à outrance, j'ai pu sauver de léclampsie épileptique la plus affreuse et du dernier terme de l’agonie la jeune femme qui fait l’objet de Pübserva- tion n° 4. k L'éclampsie avant la maturité du produit, c’est-à-dire aux époques que nous lui avons déjà assignées, coïncide d'habitude avec une blessure. L'état de l'utérus, l’auscultation des parois abdominales, la connaissance exacte des précédents et de ce qui touche au fœtus fournissent des données variables, mais précieu- ses. Il faut encore ici insister sur les saignées. Ce moyen estnon- seulement le plus efficace, soit avant, soit pendant, soit après le travail, mais encore le plus praticable, car l'accouchement, la version, l'application du forceps ne sont pas toujours possibles. 366 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. L'éclampsie puerpérale qui suit la délivrance et survient 12 ou 15 jours après, ainsi que je l’ai observée, n’est plus une éclampsie pure. Il y a évidemment dans ces circonstances une complication d'accidents ou d’affections, et les convulsions n’ont plus le caractère net et tranché de l’éclampsie puerpérale télle que nous venons de l’étudier. Suivant quelques médecins, l'éclampsie puerpérale est extré- mement rare, et il s’en produit tout au plus trois sur deux mille accouchements. M. Chaïlly raconte le fait et ne partage pas cet avis ; il dit en avoir observé une douzaine à la clinique de l'Ecole de Paris ; je pense comme lui et j’y suis autorisé par ma pratique particulière, qui m'a présenté environ une dizaine de cas. Per- mettez-moi den extraire sommairement quatre observations assez récentes et de natures diverses.—Accordez-moi pour quel- ques instants encore votre bienveillante aftention ; c’est le com- plément de ce travail, et vous y trouverez, je l'espère, la raison de ce qui précède. OBSERVATION N° f. Mme F...—Primipare.—Éclampsie épileptiforme pendant la parturition.— Crises postérieures.— Agonie.— Évacua- tions sanguines considérables.—Fin de la crise.—Epilep- sie consécutive et persistante. Me F..., âgée de dix-huit ans, d'une constitution lymphati-. que, d’une pâleur chlorotique, atteinte de-convulsions passagè- res dans son extrême enfance, est prise au mois de juillet 1848, huit mois environ après son mariage, de tranchées utérines.— Une sage-femme reste auprès d'elle depuis six heures du soir jusqu'au lendemain matin sept heures. Pendant ce temps, les contractions s'étaient succédées sans relàche et la malade avait eu dans la nuit des secousses nerveuses dont la nature éclamptique n’était pas douteuse.—Je fus appelé le matin, les crises prenant de l'intensité. ; | Je trouve le col effacé, les membranes rompues, les eaux écou- lées, une présentation franche; désirant me rendre compte des obstacles qui retardent l'expulsion du produit, je parviens à constater le peu de longueur du diamètre sacro-pubien ou autéro- postérieur ; il a tout au plus dix centimètres et rend dans les circonstances l'accouchement naturel très dificile, sinon impos- sible.—J'applique immédiatement le forceps et je retire bientôt un enfant vivant. La couche était gémellaire ; le second enfant vint presque sans efforts.—Les crises éclamptiques s’éloignè- rent bientôt, quoique les facultés intellectuelles restassent tou- jours quelque peu troublées ; les lochies coulèrent assez abon- VINGT-TROISIÈME SESSION. 367 damment, mais l’ébranlement nerveux imprimé à l'organisme par la prolongation du travail et des dispositions idiosyncrasi- ques manifestes firent déclarer, quelques jours après, de l’hé- miplégie droite, de la phlegmatia alba dolens du membre in- férieur du même côté, de l’apoplexie cérébrale, et plus tard de nouvelles crises éclamptiques avec le caractère épileptique. Au jour du paroxisme, les ressources humaines semblaient nulles devant une puissance supérieure, à ce moment suprême où la vie paraissait rendue à son dernier terme; j'arrivai non plus comme médecin, je croyais mon rôle fini, mais plutôt à titre d'ami el de consolateur. Le mari me suppliait à mains jointes de ne pas abandonner sa femme, et je me résignai à demeurer près de ce lit funèbre !—Que faire? Je pris instantanément une ré- solution. je voulus lutter... Pendant six heures consécutives et sans désemparer, un rasoir à la main, je scarifiai alternativement quatre ventouses dont j’avais placé deux aux tempes et deux sur la poitrine.—Téméraire, je tentai de conjurer l’agonie et de ré- soudre, par une évacuation sanguine à outrauce, les congestions cérébrale et pulmonaire.—La crise cessa, la convalescence fut longue, la malade sauvée, mais à quel prix ?.. elle est épilep- tique ! Depuis ce jour, j'ai accouché trois fois Mme F... et comme les phénomènes se sont représentés toujours à peu près les mêmes, permettez-moi de vous raconter brièvement la dernière parturi- tion. C'était le 17 mars 1854. Présentation de la face en deuxième position ; quelques tenta- tives de ramener en position du sommet échouent, vu l’étroi- tesse du bassin. Les accidents antérieurs dont je vous ai entrete- nus me font une obligation d'agir promptement, dans la crainte de les voir se renouveler ; je ne persiste pas et je renonce à faire la version pelvienne, j'applique le forceps et je termine l’accou- chement.—L’enfant arrive dans un état avancé d’asphyxie, la lèvre supérieure tuméfiée, mais cependant il a vécu. OBSERVATION N° 2. M®G...—Primipare.—Grossesse à terme.—Chloro-anémie. —Anasarque.—Eclampsie.—Acouchement par le forceps. —Enfant mort depuis deux jours à peu près.—Gutrison de la malade. Dans iles premiers jours de janvier 4854, je fus invité à donner mes soins à Me G..., âgée de vingt ans, rendue au dernier terme de la grossesse et atteinte d’anasarque. Le 15 du même mois on me mande; la malade est inquiète, elle n’a pas senti depuis la veille les tressaillements de son en- 368 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. fant; le soir on vient me chercher en toute hâte; j'accours et je trouve Me G... en proie à d’affreuses crises d’éclampsie. Je touche; le col a de la rigidité; après une dilatation pénible, je romps les membranes et j'applique le forceps sur la tête de l'enfant, au détroit supérieur; l'accouchement se termine, mais très difficilement.—Les crises diminuerent d'intensité sans dis- paraître complètement, la syncope se prolongea et pendant cinq jours Me G... ignora ce qui s’élait passé. Voici le traitement que je suivis dans cette circonstance : Le lendemain, trois cuillerées de l'élixir de Guillié. Pendant ce temps, je combattais les symptômes cérébraux par des sang- sues en permanènce vingt-quatre heures durant aux régions cer- vicales sous-mastoïdiennes, et plus tard par des cautères derrière les oreilles et des vésicatoires aux membres pelviens.—Frictions chaque jour sur la région abdominale avec l’onguent mercuriel double ; fomentations émollientes continues. Tisanes diurétiques, —sirop de Labelone, —ensuite pilules de Blancard. Je ne pratiquai pas de saignée générale, à cause de la débilité de la malade ; l’éclampsie fut chez elle plutôt passive qu'’active. Le 18 février de la même année, Mme G... était parfaitement guérie ; je suspendis mes visites en lui prescrivant pour quelque temps encore les analeptiques et les toniques.—La constitution de Mme G... se modifia très avantageusement ; elle devint grosse pour la seconde fois, et pendant ce temps sa santé fut parfaite. Voici quelques détails intéressants sur son deuxième accou- chement. Dans la nuit du 24 mars 1855, vers 2 heures, je suis appelé auprès de M" G... ; une heure suffit; la parturition s’accomplit rapide et dans lies meilleures conditions. — La délivrance est retardée ; je pénètre dans l'utérus et détruis quelques adhé- rences ; les tractions opérées sur le cordon demeurent sans ré- sultat; les douleurs sont nulles; bientôt une faible partie du placenta se détache de la masse et je l’extrais : la malade paraît épuisée, j’ajourne toute manœuvre; je lui donne quelques cuille- rées de vin vieux sucré; et je prescris un gramme de poudre d'ergot de seigle en trois doses afin de solliciter des contractions. Une hémorrhagie assez considérable sans devenir inquiétante, continue quelques heures, puis disparait. Injections utérines répétées. Avec une décoction tiède de graines de lin additionnée de chlorure de chaux. _Le 26 seulement, vers midi, l’hémorrhagie ayant reparu, je me décide résolument à faire de nouvelles tentatives, et à 3 heures de l'après-midi j'introduis facilement, vu la dilatation, deux doigts VINGT-TROISIEME SESSION. 369 dans l'utérus, et détruis de nouvelles adhérences vers le sommet de l'organe, la cause du retard d'expulsion, ainsi que l'inertie de la matrice; mes manœuvres aboutissent ce jour-là à l'extraction de quelques débris placentaires; je m'arrête encore dans la crainte de provoquer des accidents fâcheux. En évaluant approxi- mativement les fragments sortis, j'estime qu'il en reste très peu. J'administre une potion avec une forte décoction de seigle er- soté, et le lendemain 27, à midi, une masse dont l'odeur est fé- tide se présentant, la famille alarmée m'envoie chercher et je re- cueille le reste de l’arrière-faix. La malade n’a présenté ni avant, ni pendant, ni après l'accou- chement nul signe d’éclampsie, de métrite ou de péritonite. La secrétion du lait devient de jour en jour plus abondante, quelques phénomènes pyrétiques de peu de valeur surviennent, il est vrai, mais pour cesser aussitôt. M G... a nourri 43 mois son enfant, ét elle dit aujourd’hui qu'elle ne s’est jamais mieux portée. OBSERVATION N° 3. Mme G.., 20 ans.— Primipare. —Obliquité de l'utérus. — Tempérament nerveux sanguin.—Blessure à 7 mois. — Eclampsie.—Extraction par le forceps d'un enfant mort. Mme G..., âgée de 20 ans, a eu à 7 ans, une fièvre cérébrale accompagnée de convulsions. Depuis ce temps sa santé a élé bonne. Elle se marie à 17 ans ; trois mois après elle éprouve, pour la première fois, de vives douleurs à l'époque de ses mens- trues. Appelé, je reconnais une obliquité droite de l'utérus et je la détermine à porter un pessaire insufflé d’air (pessaire Gariel.) Elle éprouve bientôt du soulagement et dix mois plus tard elle devient grosse, c’est-à-dire près de deux ans après son mariage. Elle se blesse à 7 mois de gestation, le 49 octobre 1854. De terribles crises d’éclampsie se manifestent au commencement du travail, je lui pratique plusieurs saignées, aidé d’un honorable et savant confrère, j’extrais avec le forceps un enfant mort. Les crises diminuèrent peu à peu ; mais à chaque époque men- suelle, des douleurs nerveuses se manifesièrent, je recourus assez souvent à la saignée, surtout pendant une deuxième gros- sesse. Malgré mes exhortations de tous les jours, Me G... fit un voyage à Fouras dans les premiers jours d'août 1856 et se blessa le 12, à 5 mois 4/2 de gestation. Quand je touchai, le col était rendu dans la fosse iliaque gauche, l'utérus avait repris son an- cienne position pathologique. x Me G.., sujette à des accès nerveux, suite des premieres at- teintes d'éclampsie, est en traitement, et au premier jour je vais lui réappliquer l'excellent pessaire à réservoir d’air de notre ho- norable confrère Gariel. 370 CONGR ES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. OBSERVATION N° 4. MER... , 22 ans.—Primipare.—Tempérament sanguin.— Éclampsie pendant le travail.—Accouchement par le for- ceps.—Saignée générale.—Cessation des crises.—L'en- fant vit; la mère se rétablit parfaitement. Me R... est bien constituée, d'un tempérament sanguin ; sa grossesse est à terme; la lenteur du travail détermine de l’éclamp- sie. La sage-femme qui l’assiste me fait appeler. Le volume con- sidérable de la tête de l'enfant me paraît être le seul obstacle; j'applique le forceps et je termine l'accouchement, une saignée avant l'opération avait produit une détente générale qui abrégea les difficultés. Il s'en suivit une déchirure du périnée à laquelle je remédiai plus tard par les cautérisations. L'enfant qui existe présenta une encephalocèle qui m'’effraya, mais disparut bientôt par l'usage des réfrigérants, et qui sans doute aurait disparu de lui-même et sans traitement, ainsi que je l'ai observé plusieurs fois avant et depuis. é Telles sont, Messieurs, les observations que je désirais vous soumettre ; le temps ne m'a pas permis de les rédiger plus con- venablement et de les rendre dignes de vous, mais elles seront encore, quoique informes, suflisantes pour vous donner la raison de mon opinion concernant l’éclampsie puerpérale. —— 2? 8 820 fe MÉMOIRES de la 4° Section. Quelle a été la part des ordres monastiques dans le dé- veloppement de la civilisation en Saintonge, par M. BRILLOUIN. Aujourd’hui surtout que les esprits éclairés et impartiaux du protestantisme lui-même, cet ennemi le plus acharné de l'Église romaine, aiment à rendre justice aux grandes institutions qu'elle a fondées, il n’est plus permis d'ignorer, encore moins de nier le rôle important que les monastères ont joué dans la civilisation européenne ; ef tous doivent dire avec le luthérien Hurter, que les sociétés du moyen-âge, surtout, n'ont été sauvées de la bar- barie que par les papes, les prêtres et surtout les moines qui seuls conservèrent le dépôt de la civilisation chrétienne au milieu des états en dissolution. Notre intention n’est pas de nous étendre sur la part que chacun des ordres religièux à pu prendre dans le développement de cette civilisation dans les provinces qui formaient jadis l'évêché de VINGT-TROISIÈME SESSION. 371 Saintes, part immense, réelle et peu connue, qu'il nous est im- possible de bien connaître, parce que nous n'avons pas tous les documents locaux nécessaires. Aussi nous nous bornerons à jeter un coup-d'œil rapide sur £e qu'a fait dans notre pays, surtout l'ordre de Saint-Benoïit. Cet ordre, puissant et célèbre qui, * comme un arbre fécond, avait poussé tant et de si prodigieux rameaux dans la Saintonge, l’Aunis, l’Angoumois et le Poitou, où il avait formé les établissements les plus anciens et les plus considérables. On sait que les anciens Bénédictins recherchaient les lieux d'horreur et les vastes solitudes pour s’y fixer, pourvu qu'il y eût du bois et de l’eau. Ce que les autres hommes dédaignaient ou désespéraient de mettre en rapport, ils l’acceptaient avec con- fiance et bientôt ils faisaient mentir les prévisions les mieux fon- dées en apparence et les plus sinistres. Les terres les plus ingrates devenaient fertiles par leur travail; car huit heures par jour étaient employées à labourer, à défricher le sol, manipuler les récoltes, les utiliser, les transporter au loin. C'est à cet article de la règle que nous devons le défrichement de nos plus belles vallées, nos plus riches fermes, et que la France, l'Allemagne et l'Angleterre doivent la fondation de villes entières qu’ils créèrent par leur travail. On est généralement d'accord, dirons-nous en- core, que les communes, villages, etc., qui portent le nom d’un saint ont été formés par une église ou un monastère : et combien nos provinces n’en comptent-elles pas? On parle aujourd’hui d'associations ; le mot de société philanthropique est dans toutes les bouches, magnifique dérision ! Comme nos associations, comme nos sociétés sont pales à côté des grands ordres religieux des siècles de foi. Les moines ont donné plus de terres, plus de villes à l’Europe que l'industrialisme moderne ne saurait en créer. C’est aussi aux moines de Saint-Benoît que la ville de Saint- Jean-d'Angély doit son existence et les départements des Deux- Charentes la culture qu’on y admire aujourd'hui. À la place de ces immenses forêts qui s’étendaient à huit lieues au moins à la ronde du monastère d’Angéry et qui n’ont plus qu’un quart de leur ancienne étendue, se voient des champs fertiles qui, sans les moines, auraient probablement toujours été le repaire des loups et des brigands. Les enfants de Saint-Benoît ont eu des terres dans toutes les parties de l’arrondissement de Saint-Jean-d’An- gély et dans la plus grande partie du diocèse, terres qui étaient pour la plupart d’un faible revenu, ils les ont fertilisées, en- graissées de leurs sueurs, et y ont planté des vignes qui étaient si rares au XIT° siècle, qu'elles ne prospéraient qu’autour des couvents. C'était là que les rois prenaient leur vin, et en 1349, le tonnel de vin de Saint-Jean-d’Angély est taxé à Paris autant (que celui de Beaune et de Givri. Il est de fait que toute la banlieue 372 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. des monastères a été de tout temps la partie la mieux cultivée sur tout le sol de la France, tandis que les environs des forts et des châteaux n'offraient souvent que des friches, des marches et des déserts. h. Ce que les moines ont fait à Angeri, ils l'ont fait dans toute la Saintonge et l’Aunis, dans le Poitou et lAngoumois, où ils ont eu d'immenses propriétés et de nombreux prieurés; et l’on peut dire avec vérité que c’est en grande partie à eux qu’on doit l’état prospère de ces contrées, qui étaient dans le principe couvertes de vastes forêts, de stériles bruyères ou inondées par les eaux de la mer ou des rivières qui formaient des marais plus ou moins considérables, selon que les eaux se retiraient ou non des terres qu'elles avaient envahies. En effet, ne sont-ce pas les moines qui ont commencé, comme les chartes l’attestent, les premiers tra- vaux pour rendre fertiles les immenses marais de la Boutonne, de la Charente, de la Sèvre, de l’Autise et de la côte d’Aunis, dont ils ont essayé les premiers dessèchements, en creusant ces innombrables canaux dont quelques-uns portent encore leur nom ? Ne sont-ce pas eux qui ont changé en terres labourables les marais desséchés de la côte, depuis les Sables-d'Olonne à Roche- fort, et en prairies où paissent d'innombrables troupeaux, ceux de fontis ruptæ, de Rochefort, de Vouhé, de Roncay, de Maille- sais, de-Langon, de Marans, de Tallemont, et en pelouses maré- cageuses, en prairies et en terres labourables, les îles jadis pres- qu'inaccessibles de Voutron, Agère, Fleix, Châtelallion, Ives, Fouras, Aytré, Lalance, Liron et Sommeran, ainsi que tout le terrain qui se trouve entre la Charente et la Sèvre ? A mesure que l'océan abandonnait ses anciens bords, ne sont- ce pas eux qui, les premiers, ont essayé de tirer parti de cette ré- volution et qui ont établi sur les terres qu’on leur abandonnait à cet effet des digues et des remparts de gazon, fait des coupures, des tranchées, des réservoirs, des canaux et qui ont tout essayé pour l'écoulement des eaux stagnantes et pour donner un frein aux inondations, surtout à l'ile d'Aix dont ils ont été longtemps les seuls habitants ? Ne sont-ce pas eux qui ont défriché avec beaucoup de peine la plus grande partie de la forêt de Benon, celle de Boisfleuri, près de La Rochelle, ainsi que celles que les chartes qui consta- tent ces travaux, appellent ardena, corneto, bossia, arin- cionis, de la Fléchat, dont on ne sait guère l'existence que par ces Litres ; enfin celles de Beurlai et d’Oleron, si peuplées de la- pins, ainsi que bon nombre d’autres encore, pour les remplacer par des plaines fertiles en blé et en vin? D’après ces mêmes chartes tirées des cartulaires de Saint-Jean-d’Angély, de Maille- sais, de Charroux, de Saint-Michel-en-l'Herm, la Saintonge, l'Aunis, le Poitou et l'Angoumois étaient entièrement hoisés et VINGT-TROISIÈEME SESSION. 373 les arbres y étaient bienvenant dans des lieux, où, depuis on n'a pas pu'en faire venir. On peut dire queles moines ont créé l’agri- culture dans ces immenses déserts où il n’y avait que des ronces, des bruyères, des arbres séculaires ou des eaux croupissantes. Quelle reconnaissance le pays doit avoir aux abbés d’Angéli, de Maillesais, de Saint-Michel, de Saint-Léonard !!! Avec un admirable discernement ils appropriaient leurs tra- vaux au climat, à la nature du sol et aux circonstances locales. Ici, ils se livraient d’une manière spéciale à élever les bestiaux : là, ils plantaient la vigne, semaient le froment, formaient des vergers et des jardins potagers ; ailleurs le perfectionnement des arbres fruitiers était le principal objet de leurs soins; et c'était généralement eux qui fournissaient les arbres fruitiers de pres- que toutes les provinces. Au moyen des correspondances et des relations suivies qui existaient entre les différentes maisons reli- gieuses, même dans les temps malheureux de divisions, de dis- cordes, de guerres civiles, de bonnes méthodes agricoles se pro- pagérent, des plantes et des fruits étrangers se répandirent. Les moines furent les premiers qui eurent l’idée d'inventer des outils particuliers pour le jardinage. Ils avaient même des calendriers économiques sur lesquels ils consignaient ce que leur apprenait l'expérience, quant à la moisson, à l’ensemencement des terres, à la taille des arbres. Les chartes des 1,800 maisons religieuses qui ont été détruites en 1790, attestent des défrichements les plus considérables dans les lieux où s’élevaient leurs moutiers. Les ordres religieux qui s’abstenaient, comme les Bénédictins, de la viande, furent dans lé principe les plus favorables à l’économie rurale, et cette absti- nence contribua beaucoup à la propagation des races. « De plus, l'exemple qui est peu de chose en morale, parce que les passions en détruisent les bons effets, exerce, dit M. de Châteaubriand, une grande puissance sur le côté matériel de la vie. Le spectacle de tant de religieux cultivant la terre mina peu à peu les préjugés barbares qui attachaient le mépris à l’art quinourrit les hommes.* Le paysan apprit dans les monastères à retourner la glèbe et à fertiliser le sillon ; le baron commenca à chercher dans son champ des trésors plus certains que ceux qu’il se procurait par les armes. Les moines furent réellement les pères de l'agriculture et comme laboureurs eux-mêmes et comme les premiers maîtres de nos la- boureurs ; et même lorsqu'on les supprima impitoyablement, ils n'avaient pas perdu ce génie utile. Les plus belles cultures, les paysans les plus riches, les mieux nourris et les moins vexés, les équipages champêtres les plus parfaits, les troupeaux les plus gras, les fermes les mieux entretenues se trouvaient dans les ab- bayes ; ce n’était pas, ce me semble, ajoute ce célèbre écrivain, un sujet de reproche à faire au clergé. » La préparation de la bière avec le houblon parait avoir com- 374 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. mencé en Occident avec des établissements monastiques. On as- sure qu’on leur doit aussi.la première fabrication de ces fromages si recherchés de Poitou, de Brie et de Neufchâtel. Les religieux possédaient encore, surtout à Angéli, à Maillesais, à Pons et à Aulnay, des tanneries, des ateliers pour la fabrication des tein- tures. Le tissage du lin y élait en honneur, ainsi que dans pres- que tous les couvents qui, chaque année, envoyaient à Rome des aubes en guise de tribut. Ils donnèrent partout l'exemple de tra- vailler la laine de leurs propres troupeaux, et peu à peu et par la force des choses, ces diverses branches d'industrie passèrent aux populations laïques, initiées de la sorte à des professions utiles. Dans plusieurs chartes du XI° siècle, les religieux d’Angéli, de Maillesais, paient souvent des terres qu'ils achètent de gens qui se préparaient à partir pour la Terre-Sainte, avec des peaux de renards et de moutons apprètées par eux, ou avec des mules et des chevaux choisis dans leurs troupeaux. Ce sont eux qui ont établi des moulins sur les rivières ; et dès avant 1080, ils divisérent la Boutonne à 6 kilomètres de leur moutier, et amenèrent entre le bourg et le faubourg le bras qui y coule encore aujourd’hui et dont le lit généralement à un mètre au-dessus des terres est fixé par de fortes chaussées exécutées à grands frais pendant un cours de douze kilomètres; et sur ce bras ils établirent la plupart des moulins que nous voyons en- core et qui furent destinés à moudre leurs grains et fouler leurs étoffes. Lorsque ces usines ne trouvaient pas une occupation suf- fisante à moudre et à fouler pour l'usage de la communauté, de ceux qui en dépendaient, des pauvres qui passaient et qu’on hé- bergeait, et de ceux qu'on soignait temporairement ou à vie dans les aumôneries, ils expor Laient la farine et les étoffes, et par suite les autres produits j jusqu’ à de longues distances, surtout par la rivière qu'ils eurent soin de rendre navigable par des terrasse- ments et empellements faits à leurs frais ni abord, et ensuite de concert avec la commune de Saint-Jean-d’Angély. Ce qu'il y a de remarquable dans l’organisation des couvents, dit Lefranc, c’est qu’une communauté religieuse représente une famille artificielle toujours dans sa virilité, et qui n'avait pas, ainsi que la famille naturelle, à traverser l’imbécillité de l’en- fance et de la vieillesse; elle ignorait les temps de tutelle et de minorité et tous les inconvénients attachés à l'infirmité de la femme. Cette famille qui ne mourait point, accroissait ses biens sans les pouvoir perdre, et, dégagée des soins du monde, exer- ait sur lui un prodigieux empire. Aussi les défrichements, les desséchements et tous les grands travaux d'utilité publique, en- trepris par un abbé, étaient ordinairement continués par un autre, et ce qui avait été commencé par l’un était suivi et terminé par son successeur, à moins que les malheurs du temps et les événe- ments imprévus ne vinssent y mettre obstacle. Qu'on se repré- Pe.cg VINGT-TROISIEME SESSION. 379 sente l’action de cent moines travaillant pendant toute la lon- gueur &u jour, sauf les instants pris pour des repas sans apprêts et pour quelques prières, et sans aucun embarras du soin de mé- nage, la subsistance, le repos et toutes les nécessités de la vie étant assurés ; qu'on mette en comparaison cent cultivateurs iso- lés, occupés de tous les soins généraux qui nécessitent autant de feux que d'individus, et alors on verra, dit M. de Lafontenelle de Vaudoré, la force de l’agglomération du travail et de la réu- nion des intérêts comparativement à l'isolement de l’action. Cela a été si bien senti, même de nos jours, que les St-Simoniens et plus tard les Fouriéristes ont voulu réunir une masse de tra- vailleurs ensemble pour leur faire produire un effet plus grand et économiser les frais d'autant de ménages que de familles. Mais toutes ces utopies sont demeurées sans réalité ; car le lien religieux seul peut faire obtenir le résultat que, sans lui, on ten- tera vainement d'atteindre. Le Gouvernement l’a si bien compris, qu’il a appelé, après plusieurs essais sans succès, les enfants de Saint-Benoit pour cultiver la plaine d'Alger. Comme les monastères furent en tout temps, surtout jusqu'au XVesiècle, presque les seules auberges où s’arrêtaient rois, sujets, riches et pauvres, les moines durent faciliter les moyens de pé- nétrer dans leurs murs, ordinairement placés dans des lieux s0- litaires, au milieu des forêts ; aussi ont-ils établi des routes qu’ils ont tracées de leurs mains. N'est-ce pas ce qu'ils ont fait chez nous, autour de la ville de Saint-Jean-d'Angély? N’ont-ils pas multiplié les chemins qui ont réuni leur moutier à la voie ro- maine de Saintes à Poitiers et qui passait à huit kilomètres du palais d’Angéri, au-delà de la rivière à Varaise, seule route dont il soit fait mention dans le moyen-âge, avec celle par Taillebourg, autre voie romaine de Saintes à Nantes? N'’ont-ils pas encore établi ou rendu plus faciles les chemins pour aller dans la partie marécageuse de la Saintonge, sur les bords de la mer, où ils avaient créé des marais salants et où s'élevèrent successivement des villes, des bourgs, des villages qui n’existaient probablement pas avant le X° siècle, puisque les chartes qui donnentles terres de ces localités, ne disent rien sur leurs habitants qu'elles ne lais-- sent même pas soupconner. Ces routes qui furent pendant long- temps entrelenues aux frais des maisons religieuses devinrent plus tard des lignes naturelles de nos communications moder- nes. En élargissant les chemins, en traçant ou déblayant les routes, en éclaircissant les forêts, les moines rendirent le crime plus rare, la fuite des voleurs plus diflicile, et par conséquent les voyages moins périlleux. Mais tout n’était pas fait par l’établis- sement des routes. Il fallait construire des ponts pour la commo- dité des voyageurs. C’est encore les moines qui entreprirent cette belle œuvre. Qui ne connaît pas cette société de gens pieux et instruits, qui, sous le nom d’hospitaliers constructeurs de ponts, 376 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. rendirent les services les plus signalés dans des siècles qu'on nomme barbares eLignorants. Ces bons pères s’obligeaient parles constitutions de leur institut à prêter main-forte aux voyageurs et aux pélerins, en cas d'attaque par les brigands de tout genre, qui dévastèrent la France pendant près six siècles, siècles de confusion, d’anarchie, de désordres de toute espèce; ils faisaient des ponts sur les rivières et entretenaient les routes. C’est à eux surtout qu'Angéli doit le premier pont en bois qui ait été cons- truit sur la Boutonne, à l’extrémité du faubourg. C'est aussi les moines qui, à la fin du XI siècle, entourèrent le bourg d’Angéli d’un fossé et de palissades en bois, qu’ils remplacèrent plus tard par un mur en pierres plus régulièrement fait, afin de défendre ceux qui s'étaient groupés autour de leur monastère des attaques violentes qu’ils avaient déjà éprouvées. Auprès du couvent Bénédictin et ne faisant qu’un avec lui, était établie une aumônerie, où l’on recevait les pélerins qui passaient et où on admettait gratuitement les personnes de toutes les classes : qui s’y faisaient porter pour y trouver en plus grande abondance les secours spirituels et corporels nécessaires à leurs infirmités. On y élevait aussi les enfants abandonnés, mis au rang des pau- vres et à certains jours, l’'aumônier allait porter des secours de tout genre aux pauvres des environs. On admettait encore, dans les monastères comme dans des auberges, mais dans des en- droits séparés, dits hôtelleries, les voyageurs de quelque classe qu'ils fussent, et quoique les bons moines vécussent dans la re- traite, il n’y avait chez eux ni haine, ni éloignement des person- nes du monde. Au contraire rien n'était comparable à la charité et aux formes aimables avec lesquelles ils recevaient les hôtes et les étrangers. Pendant trois jours, on leur donnait tous les soins corporels que la position de chacun exigeait et cela gratuitement et sans distinction, ce qui à encore lieu chez les Trapistes, en- fants de Saint-Benoît. Si le voyageur était pauvre, on lui four- nissait des habits, de l'argent meme pour se rendre à un autre monastère, où il recevait le même secours. N'est-ce pas là l'ori- gine des quinze centimes par lieue, accordés par les communes à quelques malheureux, sinon à tous. Cette charité des moines s’étendait non-seulement aux péle- rins et aux voyageurs, mais encore aux opprimés qui fuyaient le joug sarrazin, normand ou tout autre, comme au Sarrazin et au Normand lui-même, fort étonné peut-être de se trouver face à face dans cet asile inviolable avec celui qu’il avait dépouillé la veille. C’est surtout pendant les invasions de tous les barbares qui se succédèrent pendant cinq siècles, et qui ne surent que ra- vager et détruire, les guerres qu’elles occasionnèrent, les fléaux qui précédèrent, accompagnèrent ou suivirent leur arrivée, inon- dations, tempêtes, tremblements de terre, grandes sécheresses, pluies continuelles, pestes, famines, maladies terribles et jus- LT > VINGT-TROISIEME SESSION. 371 qu’alors inconnues qui, aux X° et XI° siècles affligèrent si hor- riblement l’Aquitaine, c’est pendant ces temps de désordres en tout genre que la charité des moines se fait le plus sentir. Ils ren- dent alors aux pauvres ce qu’ils avaient recu des riches et dépouil- lent les autels de leurs ornements et de leurs vases sacrés. Ils sont dans tous les lieux où il y a des malheureux souffrants, des pauvres à nourrir, des plaies à panser, des âmes à sauver. C'est alors que Odon, abbé de Saint-Jean-d’Angély, assigne par son testament des revenus fixes à l’aumônerie, afin que les pauvres ne vinssent pas à manquer, si les maux qui avaient désolé l’Aqui- taine venaient à reparaitre. D’après un jugement de Geoffroi, abbé en 1385, il était donné, sans compter les autres redevances, 824 boisseaux de froment et 400 de fèves. Lorsque les Francs entrèrent dans les Gaules, les lettres y étaient en honneur ; on comptait plusieurs écoles florissantes ; mais le goût des armes, passion dominante des conquérants leur fit dédaigner tout ce qui tenait aux arts et aux sciences. L'habi- tude de se battre et la nécessité de se défendre furent Ja seule éducation en usage ; les études à leurs yeux étaient l’apanage des . cœurs esclaves. Privées de protecteurs et d'encouragement, elles déclinérent rapidement. La France d’ailleurs déchirée par des dissentions intestines, marchait à la barbarie la plus complète. L'enfance et l'incapacité des rois qui ne faisaient que passer sur le trône, les guerres si injustes et si cruelles d'Aquitaine, les courses des divers barbares qui n'avaient su que ravager et dé- truire, tout annonçait un lugubre avenir. Charles-Martel et son fils, après avoir sauvé la civilisation, tinrent la conduite de bar- bares et renouvelèrent leurs horreurs. L'avènement des Carlo- vingiens ne fit que retarder un instant l’extinction générale des lumières, mais cent ans après Charlemagne, le système féodal ayant définitivement prévalu, et ayant été établi sur des bases plus régulières, tout s’isola encore dans la société. Chaque fa- mille devint un monde à part; la guerre fut à toutes les portes : de là surgit un ordre de choses inconnu jusqu'alors dans l’his- toire des peuples. On déserta les écoles établies par Charlemagne ; la France retomba dans la barbarie, et ignorance devint telle, qu’au X° siècle, les personnes les plus distinguées par leur nais- sance, leurs emplois ou leurs richesses, ne savaient plus ni lire ni écrire. Le clergé seul garda quelques teintures des lettres. Alors les couvents devinrent des espèces de forteresse où la civi- lisation se mit à l'abri, sous la bannière de quelque saint: la cul- ture de la haute intelligence s'y conserva avec la vérité philoso- phique qui renaquit de la vérité religieuse. La vérité politique ou la liberté trouva un interprète et un complice dans l’indépen- dance du moine, qui recherchait tout, disait tout et ne craignait rien. Ces grandes découvertes dont l'Europe se vante, dit Lefranc, n'auraient pu avoir lieu dans la société barbare; sans l’inviolabi- 25 378 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. lité et le loisir du cloître, les langues et les livres de l'antiquité ne nous auraient point été transmis, et la chaîne qui lie le pré- sent au passé eût été brisée. L'astronomie, l'arithmétique, la géométrie, le droit public, la physique et la médecine, l'étude des auteurs profanes, la grammaire et les humanités, tous les arts eurent une suite de maitres non interrompue depuis les pre- miers temps de Clovis jusqu’au siècle où les Universités, elles- mêmes religieuses, firent sortir les sciences des monastères. En effet, les moines furent les seuls qui, dans ces temps de confusion, avaient des écoles, où les enfants, de quelque condi- tion qu'ils fussent, étaient admis et recevaient gratuitement des lecons qui les instruisaient de leurs devoirs et les préparaient à lutter courageusement contre les dangérs de la vie; et ils leur en- seignaient cette fraternité que le catholicisme a établi entre tous les hommes et qui est devenue le fondement de l'égalité civile. En faisant participer les enfants du peuple vainqueur ou vaincu à la même instruction, ils opéraient les rapprochéments des deux races et préparaient l'émancipation des classes inférieures. Le nombre des écoles augmentait avec celui des monastères, dont la fondation était généralement regardée comme une des expiations de ces grands crimes qui étaient si fréquents ; et par là se multi- pliaient les moyens de propagation et de diffusion des enseigne- ments les plus essentiels de la religion, des sciences, des arts et métiers. Car alors le moine était, pour le bien de tous, agricul- teur, forgeron, macon, charpentier, architecte, peintre, sculpteur, ouvrier en cuivre, en laine, en soie et en métaux. Quelque impar- faites que fussent ces notions de nos ancètres dans les sciences, bien des lecteurs modernes seraient plus d’une fois étonnés de leurs progrès et de trouver chez eux beaucoup d'inventions bre- vetées modernes, décrites dans le series rerum perditarum du F. Kirker. On peut dire que leur activité, quelque direction qu’elle prit, se développait toujours dans un but éminemment so- cial. Rien ne rappelle en eux ces prêtres de l'Inde et de l'Égypte, chez lesquels on cherche tant de nos jours des lecons de morale qui, selon Saint-Augustin et M. de Lamennais, n’ont jamais été données par ces prêtres qui monopolisaient les lumières, qui avaient l’égoisme de la vérité et ne lui permettaient pas de fran- chir l'enceinte impénétrable et sacrée. Les religieux au contraire furent prodigues de ce qu’ils possédaient, ils pratiquaient en grand la charité. Elle grandissait en eux jusqu'à la civilisa- non elle-même, selon la belle expression de l'avocat Janvier, plaidant pour les Trapistes, persécutés, après 1830, par un gou- vernement usurpateur et tyranique. Les Bénédictins de Saint-Jean-d’Angély avaient continué l’en- seignement gratuit. En 1790 ils faisaient toujours des classes, où tous étaient admis sans rétribution aucune. Dans l'histoire littéraire de la congrégation de Saint-Maur, par D. Tassin, ce he VINGT-TROISIEME SESSION. 379 collége est dit avec celui de Pontlevoy les plus célèbres de la con- grégation. La paix du cloitre se prêtait merveilleusement aux longues et patientes études. «Les ecclésiastiques séculiers et réguliers étaient seuls, dit le protestant Roberston, accoutumés à lire, à raisonner, à faire des recherches. Ils possédaient seuls les restes de la ju- risprudence ancienne qui s'étaient conservés soit par la tradition, soit dans des livres échappés aux ravages des barbares. » Ils contribuèrent aussi beaucoup à l’abolition des pratiques supersti- tieuses des épreuves par lesquelles on faisait passer les prévenus de. quelques crimes et qui, malgré les anathemes de la religion, se perpétuèrent jusqu’au XI° siècle. Personne n’ignore les tra- vaux scientifiques et littéraires des moines ni l'influence que ces travaux ont exercé sur l'avenir intellectuel de la société. L'impar- tialité, dirons-nous avec M. Hurter, ne nous permet pas de mé- connaître que, sans les couvents, sans le clergé régulier, pres- que toutes les connaissances humaines se seraient perdues à certaines époques. [ls ne les conservèrent pas toujours comme un trésor inutile et seulement en transcrivant les ouvrages de l'antiquité païenne et chrétienne, les seules richesses que n’en- viait pas l’insatiable cupidité des vainqueurs, ouvrages dont ils multipliaient les exemplaires par zèle et par ordre, afin qu’ils fussent une digue puissante opposée au torrent qui inondait tout, une lumière qui brillait encore au sein du cahos. Il n’y a peut- êlre pas une seule branche de ces connaissances qui n’aient été cultivées sérieusement par le clergé régulier. La très grande ma- jorité des écrivains en tout genre du moyen-âge furent des moines. Non-seulement plusieurs abbés, parmi lesquels, Odon et Aus- tulfe de Saint-Jean-d’Angély, Pierre de Maillesais, donnèrent à leurs subordonnés l'exemple de l’érudition ou du moins de l'amour dela science, mais il yeut même des supérieures de cou- vents de femmes qui s’y distinguèrent, entre autres, Agnès, de Sainte-Marie de Saintes, ordre de Saint-Benoît. Le grand nombre de livres transcrits ou composés par les religieux prouvent qu'ils étaient convaincus que sans la science la vie d’un moine est nulle, et la maxime, devenue presque proverbiale, qu’un couvent sans bibliothèque était un chateau sans arsenal, fait comprendre ce qu'on attendait de ces pieux établissements où se formait encore le dépôt des actes publics, des ordonnances des rois, des décrets des parlements, des traités entre les princes, des chartes de fon- dation et de tous les monuments de l’histoire. s Tout ce que chaque individu avait découvert dans ses études, dans ses recherches, dans un cercle de connaissances plus ou moins étendu, se rassemblait ensuite avec zèle dans des espèces d’encyclopédies. La théologie, dans toutes ses branches, le droit- canon ét la liturgie, trouvèrent dans les couvents les écrivains les plus nombreux. Les annales des monastères, les événements 380 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE, contemporains, non seulement en ce qui les regardait person- nellement, mais encore tout ce qui se passait dans le monde, étaient consignés par écrit, à l'instigation des abbés et souvent par les supérieurs eux- mêmes. Enfin la plupart des chroniques furent composées dans les couvents, celles de Saint-Denis, de Maillesais, de Tours, de Limoges, de Saint- Berlin, de Moissac, celles d'Ademar Chabanais, moine de Saint-Cybar A, de Glaber, bénédictin de Cluni, de Sigebert de Gemblour, de Guibert de Nogent, et de tant d'autres, si précieuses, malgré leurs erreurs, pour l histoire d’ Aquitaine. Sans ces archives nous ne saurions presque rien de l’histoire du moyen-âge et nous ne posséderions que des renseignements les plus incomplets sur la situation du senre humain pendant un long espace de temps. Tous les monu- ments historiques de plus d’une province n'ont été conservés à la postérité que par les moines. N'est-ce pas ce qu'ont encore fait, au XVIIIe siècle, les Bénédictins de Saint-Jean-d’Angély et de Saint- Cyprien de Poitiers, qui recueillirent ces 90 volumes in- folio, de chartes et autres pièces manuscrites, pour servir à l’his- toire du comté de Poitou et que la bibliothèque de Poitiers pos- sède sous le nom de collection de D. Fonteneau, mort à Saint- Jean-d'Angély en 1780. Je nommerai encore D. Etiennot, bé- nédictin, dont la collection sous le titre fra gmenta Aquitaniæ, 16 vol. in-folio, renferme sur notre pays des documents curieux qu'on chercherait inutilement ailleurs. Ces manuscrits, peu con- sultés, parce qu'ils ne sont pas connus, sont à la bibliothèque impériale. . Ainsi que les sciences, les arts furent sauvés ou plutôt régéné- rés par le christianisme. Ils furent accueillis dans les couvents, et les couvents ne tardèrent pas à compter des architectes, des pein- tres, des sculpteurs habiles et des graveurs sur pierres précieu- ses. La musique fleurit aussi à l’ ombre du cloître, où Charlemagne venait prendre des lecons. Nous nous bornerons à dire avec M. Jubinal que les miniatures des Gall offrent de curieux ren- seignements pour l'histoire de la musique instrumentale du moyen-àge et prouvent que les moines connaissaient l'orgue et les instruments à cordes et à vent. N'est-ce pas en effet dans un monastère que fut inventé l'orgue; le père de la musique mo- derne et sur son clavier furent trouvés en tâtonnant les preiniers secrets de l'harmonie? Et le chroniqueur Guillaume de Malmes- bury ne dit-il pas qu'un moine aquitain, Gerbert, depuis pape sous le nom de Sylvestre IT, en 999, avait inventé un orgue qui jouait par la force de la vapeur, aquæ calefactæ violentid ? Ainsi dès le moyen-àge on connaissait la force de la vapeur, et il a fallu presque un millier d'années pour qu'un mécanicien prit l'idée d'en profiter. La plupart des découvertes ou inventions qui ont changé le système du monde civilisé, ajoute M. de Châteaubriand, ont été VINGT-TROISIEME SESSION. 381 faites par des membres de l'Eglise, entre autres la poudre à ca- non, le télescope, les bombes, la boussole, les lunettes, les hor- loges à roues, les ballons et plusieurs autres merveilles qu'il serait trop long de décrire, sans compter les services immenses que les moines ont rendus, lorsqu'ils étaient appelés au conseil des princes, lorsqu'ils le dirigeaient, ou étaient envoyés comme leurs représentants auprès des rois, comme négociateurs des traités de paix ou autres affaires importantes, ou encore lorsqu'ils étaient placés à la tête des universités qu’on créait. Nous ne nommerons que le moine Suger, gouverneur du royaume de France pendant l'absence de Saint-Louis, et Odon, abbé de Saint- Jean-d'Angély, qui fut l'ami, le conseil de Guillaume VIT, comte de Poitou, fondateur de Montierneuf, qui voulut expirer entre ses bras. Odon était l’un des moines les plus influents de son siècle, et il sut profiter de cette influence pour faire le bien partout où il était appelé, pour fonder et réformer des monastères, ou don- ner son avis sur des questions importantes concernant la foi, les mœurs et même la politique. Nous terminerons en disant avec M. de Chergé : «Aujourd'hui, “tous les hommes réellement sérieux, véritablement graves, tous ceux que les préjugés d’une mauvaise éducation n’aveuglent pas, tous ceux qui ne sont pas trop compromis par des antécédents fâcheux, tous ceux enfin que les liens du parti pris n’étreignent pas de leurs nœuds, reconnaissent que l'esprit de dévoüment, d'amour et de sacrifice peut seul sauver la société, sapée jusque dans ses fondements par l'esprit d'égoïsme et d’ambition, par l'esprit de haine et de révolte, ces barbares du XIX® siècle. Or, comme cet esprit de sacrifice, apporté sur la terre par le Sauveur du monde est le caractère propre et spécial des ordres religieux, comme ils ont été établis par l'Église catholique précisément afin de maintenir et de perpétuer parmi les hommes cet esprit de sa- crifice dont la plénitude est la perfection évangélique, afin de le propager par l'exemple du désintéressement le plus complet et de la plus ardente charité, on arrive à cette conclusion nécessaire que les ordres religieux répondent au besoin le plus impérieux de notre siècle, et que s'ils ont été grands et utiles dans le passé, ils sont encore appelés à rendre à la société actuelle des services éminents. Ù _ » Nous n’essaierons donc point de prendre la défense de l'es- prit et de l’état monastiques, des règles, des vœux d'obéissance, de pauvreté, de chasteté, qui faisaient autrefois le texte d’agréa- bles railleries, à défaut de bonnes raisons, pour en combattre la convenance et la nécessité: nous ne répéterons pas après lant d’autres, qui l'ont dit beaucoup mieux que nous ne. saurions le dire, de quelle utilité sont les observances régulières, la prière, l'abstinence, l'habit religieux. » Nous nous bornerons à dire : voyez les faits; ils brillent au 382 : CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE, grand jour de la lumière; ils sont aussi éclatants que la lumière elle-même; et comme si la Providence voulait faire plus sûre- ment triompher par eux sur la terre de France une vérité reli- gieuse autrefois contestée, elle rattache sa démonstration en quelque sorte matérielle à nos triomphes guerriers; de telle sorte qu’elle ne puisse plus jamais en être séparée. » Demandez plutôt à nos soldats de l'armée d'Orient? De- mandez-leur quelles mains charitables, bravant la contagion et la mort, ont pansé les plaies de leurs corps mutilés, quels amis dévoués ont soigné, sous le feu même de l'ennemi, les blessures non moins douloureuses quelquefois de leurs âmes meurtries ? Demandez aux habitants de nos villes et de nos campagnes sur- tout quels sont les maîtres qui leur donnent des enfants dociles et instruits, quelles sont les consolations les plus sûres qu'ils trouvent au chevet de leurs malades ? » Demandez-leur s'ils échangeraient toutes ces douces choses; et leur instinct droit et sûr sent parfaitement à quoi ils les doi- vent, contre la satisfaction philosophique de savoir que désor- mais ici-bas tous vivront de la vie ordinaire, tous porteront le même habit, tous éviteront de chercher par des pratiques parti- culières à se défendre contre les défaillances communes, ou bien à puiser aux sources extraordinaires de la vie religieuse les grâces qui seules peuvent produire les dévouments persévérants et par- faits ? » La réponse est connue d'avance, et nous sommes autorisé à conclure ceci, que les congrégations religieuses ne sont pas seu- lement une conséquence forcée des principes du catholicisme, mais qu'elles sont dans notre état social actuel une heureuse nécessité. Encourager leur développement, afin qu'un jour en France il n’y ait plus de paroisse privée des bienfaits qui décou- lent de ces institutions précieuses, c'est donc, à notre avis, faire une chose utile à la société civile, dont les intérêts sont plus que Jamais intimement liés à ceux de la société religieuse: » Date de l'introduction du Christianisme en Saintonge ; ses premiers Apôtres, par M. l’abbé LACURIE. MESSIEURS, Les agiographes varient sur l'époque de l'introduction du chris- tianisme dans nos contrées. St-Grégoire de Tours dit que de son temps on croyait que St-Eutrope avait été envoyé chez les Santones par St-Clément, à la fin du E* siècle, opinion confirmée par le martyrologe gal- lican et la tradition du pays. Les Bollandistes et autres reculent l’époque de la mission de St-Eutrope jusques vers le milieu du IF sièele. VINGT-TROISIÈME SESSION. 383 11 semble difficile d'admettre que la foi, connue et prèchée à Rome, n'ait pu pénétrer dans la Gaule que vers le LIE° siècle ; durant son séjour à Rome, St-Pierre n'aura pas négligé une na- tion si distinguée et si voisine de l'Italie. On ne s’expliquerait pas comment, dans un espace de deux ou trois cents ans qui, dans l'hypothèse, se seraient écoulés depuis l'apôtre de la Saintonge jusqu’à St-Pallais, on eût totalement perdu le souvenir non seulement des principaux actes de St-Eu- trope, mais encore de son martyre. Les traditions locales au VIe siècle se taisent complètement sur des faits qui devaient in- téresser souverainement les fidèles, et qu’un laps de temps si court n'aurait pas effacé de la mémoire des populations chré- tiennes d’une contrée nouvelle encore dans la foi. St-Pallais était évêque de Saintes entre 573 et 583; il était contemporain de St-Grégoire de Tours qui ne mourut qu’en 595. Supposons pour un instant que le christianisme n'a pénétré dans nos contrées que vers le LET° siècle, St-Eutrope ne sera pas plus éloigné du temps de St-Pallais et de St-Grégoire de Tours, que nous ne le sommes de l’époque à laquelle florissait St-Francois de Sales; or nous savons parfaitement aujourd’hui les princi- paux traits de la vie de l'évêque de Genève, et St-Grégoire de Tours n’ose rien affirmer sur le temps où vécut St-Eutrope, il ne savait rien de ses actions ; il faut que l'ouverture du sarcophage qui renferme les restes du saint personnage révèle le genre de mort du pontife que l'on avait depuis longtemps cessé d’honorer comme martyr. Le procès canonique pour la reconnaissance des reliques trou- vées dans la crypte de St-Eutrope, à Saintes, le 19 mai 1843, à r fait faire à cette question un pas immense. Il en résulte pour moi que nos contrées ont été éclairées des lumières de l'Évangile dès le premier siècle. Vous allez en juger, Messieurs. : Dans son livre de gloriä marlyrum, St-Grégoire de Tours rapporte que St-Eutrope n’avait pas recu une sépulture digne de lui, ayant été enseveli furtivement en sa propre maison, en sorte que les chrétiens n'ayant pu, en ce temps de persécution, lui ren- dre les honneurs qui lui étaient dus, le saint tomba dans l'oubli. Qu'après un grand intervalle de temps, post multa annorumn spatia, Palladius, évèque de Saintes, fit construire une magni- fique église en l'honneur du saint; qu'alors On ouvrit le sarco- phage, et chacun put voir, à la partie postérieure du crane, la . marque du coup de hache qui lui avait Ôté-la vie; il fut constant dès lors que le saint pontife devait être vénéré comme martyr. La crypte et l'église bâties par St-Pallais se trouvant par la suite trop étroites pour contenir l’affluence des populations qu'at- tirait le tombeau de St-Eutrope, il devint nécessaire de les re- construire sur un plan plus vaste. Nous avons la date précise de cette reconstruction due aux soins des religieux de Cluni, maîtres 384 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. au XIe siècle de l'église de St-Eutrope et du monastère qui en dépendait. En 1096, Urbain IT consacrait l'autel de l’église abba- tiale, et Ramnulfe, évêque de Saintes, consacrait l'autel de la crypte. Le tombeau de St-Eutrope, ouvert par St-Pallais, fut transporté dans cette crypte nouvelle. Nous avons l'histoire de cette translation dont les moindres circonstances ont été religieu- sement enregistrées par un témoin oculaire. Les Bollandistes, citant un manuscrit des Célestins, remar- quent, à dessein, que la capse en plomb qui contenait les restes de St-Eutrope fut honorablement renfermée par les Clunistes, dans un tombeau, de la même manière qu’il avait été inhumé dans les temps anciens : Cum cistella plumbea, velut anti- quitüsreconditumhabebatur, honorecondigno consignatum fuit in mausoleum. Ainsi au XII siècle, les saintes reliques furent placées préci- sément comme on les avait trouvées, et on les trouva telles que St-Pallais les y avait mises, velut antiquitùs reconditum ha- bebatur. Un manuscrit de St-Cybar porte que les religieux de Cluni faisant des fouilles dans la crypte bâtie par St-Pallais pour en re- tirer les restes de St-Eutrope et les placer dans un lieu plus con- venable, trouvèrent le tombeau sacré, déposé dans le roc creusé pour cela ; ce tombeau était fermé par une pierre posée dessus et scellée aux quatre angles par quatre branches de fer recouvertes de plomb coulé; que le tombeau ayant été forcé, car on ne put pas l'ouvrir autrement, on vit qu'il renfermait une capse de plomb que personne n'osa ouvrir. Veuillez bien remarquer, Messieurs, que le témoin oculaire dont le récit nous a élé conservé par le moine de St-Cybar décrit ici le sarcophage où St-Pallais avait déposé le corps un peu plus de.cinq siècles auparavant. Il était enfoncé dans une excavation creusée dans le roc vif : èn rupe incisa; il était en pierre, le cou- vercle tenait par quatre clous en fer placés aux quatre angles : positis quatuor clavis ferreis in quatuor anqulis ; ces clous avaient été scellés avec du plomb fondu : plumbo liquente OLIM cum lapide superposito sigillatus. Remarquez, en second lieu, que le sarcophage fut forcé, car on ne put pas l'ouvrir autrement : quo fracto, non enim alio mcGdo poterat reserari. Remarquez enfin que personne n'osa ouvrir la capse de plomb renfermée dans le tombeau de pierre: quam nullo audente aperire, epiSCOpus..… Ajoutons que le même manuscrit nous indique le lieu où les restes sacrés furent déposés dans la nouvelle crypte, derrière l'autel inférieur, dans le roc vif : gloriosam sepulturam post altare inferius, in saxo nativo excultam. Le 19 mai 1843, les travaux de restauratisn de la crypte de VINGT-TROISIEME SESSION. ° 385 St-Eutrope, à Saintes, révélèrent l'existence d'une excavation dans le roc vif, derrière les restes de l'autel détruit dans la tour- mente de 93 ; au fond de l’excavation se laisse voir un monolithe tumulaire, portant à l'une de ses extrémités ce seul mot gravé en lettres dites carlovingiennes : EVTROPIVS ; ce monolithe re- couvre une auge en pierre; des boulons en fer, recouverts de plomb coulé relient lauge à son couvercle dans leurs angles communs ; l'enlèvement du monolithe laisse voir…. une planche - de plomb qui n’est autre chose qu'un premier couvercle à bords rabattus, posé sur un second couvercle de même métal... Les deux couvercles ayant été levés on a reconnu qu'ils fermaient une capse, également en plomb, contenant des ossements desséchés. C’est ici, évidemment, Messieurs, le tombeau déposé dans cette crypte par les moines de Cluni au XII siècle; la descrip- tion que nous a laissé du sarcophage du XIT siècle, le témoin oculaire, convient en tous points à celui du XIX°. Le doute n’est pas possible. Mais la capse de plomb n’a pas la grandeur d'un corps ordi- naire ; le tombeau n’est donc pas celui où fut déposé, pour la pre- mière fois et au moment même de la mort, le corps de celui au- quel les ossements ont appartenu ; ces restes sont donc ceux d’un personnage à qui, d’abord, on avait donné une autre sépulture , et celte capse date du VI: siècle, ne l’oublions pas. Le couvercle surajouté, visiblement plus ancien que la capse du VE siècle, indique un dépôt antérieur dans une capse précé- dente qu'avait usé, malgré la solidité de sa matière, un temps antérieurement écoulé. Ce temps a été long. En effet ce couvercle est une pièce usée et percée en plusieurs endroits, rapiécée par du plomb coulé dans toutes ses fissures ; et pour que cette pièce ait eu besoin d'une restauration telle que celle dont elle porte aujourd’hui la trace si évidente, il a fallu assurément plusieurs siècles. Or, cette restauration à été faite avant l’épiscopat de Saint-Pallais. Il y a plus. La capse primitive dont St-Pallais n’a conservé que le couvercle percé et totalement détérioré, n’était pas le premier tombeau : un corps, cela est clair, ne peut pas être mis dans un tombeau hors de proportion avec sa grandeur naturelle, et ce couvercle n’a pas non plus la grandeur d’un corps ordinaire; ce n’était pas un corps que St-Pallais trouva dans cette capse au VIe siècle, mais des ossements dépouillés, et que déjà l’action du temps avait détachés et séparés les uns des autres. Or, Messieurs, il n’est pas possible qu'une boîte en plomb, substituée déjà à une première sépulture, et placée dans le roc vif à l’état d'objet neuf, se soit tellement détériorée, en moins de trois cents ans, qu'il ail été nécessaire de la remplacer au VIe siècle. Je me résume : 386. CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Le 19 mai 1843 on à trouvé à Saintes le sarcophage déposé dans la crypte de St-Eutrope par les moines de Cluni, au XIE siècle ; nous avons pour garant de cette identité le récit du Lémoin oculaire qui nous a laissé le procès-verbal de cette trans- lation. Le sarcophage déposé au XIT° siècle par les moines de Cluni est le même que celui queSt-Pallais avait déposé dans l’église bâtie par lui au VIe siècle ; St-Grégoire de Tours nous en fait foi. St-Pallais, au VIe siècle, remplaça par une capse neuve une capse usée; nous en avons pour preuve le couvercle entièrement détérioré, et conservé dans le sarcophage sans autre but d'utilité apparente que de servir de pièce probante d’un dépôt antérieur. Ce couvercle a été restauré à une époque antérieure à St-Pal- lais; nous en trouvons la preuve dans le soin même que prend St-Pallais pour conserver cette pièce de conviction. Elle eût perdu toute sa valeur historique s’il l’eût réparée. L'auge en pierre, el encore moins les capses en plomb qu’elle a successivement renfermées, n’a pas été le premier tombeau où fut mis le corps de St-Eutrope, la mort étant récente; nous en avons pour preuve les dimensions de ces objets nullement en 'ap- port avec la grandeur ordinaire d’un corps humain. IL y à donc eu une sépulture antérieure ; et de déduction en déduction nous arrivons aux premiers âges de l'ère chrétienne. Nous pouvons donc répondre à la question de votre pro- gramme : L'introduction du,christianisme dans la province remonte au berceau même de |’ Église. St-Eutrope envoyé par St-Clément, au premier siècle, en fut le premier apotre. Saintes en fut le premier établissement. ” Reste la quatrième partie de la question : « Dans quel lieu le paganisme y a-{-il trouvé son dernier refuge ? Ici, Messieurs, nous n'avons que des conjectures. Le vague en- veloppe d’un voile épais de mystère les diverses tribus qui for- maient l'antique cité ; à peine pouvons nous saisir quelques traits qui permettent de formuler une opinion. Toutefois on peut reconnaître les traces encore vivaces el per- sistantes du polithéisme dans eette foule de superstitions, dans ces vaines observances que l’on remarque dans les cantons les plus retirés du département. Nos populations rurales y sont en- core sous l'influence des sorciers, des ganipotes, des fées, des loups-garous, mythes qu’elles ont recus ‘de leurs pères. En colonisant la partie méridionale des Gaules, les Grecs y im- plantèrent la croyance des Lycantropes ; et les Romains qui co- lonisèrent nos campagnes y maintinrent les idées apportées par les commercants grecs, ou y greffèrent leurs propres croyances VINGT-TROISIEME SESSION. 381 qui s'y sont maintenues plus où moins défigurées. Il n’est pas rare de rencontrer des gens qui croient se préserver des malé- fices des sorciers ou de toutes chances mauvaises en clouant, les ailes étendues, sur la porte extérieure du logis un hibou, une chouette, une chauve-souris ou autres animaux nocturnes. Apulée et Columelle nous parlent de cet usage fort répandu de leur temps. Nos campagnards ont leurs jours néfastes; ils redoutent les lutins ou follets qui dansent le soir aux carrefours des chemins ; le guy, la verveine, la sauge, le millepertuis sont pour eux des plantes sacrées ; de grands “cercles d’un vert sombre, où l'herbe foisonne, épaisse et dure, encadrée d’une pelouse jaunâtre et plus languissante, $ sont pour eux les cercles de la fée, le siège où la bonne fée vient s'asseoir pour faire reverdir l’her be et convier le voyageur à y goûter un repos garanti de tout accident. Ce sont là des débris du polythéisme des anciens, débris que l'on retrouve plus persistants sur les marches de l'ancienne cité, contrées plus éloignées des centres de civilisation. IL serait donc vraisemblable que le polythéisme Yi eut son dernier refuge. Mais, je le répète, Messieurs, ce n’est ici qu’une conjecture que je ne saurais appuyer d’aucune preuve positive. Peut-on déterminer quelle était, dès le principe, la com- position du corps municipal, et la fonction de chacun de ses membres, par M. l'abbé LACURIE. MESSIEURS, Un célèbre jurisconsulte italien, Pancirole, dans son livre de magistratibus municipalibus, nous fait connaître la composi- tion du corps municipal et les attributions de ses membres, dans les deux empires d'Orient et d'Occident. Il entre à cet égard dans des détails pleins d'intérêt. Le corps municipal, curia, comptait plus ou moins de mem- bres, selon l’ importance de la cité; il constituait ce que l’on ap- pelait le conseil des Décurions. Ce que le Sénat était à Rome, les Décurions l’étaient pour les villes libres : mêmes prérogatives, mêmes attributions, même aulorité. Le titre de Décurion se transmettait aux enfants, dont les noms, ainsi que ceux de leur père, étaient inscrits sur un registre spé- cial. De même que les Sénateurs étaient appelés Pères de la Pa- trie, de même les Décurions portaient le nom de Pères de la Cité. J'ai dit que le titre de Décurion était héréditaire. Si un Décu- rion mourait sans laisser un fils qui püt lui succéder, on procé- dait à son remplacement par voie de suffrages. L’ élection se fai- sait aux calendes de mars; elle était annoncée par le crieur pu- blie. Les Decumvirs s proposaient les candidats, et le choix était 388 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. déterminé par les deux tiers des votants présents. Le nouvel élu payait à ses confrères, pour droit de bienvenue, une somme assez ronde. Aux Décurions incombait le soin des affaires publiques ; ils veillaient aux intérêts de la cité dont ils administraient les biens, meubles où immeubles sous leur responsabilité personnelle. [ls faisaient trois parts des revenus publics. Un tiers était employé à l'entretien des murailles et des thermes; les deux autres tiers étaient consacrés à couvrir les autres dépenses publiques au nom- bre desquelles figure, en première ligne, la dotation des profes- seurs et des médecins; car chaque cité devait avoir un certain nombre de professeurs pour l'instruction de la jeunesse, et de médecins pour le traitement des malades. Ce nombre variait de cinq à dix, pour les médecins, et de trois à cinq pour les profes- seurs des lettres grecques et latines, la rhétoriqne et la philoso- phie. Venaient ensuite l’approvisionnement des greniers publics, l'entretien des aqueducs et de la voirie, le chauffage des thermes. La répartition de l'impôt, l'ordonnance des jeux du cirque, les spectacles publics, en un mot, tout ce qui tendait au bien- être physique et moral de la cité était du ressort des Décurions. Siun Décurion mourait sans enfants, le quart de sa fortune était dévolu au trésor. Aussi en vit on plus d’un user largement de son héritage, ou vivre dans le célibat, pour éluder la règle. A Rome, le Consul ou le Préteur convoquait le Sénat; dans les provinces, le conseil des Décurions s’assemblait sur l’ordre des Decumvirs. On ne pouvait délibérer si les deux tiers des mem- bres n'étaient présents. Le Decumvir exposait l'affaire sur la- quelle il voulait appeler l'attention du conseil, puis il recueillait les avis en interpellant le plus digne de l'assemblée, et descen- dant successivement jusqu'au dernier degré de l'échelle honori- fique ; chacun faisait valoir ses raisons pour ou contre, et la dé- cision se prenait à la majorité des suffrages donnés de vive voix. Cette décision s'appelait décret des Décurions, comme les déci- sions du Sénat s'appelaient Sénatus consulte. En somme, le corps municipal, chez les Gallo-Romains assu- mait une responsabilité immense : disposant de tout, il répondait de tout. Mais, si les Décurions avaient une grande responsabilité, ils jouissaient de grands privilèges. Malades, ils étaient traités gra- tuitement, privilège qui s'étendait à toute leur maison. Si les lar- gesses obligées par l'étiquette absorbaient leur patrimoine, le trésor public les nourrissait. Personne n'entrait en charge, ne prenait la robe virile, ne se mariait sans inviter les Décurions, et sans donner à chacun un ou deux deniers. On ne leur adressait la parole qu'en les qualifiant d'honorable, d’honnête, d’illustre personne. Ils portaient la robe bordée de pourpre, se faisaient conduire dans un bige, et dans les fêtes publiques ils se couron- UT RTE Las. hi € VINGT-TROISIÈEME SESSION. 389 naient de lauriers. Se rendaient-ils coupables de malversations flagrantes, on ne les appliquait pas à la question, comme on le faisait des gens du peuple, mais ils étaient frappés de verges : plumbeis piles, in tergo, feriebantur. Hàtons-nous de dire, pour l'honneur du corps de ville, que nous n'avons rien trouvé, dans le commentaire même de Pancirole, qui fasse présumer que cette loi pénale ait jamais eu son application. ‘A la tête du corps municipal étaient les Decumvirs, toujours pris parmi les Décurions. Elus aux calendes de mars, ils n’en- traient en charge que trois mois après, ce temps leur était laissé pour réfléchir à leurs obligations. Ils juraient d'administrer les affaires avec bonné foi et droiture. Les Decumvirs portaient la prétexte et se faisaient précéder de deux licteurs avec faisceaux sans hache, parce que leur juridic- tion criminelle était limitée. Ils pouvaient condamner à la prison et aux verges. C’est par sentence des Decumvirs des Philippiens que Paul et Sila furent battus de verges et incarcérés; les actes de nos martyrs témoignent qu’ordinairement le procès des chré- tiens était entamé par les Decumvirs. La personne des Decumvirs était inviolable ; ils restaient en charge un an; cependant quelques-uns ont été continués jusqu’à cinq ans. Tel était le corps de ville chez les Gallo-Romains. Passons aux municipalités du moyen-àge. Les tracasseries des seigneurs étaient venues à ce point que les villes s'étaient armées pour se défendre. Louis-le-Gros légitima la résistance en la régularisant; et la faveur s'étendant de proche en proche, la moindre ville eut ses franchises. Plus de Décu- rions, plus de Decumvirs; ces anciennes dénominations dispa- raissent. Les Décurions, honestr, discreti, nobiles, clari, cla- rissimi, ainsi qu’on les désignait, sont remplacés par konnestes et discrettes personnes, nobles hommes, composant le conseil des Echevins- Les Decumvirs, ces anciens chefs du conseil des Décurions, qui s’engageaient par serment à administrer avec bonne foi et loyauté, s'appellent jurés, jurati, et plus tard, maire et soubz maire. Ainsi donc, au moyen-àâge les noms seuls sont changés, les attributions restent les mêmes. En effet : Aux termes des lettres-patentes octroyant ou confir- mant les privilèges des communes, nous voyons : « La charge de la police et justice de la ville, connaissance et juridiction sur tous les habitants demeurants et ès faulxbourgs; cohertion et con- traincte touchant les guets, gardes et réparations d’icelle; en- semble la garde des clefs des portes de la dicte ville, de nuict et de jour, et de faire statuts, ordonnance, cris et proclamations, inhibitions et défenses publiques en la dicte ville et faulxbourgs, pour le bien, police et gouvernement d’icelle, avec toute connais- 390 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. sance des denrées et marchandises y vendues et exposées en vente, et de mulcter, le cas échéant, jusqu’à la somme de 60 sols tournois el au-dessous, les dictes mulctes applicables au profit et affaires communes de la dicte ville...» Les attributions du corps de ville sont ici clairement expri- mées : juridiction civile et criminelle sur les habitants et ès faulx- bourgs. Les registres de l’ancien échevinage de Saintes nous of- frent bon nombre d'exemples de l'exercice de ce droit. J'en citerai deux pris au hasard. Vers le milieu du XVI: siècle, Raymond Roi était maire et capitaine de la ville. Après de joyeuses liba- tions, les clercs de procureurs rencontrent, le soir, vers la porte St-Louis, le sieur Nadeau, ouvrier fort tranquille et nouvellement marié, et ils le poursuivent de leurs injures. Plainte est portée au maire par Nadeau. Le samedi suivant, Raimond Roi expose aux Echevins assemblés que les clercs de procureurs avec force escopettes et violons ont gravement impopéré de paroles le sieur Nadeau, en l'appelant cornard, lui qui n'a que 22 ans ! Sur ce délibérant, le conseil fait inhibition aux clercs de pa- raître dans les rues avec violons et escopettes, et les condamne à la prison. Sous le même Raymond Roi, un particulier part de Bordeaux avec sa femme et sa fille, et vient s'établir à Saintes, rue St-Maur. Mais, la fille est jeune et belle, elle attire les regards des jeunes gens, il en peut résulter du désordre et Raymond Roi ne veut pas assumer une {elle responsabilité. Il expose ses craintés aux Echevins. Arrêt portant injonction au père, à la mère et à la fille de vider le territoire de Saintes sous les 24 heures, et ce, sous peine de la hart. Le corps de ville avait la garde des clefs et des portes de la cité; il veillait à l'entretien des murs, à la propreté des rues, etc. Ceci ressort, pour Saintes, des réquisitions que le procureur du roi se vit forcé de faire, notamment après le siège de 14570. [l expose qu'aucuns des Echevins, dont la plupart étaient absents ne seimmiscoit, ne se présentoit à fairesondebvoir; les portes de la ville étaient ouvertes toutes les nuits, et l’on yentrait comme dans un village; la brèche demeurait sans être redressée ; les remparts se démolissaient et les bois étaient emportés; les rues étaient tellement infectées qu'il était impossible, sans péril et offense de sa personne à aulcun d'aller par icelles ; il y avait en la ville infinies maladies, et ceux qui venaient des champs étaient incontinent infectés et saisis des dictes maladies ; toutes les autres choses concernant la police étaient assez mal réglées. Le procureur du roi requiert en conséquence qu'il fût enjoint aux maire, soubz maire et Echevins «de se retirer » promptement en la ville, et de s’assembler en la maison com- » mune d’icelle, pour donner ordre et pourvoir ès choses sus » dictes, tellement qu'il n’en advint inconvénient auleun, et que VINGT-TROISIEME SESSION. 391 » les habitants n’en fussent endommagés, et ce sous peine de » 4000 livres, et de répondre en leurs privez noms des inconvé- » nients qui en pourroient advenir. » Cette injonction fut en effet donnée; les Echevins rentrèrent dans la ville, mais ils n’en furent pas plus exacts à faire leur debvoir, ainsi que l’attestent de nombreuses délibérations. Il n’est pas facile de déterminer d’une manière précise les fonctions de chacun des membres du corps de ville. Nous savons que les Echevins, au nombre de 25, élisaient chaque année parmi eux un maire, un sous maire, un juge, un procureur, un rece- veur et un greflier. Ces six dignitaires étaient plus spécialement appelés officiers de la ville, et leurs fonctions sont indiquées par le titre qu’ils prenaient. Parmi les autres se trouvaient les capi- taines des paroisses et les simples conseillers bien que quel- ques-uns fussent pourvus de fonctions relevant de l'autorité sou- veraine, car la charge d’échevin était fort enviée surtout par les agents du pouvoir, ce qui amenait par fois les agitations au sein de la commune; la position de ces hommes était fort singulière en effet : on les voyait tantôt lultant, comme Echevins, pour les privilèges de la ville, tantôt les attaquant comme officiers du roi. Le maire, et à son défaut le sous maire, présidait le conseil ; capitaine de la ville, il en gardait les clefs, et il avait tout pou- voir pour contraindre à faire le guet, le requet et le restriquet pour la sûreté publique. Aux premiers jours de leur affranchissement, alors que les bourgeois, sous la bannière de la commune étaient obligés de combattre pour le maintien de leur indépendance, la charge de capitaine de la ville et cité était une vérité, et le chef du gouver- nement municipal devait être avant tout homme de constance et de résolution, guerrier entreprenant et intrépide. Mais, à ces jours de gloire avaient succédé des luttes inégales pour sauver quel- ques lambeaux de prérogatives flétries. Les marches du trône, les salles des cours de justice étaient devenues l'arène des com- battants; les humbles remontrances, et dans les jours d'énergie, les stériles protestations, ou la plume d’un sergent en étaient les armes. Plus n’était besoin au maire et capitaine de la ville et cité d’endosser la cuirasse; aussi le titre de capitaine n’était-il que pour mémoire, et l'appareil guerrier servait parfois à décorer le maire dans les fêtes publiques. La garde des clefs de la ville fut souvent disputée au maire par les officiers du roi. Tantôt le lieutenant criminel s'iemmaiscoit dans la taxe du poisson, mesmement du saulmond, quoique de tout temps le droit de taxer le saulmond, le créat, le mègre et aultres gros poissons eût appartenu au maire ; tantol il fai- sait élargir un ivrogne emprisonné par le magistrat municipal à la suite d’un tapage nocturne; d’autres fois il s’opposait à l'exé- cution d’un arrêté des Echevins, ou il faisait casser l'élection d’un maire. 392 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. C'est ainsi que le pouvoir royal ruina de proche en proche l'au- torité des communes pour la concentrer dans les mains de ses agents. Mesure irréfléchie et dont les suites furent si funestes. On ne paraît pas avoir vu qu’en brisant l'autorité des communes, on tuait la nationalité, et par là même le patriotisme qui est le dé- voument au bien de tous. ———(}$ © 10 em MÉMOIRES de la 5° Section. Comparer l'éducation des anciens el des modernes; re- chercher la cause de cette opposition de principes que l’on remarque entre les anciens et les modernes en ma- tière d'éducation, par M. FOULON, censeur des études au Lycée Impérial de La Rochelle. MESSIEURS, La seconde question du programme de la cinquième section est concue dans ces termes : Comparer l'éducation des anciens et des modernes ; re- chercher la cause de cette opposition de principes que l’on remarque entre les anciens et les modernes en matière d'édu- cation. J'ai divisé mon travail en deux parties. Dans la première, je montre, par des exemples empruntés à l’histoire, que les législa- teurs des peuples les plus fameux ont confié à l'Etat la direction de l'éducation publique. Je cherche ensuite à établir les principes qui me semblent devoir être la base de l'éducation publique dans le siècle présent, et je marque en même temps les différences qui séparent les modernes des anciens en matière d'éducation. PREMIÈRE PARTIE. Nos moments sont comptés; si vous voulez bien le permettre, nous ne remonterons pas trop loin dans le passé; nous laisserons même de côté les Perses dont Xénophon nous parle dans la Cyro- pédie, pour nous rappeler de préférence cette législation impitoya- blement tyrannique de Lycurgue, qui fit d’abord la grandeur et ensuite la ruine de Sparte. A Sparte, vous le savez, l'Etat enlevait à sa mère l'enfant âgé de sept ans, et celui-ci grandissait jusqu'à vingt ans sous l'œil des magistrats, formé par eux aux vertus qui seules pouvaient sou- tenir une aristocratie guerrière et conquérante, le courage et l'amour de la patrie. Athènes, avec sa démocratie intelligente, respecta davantage les droits sacrés du père de famille. Le législateur laissait l'en- os sis — VINGT-TROISIEME SESSION. 393 fant sous le toit domestique; mais il le faisait conduire cha- que année à des écoles qu'il avait établies. Il avait réglé l'âge précis où l'enfant devait recevoir les diverses lecons, les qua- lités des maitres chargés de l’instruire, celles dés surveillants qui devaient le mener et le ramener de la maison paternelle au lycée, au gymnase. Des censeurs ou sophronistes veillaient aux étades, au gymnase. Les chefs et les maîtres de cette école devaient être approuvés par l’aréopage, et étaient soumis au ma- gistrat qu'on appelait le Paidonome, c’est-à-dire le directeur de l'éducation. A Rome, il y avait des écoles publiques. Virginie allait à l’é- cole avec ses compagnes, lorsque le décemvir Appius la vit pour la première fois. Vous vous rappelez le traître de maître d'école que Camille fit reconduire à Falères sous bonne garde. Mais écoutez plutôt cet édit des censeurs publié en l’an de Rome 393. « Il nous a élé rapporté, disent-ils, que des hommes ont établi un nouveau genre d'enseignement, et attirent la jeunesse dans leurs écoles ; ils se sont donné le nom de rhéteurs latins, et des jeunes gens perdent toute leur journée à les entendre. Nos an- cêtres ont réglé ce qu'ils voulaient qu'on enseignät aux en- fants, et quelles écoles ceux-ci devaient suivre. Cette innova- tion, contraire à la coutume et à la loi de nos pères, nous déplaît et nous paraît blmable ; c’est pourquoi nous croyons devoir faire connaître notre décision à ceux qui tiennent ces écoles et à ceux qui les fréquentent. Il ne nous plait pas qu’il en soit ainsi. » Les magistrats de l’école du vieux Caton eurent beau faire , les rhé- teurs eurent le dessus, l'enseignement devint libre. Toutefois “JEtat n’abandonna point tous ses droits ; les censeurs conservè- rent celui de surveiller la direction donnée aux enfants. Lorsque l’Empire fut établi, le besoin de l'instruction devint si impérieux, si général, que l’État dut prendre des mesures pour propager les études. Sous Auguste, on assigna certains édifices publics pour l’enseignement de la jeunesse, et on pensionna les professeurs sur le trésor de l’État. Vespasien les placa dans le Capitole, fixa le nombre des professeurs et leur assura un sa- laire. Antonin étendit ce bienfait aux provinces ; il fonda des écoles à Autun et dans la citadelle de Marseille; les maîtres étaient soumis à l'épreuve d'un double concours; les élèves se di- visaient, comme de nos jours, en trois classes, qui comprenaient les boursiers (alimentarii), les pensionnaires (convictores), et les externes. Ces derniers formaient le plus grand nombre et se subdivisaient en nations. Valentinien I voulut que des censeurs les visitassent dans leur demeure, et qu’on lui envoyât des notes sur chaque élève, afin de récompenser ou d'appeler aux charges de l’État ceux qui s’en montreraient les plus dignes. Enfin, Théodose IT et Justinien recueillirent et développèrent dans leurs codes ces salutaires institutions. 26 394 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. L'Empire s'écroula comme avait péri la République; l'invasion des Barbares ruina les écoles s impé riales, et, au milieu du chaos de l'anarchie mérovingienne, il n'yeut plus d'autre enseignement que celui des monastéres et des cathédrales. Avec Charlemagne, qui voulait faire revivre les traditions de l'Empire romain, “le Gouvernement reprit la direction de l'édu- cation. Le grand homme prescrivit d'établir des écoles près de chaque évêché et dans lous les monastères, et il traça dans ses nombreux capitulaires la marche à suivre pour cet enseignement public. « Quoiqu'il vaille mieux pr atiquer le bien que le connaître, il faut le connaître avant de le pratiquer ; chacun doit snpanre par la science, ce qu'il souhaite d’ accomplir par ses œuvres. Ainsi parlait l'empereur, et l'on sait avec quelle sollicitude il sur- veillait lui-même l'école du palais, où il faisait élever un grand nombre d'enfants de haute, de moyenne et de basse condition. Le droit du souverain en matière d'enseignement était alors si bien reconnu, que, sous le faible Louis-le- Débonnaire, un concile supplia l'Empereur de fonder des écoles publiques (ut scholæ publicæ ex vestra auctoritate fiant.) Malheureusement, la France retomba dans l'anarchie; la féodalité se partagea le pays, et l'éducation publique disparut avec toutes les autres institutions carlovingiennes. Après l'an mil, le monde, dit le chroniqueur, se dépouilla de ses vieux vêlements pour se revêtir de la robe blanche des églises. Il y eut comme une renaissance de l’esprit humain ; le besoin d'études se manifesta avec une énergie incroyable, et de toutes parts surgirent des hommes savants | pour enseigner, soit chez eux, soit dans les monastères, soit même dans les lieux pu-" blics, les sept arts libéraux. Ce fut l origine de nombreuses écoles qui ne tardérent pas à devenir célèbres, et dont le succès dépen- dait exclusivement du talent et de la renommée des maitres. Au XIIe siècle, l’école centrale de Notre-Dame de Paris étant devenue trop nombreuse, élèves et maîtres émigrèrent de la cité vers la montagne Ste- Géneviève. Le pouyoir royal qui s’élait re- levé depuis Louis-le- Gros, intervint aussitôt ; Philippe-Auguste réunit en une corporation, sous le nom d' Université, tous les maitres qui enseignaient à Paris, et lui conféra ses premiers pri- vilèges. Du reste, le roi ne tarda pas à s’effacer derrière la cour de Rome. Il n’y avait point alors de souverains plus puissants qu'Innocent IT, Grégoire IX et Innocent IV, et, pendant tout le XILEsiècle, l’ université de Paris fut gouvernée par le Saint-Siège. Les papes et leurs légats firent les réglements d'études et de dis- cipline; Grégoire IX donna même à T'Université le droit de sus- pendre ses leçons, lorsqu'elle avait à se plaindre de l'autorité sé- culière. La nouvelle corporation juslifiait d'ailleurs par l éclat de son enseignement les faveurs dont elle était l’objet. Mais déjà s'était introduit dans l'État un élément nouveau, le VINGT-TROISIEME SESSION. 395 droit ou la justice laïque, et la royauté com mencçait à revendiquer les droits qu'avaient jadis exercés sur l’enseignement les empe- reurs romains et carlovingiens. St-Louis donna cette pragmatique-sanction par laquelle il rendit l'Eglise de France indépendante, et déclara que son royaume n’était soumis qu’à Dieu seul. Dès lors une nouvelle di- rection fut imprimée à l'enseignement; elle ne venait plus du Saint-Siège, mais du trône. L'Université, jusqu'alors exclusive- ment soumise à l'autorité pontificale, s’en détacha peu à peu, et passa sous l'autorité des rois. Suivez la marche des faits. Avant Philippe-le-Bel, des papes avaient fondé, Grégoire IX, une Uni- versité à Toulouse, Nicolas IV, une école de médecine à Mont- pellier. Sous Philippe-le-Bel, Clément V fait comme eux pour Orléans ; le roi supprime l'Université nouvelle, et la rétablit de son propre chef, en lui confiant l’enseignement du droit (1312.) Quelques années auparavant, Philippe avait ajouté aux colléges déjà créés pour loger les étudiants, le fameux collége de Navarre, en se réservant le droit d'y accorder des bourses (1304) ; c'était pour le pouvoir royal un nouveau moyen d'intervention et d'in- fluence. L'Université donne à Philippe VI de Valois le titre de gardien de ses privilèges. Charles V l'appelle à son tour elle-même /a fille ainée des rois. Charles VIT soumet à la justice civile du royaume les contestations universitaires autrefois portées à Rome. Louis XI exige après lui un serment de fidélité de tous les mem- bres de l’Université, sous peine d'exclusion. Louis XII enfin, traverse à la tête de sa garde le quartier des écoles, et l'Université qui avait suspendu ses lecons, use pour la dernière fois du privi- lège que lui avait octroyé Grégoire IX. Cependant la discipline intérieure des colléges s'était formée. Par un décret de 4463, les élèves qui n’appartenaient point à ces 11 établissements ou aux pensions particulières appelées pedago- gtes, furent forcés de justifier d’un domicile chez une personne honorable de la ville, laquelle personne devait répondre de leur conduite et de leur travail. Nous sommes arrivés au XVI° siècle; le nom de Francois [+ se présente tout de suite. C’est le Père des lettres ; c'était aussi un roi absolu. L'Université ne pouvait pas recouvrer, et ne re- ‘couvra jamais sa puissance politique. Le roi fit davantage ; pour faire sortir l’antique Sorbonne de son immobilité, il créa le col- lége de France, avec son enseignement tout moderne, ses profes- seurs honorés et rétribués, savants illustres dont les travaux contribuèrent à préparer toutes les grandeurs littéraires du siècle ‘suivant. Poursuivons rapidement. Les Etats-Généraux du XVI siècle demandèrent à plusieurs reprises des réformes utiles dans les universités, et, ce fut pour 396 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. répondre à ces vœux formulés par les représentants de la nation, que l'ordonnance de Blois déclara en 1779 qu'à l'avenir les Uni- versilés seraient soumises à des inspections dirigées par l’auto- rité royale, et qui devaient porter sur la nature de l’enseignement, la discipline des colléges, l'élection et les devoirs des recteurs, la collation des grades universitaires, le temps d’études nécessaire pour les obtenir, elc. Le XVIIe siècle vit s'élever à côté des Universités un grand nombre d'établissements dirigés par des congrégations reli- gieuses, Jésuites, Oratoriens, Bénédictins, sans oublier l'illustre maison de Port-Royal. Richelieu, Louis XIV, ne s’opposèrent jamais à la création de ces nouvelles maisons d'éducation ; mais les parlements continuèrent d’exercer sur elles une. surveillance rigoureuse: ; Enfin, une dernière preuve de la puissance de l'État en matière d'instruction publique, c’est qu’aux Universités seules appartint toujours le droit de conférer les grades académiques d’où résul- taient d'importants privilèges. Ce fut en vain que les Jésuites s’efforcèrent de partager ce privilège avec les Universités en s’y faisant agréger ; l’Université de Paris repoussa toutes leurs tenta- tives et fut soutenue par le Parlement. Lés séminaires n’obtinrent pas plus que les colléges de Jésuites le droit de conférer les grades académiques. Ainsi done, vous le voyez, Messieurs, la couronne de France n'a jamais cessé avant 1789 de regarder comme une de ses préroga- tives les plus précieuses son droit de surveiller l'instruction pu- blique. Cependant ce n’est qu’à partir de la Révolution, et après bien des essais infructueux, que le Gouvernement a organisé uñ vaste système d'enseignement recevant l'impulsion et la direction du pouvoir central. Vous connaissez tous l'Université impériale, telle que l'avait constituée Napoléon [®. Vous savez enfin comment la France a été dotée depuis du bienfait de la liberté d'enseignement. Il est temps de conclure. Je viens de passer rapidement en revue l’histoire de l'éducation chez les trois peuples que la civilisation peut revendiquer comme les plus illustres, la Grèce, Rome et la France; partout et tou- jours (j'excepte ces temps d'anarchie ou d’affaissement moral pendant lesquels la Société n’est pas gouvernée), l'Etat a réclamé pour lui et pris la direction de l'éducation. C’est que la direction de l'éducation n’est pas seulement un moyen de gouvernement. SECONDE PARTIE. ,« La Jeunesse, dit le vénérable Rollin, est la pépinière de l'Etat; c’est par elle qu'il se renouvelle et se perpétue ; c'est VINGT-TROISIÈME SESSION. 397 d'elle que viennent tous les pères de famille, tous les magistrals, tous les ministres, en un mot, toutes les personnes constituées en autorité et en dignité. On peut donc assurer que ce qu’il ya de bon ou de défectueux dans l'éducation de ceux qui rempliront un jour ces places, influe dans tout le corps de l'État, et devient comme l'esprit et le caractère de la nation entière. ; Quid leges sine moribus Vanæ pro/ficiunt ? Les lois sont le fondement des empires; mais d’où tirent-elles leur force et leur vigueur, sinon de la bonne éducation qui y ac- coutume et y assujettit les esprits ? » A ce sujet, deux systèmes se sont produits à notre époque, * également impraticables par l’exagération même de leur prin- cipe. s Le premier, parlant au nom de la loi, nous dit : je suis l'État enseignant; l'instruction ne doit être donnée que par moi, attendu que, distribuée par d’autres, elle pourrait être contraire aux lois, à la morale, aux intérêts du gouvernement, au but national. Le second, invoquant les droits du père de famille, de la liberté individuelle, de la conscience, demande de son côté que chaque citoyen puisse tenir école, et propager ses opinions, ses croyances, ses lumières, parmi les enfants, comme il est permis de le faire au moyen.de la presse parmi les citoyens. Accusés par les partisans de cetle dernière opinion de vouloir ramener la société à la tyrannie des républiques anciennes, ceux qui tiennent pour la première répondent qu'une liberté sans li- mites n'est autre chose que l'anarchie, et une loi qui semblait devoir concilier tous les intérêts, n’a pu satisfaire encore que les esprits sagement modérés. La législation des anciens en matière d'éducation avait sa rai- son d’être, Messieurs, et lorsque les grands esprits qui ont orga- nisé les républiques de Sparte, d'Athènes et de Rome, posèrent d'abord en principe que les citoyens appartenaient à l’État, et que les droits de la famille s’effaçaient devant ceux de la patrie (1), c'est qu'ils connaissaient les peuples dont la direction leur avait été confiée et les dangers contre lesquels il fallait les prémunir. On ne connaissait point alors cette solidarité des nations qui assure un appui au faible contre le fort. Pour parler avec un ma- gistrat distingué, dont nous avons souvent dans ce travail em- prunté la parole ou les idées, M. Corne, «on vivait dans un état violent, toujours à la veille, ou de passer par la défaite sous le joug d’un impitoyable ennemi, ou d’être livrés sans défense aux entreprises contre la liberté, si le moindre adoucissement des mœurs venait à diminuer la vigueur des âmes et le dévoñment (x) Axistoie, politique, VILLE. 398 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. à la république. On concoit que, placé é en face de tels dangers, l'État supprimât même fa famille, s'emparàt de l enfance et de la jeunesse du citoyen, pour les plier et les façonner à son gré; on concoit qu’il se saisit de tout son être afin de l’identifier avec la «patrie par les impressions, par les mœurs, par des idées, ‘même He et farouches, à l'encontre d'hommes de toute autre cité. Quand ri voulut ruiner Sparte, il ne trouva pas de moyen plus sûr que de lui faire abolir son éducation publique. Voyez les regrets d'Aristote, lorsqu'il parle de la coutume de- venue générale à à Athènes que ‘chacun prit le droit d'instruire ses enfants chez soi par les méthodes et sur les objets qu'il lui plaisait. Mais alors on était à la veille ou au lendemain de - Chéronée, et le patriotisme s'était en allé avec l'éducation des ancêtres. Vous vous rappelez enfin l'édit des Censeurs dont je vous ai parlé ; trente ans s'étaient à peine écoulés que les guerres civiles éclatèrent, dans lesquelles la vieille cité patricienne se transforma pour devenir la capitale des nations, et le rendez-vous de tous Les peuples. Lorsque cette révolution se fut accomplie, l'enseigne- ment put être libre, et les empereurs se contentèrent de le sou- mettre à leur surveillance. Ces considérations peuvent nous autoriser encore à dire que la législation qui régissait Sparte, Athènes et Rome ne fut prati- cable et respectée qu'au temps où ces villes eurent à lutter contre leurs voisins ou à s'agrandir par la conquête. Le jour où il ne fut plus nécessaire ou possible de diriger vers un même but qui était la conservation des privilèges et a gloire d'une race, les forces vives de la nation, le législateur abandonna un droit devenu il- lusoire et que lui disputaient le découragement et l'égoïsme des citoyens. Il n’y eut point à proprement parler d'éducation publique du VIS au XE° siècle, parce qu'il n'y avait plus de société. Quand l'Europe eut pris un peu de stabilité, les monastères s'ouvrirent à ceux qui voulaient entrer dans le clergé ; la noblesse féodale dont l'empire était fondé sur la violence, s ’exercail à la guerre dans les châteaux ; double éducation qui répondait par- faitement aux besoins du temps, et qui marque bien aussi le ca= ractère des deux puissances qui se disputaient le monde. À Mais bientôt les nations commencèrent à se connaître et à s'or- ganiser. L'éducation redevint PPADIE l'Église, alors dominante, s'empara de la direction des âmes. Grand bienfait, Messieurs ; car le progrès n’était assuré que si le monde se pénétrait profon- dément des principes féconds du christianisme. Ne nions pas l'évidence ; sans 18 gouvernement temporel de la cour de Rome ; VINGT-TROISIEME SESSION 399 au moyen-àäge, l’Europe fût arrivée difficilement à cette commu- nauté d'idées qui lui a donné depuis une place si considérable dans la civilisation moderne. Chaque chose a sa durée providentielle. Les peuples avec les rois tendirent ensuite à l'indépendance. Il fallut pour cela que l'enseignement se sécularisät avec tout ce qui est du domaine des puissances temporelles. Je’ vous ai dit comment s’est constitué en France le pouvoir central ; j'arrive tout de suite au temps où nous vivons, et je pose sans hésiter ma thèse : L'éducation publique est aujourd’hui la seule qui soit possible, et, plus que jamais aussi, l'Etat a le droit et le de- voir d'en prendre la direction. En développant cette idée, je montrerai quelques autres diffé- rences par où l'éducation des anciens se sépare de l’éducation des modernes. On l’a répété bien des fois, Messieurs; la meilleure école des mœurs, c’est la famille, et les sentiments les plus forts seront ceux qu'un fils aura puisés dans les conseils, dans les exemples, dans le cœur d’un père, homme droit et bon citoyen. Mais le père de famille peut-il aujourd’hui (à part quelques exemptions malheureusement trop rares) , entreprendre d'être lui-même linstituteur de ses enfants ? Je ne veux pas entrer dans le vif de la question ; cela m'entrai- nerait peut-être trop loin. Je laisse donc de côté les causes qui ont amené l’affaiblissement trop général de l'autorité paternelle. Je détourne aussi mes veux de l’affligeant spectacle que m'offrent souvent les progrès d’un luxe peu en rapport avec beaucoup de fortunes, l'amour du plaisir, le goût des lectures frivoles, l’ha- bitude de juger légèrement des choses sérieuses : il est possible que je voie là pour l'enfance des dangers qui n’existent que dans mon imagination. Mais en considérant la société par son côté extérieur, «l’homme a tellement étendu ses rapports avec les hommes et les choses, il a fait de la vie une si grande affaire, qu’il plie sous le poids des obligations qu'il s'est créées et se perd dans mille détails et mille soins journaliers. Ce n’est plus de vivre seulementqu'il s'inquiète, de vivre honnêtement, avec aisance, de vivre même par la pensée et les:affections. Il lui faut la richesse, les honneurs, le pouvoir, l'opinion, toutes les forces et toutes les jouissances, les arts, le luxe, tous les raffinements de la sociabilité. Acquérir, conserver, accroître incessamment tout cela, voilà ce qui l’absorbe, ce qui remplit sa vie. Autrement dit, les faits nouveaux que la marche de la civilisation produit en notre siècle, élèvent des barrières entre le père de famille et le devoir que la nature lui traçait, et l'éducation domestique de nos jours n'apparaît plus que de loin » , 400 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. en loin, comme un modèle rare déjà et d'une imitation difficile. » (M. Corne.) Et puis, je ne parle ici que des jeunes gens appelés par l'ai- sance plus où moins grande de leur famille, à participer au bien- fait de l'éducation. Mais, nous l'avons dit aussi, l'Europe est de- venue chrétienne, et par cela même la société n’est plus composée comme les sociétés anciennes d’une aristocratie conquérante ré- gnant par la force sur des populations vaincues ; il n’y a pas en France des Doriens et des Laconiens. La loi nous donne à tous le même titre de citoyens, et le peuple de nos villes et de nos cam- pagnes rélame aussi l'éducation comme un besoin impérieux. Est-ce là, Messieurs, que vous trouverez des pères de famille ca- pables d’être les instituteurs de leurs enfants? Vous savez qu'ils ont assez de porter le poids du jour et de gagner leur pain à la sueur de leur front. Voilà donc le problème de l'instruction primaire qui vient s'ajouter à celui de l'instruction que nous appelons secondaire. Il faut le reconnaître ; l'éducation publique est une des néces- sités de notre état social. | Maintenant, qui la donnera? l'Etat ou tout le monde ? Vous en conviendrez avec moi, il n'existe pas de société sans lien nécessaire avec l'État. La cohésion de tous les intérêts qui forment l’État, suppose non seulement le rapprochement maté- riel et territorial de ces intérêts, mais surtout une communauté d'idées, de sentiments, de mœurs, qui crée entre tous les citoyens un même besoin d'attachement aux institutions, protectrices des droits de tous, une solidarité de vigilance et de dévoûment pour les maintenir. Cette communauté d'idées, l’imminence constante et la gra- vité des dangers extérieurs l'entraïnaient dans les républiques an- tiques. Mais l’état de guerre ne paraît pas devoir etre la condi- tion habituelle des nations modernes dans leurs rapports entre elles. C'est ce qui explique pourquoi la société de nos jours est si profondément travaillée par le dissolvant actif de l'individua- lisme. Chacun n’a pour ainsi dire à penser qu'à soi et aux siens, les uns sans trop se préoccuper du devoir, les autres en conser- vant dans cette lutte pénible qui est devenue le fond même de nos existences, l’amour et la dignité de la vertu. C’est à peine si, de loin en loin, mais trop souvent encore, quelques commotions redoutables viennent nous rappeler que le mal grandit, par cela même que ces sentiments s'étendent à toutes les classes. « Le moyen de combattre ces causes de dissolution, dit encore M, Corne, c’est de remettre l'éducation publique aux mains de l'Etat. Réunir dans des colléges, dans des écoles nombreuses, sur {ous les points du territoire, la jeunesse du pays, la confier à des hommes formés par la même discipline, pénétrés des mêmes idées, la placer ainsi sous l'empire d'un même esprit, d'un nièême VINGT-TROISIEME SESSION. 404 enseignement, joindre à cela la force des habitudes qui résultent entre jeunes gens des contacts familiers de la vie commune, évi- demment c’est resserrer les liens de la nationalité et donner des bases solides à l'édifice social. Si les générations ainsi élevées n'ont pas au cœur du patriotisme comme l’entendaient les anciens, elles auront du moins de l’esprit public. » Et l'Etat n’a pas seulement les moyens de donner de Punité au caractère national ; nous croyons qu'il est le meilleur juge des lumières qu’il faut répandre; qu’enfin, pour les méthodes d’en- seignement, il peut recueillir plus sûrement les suffrages et épargner aux parents des tâtonnements nuisibles et de funestes expériences. Mais j'entends déjà l’objection qui m'est faite au nom de la li- berté : le père de famille pourra:t-il confier son enfant à d’autres maîtres qu’à ceux choisis par l’État ? Oui, Messieurs, parce que ce choix est une affaire de conscience, et que l’État n’a pas le droit d'intervenir dans ces sortes de choses. L’enseignementssera donc libre. Maintenant, je vous le demande; pensez-vous que la liberté d'enseigner puisse être illimitée, soustraite à toute espèce de contrôle de la part de ceux auxquels ont été remises Les destinées de la société ? Evidemment non; car nous retomberions dans le danger que je vous signalais tout à l'heure. Il ne s’agit donc plus que de dé- terminer dans quelle mesure l’État aura droit sur les établisse- ments qui ne seront pas les siens. Messieurs, le droit de chacun finit où commence-l'intérêt de tous. « Partout où règne une bonne police, sa vigilance s'étend à tout ce qui regarde le repos, la santé, la sûreté des citoyens, et ces grands intérèts de la vie sociale passent avant tout exercice des droits individuels. Rien de ce qui pourrait leur nuire n’est to- léré ou impuni. Serait-il possible que la société considérat son autorité comme moindre quand il s’agit d'assurer qu'il ne sera rien dit ni rien fait qui puisse fausser les idées, égarer les sen- timents ou corrompre les mœurs de la jeune génération. » (M. Corne.) à L'homme qui prétend pouvoir suppléer les pères de famille dans leur plus saint devoir, devra donc justifier de sa moralité, de.sa capacité, et rester assez digne de la confiance qu’il a inspirée pour ne pas douter que l'État surveille avec lui des efforts qui ten- dent à former des citoyens pour le pays. Il y a encore un droit dont la puissance publique ne doit jamais être désarmée, c’est ce- lui de punir exemplairement l’instituteur indigne de ce beau nom, et de lui enlever une faculté qu'il fait tourner au grand dom- mage de la jeunesse et de la société. Enfin, l'Etat a un autre moyen d'action sur les établissements libres, et celui-là, c’est le plus puissant de tous, parce que per- sonne ne peut lui contester le droit qu'il a d'en user. 102 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Il ouvre des facultés, des collèges; il multiplie les écoles; il forme des professeurs, des instituteurs qu’il élève à la dignité de fonctionnaires publics. Puis, ayant approprié son enseignement aux besoins de la société qu'il dirige, il offre aux institutions pri- vées, pour qu'elles s'animent et se fortifient par ses exemples, son Université « comme un conservatoire de doctrine savante, comme un modèle excellent. » Oui, Messieurs, l'Université, puisqu'il faut l'appeler par son nom, c’est l'Etat prenant la lutte à son propre compte, et par les efforts même que lui impose la nécessité de faire triompher ses principes, stimulant sans cesse les intelligences, secondant activement le progrès social. La li- berté de l'enseignement, telle que je la concois, devra jouer pour la perfectibilité humaine, un rôle parallèle à celui de la liberté de Fa pensée; mais, sachez-le bien, elle ne produirait que des fruits de mort, si elle ne rencontrait point, commes toutes les li- bertés, le frein salutaire de lois faites avec sagesse, exécutées avec Justice et modération, obéies avec l'abnégation du patriotisme. Je répondrai maintenant à une dernière objection qui me sera peut-être faite, et je terminerai ces considérations déjà trop longues. Ë L'enseignement public est une nécessité de notre temps, me dira-t-on; nous le croyons comme vous; mais alors nous pén- sons que cette nécessité est un malheur, parce que les enfants qu'on est obligé de faire élever dans des maisons communes, y trouvent l'anstruction mais non pas l'éducation, et, si l’édu- cation fait défaut, l'homme le plus instruit n’est qu'un être in- complet, plein d'infirmités morales, et que sa position dans le monde dévoue à mille périls. Je sais bien que l'instruction n’est pas l'éducation; «il s’en faut de toute la distance qu'il y a de la tête au cœur. » (M. Corne.) Mais je crois qu'il y a encore ici des craintes sans fondement. D'abord, le père de famille a la ressource de lexternat. Ce n'est pas que je recommande beaucoup ce genre de direction ; ce- pendant si l'enfant trouve dans ses parents la surveillance qui devient plus nécessaire que jamais parce qu'il est diflicile de sé- parer l'instruction de l'éducation sans les affaiblir toutes deux, il pourra s'élever sans danger jusqu’à l'adolescence. « Mon père, dit Horace, incorruptible gardien de ma jeunesse, me suivait chez tous mes maîtres. Ce n’est pas moi qui m'en serais jamais plaint! Grâces lui soient rendues, et puisse ma reconnaissance égaler ses bienfaits ! Tant que ma raison sera d'accord avec mon cœur, je m'applaudirai d'être son fils. Loin de m’excuser comme tant d’autres de mon humble naissance, en disant qu'ilne m'a pas été donné de placer mon berceau dans quelque famille noble, j'au- rais à recommencer la vie, que je ne choisirais pas un autre père. » Mais j'arrive aux pensionnats. Messieurs, il n'y a de dange- z VINGT-TROISIÈME SESSION. 403 reux que les mauvais pensionnats, et ma conviction profonde est que, dans l’état actuel de notre société, les trois quarts des en- fants seront mieux élevés, mieux préparés aux luttes de la vie, dans un pensionnat bien dirigé que dans leur famille. Beaucoup de personnes jugent les pensionnats d’après je ne sais quel souvenir d’un temps qui n’est plus. Il me semble en- tendre Montaigne nous dire : « C’est une vraie geole de jeunesse captive. Arrivez sur le point de leur office, vous n'oyez que cris d'enfants suppliciés et de maîtres enivrés de leur colère.» Ne nous assurait-on pas l’autre jour dans une des réunions de la cin- quième section que l'esprit de révolte permanent chez les écoliers a eu la plus déplorable influence sur l'esprit général de la nation ! Laissons cela, Messieurs. Les bonnes maisons d'éducation se dirigent d'après des principes qui sont ceux de tous les temps. Rollin qui les a dictés, non pas seulement à l’Université, mais à tous les instituteurs de la jeunesse, les avait empruntés lui- même à Quintilien. « Sumat antè omnia parentis erga disci- pulos suos animum, ac succedere se in eorumlocum, à quibus sibi liberi traduntur, existimet.» Oui, les sentiments d’un père, mais en se rappelant ces paroles du pape St-Grégoire le Grand : « Sit amor, sed non emolliens, sit rigor, sed non ‘exaspèrans. » Messieurs, j’ai paru m’éloigner de la question; je crois cepen- dant n’en.pas être sorti. - On a demandé de comparer l'éducation des anciens et des mo- dernes, et de rechercher s’il n’y a point entre elles une opposi-- tion de principes. Eh ien! je suis arrivé dans mon esprit à cette conclusion que les différences ne sont point aussi grandes qu’on pourrait le penser. j Les anciens ont cru comme nous que l'Etat a le droit et le de- voir de diriger et de surveiller l'éducation, et ils ont partagé cette idée avec nous, parce que c’est une condition d'existence pour les sociétés. Les républiques de l'antiquité, Athènes et Rome ont passé for- cément d’un régime trop exclusif à la liberté de l’enseignement, parce que la liberté est une nécessité de notre nature et qu'il n'y à point de progrès sans elle. Enfin, quant à la direction morale de l'enfance, je cherche vai- nement les dissemblances; car, le cœur des pères et des enfants, c’est le cœur humain, et les lois qui régissent le monde moral ne varient pas plus que celles qui gouvernent la création. Je me trompe en un point, Messieurs; l'éducation moderne est chré- tienne, ét, sous ce rapport, je ne vous dirai pas combien nous valons mieux que les anciens; vous le savez aussi bien que moi, et comme moi vous en trouveriez toutes les raisons dans l'histoire et dans vos cœurs. — HEC ———— 40% CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Du Dialecte romano-saintongeais, par M. l'abbé RAINGUET, supérieur du Petit-Séminaire de Montlieu, (Charente- Infcrieure.) Nos vieilles provinces vont chaque jour perdant leur physio- nomie propre : la mode fait disparaître du fond même de nos campagnes l'originalité du costume traditionnel ; mais le vieux langage s'en va moins vite, et sous ce rapport notre Saintonge se montre par sa tenacité une digne sœur des autres provinces de l'Ouest dont elle se rapproche aussi par son dialecte. C'est sur le vif qu’il faut étudier notre vieux langage sainton- geais, car les livres nous manquent. Notre province n’a point eu sa littérature proprement dile : les actes enfouis dans quelques études de notaires, quelques noëls, un grand nombre de chan- sons populaires, voilà les sources où l’on pourrait puiser; mais la chose est difficile. Quant aux lexiques nous ne connaissons que le glossaire, manuscrit rédigé par M. Guillonnet-Merville et le travail que M. Jonain a publié dans l’Union républicaine de Saintes, sous le litre de Vestiges du langage saintongeais. Ces deux ouvrages né sont pas dépourvus de mérite, mais ils sont fort incomplets. Depuis plusieurs années l’auteur de ce mémoire a consacré quelques loisirs à former lui aussi un glossaire ro- mano-saintongears, et c’est ce qui l’engage à répondre à la ques- -tion 30° du programme du congrès. Je dois avertir préalablement que le langage que je sais d'enfance et que j'ai le plus entendu est celui de l'arrondissement de Jonzac; il m’a semblé avoir beaucoup d'affinité avec celui des arrondissements de Saintes et de Marennes, et différer un peu plus du dialecte des environs de La Rochelle et de St-Jean-d’Angély. Ces différences n’existent souvent que dans la prononciation , qui du reste varie de canton à canton et de commune à commune. J'appelle ce langage romano-saintongeais parce que la base en est le roman des XIL° et XITE siècles. En lisant nos vieux auteurs on rencontre une foule de mots qui sont restés sans altération dans nos campagnes. Une collation de la nomenclature de mon glossaire avec celui de Roquefort m'a prouvé que les trois quarts des mots étaient identiques ou légèrement altérés; et l’on sait que l'ouvrage de Roquefort offre bien des lacunes. Le fond de notre dialecte est donc francais, les quatre conju- gaisons sont les mêmes avec quelques variétés de formes, qui ne sont, je le crois, que des archaïsmes. Protestons, en passant, contre l'erreur si répandue qui assigne la Loire pour limite à la langue d'oil; il serait plus juste de dire la Gironde, et peut- être la Dordogne. VINGT-TROISIÈME SESSION. 405 Souvent les mots saintongeais ne différent du français actuel que pour avoir COnservé l’ancienne prononciation : fére, pour faire ; crére, pour croire; Françoés, pour François. Les noms des paysans et ceux de leurs hameaux qui sont pres- que toujours des noms d'hommes appartiennent aussi à la langue romane : n’en peut-on pas inférer que notre Saintonge a été une des premières provinces où s’est développée la civilisation: dont la langue est un témoin. Déjà M. de Caumont à constaté que le mouvement de l’art chrétien y avait été fort prompt et à peu près uniformément répandu. L’empreinte du roman n'en a pas été moins profonde puisque les agitations de cinq ou six siècles n'ont pu l’effacer. Cependant il ne faudrait pas croire que l’ancienne langue sur laquelle le roman rustique est venu étendre une couche si s0- lide, ait entièrement disparu. De quelque nom qu’on l'appelle elle se retrouve dans une foule d'expressions qui trouvent des analogues dans le basque et même dans le sanskrit. Qu'il suffise d'en citer quelques exemples. Le mot saintongeais bran (son de blé) en celto-breton brance. Brèche (rayon de miel) celto-br. bresqg. Combe (vallée) celto-br. comb, sanskrit: £wmbd. Dail (faulx) celt. dalla fauche, sanskrit dal. Balet {auvent, porche) celt. baled. Barat (tromperie) celt. barat. Fagne (fange) celt. fank. Picher (pot d’une pinte) celt. picher, basque pitchera. Tache (clou) cell. tach. Arraser (raser) basque arrasatcea. Acabasser ‘accabler) basque achabatsea. Roupe (casaque) basque arrapa. Borderie (métairie) basq. borda. Le grec a fourni peu de mots: BÉLos (marseillais belugo élincelle), saint. Beluger étinceler. BouPxaGos (glouton) : bouffer, manger gloutonnement. Brosis, broût, la provision de feuilles pour broûter. CopHiNos, cofineau, corbeille de paille pour façonner le pain. GARGAREON, gargate, la luette ou le gosier. MacTra, met, pétrin. Brupzo, BRUADZO, bronzer, jaillir. CREA, créa, l'esturgeon ainsi appelé parce qu’on prétend Y trouver le goût de plusieurs viandes. Comment ces mots sont-ils arrivés à notre Saintonge? Nous n’aurions ici que des conjectures à présenter, et il est assez na- turel de penser qu’ils sont venus avec les autres vocables de la langue romane. Quant aux mots d’origine latine, cette provenance y est quel- 406 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. quefois plus sensible que dans la langue moderne ; ainsi popilion est plus près de populus que peuplier; ampeüter de amputare que enter, etc. La voyelle d'appui est souvent restée devant les lettres initiales du latin s£. Estatue pour statue; estamelle {qualité} de stamen ; estoper (reprendre à l'aiguille) de stupa. Le romano-saintongeais a gardé plusieurs temps de verbes que l'usage a faits défectifs et français. Ainsi choir, que l’on pro- nonce chère, à la manière ancienne, a le futur Je chèrai, tu chèras, l'impératifchés, etles autres temps : je chésis, o chésait ine grèle... o fallait bn que je chésisse. d Au lieu des mots français terminés en al, le romano-sainton- geais a gardé le singulier primitif en au; nos paysans disent en- core 2x maréchau, dau mau. On trouve dans Villehardouin / mareschaus. Quelquefois la forme en cau est changée pour celle en as qui donne au mot une physionomie tout à fait rustique : in chapias, dau nouvias, un bias troupias. Cet idiotisme com- mence à s’effacer. Le superlatif se forme quelquefois, comme dans l’hébreu, par le redoublement du positif : grand grand pour très grand. Le pronom offre une des singularités du dialecte : o s'emploie pour al, zou pour le, tous deux dans le sens neutre o zou faut bn. Ile faut bien. Comme dans le roman on dit le pour à lui, à elle : jhe D dessis, je lui dis. Lé, a s'emploient pour elle : a zou veut, o-l-est lé. Comme dans les dialectes du midi, on met souvent l’article à la place du pronom. E-t-au ta vache ?—Non, o-l'-est LA dau bourgoës. On en fait encore usage par une ellipse qui rappelle celle des langues anciennes : le de Roc, le de Montquyon veut dire le curé de Roc, de Montguyon. Quelques locutions sont aussi fort originaies : à dire pour de manque; à de bias pour à point; a ser, hier soir; de ser, ce soir. Le caractère de cet idiôme est une rustique énergie tellequ'elle * doit être dans une langue qui n’est en usage que parmi le peuple, et encore quand il ne se donne pas la peine de parler français. Les finales sont souvent rudes et sonnantes, tandis que les ‘Jan- gues polies les adoucissent : èn creut, in lout ou àn loue. Il lui faut des sons qui remplissent bien la bouche: {ounère, goulée, boune, chouse ; des aspirations rudes, saut pour haut : à saute heure ; ghenou pour genou; Than pour Jean; gharcon. Les syllabes sourdes, l’e quiescent abondent il est vrai, mais c’est une syncope, et je crois qu'il ne faudrait pas l'écrire puis- VINGT-TROISIEME SESSION. 407 qu'on ne le prononce pas. Br'dasse, br'dasser, déf'rmer (ou- vrir), d’rèmer (marcher vite), fr'mage, p'rdrix, p'zas (pois), dal'ter, palpiter, de haleter. Il résulte de ces syncopes que l’ac- cent n’adoucit presque jamais les sons, le grave et le circonflexe sont rares et sont souvent remplacés par l'aigu prolongé : guépe, fête, tête. De mème pour les syllabes analogues : més pour mais; més que toë, plus que toi. Cependant quelque sacrifice que le dialecte saintongeais fasse à la briéveté, comme les langues néo-latines, il ne néglige point l’euphonie. Les £, les s, les z qu’on reproche assez durement au peuple sont des exceptions harmonieuses dont quelques-unes se sont maintenues dans le français /verra-t-on), (vas-y.) L est aussi euphonique dans notre langage ancien :0-l-est be vrai. Dans quelques mots, / est adoucie par la prononciation ita- lienne, ainsi piange, piangement, au lieu de plange (plane), plangement. Piancher pour plancher, sou piait pour s’il vous plaît. Les onomatopées seraient lougues à énumérer ; mais en gé- néral elles n’ont trait qu’à des objets bas ou gracieux : grisser exprime un bruit moins dur que grincer, ébouiller pour écraser, écapautit, écraser entièrement. Le bruit, la turbulence sont rendus par des expressions fort vives : racasser, patrouiller, patrouillis, dévaler, p'tucher, p'tasser, vesingade, natre, b'rdassier, Lb'rdasser, b'rdasse, etc. Cabournas retentit comme une souche creuse. Quant au caractère moral de la langue, il est tel qu'on peut l’attendre du rude paysan qui aimerait mieux, comme le dit la chanson, voir mourir sa femme que ses bæœufs. Le romano-sain- tongeais n’a souvent que des termes àpres, grossiers el mépri- sants pour les objets que les langues polies désignent par leurs expressions les plus gracieuses. Nos paysans appellent leur femme ne fumelle, leur fils ën fail, cependant nore est plus gracieux que bru. Le génie français avec sa délicatesse, a senti que dans les secondes noces la marätre seule était possible : le romano-saintongeais ne voit que le fait matériel et dit pératre 911 comme il dit mératre. Il manie lourdement les objets les plus. Iégers, la coiffe d’une femme est un escoiffion, elle porte un "llmouchenez Sur son Jabot et des ribans complètent sa parure. 16/Le/mot joli est gaté par l'aspiration 7holi ; le papillon est un parpaillon; ne vous semble-t-il pas voir des doigts rustiques ...s'allonger gauchement pour saisir l’insecte voltigeant ? un Mais la Jangue s’attendrit un peu pour désigner les animaux no domestiques, source de l’aisance du villageois et pour cela objet -. de ses soins : ne tore, in bedet, ine ignelle, in canet, in -upironne manquent pas, de grace, L’ane même, en faveur de son 108 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. utilité, change son nom malheureux en celui de voiture, de voi- Luron auxquels on ajoute même l’épithète de petit qui sent la compassion. Les noms de quelques oiseaux attestent que le ‘ paysan saintongeais a levé ses regards vers le ciel et qu’il n’a pas vu d’un œil indifférent la grâce de ces êtres miraculeux : le mot échardrit est plus brillant, ce me semble, que chardonneret , verdois plus élégant que verdier, et bèsse, ce mot court et glis- sant, peint à merveille les allures vives du rouge-gorge. La naïveté saintongeaise se laisse voir d'ordinaire dans sa rus- ticité et sa lenteur, mais elle n’est point exempte de cette sève narquoise qu'on attribue au gaulois. Ilen résulte dans le langage bon nombre d'expressions pittoresques dont le peuple sait faire un piquant usage. Ebobé (hébété), embob'liné (enveloppé), b'rluzeau (niais), trois mots qui font chacun un petit tableau. Ballot, grosse levre, d’où le verbe rabelaisien balloter, pour manger gloutonnement. Dormard (qui aime à dormir), manque à la langue française. Pignot (délicat au manger), d'où dérive pignoter. Pinté est un mot très comique appliqué à un homme qui à trop bu. Fouräche a quelque chose de moins fort que fa- rouche et s'emploie souvent d’une manière fort gracieuse. Effournigé nous fait voir dans un mot l’oisillon sorti du nid et usant follement de sa liberté. Avacher est plus pittoresque que éculer. Un mot en finissant sur lorthographe et la prononciation de notre dialecte. La première n'ayant point été fixée par des ou- vrages imprimés varie beaucoup et en général est peu satisfai- sante. Un son surtout est difficile à rendre, c’est celui de l'adjectif équivalent à ce, celui, celle : on l'écrit souvent tchieu ; il me semble qu'on arriverait plus sûrement au but en l'écrivant seule- ment avec un h, qui doit s’aspirer assez fortement comme quand on prononce bas : hieu, hielle. Le j et le g s’aspirant toujours il est bon pour en avertir de les faire suivre de l'A: Ghemôzat pour Gemozac ; Jhan pour Jean. LISTE MEMBRES DU CONGRES SCIENTIFIQUE. XXII1° SESSION. MM. BASSET, Benjamin, végociant à La Rochelle. DE BEAUGÉ, ingénieur à La Rochelle. Le comte d'Herrcourr, à Souchez (Pas-de-Calais). DumorissoN, conseiller de préfecture à La Rochelle. TOURNADE, docteur -médecin à St-Médard, près La Rochelle. BERTINI, Bernardin, docteur en médecine, député au Parlement Sarde à Turin. Eumery, E., propriétaire à La Rochelle. ROMIEUX, Gaston, négociant à La Rochelle. L'abbé LACURIE, de l’Institut des Provinces de France à Saintes. LE GLay, docteur- médecin, garde des archives du Nord, corres- pondant de l’Institut à Lille (Nord). Dugois, Laurent, ancien recteur de la Charente-Inférieure, chevalier de la Légion- -d'Honneur, officier de l’Université. LanprAu, André-Louis, propriétaire à La Rochelle. DELIDON, Ernest, étudiant à Saintes. G.-F. BARUFFI, professeur à l'Université Royale de Turin, etc., etc., à Turin. Le comte George DE SOULTRAIT, Membre non-résidant du Comité de la langue, de l'histoire et des arts de la France, membre du Conseil Général de la Nièvre et de l’Institut des Provinces à Toury-Lurcy (Nièvre). Manës, William, ingénieur en chef des mines en retraite, à Saujon (au Boussac, près Bordeaux). FralGnAuD , Léon-François, curé à Meursac, près Saujon (Charente-Inférieure). Rexaun, Hilaire, négociant à La Rochelle. MÉNEAU, Léon, négociant à La Rochelle. RaNGuET aîné, P.-D., membre de la Société des Antiquaires de l'Ouest à St- Fort- sur-Gironde , par Saint-Genis (Charente- Inférieure). 27 410 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Lacour, Gabriel, avocat, membre du Conseil-Général à Saint- Jean-d' Angély. PELLEVOISIN, Louis-Édouard, négociant à La Rochelle. Gassies, J.-B., trésorier de la “Société Linnéenne , allées de TournY, 24, à Bordeaux. ApmirAULTr, Gabriel, négociant à La Rochelle. Le baron pe Larour, à Loches ([ndre-et-Loire.) Forqueray, Emmanuel, à La Rochelle. PELLEVOISIN père, à La Rochelle. ALLARD, Eugène, notaire à Rochefort. Banrpy, Gustave, avocat général à la cour de Poitiers, petite rue St- Savin. CiroT DE LA VILLE, TE Pierre-Albert, chanoine-honoraire, professeur de la Faculté de Théologie, membre de l'Académie, etc., rue de la Concorde, 10, à Bordeaux. PELLEVOISIN, Alphonse, à La Rochelle. Morin, Aymon, percepteur, à Andilly, canton de Marans. LevaLLois, receveur particulier à Saintes. BELTREMIEUX, Édouard, agent de change à à la Rochelle. DELAMAIN, Henry, jeune, négociant à Jarnac Charente.) GIRAUDEAU, Etienne-Césaire, à la Rochelle. BonxEAU, Théodore-Simon- Pierre, notaire à Marans. Garnier, Jean, dit Savatier, membre de la 44° session du Congrès à Marans. Le baron EscHassérIAUX, député, à Thenac, près Saintes. PAQUERÉE, Aurèle- Pierre, propriétaire , membre de plusieurs sociétés savantes, à Castillon- sur-Dordogne (Gironde.) Mauras, Ernest-Auguste, avocat à la cour, à Rennes, rue de la Motte-Sablie, n° 9. BAYLE, professeur à à l'école des Mines à Paris. FOURNIER, Charles, notaire à La Rochelle. DeLmas, Louis, pasteur à la Rochelle. Jasouix-BervarD , marbrier-sculpteur à Bordeaux, place Dauphine, 11. BELLOC, Aristide-Francois , staltuaire à Bordeaux, petite rue Pont- Long, 30. Morin, Charles, directeur de la succursale de la Banque de France à La Rochelle. BarBix, pharmacien à Marans. BLaraiRou, doyen de la Faculté de Théologie à Bordeaux, rue Montmejean, 36. BARBASTE, Jean- Francois, 409 Rochelle. Gox fils, Adolphe, propriétaire à La Rochelle. SAUYÉ, Saint-Gyr-Louis; médecin à La Rochelle, MËNEAU père, Théodore, négociant à La Rochelle. Loyser, Pierre, ancien avoué à La Rochelle. DE La SaussaYe, recteur de l’Académie à Poitiers. AB si 5 VINGT-TROISIEME SESSION. ant Ruck, Gabriel, inspecteur de l'Académie à La Rochelle. DE VERpoN, Fulgence, inspecteur des lignes télégraphiques à La Rochelle. ALLENET, Ferdinand, chef d’escadron d'artillerie en retraite à La Rochelle. | DrouINEAU, Paul, docteur-médecin à La Rochelle. HunoLn DE La PELLETERIE, docteur-médecin à Angers. Le vicomte Paul be GENOUILLAC, propriétaire à Rennes. ManIONNEAU, Charles, peintre paysagiste de la Société archéolo- gique à Nantes, rue du Calvaire, 4. CALLOT aîné, Pierre- Simon, conseiller de Préfecture LA Rochelle. Mazer, Pierre, docteur-médecin à La Rochelle. PizLor, Alexandre, propriétaire à La Rochelle. MONTAGNE E, Antoine-Isidore , professeur d'hydrographie à La Rochelle. Le prince pe PonTs-ASNiÈREs, marquis de La Châtaigneraye, Jean-Bapliste-François-Auguste, au château de Courtigis, près et par Lorris (Loiret. BARNS SARGET DE LAFONTAINE , à Bordeaux, 5, fossés de lIntendance. G FizLox, Benjamin, à Fontenay (Vendée. Mre PaiiPpe, née LEMAITRE, à Jlleville-sur-Montfort. Gaupin, L., docteur en médecine à La Rochelle. Banrue, Noël, médecin, membre et ex-secréfaire de la Société médicale de l arrondissement de Libourne, membre et secré- taire du Conseil d'hygiène publique et de salubrité du même arrondissement, membre du Conseil médical et du Bureau de bienfaisance à St-Emilion (Gironde.) JonaIx, Pierre , professeur de langues à Bordeaux, rue de la Course, n° 401. FROMENTIN-DUPEUX, médecin en chef, directeur de l'asile des aliénés à Lafond, près La Rochelle. Meyer, Louis- Eugène, à La Rochelle. TOUTAIN, Charles-Francois, principal du collége à Rochefort. L'abbé PERSON, à Rochefort. Boxnior, Léon, conducteur des ponts-et-chaussées à La Rochelle. ViviezLe, Francois-Adolphe, docteur-médecin à La Rochelle. VANDERP: AcH, docteur-médecin à La Rochelle. LE GaLz, conseiller à la cour impériale à Rennes. VILLETARD DE PRUMIÈRES, à Paris, rue de Clichy, 62. GaRREAU, Paul-Emile, docteur-médecin à la Rochelle. Vivier, Louis-Théodore, chef d’escadron d'artillerie en retraite à La Rochelle. Jaco, Auguste; conducteur des pents-et-chaussées à St-Jean- d’Angélv. 412 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. BERTHELOT-LABRANCHE, à Jonzac. MENUT, Alphonse, à La Rochelle. BurGauD père, Pierre-Henri, chevalier de la Légion-d'Honneur à La Rochelle. LecLerc, Julien, ingénieur en chef à La Rochelle. Meyer, Rodolphe, docteur en médecine à La Rochelle. JOUSSEAUME, Olivier, docteur-médecin à La Rochelle. DE RICHEMONT- MESCHINET, Louis-Marie, à La Rochelle. MarCHEGAY , Emile, ingénieur des ponts-et-chaussées à La Rochelle. CHauDREAU, Charles, procureur impérial à La Rochelle. SIMON, Gaëtan, proviseur au Lycée à La Rochelle. CHESNET, Etienne- -Benjamin, médecin à La Rochelle. GUILLEMOT père, négociant à La Rochelle. TOURNADE, Alexandre, à La Rochelle. VoussELAUD, receveur principal des douanes à La Rochelle. Bourarp aîné, pépiniériste, secrétaire de la Société d'agriculture à La Rochelle. PELLEVOIsIN, Victor, à La Rochelle. BriLLouIN, Louis-Jacques, à St-Jean-d’Angély. DueuGxox père, président du Tribunal civil à La Rochélle. Dugeucxox fils, docteur en droit à La Rochelle. Gox, capitaine du génie à La Rochelle. DUCASSE, colonel “du génie, directeur des fortifications de La Rochelle, à La Rochelle. DE VErpaL, lieutenant-colonel du génie à La Rochelle. L'abbé Ad. PAsQuiER, à Saintes. L'abbé Boxer, archiprètre à Saintes. Roux, P.-M., docteur en médecine à Marseille. DEs Boys, Albert, secrétaire de la 24° session à Grenoble. : Monseigneur Laxprior, évêque de La Rochelle et de Saintes. GauGain, de l’Institut des Provinces à Bayeux. RENAULT, vice-président du Tribunal à Coutance. SIMON, Victor, de l’Institut des Provinces à Metz. MORIÈRE, secrétaire de l’ Association Normande à Caen. Borpeaux, B:, docteur en droit à Évreux. Quesxoy, V ictor , inspecteur de l'Association Normande à Neufbourg (Ain.) DEsLoxGcHames, Eudes, doyen de la Faculté des sciences à Caen. DELACHOUQUAIS, président de la Chambre Honoraire à la cour impériale à Caen. MarcHEGAy, Paul, ancien archiviste du département de Maine- et-Loire, à Angers. VrauLripère, propriétaire à La Rochelle. ERA SIMON, Gaëtan, professeur de mathématiques à La Rochelle. ne à VINGT-TROISIEME SESSION. 413 JourpaN, E., juge d'instruction à La Rochelle. CHEVALIER, Elie, à La Rochelle. BLurTEL pere, président de la section des sciences de l’Académie de La Rochelle, à La Rochelle. DE Samnr-ExurEry, à La Rochelle. BaguT, Emile, à La Rochelle. D'AzBiGnNy, Paul, de Villeneuve, membre de l’Institut des Pro- vinces , secrétaire général et délégué des sociétés savantes de St-Etienne. Du Peyrar, Auguste, de la Société d'archéologie, etc., à Beyrie, par Migron. JOUSSEAUME, Jules, docteur- médecin à La Rochelle. ANCELON, docteur-medecin à Dieuze (Meurthe.) MENARDIÈRE, Camille-Arnault, avocat, docteur en droit, membre délégué de la Société des Antiquaires de l'Ouest à Poitiers. BARBASTE fils, à La Rochelle. FouLoN, Armand- -Joseph, censeur des études au Lycée impérial de La Rochelle, à La Rochelle. BerTiNi, Philippe, propriétaire à Turin (Etats-Sardes. ] CuIGnEAU, Th., docteur en médecine, secrétaire général de la Société L innéenne de Bordeaux, à Bordeaux. Le vicomte pE GouRGUES, Alexis, membre de l'Institut des Provinces, inspecteur de la Société Fr ançaise d'Archéologie de la Dordogne, à Bordeaux. Desmouuis, Charles, sous-directeur de l’Institut des Provinces pour le S.-0., inspecteur divisionnaire de la Société Francaise d’ Archéologie, etc. à Bordeaux. VIviER, Th., négociant à La Rochelle. AUDRY, Aimé- René, notaire à La Rochelle. GIRAUD, aumonier de l hospice général St-Louis à La Rochelle. LEDOUX, Aimé, à La Rochelle. DELAVANT, Léopold, bibliothécaire à La Rochelle. L'abbé RAINGUET, Augustin, à Rochefort (Montlieu.) FanrTy-LEscurE, à La Rochelle. Meyer père, Eugène, à La Rochelle. BLONDEL, Auguste, à Nantes, rue de la Bastille, 47. PrzLor fils, Maurice, à La Rochelle. Comte D "ERSEVILLE, membre de la Société Francaise des Monu- ments, rue de Grenelle- St-Germain, 43, à Paris. DE CAUMONT, A., membre du Conseil- Général d'agriculture , correspondant de l’Institut de France, directeur de l'Institut des Provinces et de l’Association Normande à Caen. } Perir-Larirre, Auguste, professeur d'agriculture du départe- ment de la Gironde, à Bordeaux, rue Henry IV, n° 42. De La TRANCHADE, percepleur à St-Jean-d’Angély. itf CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Le comte be KERCADO, vice-président de la Société d’horticulture de la Gironde, correspondant de l’Académie des sciences, etc. de Bordeaux, membre de la Société Linnéenne de Bordeaux, et de la Société impériale zoologique d’acclimatation à Bordeaux, place Dauphine. L'abbé Parbrac, membre de la Société Francaise d'Archéologie à Bordeaux. F Le marquis pe Bras, à Paris, rue de Richelieu, 63. L'abbé FL ORIMONT, à Montmorillon. DORFEUILLE, à Ste-Soulle. Laronr, à Ste-Soulle, CHAMBEYRON, à La Rochelle. AvrARD, médecin à La Rochelle. DELmas fils, à La Rochelle. Paumier, ingénieur à La Rochelle. Le comte pe SAINT-MARSAULT, Alexandre, à Salles. DE SuiNT-MaARsAU LT, Edmond, à à Salles. MansiLLACQ père, à La Rochelle. LA BRETONNIÈRE, à La Rochelle. Ducasr-Marirux, à Nantes , Tue de Clinon, Micueunx fils, propriétaire à La Rochelle. Porez, Ernest, ingénieur à La Rochelle. AURIOL, SOUS- directeur des constructions navales à Rochefort. ARLAUD, deuxième chirurgi ien en chef de la marine à à Rochefort ARDOUIN, artiste vétérinaire à Rochefort. DE BASE, avocat à Rochefort. Duürouquer, docteur en médecine à Rochefort. Dugois, docteur-médecin à Rochefort. Dupcouy, médecin à Rochefort. FLEURY, médecin à Rochefort. GUILLEMAIN, ingénieur des ponts-et-chaussées à Rochefort. Jossic, deuxième médecin en chef de la marine à Rochefort. JOUVX, pharmacien professeur à Rochefort. LEHUEN, examinateur de la marine en retraile à Rochefort. MAHER, directeur du service. de santé à Rochefort. MoNTAUT, aide-commissairé de la marine à Rochefort. - MoLLièRE, propriétaire, adjoint au maire à Rochefort. LEBELIN DE DIONNE, ingénieur à Rochefort. OGier, agent comptable de la marine à Rochefort. Poresras, capitaine de frégate en retraite à Rochefort. QUESNEL, premier médecin en chef de la marine à Rochefort. Roy-Bry, maire à Rochefort. Roux, premier pharmacien en chef de la marine à Rochefort. Roue, pharmacien à Rochefort. DE La ROUSSELIÈRE, sous-préfet à Rochefort. RIEUNEAU, professeur au collége à Rochefort. THëzE, imprimeur à Rochefort. VINGT-TROISIEME SESSION. É15 VALETTE DES HERMAUX, propriétaire à Rochefort. ViauD, receveur municipal à Rochefort. BEaussanT, maire à La Rochelle. Marquer, premier adjoint à La Rochelle. Bonxemorr, deuxième adjoint à La Rochelle. CHARLES, Félix- -Auguste, commandant de place à La Rochelle. ROCHE, à Rochefort. CHABANT, à La Rochelle. MICHEL père, à La Rochelle. Le GENTIL, conseiller à la Cour impériale à Poitiers. Morin, Arsace, avocat à La Rochelle. DUBEUGNION fils, avocat, docteur en droit à La Hochelles SEGUIN, percepteur à La Rochelle. BRISSON, Charles, à La Rochelle. Pros, docteur-médecin à La Rochelle. BouRRA, Victor, à Beauvoir. ROUHIER, Édouard, à La Rochelle. Roux, à La Rochelle. THOMASSON, à La Rochelle. MaïRAnn, employé des ponts-et-chaussées à St- Jean- d’Angély. Le vicomte DE Cussy, membre de l'Institut des Provinces à Paris, rue Caumartin, 26. CHOLET, curé, doyen d' Aicrefeuille, à Aigrefeuille. BRAUDON, médecin à Dompierre. CASSAGNEAUD, Paul, à La Rochelle. CoquizLaup, E., médecin à Fontenay-le-Comte. ArNoux, Aimé, président du Tribunal de commerce à La Rochelle. DE SaINT-MAURICE, Joseph, à La Rochelle. BOUSCASSE, Édouard, à Puilboreau. THIOLLET, Francois, à Paris. Von per ERCH, à Magdeboursg, en Prusse. BABuT, Théophile, à La Rochelle. - Garos, à Fontenaÿ. Du CHATELIER, au château de Kernuz, à Quimper (Finistère. ) Du CHATELIER fils, au château de Kernur, à Quimper (Finistère.) Bourrarp, Alexis, à La Rochelle. DE CHANTREAU (Vendée). DE Cuexac, à Niort (Deux-Sèvres), rue Basse. Le baron DE CHASSIRON, à La Rochelle. DE GourviLie père, à Ta Rochelle. DE GourviLLe fils, à La Rochelle. FizHoNw, prêtre, aumônier de la marine à Rochefort. Avril DE LA VERGNÉE, inspecteur des Monuments historiques . à Niort. L'abbé CHarTier, aumônier au Lycée à La Rochelle. Brianr, préfet de la Charente-Inférieure à La Rochelle. 416 CONGRÈS SCIE NTIFIQUE DE FRANCE. Trron, Max, receveur général à La Rochelle. DE La ROQUE La Tour, Auguste, à La Rochelle. POEY D'AVANT, à Maillezaie (Vendée.) 1 PAILLOU, à Paris, rue des Écluses-St-Martin, 52. PaiLLou, à Paris, rue des Ecluses-St-Martin, 82. GABOREAU, grand-vicaire à La Rochelle. Meynier, pharmacien à La Rochelle. CHAPERON, à La Rochelle. MAGnaw, Octave, à La Rochelle. PANEL, à Paris. GALZIN DE BERNY, de la Société archéologique de la Charente à Angoulême. Le comte DE CHASTEIGNÉ, Alexis, à Bordeaux. GiveLer, Charles, à Rheims, rue de la Grue, 12. Lory, professeur de géologie, secrétaire de la 24° session du Congrès scientifique à Grenoble. BOILLEAU, délégué de la Société archéologique de la Touraine à Tours. Comrère, au Château (Oleron.) Gazzin père, directeur du Comptoir d'escompte à La Rochelle. Comte ne MEroDE, Félix, grand oflicier de l'Ordre de Léopold, ministre d'état de Belgique à à Bruxelles. Gayor, membre de l'Institut des Provinces à Troyes. Parcker, J., membre de l’Institut des Provinces de France à Oxford (Angleterre.) Vicomte Théodore pu Moncez, membre de l’Institut des Provinces de France à Lebites, près Caen. LameerT, E., membre de l'Institut des Provinces de France à Bayeux. De Beaucaamp, Charles, à St-Seurin, près Pons (Char.-Inf.) VacHeRIEe, maire de la ville de Saintes, à Saintes. PELLETIER, professeur au collége à Saintes. TAILLASSON, pharmacien à Saintes. GARDRAT, avoué à Jonzac. L'abbé Hupss, chef d'institution à Pons. GarnauLT, docteur-médecin à Pons (Charente-Inférieure.) TABLE DES MATIÈRES. RU —— Pages. Lettre de convocation des Secrétaires-génér. (xxIn° SESSION) Extrait de l’arrêté concernant la tenue de la XXIIE session. ITX Administration et organisation du Congrès............. IV Arrêté relatif à l'ouverture de la XXTIITe session du Congrès. V Dispositions réglementaires. ........................ VI Programme des questions proposées pour chacune des SES SRE AE 2 a AA LAPS AE BR as cé SRE 1 Apercu des fêtes qui auront lieu durant la tenue du Congrès. 140 PROCES-VERBAUX DES SECTIONS. Séance d'ouverture tenue le 4° septembre.............. 11 ns LOTO RE DUTEAUE PS AIME AIN MM CII 12 SÉANCES DES SECTIONS. ir & G° sections réunies. SCIENCES NATURELLES , PHYSIQUES ET MATHÉMATIQUES. Séance du 2 septembre. Présidence de M. Ch. Desmoulins. 46 Séance du 3 —— Présidence de M. Blutel......... 19 Séance du # — — RE ete, 2RÉREE 91 Séance du 5 — tenue à Rochefort-sur-Mer. Prési- dencé del. l'abbé: Baraffi. fret 20e Soudi es 93 Séance du 6 septembre tenue à Rochefort-sur-Mer. Prési- denceide M: l'abbé Baruffii tenu |! 9 sénn 2 futé 27 Séance du 8 septembre. Présidence de M. Blutel......... 31 Séance du 9 — Présidence de M. l’abbé Baruffi... 34 Séance du 10 — Présidence de M. Blutel......... 37 2° section. AGRICULTURE , COMMERCE ET INDUSTRIE. Séance du 2 sept. Présid. de M. le comte Ed. de St-Marsault. 40 Séance du3 — — —.. 42 Séance du 4 — — —.... 44 Séances des 5 et 6 septembre à à Rochefort-sur-Mer........ 48 Séance du 8 sept. Présid. de M. le comte Ed. deSt-Marsault. 48 Séance du9 — — —.. 50 Séance du 10 — — —, 1. D2 8° section. SCIENCES MÉDICALES. Séance du 2 sept. Présid. de M. le doct. Bertini, de upeue 53 Séance du3 — — ONE T7 Séance du4 — — —.... .36 418 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Séance du 5 sept. à Rochefort-sur-Mer. Présid. de M. Bertini 57 Séance du6 — àRochefort-sur-Mer., — —.. 59 Séance du 8 — Présidence de M. Bertini...........…. (64 Séance du9 — Présidence de M. Garreau............. 68 4° section. ARCHÉOLOGIE ET HISTOIRE. Séance du 2 septembre. Présidence de M. Callot......... 70 Séance du 3 — Présidence de M .Fillon........ 71 Séance du # — Présidence de M. Callot....:.... 73 Séance du 5 — à Rochefort-sur-Mer. Présidence de M. l'abbé Escurien Mb Er Ur Rene 15 Séance du 7 septembre. Présidence de M. Callot......... 78 Séance du 8 — — DU ms SU SENTE 79 Séance du 9 — — ET FREE E 80 Séance du 10 — — 2 EL ARE 83 »° section. PHILOSOPHIE, LITTÉRATURE ET BEAUX-ARTS. Séance du 2 septembre. Présidence de M. Labretonnière. 87 Séance du 3 — — —; HU UE 87 Séances des 5 et 6 — — —......: 90 Séance du 8 — _— {NS 90 Séance du 9 — — Vite 91 Séance du 10 — ire 96 SÉANCES GÉNÉRALES. Séance du 2 sep. Prés. de M£ Landriot, évêque de la Rochelle 97 Séance du3 — — Ce Ve me ne aid NII 100 Séance du #4 — — ne NP Nu. | 102 Le Pigeon et les Télégraphes (fable)... ................ 104 À ME Landriot, président du Congrès, par E. Labretonnière. 406 Rochefort-sur-Mer. Séance du 5 septembre à Rochefort-sur-Mer. Présidence de ME Lan dB bne ie Mer te ed Léon Sc nee er 6 2 108 Voyage du Congrès scientifique de La Rochelle à Rochefort. 1 10 Séance du 6 septembre à Rochefort-sur-Mer. Présidence de MEDAD. RUE 2 0 dL. AS OUR ENNRES 116 Séance du 8 septembre. Présidence de M£ Landriot...... 119 Rapport de M. Menut sur la visite faite aux monuments de la ville de La ROCHBIIE".. 2. 2 22, MSI EUR 120 Séance du 9 septembre. Présidence de M£# Landriot. ..... 125 Compte-rendu de M. Desmoulins (SCIENCES NATURELLES).. 128 Séance du 40 septembre. Présidence de M# Landriot. .... 132 VINGT-TROISIÈME SESSION. Arrèté pris par le Congrès scientifique relativement à a la tenue de la XXV® session à Troyes, et à la publication du compte-rendu de la XXIIE° session. ............. Discours de M£ Landriot, évêque de La Rochelle, avant la cloture de latsesston RACINE RUE URI RE DE EE MÉMOIRES. are & 6° sections réunies. Quelles sont les richesses minérales du département de la Charente-Inférieure? par M. MANES, ingénieur des RTE OS CURE NN SES ETES NEA PRE La carte géologique de la Charente-Inférieure est-elle suflisante pour que l'on puisse, à priori, indiquer les espèces de terrains sur lesquels il serait utile de pratiquer ramasse "rpar de Meme.-2n heu. us Du marnage, par M. VIVIER , oflicier en retraite. ....... Addition au mémoire sur les marnes. ................. Percement de l’isthme de Suez, par M. l’abbé BARUFFT, professeur de physique à l’ Université de Turin. ...... Buttes coquillières de Saint-Michel-en-l'Herm, par M. MAYRAND , employé des ponts-et- chaussées... ... Apercu des principaux établissements et des intérêts mari- times de Rochefort-sur-Mer; régime des eaux de la Charente; fosses aux bois de construction ; principaux ateliers du port; grand bassin de carénage, par M. AURIOL, sous-directeur dés constructions navales du port de Rochefort ET PO SP D MAT Influence du desséchement des marais sur l'assainissement de la contrée, et de l'augmentation des richesses depuis 30 ans, par M. ARDOUIN , médecin-vétérinaire. . .. Notice sur les mortiers capables de résister à l’action de la mer, par M. MARCHEGAY, ingénieur des ponts-et- chaussées, chargé des travaux maritimes dé Farron”. CSSEMENLU Da ROBES A ni Nue. ee La combustion de la houille augmente-t-elle la quantité. d'acide carbonique ? par M. PACQUERÉE Da Ll LOL Mémoires de Ia 2° section. Mémoire de M. l’abbé FRAIGNEAU sur les causes de l’émigration des jeunes gens de la campagne, et les moyens de-lesüxer aux CHAMPÉE. . :........ (HI Dusdrainagé, par M. PAUMIER..,.......4.1..01.2% 2 De la comptabilité agricole, par M. STEVENIN agente comptable de la ferme-école de Puilboreau . - Des fumiers de fermes, par M. ROCHE, pharmaci en à : TROIE EN CON PE EUR M A EUR Ms One De nt a AE 150 152 154 158 158 162 120 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Quels rapports et quelle différence y a-t-il entre la fièvre ty- phoïde et le typhus? par M. Paul GARREAU , médecin principal des hôpitaux militaires. .....,............ 223 La constitution médicale de Rochefort s’est-elle modifiée depuis 25 ans? et sous l'influence de quelles mesures hy- giéniques est survenu ce changement? par M. MAHER, directeur du service de santé à Rochefort. .. ....... 281 Les affections scrofuleuses sont-elles fréquentes dans le département de la Charente-Infér*, par M. ARTAUD, deuxième chirurgien en chef de la marine à Rochefort. 296 De la mort apparente des nouveaux-nés, et des moyens de la combattre, par M. le docteur SAUVE. .......... 305 Observations sur l'opium indigène, par M. ROUX, phar- macien en chef de la marine à Rochefort. . ........ 339 Des causes des claudications et des déviations de l’épine dorsale dans le département de la Charente-Inférieure, DAT MO SSI RTS 0h ete dans mbnere ent sl 0 Ets STE 343 De la constitution médicale de Rochefort, par M. VIAUD, receveur municipal à Rochefort. ............... 353 Quelles sont les causes prochaines ou éloignées de l’é- clampsie des femmes en couche? Quels soins réclament- elles de la part de l’accoucheur? par M. le docteur DUTOPOUET UE ROCHE De PE ETES 358 Mémoires de la 4° section. Quelle a été la part des ordres monastiques dans le dé- veloppement de la civilisation en Saintonge, par MÉCRRILDO BIENNE SES US eee STE EU 370 Date de l'introduction du christianisme en Saintonge ; ses premiers apôtres, par M. l'abbé LACURIE........... 382 Peut-on déterminer quelle était, dès le principe, la compo- sition du corps municipal, et la fonction de chacun de ses membres, par M. l'abbé LACURIE. . ......... 387 Mémoires de la 5° section. Comparer l'éducation des anciens et des modernes; re- chercher la cause de cette opposition de principes que l’on remarque entre les anciens et les modernes en matière d'éducation, par M. FOULON, censeur des études au Lycée impérial de La Rochelle............ 392 Dudialecteromano-saintongeais, par M. l'abbé RAINGUET, supérieur du Petit-Séminaire de Montlieu (Charente- Inférieure) 0... . 7 DE 0x 0 20b0b ae 404 Liste des membres du Congrès scientifique de France, KA Sen TER 0 TO EUR. A ich 409 St-Jean-d’Angély.—Imp, Durand-Lacurie, ERRATA. Page 12, ligne 33, Aril de La Vergnée, lisez: Avrilde La Vergnée. 7 — — %3, Albert de Brivemembre, lisez : Albert de Brives, membre du conseil. — 17, — 34, engrains isolés, lisez: en grains isolés. = 90, — 35, parcequ'il à observé, lisez: par ce qu'il a observé. __ 96, — 37, cistinées helianthemum fumans, ajoutez une virgule après cisfinées. —_ 35, — 32, Marchegeay, lisez : Marchegay. — ki, — 10, de Brèves, lisez: de Brives. — 60 et suivantes, partout où il y a Jossie, lisez: Jossic. — 75, — 18, curi®, lisez: curia. — 84, — 18, hilairée, lisez: hilairie. — 85, ligne avant dernière, à la machelle, lisez: lumachelles. 167, — 95, l'inhumination (2 fois), lisez: l’inhumation. —319, — 38, dans le vide de la bouche, des yeux, lisez: de la bouche, du larynx. # — 330, — 31, on peut commencer l'aspiration et la rejeter, lisez : la répéter. __332, — 92, qu'il contienne le canal BT, lisez: qu'il continue. — 336, — 18, respiration bronchiale, lisez : branchiale. —353, — 34, constituton médicale, lisez: constitution.