= v 2 3 Q S> ee Ar FR Z D 2 EC " : HE M + gi D = FH) 2 Es. +. É. = ê Ë D &: ce æ à + Ur : Re To Où Rs : A. À = M £ = “Re e. . 8. DAS 1 ©) à e B à = rome a ES 9. Dir ue É LÉ ES cal À we | ë . a ES # ma. CRE } cons | AUX FUMEURS ET SUR: LA CONSERVATION DE LEURS DENTS. OUVRAGE DU MÊME AUTEUR. HYGIÈNE DE LA BOUCHE ou Traité des soins qu'exigent l'entretien de la Bouche et la conservation des Denis; ouvrage dédié aux Mères de Fanulle. Deu rième’édition corrigée el augmentée . TT ——————— IMPRIMERIE ET FONDERIE DE J. PINARD, RUE D’ANJOU-DAUPHINE , N° 8. CONSENLS FUMEURS SUR LA CONSERVATION DE LEURS DENTS. SUI VIS DE L’EXPOSÉ DE PLUSIEURS EXPÉRIENCES PROPRES À CONSTATER L EFFICACITÉ DU CHLORURE DE CHAUX DANS LA DESINFECTION DE L'HALEINE , QUELLE QUE SOIT LA CAUSE DE SA FÉTIDITÉ . PAR On" TAVEAU, CHIRURGIEN-DENTISTE, DS avis. CHEZ L'AUTEUR, QUAI DE L’ECOLE, N° 12; MARTINET, LIBRAIRE, RUE DU COQ-SAINT-HONORE ; ET CHEZ LES PRINCIPAUX LIBRAIRES. 1827. Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from University of Ottawa http:/www.archive.org/details/conseilsauxfumeu00tave.. n'olelelalela el es slots) sie chelei sl else iso sq /e oc. s fslenel ciolelq eh e, al 1 meta Vel ele PRÉFACE, Sr la rapidité avec laquelle une chose se répand, et Pattrait qu’elle offre aux personnes qui ont contracté l'habitude de s’en servir, étaient la mesure certaine de son uülité, le tabac serait assurément d’une nécessité incontestable. A peine connu en Europe il y a moins d’un siè- cle, il y est aujourd’hui tellement en usage dans tous les rangs de la société, qu'il est devenu une mine précieuse, une sourcé abondante de richesses pour la plupart des gouvernemens , toujours ha- biles à spéculer sur les habitudes des I 6 PRÉFACE. hommes , et sur le besoin qu'éprouvent les uns de se créer des jouissances nou- velles, les autres de subir le joug de limitation. Plusieurs souverains essayè- renten vain, par les mesures les plus rigou- reuses , de bannir de leurs États le nouvel usage du tabac qui s’y introduisait; les lois les plus sévères n’ont pas plus atteint le but qu’ils s'étaient proposé que les im- pôts énormes que d’autres gouvernemens firent prélever et font encore percevoir sur cette substance. La rigueur des lois, les déclamations des philosophes, les sen- tences des moralistes et les conseils des médecins , loin d'empêcher sa propaga- tion, n'ont probablement servi, comme toutes les défenses qui s'opposent à nos goûts, qu'à en rendre l'usage d’autant plus fréquent qu’il était plus sévèrement défendu. PRÉFACE. ñ En voyant de toutes parts les hommes user du tabac, sous l’influence de tous les climats , dans tous les degrés de la ci- vilisation, dans toutes les conditions de la vie sociale , dans les palais comme dans les chaumières, sous la tente aussi bien que sur le tillac; en considérant qu’il est partout recherché, qu’en tous lieux on estavide de la sensation qu’il produit, que sa privation enfin cause une gêne, très souvent même un véritable tourment dif- ficile à supporter pour ceux qui en ont contracté l'habitude, les moralistes et les médecins, au lieu de charger des plus sinistres couleurs le tableau des inconvé- niens attachés à son usage, n’auraient-ils donc pas agi plus sagement en recher- chant les moyens de rendre son emploi le moins dangereux possible ? Une austère philosophie n'eüt même point réprouve LE mn 8 PRÉFACE. cette tolérance ; car non seulement l’ob- servation journalière répondait victorieu- sement aux assertions exagérées des anta- gonistes du tabac, et faisait retomber sur eux-mêmes le ridicule de l’anathème ex- clusif qu'ils avaient lancé contre lui, mais encore il eût été possible de puiser dans la nature particulière de l’homme, des raisonnemens qui militent en sa faveur; de prouver en un mot que ses inconvé- niens sont compensés par des avantages réels. L'homme en effet n'est-il pas sans cesse, en vertu de son organisation , tourmenté du besoin de sentir , obsédé du désir d’é- prouver quelques sensations nouvelles ? Qu'il vive dans l’état le plus voisin de la nature où dans le plus haut point de la civilisation, il est plus souvent en butte à la peine, que favorisé par la fortune; pres- és PRÉFACE. 9 quetoujours il a à gémir, soitsur les fléaux que la nature lui envoie, soit sur les tristes effets de ses passions, de ses erreurs, ou de ses préjugés. Or, le tabac, exerçant sur nos organes une impression vive et forte, susceptible d’être renouvelée fré- quemment et surtout à volonté, 5l n’est point étonnant qu'on se soit d'autant plus vite abandonué à l'habitude de la stimu- lation qu'il produit, qu'on y a trouvé à la fois la possibilité de répondre à ce be- soin impérieux de sentir qui caractérise la nature humaine, et l'avantage d’être pour un instant distrait des sensations pénibles et douloureuses qui assiégent sans cesse notre espèce. Le sentiment d’äcreté et de picotement qu’exerce le tabac, qu’il soit prisé, fumé ou mâché , réveille cette sorte d’engour- dissement, d’apathie à laquelle chaque 10 PRÉFACE. individu est si souvent enclin, et re- monte (momentanément) les idées, ou du moins les distrait pour quelques instans de leur cours ordinaire. Qui ne sait qu'avec un peu de tabac, le sauvage endure plus courageusement la faim , la soif, et brave toutes les vicissitudes at- mosphériques? Et, parmi nous, nevoyons- nous pas à chaque instant que non seu- lement son secours est invoqué contre la tristesse et l'ennui, mais encore qu’il sou- lage quelquefois les tourmens de lambi- tion déçue, et concourt dans certains cas à consoler le malheureux, victime de l'injustice des hommes ou frappé par la rigueur de nos lois ? Qu'on ne croie pas cependant qu’en cherchant à prouver que le tabac a quel- ques avantages qui peuvent compenser une grande partie de ses inconvéniens , PRÉFACE. 11 je m’érige ici en apologiste de cette subs- tance, et que je cherche à augmenter le nombre des personnes qui se soumettent à son usage. Etranger à toute idée de pro- sélytisme , je n'ai eu d’autre but que d’ex- pliquer quelques uns des motifs à l’aide desquels le tabac s’est répandu si promp- tement dans toute l’Europe, et de rap- peler aux hommes qui prétendent vouer leur plume au bonheur de leurs sem- blables, cette vérité trop souvent mécon- nue et pourtant incontestable, que de l’état de civilisation dont nous jouissons, il est difficile , pour ne pas dire impos- sible, de séparer quelques abus qui sont également de son essence. L'usage du tabac est, à mon avis, un de ces abus; laissons au temps seul le soin de le pros- crire, et, en attendant la décision de ce juge suprême, cherchons, s’il est pos- 12 PRÉFACE. sible, à rendre cet usage compatble avee la sante. Telle est la tâche que je me suis im- posée en publiantcetopuscule. Forcé, par la nature de mon ministère, à me renfer- mer plus spécialement dans l’exposé de l’action nuisible que l'emploi inconsidéré du tabac peu exercer sur les différentes parties de la bouche, et particulièrement sur les dents, et dans la détermination des moyens propres à neutraliser cette ac- tion , je m'adresse exclusivement aux fu- meurs. Puissent-ils ne pas dédaigner mes conseils, et tous ceux qui les auront suivis pourront jouir de l’inappréciable avan- age de se livrer à leur habitude chérie, et de conserver leurs dents belles et bonnes jusqu'à une extrême vieillesse. Je ne crois pas me faire illusion sur É L . ft= sa . efficacité des moyens que je propose; 1l PREFACE. 13 n'en est aucun que je n'aie sanctionné par la plus minutieuse expérience et les renseignemens les plus exacts , et s’il n’é- tait déplacé qu’un auteur rappelat lui- même les titres qu’il peut avoir à la con- fiance publique, je me permettrais de dire que l’accueil favorable qu'a recu mon traité de l’Hygiène de la bouche , est une garantie, si non de la justesse de mes opi- nions , du moins de la droiture de mes vues (1). Donner aux personnes qui ont l’habi- tude de fumer, les moyens de se soustraire à tant de douloureuses opérations aux- (4) Voir les Archives de Médecine, cahier de septembre 1826. Le Constitutionnel de janvier 1827. Le Journal de Paris du 28 décembre 1826. La Pandore du 17 juillet 1826. La Courrier des Théâtres du 9 avril 1826 14 PRÉFACE. quelles l'imprévoyance ou l'oubli de quel- ques soins les condamne si souvent, n’est certainement pas rechercher l'approbation de tous les dentistes, mais mon principal but n'a pas été d'écrire pour eux. J'ai pensé qu’il y avait deux movens de se rendre utile dans la carrière des sciences ou des arts : l’un de favoriser leurs pro- grès par de nouvelles découvertes , l’autre de faire de ce qui est connu une doctrine, et de mettre tout le monde à même d’en profiter. C’est le second de ces deux moyens que j'ai adopté jusqu'à présent. Sans doute il jette moins d'éclat; mais il donne l’avantage que quelques hommes savent encore apprécier, celui de faire le bien d’une manière plus générale et plus prompte. Je tiens plus à conserver qu’à détruire, telle est ma devise; puissé-je être toujours fidèle à cette pensée, et m’acquit- PRÉFACE. 15 ter de la tâche qu’elle m'impose, et je croirai avoir plus fait pour mon art, que celui qui aurait enrichi son arsenal de quelque instrument nouveau. CONSEILS AUX FUMEURS SUR LA CONSERVATION DE LEURS DENTS. RSR RER LIL RL RE LL LE RU RE LR LR RER À LASER URLS LA LUE II ISA I SES CHAPITRE PREMIER. Du tabac, considéré sous le rapport de sa nature et de ses effets. S E. OriGiNaIRE des Indes occidentales , où il fut découvert au commencement du seizième siècle, le tabac fut connu et employé presque au même instant dans les différentes parties de l'Europe. Les 18 CONSEILS Espagnols, qui, les premiers, le connu- rent à Tabasgo ou Tabago, une des An- ülles, dans la Floride, en firent le don à leur patrie en 1520. Ce ne fut que qua- rante ans plus tard, c’est-à-dire, en 1560, que Jean Nicot, fils d’un notaire de Nimes, seigneur de Villemain, secrétaire de Fran- cois IL, alors en ambassade à Lisbonne, l’'apporta de Portugal en France. Quelques années auparavant, François Drack, capi- taine anglais , le même qui fit la conquête de la Virginie, l’avait fait connaître dans son pays. L'Italie fut le dernier des États de l’Europe à le recevoir , car il n’y fut introduit que sur la fin du seizième siècle, par les cardinaux de Sainte-Croix et Ter- nabon , l’un nonce en Portugal, l’autre légat en France; il n’y fut même mis en usage qu'en 1610, par lexemple qu’en donna le cardinal Crescentius, quien avait contracté l’habitude en Angleterre. Quoi qu’il en soit de la découverte du tabac et des différentes époques auxquelles AUX FUMEURS. 19 son usage se répandit dans les diverses parties de l'Europe, il est certain que si en France on commença à en prendre par le nez du temps de Catherine de Médicis , qui le fit conseiller à son fils Charles IX, pour les maux de tête auxquels il était su- jet, ce ne fut cependant que sous le règne de Louis XIIT, qu'on commenca à l’em- ployer en fumée. Jaloux en touttemps du mérite d’une difficulté vaincue, les Fran- çais connurent à peine cette nouvelle ma- nière d’user du tabac, qu'ils en firent bientôt l’objet d’une véritable mode; à ce goût passager du jour, que rien d’a- bord ne semblait justifier suffisamment, succéda un usage inconsidéré, et un be- soin factice ne tarda pas à s'établir à la suite de l'abus. Mais une particularité fort singulière, et qui prouve assez toute la force de l’as- cendant qu’exerca de suite Phabitude de fumer du tabac aussitôt qu’elle fut con- nue , c’est qu'on commença en France à 20 CONSEILS distribuer du tabac aux troupes , précisé- ment sous le règne de Louis XIV, dont le premier médecin était Fagon , homme d’un mérite éminent, mais qui ne laissa échapper aucune occasion de déclamer contre le tabac, et d’effrayer les personnes qui en faisaient usage. Une chose justifie, il est vrai, ce contraste choquant entre les conseils du premier médecin deson époque et la conduite du gouvernement, c’est que la France, sous Louis XIV, se trouva pres- que toujours dans les circonstances où l'expérience prouva de suite que Phabi- tude de fumer pouvait être utile, et qui autorisaient, par conséquent, une sorte d'exception aux vues générales sur les- quelles les adversaires du tabac établis- saient leurs raisonnemens. La France, en effet, à cette époque, avait une marine imposante, et faisait la guerre dans des pays humides et marécageux. Aussi, si d’un côté Jean Bart crut ne pas même de- voirabandonner sa pipe pour se présenter AUX FUMEURS. 1 à la cour, d’un autre côté l’intendant des finances, Louvois, pendant la conquête de la Hollande , apporta plus de soin à approvisionner les troupes de tabac à fu- mer que de vivres. Telle fut même la force de l’exemple, qu’il fut alors un moment du bon ton de ne se montrer que le nez noirci de tabac et la bouche remplie de fumée. Sous le règne suivant, nos mœurs se colorèrent d’une teinte de galanterie af- fectée, d’une sorte de recherche qui mo- déra un peu l’abus du tabac à fumer; mais comme c’est toujours la guerre qui en res- suscite et en propage l'habitude, cette mo- dération ne fut que momentanée. Sur la fin du siècle dernier, en effet, la France fut en guerre avec l’Allemagne, ce pays classique de l’art de fumer, et le peut nombre de soldats qui n’avaient pas en- core contracté l'habitude du tabac, mi- rent à peine le pied sur cette terre humide, qu'ils suivirent l'exemple général. Les 9 99 CONSEILS choses arrivèrent bientôt à ce point, que pendant les quinze premières années de cesiècle on ne comptait pas trente hommes par régiment qui ne regardassent une pipe comme partie intégrante de l'équipement d’un soldat, etqui, dans le moment même des plus grandes fatigues , n’attachassent plus de prix à une once de tabac qu’à une livre de pain. Il y eut aussi alors cette dif- férence avec le siècle précédent, que lha- bitude de fumer ne fut pas le partage ex- clusif des simples soldats ; la fortune et la naissance , autrefois conditions essen- tielles d'avancement, n’en étaient plus alors que les moyens accessoires : le prin- cipal était la bravoure. Aussi la plupart des officiers, ayant été soldats, conser- vaient, dans les postes même les plus élevés de l’armée, une habitude qu’ils avaient contractée en entrant dans la carrière des armes. Aujourd’hui, quoique la cause aitcessé, l'effet subsiste, car on compte presque AUX FUMEURS. 23 ‘autant de fumeurs en France qu’à l’époque où l'effectif de notre armée était de huit cent mille hommes. La raison en est toute simple : la plupart des soldats, en quit- tant leurs drapeaux, passèrent tout à coup de la vie tumultueuse et agitée des camps, à la vie paisible et compassée de la con- dition civile, dans laquelle l'habitude de fumer leur offrit, d’une part, les moyens d’adoucir les peines d’un état insolite, d’une autre part, l’occasion de savourer des idées dont la vue seule de la pipe rap- pelait le souvenir. Ensuite , le petit nombre de ceux que de nouvelles habitudes forcèrent à renon- cer à l’usage de fumer, fut en partie com- pensé par cette foule de jeunes gens qui, élevés dans des habitudes qui se revêtaient à chaque instant de formes militaires , et forcés tout à coup de renoncer à un état qui offre naturellement tant de charme à des amies ardentes, cherchèrent du moins à prendre, à leur entrée dans le monde, 24 CONSEILS quelque attitude qui simulât la fréquen- tation des camps. D’après un calcul ap- proximatif, il se fume en France aujour- d’hui environ vingt millions pesant de tabac chaque année; le gouvernement re- üre à peu près, tous frais prélevés, quinze millions de bénéfice, sur le tabac à fumer seulement. Faire ici l’histoire naturelle du tabac, décrire toutes les préparations que subit cette plante, discuter ses avantages ou ses dangers pour la santé, serait une chose tout au moins superflue, et qui, si elle nous donnait quelque apparence desavoir et d’érudition , nous éloignerait évidem- ment du but que nous devons chercher à atteindre. Il doit donc nous suffire de rap- peler que la France est sans contredit le pays où l’on fume le tabac de la qualité la plus inférieure , car celui qui est livré au commerce vient en grande partie de la Flandre, de la Hollande , de la Louisiane, de l’Alsace, du Palatinat, de la Pologne, AUX FUMEURS. 25 enfin de la France (1). L'Allemagne sans doute n’est guère mieux partagée en gé- néral à cet égard, mais les classes riches s’y procurent plus aisément qu’en France les tabacs du Brésil, du Mexique, du nord de l'Amérique, qui sont les plus re- cherchés. Une autre raison fait encore qu'en France le tabac du commerce est d’une qualité très inférieure, c’est le prix énorme auquel le gouvernement tient cette subs- tance, devenue aujourd’hui de première nécessité. Les débitans alors, encouragés par lappat du gain, mélangent avec le tabac de la régie quelques feuilles dessé- chées qu’ils arrosent d’une dissolution de selmarin, pour le rendre plus pénétrant ou plus mordant, en même temps que pour (4) La culture du tabac était autrefois établie en France ; par exemple, près du Pont-de-l'Arche en Normandie; à Verton en Picardie ; à Montauban, à Tonneins et à Clérac dans la Guienne. Mais, aujourd’hui, peu de départemens ant conserve le droit de le cultiver. 26 CONSEILS augmenter sa pesanteur. Quelques uns même, pour arriver au même but, expo- sent le tabac aux émanations des fosses d’aisances , ou l’humectent avec de l’eau de chaux ou de sel ammoniac : sophisu- cations qui sont certainement très propres à diminuer ses qualités, et qui tournent tout à la fois au détriment du fisc et à celui du consommateur. S IL. Si, des causes qui ont propagé et qui eatretiennent aujourd’hui lhabitude de fumer du tabac, nous passons aux effets que produit cette substance, nous ne pouvons nous défendre d’un sentiment de surprise, en opposant la rapidité avec laquelle l'usage de fumer s’est répandu , et la première impression que produit la fumée de tabac introduite dans la bouche. Tout est dégoût d’abord là où bientôt il n y aura que plaisir. Interrogeons les fu- AUX FUMEURS. 27 meurs ; (ous ceux qui seraient inaccessi- bles aux préjugés et dans le cas d'analyser la nature de leurs sensations, avoueront sans doute que le plaisir de fumer est, si je puis me servir de cette locution, un plaisir négatif, c’est-à-dire un plaisir qui naît moins de la sensation recue en elle- même , que de la peine qu’on éprouve à se soustraire à une habitude qui a coûté quelque courage. Je ne prétends pas, par cet aveu, détourner les fumeurs de leur pipe : mes efforts à cet égard seraient aussi déplacés qu'inutules ; je veux seule- ment rendre ici un hommage à la vérité, et établir, comme un point incontestable, que l’envie de surmonter une difficulté , souvent même un dégoût, a eu plus de part dans la première déterminatior des fu- meurs, que la recherche d’un plaisir réel ; que l’amour-propre, en un mot, a été le plus puissant mobile. Mais revenons au fait, et quittons le rôle de moraliste pour conserver l'attitude du simple narrateur. 28 CONSEILS L'action de fumer consiste à faire arri- ver dans la bouche, par un mouvement d'aspiration ou de succion, la fumée épaisse que produit une combustion lente du tabac. Pendant cette combustion, qui est, comme on ne saurait le nier, une véritable distillation , il se forme une huile diteempyreumatique très corrosive, de l'acide pyro-ligneux qui est le produit infaillible de la combustion de toutes les substances végétales ; enfin de l’ammo- niaque. La plupart des personnes qui ont parlé des effets du tabac à fumer sur l’écono- mie, ont attribué la propriété irritante de cette substance à l'huile empyreumatique qu’elle fournit, et qui est tellement äcre, et a une propriété délétère tellement ac- üve , qu'il suffit de la mettre en contact avec la peau pour y produire une sorte de cautérisation , et qui, concentrée et appliquée , dans la quantité de quelques gouttes seulement, sur la langue ou dans AUX FUMEURS 29 le rectum , suffit pour donner la mort à un chat ou à tout autre animal de pareille grosseur. Ces personnes ont été trompées par l’envie de trouver une arme propre à combattre les partisans du tabac. Avec un peu de réflexion, elles auraient remarqué que cette huile si délétère n’arrive pas jusqu’à la bouche dufumeur,pasplusque, dans la distillation de l'alcool, ce prin- cipe nese perd avec la fumée qui s’échap- pe de la cornue. Dans la pipe, eette huile s'arrête sur les parois du tube ou tuyau ; dans le cigarre, elle se trouve de suite absorbée par l'air libre qui environne de toutes parts les parties sur lesquelles elle se forme ; de telle softe, qu'il n’y en parvient qu'une très petite quantité avec la fumée. Ce qui irrite la bouche, c’est ce principe âcre, volatil, incolore, propre au tabac, dont la présence a été constatée par les analyses de M. Vauquelin (r). (4)Ce savant chimiste a trouvé, dansle sue de tabac larges feuilles frais, 4° une matière rouge encore inconnue; 2° le 30 CONSEILS Le premier effet de l'introduction de lumée de tabac dans la bouche est un sen- timent d’âcreté, un picotement très vif de toute la surface buccale; il en résulte bientôt une excitation des glandes char- sées de fournir la salive et une sécrétion considérable de ce liquide. Si l'opération est continuée quelques temps, il survient aussitôt des nausées ou envies de vomir, un mal de gorge, un violent mal de tête, et une véritable ivresse ; mais l’habitude rend bientôt nuls ces divers inconvéniens, et les transforme en agrément. Il est ce- pendant quelques effets locaux contre les- quels cette habitude ne faitrien, etquisont toujours d'autant plus prononcés, qu’elle se renouvelle plus souvent. Le plus fu- neste de ces effets, c’est l’altération lente principe âcre dont nous venons de parler; 3° de la résine verte, de J’albumine, de l’acide acétique, des sels de po- tasse , d’ammoniaque, de chaux, da fer et de la silice. Celni du commerce contient nécessairement du carbonate d'am- moniaque et du muriate de chaux provenant des lessives dont on l’arrose pour lui donner du mordant. AUX FUMEURS. 31 et progressive du système dentaire. Cette fumée agit en effet défavorablement sur les dents de deux manitres : d’abord par sa propriété essentiellement irritante, ensuite par le renouvellement continuel de la température de la bouche. Les dents, que la fumée de tabac maintient dans une atmosphère chaude, passent, aussitôt qu’on cesse de fumer, dans un milieu froid représenté par l'air extérieur ; et l’ir- ritation qui résulte de la répétition fré- quente de cette cause , entraîne nécessar- rement une carie. Un autre effet de l’habitude de fumer, non moins inévitable, c’est la formation d’une grande quantité de tartre. Les dentistes, qui ont écrit sur les maladies de la bouche, ont expliqué différemment la formation de cette sub- stance calcaire qui se forme sur le collet des dents, et qui, non seulement altère leur blancheur et leur éclat, mais encore compromet leur solidité en décolant la 32 CONSEILS gencive qui les fixe dans la gaine osseuse qu'on nomme alvéole, etqui, en ramollis- sant leur tissu, les prédispose à être plus ai- sément accessibles à l’action de toutes les causes morbifiques. Les uns, et c’est le plus grand nombre, n’ont voulu voir dans le tartre que le résultat d’une précipita- ton chimique des sels contenus dans la salive ; d’autres, au contraire, ont cru que cette substance concrète était l’effet d’une sécrétion morbide de la membrane mu- queuse qui tapisse la bouche et recouvre conséquemment les gencives. Ces deux causes, comme on le voit, se rencontrent chez les fumeurs au plus haut degré : car si d’un côté, la salive est fournie chez eux en très grande quantité, d’un autre côté aussi la membrane muqueuse buc- cale est dans un état constant d’irritauon , qui est précisément le principe de toute sécrétion extraordinaire. Cette influence nuisible de la fumée de tabac sur les dents, et que n’atteste que AUX FUMEURS. 33 trop l'observation journalière , semble au premier abord former un contraste mar- qué avec la vertu qu’on suppose à cette fumée de suspendre tout à coup les Gou- leurs de dents les plus fortes. Ce qui guérit un mal, se dit-on, ne peut sans doute occasioner ce mal. Mais quand on ré- fléchit à la manière dont elle agit, on ex- plique très bien sa vertu curatrice, qui consiste tout simplement, soit à disséminer sur toute la membrane muqueuse buccale l’inflammation dont la dent douloureuse est le siége , soit à épuiser l’irritabilité de cette parüe en la portant tout à coup à son summum d'intensité. L’altération des dents par la fumée de tabac n’en est donc pas moins un fait démontré par le raison- nement et confirmé par l’expérience. S LIT. L'action de fumer, avons-nous dit dans le paragraphe précédent, consiste à faire parvenir dans la bouche, par un mouve- 34 CONSEILS ment d'aspiration , la fumée que produit une combustion lente du tabac. Mais dif- férens procédés sont employés à cet effet : tantôt la fumée qui se dégage du tabac arrive au moyen d'un tube qui part d’un réceptacle ou fourneau dans lequel est contenu le tabac, tantôt la combustion se fait à l'air libre et sa fumée est aspirée par un chalumeau de paille qui plonge dans le tabac ; d'autre fois enfin, une traînée de tabac est déposée sur un léger morceau de papier ou autre enveloppe légère, rou- lée sur elle-même, le feu est mis à une de ses extrémités, et la fumée sort par l’au- tre extrémité qui est placée dans la bouche. À cette description, tout le monde re- connaît la pipe, le cigarre ordinaire dit cigarre à paille, enfin le cigarre espagnol dit cigarrette. Examinons les avantages réciproques, ou, pour parler plus juste- ment , les inconvéniens comparatifs de ces trois manières de fumer. 1°. Si les étymologistes attachaient AUX FUMEURS. 35 d'autant plus d'importance à la recherche de l’origine des noms des objets, que ces objets sont d’un usage plus habituel, nous aurions sans nul doute les données les plus exactes sur la dénomination de pipe don- née à l’appareil fumigatoire du tabac. Quelques personnes ont prétendu que Île mot de pipe provenait du mouvement de succion et du bruit que font les lèvres pour attirer la fumée du fond de la pipe; d'autres ont voulu le faire dériver de l’anglo-saxon, et n’ont rien négligé pour soutenir cette opinion. Mais il paraît hors de doute qu’il vient de pipa ou pipas, expression familière aux chrétiens du Bas- Empire, et qui signifiait un tube de mé- tal au moyen duquel ils pompaient le vin dans le calice : pipa ad sugendum san- guinem de calice (1). (1) Il est fait mention de cet instrument dans le testa- ment du comte de Saint-Everard, gendre de Eouis-le- Débonnaire, lequel à sa mort légua un pipa d’or à sa pa- roisse. 36 CONSEILS L'usage de la pipe, en Europe , est dû aux Portugais, qui l'avaient trouvé établi dans les Indes occidentales , régions na- tales du tabac; mais tous les peuples ne s’y conformèrent pas avec le mêmeem- pressement ; quelques uns même né$’en servent jamais aujourd’hui. Les Âlé- mands sont ceux qui en font le plus grand usage; il n’est personne chez eux qui n’en fasse l’objet d’un certain luxe, dont ne sont pas même affranchis les hommes qui se livrent à l’étude austère des scien- ces philosophiques. En France, on se sert indistinctement, pour fumer, de la pipe et du cigarre ; mais il faut avouer que la pipe est plus en honneur parmi les personnes qui font de cette habitude un délice, et surtout par ceux qui y cherchent un passe-temps ; car charger sa pipe, la cu- rer, est une occupation comme une autre. Différentes substances ont été mises à contribution pour la composition des pipes. Lorsque l'habitude de fumer fut AUX FUMEURS. 37 connue en France, on ne vit d’abord que de ces longs chalumeaux, terminés par un petit réchaud d’argent, que Nicot avait fait venir de Lisbonne. Mais les classes peu fortunées , pour se conformer à la mode, ne tardèrent pas à fabriquer des pipes d’une matière moins recherchée que l’ar- gent. :5!/Neséonsidérant ici les pipes que sous le rapport de leur composition, nous di- rons qu’elles sont en général d'autant meilleures qu’elles sont composées d’une matière plus douce, ou mieux plus perspi- rable. Car, aussitôt que ces pipes s’échauf- fent, elles absorbent l'huile empyreumati- que qui se forme au moment de la combus- ton, et dont la plus grande partie se dé- pose au fond du fourneau : la fumée s’en trouvant alors moins imprégnée , n’exerce pas sur la bouche une action aussi irri- tante, et par suite altère moins les orga- nes essentiels que cette cavité renferme. Lestpipes en terre blanche, dite terre 3 38 CONSEILS de pipe, sont assez douces les premiers jours qu'on s’en sert; mais, à mesure qu’elles absorbent cette huile , elles per- dent de plus en plus la faculté d’én re- cevoir, et elles arrivent à ce point de sa- turation qui ne leur permet plus d'en admettre. Les fumeurs consommés les trouvent alors meilleures ; mais elles n’ont vraiment alors d'autre mérite que celui de ne plus attirer la mordicacité de la fu- mée de tabac, c’est-à-dire de laisser à cette fumée toutes ses propriétés nuisibles. Pouraugmenter la douceur de ces pipes de terre , on ajoute une matière colorante à la substance donton les forme. Cés pipes, ordinairement rouges, étant neuves con- viennent parfaitement aux fumeurs peu aguerris , et à ceux qui chercheraient dans cette habitudeplutôtun passetempsqu'une cause de violentestimulation de la bouche. Les personnes qui contesteraient que la supériorité des pipes füt en raison directe de la porosité de leur fourneau , seraient CS | où “1, AUX FUMEURS. 39 certainement très embarrassées pour ex- pliquer la raison qui porte la plupart des fumeurs à rechercher les pipes en terre d'Egypte , ordinairement nommée écume de mer. Quand ces pipes s’échauffent , elles deviennent pour ainsi dire malléa- bles. Etant très épaisses , elles absorbent facilement le principe délétère du tabac, et elles s’en saturent beaucoup moins vite que les autres , parce qu'une fois que ce principe a gagné les couches extérieures, il se trouve absorbé par l'air, ce qui en facilite une nouvelle accumulation dans l'épaisseur du fourneau de la pipe. D’après toutes ces considérations, qui, pour avoir échappé à l'attention des fu- meurs même des plus réfléchis, n’en sont pas moins justes, il résulte nécessairement que les pipes de métal sont les plus nui- _sibles de toutes. Car non seulement elles ne jouissent pas de la faculté d’atténuer le mordant de la fumée du tabac, mais elles l’aggravent encore en fournissant des 10 CONSEILS oxides de cuivre, de fer, suivant leur composition. Tout ce que nous venons de dire sur les avantages des pipes de terre n’a rap- port qu’au fourneau de cet appareil fumi- gatoire, mais il n’en est pas de même du tuyau destiné à transmettre la fumée dans la bouche ; ce tuyau devrait toujours être formé d’une substance très douce. Les tuyaux ou bouts de buis, de corne, d'ivoire , de corail , de verre , d’a- gate, et même d’or et d'argent dont on garnit les pipes de prix, usent non seulement les dents sur lesquelles elles appuient, mais elles irritent par le frotte- ment continuel la lèvre inférieure, sur- tout quand les pipes sont pesantes ; elles prédisposent ainsi cette partie à un état d’induration dont une ulcération cancé- reuse est souvent le triste résultat. Les Hollandais garnissent ordinairement le bout de leurs pipes d’un tuyau de plume à écrire, ce qui est bien plus doux pour AUX FUMEURS. m les lèvres et pour les dents , et infiniment plus propre pour les fumeurs qui ont soin de renouveler cet ajustoir si simple. Les bouts d’ambre sont également très avan- tageux ; leur emploi commence à être ap- précié en France, et bientôt il sera général. La nature des substances dont sont composées les pipes n’est pas la seule chose qui mérite l'attention des fumeurs qui, à la conservation de l'habitude de fumer, voudraient joindre l'avantage de conserver le plus long-temps possible leurs dents intactes. La forme particulière de ces instrumens est encore à considérer : celles qui sont généralement employées ont toutes le double inconvénient, r° de manquer de récipient au bas du four- neau pour recevoir l’huile, ou, si lon veut, la matière oleo-résineuse qui se forme au fond de la pipe, et celle qui, séparée en chemin de la fumée, revient sur elle-même; 2° d’avoir des tuyaux trop courts. [l est facile, en effet, de con- 19 CONSEILS cevoir que plus le tuyau sera long, et plus la fumée aura le temps de se dépouiller de cette matière dont nous venons de par- ler, d’autant plus abondante que les ta- bacs sont d’une qualité plus inférieure. Les Orientaux , qui passent la moitié de leur vie à fumer, se servent non seule- ment de tuyaux d’une extrême longueur, mais ils ont encore très souvent l’excel- lente précaution de faire passer ces tuyaux dans des vases pleins d’eau : il arrive de là qu’au moment où la fumée parvient à la partie du tuyau qui plonge dans l’eau, elle se refroïdit et abandonne le principe âcre dont elle se trouve, en très grande partie, dépouillée quand elle arrive à la’ bouche. On pourrait croire que l'aspiration de la fumée , dans les pipes orientales , doit exiger plus d’efforts que dans les nôtres, et, par cette raison, que leur emploi pourrait fatiguer des poitrines délicates. Mais d’abord l'expérience atieste le con- 3 AUX FUMEURS. 43 traire ; ensuite, 1l est aisé de concevoir qu'une fois que la fumée est parvenue jusqu’à la bouche, il suffit, pour en- tretenir sa marche, de la plus légère as- piration. Il y a quelques années qu'il nous était parvenu d'Alsace une mode qui con- sistait à porter, à l'extrémité du tuyau de la pipe, une boule d’ambre, quel- quefois même d'ivoire, percée comme lui, et qu'on appliquait aux lèvres pour sucer, en quelque sorte , la fumée. Cette méthode avait assurément l'avantage de n'exercer aucun frottement, ni sur Îles dents ni sur les lèvres ; élle aurait cer- tainementduü être plus généralementadop+ tée et conservée. 1150.) Ces diverses considérations suffisent, il me semble, pour faire apprécier à sa juste valeur Phabitudequ’ontquelques fumeurs de se:servir d’une espèce de reste de pipe, dont lé tuyau, ayant été cassé par accident &@u à dessein, est si court, que le fourneau 44 CONSEILS touche aux lèvres qu’il brüle le plus sou- vent, et que la cendre entre dans la bou- che avec la fumée. Cette manière de fu- mer est sans contredit la plus dange- reuse et la plus ignoble. C’est parmi les fumeurs qui l’ont adoptée, que l’on rencontre le plus ordinairement le cancer de la lèvre inférieure. Ensuite, le fourneau de ces pipes étant très rap- proché de la figure , y détermine ou y entretient des points d’irritation qui dé- génèrent très facilement en dartres, et résistent aux traitemens les plus métho- diques. 2° La meilleure manière de fumer , c'est-à-dire la plus simple , la plus douce et la plus commode, c’est de fu- mer le cigarre. Cette manière prévaut peu à peu sur toutes les autres, surtout parmi les gens aisés, car l’ouvrier con- serve toujours sa pipe, qui lui donne un peu plus d’embarras, mais qui lui dé- pense moins d'argent, et dont il peut se AUX FUMEURS. 45 servir partout, sans risque, si elle a son couvercle, de mettre le feu nulle part; avantage que n’a pas le cigarre. Mais celui- ei n’altère ni les lèvres ni les dents, à cause de son tuyau, qui estordinairement un chalumeau de paille de riz ; ensuite il ne donne pas une odeur aussi pénétrante que la pipe, parce qu'il est composé de feuilles de tabac choisies, et qu'il donne peu de fuliginosités; enfin, la fumée qui en provient n'irrite pas autant la bouche, et n’excite jamais autant à cracher. Je dis que le cigarre n’altérait ni les lè- vres ni les dents, parce que son tuyau était ordinairement un chalumeau de. paille; il faut pourtantremarquer que les ci- garres à paillesontplus rarementemployés aujourd’hui, mais aussi ce qu'on perd en fumant les cigarres immédiatement dans la bouche, je veux dire les cigarres sans paille , on le gagne par la qualité supé- rieure du tabac qu'on emploie pour leur 16 CONSEILS fabrication : on vend, en effet, mainte- nant dans les bureaux de la régie, sous le nom de cigarres de la Havanne, des ci- garres sans paille qui, quoique fabriqués en France , sont supérieurs en qualité à ceux qu'on se procure à grand frais de la Havanne. Une opinion contraire serait un préjugé et ne trouverait des par- tisans que parmi les personnes qui ju- gent les choses plutôt par leurs noms que par leurs qualités. Car, non seulement la régie les fait soigner d’une manière particulière , mais encore elle ne se sert pour leur fabrication que de tabac de choix, et les enveloppe dans une robe très douce ; les jaunes sont toujours des meilleurs. Quant à la manière de fumer le tabac renfermé dans une feuille légère de pa- pier ou de maïs, elle est exclusivement employée en Espagne, et ne diffère du cigarre ordinaire que parce que le tabac est introduit dans la bouche, et que son AUX FUMEURS. a enveloppe ne tardant pas être détruite, on mâche toujours un peu de tabac, ce qui certainement peut n'être pas agréable. Cet inconvénient, il est vrai, est com- pensé par la faculté qu'a le fumeur de faire le cigarre à sa volonté, et de ne le composer que de la quantité de tabac qui lui convient. 48 CONSEILS SRI ARR LUE LR RL RAR ALERTE LE LL RAR A AL RL RS CHAPITRE IT. Précautions hygiéniques nécessitées par l'habitude de fumer. SE. Donxer la préférence au cigarre sur la pipe, et quand on a adopté cette der- nière, choisir celles qui sont composées de la terre la plus poreuse , dont le tuyau a le plus de longueur et dont le bout est d’une substance peu résistante sous la dent, sont bien certainement des condi- tions très importantes pour affaiblir l’ac- tion fâcheuse que la fumée du tabac exerce sur la bouche , et particulièrement AUX FUMEURS. 49 sur les dents; mais si ces précautions di- minuent le mal, elles sont loin de l’annu- ler entièrement. Ce dernier avantage ne peut être obtenu que par un ensemble particulier de soins dont l'infraction ou l'oubli n’est propre qu'à compromettre la solidité et l’état d’intégrité de ces agens de la mastication. Si ces soins étaient de nature à porter une atteinte quelconque au plasir de fumer, persuadé que mes efforts seraient inutiles, je m’abstiendrais de tout conseil à cet égard ; mais comme il est possible de rendre ce plaisir com- paüble avec l’agrément d’une belle den- ture, et peut-être aussi avec l'avantage d’être exempt de ces douleurs affreuses qu'entraîne si souvent l’altération des dents , j'aurais quelque reproche à me faire si je ne développais les moyens par lesquels je pense qu’il est possible de parvenir à un semblable résultat. La première de toutes les précautions que doit prendre un fumeur qui tient à la 50 CONSEILS conservation de ses dents, et, partant, à la conservation de sa santé , est sans con- tredit de choisir le tabac de la meilleure qualité. Malheureusement le gouverne- ment, en S’appropriant le monopole du tabac, ne laisse guère aux consomma- teurs les moyens de choisir; cependant comme cet écrits’adresse particulièrement aux personnes que leur fortune met à même de ne rien négliger de ce qui pour- rait leur procurer de l'habitude de fumer tous les agrémens et non les désavantages, je pense que quelques détails sur le choix du tabac trouvent naturellement leur place ICI. Les meilleurs tabacs pour fumer sont ceux du Levant et du Maryland, parce que ces tabacs , ceux du Levant surtout, n’ont subi aucune fermentation, aucune préparation destinée à augmenter leur force. En général, les plus jaunes, les plus légers, les moins piquants sont ceux qui doivent être recherchés avec AUX FUMEURS. 51 le plus de soin. Il faudrait donc que les fumeurs pussent se procurer cette sub- stance en feuilles, et la couper eux- mêmes , parce qu'elle ne réunirait point à ses qualités, naturellement peu favora- bles à la santé, celles d’autres substances étrangères. Mais comme il ne peut en être ainsi, même pour un grand nombre de personnes aisées , il est donc utile que tous les fumeurs prennent en considéra- tion les propositions suivantes : 1° Le tabac à fumer ne doit avoir au- eune odeur fétide ni piquante. Dans le premier cas, la préparation qu’il a subie ne lui a pas enlevé son principe muqueux, dont la décomposition occasionne l'odeur fétide, et dontle dégagement, au moment de la combustion, est très nuisible; dans lesecond cas, on y a ajouté quelques dro- gues qui, par leur huile éthérée , portent sur les organes une irritation qui peut avoir des suites fâcheuses. Dans quelques cas on emploie à cet effet la cascarille, 52 CONSEILS dont une odeur musquée décèle assez ai- sément la présence. 2° Le tabac ne doit pas donner de si- gnes de détonnation lorsqu'on le brüle, autrement il contiendrait du nitre qu’on lui associe pour qu'il prenne plus aisé- ment feu; c’est ce que les marchands font assez souvent quand ils veulent faire en sorte que leurs tabacs brülent facile- ment, quoiqu'ils aient cherché, en les mouillant, à augmenter leur pesanteur. Le nitre irrite fort désagréablement la langue, et sa vapeur enflammée affecte vivement les poumons. 3° Lorsqu'on traite le tabac dans l’eau chaude, la liqueur filtrée sur la poussière de charbon ne doit pas laisser, après l’é- vaporation , de cristaux de nitre. Enfin, si on fait bouillir du tabac dans du fort vi- naigre, et qu'on filtre la dissolution après l'avoir clarifiée par la poussière de char- bon, la liqueur ne doit donner aucune trace de métal , particulièrementdecuivre AUX FUMEURS. 53 ou de plomb; ce dernier, qui est très dangereux, se trouve dans beaucoup de tabacs ; il est le résultat naturel de l’habi- tude très pernicieuse, dans laquelle on est d’empaqueter le tabac dans des boîtes de plomb. On a en vue de le tenir plus frais ; mais des vases de terre, et notam- ment de grès, fourniraient le même avan- tage sans avoir aucun inconvénient. Les fumeurs d'habitude, c’est-à-dire ceux qui achètent le tabac en livre, fe- vont bien, pour éviter ces inconvéniens, de dépaqueter leur tabac, pour le serrer de suite dans des vases de grès, après lui avoir fait subir l’une ou l’autre des pré- parations dans le détail desquelles nous allons entrer dans le paragraphe suivant. 4° Le tabac de la régie, quoique pré- paré par le gouvernement , est loin d’of- frir toute sécurité aux consommateurs. Une grande économie préside à sa preé- paration ; aussi serait-il à désirer qu’on le traitât de la manière suivante : On le met- À 54 CONSEILS ; trait tremper dans l’eau de douze à vingt heures ; au bout de ce temps, on le reti- rerait, On l’exprimerait parfaitement, et on le ferait sécher promptement en le re- muant souvent. Si on veut lui donner une odeur agréable, quand il est sec on l’arrose, jusqu’à ce qu'ilsoit bien mouillé, avec une eau qui tient en dissolution quelques gouttes d'essence de roses , de jasmin, de tubéreuses, de macis, etc. Lorsqu'il est sec, on le mouille de nou- veau pour le faire sécher une seconde fois. Lorsqu'on ne veut pas lui donner d’odeur, ce qui ne convient pas aux per- sonnes qui ont depuis long-temps con- tracté l’habitude de fumer, aussitôt qu'il est sec la première fois, on l’enveloppe d’un linge mouillé avec de la bierre, ce qui lui donne une saveur agréable, ou sim- plement avec de l’eau pour le tenir frais. Après le choix du tabac, la propreté de la pipe est une des précautions qu'il importe de ne pas négliger. Je ne; puis AUX FUMEURS. 55 m'empêcher de manifester ici l’étonne- ment que j éprouve chaque fois que j’en- tre dans un de ces établissemens qui sont le rendez-vous des fumeurs, et qu'on désigne sous le nom d’Estaminets, et que je vois des fumeurs , souvent même ceux d’un rang assez distingué, s’emparer in- distinctement de la première pipe venue ; instrument bannal, qui doit au moins déterminer un de ces boutons qui nais- sent si souvent aux lèvres quand on en approche un vase dans lequel un autre a bu , et qui doit faire courir encore de plus grands risques. En voici des exemples trop frappans pour que je résiste au dé- sir de les citer; ils sont rapportés dans le Dictionnaire des Sciences médicales, par M. le baron Percy, médecin en chef des armées. « Un petit garcon de dix ans, fils de l’économe d’un hôpital militaire, curieux de fumer, rencontra une pipe qui avait appartenu à un soldat qu’on venait de 56 CONSEILS traiter pour des ulcères vénériens. Bientôt il en eut lui-même à la bouche et au fond de la gorge. On fut quelque temps à dou- ter du caractère de ces accidens; mais l’aveu de la pipe fit découvrir leur véri- table nature ; on se häta d’administrer les remèdes anti-siphilitiques, et cependant l'enfant perdit les os du nez, du palais, et resta sourd de l’oreille droite. « Autre fait plus facheux : On venait d’évacuer un hôpital ; c'était sur la rive droite du Rhin. Les gens du pays ayant trouvé , dans les balayures , quelques pi- pes , les portèrent sans précaution à leur bouche, et y fumèrent des restes de ta- bac qu'ils avaient également trouvés en nettoyant le local. Plusieurs de ces impru- dens eurent immédiatement des symptô- mes vénériens qui sévirent particulière- ment dans la bouche etle nez. Le docteur Picard , ayant été, deux ans après, em- ployé, comme chirurgien-major, à l'hô- pital rétabli dans le même lieu, nous fit AUX FUMEURS. 57 encore voir quelques uns de ces infortu- nés, qu'une contagion si singulière avait horriblement défigurés, et qui avaient été affectés au nombre de vingt-huit. » Sans doute les pipes dont le tuyau est en terre, sont moins propres à transmettre une affection contagieuse que celles dont le boutest de bois oudecorne, qui, sans cesse écrasé sous les dents, s’imbibe si facile- ment d’une salive impure ; mais les fu- meurs qui fréquentent les estaminets, auraient tort de se reposer sur la qualité de ces tuyaux de terre de pipe, puisque ce sont précisément des pipes de cette composition qui ont produit les accidens qui ont fait le sujet des deux observations précédentes. SIT: Si ce n’est que par des soins continuels qu'on peut espérer jouir de l’inapprécia- ble avantage d’avoir des dents blanches, et surtout à l’abri de la douleur, combien 58 CONSEILS les fumeurs ne doivent-ils pas redoubler de précautions à cet égard , eux qui, aux causes générales de détérioration aux- quelles tout le monde est soumis, joignent encore une raison qui, seule, nécessite- rait la plus grande attention. Aujourd’hui surtout que l’élégance dans les classes distinguées consiste moins dans le luxe des vêtemens, ou l’étalage fastueux des bijoux, que dans l’expression générale d’une extrême propreté, on voit avec peine et étonnement des hommes qui oc- cupent dans le monde un rang élevé, se manquer assez à eux-mêmes et aux autres pour pousser l’indifférence jusqu’àse pré- senter dans le monde la bouche infectée de la fumée de tabac, et les dents recou- vertes du limon noirâtre que cette fumée y dépose. Qu'un soldat au bivouac ou dans sa caserne porte autour de lui l’odeur de la fumée de tabac, dont sa bouche, aussi bien que ses vêtemens, est imprégnée, la AUX FUMEURS. 59 chose se concoit; là, chacun fume, per- sonne n’est dégotté et ne songe à se plain- dre. Mais un homme du haut ou du moyen parage doit savoir qu’en suppo- sant qu'il soit assez indifférent sur sa santé pour vivre dans une négligence absolue , il doit aux autres de ne pas les dégoüter par l'aspect d’une bouche garnie de dents encroutées de tartre, et par l’odeur désa- gréable qu’entraîne toujours l’habitude de fumer. Certes nos dames ne se plaisent nullement, en France, à l'odeur de la pipe, comme les femmes de certain pays assez rapproché de nous, où la bouffée de fumée que leur darde un fumeur est un signe flatteur de prédilection et souvent même une délicieuse galanterie. Il est mème des hommes qui portent cet oubli d'eux-mêmes et de ce qu'ils doivent à la société, jusqu’à en tirer une sorte de vanité. Un homme qui occupe un rang distingué parmi les littérateurs de notre époque, et qui passe une partie 60 | CONSEILS | de sa vie à fumer, recevait un jour en ma présence, d’un médecin, quelques re- proches sur la malpropreté de sa bouche, qu'on lui conseillait de confier quelques minutes à un dentiste. Croyant sans doute combattre d’une manière péremptoire la justesse de ce conseil, il saisit la tête d’un chien qui se trouvait à ses côtés ; et, mon- trant les dents de cetanimal à son interlo- cuteur : « Voyez, lui dit-il, ce chien ; il se passe de dentiste, et cependant il a de très belles dents. » — «Cela est vrai, lui ré- _ pliqua le témoin , mais ce chien ne fume pas ; remplissez-lui quelques jours seu- lement la bouche de la fumée de ce tabac qui fait vos délices , et il aura bientôt les dents aussi malpropres que les vôtres. » Si l’homme qui est renfermé dans le cercle de la vie domestique se croit le droit de forcer sa femme et ses enfans à supporter son haleine fatigante, l’homme qui exerce quelques fonctions publiques ne l’a pas , ce droit; le médecin, l'avocat, AUX FUMEURS. 61 le négociant, doivent craindre d’exciter désagréahlement, par une odeur péné- trante , l’odorat des personnes qui les ho- norent de leur confiance. Ce sont là des vérités qu'on ne saurait trop répéter aux fumeurs, car leur ha- leine est soumise à deux causes de fétidité : d’abord l’odeur du tabac, lorsqu'ils viennent de quitter leur pipe, et qui se conserve toujours quelques heures; en- suite cette odeur désagréable qui provient, soit de la carie de quelques dents, et à la- quelle ils sont d'autant plus particulière ment exposés que, quelque soin qu'ils aient de leurs dents , elles sont toujours en général plus ou moins altérées ; soit de l’état habituel d’excitation dans lequel se trouvent chez eux les gencives et la membrane muqueuse buccale. Les personnes qui ont l’habitude de fumer doivent donc ne quitter leur pipe que pour se rincer la bouche avec une eau tiède ; et, après plusieurs gargarismes 62 CONSEILS simples, prendre une éponge très fine et très douce, et la promener légèrement sur les gencives et sur les dents, afin de re- cueillir toutes les matières que les pre- miers gargarismes auraient détachées. Une habitude très funeste aux fumeurs, c'est de boire, en fumant, une grande quantité de liquide froid : la bouche et les dents particulièrement, comme nous avons dit ailleurs, trouvant, dans ces différens liquides, un motif de soustrac- tion brusque du calorique que leur avait communiqué la fumée du tabac, tombent. dans un état de susceptibilité que la plus légère cause fait dégénérer en une inflam- mation dont la carie des dents sera la suite trop souvent inévitable. Comme la déperdition de la salive, et lirritation ou le desséchement de la bouche à laquelle sont soumis les fumeurs, même les plus habitués , sont les motifs qui excitent chez eux la soif, il serait assurément bi- zarre de leur conseiller de fumer à sec, AUX FUMEURS. 63 pour me conformer à l’expression usitée ; aussi je me contente ici de signaler le mal, afin de ne pas en laïsser ignorer la cause, et d’avertir les fumeurs que ce mal serait diminué de moitié, s’ils avaient la sage précaution de ne boire que des boissons s’approchant, le plus possible, de la température de lair, et de mettre une minute d'intervalle, même plus s’il est possible, entre l'instant où ils retire- ront leur pipe de leur bouche, et celui où ils en approcheront leur verre. Si personne ne saurait, sans danger pour la conservation de ses dents, se soustraire aux soins journaliers de pro- preté dont j'ai donné le détail exact et fait ressortir l’importance dans mon traité de l'Hygiene de la bouche, il est bien évident que les fumeurs doivent mettre encore plus d’exactitude que tous autres à laccomplissement de ces soins. Ainsi tous les matins, une eau claire et à une température moyenne, enlèvera les mu- 64 CONSEILS cosités qui, pendant la nuit, s’amassent sur les dents qui doivent en être entière- ment dépouillées avant l'introduction de la brosse. Comme l’habitude de fumer a surtout des charmes après le repas, mo- ment où la nature semble inviter au re- pos, il est important que les fumeurs ne prennent leur pipe qu'après s'être soi- gneusement rincé la bouche, et avoir d’é- gagé les dents, au moyen d’un cure- dent flexible , des particules alimentaires qui pourraientséjourner entre elles. Cette précaution , dont le conseil semble être futile et léger, est loin d’être sans impor- tance ; car il est aisé de concevoir que si on fume immédiatement après avoir man- gé, la fumée de tabac augmentera encore la force d'adhésion par laquelle ces par- ücules seront accolées sur les dents, et les dirigera sur les anfractuosités que ces dernières pourraient offrir, et desquelles il sera plus difficile de les détacher. Un dernier conseil complétera ce que AUX FUMEURS. 65 j'ai cru utile de dire aux fumeurs tou- chant la propreté de teur bouche, c’est de la faire visiter souvent, afin que si quelques unes de leurs dents s’altéraient en quelque point , il füt possible de s’op- poser aux progrès du mal, progrès d’au- tant plus rapides qu'indépendamment des causes d'irritation générales aux- quelles leurs dents sont soumises , la fu- mée de tabac devient encore une cause qui, si elle agit lentement sur une dent garnie de son émail , aura une action très active quand elle en sera dépourvue. Enfin, lorsqu'un fumeur aura perdu une ou plusieurs dents, et que l’envie, bien louable assurément, de réparer cette perte par une pièce artificielle, le forcera à réclamer les secours de notre art, le choix de la substance dont se composera cette pièce ne devra pas lui être indifférent. Les dents en pâte minérale sont presque toujours les seules qui lui conviendraient, car elles ne sont pas, comme les dents 66 CONSEILS naturelles ou autres, susceptibles d’é- prouver ce mouvement de décomposi- tion dont la fumée de tabac et la grande quantité de tartre qui se forme autour des dents des fumeurs , ne sont propres qu'à favoriser le développement. AUX FUMEURS. 67 ARR TT AR A A A A A A AR RL RAR ER à LA EXPOSE DE DIVERSES EXPÉRIENCES ET OBSERVATIONS PROPRES A CONSTATER L'EFFICACITÉ DU CHLORURE DE CHAUX DANS LA DÉSINFECTION DE LA BOUCHE, QUELLE QUE SOIT LA CAUSE DE SA FETIDITÉ. Jo L’erricaciré du chlorure de chaux pour la désinfection des matières animales et végétales en putréfaction, et pour la destruction subite et immédiate de l’o- deur qu’elles répandent, n’est un doute aujourd’hui pour personne. Les corps savans ont regardé la découverte des pro- priétés de cet agent chimique , comme une des conquêtes les plus remarquables et les plus importantes qu'aient faites les sciences, de notre époque; et les arts ont ee! 68 CONSEILS bientôt réalisé les brillantes espérances qu’on était en droit de concevoir de son application aux besoins de la société. Mais, de cette propriété incontestable du chlo- rure de chaux, peut-on conclure qu'il peut détruire la fétidité de l’haleine ? C’est une question pour laquelle l’analogie per- mettait d’entrevoir une réponse affirma- tive, mais sur laquelle aussi des exfpé- riences positives et dégagées de cet es- prit d'enthousiasme ou de spéculation , qui préside à tant de recherches, pou- vaient seules permettre de se prononcer avec confiance. Ces expériences, je les ai faites ; elles m'ont donné le résultat le plus satisfaisant , et je crois rendre un service à toutes les personnes qui auraient une haleine fétide ou seulement péné- itrante , en exposant celles de ces expé- riences qui ont tout le caractère d’authen- ticité propre à entraîner à la conviction. Je les ai répétées en présence de plu- sieurs médecins distingués, qui ont ap- AUX FUMEURS. 69 plaudi à l’idée seule de mes recherches, et qui ont donné leur approbation au ré- sultat heureux auquel elles m'ont con- duit. Je citerai, plus particulièrement ici, M. Chevalier, de l’Académie royale de médecine , l’un des pharmaciens les plus accrédités de la capitale, qui s’est occu- pé, d’une manière si utile pour l’huma- nité, de l'emploi du chlorure de chaux, let que j'ai pris pour le témoin habituel de mes expériences. | Voici celle sur laquelle j’ai basé mes premiers essais. Monsieur de *#* avait les quatre premières grosses molaires entièrement affectées d’une carie humide, et qui ex- halaient une odeur animalisée insuppor- table. Je l’engageai vainement à se dé- barrasser de ces dents, la crainte de la douleur lemporta sur tous mes raison- nemens et sur mes sollicitations. Cepen- dant , bien convaincu de la fétidité de son haleine, et ne se faisant point illusion sur a) 10 CONSEILS la gêne que répand autour d’elle la per- sonne qui se trouve dans sa position, et que sa fortune force à fréquenter le monde, M. de *** ne cessait de mé prier de lui indiquer le moyen , non de masquer , mais de neutraliser pour quelques heures l’odeur qui provenait de la carie de ses dents. Je songeai dès lors à faire quel- ques essais sur le chlorure de chaux. Je commencai d’abord par mêler une certaine quantité de cette substance à un élixir dentifrice. Mais le chlorure de chaux n'étant que peu soluble dans lalcool, et détruisant assez rapidement la couleur de l’élixir avec lequel j'expérimentais , j obtins un précipité qui m’engagea à ten- ter de nouveaux essais. Je fis alors sim- plement dissoudre le chlorure dans une eau filtrée; je filtrai de nouveau, et jobtins un résultat satisfaisant sous le rapport de la solubilité. M. de ***# vint me voir le jour indiqué. Je le fis gargariser deux fois avec la liqueur ob- AUX FUMEURS. 1 tenue : à l'instant même, toute odeur ani- malisée avait disparu ; mais il m'observa que ce gargarisme était insupportable, non seulement par sa saveur àpre, mais encore par son odeur sulfureuse et nau- séabonde. J’ajoutai à cette solution une goutte d'essence de rose , et par là je mas- quai bien pour un instant l’odeur du chlorure ; mais , agissant bientôt sur l’es- sence de rose, il en détruisait l’odeur et redevenait aussi incommode qu'avant le mélange. Ce premier essai, quoiqu'il ne m'eüt point satisfait entièrement, me flatta néan- moins ; car le point essentiel, pour moi, était d’être bien convaincu de l’action du chlorure de chaux sur la fétidité de l’ha- leine. Je songeai, dès lors, à le faire entrer dans une préparation qui ne diminuät en rien son efficacité, mais plus commode pour le nombre infini de personnes qui pourraient en avoir besoin ; en un mot, de le rendre portatif, afin que chacun püt 19 CONSEILS s’en servir à tout instant. Je jetai mes vues sur des pastilles, comme remplissant ces diverses conditions. Dans cette in- tention, je fis plusieurs essais de pastilles qui furent d’abord loin de répondre à mon attente, parce que tantôt je mettais trop de chlorure, et alors il agissait dé- sagréablement sur la bouche; tantôt la quantité en était trop faible, et alors il ne produisait aucun effet. D’autres fois, en ne combinant pas assez mes bases, le chlorure attirait trop promptement l'hu- midité, mes pastilles devenaient molles, et le chlorure, combiné avec l’air atmos- phérique qu’il attrait, formait de l'acide muriatique , ce qui détruisait mes essais. Mais, après bien des combinaisons , je parvins au résultat désiré, et je remis à M. de *** une boîte de ces nouvelles pastilles, qui ont constamment répondu à son attente, c’est-à-dire qui ont con- stamment détruit, pour plusieurs heu- res, la fétidité de son haleine. AUX FUMEURS. 13 Mais ne perdant jamais de vue que l’ac- tion des substances médicamenteuses est souvent relative aux individus , et que ce qui agit sur une personne peut ne pas agir sur une autre, je fis prendre de ces pas- tilles à un très grand nombre de personnes qui avaient l’haleine fétide , et qui étaient redevables de ce désagrément à la pré- sence de dents cariées, et elles n’ont échoué dans aucun cas. La carie des dents est bien sans con- tredit la cause la plus fréquente de la fétidité de l’haleine; mais cette cause, pour être la plus commune, n’est assuré- ment pas la seule. L’haleine peut ètre viciée par plusieurs maladies des pou- mons, de la gorge, des gencives, de l'estomac. Il est peu de femmes même qui, à certaines époques, soient totale- ment exemptes de cet inconvénient. Le 4 CONSEILS chlorure de chaux , ou du moins la com- binaison de cet agent chimique avec d’autres substances, peut-il détruire la féudité de l’haleine dans ces diverses circonstances ? On est d’abord tenté de répondre par la négative; car, dans le cas d’inflammation de la gorge, de lesto- mac, du poumon, l'air expiré ne s’est trouvé en contact avec aucune matière en putréfaction, comme lorsqu'il traverse une bouche garnie de dents cariées. L'expérience prouve néanmoins que le chlorure n’est pas moins efficace dans ce cas que dans celui pour lequel j'avais déjà constaté d’une manière irrévocable ses propriétés. Appelé à nettoyer la bou- che d’une jeune dame affectée d’une in- flammation chronique de la poitrine, je fus frappé de l’odeur désagréable de son haleine, dont il m'était impossible d’at- tribuer la fétidité à aucune carie des dents , puisqu'elle avait ces organes dans un état de parfaite intégrité. Je cherchaï AUX FUMEURS. 75 vainement à masquer cette odeur désa- gréable par des gargarismes spiritueux ; je lui fis alors prendre quelques unes des pastilles que j'avais employées avec tant de succès dans les cas de carie, et l’o- deur nauséabonde qu’exhalait sa bouche disparut tellement que, tout le temps que dura le nettoiement de ses dents, je n’en fus nullement incommodé. Jaloux de cette nouvelle découverte, je priai plusieurs médecins de me con- duire auprès de quelques malades atteints de l’une des différentes maladies précé- demment désignées, et dont l’haleime était sensiblement viciée. J’ai constam- ment réussi, au moyen de ces pastilles , a détruire l’odeur qui s’exhalait de leur bouche. Dans un seul cas, chez un malade affecté d’une phthisie pulmonaire au dernier degré, la quantité de chlorure contenue dans ces pastilles ne me parut pas suffisante , et le médecin du malade ne me permit pas d’en augmenter la dose, 16 CONSEILS dans la crainte, probablement peu fon- dée, d'accroître l’état d’irritation des voies digestives. Quant aux dames aux- quelles j'en ai conseillé l’usage dans certaines époques où leur haleine est ra- rement pure , elles n’ont jamais été trom- pées dans leur attente. 90 Si une erreur dans les sciences exac- tes conduit fréquemment à une autre erreur , une découverte mène aussi très souvent à une autre découverte. Con- vaincu, par les observations et les expé- riences précédentes, que le chlorure de chaux avait, outre la propriété de dé- truire la fétidité de l’haleine provenant de la carie des dents, celle d’enlever cette odeur nauséabonde qu’exhale la bouche de certaines personnes dont les dents ne sont point altérées, je songeai à rechercher si les pastilles qui contenaient AUX FUMEURS. ñ1 ce produit chimique pourraient détruire l'odeur forte et pénétrante que porte l’haleine des fumeurs , et même des per- sonnes qui ont mangé de l’ail, ou autre substance d’une odeur piquante. Je réu- nis à cet effet plusieurs personnes de mes amis, parmi lesquels se trouvaient deux médecins. Je les priai de fumer chacun un cigarre, et de broyer ensuite entre leurs dents trois ou quatre de mes pas- tilles. Mon plaisir fut égal à leur éton- nement quand tous furent convaincus de cette nouvelle vertu du chlorure de chaux , que la connaissance de ses pro- priétés chimiques permettait à peine de soupçonner. Profitant de cette circon- stance pour les expérimenter contre l’o- deur de l'ail, elles ont également réussi. J'ai, depuis cette première épreuve, qui aurait pu suffire pour moi, fait de nou- veaux essais sur des personnes qui pas- sent une partie de leur journée la pipe ou le cigarre à la bouche, et jamais je ne 18 CONSEILS les ai trouvées en défaut. Je dois cependant observer que, contre l’haleine des fu- meurs , elles agissent d'autant plus effica- cement, qu'on en fait usage quelques in- stans après avoir cessé de fumer. On concoit , en effet, que te chlorure aura une action bien plus forte sur l’haleine des fumeurs, quand cette haleine aura recu, par la chaleur de la bouche, un commencement de fétidité, en un mot, quand elle se sera plus animalisée, que quand elle ne contiendra que les élémens de la combustion du tabac, c’est-à-dire une vapeur végétale. Tel est le résumé exact des expérien- ces que j'ai faites pour constater Peflica- cité du chlorure de chaux pour la désin- fecuon de l’haleine. Mon intention était d’abord de ne pas donner de la publicité à ces recherches , et de me contenter de borner au cercle de ma pratique, lem- ploi des pastilles que j'avais fait confec- tionner. Mais, voyant avec quel intérêt AUX FUMEURS. 19 les personnes qui ont le déplorable in- convénient d’avoir l’haleine fétide, re- cherchent les préparations que lavide charlatanisme leur offre pour masquer ce défaut, j'ai cru que je leur rendrais un service en leur indiquant un moyen sur l'efficacité duquel il ne peut s’élever au- cun doute, quand il est disposé d’une manière convenable, et combiné dans de justes proportions aux substances qui doivent assurer son action. Sans doute, ces hommes qui spécu- lent sur les besoins de la société, et qui, pleins de confiance dans la cré- dulité publique , proposent des remè- des pour tous les maux, et des correc- uifs pour toutes les infirmités , ne man- queront pas de faire lobjet d’impor- tantes spéculations du chlorure de chaux, dont je crois avoir, le premier, mis hors de doute l’action désinfectante pour l’ha- leine. Mais les difficultés que j'ai eu à vaincre pour arriver au résultat désiré, 80 CONSEILS me font pressentir que les préparations de chlorure de chaux qu’on livrera dans le commerce, comme cosméstique pro- pre à détruire la fétidité de l’haleine , se ressentiront long-temps de la préci- pitation avec laquelle on aura cherché à exploiter la circonstance. Aussi, cé- dant aux conseils de plusieurs honora- bles confrères et aux sollicitations d’un grand nombre de mes cliens, qui regar- dent comme un bienfait l’application de cetagent chimique à la désinfection de l’ha- leine, j'aurai, chez moi, un dépôt de mes pastilles, dontjeneconfierai la préparation qu’à un chimiste habile, qui saura ne faire entrer, dans leur composition, que la quantité de chlorure nécessaire pour dé- truire la fétidité de l’haleine, sans por- ter aucune atteinte nuisible sur les parties avec lesquelles il se trouve en contact , et qui lui associera des substances propres à empêcher au temps d’émousser sa pro- priété désinfectante. AUX FUMEURS. st Je ne pense pas qu’il soit utile de faire remarquer ici que toute crainte relative à l’action du chlorure de chaux sur les voies digestives serait chimérique ; car il n’en- tre dans ces pastilles, que je donne non comme médicament, mais comme un simple cosmétique, qu'un trente-cin- quième environ de grain de cette sub- stance dans chaque pastille. Or, les expé- riences les plus positives ont prouvé qu’il en faut au moins trois. ou quatre grains pour exercer une action marquée à l’in- térieur. Depuis long-temps les prépara- üons de chlorure de chaux sontemployées avec succès contre plusieurs affections de la bouche. C'est ainsi que M. le docteur Angelot, médecin de l'hôpital de Brian- con, vient tout récemment de constater son efficacité dans les apthes chroniques, qui ont leur siége sur la membrane mu- queuse buccale , et que M. le docteur Lis- franc l’emploie avantageusement dans les ulcères chroniques. Enfin , dans le mo- 82 CONSEILS AUX FUMEURS. ment même où j écris cette notice, M. le docteur Fournier-Deschamps , à la suite de l'extraction d’une dent, qui avait été suivie de l’arrachement d’une portion de l’arcade alvéolaire et de la gencive qui la recouvre, a employé sur lui-même, et sans le moindre inconvénient , des garga- rismes préparés avec une dissolution de plusieurs grains de chlorure de chaux pour détruire l’odeur désagréable que dé- terminait une escarre formée dans le voi- sinage de la dent arrachée. Aïnsi, quelque quantité qu'on prenne de ces pastilles dans une journée, on doit être dans une sécurité entière ; une très légère partie d’ailleurs de chlorure par- vient jusque sur les voies digestives , et les estomacs les plus irritables ne s’en trouveraient jamais affectés. FIN. À 4 “ # 4 \ } de cleltieleeielr elles ie ns + © » © e'elee 1e © + » + »« + + alete siate à + tioltielepeeln ele)e le » % » © + eee) e ee » + » © © © + ajeleleieie se RSR SR SR RAR TABLE DES MATIÈRES. Prelace eee: M fa RL JE RE PRE 5 CHAPITRE PREMIER. Du tabac considéré sous le rapport de sa nature et de ses effets. $ I. Epoque de la découverte du tabac... oc GE AREA EEE 17 Moment où on commenca à le distribuer aux troupes ÉRREIMES-ene md canot e à de o + RE re APE 19 Motifs qui rendent son usage aussi répandu qu’en LIÉE EC SERRE CR EE © 23 Fraudes des débitans.....,............... RCE. N.3 25 S Il. Des effets primitifs du tabac sur l’économie... 12%. 26 De son analyse chimique................….. De Rare PR 28 Deses effetssurlaboucheetparticulièrementsurles dents 30 S HI. Des différentes manières de fumer, et de leurs incon- véniens respectifs ......... D COR RASE, 7 RASE 33 Des pibeseiée leur camposition...#...../,....1.2.. 37 Observations relatives aux tuyaux de pipes............. 44 Du cigarre et de ses avantages. ....... _: ÉR ARR er 44 84 dÉ TABLE. CHAPITRE DEUXIÈME. Précautions hygiéniques nécessitées par l’habi tude de fumer. S IL. Du choix du tabac.........… SAV RARE ERA Ne NL. .… 50 Des préparations qu’on doit lui faire subir......s....….. 54 De la nécessité de tenir les pipes très propres... 54 S Il. Des soins que les fumeurs doivent avoir de leur bouche. 57 De la nécessité dans laquelle ils sont de faire visiter souvent leur bouche par un dentiste... EX MÉFORLE . 64 Du choix de la matière dont doivent être forméesles piè- ces artificielles destinées à remplacer chez eux des dents! äbsentes 195... FAQ AE RS FAR a 20066 EXPOSÉ de diverses expériences et. observations propres à constater l’efficacité du chlorure de chaux dans la désinfection de l’haleine, quelle que soit la cause ‘de sa :fétidite. té. 0 DNS LE rte 67 A ——" TRS 2. CT — IMPRIMERIE ET FONDERIE DE J. PINARD, KUK D'ANJOU-DAUPHINE, N° 8. RS